Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Patrick Mosconi
Alice Debord
1. L’index ainsi que la mise en page pour l’ensemble de cette correspondance ont été établis par Jeanne Cornet.
2. À noter aussi le luxueux tiré à part, paru chez le même éditeur en 2004. Intitulé Le Marquis de Sade a des yeux de fille…,
il reproduit, en fac-similé, les premières lettres et écrits autographes de Guy Debord, qui ne figuraient pas dans ses archives.
1951
avril
juillet
octobre
À Marc-Gilbert Guillaumin1
Cannes, 23 septembre
Cher Marc,O.
J’ai trouvé ta lettre tardivement en rentrant hier d’un bref voyage dans Paris
et ses proches environs pour des raisons toutes de bave2.
Je n’ai malheureusement pas pu te voir vendredi matin à ton hôtel, mais j’ai
rencontré Isou3. Je vois donc quelle est la situation.
Sitôt arrivé je t’aiderai pour sortir le film. C’est d’ailleurs un travail qui ne
me déplaît pas, il faudra bien que ces pauvres cons acceptent et sans nous
faire attendre. On a vu des directeurs de salle se faire buter pour moins.
Dans cette ville abandonnée de Dieu – et en général de tout créateur, j’ai
fait ce que tu m’as demandé avant de partir.
Avec cinq camarades j’ai fort gêné la projection du film du jeune G.
Albicocco :
« “Absolve domine”. Cette production de Gabriel Albicocco a eu le don de
provoquer des mouvements divers dans le public. On a entendu des sifflets
à roulettes, des protestations et aussi des tonnerres d’applaudissements.
C’est assez dire que ce court métrage n’est ni banal ni médiocre, puisqu’il
provoqua d’aussi vigoureuses réactions.
En résumé, l’auteur est parti de ce principe que l’homme conscient de ses
fautes a besoin de se faire pardonner. Il va à l’église, il prie. Il s’associe
aux supplications de psaumes et finalement, durant la messe, retrouve la
paix4. »
(Très faible écho.)
Heureuse conséquence ? – pour la première fois de sa carrière encore brève,
l’idiot n’a pas obtenu son prix habituel dans un festival de la connerie noire.
D’autre part j’ai jeté les bases du ciné-club que tu voulais (et déjà son
premier directeur à la porte). Actuellement ils sont acceptables, et aux
prises avec de lourdes difficultés pour trouver les 30 ou 40 billets
nécessaires pour démarrer.
Enfin jeudi dernier, après une discussion serrée de cinq heures dans un bar
du quartier, j’ai fait admettre qu’Isou est un dieu à mon ami Hervé Falcou5,
que tu as vu à Cannes.
Je suis très fier de ce dernier résultat, presque autant que d’être le (1)
manquant dans la seule équation que je connaisse par cœur.
Isou m’a parlé d’une possible chambre à 9 000 francs dans son hôtel. Si une
telle chambre existe, veux-tu lui demander de me la retenir pour le mois
d’octobre ?
Excuse-moi de t’importuner de ces nécessités très peu éternelles, et d’en
souligner le caractère d’urgence.
Je veux te lire, en attendant ABSOLUMENT je te salue (il faut
révolutionner les formules de politesse).
Amitiés à Poucette6 et bien sûr à Isou.
Guy-Ernest
avril
juin
octobre
novembre
décembre
[31 janvier]
Madame,
1. Journaliste.
À Pablo Picasso1
[Été 52]
Monsieur,
Nous prenons la liberté de vous envoyer cette revue2 pour vous mettre au
courant de notre activité.
Nous respectons en vous un des plus grands créateurs dans la peinture; et
nous désirons avoir avec vous un entretien au sujet du lettrisme.
Veuillez agréer, Monsieur, nos hommages respectueux.
À Gil J Wolman1
[11 septembre]
guy ernest
À Robert Chazal1
[Novembre]
Feu Chazal,
1. Journaliste.
2. Le 29 octobre 1952, à l’hôtel Ritz, l’Internationale lettriste
attaque une conférence de presse tenue par Charlie Chaplin pour
la promotion de son film Limelight et lance le tract Finis les pieds
plats.
1953
– Sur le mur de l’Institut, rue de Seine, Guy Debord trace l’inscription « Ne
travaillez jamais ».
février
mars
juin
16 – Rencontre avec Ivan Chtcheglov (alias Gilles Ivain) chez Moineau, rue
du Four.
– Histoire des gestes, roman tridimensionnel réalisé sur des bouteilles de
grand rhum blanc de la Martinique.
août
– Internationale Lettriste n° 3.
septembre
Je quitte Paris ce soir, avec l’intention de passer environ 3-4 mois à Cannes,
pour me remettre d’un certain épuisement physicomoral où toutes les
histoires de ces derniers temps m’ont mené. J’espère que pour toi ça va
mieux.
En attendant, et m’autorisant de nos dernières conversations et de ta lettre,
j’ai fait mettre ta signature sur notre tract2 dont je te communiquerai des
exemplaires dès que possible.
Sur douze signataires, deux sont en prison, deux filles mineures sont
recherchées, une autre en liberté provisoire pour trafic de stupéfiants, Brau
et sa femme3 sont en voyage du côté d’Alger – De sorte qu’en cas de très
improbables ennuis policiers, tout le monde peut renier sa signature qui a
été mise sans consultation préalable, et en tenant compte seulement d’une
participation générale à l’esprit moderne.
Les responsables sont Jean-Michel Mension3, Wolman et moi-même.
Je crois que ce tract est très bon, comme marque d’un stade, d’ailleurs
transitoire, de notre agitation intellectuelle.
Si tu veux prendre contact avec les lettristes qui stationnent à Paris en ce
moment, tu sais où les joindre. Mais je crois que toute cette action va être
en sommeil pendant quelques temps ; et je leur ai dit que tu étais en voyage,
cherchant à te remettre de ta fameuse chute en Autriche.
J’espère que nous nous verrons cet été (je reviendrai vers juin, et peut-être
passerai-je les vacances à Cannes mais seulement si c’est avec certaines
personnes et à l’exclusion de mes parents). J’aimerais que tu m’écrives, si
tu t’en sens le courage – Villa Meteko, avenue Isola-Bella, Cannes.
Je sais que je vais avoir là-bas bien du temps vide, mais il me semble que
c’est nécessaire. Je suis proche d’un écroulement total, nerveux
principalement. Les cuites ininterrompues et divers autres divertissements
compliquent les difficultés métaphysiques de toujours singulièrement
aggravées.
Mais il me semble – pas à toutes les heures – que nous ne sommes pas mûrs
pour le suicide, et qu’il y a des multitudes de choses à faire, si on dépasse
certaines barrières ET SANS RENONCER À RIEN du mépris ou du refus
que nous avons sincèrement affirmé à propos de presque tout.
Nous avons été des enfants terribles. Si nous parvenons à « l’âge
d’homme », nous serons des hommes dangereux.
Je suis passé ce matin au pont Mirabeau. Le prestige de Guillaume 4 s’en va
un peu comme cette eau courante (il lui en reste) mais je me souviens de
t’avoir un jour retrouvé sur ce pont, qui est ainsi fondé à prétendre à une
nouvelle jeunesse historique.
« Nous fûmes ces gais terroristes » n’est-ce pas ? J’ai lu hier par hasard
dans un Cendrars la PROSE DU TRANSSIBÉRIEN et c’est encore très
beau – mais à la Bichetouse5…
L’autre jour une expédition lettriste a empêché la projection au ciné-club dit
des «Amis du Cinéma » d’un pseudo-film « illettriste » LE SQUELETTE
SADIQUE (d’un prétendu René-Guy Babord). Le raffut a été très drôle.
Nous avons pris le directeur comme otage et l’avons contraint sous la
menace à faire renvoyer les flics qu’il avait envoyé chercher.
J’espère donc te lire à Cannes, et à un avenir de luttes communes 6,
camarade. Très amicalement,
Guy
5. Néologisme argotique.
À Gil J Wolman
Il est étrange de t’écrire de Paris, mais nous nous voyons assez peu en ce
moment et il me semble que tu manifestes un découragement inquiétant,
comme on dit.
Un mouvement dialectique curieux me laisse aller moi-même à un
découragement total en présence des œuvres qui se font et que je méprise
obligatoirement à cause de leur caractère borné et extrêmement étranger à
ce qui m’importerait vraiment. Et, à l’inverse, les tendances parmi nous à la
médiocrité désabusée m’inciteraient à donner des raisons d’agir.
Je m’effraie quand je découvre que je suis peut-être de nous tous le plus
irréductiblement décidé à une certaine position de révolte, si on veut dire
bêtement les choses – aussi bêtement on peut dire : avant-garde.
Tant que je vivrai, je ne veux pas me ranger, en dehors de cette fraction
scandaleuse, où qu’elle se trouve. C’est uniquement cet esprit
révolutionnaire (à définir, à redéfinir pour chaque génération) qui m’a mené
au lettrisme, qui me restera au delà du lettrisme, si nous pouvons établir cet
au-delà.
Une certaine action est donc à maintenir. Tous comptes faits, et malgré les
réserves que je peux faire sur l’intérêt de tout ce que j’ai connu, je suis
satisfait d’avoir été dans l’affaire Chaplin (quoique refoulé dans les ténèbres
extérieures1) ou d’avoir fait Hurlements. À ce propos je sais tout ce que je
te dois2.
Je n’aime vraiment pas beaucoup les arts – même comme sensations
« esthétiques » maintenant – mais je crois que ces domaines de
l’intelligence sont ceux où quelques types subversifs et isolés ont des
pouvoirs, et tirent plus à conséquence que, par exemple dans le crime ou la
politique – ceci en dépit de l’opinion commune. Isou a certainement eu sa
place* dans cette aventure, car il y a introduit des vues de rupture, et nous a
donné des armes. (Nous faisons l’Histoire, donc l’Histoire n’est que ça…)
Cependant je trouve fausse dès l’origine sa notion d’« artiste » (œuvres,
éternité, etc.),
cf. La poésie n’a représenté pour moi qu’un des multiples
MOYENS D’ÊTRE IMMORTEL… une durée au delà de l’être – dans UR
[…]3.
On peut rire de ces phrases comme des religieux, et de leur Dieu. C’est
aussi « beau » si on veut, et dérisoire.
J’en finis donc avec les prêches d’Isou. Leur ton « à la Bossuet » m’a
toujours beaucoup plu parce qu’il nie le monde donné, et le méprise. Mais
c’est au nom d’une transcendance presque aussi minable que Bossuet.
Notre voie est à définir. En ce moment nous ne savons pas bien où nous
allons. C’est ce qui permettra des cas «troubles par essence » (Serge4), des
croyances esthétiques périmées (Brau) ou le nihilisme intégral qui est
lamentable. (En fonction de leur temps des hommes qui me plaisent
également s’appellent Saint-Just ou Arthur Cravan, mais nous sommes dans
une époque de sous-Cravan. Il faut être profondément autres.) Mais tant
que nous n’aurons pas une ligne nettement définie (Isou en a une) nous
serons dans ce flou, qui est pénible. Mais il faut y rester plutôt que de
soutenir une ligne restrictive (genre Art-Brau) qui éliminerait l’avenir.
Toutes les tentatives peuvent rater, celle-là plus que d’autres. Si la situation
de l’« Internationale lettriste » devient insupportable, j’irai ailleurs (de
toutes façons je suis certain que le « moment I. Lettriste » est bon, est un
progrès par le seul fait de quitter Isou-Bismuth) mais je suis naturellement
partisan du plus grand confort possible, et ce groupe est notre seule
possibilité d’action immédiate : tu sais que je ne crois pas à des individus
forcément permanents. Tu parlais beaucoup de dislocation. Elle peut être
aussi entre nous. Cependant en ce moment, nous avons des fonctions assez
voisines. Au moins je pense que nous nous comprenons bien. Il ne s’agit
que d’établir un arrière-plan LIMITÉ MAIS NÉCESSAIRE d’opposition
commune, devant lequel nos vies se jouent – se perdent – seules. Je
voudrais savoir si nous sommes d’accord sur cela, entre le rien et le tout
petit peu où Jean-Isidore situait justement nos actes.
Très amicalement,
Guy
5. Lettristes.
À Gil J Wolman
8 novembre 1953
1. À Cannes.
[Fin 53]
Le désaccord est justement grave. Il n’a pas à être « transposé sur le plan
idéologique» car il ne se fonde pas sur des considérations autres
qu’idéologiques.
Pour nous – et je croyais jusqu’à une date récente que ceux des surréalistes
que j’ai connus partageaient cette exigence – l’intelligence ne vaut rien
isolée d’une morale et d’une façon de vivre qui, en particulier, excluent les
concessions et le contact salissant des dufrênes2.
Le débat sur un si pauvre sujet est inacceptable pour mes amis et pour moi
parce qu’il poserait en principe que nous pouvons reconnaître des excuses,
une défense, et même un intérêt éventuels à des êtres avilis de l’espèce de
François Dufrêne, dont nous savons les engagements politiques
réactionnaires, comme les mœurs et les fréquentations particulièrement
ignobles.
Naturellement tout autre dialogue est devenu impossible, alors que des gens
et des problèmes si louches se posent parmi vous. Mille regrets.
G.-E. Debord
À Barbara Rosenthal1
[Fin 53]
Ma pauvre Barbara,
Ta lettre est ridicule, comme tout ce que tu as fait ou dit depuis un an.
Manifestation navrante d’une petite primaire sans intérêt. Que tu aies
changé depuis l’année dernière, ce n’est pas la peine de l’écrire, l’évolution
est malheureusement apparente.
Il est choquant de voir les gens se survivre, ils devraient changer de nom en
même temps qu’ils se vulgarisent.
Tes considérations sur les « positions fausses » sont d’une pauvreté bien
Guide de France2.
Je crois qu’on t’aura donné beaucoup de chances, mais que tu n’as jamais
rien compris à rien.
Il est temps de te laisser vieillir dans tous les « Storyville3 » de ton choix.
janvier
mai
juin
31 – Potlatch (n° 9-10-11) cesse de paraître «tous les mardis » pour devenir
mensuel.
septembre
octobre
novembre
– Le peintre danois Asger Jorn – fondateur du groupe surréaliste
révolutionnaire (1947-1948), puis de Cobra (1948-1951) et, en 1953, du
Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.) – prend
contact avec l’I.L.
décembre
Très bonnes nouvelles de Caracas. Henry ayant répondu que les sommes
(bar) lui paraissaient tout à fait acceptables. Il a dû depuis recevoir toutes
les indications sur la revue, dont les chiffres sont moins importants. Le seul
problème, auquel Ivan travaille assidûment par correspondance, est de le
faire rentrer dans le plus bref délai – et de m’envoyer quelques avances.
As-tu revu l’imprimeur-publiciste ?
Je pars demain à Cannes pour deux semaines – pas un jour de plus,
éventuellement un peu moins – pour ramasser quelques sommes, et revoir
un marsupial un peu aimé-aimé ? On se comprend.
Je donne ton numéro à Ivan, pour qu’il te prévienne si la situation évoluait
très rapidement. Écris-nous, n’est-ce pas, cet article sur l’architecture. Au
moins.
Guy
À Gil J Wolman
21 juin
Connaissez-vous Potlatch1 ?
À Patrick Straram1
[Juin-juillet]
Guy
À Gil J Wolman
2. Au Canada.
Lundi 30 août 54
6 HEURES 52 minutes
Cher Gil J,
G.-E. Debord
21 octobre 1954
Monsieur,
Cher camarade,
Pour Potlatch
G.-E. Debord
Le 8 novembre 1954
Chers amis,
Nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt des documents que
vous avez eu l’amabilité de nous envoyer1.
Trouvez ci-jointes nos publications des quatre derniers mois.
Nous vous enverrons à l’avenir Potlatch, ainsi qu’aux adresses que vous
voudrez bien nous communiquer.
Croyez à notre vive sympathie,
1. Imagine e forma, d’Asger Jorn, avait été envoyé, par les soins
de son ami le peintre Enrico Baj, à la rédaction de Potlatch.
À Asger Jorn1
Le 16 novembre
Cher Monsieur,
Votre lettre nous a été transmise hier par André-Frank Conord, ainsi que le
double de la réponse qu’il vous a envoyée à titre personnel.
Nous sommes heureux de connaître votre action dans une lutte qui est aussi
la nôtre. La nécessité d’exploiter à des fins passionnelles les immenses
pouvoirs de l’architecture est une des proclamations de base de notre
mouvement.
En dehors de toute ambition artistique, ce que nous voulons établir, c’est
une nouvelle forme de vie. Pour cette entreprise l’architecture (Bauhaus2)
est évidemment le premier des moyens dont il faut se servir.
Nous sommes justement réunis par l’idée que l’existence est généralement
insignifiante, mais qu’il nous appartient d’y construire des jeux essentiels.
Nous finirons bien par avoir raison, dans l’architecture comme ailleurs.
Nous aimerions recevoir vos bulletins d’information. Nous vous envoyons
aujourd’hui, sous une autre enveloppe, des documents récents. Vous
recevrez à l’avenir nos publications.
Nous sommes très favorables à toute collaboration que nous pourrions
réciproquement nous apporter et aussi à la recherche avec vous d’un
programme commun.
Croyez à notre vive sympathie.
À André Frankin1
Paris, le 8 décembre
Cher camarade,
G.-E. Debord
3. M.I.B.I.
À Asger Jorn
Jeudi [décembre]
G.-E. Debord
À Isidore Isou
Le 22 décembre 54
G.-E. Debord
Lettre recommandée.
À Marcel Mariën
Le 23 décembre
Mon cher Mariën,
G.-E. Debord
1. Galiériste belge.
À Patrick Straram
Le 27 décembre 54
Cher Patrick,
2. Au Canada.
1955
janvier, février, mars
– « La valeur éducative» (Potlatch, nos 16, 17, 18), texte pour une émission
radiophonique non réalisée.
avril
mai
septembre
décembre
À André Frankin
Cher camarade,
G.-E. Debord
À Patrick Straram
Cher ami,
Nous avons été heureux d’apprendre que tu n’étais pas vraiment dans une
situation pénible.
Quant aux dissentiments, littéraires ou pas, il est bien tard pour polémiquer
là-dessus. Le désaveu que tu nous avais fait porter par Ivan a
malheureusement marqué la fin de ta collaboration, mais non de notre
sympathie à ton égard.
