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Université Kofi Annan de Guinée

B.P. 1367 Kipé, Conakry, Rép. de Guinée

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques

COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL

Niveau d’enseignement : Licence 1 - Droit

AUTEUR : Niouma FANCINADOUNO

DIPLOME : SPECIALITE
Maitrise en Droit Droit public

GRADE ACADEMIQUE FONCTION


Chargé de cours Responsable pédagogique
du tronc commun (FSJP)

Edition
2015
AVERTISSEMENT
Mettre sous forme de brochure un cours, est une idée qui semble une
véritable gageure, en raison précisément du caractère périlleux d’une telle entreprise.
Car, il n’est jamais aisé de concevoir un cours complet de droit constitutionnel et le
soumettre promptement à l’impression sans pour autant se prévaloir d’une
d’expérience professionnelle suffisamment prouvée.
Le présent cours qui est proposé au lecteur nous paraît donc très bien étoffé, qu’il
est le résultat d’un minutieux travail de compilation et d’analyse juridiques de
plusieurs règles de droit et des pratiques politiques de la plupart des Etats.
S’adressant en priorité aux étudiants de la Licence I de la Faculté de Droit, ce cours
a pour objectif de leur permettre de comprendre plusieurs concepts fondamentaux de
droit constitutionnel: Etat ; Constitution; Souveraineté; etc., considérés comme
éléments de base de la théorie générale du droit constitutionnel.
Rédigé dans un style clair et simple, il leur permet en outre de cerner les
mécanismes de fonctionnement des institutions politiques, grâce à l’étude détaillée
des principaux régimes politiques modernes qu’il aborde ; cela exige toutefois de la
part de l’étudiant un très bon niveau de maitrise de la langue française.
Au demeurant, ce cours dont le but est de fournir à l’étudiant, en toute
modestie, les éléments fondamentaux indispensables à la connaissance des règles
de droit constitutionnel, n’a pas la prétention de traiter la question de manière
exhaustive. Il se veut donc volontiers réceptif à tout regard critique objectif pouvant
améliorer sensiblement le contenu des enseignements professés.

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SOMMAIRE

Titres Pages

CHAPITRE PRELIMINAIRE : NOTION DU DROIT CONSTITUTIONNEL………… 7


Distinction Droit public/ Droit privé………………………………………………………...8
L’objet du Droit constitutionnel comme branche du Droit public……………………...9
L’origine du pouvoir de l’Etat…………………………………………………………......10
Les équilibres du droit constitutionnel…………………………………………………..11
TITRE I : THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL………………...13
CHAPITRE I : L’ETAT……………………………………………………………………..13
I- 1 : Le Groupement humain : la nation…………………………………………………14
I- 2 : Le Territoire de l’Etat ………………………………………………………………...15
I-3 : Le Pouvoir de l’Etat……………………………………………………………………17
I- 4 : L’ordre Economique, Social, Politique et Juridique………………………………19
I- 5 : Les Formes d’Etat…………………………………………………………………….22
CHAPITRE II : LES CONSTITUTIONS………………………………………………….30
II- 1 : La notion de Constitution……………………………………………………………30
II- 2 : Les Formes de Constitutions………………………………………………………34
II-3 : Modalités d’établissement et de révision des Constitutions……………………..37
II- 4 : Sanctions des violations de la Constitution……………………………………….42
CHAPITRE III : LA SOUVERAINETE……………………………………………………48
III- 1 : La théorie orthodoxe de l’Eglise…………………………………………………...48
III- 2 : La souveraineté du peuple…………………………………………………………49
III-3 : Les Régimes électoraux…………………………………………………………….51
TITRE II : LES REGIMES POLITIQUES………………………………………………...57
CHAPITRE I : LA SEPARATION DES POUVOIRS…………………………………....57
I-1 : Identification et consensus des trois pouvoirs……………………………………..58
I- 2 : De la remise en cause du principe de la séparation des pouvoirs……………..60
CHAPITRE II : CLASSIFICATION DES REGIMES POLITIQUES…………………...62
II- 1 : Les régimes de séparation des pouvoirs………………………………………….68
II- 2 : Les régimes de confusion des pouvoirs…………………………………………..68
CHAPITRE III : LES PRINCIPAUX REGIMES POLITIQUES MODERNES………...72
III- 1 : Le régime politique des Etats-Unis d’Amérique………………………………….72

3
III- 2 : Le régime politique britannique……………………………………………………80
III-3 : Le régime politique français………………………………………………………...85
III- 4 : Le régime politique guinéen……………………………………………………….92
BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………...106
TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………107

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LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
Al. : Alinéa
A. N. : Assemblée Nationale
C.E.D.E.A.O. : Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest
C.E.N.I. : Commission Electorale Nationale Indépendante
Cf. : Confer
C.I.A. : Central Intelligence Agency
C.M.R.N. : Comité Militaire de Redressement National
C.N.D.D. : Conseil National pour la Démocratie et le Développement
C.N.T. : Conseil National de Transition
C.N.T.G. : Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée
C.T.R.N. : Conseil Transitoire de Redressement National
F.U.D.E.C. : Front Uni pour le Développement et le Changement
G.P.T. : Guinée Pour Tous
L. : Loi (Loi ordinaire)
L.O. : Loi Organique
M. : Million
N.G.R. : Nouvelle Génération pour la République
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
P.D.G. – R.D.A. : Parti Démocratique de Guinée – Rassemblement Démocratique
Africain
P.E.D.N. : Parti de l’Espoir pour le Développement National
P.F.M. : Plus Forte Moyenne
P.F.R. : Plus Fort Reste
P.P.G. : Parti du Progrès de la Guinée
P.R. : Parti Républicain
P.R.G. : Présidence de la République de Guinée
P.L.U.S. : Parti Libéral pour L’Unité et la Solidarité
P.N.R. : Parti National du Renouveau
P.U.P. : Parti de L’Unité et du Progrès.
Q.E. : Quotient Electoral
R.D.I.G. : Rassemblement Pour le Développement Intégré de la Guinée
R.P.G. : Rassemblement du Peuple de Guinée
S.G.G. : Secrétariat Général du Gouvernement

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U.F.D.G. : Union des Forces Démocratiques de Guinée
U.F.R. : Union des Forces Républicaines
U.P.G. : Union pour le Progrès de la Guinée
U.P.R. : Union pour le Progrès et le Renouveau
U.S.A. : United States of America (Etats-Unis d’Amérique)
U.S.T.G. : Union Syndicale des Travailleurs de Guinée

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CHAPITRE PRELIMINAIRE : NOTION DU DROIT CONSTITUTIONNEL

De nos jours, aucune société humaine organisée ne peut vivre sans règles
communes imposées à tous. En effet, dès que plusieurs personnes vivent ensemble,
apparaît aussitôt le besoin d’ordonner leur conduite à travers le droit.
UBI SOCIETAS IBI JUS : toute société (organisée) secrète un droit, ou encore tout
droit est un produit social, nous enseigne cette maxime latine.
De manière générale, le droit c’est ce qui ordonne, encadre, voire interdit. Ce rôle
régulateur est celui que jouent toutes les règles ou normes juridiques. Mais celles qui
s’appliquent à l’activité politique sont qualifiées de constitutionnelles parce que leur
ensemble forme, au sens large, la Constitution du pays où elles s’appliquent.
Et dans les Etats modernes où le droit règlemente l’ensemble des activités des
citoyens, de leurs représentants et des gouvernants, le droit constitutionnel a pris
une importance fondamentale.
Pour situer cette matière parmi une multitude de disciplines juridiques, il importe de
la définir afin de mieux identifier son objet.
Définition : Les professeurs Marcel PRELOT et Jean BOULOUIS ont tenté de
définir le droit constitutionnel comme étant « l’ensemble des règles juridiques selon
lesquelles le pouvoir politique s’établit, s’exerce et se transmet dans l’Etat ». Si cette
approche semble intéressante en raison du fait qu’elle prend bien en compte la triple
dimension de la problématique de la gestion du pouvoir politique, la définition
proposée par le professeur Hugues PORTELLI apparait nettement plus satisfaisante.
Ainsi, selon son approche, «le droit constitutionnel est l’ensemble des règles
juridiques qui encadrent l’exercice du pouvoir politique ainsi que la compétition pour
sa conquête dans l’Etat».
En effet, toute approche du droit constitutionnel devrait suffisamment souligner à la
fois l’aspect normatif de ce droit en tant que droit régulateur de l’exercice du
phénomène du pouvoir politique, et le cadre organique qu’est l’Etat, qui constitue du
reste le véritable champ d’application de ses règles.
Historiquement, l’expression «droit constitutionnel » est apparue au XVIII è
siècle en Amérique suite à la grave crise politique qui opposa vers 1776 la Grande
Bretagne et les colonies d’Amériques du Nord qui sont devenues plus tard les Etats-
Unis d’Amérique.

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Reçue en France presque au même moment c'est-à-dire peu avant la Révolution de
1789, l’expression fut employée dans trois sens distincts :
- D’abord elle désigne un droit, une faculté qui appartient à une personne ou à une
collectivité, en vertu de la Constitution.
Par exemple, la faculté de refuser de payer un impôt injuste c'est-à-dire celui qui n’a
pas été régulièrement établi, ou encore non consenti, fait partie des «droits
constitutionnels» des Américains.
- Ensuite, l’expression «droit constitutionnel » a désigné l’ensemble des règles de
droit, les normes juridiques se rattachant à la Constitution d’un pays.
-Enfin, cette expression a été utilisée pour qualifier la discipline intellectuelle, la
science ayant pour objet l’étude des règles constitutionnelles. Ainsi a-t-on commencé
à parler en France au début de la Révolution, de «professeur de droit constitutionnel
» chargé d’enseigner cette nouvelle branche du droit, qu’on appelait aussi « droit
politique».
Essentiellement applicable à l’Etat, le droit constitutionnel se distingue des autres
branches qui composent le droit public. D’où l’intérêt de préciser les deux principales
divisions du droit.
Section 1 : DISTINCTION DROIT PUBLIC/ DROIT PRIVE
Envisagé comme science des règles juridiques, le droit comporte deux principales
divisions : le droit public et le droit privé.
Le droit public ou droit de l’Etat est formé par l’ensemble des règles juridiques
selon lesquelles l’Etat agit et entretient des rapports de droit avec les individus ou
avec les autres Etats.
Le droit privé ou droit des particuliers est constitué de règles juridiques selon
lesquelles les particuliers entretiennent des rapports de droit entre eux.
En outre, chacune de ces deux principales divisions comporte ses propres
subdivisions. Ainsi, le droit public (qui est l’objet de notre propos) comprend les
branches suivantes :
Le droit constitutionnel qui s’occupe de la structure et de l’activité des organes du
pouvoir de l’Etat ainsi que des rapports entre gouvernants et gouvernés.
Le droit administratif : qui concerne les règles juridiques s’appliquant aux agents
de l’Etat (les administrateurs) et aux rapports entre l’administration d’Etat et les
citoyens considérés en tant qu’administrés.

