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Responsable d’édition :

Patrick Mosconi

© Librairie Arthème Fayard, 2010


eISBN 978-2-2136-6106-3
PRÉSENTATION

Comme annoncé dès le début de leur publication, ce dernier volume


(augmenté d’un index des noms cités1) – qui va de 1951 à la fondation de
l’Internationale situationniste en 1957 – précède chronologiquement les
sept volumes déjà publiés de la Correspondance de Guy Debord2.
Ont été regroupés, en annexe, des rectificatifs, mais principalement de
nombreuses « lettres retrouvées » – le plus souvent d’ailleurs auprès de
leurs propres destinataires ou ayants droit. Nous les remercions tous, ici, et
d’autant plus vivement que d’autres n’auront pas donné suite à des
demandes réitérées, même sous une forme raisonnablement monnayée.
Toutefois, malgré les lacunes particulièrement regrettables au regard des
années 50, rien, semblerait-il, n’est tout à fait à désespérer. En effet, l’État
français, qui s’est, depuis 2009, porté acquéreur de l’ensemble des
« Archives Guy Debord » – le bruit qu’on en a fait est pour nous plaire :
car la gloire est un scandale – les a, de surcroît, classées au rang
exceptionnel de Trésor national. Gageons même qu’un jour viendra où,
toutes les lettres parfaitement rassemblées et ordonnées, une édition
exhaustive pourra se proclamer alors, sinon complète, du moins achevée.
Pour notre part, nous aurons fait au mieux de nos possibilités.

Alice Debord

1. L’index ainsi que la mise en page pour l’ensemble de cette correspondance ont été établis par Jeanne Cornet.
2. À noter aussi le luxueux tiré à part, paru chez le même éditeur en 2004. Intitulé Le Marquis de Sade a des yeux de fille…,
il reproduit, en fac-similé, les premières lettres et écrits autographes de Guy Debord, qui ne figuraient pas dans ses archives.
1951
avril

3-20 – IVe Festival international du film à Cannes. Guy Debord rencontre


Isidore Isou qui présente hors festival son film, Traité de bave et d’éternité
(sans la bande image).
Il adhère au mouvement lettriste.

juillet

9 – Guy Debord passe avec succès la deuxième partie du baccalauréat, à


Cannes.

octobre

– Il s’installe à Paris et élit domicile à l’hôtel de la Faculté, 1, rue Racine,


dans le VIe arrondissement.

À Marc-Gilbert Guillaumin1

Cannes, 23 septembre
Cher Marc,O.

J’ai trouvé ta lettre tardivement en rentrant hier d’un bref voyage dans Paris
et ses proches environs pour des raisons toutes de bave2.
Je n’ai malheureusement pas pu te voir vendredi matin à ton hôtel, mais j’ai
rencontré Isou3. Je vois donc quelle est la situation.
Sitôt arrivé je t’aiderai pour sortir le film. C’est d’ailleurs un travail qui ne
me déplaît pas, il faudra bien que ces pauvres cons acceptent et sans nous
faire attendre. On a vu des directeurs de salle se faire buter pour moins.
Dans cette ville abandonnée de Dieu – et en général de tout créateur, j’ai
fait ce que tu m’as demandé avant de partir.
Avec cinq camarades j’ai fort gêné la projection du film du jeune G.
Albicocco :
« “Absolve domine”. Cette production de Gabriel Albicocco a eu le don de
provoquer des mouvements divers dans le public. On a entendu des sifflets
à roulettes, des protestations et aussi des tonnerres d’applaudissements.
C’est assez dire que ce court métrage n’est ni banal ni médiocre, puisqu’il
provoqua d’aussi vigoureuses réactions.
En résumé, l’auteur est parti de ce principe que l’homme conscient de ses
fautes a besoin de se faire pardonner. Il va à l’église, il prie. Il s’associe
aux supplications de psaumes et finalement, durant la messe, retrouve la
paix4. »
(Très faible écho.)
Heureuse conséquence ? – pour la première fois de sa carrière encore brève,
l’idiot n’a pas obtenu son prix habituel dans un festival de la connerie noire.
D’autre part j’ai jeté les bases du ciné-club que tu voulais (et déjà son
premier directeur à la porte). Actuellement ils sont acceptables, et aux
prises avec de lourdes difficultés pour trouver les 30 ou 40 billets
nécessaires pour démarrer.
Enfin jeudi dernier, après une discussion serrée de cinq heures dans un bar
du quartier, j’ai fait admettre qu’Isou est un dieu à mon ami Hervé Falcou5,
que tu as vu à Cannes.
Je suis très fier de ce dernier résultat, presque autant que d’être le (1)
manquant dans la seule équation que je connaisse par cœur.
Isou m’a parlé d’une possible chambre à 9 000 francs dans son hôtel. Si une
telle chambre existe, veux-tu lui demander de me la retenir pour le mois
d’octobre ?
Excuse-moi de t’importuner de ces nécessités très peu éternelles, et d’en
souligner le caractère d’urgence.
Je veux te lire, en attendant ABSOLUMENT je te salue (il faut
révolutionner les formules de politesse).
Amitiés à Poucette6 et bien sûr à Isou.

Guy-Ernest

1. Marc-Gilbert Guillaumin, dit Marc, O., membre du groupe


lettriste.

2. Allusion au film d’Isidore Isou, Traité de bave et d’éternité,


produit par Marc, O.

3. Isidore Isou (1925-2007), fondateur du lettrisme.


4. Coupure de presse insérée dans la lettre.

5. Jeune Parisien rencontré à Cannes avec qui Guy Debord, alors


lycéen, a correspondu jusqu’au début de 1953 (cf. Le Marquis de
Sade a des yeux de fille…, Librairie Arthème Fayard, Paris 2004).

6. Peintre, lettriste et compagne de Marc, O.


1952
février

11 – Au ciné-club d’Avant-Garde du musée de l’Homme, la projection sur


ballon-sonde du film « sans le recours à un appareil de prise de vue» de Gil
J Wolman, L’Anticoncept, déclenche une bataille entre les lettristes et le
public. (Le film de Wolman sera interdit par la Commission de censure le 2
avril.)

avril

– Publication de l’unique numéro de la revue ION, entièrement consacré au


cinéma lettriste. Guy Debord y fait paraître une première version de
Hurlements en faveur de Sade comportant des images.

– Violentes manifestations contre le Ve festival de Cannes avec le tract Fini


le cinéma français. Onze lettristes arrêtés.

juin

– À Bruxelles, Guy Debord fonde « arbitrairement » avec Gil J Wolman


l’Internationale lettriste (I.L.) qui rassemble la gauche lettriste.
17 – Réalisation du long métrage Hurlements en faveur de Sade, sans
images, fait de l’alternance écran blanc/écran noir – phrases détournées /
silences d’une durée plus ou moins longue, et dédié à Gil J Wolman.

30 – Une première projection au ciné-club d’Avant-Garde du musée de


l’Homme est interrompue après dix minutes.

octobre

13 – Tract La Nuit du cinéma à l’occasion de la première projection


intégrale de Hurlements en faveur de Sade, au ciné-club du Quartier latin,
dans la salle des Sociétés savantes, 8, rue Danton.

29 – À l’hôtel Ritz, l’I.L. attaque une conférence de presse tenue par


Charlie Chaplin pour la promotion de son film Limelight et lance le tract
Finis les pieds plats.
Rupture avec le fondateur du lettrisme, Isidore Isou, qui dans le journal
Combat a publiquement désavoué le scandale.

novembre

– Parution du n° 1 d’Internationale Lettriste (participants : Jean-Louis Brau,


Serge Berna, Guy-Ernest Debord, Gil J Wolman).

décembre

7 – L’I.L. tient sa première conférence à Aubervilliers.


À Simone Dubreuilh1

[31 janvier]

Madame,

J’ai lu votre critique2 du film de Jean-Isidore Isou dans Libération, mais


vous êtes horrible à voir, ce qui devrait vous interdire de mettre vos grands
pieds sur des questions intellectuelles.

1. Journaliste.

2. « Il n’y a ni bave ni éternité dans le film d’Isidore Isou. »


(Libération, 31 janvier 1952.)

À Pablo Picasso1

[Été 52]

Monsieur,

Nous prenons la liberté de vous envoyer cette revue2 pour vous mettre au
courant de notre activité.
Nous respectons en vous un des plus grands créateurs dans la peinture; et
nous désirons avoir avec vous un entretien au sujet du lettrisme.
Veuillez agréer, Monsieur, nos hommages respectueux.

Guy-E. Debord, Hervé Falcou

1. Lettre retrouvée dans les archives Picasso par Madame


Laurence Madeline, conservateur du musée.

2. ION, numéro unique entièrement consacré au cinéma,


publication du Centre de création (directeur : Marc-Gilbert
Guillaumin).

À Gil J Wolman1

[11 septembre]

Rendez-vous le lundi 15 septembre à 3 heures de l’après-midi au Mabillon.

guy ernest

Post-S. : Ai toujours essayé de faire la part des choses. Jamais réussi.


1. Joseph Wolman (1929-1995), fondateur avec Guy Debord de
l’Internationale lettriste en juin 1952.

À Robert Chazal1

[Novembre]

Feu Chazal,

Tu as été mal inspiré de nous insulter pour défendre la dernière super-


production des Artistes associés2 qui, comme chacun sait, te payent
grassement.
Nous avons par hasard pris connaissance à Bruxelles de cette preuve écrite
de ta connerie permanente, et décidé de te casser ce qui te tient lieu de
gueule sitôt que nous serons rentrés en France. Tu paieras pour les autres
dont tu as porté à la plus faisandée perfection la lâcheté conformiste et
l’admiration publicitaire.
Faux témoin, indicateur, et probablement pédéraste, tu as assez bavé. Nous
débarrasserons la presse française de sa plus représentative ordure.
À très bientôt.

Brouillon d’une lettre

1. Journaliste.
2. Le 29 octobre 1952, à l’hôtel Ritz, l’Internationale lettriste
attaque une conférence de presse tenue par Charlie Chaplin pour
la promotion de son film Limelight et lance le tract Finis les pieds
plats.
1953
– Sur le mur de l’Institut, rue de Seine, Guy Debord trace l’inscription « Ne
travaillez jamais ».

février

19 – Manifeste portant douze signatures mises « sans consultation préalable


[…] en tenant compte seulement d’une participation à l’esprit moderne ».

– Parution d’Internationale Lettriste n° 2.

mars

– Guy Debord achève d’enregistrer « à tout hasard » une émission de vingt-


cinq minutes, Les Environs de Fresnes, dédiée à Serge Berna, alors détenu
au fort de Cormeilles-en-Parisis.

juin

16 – Rencontre avec Ivan Chtcheglov (alias Gilles Ivain) chez Moineau, rue
du Four.
– Histoire des gestes, roman tridimensionnel réalisé sur des bouteilles de
grand rhum blanc de la Martinique.

août

– Internationale Lettriste n° 3.

– Premières expériences de « dérives » dans Paris, suivies des premières


notations psychogéographiques.

septembre

– Manifeste pour une construction de situations (texte resté inédit, paru


pour la première fois dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto
Gallimard, 2006).
À Hervé Falcou1

Lundi matin [février]

Mon cher Hervé,

Je quitte Paris ce soir, avec l’intention de passer environ 3-4 mois à Cannes,
pour me remettre d’un certain épuisement physicomoral où toutes les
histoires de ces derniers temps m’ont mené. J’espère que pour toi ça va
mieux.
En attendant, et m’autorisant de nos dernières conversations et de ta lettre,
j’ai fait mettre ta signature sur notre tract2 dont je te communiquerai des
exemplaires dès que possible.
Sur douze signataires, deux sont en prison, deux filles mineures sont
recherchées, une autre en liberté provisoire pour trafic de stupéfiants, Brau
et sa femme3 sont en voyage du côté d’Alger – De sorte qu’en cas de très
improbables ennuis policiers, tout le monde peut renier sa signature qui a
été mise sans consultation préalable, et en tenant compte seulement d’une
participation générale à l’esprit moderne.
Les responsables sont Jean-Michel Mension3, Wolman et moi-même.
Je crois que ce tract est très bon, comme marque d’un stade, d’ailleurs
transitoire, de notre agitation intellectuelle.
Si tu veux prendre contact avec les lettristes qui stationnent à Paris en ce
moment, tu sais où les joindre. Mais je crois que toute cette action va être
en sommeil pendant quelques temps ; et je leur ai dit que tu étais en voyage,
cherchant à te remettre de ta fameuse chute en Autriche.
J’espère que nous nous verrons cet été (je reviendrai vers juin, et peut-être
passerai-je les vacances à Cannes mais seulement si c’est avec certaines
personnes et à l’exclusion de mes parents). J’aimerais que tu m’écrives, si
tu t’en sens le courage – Villa Meteko, avenue Isola-Bella, Cannes.
Je sais que je vais avoir là-bas bien du temps vide, mais il me semble que
c’est nécessaire. Je suis proche d’un écroulement total, nerveux
principalement. Les cuites ininterrompues et divers autres divertissements
compliquent les difficultés métaphysiques de toujours singulièrement
aggravées.
Mais il me semble – pas à toutes les heures – que nous ne sommes pas mûrs
pour le suicide, et qu’il y a des multitudes de choses à faire, si on dépasse
certaines barrières ET SANS RENONCER À RIEN du mépris ou du refus
que nous avons sincèrement affirmé à propos de presque tout.
Nous avons été des enfants terribles. Si nous parvenons à « l’âge
d’homme », nous serons des hommes dangereux.
Je suis passé ce matin au pont Mirabeau. Le prestige de Guillaume 4 s’en va
un peu comme cette eau courante (il lui en reste) mais je me souviens de
t’avoir un jour retrouvé sur ce pont, qui est ainsi fondé à prétendre à une
nouvelle jeunesse historique.
« Nous fûmes ces gais terroristes » n’est-ce pas ? J’ai lu hier par hasard
dans un Cendrars la PROSE DU TRANSSIBÉRIEN et c’est encore très
beau – mais à la Bichetouse5…
L’autre jour une expédition lettriste a empêché la projection au ciné-club dit
des «Amis du Cinéma » d’un pseudo-film « illettriste » LE SQUELETTE
SADIQUE (d’un prétendu René-Guy Babord). Le raffut a été très drôle.
Nous avons pris le directeur comme otage et l’avons contraint sous la
menace à faire renvoyer les flics qu’il avait envoyé chercher.
J’espère donc te lire à Cannes, et à un avenir de luttes communes 6,
camarade. Très amicalement,

Guy

1. Lettre reproduite en fac-similé dans Le Marquis de Sade…,


op.cit.

2. Manifeste (cf. Internationale lettriste n° 2, février 1953),


reproduit dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto,
Gallimard 2006, p. 95.

3. Membres de l’Internationale lettriste.


4. Apollinaire.

5. Néologisme argotique.

6. Auxquelles Hervé Falcou ne s’associera pas.

À Gil J Wolman

Jeudi soir [juin]

Mon cher Gil,

Il est étrange de t’écrire de Paris, mais nous nous voyons assez peu en ce
moment et il me semble que tu manifestes un découragement inquiétant,
comme on dit.
Un mouvement dialectique curieux me laisse aller moi-même à un
découragement total en présence des œuvres qui se font et que je méprise
obligatoirement à cause de leur caractère borné et extrêmement étranger à
ce qui m’importerait vraiment. Et, à l’inverse, les tendances parmi nous à la
médiocrité désabusée m’inciteraient à donner des raisons d’agir.
Je m’effraie quand je découvre que je suis peut-être de nous tous le plus
irréductiblement décidé à une certaine position de révolte, si on veut dire
bêtement les choses – aussi bêtement on peut dire : avant-garde.
Tant que je vivrai, je ne veux pas me ranger, en dehors de cette fraction
scandaleuse, où qu’elle se trouve. C’est uniquement cet esprit
révolutionnaire (à définir, à redéfinir pour chaque génération) qui m’a mené
au lettrisme, qui me restera au delà du lettrisme, si nous pouvons établir cet
au-delà.
Une certaine action est donc à maintenir. Tous comptes faits, et malgré les
réserves que je peux faire sur l’intérêt de tout ce que j’ai connu, je suis
satisfait d’avoir été dans l’affaire Chaplin (quoique refoulé dans les ténèbres
extérieures1) ou d’avoir fait Hurlements. À ce propos je sais tout ce que je
te dois2.
Je n’aime vraiment pas beaucoup les arts – même comme sensations
« esthétiques » maintenant – mais je crois que ces domaines de
l’intelligence sont ceux où quelques types subversifs et isolés ont des
pouvoirs, et tirent plus à conséquence que, par exemple dans le crime ou la
politique – ceci en dépit de l’opinion commune. Isou a certainement eu sa
place* dans cette aventure, car il y a introduit des vues de rupture, et nous a
donné des armes. (Nous faisons l’Histoire, donc l’Histoire n’est que ça…)
Cependant je trouve fausse dès l’origine sa notion d’« artiste » (œuvres,
éternité, etc.),
cf. La poésie n’a représenté pour moi qu’un des multiples
MOYENS D’ÊTRE IMMORTEL… une durée au delà de l’être – dans UR
[…]3.
On peut rire de ces phrases comme des religieux, et de leur Dieu. C’est
aussi « beau » si on veut, et dérisoire.
J’en finis donc avec les prêches d’Isou. Leur ton « à la Bossuet » m’a
toujours beaucoup plu parce qu’il nie le monde donné, et le méprise. Mais
c’est au nom d’une transcendance presque aussi minable que Bossuet.
Notre voie est à définir. En ce moment nous ne savons pas bien où nous
allons. C’est ce qui permettra des cas «troubles par essence » (Serge4), des
croyances esthétiques périmées (Brau) ou le nihilisme intégral qui est
lamentable. (En fonction de leur temps des hommes qui me plaisent
également s’appellent Saint-Just ou Arthur Cravan, mais nous sommes dans
une époque de sous-Cravan. Il faut être profondément autres.) Mais tant
que nous n’aurons pas une ligne nettement définie (Isou en a une) nous
serons dans ce flou, qui est pénible. Mais il faut y rester plutôt que de
soutenir une ligne restrictive (genre Art-Brau) qui éliminerait l’avenir.
Toutes les tentatives peuvent rater, celle-là plus que d’autres. Si la situation
de l’« Internationale lettriste » devient insupportable, j’irai ailleurs (de
toutes façons je suis certain que le « moment I. Lettriste » est bon, est un
progrès par le seul fait de quitter Isou-Bismuth) mais je suis naturellement
partisan du plus grand confort possible, et ce groupe est notre seule
possibilité d’action immédiate : tu sais que je ne crois pas à des individus
forcément permanents. Tu parlais beaucoup de dislocation. Elle peut être
aussi entre nous. Cependant en ce moment, nous avons des fonctions assez
voisines. Au moins je pense que nous nous comprenons bien. Il ne s’agit
que d’établir un arrière-plan LIMITÉ MAIS NÉCESSAIRE d’opposition
commune, devant lequel nos vies se jouent – se perdent – seules. Je
voudrais savoir si nous sommes d’accord sur cela, entre le rien et le tout
petit peu où Jean-Isidore situait justement nos actes.
Très amicalement,
Guy

En tête de la lettre : « Cette lettre est d’allure assez isouïenne.


C’est par hasard. »

1. Lors de l’intervention, Guy Debord et Serge Berna ont été


refoulés par la police alors qu’ils tentaient de s’introduire par les
cuisines du Ritz.

2. Allusion au film de Gil J Wolman, L’Anticoncept, que Guy


Debord admirait.
3. Mot illisible.

4. Serge Berna, membre de l’Internationale lettriste qui fut l’un


des organisateurs du scandale de Notre-Dame le jour de Pâques
1950.

* Note : Marc,O., Bismuth-Lemaître5, Dufrêne5 – AUCUNE PLACE même


s’ils étaient intelligents parce qu’ils n’existent qu’en fonction de l’optique
isouïenne. Et je pense que l’avenir verra Isou mais dans une optique
différente de celle d’Isou. Les systèmes ne réussissent jamais à passer tout
entier. C’est une vérité historique qu’on oublie chaque fois.

5. Lettristes.

À Gil J Wolman

8 novembre 1953

Mon cher Gil,

J’espère que tu es en bonne santé, ou même vivant.


Rassure-moi brièvement sur la bonne marche des arts et de l’industrie. Ici1
la situation évolue très favorablement.
À Paris au contraire, le roman d’Ivan2 refusé par Julliard, et stagnation.

1. À Cannes.

2. Inachevée la beauté, d’Ivan Chtcheglov (1933-1998), membre


de l’Internationale lettriste, l’un des deux destinataires des lettres
reproduites dans Le Marquis de Sade…, op. cit.

À Caracas3, me dit-on, débuts et prolégomènes d’un vrai groupe


opérationnel.
Je rentrerai à Paris avant Noël et convoquerai un praesidium pour fêter
convenablement mon anniversaire4.
Amitiés,
Guy

3. Où réside Henry de Béarn, membre de l’Internationale lettriste


et ami d’Ivan Chtcheglov.

4. Le 28 décembre, Guy Debord allait avoir 22 ans.


À Georges Goldfayn1

[Fin 53]

Le désaccord est justement grave. Il n’a pas à être « transposé sur le plan
idéologique» car il ne se fonde pas sur des considérations autres
qu’idéologiques.
Pour nous – et je croyais jusqu’à une date récente que ceux des surréalistes
que j’ai connus partageaient cette exigence – l’intelligence ne vaut rien
isolée d’une morale et d’une façon de vivre qui, en particulier, excluent les
concessions et le contact salissant des dufrênes2.
Le débat sur un si pauvre sujet est inacceptable pour mes amis et pour moi
parce qu’il poserait en principe que nous pouvons reconnaître des excuses,
une défense, et même un intérêt éventuels à des êtres avilis de l’espèce de
François Dufrêne, dont nous savons les engagements politiques
réactionnaires, comme les mœurs et les fréquentations particulièrement
ignobles.
Naturellement tout autre dialogue est devenu impossible, alors que des gens
et des problèmes si louches se posent parmi vous. Mille regrets.

G.-E. Debord

1. Membre du groupe surréaliste qui s’interrogeait sur « une grave


mésentente » due à « un certain François Du… » cause d’un
éventuel « désaccord – sur le plan idéologique qui seul nous
intéresse ».
2. Cf. Internationale Lettriste n° 3 : « Vagabondage spécial »
(reproduit dans Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 103).

À Barbara Rosenthal1

[Fin 53]

Ma pauvre Barbara,

Ta lettre est ridicule, comme tout ce que tu as fait ou dit depuis un an.
Manifestation navrante d’une petite primaire sans intérêt. Que tu aies
changé depuis l’année dernière, ce n’est pas la peine de l’écrire, l’évolution
est malheureusement apparente.
Il est choquant de voir les gens se survivre, ils devraient changer de nom en
même temps qu’ils se vulgarisent.
Tes considérations sur les « positions fausses » sont d’une pauvreté bien
Guide de France2.
Je crois qu’on t’aura donné beaucoup de chances, mais que tu n’as jamais
rien compris à rien.
Il est temps de te laisser vieillir dans tous les « Storyville3 » de ton choix.

1. Cf. Correspondance, vol. V, p. 205, note 1.

2. Mouvement de jeunesse chrétienne.


3. Rendez-vous des germanopratins.
1954

janvier

– Dans le numéro spécial de la revue surréaliste belge La Carte d’après


nature (directeur René Magritte) paraît la réponse de l’Internationale
lettriste à la question « Quel sens donnez-vous à la poésie ? »

mai

15 – Réponse à la question numéro 2 « La pensée nous éclaire-t-elle, et nos


actes, avec la même indifférence que le soleil, ou quel est notre espoir et
quelle est sa valeur ? », qui paraîtra dans la revue La Carte d’après nature,
de juin 1954.

juin

– Quatrième et dernier numéro de l’Internationale Lettriste.

11 – Avant la guerre, affiche pour l’exposition de 66 Métagraphies


influentielles, organisée par Gil J Wolman à la galerie du passage Molière –
anciennement du Double Doute.
22 – Le premier numéro de Potlatch, bulletin d’information du groupe
français de l’Internationale lettriste, est tiré à cinquante exemplaires.
Ronéoté, donné, son tirage ne cessera d’augmenter.
août

17 – Guy Debord épouse Michèle Bernstein.

– L’I.L. installe sa permanence au Tonneau d’or, 32, rue de la Montagne-


Sainte-Geneviève.

31 – Potlatch (n° 9-10-11) cesse de paraître «tous les mardis » pour devenir
mensuel.

septembre

– Publication avec les surréalistes d’un tract contre la célébration officielle


du centenaire de Rimbaud à Charleville-Mézières : Ça commence bien!

octobre

7 – Et ça finit mal, faussaires, tract de rupture avec ces mêmes surréalistes.

– Nougé propose à Debord et Wolman de collaborer aux Lèvres nues.

novembre
– Le peintre danois Asger Jorn – fondateur du groupe surréaliste
révolutionnaire (1947-1948), puis de Cobra (1948-1951) et, en 1953, du
Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.) – prend
contact avec l’I.L.

26 – Deutschland über alles, tract de l’I.L. de Paris suite à des incidents


opposant un groupe suisse de l’Internationale lettriste à la police fédérale.
Le côté louche de cette affaire sera dénoncé dans le numéro 15 de Potlatch.

décembre

22 – Publication dans Potlatch n° 15 de quelques extraits du livre d’Asger


Jorn Image et Forme (traduit par Guy Debord) sur l’architecture et son
avenir.
À Gil J Wolman

Lundi [printemps 54]

Mon cher Gil,

Très bonnes nouvelles de Caracas. Henry ayant répondu que les sommes
(bar) lui paraissaient tout à fait acceptables. Il a dû depuis recevoir toutes
les indications sur la revue, dont les chiffres sont moins importants. Le seul
problème, auquel Ivan travaille assidûment par correspondance, est de le
faire rentrer dans le plus bref délai – et de m’envoyer quelques avances.
As-tu revu l’imprimeur-publiciste ?
Je pars demain à Cannes pour deux semaines – pas un jour de plus,
éventuellement un peu moins – pour ramasser quelques sommes, et revoir
un marsupial un peu aimé-aimé ? On se comprend.
Je donne ton numéro à Ivan, pour qu’il te prévienne si la situation évoluait
très rapidement. Écris-nous, n’est-ce pas, cet article sur l’architecture. Au
moins.

Guy

À Gil J Wolman

21 juin

Connaissez-vous Potlatch1 ?

Carte postale de Limoges.

1. Le premier numéro de Potlatch paraîtra le mardi 22 juin 1954.

À Patrick Straram1

[Juin-juillet]

J’ai reçu la réponse de Grisant Beach2 et je t’en remercie. Quelques


précisions s’imposent :
1) Ivan avait diffusé auprès de certaines personnes – et à des journaux – un
texte de désaveu et de démission signé par toi. Je t’ai communiqué ce texte.
D’autre part il avait avoué à Midhou3, en lui remettant ce papier, qu’il irait
«serrer la main à Goldfayn » comme si cela nous importait le moins du
monde. Par conséquent il nous était impossible de continuer à user de ta
signature sans un démenti de ta part. J’espère que tu le reconnais. Le seul
fait d’avoir mis ton nom dans le numéro 2 de Potlatch (paru avant que
d’avoir eu connaissance de ce désaveu transmis par Ivan) a valu à Conord4
une lettre plus ou moins ordurière toujours d’Ivan – à qui depuis nous
n’envoyons plus même Potlatch. Voilà pourquoi nous DEVIONS nous
poser pour toi d’aussi pauvres questions, sans la pression de l’extérieur.
Comprends bien qu’on ne t’a rien reproché, surtout pas d’écrire à Ivan –
mais l’usage qu’il en a fait et que tu as laissé faire.
2) Le mot faussaire s’applique assez à un individu rendant public un
fragment d’une lettre personnelle parlant de tierces personnes. Ceci après
tant d’autres mensonges. Évidemment si cela était ton intention exacte – si
Ivan ne t’a pas forcé la main en te faisant prendre publiquement position
contre nous tous – le mot faussaire ne se justifie pas, mais ta dernière lettre
non plus.
3) Je t’ai écrit parce que je croyais que nous étions tous deux assez évolués
pour communiquer très au delà de mesquins reproches « d’habileté » ou de
« dictature ». Wolman n’a pas eu le peu d’intelligence qui lui eût indiqué de
t’écrire « lui-même », justement parce que nous n’employons pas notre
intelligence pour forcer la main de ceux que nous pouvions tenir pour nos
amis, parce que entre nous existe une confiance dont toi, tu parais n’avoir
pas eu idée. Quand cette confiance fait défaut, par simple manque
d’élégance, les plaisanteries deviennent des motifs d’accusation, et les amis
des rivaux (à quel propos ?) ou des chefs (de quoi ?).
Quant à l’amour des petites filles ou de la royauté, je te signale
incidemment que je suis marié et que cette royauté n’a jamais signifié pour
moi que le règne d’une nouvelle SOCIÉTÉ – société de princes, si l’on veut
dire comme Pascin et pas de boy-scouts plus ou moins émancipés. Dans
cette société qui ne saurait être qu’égalitaire, il me semble que tu avais ta
place, et que c’est toi qui choisis maintenant le parti des gamins passionnés
de détails. J’imagine que tu reconnais que si mon ambition était de
collectionner les larbins, j’eusse plutôt gardé ceux qui sont nés pour ça : les
Mension5, Langlais5 et autres.
Ta lettre témoigne bizarrement d’une conception du groupe lettriste voisine
de celle de Berna5. Je pensais que tu avais compris ce qui nous occupait. Un
nouveau comportement est plus difficile à vivre que des attitudes à Ibiza ou
au Storyville, ou par correspondance.
Tu parais accorder de grandes valeurs à certaines expériences, que d’ailleurs
Ivan n’a point faites (couper des arbres par exemple). Je ne pense pas
qu’elles autorisent à conclure sur des idées qui déterminent les bûcherons
aussi bien que les journalistes ou les physiciens d’une époque.
Pour te faire saisir la futilité de cet ordre de pensée, permets-moi de te
demander si tu as déjà été scaphandrier? et pilote d’essai ? et receveur
d’autobus ? et bourreau chinois ? et premier ministre ? Non ? Eh bien
malgré ces pittoresques qui te manquaient encore, j’avais de l’estime pour
ta pensée et ta vie.
4) Vous finirez par apprendre que certains courants d’idées dépassent vos
« querelles de famille » inintéressantes et toutes personnelles.
« Conord ne remplace » pas Ivan, de même que toi tu n’as pas « remplacé
Brau ». L’opinion de Béarn sur Conord en 1950 m’intéresse aussi peu que
l’opinion de la gauche sur Malraux en 1937, par exemple. Vous restez
accrochés à vos tout petits avantages d’IL Y A QUATRE ANS. Triste
tendance pour des gens qui veulent dériver. Vous changez de continents plus
facilement que de sentiments. Mais qui de Conord ou d’Henry de Béarn
présentera peut-être quelque intérêt dans dix ans ? Tu sais bien qu’un
passage parmi nous n’est pas sans ouvrir certaines perspectives – quel que
soit l’usage qu’on sait en faire par la suite.
5) Vous avez raté votre époque, celle des images poétiques et des pages
« bien écrites » : Orient-Express, Amazonie, Accouchements. Ce qui vous
manque ce sont les idées générales.
6) Pour ce qui est de permettre à des gens de vivre «mieux, notion qui ne
doit rien signifier pour moi », je t’avoue que je me tiens pour plus engagé
dans une action collective tendant à cette fin que l’individualiste assez
comique qu’a été trop longtemps et que redevient à présent Patrick Straram.
7) Je te tiens quitte de tes insolences. Tu ne sais pas de quoi tu parles, et
puis elles sont d’un joli style. Tout de même, à condition de savoir la lire, la
lettre que je t’envoie aujourd’hui peut t’être aussi utile que celle de Béarn,
si tu veux vraiment obtenir du monde autant que tu nous l’as affirmé –
autant que nous-mêmes.
8) Tu n’as pas été exclu – tu sais donc bien que nous suggérer les «motifs
d’exclusion de P. Straram » est une sotte provocation – tu as démissionné de
ton plein gré – et tu es le seul à l’avoir fait. Je ne te juge pas. Tu joueras
autre chose, voilà tout. Je te prie d’excuser la longueur de cette mise au
point.

Guy
À Gil J Wolman

1. Anagramme de Marrast (1934-1988), membre de


l’Internationale lettriste.

2. Au Canada.

3. Mohamed Dahou, membre de l’Internationale lettriste (cf.


Correspondance, vol. I, p. 23, note 1).
4. André-Frank Conord, alors rédacteur en chef de Potlatch.

5. Exclus de l’Internationale lettriste.

Lundi 30 août 54

Rue qui se permet de commencer


n’importe où prolongée
anciennement Racine1

6 HEURES 52 minutes

Cher Gil J,

Apprenant à taper sur la machine, je t’écris avec la virtuosité que tu peux


voir.
Merci pour l’article1 EXCELLENT.
LEpauvre CONord :
JEUDI : rencontre Isou, et lui parle.
VENDREDI : Est relevé de ses fonctions à la tête de POTLATCH

Mohamed Dahou le remplace.


SAMEDI : A offert sa démission de l’ILettr.

Démission acceptée avec enthousiasme.

DIMANCHE : à l’aube Midhou lui casse la figure.


POTLATCH (numéro spécial sur 4 pages) sortira jeudi.
Veux-tu venir au n° 1 de la rue « Qui se permet de commencer n’importe où
prolongée » le jeudi 2 septembre à 21 heures ?
J’ai un bon début d’émission2 (ENCORE!) pour Tardieu.
Amitiés de Michèle3. Salutations lettristes.

G.-E. Debord

Sur la même feuille, Guy Debord a écrit à la main : «Au verso


figure un autographe de Guy Debord pour la première fois À LA
MACHINE. »

1. « Vous prenez la première rue », article de Gil J Wolman, paru


dans Potlatch, nos 9-10-11.
2. Pour un projet de propagande radiophonique intitulé « La
valeur éducative», publié dans Potlatch, nos 16, 17 et 18.

3. Michèle Bernstein, épouse de Guy Debord.

Au Rédacteur en chef de Combat

21 octobre 1954

Monsieur,

Mis en cause par l’article intitulé « Le centenaire de Charleville » (Combat


du 21 octobre) nous vous communiquons les précisions suivantes :
Il n’y a pas eu de « différends » entre surréalistes et lettristes à propos du
scandale de Charleville. Simplement une défection tardive de l’ensemble
des surréalistes, et le reniement par certains d’entre eux de leur signature
donnée auparavant à un texte, marxiste en effet.
Nous ne souhaitons pas tenir le rôle d’amuseur dans les solennités,
littéraires ou autres, de ce régime. Le Surréalisme, précisément, n’a que trop
exploité cette veine. Nous ne goûtons plus guère les charmes du tapage
inoffensif. Dans cette mesure, il faut en convenir, nous avons « oublié
Rimbaud ».
« Crier haut, hurler, tempêter », comme le conseille l’auteur de cet article
aux « trouble-fête s’admirant trop » que nous sommes, nous en savons
l’aimable inefficacité.
La fête continue, et nous sommes sûrs de participer quelque jour à sa plus
sérieuse interruption.
Pour l’Internationale lettriste :
Debord, Wolman
À Marcel Mariën1

Paris, le 24 octobre 1954

Cher camarade,

Nous vous remercions de l’envoi des documents, et des livres de Nougé2 –


à peu près introuvables en France – dont l’intérêt ne saurait nous échapper.
Les Lèvres nues nous paraissent représenter actuellement la meilleure
formule de revue. Un texte comme « Moscou la poésie » illustre à merveille
cette « propagande d’avant-garde » que nous défendons aussi.
L’affaire Breton-Rimbaud-lettristes3 agite assez les journaux à Paris. Tout
ce qu’il y a de notoirement réactionnaire soutient Breton. La Presse Aragon
garde un silence aimable.
Enfin Breton, forcé de choisir, a fait de la bassesse un choix éclatant. Il sera
maintenant difficile d’ignorer quel rôle de diversion assure son mouvement
auprès d’une certaine jeunesse. Il nous est tombé sous les yeux, hier
seulement, les réponses à une enquête de Magritte4 en juin dernier, parmi
lesquelles les nôtres. Le ton « majoritaire » dans ce recueil nous a surpris.
Magritte était autre quand nous l’avons rencontré en 52.
Croyez à notre vive sympathie.

Pour Potlatch
G.-E. Debord

P.-S. : À propos du scandale de Notre-Dame, nous vous signalons que le


nommé Serge Berna, un des organisateurs5, a été exclu de l’Internationale
lettriste l’an dernier, pour élasticité de conscience.

1. Marcel Mariën (1920-1993), surréaliste belge, directeur de la


revue Les Lèvres nues fondée à l’automne 1953.

2. Paul Nougé (1895-1967), surréaliste belge, cofondateur des


Lèvres nues, qui avait proposé à Debord et Wolman de collaborer
à cette revue.

3. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 157-163.

4. In La Carte d’après nature, de juin 1954 (les premiers numéros


ont paru sous forme de carte postale).

5. Avec Michel Mourre (ancien dominicain, auteur dans les


années 60 d’un dictionnaire historique) et Ghislain de Marbaix
(ami de Guy Debord et futur assistant dans un de ses films).
Cet achèvement, venant après la reconversion monnayée de Michel Mourre,
fait malheureusement de cette manifestation une histoire assez suspecte,
dont nous avons dû nous désolidariser depuis.

Au Movimento Pittura nucleare

Le 8 novembre 1954

Chers amis,

Nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt des documents que
vous avez eu l’amabilité de nous envoyer1.
Trouvez ci-jointes nos publications des quatre derniers mois.
Nous vous enverrons à l’avenir Potlatch, ainsi qu’aux adresses que vous
voudrez bien nous communiquer.
Croyez à notre vive sympathie,

pour l’Internationale lettriste :


G.-E. Debord, M. Bernstein

Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste.

1. Imagine e forma, d’Asger Jorn, avait été envoyé, par les soins
de son ami le peintre Enrico Baj, à la rédaction de Potlatch.
À Asger Jorn1

Le 16 novembre

Cher Monsieur,

Votre lettre nous a été transmise hier par André-Frank Conord, ainsi que le
double de la réponse qu’il vous a envoyée à titre personnel.
Nous sommes heureux de connaître votre action dans une lutte qui est aussi
la nôtre. La nécessité d’exploiter à des fins passionnelles les immenses
pouvoirs de l’architecture est une des proclamations de base de notre
mouvement.
En dehors de toute ambition artistique, ce que nous voulons établir, c’est
une nouvelle forme de vie. Pour cette entreprise l’architecture (Bauhaus2)
est évidemment le premier des moyens dont il faut se servir.
Nous sommes justement réunis par l’idée que l’existence est généralement
insignifiante, mais qu’il nous appartient d’y construire des jeux essentiels.
Nous finirons bien par avoir raison, dans l’architecture comme ailleurs.
Nous aimerions recevoir vos bulletins d’information. Nous vous envoyons
aujourd’hui, sous une autre enveloppe, des documents récents. Vous
recevrez à l’avenir nos publications.
Nous sommes très favorables à toute collaboration que nous pourrions
réciproquement nous apporter et aussi à la recherche avec vous d’un
programme commun.
Croyez à notre vive sympathie.

Pour l’Internationale lettriste :


M. Bernstein, G.-E. Debord
Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste.

1. Asger Jorn (1914-1973), peintre danois fondateur de Cobra.

2. Le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste


(M.I.B.I.) a été fondé par Asger Jorn en 1953.

À André Frankin1

Paris, le 8 décembre

Cher camarade,

La défection de vos amis liégeois n’est pas surprenante. À ce stade de


l’action – la découverte des revendications – les participants doivent savoir
ce qu’ils veulent, connaissance qui n’est pas à la portée de tous, et qui
dévalue les ambitions moindres. Nous attendons avec intérêt de lire votre
travail en cours.
Si vous ne pouvez venir à Paris, nous nous verrons en Belgique,
probablement pas à Noël, mais prochainement tout de même.
Pour l’exposition à Verviers, jugez par vous-mêmes, et prenez en notre nom
les décisions utiles.
Les nucléaires 2 n’ont aucun intérêt. Mais le « Mouvement pour une
architecture imaginiste3 » d’Asger Jorn, auquel ils adhèrent, défend une
position réellement moderne en architecture.
Nous avons rencontré Nougé à Paris le mois dernier. C’est un homme fort
sympathique. Connaissez-vous sa remarquable « Conférence de
Charleroi » ? (prononcée en 1929, éditée en 1946 par Magritte.)
Avez-vous apprécié, dans le dernier Potlatch, l’extraordinaire bassesse du
tract d’André Breton contre nous ? Personne n’a « offert ses services » aux
staliniens et aux autres, comme le pauvre Breton toute sa vie.
Fraternellement,

G.-E. Debord

1. André Frankin, Belge, futur lettriste, puis situationniste hors


section. Apparaît dans Potlatch sous l’anagramme Léonard
Rankine.

2. Movimento arte nucleare d’Enrico Baj et Sergio Dangelo.

3. M.I.B.I.

À Asger Jorn
Jeudi [décembre]

Mon cher Jorn,

Je vous apporterai la traduction1 d’Image et Forme samedi, dans la soirée.


Cordialement,

G.-E. Debord

Au dos d’un papillon « Matières explosives » illustré de deux


bombes.

1. Cf. Potlatch n° 15, « Une architecture de la vie ». Enrico Baj


écrira à Jorn le 3 janvier 1955 : « P.-S. ; Je viens de recevoir le
nouveau bulletin des lettristes avec la traduction de “Image e
Forme” [sic] magnifique!!! »

À Isidore Isou

Le 22 décembre 54

Mon pauvre Isou,

Note les vérités suivantes1


1) Je ne suis pas «chef de groupe ». Quant à toi, je t’ai aperçu l’autre jour.
Tu n’es plus très beau. Même pas capable de faire un riche mariage.
2) Tu es exactement, sur le plan mental comme sur le plan de l’argent, un
minable.
3) Tu as conscience de ta faillite. C’est ce qui provoque ta bave dans les
journaux du Quartier latin.
Je t’autorise à publier cette réponse. Cela fera quelques lignes correctement
écrites dans les proses d’Isou-Spaccagna2.

G.-E. Debord

Lettre recommandée.

1. En réponse à un article venimeux d’Isidore Isou paru dans


Enjeu, intitulé «Le néolettrisme » (cf. Potlatch n° 15, du 22
décembre 1954 : « Économiquement faible »).

2. Jacques Spaccagna (1936-1990), disciple d’Isou.

À Marcel Mariën

Le 23 décembre
Mon cher Mariën,

Je vous remercie de l’envoi de PAN et DUTILLEUL1, ce dernier étant, de


loin, le plus drôle.
Vos libraires seront inspectés dans quelques jours, et je vais répartir pour le
mieux les anciens exemplaires que j’avais.
À propos des destinataires habituels de la revue, je pense que vous
l’envoyez à Nadeau, qui peut aimer ça – et à Breton-Medium qui doit
beaucoup s’en affecter.
Mon passage à Bruxelles est certain pour janvier, mais j’ignore encore la
date, car je vais peut-être combiner ce passage avec un autre déplacement
qui s’impose.
Parfondry2 nous a écrit deux fois. La première, pour louer assez
exagérément notre réponse à cette malheureuse enquête de Magritte, sur le
soleil et l’indifférence3. Potlatch lui fut alors envoyé. La deuxième fois,
c’était pour nous demander ce que nous pensions de la littérature ouvrière.
Je lui répondis que nous en pensions la même chose que Lénine. De sorte
que le dialogue en resta là. Mais les lecteurs du Musée du soir4 doivent être
bien sympathiques.
Cordialement,

G.-E. Debord

1. Galiériste belge.

2. Marcel Parfondry a participé au groupe surréaliste belge


Rupture (fondé en 1934).
3. In La Carte d’après nature, de juin 1954.

4. Le Musée du soir, revue internationale de littérature


prolétarienne (1954-1968).

À Patrick Straram

Le 27 décembre 54

Cher Patrick,

Marie-Hélène1 vient de nous apporter de mauvaises nouvelles de toi :


d’après les rumeurs qui lui sont parvenues, tu serais en difficulté2 avec ta
belle-famille, et réduit à abattre des arbres, sans pouvoir obtenir ton
rapatriement – ni même acheter des timbres pour écrire en France ?
Au cas où ces bruits seraient fondés, nous sommes prêts à faire pour t’aider
toutes les démarches que tu jugerais utiles.
Si, par bonheur, les nouvelles qui courent étaient exagérées ou fausses, nous
serions cependant heureux d’être rassurés à ton propos.
Avec nos vœux pour 55, veuille recevoir l’assurance que de minces
dissentiments « littéraires » n’enlèvent rien à l’amitié que nous te portons.

Midhou, Guy, Michèle


1. Marie-Hélène Saint-Martin, ancienne amie d’Ivan Chtcheglov.

2. Au Canada.
1955
janvier, février, mars

– « La valeur éducative» (Potlatch, nos 16, 17, 18), texte pour une émission
radiophonique non réalisée.

avril

14 – Visite du Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives dans la Drôme.

mai

– Construisez vous-mêmes une petite situation sans avenir, papillon apposé


sur les murs de Paris, qui reprenait le titre d’une métagraphie d’Ivan
Chtcheglov.

– Exploration psychogéographique dans le désert de Retz (forêt de Marly).

septembre

– L’« Introduction à une critique de la géographie urbaine », signée Guy-


Ernest Debord, paraît dans le numéro 6 de la revue surréaliste belge Les
Lèvres nues, dirigée par Marcel Mariën.
octobre

– Protestation de l’Internationale lettriste auprès du Times contre le projet


annoncé de démolition du quartier chinois de Londres.

– Alexander Trocchi, rédacteur en chef de la revue d’avant-garde anglo-


américaine Merlin, éditée à Paris, démissionne de son poste et adhère
publiquement à l’Internationale lettriste.

décembre

– L’I.L. appose sur les murs de Paris deux papillons, en français et en


anglais : « Si vous vous croyez du génie ou si vous estimez posséder
seulement une intelligence brillante adressez-vous à l’Internationale
lettriste. » « If you believe you have genius or if you think you have only a
brilliant intelligence write the letterist Internationale. »

– Le scénario inédit du film Hurlements en faveur de Sade, précédé de


« Grande Fête de nuit », paraît dans la revue Les Lèvres nues (n° 7).

À André Frankin

Paris, le 9 janvier 1955

Cher camarade,

Naturellement nous acceptons le changement de date notifié (à Liège les


dates sont-elles maintenues1 ?). Vous pouvez rassurer Dutilleul quant aux
violences qu’il semble redouter dans ses murs. La métagraphie n’est pas si
meurtrière, notre exposition à Paris2 n’a pas été interrompue, malgré une
grande quantité de menaces qui nous parvinrent à ce moment.
Avez-vous l’article de La Nation belge dont vous nous parlez? En France la
dernière attaque contre nous a été menée par l’historien-académicien Pierre
Gaxotte, plus connu pour sa réhabilitation de Louis XVI et de l’ancien
régime.
Les Nucléaires, qui continuent à nous expédier des brochures richement
illustrées, doivent effectivement compter quelques personnes susceptibles
de s’employer à de meilleures fins.
Nous venons de recevoir le n° 4 des Lèvres nues qui marque un recul
sérieux par rapport aux trois premiers numéros. L’esprit surréaliste semble y
faire un retour en force, avec des poèmes surannés et la place accordée au
scandale de Pâques 1950 à Notre-Dame, malgré l’évident confusionnisme
para-religieux des promoteurs dudit scandale.
Pour le n° 16 de Potlatch3, les textes doivent nous parvenir le 20 janvier.
Tenez-nous au courant de vos démêlés avec Dutilleul dans cette affaire de
« La Boutique ». Quoique n’ayant nullement, et doutant d’avoir en temps
utile, assez d’argent pour nous y associer, nous y prenons un vif intérêt.

1. Pour deux expositions de Propagande métagraphique qui


devaient se tenir à Liège (galerie de La Boutique) et à Bruxelles
(galerie Dutilleul), respectivement du 9 au 21 avril et du 25 avril
au 6 mai 1955.

2. Du 11 juin au 7 juillet 1954 à la galerie du Double Doute,


passage Molière.
3. Qui paraîtra le 26 janvier 1955.

Recevez les amitiés de tous nos camarades.

G.-E. Debord

À Patrick Straram

Paris, le 14 janvier 1955

Cher ami,

Nous avons été heureux d’apprendre que tu n’étais pas vraiment dans une
situation pénible.
Quant aux dissentiments, littéraires ou pas, il est bien tard pour polémiquer
là-dessus. Le désaveu que tu nous avais fait porter par Ivan a
malheureusement marqué la fin de ta collaboration, mais non de notre
sympathie à ton égard.
Finalement, les dissentiments en question, c’est à toi qu’il appartient d’en
choisir la gravité, comme tu en as choisi l’origine.
De mémoire de rose, comme disait Fontenelle, on n’a jamais vu mourir un
jardinier1.
Amitiés de tous.
Guy

1. Allusion à l’activité actuelle de Patrick Straram.

À Marcel Mariën

Paris, le 24 février 1955

Cher Marcel Mariën,

Merci de votre carte, et des Corrections naturelles1.


Tous les sujets de ce livre sont aussi actuels en 55 qu’en 47, et nous en
approuvons toutes les conclusions – exceptées la valeur réellement
agissante de la méthode actuelle des partis communistes, et l’assimilation
de Cheval au douanier Rousseau.
Si le « socle grotesque » est commun à leurs entreprises, il nous semble que
l’on ne peut pas les juger également quant aux résultats objectifs, parce que
la peinture de Rousseau est bien une réaction formelle contre la révolution
impressionniste, alors que le Palais idéal n’est pas une réaction contre le
baroque architectural de l’époque, mais son dépassement. Dans un domaine
si rigoureusement tenu à l’abri des « révolutions poétiques » par des
conditions économiques inchangées, conditions évidemment plus
paralysantes en architecture qu’en peinture, la traduction « … en toute
pureté, au rebours de toute prétention esthétique, d’un besoin profond d’agir
sur le monde » nous paraît posséder une valeur collective de revendication à
laquelle ne saurait prétendre l’activité graphique facile, sans conséquence
sociale, d’un enfant ou d’un fou.
Je regrette de n’avoir pas eu votre livre il y a un an, pour le faire lire à
quelques jeunes disciples d’André Breton qui manifestaient alors une
certaine honnêteté intellectuelle. Ces gens ne se survivent que par
l’ignorance. Et dans le dernier Medium2 le seul texte clair et cohérent
réclame un retour radical à l’automatisme absolu qui, seul, ne déçoit pas ses
fidèles.

1. Les Corrections naturelles, Marcel Mariën (Bruxelles, librairie


Sélection, 1947).

2. Medium, nouvelle série, revue surréaliste qui a paru de


novembre 1953 à janvier 1955.

Voici les adresses peut-être utilisables en Italie :


Signor Enrico Baj, via Teullié 1, Milano.
Signor Oreste Borri, via di Camerata 59, Firenze.
Libreria Schwarz, via della Spigna, Milano.
Signor Mario Colucci, Accademia di Belle Arti, Via Costantinopoli, Napoli.
Redazione di Numero, via degli Artisti 6, Firenze.
Recevez, et veuillez transmettre à Jane Graverol3 et Nougé, nos plus
cordiales salutations.

G.-E. Debord
3. Jane Graverol (1905-1984), peintre, cofondateur de la revue
Les Lèvres nues.

À Georges-Marie Dutilleul1

Paris, le 25 mars 1955

Cher Monsieur,

Sur l’avis de Monsieur Frankin, je vous envoie ci-joint les textes de


l’invitation et de l’affiche pour nos expositions, textes qui ne doivent pas
subir de modification.
Je vous prie de nous adresser à Paris, dès qu’il vous sera possible de le
faire, deux cents de ces invitations et quelques dizaines d’affiches, afin que
nous étendions cette publicité en France.
Jacques Fillon sera à Liège le 9 avril, et M. Dahou assistera au vernissage à
votre galerie de Bruxelles.
Veuillez recevoir, cher Monsieur, mes salutations distinguées.

Pour l’I.L.,
G.-E. Debord

Lettre avec le tampon de Potlatch.


1. Propriétaire des galeries-éditions G.-M. Dutilleul, à Liège et à
Bruxelles.

À André Frankin1

Le 7 avril 1955

Cher camarade,

En réponse à deux lettres pressantes de nos amis, cette canaille de Dutilleul


vient de nous faire parvenir un billet d’une stupéfiante insolence : il refuse
absolument d’imprimer le texte que vous savez2 ; il nous avise que ce que
nous pourrions éditer nous-mêmes à ce propos ne saurait être diffusé par ses
services – et, de plus, malgré l’alternative que nous lui avions clairement
posée, il déclare que cette exposition se fera comme il l’entend à la date
prévue.
Devant cette manifestation qui ne relève plus du bluff tolérable mais de la
psychopathologie, nous sommes obligés de répondre à l’instant par un mot
de rupture aussi injurieux qu’il convient.
Croyez bien que nous sommes désolés, surtout à propos de vous, de la
surprenante tournure prise par cette affaire. Recevez nos plus cordiales
salutations.

G.-E. Debord, Jacques Fillon

1. Lettre reproduite dans Potlatch n° 19.


2. « Texte des invitations », Potlatch n° 19.

À G.-M. Dutilleul

Le 7 avril 1955

Stupide Dutilleul,

En imaginant que tes expositions pourraient se faire dans les conditions que
nous avons rejetées, tu viens de donner ta mesure. Les morveux comme toi,
qui veulent réussir, doivent être plus adroits.
Il n’y aura pas d’exposition.

Pour l’Internationale lettriste :


G.-E. Debord, Jacques Fillon

À André Frankin

Le 12 avril

Cher camarade,

Merci de votre lettre du 9.


Nous avons effectivement l’intention de consacrer une partie du prochain
Potlatch à exposer le cas Dutilleul.
Ce pauvre homme nous a avisé dans les formes qu’après six jours un
huissier se mettrait à l’œuvre pour nous faire payer une facture de 2200
francs belges (frais en sus, précise-t-il, 780 francs belges), ceci étant le prix
d’un travail qui ne nous a pas été livré, qui n’a probablement pas été fait et
qui, quand bien même il se trouverait imprimé, l’eût été contre notre
volonté expressément manifestée à trois reprises.
Nous vous prions donc :
1°) de représenter au policier Dutilleul les graves inconvénients, tant
judiciaires qu’extra-judiciaires, de ce genre d’entreprise contre nous ;
2°) de nous communiquer le plus grand nombre possible d’adresses
auxquelles les galeries Dutilleul envoient leurs invitations habituelles, et en
tout cas, les adresses des principaux journaux belges. Nous y enverrons le
Potlatch qui rendra compte de ces curieuses expositions.
Nous serions heureux de vous voir en juin à Paris, pour parler de problèmes
plus intéressants.
Très amicalement,

G.-E. Debord

À André Frankin

Paris, le 21 avril

Cher camarade,
Merci pour les adresses. La liste vous est retournée ci-jointe. Dutilleul et ses
huissiers ne se sont pas encore manifestés.
À propos de l’affaire Stéphane1, nous en sommes venus récemment à
conclure que toute l’activité de la Nouvelle Gauche était une manœuvre de
diversion objectivement certaine, et même que les buts conscients de
plusieurs de ses leaders étaient des plus louches.
Le meeting tenu le 6 avril dans la salle des sociétés savantes, meeting où
nous nous étions rendus en groupe, nous a permis de vérifier dans les
détails le caractère réel d’un mouvement qui prétend s’adresser à la classe
ouvrière : ramassis de bavards pseudo-intellectuels comme orateurs et
comme public; service d’ordre engagé à forfait pour la soirée,
principalement recruté parmi les ex-nervis du défunt R.P.F.2 ; expulsion
spectaculaire d’une demi-douzaine de dérisoires provocateurs néo-
royalistes (eux, ils étaient «la droite », la réaction…) remis aimablement
aux collègues de la police municipale qui attendaient, à la porte, d’en
prendre livraison, etc. Nous sommes partis sans plus attendre, sans attendre
par exemple la lecture du message de cette vieille pourriture de Mauriac,
qui joue le même rôle d’apôtre sauveur des déshérités pour la clientèle du
Figaro, celle de L’Express, et celle de Bourdet3.
Aussi méprisables que nous paraissent ces gens – c’est Stéphane qui signait,
à propos de Claudel, l’incroyable papier que nous relevions dans le dernier
Potlatch4 –, il s’agit d’un problème qui les dépasse : la liberté de
s’exprimer. Nous avons protesté en décembre contre l’inculpation de
Martinet5. Aujourd’hui, il nous semble plus honorable de défendre cette
liberté à propos de la saisie, par exemple, de la Vérité des Travailleurs6 au
début de ce mois, et des poursuites entamées contre les minorités
révolutionnaires dont tous les meetings, depuis la révolte de l’Aurès, ont été
systématiquement interdits.
Ceci n’enlève rien à la justesse de votre raisonnement sur le crime qu’est en
train de devenir « l’absence de conscience de classe du bourgeois », c’est-à-
dire uniquement le crime d’antifascisme.
Mais un antifasciste n’est pas pour cela un révolutionnaire, du moins quand
il ressemble à Stéphane. C’est pourquoi une heure qui exige des choix
extrêmes fait d’eux des fantoches, utilisables pour détourner un important
secteur de l’opinion. Il faut aussi tenir compte de cet aspect du problème,
sur lequel nous pensons avoir les plus sérieuses raisons d’attirer votre
attention.
Fraternellement,

G.-E. Debord

Lettre avec le tampon de Potlatch.

1. De son vrai nom Roger Worms, impliqué dans l’affaire dite


« des fuites » à propos de la guerre d’Indochine, il est arrêté en
1955, puis libéré le 21 avril.

2. Rassemblement du peuple français (1947-1954).

3. Claude Bourdet, fondateur avec Stéphane et Martinet, en 1950,


du journal L’Observateur (qui sera rebaptisé par la suite France-
Observateur, puis Le Nouvel Observateur).
4. Un éloge funèbre (cf. Potlatch, n° 18 du 23 mars 1955).

5. Gilles Martinet, « impliqué contre toute vraisemblance dans


une affaire d’espionnage américain en France », cf. Potlatch, n°
15 du 22 décembre 1954.

6. Publication du Parti communiste internationaliste (4e


Internationale), poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de
l’État, dans le cadre de la guerre d’Algérie.

À Asger Jorn

Paris, le 23 avril 1955

Cher Asger Jorn,

Nous serions heureux de vous rencontrer dès que possible. Voulez-vous


venir 32 rue de la Montagne-Geneviève mercredi prochain à 21 heures ?
Sinon, fixez vous-même un autre rendez-vous par une lettre envoyée à la
même adresse.
Bien cordialement,
G.-E. Debord

Lettre avec le tampon de Potlatch.

À Juan Goytisolo1

Vendredi 6 mai
lendemain de la fête du saint pape Pie V
avant-veille de la fête de sainte Jeanne d’Arc
treizième jour avant l’Ascension

Mon cher Juan,

Nous apprenons avec plaisir, par ta lettre, que l’Espagne est toujours un
aussi beau pays2.
À Paris aussi, l’ordre règne. Roger Stéphane se promène en liberté. Le bruit
court que Claude Bourdet trouve dans certains milieux de la Préfecture de
police les renseignements publiés dans l’Observateur. Nous n’en sommes
pas sûrs.

1. Juan Goytisolo, rencontré à Paris en octobre 1953.


Accompagne Guy Debord et Michèle Bernstein dans les bars
espagnols d’Aubervilliers. Il publie son premier roman Juegos de
manos en 1954.
2. Allusion aux six semaines que Juan Goytisolo a passées dans
les prisons espagnoles.

Notre ennemi Dutilleul n’a pas encore réussi à nous faire saisir. Nous avons
diffusé spécialement en Belgique les textes de la correspondance échangée
avec lui. Midhou3 a dû quitter Auteuil, sur l’ordre du commissaire de son
quartier. Il habite maintenant rue de Seine, à l’hôtel. Il pense à faire un
séjour à Londres. C’est pourquoi Wolman le remplace à la direction de
Potlatch.
Avec Jacques4 et Véra, j’ai visité5 le Palais idéal du facteur Cheval6, qui est
extrêmement amusant.
Je t’envoie quelques tracts, publiés en 1952, que j’ai retrouvés par hasard à
Cannes.
Je suis chargé de te transmettre les amitiés de tous. Salud.

Guy

P.-S. : Si tu vois J. Fernandez7, dis-lui d’écrire un article pour nous.


LE PAPE VA MOURIR
À la revue Les Lèvres nues

Paris, le 30 mai 1955

Chers amis,

Merci beaucoup pour les jeux1.


Nous sommes attristés d’apprendre que la publication des Lèvres nues va
être suspendue.
Voulez-vous, pendant ce temps, envoyer des articles à Potlatch, dont nous
étendrions l’envoi à votre public habituel ?

3. Mohamed Dahou.

4. Jacques Fillon.

5. Le 14 avril 1955.

6. Une photo est jointe à la lettre portant l’inscription manuscrite :


« Entrée des souterrains du Palais idéal » (cf. Guy Debord,
Œuvres, op. cit., p. 187).

7. Signature utilisée par Juan Goytisolo (cf. Potlatch n° 23).

Lettre avec le tampon de Potlatch.


1. Cf. Les Lèvres nues n° 5 : « Le jeu des mots et du hasard ».

Naturellement, nous sommes nous-mêmes tout prêts à écrire dans les futurs
numéros que nous souhaitons aux Lèvres nues. Les obstacles qui s’étaient
élevés à ce propos, et dont nous vous avions parlé, ont été heureusement
aplanis.
Dutilleul apparemment se calme. Cependant il ne nous est pas possible
d’aller en Belgique d’ici quelque temps.
Nos amitiés à vous tous,
G.-E. Debord

À la revue Les Lèvres nues

Paris, le 10 juillet 55

Chers amis,

Votre n° 5 est, je crois, le meilleur de la série. « Défense et illustration de la


langue française », qui nous a ravis, est très proche de l’idéal plastique que
nous voulions faire arborer chez Dutilleul. Ce dernier, nous dit-on, se
dispose à ouvrir une galerie à Paris. Nous irons.
Le loisir nous est laissé par la loi française de coller, en affichage libre, à
longueur de nuit. Il y faut une touche de couleur, le noir et blanc étant
réservé aux affiches officielles, mais un coup de crayon rouge en travers
suffit.
Pour d’autres raisons, je vous engagerais, si vous réalisez cette affiche1, à la
faire de très petite dimension.
Pour le n° 6 des Lèvres nues2 vous recevrez, avant la fin de juillet, un texte
de moi, dont je vous communique dès à présent le titre : INTRODUCTION
À UNE CRITIQUE DE LA GÉOGRAPHIE URBAINE.

1. Publicité pour Les Lèvres nues, dont le n° 6 allait paraître.

2. De septembre 1955.

Je ne vois pas, pour le moment, d’illustration qui s’impose.


Nous ferons de notre mieux pour aggraver le dépit de Breton. Notre tâche
est malheureusement compliquée par le fait que la rédaction de Medium,
sise au domicile de Péret, n’a pas de téléphone. Et l’éditeur-administrateur
est en faillite, en fuite peut-être ?
Nous allons innocemment commander cette belle revue3 chez deux ou trois
libraires, pas trop spécialisés dans l’avant-garde, qui insisteront eux-mêmes
rue Gramme4 par lettre ou tout autre moyen.
Bien cordialement,
G.-E. Debord

3. Le Surréalisme même, à paraître.


4. Centre d’informations surréalistes, 17, rue Gramme, Paris 15e.

À André Frankin

20 juillet 1955

Cher camarade,

Nous nous sommes rendus au repaire de Dutilleul. Il était parti pour


quelques jours mais rentre aujourd’hui.
Nous avons estimé que la seule manifestation susceptible de le gêner
sérieusement, et qui ne trahisse pas un dépit excessif de notre part, devait
avoir pour théâtre le premier vernissage de sa galerie. Mais comme il fallait
profiter de la chance d’avoir découvert son adresse1, nous avons fait porter
par un homme de mauvaise mine un message dont je vous joins le fac-
similé. Nous ne doutons pas qu’il ne provoque une certaine inquiétude. Le
dernier Potlatch est envoyé à l’instant à vos deux adresses, qui sont
effectivement nouvelles.

1. 20, rue Serpente, à Paris.

Les petits tracts déroutants2 causent une surprise plus vive s’ils sont très
dispersés, isolés : jamais deux sur un même mur.
Amicalement,
G.-E. Debord

2. « Construisez vous-mêmes une petite situation sans avenir »,


petits tracts qui avaient été diffusés par l’Internationale lettriste en
mai 1955.

À la revue Les Lèvres nues

25 juillet 1955

Chers amis,

J’ai appris sur le manifeste « Défense de la poésie », dont j’ignorais tout,


quelques détails que je vous communique : publié en tract il y a déjà
plusieurs mois, ce texte émane de la revue (ou du mouvement, je ne sais)
Terre de Feu, dont l’adresse est : 11, rue Eugène-Wiet, à Reims. Il s’agirait
d’une critique sévère des Aragonneries dans la seule perspective d’un art
engagé, et même en se fondant sur les principes définis par le Premier
Congrès des écrivains soviétiques.
Comme ce groupe est également distant – géographiquement – de vous et
de nous, et comme j’ai une méfiance désobligeante pour tout ce qui entend
se situer aujourd’hui sur le plan de la poésie-à-poèmes, je vous laisse le soin
de prendre contact.
Je suis passé au Minotaure1 demander des nouvelles des Lèvres nues. Le
doux jeune homme que j’y ai trouvé m’a assuré qu’il n’avait plus de Lèvres
nues mais que, n’étant pas le vrai libraire, il ne pouvait me dire s’il en fallait
d’autres. Je vous conseille donc d’en envoyer.
La dimension d’affiche que vous citez me paraît acceptable, même pour
l’inexpérience de nos colleurs actuels : les colleurs expérimentés ont tous
été victimes de l’avant-dernière série d’exclusions.
Ci-joint mon article. Qui sera malheureusement le seul pour cette fois, tous
mes amis étant absents de Paris en ce moment. Par le même courrier, je
vous envoie deux petites métagraphies (disons plutôt deux projets
d’affiches) que j’ai sous la main : une est de Dahou, l’autre de moi-même.
Des métagraphies plus caractéristiques me paraissent impubliables à cause
d’une surabondance de phrases imprimées qui seraient illisibles sur un
cliché.
N’ayant aucune photo de nos films – dépourvus eux-mêmes d’images – je
joins aux collages quatre photos de policiers américains en plein travail.
Peut-être pourrez-vous en trouver l’usage, dans l’illustration d’un texte
théorique et serein, loin de toute politique, comme ils disent?
Cordialement,

G.-E. Debord

1. Librairie Le Minotaure, 2, rue des Beaux-Arts à Paris.

À Gil J Wolman

Mercredi midi [7 septembre]

Mon cher Gil,

Peux-tu venir samedi soir à 8 heures au Tonnal1 ?


Objet du débat : rédaction d’une vive protestation auprès du Times de
Londres2, qui annonce la destruction prochaine du quartier chinois de cette
ville – connu sous le nom de Limehouse.
1. Le Tonneau d’or, 32, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève,
bar tenu par Charles Guglielmetti, dit Charlal du Tonnal,
permanence de l’Internationale lettriste.

2. Cf. Potlatch n° 23.

Admirable repaire de toutes sortes de Fu Manchu.


Si tu n’es pas libre, préviens-moi d’ici là.
Potlatch 22 sera expédié demain.
Je me suis finalement rendu à la fête de l’Huma3, le samedi soir assez tard :
assez jolies tendances à la dérive – dans l’avenue Lénine qui commence un
peu partout on s’entend crier par haut-parleurs : « Camarades, buvez un
verre de [mousseux] contre la répression en Algérie »
ou :
« Mangez une choucroute pour les métallos de Nantes »
et même :
« Buvez de la vodka de Moscou – 80 francs le verre, pour la détente… »
ou à peu de choses près.
On aboutit à quelques places très floues perdues dans des petits bosquets
d’arbres, et dites : de l’unité, Karl Marx, etc.
Mais aussi l’iconographie habituelle, le portrait de Maurice4 partout – des
chansons idiotes, du folklore à n’y pas croire, les communistes d’Auvergne
étant vêtus en Auvergnats, ceux de Brest en Bretons, et ainsi de suite :
Louis XVI n’aurait pu souhaiter mieux.
Relevée sur un stand de librairie en lettres énormes, une phrase de Lénine
juge tristement cette kermesse :
SANS THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE PAS D’ACTION
RÉVOLUTIONNAIRE.
Nous fûmes bien seuls à en rire.
Midhou signale que depuis quelque temps Jean-Isidore vient tous les jours
lire son journal au « Bonaparte », l’air triste et esseulé. Régression vers
l’enfance. À moins qu’il ne s’agisse d’un affût un peu long pour le genre de
chasse qu’il prisait tant.
Pomerand5, le pauvre mec, en est à écrire dans La Parisienne de la putain
Cécile Laurent-Labattue6. Et oui.

3. Fête annuelle organisée par le journal L’Humanité.

4. Maurice Thorez, secrétaire du parti communiste français.

5. Gabriel Pomerand (1925-1972), lettriste, auteur de Saint Ghetto


des Prés (1950).

6. Jacques Laurent, alias Cécil Saint-Laurent, fondateur du


journal La Parisienne.
(La jeunesse, le cri, le terrorisme, l’avant-garde, l’injure, le défi –
« L’extrême pointe de ce combat que chaque réveil nous propose quand il
nous entraîne dans les pièges de la vie », comme disait à peu près St Ghetto
des Prés…)
Mais j’y pense, connais-tu Fu Manchu ? Tous les livres de son inventeur
Sax Rohmer sont à lire.
Tout le pouvoir aux soviets lettristes !
Amitiés,
Guy

À la revue Les Lèvres nues

Paris, le 14 septembre

Chers amis,

La phrase en question doit être laissée telle quelle, c’est-à-dire que le « ou »


ne doit pas prendre d’accent1.
Paul Bourgoignie2 reçoit déjà Potlatch. Depuis plusieurs mois, semble-t-il,
à consulter nos listes.
Pour les affiches, nous serons toujours à votre disposition dans l’avenir.
Pourriez-vous me faire savoir si un certain Gildo Caputo3, 11, rue
Schoelcher (ou la Galerie de France, 3, rue du Faubourg-Honoré, c’est le
même homme) s’est abonné aux Lèvres nues après que nous ayons envoyé
dans Paris quelques-unes de vos cartes ? Ceci afin que nous passions aux
sanctions, au cas où il ne l’aurait pas fait.
Bien cordialement,
G.-E. Debord

1. Voir infra, lettre à Marcel Mariën du 11 novembre 1955.

2. Paul Bourgoignie (1915-1995), collaborateur des Lèvres nues


et fondateur de la revue Phantomas.

3. Gildo Caputo, galiériste, oncle par alliance de Michèle


Bernstein.

