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DE
L’ARMÉE
ALLEMANDE
HISTOIRE DE L'ARMEE ALLEMANDE
(1918-1946)
i
Ceffondrement (1918-1919).
II
La discorde (1919-1925).
III
L'essor (1925-1937).
IV
L'expansion (1937-1938).
V
Les épreuves de force (1938-1939).
VI
L'apogée (1939-1942).
v11
Le tournant (1942-1943).
v111
Le reflux (1943-1944).
IX
L'agonie (1944-1945).
x
Le jugement (1945-1946).
BENOIST-MÉCHIN
HISTOIRE
DE
L’ARMIE
ALLEMANDE
II
LA DISCORDE
(1919-1925)
Avec 6 cartes
L’ÉQUIPEE ALLEMANDE
DANS LES PAYS BALTES
Lo Germanie, XLV.
1. Cf. TAC~TX,
12 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
t
* *
Ce Conseil, en effet, est en relations directes avec le
Comité central du Parti spartakiste, à Berlin, peut-être
aussi avec le Soviet de Pétrograd. Soutenu par trois batail-
lons de soldats allemands mutinés, il publie des proclama-
tions chaque jour plus incendiaires e t cherche à saboter le
ravitaillement des troupes.
Usant d’intimidation, von der Goltz commence par mettre
un homme énergique, le major Gotze, à la tête des trois
bataillons allemands révoltés. Puis il fait venir du front de
Mitau le détachement Schauroth. Celui-ci arrive à Libau
le 3 avril. Un coup de main, rapidement exécuté, permet
d’emprisonner les chefs. Quelques condamnations sommaires
ont tôt fait de remettre les troupes à la raison. Le Conseil
de soldats est dissous. Débarrassé de cet adversaire gênant,
von der Goltz passe à la troisième partie de son programme :
la lutte contre le gouvernement letton.
t
+ +
u u
à un arbre après lui avoir crevé les yeux. Les champs sont
parsemés de cadavres nus et affreusement mutilés. Certains
ont le bas-ventre arraché et leurs plaies sont remplies de
pierres brûlantes. Les Baltes ripostent par des exécutions
en masse. Toutes les passions accumulées au cours des
siècles semblent se donner libre cours, sous un ciel ensan-
glanté par la lueur des incendies.
Les nouvelles de ces excès parviennent à Libau, où elles
suscitent l’indignation de la mission britannique. Par ailleurs,
les projets de von der Goltz inquiètent sérieusement les
Alliés. Ses plans de colonisation et de croisade antisovié-
tique ne seraient-ils pas un prétexte pour camoufler la
création de vastes camps militaires et d‘arsenaux, soustraits
aux investigations des Commissions interalliées de contrôle?
Von der Goltz n’aurait-il pas l’intention de se servir de la
Courlande comme d’une base d’opérations, pour marcher
sur Berlin au moment propice, afin d‘y renverser la répu-
blique et d’y rétablir la monarchie l?
Une conférence a lieu à Libau, dans la deuxième quinzaine
de mai, entre les missions militaires alliées et Ulmanis, afin
d’étudier les mesures à prendre pour obtenir une évacuation
accélérée de la Baltique. Mais Ulmanis fait remarquer que
le retrait des troupes allemandes présuppose : 10 l’existence
d‘une armée lettonne assez forte pour assurer à elle seule
la sécurité du pays; 20 la création d’un gouvernement de
1. Telle était, en effet, l’intention de von der Goltz, mais il la dissimulait soi-
gneusement à cette époque, et n‘en souma mot dans l’édition de ses Mémoires,
parue en 1920. C’est seulement dans la réédition de ses souvenirs, parue en 1936
sous le titre Ah polilischer Genera2 irn Osten, qu’il en convint pour la première fois.
Rendons hommage à la perspicacité du lieutenant-colonel Du Parquet, qui l’avait
deviné dès 1919.
Le texte oh von der Goltz fait allusion h ce projet e3t trop intéressant pour ne
pas être cité en entier, car il nous montre que ce plan allait à l’encontre des aspi-
rations des volontaires :
a L’idée de marcher sur Berlin pour y renverser le gouvernement, dont je voulais
me servir comme d’un dernier atout si l’on nous empêchait de demeurer dans la
...
Baltique, écrit von der Goltz, ne trouva aucun écho dans la troupe Chacun vou-
lait rester [en Courlande].
a De mon côte, j’étais conscient de l a difficulté d’une marche sur Berlin. De
Mitau à Berlin, il y a environ 1.000 kilombtres. J’ai longtemps espéré qu’un mou-
vement contre-révolutionnaire se déclencherait à Berlin, puis je finis par aban-
donner mon projet. a (Ak polilischer General irn Osten, p. 166-167.)
Hitler, de son côté, affirmera plus tard : G Si pes corps francs] avaient pu se
maintenir dans les Paya baltes, toutes sortes de gens y auraient aNlué. Ils y auraient
constitué un mouvement de résistance et seraient repartis de ià pour marcher
contre l’Allemagne. 1 Cette opinion découle de sa conviction * qu’aprés une dbfaite,
ce sont toujoun lee meilleurs qui refusent de A’ndmettre . s (iagsbmprechungm,
p. 570.)
L’ÈRE DES COUPS D’BTAT 29
coalition, au sein duquel tous les partis politiques devraient
être représentés.
A l’issue de cette conférence, les Alliés remettent aux
Allemands une note stipulant la création d’un gouverne-
ment national letton. Mais M. Needra s’y oppose et soumet
aux Anglais un contre-projet, dont l’application assurerait
la prépondérance aux éléments germano-baltes. Les pour-
parlers sont rompus.
Telle est la situation le 20 juin 1919, date à laquelle s’en-
gagent les ultimes négociations pour la signature du Traité
de Versailles. Si le gouvernement allemand refuse de signer
le Traité ce sera la reprise des hostilités. Devant la gravité
des événements qui risquent de se produire au cours des
journées suivantes, les missions alliées quittent Libau e t
s’installent à bord des navires de guerre britanniques. A
leur tour, les troupes d’occupation allemandes évacuent le
port et se retirent à douze kilomètres à l’intérieur des terres,
pour se mettre hors de portée des canons anglais. Elles sont
remplacées par le détachement russe du prince de Lieven l.
Soudain, le 23 juin, dans la soirée, la flotte anglaise reçoit
un télégramme de l’amirauté britannique : n Hourra! La paix
est signée. Vive l’Angleterre! n La nouvelle se répand comme
une traînée de poudre. A Libau, la foule envahit les rues
de la ville en poussant des cris de joie. Le lourd obélisque
de granit et de bronze érigé dans le port en 1915 pour
commémorer l’entrée des troupes allemandes est renversé
et brisé.
Le 24, au matin, les missions militaires alliées reviennent
à terre. La délégation anglaise est placée sous les ordres
du brigadier général Burt. Le général Gough, l’ancien com-
mandant de la Ve armée britannique, est nommé président
de toutes les missions alliées en Lettonie. I1 arrive à Libau
le 26 juin tandis que les navires de guerre reprennent leur
ancien emplacement dans la rade. En constatant l’enthou-
siasme suscité par la signature du Traité, le général Gough
décide de rétablir immédiatement le gouvernement Ulmanis
et de profiter, pour cela, du retrait des troupes d‘occupa-
tion allemandes.
Le lendemain 27 juin, à 14 heures, le présideht Ulmanis
quitte le vapeur Saratov et débarque à Libau. Les soldats
1. Von der Goltz pensait, A juste titre, que les Anglais ne tireraient pa0 sur
leurs anciens alliés.
30 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
L’ÉQUIPÉE ALLEMANDE
DANS LES PAYS BALTES
d’évacuation que personne ne les prenait plus au sérieux. On les croyait rédigés à
l’adresse de l’Entente, pour se couvrir vis-à-tis d‘elle. 8 ( O p . cit., p. 151.)
1. Le lendemain, von der Goltz passe en revue la Division de Fer. a Ce fut IC
point culminant de cette période extraordinaire, brit-il, l’heure la plus exaltée
avant la catastrophe finale. I
?. h i s t von SALOMON, Le8 i?Eprou&, p. 105
L’ÈRE DES COUPS D’I~TAT 37
pressés par des mains brutales, laissent couler le sang e t le
pus 1).
Les premiers à s’en aller sont les corps de patriotes. Pour
leurs chefs, élevés dans l’observance des vieilles traditions
prussiennes, la mutinerie reste la mutinerie, c’est-à-dire un
acte inadmissible. Puis c’est le tour des individus douteux,
attirés en Lettonie par le seul espoir du butin, mais qui
craignent à présent d’en revenir les mains vides. Le noyau de
ceux qui persistent dans leur refus diminue de jour en
jour. Le service des étapes, les compagnies de police, la gen-
darmerie de campagne disparaissent l’un après l’autre.
Mais les convois qui les ramènent en Prusse-Orientale
croisent en cours de route une foule de nouveaux volontaires
qui traversent la frontière soit isolément, soit en groupes,
recrutés dans toutes les régions du Reich par les agents
secrets des corps francs 2. Dès le début de juillet, 600 chas-
seurs venant d’Allemagne centrale passent à Prekuln,
embranchement des lignes Riga-Libau, Riga-Memel, avec
6 mitrailleuses, 6 minenwerfer, 4 canons de 105,100 chevaux,
1 train blindé e t 2 wagons de munitigns. Les 9 e t 10 juillet,
on signale dans la même gare, le passage de 1.500 volontaires
se dirigeant vers Mitau. Le 11 au matin, c’est un train
transportant 500 hommes, bientôt suivi d’un second de même
force. Des troupes encore plus nombreuses amuent par la
ligne Tilsitt-Schaulen. Noske évalue à plusieurs milliers le
nombre des recrues nouvelles qui arrivent en Lettonie au
cours de l’été 1919 4. De sorte que, malgré les défections
I . Id., ibid., p. 98.
2. La méthode de recrutement pratiquée par les corps francs de la Baltique
nous est révélée par l’ordre du jour de la Division de Fer, du 17 octobre 1919 :
L a question des renforts es1 réglée & la f q o n suivante :
A. - Les hommes de troupe sonf recrulés par les organes de la Division e n Alle-
magne et réparfis entre les corps de froüpe suivant les besoins.
B. -Des hommes disciplinés el sûrs se rendant en permission, reçoivent plusieur8
titres de permission avec lesquels ils ramènenf des gens de leur connaissance. Ce pro-
cédé présente de groves inconvénients pour la froupe, si le choix des racoleurs n’est
pas f a i t avec soin. Le racoleur ne doit opérer 9ue dans le cercle de ses connaissances.