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Le droit des finances publiques : il recouvre d’une part le droit fiscal (c'est-à-dire
l’ensemble des règles qui fixent la matière imposable et les modalités de
recouvrement de l’impôt), et d’autre part, le droit budgétaire (c'est-à-dire l’ajustement
annuel des dépenses et des recettes de l’Etat ainsi que celles des autres collectivités
publiques : régions, préfectures, communes, etc.)
Le droit des libertés publiques : il s’agit des divers droits, privilèges et
prérogatives reconnus à l’individu dans la société et les modalités de leur protection
par les pouvoirs publics.
Enfin, le droit public comporte une division subsidiaire : celle qui oppose le droit
public interne au droit international public.
Tandis que le droit public interne s’occupe des règles relatives à l’organisation et à
l’exercice du pouvoir et les autres activités connexes à l’intérieur de l’Etat, le droit
international public vise quant à lui les relations s’établissant entre les divers Etats.
Il convient de rappeler qu’en dépit des critiques qui lui ont été adressées, la
distinction droit public/ droit privé demeure toujours valable en raison de son utilité
pour des besoins de méthodologie.
Section 2 : L’OBJET DU DROIT CONSTITUTIONNEL COMME BRANCHE DU
DROIT PUBLIC
Branche du droit public, l’étude du droit constitutionnel porte sur les activités internes
de l’Etat qui relèvent de la sphère du pouvoir politique. A ce titre, son principal objet
concerne l’étude de la Constitution. Celle-ci est le statut juridique de l’Etat qui fixe les
règles d’organisation des pouvoirs publics, leur mode de fonctionnement, la
hiérarchie des normes juridiques et les droits fondamentaux des citoyens. Mais
l’objet du droit constitutionnel porte également sur les dérivés de cette matière tels
que le droit parlementaire qui régit la vie et l’activité des assemblées parlementaires
(fixation du règlement intérieur d’une assemblée) ; le droit électoral qui fixe les règles
de désignation des représentants (à savoir le mode de scrutin, la capacité électorale
dont dépend le droit de vote).
Enfin, le droit constitutionnel se prolonge par un droit politique, qui règlemente
l’activité des partis politiques, leur financement, le statut des élus et des candidats
aux élections. C’est à ce titre que le droit politique fixe à l’égard des élus certaines
incompatibilités c'est-à-dire l’interdiction du cumul d’activités (par exemple
l’interdiction du cumul de la fonction de chef d’entreprise publique et le mandat

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parlementaire) tel que cela est prévu par la Loi Organique N° / 91 / 014/ 23/ 12/ 91
relative aux conditions d’éligibilité, au régime des inéligibilités et aux incompatibilités.
Cette variété de domaines d’application, on le voit bien, témoigne de la vitalité de
cette matière que l’on appelle droit constitutionnel.
Section 3: ORIGINE DU POUVOIR DE L’ETAT
Au sein de tout groupement humain on peut observer un clivage entre ceux de ses
membres qui commandent et ceux qui obéissent ; les premiers imposent en général
leur volonté aux seconds. Cet aspect des choses exprime l’existence du pouvoir.
Mais lorsque le pouvoir concerne l’ensemble du groupe social il est qualifié de
politique, parce qu’il devient un moyen de prévision ; il porte alors la responsabilité
du devenir de ce groupe. Il disposera à cet égard des moyens matériels tels que
l’autorité suffisante ainsi que la contrainte pour imposer ses décisions et atteindre
ses objectifs. Le pouvoir politique est donc une puissance qui énonce la règle à
suivre et s’emploie à garantir son observance.
Comme toute société est sujette à l’évolution le pouvoir de l’Etat n’est la première
forme du pouvoir. En effet, l’histoire, l’anthropologie et la sociologie ont distingué
successivement le pouvoir anonyme, le pouvoir individualisé et le pouvoir
institutionnalisé ou pouvoir de l’Etat.
Le pouvoir anonyme ou diffus : c’est la première forme du pouvoir au sein des
groupes sociaux notamment primitifs. Le pouvoir y était diffus dans la masse des
individus ; il n’était exercé par personne. Il émanait d’un ensemble de croyances et
de superstitions ou de coutumes qui conditionnaient l’obéissance des membres du
groupe sans que l’autorité personnelle d’un chef intervienne pour assurer leur
soumission. Telle était la forme du pouvoir qui avait caractérisé les sociétés
archaïques essentiellement préoccupées par la nécessité de survivre c'est-à-dire de
se nourrir, et de se produire. Le pouvoir anonyme ne survit pas à un certain degré
d’évolution du groupe social.
Le pouvoir individualisé ou personnalisé : c’est la seconde étape au cours de
laquelle certaines fonctions se développent au sein du groupe social telles que la
fonction militaire, la fonction religieuse qui justifient les besoins de protection des
membres du groupe, et qui vont conférer à celui qui les exerce un rang supérieur. Il
est alors obéi par les membres du groupe du fait que la destinée du groupe concerné
dépend de l’existence même de ce chef. Dans un système de ce genre, le pouvoir ne
dispose d’aucune légitimité démocratique car celui qui commande, qu’il soit chef

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guerrier ou prince n’exerce l’autorité qu’à raison de sa qualité personnelle ; le pouvoir
est pour lui une propriété personnelle, d’où l’autorité est confondue avec la personne
du chef qui l’exerce.
Cette forme de pouvoir trouve son illustration dans le pouvoir tyrannique. Selon jean
Bodin, «Le tyran est celui qui, de sa propre autorité, se fait prince souverain, sans
élection ni droit successif, ni sort, ni juste guerre, ni vocation spéciale de Dieu
…» .Les six livres de la République. (1576).
Ce qui caractérise le pouvoir individualisé, c’est qu’aucun appareil ne peut survivre à
la cessation des fonctions du chef ; s’ensuit une évolution discontinue et incertaine
du pouvoir politique entraînant de nombreux aléas notamment lors de la difficile
période de succession du chef.
Le pouvoir institutionnalisé :
Les inconvénients du pouvoir individualisé, notamment l’instabilité qu’il provoque
dans l’exercice de la fonction gouvernementale constituent les principaux facteurs
qui expliquent la nécessité de prévoir et d’organiser la transmission du pouvoir en
l’institutionnalisant. Dans ce cas, le pouvoir doit être dissocié de l’individu qui
l’exerce. Mais si le pouvoir cesse d’être incorporé dans la personne du chef, il lui faut
un autre titulaire ; il doit se reporter sur une entité qui va lui servir de support. Depuis
le XVIè siècle, cette entité correspond à l’Etat. Ainsi, l’objectif essentiel de
l’institutionnalisation au pouvoir est de créer un lien juridique entre une institution,
(l’Etat) et des individus qui commandent en vertu du statut juridique (la Constitution)
de cette institution. En conséquence, les gouvernants désormais ne disposent de
compétences qu’à raison de leurs fonctions ; bien loin d’être maîtres de leurs
pouvoirs, ils ne sont que des agents provisoires d’exercice des compétences qui leur
sont confiées en vertu du statut de l’institution c'est-à-dire la Constitution de l’Etat. Il
existe en dehors d’eux une légitimité qui les dépasse, un appareil qui leur survit :
c’est l’appareil d’Etat.
Section 4 : LES EQUILIBRES DU DROIT CONSTITUTIONNEL
Afin d’éviter que les rapports entre les gouvernants et gouvernés ne conduisent les
premiers à un éventuel abus de leur pouvoir à l’égard des seconds, le droit
constitutionnel prévoit de nombreux mécanismes politico- juridiques visant à assurer
un meilleur équilibre d’ensemble favorable aux droits et aux intérêts des gouvernés.
C’est ainsi que l’équilibre est maintenu tant sur plan institutionnel, politique qu’au
niveau social.

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L’équilibre institutionnel : il est réalisé à travers les divers organes du pouvoir. A
cet égard, il existe des organes de contrôle politique tels que les assemblées
parlementaires et ceux des organes qui assurent un contrôle spécifiquement
juridictionnel tels que les cours suprêmes, à l’égard de l’organe exécutif, principal
dépositaire du pouvoir de l’Etat.
De même, dans les systèmes fédéraux ou largement décentralisés, les collectivités
composantes jouent ce rôle d’équilibre face au poids de l’appareil fédéral ou du
pouvoir central.
L’équilibre politique : il est réalisé grâce aux diverses forces politiques
notamment les partis lorsque ceux-ci disposent d’une pleine liberté d’action.
L’équilibre politique implique en outre la liberté de la presse tant écrite qu’audio-
visuelle, dans la mesure où elle est indépendante du parti au pouvoir. En effet, la
presse, en raison de son influence sur l’opinion, est aujourd’hui qualifiée de
quatrième pouvoir aux côtés de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Ce pluralisme
politique en permettant la libre expression des opinions est le principal facteur propre
à induire l’alternance au pouvoir.
L’équilibre social : il est maintenu grâce à l’action des forces sociales qui sont
d’une grande diversité. Elles recouvrent aussi bien celles de nature socio-
économique (confédérations syndicales et associations diverses) que les forces
spirituelles. Même si ces diverses forces n’ont pas pour vocation à conquérir le
pouvoir, elles exercent tout de même une influence sur le pouvoir de décision des
gouvernants, qui doivent bien tenir compte de leur existence.