Finalement, les dissentiments en question, c’est à toi qu’il appartient d’en
choisir la gravité, comme tu en as choisi l’origine.
De mémoire de rose, comme disait Fontenelle, on n’a jamais vu mourir un
jardinier1.
Amitiés de tous.
Guy
À Marcel Mariën
G.-E. Debord
3. Jane Graverol (1905-1984), peintre, cofondateur de la revue
Les Lèvres nues.
À Georges-Marie Dutilleul1
Cher Monsieur,
Pour l’I.L.,
G.-E. Debord
À André Frankin1
Le 7 avril 1955
Cher camarade,
À G.-M. Dutilleul
Le 7 avril 1955
Stupide Dutilleul,
En imaginant que tes expositions pourraient se faire dans les conditions que
nous avons rejetées, tu viens de donner ta mesure. Les morveux comme toi,
qui veulent réussir, doivent être plus adroits.
Il n’y aura pas d’exposition.
À André Frankin
Le 12 avril
Cher camarade,
G.-E. Debord
À André Frankin
Paris, le 21 avril
Cher camarade,
Merci pour les adresses. La liste vous est retournée ci-jointe. Dutilleul et ses
huissiers ne se sont pas encore manifestés.
À propos de l’affaire Stéphane1, nous en sommes venus récemment à
conclure que toute l’activité de la Nouvelle Gauche était une manœuvre de
diversion objectivement certaine, et même que les buts conscients de
plusieurs de ses leaders étaient des plus louches.
Le meeting tenu le 6 avril dans la salle des sociétés savantes, meeting où
nous nous étions rendus en groupe, nous a permis de vérifier dans les
détails le caractère réel d’un mouvement qui prétend s’adresser à la classe
ouvrière : ramassis de bavards pseudo-intellectuels comme orateurs et
comme public; service d’ordre engagé à forfait pour la soirée,
principalement recruté parmi les ex-nervis du défunt R.P.F.2 ; expulsion
spectaculaire d’une demi-douzaine de dérisoires provocateurs néo-
royalistes (eux, ils étaient «la droite », la réaction…) remis aimablement
aux collègues de la police municipale qui attendaient, à la porte, d’en
prendre livraison, etc. Nous sommes partis sans plus attendre, sans attendre
par exemple la lecture du message de cette vieille pourriture de Mauriac,
qui joue le même rôle d’apôtre sauveur des déshérités pour la clientèle du
Figaro, celle de L’Express, et celle de Bourdet3.
Aussi méprisables que nous paraissent ces gens – c’est Stéphane qui signait,
à propos de Claudel, l’incroyable papier que nous relevions dans le dernier
Potlatch4 –, il s’agit d’un problème qui les dépasse : la liberté de
s’exprimer. Nous avons protesté en décembre contre l’inculpation de
Martinet5. Aujourd’hui, il nous semble plus honorable de défendre cette
liberté à propos de la saisie, par exemple, de la Vérité des Travailleurs6 au
début de ce mois, et des poursuites entamées contre les minorités
révolutionnaires dont tous les meetings, depuis la révolte de l’Aurès, ont été
systématiquement interdits.
Ceci n’enlève rien à la justesse de votre raisonnement sur le crime qu’est en
train de devenir « l’absence de conscience de classe du bourgeois », c’est-à-
dire uniquement le crime d’antifascisme.
Mais un antifasciste n’est pas pour cela un révolutionnaire, du moins quand
il ressemble à Stéphane. C’est pourquoi une heure qui exige des choix
extrêmes fait d’eux des fantoches, utilisables pour détourner un important
secteur de l’opinion. Il faut aussi tenir compte de cet aspect du problème,
sur lequel nous pensons avoir les plus sérieuses raisons d’attirer votre
attention.
Fraternellement,
G.-E. Debord
À Asger Jorn
À Juan Goytisolo1
Vendredi 6 mai
lendemain de la fête du saint pape Pie V
avant-veille de la fête de sainte Jeanne d’Arc
treizième jour avant l’Ascension
Nous apprenons avec plaisir, par ta lettre, que l’Espagne est toujours un
aussi beau pays2.
À Paris aussi, l’ordre règne. Roger Stéphane se promène en liberté. Le bruit
court que Claude Bourdet trouve dans certains milieux de la Préfecture de
police les renseignements publiés dans l’Observateur. Nous n’en sommes
pas sûrs.
Notre ennemi Dutilleul n’a pas encore réussi à nous faire saisir. Nous avons
diffusé spécialement en Belgique les textes de la correspondance échangée
avec lui. Midhou3 a dû quitter Auteuil, sur l’ordre du commissaire de son
quartier. Il habite maintenant rue de Seine, à l’hôtel. Il pense à faire un
séjour à Londres. C’est pourquoi Wolman le remplace à la direction de
Potlatch.
Avec Jacques4 et Véra, j’ai visité5 le Palais idéal du facteur Cheval6, qui est
extrêmement amusant.
Je t’envoie quelques tracts, publiés en 1952, que j’ai retrouvés par hasard à
Cannes.
Je suis chargé de te transmettre les amitiés de tous. Salud.
Guy
Chers amis,
3. Mohamed Dahou.
4. Jacques Fillon.
5. Le 14 avril 1955.
Naturellement, nous sommes nous-mêmes tout prêts à écrire dans les futurs
numéros que nous souhaitons aux Lèvres nues. Les obstacles qui s’étaient
élevés à ce propos, et dont nous vous avions parlé, ont été heureusement
aplanis.
Dutilleul apparemment se calme. Cependant il ne nous est pas possible
d’aller en Belgique d’ici quelque temps.
Nos amitiés à vous tous,
G.-E. Debord
Paris, le 10 juillet 55
Chers amis,
2. De septembre 1955.
À André Frankin
20 juillet 1955
Cher camarade,
Les petits tracts déroutants2 causent une surprise plus vive s’ils sont très
dispersés, isolés : jamais deux sur un même mur.
Amicalement,
G.-E. Debord
25 juillet 1955
Chers amis,
G.-E. Debord
À Gil J Wolman
Paris, le 14 septembre
Chers amis,
À André Frankin
Le 14 septembre 1955
G.-E. Debord
2. Revue éditée par Éric Losfeld, reprise après deux numéros par
Jean-Jacques Pauvert.
À Asger Jorn
Paris, le 22 septembre 1955
Nous sommes contents de votre lettre1. Nous pensons, comme vous, qu’il
nous faut maintenant nous rencontrer, pour développer notre accord.
Nous vous attendons.
Très amicalement,
Pour l’I.L.
G.-E. Debord, Jacques Fillon
À Jane Graverol
22 septembre 1955
TRÈS DRÔLE1 STOP POTLATCH.
À André Frankin
22 septembre 55
Cher camarade,
Debord, Fillon
Télégramme.
1. Le journal Dutilleul (voir infra, lettre à André Frankin du 10
octobre 1955).
À Marcel Mariën
G.-E. Debord
À la rédaction du Times
[Début octobre]
Monsieur,
Chers amis,
G.-E. Debord
À Gil J Wolman
Vendredi [7 octobre]
Fillon doit arriver dimanche soir, ou lundi selon la gravité des incidents
mécaniques prévus.
D’autre part, Juan vient d’arriver d’Espagne après un relativement bref
séjour (six semaines) dans une prison militaire. Il apporte de bonnes
nouvelles de l’influence de Potlatch sur l’opposition de ce pays.
La lettre au Times a été envoyée dans une traduction si belle et si noble que
l’on peut considérer que le texte original est enfoncé. Ce sera un régal pour
les lecteurs bilingues de Potlatch.
Mariën corrige les épreuves des Lèvres nues, et m’a consulté
scrupuleusement pour un « ou » qui aurait pu être un « où », mais qui ne
l’était pas.
Ce sont d’ailleurs (les lèvres-nudistes) les seuls types sortables au nord de
Paris. J’ai lu Phantomas (!) belge – la deuxième revue éditée par ce Blavier
qui «voulait nous rencontrer ». Dans l’indignation du premier choc j’ai
envoyé à Frankin – qui est lié d’amitié avec Blavier – une lettre qu’il ne
manquera pas de leur faire connaître. Et s’il y manque, aucune importance,
j’en publierai des extraits. Cette lettre fera l’effet – je m’en flatte – d’un
petit coup de tonnerre pour une racaille belgo-franco-italienne qui
commençait à nous aimer bien, à trouver qu’on avait de l’esprit, etc. etc. –
en somme que nous méritions une petite place entre Queneau, Prévert et la
revue Bizarre. Seul se trouve épargné Frankin, naturellement. (Par exemple
Temps mêlé indique en deux lignes que Potlatch n° 19 publie « une
extraordinaire correspondance franco-belge »… tu vois le ton, tu vois le
genre.) En somme, veux-tu passer rue Racine, mardi vers 7 heures ? Fillon
sera forcément arrivé.
Bien amicalement,
Guy
À Marcel Mariën
10 octobre 1955
J’attendais pour répondre à vos cartes d’avoir les comptes des libraires.
Mais samedi ils étaient, paraît-il, accablés de travail et mon émissaire a
accepté un rendez-vous pour demain. On me dit, cependant, que le
Minotaure est un homme fort sympathique 1.
Je pense vous envoyer tous les chiffres mercredi matin (y compris ceux du
Soleil2) , et procéder mercredi soir au collage des affiches. Affiches que je
dois recevoir d’un moment à l’autre, si elles sont parties samedi.
À l’unanimité, l’épreuve de cette affiche a été jugée excellente. Pour les
collections de Lèvres nues, je vous remercie. Il me semble que deux
suffiront. Pour ne pas compliquer outre mesure nos comptes, vous pourriez
les envoyer vous-même : une à Fillon, à l’adresse de Potlatch – l’autre à Gil
J Wolman, 63, rue des Cascades, Paris 20e.
Vous pouvez compter, pour votre numéro 7, sur de courts articles de trois ou
quatre de mes amis. Et, si vous voulez, je peux vous donner le texte de mon
film3, dont la présentation serait comparable au «Parti pris de la lumière4 »,
par exemple, et qui prendrait environ six pages.
À quelle date limite devront vous parvenir les manuscrits ?
Frankin nous parle longuement mais vaguement d’une affaire de mœurs qui
a bouleversé Liège et laissé certaines de ses connaissances en prison. Lui-
même, impliqué par la rumeur publique, sans travail et presque au
désespoir, nous prie de le rappeler à votre souvenir. Jane Graverol lui avait
parlé d’une possibilité de trouver quelque emploi à Bruxelles. En tout cas,
une lettre de vous l’encouragerait sans doute.
Frankin nous annonce aussi que Dutilleul – à la suite de ces orgies ? – est
pour trois mois dans une clinique psychiatrique. Mais nous avons appris
plus drôle encore : il n’avait pas acheté sa fameuse galerie, que l’agence
cherche toujours à vendre, quoi qu’en pensent les bons Liégeois.
Cordialement à vous tous,
G.-E. Debord
1. Roger Cornaille.
2. Librairie Le Soleil dans la tête, 10, rue de Vaugirard à Paris.
À André Frankin
10 octobre 1955
Cher camarade,
Debord
1. Alexander Trocchi.
À Marcel Mariën
Le 23 octobre 1955
À André Frankin
29 octobre 55
Cher camarade,
Fillon
Lettre rédigée par Guy Debord, signée Fillon.
P.-S. : L’agence qui vend la rue Serpente est Péreire Immobilier, 99, rue de
Prony. Le prix est, croyons-nous, de 1 200 000 francs.
À Marcel Mariën
2 novembre 1955
G.-E. Debord
et autres lettristes
À Marcel Mariën
Paris le 11 novembre
Le 6 décembre 1955
À Marcel Mariën
Le 18 décembre
avril
mai
juin
septembre
– Saisi par les autorités militaires, Guy Debord est placé en observation à
l’hôpital militaire de Vincennes avant d’en sortir le 21 septembre, réformé
définitif.
novembre
décembre
G.-E. Debord
2. Lire ci-après.
À Marcel Mariën
Le 9 janvier 56
Quatre exemplaires des Lèvres nues, pour lesquels je ne voyais pas d’usage
plus sûr, ont été déposés respectivement : dans une galerie de la Sorbonne;
sur une banquette d’un bougnat de la rue de Seine, que les lettrés
fréquentent; sur le socle de la statue1 que nous appelons depuis peu
« Hommage dialectique à la fièvre et à la quinine » ; sur une fenêtre de la
rue Tournefort. Au hasard objectif de jouer.
Le Minotaure a vendu 23 exemplaires et le Soleil 17 autres. Ci-joint les
chiffres précis.
Le Minotaure se désole, me dit-on, se fâche presque de ne pas être
mentionné dans Les Lèvres nues comme « dépositaire pour la France »
(vous ne citez que le Soleil). Je ne sais à quel point le compte-chèque postal
commande ce choix unique. Mais du point de vue de la réputation de ces
librairies, et toutes choses égales d’ailleurs, nous plaidons tous ici,
vivement, la cause du Minotaure. Je pense que vous devriez lui écrire pour
le rassurer. Lors de la parution du no 6, il vous a consacré une vitrine, et
vient encore de nous demander quelques-unes de vos affiches, que nous lui
avons portées.
Vendredi prochain, le 13 janvier, je pense être à Bruxelles aux environs de
21 heures, et passer rue Joseph II2, ou à tout autre lieu que vous
m’indiqueriez par retour de courrier.
Cordialement,
Debord
À Asger Jorn
G.-E. Debord
À Asger Jorn
13 janvier 1956
Voici une architecture1 qui a grand besoin que nous y mettions la main.
Amicalement,
Carte postale.
Mardi 17 janvier
Chers amis,
Je vous remercie encore de votre accueil. Recevez tous, nos plus cordiales
salutations, et veuillez les transmettre à Nougé.
G.-E. Debord
Chers amis,
en lui signalant votre intention d’exposer. Mais nous ne savons rien des
règlements éventuels, puisqu’il s’agit d’une entreprise privée qui
n’entretient aucun service en dehors de la période de l’exposition.
Je vous écrirai après l’arrivée des invitations.
Cordialement à vous tous,
G.-E. Debord
À Alexander Trocchi
[Fin janvier, début février]
À Alexander Trocchi
26 février 56
Cher Alex,
Nous n’avons aucune attitude en commun, et nous n’en aurons pas aussi
longtemps que tu soutiendras ces idées sur le génie individualiste.
Moi, je crois aux arguments rationnels : c’est Sindbad qui n’y croit pas. Je
ne crois pas à la solitude : c’est Anstryn qui est seul. Je ne crois pas à
l’importance d’une personne en dehors de ses actes : ce sont Iris1 et
Gurdjieff2 qui y croient.
Dans ces conditions, je peux seulement dire que je ne suis pas « fâché »
avec toi ; mais je ne sais pas dans quelle mesure une telle constatation peut
nous intéresser l’un et l’autre.
Cordialement,
Guy
À Marcel Mariën
Le 29 février
Bien que Les Lèvres nues ne soient pas nommément désignées, il nous
semble que l’opération est réussie. Le tout-Paris et la presse ont dû
beaucoup parler de l’affaire, et de ses auteurs. Et le grand public a tout de
même appris que Breton avait soixante ans : belle préface à la revue
Phénix1.
Remarquez comme les « personnalités parisiennes » qui, si l’on met à part
les journaux, se réduisaient à une trentaine de personnes, sont devenues une
centaine dans L’Express, trois cents dans Arts. De plus, L’Express ne laisse
pas de doute sur la réussite de la mystification elle-même. Et le ton de la
colère est sensible dans Arts, dont un entrefilet a l’allure d’un démenti.
Je vous joins aussi les comptes du Minotaure, établis avant notre
manifestation commémorative. Le Soleil n’avait, à cette date, pas fait de
nouvelles affaires.
Je crois que le numéro 8 devrait paraître le plus tôt qu’il vous sera possible,
pour profiter de cette histoire et aussi pour porter un rude coup à
l’Encyclopédie-Queneau2 dont le premier volume est sorti voici dix jours
environ. Mais la question de la date de parution est quand même
secondaire.
Je ne pense pas que nous puissions profiter de ce délai pour vous envoyer
quelque texte intéressant. Mais, dès à présent je crois que je peux promettre,
pour le numéro 9, une participation beaucoup plus abondante, et surtout
plus variée. Nous avons déjà entrepris ce travail, qui ne peut avancer vite.
Sélim Sasson3 aura le prochain Potlatch, qui ne paraîtra que vers le 15
mars. Nous vous renverrons la Déclaration4 dès que nous l’aurons lue.
Cordialement à vous tous,
G.-E. Debord
À Alexander Trocchi
Le 22 mars 1956
Guy
1. Potlatch paraissait mensuellement depuis septembre 1954.
À Marcel Mariën
11 avril 56
Cher ami,
À Asger Jorn
[20-24 avril1]
G.-E. Debord
7 mai 1956
Messieurs,
À Marcel Mariën
Le 17 mai 1956
À Marcel Mariën
Mardi [29 mai]
1. Mis pour no 9.
1er juillet 56
À Alexander Trocchi
Le 13 juillet
Je pense que le certificat de Laverne, que je t’ai adressé hier, est suffisant.
Nous avons été contents d’apprendre que tu te plais à New York.
Nous avons vu David seulement une soirée, car il est passé très vite à Paris,
mais il reviendra au mois d’août. Je lui dirai d’aller chez Charlie à Londres.
Nous rencontrons beaucoup de personnes intéressantes (dont un Japonais).
Midhou habite rue Campagne-Première1 depuis deux ou trois semaines. Il a
appris un jour, par hasard, qu’Iris2 était partie en Espagne plus d’un mois
auparavant – sans le prévenir, naturellement. Il t’envoie ses amitiés.
Asger Jorn organise un congrès3 en Italie, près de Gênes, au mois de
septembre, entre diverses fractions d’avant-garde, pour voir si elles peuvent
rejoindre nos positions. Mais les gens de New York sont malheureusement
trop loin pour envoyer un délégué.
J’espère que tu finiras cette visite en Amérique par une exploration du
Mexique, et aussi, tout de même, que nous te reverrons dans pas trop
longtemps.
Très amicalement,
Guy
2. Iris Clert.
À Marcel Mariën
Mercredi 18 juillet
6. Noël Arnaud.
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
G.-E. Debord
Le 29 juillet
Cher ami,
G.-E. Debord
3. Librairie à Saint-Germain-des-Prés.
À Marcel Mariën
Le 1er août
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
Mercredi 8 août
Merci pour l’écho1. Si Jane Graverol vient à Paris, j’espère bien qu’elle
passera nous voir (directement dans l’impasse; téléphone TURbigo 25-24).