Le nom6re des imprimés à lui confier doif étre limifé a u minimum.
C. - Les corps de troupe rechercheront, dans chaque compagnie, escadron ou bat-
terie, u n sous-oflcier énergique et sûr et un soldnf apéciakmenl qualifiés pour recrufer
des iionimes en Allemagne et les ramener à la Division.
BISCAOFF.
3. C’est un groupe de Chasseurs du général Mærcker, las de monter la garde
autour du théâtre de Weimar, où siège le Parlement.
4. a La fièvre balte, écrit Noske, avait saisi des milliers d’individus, provo-
quant un amux de voloritaire8 qu’il fut impoasible d’endiguer, même lorsque l’on
38 HISTOIRE D E L ’ A R M ~ ~ EALLEMANDE
4 4
L’ÉQUIPÉE ALLEMANDE
DANS LES PAYS BALTES
1. Lieutenant-colonel Du PARQUET,
op. cP., p. 199.
L’ÈRE D E S COUPS D’ÉTAT 49
immédiat en Allemagne l. De ce fait, les Allemands se voient
obligés de nommer un nouveau commandant en chef des
troupes allemandes de la Baltique :c’est le général Eberhardt.
On lui adjoint, comme chef d’Etat-Major, le commandant
von Fritsch, attaché jusqu’ici à 1’Armee Oberkommando Nord.
Le 5 novembre, le général Eberhardt envoie un ultima-
tum au commandant Bischoff, lui enjoignant de liquider
l’entreprise balte, faute de quoi le gouvernement du Reich
se verra dans l’obligation de lui couper les vivres 2. Les ofTi-
ciers de la Division de Fer sont indignés, et répondent le
7 novembre par un refus catégorique. Malgré les revers qu’ils
viennent de subir, les volontaires de Courlande ne sont pas
près de lâcher prise.
(( C’est alors, écrit Ernst von Salomon, q.ue Rossbach vint
+ +
+ *
1. Cf. Général von der GOLTZ,A b polifisclier General im Osten,.q. 156. I1 faut
lire le dernier chapitre de ce livre pour se faire une idée de la vio.ence des sen-
timents qui animaient les volontaires allemands ti l’égard de leur propre gouver-
nement, lors de leur retour en Allemagne.
2. NOSKE.. Von KÙl bis Kapp, p. 183.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 57
fusils, leurs équipements et leurs chevaux. Le dernier acte
de la tragédie se prépare.
Comment les corps francs vont-ils se comporter à l’égard
des bataillons gouvernementaux? Va-t-on voir l’armée se
dresser en deux camps opposés, prêts à s’entre-tuer sur un
ordre de leurs chefs? Mais au dernier moment, les événements
prennent une tournure inattendue. Malgré l’engagement for-
mel de s’embarquer par chemin de fer, une grande partie
de la Division de Fer se met en route par voie de terre.
E n arrivant à la frontière, elle rencontre les détachements
de la Reichswehr venus pour la désarmer. Alors, fonçant à
travers champs, elle bouscule le cordon de troupes gouver-
nementales et franchit la frontière avec armes et bagages.
D’autres formations imitent son exemple et échappent au
contrôle des Commissions de désarmement.
Pour les volontaires, cette dernière humiliation est peut-
être la plus amère de toutes. Se peut-il que les autorités du
Reich aient donné l’ordre aux officiers de la Reichswehr de
les traiter comme des rebelles 1 T Se peut-il que les officiers
aient accepté, sans protester, de désarmer leurs anciens
compagnons d’armes, et cela - circonstance aggravante -
en présence e t sous le contrôle d’officiers de l’Entente?
En partant pour la Courlande, les volontaires de la Bal-
tique avaient voulu faire peau neuve et oublier la défaite. Ils
avaient espéré briser tous les liens qui les rattachaient à
l’Allemagne vaincue. A présent, ils s’aperçoivent qu’ils ont
fait fausse route. Ce n’est pas aux confins de l’Europe qu’il
f a u t se créer une patrie nouvelle : c’est le Reich lui-même
qu’il s’agit d‘éventrer, pour le reconstruire de fond en comble.
Ils sont animés d’une sorte de nihilisme exacerbé et, si leurs
chefs le leur commandaient, ils marcheraient droit sur Ber-
lin, en une ruée folle, comme ils ont marché jadis sur Mitau
et sur Riga2.
1. Les Socialistes voulurent, un moment, faire passer le commandant Bischoff
et les chefs de la Légion allemande devant un conseil de guerre, mais Noske s’y
opposa.
2. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’ordre du jour du 13 décembre,
adressé par Rossbach aux hommes de son corps franc :
Camaraùessoùida, ‘
Lc temps de notre séjour en Courlande et en Lithuanie est terminé. A présent,
now rentrons en Allemagne et MUS ignorons le sort qui nous y atlend ...
Je suis persuadé qu’au printemps, mua aurona d’aulrea devoirs à remplir. VOUS
demandez lesquels? c‘est un secret pow le moment, comme toute notre politique pi
58 HISTOIRE D E L ’ A R M ~ ~ EALLEMANDE
L’AGITATION RfiACTIONNAIRE
ET L E PROCES DU HAUT-COMMANDEMENT
+ +
+ +
4 9
+ +
LE PUTSCH KAPP-LÜTTWITZ
I. - La conspiration.
Après le départ du Maréchal, la capitale va-t-elle retrouver
sa physionomie coutumière? Non. Car à peine Hindenburg
est-il reparti que c’est au tour du maréchal von Mackensen
de faire son entrée à Berlin. C’est de nouveau tout un déploie-
ment d’honneurs militaires. L’ancien vainqueur de la Galicie
est reçu à la gare d’Anhalt par le général von Seeckt, qui a
été longtemps son chef d’État-Major. Les drapeaux claquent
au vent, les musiques retentissent, tandis que les Hussards
de la Mort - le propre régiment du Maréchal - font la
haie sur son passage. Cette cérémonie ostentatoire provoque
la colère des populations ouvrières de Wedding et de Neu-
kœlln. Pendant ce temps, une sourde irritation continue à
régner dans les casernes et une lutte invisible, souterraine,
se poursuit entre les milieux militaires et le gouvernement 1.
Le mécontentement latent se trouve encore accru, à la
fin de décembre, par le retour des volontaires de la Baltique.
Du fait que la Division de Fer et la Légion allemande ont
été ramenées en Allemagne centrale où elles ont été dislo-
quées a, le ferment de révolte qu’elles rapportent avec elles
1. Cette période est marquée par une série de mutations. Le l e r novembre,
le général Mærcker est nommé commandant du Wehrkreis IV (Dresde), e t la
XVP brigade de la Reichswehr (l’ancien corps des Chasseurs), passe sous les
ordres du général von Hagenberg. Le 12 décembre, le colonel Reinhard est m i s à
la retraite d’office, 3 la suite d‘une intervention de Scheidemann qui ne lui a pas
pardonné son allocution sur la a bande de voyous 8.
2. Une partie des Baltes avait été placée dans des domaines privés, comme
travailleurs agricoles. Mais certains chefs de corps n’avaient pas voulu se priver
de ces soldats d’élite, aguerris par les combats très durs qu’ils venaient de livrer,
L’ÈRE DES C O U P S D’ÉTAT 79
se trouve communiqué aux régiments de l’intérieur. Les
esprits s’échauffent. Les récriminations se font plus âpres,
car les Baltes apportent des arguments nouveaux aux adver-
saires du gouvernement.
Enfin, le 10 janvier 1920, le traité de Versailles entre en
vigueur, ce qui replace au premier plan les deux points qui
préoccupent le plus vivement l’armée : la livraison des
x coupables de guerre )) et la réduction des effectifs.
C’est dans cette atmosphère malsaine, agitée de soubre-
sauts profonds, que vient exploser comme une bombe la note
alliée du 3 février 1920. Elle exige la remise d’une première
tranche de criminels de guerre, en vue de leur jugement.
La liste comprend près de neuf cents noms, parmi lesquels
figurent ceux de l’Empereur, du Kronprinz et de deux de
ses frères, quatre maréchaux - le prince Rupprecht de
Bavière, le duc Alfred de Wurtemberg, Hindenburg e t Mac-
kensen - le grand-amiral von Tirpitz, les généraux Luden-
dorff et von Falkenhayn, von Kluck, von Bülow et von
Below, l’amiral von Capella, les anciens chanceliers Beth-
mann-Hollweg e t Michaëlis, l’ancien vice-chancelier Helf-
ferich et le comte Bernstorff. A la suite de tous ces noms
célèbres viennent une quantité d’autres noms d’ofiiciers et
de sous-officiers de tous grades. Les Alliés ajoutent que cette
liste n’est pas close 1.
Lorsque cette note est publiée dans la presse allemande,
elle produit un effet foudroyant. (( I1 n’y eut pour ainsi
dire pas un Allemand, sans distinction de classe ou d’opi-
nion, écrit Wheeler-Bennett, qui ne se sentît outragé par
cet ordre d’avoir à livrer des hommes que le pays considérait
comme des héros nationaux et dont une bonne partie avait
déjà été publiquement absous par la Commission d’enquête.
Depuis les Socialistes majoritaires à gauche, jusqu’aux natio-
nalistes à droite, la réaction unanime fut une fureur indi-
gnée 2. )) Seuls les Spartakistes et les Indépendants osent
manifester une certaine approbation. La grande majorité
1. Cf. E. O. VOLKMANN,
La Réwlution aller>iande, p. 270-273.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 83
aux instances pressantes d’Arens, il consent néanmoins à
avoir une entrevue avec MM. Heintze et Hergt, chefs des
fractions conservatrice e t libérale du Reichstag.
Après une discussion animée, Heintze et Hergt suggèrent
au général d’adopter la procédure suivante : les partis de
droite demanderont au gouvernement de dissoudre 1’Assem-
blée nationale, désormais sans objet à partir du moment
où la Constitution sera votéel, et d’élire un nouveau Reichs-
tag et un nouveau président du Reich. I1 y a tout lieu de
penser que les élections donneront une majorité de droite.
On procédera alors à un remaniement ministériel, e t les
buts poursuivis par le général Lüttwitz seront atteints par
la voie légale.
Le commandant du Gruppenkommando I consent à ne pas
poser d’ultimatum au gouvernement avant de connaître le
résultat de cette démarche.
- J e patienterai encore quelques semaines, déclare-t-il,
mais à la fin du mois d’avril la situation sera critique;
passé ce délai, je ne pourrai plus prendre aucun engagement.
t
+ +
+ +
t
* *
Lorsque l’on examine attentivement les documents relatifs
au putsch de mars 1920, on ne peut manquer d’être frappé
par les conditions déplorables dans lesquelles il a été engagé.
