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DE
L’ARMÉE
ALLEMANDE
HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
(1918-1946)
Premiere p6riode :
L’ENTREDEUX-GUERRES
I
L’effondrement (1918-1919 ) .
II
La discorde (1919-1925).
III
L’essor (1925-1937).
IV
L’expansion ( 1937-1938).
Y
Les épreuves de force (1938).
VI
Le défi (1939).
Deuxiême p&io&e:
LA SECONDE GUERRE MONDIBLE
(à paraître).
BENOIST-MECHIN
HISTOIRE
DE
L’ARMÉE
ALLEMANDE
VI
LE DEFI
1939
Avec 4 car&
DE MXlNICH A PRAGUE
I
ne lui serait pas imposée pour le moment. Mais il faut qu’il sache
la vérité. Il faut qu’il sache qu’il y a eu de graves négligences,
qu’il y a de graves lacunes dans notre Défense; il faut qu’il
sache que nous avons subi, sans guerre, une défaite dont les
conséquences nous accompagneront loin sur notre route; il
faut qu’il sache que ces événements marquent une étape ter-
rible de notre histoire et que tout l’équilibre de l’Europe s’en
trouve bouleversé; qu’il sache que les redoutables paroles ont
été maintenant prononcées - pour un temps du moins -
contre les Démocraties occidentales : u Tu as été pesé dans la
baiunce, et on t’a trouvé légerlx E t n’allez pas vous figurer
que ce soit fini! Ce n’est encore que le commencement du grand
règlement de comptes. I1 ne s’agit que d‘un simple avant-
goût. Nous n’avons bu que du bout des lèvres à la coupe
amère qui nous sera offerte chaque année, à moins que nous ne
retrouvions, par un suprême effort, la santé morale e t la
vigueur martiale, à moins que nous ne nous dressions tout
droits, pour redevenir,, comme autrefois, les champions de la
Liberté l! n
+ +
Hitler n e p e u t s’empêcher d e froncer les sourcils e n lisant
le réquisitoire d e Churchill. Ainsi donc, c’est e n t a n t q u e
1. Winston CEURCH~LL, Diacourq Londres, 1943. Traduction de M. Priestman-
Bréal.
2. (I II m’est extrêmement pénible, au moment de votre grand triomphe D,
écrit Duff Cooper à Neville Chamberlain, a d’être obligé de faire retentir une
..
note discordante. Mais, pour des raisons que vous connaissez. je me méfie pro-
fondément de la politique étrangère que poursuit le présent Gouvernement et
qu’il paraît devoir poursuivre. Mes sentiments étant réels, j’ai considérd que
l’honneur et la loyauté exigeaient que je vous remette ma démission. n
3. Le Parti travailliste tout entier a voté contre.
4; Keith FEILING,The Life of NwiUe Chamberlain, p. 386.
DE MUNICH A PRAGUE 17
défenseur de la Liberté que le député de Waltham Abbey
aurait voulu maintenir trois millions e t demi d’Allemands sous
la férule des Tchèques? Comment peut-il concilier les attaques
qu’il profère contre son régime avec les paroles qu’il pronon-
çait un an auparavant : On peut ne pas aimer le système
d‘Hitler et admirer cependant l’œuvre patriotique qu’il a
accomplie. Si jamais notre pays connaissait la défaite, j’espère
que nous trouverions un champion aussi indomptable que
lui, pour nous rendre notre courage et nous conduire de
nouveau à la place qui nous est due dans le concert des
nations ?» I1 l’accuse d’avoir recours à la menace et à la
violence, mais croit-il que l’Empire britannique se soit édi-
fié autrement? Comment cet homme, qui a été Premier
Lord de l’Amirauté en 1914, ne comprend-il pas que l’équi-
libre européen auquel il se réfère est aussi périmé que la marine
à voiles 2, qu’en ce milieu du xxe siècle il faut élargir cette
conception aux dimensions de la planète et qu’en face des
puissances grandissantes de l’Amérique et de l’Asie, la seule
solution possible est une alliance anglo-allemande qui assu-
rerait au Reich la prépondérance sur le continent et à 1’Em-
pire britannique l’hégémonie des mers? Qu’il serait beau de
voir l’univers gouverné par les deux rameaux réconciliés
de la noble race saxonne 3! Y parvenir serait une des
ambitions de sa vie. Ne l’a-t-il pas assez répété au cours de
ces dix dernières années 4 ?
Mais c’est un langage auquel Churchill est totalement
imperméable. Il n’est pas un Saxon sorti des forêts allemandes,
mais un gentleman de I’Oxfordshire, fier de son insularité
et dans les veines duquel coule une forte proportion de sang
1. Discours du 17 sepiembre 1937.
2. a Churchill est l’homme d‘une conception politique dépassée - celle de
l’équilibre européen, Cela n’appartient plus au domaine des réalités. D (HITLER,
Libres Propos. I, p. 197.)
3. a C’est l’apport de sang saxon I, dira un jour Hitler à Bormann, c qui a
donné aux Anglais la vigueur et l’obstination grâce auxquelles ils ont survécu
à la tempête des siècles et ont édifié le plus bel empire que l’on ait vu depuis
le temps des Romains. n
4. Au lendemain de la signature de l’accord naval du 18 juin 1935, Ribbentrop
a proposé à Sir John Simon de mettre douze divisions allemandes à la disposi-
tion de l’Angleterre a pour l’aider à défendre son empire colonial, si le besoin
s’en faisait sentir D. (Voir vol. III, p. 266.) Quant à Hitler lui-même il dira, dans
son discours du 29 avril 1939 : a L’existence de l’Empire britannique est une valeur
.
inappréciable pour la civilisation humaine e t l’économie mondiale.. Le peuple
anglo-saxon a accompli une œuvre immense de colonisation dans le monde. J’ai
pour cette œuvre une admiration sincère. Si l’on envisage les choses d’un point de
vue élevé, la pensée que l’on puisse vouloir détruire le fruit de ce travail m’appa-
raît comme une démence digne d‘Érostrate. n
VI 2
18 HISTOIRE,DE L’ARMÉE ALLEMANDE
L’ARBITRAGE DE VIENNE
(2 novembre 1938)
1. I fidouard Benès ne représentait plus désormais dans son pays qu’une défaite,
un deuil, un passé )), écrit Léon Blum dans le Populaire du 6 octobre. I Par sur-
croit, la haine que lui porte le Führer-Chancelier a été exprimée avec une vio-
lence trop publique pour qu’il puisse l’ignorer et il fait encore, à la tranquillité
de son pays, le sacrifice de sa personne. u
2. Déclaration du général Sirovy au Parlement de Prague, le 5 octobre 1938.
Avec le départ de Benès, c’est toute la Tchécoslovaquie des Légionnaires qui
s’écroule.
3. Si le général Sirovy a jamais été persona grata à Moscou, il cesse de l’être
à partir de ce moment. E n 1945, il sera arrêté par les Russes et condamné à une
lourde peine de prison, pour être resté au pouvoir après Munich.
4. Fonctions qu’il détenait depuis le 22 septembre, date ti laquelle son Cabi-
net d’Union nationale s’est constitué sous la pression de la rue. (Voir vol. V,
p. 441.)
5 . M. Krofta, qui a été longtemps le bras droit de Benès, le suit dans sa retraite.
6. Ou n Ukraine subcarpathique a. C‘est le nom sous lequel lea Ruthènes
désignent leur pays, pour souligner qu’il fait partie d’un ensemble plus vaste.
Par le Traite de Saint-Germain sur les minorités, les Tchèques s’étaient engagés
& donner aux Ruthènes a la plus large autonomie compatible avec l’unité de
24 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
4 4
1. C’est la raison pour laquelle le Duce a insist6 pour que le rbglement du pro-
blème de la minorité hongroise soit expressément évoqué dans les Accords de
Munich.
2. Le ministre des Affaires étrangères de Hongrie.
3. Le nouveau ministre.des Affaires étrangéres de Tchéco-Slovaquie.
6 . L’Armée hongroise avait cherché à conserver ce territoire par la force en
décembre 1918; elle avait voulu le reconquérir en juin 1919.Mais Clemenceau avait
stoppé ses offensives par deux ultimatums successifs. (Voir vol, V, p. 129 e t 147.)
32 HISTOIRE DE L’ARMBE ALLEMANDE
figurent les territoires à rétrocéder 1. Leur évacuation par
les forces tchéco-slovaques commencera le 5 novembre et
devra être achevée le 10. Toutes les installations militaires
ou d’intérêt public devront être remises intactes aux auto-
rités hongroises. Enfin, le Protocole a un caractère ultimatif :
c’est une sentence sans appel que les Parties s’engagent à
appliquer sans modifications.
Cet arbitrage, rendu en dehors de la France et de l’Angle-
terre, est ressenti comme un affront par les Puissances occi-
dentales. Celles-ci avaient accepté le règlement de Munich,
mais elles n’avaient pas renoncé pour autant à jouer un rale
en Europe centrale. Par leur proposition conjointe du 19 sep-
tembre 2, elles s’étaient engagées à garantir les frontières de
la nouvelle Tchéco-Slovaquie e t cette promesse avait été
confirmée dans l’Annexe I de l’Accord 3. Elles s’attendaient
donc à être au moins consultées. Or,en les évinçant de 1’Arbi-
trage de Vienne, Hitler a marqué un peu plus sa volonté de
les repousser hors de ce qu’il considère comme u son espace
vital. A François-Poncet qui lui demande pourquoi il a
agi ainsi, il répond avec désinvolture :
- K C’était pour rendre service à l’Europe et épargner
à la France des troubles de conscience. Une conférence
élargie aurait provoqué une nouvelle crise. ))
D’avoir été placés ainsi devant le fait accompli entraîne,
pour Londres et Paris, une sérieuse perte de prestige. Mais
pour la Slovaquie, le choc est encore plus rude. Le tracé de
la nouvelle frontière a beau suivre de près la frontière lin-
guistique, les populations sont si étroitement imbriquées les
unes dans les autres que 75.000 Slovaques seront inclus contre
leur gré dans 1’Etat magyar. Coup sévère pour Mgr Tizo dont
l’accession au pouvoir coïncide avec un deuil national ...
Les Ruthènes,.quant à eux, sont encore plus mal lotis.
Sans doute l’Arbitrage de Vienne ne leur enlève-t-il qu’une
faible portion de leur territoire, celle où les Hongrois sont
incontestablement en majorité. Mais cette partie contient
les deux villes les plus importantes du pays : Uzhorod et
MunkaEevo 3. Force est à Mgr Volozin de se replier sur Chust,
Y1
III
1. S’il avait été présent ce jour-là, il ne serait pas devenu, par la nuite, député
au Bundestag de Bonn. Le détail a son importance,.caril prouve qu’il n’y avait
aucun lien personnel entre le meurtrier et sa victime.
2. La clinique de l’Alma, 166, rue de l’Université.
3. Le DE Madier, médecin de l’Ambassade. et le professeur Baumgartner.
36 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
+ *
Qui est donc l’inconnu qui a tiré sur lui e t quels sont les
motifs qui ont inspiré son acte?
Interrogé par la police, le meurtrier décline son identité.
I1 s’appelle Herschel Grynszpan. Agé de 18 ans, il est né
à Hanovre en 1920, de parents juifs polonais, installés
comme brocanteurs en Allemagne depuis 1911. I1 a com-
mencé à faire des études talmudiques, mais s’est expatrié
en 1935 et s’est réfugié en France, après avoir franchi
clandestinement la frontière. Depuis lors, il vit à la charge
de son oncle et de sa tante, qui habitent rue des Petites-
Écuries, Faute de papiers en règle, il ne trouve guère
d’emploi. Arrêté plusieurs fois pour infraction à la légis-
lation des travailleurs étrangers, il a été l’objet d’un
arrêté d’expulsion, qui est devenu exécutoire le 15 août 1938.
Or, l’idée d‘être renvoyé en Allemagne le remplit d’horreur.
Pour comble de malheur, il reçoit, le 3 novembre, une carte
de sa sœur lui annonçant que sa famille est ruinée et que
ses parents vont être refoulés sur la Pologne en même temps
que 12.000 de leurs coreligionnaires l. Cette fois-ci c’en est
tropi Expulsé de France, refoulé d‘Allemagne, accueilli en
Pologne à coups de baïonnette, Grynszpan se sent moins un
homme qu’une bête traquée.
Qui a armé son bras? Une association juive? Des agents
provocateurs? Non. Grynszpan ne connaissait pas vom Rath
et il a agi seul.
Mais un Juif Gomme lui n’est jamais seul, car il est habité
par l’angoisse, la colère et la peur qu’ont accumulées en lui
des siècles de tribulations. Ses parents lui ont raconté
- s’il ne les a pas vus lui-même -
les sévices dont les
1. Alors que 170.000 Juifs ont quitté l’Allemagne entre 1933 et 1938,
557.000 Juifs polonais sont venus s’y installer, pour fuir l’antisémitisme qui règne
en Pologne. En mars 1938,le Parlement polonais a interdit la nourriture 8 kascher ID
sur toute l’étendue du territoire et, le 5 octobre 1938,il a retiré la nationalité polo-
naise nux Juifs émigrés. Au m&memoment, le Gouvernement allemand a décidé
de refouler sur la Pologne 50.000 Juifs originaires de Galicie. Sendel Grynszpan,
le père de Herschel, sa femme et sa fille sont du nombre. Mais la police polonaise
les empêche de franchir la frontiére et lea rejette vers l’Allemagne à COUPS de
baïonnette. Force est au Gouvernement du Reich de les retranaporter vers leurs
lieux de domicile, mais avec le statut de a Juifs apatrides B, ce qui leur enlève
toute protection légale. C’est la nouvelle qui est parvenue à Herschel Grynszpan,
quatre jours avant qu’il ne commette son attentat. (Cf. Erich KERN, Opfergang
eines Volkes, p. 159-160.)
DE MUNICH A PRAGUE 37
siens ont été victimes dans les ghettos du a Judengrabenl D,
le cri des blessés piétinés par les charges de la police, les hurle-
ments de la foule, le bruit sourd des matraques, les yeux
vitreux des morts. Le souvenir de ces scènes atroces, auxquel-
les s’ajoutent à présent les interdictions qui découlent des
lois raciales allemandes, le hantent comme un cauchemar.
- La veille du jour où je me suis décidé à agir »,dira-t-il
à son juge d’instruction, c j ’ai eu une nuit très agitée durant
laquelle j’ai eu des rêves. J e voyais mes parents maltraités,
frappés, et ces visions me faisaient souffrir. J e voyais aussi
des hitlériens qui me saisissaient à la gorge pour m’étrangler.
J’ai revu des scènes de boycottage auxquelles j’avais per-
sonnellement assisté à Hanovre )) ...
A son réveil, dans la chambre qu’il a louée pour la nuit
à l’hôtel Idéal-Suez, boulevard de Strasbourg, il a rédigé
sur le dos d‘une vieille photographie, un message à sa famille
dans lequel il lui dit : (( Mes chers parents, je n’ai pu faire
autrement. Que Dieu me pardonne. Mon cœur saigne lorsque
je pense à notre tragédie et à celle des 12.000 Juifs. J e dois
protester de sorte que le monde entier entende ma protes-
tation et cela, je vais le faire. Excusez-moi. ))
Ce jeune homme silencieux et renfermé est un écorché vif.
I1 avance dans la vie entouré d’une cohorte invisible de mar-
tyrs et de morts, dont la présence lui paraît plus réelle que
celle des vivants. Ce sont eux dont les implorations muettes
l’ont poussé à assumer le rôle de vengeur et de justicier.
* *
L’attentat perpétré par Grynszpan contre vom Rath sou-
lève en Allemagne une émotion d’autant plus considérable
que ce n’est pas la première fois qu’un tel fait se produit.
Le 31 janvier 1936, Wilhelm Gustloff, le chef pour la Suisse
de l’organisation des Allemands à l’étranger, a déjàété abattu
à Davos par un Juif, du nom de David Frankfurter. Le Parti
a fait de la victime un héros national et a donné son nom à
l’un des paquebots de la c Force par la Joie n. Bien que vom
Rath ne soit qu’un personnage mineur, ce second coup
1. On se sert de ce terme, qui signifie I le fossé des Juifs U, ,pour désigner la
zone d’Europe orientale peuplée de centaines de milliers de Juifs, qui va de la
Baltique à la mer Noire en passant par la Pologne, la Galicie, la Bucovine, la
Roumanie et la Bessarabie.
38 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
1. Fritz W~EDBNANN,
Der Mann der Feldherr werah -Ute, p. 189490.
DE MUNICH A PRAGUE 39
lence. Le comte Helldorf, préfet de police de Berlin, qui
est en vacances, rentre précipitamment dans la capitale.
Le ministre de la Propagande le convoque dans son bureau
aux premières heures du jour. Plus intelligent que la
plupart de ses collègues du Parti, il est consterné par les
conséquences matérielles et morales de cette explosion de
fanatisme :
- N Regardez ce qu’ont fait ces idiots de Munich, ces
imbéciles à tête carrée qui ne comprennent rien à la poli-
tique! )) dit-il à Helldorf. (( De tels procédés nous font un
tort inimaginable. Ils risquent de nous coûter un million de
soldats allemands l! ))
Le 12 novembre, N afin de donner un caractère légal à la
colère populaire »,Gœring promulgue deux décrets visant
à (( réglementer la situation des Juifs en Allemagne n. Le
premier les condamne à payer collectivement un milliard de
Reichsmarks, à titre de réparation pour l’assassinat de vom
Rath. Le second a pour effet de mettre au ban de la nation
les quelque 500.000 Juifs qui y vivent encore. Désormais,
ceux-ci ne pourront plus posséder ni magasins, ni entreprises
de transport, ni comptoirs d’achat. Ils ne devront plus
exercer de profession libérale, ni être présidents, admi-
nistrateurs ou directeurs de sociétés. I1 leur sera interdit
d’exposer leurs marchandises sur les marchés et dans les
foires. Ils ne pourront plus faire partie d’aucune association.
Ils n’auront pas le droit d’acheter des immeubles ou des
terrains, e t seront expropriés de ceux qu’ils possèdent déjà.
Ils ne pourront plus faire le commerce de l’or, des bijoux,
ou des pierres précieuses. Ils devront déclarer leurs avoirs
et leurs titres, qui seront soumis à un contrôle bancaire
rigoureux. S’ils veulent s’expatrier, ils ne pourront en
emporter que 5 % avec eux 4.
Les lois de Nuremberg étaient graves; mais elles n’étaient
encore qu’un prélude. Elles ne visaient qu’à établir une
ségrégation de principe entre les Allemands et les Juifs.
LA SIGNATURE DU PACTE
DE NON-AGRESSION FRANCO-ALLEMAND
(6 ddcembre 1938)
I. a Le but de Mussolini n’en est pas moins partiellement atteint a, écrit Georges
Bonnet, a car beaucoup de Français sont persuadés que le Duce et le Führer
jouent le même jeu et que leur mesentente quant aux revendications italiennes
n’est qu’une feinte. n (LaDéfeBse de la Paix, II, p. 34.)
2. Id., p. 40.
3. Seuls assistent B l’entretien le comte Welczek et M. Alexis Léger. Ribben-
trop n’a pas cru nécessaire d‘amener avec lui l’interprète Schmidt, car il parle
couramment le fqançais.
VI 4
50 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
LA FIN DE LA TCHÉCO-SLOVAQUIE
(13-15 mars 1939)
1. Le chiffre de 800.000, avancé par les Tchèques, est beaucoup trop élevé.
(Voir vol. V, p. 491 e t 511, note 3.)
