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LE SIÈCLE DE 1914
Pygmalion
© 2006, Pygmalion, département des éditions Flammarion.
ISBN : 2-85704-832-7
Pour Lola, Lucie et Apolline.
Pour Clotilde.
Prologue
LE SIÈCLE DES IDÉOLOGIES
Après avoir tué neuf millions de combattants, sans parler des civils,
la Première Guerre mondiale liquida les trois empires et les
aristocraties qui charpentaient l’Europe. Aux populations soumises à
cette tabula rasa, soulevées par la colère ou l’espoir, de nouveaux
prophètes promirent de bâtir une société plus juste qui leur
appartiendrait vraiment. Nous les avons déjà cités, il faut y revenir.
Woodrow Wilson annonçait l’avènement de la paix et de la prospérité
par la démocratie et le libre marché. Lénine promettait une société
égalitaire, libérée du besoin et de l’exploitation. Mussolini projetait de
répondre à la crise de l’État moderne tout en forgeant une nation unie
et forte, une nation de producteurs et de soldats. Hitler entendait
fonder le Reich invincible des Allemands en lui conquérant son espace
vital. Au cours des décennies suivantes, quatre idéologies rivales, le
démocratisme libéral, le communisme, le fascisme et le national-
socialisme, allaient mobiliser les masses. Elles portaient en elles la
même certitude de refondre la société sur des concepts neufs qui se
voulaient prouvés par la raison et l’histoire. Leur lutte sans merci a
occupé une grande partie du siècle.
Les disciples de Wilson qui avaient des soutiens dans la République
française durent assez vite renoncer à étendre leur propre utopie.
Après avoir été imposée un peu partout en Europe vers 1920, la
démocratie parlementaire y entra en crise dans la décennie suivante et
dut céder devant la création de pouvoirs autoritaires qui renouaient
plus ou moins avec la tradition politique antérieure à 1918. À la fin des
années trente, l’utopie de la Société des Nations (SDN) était morte.
Supplantant l’État mussolinien, le Reich hitlérien enregistrait des
victoires spectaculaires à l’intérieur et à l’extérieur. Mais la griserie du
succès allait provoquer sa perte. Ayant atteint son apogée entre 1940
et 1941, malgré des prodiges de ténacité, il sombrera par la suite dans
une défaite absolue qui entraîna également celle du fascisme.
Après 1945, les plus dynamiques des quatre idéologies ayant été
vaincues par la force des armes, les deux autres restèrent en
compétition au cours d’un demi-siècle d’une « guerre froide » dont
l’issue fut longtemps incertaine. Mais ce duel fut livré sans véritable
participation des populations européennes. Saignées, épuisées,
rompues par les efforts titanesques des deux guerres mondiales, elles
étaient entrées en léthargie, à l’exclusion de minorités toujours plus
faibles [3]. La puissante vague des passions collectives était retombée.
Le militantisme était partout en reflux. Les anciens croyants s’étaient
mués en nostalgiques impuissants ou en cyniques, apathiques et
résignés. Ils découvraient les séductions du repli sur les égoïsmes et
les ternes ambitions de la sphère privée. C’est ainsi qu’après 1945,
portée par la victoire américaine, la démocratie libérale ou sociale
s’établit en Europe, dopée souvent par ces emprunts au fascisme que
sont la personnalisation du pouvoir, le style sportif des dirigeants et
l’efficacité technocratique.
La lutte qui avait continué entre les deux idéologies victorieuses de
la Seconde Guerre mondiale, prit fin en 1989, année de la destruction
du Mur de Berlin, précédant l’implosion de l’URSS. La victoire absolue
de la démocratie américaine ne doit pas faire oublier à quel point elle
avait été longtemps incertaine. Après avoir régné sans partage dans
toute l’Europe au lendemain de la Première Guerre mondiale, cette
forme de démocratie y agonisait vingt ans plus tard. Incarnée par la
puissance américaine, elle a fini par survivre au communisme à
l’occasion d’une victoire par défaut. Soixante ans avant, il n’était écrit
nulle part que la démocratie américaine triompherait du national-
socialisme et du fascisme. Ce fut le résultat de son alliance avec l’URSS
et d’une série d’enchaînements incertains. Ce qui semble après coup
une nécessité hégélienne ne fut que le fruit du hasard.
L’une des grandes nouveautés du XXe siècle, nous l’avons dit, fut
l’ampleur des mobilisations idéologiques. Les passions ont été
d’autant plus intenses que les idéologies s’étaient imposées comme des
religions de remplacement, mais des religions immanentes, dont on
attendait qu’elles apportent ici et maintenant un « salut » collectif. La
cause originelle de cette substitution avait été naturellement, en
Europe, depuis le XVIIIe siècle, l’effacement du christianisme, la « mort
de Dieu », la fin de l’attente d’un « autre monde » et la montée du
nihilisme, autre nom pour le vide de finalités. Ainsi était né un grand
besoin de combler ce vide en donnant un nouveau sens à la vie. Ce fut
le rôle imparti aux mythes politiques radicaux, ceux des révolutions ou
des contre-révolutions.
La Révolution française fut la première manifestation majeure de ce
transfert du religieux au politique. L’irruption des espérances
révolutionnaires changea le contenu de la politique. Celle-ci n’était
plus, comme dans les sociétés traditionnelles, l’affaire d’une élite. Elle
n’était plus seulement l’art de gouverner et de triompher des ennemis.
La politique était devenue l’affaire de tous. D’elle, désormais, on
attendait la réalisation des rêves d’idéalité ou de justice placés
autrefois dans l’espérance d’un autre monde. Les idéologies, c’est-à-
dire les systèmes d’interprétation du monde, étaient à la fois des
promesses de perfection et des recettes pour y parvenir, incluant la
dénonciation des « méchants ». Mobilisant des avant-gardes d’élus
porteurs de vérités et de certitudes, les passions idéologiques se sont
ainsi emparé des masses. Cet embrasement n’a jamais été aussi fort
qu’entre 1917 et 1945, dressant face à face communisme, fascisme,
national-socialisme et libéralisme anglo-saxon [7]. Après 1945, en
Europe, l’incendie s’est éteint progressivement. Il a pourtant connu, à
droite et à gauche, quelques réveils minoritaires dans les années 1960-
1980. Malgré les désillusions qu’ont engendrées leurs échecs ou leurs
monstruosités, les « révolutions » n’avaient pas entièrement épuisé
leur ancienne fascination. Leur rêve de perfection a survécu sous une
forme fidéiste dans le cœur d’individus ou de petites minorités. Plus
exactement, le rêve s’est renversé, perdant son élan collectif et
conquérant au profit d’une culture de la transgression, se perpétuant
aussi à l’état nostalgique, ce dont témoigne l’étrange survivance du
trotskisme, en France principalement [8].
Quand les foules européennes se sont données au rêve communiste,
au rêve fasciste ou à celui du national-socialisme allemand, elles
éprouvaient une attente que les religions classiques de leur époque ne
pouvaient plus étancher. Ce phénomène des nouvelles religions
séculières (le mot est de Raymond Aron) a été analysé par l’historien
Emilio Gentile, tout particulièrement dans le cas du fascisme italien.
Mais la sacralisation de la politique est un fait universel qui n’est
l’apanage d’aucune idéologie particulière. Suivant le lieu ou l’époque,
la démocratie s’est trouvée sacralisée autant que l’autocratie, l’égalité
que l’inégalité, la nation que l’humanité.
L’esprit humain, tout spécialement l’esprit européen, est créateur
d’abstractions : Dieu, la Patrie, la Révolution, le Socialisme, sont
autant d’absolus pour lesquels, à la faveur d’un certain état de
surchauffe historique et collective, on tue ou bien l’on meurt. Ce n’est
pas l’effet d’une pathologie mentale, mais bien au contraire celui de la
normalité humaine. À la différence des autres mammifères, les
hommes ont besoin de donner du sens à leur vie. Ils en ont besoin plus
encore que de pain. Ils n’existent que par les « représentations » qu’ils
se font d’eux-mêmes, de l’existence et de ses finalités. Ces
représentations changent selon les cultures, les croyances et les
époques, seule leur nécessité est universelle. Mais l’intensité de ce
besoin de représentations varie énormément selon les individus. Alors
que, par exemple, le tout-venant européen du XIIIe siècle, seigneur ou
berger, se satisfaisait d’une croyance rudimentaire en un Dieu
tutélaire, les clercs faisaient de la théologie leur raison de vivre. Il en
est de même aujourd’hui pour ces théologiens sécularisés que sont les
intellectuels politiques. Si l’on écarte les simulateurs et les
opportunistes, l’intellectuel politique sincère ne vit que pour les idées
dont il est tenté plus qu’un autre de faire un absolu puisqu’il ne voit les
phénomènes que par elles.
C’est naturellement dans la période 1917-1945 que l’implication
idéologique des intellectuels fut la plus intense. Ils en ont parfois payé
le prix fort. En dehors des combattants pris les armes à la main, ce
sont les journalistes et les écrivains politiques qui ont le plus souffert
de l’épuration légale après la guerre franco-française de 1943-1944.
Proportionnellement aux autres catégories sociales, ce sont eux qui
ont fait l’objet du plus grand nombre de condamnations à mort [9].
C’était le prix de leur visibilité et aussi de leur fonction d’émetteurs
d’idées autant que d’éveilleurs d’engagements.
À la fin du XXe siècle, une fois les passions retombées, il est devenu
de bon ton de s’étonner ou de s’indigner du nombre impressionnant
d’intellectuels éminents qui se sont fourvoyés dans le soutien
indéfectible à des systèmes dont le caractère chimérique ou barbare
semble après coup évident. Pour la France, s’impose naturellement le
souvenir de Jean-Paul Sartre célébrant le marxisme « horizon
indépassable de la pensée », ou rédigeant sa préface au brûlot
anticolonialiste de Franz Fanon, Les damnés de la terre, texte dans
lequel, visant ses compatriotes d’Algérie, le philosophe écrivait : « Il
faut tuer ! Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups,
supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : reste un
mort et un homme libre… »
Sans doute faut-il faire la part de l’hystérie propre à certaines
natures nerveuses dans les périodes de violence et d’excitations
collectives. Il faut tenir compte aussi de la fascination qu’exercent le
pouvoir et la force sur les philosophes ou les écrivains. On pense aux
déboires de Platon en Sicile comme aux tentations de Malraux ou de
Drieu la Rochelle, de Mircea Eliade ou de Carl Schmitt.
Avant et après Sartre, innombrables ont été les intellectuels, à
gauche ou à droite, qui se sont trompés avec obstination et ont trompé
leur public ! Encore une fois, on négligera les imposteurs pour ne
penser qu’aux esprits sincères. D’où vient une telle propension à
l’extrémisme ? Avant de cerner l’essentiel, on ne peut négliger une
raison accessoire : l’intellectuel s’exprime le plus souvent par écrit,
sans autre interlocuteur que la page blanche. La tentation est alors très
forte de céder aux griseries de la violence, beaucoup plus que dans un
véritable face-à-face. La fureur de plume était coutumière dans le
journalisme politique sous la IIIe République. Charles Maurras s’en
était fait une spécialité. On ne peut négliger non plus les effets du
tempérament. Maurras, justement, était l’un de ces caractères
intraitables que rien n’arrête, pas même la perspective d’une
condamnation à mort, comme il en fit la preuve en 1945 devant les
tribunaux de l’épuration, s’offrant le luxe d’invectiver le procureur de
la République : « Le scandale, c’est que vous soyez à la place où vous
êtes et que je n’y sois pas ! [10] »
Mais il s’agit là de violences de tribune ou de plume, explicables
pour des raisons circonstancielles. La vraie question concerne la
tentation permanente de radicalité si fréquente chez l’intellectuel. À la
différence de l’homme d’action qui pense et agit dans le concret,
l’intellectuel ne voit la politique qu’à travers le prisme de l’abstraction
et de la pureté des concepts. C’est chez lui un trait psychique
constitutif. Héritier de Platon, dont la pensée occidentale ne s’est
jamais déprise en dépit de Nietzsche, l’intellectuel est imprégné
jusqu’à la moelle par la certitude que les idées (les concepts) sont les
seules vraies réalités, dont il est l’interprète éclairé, alors que le
commun, comme dans l’allégorie platonicienne de la caverne, n’en
discernerait que les reflets partiels ou déformés. Tranchant,
péremptoire, assuré de détenir les clefs essentielles, l’intellectuel ne
peut soupçonner que la parabole de Platon s’applique en fait à lui-
même. Ne voyant des choses que ce que lui montre l’abstraction de ses
concepts, c’est lui l’aveugle de la caverne, mais il ne le sait pas.
On ne critique pas ici le principe de la radicalité. Dans une période
de confusion, elle est même une condition de la pensée. Un point de
vue ferme, même discutable, permet d’aller au fond des choses,
d’identifier les phénomènes et de les questionner. Ce qui est pointé ici,
c’est le travers de l’irréalité fréquent chez les intellectuels.
Depuis que Platon, Aristote et leurs disciples ont créé des concepts
pour appréhender le réel, il est difficile de penser sans y recourir.
Néanmoins, les concepts ne sont que des signes, des abstractions
portées par les mots. Ils désignent une catégorie d’objets dont on n’a
retenu que les caractères semblables. Pour utiles qu’ils soient, ces
instruments sont simplificateurs et réducteurs. Devant l’abstraction
séduisante du concept, s’effacent la complexité et la diversité du réel.
Après Platon et Aristote, la scolastique médiévale, et plus tard Kant,
ont postulé l’identité de la structure du langage et du réel. À leur école,
les intellectuels occidentaux se sont vu léguer la conviction que les
mots (concepts) sont des images du réel. Ils en viennent à postuler la
supériorité ultime de la théorie et de la vie théorique sur l’expérience
et sur la vie réelle.
C’est ainsi que fonctionnent les grandes abstractions métaphysiques
et les utopies politiques, ne laissant aucune place au doute.
L’intellectuel occidental sait ou croit savoir ce que les autres ne savent
pas. Il ne pense pas le réel en tant que tel, ce qui serait
philosophiquement méprisable. Il le pense en référence à des concepts
ou à des modèles abstraits, tranchés, purs, absolus, qui sont
nécessaires à son esprit.
Observer cette déformation inconsciente dans le discours ou les
écrits d’un intellectuel un peu agile est quelque chose de fascinant et
d’assez effrayant. Dès lors qu’a été bouclé un raisonnement logique, la
question est tranchée. Le radicalisme des intellectuels trouve là son
explication. Tout est simple et absolu dans l’abstraction, d’autant que
s’y ajoute la griserie cassante du discours volontariste. L’intellectuel se
drape dans l’ivresse du savoir et de la pureté, que son engagement soit
« totalitaire » ou libéral. C’est toujours Platon et sa République,
pontifiant, donneur de leçons, condamnant Homère et la poésie pour
immoralité !
La fréquentation assidue de l’histoire, le souvenir de ses aberrations
et de ses inattendus, est le meilleur antidote à ce travers de
l’abstraction. Pourtant, l’histoire n’échappe ni à la partialité ni à la
systématisation.
L’EUROPE ET L’EUROPÉANITÉ
MODERNITÉ ET DÉCADENCE
Beaucoup de ceux qui ont connu l’Europe d’avant 1914 diront par la
suite quel drame fut sa disparition. Ainsi, en 1931, Benedetto Croce, le
plus grand philosophe italien de son temps : « Si, après avoir repensé à
l’Europe telle qu’elle était avant 1914, ordonnée, florissante, abondant
en commodités, menant une vie facile, vigoureuse et sûre d’elle-même,
on est conduit à considérer l’Europe d’après-guerre, on la retrouve
appauvrie, agitée, triste, toute partagée par de fausses barrières
douanières, et l’on voit une Europe où se trouve dispersée la brillante
société internationale qui se rassemblait dans ses capitales, où chaque
peuple est occupé de ses propres tourments, saisi par la crainte du
pire, et, par conséquent, détourné des choses de l’esprit, où est éteinte
ou presque la vie commune de la pensée, de l’art, de la civilisation, on
est porté à établir entre les deux Europe une profonde différence et à
marquer la séparation par la ligne, ou plutôt par le gouffre, de la
guerre de 1914-1918 [32]. »
Avant la catastrophe, l’Europe monarchique et nobiliaire ne rayonne
pas seulement par une culture brillante et une civilité raffinée, elle se
tourne avec dynamisme vers l’avenir. Ni en Angleterre, ni en Autriche-
Hongrie, ni en Italie, ni surtout dans l’Allemagne wilhelminienne, la
noblesse et les élites qui l’imitent ne correspondent à l’image « fin de
siècle » des rentiers français restituée par Marcel Proust dans À la
Recherche du temps perdu. Partout, les noblesses de sang et de service
sont actives, modernes, et conservent leurs deux fonctions
essentielles : commander dans l’ordre politique et offrir un modèle
dans l’ordre éthique. Elles semblent réussir le difficile équilibre entre
le maintien des traditions et la nécessité des transformations. Loin de
se rebeller contre la monarchie comme l’avait fait la classe des
employés de basoche dans la France de 1789, les couches sociales nées
en Allemagne de la révolution industrielle la soutiennent. Dans son
immense majorité, la bourgeoisie allemande est monarchiste, à la
façon de Thomas Mann, celui des Considérations d’un apolitique
(1918), qui défend d’un même élan l’Allemagne, sa culture et ses
institutions : « Je ne veux pas le bazar du parlementarisme et des
partis. Je veux la monarchie. »
La guerre qui, à partir de 1914, opposera l’Angleterre et l’Allemagne,
contraignant l’une et l’autre, pour les besoins de la propagande de
masse, à porter au paroxysme leurs différences, fera oublier les points
communs de leurs deux sociétés. L’antagonisme géopolitique bien réel
des intérêts vitaux de la puissance maritime et de la puissance
continentale n’en faisait pas pour autant des modèles opposés, même
si leurs traditions historiques et politiques étaient différentes. On le
verra bien en 1916, nous aurons l’occasion d’y revenir, quand la classe
dirigeante britannique se divisera entre les partisans d’Asquith qui
souhaiteront négocier une paix blanche avec le Reich pour éviter de se
soumettre à la puissance envahissante de l’Amérique, et les partisans
de Lloyd George qui, au contraire, estimeront qu’il était essentiel de
détruire le Reich et de fonder avec les États-Unis un condominium
atlantiste.
En Allemagne, les épreuves de la Première Guerre mondiale vont
favoriser l’expression spectaculaire de l’attachement à la voie
spécifiquement allemande (deutscher Sonderweg) de la modernité,
inséparable de l’État autoritaire (Obrigkeitsstaat). Face à des ennemis
qui déploient un énorme effort de propagande sur le thème de la
croisade pour la civilisation et la démocratie contre la barbarie, tout ce
que l’Allemagne compte d’intellectuels, d’universitaires, d’écrivains et
de journalistes se mobilise pour formuler une riposte. De cet effort
jaillira ce que l’on appellera « les idées de 1914 », réponse aux idées de
1789. L’ancienne opposition entre Zivilisation et Kultur, héritage de
Kant et de la période classique, va prendre une signification nouvelle.
À la « civilisation » occidentale rationaliste et sclérosée, on oppose le
territoire toujours jeune, authentique et créateur de la « culture »
allemande, thème auquel Spengler donnera ses lettres de noblesse
dans le premier volume du Déclin de l’Occident, achevé en 1918. La
guerre elle-même est perçue comme l’affrontement de principes
spirituels.
À de très rares exceptions près [33], la bourgeoisie allemande est
acquise aux valeurs de l’État autoritaire, où un pouvoir ferme,
indépendant des intérêts particuliers, des partis et des classes, veille
au bien commun [34]. Par la voix de Thomas Mann ou de Max
Weber [35], du théologien Ernst Troeltsch ou de l’historien Friedrich
Meinecke, les intellectuels allemands affirment qu’il est plus
important de « se lier » que de « se libérer », que la liberté ne se
conçoit qu’associée au devoir, qu’il y a une fierté de l’obéissance, que
service et dignité humaine ne s’opposent pas [36]. Dans « les idées de
1914 », sont déjà en germe les thèmes de la révolution conservatrice
des années 1920 que révélera le Fronterlebnis, l’expérience surmontée
de l’enfer du front, sous le casque d’acier.
Chapitre 2
LE GRAND NAUFRAGE
Wilson et la Première Guerre mondiale
Après les flots de sang de la guerre, des flots d’encre ont coulé pour
élucider les origines de la guerre. Pourtant le mystère reste entier. Plus
les recherches avancent, moins les causes du conflit paraissent claires.
Au début de l’été 1914, l’Europe est au sommet de sa puissance
politique, matérielle et culturelle. Durant les quinze années
précédentes, les grandes puissances ont su préserver entre elles la paix
malgré plusieurs crises majeures. À l’occasion de conférences
internationales, les armements ont été limités. Une mondialisation est
en marche qui semble garantir la paix. À bien des égards, l’économie
mondiale est plus intégrée qu’elle ne le sera vers 1990 à la fin de la
période de bipolarisation américano-soviétique [1].
Entre 1840 et 1914, le volume du commerce mondial a été multiplié
par treize. Les grands intérêts industriels européens sont croisés. Les
charbonnages et les entreprises sidérurgiques exercent leurs activités
de part et d’autre des frontières de la France, de l’Allemagne et de la
Belgique. Tandis que la Grande-Bretagne concentre ses
investissements aux États-Unis, le capital français coule à flots vers la
Russie et l’Empire ottoman. L’Europe regorge de capitaux, de
marchandises, de techniques nouvelles et d’emplois. En 1912, le futur
dictateur de l’économie de guerre allemande, Walther Rathenau, peut
parler avec satisfaction des « trois cents hommes dont chacun connaît
tous les autres, qui gouvernent les destinées du continent européen et
choisissent leurs successeurs dans leur entourage [2] ». Qui pourrait
imaginer que ces grands décideurs se fassent la guerre ? Question qui
vaut également pour la haute aristocratie européenne liée par les
solidarités du sang et du destin.
L’ATTENTAT DE SARAJEVO
Dans toutes les capitales, lors des conseils décisifs, les hommes
politiques généralement médiocres cèdent devant les techniciens que
sont les militaires. Ce ne sont pas sur des critères politiques que ces
derniers s’appuient, mais exclusivement sur des impératifs techniques.
On peut dire ainsi que le déclenchement de la guerre de 1914 fut l’effet
de la domination exercée par les nouvelles technostructures sur la
pensée ou les desseins des politiques. Un tel « progrès » s’apprécie à
ses résultats.
L’invocation de ces circonstances ne peut empêcher que se pose une
question traumatisante. Les Européens ont été les seuls responsables
de la guerre et donc de la catastrophe qui a suivi. S’ils ont produit les
hécatombes insensées de cette guerre et les atrocités de la suivante,
leur civilisation ne s’en trouve-t-elle pas moralement et politiquement
condamnée ?
En réalité, la question est mal posée, car ce n’est pas la civilisation
européenne qui a provoqué la guerre en 1914, mais au contraire son
rejet.
Après les désastres des guerres de Religion et de la guerre de Trente
Ans (1618-1648), les négociateurs des traités de Westphalie (1648)
avaient jeté les bases d’un nouvel « ordre européen » sur les
décombres de la Chrétienté, nous y avons déjà fait allusion. Cet ordre
ou ce concert s’est maintenu jusqu’en 1914. Pour l’essentiel, il était
fondé sur la conscience forte de l’appartenance à une même famille de
dynasties et de peuples entre lesquels les guerres devaient rester
limitées et soumises au « droit des gens européens » (jus publicum
europaeum) défini en 1648 [14]. Ce droit européen impliquait une
parfaite symétrie entre les États. Chacun reconnaissait que la cause
des autres était juste. Cette conception permettait de négocier des
traités avec l’ennemi de la veille sans en faire un criminel. Il était
seulement un adversaire ayant lutté pour une cause juste. Et il pouvait
devenir l’allié du lendemain.