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TITRE I : THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL

Exposer la théorie générale du droit constitutionnel consiste à faire l’inventaire des


diverses constructions juridiques qui caractérisent ce droit. Ces dernières sont le
résultat d’un long effort de définition et de formalisation par la doctrine.
L’objet essentiel du droit constitutionnel concerne l’étude de l’Etat qui lui sert de
cadre principal (chapitre I). Aussi ce droit d’une part repose sur un élément
fondamental à savoir la Constitution qui correspond au statut juridique de l’Etat
auquel elle sert de référence (chapitre II). D’autre part, le droit constitutionnel
s’interroge sur le fondement assigné au pouvoir de l’Etat, c’est-à-dire déterminer quel
le détenteur de la souveraineté à titre initial, ainsi que les modalités d’exercice du
pouvoir de l’Etat (chapitre III).
CHAPITRE I : L’ETAT
Etymologiquement, le mot Etat vient du latin STATUS. Considéré en lui-même, ce
vocable n’avait pas d’autre sens précis, sinon qu’il traduisait la position débout, de
même qu’il évoquait l’idée de stabilité de situation.
Pour lui conférer un sens politique on a commencé par lui adjoindre le déterminatif
RES PUBLICA. De ce fait, STATUS RESPUBLICA signifiera soit l’état de la chose
publique, soit l’état de la République.
Dans la suite des temps, le mot STATUS évolua sensiblement grâce surtout à
l’œuvre de Nicolas MACHIAVEL à partir du XVIè siècle en Italie. En effet, pour
l’auteur du Prince (1515), «Toutes les dominations qui ont eu ou qui ont autorité sur
les hommes sont des Etats, et sont ou Républiques ou principautés». Le mot STATO
s’introduit alors dans la langue italienne moderne en conservant le sens de
l’institution politique, abstraction faite des régimes divers auxquels il s’appliquera.
Transposé en allemand, le mot STATO devient STUAT et en anglais STATE .
En Français, le mot ESTAT qui au XVè siècle signifiait situation d’une personne, sera
employé au XVIè siècle dans l’acception de MACHIAVEL par plusieurs politiques.
Jean BODIN parlera par exemple de République. (Les six livres de la République
1576).
L’Etat fut inventé en Europe.
Mais le processus d’uniformisation de l’Etat moderne entamé sur ce continent à
partir du XVIè siècle et qui s’est poursuivi au XIXè siècle dans les sociétés latino-

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américaines émancipées de la tutelle coloniale ne s’étendra à l’ensemble de la
planète qu’avec la décolonisation massive du XXè siècle. Aussi, cette uniformisation
ne correspond pas toujours à une homogénéisation politique et juridique de l’Etat
moderne ; car il existe différents types d’Etat selon leur structure et leur nature
politique : Etat unitaire ; Etat fédéral ; Etat libéral ; Etat socialiste ; Etat
démocratique ; Etat autoritaire, etc.
Dans la littérature juridique contemporaine, le terme Etat reste très équivoque
puisqu’on lui attribue plusieurs significations.
Ainsi, pour Maurice HAURIOU, l’Etat équivaut au pouvoir institutionnalisé «Il n’y a
d’Etat qu’au moment où dans une population de civilisation déjà avancée, le pouvoir
s’étant dégagé de son caractère patrimonial, prend l’aspect d’une autorité s’exerçant
sur les hommes libres». (Principes du droit public. 1916).
D’aucuns voient dans l’Etat une forme de vie collective, tandis que certains le limitent
à l’un de ses éléments à savoir le pouvoir ou l’organisation de la contrainte.
Il convient de noter que ces diverses acceptions sont toutes admissibles puisqu’elles
sont complémentaires.
Mais la définition de l’Etat la plus communément acceptée est celle qui est fournie
par CARRE DE MALBERG et entériné par le droit international :
«L’Etat est une communauté d’hommes fixée sur un territoire propre et possédant
une organisation, d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses
membres, une puissance supérieure d’action, de commandement et de coercition».
Il résulte de cette définition que les éléments constitutifs dont chaque Etat est formé,
se ramènent essentiellement à trois : une population ou groupement humain, un
territoire et un pouvoir politique encore appelé puissance publique.
Section 1 : LE GROUPEMENT HUMAIN : LA NATION
Un Etat c’est donc avant tout une population c'est-à-dire un groupement humain uni
de manière à pouvoir former une nation. Car si la population est un ensemble c'est-à-
dire une collection d’individus, la nation quant à elle est un groupement humain plus
qualifié dont la définition requiert la prise en considération de plusieurs critères. Deux
conceptions de la nation se sont toujours opposées : l’une qualifiée d’objective est
d’origine allemande, tandis que l’autre, d’origine française est qualifiée de subjective.
§1- L’Ecole allemande : l’Ecole historique allemande du XIXè siècle fondée par
SAVIGNY(Friedrich Karl Von 1779 – 1861) a forgé une conception qui fait de la
nation le fruit d’éléments objectifs tels que l’espace géographique, la langue, la

14
religion, voire la race. Développée à l’extrême par les courants nationalistes les plus
radicaux, cette conception a pu justifier le Nazisme. Pour ce dernier en effet,
l’humanité est formée par une hiérarchie de races au sommet de laquelle se trouve la
race aryenne c'est-à-dire la nation allemande composée d’hommes appartenant à
cette race par le sang et par la langue. L’on sait que le Nazisme en tant qu’idéologie
nationaliste expansionniste a notamment conduit au génocide perpétré contre le
peuple juif au cours de la seconde guerre mondiale.
§2- L’Ecole française : représentée par Ernest RENAN (1823 – 1892) l’Ecole
française a développé une conception qui met l’accent sur la dimension politique de
la nation considérée comme un ensemble indivisible de citoyens participant à la
communauté politique à travers leurs représentants. Rejetant les aspects ethniques,
religieux, ou idéologiques de la communauté, cette conception privilégie l’approche
volontariste : la nation est fondée sur la volonté de vivre ensemble. C’est cette
conception qui s’est imposée en France à partir de la Révolution.
Aussi, la conception française ou subjective de la nation apparaît comme la plus
répandue à travers le monde.
Il convient de souligner que juridiquement la nation du point de vue objectif n’est pas
une condition d’existence de l’Etat.
Ainsi, nombre de pays décolonisés sont devenus Etats alors qu’ils étaient composés
de plusieurs nations.
Mais politiquement, l’existence d’une seule nation renforce l’unité de l’Etat. C’est le
cas a contrario de certains Etats comme le Liban (divisions religieuses), la Belgique
(divisions linguistiques) ou les Etats africains qui sont en proie à des antagonismes
ethniques parce qu’ils ne constituent pas une seule nation au sens objectif du terme.
Section 2 : LE TERRITOIRE DE L’ETAT
Le second élément constitutif de l’Etat est formé par le territoire. En effet, ne peut
être institutionnalisé qu’un pouvoir dont la solidité et la permanence sont attestées
par une assise territoriale. Le territoire revêt une importance fondamentale aussi bien
pour l’action du pouvoir que pour amener le groupement humain à prendre
conscience de soi par sa différenciation avec les groupes voisins. Cette importance
du territoire réside tant dans son étendue que dans le rôle qu’il joue.
§1 : L’étendue du territoire :
Le territoire d’un Etat englobe trois composantes essentielles :

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Le territoire terrestre qui comprend les limites de la terre ferme ainsi que les voies
d’eau intérieures. Sa délimitation est souvent à l’origine de nombreux conflits entre
les Etats.
Le territoire maritime comprend essentiellement la mer territoriale c'est-à-dire la
partie des eaux qui entoure les Etats côtiers. Elle s’étend sur une distance de 12
milles marins à partir des côtes (1mille = 1852m).
Le territoire aérien : il comprend la couche atmosphérique surplombant la surface
terrestre et maritime de l’Etat.
§2 : Le rôle du territoire : comme cadre de validité de l’ordre juridique étatique,
l’importance du rôle du territoire se révèle sur un triple plan : juridique, politique et
sociologique.
Sur le plan juridique : c’est le territoire qui situe l’Etat dans l’espace géographique
et permet de délimiter la sphère d’exercice des compétences des gouvernants. Il
s’agit donc du cadre naturel dans le quel les gouvernants exercent leurs fonctions.
En conséquence, ils ne peuvent plus user de leurs prérogatives territoriales au même
degré une fois qu’ils ont franchi les frontières de l’Etat. Tous les individus qui vivent
sur le territoire d’un Etat sont soumis à la réglementation des autorités de celui-ci.
 Sur le plan politique : le territoire est pour le pouvoir, le substrat c'est-à-dire la base
ou la condition de son indépendance. Si un Etat peut survivre à la perte provisoire du
contrôle de son territoire (tel le cas d’un Etat occupé pendant une guerre), il
n’existera plus d’Etat lorsque cette perte devient définitive. C’est pourquoi le respect
de l’intégrité territoriale constitue un principe qui a été consacré par les principaux
instruments juridiques fondamentaux tant en droit interne (Constitution) qu’en droit
international (Charte de l’ONU).
Sur le plan sociologique : le territoire fixe la population et favorise l’idée de nation.
En tant que symbole de l’unité du groupe humain, le territoire lui permet de prendre
conscience de soi par sa différentiation avec les autres groupes voisins.
Ainsi, le peuple kurde, disséminé à travers plusieurs pays tels que la Turquie, l’Iraq
,l’Iran et la Syrie, qui constitue une nation au sens objectif, connaît de réels
problèmes de fondation d’un Etat en raison de l’absence d’un territoire propre à sa
disposition.
En définitive, le territoire est un moyen d’action de l’Etat. Car l’autorité, forte de la
stabilité de son domaine territorial peut alors imprimer plus facilement une direction à

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l’activité du groupe. On ne peut mieux contraindre les individus que lorsqu’on a une
maîtrise du territoire sur lequel ils vivent.
Section 3 : LE POUVOIR DE L’ETAT : envisagé en tant qu’organisme politico-
social, tout Etat a besoin qu’une organisation politique fonctionne sur son territoire et
que la population qui y réside soit effectivement soumise à cette organisation. C’est
cette dernière que la doctrine juridique classique qualifie d’autorité politique qui est la
résultante de la différentiation des gouvernants et des gouvernés.
Le pouvoir de l’Etat ou encore la puissance publique est donc l’autorité politique
exclusive de l’Etat à la fois interne et externe.
Au niveau interne, la puissance publique exerce des compétences sur l’ensemble
du territoire ainsi que sur les personnes qui l’habitent : c’est ce qu’on appelle la
compétence territoriale et la compétence personnelle de l’Etat.
La puissance publique est la force anonyme que mettent en œuvre les agents de
l’Etat. Elle peut imposer des sujétions aux individus et se traduit par des prérogatives
exorbitantes du droit commun ; mais elle n’est pas arbitraire.
Au niveau externe, aucun pouvoir en principe n’est supérieur à l’Etat dans la
sphère internationale.
Cette autorité exclusive à travers ses deux modes d’application est qualifiée de
souveraineté de l’Etat.
Ainsi, dans son espace territorial et humain de même que dans ses rapports avec les
autres Etats sujets de droit, l’Etat est doté de la personnalité juridique. Cette
personnalité abstraite (d’où son qualificatif de personne morale par opposition aux
personnes physiques- individus), permet de justifier dans l’ordre international l’égalité
juridique entre les Etats et dans l’ordre interne de doter l’Etat d’un patrimoine (un
ensemble de biens), des droits , mais aussi des responsabilités .
En outre la personnalité juridique assure à l’Etat le caractère de continuité. Cela veut
dire que les actes et décisions pris par les organes du pouvoir (Gouvernement,
Cours de justice et Assemblées) continueront à s’appliquer même au terme de leurs
fonctions, ou de leur mandat. Dès lors, les engagements ou les traités ratifiés par
l’Etat continuent à s’appliquer généralement en dépit des changements pouvant
affecter les gouvernements, voire les régimes.
La souveraineté de l’Etat, c'est-à-dire le pouvoir tel qu’il se manifeste aussi bien en
droit interne qu’en droit international, se distingue de la souveraineté dans l’Etat.
Cette dernière correspond à l’autorité qui dispose du pouvoir à titre originaire à