2. II suffit de comparer la carte des minorités (vol. V, p. 167) et la carte annexée
au mémorandum de Godesberg (vol. V, p. 433) pour voir que les Allemands
se situent : 10 dans les districts situés à proximité des nouvelles frontières, où
ils repdsentent une forte minorité, sans atteindre toutefois 50 yo de la population;
20 dans les régions d’Iglau, d’Olmütz et de Brünn, situées à l’intérieur du terri-
toire tchèque, où leur pourcentage varie entre 33,5 et 66,3 %. (Gustav FOCHLER-
HANCKE, Deutscher Volksboden und Deutuchm Yolksturn in der Tschccbslouakai,
p. 49.)
3. u C’est grâce à l’Allemagne 1, dira Hitler à Mgr Tizo, <I que la Tchécoslova-
quie n’a pas été plus morcelée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous avons renonce
à certains îlots linguistiques, our permettre à la Tchécoslovaquie de disposer
d’un espace vital cohérent. n $locumants du Tribunal mililaire international de
Nuremberg, XXXI, p. 150 et s.)
4. A Brünn, les Allemands ont voulu pavoiser pour célébrer l’incorporation
des Sudètes au Reich (21 novembre). Furieux, les Tchèques ont arraché les
emblèmes à croix gammée et les ont remplacés par des drapeaux tchèques.
Des bagarres ont alors éclaté entre membres du S. d. P. e t patriotes tchèques.
De pareilles échauffourées se renouvellent quotidiennement. u J’ai reçu l’ordre I,
dira Fritzsche, un des adjoints de Gœbbels, a de monter ces incidents en épingle
dans la presse du Reich. Mais, voulant éviter le retour des exagérations commises
par le service de propagande des Sudètes avant la crise de Munich, j’ai soumis
toutes les nouvelles en provenance de la Tchéco-Slovaquie à un contrôle sévère.
Je reconnais qu’elles étaient souvent présentees d’une façon tendancieuse, mais
56 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
et Chancelier d u Reich :
(( En témoignage de l‘entière confiance que vous lui témoignez,
*
+ *
Cette cascade de nouvelles, survenant coup sur coup, a
semé la panique dans les milieux dirigeants de Prague.
Ils ont l’impression de voir le pays s’écrouler verticalement
autour d’eux. Complètement désemparé, M.Hacha demande
à être reçu par Hitler le plus rapidement possible1. Le Chan-
celier ayant répondu qu’il était prêt à le recevoir le jour
même, Hacha part pour Berlin à 16 heures, accompagné par
son ministre des Affaires étrangères, M. Chwalkovsky. I1
voyage en train spécial, car son état de santé ne lui permet
pas de prendre l’avion.
A la Chancellerie règne une grande animation. Gœring,
qui était parti le 2 mars pour faire une cure de longue durée
à San Remo2, a été rappelé de toute urgence dans la capi-
tale. A Keitel, qui arrive à midi pour prendre les dernières
consignes concernant l’invasion de la Bohême centrale,
prescrite pour le lendemain 3, Hitler dit brièvement :
-((Le Président Hacha a demandé à me voir,. pour
s’entretenir avec moi de la situation, J e l’attends ici, ce
soir même. 1)
a Déclenchement des opérations le 18 mars a u matin. E n attendant, petites
opérations locales de corps francs : le 14 mars, Munkacz et Nagyszollos; le 15,
Ungvar; le 16, Munkacz. Mise sur pied d’un groupe carpathique dans les secteurs
de Tiszanjlak, Munkacz, Ungvar, Nagykapos, Csap-Beregszasz, soit : 3 brigades
d’infanterie, 1 brigade motorisée, plusieurs brigades d’infanterie renforcées,
2 régiments d’infanterie, 1 escadron de cavalerie, 6 batteries d’artillerie.
a Mission : avance en direction nord-est, avec une aile gauche forte, jusqu’à
la frontihe polonaise.
I En cas d’attaque à p a r h d u territoire slovaque, tenir en réserve : 2 brigades
d’infanterie au nord de Komarom, 1 brigade d’infanterie près de Kassa, 1 bri-
gade d’ordre (Friedensbrigade) au nord de Budapest. Les troupes ennemies
stationnées en territoire ukrainien sont estimées à Idivision et demie.
u Sign6 :WREDE,ERDMANNSDORF. a
I . a Au nom de Sirovy, j’ai ern voir un éclair de haine passer dans le regard
de Hacha D, déclarera Keppler à l’auteur. a I1 m’est apparu alors que ies deux
hommes ne s’aimaient guère et que Hacha rendait Sirovy responsable de la situa-
tion impossible oii il se trouvait, ainsi que son pays. 8
2. Procès-verbal de l’entrevue entre le Chancelier Hitler et le Prhidenf Hacha,
Berlin, 15 mars 1939. (Akfen zur Deutschen Awnvârfigen PoZitik, IV, no 228.)
DE MUNICH A PRAGUE 69
s’écrie Ribbentrop, empourpré de colère. Dites-lui qu’il aura
affaixe à moi si la communication n’est pas établie immé-
diatement! D
Schmidt s’escrime tant qu’il peut, tandis que Hacha
s’entretient avec Gœring dans le salon voisin.
- ( ( S i vous ne vous décidez pas à temps »,lui dit le
Commandant en chef de la Luftwaffe, mille avions pul-
vériseront Prague demain matin. I1 n’en restera pas pierre
sur pierre l... D
Enfin, on annonce que Prague est au bout du fil. Schmidt
se précipite dans la pièce où Hacha et Gœring s’entretiennent
sur un ton qui ne semble trahir aucune émotion. Schmidt
en est d’autant plus étonné qu’il est lui-même au comble
de l’exaspération. Dès que Hacha apprend que Prague est
à l’écoute, il va vers le téléphone et prend l’appareil. Mais
à peine a-t-il pu échanger quelques mots que la commu-
nication est coupée.
- (( Allez chercher le ministre des Postes en personne! ))
hurle Ribbentrop qui ne se contient plus. (( Tirez-le de son
lit, dites-lui qu’il sera révoqué demain matin ainsi que tout
son personnel, si la communication n’est pas rétablie avant
une heure! n
Schmidt recommence à tourner frénétiquement la mani-
velle du standard, lorsqu’il entend une voix qui crie :
- (( Un docteur! Vite un docteur! Appelez le Dr Morel12!
Le Président Hacha vient d’avoir une syncope! ))
(( Cette fois-ci, c’est la fin de tout! 1) se dit Schmidt.
(( Si Hacha meurt ici, avant d’avoir pu parler avec Prague,
LE SILENCE DU HRADJIN
+ *
Le lendemain, 16 mars, le Führer annonce la fin de la
Tchéco-Slovaquie et l’instauration du Protectorat deBohême-
Moravie. M. von Neurath y représentera personnellement le
1: Friedrich LENZ,Nie w i d e r Münched, I, p. 70. Témoignage d’Erich Kemp-
ka, le chauffeur d‘Hitler.
76 HISTOIRE DE L’ARYBE ALLEMANDE
...
ce soir Mais que l’on puisse se les poser, et qu’un pareil
défi ait pu avoir lieu, est en soi-même effrayant. Encore une
fois, je n’ai pas l’intention de lier notre pays par des engage-
ments vagues e t imprévisibles. Mais parce que nous considé-
rons la guerre comme un fléau absurde e t cruel, il ne faudrait
pas en déduire que nous sommes émasculés au point de ne pas
lutter jusqu’à notre dernier soume contre une provocation
80 HISTOIRE DE L’ARMSEALLEMANDE
de ce genre, si elle devait se reproduire. Ceux qui penseraient
le contraire commettraient une erreur tragique. J e sais
pouvoir compter sur l’appui de toute la nation lorsque j’af-
firme que si nous plaçons la Paix très haut, nous plaçons la
Liberté plus haut encore l! D
c Ce discours sonne le glas de la politique de conciliation n,
se disent la plupart des Anglais. u En vingt-quatre heures,
Chamberlain a tourné le dos à son passé. Dorénavant, un
nouveau Munich n’est plus possible 2. D
Eden, Duff Cooper et Churchill s’en félicitent ouvertement.
Le descendant des Marlborough ne se place pas sur le ter-
rain de la morale mais sur celui! plus concret, de l’équilibre
des forces sur le continent. I1 a delà dit, il y a quelque temps,
à Ribbentrop : (( Si l’Allemagne devient trop puisssante, nous
l’écraserons de nouveauS. D I1 pense que ce moment ne tardera
guère et pressent l’approche d’une tempête qui lui permettra
de donner enfin sa mesure et de jouer le rôle exceptionnel
auquel il aspire. ((L’Angleterre n’a plus qu’à s’armer sur
terre, sur mer et dans les airs »,déclare-t-il. (( Elle doit
revêtir sa cuirasse la plus étincelante et s’apprêter à faire
face à l’orage le plus terrible que le monde ait connu 4! n
A Paris, Daladier fulmine contre (I le guet-apens 3 tendu à
M.Hacha. (( Hitler m’a bafoué et ridiculisé »,s’exclame-t-il.
Georges Bonnet convoque le comte Welczek, ambassadeur
du Reich au Quai d’Orsay et lui dit :
- (( J e vous ai prévenu, il y a trois jours, qu’une invasion
de la Tchéco-Slovaquie représenterait un pas décisif vers la
parLord Haliîax. - - -
1. Livre bleu britannique, no 9. Ce discours a été rédigé pour Chamberlain
* *
Simultanément, en plein accord avec Downing Street, le
Quai d’Orsay adresse une note de protestation à Berlin :
1 . Akten zur Deutschen Auswdrtigen Politik, VI, no 200. Pour empêcher Hitler
de passer ce message sous silence, Roosevelt en a communiqué le texte à la presse
américaine, avant méme de l’envoyer à son destinataire. C’est dire qu’il ne s’attend
guère à ce que le Chancelier y réponde par l’affirmative.
2. Discours du Führer-Chancelier aux député8 du Reichstag, le 28 avril 1939.
D E MUNICH A PRAGUE 87
fait, depuis 1918, dix guerres e t actions militaires, ayant
entraîné des effusions de sang. Non seulement l’Allemagne n’y
a pris aucune part, mais elle n’a pas été la cause de ces opé-
rations.. .
a M. Roosevelt déclare en outre que trois nations indépen-
dantes en Europe e t une en Afrique ont v u mourir leur indé-
pendance. J’ignore quelles sont les trois nations auxquelles il
se réfère. Mais s’il s’agit des provinces réincorporées a u Reich,
qu’il me permette d’attirer son attention sur l’erreur historique
qu’il est en train de commettre, Ce n’est pas maintenant que
ces nations ont perdu leur indépendance. Ce fut en 1918, lors-
que a u mépris des promesses les plus solennelles faites p a r un
Président des États-Unis, on les arracha a u x communautés
dont elles faisaient partie, pour leur donner l’estampille de
nations - ce qu’elles ne voulaient pas être, e t ce qu’elles
n’étaient d’ailleurs pas - en leur imposant une indépendance
qui n’en était pas une, mais qui ne pouvait être, tout a u plus,
qu’une dépendance à l’égard d’une Puissance étrangère qu’elles
haïssaient.
(( Quant z i la nation d’Afrique qui aurait perdu sa liberté,
Hitler p o u r s u i t en p o s a n t l a q u e s t i o n s u i v a n t e :
(( M. Roosevelt trouve-t-il équitable de suggérer a u Gouver-
Voilà pour les paroles. Mais les actes vont suivre. Dès le
mois de janvier, toutes les organisations d u Parti sont mises
en état d’alertez. Le chef des Sections d’Assaut de la
région de Berlin réunit ses cadres e t leur dit :
- (( L’année 1939 sera une grande année pour 1’Alle-
magne. Personne ne se doute encore de l’importance des
événements qui se préparent, ni des succès qu’elle apportera
a u peuple allemand. Tout le monde sera surpris. ))
Himmler regroupe les S. S. Verfügungstruppen e t les
transforme en Wufien S. S. dotés de toutes les armes
appartenant aux grandes unités de l’Armée 3. Des régi-
ments de parachutistes sont rapidement constitués a u
Centre d’expériences tactiques de Barth 4. A la fin du
mois de mars, Gœring procède à une réorganisation de la
LE PACTE D'ACIER
I. Mussolini est persuadé que l’Angleterre ne lui a pas pardonné le fait de s’être
tiré victorieusement de l’affaire des Sanctions et que si Eden revenait au pouvoir,
il en profiterait pour prendre sa revanche. La façon dont les Puissances occiden-
tales réagissent devant I( l’humiliation de Munich u l’ancre dans cette conviction.
2. a Si j’avais à choisir entre Mussolini et les Anglais 9, a dit un jour Hitler à
son aide de camp Wiedemann, a je n’hésiterais pas, j’irais naturellement avec les
Anglais, bien que Mussolini me soit plus proche au point de vue idéologique. J e
connais les Anglais depuis la guerre mondiale. Ce sont des gens durs. Si Mussolini
croit que ses avions chasseront la flotte anglaise de la Méditerranée, il se trompe. B
(Der Mann der Fe[dherr werden wollte. p. 151.) Le Duce, naturellement, n’ignore
pas cet état d’esprit.
3. Voir plus haut, p. 85-86.
4. I1 fait suite à la déclaration de M. von Weizsacher à Sir Nevile Henderson,
le 18 mars, lorsque celui-ci. est venu lui apporter la note de protestation anglaise
contre l’occupation de Prague. a Puisqu’il en est ainsi n, lui a répondu le secrétaire
d’État à la Wilhelmstrasse, Il’Allemagne se verra obligée de réviser toute sa poli-
tique B l’égard de l’Angleterre. D (Voir plus haut, p. 82.)
118 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ALLEMANDE
(6 juin 1939)
+ +
Après trois années d’horreur, la guerre est terminée. Les
cinq flèches et le licol ont remplacé partout la faucille e t le
I. Hugh THOMAS, Op. cit., II, p. 259, 260.
2. Cf. Henri MASSIS et Robert BRASILLACH, Les Cadcla da I’dlcaiar, p. 92.
126 HISTOIRE D E L’ARMI~E ALLEMANDE
LA WEHRMACHT DE 1939
dont dépendent :
1. L e Commandant des bâtiments cuirassés,
2. L e Commandant des Forces de reconnaissance,
3. L e Chef des torpilleurs (Zerstorer),
4. L e Chef des vedettes rapides (Schnellboote),
5. L e Chef des sous-marins (capitaine de vaisseau Donitz).
Les forces de haute mer comprennent :
2 croiseurs de bataille :
L e Scharnhorst (31.800-38.900 t.) l,
L e Gneisenau ( i d . ) .
3 cuirassés dits cuirassés de poche :
L’Admira1 Graf Spee (12.100-16.200 t.),
L’Admira1 Scheer ( i d . ) ,
L e Deutschland (11.700-15.900 t.).
2 croiseurs lourds :
L’Admira1 H i p p e r (13.900-18.600 t.),
L e Bliicher (id.).
6 croiseurs légers :
L e Niirnberg (6.980-8.280 t.),
L e L e i p z i g (6.710-8.290 t.)’
L e K o l n (6.650-8.130 t.)’
L e Karlsruhe ( i d . ) ,
L e Konigsberg (id.)’
L’Emden (5.600-6.990 t.).
2 navires-école a :
L e Schlesien (12.100-14.900 t.),
Le Schleswig-Holstein (id.).
21 contre-torpilleurs, 11 torpilleurs, 32 dragueurs de
mines, 30 sous-marins côtiers, 27 sous-marins de haute
mer et 17 vedettes rapides.
A ces unités viendront s’ajouter, en 1941 et 1942, trois
autres bâtiments actuellement en chantier :
1. Le premier chiffre indique le deplacement reel; le second, le déplacement en
charge, avec le plein complet de combustible, de munitions et d’approvisionne-
ments.
2. Bateaux anciens entrés en service en 1906.
L’HEURE DES DICTATURES 135
2 cuirassés de bataille :
Le Tirpitz (42.900-52.600 t.),
Le Bismarck (41.700-50.900 t.) l.
1 croiseur lourd :
Le P r i n z Eugen (14.800-19.800 t.).
t
c c
LA CRISE GERMANO-POLONAISE
XII
éditoriaux du lendemain l.
.+
* +
Le 18 mars au matin, le Times et le Daily Telegraph
publient la nouvelle 2. Aussitat, la radio retentit d’infor-
mations alarmistes où les mots (( ultimatum allemand ))
reviennent comme un leitmotiv. (( Plusieurs agences affir-
ment »? écrit Georges Bonnet, (( que le Gouvernement rou-
main, pris de peur, a abandonné à l’Allemagne toutes les
ressources d e son sol, au mépris des contrats en cours avec
l’Angleterre et avec la France S. 1) A Paris, comme à Londres,
l’émotion est à son comble. Machines à écrire et téléscrip-
teurs crépitent dans les salles de rédaction. Les cours de la
Bourse marquent un fléchissement inquiétant.
Vivement ému, Georges Bonnet convoque M. Tataresco,
ambassadeur de Roumanie à Paris, pour obtenir de lui
quelques éclaircissements.
- (( Ces nouvelles sont exagérées ü, lui répond M.Tataresco
en employant un euphémisme courant dans le langage diplo-
matique. (( Certes, depuis quelque temps, une mission écono-
mique allemande dirigée par le Dr Clodius est à Bucarest.
Elle a présenté tout d’abord,des conditions inacceptables;
les conversations ont continué sur une base plus raisonnable
et ont abouti à un accord commercial dont la signature est
prochaine. Aucune opération politique avec l’Allemagne n’y
est envisagée et il ne lui est accordé aucun monopole. Tous
les droits des autres nations, ceux de la France e t de l’An-
gleterre en particulier, sont sauvegardés 4. ))
A Bucarest, M. Gafenco, ministre roumain des Affaires
1. Norbert TONNIES, Der Krieg wr dem Kriege, p. 211-212.
2. Le Times, suivant sa coutume, en termes modérés; le Daily Telegraph en
termes vindents.
3. Georges BONNET,La DbfeBse de la Paix, II, p. 154,
4. Id., ibX
150 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
Qui est donc ce colonel Beck qui se sent assez sûr de lui
pour tenir la dragée haute à Moscou, tout en jouant au plus
fin avec Londres et Berlin? Car telle est bien la politique qu’il
entend poursuivre et il estime que son passé l’y a admirable-
ment préparé. Ancien officier de cavalerie de la Légion polo-
naise, où il s’est couvert de gloire durant la campagne de 1917-
1920, cet homme brave jusqu’à la témérité s’est adonné
ensuite à la diplomatie avec un esprit retors et une noncha-
lance féline. «Ce souple cavalier se prend pour un sagecalcula-
teUr», dira de lui le ministre roumain des Affaires étrangères.
S’il méprise profondément (( le verbiage des Chancelleries », il
s’attribue un don particulier :celui de saisir intuitivement (( la
réalité des choses)). Arrivé très jeune au pouvoir sous l’aile
protectrice du Maréchal Pilsudski, il y a sept ans qu’il dirige la
diplomatie polonaise, ce qui en fait le doyen des ministres
des Affaires étrangères. Ce lancier rompu aux exercices de
haute voltige estime avoir suivi assez longtemps les dévelop-
pements de la politique européenne pour en connaître tous
les secrets et en démêler tous les fils. Son ambition person-
nelle a grandi parallèlement à ses ambitions nationales.