Ce droit européen souffrit une première atteinte durant les guerres
de la Révolution. Les révolutionnaires français donnèrent d’emblée à
leur guerre un caractère idéologique, prétendant au monopole de la
juste cause et justifiant la haine illimitée de l’ennemi (les « tyrans »).
Néanmoins, en 1815, au Congrès de Vienne, l’Europe renoua avec le
principe de son droit des gens. La pratique des conférences permit de
traverser tout le XIXe siècle sans guerre généralisée. Mais alors
pourquoi cet équilibre a-t-il basculé en 1914 ?
En plus de toutes les raisons humaines et techniques que nous
avons déjà invoquées, il faut aussi tenir compte de l’abandon de
l’ancienne culture politique qui avait jusque-là prévalu. Le concert
européen reposait sur des valeurs de civilisation communes à toutes
les élites dirigeantes. « Or, depuis la fin du XIXe, la démocratisation de
la vie publique, l’arrivée au pouvoir de couches nouvelles, remettent
en cause ce véritable club international qui avait jusque-là géré les
affaires européennes [15]. » En d’autres termes, les valeurs fondatrices
de la civilisation européenne avaient été abandonnées. Ce ne sont donc
pas elles qui ont conduit à la catastrophe, mais leur oubli.
L’éveil des passions nationalistes et des haines entre Européens à la
veille de 1914 et au-delà est une manifestation de cet oubli.
À la fin de 1914, les pertes de l’armée impériale russe ont déjà atteint
1 200 000 hommes tués et blessés. L’infanterie est saignée à blanc. La
plupart des officiers et sous-officiers de carrière sont tombés. Les
régiments ont perdu près de trois quarts de leurs effectifs et les vides
ne sont pas comblés. Il y a dans les dépôts 800 000 réservistes que
l’on ne peut instruire ni diriger sur le front, faute de fusils.
La situation empire encore durant l’année 1915. En Galicie, les
pertes sont colossales. Dans une division du 10e corps (effectif
théorique : 18 000 hommes), il ne reste que 1 000 hommes, dans une
autre 900.
Futur chef des armées blanches du Sud, le général Denikine a décrit
ce martyre de l’armée impériale : « Le printemps de 1915 restera à
jamais gravé dans ma mémoire. La grande tragédie de l’armée russe, la
retraite de Galicie. Ni cartouches ni obus. De jour en jour, combats
sanglants ; de jour en jour, marches pénibles, une fatigue sans fin,
physique et morale. Nous ne répondions presque plus. Il n’y avait pas
de quoi répondre… Quand, après un silence total de trois jours, notre
unique batterie de 120 a reçu 50 obus, la nouvelle en fut communiquée
à tous les régiments par téléphone et tous les tirailleurs respiraient
avec joie de soulagement [12]. »
Durant l’été 1915, l’armée russe commence à perdre pied. On
enregistre les premières redditions massives. Les mutilations
volontaires augmentent dangereusement, ainsi que les désertions. Le
soldat russe voulait bien se battre, mais pas se faire massacrer. Dans
l’armée et dans le pays, le mécontentement est général. On parle de
plus en plus de trahison. Des lettres des familles qui parviennent au
front parlent de famine et d’effroyable désorganisation.
Après l’offensive victorieuse du général Broussilov durant l’été 1916
qui a coûté 1 200 000 tués et blessés, l’armée est un grand corps usé,
frappé d’une passivité animale.
L’infanterie russe, transformée, au sens littéral du mot, en chair à
canon, n’aspire plus qu’à la paix à n’importe quel prix. Le plus
ignorant des moujiks est arrivé à cette conclusion que toute la
population mâle de l’Empire serait menacée de destruction si la guerre
durait.
À l’arrière, la désorganisation de la vie économique, la paralysie des
transports ont affamé les villes. Des queues interminables s’allongent
devant les magasins d’alimentation. Aucune famille qui ne soit touchée
par le deuil d’un père ou d’un fils. Aucun village qui ne soit frappé par
l’épouvante des jeunes mutilés. Le pays est assommé de souffrance.
Mais son désespoir commence à se muer en colère. La propagande
révolutionnaire attise ce mécontentement. Aux classes dirigeantes, on
assure que le gouvernement recherche une paix désastreuse et
déshonorante. On l’accuse de trahison. Inversement, on convainc les
masses que cette guerre insensée est poursuivie dans le seul but
d’enrichir les riches. On dit qu’elle n’aura jamais de fin.
Tout comme Hitler, bien que pour des raisons très différentes,
Staline est une énigme.
Joseph Vassarionovitch Djougachvili (1879-1953), plus connu sous
le pseudonyme de Staline, l’« homme d’acier », est une personnalité
opaque et déshumanisée à force d’être dissimulée. Cuirassé de secrets,
couvert de sang comme peu de tyrans dans l’histoire, il fut follement
célébré par des bataillons d’écrivains flagorneurs, au premier rang
desquels Paul Éluard, Louis Aragon ou Ilya Ehrenbourg qui était payé
pour cela. À la fin, tel un tsar de tragédie, il est mort seul, suffoquant
sur un divan du Kremlin sans être secouru, épié de loin par des gardes
terrorisés.
Qui était-il ? Certains de ceux qui l’ont côtoyé ont décrit sa méfiance
maladive, sa cruauté pathologique. En 1926, il confiait à un proche :
« Choisir la victime, préparer minutieusement le coup, assouvir une
vengeance implacable et ensuite aller se coucher… Il n’y a rien de plus
doux au monde. »
D’autres dirigeants bolcheviques auraient pu en dire autant. Cela
n’explique pas que cet homme terne et sournois ait pu se hisser à la
tête de la Russie, s’y maintenir si longtemps, devenir après 1945 le
tyran le plus puissant et le plus craint du monde après avoir vaincu
tous ses ennemis à l’intérieur et à l’extérieur. Cela n’explique pas le
caractère monstrueux et terrifiant des hécatombes dont il avait fait un
système en apparence dément. Cela n’explique pas non plus que, sous
sa longue gouverne, durant presque quarante ans de pouvoir absolu, le
communisme soit devenu une telle puissance dans le monde et dans
l’esprit de multitudes envoûtées.
Staline est né en décembre 1879 à Gori en Géorgie, fils d’un pauvre
cordonnier. Après avoir été dégrossi dans une école religieuse locale, il
est envoyé au grand séminaire de Tiflis pour devenir prêtre.
Réagissant contre les tracasseries de l’établissement, il se révolte et
aggrave son cas en lisant des auteurs interdits. Dénoncé comme athée
et révolutionnaire, il est chassé du séminaire. Il a vingt ans. Il rejoint le
comité social-démocrate de Tiflis et, comme il montre de belles
dispositions, il devient très vite un révolutionnaire professionnel à la
façon de Netchaïev et de Lénine. Pendant vingt ans, jusqu’en 1917, il va
vivre dans l’illégalité. Il est arrêté et emprisonné à plusieurs reprises,
s’évade, vit sous de fausses identités, dirige des braquages de banques
pour alimenter les caisses du parti. Il voyage clandestinement en
Finlande, en Suède, à Prague, à Vienne, pour participer aux congrès du
parti bolchevique. En 1905, il fait la connaissance de Lénine qui
l’apprécie alors que Trotski, qu’il découvre en 1907, le déteste
spontanément. En 1912, Lénine le fait coopter au Comité central et le
nomme responsable des actions illégales en Russie. Il trouve le temps,
en 1913 de rédiger un premier travail théorique sur Le marxisme et le
problème national, ce qui prouve son intérêt pour les questions
doctrinales. Il est arrêté peu après une nouvelle fois et déporté en
Sibérie. La révolution de février (mars) 1917 l’en libérera. Le voici à
Saint-Pétersbourg en pleine effervescence. Il reprend le parti en main
et se consacre à la direction de la Pravda, mais joue peu de rôle visible
durant les journées insurrectionnelles de novembre. C’est un homme
de l’ombre, un homme de la konspiratsia.
Il est pourtant l’un des principaux dirigeants bolcheviques et
appartient au gouvernement dès 1917 en tant que commissaire aux
nationalités.
Lénine et Staline ont usé des moyens les plus atroces pour servir les
fins supérieures de l’idéologie. Celle-ci a commandé leur conduite,
favorisée par le tempérament féroce des fondateurs. Le hasard a voulu
qu’après Lénine il se soit trouvé un disciple et un successeur
exceptionnellement doué. Cet homme aux nerfs d’acier n’a jamais
tremblé. Comme l’écrit Stéphane Courtois, pendant trente-cinq ans, il
a travaillé quinze heures par jour, s’adonnant à sa passion exclusive du
pouvoir au service de son idéologie. Dans le domaine de la politique
étrangère, il a montré les mêmes qualités exceptionnelles de
discernement, « de prudence et d’audace, de vision stratégique et
d’habileté tactique, de dissimulation et d’absence de scrupules » qu’en
politique intérieure. Ni rêveur ni exalté, mais fanatique réaliste et
froid, il mesurait au plus juste le rapport des forces, ne s’engageant
qu’à coup sûr, surclassant sur ce terrain son ennemi Hitler qui, en
comparaison, fait figure d’amateur [45]. Quelle que soit l’horreur qu’il
inspire, on est contraint de reconnaître que « Staline a été le plus
brillant homme de pouvoir du XXe siècle, celui qui sut le mieux mettre
en adéquation ses moyens avec ses objectifs ». Mais on ne saurait
oublier que cela s’est fait dans des proportions effroyables au
détriment de la Russie et du peuple russe qui furent ses principales
victimes [46].
Sous les apparences de la puissance de 1945, Staline avait tué la
culture vivante de la Russie et la substance du peuple qu’il avait
martyrisé.
En vérité, si la Russie avait résisté un an de plus au poids de la
guerre en 1917, elle se serait assise à la table des vainqueurs en
position de force. Sans doute aurait-elle même dès ce moment dominé
l’Europe, s’appuyant sur un dynamisme démographique et un
développement qu’a tués le communisme, en dépit des plans
quinquennaux.
Par malheur pour la Russie, il lui est difficile de se livrer au bilan
réel et salutaire de son passé communiste. À la différence de
l’Allemagne national-socialiste, le système n’a pas été détruit par des
adversaires résolus à l’éradiquer jusqu’à ses moindres germes. Il n’y a
pas eu de « Nuremberg » du communisme. Staline reste auréolé par la
victoire remportée avec les démocraties anglo-saxonnes sur le
nazisme. Les dirigeants de l’après 1991 étaient (et sont) tous d’anciens
communistes et même d’anciens du KGB qui ne sont évidemment pas
tentés d’instruire le procès posthume du système dont ils sont issus.
Dans la Russie d’après 1991, alors que Leningrad est redevenue Saint-
Pétersbourg, la momie de Vladimir Ilitch continue de reposer dans son
mausolée de la place Rouge.
La ligne officielle russe, réaffirmée par Vladimir Poutine le 9 mai
2005 à l’occasion du soixantième anniversaire de la victoire sur le
IIIe Reich, a repris mot pour mot les fables de la propagande
communiste : le pacte germano-soviétique était justifié et les Baltes
auraient librement demandé leur rattachement à l’URSS [47] ! Utilisant
la langue de bois stalinienne, le président russe s’est rangé
explicitement à la version soviétique : « En 1989, le Soviet suprême de
l’URSS, l’organe législatif suprême de l’URSS, a donné une
appréciation juridique et morale précise du pacte Molotov-
Ribbentrop. Nos voisins baltes le savent bien mais continuent
néanmoins d’exiger une sorte de “repentance” de la Russie. J’aimerais
souligner que de telles prétentions sont sans objet… » Dont acte. Les
interprétations du Soviet suprême de l’URSS, dont l’honnêteté
intellectuelle et la hauteur morale sont connues, ont acquis la force de
la vérité historique pour le président Poutine. Dans le même article,
celui-ci justifiait également les accords de Yalta, dont « une
appréciation objective n’est pas moins importante pour comprendre
l’histoire et les bilans de la Seconde Guerre mondiale ».
Ce ralliement inconditionnel à la version soviétique de l’histoire du
XXe siècle est révélateur des contradictions inextricables dans
lesquelles se débattent les dirigeants russes d’aujourd’hui, faute
d’avoir pu réviser leur histoire à la lumière de l’héroïque effort
d’Alexandre Soljenitsyne.
Tout en se livrant à des gestes inattendus comme le rapatriement en
grande pompe des cendres du général Denikine, le 3 octobre 2005, les
dirigeants russes ne se sont pas remis de la disparition de l’URSS.
Vladimir Poutine voit en elle « la plus grande catastrophe
géopolitique du XXe siècle ». Elle correspond en effet à l’effondrement
d’un empire qui, pour être soviétique, était également russe. Tel est
bien le tragique dilemme. Si l’on adopte comme critères les apparences
de ce que l’on appelle souvent la « grandeur » [48], jamais cet empire
n’avait été aussi puissant que sous Staline entre 1945 et 1953. Mais à
quel prix pour le peuple russe, martyrisé physiquement et
spirituellement détruit ? En réalité, pour les Russes et pour beaucoup
d’autres peuples, « la plus grande catastrophe politique du XXe siècle »
fut la victoire des bolcheviques à Petrograd en novembre 1917.
Chapitre 4
DE L’HUMILIATION À LA « MARCHE SUR ROME »
Mussolini et la naissance du fascisme
À l’issue d’une nouvelle guerre civile bien plus atroce que celle des
années 1920-1921, beaucoup d’anciens hiérarques perdront en effet la
vie. Tandis qu’Arpinati et le professeur Gentile étaient assassinés chez
eux, que Preciozi se suicidait, Farinacci, Starace, Pavolini et Guidi
furent abattus lors de l’insurrection antifasciste d’avril 1945. Face à la
défaite et à la mort, ces hommes et beaucoup d’autres moins illustres
avaient voulu rester fidèles. Mais à quoi, au juste ? C’est ce qu’il faut
chercher aux origines de leur histoire.
Qu’est-ce que le fascisme ? Certainement le phénomène le plus
énigmatique et le plus discuté du XXe siècle.
Que n’a-t-on pas appelé « fasciste » en France, en Europe et ailleurs
depuis qu’en 1923, le Komintern dénonça le fascisme italien comme
l’ennemi numéro Un, appelant à la mobilisation « antifasciste » ?
L’hydre n’a plus cessé de nourrir les fantasmes les plus extravagants.
Dans les toutes premières années du XXIe siècle, parlant du régime
diététique draconien qu’il s’était imposé pour perdre son embonpoint
et retrouver une ligne de jeune homme, le célèbre couturier Karl
Lagerfeld s’est qualifié d’« autofasciste ». Un autofasciste, c’est un type
qui s’impose une discipline stricte mais ne l’impose pas aux autres. En
quelque sorte, il est donc le contraire d’un fasciste. Pourtant, il en
partage l’esthétique et la morale personnelle. C’est un partisan du
maigre contre le gras. Une définition qui en vaut d’autres.
Oui, qu’est-ce que le fascisme, « ce spectre qui hante l’Europe »,
comme disait Marx en 1848 au sujet du communisme ? Des légions de
fascistologues se sont échiné à percer l’énigme, sans apporter de
réponse satisfaisante [2]. Ils n’avaient pas vu ce que montre l’histoire.
Le fascisme est né au point de rencontre d’événements sans précédent
et qui ne se retrouveront jamais plus.
Il est né en Italie des traumatismes de la Première Guerre mondiale,
au sein de la jeune génération du front, sur le terreau d’une culture
européenne ayant Nietzsche comme référence. Il est né parmi ceux qui
n’avaient pas été brisés et se croyaient appelés à constituer une
nouvelle aristocratie capable de résoudre de façon expéditive les défis
nouveaux de l’époque. Il est né de la situation de détresse vécue par
des nations comme l’Italie ou l’Allemagne. Il est né aussi d’une
réaction contre la menace que le bolchevisme faisait peser sur
plusieurs pays européens.
Pourtant, comme François Furet l’a noté : « Le fascisme n’est pas né
seulement pour vaincre le bolchevisme, mais pour briser à jamais la
division du monde bourgeois [3]. » Et c’est bien ainsi que l’ont compris
beaucoup de contemporains qui ont vu dans l’expérience originale du
fascisme italien non seulement une réponse victorieuse au
communisme, mais une réponse à la crise que traversait la société
libérale. Et cette réponse était inédite. Le fascisme, sa vision du monde
et son « parti-milice », constituaient des nouveautés historiques
absolues [4].
Au cours des années 1920 et 1930, la démocratie parlementaire de
type français ou anglo-saxon semble si obsolète face aux défis
multiples de la modernité, au bolchevisme et aux crises économiques,
que les régimes autoritaires se répandent comme une épidémie : la
Hongrie bascule dès 1920, l’Espagne une première fois en 1923 puis en
1936, la Pologne et la Lituanie en 1926, la Yougoslavie en 1929, le
Portugal en 1932, l’Allemagne et l’Estonie en 1933, l’Autriche, la
Bulgarie et la Lettonie en 1934, la Grèce en 1936, la Roumanie en
1938, la France en 1940. Établis sur le modèle classique des dictatures
militaires conservatrices, la plupart de ces régimes sont d’une nature
fort différente du fascisme, même s’ils empruntent à l’Italie
mussolinienne certaines recettes. Alors que le fascisme mobilise à
outrance les masses pour faire un peuple nouveau, ces régimes
s’efforcent de les endormir.
Dans tous les pays, jusqu’en Angleterre ou en Belgique, on voit se
former des mouvements et des partis qui veulent imiter l’exemple
mussolinien. Sauf en Allemagne, ce sera l’échec. Dans la plupart des
États où ont été instaurées des dictatures conservatrices, les
mouvements se réclamant du fascisme sont interdits, à moins qu’ils ne
soient instrumentalisés et vidés de leur substance, comme la Phalange
en Espagne ou l’EKA en Grèce, mouvement fondé par Georges
Merkouri, père de la future chanteuse et politicienne de gauche.
Comment est né le fascisme italien ? On écoutera ici le conseil
d’Aristote : si l’on veut comprendre les choses, il faut les prendre à leur
naissance, ce que les historiens ne font pas toujours. C’est en effet
dans la période formatrice qui précède l’arrivée au pouvoir en
octobre 1922 que se révèle l’essence du fascisme.
Très tôt, alors qu’il n’a que 28 ans et se trouve incarcéré à la prison
de Forni (entre décembre 1911 et mars 1912), Benito Mussolini a tracé
une première esquisse de l’histoire encore brève de sa vie : « Je suis né
le 29 juillet 1883 à Varano dei Costa, dans une ancienne maison
paysanne située sur une éminence du village de Dovia, fraction de la
commune de Predappio. »
Dans ce premier récit autobiographique, Mussolini met en évidence
son origine populaire en Romagne, région riche de révoltes contre le
pouvoir établi. Il invoque aussi la figure admirée de son père,
Alessandro, forgeron et cabaretier, issu d’une famille appauvrie de
paysans romagnols. Doté d’une forte personnalité, militant anarcho-
socialiste et anticlérical – alors que son épouse est catholique –,
emprisonné plusieurs fois, il élève son fils dans le culte des
révolutionnaires du XIXe siècle, Garibaldi ou Bakounine.
Se mettant lui-même en scène, Mussolini se décrit comme un gamin
turbulent et bagarreur, ayant les dispositions innées d’un chef de
bande. Le collège salésien de Faenza lui laissa, dit-il, le souvenir d’un
bagne où l’on pratiquait les châtiments corporels et une ségrégation
sociale entre élèves riches et pauvres. À l’en croire, son passage dans
l’enseignement laïc le fit passer de l’enfer au paradis, sans modifier
son comportement d’insoumis. Violent, autoritaire, il s’intéresse plus à
la politique qu’aux cours. Il obtient pourtant un brevet d’instituteur et
commence à enseigner à partir de 1901 en Émilie pour un maigre
salaire. À la suite du scandale provoqué par sa liaison avec une femme
mariée, il doit abandonner ce premier poste. Des frasques amoureuses
émailleront toute sa vie. En juillet 1902, il part à l’aventure pour la
Suisse, vivant tout d’abord de travaux manuels de façon précaire, puis
comme agitateur pour le compte de cercles anarcho-syndicalistes
italiens. Il commence aussi à donner des articles dans des journaux
socialistes et attire l’attention de la police, ce qui lui vaut ses premières
arrestations [7].
Les deux ans et demi de son séjour en Suisse seront décisifs pour
son éveil intellectuel et politique. Après 1848, la Suisse était devenue
une terre d’asile pour de nombreux révolutionnaires, anarchistes ou
socialistes, venus de toute l’Europe, que rejoignirent plus tard des
nihilistes et des marxistes russes. Dans ce milieu agité et cosmopolite,
au contact de ces réfugiés, Mussolini apprend le français et l’allemand
qu’il pratiquera toute sa vie. Il s’ouvre aussi avec avidité à une culture
politique et philosophique dont il n’avait jusque-là aucune idée. Les
registres de la bibliothèque de Genève qu’il fréquente en 1904
témoignent de l’éclectisme de ses lectures qui vont du marxiste
Labriola à Nietzsche en passant par Spencer et autres écrivains acquis
au darwinisme social et à l’évolutionnisme. Ces doctrines sont à la
mode depuis les années 1890 et Darwin autant que Nietzsche sont des
auteurs phares. Les formules lapidaires comme « la survie des plus
forts » et « la volonté de puissance » sont diffusées par les revues
d’opinion et les cercles de réflexion. Mais Mussolini ne se contente pas
de lectures superficielles. On a la preuve par ses propres écrits de sa
connaissance bien réelle de Nietzsche qu’il lit dans le texte, ce qu’il fait
aussi avec Darwin.
À la différence de la philosophie nietzschéenne, le darwinisme social
ne contredit pas nécessairement le marxisme. Karl Marx lui-même
avait dit son intérêt pour l’œuvre de Darwin qui avait le mérite à ses
yeux de montrer que la nature avait une historicité comparable à celle
des sociétés humaines. La lutte biologique à partir de la sélection
naturelle pouvait justifier par analogie la lutte des classes et donner du
crédit à l’anticapitalisme. Mais le risque existait cependant d’accorder
plus d’importance au biologique qu’au social, et d’interpréter par
conséquent les antagonismes sociaux non plus en termes de luttes des
classes, mais de luttes entre groupes ethniques, nationaux ou raciaux.
Ce sera le grand débat des années à venir.
En mars 1904, Mussolini a fait la connaissance à Lausanne
d’Angelica Balabanoff (1878-1965), de cinq ans plus âgée que lui et
surtout beaucoup plus cultivée et politiquement expérimentée. Née en
Ukraine dans une famille juive aisée, elle partage l’aversion de sa
communauté pour l’autocratie. C’est une révoltée. Grâce à sa famille,
elle s’exile et va poursuivre des études supérieures à Bruxelles puis à
Leipzig, en attendant de suivre à Rome l’enseignement du philosophe
Antonio Labriola, théoricien italien du matérialisme historique.
Résolue à l’action en faveur des socialistes, la jeune femme s’occupe de
la défense des travailleurs italiens immigrés en Suisse. Benito
Mussolini deviendra son amant. « Sa détresse et sa misère matérielle
me poussèrent, dit-elle, à lui venir en aide. » Elle sera aussi son
mentor intellectuel, orientant notamment ses lectures.