À propos des affaires en cours :
1°) Voici le tract2 de nos courageux adversaires. Notez bien que Noël
Arnaud proteste à tous les râteliers. Je propose donc d’étendre à lui le
boycott permanent. Et la folle imprudence de Théodore3, qui se passe de
commentaire.
2°) Jasinski est-il déjà abonné aux Lèvres nues ? Si oui, renvoyez-moi sa
lettre, et nous lui répondrons. Si non, adressez-lui directement un bulletin
de souscription aux Lèvres nues, avec un mot d’explication (il aura Potlatch
par-dessus le marché).
3°) André Souris vient de nous écrire, se déclarant «d’accord en tous points
avec l’ordre de boycott » et communiquant les noms des musiciens qui y
participent. Comme j’ignore quelles relations il a avec vous maintenant, je
voudrais savoir si vous estimez que nous devons lui répondre ?
4°) Frankin aussi nous envoie son accord, et nous prie de vous signaler qu’il
n’avait pas reçu le tract appelant à signer, contre la peinture Shell. Il semble
assez blessé de l’incident. Je lui réponds moi-même, mais je crois que vous
devriez lui écrire un mot cordial. 5°) Si vous écrivez à la Cité radieuse,
donnez m’en copie. Dans le prochain Potlatch4 nous ferons un compte-
rendu des diverses manifestations autour de Toutes ces dames au salon et
Ordre de boycott. Bien amicalement,
G.-E. Debord
1. Le Soir, de Bruxelles, du 4 août 1956, rendant compte de Ordre
de boycott.
3. Théodore Koenig.
Debord, Wolman
1. En fait, le 11.
2. Maurice Lemaître.
À Marcel Mariën
Lundi 13 [août]
G.-E. Debord
P.-S. : En plus des textes envoyés ce jour, ou demain, comptez que vous
recevrez à la fin du mois environ 12-15 pages supplémentaires,
principalement constituées par un article intitulé « Contribution à une
définition situationniste du jeu4 » et un récit détourné de Wolman : « J’écris
propre ».
4. Qui ne paraîtra qu’ultérieurement dans I.S. no 1.
À Stéphane Rey1
[Mi-août]
Monsieur,
Puisque vous en êtes à parler principes, autant vous dire tout de suite qu’un
« artiste libre » ne saurait travailler pour les dollars de l’Unesco
maccarthyste et franquiste, quelque étonnement que cette nouvelle doive
vous causer. Pas plus que le critique d’art d’un journal qui porte en
manchette la publicité de Caltex n’aurait la liberté d’approuver notre
« pamphlet violent » sans perdre sa sinécure.
Dans cette perspective, concevez que nous nous expliquons parfaitement la
bassesse de votre article, et l’extrême indigence de ses arguments.
Ayant cru peut-être que nous pouvions nourrir envers le pétrole en lui-
même des sentiments d’antipathie plus marqués qu’envers la chlorophylle
ou le Kilimandjaro, vous volez superbement à son secours :
« Mais enfin, dites-vous, tout le monde en consomme. » Nous voulons bien
croire que vous en buvez.
De tels excès expliqueraient l’imprudence que vous commettez en avouant
que «les princes d’aujourd’hui » sont «les entreprises commerciales, les
banques, les grosses industries. » Croyez-vous que le « Phare-dimanche »,
un hebdomadaire si « indépendant », vous paie pour parler aussi crûment ?
Pour finir, la bonne garde des vaches vous préoccupe : nous sommes
justement en mesure de vous faire sentir un nouvel aspect de la question.
C’est seulement tant que durera aujourd’hui, avec ses « princes » à sa
mesure, que les vaches, dont vous êtes, seront bien gardées sous les
uniformes et livrées qui conviennent. »
Mohamed Dahou et G.-E. Debord
À Marcel Mariën
Dimanche 2 septembre
Cher ami,
G.-E. Debord
1. De la revue Phantomas.
À Marcel Mariën
22 septembre
G.-E. Debord
1. Le congrès d’Alba.
À Marcel Mariën
Il est évidemment regrettable que les Lèvres nues ne comptent pas 150
pages mensuelles, mais enfin vous tirez un excellent parti de ce dont vous
disposez.
Une seule recommandation de notre part : nous tenons absolument à voir
paraître « Position du Continent Contrescarpe » avec nos autres textes
psychogéographiques1.
Nous comptons donc sur vous pour le caser de quelque manière que ce soit
dans vos 40 pages, par exemple à la place de certaines illustrations moins
directement liées à l’ensemble de ce numéro 9. En outre, je vous prierai de
me renvoyer tous ceux de nos manuscrits dont vous n’auriez pas eu
l’emploi cette fois : le prochain Potlatch sera expédié fin octobre2.
Vous avez bien raison à propos de Dotremont3. Mais, là aussi, il y a eu des
corrections in extremis. Dotremont n’a pas présidé, n’a pas même assisté à
un congrès qui a heureusement pris une tout autre tournure que celle prévue
par une fraction des organisateurs4.
Cordialement,
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
1er octobre
À Jacques Legrand1
Monsieur,
Pour l’I.L.2
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
Vendredi [octobre]
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
En effet cette erreur d’un pont, que je reconnais sur le terrain, impliquant un
trajet impossible faute d’un quai qui ne va pas plus loin, pourrait jeter un
doute sur l’authenticité des faits rapportés. Je vous joins notre lettre au
pétrolier du Phare-Dimanche.
Excellente nouvelle, sur les finances de Pauvert, et les ennuis du
Surréalisme même. N’y aurait-il pas moyen d’envenimer l’incident en
jouant le public indigné (à la N.N.R.F. ou aux éditions Pauvert).
Bien amicalement,
G.-E. Debord
Remarques
– Le texte « Deux comptes rendus de dérive » en plus petit caractère doit
suivre immédiatement «Théorie de la dérive ».
– « Satisfait ou remboursé » doit être présenté encadré. La typographie doit
évoquer un placard publicitaire, mais peut-être moins ouvertement que le
précédent placard de Wolman (dans le numéro 7).
– La curieuse orthographe du texte de David, dans « Préhistoire des
loisirs », est celle de l’édition originale. Elle peut être rajeunie, mais paraît
assez bien ainsi.
– Il faudrait mettre, dans la même page que le commencement du texte
« Position du Continent Contrescarpe », ce slogan encadré, à la manière
habituelle des Lèvres nues :
NOUS RIONS MAIS JAMAIS EN MÊME TEMPS QUE VOUS.
À Marcel Mariën
[Fin octobre]
Cher ami,
Voilà le travail.
Vous pouvez enrichir la liste d’« Oublie-moi1 », si vous connaissez
quelques noms qui nous manquent.
Je vous envoie aussi une belle photo sur Marcinelle parue dans Détective.
Vers quelle date paraîtra ce numéro 9?
Bien cordialement,
G.-E. Debord
Lettre sur papier à en-tête de la revue américaine Look.
À Marcel Mariën
Le 4 novembre
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
Lundi 12 novembre
Merci pour les revues, que je distribue à travers l’Europe, aux points
stratégiques.
Dans le dernier Potlatch la place, et aussi le temps ont manqué pour relever
toutes les énormités significatives des deux dernières semaines : il nous
faudrait un hebdomadaire.
Savez-vous que le commissaire Dides, rompant avec Poujade1, a dénoncé
« l’abject système policier » que ce dernier avait mis en place dans son
mouvement? Que des conseillers municipaux de Paris proposent de changer
le nom de la rue de Moscou en rue Jean-Pierre Pedrazzini (le photographe-
parachutiste de Match)?
Breton, aux côtés de Jules Romains2, Pierre Boutang3 et Thierry Maulnier3,
a montré le Kremlin poursuivant sans désemparer, depuis le temps de la
Sainte-Alliance, le même rôle de répression internationale. D’ailleurs
l’affaire de Hongrie4, pourtant assez complexe, mais à cause de son
utilisation hystérique par la bourgeoisie, fait tourner casaque à des gens qui
avaient accepté avec joie jusqu’à ce jour les plus insoutenables contre-
vérités : ainsi Sartre, mettant le point final à sa jolie carrière de bouffon. Ici,
les intellectuels sont seuls à prendre leurs distances. Vendredi soir, des
dizaines de milliers de manifestants ont tenu la rue, malgré le plus grand
déploiement de force policière que j’aie jamais vu. Il s’agissait d’ouvriers,
comme écrit splendidement le reporter du Monde : « autant que l’on puisse
en juger par la mise » !
Qui donc est le masque funèbre5 sur votre couverture? On ne peut
s’accorder là-dessus. Certains vont jusqu’à y reconnaître Khrouchtchev et
Blaise Pascal.
Bien cordialement,
G.-E. Debord
1. Pierre Poujade, fondateur en 1953 de l’Union de défense des
commerçants et artisans.
À Gil J Wolman
17 novembre
Mon cher Gil,
Guy
P.-S. : Conviens tout de même que, d’ordinaire je quitte les gens avec
désinvolture2.
1. D’Alba.
2. Gil J Wolman sera exclu de l’Internationale lettriste le 13
janvier 1957.
Chers amis,
G.-E. Debord
Vendredi 23 novembre
G.-E. Debord
À Piero Simondo
Lundi [3 décembre]
Cher Piero,
Guy
À Piero Simondo
Mardi [4 décembre]
Cher Piero,
Voici les dernières nouvelles : Asger Jorn, vous apportant les tableaux et la
conférence à passer sur magnétophone, arrivera à Torino dimanche matin,
vers 7 heures. Il vous attendra ensuite chez le docteur Paolino1, ou si celui-
ci n’est pas dans la ville, Asger vous téléphonera, de la gare de Torino.
Bonne chance pour les manifestations. Notre plus affectueux souvenir à
Elena, Pinot, Olmo, Constant2 et toi-même.
Guy, Gil
À Juan Goytisolo
27 décembre 56
Cher Juan,
J’ai reçu hier seulement ta lettre du 29 octobre. En effet, depuis juin, je
n’habite plus rue Racine. Ma nouvelle adresse est 180, rue Saint-Martin
(3e)1. TUR 25-24.
Fais-moi signe quand tu repasseras en France.
J’ai été vraiment dans l’armée, mais j’ai réussi à en sortir après 18 jours.
Je te souhaite une bonne année,
Guy
1. Ou 1, impasse de Clairvaux.
À Jan Kotik1
Cher camarade,
Jorn, Debord
février
avril
mai
– Guy Debord visite le musée de Silkeborg où, depuis 1953, Asger Jorn
rassemble des œuvres d’artistes du XXe siècle.
– Dans l’atelier du lithographe Verner Permild, ils composent en vingt-
quatre heures Fin de Copenhague. L’ouvrage, tiré à deux cents exemplaires,
est constitué de publicités et de phrases détournées sur fond de couleurs que
Jorn, juché sur une échelle, déversait sur les plaques d’impression. Le
propos final étant : à la question posée, « Pourquoi votre fille est-elle la plus
aimable fille de la ville ? », d’y répondre en moins de deux cent cinquante
mots à l’adresse du « Comité psychogéographique de Londres ».
23 – Sur le hasard, notes inédites (publiées par nos soins in Guy Debord,
Œuvres, op. cit.).
juin
juillet
Le 1er janvier
Chers amis,
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
9 janvier
1, 4, 5, 7, 8, 9.
Je n’ai pas les comptes exacts. Seul le no 1 est vendu jusqu’au dernier
exemplaire. Pour les autres numéros il lui restait généralement un
exemplaire, parfois deux.
Au Soleil, par contre, on fait mine de n’avoir rien vendu.
Ci-joint le dernier gag publié dans l’Huma.
Je passerai par Bruxelles le 1er ou le 2 février.
Cordialement à vous tous,
G.-E. Debord
À Constant
9 janvier 57
Cher Constant,
À Ettore Sottsass1
Sottsass,
Nous avons compris en 1956 qu’un mouvement formé de génies tels que
moi et mes amis français est au-dessus de tes moyens : donc la lettre2 ne
portait pas ta signature. À présent, suffit.
Jorn, Debord
À Ralph Rumney
Cher Ralph,
Guy
À Constant
Le 19 janvier 1957
G.-E. Debord
Archives Constant.
1. Gens d’Alba.
À Marcel Mariën
21 janvier
G.-E. Debord
À Ralph Rumney
Mercredi 23 janvier
Cher Ralph,
1. Enrico Baj.
À Walter Olmo
28 janvier 1957
Cher Olmo,
À Ralph Rumney
Cher Ralph,
G.-E. Debord,
P. Simondo,
M. Bernstein
Lu et fortement approuvé.
Asger a refusé de téléphoner : nous lui avons fait clairement savoir, samedi,
que nous ne viendrions pas s’il maintenait son refus. Vous avez donc pris
vos responsabilités (c’est donc vous qui avez ainsi saboté la conférence, car
notre demande n’avait rien de tyrannique).
Votre télégramme1 moralisateur et menaçant aggrave plutôt votre cas, étant
données les circonstances présentes – c’est-à-dire les méthodes d’Asger, qui
excluent en effet la confiance mutuelle.
Ce télégramme est en fait l’ultime manifestation logique d’une attitude que
nous refusons, au nom de tous nos amis.
Rumney pourra choisir, maintenant que notre lettre lui fournit les éléments
d’appréciation qui lui manquaient, entre la complicité avec les méthodes
d’Asger ou les relations futures avec nous.
Asger, au contraire, devra s’excuser pour ses méthodes et le ton employé; et
faire son autocritique.
Et si quelqu’un veut absolument la rupture, croyez-vous que nous serons
très attristés ? Nous sommes des spécialistes de la rupture. Relisez Potlatch.
Debord, Simondo
5 février 57
Chers amis,
À Piero Simondo
Lundi 11 février
Cher Piero,
Guy
À Piero Simondo
Mardi 12 février
Cher Piero,
À Ralph Rumney
Paris, le 14 février
Cher Ralph,
À Piero Simondo
Cher Piero,
Merci de ta lettre et des documents. Je suis tout à fait d’accord avec la lettre
que tu as envoyée à Constant. Et la lettre même de Constant me paraît
bonne : je crois aussi à une collaboration très intéressante avec lui dans
l’avenir. Si nous réalisons quelque chose (et nous le ferons), Constant sera
certainement amené à y participer.
Suite de l’affaire Oscar : je viens de parler à Michèle au téléphone. Oscar
est déjà revenu à Paris, et il a envoyé une longue lettre d’excuses et
d’explications très confuses. Il dit qu’il ne veut pas la rupture (nous le
savions bien), qu’il y a une série de malentendus, mais que de telles
histoires se sont produites partout où il est passé (cela nous le savons bien,
c’est justement ce qui doit changer) et qu’il est un «spécialiste de
l’autocritique » : tu te souviens que nous lui avions demandé de faire son
autocritique, en disant que nous étions les spécialistes de la rupture.
Je pense donc que la crise est arrivée au point d’un dénouement favorable.
Il reste qu’il y aura eu beaucoup de sabotage contre nous, c’est-à-dire contre
le Mouvement, à Bruxelles et à Londres. Nous devons compenser cela par
une clarification définitive de nos rapports, surtout avec Oscar. Nous
sommes sur la meilleure base possible pour opérer cette clarification, pour
imposer la direction collective, et le sérieux dans nos affaires communes.
Quand nous aurons obtenu cela sans équivoque, je crois que nous aurons
beaucoup avancé. Et l’ensemble de cette manifestation de Bruxelles aura
finalement un résultat positif, grâce à notre « grève » réussie.
D’accord pour ce que tu me dis à propos de nos prochaines publications. À
mon retour à Paris – c’est à Paris que vous devez envoyer vos textes – je
traduirai tout ce qui reste à traduire de l’italien. J’ai les doubles des
manuscrits d’Oscar – sauf celui qui précède Structure et changement et qui
suit Forme et fonction. Celui-là, je ne l’ai jamais lu. Et je vous enverrai un
manuscrit que je prépare, et surtout deux numéros des Lèvres nues où il y a
deux textes théoriques, sur la psychogéographie et sur le « détournement ».
J’estime aussi que cette histoire de Bruxelles nous aura donné une
impulsion nécessaire pour établir un style de travail qui est le minimum
indispensable pour une action organisée à l’échelle internationale. En ce
moment je ne cesse d’écrire, de copier des textes, ou de donner des
instructions par téléphone comme un businessman (?). Il y a une chaîne de
communication à travers l’Europe, de Londres à Alba, et même à
Amsterdam. C’est très bien.
Ce qui me rend un peu les choses difficiles ce matin, c’est que j’ai passé
toute la nuit à boire, et qu’il m’en reste des traces. Heureusement j’ai les
idées claires, mais ma main n’est pas très sûre, comme cela transparaît dans
mon écriture.
Transmets mes amitiés à toute l’équipe, et particulièrement à Olmo, qui a
dû apprécier historiquement la lettre que je lui ai envoyée avant Bruxelles.
Ciao,
Guy
À Piero Simondo
Lundi 18 [février]
Cher Piero,
Je reçois ce matin ta lettre du jeudi 14. Le même jour je t’ai écrit une lettre
donnant des nouvelles du retour d’Oscar à Paris. Tu as dû la recevoir
samedi ou aujourd’hui. Moi, je n’ai pas de renseignements plus récents. Je
te les communiquerai sitôt qu’ils me parviendront.
Merci pour l’adresse de Giordanengo. Oui, c’est certainement moi qui ai
confondu les titres des revues (je me souvenais que tu étais Ligure!).
Je pense que Ralph a été simplement dupe d’Oscar, comme nous l’avons
été, toi et moi, pour d’autres détails. J’espère qu’il va s’expliquer
favorablement.
Je vais revenir à Paris dans une dizaine de jours. Il y a beaucoup de choses à
faire.
Ci-joint le texte définitif envoyé à Ralph, de Paris, après la lettre envoyée
par Oscar à son retour de Londres.
Mohamed Dahou vient de m’écrire1 : il craint de ne pouvoir rentrer en
France avant assez longtemps.