Tout en lui est empreint d’une assurance superbe. Pour-
tant il inquiète plus qu’il ne rassure, car derrière ses
manières séduisantes apparaissent tout à coup, au moment
où on s’y attendait le moins, le tempérament d’un joueur
et les réflexes d’un spadassin. Son goût du risque le rend
sourd aux conseils de la raison. I1 appartient, hélas! à cette
catégorie de Polonais dant Balzac a écrit : (( Montrez-leur un
précipice, ils s’y jetteront aussitôt. 1)
M. Grégoire Gafenco, qui l’a beaucoup pratiqué, a admi-
rablement dépeint le fond de son caractère : (( Turbulent par
calme plat et tranquille pendant l’orage I), écrit-il, (( Beck
avait une âme de reître, violente et orgueilleuse. Son patrio-
tisme était ardent mais ombrageux, et il se fiait plus volontiers
à la parole d’un adversaire qu’aux assurances d’un ami.
Ainsi, il était dangereux aux autres, mais plus dangereux
encore à lui-même. Sans doute son emportement romantique,
qu’il prenait pour du réalisme, n’était-il pas dépourvu de
grandeur. Mais le rayonnement insolite qui se dégageait de
gênante pour le Reich que l’alliance française? Si jamais la France devait porter
secours à la Pologne, n’est-il pas certain que l’Angleterre, avec ou sans accord,
serait amenée à intervenir elle aussi? En acceptant un pacte d’assistance avec
l’Angleterre, je ne consens, en somme, qu’à donner une expression juridique
à un s y s t h e de sécurité qui existe déjà. L (Dernier0 Jours de l’Europe, p. 59-60.)
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 159
lui l’apparentait fâcheusement à ces personnages historiques
qui semblent destinés à commander aux événements, alors
qu’ils sont déjà les instruments de la fatalité l. ))
i
+ +
* *
L’ambassadeur ne croit pas si bien dire car, en faisant sa
déclaration devant la Chambre des Communes, Chamberlain
n’a pas compté avec la susceptibilité de Beck. Celui-ci
n’admet pas que l’on octroie une garantie unilatirale à la
Pologne. I1 estime que c’est la rabaisser au rang de Puissance
subalterne. I1 entend traiter avec l’Angleterre d’égal à égal,
et que la déclaration de Chamberlain soit remplacée par un
pacte bilatéral comportant, pour les deux Parties, des enga-
gements similaires. Puisque l’Angleterre off re de garantir les
frontières de la Pologne, la Pologne, de son côté, garantira
celles de l’Angleterre et viendra à son secours si elle est
menacée.. .
Bien que la chose soit proprement risible, Chamber-
lain et Halifax acceptent cette proposition parce qu’ils
espèrent exercer ainsi une influence modératrice sur les
affaires polonaises. Ce faisant, ils commettent une seconde
erreur. En accédant aux désirs de Beck, ils se sont mis à sa
merci. Celui-ci a repris des mains d’Halifax la bombe que
M.Tilea y avait déposée. Désormais, c’est à lui, et à lui seul,
qu’il appartient ou non de la faire exploser. Le texte de la
déclaration anglaise ne laisse place à aucune équivoque :
c’est Beck qui déterminera si l’indépendance polonaise est
menacée; c’est lui qui décidera si ses intérêts vitaux sont en
jeu et s’il doit résister avec ses forces nationales. Ce jour-là,
déclaration anglaise se référait à e une agression non prowpée a, comme Sir Howard
Kennard s’en étonne, Halifax lui répond :a J’ai fait expres de ne pas employer
le qualificatif a non provoqué I, parce que les méthodes d’agression allemandes
sont si diverses et si rusées, qu’il est possible que le Gouvernement polonais lui-
même doive recourir pour s’en défendre, à quelque provocation d’ordre tech-
nique. D Kennard lui ayant fait observer que, dans ces conditions, l’Angleterre
s’en remettait entièrement à la Pologne, Halifax le prie de recommander aux
Polonais a d e ne pas faire preuve d‘intransigeance à l’égard des Allemands et
d’éviter tout ce qui pourrait ressembler à une provocation D. (Documenfs on Bri-
tish Foreign Policy, IV, no 584.)
2. Vicomte J. DAVIGNON, Berlin 1936-1940, Souvenirs d’une Mission, p. 102.
3. Dix jours se sont écoulés entre le 20 mars, date à laquelle Halifax a annoncé
son projet de pacte collectif à la Chambre des Lords, et le 31 mars, date à laquelle
Chamberlain a donné sa garantie à la Pologne devant la Chambre des Communes.
4. Grégoire GAFENCO, Derniers Jours dc I‘Europe. p. 59.
XII1
+ +
+ +
Est-celà ce que le Führer espère entendre de la bouche
du colonel Beck lorsqu’il le reçoit au Berghof, le 5 janvier
19397 Dans ce cas, il se prépare une sérieuse déconvenue.
L’entrevue a lieu en présence de M. von Ribbentrop et
du comte von Moltke, ambassadeur du Reich à Varsovie.
Le ministre polonais des Affaires étrangères est accompagné
par le comte Lubienski, son chef de Cabinet, et par
M. Lipski.
- J e m’efforcerai de maintenir envers la Pologne la ligne
politique inaugurée par l‘accord de 1934 n, commence par
déclarer le Chancelier. (( Selon moi, la communauté d’in-
térêts de l’Allemagne et de la Pologne à l’égard de la
Russie est totale. Pour le Reich, la Russie est toujours
aussi dangereuse, qu’elle soit tsariste ou soviétique. C’est
pourquoi une Pologne forte nous est indispensable. Chaque
division polonaise engagée contre la Russie économiserait
une division allemande. J e ne m’intéresse à l’Ukraine qu’au
point de vue économique. Son statut politique me laissa
indifférent a.
u En ce qui concerne Dantzig, toute la difficulté provient
de ce que cette ville est allemande et devra, t ô t ou tard, faire
retour au Reich. Toutefois, cela ne limitera en rien les droits
de la Pologne. A mon avis, il devrait être possible de trouver
une solution au problème qui garantirait, sous une forme
quelconque, les intérêts des deux pays. Si on réussissait
à réaliser une pareille entente, toutes les autres dificultés
se résorberaient d‘elles-mêmes, d‘une façon complète e t
définitive. J e serais disposé à faire, le cas échéant, une décla-
ration semblable à celle que j’ai faite à la France pour l’Al-
sace et la Lorraine, ou à l’Italie pour le Tyrol du sud. Enfin,
j’attire votre attention sur la nécessité de faciliter et d’accé-
lérer les communications entre le Reich et la Prusse-Orien-
tale n...
1. Entretien Hitler-Brauchifach, consigné par le lieutenant-colonel Siewert.
(Akfen zur Deufschen Auswürfigen Politik, VI, p. 98.)
2. Goering l’a déjà dit aux généraux Babrycy et Sosnkoweki. (Voir plus haut,
p. 170.)
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 177
Durant tout ce monologue, Beck a écouté parler Hitler
avec une nervosité croissante. L’affirmation que (( Dantzig
est une ville allemande qui doit revenir au Reich I), a fait
passer dans ses yeux une lueur de colère.
- (( Les vues que vous venez d’exprimer sur Dantzig 11,
répond-il d’un ton sec, (( ne sont certes pas de nature à suppri-
merles difficultés entre nos deux pays. Au contraire! I1 n’y a
aucun équivalent politique à Dantzig et c’est pourquoi cette
affaire ne peut pas se régler par voie de compensation l ! J e
tiens à vous le dire. C’est un point sur lequel la Pologne
tout entière à des idées très arrêtées ...
Comme Hitler lui répète, d’un ton conciliant, qu’il s’agit
de trouver à ce problème une solution équitable qui satis-
fasse les intérêts de tous, Beck ne pousse pas plus loin. I1
ne veut pas s’exposer à une rupture de l’entretien en si
nombreuse compagnie. Mais le lendemain, à Munich, il
déclare à Ribbentrop :
- (( Veuillez dire au Chancelier que jusqu’ici, après chacun
de mes contacts avec des hommes d’État allemands, j’ai
toujours éprouvé un sentiment d’optimisme. Aujourd’hui,
pour la première fois, le pessimisme s’est emparé de moi 2. 1)
Ribbentrop s’en étonne :
-a Le Führer n’a pourtant rien dit qui puisse justifier
la moindre anxiété... n
Mais Beck est trop fin pour n’avoir pas senti qu’on appro-
chait de la zone dangereuse. Les seuls mots de (( Dantzig,
ville allemande )) ont retenti à ses oreilles comme un signal
d’alarme. I1 a perçu le danger, mais pas encore la catas-
trophe 3...
Trois semaines plus tard (26 janvier 1939),le ministre des
Affaires étrangères du Reich se rend à Varsovie pour fêter
le cinquième anniversaire du Pacte germano-polonais. I1 y
signe un accord spécifiant que :
u Au cas où la Société des Nations se retirerait de Dantzig,
1. Beck veut dire par 18 : II Vous me proposez des agrandissements en Ukraine
en compensafion de Dantzig et du Corridor. C’est impossible. L’acquisition de nou-
veaux territoires ne m’intéresse qu’à condition qu’ils s’ajoutent à ceux que je
possbde déjà.
2. Comte SZEMBEK, Journal, 1933-1939, p. 404-407.
3. Pourtant, les avertissements ne lui ont pas fait défaut. u Combien de temps
les Polonais devront-ils attendrc le quatrième partage de la Pologne - qu’ils
provoquent à présent d’une manière aussi folle - et où trouveront-ils alors des
amis? n a demandé, des le 8 octobre 1938, l’éditorialiste de la revue anglaise
The Economist.
VI 12
178 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
+ *
Le 15 mars 1939, les troupes de la Wehrmacht font leur
entrée à Prague. En moins de quarante-huit heures, la situa-
tion est retournée. Le 17 mars, Chamberlain prononce son
discours à Birmingham. Le 20, Halifax annonce à la Chambre
des Lords que l’Angleterre est prête à conclure, (( avec plu-
sieurs gouvernements, un pacte de sécurité collective n. Le
même jour, Downing Street envoie à la France, à 1’U. R. S. S.,
à la Pologne et à la Roumanie une note invitant ces quatre
pays, (( à se consulter afin d’opposer une résistance commune
1. Cf. la déclaration de Sir William Kennard au professeur Kucharzewski.
(Comte SZESiOSK, Journal, 1933-1989, p. 451.)
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 179
à toute nouvelle menace dirigée contre l’indépendance d’un
État européen D.Et ici, le mot (( menace )) est pris dans son
sens le plus large : il ne signifie pas seulement une agres-
sion militaire, mais un diktat économique ou encore des (( actes
de dislocation fomentés à l’intérieur )) 2.
C’est alors au Berghof que tinte la sonnette d‘alarme.
Non qu’Hitler craigne de voir la Pologne s’allier à la Rus-
sie. I1 sait que c’est impossible. Mais il redoute que la
proposition anglaise n’encourage Beck à lui résister. A
présent, s’il veut arriver à un règlement amiable de la ques-
tion de Dantzig, il lui faut agir vite.
Chose étrange, mais qui ressort de3 archives officielles :
Hitler, qui était décidé coûte que coûte à faire la guerre à la
Tchécoslovaquie -et qui n’en a été empêché à la dernière
minute que par la Conférence de Munich - ne tient nul-
lement à la faire pour Dantzig et le Corridor, tant il est
convaincu que ce litige doit pouvoir se régler à l’amiable.
Cette fois-ci, c’est vraiment l’ultime lambeau de territoire
allemand qui doive revenir au Reich, et l’absurdité des
solutions imposées par le Traité de Versailles y apparaît
encore plus clairement qu’ailleurs. Hitler voudrait cueillir
ce dernier fruit (( sans tirer un seul coup de feu ». N’a-t-il
pas suffisamment répété que ce serait une erreur de détruire
la Pologne et de créer une frontière commune entre 1’Alle-
magne et YU. R. S. S. ? C’est pourquoi il n’y aura ni tem-
pête, ni éclats de voix, ni mémorandum impératif comme
celui de Godesberg. Les propositions du Führer seront
d’autant plus modérées, qu’il veut mettre la Pologne dans
son tort, si elle persiste à les refuser.
A première vue les difficultésne devraient pourtant pas être
insurmontables. Que veut l’Allemagne? Rattacher Dantzig au
Reich, tout en lui permettant de rester dans l’orbite écono-
mique de la Pologne. Que désire la Pologne? Permettre à la
dement une situation tras grava. Une violation du territoire de Dantzig par les
troupes polonaises serait considBrBe, en Allemagne, comme Bquivalant à une viola-
tion des frontihres du Reich! ~i(Ahten tur Deutschen Auwdrtigen Politik, VI,
no 101.)
Georges Bonnet situe à ce moment, c’est-à-dire au 26 mars 1939, l’origine de
la rupture entre Berlin et Varsovie. (La DEfenue de la Poi+, II, p. 172.)
1. Dêdaration du marêchal Keitel au Tribunal miliiaire internaiional de Nureni-
berg, X, p. 576. Voir également Helmuth GREINER,Die Oherste M‘ehrniachtfürung,
1939-1943, p. 30.
186 HISTOIRE DE L'ARMER ALLEMANDE
Dantzig;
1. Allusion au Pacte de non-agression du 6 janvier 1934.
2. Ces conditions correspondent à celles que Ribbentrop a proposées à Lipski
lors de leurs entretiens du 24 octobre 1938 et du 21 mars 1939. (Voir plus haut,
p. 173, note 4, e t p. 180-181.)
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 191
<I20 A assurer à la Pologne un port-franc à Dantzig, dont les
dimensions seraient déterminées par la Pologne elle-même
et dont l’accès serait complètement libre;
u 30 A reconnaître et à accepter, .par là même, comme étant
définitivement fiées, les frontreres entre l’Allemagne et la
Pologne;
u 40 A conclure avec la Pologne un pacte de non-agression de
vingt-cinq ans, c’est-à-dire dépassant la durée probable de
ma vie.
u Le Gouvernement polonais a décliné mon offre. (Oh! Oh!
sur plusieurs bancs.) I1 s’est déclaré prêt à traiter uniquement
la question d u remplacement du Haut-Commissaire de la
Société des Nations e t à envisa er quelques facilités pour le
k
transit à travers le Corridor. ( clats de rire.)
(( J’ai regretté sincèrement cette attitude. Mais j’aurais pris
+ *
Beck avait prévu que l’acceptation d’un Pacte anglo-polo-
nais soulèverait une vague de mécontentement à Berlin,
mais il se faisait fort (( de rétablir l’équilibre, une fois la
période de tension passée ». L’initiative d’Hitler le prend
au dépourvu, car il n’a jamais pensé que le Chancelier irait
jusque-là. Va-t-il renouer le dialogue, en profitant de l’invi-
tation à négocier que le dictateur allemand lui lance dans la
dernière partie de son discours? Nullement. Dans le mémo-
randum qu’il adresse, le 5 mai, au Gouvernement allemand,
il refuse d’apporter la moindre modification au statut de
Dantzig, rejette la proposition de route extraterritoriale,
affirme que le Pacte germano-polonais ne limitait en rien
la liberté d u Gouvernement polonais de contracter des
alliances avec des tierces Puissances 8 et conteste formelle-
ment à l’Allemagne le droit de dénoncer, unilatéralement
et sans préavis, un accord conclu pour une durée de dix
+ i
1. M. Greiser.
2. M. Martin von Janson.
3. M. Forster.
4. Carl BURCXEARDT, Op. tit., p. 353.
5. Le Sénat dantzickois l’a nommé citoyen d’honneur de la ville, à l’occasion
de son cinquantieme anniversaire. (Voir plus haut, p. 111.)
198 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
BONNET, La Délense de la Pais, II, p. 267 et s.), parce qu’il était exclusivement
destiné aux Anglais. On le trouve en revanche dans les Documents on British
Foreign Policy, VI, no 659, Appendice 2 b.
1. Cette indiscrétion a été due à un jeune journatiste français que la recom-
mandation d‘amis communs avait amené Burckhardt à recevoir chez lui et qui,
abusant de la confiance du Haut-Commissaire, avait tir6 des conclusions erm-
nées de certaines observations qu’il avait faites à son domicile. (Lettre ds Bure
wlardl à Wolteru, le 13 août 1939.)
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 21 1
sation sur l’obersalzberg. Ces espoirs, caressés envers e t
contre tout, avaient été en fait, la substance même de ma
mission à Dantzig. A présent, ils étaient réduits à néant ))
1. c d BURCKHAnDT, Ma Miarion d Dantzig, p. 387.
xv
+ *
La négociation débute le 14 avril par l’envoi à Moscou
de propositions anglaises et françaises un peu différentes,
mais tendant toutes deux à la conclusion d’un pacte par
lequel (( la France, l’Angleterre et I’U. R. S. S. garantiraient
l’indépendance de la Pologne et de l a R o u m a n i e , au cas où
celles-ci seraient attaquées p a r l’Allemagne ».
Le 19 avril, le Gouvernement de 1’U. R. S. S. répond par
des contre-propositions : que l’Angleterre, la France et
1’U. R. S. S. commencent par s’assister mutuellement, en
cas d’agression dirigée contre l’une d’entre elles; que les
Pays Baltes2 soient compris dans le nouveau pacte; que
les modalités militaires de ,l’assistance soient étudiées en
commun; qye les trois États s’engagent à ne pas signer de
paix séparee; que la Pologne et la Roumanie modifient
la nature de leur alliance en déclarant qu’elle joue contre
tout agresseur (alors qu’elle ne vaut jusqu’ici que contre
la Russie).
Le 22 avril, le Gouvernement français se rallie à ce projet.
Mais l’Angleterre trouve les propositions soviétiques trop
étendues et trop compliquées. Lord Halifax veut amener la
Russie à soutenir la Pologne, mais de là à garantir la Russie
elle-même, il y a un pas considérable qu’il hésite à fran-
chir. Aussi s’en tient-il à sa formule initiale : que les
trois Puissances commencent par garantir la Pologne et la
que les discussions avec les Russes sont toujours longues et ardues. De pl^,
une pression trés forte, émanant des milieux de gauche, s’exerce sur le Gou-
vernement français en faveur de l’Accord. Enfin Daladier, comme Churchill,
attache plus d’importance à l’alliance russe qu’à l’alliance polonaise.
1. Voici le texte de la proposition française : 11 A u cas où la France et la Grande-
Bretagne se trouveraient en état de guerre avec l’Allemagne par suite de l’action
qu’elles auraient exercée en vue de porter aide et assistance à la Roumanie ou à la
Pologne, victimes d’une agression non provoquée, l‘U. R. S. S. leur porterait immé-
diatement aide et assistance.
a A u cas où l ‘ ü . R. S. S. se trouverait en guerre avec l’Allemagne par suite de
l’action qu’elle aurait exercée ea cwc de porter aide et assistance à la Roumanie ou
à la Pologne, victimes d u n e agression non prowquée, la France et la Grande-Bre-
tagne lui porteraient immédiatement aide et assistance.
u Les trois gouvernements ae concerteront sans délai sur les modalités de cette assis-
tance dans l‘un et l’autre cas envisagés et ikr prendront toutes dispositions pour lui
assurer sa pleine efficacité. n
Le texte anglais ne comporte pas la formule : a En cas d’agression non provo-
quée. D Nous avons déjà dit pourquoi. (Voir plus haut, p. 162, n. 1.)