Pour le jeune révolutionnaire, cette période est celle de l’initiation
au marxisme. Il n’est pas douteux qu’il a lu Marx et l’a médité, mais à
la lumière d’autres lectures. L’interprétation que Labriola donne par
exemple du marxisme, l’importance qu’il attribue à la psychologie
sociale dans le processus historique, incitent à reconnaître une part
d’autonomie à l’action des hommes. C’est là un point d’accord précieux
pour un activiste également passionné de Nietzsche. La lecture de
Labriola favorisera aussi une ouverture conceptuelle qui conduira plus
tard à la répudiation du marxisme. Dans le vaste vivier des auteurs
révolutionnaires, Mussolini glane les idées proches de sa sensibilité. Il
adhère ainsi à la vision de Georges Sorel pour qui le prolétariat en
lutte est une force capable de répondre à la décadence morale du règne
de la bourgeoisie. Sans se soucier de contradictions théoriques, il
rejoint également les idées par lesquelles Blanqui et Kropotkine
mettent en évidence le rôle des minorités dans l’histoire. Conceptions
qui se voient confirmées par les cours de Vilfredo Pareto auxquels il
assiste à l’École des Sciences sociales de l’Université de Lausanne en
1904. Derrière tout pouvoir, même démocratique, enseigne Pareto, il y
a une minorité qui tient les rênes. Quelles que soient ses justifications,
le pouvoir est oligarchique. Tant que l’oligarchie délivre une vision du
monde compatible avec la réalité visible, tant qu’elle est prête à la
défendre, le pouvoir est stable. À partir du moment où ces conditions
font défaut, on entre dans une situation pré-révolutionnaire.
Mussolini n’oubliera pas cette leçon d’histoire.
LA NAISSANCE DU SQUADRISME
L’INSTAURATION DE LA DICTATURE
Les talents d’Hitler ont été révélés dans les semaines qui ont suivi la
reconquête de Munich par les corps-francs, en mai 1919. Jusqu’alors,
le caporal Hitler a végété au dépôt du 2e régiment d’infanterie
bavarois, observant les révolutionnaires qui se sont emparés de la
Bavière en novembre 1918.
Dès la liquidation de la « République bavaroise des Soviets », la
Reichswehr bavaroise a organisé une section de presse et de
propagande, dirigée par le capitaine Karl Mayr [17]. Elle assure
l’épuration et la reprise en main des unités. Le caporal Hitler est
enrôlé dans cette formation. Très vite, on remarque son don naturel
d’orateur. Il est versé au Kommando d’éducation chargé du camp de
Lechfeld, dirigé par Rudolf Beyschlag. L’une des synthèses des
rapports faits par les soldats eux-mêmes en dit long : « Les exposés
historiques de Herr Beyschlag ne trouvèrent pas, de loin, le même
écho que les exposés pleins de feu de Herr Hitler. Les discours et
interventions du second entraînèrent tous les auditeurs [18]… »
Herr Hitler est alors nommé Bildungsoffizier, officier d’action
psychologique.
Dans les premiers jours de septembre 1919, le capitaine Mayr lui
demande d’enquêter sur une petite association patriotique, le Parti des
travailleurs allemands, Deutsche Arbeiterpartei (D.A.P.), suscité par la
société Thulé et par trois de ses proches, le journaliste Karl Herrer, le
poète idéologue Dietrich Eckart, et l’économiste Gottfried Feder [19]. À
défaut d’adhérents, ils ont une bibliothèque « national-socialiste » de
2 500 volumes. Hitler l’utilisera. Il s’instruira aussi auprès des trois
hommes qui viennent d’être cités.
Le 12 septembre, Hitler assiste comme observateur avec 46 autres
personnes à une réunion du D.A.P. dans l’arrière-salle de la brasserie
Sterneckbräu à Munich. Il somnole lorsque soudain un professeur,
nommé Baumann, se lève pour préconiser la séparation de la Bavière
et du Reich. Hitler bondit. Dans une improvisation passionnée, il
retourne le maigre auditoire en sa faveur. À la sortie, Drexler lui remet
une petite brochure et une invitation pour une réunion du comité
directeur, quatre jours plus tard.
Autour d’une table bancale éclairée par la lueur d’une lampe à gaz,
quatre jeunes gens le salueront avec enthousiasme. Après la lecture du
procès-verbal de la réunion précédente, et celle du rapport financier
concluant à la présence de 7 marks et 50 pfennigs dans la caisse, on
propose à Hitler d’entrer au comité directeur comme septième
membre, avec la fonction de directeur de la propagande [20].
Le Bildungsoffizier n’est pas enthousiaste. « Effrayant, effrayant,
notera-t-il dans Mein Kampf. Un club croupion de la pire sorte. M’y
fallait-il donc entrer ? Après deux jours de discussion avec moi-même
et de réflexions pénibles, je finis par me convaincre qu’il fallait sauter
le pas. Ce fut la résolution la plus décisive de ma vie. Il ne pouvait ni
ne devait plus y avoir de retour. J’acceptai donc de devenir membre du
Parti des travailleurs allemands [21]. »
Il a trente ans.
Si l’on en croit son ami d’enfance August Kubizek, Hitler s’est senti
dès l’adolescence la vocation d’un chef politique. Lui-même a révélé
dans les premières pages de Mein Kampf l’influence décisive qu’eut
sur lui son professeur d’histoire à la Realschule de Linz : « Ma vie
entière a peut-être été déterminée par le Dr Leopold Poetsch. […] Sa
verve éblouissante nous enchaînait et nous enlevait à la fois. […] Bien
involontairement, il fit de moi un jeune révolutionnaire… » À quinze
ans, tout est dit. Le jeune Adolf est un nationaliste révolté. Il s’insurge
contre la société autrichienne jugée décadente des Habsbourg. Il se
donne tout entier au pangermanisme que prêchent de nombreux
orateurs et publicistes. Il rêve de jouer un rôle dans l’unification du
monde germanique. Ce rêve ne l’abandonnera jamais. Plus tard, il
découvre à Vienne l’âpre combat pour l’existence, comme manœuvre
et artiste peintre désargenté. De ces années de dur apprentissage
datent son antisémitisme, sa haine des marxistes, qu’il voit à l’œuvre
sur les chantiers, ses idées sur la propagande et l’action politiques. La
guerre et la révolution précipiteront la réalisation des songes de cette
époque [22].
La bohème de la période viennoise, puis la guerre et la défaite ont
fait d’Adolf Hitler un déclassé, puis un révolutionnaire fanatique. Tout
autant que les hommes des corps-francs, il vomit l’ordre bourgeois. S’il
semble parfois pactiser avec lui, ce sera pour s’en servir et le renverser.
Il juge l’ancienne aristocratie, la grande industrie et la caste des
officiers en adversaires. C’est un homme de la plèbe, mais il ne croit
pas pour autant au credo égalitaire. Son nationalisme exacerbé n’est
pas seulement celui d’un homme des marches. Le spectacle de
l’Autriche d’avant 1914 et l’Allemagne d’après 1918 en ont fait un
écorché vif. Il puisera dans ce tourment les combustibles qui
embraseront le continent.
En novembre 1918, après quatre ans de guerre en première ligne, le
caporal Hitler est hospitalisé à Pasewalk. Sévèrement gazé, il a
provisoirement perdu l’usage de la vue. Il apprend coup sur coup la
révolution qui a éclaté à Berlin, l’abdication du Kaiser et la défaite, ce
qu’il a raconté dans Mein Kampf : « Un jour, le malheur surgit. Des
marins arrivèrent en camion et appelèrent à la révolution, quelques
jeunes Juifs étaient leurs “chefs”. Aucun d’entre eux n’avait combattu
sur le front. Ils brandissaient à présent le chiffon rouge. […] Il
s’ensuivit des journées effroyables et des nuits pires encore – je savais
que tout était perdu… Dans ces nuits monta en moi la haine, la haine
contre les auteurs de ce forfait… Avec le Juif, il n’y a point à pactiser,
mais seulement à décider : tout ou rien ! C’est alors que je pris
conscience de mon destin véritable. Je pris la décision de faire de la
politique. »
Pour lui, les responsables du désastre, « les traîtres de novembre »,
ce sont les marxistes et les Juifs avec qui l’empereur Guillaume II avait
voulu conclure une union sacrée. Mais « tandis qu’ils tenaient encore
la main de l’empereur dans la leur, l’autre cherchait le poignard… ».
Le souvenir lancinant du désastre de novembre 1918 ne s’effacera
jamais en lui. Il alimentera son antisémitisme. La révolution sur les
arrières du front dont il accuse les Juifs restera chez lui une obsession
qui nourrira bien des cruautés. Elle le hantera jusqu’à son dernier
instant, dans le cours d’une autre défaite, bien pire que celle de 1918.
« Pas de capitulation ! » l’entendra-t-on rugir en avril 1945 dans le
bunker à moitié détruit de la Chancellerie. Tendue par son inflexible
volonté, dressée par le fanatisme qu’il aura communiqué à son armée
et à sa jeunesse, l’Allemagne se battra cette fois jusqu’à la limite ultime
de ses forces sans céder. Lui-même se tuera, imité par beaucoup,
hommes et femmes qui refuseront de se rendre ou de vivre dans un
monde soumis à leurs ennemis.
LE MUSSOLINI ALLEMAND
UN BRICOLAGE SCIENTISTE
ÉTABLISSEMENT DU FÜHRERSTAAT
Dès cette époque, l’Espagne est entrée dans un cycle de violences qui
va conduire à la guerre civile. Écartelé entre son conservatisme social
et son désir d’attirer des électeurs de gauche, le gouvernement de
centre-droit se montre excessif en tout, usant tour à tour de rigueur et
de laxisme, décevant ses partisans tout en excitant le désir de
vengeance de ses adversaires. C’est au milieu de désordres
indescriptibles, d’attentats et meurtres, que de nouvelles élections sont
organisées en février 1936.
Une coalition de Frente popular, suscitée par le Komintern dont
c’est devenu la stratégie, s’oppose à une alliance de centre-droit. Celle-
ci obtient 4 750 000 voix, c’est-à-dire un peu plus que l’ensemble des
forces de gauche qui totalisent (en ajoutant les autonomistes basques)
4 500 000 voix. Mais la loi électorale inverse l’effet de ces résultats,
donnant aux Cortès une nette majorité au Frente popular, 278 sièges
contre 192 à la coalition de centre-droit.
Dominé par la pression des communistes et des socialistes
marxistes de Largo Caballero (le « Lénine espagnol »), un
gouvernement de gauche entre en fonction, tandis que se multiplient
les incendies d’édifices religieux et les attentats. Jugé trop
conservateur, le président de la République, Alcala Zamora, est
destitué. Azaña est hissé à sa place.
Malgré les similitudes, on ne peut comparer le Frente popular
espagnol et le Front populaire français. L’une des différences majeures
tient au parti socialiste de Largo Caballero, en cours de bolchevisation.
« Si le parti communiste espagnol ne comptait en février 1936 que
30 000 membres, la bolchevisation du parti socialiste conférait au bloc
marxiste un potentiel révolutionnaire inconcevable en France. Les
communistes n’avaient pas besoin d’être nombreux, les socialistes
bolchevisants l’étaient à leur place [9]. »
Principalement représentés en Catalogne, les anarchistes de la FAI
(Fédération anarchiste ibérique) se situent pour leur part à gauche de
la gauche. Ils contrôlent la CNT, puissante centrale syndicale. Hostiles
aux marxistes et même au Frente popular, les anarcho-syndicalistes
n’en poursuivent pas moins leur propre rêve de révolution sociale et
politique, où la lutte violente contre l’Église tient la première place.
Le 16 juin 1936, aux Cortès, Calvo Sotelo, ancien ministre des
Finances du général Primo de Rivera et ténor de la droite, dresse un
bilan des quatre premiers mois du Frente popular : 160 églises
détruites, 251 autres incendiées, 253 attentats contre des locaux
publics ou privés, 269 meurtres politiques, sans compter les
1 287 blessés, victimes d’attentats et de violences… Lorsqu’il se
rassied, la « Pasionaria », Dolorès Ibarruri, le désignant du doigt, lui
jette : « C’est ton dernier discours ! »
Menace suivie d’effet. Le 13 juillet, Calvo Sotelo est assassiné par des
gardes d’assaut, police politique du Frente popular. Cette fois, c’en est
trop. Quatre jours plus tard, une partie de l’armée se soulève.
UN PUTSCH DE CAPITAINES
FRANCO INTERVIENT
LA MUTATION DU FRANQUISME
À l’issue de trois années d’une guerre cruelle longtemps indécise, les
nationaux ont fini par l’emporter. L’Espagne est exsangue. Le souci
prioritaire de Franco est alors de préparer le relèvement du pays et de
le tenir en dehors de la nouvelle guerre mondiale qui commence.
Sourd aux sollicitations pressantes d’Hitler, il paiera celui-ci de
bonnes paroles, ayant flairé assez tôt les risques d’un désastre.
Pendant la guerre, sans couper avec son ancien allié, et tout en
expédiant la division Azul combattre en Russie aux côtés de la
Wehrmacht, il donne des gages à la Grande-Bretagne et aux États-
Unis.
La très relative libéralisation du régime, symbolisée par l’institution
des Cortès en 1942, n’empêche pas l’Espagne franquiste de se trouver
dans une situation extrêmement difficile après la victoire alliée de
1945. Dernier dictateur « fasciste », comme disent ses adversaires, à se
maintenir au pouvoir après le triomphe des démocraties, la position de
Franco est des plus inconfortables. La France rompt les relations
diplomatiques, favorisant même des projets visant au renversement
du Caudillo. Le résultat sera contraire aux espérances. Le réflexe
nationaliste jouant, jamais la popularité de Franco ne sera plus forte
dans son pays que dans ces années d’opprobre généralisé.
Fortifié par son isolement, et sans jamais ménager ses anciens
adversaires de la guerre civile, Franco consolide son régime par la loi
de 1947 rétablissant officiellement la monarchie, lui-même se
nommant régent à vie. En politique étrangère, son action patiente se
trouve grandement facilitée par le début de la guerre froide. La
conclusion en 1953 d’accords économiques et militaires avec les États-
Unis lui permet de desserrer l’étau. Il obtient même l’admission de
l’Espagne à l’ONU en 1955 et reçoit en grande pompe le président
Eisenhower en 1959. Grâce à l’aide américaine, au tourisme et aux
technocrates de l’Opus Dei, l’Espagne connaît à partir de 1960 un
essor économique qui transformera le pays de fond en comble.
Pour l’histoire des idées en action, cette mutation de l’Espagne dans
le monde d’après 1945, dominé de plus en plus par le libéralisme
américain et la mythologie gauchiste, est passionnante à examiner.
Sans être nullement un régime fasciste, le système franquiste avait
donné des gages superficiels au fascisme par le truchement de la
Phalange, mouvement officiel à très forte tonalité symbolique qui allait
se trouver confronté à des défis mortels.
Le mouvement créé en Espagne par José Antonio Primo de Rivera
en octobre 1933 avait une ambition éthique élevée. Avec une sincérité
entière, le jeune chef tenait un langage de mystique et de poète :
« Nous, sans moyens, avec notre pauvreté, nous recueillons tout ce
qu’il y a de fécond dans notre Espagne. Et nous voulons que la vie
nous soit difficile avant le triomphe et après le triomphe. Et nous qui
avons mené sur le chemin du Paradis les meilleurs d’entre nous, nous
voulons un Paradis difficile, droit, implacable, un Paradis où l’on ne se
repose jamais et qui ait, de chaque côté des portes, des anges armés
d’épées. » Ce n’est pas là un langage habituel en politique.
LE RETOURNEMENT DE L’ÉGLISE
Après la catastrophe de 1914, tout s’est joué pour les Européens une
seconde fois en ce siècle à la veille du 1er septembre 1939, entre quatre
capitales, Berlin, Londres, Moscou et Varsovie.
La suite, la guerre destructrice et ce qui en procéda, ne furent que la
conséquence de ce qui s’était noué irrémédiablement à ce moment
précis, sans que les plus grands acteurs en soient souvent bien
conscients.
Quelques jours plus tard, la guerre européenne ayant vraiment
commencé par la déclaration des hostilités de la Grande-Bretagne et
de la France à l’Allemagne, l’acteur principal, Hitler, semblera atterré
de ce qu’il avait provoqué. Il aura ce mot : « Je n’avais pas voulu
cela… »
Parmi les nombreuses questions que soulève le déclenchement de
cette nouvelle guerre, les motivations du chancelier allemand occupent
nécessairement une place centrale, ce qui ne conduira pas à négliger
les autres acteurs et leurs raisons.
Pour juger des principes directeurs qui ont guidé l’action et les
décisions du Führer en politique étrangère, on dispose d’un document
exceptionnellement révélateur qui fait défaut chez les autres
protagonistes du conflit. Il s’agit de Mein Kampf. Encore faut-il savoir
le lire.
L’édition française de Mein Kampf a 686 pages [1]. Elle réunit en un
seul volume les deux livres écrits respectivement en 1924 et 1926. Ces
dates ont leur importance. Leur auteur est encore très éloigné du
pouvoir, mais tout est dit des méthodes qu’il utilisera plus tard pour
parvenir à ses fins en politique extérieure. Nous tenons là une sorte
d’épure de ce que sera son action future, sans qu’il soit possible
d’accuser la désinformation de ses adversaires, puisque c’est lui qui
parle en toute liberté, à l’usage de ses partisans.
Hitler a 35 ans quand il rédige en prison le premier volume, et
37 ans pour le second, celui qui détaille ses vues expansionnistes. C’est
un homme fait. Une année de prison après l’échec du « putsch » du
9 novembre 1923 a favorisé sa méditation. C’est d’ailleurs au cours de
sa détention qu’il dicte le premier volume et prépare le second. Sur
l’essentiel, ses idées ne changeront plus. Le personnage a été façonné
par plusieurs épreuves exceptionnelles. Celle d’abord de la misère et
de la faim, à Vienne, dès la fin de l’adolescence, pendant les années de
son initiation à la vie et à la politique. Elles font l’objet des pages les
plus vivantes d’un livre souvent rebutant et d’une écriture assez
médiocre. Suivent quatre épouvantables et grisantes années de guerre
dans l’infanterie, en premières lignes, qui font d’Hitler un homme
nouveau. Comme chez tant d’autres soldats de la même génération,
elles ont trempé à jamais la dureté implacable de sa vision du monde,
on n’insistera jamais assez sur ce point. Après le choc de la défaite et
de la révolution de 1918-1919, il a reçu enfin, dans le Munich survolté
des années vingt, la révélation de ses aptitudes de tribun et de chef
politique. Nous en avons fait le récit.
Le portrait mental qui se dégage du livre est celui d’un agitateur
exceptionnellement doué [2], d’un révolutionnaire inflexible et
imaginatif, mais dépourvu des qualités supérieures de mesure et de
discernement nécessaires à l’homme d’État. On comprend que des
Allemands patriotes et responsables, qui eurent la curiosité de lire à
l’époque cet énorme pamphlet, aient nourri les plus sombres
pressentiments sur ce qu’il adviendrait de l’Allemagne si jamais Hitler
parvenait au pouvoir.
Au fil des pages se dessine en effet le profil d’une personnalité
fanatique et intraitable qui se sent investie d’une mission
providentielle. On perçoit un esprit péremptoire, fermé à toute
critique, alors que ses vues unilatérales, notamment en politique
étrangère, sont souvent indigentes. Dans le développement des
rapports internationaux, au-delà d’un antisémitisme obsessionnel et
d’un pangermanisme hérité du XIXe siècle, il est guidé avant tout par ce
darwinisme racial que nous avons longuement analysé (chapitre 6).
C’est pour lui un article de foi que la guerre sélectionne
nécessairement les meilleurs et les plus aptes. Il ne lui vient pas à
l’esprit que la puissance mécanique peut se retourner contre la qualité
humaine et la détruire à tout jamais.
Si la guerre, comme au XVIIe siècle, lui paraît le moyen privilégié de
la grande politique, les ambitions conquérantes révélées par Mein
Kampf sont cependant beaucoup plus modestes qu’on ne le dit
généralement. Hitler ne songe nullement à étendre l’emprise
germanique sur le monde. Son ambition est seulement de donner à
l’Allemagne une « dimension de puissance mondiale » analogue à celle
de la France ou de l’Angleterre. Rien donc qui ne soit légitime. Ce sont
les moyens envisagés qui le sont moins.
À en juger par son livre – sans parler de ce que révélera son action
future –, cet homme, si versé dans l’art et l’usage de la propagande à
usage interne, en ignore ou en dédaigne les effets dans les relations
avec l’étranger. De même, méprise-t-il par principe la négociation ou
la ruse, sans parler de la patience et de la prudence, comme autant de
procédés moralement dégradants, qu’il lui arrivera pourtant d’utiliser
avec succès. Il ignore plus encore les alliances de bonne foi qui ne
contrarient pas le principe de précaution. Le seul instrument qu’il
semble reconnaître, c’est « le glaive » (mot qui revient à plaisir sous sa
plume). C’est donc par la force et uniquement par elle qu’il semble
vouloir effacer les injustices du traité de Versailles [3] et conquérir à
l’Est un « espace vital » nécessaire à la dignité et à la survie du peuple
allemand.
La France, aux yeux d’Hitler, est « l’ennemi mortel, l’ennemi
impitoyable du peuple allemand ». Sur ce point, il faut bien lui
reconnaître des excuses. Depuis les traités de Westphalie, la France
n’avait laissé que de mauvais souvenirs en Allemagne. Au lendemain
de 1918, les gouvernements français successifs ont tout fait pour
s’acquérir de l’autre côté du Rhin une réputation d’hostilité
implacable. À l’époque où Hitler écrit son livre (1924-1926), les
Allemands de toute opinion sont soulevés de colère et d’indignation
contre le « Diktat » de Versailles, contre les tentatives d’annexion de la
Sarre et de la Rhénanie, contre l’occupation de la Ruhr qui a ravagé
l’Allemagne en 1923. Le fait que les troupes françaises qui occupent la
Rhénanie jusqu’en 1930, comportent des contingents africains, est
ressenti comme une humiliation délibérée et comme une menace de
pollution raciale. Pourtant, à l’égard de la France, malgré sa rancœur,
Hitler fait preuve dans Mein Kampf d’une surprenante modération. Il
n’envisage pas d’autre vengeance qu’un isolement diplomatique, grâce
à l’Italie et à l’Angleterre, seuls alliés potentiels, pense-t-il, de
l’Allemagne [4]. Cela prouve que ce « forcené » n’est pas indifférent au
rapport des forces, même s’il se trompe sur son évaluation.
En une formule insuffisamment connue, il condense avec netteté les
choix fondamentaux qui guideront sa future politique européenne :
« Nous biffons délibérément l’orientation de la politique extérieure
d’avant-guerre… Nous arrêtons l’éternelle marche des Germains vers
le sud et vers l’ouest de l’Europe, et nous jetons nos regards vers
l’est » (p. 652). Une fois réglé le lourd contentieux de Versailles, il
abandonnera donc toute revendication territoriale à l’égard de la
France, même concernant l’Alsace et la Moselle, ce qui supprime les
causes de conflit entre les deux nations. En revanche, il ne cèle rien de
son dessein de conquérir par la force des terres à l’Est, notamment en
Russie. Sur cette question, il sait qu’il rencontrera en Allemagne même
l’opposition de certains milieux nationalistes fidèles à la tradition
russophile de la Prusse. Aussi les couvre-t-il de sarcasmes, qui se lisent
aujourd’hui avec une ironie lugubre, sachant ce qu’il est advenu pour
l’Europe de ses rêves de conquête orientale.