Amitiés à tous,
Guy
1. D’Algérie.
À Piero Simondo
Samedi 23 février
Cher Piero,
À Piero Simondo
Lundi 11 mars
Cher Piero,
Voici les dernières nouvelles : je suis arrivé à Paris jeudi soir. Ralph est
arrivé le lendemain, et il est venu tout de suite me voir. Il est d’accord avec
nous sur l’affaire de Bruxelles, qu’il avait déjà à peu près comprise en lisant
nos deux lettres. Il pense, lui aussi, qu’Oscar doit nous fournir une
explication entièrement claire, s’il veut continuer à collaborer avec nous,
pour que nous soyons sûrs que de telles sottises ne se reproduiront plus.
Hier au soir seulement, il s’est présenté chez Oscar pour lui dire de venir
immédiatement chez moi, pour une discussion définitive. Mais il a dû
revenir seul une heure après, ayant trouvé Oscar, et une des petites filles,
réellement malades.
J’attends donc Oscar d’un jour à l’autre, dès qu’il sera en meilleure santé. Je
pense qu’il y a plus de chances que jamais pour qu’il renonce à son attitude
de ces dernières semaines, puisqu’il a vu que même Ralph était contre lui.
Ralph reste maintenant deux mois à Londres où il est retourné ce matin. En
mai, il viendra un certain temps à Paris. Ensuite, je pense qu’il retournera
en Italie, et il ira te voir à Alba.
Le principal résultat de l’histoire de Bruxelles est que nous devons reporter
la manifestation envisagée à Londres1, jusqu’au mois d’avril 1958 ! Car il
est évident que rien ne peut plus être préparé, à partir de zéro, en quatre
mois (nous avions d’abord choisi le mois d’août 57). De plus à Bruxelles
même le résultat a été très faible. Ralph avait soutenu – comme nous
jugions nous-mêmes à ce moment-là – que la seule attitude correcte qui leur
restait à prendre était de quitter Bruxelles avant les conférences. Mais Oscar
a tenu à faire prononcer deux conférences très ennuyeuses, et lui-même a
bafouillé en français, au lieu de parler en danois. Mais il est vrai qu’il a
vendu beaucoup de tableaux ensuite…
Mariën, ayant reçu notre mot de Paris, ne s’est même pas présenté chez
Taptoe. Je l’attends à Paris dans deux ou trois jours. Klein n’était pas venu à
Bruxelles, à la suite de je ne sais quel empêchement.
J’ai vu déjà deux fois Yves Klein, et un de ses amis, depuis mon retour ici.
Ils sont très intéressés par ce que nous faisons. Je leur ai communiqué
quelques textes pour que l’on discute là-dessus. On verra si on peut
s’entendre.
Je t’enverrai dans quelques jours seulement les revues promises, que je n’ai
pas encore. Voici déjà les syllogismes de Lewis Carroll que t’envoie
Michèle. Amitiés à vous tous,
Guy
Mardi 19 mars
1. Comité central.
Cher Piero,
Si Constant ne t’a pas répondu, c’est mauvais signe. Tant pis pour lui.
J’écris cette lettre assez confusément parce que je suis très pressé. Merci
pour le dessin. Amicalement à vous tous,
Guy
À Marcel Mariën
Vendredi 29 mars
G.-E. Debord
À Asger Jorn
Cher Asger,
Guy
À Piero Simondo
Mercredi 3 avril
Cher Piero,
1. Lire ci-après.
Le 2 avril 1957, Debord, Jorn et Michèle Bernstein ont conclu l’affaire de
Bruxelles en s’accordant sur les points suivants :
1°) Toute action personnelle, dans le mouvement, doit être soumise à un
accord collectif préalable.
2°) Tout désaccord éventuel doit être réglé par une discussion ouverte dans
le cadre du mouvement. Tout obstacle apporté à la discussion, entre nous,
est a priori erroné.
3°) Les soussignés reconnaissent l’importance de notre action commune,
souhaitent que dure l’accord déjà établi entre les groupes actuels, et
l’extension future d’un tel accord sur ces bases, dans la perspective d’une
efficacité plus vaste.
4°) Tous les désaccords précédents, toutes les manœuvres précédentes
doivent être considérés comme sujets d’expériences révolus. Tous les
reproches avancés à ce propos sont annulés.
À Marcel Mariën
Dimanche 21 avril
À Piero Simondo
21 avril 1957
Cher Piero,
Je regrette de ne pas encore avoir de réponse d’Alba après les papiers que je
vous ai envoyés le 3 avril.
J’attends votre réponse avant de revoir Asger. Rumney, je crois, doit venir à
Paris très bientôt. Et je suis impatient de savoir si l’accord où nous sommes
parvenus vous satisfait, ou si vous demandez autre chose. (Aussi, que
pensez-vous de la proposition d’Asger d’éditer des monographies de
Gallizio et toi?)
L’affaire de Bruxelles me paraît réglée, mais elle laisse des traces qu’il faut
dépasser. Il serait mauvais que l’on pense ici que vous êtes indifférents au
règlement de cette histoire, ou au contraire que vous êtes encore fâchés.
J’espère aussi que ce silence ne veut pas dire que tu es malade, ou que tes
ennuis économiques ont redoublé – par exemple que tu as perdu tes
maisons au poker ?
Très amicalement à vous tous,
Guy
À Marcel Mariën
G.-E. Debord
À Piero Simondo
Mardi 18 juin
Cher Piero,
Ta lettre m’a suivi à Paris. Voici les dernières nouvelles des enfants
terribles :
Asger avait dit qu’il retournait en Ligurie le lendemain de son vernissage.
Mais, ce lendemain, Michèle le rencontre par hasard, dans la rue, avec un
ami qu’il lui présente comme étant Christian Dotremont. En même temps il
annonce que son départ est retardé de quelques jours.
Asger, encore, a insisté pendant plusieurs heures pour obtenir des
corrections dans le texte de Michèle sur Gallizio1. Elle n’a accepté qu’un
petit nombre de corrections, mais encore bien trop puisque le style s’en
trouve saboté, et la base idéologique (qui avait été proposée trois semaines
avant par Asger lui-même) gravement falsifiée. Toute l’argumentation
d’Asger était fondée sur la nécessité impérative – pour lui – de « faire
plaisir à Gallizio ». (Naturellement Michèle ignorait que nous nous sommes
expliqués à Albisola sur les intentions d’Asger relatives à ces deux
monographies.) Par contre il a trouvé très bien mon texte destiné à ta
monographie2. Cela s’explique. Il ne souhaite plus tellement te faire plaisir,
il espère plutôt que tu seras mécontent de moi (puisque dans ce texte je
parle du jeu, et pas de ta peinture). Enfin, les petites misères picturales et
milanaises se poursuivront tant que nous ne serons pas devenus plus forts.
Au contraire, Ralph paraît excusable : il m’a envoyé l’avis d’une exposition
de ses tableaux, qui se tient en ce moment à Londres. Il dit qu’il va passer
bientôt à Paris. On verra.
Je téléphone à Klein aujourd’hui.
2. Monographie qui n’a pas paru, dont il nous reste les notes « Sur
le hasard » (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 296).
J’espère pouvoir t’envoyer dans deux ou trois jours un premier exemplaire
de mon Rapport. J’attends les textes que je dois traduire en français. (Il
serait bon d’y joindre cet écrit théorique sur la musique, dont Olmo m’a
parlé.)
Amicalement à Elena et à toi,
Guy
À Ralph Rumney
18 juin
Cher Ralph,
Il n’est pas regrettable que tu n’aies pu passer me voir le 31 mai, car j’avais
dû moi-même partir avant cette date.
Mais maintenant, il est assez nécessaire que je te rencontre pour que nous
parlions de l’état actuel de nos affaires. Je viens d’assister en Italie à une
réunion très utile, je crois.
Je suis certainement à Paris jusqu’à la fin de juin. Il serait bon, par
conséquent, que tu viennes en ce moment. Si tu veux, tu peux dormir dans
ma mansarde.
Cordialement,
Guy
P.-S. : N’oublie pas de m’apporter une toile avec beaucoup de ronds blancs.
À Marcel Mariën
J’ai été heureux de trouver ici votre carte de jeudi. Oui, c’est bien mille
exemplaires qu’il fallait. Je pense que l’imprimeur finit, ou presque, ses
travaux quand vous recevez ce mot. Envoyez-moi, s’il vous plaît, dix
exemplaires en paquet séparé (en imprimés, sous enveloppe, plutôt). Je dois
répartir au plus vite ce petit nombre et je crains que la douane ne retarde les
gros paquets un ou deux jours, dans le meilleur des cas.
Merci encore. Cordialement,
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
J’ai oublié de vous dire hier que la rue du Dragon avait promis à Michèle
que votre annonce1 passerait dans le prochain numéro2, c’est-à-dire
maintenant celui de demain.
Nous vérifierons cela, et s’il y avait encore un retard, nous interviendrions
sans délai par la persuasion ou la menace.
Bien cordialement,
G.-E. Debord
2. De la Bibliographie de la France.
À Yves Klein
À Marcel Mariën,
Dimanche 23 juin
Je suis désolé que cette maudite brochure1 vous impose tant de démarches.
Enfin, l’espoir luit de voir achevé ce monument. Surtout, pensez à
m’expédier les dix premiers exemplaires qui se trouveront agrafés par la
voie postale la plus rapide (exprès, avion?). Mes traducteurs2 rongent leur
frein. En effet, nous avons prévu des versions en anglais, en italien et en
arabe, qui seront naturellement bien plus belles que le texte original.
Chez Morel3 on annonçait, vendredi, qu’à la parution de l’annonce dans
l’Observateur, dix exemplaires seulement étaient vendus! Mais, paraît-il,
pour vendre votre livre Morel ne compte guère sur l’Observateur mais sur
l’annonce dans Bibliographie de la France qui devait paraître hier.
G.-E. Debord
À Piero Simondo
Vendredi 28 juin
Cher Piero,
Guy
À Marcel Mariën
G.-E. Debord
À Marcel Mariën
Mercredi [3 juillet]
Vous devez avoir déjà réglé l’incident Morel puisqu’il nous assure qu’il
vous a écrit samedi dernier, en vous demandant de lui envoyer les factures
nécessaires pour dédouaner votre livre.
C’est maintenant que nous allons voir Morel à l’œuvre, car jusqu’à présent
il me semble qu’aucune distribution n’a été faite dans les librairies.
Dites-moi toujours quelles autres démarches pourraient éventuellement
vous être utiles.
Cordialement,
G.-E. Debord
À Piero Simondo
4 juillet
Cher Piero,
À Asger Jorn
8 juillet 57
Cher Asger,
À Pinot Gallizio
Jeudi 11 juillet
Cher Pinot,
Guy
2. Vinylique.
3. Résine uréique.
P.-S. : Je n’ai pu encore récupérer les revues pour toi, mais j’y pense.
À Piero Simondo
12 juillet 57
Cher Piero,
Guy
À Verner O. Permild
Cher Permild,
Guy Debord
LETTRES RETROUVÉES
Au maire de la commune de Cosio d’Arroscia
Les soussignés,
Guy-E. Debord, de nationalité française, de profession cinéaste, Piero
Simondo, de nationalité italienne, de profession peintre, déclarent avoir été
interrogés publiquement de façon insolente et arbitraire par l’agent des
carabiniers en service à Cosio d’Arroscia, ce jour, 2 août 1957, à 16 heures
30, sur la place San Sebastiano, et en conséquence demandent à Monsieur
le maire de bien vouloir obtenir de la gendarmerie locale des explications et
des excuses.
L’interrogation arbitraire concernant le lieu où se sont déplacés Messieurs
Ralph Rumney, anglais de profession journaliste, et Asger Jorn, danois de
profession peintre.
Messieurs Debord, Rumney, Jorn, au cas où ils ne recevraient pas de
réponse satisfaisante, se déclarent disposés à demander des explications par
l’intermédiaire de leur consulat respectif. Avec nos remerciements
respectueux,
28 juillet 1958
À Patrick Straram
[Fin 1958]
Quand j’ai reçu ta dernière lettre, j’étais à Amsterdam, où je n’avais pas ton
adresse.
J’ai donc adressé ma réponse1 à la poste restante de Montréal. Bien à toi,
Guy
Collage sur carte postale : trois parachutistes sur une vue aérienne
de Paris (fonds Patrick Straram, Québec).
1. Le 12 novembre 1958 (cf. Correspondance, vol. I, p. 158).
À André Mrugalski1
Cher André,
J’ai pensé hier, après ton départ, que tu étais certainement trop déprimé par
les faiblesses du travelling. Je suis très content de l’ensemble de ton travail.
Et je pense que tu dois, toi aussi, en être content.
Si nous faisions, dans des conditions normales, du cinéma classique, je
devrais te donner les moyens de recommencer le travelling en éliminant les
erreurs que nous avons découvertes à l’expérience, et qui tenaient des
multiples difficultés de ce plan (proximité du rail, achèvement en pano
[ramique] , insuffisance de la régie quant au service d’ordre). Mais, dans la
perspective généralement délirante – rebelle à toutes les lois du cinéma – où
j’ai placé mon film, je peux te dire que les images de ce travelling sont très
utilisables, et me plaisent. C’est-à-dire que je les utiliserai, avec un montage
absolument prohibé (mais nécessaire en tout cas à quelques endroits du
film) et qu’il sera impossible de savoir si j’ai ou non délibérément gâché et
humilié un beau mouvement parfaitement classique du cinéma. Compte sur
moi.
Le seul changement pour toi sera dans ce que tu présentes au Centre2. Dans
le bout-à-bout tu peux supprimer ce travelling – ou présenter telle quelle la
quatrième version, pas déshonorante mais peu brillante – ou, si tu préfères,
présenter mon montage de cette séquence en te plaignant amèrement que
j’ai démoli, à cause de mes présuppositions esthétiques spéciales, un très
beau morceau. Je pense être encore à Paris demain. Veux-tu me téléphoner
vers le début de la soirée ?
Amitiés,
Guy
À Har Oudejans1
Le 11 mai 59
Cher Har,
À Har Oudejans
15 mai [1959]
Cher Har,
À Har Oudejans
2 juin 1959
À Har Oudejans
Paris, le 9 juin 59
Cher Har,
Pour le prochain numéro1 de notre revue qui doit être, comme tu sais,
consacré en majeure partie à l’urbanisme unitaire, j’aimerais avoir – à côté
des considérations théoriques plus générales – un article consacré à l’étude
précise et aux propositions de modification pour le centre d’Amsterdam.
Je pense que tu pourrais écrire cet article – par exemple en collaboration
avec Alberts, et si ta répugnance pour la description des projets ne va pas
trop loin ?
Ce texte pourrait être illustré par la photo aérienne que nous avons vue
ensemble, et aussi par des plans et des schémas que tu pourrais faire
(comme à propos de la décentralisation par triples secteurs). Il devrait me
parvenir avant la fin du mois d’août.
À bientôt. Et très amicalement à toi. Meilleurs souvenirs à Clémentine.
Guy
P.-S. : Pense à m’envoyer les photos du groupe2. Merci.
1. I.S. no 3.
À Chantal Delattre1
23 juillet 1959
Chère Chantal,
Nous en sommes toujours au même point. Donc pas question que tu rentres
– surtout de si loin.
Nous commencerons le montage le 15 septembre, avec ou sans les films
américains.
Comme il y aura sans doute quelques détails à régler un peu avant cette
date, fais-moi signe quand tu seras revenue à Paris. Bonnes vacances.
Amicalement,
Guy
À Hans-Peter Zimmer1
Cher Hans-Peter,
Je viens à Munich, et j’espère te rencontrer – ainsi que tous les autres amis
de Spur – ce samedi 21 novembre à 11 heures du matin, au café de la
Maximilianstrasse : La Coulisse.
Amicalement,
Guy
Texte français d’une lettre envoyée en italien, sur papier à en-tête
de l’Internationale situationniste.
2 février 1960
G.-E. Debord
À Giuseppe Pinot Gallizio
Cher Pinot,
Tout est arrangé pour sortir, en même temps que tu fais ton exposition
d’Amsterdam, ta monographie1 – qui a tant attendu. Elle sera imprimée par
Sandberg, et les instructions ont été envoyées pour faire venir tous les
clichés de Copenhague.
On espère que la peinture est en route, et arrivera suffisamment vite. C’est
le seul problème.
Bien amicalement,
Guy
À Wilhem Sandberg
Cher Monsieur,
G.-E. Debord 2
À Giors Melanotte1
[25 juillet 1960]
Cher ami,
G.-E. Debord
À Patrick Straram
7 août 1960
Guy
À Chantal Delattre
7 novembre 1960
Guy
Carte postale communiquée par Enrico Ghezzi.
À Jacqueline de Jong1
10 décembre 60
Chère Jacqueline,
Réunion du Conseil : au soir du jeudi 5 janvier à Paris (la revue2 aura paru
avant la fin de décembre).
Tout le monde souhaite vivement ta présence. Amène un rapport sur la
fabrication de Situationist Times3, avancée ou non.
À bientôt,
Guy
2. I.S. no 5.
À Jacqueline de Jong
Chère Jacqueline,
Cher Uwe,
L’idée d’avoir un local pour Ludus est excellente. Je crois qu’il faut te
signaler deux points à examiner.
À propos de la revue, ton entreprise de « noyautage » pour la formation
d’un groupe révolutionnaire complet ne peut réussir que si le contenu de
Ludus évolue très rapidement – dès le numéro 4 – vers des textes plus
avancés, et plus précis. Les camarades de Ludus doivent être placés devant
le problème d’approuver, ou non, nettement, certaines théories et certains
textes situationnistes – et, si possible, de prendre ouvertement parti pour les
perspectives situationnistes; même si plusieurs restent en dehors de l’I.S.
comme individus. Autrement, vous serez toujours battus sur le terrain de
l’avant-garde par la revue Spur 4 au moins à cause de son no 5.