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l’intérieur de l’Etat. Et la question de déterminer quel est le titulaire du pouvoir dans
l’Etat a fait l’objet de deux théories différentes relatives à son origine : l’une concerne
l’origine divine du pouvoir et l’autre se rapporte à son origine populaire.
§1 : L’origine divine du pouvoir:
L’idée de l’origine divine du pouvoir est l’œuvre de la théorie théocratique de la
souveraineté, qui assigne un fondement divin au pouvoir des gouvernants. Pour
cette théorie, il n’existe aucun pouvoir qui ne vienne de Dieu, qui semble le seul
dépositaire de la puissance. Cependant, si le principe de toute souveraineté émane
de Dieu, la question de déterminer quel est le titulaire de son exercice dans l’Etat a
donné lieu à deux autres interprétations.
 La première est dite théorie du droit divin surnaturel :
Historiquement, l’idée d’un pouvoir divin a commencé à s’enraciner dans une
croyance assez générale au caractère sacré du pouvoir. On admit alors volontiers
que le chef ou le gouvernant fait partie de la divinité. Ce fut le cas des pharaons
d’Egypte et des empereurs romains, considérés comme des représentants de Dieu
sur terre.
Pour cette théorie, non seulement Dieu a créé le pouvoir en le rendant indispensable
à la société, mais de plus, Il désigne directement son titulaire qui devient son agent
d’exerce. Celui-ci représente donc l’élu du Seigneur. Cette thèse fut longtemps
défendue par les monarchies de droit divin comme celle qui a existé par exemple en
France jusqu’à l’époque de la Révolution.
La seconde est dite théorie du droit divin providentiel :
Si cette théorie admet que le principe de tout pouvoir vient effectivement de Dieu,
elle n’est plus d’accord avec le fait que ce soit Dieu qui désigne son agent d’exerce ;
Dieu se borne à vouloir que l’autorité puisse exister. Telle fut la doctrine constante de
l’Eglise chrétienne.
Il convient de retenir que l’idée d’une origine divine du pouvoir trouve également son
application dans les doctrines islamiques et sioniste de la souveraineté. Ainsi, pour
certains régimes politiques islamiques, le pouvoir vient de Dieu mais en plus, il n’y a
pas de séparation entre le pouvoir spirituel et celui temporel. En d’autres termes, la
communauté religieuse et la communauté politique sont absolument identiques. Si
Dieu accorde le pouvoir à un Imam par exemple, celui-ci n’exerce son pouvoir que
conformément aux lois divines qui lui sont dictées par le CORAN. Tous les individus
sont égaux devant ce pouvoir théocratique où le guide n’est que le représentant de

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Dieu. Cette doctrine trouve sa meilleure illustration dans l’actuelle République
islamique d’Iran où des Ayatollahs sont à la fois chefs religieux et dirigeants
politiques.
Dans le même ordre d’idées, la doctrine sioniste qui prône le retour des juifs en
Palestine à Sion (Jérusalem) soutient également que la souveraineté vient de Dieu
mais de plus, elle est réservée au peuple élu de Dieu, c'est-à-dire la nation juive
dans l’Etat d’Israël. Pour cette doctrine aussi, il n’y a pas lieu de séparer le pouvoir
temporel du pouvoir spirituel.
§2 : L’origine populaire du pouvoir.
L’idée selon laquelle le pouvoir avait une origine populaire fut émise dès le XIIIème
siècle notamment par Saint Thomas D’AQUIN (1225 - 1274). Elle fut ensuite
soutenue par les théologiens antimonarchistes du XVIème siècle (SUARES : 1548-
1617) pour attaquer le pouvoir royal alors en place en Europe. Selon elle, c’est le
peuple qui est le détenteur du pouvoir à titre originaire ; mais que celui-ci peut
ensuite consentir à transférer totalement son pouvoir au Roi ou monarque qui
devient ainsi le souverain. Cette théorie est qualifiée de théorie démocratique de la
souveraineté. Elle fut précisée à l’époque révolutionnaire pour donner lieu à deux
interprétations distinctes : celle de la souveraineté populaire et celle de la
souveraineté nationale. Dès lors, il y aura désacralisation du rapport personne-
pouvoir, c’est-à-dire que l’exercice de l’autorité politique ne fait plus référence à la
volonté divine. Désormais, c’est le peuple (chaque individu ayant une part de
souveraineté) ou la nation (collectivité représentée par un organe tel que le
Parlement) qui dispose de l’autorité.
Section 4 : L’ORDRE ECONOMIQUE, SOCIAL, POLITIQUE ET JURIDIQUE : l’Etat
une fois constitué, doit avoir comme principale vocation la réalisation du bien
commun. Cette dernière notion est désignée de nos jours par l’expression générique
d’intérêt général. Pour ce faire, l’Etat a besoin d’instituer un ordre économique,
social, politique et juridique c'est-à-dire le principe directeur qui détermine la nature
de ses principales actions.
De manière générale, deux types de missions peuvent être assignées à l’Etat eu
égard à son rôle de satisfaction des besoins d’intérêt général.
En premier lieu, l’Etat doit opérer un choix de société lui permettant d’assurer le bien-
être de sa population. Pour cela, l’Etat va instituer un ordre économique et social. En

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second lieu, l’Etat doit exercer le rôle de commandement qu’on appelle la
souveraineté et qui se réalise par la mise en place de l’ordre politique et juridique.
§1 : L’ordre économique et social :
Le rôle socio- économique de l’Etat est tributaire de la nature du régime (libéral ou
socialiste) de l’Etat mais aussi de son niveau de développement.
Dans les régimes pluralistes et libéraux de type occidental, le rôle de l’Etat est en
principe limité car celui-ci n’a pas pour doctrine de transformer la société. Il doit
préserver la liberté économique qui constitue le fondement du système social.
Toutefois, pour réduire les inégalités sociales, l’Etat va agir en s’intéressant à un
éventail de questions socio-économiques.
Ainsi, à la faveur de la conception de l’Etat-providence, les citoyens eux-mêmes vont
exiger de l’Etat l’amélioration de leur cadre de vie. A cet égard, l’Etat va adopter une
législation concernant l’accès à l’emploi tout comme s’il va apporter une aide sociale
aux catégories de citoyens les plus défavorisées telles que les malades, les vieillards
et les handicapés. C’est le système d’assistance sociale. L’Etat s’occupe aussi de la
santé publique tant du point de vue préventif (vaccination, hygiène et prophylaxie)
que du point de vue curatif, (réalisation d’équipements hospitaliers). A la vérité,
même dans les Etats libéraux, il n’existe aucun secteur socio-économique primordial
qui soit exclu d’avance du champ d’intervention étatique. L’Etat est ainsi conduit à
encourager les investissements et l’industrialisation, à assurer l’aménagement du
territoire et la promotion du développement économique et social.
Dans les régimes qui se réclament de l’idéologie socialiste, le rôle de l’Etat semble
être plus important encore puisqu’il comporte la prise en charge de la totalité de
l’activité économique et sociale.
En effet les régimes socialistes ont une conception de l’Etat qui leur vient de la
doctrine marxiste-léniniste. Celle-ci distingue entre :
- L’infrastructure économique et
- La superstructure institutionnelle et politique
Selon cette doctrine, c’est l’infrastructure économique qui détermine la superstructure
institutionnelle et politique. Partant de ce principe les marxistes-léninistes estiment
que l’Etat trouve son origine dans les antagonismes de classes. Il s’identifie à
l’appareil répressif permettant à la classe dominante de maintenir son pouvoir. Tel
est le caractère de l’Etat bourgeois ou capitaliste. Il leur semble donc nécessaire
d’opérer la transformation de la société de la manière suivante :

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Grâce à la révolution prolétarienne, l’on remet l’appareil répressif à la disposition du
plus grand nombre (les prolétaires) qui exerceront la dictature du prolétariat. Celle-ci
doit permettre d’éliminer les antagonismes de classes de telle manière qu’un
allègement de cette dictature du prolétariat est concevable. Cela devrait mener au
socialisme c'est-à-dire de l’Etat prolétarien à l’Etat du peuple tout entier. Mais ce
n’est là qu’une étape intermédiaire ; car le Communisme qui constitue la phase
ultime du processus, devrait être caractérisé par le dépérissement de l’Etat, c’est-à-
dire que la disparition totale des classes entraînerait celle de l’appareil répressif, au
profit de l’autogestion.
°Dans les pays en développement, le rôle socio-économique de l’Etat est
considérable mais il est différent. L’Etat doit assurer le développement et rattraper un
retard dû à l’absence de ressources naturelles ou à l’inefficacité de leur exploitation,
à l’absence de technologie de haut niveau. Il lui faut aussi suppléer à l’inexistence
de l’initiative privée et attirer les capitaux étrangers. Seul l’Etat est en mesure non
pas de tout faire (ce qui donne rarement de bons résultats), mais de donner des
impulsions nécessaires.
§2 : L’ordre politique et juridique
Il correspond au système juridique et institutionnel mis en place par l’Etat et qui lui
permet d’assurer sa fonction de commandement. A cet égard, l’Etat dispose des
prérogatives très importantes auxquelles correspondent des tâches spécifiques.
S’agissant des prérogatives, il faut souligner qu’à l’échelle du droit interne, l’Etat
doit pouvoir non seulement prendre des décisions et les faire exécuter, mais aussi
faire céder toute résistance qui viendrait à se manifester. Ainsi l’Etat dispose t-il du
monopole de l’édiction des règles de droit et du monopole de l’usage de la force
publique.
Le monopole de l’édiction des normes juridiques stipule que c’est l’Etat qui confère
leurs compétences aux différents organes du pouvoir (législatif, Exécutif et judiciaire)
qui assurent l’essentiel de la vie juridique et politique interne. Quand au monopole de
l’usage de la force publique, il fait de l’Etat le détenteur exclusif de celle-ci. Elle ne
peut jamais être employée que dans les cas que l’Etat prévoit et dans les conditions
qu’il a prescrites.
Au titre des tâches correspondant à ces prérogatives, on intègre toutes celles qui
visent le maintien de l’ordre intérieur au sens large. Il s’agira de l’ordre public qui
concerne les activités de police c'est-à-dire la sûreté, la sécurité, la salubrité et la