À André Frankin

Le 14 septembre 1955

[…] Dans la même semaine, décidément littéraire, on nous a envoyé une


revue Phantomas, qui est idiote, et il nous est tombé entre les mains le
dernier numéro de Temps mêlés. Cette revue est au-dessous de tout ce que
j’imaginais. André Blavier1 aussi, du même coup. Il est presque incroyable,
en plein vingtième siècle, que l’on écrive de pareilles choses […]
De même que Blavier étend ses ravages dans Phantomas, un certain Michel
Laclos, qui sévit dans Temps mêlés, n’est autre que le rédacteur en chef de
Bizarre2, fort tirage probablement destiné à nos sous-préfectures du Sud-
Ouest. Il est apparent qu’il existe une internationale de la connerie noire,
dont nous commençons à voir les meneurs. D’ailleurs, tout ce qui se
réclame de Queneau est à coller au mur à la première occasion.
L’exploitation de Jarry par ces quelconques pataphysiciens est exactement
aussi dégradante que les tentatives d’annexion du même par les catholiques.
Dans cet étalage d’insignifiance insultante, d’abjection morale, de pensée
mangée aux mites, il faut bien dire que Blavier se détache nettement : c’est
lui le plus tarte. Naturellement, il cessera de recevoir Potlatch. Autrement,
cela pourrait donner à croire que nous faisons quelque crédit à l’intelligence
d’un homme capable d’éditer de telles bassesses. Je suis content que nous
ne nous soyons pas rencontrés lors de son dernier passage à Paris : en dix
minutes de conversation, l’individu eût été démasqué. Et il est toujours
fâcheux d’être obligé d’en venir aux injures, qui se ressemblent toutes,
comme ces gens se ressemblent tous […]

G.-E. Debord

Extraits d’une lettre (reproduits dans Potlatch n° 23).

1. André Blavier, disciple de Raymond Queneau. L’un des


fondateurs, en octobre 1952, du cercle littéraire et de la revue
Temps mêlés.

2. Revue éditée par Éric Losfeld, reprise après deux numéros par
Jean-Jacques Pauvert.

À Asger Jorn
Paris, le 22 septembre 1955

Cher Asger Jorn,

Nous sommes contents de votre lettre1. Nous pensons, comme vous, qu’il
nous faut maintenant nous rencontrer, pour développer notre accord.
Nous vous attendons.
Très amicalement,
Pour l’I.L.
G.-E. Debord, Jacques Fillon

Lettre avec le tampon de Potlatch.

1. Asger Jorn qui écrivait : « C’est avec le plus grande sympathie


et enthusiasme que j’étudie votre programme : “Pourquoi le
lettrisme”, dans Potlatch de 9 sebt. C’est le premiere fois que je
vois expliqué claire et nettement les conditions et perspectives
essensielles de notre epoque dans le domaine des arts, et je suis
pleinement d’accord avec vous […] »

À Jane Graverol

22 septembre 1955
TRÈS DRÔLE1 STOP POTLATCH.

À André Frankin

22 septembre 55

Cher camarade,

Votre lettre ne laisse pas d’être inquiétante, quoique nous ne comprenions


pas à quels périls vous faites allusion. Nous espérons qu’ils sont, à cette
heure, conjurés. Sinon, précisez-nous leur nature, pour que nous voyions à
vous aider si c’est possible.
Nous attendrons patiemment Dutilleul. Thoveron, tant pis.
Blavier, vous pensez bien que nous n’entendons pas juger son caractère, ou
la sympathie qu’il peut inspirer personnellement. Nous ne l’avons jamais
vu, et nous ne nous permettrions pas de l’accabler sur ces détails. Il nous
suffit de savoir, par la lecture de la revue qu’il dirige, que son rôle est
objectivement néfaste.
Et comment se permettrait-on de juger la conduite sociale d’un docker, si on
tenait un intellectuel pour irresponsable de ses manifestations ?
Fraternellement,

Debord, Fillon

Télégramme.
1. Le journal Dutilleul (voir infra, lettre à André Frankin du 10
octobre 1955).

À Marcel Mariën

Paris, le 27 septembre 1955

Mon cher Mariën,

Je reçois à l’instant votre seconde lettre, comme j’allais répondre à la


première.
Voici les renseignements en cinq points.
1°) 300 affiches maximum (200 peuvent suffire à couvrir les principaux
panneaux. Il va de soi que seul un nombre limité de quartiers convient
pleinement à ce genre de publicité).
2°) Le texte exact est le suivant :
« Défense d’afficher : Loi du 29 juillet 1881 ».
3°) La distribution dont vous parlez nous paraît non seulement inefficace,
mais négative. Ceci, en général. En tout cas, pour nous, impossible.
4°) Vous avez raison d’utiliser les clichés. Ils rendront sur les murs un sens
plus fort.
Si vous mentionnez les adresses des libraires, nous n’afficherons que sur les
emplacements d’affichage libre. Dans ces conditions, le fait que l’éditeur
soit à Bruxelles n’a pas grande importance. Cependant, si vous voulez,
mettez la mention : « Diffusé en France par l’Internationale lettriste, 32 rue
etc. » sur le tirage destiné à la France.
5°) Nous surveillerons volontiers vos libraires.
Quant aux Lèvres nues, je pense qu’il m’en faudrait un ou deux exemplaires
en plus de ceux que vous m’annoncez.
L’hebdomadaire que vous nous avez envoyé est tout à fait réjouissant,
surtout pour les anciens combattants. Très supérieur en agressivité à notre
Canard enchaîné.
Cordialement à vous,

G.-E. Debord

À la rédaction du Times

[Début octobre]

Monsieur,

Le Times vient d’annoncer le projet de démolition du quartier chinois de


Londres. Nous nous élevons contre une entreprise d’urbanisme
moralisateur, qui tend évidemment à rendre l’Angleterre plus ennuyeuse
encore qu’elle ne le devenait récemment. Les seuls spectacles qui vous
restent sont un couronnement de temps à autre, et les fiançailles plus
fréquentes, mais généralement infructueuses, des premières demoiselles du
Royaume. Les disparitions de jolies jeunes filles, de bonne famille par
surcroît, se feront de plus en plus rares après l’effacement de Limehouse.
Croyez-vous qu’un gentleman peut s’amuser à Soho ? L’urbanisme
prétendu moderne dont vous vous recommandez, nous le tenons pour
passager et rétrograde. Le seul rôle de l’architecture est de servir les
passions des hommes. De toute façon, il est inconvenant de détruire ce
quartier chinois de Londres avant que nous n’ayons eu le loisir de le visiter,
et d’en établir l’expérimentation dans le sens des recherches
psychogéographiques que nous poursuivons. Enfin, si la modernisation
vous paraît, comme à nous, nécessaire, nous vous conseillons vivement de
la porter au plus urgent, c’est-à-dire dans vos institutions politiques et
morales.
Veuillez croire, Monsieur, à l’assurance de notre parfaite considération.

Pour l’Internationale lettriste :


Michèle Bernstein, G.-E. Debord, Gil J Wolman

À la revue Les Lèvres nues

Paris, le 2 octobre 1955

Chers amis,

La parution du journal Dutilleul est l’événement le plus bouffon de la


semaine, après toutefois le départ de Ben Arafa1. Nous avions conçu le
projet d’envahir au grand jour du vernissage la galerie Dutilleul de la rue
Serpente, et d’y décrocher toutes les toiles. Malheureusement, le journal
que nous recevons nous apprend que ces toiles seront de Cocteau. Nous
reculons devant le risque de voir interpréter ce geste comme le dix millième
crachat sur une si insignifiante victime.
Après ma visite à Béalu2, je tiens à votre disposition trois exemplaires du
Portrait d’après nature, sept exemplaires des Lèvres nues et la somme de
700 francs. J’attends vos instructions à ce propos. Béalu a fait toutes les
difficultés imaginables. Mais j’avais amené Dahou ; et c’est dans un style,
sinon tout à fait gangster, du moins franchement désagréable, que nous lui
avons fait retrouver, un par un, les exemplaires qu’il disait, de prime abord,
n’avoir point reçus.
Toutes vos affiches seront collées dans la même nuit. Comme vous
m’annoncez leur arrivée par paquets successifs, j’attendrai d’avoir reçu le
tout pour lancer cette opération.
Bien cordialement à vous,

G.-E. Debord

1. Mohammed Ben Arafa, souverain fantoche du Maroc, qui avait


été placé par le gouvernement français le 20 août 1953.

2. Marcel Béalu, propriétaire de la librairie Le Pont traversé, rue


Saint-Séverin.

À Gil J Wolman

Vendredi [7 octobre]

Mon cher Gil,

Fillon doit arriver dimanche soir, ou lundi selon la gravité des incidents
mécaniques prévus.
D’autre part, Juan vient d’arriver d’Espagne après un relativement bref
séjour (six semaines) dans une prison militaire. Il apporte de bonnes
nouvelles de l’influence de Potlatch sur l’opposition de ce pays.
La lettre au Times a été envoyée dans une traduction si belle et si noble que
l’on peut considérer que le texte original est enfoncé. Ce sera un régal pour
les lecteurs bilingues de Potlatch.
Mariën corrige les épreuves des Lèvres nues, et m’a consulté
scrupuleusement pour un « ou » qui aurait pu être un « où », mais qui ne
l’était pas.
Ce sont d’ailleurs (les lèvres-nudistes) les seuls types sortables au nord de
Paris. J’ai lu Phantomas (!) belge – la deuxième revue éditée par ce Blavier
qui «voulait nous rencontrer ». Dans l’indignation du premier choc j’ai
envoyé à Frankin – qui est lié d’amitié avec Blavier – une lettre qu’il ne
manquera pas de leur faire connaître. Et s’il y manque, aucune importance,
j’en publierai des extraits. Cette lettre fera l’effet – je m’en flatte – d’un
petit coup de tonnerre pour une racaille belgo-franco-italienne qui
commençait à nous aimer bien, à trouver qu’on avait de l’esprit, etc. etc. –
en somme que nous méritions une petite place entre Queneau, Prévert et la
revue Bizarre. Seul se trouve épargné Frankin, naturellement. (Par exemple
Temps mêlé indique en deux lignes que Potlatch n° 19 publie « une
extraordinaire correspondance franco-belge »… tu vois le ton, tu vois le
genre.) En somme, veux-tu passer rue Racine, mardi vers 7 heures ? Fillon
sera forcément arrivé.
Bien amicalement,

Guy
À Marcel Mariën

10 octobre 1955

Mon cher Mariën,

J’attendais pour répondre à vos cartes d’avoir les comptes des libraires.
Mais samedi ils étaient, paraît-il, accablés de travail et mon émissaire a
accepté un rendez-vous pour demain. On me dit, cependant, que le
Minotaure est un homme fort sympathique 1.
Je pense vous envoyer tous les chiffres mercredi matin (y compris ceux du
Soleil2) , et procéder mercredi soir au collage des affiches. Affiches que je
dois recevoir d’un moment à l’autre, si elles sont parties samedi.
À l’unanimité, l’épreuve de cette affiche a été jugée excellente. Pour les
collections de Lèvres nues, je vous remercie. Il me semble que deux
suffiront. Pour ne pas compliquer outre mesure nos comptes, vous pourriez
les envoyer vous-même : une à Fillon, à l’adresse de Potlatch – l’autre à Gil
J Wolman, 63, rue des Cascades, Paris 20e.
Vous pouvez compter, pour votre numéro 7, sur de courts articles de trois ou
quatre de mes amis. Et, si vous voulez, je peux vous donner le texte de mon
film3, dont la présentation serait comparable au «Parti pris de la lumière4 »,
par exemple, et qui prendrait environ six pages.
À quelle date limite devront vous parvenir les manuscrits ?
Frankin nous parle longuement mais vaguement d’une affaire de mœurs qui
a bouleversé Liège et laissé certaines de ses connaissances en prison. Lui-
même, impliqué par la rumeur publique, sans travail et presque au
désespoir, nous prie de le rappeler à votre souvenir. Jane Graverol lui avait
parlé d’une possibilité de trouver quelque emploi à Bruxelles. En tout cas,
une lettre de vous l’encouragerait sans doute.
Frankin nous annonce aussi que Dutilleul – à la suite de ces orgies ? – est
pour trois mois dans une clinique psychiatrique. Mais nous avons appris
plus drôle encore : il n’avait pas acheté sa fameuse galerie, que l’agence
cherche toujours à vendre, quoi qu’en pensent les bons Liégeois.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord

1. Roger Cornaille.
2. Librairie Le Soleil dans la tête, 10, rue de Vaugirard à Paris.

3. Hurlements en faveur de Sade.

4. De Marcel Mariën et Paul Nougé (Les Lèvres nues, n° 2).

À André Frankin

10 octobre 1955

Cher camarade,

Nous sommes désolés de vos nouvelles difficultés. Du travail à Paris,


comme vous dites, c’est plutôt impossible – on fait aux étrangers tous les
ennuis possibles. Un de nos camarades, qui est anglais1, s’est vu refuser de
séjourner plus de trois mois. Il lui faut donc tous les trois mois sortir de
France et revenir. Ceci bien qu’il ait un logement à son nom – ce qui est, à
Paris, encore plus rare qu’un travail acceptable (c’est même la principale
difficulté).
Je viens d’écrire à Mariën, en le priant de faire ce qu’il peut au plus vite.
Françoise d’Eaubonne, d’après les renseignements sommaires mais certains
que l’on m’en donne, n’a pas la moindre importance, non seulement dans la
hiérarchie du P.C.F. – ce dont vous vous doutiez évidemment – mais encore
dans la littérature communiste : elle écrit, pour vivre, de temps à autre un
petit conte (genre Delly). Elle fréquenterait ici les milieux snobs
communistes – car il existe un authentique communisme de salon, bien
parisien. Le plus représentatif de cette bande serait peut-être le nommé
Henri Lefebvre2, qui y pontifie, mais qui est assez mal placé dans le parti.
Nous avions déjà reçu – par Graverol – le journal Dutilleul, qui est vraiment
renversant. Vous nous apprenez un internement assez inattendu. À nous,
peut-être, de vous surprendre.
La galerie 20 rue Serpente, renseignements pris à l’agence, se trouve encore
actuellement à vendre. Et Dutilleul s’est sciemment moqué du monde,
depuis deux bons mois – probablement pour tirer des naïfs l’argent qui lui
aurait peut-être finalement permis d’acheter sa galerie?
Le no 23 de Potlatch étant actuellement au tirage, vous avez jusqu’aux
premiers jours de novembre pour envoyer un papier. Si vous pensez que
cette ténébreuse affaire liégeoise mérite une intervention – ou que cette
intervention pourrait être utile – à vous de juger, rédigez-la, nous vous
faisons confiance.
La situation politique est entrée dans sa phase critique. La vague de grèves
a reflué une dizaine de jours avant la reprise du travail à Nantes – qui
devenait ainsi obligatoire. Un coup d’État fasciste est devenu très possible,
probablement avec le personnage de Juin3. Nous en parlons dans notre no
234.
Fraternellement,

Debord

1. Alexander Trocchi.

2. Henri Lefebvre (1901-1991), philosophe marxiste.


3. Alphonse Juin (1888-1967), maréchal de France.

4. « Le dernier des sondages d’opinion en vogue ».

À Marcel Mariën

Le 23 octobre 1955

Mon cher Mariën,

Oui, je vais vous écrire une courte présentation de Hurlements. Le scénario


lui-même fait 13 pages dactylographiées. Pour les trois autres articles1,
comptez au plus une page de revue pour chaque. Mais tout dépend des
caractères, que vous choisirez à votre convenance.
Je vous enverrai demain des nouvelles des libraires, et huit jours après, nos
manuscrits.
Certains de vos paquets ont eu quelques jours de retard – six jours dans le
pire des cas –, retard apparemment occasionné par une visite des douanes.
Je ne sais si de tels délais sont courants ? Votre paysage londonien est plus
beau que nature.
Bien amicalement,
G.-E. Debord

1. « Description raisonnée de Paris » , par Jacques Fillon, « Refus


de discuter », par « Refus de discuter par Michèle Bernstein et,
sous forme de publicité , « Gil J Wolman présente » (cf. Les
Lèvres nues, no 7, décembre Lèvres nues, n° 7, décembre 1955).

À André Frankin

29 octobre 55

Cher camarade,

Je viens de prendre connaissance de votre article. Le cas Blavier me paraît


trop mince pour en parler davantage. D’ailleurs, nous en avons parlé une
fois, non à cause de sa valeur propre, ou de sa connerie, mais parce que
c’est un exemple typique des plaies de notre époque, et des fâcheux dont
nous sommes environnés, des fréquentations indésirables que certains
voudraient nous imposer.
De plus, vous semblez mettre Queneau et Jarry sur le même plan; pour
nous, Queneau vaut Cocteau, c’est tout dire.
Pour Théodore chose1, il peut envoyer sa mise au point : croyez bien que je
vais lui répondre.
Cordialement à vous,

Fillon
Lettre rédigée par Guy Debord, signée Fillon.

P.-S. : L’agence qui vend la rue Serpente est Péreire Immobilier, 99, rue de
Prony. Le prix est, croyons-nous, de 1 200 000 francs.

1. Théodore Koenig, cofondateur de Phantomas, correspondant


du Movimento Arte nucleare de Milan.

À Marcel Mariën

2 novembre 1955

Il n’y a pas de problèmes – il n’y a que des solutions1.

G.-E. Debord
et autres lettristes

Carte postale de Paris.

1. Allusion à l’encadré paru dans Les Lèvres nues no 4.

À Marcel Mariën
Paris le 11 novembre

Mon cher Mariën,

Nous pensons pouvoir placer utilement 15 ou 20 de vos feuilles. Dans


Potlatch1, nous avions déjà prévu une réclame discrète pour Les Lèvres
nues. Le supplément n’attirerait sans doute pas un lecteur de plus : au
contraire, un appel direct s’accorde mal avec « notre public », hostile en
majorité, et que seule la formule du cadeau gratuit permet d’insulter à
domicile.
Pour la correction erronée, je m’étais laissé persuader à la fin, au nom de
lois syntaxiques qui me paraissaient malvenues dans ce cas.
Merci pour les slogans. Votre photo est également très réussie. Mais qui est
le bronze2?
À bientôt, je pense. Cordialement,
G.-E. Debord
À Marcel Mariën

Le 6 décembre 1955

Mon cher Mariën,

Je vous remercie vivement de l’envoi de la revue, en épreuves. Elle nous


semble tout à fait bonne (en réservant le texte de Van Bruaene1, que nous ne
comprenons pas : que veut-il dire?). Ce que vous écrivez du cinéma est
parfait. Je crois aussi que des « formes fixes2 » comme le Pont-aux-Ânes ou
Grandeurs [sic] et Misères des Courtisanes, par leur répétition heureuse,
deviendront des armes critiques de plus en plus redoutables. À condition,
aussi, que le public des Lèvres nues s’élargisse régulièrement, ce qui doit
être très réalisable.
À ce propos, parmi les supports publicitaires que vous envisagez, il me
semble que Les Lettres nouvelles et Les Lettres françaises seraient les plus
utiles (Bizarre est, j’espère, sans public – La Tour Jacques est
complètement théosophique, n’a pas un lecteur vivant). Je ne risque aucun
avis sur la N.N.R.F.3, car rien ne me renseigne sur l’importance de la
fraction intéressante de ses habitués.
En dehors des titres que vous avancez, France-Observateur est sûrement à
essayer. C’est peut-être même le meilleur de tous. La publicité est bien
placée à toutes les pages. Les 40 ou 50 000 exemplaires sont lus par les
intellectuels les moins bornés de France.
Je crois que les prix sont élevés partout, mais à quel point ? Vous pourriez
faire un essai dans une seule publication, et juger, grâce aux deux libraires
d’ici, si la chose est rentable.
Merci pour les six exemplaires annoncés du numéro 7. C’est suffisant. Mais
puis-je vous demander d’adresser encore une collection complète à
Alexander Trocchi4, 9, rue Campagne-Première, Paris 14e?
Le panneau5 dont vous avez la photographie est dans l’île de la Cité,
derrière Notre(?)Dame, à proximité de la passerelle qui joint cette île à l’île
Louis. Endroit utile, où il reste, en ce moment même, quatre ou cinq
affiches.
Je me doutais bien que les « Ennemis mortels » avaient déjà provoqué des
plaisanteries de ce genre. Mais j’ignorais que Valéry fût sur les rangs6.
Cordialement à vous,
G.-E. Debord

1. Potlatch no 24, du 24 novembre 1955.


2. Photomontage de Gilbert Sénécaut intitulé La Grande Muraille
pour la couverture du numéro 7 des Lèvres nues.

1. Gérard Van Bruaene (1891-1964), « Coup d’œil sur le monde »


( Les Lèvres nues, no 7).

2. Montage de citations attribuées arbitrairement à divers auteurs.

3. Nouvelle Nouvelle Revue Française (Éditions Gallimard).

4. Alexander Trocchi (1925-1984), membre de l’Internationale


lettriste, puis situationniste, fondateur de la revue Merlin, auteur
de Young Adam (1954) et de Cain’s Book (1960).

5. Sur lequel l’affichette des Lèvres nues fut placardée par


l’Internationale lettriste.
6. Cf. quatrième page de couverture du numéro 7 des Lèvres nues.

P.-S. : Nous sommes particulièrement satisfaits de la typographie que vous


avez choisie pour le placard de Wolman – avec les deux mains impératives,
très adéquates.

À Marcel Mariën

Le 18 décembre

Mon cher Mariën,

France-Observateur, hélas, vend ses colonnes au prix fort, et votre annonce


coûterait environ 10 000 francs. La ligne vaut 400 francs, et il faut ajouter
au total 9 % de taxes locales, à ce que j’apprends. Donc rien de rentable
pour le moment.
Nous chercherons les prochains bénéficiaires du « Pont-aux-Ânes » et de
« Splendeurs et Misères… ». Évidemment, rares sont les gens que l’on peut
insulter publiquement sans offrir soi-même l’apparence d’une déception
naïve (pessimistes, qu’aviez-vous donc espéré?1). Mais tout de même.
Je pense qu’il vous faudra les textes pour le numéro 8, vers la fin de janvier.
D’ici là, je vous aurai rencontré, sans doute. Nous pourrons parler plus
généralement de ce qui nous occupe.
Bien cordialement,
G.-E. Debord

1 . Fameuse « inscription » du surréaliste belge Louis Scutenaire


(1905-1987). Scutenaire (1905-1987).
1956
janvier

– G.-E. Debord et Gil J Wolman à Bruxelles.

avril

20-24 – Première exploration du quartier chinois de Londres.

mai

– Parution dans Les Lèvres nues no 8 de « Mode d’emploi du


détournement », signé Guy-Ernest Debord et Gil J Wolman.

– L’ Internationale lettriste participe au Mouvement international pour un


Bauhaus imaginiste.

juin

1er – Guy Debord et Michèle Bernstein emménagent au 1, impasse de


Clairvaux (180, rue Saint-Martin, Paris 3e).
– Toutes ces dames au salon !, tract de l’Internationale lettriste (Paris) et des
Lèvres nues (Bruxelles) s’élevant contre une exposition internationale de
peintures commanditée par la compagnie Shell : « L’industrie du pétrole
vue par des artistes ».
juillet

31 – Ordre de boycott de l’Internationale lettriste (G.-E. Debord, Asger


Jorn, Gil J Wolman) contre le Festival de l’Art d’Avant-Garde à Marseille.

septembre

– Saisi par les autorités militaires, Guy Debord est placé en observation à
l’hôpital militaire de Vincennes avant d’en sortir le 21 septembre, réformé
définitif.

2-9 – Gil J Wolman représente l’Internationale lettriste au congrès d’Alba,


où les groupements progressistes de huit nations sont réunis sur le thème :
«Les arts libres et l’activité industrielle ». Dans sa résolution finale
préalablement rédigée et signée à Paris par Guy Debord, le congrès adopte
le mot d’ordre lettriste d’urbanisme unitaire.

novembre

– « Théorie de la dérive » et « Deux comptes rendus de dérive » paraissent


dans Les Lèvres nues no 9.

14 – En Hongrie, l’insurrection armée est écrasée.


21 – Premier voyage de Guy Debord à Alba où il fait la connaissance de
Giuseppe Pinot Gallizio, du peintre Piero Simondo, du musicien Walter
Olmo et de Constant, cofondateur en 1948 du Groupe expérimental
hollandais (revue Reflex) et de Cobra.

décembre

6 – La conférence Histoire de l’Internationale lettriste, d’une cinquantaine


de minutes, est enregistrée à la « permanence lettriste de la rue Montagne-
Geneviève », avec les voix de Michèle Bernstein, Guy Debord, Jacques
Fillon, Abdelhafid Khatib, Gil J Wolman (et Asger Jorn).

8 – Dans son Projet pour un labyrinthe éducatif, Guy Debord évoque le


Kriegspiel, « Jeu de la guerre» qu’il a inventé et qui « réunit les avantages
du jeu d’Échecs et du poker ».

10-15 – À Turin, exposition et tract du M.I.B.I. en faveur de l’urbanisme


unitaire (en français et en italien).

– Annonce d’un Congrès provisoire pour la fragmentation


psychogéographique de l’agglomération londonienne, texte inédit reproduit
dans Guy Debord, Œuvres (collection Quarto Gallimard).
À Marcel Mariën

Le 1er janvier 1956

Mon cher Mariën,

Merci pour l’exemplaire du Soir1. Je vous communique la réponse2 que me


semble mériter ce critique. Mais comme son article est évidemment
favorable à la diffusion des Lèvres nues, je vous laisse le choix de lui faire
parvenir ou non ma lettre. Ne vous préoccupez que de l’utilité.
Ci-joint également un article de L’Humanité-Dimanche de ce jour, qui
prouve que Wurmser a de bonnes lectures, et détourne les phrases comme
vous et moi.
Amicalement, à vous tous,

G.-E. Debord

1. Le Soir, 23 décembre 1955, « Un autre cinéma ».

2. Lire ci-après.

Vu ton indigente critique du 23 décembre (« Un autre cinéma ») sache :


1° – que la revue Les Lèvres nues est complètement opposée au surréalisme
actuel. Sans quoi, naturellement, je n’y écrirais pas.
2° – que je ne place pas « le comble de l’art en matière cinématographique
dans un écran blanc, vierge de toute image », mais le comble de sa négation
– comme tout le monde, sauf toi, s’en est bien douté.
3° – que si tu «découvres un sens métaphysique » au final de la Manon de
Clouzot, ou à l’ensemble du western Le train sifflera trois fois, tu es un con,
d’une qualité qui commence à se faire rare.
G.-E. Debord

À Marcel Mariën
Le 9 janvier 56

Mon cher Mariën,

Quatre exemplaires des Lèvres nues, pour lesquels je ne voyais pas d’usage
plus sûr, ont été déposés respectivement : dans une galerie de la Sorbonne;
sur une banquette d’un bougnat de la rue de Seine, que les lettrés
fréquentent; sur le socle de la statue1 que nous appelons depuis peu
« Hommage dialectique à la fièvre et à la quinine » ; sur une fenêtre de la
rue Tournefort. Au hasard objectif de jouer.
Le Minotaure a vendu 23 exemplaires et le Soleil 17 autres. Ci-joint les
chiffres précis.
Le Minotaure se désole, me dit-on, se fâche presque de ne pas être
mentionné dans Les Lèvres nues comme « dépositaire pour la France »
(vous ne citez que le Soleil). Je ne sais à quel point le compte-chèque postal
commande ce choix unique. Mais du point de vue de la réputation de ces
librairies, et toutes choses égales d’ailleurs, nous plaidons tous ici,
vivement, la cause du Minotaure. Je pense que vous devriez lui écrire pour
le rassurer. Lors de la parution du no 6, il vous a consacré une vitrine, et
vient encore de nous demander quelques-unes de vos affiches, que nous lui
avons portées.
Vendredi prochain, le 13 janvier, je pense être à Bruxelles aux environs de
21 heures, et passer rue Joseph II2, ou à tout autre lieu que vous
m’indiqueriez par retour de courrier.
Cordialement,

Debord

1. Boulevard Saint-Michel, face à la rue Auguste-Comte.


2. À l’adresse des Lèvres nues.

À Asger Jorn

Lundi 9 janvier 1956

Cher Asger Jorn,

Voulez-vous que nous nous rencontrions mercredi, à 21 heures, au bar des


Patriarches – dans le passage des Patriarches, qui s’ouvre au no 99 de la rue
Mouffetard ?
Nous avons oublié chez vous l’autre soir le manuscrit de notre prochain
bulletin1. Vous seriez très aimable de nous l’apporter.
Bien cordialement,

G.-E. Debord
À Asger Jorn

13 janvier 1956

Voici une architecture1 qui a grand besoin que nous y mettions la main.
Amicalement,

G.-E. Debord, Wolman


1. Potlatch no 25.

Carte postale.

1. Le palais du Centenaire, à Bruxelles.

À la revue Les Lèvres nues

Mardi 17 janvier

Chers amis,

Voici les adresses1 que je peux vous indiquer :


Hôtel Lutetia, 43, boulevard Raspail (il est inutile de préciser la ville et
l’arrondissement).
Henri Lefebvre, 11, square de Port-Royal, Paris 13e.
Il y a dans l’annuaire deux G. Bataille possibles :
17, boulevard Bourdon, Paris 4e,
et 3, rue de Lille, Paris 7e.
Envoyez aux deux. Si l’on découvre un invité de trop, le malheur ne sera
pas grand.
Aucun Caillois ou Aron ne semble pouvoir être le bon.
De plus, l’invitation doit être – à mon avis – envoyée à :
Édouard Roditi, 8, rue Grégoire-de-Tours, Paris 6e.
M. le Rédacteur en chef de l’Agence France-Presse, 13, place de la Bourse,
Paris 2e,
et peut-être aussi à :
Noël Arnaud, 18, rue Mesnil, Paris 16e.
« Europe », 33, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6e.
Nous avons sûrement noté, ensemble, Combat, Le Monde et France-
Observateur.
Je vous enverrai plus tard la petite liste d’adresses destinée à votre enquête2,
car nous allons d’abord nous concerter sur sa composition.
Aux premières nouvelles, j’entends dire que le Salon des Indépendants
aurait, lui aussi, un jury. Nous allons nous renseigner plus précisément.

1. Adresses des personnalités à qui envoyer une fausse invitation


pour le 60e anniversaire d’André Breton (cf. Potlatch no 26, du 7
mai 1956 : « Modeste préface à la parution d’une dernière revue
surréaliste »).

2. « Quel est votre but dans la vie?… et que faites-vous pour


l’atteindre ? », dont les résultats seront publiés dans les numéros
10-12 des Lèvres nues.

Je vous remercie encore de votre accueil. Recevez tous, nos plus cordiales
salutations, et veuillez les transmettre à Nougé.
G.-E. Debord

À la revue Les Lèvres nues

Samedi soir [21 janvier]

Chers amis,

Nous avons reçu le paquet d’enveloppes, et nous ne voyons rien à y ajouter.


Pour le Salon, il vous faut écrire à

M. le Président du Salon des Indépendants


Grand Palais
Porte E
Champs Élysées Paris 8e

en lui signalant votre intention d’exposer. Mais nous ne savons rien des
règlements éventuels, puisqu’il s’agit d’une entreprise privée qui
n’entretient aucun service en dehors de la période de l’exposition.
Je vous écrirai après l’arrivée des invitations.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord
À Alexander Trocchi
[Fin janvier, début février]

Mon cher Alex,

Nous pensons tous que tu as eu raison de recommencer ce travail pour


Girodias1, puisque tu avais un extrême besoin d’argent. On ne peut pas,
actuellement, faire uniquement des choses qui ont de l’intérêt. Mais le
mélange vaut certainement beaucoup mieux que l’inaction.
J’ai eu des nouvelles de Midhou. Il a fini par arriver à Orléansville où, lui, il
passe des vacances très confortables. Il nous écrit qu’il reviendra à Paris au
début du mois de mars. Il t’envoie ses amitiés. Les gens qui ont parlé de
faire un faux Potlatch 2 sont des Belges, du genre « artistes modernes »,
idiots. Sans doute, ils n’oseront pas. Avec Wolman, j’ai passé quelques
jours à Bruxelles. Nous avons été très bien reçus chez Mariën. Nous
sommes d’accord avec eux : finalement, ils pensent la même chose que
nous du stalinisme.
Asger Jorn, dont nous avions dû te parler, est maintenant à Paris. Il souhaite
beaucoup collaborer avec nous. C’est un homme sympathique, et
intelligent. Mais encore encombré de quelques formulations esthétiques
inutiles. De sorte que les conversations que j’ai eues avec lui m’ont
grandement ennuyé; et à présent je laisse nos amis continuer la discussion.
On verra ce qu’on peut en faire.
Je serais toujours très content de te voir à Londres. Je tâcherai de venir dans
une quinzaine de jours, parce que en ce moment j’ai beaucoup de choses à
faire à Paris; et puis, tout de même, après la vague de froid.
Nos amitiés,
Guy

1. Maurice Girodias (Olympia Press), qui avait publié en 1954


Young Adam (Le Jeune Adam), d’Alexander Trocchi (sous
pseudonyme) et plusieurs autres romans alimentaires.
2. Cf. «Touchez pas aux lettristes » (Potlatch no 25, du 26 janvier
1956).

À Alexander Trocchi

26 février 56

Cher Alex,

Nous n’avons aucune attitude en commun, et nous n’en aurons pas aussi
longtemps que tu soutiendras ces idées sur le génie individualiste.
Moi, je crois aux arguments rationnels : c’est Sindbad qui n’y croit pas. Je
ne crois pas à la solitude : c’est Anstryn qui est seul. Je ne crois pas à
l’importance d’une personne en dehors de ses actes : ce sont Iris1 et
Gurdjieff2 qui y croient.
Dans ces conditions, je peux seulement dire que je ne suis pas « fâché »
avec toi ; mais je ne sais pas dans quelle mesure une telle constatation peut
nous intéresser l’un et l’autre.
Cordialement,
Guy

1. Iris Clert, galeriste.


2. Gurdjieff, gourou mondain.

À Marcel Mariën

Le 29 février

Mon cher Mariën,

Oui, nous avons eu quelques échos de l’anniversaire de Breton. Je les joins


à cette lettre. Je pense qu’il y en a eu au moins le double, car nous n’avons
consulté qu’une douzaine de publications. À noter cependant que Nadeau a
gardé le silence, dans France- Observateur.

Bien que Les Lèvres nues ne soient pas nommément désignées, il nous
semble que l’opération est réussie. Le tout-Paris et la presse ont dû
beaucoup parler de l’affaire, et de ses auteurs. Et le grand public a tout de
même appris que Breton avait soixante ans : belle préface à la revue
Phénix1.
Remarquez comme les « personnalités parisiennes » qui, si l’on met à part
les journaux, se réduisaient à une trentaine de personnes, sont devenues une
centaine dans L’Express, trois cents dans Arts. De plus, L’Express ne laisse
pas de doute sur la réussite de la mystification elle-même. Et le ton de la
colère est sensible dans Arts, dont un entrefilet a l’allure d’un démenti.
Je vous joins aussi les comptes du Minotaure, établis avant notre
manifestation commémorative. Le Soleil n’avait, à cette date, pas fait de
nouvelles affaires.
Je crois que le numéro 8 devrait paraître le plus tôt qu’il vous sera possible,
pour profiter de cette histoire et aussi pour porter un rude coup à
l’Encyclopédie-Queneau2 dont le premier volume est sorti voici dix jours
environ. Mais la question de la date de parution est quand même
secondaire.
Je ne pense pas que nous puissions profiter de ce délai pour vous envoyer
quelque texte intéressant. Mais, dès à présent je crois que je peux promettre,
pour le numéro 9, une participation beaucoup plus abondante, et surtout
plus variée. Nous avons déjà entrepris ce travail, qui ne peut avancer vite.
Sélim Sasson3 aura le prochain Potlatch, qui ne paraîtra que vers le 15
mars. Nous vous renverrons la Déclaration4 dès que nous l’aurons lue.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord

1. Cf. « Modeste préface à la parution d’une dernière revue


surréaliste » (Potlatch no 26).

2. Encyclopédie de la Pléiade, dirigée par Raymond Queneau,


aux Éditions Gallimard (cf. Potlatch no 26 : « Les
encyclopédistes-Gallimard sur la piste d’une weltanschauung »).

3. Sélim Sasson (1929-2002), critique d’art à la télévision belge.


4. Projet d’une déclaration commune, pour laquelle Guy Debord
attendait la contribution des Lèvres nues.

À Alexander Trocchi

Le 22 mars 1956

Mon cher Alex,

Je ne manque pas de confiance en toi : au contraire, je suis sûr de la plus


grande franchise entre nous. Mais nous sommes libres d’agir soit ensemble,
soit séparément – et de le dire.
J’avais interprété ta lettre comme une décision d’éloignement. Nous
sommes tous heureux d’apprendre que c’était un malentendu. Je te prie
donc d’oublier cette interprétation – que les termes de ta lettre permettaient
– et de m’en excuser.
Je voudrais te voir au plus tôt, mais je pars demain pour Cannes et je serai
revenu à Paris le 10 avril seulement. Si tu es encore à Londres à cette date,
j’irais immédiatement. Veux-tu m’écrire, rue Racine, quel jour exactement
tu pars pour New York ?
Midhou devait rentrer ce mois-ci, mais je crains qu’il ne puisse le faire,
avec les visas nécessaires depuis hier pour circuler entre la France et
l’Algérie. Nous publions dans le prochain numéro des Lèvres nues une
déclaration d’unité d’action avec le groupe de Mariën.
Potlatch paraîtra plus rarement1 : le prochain en avril.
À bientôt, amicalement,

Guy
1. Potlatch paraissait mensuellement depuis septembre 1954.

À Marcel Mariën

11 avril 56

Cher ami,

Dans l’hypothèse où il vous serait finalement impossible de caser la


fameuse déclaration dans ce no 8, nous vous prions d’ajourner également la
parution de «Mode d’emploi1 », disons jusqu’à la parution de ladite
déclaration. Dans le no 9, par exemple ?
Pour la publication sous forme de tract, nous inclinerions à penser que ce
texte n’a pas la valeur générale qui justifierait une publication
indépendante.
Cordialement,

Lettre rédigée par Guy Debord, recopiée et signée « Dahou,


Wolman ».

1. Mode d’emploi du détournement.

À Asger Jorn
[20-24 avril1]

Si vous êtes revenu de Bruxelles, nous pourrions peut-être nous rencontrer?


Cordialement,

G.-E. Debord

1. Carte postale envoyée de Londres où Guy Debord séjournera


du 20 au 24 avril pour la première exploration
psychogéographique du quartier chinois.

À la revue La Tour de feu1

7 mai 1956

Messieurs,

Ayant pris connaissance du questionnaire de l’enquête que La Tour de feu


«a cru nécessaire et urgent» de mener sur les rapports de la peinture et de la
poésie, au sein d’une révolution qui affecterait l’« infiguré », nous ne
surprendrons personne en avouant que cette enquête ne nous paraît pas
comporter de réponse.
Mais, à défaut, nous croyons être utiles à une pensée visiblement plus
mystifiée que mystifiante, en vous proposant ces quelques sujets de
méditation : quels rapports peut-on établir entre vos questions et
l’intelligence, même peu avancée ? Entre votre vocabulaire et la langue
française ? Entre votre existence et le XXe siècle ?
Pour l’Internationale lettriste :
G.-E. Debord, Gil J Wolman

1. À propos de son enquête sur « la révolution de l’infiguré ».

À Marcel Mariën

Le 17 mai 1956

Mon cher Mariën,

Le Minotaure vous fait dire d’envoyer au plus tôt d’autres exemplaires du


no 8, les siens étant tous vendus, sauf un.
Le différend, je vais vous l’expliquer en peu de mots :

nous voulons tous, ici, éviter l’apparence inoffensive d’une collaboration


littéraire, fut-elle donnée à la publication littéraire la plus avancée. Vous
aussi, sans doute. Il nous paraissait donc nécessaire d’exposer quels motifs
d’action nous sont communs. Le retard apporté à un tel préalable pourrait
donner à penser qu’il n’y en a pas.
Cordialement,
G.-E. Debord

À Marcel Mariën
Mardi [29 mai]

Mon cher Mariën,

Dans cette affaire de déclaration commune, il s’agit en effet de l’existence


de quelques personnes attentives (elles ne forment évidemment pas ce
qu’on appelle un public, mais nous connaissent assez directement), qui se
trouveraient facilement rassurées – ou déçues – par tout ce qui pourrait être
interprété comme une concession de notre part. Je sais bien qu’il n’y a pas
d’équivoque véritable entre nous, mais la chose est peut-être plus claire
pour qui a assisté à nos conversations ? Enfin, on peut remettre au no 81
cette déclaration, remaniée si vous en avez le temps, ou telle quelle.
Considérons, si vous le voulez bien, que cet incident est clos.
Éternelle question : pour quelle date voulez-vous les textes ? Cette fois, je
vous l’ai dit, nous vous en enverrons nettement plus, divers articles
s’éclairant l’un l’autre2. (Et, je pense, se trouvant en relation avec votre
suite des « Grands Travaux ».)

1. Mis pour no 9.

2. « Théorie de la dérive » ; «Deux comptes rendus de dérive » ;


« J’écris propre (récit détourné) ».

De plus, je vous propose de continuer cette fois la rubrique « Préhistoire des


loisirs » pour laquelle nous avons deux longues citations fort intéressantes.
Si vous n’avez pas d’autres textes en vue pour cette rubrique, les nôtres
pourraient suffire, avec un mot d’introduction que nous rédigerions.
Je pense que Soleil et Minotaure vont payer aujourd’hui. Pour la
reproduction d’Hersent3, je vais vous la faire attendre quelques jours. Mais
comptez-y.
J’espère que l’impression du tract sur la peinture pétrolière se fait bien.
Très amicalement,
G.-E. Debord

P.-S. : Je vous prie de noter ma nouvelle adresse


1, impasse de Clairvaux, Paris 3e (TUR 25-24).
Le changement prend effet immédiatement4.
À Marcel Mariën

1er juillet 56

Mon cher Mariën,

Hier, samedi, nous avons reçu tracts1 et enveloppes et en avons assuré


l’expédition immédiate.
Nos architectes italiens, c’est justement Jorn qui devait les faire signer, mais
il n’a pas été joint en temps utile et je pense que vous n’avez même eu sa
propre signature que par Enrico Baj.
L’affichage, déjà bien restreint, dont je vous avais parlé (quartier
« intellectuel » de Germain-des-Prés) se trouve à notre avis incompatible
avec la publication de la rubrique « Les loisirs de la poste ». Il est apparent
que presque toutes les personnes rangées dans cette rubrique n’ont pas
voulu signer, sans même se donner la peine de vous communiquer leur refus
(par exemple Char ou Tzara). Et il leur est trop facile de répondre que ce
n’est pas négligence de leur part, mais mépris délibéré.
Pire encore, quand on a sollicité la signature de Ponge (après le télégramme
injurieux et mérité que nous lui avions adressé l’an dernier2 ) – et quand on
l’a sollicité vainement, on ne va pas afficher la chose sur les murs.
En outre, je ne sais si vous avez remarqué, qu’il y avait dans ce tract pas
moins de cent cinquante-neuf noms, ce qui est beaucoup à lire pour un
passant moyen, et que sur ces cent cinquante-neuf noms il n’y en avait que
cinquante pour approuver votre texte, ce qui est une minorité fâcheuse du
moment que l’on a cherché à réunir des protestataires de tous les horizons.
Notez bien que ces objections concernent surtout le côté « vie parisienne »
de l’affaire, et plus particulièrement l’affichage de cinquante tracts. À part
cela, les résultats – approbations et refus – semblent vraiment satisfaisants,
et il n’est pas mauvais de publier les résultats complets de cette sorte de
referendum sur un point très significatif.
De sorte qu’en plus des journaux, de l’Agence France-Presse, et des douze
plus importantes compagnies pétrolières en France, nous avons adressé le
tract à une cinquantaine de personnes qui ne doivent pas être comprises
dans votre liste.
Nous allons surveiller les réactions de la presse.
Je vous renvoie la lettre anonyme. L’imbécile n’est certainement pas parmi
nos correspondants (mais, bien sûr, il pourrait être quelqu’un de leurs amis).
Très amicalement,
G.-E. Debord

3. Louis Hersent (1777-1860), peintre français, élève de David,


auteur de La Métamorphose de Narcisse.

4. De la main de Michèle Bernstein.


1. Toutes ces dames au salon, tract des Lèvres nues et de
l’Internationale lettriste contre une exposition tenue du 2 au 14
juin 1956, au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, sur le thème de
« L’industrie du pétrole vue par les artistes » et organisée par la
Royal Dutch-Shell.

2. « Ah Ponge tu écris dans Preuves. Canaille nous te méprisons.


Signé Internationale lettriste », le 27 septembre 1955.

À Alexander Trocchi

Le 13 juillet

Mon cher Alex,

Je pense que le certificat de Laverne, que je t’ai adressé hier, est suffisant.
Nous avons été contents d’apprendre que tu te plais à New York.
Nous avons vu David seulement une soirée, car il est passé très vite à Paris,
mais il reviendra au mois d’août. Je lui dirai d’aller chez Charlie à Londres.
Nous rencontrons beaucoup de personnes intéressantes (dont un Japonais).
Midhou habite rue Campagne-Première1 depuis deux ou trois semaines. Il a
appris un jour, par hasard, qu’Iris2 était partie en Espagne plus d’un mois
auparavant – sans le prévenir, naturellement. Il t’envoie ses amitiés.
Asger Jorn organise un congrès3 en Italie, près de Gênes, au mois de
septembre, entre diverses fractions d’avant-garde, pour voir si elles peuvent
rejoindre nos positions. Mais les gens de New York sont malheureusement
trop loin pour envoyer un délégué.
J’espère que tu finiras cette visite en Amérique par une exploration du
Mexique, et aussi, tout de même, que nous te reverrons dans pas trop
longtemps.
Très amicalement,

Guy

1. Adresse parisienne d’Alexander Trocchi.

2. Iris Clert.

3. Le Premier Congrès mondial des artistes libres s’est tenu à


Alba, du 2 au 9 septembre 1956.

À Marcel Mariën

Mercredi 18 juillet

Mon cher Mariën,


Merci pour Histoire de ne pas rire1. C’est extrêmement bien d’avoir pu
réunir ces textes. On ne vous en félicitera jamais assez. Nous allons
patrouiller chez vos libraires.
J’envoie un tract de Bury2 à la Shell. Entre-temps, nous en avions trouvé un
sur la Montagne-Geneviève. Toutes ces réactions sont très amusantes, et
prouvent que le coup a porté. Il faut suivre notre pointe, comme dit Retz.
Wolman et moi, dès réception de votre lettre, avons envoyé à « Marcel-
Adolf Havrenne3 », sur un papier à en-tête du New York Herald Tribune, les
lignes suivantes : « Havrenne, petite salope raciste, tu n’avais déjà pas une
belle gueule avant le passage d’Ibrahim Dahou.
Masturbe-toi une dernière fois. »
– ces amabilités signées de nos deux noms, et du tampon de Potlatch – puis,
dans le même instant, ce bref télégramme :
ATTENDS-MOI – SIGNÉ IBRAHIM BIROUD-DAHOU.
Si une saine terreur ne les fait pas renoncer à leur projet4, nous trouverons
bien l’occasion d’assommer Havrenne au tournant, où que le tournant se
trouve. Rien ne presse.
Le carton de Van Bruaene est très joli5. Pour Arnaud6, je vais demander à
Dahou, qui le connaît, s’il veut le joindre. Mais les gens de Bizarre sont
nettement de nos ennemis communs.
Pour la mise en quarantaine des brebis galeuses, j’envoie la consigne à Jorn
et à ses alliés. Ceux qui sont « peintres nucléaires » vont se trouver
déchirés, car ils sont assez liés avec les Koenig-Havrenne-Blavier. Pourtant
ils vont bien être obligés de choisir, tous.

1. Histoire de ne pas rire, de Paul Nougé, paru en juin 1956 aux


éditions de la revue Les Lèvres nues.
2. De la Pompe aux « Lèvres nues », par André Balthazar et Pol
Bury, qui « ironise sur les signataires de Toutes ces dames au
salon! »

3. Un des signataires du tract Les curés exagèrent, lié aux


précédents.

4. De faire paraître un faux Potlatch.

5. Carton imprimé sur papier doré : « Sir Gerard Van Bruaene à


l’Estaminet de la Fleur en papier doré. »

6. Noël Arnaud.

Une (ou plusieurs) manifestations de ce genre a le grand mérite, si on la


pousse au bout, de secouer un peu la collusion perpétuelle entre « artistes »
plus ou moins avancés, leur confortable sommeil, au fond leur appartenance
à une classe qui tient leurs oppositions dans les limites honnêtes des
rapports mondains, des communautés d’intérêts. Cela peut aussi entraîner, à
la longue, un certain regroupement d’« extrémistes » clairement délimité,
qui serait aussi favorable au développement des idées nouvelles que l’actuel
amalgame est néfaste. C’est dans cette perspective que cette sorte de
sanctions est à la fois objectivement utile et, pour les victimes, fort pénible.
À L’Huma, au moment où les décisions mêmes du P.C. de l’U.R.S.S.
paraissent dangereuses, je ne crois pas qu’ils tiennent compte du P.C. belge
ou de nous. Mais Aragon livre sans doute sa dernière bataille, en même
temps que Thorez-Vermeersch (dont vous avez vu les burlesques théories
sur le birth control.
Il y avait là un mépris de la raison qui dépassait même la philosophie
nazie).
Après plusieurs tentatives infructueuses, je crois être sur la piste de vos
reproductions d’Hersent. Mais il faut attendre 15 jours après la commande.
Vous aurez sans doute une bonne partie de nos textes pour le no 9 vers le
début d’août. Le reste avant le 1er septembre.
Très cordialement à vous tous.

G.-E. Debord
À Marcel Mariën

Samedi [courant juillet]

Mon cher Mariën,

Voici enfin vos reproductions.


J’espère envoyer les textes lundi.
Après avoir cherché la revue1 de Dédé les Amourettes2 à La Hune3 (notre
Minotaure est en vacances), nous avons téléphoné chez Pauvert 4 : il se fait
fort de la publier à la fin de septembre! Je vais répondre à Souris5 ; et
Jasinski6.
Frankin, c’est fort surprenant. Mais il faut bien le croire.
Pour la Cité radieuse7, songez qu’elle va fermer ses portes, le 14 août je
crois.
Amitiés,

G.-E. Debord

P.-S. : J’ai envoyé le tract-Havrenne8 à la Shell.


À Marcel Mariën

Le 29 juillet

Cher ami,

Merci de votre carte.


Il est possible que la fine équipe de Phantomas hésite encore : les risques
sont grands. Mais peut-être ont-ils adopté la stratégie de Breton, en
diffusant sous le manteau un texte qui pouvait nous déplaire ?
J’ai reçu un autre exemplaire du tract de Balthazar Bury, mais à mon
domicile. Comme vous êtes seul, en Belgique, à connaître ma nouvelle
adresse, il semble qu’un mouton ait eu accès à vos listes, et ait pris des
notes pour renseigner l’ennemi? Je vous envoie l’écriture du suspect.
Bien cordialement à tous.

G.-E. Debord

1. Le Surréalisme même, dont le premier numéro paraît en


octobre 1956.
2. Id est André Breton.

3. Librairie à Saint-Germain-des-Prés.

4. Jean-Jacques Pauvert, éditeur de la revue.

5. André Souris, musicien, collaborateur aux Lèvres nues.

6. Jasinski, architecte moderniste belge.

7. Le Festival de la Cité radieuse, sous l’égide de l’architecte Le


Corbusier, réunissait le 4 août 1956, à Marseille, un grand nombre
d’écrivains et artistes contemporains.
8. Les curés exagèrent.

À Marcel Mariën

Le 1er août

Mon cher Mariën,

Voici, en hâte, une nouvelle intervention qui s’imposait1.


Voyez ce que vous pouvez faire à ce propos : peut-être une lettre, signée de
vos amis, disant à la Direction du Festival de la Cité R. – Cité radieuse –
Marseille, le peu de bien que vous pensez de ce rassemblement.
En tout cas, il serait bon de publier, sans commentaire, dans le prochain
numéro des Lèvres nues (et de Potlatch) la liste de ces fameux participants.
Je pense vous envoyer une grande partie des textes avant la fin de la
semaine prochaine.
Amicalement,

G.-E. Debord

1. Ordre de boycott, tract de l’Internationale lettriste, daté du 31


juillet 1956 (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 239).

À Marcel Mariën
Mercredi 8 août

Mon cher Mariën,

Merci pour l’écho1. Si Jane Graverol vient à Paris, j’espère bien qu’elle
passera nous voir (directement dans l’impasse; téléphone TURbigo 25-24).
À propos des affaires en cours :
1°) Voici le tract2 de nos courageux adversaires. Notez bien que Noël
Arnaud proteste à tous les râteliers. Je propose donc d’étendre à lui le
boycott permanent. Et la folle imprudence de Théodore3, qui se passe de
commentaire.
2°) Jasinski est-il déjà abonné aux Lèvres nues ? Si oui, renvoyez-moi sa
lettre, et nous lui répondrons. Si non, adressez-lui directement un bulletin
de souscription aux Lèvres nues, avec un mot d’explication (il aura Potlatch
par-dessus le marché).
3°) André Souris vient de nous écrire, se déclarant «d’accord en tous points
avec l’ordre de boycott » et communiquant les noms des musiciens qui y
participent. Comme j’ignore quelles relations il a avec vous maintenant, je
voudrais savoir si vous estimez que nous devons lui répondre ?
4°) Frankin aussi nous envoie son accord, et nous prie de vous signaler qu’il
n’avait pas reçu le tract appelant à signer, contre la peinture Shell. Il semble
assez blessé de l’incident. Je lui réponds moi-même, mais je crois que vous
devriez lui écrire un mot cordial. 5°) Si vous écrivez à la Cité radieuse,
donnez m’en copie. Dans le prochain Potlatch4 nous ferons un compte-
rendu des diverses manifestations autour de Toutes ces dames au salon et
Ordre de boycott. Bien amicalement,
G.-E. Debord
1. Le Soir, de Bruxelles, du 4 août 1956, rendant compte de Ordre
de boycott.

2. Les curés exagèrent.

3. Théodore Koenig.

4. Potlatch no 27, du 2 novembre 1956.

P.-S. : Voici la réponse à l’enquête5. Et vous aurez la première partie des


textes incessamment – enfin, dès qu’ils seront complètement
dactylographiés.
Au Rédacteur en chef du Figaro littéraire

5. « Quel est votre but dans la vie… et que faites-vous pour


l’atteindre ? » (Les Lèvres nues, nos 10-12).

Paris, le 101 août 1956


Prière d’insérer

Monsieur le Rédacteur en chef,

Nous vous prions de bien vouloir rectifier les informations erronées


publiées à notre propos dans votre numéro daté du 11 août, dans l’article
intitulé « L’art d’avant-garde chez Le Corbusier ». Elles tendent à nous faire
endosser à la fois la sottise d’une participation à ce festival, et la
malhonnêteté d’une prise de position publique contre une entreprise à
laquelle nous eussions collaboré.
Il est bien évident que des membres de l’Internationale lettriste n’ont pu
participer à une manifestation dont ils avaient ordonné le boycott. L’ancien
lettriste, dont vous signalez la présence2, est exclu depuis 1952.
L’appel de l’Internationale lettriste, que vous citez, ne s’adressait
naturellement pas aux marchands de tableaux, et a été très largement suivi3.
Veuillez croire, Monsieur le Rédacteur en chef, à l’expression de nos
sentiments distingués,

Debord, Wolman

Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste

1. En fait, le 11.
2. Maurice Lemaître.

3. Phrase supprimée par la rédaction du Figaro (cf. Potlatch, no


27).

À Marcel Mariën

Lundi 13 [août]

Mon cher Mariën,

Bravo pour la lettre à Marseille1.


En général, ce Festival a rencontré la plus grande indifférence dans la
presse française : à ma connaissance trois ou quatre courts articles, assez
méprisants. Nous affirmons à qui veut l’entendre que notre consigne de
boycott y est pour quelque chose.
C’est seulement par Le Figaro littéraire que nous avons appris la présence
de Lemaître, et nous sommes enchantés de voir que pas un imbécile n’y
manquait. Nous avons aussi envoyé un mot pour protester contre le
machiavélisme que nous attribue le journal de Boussac.
Nous attendons votre Phare-Dimanche pour faire un dernier éclat dans
notre lutte contre Shell (peut-être faudrait-il envoyer un tract au colonel
Nasser ?).
L’horrible histoire de Marcinelle2 nous a soulevés d’indignation dès le
premier jour, surtout en lisant que « les évêques et archevêques des
provinces voisines », sentant le cadavre, arrivaient en hâte.
Je crois qu’il faut envisager, dans votre prochain numéro3, quelque chose
qui montre l’incroyable scandale de la présence du roi et des ecclésiastiques
sur les lieux – et ceci surtout si l’on pouvait avancer que les conditions de
sécurité n’étaient pas assurées dans cette mine.
Si, en attendant, vous envoyez quelque lettre de blâme au roi ou au pape,
vous pouvez, bien entendu, utiliser nos signatures. Très amicalement à vous
tous,

G.-E. Debord

1. Cf. Les Lèvres nues, no 9 : « Histoire marseillaise ».

2. Catastrophe minière en Belgique, le 8 août 1956, qui a fait 262


morts pour 6 survivants.

3. « Le grand étal », Les Lèvres nues no 9.

P.-S. : En plus des textes envoyés ce jour, ou demain, comptez que vous
recevrez à la fin du mois environ 12-15 pages supplémentaires,
principalement constituées par un article intitulé « Contribution à une
définition situationniste du jeu4 » et un récit détourné de Wolman : « J’écris
propre ».
4. Qui ne paraîtra qu’ultérieurement dans I.S. no 1.

À Stéphane Rey1

[Mi-août]

Monsieur,

Puisque vous en êtes à parler principes, autant vous dire tout de suite qu’un
« artiste libre » ne saurait travailler pour les dollars de l’Unesco
maccarthyste et franquiste, quelque étonnement que cette nouvelle doive
vous causer. Pas plus que le critique d’art d’un journal qui porte en
manchette la publicité de Caltex n’aurait la liberté d’approuver notre
« pamphlet violent » sans perdre sa sinécure.
Dans cette perspective, concevez que nous nous expliquons parfaitement la
bassesse de votre article, et l’extrême indigence de ses arguments.
Ayant cru peut-être que nous pouvions nourrir envers le pétrole en lui-
même des sentiments d’antipathie plus marqués qu’envers la chlorophylle
ou le Kilimandjaro, vous volez superbement à son secours :
« Mais enfin, dites-vous, tout le monde en consomme. » Nous voulons bien
croire que vous en buvez.
De tels excès expliqueraient l’imprudence que vous commettez en avouant
que «les princes d’aujourd’hui » sont «les entreprises commerciales, les
banques, les grosses industries. » Croyez-vous que le « Phare-dimanche »,
un hebdomadaire si « indépendant », vous paie pour parler aussi crûment ?
Pour finir, la bonne garde des vaches vous préoccupe : nous sommes
justement en mesure de vous faire sentir un nouvel aspect de la question.
C’est seulement tant que durera aujourd’hui, avec ses « princes » à sa
mesure, que les vaches, dont vous êtes, seront bien gardées sous les
uniformes et livrées qui conviennent. »
Mohamed Dahou et G.-E. Debord

Lettre reproduite dans Le Phare-Dimanche du 2 septembre 1956.

1. Auteur d’un article paru dans Le Phare-Dimanche de


Bruxelles, le 12 août 1956.

À Marcel Mariën

Dimanche 2 septembre

Cher ami,

Nous publierons, selon la place, dans le numéro de Potlatch qui paraîtra


vers le mois d’octobre, le plus possible de documents relatifs à nos
dernières manifestations. La lettre à Rey en sera certainement : je suis
surpris qu’il n’ait pas réagi. Très utile aussi d’avancer que les fantômes1
tirent à 20 exemplaires2. Et que le Festival radieux a été aussi du point de
vue financier un échec piteux. D’accord pour supprimer3 feu Webern4. Mais
Manessier5 n’en était-il pas ?
Bien cordialement,

G.-E. Debord
1. De la revue Phantomas.

2. Leur tract Les curés exagèrent.

3. De la liste des participants au festival de la Cité radieuse.

4. Anton von Webern (1883-1945), compositeur autrichien.

5. Alfred Manessier (1911-1993), peintre français de l’école de


Paris.

À Marcel Mariën

22 septembre

Mon cher Mariën,


Excusez-moi d’avoir tardé à vous répondre. On m’a saisi l’autre jour, à
l’improviste, en m’apprenant que j’étais dans une situation militaire
irrégulière, et qui frisait même l’insoumission. Je fus donc sapeur du Génie.
J’usai immédiatement de divers troubles mentaux et physiques (il se trouve
que je suis asthmatique) qui me firent placer en observation dans un hôpital
militaire dont je n’ai pu sortir qu’hier, réformé définitif, après avoir
passablement démoralisé l’armée. Pendant ce temps, Wolman représentait
la bande à un congrès d’urbanisme1 dont je vous joins, tardivement, le
programme des réjouissances. Enrico Baj en est sorti exclu.
Pour la déclaration commune, si vous n’en voyez pas la nécessité, c’est
donc qu’elle n’en a pas.
Nous avions parlé, à Bruxelles, de votre prochain séjour à Paris. Je suis
maintenant en mesure de vous loger, assez inconfortablement il est vrai.
J’espère que vous pourrez faire bientôt le voyage.
Cordialement,

G.-E. Debord

1. Le congrès d’Alba.

À Marcel Mariën

Jeudi [fin septembre]

Mon cher Mariën,

Il est évidemment regrettable que les Lèvres nues ne comptent pas 150
pages mensuelles, mais enfin vous tirez un excellent parti de ce dont vous
disposez.
Une seule recommandation de notre part : nous tenons absolument à voir
paraître « Position du Continent Contrescarpe » avec nos autres textes
psychogéographiques1.
Nous comptons donc sur vous pour le caser de quelque manière que ce soit
dans vos 40 pages, par exemple à la place de certaines illustrations moins
directement liées à l’ensemble de ce numéro 9. En outre, je vous prierai de
me renvoyer tous ceux de nos manuscrits dont vous n’auriez pas eu
l’emploi cette fois : le prochain Potlatch sera expédié fin octobre2.
Vous avez bien raison à propos de Dotremont3. Mais, là aussi, il y a eu des
corrections in extremis. Dotremont n’a pas présidé, n’a pas même assisté à
un congrès qui a heureusement pris une tout autre tournure que celle prévue
par une fraction des organisateurs4.
Cordialement,

G.-E. Debord

1. Textes parus dans Les Lèvres nues no 9.

2. Potlatch no 27 paraîtra le 2 novembre 1956.

3. Christian Dotremont (1922-1979), un des fondateurs de Cobra.


4 . Cf. Potlatch no 27 : « La plate-forme d’Alba ».

À Marcel Mariën

1er octobre

Mon cher Mariën,

Il me semble que sans la référence à Medium1 la citation perd tout sens, et


que la publicité est fort discrète – pour une revue qui a cessé de paraître et
dont je ne précise pas qu’elle était surréaliste. Si vous tenez absolument à
ne pas donner le titre de Medium, il faudrait remplacer par une phrase du
genre : « dans une publication surréaliste en 1953 », ce qui me semble plus
publicitaire. Mais à votre choix.
Pour les comptes rendus2, je tiens extrêmement à la lourdeur du titre, pour
ne pas laisser d’équivoque. Il faut faire comprendre qu’il ne s’agit pas de
commentaires lyriques sur une « expérience », mais littéralement de
comptes rendus, en somme d’un procès-verbal exact.
Pour Marseille3, votre projet paraît excellent. Je vous garantis notre liste. Il
est possible que certaines personnes pressenties n’aient pas persévéré (ainsi
Planson, dont je n’ai vu faire mention que par votre lettre) – mais notre liste
est établie d’après la presse régionale a posteriori, consultée à la rédaction
parisienne du Provençal, et s’il y a une erreur, elle est invérifiable, et
certainement peu grave (par contre il faut prévoir un bon nombre d’oublis).
Que l’affaire ait été un fiasco, nous avions tablé là-dessus. Raison de plus
pour poursuivre notre avantage.
Pas trace du Surréalisme même. Nous allons accabler Pauvert de
réclamations téléphoniques. Mais évidemment l’histoire de l’interdiction
doit être inventée pour cacher leur misère.
Cordialement,
G.-E. Debord

1. Dans «Théorie de la dérive » (Les Lèvres nues, no 9).

2. « Deux comptes rendus de dérive ».

3. « Histoire marseillaise » (Les Lèvres nues, no 9).

À Jacques Legrand1

Paris, le 7 octobre 1956

Monsieur,

Votre lettre se réfère constamment à une notion de l’art, posée comme


immuable et sans dépendance directe avec l’évolution du reste du monde.
L’œuvre étant ce qui compte, vous pensez que l’on peut y reconnaître, après
examen, un certain degré de talent, voire de génie, ou conclure à l’absence
d’art selon des critères intangibles. Ceci, qui est l’essentiel, mis à part, vous
laissez sa liberté morale à l’artiste dans ses options secondaires : les
quelques dépendances individuelles qu’il lui plaira, ou qu’il lui sera
inévitable de subir.
Au contraire, pour nous, l’art n’a de valeur, quelque talent qui se déploie à
traiter des thèmes communs ou peu communs, qu’en fonction de sa
compréhension des problèmes objectifs d’une époque, et des réponses qu’il
y donne. Ainsi, il nous semble que nous vivons dans une société de guerre
civile, et que tous les aspects de la crise générale de l’art contemporain
s’expliquent par la nécessité d’un choix entre la collaboration plus ou moins
ouverte à l’ancien ordre des choses, ou son dépassement révolutionnaire
complet.
Dans ces conditions, vous admettrez que le problème de l’achat des
couleurs ou de la possession d’une Rolls Royce ne nous hypnotise pas. Le
débat est plus vaste. Mais certaines bassesses trop insolemment favorables
aux forces oppressives sont sans excuse. Par exemple, on ne nous fera pas
croire que la moindre trace d’un génie vraiment actuel – et, la confusion du
moment passée, l’histoire tient peu compte des génies retardataires – puisse
apparaître dans la décoration d’une église. Nous sommes bien trop
fanatiques pour cela.
L’inconvénient du tract que nous avons contresigné était de donner cours à
cette équivoque que nous pourrions nous intéresser à la sauvegarde de la
dignité de l’artiste, mystification bourgeoise, alors que nous n’avions fait
que souligner à quel ridicule la classe dominante arrive aujourd’hui, en
voulant plagier les procédés d’autres classes dominantes dans le passé, qui
se trouvaient en moins mauvaise posture.
En bref, nous avons sans doute le tort d’avoir occasionné un dialogue sur un
terrain où nous ne nous situons aucunement. Veuillez croire, Monsieur, à
l’assurance de nos meilleurs sentiments.

Pour l’I.L.2
G.-E. Debord

Lettre avec le tampon de l’Internationale lettriste


1. Lecteur écrivant d’Innsbruck au sujet du tract Toutes ces dames
au salon!

2. Suivi du tampon Internationale lettriste Potlatch.

À Marcel Mariën

Vendredi [octobre]

Mon cher Mariën,

Merci pour les textes.


Le Minotaure, qui n’avait pas les comptes dans la tête mais croit ne
manquer de rien, annonce qu’un paquet de Lèvres nues serait retenu à la
douane (depuis quand ?). Il en a été avisé, et pense qu’il doit y avoir
quelques droits à payer.
Nous avons enfin la revue de Dédé. La semaine dernière, Pauvert, après une
conversation téléphonique embarrassante avec Wolman, lui propose de
venir la prendre à ses bureaux trois jours après. Un de nos amis algériens
s’y présente. Pauvert demande si c’est lui qui a téléphoné, s’entend
répondre que c’est «le patron », sans autre commentaire – puis s’excuse: il
n’en a qu’un seul exemplaire, qu’il montre, mais ne peut vendre. Il promet
que jeudi prochain il en aura. Hier donc c’est deux Algériens qui vont la
chercher, jetant un froid extrême dans une petite réunion d’une dizaine
d’intellectuels et de dames qui s’affairaient chez Pauvert. Tard dans la
soirée j’en ai vu deux exemplaires dans un kiosque du boulevard Michel. La
revue serait donc distribuée à cette heure, sauf au cas où Pauvert aurait
seulement jeté sur le marché 100 ou 200 exemplaires sauvés du désastre :
l’ambiance chez lui, de l’avis de mes émissaires, était extrêmement louche.
La revue, vendue 750 francs, est très somptueuse, pleine d’illustrations
magnifiques. Sur 150 pages, je crois qu’il n’y a pas 40 pages de texte. Et
quel texte !
Enfin, très nettement pire que Medium. Très anodin. Très « Fémina de
luxe ». Rien, à première vue, qui nous concerne directement. Je pense que
vous l’aurez bientôt sauf si l’opération Pauvert était limitée au 6e
arrondissement (le tirage total de la revue est de 5 030 exemplaires ce qui
assure un minimum de 4 500 invendus).
Le plus drôle reste la collaboration assidue d’un Robert Benayoun, qui est
aussi le critique cinématographique de Demain, l’hebdomadaire de Guy
Mollet.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord
À Marcel Mariën

Mardi [fin octobre]

Mon cher Mariën,

Je vous prie de noter deux corrections aux textes déjà envoyés :


– dans le texte « Théorie de la dérive », à la page marquée VII fin du
premier paragraphe, remplacer « ressources presqu’infinies » par
« ressources presque infinies ».
– dans le compte rendu de dérive no 1, page 5, remplacer la phrase :
« … ils arrivent au pont Notre-Dame quand ils s’avisent qu’ils
sont suivis par deux des hommes du bar, dans la meilleure
tradition des films de gangsters. C’est à cette tradition qu’ils
croient devoir s’en remettre pour les dépister, en traversant le pont
négligemment, puis en descendant brusquement à droite sur le
quai de l’île de la Cité qu’ils suivent en courant, passant sous le
Pont-au-Change et le Pont-Neuf, jusqu’au square du Vert-
Galant. »

par la phrase ainsi corrigée :

« … ils arrivent au Pont-au-Change quand ils s’avisent… (idem)


… qu’ils suivent en courant passant sous le Pont-Neuf, jusqu’au
square du Vert-Galant. »

En effet cette erreur d’un pont, que je reconnais sur le terrain, impliquant un
trajet impossible faute d’un quai qui ne va pas plus loin, pourrait jeter un
doute sur l’authenticité des faits rapportés. Je vous joins notre lettre au
pétrolier du Phare-Dimanche.
Excellente nouvelle, sur les finances de Pauvert, et les ennuis du
Surréalisme même. N’y aurait-il pas moyen d’envenimer l’incident en
jouant le public indigné (à la N.N.R.F. ou aux éditions Pauvert).
Bien amicalement,

G.-E. Debord

Remarques
– Le texte « Deux comptes rendus de dérive » en plus petit caractère doit
suivre immédiatement «Théorie de la dérive ».
– « Satisfait ou remboursé » doit être présenté encadré. La typographie doit
évoquer un placard publicitaire, mais peut-être moins ouvertement que le
précédent placard de Wolman (dans le numéro 7).
– La curieuse orthographe du texte de David, dans « Préhistoire des
loisirs », est celle de l’édition originale. Elle peut être rajeunie, mais paraît
assez bien ainsi.
– Il faudrait mettre, dans la même page que le commencement du texte
« Position du Continent Contrescarpe », ce slogan encadré, à la manière
habituelle des Lèvres nues :
NOUS RIONS MAIS JAMAIS EN MÊME TEMPS QUE VOUS.