Le deuxième point est lié au premier. Je t’en ai déjà parlé à Paris. Il est très
juste, et très souhaitable, que la section allemande de l’I.S. s’étende à
l’extérieur du groupe Spur (comme groupe d’artistes plastiques) ; que
certains situationnistes allemands se différencient de Spur, ou même lancent
d’autres publications, en dehors de la revue Spur. Mais ceci ne doit pas
devenir une opposition et une séparation complète. Si les groupes Spur et
Ludus apparaissaient complètement à l’écart l’un de l’autre, et même rivaux
sur le plan public en Allemagne, l’I.S. serait probablement amenée à choisir
l’un contre l’autre. Et il serait aussi dommage d’abandonner une des
possibilités que l’autre; alors qu’un véritable travail situationniste en
Allemagne dépend certainement du dépassement de ces deux stades existant
actuellement, par leur fusion. Je crois que tu dois absolument obtenir d’un
« spuriste classique » (Kunzelmann, ou même Zimmer) une participation au
groupe Ludus en tant que situationniste qui serait détaché, avec toi, dans ce
travail. Nous examinerons ceci à Göteborg5. Il est sûr que si tous les
spuristes, par exemple, refusaient cette participation, c’est eux qui auraient
tort. Mais le péril de cette division de nos
4. Spur, revue de la section allemande de l’I.S. dont le premier
numéro a paru en août 1960.
forces à Munich est d’abord qu’il n’y ait plus de jeunes révolutionnaires
dans notre vieux groupe Spur, pour l’obliger à aller encore un peu en avant.
Il faudra être à Göteborg entre le 15 et le 30 septembre, à une date qui sera
précisément choisie dans peu de temps, et que nous te communiquerons.
Amitiés,
Guy
À Uwe Lausen
27 juillet 61
Cher Uwe,
J’apprends des Suédois que la Conférence de l’I.S. commencera le 28 août
à Göteborg. Arrange-toi pour être là à cette date !
Je te préciserai plus tard le point de rendez-vous à Göteborg.
Écris-moi en français. En ce moment, il n’y a, à Paris, aucun situationniste
traducteur.
Je voudrais encore quelques exemplaires de Ludus et du Juli-Manifest, et
une traduction française de ce manifeste1.
Merci. Amitiés,
Guy
Carte postale.
À Uwe Lausen
Cher Uwe,
Nous avons été très contents de ta lettre : pour la forme aussi bien que pour
le contenu.
La Conférence se termine avec beaucoup de décisions de travail
progressiste (et d’abord pour faire avancer les « spuristes » jusqu’à un point
suffisamment révolutionnaire, c’est-à-dire totalement) qui doit être réalisé
vite.
Tu es nommé par la Conférence membre du conseil central de l’I.S. (les
autres étant Kotányi, Kunzelmann, Vaneigem, Elde, Nash et moi-même).
C’est un bon conseil central.
À bientôt. Amicalement,
Guy
À Alexander Trocchi
13 juin 62
Cher Alex,
Guy
À Alexander Trocchi
Cher Alex,
Guy
À Alexander Trocchi
Cher Alex,
À Alexander Trocchi
Lundi [25 juin 1962]
Cher Alex,
5. Hands off Alexander Trocchi (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 534-535).
À Raoul Vaneigem
Guy
Chers camarades,
J’ai bien reçu votre lettre du 12 octobre (mais pas encore les deux bulletins
que vous m’annonciez dans cette lettre).
Nous sommes tout à fait d’accord pour un échange de nos publications. Je
vous envoie aujourd’hui nos deux derniers numéros2. Vous aurez tous les
autres à l’avenir.
À la question que vous soulevez, la réponse est effectivement que nous ne
voulons pas faire de l’opposition dans le seul domaine de l’art.
Veuillez noter que notre nouvelle adresse est : B.P. 75-06, Paris. J’espère
qu’après cet échange d’informations, nous pourrons développer plus ce
dialogue. Bien amicalement,
pour l’I.S.
G. Debord
2. Internationale Situationniste no 6 et 7.
À Raoul Vaneigem
À Eugène Bogaert1
Debord
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
Guy
1. I.S., no 8.
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
À Françoise Lung1
Chère Françoise,
Il ne faut peut-être pas pousser la cruauté jusqu’à les juger sur un texte
d’Alain Girard (que je n’ai pas lu). Alain est actuellement un extrémiste par
rapport à la « révision » moyenne de cette tendance. De plus, c’est un
– n’abusons pas du vocabulaire médical – sot. Il ne l’était pas il y a deux
ans6, mais il l’est furieusement devenu pour justifier à tout prix une
conduite qui était sotte. L’histoire marche – souvent comme cela, à tous les
niveaux. Plus facilement par son mauvais côté, disait l’autre.
La contre-tendance de gauche (Lyotard, P. Guillaume, Édouard Taubé)
arrivera ou n’arrivera pas, je l’ignore, à commencer enfin une activité
politique acceptable. Mais au moins elle semble représenter la seule chance
de sauver tout le positif du travail ancien de « S. ou B.7 », qui avec la
tendance sera avant un an liquidé – dans cet aboutissement comique et
détestable à la fois. Michèle t’a écrit à propos des recherches de travail.
Amitiés,
Guy Debord
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
À Mustapha Khayati1
23 février 64
Cher Mustapha,
Je crois que ton choix de texte2 est tout à fait complet. Le seul défaut serait
peut-être que c’est un immense travail ? En tout cas, j’applaudis d’avance.
J’ai transmis ta lettre à Vaneigem, qui écrira (il a quelque chose à suggérer.
Je t’ai envoyé « R.S.G.-63 » (c’est le texte qui a constitué la brochure
japonaise4 ). Amitiés,
Guy
À Raoul Vaneigem
10 juin 1964
Cher Raoul,
Il faut faire traduire aussi avec le tract espagnol1 cette phrase : « Édité par
l’Internationale situationniste, région Ouest-Europe. » À bientôt,
Guy
À Raoul Vaneigem
7 août 64
Cher Raoul,
Guy
À Raoul Vaneigem
5 septembre 64
Guy
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
Jusqu’ici je n’ai pas pu repartir de Paris. Si tu ne fais pas un saut dans notre
bonne ville pour voir René1 avant son départ (qui sera entre le 5 et le 10
oct.), je peux maintenant aller à Bruxelles soit la semaine prochaine (mais
pas pendant le week-end). Soit la semaine d’après. Dis-moi ce qui
t’arrange.
Merci pour Ferdydurke2.
Très bonne réponse pour Hennebert-Frankin (lequel m’avait aussi adressé
un lamentable bulletin ouvrier qu’il dirige, trente étages au-dessous de
P.O. !). L’ex-nashiste Gashé, lui, m’a envoyé un autre bulletin du même
genre, mais apparemment très supérieur à celui de Frankin. Voilà où il en
arrive, enfin avec Kunzelmann3. Et aussitôt il croit pouvoir nous féliciter
pour I.S.9 («il avait entendu dire que l’I.S. ne paraîtrait plus… ») et
demande à me rencontrer à nouveau. Aux poubelles de ce que tu sais ! Uwe
a envoyé après I.S.9 une carte très amicale, mais brève.
À bientôt,
Guy
Au dos d’une carte de la rue Mouffetard chargée d’inscriptions
manuscrites : « Ravachol », « Sade », « Héraclite », « Stirner »,
« I.S. is good for you », « I.S. 1864-1964 », « À bas Axelos ».
28 septembre 64
Au dos d’une carte d’anniversaire aux roses rouges pour le
centenaire de la fondation de l’Association internationale des
travailleurs.
Vive l’A.I.T. !
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
Guy
À Alexander Trocchi
Paris, 5 décembre 64
Guy
À Raoul Vaneigem
Lundi 14 décembre 64
Cher Raoul,
Guy
À Mustapha Khayati
21 décembre 64
Cher Mustapha,
Je suis bien d’accord avec ta lettre, ainsi que les quelques amis à qui j’ai eu
l’occasion de la montrer.
Après une discussion avec Vaneigem, nous parvenions à ces conclusions sur
quelques-uns des points que tu soulèves :
– Tu as évidemment raison dans l’évaluation des conséquences d’une
diffusion de la correspondance Moles1 (Moles ne se plaindra sans doute
pas; et je suis le seul responsable à qui il pourrait avoir la témérité de s’en
prendre). Ne peut-on envisager une diffusion de ce texte – qui serait aussi
une sorte de démonstration – sans la participation de Béchir2 ? Ceci au cas
où Béchir n’aurait à formuler que les objections que tu cites, et non d’autres
plus pesantes (comme celle que j’envisageais). Bien sûr, il faudrait que ce
geste sans Béchir ne lui paraisse pas fait contre lui. Autrement dit, cette
affaire très marginale ne mérite pas de relancer une polémique ou la
méfiance dont vous avez essayé de sortir.
– Pour le monde arabe, il nous paraît que le premier point d’un vaste travail
à faire devrait être une critique du benbellisme – qui pourrait
éventuellement être diffusée en arabe. Si les Congolais nous fournissent
assez d’informations directes, nous pensons à faire une brochure sur la
guerre civile au Congo (la nature du pouvoir à Stanleyville pendant les
derniers mois, etc.). Au chapitre « Les soutiens extérieurs de la rébellion
congolaise », nous pensons que Ben Bella a la place de choix, et ici ces
travaux pourraient confluer. À l’intérieur de l’Algérie Ben Bella, comme de
Gaulle, coiffe l’équilibre existant : il n’a pas visé tel ou tel stade de cet
équilibre, mais le pouvoir (et la description de cet équilibre fragile est
difficile et complexe). En revanche, à l’extérieur, il est facile de voir la
fonction de Ben Bella : le mythe d’une politique étrangère révolutionnaire,
au nom duquel il se fera pardonner tout le reste. Aucun exemple ne ruine
mieux cette imposture que l’été 64 au Congo3.
Nous sommes d’avis que tes propositions de base au groupe Perspectives4
sont suffisamment claires (et pour lui, en fait, inacceptables) et mettent le
problème sur son vrai terrain.
Ce serait très bien de faire le « montage » de textes I.S. annotés que tu
envisages, comme préalable à une traduction. Signale-nous ton choix quand
tu l’auras arrêté.
Un procès est lancé contre nous en Scandinavie, par le Réarmement moral,
accusant de pornographie manifeste nos tracts, espagnols et autres, avec des
filles nues5. Cela fait une belle émotion dans la presse. Amitiés,
Guy
Le résumé de cette lettre a paru dans la Correspondance, vol. II,
p: 311
Le 6 janvier 1966
Je vous envoie les exemplaires2 que vous demandiez pour leur diffusion par
Sigma; bien sûr c’est un cadeau.
Meilleures salutations à Alex. Merci de lui rappeler qu’il doit s’occuper du
manuscrit de mon ami Raoul Vaneigem3 (auprès de Calder ou de tout autre
éditeur bien disposé envers Sigma), manuscrit qu’Alex détient. Ceci est une
chose importante et urgente. Pour le moment cela nous paraît, de loin, le
point le plus constructif pour notre future collaboration.
Amicalement,
Guy Debord
À Daniel Guérin1
3 mai 66
Cher camarade,
Debord
À Alexander Trocchi
18 septembre 66
Cher Alex,
Paris, le 22 janvier 67
Chers amis,
Chers camarades,
Nous vous remercions pour les documents que vous nous avez transmis le
30 janvier.
Votre conception d’« actions parallèles et concertées… par des groupes
différents » (avec franches critiques réciproques) est tout à fait la nôtre.
Bien d’accord pour un dialogue avec vous (dialogue déjà entamé avec Guy
Bodson et d’autres camarades anarchistes). Nous espérons aussi
qu’apparaîtront quelques conclusions radicales dans un dialogue entre les
groupes d’anarchistes qui se sont manifestés, très sympathiquement pour
nous, ces dernières semaines : groupe Sisyphe, groupe de Rennes, Nanterre.
Faites-nous signe pour une rencontre quand vous voudrez.
Fraternellement, pour l’I.S.,
À Tony Verlaan1
18 mars 67
Cher Tony,
Merci pour toutes les informations de ta longue lettre.
Nous allons répondre plus précisément – pour tout ce que tu demandes –
après une réunion qui aura lieu dans trois jours, et où nous organiserons
mieux que jusqu’ici toute l’activité nécessaire pour l’actuelle situation
américaine.
À propos de la lettre attribuée à Bertrand, nous t’envoyons ci-joint un
« document officiel2 », à utiliser quand tu en verras le besoin, pour régler
radicalement cette incroyable et scandaleuse histoire.
Mustapha nous a raconté l’opposition que tu avais eue avec Bertrand à
Strasbourg (je pense que Joubert a confirmé très correctement les faits).
Naturellement, tu avais raison d’appeler « néo-garnautisme3 » des
enfantillages à propos de mes critiques « possibles » sur le texte mal tapé.
Je propose que tu exiges, devant les camarades américains, que l’on te
montre la lettre de Bertrand, si elle existe réellement. Tu peux aussi
demander cela en notre nom (envoie-nous une copie).
Il n’y a eu ici aucune décision nouvelle depuis la discussion à laquelle tu as
toi-même assisté (et qui renvoyait toute « adhésion » des Strasbourgeois à
l’I.S., après les vacances, et à condition de ne pas être à Strasbourg en ce
moment).
Si Bertrand a écrit une telle lettre contre toi, jamais il ne sera accepté dans
l’I.S.
Nous nous souvenons bien de tout ce qui s’est passé à Strasbourg, comme
ignoble sottise hypocrite, depuis six mois4. Nous sommes absolument
résolus à ne permettre aucune continuation des mauvaises habitudes de
Frey-Garnault-Ballivet, même si ce sont leurs « ennemis actuels » (qui ont
l’inconscience de vouloir être avec nous alors que leur place serait plutôt
avec eux) qui nagent à Strasbourg dans la même eau sale.
Si quelqu’un a eu l’impudence d’écrire une lettre de dénonciation contre toi
en Amérique, nous en tirerons toutes les conclusions.
Amicalement,
Guy
Lettre communiquée par Serge Le Bret, provenant des archives
I.S. de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam.
2. Voir ci-après.
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
Répugnant Charmillon,
Internationale situationniste3
À Tony Verlaan
À Tony Verlaan
Cher Tony,
Nous avons été très contents de ton début d’activité en Amérique (les
contacts, la boîte postale, la publication d’une brochure).
Mais nous nous étonnons beaucoup à propos des points suivants : 1 – le
manque de contact entre nous. Nous n’avons pas eu de nouvelles de toi, ni
de réponse, depuis très longtemps.
2 – la publication d’une traduction de La Misère qui a été achevée sans
consulter Donald, comme il avait été convenu ; et qui contient plusieurs
fautes.
3 – l’étrange confusion sur cette question précise : des anarchistes de New
York disent que tu aurais été chargé par l’I.S. de faire une réédition de
Decline and Fall avec une mise à jour. Nous ne comprenons pas.
Nous souhaitons avoir rapidement des éclaircissements de toi sur ces
questions. Et, en général, d’amples informations sur la coordination de ce
que nous pouvons faire en Amérique et en Europe. Nous espérons avoir
bientôt une discussion directe avec toi quand tu viendras en Europe. Et en
tout cas quelques-uns de nous passerons à New York pendant l’hiver.
Amitiés,
À Christian Sébastiani
Copies à Robert et Serge1
Cher Christian,
À Pierre Lepetit
16 août 1968
Cher Pierre,
À Raoul Vaneigem
Cher Raoul,
Je reçois ta lettre exprès. Bien sûr, il faut limiter cette donation1 à des
tranches temporelles, renouvelables ou pas.
Après tout ce que nous avons déjà vu – en Suède et ailleurs – on serait bien
coupables de ne pas tenir compte de toutes les néfastes éventualités. Si tout
cela – comme c’est quand même bien probable – finit par représenter
quelque argent, on pourrait voir quelque nouveau nashisme se faire
reconnaître « plus légalement » que nous comme I.S., et utiliser cet argent à
nous combattre.
1. Donation, pour des droits posthumes à valoir sur le Traité de
savoir-vivre…, de Raoul Vaneigem, établie au nom de Guy
Debord en tant que directeur de la revue Internationale
Situationniste.
Guy
Cher camarade,
À propos des publications sur la crise française, tout est mauvais, excepté
peut-être Philippe Labro Ce n’est qu’un début, mais seulement en tant que
document; Lewino en tant que livre d’images1, et surtout Cohn-Bendit
(Gabriel et Dany) Le Gauchisme… 2 qui est le seul livre quelque peu
révolutionnaire paru jusqu’à présent. Le nôtre3 va être meilleur. Il va sortir
dans quinze jours. On va te l’envoyer.
pour l’I.S. :
de Beaulieu, Debord, Khayati,
Riesel, Sébastiani, Vaneigem
À David Bieda1
19 octobre [1968]
Cher ami,
Guy Debord
P.-S. : Ci-joint le choix de textes de l’I.S. qui a servi pour l’« anthologie »
italienne, à paraître chez Silva, à Gênes.
Cher Robert,
1. Bruce Elwell.
2. Cf. I.S. no 12, p. 112-113.
À Robert Chasse
Cher Robert,
À Yvon Chotard1
28 février 69
Cher Yvon,
Il est bien possible, en fin de compte, qu’Edgar2 veuille chanter victoire sur
son score électoral, quoique la réalité de l’enseignement cette année doive
plutôt lui tirer des larmes. Mais, nous sommes bien d’accord, le plus
important – pour maintenir notre jugement du « milieu étudiant » –, c’est
que la majorité même des boycotteurs est sans doute composée d’étudiants
respectueux et conformistes qui, soumis à une nouvelle pression de la
mode, ne veulent pas jouer ouvertement leur rôle d’étudiants respectueux.
Quant à « l’opinion publique », le seul aspect décisif serait de savoir ce que
les ouvriers pensent des syndicats : on ne peut pas compter sur les sondages
de l’I.F.O.P.3 pour nous éclairer là-dessus.
Il est vrai, sur le terrain universitaire, que les béni-oui-oui élus pour la
participation commencent à créer des problèmes, et peuvent être un
nouveau sujet de soucis pour Edgar. Il est amusant de lire Aron4, ces jours-
ci dans Le Figaro. Il exprime à merveille le point de vue de la classe
dominante : on peut sacrifier totalement l’enseignement en philosophie-
sociologie, etc., et les trois quarts des étudiants en langues, pourvu que les
grandes écoles et les disciplines scientifiques et médicales marchent, et,
surtout, que l’enseignement secondaire continue d’être assuré. C’est
évidemment là qu’est le point décisif dans la question des rapports entre le
fonctionnement de l’université et celui de la société. La paralysie du
secondaire est, à moyen terme, incompatible avec l’économie avancée.
Il y a, à Paris, des éclatements dans tous les groupuscules, ravageant
particulièrement les J.C.R.5 et leur bétail C.A.6 ; ceux qui doivent
normalement en tirer un bénéfice (en militants), c’est l’A.J.S.7 pour les plus
sérieux, et le maoïsme pour les plus débiles. Mais les maoïstes eux-mêmes
se décomposent en cinq ou six nuances, jusqu’aux «maoïstes noirs » qui
sont anarchisants et ont leur propre conception délirante de la révolution
culturelle anti-bureaucratique.