2. Notamment l’Estonie et la Lettonie.
216 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
1. Les délégations ont déjà perdu dix jours avant de se mettre en route. Après
quoi, elles ont pris un cargo très lent, qui a encore mis six jours pour les trans-
porter à Léningrad. (Cf. Alexander WERTH,La Russie en guerre, I, p. 45.)
2. Cette méfiance s’exprime clairement dans l’Introduction aux Comptes rendus
des séances de la Conférence militaire, publiés en 1960 par le Service de Presse
de l’Ambassade soviétique à Bonn. u Déjà au cours des négociations politiques II,
y lit-on, a il était apparu que les gouvernements français et britannique n’étaient
pas disposés à conclure avec 1’U. R. S. S. un accord eEcace pour résister a I’agres-
seur. Ils soumirent aux Soviets des projets d’accord, qui assuraient bien l’appui
militaire de 1’U. R. S. S. à la Grande-Bretagne, A la France et aux pays auxquela
ceux-ci avaient donné leur garantie, mais qui leur donnaient toute latitude de se
dérober eux-mêmes à l’obligation d’assister l’Union Soviétique. Ce qui signi-
fiait qu’en cas d‘agression de la part de l’Allemagne fasciste, l‘Union Soviétique
aurait d û se defendre neule. Y
228 HISTOIRE DE L’ARMBE ALLEMANDE
nous disposons. n
- Ces principes sont excellents, je n’ai rien à y redire »,
répond Vorochilov. (( Mais, je le répète : l’essentiel est que
nous connaissions nos moyens e t nos plans réciproques, afin
de les ajuster à une stratégie commune. n
- (( Dans ces conditions », déclare l’amiral Drax, (( je
demande une suspension de séance, pour me permettre de
1. Par ces mots, Vorochilov tient B souligner, dès le début, que Londres et
Paris sont lea demandeurs.
230 HISTOIRE DE L’ARMEE ALLEMANDE
consulter mes collègues français e t de mettre au point nos
dossiers. n
- u J e n’y vois aucun inconvénient n, répond Vorochilov.
La séance est levée à 13 h. 10.
Durant toute la séance du lendemain, 13 août, les conver-
sations piétinent. Quand elles ne se cantonnent pas dans des
généralités, elles s’attardent à un inventaire détaillé des
effectifs et des armements, sans qu’il en résulte rien de
concret sur le moyen de les utiliser. Auprès des 110 divisions
françaises annoncées par le général Doumenc, les 6 divisions
anglaises, dont 1 mécanisée font une impression piteuse sur le
Maréchal Vorochilov, qui affirme, quant à lui, que 1’U. R. S. S.
pourra opposer à l’agresseur 120 divisionsd’infanterie, 16divi-
sions de cavalerie, 5.000 canons lourds, 9.000 à 10.000 chars
et 5.000 à 5.500 avions.
Cependant, les trois délégations parviennent à rédiger le
préambule et les deux premiers articles d’un Projet
d’Accord militaire anglo-franco-russeD, dont l’article 2 sti-
pule :
(( Afin d‘opposer une résistance commune aux opérations mili-
i. SitzungaprotokoU, p. 33-34.
L A CRISE GERMANO-POLONAISE 233
ici et qu’elles n’aient pas apporté avec elles une réponse
précise. ))
- (( L’Allemagne peut attaquer d’un moment à l’autre »,
fait observer le général Doumenc. (( Ne serait-il pas sage,
dans ces conditions, de poursuivre nos travaux en atten-
dant que la question politique soit tranchée? D
C’est alors au Maréchal Vorochilov de demander une sus-
pension d’un quart d‘heure, pour permettre à la Mission
soviétique de formuler son point de vue 1. Au bout de
quinze minutes, le Commissaire du Peuple à la Défense
revient dans la salle des séances et donne lecture du mémo-
randum suivant :
u 1. - L a Mission militaire soviétique n’a pas oublié - et
n’oublie pas - que la Pologne et la Roumanie sont des États
indépendants. A u contraire. C‘est en partant de cette donnée
irréfutable qu’elle a prié la Mission militaire franco-britan-
nique de répondre à la question :u Les Forces armées soviétiques
u seront-elles autorisées à traverser le territoire roumain ou I
* *
Londres n’en paraît pas gravement affecté. Chamberlain
ne s’est engagé qu’à son corps défendant dans la négociation
avec les Soviets et la tournure qu’elle a prise confirme ses
prévisions. Par ailleurs, le Cabinet britannique, fort des assu-
rances que ne cesse de lui prodiguer le général Gamelin,
demeure convaincu que l’Armée française est en mesure
de remplir toutes ses obligations, c’est-à-dire de secourir
la Pologne et de faire échec à la Wehrmacht. Si les Russes
ne veulent pas marcher, on se passera de leur concours.
De toute façon, ni Chamberlain, ni Halifax ne croient à
la valeur offensive de l’Armée Rouge. Ils ne la font entrer
dans leurs calculs que comme facteur de dissuasion 1.
Mais il n’en va pas de même à Paris, bien au contraire.
Le contenu des dépêches qui arrivent de Moscou2 et le
ton comminatoire du mémorandum de Vorochilov ne laissent
guère de doute sur la gravité de la situation. (( Que va faire
la Pologne? 1) se demande Georges Bonnet. (( Va-t-elle réduire
à néant, par son aveuglement, tant de semaines de patience
et d’efforts de conciliation? ))
Le 15 août, au début de l’après-midi, le ministre français
des Affaires étrangères convoque dans son bureau M. Luca-
siewicz.
- (( Le colonel Beck »,lui dit-il d’un ton ferme, (( doit
accepter l’entrée en Pologne de l’infanterie russe, sinon tout
est à redouter. J e n’exclus même pas la possibilité d’une
entente germano-russe contre Varsovie. n
- (( M. Beck ne consentira jamais à laisser occuper par
les Russes les territoires que nous leur avons repris en 1921! n
réplique M. Lucasiewicz. (( Accepteriez-vous, comme Fran-
çais, de faire garder l’Alsace-Lorraine par les Allemands? D
- (( Certainement pas »,répond Bonnet, (( mais n’oubliez
pas que vous avez comme voisines à l’est et à l’ouest, deux
grandes Puissances. Vous êtes maintenant engagés dans une
‘U.R. S.S.
(( Le Gouvernement du Reich et le Gouvernement de 1
1. a Le 21 août D, écrit Churchill dans ses Mt?moirce, sans tenir compte des
désira des deux pays, Daladier reconnut aux Soviets le droit de traverser la Pologne
et la Roumanie et donna au général Doumenc, chef de la délégation française à
Moscou, le pouvoir de signer l’Accord militaire dans les meilleures conditions
possibles. a
2. n Que peuvent, hélas! nos négociateurs, m8me munis de pleins pouvoirs? a
écrit Georges Bonnet. a C’est de la Pologne que 1’U. R. S. S. attend le mot décisif.
Or, le Gouvernernent polonais maintient sa position négative. a (La Déjeme de
ta P<iiz, II, p. 284-285.)
3. Communiqué du Deufeche Nachriehten BGro, du 22 août 1939. La nouvelle
est reprise aussitôt par Reuter.
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 243
En apprenant cette nouvelle stupéfiante, Georges Bonnet
télégraphie aussitôt à M. Naggiar :
u Une information D . N , B. annonce que M . Ribbentrop
arriverait à Moscou le 23 août pour y signer un pacte de non-
agression germano-soviétique. Veuillez me transmettre toutes
explications que v o w recevriez & ce sujet l.
LE PACTE GERMANO-SOVIOTIQUE
+ +
L’affaire débute réellement le 7 avril, par un coup de
téléphone de Ribbentrop au Dr Peter Kleist l.
- (( Connaissez-vous personnellement les diplomates de
l’ambassade soviétique à Berlin? D lui demande le ministre
des Affaires étrangères. du Reich.
- (( Non »,répond Kleist, d’autant plus surpris que son chef
lui avait prescrit jusque-là d’éviter tout contact avec eux.
- (( Veuillez améliorer vos relations avec ces Messieurs n,
lui dit Ribbentrop.
Kleist s’efforce d’obtenir quelques éclaircissements complé-
mentaires, mais le ministre des Affaires étrangères refuse
d’en dire davantage. I1 lui demande seulement de lui faire
un rapport ((dès qu’il sera parvenu à un résultat intéres-
sant 2 ».
Quelques jours plus tard, Kleist, accompagné par un des plus
importants commerçants de l’est de l’Allemagne, franchit le
portail du joli palais courlandais de I’Unter den Linden qui
sert d’ambassade à l’U. R. S. S. I1 répond à une invitation
que lui a adressée le chargé d’affaires soviétique, M. Asta-
chov. Celui-ci est un diplomate grand et mince, d’allure dis-
tinguée, qui porte une petite barbe en pointe et parle cou-
ramment l’allemand. Les trois hommes s’assoient autour
de l’Ukraine subcarpathique a cause un vif soulagement au Kremlin où l’on a
toujours craint que ce a pays nain D serve de centre de cristallisation à une
vaste politique d’émancipation de l’Ukraine. Une cause de friction entre Moscou
e t Berlin a disparu. (Ddclurution de Litvinov à M. ton Tippelskirch, charge
d’affaires allemand t~ Moscou e t adjoint de l’ambassadeur von der Schulenburg.)
(Cf. Philipp W. FABRY,Dei Hitler-Stalin Pukf, 1939-1941,p. 14.)
1. Le Dr Peter Kleist, pr6sident du Comit6 Allemagne-Pologne est égalemeht
chargé de la section a Russie n au n Bureau Ribbentrop pi. A ce titrt, son intervention
est moins marquée que s’il appartenair à la Wilbelmstrasse.
2. Rappelons le contexte : le 20 mar#, Lord Halifax a annoncé eon projet de
Pacte collectif; le 31 mars, Chamberlain a garanti les frontibres de la Pologne;
depuis quelques jours, le colonel Beck est à Londres, où il étudie les modalit6s
d’un Pacte anglo-polonais.
252 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
4 4
avec les accords qui nous lient? )) lui a-t-il demandé. (( Est-ce
le commencement d’un lâchage? ))
Comme Oshima s’est récrié qu’il n’en était rien, qu’il ne
fallait pas attacher trop d’importance aux propos du baron
Hiranuma, Ribbentrop lui a fait remarquer combien de telles
déclarations étaient inopportunes.
- (( Ne voyez-vous pas qu’en rassurant l’Angleterre du
année, parce que les conditions requises pour lui assurer une
issue victorieuse ne lui paraissent pas réunies. Persuadée
qu’une guerre n’était pas imminente e t convaincue qu’en
t a n t qu’alliée de l’Allemagne, elle était en mesure d’imposer
1. Voir plus haut, p. 122.
2. Bien que cette confrontation n’ait pas eu lieu, un rapport de M. von Macken-
sen, ambassadeur du Reich à Rome, en date du 23 août 1939, basé sur u les décla-
rations d’un informateur qui se trouve en contact direct avec le palais Chigi D,
nous permet de connaître, d’une façon précise, les arguments que s’apprêtait à
invoquer Mussolini.
3. Allusion A l’entretien Hitler-Cavallera.
262 HISTOIRE DE L’ARMÉE A L L E M A N D E
t
+ +
un peu trop tôt pour ne pas déranger ses calculs. C'est seule-
ment la veille, 14 août, que Vorochilov a remis à l'amiral
Drax e t au général Doumenc le mémorandum par lequel il
leur a demandé de lui dire si l'Armée Rouge serait autorisée,
oui ou non, à traverser les territoires de la Pologne et de la
Roumanie2. Comme il est peu probable que Varsovie y
1. Documents reintifs aux relations germano-soviétiques, 1939-1941, publiés par
le Département d'État américain, édition française, p. 65-67.
2. Voir plus haut, p. 232.
268 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
u A MONSIEUR
JOSEPH STALINE,
VISSARIONOVITCH Moscou.
DU REICHALLEMAND ADOLFHITLER.
((Au CHANCELIER
u Je vous remercie de votre lettre. J’espère que le Pacte de
non-agression germano-soviétique marquera un tournant favo-
rable dans les relations politiques entre nos deux pays ...
(( Le Gouvernement soviétique m’a autorisé à vous informer
LE PACTE GERMANO-SOVIÉTIQUE
i
* *
Dès son arrivée au Kremlin, à 15 h. 30, Ribbentrop, tou-
jours accompagné par Schulenburg et Hilger, a été conduit
à une pièce où il a été reçu, à sa plus grande surprise, non
seulement par Molotov, mais par Staline lui-même. C’est un
fait sans précédent dans les annales du régime, car les diri-
geants moscovites tiennent à maintenir la fiction selon
laquelle le Secrétaire général du Parti ne s’occupe pas de poli-
tique étrangère. I1 semble que le dictateur soviétique ait voulu
faire comprendre par là à l’envoyé d’Hitler (( que si l’accord
n’était pas signé sur-le-champ, il ne le serait jamais D.
Le comportement de Staline est naturel et plein de
bonhomie. Mais Ribbentrop est frappé par le ton cas-
sant avec lequel il parle à ses subordonnés et par l’atti-
tude servile de tout son entourage 2. En dehors de Molotov
et de Vorochilov, il ne fait guère d’exception que pour son
interprète Pavlov.
Cette première conversation, qui dure près de trois heures,
n’apporte rien de très nouveau, car Hitler a déjà approuvé,
dans son ensemble, le projet de Pacte proposé par Molotov.
On se borne donc à en récapituler les termes. Mais une dif-
ficulté surgit lorsqu’il s’agit de délimiter les u zones d‘inté-
rêt »,car Staline exige tout à coup, avec une insistance
particulière, que les ports lettons de Windau et de Libau
soient inclus dans la sphère russe3.
Cette exigence est grave pour plusieurs raisons. D’abord,
la possession de ces ports fournit aux Russes la possi-
bilité de se libérer de l’étroitesse du golfe de Kronstadt, au
fond duquel se trouve Léningrad, e t d‘accroître leur hégé-
monie sur toute la mer Baltique; ensuite, elle permet à
YU. R . S. S. de menacer l’indépendance de la Finlande;
enfin, elle donne aux Soviets toute latitude d’y construire
des installations militaires qui pourront éventuellement ser-
vir à des opérations contre l’Allemagne a.
1. G. HILGER,
Wir und der Kreml., p. 286.
2. Plus tard, Churchill sera frappé, lui aussi, par le ton dur et autoritaire dont
Staline se sert à l’égard de son entourage. (Voir vol. IV, p. 271, note 1.)
3. Voir la carte du vol. II, p. 21. On se souvient des combats acharnes que
les corps francs du Baltikurn avaient livn5s au printemps de 1919, pour chasser
les formations rouges de ces villes. (Vol. II, chap. I A III.)
4. a L’immoralité de cette transaction a, écrit l’historien anglais G. Gathornet
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 281
Mais Staline les réclame avec tant d’insistance que cette
exigence paraît à Ribbentrop une condition sine qua non
de la signature de l’accord.
Malgré l’étendue de ses pouvoirs, le ministre des Affaires
étrangères du Reich hésite à accepter cette exigence de
son propre chef. La conversation est donc suspendue vers
18 h. 30, pour lui permettre de consulter le Führer.
Rentré à l’ambassade, Ribbentrop ne dissimule pas sa
satisfaction. I1 est visiblement enchanté de ce premier
contact.
- (( Les négociations sont en bonne voie )), déclare-t-il à
Hardy, a est peut-être moins étonnante que l’impudence avec laquelle 1’U. R. S. S.
e+ge des mesures qui ne se justifiaient que dans la perspective d’un futur conflit
avec le Reich. n (Kurze Geschitchte der Iniernatwnalen Pditik 1920 bis 1939,
p. 586.)
1. I1 semble qu’il n’ait pas été dans l’intention d’Hitler de sacrifier la côte
lettone, et que la ligne de démarcation prévue par lui à l’origine ait été le cours
de la Diina. (HOFER,Dia Entfesselung dcs Zweiten Weltkrieges, p. 75.)
282 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
+ +
I1 n'y a plus qu'à rédiger le texte définitif du Pacte. Le
voici :
TRAITE D E NON-AGRESSION ENTRE LE REICH ALLEMAND
ET L'UNION DES RÉPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIÉTIQUES.
+ *
Alors, tout à coup, le décor change. L‘insipide bureau,
rempli de meubles d’acajou sombre à l’ancienne mode, se
transforme en salle de banquet. La table brune se couvre
rapidement de toutes les excellentes choses qui font la répu-
tation de la cuisine russe. Staline renvoie la vieille servante
et joue lui-même le rôle d’amphitryon. I1 débouche les bou-
teilles de champagne et remplit à la ronde les verres de ses
invités. Les nasdorooiye se succèdent sans arrêt, les longues
papyros s’allument, l’ambiance s’échauffe rapidement. Sta-
line pousse l’amabilité jusqu’à prononcer quelques mots
d’allemand. I1 dit u Prosit! )) et u Gesundheit! )) La conver- *.
sation s’anime de plus en plus. Hilger et Pavlov, les deux
interprètes, échangent des bons mots comme des balles de
ping-pong. L’ivresse causée par le champanskoye (on nomme
ainsi le champagne de Crimée) se mêle à l’euphorie que pro-
voque la réussite d’une aventure, où, d’un seul coup et de la
façon la plus inattendue, le tableau de la politique mon-
diale se trouve radicalement transformé.
Mais si, comme le dit Ribbentrop, Staline prend tout à
coup les allures (( d’un bon père de famille »,il ne faudrait
pas en déduire qu’il cesse d’être aux aguets. Cette petite
fête improvisée lui permet de poursuivre, à bâtons rompus,
1. Car elles auraient aiora affaire à la fois au Reich et à 1’U. R. S. S. Un commu-
nique conjoint rédigé dans le sens de cette depêche aurait eu pour effet de
transformer le Pacte de non-agression en Pacte d’assistance mutuelle.
2. Bien que daté du 23 août, le Pacte germano-russe a b t é signé en réalité le
28, vers 2 heures du matin.
3. r A votre santhl D
L A CRISE G E R M A N O - P O L O N A I S E 287
une conversation politique au cours de laquelle il cherche
à percer les arrière-pensées de ses interlocuteurs. Peut-être
est-ce dans ces moments-là - où sa volonté de puissance se
dissimule derrière une jovialité factice - qu’il est le plus
inquiétant,..
Molotov ayant amené, comme par hasard, la conversa-
tion sur le Japon, Ribbentrop lui assure que l’amitié ger-
mano-nippone n’est nullement dirigée contre 1’U. R. S. S.
- (( Tant mieux D, réplique Staline, (( car les provocations
japonaises dépassent la mesure, La patience de l’Union
Soviétique a des limites. Si le Japon veut la guerre, il peut
l’avoir! L’Union Soviétique ne la redoute pas. Elle est prête
à y faire face. N
- (( Je m’emploierai volontiers à aplanir les dificultés
entre l’Union Soviétique et le Japon n, déclare le ministre
des Affaires étrangères du Reich, en veine d’amabilité.