Le prophète terriblement déterminé que révèle la lecture de Mein
Kampf n’est pourtant pas inintelligent ni inculte, mais son esprit est
enfermé dans un carcan d’indestructibles préjugés, aggravés par une
extrême présomption. Alors que sa vision des choses accuse des
carences évidentes, on sent qu’il refusera toujours ce qui ne vient pas
de lui.
L’OBSESSION ANTISÉMITE OCCULTE LES RÉALITÉS
LE PRÉTEXTE DE DANTZIG
DÉMOCRATIE ET COSMOCRATIE
Les conséquences de Mai 68, la connivence implicite de la part
active des classes dirigeantes avec l’esprit de la contestation gauchiste
sont des réalités qui ont été lucidement perçues par Flora
Montcorbier. Économiste et philosophe, cette essayiste imagina le
concept du « communisme de marché [31] » pour interpréter le
basculement fondamental produit en Europe et dans le monde entier
par l’effondrement de l’URSS et du communisme au-delà de 1990.
Point de départ, la guerre froide et son dénouement. Qui en était sorti
vainqueur ? Les États-Unis, bien entendu, et l’économie de marché.
Mais aussi la religion de l’Humanité, uniforme et universelle. Une
religion commune aux deux adversaires de la veille.
Que voulaient les communistes ? Ils voulaient créer un homme
nouveau, un homme rationnel et universel, délivré des entraves que
sont des racines, une nature et une culture. Ils voulaient la disparition
des hommes concrets, différenciés, et celle de la vieille Europe,
multiple et tragique.
Et l’Occident américain, que veut-il ? Eh bien, la même chose, la
différence portant sur les méthodes. Le système américain voit dans le
marché mondialisé le facteur principal de la rationalité économique et
des changements.
Plutôt que le vocable de « communisme de marché » imaginé par
Flora Montcorbier, on pourrait adopter celui de « cosmocratie » pour
définir le nouveau système mondialisé apparu après la fin du
communisme en 1991.
La cosmocratie est le nouveau visage de la démocratie mondialiste
et cosmopolite. Bien entendu, comme les aristocrates européens du
XVIIIe siècle, tout homme d’esprit est cosmopolite dans le sens où il est
ouvert au dialogue avec les élites d’autres nations et d’autres cultures.
Ce dont il s’agit avec la cosmocratie est tout à fait différent. Une
grande juriste française dont la sensibilité politique est plutôt de
gauche, Mme Mireille Delmas-Marty, en a cerné la réalité : « Le
monde, écrit-elle, est gouverné par une ploutocratie cosmopolite
suffisamment flexible et mobile pour marginaliser à la fois les États,
les citoyens et les juges [32]. » Entre-temps, les classes dirigeantes
« occidentales », toutes catégories confondues, politiciens, hommes
d’affaires, intellectuels, journalistes, avaient été progressivement
« dénationalisées », perdant tout sentiment fort d’appartenance à leur
nation [33]. Préparée par l’imprégnation internationaliste du marxisme
et par le rayonnement du cosmopolitisme américain, notamment dans
l’enseignement supérieur, cette évolution correspond aux grandes
mutations des années 1960 qui virent triompher un cocktail de
revendications hédonistes illimitées et une « culture » de
l’avachissement héritée de l’antifascisme [34]. Dans le monde des
affaires, les personnes qui ont intégré la mentalité transnationale et
cosmopolite ont de meilleures chances de faire carrière que celles qui
se sentent des attaches nationales. Par un effet d’hétérotélie [35], les
Américains, acteurs de cette globalisation, en sont aussi en partie les
victimes. Ayant adopté la mentalité transnationale, leurs élites se sont
dénationalisées elles aussi et sont devenues cosmocratiques, réalisant
en quelque sorte l’utopie wilsonienne [36].
La cosmocratie fabrique l’homo œconomicus de l’avenir, le zombi,
l’homme nouveau, vidé de contenu, possédé par l’esprit du marché
(Montcorbier). Le zombi se multiplie sous nos yeux. Il est
apparemment heureux. « L’esprit du marché lui souffle que le bonheur
consiste à satisfaire tous ses désirs. » Et ses désirs étant ceux du
marché ne sont suscités que pour être satisfaits. Le zombi est heureux
tant qu’il ne pense pas et ne souffre pas. S’il pense, ce n’est plus un
zombi.
TOTALITARISME OU IDÉOCRATIE ?
ÉBRANLEMENT DE L’HYPERINDIVIDUALISME
D.V.
Notes
Prologue
[1] Voltaire, introduction au Siècle de Louis XIV, 1751.
[2] George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés
européennes, traduction Hachette, Paris, 1999.
[3] Sur la question de la « fatigue historique » qui frappe les peuples après une tension
excessive et prolongée, on peut se reporter à la réflexion développée dans le prologue de mon
Histoire d’un fascisme allemand, Pygmalion, Paris, 1996.
[4] Témoignage de Paul Morand, La Vie de la France sous l’Occupation, Hoover
Institution, t. III, p. 336.
[5] Le mot est de Raymond Aron dans Dimensions de la conscience historique, Plon, Paris,
1961.
[6] Albert Thibaudet, La campagne avec Thucydide. Introduction à l’édition de
Thucydide, La guerre du Péloponnèse, traduction de Jacqueline de Romilly, Éditions Robert
Laffont/Bouquins, Paris, 1990. À la différence de ce qui s’est produit entre 1914 et 1945, la
guerre du Péloponnèse s’est terminée par la victoire de la coalition continentale que dirigeait
Sparte, au détriment de la coalition de l’impérialisme commercial et maritime d’Athènes.
[7] Emilio Gentile, Les religions de la politique. Entre démocraties et totalitarismes, Le
Seuil, Paris, 2005. On se reportera aussi à l’ouvrage très riche du même auteur : La religion
fasciste, Perrin, Paris, 2000.
[8] En France, lors de l’élection présidentielle d’avril 2002, trois candidats trotskistes
étaient en lice, ayant réuni chacun les cinq cents signatures de notables nécessaires. Ils ont
obtenu près de trois millions de voix, soit plus de 10 % des suffrages exprimés. Révélateur
également de cette survivance du trotskisme est le livre d’Edwy Plenel, Secrets de jeunesse
(Grasset, 2001), stupéfiant témoignage de fidélité trotskiste d’un brillant journaliste issu de la
LCR, devenu directeur de la rédaction du journal Le Monde (jusqu’à la fin de l’année 2004).
Plenel avoue implicitement être resté l’admirateur sans réserve de Trotski et de la révolution
bolchevique de 1917, au point que celle-ci semble être toujours l’horizon de sa pensée.
[9] On peut se reporter sur ce point à mon Histoire de la Collaboration, Pygmalion, Paris,
2000, chapitre 10.
[10] Après quoi, Charles Maurras fut condamné à la réclusion perpétuelle. Il avait 77 ans. Il
est mort en novembre 1952, détenu dans une clinique.
[11] Du même auteur, Histoire et tradition des Européens (Le Rocher, nouvelle édition,
Monaco, 2004), chapitre 11, Métaphysique de l’histoire.
[12] Raymond Aron, Dimension de la conscience historique, Plon, Paris, 1961.
[13] Je renvoie sur ce point à mon ouvrage, Histoire et tradition des Européens. 30 000
ans d’identité, op. cit.
Chapitre premier
[1] Ernst Jünger, Journal de guerre et d’occupation, 1939-1948, traduction de Henri Plard,
Julliard, Paris, 1965, p. 421.
[2] Ellery Schalk, L’Épée et le sang, une histoire du concept de noblesse, 1500-1650
(Champ Vallon, Paris, 1996). Martin Aurell, La noblesse en Occident, Ve-XVe siècle (Armand
Colin, Paris, 1996). Jean Meyer, Noblesses et pouvoirs dans l’Europe d’Ancien Régime
(Hachette, Paris, 1973).
[3] Sur la permanence de la noblesse dans l’histoire européenne, on peut se reporter aux
chapitres 7 et 8 de Histoire et tradition des Européens, du même auteur, Le Rocher, Monaco,
nouvelle édition, 2004.
[4] Karl Ferdinand Werner, Naissance de la noblesse, Fayard, Paris, 1998. Dans cet
ouvrage, l’historien, spécialiste du monde franc, développe une riche réflexion sur l’idée et la
réalité de la noblesse dont il voit l’origine à Rome.
[5] Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution (1856). Arlette Jouanna, Le
devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, 1559-1661 (Fayard,
Paris, 1989).
[6] La Confédération helvétique n’avait rien de commun avec la République française.
Fondée sur l’échevinage des villes et la démocratie directe des paysans libres, elle cultivait ses
traditions séculaires et avait la révolution en horreur.
[7] Jean-François Revel, Introduction à Renan, La Réforme intellectuelle et morale de la
France, Éditions 10-18, Paris, 1967.
[8] Février 1917, selon l’ancien calendrier julien alors en vigueur en Russie.
[9] Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1920), Plon, Paris, 1964,
p. 250.
[10] Personne ne contestera la réalité de déterminismes puissants en action dans l’histoire,
mais on ne croit plus qu’un seul déterminisme puisse expliquer les grands mouvements ou les
grandes évolutions historiques. Le principe de causalité repose sur l’explication par les
antécédents. Mais comme une même cause peut produire plusieurs effets, l’explication perd
de son crédit. La foi en une causalité unique, si forte à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a
été ruinée par le cours même des événements, par l’effondrement des grandes idéologies
simplificatrices, ainsi que par l’approfondissement de la réflexion historique. Dès lors, là où
agit une multiplicité de déterminants, la liberté retrouve ses droits.
[11] August von Kageneck, Lieutenant de Panzer, Perrin, Paris, 1994, p. 193. Francophone
et francophile, le comte von Kageneck (1922-2004) fut, après la guerre, correspondant à Paris
du journal Die Welt.
[12] Arno Meyer, La persistance de l’Ancien Régime. L’Europe de 1848 à la Grande
Guerre (traduction Flammarion, Paris, 1983). Ouvrage partial et réducteur, mais documenté,
écrit par un historien marxiste dans un style plus que pesant.
[13] A. Meyer, op. cit., pp. 93, 98-99.
[14] Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, op. cit.
[15] Dans son essai de 1921, Prussianité et socialisme (traduction Actes Sud, 1986),
Oswald Spengler a proposé une interprétation différente, de type anthropologique.
[16] Comtesse Marion Dönhoff, Une enfance en Prusse-Orientale, Albin Michel, Paris,
1990.
[17] Otto de Habsbourg, Mémoires d’Europe. Entretiens avec Jean-Paul Picaper, Critérion,
Paris, 1994.
[18] Cité par Erika Bestenreiner, Sissi, ses frères et sœurs, Pygmalion, Paris, 2004.
[19] Henry Bogdan, Histoire de l’Allemagne, de la Germanie à nos jours, Perrin, Paris,
1999. Joseph Rovan, Histoire de l’Allemagne, Le Seuil, Paris, 1994. Jean-Paul Bled, Bismarck,
de la Prusse à l’Allemagne, Alvik, Paris, 2005.
[20] Thierry Buron, la Nouvelle Revue d’Histoire, no 14, Paris, 2004. La biographie la plus
complète en cours de publication est celle de l’historien britannique John C. G. Mil,
Wilhelm II, Munich, 1993 et 2001 (les deux tomes parus couvrent la période 1859-1900). On
peut également se reporter à Christian Baechler, Guillaume II, Fayard, Paris, 2003.
[21] Le Kulturkampf désigne le conflit qui opposa l’État prussien et l’Église catholique de
1871 à 1887, lorsque Bismarck, soutenu par les libéraux, s’efforça d’imposer l’acceptation par
l’Église des principes du libéralisme politique, culturel, économique. Bismarck voulait une
stricte séparation de l’Église et de l’État. Il reprochait au Zentrum, le parti catholique, de
soutenir à l’extérieur les ennemis du Reich. Après l’instauration du mariage civil et du contrôle
de l’enseignement par l’État, le chancelier n’hésita pas à faire incarcérer des prêtres et des
évêques pour briser la résistance des catholiques.
[22] Les syndicats se développent sans objectifs révolutionnaires, contrairement au SPD.
Les plus importants, proches de la social-démocratie, comptent plus de 2,5 millions
d’adhérents en 1913. Les syndicats catholiques ont 350 000 adhérents en 1913, auxquels il faut
ajouter 100 000 membres de syndicats libres. Ce sont de véritables puissances en
comparaison desquelles la CGT française fait figure de parent pauvre. Il existe par ailleurs des
associations d’ouvriers catholiques (600 000 membres) et protestants (150 000 membres).
Cf. François Roth, L’Allemagne de 1815 à 1918, Armand Colin, Paris, 1996.
[23] Arno Meyer, op. cit., p. 261.
[24] Jean des Cars, Rodolphe et les secrets de Mayerling, Perrin, Paris, 2004.
[25] Jean-Paul Bled, François-Joseph, Fayard, Paris, 1987. Henry Bogdan, Histoire des
Habsbourg, Perrin, Paris, 2002.
[26] Arno Meyer, op. cit., pp. 116-117.
[27] Arno Meyer, op. cit., pp. 118-119.
[28] Georges Sokoloff, La puissance pauvre, une histoire de la Russie de 1815 à nos jours,
Fayard, Paris, 1993. François-Georges Dreyfus, Une histoire de la Russie, Éditions de Fallois,
Paris, 2005.
[29] En 1970, la population de l’URSS comptait 245 millions d’habitants seulement,
malgré l’annexion de nouveaux territoires depuis 1945 avec leur population. La cause du
déficit considérable est à rechercher dans les pertes des deux guerres mondiales et dans la
politique bolchevique : massacres de masses consécutifs à la révolution de 1917, pendant la
guerre civile, génocides-famine organisés pour dépeupler la paysannerie, purges frappant des
pans entiers de la population, répression endémique, déportations de populations et, enfin,
baisse brutale de la natalité due à la misère et au désespoir.
[30] Pierre Stolypine sera assassiné à Kiev le 14 septembre 1911 par un jeune
révolutionnaire juif, Bogrov. Sur la personnalité de Stolypine et les circonstances de son
assassinat, voir D. Venner, Treize meurtres exemplaires. Terreur et crimes politiques au
XXe siècle, Plon, Paris, 1988.
[31] Martin Malia, L’Occident et l’énigme russe, traduction française, Le Seuil, Paris, 2003.
[32] Benedetto Croce, Histoire de l’Europe au XIXe siècle, ouvrage publié en 1931,
traduction française Gallimard/Idées, Paris, 1973, pp. 421-422.
[33] La figure la plus connue des opposants est l’écrivain Heinrich Mann, frère de Thomas.
Mais son audience est alors très limitée.
[34] Durant la guerre, comme dans la période antérieure, le pouvoir politique résista sans
grande difficulté aux pressions opposées des agrariens partisans d’une autarcie (concept de la
Mitteleuropa), face à celles des industriels partisans du libre-échange mondial. Le soutien au
régime des milieux industriels durera jusqu’à la fin de 1918 quand l’effondrement de la
monarchie, dû à la défaite et aux défaillances de Guillaume II, paraîtra inéluctable. Dès lors,
les grands industriels s’efforceront de sauver la liberté de leurs entreprises en concluant des
accords avec les syndicats (accords Stinnes-Legien du 12 novembre 1918). Sur ces questions,
on se reportera à Georges-Henri Soutou, L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la
Première Guerre mondiale, Fayard, Paris, 1989.
[35] Bien que très critique à l’encontre de Guillaume II, Max Weber soutient le deutscher
Sonderweg.
[36] Louis Dumont, L’idéologie allemande, Gallimard, Paris, 1991.
Chapitre 2
[1] Rapport sur la gouvernante mondiale, La Documentation française, Paris, 2001.
Aymeric Chauprade, L’explosion de 1914 dans La Nouvelle Revue d’Histoire, no 14, Paris,
2004.
[2] Wiener Freie Presse, 24 décembre 1912.
[3] Norman Angell, La grande illusion, 1913 (ne pas confondre avec le futur film de Jean
Renoir).
[4] Le Procès de Salonique, Éditions A. Delpeuch, Paris, 1927.
[5] Henry Bogdan, Histoire des Habsbourg, Perrin, Paris, 2002.
[6] Jean-Louis Thiériot, François-Ferdinand d’Autriche, Éditions de Fallois, Paris, 2005.
[7] Pour le récit de cet événement, on se reportera à Dominique Venner, Histoire du
terrorisme, Pygmalion, Paris, 2002.
[8] Sur cette question, je renvoie à mon livre, Gettysburg, Le Rocher, Monaco, 1995.
[9] Directeur du Figaro, Calmette menait campagne avec des procédés diffamatoires
contre Caillaux, adversaire politique de Poincaré. On peut consulter à ce sujet mon livre,
Treize meurtres exemplaires. Crimes et terreur politique au XXe siècle, Plon, Paris, 1988.
[10] Il faut également souligner l’action bénéfique mais néanmoins impuissante qui fut
celle du pape Benoît XV (Giacomo della Chiesa, 1854-1922), élu le 3 septembre 1914, trop tard
donc pour avoir pu intervenir avant le conflit. Il ne cessera par la suite de plaider pour la paix
et pour une humanisation de la guerre, ce qui lui vaudra de la part de Clemenceau le sobriquet
de « pape boche ».
[11] Dans son livre, Été 1914. Mensonges et désinformation (Éditions Italiques, Paris,
2004), Léon Schirmann a établi les lourdes responsabilités des dirigeants français et russes. Il
a comparé avec les originaux les documents diplomatiques publiés dans le Livre Jaune publié
en 1914 par le gouvernement français. Le Quai d’Orsay avait falsifié les dépêches envoyées de
Saint-Pétersbourg pour faire croire que la mobilisation autrichienne avait précédé celle de la
Russie, ce qui changeait tout. Par la suite, une véritable industrie de la falsification s’est mise
en place à des fins de propagande, tandis que des poursuites judiciaires muselaient ceux qui
tentaient d’établir la vérité.
[12] La mobilisation de l’Autriche-Hongrie est décidée le 31 juillet à 12 h 30.
[13] Cité par Jacques Droz, Les causes de la Première Guerre mondiale, Le Seuil, 1973,
p. 39.
[14] Carl Schmitt, Le Nomos de la Terre (1950), PUF, 2001.
[15] Georges-Henri Soutou, conclusion à l’ouvrage collectif, L’Ordre européen du XVIe au
XXe siècle, sous sa direction et celle de Jean Bérenger, Presses de l’Université de Paris-
Sorbonne, 1998, p. 129.
[16] Pour plus de précisions sur le déroulement de la guerre, on se reportera à Philippe
Conrad, Le poids des armes. Guerres et conflits de 1900 à 1945, PUF, Paris, 2004.
[17] Henry Bogdan, Histoire des Habsbourg, Perrin, Paris, 2002.
[18] C’est le mot qu’utilise Georges-Henri Soutou dans sa thèse de doctorat publiée sous le
titre : L’or et le sang. Les buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale,
Fayard, Paris, 1989, p. 362.
[19] G.-H. Soutou, op. cit., p. 139. Arrivée aux États-Unis en octobre 1914, une mission
britannique conduite par Sir George Paish est reçue à plusieurs reprises par le secrétaire au
Trésor, McAdoo, par le Bureau de la Federal Reserve, par les principaux banquiers, et même
par Wilson, le 19 octobre. On décide de constituer un « comité des banquiers » chargé de
mettre au point un rapprochement financier avec Londres.
[20] Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), Actes Sud, Arles, 1986.
[21] Philippe Masson, La puissance maritime et navale au XXe siècle, Perrin, Paris, 2002.
[22] Deux commissions d’enquête réunies à Londres et Washington reconnaîtront que le
Lusitania n’était pas un simple bâtiment du commerce. Sa construction avait été financée par
l’Amirauté pour servir de croiseur auxiliaire. Il transportait 5 471 caisses de munitions. Enfin,
les circonstances mêmes de son torpillage restent troublantes. Il ne bénéficiait d’aucune
escorte alors que des destroyers se trouvaient mouillés à proximité. La disparition du navire a
posé la responsabilité de Winston Churchill, premier Lord de l’Amirauté, accusé d’avoir
facilité la destruction du bâtiment alors que le colonel House, représentant de Wilson, était à
Londres pour demander une atténuation du blocus en échange de l’abandon de la guerre sous-
marine.
[23] G.-H. Soutou, op. cit., p. 399.
[24] Jacques Droz, Les causes de la Première Guerre mondiale. Essai d’historiographie,
Le Seuil, Paris, 1973.
Chapitre 3
[1] Dominique Venner, Histoire d’un fascisme allemand. Les corps francs du Baltikum,
Pygmalion, 1996, chapitre 4.
[2] Dominique Venner, Histoire du terrorisme, Pygmalion, Paris, 2002, p. 26.
[3] Concernant Lénine, sa vie, ses origines, on se reportera à Dimitri Volkogonov, Le vrai
Lénine (Robert Laffont, Paris, 1995). L’auteur a bénéficié de l’ouverture des archives
soviétiques après 1991. Il a pu établir avec précision la généalogie de Vladimir Ilitch Oulianov
qui était jusque-là un secret d’État et sur laquelle couraient les informations les plus
fantaisistes.
[4] Devenue sanctuaire bolchevique, Simbirsk fut rebaptisée Oulianovsk après que les
nouvelles autorités eurent rasé les églises, les monastères, le cimetière et même la cathédrale
érigée à la mémoire des soldats tombés en 1812. Tout fut remplacé par des monuments à la
gloire de Lénine et les rues reçurent les noms de héros du communisme.
[5] Les références concernant ces informations figurent dans le livre cité de Dimitri
Volkogonov, pp. 26-32.
[6] Dominique Venner, Treize meurtres exemplaires. Terreur et crimes politiques au
XXe siècle. Plon, Paris, 1988. Tout le premier chapitre est consacré à Stolypine qui sera
assassiné à Kiev en 1911 par un jeune révolutionnaire juif, Bogrov.
[7] Ce nom lui fut donné pour deux raisons : l’abolition du servage en Russie et sa victoire
sur les Turcs qui libéra les Slaves du Sud. Sa statue équestre est toujours présente à Sofia, face
à l’ancien siège du parti communiste bulgare.
[8] Alain Besançon, Les origines intellectuelles du léninisme, Calmann-Lévy, Paris, 1977,
pp. 100-108.
[9] Berdiaev, Les Sources et le sens du communisme russe, Gallimard, Idées, 1938.
[10] René Cannac, Netchaïev, du nihilisme au terrorisme, Payot, Paris, 1961
[11] 24 janvier, ancien style. Jusqu’au 31 janvier 1918, la Russie utilise le calendrier julien,
en retard de 13 jours sur le calendrier grégorien en usage en Europe depuis la fin du
XVIe siècle.
[12] La décomposition de l’armée et du pouvoir, Povolozky et Cie, Paris, 1921.
[13] Dominique Venner, Treize meurtres exemplaires, op. cit. Le chapitre 4 est
entièrement consacré à Raspoutine.
[14] Un an plus tard, réfugié sur le territoire du Don, le général Alexeiev qui ne
commandera plus qu’à lui-même lancera un appel pour la constitution d’une armée de
volontaires contre le pouvoir bolchevique, acte de naissance des futures armées blanches.
[15] Ernst Nolte, La Guerre civile européenne, Éditions des Syrtes, Paris, 2000.