(( Le géinéral von Lüttwitz, écrit un polémiste de gauche,
n’a pas hésité à déclencher un coup d’État pour satisfaire
ses ambitions personnelles et accroître son pouvoir déjà exor-
bitant. 1) De tels arguments font sourire. Au moment où il
se décide à passer aux actes, Lüttwitz est, en réalité, dans
une position critique. C’est un général que l’on vient de
relever de son commandement et qui sent vaciller autour de
lui tous les appuis sur lesquels il compte. Une partie de son
État-Major 3, les commandants de Wehrkreis, le ministre de
la Reichswehr, le gouvernement civil, les partis parlemen-
taires de droite et de gauche l’ont prévenu tour à tour
1. I Comme mon état-major, influencé par son chef (le général von Oldershau-
sen), m’ignora délibérément à partir de ma mise en congé, écrit le générai von
Liittwitz, et comme le général von Oven (commandant du Wehrkreis 111) évita
de se montrer, je fus obligé d’organiser à moi seul toute cette affaire. Ce fait,
joint au peu de temps dont je disposais, explique bien des imperfections dans les
préparatifs. D ( i r n Karnpf gegen dia A’ouemberretdution, p. 118-119.)
2 . a La direction politique n’était pas prête non plus. D (Id., ibid.) En public,
Kapp faisait preuve du plus grand optimisme. Mais il se montrait moins sur de
lui dans des conversations privées et n’hésitait pas i parler du a stupide ultima-
t u m du général, qui l’avait ob1,igé i s’emparer du pouvoir plus tôt qu’il n’aurait
convenu. D (CI. E. O . V o L I i m N N , La Révoldon allemande, p. 280.)
3. a Toute une partie de mon corps des Chasseurs fut cntraînée dans le tour-
billon D, écrit le générai KERCIIER (Vom Kaiserheer ZUT Reichswehr, p. 532).
4. Ernst von SALOMON, Les Rhprouvés, p. 131-134.
5. .Aûn de prévenir la dissolution, Ehrhardt marcha sur Berlin plus t6t que
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 89
der 1. A présent, il a presque toutes les chances contre lui.
La nation n’est pas encore prête à accepter une dictature
et la Reichswehr est déjà à demi licenciée. La tragédie du
putsch de Kapp peut se résumer en quelques mots : au
point de vue politique il était encore trop tôt pour agir;
au point de vue militaire, il était déjà trop tard.
4 4
t
c c
LE PUTSCH KAPP-LÜTTWITZ
mais aux carrefours, dans les cours, sur les places, voici que
campent les Baltilcums, et ceux-là, les Berlinois ne les voient
pas sans frissonner. Combien sont-ils? Nul ne peut le dire
...
avec précision De toute façon, ils forment des bandes
redoutables, campées dans la nation ... Ajoutons qu’ils sont
formidablement armés. Ils portent le fusil chargé, baïon-
nette au canon. Ils ont à la ceinture le pistolet automatique
avec une gaine de bois qui prolonge au besoin la crosse pour
faire une façon de carabine. Ils ont aussi deux grenades à
manche, dont l’explosion dans la foule provoquerait de ter-
ribles massacres. Leur casque s’orne de la double croix anti-
sémite 1. Ils sont jeunes, tout jeunes pour la plupart. Ils ont
le teint terreux des hommes qui ont longtemps fait cam-
pagne. Ils sont sveltes et souples, entraînés. Ce sont de beaux
soldats. Ceux qui ne sont pas de service se promènent,déjà
par la ville... Ils examinent les richesses et les beautés de la
grande cité avec une curiosité où parfois l’on sent passer
comme une sauvage convoitise... Les Gaulois devaient être
comme cela, aux premières heures de la conquête de Rome z. D
t
* *
A peine les troupes ont-elles pris possession de la ville que
Kapp s’installe à la Chancellerie e t signe les premiers décrets
de son gouvernement. I1 nomme le général von Lüttwitz
commandant en chef et ministre de la Reichswehr. L’état
d’exception est promulgué dans la région de Berlin. L’Uni-
versité est fermée, les journaux suspendus. Puis Kapp
fait afficher en ville une proclamation, exposant les inten-
tions du nouveau gouvernement.
Mais ce manifeste incolore, où les mots (( le gouvernement
...
s’engage n reviennent treize fois comme un refrain mono-
tone, ne produit aucun effet sur la population berlinoise.
(( I1 faudrait à cette heure, écrit l’auteur du Siebsn-Tagebuch,
II 7
98 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
c +
Soldats de la Reichswehr!
V o u s vous êtes engagés sur la foi d u serment à défendre la
Constitution d‘Empire et à obiir a u gouvernement ligalement
institué par l’Assemblée nationale. N o u s e n appelons à votre
honneur de soldats et de citoyens d’un pays libre. Restez fidèles
a u seul gouvernement ligal!
Exécutez scrupuleusement ses ordres et repoussez avec indigna-
tion toute tentative pour vous inciter a u parjure et à la trahison.
Faites de votre mieux, avec nous, pour sauver notre peuple du
danger de mort qui le guette et pour le conduire vers un avenir
meilleur, après cette ère de souffrances et d‘horreurs.
Le ministre de la Reichswehr, Le président du Reich,
NOSKE. EBERT.
+ +
1. Rudolf MANN, op. cit., p. 194. Ehrhardt, lui-même, était découragé par la
I trahison D des généraux.
110 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
LE PUTSCH KAPP-LÜTTWITZ
.+
Une fois de plus, les révolutionnaires sont écrasés. Mais
l’opération de la Ruhr laisse une impression de malaise h ceux
qui y ont participé. Les atermoiements et l’indécision des
autorités civiles montrent que quelque chose est brisé dans
la machine militaire allemande. L’offensive sur Essen et
Dortmund, constamment retardée par les négociations et les
contrordres, n’a pas l’allure fulgurante des opérations
exécutives menées par Noske et Mærcker. Aux yeux des
commandants de corps, les nouveaux dirigeants n’ont pas
(( la manière 1). (( Aucun chef militaire ne peut collaborer
efficacement avec un pareil gouvernement, écrit le colonel
von Epp. Les empiétements constants sur son autorité le
condamnent à l’impuissance et l’exposent, soit à recevoir
des réprimandes, soit à donner sa démission 2. ))
Vers la fin d’avril, qyelques formations rouges se sont
regroupées dans le Bergisches Land et, plus au nord, dans
la région de Velbert et de Neviges. Le général von Watter
demande les pouvoirs nécessaires pour liquider ces derniers
foyers d’agitation. Le gouvernement du Reich les lui refuse.
Le 27 avril, le commandant du Wehrlcreis V I adresse sa
démission au ministre de la Reichswehr. Le Cabinet socia-
Quel est donc ce général von Seeckt dont nous avons déjà
rencontré le nom à plusieurs reprises et qui va jouer désor-
mais un rôle de tout premier plan dans les annales militaires
de son pays? Quel est cet homme tenace et silencieux, dont
les historiens compareront bientôt l’œuvre à celle de Boyen
et. de Scharnhorst?
Né le 22 avril 1866 à Schleswig, chef-lieu de la province
prussienne du même nom, Hans von Seeckt appartient à
Urie famille catholique, d’origine danoise, OU. les traditions
militaires ont toujours été en honneur. Tout jeune, il a
décidé d’embrasser la carrière des armes et est entré, le
4 août 1885, comme Fahnenjunker, dans le régiment Empe-
reur Alexandre des grenadiers de la Garde, corps dont tous
les officiers étaient recrutés parmi l’élite de l’aristocratie
prussienne et dont on a dit que le rôle, dans la société berli-
noise, n’était comparable qu’à celui que jouait à Potsdam
le l e r régiment de la Garde à pied, surnommé le (( premier
régiment de la Chrétienté ».
C’est dans ce milieu élbgant et raffiné que von Seeckt a
acquis cette courtoisie de manières et cette large culture
intellectuelle qui donneront, toute sa vie, une coloration par-
ticulière à sa personnalité. Après avoir suivi les cours de
l’Académie militaire, il a accompli un stage au Grand État-
Major. La déclaration de guerre l’a trouvé à Berlin, où il
124 HISTOIRE D E L’ARMEE ALLEMANDE
sienne D. C‘est ainsi que u le dernier oflicier de l’armée prussienne D devint a le pre-
mier oficier de l’armée du Reich D.
L’ÈRE D E S COUPS D’ÉTAT 127
Peu après, ce Truppenarnt, au nom jusqu’alors inconnu
dans l’organisation militaire allemande, se subdivise à son
tour en quatre sections, possédant respectivement‘les attri-
butions suivantes :
I . - Opérations.
I I . - Organisation.
I I I . -Armées étrangères.
IV. - Transports 1.
* *
(( Priver le peuple allemand de toute instruction militaire
t
+ +
tement lié à leur rôle dans l’histoire 3. D Sans doute les grands
bouleversements de l’écorce terrestre, les transformations
géographiques e t climatiques, les courants civilisateurs e t
les échanges commerciaux ont-ils joué, dans le passé, un
rôle plus important que les batailles et les guerres. Mais leur
souvenir n’est pas associé à des personnalités marquantes,
ils ne se gravent pas dans la mémoire avec des contours aussi
,aigus que les événements militaires. Cela tient à ce que les
armes et la forme des armées ont changé, mais que les
hommes sont restés les mêmes à travers les siècles, avecleurs
qualités e t leurs défauts, leur abnégation et leur héroïsme.
Si les nations glorifient la mémoire de ceux qui sont morts
sur les champs de bataille, ce n’est pas par romantisme :
c’est par un instinct plus profond que l’on pourrait appeler
ia reconnaissance historique.
(( La conscience de participer à une tradition glorieuse,
* l
Il 10
146 HISTOIRE D E L ’ A R M É E A L L E M A N D E
t
+ +
1. I1 va sans dire que cette classification n’a rien d’absolu et l’on remarquera
bien des variations au sein de chaque catégorie.
2. C’est-à-dire qu’illégales vis-&vis du traité de Versailles, elles sont cependant
légales vis-à-vis des lois allemandes.
3. Par une ordonnance du ministre de la Reichswehr du 11 mai 1919.
L’ÈRE D E S C O U P S D’ÉTAT I47
mations complémentaires, soit en s’incorporant directement
à ses unités.
Concurremment avec les Engagés volontaires, le Reich
constitua des troupes de secours techniques, ou Technische
Nothilfe, composées d’ingénieurs, de chimistes, d’étudiants
des grandes écoles, de contremaîtres et d’ouvriers volon-
taires. Destinées à parer aux occupations d’usines, prati-
quées par les Spartakistes, leur mission consistait à assurer,
en cas de grève, la marche des services indispensables à la
vie de la nation : eau, gaz, électricité, transports, etc. 1.