(( J’en parlerai à Tokyo, où nous ne sommes pas sans
influence et je tiendrai le représentant soviétique à Berlin
au courant du résultat. D
- (( Fort bien D, répond Staline en se frottant les mains,
(( mais à condition que les Japonais n’aient pas l’impression
* *
Le ministre des Affaires étrangères du Reich et sa suite
rentrent à l’ambassade & 4 heures du matin. Ribbentrop,
qui vient de passer deux nuits blanches et qui est visi-
blemènt excité par le champagne de Crimée, n’a aucune
envie de dormir. I1 s’entretient durant tout le reste de la
nuit avec sés collaborateurs et raconte à ceux qui n’y
ont pas assisté les diverses péripéties de sa rencontte
avec Molotov. Puis, aux premières heures de la matinée,
il reçoit le correspondant du D. N. B. à Moscou, auquel
il fait la déclaration suivante :
Dans le passé, l’Allemagne et la Russie se sont trouvées
((
EXAMEN
DES TEXTES :
geance d’un journaliste américain D, a été composé par M. Louis Lochner dans
les bureaux de I’Asaociafed Pres8 de Berlin, sur la base d‘informations recueillies
de seconde main. L’auteuî- semble l’avoir rédigé dans l’intention de convaincre
les Alliés qu’Hitler serait renversé au lendemain du jour où ils lui déclareraient
la guerre, ce qui I’obiigedit à affirmer que le maître du IIIe Reich avait repoussé
d’avance toute médiation en faveur de la paix. (Cf. Annelies von RIBBENTROP,
Verschwf3rung gegcn den Frieden, p. 428.) Lé Tribunal de Nuremberg a lui-même
renoncé à se servir de ce document, en raison de son caractère suspect.
Le professeur Séraphim en conclut : a Dans l’état actuel de nos connaissances,
e t faute de documents nouveaux, tout historien scrupuleux devrait n’abstenir
d’utiliser ces aoureecl. s
Le ddcwnent D (Agenda personnel du général Halder) est constitué par des
notes prises à la volée par le chef d’)bat-Major général peur son usage personnel.
Elles offrent un caractere trop décousu pour que l’on puisse en dégager une phy-
sionomie complète de la eonférence.
Reste le document E, publié par le Ministerialrat Helmuh GREINERdans son
ouvrage Die Obwrta Wahrniachtfùhrung, 1089-1943 e t reproduit dans le Kriegsta-
LA CRISE GERMANO-POLONAISE 293
C’est au printemps que j’ai pris la résolution d’agir, lorsque
le colonel Beck a repoussé mes propositions concernant un
règlement des questions de Dantzig et du Corridor. Des
considérations importaptes m’ont dissuadé de remettre
l’affrontement à plus tard, c’est-à-dire à un moment qui
pourrait nous être moins favorable. &es voici :
(( Premièrement :jamais un chef d’Etat germanique n’in-
..
LA PAIX SE MEURT. LA PAIX
EST MORTE
xx
1. Lorsque Mussolini avait signé cet accord, Hitler l’avait considéré comme
un traître envers le fascisme I). C‘est au moins une critique que le Filhrer ne
formulera plus.
2. Comte Galeazao CIANO,Jownal politique, I, p. 134.
3. Akfen zur Deutschen Awnvdrfigen Politik, VII. Rapport de M . ton Mackemen
d M. w n Ribbentrop, 23 août 1939.
4 . Ciano, J O W I poliïique,
~ I, p. 135.
5. Après, il est vrai, un premier moment d’inquiétude. Le Gouvernement de
Bratislava a craint tout d’abord que la Slovaquie n’ait servi de monnaie d’échange
entre Berlin et Moscou. I1 a fallu que la Wilhelmstrasse lui donne, à ce sujet,
loi assuiances les plus formeiies.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 303
Hongrie et en Bulgarie, où le président du Conseil déclare
au ministre du Reich à Sofia :
-((Tout le monde ici a accueilli le Pacte avec joie et
soulagement. Sa conclusion est un coup de maître de la
part du Führer D
+ i
+ *
1. Id., p. 301-302.
2. On voit que le bruit fait par la radio anglaise, B la suite des démarches
de M. Tilea (voir plus haut, p. 149), a laissé une trace profonde dans les esprits,
car il n’est nullement question d‘un conilit germano-roumain. La Roumanie, au
contraire, deviendra l’alliée de l’Allemagne.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 325
illusion n’est .permise : il ne bluffe pas. I1 est résolu à
reprendre Dantzig et le Corridor, même s’il doit en résulter
une guerre générale. Tels sont les faits.
u Or, c’est le refus opposé par Varsovie au passage des
troupes russes à travers le territoire polonais, qui constitue
le motif invoqué par l’Union Soviétique pour rompre les
négociations avec nous.
a Quelle doit être notre attitude? Faut-il appliquer aveu-
glément notre alliance avec la Pologne? Vaut-il mieux, au
contraire, pousser Varsovie à un compromis? Nous pourrions
ainsi gagner du temps pour accroître notre puissance mili-
taire et améliorer notre situation diplomatique, de manière
à résister plus efficacement à l’Allemagne, au cas où elle se
tournerait plus tard contre nous l. Mais un compromis
risque d‘affaiblir l’alliance franco-polonaise. Or, celle-ci a
toujours été considérée comme essentielle à la défense de la
France. Ce point de vue e s t 4 toujours celui de l’État-
Major français? ))
Après un instant de réflexion, le général Gamelin remarque :
- (( I1 est très important que l’Italie reste neutre, d’au-
tant plus qu’aucune opération militaire décisive n’est pos-
pas d’accord, qu’il est possible que, cette fois-ci aussi, vous
jugiez les choses plus correctement que nous 3. 1) Même s’ils
1. Voir vol. V, p. 283 et 383.
2. L a raison en est simple e t le Maréchal von Manstein nous l’explique claire-
ment : u A l’issue de la conférence prononcée par Hitler n, écrit-il, u ni le général
-
von Rundstedt, ni moi-même - ni sans doute aucun des autres généraux présents
n’eûmes l’impression que la guerre était inévitable. Deux considérations sem-
blaient militer, au contraire, en faveur d’un arrangement pacifique conclu comme
à Munich, à la dernière minute.
a La première était que la signature d u Pacte avec l’Union Soviétique plaçait
la Pologne, d’entrée de jeu, dans une situation désespérbe. Du fait que l’arme du
blocus avait été arrachée des mains de l’Angleterre, le seul moyen de secourir la
Pologne consistait en un assaut sanglant à l’ouest. II paraissait donc probable
que -poussée par la France -elle [l’Angleterre] conseillerait A la Pologne de céder.
a L’autre était qu’il devait être désormais évident, pour la Pologne, que la garantie
britannique était pratiquement sans effet. Elle devait bien plutôt se dire que, si
elle en venait à la guerre avec l’Allemagne, les Soviets lui tomberaient dans le
dos, pour assouvir leurs vieilles revendications sur la Pologne Orientale. Etait-il
concevable, devant une pareille situation, que Varsovie refusât de céder ? B
(Maréchal von MANSTEIN, Verlorene Siege, p. 20-21.)
3. Voir plus haut p. 264. a Le Pacte germano-russe du 23 août B, écrit Gerhardt
Ritter, a étouffa dans l’œuf toute pensée d’une tentative de putsch chez les géné-
raux. Non pas parce que dans leur majorité ils étaient ravis de reprendre contact,
comme à l’époque de Seeckt, avec l’Armée Rouge, mais tout simplement parce
...
qu’ainsi la balance penchait du côté de l’Allemagne La menace que l’Armée
française faisait peser sur le Rhin n’était pas assez considérable pour qu’on puisse
dire qu’elle représentait un danger immédiat pour le Reich. Ainsi, les arguments
avancés par l’État-Major, pour exprimer sa crainte d’une nouvelle guerre sur deux
fronts, manquaient O prwrr de force convaincante. Hitler pouvait dire à ses géné-
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 335
font des réserves au point de vue technique, comment pour-
raient-ils s’opposer moralement à une opération dont le but
est de restituer à l’Allemagne Dantzig et le Corridor, et de
ressouder les deux parties de la Prusse? Ils ont trop long-
temps désapprouvé la politique pro-polonaise d’Hitler pour
pouvoir s’insurger contre lui, au moment où il applique
la politique inGerse. Le Führer n’a rien exagéré lorsqu’il
a dit à Burckhardt : N L’année dernière, mes généraux
étaient prudents. Cette fois-ci, c’est moi qui dois les rete-
nir ))
En répandant des bruits comme ceux dont nous venons
de parler, et en faisant croire à Londres et à Paris que la
guerre n’offrait aucun risque, les résistants antinazis ont
contribué à rendre l’affrontement inévitable, et ce dans les
plus mauvaises conditions possibles pour les démocraties,
dans lesquelles ils mettaient pourtant tout leur espoir.
*
* *
Ainsi, à l’entrée de la semaine décisive qui se prépare, on
dirait que chacun est victime de sa propre idée fixe.
Hitler croit que la signature du Pacte germano-soviétique
exclut toute possibilité de guerre généralisée : ou bien le
colonel Beck finira par accepter ses propositions, et il récu-
pérera Dantzig et le Corridor a sans tirer un seul coup de
feu N; ou bien il y aura un conflit polono-allemand localisé,
auquel ne participeront ni l’Angleterre ni la France. Cette
guerre-là, il ne fera aucune concession pour l’éviter, tant il
est convaincu qu’elle se terminera rapidement et à son
avant age.
Beck croit que ses alliances avec Londres et Paris le
mettent à l’abri de toute agression allemande et qu’il suffira
de tenir tête à Hitler pour le faire reculer, car jamais il
n’osera aller jusqu’à la guerre.
Halifax a voulu (( raidir )) la Pologne, mais il a provoqué
chez elle UR raidissement excessif.
Chamberlain croit qu’en avertissant solennellement Hitler
que l’Angleterre interviendra s’il touche à la Pologne, il
l’empêchera de pousser les choses au pire, sans se rendre
raux que jusqu’g présent, A chacune de ses entreprises, ils l’avaient instamment
mis en garde, mais qu’il avait eu chaque fois raison contre eux. u (gchec au
Dictateur, p. 171.)
1. Voir plus haut, p. 208.
336 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
duit par une porte dérobée donnant sur le jardin. a Les temps exceptionnels exigent
des moyens exceptionnels D, avait-il déclaré à Lord Halifax. a Je ne me présente
pas à vous en tant que chargé d’affaires du Reich, mais en tant que porte-parole
politique des cercles militaires de la Wehrmacht qui veulent tout mettre en
œuvre pour empêcher une guerre. a
Il avait expliqué ensuite au chef,de la diplomatie anglaise que tous les conjurés
étaient $accord pour considérer que, faute d’une déclaration franche et claire du
Gouvernement britannique sur son attitude en can de conflit, ni le peuple, ni la
troupe ne comprendraient le péril où ne trouvait l’Allemagne, et n’apporteraient
leur soutien aux conjurés D. (a. Hans ROTEFBLS, Die Deuische Opposition gegsn
Hitler, p. 74; Helmuth R~NNSFARTE, Die Sudsiankriss i n . & internationaien
Politik, I, p. 503; Erich KORDT,Nicht am den A b , II, p. 244.)
Iniormé de cette visite, Chamberlain l’avait accueillie avec beaucoup de scepti-
cisme. E t ai ces Messieurs réussinsent a, avait-il demand4, 6 qu’est-ce qui me
garantit que l’Allemagne ne deviendra pas communiste? a
Depuis lors, on l’avait beaucoup blâmé de son attitude. Cette fois, le Premier
Ministre s’exprimera d’une façon sutfisanment 8 franche e t claire a pour que nd
ne puLse douter de sa résolution.
LA PAIX SE HEURT... LA PAIX EST MORTE 341
Ces difficultés, cependant, pourraient être rdduites, sinon .
supprimées, s i des deux côtés - et en fait de tous les côtés -
o n commençait par instaurer une sorte de trêve dans les polé-
miques de presse et dans toutes les campagnes d’excitation.
S’il était possible de s’entendre sur une telle trêve, a u cours
de laquelle des mesures pourraient être prises pour étudier et
confronter les plaintes formulées des deux côtés, sur le traite-
ment des minorités, il est raisonnable d’espérer que l’on pourrait
établir les conditions favorables à l’instauration de négocia-
tions directes entre l‘Allemagne et la Pologne, a u sujet des
questions qui les opposent (avec l‘aide d’un t<uchement neutre,
s i l’on estimait des deux côtés qu’une telle Entervention était
utile).
J e suis cependant obligé de dire que l‘espoir de mener de telles
négociations à bonne fin serait mince, s’il n’était pas entendu
a u préalable que tout arrangement auquel o n pourrait arriver
serait, uns fois conclu, garanti par d’autres Puissances. L e
Gouvernement de S a Majesté serait prêt, s i le désir e n était
exprimé, à contribuer dans la mesure de ses moyens, à la mise
e n application pratique de telles garanties.
J’avoue ne voir e n ce moment aucun autre moyen d‘éviter
une catastrophe qui entraînerait l’Europe dans la guerre.
Devant les graves conséquences que l’action de ses dirigeants
peut faire subir à I‘humanité, je compte que Votre Excellence
examinera, avec la plus extrême attention, les considerations que
je viens de lui soumettre.
Sincèrement à vous.
NEVILLE
CHAMBERLAIN ’.
Le 22 août, un peu avant 21 heures, le Foreign Office
transmet à Henderson les instructions suivantes :
- (( Vous allez recevoir d‘un moment à l’autre une lettre
-
-
HENDERSON.s Est-ce une menace? ))
HITLER. a Non! C’est une précaution. Le Gouver-
nement britannique a préféré n’importe quelle solution à
une collaboration avec l’Allemagne. Dans sa volonté de
nous détruire, il s’est tourné vers la France, vers la Turquie,
vers la Russie )) ...
-
HENDERSON.(( Mais l’Angleterre ne songe nullement à
détruire l’Allemagne! n
-
HITLER. (( Malgré tout ce quevous pourrez me dire, j’en
demeure convaincu. C’est pourquoi j’ai consacré neuf mil-
liards de marks à construire les fortifications de l’ouest, afin
de me prémunir contre toute agression de ce côté. n
-
HENDERSON. (( Le revirement de l’opinion anglaise a
été provoqué par les événements du 15 mars 4. 1)
HITLER. - (( Pourtant vous n’avez pas protesté quand la
Pologne a voulu s’annexer la Ruthénie 5! De plus, la situa-
tion qui régnait à l’intérieur de la Tchécoslovaquie était
devenue intolérable pour l’Allemagne. Après tout, ce sont
les Allemands, et non les Anglais, qui ont apporté la civi-
1. Voir plus haut, p. 172.
2. Voir plus haut, p. 180.
3. Voir plus haut, p. 149.
4. C‘est-&dire l’occupation de Prague.
5. I1 est de fait que la Pologne avait proposé ti la Roumanie de se partager la
Ruthénie, pour élargir leur frontière commune. La Roumanie avait refusé. Fina-
lement,la Ruthénie avait été absorbée par la Hongrie le 16 mars 1939.(Voir plus
haut, p. 73 et a.)
346 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
Pendant ce temps, Sir Nevile Henderson se morfond à
Salzbourg, dans l’attente de la réponse allemande. Vers
18 heures, un coup de téléphone l’avertit que le Führer
l’attend. I1 monte aussitôt en voiture pour se rendre au
Berghof.
Dès son arrivée, Hitler lui tend la lettre qu’il vient de
rédiger. Le Führer est beaucoup moins agité que lors de
l’entrevue précédente. On dirait que le fait d‘avoir couché
sa pensée sur le papier l’a calmé.
Henderson prend rapidement connaissance du message
pour Chamberlain. Mais lorsqu’il arrive au bas du para-
graphe 7, qui a trait à la mobilisation allemande, son sang
se fige.
- (( Cela signifie-t-il la guerre? )) demande-t-il à Hitler,
*
* *
Tandis que la situation se tend de plus en plus à Dantzig,
la nervosité s’accroît dans tous les pays d’Europe. E n Alle-
magne, les routes sont sillonnées de colonnes motorisées qui
se dirigent vers l’est. E n Roumanie, où l’on redoute depuis
des mois une attaque de la Honved l, 80.000 hommes font
mouvement vers la frontière hongroise En Slovaquie, où
deux avions polonais ont atterri par mégarde, le général
Barckhausen demande à Mgr Tiso d’interdire le survol de
son territoire aux appareils étrangers. Tout avion contre-
venant à cet ordre sera immédiatement abattu 8. E n Hol-
lande, on pose des mines dans la région située entre Nimègue
et Maestricht et on limite l’exportation de certaines matières
premières. E n Belgique, où l’on procède à une mobiIisa-
tion partielle, l’armée s’apprête à prendre position le long
des deux frontières -
française et allemande pour bien -
marquer que le pays luttera contre quiconque tentera de
violer sa neutralité. En France, les premières mesures
décidées la veille par le Comité permanent de la Défense
nationale commencent à se faire sentir. Les gares sont
envahies par des jeunes gens, appartenant aux 19e, 21‘3 et
23e divisions d’infanterie ainsi qu’à la 3e division d’infan-
terie coloniale, qui rejoignent leurs corps4. Ils sont encombrés
de valises et de musettes. Les civils les regardent passer
avec un air attristé.
- K Ne vous en faites pas! D leur crie l’un d‘eux pour les
encourager. a Vous serez rentrés chez vous avant la fin de
la semaine! ))
Mais les jeunes gens ne sont pas d’humeur à plai-
santer. Ils en ont assez d‘être rappeIés sous les drapeaux
+ +
tude qu’une guerre entre nos deux pays serait la plus grande
catastrophe qui puisse nous arriver. Elle n’est d’ailleurs
souhaitée ni par le peuple allemand, ni par le nôtre.
(( Mais si, malgré tous nos efforts pour sauvegarder la paix
* +
A l'heure où Chamberlain prononce son discours devant
la Chambre des Communes, le Président Roosevelt lance
l'appel suivant à Hitler :
Wash'ington, 24 août 1939.
u Dans le message que i e vous a i adressé le 14 avril dernier 1,
r a i dit qu'il était a u pouvoir des dirigeants des grands peuples
de détourner la catastrophe qui planait sur leurs pays, mais que
la crise qui menaçait le monde se terminerait inévitablement
par une catastrophe, si l'on ne s'efforçait pas de trouver S a m
délai, avec une bonne volonté réciproque, une solution paci-
fique et constructive a u x différends actuels. Cette catastrophe
paraît aujourd'hui terriblement rapprochée.
u J e n'ai reçu aucune réponse à mon message d u 14 avril 2.
Cependant, comme r a i la conviction inébranlable que la cause
de la paix mondiale - qui se confond avec la cause de l'Huma-
nité - domine toutes les autres considérations, je me tourne de
nouveau vers vous dans l'espoir que la guerre qui nous
menace, avec tous les malheurs qu'elle engendrera pour tous
les peuples, pourra encore être évitée.
u C'est pourquoi i e vous lance un appel pressant et grave
- u n appel semblable est lancé simultanément a u Président
de la République polonaise -pour que les Gouvernements alle-
mand et polonais s'abstiennent de toute agression durant une
période donnée, et qu'ils s'engagent, suivant un accord mutuel, à
régler les différends qui les opposent e n recourant à l'une
des trois méthodes suivantH :
10 Des négociations directes; 20 e n soumettant leur litige à u n
tribunal d'arbitrage investi de leur confiance réciproque; 30 par
voie de conciliation. L e médiateur ou le président chargéd'appli-
quer ces procédures devrait être le citoyen d'un des pays tra-
ditionnellement neutres de l'Europe, ou encore d'une des
Républiques américaines, dont aucune n'est directement ou
indirectement mêlée a u x affaires de votre continent.