Le groupe des « Coquillards » a lui-même éclaté, ce crétin de Delaporte8
ayant fait une lugubre parodie du style de l’I.S. (qui n’est pas sans rappeler
nos « garnautins » – j’y reviendrai). Il reprochait à Rougyf8 de « parler » à
des gens d’un moindre niveau de cohérence qu’eux! Et puis, tout de suite, il
a reproché à Rougyf d’être lui-même inférieur à cette cohérence que
personne n’a jamais vue à l’œuvre, d’être un activiste, etc. L’idiot voulait en
plus notre bénédiction, on l’a envoyé se faire foutre.
Je pense que si votre groupe à Nantes se reforme sur une plate-forme plus
précise, ce ne sera tout de même pas « sur les bases de l’ancien Tocsin9 »
exactement. Ce groupe avait une part d’anarcho-syndicalisme que vous
avez certainement dépassée, avec l’idéologie en général.
Votre Adresse aux C.A. est, à ma connaissance, le meilleur texte publié en
ce moment par un courant du mouvement issu de mai. Peut-être devriez-
vous envisager, pour bientôt, un texte proposant plus explicitement une
forme de regroupement des groupes réellement radicaux qui existent en
France (toujours, sans presser les choses) ? Nantes peut avoir un rôle très
important, à cause d’un « prestige » justement fondé, qui est bien évoqué
dans le préambule de votre texte. Ce rôle suppose que vous ayez un groupe
restreint parfaitement autonome, qui n’ait pas de trop graves problèmes
internes. Par « autonome », j’entends : un groupe qui ne porte pas la
responsabilité de tout ce que peuvent faire les étudiants de Nantes,
évidemment.
Évidemment, il faut aussi surmonter «l’autocritique paralysante ». Le
problème est d’être plus que militant, et non moins (tout en rejetant
l’ensemble des traits idiots facilement repérables du militantisme).
Voici la citation exacte de Marx (qui avait été publiée dans I.S. 8) :
Guy
6. Comité d’action.
7. Alliance des jeunes pour le socialisme.
À Walter Lewino1
Paris, le 3 juin 69
Camarade Lewino,
À Pierre Lepetit
D’accord pour repousser cette fête mexicaine à mercredi prochain (le 16).
Amitiés,
Guy
P.-S. : Rappelle à René1 d’apporter mardi les trois photos tirées d’Eduardo2.
Merci.
1. René Riesel.
2. Eduardo Rothe.
Au président du tribunal
de grande instance de Paris
Monsieur le Président,
G. Debord
À Tony Verlaan
10 juillet 70
Cher Tony,
Guy
2. François de Beaulieu.
Au président du tribunal
de grande instance de Paris
G. Debord
À Daniel Denevert1
26 février 72
Cher Daniel,
Guy
Au percepteur du 3e arrondissement
Monsieur le Percepteur,
Guy Debord
Au percepteur du 3e arrondissement
Monsieur le Percepteur,
G. Debord
À Jacques Le Glou
[Mars 1974]
Gondi
À Jacques Le Glou
Cher Jacques,
Merci de ta réponse immédiate, que j’ai reçue hier : je veux dire la lettre
que tu as envoyée ici1 ; car l’autre n’est toujours pas arrivée. Je te
demanderai donc de passer voir ma boîte aux lettres rue Saint-Martin
(239)2. Et de m’envoyer directement tout ce que tu y trouveras peut-être.
Ensuite, je pourrai relancer les postiers pour l’avenir.
On t’envoie par le même courrier la clef de cette boîte aux lettres, dans un
petit paquet recommandé. Merci encore.
Désolante Colombo3 ! Tant pis pour elle. L’important est que ce disque
sorte au plus vite, même avec une chanteuse moins remarquable. Pour le n°
2, tu auras l’embarras du choix entre dix chanteuses au moins.
On espère que tout ce travail de fabrication te laissera une semaine dans
l’été pour venir voir notre montagne. Amitiés,
Guy
P.-S. : As-tu remarqué que, depuis huit jours, les pourris du Monde ont fait
disparaître de la liste des exclusivités, non seulement mon film4, mais le
« Studio Gît-le-Cœur » aussi ?
Peux-tu me trouver le n° 87 du Point où il y avait, me dit-on, un article sur
le film ? Ce doit être le numéro qui a paru le lundi 20 mai.
1. En Auvergne.
Merci de tous vos envois. Comment faites-vous pour lire L’Espresso dans le
fond de la Bretagne ? Ici, je ne lis que Le Monde, et encore faut-il pour cela
s’y être abonné.
Le quasi-boycott des journaux sur La Guerre sociale 1 n’est pas étonnant,
mais tout de même fâcheux. Pauvre Roy2 ! Et que fera Bott2 ? Pitié sans
doute, comme d’habitude. Lebovici ne devrait-il pas faire passer une ou
deux publicités pour prévenir un peu de son existence le public qui,
forcément, attend ce livre ?
Balland3, je vois en effet ce que c’est : parti de rien, il est arrivé à la misère.
On dit même que la faillite est toute proche.
Le crétinisme des journalistes italiens concernés est assorti d’un
provincialisme singulier. Pour eux, toute l’importance est dans la période
1957-60, parce que l’I.S. y avait un certain caractère piémontais ; et cette
période même, ils ne la connaissent pas. Je crois comprendre que
l’événement central, autour duquel ils entassent leurs bribes d’érudition, se
ramène à ceci : une rétrospective miséreuse de « peinture industrielle » a été
perturbée par des ultra-gauchistes qui se présentent en héritiers de l’I.S. En
tout cas, ce que ceux-ci ont fait de bien, c’est de dire que l’I.S. n’existe plus
depuis 1972. Cette vérité est d’autant plus utile en Italie que « tous les
représentants du vieux monde et tous les partis » prétendent y traquer ce
fantôme, cette chère vieille taupe. Ceci devrait rassurer Gianfranco, à moins
qu’il n’en soit plutôt désolé (je n’ai plus eu aucune nouvelle de lui, ni de
son pamphlet 4, depuis plus d’un mois).
Si la farce est vraiment nécessaire pour que l’humanité se sépare
joyeusement de son passé, on mesure chaque semaine les progrès du
monde, notamment en France. Quand on voit les camarades-putes occuper
les églises, et déclarer qu’elles ne se laisseront pas « manipuler » par ceux
qui veulent « récupérer » leur mouvement, je me réjouis de n’avoir pas
perdu le temps que j’ai passé à perturber cette malheureuse époque.
Je suis un peu moins optimiste qu’Alice sur l’ignorance des loulous de la
porte des Lilas5 à propos de l’I.S. Je soupçonne quelques-uns d’entre eux
d’en connaître quelque chose. Mais ce qui est certain, c’est que personne ne
m’a reconnu. C’est heureux, et cela permet de mesurer mieux l’état d’esprit
moyen de jeunes ouvriers d’aujourd’hui : il est très encourageant pour nous,
et tout à fait désespérant pour le système et ses souteneurs.
Je suis sûr que le maçon fera son œuvre avant votre arrivée. Je lui ai
expliqué la nécessité de cette chambre pour des amis que j’attends, et il m’a
assuré que ce serait fait. In vino veritas : il avait l’air extrêmement sincère.
Je suis impatient de voir Anne dans de nouvelles danses.
Amitiés,
Guy
À Jaime Semprun
20 juin 75
Hombre !
Carte postale.
À Jaime Semprun
3 juillet 75
Cher Jaime,
Je crois que notre éditeur a raison de vouloir éviter l’air de faiblesse que
comporte une publicité pauvre. Mais pourquoi n’avoir pas choisi en temps
utile la solution d’un certain « matraquage » ? Pour un livre de ce genre, ce
matraquage n’avait pas vraiment besoin d’être «à grande échelle ». Et c’eût
été parfaitement honorable, parce qu’il ne s’agit pas d’un roman. Quelque
allure de diffusion « militante » était justifiée par la nécessité de briser un
boycott qui, dans ce cas, ne pouvait être une surprise – et dont Champ libre
en général commence à avoir une solide expérience.
Je comprends que Lebovici soit déjà content du premier succès atteint. Je
pense même que, d’un certain point de vue, ce livre a le temps devant lui
pour trouver son public par infiltration. Mais, tout de même, dans la mesure
où il peut influencer une situation qui évolue de jour en jour, j’aurais
évidemment préféré lui voir quinze mille lecteurs dans le premier mois que
quatre mille d’ici à la rentrée.
Je n’ai pas une très grande confiance dans les projets de réédition rapide
des livres de Champ libre. La Véritable Scission1 , par exemple, avait été
tirée, je crois, à huit mille exemplaires. Cinq ou six mille ont dû se vendre
dans les premières semaines. Et depuis, ce n’est pas encore épuisé, car il
doit s’en vendre cinq cents par an. Ceci veut dire que Champ libre n’est
réellement diffusé dans le grand public qu’au moment de la parution;
ensuite il reste l’intérêt d’une couche spécialisée, qui ne grandit que
lentement. Il faudra justement le large « succès » de quelques livres pour
multiplier le nombre de ces spécialistes « avancés ». Champ libre connaît
ainsi quelques succès relatifs avec des chiffres qui sont toujours très rares
dans l’édition courante, où les rares succès commencent à vingt mille
exemplaires, ou peut-être déjà à douze ou quinze mille; tandis que les
échecs – qui sont, bien entendu, la règle générale – représentent une vente
de cinquante à deux cents exemplaires, et les «succès d’estime » – eux-
mêmes assez rares, et qui signifient que l’éditeur est rentré dans ses frais –
sont aux alentours de deux mille exemplaires. Je crois que l’on peut
considérer, économiquement, que, pour la moyenne des éditeurs, un bon
succès paye les dépenses d’une centaine d’échecs, et un deuxième succès
là-dessus peut leur apporter de considérables bénéfices. Au contraire, à
Champ libre, il y a un certain nombre de titres dont chacun compense les
frais de quatre ou cinq inepties parfaitement invendables, mais pas encore
de grand succès commercial (ce qui veut dire aussi : pas de grande diffusion
ayant un impact politique instantané). Cependant, cela devrait finir par
arriver (ce qui, du même coup, fera lire Cieszkowski et les Campagnes de
Clausewitz), et rien ne sera un meilleur thème que le Portugal en ce
moment. Espérons donc lire Roy dans l’Observateur. La charogne de
Libération, avec le ton répugnant de Charlie-Hebdo, et le même manque de
courage qui se déguise en pirouettes peu désinvoltes, me paraît finalement
assez favorable au livre. En tout cas, il cite. Il a été impressionné, sans
doute parce que c’est déjà assez lu et discuté dans son milieu; et les autres
rédacteurs sont probablement beaucoup plus hostiles que lui, d’où son ton
ambigu. Le plus amusant, c’est de voir encore une fois un de ces petits
porteurs anonymes d’une « notable quantité d’importance nulle » nous faire
le coup du vieux combattant revenu de tout, avec une supériorité
mélancolique qui évoque les grandes illusions révolutionnaires de sa
glorieuse jeunesse, vers 1969 probablement.
En tout cas, pour une réédition à l’automne, il serait bon d’ajouter sur la
jaquette du livre (et dans une éventuelle publicité) quelques citations sur des
événements et commentaires survenus depuis; peut-être montés en
alternance avec les commentaires les plus incompréhensifs qui auront tout
de même paru dans la presse? Rien ne met en fureur nos ennemis comme
les démonstrations du type : « On vous l’avait bien dit.» Ils trouvent cela
atrocement inélégant, et on les comprend, puisque justement eux n’avaient
rien dit au bon moment, ou bien tout le contraire. À propos des Portugais, je
n’ose même pas imaginer quelle marmelade peut figurer les intérêts
généraux de la société dans la tête d’individus déjà si peu capables de s’y
reconnaître dans les plus simples de leurs aventures particulières. Sois sûr
qu’Eduardo2, si ennemi de toute réalité, et cette pute3 qui m’aimait tant,
auront répandu à Lisbonne des tonnes de mensonges sans frein et, comme
ils s’adressent à des esprits si clairs et si conséquents, les autres mettront six
mois de plus pour commencer à s’y retrouver. Le prolétariat ? Il attendra.
Mais eux auront fini par faire la critique exhaustive de Slavia3, d’Eduardo,
et de quelques autres étoiles de cette intensité.
Ci-joint ce que j’ai répondu à Gianfranco. Tu admireras la cruauté des
« individus d’un mérite excellent4 ». C’est un fait que les médiocres en
question postulent frauduleusement que nous devrons avoir la modestie de
supporter leurs impertinences, l’étalage de leurs inconséquences
dramatisantes, et jusqu’à leurs maladroits mensonges. Mais on ne peut
comprendre où ils rêvent de placer la racine illusoire de cette obligation :
amabilité de campagne électorale, ou quoi? Depuis qu’il n’y a plus d’I.S.
pour donner quelques droits aux crétins mêmes, quand ils n’en étaient pas
encore exclus, cette attitude est encore plus imprudente; comme on voit.
Paolo5 a donc une certaine imagination, sur les seuls sujets qui le
passionnent. Il en faut pour que la belle silencieuse6 devienne ainsi un piège
à penseurs, une espionne de la dialectique, une embuscade de l’Histoire. Le
militantisme, l’infiltration, le contrôle, les provocations d’une sorte de
« Direction de la Surveillance de la Théorie », lui paraissent des catégories
de la moindre rencontre érotique. Inversement, Eduardo n’avait jamais
voulu nous dépeindre l’obscurité de la situation stratégique au Portugal que
dans le langage conventionnel de la passion amoureuse : tout est là, avec
peut-être aussi le contraire, mais il ne faut que le voir par soi-même, le
sentir, y être. Et après toutes ces pauvres ruses, il apparaît simplement que
leurs manœuvres et leurs amours sont également fausses, à tous les coups.
À bientôt,
Guy
1. Parue en 1972.
2. Eduardo Rothe.
À Jaime Semprun
10 juillet 1975
Guy, Alice
À Jaime Semprun
17 juillet 75
Cher Jaime,
J’ai trouvé ta lettre du 9, et ta carte, au retour d’un bref voyage dans les
Cévennes et – beaucoup plus beau selon moi – les Causses. Le fameux
Nouveau-Monde fut la plus laide étape; nous y sommes restés vingt
minutes, ce qui est encore trop.
Je suis émerveillé de l’état d’avancement du Précis de récupération 1. Ce
sera un coup superbe de le publier à la rentrée, alors que les remous de La
Guerre sociale dureront encore certainement. Chacune de ces atrocités
appuiera l’autre pour la rage inquiète de toute la crapule spectaculaire.
Quant à la réédition de La Guerre sociale, si elle se fait à ce moment, il se
sera passé tant de choses qu’il serait bon de prévoir une « Préface à la
deuxième édition » : je crois qu’il est facile d’introduire quatre pages de
plus dans la composition du livre (je n’ai jamais pu maîtriser le calcul, assez
simpliste pourtant, de la distribution en cahiers des pages imprimées, mais
je crois que l’on peut toujours ajouter quatre pages, ou un chiffre multiple
de quatre, sans avoir à bouleverser le reste du plomb).
Le plan d’exécution des récupérateurs me paraît bon, et d’ailleurs, quand on
a de si belles choses à dire, presque tous les plans seraient bons. Le seul
péril serait d’oublier un courant important, ou un personnage
particulièrement révoltant. Car des gens se targueraient sûrement de cet
oubli comme d’une approbation implicite. On devra donc, ici, un soir ou
deux, mener collectivement une recherche exhaustive sur ces bas-fonds de
l’Esprit du Temps. La péninsule2, en effet, peut attendre, si l’achèvement
rapide d’une tâche si utile en France te paraît possible.
Comme il fallait s’y attendre, Soarès3 mène l’épreuve de force avec la plus
grande faiblesse. Il n’avait que fait mine de la choisir. Maintenant, il prétend
« expliquer » ce qui se passe à ses militants, alors qu’il est déjà tard pour
agir. Et il ne pense qu’à retenir des forces dont il ne disposerait
effectivement que s’il osait les lancer en avant. Mais il ne peut marcher
avec les ouvriers. Ainsi, il devient effectivement une critique de droite
(démocratique-conservatrice) du mouvement aveugle qui pousse l’État vers
une solution bureaucratique militarisée. La seule critique de gauche, il la
déteste encore plus que ses rivaux staliniens, qui veulent, pour anéantir au
plus vite le courant révolutionnaire que Soarès voulait sottement endormir à
la longue (et en ceci les staliniens sont de meilleurs stratèges que lui), abolir
jusqu’au souvenir de l’inutile héritage électoral de Soarès. Ces élections
auraient donné, pour un temps au moins, le pouvoir à Soarès si, par
impossible, Salazar4 ou Caetano5 avaient eu l’idée étrange d’organiser des
élections libres qui eussent donné ce résultat. Mais là, les militaires ayant
fait leur putsch6 par eux-mêmes, et ainsi déclenché malgré eux une
révolution sociale, ce n’étaient pas des élections libres, très manifestement;
et, de plus, dans un moment où même des élections libres, du type
parlementaire, ne peuvent plus avoir une légitimité suffisante. Je crois donc
que Soarès a les plus grandes chances de devenir le dernier en date de ces
ennemis de droite que les successifs « gouvernements provisoires » se
cherchent si fébrilement depuis quinze mois, et qui toujours leur claquent
dans la main avant d’avoir fait beaucoup d’usage. La révolution portugaise
est si moderne que, non seulement tout ce qui la combat se place sur le
terrain le plus intensément spectaculaire (mesure le « progrès » par rapport
à ce que dénonçait Rosa Luxembourg en décembre 1918), mais encore on
peut dire que les produits idéologico-politiques de ses ennemis ressemblent
à ces marchandises actuelles parvenues à un tel degré de sophistication que
l’usage s’en rétrécit à grande vitesse : car elles sont de moins en moins
adaptées à leur fonction affichée, et car aussi l’usure y est intégrée.
J’ai l’impression que Soarès, cherchant partout du secours, a lu ton livre.