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tranquillité publiques. Ces tâches concernent également la justice qui recouvre
l’ensemble des juridictions instituées dans le pays et chargées de trancher les litiges.
L’ordre politique et juridique implique également pour l’Etat l’accomplissement
d’autres fonctions au niveau externe. Ainsi l’Etat élabore-t-il une politique étrangère
c'est-à-dire la diplomatie. Sur le plan militaire, promouvoir la politique de défense.
Dans tous les cas, si l’Etat doit entrer en rapport avec les puissances étrangères et
les organisations supranationales, il doit s’efforcer d’agir avec les autres Etats au
mieux de ses intérêts.
Section 5 : LES FORMES D’ETAT
Si les mêmes éléments constitutifs se rencontrent dans tout Etat, les formes que peut
prendre celui-ci sont variées. Le droit constitutionnel distingue traditionnellement
deux formes d’Etat en fonction de leur organisation juridique interne, à savoir celle
qui résulte de la structure interne du pouvoir. La première forme est l’Etat de
structure simple, appelé Etat unitaire parce qu’il ne comprend qu’un seul ordre
juridique. La seconde est l’Etat de structure complexe, appelé Etat composé parce
qu’il est caractérisé par l’existence de plusieurs ordres juridiques.
§1 : L’Etat unitaire
C’est le type d’Etat qui dispose d’une unité politique et constitutionnelle. Le pouvoir
politique, dans la totalité de ses attributs de la souveraineté interne et internationale y
relève d’un titulaire unique : la personne juridique Etat. Tous les individus de cet Etat
obéissent à une seule et même autorité, vivent sous le même régime constitutionnel
et sont régis par les mêmes lois. L’Etat unitaire est la forme la plus répandue à
travers le monde. La Guinée, la France, l’Italie, le Sénégal sont des Etats unitaires
par exemple. Dans ce type d’Etat, il n’existe aucune autre personne morale de même
nature que l’Etat. S’il y a des collectivités territoriales, celles-ci ne sont qu’une
modalité d’organisation administrative du pouvoir central ; elles n’existent que par
l’Etat et ne disposent donc pas de pouvoir normatif à titre originaire. Cette
organisation administrative peut se faire soit sur le modèle de la centralisation, soit
sur celui de la décentralisation.
a) L’Etat unitaire centralisé : C’est le type d’Etat où l’organisation du pouvoir repose
sur l’unicité du pouvoir de décision non seulement dans le domaine administratif mais
également dans le domaine politique. En général l’Etat unitaire centralisé est
organisé selon le modèle de la déconcentration. Cela signifie que l’administration

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centrale de l’Etat se prolonge au niveau local à travers la création des services
extérieurs qui restent cependant soumis à son autorité hiérarchique.
Le procédé de la déconcentration consiste à déléguer les pouvoirs de décision de
l’autorité centrale (le ministre par exemple) à une autorité locale nommée et
révocable par elle (tel le préfet) qui reste soumis au pouvoir hiérarchique du ministre.
L’intérêt de la déconcentration réside dans le souci d’améliorer l’efficacité du
fonctionnement de l’appareil gouvernemental et administratif en opérant un
décongestionnement du pouvoir central. Les agents ou autorités qui sont nommés et
révocables par le pouvoir central ne représentent que celui- ci et non la population
locale. Ils ne sont que le relais de l’Etat au niveau local.
En Guinée, le schéma de la déconcentration administrative est défini par les
dispositions de l’article 134 alinéa 2 de la nouvelle Constitution du 07 Mai 2010. : «
Les circonscriptions territoriales sont les Préfectures et les Sous préfectures ».
Chacune d’elles comprend à sa tête un agent qui représente le pouvoir central au
niveau local et auquel il reste lié en vertu d’un pouvoir hiérarchique.
b) L’Etat unitaire décentralisé
C’est celui où il y a création de structures administratives telles que les
collectivités territoriales dotées comme l’Etat de la personnalité morale et habilitées à
s’administrer dans des conditions d’une relative autonomie par rapport au pouvoir
central.
L’Etat unitaire décentralisé se caractérise par le transfert d’une partie des
compétences du pouvoir central vers ces collectivités territoriales. (Décentralisation
territoriale).
L’objectif de cette forme d’organisation est de confier aux représentants élus
de ces collectivités, la gestion des affaires de la population locale. Ces élus restent
cependant soumis à la tutelle de l’Etat sous la forme d’un contrôle de légalité.
Il convient de préciser qu’une véritable décentralisation territoriale suppose la
réalisation de certaines conditions :
L’élection au suffrage universel direct des organes délibérants chargés de gérer les
collectivités décentralisées. Le procédé d’élection est en effet le gage de leur
autonomie juridique par rapport au pouvoir central.
Le transfert des compétences majeures aux collectivités décentralisées de manière
à leur permettre de disposer d’un pouvoir de décision très large au plan juridique.

23
La nécessité de garantir l’autonomie financière à ces collectivités. Car en disposant
des ressources financières propres, les organes délibérants n’auront pas à
dépendre de subventions éventuelles de la part du pouvoir central.
En Guinée, les collectivités locales ou décentralisées sont les Régions, les
Communes urbaines et les Communes rurales (article 134 alinéa 3 de la nouvelle
Constitution).
Ne disposant pas de pouvoir normatif originaire, les collectivités décentralisées n’ont
de compétences que celles qui leur sont reconnues par l’Etat. C’est pourquoi elles
sont soumises au contrôle de tutelle de l’Etat. (Tutelle veut dire surveillance).
Ce contrôle s’exerce non seulement sur la personne des autorités locales mais aussi
sur leurs actes.
C’est ce que semble rappeler la nouvelle Constitution dont l’article 136 dispose en
son alinéa 2 que «les collectivités locales s’administrent librement par des conseils
élus, sous le contrôle d’un délégué de l’Etat qui a la charge des intérêts nationaux et
du respect des lois ».
§2 : L’Etat composé: le fédéralisme
Il s’agit de l’Etat de structure complexe c’est-à-dire celui où coexistent plusieurs
ordres juridiques. Le modèle le plus répandu de cette forme d’organisation est l’Etat
fédéral.
A l’origine du fédéralisme, il y a l’idée d’accord, de traité (foédus) qui signifie entente
entre les participants à un ordre déterminé. Ainsi, lorsque les associations
professionnelles se qualifient de fédérations ou de confédérations, elles entendent
faire participer leur base (à savoir les sections locales) à la prise des décisions qui
engagent le groupement concerné.
Appliqué au domaine politique, ce principe permet de résoudre le problème des
particularismes nationaux. En effet, grâce au fédéralisme peuvent coexister plusieurs
collectivités étatiques différentes mais liées par accord. Cet accord est régi par une
Constitution qui est en même temps l’acte fondateur de l’union.
Le fédéralisme peut naître par association d’Etats unitaires lesquels forment d’abord
en général une confédération d’Etats.
La confédération naît à partir d’un traité international associant deux ou plusieurs
Etats qui mettent en commun certaines de leurs compétences afin de coordonner
leur politique dans un domaine déterminé par eux à l’avance. Dans ce type
d’association, chaque Etat membre conserve sa pleine souveraineté internationale.

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Quant aux institutions, elles sont réduites au strict minimum, parfois à un seul organe
commun réunissant les délégués des Etats. Tel fut le cas du Congrès qui regroupait
les délégués des treize colonies britanniques d’Amérique du nord après leur
indépendance en 1776. Au sein de cet organe, les décisions étaient prises à
l’unanimité. L’objectif assigné à la confédération était celui d’assurer la défense et
l’assistance mutuelle des Etats. Sa transformation en Etat fédéral en 1787 devait
permettre le renforcement de l’objectif initial de l’association.
Le fédéralisme peut aussi naître par dissociation de l’Etat unitaire. Dans ce cas,
l’Etat unitaire doit transformer radicalement son organisation, le plus souvent sous la
pression des antagonismes ethniques et linguistiques des groupes sociaux qui
revendiquent davantage d’autonomie. Tel est le cas par exemple de la Belgique.
Naguère unitaire, cet Etat est devenu fédéral depuis l’adoption de la loi
constitutionnelle de 1993; l’antagonisme entre les flamands et les wallons fut la
principale cause de cette transformation.
L’Etat fédéral se définit alors comme une association d’Etats soumis pour partie à un
pouvoir unique et conservant pour partie leur indépendance.
En tant qu’Etat composé, il présente d’un côté une certaine spécificité et de l’autre,
son mode de fonctionnement fait appel à des procédés juridiques appropriés.
A : la spécificité de l’Etat fédéral
Quel que soit leur mode de formation, tous les Etats fédéraux présentent une
spécificité c’est-à-dire un principe d’organisation qui leur est commun : la
superposition de deux ordres juridiques étatiques. On trouve au sommet l’ordre
juridique de l’Etat fédéral qui englobe l’ensemble du territoire et de la population de la
fédération, tandis qu’à la base il y a l’ordre juridique de chaque Etat fédéré qui est
circonscrit à son territoire.
1) La superposition de deux ordres juridiques
L’Etat fédéral et les Etats fédérés constituent deux ordres juridiques distincts.
Toutefois, si le caractère étatique de l’Etat fédéral ne souffre pas de contestation, il
en va différemment pour le cas de l’Etat fédéré. En effet celui-ci ne bénéficie pas du
privilège de l’exercice de la souveraineté étatique pleine et entière. Tout au plus,
certains de ses attributs peuvent-ils lui être reconnus ; ainsi l’Etat fédéré peut
disposer de sa propre Constitution, de son pouvoir exécutif et législatif ainsi que de
ses propres juridictions. A ce titre, l’Etat fédéré est auteur d’un droit propre qui

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s’applique effectivement dans le cadre de son territoire et dont la violation est
sanctionnée par un appareil judiciaire organisé.
Mais la souveraineté étant indivisible (du point de vue de la tradition constitutionnelle
européenne), seul l’Etat fédéral, encore appelé « super Etat » est entièrement
souverain au regard du droit international. En conséquence, seul lui dispose du droit
de faire la guerre et de celui de faire la paix ainsi que du droit de légation. En somme
c’est à lui qu’incombe la totalité de la responsabilité internationale ; il ne peut
invoquer le principe de la répartition des compétences pour dégager sa
responsabilité lorsque celle-ci résulte des agissements d’un Etat fédéré. Par
exemple dans un incident italo-américain, la Cour suprême avait admis que les Etats-
Unis d’Amérique (donc l’Etat fédéral) ne pouvaient refuser d’imposer à l’Etat fédéré
de la Louisiane l’obligation de juger les auteurs d’un massacre de citoyens italiens,
en invoquant l’argument de l’autonomie judiciaire de la Louisiane.
2) La répartition des compétences
Dans une structure fédérale, la compétence c’est-à- dire l’aptitude juridique à prendre
des décisions est déterminée en fonction des matières dans lesquelles chacun des
deux ordres étatiques peut agir. Généralement, c’est la Constitution fédérale qui fixe
la répartition des compétences entre le pouvoir fédérale et les Etats-membres.
Il convient de préciser qu’il n’existe ni un système ni un procédé universels de
répartition des compétences applicables à tous les Etats fédéraux.
Tantôt la Constitution fédérale énumère expressément les matières qui relèvent de la
compétence exclusive de l’Etat fédéral. Le plus souvent, ce sont des matières qui
mettent en jeu les intérêts supérieurs de l’union : la politique étrangère, la défense et
la monnaie. Elles sont alors réservées à l’Etat fédéral qui exerce une compétence
d’attribution. Par raisonnement a contrario, toutes les matières non énumérées sont
dévolues aux Etats membres qui exercent alors une compétence de droit commun
ou compétence résiduelle. C’est le procédé utilisé par la Constitution des Etats-Unis
(Article 1er Section 8).
Tantôt la Constitution fédérale énumère les attributions des Etats membres de
sorte que toutes les matières non visées reviennent à la fédération. Tel est le cas de
la Constitution fédérale du Canada (Article 91).
Outre les attributions réservées exclusivement soit à l’Etat fédéral, soit aux Etats
fédérés, il existe des matières mixtes et pour lesquelles le pouvoir fédéral et celui
des Etats membres exercent des compétences concurrentes. Mais même à ce sujet,