* *
Le texte du discours de Chamberlain aux Communes est
parvenu en fin d’après-midi à Berlin, d‘où il a été immédia-
tement transmis au Berghof. Les experts l’ont trouvé plus
modéré qu’ils ne s’y attendaient. Ils ont noté, en particulier,
le passage dans lequel le Premier Ministre souligne que les
mesures militaires prises par le Gouvernement de Sa Majesté
ont un caractère strictement défensif et ne sauraient en
aucun cas être considérées comme une menace envers l’Alle-
magne. Comme l’Angleterre ne peut prêter assistance à la
Pologne qu’en recourant à des mesures offensives, les obser-
vateurs croient pouvoir en déduire que la Grande-Bretagne
prend ces précautions pour la forme, mais n’a pas réelle-
ment l’intention de prêter main-forte à Varsovie. L’espoir
subsiste donc de localiser le conflit, peut-être même de voir
Londres exercer in eztrernis une pression sur le colonelBeck,
pour l‘amener à engager des négociations directes avec
1’Allemagne.
Tandis que le soleil descend sur les Alpes bavaroises,
Hitler se promène de long en large sur la terrasse du Berghof.
Comme à la veille de toutes les décisions impartantes, il tient
à être seul. I1 marche, la tête baissée et les poings dans ses
poches. Les montagnes, embrasées par les feux du couchant,
passent lentement de l’or au cramoisi, et du cramoisi au
pourpre. Mais Hitler ne leur jette qu’un regard distrait. I1
soupèse dans son esprit le discours de Chamberlain et l’appel
de Roosevelt. Au bout d’un moment il fait venir son aide
de camp le colonel Schmundt et lui dit :
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 363
- u Tout compte fait, je ne suis pas encore certain qu’il
faille prendre à la lettre ce que disent les Anglais I.. 1)
Puis il commande son avion pour regagner Berlin.
t
* *
A l’heure où Ie Junkers d’HitIer s’envole de Salzbourg,
le crépuscule tombe sur les rives de la Baltique. La soirée
est d’une beauté exceptionnelle. Pas un nuage dans le ciel;
pas une ride sur la mer. Tout est transparent et immobile,
comme immergé dans la paix.
Un paysan marche à côté d‘une charrette de foin. Un
garçon, âgé d’une douzaine d‘années, est juché sur le tas
d’herbes. Le cheval rentre à sa ferme d’un pas lent et égal.
- ((Bonsoir! 2 dit le paysan à un jeune homme qu’il
croise sur sa route.
- (( Bonsoir »,répond l’étranger. (( Quelle journée magni-
fique! I1 semble impossible qu’une guerre puisse éclater
par un temps pareil 1) ...
Le paysan secoue la tête.
- (( Détrompez-vous »,réplique-t-il. u J e reconnais ce
+ *
Sir Nevile Henderson arrive à 13 h. 30 à la nouvelle
Chancellerie, où il est immédiatement introduit dans le
bureau d’Hitler. Celui-ci est très calme. I1 parle d’une
voix grave, avec toutes les apparences de la sincérité z.
- (( A la fin de notre dernier entretien, au Berghof )),
commence par dire le Führer, (( vous avez formulé l’espoir
qu’une entente anglo-allemande puisse encore se réaliser.
Depuis lors, j’ai réfléchi à vos paroles et j’ai décidé de faire, en
faveur de l’Angleterre, un geste aussi spectaculaire que celui
que j’ai accompli récemment à l’égard de la Russie. De plus,
les discours prononcés par M. Chamberlain à la Chambre des
Communes, et par Lord Halifax à la Chambre des Lords,
m’ont incité à avoir un nouvel entretien avec vous. I1 est
absurde de prétendre que l’Allemagne veuille conquérir
1. Cf. General HALDER,
Journal, 25 août 1939, 12 heures.
Compte rendu de mon entretien avec Adoif Hiikr,
2. Sir Nevile HENDERYON,
le 25 août 1939. (Livre bieu ari#hia, no 69.)
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 373
le monde. L’Empire britannique couvre 40 mjllions de
kilomètres carrés, la Russie 19 millions et les Etats-Unis
9 millions et demi, alors que l’Allemagne n’en a que 600.000.
I1 est donc facile de voir de quel côté sont les conquérants.
(( Mais les provocations polonaises sont devenues into-
* *
A 17 h. 30, on annonce l‘arrivée de M.Coulondre, ambas-
sadeur de France. Hitler s’avance vers lui et lui dit :
1. Michael FREUND,Ceschichte des Zweiten Weltkrieges in Dokumenten, III,
Document 101, p. 251.
On s’étonne que le Gouvernement polonais se soit contenté d’un pareil traité,
qui s’appliqueà une agression allemande, mais ne joue pas en cas d’agressionrusse,
ce qui limite singulièrement la portée de la garantie anglaise. Faut-il l’attribuer à
l’incroyable légèreté du colonel Beck? Non. Si téméraire qu’il soit, il ne l’est pas
à ce point. La seule explication plausible est que, si le Gouvernement polonais
s’attend à ce que la guerre éclate, il ne s’attend nullement à devoir la faire jusqu’au
bout - avec tous les risques que cela comporte -. De plus, il ne prévoit nulle-
ment une agression de la Russie.
LA PAIX S E MEURT... LA PAIX EST MORTE 379
- Étant donné la gravité de la situation, j’ai désiré
vous faire une déclaration que je vous prie de transmettre
d’urgence au Président Daladier.
(( Comme je le lui ai dit moi-même, je n’ai aucune hosti-
1. a Durant toute cette période n, écrit Georges Bonnet, a selon mes instructions
qui sont d‘ailleurs conformes à ses tendances personnelles, M. Noel ne cesse de
prodiguer les conseils de sagesse et de prudence au Gouvernement de Varsovie. D
(La D4fense de la Pair, II, p. 317.)
S. I1 est clair que M. Coulondre n’attache pas la même importance qu’Hitler
à ces incidents. II les soupçonne d’être grossis pour les besoins de la cause. Certains
L A PAIX SE MEURT... L A PAIX EST MORTE 381
-a En tout cas, transmettez mon message à M. Dala-
d‘ier. n
- J e vais le faire séance tenante.
((
((la presse du monde entier dirait que les Italiens sont des
N lâches, qu’ils n’étaient pas prêts, qu’ils ont reculé devant le
u spectre de la guerre. J’essaye de discuter, mais c’est peine
(( perdue, ce soir. Le Duce tient fermement à son idée ... J e
(( tat. Ce n’est pas nous, ce sont les Allemands qui ont violé
le Pacte par lequel nous devions être des associés et non pas
(( des esclaves... Voulez-vous que j’aille moi-même à Salz-
a tralité.
a A son avis, nous ne sommes absolument pas en mesure
(( de faire la guerre : l’armée est dans un état pitoyable, la
1. Compte rendu de M . yon Mackensen sur son entretien avec Mussolini, dans
l’après-midi du 25 août 1939. (Akten zur D e u t s c h AuswffrtigenPolitik, VII,
n o 280.)
LA P A I X SE MEURT... LA P A I X EST MORTE 387
(I que j’aurais voulu envoyer, mais c’est tout de même
(( quelque chose. Le premier pas est fait. J e téléphone
(( moi-même cette note à Attolico, en le priant de la porter
(( immédiatement ? Hitler
i l. ))
t
* s
Duce, (( que d‘être contraint de vous déclarer que l’Italie n’est pas
prête à faire la guerre. D’après les rapports que m’ont faits les chefs
responsables de nos forces armées, les approvisionnements d’es-
sence de l’aviation italienne sont tout juste suffisants pour deux
semaines d’hostilités. I l en est de même pour les approvisionne-
ments de l’armée et pour beaucoup d’autres matières premières.
Seul, le chef de la flotte a p u medéclarer qu’il n’avait àse reprocher
aucune négligence, que la flotte était prête à combattre et qu’elle
disposait d’un stock de combustible suffisant. J e vous demande
de bien comprendre m a situation. J’ai donné l’ordre de faire
disparaître ces déficiences dans les délais les plus brefs. J e
suis malheureusement obligé de vous dire que l’Italie, ne possé-
dant pas les matières premières et les armes nécessaires, ne peut
pas entrer en guerre. N
t
+ *
un vote du Parlement. D
Cette obligation contrarie manifestement Daladier, car
il se demande si une déclaration de guerre recueillera une
majorité à l’As‘semblée.
- (( Cette autorisation préalable est-elle vraiment néces-
saire dans le cas de la Pologne? )) demande-t-il à Bonnet.
Les militaires m’assurent que non, puisqu’il s’agit de l’exé-
cution d’un traité déjà connu et approuvé par les Chambres 2. 1)
- (( La Constitution est formelle »,répond le ministre des
Affaires étrangères. (( Tous les juristes que j’ai consultés
sont d’accord sur ce point 3. Mais la Chambre peut donner
son assentiment par n’importe quelle manifestation de sa
volonté : vote d’un crédit, si minime soit-il, vote d’une
motion, vote d’un ordre du jour. ))
L’AXE VACILLE
g . Qu’il ne faut pas confondre avec Paul Otto Schmidt, l’interprète du Führer.
2. Archives secrètes de la WiUielmstrûsee, VII, no 254.
VI 26
402 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
Pourtant Londres ne donne jusqu’ici aucun signe de
fléchissement. Dahlerus a remis sa note à Halifax, mais il
n’a pas réussi à en tirer davantage, car le chef du Foreign
Office ne veut pas se prononcer avant d’avoir vu Henderson,
dont l’arrivée est attendue d’un moment à l’autre.
L’ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin se présente
B Downing Street au début de l’après-midi et remet &
Halifax la dernière proposition d’Hitler. Surpris par l’offre
d’alliance, Halifax en informe aussitôt Chamberlain. Les
deux hommes estiment que l’affaire est trop importante
pour qu’ils puissent prendre sur eux de l’accepter ou de la
rejeter, sans avoir consulté l’ensemble du Cabinet. Les
ministres, convoqués d‘urgence à Downing Street, s’enfer-
ment dans le bureau du Premier Ministre pour en délibérer.
Depuis lors, c’est le silence.
Dans le courant de l’après-midi, Sir Ogilvie Forbes,
Chargé d’Affaires britanniques à Berlin, remet à M. von
Weizsacker l’aide-mémoire suivant :
a Le Gouvernement de Sa Majesté étudie avec soin le message
de M . Hitler, en consultation avec Sir Nevile Henderson. La
réponse du Gouvernement de S a Majesté est en préparation et
sera examinée à une réunion plénière du Cabinet. Sir Nevile
Henderson reprendra, dimanche 27 août dans l’après-midi, l‘avion
pour l‘Allemagne, avec le texte définitif de la réponse l. n
* *
Les experts économiques ayant achevé vers 17 heures
l’examen des demandes italiennes, Hitler rédige un troisième
message pour Mussolini 4. I1 lui déclare qu’il peut couvrir
ses besoins en ce qui concerne le charbon, l’acier, le bois et
les sels de potasse, mais qu’il ne saurait en &re question
pour le pétrole, le cuivre et le nickel S.
(( E n ce qui concerne la D. C. A. »,poursuit-il, (( k Reich
a Führer1
u J e crois que le malentendu dont Attolico a été la cause invo-
lontaire est maintenant dissipé. .. Ce que je vous demandais,
- à l‘exception des batteries de D. C. A. -, c’était que les livrai-
sons soient échelonnées sur une période de douze mois. Mais
même maintenant que le malentendu est dissipé, il est évident
qu’il vous est impossible de m’aider matériellement à combler
les larges brèches que les guerres d’Éthiopie et d’Espagne ont
creusées dans les armements italiens.
u J’adQpterai donc l’attitude que vous conseillez, a u moins
dans la phase initiale d u conflit, c’est-à-dire en immobilisant le
plus possible de forces franco-britanniques, tout en accélérant
a u maximum mes préparatifs militaires.
a Vous pouvez imaginer quel est mon état d’esprit en me voyant
contraint par des forces indépendantes de ma volonté, de renoncer
à vous manifester une réelle solidarité a u moment de l‘action.
a C‘est aussi pour cette raison que je me permets d‘insister
à nouveau sur l’opportunité d’une solution politique, que je
considère toujours comme possible et comme pouvant donner
pleine satisfaction morale et matérielle à l’Allemagne n =.
Cet aveu de faiblesse a un accent pitoyable qui n’échappe
pas à Hitler. En cet instant,il mépriserait Mussolini s’il était
1. Akten ZUT Deutechen Auswürtigen Politik, VIX, no 307. Comme Hitler est
convaincu que tout ce qu’il écrit à Rome est communiquri à Londres (voir plus
haut, p. 389, n. 5), ce dernier paragraphe est rédigé moins à l’intention de Musso-
lini, qu’à celle des Anglais.
2. Michael FREUND,Die Geschichte des Zweiten Weltkrieges in Dokumenten,
III, Document no 81.
L A PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 407
capable d’oublier l’affaire autrichienne. La facilité avec
laquelle le Duce a renoncé aux fournitures demandées lui
prouve combien peu il a envie de faire la guerre. Et puis, son
insistance à suggérer une (( solution politique D - qui lui
permettrait de sauver la face, tout en assumant aux yeux du
monde le rôle d’un arbitre et d’un pacificateur - l’irrite au
plus haut point. Croit-il vraiment lui avoir rendu un si
grand service à Munich? I1 lui a fait tomber les armes des
mains, sans lui assurer pour autant sa liberté d’action
à l’est. Depuis lors, il a perdu une année, que ses adver-
s’aires ont employée à dresser la Pologne contre lui. C’est
pourquoi, il ne se laissera pas enliser une deuxième fois
dans une conférence internationale. I1 ne renoncera à la
guerre que si Beck vient à Canossa. Et comme toujours,
quand les choses ne vont pas selon son gré, il raidit sa
position.. .
t
+ *
le Président du Conseil.
- (( Monsieur le Président, quarante minutes durant, j’ai
L’ESPOIR RENAIT
(Dimanche, 27 août 2939)
une alliance? D
a 20 L a Grande-Bretagne doit tenir ses promesses envers la
Pologne.
(( M. Hitler l’admet.
cc30 L a Grande-Bretagne considère comme essentiel que des
négociations directes aient lieu entre l’Allemagne et la Pologne, et
que tout accord entre ces deux pays reçoive la garantie de toutes
les grandes Puissances européennes 1.
e Commentaire du Führer : Que la Grande- Bretagne
L’ESPOIR GRANDIT
LE CIEL SE COUVRE
( M a r d i , 29 août 1939)
I. - Haute Italie;
II. - Rome, avec les divisions aériennes u Italie centrale D et
a Sardaigne ».
III. - Sicile,
IV. - Bari, avec les divisions aériennes u Italie méridionale n et
u Albanie )I;
V. - Libye, incluant le Dodécanèse.
Le nombre des avions de guerre prêts à entrer en ligne
est de 2.300, dont 2.000 en Italie et 300 en Abyssinie. Le
total des appareils à opposer à la Tunisie est de 350, en
Sicile, en Sardaigne et en Libye, contre 300 apcpareils fran-
çais, de types plus anciens. Chypre, Haïffa, 1’Egypte et le
canal de Suez peuvent également être attaqués en partant
du Dodécanèse. La production mensuelle des avions, qui
s’élève à cette époque à 300, sera portée à 400 h partir
de fin octobre1.
En Hongrie, le Régent Horthy a repoussé l’offre de Pacte
de non-agression proposée par Bucarest z. Du coup, la
Roumanie rappelle certaines catégories de réservistes. La
Hongrie mobilise. La Bulgarie en fait autant 3. Une guerre
danubienne semble couver, au milieu des menaces de guerre
européenne ...
Tout cela est plus que sufisant pour faire remonter la
tension qui avait eu tendance à se relâcher la veille. Mais
cette tension, justement, est désirée par les dirigeants
du Reich. Ceux-ci veulent amener le colonel Beck à se
rendre à Berlin. Or, ils savent qu’ils n’y parviendront pas
dans une atmosphère de détente. Pour provoquer sa
venue, il est indispensable de maintenir, voire d’accroître
les pressions qui s’exercent sur lui et de lui faire sentir
1. Données fournies à l’ambassadeur von Mackensen par le général Valle
sous-secrétaire d’État à l’Aviation et chef d’ktat-Major général de 1’Armée de
l’Air italienne. (Archives secrèfe8 de & Wiihelrnstrasse, VII, no 378.)
2. Télégramme de M . Fabricius, ministre du Reich à Bucarat. (Archiva secréta,
de & Wilhelmstrasse, VII, no 340.)
3. Déclaraiwn du roi Carol de Roumanie au ministre du Reich. ( A r c h i m aewètcs
de la Wiihelmslrasse, VII, no 341.)
LA P A I X SE MEURT... L A P A I X EST MORTE 449
physiquement le danger qui le menace. Aussi la Wilhelm-
strasse a-t-elle très mal pris la nouvelle selon laquelle le
Gouvernement soviétique aurait retiré 250.000 hommes de
l’Armée Rouge, de la frontière russo-polonaisel. Que signifie
ce geste, au moment OUl’Europe entière se hérisse de canons?
M.von M’eizsacker a câblé aussitôt à M. von der Schulen-
burg :
( ( L a tension augmente constamment e n ce qui concerne le
conflit germano-polonais. Veuillez tenter de vous assurer discrè-
tement, auprès de M . Molotov,
(( 1 0 s’il est exact que la Russie soviétique ait retiré des troupes
de la frontière polonaise2;
(( 20 s’il ne serait pas possible, a u cas où ce retrait aurait été
tises! Si c’est dans les journaux que vous puisez vos sources
d’information l... 1)
De sorte que M. von der Schulenburg est reparti sans
avoir pu tirer la chose au clair. Ce n’est pas encore ce
jour-là, qu’un ambassadeur étranger aura pu pénétrer les
intentions du Kremlin
Simultanément, M. von Ribbentrop intervient & Kowno,
pour demander au Gouvernement lituanien de masser
quelques troupes à la frontière lituano-polonaise 3.
+ +
*
+ +
suivante :
(( Bien que sceptique quant aux perspectives de succès, il n’en
* *
Pourtant, malgré son abattement, Sir Nevile Henderson
refuse d’abandonner la partie. De retour à son ambassade,
il se convainc que tout espoir n’est pas encore perdu et que
la réponse d’Hitler contient, malgré tout, certains aspects
positifs. I1 regrette presque de s’être abandonné à un accès
de colère et craint d’avoir claqué lui-même la porte qu’il
s’efforçait désespérément de maintenir entrouverte...
u Après tout »,se dit-il en faisant le point de la situation,
u Hitler a accepté la médiation anglaise. I1 s’est déclaré
prêt à entamer des négociations directes. Quand je lui ai
demandé ce qu’il entendait par u intérêts vitaux »,il m’a
répondu que le Gouvernement allemand établirait immé-
diatement des propositions acceptables, et les mettrait à
la disposition du Gouvernement britannique, si possible
avant l’arrivée du négociateur polonais.
«Tout dépend donc de deux choses : d’une part, de la
nature de ces propositions; de l’autre, du fait que le gouver-
nement polonais accepte d’envoyer immédiatement Berlin
un négociateur ou un plénipotentiaire. J e ne peux évidem-
ment exercer aucune influence sur la première; mais je peux
faciliter la réalisation de la seconde 3. ))
1. Sir Nevile HENDERSON,
Deux ans avec Hitler, p. 285.
2. Id., p. 282.
3. Id., p. 285.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 461
C’est pour quoi il demande à M. Lipski de venir le voir
sans tarder.
L’ambassadeur de Pologne arrive quelques instants plus
tard. Henderson lui raconte les péripéties de sa dernière
conversation avec Hitler et s’efforce de lui faire comprendre
la nécessité d’une action immédiate.