PIacées sous le commandement d’un corps d’ingénieurs, les
troupes de secours techniques étaient directement rattachées
au ministère de la Reichswehr.
Enfin, des Gardes d’habitants, ou Einwohnerwehren, avaient
été instaurées dans toutes les communes d’Allemagne, en
vertu d’une ordonnance du 25 avril 1919. Rattachées elles
aussi au ministère de la Reichswehr, les Einwohnerwehren
avaient pris rapidement une grande extension 2. Militaires
quant à leurs cadres, mais civiles quant à leurs effectifs, ces
milices bourgeoises étaient destinées à veiller sur la sécurité
publique dans les villages et dans les villes. Recrutées par
l’entremise des commandants de place, encadrées d’officiers
ou de sous-officiers qui s’étaient distingués au front, leur
armement consistait en carabines et en fusils, en pistolets
et en mitrailleuses. Un ceinturon avec un sabre ou un bâton,
un casque d’acier, une musette et une gourde, deux bandes
de pansement et un brassard spécial, constituaient leur équi-
pement.
Les articles 177 et 178 du traité de Versailles ayant inter-
dit toutes les organisations armées en dehors de la Reichs-
wehr et de la police des États, les autorités du Reich enle-
vèrent les Gardes d’habitants au ministère de la Reichswehr
pour les rattacher au ministère de l’Intérieur, où elles pas-
+ c
sont engagés dans une guerre qui doit se terminer par leur
triomphe ou par leur esclavage, et le sentiment du sublime
doit naître tout naturellement des conditions de la lutte 1. ))
Ce sentiment peut tremper leur volonté, mais il brouille
leurs idées et les rend de moins en moins conscients du but
qu’ils poursuivent. Enivrés par un orgueil chaque jour plus
effréné, ils agissent sans plan d’ensemble et sans programme
défini. (( S’enrôler en masse dans les corps de francs-tireurs,
mourir en héros les armes à la main, voilà de quoi étaient
capables les meilleurs représentants de la jeunesse allemande.
Mais il aurait été vain d’attendre de cette jeunesse une par-
ticipation à une politique réfléchie : elle ne possédait ni les
capacités ni les moyens de faire triompher ses idées, d’ail-
leurs vagues et nébuleuses. )) Cette remarque de Constantin
de Grünwald sur les corps francs de 1812 2, s’applique mot
pour mot aux ligues de 1921.
Alors, un certain nombre de jeunes gens, .pour la plupart
des Baltes et des membres de l’ancienne brigade Ehrhardt,
écœurés par les querelles intestines et l’impuissance des
ligues, décident d’agir pour leur propre compte et de passer
à l’action directe. Puisque la Sainte-Vehme supprime ceux qui
trahissent les secrets de leurs associations, n’ordonne-t-elle
pas, à bien plus forte raison, d’abattre ceux qui trahissent
le Reich et que la presse nationaliste dénonce, jour après
jour, comme les artisans du déshonneur allemand? Sans
doute certains chefs révolutionnaires ont-ils déjà été assas-
sinés. Cependant Erzberger, Auer, Rathenau, Scheidemann
vivent encore, et tant qu’ils sont vivants, l’Allemagne est
en péril ...
Sitôt ce principe admis, le contact s’établit de lui-même
entre les conjurés. (( Dans les mois qui suivirent, écrit l’un
d’eux, un filet résistant, invisible, élastique se forma, dont
chaque maille ré.agissait, sitôt que dans un endroit quel-
l. Georges SOREL, Réflexions sur l~ uiolence, p. 323.
2. Constantin de C R ~ N W A LSiein,
D . p. 279.
158 E I S T O I R E D E L’ARMÉE A L L E M A N D E
1. u Arrêtés par les travaux de défense que la Pologne avait accumulés en deçi
du fleuve, nos ancêtres n’avaient pu l’atteindre, écrit Frédéric Barberousse, en
1157. Mais nous avons enlevé leun tranchées, installées dans les défilés des forêts,
et, à notre armée, nous avons fait franchir l’Oder, qui entoure cette contrée comme
un mur. D
2. Cf. Harold L a m , Gengis-Khan, p. 273, note 8.
3. ii Quiconque étudie cette époque avec un regard libéré de tout préjugé, écrit
Kurt lheysig, professeur H l‘université de Berlin, ne peut s’empêcher de déplo-
rer que les ûttons, les Saliens e t les Hohenstaufen n’aient pas consacré toutes
leurs forces ci accroiirc leur empire dans le sens... que leur indiquait avec clarté
l’instinct populaire. S’ils s’étaient rendus dans les provinces de l‘est, au lieu de
s’établir i Naples e t i Amalfi, alors un Reich aurait surgi au centre de l’Europe,
si vaste, si solide e t si invincible, qu’aucune pousde slave n’aurait jamais pu
l’entamer et que. de nos jours, la vitalité sans cesse croissante de notre peuple
II 11
162 HISTOIRE DE L’ARMÉE
ALLEMANDE
1. A vrai dire, le calme n’était jamais tout à fait revenu en Silésie depuis le
premier soulhement polonais (janvier-février 1919).
2. Notamment à Kreuzburg, Rosenberg, Lublinitz, Rybnik, Hindenburg, Glei-
Witz et Pless.
3. Zur Vorgeschichte des polniachen Augustusaufstandes in Ober-Schlesien, Char
lottenburg, 1919, p. 35.
L’ÈRE D E S COUPS D’ÉTAT 171
Paprotzan, à 2 km au sud de Tichau, est assaillie par
surprise. Les insurgés polonais s’emparent d‘une quantité
importante de canons, d‘obus et de grenades à main. Puis
ils occupent la gare, la poste, et les principaux édifices
publics de Tichau. A la même heure, un feu nourri de
mitrailleuses et de lance-mines éclate tout le long de la fron-
tière sud, obligeant les troupes allemandes à se replier vers
le nord
Le lendemain matin (17 août), les agents du P. O. W.
font afficher partout la proclamation suivante :
Patriotes polonais!
Aujourd’hui, depuis 9 heures, l’insurrection est maîtresse de
toute la Haute-Silésie. Que chaque homme valide se joigne à
nous avec ses armes (ou une faux, à défaut d’arme) pour nous
aider à briser les chaînes de l>Étranger.
L’ORGANISATION
MILITAIRE POLONAISE
POUR LA S I L É S I E ~ .
Concitoyens!
L e gouvernement polonais m’a relevé de mes fonctions de
Commissaire du plébiscite, SOUS prétexte que je n’ai pas pris
les mesures nécessaires pour réprimer le coup de force. J e ne
suis plus Commissaire du plébiscite, mais un des vôtres par mon
sang et par m a vie, u n fils d u peuple silésien, fier de la confiance
que vous m’avez témoigne’e depuis vingt ans, et qui, pendant
vingt ans, n’a cessé de lutter pour vos droits et votre indépen-
dance. Ouvriers grévistes et combattants, j e suis désormais parmi
vous comme votre frère et, d‘accord avec nos partis polonais, je
prends la tête de notre mouvemert.
... Afin d’organiser le mouvement des masses, je nomme
Nowina Doliva chef suprême de toutes les forces armées des
insurgés. Tous les commandants de district, les chefs et les
insurgés eux-mêmes lui doivent une obéissance absolue.
J e transfère à la Cour martiale le droit de juger et de punir
les insurgés coupables, ainsi que les civils capturés par nos
hommes.
Au Quartier Général de Beuthen, le 3 mai 1921,
anniversaire de la Constitution polonaise,
KORFAKTY.
1. a Des Allemands sont torturés et mutilés avant d’être tués. Des villages et
des chateaux sont piiiés et incendiés... Lcs scènes que reproduisent les photogra-
phies du Livre Blanc allemand dépassent en horreur les pires atrocités. n ( R e d
MARTEL, The Easkrn fronliers of Germany, Londres, 1930, p. 79-88.)
180 HISTOIRE DE L’ARMEE
ALLEMANDE
+ +
* *
Tandis que ces discussions se déroulent entre Londres et
Paris, des transformations ont eu lieu au Quartier Général
allemand. L’extension prise, depuis peu, par l’aspect poli-
tique de la question et l’arrivée en Silésie de corps francs
toujours plus nombreux, ont obligé le Comité central à limiter
son activité aux négociations diplomatiques et à remettre
la direction des opérations au général Hœfer, dont la nomi-
nation a été ratifiée par les chefs des corps francs 1.
Aussitôt investi du titre de Commandant en chef; le géné-
ral Hœfer remanie le dispositif de combat. Les trois secteurs
existants seront remplacés par deux groupes autonomes, le
Groupe nord et le Groupe sud, commandés respectivement
par le lieutenant-colonel Grützner et le général von Hülsen.
Vers le 20 a lieu, à Krappitz, un conseil de guerre au
cours duquel le général Hœfer expose à ses subordonnés la
tactique qu’il entend suivre.
- Nos formations, déclare-t-il, doivent attendre que la
Commission interalliée leur donne le mandat de libérer le
territoire occupé par les insurgés, I1 ne faut à aucun prix
entreprendre de nouvelle offensive, car nos troupes risque-
raient de s’exposer à un échec, qui compromettrait irrémé-
diablement le succès de notre cause z.
- J e regrette de ne pouvoir partager cette manière de
voir, réplique le général von Hülsen. Jamais la Commis-
sion interalliée ne nous donnera un mandat de cette nature.
Le premier devoir des Selbstschützen est d’agir. Le moindre
succès de nos troupes renforcera notre situation a u s points de
vue politique, militaire et moral, et la Commission interalliée
pour l’influence des Alliés qui avaient lié leur sort i celui de la Pologne D. (Les
Archives de la Grande Gtcerre, Le Point de c u e politique, p. 9.) Frank H. S I M O N D S
souligne de son côté, dans le New York Herald du 29 mai 1921 : ( I Pour toutes
les grandes Puissances, cette affaire polonaise était un terrible contretemps. Les
Français eux-mêmes ne pouvaient qu’admettre l’illogisme de la situation : l’Ai-
lemagne, sommée de désarmer, mais voyant en même temps dcs territoires sur
lesquels elle avait encore des droits (puisque le Conseil suprtmc ne s’était pas
encore prononcé) envahis par des troupes polonaises, tandis que les forces mili-
taires allemandes étaient condamnées il’inaction. 1
1. I1 importe de souligner ce point : le général Hccfer n’est ni le représentant
du gouvernement alicmand, ni celui du ministère de la Reichswehr, mais l’élu du
Comité central e t des chefs des corps francs.