À Marcel Mariën

[Fin octobre]

Cher ami,

Voilà le travail.
Vous pouvez enrichir la liste d’« Oublie-moi1 », si vous connaissez
quelques noms qui nous manquent.
Je vous envoie aussi une belle photo sur Marcinelle parue dans Détective.
Vers quelle date paraîtra ce numéro 9?
Bien cordialement,

G.-E. Debord
Lettre sur papier à en-tête de la revue américaine Look.

1. Cf. « Histoire marseillaise », Les Lèvres nues no 9.

À Marcel Mariën

Le 4 novembre

Mon cher Mariën,

Voici les comptes du Minotaure. Il lui semble que le paquet retenu à la


douane vous est revenu. Il a vendu lui-même « un ou deux » livres de
Nougé.
Merci pour la revue, qui est très bien. Si vous pouvez nous en envoyer huit
ou dix autres, nous en aurons bien l’emploi. Je n’encaisse rien chez
Gallimard, mais ne parlons plus de cette dette minime.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord

À Marcel Mariën
Lundi 12 novembre

Mon cher Mariën,

Merci pour les revues, que je distribue à travers l’Europe, aux points
stratégiques.
Dans le dernier Potlatch la place, et aussi le temps ont manqué pour relever
toutes les énormités significatives des deux dernières semaines : il nous
faudrait un hebdomadaire.
Savez-vous que le commissaire Dides, rompant avec Poujade1, a dénoncé
« l’abject système policier » que ce dernier avait mis en place dans son
mouvement? Que des conseillers municipaux de Paris proposent de changer
le nom de la rue de Moscou en rue Jean-Pierre Pedrazzini (le photographe-
parachutiste de Match)?
Breton, aux côtés de Jules Romains2, Pierre Boutang3 et Thierry Maulnier3,
a montré le Kremlin poursuivant sans désemparer, depuis le temps de la
Sainte-Alliance, le même rôle de répression internationale. D’ailleurs
l’affaire de Hongrie4, pourtant assez complexe, mais à cause de son
utilisation hystérique par la bourgeoisie, fait tourner casaque à des gens qui
avaient accepté avec joie jusqu’à ce jour les plus insoutenables contre-
vérités : ainsi Sartre, mettant le point final à sa jolie carrière de bouffon. Ici,
les intellectuels sont seuls à prendre leurs distances. Vendredi soir, des
dizaines de milliers de manifestants ont tenu la rue, malgré le plus grand
déploiement de force policière que j’aie jamais vu. Il s’agissait d’ouvriers,
comme écrit splendidement le reporter du Monde : « autant que l’on puisse
en juger par la mise » !
Qui donc est le masque funèbre5 sur votre couverture? On ne peut
s’accorder là-dessus. Certains vont jusqu’à y reconnaître Khrouchtchev et
Blaise Pascal.
Bien cordialement,

G.-E. Debord
1. Pierre Poujade, fondateur en 1953 de l’Union de défense des
commerçants et artisans.

2. Jules Romains, auteur des Copains et des Hommes de bonne


volonté.

3. Pierre Boutang et Thierry Maulnier, écrivains et journalistes de


droite.

4. Soulèvement en Hongrie et répression soviétique.

5. Œuvre de Paul Bourgoignie intitulée : Thermidor que d’un œil.

À Gil J Wolman

17 novembre
Mon cher Gil,

Je ne connais pas ta situation actuelle ni tes motifs de découragement, qu’il


ne m’appartient pas de juger.
Les occasions de suicide, tu le sais bien, c’est ce qui nous a le moins fait
défaut. Je trouve finalement préférables ceux dont on peut parfois revenir.
Je ne crois pas aux conversions, seulement aux appauvrissements. Je ne
sépare pas – disons – mon avenir, de certains divertissements moins
vulgaires que le reste, dans l’élaboration desquels j’ai évalué mes amis, et
particulièrement toi.
J’ose espérer que tu ne manifesteras pas envers nous une agressivité dans le
reniement (style Jean-Louis Brau) qui seule serait de nature à nous séparer.
Cette éventualité mise à part, quels que soient ton style de vie du moment et
sa durée, tu auras toujours une place à reprendre dans cette complicité
quand tu voudras.
Je passerai te voir à mon retour1.
Très amicalement,

Guy

P.-S. : Conviens tout de même que, d’ordinaire je quitte les gens avec
désinvolture2.

Lettre envoyée de Cannes.

1. D’Alba.
2. Gil J Wolman sera exclu de l’Internationale lettriste le 13
janvier 1957.

Aux amis restés à Alba

Cannes, samedi [17 novembre]

Chers amis,

J’arriverai à Alba le mercredi 21 novembre, dans l’après-midi (par chemin


de fer), et j’irai aussitôt via XX Settembre1.
«Vite, toujours plus vite,
une beauté nouvelle
et durable sera vôtre…2 »
Bien à vous,

G.-E. Debord

1. Chez Piero Simondo, .

2. Phrase découpée dans un journal.


À Marcel Mariën

Vendredi 23 novembre

Mon cher Mariën,

Votre lettre me suit à Alba. Vous me parlez de revues : justement, je voulais


vous demander d’envoyer trois collections complètes aux adresses, ou
plutôt aux noms suivants :
Giuseppe Gallizio1 – Piero Simondo1 – Constant1
(les trois) 2, via XX Settembre, Alba, Italie.
Ils sont très contents de la lecture du dernier numéro, mais n’ont pas eu
connaissance des précédents.
Nous avons ici des conversations très intéressantes.
J’espère bien vous voir en mars. La chambre que je vous destine, isolée au
sixième étage, a deux inconvénients : pas d’électricité – mais j’ai une très
belle lampe-tempête – pas de chauffage – mais en mars ce sera certainement
habitable, si vous voulez
séjourner quelque temps à Paris.
Amicalement à vous tous.

G.-E. Debord

1. Futurs membres de l’Internationale situationniste.

À Piero Simondo
Lundi [3 décembre]

Cher Piero,

Nous sommes contents que la manifestation de Turin1 puisse se faire. Mais


c’est le 10 (encore cinq jours supprimés sur le délai prévu). Ici, tout le
monde se trouve sans argent. Nous avons essayé de partir en voiture, à
quatre. Mais nous n’avons pas pu trouver 50 litres d’essence, car les
restrictions viennent de commencer2 et le trafic clandestin n’est pas encore
organisé. Voici ce que nous pouvons faire :
Un de nous (peut-être Asger) arrivera à Alba samedi soir, il vous portera
huit ou dix tableaux3 pour l’exposition, et un enregistrement d’environ une
heure de durée, pour la conférence. Mais faites-vous donner d’avance les
quelques milliers de lires que les organisateurs veulent payer.
Il vous faudra absolument vous procurer un magnétophone, pour passer
notre bande magnétique4. Vous devrez aussi, dimanche, encadrer pour le
mieux les tableaux que nous envoyons. Il est important, pour les quelques
tableaux « lettristes », d’afficher à côté leurs titres, qui sont très longs (ils
seront écrits au revers, et nous enverrons des cartes avec ces titres tapés à la
machine). Ci-joint le papier à faire imprimer comme invitation et document
pour cette manifestation. J’espère que vous aurez le temps. Nous-mêmes
nous avons des difficultés pour préparer l’exposition 5 de Bruxelles, car il
faut aussi écrire le contenu d’un numéro spécial d’une revue éditée par
« Taptoe ».
Et il est presque certain que nous aurons une exposition à Paris, le 15 mars.
Donc les affaires du Bauhaus6 marchent bien, mais un peu trop vite pour
nos moyens actuels. Surtout la question du déplacement massif à travers
l’Europe est difficile. Il faut s’arranger, chaque fois, avec le maximum de ce
que l’on peut réunir sur place. Par exemple, si notre exposition à Paris doit
se faire avec certitude, je crois que ta présence serait plus utile qu’à
Bruxelles. Naturellement, si vous pouvez venir tous partout, c’est encore
mieux.
En résumé, pour Turin, vous pouvez compter au minimum sur ce que je
vous annonce maintenant. Et peut-être, si les choses vont bien, un peu plus.
Bien amicalement à vous tous. Et merci encore pour la réception à Alba.

Guy

1. Manifestation en faveur de l’Urbanisme unitaire (du 10 au 15


décembre 1956).

2. Suite à la fermeture en novembre 1956 du canal de Suez.

3. Trois tableaux de Guy Debord, trois de Gil J Wolman, cinq


d’Asger Jorn (attestation de la douane le 6 décembre 1956).

4. Histoire de l’Internationale lettriste (qui ne sera pas diffusée).

5. Exposition prévue pour février 1957 à la galerie Taptoe.


6. Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste
(M.I.B.I.), fondé en 1953 par Asger Jorn (cf. Correspondance,
vol. I, p. 15, note 1).

Indications pour la composition du texte1

1. Chaque phrase doit être dans un caractère différent (surtout du point de


vue de la taille, de la grandeur des caractères).
2. La dernière phrase (C’EST LA LUTTE FINALE) doit être en très gros
caractères, du style « affiche ».

1. Texte du tract distribué à l’occasion de la manifestation de


Turin (cf. GuyDebord, Œuvres, op. cit., p. 270).

3. Faites un encadrement parfait avec la phrase d’invitation, qui tourne


autour du texte. Naturellement, complétez les indications de lieux et de
dates – supprimez ou ajoutez des noms dans la liste des participants.
4. Traduire d’urgence en italien et imprimer recto verso, d’un côté en
français, de l’autre en italien.
5. Envoyez-nous un certain nombre d’exemplaires que nous diffuserons à
Paris.

À Piero Simondo
Mardi [4 décembre]

Cher Piero,

Voici les dernières nouvelles : Asger Jorn, vous apportant les tableaux et la
conférence à passer sur magnétophone, arrivera à Torino dimanche matin,
vers 7 heures. Il vous attendra ensuite chez le docteur Paolino1, ou si celui-
ci n’est pas dans la ville, Asger vous téléphonera, de la gare de Torino.
Bonne chance pour les manifestations. Notre plus affectueux souvenir à
Elena, Pinot, Olmo, Constant2 et toi-même.

Guy, Gil

1. Walter Paolino, professeur de pathologie à l’université de


Turin, ami d’Asger Jorn.

2. Elena Verrone, Giuseppe Pinot Gallizio, Walter Olmo et


Constant Nieuwenhuys.

À Juan Goytisolo

27 décembre 56

Cher Juan,
J’ai reçu hier seulement ta lettre du 29 octobre. En effet, depuis juin, je
n’habite plus rue Racine. Ma nouvelle adresse est 180, rue Saint-Martin
(3e)1. TUR 25-24.
Fais-moi signe quand tu repasseras en France.
J’ai été vraiment dans l’armée, mais j’ai réussi à en sortir après 18 jours.
Je te souhaite une bonne année,

Guy

1. Ou 1, impasse de Clairvaux.

À Jan Kotik1

Paris, le 28 décembre 1956

Cher camarade,

Nous avons eu connaissance, par les Italiens, de ce que tu as écrit à Alba, à


propos du numéro 27 de Potlatch. Nous voulons t’expliquer brièvement
notre point de vue.
1°) Ce qui est publié à Paris est actuellement sous notre responsabilité
directe. Nous souhaitons exprimer l’opinion de tous ceux qui se trouvent
d’accord sur le programme défini à Alba. Mais cela n’est possible que par
une discussion précise entre nous. Si tu désapprouves quelques points de ce
que nous avons publié, il faut en faire la critique, en écrivant directement à
l’une des adresses suivantes :
– Potlatch, 32, rue de la Montagne-Geneviève – Paris (5e).
– Asger Jorn, 28, rue du Tage – Paris (13e).
– Guy Debord, 1, impasse de Clairvaux – Paris (3e).
2°) Il ne fallait pas inviter Dotremont à Alba ; et il était impossible qu’une
collaboration intéressante ait lieu entre nous, parce que Dotremont a
publiquement rejoint des positions réactionnaires. La « Nouvelle Nouvelle
Revue française » représente à Paris la tendance la plus bourgeoise dans la
culture, et cela est également lié à la politique (elle a été interdite en France
à la fin de l’occupation hitlérienne, sous son titre de « Nouvelle Revue
française ». Elle a pu reparaître, il y a peu d’années, en changeant son titre
par le redoublement du mot « Nouvelle »).
Le refus de collaborer avec des éléments réactionnaires ne constitue pas un
« jugement confessionnel », mais un réalisme indispensable.
3°) L’intolérance peut te choquer, parce que tu sais qu’une direction
autoritaire, administrative, est nuisible au développement des idées, et de
l’art. Mais en France ou en Italie par exemple, où il n’y a aucune contrainte
directe dans le domaine culturel, la difficulté est au contraire de distinguer,
de faire la critique de ce qui est nouveau et valable et de ce qui est
rétrograde. La difficulté est de définir consciemment une plate-forme
d’action progressive au-delà du confusionnisme général.
4°) Votre tâche actuelle, dans les démocraties populaires, est de rejoindre le
mouvement réel de l’art moderne, mais pour marcher en avant : pas pour
accepter inconditionnellement ses aspects les plus avancés et ses aspects les
plus attardés, en bloc, sous le prétexte de la liberté.
Ici, nous ne voulons pas que Dotremont soit empêché d’écrire : nous
voulons ne pas écrire dans les mêmes revues que lui parce que, nous, nous
n’avons jamais été complices de l’idéologie de la classe dominante.
5°) Tu sais que le réalisme-socialiste est en dehors de l’histoire. Mais nous
savons ici, également par l’expérience, que la plus grande partie de l’art
moderne occidental est aussi en dehors de l’histoire. Il faut tenir compte de
tous les aspects de nos problèmes. Ce qui domine l’art occidental
d’aujourd’hui, numériquement, ce sont d’anciennes nouveautés,
actuellement nuisibles à la véritable nouveauté; et encore plus souvent des
copies de ces nouveautés périmées.
Il s’agit pour nous tous de dépasser ensemble l’état présent de la culture,
par des perspectives de construction correspondant aux possibilités et aux
besoins de notre époque.
Nous espérons que tu nous écriras à ce sujet. Nous pouvons même, si tu le
désires, publier ton point de vue.
Fraternellement,

Jorn, Debord

1. Jan Kotik, de nationalité tchèque, signataire de la Résolution


finale du Congrès d’Alba (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 240).
1957
janvier

1er – Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel à


Milan, au nom du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste
(reproduite dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto Gallimard, 2006).

février

2-26 – Première exposition de psychogéographie à Bruxelles, galerie


Taptoe. Suite à une manœuvre d’Asger Jorn, Guy Debord ne s’y rendra pas
pour présenter cinq plans psychogéographiques de Paris et y faire projeter
comme prévu son film Hurlements en faveur de Sade.

avril

2 – Guy Debord, Asger Jorn et Michèle Bernstein rédigent en quatre points


un accord mettant fin à l’affaire dite de Bruxelles.

mai

– Guy Debord visite le musée de Silkeborg où, depuis 1953, Asger Jorn
rassemble des œuvres d’artistes du XXe siècle.
– Dans l’atelier du lithographe Verner Permild, ils composent en vingt-
quatre heures Fin de Copenhague. L’ouvrage, tiré à deux cents exemplaires,
est constitué de publicités et de phrases détournées sur fond de couleurs que
Jorn, juché sur une échelle, déversait sur les plaques d’impression. Le
propos final étant : à la question posée, « Pourquoi votre fille est-elle la plus
aimable fille de la ville ? », d’y répondre en moins de deux cent cinquante
mots à l’adresse du « Comité psychogéographique de Londres ».

– Guy Debord donne à imprimer deux plans psychogéographiques: The


Naked City (qui sera incorporé en 1958 à Pour la forme, d’Asger Jorn) et
Guide psychogéographique de Paris.

21 – Projection houleuse de Hurlements en faveur de Sade à l’Institut of


Contemporary Arts (I.C.A.) de Londres.

22 – Dernier numéro de Potlatch, présenté comme le « bulletin


d’information de l’Internationale lettriste ».
Annonce de la parution d’une bande sonore obtenue par un détournement
collectif : Histoire de l’Internationale lettriste.

23 – Sur le hasard, notes inédites (publiées par nos soins in Guy Debord,
Œuvres, op. cit.).

juin

– Premier tirage à mille exemplaires du Rapport sur la construction des


situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la
tendance situationniste internationale, à destination non commerciale,
devant servir de document préparatoire à la conférence d’unification de
Cosio d’Arroscia, les 27 et 28 juillet 1957, à l’issue de laquelle a été
constituée l’Internationale situationniste.

juillet

– Achevé d’imprimer de Fin de Copenhague et du Guide


psychogéographique, édités par le Mouvement international pour un
Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.).

27-28 – Fondation de l’Internationale situationniste à Cosio d’Arroscia


(Italie).

Aux camarades présents à Alba

Le 1er janvier

Chers amis,

L’exposition de Bruxelles1 est reportée, sur notre demande, au début de


février. Avant la fin de janvier un camarade anglais, Ralph Rumney2,
passera vous voir à Alba, et il pourra porter vos toiles en Belgique. Nous
voudrions aussi avoir un enregistrement de la musique d’Olmo3, sur une
bande magnétique comme celle que nous avions envoyée à Torino.
Ici, les travaux avancent très bien. Rumney pense pouvoir réunir au mois
d’août, à Londres, un congrès de psychogéographie. Nous avons répondu,
Asger et moi, à Kotik.
Nous vous enverrons, dans deux ou trois jours, quelques exemplaires d’une
lettre ouverte que nous adressons à la Triennale de Milano, en réponse à ce
qu’ils ont dit à notre propos.
Je vous présente mes meilleurs vœux, et je vous prie de les transmettre à
Madame Gallizio et à Constant.

G.-E. Debord

1. Première exposition de psychogéographie à la galerie Taptoe,


prévue du 2 au 26 février 1957.

2. Ralph Rumney (1934-2002), du Comité psychogéographique


de Londres, membre fondateur de l’Internationale situationniste.

3. Walter Olmo, expérimentateur musical, membre du M.I.B.I.

À Marcel Mariën

9 janvier

Mon cher Mariën,

Le Minotaure a besoin d’urgence d’un nouveau stock de Lèvres nues pour


les numéros suivants :

1, 4, 5, 7, 8, 9.
Je n’ai pas les comptes exacts. Seul le no 1 est vendu jusqu’au dernier
exemplaire. Pour les autres numéros il lui restait généralement un
exemplaire, parfois deux.
Au Soleil, par contre, on fait mine de n’avoir rien vendu.
Ci-joint le dernier gag publié dans l’Huma.
Je passerai par Bruxelles le 1er ou le 2 février.
Cordialement à vous tous,

G.-E. Debord

À Constant

9 janvier 57

Cher Constant,

Simondo vient de nous apprendre que tu n’étais plus en Italie. L’exposition


de Taptoe a été fixée par Asger au 2 février.
Nous voudrions savoir ce que tu comptes y exposer, et en avoir au plus tôt
les titres, pour composer le catalogue, dont nous expédions le texte le jeudi
17 janvier.
Il est fortement question d’un congrès de psychogéographie à Londres, au
mois d’août.
Ci-joint un exemplaire d’une lettre à la Triennale de Milan1.
Amitiés,
G.-E. Debord

1, impasse de Clairvaux, Paris 3e.

Provenance collection Centre national néerlandais de


documentation de l’histoire de l’art, archives Constant, La Haye.

1. Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel


à Milan du 1er janvier 1957 (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 276-277).

À Ettore Sottsass1

Paris, le 15 janvier 1957

Sottsass,

Nous avons compris en 1956 qu’un mouvement formé de génies tels que
moi et mes amis français est au-dessus de tes moyens : donc la lettre2 ne
portait pas ta signature. À présent, suffit.

Jorn, Debord

Texte français d’une lettre envoyée en italien.


1. Ettore Sottsass, architecte responsable de la Triennale de
Milan, signataire de la plate-forme d’Alba en 1956.

2. Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel


à Milan..

À Ralph Rumney

Mercredi [16 janvier]

Cher Ralph,

Quatre peintres viennent de publier à Milan un très court manifeste intitulé,


je crois, « Pour une nouvelle zone d’images », et l’ont envoyé à Asger. Il te
faut prendre contact, au plus tôt, avec Piero Manzoni, Montebello 25,
Milano – qui est celui d’entre eux qui a communiqué son adresse. Vois ce
qu’ils valent, et dans quelle mesure leur rapprochement apparent de
certaines de nos positions justifierait une action commune?
S’ils te paraissent intéressants, mets-les au courant des aspects plus sérieux
de nos entreprises, par exemple le programme que nous devons définir à
Londres. Sers-toi de notre lettre à la Triennale comme critère du
comportement moral de ces gens en précisant naturellement que les injures
ont été réparties arbitrairement entre des personnages dont nous ne
connaissions même pas les noms. En effet, malgré son caractère totalement
anodin, cette lettre fait visiblement le partage entre les Italiens acceptables
et les imbéciles qui voulaient s’amuser sans danger auprès de nous.
L’architecte milanais Ettore Sottsass, qui avait participé au congrès d’Alba,
mais qui ne nous avait pas paru capable de faire quelque chose de bon avec
nous, a écrit à Jorn dès qu’il a appris comment nous traitions la Triennale,
pour dire qu’il ne voulait plus avoir rien de commun avec nous « perchè un
movimento formato da genii come te e i tuoi amici francesi è fuori delle
mia misura1. »
Je suis de ton avis pour la participation, plastique et sonore, d’Yves Klein à
Bruxelles. Est-il l’auteur de ces tableaux que nous avons vus chez Iris
Clert? Et, d’autre part, n’est-il pas le fils de Marie Raymond, dont tu dois
connaître la peinture ? Dans ce cas, je l’ai rencontré souvent, il y a quelques
années. Transmets-lui mes amitiés.
J’attends la première traduction2. Je t’enverrai sans doute dans quelques
jours l’autre texte à traduire, qui est une explication de la psychogéographie
dans l’optique du matérialisme dialectique. Le sujet étant assez
ostensiblement délirant, il est bon de le justifier avec des arguments solides,
voire même lourds.
D’autre part, une hypothèse relative à l’existence d’un fort courant
psychogéographique ouest-est, constitué au niveau du Palais-Royal, vient
d’être brillamment vérifiée il y a deux jours. Nous pourrons faire partir une
dérive de cette région, un soir, quand tu reviendras à Paris.
Amicalement,

Guy

1. Voir supra, lettre à Ettore Sottsass du 15 janvier 1957.

2. Annonce d’un Congrès provisoire pour la fragmentation


psychogéographique de l’agglomération londonienne (cf. Guy
Debord, Œuvres, op. cit., p. 274-275).

À Constant

Le 19 janvier 1957

Mon cher Constant,

J’ai communiqué ta réponse à nos amis.


Nous sommes bien d’accord sur le fait que la position du Bauhaus
imaginiste était insuffisante. La lettre à la Triennale a entraîné une
protestation des Albares1 (cette lettre avait été envoyée seulement pour les
mettre au pied du mur, Asger ayant jugé Simondo à Turin très au delà de
l’opportunisme tolérable), et la démission éclatante de Sottsass, que tout le
monde avait oublié. Nous n’avons donc plus de relations avec les Albares,
Olmo excepté. Mais nous avons quelques adhésions et contacts nouveaux.
Nous nous employons maintenant à organiser un mouvement plus avancé –
lettrisme et Bauhaus devant s’y dissoudre. Ce mouvement doit être
réellement fondé sur les questions de psychogéographie, de constructions
d’ambiances, de comportement et d’architecture. Sinon, il ne peut y avoir
que bavardages autour d’une peinture ou d’une littérature bien connues.
Je te tiendrai au courant des publications que nous ferons dans cette phase
de transition. Nous devons définir nos objectifs. Si j’en juge par nos
conversations à Alba, je pense que nous pourrons peut-être te rencontrer sur
ce nouveau terrain. Et, bien sûr, je le souhaite.
Amicalement,

G.-E. Debord
Archives Constant.

1. Gens d’Alba.

À Marcel Mariën

21 janvier

Mon cher Mariën,

La déstalinisation est un beau sujet. Je vous envoie les derniers résultats


connus par nous à ce jour. Le dernier mot n’est pas dit. Quand nous
retrouverons Khrouchtchev, comme tout le monde, « là-haut dans le ciel »,
nous en rirons encore.
Je serai à Bruxelles le 1er ou le 2, et je vous le signalerai promptement. Je
dois rencontrer là-bas Jorn et un camarade anglais, pour une sorte
d’exposition-conférence, dont je vous expliquerai sur place le caractère – le
caractère au moins que nous voulons lui donner.
Cordialement à tous,

G.-E. Debord

À Ralph Rumney
Mercredi 23 janvier

Cher Ralph,

Merci pour la traduction.


Asger voulait un contact avec Manzoni qu’il ne connaissait pas, à cause du
petit manifeste qu’il avait reçu. Mais puisque toi, tu savais que Manzoni
n’était pas intéressant, il n’y avait aucune raison qu’il le soit devenu.
Baj1, c’est pareil.
Cependant ta rencontre avec eux n’est pas mauvaise puisque cela t’a permis
de constater avec certitude qu’ils n’étaient pas de notre camp, d’aucune
manière.
Mais alors il ne faut plus se servir d’eux (surtout pas publiquement), ni pour
la Triennale, ni pour une autre opération.
À propos de la Triennale, voici notre avis très définitif :
1°) Cette affaire de la Triennale était une très petite affaire. Elle est
complètement finie. Nous ne devons pas nous en occuper encore, jusqu’à
faire de ce petit détail un acte important de notre groupe. Ces gens de la
Triennale ne méritent pas notre attention plus longtemps. Il faut rester sur la
position de notre lettre, ni plus ni moins. Car s’ils disent que cette lettre a
été faite à Alba (par de jeunes provinciaux) c’est pour essayer de diminuer
la gravité des injures que le public italien les a vu recevoir de la part de
l’avant-garde internationale. Ce qui est le plus pénible pour eux c’est que
l’on sache que nous avons tous effectivement signé cela !
2°) Il ne s’agit pas de se « venger » des gens d’Alba. Ils ont fait sottement
un geste qui empêche la collaboration entre eux et nous. C’est tout. Nous
n’avons pas d’hostilité contre eux; nous pensons simplement qu’en nous
obligeant à la rupture, ils ont perdu beaucoup, et que nous, nous n’avons
rien perdu.
Donc, il ne faut pas leur envoyer des lettres d’injures. Mais surtout, si nous
leur écrivions des lettres d’injures, nous ne devrions pas les faire signer par
des individus comme Baj et Manzoni qui sont encore plus éloignés de nous
que les gens d’Alba. D’autre part, je voudrais savoir si Klein vient lui-
même à Bruxelles, ou, s’il passe nous voir à Paris, à quelle date ? Et qui
apporte ses toiles à Bruxelles ?
À bientôt,
Guy

1. Enrico Baj.

À Walter Olmo

28 janvier 1957

Cher Olmo,

Il est trop tard pour que tu participes à la manifestation de Bruxelles. Le


texte du catalogue est déjà chez l’imprimeur. Et puis, je trouve que tu n’es
aucunement fondé à demander des garanties sur ce ton. Crois-tu que nous
pouvons attribuer une si grande importance à ta personne, et une si petite à
ce que nous faisons ?
Je ne sais pas si la galerie Apollinaire1 est « spatialiste » ou même pire.
Notre camarade anglais n’y habite pas. Il n’en est pas non plus propriétaire :
c’est là qu’il passe prendre son courrier. Mais que t’importe ? Aurais-tu
préféré l’adresse de la Triennale ?
Surtout, ta lettre donne l’impression d’un manque de franchise bien
maladroit : tu sais parfaitement que nous n’avons aucune raison d’avoir
changé notre programme; et quel télégramme nous a été envoyé d’Alba.
Je ne sais ce qui a pu te faire croire que ce style convenait au dialogue avec
nous. Mais c’est une erreur.
G.-E. Debord

1. La galerie Apollinaire, à Milan, qui a exposé Ralph Rumney du


14 au 23 janvier 1957.

À Ralph Rumney

Paris, le dimanche 3 février 1957

Cher Ralph,

Nous pensons qu’il faut te donner quelques explications à propos du


rendez-vous manqué avec toi, et de toute la manifestation manquée de
Bruxelles.
1°) Nous avions rendez-vous, Simondo et moi, avec Asger, vingt minutes
avant le départ du train, en un point précis de la gare du Nord (l’accès des
voies). Nous sommes arrivés cinq minutes en avance sur l’heure du rendez-
vous, donc vingt-cinq minutes avant le départ du train. Donc, si Asger est
parti sans nous voir, cela signifie qu’il est monté dans le train avant l’heure
du rendez-vous, et qu’il n’est jamais revenu avant l’heure du départ pour
regarder si nous étions au lieu convenu.
2°) Il y avait un autre train pour Bruxelles deux heures après (Asger le
savait). Nous, pensant qu’il était en retard, avons attendu une heure encore
dans la gare. Lui, s’il pensait que nous étions en retard – et même si nous
l’avions été effectivement – devait aussi nous attendre.
3°) Asger a emporté l’attestation pour le passage des tableaux à la frontière.
La question n’est pas de savoir s’il nous était possible de nous arranger à la
douane pour passer tout de même ces tableaux : je ne vois pas pourquoi je
devrais m’ennuyer avec ces détails alors que c’est moi qui ai fourni à Asger
l’attestation. De plus, Asger est parti avec le billet de Simondo.
4°) Asger ne signalant pas chez moi ce qui lui arrivait, nous sommes allés
chez lui vendredi après-midi. Apprenant qu’il n’était pas revenu de la gare,
nous avons pensé, malgré les circonstances incroyables de son départ, qu’il
pouvait être effectivement en Belgique. Nous avons alors téléphoné pendant
six ou huit heures à la galerie Taptoe, utilisant successivement deux faux
numéros qui ne répondaient pas (12 72 68 et 12 72 64). Ces deux faux
numéros se trouvent imprimés sur deux catalogues de Taptoe. Nous avons
enfin obtenu la galerie vendredi soir, en faisant chercher son numéro par
Bruxelles. Michèle a parlé à Haesaert1 et lui a demandé qu’Asger nous
appelle dans la soirée. Il ne l’a pas fait.
5°) Samedi, j’ai téléphoné à Haesaert et lui ai demandé de nous faire
rappeler par toi ou par Asger. Les renseignements pratiques que tu m’as
donnés peu après par téléphone étaient – contre notre attente – assez
satisfaisants. Mais le refus d’Asger de nous parler est une si grossière
imbécillité qu’il nous devenait impossible de venir. Il est bouffon, de la part
d’Asger, de s’essayer à des méthodes d’autorité que son importance actuelle
(soit intellectuelle, soit économique) ne justifie auprès de n’importe qui.
6°) Si nous demandions quelques explications sur la réalité précise de cette
opération de Bruxelles, c’est qu’à la suite du mystérieux comportement
d’Asger au départ de Paris, et des hypothèses que nous avons dû faire à ce
propos, nous avons pris conscience de certaines méthodes irrationnelles,
néfastes et choquantes, appliquées par Asger, depuis deux mois en tout cas,
dans les affaires du mouvement. J’en donne deux exemples :
a) la lettre à la Triennale avait été discutée en décembre par Asger et nos
amis italiens, et approuvée par tous à condition qu’elle ne soit pas injurieuse
(ceci pour diverses raisons tactiques – par exemple une perte de possibilités
économiques à Alba, qui s’est en effet produite). Nous l’avons rédigée à
Paris sans avoir eu connaissance de cette discussion préalable. Il est bien
évident alors que la réaction d’Alba se trouve formellement justifiée :
l’envoi de notre lettre n’engageait pas le groupe d’Alba sans prendre son
avis – ce qui est faisable – mais contre son avis nettement exprimé.
b) Asger m’a fait écrire à Constant, au début de janvier, pour lui demander
ce qu’il apporterait à la manifestation de Bruxelles. Mais Asger, prétendant
être sans nouvelles de Constant, me cachait en réalité qu’il avait déjà reçu
une réponse négative du même Constant. (Je l’ai appris depuis, par
Constant et Simondo.)
7°) J’ai reçu seulement samedi ta carte de Milano, donnant les adresses et le
numéro de téléphone d’Yves Klein. Il était certainement temps pour nous de
passer prendre les travaux de Klein et d’arriver à Bruxelles pour la
conférence de lundi. Mais en encourageant Asger dans la voie de
l’inconscience, nous serions bien coupables devant tous nos camarades.
L’accord entre nous tous ne peut être fondé que sur des positions
communément définies, pas sur le mensonge ou l’enfantillage.
8°) Demain je pars pour passer une quinzaine de jours à Cannes et Simondo
va directement à Alba. Si tu passes par Paris ces jours-ci, tu peux venir voir
Michèle. Sinon, tu peux m’écrire dans l’impasse de Clairvaux, la lettre
suivra.
J’espère que nous pourrons nous rencontrer, toi et moi, en mars. Je crois
que nous avons beaucoup de choses sérieuses à envisager.
9°) Tu peux communiquer tous les points de cette lettre à Asger ; et discuter
avec lui de ces méthodes que – j’imagine – tu dois juger comme nous.
Amicalement,

G.-E. Debord,
P. Simondo,
M. Bernstein
Lu et fortement approuvé.

1. Gentil Haesaert, fondateur de la galerie Taptoe.

À Asger Jorn et Ralph Rumney


Paris le 4 février

Asger a refusé de téléphoner : nous lui avons fait clairement savoir, samedi,
que nous ne viendrions pas s’il maintenait son refus. Vous avez donc pris
vos responsabilités (c’est donc vous qui avez ainsi saboté la conférence, car
notre demande n’avait rien de tyrannique).
Votre télégramme1 moralisateur et menaçant aggrave plutôt votre cas, étant
données les circonstances présentes – c’est-à-dire les méthodes d’Asger, qui
excluent en effet la confiance mutuelle.
Ce télégramme est en fait l’ultime manifestation logique d’une attitude que
nous refusons, au nom de tous nos amis.
Rumney pourra choisir, maintenant que notre lettre lui fournit les éléments
d’appréciation qui lui manquaient, entre la complicité avec les méthodes
d’Asger ou les relations futures avec nous.
Asger, au contraire, devra s’excuser pour ses méthodes et le ton employé; et
faire son autocritique.
Et si quelqu’un veut absolument la rupture, croyez-vous que nous serons
très attristés ? Nous sommes des spécialistes de la rupture. Relisez Potlatch.

Debord, Simondo

1. Texte du télégramme arrivé le 4 février 1957 à 7 heures 45 :


« Il faut savoir se décider Stop Après décision on ne discute plus
Stop En manquance de votre collaboration promise aux
conférences lundi 4 février nous devons constater un abus de
solidarité de responsabilité d’avant-garde et de confiance
mutuelle qui rend impossible aucune collaboration future On vous
attend avec film. Rumney, Jorn »
À la revue Les Lèvres nues

5 février 57

Chers amis,

Comme vous avez dû le remarquer, nous n’avons pas paru en Belgique à la


fin de la semaine dernière : une dérive mal dirigée nous a retenus trois jours
derrière la Butte-aux-Cailles.
Nous vous rencontrerons à Paris dans un mois, sans doute ?

G.-E. Debord, P. Simondo

À Piero Simondo

Lundi 11 février

Cher Piero,

Je passe d’agréables vacances, sans aucune nouvelle d’Oscar1, ce qui est


bien reposant. Mais il est possible qu’il se soit déjà manifesté à Paris, parce
qu’il y a en ce moment une grève des postes qui retarde beaucoup les
lettres.
Je pense qu’Alba a appris avec intérêt l’histoire de ton voyage. Et que tout
le monde a bien ri.
Nous avons oublié, à notre départ, de noter l’adresse de Liguria, et le
numéro précis qu’il faut réclamer. Écris cela maintenant à Michèle, pour
qu’elle envoie une lettre à la revue.
Dès mon retour, vers la fin du mois, je te communiquerai le dernier état,
idéologique et financier, du mouvement autour de nous, pour que nous
envisagions ensemble quelles opérations sont réalisables immédiatement.
En tout cas, nous publierons avant la fin de mars un numéro de Potlatch. Il
serait bon que vous nous fassiez parvenir quelques articles – courts
évidemment – , pour traduire dans ce numéro.
Je dois travailler ici à quelques écrits, principalement une théorie du cinéma
situationniste. Mais je bois plutôt.
Bien amicalement à vous tous,

Guy

Lettre envoyée de Cannes.

1. Id est Asger Jorn.

À Piero Simondo

Mardi 12 février

Cher Piero,

Oscar se manifeste. Je commence mon travail de copiste; voici 2 textes.


1°) Carte expédiée de Londres, le 8 février, à mon adresse :
« L’avant-garde est arrivée à l’étape Londres. Nous attendons toujours
l’explication d’une rupture de collaboration que nous avions estimée
beaucoup. Asger Jorn, Ralph Rumney. »
Vous voyez là à la fois la manœuvre qui continue, bêtement dirigée par
Oscar (la carte est de son écriture), et aussi le recul considérable depuis
leurs premières positions : on nous menaçait de rupture si nous n’étions pas
à la conférence. Nous avons fait la grève. Ils ont maintenant très peur des
conséquences, et nous demandent pourquoi nous voulons rompre? Mais il y
a aussi là-dedans un espoir ridicule d’escamoter le fond du problème, où
Oscar est largement perdant – un essai, comme on dit en français pour
« noyer le poisson ».
2°) Réponse que je fais envoyer de Paris :
« Cher Ralph,
Il nous paraît extrêmement improbable que tu n’aies pas reçu notre lettre du
4 février, qui contenait toutes les explications nécessaires pour toi, et pour
Asger.
Si cette lettre ne t’est pas parvenue, écris-le précisément, et nous t’en
enverrons une copie.
Si tu as lu cette lettre, tu dois comprendre que votre carte de Londres essaie
de tricher maladroitement avec les éléments du problème.
Vous devez savoir que
1° – nous ne voulons pas la rupture de la collaboration avec Asger, et
encore moins avec toi. Nous refusons seulement le style, déplaisant et
inefficace, qu’Asger a donné ces dernières semaines à notre collaboration.
2° – Les explications, c’est vous – mais principalement Asger – qui devez
nous les donner, sur la base de notre lettre du 4 février : il est inutile de
simuler la surprise, ou l’irresponsabilité.
En refusant de nous parler au téléphone, Asger a entraîné une rupture
relative. Vous étiez prévenus, et vous avez fait ce choix. Maintenant, si vous
ne donnez pas, individuellement ou ensemble, les explications que nous
réclamons, vous aboutissez à la rupture totale et définitive avec nous tous.
Cette fois encore, vous avez à choisir librement. Mesurez bien toutes les
conséquences. »
Peut-être serait-il bon que vous tapiez ce texte à Alba et que vous le
signiez : Gallizio, Elena, Olmo et toi ? Car il ne faut pas qu’Oscar
s’imagine qu’il faudra être aimable et s’excuser auprès de nous à Paris, et
qu’il pourra en même temps choisir un autre ton pour manœuvrer le groupe
en Italie. Si vous me le renvoyez ici, signé, je pourrai peut-être l’utiliser
dans les jours prochains, qui vont voir le retour d’Oscar à Paris ! Beau
spectacle en perspective. Très amicalement à vous tous,
Guy

Lettre envoyée de Cannes.

G.-E. Debord, villa San Lorenzo, avenue de Fiesole, Cannes, A.M.

À Ralph Rumney

Paris, le 14 février

Cher Ralph,

J’apprends maintenant que tu as reçu notre lettre du 4 février, puisque Asger


lui-même en a eu connaissance. Elle contenait toutes les explications
nécessaires pour toi et pour Asger. Si cette lettre ne t’est pas parvenue,
écris-le précisément et nous t’en enverrons une copie.
Si tu as lu cette lettre, tu dois comprendre que votre carte de Londres essaie
de tricher maladroitement avec les éléments du problème.
Vous devez savoir que :
1°) Nous ne voulons pas la rupture de la collaboration avec Asger, et encore
moins avec toi. Nous refusons seulement le style, déplaisant et inefficace,
qu’Asger a donné ces dernières semaines à notre collaboration.
2°) Les explications, c’est vous – mais principalement Asger – qui devez
nous les donner, sur la base de notre lettre du 4 février. Je pense d’ailleurs
voir Asger, qui vient de m’écrire, ces jours-ci. Mais tu te trouves aussi,
maintenant, mêlé à cette histoire.
En refusant de nous parler au téléphone, Asger a entraîné une rupture
relative. Vous étiez prévenus, et vous avez fait ce choix. Maintenant, si vous
ne donnez pas, individuellement ou ensemble, les explications que nous
réclamons, c’est vous qui aboutissez à la rupture totale et définitive avec
nous tous. Cette fois encore, vous avez à choisir librement, en en mesurant
bien toutes les conséquences.
Guy

Lettre envoyée de Paris par Michèle Bernstein.

À Piero Simondo

Jeudi [14 février]

Cher Piero,

Merci de ta lettre et des documents. Je suis tout à fait d’accord avec la lettre
que tu as envoyée à Constant. Et la lettre même de Constant me paraît
bonne : je crois aussi à une collaboration très intéressante avec lui dans
l’avenir. Si nous réalisons quelque chose (et nous le ferons), Constant sera
certainement amené à y participer.
Suite de l’affaire Oscar : je viens de parler à Michèle au téléphone. Oscar
est déjà revenu à Paris, et il a envoyé une longue lettre d’excuses et
d’explications très confuses. Il dit qu’il ne veut pas la rupture (nous le
savions bien), qu’il y a une série de malentendus, mais que de telles
histoires se sont produites partout où il est passé (cela nous le savons bien,
c’est justement ce qui doit changer) et qu’il est un «spécialiste de
l’autocritique » : tu te souviens que nous lui avions demandé de faire son
autocritique, en disant que nous étions les spécialistes de la rupture.

Lettre envoyée de Cannes.

L’ombre d’explication, stupéfiante, qu’il avance est celle-ci : toi, Piero, tu


n’avais aucune envie d’aller à Bruxelles, et il s’en est bien rendu compte en
voyant la répugnance que tu manifestais à faire mettre dans la valise
d’Oscar ta fameuse chemise! C’est presque une histoire de fou.
À part cela, dès son arrivée à Bruxelles il s’est occupé de vendre tes
gouaches : il en a vendu deux. Il aurait été pourtant plus amical de
téléphoner. Il prévoyait aussi la vente d’un plan psychogéographique1, mais
là c’est le plan qui lui a manqué.
Dans la pénible situation où nous les avions mis, Oscar et Ralph ont fait
ceci : un accrochage des toiles le premier lundi, et le lundi suivant une
exposition de céramiques (je ne sais pas s’ils ont fait les conférences). Et
Oscar propose maintenant de faire samedi prochain, toujours chez Taptoe,
un vernissage pour les plans psychogéographiques. Naturellement je refuse.
Je dis à Michèle de répondre à Oscar par un mot l’invitant à passer la voir
quand il voudrait. Et là il faut qu’il s’explique, exactement sur les bases que
nous avons définies ensemble, et absolument pas autrement : car il doit être
déjà prêt à des tas d’histoires de fantômes, à propos de caractères, de hasard
ou de parapsychologie.
Je fais envoyer seulement à Ralph, à Londres, le texte que je vous ai
communiqué dans ma précédente lettre. Cela devient donc inutile que vous
le contresigniez, puisque Ralph ne vous connaît pas directement, et surtout
puisqu’il n’a aucune envie de manœuvrer contre nous.
Oscar va tenter de manœuvrer contre les absents, comme d’habitude – il a
déjà commencé avec cette délirante histoire de chemise – mais cette fois ça
lui sera impossible. Mais pour Oscar le texte de la réponse à Ralph est déjà
dépassé puisqu’il a cédé sur l’ensemble de ses positions et vient proposer
des explications.

1. Un des cinq plans prévus pour l’exposition de Bruxelles à la


galerie Taptoe.

Je pense donc que la crise est arrivée au point d’un dénouement favorable.
Il reste qu’il y aura eu beaucoup de sabotage contre nous, c’est-à-dire contre
le Mouvement, à Bruxelles et à Londres. Nous devons compenser cela par
une clarification définitive de nos rapports, surtout avec Oscar. Nous
sommes sur la meilleure base possible pour opérer cette clarification, pour
imposer la direction collective, et le sérieux dans nos affaires communes.
Quand nous aurons obtenu cela sans équivoque, je crois que nous aurons
beaucoup avancé. Et l’ensemble de cette manifestation de Bruxelles aura
finalement un résultat positif, grâce à notre « grève » réussie.
D’accord pour ce que tu me dis à propos de nos prochaines publications. À
mon retour à Paris – c’est à Paris que vous devez envoyer vos textes – je
traduirai tout ce qui reste à traduire de l’italien. J’ai les doubles des
manuscrits d’Oscar – sauf celui qui précède Structure et changement et qui
suit Forme et fonction. Celui-là, je ne l’ai jamais lu. Et je vous enverrai un
manuscrit que je prépare, et surtout deux numéros des Lèvres nues où il y a
deux textes théoriques, sur la psychogéographie et sur le « détournement ».
J’estime aussi que cette histoire de Bruxelles nous aura donné une
impulsion nécessaire pour établir un style de travail qui est le minimum
indispensable pour une action organisée à l’échelle internationale. En ce
moment je ne cesse d’écrire, de copier des textes, ou de donner des
instructions par téléphone comme un businessman (?). Il y a une chaîne de
communication à travers l’Europe, de Londres à Alba, et même à
Amsterdam. C’est très bien.
Ce qui me rend un peu les choses difficiles ce matin, c’est que j’ai passé
toute la nuit à boire, et qu’il m’en reste des traces. Heureusement j’ai les
idées claires, mais ma main n’est pas très sûre, comme cela transparaît dans
mon écriture.
Transmets mes amitiés à toute l’équipe, et particulièrement à Olmo, qui a
dû apprécier historiquement la lettre que je lui ai envoyée avant Bruxelles.
Ciao,
Guy

À Piero Simondo

Lundi 18 [février]

Cher Piero,

Je reçois ce matin ta lettre du jeudi 14. Le même jour je t’ai écrit une lettre
donnant des nouvelles du retour d’Oscar à Paris. Tu as dû la recevoir
samedi ou aujourd’hui. Moi, je n’ai pas de renseignements plus récents. Je
te les communiquerai sitôt qu’ils me parviendront.
Merci pour l’adresse de Giordanengo. Oui, c’est certainement moi qui ai
confondu les titres des revues (je me souvenais que tu étais Ligure!).
Je pense que Ralph a été simplement dupe d’Oscar, comme nous l’avons
été, toi et moi, pour d’autres détails. J’espère qu’il va s’expliquer
favorablement.
Je vais revenir à Paris dans une dizaine de jours. Il y a beaucoup de choses à
faire.
Ci-joint le texte définitif envoyé à Ralph, de Paris, après la lettre envoyée
par Oscar à son retour de Londres.
Mohamed Dahou vient de m’écrire1 : il craint de ne pouvoir rentrer en
France avant assez longtemps.
Amitiés à tous,
Guy

Lettre envoyée de Cannes.

1. D’Algérie.

À Piero Simondo

Samedi 23 février

Cher Piero,

Je viens de recevoir des nouvelles de la visite d’Oscar à Michèle. Et aussi


une lettre d’Olmo, que je te prie de remercier.
Je te fais un résumé très bref de ce que je sais, c’est-à-dire du résumé, fait
par Michèle, de cette conversation (Oscar est venu chez moi le mercredi 20,
en disant qu’il relevait d’une maladie).
1°) Oscar a d’abord nié tout ce qu’il a pu. Puis enfin il a avoué qu’il nous
avait manœuvré, vous et nous, dans l’histoire de la Triennale. Et aussi qu’il
avait délibérément manœuvré à Bruxelles, contre nous, avec cette histoire
de téléphone et de télégramme. Note bien qu’il dit cela à Michèle, mais je
doute qu’il admette la même chose avec Ralph. Donc, sur ce point,
j’exigerai avant tout une déclaration écrite.
2°) Il se félicite de nous avoir manœuvrés car, dit-il, « on ne peut pas le
changer, c’est la seule chose qu’il sache faire pour faire avancer un groupe :
y semer la désorganisation et voir s’il ne va pas en sortir quelque chose de
bon ». Cela est si idiot qu’il me semble que ce pourrait être sans danger si
tout le monde, dans le groupe, était clairement renseigné sur le
comportement d’Oscar.
3°) Il dit que toute théorie doit s’incliner devant l’action, et que l’on devait
pardonner ses caprices pour ne pas nuire à l’action commune!
Mais une action commune sans théorie, c’est par exemple l’usage du
« métro ».
Et une action commune contraire à mes théories, c’est par exemple la
participation dans l’armée française à la répression d’Algérie.

Lettre envoyée de Cannes.

Donc Oscar se conduit en odieux imbécile, et devrait en voir les résultats :


la théorie a bien saboté l’action qu’il avait préparée à Bruxelles.
4°) Il a dit à Michèle que l’on ne pouvait pas comprendre vraiment sa
position avant d’avoir lu « Forme et Mouvement », son prochain travail
théorique. Cela est une insolence incroyable car jamais un philosophe, aussi
grand soit-il, n’a produit une œuvre bouleversant si radicalement toutes les
données de la pensée qu’il serait incapable de discuter selon les anciens
concepts !
Et Oscar, jusqu’à ce jour, nous a révélé infiniment peu de choses, dans ses
écrits ; et au contraire il y a mélangé beaucoup de naïveté ou de
témoignages d’ignorance.
En plus il croit pouvoir afficher une grande hostilité contre toi, et se montre
assez idiot pour dire que les Italiens, en général, sont «des fourbes,
d’habiles politiques », etc.
Michèle lui a donc signalé que tout accord était impossible sur ces bases. Il
est reparti à Bruxelles, et doit revenir chez moi dans une dizaine de jours
pour me rencontrer (je reviens à Paris dans une semaine). Michèle l’a
prévenu que le retard augmente ses torts.
Je pense que les 3e et 4e points sont absolument inacceptables et que, s’il ne
cède pas là-dessus le jour où je le rencontrerai (il aura eu beaucoup de
temps pour réfléchir), il faut rompre. J’aimerais que tu me donnes
d’urgence ton avis là-dessus.
Je crois encore que, placé devant le choix définitif, Oscar cédera (mais il
faudra se méfier dans l’avenir). Sinon, nous publierons vers le 15 mars un
Potlatch, et Oscar pourrait bien y avoir un très mauvais rôle.
Bien amicalement à vous tous.
Guy

À Piero Simondo

Lundi 11 mars

Cher Piero,

Voici les dernières nouvelles : je suis arrivé à Paris jeudi soir. Ralph est
arrivé le lendemain, et il est venu tout de suite me voir. Il est d’accord avec
nous sur l’affaire de Bruxelles, qu’il avait déjà à peu près comprise en lisant
nos deux lettres. Il pense, lui aussi, qu’Oscar doit nous fournir une
explication entièrement claire, s’il veut continuer à collaborer avec nous,
pour que nous soyons sûrs que de telles sottises ne se reproduiront plus.
Hier au soir seulement, il s’est présenté chez Oscar pour lui dire de venir
immédiatement chez moi, pour une discussion définitive. Mais il a dû
revenir seul une heure après, ayant trouvé Oscar, et une des petites filles,
réellement malades.
J’attends donc Oscar d’un jour à l’autre, dès qu’il sera en meilleure santé. Je
pense qu’il y a plus de chances que jamais pour qu’il renonce à son attitude
de ces dernières semaines, puisqu’il a vu que même Ralph était contre lui.
Ralph reste maintenant deux mois à Londres où il est retourné ce matin. En
mai, il viendra un certain temps à Paris. Ensuite, je pense qu’il retournera
en Italie, et il ira te voir à Alba.
Le principal résultat de l’histoire de Bruxelles est que nous devons reporter
la manifestation envisagée à Londres1, jusqu’au mois d’avril 1958 ! Car il
est évident que rien ne peut plus être préparé, à partir de zéro, en quatre
mois (nous avions d’abord choisi le mois d’août 57). De plus à Bruxelles
même le résultat a été très faible. Ralph avait soutenu – comme nous
jugions nous-mêmes à ce moment-là – que la seule attitude correcte qui leur
restait à prendre était de quitter Bruxelles avant les conférences. Mais Oscar
a tenu à faire prononcer deux conférences très ennuyeuses, et lui-même a
bafouillé en français, au lieu de parler en danois. Mais il est vrai qu’il a
vendu beaucoup de tableaux ensuite…
Mariën, ayant reçu notre mot de Paris, ne s’est même pas présenté chez
Taptoe. Je l’attends à Paris dans deux ou trois jours. Klein n’était pas venu à
Bruxelles, à la suite de je ne sais quel empêchement.
J’ai vu déjà deux fois Yves Klein, et un de ses amis, depuis mon retour ici.
Ils sont très intéressés par ce que nous faisons. Je leur ai communiqué
quelques textes pour que l’on discute là-dessus. On verra si on peut
s’entendre.
Je t’enverrai dans quelques jours seulement les revues promises, que je n’ai
pas encore. Voici déjà les syllogismes de Lewis Carroll que t’envoie
Michèle. Amitiés à vous tous,

Guy

1. Congrès de psychogéographie qui n’aura pas lieu.


À Marcel Mariën

Mardi 19 mars

Mon cher Mariën,

L’article de Staline est intitulé « L’opposition trotskiste aujourd’hui et


autrefois » (Discours prononcé à la séance plénière d’octobre du C.C.1 et de
la C.C.C.2 du P.C. de l’U.R.S.S.), publié en français le 12 novembre 1927.
Je copie les passages concernant le testament :

1. Comité central.

2. Commission centrale de contrôle.

Quelques mots au sujet du « Testament de Lénine ». Les partisans de


l’opposition ont crié, vous l’avez tous entendu, que le Comité central du
parti « cache le testament de Lénine ». Cette question a été examinée à
plusieurs reprises par les séances plénières du C.C. et de la C.C.C. [une
voix: « Des douzaines de fois »]. On a prouvé de nombreuses fois que
personne ne cache rien, que le « testament de Lénine » avait été adressé au
13e congrès du parti et que ce « testament » a été lu à ce congrès [une voix :
«Très juste »]. Tout le monde sait également que le congrès a décidé à
l’unanimité de ne pas publier ce testament, entre autres pour cette raison
que Lénine lui-même ne le désirait et ne le demandait pas. Tout cela
l’opposition le sait très bien, ce qui ne l’a pas empêchée de déclarer que le
Comité central a caché le « testament de Lénine ».
[…]
On prétend que Lénine, dans ce testament, proposait au congrès du parti
d’examiner la question du remplacement de Staline au poste de secrétaire
général du parti par un autre camarade. C’est exact. Citons ce passage qui,
d’ailleurs, à plusieurs reprises déjà, a été lu aux séances plénières :
« Staline est grossier et ce défaut, qui est tolérable dans notre milieu et les
relations entre nous, devient insupportable chez un homme occupant le
poste de secrétaire général. Je propose donc aux camarades d’examiner la
question du remplacement de Staline par un autre homme qui se distinguera
de Staline par le seul fait d’être plus tolérant, plus loyal, plus poli, plus
attentif vis-à-vis des camarades et moins lunatique, etc. »
Oui, Camarade, je suis brutal vis-à-vis de ceux qui manquent de parole,
décomposent et détruisent le parti.
[…]
Il est caractéristique de voir qu’au sujet des fautes de Staline, le testament
ne dit pas un mot et n’y fait pas la moindre allusion.

On y parle simplement de la brutalité de Staline. Mais la brutalité


n’est ni un défaut politique ni une déviation politique et ne peut
pas l’être.
Voilà le passage correspondant du testament :
« Je m’abstiendrai de caractériser d’autres membres du Comité
central et leurs traits personnels. Je rappelle simplement que
l’épisode d’Octobre de Kaméniev et de Zinoviev n’est pas dû au
pur hasard pas plus que le non-bolchévisme de Trotski. »

Ici, je reprends la parole. Vous remarquerez que Staline s’abstient de se


justifier sur la grave accusation de manque de loyauté; et que la deuxième
citation paraît grossièrement tronquée. Toutes les versions, beaucoup plus
vraisemblables, publiées par l’opposition, font état d’une phrase – je cite
très à peu près, de mémoire – disant : « Je rappelle simplement que l’on ne
doit pas tenir rigueur de l’épisode d’octobre pour Kaméniev et Zinoviev,
bien qu’il ne soit pas dû au pur hasard, ni du non-bolchévisme de Trotski. »
Ces deux détails laissent à penser qu’à cette époque le Comité central et la
Commission centrale de contrôle étaient déjà assez sûrs pour ne soulever
aucune objection – et faire confiance à Staline contre Lénine qui prend ainsi
figure d’un idiot choqué du point de vue de la politesse bourgeoise par la
grossièreté de Staline – mais pas encore assez sûrs pour nier simplement
l’existence du testament.
Toute la série des discussions dans le parti, telle qu’elle est présentée dans
«La Correspondance internationale » de 1927, montre l’extrême modération
des accusations contre l’opposition à cette époque. Tout s’est joué sur la
question de la discipline, qu’on lui reprochait d’avoir violée deux fois de
suite.
J’espère que ces citations vous seront utiles. Elles démontrent bien en tout
cas que ce « testament caché » n’a pas été l’histoire mélodramatique que
l’on raconte encore, mais l’occasion de nombreux débats, aux conclusions
liées aux successifs rapports de force dans le parti. Le testament a vraiment
été occulté à la belle époque de Jdanov3, des procès de Moscou et de
l’« histoire du P.C. de l’U.R.S.S. ». Nul doute que Staline n’en espérait pas
tant en 1927.
Une idée m’est venue, malheureusement, le lendemain de votre départ. Je
ne crois pas qu’elle ait d’application immédiate, mais peut-être l’année
prochaine? Voici : je pense que vous avez probablement droit – en tant que
revue trimestrielle légalement enregistrée en Belgique – d’avoir un
représentant dans la presse du Festival de Cannes. Je pourrai – grâce à mes
relations familiales et autres dans cette ville – y subsister pendant la durée
du Festival. Les avantages seraient multiples :
1°) publicité pour Les Lèvres nues qui se placerait ainsi sur le rang des
revues à grand spectacle – Les Temps modernes mêmes n’ayant pas les
moyens d’entretenir plus d’un rédacteur au Festival.
2°) Scandale de ma réapparition dans ces sphères qui nous sont fermées
depuis 19524, comme vous savez, après que la direction du Festival nous ait
fait arrêter par la police, en masse, au moment où nous menacions de mettre
à sac ses bureaux et – affirment-ils – de défenestrer son personnel (mais ce
dernier reproche est injuste).
3°) Quatre ou cinq pages d’actualité cinématographique, bonnes je crois ou
du moins frappantes, car j’achève de mettre au point un nouveau procédé de
critique des films.
Les difficultés que l’on pourrait vous faire pour vous délivrer une invitation
ne m’apparaissent pas – mais il faut s’attendre à tout avec ces gens-là.
Enfin, ce qui est sûr, c’est qu’en 1952, nous disposions d’invitations au titre
de la rédaction de la revue Ion (qui n’avait eu qu’un seul numéro) ; et
d’autres au titre de producteurs de films. De plus, le Festival a intérêt à
rassembler le plus grand nombre de représentants de la presse
internationale, et il ne lui en coûte qu’une invitation permanente à toutes les
projections. Je ne pense pas que vous soyez suspects d’hostilité trop vive
contre cette institution lamentable.
Une autre difficulté, c’est le temps. Il est peut-être tard pour ces démarches
cette année (j’ignore la date exacte du Festival) et j’ai tant de choses à faire
à Paris en ce moment que je ne peux envisager aucun voyage pendant un
mois, au moins. La seule chance, pour cette année, serait que la
manifestation commençât vers la fin d’avril. Mais je crois qu’elle est bien
plus avancée. Toutefois, vous pouvez peut-être vous renseigner sur leurs
intentions ?
Bien amicalement,
G.-E. Debord

3. Jdanov, membre du Politburo, a dirigé la politique culturelle


sous Staline.

4. À l’occasion de la manifestation de l’ensemble des lettristes


contre le festival de Cannes, avec le tract Fini le cinéma français.
À Piero Simondo

Paris, le 29 mars 1957

Cher Piero,

J’étais un peu surpris de ne pas avoir de nouvelles d’Alba. Je suis content


d’apprendre que tu vas réussir à payer les dettes du congrès.
Voilà les dernières nouvelles ici : Oscar est finalement venu me voir il y a
huit jours, avec Kotik qui se trouvait à Paris. L’affaire de Bruxelles est, en
principe, réglée puisque Oscar reconnaît ses erreurs. Comme Kotik était
présent, je n’ai pu obliger Oscar à écrire immédiatement à Alba, mais il a
accepté de le faire avec moi1. Depuis, j’ai dû m’excuser pour un rendez-
vous que j’avais pris avec Oscar et Kotik – j’ai beaucoup de gens à
rencontrer en ce moment – et je n’ai pas encore revu Oscar. Je vais aller le
voir lundi, et nous achèverons cette affaire.
En bref, Oscar a abandonné toutes ses positions – et toutes ses accusations
de l’époque de la crise. Il m’a dit que l’argent de tes gouaches était encore
en Belgique. Je lui demanderai de te préciser cela dans sa lettre.
Je vais soulever avec Oscar la question de notre participation financière aux
éditions Eristica2 – car il me semble qu’il est nettement le plus riche de
nous tous. Je t’écrirai très bientôt, à propos de cela et d’autres sujets.
J’ai rencontré successivement Ralph Rumney, Yves Klein, Mariën et deux
autres Belges, Kotik. En général, c’est bien. Il nous faut avancer ensemble
vers une unité théorique rigoureuse. Je crois que c’est possible. Mais c’est
urgent.
Je vais t’envoyer dans trois ou quatre jours une collection des Lèvres nues
que je n’ai pas encore pu compléter. Je dois en envoyer en même temps une
pour Ralph.
Dès que je pourrai, j’enverrai à Alba un manuscrit3 de quarante pages
environ, qui est la plate-forme que nous proposons pour la nouvelle
organisation internationale. Il vous faudra l’étudier, et m’envoyer vos
critiques.
Potlatch est encore retardé (peut-être jusqu’au 15-20 avril?). Si vous avez
quelques articles courts, vous pouvez encore envoyer (ou un seul d’une
quarantaine de lignes). Je vais t’adresser, aussi dans quelques jours, une
courte déclaration4 sur le principe d’une unification dans l’avenir du
Bauhaus, des lettristes, et des psychogéographes anglais – à paraître dans ce
Potlatch. Je crois qu’il est bon que ce soit toi qui contresignes cette
déclaration au nom du Bauhaus imaginiste. (Beaucoup de gens peuvent
penser que le Bauhaus est une histoire touchant beaucoup au milieu Baj-
Oscar-Constant.)

1. Voir infra, lettre du 3 avril 1957 à Piero Simondo.

2. Qui ont publié le bulletin d’information du M.I.B.I.

3. Rapport sur la construction des situations et sur les conditions


de et de tions de l’organisation et de l’action de la tendance
situationniste internationale.
4. Développée dans « Un pas en arrière » (Potlatch no 28 du 22
mai 1957).

Si Constant ne t’a pas répondu, c’est mauvais signe. Tant pis pour lui.
J’écris cette lettre assez confusément parce que je suis très pressé. Merci
pour le dessin. Amicalement à vous tous,

Guy

À Marcel Mariën

Vendredi 29 mars

Mon cher Mariën,

À propos du Festival, j’apprends qu’il doit se tenir seulement au début de


mai. Ce qui me donne certainement la possibilité matérielle d’y assister. Et
peut-être le délai est-il suffisant pour vos démarches ?
En effet, je ne peux rien faire personnellement. Je me flatte que ma
mémoire s’effacera de l’esprit des hommes mais pas à la direction du
Festival tant qu’elle survivra. Il me semble – sans aucune certitude – que
votre démarche directe à Cannes n’est pas le meilleur procédé. Voilà la
méthode qui devrait réussir : si je me fie aux équivalents français, vous
devez avoir droit, en Belgique, à une carte de presse en tant que directeur
d’une revue trimestrielle légalement déclarée (en France cette qualité vous
est reconnue tant qu’un délai de six mois à dater du dernier numéro publié
n’est pas écoulé). En tant que directeur d’une publication belge, vous
devriez vous adresser à votre ministère de la Presse, ou de l’Information, ou
à tel autre qui en tient lieu, en signalant votre désir d’envoyer un
correspondant au Festival. Ce ministère doit directement traiter avec
l’organisation du Festival je crois. Quoi qu’il en soit, ne nommez votre
correspondant qu’au dernier instant.
S’il est trop tard pour cette année, il faudra tâcher de surmonter les
obstacles pour le prochain. Car l’opération doit être amusante. J’espère, de
toute façon, vous voir à Bruxelles avant la fin d’avril, dès que je pourrai
mettre en train la publication que vous savez.
Bien amicalement à vous tous,

G.-E. Debord

À Asger Jorn

Samedi soir [30 mars]

Cher Asger,

J’ai beaucoup de nouvelles d’Italie et, surtout, de Belgique. Il faut se voir.


Je t’attends lundi après-midi, à 4 heures, à la terrasse du Flore.
Amicalement,

Guy

À Piero Simondo
Mercredi 3 avril

Cher Piero,

Voici le document officiel1, et un mot d’Asger.


J’ai soulevé le problème de nos publications communes. La première chose
qu’Asger serait capable de faire (par Taptoe) serait l’édition de deux
monographies consacrées à Gallizio et toi.
Pour cela, il vous faudrait envoyer chacun quinze photographies de vos
meilleures toiles.
Évidemment, je pense que ce qu’il nous faut faire, c’est une revue. Mais, à
défaut, ces monographies peuvent peut-être avoir une valeur positive ? Dis-
moi ce que vous en pensez à Alba.
J’attends maintenant l’arrivée de Ralph, dans huit jours, pour poser de
nouveau la question « Rivista ».
Je t’envoie, sous cette enveloppe, une collection des Lèvres nues. Il faut lire
d’abord les articles de Wolman, Michèle et moi-même. Puis les deux ou
trois longs articles théoriques de Mariën (au contraire l’article de l’ex-
lettriste Fillon, dans le no 7, est une sottise, nettement anti-
psychogéographique).
Dans quelques jours je t’enverrai la déclaration dont je t’ai parlé, à
contresigner par Alba.
Amitiés à vous tous,
Guy

1. Lire ci-après.
Le 2 avril 1957, Debord, Jorn et Michèle Bernstein ont conclu l’affaire de
Bruxelles en s’accordant sur les points suivants :
1°) Toute action personnelle, dans le mouvement, doit être soumise à un
accord collectif préalable.
2°) Tout désaccord éventuel doit être réglé par une discussion ouverte dans
le cadre du mouvement. Tout obstacle apporté à la discussion, entre nous,
est a priori erroné.
3°) Les soussignés reconnaissent l’importance de notre action commune,
souhaitent que dure l’accord déjà établi entre les groupes actuels, et
l’extension future d’un tel accord sur ces bases, dans la perspective d’une
efficacité plus vaste.
4°) Tous les désaccords précédents, toutes les manœuvres précédentes
doivent être considérés comme sujets d’expériences révolus. Tous les
reproches avancés à ce propos sont annulés.

Asger Jorn, G.-E. Debord, M. Bernstein

À Marcel Mariën

Dimanche 21 avril

Mon cher Mariën,

La carte de presse vous sera certainement utile en plusieurs occasions.


Évidemment il est trop tard pour ce festival. Je pensais, à l’origine, que
vous aviez déjà cette carte de presse, depuis le début des Lèvres nues. Il
faudra tâcher d’arranger cela pour le prochain, en s’y prenant assez à
l’avance. Je pense être tout à fait disponible, sauf pendant une partie du
mois d’avril 1958 où doit se tenir – en principe – notre congrès de
psychogéographie à Londres.
Mon projet de voyage à Bruxelles est remis à une date imprécise. Il ne
s’agit pas de payer d’avance ou après, mais de payer tout simplement. Une
assez importante rentrée d’argent, dont j’étais presque absolument sûr, se
trouve reportée à je ne sais quand, ou même annulée. Je devrai donc
attendre que les choses prennent meilleure tournure. Je vous remercie
encore pour votre imprimeur 1. J’espère que cela pourra se faire avant
longtemps.
Je me réjouis de la parution imminente du dernier mot sur Staline2.
Amicalement à vous tous,
G.-E. Debord

1. Le Rapport sur la construction des situations… sera imprimé à


Bruxelles.

2. Quand l’acier fut rompu, de Marcel Mariën.

À Piero Simondo

21 avril 1957

Cher Piero,

Je regrette de ne pas encore avoir de réponse d’Alba après les papiers que je
vous ai envoyés le 3 avril.
J’attends votre réponse avant de revoir Asger. Rumney, je crois, doit venir à
Paris très bientôt. Et je suis impatient de savoir si l’accord où nous sommes
parvenus vous satisfait, ou si vous demandez autre chose. (Aussi, que
pensez-vous de la proposition d’Asger d’éditer des monographies de
Gallizio et toi?)
L’affaire de Bruxelles me paraît réglée, mais elle laisse des traces qu’il faut
dépasser. Il serait mauvais que l’on pense ici que vous êtes indifférents au
règlement de cette histoire, ou au contraire que vous êtes encore fâchés.
J’espère aussi que ce silence ne veut pas dire que tu es malade, ou que tes
ennuis économiques ont redoublé – par exemple que tu as perdu tes
maisons au poker ?
Très amicalement à vous tous,
Guy
À Marcel Mariën

Cannes, mardi 11 juin

Mon cher Mariën,

Je vous renvoie au plus vite les épreuves1.


1) La mise en page doit être la plus aérée qu’il vous sera possible d’obtenir.
L’intervalle entre les paragraphes doit être partout égal.
2) Chacune des six parties doit commencer au début d’une page, son titre
étant quelque peu au-dessous du sommet de cette page – et un blanc de
quelques lignes étant laissé entre ledit titre et le début du texte (adoptez
cette disposition même si elle obligeait d’imprimer sur plus de seize pages).
3) Ne pas oublier les quelques demi-lignes qui doivent être imprimées en
bas de la dernière face de la couverture (et qui font allusion à la destination
non-commerciale de la brochure2).
4) Tâchez d’obtenir, je vous en prie, dans le plus bref délai l’impression des
trois cents premiers exemplaires, dont j’ai un besoin urgent (même une
dizaine d’exemplaires précédant de peu ces trois cents me seraient fort
utiles). Par contre, les sept cents exemplaires suivants ne sont pas pressés.
Les imprimeurs aiment généralement ce genre de concessions.
Je vous remercie d’avance. Je poursuis ma route vers Paris, où j’espère
avoir de vos nouvelles.
Bien cordialement,

G.-E. Debord

1. Du Rapport sur la construction des situations…

2. « Le Rapport, présenté aux membres de l’Internationale


lettriste, du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste
et du Comité psychogéographique de Londres, comme base de
discussion à l’intérieur de ces organisations et comme document
pour leur propagande, ne saurait être en aucun cas mis en vente. »

À Piero Simondo

Mardi 18 juin

Cher Piero,

Ta lettre m’a suivi à Paris. Voici les dernières nouvelles des enfants
terribles :
Asger avait dit qu’il retournait en Ligurie le lendemain de son vernissage.
Mais, ce lendemain, Michèle le rencontre par hasard, dans la rue, avec un
ami qu’il lui présente comme étant Christian Dotremont. En même temps il
annonce que son départ est retardé de quelques jours.
Asger, encore, a insisté pendant plusieurs heures pour obtenir des
corrections dans le texte de Michèle sur Gallizio1. Elle n’a accepté qu’un
petit nombre de corrections, mais encore bien trop puisque le style s’en
trouve saboté, et la base idéologique (qui avait été proposée trois semaines
avant par Asger lui-même) gravement falsifiée. Toute l’argumentation
d’Asger était fondée sur la nécessité impérative – pour lui – de « faire
plaisir à Gallizio ». (Naturellement Michèle ignorait que nous nous sommes
expliqués à Albisola sur les intentions d’Asger relatives à ces deux
monographies.) Par contre il a trouvé très bien mon texte destiné à ta
monographie2. Cela s’explique. Il ne souhaite plus tellement te faire plaisir,
il espère plutôt que tu seras mécontent de moi (puisque dans ce texte je
parle du jeu, et pas de ta peinture). Enfin, les petites misères picturales et
milanaises se poursuivront tant que nous ne serons pas devenus plus forts.
Au contraire, Ralph paraît excusable : il m’a envoyé l’avis d’une exposition
de ses tableaux, qui se tient en ce moment à Londres. Il dit qu’il va passer
bientôt à Paris. On verra.
Je téléphone à Klein aujourd’hui.

1. Éloge de Pinot Gallizio, par Michèle Bernstein.

2. Monographie qui n’a pas paru, dont il nous reste les notes « Sur
le hasard » (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 296).
J’espère pouvoir t’envoyer dans deux ou trois jours un premier exemplaire
de mon Rapport. J’attends les textes que je dois traduire en français. (Il
serait bon d’y joindre cet écrit théorique sur la musique, dont Olmo m’a
parlé.)
Amicalement à Elena et à toi,

Guy

À Ralph Rumney

18 juin

Cher Ralph,

Il n’est pas regrettable que tu n’aies pu passer me voir le 31 mai, car j’avais
dû moi-même partir avant cette date.
Mais maintenant, il est assez nécessaire que je te rencontre pour que nous
parlions de l’état actuel de nos affaires. Je viens d’assister en Italie à une
réunion très utile, je crois.
Je suis certainement à Paris jusqu’à la fin de juin. Il serait bon, par
conséquent, que tu viennes en ce moment. Si tu veux, tu peux dormir dans
ma mansarde.
Cordialement,

Guy

P.-S. : N’oublie pas de m’apporter une toile avec beaucoup de ronds blancs.
À Marcel Mariën

Mardi [18 juin]

Mon cher Mariën,

J’ai été heureux de trouver ici votre carte de jeudi. Oui, c’est bien mille
exemplaires qu’il fallait. Je pense que l’imprimeur finit, ou presque, ses
travaux quand vous recevez ce mot. Envoyez-moi, s’il vous plaît, dix
exemplaires en paquet séparé (en imprimés, sous enveloppe, plutôt). Je dois
répartir au plus vite ce petit nombre et je crains que la douane ne retarde les
gros paquets un ou deux jours, dans le meilleur des cas.
Merci encore. Cordialement,
G.-E. Debord

À Marcel Mariën

Mercredi [19 juin]

Mon cher Mariën,

J’ai oublié de vous dire hier que la rue du Dragon avait promis à Michèle
que votre annonce1 passerait dans le prochain numéro2, c’est-à-dire
maintenant celui de demain.
Nous vérifierons cela, et s’il y avait encore un retard, nous interviendrions
sans délai par la persuasion ou la menace.
Bien cordialement,

G.-E. Debord

1. Pour la sortie du livre de Marcel Mariën.

2. De la Bibliographie de la France.

À Yves Klein

Jeudi [20 juin]

Mon cher Yves,

Des rencontres imprévues m’empêchent, à mon grand regret, de passer chez


toi ce soir à l’heure convenue. Je te prie de m’en excuser. Je te ferai signe
après ton voyage en Angleterre.
Cordialement,
Guy

À Marcel Mariën,
Dimanche 23 juin

Mon cher Mariën,

Je suis désolé que cette maudite brochure1 vous impose tant de démarches.
Enfin, l’espoir luit de voir achevé ce monument. Surtout, pensez à
m’expédier les dix premiers exemplaires qui se trouveront agrafés par la
voie postale la plus rapide (exprès, avion?). Mes traducteurs2 rongent leur
frein. En effet, nous avons prévu des versions en anglais, en italien et en
arabe, qui seront naturellement bien plus belles que le texte original.
Chez Morel3 on annonçait, vendredi, qu’à la parution de l’annonce dans
l’Observateur, dix exemplaires seulement étaient vendus! Mais, paraît-il,
pour vendre votre livre Morel ne compte guère sur l’Observateur mais sur
l’annonce dans Bibliographie de la France qui devait paraître hier.

1. Rapport sur la construction des situations…

2. Sergio Corino et Augusta Rivabella, pour l’italien.

3. Diffuseur du livre de Marcel Mariën.

Votre lettre-exprès, que je reçois à l’instant, m’étonne beaucoup. Le mot de


sabotage n’est pas trop fort si les cent exemplaires en souffrance étaient les
seuls expédiés en France. Mais alors Morel mentirait même en parlant de
cette malheureuse vente de dix exemplaires ? Nous allons essayer
d’éclaircir la situation dès demain matin, lundi.
En fin de compte le retard dans la diffusion, par rapport à la publicité faite,
aura été très néfaste même si Morel commence à déployer quelque activité
la semaine prochaine. Ce à quoi nous veillerons.
Bien cordialement,

G.-E. Debord

À Piero Simondo

Vendredi 28 juin

Cher Piero,

Après beaucoup de retard de l’imprimeur belge, c’est seulement


aujourd’hui que je commence à recevoir mon Rapport. Je t’envoie un
premier exemplaire immédiatement, car je n’en ai encore que quelques-
uns : dans quelques jours je t’en enverrai une dizaine d’autres.
J’ai hâte de lire ta « Postface méthodologique ». (Je vois maintenant quels
développements méthodologiques j’aurais pu moi-même y introduire, mais
ce texte était déjà presque entièrement rédigé quand nous nous sommes
rencontrés en février à Paris. Et je crois que l’intervention d’un autre
rédacteur à ce propos contribuera mieux à l’apparence critique scientifique
que nous voulons donner à Eristica.)
Gallizio m’a envoyé des photos à transmettre à Copenhague. Et un texte sur
les nouvelles techniques chimiques dans la peinture, que je traduis. Je crois
que cela aussi serait bon pour Eristica parmi les textes en français. Gallizio
m’apprend que le professeur Gege Cocito, de l’université de Turin, va
construire une machine pour les expériences sonores d’Olmo : la machine
s’appellera
Tereminofono1.
J’attends Ralph ici le 1er août. J’ai vu Klein, mais trop brièvement pour
discuter avec lui : il partait le lendemain pour un court séjour à Londres, et
il est venu me chercher tard dans la soirée, dans un bar, de sorte qu’il n’a pu
que continuer à boire avec nous. Je n’ai aucune nouvelle d’Asger. Et toi?
Ci-joint un «manifeste2 » envoyé à l’I.L., rue Montagne-Geneviève, qui
prouve que Baj a réussi à mettre la main sur quelques nouveaux imbéciles.
À bientôt – je pense t’écrire la date exacte dans une quinzaine de jours –,
amicalement à Elena et à toi,

Guy

1. Cf. Correspondance, vol. I, p. 16, note 6.

2. Contro lo stile, rédigé par Enrico Baj et Sergio Dangelo (cf.


Potlatch, no 29 : « On prend les mêmes et on continue ou La Vita
nova »).

À Marcel Mariën

Lundi [1er juillet]

Mon cher Mariën,


Merci mille fois pour cette édition, dont je suis très content. La présentation
est excellente. Les colis, bloqués à la douane, ont été promptement dégagés
sans bourse délier après que nous ayons démontré (par quels artifices!) que
le statut d’une telle brochure était juridiquement assimilé aux « services de
presse ». Nous avons même réussi à faire la diffusion, in extremis, avant
l’augmentation des tarifs postaux, effective depuis aujourd’hui.
Par contre, j’ai de mauvaises nouvelles de votre livre. Le secrétariat de
Morel nous répond finalement, vendredi, que, malgré leurs efforts, ils
n’avaient pu retirer vos exemplaires en souffrance parce qu’il manquait un
papier quelconque, qu’il vous aurait fallu leur envoyer avec ces colis – une
justification commerciale, une facture, comment savoir? Eux-mêmes
n’étaient sûrs de rien. Ils se sont engagés alors à me téléphoner dans la
journée de samedi le fruit de leurs recherches : c’est-à-dire quel est
précisément ce papier que vous devez leur faire parvenir.
Mais ils ne m’ont aucunement téléphoné.
Je pensais donc à les relancer aujourd’hui, mais il se trouve qu’ils chôment
tous les lundis.
Je vous envoie donc cette description de la malheureuse situation en
suspens, et demain je pense tout de même leur faire cracher la réponse
exacte, que je vous communiquerai aussitôt. Merci encore pour le Rapport.
Amicalement,

G.-E. Debord

P.-S. : Vous pouvez envoyer quand vous voudrez le reste du tirage de ma


brochure – en gardant naturellement la quantité d’exemplaires que vous
jugerez utile de distribuer à vos amis.
Et en même temps, dites-moi quelle somme je dois encore à votre
imprimeur, et pour vos frais d’expédition.

À Marcel Mariën
Mercredi [3 juillet]

Mon cher Mariën,

Vous devez avoir déjà réglé l’incident Morel puisqu’il nous assure qu’il
vous a écrit samedi dernier, en vous demandant de lui envoyer les factures
nécessaires pour dédouaner votre livre.
C’est maintenant que nous allons voir Morel à l’œuvre, car jusqu’à présent
il me semble qu’aucune distribution n’a été faite dans les librairies.
Dites-moi toujours quelles autres démarches pourraient éventuellement
vous être utiles.
Cordialement,
G.-E. Debord

À Piero Simondo

4 juillet

Cher Piero,

Voici, brièvement, les dernières nouvelles :


j’ai rencontré Rumney et Alloway1. Ils m’ont montré le texte anglais d’un
nouveau manifeste de l’art nucléaire, intitulé La Fin du style. En ce
moment, Baj réunit des signatures pour ce texte, qui est naturellement idiot.
Baj a demandé à Rumney – et à Asger – de contresigner son manifeste (ce
qui proclamerait sans équivoque qu’ils se rangent parmi les peintres
nucléaires).

1. Lawrence Alloway, directeur de l’Institute of Contemporary


Arts de Londres, de 1955 à 1960.

Rumney a refusé, et a rompu complètement avec Baj, dit-il. Alloway et


Rumney répondent au manifeste nucléaire par une mise au point brève et
sévère qu’ils ont intitulée La Fin de l’avant-garde. Ils m’ont demandé de
signer leur texte. Il m’était impossible d’y introduire des modifications plus
constructives car ils avaient déjà réuni plusieurs signatures en Angleterre
sur la base de leur premier projet.
J’ai fait cependant supprimer dans leur texte toutes les références à des
œuvres personnelles (Klein, Jorn, etc.) et je leur ai permis d’y ajouter ta
signature et la mienne. Je leur ai dit qu’ils pouvaient évidemment disposer
aussi de la signature d’Asger à condition de l’en avertir immédiatement : en
effet Rumney craint qu’Asger ne signe le manifeste de Baj, ce qui ferait un
effet vraiment déplorable.
Rumney pense que ce texte est, pour notre action en Angleterre, un
préliminaire utile du point de vue idéologique – ce qui est très discutable –
mais à coup sûr c’est un obstacle au développement de l’art nucléaire hors
de Milan. C’est pourquoi il voulait avoir des noms représentatifs
internationaux.
Le manifeste nucléaire, pratiquement, est une tentative pour réunir autour
de Baj tous les peintres qu’il a connus ces dernières années. Il y a en
particulier une lourde manœuvre pour s’annexer Yves Klein – qui va
contresigner la réponse des Anglais. Rumney part maintenant pour Venise.
Il viendra nous voir à Cosio2 (Klein passera peut-être aussi) et à partir
d’octobre il habitera en permanence à Paris.
Je ne sais pas encore la date de mon arrivée à Cosio : assez probablement
vers le 20-25 juillet. Nous avons beaucoup de questions à envisager
ensemble. Tout ce que j’apprends ici me montre la nécessité d’une
organisation clairement définie, de toute urgence. Très amicalement à Elena
et à toi. J’espère te lire bientôt,
Guy

2. Cosio d’Arroscia, dans les Alpes de Ligurie, où sera fondée


l’Internationale situationniste le 28 juillet 1957.

P.-S. : Pas de nouvelles d’Asger, ni des travaux du Danemark sur lesquels il


est certainement renseigné.

À Asger Jorn

8 juillet 57

Cher Asger,

D’accord. J’enverrai à « Selandia1» le montage des photos et des légendes


dès que j’aurai reçu la notice biographique de Piero.
Il est absolument nécessaire que toutes les épreuves des deux monographies
soient corrigées par moi – ou un autre Français – et surtout les titres écrits
par nos amis d’Alba sur les revers de la majorité des reproductions (celles
que nous avons portées nous-mêmes à Copenhague).
Écris à Selandia pour demander qu’ils envoient simultanément deux jeux
d’épreuves : l’un chez moi à Paris; l’autre chez Piero à Cosio d’Arroscia.
En procédant ainsi, je suis sûr de pouvoir les corriger immédiatement,
quelle que soit la date de l’envoi.
Je suis désolé pour les fautes dans La Roue de la fortune2. Il me semble que
pour un livre si cher, et qui est en chantier depuis huit ans, cela valait la
peine de perdre huit jours de plus pour avoir un texte présentable.
Peux-tu m’envoyer un exemplaire de la carte psychogéographique 3 ? Ici, je
n’ai rien reçu.
Oui, je veux bien que Dahlmann Olsen4 apporte les clichés pour moi en
Italie.
As-tu des exemplaires de Fin de Copenhague 5 ? Peut-être est-il encore
temps de demander une épreuve des quelques lignes que Permild devait
faire imprimer (le titre, la justification du tirage). J’ai vu Ralph ici la
semaine dernière, avec Alloway. Cela va très bien.
Je serai à Cosio entre le 25 juillet et le 10 août, à peu près. Ralph passera
entre le 25 et le 30 juillet à Cosio. C’est vers ce moment que nous devrions
tous nous y rencontrer, je pense.
J’espère que tu es content de mon Rapport?
À bientôt. Amicalement,
Guy

1. L’imprimerie Selandia Bogtrykkiri.

2. Les Cornes d’or et La Roue de la fortune, d’Asger Jorn, édités


à Copenhague en 1957.
3. Guide psychogéographique de Paris, Discours sur les passions
de l’amour, de Guy Debord (imprimé au Danemark).

4. Robert Dahlmann Olsen, cf. Correspondance, vol. I, p. 206,


note 1.

5. Fin de Copenhague, livre expérimental d’Asger Jorn et Guy


Debord (comme « conseiller technique pour le détournement »),
Copenhague, mai 1957.

À Pinot Gallizio

Jeudi 11 juillet

Cher Pinot,

Je me suis occupé de ta monographie1, pour laquelle j’avais reçu d’Asger


des instructions et trois autres clichés.
J’ai été certainement incapable de traduire justement les mots vinilico 2 et
ureico3. Il faudra corriger sur les épreuves qui seront envoyées en Italie.
Je pense arriver à Cosio, avec Michèle, le 22 juillet. Entre le 25 juillet et la
fin du mois, Ralph Rumney doit aussi passer à Cosio. Je pense que tu
pourras venir à ce moment-là. Je te prie d’apporter à Cosio La Grand’
Peur4, encadrée et emballée aussi bien qu’il est possible. Michèle
l’emportera en France dans les premiers jours d’août.
Très amicalement. À bientôt,

Guy

1. L’Œuvre peint de G. Pinot Gallizio, précédé d’un Éloge par


Michèle Bernstein, annoncé en 1957, ne paraîtra qu’en juillet
1960, édité par la Bibliothèque d’Alexandrie.

2. Vinylique.

3. Résine uréique.

4. Tableau de Giuseppe Pinot Gallizio (technique mixte et collage


sur masonite) de 1956.

P.-S. : Je n’ai pu encore récupérer les revues pour toi, mais j’y pense.
À Piero Simondo

12 juillet 57

Cher Piero,

Je fais immédiatement le nécessaire pour ta monographie. Celle de Gallizio


est déjà envoyée à Copenhague.
Je suis, moi aussi, contre tout recommencement de l’« Incontro
d’Albisola1 ».
J’ai traduit maintenant le texte de Gallizio2 et je découvre qu’il est
beaucoup trop tourné vers la plaisanterie; et qu’il n’y a presque pas de
renseignements techniques réels. Il est vrai que Gallizio m’avait autorisé à y
introduire les corrections qui nous paraîtraient bonnes.
J’ai reçu ce matin un « Rapport », ronéotypé, d’Olmo3 – à propos de la
musique. Je n’ai pas encore le temps de le lire.
Comme je te l’ai écrit hier, nous arriverons à Cosio le lundi 22. J’attends ta
réponse sur les conditions climatiques.
Bien amicalement,

Guy

1. « Rencontre d’Albisola » organisée par Asger Jorn en 1955.


2. Petit Essai burlesque de science-fiction sur le baroque (lettre
de Gallizio à Guy Debord du 14 juin 1957).

3. « Rapport d’information sur : Comment on ne comprend pas


l’art musical. Mort et transfiguration – aux critiques – de
l’esthétique ».

À Verner O. Permild

Paris, le 15 juillet 1957

Cher Permild,

J’ai reçu aujourd’hui le plan psychogéographique. C’est très bien. Grand


merci à vous.
Je vous remercie également pour Fin de Copenhague qui est très beau.
Pouvez-vous m’envoyer dix exemplaires à Paris ?
Je dois voir Asger Jorn en Italie la semaine prochaine.
Très amicalement à vous,

Guy Debord
LETTRES RETROUVÉES
Au maire de la commune de Cosio d’Arroscia

Cosio d’Arroscia, 2 août 1957

Les soussignés,
Guy-E. Debord, de nationalité française, de profession cinéaste, Piero
Simondo, de nationalité italienne, de profession peintre, déclarent avoir été
interrogés publiquement de façon insolente et arbitraire par l’agent des
carabiniers en service à Cosio d’Arroscia, ce jour, 2 août 1957, à 16 heures
30, sur la place San Sebastiano, et en conséquence demandent à Monsieur
le maire de bien vouloir obtenir de la gendarmerie locale des explications et
des excuses.
L’interrogation arbitraire concernant le lieu où se sont déplacés Messieurs
Ralph Rumney, anglais de profession journaliste, et Asger Jorn, danois de
profession peintre.
Messieurs Debord, Rumney, Jorn, au cas où ils ne recevraient pas de
réponse satisfaisante, se déclarent disposés à demander des explications par
l’intermédiaire de leur consulat respectif. Avec nos remerciements
respectueux,

Piero Simondo, G.-E. Debord

Lettre sur papier à en tête de la commune de Cosio d’Arroscia,


province d’Imperia.
À Giuseppe Pinot Gallizio

28 juillet 1958

28 juillet 1957 – 28 juillet 1958


L’I.S. a un an !
Toutes nos félicitations.
Guy, A. J.

Carte postale (archives Pinot Gallizio).

À Patrick Straram

[Fin 1958]

Quand j’ai reçu ta dernière lettre, j’étais à Amsterdam, où je n’avais pas ton
adresse.
J’ai donc adressé ma réponse1 à la poste restante de Montréal. Bien à toi,

Guy

Collage sur carte postale : trois parachutistes sur une vue aérienne
de Paris (fonds Patrick Straram, Québec).
1. Le 12 novembre 1958 (cf. Correspondance, vol. I, p. 158).

À André Mrugalski1

Mardi, 11 heures, au Mabillon


[5 mai 1959]

Cher André,

J’ai pensé hier, après ton départ, que tu étais certainement trop déprimé par
les faiblesses du travelling. Je suis très content de l’ensemble de ton travail.
Et je pense que tu dois, toi aussi, en être content.
Si nous faisions, dans des conditions normales, du cinéma classique, je
devrais te donner les moyens de recommencer le travelling en éliminant les
erreurs que nous avons découvertes à l’expérience, et qui tenaient des
multiples difficultés de ce plan (proximité du rail, achèvement en pano
[ramique] , insuffisance de la régie quant au service d’ordre). Mais, dans la
perspective généralement délirante – rebelle à toutes les lois du cinéma – où
j’ai placé mon film, je peux te dire que les images de ce travelling sont très
utilisables, et me plaisent. C’est-à-dire que je les utiliserai, avec un montage
absolument prohibé (mais nécessaire en tout cas à quelques endroits du
film) et qu’il sera impossible de savoir si j’ai ou non délibérément gâché et
humilié un beau mouvement parfaitement classique du cinéma. Compte sur
moi.
Le seul changement pour toi sera dans ce que tu présentes au Centre2. Dans
le bout-à-bout tu peux supprimer ce travelling – ou présenter telle quelle la
quatrième version, pas déshonorante mais peu brillante – ou, si tu préfères,
présenter mon montage de cette séquence en te plaignant amèrement que
j’ai démoli, à cause de mes présuppositions esthétiques spéciales, un très
beau morceau. Je pense être encore à Paris demain. Veux-tu me téléphoner
vers le début de la soirée ?
Amitiés,
Guy

Lettre manuscrite communiquée par Enrico Ghezzi (cf. Guy


Debord [contro] il cinema, Editrice Il Castoro).

1. André Mrugalski, chef opérateur de Sur le passage de quelques


personnes à travers une assez courte unité de temps.

2. Centre national du cinéma.

À Har Oudejans1

Le 11 mai 59

Cher Har,

Je me permets de te rappeler l’extrême urgence de l’envoi de la bande


magnétique2 que tu m’as promise. J’ai déjà écrit à Constant à ce propos. Je
m’adresse maintenant directement à toi, car il serait nécessaire de me
l’expédier avant la fin de cette semaine.
D’autre part, Jorn a rencontré à Paris Sandberg3. Il veut exposer à
Amsterdam la peinture industrielle de Gallizio, mais ceci entrant dans le
cadre de la construction d’une ambiance – avec une organisation de
l’espace, des murs – pour laquelle Sandberg demande un projet très précis.
Cela va être votre affaire, à Amsterdam.
Dans l’immédiat, Jorn et Gallizio demandent s’il te serait possible de passer
par Paris pour voir l’installation déjà faite chez Drouin4, afin que tu puisses
en mesurer les dimensions et proportions. Cette exposition ouvre le
mercredi 13 mai et durera jusqu’au mercredi suivant.
J’espère avoir vite de tes nouvelles.
Mes amitiés à toi, ainsi qu’à Constant et Armando5.
Guy

Lettre exprès, à l’en-tête de la section française de l’Internationale


situationniste.

1. Har Oudejans, architecte néerlandais membre de


l’Internationale situationniste. Les lettres qui lui sont adressées
dans ce volume nous ont été communiquées par M. Marcel
Hummelink.

2. Message de l’Internationale situationniste, enregistré peu avant


le tournage de Sur le passage… (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit,
p. 464-469).
3. Wilhem Sandberg, directeur du Stedelijk Museum
d’Amsterdam.

4. Exposition La Caverne de l’antimatière, galerie René Drouin,


Paris, mai 1959 (cf. Correspondance, vol. I, p. 228, note 2).

5. Armando, situationniste de la section hollandaise.

À Har Oudejans

15 mai [1959]

Cher Har,

Merci beaucoup pour la bande magnétique, que j’ai reçue.


J’espère que je rencontrerai Alberts1 ces jours-ci. Mais en tout cas je
viendrai à Amsterdam aussitôt que possible (au début du mois de juin) pour
travailler avec vous sur nos divers projets.
Amitiés à tous,
Guy
1. Anton Alberts, architecte néerlandais membre de
l’Internationale situationniste, exclu avec Oudejans en 1960 pour
avoir accepté de construire une église (cf. I.S. no 4, p. 13).

À Har Oudejans

2 juin 1959

Une chambre de rue qui attend une restauration complète.


Nos amitiés,
Guy, Maurice et Rob [Wyckaert]

Carte postale envoyée d’Anvers : « Place Reine Astrid et Gare


centrale ».

À Har Oudejans

Paris, le 9 juin 59

Cher Har,

Pour le prochain numéro1 de notre revue qui doit être, comme tu sais,
consacré en majeure partie à l’urbanisme unitaire, j’aimerais avoir – à côté
des considérations théoriques plus générales – un article consacré à l’étude
précise et aux propositions de modification pour le centre d’Amsterdam.
Je pense que tu pourrais écrire cet article – par exemple en collaboration
avec Alberts, et si ta répugnance pour la description des projets ne va pas
trop loin ?
Ce texte pourrait être illustré par la photo aérienne que nous avons vue
ensemble, et aussi par des plans et des schémas que tu pourrais faire
(comme à propos de la décentralisation par triples secteurs). Il devrait me
parvenir avant la fin du mois d’août.
À bientôt. Et très amicalement à toi. Meilleurs souvenirs à Clémentine.
Guy
P.-S. : Pense à m’envoyer les photos du groupe2. Merci.

1. I.S. no 3.

2. Photos de la Conférence de Munich (17-20 avril 1959).

À Chantal Delattre1

23 juillet 1959

Chère Chantal,

Nous en sommes toujours au même point. Donc pas question que tu rentres
– surtout de si loin.
Nous commencerons le montage le 15 septembre, avec ou sans les films
américains.
Comme il y aura sans doute quelques détails à régler un peu avant cette
date, fais-moi signe quand tu seras revenue à Paris. Bonnes vacances.
Amicalement,

Guy

Carte postale communiquée par Enrico Ghezzi, représentant des


tanks en ordre de bataille.

1. Monteuse de Sur le passage…, et, en 1961, de Critique de la


séparation.

À Hans-Peter Zimmer1

Mercredi soir [18 novembre 1959]

Cher Hans-Peter,

Je viens à Munich, et j’espère te rencontrer – ainsi que tous les autres amis
de Spur – ce samedi 21 novembre à 11 heures du matin, au café de la
Maximilianstrasse : La Coulisse.
Amicalement,

Guy
Texte français d’une lettre envoyée en italien, sur papier à en-tête
de l’Internationale situationniste.

1. Hans-Peter Zimmer (1936-1992), situationniste allemand du


groupe Spur.

À Har Oudejans et Anton Alberts

2 février 1960

Félicitations multiples pour le plan du labyrinthe1.


À bientôt,

G.-E. Debord
À Giuseppe Pinot Gallizio

Mardi 26 avril [1960]

Cher Pinot,

Tout est arrangé pour sortir, en même temps que tu fais ton exposition
d’Amsterdam, ta monographie1 – qui a tant attendu. Elle sera imprimée par
Sandberg, et les instructions ont été envoyées pour faire venir tous les
clichés de Copenhague.
On espère que la peinture est en route, et arrivera suffisamment vite. C’est
le seul problème.
Bien amicalement,

Guy

Provenance archives Pinot Gallizio.

1. Cf. I.S. no 4, p. 5-7.

1. La monographie de Pinot Gallizio paraîtra à l’occasion de son


exclusion, le 20 juillet 1960.

À Wilhem Sandberg

Paris, le 13 mai 1960

Cher Monsieur,

Veuillez trouver ci-joint les dernières photographies à reproduire pour la


monographie de Pinot Gallizio. Celle qui représente le cadavre surréaliste
est à intercaler dans le texte d’Asger Jorn, immédiatement après son
premier paragraphe.
Si nous sommes prévenus du jour où vous aurez toutes les épreuves (des
textes et des clichés) je viendrai en Hollande ce jour-là pour la correction
des épreuves en français, et la mise en page – ainsi que la rédaction des
légendes qui manquent encore. Pour le papier, nous préférerions que toute
la monographie fût imprimée sur un même papier, ce papier étant si
possible semblable à celui utilisé pour Constant1.
Veuillez agréer, cher Monsieur, mes salutations distinguées.

G.-E. Debord 2

Lettre signalée par M. Hummelink.

1. Dont une monographie avait paru en 1959.

2. À la suite, mot ajouté par Jorn : « Cher Mr. Sandberg, Voici


encore un peut de matière pour le catalogue. Nous serions très
content si nous pourrions venir et assister à l’arrangement
définitif du monographie qui est évidemment d’un caractère assez
différent d’un catalogue d’œuvres et qui représente plutot une
illustration d’une serie d’ambiances. Bien amicalement, Asger
Jorn. »

À Giors Melanotte1
[25 juillet 1960]

Cher ami,

J’ai appris, malheureusement, que vous êtes à Paris précisément au moment


où je rentre de voyage pour un bref retour – si je puis dire – car je dois
immédiatement repartir.

Texte français d’une lettre envoyée en italien.

1. Giors Melanotte, fils de Giuseppe Pinot Gallizio, tous deux


exclus de l’I.S. à l’été 1960.

Ces jours-ci, je ne suis pas vraiment à Paris, mais dans la partie


septentrionale d’Aubervilliers, où nous sommes engagés dans une opération
psychogéographique – que l’on appelle « dérive ». J’ignore quand cette
opération s’arrêtera, et cela ne dépend pas de moi.
Je vous écrirai le plus vite possible dès que ce petit travail sera terminé.
Meilleurs souvenirs,

G.-E. Debord

À Patrick Straram
7 août 1960

On t’a fait envoyer les quatre Durrell1 par Corrêa.


Pour le cas où quelqu’un de vous serait en Europe en temps utile, on peut
joindre la Conférence situationniste les 24, 25, 26, 27 et 28 septembre par
l’Institute of Contemporary Arts, 17-18 Dover Street, London W 1
(téléphone GROvenor 61 86).
Salut bien

Guy

Carte postale envoyée de Munich (fonds Patrick Straram).

1. Le Quatuor d’Alexandrie, de Lawrence Durrell (Éditions


Corrêa).

À Chantal Delattre

7 novembre 1960

Dans ce beau décor1, on médite sans précipitation le montage2. Amitiés,

Guy
Carte postale communiquée par Enrico Ghezzi.

1. Vue ancienne d’une rue d’Alsemberg.

2. Montage de Critique de la séparation.

À Jacqueline de Jong1

10 décembre 60

Chère Jacqueline,

Réunion du Conseil : au soir du jeudi 5 janvier à Paris (la revue2 aura paru
avant la fin de décembre).
Tout le monde souhaite vivement ta présence. Amène un rapport sur la
fabrication de Situationist Times3, avancée ou non.
À bientôt,

Guy

P.-S. : Les nouvelles remarquables sont en bon nombre.


1. Jacqueline de Jong, membre de la section hollandaise de l’I.S.

2. I.S. no 5.

3. Projet d’une revue anglaise.

À Jacqueline de Jong

Vendredi [6 janvier 1961]

Chère Jacqueline,

On a espéré cette semaine le coup de téléphone promis. Et te voir. Mais


sans succès.
Donc je précise maintenant que la réunion situationniste est demain matin à
11 heures au 129, boulevard St-Germain (salle Viger, au rez-de-chaussée).
Amitiés,
Guy
À Uwe Lausen1

Paris, 21 juillet [1961]

Cher Uwe,

Merci de ta lettre, qui est très intéressante. Naturellement nous devons


reprendre l’examen de l’esprit anarchiste – et même de ceux que l’on a
appelés les socialistes utopiques (surtout le fouriérisme) – , et de toute la
riche complexité des possibles qui a existé au moment du rassemblement de
la Première Internationale.
J’espère que tu pourras traduire Préliminaires2 en allemand pour
Ludus-43. Je t’écrirai plus tard si nous avons, ici ou à Bruxelles, une
possibilité de faire exécuter cette traduction par un spécialiste; dont tu
aurais seulement à revoir la version allemande. Ce serait moins fatigant.

Fonds Archiv Lausen, Ashhofen (les copies des trois documents


suivants nous ont été communiquées par Selima Niggl).

1. Uwe Lausen (1941-1970), situationniste de la section


allemande.

2. Préliminaires pour une définition de l’unité du programme


révolutionnaire, de P. Canjuers et G.-E. Debord (20 juillet 1960).
3. Publication du groupe Ludus.

L’idée d’avoir un local pour Ludus est excellente. Je crois qu’il faut te
signaler deux points à examiner.
À propos de la revue, ton entreprise de « noyautage » pour la formation
d’un groupe révolutionnaire complet ne peut réussir que si le contenu de
Ludus évolue très rapidement – dès le numéro 4 – vers des textes plus
avancés, et plus précis. Les camarades de Ludus doivent être placés devant
le problème d’approuver, ou non, nettement, certaines théories et certains
textes situationnistes – et, si possible, de prendre ouvertement parti pour les
perspectives situationnistes; même si plusieurs restent en dehors de l’I.S.
comme individus. Autrement, vous serez toujours battus sur le terrain de
l’avant-garde par la revue Spur 4 au moins à cause de son no 5.
Le deuxième point est lié au premier. Je t’en ai déjà parlé à Paris. Il est très
juste, et très souhaitable, que la section allemande de l’I.S. s’étende à
l’extérieur du groupe Spur (comme groupe d’artistes plastiques) ; que
certains situationnistes allemands se différencient de Spur, ou même lancent
d’autres publications, en dehors de la revue Spur. Mais ceci ne doit pas
devenir une opposition et une séparation complète. Si les groupes Spur et
Ludus apparaissaient complètement à l’écart l’un de l’autre, et même rivaux
sur le plan public en Allemagne, l’I.S. serait probablement amenée à choisir
l’un contre l’autre. Et il serait aussi dommage d’abandonner une des
possibilités que l’autre; alors qu’un véritable travail situationniste en
Allemagne dépend certainement du dépassement de ces deux stades existant
actuellement, par leur fusion. Je crois que tu dois absolument obtenir d’un
« spuriste classique » (Kunzelmann, ou même Zimmer) une participation au
groupe Ludus en tant que situationniste qui serait détaché, avec toi, dans ce
travail. Nous examinerons ceci à Göteborg5. Il est sûr que si tous les
spuristes, par exemple, refusaient cette participation, c’est eux qui auraient
tort. Mais le péril de cette division de nos
4. Spur, revue de la section allemande de l’I.S. dont le premier
numéro a paru en août 1960.

5. En Suède, où allait se tenir la Ve Conférence de l’I.S.

forces à Munich est d’abord qu’il n’y ait plus de jeunes révolutionnaires
dans notre vieux groupe Spur, pour l’obliger à aller encore un peu en avant.
Il faudra être à Göteborg entre le 15 et le 30 septembre, à une date qui sera
précisément choisie dans peu de temps, et que nous te communiquerons.
Amitiés,

Guy

P.-S. : Ci-joint deux documents : des situationnistes belges opérant


secrètement sur le terrain politique – et de pré-situationnistes anglais ? On
va voir.

À Uwe Lausen

27 juillet 61

Cher Uwe,
J’apprends des Suédois que la Conférence de l’I.S. commencera le 28 août
à Göteborg. Arrange-toi pour être là à cette date !
Je te préciserai plus tard le point de rendez-vous à Göteborg.
Écris-moi en français. En ce moment, il n’y a, à Paris, aucun situationniste
traducteur.
Je voudrais encore quelques exemplaires de Ludus et du Juli-Manifest, et
une traduction française de ce manifeste1.
Merci. Amitiés,

Guy

Carte postale.

1. Traduction du tract Juli-Manifest für die Phantasie, publié par


le « gruppe Ludus ».

À Uwe Lausen

Göteborg, 30 août [1961]

Cher Uwe,
Nous avons été très contents de ta lettre : pour la forme aussi bien que pour
le contenu.
La Conférence se termine avec beaucoup de décisions de travail
progressiste (et d’abord pour faire avancer les « spuristes » jusqu’à un point
suffisamment révolutionnaire, c’est-à-dire totalement) qui doit être réalisé
vite.
Tu es nommé par la Conférence membre du conseil central de l’I.S. (les
autres étant Kotányi, Kunzelmann, Vaneigem, Elde, Nash et moi-même).
C’est un bon conseil central.
À bientôt. Amicalement,

Guy

Carte postale du Göteborgs Konstmuseum.

À Alexander Trocchi

13 juin 62

Cher Alex,

La vente1 a été signée hier. Grâce à l’honnête imbécillité de Beaucé, j’ai pu


contrer la manœuvre qui essayait de soustraire quarante ou cinquante mille
francs de charges anciennes, et tu auras donc les trois cent mille
intégralement. Je crois que chez ce notaire tu n’avais que des ennemis,
parce que tu leur avais écrit autrefois une lettre insultante, et parce qu’ils
n’aiment pas la drogue, et parce qu’ils ont une certaine tendresse pour la
société existante qui est incompatible avec l’anarchie, etc. L’atmosphère
était assez amusante, mais seulement pour moi.
L’argent sera disponible dans un délai d’un mois (qui est effectivement le
délai normal après toute vente) MAIS attention : tu dois aller à ta banque
anglaise et lui demander qu’elle désigne une banque française avec qui elle
est en correspondance (en osmose?) pour le transfert de l’argent.
En effet, ce transfert est accepté par l’Office des changes ici. Mais le
notaire ne peut verser cet argent qu’à une banque française agréée par cet
Office, qui doit donc être désignée par ta banque londonienne.
Donc, va tout de suite à cette banque, et veille à ce qu’elle communique le
nom de la banque correspondante française à Laverne tout de suite (et, pour
plus de sûreté, note toi-même et envoie-moi le nom de cette banque pour
que je confirme chez le notaire). Ainsi, il me semble que tu ne perdrais pas
de temps supplémentaire et que tu aurais l’argent dans 30-40 jours au plus.
Demain, on téléphonera à Yordan2.
Je rappelle l’urgence relative pour l’envoi de ton article3.
J’ai pensé à une question éditoriale tout à fait indépendante des autres, qui
ne coûterait pas trop de fatigues supplémentaires : aurait-on des chances en
présentant à un éditeur anglais ou U.S. un recueil de certains articles et
notes déjà publiés par l’I.S., pour qu’il en fasse la traduction et l’édition
comme petit livre d’essais sur la révolution culturelle qui commence ?
Qu’en penses-tu ?
À bientôt,

Guy

Les lettres à Alexander Trocchi, communiquées par John Mac


Hale, proviennent de la Washington University in St. Louis
(Missouri).
1. D’un bien immobilier (studio).

2. Philip Yordan (1914-2003), co-scénariste de nombreux films,


dont il a prétendu être le seul auteur (comme pour Johnny
Guitar). Son projet d’adapter au cinéma le livre de Trocchi, Young
Adam, n’aboutira pas.

3. «Technique du coup du monde » (cf. I.S. no 8, p. 48-56).

À Alexander Trocchi

Vendredi [15 juin 1962]

Cher Alex,

Michèle a téléphoné hier chez Yordan. Il y avait seulement sa femme, qui


dit qu’il est encore en voyage (avec peu de cordialité). L’impression de
Michèle est que c’est faux.
Michèle a expliqué à la femme : que tu avais commencé le travail en
question, qui même se présente bien. Mais que tu vois s’approcher des
difficultés d’argent maintenant. Que tu demandes si le contrat est effectif ou
non. Que, si oui, il te faudrait assez vite de l’argent.
Elle a noté notre numéro de téléphone, disant que Yordan rappellerait à son
retour. Si cela n’est pas fait lundi, on pense lui envoyer par la poste tes deux
lettres ?
Conclusion : on est dans le doute. C’est tout de même un peu suspect. La
suite, prochainement.
Pense à la banque à nous désigner. Et à ce que tu dois envoyer vite : livre et
article.
À bientôt,

Guy

À Alexander Trocchi

Jeudi soir [21 juin 1962]

Cher Alex,

Je précise, vite, l’affaire Yordan.


Mickey Knox1 est en Italie, depuis deux mois, donc malheureusement
inutilisable pour cette affaire.
Un premier appel téléphonique chez Yordan, il y a environ dix jours,
donne : il est en Espagne2, mais sera à Paris le prochain jeudi (il y a
exactement une semaine).
Ce jour, Michèle téléphone. La femme de Yordan répond qu’il n’est pas là
(ce qui semble faux, à la manière dont c’est dit). Elle note que c’est une
communication à propos de toi. Elle note aussi notre téléphone, disant que
Yordan rappellera quand il sera là. Quatre jours après, toujours rien.
Michèle envoie alors les doubles de tes deux lettres (à Yordan) – avec un
mot précisant que tu voulais lui faire remettre ces doubles pour le cas où les
originaux ne l’auraient pas atteint en Espagne. Aucune réponse depuis, chez
nous.
Tu vois donc que nous n’avons pu apporter aucun élément nouveau, ni
positif ni négatif. Parce qu’il n’y avait aucune ouverture pour le joindre
directement. Il doit donc toujours être sur les termes de vos conversations –
et de tes deux lettres qu’il a maintenant certainement lues.
Cependant on peut tirer de son abstention prolongée, et de la difficulté
même à le joindre, une certaine inquiétude !
Son adresse à Paris – je ne sais si tu l’avais – est :
2, boulevard Suchet (16e arrondissement).
Y est-il encore ? Mystère. Tu peux écrire ? Enfin, si tu veux, on peut nous-
mêmes essayer de mettre plus d’insistance dans la demande « oui ou
non ? » – mais il me semble que c’est dans les plus mauvaises conditions
diplomatiques.
À bientôt,
Guy

1. Mickey Knox, qui devait réaliser Young Adam.

2. Y ayant engagé Bernard Gordon sur le scénario de Day of the


Triffids.

P.-S. : Quand j’aurai l’adresse de la banque française, je confirmerai chez


Laverne, pour qu’il n’ait plus aucune excuse à un nouveau retard.

À Alexander Trocchi
Lundi [25 juin 1962]

Cher Alex,

Je t’envoie aujourd’hui un paquet de cinquante de ces tracts1 que nous


avons faits pour notre ami Uwe2. Le « comité de soutien », comme tu vois,
est composé de nos plus grandes célébrités.
J’espère que l’on peut obtenir, en Angleterre, l’intervention d’une ou deux
personnalités importantes du monde culturel3 ? Le plus simple procédé
d’intervention est d’écrire une lettre de protestation au président du tribunal.
Cette affaire est un détail intéressant du problème général que nous avons
déjà discuté ensemble : comment obtiendrons-nous une « couverture
artistique » et culturelle assez solide, avant d’être assommés par les flics ?
Dans les personnalités britanniques, il ne faut surtout pas compter Roland
Penrose4, puisque ce salaud n’avait pas voulu prendre parti pour toi dans
une affaire très semblable5.
À bientôt, amicalement,
Guy

1. Déclaration du 25 juin 1962, sur les procès contre l’I.S. en


Allemagne fédérale (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 595).

2. Uwe Lausen, condamné le 5 juillet 1962 à trois semaines de


prison. L’I.S. protestera par un tract, le 16 juillet 1962, dont le
titre, Das Unbehagen in der Kultur, est repris de Freud.
3. Réponse d’Alexander Trocchi le 2 juillet : « En ce moment je
suis très isolé ici à Londres […] En plus, il y avait pas beaucoup
de temps entre l’arrivée des imprimés et le jugement à Munich. »

4. Roland Penrose, cf. Correspondance, vol. 2, p. 15-16.

5. Hands off Alexander Trocchi (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 534-535).

À Raoul Vaneigem

Jeudi 11 octobre 1962

Relisant ta lettre de la fin septembre (et à propos du dictionnaire 1) : oui, je


pense comme toi qu’il faut y mettre des citations – au moins sur quelques
concepts-clés, citations de l’I.S. et aussi des amis d’autrefois (Sade, etc.) –,
et qu’il faudra aussi y glisser quelques exemples (anecdotes) sans abuser du
procédé, et en atteignant une sécheresse absolue, dont l’exemple de Durruti
est assez représentatif. Cf. aussi l’histoire d’Attila « Brunelleschi travaillait
surtout à un plan de l’enfer. » Ou comment sont morts certains personnages
(Néron ? Villiers de l’Isle-Adam ?)
Dans deux jours, vous recevrez mon premier rassemblement de mots2.
Amitiés,

Guy

Carte postale dont l’intitulé « Le palais du Louvre » est suivi d’un


point d’interrogation ajouté.
(Ces lettres supplémentaires nous ont été communiquées par
Raoul Vaneigem.)

1. Projet d’un dictionnaire situationniste.

2. Que nous reproduisons ci-après.


Aux rédacteurs de Notes critiques 1

Paris le 22 octobre 1962

Chers camarades,

J’ai bien reçu votre lettre du 12 octobre (mais pas encore les deux bulletins
que vous m’annonciez dans cette lettre).
Nous sommes tout à fait d’accord pour un échange de nos publications. Je
vous envoie aujourd’hui nos deux derniers numéros2. Vous aurez tous les
autres à l’avenir.
À la question que vous soulevez, la réponse est effectivement que nous ne
voulons pas faire de l’opposition dans le seul domaine de l’art.
Veuillez noter que notre nouvelle adresse est : B.P. 75-06, Paris. J’espère
qu’après cet échange d’informations, nous pourrons développer plus ce
dialogue. Bien amicalement,

pour l’I.S.
G. Debord

Lettre à l’en-tête d’Internationale situationniste.


1. Notes critiques, cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 558.

2. Internationale Situationniste no 6 et 7.

À Raoul Vaneigem

[Début novembre 1962]

Peux-tu me retrouver la citation exacte, où Marx dit (ou serait-ce Engels ?


Je ne crois pas) qu’on ne peut comprendre la Sainte-Famille théologique
qu’en voyant son rapport avec la famille sociale, et que la critique et la
destruction des deux vont ensemble? (C’est peut-être à propos de
Feuerbach1.)
Merci d’avance. À bientôt.

Carte postale « Le Comité de salut public (1793) ».

À Eugène Bogaert1

[26 décembre 1962]


Voilà les deux épreuves. Mais prière de me les renvoyer quand on aura
retrouvé les clichés. J’en ai besoin pour la mise en page. J’attends aussi
l’épreuve de la couverture Der Deutsche Gedanke2. Merci

Debord

1. Réponse de Raoul Vaneigem: « […] mais pas dans les termes


employés et signalés par toi. Je retranscris ci-dessous la thèse IV
des Notes sur Feuerbach de Marx: […] »

1. Eugène Bogaert, imprimeur.

2. Organe de l’I.S. pour l’Europe centrale (directeur Raoul


Vaneigem), dont l’unique numéro paraîtra en avril 1963.

À Raoul Vaneigem

Vendredi [25 janvier 1963]

Cher Raoul,

Comme je prévoyais le travail de l’imprimerie a traîné. Surtout du fait d’un


typographe qui est l’anti-Vaneigem à l’état pur : il mettait des virgules
partout.
La revue1 ne sortira pas avant la fin de la semaine prochaine – 1er février à
peu près. Patiente et fais patienter.
Ausssitôt après, je pense venir en Belgique, où la couverture allemande2
m’aura précédé.
Amitiés,

Guy

Carte postale de Paris.

1. I.S., no 8.

2. De Der Deutsche Gedanke, no 1.

À Raoul Vaneigem

Lundi [1er avril 1963]

Cher Raoul,

Je t’envoie dix exemplaires d’I.S. 8.


Merci pour les dessins. C’est très beau. Michèle va t’écrire à propos des
détails (pour ta rencontre avec l’artiste).
À propos de L’Express, il est tout à fait exclu de répondre dans l’actualité,
pour diverses raisons dont René pourra t’exposer quelques-unes (j’ai connu
il y a longtemps ce Falcou1). Nous trouvons, bon an mal an, que ce genre de
citation est un bon signe (le moment où les « spécialistes » commencent à
vouloir valoriser leur spécialisation même de critiques modernes en
montrant qu’ils connaissent ce qu’ils ont d’abord caché), et même sans
doute publicitairement positif. Bien sûr, il est tout de même bon d’écrire un
texte sur les « témoins de leur temps », mais pour le sortir avec plus de
recul. Traitant alors ce thème «de quelle façon dérisoire est apparue l’I.S.
dans la critique culturelle spécialisée – par rapport à tout ce qu’il y avait à
en dire ». L’autre exemple sublime est ce numéro spécial des Lettres
nouvelles (février 63) «Aspects présents de l’activité intellectuelle et
artistique en France » où il n’y a aucune allusion à l’I.S. Il me semble que
nous devrons faire passer cela à l’histoire, tout comme Nash !
Naturellement, en relisant ta lettre, je trouve que tu parlais de brochure
« chez un éditeur honorable ». Je suis donc parfaitement d’accord. Le recul
y sera.
À propos de recul, comme les textes allemands de D.G.2 ne sont pas arrivés
ici il y a trois jours, je n’ai maintenant plus d’Allemand sous la main
pendant quinze jours. Mais, passé ce délai, je l’aurai de nouveau. Alors
j’espère que les textes seront envoyés aussi à ce moment, sans que cela ait
exigé une hâte excessive – par rapport au retard fixé d’abord au 25 mars.
Uwe – en toute justice, qui n’est pas de ce monde – mériterait l’exclusion
rien que pour nous avoir mis dans cette merde avec D.G., en se refusant
finalement à tout travail, après avoir juré qu’il l’avait quasiment achevé.
Je repousse à la fin d’avril la parution du document ronéotypé (qui pourra
être quelque chose comme un document «sur la théorie, et sur les conditions
pratiques de l’élaboration de la théorie », comportant « I.S. et spontanéité »
plus deux autres choses) parce qu’il est maintenant devenu totalement
invraisemblable et impossible que nous publiions quoi que ce soit avant de
pouvoir annoncer que D.G. est enfin paru.
J’espère qu’Attila n’a pas fait d’objections de principe à la solution que je
proposais (je suis en tout cas en droit de l’espérer puisque je n’ai reçu
aucune réponse en dix jours), et que les difficultés sont seulement dans le
travail matériel. C’est encore bien trop… Amitiés,
Guy

1. Hervé Falcou (cf. Le Marquis de Sade a des yeux de filles…,


op. cit.) avait fait paraître dans L’Express du 28 mars 1963 un
article intitulé «Aux yeux de l’Histoire », où il fait une critique
railleuse des « revues en marge ».

2. Der Deutsche Gedanke.

À Françoise Lung1

Mercredi [juin-juillet 1963]

Chère Françoise,

Merci pour la traduction2. Les camarades japonais parlent un anglais


sommaire. La traduction ne risquait pas d’être trop littérale (on pourrait
plutôt lui reprocher de ne pas l’être encore assez! Mais je peux corriger
quelques points où s’embrouillent les notions de critique d’art, critique de
l’art, etc.).
Tant mieux si Jollivet3 se ranime.
Oui, je connais la scission qui se prépare dans P.O.4. La tendance Barjot
(Cardan)5 – Canjuers – Chatel représente la pire régression, le passage à un
certain sociologisme respectueux (néo-Arguments), mais compliqué de
prétentions révolutionnaires et d’un goût tardif et disgracié pour le
modernisme et les « idées nouvelles » – alors qu’il leur sera certainement
difficile maintenant d’en formuler une ou deux qui «leur appartiennent » (la
sociologie d’une part, les gens style I.S. d’autre part, ont déjà fait un long
chemin pendant qu’ils dormaient – même la carrière de Morin ou Lapassade
est déjà trop assurée pour que Chatel vienne rivaliser avec eux).

Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Luc


Mercier.

1. Françoise Lung de Notes critiques (cf. Correspondance, vol. II,


p. 176).

2. Traduction de « Pour un jugement révolutionnaire de l’art »,


paru dans Notes critiques de juin 1962.

3. J.-L. Jollivet, cf. Correspondance, vol. II, p. 112.


4. Pouvoir ouvrier, cf. Correspondance, vol. II, p. 82-88.

5. Pseudonymes de Cornelius Castoriadis.

Il ne faut peut-être pas pousser la cruauté jusqu’à les juger sur un texte
d’Alain Girard (que je n’ai pas lu). Alain est actuellement un extrémiste par
rapport à la « révision » moyenne de cette tendance. De plus, c’est un
– n’abusons pas du vocabulaire médical – sot. Il ne l’était pas il y a deux
ans6, mais il l’est furieusement devenu pour justifier à tout prix une
conduite qui était sotte. L’histoire marche – souvent comme cela, à tous les
niveaux. Plus facilement par son mauvais côté, disait l’autre.
La contre-tendance de gauche (Lyotard, P. Guillaume, Édouard Taubé)
arrivera ou n’arrivera pas, je l’ignore, à commencer enfin une activité
politique acceptable. Mais au moins elle semble représenter la seule chance
de sauver tout le positif du travail ancien de « S. ou B.7 », qui avec la
tendance sera avant un an liquidé – dans cet aboutissement comique et
détestable à la fois. Michèle t’a écrit à propos des recherches de travail.
Amitiés,

Guy Debord

6. Cf. Correspondance, vol. II, p. 101.


7. Socialisme ou barbarie.

À Raoul Vaneigem

Vendredi soir [18 octobre 1963]

Cher Raoul,

Suite à mon envoi d’aujourd’hui : je pense que l’évolution rapide du conflit


avec Attila1 (son net refus de répondre aux accusations, souverainement)
rend périmée la suite de la discussion sur ses premières thèses ; au moins
pour les gens d’Anvers, et surtout dans la mesure où ils se trouvent en
Belgique, dans son voisinage, et doivent avant tout lui signifier que le
dialogue est effectivement fini.
Je ne veux pas dire qu’il n’est pas bon de les discuter (même d’en écrire);
c’est très instructif. Je veux dire que l’on ne peut plus continuer la
discussion en termes objectifs et quasi-académiques alors que l’adversaire a
fait savoir qu’il tient et tiendra pour rien toutes nos interprétations. On ne
peut répondre qu’en déclarant que nous le tenons pour rien à son tour (donc
la suite de la discussion se place dans une perspective de « discipline » et
rupture). Je crois donc que le mieux serait d’utiliser votre rencontre à
Anvers pour rédiger une déclaration commune (Jan, Rudi2 et toi) sur la base
de la lettre du 11 octobre (d’Attila), annonçant : ce que dit cette lettre ; ce
que nous en pensons ; la décision de rupture. Et de diffuser cette
déclaration commune à tous nos amis, ainsi qu’à Attila. Le mieux serait de
se borner à 15-20 lignes. Mais il est vital que les Anversois aient bien
discuté et compris le problème (qu’ils ne la signent pas pour te faire plaisir).
Bien sûr, si quelqu’un d’eux a déjà écrit une réponse, on peut la diffuser en
plus.
Les questions pratiques de cette rupture, maintenant. Il faut évidemment
bloquer à Anvers tout le stock de D. G .13. Tu es par un hasard vraiment
heureux (tout ce qui est réel est rationnel ?) directeur de D. G. Tu en as les
communications (la boîte postale) et il ne faut pas laisser un instant de plus
Attila saboter nos contacts à l’extérieur comme il a tenté de le faire à
l’intérieur de l’I.S.
Ceci se ramène à dire qu’il faut récupérer la clé de ta B.P. si tu ne l’as pas
reprise en rentrant d’Espagne. Au cas où il ferait des difficultés (ou si tu
trouves pénible cette discussion qu’il peut faire traîner), il doit exister un
moyen plus court qui, en France, serait celui-ci (et coûterait environ 30 ou
40 francs, il faut le dire) : déclarer la perte d’une clé, quand on est le
dépositaire de la boîte, entraîne le changement de la serrure et la remise
d’une autre clé. Tout ceci est bien sordide, mais j’ai dû constater dans ces
dernières semaines tant de misérables et mesquins procédés de la part
d’Attila que je ne serais pas étonné qu’il essaie de nous faire des difficultés
avec cette clé et cette B.P. Quand sa dissimulation est mise en pièces, il faut
lui reconnaître une grande capacité de cynisme (voir, toujours, sa lettre !).
Autre question pratique : vois, avec Jan, quelle somme exacte nous devons
encore à son imprimeur. Je crois que c’est assez peu. Et, de toutes les dettes,
je crois que c’est la première qu’il sera utile et possible de régler.
J’ai envoyé Reich4 tout à l’heure (juste quatre jours !). C’est très
intéressant, et j’ai pris force notes. Sauf à partir du troisième tiers – chapitre
7 – où tout déconne assez visiblement, et s’élève vers un délire final très
sensible. Il faudrait lire ses livres marxistes (Fondement de la morale
sexuelle). Je crois qu’un seul est traduit en français (La Crise sexuelle,
Éditions sociales internationales, 1934). C’est amusant comment il réussit à
cacher entièrement le marxisme dans l’édition américaine de Fonction de
l’orgasme – celle que nous avons lue, traduite en 1952. Pourtant il est clair
qu’il se situe dans une ligne politique très proche des conseils ouvriers (« la
rationalisation dans le processus de travail »). Reich expose admirablement
comment – et pourquoi – la psychanalyse s’est décomposée vers 1925, et il
comprend ce que la psychanalyse s’est caché à elle-même. Pourtant, même
quand il dévoile ce refoulement, il me semble qu’il fait une autre
concession, laquelle l’a mené à l’étrange mécanisme thérapeutique de la
fin : c’est l’idée, vraiment obsessionnelle du « naturel » dans la passion
érotique. On peut dire que, pour Reich, si un homme et une femme
atteignent tous les deux la « puissance orgastique totale », cela va bien, et
n’importe quelle préférence ou choix serait déjà quelque chose de
névrotique. Toutes les perversions sont bannies et tout choix d’une
catégorie (même en se limitant aux femmes), ou même d’une personne
plutôt qu’une autre, n’a plus de sens dans cette lumière saine et robotique.
En outre, son idée de la valeur essentielle de l’orgasme parfait devrait
honnêtement être aussi appliquée aux témoignages des « pervers » (comme
ceux du recueil de Maurice Heine5), qui font nettement apparaître que le
moment est pour eux parfait et très « reichien », si l’organisation sociale
autour a pu être déjouée (je pense au cas du masochiste qui aimait que les
dames lui marchent dessus – dans ce même livre –, en attachant une valeur
centrale non à l’étiologie de sa névrose, que nous ignorons, mais à la
formation « historique » de sa pratique amoureuse, qu’il a décrite). Donc,
pourquoi Reich, qui a si bien montré le refoulé de la psychanalyse, a-t-il lui-
même refoulé la plasticité et la dialectique du désir derrière la censure d’un
« naturel » qui a fini en mécanique néo-messmerienne ? Je pense que son
attachement obligé au naturel s’explique par sa liaison avec le mouvement
ouvrier d’alors, au début de la période de réaction stalinienne. On fera
mieux la prochaine fois ?
À propos des mythes – c’est tout de même un sujet fort intéressant du passé,
malgré Attila – je me demande si le dernier mythe formé historiquement ne
serait pas celui de Don Juan ? Apparaissant à l’extrême fin de la
décomposition de la société unitaire, déjà par quelque côté un anti-mythe
parce qu’il propose de vivre directement une expérience décevante, au lieu
de s’identifier passivement à une image rassurante; et enfin parce qu’il fait
un joli pont entre le vieux mythe et les nouvelles attitudes de spectacle ! Ce
mythe – si c’en est un ? – baigne déjà dans un certain courant historique : le
plus fort des Liaisons dangereuses est de le retrouver incarné dans une
femme, traduisant ainsi le mouvement de libération des femmes entre le
XVIIIe siècle et maintenant. C’est un mythe qui tout de suite, presque en
lui-même, rencontre la dérision, perd le sacré, finit en une sorte de farce,
comme «les hommes se séparent joyeusement de leur passé ». Il est en ce
moment une plaisanterie (dans le langage populaire un « don Juan » ! Alors
que l’on plaisante fort peu sur Tristan, même quand les faits-divers le
reproduisent). Il est donc le mythe ridicule et maudit, tard venu, infecté
d’histoire et de praxis. Les autres souvenirs mythiques s’enfoncent dans cet
« esprit des morts » qui pèse globalement sur les vivants, sont « respectés »
ainsi quoique non compris. Don Juan au contraire est porté dans l’histoire
présente par le principe du spectacle et s’appelle « play-boy ». Ces
considérations sont fort douteuses. Aussi, pour cette fois, je ne les destine
pas à faire autorité!
Amitiés,
Guy

1. Attila Kotányi, architecte hongrois, membre de l’I.S. de 1960 à


1963 (sur son exclusion, voir Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 663-667).

2. Jan Strijbosch et Rudi Renson, situationnistes de la section


belge jusqu’en 1966.

3. Der Deutsche Gedanke no1.

4. La Fonction de l’orgasme, de Wilhelm Reich (1897-1957).


5. Confessions et Observations psychosexuelles, par Maurice
Heine (1884-1940).

À communiquer à Anvers – peut-être avec des remarques de ce genre :


(aussi, ne pas traiter ceci en problème « théorique ». Le lier aux calomnies
et délires pratiques1. Genre K.P. 63 et Martin dans le D.K.P. depuis dix
ans).

Voici donc la franche révélation. Situationniste = Attila par postulat. Du


même postulat on tire l’incapacité fondamentale de penser, de comprendre,
non Kraus2 ou Bloch3, mais même dix pages dans leur langue écrites par le
même Attila, chez tous les autres « qui ne sont pas des autorités ».
(Pourtant, si Nietzsche était le premier expert européen en matière de
décadence, ne serions-nous pas des autorités mondiales en matière de
théorie situationniste ?)
Attila était déjà Dieu. Il revendique donc maintenant la suite logique des
pouvoirs de Dieu : la transcendance non seulement de la révélation, mais de
l’obscurité même. Le droit de se contredire en permanence en ayant
toujours raison.
Il a commencé (août) par arrêter toute notre activité et notre attention en
criant : « Halte ! J’ai quelque chose à dire. Qui est un préalable
indispensable à tout. » On l’écoute. Il le dit. Devant les réactions qui
surgissent, il dit maintenant : «Je n’ai rien dit. » Double cas d’autocratie
« stalinienne » à l’égard de la pauvre réalité telle que nous la vivons.
Son argument « PUISQUE JE SUIS SITUATIONNISTE, et qu’il est
impossible qu’un situationniste ait dit ces choses, JE NE LES AI DONC
PAS DITES » – est le mouvement même de la pensée (sous-) religieuse
appliquée ici à défendre la religion d’Attila. Le point de vue de la réalité est
« PUISQUE ATTILA A DIT CELA, et qu’il est impossible qu’un
situationniste le dise, il n’est donc plus situationniste. » D’où sa seule
défense est l’insolente négation de la plus minime réalité.
Dans les autres petites merveilles de sa lettre, on voit qu’il rejette le
qualificatif de « super-exigence factice » quant à un travail précis (séparer
l’utopie de la religion) qui a été fait par beaucoup de gens du passé,
heureusement, mais qui n’était pas envisagé dans son texte et encore moins
dans ma réponse. J’appelai « super-exigence factice » la manière d’Attila
d’exiger arbitrairement (et cyniquement ) toujours plus d’information
préalable (en même temps inaccessible et sans perspective d’usage direct).
Le dernier-né de cette fantaisie est Ernst Bloch.
On voit aussi « l’erreur » gentiment avouée sur le principal conflit de notre
temps. Attila avait lu trop vite. Ce n’est pas dans les partis communistes
mais « d’autres tendances socialistes » (c’est donc encore plus vague…).
On voit aussi que Pauwels4 Kotányi et Attila Bergier4 ne s’abaissent pas à
étudier la théorie et le programme d’une organisation révolutionnaire dans
ses publications, sa praxis, ou les contacts avec ses responsables. Il a lu
DANS LE SUNDAY TIMES Marx = zen. Ça lui suffit!
Il dit : « J’espère que tu n’attends pas une discussion dans ces conditions. »
Ici, il a raison de ne pas vouloir défendre plus sa mauvaise cause. Dans ces
conditions, il est impossible qu’aucun de nos amis poursuive une
discussion. Il faut rompre immédiatement. Nous ne tolérons aucune
hésitation.

1. Que dénonçaient les tracts de mars et avril 1963 à propos de la


collusion au Danemark entre galeries staliniennes et nashistes.

2. Karl Kraus (1874-1936), écrivain autrichien.


3. Ernst Bloch (1885-1977), philosophe allemand qui a fait une
étude marxiste de l’utopie.

4. Louis Pauwels et Jacques Bergier, fondateurs de la revue


Planète.

À Mustapha Khayati1

23 février 64

Cher Mustapha,

Je crois que ton choix de texte2 est tout à fait complet. Le seul défaut serait
peut-être que c’est un immense travail ? En tout cas, j’applaudis d’avance.
J’ai transmis ta lettre à Vaneigem, qui écrira (il a quelque chose à suggérer.
Je t’ai envoyé « R.S.G.-63 » (c’est le texte qui a constitué la brochure
japonaise4 ). Amitiés,

Guy

1. Mustapha Khayati, membre de l’I.S. jusqu’en septembre 1969.


2. Projet d’un dictionnaire « historiquement comparable à
l’entreprise encyclopédiste ».

3. Catalogue de l’exposition Destruction of the RSG-6, organisée


en juin 1963 à Odense (Danemark).

4. Les Situationnistes et les nouvelles formes d’action dans la


politique et l’art (cf. I.S. no 10, p. 20).

À Raoul Vaneigem

10 juin 1964

Cher Raoul,

Il faut faire traduire aussi avec le tract espagnol1 cette phrase : « Édité par
l’Internationale situationniste, région Ouest-Europe. » À bientôt,
Guy

Carte postale de la rue Mouffetard à Paris.


1. España en el corazón (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit.,
p. 675).

À Raoul Vaneigem

7 août 64

Cher Raoul,

Tout à fait impossible de venir à Penne. À l’imprimerie les choses empirent


à vive allure. Je peux garantir la sortie d’I.S.9 dans quinze jours au plus. J’y
ajoute un extrait du reportage France-Soir, bien sûr. Mais il n’y a plus le
temps d’ajouter une page sur la 1re Inter[nationale]. Le retard risquerait
maintenant d’être vraiment funeste. Cette imprimerie fait eau de toutes
parts.
Dominique1 ira à Penne lundi, à ce que je crois.
La bande devait venir d’une édition française d’un Trotski dans les années
20.
Amitiés à Thérèse et toi.

Guy

Au dos – réservé à la correspondance – d’un coupon-mandat de


170 francs.
1. Compagne du situationniste Jan Strijbosch.

À Raoul Vaneigem

5 septembre 64

Le Times (suppl. littéraire) est paru1. Il y a seulement quatre pôles : nous,


Nash, Isou et Moles2 (ce dernier, et tout ce qui s’y apparente, étant de loin
le mieux représenté). Ce choix apparaît même dans le compte rendu du
Figaro littéraire du 3 septembre. Il ne reste plus qu’à éliminer les trois
autres, et les problèmes réels commenceront à paraître…
Nos ouvrages étant annoncés à la face du monde (étonné et tremblant), Rudi
fera bien de se mettre à la tâche! À bientôt,

Guy

Carte postale de la place de la Contrescarpe à Paris.

1 . « About the Situationist International », article de Michèle


Bernstein paru dans le Times Literary Supplement du 3 septembre
1964.
2. Abraham Moles (cf. « Correspondance avec un cybernéticien
», I.S. no 9, p. 44-48).

À Raoul Vaneigem

Vendredi 25 septembre [1964]

Cher Raoul,

Jusqu’ici je n’ai pas pu repartir de Paris. Si tu ne fais pas un saut dans notre
bonne ville pour voir René1 avant son départ (qui sera entre le 5 et le 10
oct.), je peux maintenant aller à Bruxelles soit la semaine prochaine (mais
pas pendant le week-end). Soit la semaine d’après. Dis-moi ce qui
t’arrange.
Merci pour Ferdydurke2.
Très bonne réponse pour Hennebert-Frankin (lequel m’avait aussi adressé
un lamentable bulletin ouvrier qu’il dirige, trente étages au-dessous de
P.O. !). L’ex-nashiste Gashé, lui, m’a envoyé un autre bulletin du même
genre, mais apparemment très supérieur à celui de Frankin. Voilà où il en
arrive, enfin avec Kunzelmann3. Et aussitôt il croit pouvoir nous féliciter
pour I.S.9 («il avait entendu dire que l’I.S. ne paraîtrait plus… ») et
demande à me rencontrer à nouveau. Aux poubelles de ce que tu sais ! Uwe
a envoyé après I.S.9 une carte très amicale, mais brève.
À bientôt,
Guy
Au dos d’une carte de la rue Mouffetard chargée d’inscriptions
manuscrites : « Ravachol », « Sade », « Héraclite », « Stirner »,
« I.S. is good for you », « I.S. 1864-1964 », « À bas Axelos ».

1. René Viénet partant pour la Chine.

2. Roman de Witold Gombrowicz.

3. Dieter Kunzelmann, membre du groupe Spur.

4. Georges Lapassade (cf. I.S. no 9, p. 29), collaborateur de la


revue Arguments.

P.-S. : Lapassade4 n’est pas encore venu tâter de ma matraque.


À Raoul Vaneigem

28 septembre 64
Au dos d’une carte d’anniversaire aux roses rouges pour le
centenaire de la fondation de l’Association internationale des
travailleurs.

Vive l’A.I.T. !
À Raoul Vaneigem

Lundi 19 octobre 1964

Cher Raoul,

Je reçois protestations et plaintes de Martin : l’article pour la revue suédoise


est/était vraiment très pressé – à donner tout de suite ou pas du tout, c’est à
craindre. J’espère que nous avons rattrapé déjà cette accélération de
l’histoire ?
Amitiés,

Guy

Carte postale de la place de la Concorde.

À Alexander Trocchi

Paris, 5 décembre 64

Mon cher Alex,


J’ai reçu avec plaisir ta lettre du 1er décembre.
J’apprends ainsi que tu as une nouvelle adresse.

J’espère que tu as cependant reçu ma récente lettre, envoyée aussi le jour du


1er décembre au 7 Princes Square.
C’était une réponse1 – que tu trouveras positive, je pense – à ta lettre du
« Guy Fawkes Day ».
Je serai très content de te voir bientôt.
Amitiés,

Guy

1. Cf. Correspondance, vol. II, p. 309.

À Raoul Vaneigem

Lundi 14 décembre 64

Cher Raoul,

Pense à me renvoyer (ou rapporter) la belle page du Soir de samedi – sur la


boulangerie pillée.
Les rendez-vous s’accumulent – primitivement – ici. Ce soir je vois C. Roy
et un autre Toulousain. Demain, deux Algériens – différents d’origine. Et à
l’heure qu’il est j’attends au bistro nos brillants auteurs Julliard1.
Merci mille fois (et à Thérèse) pour l’accueil à Bruxelles : la Belgique était
mieux que jamais.
À bientôt,

Guy

Carte postale du Pont-Neuf.

1. François et Jean-Pierre George, cf. I.S. no 10, p. 70.

À Mustapha Khayati

21 décembre 64

Cher Mustapha,

Je suis bien d’accord avec ta lettre, ainsi que les quelques amis à qui j’ai eu
l’occasion de la montrer.
Après une discussion avec Vaneigem, nous parvenions à ces conclusions sur
quelques-uns des points que tu soulèves :
– Tu as évidemment raison dans l’évaluation des conséquences d’une
diffusion de la correspondance Moles1 (Moles ne se plaindra sans doute
pas; et je suis le seul responsable à qui il pourrait avoir la témérité de s’en
prendre). Ne peut-on envisager une diffusion de ce texte – qui serait aussi
une sorte de démonstration – sans la participation de Béchir2 ? Ceci au cas
où Béchir n’aurait à formuler que les objections que tu cites, et non d’autres
plus pesantes (comme celle que j’envisageais). Bien sûr, il faudrait que ce
geste sans Béchir ne lui paraisse pas fait contre lui. Autrement dit, cette
affaire très marginale ne mérite pas de relancer une polémique ou la
méfiance dont vous avez essayé de sortir.
– Pour le monde arabe, il nous paraît que le premier point d’un vaste travail
à faire devrait être une critique du benbellisme – qui pourrait
éventuellement être diffusée en arabe. Si les Congolais nous fournissent
assez d’informations directes, nous pensons à faire une brochure sur la
guerre civile au Congo (la nature du pouvoir à Stanleyville pendant les
derniers mois, etc.). Au chapitre « Les soutiens extérieurs de la rébellion
congolaise », nous pensons que Ben Bella a la place de choix, et ici ces
travaux pourraient confluer. À l’intérieur de l’Algérie Ben Bella, comme de
Gaulle, coiffe l’équilibre existant : il n’a pas visé tel ou tel stade de cet
équilibre, mais le pouvoir (et la description de cet équilibre fragile est
difficile et complexe). En revanche, à l’extérieur, il est facile de voir la
fonction de Ben Bella : le mythe d’une politique étrangère révolutionnaire,
au nom duquel il se fera pardonner tout le reste. Aucun exemple ne ruine
mieux cette imposture que l’été 64 au Congo3.
Nous sommes d’avis que tes propositions de base au groupe Perspectives4
sont suffisamment claires (et pour lui, en fait, inacceptables) et mettent le
problème sur son vrai terrain.
Ce serait très bien de faire le « montage » de textes I.S. annotés que tu
envisages, comme préalable à une traduction. Signale-nous ton choix quand
tu l’auras arrêté.
Un procès est lancé contre nous en Scandinavie, par le Réarmement moral,
accusant de pornographie manifeste nos tracts, espagnols et autres, avec des
filles nues5. Cela fait une belle émotion dans la presse. Amitiés,

Guy
Le résumé de cette lettre a paru dans la Correspondance, vol. II,
p: 311

1. Voir supra, lettre à Raoul Vaneigem du 5 septembre 1964

2.Béchir Tlili, étudiant tunisien à Strasbourg

3. Reprise des révoltes et formation d’un gouvernement de


coalition.

4. Groupe d’étudiants maghrébins de gauche.

5. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 675-677.


6. I.S., no 10, p. 67 : « Pour ne pas comprendre l’I.S. ».

P.-S. : Merci pour l’article – déjà vu – de Fugler. C’est donc un crétin. On


ne répondra qu’avec quelques mots, dans la revue6, sur cette vieillerie de la
distinction absolue « travail et culture »…
À John Evans1

Le 6 janvier 1966

Cher John Evans,

Je vous envoie les exemplaires2 que vous demandiez pour leur diffusion par
Sigma; bien sûr c’est un cadeau.
Meilleures salutations à Alex. Merci de lui rappeler qu’il doit s’occuper du
manuscrit de mon ami Raoul Vaneigem3 (auprès de Calder ou de tout autre
éditeur bien disposé envers Sigma), manuscrit qu’Alex détient. Ceci est une
chose importante et urgente. Pour le moment cela nous paraît, de loin, le
point le plus constructif pour notre future collaboration.
Amicalement,

Guy Debord

Texte français d’une lettre envoyée en anglais.


1. Collaborateur du « projet Sigma» animé par Alexander
Trocchi.

2. Cinq cents exemplaires de The Decline and the Fall of the


« spectacular » commodityeconomy (analyse des émeutes de
Watts de 1965).

3. Manuscrit du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes


générations.

À Daniel Guérin1

3 mai 66

Cher camarade,

Votre lettre du 28 avril me paraît surprenante : il n’y a rien d’anonyme dans


la revue Internationale Situationniste. Les textes qui ne sont pas signés
personnellement sont évidemment ceux qui expriment notre opinion
collective, et qui sont généralement rédigés collectivement. Il va de soi que,
dans une revue qui prétend exposer une plate-forme cohérente, tous les
membres du comité de rédaction, au moins, prennent toujours la
responsabilité de chaque nuance de ce que nous publions de la sorte; ceci
outre le fait que moi-même, en tant que « directeur » de la publication, suis
à regarder comme entièrement responsable de tous les textes, tant
« moralement » que légalement. Il me semble donc que votre remarque ne
serait légitime que dans le cas d’une de ces publications, plus
journalistiques, où chaque rédacteur fait profession de se désolidariser de
tous les autres, et où peuvent être passés des échos que personne n’assume ;
ou bien peut-être dans le cas de publications à prétention clandestine,
signées de pseudonymes indiscernables.
Du reste, je suis précisément un des rédacteurs de la note que nous vous
avons consacrée2, et je peux donc vous répondre tout de suite à ce propos,
avec exactitude.
Le terme d’éreintement, que vous employez, implique une sorte de
condamnation littéraire de votre brochure3, qui n’est absolument pas notre
fait. Nous avons écrit au contraire que cette brochure apportait d’excellents
documents.
Ce que nous critiquons complètement, c’est votre analyse de la crise de
1965 en Algérie, analyse qui nous paraît incohérente par rapport à ces
documents mêmes, comme par rapport aux positions révolutionnaires
précises dont on vous sait le défenseur.
Veuillez noter tout de même que, dans tout ce que nous avons écrit cette
fois sur l’Algérie, Harbi4 et vous êtes les seules personnes que nous
considérons comme des révolutionnaires qui se trompent. Bien entendu,
nous ne reconnaissons aucunement comme des révolutionnaires les autres
individus évoqués.
Notre critique de votre brochure ne serait injuste que si les citations que
nous en tirons (négligence de la logique du pouvoir bureaucratique parmi
les leaders algériens, reconnaissance des États staliniens comme « pays
socialistes », irresponsabilité essentielle de Ben Bella dans le
fonctionnement réel de son régime, etc.) étaient des citations sélectionnées
unilatéralement, et cachant un autre aspect de votre pensée présent dans
cette brochure. Croyez-vous que nos citations soient infidèles ? Et en quoi?
Nous n’avons aucunement laissé entendre que vous aviez passé un
quelconque accord avec Ben Bella. Votre honnêteté n’est, visiblement, pas
mise en cause dans notre critique. Il n’en reste pas moins que votre
décevant ralliement à la personne de Ben Bella paraît une attitude
extravagante à partir de vos propres théories ; mais en revanche nous avons
raison de dire qu’elle rejoint (ou rappelle fort) une attitude pratique qui est
malheureusement courante dans le tout-venant de nos gauchistes mondains.
Il est vrai que personne parmi nous ne vous connaît, sauf par vos écrits.
Mais nous n’avons prétendu parler qu’à partir des informations accessibles.
Votre surestimation d’un « despote éclairé » de l’autogestion est frappante.
Pourquoi défendez-vous Robespierre contre les « bras-nus » ? (Et Ben Bella
est un assez pauvre Robespierre).
Bien sûr, nous publierons toute réponse qu’il vous plaira de faire à notre
critique. Et nous accepterons volontiers un débat de vive voix sur vos
préférences et perspectives algériennes.
Bien sincèrement,

Debord

Lettre communiquée par la Bibliothèque de documentation


internationale contemporaine (B.D.I.C.) de Nanterre, fonds
Daniel Guérin.

1. Daniel Guérin, cf. Correspondance, vol. III, p. 144 (lettre à


Mustapha Khayati du 5 mai 1966).

2. « L’Algérie de Daniel Guérin », I.S. no 10, p. 80.


3. L’Algérie caporalisée.

4. Mohammed Harbi, cf. Correspondance, vol. III, p. 58, note 5.

P.-S. : Je vous ai envoyé hier quelques exemplaires des Luttes de classes 5.

5. Les Luttes de classes en Algérie, tract diffusé sur place en


décembre 1965.

À Alexander Trocchi

18 septembre 66

Cher Alex,

Je voudrais que tu remettes à notre ami Christopher Gray1 deux cents


exemplaires de notre pamphlet The Decline and Fall…, parce que nous n’en
avons plus du tout, et l’occasion nous est donnée d’en diffuser encore. Tu
peux également lui confier la copie de mon film2 que j’avais laissée chez toi
il y a deux ou trois ans. Merci d’avance.
Amitiés,
Guy
1. Christopher Gray (1942-2009), situationniste anglais.

2. Sur le passage de quelques personnes à travers une assez


courte unité de temps.

Pour André Bertrand1 et Daniel Joubert2

Paris, le 22 janvier 67

Chers amis,

Michèle nous a rapporté la conversation téléphonique avec vous, et entre-


temps Donald3 avait reçu les deux tracts4. On commence à les voir
s’enfoncer.
Le tract de l’ex-bureau5 est bien bête : on y sent l’affectivité blessée, le
désir d’être reconnus par l’I.S. d’un seul coup – alors qu’ils progressaient si
péniblement même dans ce petit scandale –, et en bloc – alors qu’ils étaient
complètement opposés entre eux, et ne nous le cachaient pas. Il me semble
que toutes les citations de mes lettres sont exactes. Je les trouve
parfaitement correctes sur le sujet, dans les circonstances, et impliquées par
toutes les affirmations publiques de l’I.S. jusqu’ici (croyaient-ils que l’I.S. a
réussi jusqu’ici son expérience par la naïveté, l’effusion sentimentale avec
les premiers venus, la confiance idiote faite à des irresponsables ?). En règle
générale, toutes les lettres échangées dans l’I.S. – aucune n’était réservée
« à Khayati », tous connaissaient tout – n’ont rien de secret sauf dans des
cas très précis et très rares – qui n’ont rien à voir avec le « jugement » de
tels personnages – où elles portent la mention « à détruire ». Et alors, elles
sont détruites. Bref, on se méfiait des incertitudes des Strasbourgeois. Tout
a prouvé finalement que nous avions raison. Après que l’I.S. se soit trouvée
– contrairement à nos premières prévisions – engagée à ce point dans
l’affaire, nous devions évidemment contrôler au maximum ces gens souvent
douteux qui se donnaient publiquement pour nos partisans ; et qui, par
exemple, se dérobaient devant le petit scandale de la « rentrée solennelle »
– qui leur aurait paru impliqué obligatoirement par l’ensemble du scandale
s’ils avaient été capables de comprendre tout seuls le scandale qu’ils
faisaient ; incident qui a d’ailleurs lancé toute l’affaire. Si ces gens de l’ex-
bureau, d’ailleurs, n’ont pas saisi leur « chance » dans cette vérité que nos
jugements sur eux étaient quand même en évolution avec l’affaire elle-
même, cela prouve qu’ils sont plutôt de ce type inférieur (Frey-Holl) qui
doute de ses capacités et exige donc glorieusement une reconnaissance
abstraite et totale tout de suite. Bien que cette triste disposition affective
déforme grossièrement l’objectivité de leur jugement, ils n’ont pas jusqu’ici
mis en avant eux-mêmes un mensonge précis. Ils ont seulement la bêtise de
gober et couvrir ceux des trois exclus6. Nous distinguons leur
responsabilité, et nous ne les mélangerons pas injustement dans notre
démolition de ceux-ci.
Ces gens de l’ex-bureau sont superbement inconscients de se voir, eux, dans
« l’action » révolutionnaire, exécutants par rapport aux « théoriciens » !
Quelle action ? La principale « action » dans une affaire de ce genre, c’était
d’écrire la brochure ; plus, savoir répondre intelligemment et de haut à
certaines questions ultérieures. Il faut donc croire que tant de journaux lus
leur sont montés à la tête, et qu’ils croient maintenant avoir « pris le
pouvoir » à Strasbourg !
Les trois exclus qui les manipulent effectivement aujourd’hui (ne serait-ce
qu’en les persuadant pour quelques semaines de leurs piteux mensonges)
les « manipulaient », si l’on peut dire, tout autant que Khayati jusqu’à la
semaine dernière : en effet, de la participation à l’I.S., ces trois
connaissaient principalement et presque uniquement une fierté creuse –
compensation pour les pires de leurs manques –, attitude que j’avais déjà
dénoncée dans mon rapport à la Conférence de juillet7. Tout l’ex-bureau
doit faire un effort d’auto-aveuglement fort comique pour ignorer que, sur
la question des mérites de ses membres, les actuels exclus étaient alors
absolument solidaires de la « rigueur I.S. » – quoique sans doute avec
d’autres motifs, qui sont maintenant renversés par l’opportunité; et ils
étaient même les informateurs de l’I.S. sur les intentions et capacités
probables des « étudiants ». Ils n’ont presque jamais différé là-dessus du
jugement de Khayati – et alors seulement dans le sens de la sévérité (Frey
et Holl).
Quant aux trois exclus, la maladresse de leurs nouvelles dénégations doit
être sensible à qui sait critiquer un texte. Il est bien exact qu’il n’y a pas eu
de vote pour exclure les menteurs, et il ne pouvait pas y en avoir. La
réunion du 10 janvier avait décidé par avance unanimement que tout
menteur démasqué serait exclu à l’instant. Et cette décision même n’avait
pas été soumise à un « vote » : celui qui eût refusé sa signature à cette
motion eût été considéré comme démissionnaire pour la défense du «droit
au mensonge à l’intérieur de l’I.S. » (Garnault et Khayati, absents, ne
l’avaient pas matériellement signée, mais il est clair qu’ils nous ont fait
connaître leur adhésion à cette motion, sans laquelle nous ne recevions
personne à une prochaine réunion). Ainsi les exclus avaient signé les
considérants et l’ordre exécutoire de leur élimination cinq jours plus tôt.
Nous ne pouvons affirmer qu’ils ont avoué leurs mensonges à minuit moins
dix plutôt qu’à minuit trois ; mais ce formalisme n’a guère de sens même
dans un traité international : c’était évidemment la réunion du 15 janvier,
commencée à 9 heures du soir. Le procès-verbal de leur exclusion a été fait
dès que nous leur avons déclaré que tout ce qu’ils pouvaient dire
maintenant n’avait plus aucun intérêt pour nous (et donc qu’ils soient partis
piteusement). Schneider8 lui-même a pu voir, « aux premières heures du
16 », ce texte déjà fait, et posté alors. Ils n’avaient parlé d’une intention de
démission – qu’ils auraient eu secrètement – qu’après le moment où les
mensonges s’étaient enfin écroulés, c’est-à-dire quand ils étaient dejà
automatiquement exclus pour le plus ignoble motif – de sorte que pour nous
leurs intentions supposées du passé n’avaient plus aucune valeur.
Maintenant que les trois pauvres types sortent de plus en plus leurs
arguments, l’absurdité fondamentale de leur position éclate : pourquoi
auraient-ils voulu démissionner soudain, et en équipe, sans avoir jamais
présenté auparavant un seul désaccord avec l’I.S. ? Il faut bien qu’ils se
soient trouvés pris ensemble ce jour-là. Quand ont-ils « découvert » cette
hiérarchie de l’I.S. (puisqu’ils nous avaient toujours caché cette importante
découverte) ? Le jour de leur exclusion ? Plus tôt ? Mais alors pourquoi
n’ont-ils jamais critiqué et ouvertement refusé cette hiérarchie dans l’I.S.
même, en s’appuyant aisément sur tous nos principes affirmés ?
Une autre question les tue. On sait très bien pourquoi ils répondent «Ce sont
eux les menteurs ! », car c’est toujours la seule pauvre défense des menteurs
pris sur le fait. Il leur faut dire cela, ou bien avouer ce qu’ils sont, et ce
qu’ils sont devenus est assez inavouable. Mais nous qui – d’après leur
propre conception hiérarchique de l’I.S. – pouvions les jeter à tout moment,
sous n’importe quelle mauvaise accusation, pourquoi les aurions-nous tant
détestés que nous voulions ruiner définitivement toute leur présence dans le
futur mouvement révolutionnaire en les qualifiant de calomniateurs ? (Si
j’avais constaté depuis quelques semaines que Holl était un individu
méprisable, quand cette réunion s’est ouverte je n’avais pas la moindre
antipathie contre Garnault ou Frey.) Pourquoi n’aurions-nous pas admis leur
démission, s’ils avaient réellement démissionné, comme chacun a le droit
évident de le faire? En relisant l’I.S., on voit bien que nous avons signalé
plusieurs cas de démission (même pour un individu aussi louche que
Constant, dont la démission d’ailleurs ressemblait beaucoup plus à une
exclusion), sans que jamais je vire au jaune par dépit de n’avoir pas un plus
beau chiffre d’exclusion dans mes statistiques ! D’ailleurs l’incohérence de
tous ces gens éclate ici : la meilleure technique pour exclure beaucoup
serait de faire adhérer plus, évidemment ! C’est ce que l’ex-bureau nous
reproche de ne pas faire. Il pourrait tirer de là cette vérité que nous
réclamons aux « contacts » pouvant nous rejoindre plus de cohérence – et
de connaissances clairement comprises – pour n’avoir pas à les exclure. De
sorte que, lorsque nous disons que quelqu’un est exclu, c’est vrai. Il faut s’y
faire.
Les trois derniers exclus ont d’ailleurs si peu participé à l’I.S. qu’ils ne se
rendent pas compte maintenant combien leurs déclarations reprennent
parfaitement le ton et les découvertes de Nash et dix autres : dictature,
manie de l’exclusion, discipline politique. Seulement, comme ils avaient
prétendu, eux, être plus cohérents et instruits, ils sont en fait plus ridicules.
Guérin s’attriste du coup que nous allons porter au beau scandale de
Strasbourg – sans penser qu’il avait atteint son terme au congrès U.N.E.F.,
et que ce n’est qu’un paragraphe dans le scandale général qu’est l’existence
de l’I.S. Nous lui répondons que la question de la vérité en milieu
révolutionnaire est beaucoup plus importante que toute belle image (comme
nous lui disions déjà pour Ben Bella). De plus, nous n’allons pas parler tout
de suite de Strasbourg. Dans un grand tract9 que vous recevrez sans doute
mercredi, nous réglons seulement le compte des trois truqueurs, avec une
précision que tout lecteur de bonne foi trouvera définitive.
Cordialement,
Guy Debord

Lettre communiquée par la BDIC de Nanterre, fonds Daniel


Guérin.

1. André Bertrand, cf. Correspondance, vol. III, p. 149, note 2.

2. Daniel Joubert, cf. Correspondance, vol. II, p. 289, note 1.

3. Donald Nicholson-Smith, situationniste anglais.


4. La vérité est révolutionnaire et De la merde en milieu
situationniste, envoyés de Strasbourg par les exclus.

5. Vous foutez-vous de nous? Vous ne vous en foutrez pas


longtemps, texte diffusé par des membres du bureau de
l’A.F.G.E.S. (cf. I.S., no 11, p. 23-31).

6. Théo Frey, Jean Garnault et Herbert Holl.

7. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 1162-1169.

8. André Schneider, cf. Correspondance, vol. III, p. 173, note 2 et


p. 206, note 3.

9. Attention, trois provocateurs, tract-affiche du 22 janvier 1967.


I.S. au Groupe libertaire de Ménilmontant1

Paris, le 7 février 1967

Chers camarades,

Nous vous remercions pour les documents que vous nous avez transmis le
30 janvier.
Votre conception d’« actions parallèles et concertées… par des groupes
différents » (avec franches critiques réciproques) est tout à fait la nôtre.
Bien d’accord pour un dialogue avec vous (dialogue déjà entamé avec Guy
Bodson et d’autres camarades anarchistes). Nous espérons aussi
qu’apparaîtront quelques conclusions radicales dans un dialogue entre les
groupes d’anarchistes qui se sont manifestés, très sympathiquement pour
nous, ces dernières semaines : groupe Sisyphe, groupe de Rennes, Nanterre.
Faites-nous signe pour une rencontre quand vous voudrez.
Fraternellement, pour l’I.S.,

Debord, Nicholson-Smith, Viénet

1. Cf. Correspondance, vol. III, p. 210, lettre à Mustapha Khayati


du 9 mars 1967.

À Tony Verlaan1

18 mars 67

Cher Tony,
Merci pour toutes les informations de ta longue lettre.
Nous allons répondre plus précisément – pour tout ce que tu demandes –
après une réunion qui aura lieu dans trois jours, et où nous organiserons
mieux que jusqu’ici toute l’activité nécessaire pour l’actuelle situation
américaine.
À propos de la lettre attribuée à Bertrand, nous t’envoyons ci-joint un
« document officiel2 », à utiliser quand tu en verras le besoin, pour régler
radicalement cette incroyable et scandaleuse histoire.
Mustapha nous a raconté l’opposition que tu avais eue avec Bertrand à
Strasbourg (je pense que Joubert a confirmé très correctement les faits).
Naturellement, tu avais raison d’appeler « néo-garnautisme3 » des
enfantillages à propos de mes critiques « possibles » sur le texte mal tapé.
Je propose que tu exiges, devant les camarades américains, que l’on te
montre la lettre de Bertrand, si elle existe réellement. Tu peux aussi
demander cela en notre nom (envoie-nous une copie).
Il n’y a eu ici aucune décision nouvelle depuis la discussion à laquelle tu as
toi-même assisté (et qui renvoyait toute « adhésion » des Strasbourgeois à
l’I.S., après les vacances, et à condition de ne pas être à Strasbourg en ce
moment).
Si Bertrand a écrit une telle lettre contre toi, jamais il ne sera accepté dans
l’I.S.
Nous nous souvenons bien de tout ce qui s’est passé à Strasbourg, comme
ignoble sottise hypocrite, depuis six mois4. Nous sommes absolument
résolus à ne permettre aucune continuation des mauvaises habitudes de
Frey-Garnault-Ballivet, même si ce sont leurs « ennemis actuels » (qui ont
l’inconscience de vouloir être avec nous alors que leur place serait plutôt
avec eux) qui nagent à Strasbourg dans la même eau sale.
Si quelqu’un a eu l’impudence d’écrire une lettre de dénonciation contre toi
en Amérique, nous en tirerons toutes les conclusions.
Amicalement,
Guy
Lettre communiquée par Serge Le Bret, provenant des archives
I.S. de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam.

1. Tony Verlaan, situationniste de la future section américaine de


l’I.S.

2. Voir ci-après.

3. Cf. Correspondance, vol. III, p. 228, note 1.

4. Sur cette affaire, voir « Nos buts et nos méthodes dans le


scandale de Strasbourg », I.S. no 11, p. 23-31.

Le camarade Tony Verlaan a toute notre confiance, et peut prendre en notre


nom tout contact utile pendant son séjour aux États-Unis.
Paris, le 18 mars 1967
pour l’Internationale situationniste
Guy Debord, Raoul Vaneigem5

5. Signatures suivies du tampon de l’I.S.

À Raoul Vaneigem

Vendredi [24 mars 1967]

Cher Raoul,

On t’attend la semaine prochaine. Passe en arrivant chez l’Asiate1, où


t’attend la clef du local de Ménilmuche2.
Amitiés,
Guy

Carte postale de la rue Mouffetard surchargée d’inscriptions: « Au


printemps », « L’I.S. a raison », « Vive l’anarchie »,
« Vaneigem »…

1. Rue Saint-Jacques, chez Alice Becker-Ho.


2. Local du groupe libertaire de Ménilmontant.

L’I.S. à Jean-Marc Charmillon

Paris, le 23 mai 1967

Répugnant Charmillon,

Puisque tu avais l’impudence de nous écrire encore récemment, il faut donc


que nous te prévenions du fait que nous sommes évidemment au courant de
ta conduite, d’une stupéfiante bassesse, au congrès de Bordeaux1, en faveur
de la misérable bureaucratie joyeusiste2, et contre nos camarades
anarchistes.
Imbécile, truqueur, flagorneur, anarcho-refoulé, staliniste-inaccompli,
étudiant, n’essaie plus, charogne, de nous approcher ou de dire que tu nous
connais.
Pour toi comme pour d’autres, les situationnistes maintiendront cette
conclusion et la feront connaître maintenant et plus tard. Désormais,
menteur, c’est aux provocateurs garnautins qu’il te faut t’acoquiner.

Internationale situationniste3

1. Congrès de la Fédération anarchiste tenu à Bordeaux en avril


1967 (cf. « Les scissions de la F.A. », I.S. no 11, p. 66-67).
2. Néologisme formé sur le nom de Maurice Joyeux, cf.
Correspondance, vol. III, p. 141, note 2.

3. Tampon de l’I.S. en signature.

À Tony Verlaan

Paris, le 15 août 1967

Cher Tony, Chère Carol1,

On approuve avec plaisir votre programme de traductions.


À propos de Watts, peut-être devriez-vous faire, comme envisagent les
camarades anglais, la réédition datée de 1965 et suivie d’un autre texte
actuel, pour traiter l’évolution présente (et souligner combien nous avions
déjà raison) ?
Nous avons déjà écrit à la boîte postale de l’I.S. à New-York, pour
demander d’autres exemplaires de On the poverty2 (dix ou vingt
exemplaires).
On espère que vous recevez bien le courrier envoyé à cette adresse? Nous
envoyons cette lettre chez Beatrice, mais pourriez-vous nous préciser quelle
est l’adresse la plus sûre pour un certain temps ?
Nous avons été contents de rencontrer Murray Bookchin3 (et auparavant
Beatrice) ; et également Robert Chasse4 nous a écrit une lettre très
intéressante. Nous sommes très contents du développement de toutes ces
relations. Quel est votre planning pour les prochains mois ? Est-ce que
quelqu’un pense revenir en Europe dans quelque temps ? Nous pourrions
fixer en fonction de cette date la prochaine conférence de l’I.S.
Amitiés,
Guy, René 5

Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale


d’Amsterdam.

1. Compagne de Tony Verlaan.

2. Traduction de De la Misère en milieu étudiant…

3. Murray Bookchin (1921-2006), anarcho-communiste,


fondateur de l’« écologie sociale ».

4. Futur situationniste américain.


5. René Viénet.

À Tony Verlaan

Paris, le 3 octobre 1967

Cher Tony,

Nous avons été très contents de ton début d’activité en Amérique (les
contacts, la boîte postale, la publication d’une brochure).
Mais nous nous étonnons beaucoup à propos des points suivants : 1 – le
manque de contact entre nous. Nous n’avons pas eu de nouvelles de toi, ni
de réponse, depuis très longtemps.
2 – la publication d’une traduction de La Misère qui a été achevée sans
consulter Donald, comme il avait été convenu ; et qui contient plusieurs
fautes.
3 – l’étrange confusion sur cette question précise : des anarchistes de New
York disent que tu aurais été chargé par l’I.S. de faire une réédition de
Decline and Fall avec une mise à jour. Nous ne comprenons pas.
Nous souhaitons avoir rapidement des éclaircissements de toi sur ces
questions. Et, en général, d’amples informations sur la coordination de ce
que nous pouvons faire en Amérique et en Europe. Nous espérons avoir
bientôt une discussion directe avec toi quand tu viendras en Europe. Et en
tout cas quelques-uns de nous passerons à New York pendant l’hiver.
Amitiés,

Guy Debord, Mustapha Khayati,


Donald Nicholson-Smith, Raoul Vaneigem1
Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale
d’Amsterdam.

1. Noms suivis du tampon de l’I.S.

À Christian Sébastiani
Copies à Robert et Serge1

Bruxelles, 4 juin 1968

Cher Christian,

Communiquer à tous les membres de l’ex-C.M.D.O. que tous ceux d’entre


eux qui pourraient actuellement ramasser de l’argent (ou a fortiori, tenter
sans réussir d’en ramasser) ou se livrer en groupe à toute autre forme
d’action, ne doivent évidemment, en aucun cas, le faire au nom de l’I.S., ou
même en citant l’I.S. Si une si misérable extravagance avait été commise,
les personnes concernées seront naturellement traitées en conséquence.
Quoique depuis la dissolution du C.M.D.O., nous n’ayons plus à faire
connaître notre avis sur les actions que pourraient entreprendre pour eux-
mêmes les camarades réunis en ce moment; mais en tenant compte
cependant de l’estime réciproque qui a pu s’établir entre nous tous, et
d’autre part de la possibilité pour certains de se retrouver ultérieurement
dans une activité commune organisée avec nous, nous attirons leur attention
sur les points suivants :
1 – Bien prendre conscience du fait que la valeur du C.M.D.O. tenait à son
caractère de réponse révolutionnaire immédiate (assez adéquate) à un
moment révolutionnaire précis ; et donc devait s’arrêter là – à défaut, les
survivants auraient donné dans le genre groupuscule, en plus désarmés que
d’autres pour ce faire.
2 – Il s’agit maintenant, dans une période de reflux en France, de penser
tout ce qui est arrivé et l’avenir possible; d’en discuter entre eux pour en
arriver à une plus haute cohérence entre les gens qui se sont connus dans ce
moment.
3 – Ne pas se ridiculiser.

Pour l’I.S. (et les ex-Enragés2) :


Guy, Mustapha, Patrick, Raoul, René, René-Donatien

1. Membres du C.M.D.O. (Conseil pour le maintien des


occupations).

2. Patrick Cheval et René Riesel.

À Pierre Lepetit

16 août 1968

Cher Pierre,

On a trouvé une maison extraordinaire, avec un superbe escalier (voir la


flèche1). On te suggère de nous y rejoindre dès que possible.
Amitiés,
Guy
Charles Fourier
Alice
Lewis Carroll

Carte postale envoyée des Vosges.

1. Indiquant la maison de Pierre Lepetit, où étaient réfugiés Guy


et Alice avant que la gendarmerie ne les débusque le jour même
de l’amnistie générale.

À Raoul Vaneigem

Jeudi 10 [octobre 1968]

Cher Raoul,

Je reçois ta lettre exprès. Bien sûr, il faut limiter cette donation1 à des
tranches temporelles, renouvelables ou pas.
Après tout ce que nous avons déjà vu – en Suède et ailleurs – on serait bien
coupables de ne pas tenir compte de toutes les néfastes éventualités. Si tout
cela – comme c’est quand même bien probable – finit par représenter
quelque argent, on pourrait voir quelque nouveau nashisme se faire
reconnaître « plus légalement » que nous comme I.S., et utiliser cet argent à
nous combattre.
1. Donation, pour des droits posthumes à valoir sur le Traité de
savoir-vivre…, de Raoul Vaneigem, établie au nom de Guy
Debord en tant que directeur de la revue Internationale
Situationniste.

Autre chose, en plus de la fragilité naturelle – et artificiellement augmentée


– de nos vies : je ne voudrais pas être condamné à la direction d’I.S. jusqu’à
ce que la mort m’en délivre!
D’accord donc pour les tranches. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux réduire
cette tranche à trois ans ? (Si cinq ans ne constituent pas quelque
mystérieux minimum juridique?) Trois années, cela semble une unité
temporelle mieux adaptée au rythme de nos activités (et le premier destin
économique de ce livre se sera réalisé dans ce délai).
Je suis domicilié à Paris (3e), rue Saint-Martin, no 180.
Je t’attends mardi après-midi (chez Alice).
Amitiés,

Guy

I.S. à Robert Chasse


Copie pour Tony Verlaan

Paris le 14 octobre 1968

Cher camarade,
À propos des publications sur la crise française, tout est mauvais, excepté
peut-être Philippe Labro Ce n’est qu’un début, mais seulement en tant que
document; Lewino en tant que livre d’images1, et surtout Cohn-Bendit
(Gabriel et Dany) Le Gauchisme… 2 qui est le seul livre quelque peu
révolutionnaire paru jusqu’à présent. Le nôtre3 va être meilleur. Il va sortir
dans quinze jours. On va te l’envoyer.

Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale


d’Amsterdam.

1. L’Imagination au pouvoir (voir infra, lettre du 3 juin 1969).

2. Le Gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme.

3. Enragés et Situationnistes dans le mouvement des occupations


(Éditions Gallimard, collection Témoins).

Nous prenons bonne note des conclusions avec Tony et le R.A.C.4.


Nous sommes rentrés, au moins pour quelques temps à Paris. Viénet était
aussi avec nous à Bruxelles5 ; s’il n’a pas signé cette lettre, c’est par hasard,
il devait être absent au moment où nous avons expédié certaines lettres.
À propos du problème central que tu soulèves, voici notre opinion :
1 – Nous sommes certainement partisans d’une « internationale de
situationnistes » : elle existe même déjà, c’est l’I.S.
2 – Nous sommes aussi partisans des groupes autonomes, partout
(évidemment sans renoncer à la possibilité de nous entendre
organisationnellement sur la base I.S. totale avec des camarades américains
qui un jour voudront et pourront faire partie de l’I.S.).
3 – Considérant ta propre préférence, nous jugeons nous aussi préférable la
collaboration avec votre Council comme groupe autonome.
4 – Donc, dans cette perspective, c’est à Tony de choisir formellement à
quel groupe il voudra appartenir (Council ou I.S. ?). Naturellement sans
double appartenance, et sans esprit de noyautage.
Amitiés,

pour l’I.S. :
de Beaulieu, Debord, Khayati,
Riesel, Sébastiani, Vaneigem

4. Revolutionary Autonomous Council.

5. Bruxelles où fut rédigé collectivement Enragés et


Situationnistes, et que signera René Viénet.

À David Bieda1
19 octobre [1968]

Cher ami,

J’ajoute une information à notre lettre collective du 17.


J’ai reçu hier un exemplaire de La Société du spectacle, traduit et édité en
Italie depuis quelques jours (De Donato editore, Bari). Ceci peut ajouter un
argument dans tes discussions avec les éditeurs anglais.
Mais le point le plus important, c’est que je n’ai jamais été tenu au courant
par mon éditeur français2. Dès le départ, nos relations étaient froides, parce
que je refusais toute rencontre avec des journalistes. Et, depuis qu’il a
découvert la révolution menaçante, je crois qu’il regrette de s’être
compromis avec des idées subversives non dénuées de portée pratique; de
sorte que nous sommes ennemis.
Dans de telles conditions, pour que tu sois assuré d’avoir la traduction
anglaise, il faut donc que tu obtiennes d’urgence l’accord d’un éditeur
anglais, qui achètera lui-même les droits à Buchet et à Gallimard3.
Si nous sommes avertis en temps utile de l’identité de cet éditeur anglais,
nous pouvons évidemment intervenir pour exiger que la traduction soit faite
par toi et tes amis.
Bien cordialement,

Guy Debord

P.-S. : Ci-joint le choix de textes de l’I.S. qui a servi pour l’« anthologie »
italienne, à paraître chez Silva, à Gênes.

Photocopie communiquée par David Bieda à John Mac Hale.


1. David Bieda, du groupe londonien Circuit (cf.
Correspondance, vol. IV, p. 16), qui avait publié une traduction
de De la Misère en milieu étudiant…

2. Buchet-Chastel, premier éditeur de La Société du spectacle.

3. Pour les droits d’Enragés et Situationnistes…, op. cit.

I.S.-Paris à Robert Chasse


Copie à Tony Verlaan

Paris, 4 novembre 1968

Cher Robert,

Vu ta lettre du 23 octobre, nous sommes d’accord pour ton adhésion à l’I.S.


Nous sommes d’accord avec les points 1, 2, et 4 de cette lettre. À propos du
point 3, nous croyons qu’il faut le préciser ainsi : dès que Tony et toi vous
serez d’accord pour l’adhésion de Bruce1, nous considérerons aussi Bruce
(s’il le veut) comme membre de l’I.S. Au cas où votre divergence
continuerait, nous estimons qu’il faudrait d’abord que vous vous mettiez
d’accord sur un autre « troisième membre » du groupe, qui permettrait ainsi
de faire apparaître une majorité dans les discussions tactiques de votre
groupe, à commencer par le problème de chaque adhésion.
Pour préciser encore un peu nos positions sur l’organisation, les quinze
thèses de Guy sur l’organisation2 (avril 1968) ont été acceptées aujourd’hui
unanimement, avec cette précision sur le point 12 : que l’autonomie
pratique des groupes nationaux ne peut aller à l’encontre de notre solidarité
internationale sur la théorie générale et sur notre pratique de base
(particulièrement les exclus ou les gens avec qui un de nos groupes a rompu
doivent être immédiatement rejetés en tous pays).
Le groupe en France, après les expériences communes de la période
révolutionnaire, a maintenant « doublé ses effectifs » en s’accordant avec
les meilleurs de tous ceux qui ont collaboré avec l’I.S. à cette époque. La
sélection fut sévère!
Ceux de nous qui ont déjà lu Robin Hood rides again3 l’ont trouvé
généralement bon; et disent qu’il n’y a pas de critique fondamentale à faire.
Toujours pas de nouvelles de Tony, mais nous avons vu son frère Ignace.
Amitiés,

François-Hubert de Beaulieu, Guy Debord,


René Viénet, Patrick Cheval, Christian Sébastiani,
René Riesel, Raoul Vaneigem.
Le camarade Khayati absent à cette heure-ci approuve cette lettre.

Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale


d’Amsterdam.

1. Bruce Elwell.
2. Cf. I.S. no 12, p. 112-113.

3. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 15, note 2.

À Robert Chasse

Paris, le 21 novembre 1968

I.S.-Paris à I.S.-New York

Cher Robert,

On suppose que tu as reçu maintenant le Viénet1, envoyé par avion il y a


huit jours.
Pour toutes les traductions, à Grove Press ou ailleurs, nous sommes
d’accord pour que la maison d’édition fournisse les traducteurs, si tu peux
ensuite revoir et corriger.
On ne veut plus avoir de contacts avec Gray2, parce qu’il nous avait écrit il
y a six mois pour proposer d’achever sa traduction. Nous avions répondu
que nous accepterions qu’il fasse un tel travail en tant que traducteur
indépendant, à la seule condition qu’il nous expose par écrit ses positions et
ses conclusions sur la crise qui nous avait définitivement séparés de lui. Il
s’est refusé à cette clarification (par exemple, de nous communiquer par
écrit les opinions qu’il t’avait verbalement exposées à New York). Depuis,
Donald a essayé de reprendre contact avec nous, en écrivant seulement qu’il
pensait pouvoir corriger un « malentendu ». Nous avons refusé de le revoir.
Morea3 continue ses calomnies contre Tony et toi (en vous reprochant de
désarmer les révolutionnaires américains pendant la grève de Columbia).
Nous avons connu ces rumeurs très vaguement, parce qu’elles sont
propagées ici par quelques individus avec lesquels nous refusons tout
contact, et qui restent en relation avec Bookchin et autres du même style.
Nous vous mettons particulièrement en garde contre un nommé Jean-Louis
Philippe4 qui est au cœur de ce genre de manœuvres. Ce personnage, après
la crise du printemps, s’est d’ailleurs présenté chez quelques intellectuels en
essayant de leur extorquer de l’argent, et en prétendant qu’il opérait pour le
compte de l’I.S. Le crétin n’a presque rien obtenu, mais nous a nui tout de
même, parce que ces intellectuels hostiles savent bien que ce n’était pas
l’I.S., mais ont fait semblant de le croire5.
Parmi les nombreux nouveaux livres parus ici sur la révolution de mai, on
peut te recommander, avec des réserves, La Sorbonne par elle-même
(Éditions ouvrières) – il y a quelques falsifications à propos des documents
de l’I.S. – et, d’autre part, le livre de Jean-Louis Brau, Cours, camarade, le
vieux monde est derrière toi (Éditions Albin Michel) – c’est un livre assez
peu intelligent, mais l’auteur, qui est une ordure, est assez bien informé et
fait une grande place à l’I.S.
Amitiés,

Guy, Mustapha, François, René-Donatien

Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale


d’Amsterdam.
1. Enragés et Situationnistes…, op. cit.

2. Christopher Gray, exclu de l’I.S. le 21 décembre 1967 (cf. I.S.


no 12, p. 83-84).

3. Ben Morea, éditeur du bulletin Black Mask (cf. I.S. no 12,


p. 83-84).

4. Membre du C.M.D.O. en 1968.

5. Cf. I.S. no 12, p. 82.

À Yvon Chotard1

28 février 69

Cher Yvon,
Il est bien possible, en fin de compte, qu’Edgar2 veuille chanter victoire sur
son score électoral, quoique la réalité de l’enseignement cette année doive
plutôt lui tirer des larmes. Mais, nous sommes bien d’accord, le plus
important – pour maintenir notre jugement du « milieu étudiant » –, c’est
que la majorité même des boycotteurs est sans doute composée d’étudiants
respectueux et conformistes qui, soumis à une nouvelle pression de la
mode, ne veulent pas jouer ouvertement leur rôle d’étudiants respectueux.
Quant à « l’opinion publique », le seul aspect décisif serait de savoir ce que
les ouvriers pensent des syndicats : on ne peut pas compter sur les sondages
de l’I.F.O.P.3 pour nous éclairer là-dessus.
Il est vrai, sur le terrain universitaire, que les béni-oui-oui élus pour la
participation commencent à créer des problèmes, et peuvent être un
nouveau sujet de soucis pour Edgar. Il est amusant de lire Aron4, ces jours-
ci dans Le Figaro. Il exprime à merveille le point de vue de la classe
dominante : on peut sacrifier totalement l’enseignement en philosophie-
sociologie, etc., et les trois quarts des étudiants en langues, pourvu que les
grandes écoles et les disciplines scientifiques et médicales marchent, et,
surtout, que l’enseignement secondaire continue d’être assuré. C’est
évidemment là qu’est le point décisif dans la question des rapports entre le
fonctionnement de l’université et celui de la société. La paralysie du
secondaire est, à moyen terme, incompatible avec l’économie avancée.
Il y a, à Paris, des éclatements dans tous les groupuscules, ravageant
particulièrement les J.C.R.5 et leur bétail C.A.6 ; ceux qui doivent
normalement en tirer un bénéfice (en militants), c’est l’A.J.S.7 pour les plus
sérieux, et le maoïsme pour les plus débiles. Mais les maoïstes eux-mêmes
se décomposent en cinq ou six nuances, jusqu’aux «maoïstes noirs » qui
sont anarchisants et ont leur propre conception délirante de la révolution
culturelle anti-bureaucratique.
Le groupe des « Coquillards » a lui-même éclaté, ce crétin de Delaporte8
ayant fait une lugubre parodie du style de l’I.S. (qui n’est pas sans rappeler
nos « garnautins » – j’y reviendrai). Il reprochait à Rougyf8 de « parler » à
des gens d’un moindre niveau de cohérence qu’eux! Et puis, tout de suite, il
a reproché à Rougyf d’être lui-même inférieur à cette cohérence que
personne n’a jamais vue à l’œuvre, d’être un activiste, etc. L’idiot voulait en
plus notre bénédiction, on l’a envoyé se faire foutre.
Je pense que si votre groupe à Nantes se reforme sur une plate-forme plus
précise, ce ne sera tout de même pas « sur les bases de l’ancien Tocsin9 »
exactement. Ce groupe avait une part d’anarcho-syndicalisme que vous
avez certainement dépassée, avec l’idéologie en général.
Votre Adresse aux C.A. est, à ma connaissance, le meilleur texte publié en
ce moment par un courant du mouvement issu de mai. Peut-être devriez-
vous envisager, pour bientôt, un texte proposant plus explicitement une
forme de regroupement des groupes réellement radicaux qui existent en
France (toujours, sans presser les choses) ? Nantes peut avoir un rôle très
important, à cause d’un « prestige » justement fondé, qui est bien évoqué
dans le préambule de votre texte. Ce rôle suppose que vous ayez un groupe
restreint parfaitement autonome, qui n’ait pas de trop graves problèmes
internes. Par « autonome », j’entends : un groupe qui ne porte pas la
responsabilité de tout ce que peuvent faire les étudiants de Nantes,
évidemment.
Évidemment, il faut aussi surmonter «l’autocritique paralysante ». Le
problème est d’être plus que militant, et non moins (tout en rejetant
l’ensemble des traits idiots facilement repérables du militantisme).
Voici la citation exacte de Marx (qui avait été publiée dans I.S. 8) :

« Notre mandat de représentants du parti prolétarien, nous ne le


tenons que de nous-mêmes, mais il est contresigné par la haine
exclusive et générale que nous ont vouée toutes les fractions du
vieux monde et tous les partis. » Marx, Lettre à Engels, du 18 mai
1859.

(Marx communique ici à Engels ce qu’il a répondu, à des ouvriers je crois,


pour exposer le genre de parti historique informel qu’il considère composer,
avec quelques amis, au nom de leurs positions critiques, et pas au nom d’un
recrutement quelconque dont ils seraient les élus ou les dirigeants, les
« responsables ».) C’est entre l’éclatement de la Ligue des communistes, au
début des années 50, et l’adhésion à l’Internationale organisée de 1864.
À propos de l’I.S. : il est vrai qu’il y a un fâcheux « mythe situ », revers de
la médaille, je suppose, des résultats heureux que nous avons obtenus, et du
style nouveau – donc un peu étrange – qui nous a paru nécessaire pour
avancer dans cette voie. Il l’était…
Il me semble que le problème est essentiellement sur ce point : on ne peut
guère nier que nous avons fait du bon travail. Ceci déchaîne une sorte
d’envie malsaine, pas seulement chez les tenants des vieux groupuscules
répétitifs (y compris anarchistes), mais chez tous ceux qui n’ont pas adopté
une attitude si radicale, dans la critique théorique et dans la conduite
pratique. D’autre part, ceux qui croient maintenant qu’il est possible
d’adopter abstraitement une telle attitude se sentent frustrés de n’avoir pas
été là, ou bien de n’être pas « reconnus » par nous avec enthousiasme
comme indistincts de nous.
Mais en fait les problèmes d’aujourd’hui sont nouveaux, et la manière
actuelle d’être « à la hauteur » de cette « glorieuse » I.S., pour les autres et
aussi pour les situs aujourd’hui, ce ne peut être qu’expérimenter et
découvrir les réponses plus avancées d’un moment plus avancé.
Affectivement, on nous reproche surtout de ne pas recruter plus de gens.
Mais n’est-il pas évident que nous serions devenus un groupe hiérarchique
(efficace ou non, c’est une question subordonnée par rapport à cette
question de méthode) en acceptant tous les « admirateurs » abstraits ? Ceci
était vrai des années avant mai ; et serait pire encore aujourd’hui.
On nous reproche les exclusions. Il faut se rendre compte que nous avons
évité cent ou deux cents exclusions, simplement en étant sceptiques sur les
gens qui se déclaraient d’accord. Bien sûr, il était également possible, dans
cette triste perspective, qu’il y ait eu moins d’exclusions, tout simplement
parce que le sens de l’I.S. aurait pu changer. Ceux qui ont « imposé » les
vues dont le résultat brut est maintenant un acquis pour tout le monde dans
le nouveau mouvement révolutionnaire auraient pu disparaître, et l’I.S.
serait devenue un groupuscule quelconque.
L’autre aspect – retentissant – des exclusions vient tout simplement de ce
fait que nous avons eu une activité non dénuée d’importance. Des résultats
non négligeables étaient chaque fois en jeu. Tandis que toute scission dans
le groupe Noir et Rouge, ou même dans Socialisme ou Barbarie, a laissé
tout le monde parfaitement indifférent. Je dis plutôt « scission », car ces
gens, racolant tout ce qu’ils peuvent, et ne posant guère, par leur non-
pratique, des problèmes réels, n’excluent pour ainsi dire pas. Si toute
connerie est permise, et d’ailleurs anodine, et si rien de bien ou de mal ne
peut de toute façon en sortir, pourquoi donc en viendraient-ils à ce luxe
d’exclure qui que ce soit? Voilà donc ce que les « connaisseurs » du vieux
gauchisme nous reprochent principalement (je passe sur toutes les
calomnies purement dépourvues de base, style : « Ils ont trouvé de l’argent,
c’est donc qu’ils étaient des gens riches. »). Mais, après tout, nous n’avons
rien fait pour devenir populaires dans le milieu étudiant ou gauchiste. Et, si
nous le sommes à présent, ce ne peut être que sous une forme « grinçante »
qui ne nous affecte aucunement. Puisque nous n’avons pas pris en
considération un tel but au départ, nous restons les mêmes après y être
« arrivés ».
Ceci dit, il est évident qu’il y a un bon nombre de problèmes réels, plus
difficiles à cerner, hélas, dans le fonctionnement de l’I.S. ; et surtout dans
cette question de ceux qui y participent, ou non.
Désormais, tous les problèmes vont s’élargir, parce que le mouvement
révolutionnaire commence à exister; ce qui peut à la fois les compliquer et
donner les moyens de les résoudre.
L’I.S. a été jusqu’ici une sorte de pré-organisation révolutionnaire, et cette
époque, comme je le dis dans mon texte d’avril10, a plutôt été réussie,
malgré des défauts évidents. La prochaine époque est problématique, et
dépend finalement des résultats que saura atteindre l’ensemble du nouveau
mouvement (dont il ne faut pas non plus exagérer la conscience et le début
de liaison). Je crois aussi que tu as raison sur ce point : finalement, nous
avons fait preuve d’« une trop grande souplesse » en admettant encore trop
de gens qui se proclamaient d’accord sur des choses trop difficiles (pas
seulement théoriques). Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons été
incapables de faire mieux; et je ne vois pas encore quel contrôle préalable
plus rigoureux serait « sûr ». Mais le « mythe situ » dont nous parlons a
sans doute fait plus de ravages dans l’I.S. qu’à l’extérieur. Certains s’y sont
glissés avec des espérances quasiment mystiques, l’étiquette les a grisés, et
même un début d’idéologie sur « l’excellence des situs » avait tendance à se
constituer, rendant les « débiles dissimulés » tout à fait répugnants, et
portant quelques situs honnêtes à l’optimisme, quelque peu indifférent aux
réalités.
Cependant, il n’y avait – il n’y a encore – parmi les gens que nous
rencontrons qu’assez peu d’individus capables même de donner
l’impression qu’ils peuvent vraiment s’employer dans l’activité que nous
avons définie.
Je fais ici une parenthèse (inutile, je pense, mais autant préciser) pour éviter
toute obscurité en ce qui te concerne, puisque cette supposée fierté de
l’appartenance à l’I.S. fait partout de la fumée : il est bien évident que, toi,
en tant qu’individu que nous avons vu à l’œuvre, tu serais accueilli dans
l’I.S. immédiatement avec une satisfaction unanime. Mais il est tout aussi
sûr que nous nous interdisons de noyauter ou contrôler des groupes en nous
entendant avec leurs meilleurs participants.
À propos de l’exclusion des garnautins, je pense que tu as mal lu, ou plutôt
oublié, les textes sur cette affaire : il s’agissait exactement de mensonges et
manquements graves (conspiration pour faire exclure Khayati sur de faux
témoignages), et c’est seulement sur cette découverte objective que nous
ajoutons l’explication d’une débilité personnelle chez ces individus (la
débilité n’étant certainement pas d’origine théorique, ni fondée sur
l’ignorance de nos thèses et de celles des révolutionnaires du passé ; mais
dans leur vie « privée » d’abord, et occasionnellement dans le manque
d’activité pratique commune avec nous, où un apparent hasard les avait
laissés pour toute leur première année dans l’I.S.). Naturellement, après en
être arrivés là, ils sont devenus débiles aussi pour théoriser, parce que le
mensonge ambitieux est toujours une base pourrie pour n’importe quel
effort de formulation intellectuelle.
Mon texte d’avril était destiné à une discussion que mai a tout de suite
interrompue. Reprise en octobre, elle donnait unanimement cette conclusion
que la suite avait confirmé en pratique l’essentiel de ma perspective.
J’admettais aussi que l’I.S. en mai avait pu commencer à répondre
positivement au problème que j’avais soulevé (être efficace dans un stade
ultérieur qui approchait, ou bien disparaître). Il s’agirait donc de continuer,
alors que le terrain d’action s’enrichit toujours.
Le seul point discuté (par Vaneigem) fut celui du droit aux tendances. Il a
été adopté.
En fait, il y a eu toutes sortes de tendances dans les premières années de
l’I.S., connues et ouvertes. Depuis 1962-63, on était parvenu à une certaine
cohérence dans la théorie, qui est visible aussi. Ce résultat, accompagné
d’une assez faible dose de problèmes pratiques réels, et surtout de
problèmes nouveaux tels que les pose à tout instant une action pratique
développée (allant aussi avec le fait que le fonctionnement d’un très petit
groupe de gens bien d’accord peut souvent avoir l’air d’« aller de soi »),
formait un milieu favorable pour une sorte d’idéologie de la cohérence. Les
plus bêtes ou refoulés risquaient d’en être toujours les plus « radicaux »
porteurs. Vaneigem ne partage pas ce conformisme : il ne s’oppose pas à ce
qu’il y ait des tendances, il se déclare incapable d’imaginer ce qu’elles
pourraient être – étant entendu qu’elles se placeraient vraiment sur notre
base générale. Disons que les autres estiment moins que Vaneigem que
l’I.S. implique déjà dans sa méthode une perfection de son développement.
N’importe quelle expérience de la pratique montre qu’il y a une foule de
débats possibles, et qu’il est stérilisant de prétendre les dépasser d’avance,
ou les résoudre par une unanimité terroriste.
Je crois que la lettre est assez longue pour cette fois. Il est vrai qu’il vaut
mieux discuter de vive voix des questions compliquées. Amitiés,

Guy

Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Louis


Lefrançois.
1. Yvon Chotard (cf. Correspondance, vol. III, p. 243) devenu
depuis avocat, conseiller municipal sous diverses couleurs
politiques.

2. Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale.

3. Institut français d’opinion publique.

4. Raymond Aron, éditorialiste au Figaro.

5. Jeunesse communiste révolutionnaire.

6. Comité d’action.
7. Alliance des jeunes pour le socialisme.

8. Membre du C.M.D.O. en 1968.

9. Cf. Correspondance, vol. III, p. 270, note 4.

10. «La Question de l’organisation pour l’I.S. » (I.S. no 12,


p. 112-113).

P.-S. : Pour Coco11, pense ce que tu veux de sa subjectivité : tu le connais


mieux que moi. Nous, nous considérons qu’un individu aussi truqueur, qui a
une sale histoire et qui de son propre aveu a accepté de renseigner la police,
doit être considéré comme dans les mains de la police, quoi qu’il croie
vouloir faire. Il a dit en Italie qu’il fréquentait l’I.S. depuis des années, et
avait collaboré au livre12 à Bruxelles.

11. Dit Coco de Nantes (cf. Correspondance, vol. IV, p. 22-23).


12. Enragés et situationnistes, op. cit.

À Walter Lewino1

Paris, le 3 juin 69

Camarade Lewino,

Merci pour la phynance2,


Sans temps mort, sans entraves.

Tampon de l’Internationale situationniste


précédé des signatures de plusieurs de ses membres

1. Qui avait publié chez Éric Losfeld L’Imagination au pouvoir:


inscriptions murales de Mai 1968, majoritairement inspirées de
l’I.S. (photos de Jo Schnapp).

2. Walter Lewino versait à l’I.S. la moitié de ses droits d’auteur.

À Pierre Lepetit

Mercredi 9 [juillet 1969]


Cher Pierre,

D’accord pour repousser cette fête mexicaine à mercredi prochain (le 16).
Amitiés,
Guy

P.-S. : Rappelle à René1 d’apporter mardi les trois photos tirées d’Eduardo2.
Merci.

1. René Riesel.

2. Eduardo Rothe.

Au président du tribunal
de grande instance de Paris

Paris, le 29 mars 1970

Monsieur le Président,

Convoqué, à la requête de mon épouse Michèle Debord née Bernstein, pour


comparaître par devant vous le 14 avril 1970 à 14 heures 30, en votre
cabinet n° 1, pour une tentative de conciliation, j’ai l’honneur de vous faire
savoir que, toute conciliation étant hors de propos, je n’ai pas l’intention de
m’y rendre.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées,

G. Debord

Lettre relative à un divorce concerté.

À Tony Verlaan

10 juillet 70

Cher Tony,

On a commencé à discuter mardi dernier le court texte que je t’ai envoyé (à


propos du téléphone1). Ce n’est certes pas fini. Le débat s’est d’ailleurs très
vite étendu à la faiblesse générale du Comité de rédaction français, ce qui
englobe ses mauvaises méthodes de travail et, finalement, toute la question
de la hiérarchie supportée parmi nous dès que l’on y supporte la présence de
gens par trop inférieurs.
Riesel a repris une critique, bien plus rude qu’avant, de l’insuffisance
intellectuelle de François2, et surtout de sa façon générale d’être, qu’il avait
auparavant dénoncée comme médiocre, mais qu’il croyait devoir
maintenant qualifier de « minable ». Comme tu sais, le mot est très dur –
surtout quand il qualifie quelqu’un dans son comportement total. François a
répondu qu’il ne voyait rien de précis dans ces attaques ; et qu’il supposait
que c’était là affaire de caractère. Raoul et Christian ont déclaré qu’il était
impossible que ce degré de mépris soit accepté parmi nous, comme une
chose toute naturelle. C’était bien l’avis général, et nous avons conclu que,
si les choses en viennent à ce point, nous sommes obligés de choisir qui a
raison.
Alors François – dont le style de réponse avait été une sorte de
démonstration mathématique de la vérité de la thèse de Riesel – a annoncé
sa démission.
Je crois qu’aucun problème n’est réglé pour cela; mais voilà au moins un
faux problème qui disparaît vite et bien.

Je ne t’apprends ce détail que pour la forme, puisque tes prévisions de


Venise englobaient, je crois, ce cas ?
À bientôt? J’espère que Mathias arrive. Amitiés,

Guy

Photocopie communiquée par Serge Le Bret.

1. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 243-244.

2. François de Beaulieu.

Au président du tribunal
de grande instance de Paris

Paris, le 4 juin 1971


Monsieur le Président,

Convoqué, à la requête de mon épouse Michèle Debord née Bernstein, pour


comparaître par devant vous le 18 juin 1971 à 14 heures 35, en votre
cabinet n° 2, pour une tentative de conciliation, j’ai l’honneur de vous faire
savoir que, toute conciliation étant hors de propos, je n’ai pas l’intention de
m’y rendre.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées,

G. Debord

À Daniel Denevert1

26 février 72

Cher Daniel,

Le fait que tu es très éloquent dans l’écriture rencontre malheureusement la


circonstance que j’ai en ce moment très peu de temps pour écrire des lettres.
J’aurais beaucoup de choses à répondre à ta dernière lettre, mais je préfère
t’en parler de vive voix. Je suis sûr aussi que l’on peut parler de tout ce qui
peut s’écrire, et que le dialogue direct ne manquera pas de s’améliorer à
l’usage.
Pour s’en tenir au plus général, je trouve que les questions que tu veux
traiter sont la matière d’un livre fort intéressant; et que tu devrais
l’entreprendre. Je pense comme toi que la forme « dictionnaire » est très
difficile à écrire, et plus encore à lire comme il conviendrait. Mais tout le
reste est ouvert.
Il est vrai qu’il y a, dans un côté du révolutionnarisme actuel, un aspect
« regret de l’âge d’or », qui n’est pas formellement énoncé, mais que l’on
peut sentir – par exemple dans beaucoup de pages de Vaneigem. Il faut le
critiquer, surtout si l’on estime que les conditions actuelles de vie – se
détériorant – risquent de renforcer cette réaction affective (qui devient
presque franchement idéologie dans le courant « écologiste » du gauchisme
américain). C’est que la perte de la vie est un phénomène bien réel (par
exemple, qui a vécu les vingt dernières années à Paris a pu assister à une
«perte de la ville »), mais, évidemment, il n’existe qu’à l’intérieur même
d’une forme de vie fondamentalement déjà « absente ». J’ai évoqué, dans le
« Spectacle », les deux ou trois époques où l’on peut reconnaître une
certaine vie historique dans le passé, et leurs limites. À considérer ceci
froidement, il apparaît que, sur l’ensemble de l’existence du vieux monde,
on n’a pas eu grand’chose à perdre.
Contrairement à toi, je crois qu’« après l’I.S. », il reste beaucoup d’idées
essentielles à découvrir (et parfois à redécouvrir). L’I.S. a d’ailleurs trouvé
très peu d’idées essentielles : deux ou trois, ce qui est un résultat
extrêmement riche, parce que beaucoup de mouvements qui ont compté
dans l’histoire n’en avaient trouvé qu’une, ou même pas vraiment une. Par
contre, nous avons pu ramener dans le jeu plusieurs conceptions
révolutionnaires anciennes – qui devaient revenir de toute façon – et, étant
donné, d’une part le terrain historiquement favorable, mais d’autre part nos
très faibles moyens, je trouve que notre stratégie fut assez remarquable en
cela.
Vous écriviez dans L’intelligence2 : « L’I.S., elle-même, a en partie
contribué à s’assujettir aux procédés spectaculaires » (en donnant une
certaine prééminence à «ce qui fut positivement réalisé »). Quoiqu’il y ait
certainement là quelque chose de vrai, c’est une vérité elle-même
simplement positiviste. La constatation est abstraite, non historique.
1) Si nous n’avions pas énoncé – positivement, je veux bien – la part de
négatif, en théorie et en actes, que nous avions réalisée, qui donc l’aurait
fait ? Cela n’eût certes jamais couru le risque d’être contemplé comme
positif, mais ce ne serait pas entré dans la lutte historique. Des millions de
prolétaires restent, en tant que prolétaires, purement négatifs pendant des
dizaines d’années. C’est au point que personne ne le reconnaît vraiment;
même pas eux, qui alors se reconnaîtraient faussement en tant qu’électeurs
ou joueurs de tiercé.
(Voilà bien les ruses de l’histoire dans les trois lignes précédentes, trois
stylos à bille sont arrivés à leur fin 3…)
2) On peut maintenant montrer précisément en quoi – on peut même voir
souvent qui ! – l’I.S. a trop laissé passer son éloge. Tout, bien sûr, pouvait
être fait partiellement mieux : la preuve est que cette critique a été soulevée
dans l’I.S. depuis des années, mais n’a elle-même que partiellement réussi.
Il faudrait donc montrer concrètement ce qui a été manqué. On ne le juge en
fait que d’après ce qui a été réussi. (Sans quoi il n’y aurait même pas de
« juges » capables, pour cette opération même de juger le résultat). Il faudra
donc critiquer le tout dans son développement. Il me paraît plus simple que
vous reveniez dîner chez moi. Ceci vous évitera un voyage supplémentaire.
Et je ne suis pas trop pressé de voir Sevran, ayant déjà connu Sarcelles. Je
vous propose de venir vendredi prochain vers 19 heures; avec Paulette que
j’ai rencontrée dimanche dernier chez les camarades portugais.
Amitiés,

Guy

Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Ken Knabb.

1. Daniel Denevert, cf. Correspondance, vol. IV, p. 480, note 1.

2. Pour l’intelligence de quelques aspects du moment.


3. D’où la mauvaise qualité du document.

Au percepteur du 3e arrondissement

Paris, le 28 janvier 1973

Monsieur le Percepteur,

Je reçois un avertissement (dont référence ci-jointe), m’enjoignant de payer,


à titre de tiers provisionnel, pour l’année 73, la somme de 5 490 F.
Or ce tiers provisionnel est encore calculé sur les salaires de mon ex-
femme, Mme Michèle Bernstein, en l’année 1971.
J’ai divorcé d’avec Mme Bernstein en janvier 1972. Je me suis remarié, en
août 1972, avec Melle Alice Becker, dont les ressources sont très
différentes, et inférieures, de celles de Mme Bernstein. Mme Bernstein, qui
a changé de domicile, d’arrondissement, et de perception, s’occupe
désormais elle-même de payer les impôts correspondant à son salaire. Elle
était allée vous l’expliquer au début de l’année 1972, et vous lui aviez
confirmé que je n’avais aucunement à verser de tiers provisionnel sur les
ressources d’un mariage dissous.
Je pense donc ne pas avoir à vous verser le montant de ce tiers provisionnel
– je ne serais d’ailleurs pas en mesure de le faire.
Par contre, je vous enverrai en temps voulu la déclaration de mes revenus
en 1972 (et de ceux de Melle Becker, désormais Mme Debord), et vous
réglerai bien entendu les contributions qui en découleront, et qui
correspondront à la modicité de nos ressources actuelles.
Veuillez croire, Monsieur le Percepteur, à l’assurance de mes sentiments
distingués.

Guy Debord

Au percepteur du 3e arrondissement

Paris, le 9 mai 1973

Monsieur le Percepteur,

Me référant à ma lettre du 28 janvier 1973, je vous rappelle que les


demandes de tiers provisionnels d’un montant de 5 490 francs qui
continuent de m’être adressées (180, rue Saint-Martin) correspondent en
fait aux versements dus, sur la base de ses salaires précédents et actuels, par
mon ex-épouse, Madame Michèle Bernstein (57, rue du Temple, Paris 4e)
dont je suis divorcé depuis janvier 1972.
Selon les termes de votre réponse du 31 janvier 1973, je fixerai donc moi-
même et sous ma responsabilité le montant de mon versement provisionnel
à 200 francs, ceci pour la bonne forme de votre comptabilité et sous réserve
des rectifications que vous voudrez bien opérer ultérieurement.
Il se trouve, en effet, que mes seuls revenus imposables pour l’année 1972
se sont élevés à 4 331 francs de droits littéraires. La déclaration que je vous
ai adressée à la fin de janvier en commun avec ma nouvelle épouse, Alice
Becker, comportant un total imposable de 20 646 francs, il me semble que
le tiers provisionnel habituellement attribué à Alice Becker, et compte tenu
du calcul sur deux parts, n’aura pas à être augmenté pour cette année 1972.
Je vous prie donc de trouver ci-joint un chèque de 200 francs sur la Banque
commerciale pour l’Europe du Nord, ainsi qu’un chèque de 930 francs,
d’Alice Becker, sur le Crédit commercial de France.
Veuillez agréer, Monsieur le Percepteur, mes salutations distinguées.

G. Debord

À Jacques Le Glou

[Mars 1974]

« PROMOTEUR, NE RONGEZ PLUS VOTRE FREIN


Vous avez acquis une solide expérience dans la promotion
immobilière et vous avez une formation TP, AM, HEC, ESSEC,
ESCP. C’est pourquoi vous nous intéressez.
Nous pouvons satisfaire votre esprit d’entreprise et votre sens des
responsabilités dans l’exercice d’une fonction de
CHEF DE PROJETS IMMOBILIERS1 »

Naturellement, vous aurez lu comme il convient les sigles bien connus :


– Terroriste prolétarien,
– Anarcho-marxiste,
– Héros de l’expropriation communiste,
– Expert en sabotage situationniste et conseilliste,
– Exterminateur des syndicalistes, capitalistes et policiers.
Par ailleurs, nous vous rappelons que, si vous désirez travailler dans une
autre branche en pleine expansion – où les peines de prison sont
généralement plus modérées – les mêmes brillants diplômes vous ouvrent
également la carrière de chansonnierdétourneur 2.
Votre vieil ami,

Gondi

Additif à la lettre parue dans le volume V de la Correspondance,


p. 134-135.

1. Encart publicitaire collé en tête de la page.

2. Allusion au prochain disque Pour en finir avec le travail (cf.


Correspondance, vol. VI, p. 133, note 1).

À Jacques Le Glou

Jeudi 30 mai [1974]

Cher Jacques,

Merci de ta réponse immédiate, que j’ai reçue hier : je veux dire la lettre
que tu as envoyée ici1 ; car l’autre n’est toujours pas arrivée. Je te
demanderai donc de passer voir ma boîte aux lettres rue Saint-Martin
(239)2. Et de m’envoyer directement tout ce que tu y trouveras peut-être.
Ensuite, je pourrai relancer les postiers pour l’avenir.
On t’envoie par le même courrier la clef de cette boîte aux lettres, dans un
petit paquet recommandé. Merci encore.
Désolante Colombo3 ! Tant pis pour elle. L’important est que ce disque
sorte au plus vite, même avec une chanteuse moins remarquable. Pour le n°
2, tu auras l’embarras du choix entre dix chanteuses au moins.
On espère que tout ce travail de fabrication te laissera une semaine dans
l’été pour venir voir notre montagne. Amitiés,

Guy

P.-S. : As-tu remarqué que, depuis huit jours, les pourris du Monde ont fait
disparaître de la liste des exclusivités, non seulement mon film4, mais le
« Studio Gît-le-Cœur » aussi ?
Peux-tu me trouver le n° 87 du Point où il y avait, me dit-on, un article sur
le film ? Ce doit être le numéro qui a paru le lundi 20 mai.

1. En Auvergne.

2. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 114 (lettre à J. V. Martin).

3. Pia Colombo qui renonçait à interpréter des chansons du disque


Pour en finir avec le travail.
4. La Société du spectacle, cf. Correspondance, vol. V, lettre du
25 juin 1974 (p. 172).

À Anne Krief et Jaime Semprun

Mardi 10 juin [1975]

Chers Anne et Jaime,

Merci de tous vos envois. Comment faites-vous pour lire L’Espresso dans le
fond de la Bretagne ? Ici, je ne lis que Le Monde, et encore faut-il pour cela
s’y être abonné.
Le quasi-boycott des journaux sur La Guerre sociale 1 n’est pas étonnant,
mais tout de même fâcheux. Pauvre Roy2 ! Et que fera Bott2 ? Pitié sans
doute, comme d’habitude. Lebovici ne devrait-il pas faire passer une ou
deux publicités pour prévenir un peu de son existence le public qui,
forcément, attend ce livre ?
Balland3, je vois en effet ce que c’est : parti de rien, il est arrivé à la misère.
On dit même que la faillite est toute proche.
Le crétinisme des journalistes italiens concernés est assorti d’un
provincialisme singulier. Pour eux, toute l’importance est dans la période
1957-60, parce que l’I.S. y avait un certain caractère piémontais ; et cette
période même, ils ne la connaissent pas. Je crois comprendre que
l’événement central, autour duquel ils entassent leurs bribes d’érudition, se
ramène à ceci : une rétrospective miséreuse de « peinture industrielle » a été
perturbée par des ultra-gauchistes qui se présentent en héritiers de l’I.S. En
tout cas, ce que ceux-ci ont fait de bien, c’est de dire que l’I.S. n’existe plus
depuis 1972. Cette vérité est d’autant plus utile en Italie que « tous les
représentants du vieux monde et tous les partis » prétendent y traquer ce
fantôme, cette chère vieille taupe. Ceci devrait rassurer Gianfranco, à moins
qu’il n’en soit plutôt désolé (je n’ai plus eu aucune nouvelle de lui, ni de
son pamphlet 4, depuis plus d’un mois).
Si la farce est vraiment nécessaire pour que l’humanité se sépare
joyeusement de son passé, on mesure chaque semaine les progrès du
monde, notamment en France. Quand on voit les camarades-putes occuper
les églises, et déclarer qu’elles ne se laisseront pas « manipuler » par ceux
qui veulent « récupérer » leur mouvement, je me réjouis de n’avoir pas
perdu le temps que j’ai passé à perturber cette malheureuse époque.
Je suis un peu moins optimiste qu’Alice sur l’ignorance des loulous de la
porte des Lilas5 à propos de l’I.S. Je soupçonne quelques-uns d’entre eux
d’en connaître quelque chose. Mais ce qui est certain, c’est que personne ne
m’a reconnu. C’est heureux, et cela permet de mesurer mieux l’état d’esprit
moyen de jeunes ouvriers d’aujourd’hui : il est très encourageant pour nous,
et tout à fait désespérant pour le système et ses souteneurs.
Je suis sûr que le maçon fera son œuvre avant votre arrivée. Je lui ai
expliqué la nécessité de cette chambre pour des amis que j’attends, et il m’a
assuré que ce serait fait. In vino veritas : il avait l’air extrêmement sincère.
Je suis impatient de voir Anne dans de nouvelles danses.
Amitiés,

Photocopies d’une série de lettres manuscrites communiquées par


leurs destinataires.

1. La Guerre sociale au Portugal, de Jaime Semprun (Éditions


Champ libre, 1975).
2. Claude Roy et François Bott, journalistes.

3. L’éditeur André Balland.

4. Véridique Rapport sur les dernières chances de sauver le


capitalisme en Italie, par Gianfranco Sanguinetti.

Guy

5. Jeunes de la banlieue parisienne venus s’installer en Haute-


Loire (cf. Correspondance, vol. V, p. 400-401).

À Jaime Semprun

20 juin 75

Hombre !

On dirait que la lutte finale a commencé à Lisbonne. J’aimerais avoir des


nouvelles du succès de ton livre.
Votre chambre se construit en ce moment même, à grand bruit : ce qui me
tire du lit tous les matins à 6 heures et demie.
Cette misérable carte postale ne rend pas du tout justice au mont Bar1, qui
est mon volcan favori : c’est au-dessous de celui-ci que nous résidons.
Amitiés,
Guy

Carte postale.

1. Volcan éteint sur la commune d’Allègre (Haute-Loire).

À Jaime Semprun

3 juillet 75

Cher Jaime,

Je crois que notre éditeur a raison de vouloir éviter l’air de faiblesse que
comporte une publicité pauvre. Mais pourquoi n’avoir pas choisi en temps
utile la solution d’un certain « matraquage » ? Pour un livre de ce genre, ce
matraquage n’avait pas vraiment besoin d’être «à grande échelle ». Et c’eût
été parfaitement honorable, parce qu’il ne s’agit pas d’un roman. Quelque
allure de diffusion « militante » était justifiée par la nécessité de briser un
boycott qui, dans ce cas, ne pouvait être une surprise – et dont Champ libre
en général commence à avoir une solide expérience.
Je comprends que Lebovici soit déjà content du premier succès atteint. Je
pense même que, d’un certain point de vue, ce livre a le temps devant lui
pour trouver son public par infiltration. Mais, tout de même, dans la mesure
où il peut influencer une situation qui évolue de jour en jour, j’aurais
évidemment préféré lui voir quinze mille lecteurs dans le premier mois que
quatre mille d’ici à la rentrée.
Je n’ai pas une très grande confiance dans les projets de réédition rapide
des livres de Champ libre. La Véritable Scission1 , par exemple, avait été
tirée, je crois, à huit mille exemplaires. Cinq ou six mille ont dû se vendre
dans les premières semaines. Et depuis, ce n’est pas encore épuisé, car il
doit s’en vendre cinq cents par an. Ceci veut dire que Champ libre n’est
réellement diffusé dans le grand public qu’au moment de la parution;
ensuite il reste l’intérêt d’une couche spécialisée, qui ne grandit que
lentement. Il faudra justement le large « succès » de quelques livres pour
multiplier le nombre de ces spécialistes « avancés ». Champ libre connaît
ainsi quelques succès relatifs avec des chiffres qui sont toujours très rares
dans l’édition courante, où les rares succès commencent à vingt mille
exemplaires, ou peut-être déjà à douze ou quinze mille; tandis que les
échecs – qui sont, bien entendu, la règle générale – représentent une vente
de cinquante à deux cents exemplaires, et les «succès d’estime » – eux-
mêmes assez rares, et qui signifient que l’éditeur est rentré dans ses frais –
sont aux alentours de deux mille exemplaires. Je crois que l’on peut
considérer, économiquement, que, pour la moyenne des éditeurs, un bon
succès paye les dépenses d’une centaine d’échecs, et un deuxième succès
là-dessus peut leur apporter de considérables bénéfices. Au contraire, à
Champ libre, il y a un certain nombre de titres dont chacun compense les
frais de quatre ou cinq inepties parfaitement invendables, mais pas encore
de grand succès commercial (ce qui veut dire aussi : pas de grande diffusion
ayant un impact politique instantané). Cependant, cela devrait finir par
arriver (ce qui, du même coup, fera lire Cieszkowski et les Campagnes de
Clausewitz), et rien ne sera un meilleur thème que le Portugal en ce
moment. Espérons donc lire Roy dans l’Observateur. La charogne de
Libération, avec le ton répugnant de Charlie-Hebdo, et le même manque de
courage qui se déguise en pirouettes peu désinvoltes, me paraît finalement
assez favorable au livre. En tout cas, il cite. Il a été impressionné, sans
doute parce que c’est déjà assez lu et discuté dans son milieu; et les autres
rédacteurs sont probablement beaucoup plus hostiles que lui, d’où son ton
ambigu. Le plus amusant, c’est de voir encore une fois un de ces petits
porteurs anonymes d’une « notable quantité d’importance nulle » nous faire
le coup du vieux combattant revenu de tout, avec une supériorité
mélancolique qui évoque les grandes illusions révolutionnaires de sa
glorieuse jeunesse, vers 1969 probablement.
En tout cas, pour une réédition à l’automne, il serait bon d’ajouter sur la
jaquette du livre (et dans une éventuelle publicité) quelques citations sur des
événements et commentaires survenus depuis; peut-être montés en
alternance avec les commentaires les plus incompréhensifs qui auront tout
de même paru dans la presse? Rien ne met en fureur nos ennemis comme
les démonstrations du type : « On vous l’avait bien dit.» Ils trouvent cela
atrocement inélégant, et on les comprend, puisque justement eux n’avaient
rien dit au bon moment, ou bien tout le contraire. À propos des Portugais, je
n’ose même pas imaginer quelle marmelade peut figurer les intérêts
généraux de la société dans la tête d’individus déjà si peu capables de s’y
reconnaître dans les plus simples de leurs aventures particulières. Sois sûr
qu’Eduardo2, si ennemi de toute réalité, et cette pute3 qui m’aimait tant,
auront répandu à Lisbonne des tonnes de mensonges sans frein et, comme
ils s’adressent à des esprits si clairs et si conséquents, les autres mettront six
mois de plus pour commencer à s’y retrouver. Le prolétariat ? Il attendra.
Mais eux auront fini par faire la critique exhaustive de Slavia3, d’Eduardo,
et de quelques autres étoiles de cette intensité.
Ci-joint ce que j’ai répondu à Gianfranco. Tu admireras la cruauté des
« individus d’un mérite excellent4 ». C’est un fait que les médiocres en
question postulent frauduleusement que nous devrons avoir la modestie de
supporter leurs impertinences, l’étalage de leurs inconséquences
dramatisantes, et jusqu’à leurs maladroits mensonges. Mais on ne peut
comprendre où ils rêvent de placer la racine illusoire de cette obligation :
amabilité de campagne électorale, ou quoi? Depuis qu’il n’y a plus d’I.S.
pour donner quelques droits aux crétins mêmes, quand ils n’en étaient pas
encore exclus, cette attitude est encore plus imprudente; comme on voit.
Paolo5 a donc une certaine imagination, sur les seuls sujets qui le
passionnent. Il en faut pour que la belle silencieuse6 devienne ainsi un piège
à penseurs, une espionne de la dialectique, une embuscade de l’Histoire. Le
militantisme, l’infiltration, le contrôle, les provocations d’une sorte de
« Direction de la Surveillance de la Théorie », lui paraissent des catégories
de la moindre rencontre érotique. Inversement, Eduardo n’avait jamais
voulu nous dépeindre l’obscurité de la situation stratégique au Portugal que
dans le langage conventionnel de la passion amoureuse : tout est là, avec
peut-être aussi le contraire, mais il ne faut que le voir par soi-même, le
sentir, y être. Et après toutes ces pauvres ruses, il apparaît simplement que
leurs manœuvres et leurs amours sont également fausses, à tous les coups.
À bientôt,

Guy

1. Parue en 1972.

2. Eduardo Rothe.

3. Une des « étoiles filantes » de ce milieu.

4. Cf. Correspondance, vol. V, p. 284.


5. Paolo Salvadori, ex-situationniste de la section italienne.

6. Une amie de Jaime Semprun.

À Jaime Semprun

10 juillet 1975

Cours vite, camarade, le Nouveau Monde est devant toi1 !

Guy, Alice

(Roy s’est surpassé : il a trouvé son meilleur titre.)

Carte postale envoyée du lieu dit « Le Nouveau Monde » (dans


l’Allier) à cause d’un projet de ligne de chemin de fer abandonné.

À Jaime Semprun

17 juillet 75
Cher Jaime,

J’ai trouvé ta lettre du 9, et ta carte, au retour d’un bref voyage dans les
Cévennes et – beaucoup plus beau selon moi – les Causses. Le fameux
Nouveau-Monde fut la plus laide étape; nous y sommes restés vingt
minutes, ce qui est encore trop.
Je suis émerveillé de l’état d’avancement du Précis de récupération 1. Ce
sera un coup superbe de le publier à la rentrée, alors que les remous de La
Guerre sociale dureront encore certainement. Chacune de ces atrocités
appuiera l’autre pour la rage inquiète de toute la crapule spectaculaire.
Quant à la réédition de La Guerre sociale, si elle se fait à ce moment, il se
sera passé tant de choses qu’il serait bon de prévoir une « Préface à la
deuxième édition » : je crois qu’il est facile d’introduire quatre pages de
plus dans la composition du livre (je n’ai jamais pu maîtriser le calcul, assez
simpliste pourtant, de la distribution en cahiers des pages imprimées, mais
je crois que l’on peut toujours ajouter quatre pages, ou un chiffre multiple
de quatre, sans avoir à bouleverser le reste du plomb).
Le plan d’exécution des récupérateurs me paraît bon, et d’ailleurs, quand on
a de si belles choses à dire, presque tous les plans seraient bons. Le seul
péril serait d’oublier un courant important, ou un personnage
particulièrement révoltant. Car des gens se targueraient sûrement de cet
oubli comme d’une approbation implicite. On devra donc, ici, un soir ou
deux, mener collectivement une recherche exhaustive sur ces bas-fonds de
l’Esprit du Temps. La péninsule2, en effet, peut attendre, si l’achèvement
rapide d’une tâche si utile en France te paraît possible.
Comme il fallait s’y attendre, Soarès3 mène l’épreuve de force avec la plus
grande faiblesse. Il n’avait que fait mine de la choisir. Maintenant, il prétend
« expliquer » ce qui se passe à ses militants, alors qu’il est déjà tard pour
agir. Et il ne pense qu’à retenir des forces dont il ne disposerait
effectivement que s’il osait les lancer en avant. Mais il ne peut marcher
avec les ouvriers. Ainsi, il devient effectivement une critique de droite
(démocratique-conservatrice) du mouvement aveugle qui pousse l’État vers
une solution bureaucratique militarisée. La seule critique de gauche, il la
déteste encore plus que ses rivaux staliniens, qui veulent, pour anéantir au
plus vite le courant révolutionnaire que Soarès voulait sottement endormir à
la longue (et en ceci les staliniens sont de meilleurs stratèges que lui), abolir
jusqu’au souvenir de l’inutile héritage électoral de Soarès. Ces élections
auraient donné, pour un temps au moins, le pouvoir à Soarès si, par
impossible, Salazar4 ou Caetano5 avaient eu l’idée étrange d’organiser des
élections libres qui eussent donné ce résultat. Mais là, les militaires ayant
fait leur putsch6 par eux-mêmes, et ainsi déclenché malgré eux une
révolution sociale, ce n’étaient pas des élections libres, très manifestement;
et, de plus, dans un moment où même des élections libres, du type
parlementaire, ne peuvent plus avoir une légitimité suffisante. Je crois donc
que Soarès a les plus grandes chances de devenir le dernier en date de ces
ennemis de droite que les successifs « gouvernements provisoires » se
cherchent si fébrilement depuis quinze mois, et qui toujours leur claquent
dans la main avant d’avoir fait beaucoup d’usage. La révolution portugaise
est si moderne que, non seulement tout ce qui la combat se place sur le
terrain le plus intensément spectaculaire (mesure le « progrès » par rapport
à ce que dénonçait Rosa Luxembourg en décembre 1918), mais encore on
peut dire que les produits idéologico-politiques de ses ennemis ressemblent
à ces marchandises actuelles parvenues à un tel degré de sophistication que
l’usage s’en rétrécit à grande vitesse : car elles sont de moins en moins
adaptées à leur fonction affichée, et car aussi l’usure y est intégrée.
J’ai l’impression que Soarès, cherchant partout du secours, a lu ton livre.
Aurait-il trouvé tout seul cet argument, pour une fois réaliste et cruel, que
les staliniens « ont créé davantage d’anticommunisme au Portugal pendant
un an dans la légalité que tous les discours de Salazar et de Caetano pendant
quarante-huit ans » (cité dans Le Monde du 11 juillet) ? Il néglige seulement
de dire, et c’est bien là où le bât le blesse, que cette légalité avait cette fois
le malheur de coexister avec une révolution – ce qui ne rendait le jeu facile
ni aux staliniens, ni à lui-même.
Et ce ministre des Transports, combattant ses grévistes, qui est allé, le 29
juin, jusqu’à proclamer si naïvement cette vérité que les travailleurs font,
dans ce cas, au contraire de Republica, une grève politique et « attaquent le
ministre communiste pour attaquer le parti auquel il appartient ». Mais il
trouve cela tout à fait scandaleux (contre-révolutionnaires à remettre au
pas!), comme s’il gouvernait déjà dans le Berlin de 1953, avec l’aide des
tanks russes : « Il faut dissoudre ce peuple et en élire un autre !7 »

1. Slogan de Mai 68 détourné.

Je crois que l’organisation autonome des ouvriers avait fait encore un grand
progrès dans la manifestation du 4 juillet. Que va-t-elle faire maintenant?
Les partis gauchistes semblent vouloir appuyer les staliniens contre Soarès.
Après ce que Soarès a fait, et n’a pas fait, dans les derniers jours, je doute
fort que des assemblées d’usines le jugent digne d’être appuyé de quelque
manière. Ce qui est, par contre, certain, c’est qu’effectivement tout ce qui
reste de bourgeoisie, petite-bourgeoisie, paysannerie riche et moyenne
encore capables de s’exprimer politiquement pour revenir en arrière, vont
appuyer Soarès. Mais je n’imagine guère qu’il puisse leur faire plus d’usage
que Spínola8.
Quoique la lenteur portugaise continue (d’exprimer la faiblesse de chaque
position, comme ces militaires voulant maintenant préciser que leur projet
de totalitarisme ne serait à réaliser qu’en dix ou vingt années !), tout semble
indiquer qu’on ne peut plus attendre pour jouer le coup final : on menace la
population d’une famine pour l’automne, et le général Costa G.9 (à moins
que ce ne soit Vasco G.9, ils sont tous généraux maintenant) a prononcé
opportunément la condamnation que toutes les classes dominantes ont
toujours portée contre toutes les révolutions : on y parle trop, et on n’y
travaille pas assez.
Confirme-moi si vous venez le 5 août. Amitiés,

Guy
1. Précis de récupération (illustré de nombreux exemples tirés de
l’histoire récente) paraîtra aux Éditions Champ libre en janvier
1976.

2. Projet d’un livre sur l’Espagne (cf. Éditions Champ libre,


Correspondance vol. 1).

3. Mario Soarès, alors Premier ministre socialiste au Portugal.

4. Antonio de Oliveira Salazar, dictateur portugais de 1932 à


1968.

5. Marcelo Caetano succède à Salazar en 1968.

6. Coup d’État militaire du 25 avril 1974.


7. Bertolt Brecht (Die Lösung).

8. Général António de Spínola, président de la junte.

9. Les généraux Francisco Costa Gomez et Vasco Gonçalvez qui


forment, le 26 juillet, avec Otelo de Carvalho, un triumvirat
militaire.

(Suite pour Anne)

Chère Anne,

J’ai appris avec émotion que tu avais vingt-quatre ans. Après un si beau
début, on peut tout attendre de la suite !
Voudrais-tu m’acheter à Paris, et m’apporter aussi bien sûr, 40 boîtes de
tabac Capstan, bleues ? (prends garde au fait qu’il en existe une version en
boîtes vertes, car la récupération est partout). Ci-joint un chèque, sur la plus
stalinienne des banques. Merci.
Je t’embrasse,
G.
Nous fêterons ensemble quelques anniversaires et beaucoup de non-
anniversaires (le mois d’août en compte 31 et parfois même davantage).
Affections,
Alice

À Anne Krief et Jaime Semprun

Mercredi 23 juillet [1975]

Chers Anne et Jaime,

Je reçois votre lettre du 20 juillet et, en même temps, on me téléphone que


mon enregistrement1 devra commencer, et donc finir, avec un peu de retard
sur la dernière prévision.
Nous vous attendrons donc le samedi 9 août. Venez en train à Darsac, où
nous vous attendrons avec un taxi. Prenez, gare de Lyon, le train de 12
heures 25. Il faut changer à Clermont-Ferrand, à 16 heures 30. Puis changer
encore à Saint-Georges d’Aurac, à 18 heures 11. Là, une micheline vous
mène agréablement à Darsac, à 18 heures 50.
Télégraphiez, ou téléphonez, si vous ne pouviez venir à cette date. À part le
Capstan, on n’a besoin de rien. Merci.
Au Portugal, les dés roulent encore. La radio m’apprend à l’instant que le
M.F.A.2 a renvoyé son assemblée d’aujourd’hui « pour que ses divergences
n’éclatent pas publiquement ». Ils ont pourtant peu de face à sauver, et
moins encore de temps à perdre. Ce qui s’est passé à Porto la semaine
dernière est d’une très grande portée : les staliniens se sont effondrés, après
avoir essayé in extremis de s’appuyer sur l’organisation autonome des
ouvriers; qui clairement n’a voulu soutenir ni les staliniens ni Soarès –
lequel regroupe à présent derrière lui tout ce qui n’est ni révolutionnaire, ni
stalinien ou stalinoïde. Les charognes qui évoquent, comme Ravenel dans
Le Monde du 23, «les organes du pouvoir populaire » et la « démocratie
directe », parlent en fait des rêveries de Carvalho – touriste, sans doute
forcé, à Cuba –, incluant ainsi tous les noyautages déjà réalisés ou
sottement espérés par les staliniens. Mais ils ne parlent jamais de la réalité
concrète de cette autonomie, cette liaison autonome des assemblées
d’usines qui a fait les manifestations du 17 juin et du 4 juillet à Lisbonne, et
du 19 juillet à Porto (je n’ai pas d’informations claires sur le dernier week-
end à Lisbonne). Évidemment, c’est surtout cette force qu’il faut évoquer
dans les postfaces aux éditions étrangères.
Guégan3 cherche vraiment à rencontrer la foudre !
À bientôt. Amitiés,

Guy

1. Enregistrement de Réfutation de tous les jugements, tant


élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film « La
Société du spectacle ».

2. Mouvement des forces armées.

3. Gérard Guégan, cf. Correspondance, vol. V, p. 341-344.


Au conservateur du Centre national
de la cinématographie

Paris, le 21 février 1978

Monsieur le Conservateur,

Je soussigné Guy Debord, domicilié à Paris 3e – 239, rue Saint-Martin,


autorise la société Simar Films, productrice du film dont je suis l’auteur
intitulé :
« LE SIXIÈME FILM DE GUY DEBORD »
à remplacer ce titre par :
« IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI »

Debord

À Paolo Salvadori

7 octobre 78

Cher Paolo,

Remettons donc cette rencontre vers le 20 novembre. D’accord pour


Geneviève1 !
Si tu viens en voiture, il faut aller à Marseille, puis remonter la vallée du
Rhône jusqu’à Montélimar (ou aux environs de cette ville). De là, aller à
l’ouest jusqu’à Aubenas […].
Si tu viens par le train, il faut prendre à Marseille un train pour Saint-
Georges d’Aurac, sur la ligne qui va à Clermont-Ferrand ; et me prévenir de
l’heure où tu arriveras à Saint-Georges d’Aurac, pour qu’on t’y attende avec
un taxi.
Mon numéro de téléphone […]. Il est écouté; ou du moins il en présente
tous les symptômes.
Amitiés,

Guy

Photocopie d’une lettre manuscrite.

1. Compagne de Paolo Salvadori.

P.-S. : Gianfranco est revenu, de lui-même, à la lucidité. Il est aussi dans


une position dangereuse. En quelques jours, on a allumé deux incendies à
proximité immédiate de sa maison2.

2. Cf. Correspondance, vol. V, p. 479-480, lettre à Gianfranco


Sanguinetti du 7 octobre 1978.

À Paolo Salvadori
27 novembre 78

Cher Paolo,

Comme je te l’ai dit hier par téléphone, tu dois imposer toutes tes
conditions à Arcana1, en les traitant sévèrement et avec hauteur. Et en leur
disant aussi pourquoi ils méritent cette méfiance méprisante : parce qu’ils
ont publié le misérable néo-Vaneigem, parmi d’autres sottises. S’ils veulent
maintenant embellir leur réputation, il leur faut en passer par tes exigences,
car tu peux leur rappeler que ni Champ libre ni l’auteur ne les accepteront
comme éditeurs, en dehors de toi. Et qu’il serait très dangereux d’être un
éditeur-pirate que nous refusons.
À ce propos, voici la lettre sur « La Pietra ». Je pense que, même dans ces
circonstances, il ne faut pas envisager d’action commune avec Gianfranco.
Mais il peut faire de son côté ce qu’il voudra. Tu recevras une copie de la
lettre que Champ libre va adresser à ces gens pour leur interdire cette
édition2.
Quelle que soit la fermeté de leur intention, il faudra bien les en décourager.
Peut-être que le plus simple sera d’aller dire à Simonetti3 qu’il ne doit plus
y penser.
Il est certain que l’I.S. vient à la mode en Italie, et qu’il sera très important
de dissuader les pires récupérateurs, dans un court délai. A-t-on des
nouvelles de Vallecchi4 ? Il n’a plus répondu à Lebovici depuis deux ou
trois mois; et en fait le contrat n’est pas encore signé ici.
Quand tu auras fixé tes conditions à Arcana, envoie le texte à Champ libre
(pour Gérard Lebovici, personnellement), en rappelant que j’ai demandé
que tout cela soit inclus ne varietur dans le contrat qui serait signé avec eux.
J’attends ta lettre. J’espère que tes écrits avancent bien, et que nous nous
reverrons bientôt.
Nos amitiés à Geneviève et à toi.
Guy
Photocopie d’une lettre manuscrite.

1. Futur éditeur italien des Œuvres cinématographiques


complètes, de Guy Debord (cf. Correspondance, vol. V, p. 484-
485).

P.-S. : Arcana étant dans cette position et dans cette réputation, il est évident
que le délai que tu fixeras devra aussi leur convenir. Mais naturellement,
nous avons intérêt à ce qu’une édition correcte paraisse assez vite; sinon La
Pietra pourrait peut-être aussi rêver malsainement à ce propos ? Et il y en
aura sûrement d’autres. Le livre5 doit sortir aujourd’hui de l’imprimerie. Je
ne sais quand tu l’auras. As-tu reçu les cinq volumes de Bakounine,
expédiés de Paris il y a environ trois semaines ?
Si tu dois me téléphoner, fais-le en P.C.V., c’est-à-dire au compte de la
personne appelée, qui accepte la communication. Je ne sais pas ce que veut
dire le sigle en français, mais la chose est internationale. C’est aussi plus
commode pour téléphoner, par exemple, d’un café.

2. Projet d’une édition italienne d’Internationale Situationniste


par les Éditions La Pietra.

3. Cf. Éditions Champ libre, Correspondance vol 2 , p. 18 à 27.


4. Qui sera, en 1979, l’éditeur de La Société du spectacle en
Italie.

5. Les Œuvres cinématographiques complètes, aux Éditions


Champ libre.

À Jacques Le Glou

23 juillet [1982]

Cher Jacques,

Je suis à Champot jusqu’en septembre; et après engagé dans pas mal de


voyages1.
Ce serait très bien si tu pouvais passer quelques jours ici – tu connais le
chemin –, à partir de la fin juillet ou du tout début d’août.
Téléphone-moi si tu trouves la période possible […].
Un abrazo, con el corazón.

Guy

Au dos d’une carte «Les amis de Durruti ».


À Jacques Le Glou

14 octobre 82

Cher Jacques,

Aux premières loges, nous attendons l’entrée en scène du putsch annoncé1,


qui fait en coulisses un fort bruit de bottes. Peut-être va-t-il se prendre tout
seul les pieds dans le décor ? Sinon, on peut dire que les signes ou
préparatifs d’une résistance se résument exactement en un mot, à ce jour :
nada2.
Amitiés

Guy

Carte postale envoyée de Séville.

1. Complot militaire déjoué.

2. Rien.
1. En Espagne.

À Floriana Lebovici

25 avril 84

Chère Floriana,

J’ai reçu hier, juste après votre départ, un chèque du 2 avril qui réglait le
dernier trimestre du contrat1 en question. Il était passé par Champot, voyage
qui dure en ce moment trois semaines. Tandis que votre lettre postée à Paris
le 18 est arrivée ce matin.
J’ai retrouvé et relu le contrat lui-même. C’est pourquoi je vous
communique, par la lettre recommandée ci-jointe2, les conclusions que
j’étais tenu de formuler; pour éviter tout vice de forme. Je découvre que les
défraiements, généreux, avaient été fixés à 400 francs quotidiennement.
Considérons que je n’ai passé que quinze mois en Espagne. Il s’agit donc
d’une somme de 180 000 francs. Dans ces conditions, je n’aurai pas d’autre
besoin d’argent cette année; et, naturellement une reprise de ce contrat
auprès de Simar devra envisager une période qui partirait seulement du 1er
janvier 85 (pour tenir, de mon côté, la fiscalité dans une marge acceptable).
Je vous embrasse. Et aussi Nicolas et Lorenzo. À bientôt.

Guy

Lettre envoyée d’Arles.


1. Cf. Des contrats, Éditions Le Temps qu’il fait, 1995.

2. Cf. Correspondance, vol. VI, p. 262.

À Me Thierry Lévy

[Fin décembre 1984]

LE NOMMÉ GOUDEAU-MINUTE 1 ME FAIT CITER COMME PARTIE


CIVILE POUR L’AUDIENCE DU 10 JANVIER. STOP. JE NE SAIS À
QUOI RIME LA MANŒUVRE. STOP. J’ESPÈRE QUE VOUS ÊTES AU
COURANT. STOP. REPRÉSENTEZ-MOI DONC. STOP. TOUS MES
VŒUX.
Guy Debord

Télégramme.

À Floriana Lebovici

2 janvier 87
Chère Floriana,

Je vous renvoie les épreuves1. Il me semble que c’est très bon. Je ne vois
plus que deux petites corrections (qui du reste viennent de moi), pages 46 et
100.
Pour la 1-couverture, je préfère finalement le schéma 30’, celui que nous
avions déjà. C’est parce que dans le précédent la pièce Tc se trouve dans
une position qui, quoique régulière, constitue un cas particulier; de sorte
que l’image sans autre explication pourrait égarer quelques joueurs.
La couverture intérieure devrait correspondre à peu près typographiquement
à la 1-couverture, avec la seule exception des prénoms2 en toutes lettres.
Delfeil de Ton est assez convenable en homme-sandwich, quand c’est dans
une belle rue3.

1. Jean-Claude Goudeau, directeur de l’hebdomadaire Minute, qui


présentait Guy Debord, entre autres, comme un agent secret du
K.G.B. affichant des idées antisoviétiques, avait été condamné
pour injures et diffamation par la 17e chambre correctionnelle de
Paris au mois d’octobre 1984.

1. Du Jeu de la guerre.

2. Alice et Guy.
3. Photo de Delfeil de Ton sortant de la librairie Gérard Lebovici,
rue Saint-Sulpice, une pile de livres dans les bras, parue dans Le
Nouvel Observateur.

Je crois me souvenir que le très beau Titien appelé L’Homme au gant, qui
est au Louvre, passe pour le portrait de B. Castiglione ? Et si c’est le cas,
pensiez-vous en illustrer la couverture du Courtisan4 ? Ce serait dans la
ligne classique G[érard] L[ebovici], puisque se trouvant cette fois à la
frontière du « portrait de l’auteur » et du tableau représentatif.
J’avoue que je n’ai pas encore lu Castiglione. J’ai négligé sottement
l’occasion en 16805 ; et depuis vous connaissez le défaut ordinaire de
l’édition française.
Je vous embrasse.

Guy
À Floriana Lebovici

15 janvier 87

Chère Floriana,

J’ai reçu hier, en même temps, votre lettre d’Italie et celle du 10 janvier. Les
perturbations ne sont pas seulement dans les postes, car nous sommes en
Provence sous autant de neige qu’à Champot.
À cause du joli mouvement des lycéens1, j’avais pris le temps de voir une
fois Jeff 2 avant de quitter Paris. Il retirait d’une conversation avec vous (ou
peut-être X ?) l’impression que Champ libre était en grand péril; et
suggérait bravement pour sauver tout d’imiter l’éditeur de Spartacus3, qui a
réussi pendant cinquante années à diffuser dans le néant plusieurs très
estimables fascicules! J’ai récusé la pertinence de la comparaison, et
manifesté généralement la plus tranquille assurance. Mais, comme vous
pensez, en restant dans le vague. Pour vous au contraire, j’ai voulu tout de
suite après exposer à cœur ouvert, non mes inquiétudes, mais plutôt
l’éventualité d’un cas limite où je n’en aurais pas la moindre4. Mais, certes,
j’espère bien que nous verrons assez facilement une issue plus favorable.
C’est aussi l’obstination piémontaise qui a su dire : Italia farà da sè5.
Sans doute, j’aime davantage Tiziano que Raphaël. Mais ce qui serait plutôt
à considérer, c’est qu’il y a peut-être quarante ans que j’ai lu que L’Homme
au gant était regardé comme le portrait de Castiglione. Il est fort possible
que la critique plus moderne ait remis en doute cette tradition, ne serait-ce
que pour se faire reconnaître une originalité qui sert dans ces carrières-là.
La semaine prochaine, je me mettrai en route pour Paris6, et le mieux est
donc de m’expédier dès à présent toute correspondance à l’adresse :
Debord, 21, rue Pierre-Leroux (7e)7.
Bien affectueusement,

Guy

4. La couverture sera illustrée du portrait de Castiglione par


Raphaël.

5. En fait, c’est en 1580 qu’avait paru la première édition en


français du Livre du courtisan, dans la version de Gabriel
Chappuis que reprenaient les éditions Gérard Lebovici
1. Manifestations de novembre-décembre 1986 contre la loi
Devaquet.

2. Jean-François Martos.

3. René Lefeuvre.

À Jacques Le Glou

22 décembre 87

Cher Jacques,

Je ne lis pas l’anglais ! Mais je pense que tu pourras mieux me dire, de vive
voix, ce que tu prévois de l’adaptation de « L’Homme errant ». Veux-tu
venir dîner chez nous le lundi 4 janvier, à 7 heures 30 ?

Au dos d’une carte « À bas l’argent ».


4. Cf. Correspondance, vol. VI, lettre du 12 décembre 1986,
p. 447-449.

5. L’Italie le fera elle-même.

6. Quittant définitivement la ville d’Arles.

7. Adresse transitoire avant celle rue du Bac.

¡Que bonito el aguardiente de cana !


Hasta la vista1,

Guy
À Jacques Le Glou

22 juillet 89

Cher Jacques,
On est à Champot jusqu’au début de septembre. Si tu es à Paris à ce
moment, dis-nous quel jour on pourra se voir, autour du 15.
Les Chinois nous ont magnifiquement fêté 891, et les Russes vont peut-être
en faire autant maintenant !
On t’embrasse,
Guy

Carte postale représentant Bakounine.

1. Par les événements du printemps 1989, place Tian’anmen.

1. Quel bon rhum ! À bientôt.

MISES AU POINT

On nous demande de rectifier la note 2, page 411 du volume VI de la


Correspondance. Les véritables auteurs du pamphlet Remontrances et
rectifications adressées à un éditeur parisien à l’usage de ceux qui se
présentent comme le «parti de la vérité» (signé « Les amis de Boris et
Ossip ») ne sont, comme a voulu l’insinuer ce texte, ni les frères Gayraud,
ni Luc Mercier qui avaient aussitôt protesté par le tract Cousu de fil blanc.
Il s’agit en fait, nous précise-t-on, des dénommés Bastenaire, Lambert et
Mintz, traducteurs éconduits par les Éditions Gérard Lebovici.

Par ailleurs, au volume III de la Correspondance (page 97, note 2), nous
rectifions : les 3 K désignent visiblement le Ku Klux Klan.
COMPLÉMENT DE DERNIÈRE
HEURE
Avec le consentement de la New York City Tamiment Library, ces lettres
– déposées par Max Blechman dans le courant du mois de juin 2010 –
nous ont été transmises par John Mac Hale.

À Christopher Gray
et Donald Nicholson-Smith

25 novembre [1967]

Chers Chris et Donald,

Raoul1 est revenu hier, très content du séjour à New York. Chasse2 paraît
parfait, et Tony3 – quoique probablement moins à l’aise théoriquement – à
un niveau suffisant. De plus, les deux s’entendent fort bien.
Les erreurs passées ont été critiquées et autocritiquées (il paraît que
personne n’avait pris la peine de lire la version « anglaise » de l’Adresse 4
d’Alger, qu’ils avaient d’abord connue en français…). Jamais Tony ne
s’était présenté comme membre de l’I.S. ; et placés dans la perspective de
l’être effectivement, les deux susnommés – et eux seuls – sont d’accord
pour une étroite coordination. Ils nous soumettront prochainement un
premier texte, au delà du vaste travail actuel de traduction et réédition.
Le fait le plus important – et qui a mené Raoul à donner là-bas une pré-
conclusion positive, un peu en avance sur ce que prévoyait son mandat écrit
–, c’est que ce séjour n’a pas seulement donné lieu à des clarifications
théoriques satisfaisantes au long des discussions, mais surtout à des
premières conclusions pratiques qui ont fait frémir d’horreur le petit milieu
des « révolutionnaires » new-yorkais :
1) Rupture avec « Black Mask » et des crétins « totalistes » qui marchent
avec – qui tirent du concept de Totality (for kids)5 des conclusions
mystiques ; une sorte de lecture astrologique des thèses de Vaneigem !
2) Distance complètement marquée avec le groupe de Murray6 : avec
prévision d’une rupture prochaine sur le plan personnel (j’énumère plus loin
quelques motifs).
3) Contacts pris avec une certaine prudence critique, auprès des meilleurs
éléments du S.D.S.7, qui est un mouvement d’une confusion totale,
contenant les meilleures et les pires tendances. Robert et Tony sont tout à
fait vaccinés contre la tendance au recrutement imprudent de quelque
individu que ce soit.
Il faut bien noter les nouvelles suivantes : la police a saisi tous nos envois
de revues et documents – et on ne sait combien de lettres. La boîte postale
existe bien, mais jusqu’à présent rien de ce qui a pu y être adressé (des U.S.
mêmes comme de l’étranger) n’a été délivré par la poste : elle est toujours
vide. Ils vont essayer de glisser dans leurs publications un prospectus
supplémentaire pour dérouter le courrier sur notre B.P. de Londres. Outre le
fait que Murray a très mal terminé son séjour à Paris (allant disserter sur la
révolution américaine dans la librairie Nataf8, devant quatre crétins qui
s’en foutaient visiblement), le reste du groupe « Black Flag » est infiniment
pire que lui. Ils ont tenté diverses manœuvres pour désespérer Chasse et
Tony avec des nouvelles fausses concernant l’I.S. (ils sont une sorte
d’« I.A.9 » misérable). Ainsi Beatrice10 a affirmé que moi, à Paris, je lui
aurais dit que je ne connaissais absolument pas un nommé Tony Verlaan.
L’ignoble Jean-Louis Philippe11 a écrit depuis un mois une quantité de
lettres expliquant ainsi notre rupture avec l’I.A.12 : par pure amitié
personnelle pour Le Glou13, les situationnistes auraient choisi de
condamner l’I.A., qui avait toutes les raisons d’exclure Le Glou ; à cause de
son choix du «terrorisme abstrait ». Je ne sais si le truqueur avait pleine
conscience de la dimension maximum de la calomnie, mais les New-
Yorkais « anarchistes » ont compris le jargon philosophisant de Jean-Louis
de cette seule manière : Le Glou commençait à poser des bombes, et l’I.S. a
soutenu cette folle politique.

Photocopie d’une lettre manuscrite.

1. Raoul Vaneigem.
2. Robert Chasse.

3. Tony Verlaan.

4. Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays


(juillet 1965).

5. Version anglaise des Banalités de base, de Raoul Vaneigem


(traducteur, Christopher Gray).
6. Murray Bookchin, voir supra, lettre à Tony Verlaan du 15 août
1967, note 3.

7. Le S.D.S. (Students for a democratic society), qui prenait


exemple sur la Zengakuren japonaise et ses techniques de combat.

8. La Nef de Paris (cf. Correspondance, vol. III, p. 219, note 2).

9. Internationale anarchiste.

10. Compagne de Murray Bookchin.

11. Jean-Louis Philippe, voir supra, lettre à Robert Chasse du 21


novembre 1968.
12. Voir Correspondance, vol. III, p. 236 à 238, lettre à
l’Internationale anarchiste.

13. Jacques Le Glou.

Nous avons maintenant un procédé de communication secrète avec eux qui


est, paraît-il, bon. On va faire l’expérience.
À bientôt,
Guy

À Ben Morea

Paris, December 5, 1967

To Ben Morea and the comrades of Black Mask

Dear Ben Morea,

We were very surprised by your letter of the 27 November. Vaneigem


assumed – and so did we all – that Beatrice and Murray would have told
you exactly why Vaneigem refused to meet you in New York.
To start with, Vaneigem was introduced to Hoffman (The Totalist) by
Beatrice. A few minutes of discussion left no doubt in his mind that there
was a mystical shithead if ever there was. He turned out, what’s more, to be
a proselyte of an astrological reading of Vaneigem’s writings ! The
situationists have always refused to have anything whatsoever to do with
mystics.
Beatrice presented you, as a close friend and collaborator of The Totalist,
and the fact that you had signed a poster with him did nothing to dissipate
that impression. And the situationists have always refused to have anything
to do with those who collabo-rate with mystics. We recognise – and have
always approved – BM’s disgust with mysticism. What is this collaboration
if not the behavior of « a specialist of theory fearful of its practice ».

Lettre rédigée en anglais, dont un résumé a été donné à J. V.


Martin, le 22 décembre 1967 (cf. Correspondance, vol. III,
p. 249).

Moreover, it is very cheap to defend a tactical position by saying that


anyone who disagrees is a coward. And such an oldfashioned « argument »
doesn’t need Reich1 to back it up.
We shall of course be very glad to hear your explanation of all this, and to
know what you intend to do about it.
On a tactical level, you would seem to overemphasising headon activism as
a be-all & end-all. Naturally, we are opposed neither to demonstrations nor
to violence.
Until Vaneigem’s visit, there were no situationists in the U.S. Now that
there are (Chasse & Verlaan), they shall react to these problems in the same
way as situationists everywhere else.
Further dialogue between us must depend on a written reply to the
questions raised above. Please send it to both Paris and London. Paris :
Alice Becker etc. ; London : Brenda Gravelle, 13, Redcliffe Road, London
S W 10.
For the S.I.,
Guy Debord, Christopher Gray,
Mustapha Khayati, Donald Nicholson-Smith2
À Robert Chasse, Bruce Elwell, Tony Verlaan

Paris, le 14 décembre 1967

Chers camarades,

Nous sommes assez surpris par votre lettre1. Elle nous déçoit venant après
ce que Raoul avait cru pouvoir nous communiquer comme confiance
objective en vous. Nous allons distinguer dans notre lettre deux parties. La
première, à notre avis, assez périphérique, concerne le rapport entre nous
tous d’une part, Morea-Murray d’autre part. La seconde partie, essentielle,
concerne les divergences entre la position exprimée dans votre lettre et les
bases réelles de l’I.S.
– Première partie : à propos de Morea et Murray.
Raoul nous a fait un rapport sur l’accord avec Tony et Robert ; ainsi que sur
la rupture entre Hoffman et Morea et la probabilité d’une rupture avec
Murray. Nos divergences avec eux tous sont nombreuses. Nous considérons
certaines de ces divergences (par exemple l’activisme autoritaire) comme
suffisantes pour une complète rupture organisationnelle. Nous considérons
d’autres divergences (par exemple la calomnie ou la collusion avec le
mysticisme) comme exigeant la rupture totale, même personnelle. Ainsi
Raoul, dans son rapport oral à son retour de New York, a beaucoup insisté
sur le cas de Hoffman, comme typique de la misère générale acceptée
jusqu’ici dans l’avant-garde américaine. Au moment où Morea nous a écrit,
Raoul était parti dans un autre voyage; et nous avons répondu avec des
arguments de toute façon très suffisants. Maintenant de retour, Raoul nous
apporte de nouvelles précisions sur la justification de cette rupture,
justification que nous n’avons jamais mise en doute.
Nous avons jugé nécessaire de répondre à Morea à cause des points
suivants :
Morea affectait d’ignorer pourquoi il y avait une rupture si violente avec
lui. À cause de ce que nous savons du confusionnisme du milieu Black Flag
(nous avons vu Murray, à Paris, pactiser avec des menteurs caractérisés;
d’autre part, Raoul nous a rapporté la stupéfiante nouvelle que Beatrice
avait prétendu avoir entendu Guy dire qu’il ignorait l’existence de Tony)
nous voulions communiquer clairement à Morea quelques raisons minimum
de notre refus de le fréquenter. Nous croyons que c’est un procédé correct.
Nous n’attendions pas de lui une honnête autocritique; et sa réponse est
parfaitement claire. Nous n’accepterons plus jamais aucun contact avec
Morea et les Bookchin, pas plus qu’avec Hoffman, et ceci quel que puisse
être le résultat de la discussion entre vous et nous.
– Deuxième partie : à propos de vos rapports avec l’I.S.
Nous constatons de très importantes divergences entre vous et nous. Et elles
paraissent très surprenantes en considérant l’histoire de votre approche de
l’I.S. et la base de vos entretiens avec Raoul. En ce moment, nous
souhaitons mettre en lumière ces divergences dans un esprit fraternel, et
autant qu’il sera possible les dépasser favorablement. Nous devons dire que
cet accord ne peut être recherché que sur les bases que nous énonçons ci-
dessous. Nous essaierons d’énumérer ces questions en commençant par les
plus importantes :
1) Le mouvement situationniste existant n’est pas une fédération de groupes
autonomes, mais un seul groupement internationaliste d’individus
autonomes coopérant d’une manière cohérente. Il y a, naturellement, une
coopération pratique plus immédiate entre des individus géographiquement
groupés. Mais nous tenons à la décision démocratique par la majorité de
l’ensemble des membres de l’I.S. De même que nous tenons à la
reconnaissance « universelle » de la participation d’un individu à l’I.S. (par
exemple si Tony, après avoir été situationniste aux U.S.A., rentrait en
Europe, nous trouverions tout à fait nécessaire qu’il soit reçu comme chez
lui, par d’autres situationnistes à Paris, à Londres ou ailleurs).
2) Nous considérons que vous négligez quelque peu dans l’exposé actuel de
vos positions l’histoire des rapports entre nous. Nous n’avons jamais
cherché à recruter, dans n’importe quel pays; et nous n’avons jamais
encouragé des adhésions prématurées à l’I.S. En Amérique, il y a eu un
processus spécial; Tony a traduit (bien ou mal, c’est une question moins
importante à discuter) et diffusé des textes signés Internationale
situationniste; et il a ouvert, sans demander notre avis, et même sans nous
en prévenir, une boîte postale au nom [de l’I.S.].
3) Vous avez beaucoup négligé tous les problèmes pratiques objectivement
posés par votre approche de l’I.S. De même que vous négligez trop la
réalité pratique de notre action : il n’y a pas « Londres » et « Paris », ou
« Copenhague », mais nous devons faire, ici, déjà un certain effort pour
organiser des rencontres ou envoyer des délégués. Par exemple, pour
discuter de la question américaine, deux camarades anglais sont venus
plusieurs jours à Paris. De même, nous trouvons une étonnante incohérence,
même au niveau simplement logique, dans votre attitude quand,
simultanément, d’une part vous dites que vous n’êtes pas encore membres
de l’I.S. (de sorte que vous n’auriez pas à tenir compte d’une décision de sa
majorité) ; et d’autre part quand vous exigez de nous que nous acceptions,
sans autre examen, toutes les ruptures que vous pourriez prononcer en
Amérique. Nous accepterions effectivement d’être automatiquement
solidaires avec tous vos actes à partir du moment où vous seriez des
situationnistes reconnus, et confirmés par la pratique, sur le terrain
américain. Mais jusqu’ici vous ne l’étiez pas. Et quand nous soulevons la
question, vous montrez de nouvelles distances. C’est seulement dans le cas
où ces distances seraient surmontées (théoriquement et pratiquement) que
nous pourrions reprendre et approfondir l’accord esquissé avec Raoul.
Nous ne comprenons pas du tout votre notion des «prospective members »
de l’I.S. Il existe en Europe plusieurs dizaines d’individus en excellent
rapport avec nous, qui sont membres possibles de l’I.S. dans le futur.
Environ un sur trois, ou sur quatre, deviendra membre effectif. Mais, aussi
longtemps qu’ils ne le sont pas, tous s’abstiennent évidemment de se
présenter comme étant en communauté d’action avec nous, et comme
pouvant nous engager.
Nous pensons de même que vous négligez la pratique en créant une
opposition artificielle entre le style amical de votre longue rencontre avec
Raoul et le style télégraphique – que vous avez tort d’appeler style
administratif, ou bureaucratique – d’un résumé formel de ces positions,
résumé qui a une fonction complémentaire, et qui est soumis à d’autres
nécessités. Nous trouvons vraiment regrettable la susceptibilité irrationnelle
qui vous fait écrire que vous êtes choqués de recevoir comme une décision
« officiellement » formulée par la majorité de l’I.S. des idées qui sont les
vôtres ! Ne serait-il pas plus normal pour vous de vous féliciter de cette
preuve de cohérence ? (En plaçant les choses dans les termes que vous
utilisez, vous pourriez aussi bien trouver dans les numéros déjà parus de la
revue I.S. quelque chose de « directif » qui pourrait vous froisser, dans la
mesure où ces textes expriment les idées que vous partagez maintenant.)
4) Il y a beaucoup d’autres choses, dans votre document, que nous devrons
contester. Si vous êtes d’accord sur les trois points précédents, notre
prochain émissaire en Amérique – car nous restons fermement attachés au
principe pratique du délégué, pour nous-mêmes et pour toute la future
organisation révolutionnaire cohérente – envisagera avec vous ces
questions. Par exemple, nous ne sommes aucunement opposés à Bruce,
mais il est complètement absurde de votre part de nous reprocher d’ignorer
son évolution depuis le départ de Raoul : quand Raoul était avec vous, vous
aviez convenu que Bruce n’était pas encore sur vos bases; vous ne nous
avez jamais écrit à propos de son changement. Il est donc inadmissible que
vous nous écriviez, comme un reproche, que nous aurions dû savoir qu’il
était désormais avec vous. Par télépathie, peut-être ?
La question des traductions : nous avons dit que certaines étaient très
mauvaises (dont celle de l’Adresse, faite par nous-mêmes à Strasbourg, et
qu’il ne fallait pas rééditer). Nous maintenons qu’elles sont mauvaises, non
pour des raisons stylistiques, mais parce qu’elles contiennent des
contresens. À propos du « comics Durruti2 », en dehors même de toute
question de traduction, il était mauvais de le rééditer pour une raison plus
profonde et plus évidente : il n’avait aucun sens en dehors de Strasbourg.
De même, une mauvaise humeur étrange, et déplaisante, vous mène à ne
pas comprendre une phrase simple de notre lettre : nous appelons
« interférence postale » la possibilité qu’une lettre soit saisie par la police à
Londres ou à Paris (c’est vous-mêmes qui nous aviez expliqué que le
manque de relations entre Tony et nous depuis plusieurs mois provenait du
fait que le courrier de votre boîte postale était systématiquement capté par
la police de New York !).
Le camarade C.G.3 verra avec vous ces questions, et plusieurs autres dans la
mesure où vous aurez répondu d’une façon satisfaisante aux trois points
précédents.
Amicalement,

Pour l’I.S.
Guy Debord, Mustapha Khayati,
Raoul Vaneigem, René Viénet

1. Wilhelm Reich.

2. Signatures suivies du tampon de l’Internationale situationniste.

1. Lettre à Raoul Vaneigem, datée du 10 décembre 1967.

2. Le Retour de la colonne Durruti (cf. Correspondance, vol. III,


lettre à Mustapha Khayati, p. 173-174).
3. Christopher Gray.

À Donald Nicholson-Smith

Jeudi matin [14 décembre 1967]

Cher Don,

Depuis ton coup de téléphone, j’ai reçu la lettre de Murray et ce long


document1 émanant de Tony-Bruce-Chasse en deux exemplaires. Je
suppose que vous l’avez eu à Londres mais par précaution j’en joins un
ex[emplaire] à cette lettre.
Avant d’examiner les détails du long texte en anglais, j’ai l’impression qu’il
y a quelque chose de bien juste dans leur reproche selon lequel, dans cette
affaire, nous avons manqué à la cohérence en remettant en cause leurs
ruptures. Cependant, il y a peut-être quelque dramatisation et d’autres
reproches (à propos des traductions ou du style « bureaucratique » de notre
message) qu’il faut rejeter.
Pour moi la situation est déjà fort claire en ceci : Murray est le parfait
mystificateur, et Morea est en effet davantage crétin autoritaire à
prétentions insoutenables que « mystique ». (La différence de perspective
entre tous les Américains et Raoul, sur cette question centrale du mystique
Hoffman, exprime aussi quelque chose de typique…)
Il est pour moi – je suppose pour nous tous ? – évident qu’il faut manifester
la rupture totale avec Morea et Murray, quelles que soient nos conclusions
par ailleurs. C’est seulement à partir de cette rupture proclamée que l’on
peut encore discuter avec Chasse. Et tout le monde peut voir par le style de
la lettre de Chasse, en regard des conneries grossières qu’écrit chaque fois
[…] 2.
[…] justement l’interlocuteur valable, pour nous en Amérique.
Mauvaise photocopie d’une lettre manuscrite.

1. « Chronology of events », daté du 10 décembre 1967.

2. Ici manquent deux lignes (bas d’une page et début de la


suivante).

Ceci acquis, rien n’indique que nous pourrons sûrement nous accorder avec
Chasse et Tony. Je crois que la rupture serait regrettable. Mais ce sera peut-
être inévitable, en partie à cause du malentendu actuel ? Chasse et Tony
oublient un peu que le premier aspect du problème était pour nous de savoir
à qui nous pouvions accorder notre confiance totale en Amérique (où, après
tout, quelqu’un avait bien ouvert une boîte postale au nom de l’I.S. !). Le
passé de leurs relations avec nous n’est pas si convaincant pour qu’ils
puissent mettre en doute, eux, le sérieux de l’I.S. quand l’I.S. doute d’eux
ou de leur entourage. Il faut mesurer à quel point leur protestation est
légitime, et à quel point un mécontentement affectif – contre nous – les
entraîne ? (Il y a dans leur lettre quelque chose de celle de Théo et
Mustapha3 l’année dernière, avant le voyage de Don et moi à Strasbourg.)
Naturellement, c’est maintenant avec eux seuls que nous devons discuter,
par écrit et par la rencontre directe. La première chose est de leur expliquer
bien :
1°) les bonnes raisons de notre lettre à Morea.
2°) Nos conclusions présentes sur Murray-Morea.
3°) Voir ou trouver les points réels en litige entre l’I.S. et eux – par exemple
cette question de l’autonomie d’un groupe en Amérique ? Nous voulons
prendre les décisions à la majorité des voix de l’I.S. actuelle. Si ce statut
« minoritaire » ne leur convient pas, qu’ils cessent complètement de publier
ou republier des textes signés I.S. Au point où nous en sommes, ils ne
peuvent revenir en arrière. Ils doivent faire ce choix définitif.
Amitiés,

Guy

TÉLÉPHONE-MOI VENDREDI SOIR.

3. Théo Frey et Mustapha Khayati.

À la section anglaise de l’I.S.

Paris le 14 décembre 1967


(tard le soir1)

Chers camarades,

Par rapport à notre discussion de la semaine dernière, nous corrigeons en ce


sens nos avis : Tony-Chasse paraissent plus affectivement égarés que nous
ne le pensions. D’autre part, Morea et Murray se sont révélés encore plus
infects que ce que nous disions.
Pour en finir avec l’impressionnisme autour des aventures de Raoul à New
York, nous pouvons maintenant préciser ceci, avec lui, dans un ordre
chronologique :
Avec d’autres griefs (militantisme, autoritarisme, etc.) contre Morea, Raoul
apprenait dès son arrivée qu’il avait signé un tract avec le totaliste2 présenté
à ce moment comme un mystique (par Chasse et Cie). D’autre part, Beatrice
insistait pour que Raoul rencontre Morea en le présentant comme « une
nullité théorique », tout en disant qu’il «fallait l’instruire ». Raoul refusait
un rôle de professeur et laissait en suspens sa décision finale sur une
éventuelle rencontre (peu intéressante objectivement d’après les avis et de
Chasse et de Beatrice). Après quelques jours, au moment du retour de
Murray, Raoul a rencontré fortuitement chez lui le totaliste. À partir de cette
rupture, il a décidé définitivement de ne pas rencontrer Morea, décision
encore renforcée, le lendemain, par un coup de téléphone stupidement
autoritaire de Morea à Bruce.
Certainement, en l’absence de Raoul, nous avons dû présenter d’une façon
un peu schématique, dans nos lettres vers l’Amérique, ce qui était un
faisceau de faits dynamiques. Mais ce sont des avocasseries de la part de
Murray-Morea, quand ils voient que nous avons contre eux plusieurs
objections graves, de prétendre choisir laquelle devrait, à leurs yeux, être
appelée numéro 1.
Nous considérons que c’est un très heureux hasard, ce fait que Raoul ait
rencontré, en chair et en os, Hoffman, parce que à partir de cette ambiance
confusionniste systématique, Morea écrit aujourd’hui que Hoffman était
peut-être mystique autrefois, mais qu’il en a été lavé par son activité
militante et par un texte récent. Raoul a rencontré l’individu après son
activité militante et son « texte récent ».
Voilà au moins une question où le doute n’est plus permis. À partir de ce
fait établi, nous pouvons conclure sur bien d’autres choses.
Les conclusions que nous exigeons au minimum, c’est la rupture
proclamée, totale, immédiate, de tout membre de l’I.S. avec Morea-Murray
aussi bien qu’avec Hoffman. Nous en faisons une condition sine qua non de
tout accord.
Nous vous proposons donc de répondre vous-mêmes aux injures et
calomnies de Morea et Murray, au nom de l’I.S., et d’une façon définitive.
Envoyez-nous la copie.
Nous considérons comme un problème tout différent de cette exigence la
question du résultat final de notre discussion avec Chasse-Tony, etc. Après
un examen attentif de leur lettre, nous sommes sceptiques sur une
possibilité d’accord avec eux. Nous admettons qu’il faut rechercher cette
possibilité, mais d’une manière extrêmement ferme et nette. Nous vous
envoyons ci-joint une première réponse écrite que nous adressons à Chasse
(en opposition avec la multitude d’extravagances inacceptables de leur
document). Nous considérons notre présente lettre à Chasse-Tony comme
très modérée. C’est-à-dire que Chris, dès son arrivée, devrait non seulement
défendre la base minimum de cette lettre, mais encore vérifier sur beaucoup
d’autres points « soulevables » si oui ou non Chasse, et ceux qui se
déclarent avec lui, peuvent arriver à l’accord conscient et total avec les
bases réelles de l’I.S.
Amitiés,

Guy, Mustapha, Raoul, René

À Donald Nicholson-Smith et Christopher Gray

Samedi matin (16 décembre)

Chers Donald et Chris,

Je reçois à l’instant votre première réponse à Morea et Murray. Elle est


certainement un peu rapide, car depuis notre dernière lettre et le document
émanant de Chasse, vous devez maintenant tout savoir sur les inacceptables
manières de Murray comme de Morea (et savoir aussi que Chasse & C° ne
sont pas encore eux-mêmes assez bien sortis de ce milieu). Je trouve que
vous avez été trop patients et polis avec ce pauvre excité de Morea, qui
nous insulte ouvertement. Ceci met en doute toute la solidarité dans l’I.S.,
pas seulement avec le groupe éventuel aux U.S.A. (comme les documents
depuis ont dû vous le montrer) mais même entre Londres et Paris. Il n’est
que temps que vous corrigiez cette fâcheuse impression, selon les termes de
notre dernière lettre collective1, en vous rappelant, et en rappelant au public
new-yorkais, que vous avez plus de liens solides et de confiance
objectivement fondée avec nous plutôt qu’avec un quelconque Morea.

1. Ajouté de la main de Guy Debord.

2. Allan Hoffman.

Mauvaise photocopie d’une lettre manuscrite.

1. Voir supra, lettre du 5 décembre 1967 à Ben Morea.

J’espère bien que la dernière phrase2 de votre lettre ne peut pas être
interprétée comme évoquant une possibilité de mensonge de Raoul ? Vous
comprenez bien que cela signifierait malheureusement une rupture entre
vous et nous. Donald a une assez longue expérience de l’I.S. pour savoir
que nous n’avons jamais accusé personne mensongèrement. Ni Holl3, ni
Morea, ni quiconque.
Raoul a énoncé aux Bookchin toutes ses critiques sur l’activisme, le style
« petit chef », etc. – et les Bookchin savaient aussi parfaitement le saut
qualitatif manifesté dans le dégoût lors de la rencontre fortuite qui a vérifié
expérimentalement à quel point le seul associé de Morea est réellement
mystique (voyez par le document Chasse les manœuvres de Murray depuis).
Il est exact que Raoul, dès le début, avait manifesté – et dit – qu’il avait peu
d’envie de rencontrer Morea (il savait aussi dès alors la réputation du
totaliste), mais Raoul n’a refusé définitivement et par principe affirmé
qu’après l’éclat supplémentaire de la rencontre fortuite du totaliste (et en
même temps Morea s’en prenait à Bruce dans un style autoritaire ridicule).
Raoul n’est pas allé à New York avec un mandat impératif de l’I.S. lui
enjoignant de rencontrer tout le monde dans n’importe quelles conditions.
Vous n’avez pas proposé un tel mandat. Pour ma part, j’aurais voté contre
en considérant que cela limiterait trop la marge de liberté de notre premier
délégué dans cette obscurité systématique du milieu new-yorkais. En tout
cas, il se trouve que Raoul n’avait pas un tel mandat.
Tous les Américains isolent chaque fait et chicanent sur l’un ou l’autre
motif comme si ces motifs s’excluaient réciproquement ! En fait, tout le
processus de la conduite de Raoul à New York est très cohérent. Il nous
ramène l’assurance que Morea est un con. Le motif central que nous avons
d’abord donné était, à ses yeux, le plus scandaleux. Ce fait Hoffman est
incontesté. Il est en lui-même suffisant du point de vue de l’I.S. (Morea
ment cyniquement en prétendant que Hoffman aurait évolué, puisque Raoul
a vu son infâme mysticisme affiché après cette « évolution »).
Naturellement, vous comprenez pourquoi Morea préfère que la rupture avec
l’I.S. soit réputée venir toute de la question de l’activité dans la rue : alors,
en poursuivant ses mêmes interprétations schizoïdes, il serait l’homme
d’action qui n’a pu s’entendre avec des théoriciens abstraits – ou même
timorés !
De leur côté, Chasse et ses amis ont une certaine impudence à vouloir se
mettre à la place de Raoul en décidant ce qu’il aurait dû, dans son rapport à
l’I.S., déclarer « périphérique » ou central. Il se trouve que, dans son
premier rapport oral, en arrivant à Paris, Raoul a présenté la collusion avec
le mystique comme le pire reproche, central, sur Morea. Depuis, il
maintient ce jugement. Puisque le fait est vrai, c’est son droit. Et puisque le
fait est vrai, tous les situationnistes doivent tout de même convenir que c’est
un motif suffisant.
Il est vrai que, si Raoul avait été présent lors de votre séjour à Paris, tout eût
été clair en une heure, et notre réponse éventuelle à Morea aurait été plus
complète. Mais elle n’aurait pas été «plus vraie ». L’« activisme » bête était
une raison de nous délimiter formellement des activités de Morea. Sa
collusion affichée avec un mystique est la raison qui exigeait le saut
qualitatif de la rupture même personnelle, et le refus de tout dialogue.
Disons que – dialectiquement – nos raisons de rompre ne sont pas l’une ou
l’autre, mais l’une et l’autre, sans contradiction logique; et la deuxième
raison renforçant et transfigurant même la première. Il me paraît étrange
que l’on doive tant argumenter pour une affaire aussi simple.
Le seul reproche que l’on peut faire à Raoul est de n’avoir pas été présent à
Paris quand vous y êtes venus. En fait, je dois dire qu’en présence de Raoul
et de son récit complet, nous aurions même davantage mis en doute la
nécessité de répondre à Morea. L’importance prise par cette question Morea
– vraiment quelque peu « périphérique » par rapport à l’ensemble des
problèmes de l’I.S. – a quelque chose de stupéfiant. Il est grand temps d’y
mettre fin, en se rappelant ce qu’est l’I.S., et avec quels pauvres
confusionnistes semi-irresponsables (Ben comme Murray…) l’I.S. s’est
mise à discuter patiemment, et avec un sérieux dont ils se foutent
complètement !
Dans l’affaire de l’incitation à tout ce que vous savez4, d’après notre avocat
nous risquons au pire cinq ans ferme, mais ce pire est quand même peu
probable. Cependant il estime si étrange qu’on nous attaque sur ce détail
des affiches qu’il est sûr que c’est une manœuvre qui vient de haut pour
nous nuire, à cause de motifs qui viennent de loin.
Amitiés,

Guy
2. « Could anyone, somewhere along the way have distorted
Raoul’s attitude ? If not, we can only conclude that someone,
somewhere is lying. »

3. Voir supra, lettre du 22 janvier 1967 à André Bertrand et


Daniel Joubert.

P.-S. : Je ne peux vraiment pas croire que vos scrupules à propos de Morea
vous mènent à rompre avec nous ici. Si vous deviez faire ce choix, je le
considérerai évidemment comme ce qui est arrivé de plus regrettable depuis
le début de l’I.S.
Vous comprendrez donc que ce que j’ajoute maintenant est seulement pour
que tout soit bien clair entre nous dans n’importe quelle éventualité. Si,
d’ici le départ de Chris pour New York, vous ne pensez pas pouvoir vous
charger, en notre nom à tous, d’envoyer une lettre de rupture définitive à
Murray et Morea, comme nous vous le demandions par notre dernière lettre
collective, je vous prierais de nous le faire savoir. Alors nous enverrons par
nous-mêmes seulement les lettres de rupture injurieuses que nous, nous
sommes maintenant absolument sûrs que ces individus méritent. Et,
naturellement, vous parlerez ensuite en Amérique sur la base tout à fait
indépendante de votre propre groupe, à partir de la plate-forme et des
principes d’action et de dialogue qu’il vous conviendra d’adopter.

[…4] positions sur la question new-yorkaise


1 – Il est vrai que la question de l’organisation doit être maintenant posée
parmi nous dans un nouveau contexte plus large. Il faudra certainement
arriver à définir et pratiquer une véritable autonomie d’action des groupes
nationaux (qu’il ne peut être question de téléguider) dès qu’ils existeront.
Nous rappelons qu’une telle existence d’un groupe I.S. n’était pas (et n’est
pas encore) réalisée à New York. Si l’I.S. actuelle avait assurément le droit
et l’obligation d’intervenir «de l’extérieur» à New York, nous rappelons que
ce ne pouvait être qu’à partir de la seule règle du jeu admise actuellement
entre nous : c’est-à-dire comme un seul groupe cohérent, où la conduite de
chaque membre nous engage tous, et nullement comme une fédération dans
laquelle le groupe de Londres se serait réservé un droit de tutelle spécial sur
les pays anglophones.
2 – Raoul a été à New York le délégué de tous les membres de l’I.S. Nous
ne pourrions désavouer sa rupture publique avec Morea qu’à une des
conditions suivantes : a) si la collusion de Morea avec le mystique – détail
qui a déterminé son choix définitif de refuser même une rencontre où toutes
les autres oppositions auraient été marquées – si ce fait donc était allégué
calomnieusement; b) si on admettait qu’une telle collusion ne peut être un
motif suffisant pour une rupture prononcée au nom de l’I.S. Aucun de ces
deux points n’est soutenable devant nous.
3 – Nous rappelons que la seule forme de rupture qui nous engageait tous –
vous et nous – est celle prononcée par Raoul, et aucunement les griefs ou
brouilles (sérieux ou non; ici peu importe) de Chasse et ses amis, qui
n’étaient pas encore membres de l’I.S. Il est à remarquer que Chasse, dans
son document, voudrait nous faire admettre que nous tous, nous aurions été
en vérité engagés automatiquement par sa propre rupture et ses propres
motifs. Nous lui avons déjà un peu répondu là-dessus. Il faut ajouter que, si
Chasse lui-même minimise d’une façon un peu choquante la question du
totaliste (dont il s’était pourtant servie dès l’arrivée de Raoul, pour
l’écœurer de Morea), c’est probablement parce que Morea doit dire vrai en
signalant les rapports précédents Chasse-Hoffman. Nous croyons que rien
n’est plus important pour clarifier nos positions et les problèmes réels,
devant la confuse « avant-garde » américaine, que cette condamnation
absolue du mysticisme (sévérité qui les surprend tous tellement à l’heure
actuelle). Nous ne méprisons pas les Américains en général au point de
croire que des concessions indignes de nous ici seraient encore bien assez
bonnes pour eux ! Il faut, même si c’est difficile, soutenir le même degré de
conscience partout.
4 – Comme vous savez, dans notre lettre du 14 décembre à Chasse, Tony,
Bruce, nous avons affirmé que nous n’aurions plus aucun contact avec les
menteurs et crétins Murray et Morea. Nos raisons étaient inattaquables.
Vous-mêmes aviez convenu d’avance de cette attitude, sauf au cas où
Morea ferait son autocritique sur ce qu’on lui reprochait (or, il a répondu de
nouvelles injures). Nous ne nous déjugerons jamais. Non possumus. Vous
devez être sûrement aussi conscients que nous du fait que votre rupture
avec nous sur ce point serait pratiquement très nuisible à notre projet
commun : pas seulement à l’I.S., mais à tout le mouvement que l’I.S. peut
aider à se former. Cependant nous préférerions ce coup [retardateur] à un
progrès plus rapide acheté en renonçant aux exemplaires principes de base
qui fondent notre actuelle activité commune – et dont nous n’avons toujours
eu qu’à nous féliciter. (Comme vous savez, ceci n’est pas un sacrifice à la
pureté morale, mais une considération dialectique sur le sens général de
cette activité et de ses résultats.) Vous avez donc à prendre la responsabilité
d’une telle rupture, si vous êtes persuadés que votre dialogue avec Morea
s’impose davantage pour vous que le maintien des principes affirmés de
l’I.S. jusqu’ici (cohérence, engagement de tous par notre délégué dans la
mesure où il n’a aucunement trahi son mandat).
5 – Nous avons accepté de signer avec vous une réponse à Morea
uniquement sur cette base : qu’il soit averti, dans l’infime éventualité où il
l’ignorerait sincèrement, non évidemment de toutes les oppositions entre
nous que Raoul – ou Chris aussi bien ! – aurait pu lui faire connaître dans
une discussion directe, mais bien du fait grave qui avait justifié Raoul à
refuser même de le rencontrer. Morea prétendait que c’était à cause des
calomnies de Chasse et Tony. Nous répondions que c’était pour un point
que Raoul avait constaté lui-même. Comment avez-vous pu vous égarer
hors de ceci ? Il était clair entre vous et nous que la très improbable reprise
d’un dialogue avec Morea serait suspendue à son propre désaveu du
mystique, et à ses excuses pour le ton tranchant qu’il adoptait, comme s’il
était innocent de tout, et victime! Morea répond que le type n’est plus
tellement mystique (ce qui est faux), et ajoute une quantité d’autres injures.
D’après notre accord avec vous à Paris, vous n’aviez plus le droit de lui
répondre (nous n’envisageons pas ici le défaut de tactique pour New York,
mais un principe de base).
I.S. à Morea Ben

Paris, le 21 décembre 1967

4. Incitation « au vol, à la débauche, à l’émeute et au meurtre (des


dirigeants) » dans l’affaire des affiches-comics annonçant la
parution du numéro 11 de la revue Internationale Situationniste.

4. Mot illisible.

Con, ordure, menteur,

Vaneigem t’a fait dire qu’il ne veut pas voir ta gueule d’agitation
folklorique, et en plus soutenue par ton mystique. Tu as été bien bête
d’insister. Les situationnistes, pauvre merde, te chient dessus. Tu n’en
rencontreras jamais. Si tu vois un jour d’ex-situationnistes, c’est qu’ils
seront – exclus – tombés à ton niveau, larve !

Pour l’Internationale situationniste


Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem1
I.S. à Murray Bookchin

Paris, le 21 décembre 1967

Crétin confusionniste,
On t’avait vu soutenir les menteurs à Paris. Tes louches efforts
d’entremetteur à New York en faveur du minable Morea et de son mystique
associé t’ont achevé.
Tu n’es que le crachat dans l’affreuse soupe communautaire, où tout le
monde méprise tout le monde, comme vous le méritez tous. N’espère plus
jamais rencontrer un situationniste (si tu en vois un, ce sera un faux). STOP.
Pour l’Internationale situationniste
Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem1

1. Signatures suivies du tampon de l’I.S.

1. Signatures suivies du tampon de l’I.S.

À Robert Chasse

Paris, le 23 décembre 1967

Cher Robert,

Je reçois à l’instant ta lettre du 20 décembre. Il est très heureux que nous


arrêtions ainsi « l’escalade » de la mauvaise humeur ! L’atmosphère de
malentendu me semble déjà se dissiper. Il reste une discussion théorique –
et « technique » – sur notre pratique de l’organisation. J’abandonne donc ici
toute suite des discussions subordonnées, par exemple sur certaines
traductions. Nous pouvons combiner avec cette discussion un examen de la
récente histoire entre New York, Londres et Paris (car ce deuxième aspect
est une bonne illustration concrète du premier problème). Vous avez dû
recevoir entre-temps notre lettre du 21 décembre (et les trois copies jointes1
signalant une série de ruptures « en chaîne »).
Je réponds tout de suite moi-même. Ainsi, on évitera le style un peu
« administratif » que prennent forcément des lettres rédigées
collectivement, et toujours avec une certaine hâte : car chacune de nos
réunions doit expédier un assez grand nombre de lettres – et aussi traiter
d’autres problèmes, de sorte que cela dure fréquemment toute la nuit. Mais
ceci n’est quand même pas une lettre « personnelle » : je pense qu’elle
résume nos récentes conclusions et j’en communiquerai la copie, avec ta
propre lettre, à la prochaine réunion de nos amis (presque tous dispersés
aujourd’hui pour diverses tâches à travers l’Europe).
Parlons d’abord de notre théorie de l’organisation « cohérente et
démocratique ». Comme tu sais, nous ne nous intéressons pas à une théorie
abstraite. Cette théorie est donc la théorie de notre propre pratique comme
I.S. jusqu’ici. Elle est certainement modifiable et dépassable, mais toujours
par une décision collective consciente, et non par le coup de force arbitraire
de quelqu’un qui nous met en présence d’un « fait accompli ». Nous
définissons cette pratique – depuis le début de l’I.S. et jusqu’à la période
actuelle incluse – comme une tâche d’extrême avant-garde, et qui ne vise
aucunement à se transformer en direction du large mouvement
révolutionnaire qui va se constituer. Nous pensons que le premier travail,
devant la nouvelle époque de contestation qui commence spontanément
partout, est de faire apparaître la théorie critique la plus adéquate (en aidant
ainsi à délivrer les mouvements spontanés de l’inconséquence qui leur fait
mélanger à leur propre vérité une certaine dose d’anciens mensonges
idéologiques). Faire apparaître cette théorie n’est ni possible ni souhaitable
sans une conduite pratique aussi « exemplaire ». Sans vouloir insister sur
notre propre éloge, nous sommes assez sûrs d’avoir pu commencer la
formulation d’une nouvelle rigueur théorique, seulement dans la mesure où
nous avons su défendre une rigueur égale dans notre attitude pratique. Nous
devons éviter toute récupération dans le « spectacle », et toute concession
au confusionnisme. Tony, quoiqu’il nous ait rencontrés assez peu de temps
avant de quitter l’Europe, peut déjà vous témoigner combien de gens ici
essaient de s’approcher des situationnistes (ou de se faire « recruter », ou de
parler en notre nom) avec des intentions objectivement compromettantes.
Tony peut vous dire aussi que nous résistons durement. Autrement dit :
nous refusons dix fois un « succès » qui serait assurément une aliénation,
pour atteindre enfin un succès de notre volonté réelle. À ce stade, les
individus dans l’I.S. doivent avoir tous assez de capacités pour être
autonomes (par exemple, pour ne pas être seulement « partisans »
subordonnés de théories qu’ils ne seraient pas capables de développer et
appliquer eux-mêmes). Et, simultanément, le petit nombre des individus qui
se sont reconnus une participation égale à ce niveau de « cohérence » se
trouve collectivement engagé par ce que chacun d’entre eux peut être
contraint de décider immédiatement et seul, au nom de nos principes
communs (pareillement, quelqu’un de l’I.S. qui combat nos principes
communs m’a engagé et compromis ainsi dans une réfutation de moi-
même : il faut l’exclure pour garder notre sérieux). Ceci pour bien faire
comprendre qu’une rupture publiquement prononcée contre une personne
extérieure par l’un de nous (pour des motifs de l’I.S. et à ce niveau, bien
évidemment) nous oblige à adopter tous immédiatement cette rupture – ou
bien à exclure le situationniste dont nous ne voudrions pas approuver l’acte
(si cet acte était manifestement une trahison ou un abus de nos exigences
générales – qui sont bien connaissables par nos écrits).
Comment prend-on nos décisions majoritaires? D’abord, il faut dire qu’il y
a très peu de votes. Quand nous devons faire un choix sur un problème –
généralement tactique – les bases qui nous sont communes font qu’après
une discussion la solution qui paraît la meilleure rallie presque toujours
l’unanimité. Cependant certains cas ne peuvent être tranchés – avant de
l’être par l’expérience elle-même – qu’en adoptant l’opinion majoritaire.
Envisageons ces cas où il y a désaccord et vote (c’est ce qui se passe
forcément chaque fois que les bases d’accord de l’I.S. sont mises en
question; donc dans toutes les affaires d’exclusions et ruptures). Jusqu’ici,
nous avons cette facilité que le groupe est numériquement restreint, et cette
difficulté que ce même groupe est géographiquement assez dispersé. Nous
décidons par une réunion, ou une série de réunions, des échanges de lettres,
des délégués (si un délégué est infidèle à son mandat précis, naturellement
il faut l’exclure). Cette difficulté matérielle exige évidemment que personne
– sauf en cas de faits nouveaux survenus – ne remette en cause les
engagements qu’il a souscrits après discussion. Mais cette difficulté est en
même temps normalement très diminuée en ce que nous pouvons avoir les
uns envers les autres une confiance fondée sur une bonne connaissance des
capacités prouvées par chacun dans son maniement de la rigueur théorique
et pratique. Nous sommes tous bien d’accord avec toi sur le fait que le
fonctionnement devra être autre quand les situationnistes seront seulement
cent. Mais ici je rappelle notre tâche communément définie : nous ne
voulons pas nous transformer en parti (ainsi, nous pourrions facilement,
depuis quelque temps, faire adhérer en France plus de cent individus; et
cela n’est pas souhaitable). Nous devons créer – à la limite, dans chaque
pays – un noyau capable d’accomplir la même tâche « d’extrême avant-
garde » que nous avons seulement commencée dans deux ou trois pays
européens. (Il est aussi évident que dans le moment du développement d’un
mouvement révolutionnaire profond, l’I.S. devra résoudre encore d’autres
problèmes sur ses modalités d’action, problèmes qui sont maintenant à
peine effleurés par la discussion, car en aucun cas nous ne prétendrons à un
rôle dirigeant devant ce mouvement – ni du dehors, ni du dedans.) On peut
donc dire, à cause de ce qui précède, qu’au moment où il y aura cent
membres de l’I.S., ils seraient forcément répartis dans cinq ou six pays.
Alors, le rapport des « individus autonomes » devra passer par la médiation
des groupes pratiquement agissants. À ce moment, il est évident que c’est
chacun de ces groupes qui devra résoudre pour lui-même le problème de la
décision démocratique pour son activité; et sur la base d’accord général de
tous les groupes, les questions les plus « universelles » devraient alors
seulement être débattues dans des conférences générales de tous les groupes
où – tout le monde ne pouvant venir – il faudrait compter combien de
mandats représentent les participants (on peut aussi à tout instant faire
connaître ses positions par écrit, mais rien ne vaut le débat dans un dialogue
direct). Avec l’apparition de « l’Amérique » parmi nos problèmes pratiques,
nous nous trouvons déjà confrontés aux prémisses de cette question de la
liaison entre groupes distants. Il faudra la discuter et définir les formes
pratiques lors de notre prochaine conférence, que nous pensons faire en
19682. Dès maintenant, il est tout de même clair que nous ne vous
demanderons pas, si vous trouvez un troisième ou un quatrième camarade
aux U.S.A., de l’envoyer d’abord faire le tour de l’Europe pour être connu
et accepté par tous les autres ici! Par contre, sur le problème de votre
« adhésion » à l’I.S., les situationnistes actuels devaient se prononcer,
comme un groupe unique, d’après les seules règles de notre jeu
actuellement existantes, d’après nos principes généraux d’accord, et – oui,
tout de même ! – d’après l’expression de votre volonté.
C’est ici que commence l’histoire entre nous depuis le passage de Raoul à
New York; et la série des difficultés, dont nous avons maintenant pris
conscience dans toute son étendue. Je vais maintenant reprendre cette
question, chronologiquement, un peu brièvement sur les points que vous
connaissez déjà par les précédentes lettres, et d’une manière plus détaillée
sur les nouveaux points apparus.
Peu avant le voyage de Raoul, je suis allé en Angleterre : Donald et Chris
avaient le même avis que nous (voir ci-dessous) sur cette question. Raoul
était délégué sans autres instructions que celles qui étaient sur le papier
qu’il vous a lu. Nous lui recommandions seulement de prendre d’abord
contact avec toi – ce qu’il a fait en débarquant. Car nous connaissions tous
les graves faiblesses du comportement de Murray (pour l’avoir vu à l’œuvre
à Paris) et, d’autre part, nous estimions tous – y compris les Anglais –,
d’après les lettres échangées avec toi, que tu étais le New-Yorkais le plus
proche de nos positions. Personne n’avait proposé de limiter la liberté de
Raoul en exigeant qu’il discute avec tout le monde (ni en exigeant qu’il
rencontre, par exemple, précisément, Morea, indépendamment des
conditions qu’il pourrait trouver et juger en voyant directement l’état des
problèmes à New York). J’ai vu Raoul avant son départ et lui ai transmis
l’opinion des Anglais.
Voici maintenant notre opinion commune à ce moment (exprimée déjà dans
le document que Raoul vous portait). Nous pensions qu’après tant de
traductions, et surtout l’ouverture d’une boîte postale de l’I.S. à New York,
fait qui engage manifestement notre responsabilité, et pour lequel nous
n’avions aucune garantie, il était urgent de découvrir avec qui nous serions
précisément en accord et en contact à New York. (D’accord sur le fait que
« prospective » = possible : les autres membres possibles de l’I.S.
n’engagent pas notre responsabilité par des actions publiques
unilatéralement décidées.) Nous étions tous particulièrement inquiets du fait
que Tony était resté pendant des mois sans garder le moindre contact avec
nous. Quand il nous avait enfin écrit une longue lettre, il disait qu’il avait
gardé un utile contact avec Londres : ce que Chris niait fortement.
Quand Raoul est revenu à Paris – avant de repartir aussitôt pour un autre
voyage : de sorte que nous n’avons pas pu réenvisager de nouveaux détails
en sa présence pendant les deux semaines suivantes – dans son exposé sur
New York, il a naturellement beaucoup plus parlé de son accord avec Tony
et toi que des ruptures corollaires; qui sont aussi une bonne chose, mais
moins importante. Raoul a cependant beaucoup insisté sur le cas du
mystique pour montrer la misère de Morea (que ce problème soit bien clair :
il y avait beaucoup d’autres graves désaccords qu’il aurait dit à Morea s’il
l’avait rencontré, et il hésitait même à rencontrer un personnage peu
intéressant et déjà opposé à nos amis – mais après le scandale avec le
mystique, il ne voulait même plus rencontrer Morea : ceci n’est en rien
contradictoire avec les critiques plus théoriques que vous pouvez faire sur
Morea dans l’étude de la « New Left »). Je crois que je dois faire remarquer
ici que la discussion avec un mystique nous choque plus fortement qu’elle
ne paraît vous choquer, vous.
Raoul a dit que l’accord avec vous était sûr et solide, mais que vous
préféreriez attendre d’avoir achevé votre propre texte théorique pour vous
présenter ouvertement comme « situationnistes ». Cette préférence lui a
paru – et nous a paru ici lors de son rapport – un excellent procédé. Mais,
nous l’avons compris comme un choix simplement tactique ; secondaire en
regard de notre accord « stratégique » (à vous de nous dire maintenant si en
cela, Raoul s’est trompé). En effet, l’évolution précipitée des problèmes
tactiques avec New York nous a menés à accélérer ce processus. Je parle
encore maintenant de question tactique ; évidemment, après votre réponse
du 10 décembre, nous avons pensé qu’il apparaissait un désaccord
fondamental, non aperçu par Raoul, si vous aviez le projet d’une
« autonomie américaine absolue » qui ne tienne aucun compte du reste de
l’I.S. – mais la réponse de ta lettre du 20 décembre dément cette hypothèse.
Cependant, même après ce document du 10 décembre, qui nous laissait très
sceptiques sur une chance d’accord avec vous – bien que nous faisions la
part de votre mauvaise humeur à cause de notre réponse à Morea – nous
étions tous ici absolument résolus à ne plus accepter de discussions avec
d’autres que vous. La rupture avec Morea s’imposait objectivement : quoi
que devienne ensuite la discussion avec vous; vous n’aviez pas à nous
« acheter » cette rupture en nous donnant raison sur toute la ligne dans notre
débat !
Voici maintenant la suite de ces problèmes tactiques survenus d’une
manière très précipitée. J’avais écrit assez brièvement aux Anglais les
heureuses conclusions (selon nous) du voyage de Raoul. Mais en même
temps, ils recevaient la première protestation de Morea. Ils vinrent tout de
suite à Paris : ils regrettaient que Raoul n’ait pas accepté une rencontre avec
Morea. Nous donnons l’argument le plus gros – et incontesté – par lequel
Raoul nous avait justifié son choix. Les Anglais proposent – à notre vif
étonnement – de suspendre notre décision là-dessus jusqu’à leur propre
passage à New York. Nous – la majorité, encore une fois! – nous rejetons
absolument une perspective qui équivaut à désavouer Raoul. Ils insistent
alors, avec beaucoup de scrupules, sur le fait que « peut-être Morea ne sait
pas pourquoi Raoul a pu se conduire avec une telle violence » (ils se
servent de ce juste argument que l’on ne peut compter sur Murray pour
transmettre fidèlement les motifs, même les plus énormes, que Raoul lui a
donné; ni sur Hoffman). Nous acceptons alors de signer avec eux une lettre
à Morea pour l’informer d’une raison suffisante de notre refus du dialogue.
Nous sommes alors tous d’accord sur le fait qu’aucun contact ne pourra
plus exister avec Morea, sauf s’il s’excusait immédiatement sur sa collusion
avec le mystique, et le ton injurieux de sa lettre. Nous pensions presque
tous que c’est absolument invraisemblable : cependant Chris disait que
Morea est, d’après lui, « honnête », et qu’une telle prise de conscience n’est
pas tout à fait impossible (mais Chris lui-même estimait qu’en aucun cas
nous n’aurions pu envisager un accord avec Morea). Cependant, nous ne
voulions pas que cette manifestation un peu excessive de scrupule
formaliste (naturellement, il est tout à fait nécessaire de déclarer
ouvertement à quelqu’un nos raisons de le rejeter; mais dans le cas de
Morea il était plus que probable qu’il savait tout cela très bien), nous ne
voulions pas que ceci puisse servir à remettre en cause les choix
irréversibles acquis dans le séjour de Raoul à New York. Nous avons alors
demandé, en même temps que cette réponse serait faite à Morea, que nous
marquions tout de suite que nous sommes engagés avec Tony et toi (et qu’il
ne peut plus être question de discuter encore indifféremment avec les uns et
les autres). Les Anglais ont accepté : ce fut donc le document
« administratif » du 5 décembre3 – qui ne vous a pas beaucoup plu !
Voilà donc quelles étaient nos raisons. On peut résumer ainsi : l’apparition
de publications faites en notre nom à New York nous poussait à rechercher
plus vite un accord précis avec des camarades dans cette ville; alors les
réactions hostiles soulevées par cet accord (par ex. Morea) nous menaient à
précipiter la formalisation déclarée de cet accord. C’est à vous maintenant
de choisir à partir de là.
Vous connaissez la suite. Morea n’a répondu que de nouvelles injures, et les
Anglais lui ont encore écrit – brisant notre accord – d’une manière qui peut
même laisser comprendre que Raoul a menti en qualifiant Hoffman de
mystique (ce que, bien entendu, Donald et Chris n’ont jamais dit dans notre
débat : ils savaient eux-mêmes, et aussi par Murray, qu’Hoffman est
mystique).
Alors nous les avons sommés de rompre tout de suite, par lettres, avec
Morea et Murray : sinon nous le ferions sans eux ; et cela signifiait donc
leur rupture avec nous.
Les Anglais nous [ont] encore télégraphié pour demander un supplément de
discussion à Londres. Raoul y est allé, avec un texte d’ultimatum – et aussi
en pouvant leur raconter directement tous les processus de son séjour à New
York. Les Anglais disaient d’abord qu’ils ne souhaitaient pas la rupture
avec nous : ils commençaient donc à écrire des lettres de rupture à Murray
et Morea, mais la rédaction apparaissait très difficile, parce qu’ils trouvaient
chaque phrase trop violente ! Ce travail, qui n’avançait donc pas vite, devait
se poursuivre le lendemain. Mais le lendemain, les Anglais ne voulaient
plus continuer et soulevaient de nouveaux problèmes : en donnant comme
preuve suffisante votre document du 10 décembre, ils déclaraient
maintenant que Raoul avait eu tort, non plus seulement de rompre avec
Morea, mais de te déclarer, toi, acceptable pour l’I.S. – et surtout que Tony
ne pouvait pas être accepté! (Il faut noter qu’ils avaient signé eux-mêmes
cette acceptation le 5 décembre; et surtout qu’ils ne connaissent presque pas
Tony : encore moins que moi et surtout moins que Raoul qui l’a rencontré
plus longuement à New York.)
Raoul – et René – ont alors renoncé à poursuivre cette discussion. Il était
devenu évident qu’il ne s’agissait plus d’un malentendu et d’une lenteur de
raisonnement, mais d’une volonté de ne pas entendre. Nous avons donc
constaté la rupture définitive; on peut dire qu’elle ne s’est pas produite aussi
rapidement que prétend notre épouvantable légende : il y avait eu plus de
dix lettres échangées, deux voyages, et en tout plus de six journées de
discussion entre les deux « courants ».
Ce que les trois camarades anglais ont fait se résume donc ainsi :
1) ils se sont désolidarisés systématiquement, et ceci dès le début, sans
aucune raison soutenable, de toute l’activité de Raoul à New York (alors
que tous les autres situationnistes affirment que leur confiance en Raoul,
fondée sur une multitude d’expériences à tous les niveaux, est inattaquable).
2) Ils ont manifesté une indulgence stupéfiante – comique et indigne – pour
Morea, ses fréquentations mystiques et ses « méthodes de discussion ».
3) Ils ont simultanément affirmé une hostilité absolue et irrationnelle contre
Tony et toi. (J’ai dit que nous avions tous des critiques à formuler sur
l’action antérieure de Tony, mais ayant appris depuis son accord complet
avec toi et avec Raoul, nous ne pouvons admettre qu’il soit condamné
métaphysiquement pour avoir trop négligé le contact avec nous dans la
période précédente. Nous avions aussi rappelé que son attitude dans « la
bataille de Strasbourg » avait été entièrement digne et rigoureuse.) Si nous
avions cédé sur cette question si claire et si choquante du refus de la
solidarité, l’I.S. devrait logiquement accepter aussi de céder dans dix autres
affaires extérieures importantes où nous sommes simultanément engagés; et
même toujours par la suite! La fonction radicale que nous avons eue
jusqu’ici prendrait fin.
Nous regrettons Donald, que nous aimions beaucoup. En deux années à
Paris, nous avons toujours été en accord complet avec lui. Il n’était
redevenu « anglais » que depuis deux mois, pour aider enfin à faire naître un
« groupe anglais » qui – depuis dix-huit mois – n’avait pu dépasser le stade
des traductions, car il était composé seulement de Chris (et d’un autre
épisodiquement: Radcliffe n’avait rigoureusement rien fait en dix-huit
mois, et finalement avait amicalement formulé sa démission à Chris
quelque temps avant cette affaire). Nous trouvons bien étrange que
l’atmosphère de ce « groupe virtuel » ait si rapidement altéré chez Donald
la rigueur de raisonnement et même le sens de la dignité.
Il faut bien souligner que, depuis notre première discussion aboutissant à un
accord avec Chris et Ch. Radcliffe, nous avions toujours fait entièrement
confiance aux Anglais (ce qui nous semblait bien normal) sans jamais
contrôler d’aucune manière ce qu’ils ont fait en Angleterre. Et voilà donc
qu’à leur première intervention dans un débat général, nous constatons
qu’ils ne se sentent vraiment pas du tout tenus à la même confiance envers
Raoul et d’autres ! Utile leçon.
Nous ne comprenons pas encore bien clairement leurs intentions dans cette
affaire (mais la suite de leur propre activité ne saurait manquer de les
révéler). Aucune opposition n’avait été marquée par eux à aucune de nos
thèses et perspectives. On peut seulement trouver ce point à peine abordé,
en dix minutes, tout récemment : Chris disait que l’Angleterre et les U.S.A.
devaient être considérés comme un seul terrain d’action, avec les mêmes
publications, une seule revue, etc. Je répondais alors que cette idée ne me
semblait pas très réaliste. Mais on voit mal comment une telle divergence
« théorique » à peine esquissée peut conduire en quinze jours à une rupture
de la solidarité pratique.
Il y a beaucoup d’autres informations européennes qui seraient intéressantes
(les plus notables : les poursuites pénales commencées contre nous à Paris
pour incitation au vol, au crime et à la débauche, sur la base du comic’s que
vous connaissez – et le scandale récent d’étudiants pro-I.S. à Rennes4, qui
recommencent le coup de Strasbourg). Mais cette lettre est déjà bien assez
longue.
Amitiés,

Guy

1. Les deux lettres qui précèdent, plus la Circulaire à toutes les


sections parue dans Correspondance, vol. III, p. 247-248.
2. La VIIIe Conférence n’aura lieu qu’en 1969 (du 25 septembre
au 1er octobre) à Venise.

3. Cf. Correspondance, vol. III, p. 241-242.

P.-S. : Dites-nous quand vous aurez reçu le livre de Raoul et le mien. Sinon,
on les enverra par une voie plus discrète.

4. Il s’agit en fait de Nantes (cf. Correspondance, vol. III, p. 243-


244, lettre à Yvon Chotard).
INDEX GÉNÉRAL DES NOMS

ABADIE (Paul) : vol. VI


ABD EL-KADER : vol. IV; vol. VI
ABDERAHMAN : vol. VI
Abeille : vol. III
ABÉLARD (Pierre) : vol. VI.
ABRAMOVITCH : vol. VI
ABÛ L-ALÂ AL-MA’ARRÎ : vol. VII
ACERETE (Julio C.) : vol. IV
ACHILLE : vol. VI
ACTUALITÉS (librairie) : vol. VII
ADAMOV (Arthur) : vol. II
ADENAUER (Konrad) : vol. II
Adriana : vol. VI
Adriana-Giustina, dite Justine : vol. V
AFRODITE (éditions) : vol. IV
AGALEV (éditions) : vol. VII
AGAM (Yaacov) : vol. III
AGAMBEN (Giorgio) : vol. VII
AGNELLI (Giovanni) : vol. IV; vol. V
AÏT AHMED (Hocine) : vol. II; vol. III
AJAX (Alain) : vol. VII
ALBA (Victor) : vol. VI
ALBARIC (Alain) : vol. VI
ALBARIC (Michel) : vol. VI
ALBERTS (Anton) : vol. « 0 »,vol. I
ALBICOCCO (Gabriel) : vol. « 0 »
ALBIN MICHEL (éditions) : vol. «0»
ALECHINSKY (Pierre) : vol. I; vol. VII
ALEXANDRE LE GRAND : vol. V
ALFERJ (Pasquale) : vol. IV
ALFIERI (Vittorio) : vol. VI; vol. VII
Ali : vol. III
Alison D. : vol. IV; vol. V
ALLENDE (Salvador) : vol. V; vol. VI
ALLIA (éditions) : vol. VI; vol. VII
ALLOWAY (Lawrence) : vol. « 0 »,; vol. I
ALTHUSSER (Louis) : vol. V; vol. VI; vol. VII
ÁLVAREZ DE SORIA (Alonso) : vol. VII
ÁLVAREZ- TEJEDOR (Pilar) : vol. VI
ALVES (Francisco) : vol. IV; vol. V
AMBROSETER : vol. I
Amédée : voir LEFEBVRE (Henri).
AMELOT DE LA HOUSSAYE (Nicolas) : vol. IV
AMER (maréchal) : vol. V
AMIOT (père Joseph) : vol. VII
AMOROS (Miguel) : vol. VI
AMPTI : vol. II
ANAGRAMA (éditions) : vol. VII
ANASTASSIADIS (Mikis) : vol. VI
Andalouse (l’) : voir LOPEZ-PINTOR (Antónia).
ANDERS (Günther) : vol. VI; vol. VII
Andréa : vol. VII
ANDRÉANI (Jean-Louis) : vol. VII
Andrée : vol. VI
Andrès : vol. III
ANGIOLIERI (Cecco) : vol. IV
ANNE D’AUTRICHE : vol. VII
Anne d’Autriche (pour la tante de Gianfranco SANGUINETTI) : vol. V
Anne-Marie : vol. III
Annie : vol. VII
ANSELME (saint) : vol.V
Anstryn : vol. « 0 »,
ANTIGONA (éditions) : vol. VI
ANTOINE (Marc) : vol. VII
Antonella : vol. V
ANTONIONI (Michelangelo) : vol. V
APOLLINAIRE (galerie) : vol. « 0 »,
APOLLINAIRE (Guillaume) : vol. «0»vol. II; vol. IV; vol. VI; vol.
VII
APOLLINAIRE (saint) : vol. VII
APOSTOLAKEAS (Christos) : vol. VII
APPEL (Karel) : vol. I; vol. IV
ARAGON (Louis) : vol. «0»vol. VI
ARCANA (éditions) : vol. «0»vol. V; vol. VI; vol. VII
ARCHAMBEAU (Dr) : vol. VII
ARCHILOQUE : vol. VII
ARCIMBOLDO (Giuseppe): vol. VII
ARDANT DU PICQ (Charles) : vol. V; vol. VI
ARÉTIN (Pietro ARETINO, dit l’) : vol. IV
ARIGONI : vol. IV
ARIOSTE (Ludovico ARIOSTO, dit l’) : vol. VI
Arlette : vol. I
ARMANDO : vol. «0»vol. I
ARNAUD (galerie) : vol. I
ARNAUD (Georges) : vol. I
ARNAUD (Michel) : vol. I
ARNAUD (Noël) : vol. «0»; vol. I; vol. II
ARNOTT (David) : vol. II; vol. III
ARON (Raymond) : vol. «0»; vol. VI
ARROYO (Eduardo G.) : vol. II
ARTAUD (Antonin) : vol. I; vol. VI
ARTMEDIA : vol. V; vol. VI
ASCASO (Francisco) : vol. VI
ASCLÉPIODOTE : vol. VII
ASSOMMOIR (éditions de l’) : vol. VI
ASSOULINE (Pierre) : vol. VII
ASTIER DE LA VIGERIE (Emmanuel D’) : vol. II
ATKINS (Guy) : vol. I; vol. II
ATLAS (Anatole) : vol. VI
ATTALI (Jacques) : vol. V; vol. VI
AUBIER (éditions) : vol. VII
AUGUSTINCI (Rudi A.) : vol.I
AUREL (Jean) : vol. V; vol. VI
AVENEL (Georges) : vol. V; vol. VI
AVICENNE : vol. VI
AVOYNE : vol. V
AXELOS (Kostas) : vol. «0»; vol. II; vol. III
AYMÉ (Marcel) : vol. VII

BAADER (Andreas) : vol. IV; vol. V; vol. VI


BABEL (Isaac) : vol. IV
BABEUF (Gracchus) : vol. II; vol. VI; vol. VII
BABORD (René-Guy) : vol. « 0 »,
BACH (Jean-Sébastien) : vol. VII
BACHELARD (Gaston) : vol. II
BACON (Francis) : vol. VI
BADEMER (Marlène) : vol. III
BADIOU (Alain) : vol. VI
BAIESI (Jean-Pierre) : vol. VII
BAJ (Enrico) : vol. « 0 »,; vol. I; vol. III
BAKIR : vol. II
BAKOUNINE (Mikhaïl Aleksandrovitch) : vol. « 0 »,; vol. III; vol.
IV; vol V; vol. VI; vol. VII
BALDENEY : vol. II
BALDI (Camillo) : vol. VII
BALESTRINI (Nanni) : vol. VII
BALL (Hugo) : vol. II
BALLADUR (Édouard) : vol. VI
BALLAND (éditions André) : vol. «0»,
BALLIVET : vol. «0»
BALTHAZAR (André) : vol. « 0 »
BALZAC (Honoré DE) : vol. II; vol. VI
BANDINI (Mirella) : vol. V; vol. VII
BANVILLE (Théodore DE) : vol. VI
BARBIER : vol. III
BARCLAY DE TOLLY (Michel Bogdanovitch) : vol. VI
BARDOT (Brigitte) : vol. V
BARDUCCI (Elvio) : vol. V; vol. VI
BARGAS (Estella) : vol. IV
BARJOLIN (Joëlle) : vol. V
BARJOT : voir CASTORIADIS (Cornelius).
BARKER (John) : vol. IV
BARNES (Dr) : vol. VII
BARO : vol. III
BARRAQUÉ (Martine) : vol. V
BARRAT (Robert) : vol. II
BARRE (Raymond) : vol. VI
BARRET (Pierre) : vol. IV
BARRIL (capitaine) : vol. VI
BARROT (Gilles DAUVÉ, alias Jean) : vol. IV; vol.V; vol. VI
BARTHES (Roland) : vol. II; vol. VI
BASSE (René) : vol. VII
BASTID (Jean-Pierre) : vol.V; vol. VII
BATAILLE (Georges) : vol. «0»
BATHORY (Erzsébet) : vol. II
BATSCH (Christophe) : vol. VI
BATTISTI (Cesare) : vol. VI
BAUDELAIRE (Charles) : vol. II; vol. VI; vol.VII
BAUDELOT (Me Yves) : vol. VII
BAUDRILLARD (Jean) : vol. VI; vol. VII
BAUER (Bruno) : vol. IV; vol. V
BAUER (Otto) : vol. V
BAUMGARTNER : vol. I
BAYEN (recteur) : vol. III
BAYER : vol. VI
BAYNAC (Jacques) : vol. V
BAZIN (André) : vol. VII
BÉALU (Marcel) : vol. «0»
BÉARN (Henry DE) : vol. «0»
Beatrice : vol. «0»
BEAUCÉ : vol. «0»
BEAULIEU (François DE) : vol. «0»vol. III; vol.IV
BEAULIEU (Maria DE) : vol. IV
BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin CARON DE) : vol. VI
BEAURAIN (Nicole) : vol. II
Bébert : vol. III
BECKER : vol. V; vol. VII
BECKER (Anicet) : vol. V
BECKER (Eugène) : vol. V; vol.VI; vol. VII
BECKER (Jürgen) : vol. III
BECKER (Marie-Louise) : vol. V; vol. VII,
BECKER-HO (Alice) : voir DEBORD (Alice).
BECKETT (Samuel) : vol. I
BEETHOVEN (Ludwig VAN) : vol. VII
BÉGOT (Jean-Pierre) : vol. VI
BÉHOUIR (Bartholomé) : vol. IV
BEIMLER (Hans) : vol. II
BELGHANEM (Robert) : vol. III
BELKACEM (Krim) : vol. I
BELLE-ISLE (Charles FOUQUET, duc DE) : vol. VII
BELLES LETTRES (éditions LES) : vol. VII
BELMONDO (Jean-Paul) : vol. VI
BELMONT (Véra) : vol. V
BEN ALI : vol. III
BEN ARAFA (Mohammed) : vol. «0»
BENAYOUN (Robert) : vol. «0».
BEN BARKA (Mehdi) : vol. III
BEN BELLA (Ahmed) : vol. «0» vol. II; vol. III
BENBOW (William) : vol. VI
BENJAMIN (Walter) : vol. VI
BEN MOREA : vol. «0»,vol. III
BENOIST (Alain DE) : vol. VI
BENOIST (Jean-Marie) : vol. VII
BENOLDI (Elio) : vol. I
BENVENISTE (Jacques) : vol. VII
BÉRANGER (Pierre Jean DE) : vol. VI
BÉRARD (Hubert) : vol. III
BERCOFF (André) : vol. VI
BÉRÉGOVOY (Pierre) : vol. VII
BERGER-LEVRAULT (éditions) : vol. VI
BERGERON (André) : vol. III
BERGIER (Jacques) : vol. «0»vol. II
BERGSON (Henri) : vol. VII
BERIA (Lavrenti Pavlovitch) : vol. III
BÉRIOU (Jean-Yves) : vol. IV
BERKE (John) : vol. III
BERLIET (entreprise) : vol. VII
BERLINGUER (Enrico) : vol. IV
BERNA (Serge) : vol. «0»vol. I; vol. VII
BERNARD (imprimerie Ch.) : vol. I
BERNELAS : vol. VII
BERNERI (Camillo) : vol. VI
BERNSTEIN (Eduard) : vol. IV; vol. V
BERNSTEIN (Michèle) : vol. «0»vol.I ; vol.II ; vol.III; vol. IV; vol. V;
vol. VII
BERREBY (Gérard) : vol. VII
BERRETONI : vol. V
BERRYER (Pierre Antoine) : vol. V
BERTALL (Charles-Albert D’ARNOUX, dit) : vol. III
BERTAUT : vol. VII
BERTRAND (André) : vol. «»vol. III,; vol. IV
BESSE (François) : vol. VII
BESSON (Pierre) : vol. VI; vol. VII
BEUVE-MÉRY (Hubert) : vol. III
BIBLIOTHÈQUE D’ALEXANDRIE : vol. «0»; vol. II; vol.V; vol. VI;
vol. VII
BIEDA (David) : vol. «0»vol. IV
BIGORGNE (Gérard) : vol. III
BILL (Max) : vol. I; vol. IV
BIRCH (galerie) : vol. I
BISMUTH : voir LEMAÎTRE (Maurice).
BITTERMANN (Klaus) : vol.VI
BIZET (Georges) : vol. VI
BLACHIER (Pierre) : vol. III; vol. IV
BLACK & RED (éditions) : vol. IV; vol. V; vol. VII
BLANC (Anita) : vol. VII
BLANC (Louis) : vol. IV
BLANCHARD (Daniel), alias Pierre CANJUERS : vol. « 0 »vol. I;
vol.II; vol.V.
BLANQUI (Louis Auguste) : vol. II
BLAVIER (André) : vol. «0»
BLIN : vol. VII
BLOCH (Ernst) : vol.
BLOCH (Marc) : vol. VII
BLOCH-LAINÉ (Nathalie) : vol. VII
BLON : vol. V
BLONDEAU : voir MONTEIRO (Afonso).
BLOY (Léon) : vol. VII
BLÜCHER (Gebhart Leberecht, prince BLÜCHER VON WAHL-
STATT): vol. VII
BLUM (Léon) : vol. VI
BLUNT (Anthony) : vol. VI
BOCCA (Giorgio) : vol. V
BODSON (Guy Antoine) : vol. «0»vol. III
BOERSA (S.D.) : vol. I
BOGAERT (Eugène) : vol. « 0 »vol. I; vol.II; vol. III; vol. IV
BOGGIO (Philippe) : vol. VI
BOILEAU (Nicolas) : vol. VI
BOKASSA (Jean Bédel) : vol. VI
BOLCHI (Sandro) : vol. IV; vol. V
BOLLAG (Soshana) : vol. I
BOLLOTEN (Burnett) : vol. V; vol.VI
BOLTANSKI (Ariane) : vol. VII
BONAPARTE (Napoléon) : voir NAPOLÉONr.
BONAPARTE (Charles Louis Napoléon) : voir NAPOLÉON III.
BONFANTI (Antoine) : vol. V
BONITZER (Pascal) : vol. VI
BONNET (Michel) : vol. II
BONNOT (Jules Joseph) : vol. III; vol. V; vol. VI
BONTEMPS (Charles-Auguste) : vol. III
BOOKCHIN (Murray) : vol. « 0 » vol. III
BOORSTIN (Daniel J.) : vol. VI
BORDAS (éditions) : vol. IV
BOREL : vol. V
BORGHESE (Junio Valerio, prince) : vol. IV
BORGIA : vol. VI
BORGIA (César) : vol. V; vol. VI
BORGIA (Michael) : vol. V
BORKENAU (Franz) : vol. VI; vol. VII
BORRI (Oreste) : vol. « 0 »
BOSCH (Jérôme) : vol. VII
BOSSUET (Jacques Bénigne) : vol. « 0 »vol. VI; vol. VII
BOSWELL (James) : vol. V
BOTIFOLL GÓMEZ (G.) : vol. VI
BOTT (François) : vol. «0»vol. VI
BOTTICELLI (Sandro FILIPEPI, dit) : vol. IV
BOUCHER (L.J.C.) : vol. IV; vol. V
BOUDARD (Alphonse) : vol. VII
BOUDIAF (Mohamed) : vol. III
BOUGNOUX (Daniel) : vol. VII
Boujoum : voir Iphicrate-Boujoum.
BOUKHARINE (Nikolaï Ivanovitch) : vol. V
BOULGAKOV (Mikhaïl) : vol. IV; vol. VII
BOUMEDIENE (Muhammad Bukharruba, dit Houari) : vol. III
BOUNAN (Martine) : vol. VII
BOUNAN (Dr Michel) : vol. VII
BOURDELAIN (Florence, Thierry) : vol. VII
BOURDET (Claude) : vol. « 0 »
BOURDET (Yvon) : vol. III
BOURGADIER (Gérard) : vol. V
BOURGIN (Georges) : vol. III
BOURGOIGNIE (Paul) : vol. « 0 ».
BOURGOIS (Christian) : vol. V; vol. VI
BOURGUIBA (Habib) : vol. III
BOURTSEV (Vladimir Lvovitch) : vol. VI
BOUSSAC (Marcel) : vol. « 0 »
BOUTANG (Pierre) : vol. « 0 »,
BOUTIQUE (galerie de LA) : vol. « 0 »
BRAÏK (Alain) : vol. V; vol. VII
BRAMBILA : vol. V
BRAU (Éliane) : vol. «0»vol. VI
BRAU (Jean-Louis) : vol. « 0 »vol. VI
BRAVO (Anna) : vol. III; vol. IV
BRECHT (Bertolt) : vol. «0»vol. II; vol. IV; vol. VI
BRECY (Robert) : vol. VI
BRÉE (Gérard-Pierre) : vol. IV; vol. V
BREGA (Gian Piero) : vol. IV
BREJNEV (Leonid Ilitch) : vol. IV; vol. V; vol. VI
BRENAN (Gerald) : vol. V; vol. VI
BRETEAU (Gisèle) : vol. VI
BRETON (André) : vol. «0»vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI;
vol. VII
BRETON (Aube) : vol. VI
BRETON (Élisa) : vol. VI
BRICIANER (Serge) : vol. II; vol. V
BRILL (éditions) : vol. V
BRISSET (Jean-Pierre) : vol. VI
BROCH (Hermann) : vol. I
BROOK (James) : vol. VII
BROSSES (président Charles DE) : vol. IV
BROVELLI : vol. IV
BROWN (John) : vol. III
BRUANT (Aristide) : vol. VI; vol.VII
BRUGUIÈRE (juge Jean-Louis) : vol. VI
BRÜHL (Marie DE) : vol. VI
BRULL (Marianne) : vol. VI
BRUNELLESCHI (Filippo) : vol. « 0 »
Bruno : vol. I
BRUNO (Jean-Claude) : vol. III
BRUTUS (Lucius Junius) : vol. VI
BRUTUS (Marcus Junius) : vol. VI; vol. VII
BUCHANAN (George) : vol. II
BUCHET (Edmond) : vol. III; vol. IV
BUCHET (Guy) : vol.IV ; vol. V
BUCHET-CHASTEL (éditions) : vol. «0»vol. IV; vol.V; vol. VII
BUENAVENTURA : voir ROTHE (Eduardo).
BUFFIER : vol. II
BUFFON (Georges Louis LECLERC, comte DE) : vol. VI
BUÑUEL (Luis) : vol. V
BUONARROTI (Philippe) : vol. VII
BURCKHARDT (Jacob) : vol. VI
BUREL (Renaud) : vol. VII
BUREN (Daniel) : vol. VII
BURNHAM (James) : vol. V
BURROUGHS (William) : vol. II; vol. V
BURY (Pol) : vol. «0»
BUTLER (Samuel) : vol. VI
BUTRICO (Giovanni) : vol. III
BYRON (William) : vol. VII

CADE (Jack) : vol. VII


CAETANO (Marcelo) : vol. «0»
CAGNASSO : vol. I
CAHOREAU (Gilles) : vol. VII
CAILLOIS (Roger) : vol. «0»
CALABI (M.) : vol. IV
CALABRESI (Luigi) : vol.IV; vol. V
CALDER (John) : vol. « 0 »vol. II
CALDER AND BOYARS (éditions) : vol. IV
CALIXTE (Jean-Charles) : vol. II
CALLET (général) : vol. V
CAMACHO (Diego), dit Abel PAZ : vol. VI
CAMOIN : vol. IV
CAMPO ABIERTO (éditions) : vol. VI
CAMPOAMOR (Clara) : vol. IV
CAMUS (Albert) : vol. VII
CAMUS-PICHON (France) : vol. VII
CANEVARI (Cesare) : vol. VI
CANJUERS (Pierre) : voir BLANCHARD (Daniel).
CAPELLE : vol. I
CAPELLI (éditions) : vol. VI
CAPOTE (Truman) : vol. VII
CAPUTO (Gildo) : vol. « 0 »vol. I; vol. II
CAPUTO (Natha) : vol. II
CARACAS (marquis DE) : voir ROTHE (Eduardo).
CARASSO (Jean-Pierre) : vol. IV; vol. V
CARAX (Leos) : vol. VII
CARBONE (Franca) : vol. I
CARDAN : voir CASTORIADIS (Cornelius).
CARDAZZO (Carlo) : vol. I
Carlos : vol. II.
CARLUCCIO (Luigi) : vol. I
CARNÉ (Marcel) : vol. V; vol. VI
CARNOT (Lazare) : vol. VII
CARO (Jean-Paul) : vol. III
Carol : vol. « 0 »
Carol : vol. IV
Carole : vol. V; vol. VI
CARREL : vol. I
CARRILLO (Santiago) : vol. IV; vol. V; vol. VI
CARRINGTON (Leonora) : vol. VII
CARROLL (Charles Lutwidge DODGSON, dit Lewis) : vol. « 0 »vol.
IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
CARSTEN (Colin) : vol. I
CARTER (Jimmy) : vol. VI
CARVALHO (général Otelo DE) : vol. « 0 »vol.V
CASANOVA : vol. V
CASAS GONZÁLEZ (Máximo) : vol. VI
CASIO (Jeronimo) : vol. IV
CASPARI (Arthus Christof) : vol. I; vol.II
CASTELLOTE (éditions Jesus) : vol. V; vol. VI
CASTIGLIA (Jean) : vol. VII
CASTIGLIONE (Baldassare) : vol. «0»
CASTORIADIS (Cornelius) : vol. « 0 »vol.II; vol. III; vol. V; vol. VI;
vol. VII
CASTRIES (Christian DE) : vol. V
CASTRO (Fidel) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII
CASTRO (Françoise) : vol. VI
CASTRO (Olivier) : vol. III
CATEDRA (éditions) : vol. VI
Catherine : vol. VI
Catherine F. : vol. III
Cathy : vol. V
CATILINA (Lucius Sergius) : vol. V; vol. VI; vol. VII
CATIVIELA ALFOX (Antonio, Virginia) : vol. VI
CAVALCANTI (Bartolomeo) : vol. V
CAVALCANTI (Guido) : vol. V
CAVALCANTI (Guido), pour Guy DEBORD : vol.V; vol. VI; vol. VII
CAVANNA (François) : vol. V
CAVIGLIOLI (François) : vol. VII
Cecco : voir ANGIOLIERI (Cecco).
Cecina : vol. IV
Celeste : vol. IV ; vol.V; vol. VI
Céline : vol. IV
CÉLINE (Louis-Ferdinand DESTOUCHES, dit) : vol. VII
CELMA (Jules) : vol. IV; vol. V; vol. VII
CENDRARS (Blaise) : vol. «0»vol. VI
CENSIER : vol. IV
CENSOR (Gianfranco SANGUINETTI, dit) : vol.V ; vol. VI
CERVANTÈS (Miguel DE) : vol. VII
CÉSAR (Jules) : vol. VII
Césarine : vol. VII
CESONI (Puni) : vol.IV
CHABAN-DELMAS (Jacques) : vol. IV; vol. V
CHABASSUD (B.) : vol. VI
CHABROL (C.) : vol. II
CHABROL (Claude) : vol. I
CHAJOURNES (Guillaume DE) : vol. VI
CHALLE (général Maurice) : vol. IV
CHAMFORT (Sébastien Roch NICOLAS, dit) : vol. IV; vol. VI
CHAMPION (Pierre) : vol. VI
CHAMP LIBRE (éditions) : vol. «0»vol.IV ; vol. vol.VI ; vol.VII
CHANSON (Me Jacques) : vol. VII
CHAPLIN (Charlie) : vol. « 0 »vol. II; vol. VII
CHAR (René) : vol. « 0 »vol. I
CHARDAIRE (Nicole) : vol. VI
CHARDÈRE (Bernard) : vol. II
Charlal-du-Tonnal : voir GUGLIELMETTI (Charles).
CHARLES VIII DE VALOIS : vol. V
Charlie : vol. « 0 »
CHARMILLON (Jean-Marc) : vol. «0»
CHARNAY (Jean-Paul) : vol. V
CHASSE (Robert) : vol. « 0 » vol. III; vol. IV
CHASTEL (Jean) : vol. III
CHATEAU (René) : vol. VI
CHATEAUBRIAND (François René, vicomte DE) : vol. VI
CHATEL : voir DIESBACH (Sébastien DE).
CHÂTELET (François) : vol. III
CHATTERJI : vol. II; vol. III
CHAULIEU : voir CASTORIADIS (Cornelius).
CHAVAL (Ivan LE LOUARN, dit) : vol. VII
CHAVANNE : vol. VII
CHAZAL (Robert) : vol. « 0 »
CHEN (général Tsai-Tao) : vol. IV
CHENG (Dr Wou-Chan) : voir PIMPANEAU (Jacques).
CHESTERFIELD (Philip Dormer STANHOPE, comte DE) : vol. V
CHEVAL (Ferdinand, dit le Facteur) : vol. « 0 »vol.I
CHEVAL (Patrick) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V; vol. VI
CHEVALIER (Alain) : vol.IV
CHEVALIER (Louis) : vol. VI
CHEVALLIER (Ania) : vol. IV; vol.V
CHEVET (Suzy) : vol. III
CHEVREUSE (duchesse DE) : voir Celeste.
CHEYPE (Denise) : vol. II; vol. III; vol. VI
CHEYSSON (Claude) : vol. VI
Chicca : vol. IV
Chico, Chico-solex : voir ALVES (Francisco).
Chico-moto : vol. V
CHIRAC (Jacques) : vol. VI
CHIRON (Marcel) : vol. VII
CHKLOVSKI (Victor) : vol. V; vol. VI
CHOISEUL (Étienne François, duc DE) : vol. VII
CHOTARD (Yvon) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV
CHOUCHANE : vol. III
CHRISTENSEN (Christian) : vol. I; vol. II
CHRISTIAN (Dominique) : vol. IV
CHRISTIE (Agatha) : vol. VI
Christine : vol. III
Christine : vol. IV
CHTCHARANSKI (Nathan) : vol. VII
CHTCHEGLOV (Ivan Vladimirovitch), dit Gilles IVAIN : vol.
« 0 »vol. I; vol.II ; vol. VII
CID CAMPEADOR (Rodrigo DIAZ DE VIVAR, dit le) : vol. VII
CIESZKOWSKI (August VON) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V; vol.VI; vol.
VII
CILIGA (Ante) : vol. III; vol. V; vol.VI
CLARKE (Timothy) : vol. III
Claude : vol. III
CLAUDE-BERNARD (boucherie) : vol. V
CLAUDEL (Paul) : vol. « 0 »
CLAUSEN (Claus) : vol. IV
CLAUSEWITZ (Carl VON) : vol. « 0 »vol.IV; vol.V; vol. VI; vol.VII
CLEMENS (Dominique) : vol. VII
CLÉMENT (Sarah) : vol. VI
Clémentine : vol. « 0 »
CLERT (Iris) : vol. « 0 »
Clio : voir DUVAL (Michèle).
CLOAREC (Yann) : voir GUÉGAN (Gérard).
CLOOTS (Anacharsis) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII
CLOUZOT (Henri Georges) : vol. « 0 »
CLUNY (Geneviève) : vol. V
COBOURG (Frédéric Josias, prince DE SAXE-COBOURG) : vol.V
COCITO (Gege) : vol. « 0 »vol. I
Coco de Nantes : vol. « 0 »vol. IV
COCTEAU (Jean) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII
CŒURDEROY (Ernest) : vol. IV; vol. V
COHN-BENDIT (Daniel) : vol. « 0 »,vol. III; vol.IV; vol. V
COHN-BENDIT (Gabriel) : vol. « 0 »,
COLERIDGE (Samuel Taylor) : vol. VI
COLLETTI (Lucio) : vol. VI
COLOMB (Christophe) : vol. VI
COLOMBO (Pia) : vol. « 0 »vol. V
COLTRANE (John) : vol. VI
COLUCCI (Mario) : vol. « 0 »
CONFUCIUS : vol. IV
CONIL-LACOSTE (Michel) : vol. IV
Connie : voir Etra O.
CONORD (André-Frank) : vol. « 0 »vol.I; vol. II; vol. VI
CONS-BOUTBOUL (Élisabeth) : vol. VI
CONSTANT : voir NIEUWENHUYS (Constant).
CONSTANT (Benjamin) : vol. VI
CONTRESCARPE (cinéma) : vol. VI
CONTY (Pierre) : vol. VI
COPANS (Richard) : vol. VI
CORBIÈRE (Tristan) : vol. VII
CORDELIER (Régine) : vol. VI
CORGNATI (Maurizio) : vol. I
CORINO (Sergio) : vol. « 0 »vol. I
CORNAILLE (Roger) : vol. « 0 »
CORNAND (Brigitte) : vol.VII
CORNEILLE (Cornelis VAN BEVERLOO, dit) : vol. I
CORNEILLE (Pierre) : vol. VII
CORNET (Jeanne, dite Jaja) : vol. VI; vol. VII
CORNU (Auguste) : vol. V
CORRÊA (éditions) : vol. « 0 » vol. II; vol. III
CORRETTE (Michel) : vol. V
CORTINA : vol. VI
COSIMINI : vol. VI
COSSERY (Albert) : vol. VI
COSSON (Gilles) : vol. III
COSTABILE (Nello) : vol. IV
COSTA GOMES (général Francisco) : vol. « 0 »vol.V
COSTES (éditions) : vol. V
COTTIGNOLI (Tito) : vol. IV
COUDURÈS (Christian) : vol. VII
COUÉDIC (Béatrice) : vol. VII
COULOMMIER (Julien) : vol. I
COURIER (Paul-Louis) : vol. V
COURNOT (Me Yves) : vol. VII
COURTOIS : vol. III
COURTY (Pierre) : vol. VI
COUSSEAU (Jean-Yves) : vol. VI
COUTÉ (Gaston) : vol. VII
COVIELLO (Nicolaldo) : vol. III
CRARY : vol. VII
CRAVAN (Arthur) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII
CREMISI (Teresa) : vol. VII
CRETON (Claude) : vol. V
CREVEL (René) : vol. VI
CRIPPA (Roberto) : vol. II
CRISPOLTI (Enrico) : vol. I
CUIXARD (Modesto) : vol. I
CUJAS (studio) : vol. VI
CUNHAL (Alvaro) : vol. V
CUNNINGHAM EAST (J.) : vol. II
CURTIZ (Michael) : vol. V
CUSTER (général) : vol. V; vol. VII
DABROWSKI (Richard) : vol. II; vol. III
DACHY (Marc) : vol. VI; vol. VII
DAELE (Els VAN) : vol. VI
DAGOBERT : vol. VII
DAHLMANN OLSEN (Robert) : vol. « 0 »vol.I
DAHOU (Mohamed, dit Midhou) : vol. « 0 »vol.; vol. VI
DALÍ (Salvador) : vol. I
DALLA CHIESA (Alberto) : vol. VI
DAMIANO (Cipriano) : vol. III
DANGELO (Sergio) : vol. « 0 »vol. I
DANIEL (Jean) : vol. V
DANNATT (Adrian) : vol. VII
DANNO (Jacqueline) : vol. V
DANSETTE (Adrien) : vol. V
DANTE ALIGHIERI : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
DANTON : vol. VII
DANTZIG (Charles) : vol. VII
DARBOIS (Dominique) : vol. II
DARANTIÈRE (imprimerie) : vol. VII
DARIEN (Georges Hippolyte ADRIEN, dit) : vol. VII
DARMESTETER (Arsène) : vol. VI; vol. VII
DARQUIN (Jacques) : vol. III
DASSIN (Béa) : vol. I
DAUN : vol. VII
DAUPHIN (Jean-Pierre) : vol. VII
DAUVÉ (Gilles) : voir BARROT (JEAN).
DAVET (Yvonne) : vol. VI
David : vol. « 0 »
DAVID (Claudie) : vol.IV; vol. V
DAVID (Louis) : vol. « 0 »
DE AMBROSI (Davide) : vol. V
DEBAUCHE : vol. II
DEBORD (Alice BECKER-HO) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV ;
vol. V ; vol. VI ; vol. VII
DEBORD (Martial) : vol. V
DEBRAY (Régis) : vol. V
DEBRÉ (Michel) : vol. I; vol. II
DEBRIE (Nicole) : vol.VII
DEBUD (Guy) : vol. III
DECAYEUX (Colin), pour Guy DEBORD : vol.IV; vol. V; vol. VII
Dédé les Amourettes : voir BRETON (André).
DE DONATO (éditions) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V
DEFFERRE (Gaston) : vol. VI
DEHOUX (Robert) : vol. II; vol. III
DÉJACQUE (Joseph) : vol. IV; vol. V; vol.VI
DE JONG (Jacqueline) : vol. « 0 »vol. I; vol. II
DE JONG (Rudolf) : vol. IV; vol. V; vol.VI
DE LA FLOR (éditions) : vol. VI
DELAGRAVE (éditions Charles) : vol. VI
DELAPORTE (Yves) : vol. « 0 » vol. III
DELATTRE (Chantal) : vol. « 0 »vol. I
DELCOUR (Bertrand) : vol. VI
DELEUZE (Gilles) : vol. V
DELFEIL DE TON : vol. « 0 »vol. V
DELLA CASA (Gianfranco) : vol. IV
DELLY : vol. « 0 »
DELTEIL (Joseph) : vol. VI
DELUC (Me Marie-Christine) : vol. VII
DE MICHELIS (Eva) : vol. IV; vol. V
DÉMOSTHÈNE : vol. VI
DENARI : vol. IV
DENEVERT (Daniel) : vol. « 0 »vol.IV; vol. V
DENG XIAOPING ou TENG HSIAO-PING : vol. V; vol. VII
Denise : vol. III
DENOËL (éditions) : vol. VI
DE PAOLI : vol. IV
DERRIDA (Jacques) : vol. VII
DÉRUET (Claude) : vol.VII.
DESCAMPS (Christian) : vol. III
DESNOS (Robert) : vol. VI
DESSIMOND (Fernand) : vol. V
DESTRIBATS (Paul) : vol. VI; vol.VII
DESURMONT (Thierry) : vol. V; vol.VI
DÉTRÉ (Charles) : vol. VII
DEVAQUET (Alain) : vol. VI
DEVOS (Marie-Paule) : vol. IV
DE WILDE (E. L. L.) : vol. I
D’HAESE (Roël) : vol. I
DIDEROT (Denis) : vol. IV; vol. V; vol. VI
DIDES (commissaire) : vol. « 0 »
DIDOT (éditions) : vol. VII
DIERICK : voir RYCK (Francis).
DIESBACH (Sébastien DE), dit CHATEL : vol. « 0 »vol.II.
DIETZGEN (Josef) : vol. V; vol. VI; vol. VII
DI NALLO (Egeria) : vol. V
Djenia : vol. VI
DJIAN (Philippe) : vol. VI
Doge (le) : voir MIGNOLI (Me Ariberto).
DÖBLIN (Alfred) : vol. VII
DÖHL : vol. II
DOMENACH (Jean-Marie) : vol. II; vol. III
Dominique : vol. « 0 »vol. II
Dominique S. : vol. VII
DOSTOÏEVSKI (Fédor Mikhaïlovitch) : vol. V; vol. VI
DOTREMONT (Christian) : vol. « 0 »vol.I
DOUBLE DOUTE (galerie du) : vol. « 0 »,
DOUGLAS (Keith) : vol. VII
DOYON (Pierre-Noël) : vol. V; vol. VI
DOZIER (général James Lee) : vol. VI
DRAGO : vol. VII
DRAGOR (imprimerie) : vol. I
DREYFUS (Alfred) : vol. IV; vol. V; vol. VI
DROUET (Minou) : vol. II
DROUIN (René) : vol. « 0 »vol. I
DUARTE (Manuel) : vol. VII
DU BARRY (Jeanne BÉCU, comtesse) : vol. V
DUBCEK (Alexandre) : vol. IV
DUBOIS : voir VANEIGEM (Raoul).
DUBREUILH (Simone) : vol. « 0 »
DUBY (Georges) : vol. VII
DUCASSE (Isidore) : voir LAUTRÉAMONT.
DUCHAMP : vol. V
DUCHAMP (Marcel) : vol. III
DUFRÊNE (François) : vol. « 0 »
DUMAS (Alexandre) : vol. IV
DUMAYET (Pierre) : vol. II
DUMONT (René) : vol. V
DUMONTIER (Pascal) : vol. VII
DUNAYEVSKAYA (Raya) : vol. IV; vol. VI
DUPUIS (Jules-François) : voir VANEIGEM (Raoul).
DURAS (Marguerite) : vol. IV; vol. VI
DURRELL (Lawrence) : vol. « 0 »vol. II
DURRUTI (Buenaventura) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V; vol.VI; vol. VII
DUTEUIL (Jean-Pierre) : vol. III
DUTEURTRE (Benoît) : vol. VII
DUTILLEUL (galerie-éditions Georges-Marie) : vol. « 0 »
DUTRONC (Jacques) : vol. V
DUVAL (Michèle), dite Clio : vol. V; vol. VI; vol. VII
DUVAL DE FRAVILLE (Georges-Léon) : vol. V
DUVERGER (Maurice) : vol. V
DUVIGNAUD (Jean) : vol. II

EAUBONNE (Françoise D’) : vol. « 0 »


EBERT (Friedrich) : vol. IV
EBLÉ (Alain) : vol. IV
ÉCCLÉSIASTE : vol. VII
ECKHART (Johannes, dit Maître) : vol. VII
ECO (Umberto) : vol. VI
EDO (Luis Andrès) : vol. III
EGNA (M. D’) : vol. VI
EINAUDI (éditions) : vol. IV
EISCH (Erwin) : vol. I
EISENHOWER (Dwight David) : vol. II
EISENSTEIN (Sergueï Mikhaïlovitch) : vol. IV; vol. V
ELDE (Ansgar) : vol. « 0 »vol. II
Elisabetta : vol. IV
ELKABBACH (Jean-Pierre) : vol. VI
ELLEINSTEIN (Jean) : vol. V
ELLUL (Jacques) : vol. II; vol. III
ELOY (Roland) : vol. II
El Rubio : voir MARTÍNEZ GÓMEZ (José Juan).
ELUARD (Paul) : vol. I; vol. VI
ELWELL (Bruce) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV
Emma : voir TIEFFENBACH (Emma).
ENCKEL (Pierre) : vol. VI
ENCRE (éditions) : vol. VI
ENGELS (Friedrich) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI
ENGELS (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol. V
ENSOR (James) : vol. I
ENSSLIN (Gudrun) : vol. V
ERHENBOURG : vol. VII
ERICSON (Bengt) : vol. III; vol.IV
ERISTICA (éditions) : vol. « 0 »
ERNST (Max) : vol. VII
ESGLÉAS (G.) : vol. III
ESTE (Ricardo D’) : vol. VI
ESTIENNE (Charles) : vol. I
ESTIVALS (Caroline) : vol. II
ESTIVALS (Robert) : vol. I; vol. II; vol. IV
ETIEMBLE (René) : vol. III
Étiennette ou Estebanita : vol. VI; vol. VII
Etra O., dite Connie : vol.; vol.V
Eugène l’Américain : vol. I
EVANS (John) : vol. « 0 »
Ève : vol. IV; vol. V
EVRARD : vol. VI
EXI (galerie) : vol. II
FABIUS (Laurent) : vol. VI
FACCHETTI (Paul) : vol. I
Face de Raie : voir MITTERRAND (François).
FAINA (Gianfranco) : vol. IV
FAJOUR (Catherine) : vol. VII
FALCOU (Hervé) : vol. « 0 »
FALLISI (Giuseppe) : vol. IV
FANELLI (Giuseppe) : vol. IV; vol. VI
FANFANI (Amintore) : vol. V
FANTINEL (Valerio) : vol. IV; vol. V
FARGETTE (Guy) : vol. VI; vol. VII
FARNESE : vol. VII
FAUQUET (Dominique) : vol. VII
FAURE (Edgar) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V
FAURE (Élie) : vol. VI
FAURE (Lucie) : vol. III
FAWKES (Guy) : vol. II
FAYARD (librairie Arthème) : vol. « 0 »vol.VI
FAYOLLE (César) : vol. III
FAZAKERLEY (Gordon) : vol. II
FELTRINELLI (éditions) : vol. III; vol.IV; vol.V; vol. VII
FELTRINELLI (Giangiacomo) : vol.IV; vol. V; vol. VI
FENOGLIO (Beppe) : vol. V; vol. VI
FERDINAND II LE CATHOLIQUE : vol. V
Fernando : vol. VI
Fernando (RIBEYRO DE MELLO) : vol. IV; voir aussi AFRODITE
(éditions).
FERREIRA (Manoela) : vol. V
FEUERBACH (Ludwig) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol. V; vol. VI
FEUERBACH (pseudonyme de clandestin) : vol. III
FIASCHI : vol. V
FILLON (Jacques) : vol. « 0 »vol. VI
FIRMIN-DIDOT (imprimerie) : vol. IV
FISCHER (Erik) : vol. II
FISCHER (Lothar) : vol. I; vol. II
FLAMMARION (éditions) : vol. VI; vol. VII
FLAUBERT (Gustave) : vol. II; vol. IV; vol. VI; vol. VII
FLEISS (Marcel) : vol. VII
FLORENCIE (Jacques) : vol. I; vol. VII
FLYNN (Errol) : vol. V
FONTANA (Lucio) : vol. I
FONTENELLE (Bernard DE) : vol. « 0 »
FONTENIS (Georges) : vol. III
FORD (John) : vol. V
FORSYTH (Lucy, dite Lu) : vol. VI; vol. VII
FOUCAULT (Michel) : vol. V; vol. VII
FOUGEYROLLAS (Pierre) : vol. I
FOURIER (Charles) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol. VI
FRANCELET (Marc) : vol. VI; vol. VII
Francine : vol. VII
FRANCK (G.) : vol. I
FRANCO (maréchal Francisco) : vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol.
VI
François : vol. VI
François (bouquiniste) : vol. VII
François (patron du bar des Envierges) : vol. VII
Françoise : vol. III; vol. IV
Françoise Z., dite Zyl : vol. V
François-Joseph : vol. VI
FRANJU (Georges) : vol. I
FRANKIN (André) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II
FRANKLIN (Jean) : voir GEORGE (François).
FRÉDÉRIC II LE GRAND : vol. V; vol. VI; vol.VII
Frédérique : vol. II
FRÈRE (Claude) : vol. I
FREUD (Sigmund) : vol. II; vol. V; vol.VII
FREUSTIÉ (Jean) : vol. III
FREY (Édith) : vol. II; vol. III
FREY (Théo) : vol. « 0 »vol.II; vol. III
FRITSCH (Kilian) : vol. III
FROIDEVAUX : vol. VI
FROLLO : vol. V
FUGLER (René) : vol. « 0 »vol. I; vol. III
FUKADA (Taku) : vol. VII
FUSTEL DE COULANGES (Numa Denis) : vol. II
FUZIER (Jean) : vol. VI

GALANTE (Giuseppe) : vol. IV


GALANTE GARRONE (Alessandro) : vol. VII
GALBRAITH (John Kenneth) : vol. II
GALLI (Giovanni) : vol. V
GALLIMARD (Antoine) : vol. IV; vol. V; vol.VII
GALLIMARD (Claude) : vol. IV
GALLIMARD (éditions) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol.V; vol.VI vol.
VII
GALLIMARD (Gaston) : vol. IV
GALLIZIO (Giorgio), dit Giors MELANOTTE : vol. « 0 » vol.I ; vol.
V
GALLIZIO (Giuseppe, dit PINOT) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II; vol. V;
vol. VII
GALLIZIO (Mme) : voir RIVABELLA (Augusta).
GALLO (Max) : vol. V
GALOIS (Évariste) : vol. VI
GARAUDISQUE (sobriquet de Roger GARAUDY) : vol. VI
GARCÍA LORCA (Federico) : vol. VI; vol. VII
GARCIA ROSSI : vol. III
GARÇON (Me Maurice) : vol. VII
GARDE (Paul) : vol. VII
GARDNER (Ava) : vol. V
GARELLI (Franco) : vol. I
GARIBALDI (Giuseppe) : vol. V
GARNAULT (Jean) : vol. « 0 »vol. II; vol.III ; vol. IV
GASHÉ (Rodolphe ou Rudolf) : vol. « 0 »vol.II
GATLIF (Tony) : vol. VI
GAUGUIN (Paul) : vol. VI
GAULLE (général Charles DE) : vol. « 0 » vol.; vol.II; vol. III; vol.
IV; vol. V; vol. VI
GAUMONT : vol. VI
GAUTIER (Théophile) : vol. VI
GAVARD-PERRET (J.-P.) : vol. VII
GAXOTTE (Pierre) : vol. « 0 »
GAYRAUD (Joël) : vol. V
GAYRAUD (Régis) : vol. VI
GEISMAR (Alain) : vol. IV
GENÈVE (Max) : vol. VII
GENGENBACH (Ernest DE) : vol. III
Genia : voir KATZ RAJCHMANN (Genia).
GENTHIAL (commissaire Jacques) : vol. VI
GENTILE (Giovanni) : vol. IV
GEORGAKIS (Antonis) : vol. V
GEORGE (François) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol.V
GEORGE (Jean-Pierre) : vol. « 0 »vol.III; vol. V; vol. VII
GEORGE VI : vol. V
Georges : vol. V
Georges : vol. VII
GÉRARD LEBOVICI (éditions) : vol. « 0 »; vol. VII
GERBE : vol. II
GERNET (Jacques) : vol. V
GHEZZI (Enrico) : vol. « 0 »vol.VII
GIBBON (Edward) : vol. III
GILBERT (Lewis) : vol. V
GILBERT (Nicolas) : vol. VII
Gilbert R. : vol. III
GINOSA (Edgardo, dit Eddy) : vol. IV
GIORDANENGO : vol. « 0 »
GIOVANNELLI (Gianni) : voir SANGUINETTI (Gianfranco).
Giovanni : vol. V
GIRARD (Alain) : vol. « 0 »vol. II
GIRARD (André) : vol. II
GIRAUDO (Jacky) : vol. VII
GIRODIAS (Maurice) : vol. « 0 »
GISCARD D’ESTAING (Valéry) : vol.V; vol. VI; vol. VII
GIUDIERI (Remo) : vol. VII
GLAUCOS (pour Guy DEBORD) : vol.V ; vol. VII
GLISSANT (Édouard) : vol. I
GLOB (P. V.) : vol. I; vol. II
GLUCKSMANN (André) : vol. IV; vol. V
GNEISENAU (August, comte NEIDHARDT VON) : vol. VI
GODARD (Jean-Luc) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII
GOEBBELS (Joseph) : vol. V
GOETHE (Johann Wolfgang VON) : vol. IV; vol. VII
GOGOL (Nicolas Vassiliévitch) : vol. VI
GOHORY (Jacques) : vol. IV
GOLDFAYN (Georges) : vol. « 0 »vol. VII
GOLDMANN (Lucien) : vol. I; vol. II; vol. III
GOLDNER (Loren) : vol. IV; vol. V
GOLDSCHMIDT : vol. I
GOLEM (Aanda) : vol. II
GOMBIN (Richard) : vol. IV
GOMEZ (Jean-Pierre) : vol. VII
GÓMEZ DE LA SERNA (Ramón) : vol. VI
GONÇALVEZ (général Vasco) : vol. « 0 »vol. V
GONDI (Jean-François Paul DE) : voir RETZ (cardinal DE).
GONDI (pour Guy DEBORD) : vol. « 0 »vol.IV; vol.V; vol. VII
GONSALVÈS : vol. VII
GONZÁLEZ (Felipe) : vol. VI
GONZÁLEZ GARCÍA (Guillermo) : vol. VI
GORBATCHEV (Mikhaïl Sergueïevitch) : vol. VII
GORKIN (Julián GOMEZ, dit) : vol. VI
GOSSET (Bruno) : vol. VII
GOUDEAU (Jean-Claude) : vol. « 0 »
GOUVEIA (Leonor) : vol. IV; vol.V
GOYA Y LUCIENTES (Francisco DE) : vol. VI
GOYTISOLO (Juan), alias FERNANDEZ : vol. « 0 »
GRACIÁN Y MORALES (Baltasar) : vol. IV; vol.V; vol.VI; vol. VII
GRACQ (Louis POIRIER, dit Julien) : vol. VII
GRANEL (Stéphanie) : vol. V
GRANOTIER (B.) : vol. III
GRANT (L.) : vol. VI
GRAPPIN (Pierre) : vol. III
GRASSET (éditions Bernard) : vol. IV
GRAVELLE (Brenda) : vol. « 0 » vol. III
GRAVEROL (Jane) : vol. « 0 »
GRAY (Christopher) : vol. « 0 »vol. III ; vol. IV
GRECO (Domenikos THEOTOKOPOULOS, dit le) : vol. VI
GREEF (Alain DE) : vol. VII
GRIFFITH (Samuel B.) : vol. VII
GRODDECK (Georg) : vol. VI; vol. VII
GROPIUS (Walter) : vol. I
GROSSMANN (Henryk) : vol. VII
GROVE PRESS (éditions) : vol. « 0 »
GRUET (Bernadette) : vol. VII
GRUET (Élisabeth) : vol.V; vol. VI; vol. VII
GRUET (Pierre) : vol. V; vol. VI
GRUNENWALD (Roby) : vol. III
GRÜNEWALD (Mathis NEITHARDT ou GOTHARDT, dit
Matthias) : vol. VII
G.T.C. (laboratoire) : vol. V
GUASCO (Lorenzo) : vol. I
GUATTARI (Félix) : vol. III; vol. V
GUÉGAN (Gérard) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V ; vol.VI; vol. VII
GUEIT (Jean-Paul) : vol. VII
GUÉRIN (Daniel) : vol. « 0 »vol. III; vol. VII
GUERRIERI (Sophie) : vol. V
GUFFROY (Jean) : vol. IV
GUGGENHEIM (Pegeen) : vol. I
GUGGENHEIM (Peggy) : vol. I
GUGLIELMETTI (Charles), dit Charlal-du-Tonnal : vol. « 0 »vol. II
GUICCIARDINI (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. V.
GUICHARDIN (François), ou GUICCIARDINI (Francesco) : vol.IV;
vol. V
GUICHARDIN (pour Guy DEBORD) : vol. IV
GUIDI (Luigi) : vol. IV
GUIGONIS (Fernand) : vol. VI
GUILLARDINI GONZÁLEZ (Luis) : vol. VI
GUILLAUME (James) : vol. VI
GUILLAUME (Marc) : vol. V
GUILLAUME (Marie-Christine) : vol. III
GUILLAUME (Pierre) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. V; vol. VII
GUILLAUMIN (Marc-Gilbert) : voir MARC,O.
GUILLERM (Alain) : vol. III
GUILLET (Mireille) : vol. VII
GUIN (Yannick) : vol. IV
GUIOMAR (Jean-Yves) : vol. V
GUIRAUD (Pierre) : vol. VII
GUISAN (général) : vol. VII
GUITRY (Sacha) : vol. I
GUIZOT (François) : vol. VII
GURDJIEFF : vol. « 0 »
GUTENBERG (imprimerie) : vol. IV
GUTHRIE (Woody) : vol. VI
GUTT (Tom) : vol. II
GUY LE PRAT (éditions) : vol. II
GYSIN (Brion) : vol. VII

HAAN (Tristan) : vol. IV


HABACHE (Dr Georges) : vol. IV
HACHETTE (éditions) : vol. IV; vol. V
HACHLOUM (Vanessa) : voir DANNO (Jacqueline).
HAESAERT (Gentil) : vol. « 0 »
HAETCHER (Charly) : vol. I
HAHNEMANN (Christian Friedrich Samuel) : vol. VI
HAINS (Raymond) : vol. VII
HALLIER (Jean-Edern) : vol. V; vol. VII
HAMEL (Jean-Claude) : vol. II
HAMICHE : vol. V
HAMILTON (Lady) : vol. VI
HAMON (Hervé) : vol. VI
HANTAÏ (Simon) : vol. I
HARBI (Mohammed) : vol. « 0 » vol. III; vol.IV
HARDINGS (Martin) : vol. VII
HARGREAVES (J.) : vol. IV
HARLAN (Veit) : vol. V
HARMEL (Claude) : vol. VI
HARRISON (Jim) : vol. VI
HARTSTEIN (Anton) : vol. III
HATCHER (Charles) : vol. II
HATHAWAY (Henry) : vol. V
HATZFELD : vol. VI
HAUSMANN (Raoul) : vol. II; vol. III; vol. VII
HAVRENNE (Marcel) : vol. « 0 »
HAWATMÉ (Nayef) : vol. IV
HAWKS (Howard) : vol. VII
HAZÉRA (Hélène) : vol. VI
HEBEY (Me Pierre) : vol. V; vol. VI
HEERS (Jacques) : vol. VI
HEGEL (Georg Wilhelm Friedrich) : vol. I; vol. II; vol. III; vol.IV;
vol. V; vol. VI; vol. VII
HEGEL (G. W. F.), pseudonyme de clandestin : vol. III
HEGEL (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol.V
HEGEL (pour Guy DEBORD) : vol. II
HEIDEGGER (Martin) : vol. III
HEIMBURGER : vol. I
HEINE (Heinrich) : vol. V; vol. VI
HEINE (Maurice) : vol. « 0 »vol. VII
Hélène : vol. III
HÉLOÏSE : vol. VI
HEMINGWAY (Ernest) : vol. V; vol. VI
HÉNAULT (Gilles) : vol. I
HENNEBERT (Jean-Michel) : vol. « 0 »vol. II
HENRY (colonel) : vol. VI
HENRY (Jules) : vol. V
HENRY (Maurice) : vol. I; vol. VII
HENRY (Michel) : vol. VII
HÉRACLITE : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol.VI; vol. VII
HERNÁNDEZ TAPIA (J.) : vol. VI
HÉRODOTE : vol. VII
HERRALDO (Jorge) : vol. VII
HERSENT (Louis) : vol. « 0 »
HERVEY-SAINT-DENIS (marquis D’) : vol. VI
HESS (Moses) : vol. IV
Hija : vol. VI; vol. VII
HIPPOCRATE : vol. VII
HIRTZLER (Michel) : vol. III
HITLER (Adolf) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
HIVER (Clémence) : vol. VII
HOBBES (Thomas) : vol. IV; vol. V
HOFFMAN (Allan) : vol. « 0 »vol. III
HÖFL (Heinz) : vol. I
HOLL (Herbert) : vol. « 0 »vol. III ; vol. VII
HOMÈRE : vol. VII
HONORÉ CHAMPION (éditions) : vol. VI
HORACE : vol. V
HORAY (éditions) : vol. VII
HORELICK (Jonathan, dit Jon) : vol. IV
HOSKINSON (Bruce) : vol. IV
Houria (K.) : vol. VI
HOWARTH WOODROYD (A.) : vol. II
HOWITT (A. W.) : vol. VII
HUELSENBECK (Richard) : vol. VI
HUGO (Victor) : vol. VII
HUISMAN (Denis) : vol. III; vol. VI
HUIZINGA (Johan) : vol. I
HUMMELINK (Marcel) : vol. « 0 »
HUMPHREY (Hubert) : vol. IV
HUNE (librairie LA) : vol. « 0 »
HUNINK (Maria) : vol. IV; vol.V; vol. VI
HUSSEIN, roi de Jordanie : vol. I; vol. IV

IBAÑEZ (Paco) : vol. VI


IBN KHALDOUN ou IBN KHALDÛN : vol. V; vol. VI
IMRIE (Malcolm) : vol. VII
Incontrolado ou Incontrôlé (l’) : vol. VI
IÑIGO : vol. III
INNOCENTI : vol. IV
IOMMI-AMUNATEGUI (Jean-Paul) : vol. VI
IONESCO (Eugène) : vol. I
IPHICRATE (général) : vol. V
Iphicrate-Boujoum : vol.V
Iris (CLERT) : vol. I
ISAACS (Harold) : vol. IV
Isabelle: vol. VII
Isabelle C. : vol. IV; vol. V
ISNARD (Maximin) : vol. VII
ISOU (Isidore GOLDSTEIN, dit) : vol. « 0 »vol. I; vol. II; vol. V; vol.
VI
IVAIN (Gilles) : voir CHTCHEGLOV (Ivan Vladimirovitch).
IVREA (éditions) : vol. VII
IVSIC (Radovan) : vol.VII

JACA (éditions) : vol. IV


Jack l’Éventreur : vol. II
JACOB (Max) : vol. VII
JACOB (Michel) : vol. VI
JAFFÉ (Hans) : vol. I
JAGUER (Édouard) : vol. I
JAMES (Henry) : vol. V
JAMET (Dominique) : vol. III
JAMET (Suzanne) : vol. VII
Jane : vol. I
JANKÉLÉVITCH (Vladimir) : vol. II
JANOVER (Louis) : vol. III; vol. VII
JANVIER (saint) : vol. IV
JAOUEN (commissaire) : vol. VI
JAPPE (Anselm) : vol. III; vol. VII
JARRY (Alfred) : vol. « 0 »vol. IV; vol.V; vol. VI
JARUZELSKI (Wojciech) : vol. VII
JASINSKI : vol. « 0 »
JASSIES (Niko) : vol. VI
JAUCOURT (Louis, chevalier DE) : vol. VI
JAUFFRET (Régis) : vol. VII
Javier : vol. V
JDANOV (Andreï Aleksandrovitch) : vol. « 0 »vol. III
Jean-Charles : vol. II
JEAN DE LA CROIX (saint) : vol. VI; vol. VII
Jean-Michel : vol. VI
JEAN-PAULr : vol. V
JEAN-PAUL II : vol. VI
JEANSON (Francis) : vol. I
Jenny : vol. IV
Jenny (pour Alice DEBORD) : vol. IV
JEREZ (Mara) : vol. VI
JÉSUS-CHRIST : vol. V
JI (Quing-Ming) : vol. V
Jo : vol. IV
JOANNÈS (Gérard) : vol. III; vol. VII
JOFFRE (maréchal Joseph) : vol. V
JOHANNESSON (Sture) : vol. IV
JOHANSON (Ingemar) : vol. IV
JOLI (Guy) : vol. VII
JOLIVET (Dominique, Merri) : vol. VII
JOLLIVET (J.-L.) : vol. « 0 »vol. II
JOLY (Maurice) : vol. VII
JOMAIN : vol. VI
JOMINI (Henri, baron DE) : vol. V; vol.VI; vol. VII
Jorge : voir HERRALDO (Jorge).
JORN (Oluf JØRGENSEN, dit Asger) : vol. « 0 »vol. I vol. ; vol. III;
vol.IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
JORN (Ib) : vol. IV
JORN (Nanna) : vol. IV; vol. V
JOSÉ CORTI (éditions) : vol. VII
JOSPIN (Lionel) : vol. VII
JOSSELSON (Diana, Michael) : vol. VI
JOSSOT (Gustave Henri): vol. VII
JOUBERT (Daniel) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV
JOUFFROY (Alain) : vol. I
JOUHAUD (général Edmond) : vol. IV
JOVANOVIC : vol. VI
JOYCE (James) : vol. I; vol. II
JOYEUX (Maurice), dit Père Peinard : vol. « 0 »vol.III; vol. IV
JUAN CARLOSr : vol. V
JUIN (maréchal Alphonse) : vol. « 0 »
Julie : vol. VI
Juliette-Justine : vol. IV
JULLIARD (éditions) : vol. « 0 »
July-la-Rousse : vol. VI
JUNIUS : vol. V; vol.VI; vol. VII

KÁDÁR (János) : vol. IV


KAFKA (Franz) : vol. VII
KAMEL : vol. III
KAMEN(I)EV (Lev Borissovitch ROSENFELD, dit) : vol. « 0 »
KAMINSKI (Hans Erich) : vol. VI
KAMOUH : vol. II
KANDINSKY (Vassili) : vol. I
KANIA (Stanislas) : vol. VI
KANSTRUP : vol. III
KANT (Emmanuel) : vol. III; vol. VII
KANT (pour Houari BOUMEDIENE) : vol. III
KARSTEN (Charles) : vol. I
KASAVUBU (Joseph) : vol. I
KASHAMURA (Anicet) : vol. III
KASTELITZ (Nora) : vol. IV
Katia : voir LINDELL (Katja).
KATZ RAJCHMANN (Genia) : vol. I
KAUTSKY (Karl) : vol. IV; vol. V; vol. VI
KAVÉRINE (Véniamine) : vol. VI
KELLER (George) : voir JORN (Asger).
KENNEDY (John Fitzgerald) : vol. I; vol. II; vol. V
KERENSKY (Alexandre Fedorovitch) : vol. V
KESSLER : vol. V; vol. VI
KHATIB (Abdelhafid, dit Hafid) : vol. I
KHAYATI (Mustapha) : vol. « 0 »vol. II; vol. III vol. IV ; vol. V; vol.
VI
KHÁYYÁM (Omar) : vol. V; vol. VI
KHOMEYNI (Ruhollah) : vol. VII
KHROUCHTCHEV (Nikita) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV
KIEJMAN (Me Georges) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII
KIERKEGAARD (Søren) : vol. IV; vol. VII
KINOSHITA (Makoto) : vol. VII
KISSINGER (Henry) : vol. V
KLEIN : vol. I
KLEIN (Yves) : vol. « 0 »vol. I; vol. II; vol. VII
KLINCKSIECK (éditions) : vol. VI
KLITGÅRD (Ole) : vol. IV
KLOOSTERMAN (Jaap) : vol. IV; vol.V; vol.VI
KNABB (Ken) : vol. « 0 »,
KNOX (Mickey) : vol. « 0 »
KOENIG (Théodore) : vol. « 0 »
KOESTLER (Arthur) : vol. I; vol. V
KORBER (Serge) : vol.I
KORNILOV (général) : vol. V
KORSCH (Karl) : vol. II; vol. III; vol.IV; vol. V
KORUN (Walter, dit Piet) : vol.I
KORUN (Wilma) : vol. I
KOTÁNYI (Attila) : vol. « 0 »vol.I; vol. II ; vol. III; vol. IV; vol. VII
KOTÁNYI (Magda) : vol. I; vol. II
KOTIK (Jan) : vol. « 0 »
KRAATS (René VAN DE) : vol. V
KRAUS (Karl) : vol. « 0 »vol. VI
KRIEF (Anne) : vol. « 0 » vol. V; vol. VI
KRIVINE (Alain) : vol. IV; vol. V; vol.VI
KRIVITSKY (général Walter G.) : vol. VI
KRÖLLER-MÜLLER (musée) : vol. I
KUBLER (George) : vol. V; vol. VI
KUNZELMANN (Dieter) : vol. « 0 »vol. II
KURODA : vol. II; vol. III
KUROKAWA (Tsushi) : vol. II
KURON (Jacek) : vol. III; vol. VI
KWINTER : vol. VII

LABASTE (Charles) : vol. V; vol. VI


LABASTE (Michèle) : vol. IV; vol. V; vol. VI
LABASTE (Patrick) : vol. IV; vol. V; vol. VI
LABASTE (Paule) : vol. VI
LA BOÉTIE (Étienne DE) : vol. VI
LABORDE : voir LYOTARD (Jean-François).
LABRO (Philippe) : vol. « 0 »
LABROSSE (Claude) : vol. VI; vol. VII
LABRUGÈRE (Jean-François) : vol. VI
LA BRUYÈRE (Jean DE) : vol. VI
LACAN (Jacques) : vol. III; vol. V
LACENAIRE (Pierre-François) : vol. III; vol. VII
LACLOS (Pierre Choderlos DE) : vol. VI
LACLOS (Michel) : vol. « 0 »
LACOMBLEZ (Jacques) : vol. I
LACROIX-HERPIN (Dr Marcel DE) : vol. VII
LACROIX-HERPIN (Philippe DE) : vol. VII
LAFFLY (Georges) : vol. VII
LA FONTAINE (Jean DE) : vol. VI
LAGANT (Christian) : vol. III; vol. IV
LAGUILLER (Arlette) : vol. V
LAKHDAR (Lafif) : vol. IV
LALOUM (Claude) : vol. II
LAMARGELLE : voir VOYER (Jean-Pierre).
LAMARTINE (Alphonse DE) : vol. VI
LAMBERT (Bernard) : vol. III
LAMBERT (Dominique) : vol. III
LAMBERT (G.) : vol. IV
LAMBERT (Pierre BOUSSEL, dit) : vol. IV
LAMORICE (Albert) : vol. II
LANCELOT (Michel) : vol. VI
LANDAUER (Gustav) : vol. V; vol. VI; vol. VII
LANDMANN (Salcia) : vol. VII
LANGE (François-Joseph) : vol. V
LANGLAIS (Gaëtan), dit Double-Wagon : vol. « 0 »vol.I; vol. II
LANGLOIS (Denis) : vol. IV
LANSARD : vol. II
LAPASSADE (Georges) : vol. « 0 »vol. III
LA PIETRA (éditions) : vol. « 0 »vol.V; vol. VI
LAPOINTE (Paul-Marie) : vol. I
Lara : vol. VII
LARGEMAIN (Bernard) : vol. VI
LA ROCHEFOUCAULD (François, duc DE) : vol. VI
LARSEN (L. K.) : vol. II
LATTÈS (éditions Jean-Claude) : vol. V; vol. VI
LAUGESEN (Peter) : vol. II
Laurent : vol. II
LAURENT (Jacques), alias Cécil SAINT-LAURENT : vol. « 0 »
LAURENT-LABATTUE (Cécile) : vol. « 0 »
LAUSEN (Uwe) : vol. « 0 » vol.II ; vol. III; vol. IV
LAUTNER (Georges) : vol. VI
LAUTRÉAMONT (Isidore DUCASSE, dit le comte DE) : vol. I; vol.
II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
LAVAL (Antoine DE) : vol. V
LAVAUD : vol. III
LAVAUD (Benoît) : vol. VII
LAVERNE : vol. « 0 »
LAWRENCE (Thomas Edward) : vol. IV; vol. V; vol. VI
LAZARD (banque) : vol. V; vol. VI
LEBEAU-RIESEL (Joëlle) : vol. IV
LEBEL (Jean-Jacques) : vol. I; vol. III
LEBOVICI (Floriana) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI vol. VII
LEBOVICI (Gérard) : vol. « 0 »vol.IV ; vol. V vol. VI ; vol. VII
LEBOVICI (héritiers) : vol. VII
LEBOVICI (Nicolas) : vol. « 0 »vol. VI ; vol. VII
LE BRET (Serge) : vol. « 0 »
LE BRUN (Annie) : vol. VII
LE CARRÉ (John) : vol. VI
LECCIA (Guy) : vol. V
LECLERC (Gilles) : vol. I
LECLERC (Philippe DE HAUTECLOCQUE, maréchal) : vol. V
LECONTE DE LISLE (Charles Marie LECONTE, dit) : vol. VI
LE CORBUSIER (Charles Édouard JEANNERET, dit) : vol. « 0 »
LÉCUYER (François) : vol. IV
LE DOEUFF (Michèle) : vol. VI
LEFEBRE (John) : vol. II
LEFEBVRE (Henri) : vol. « 0 »vol.I; vol. II; vol. III; vol. IV
LEFEUVRE (René) : vol. « 0 »
LE FOL (Nicole) : vol. III
LEFORT : vol. IV
LEFORT (Claude) : vol. I; vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI
LEFRANÇAIS (Gustave) : vol. IV
LEFRANÇOIS (Louis) : vol. « 0 »
LEFRÈRE (Jean-Jacques) : vol. VII
LÉGER (Léon) : vol. V
LE GLOU (Jacques) : vol. « 0 » vol. III; vol. IV; vol. V ; vol.VI; vol.
VII
LEGRAND (Jacques) : vol. « 0 »
LEGROS (Albert-Jules) : vol. VII
LEGROS (cabinet) : vol. VII
LEGUA (Joëlle) : vol. VI
LE GUÉRINEL : vol. VII
LEHNING (Arthur) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
LELIÈVRE (Henri) : vol. VI
LELY (Gilbert) : vol. VII
LEMAÎTRE (Maurice BISMUTH, dit) : vol. « 0 »vol. II
LE MANACH (Yves) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII
LÉNINE (Vladimir Ilitch OULIANOV, dit) : vol. « 0 »vol. II; vol. III;
vol.IV; vol. V; vol. VI
LENTRETIEN (Christian) : vol. V
Léo : vol. VII
LÉONARDI (Lino) : vol. VII
LEONE (Sergio) : vol. IV
Leonor : voir GOUVEIA (Leonor).
LEOPARDI (Giacomo) : vol. VII
LE PARC (Julio) : vol. III
LE PEN (Jean-Marie) : vol. V
LEPETIT (Pierre) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol.VII
LE RESTE (Loïc) : vol. III
LE SAUX (Alain) : vol. IV; vol. V
LÉVÊQUE (Jean-Jacques) : vol. II
LEVIE (S. H.) : vol. II
LEVIN (Thomas, dit Tom) : vol. VI; vol. VII
LÉVIS MANO (Guy), ou GLM : vol. VI
LÉVI-STRAUSS (Claude) : vol. II; vol. VII
LÉVY (Bernard-Henri) : vol. V; vol. VI
LÉVY (Me Thierry) : vol. « 0 »vol. V; vol.VI ; vol. VII
LEWIN (Albert) : vol. V
LEWINO (Walter) : vol. « 0 »vol. III
LEWINTER (Roger) : vol. VI; vol. VII
LEYS (Pierre RYCKMANS, alias Simon) : vol. IV; vol.V; vol. VI.
LIDDELL HART (B. H.) : vol. VII
LIEBKNECHT (Karl) : vol. I
LIEU COMMUN (éditions) : vol. VII
Liliane : vol. II
LINDELL (Katja) : vol. II
LINDHART : vol. II
LIP (horlogerie) : vol. V
LI PO : vol. VI
LIPPMAN (André) : vol. III
LISSAGARAY (Prosper Olivier) : vol. II
LISTER (général Enrique) : vol. V
LITTRÉ (Émile) : vol. VII
LOCKQUELL (Clément) : vol. II
LOEB (galerie) : vol. I
LOGETTE (Lucien) : vol. VII
LOISEAU (Jean-Marc) : vol. IV ; vol. V
LONDON (Arthur) : vol. I
LONDRES (Albert) : vol. VII
LOOS (Adolf) : vol. VI
LÓPEZ (Carmen) : vol. VII
LOPEZ-PINTOR (Antónia, dite Toñi) : vol. V; vol.VI; vol. VII
LORENZO (M. César) : vol. IV
LORRAIN (Paul DUVAL, dit Jean) : vol. VI
LOSFELD (éditions Éric) : vol. « 0 »
LOTROUS (Pierre) : vol. IV
LOUIS II DE BAVIÈRE : vol. I; vol. VI
LOUIS XIV : vol. VII
LOUIS XVI : vol. « 0 »
LOUIS XVIII : vol. V
LOURAU (René) : vol. II; vol. III
LOWRY (Malcolm) : vol. I; vol. II; vol. VI
LÜBECKER : vol. II
LÜCHTERHAND (éditions) : vol. IV
LUCOT (Hubert) : vol. VI
LUKÁCS (György) : vol. I; vol. III; vol. IV; vol. V
LUMUMBA (Patrice) : vol. I; vol. II; vol. III
LUNG (Françoise) : vol. « 0 »vol. II
LUNGELA (Ndjangani) : vol. III
LUO (Mengce) : vol. V
LUSINCHI : vol. II
LUTAUD (Olivier) : vol. V; vol. VII
LUXEMBURG (Rosa) : vol. « 0 »vol. I; vol. III
Lycanthropus : voir COSTABILE (Nello).
Lyn : vol. II
LYOTARD (Jean-François) : vol. « 0 »vol. II; vol. V; vol. VI; vol. VII

MAC HALE (John) : vol. « 0 »


MACHIAVEL (Nicolas), ou MACHIAVELLI (Niccolò) : vol. IV ; vol.
V ; vol. VI ; vol. VII
MACK (Andrew) : vol. IV
MADELINE (Laurence) : vol. « 0 ».
MADILLAC (Jean-Pol) : vol. IV
MADSEN : vol. II
MAGNY (Colette) : vol. VI
MAGRITTE (René) : vol. «0»; vol. I
MAHAN (Alfred Thayer) : vol. VI
MAHLOW (Dietrich) : vol. II; vol. III
MAÏAKOVSKI (Vladimir Vladimirovitch) : vol. II
MAIRE (Edmond) : vol. VI
MAITRON (Jean) : vol. III
MAKHNO (Nestor) : vol. V
MALEVITCH (Kasimir) : vol. I; vol. V; vol. VI
MALHERBE (François DE) : vol. VI
MALINA (Frank J.) : vol. III
MALLARMÉ (Stéphane) : vol. VI
MALLET : vol. III
MALLET (Serge) : vol. III
MALRAUX (André) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. V; vol. VI
MANCERON (Claude) : vol. V
MANCHETTE (Jean-Patrick) : vol. V; vol. VI; vol. VII
MANESSIER (Alfred) : vol. « 0 ».
Manolo : vol. I
MAN RAY (Emmanuel RUDNITSKY, dit) : vol. VII
MANRIQUE (Jorge) : vol. VI; vol. VII
Manuela : vol. V
MANZ’IE : vol. V
MANZONI (Piero) : vol. « 0 ».
MAO TSÉ-TOUNG : vol. I; vol. V; vol. VI; vol. VII
Mara B. : vol. V
MARBAIX (Ghislain-Gontran DE SAINT-GUISLAIN DES
NOYERS DE) : vol. « 0 », ; vol. I; vol. II; vol. VII
Marcel : vol. III
MARCELLIN (Raymond) : vol. IV; vol. V
MARCHADIER (Christian Alphé, dit Arthur) : vol. V; vol. VI ; vol.
VII
MARCHAIS (Georges) : vol. V
MARCHAIS (Jacques) : vol. V
MARC,O. (Marc-Gilbert GUILLAUMIN, dit) : vol. « 0 » ; vol. VII
MARCUS (Greil) : vol.
MARCUSE (Herbert) : vol. II; vol. III; vol. IV
MARÉCHAL (Sylvain) : vol. VI
MARENCHES (Alexandre DE) : vol. VI
MARGARINO (Méndez) : vol. VII
MARIANA (père Jean DE) : vol. V; vol. VI
MARIE-ANTOINETTE : vol. VI
Marie-Christine : vol. V
Marie-Hélène : vol. I
MARIËN (Marcel) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II
Marie-No : vol. IV
MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE : vol. VI
Mariló : vol. VI
MARIN (Daniela) : vol. III
Marina S. : vol. V
MARINO (Savina) : vol. I
MARINOTTI (Paolo) : vol. I; vol. II; vol. III
MARIVAUX (Pierre CARLET DE CHAMBLAIN DE) : vol. VI
MARKOVIC (Dario) : vol. VII
MARMONT (Auguste VIESSE DE), duc DE RAGUSE : vol. VII
MAROT (Clément) : vol. VI
MARTENS : vol. V
MARTIN (François) : vol. V
MARTIN (Inger) : vol. II; vol. III
MARTIN (Jeppesen Victor) : vol. « 0 » ; vol. II ; vol. II; vol. IV ; vol.
VII
MARTIN (Morton) : vol. III
MARTÍN DÍEZ (José Luis) : vol. VI
MARTINET : vol. VII
MARTINET (Gilles) : vol. « 0 ».
MARTÍNEZ : vol. VI
MARTÍNEZ GÓMEZ (José Juan), dit El Rubio : vol. VI
MARTOS (Jean-François, dit Jeff) : vol. « 0 » ; vol. VI ; vol. VII
MARTY-LAVAUZELLE (Me) : vol. IV
Marx ou Marx-la-Mouche : vol. IV
MARX (Groucho) : vol. IV; vol. VII
MARX (Karl) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV ; vol. V; vol.
VI ; vol. VII
MARX (Karl), pour Guy DEBORD : vol. IV; vol. V
MARX BROTHERS : vol. VI
Maryse : vol. II
MASANZANICA (Mario) : vol. IV; vol. V; vol. VI.
MASCOLO (Dionys) : vol. I; vol. II; vol. IV
MASINI (Pier Carlo) : vol. IV
MASPERO (François) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII
MASPÉROT (Dominique DE) : vol. II
MASSILI (Cristina) : vol. IV
MASSU (général Jacques) : vol. I
MASTERS (Edgar Lee) : vol. VI
MATEU (éditions) : vol. IV
Mathias : vol. « 0 ».
MATHIEU (Georges) : vol. I; vol. II
MATTEI (Teresa) : vol. IV; vol. V
MATTICK (Paul) : vol. V; vol. VI; vol. VII
MATTIOLI (Raffaele) : vol. IV; vol. V
MAULNIER (Thierry) : vol. « 0 ».
MAUPASSANT (Guy DE) : vol. VII
MAURIAC (François) : vol. « 0 » ; vol. II
MAURIÈS (Patrick) : vol. VII
May : vol. VI
Maya: vol. VI
MAZARIN (cardinal Jules) : vol. V
MAZARIN (pour Georges POMPIDOU) : vol. V
MAZERON (Michel), dit l’Occitan : vol. III; vol. VII
MEDICI : vol. I
MÉDICIS (Jean DE), dit des Bandes Noires : vol. V
MÉDICIS (Julien DE) : vol. IV; vol. V
MÉDICIS (Laurent DE) : vol. IV; vol. V
MÉDICIS (Lorenzino DE) : vol. VII
MÉDILI : vol. III
MELANOTTE (Giors) : voir GALLIZIO (Giorgio).
MELLO (éditions DE) : voir RIBEIRO DE MELLO (Fernando).
MELVILLE (Herman) : vol. VI
MENSION (Jean-Michel) : vol. « 0 », ; vol. I
MERA (Cipriano) : vol. VI
MERCADER (Ramon) : vol. VI
Mercedes, dite Mercé : vol.
MERCIER (Luc) : vol. « 0 » ; vol. VI
MERLINO : vol. VI
MÉROUR (Hervé) : vol. III
MERTZ (Albert) : vol. II
MERZAGORA (Cesare) : vol. V
MESRINE (Jacques) : vol. VI; vol. VII
MESRINE (Sabrina) : vol. VI
METZGER (Gustav) : vol. III
MICHAUX (Henri) : vol. II; vol. VI
MICHEL-ANGE (Michelangelo BUONARROTI, dit) : vol. VI
MICHIARA (Maria-Cristina) : vol. I
MICHON (Pierre) : vol. VI
Midhou : voir DAHOU (Mohamed).
MIGEOT (André) : vol. V; vol. VI
MIGNOLI (Me Ariberto), dit le Doge : vol. IV; vol. V ; vol. VI
Miguel : vol. VI. Voir aussi AMOROS (Miguel).
MILLER (Henry) : vol. II; vol. IV; vol. VI
MILLET (Gilles) : vol. VI
1900/2000 (galerie) : vol. VII
Mimi : vol. V
Mimma F. : vol.; vol. V
MINERVE (l’oiseau de) : vol. I
MINOIS (Marie) : vol. V
MINOTAURE (librairie LE) : vol. « 0 ».
MINUIT (éditions de) : vol. VI
MIRON (Gaston) : vol. I
MISSERI (Francesco) : vol. VI
MITTELSTADT (Hanna) : vol. V
MITTERRAND (François) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
MITTERRAND (Frédéric) : vol. V
Mitzi : vol. III
MOCHOT-BRÉHAT (Michèle) : vol. II; vol. VI
MODIGLIANI (Amedeo) : vol. I
MODZELEWSKI (Karol) : vol. III
MOINET (Jean-Louis) : vol. V; vol. VI; vol.
MOLES (Abraham) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. III
MOLIÈRE : vol. VII
MOLIÈRE (Jean-Baptiste POQUELIN, dit) : vol. IV
MOLINA : vol. II
MOLLET (Guy) : vol. « 0 » ; vol. I
MONDRIAN (Piet) : vol. I
Monica : vol. VI
MONIER (Albert) : vol. III
Monique : vol. VI
Monique G. : vol. III; vol. V
MONSU DESIDERIO : vol. VII
MONTAIGNE (Michel EYQUEM DE) : vol. VI
MONTALDO (Jean) : vol. VI
MONTBRIAL (Marie-Christine DE) : vol. VI
MONTECUCULI : vol. VII
MONTEIL (Vincent) : vol. VI
MONTEIRO (Afonso) : vol. IV; vol. V ; vol. VI; vol. VII
MONTEIRO (Rita) : vol. IV; vol. V
MONTEIRO-ARÁNJO (Antónia) : vol. IV; vol. V
MONTESQUIEU (Charles-Louis DE SECONDAT, baron DE LA
BRÈDE ET DE) : vol. V; vol. VI; vol. VII
MONTI (Georges) : vol. VII
MONTRACHET : voir MARCHADIER (Arthur).
MOON (Yun Myung) : vol. VI
MORAVIA (Alberto) : vol. IV
MOREL : vol. « 0 ».
MORELLET (François) : vol. III
MORELLI (Monique) : vol. VII
MORETTI : vol. IV
MORI (Shigeru) : vol. II; vol. III
MORIN (Edgar) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II; vol. III; vol. V
MORO (Aldo) : vol. V; vol. VI; vol. VII
MORRA : vol. V
MOSCONI (Charlotte) : vol. VI
MOSCONI (Patrick) : vol. VI; vol. VII
MOTHÉ (Daniel) : vol. III
MOULOUDJI (Marcel) : vol. VII
MOURRE (Michel) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. VII
MOUSTAKI (Georges) : vol. VII
MRUGALSKI (André) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VII
MULELE (Pierre) : vol. III
MULLIGAN (Buck) : vol. VI
MURAMATSU : vol. III
MURSIA (Ugo) : vol. V
MUSIDISC : vol. V
MUSIL (Robert) : vol. I; vol. III; vol. VI
MUSSET (Alfred DE) : vol. VII
MUSSOLINI (Benito) : vol. VI
MUZIO (Gabriele) : vol. IV

NAAS : vol. IV
NADDAFF : vol. VII
NADEAU (Maurice) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. VII
Nadja : voir Celeste.
NAKOV (Andreï) : vol. VI
NAPIER (William Francis Patrick) : vol. VI; vol. VII
NAPOLÉON Ier : vol. V; vol. VI; vol. VII
NAPOLÉON III : vol. VII
NAROT (J.-F.) : vol. VII
NASH (Jørgen) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V
Nasri : vol. III
NASSER (Gamal Abdel) : vol. « 0 » ; vol. IV
NATAF (Georges) : vol. « 0 » ; vol.
NAUDÉ (Gabriel) : vol. IV
NAUTILUS (éditions) : vol. V; vol. VI; vol. VII
NAVARRE (Henri) : vol. V
NAVILLE (Denise) : vol. VI; vol. VII
NAVILLE (Pierre) : vol. VI
NÉAUPORT (Jacques) : vol. V; vol. VII
NEDJAR : vol. V
NEF DE PARIS (librairie LA) : vol. « 0 » ; vol. III
NEGRI (Toni) : vol. VI
NEGRÍN (Juan) : vol. V
NELE : vol. II
NEMOTO : vol. IV
NERVAL (Gérard DE) : vol. VII
NERSLAU : vol. III
NETTLAU (Max) : vol. VI
NEUBERG : vol. IV
NEUMANN (Robert) : vol. II
NEVES (colonel Jaime) : vol. V
NEVILLE (Richard) : vol. IV
Niccolò (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol. V; vol. VI.
NICHOLSON-SMITH (Donald) : vol. « 0 » ; vol. III ; vol. IV; vol. V;
vol. VI; vol. VII
NICOLAÏ (François), dit François-le-Corse : vol. VII
NICOLAS (Jacqueline) : vol. II
Nicole L. : vol. V
NICOUD (Gérard) : vol. IV
NIELS (Albert) : vol. I
NIESSEL (Albert) : vol. V
NIETZSCHE (Friedrich) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V; vol. VI
NIEUWENHUYS (Constant), dit CONSTANT : vol. « 0 »; vol. I ; vol.
II; vol. III; vol. V
NIEUWENHUYS (Martha) : vol. I
NIEUWENHUYS (Nelly) : vol. I
NIEUWENHUYS (Olga) : vol. I
NIEUWENHUYS (Victor) : vol. I
NIGGL (Selima) : vol. « 0 ».
NIN (Andrès) : vol. V
NIXON (Richard) : vol. IV; vol. V
NIZAN (Paul) : vol. III
NIZZA (Enzo) : vol. V; vol. VI
NOBLE (Anne-Solange) : vol. VII
NOGALES TORO (M.) : vol. VI
NOGRETTE (Robert) : vol. IV
NOIRET : vol. I
Nora : vol. II
NORA (Pierre) : vol. VII
NOUGÉ (Paul) : vol. « 0 »
NOURI SAÏD : vol. I
NUSSAC (Philippe DE) : vol. III
NYHOLM (Erik) : vol. I; vol. II

OCKRENT (Christine) : vol. VI


OGERET (Marc) : vol. VII
OHRT (Roberto) : vol. VII
OJEDA (Carlos) : vol. VI
OLIVA (Carlo) : vol. III
OLMO (Walter) : vol. « 0 »; vol. I; vol. VI
ORANGE (Guillaume, prince D’) : vol. VII
ORLÉANS (Charles D’) : vol. VI; vol. VII
ORSINI (Filippo) : vol. IV
ORTIZ (Joseph) : vol. I
ORWELL (Eric BLAIR, alias George) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol.
VII
OSBORNE (John) : vol. I
Oscar : voir JORN (Asger).
OSWALD (Lee Harvey) : vol. V
OUDEJANS (Har) : vol. « 0 » ; vol. I
OUFKIR (Muhammad) : vol. III; vol. V
OULDAMER (Mezioud) : vol. VI
OUVRIÈRES (éditions) : vol. « 0 ».
OVADIA (Jacques) : vol. I

PACHECO (Juan), pour Guy DEBORD : vol. VII


PAEPE (César DE) : vol. VI
PAGNON (Francis) : vol. VI; vol. VII
PALATINE (librairie) : vol. VII
PALAYER (Claude) : vol. IV
PALLAIS (Rafael) : vol. VII
PALLIS (Christopher) : vol. III
PALME (Olof) : vol. VI
PANNEKŒK (Anton) : vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V
Pannonicus : voir SANGUINETTI (Gianfranco).
PANSAERS (Clément) : vol. VI
Paola : vol. V
PAOLI : vol. V
PAOLINO (Walter) : vol. « 0 » ; vol. I
PAPAÏOANNOU (Kostas) : vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI
PAPON (Maurice) : vol. III
PARALLÈLES (librairie) : vol. VII
PARANT (J.-L.) : vol. VI
PARFONDRY (Marcel) : vol. « 0 ».
PASCAL (Blaise) : vol. « 0 » ; vol. VI; vol.
PASCIN (Julius PINKAS, dit Jules) : vol. « 0 ».
PASEYRO (Ricardo) : vol. VII
Pasota : vol. VI
PASSERINI (Luisella ou Luisa) : vol. III; vol. IV; vol. VII
PATHÉ : vol. V
PAUL (saint) : vol. VII
PAUVERT (Christiane) : vol. VII
PAUVERT (Jean-Jacques) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI; vol. VII
PAUVERT (Mathias) : vol. VII
PAUWELS (Louis) : vol. « 0 » ; vol. II
PAVAN (Claudio) : vol. IV ; vol. V
PAVLOVNA (Caroline) : vol. VI
PAVY (Agnès) : vol. VII
PAYOT (éditions) : vol. V
PAZ (Abel) : voir CAMACHO (Diego).
PAZZI (Francesco) : vol. V
PECCHIALI (Ugo) : vol. VI
PECCI (Roberto) : vol. VI
PECKINPAH (Sam) : vol. IV
PEDRAZZINI (Jean-Pierre) : vol. « 0 ».
PEIRATS (José) : vol. III
PELICIER (G.) : vol. VII
PELLETIER (Me Jean-Louis) : vol. VI
PELOSSE (Valentin) : vol. VI
Pénélope : voir MONTEIRO-ARÁNJO (Antónia).
PENROSE (Roland) : vol. « 0 » ; vol. II
PENSÉE SAUVAGE (éditions LA) : vol. VI
PEPYS (Samuel) : vol. V
PERAZA (Guillén) : vol. VI
Père Peinard : voir JOYEUX (Maurice).
PÉRET (Benjamin) : vol. « 0 » ; vol. VI
PERHN (librairie) : vol. I
PERLMAN (Freddy) : vol. I; vol. VII
PERMILD (Verner O.) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III
PERMILD & ROSENGREEN (imprimerie) : vol. I; vol. II
PERNIOLA (Mario) : vol. III; vol. IV ; vol. VI
PERRAULT (Gilles) : vol. VII.
PERREAULT (Al.) : vol. V
PERRET (Jacques) : vol. VII
PERROT (Me Jacques) : vol. VI
PERSICHETTI (Paolo) : vol. VI
PESSOA (Fernando) : vol. VI
PETERSEN (Ad.) : vol. II; vol. III
PÉTRARQUE (Francesco PETRARCA, dit) : vol. V
PÉTRIS (Michel) : vol. VI; vol. VII
PFLIMLIN (Pierre) : vol. I
PFÜTZE (Hermann) : vol. IV
PHILIPPE (Jean-Louis) : vol. « 0 » ; vol. III
PIANZOLA (Maurice) : vol. III
PICASSO (Pablo) : vol. « 0 ».
PICCININI (Alberto) : vol. VII
PIE XII : vol I
PIERINI (Franco) : vol. IV
PIERRE (José) : vol. I; vol. VII
PIERRET (Marc) : vol. III
PILATI (Antonio) : vol. IV
PILNIAK (Boris) : vol. V; vol. VI
PILON (Jean-Guy) : vol II
PIMPANEAU (Jacques) : vol. II
PINELLI (Giuseppe, dit Pino) : vol. IV; vol. V
PINOCHET UGARTE (Augusto) : vol. VII
PINOT GALLIZIO : voir GALLIZIO (Giuseppe).
PIPERNO (Franco) : vol. VI
PISANO (Giorgio) : vol. VI
PISTOI (Luciano) : vol. I
PITT (William) : vol. V
PIVOT (Bernard) : vol. VI
PIZZI (Amilcare) : vol. I
PLANSON (Claude) : vol. « 0 ».
PLANT (Sadie) : vol. VII
PLATON : vol. IV; vol. VII
PLATSCHEK (Hans) : vol. I
POE (Edgar) : vol. V; vol. VI
POGGIO : vol. IV
POIROT-DELPECH (Bertrand) : vol. V
POLAC (Michel) : vol. VII
POLI (Franco) : vol. VII
POMERAND (Gabriel) : vol. « 0 ».
POMPIDOU (Georges) : vol. IV; vol. V
PONCHON (Raoul) : vol. VI
PONGE (Francis) : vol. « 0 ».
PONT TRAVERSÉ (librairie LE) : vol. « 0 ».
POPE (Alexander) : vol. VI
PORTUGAIS (Louis) : vol. I; vol. II
Poucette : vol. « 0 ».
POUCHIN (Dominique) : vol. V
POUCHKINE (Alexandre Sergueïevitch) : vol. VI
POUJADE (Pierre) : vol. « 0 ».
POUY (Jaja) : voir CORNET (Jeanne).
PREM (Heimrad) : vol. I; vol. II
PRESSES DE LA CITÉ (éditions) : vol. V
PRÉVERT (Jacques) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI
PRIGENT (Michel) : vol. IV; vol. V; vol. VI
PROMENEUR (éditions LE) : vol. VII
PROUDHON (Pierre Joseph) : vol. III
PRUDHOMMEAUX (André) : vol. II
PUCCINI (société) : vol. V
PUYSÉGUR (maréchal DE) : vol. VII
PUYSÉGUR (marquis DE) : vol. VII
PYAT (Félix) : vol. V

QUADRUPPANI (Serge) : vol. VI; vol. VII


QUAI VOLTAIRE (éditions) : vol. VII
QUENEAU (Raymond) : vol. « 0 » ; vol. VI
QUEVAL (Jean) : vol. VI
QUEVEDO Y VILLEGAS (Francisco GÓMEZ DE) : vol. VII
QUILLET (Juvénal, dit Juju) : vol. IV ; vol. V
QUINCEY (Thomas DE) : vol. II; vol. VII

RABELAIS (François) : vol. VI


RACINE (Jean) : vol. VI; vol. VII
RADCLIFFE (Charles) : vol. « 0 » ; vol. III
RADICHTCHEV (Alexandre) : vol. VII
RAFT (George) : vol. VI
RAIS (Gilles DE) : vol. II
RAMIREZ SANCHEZ (Illitch), dit Carlos : vol. VI
RAMSAY (éditions) : vol. VII
RANCHETTI : vol. V
RANÇON (Jean-Louis) : vol. IV,
RANKOVITCH (Jean-Michel) : vol. I
RAOULT : vol. V; vol. VI
RAPHAËL (Raffaello SANZIO, dit) : vol. « 0 » ; vol. I
RASMUSSEN (U.) : vol. II
RASPAUD (Jean-Jacques) : vol. IV ; vol. V ; vol. VI; vol. VII
RASPE (Jan-Karl) : vol. V
RASSAM (Jean-Pierre) : vol. IV; vol. V
RATGEB (Raoul VANEIGEM, dit) : vol. V; vol. VI; vol..
RAUFER (Xavier) : vol. VI
RAVACHOL (François Claudius KŒNIGSTEIN, dit) : vol. « 0 » ;
vol. III; vol. V
RAVENEL : vol. « 0 ».
RAY (Nicholas) : vol. II; vol. V
RAYMOND (Marie) : vol. « 0 ».
RAYNAUD (Yves) : vol. III; vol. IV
RAYO : voir ROTHE (Eduardo).
READ (Herbert) : vol. I
REAGAN (Ronald) : vol. VI
REBUFFEL (Alicia) : vol. VII
REBUFFEL (Annie) : vol. VII
REBUFFEL (Gilbert) : vol. II; vol. VII
REDOTTÉ (Michèle) : vol. II
REED (John) : vol. VII
REGGIANI (Serge) : vol. VI
REGLER (Gustav) : vol. IV
REICH (Wilhelm) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. III; vol. IV
Reine : vol. VI
REISER (Jean-Marc) : vol. V
REMIGNARD (Jeanine) : vol. II
RENARD : vol. II
RENAUD (Renaud SÉCHAN, dit) : vol. V; vol. VI.
RENAULT (régie) : vol. VII
René-Donatien ou René-la-Chine : voirÉNET (René).
RENOIR (Jean) : vol. VII
RENOIR (Rita) : vol. V
RENSON (Rudi) : vol. « 0 » ; vol.; vol. III; vol. IV
RESNAIS (Alain) : vol. II; vol. VI
RESTANY (Pierre) : vol. III
RETZ (Jean-François Paul DE GONDI, cardinal DE) : vol. « 0 » ;
vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
REVELLI-BEAUMONT (Lucchino) : vol. V
REY (Stéphane) : vol. « 0 ».
RHODOS (éditions) : vol. I
RIBEIRO DE MELLO (Fernando) : vol. IV; vol. V
RIBEMONT-DESSAIGNES (Georges) : vol. VI; vol. VII
RIBERO (Catherine) : vol. V
RICHARDSON (Tony) : vol. V
RICHELIEU (Armand Jean DU PLESSIS, cardinal duc DE) : vol.
VI
RICŒUR (Paul) : vol. II
RICTUS (Jehan) : vol. VII
RIESEL (Joëlle) : voir LEBEAU-RIESEL (Joëlle).
RIESEL (René) : vol. « 0 » ; vol. ; vol. IV ; vol. V; vol. VII
RIGAUT (Jacques) : vol. VI
RILKE (Rainer Maria) : vol. VI; vol. VII
RIMBAUD (Arthur) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. VI
RIMINI (Francesca DA) : vol. VII
RIVA (Valerio) : vol. V
RIVABELLA (Augusta) : vol. « 0 »; vol.
RIZZI (Bruno) : vol. V; vol. VI
ROBBE-GRILLET (Alain) : vol. II
ROBEL (Andrée) : vol. VI
Robert : vol. « 0 ».
ROBERT LAFFONT (éditions) : vol. VII
Robert le linotypiste : vol. I
ROBESPIERRE (Maximilien DE) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V; vol.
VII
ROBIN (Armand) : vol. VII
ROBINOT (Jean-Pierre) : vol. VII
ROCHEFORT (Christiane) : vol. VII
ROCHER (Jean-Paul) : vol. V; vol. VI
ROCHU (Gilbert) : vol. VI
RODA-GIL (Étienne) : vol. III; vol. V
RODITI (Édouard) : vol. « 0 ».
RODOLICO (Niccolò) : vol. VI
RODRIGUEZ : vol. I
Roger : vol. III
ROHMER (Sax) : vol. « 0 » ; vol. VI
ROLANDI (Cornelio) : vol. IV
ROLLIN (Henri) : vol. VII
ROMAINS (Louis FARIGOULE, dit Jules) : vol. « 0 ».
ROMANETTI (Francis) : vol. VI
ROMANO (Carlo) : vol. VII
ROMUALD : vol. VII
RONSARD (Pierre DE) : vol. VI
ROOS (Jørgen) : vol. II
ROSBOCH : vol. IV; vol. V
ROSEMONT (Franklin) : vol. III
ROSENGREEN : voir PERMILD & ROSENGREEN (imprimerie).
ROSENTHAL (Barbara) : vol. « 0 » ; vol. V
ROSSI : vol. V
ROSSI (Paulette Antoinette Concetta) : vol. V
ROTHE (Eduardo) : vol. « 0 » ; vol. IV ; vol. V
ROTMAN (Patrick) : vol. VI
ROUCH (Jean) : vol. II
ROUGYF : vol. « 0 » ; vol. IV
ROUILLAN (Jean-Marc) : vol. VI
ROUMIEUX (André) : vol. VI; vol. VII
ROUSSEAU (Henri, dit le Douanier) : vol. « 0 » .
ROUX (Jacques) : vol. VII
ROUXEL (Pierre) : vol. II; vol. III
ROUYAU (Philippe) : vol. VI
ROY (Claude) : vol. « 0 »; vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
ROY (Gladys) : vol. VII
ROYANO : vol. III
RUBEL (Maximilien) : vol. III; vol. V
RUEDO IBÉRICO (éditions) : vol. V; vol. VI
RUFFOLO (Raffaele) : vol. IV
RUGE (Arnold) : vol. V; vol. VI
RUMNEY (Ralph) : vol. « 0 »; vol. I; vol. V
RYCK (Yves DELVILLE, dit Francis), alias DIERICK : vol. V; vol.
VI
RYCKMANS (Pierre) : voir LEYS (Simon).
RYKOV (Alexeï Ivanovitch) : vol. V
SABA (Giuseppe) : vol. IV
SABATÉ : vol. VI
SACCO (Nicola) : vol. III
SADE (Donatien Alphonse François, comte DE SADE, dit le marquis
DE) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VII
SAGAN (Françoise QUOIREZ, dite) : vol. II
SAINTE-BEUVE (prix littéraire) : vol. VII
SAINT-JUST (Louis Antoine Léon DE) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. VI;
vol. VII
SAINT-MARTIN (Marie-Hélène) : vol. « 0 ».
SAINT-SIMON (Louis DE ROUVROY, duc DE) : vol. IV; vol. VI
SALAN (général Raoul) : vol. I; vol. IV; vol. V
SALAZAR (António DE OLIVEIRA) : vol. « 0 »; vol. VI
SALENGRO (Roger) : vol. V
SALVADORI (Geneviève) : vol. « 0 »; vol. V; vol. VI; vol. VII
SALVADORI (Lucia) : vol. VI
SALVADORI (Paolo) : vol. « 0 »; vol. IV ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII
SANCHEZ (Manuela) : vol. VI
SANDBERG (Wilhem) : vol. « 0 »; vol. I ; vol. II
SANDI : vol. IV
SANGUINETTI : vol. V
SANGUINETTI (Alexandre) : vol. V
SANGUINETTI (Antonella) : vol. IV
SANGUINETTI (Gianfranco) : vol. « 0 »; vol. IV ; vol. V ; vol. VI ;
vol. VII
SANTIAGO (Miguel DE) : vol. VI
SARDANAPALO : vol. IV
SARDOU (Antoine-Léandre) : vol. VI
SARTRE (Jean-Paul) : vol. « 0 »; vol. II; vol. III; vol. V; vol. VII
SASSON (Sélim) : vol. « 0 ».
SATIE (Erik) : vol. VI
SAULNIER (Hector) : vol. III
SAURA (Antonio) : vol. I
SAVINKOV (Boris) : vol. VI
SAVONAROLE (Jérôme) : vol. IV
SBARDELLA : vol. IV
SCALZONE (Oreste) : vol. VI
SCARPELLI (Filippo) : vol. VII
SCHADE (Jens August) : vol. V; vol. VI
SCHAEFFER (Pierre) : vol. I
SCHELLING (Friedrich Wilhelm Joseph VON) : vol. VII
SCHELLING (pseudonyme de clandestin) : vol. III
SCHILLER (Friedrich VON) : vol. V; vol. VI
SCHLEGEL (August Wilhelm VON) : vol. VI
SCHLEGEL (Friedrich VON) : vol. VI
SCHLÜTER (Susanne) : vol. I
SCHMIDT (Erik) : vol. II
SCHNAPP (Alain) : vol. IV
SCHNAPP (Jo) : vol. « 0 ».
SCHNEIDER (André) : vol. « 0 »; vol. III; vol. IV
SCHÖFFER (Nicolas) : vol. II; vol. III
SCHUMACHER (Bernard), dit Schu : vol. IV; vol. V
SCHUSTER (Jean) : vol. I; vol. IV; vol. VII
SCHWARZ (librairie) : vol. « 0 ».
SCHWARZENBERG (Karl Philipp, prince VON) : vol. VII
SCHWITTERS (Kurt) : vol. II; vol. VII
SCHWOB (Marcel) : vol. VI
SCOTT : vol. V
SCOTTI CAMUZZI (Me Sergio), dit le Cousin : vol. V
SCUTENAIRE (Louis) : vol. « 0 ».
SÉBASTIANI (Christian) : vol. « 0 »; vol. III; vol. IV ; vol. VI; vol.
VII
SEBASTIANI DE LA PORTA (Horace) : vol. VI
SEGUIN (Louis) : vol. VI
SÉGUY (Georges) : vol. IV; vol. V
SEIDEN (Claus) : vol. II
SEILER (Jacques) : vol. I
SEIX Y BARRAL (éditions) : vol. IV
SELANDIA (imprimerie) : vol. « 0 »; vol. I
SEMPRUN (Jaime) : vol. « 0 » ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII
SEMPRUN (Jorge) : vol. V
SENDERENS (Alain) : vol. VI
SÉNÉCAUT (Gilbert) : vol. « 0 »; vol. II
SENSENHAUSER (Cristina) : vol. I
Serge : vol. « 0 ».
SERGUINE (Jacques) : vol. VI
SERIN (Maurice) : vol. VI
SEROUX (Lucien) : vol. III
SERRES (Michel) : vol. VI; vol. VII
SEUIL (éditions du) : vol. VI; vol. VII
SEXBY (Edward) : vol. IV; vol. VI; vol. VII
SEX PISTOLS : vol. VII
SHAKESPEARE (William) : vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
SHELL (compagnie) : vol. « 0 »
SHERIDAN (Philip Henri) : vol. VI
SID CARA : vol. I
SIEBER (Friedrich) : vol. I
SIEYÈS (Emmanuel Joseph, abbé) : vol. VII
SIGIANI (Marco Maria) : vol. IV
SIGMA : vol. « 0 ».
SILBERMANN (J. C.) : vol. VII
SILVA (éditions) : vol. « 0 »; vol. IV
SILVA (Umberto) : vol. IV; vol. V
SILVERA (Miro) : vol. IV
SIMAR FILMS : vol. « 0 »; vol. V ; vol. VI; vol. VII
SIMENON (Georges) : vol. VI
SIMON (André) : vol. III
SIMON (Henri) : vol. III
SIMON (Pierre-Henri) : vol. IV
SIMONDO (Piero) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II
SIMONELLI (Jacques) : vol. VII
Simonetta : voir VESPUCCI (Simonetta).
SIMONETTI (Gianni-Emilio) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI
Sindbad : vol. « 0 ».
SINDBAD (éditions) : vol. VI
SINOUHÉ : vol. VI
SLANE (Mac Guckin DE) : vol. VI
Slavia : vol. « 0 »; vol. V
SOARÈS (Mario) : vol. « 0 ».
SOBOUL (Albert) : vol. IV
SOBRINO : vol. III
SOCRATE : vol. I
SODERINI (Pier) : vol. IV; vol. V
SOKOLOGORSKI (Irène) : vol. VI
SOLANAS (Valerie) : vol. VII
SOLEIL DANS LA TÊTE (librairie LE) : vol. « 0 ».
SOLER (padre Antonio) : vol. IV
SOLIDOR (Suzy) : vol. II
SOLLERS (Philippe) : vol. V; vol. VII
SOMBART (Werner) : vol. V
Sonia W. : vol. VII
SOPROFILMS : vol. VI; vol. VII
SORIN (Raphaël) : vol. V; vol. VI
SOTTSASS (Ettore) : vol. « 0 ».
SOULIÉ DE MORANT (George) : vol. VII
SOURIS (André) : vol. « 0 ».
SOUSTELLE (Jacques) : vol. I
SOUVARINE (Boris LIFSCHITZ, dit) : vol. VI; vol. VII
SPACCAGNA (Jacques) : vol. « 0 ».
SPARTACUS (éditions) : vol. « 0 ».
SPÍNOLA (général António DE) : vol. « 0 » ; vol. V.
SPIRE (Arnaud) : vol. VII
SPORTÈS (Morgan) : vol. VII
SPURRIER (Steven) : vol. VI
STADLER (Gretel) : vol. I; vol. II
STAËL (Germaine NECKER, baronne DE STAËL-HOLSTEIN,
Madame DE) : vol. VI
STAING : vol. VII
STALINE (Iossif Vissarionovitch DJOUGACHVILI, dit Joseph) :
vol. « 0 » ; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI
STEIN : vol. III
STEINBECK (John) : vol. VI
STENDHAL (Henri BEYLE, dit) : vol. IV; vol. VI; vol. VII
STEPANIK (Bernard) : vol. III
STÉPHANE (Roger WORMS, dit) : vol. « 0 »
STEPHEN (Holger) : vol. IV
STERNBERG (Josef VON) : vol. V
STERNE (Laurence) : vol. VII
STEVENSON (Robert Louis BALFOUR) : vol. V; vol. VII
STIRNER (Johann Caspar SCHMIDT, dit Max) : vol. « 0 » ; vol. III;
vol. VI; vol. VII
STRARAM (Patrick MARRAST, dit) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol.
VII
STREEP (Jon Nicholas) : vol. I
STRELKOFF (Sacha) : vol. II
STRID (Hardy) : vol. II
STRIJBOSCH (Jan) : vol. « 0 »; vol. II; vol. III; vol. IV
STURM (Helmut) : vol. I; vol. II
SUÁREZ (Adolfo) : vol. VI
SUBIRATS (Eduardo) : vol. IV
SUBRA (Valérie) : vol. VII
SUE (Eugène) : vol. VI
SUGAR (éditions) : vol. IV
SUGARCO (éditions) : vol. VII
SULAK (Bruno) : vol. VI
SUÑEN (Luis) : vol. VI
SUN TSE: vol. VII
SUPAK (Maria Isabel) : vol. IV; vol. VII
Susan : vol. IV
SUSMANN : vol. VII
SWEDBERG (Richard) : vol. IV
SWIFT (Jonathan) : vol. V; vol. VI; vol. VII
Sylvain : vol. III; vol. IV
Sylvain (fils d’Étiennette) : vol. VI; vol. VII

TAGAKI (Toru) : vol. II; vol. III


T’ANG ou THANG : vol. VI
TAPIE (Bernard) : vol. VI; vol. VII
TAPIÉ (Michel) : vol.I
TAPIÈS (Antoni) : vol. I
TAPTOE (galerie) : vol. « 0 »vol. I
TARABOUKINE (Nikolaï) : vol. V; vol. VI
TARDIEU : vol. « 0 »
TASSE (Torquato TASSO, dit le) : vol. VI
TATU (Michel) : vol. III
TAUBÉ (Édouard) : vol. « 0 »vol. II; vol. III
TAYAC (A. DE) : vol. VI
Tayeb : vol. IV
TCHAKHOTINE (Serge) : vol. IV
TCHANG KAÏ-CHEK : vol. VI
TCHAPAÏEV (Vassili Ivanovitch) : vol. V
TCHERNOBYL : vol. VII
TERMEER (Carla) : vol. IV
TEILHARD DE CHARDIN (Pierre) : vol. II
TEJERO (Antonio) : vol. VI
TÉLLEZ SOLÁ (Antonio) : vol. VI
TEMPS QU’IL FAIT (éditions LE) : vol. « 0 »vol. VI; vol. VII
TENG HSIAO-PING : voir DENG XIAOPING.
TEODA (N.) : vol. VI
TERRAIN VAGUE (éditions LE) : vol. VII
TESÁN (Alda) : vol. VI
TESSON (Philippe) : vol. V
THALMANN (Clara) : vol. VI
THALMANN (Mme) : vol. VI
THALMANN (Paul) : vol. VI
THATCHER (Margaret) : vol. VI; vol. VII
THIERS (Adolphe) : vol. VI; vol. VII
THOMANN (Laurent-Edmond) : vol. V
THOMAS (Bernard) : vol. IV
THOMAS (Hugh) : vol. VII
THOREZ (Maurice) : vol. « 0 »vol. IV
THORSEN (Jens Jørgen) : vol. II; vol. IV
THOVERON : vol. « 0 »
THUCYDIDE : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
THUCYDIDE (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol.IV
TIAMAT (éditions) : vol. VI
TIBBITS (J. C. N.) : vol. III
TIEFFENBACH : vol. V
TIEFFENBACH (Emma) : vol. V; vol. VI
TILLIER : vol. VI
TITIEN (Tiziano VECELLIO, dit) : vol. « 0 »,
TITO (Josip BROZ, dit) : vol. I
TLILI (Béchir) : vol. « 0 »vol. II; vol. III
TOCQUEVILLE (Alexis DE) : vol. V; vol. VI
TODD (Olivier) : vol. III
TOLIN (Francesco) : vol. IV
TOLSTOÏ (Léon) : vol. III
TOSCAN DU PLANTIER (Daniel) : vol. V
TOUBIANA (Serge) : vol. V
TOURAINE (Alain) : vol. V
TOURGUENIEV (Ivan Sergueïevitch) : vol. VI
TRACCE (éditions) : vol. VII
TRAVERS (Phil) : vol. III
TRIGNOL (Fernand) : vol. VII
TRILLAUD (André) : vol. VI
TRIVOUS (Jacques) : vol. IV
TROCCHI (Alexander) : vol. « 0 » vol.; vol.II ; vol. III; vol.IV; vol.
VII
TROTSKI (Lev Davidovitch BRONSTEIN, dit Léon) : vol. « 0 »vol.
II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI
TROUVAIN (Antoine) : vol. VII
TROYAT (Henri) : vol. IV
TRUFFAUT (François) : vol. II; vol. V; vol. VII
TRUST : vol. VI
TSIN CHE HOANG TI : vol. VI
TURGOT (Anne Robert Jacques), baron DE LAULNE : vol. VI
TYNAN (Kenneth) : vol. I
TZARA (Tristan) : vol. « 0 »
UCCELLO (Paolo) : vol. IV
ULYSSE : voir MONTEIRO (Afonso).
UNGER (Ivan) : vol. VII
UNION CARBIDE (société multinationale) : vol. VI
URDANIBIA (Xabier) : vol. IV
USSIA (Marcos) : vol. III
UTOPIA (cinéma) : vol. VI

VACHÉ (Jacques) : vol. IV


VACONSIN (Me) : vol. IV
VAILLAND (Roger) : vol. III
VALENCE (Daniel) : vol. VII
VALENTIN (Martine) : vol. VII
VALENTINE (Lorenzo) : vol. « 0 »vol.VI; vol. VII
VALERI (Ennio) : vol. IV
VALÉRY (Paul) : vol. « 0 »
VALLECCHI (éditions) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII
VALOIS : vol. II
VALOIS (dynastie des) : vol. IV
VALPREDA (Pietro) : vol.IV; vol. V; vol. VI
VAN BRUAENE (Gérard) : vol. « 0 »
VANDAMME (Dominique-René), comte D’UNEBOURG : vol. VI
VAN DE LOO (Heike) : vol. I; vol. II
VAN DE LOO (Otto) : vol. I; vol. II
VAN DER ELSKEN (Ed) : vol. I; vol. V
VAN DOMSELAER (Matie) : vol. I
VANEIGAM : vol. IV
VANEIGEM (Raoul) : vol. « 0 »vol. II ; vol. III ; vol. IV vol. V ; vol.
VI; vol. VII
VANEIGEM (Thérèse) : vol. « 0 » vol. III
VAN EYCK (Aldo) : vol. II
VAN GENNEP (éditions) : vol. IV ; vol. V; vol. VI; vol. VII
VAN GENNEP (Rob) : vol. IV; vol. V
VAN GOGH (Vincent) : vol. II
VAN GUGLIELMI (Nunzio) : vol. I
VAN GULIK (Robert) : vol. VI
VANZETTI (Bartolomeo) : vol. III
VARANI (Renato) : vol. VI
VARGAS (Pablo) : vol. VII
VARLIN (Eugène) : vol. V
VASARELY (Victor) : vol. III
VÁSQUEZ DE ESCAMILLA (Pero) : vol. VII
VATRY (DE) : vol. VI; vol.VII
VAUGELAS (Claude AVRE DE) : vol. VI
VAUME (Henri) : vol. I; vol. II
VAUVENARGUES (Luc DE CLAPIERS, marquis DE) : vol. IV; vol.
VI; vol. VII
VAYR-PIOVA (Bruno) : vol. III; vol. IV
VEGA (Alberto MASO, dit) : vol. II
VENEZIANI (Sergio) : vol. IV
Véra : vol. « 0 »
VERHESEN (Fernand) : vol. III
VERLAAN (Tony) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV
VERLEENE (juge Alain) : vol. VI
VERMEERSCH (Jeannette) : vol. « 0 »,
VERNAY (Hervé) : vol. III
VERRONE (Elena) : vol. « 0 »vol.I
VERSO (éditions) : vol. VII
VESPUCCI (Simonetta) : vol. IV; vol. V
VETTORI (Francesco) : vol. IV; vol. VII
VIALATTE (Alexandre) : vol. IV; vol. VI
VIAN (Boris) : vol. V
Victor : vol. VI
VIDA (Marco Girolamo) : vol. VI
VIDAL-NAQUET (Pierre) : vol. IV
VIEL (Augusto) : vol. IV
VIÉNET (René) : vol. « 0 »vol. II; vol. III ; vol. IV ; vol.V ; vol. VI;
vol. VII
VIGNY (Alfred DE) : vol. VI
VILLA (Doroteo ARANGO, dit Francisco ou Pancho) : vol. IV
VILLIERS DE L’ISLE-ADAM (Philippe Auguste, comte DE) : vol.
« 0 »vol. VI
VILLON (François) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII
VILLOT (José) : vol. VII
VINCENT : vol. VII
VINCENT (Charles) : vol. VII
VINCENTANNE (Stéphane) : vol. IV
VIRELLES : vol. II
VIRGILE : vol. VII
VIRNO (Paolo) : vol. VII
VISCONTI (Luchino) : vol. V
VISEUX (Claude) : vol. I
VISSAC (Philippe) : vol. III
VITOUX (Frédéric), dit M. DU BRAN : vol. VII
VIVALDI (Antonio) : vol. II; vol. IV
VOITEY (Gérard) : vol.
VOLINE (Vsévolod Mikhaïlovitch EICHENBAUM, dit) : vol. II
VOLTAIRE (François Marie AROUET, dit) : vol. V; vol. VI
VOYER (Jean-Pierre) : vol. IV ; vol.V; vol.VI; vol. VII
VRIES (DE) : vol. III
VUCICOVIC (Branko) : vol. II; vol. III; vol. IV
VUILLEURMIER (Max) : vol. VI
VYCHINSKI (Andreï Ianouarievitch) : vol. III

WADE MINKOWSKI (Adonis, Anne) : vol. VII


WAGNER (Richard) : vol. VI
WAJDA (Andrzej) : vol. VI
WALDHEIM (Kurt) : vol. VI
WALESA (Lech) : vol. VI; vol. VII
WALSER (Robert) : vol. VI
WALSH (Raoul) : vol. V
WALTARI (Mika) : vol. VI
WANG (Francis) : vol. VII
WANSART (P.) : vol. I
WARESQUIEL (Emmanuel DE) : vol. VII
WATRIN : vol. IV
WAUGH (Evelyn) : vol. VII
WEBERN (Anton VON) : vol. « 0 »
WEERTH (Georg) : vol. V
WEISS (Gerhard) : vol. II; vol. IV; vol.V; vol. VI
WELLES (Orson) : vol. II
WELLINGTON (Arthur WELLESLEY, duc DE) : vol. VII
WEMAËRE (Pierre) : vol. I; vol. II
WESKER (Arnold) : vol. II
WESTING (galerie) : vol. II
WESTMORELAND (William) : vol. V
WIAZEMSKY (Anne) : vol. VII
WILDER (Billy) : vol. V
WILDER (Sean) : vol. III
WILLIAM BLAKE (éditions) : vol. VII
WILLIAMS-ALTA (éditions) : vol. VI
WILLERVAL (Bernard) : vol. II
WILLET : vol. IV
WILSON (Colin) : vol. I
WINCKELMANN (Johan Joachim) : vol. VI
WINOCK (Michel) : vol. III
WITTENBORN (George) : vol. I; vol. II
WITTFOGEL (Karl) : vol. II; vol. III
WOLMAN (Joseph, dit Gil J) : vol. « 0 »vol. I; vol. VI; vol. VII
WOLSGAARD-IVERSEN (Herman) : vol. I
WOLSGAARD-IVERSEN (Matty) : vol. I
WUERICH (Glauco) : vol. I
WURMSER (André) : vol. « 0 »
WYCKAERT (Maurice) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II
WYCKAERT (Rob) : vol. « 0 »vol. I; vol. II

X : vol. « 0 »vol. III; vol. VI; vol.VII

YACINE (Kateb) : vol. I


YANNE (Jean) : vol. IV
YONNET (Jacques) : vol. VI
YORDAN (Philip) : vol. « 0 »
YVARAL (Jean-Pierre) : vol. III
Yves : vol. III
ZAHOUANE (Hocine) : vol. III
Zara (Arlette Z., dite) : vol. V; vol. VI
ZELAZNY (Roger) : vol. V
ZELLER (général André) : vol. IV
ZEMS (Abraxa) : vol. II; vol. III
Zéphyrine : vol. VII
ZEVI (Susanna) : vol. IV. ZIMMER (Hans-Peter) : vol. « 0 »vol.I;
vol.II
ZINOVIEV (Grigori Ievseïevitch RADOMYLSKI, dit) : vol. « 0 »
ZOÉ (éditions) : vol. V
ZONE BOOKS (éditions) : vol. VII
Zyl : voir Françoise Z.

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