Aurait-il trouvé tout seul cet argument, pour une fois réaliste et cruel, que
les staliniens « ont créé davantage d’anticommunisme au Portugal pendant
un an dans la légalité que tous les discours de Salazar et de Caetano pendant
quarante-huit ans » (cité dans Le Monde du 11 juillet) ? Il néglige seulement
de dire, et c’est bien là où le bât le blesse, que cette légalité avait cette fois
le malheur de coexister avec une révolution – ce qui ne rendait le jeu facile
ni aux staliniens, ni à lui-même.
Et ce ministre des Transports, combattant ses grévistes, qui est allé, le 29
juin, jusqu’à proclamer si naïvement cette vérité que les travailleurs font,
dans ce cas, au contraire de Republica, une grève politique et « attaquent le
ministre communiste pour attaquer le parti auquel il appartient ». Mais il
trouve cela tout à fait scandaleux (contre-révolutionnaires à remettre au
pas!), comme s’il gouvernait déjà dans le Berlin de 1953, avec l’aide des
tanks russes : « Il faut dissoudre ce peuple et en élire un autre !7 »
Je crois que l’organisation autonome des ouvriers avait fait encore un grand
progrès dans la manifestation du 4 juillet. Que va-t-elle faire maintenant?
Les partis gauchistes semblent vouloir appuyer les staliniens contre Soarès.
Après ce que Soarès a fait, et n’a pas fait, dans les derniers jours, je doute
fort que des assemblées d’usines le jugent digne d’être appuyé de quelque
manière. Ce qui est, par contre, certain, c’est qu’effectivement tout ce qui
reste de bourgeoisie, petite-bourgeoisie, paysannerie riche et moyenne
encore capables de s’exprimer politiquement pour revenir en arrière, vont
appuyer Soarès. Mais je n’imagine guère qu’il puisse leur faire plus d’usage
que Spínola8.
Quoique la lenteur portugaise continue (d’exprimer la faiblesse de chaque
position, comme ces militaires voulant maintenant préciser que leur projet
de totalitarisme ne serait à réaliser qu’en dix ou vingt années !), tout semble
indiquer qu’on ne peut plus attendre pour jouer le coup final : on menace la
population d’une famine pour l’automne, et le général Costa G.9 (à moins
que ce ne soit Vasco G.9, ils sont tous généraux maintenant) a prononcé
opportunément la condamnation que toutes les classes dominantes ont
toujours portée contre toutes les révolutions : on y parle trop, et on n’y
travaille pas assez.
Confirme-moi si vous venez le 5 août. Amitiés,
Guy
1. Précis de récupération (illustré de nombreux exemples tirés de
l’histoire récente) paraîtra aux Éditions Champ libre en janvier
1976.
Chère Anne,
J’ai appris avec émotion que tu avais vingt-quatre ans. Après un si beau
début, on peut tout attendre de la suite !
Voudrais-tu m’acheter à Paris, et m’apporter aussi bien sûr, 40 boîtes de
tabac Capstan, bleues ? (prends garde au fait qu’il en existe une version en
boîtes vertes, car la récupération est partout). Ci-joint un chèque, sur la plus
stalinienne des banques. Merci.
Je t’embrasse,
G.
Nous fêterons ensemble quelques anniversaires et beaucoup de non-
anniversaires (le mois d’août en compte 31 et parfois même davantage).
Affections,
Alice
Guy
Monsieur le Conservateur,
Debord
À Paolo Salvadori
7 octobre 78
Cher Paolo,
Guy
À Paolo Salvadori
27 novembre 78
Cher Paolo,
Comme je te l’ai dit hier par téléphone, tu dois imposer toutes tes
conditions à Arcana1, en les traitant sévèrement et avec hauteur. Et en leur
disant aussi pourquoi ils méritent cette méfiance méprisante : parce qu’ils
ont publié le misérable néo-Vaneigem, parmi d’autres sottises. S’ils veulent
maintenant embellir leur réputation, il leur faut en passer par tes exigences,
car tu peux leur rappeler que ni Champ libre ni l’auteur ne les accepteront
comme éditeurs, en dehors de toi. Et qu’il serait très dangereux d’être un
éditeur-pirate que nous refusons.
À ce propos, voici la lettre sur « La Pietra ». Je pense que, même dans ces
circonstances, il ne faut pas envisager d’action commune avec Gianfranco.
Mais il peut faire de son côté ce qu’il voudra. Tu recevras une copie de la
lettre que Champ libre va adresser à ces gens pour leur interdire cette
édition2.
Quelle que soit la fermeté de leur intention, il faudra bien les en décourager.
Peut-être que le plus simple sera d’aller dire à Simonetti3 qu’il ne doit plus
y penser.
Il est certain que l’I.S. vient à la mode en Italie, et qu’il sera très important
de dissuader les pires récupérateurs, dans un court délai. A-t-on des
nouvelles de Vallecchi4 ? Il n’a plus répondu à Lebovici depuis deux ou
trois mois; et en fait le contrat n’est pas encore signé ici.
Quand tu auras fixé tes conditions à Arcana, envoie le texte à Champ libre
(pour Gérard Lebovici, personnellement), en rappelant que j’ai demandé
que tout cela soit inclus ne varietur dans le contrat qui serait signé avec eux.
J’attends ta lettre. J’espère que tes écrits avancent bien, et que nous nous
reverrons bientôt.
Nos amitiés à Geneviève et à toi.
Guy
Photocopie d’une lettre manuscrite.
P.-S. : Arcana étant dans cette position et dans cette réputation, il est évident
que le délai que tu fixeras devra aussi leur convenir. Mais naturellement,
nous avons intérêt à ce qu’une édition correcte paraisse assez vite; sinon La
Pietra pourrait peut-être aussi rêver malsainement à ce propos ? Et il y en
aura sûrement d’autres. Le livre5 doit sortir aujourd’hui de l’imprimerie. Je
ne sais quand tu l’auras. As-tu reçu les cinq volumes de Bakounine,
expédiés de Paris il y a environ trois semaines ?
Si tu dois me téléphoner, fais-le en P.C.V., c’est-à-dire au compte de la
personne appelée, qui accepte la communication. Je ne sais pas ce que veut
dire le sigle en français, mais la chose est internationale. C’est aussi plus
commode pour téléphoner, par exemple, d’un café.
À Jacques Le Glou
23 juillet [1982]
Cher Jacques,
Guy
14 octobre 82
Cher Jacques,
Guy
2. Rien.
1. En Espagne.
À Floriana Lebovici
25 avril 84
Chère Floriana,
J’ai reçu hier, juste après votre départ, un chèque du 2 avril qui réglait le
dernier trimestre du contrat1 en question. Il était passé par Champot, voyage
qui dure en ce moment trois semaines. Tandis que votre lettre postée à Paris
le 18 est arrivée ce matin.
J’ai retrouvé et relu le contrat lui-même. C’est pourquoi je vous
communique, par la lettre recommandée ci-jointe2, les conclusions que
j’étais tenu de formuler; pour éviter tout vice de forme. Je découvre que les
défraiements, généreux, avaient été fixés à 400 francs quotidiennement.
Considérons que je n’ai passé que quinze mois en Espagne. Il s’agit donc
d’une somme de 180 000 francs. Dans ces conditions, je n’aurai pas d’autre
besoin d’argent cette année; et, naturellement une reprise de ce contrat
auprès de Simar devra envisager une période qui partirait seulement du 1er
janvier 85 (pour tenir, de mon côté, la fiscalité dans une marge acceptable).
Je vous embrasse. Et aussi Nicolas et Lorenzo. À bientôt.
Guy
À Me Thierry Lévy
Télégramme.
À Floriana Lebovici
2 janvier 87
Chère Floriana,
Je vous renvoie les épreuves1. Il me semble que c’est très bon. Je ne vois
plus que deux petites corrections (qui du reste viennent de moi), pages 46 et
100.
Pour la 1-couverture, je préfère finalement le schéma 30’, celui que nous
avions déjà. C’est parce que dans le précédent la pièce Tc se trouve dans
une position qui, quoique régulière, constitue un cas particulier; de sorte
que l’image sans autre explication pourrait égarer quelques joueurs.
La couverture intérieure devrait correspondre à peu près typographiquement
à la 1-couverture, avec la seule exception des prénoms2 en toutes lettres.
Delfeil de Ton est assez convenable en homme-sandwich, quand c’est dans
une belle rue3.
1. Du Jeu de la guerre.
2. Alice et Guy.
3. Photo de Delfeil de Ton sortant de la librairie Gérard Lebovici,
rue Saint-Sulpice, une pile de livres dans les bras, parue dans Le
Nouvel Observateur.
Je crois me souvenir que le très beau Titien appelé L’Homme au gant, qui
est au Louvre, passe pour le portrait de B. Castiglione ? Et si c’est le cas,
pensiez-vous en illustrer la couverture du Courtisan4 ? Ce serait dans la
ligne classique G[érard] L[ebovici], puisque se trouvant cette fois à la
frontière du « portrait de l’auteur » et du tableau représentatif.
J’avoue que je n’ai pas encore lu Castiglione. J’ai négligé sottement
l’occasion en 16805 ; et depuis vous connaissez le défaut ordinaire de
l’édition française.
Je vous embrasse.
Guy
À Floriana Lebovici
15 janvier 87
Chère Floriana,
J’ai reçu hier, en même temps, votre lettre d’Italie et celle du 10 janvier. Les
perturbations ne sont pas seulement dans les postes, car nous sommes en
Provence sous autant de neige qu’à Champot.
À cause du joli mouvement des lycéens1, j’avais pris le temps de voir une
fois Jeff 2 avant de quitter Paris. Il retirait d’une conversation avec vous (ou
peut-être X ?) l’impression que Champ libre était en grand péril; et
suggérait bravement pour sauver tout d’imiter l’éditeur de Spartacus3, qui a
réussi pendant cinquante années à diffuser dans le néant plusieurs très
estimables fascicules! J’ai récusé la pertinence de la comparaison, et
manifesté généralement la plus tranquille assurance. Mais, comme vous
pensez, en restant dans le vague. Pour vous au contraire, j’ai voulu tout de
suite après exposer à cœur ouvert, non mes inquiétudes, mais plutôt
l’éventualité d’un cas limite où je n’en aurais pas la moindre4. Mais, certes,
j’espère bien que nous verrons assez facilement une issue plus favorable.
C’est aussi l’obstination piémontaise qui a su dire : Italia farà da sè5.
Sans doute, j’aime davantage Tiziano que Raphaël. Mais ce qui serait plutôt
à considérer, c’est qu’il y a peut-être quarante ans que j’ai lu que L’Homme
au gant était regardé comme le portrait de Castiglione. Il est fort possible
que la critique plus moderne ait remis en doute cette tradition, ne serait-ce
que pour se faire reconnaître une originalité qui sert dans ces carrières-là.
La semaine prochaine, je me mettrai en route pour Paris6, et le mieux est
donc de m’expédier dès à présent toute correspondance à l’adresse :
Debord, 21, rue Pierre-Leroux (7e)7.
Bien affectueusement,
Guy
2. Jean-François Martos.
3. René Lefeuvre.
À Jacques Le Glou
22 décembre 87
Cher Jacques,
Je ne lis pas l’anglais ! Mais je pense que tu pourras mieux me dire, de vive
voix, ce que tu prévois de l’adaptation de « L’Homme errant ». Veux-tu
venir dîner chez nous le lundi 4 janvier, à 7 heures 30 ?
Guy
À Jacques Le Glou
22 juillet 89
Cher Jacques,
On est à Champot jusqu’au début de septembre. Si tu es à Paris à ce
moment, dis-nous quel jour on pourra se voir, autour du 15.
Les Chinois nous ont magnifiquement fêté 891, et les Russes vont peut-être
en faire autant maintenant !
On t’embrasse,
Guy
MISES AU POINT
Par ailleurs, au volume III de la Correspondance (page 97, note 2), nous
rectifions : les 3 K désignent visiblement le Ku Klux Klan.
COMPLÉMENT DE DERNIÈRE
HEURE
Avec le consentement de la New York City Tamiment Library, ces lettres
– déposées par Max Blechman dans le courant du mois de juin 2010 –
nous ont été transmises par John Mac Hale.
À Christopher Gray
et Donald Nicholson-Smith
25 novembre [1967]
Raoul1 est revenu hier, très content du séjour à New York. Chasse2 paraît
parfait, et Tony3 – quoique probablement moins à l’aise théoriquement – à
un niveau suffisant. De plus, les deux s’entendent fort bien.
Les erreurs passées ont été critiquées et autocritiquées (il paraît que
personne n’avait pris la peine de lire la version « anglaise » de l’Adresse 4
d’Alger, qu’ils avaient d’abord connue en français…). Jamais Tony ne
s’était présenté comme membre de l’I.S. ; et placés dans la perspective de
l’être effectivement, les deux susnommés – et eux seuls – sont d’accord
pour une étroite coordination. Ils nous soumettront prochainement un
premier texte, au delà du vaste travail actuel de traduction et réédition.
Le fait le plus important – et qui a mené Raoul à donner là-bas une pré-
conclusion positive, un peu en avance sur ce que prévoyait son mandat écrit
–, c’est que ce séjour n’a pas seulement donné lieu à des clarifications
théoriques satisfaisantes au long des discussions, mais surtout à des
premières conclusions pratiques qui ont fait frémir d’horreur le petit milieu
des « révolutionnaires » new-yorkais :
1) Rupture avec « Black Mask » et des crétins « totalistes » qui marchent
avec – qui tirent du concept de Totality (for kids)5 des conclusions
mystiques ; une sorte de lecture astrologique des thèses de Vaneigem !
2) Distance complètement marquée avec le groupe de Murray6 : avec
prévision d’une rupture prochaine sur le plan personnel (j’énumère plus loin
quelques motifs).
3) Contacts pris avec une certaine prudence critique, auprès des meilleurs
éléments du S.D.S.7, qui est un mouvement d’une confusion totale,
contenant les meilleures et les pires tendances. Robert et Tony sont tout à
fait vaccinés contre la tendance au recrutement imprudent de quelque
individu que ce soit.
Il faut bien noter les nouvelles suivantes : la police a saisi tous nos envois
de revues et documents – et on ne sait combien de lettres. La boîte postale
existe bien, mais jusqu’à présent rien de ce qui a pu y être adressé (des U.S.
mêmes comme de l’étranger) n’a été délivré par la poste : elle est toujours
vide. Ils vont essayer de glisser dans leurs publications un prospectus
supplémentaire pour dérouter le courrier sur notre B.P. de Londres. Outre le
fait que Murray a très mal terminé son séjour à Paris (allant disserter sur la
révolution américaine dans la librairie Nataf8, devant quatre crétins qui
s’en foutaient visiblement), le reste du groupe « Black Flag » est infiniment
pire que lui. Ils ont tenté diverses manœuvres pour désespérer Chasse et
Tony avec des nouvelles fausses concernant l’I.S. (ils sont une sorte
d’« I.A.9 » misérable). Ainsi Beatrice10 a affirmé que moi, à Paris, je lui
aurais dit que je ne connaissais absolument pas un nommé Tony Verlaan.
L’ignoble Jean-Louis Philippe11 a écrit depuis un mois une quantité de
lettres expliquant ainsi notre rupture avec l’I.A.12 : par pure amitié
personnelle pour Le Glou13, les situationnistes auraient choisi de
condamner l’I.A., qui avait toutes les raisons d’exclure Le Glou ; à cause de
son choix du «terrorisme abstrait ». Je ne sais si le truqueur avait pleine
conscience de la dimension maximum de la calomnie, mais les New-
Yorkais « anarchistes » ont compris le jargon philosophisant de Jean-Louis
de cette seule manière : Le Glou commençait à poser des bombes, et l’I.S. a
soutenu cette folle politique.
1. Raoul Vaneigem.
2. Robert Chasse.
3. Tony Verlaan.
9. Internationale anarchiste.
À Ben Morea
Chers camarades,
Nous sommes assez surpris par votre lettre1. Elle nous déçoit venant après
ce que Raoul avait cru pouvoir nous communiquer comme confiance
objective en vous. Nous allons distinguer dans notre lettre deux parties. La
première, à notre avis, assez périphérique, concerne le rapport entre nous
tous d’une part, Morea-Murray d’autre part. La seconde partie, essentielle,
concerne les divergences entre la position exprimée dans votre lettre et les
bases réelles de l’I.S.
– Première partie : à propos de Morea et Murray.
Raoul nous a fait un rapport sur l’accord avec Tony et Robert ; ainsi que sur
la rupture entre Hoffman et Morea et la probabilité d’une rupture avec
Murray. Nos divergences avec eux tous sont nombreuses. Nous considérons
certaines de ces divergences (par exemple l’activisme autoritaire) comme
suffisantes pour une complète rupture organisationnelle. Nous considérons
d’autres divergences (par exemple la calomnie ou la collusion avec le
mysticisme) comme exigeant la rupture totale, même personnelle. Ainsi
Raoul, dans son rapport oral à son retour de New York, a beaucoup insisté
sur le cas de Hoffman, comme typique de la misère générale acceptée
jusqu’ici dans l’avant-garde américaine. Au moment où Morea nous a écrit,
Raoul était parti dans un autre voyage; et nous avons répondu avec des
arguments de toute façon très suffisants. Maintenant de retour, Raoul nous
apporte de nouvelles précisions sur la justification de cette rupture,
justification que nous n’avons jamais mise en doute.
Nous avons jugé nécessaire de répondre à Morea à cause des points
suivants :
Morea affectait d’ignorer pourquoi il y avait une rupture si violente avec
lui. À cause de ce que nous savons du confusionnisme du milieu Black Flag
(nous avons vu Murray, à Paris, pactiser avec des menteurs caractérisés;
d’autre part, Raoul nous a rapporté la stupéfiante nouvelle que Beatrice
avait prétendu avoir entendu Guy dire qu’il ignorait l’existence de Tony)
nous voulions communiquer clairement à Morea quelques raisons minimum
de notre refus de le fréquenter. Nous croyons que c’est un procédé correct.
Nous n’attendions pas de lui une honnête autocritique; et sa réponse est
parfaitement claire. Nous n’accepterons plus jamais aucun contact avec
Morea et les Bookchin, pas plus qu’avec Hoffman, et ceci quel que puisse
être le résultat de la discussion entre vous et nous.
– Deuxième partie : à propos de vos rapports avec l’I.S.