2. Le générai Hmfer redoutait une collision entre les formations allemandes
e t les contingents alliés. C‘est ce qui explique le contrordre adressé, le 22 mai,
au capitaine von Arnim.
188 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
1. Cela fait beaucoup d’unités, mais le total des effectifs ne dépasse pas
3.000 hommes.
2. Bernhard von HÜLSEN, op. cit., p. 23.
L’ERE DES COUPS D’ÉTAT 191
dégageant du même coup les hauteurs de Wygoda. De ce
fait, la colonne von Chappuis, qui a subi un temps d’arrêt,
peut reprendre son avance sur le même rythme fougueux
que la colonne Horadam. En quelques heures, les bataillons
Winckler, Lensch, et Bergerhoff s’emparent de Roswadze,
Deschowitz, Solownia, et de la gare de Leschnitz.
Le reflux des Polonais a permis aux volontaires du corps
franc Oberland d’effectuer un nouveau bond en avant.
Ceux-ci se sont emparés de Jeschona, de Dalline et de
Sakrau, où ils ont réussi à capturer deux canons allemands,
abandonnés sur le terrain par les insurgés.
Au lever du jour, les colonnes allemandes parviennent au
pied de l’Annaberg1. Mais les chefs du corps franc Ober-
land estiment qu’il est impossible de rester sur ces positions,
en laissant les insurgés maîtres des hauteurs qui les sur-
plombent. Ils décident de procéder séance tenante à l’assaut
de la colline, en profitant du désarroi causé par la rapidité
de leur avance.
L’attaque débute par la prise d’oleschka, un petit village
perché en nid d’aigle à mi-hauteur du sommet, que les insur-
gés ont transformé en redoute fortifiée. A dos d’homme, les
artilleurs du corps franc hissent les deux canons conquis à
Sakrau le long de la paroi escarpée, les mettent en batterie
h 1.200 mètres d’0leschka et ouvrent le feu sur les positions
polonaises.
Entre-temps, le chef du corps franc, accompagné de huit
hommes, a réussi à contourner le village sans être aperçu
et s’est élancé à l’improviste dans le dos des insurgés. Se
croyant cernés, les Polonais évacuent le village en toute
hâte. Désormais tout le saillant occidental de l’bnnaberg
est investi.
A 11heures, les Bavarois déclenchent une nouvelle attaque
dont l’objet est de s’emparer du sommet de la colline.
La tenaille formée par les différentes unités du corps franc
Oberland se resserre peu à peu.
A midi, l’avant-garde du bataillon CEstreicher et l’État-
Major du corps franc atteignent la lisière orientale de la
forêt de Wyssoka. Le clocher du couvent se dresse vers le
ciel, juste au-delà d’un dernier mamelon rocheux. (( Cette
image galvanisa tous ceux qui la virent, écrit un combat-
1. Par prudence, l’État-Major du Groupe sud leur avait assigné pour le pre-
mier jour des objectifs relativement rapprochés.
292 H ISTOII~E D E L’ARMÉE ALLEMANDE
II 13
XII
1 . D’après les sources françaises, le total dcs effectifs allemands s’élevait entre
40.000 et 60.000 hommes. Le général von Hülsen déclare cc chiffre très exagéré,
sans fournir de précisions. On trouve cependant, i la fin de son ouvrage, la liste
complète des corps francs allemands qui prirent part aux combats. (CI. également
la nomcnciature générale des corps francs dans Edgar von ScHoriDT-PauLr, Ge-
schichte der Freikorps, Stuttgart, 1936).
196 B I S T O I R E D E L’ARMÉB ALLEMANDE
+ *
Tandis que ces opérations ont lieu dans le secteur du
Groupe sud, des combats plus décousus, mais non moins
meurtriers, se déroulent sur le front nord. Sans cesse les
corps francs de Rossbach et d’Arnim, d’hulock et de Schmidt,
de Christensen et d’Hübner s’élancent en avant et dis-
persent les formations ennemies. Sans cesse le front des
insurgés se reforme et les bandes polonaises, un moment
éparpillées, reviennent harceler les positions allemandes. Le
8 juin, la section Hindenburg, envoyée en reconnaissance aux
environs de Zembowitz, est victime d’un guet-apens et perd
80 % de ses hommes.
Cette guérilla implacable décime les groupes de volontaires
allemands. Leurs effectifs fondent avec une rapidité angois-
sante. Jour après jour, on voit des pelotons de Selbstschützen
4 *
LA TRAGBDIE DE RATHENAU
1. Comte Harry KESSLER, op. cif.,p. 259. Il faut cependant reconnaître que le
traité de Rapallo n’était pas tout à fait aussi (i anodin D que le prétend Kessler.
Avec son coup d’œil habituel et son sens du raccourci, Clemenceau a fort bien
défini sa portée, lorsqu’il écrit : u L’Allemagne faisait remise aux Soviets de ses
créances sur la Russie, sans en avoir demandé l’autorisation aux Puissances i qui
pourtant appartenait un privilège de premier rang sur tous ses biens. (Art. 248 du
Traité.) Elle assurait à la Russie le régime de la nation la plus favorisée. Elle
mettait à son service les moyens industriels qu’elle refusait de faire servir au
règlement plus rapide des réparations. Bref, elle reprenait aux yeux du monde
son indépendance. Y (Grandeurs el Misères d’une cicloire, p. 266, note 1.)
Beaucoup plus importantes que les entretiens Rathenau-Tchitchérine furent les
négociations, poursuivies en marge de la conférence, entre Radek, Nicolaï et le
major von Hammerstein, relatives a la coopération entre la Reichswehr et l’Ar-
mée rouge.
2. Quelque chose dans le genre de l’accord conclu entre la General Electric de
New York et l’A. E. G. de Berlin, par lequel ces deux trusts se partageaient le
monde pour la fourniture de l’électricité.
3. Le comte Bernstorff partageait cette manière de voir. a La Russie, décla-
rait-il, est le pays que nous pouvons exploiter le plus commodément. La Russie a
besoin des capitaux et des intelligences que notre industrie peut lui fournir. Par-
dessus tout, maintenant que le Bolchévisme commence à se répandre en Allemagne,
nous sommes en train de devenir les cousins germains des Russes. I1 faut que nous
nous accordions avec les Bolchéviks. D (Cité par TANSILL, Back Door io war, p. 25.)
4 . Ce traité, qui passa presque inaperçu à l’époque, était en réalité beaucoup
plus important pour les relations germano-russes que le traité de Rapallo. (Cf.
l’Europe nouveelle du 25 mai 1921, p. 698-700.)
5 . On sait que si Rathenau signa précipitamment le Traité, ce fut pour devan-
cer M. Barthou qui cherchait, de son côté, à jeter les bases d’un accord franco-
soviétique. M. Poincaré coupa court à la manœuvre en faisant savoir à Barthou
qu’un traité de cette nature porterait le plus grand tort au prestige de la France
e t lui ferait perdre ses alliances. (Cf. l’article de M. TARDIEU, dans Gringoire, du
22 octobre 1936.)
212 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Rathenau expliqua que cette phrase n’avait pas le sens qu’on lui prêtait,
qu’il avait simplement voulu dire a qu‘avec les généraux qu’elle possédait, 1’Alle-
magne ne pouvait pas gagner la guerre D. Ce n’est pas là l‘important. L’important,
c’est qu‘en citant cette phrase B la barre de la Commission d’enquête du Reichs-
tag, Ludendorff stigmatisa Rathenau devant une grande partie de l’opinion
a comme un être nuisible, un criminel envers qui la vengeance devenait un devoir
national D. (Comte Harry KESSLBR,op. cit., p. 220.)
216 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. William Shirer estime que cette affirmation repose sur une observation
inexacte, imputable à ses partir pris extrêmes. Il ne faut pa5 oublier qu’Hitler
ne parie pan des Partis socialistes actueb. mais de ceux qui existaient Q cette
&poque, antérieurement 2i la scission entre Socialistes et Communistes. Et l’on
n’a pas l’impression que les révolutionnaires russes de 1917, ni lei matelots de
Kiel en 1919, aient éprouv6 le moindre scrupule à faire usage de 1. violence.
2. Mein Kampf, p. 53-54.
3. Ibid., p. 40.
L’ÈRE DES COUPS D’BTAT 237
A force de chercher, Hitler finit par se persuader que
ce sont les Juifs. u Seule, déclare-t-il, la connaissance du
judaïsme donne la clé de l’énigme et permet de découvrir
les desseins cachés - e t par conséquent réels - des partis
marxistes l. n
Lors de son arrivée à Vienne, Hitler ne nourrissait, semble-
t-il, aucune prévention contre les J d f s a. 11 les consi-
dérait comme des Allemands, ne différant des autres que
par la religion, e t à ce titre les attaques haineuses de la
presse antisémite viennoise lui paraissaient (( indignes d’une
grande nation civilisée n. Mais à force d’en rencontrer chaque
jour dans les bas quartiers de la ville, il en était venu à
changer d’opinion.
u Un jour, écrit-il, j e rencontrai une apparition étrange,
vêtue d’un cafetan noir e t portant des bouclettes aux tempes.
Est-ce un Juif? me demandai-je tout d’abord, car ceux de
Linz n’avaient pas cet aspect. J’observai l’homme furtive-
ment et prudemment. Mais plus je scrutai trait pour trait
cette face étrangère, plus ma question changea de forme et
devint : est-ce un Allemand? ))
Pour Hitler la réponse ne peut être que négative. Vienne,
en effet, est submergée à cette époque par un amux de
Juifs orientaux venus directement de Pologne, de Hongrie,
de Galicie, de Bukovine, dont l’aspect et les mœurs
tranchent étrangement sur ceux du reste de la population.
D’où provient ce contraste et que signifie-t-il? Hitler se met
alors à lire des ouvrages antisémites - on en vendait beau-
coup à Vienne à cette époque - et circule dans les rues
pour observer de plus près u ce phénomène ».
R Partout, dans n’importe quel quartier, écrit-il,. je com-
mençai à voir des Juifs et plus j’en voyais, plus ils m’ap-
paraissaient différents du reste de l’humanité ... I1 y avait
beaucoup à dire sur la moralité des Juifs, comme sur leur
propreté, leur sobriété. I1 sufisait de les regarder pour s’en
convaincre. On pouvait même les reconnaître les yeux fermés.
Plus d’une fois, l’odeur qu’exhalaient ces porteurs de cafetan
me donna la nausée ... Ces caractères extérieurs n’avaient
certes rien d’attirant, mais surtout, on ne pouvait pas ne
1. Mein Kampf, p. 54.
2. Contrairement au dire d’Hitler, August Kubizek prétend qu’A Linz, Hitler
était déji nettement antisémite. Ce n’est pas impossible. Mais à cette époque, ce
sentiment n‘avait nullement, chez lui, la violence qu’il devait prendre B partir de
son séjour à Vienne.