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les Etats membres ne peuvent légiférer que dans la mesure où l’Etat fédéral qui a un
droit de priorité, s’abstient d’exercer sa compétence facultative.
Afin de résoudre les conflits qui pourraient résulter du partage des
compétences, le fédéralisme implique l’établissement d’une juridiction fédérale.
Celle-ci est chargée d’appliquer la Constitution c’est-à-dire veiller à ce que chacun
des deux ordres juridiques exerce la compétence qui lui revient. C’est un des rôles
que joue par exemple la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique.
B- Les procédés de l’Etat fédéral
L’établissement de l’Etat fédéral vise à la fois à réserver une certaine indépendance
aux Etats membres et à les faire participer à la prise des décisions intéressant
l’ensemble de l’union. C’est pourquoi le mode de fonctionnement de l’Etat fédéral
repose sur deux lois principales : celle de l’autonomie des Etats fédérés et celle de la
participation de ces mêmes Etats au pouvoir fédéral.
1°) La loi dite d’autonomie :
La loi d’autonomie consiste dans ce que les Etats associés conservent chacun son
indépendance dans la gestion des affaires de son entité. Chaque Etat membre
dispose d’un gouvernement, d’une législation et des organes juridictionnels propres.
A cet égard, il ne peut y avoir d’ingérence de la part de l’Etat fédéral ; aucun pouvoir
hiérarchique ni aucune tutelle ne s’exercent sur les Etats fédérés. Seul un pouvoir
judiciaire indépendant peut contrôler la conformité par rapport à la Constitution ou
encore la légalité mais jamais l’opportunité des décisions prises par les Etats
fédérés.
Cette autonomie des Etats membres est donc réalisée tant au plan constitutionnel
qu’au plan législatif.
 Au plan constitutionnel : chaque Etat membre dispose d‘une faculté d’auto-
organisation qui se traduit par le pouvoir de se doter de sa propre Constitution.
Toutefois la Constitution fédérale exige le plus souvent que les Etats membres
adaptent leurs institutions au modèle de l’Etat fédéral. Par exemple la Constitution
fédérale des Etats-Unis recommande aux Etats membres la forme républicaine de
leurs gouvernements c'est-à-dire un pouvoir exécutif présidé par un gouverneur élu
et un parlement de forme bicamérale (Article 4 section 4).
 Au plan législatif : le domaine de compétence des Etats membres est garanti par la
Constitution fédérale. Il concerne le plus souvent les matières du droit civil, du droit
pénal et le domaine culturel. Les Etats fédérés peuvent donc légiférer librement dans

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ces domaines sans que le pouvoir fédéral (Gouvernement et Parlement) n’y porte
atteinte. Car ils sont placés sous la sauvegarde du juge constitutionnel fédéral.
2) La loi dite de participation :
Elle s’analyse en ce que les Etats membres collaborent à la prise des décisions qui
vaudront pour l’union tout entière. C’est pourquoi tout Etat fédéral dispose des
institutions chargées de gérer les intérêts communs. Cette participation des Etats
membres au pouvoir fédéral se réalise de plusieurs façons ;
D’une part, ces Etats participent à la formation des organes du pouvoir fédéral
(participation organique) tout comme ils participent à l’exercice des fonctions
fédérales (participation fonctionnelle).
D’autre part les Etats fédérés exercent le pouvoir constituant dérivé c'est-à-dire la
révision de la Constitution fédérale.
a) La participation organique
Du fait que les Etats fédérés doivent prendre part aux décisions émanant des
organes fédéraux, il est nécessaire que la volonté de ces Etats se manifeste dans la
composition desdits organes. C’est pourquoi tous les Etats fédéraux comportent en
plus de la première chambre où est représentée la population globale de l‘union,
une seconde au sein de laquelle sont représentés les Etats fédérés ou Etats
membres. C’est ce qu’on appelle le bicamérisme fédéral.
Le bicamérisme permet donc la participation des Etats membres à la prise des
décisions étatiques, et particulièrement aux plus importantes d’entre elles à savoir les
lois fédérales. Ce second organe appelé la chambre des Etats présente une
certaine originalité quant à sa composition. En effet, vu l’importance que revêt la
participation des Etats membres, il est opportun que chacun d’eux soit représenté au
sein de cette chambre, sans tenir compte de son importance réelle. Ainsi, dans
l’immense majorité des Etats fédéraux, chaque Etat membre, quel soit le chiffre de
sa population ou l’entendue de son territoire, possède le même nombre d’élus à la
chambre des Etats. Par exemple aux Etats-unis, chaque Etat fédéré dispose de deux
élus au Sénat. Les Etats tels que la Californie (environ 30 M d’habitants), le Nevada
(2 M d’habitants) ou encore l’Iowa (environ 3M d’habitant) ont tous un nombre égal
de sénateurs. A vrai dire, cette règle d’égalité de représentation, en protégeant les
petits Etats, permet de vaincre leur réticence à s’associer dans un ensemble fédéral.
Cependant, ce principe de l’égalité de représentation peut être écarté par certains
systèmes fédéraux soucieux de tenir compte des fortes disparités démographiques

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entre les Etats membres. Tel est le cas de l’Allemagne où chaque Land dispose d’au
moins trois membres ; ceux de six millions d’habitants de cinq membres. Ceux qui
comptent plus de sept millions d’habitants disposent de six membres au
Bundesrat, chambre haute du parlement fédéral. Quant au mode de désignation de
ces représentants des Etats fédérés, il obéit à des règles diverses.
Parfois les représentants sont désignés par l’exécutif fédéral c'est-à-dire par un
organe supérieur. Exemple : au Canada, les 104 députés du Sénat siégeant aux
côtés de la chambre des Communes, sont désignés (jusqu'à l’âge de 75 ans) par le
Gouverneur général, chef de l’Etat et représentant de la Couronne britannique.
En Allemagne, les députés du Bundesrat sont désignés par les exécutifs des Lander
parmi les ministres de ceux-ci. Mais le procédé le plus fréquent est l’élection des
représentants des Etats membres au suffrage universel direct c’est à dire par le
corps électoral de chaque Etat. Exemple : U. S. A ; Suisse….
b) _La participation fonctionnelle
Elle répond à l’exigence pour les Etats membres de prendre part à l’exercice réel de
la puissance fédérale. Leur accord est en effet indispensable pour que la loi fédérale
puisse être adoptée. Mais il faut préciser qu’en règle générale le bicamérisme est
égalitaire. Cela signifie que les pouvoirs des deux chambres sont sensiblement
égaux, car une loi ne peut être validée qu’à condition d’être votée par toutes les deux
chambres. Elles participent sur un pied d’égalité à l’exercice du pouvoir législatif.
Toutefois, l’égalité peut être parfois rompue à propos d’autres décisions fédérales.
Par exemple aux Etats-Unis, c’est au Sénat qu’est réservé le droit d’approuver
certains actes du Président de la République telles que la ratification des traités
internationaux et l’approbation des nominations de hauts fonctionnaires fédéraux.
Dans ces conditions, il y a rupture d’égalité au profit de la chambre des Etats
membres qui joue alors un rôle prépondérant.
c) L’exercice du pouvoir constituant dérivé :
Enfin, les Etats fédérés participent au pouvoir constituant dérivé. Cela signifie qu’ils
sont associés à la révision de la Constitution fédérale et ce, de deux manières.
En premier lieu, la chambre des Etats participe toujours à la décision d’amendement
de la Constitution fédérale. Car, si le parlement fédéral prend l’initiative de la révision,
celle-ci doit être l’œuvre de la majorité des 2/3 de chacune des deux chambres. En
second lieu, les Etats fédérés peuvent proposer les lois de révision constitutionnelle.
C’est ainsi qu’aux U .S . A, les amendements à la Constitution peuvent être proposés

29
par les 2/3 des parlements des Etats fédérés (les législatures). En outre, ces
amendements ne deviennent effectifs que s’ils sont ratifiés par les ¾ de ces mêmes
législatures.
CHAPITRE II : LES CONSTITUTIONS
Dès qu’un Etat existe, il se trouve doté, comme toute personne morale, d’un statut
juridique, c'est-à-dire d’une Constitution. Celle-ci est l’acte fondateur et régulateur de
l’Etats puisqu’elle soumet à la fois gouvernants et gouvernés au respect des règles
de l’Etat de droit.
Ceci étant souligné, la meilleure approche de l’étude des Constitutions consiste à
préciser d’abord cette notion (section I). Vu qu’elle recouvre plusieurs variantes, il
conviendra d’examiner ensuite les différentes formes de Constitutions (Section II).
Quant à la troisième section, elle sera consacrée à l’étude des diverses modalités
d’établissement ainsi que celles de la révision de la Constitution.
Enfin, pour mieux préserver la suprématie de la Constitution sur les autres normes
juridiques, certains mécanismes sont prévus et qui sont destinés à assurer leur
conformité par rapport à la norme juridique fondamentale. Il s’agit notamment des
diverses sanctions qui frappent la violation de la Constitution et qui se traduisent par
le contrôle de la Constitutionnalité de ces normes juridiques telles que les lois
(section IV)
Section I : LA NOTION DE CONSTITUTION
Toute collectivité humaine a une Constitution en ce sens qu’elle est soumise à des
règles spécifiques qui sont déterminées en fonction du but qu’elle poursuit. Ainsi,
parle-t-on par exemple d’une Constitution de la famille, de l’entreprise, de la cité etc.
Une telle Constitution peut être qualifiée de sociale du fait qu’elle englobe tous les
éléments qui forment la structure du groupe considéré. La Constitution politique
quant à elle ne concerne que l’Etat. A cet égard, elle se définit du point de vue
matériel et du point de vue formel.
Au sens matériel (c'est-à-dire d’après son contenu), la Constitution est l’ensemble
des règles juridiques relatives au fonctionnement, a l’exercice et à la transmission du
pouvoir politique dans l’Etat, que ces règles soient contenues ou non dans un
document écrit c’est-à-dire qu’elles soient écrites ou coutumières.
L’objet d’une Constitution est double : d’une part poser les règles organisant les
pouvoirs publics et d’autre part fixer la liste des droits et libertés fondamentaux des
citoyens .En ce sens, tout Etat possède une Constitution matérielle.