[16] Éric Laurent, La Corde pour les pendre, Fayard, Paris, 1985, pp. 26-29.
[17] Pour le récit de ces événements, voir mon livre Les Blancs et les Rouges, Pygmalion,
1997, chapitre 3.
[18] Les dates sont celles de l’actuel calendrier grégorien. Entre parenthèses figure la
correspondance avec le calendrier julien en vigueur en Russie à l’époque. Il est en retard de
treize jours sur le calendrier grégorien qui sera adopté par la Russie des Soviets le 31 janvier
1918.
[19] Pour une analyse complète, on se reportera à l’ouvrage du même auteur, Les Blancs et
les Rouges, Histoire de la révolution et de la guerre civile russe, 1917-1921, op. cit.
[20] Le plus symbolique et le plus horrible des actes de la terreur bolchevique sera le
massacre de la famille impériale à Ekaterinbourg, le 16 juillet 1918. Cf. Dominique Venner,
Histoire du terrorisme, op. cit., pp. 61-70.
[21] On se reportera sur ce point aux développements du livre du même auteur, Histoire de
l’Armée rouge, Plon, 1981, pp. 272 sqq.
[22] Jules Monnerot, Sociologie de la révolution, Fayard, Paris, 1969.
[23] Lénine, œuvres, t. 8, p. 571.
[24] Trotski sera le véritable organisateur et stratège efficace de l’Armée rouge pendant la
guerre civile. On peut sur ce point se reporter à Dominique Venner, Les Blancs et les Rouges,
op. cit. Dès cette époque, Lénine, qui se méfie de l’ambition et de l’autonomie du brillant
commissaire à la Guerre, lui oppose sournoisement Staline. Voir à ce sujet le témoignage de
Boris Bajanov qui fut le secrétaire de Staline. Bajanov révèle Staline, Gallimard, Paris, 1979.
[25] On les appelle les spets, abréviation de spécialistes.
[26] La 10e armée défendra Tsaristsyne à l’automne 1918 contre les timides tentatives des
cosaques du Don qui n’ont aucune envie de combattre en dehors de leur territoire. Cette
défense à bon compte permettra à la 10e armée et à son commissaire politique de se fabriquer
une légende et à la ville de Tsaristsyne de s’appeler bientôt Stalingrad (devenue Volgograd
après la déstalinisation de 1956).
[27] Staline exilera Trotski en 1929, puis, irrité de l’opposition active qu’il mène en exil
(IVe Internationale), il le fait assassiner à Mexico, le 20 août 1940. On trouvera le récit de cette
opération complexe du NKVD dans D. Venner, Treize meurtres exemplaires, op. cit.,
chapitre 7. On peut également se reporter aux mémoires de Pavel Soudoplatov, Missions
spéciales, Le Seuil, Paris, 1994. Officier supérieur du NKVD chargé des plus importantes
opérations secrètes (assassinat de Trotski, Orchestre rouge, manipulation d’Oppenheimer,
Fermi, Fuchs, Rosenberg, etc.), Soudoplatov révèle une médiocrité confondante de petit
fonctionnaire appliqué soucieux de sa retraite : un « sous-officier » typiquement stalinien.
[28] Stéphane Courtois, Staline. Contribution à l’ouvrage collectif Personnages et
caractères, XVe-XXe siècle, sous la direction d’Emmanuel Le Roy Ladurie, PUF, Paris, 2004,
pp. 293-308. On se reportera aussi à la contribution de Nicolas Werth sur Staline dans Le
Livre noir du communisme, op. cit., ainsi qu’à l’ouvrage classique de Robert Conquest, La
Grande Terreur, suivi de Sanglantes moissons (Robert Laffont/Bouquins, Paris, 1995). Voir
aussi Boris Souvarine, Staline (première et remarquable biographie publiée en 1935,
complétée en 1939 et rééditée par Champ Libre, Paris, 1977). Sur l’homme Staline, on
consultera les souvenirs de sa fille, Svetlana Alliluyeva, Vingt lettres à un ami, Le Seuil, Paris,
1967. Elle évoque notamment le suicide de sa mère, Nadia, le 8 novembre 1932, pp. 124 sqq.).
[29] Sur Hitler et le national-socialisme, on se reportera aux chapitres 6 et 7.
[30] Stéphane Courtois, Staline, op. cit., p. 303.
[31] Sur le fascisme et Mussolini, on se reportera aux chapitres 4 et 5.
[32] Pour la discussion critique du concept de « totalitarisme », on se reportera au
chapitre 10.
[33] On s’en rapporte ici à l’analyse de Stéphane Courtois, op. cit., pp. 304-305.
[34] Stéphane Courtois, op. cit., p. 305.
[35] Miron Dolot, Les Affamés, Ramsay, Paris, 1986. 1933, l’année noire. Témoignages sur
la famine en Ukraine, Albin Michel, Paris, 2000. Voir également Le Livre noir du
communisme, op. cit.
[36] Les divisions rouges sans chefs et sans doctrine, menées souvent par des incapables,
se feront étriller en 1939 par la petite armée finlandaise. Hitler en tirera l’impression trop
rapide que l’Armée rouge est un adversaire peu dangereux. Il a négligé la campagne de
Mandchourie, en août 1939, où, sous le commandement d’un certain général Joukov, l’Armée
rouge a écrasé l’armée japonaise sur les rives du Kalkhin Gol.
[37] Tous les renseignements sur la Grande Terreur sont tirés de la biographie de Iejov par
Marc Jansen et Nikita Petrov, Stalin’s Loyal Executioner People’s Commissar Nikolaï Ejov,
Stanford, Hoover Institution Press, 2002. Ouvrage auquel se réfère Stéphane Courtois (op.
cit., p. 295, no 1).
[38] Dans L’Archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne a révélé pour la première fois ce
qu’avait été le sort de ces soldats.
[39] Concernant notamment l’Allemagne, on peut se reporter au livre de l’historien
Joachim Hoffmann, La Guerre d’extermination de Staline, 1941-1945, traduction aux éditions
Akribeia, 69230 Saint-Genis-Laval, 2003.
[40] On peut renvoyer entre autres à la talentueuse biographie de Pierre le Grand par
Henri Troyat (Flammarion, 1998), dont la lecture donne souvent froid dans le dos.
[41] La date de 1223 est celle de la défaite des princes russes sur les bords de la Kalka, qui
annonce le début de la conquête mongole de la Russie. Le joug est secoué une première fois en
1380 par le prince de Moscou, Dimitri, à la bataille de Koulikovo (le champ des Bécasses). En
1480, Ivan III cesse de payer tribut au khan tatare. En 1552, Ivan IV s’empare de Kazan,
capitale du khanat tatare musulman.
[42] Bastien Miguel, Joseph de Maistre, un philosophe à la cour du tsar, Albin Michel,
Paris, 2000.
[43] Marquis de Custine, Lettres de Russie en 1839, disponible dans plusieurs collections
de poche.
[44] Dans Les Blancs et les Rouges (op. cit.), j’ai donné plusieurs exemples de ce fatalisme
chez un grand nombre d’officiers de l’ancienne armée impériale qui se sont laissé tuer sans
réagir durant la guerre civile. La comparaison plusieurs fois évoquée des corps-francs
allemands et des squadristes italiens est, de ce point de vue, éloquente.
[45] Le mot est de Stéphane Courtois, op. cit., p. 307.
[46] Dans Le Livre noir du communisme (op. cit., p. 14), Stéphane Courtois et ses
collaborateurs évaluent à 20 millions de morts le bilan répressif du communisme pour la seule
Russie (URSS).
[47] Article signé Vladimir Poutine, publié par Le Figaro daté du samedi 7 et du dimanche
8 mai 2005, p. 14.
[48] Pour une appréciation critique du concept de « grandeur », on peut se reporter à
l’essai de Dominique Venner, De Gaulle, la grandeur et le néant, Le Rocher, Monaco, 2004.
Chapitre 4
[1] Renzo De Felice, Rosso e Nero, 1995, traduction française, Les Rouges et les Noirs,
Georg, Genève, 1999. L’Italie s’était déjà rendue coupable d’un précédent par son
retournement de 1915 et son entrée en guerre contre ses alliés de la veille (l’Autriche-
Hongrie). Bien que sans enthousiasme, une alliance à trois (Triplice) avait été signée en 1882
entre l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche-Hongrie. Elle avait été renouvelée en 1902, 1907 et
1912.
[2] Dans L’Âge des extrêmes (traduction Bruxelles, 1999), l’historien marxiste Éric
Hobsbawn, ne pouvant se libérer des préjugés de sa jeunesse, continue de voir dans le
fascisme, comme à l’époque stalinienne, une simple excroissance du capitalisme.
[3] François Furet, Le Passé d’une illusion, Robert Laffont/Calmann-Lévy, Paris, 1996.
[4] Emilio Gentile, La Voie italienne au totalitarisme (1995), traduction française par
Philippe Baillet, Le Rocher, Monaco, 2004.
[5] Le 26 août 1916 l’Italie déclarera également la guerre à l’Allemagne pour laquelle elle
avait longtemps manifesté de la sympathie au contraire de l’Autriche-Hongrie.
[6] Didier Musiedlak, Mussolini, Presses de Sciences Po, Paris, 2005, p. 171.
[7] Les renseignements biographiques ont pour sources principales les travaux
fondamentaux en sept volumes non traduits de Renzo De Felice publiés par Einaudi à Turin.
Ils ont contribué à nourrir l’importante et honnête biographie de Pierre Milza, Mussolini
(Fayard, Paris, 1999). On consultera aussi Didier Musiedlak, Mussolini (op. cit.). On se
reportera aussi à l’ouvrage fondamental d’Ernst Nolte, Le Fascisme dans son époque, tome 2
consacré au Fascisme (1963), traduction française chez Julliard (Paris, 1970), ainsi qu’aux
travaux d’Emilio Gentile, dont plusieurs ont été traduits en français, La Voie italienne au
totalitarisme (op. cit.), La Religion fasciste (Perrin, Paris, 2000), etc.
[8] Propos rapportés par Maurice Vaussard, Naissance d’une dictature, Hachette, Paris,
1971, p. 141.
[9] Voir chapitre 3. On peut également se reporter à Dominique Venner, Les Blancs et les
Rouges. Histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, Pygmalion, Paris, 1997.
[10] Document cité par Nicolas Werth dans l’ouvrage collectif (sous la direction
d’Emmanuel Le Roy Ladurie), Personnages et caractères, XVe-XXe siècles, PUF, Paris, 2004,
pp. 278-279. Voir également Dimitri Volkogonov, Le vrai Lénine, Robert Laffont, Paris, 1995.
[11] Sur cette question, on se reportera aux chapitres 6 et 7 de ce livre. Pour plus de
précisions, on peut également consulter Dominique Venner, Histoire d’un fascisme allemand.
Les corps-francs du Baltikum, 1918-1933, Pygmalion, Paris, 1996.
[12] Le mot faisceau (ligue) appartient au vocabulaire de la gauche italienne depuis le
XIXe siècle. Les Faisceaux de 1919 le feront entrer dans l’histoire avec un sens nouveau.
[13] M. A. Ledeen, D’Annunzio a Fiume, The John Hopkins University Press, Baltimore
(Md.), 1977.
[14] M. Franzinelli, Squadristi, Protagonisti e techniche delle violenza fascista, 1919-1922,
Mondadori, Milan, 2003.
[15] Italo Balbo, Diaro, Mondadori, Vérone, 1932.
[16] Giovinezza (Jeunesse) est à l’origine un chant d’étudiants composé en 1909. Il sera
repris par les arditi pendant la guerre et, plus tard, par les squadristes. Il deviendra l’hymne
officiel du fascisme en 1926.
[17] À la date du 6 mars 1921. Mario Piazzesi, Diario di uno squadrista toscano, 1919-1922,
Éditions Bonacci, Rome, 1980, p. 122.
[18] Dans son étude peu complaisante du régime fasciste (Le Fascisme italien,
Flammarion, 2003), Salvatore Lupo montre que les squadristes, même quand ils ont bénéficié
initialement du soutien des propriétaires, ne leur ont jamais été soumis, au contraire. Ils ont
poursuivi l’action des anciens syndicats, avec les mêmes méthodes, mais dans un esprit
national, ce qui explique l’adhésion des masses au fascisme dans des régions
traditionnellement rouges.
[19] Ras : nom des chefs de tribus éthiopiennes, souvenir des campagnes coloniales
italiennes.
[20] Voir le chapitre suivant.
[21] Cité par Michel Ostenc dans son ouvrage fondamental, Intellectuels italiens et
fascisme, 1915-1929, Payot, Paris, 1983.
[22] Margherita Sarfatti (1880-1961), née à Venise dans une riche famille juive, a reçu une
éducation raffinée. Elle fréquente des intellectuels et des artistes d’avant-garde et adhère au
parti socialiste. Ayant rencontré Mussolini en 1913, elle sera sa maîtresse passionnée et son
inspiratrice, évoluant au même rythme que lui. Devenue directrice de la revue fasciste
Gerarchia, elle écrit en 1925 un ouvrage (Dux) qui contribuera au « culte de la personnalité »
du Duce. Sa longue liaison avec Mussolini ayant pris fin, elle s’exilera en France puis en
Argentine après les lois antisémites de 1938.
[23] Cité par Maurice Vaussard, op. cit.
[24] Caporetto, grave défaite des Italiens, face aux Austro-Allemands, lors de la Première
Guerre mondiale.
[25] Gioacchino Volpe, Histoire du mouvement fasciste, Rome, 1934. Ouvrage favorable
au nouveau régime.
Chapitre 5
[1] Cf. Xavier Rihoit, L’Affaire Matteotti, dans La Nouvelle Revue d’Histoire, no 6, Paris,
mai-juin 2003.
[2] Cette évolution a pour fondement initial le décret royal du 25 novembre 1926 donnant
aux préfets le pouvoir de dissoudre les associations hostiles à l’ordre national et à l’État. Pour
le détail des décrets établissant les pouvoirs du parti, on se reportera à Emilio Gentile, La Voie
italienne au totalitarisme (op. cit.), notamment pp. 175 sqq.
[3] Renzo De Felice a étudié dans le détail la période décisive 1923-1925 où s’exerce la
dialectique des différents « fascismes » confrontés à la logique du « mussolinisme ». Dans son
histoire du parti fasciste, Emilio Gentile a repris sur ce point l’analyse et les conclusions de son
prédécesseur (La Voie italienne au totalitarisme, op. cit., pp. 88-91).
[4] Venu de l’anarcho-syndicalisme, Roberto Farinacci (1892-1945) s’est engagé en 1915 et
a été décoré plusieurs fois. Il participe à la création des Faisceaux en 1919 et se révèle plus
tard, dans sa province de Crémone, l’un des plus terribles ras du squadrisme. Après sa
démission de mars 1926, il sera exilé des sommets du régime pour une longue période,
parvenant cependant à préserver son autonomie et faisant de son journal, Regime fascista,
dont le philosophe Julius Evola dirige la page culturelle, un espace de liberté critique au sein
du régime. Partisan d’une ligne révolutionnaire et de l’alliance avec l’Allemagne, il rejoint la
RSI en 1943. Il sera fusillé par les « partisans » le 28 juillet 1945.
[5] Emilio Gentile, op. cit., p. 91.
[6] Tableau détaillé des effectifs dans Emilio Gentile, op. cit., pp. 213-214.
[7] E. Gentile, op. cit., p. 88.
[8] Cité par E. Gentile, op. cit., p. 138.
[9] Cité par E. Gentile, op. cit., p. 139.
[10] Archives Pellizzi, 1941. Cité par E. Gentile, op. cit., p. 298.
[11] En dehors de rares actions imputables aux services secrets, de l’assassinat de Matteotti
et des violences de rue, séquelles de la guerre civile des années 20, hormis également les faits
de guerre, il n’y a en Italie fasciste de 1923 à 1940 que neuf exécutions politiques (et dix-sept
autres jusqu’en 1943). Chiffres à comparer aux millions de victimes du régime soviétique dans
la même période. Données fournies par l’historien américain S. G. Payne (Franco y José
Antonio. El extrano caso del fascismo espanol, Planeta, Barcelone, 1997, p. 32).
[12] Emil Ludwig, Colloqui con Mussolini, Mondadori, nouvelle édition, Milan, 1950.
Henri Béraud, Ce que j’ai vu à Rome, Éditions de France, Paris, 1926. Émile Servan-Schreiber,
Rome après Moscou, Plon, Paris, 1932.
[13] George L. Mosse, La révolution fasciste. Vers une théorie générale du fascisme,
traduction Le Seuil, Paris, 2003, p. 137.
[14] Alastair Hamilton, L’Illusion fasciste. Les intellectuels et le fascisme, 1919-1945 (1971),
traduction Gallimard, Paris, 1973, pp. 14-15.
[15] Les deux volumes du Déclin de l’Occident ont été publiés en Allemagne en 1918 et
1922.
[16] Renzo De Felice, Mussolini il Duce, I, Gli anni del consenso, 1929-1936, Einaudi,
Turin, 1974. Sur la question des relations entre Spengler et Mussolini, on se reportera aux
nombreuses sources citées par Didier Musiedlak, Mussolini, Presses de Sciences Po, Paris,
2005, pp. 258-266.
[17] On se reportera sur ce point aux développements du chapitre 8.
[18] On se reportera sur ce point aux analyses de Pierre Milza (Mussolini, Fayard, Paris,
1999, pp. 709-717, 758-777), qui reprend les conclusions de Renzo De Felice.
[19] En raison de sa position en Méditerranée, la base de Malte était une menace pour la
route maritime reliant l’Italie à la Libye. Craignant un débarquement italien, le haut
commandement britannique avait évacué tous les navires et les avions basés dans l’île. Après
plusieurs semaines d’attente, constatant avec stupeur l’inaction italienne, Churchill ordonna
de pourvoir de nouveau à la défense de Malte qui deviendra une place forte inexpugnable
verrouillant les liaisons de l’Axe vers l’Afrique.
[20] Cité par E. Gentile, op. cit., p. 252.
[21] Cité par E. Gentile, op. cit., p. 253.
[22] Pour Renzo De Felice, il ne fait aucun doute que les services secrets britanniques ont
veillé à l’exécution de Mussolini tout en s’emparant de la fameuse serviette dans laquelle le
Duce conservait « un choix raisonné de sa correspondance avec Winston Churchill ». Dans
son livre, Les Rouges et les Noirs (op. cit., p. 142), il écrit : « Il fut très facile pour les Anglais
d’éviter que les Américains ne mettent la main sur le Duce. Ce sont les partisans de la
Résistance qui s’en chargèrent. Mais ce fut un agent des services secrets britanniques, lui-
même italien d’origine, qui les exhorta à en finir rapidement. »
[23] Il Fascio, 2 avril 1921.
[24] Emilio Gentile, La religion fasciste, Perrin, Paris, 2002.
[25] Italo Balbo, autre grand hiérarque, capable même de faire de l’ombre à Mussolini,
adversaire de l’alliance avec l’Allemagne et de l’entrée en guerre, avait été tué
accidentellement par la DCA italienne lors d’un raid aérien sur Tobrouk le 28 juin 1940.
L’annonce de la mort de ce vieux compagnon laissera Mussolini indifférent.
[26] Emilio Gentile. Entretien accordé à La Nouvelle Revue d’Histoire, no 16, janvier-
février 2005, Paris.
[27] Voir l’étude de Marco Tarchi dans Nouvelle École, no 53-54, année 2003. Pour sa part,
Mussolini définissait le fascisme comme « une démocratie organisée, concentrée, autoritaire,
reposant sur une base nationale » (Opera omnia, t. XXIX, p. 2).
[28] Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix, Flammarion, Paris, 1952, pp. 260-
261.
[29] E. Gentile, La religion fasciste, Perrin, Paris, 2000.
[30] Robert Brasillach, Lettre à un soldat de la classe soixante, texte écrit en
novembre 1944, publié en 1950 aux Éditions des Sept Couleurs, Paris, p. 35. Robert Brasillach
a été fusillé le 6 février 1945. Pour en savoir plus, on peut se reporter à Dominique Venner,
Histoire de la Collaboration, Pygmalion, nouvelle édition, Paris, 2000. On consultera aussi
Anne Brassié, Robert Brasillach, encore un instant de bonheur, Robert Laffont, Paris, 1987.
[31] Robert Laffont/Calmann-Lévy, Paris, 1995.
[32] On doit reconnaître cependant, nous l’avons rappelé, que plusieurs des principaux
hiérarques, Balbo, Grandi ou Bottai, se sont fermement opposés à la politique étrangère
aventuriste de Mussolini à partir de 1938, ainsi qu’à son autocratisme.
Chapitre 6
[1] Le qualificatif nazi (nazisme) est un sobriquet inventé par les communistes allemands
pour déconsidérer leurs dangereux adversaires.
[2] On pense tout particulièrement à la « confession » d’une secrétaire d’Hitler, Traudl
Junge, Dans la Tanière du Loup (J.-C. Lattès, Paris, 2005) et aux souvenirs de Bernd Freytag
von Loringhoven, aide de camp des chefs de la Wehrmacht détaché auprès d’Hitler du
20 juillet 1944 au 29 avril 1945, Dans le bunker de Hitler (Perrin, Paris, 2005).
[3] Der Untergang (La Chute) est sorti en Allemagne dans les dernières semaines de 2004.
Ce film y a connu aussitôt un succès phénoménal, plus de cinq millions d’entrées dans les
deux premiers mois.
[4] Jean des Vallières, Spartakus Parade, Albin Michel, Paris, 1932, pp. 121-122.
[5] Le parti socialiste indépendant (USPD) est né le 9 avril 1917 d’une scission du parti
social-démocrate. Avec le groupe Spartakus, il constitue l’aile extrémiste du socialisme
allemand bientôt ralliée au bolchevisme.
[6] Le roi d’Espagne Alphonse XIII adoptera la même conduite en 1931, ce qui n’interdira
pas une restauration ultérieure au bénéfice de son petit-fils Juan-Carlos.
[7] Berliner Tageblatt du 10 novembre 1918.
[8] Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’Armée allemande, Albin Michel, 1938, tome I,
p. 59.
[9] Dominique Venner, Histoire d’un fascisme allemand. Les corps-francs du Baltikum,
Pygmalion, Paris, 1996.
[10] Ernst von Salomon, Les Réprouvés, Plon, Paris, 1931.
[11] Konrad Heiden, Der Führer (Zurich, 1936).
[12] Ernst Jünger, Journal de Guerre, Julliard, Paris, 1985.
[13] Butler et Young, Goering, tel qu’il fut (Editions Fayard, 1965).
[14] Ernst Hanfstaengl, Hitler, les années obscures (Éditions de Trévise, Paris, 1967),
pp. 28 et 29.
[15] L’antisémitisme obsessionnel d’Hitler est associé dans son esprit autant à la
dénonciation du capitalisme qu’à celle du bolchevisme. On se reportera sur ce point à Ernst
Nolte, La guerre civile européenne, 1917-1945, Les Syrtes, Paris, 2000.
[16] Ernst Hanfstaengl, op. cit., pp. 67-68.
[17] Celui-ci favorisera la naissance du parti national-socialiste. Il s’orientera par la suite
vers la social-démocratie, deviendra député socialiste au Reichstag et mourra en 1945 au camp
de Buchenwald.
[18] Cité par Werner Maser, Naissance du Parti national-socialiste allemand (Fayard,
1967), p. 95.