238 HISTOIRE DE L ’ A R M É E ALLEMANDE
1. Hitler situe son arrivée à Munich en 1912. Ce doit être une erreur, car les
registies de police autrichiens le signalent comme étant présent à Vienne jus-
qu’en 1913.
L ’ È R E DBS COUPS D’ÉTAT 243
requête dans laquelle il lui demande l’autorisation de s’en-
gager dans un de ses régiments. Sa requête est acceptée.
A l’heure où des millions d’hommes courbent le front
devant la fatalité tragique qui vient de s’abattre sùr eux,
Hitler exulte. Son entrée dans l’armée bavaroise va lui per-
mettre enfin de servir son Allemagne bien-aimée, dans une
lutte où son existence même est en jeu. Après l’épreuve
de la misère, c’est avec un frémissement de joie qu’il s’ap-
prête à affronter l’épreuve du feu.
(( Pour moi, écrit-il dans Mein Kampf, ces heures vinrent
* *
I.
Voir vol. I, p. 265 et S.
248 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Le general von Epp, sollicité par le capitaine Rahm, avança 60.000 marks
pour l‘achat de cette feuille. Les autoritbs de la Reichswehr invoquèrent ce fait
par la suite pour 1 ’obliger Q donner sa démission de l’armée. .I1 entra dors, Q titre
de conseiller politique, dans la N. S . D. A. P.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 251
finir une fois pour toutes avec ces braillards de nationa-
listes 1).
(( Lorsque j’arrivai sur les lieux, écrit Hitler, aucun doute
1. Sturm-Ableilung, au S. A.
2. II ne se trompe pas, puisque d’ici la prise du pouvoir, le Parti comptera
387 morts et 43.000 blessés.
3. Edgar von SCHMIDT-PAULI, Die Manner um Hitler, p. 112.
4. I1 est intéressant de confronter ces directives avec le rbglement élaboré par
l e génhral Mærcker, lors de la constitution de son corps franc. (Voir vol. I, p. 118
e t S.) Ces deux textes se rapprochent en ce sens qu’ils marquent la volont6 de
leurs auteurs de ne pas chercher A copier l’ancienne armée impériale, mais de
créer une troupe nouvelle, exactement appropriée au but qu’ils lui assignent.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 253
caractère d’associations secrètes et couper court aux Zigendes qui
courent sur leur compte. Pour leur retirer toute velléité de satis-
faire leur (( activisme par de petites conspirations individuelles,
il faut leur inculquer? dès leur formation, Ia grande idée dont
le Mouvement poursuit In réalisation. Le premier devoir des
instructeurs est d’dargir l’horizon de chaque individu, de lui
montrer que sa mission consiste à servir cette idée, non à suppri-
mer tel ou tel de ses adversaires. Il s’agit d’élever le combat
au-dessus de l’atmosphère mesquine des conjurations privées et
des vindictes personnelles, pour lui donner la grandeur d‘une
guerre d’e.ztermination contre le marxisme.
30 L a structure, l’équipement et l‘armement des Sections d‘As-
saut ne doivent pas chercher à imiter ceux de l’ancienne armée.
Ils doivent être exactement adaptés à la tâche particulière qu!
incombe à cette troupe. L’uniforme doit se distinguer de celui
de la Reichswehr, en ce sens qu’il n’est pas une tenue de
campagne. Sa coupe simple et sportive doit se prêter aux
marches e t faciliter l’action des volontaires en cas de bagarres
et d’émeutes. Ses couleurs voyantes doivent en faire uninstru-
ment de propagande. Enfin, son uniformité doit effacer touîe
distinction de classe entre camarades d u Parti 1.
40 L e nombre et les effectifs des Sections d’Assaut doivent être
aussi élevés que possible, pour témoigner de l‘ampleur et de la
force d u Mouvement auquel elles appartiennent
LA REICHSWEHR
MAINTIENT L’UNITÉ DU REICH
I. - L’occupation de la R u h r
et l a proclamation de l’état d’exception.
..
a L’opération, écrit M. Tirard, fut menée avec une préci-
sion, un tact et un sang-froid remarquables par le général
1. MM. Herriot e t Léon Blum avaient ouvertement ddnoncé Ics dangers de
l’entreprise.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 259
Degoutte, commandant en chef des armées alliées 1.1) Le
11 janvier, les troupes françaises et belges occupent sans
coup férir Oberhausen et Essen, ainsi qu’une fraction
importante du bassin de la Ruhr, tandis que la Mission
Interalliée de Contrôle des Usines et des Mines (désignée
par le sigle de M. I. C. U. M.) débarque à Essen e t prend un
premier contact avec les industriels de la région.
Mais à ce moment survient un coup de théâtre :le chancelier
Cuno, qui a succédé à M. Wirth le 22 novembre 1922, répond
à l’action du général Degoutte en proclamant la résistance
passive. Le Cabinet de Berlin interdit à tous les fonction-
naires de la zone occupée d’avoir le moindre contact avec les
autorités franco-belges, et se lance dans une contre-offensive
industrielle dont les vagues vont se succéder pendant plu-
sieurs mois :refus d’exécuter les livraisons prévues au titre des
réparations en nature, cessation officielle des paiements, refus
de subvenir aux frais des forces d’occupation, grèves par
ordre gouvernemental des chemins de fer, des administrations
civiles, des douanes et des postes; abandon systématique
des mines, des voies ferrées, des ateliers; sabotage des
signaux, des aiguillages, des installations électriques, des
téléphones. Les ponts sautent, les trains déraillent, des offi-
ciers du corps d’occupation sont assassinés en plein jour.
De plus, le Syndicat du charbon, qui est le cerveau du
bassin minier rhéno-westphalien et qui commande tous les
leviers de cette formidable organisation technique, a quitté
Essen dans la nuit qui a précédé l’arrivée des troupes fran-
çaises, en emportant toutes ses archives. Pour répondre à
cette défection, les divisions du général Degoutte occupent,
le 15 janvier, l’ensemble du bassin de la Ruhr et en parti-
culier Bochum, centre de la production du coke. Des élé-
ments nationalistes provoquent dans cette dernière ville une
échauffourée. Des coups de feu sont tirés sur un poste fran-
çais qui doit se défendre par les armes. Le lendemain nos
troupes occupent Dortmund z. Semblables à deux lutteurs
qui s’étreignent corps à corps, la France et l’Allemagne sem-
blent engagées dans un combat sans issue.
Le 16 janvier, la Commission des réparations constate
deux nouveaux manquements de l’Allemagne. En guise de
t
r r
+ *
(( Une Constitution qui survit, t a n t bien que mal, à des
LA REICHSWEHR
MAINTIENT L’UNITE DU REICH
* *
Fort de l’approbation tacite des autorités militaires, le
commandant Buchrucker se met alors à l’œuvre. Sous son
impulsion personnelle naisccnt des compagnies de fantassins
et de mitrailleurs, des bat leries d’artillerie, des sections de
lance-mines et quelques unités spéciales (génie, train, etc.).
(( Les volontaires de ces troupes, recrutés parmi les associa-
+ +
+ *
La révolte de la Reichswehr noire n’a duré que quelques
jours. Mais, bien qu’elle ait été rapidement réprimée, elle
marque une cassure décisive entre l’armée légale et les forma-
tions irrégulières. Instruit par cette expérience, von Seeckt
ne collaborera plus jamais avec les groupements clandestins,
quelles que soient leurs tendances ou la personnalité de leurs
chefs. Aussi n’en sera-t-il que plus libre pour réprimer leurs
débordements, partout où ils se produiront.
Mais pour les anciens membres de la Reichswehr noire et
des groupements illégaux, la leçon, elle non plus, ne sera
pas oubliée. Repoussés de Berlin par von Seeckt et ses colla-
borateurs, ils se tourneront tout naturellement vers Munich
et vers Hitler. Nous retrouverons un certain nombre d’entre
eux dans les Sections d’Assaut du Parti national-socialiste :
le capitaine Stennes, le lieutenant Hayn, le lieutenant Schulz,
d’autres encore. Ceux-ci y apporteront leur rancune per-
sonnelle envers la Reichswehr et le désir de prendre leur
revanche sur les milieux militaires officiels.
Mais n’anticipons pas sur les événements. Ayant étouffé
la révolte dans l’œuf, le général von Seeckt peut passer à
présent à la deuxième partie de son programme, c’est-à-dire
à l’action exécutive contre la Saxe.
XVIII
LA REICHSWEHR
MAINTIENT L’UNITÉ DU REICH
1. Dr Heinz BRAUWEILER,
op. cit., p. 46.
286 HISTOIRE D E L ’ A R M É E A L L E M A N D E
t
* *
* *
La brusquerie avec laquelle ont éclaté les émeutes de
Hambourg, l’existence d’un plan d’attaque minutieusement
préparé e t le nombre élevé des victimes sont un avertisse-
ment pour les autorités militaires. Elle n’ont plus une minute
à perdre, si elles veulent éviter des troubles similaires en
Saxe et en Thuringe. Jusqu’ici, le général von Seeckt n’a
pas voulu précipiter les choses. Mais les bagarres de Ham-
bourg lèvent ses derniers scrupules et l’incitent à intervenir
avant qu’il soit trop tard.
Le 27 octobre au matin, le chancelier du Reich adresse
la note suivante au Gouvernement saxon :
Attendu que les membres communistes d u Gouvernement saxon
ont excité, par des proclamations, la population de la Saxe à
commettre des actes de violence et à se révolter contre l’autorité
d u Reich, le chancelier d‘Empire exige le retrait de M . Zeigner,
président d u Conseil de Saxe, et de son Cabinet, car le Gouver-
nement d u Reich ne reconnaît plus le Gouvernement saxon comme
un gouvernement de Pays, dans le sens où l‘entend la Constitu-
tion d’Empire. Il attend la réponse de M . Zeigner dans le cou-
rant de la journée 3.
Le même jour, des collisions sanglantes ont lieu à Fribourg-
en-Saxe, entre compagnies de la Reichswehr et manifestants.
1. Vorrvdrfs, num6ro du 27 octobre 1923. I1 s’agit, en particulier, de Sobelsohn,
d i n s Karl Radek, membre du Komintern, et d’Otto Marquardt, membre de la
Délkgation commerciale des Soviets, à Hambourg.