Nous constatons de très importantes divergences entre vous et nous. Et elles
paraissent très surprenantes en considérant l’histoire de votre approche de
l’I.S. et la base de vos entretiens avec Raoul. En ce moment, nous
souhaitons mettre en lumière ces divergences dans un esprit fraternel, et
autant qu’il sera possible les dépasser favorablement. Nous devons dire que
cet accord ne peut être recherché que sur les bases que nous énonçons ci-
dessous. Nous essaierons d’énumérer ces questions en commençant par les
plus importantes :
1) Le mouvement situationniste existant n’est pas une fédération de groupes
autonomes, mais un seul groupement internationaliste d’individus
autonomes coopérant d’une manière cohérente. Il y a, naturellement, une
coopération pratique plus immédiate entre des individus géographiquement
groupés. Mais nous tenons à la décision démocratique par la majorité de
l’ensemble des membres de l’I.S. De même que nous tenons à la
reconnaissance « universelle » de la participation d’un individu à l’I.S. (par
exemple si Tony, après avoir été situationniste aux U.S.A., rentrait en
Europe, nous trouverions tout à fait nécessaire qu’il soit reçu comme chez
lui, par d’autres situationnistes à Paris, à Londres ou ailleurs).
2) Nous considérons que vous négligez quelque peu dans l’exposé actuel de
vos positions l’histoire des rapports entre nous. Nous n’avons jamais
cherché à recruter, dans n’importe quel pays; et nous n’avons jamais
encouragé des adhésions prématurées à l’I.S. En Amérique, il y a eu un
processus spécial; Tony a traduit (bien ou mal, c’est une question moins
importante à discuter) et diffusé des textes signés Internationale
situationniste; et il a ouvert, sans demander notre avis, et même sans nous
en prévenir, une boîte postale au nom [de l’I.S.].
3) Vous avez beaucoup négligé tous les problèmes pratiques objectivement
posés par votre approche de l’I.S. De même que vous négligez trop la
réalité pratique de notre action : il n’y a pas « Londres » et « Paris », ou
« Copenhague », mais nous devons faire, ici, déjà un certain effort pour
organiser des rencontres ou envoyer des délégués. Par exemple, pour
discuter de la question américaine, deux camarades anglais sont venus
plusieurs jours à Paris. De même, nous trouvons une étonnante incohérence,
même au niveau simplement logique, dans votre attitude quand,
simultanément, d’une part vous dites que vous n’êtes pas encore membres
de l’I.S. (de sorte que vous n’auriez pas à tenir compte d’une décision de sa
majorité) ; et d’autre part quand vous exigez de nous que nous acceptions,
sans autre examen, toutes les ruptures que vous pourriez prononcer en
Amérique. Nous accepterions effectivement d’être automatiquement
solidaires avec tous vos actes à partir du moment où vous seriez des
situationnistes reconnus, et confirmés par la pratique, sur le terrain
américain. Mais jusqu’ici vous ne l’étiez pas. Et quand nous soulevons la
question, vous montrez de nouvelles distances. C’est seulement dans le cas
où ces distances seraient surmontées (théoriquement et pratiquement) que
nous pourrions reprendre et approfondir l’accord esquissé avec Raoul.
Nous ne comprenons pas du tout votre notion des «prospective members »
de l’I.S. Il existe en Europe plusieurs dizaines d’individus en excellent
rapport avec nous, qui sont membres possibles de l’I.S. dans le futur.
Environ un sur trois, ou sur quatre, deviendra membre effectif. Mais, aussi
longtemps qu’ils ne le sont pas, tous s’abstiennent évidemment de se
présenter comme étant en communauté d’action avec nous, et comme
pouvant nous engager.
Nous pensons de même que vous négligez la pratique en créant une
opposition artificielle entre le style amical de votre longue rencontre avec
Raoul et le style télégraphique – que vous avez tort d’appeler style
administratif, ou bureaucratique – d’un résumé formel de ces positions,
résumé qui a une fonction complémentaire, et qui est soumis à d’autres
nécessités. Nous trouvons vraiment regrettable la susceptibilité irrationnelle
qui vous fait écrire que vous êtes choqués de recevoir comme une décision
« officiellement » formulée par la majorité de l’I.S. des idées qui sont les
vôtres ! Ne serait-il pas plus normal pour vous de vous féliciter de cette
preuve de cohérence ? (En plaçant les choses dans les termes que vous
utilisez, vous pourriez aussi bien trouver dans les numéros déjà parus de la
revue I.S. quelque chose de « directif » qui pourrait vous froisser, dans la
mesure où ces textes expriment les idées que vous partagez maintenant.)
4) Il y a beaucoup d’autres choses, dans votre document, que nous devrons
contester. Si vous êtes d’accord sur les trois points précédents, notre
prochain émissaire en Amérique – car nous restons fermement attachés au
principe pratique du délégué, pour nous-mêmes et pour toute la future
organisation révolutionnaire cohérente – envisagera avec vous ces
questions. Par exemple, nous ne sommes aucunement opposés à Bruce,
mais il est complètement absurde de votre part de nous reprocher d’ignorer
son évolution depuis le départ de Raoul : quand Raoul était avec vous, vous
aviez convenu que Bruce n’était pas encore sur vos bases; vous ne nous
avez jamais écrit à propos de son changement. Il est donc inadmissible que
vous nous écriviez, comme un reproche, que nous aurions dû savoir qu’il
était désormais avec vous. Par télépathie, peut-être ?
La question des traductions : nous avons dit que certaines étaient très
mauvaises (dont celle de l’Adresse, faite par nous-mêmes à Strasbourg, et
qu’il ne fallait pas rééditer). Nous maintenons qu’elles sont mauvaises, non
pour des raisons stylistiques, mais parce qu’elles contiennent des
contresens. À propos du « comics Durruti2 », en dehors même de toute
question de traduction, il était mauvais de le rééditer pour une raison plus
profonde et plus évidente : il n’avait aucun sens en dehors de Strasbourg.
De même, une mauvaise humeur étrange, et déplaisante, vous mène à ne
pas comprendre une phrase simple de notre lettre : nous appelons
« interférence postale » la possibilité qu’une lettre soit saisie par la police à
Londres ou à Paris (c’est vous-mêmes qui nous aviez expliqué que le
manque de relations entre Tony et nous depuis plusieurs mois provenait du
fait que le courrier de votre boîte postale était systématiquement capté par
la police de New York !).
Le camarade C.G.3 verra avec vous ces questions, et plusieurs autres dans la
mesure où vous aurez répondu d’une façon satisfaisante aux trois points
précédents.
Amicalement,
Pour l’I.S.
Guy Debord, Mustapha Khayati,
Raoul Vaneigem, René Viénet
1. Wilhelm Reich.
À Donald Nicholson-Smith
Cher Don,
Ceci acquis, rien n’indique que nous pourrons sûrement nous accorder avec
Chasse et Tony. Je crois que la rupture serait regrettable. Mais ce sera peut-
être inévitable, en partie à cause du malentendu actuel ? Chasse et Tony
oublient un peu que le premier aspect du problème était pour nous de savoir
à qui nous pouvions accorder notre confiance totale en Amérique (où, après
tout, quelqu’un avait bien ouvert une boîte postale au nom de l’I.S. !). Le
passé de leurs relations avec nous n’est pas si convaincant pour qu’ils
puissent mettre en doute, eux, le sérieux de l’I.S. quand l’I.S. doute d’eux
ou de leur entourage. Il faut mesurer à quel point leur protestation est
légitime, et à quel point un mécontentement affectif – contre nous – les
entraîne ? (Il y a dans leur lettre quelque chose de celle de Théo et
Mustapha3 l’année dernière, avant le voyage de Don et moi à Strasbourg.)
Naturellement, c’est maintenant avec eux seuls que nous devons discuter,
par écrit et par la rencontre directe. La première chose est de leur expliquer
bien :
1°) les bonnes raisons de notre lettre à Morea.
2°) Nos conclusions présentes sur Murray-Morea.
3°) Voir ou trouver les points réels en litige entre l’I.S. et eux – par exemple
cette question de l’autonomie d’un groupe en Amérique ? Nous voulons
prendre les décisions à la majorité des voix de l’I.S. actuelle. Si ce statut
« minoritaire » ne leur convient pas, qu’ils cessent complètement de publier
ou republier des textes signés I.S. Au point où nous en sommes, ils ne
peuvent revenir en arrière. Ils doivent faire ce choix définitif.
Amitiés,
Guy
Chers camarades,
2. Allan Hoffman.
J’espère bien que la dernière phrase2 de votre lettre ne peut pas être
interprétée comme évoquant une possibilité de mensonge de Raoul ? Vous
comprenez bien que cela signifierait malheureusement une rupture entre
vous et nous. Donald a une assez longue expérience de l’I.S. pour savoir
que nous n’avons jamais accusé personne mensongèrement. Ni Holl3, ni
Morea, ni quiconque.
Raoul a énoncé aux Bookchin toutes ses critiques sur l’activisme, le style
« petit chef », etc. – et les Bookchin savaient aussi parfaitement le saut
qualitatif manifesté dans le dégoût lors de la rencontre fortuite qui a vérifié
expérimentalement à quel point le seul associé de Morea est réellement
mystique (voyez par le document Chasse les manœuvres de Murray depuis).
Il est exact que Raoul, dès le début, avait manifesté – et dit – qu’il avait peu
d’envie de rencontrer Morea (il savait aussi dès alors la réputation du
totaliste), mais Raoul n’a refusé définitivement et par principe affirmé
qu’après l’éclat supplémentaire de la rencontre fortuite du totaliste (et en
même temps Morea s’en prenait à Bruce dans un style autoritaire ridicule).
Raoul n’est pas allé à New York avec un mandat impératif de l’I.S. lui
enjoignant de rencontrer tout le monde dans n’importe quelles conditions.
Vous n’avez pas proposé un tel mandat. Pour ma part, j’aurais voté contre
en considérant que cela limiterait trop la marge de liberté de notre premier
délégué dans cette obscurité systématique du milieu new-yorkais. En tout
cas, il se trouve que Raoul n’avait pas un tel mandat.
Tous les Américains isolent chaque fait et chicanent sur l’un ou l’autre
motif comme si ces motifs s’excluaient réciproquement ! En fait, tout le
processus de la conduite de Raoul à New York est très cohérent. Il nous
ramène l’assurance que Morea est un con. Le motif central que nous avons
d’abord donné était, à ses yeux, le plus scandaleux. Ce fait Hoffman est
incontesté. Il est en lui-même suffisant du point de vue de l’I.S. (Morea
ment cyniquement en prétendant que Hoffman aurait évolué, puisque Raoul
a vu son infâme mysticisme affiché après cette « évolution »).
Naturellement, vous comprenez pourquoi Morea préfère que la rupture avec
l’I.S. soit réputée venir toute de la question de l’activité dans la rue : alors,
en poursuivant ses mêmes interprétations schizoïdes, il serait l’homme
d’action qui n’a pu s’entendre avec des théoriciens abstraits – ou même
timorés !
De leur côté, Chasse et ses amis ont une certaine impudence à vouloir se
mettre à la place de Raoul en décidant ce qu’il aurait dû, dans son rapport à
l’I.S., déclarer « périphérique » ou central. Il se trouve que, dans son
premier rapport oral, en arrivant à Paris, Raoul a présenté la collusion avec
le mystique comme le pire reproche, central, sur Morea. Depuis, il
maintient ce jugement. Puisque le fait est vrai, c’est son droit. Et puisque le
fait est vrai, tous les situationnistes doivent tout de même convenir que c’est
un motif suffisant.
Il est vrai que, si Raoul avait été présent lors de votre séjour à Paris, tout eût
été clair en une heure, et notre réponse éventuelle à Morea aurait été plus
complète. Mais elle n’aurait pas été «plus vraie ». L’« activisme » bête était
une raison de nous délimiter formellement des activités de Morea. Sa
collusion affichée avec un mystique est la raison qui exigeait le saut
qualitatif de la rupture même personnelle, et le refus de tout dialogue.
Disons que – dialectiquement – nos raisons de rompre ne sont pas l’une ou
l’autre, mais l’une et l’autre, sans contradiction logique; et la deuxième
raison renforçant et transfigurant même la première. Il me paraît étrange
que l’on doive tant argumenter pour une affaire aussi simple.
Le seul reproche que l’on peut faire à Raoul est de n’avoir pas été présent à
Paris quand vous y êtes venus. En fait, je dois dire qu’en présence de Raoul
et de son récit complet, nous aurions même davantage mis en doute la
nécessité de répondre à Morea. L’importance prise par cette question Morea
– vraiment quelque peu « périphérique » par rapport à l’ensemble des
problèmes de l’I.S. – a quelque chose de stupéfiant. Il est grand temps d’y
mettre fin, en se rappelant ce qu’est l’I.S., et avec quels pauvres
confusionnistes semi-irresponsables (Ben comme Murray…) l’I.S. s’est
mise à discuter patiemment, et avec un sérieux dont ils se foutent
complètement !
Dans l’affaire de l’incitation à tout ce que vous savez4, d’après notre avocat
nous risquons au pire cinq ans ferme, mais ce pire est quand même peu
probable. Cependant il estime si étrange qu’on nous attaque sur ce détail
des affiches qu’il est sûr que c’est une manœuvre qui vient de haut pour
nous nuire, à cause de motifs qui viennent de loin.
Amitiés,
Guy
2. « Could anyone, somewhere along the way have distorted
Raoul’s attitude ? If not, we can only conclude that someone,
somewhere is lying. »
P.-S. : Je ne peux vraiment pas croire que vos scrupules à propos de Morea
vous mènent à rompre avec nous ici. Si vous deviez faire ce choix, je le
considérerai évidemment comme ce qui est arrivé de plus regrettable depuis
le début de l’I.S.
Vous comprendrez donc que ce que j’ajoute maintenant est seulement pour
que tout soit bien clair entre nous dans n’importe quelle éventualité. Si,
d’ici le départ de Chris pour New York, vous ne pensez pas pouvoir vous
charger, en notre nom à tous, d’envoyer une lettre de rupture définitive à
Murray et Morea, comme nous vous le demandions par notre dernière lettre
collective, je vous prierais de nous le faire savoir. Alors nous enverrons par
nous-mêmes seulement les lettres de rupture injurieuses que nous, nous
sommes maintenant absolument sûrs que ces individus méritent. Et,
naturellement, vous parlerez ensuite en Amérique sur la base tout à fait
indépendante de votre propre groupe, à partir de la plate-forme et des
principes d’action et de dialogue qu’il vous conviendra d’adopter.
4. Mot illisible.
Vaneigem t’a fait dire qu’il ne veut pas voir ta gueule d’agitation
folklorique, et en plus soutenue par ton mystique. Tu as été bien bête
d’insister. Les situationnistes, pauvre merde, te chient dessus. Tu n’en
rencontreras jamais. Si tu vois un jour d’ex-situationnistes, c’est qu’ils
seront – exclus – tombés à ton niveau, larve !
Crétin confusionniste,
On t’avait vu soutenir les menteurs à Paris. Tes louches efforts
d’entremetteur à New York en faveur du minable Morea et de son mystique
associé t’ont achevé.
Tu n’es que le crachat dans l’affreuse soupe communautaire, où tout le
monde méprise tout le monde, comme vous le méritez tous. N’espère plus
jamais rencontrer un situationniste (si tu en vois un, ce sera un faux). STOP.
Pour l’Internationale situationniste
Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem1
À Robert Chasse
Cher Robert,
Guy
P.-S. : Dites-nous quand vous aurez reçu le livre de Raoul et le mien. Sinon,
on les enverra par une voie plus discrète.
NAAS : vol. IV
NADDAFF : vol. VII
NADEAU (Maurice) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. VII
Nadja : voir Celeste.
NAKOV (Andreï) : vol. VI
NAPIER (William Francis Patrick) : vol. VI; vol. VII
NAPOLÉON Ier : vol. V; vol. VI; vol. VII
NAPOLÉON III : vol. VII
NAROT (J.-F.) : vol. VII
NASH (Jørgen) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V
Nasri : vol. III
NASSER (Gamal Abdel) : vol. « 0 » ; vol. IV
NATAF (Georges) : vol. « 0 » ; vol.
NAUDÉ (Gabriel) : vol. IV
NAUTILUS (éditions) : vol. V; vol. VI; vol. VII
NAVARRE (Henri) : vol. V
NAVILLE (Denise) : vol. VI; vol. VII
NAVILLE (Pierre) : vol. VI
NÉAUPORT (Jacques) : vol. V; vol. VII
NEDJAR : vol. V
NEF DE PARIS (librairie LA) : vol. « 0 » ; vol. III
NEGRI (Toni) : vol. VI
NEGRÍN (Juan) : vol. V
NELE : vol. II
NEMOTO : vol. IV
NERVAL (Gérard DE) : vol. VII
NERSLAU : vol. III
NETTLAU (Max) : vol. VI
NEUBERG : vol. IV
NEUMANN (Robert) : vol. II
NEVES (colonel Jaime) : vol. V
NEVILLE (Richard) : vol. IV
Niccolò (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol. V; vol. VI.
NICHOLSON-SMITH (Donald) : vol. « 0 » ; vol. III ; vol. IV; vol. V;
vol. VI; vol. VII
NICOLAÏ (François), dit François-le-Corse : vol. VII
NICOLAS (Jacqueline) : vol. II
Nicole L. : vol. V
NICOUD (Gérard) : vol. IV
NIELS (Albert) : vol. I
NIESSEL (Albert) : vol. V
NIETZSCHE (Friedrich) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V; vol. VI
NIEUWENHUYS (Constant), dit CONSTANT : vol. « 0 »; vol. I ; vol.
II; vol. III; vol. V
NIEUWENHUYS (Martha) : vol. I
NIEUWENHUYS (Nelly) : vol. I
NIEUWENHUYS (Olga) : vol. I
NIEUWENHUYS (Victor) : vol. I
NIGGL (Selima) : vol. « 0 ».
NIN (Andrès) : vol. V
NIXON (Richard) : vol. IV; vol. V
NIZAN (Paul) : vol. III
NIZZA (Enzo) : vol. V; vol. VI
NOBLE (Anne-Solange) : vol. VII
NOGALES TORO (M.) : vol. VI
NOGRETTE (Robert) : vol. IV
NOIRET : vol. I
Nora : vol. II
NORA (Pierre) : vol. VII
NOUGÉ (Paul) : vol. « 0 »
NOURI SAÏD : vol. I
NUSSAC (Philippe DE) : vol. III
NYHOLM (Erik) : vol. I; vol. II