[19] Dans Mein Kampf, Hitler rendra un hommage appuyé à Dietrich Eckart et à Gottfried
Feder qui, chacun dans son registre, ont contribué à parfaire sa vision du monde.
[20] Il sera le 7e membre du comité directeur et le 55e membre du parti, avec la carte
numéro 555, la numérotation commençant à 501…
[21] Le Parti des travailleurs allemands (D.A.P.) deviendra le Parti national-socialiste des
travailleurs allemands (N.S.D.A.P.) en février 1920.
[22] Bien des choses ont été écrites sur l’enfance, la jeunesse et la destinée d’Adolf Hitler,
et notamment pas mal d’âneries. Il faut cependant signaler l’important travail de recherche de
Werner Maser publié en France sous le titre Naissance du parti national-socialiste allemand
(Fayard, 1967). On se reportera aussi à l’enquête de Brigitte Hamann, La Vienne d’Hitler (Les
Syrtes, 2001) qui tend à démontrer qu’Hitler n’était nullement antisémite avant 1914. Cette
thèse vient à l’appui de celle d’Ernst Nolte, La Guerre civile européenne, 1917-1945 (op. cit.).
Il reste comme matériau brut d’investigation psychologique la lecture de Mein Kampf. On
dispose également des témoignages de proches. Écrits en général après l’écroulement du
IIIe Reich, ils doivent être consultés avec les réserves d’usage, les souvenirs étant parfois
enchâssés dans des commentaires de circonstance. Parmi les plus intéressants traduits en
langue française, on relève August Kubizek, Adolf Hitler mon ami d’enfance (Gallimard,
1954), Ernst Hanfstaengl, Hitler, les années obscures (Trévise, 1967), Hans Baur, J’étais pilote
de Hitler (France-Empire, 1957), Arno Breker, Paris, Hitler et moi (Presses de la Cité, 1970),
Albert Speer, Au cœur du IIIe Reich (Fayard, 1971). On peut aussi se reporter aux souvenirs de
nombreux militaires et hommes politiques allemands et à ceux de diplomates étrangers, en
poste en Allemagne sous le IIIe Reich. Enfin, on consultera avec profit l’ouvrage d’ensemble de
Werner Maser, Nom : Hitler, prénom : Adolf, publié chez Plon en 1973, ainsi que la curieuse
enquête de Marc Lambert, Un peintre nommé Hitler (Éditions France-Empire, 1986).
[23] Hitler ne sera définitivement rayé des contrôles de l’armée que le 31 mars 1920.
[24] Philipp Bouhler, Kampf um Deutschland (Munich, 1938).
[25] Le 5 mai 1921, les Alliés envoient un ultimatum à Berlin, exigeant la dissolution
immédiate de toutes les milices. Berlin s’incline le 24 mai, mais ne transmet à Munich le
décret de dissolution que le 29 juin.
[26] On sait que nazi est un sobriquet à consonance ridicule, imaginé par les communistes
allemands. Nous l’utilisons ici par commodité.
[27] Plus tard, après leur ascension au pouvoir, les nationaux-socialistes récuseront
fermement l’épithète « fasciste ».
[28] Le 31 juillet 1925, les troupes françaises évacueront la Ruhr à l’exclusion de deux têtes
de pont. Le 30 juillet 1930, les dernières troupes d’occupation auront évacué la Rhénanie et le
Palatinat.
[29] Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, Éditions Plon, 1938, p. 347.
[30] Propos rapportés par Benoist-Méchin, Histoire de l’Armée allemande, tome II, p. 310.
[31] Au chapitre 5, nous avons montré que, d’abord irrité par les prétentions de supériorité
raciale de l’Allemagne nationale-socialiste, très réservé aussi face aux ambitions d’Hitler,
Mussolini déploya des troupes italiennes sur le Brenner après l’assassinat du chancelier
autrichien Dollfuss en juillet 1934, puis il noua les accords franco-italiens de Rome en
janvier 1935, Le Duce commença à évoluer en 1935 après la condamnation anglo-française de
la conquête de l’Abyssinie. À la suite d’une visite de Ciano à Hitler, furent signés les protocoles
d’octobre 1936. La formule d’un « axe Rome-Berlin » fut lancée par Mussolini lors d’un
discours à Milan le 1er novembre 1936. L’Italie adhéra au pacte anti-Kominform en
novembre 1937 et l’alliance fut encore renforcée par le « pacte d’acier » du 21 mai 1939, puis
par la guerre.
[32] Sur la réalité de la politique hitlérienne à l’égard de l’Europe et notamment de la
France, je renvoie à mon Histoire de la Collaboration (Pygmalion, Paris, 2002).
[33] Différence bien mise en évidence par le philosophe Julius Evola dans son essai, Le
fascisme vu de droite, traduction de Philippe Baillet, Totalité, Paris, 1981.
[34] Benito Mussolini, Doctrine du fascisme dans Enciclopedia Italiana. Texte préparé
par le philosophe Giovanni Gentile (1875-1944).
[35] La doctrine d’Hitler est également très différente de la philosophie historique de
Houston Stewart Chamberlain énoncée dans La Genèse du XIXe siècle (1899). Elle diffère
également dans ses fondements darwinistes des thèses développées par Alfred Rosenberg
dans Le Mythe du XXe siècle (1930).
[36] Cité par Sarga Moussa, L’idée de « race » dans les sociétés humaines et la littérature,
L’Harmattan, Paris 2005. Si, depuis 1945, l’Europe ne supporte plus le mot « race », le
concept conserve toute sa validité aux États-Unis où il entre même dans la définition légale de
l’identité des individus.
[37] On ne saurait confondre les travaux de Charles Darwin et le darwinisme,
simplification outrancière de sa pensée appliquée au domaine social et politique.
[38] Adolf Hitler, Mein Kampf, édition française, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1934,
pp. 283-286.
[39] « Persuadé, écrit Condorcet (Fragment de justification), que l’espèce humaine est
indéfiniment perfectible, je regardais le soin de hâter ces progrès comme une des plus douces
occupations. »
[40] Sur l’interprétation « traditioniste », on se reportera à l’essai du même auteur,
Histoire et tradition des Européens, Le Rocher, Monaco, 2002/2004.
[41] Ernst Nolte, La guerre civile européenne, 1917-1945, op. cit.
[42] Observant cette réalité, je ne prends nullement parti dans la controverse qui a opposé
en Allemagne vers 1985-1987, au sujet de la genèse de la « Solution finale », les historiens
« intentionnalistes » et « fonctionnalistes » dont les travaux ont commencé d’être publiés à la
fin des années 1960. Les premiers, représentés notamment par Karl Dietrich Bracher, dans
une perspective téléologique, pensent que l’évolution du IIIe Reich résulte d’un plan annoncé
dans Mein Kampf et qu’Hitler a été le facteur déterminant du système conduisant à
Auschwitz. Face à cette thèse, les « fonctionnalistes », groupés autour de Martin Broszat
(longtemps directeur de l’Institut fur Zeitgeschichte de Munich) ont soutenu, dans une
approche plus sociologique, que le système nazi est le fruit d’une conjonction politico-sociale
multiple et d’une histoire complexe, notamment celle des années 1940-1941. En réalité, après
avoir fait la part des préjugés des uns ou des autres, et en restant sur le terrain
épistémologique, les deux approches se révèlent complémentaires. La politique du IIIe Reich
résulte tout à la fois de l’impulsion décisive d’Hitler, des multiples cercles du pouvoir et de
circonstances politiques et militaires souvent imprévisibles. Bibliographie : Karl Dietrich
Bracher, La Dictature allemande. Naissance, structures et conséquences du national-
socialisme (1re éd. : Cologne-Berlin, 1969, Privat, Toulouse, 1986). Martin Broszat, L’État
hitlérien. L’origine et l’évolution des structures du IIIe Reich (1re éd. : Munich, 1969, Fayard,
Paris, 1985).
[43] La locution « civilisation occidentale » est prise ici dans le sens ancien, comme
synonyme de civilisation européenne.
Chapitre 7
[1] Joseph Goebbels, Kampf um Berlin (1931), Combat pour Berlin, traduction Éditions
Saint-Just, Paris, 1966, pp. 19-20.
[2] Joseph Goebbels, op. cit., p. 16.
[3] On trouvera au chapitre 9 une analyse de Mein Kampf dans la perspective de la
politique étrangère.
[4] Le parti communiste allemand a publié en 1928 sous la signature de « A. Neuberg » un
manuel de la prise du pouvoir violente, L’insurrection armée (publié en 1931 par le PCF,
réédité en 1970 par Maspero, Paris), qui analyse entre autres le soulèvement de Hambourg en
octobre 1923 à la lumière de l’Octobre russe.
[5] Simone Weil, Œuvres complètes, Gallimard 1986, tome II, 2, p. 109.
[6] Anna Maria Sigmund, Les femmes du IIIe Reich, J.-C. Lattès, Paris, 2005.
[7] Georges Goriély, Hitler prend le pouvoir (Complexe, Bruxelles, 1991, p. 61). Même
constatation chez Philippe Burin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide (Le Seuil, Paris,
1989, p. 20).
[8] Issu du groupe Spartakus, le parti communiste allemand (KPD) a été fondé en
décembre 1919. L’année suivante, il a fusionné avec les socialistes « indépendants » (USPD).
Après l’échec de l’Octobre allemand de 1923, une nouvelle direction a été mise en place.
L’heure est venue de la « bolchevisation » du parti, c’est-à-dire de sa soumission à Moscou. À
partir de 1925, sous la direction de Thaelmann, le KPD applique avec discipline la ligne
« classe contre classe » qui conduit les communistes à mettre sur le même plan national-
socialisme et social-démocratie. Le KPD continuera d’appliquer cette politique après la prise
du pouvoir par Hitler.
[9] Léon Trotski, Comment vaincre le fascisme ?, p. 42.
[10] À Paris, informé par les socialistes allemands dont il reflète l’opinion, Léon Blum
exulte : « Hitler se trouve désormais exclu de l’espérance même du pouvoir ! »
[11] Erich Czech-Jochberg, cité par Ernst Nolte, La guerre civile européenne, op. cit., p. 54.
[12] Ernst Nolte, op. cit., p. 55.
[13] À ce jour, l’implication éventuelle des nationaux-socialistes dans l’incendie du
Reichstag n’a pu être établie.
[14] Camp de concentration : cette appellation n’a pas à l’époque la signification sinistre
qui lui sera donnée par la suite.
[15] Chiffre cité par Ernst Nolte, op. cit., pp. 60-63. À titre de comparaison, on estime à
600 000 (chiffre minimum) le nombre d’arrestations arbitraires en France lors de l’épuration
de 1944-45.
[16] Cité par Ernst Nolte, op. cit., p. 58.
[17] Accordés pour quatre ans, les pleins pouvoirs ne seront jamais remis en cause. Ils
serviront de base légale à la dictature jusqu’au 30 avril 1945.
[18] Xavier de Hauteclocque, À l’ombre de la croix gammée, Reportage. Les Éditions de
France, Paris, 1933.
[19] Bien qu’écrit avec l’intention implicite de culpabiliser le peuple allemand, le livre de
Götz Aly (Hitlers Volksstaat, S. Fischer Verlag, 2005) fournit à ce sujet des précisions.
Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005.
[20] Nationalpolitische Erziehungsanstalten, en abrégé Napola. Institution créée par
décret du 20 avril 1933 sur proposition d’un chef de la SA, Joachim Haupt. L’institution
passera sous le contrôle de la SS en 1939. On peut se reporter à Horst Ueberhorst, Elite für die
Diktatur, Droste Verlag, Düsseldorf, 1969.
[21] August von Kageneck, Lieutenant de Panzer, Perrin, Paris, 1994, p. 53.
[22] John Lukacs, La dernière guerre européenne, Fayard, Paris, 1977, p. 154.
[23] Les chantiers sont supervisés par Fritz Todt (1891-1942), officier de la Première
Guerre mondiale et ingénieur, membre du parti depuis 1922. Il se révélera un remarquable
organisateur des chantiers de construction routiers et des fortifications à l’ouest. Mort dans un
accident d’avion.
[24] Norbert Frei, L’État hitlérien et la société allemande, 1933-1945, traduction, Le Seuil,
Paris, 1994, pp. 131-132.
[25] Le Dr Schacht eut cependant raison contre Hitler quand il s’opposa à ses projets
d’économie autarcique et quand il lui reprocha de sous-estimer le commerce extérieur.
[26] Allusion à la promulgation des lois de Nuremberg, le 15 septembre 1935, qui retirent
aux Juifs allemands, sur des critères raciaux, les droits attachés à la nationalité allemande.
[27] Hans Joachim Schoeps, Bereit fur Deutschland. Des Patriotismus der deutscher
Juden (Haude & Spener, Berlin, 1970, p. 11). Cité par François Fédier, Introduction à
Heidegger, Écrits politiques (Gallimard, Paris, 1995, p. 13).
[28] Voir à ce sujet Ernst Nolte, op. cit., p. 64.
[29] Comte Harry Kessler, Journal, Grasset, Paris, 1972.
[30] La ferme dignité qu’il manifestera dans de nouvelles épreuves après 1945 exclut que
Carl Schmitt ait jamais pu céder à l’opportunisme.
[31] André Doremus, Carl Schmitt. Ex capivitate salus. Expériences des années 1945-1947,
J. Vrin, Paris, 2003, p. 111.
[32] Sur ce sujet, on peut se reporter à l’étude d’Alain de Benoist, L’affaire Carl Schmitt,
Revue Éléments, no 110, Paris, octobre 2003.
[33] Entretien accordé le 23 septembre 1966. Martin Heidegger interrogé par Der
Spiegel, traduction par Jean Launay, Le Mercure de France, Paris, 1977.
[34] Simone Weil, Œuvres complètes, op. cit., t. II, 1, p. 217.
[35] Textes intégralement publiés dans Heidegger, Écrits politiques, Introduction de
François Fédier, Gallimard, Paris, 1995.
[36] Sur les intentions de Heidegger et ses désillusions, on se reportera à l’étude très
complète de François Fédier dans son Introduction aux Écrits politiques, op. cit. À partir de
1938, défense sera faite de mentionner le nom de Heidegger dans les journaux, de discuter ses
écrits et de rééditer ses travaux.
[37] Oswald Spengler, Les années décisives, traduction en langue française, Mercure de
France, Paris, 1934. Réédition Copernic, Paris, 1980. Au chapitre 5, nous avons signalé le
soutien accordé par Mussolini à ce livre.
[38] Correspondance de Spengler citée par Alastair Hamilton, L’Illusion fasciste,
traduction Gallimard, Paris, 1973, p. 175.
[39] Lettre citée par Hamilton, op. cit., p. 178. L’essai Prussianité et socialisme fut publié
par Spengler en 1919, traduction française, Actes Sud, Arles, 1986.
[40] J’ai traité cette question dans mon essai, De Gaulle, la grandeur et le néant, Le
Rocher, Monaco, 2004.
[41] Hindenburg meurt le 2 août 1934 à 87 ans.
[42] Sur cette crise et sur sa conclusion, on consultera Norbert Frei, L’État hitlérien et la
société allemande, 1933-1945, op. cit. Cet ouvrage très documenté s’appuie sur de nombreux
travaux d’historiens allemands cités en référence.
[43] Voir à ce sujet Jean Philippon, La Nuit des longs couteaux. Histoire d’une intox,
Armand Colin, Paris, 1992.
[44] L’expression « Nuit des Longs Couteaux », qui, dans le folklore nazi, avait la même
signification que le « Soir du Grand Soir » pour les communistes, vient d’un chant de la SA qui
s’inspirait lui-même du souvenir des officiers prussiens de 1806. Pour défier la France
révolutionnaire (et napoléonienne), ceux-ci avaient fait le geste symbolique de venir aiguiser
leurs sabres sur les trottoirs de l’ambassade de France à Berlin : Wetzt die langen Messer an
dem Bürgersteig (« Aiguisons les longs couteaux sur les trottoirs »). Jean Mabire, Röhm,
l’homme qui inventa Hitler, Fayard, Paris, 1983.
[45] À la suite du décret du 28 février 1933 sur « la protection du peuple et de l’État »,
Hitler a ordonné de constituer une garde spéciale pour sa sécurité personnelle, 120 SS triés
sur le volet, commandés par Sepp Dietrich. Cette troupe prend la garde aux portes de la
chancellerie. Au congrès de septembre 1933, Hitler lui remet son drapeau et lui donne son
nom définitif : Leibstandarte SS Adolf Hitler. Ses effectifs ne cesseront d’augmenter. Elle
deviendra la 1re SS-Panzerdivision de la Waffen SS en juin 1941.
[46] Le SD (Sicherheitsdienst : service de renseignement) a été créé au sein de la SS le
5 octobre 1931. Il est placé sous la direction de Reinhard Heydrich. Lorsque Himmler parvient
à prendre le contrôle de toutes les polices allemandes, notamment celle de Prusse, le 10 avril
1934, la Gestapo (police secrète d’État), créée un an plus tôt, passe sous le contrôle du SD et de
Heydrich.
[47] Placé en résidence surveillée, Franz von Papen accepte peu après le poste
d’ambassadeur à Vienne puis à Ankara où il restera jusqu’à la fin de la guerre.
[48] Le pouvoir avouera 83 exécutions qui sont donc indiscutables. La liste nominative du
Weissbuch (Livre blanc) publié en exil par des opposants comprend 116 noms.
[49] Cité par Norbert Frei, op. cit., p. 67.
[50] La SS ne constitue jusqu’alors qu’une fraction de la SA. Le 20 juillet 1934, elle
deviendra autonome et son Reichsführer sera placé sous l’autorité personnelle et directe
d’Hitler dont il a toute la confiance. Entre-temps, Himmler a su manœuvrer pour se faire
attribuer la haute main sur l’ensemble des forces de police et de sécurité du Reich.
N’échapperont à son contrôle (jusqu’au 20 juillet 1944) que les services de police et de
renseignement dépendant de l’Armée.
[51] Carl Schmitt, Der Führer schützt das Recht (Deutsche Juristen-Zeitung, 39, 1934).
Voir aussi David Cumin, Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle, Cerf, Paris, 2005.
[52] Carl Schmitt, Théologie politique, 1922.
[53] Norbert Frei, op. cit., p. 69. On se reportera aussi à François-Georges Dreyfus, Le
IIIe Reich, Le Livre de Poche Références, Paris, 1998.
[54] Adolf Hitler, op. cit., édition française, p. 111.
[55] Norbert Frei, op. cit., p. 236.
[56] Gordon Craig, The New York Review of Books, no 18, 1997.
[57] Norbert Frei, op. cit., pp. 239-240.
[58] Norbert Frei, op. cit., p. 240.
[59] Adolf Hitler, op. cit., édition française, p. 111.
Chapitre 8
[1] Cette statue a été retirée en catimini dans la nuit du 17 mars 2005 par décision du
Premier ministre socialiste, Zapatero. Le directeur du quotidien madrilène ABC, Ignacio
Camancho, protestera contre cette décision « visant à brandir de façon rétroactive le spectre
de la guerre civile… Ce geste sectaire n’est rien d’autre qu’une tentative maladroite de dresser
un écran de fumée pour dissimuler l’absence de projet commun ».
[2] Hugh Thomas, La guerre d’Espagne, Robert Laffont, Paris, 1961.
[3] Notamment Julian Gorkin, Les communistes contre la révolution espagnole, Belfond,
Paris, 1978 ; Pierre Broué, Staline et la Révolution, le cas espagnol, Fayard, Paris, 1993 ;
Arnaud Imatz, La guerre d’Espagne revisitée, Économica, Paris, 1993 ; Bartolomé Bennassar,
La guerre d’Espagne et ses lendemains, Perrin, Paris, 2005.
[4] Pio Moa a publié : Los orígenes de la Guerra Civil española, Encuentro, 1999 ; Los
personajes de la República vistos por ellos mismos, Encuentro, 2000 ; El Derrumbe de la
Segunda República y la Guerra Civil, Encuentro, 2001 ; Los Mitos de la Guerra Civil, La
Esfera de los Libros, 2003 ; Crímenes de la Guerra Civil y otras polémicas, La Esfera de los
Libros, 2003 ; 1934 : Comienza la Guerra Civil. PSOE y la Esquerra emprenden la contienda,
Altera, 2004.
[5] Pio Moa, entretien recueilli par Arnaud Imatz, publié dans La Nouvelle Revue
d’Histoire, no 17, mars-avril 2005, Paris.
[6] Philippe Conrad, Histoire de la Reconquista, PUF, Que sais-je ? no 3287, Paris, 1998.
[7] Jean-Noël Brégeon, Napoléon et la guerre d’Espagne, Perrin, 2006.
[8] Idalecio Prieto, Discursos en America, Éditions. Tollocan, Mexico, 1944, p. 102.
[9] R. Paseyro, L’Espagne sur le fil, Robert Laffont, Paris, 1976, p. 156.
[10] On respecte ici le vocabulaire espagnol de l’époque qui parle de « nationaux » pour les
insurgés et non de « nationalistes ».
[11] Bartolomé Bennassar, Franco, Perrin, Paris, 1995.
[12] Arnaud Imatz, La guerre d’Espagne revisitée, Économica, 1993, p. 30.
[13] Bernardo Gil Mugarza, España en llamas, Editions Acervo, Barcelone, 1968, p. 6. Cet
ouvrage rassemble sur les deux camps plusieurs centaines de témoignages et plus de mille
photos qui sont d’un intérêt exceptionnel pour comprendre et sentir l’atmosphère de l’époque.
On se reportera aussi à l’important dossier publié en juillet 2005 dans La Nouvelle Revue
d’Histoire, no 25, avec la participation de Stanley Payne, Pio Moa, César Vidal, Angel David
Martin, Ricardo de La Cierva, Miguel Ayuso et Arnaud Imatz.
[14] Bernardo Gil Mugarza, op. cit.
[15] Pio Moa, entretien à La Nouvelle Revue d’Histoire no 17, 2005, op. cit.
[16] Dans l’armée espagnole, l’insigne de grade des officiers est l’étoile.
[17] Marcela Gaya y Delrue, Combattre pour Madrid, La Pensée Moderne, Paris, 1964.
[18] Vincente Rojo, Alerta a los pueblos ! Éditions Aniceto Lopez, Buenos Aires, 1939,
pp. 268-272.
[19] Manuel Azaña, Obras completas, Mexico, Éditions Oasis.
[20] Capitale espagnole au temps des rois wisigoths, Tolède fut aussi le symbole de la
Reconquista. L’Alcazar de Tolède était devenu l’Académie d’infanterie. Encerclés dès les
débuts de la guerre civile par les républicains, les 1760 défenseurs aux ordres du colonel
Moscardo refusèrent de se rendre, soutenant un siège difficile pendant deux mois. Les
républicains, ayant capturé le fils du colonel Moscardo, l’utilisèrent comme otage au cours
d’une conversation téléphonique célèbre. Comme le jeune homme disait qu’il serait exécuté si
la place ne capitulait pas, son père répondit simplement : « Recommande ton âme à Dieu,
mon fils, et meurs en héros. Au revoir, mon enfant, un dernier baiser. » Le jeune homme fut
exécuté.
[21] Jean-Claude Valla, Ledesma Ramos et la Phalange espagnole, Les Cahiers Libres
d’Histoire, no 10, Paris, 2003.
[22] La liste des morts de la Phalange a été publiée par Arnaud Imatz, José Antonio et la
Phalange espagnole, Albatros, Paris, 1981, pp. 139-147.