- (( L’armée et l’aviation allemandes sont prêtes à frap-
per )), lui dit-il. (( Vous savez que je ne me suis jamais fait
d’illusions sur la capacité de la Pologne à résister, au-delà
d’une courte période, aux divisions allemandes fortement
motorisées et à l’écrasante supériorité de la Luftwaffe. J e
ne vous ai jamais caché mon opinion à cet égard. Aujour-
d’hui, je vous adjure dans l’intérêt même de la Pologne,
de presser votre gouvernement de nommer sans délai un
représentant, en vue -des négociations proposées par Ber-
lin. ))
Après quoi, il se met en rapport avec M.Coulondre auquel
il communique l’essentiel de la réponse allemande.
- (( J e vous demande instamment »,lui dit-il, n: de recom-
mander au Gouvernement français d’intervenir à Varsovie.
Qu’il exhorte le colonel Beck à venir immédiatement à Berlin!
A mon avis c’est la dernière chance qui nous reste. Hitler ne
bluffe pas. I1 peut frapper d’un moment à l’autre. Si le Gou-
vernement polonais consent à envoyer un plénipotentiaire,
il convaincra le monde entier qu’il a tenté l’impossible pour
sauverla paix. C’est son devoir de faire cette ultime démarche.
C’est aussi son intérêt, car si eIIe échoue, nu1 n’en souffrira
davantage que lui 1. D
Enfin, il fait venir M. Attolico qui a eu un court entretien
avec Hitler, aussitôt après son départ de la Chancellerie.
- (( Comment avez-vous trouvé le Führer? n lui demande
L’ESPOIR S’ÉCROULE
(Mercredi, 30 août 1939)
répond Dahlerus.
1. Remarquons qu’A ce moment, les conditions allemandes ne sont pas encore
connues a Varsovie. Hitler est en train de les mettre au point.
2. Cela revient à dire que le Gouvernement polonais ne négociera que sur des
bases situées en deCd des propositions allemandes du 21 mars et ne comportant
la rétrocession ni de Dantzig, ni du Corridor. C‘est rendre d’avance toute négo-
ciation impossible.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 473
- u Faites D, dit Halifax, en lui désignant le téléphone.
A 12 h. 30, la communication est établie avec Berlin.
- Lord Halifax voudrait être éclairé sur les grandes
lignes des exigences allemandes n, dit Dahlerus au Maréchal.
GCERING : -
J e ne peux pas vous garantir que le Führer
proposera un plébiscite, mais j’en ai la conviction, car il
espère se rallier ainsi l’amitié de la Grande-Bretagne, à
laquelle il attache le plus grand prix, et montrer au monde
que les Allemands ne sont pas aussi noirs qu’on veut bien
les dépeindre. C’est pourquoi j ’ai l’impression très nette
que le principe d’un plébiscite sera retenu. Hitler y tra-
vaille au moment où je vous parle. D
DAHLERUS : -
(( Et les minorités? ))
1. Id., ibid.
L A P A I X SE MEURT... L A PAIX EST MORTE 475
une Allemagne dont l’unité physique et morale aurait été
forgée et qui serait alors pratiquement invincible 1. 1)
C’est là un état d’esprit que Chamberlain ne peut pas com-
prendre et qu’il ne comprendra jamais, lui qui est placé à
la tête d’un empire né d’une accumulation séculaire de vic-
toires et d’efforts. Aussi se borne-t-il à répéter & Dahlerus,
ce qu’il a déjà dit à Sir Horace Wilson durant la semaine
qui a précédé Munich :
- u I wont let myself be hurried into haste a. ))
t
* *
1. H ~ T L E RTischgesprürhe,
, p. 58.
2. a Je ne me laisserai pas pousser à la précipitation. n
3. Documents on British Foreigo Policy, VII, no 563,
4 . Ce rapport recoupe exactement celui que le génbral Gamelin a publik en
annexe de ses Mémoires (Servir, II, p. 453) et que nous avons reproduit plus haut,
p. 333. Les deux documents psoviennent manifestement de la même source.
476 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
1. Henderson fait sans doute allusion B la note remise le matin même au Foreign
Ofice par M.Raczynski, et dont Halifax lui a transmis une copie. (Voir plue haut,
p. 475.)
2. a Veràammt ernstl D
VI SI
482 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
LA PAIX SE MEURT
(Jeudi,31 août 1939)
I.Georges BONNET,
O p . c i t . , p. 330.
492 HISTOIRE DE L’ARM$B ALLEMANDE
4
1939. Livre blanc polonais, no 108.)
3. es communications téléphoniques, d’apparence anodine et comme perdues
LA PAIX SE MEURT,.. LA PAIX EST MORTE 493
A 13 h. 30, l’ambassadeur de Grande-Bretagne se piéci-
Pite à la Wilhelmstrasse, où il demande à parler d’urgence
à M. vun Weizsacker.
- (( Le Gouvernement de Sa Majesté »,lui dit-il, c tient à
faire savoir au Gouvernement allemand que le Gouvernement
polonais prend des mesures pour établir le contact avec lui,
par l’entremise de l’ambassadeur de Pologne. Il demande
au Gouvernement du Reich de consentir à l’établissement
d’un modus vivendi provisoire à Dantzig et propose de char-
ger M. Burckhardt de surveiller son application l. ))
Cette nouvelle parvient à Hitler au moment précis oh
il s’apprêtait à signer la Directive no 1 pour la conduite de
la guerre.
Le Führer pose sa plume et décide d’attendre encore
jusqu’à la fin de la journée 2. Certes, il aurait préféré un
autre intermédiaire que Lipski. Mais peu importe, après
tout, la personnalité du négociateur. L’essentiel est qu’il
soit nanti des pouvoirs nécessaires...
4
+ +
dans le brouhaha général, ont en réalité une importance capitale. Elles persuaderont
- d fort - Chamberlain et Daladier que la Pologne accepb, purement et sim-
plenrent, d’entamer d w titgocialions directes avec I’AZlemagne, alors qu’il n’en eut
rien. Cette erreur aura des conséquences tragiques, c o m e on le verra par la
suite.
1. Sir Nevile HENDERSON, D e m an8 avec Hitler, p. 292.
2. u Le 30 août, je crois u, déclarera Keitel au proces de Nuremberg (mais sa
mémoire est endéfaut, il s’agit du 31 août), a le jour de l’attaque, qui se déclencha
effectivement le l e ’ septembre, fut de nouveau reculé de vingt-quatre heures. Pour
cette raison, Brauchitsch et moi fûmes de nouveau convoqués ti la Chancellerie
e t - autant que je me souvienne -la raison donnée fut que l’on attendait un
plénipotentiaire du Gouvernement polonais. Tout dut être encore retardé de
24 heures. w (Documents du Tribunal Milituire Internationcd de Nuremberg, X,
p. 534.)
3. M. von Weizsàcker.
494 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Sur ce point, Bonnet est d’un avis différent de Chamberlain, qui pose, comme
condition préalable, une démobilisation générale.
2. Bonnet se réfhre à la réunion du 23 août 1939. (Voir plus haut, chap. XXII,
notamment p. 326.)
3. Voir plus haut, p. 327.
n 82
498 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
i +
* *
Le Conseil des Ministres s’ouvre à 18 heures, sous la
présidence d’Albert Lebrun. Quel n’est pas l’étonnement
1. a Je téléphonais presque quotidiennement A Lord Halifax qui m’honorait
de sa confiance I, écrit l’ancien ambassadeur de Pologne. a I1 me montrait clai-
rement, de temps A autre, qu’il partageait pleinement mes vues [à savoir qu’il
fallait se refuser à toute nbgociation...I. I1 notait d’habitude mes commentaires,
pour s’en servir comme munitions A l’intérieur de ce Forum [Ie Cabinet bri-
tannique]. n ( i n Allied London, p. 23-24.)
2. Foreign Relaîwns of th United Stater, 1939, I, p. 342.
LA PAIX SE MEURT... L A PAIX EST MORTE 501
de Bonnet, en arrivant à l’filysée, d‘y trouver un Daladier
très différent de celui avec lequel il s’est entretenu au début
de l’après-midi. Son visage est renfrogné; son regard, buté.
De Monzie lui trouve l’aspect (( d‘un hérisson toutes pointes
dressées contre on ne sait qui, on ne sait quoi 1 n.
Bonnet, qui ne sait à quoi attribuer cette mauvaise
humeur, commence par exposer les faits :
- a La situation est critique », dit-il. a Le danger de
guerre est imminent et toute la matinée on a pu craindre
que les troupes allemandes n’envahissent la Pologne. Main-
tenant, l’Italie vient de faire une proposition de conférence
pour le 5 septembre ... ))
I1 énumère ensuite les raisons qui militent en faveur
d’une acceptation :
-((D’abord, il faut persévérer dans nos efforts pour
maintenir la paix. Puis, il faut nous dire que le temps
travaille pour les démocraties. La saison des pluies approche.
Elle rendra les opérations de plus en plus difficiles pour
l’Allemagne. Enfin, on ne court aucun risque en allant à
la conférence, puisqu’on ne démobilisera pas avant qu’elle
ait donné des résultats satisfaisants. ))
Cet exposé est simple, sincère et démonstratif. Mais
Bonnet est trop sensible pour n’avoir pas senti combien
l’ambiance lui était défavorable. Dès la première minute,
Daladier lui a tourné le dos. I1 l’écoute avec une moue de
réprobation et ne l’interrompt pas. Mais ce silence hérissé
est pire qu’une hostilité verbale. I1 fait perdre à Bonnet
beaucoup de ses moyens, de sorte que sa voix paraît à
Monzie sans vigueur et sans éclat. Pour donner plus de
poids à ce qu’il vient de dire, le ministre des Travaux publics
intervient dans le débat :
- (( I1 nous est impossible de repousser la proposition
italienne I), affirme-t-il avec force, (( ne serait-ce que par
crainte de jeter l’Italie dans la guerre. Le général Gamelin
n’a-t-il pas souligné toute l’importance qu’il attache à sa
neutralité? 1)
Campinchi, ministre de la Marine, est d’un avis opposé :
il préférerait un accrochage immédiat sur les Alpes. Paul
Reynaud sourit des efforts de Monzie et de Bonnet, comme
s’il savait d’avance qu’ils se briseront contre l’opposition
pour vous, pour nous deux et pour ceux qui plus discrète-
ment sont avec nous. Si le projet de conférence échoue
- e t nos réserves, nos hésitations, nos façons d’atermoyer
favorisent cet échec - nous serons pris, roulés, broyés dans
l’engrenage de la guerre : vous comme moi, nous comme les
autres, j’entends par là les camarades qui n’ont pas peur
du conflit 4. Si nous ne démissionnons pas demain, après-
demain il sera trop tard : nous ne pourrons pas aban-
donner le gouvernement sans commettre un acte de quasi-
trahison, un abandon de poste devant l’ennemi. J e vous en
prie, si la conférence n’est pas décidée, partons ensemble et
vite. ))
t
$ 4
4 +
+ +
A la même heure, Hitler fait venir Keitel et lui remet la
DIRECTIVE POUR LA CONDUITE D E LA GUERRE.
1. Walther HUBATSCH,
Hitler8 Weisungen fLzr die Kriegfuhrung, 1939-1945,
p. 19-20.
510 HISTOIRE DË L ’ A R M ~ ALLEMANDE
c *
1. Elles sont lancées par des escadrilles de Henckel 111 et de Dornier 17.
2. Werner PICHT,Das Oberlcommando der Wehrmacht gib# bekannt, der Polen-
feidrug, p. 12.
3. Au même moment, un commando de la S. S.-Heimwebr s’est présenté à
l’h8tel des Postes, sur la Heveliusplatz, et a obligé les fonctionnaires polonais
à évacuer les lieux. I1 en va de même au bureau de la Délégation diplomatique
polonaise, présidée par M. Chodacki.
4. Celui-ci a pris congé de M. Greiser le 24 août. (Voir plus haut, p. 355.) Mais
au moment de quitter la ville, M.Burckhardt a reçu une dépêche de Genève lui
demandant de retarder son départ, en lui laissant entendre que l’on pourrait encore
avoir besoin de ses services, au cas où l’Allemagne et la Pologne accepteraient
d’établir un modus vivendi provisoire à Dantzig. (Voir plus haut, p. 492.)
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 515
de Versailles n’existe plus. Le F ü h r e r l’a déchiré définitive-
m e n t ce matin. Je vous d o n n e d e u x heures p o u r quitter le
territoire 1. D
+ *
A 10 heures, Hitler se rend a u Reichstag, p o u r y prononcer
un g r a n d discours. Les t r a v é e s de l’Opéra K r o l l s o n t moins
pleines q u e d’habitude, c a r c e n t d é p u t é s manquent à l’appel :
ils s o n t allés rejoindre leurs unités a u front. Goering préside
l a séance. Hitler m o n t e à l a tribune. I1 a échangé sa vareuse
b r u n e de chef d u Parti, p o u r l a t u n i q u e (( feldgrau 1) des
soldats de la Wehrmacht.
sur notre territoire national par des soldats de son armée régu-
lière. Depuis 4 h. 45, on répond maintenant à leur feu. Dès
à présent, on rendra bombe pour bombe. Celui qui combat
avec des gaz, sera combattu par les gaz. Celui qui se soustrait
aux règles de la guerre, ne doit pas s’attendre à être traité
selon ces règles. Si la Pologne croit pouvoir appliquer des
méthodes inverses, elle recevra une réponse qui la laissera
sourde e t aveugle. J e mènerai cette lutte contre qui que ce
soit, jusqu’à ce que la sécurité du Reich e t ses droits soient
garantis!
(( J’ai travaillé pendant plus de six ans à reconstruire
i’Armée allemande. Au cours de cette période, nous avons
dépensé plus de 90 milliards de marks pour la reconstitution
de la Wehrmacht. Elle est aujourd’hui l’armée la mieux équi-
pée d u monde e t ne souffre aucune comparaison avec celle
que nous possédions en 1914. Ma confiance en elle est iné-
branlable!
N Si j’ai maintenant fait appel à cette force armée e t si
j’exige du peuple allemand les sacrifices les plus lourds, f e n
ai le droit! Car je n’exige d’aucun Allemand autre chose que
ce que j’ai fait moi-même pendant quatre ans. I1 ne doit y
avoir, pour les Allemands, aucune privation que je n’accepte
moi-même. Plus que jamais, toute ma vie appartient au
peuple allemand. Je ne veux être rien d’autre que le pre-
mier soldat d u Reich.
u J’ai repris la tenue qui m’est la plus chère et la plus
518 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
* +
A Paris, Georges Bonnet déploie une activité fébrile.
Dans son bureau, les visites d’ambassadeurs se succèdent;
les messagers vont et viennent, apportant ou emportant des
télégrammes; le téléphone carillonne sans arrêt. Le ministre
des Affaires étrangères a abandonné tout espoir de voir
s’amorcer des conversations directes. Mais il pense que le
projet de conférence générale, présenté par Mussolini, ren-
ferme, malgré tout, une ultime chance de salut. Aussi
multiplie-t-il les efforts pour le faire aboutir. A cette fin,
il doit accomplir trois choses à la fois : encourager Musso-
lini à aller de l’avant, rallier l’Angleterre au projet italien et
convaincre la Pologne de ne pas y faire obstacle. Les difi-
cultés à vaincre sont presque insurmontables. Mais en cette
journée du l e r septembre 1939, la paix est à ce prix ...
Dès 8 heures du matin, une sonnerie de téléphone reten-
tit. C’est le directeur de i’bgence Havas qui lui annonce la
terrible nouvelle :
- (( Depuis 4 heures ce matin lui dit-il, (( les troupes
d’Hitler ont franchi la frontière polonaise. De formidables
escadrilles de bombardiers allemands s’efforcent de détruire
les champs d’aviation et les nœuds de communications de
la Pologne. ))
Bonnet se demande s’il a bien compris, et prie son infor-
mateur de répéter ce qu’il vient de lui dire :
- (( Avez-vous d‘autres détails? ))
- (( Je ne sais rien de plus l. ))
Bonnet transmet immédiatement la nouvelle à Daladier.
Le Président du Conseil a tant de peine à y croire, qu’il lui
demande, lui aussi, de répéter son message.
Aussitôt informé du déclenchement des hostilités, Daladier
se rend au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique,
où Bonnet vient le retrouver quelques instants plus tard.
Les deux hommes se mettent rapidement d’accord sur les
mesures à prendre : réunir le Conseil des ministres pour
* i
LA CONFÉRENCE IMPOSSIBLE
(Samedi, 2 septembre 1939)
* +
A Rome, le point de vue est exactement à l’inverse. Mus-
solini e t Ciano mettent tous leurs fers au feu pour faire abou-
tir la conférence, car ils y voient un dernier espoir d’ar-
rêter le conflit et de l’empêcher de s’étendre à l’ensemble du
continent.
Lorsque le chef du Gouvernement italien a lancé son
projet le 31 août, au début de l’après-midi, il représentait
une solution acceptable, car les hostilités n’étaient pas encore
engagées. Maintenant que les blindés de la Wehrmacht
foncent à travers la plaine polonaise, ne vient-il pas trop
tard? N’est-il pas, comme le dira dans quelques heures
Lord Halifax, (( un geste aussi vain que de jeter de l’eau
bénite sur un cadavre »?
Pourtant Mussolini s’y cramponne. Pourquoi? Est-ce
1 . Id., ibid.
2. u Nous nous séparâmes B, écrit François-Poncet, E en attendant les réponses
définitives de Paris et de Londres, mais nos illusions d’un instantavaient déjà
les ailes coupées: car nous avions le sentiment, le pressentiment que Londres
...
confumerait I’avii de Halifax et que Paris suivrait Londaes II n’y a aucun
douta que c’est l’Angleterre qui a réduit à d a n t l’offre italienne, offre qui n’avait
pas été formulée sans que Hitler eût été au préalable consulté et B laquelle, en
ne qui vous oonceme, vous aviez pleiwment acquiescé. ~i (Lettre ù Georges Bonnet,
Le Vuai d’Orsay sous trois Républiques, p. 300.)
3. MONTALEMBEIIT,Le Livre des pèlerins polonais.
vl 35
546 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Voir plus haut, p. 447. Cependant, il ne s’agit pas d‘une invasion proprement
dite mais d’une oecupation effectuée en vertu d’un accord passé entre le générai
Barekhausen, représentant de l’Allemagne, et Mgr Tizo, Président de la République
slovaque.
2. Non. Lea instructions envoyées par le colonel Beck à M. Lipski ont quitté
Varsovie a 12 h. 40. Ellen sont parvenues à Lipski à 14 heures. Lipski a demandé
audience vers 16 heures. II a été reçu à 18 h. 30. (Voir plus haut, p. 505.)
3. Non. Les instructions de Lipski n’en faisaient pas mention. (Voir plus haut,
p. 494.) Daladier cernmet iei la même erreur que Chamberlain. Cela confirme
le faif que ni le Premier Ministre ni le Président du Conseil ne connaissaient la
tenetir exacte des instructions enwydea par le colonel Beck à M . Lipski.
4. Non. Lipski ne les a pas demandées. Ce que voyant, Ribbentrop n’a pas jugé
utile de les lui remettre. (Voir plus haut, p. 505.)
5. L’observation de Lucasiewicz à Bonnet (voir plus haut,. p. 470, note 2)
prouve qu’on les connaissait ti Varsovie par suite de la transmission que Dahlerus
e t Forbes en avaient faite B Lipski.