30
Au sens formel (c'est-à-dire d’après sa forme), la Constitution est l’ensemble des
règles concernant l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, la
détermination des droits, libertés et devoirs de citoyens, en tant que ces règles sont
énoncées dans un document spécial, et dont l’élaboration et la modification
obéissent à une procédure différente de la procédure législative ordinaire. Exemple,
l’élaboration par une assemblée constituante et l’exigence d’une majorité qualifiée.
Ce formalisme que traduit l’expression de Constitution rigide confère aux
règles qui en bénéficient, une valeur juridique qui les situent à la première place dans
la hiérarchie des normes juridiques de droit interne.
Telle qu’elle est conçue de nos jours, la notion de Constitution a du faire l’objet d’un
processus de formation au cours de l’histoire.
§1 : La formation historique de la notion moderne de Constitution
Toute société politique même rudimentaire est susceptible d’être régie par une
Constitution. Mais celle-ci pendant longtemps se résumait à un ensemble de
traditions et de coutumes qui n’étaient ni codifiées ni écrites. Si l’Antiquité classique a
cependant connu des textes relatifs à l’organisation des pouvoirs publics, ceux ci
étaient simplement descriptifs de l’ordre existant. Dans la Rome antique par
exemple, le mot Constitution a été utilisé pour désigner des mesures législatives
édictées par l’Empereur.
En effet, d’après le DIGESTE (c'est-à-dire le recueil officiel d’écrits de juristes
romains); « ce que le prince constitue est observé comme loi». Bien que les textes
existaient, ils n’engageaient donc pas l’avenir car ils ne soumettaient pas les
gouvernants ; tant il est vrai qu’à cette époque l’autorité était confondue avec la
personne du monarque ou de l’Empereur.
Or ce qui, au contraire caractérise l’idée moderne de Constitution, c’est qu’elle
est une règle d’où procèdent à la fois les prérogatives et les obligations des
gouvernants ainsi que les droits et les devoirs des gouvernés à leur égard. Elle n’est
plus seulement la description de l’organisation du pouvoir, elle lie désormais les
agents d’exercice de ce pouvoir que sont les gouvernants.
Pour ce faire, la théorie qui se fit d’abord jour fut celle qui voit dans la Constitution
un contrat passé entre les gouvernants et les gouvernés. Par ce contrat, les
premiers s’engagent à respecter les conditions posées par les seconds à l’exercice
de leur droit de commander. L’idée qui attribue à la Constitution un fondement
conventionnel se justifie de la manière suivante : l’autorité politique devant s’exercer

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sur les gouvernés, il est nécessaire que ceux-ci donnent leur consentement aux
conditions de son exercice.
Les contrats de ce genre, on peut citer à titre d’exemple les chartes médiévales.
Elles étaient obtenues par les corporations de tous ordres, la Noblesse et le haut
Clergé auprès des détenteurs de l’autorité à savoir les Seigneurs ou Monarques. Les
chartes présentaient la particularité de définir le statut de l’autorité tandis que leur
contenu profitait à l’entité au nom de laquelle l’accord avait été conclu. La plus
célèbre d’entre elles est la Grande Charte d’Angleterre de 1215 encore appelée
MAGNA CARTA. On relève de ce texte, des dispositions véritablement
constitutionnelles. Ainsi en est- il de la clause qui stipule «qu’aucun impôt ne pourra
être levé sans le consentement du Conseil commun du Royaume qui réunit les
représentants de la Noblesse et du haut Clergé». C’est la réunion de ce Conseil
commun qui est à l’origine du Parlement, c’est-à-dire du système représentatif
anglais.
Il convient de préciser que si les Chartes étaient un instrument de limitation
de l’autorité des gouvernants, elles n’avaient cependant qu’une portée
démocratique très limitée. Car ceux qui les concluaient étaient plutôt quelques
groupes ou corps sociaux tels que les barons c’est - à- dire la Noblesse et le
Clergé et qui voulaient par ces accords, protéger leurs privilèges. Il en résulte
que les Chartes ne s’étendaient pas au peuple entier pour lui permettre de se
gouverner lui-même. Pour qu’apparaisse la Constitution dans sa signification
moderne, à savoir un statut objectif du pouvoir ou une règle générale librement
établie par la collectivité elle-même et dont le contenu s’impose aussi bien aux
gouvernants qu’ aux gouvernés, plusieurs conditions ont du être satisfaites .
 Il a fallu d’abord dissocier le pouvoir de ses agents d’exercice pour le faire incarner
par une institution. Ce processus qui a consacré l’apparition de l’Etat-personne
morale différente de la Couronne devait conduire le Roi ou le monarque à se
soumettre à son tour aux règles supérieures. Par exemple en France, les Lois
fondamentales du Royaume pourtant essentiellement coutumières, fixaient les
conditions de la succession au trône (en y excluant notamment les femmes) .
Ces lois forment en quelque sorte une ébauche des Constitutions modernes du
fait qu’elles s’imposaient au Roi qui était tenu de les observer.
 Ensuite, il s’est agi de l’avènement du constitutionnalisme. Celui-ci désigne le
courant d’opinion ou le mouvement qui est apparu au XVIII e siècle et qui s’est

32
efforcé de substituer aux coutumes existantes (souvent imprécises et laissant aux
souverains de réelles possibilités d’action discrétionnaire), des Constitutions écrites
dans le but de limiter l’absolutisme du pouvoir royal. Ce faisant, les libéraux ont
exigé que les modes d’exercice et de dévolution du pouvoir politique soient
désormais fixés une fois pour toutes par une charte fondamentale qu’est la
Constitution. Cette notion moderne de Constitution apparaît alors comme la
confirmation ou se renouvellement du pacte social qui est à l’origine de
l’établissement de la société civile, selon les partisans de la théorie du contrat
social .
 Enfin, il a fallu admettre l’idée selon laquelle la source du pouvoir réside dans
la volonté de la collectivité nationale. Cette condition fut satisfaite à l’époque
révolutionnaire par la théorie démocratique de la souveraineté. Désormais, toutes les
Constitutions admettent le principe de la participation du peuple au pouvoir; des
droits naturels, inaliénables et sacrés sont reconnus aux citoyens; tandis que sont
posées des limites à la liberté d’action des gouvernants.
§2 : De la Constitution-règle à la Constitution-programme : A la fin du XVIIIè
siècle, la Constitution était devenue eu égard à la conception classique, une règle de
droit directement impérative. Mais à partir du moment où il fut admis que le peuple
souverain pouvait librement établir la Constitution lui-même ou par ses
représentants, le contenu de la Constitution pouvait alors déborder le cadre du statut
organique du pouvoir pour devenir un programme d’action politique.
a) La notion de Constitution-règle
A partir des deux concepts fondamentaux d’Etat et celui de la souveraineté du
peuple, la Constitution a acquis un sens très net : elle est une règle de droit. Cela
veut dire qu’elle est un acte juridique volontaire et réfléchi par lequel le peuple
souverain détermine le pouvoir qui sera incarné par l’Etat de même que la puissance
que celui-ci exercera en son nom. Elle est donc une règle obligatoire qui pose les
conditions dans lesquelles les gouvernants sont autorisés à user de leur autorité et
les gouvernés tenus de s’y soumettre. En d’autres termes, la Constitution devient
une règle qui traduit la juridisation du pouvoir de l’Etat face à l’individu et à la société,
en fixant un régime de garantie des droits des citoyens et les limites entre les
différents organes du pouvoir au sein de l’Etat.

33
b) La notion de Constitution- programme
Au lieu de se borner à déterminer le statut des gouvernants et à organiser le
fonctionnement des pouvoirs publics, la plupart des Constitutions contemporaines
expriment une tendance idéologique : celle d’énoncer un véritable programme de
gouvernement. Tel est le cas par exemple des Constitutions de certains Etats du
proche Orient et d’Afrique post-indépendante ou encore celles des anciennes
démocraties populaires.
Elles s’apparentent davantage au style des programmes électoraux qu’à celui des
Constitutions classiques.
Le plus souvent, ces Constitutions consacrent un chapitre, voire un titre entier à la
structure sociale et économique de l’Etat. A cet égard, elles énoncent l’orientation
(libérale ou socialiste) de l’économie ; elles indiquent à l’Etat les activités qu’il doit
assumer, les besoins qu’il doit satisfaire ; elles précisent la nature et l’étendue de
l’aide que l’homme peut attendre de l’Etat ainsi que des devoirs dont il est tenu à son
égard.
Ainsi en est-il de la Constitution guinéenne du 14 mai 1982.
Apres avoir proclamé que l’Etat s’identifie au P.D.G (parti unique exclusif), la
Constitution assigne à l’Etat et donc au parti, le rôle d’assurer la promotion politique,
économique et socioculturelle de la nation. Plusieurs de ses dispositions, notamment
l’article 28 stipule que «…le parti- Etat crée les Entreprises, sociétés et services qui
développent leurs activités selon les intérêts du peuple et les objectifs du plan
national de développement». Il convient de préciser que les Constitutions-
programme consistent beaucoup plus en des déclarations d’intention qui traduisent
la philosophie du régime politique qu’en des mécanismes gouvernementaux
efficaces.
Section II : LES FORMES DE CONSTITUTIONS
Les règles relatives à l’organisation politique d’un Etat peuvent revêtir deux formes.
D’une part elles résultent de l’usage, des coutumes et des précédents sans avoir
jamais été codifiées dans un document officiel unique. Dans ce cas, on dit qu’il s’agit
d’une Constitution coutumière qualifiée aussi de Constitution souple.
D’autre part ces règles sont expressément inscrites dans un document officiel rédigé
dans le but de les rendre sensibles à tous. Il s’agit alors de la Constitution écrite
qualifiée quant à elle de Constitution rigide.