[23] Sur toute cette question, on renverra à la thèse d’Arnaud Imatz, José Antonio et la
Phalange (Albatros, Paris, 1981), chapitre consacré à la Vie intellectuelle, culturelle et morale,
pp. 532 sqq. On se reportera aussi à Andrée Bachoud, Franco, Fayard, Paris, 1997, pp. 195-
200, 453-454.
[24] Cité par Arnaud Imatz, op. cit., p. 540.
[25] Cité par Arnaud Imatz, op. cit.
Chapitre 9
[1] Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1934. L’ouvrage est toujours disponible.
[2] Ce qu’il dit de la psychologie des foules n’a rien perdu de son intérêt.
[3] Finalement, la guerre ne sera pas utilisée, la menace ayant suffi, sauf pour Dantzig, ce
qui déclenchera le conflit mondial.
[4] Dans les années vingt et trente, l’Italie et l’Angleterre réprouvent en effet la politique de
force pratiquée par la France contre l’Allemagne. Il est surprenant qu’Hitler n’ait pas compris
que l’Angleterre, fidèle à sa politique constante d’équilibre européen, modifierait sa position
dès lors qu’une Allemagne relevée ferait figure de puissance continentale dominante.
[5] C’est une différence marquante avec le fascisme italien qui n’était nullement antisémite
et compta nombre de Juifs parmi ses partisans. Cela jusqu’au moment où son alliance avec
Hitler provoquera, notamment aux États-Unis, des campagnes de presse hostiles de la part de
journalistes juifs. Par réaction, Mussolini édictera en 1938 des lois antisémites qui seront peu
appliquées. Nous avons rappelé par ailleurs (chapitre 7) qu’en 1933, les Juifs qui en Allemagne
se sentaient patriotes ont marqué publiquement leur soutien au pouvoir national incarné par
Hitler.
[6] Article de Dominique Sordet (Inter-France, 5 juin 1943). Dominique Sordet (1890-
1945) était le fils du général Sordet qui commandait la cavalerie française en 1914. Officier lui-
même et musicologue, blessé deux fois en 14-18, il devient critique musical à L’Écho national
d’André Tardieu, puis à L’Action française après avoir quitté l’armée après 1918. Il fonde en
1937 l’agence de presse Inter-France à laquelle il donne un grand rayonnement. Rallié très tôt
à l’idéologie de la collaboration, ce qui lui valut de rompre avec Maurras, il relance Inter-
France à Vichy puis à Paris avec l’accord des autorités d’occupation, diffusant des
informations reprises par les journaux des deux zones, ce qui est un cas unique. À la
Libération, il parvient à échapper aux polices de l’Épuration et meurt peu après. Cf. D. Venner,
Histoire de la Collaboration (Dictionnaire des acteurs, partis et journaux), Pygmalion, Paris,
2002.
[7] Ancien dirigeant de la Garde de Fer roumaine, Horia Sima écrira en exil Destinée du
nationalisme (P.E.G., Paris, 1951), livre qui comporte une critique charpentée de la politique
hitlérienne dont son propre mouvement avait été victime. Horia Sima sera lui-même déporté à
Buchenwald de 1941 à 1944.
[8] Sur la bonne image du fascisme italien avant 1933, on se reportera au chapitre 5. Dans
son ouvrage, La Guerre civile européenne (Les Syrtes, Paris, 2000), Ernst Nolte donne de
nombreux exemples prouvant l’attitude favorable d’une partie des milieux dirigeants
britanniques à l’égard du IIIe Reich, au moins jusqu’en 1938.
[9] Arthur Koestler, Hiéroglyphes, tome II, Livre de Poche, 1978.
[10] Sean McMeekin, The Red Millionaire : A political Biography of Willy Münzenberg
(2004). « Dossier Münzenberg », publié par la revue Communisme, no 38-39 (L’Âge
d’Homme, 1994). On trouvera également des informations dans Stephen Koch, La Fin de
l’innocence (Grasset, 1994), ainsi que dans Thierry Wolton, Le Grand Recrutement (Grasset,
1993).
[11] Münzenberg finira assassiné par le NKVD en France, en juillet 1940.
[12] La seule « internationale » sera celle de la Waffen SS après 1942, lorsque les nécessités
de la guerre conduiront Hitler à autoriser la SS à recruter sous son contrôle des volontaires
européens et à constituer des unités « nationales » formées d’étrangers. Pour une synthèse, on
peut se reporter à D. Venner, Histoire de la Collaboration (nouvelle édition, Pygmalion, Paris,
2002), pp. 481-490, 499-502. On consultera également les ouvrages de Jean Mabire consacrés
aux divisions de la Waffen SS (Fayard et Grancher). On se reportera aussi à Henri Landemer,
La Waffen SS (Balland, 1972) et à Frédéric Reder, La Waffen SS (Grancher, 1975). On peut
également se reporter au témoignage romancé de Saint-Loup, Les Hérétiques (Presses de la
Cité, Paris, 1965), ainsi qu’au mémoire de maîtrise de Jérôme Moreau, Sous le signe de la roue
solaire. Itinéraire politique de Saint-Loup (L’Æncre, Paris, 2002).
[13] Notamment le général de Gaulle pour qui l’URSS était la Russie de toujours et Staline
une sorte de tsar.
[14] Pour le détail de la politique étrangère et militaire du Reich, on se reportera à Jacques
Benoist-Méchin, Histoire de l’Armée allemande, édition complétée en deux volumes (1918-
1937 et 1937-1939), Albin Michel/Robert Lafont/Bouquins, Paris, 1964 et 1966. On consultera
aussi Philippe Masson, Hitler, chef de guerre, Perrin, Paris, 2005.
[15] Le contenu de cette conférence a été publié par Benoist-Méchin, op. cit., volume 2,
pp. 30-38. Voir également John Lukacs, La dernière guerre européenne, traduction Fayard,
Paris, 1977.
[16] La révélation n’en sera faite qu’en 1946 devant le tribunal de Nuremberg.
[17] Au sujet du Protocole Hossbach, dans l’Histoire de l’Armée allemande (op. cit.,
2e volume, p. 39, n. 1), Benoist-Méchin écrit : « Ce compte rendu a été largement utilisé [par
l’accusation] au procès de Nuremberg. Le fait qu’il ait été rédigé de mémoire, cinq jours après
la conférence, malgré les consignes formelles du Führer, et n’ait été contresigné par aucun des
participants, a amené certains auteurs à contester sa véracité. Les opinions violemment
antinazies d’Hossbach peuvent fort bien l’avoir amené à déformer certaines paroles d’Hitler. Il
n’en reste pas moins que les propos que lui prête Hossbach recoupent si exactement certains
de ses écrits (notamment son second ouvrage sur L’Expansion du IIIe Reich) qu’on peut les
considérer comme un reflet fidèle de sa pensée à condition de ne pas présenter comme des
affirmations péremptoires ce qui n’est qu’une succession d’hypothèses, et de ne pas transcrire
au futur ce qui est conditionnel. Nous possédons sur ce point le témoignage de Goering : « Le
Protocole Hossbach contient toute une série de points qui correspondent exactement aux
déclarations du Führer. Il y en a d’autres en revanche que le Führer n’a pas exprimés sous
une forme aussi catégorique (J.M.T., IX S., p. 344). » La véracité du Protocole Hossbach a été
contestée notamment par Dankwart Kluge, Das Hossbach-Protokoll : die Zerstörung einer
Legende, Druffel, Leonie am Starnberger See, 1980.
[18] Benoist-Méchin, op. cit., p. 41. Le texte du contre-mémorandum du général Beck a été
publié par A. von Ribbentrop, Verschwörung gegen den Frieden, pp. 82-84 (12 novembre
1937).
[19] Günther Maschke, Le continent de la démesure. La critique national-socialiste du
capitalisme et de l’impérialisme américain. Étude publiée en 1987 dans la revue autrichienne
Aula (Graz), traduction par Jean-Louis Pesteil dans la revue Orientations, no 10, juin-
juillet 1988 (Bruxelles).
[20] Ernst Nolte, La guerre civile européenne, Les Syrtes, Paris, 2000, pp. 63-64, 530. À
partir de 1937, Hollywood commence à produire des films antinazis. Terre d’Espagne de Joris
Ivens (1937), film farouchement antifranquiste, aura une grande influence sur F. D. Roosevelt
lui-même. (Marc Ferro, Cinéma et histoire, Folio, 1993, p. 249.)
[21] Ronald Kessler, Les Péchés du père, traduction Albin Michel, Paris, 1996.
[22] Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix, Flammarion, Paris, 1952, p. 184.
[23] Oberkommando der Wehrmacht (OKW), commandement suprême des forces armées
créé le 4 février 1938 et placé sous l’autorité directe du Führer qui cumule les fonctions de
ministre de la Guerre et de commandant en chef des armées.
[24] Cité par Ernst Nolte, La guerre civile européenne, op. cit., p. 63.
[25] Cité par J.F.C. Fuller, L’Influence de l’armement sur l’histoire, Payot, Paris, 1948,
p. 227.
[26] John Lukacs, La dernière guerre européenne, op. cit., pp. 421-423.
[27] Évoquant l’évolution de l’opinion américaine, l’historien américain John Lukacs (op.
cit., p. 422) cite un article du sénateur Robert A. Taft dans le magazine The Nation du
13 décembre 1941 : « J’ai reçu des milliers de lettres de partisans des deux solutions et je puis
dire sans risque d’erreur que […] les partisans de l’intervention sont généralement des
hommes d’affaires des grandes villes, des journalistes, des communistes et des
universitaires. »
[28] « Je ne croyais pas un mot de toutes ces billevesées », écrit le ministre français des
Affaires étrangères Georges Bonnet dans ses Mémoires. Mais ce sont elles qui vont décider
(Georges Bonnet, Dans la tourmente, 1933-1948, Fayard, Paris, 1971, p. 48). Dans ses
souvenirs, Benoist-Méchin rapporte une conversation qu’il eut en août 1939 avec le
généralissime Gamelin qui lui déclare : « Le jour où la guerre sera déclarée à l’Allemagne,
Hitler s’effondrera… Nous entrerons alors en Allemagne comme dans du beurre. » (Benoist-
Méchin, À l’épreuve du temps, tome I, 1905-1940, Julliard, Paris, 1989, p. 302).
[29] Les premières approches en vue d’un accord avaient été le fait des Soviétiques qui,
malgré leur antifascisme, souhaitaient maintenir des relations avec l’Allemagne. Dès le
12 août, devant Ciano, Hitler annonce que les Soviétiques acceptent l’envoi d’un négociateur,
sans que l’on connaisse l’origine précise de cette première initiative. Elle est suivie d’un
télégramme de Ribbentrop à son ambassadeur à Moscou, le 14 août, disant qu’il est prêt à se
rendre en Russie. Puis, le 20 août, Hitler envoie personnellement à Staline un message
demandant que Ribbentrop soit reçu sans délai. C’est la première fois depuis 1917 qu’un chef
d’État européen s’adresse directement au représentant de la révolution bolchevique. Staline
donne son accord le 21 à 17 heures. Ribbentrop sera reçu le 23.
[30] John Lukacs, op. cit., p. 422, no 2.
[31] Sur le déroulement des journées précédant le déclenchement de la guerre, on se
reportera au récit qu’en fait A.J.P. Taylor, Les origines de la Deuxième Guerre mondiale,
traduction aux Presses de la Cité, Paris, 1961, chapitre XI.
[32] Les chevaux continueront de jouer un très grand rôle, dans la Wehrmacht, tout au
long de la Seconde Guerre mondiale, ainsi dans les transports hippomobiles. Mais ils
n’interviennent plus dans les unités de combat en première ligne, sinon dans la guerre de
partisans.
[33] Cité par Philippe Masson, Hitler, chef de guerre, Perrin, Paris, 2005.
[34] Philippe Masson, op. cit., p. 221.
[35] Un ancien officier soviétique, Victor Suvorov, a publié en 1989 une thèse retentissante
(Le brise-glace, Orban, Paris, 1989). Cette thèse a reçu le soutien de l’historien polonais Jean
Zamojski. Elle prétend qu’en juin 1941, Hitler n’a fait que devancer de peu l’attaque que
Staline aurait lui-même conçue contre l’Allemagne. Cette thèse ne repose sur aucune preuve
indiscutable mais sur l’interprétation hasardeuse de certains faits. Elle se heurte à plusieurs
objections majeures, à commencer par la date de la décision d’Hitler : 31 juillet 1940. N’ayant
pas la force navale voulue pour vaincre l’Angleterre, Hitler pense disposer de la force terrestre
pour remporter une victoire rapide sur la Russie, ce qui contraindra l’Angleterre à négocier.
Les mémoires d’anciens officiers soviétiques entrés ensuite en dissidence (général Grigorenko
entre autres) confirment l’état d’impréparation de l’armée soviétique en juin 1941, ce que
prouveront aussi les fulgurantes victoires allemandes. En juin 1941, confiera beaucoup plus
tard Molotov, « nous savions que la guerre était proche, que nous étions moins forts que
l’Allemagne, qu’il nous faudrait battre en retraite. […] Nous avons tout fait pour retarder
l’échéance. […] Staline ne voulait absolument pas de la guerre » (Conversations avec Molotov,
enregistrées par Tchouev et publiées par Albin Michel en 1995). Il ne la voulait pas en 1941,
mais il la préparait pour 1943.
[36] On sait que le président Roosevelt sera accusé d’avoir volontairement négligé la
défense de Pearl Harbor afin de provoquer un choc psychologique capable de vaincre les
réticences de l’opinion.
[37] Réalité analysée par Carl Schmitt, La Mer contre la Terre, texte écrit en 1941 et repris
dans le recueil Du politique, Pardès, Puiseaux, 1990, pp. 137-141.
[38] Erich von Manstein, Victoires perdues, Plon, Paris, 1958.
[39] Roger Dufraisse, Le Troisième Reich. Contribution à l’ouvrage collectif, Les empires
occidentaux de Rome à Berlin, sous la direction de Jean Tulard, PUF, Paris, 1997, pp. 473-
474.
[40] Roger Dufraisse, op. cit.
[41] Wolfgang Venohr, Profils prussiens, Gallimard, Paris, 1983.
[42] Wilfried Strick-Strickfeld, Contre Staline et Hitler. Le général Vlassov et le
mouvement de libération russe, Presses de la Cité, Paris, 1971.
[43] L’armée Vlassov (ROA) ne doit pas être confondue avec les unités auxiliaires de police
et les formations « contre-terroristes » créées sur les arrières du front par la SS.
[44] Sur cette indignité, on peut se reporter à l’enquête de Nicolas Tolstoï, Les victimes de
Yalta, France-Empire, Paris 1980. Dans L’Archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne a décrit
le calvaire de ces réprouvés dans les camps soviétiques. Le film Vent d’Est (Robert Enrico,
1993) fait revivre cette tragédie.
[45] Selon le général Grigorenko qui a recueilli des témoignages soviétiques de première
main, ces exécutions ont été faites dans des conditions atroces, par empalement (Mémoires,
Presses de la Renaissance, Paris, 1980).
[46] Ph. Masson, op. cit., p. 124.
[47] Freytag von Loringhoven, Dans le bunker de Hitler, Perrin, Paris, 2005, p. 85.
[48] En revanche, l’interprétation de Joseph Goebbels en dément halluciné n’est pas plus
crédible que celle d’Eva Braun en fofolle allumée.
[49] Témoignage recueilli par Nicolas Bourcier, Le Figaro, 6 janvier 2005.
[50] Le Figaro, 5 et 6 mars 2005. Bernd Freytag von Loringhoven a publié ses souvenirs
recueillis par François d’Alançon, Dans le bunker de Hitler, Perrin, 2005.
[51] Maurice Pinguet, La Mort volontaire au Japon, Gallimard, Paris, 1984, p. 264.
[52] Cité par Ph. Masson, op. cit.
[53] Georges-Henri Soutou, L’Or et le sang. Les buts économiques de la Première Guerre
mondiale, Fayard, Paris, 1989.
[54] François Furet, Le Passé d’une illusion, Robert Laffont/Calmann-Lévy, Paris, 1995.
[55] Stéphane Courtois n’était pas communiste, mais gauchiste. Sous sa direction a été
publié en 1997 Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, Paris. Quelques années après, il
a révélé dans un nouveau livre à quels obstacles s’était heurtée en France la diffusion du Livre
noir (Du passé faisons table rase, Robert Laffont, Paris, 2002).
[56] Alain Besançon, Le malheur du siècle. Communisme-Nazisme-Shoah. Fayard, 1998 et
Perrin collection Tempus, Paris, 2005, p. 10.
[57] Alain Besançon, Discours prononcé à l’Institut de France lors de la séance publique
annuelle du 21 octobre 1997. Texte repris en annexe de l’essai, Le malheur du siècle, op. cit.,
p. 157.
[58] Thomas Nipperdey, Réflexions sur l’histoire allemande (1986), traduction Gallimard,
Paris, 1992, pp. 307-309.
[59] Entretien recueilli par Jacques de Saint-Victor, Le Figaro, 5 et 6 mars 2005.
[60] Jörg Friedrich, Der Brand, traduction française : L’Incendie. L’Allemagne sous les
bombes, 1940-1945, Éditions de Fallois, 2004.
[61] Antony Beevor, La chute de Berlin, Éditions de Fallois, 2003. Heinz Nawratil, Le Livre
noir de l’expulsion. L’épuration ethnique des Allemands en Europe centrale et orientale,
1945-1948, Éditions Akribeia, 2001.
[62] Günter Grass, traduction française, En crabe, Le Seuil, 2003. La version allemande a
été vendue à plus de cinq millions d’exemplaires.
[63] Jörg Friedrich, Der Brand, op. cit.
Chapitre 10
[1] Cité par Gert Buchheit, Le complot des généraux contre Hitler, traduction Arthaud,
Paris, 1967, p. 304.
[2] Pour plus de précisions, on se reportera sur ce point à mon Histoire de la
Collaboration (Pygmalion, 2000), pp. 503-521. Les questions concernant les chiffres de
l’épuration sont examinées avec précision.
[3] Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Robert Laffont, Paris, 1991.
[4] Georges-Henri Soutou, La guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest, 1943-
1990, Fayard, Paris, 2001. Au vu des archives soviétiques, l’auteur estime que, dans l’esprit de
Staline, « si la crise pouvait déboucher sur une situation révolutionnaire, en tout cas en France
où, à la différence de l’Italie, il n’y avait pas à ce moment-là de troupes anglo-américaines, il
fallait se tenir prêt à exploiter cette opportunité » (p. 187).
[5] Raymond Aron, Mémoires, Julliard, Paris, 1983. En 1988, parut aux États-Unis un
essai de Paul Kennedy, professeur à Yale, qui fit grand bruit. Il y abordait de front la question
du déclin des États-Unis qui lui semblait une évidence. Le titre de son ouvrage en annonçait
l’esprit : The Rise and Fall of the Great Powers (Naissance et déclin des grandes puissances,
traduction Payot, Paris, 1991).
[6] Sur l’évolution des anciennes « démocraties populaires » on peut consulter l’ouvrage
collectif réalisé sous la direction de Stéphane Courtois, Le jour se lève. L’héritage du
totalitarisme en Europe, 1953-2005, Le Rocher, Monaco, 2006.
[7] En France, on songe à Thierry Maulnier (La face de méduse du communisme,
Gallimard, 1952), Jules Monnerot (Sociologie du communisme, Gallimard, 1953), Raymond
Aron (L’Opium des intellectuels, Calmann-Lévy, 1955).
[8] Milan Kundera, Les testaments trahis, Gallimard, Paris, 1993.
[9] Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1920, Plon, Paris, 1964,
p. 250.
[10] Denis de Rougemont, Vingt-huit siècles d’Europe, Payot, Paris 1961
[11] D. Barjot et Ch. Réveillard, L’Américanisation de l’Europe occidentale au XXe siècle.
Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2002.
[12] Les six membres fondateurs sont la France, l’Allemagne (RFA), l’Italie et le Benelux
(Belgique, Pays-Bas, Luxembourg).
[13] François-Georges Dreyfus, De Gaulle et l’Europe, La Nouvelle Revue d’Histoire,
no 20, septembre-octobre 2005, p. 60.
[14] On se reportera au dossier de La Nouvelle Revue d’Histoire, no 16, janvier-
février 2005, La Turquie et l’Europe. Voir également Christophe Réveillard, Les impasses de
l’Union européenne, La Nouvelle Revue d’Histoire, no 20, septembre-octobre 2005, p. 55.
[15] Raphaël Logier, Géopolitique du christianisme, Ellipse, Paris, 2003, p. 179.
[16] Paul-Marie Dioudonnat, Paroles d’évêques, XIXe-XXe siècle, Sedopols, Paris, 2005,
p. 9.
[17] Mgr Paul Guiberteau, dans l’ouvrage collectif Histoire de Dieu, Le Rocher, Monaco,
2002, p. 276.
[18] On peut consulter à ce sujet, du même auteur : De Gaulle, la grandeur et le néant, Le
Rocher, Monaco, 2004.
[19] Romain Gary, Le Monde, 23 juin 1968.
[20] Parmi les intellectuels de premier plan opposés à l’idéologie dominante, citons
Raymond Aron, Thierry Maulnier, Jules Monnerot et Julien Freund. En 1968, la droite
littéraire, dont la figure emblématique était Jacques Laurent, avait déserté le combat
intellectuel qui fut, un temps, repris par un courant jeune et entreprenant, celui de la Nouvelle
Droite. Voir à ce sujet Alain de Benoist, Les idées à l’endroit (Éditions Libres-Hallier, Paris,
1979) et Pierre-André Taguieff, Sur la Nouvelle droite (Descartes & Cie, Paris, 1994).
[21] Sous la direction de Jean Tulard, La contre-révolution, origines, histoire, postérité,
Perrin, Paris, 1990. Gérard Gengembre, La Contre-Révolution ou l’histoire désespérante,
Imago, Paris, 1989.
[22] Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution (1856).
[23] Edmund Burke, Réflexions sur la révolution de France (1790). Traduction Hachette
Pluriel, 1989, préface de Philippe Raynaud.
[24] Il y eut des exceptions. On pense au comte de Montlosier (1755-1838), député de la
noblesse en 1789. Lucidement opposé au doublement du tiers, il se range ensuite aux idées des
« monarchiens », estimant qu’une voie moyenne peut sauver la monarchie, se montrant
favorable à une constitution à l’anglaise (sans doute avait-il lu Burke). À la tribune, il défend
avec véhémence l’autorité royale. Ayant émigré à l’armée des princes en 1792, il rejoint ensuite
l’Angleterre, fonde un journal avant de se rallier à Bonaparte sous le Consulat. Après avoir
accueilli avec joie la Restauration, il fait campagne pour les idées gallicanes contre les
ultramontains qu’il appelle le « parti prêtre ». Ayant refusé jusqu’au bout de se rétracter, il ne
reçut pas les sacrements et fut enterré civilement.
[25] Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30, Le Seuil, Paris,
1969. L’auteur retenait principalement trois tendances : la « Jeune Droite », associée à la
revue Combat et à son animateur, le jeune Thierry Maulnier ; la revue L’Ordre nouveau,
fondée en 1933 par Robert Aron, Armand Dandieu et Alexandre Marc ; enfin la revue Esprit,
fondée en 1932 par Emmanuel Mounier.
[26] Nicolas Kessler, Histoire politique de la Jeune Droite, L’Harmattan, Paris, 2001.
[27] Dès 1933, Ernst Jünger, Oswald Spengler et Ernst von Salomon ont compté parmi les
premiers opposants à Hitler.