2. Vorwirrfs, iiumho du 28 octobre 1923.
3. La cliancclier du Reich considhe qu’en couvrant les agissements des Commu-
riistcs les Noder4s se rendent complices de leur action révolutionnaire.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 289
Plusieurs soldats sont à moitié lynchés par la foule et la
troupe doit faire par trois fois usage de ses armes. Le lende-
main, la ville a repris sa physionomie habituelle, mais il y
a, hélas, beaucoup de victimes à déplorer : 2 morts et 8 bles-
sés, dont 6 graves, du côté de la troupe; 25 morts et 52 bles-
sés, du côté des manifestants.
Cependant M. Zeigner n’a toujours pas répondu à la note
du 27 octobre. Du coup, le général Müller reçoit l’ordre de
destituer le Gouvernement saxon. Au matin du 28 octobre,
le commandant du Wehrkreis IV notifie cette décision au
président du Conseil e t interdit au Landtag de siéger, en
invoquant le paragraphe 48 de la Constitution.
On imagine l’effet que produit cette nouvelle dans les
milieux politiques de Dresde. La fureur des députés est à son
comble. Malgré l’interdiction du commandant de Wehrkreis,
les fractions gouvernementales se réunissent et déclarent
qu’elles refusent de s’incliner devant les ordres du général
Müller, car seul, le Landtag a le droit de dissoudre le Gouver-
nement saxon. Sans doute le paragraphe 48 déclare-t-il que
lorsqu’un Pays ne remplit pas ses obligations, telles qu’elles
découlent des lois et de la constitution d‘Empire, le président
d u Reich peut l’y contraindre, en faisant appel à la force
armée. Mais Ie paragraphe 48 est suivi de la mention sui-
vante : Les modalités d’exécution seront f i é e s par une loi.
Or cette loi n’a pas encore été votée. En fait, le président
du Reich peut intervenir par les armes dans les affaires inté-
rieures des Pays. En droit, il ne le peut pas, puisque les
conditions de cette intervention n’ont pas été définies l.
Mais les autorités militaires ne sont pas d’humeur à se
laisser arrêter par des considérations juridiques. Si l’armée
n’était pas là pour maintenir l’unité du Reich, il y a long-
temps que celle-ci ne serait plus qu’un mythe! Aussi, le
29 octobre, à 9 heures du matin, le Chancelier du Reich
nomme-t-il le Dr Heintze Commissaire d’Empire pour la
Saxe. A peine investi de ses nouvelles fonctions, celui-ci
dépêche un oficier à chacun des ministres pour les inviter à
évacuer leurs bureaux avant 14 heures. Comme il fallait s’y
L E PUTSCH NATIONAL-SOCIALISTE
DE MUNICH
(8-9 novembre 2923)
* *
Le 26 février 1924, tous les instigateurs du coup d’État
sont traduits devant la Haute-Cour. Hitler, Ludendorff,
le Dr Frick, M. Pohner, le lieutenant-colonel Kriebel, chef
militaire du Kampfbund, le lieutenant Bruckner, comman-
dant du régiment de S. A. de Munich, le lieutenant Wagner,
chef adjoint des volontaires de Rossbach, le Dr Weber,
chef de l’Union Oberland, le capitaine Rohm, chef de la
Reichsiriegsflngge, le lieutenant Pernet, gendre de Luden-
dorff, prennent place au banc des accusés. C’est un des
plus grands procès qui se soient déroulés en Allemagne depuis
la fin de la guerre. Pendant plus d’un mois, les témoins
- parmi lesquels figurent von Kahr, Lossow 2 t Seisser -
défilent à la barre. Enfin, le 1er avril, le verdict est rendu :
Adolf Hitler, Kriebel, Pohner et Weber sont condamnés à
cinq ans de forteresse, pour haute trahison 2. Frick, Bruckner,
1. Cf. Martin SOMMERFELDT, Hermann Gering, p. 48.
2 . Avec la promesse - assez vague il est vrai - d’une libération anticipée
aprPs six mois de détention.
312 HISTOIRE DE L’ARMkE ALLEM A N D E
LE RETOUR A LA LÉGALITE
I . Karl TSCAWPPIK,
Ludendorff, p. 416.
L’ÈRE DES COUPS D’ÉTAT 315
matériel, lui apparaît de plus en plus comme une victoire
morale. En démasquant les visées particularistes de M. von
Kahr et en provoquant indirectement la chute de son gou-
vernement, le coup de force nationaliste a mis un terme
définitif aux tendances séparatistes des réactionnaires
bavarois. Le procès qu’on lui a intenté a braqué sur
Hitler l’attention de la presse mondiale. Considéré jusqu’alors
comme un bohème, un vagabond et enfin comme un
petit agitateur local, il est devenu, du jour au lendemain,
une figure de premier plan dans la politique intérieure alle-
mande. Son Parti a reçu le baptême du sang, ce qui lui
confère un prestige qu’il n’avait pas auparavant. La fusil-
lade de la Feldherrnhalle a agi (( comme une bombe qui,
en éclatant, a répandu sa semence à travers tout le Reich II.
Pourtant le chef du Parti national-socialiste se rend p‘ar-
faitement compte qu’il a commis un certain nombre
d’erreurs qu’il importe de ne pas renouveler. D’abord, il a
agi avec une précipitation excessive. Sans doute se sentait-il
poussé (( par une force inéluctable ». Mais le fatalisme est,
pour les hommes politiques, un conseiller dangereux. I1 ne suffit
pas, en effet, de renverser un régime : encore faut-il le rem-
placer par un autre. L’fitat nouveau doit être prêt à l’avance,
si l’on veut qu’il soit capable de se substituer à l’ancien.
(( Aujourd’hui, avouera Hitler en 1936, je remercie le destin
LA REICHSWEHR DE m T I E R
CLÉ DE VOÛTE DE LA -PUBLIQUE
(1923-1927)
XXI
DU RETOUR D’HINDENBURG
AU DÉPART DE VON SEECKT
1. Max HERMANT,
I d o l e alkmandaa p. 118
II 21
322 HISTOIRE D E L’ARMEE ALLEMANDE
+ +
Comme pour souligner que c’est bien une nouvelle époque
qui commence, Ebert meurt le 28 février 1925.
Aussitôt, c’est le branle-bas au sein des partis politiques.
Pour la première fois dans son histoire, le peuple alle-
mand va être appelé à désigner son chef et le monde
attend son choix avec une curiosité légitime.
Les élections ont lieu le 29 mars 1925. Elles donnent les
résultats suivants :
certains orplosifs utilisés dans les mines), chars d’infanterie, lance-flammes. autos
blindées, appareils de protection conlre les gaz, matériel de liaisou, télémétres,
instmmcnts d‘optique, voitures observatoires, boulangeries de campagne, infir-
meries de campagne, etc. Le matériel susceptible d’être utilisé B des fins pacifiques
f u t vendu au profit des gouvernements alliés; mais il d u t subir, avant la vente
une transformation qui le rendit immédiatement impropre h l’usage militaire. D
(Uneexpérience de désarmement, p. 163.)
1. a I1 fut admis en février 1920, écrit le général Nollet, que supprimer une
usine ayant fabriqué du matériel de guerre, c’était prendre des mesures rendant
impossible de l’utiliser h nouveau pour la fabrication du matériel de guerre, sans
être obligé d’y faire une complète réinstallation. n (Op.cit., p. 177.)
2. Le détachement permanent d‘Essen comprenait 8 officiers : 6 britanniques
et 2 français qui avaient, de jour e t de nuit, libre accès aux divers ateliers.
3. Général NOLLET,op. c k , p. 179.
4. Parmi ces établissements, les plus importants étaient :
A. Dans l‘Alleiiiagne d u nard R du centre :
Spandau :fonderie de canons, fabrique d’obus, ateliers de construction d’ar-
tillerie. Has&r8t :fabrique d’armes portatives, poudrerie, pyrotechnie, cartou-
cherie. Erfurt : fabrique d’armes portatives. Cassel : cartoucherie. Lippstadt :
fabrique d’dûts, avant-tr&s et caissons de munitions. Siegburg :fabrique d’obus
at pyrotechnie.
LA REICHSWEHR D E Y É T I E R 341
à transformer leurs ateliers de guerre pour les remplacer
par des fabrications plus rémunératrices. Tandis que les
ûeutsche Werlce appartenaient à l’administration militaire,
qui n’avait aucun intérêt à en modifier les installations.
Cependant, elle dut s’incliner devant la volonté de la
Commission. Erfurth et Spandau durent cesser la fabri-
cation d’armes et de munitions de chasse et de sport; Hanau,
celle de la nitro-cellulose. Tous les autres établissements
furent transformés.
Quant aux usines chimiques, dont le nombre était évalué
à 3.400, un certain nombre d’entre elles furent supprimées,
et 250 transformées suivant les directives de la C. M. I. C.
Les poudreries d‘État (Spandau, Haselhorst, Ingolstadt-Rei-
chertshoff en, Hanau, Gnaschwitz, Dachau, Plauen) et les
poudreries privées (Premnitz, Troisdorf et Dünaberg 1) furent
supprimées, à l’exception de celle de Rheinsdorf. Le maté-
riel e t les établissements spéciaux furent détruits ou disper-
sés, les autres utilisés à des fabrications de paix a.
Les ateliers de fabrication d’explosifs nitrés (Griesheim-
Elektron, Meister-Lucius à Hochst, Bayer à Leverkusen
e t Dormagen, les Badische-Anilin Werke à Ludwigshafen)
installés pendant la guerre furent également supprimés. Le
matériel dispersé a été évalué à 200 millions de marks-or
(parmi lesquels 65 millions pour Leverkusen et Dormagen,
et 40 millions pour Dünaberg).
E n outre, la Commission fit détruire : 20 dépôts d’artillerie
complétés chacun par un atelier d’armurerie et une Muni-
tionsanstalt, 42 ateliers de chargement, des établissements
d’études de matériel de guerre (entre autres le Militaruer-
suchsamt de Berlin-Jungfernheide), et l’atelier d’artillerie du
Chemisches Laboratorium de Dresde.
Seules, 33 usines furent autorisées par les Alliés à pour-
suivre la fabrication du matériel de guerre : 22 travaillant à
B. En Bavière :
Zngokrkcdt :ateliers d’usinage do canons. Munich :ateliers de construction d’ar-
tillerie. Amberg : fabrique d’armes portatives. Dachau : poudrerie, cartoucherie.
C. En Saxe :
Dresde :cartoucherie et atelien d’artillerie. Radeberg :pyrotechnie. Gnmchwitz :
poudrerie.
1. Cette usine fabriquait, i elle seule, 40 yo de la production totale de 1’Alle-
magne.
