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TD 1 - UN DÉBAT HISTORIQUE ET
SES IMPLICATIONS POLITIQUES : LES
CAUSES DE LA 1ÈRE GUERRE MONDIALE
Le mauvais camarade.
Carte postale allemande éditée en 1914 et illustrée par Arthur Thielde (1860 – 1936).
Critique de la neutralité italienne au début de la guerre en parodiant le chant militaire allemand Icht En comparaison avec l’affiche
hatt einen Kamerad. L’ennemi est représenté par un hydre à trois têtes représentant la Russie, la précédente, comment l’Allemagne
France et le Royaume-Uni. est-elle présentée ?
La guerre européenne, préparée durant des dizaines d'années par les gouvernements et les
partis bourgeois de tous les pays, a éclaté. La croissance des armements, l'exacerbation de la
lutte pour les débouchés au stade actuel, impérialiste, du développement du capitalisme dans
les pays avancés, les intérêts dynastiques des monarchies les plus arriérées, celles d'Europe
orientale, devaient inévitablement aboutir et ont abouti à cette guerre. S'emparer de territoires
et asservir des nations étrangères, ruiner la nation concurrente, piller ses richesses, détourner
l'attention des masses laborieuses des crises politiques intérieures de la Russie, de l'Allemagne,
de l'Angleterre et des autres pays, diviser les ouvriers et les duper par le mensonge nationaliste,
et décimer leur avant-garde pour affaiblir le mouvement révolutionnaire du prolétariat : tel est
le seul contenu réel, telle est la véritable signification de la guerre actuelle.
Une du quotidien français, Le petit journal, Thomas Heine, Simplicissimus (hebdomadaire satirique
A partir de la vidéo et des
« A ton tour Germania », supplément du allemand), 3 juin 1919.
documents iconographiques,
dimanche 13 juillet 1919. Traduction : Vous avez droit à autodétermination.
montrez que pour les Français, la
Souhaitez-vous que vos poches soient vidées avant ou
signature du traité de Versailles met
après votre mort ? Les bourreaux sont le président des
fin à une injustice mais qu’il est
États- Unis Wilson, le président du Conseil Français
perçu comme une humiliation par
Clemenceau et le premier ministre Britannique Lloyd
l’Allemagne.
George.
« La publication, en 1925, d'un livre sur les origines immédiates de la
guerre, où il avait lui-même perdu un bras, équivalait en effet à prendre des
risques. [...]
Le 22 septembre 1984, Le
Président François Mitterrand et
le chancelier Helmut Kohl main
dans la main à Douaumont, près
de Verdun pour honorer la
mémoire des morts de la 1ère
guerre mondiale. Cette image Montrez qu’à partir des années
symbolise à elle seule la 60, le souvenir de la Première
réconciliation franco-allemande guerre mondiale contribue au
initiée par le Traité de l’Élysée. rapprochement franco-allemand.
Depuis 1991 : Une mémoire apaisée
À l’occasion de la tenue du Parlement des jeunes, les 500 lycéens français et allemands réunis par l’OFAJ à Quel est l’intérêt de
Berlin le 21 janvier 2003 dans le cadre de la commémoration du 40ème anniversaire du traité de l’Élysée publier un manuel
avaient proposé la création d’un « manuel d’histoire ayant les mêmes contenus pour les deux pays afin de d’histoire rédigé à la fois
réduire les préjugés causés par la méconnaissance mutuelle ». Des professeurs d’histoire des deux pays ont par des historiens
travaillé ensemble pour proposer une « histoire croisée » en deux volumes publiés en 2008 et 2011. Les allemands et des historiens
manuels se présentent exactement de la même manière dans les 2 versions linguistiques : une page de cours français ?
disposée en face d’une page de documents.