[28] Fusillés : Georges Suarez, Paul Chack, Robert Brasillach, Jean Hérold-Paquis, Jean
Luchaire. Suicidés : Jean Fontenoy, Pierre Drieu la Rochelle. Condamnés à mort non
exécutés : André Algarron, Jacques Benoist-Méchin, Henri Béraud, Abel Bonnard, Alphonse
de Châteaubriant, Pierre-Antoine Cousteau, Lucien Rebatet. Emprisonnés puis interdits de
profession durant une période variable : Jean Ajalbert, Arletty, Marc Augier, René Benjamin,
Pierre Benoit, Jacques Boulenger, Céline, Jacques Chardonne, Jacques Chevallier, Georges
Claude, Lucien Combelle, Pierre Dominique, Alfred Fabre-Luce, Bernard Faÿ, André
Fraigneau, Pierre Fresnay, Jean Giono, Bernard Grasset, Sacha Guitry, Abel Hermant,
Edmond Jaloux, Claude Jamet, Alain Lambreaux, François Gaucher, Henri Massis, Charles
Maurras, etc.
[29] Parmi les grands intellectuels ostracisés en dépit de leur qualité d’anciens résistants,
mais en raison de la non-conformité de leur pensée, on peut citer les sociologues Julien
Freund et Jules Monnerot.
[30] Ce paradoxe est longuement analysé dans mon essai, De Gaulle, la grandeur et le
néant, Le Rocher, Monaco, 2004. La constitution de 1958 révisée en 1962 (élection du
président de la République au suffrage universel) est sans doute le cadre institutionnel le
mieux adapté à la tradition française, hormis le préambule sur les « droits de l’homme » qui
en dénature l’esprit. Il y a incompatibilité entre la métaphysique des « droits » abstraits, ceux
de l’homme non moins abstrait des Lumières, et le droit de la nation vivante et celui des
nationaux concrets. Logiquement, le droit de la nation et des nationaux aurait dû faire l’objet
d’une réflexion de fond afin d’être proposé à l’approbation des Français pour devenir leur loi
fondamentale.
[31] Flora Montcorbier, Le communisme de marché, L’Âge d’Homme, Lausanne, 1999.
[32] Dans Le Monde du 16 novembre 2001.
[33] Thème développé par Emmanuel Todd dans L’illusion économique (Gallimard, 1997).
Pierre-André Taguieff que cite Todd parle de « dénationisation ».
[34] Le « fasciste » est alors défini comme « un type qui porte une cravate et met des
gants ». Dans cette vision infantile, l’archétype du « fasciste » était le général de Gaulle.
[35] Hétérotélie ou paradoxe de conséquences : opposition entre les intentions et le
résultat de l’action historique.
[36] Samuel Huntington s’en est inquiété dans son livre Qui sommes-nous ? Traduction
Odile Jacob, Paris, 2004.
[37] Jean-François Kahn, Marianne, 1er juin 2005.
[38] Pierre Clermont, De Lénine à Ben Laden. La grande révolution antimoderne du
XXe siècle, Le Rocher, Monaco, 2004, collection « Démocratie ou Totalitarisme ». L’auteur est
un journaliste, ancien responsable fédéral du parti communiste français, converti au
libéralisme.
[39] Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme (1951), traduction sous le titre Le
système totalitaire, sous-titre Les origines du totalitarisme, Le Seuil, Paris, 1972.
[40] Emilio Gentile, La Voie italienne au totalitarisme, traduction Philippe Baillet, Le
Rocher, Monaco, 2004.
[41] Le document publié le 20 septembre 2002 par le gouvernement américain pour
définir sa « stratégie nationale de sécurité (The National Security Strategy of the United
States of America) commence par ces mots : « Les luttes incessantes qui, au XXe siècle, ont
opposé totalitarisme et liberté se sont terminées par la victoire décisive des forces de la liberté
et par un seul modèle acceptable pour la réussite des nations : la liberté, la démocratie et la
libre entreprise. »
[42] Au chapitre 5, nous avons déjà rappelé en note qu’en dehors de rares actions
imputables aux services secrets, de l’assassinat de Matteotti et des violences de rue, séquelles
de la guerre civile des années 20, hormis également les faits de guerre et ceux de la
colonisation, il n’y a en Italie fasciste de 1923 à 1940 que neuf exécutions politiques (et dix-
sept autres jusqu’en 1943). Données fournies par l’historien américain S. G. Payne (Franco y
José Antonio. El extrano caso del fascismo espanol, Planeta, Barcelone, 1997, p. 32).
[43] Entretien entre Emilio Gentile et Dominique Venner, La Nouvelle Revue d’Histoire,
no 16, pp. 23-26, janvier-février 2005, Paris. Sur le même sujet, je renvoie également à mon
entretien avec l’historien allemand Ernst Nolte (Éléments, no 98, pp. 18-21, mai 2000, Paris).
[44] In God We Trust : Nous plaçons notre confiance en Dieu. In Gold We Trust : Nous
plaçons notre confiance dans l’or… Pour l’interprétation de la mentalité américaine, on se
reportera à Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1920, traduction
Plon, Paris, 1964), notamment le chapitre 2, « L’esprit du capitalisme ». On consultera
également Thomas Molnar, L’américanologie. Triomphe d’un modèle planétaire ? L’Âge
d’Homme, Lausanne, 1991.
[45] En février 2002, quelques semaines après les bombardements américains en
Afghanistan, soixante intellectuels américains de premier plan ont signé un long manifeste
approuvant la « guerre juste » menée par leur pays, réaffirmant sa manifest destiny et ses
« principes universels » (Le Monde, 15 février 2005).
[46] Andrew J. Bacevitch, American Empire : the Realities and the Consequences of US
Diplomacy, Harvard University Press, 2002.
[47] En septembre 2002, les Américains ont formalisé le concept de guerre préventive
(pre-emptive war) en violation de l’article 51 de la charte des Nations Unies qui définit les
limites de la légitime défense. « Pour empêcher ou prévenir que de tels actes (de terrorisme)
ne soient perpétrés, les États-Unis se réservent la possibilité, le cas échéant, d’agir par
anticipation. » Ce que les USA avaient déjà fait bien des fois dans le passé, notamment au
Kossovo contre la Serbie en 1999.
[48] Cité par Arundhati Roy, Le Monde, 14-15 octobre 2001.
[49] Alain Minc, tribune libre publiée par Le Monde du 7 novembre 2001.
[50] Pour Aristote, la démocratie n’était concevable qu’à l’usage de petites cités
racialement homogènes.
[51] L’application en Afrique du principe « un homme, une voix » s’est soldée au Rwanda
par la mise à mort quotidienne de 5 000 Tutsi, décapités ou éventrés, durant les cent jours du
génocide de 1994. Cf. Bernard Lugan, Rwanda : le génocide, l’Église et la démocratie,
Éditions du Rocher, Monaco, 2004.
[52] De ce point de vue, le fascisme et le national-socialisme étaient des démocraties
(autoritaires) dans la mesure où ces régimes s’appuyaient sur l’opinion (beaucoup plus que les
régimes communistes) tout en s’efforçant bien entendu de la diriger.
[53] Raphaël Logier, Géopolitique du christianisme, ouvrage collectif sous sa direction,
Ellipses, Paris, 2003, p. 184.
[54] Dans une étude publiée par Le Débat (no 130, mai-août 2004, Comment l’Amérique
s’est identifiée à la Shoah), Jean-Marc Dreyfus fait ressortir à quel point la référence à la
Shoah est présente dans les discours officiels américains, une association s’établissant entre la
Shoah et le rôle rédempteur assigné aux États-Unis. Pour les milieux bibliques
néoconservateurs, les Juifs ayant échappé aux massacres européens seraient une
réincarnation des pionniers du Mayflower venant renouveler le mythe américain.
[55] Francis Fukuyama. Article intitulé « La fin de l’Histoire ? », publié durant l’été 1989
dans la revue The National Interest, repris ensuite dans un livre traduit et publié en France
chez Flammarion en 1992.
[56] Né à New York en 1927, Samuel Huntington a enseigné aux universités de Columbia
et de Harvard avant de travailler pour Zbigniew Brzezinski, chef du conseil de sécurité dans
l’administration Carter. Son livre, Le Choc des civilisations a été publié chez Odile Jacob en
1997.
[57] Dans un autre livre (Qui sommes-nous ? Odile Jacob, Paris, 2004), Samuel
Huntington pose la question de l’avenir de l’identité américaine, de la culture anglo-
protestante menacée par l’ampleur de l’immigration mexicaine. La nouveauté par rapport aux
vagues antérieures d’immigration venues d’Europe tient au fait que celle-là ne se fond pas
dans le melting-pot. Huntington sait qu’à l’horizon 2040, les Blancs d’origine européenne
pourraient n’être plus qu’une minorité. Il observe par ailleurs avec inquiétude la
« dénationalisation » des élites de son pays, au profit de leur mondialisation, un phénomène
qui affecte également l’Europe.
[58] Sur les enjeux de la Chine, on se reportera à Léon Vandermeersch, Le Nouveau
Monde sinisé (Éd. You Feng, Paris, 2004) ainsi qu’à Jean-François Susbielle, Chine-USA. La
guerre programmée (Éd. First, Paris, 2006).
[59] Dans un roman sombre et prophétique, Le Camp des saints (Robert Laffont, Paris,
1973), l’écrivain français Jean Raspail l’annonça de façon prémonitoire.
[60] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce,
Albin Michel, Paris, 1984.
[61] Longtemps, l’Écosse a été protégée des vagues migratoires par sa pauvreté et son
climat rude. Après la création d’un parlement local en 1997, le Labour rafla 46 % des voix aux
élections, formant une majorité avec le Scottish National Party dominé par les trotskistes.
Sous prétexte de compenser la chute de la démographie écossaise, l’Exécutif d’Édimbourg
imagina la Fresh Talent Initiative édictée en mai 2004. Cette disposition a pour but d’attirer
chaque année 8 000 étudiants afro-asiatiques bénéficiant de facilités d’installation à l’issue de
leurs études. À défaut d’une politique nataliste favorisant les naissances autochtones, on
préfère l’importation de « talents » exotiques. Elle est voulue pour des raisons politiques
perverses, les partis de gauche misant sur l’électorat immigré. Le patronat est favorable à cette
immigration qui fournira, pense-t-il, une main-d’œuvre plus docile et bon marché alors que
l’Écosse souffre du chômage.
[62] Philippe Conrad, Histoire de la Reconquista, PUF (Que sais-je ?), Paris, 1998.
[63] Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a été élu non sans mal le 14 avril
2003. Le vote avait failli se transformer en raz de marée islamiste en faveur de personnalités
proches des Frères musulmans.
[64] L’attentat suicide qui fit 56 morts à Londres, le 7 juillet 2005, fut perpétré par quatre
jeunes citoyens britanniques musulmans d’origine pakistanaise, nés en Grande-Bretagne,
parfaitement intégrés et sans histoire, inconnus des services de police. On ne saurait oublier
non plus l’attentat d’origine islamique qui fit 200 morts à Madrid le 11 mars 2004, provoquant
un retournement électoral et le retrait des troupes espagnoles d’Irak. Preuve, dans ce cas
précis, que le terrorisme était « payant ».
[65] Journal Le Monde daté du 16 mars 2005, en première page, avec dessin éloquent, puis
sur toute la page 9, reportages à l’appui.
[66] En juillet 2003, un ancien dirigeant national du parti socialiste démissionna avec
fracas du PS auquel il reprochait de privilégier la communauté juive alors, disait-il, que
l’influence de l’électorat originaire des pays soutenant la cause palestinienne allait
grandissante.
[67] Dans Le Monde du 30 décembre 2003, sous la signature de Gilles Bernheim, grand
rabbin et philosophe, Élisabeth de Fontenay, professeur de philosophie, Philippe de Lara,
professeur de philosophie, Alain Finkielkraut, écrivain et professeur, Philippe Raynaud,
professeur de philosophie, Paul Thibaud, essayiste, Michel Zaoui, avocat.
[68] René Marchand, La France en danger d’Islam, L’Âge d’Homme, Lausanne, 2002.
[69] S’ajoutant aux associations islamiques, fut créé en novembre 2005 un Conseil
représentatif des associations noires (Cran), se proposant d’affirmer l’identité « black » face à
la majorité « white ». Peu avant, un brûlot avait accusé Napoléon d’avoir rétabli l’esclavage
aux Antilles en 1802, ce qui eut pour effet d’annuler toute participation officielle à la
célébration du bicentenaire de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805)… En sens inverse, à
la suite de poursuites judiciaires émanant de divers collectifs de « victimes », dix-neuf célèbres
historiens, pour la plupart de gauche, signaient le 12 décembre 2005 un manifeste demandant
l’abrogation des lois imposant judiciairement une vérité officielle (loi Gayssot du 13 juillet
1990, loi sur le génocide des Arméniens du 29 janvier 2001, loi Traubira du 21 mai 2001, loi
du 23 février 2005).
[70] Une discrimination positive à rebours fonctionne dans l’application de la loi. En
janvier 2003, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Mme Mégret, ancien maire
de Vitrolles, à trois mois de prison avec sursis, une forte amende et deux ans d’inéligibilité. En
1997, dans sa commune, elle avait institué une prime de naissance de 5 000 francs pour les
familles dont l’un au moins des deux parents était de nationalité française ou ressortissant de
l’Union européenne, cela sans distinction pourtant de race ou de religion.
[71] Dans le no 10 (janvier-février 2004) de La Nouvelle Revue d’Histoire, nous avons
interrogé quatorze historiens, sociologues et philosophes de renom en leur posant la question
suivante : « Pensez-vous que la France soit entrée en déclin ou en décadence et pourquoi ? »
Malgré l’extrême diversité des réponses, pas un, je dis bien pas un, n’a évoqué la question de
l’immigration. Un seul l’a fait dans un article du même numéro, extérieurement à cette
enquête, le démographe Jacques Dupâquier, qui disposait, lui, au premier chef, des
instruments d’alerte.
[72] François Furet-Ernst Nolte, correspondance, Fascisme et communisme, Plon, Paris,
1998, pp. 142-143, lettre du 5 janvier 1997. François Furet est mort le 12 juillet 1997.
[73] Léon Vandermeersch, Le Nouveau Monde sinisé, PUF, 1984, nouvelle édition You
Feng, Paris, 2004.
[74] La décadence de l’Europe est au cœur de l’essai de Raymond Aron, Plaidoyer pour
l’Europe décadente (Robert Laffont, 1977) et de celui de Julien Freund, La fin de la
Renaissance, PUF, Paris, 1980. Elle colore également l’œuvre de plusieurs romanciers. On
songe à Michel Déon (Les poneys sauvages, Gallimard, 1970), Jean Raspail (Le camp des
saints, Robert Laffont, 1973), François Nourissier (En avant, calme et droit, Grasset, 1987),
Michel Houellebecq (Les particules élémentaires, Flammarion, 1998).
[75] Constat fait par la philosophe Chantal Delsol, La République, une question française,
PUF, Paris, 2002.
[76] Paul Hazard, La crise de la conscience européenne, 1680-1715, Boivin, Paris, 1935,
réédition Livre de Poche, LGF, Paris, 1994.
[77] Der Spiegel du 31 mai 1976. Traduction en langue française par Jean Launay, publiée
par Le Mercure de France, Paris, 1988, Martin Heidegger, Réponses et question sur l’histoire
et la politique (82 pages). Les passages que nous citons se trouvent en pp. 45-47.
[78] Alexandre Soljenitsyne, Lettre aux dirigeants de l’URSS (1974). James Lovelock, The
Revenge of Gaïa (Pengouin, Londres, 2006).
[79] Eugen Drewermann, Le Progrès meurtrier, traduction française Stock, Paris, 1993
(l’édition allemande originale date de 1981). Cet essai d’un théologien catholique attire
l’attention sur les origines bibliques du mépris de la nature.
[80] C’est le sens de la fondation du cosmos par Zeus et les dieux de l’Olympe au début de
La Théogonie d’Hésiode.
[81] Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens, op. cit., pp. 227-228.
[82] Pierre Hadot, Le Voile d’Isis. Essai sur l’idée de Nature, Gallimard, 2004.
[83] En France, le changement de mentalité du monde de la chasse est, de ce point de vue,
un signe de première grandeur. J’en ai largement rendu compte dans mon Dictionnaire
amoureux de la chasse, Plon, 2000.
[84] Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens. 30 000 ans d’identité, op.
cit.
[85] La plus ferme critique de la métaphysique des droits de l’homme fut élaborée par
Edmund Burke dans ses Réflexions sur la révolution de France.
[86] Il subsiste des exceptions. On peut se reporter à ce sujet à Pauline Lecomte, Le
paradoxe vendéen, Albin Michel, Paris, 2004.
[87] Intéressante à cet égard, l’enquête fort sérieuse de Jean-Claude Kaufmann, La femme
seule et le prince charmant, Nathan, Paris 1999, Pocket.
[88] Voir notamment l’ouvrage collectif qui vaut mieux que son titre racoleur, La plus belle
histoire du bonheur, par André Comte-Sponville, Jean Delumeau et Arlette Farge, Le Seuil,
2004. Voir aussi les analyses du psychologue américain John Gray, Les hommes viennent de
Mars et les femmes viennent de Vénus (1992, traduction J’ai Lu, 1997).
[89] Théoricien de la résilience, c’est-à-dire de l’aptitude à surmonter les traumatismes,
Boris Cyrulnik a découvert qu’une culture de l’action (L’Iliade, par exemple) a un effet
bienfaisant et permet de s’en sortir ; il a observé aussi qu’un enfant qui n’a pas été façonné par
des interdits dès sa deuxième année, sera un adolescent violent et gâté, incapable de poser des
limites à ses désirs. Un merveilleux malheur (Odile Jacob, Paris, 1999).
[90] On pense aux travaux du philosophe François Jullien, spécialiste de la Chine,
montrant que le monde sinisé, en raison de son anti-individualisme, est fermé à la psychologie
et à la psychiatrie occidentales (Penser d’un dehors [la Chine], entretiens avec Thierry
Marchaisse, Le Seuil, Paris, 2000). Catherine Lutz, La dépression est-elle universelle ?
(traduit de l’américain, Le Seuil, Paris, 2004). Tobie Nathan, Psychanalyse païenne, titre
impropre qui ne se rapporte nullement au paganisme, mais aux expériences du chef de file de
l’ethnopsychiatrie auprès de migrants d’origine africaine (Odile Jacob, 2000).
[91] Louis Dumont, L’idéologie allemande. France-Allemagne et retour (Gallimard, 1991).
[92] Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée (Gallimard, Paris, 1987, p. 76). Bien que
fidèle à l’idéologie des Lumières, l’auteur constate avec honnêteté et brio la fin de cette utopie.
[93] Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, Anthropologie structurale (Plon, 1973, t. II,
p. 378).
[94] Cette dérive a été mise en évidence par Marc Crapez, La Gauche réactionnaire.
Mythes de la plèbe et de la race (Berg International, Paris, 1997). Voir aussi Alain de Benoist,
Les idées à l’endroit, Éditions libres Hallier, Paris, 1979.
[95] Simon Leys, texte de 1987 consacré à Victor Segalen, repris dans Essais sur la Chine,
Bouquins, Paris, 2002, p. 763.
[96] Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, réédition au Livre de Poche, introduction de
Gilles Manceron.
[97] Démarche analogue qu’entreprendra le philosophe François Jullien, Penser d’un
dehors (La Chine), op. cit.
[98] Claude Lévi-Strauss, Le Regard éloigné (Plon, Paris, 1983, p. 36).
[99] Op. cit., p. 15. Dans un livre d’entretiens, Lévi-Strauss rendait un hommage inattendu
à Gobineau, auteur du célèbre Essai sur l’inégalité des races humaines (1855) : « Mon idée
que, dans leur évolution, les cultures tendent vers une entropie croissante qui résulte de leur
mélange, vient en droite ligne de Gobineau, dénoncé par ailleurs comme un père du racisme. »
Il ajoutait : « Les vues de Gobineau ont du reste une coloration très moderne, car il
reconnaissait que des îlots d’ordre peuvent se former par l’effet de ce qu’il appelait – c’est très
moderne aussi – “une corrélation dans les diverses parties de la structure”. Il en fournit des
exemples. Ces équilibres réussis entre des mélanges vont, il en est conscient, à contre-courant
d’un déclin qu’il tient pour irréversible » (Claude Lévi-Strauss, Didier Éribon, De près et de
loin, Odile Jacob/Le Seuil, Paris, 1990, pp. 206-207).
[100] Révélateurs de cette évolution sont les propos tenus à chaud par le philosophe Alain
Finkielkraut au quotidien israélien Haaretz (18 novembre 2005) : « On voudrait réduire les
émeutes de banlieues à leur dimension sociale, y voir une révolte de jeunes contre la
discrimination et le chômage. Le problème est que la plupart sont noirs ou arabes, avec une
identité musulmane. Il est clair que nous avons affaire à une révolte à caractère ethnico-
religieux. »
Épilogue
[1] On se reportera sur ce point au chapitre 11 (Métaphysique de l’histoire) de mon essai,
Histoire et tradition des Européens, édition de 2004. Voir également Aymeric Chauprade,
Géopolitique. Constances et changements dans l’histoire, Ellipses, Paris, 2001.
[2] Nous avons souligné au chapitre précédent que nous ne confondons pas les apports
féconds du mouvement général des Lumières et ce qu’on appelle l’idéologie des Lumières,
autrement dit l’idéologie du Progrès.
[3] Cette réalité a été soulignée avec courage et lucidité par les signataires d’un texte
collectif publié dans Le Monde du 30 décembre 2003 à la suite d’actes de « racisme anti-
Blancs ». Selon les signataires, la cause de la démoralisation profonde de la France, ce « pays
désormais incapable d’histoire, voire interdit d’histoire », est à rechercher dès les
années 1960, quand le souvenir de la « Shoah s’est imposé comme […] repère décisif puis
source d’une culpabilité qui ne concerne pas seulement les nazis mais […] un peu tout le
monde en Europe, les peuples dans leur ensemble ». Depuis, ajoutaient les signataires, « la
Shoah barre aux peuples d’Europe toute espérance historique et les enferme dans le
remords ». Ce texte a été publié sous la signature de Gilles Bernheim, grand rabbin et
philosophe, Élisabeth de Fontenay, professeur de philosophie, Philippe de Lara, professeur de
philosophie, Alain Finkielkraut, écrivain et professeur, Philippe Raynaud, professeur de
philosophie, Paul Thibaud, essayiste, Michel Zaoui, avocat.
[4] Parmi les précoces défenseurs d’une entente européenne, on peut également citer deux
écrivains suisses de langue française, Gonzague de Reynold et Denis de Rougemont.
[5] Du même auteur, Histoire de la Collaboration, Pygmalion, Paris, 2002.
[6] Étude d’Aymeric Chauprade publiée dans La Nouvelle Revue d’Histoire, no 22, janvier-
février 2006.
[7] J. Vidal de La Blache, La régénération de la Prusse après Iéna (Berger-Levrault, 1910),
R. Bouvier, Le redressement de la Prusse après Iéna (Sorlot, Paris-Clermont, 1941).
[8] En raison de sa divinité et de son universalité, Jésus se situe à part et sur un autre plan.
[9] On peut se reporter sur ce point au dossier La Chine et l’Occident de La Nouvelle Revue
d’Histoire, no 18 (juillet-août 2005), notamment l’entretien accordé par Léon Vandermeersch,
auteur de Le Nouveau Monde sinisé (Éditions You Feng, Paris, 2004).