2. Troisdorf fabriqua du celluloid; Premnitz, de la soie artificielle; Hanau, du
collodion et du cuir synthétique; Plauen fut transformé en ateliers de réparations
pour les chemins de fer.
342 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
* *
1. Le général voii Sceckt iie coinmaiidait plus uux deux çiieîs de Cruppcn-
s . il était promu coloiiel-géiiéial, et ce nouveau grade, qui en Iaisait
k u s i i ~ ~ r u i oMais
le chef de la hiérarchie militaire, lui restituait e11 fait ce qui lui était retiré eii
principe.
2. Paul Royuas, op. d . ,p. 139.
350 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
PRÉPARATOIRE DU DESARMEMENT
+ +
Le 18 mai 1926, les délégués se réunissent à Genève et,
devant la complexité des problèmes qui se posent dès la
I r e session, la Commission décide de ne pas s’aventurer plus
loin sans avoir pris auparavant l’avis des techniciens. A cet
effet, l’on crée deux Sous-commissions techniques : l’une
militaire, navale et aérienne; l’autre dont l’objet est d’exa-
miner l’aspect industriel et financier de la question. Sans
faire violence aux textes, on peut dire que c.es deux Sous-
commissions ont pour objet de préparer le travail de la
Commission préparatoire. A ce train-là, les choses ne risquent
guère d’avancer rapidement.
Dès les premières réunions, les divergences de points de
vue entre les délégations éclatent dans toute leur ampleur.
-Les Alliés, déclare l’Allemagne par la voix du comte Bern-
storff, ont imposé au Reich une armée de 100.000 hommes.
Or, le traité de Paix, le Pacte de la S. D. N. et, depuis lors,
l’acte final du traité de Locarno l, s’accordent à recon-
naître que le désarmement allemand doit ouvrir la voie au
désarmement général. I1 n’y a, pour y parvenir, que trois
façons de procéder : ou bien abaisser vos armements au
niveau assigné à l’Allemagne; ou bien permettre à 1’Alle-
magne de relever ses armements au niveau des vôtres; ou
enfin, en combinant les deux méthodes, abaisser vos arme-
ments et nous permettre de relever les nôtres, de sorte
qu’ils se rencontrent à mi-chemin 2.
- Ce que vous demandez là, réplique la délégation fran-
çaise, n’est rien de moins que la permission de réarmer légale-
ment! Cette thèse est incompatible avec le but de nos tra-
vaux.
LA REICHSWEHR D E MÉTIER 357
- Ne pourrait-on, suggère la délégation britannique, sup-
primer pour commencer un nombre déterminé de bataillons,
d’escadrons et de batteries?
- Impossible! répond la délégation française. De tels
engagements réclament des contreparties. Ils exigent des.
systèmes d’entente, des pactes d’arbitrage et d’assistance
mutuelle. Avant de procéder au désarmement, il faut conso-
lider la sécurité.
- Le chapitre de la sécurité est clos, déclare sèchement
lord Robert Cecil. Celle-ci est assurée par le Pacte de la
S. D. N. et le traité de Locarno. Vous avez la garantie de
la Grande-Bretagne et de l’Italie. Vous avez des accords avec
la Pologne et la Tchécoslovaquie. Que voulez-vous de plus?
-Ce n’est là qu’un commencement, réplique M. Paul-
Boncour. I1 faut pousser plus loin le système ébauché. I1
faut établir une série de méthodes et de règlements per-
mettant au Conseil de la S. D. N., s’il décide et quand il
aura décidé, d’agir, et d’agir vite.
- Si vous parlez de sécurité, fait remarquer le délégué
américain, je serai obligé de me retirer de la Commission,
car les États-Unis n’ayant pas ratifié le Pacte, l’application
de ses clauses ne saurait lui incomber.
Force est donc à la Commission de disjoindre de son ordre
du jour toutes les questions de sécurité, pour les remettre
à un organisme spécial, dit Comité du Conseil.
- Le traité de Versailles, poursuit le comte Bernstorff,
interdit à l’Allemagne de posséder certaines armes dites ofen-
sives :les chars, l’artillerie lourde, les avions de bombarde-
ment, les gaz asphyxiants. Ne pourrait-on commencer par
interdire leur emploi dans toutes les armées?
- Sans doute, répond la délégation polonaise, mais com-
ment dresser un état comparatif des armements? Sur quelle
base apprécier la valeur du potentiel de guerre, et comment
comparer celui d’une nation agricole, comme la Pologne,
avec celui d’une puissance industrielle, comme l’Allemagne?
- La question de la comparaison des potentiels de guerre,
ajoute la délégation française, se pose également sur le plan
des effectifs. Comment comparer une armée de métier comme
la Reichswehr, avec une armée basée sur le service militaire
obligatoire? La France est déjà passée du service de trois ans
à celui de dix-huit mois. Devra-t-elle revenir au système du
tirage au sort, en n’incorporant qu’une partie de son contin-
358 HISTOIRE DE L’ARJIÉE ALLEMANDE
r r i
t
+ +
+ *
Nous arrivons ainsi à la 70 session, qui s’ouvre en novembre
1930 l. Quelques jours auparavant, dans une interview
accordée au représentant de l’United Press, le général von
Seeckt a repris, en la précisant, l’argumentation du comte
Bernstorff. Q S’il faut abandonner l’espoir de ramener toutes
les grandes armées au niveau de l’armée allemande, dit-il,
si la réponse des autres Puissances n’est pas satisfaisante,
il ne restera plus au Reich qu’à réarmer, puisque les autres
ne désarment pas, sur la base d’une parité conforme à l’im-
portance de sa population et de sa situation géographique.
Sans doute, un tel accroissement ne saurait-il être immédiate-
ment envisagé, étant donné les conditions économiques e t
financières actuelles : mais il appartiendra à l’Allemagne
de décider librement de l’instant et de la méthode 2. 1) La
même conception se retrouve dans la déclaration du général
Grœner - devenu entre-temps, ministre de la Reichswehr
(20 novembre 1930) 3. L’offensive diplomatique pour 1’ (( éga-
lité des droits )) est déclenchée.
LA POLITIQUE DE LA REICHSWEHR
1. Maurice IAPORTE,
Sous le rnaqiie d’ncier, p. 210-211.
xxv
LA POLITIQUE DE LA REICHSWEHR
1. DrHeinz BRAUWEILER,
Generals in der deuîsciim Rspublik, p. 74.
11 25
386 HISTOIRE DE L’ARMBE ALLEXANDB
1. Le Wehrpolitischer Ami.
2. Colonel MARKS, Das Reichsheer von 1919-1935, p. 394.
LA R E I C H S W E H R D E M É T I E R 387
Reichswehr de métier est une armée sans peuple. Restituer la
nation à l’armée et redonner à l’armée sa fonction dans
l’État, telle est la tâche qui s’impose à présent. Mais cette
tâche, ce n’est pas la Reichswehr qui l’accomplira. Isolée
et statique, elle peut être l’arbitre des événements, non la
force qui suscite des événements nouveaux. I1 faudra donc
qu’un autre groupe l’accomplisse à sa place, et ce groupe
sera le Parti national-socialiste. Pendant toute la durée de
l’offensive hitlérienne, l’armée restera dans ses garnisons,
vigilante et immobile, suprêmement attentive à ne pas
compromettre sa neutralité et ne descendant dans l’arène
que dans certains cas précis. I1 lui arrivera même de ne pas
toujours comprendre cette Allemagne bouillonnante et pas-
sionnée qui puisera ses énergies dans les mythes de la Ger-
manie primitive plutôt que dans le rationalisme éclairé de
Frédéric II. Mais elle la laissera faire, sans contrecarrer son
essor. Elle observera à distance sa montée haletante, et lais-
sera le National-socialisme courir sa chance, quitte à l’éli-
miner à son tour s’il se montre incapable, ou à se rallier
à lui, s’il parvient à s’imposer.
R É P A R T I T I O N TERRITORIALE D E S W E H R K R E I S E D A N S LA REICHSWEHR
D E METIER (1921-1935).
TABLE DES CARTES
II 25’
TABLE DES MATIERES
DU TOME DEUXSME
PREMUiIIÈRE PARTIE
V. - Le Putsch Kapp-Liittwitz.
I. La c o n s p i r a t i o n ................................. 78
Arrivée a Berlin des volontaires d e la Baltique (79). - E n t r é e
en vigueur d u T r a i t é d e Versailles (79). - Note alliée relative
à 13 remise des criminels d e guerre (79). - Indignation géné-
rale (i9).- P l a n d u général v o n Seeckt (80). - Les S p a r t a -
kistes rccommencent a s’agiter (81). - Le conflit entre l e
gouvernement civil e t les autorités militaires e n t r e d a n s sa
phase aiguë (81). - L a brigade E h r h a r d t fête l e premier
anniversaire d e sa fondation (82). - Allocution d u général
v o n L ü t t w i t z ( 8 2 ) .- P r o j e t d e RIAI. Heintze e t Hergt (83). -
L ü t t w i t z s’abouche avec ICapp (83). - Réponse d u président
E b e r t a u x exigences d e hl. Hergt (81). - Lüttwitz rompt
avec les parlementaires (84). - Noske enlève la brigade
E i i r h s r d t a L ü t t w i t z (85). - E n t r e v u e orageuse e n t r e L ü t t -
witz e t Koske (86). - Noske donne l’ordre d’arrêter K a p p ,
P a b s t , Bauer e t Schnitzler (87). - Télégramme confidentiel
d u général v o n Oldershausen (87). - Conditions défavorables
d a n s lesquclles s’engage le coup de force (87). - L ü t t w i t z e s t
débordé par ses troupes (88).- 11 se place sous l a protection
396 HISTOIRE D E L’ARMÉE A L L E M A N D E
-
de la brigade Ehrhardt (S9). Visite de l’amiral von Trotha
a u camp de DUberitz (90). - La brigade Ehrhardt se met
en marche sur Berlin (90). - Dialogue nocturne entre Ehr-
-
bar& e t le général von Oven (91). Entrée de l a brigade
Ehrhardt A Berlin (91). - Fureur de Noske (92). -Le
Conseil des ministres du 13 mars (93). - Le gouvernement du
Reich s’enfuit à Dresde (94).
(159).
X. - L e s combats de Haute-Silésie.
I. Le premier e t le deuxiéme soulèvement polonais. .... 160
Le deuxiéme aspect de l’expansion germanique dans l’est
(160). - Le passé de la Silksie (1G1). - Imbrication des popu-
398 HISTOIRE D E L’ARMÉE A L L E M A N D E
DEUX- PARTIE
LA REICHSWEHR DE METIER
CLÉ DE VOUTE DE LA RÉPUBLIQUE (1923-1927)
(5974)