Qu'en est-il alors de la question de la culpabilité? En affirmant que l'Allemagne et
ses alliés étaient moralement responsables du déclenchement de la guerre, l'article
231 du traité de Versailles a eu pour conséquence de mettre la question de la
culpabilité au cœur du débat sur les origines de la guerre. Rechercher le coupable:
ce jeu-là n'a jamais perdu de son attrait. La formulation la plus influente de cette
tradition est la fameuse « thèse Fischer », soutenue par une vingtaine d'historiens
allemands [...] qui identifiaient l’Allemagne comme le principal responsable : les
Historien australien,
Allemands n'étaient pas entrés en guerre par accident, ni par entraînement. C'était Christopher CLARK
un choix délibéré, pire encore ils l'avaient planifié à l'avance, dans l'espoir de briser enseigne à l’Université de
leur encerclement et de devenir une puissance mondiale. Des études récentes sur Cambridge après avoir
étudié à Sydney puis
cette controverse ont mis en lumière les liens entre ce débat et le processus Berlin. Publié en 2013, son
complexe par lequel les intellectuels allemands ont fait face à l'héritage moral de la livre Les Somnambules a
période nazie et les arguments développés par Fischer ont fait l'objet de maintes un énorme succès en
Allemagne.
critiques. [...] Nous ne devons pas minimiser le bellicisme et la paranoïa impérialiste
des décideurs politiques allemands et autrichiens qui ont attiré à juste titre
l'attention de Fischer et de ses alliés historiographiques. Néanmoins, les Allemands
n'étaient pas les seuls impérialistes, ni les seuls à succomber à la paranoïa : la crise
qui a entraîné la guerre de 1914 était le fruit d'une culture politique commune. Elle
était également multipolaire et authentiquement interactive, ce qui en fait un des
événements les plus complexes des temps modernes, et c'est la raison pour laquelle
les débats sur son origine se poursuivent, un siècle après que Gravilo Princip a tiré
ses deux coups de pistolets fatals. Le déclenchement de la guerre ne fut pas un
crime, mais une tragédie.
Quelles sont les conclusions
Christopher Clark, Les somnambules, Flammarion, 2013 de Christophe CLARCK sur les
causes de la guerre ?
L'Express: Pourquoi la question de la responsabilité du déclenchement de la Première Guerre
mondiale est-elle encore si délicate à aborder en 2014 ?
Gerd Krumeich : Pour les Français, la Grande Guerre est un traumatisme collectif toujours
présent. Un récit, souvent familial, s'est transmis de génération en génération, où
l'Allemand est dépeint comme l'agresseur. Le "Boche" vient brutaliser l'Europe. Le geste
historique de Mitterrand et Kohl, à Verdun, en 1984, a évincé ce point sans y répondre. Or je
crois qu'il est urgent de poser cette question de la responsabilité. Personne ne l'a pressenti, Gerd Krumeich est un
mais un profond décalage entre Français et Allemands est en train de se faire jour : les historien allemand
premiers sont convaincus de la responsabilité de l'Allemagne et de la brutalité du Kaiser ou spécialiste de la Première
Guerre mondiale. En
de son peuple ; les seconds redécouvrent le poids de cette culpabilisation, oubliée comme 2014, il publie le feu aux
ils avaient oublié cette guerre. Vos enfants connaissent les poilus, les nôtres n'ont jamais poudres. Qui a déclenché
entendu parler des Feldgrau. Tant que l'on n'aura pas vidé cette querelle qui reste de l'ordre la guerre en 1914 ?
L’Express : Dans l'Europe de 2014, cette question de la responsabilité est-elle encore un sujet
politique?
Gerd Krumeich : Oui, il me semble. Dès 1953, les professeurs d'histoire français et allemands
s'accordent pour éviter d'imputer à une partie la responsabilité exclusive du conflit. Mais
cette préconisation n'est guère entendue. La Première Guerre mondiale reste une pierre
d'achoppement. Du côté des nations renaissantes, dans les Balkans comme en Europe
centrale, on se libère de l'amnésie imposée par le communisme. Les Polonais ont été forcés
de se battre dans trois armées différentes et opposées, avec les drames que l'on imagine. Que signifie la Première guerre
Nous n'avons pas fini de redécouvrir les carnages de cette grande guerre civile européenne. mondiale pour les Allemands, puis
les Français, un siècle après ?
Pourquoi la question de la
Interview de Gerd Krumeich, « 1914-1918: Il fallait légitimer responsabilité du conflit-elle encore
cette guerre totale», L’EXPRESS, 3 août 2014 un enjeu politique de nos jours ?