LA P A I X SE MEURT... LA P A I X EST MORTE 549
dente et plus odieuse; jamais aussi, pour la justifier, ne furent
mis en œuvre plus de mensonges et de cynisme. (Applaudis-
sements nourris.)
((Ainsi, la guerre se déclenche alors que s’étaient placées
au service de la paix les forces les plus considérables, les
autorités les plus respectées, alors que le monde entier s’était
conjuré pour inciter les deux parties à entrer en rapport
direct, afin de régler pacifiquement le conflit qui les oppose.
(( Le chef de la Chrétienté avait fait entendre la voix de
longée.)
Aussitôt après la déclaration du Président du Conseil,
M. Herriot est obligé, malgré tout, d’informer l’Assemblée
qu’une demande de réunion en Comité secret a été déposée
par MM. Gaston Bergery et René Château.
Comme Bergery demande la parole pour justifier sa propo-
sition, Herriot lui répond :
- (( Je ne conteste pas votre droit à l’intervention, mais
je vous rappelle que les présidents de groupe ont décidé que
le vote aurait lieu sans débats. D
Le député de Mantes - qui sait à quoi s’en tenir sur
l’état de nos armements - tente de parler quand même,
mais sa voix est couverte par les huées et les protestations
d’une moitié de la Chambre. Du haut de sa tribune, Herriot
se penche vers lui e t lui dit, d’un ton apitoyé :
- (( Voyons, Bergery! J e vous en prie, ne parlez pas!
Faites ça pour moi! D
Le vacarme devient t.el, que Bergery doit renoncer à
poursuivre.
Le Président annonce alors que la séance est suspendue,
pour permettre à la Commission des Finances d’entendre
Daladier. Là, survient l’accrochage inévitable.
- (( Nous ne refusons pas de voter les crédits que vous
nous demandez D, déclare M. Frot, député de Montargis,
amais nous ne voulons pas que vous considériez ce vote
comme une autorisation de déclarer la guerre. ))
- (( Promettez-nous, au moins »,insiste François Piétri,
552 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
.+
Comparée à l’anxiété qui étreint une partie de l’opinion
française, la détermination anglaise offre un contraste absolu.
La Grande-Bretagne a réagi comme un seul homme à
l’annonce que les troupes allemandes avaient envahi la
Pologne. Aucune voix discordante ne s’est élevée dans la
presse, ni au Parlement. Conservateurs, Libéraux, Travail-
listes, tous sont décidés à relever le défi. I1 y a quelques
jours, un inconnu a répandu devant le Foreign Ofice une
caisse de boules noires portant l’inscription : u Make Peace! ))
u Faites la paix! )) La police a dû intervenir pour empêcher
la foule de le lyncher.
Mais si l’opinion est unanimement orientée vers la guerre,
il ne faudrait pas en déduire qu’elle est exempte de toute
préoccupation. La première est la crainte qu’Hitler, après
s’être emparé rapidement de tous les territoires qu’il reven-
dique comme étant allemands, n’arrête brusquement les
hostilités et ne propose une négociation. u Si d’ici douze
heures Hitler ayant atteint ses objectifs, immobilise ses
troupes et offre la.paix, nous serons dans de beaux draps D,
se dit-on à Londres 4.
La seconde est la lenteur du Cabinet à passer aux actes.
1. C’est bien ainsi que le comprend la majorité des parlementaires.
2. Georges Bonnet s’élèvera vivement contre ce point de vue (LaDéfense de la
Po&, III, p. 357, note 1) et les magistrats de la Cour de Riom ratifieront son opi-
nion. Pierre Laval, en revanche, ne ceaaera d’affirmer, jusque devant les juges de la
Haute Cour en 1945, que la guerre a été déclarée en violation de la Constitution.
(Alfred MALLET, Pierre Lavaal, I, p. 134.)
3. u Ce tour de passe-passe ne vous portera pas bonheur 1, aurait grommelé
Laval en se rasseyant. Jean Montigny, de son côté, écrit dans ses Mémoires :a La
guerre fut votée, sans l’être, tout en l’étant, anonymement et à la nauvette. I
4. Georges SUARES, L’Agonie de la Paix, p. 240. Ce propos répété à Paris par
Paul Reynaud, qui entretient des relations étroites avec Churchill et son entourage,
reflète exactement les appréhensiom des milieux londoniena.
554 HISTOIRE DE L7ARM$E ALLEMANDE
LA TENSION FRANCO-BRITANNIQUE
(Nuit du 2 au 3 septembre 1939)
-
Bonnet :
I Impossible! IJ nwe faut absolument un battement
de quarante-huit heures. Nous ne pourrons commencer lee
hostilités que le 4 se embre au soir$. Retardez votre
dbcision. Un dbsalage t? ans la démarche des deux ambassa-
deurs aurait UP effet déplorable ...
Comme Cadogan &orque que des raisons impérieuses
empbahent le Gouverpement britannique d’apporter le
-
moindre cmeetif h cet horaire, Bonnet ajoute :
u Si l’Angleterre persiste h vouloir entamer les hosti-
lités aujourd’hui même & minuit, elle asmmera une lourde
responsabilité B l’égard de la Francs. Notre mobilisation
n’est pas terminée. Nos villes de l’est ne sont pas encore
évacuées. Nos trains sont encombrés par une foule de
femmes et d‘enfants. Ne pas attendre quarante-huit heures
-
serait exposer nos populations à un véritable massacre... D
a Mais alors *, insiste Cadogan, E( quand donc la France
sera-t-elle en mesure d’intervenir? B
- u Le Conseil des ministres doit se réunir à 19 heures n,
répond Bonnet. (( J e lui soumettrai la question. ))
- (( E t à quelle heure puis-je espérer recevoir votre
réponse? ))
- (( A 21 heures. n
- a C’est trop tard, beaucoup trop tardi N’y a-t-il aucun
moyen de raccourcir ce délai? D
- (( J e tâcherai de vous rappeler B 20 heures 3, répond
Bonnet a.
Cette péponse consterne littéralement le Foreign Offce.
La façon dont Paris se fait tirer l’oreille y heille les pires
soupçons. Au moment où l’Angleterre veut passer aux actes,
voilh que le Gouvernement français semble y faire obstruc-
tion! Que signifie cette attitude? La France songerait-elle
à se désolidariser de l’Angleterre? Hypothèse inconcevable!
...
E t pourtant A cette seule pensée les dirigeants anglais
se sentent glacés d’effroi.
+ +
Chambre n’a pas fait bon effet »,lui dit-il sans ména-
gements. a Les députés ont mal interprété vos propos. Ils
ont attribué à de la pusillanimité ou à de l’indécision votre
incapacité à leur dire l’heure précise à laquelle se déclen-
cheront les hostilités. n
- Vous avez raison D, lui répond Chamberlain. N Si
nous ne faisons pas quelque chose d’ici demain, je doute fort
que le Gouvernement survive à la prochaine séance des
Communes... n
Mais voici que l’on annonce la visite de M. Corbin. I1
apporte la réponse du Gouvernement français. Va-t-elle
permettre enfin de rapprocher les points de vue?
Hélas, non! Le Conseil des ministres s’est réuni à l’Élysée.
Les membres du Gouvernement français ont été unanimes
à reconnaître que le délai de quarante-huit heures devait
être maintenu. Y renoncer serait une terrible imprudence.
Le général Gamelin l’exige e t il a raison. Quelques heures
de plus ou de moins ne changent rien à l’affaire. Que le
Gouvernement britannique comprenne cette nécessité...
Quand Chamberlain entend ces mots, il en est consterné.
Comment les Français ne se rendent-ilspas compte de la situa-
tion où il se trouve? La vie de son gouvernement, la sécurité des
Iles britanniques, l’honneur de l’Angleterre, tout est un jeu.
- (( Comprenez-moi! 1) dit-il à Corbin d’un air sévère.
J e viens d’affronter la Chambre des Communes. La séance
a été la plus houleuse que j’aie jamais connue. J’ai été en
butte à l’assaut de tous les partis. La mauvaise humeur des
députés s’est tournée contre moi et contre la France,
que l’on accuse dans les couloirs de vouloir se dérober ... ))
- (( I1 n’en est pas question »,réplique Corbin avec viva-
cité. (( Mais songez à la position particulière de mon pays.
N’étant pas protégé par la mer, il est beaucoup plus vulné-
rable que le vôtre aux attaques de l’aviation allemande.
Imaginez l’embouteillage de nos gares, l’engorgement de nos
voies ferrées, nos trains pris d’assaut par des milliers de femmes
et d’enfants! Déclencher les opérations à minuit, comme vous
insistez pour le faire, entraînerait une catastrophe. Le moral
de la nation s’en ressentirait. Par ailleurs, notre mobilisa-
tion s’exécute dans un ordre parfait, Il est essentiel qu’elle
puisse se poursuivre sans attaques de l’ennemi l...
*1.
1. Adrian BALL,The last Day of the Old World, p. 26. a Churchill paraissait
anxieux et cruellement humilié N, note M. Raczynski dans son journal.
572 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
NEVILEHENDERSON
l.
* *
Au même moment Chamberlain prend la parole devant
la Chambre des Communes. Les députés sont littéralement
suspendus à ses lèvres.
n Lorsque j’ai parlé hier soir aux membres de l’honorable
assemblée »,leur dit-il, n il ne m’a pas échappé que beaucoup
d’entre eux éprouvaient des doutes, et même un certain
désarroi. Ils se demandaient si le Gouvernement ne faisait
pas preuve d’incertitude, d’irrésolution, voire de pusillanimité.
Je ne saurais les en blâmer. Dans de pareilles circonstances,
si j’avais été à leur place au lieu de me trouver au bam
du Gouvernement et en possession de toutes les informations
qui leur faisaient défaut, j’aurais probablement eu la même
réaction qu’eux ...
n La déclaration que j’ai à vous faire ce m a t h dissipera
vos craintes et vous prouvera à quel point elles étaient peu
fondées. Devant le développement de la situation et l’inten-
sification des attaques allemandes contre la Pologne, nous
avons estimé nécessaire de clarifier notre position. Nous avons
donc envoyé des instructions à notre ambassadeur à Berlin,
le priant de remettre à 9 heures l’ultimatum suivant au
ministre des Maires étrangères du Reich D ...
Chamberlain donne alors lecture de la note remise, deux
heures auparavant, par Sir Nevile Henderson à l’interprète
1. Birger DAXLIXWS, The last Attempt, p. 134 e t s.; DCpoaitwn de Birger D a h b
rua au Tribunal Militaire International de Nuremberg, IX, p. 502; Adrian BALL,
The b3t Day Of t b old WOf’ld,p. 95-98; E. Phiiipp $CHAFER, 18 Tage Wdt#*
chichte, p. 334 a t 8.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 583
Schmidt, et qui se termine par ces mots : (( Si le Gouver-
nement du Reich ne fait pas parvenir, avant 11 heures du
matin, des assurances satisfaisantes au Gouvernement de
Sa Majesté, l’état de guerre existera entre les deux pays. 1)
(( Comme à l’heure où je vous parle, nous n’avons reçu aucune
...
tion est négative vous notifierez a u ministre des Affaires
étrangères d u Reich ou ti son représentant, que le Gouvernement
français se trouve, du fait de la réponse allemande, dans l’obli-
gation de remplir à partir de demain, 4 septembre, 5 heures
d u matin, les engagements que la France a contractés envers
la Pologne et qui sont connus d u Gouvernement allemand.
N Vous pourrezy dès ce moment, demander VOS passeports. n
+ +
de Wielun.
a Des troupes polonaises encerclées dans le Corridor ont cher-
ché à effectuer une percée vers le sud. Leur tentative a été
repoussée. Berent est entre nos mains.
u Après l‘action décisive accomplie hier par la Luftwaffe,
les divisions des deux flottes aériennes engagées contre la Pologne
exercent la maîtrise absolue sur l’espace airien polonais. Regrou-
pées sur leurs bases de départ, elles se tiennent disponibles pour
de nouvelles tâches. Les unités des flottes aériennes, non .encore
engagées, se tiennent également prêtes à entrer en actron ’. n
4 4
1. Selon les termes de la loi, l’embargo sur les armes aurait dû être décrété
vingtquatre heures plus t6t. Mais Washington a dû s’informer, auparavant, si
la déclaration de guerre se limitait à l’Angleterre, ou ai elle englobait le Canada
et lea autre8 pays du Commonwealth.
VI 38‘
598 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
A 18 heures, Hitler adresse, par radio, la proclamation
suivante au peuple allemand :
u Peuple allemand!
a Depuis des siècles, l’Angleterre s’est toujours efforcée de
désarmer les peuples européens devant sa volonté d’hégémo-
nie mondiale, en proclamant le principe de l’équilibre des
forces, au nom duquel elle s’est arrogé le droit d’attaquer
et de détruire - sous un prétexte quelconque - l’État euro-
péen qui lui paraissait le plus dangereux. C’est ainsi qu’elle
a combattu tour à tour l’Espagne, la Hollande, la France
et - depuis 1871 -l’Allemagne. Nous avons tous été témoins
de la politique d’encerclement qu’elle a pratiquée à notre
égard, dans les années qui ont précédé la première guerre
mondiale.
a Aussitôt que le Reich allemand, grâce à sa direction
nationale-socialiste, s’est remis des conséquences terribles du
Traité de Versailles et a commencé à surmonter la crise où
il était plongé d’une façon permanente, les tentatives d’en-
cerclement britanniques ont recommencé. Les fauteurs de
guerre anglais, que nous avons appris à connaître durant la
guerre de 1914-1918, ne veulent pas que le peuple allemand
vive. A cette époque, ils ont prétendu mensongèrement qu’ils
ne combattaient que la Maison de Hohenzollern et le mili-
I.Le même jour, Reinhard Heydrich, chef des Serviees de Sécurit4 du Reich,
signe un décret prescrivant d’écraser impitoyablement toute tentative pour
(I
témoin que mon pays a fait tout ce qui était en son pouvoir
pour éviter ce malheur. Mais maintenant que l’Allemagne a
envahi la Pologne, il est devenu inévitable.
(( Votre Gouvernement vous dit que vous combattez par.ce
même pas, pour nous, le papier sur lequel elle est inscrite?
I . Sur les conditioni de la dénonciation du Pacte de Locarno, voir vol. III,
p. 276 et a.
LA PAIX SE MEURT... LA PAIX EST MORTE 603
u Le Pacte germano-russe a été une volte-face cynique,
dont le seul but était de disloquer le front de la paix, destiné
à empêcher de nouvelles agressions. Par bonheur, ce jeu a
échoué. Le front de la paix est solide. Et maintenant votre
Führer vous sacrifie vous-mêmes à ce terrible jeu de hasard
qu’est une guerre, pour se tirer de la situation inextricable
dans laquelle il s’est placé, et vous avec lui!
(( Dans cette guerre, nous ne combattrons pas contre vous,
.
I. - L’arbitrage de Vienne (2 novembre 1938). . 31
II. - Les propositions allemandes du 30 août 1939. 467
III. - Répartition des forces terrestres allemandes.
. . ... .. ..
. . . . . . dépliant, p. 604
IV. - Répartition des forces aériennes allemandes..
. . . . . . . . . . . . . . . dépliant, p. 605
TABLE DES MATERES
DU TOME SIXmME
-P PARTIE
DE MUNICH A PRAGUE
LA CRISE GERMANO-POLONAISE
- -
(179). Une question de prestige (180). Nouvel entretien
Ribbentrop-Lipski (21 mars 1939) (180). - a I1 est temps de
songeràunrèglement global^ (181).-La suggestion des auto-
routes entrecroisées (181). - Le Conseil des Ministres polo-
-
nais du 22 mars 1939 (181). Beck repousse les propositions
allemandes (182). - a Moi abandonner Dantzig? Jamais1 m
(182). - Déclarations du colonel Beck au comte Szembek
(182). - L’opinion publique polonaise se raidit (182). - La
mobilisation partielle polonaise (183). - Hitler reste calme
-
(184). Déclaration d’Hitler à Brauchitsch (23 mars 1939)
(184). - Beck noue des relations toujours plus étroites avec
Londres (184). - Hitler dicte le a Plan blanc n Q Keitel
(3 avril 1939) (185). - a Ces opérations doivent pouvoir &tre
mises à exécution n’importe quel jour à partir du 1.r sep-
tembre 1939 s (187).
-
Molotov (259). - Molotov ne réagit pas (259). Hitler en
est déçu (259). - I1 est de plus en plus pressé (259). -
Annonce de l’accord Craigie-Arita (21 juill.) (260). - D%cla-
rations inquiétantes du baron Hiranuma (260). - Mussolini
s’alarme du déroulement des événements (261). - L’entre-
vue du Brenner est décommandée (261). - Point de vue ita-
-
lien (261). Ciano se rend au Berghof (12 août) (262).
Entretien Ciano-Hitler (262). - Ciano expose le point de vue
-
italien (263). - a Chez vous, tradition est synonyme de trahi-
son! B (263). - Deuxibme rencontre Hitler-Ciano (13 août)
(263). - Les deux hommes se séparent dans une atmosphère
tendue (264). - Ciano rend compte de son voyage à Musso-
lini (264). - Réactions de Mussolini (264). - Conversations
économiques Hilger-Mikoyan (265). - Lettre de Ribbentrop
à Schulenburg du 14 août 1939 (265). -Le ministre des
Affaires étrangères du Reich demande à &re reçu par Staline
(267). - Cette demande coYncide avec la remise du mémoran-
dum du Maréchal Vorochilov à l’amiral D r a (267). - Rib-
bentrop revient à la charge (16 août) (268). - Molotov n’est
pas pressé (269). - Refus catégorique de Beck de laisser
passer les troupes russes à travers la Pologne’(19 août) (269).
- Staline réunit les membres du Politburo (269). - Argu-
ments de Staline (270). - Signature de l‘accord commercial
germano-russe (19 août) (270). - Projet de pacte politique
rédigé par Molotov (271). - Le pacte est lié à la signature
d’un protocole secret (271). - Ribbentrop pourrait venir à
-
Moscou le 26 ou le 27 août (271). Hitler trouve que c’est
trop tard (271). - Hitler écrit directement à Staline (20 août
-
1939) (272). - Molotov est introuvable (273). La lettre
d’Hitler n’est remise à Molotov que le 21 août (273). - Hitler
ronge son frein au Berghof (273).- I1 blâme Wring de l’avoir
poussé dans cette affaire (274). - I1 craint d’avoir fait une
bourde (274). - La réponse de Staline arrive enfln (21 août
-
1939)(274). Hitler explose de joie (274). - a A présent j’ai
le monde dans ma poche1 D (276).
QUATRICNZE PARTIE
LA PAIX SE MEURT...
LA PAIX EST MORTE
XX. - Les réactions dans le monde : I. D a n s le camp
de1’Axe.. .................. 301
Hitler attend la chute des gouvernements Chamberlain et
Daladier (301). - Satisfaction de Mussolini (302).- Opi-
nion de Ciano (302).- Opinion de Mackensen (302).- Satis-
faction en Slovaquie, en Hongrie et en Bulgarie (303).-
Inquiétude en Finlande (303).- Désespoir des Ruthènes
(303).- Les réactions japonaises (304).- Mécontentement
d’Oshima (304).- Colère à Tokyo (304).- Rapport du
général Ott (305).- Rapport de l’attaché militaire italien
(305).- Protestation d’Oshima à Berlin (306).- Réponse
de Weizsacker (306).- Le Cabinet nippon est renversé (307).
- Progrès des éléments anglophiles (307).- L’armée réagit
622 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE