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Thème 1 

: L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales


(1914-1945)

Chapitre 1 : Civils et militaires dans la Première guerre mondiale

Introduction

Avant le début de la guerre en 1914, l'Europe est encore un continent riche et puissant.

L'Europe est avant tout une puissance commerciale et économique. Enrichie par la première et la
seconde révolution industrielle, forte d'une population nombreuse et souvent instruite, l'Europe
domine le commerce international. 40 % des échanges mondiaux sont réalisés entre les pays de la
seule Europe, 37 % entre l'Europe et le reste du monde. Le Vieux Continent développe son
économie en important des matières premières et en exportant son textile et son acier.

L’Europe est aussi une puissance politique. Elle voit coexister principalement deux types de
régimes politiques:
 Des régimes autoritaires avec la Russie (dirigée par un Tsar), l'Allemagne (monarchie –
Empereur Guillaume II) et l'Autriche-Hongrie (monarchie - Empereur François-Joseph)
d’un côté,
 Des régimes démocratiques avec la France (Troisième République – Président Raymond
Poincaré) et la Grande-Bretagne (Herbert Asquith comme Premier Ministre) de l’autre.

Ces deux grandes puissances sont chacune à la tête d’un empire colonial. L'empire colonial
britannique s'étend ainsi de l'Inde à l'Afrique et compte plus de 450 millions d'habitants. L’empire
colonial français est le second en étendue. La France de 1914 a notamment colonisé une partie de
l'Afrique de l'ouest, du Maghreb, de l'Afrique équatoriale, Madagascar, l’Indochine. Ce partage du
monde, qui assure la mainmise sur les matières premières, entraîne aussi des rivalités latentes.

Mots clés :
 Guerre totale : guerre qui mobilise toutes les ressources humaines, technologiques et
économiques des Etats concernés
 Guerre de mouvement : phase de la guerre durant laquelle les armées se déplacent et lancent
des offensives contre le camp adverse
 Guerre de position (ou de tranchées) : phase durant laquelle les soldats s’enterrent dans des
tranchées et ne parviennent pas à forcer les lignes ennemies
 Mutinerie : révolte de soldats
 Propagande : ensemble d’actions et de moyens exercés sur une population pour l’influencer
et l’endoctriner
 Déportation : déplacement forcé d’une population
 Génocide : extermination programmée et systématique d’un peuple pour des raisons
ethniques, religieuses ou politiques
 Poilus : nom donné aux soldats de la Première guerre mondiale

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I- De l’Europe au monde entier : une guerre mondiale

I.1 Les causes de la guerre et l’élément déclencheur

a. Les causes anciennes

 La guerre franco-prussienne 1870-1871 : la guerre qui oppose la France au royaume de


Prusse et à ses alliés allemands va mettre face à face près de trois millions d'hommes.
S’opposent le chancelier allemand Otto von Bismarck et l'empereur Napoléon III. Bismarck
souhaite agrandir la Prusse. Il souhaite également achever l'unité allemande en rassemblant
le nord et le sud dans une guerre contre la France
 L'armée allemande utilise une artillerie moderne. La France est immédiatement envahie et
plusieurs de ses villes sont bombardées. Au début de la guerre en juillet 1870, la France
mobilise 265 000 hommes….. contre près de 600 000 côté allemand. Le 6 août, un bataillon
français est battu à Forbach et perd la Lorraine. Le même jour, le maréchal de Mac-Mahon
est battu à Froeschwiller-Woerth et perd l'Alsace (zones productrices de charbon, importante
source de revenus pour la France)
 La dernière bataille est livrée à Sedan le 1 er septembre 1870. Elle voit la défaite de la France
qui rend les armes le 2 septembre 1870 : c’est la capitulation de la France
 Signature de l’armistice le 28/01/1871 : perte de l’Alsace et de la Lorraine, défaite éclair et
humiliation de la France. Tout ceci fait naître un fort désir de revanche côté français. C’est
la fin du Second Empire français et de l'empereur Napoléon III. La Troisième République
est proclamée
 La France et l'Allemagne vont désormais se percevoir de façon très exagérée comme des «
ennemis héréditaires »

b. Les tensions coloniales et nationales 

 La France et la Grande-Bretagne se sont partagées une partie du globe et y imposent leur


domination
 Italiens et Allemands, dont les pays ne sont unis que tardivement, ont conquis plus
tardivement des colonies. Au début de la Première guerre, l’Allemagne compte comme
colonies le Togo, le Cameroun, la Namibie, la Nouvelle-Guinée et le Rwanda. L’Italie est
présente quant à elle en Ethiopie, Erythrée, Lybie et Somalie
 Les Italiens ont échoué à prendre la Tunisie que la France leur a pris. Les Allemands ont
échoué à prendre le Maroc que la France leur a pris. Dans les deux cas, c'est la Grande-
Bretagne qui a appuyé la France... par peur d'une trop grande puissance allemande
 Cette différence en termes de nombre de colonies (et des ressources dont elles disposent)
créent un sentiment de jalousie chez les Allemands et les Italiens

c. La cause immédiate : le détonateur

 Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) : le 28 juin 1914, un nationaliste serbe assassine l'héritier du


trône d'Autriche Hongrie, l’archiduc François-Ferdinand. Un mois plus tard les armées
autrichiennes attaquent la Serbie. L'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. La
Russie attaque l'Autriche-Hongrie pour aider la Serbie. L'Allemagne déclare la guerre à la
Russie et la France le 3 août 1914, l'Angleterre se déclare aux côtés de la France...C'est le
début de la Première Guerre mondiale

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 Les peuples acceptent la guerre avec patriotisme et détermination : en août 1914, on pense
encore que la guerre sera courte… L'Allemagne est prise en tenailles entre la France et la
Russie, et la flotte britannique menace son approvisionnement par voie maritime, nombreux
sont donc ceux qui estiment l’Allemagne perdra rapidement.

I.2 Une guerre d’abord européenne…

Le conflit opposait :
 la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie rejointes par la Serbie et la
Bulgarie (1915)), à
 la Triple Entente (France, Russie, Grande-Bretagne rejointes par la Belgique, le Japon
(1914), l'Italie (1915), la Roumanie, le Portugal (1916) et la Grèce en 1917.

I.3 … Devenant progressivement une guerre mondiale

La Triple Alliance sera rejointe par l’actuelle Turquie (Empire Ottoman) en 1914. La Triple Entente
sera elle rejointe par les Etats-Unis, la Chine et par plusieurs Etats sud-américains en 1917. Les
empires coloniaux des principaux protagonistes de la guerre vont également se retrouvés impliqués
dans le conflit.

a. L’année 1917 : une année charnière avec l’entrée en guerre des Etats Unis et les révolutions
russes

a.1 L’entrée en guerre des Etats-Unis

 Malgré tous les avantages qu'ils pouvaient tirer de leur neutralité, les États-Unis se sont
trouvés progressivement impliqués malgré eux dans le conflit ouvert en Europe en 1914
 Economiquement d’abord, les Etats-Unis souffrent des manques à gagner en raison d’une
diminution des échanges commerciaux, dus à la guerre, avec la France et la Grande-
Bretagne

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 En mai 1915, le torpillage par un sous-marin allemand du paquebot
britannique Lusitania qui a fait 1 200 victimes civiles dont 128 citoyens américains, suscite
aux Etats-Unis la réprobation de l'opinion publique
  Il s'est créé ainsi entre les Etats-Unis et les pays de l'Entente, une communauté d'intérêts qui
s'est progressivement renforcée
 Au début de 1917, deux événements ont fini par faire basculer les États-Unis dans la guerre
au côté de l'Entente :
o la déclaration par l'Allemagne de la « guerre sous-marine à outrance » c’est-à-dire
une guerre sous-marine aux navires neutres commerçant avec l'Entente et
o l'interception par les services de renseignements britanniques d'un télégramme
adressé par le ministre allemand des Affaires étrangères, Zimmermann, à son
ambassadeur à Mexico, qui lui demandait de négocier une alliance avec le Mexique
tournée contre les États-Unis
 Les États-Unis ont d'abord rompu leurs relations diplomatiques avec l'Allemagne en février
1917, puis lui ont déclaré la guerre en avril, après le torpillage de cargos américains
 La mobilisation déclenchée aux États-Unis au printemps 1917, n'a pas eu d'effets immédiats
sur le déroulement du conflit en Europe où les premiers contingents américains n'ont
commencé à débarquer qu'à la fin de 1917
 Cependant l'entrée en guerre des États-Unis a contribué à rehausser le moral des troupes de
l'Entente affectées par l'usure et par la défection de la Russie, politiquement,
économiquement et stratégiquement affaiblie après les deux révolutions (février et octobre
1917).
 Elle a apporté à l'Entente à partir de l'été 1918 une supériorité numérique qui lui a assuré la
victoire. En effet, l'effectif du corps expéditionnaire américain commandé par le général
Pershing s'élevait à 1 million d'hommes en août 1918, et atteignit 2 millions d'hommes
déployés à la fin du conflit. Les Sammies américains ont participé aux contre-offensives
victorieuses de Picardie, de Champagne et de Lorraine qui ont débouché sur l'armistice de
novembre 1918.

a.2 Le retrait de la Russie

 Avant la Première Guerre mondiale, la Russie compte 170 millions d'habitants. Elle dispose
d'une armée de quelque 8 millions de soldats (13 millions de mobilisés au total), ce qui en
fait une force militaire considérable. Le pays s'industrialise rapidement et devient la
cinquième puissance économique du monde
 Elle reste cependant un pays fragile. La population rurale y est majoritaire et souffre de
grandes inégalités. Les impôts sont trop lourds, le surpeuplement rural est croissant. Les
tensions sont également politiques : malgré l'adoption d'une Constitution après la révolution
de 1905, le tsar Nicolas II gouverne en autocrate
 La Russie entre en guerre le 30 juillet 1914 pour soutenir la Serbie slave. Très rapidement,
son économie est désorganisée : l'industrie manque de bras, comme l'agriculture (qui, de
surcroît, est privée de ses chevaux). Les usines ne peuvent plus fonctionner, les paysans ne
livrent plus leurs récoltes. La famine touche bientôt les villes, les soldats eux-mêmes sont
affamés et mal équipés. À cela s'ajoutent les défaites militaires et le nombre élevé de morts :
plus de 2,5 millions. Dès 1916, des grèves et des manifestations éclatent dans tout le pays
 La révolution de février, ou la chute du tsarisme : à partir du 23 février 1917 (dans le
calendrier russe, mais le 8 mars dans le calendrier occidental), les grèves prennent de
l'ampleur. L'armée passe dans le camp des insurgés. Le Tsar n'a plus aucune autorité. Un
gouvernement provisoire, formé de bourgeois et de nobles, est créé pour poursuivre la

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guerre. Il se heurte au soviet révolutionnaire (le « conseil » des représentants), qui exige le
retour à la paix. Le tsar abdique le 16 mars
 La révolution d'octobre, ou la prise de pouvoir par les bolcheviks : revenu d'exil en avril
1917, Lénine demande « tout le pouvoir aux soviets, la paix immédiate et la terre aux
paysans ». Les bolcheviks, les plus révolutionnaires des socialistes russes (qui ont Lénine à
leur tête), bénéficient d'une popularité croissante. Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917 (6-7
novembre dans le calendrier occidental), les bolcheviks armés s'emparent des points
stratégiques de la capitale, Petrograd. Le gouvernement provisoire prend la fuite. Les
bolcheviks ont conquis le pouvoir
 Le 26 octobre (c'est-à-dire le 8 novembre) est formé un gouvernement bolchevique, le
Conseil des commissaires du peuple, présidé par Lénine. Trotski dirige les Affaires
étrangères et Staline est responsable des Nationalités (les peuples non russes vivant en
Russie). Ce gouvernement adopte plusieurs réformes importantes : le « décret sur la paix »,
qui propose la fin des hostilités à tous les pays en guerre avec la Russie ; le « décret sur la
terre », qui remet aux soviets paysans les terres des grands propriétaires ; le « décret sur les
nationalités », qui reconnaît l'égalité de tous les peuples de Russie ; l'armistice de Brest-
Litovsk est conclu : la paix avec l'Allemagne sera signée en mars 1918
 Mais des difficultés persistent ou resurgissent. La guerre civile entre Blancs (partisans du
tsar) et Rouges (bolcheviks) continue à ravager le pays. La situation est critique, d'autant
que la famine touche de nouveau les villes (les paysans cachent une partie des récoltes pour
échapper aux impôts). Les usines ne fonctionnent plus et des pillards menacent la
population. La Russie est passée d’une guerre internationale à une guerre civile

b. La mobilisation des empires coloniaux

 Le conflit devient également mondial du fait de l’existence des empires coloniaux. Si les
troupes et les travailleurs rejoignent dès 1914 les théâtres de guerre en Europe, le continent
africain lui-même a aussi été le théâtre de plusieurs batailles. Les offensives que mènent
l’Entente visent avant tout à s’emparer des colonies allemandes pour prendre le contrôle des
voies de communication et de leurs matières premières. Elles sont ainsi menées au Togo,
Cameroun, Afrique Occidentale Allemande (Tanzanie actuelle) et Sud-Ouest Africain
Allemand (Namibie actuelle)

 Entre 1914 et 1918, près de 294 000 hommes sont recrutés en Afrique du Nord, 189 000 en
AOF (Afrique Occidentale Française) et AEF (Afrique Equatoriale Française), et 41 000 à
Madagascar. Environ 31 000 tirailleurs sénégalais meurent lors de la Grande Guerre. Une
proportion (1/6), pas très éloignée de celle de l’ensemble de l’armée française (1,5 million
de morts pour 8 millions de combattants, soit 1/5). Les pertes françaises métropolitaines,
particulièrement terribles lors des 22 premiers mois de la guerre, déclinent ensuite
globalement. Celles des tirailleurs suivent une trajectoire inverse, atteignant leur maximum
en 1918. En cause : la mise en première ligne des troupes coloniales à la fin de la guerre afin
d’« épargner le sang français ».

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I.4 Les différentes phases de la guerre

a. La guerre de mouvement (1914)

 Élaboré depuis le début du siècle, le plan allemand, dit plan Schlieffen, prévoit de battre les
armées françaises en passant par la Belgique puis de se retourner contre la Russie, plus lente
à se mobiliser
 L'avancée allemande est d'abord très rapide : en septembre 1914, les armées allemandes sont
à 40 km de Paris. Sur le front russe, elles remportent en août 1914 une première victoire, à
Tannenberg. Le général français Joffre lance cependant une vigoureuse contre-offensive, la
bataille de la Marne (du 5 au 10 septembre 1914), qui stoppe l'avancée allemande. Le front
se stabilise alors et s'étend bientôt sur 650 km, de la frontière suisse à la mer du Nord en
Belgique (front occidental). La guerre de mouvement a échoué : les troupes s'enterrent dans
les tranchées.

b. La guerre de position (1915-1917)

 Pendant trois ans, les positions sur le front occidental n'évoluent pas. De part et d'autre, les
soldats creusent un réseau de tranchées. Sont ainsi creusées la première ligne de tranchées,
reliées à la deuxième ligne par des corridors permettant d'assurer la relève des troupes. La
même organisation s’applique entre la deuxième et la troisième ligne. De temps à autre, les
armées tentent une percée afin d'affaiblir l'adversaire. La plupart de ces offensives se soldent
cependant par des échecs et de terribles pertes humaines.
 Cette phase de la guerre qu'est la guerre de tranchées est à la fois la plus longue du conflit et
celle qui occasionna le plus de pertes. Ainsi, la bataille de Verdun dure 300 jours, 30
millions d'obus sont déversés sur le champ de bataille, soit le chiffre incroyable de 4 tonnes
au mètre carré ! 163 000 Français et 143 000 Allemands y trouvent la mort. Cette bataille,
blessés inclus, fait plus de 700 000 victimes. La même année, la bataille de la Somme
(juillet à novembre 1916) totalise 800 000 victimes ; celle du Chemin des Dames, en 1917,
350 000. La guerre est une guerre d'anéantissement : jamais jusqu'alors la guerre n'a mis en
œuvre une telle violence de masse

c. La rupture d'équilibre et la reprise de la guerre de mouvement

 Les États-Unis entrent en guerre en avril 1917 et envoient des troupes dès juillet 1918, ce
qui modifie l'équilibre des forces en présence
 La Russie, en revanche, se désengage du conflit : après les révolutions bolcheviques, elle
demande l'armistice à Brest-Litovsk, en décembre 1917. L'Allemagne peut alors reporter
tout son effort à l'ouest, sur le front occidental. Elle lance quatre grandes offensives au
printemps 1918. La dernière, en juillet, est contrée en Champagne par les Alliés (L’Entente),
sous la direction unique du général français Foch. Alors que les empires centraux
accumulent les revers et que l'Autriche-Hongrie se disloque, la situation intérieure
allemande se détériore. L'Allemagne, isolée, demande la paix début octobre. L'armistice de
Rethondes est signé le 11 novembre 1918.

II- Une guerre totale

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II.1 La mobilisation de toutes les ressources disponibles

Une guerre « totale » est un conflit où un État met tout en œuvre pour remporter la victoire. Pendant
la guerre de 1914-1918, toute la population est mobilisée : ceux qui ne combattent pas, à l'arrière,
participent à leur façon à l'effort de guerre.

a. Les civils : une contribution essentielle, un lourd tribut payé

 Dès 1915, l'Allemagne rationne la nourriture des civils. En effet, manquant d'engrais et de
bras, l'agriculture ne parvient pas à produire suffisamment. Des troubles éclatent. En 1917,
des grèves ouvrières, s'inspirant de l'exemple russe, réclament de meilleures conditions de
vie
 La Première Guerre mondiale est la première guerre industrielle. La guerre de position
favorise l'emploi de nouvelles armes, particulièrement meurtrières (artillerie en usage
intensif, mitrailleuses, avions, chars d'assaut, gaz de combat). Grâce aux progrès industriels,
ces armes sont fabriquées à la chaîne. Certains ouvriers qualifiés sont rappelés du front et
affectés à l'arrière dans les usines d'armement. Mais cela ne suffit pas. En 1916, l'Allemagne
rend le travail obligatoire le dimanche. Surtout, les femmes doivent remplacer les hommes,
aux champs, bien sûr, mais aussi dans les usines d'armement. En France, où elles fabriquent
balles et obus, on les appelle les « munitionnettes »

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b. L’effort de guerre : mobilisation de toute la nation au service de la victoire

 Dès la fin de 1914, on réalise que le conflit sera long. Les États mettent en place une
économie de guerre : de nouveaux impôts sont créés, des emprunts lancés, du matériel est
réquisitionné. De moins en moins de produits sont disponibles
 Comme l'État favorise en même temps la création monétaire (par la planche à billets),
l'inflation s'installe : la hausse des prix rend la vie quotidienne difficile

c. La censure et la propagande

 Pour maintenir le moral du pays, l'État met en place une propagande officielle : des affiches
et des campagnes de presse cherchent à ridiculiser l'adversaire et à exalter les chefs
militaires ou le comportement héroïque, exemplaire des soldats. On ouvre les lettres des
soldats, on censure les journaux

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II.2 La violence de masse

Près de 66 millions d'hommes (dont 8,5 millions en France) ont été mobilisés sur tous les fronts au
cours de la guerre.

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a. La vie des Poilus

 En France, les soldats qui combattent sur le front sont appelés les « poilus », sans doute
parce qu'ils n'avaient ni le temps ni les moyens de se raser. Dans les tranchées, les
conditions de vie des soldats sont épouvantables. Ils vivent dans la boue et dans le sang
 Les combats sont meurtriers : près de 23 % des fantassins français y sont tués
 Les intempéries et la promiscuité favorisent la prolifération des rats et des poux. Derrière
cette ligne s'étendent les stocks de matériel, les dépôts de munitions, de vivres, les quartiers
de l'état-major et les hôpitaux de campagne, sur plusieurs kilomètres. De l'autre côté, la
tranchée ennemie n'est souvent qu'à quelques centaines de mètres, mais pour y parvenir il
faut, sous le feu ennemi, franchir des barbelés et avancer au milieu des cratères creusés par
les obus
 La guerre de position favorise l'emploi d'armes nouvelles, particulièrement meurtrières : le
tir de l'artillerie rend la protection des tranchées illusoire, les obus sifflent puis éclatent en
blessant les soldats, en faisant s'effondrer les tranchées, en brisant l'assaut d'une section.
L'emploi des gaz ou des lance-flammes terrorise l'ennemi. Face à ces armes nouvelles, les
poilus montent à l'assaut avec leur fusil, leurs grenades et leur baïonnette. Les armes
automatiques, comme les mitrailleuses, transforment l'attaque en une boucherie
 Le nombre des blessés est si important qu'on ne peut tous les soigner. Ils sont triés et les
médecins s'occupent d'abord de ceux qui peuvent retourner au combat. Les mutilés sont
nombreux, on les surnomme les « gueules cassées » : l'usage d'armes comme les shrapnels
(obus à balles) ou les obus à haut pouvoir explosif provoque des dégâts considérables sur les
corps humains. Jamais comme pendant la Première Guerre mondiale les hommes revenus
vivants n'ont été aussi abîmés. À leur retour chez eux, il leur a fallu affronter le regard des
civils. Les gueules cassées ont le plus souvent été des objets de dégoût, malgré les premiers
progrès de la chirurgie réparatrice
 Les privations, la mauvaise hygiène, la peur de mourir ou d'être blessé pèsent sur le moral
des poilus, mais dans l'ensemble, ils « tiennent bon ». Ce sont surtout des paysans, habitués
aux intempéries et à des conditions de vie difficiles. L'école publique leur a appris à aimer
leur patrie et à se sacrifier pour elle. Ils veulent défendre l'honneur de la France et récupérer
l'Alsace-Lorraine
 Cependant, en mai 1917, certains se révoltent, et refusent de combattre. C’est le début des
mutineries. Ils savent qu'en Russie les soldats désertent et que la révolution bolchevique a
éclaté. La plupart d'entre eux ne veulent pas faire la révolution et même réclament moins la
fin du conflit qu'un commandement plus humain des troupes, plus économe en offensives
sanglantes. Ces mutineries de 1917 touchent l'ensemble des forces belligérantes. L'état-
major français redoute cette désobéissance et fait condamner à mort 554 soldats. Pour servir
d'exemple, 49 sont fusillés. Ce n'est qu'en 1999 que la République française a reconnu
publiquement l'injustice de ce châtiment

b. La bataille de Verdun

Témoignage de Charles GUINANT, du 18 mars 1916 à Verdun

« Ma chérie,

Je t’écris pour te dire que je ne reviendrai pas de la guerre. S’il te plaît, ne pleure pas, sois forte. Le
dernier assaut m’a coûté mon pied gauche et ma blessure s’est infectée. Les médecins disent qu’il

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ne me reste que quelques jours à vivre. Quand cette lettre te parviendra, je serai peut-être déjà mort.
Je vais te raconter comment j’ai été blessé.

Il y a trois jours, nos généraux nous ont ordonné d’attaquer. Ce fut une boucherie absolument
inutile.
Au début, nous étions vingt mille. Après avoir passé les barbelés, nous n’étions plus que quinze
mille environ. C’est à ce moment-là que je fus touché. Un obus tomba pas très loin de moi et un
morceau m’arracha le pied gauche. Je perdis connaissance et je ne me réveillai qu’un jour plus tard,
dans une tente d’infirmerie. Plus tard, j’appris que parmi les vingt mille soldats qui étaient partis à
l’assaut, seuls cinq mille avaient pu survivre grâce à un repli demandé par le Général Pétain.

Dans ta dernière lettre, tu m’as dit que tu étais enceinte depuis ma permission d’il y a deux mois.
Quand notre enfant naîtra, tu lui diras que son père est mort en héros pour la France. Et surtout, fais
en sorte à ce qu’il n’aille jamais dans l’armée pour qu’il ne meure pas bêtement comme moi.
Je t’aime, j’espère qu’on se reverra dans un autre monde, je te remercie pour tous les merveilleux
moments que tu m’as fait passer, je t’aimerai toujours. »

c. Le génocide arménien

Les Arméniens d’Ottoman sont une minorité chrétienne dans un empire musulman. Leur massacre
n’a pas commencé en 1915, mais dès la fin du XIXème siècle, suite à des révoltes paysannes.
L'arrivée au pouvoir du parti des Jeunes-Turcs, en 1908, va accélérer le phénomène. La guerre va
fournir en effet à ce parti une occasion de s'en prendre aux Arméniens. L'Empire ottoman est
opposé à la Russie, un pays frontalier, où vit également une importante minorité arménienne. Les
Jeunes-Turcs vont prétexter que les Arméniens sont pas des éléments sûrs, mais des séparatistes qui
veulent s'allier avec la Russie contre l'Empire ottoman.

 Novembre 1914 : entrée en guerre de l’Empire Ottoman aux côtés des Empires centraux
(Triple Alliance)
 Avril 1915 : début des massacres d’Arméniens en Anatolie et début des déportations
 Février 1916 : début des exécutions des populations déportées
 Sur les 2 millions d’Arméniens ottomans vivant en janvier 1915, 1,3 million seront tués

III- La victoire des Alliés ? Une joie éphémère

III.1 Un très lourd bilan humain

 Dans le monde, le nombre de personnes portant les séquelles de la Première Guerre


mondiale (militaires et civiles) s'élève à plus de 40 millions : 20 millions de morts et 21
millions de blessés. Ce nombre inclut quasi autant de morts militaires que de morts civils
 En Europe, la guerre a fait plus de 9,5 millions de morts et 6 millions d'invalides ; 8 millions
d'enfants sont orphelins
 En France :
o 1 400 000 poilus ont été tués ou sont portés disparus. On compte 3,6 millions de
blessés, dont 1 million d'invalides. Pour les survivants, la guerre constitue un choc
sans précédent. Beaucoup d'entre eux se regroupent dans des associations d'anciens
combattants, pour défendre leurs intérêts et préserver la paix. Parce qu'ils ont
beaucoup souffert, ils veulent que cette guerre soit la « der des ders », la dernière…

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o 10 % de la population active masculine ont été tués ou sont portés disparus. La
population, affaiblie par les privations, subit de surcroît les assauts d'une épidémie de
grippe espagnole (ainsi appelée en France, parce que la censure militaire ne parlait
que de l'épidémie qui sévissait en Espagne…), en 1918. La grippe espagnole,
véritable pandémie, probablement originaire de Chine, fait le tour du monde en deux
années, touche un milliard de personnes et fait de 20 à 50 millions de morts dans le
monde, selon les estimations les plus raisonnables. La guerre, enfin, a entraîné un
déficit de naissances, les hommes étant au front
o Dans certaines régions, qui ont servi de champs de bataille, comme la Picardie ou la
Champagne, tout est à reconstruire : les maisons, les ponts, les routes et les usines
sont en ruine. Or l'Europe s'est terriblement appauvrie pendant la guerre : pour
acheter du matériel de guerre et se ravitailler, les États se sont endettés. Ils doivent
maintenant rembourser leurs emprunts et verser des pensions aux mutilés, aux
veuves et aux orphelins
 Certaines populations doivent abandonner, non sans mal, leur région d'origine : 1 million
d'Allemands quittent la Pologne, les pays Baltes et l'Alsace-Lorraine pour se réfugier sur
le territoire réduit de l'Allemagne
 La reconstruction de l'Europe dépend en partie des États-Unis, qui sont les grands
bénéficiaires de la guerre. Les Américains prêtent de l'argent au monde entier, le dollar
devient la monnaie la plus utilisée dans le commerce international

III.2 Le Traité de Versailles (1919)

 La conférence de Paris s'ouvre en janvier 1919 avec pour mission l'élaboration des
traités de paix. 27 États sont représentés : les pays vaincus ainsi que la Russie
bolchevique n'ont pas été invités. En fait, les débats sont dirigés par le Conseil des
Quatre : les États-Unis (le président Thomas Woodrow Wilson) ; la France (le président
du Conseil Georges Clemenceau) ; le Royaume-Uni (le ministre David Lloyd George) et
l'Italie (le président du Conseil Vittorio Emanuele Orlando)
 Les Français, qui ont subi d'importantes destructions sur leur sol, entendent affaiblir
l'Allemagne et exigent de lourdes réparations financières, les Britanniques souhaitent
contenir l'influence de la Russie en Europe et ne pas trop handicaper l'Allemagne. Les
divergences et les tensions sont importantes
 Le 28 juin 1919, le traité de Versailles règle le sort de l'Allemagne. Il affirme sa
responsabilité dans la guerre. Elle est donc traitée en coupable. Elle perd 10 % de son
territoire : elle restitue l'Alsace-Lorraine à la France, la Posnanie et la Prusse-
Occidentale à la Pologne, Eupen et Malmedy à la Belgique, le Schleswig au Danemark.
Le corridor de Dantzig, qui traverse l'Allemagne, devient polonais. L'Allemagne perd au
total 67 000 km2 et près de 7 millions d'habitants
 Son armée est limitée à 100 000 hommes : elle ne peut posséder ni aviation ni forces
blindées. La Rhénanie est démilitarisée. Les colonies allemandes (en Afrique, dans le
Pacifique et en Chine) sont confiées aux principales puissances, qui doivent les conduire
vers l'indépendance. Enfin, l'Allemagne subit des sanctions économiques : elle doit
verser des réparations considérables (132 milliards de marks or) aux vainqueurs et livrer
à la France le charbon de la Sarre pendant quinze ans
 D’autres traités sont adoptés pour faire appliquer le droit des nationalités en Europe
centrale: les traités de Saint-Germain-en-Laye, de Trianon et de Sèvres, de septembre
1919 à août 1920, démantèlent les Empires ottoman et austro-hongrois. C'est la fin des
grands empires multinationaux. L'Autriche est réduite à 85 000 km2 et la Hongrie perd
les deux tiers de sa superficie. La Pologne redevient un État indépendant. Sur les ruines
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des empires multinationaux naissent une Tchécoslovaquie et une Yougoslavie
indépendantes, qui adoptent des régimes démocratiques : la Constitution tchécoslovaque,
par exemple, est calquée sur la Constitution française de 1875
 Une paix fragile (rancœurs et les frustrations nationales) : la paix divise très tôt les
Européens : l'Allemagne est contrainte de signer le traité de Versailles, qu'elle considère
comme un diktat, une paix injuste imposée, « dictée » par l'égocentrisme des vainqueurs.
Elle ne paie que très lentement ses réparations de guerre. Face aux Allemands humiliés,
les Français restent inflexibles. Les Italiens irrédentistes sont également insatisfaits : ils
ont combattu, mais ne reçoivent pas les terres de langue italienne promises par leurs
Alliés. Dans ces pays mécontents, la démocratie est remise en question, à gauche par des
révolutionnaires (qui suivent l'exemple de la Russie, dont la révolution bolchevique
suscite des émules), à droite par des ligues nationalistes (qui réclament un régime
autoritaire et contestent les traités de paix). Entre 1918 et 1921, plusieurs soulèvements
communistes éclatent ainsi à travers l'Europe, notamment en Allemagne (les
spartakistes) et en Hongrie ; ils sont durement réprimés
 L'espoir de la Société des Nations : le traité de Versailles met en place la Société des
Nations (SDN) en 1923. Cet organisme a pour objectif de régler pacifiquement les
conflits, par la négociation, et de conduire le monde vers un désarmement général. La
Société des Nations, dont le siège est à Genève, est dotée d'un conseil composé de cinq
délégués permanents (la France, le Royaume-Uni, l'Italie, les États-Unis et le Japon).
L'organisation ne parvient pas à élaborer un système rigoureux de sanctions contre les
États qui enfreignent la loi internationale. De plus, elle est affaiblie, dès sa création, par
l'absence des États-Unis : le Congrès américain a en effet refusé, en 1920, de ratifier les
traités et d'entrer ainsi dans la SDN. La politique américaine est encore profondément
isolationniste
 Les traités de paix contiennent en germe les conflits futurs. À cet égard, on peut dire,
comme l'a fait le maréchal Foch, le 20 février 1920, que les signataires du traité de
Versailles « ont mis un an à perdre la paix ».

Conclusion

La Première Guerre mondiale a vu la disparition de quatre empires et la naissance de dix nouveaux


États. La démocratie semble triompher en Allemagne, en Pologne ou encore en Yougoslavie. Elle
reste pourtant très fragile, étant menacée à gauche par les plus extrémistes, qui suivent l'exemple de
la Russie révolutionnaire, et à droite par des ligues nationalistes qui réclament un régime autoritaire
(à l'instar de l'Italie).

Des revendications émergent au sein des colonies : elles ont fourni leur quota de soldats et attendent
des métropoles une certaine reconnaissance. C'est le cas en Inde, par exemple

Certains banquiers et surtout de gros industriels ont profité de la guerre pour s'enrichir. À l'inverse,
la hausse des prix pénalise salariés et retraités. On dénonce les « profiteurs de guerre ».

Les femmes qui, pendant la guerre, ont travaillé dans les usines et élevé seules leurs enfants
demandent plus de liberté et le respect de leurs droits.

Tous ces éléments modifient durablement les mentalités européennes.

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