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§1 : La Constitution coutumière ou souple
Il y a Constitution coutumière lorsque dans un Etat, l’ensemble des règles
concernant l’exercice et la dévolution du pouvoir politique se sont développées
progressivement sans être nécessairement inscrites dans un texte dénommé
Constitution. Ces règles reposent alors sur la répétition des précédents juridiques
et politiques pendant une certaine durée de temps jusqu’à ce qu’elles recueillent
l’assentiment général. Le caractère souple de cette forme de Constitution tient à
ce qu’elle a la même valeur juridique que la loi ordinaire. En d’autres termes, une
Constitution souple n’entraîne aucune supériorité sur la loi ordinaire. Elle est donc
susceptible d’être modifiée dans les mêmes conditions que cette dernière et par
elle. De nos jours, l’exemple type de la Constitution coutumière concerne celle de
l’Angleterre. Celle-ci est composée de deux catégories distinctes de règles: d’une
part la Constitution légale (qui représente le droit écrit) et d’autre part les
Conventions constitutionnelles (représentant la part du droit coutumier).
a) La Constitution légale : c’est un ensemble de règles impératives qui organisent
les institutions et établissent au profit ou à la charge des gouvernants et des citoyens
des droits et des devoirs. Ces règles sont contenues dans des documents
matériellement constitutionnels consignés par écrit. Les plus importants de ces
textes qui ont une origine très ancienne sont :
 La Grande Charte de 1215 : extorqué au roi Jean Sans Terre qui reconnaît aux
Barons les libertés traditionnelles.
 La Pétition des droits de 1628 : par laquelle le Parlement impose au roi Charles 1 er
l’obligation de respecter les droits fondamentaux des individus.
 Le Bill of Rights de 1689 : imposé au roi Guillaume d’Orange et qui consolide
l’ensemble des droits individuels.
 L’Acte d’établissement de 1701 : imposé à la dynastie des HANOVRE et qui limite
le pouvoir législatif du Roi, qui perd son droit de veto et celui d’édicter des
ordonnances sans l’accord du Parlement.
Tous ces textes, bien qu’étant des lois règlementant les organes constitutionnels
sont insuffisants pour servir de base à la totalité de l’organisation constitutionnelle.
Ils ne correspondent pas à une Constitution au sens formel.
b) Les Conventions constitutionnelles
Catégorie la plus récente du droit anglais, il s’agit d’un ensemble d’accords ni
exprimés ni écrits nulle part, mais qui créent une sorte de règle de droit respectée

35
par les diverses parties intéressées, en vertu d’un sentiment intérieur de nécessité
juridique. Parmi ces Conventions on peut noter les exemples ci-après :
l’obligation pour la Reine de désigner le Premier ministre au sein du parti vainqueur
des élections législatives ;
l’obligation pour le Gouvernement mis en minorité de démissionner; la possibilité
pour lui de dissoudre la chambre des Communes mais avec l’obligation d’organiser
les élections législatives anticipées et de se soumettre au verdict des urnes .
Il convient de préciser que ces Conventions constitutionnelles qui sont dépourvues
de valeur juridique sont cependant obligatoires, et ce sont elles qui ont véritablement
fixé le parlementarisme anglais.
§2 : La Constitution écrite ou rigide
Il y a Constitution écrite lorsque dans un Etat, l’ensemble des règles
concernant l’exercice et la dévolution du pouvoir politique sont consignées dans
un document officiel écrit unique dénommé Constitution.
Le caractère rigide tient à la nature difficilement modifiable de ces règles qui ne
peuvent l’être que par un organe spécial et selon une procédure également
spéciale. En effet, cette exigence d’une procédure spéciale de modification plus
difficile à mettre en œuvre constitue une garantie de stabilité de la Constitution
écrite.
La première Constitution rédigée est celle des Etats-Unis d’Amérique établie le
17 septembre 1787.
Si les Constitutions des divers Etats présentent certaines différences quant à leur
nature juridique (libérale ou autoritaire), elles ont toutes cependant une structure
interne et un objet qui obéissent à des règles identiques. Ces règles ont trait à
l’organisation de l’exercice du pouvoir ainsi que la proclamation des droits
fondamentaux des citoyens.
a) L’organisation de l’exercice du pouvoir : une Constitution comporte des
dispositions qui fixent le statut des gouvernants. Cela veut dire que ceux-ci
n’exercent qu’une fonction au nom de l’Etat. A cet égard, la Constitution va
définir les personnes et les organes auxquels il appartiendra de décider pour
l’Etat, tout comme elle va fixer leurs compétences. C’est en vertu de cette
organisation que la Constitution précise par exemple les attributions de
chaque organe du pouvoir; c’est ainsi que le pouvoir législatif est exercé par
le Parlement dont le rôle est de voter la loi.

36
En organisant l’exercice du pouvoir, la Constitution sera pour les gouvernants à la
fois le fondement de leurs prérogatives et la loi de leurs fonctions. Elle établit leur
légitimité de sorte que tout individu ou tout groupe qui commande n’accomplit sa
mission qu’en vertu du titre qu’il tient de la Constitution.
b) La proclamation des droits de l’individu
A coté du statut organique des gouvernants, il existe dans une Constitution une
série de dispositions consacrées aux droits que l’individu tient de sa nature
humaine même et qui en tant que tels doivent être protégés par les pouvoirs
publics.
Placées le plus souvent en tête d’une Constitution, ces règles s’inspirent
généralement des grandes Déclarations des droits.
La plus célèbre étant la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen du
26 aout 1789, on y trouve énumérés les droits fondamentaux tels que le droit à
l’égalité, à la liberté, la propriété…
De nos jours les Etats ont consacré une pratique visant à incorporer ces droits de
l’individu dans le dispositif même de la Constitution en leur réservant une place sous
le titre : libertés, devoirs et droits fondamentaux des citoyens.
Section III : LES MODALITES D’ETABLISSEMENT ET DE REVISION DES
CONSTITUTIONS
La Constitution est une matière vivante. Cela veut dire qu’elle naît, vit, peut faire
l’objet de modification et peut même disparaître.
L’autorité renforcée que la Constitution doit au contenu de ses dispositions appelle
logiquement sa consécration formelle. C’est pourquoi l’établissement et la révision
d’une Constitution formelle ou écrite sont soumis au respect des modalités
particulières : il s’agit notamment du respect de certaines conditions de forme, et qui
justifient ainsi sa suprématie par rapport aux autres normes juridiques.
§ 1 : Les modalités d’établissement de la Constitution : étant donné l’importance
particulière des dispositions constitutionnelles, on considère qu’elles doivent être
l’œuvre d’un organe doté d’une autorité politique spéciale, appelé pouvoir
constituant. Cet organe qui a pour tâche principale de faire la Constitution de l’Etat,
se présente sous deux aspects :
- Le premier, appelé pouvoir constituant originaire désigne l’autorité chargée d’établir
une Constitution là où elle n’existait pas auparavant, ou bien là où celle-ci est en
rupture par rapport à une Constitution précédente, déjà en vigueur.

37
- Le second, appelé pouvoir constituant dérivé, désigne quant à lui l’autorité investie
du pouvoir de modifier ou de réviser une Constitution actuellement en vigueur.
Il convient de signaler dans quel cas apparaît le pouvoir constituant originaire avant
d’examiner les divers procédés d’établissement de la Constitution.
a ) Le pouvoir constituant originaire : il se manifeste lors qu’il s’agit soit de donner
une Constitution à un Etat nouveau, soit de rétablir les institutions d’un Etat dont la
Constitution a été révolutionnairement emportée . Dans les deux cas, il est question
d’élaborer un texte qui va fonder un nouvel ordre juridique appelé à se substituer à
une situation de vide juridique antérieur. Ce pouvoir peut appartenir soit à un
individu, soit à un petit groupe, soit au peuple en qui s’investit, en raison de la
conjoncture politique, la compétence souveraine d’organiser la collectivité sur la base
de l’idée de droit.
b) Les procédés d’établissement de la Constitution
Il n’existe pas de procédé universellement valable pour établir le statut
fondamental de l’Etat. Ceux qui sont employés sont donc classés selon un ordre
croissant de leur caractère démocratique. Ainsi, peut-on distinguer les procédés ci-
après:
b-1- Le procédé autoritaire ou la Constitution octroyée
Qualifié de procédé monarchiste, c’est celui en vertu duquel l’établissement de la
Constitution est juridiquement l’œuvre d’un seul homme (le Roi) qui accepte de
réglementer l’exercice de son pouvoir. Car selon la théorie du droit divin surnaturel,
la Constitution n’est qu’une « concession » faite par le Monarque à ses sujets : on
déclare que la Constitution est octroyée. Tel est le procédé suivi par le Négus qui, en
1931 octroya une Constitution à l’Ethiopie. De même, le roi LOUIS XVIII avait octroyé
en 1814 une Charte constitutionnelle au peuple français.
De nos jours, le procédé d’octroi a disparu, du moins sous sa forme monarchique,
car dans les régimes politiques non démocratiques, les Constitutions établies de
manière autoritaire sont encore légion.
b-2- Le procédé semi autoritaire ou le pacte
Procédé également monarchiste, mais avec le pacte on s’engage davantage dans la
voie démocratique. L’établissement de la Constitution ne résulte plus d’une décision
unilatérale, mais d’un contrat entre le roi et le peuple représenté par une assemblée,
laquelle lui dicte les conditions auxquelles, il acceptera de reconnaître le peuple
comme souverain. Telle fut la procédure suivie pour l’établissement de la Charte

38
constitutionnelle de 1830 imposée par le Parlement au Roi LOUIS PHILIPPE 1er qui
monta sur le trône de la France, à l’occasion de la Monarchie de Juillet.
b-3 Le procédé démocratique
C’est celui qui est basé sur le principe selon lequel seul le peuple est souverain. Dès
lors, il lui appartient exclusivement de poser les conditions dans lesquelles il va
déléguer l’exercice de son pouvoir.
Cette compétence constituante du peuple peut se manifester selon trois modalités
différentes :
D’abord la Convention ou Assemblée constituante :
Par ce procédé, le soin d’établir la Constitution est confié à une assemblée
spécialement élue à cet effet. Ainsi en a-t-il été lors de l’établissement de la
Constitution des Etats-Unis d’Amérique de 1787, qui fut l’œuvre des délégués des
treize colonies d’Amérique du nord réunis à la Convention de Philadelphie. En
France, le terme «Assemblée constituante» avait été utilisé à la place de celui de
Convention, à l’occasion de l’établissement de la première Constitution écrite de
l’époque révolutionnaire en 1791.
Ensuite le Référendum constituant :
Il apparaît comme le procédé le plus démocratique du fait qu’il associe étroitement le
peuple à l’œuvre d’établissement de la Constitution. En effet, ce procédé exige que
le projet de Constitution soit mis au point par une assemblée constituante, mais celui-
ci doit également être ratifié par le peuple par voie de référendum pour qu’il soit
juridiquement valable.
- Enfin le Plébiscite constituant :
Il constitue une altération du procédé du référendum constituant, mais dans le sens
du césarisme démocratique. En effet, le plébiscite constituant est le mode
d’établissement des Constitutions minoritaires. Cela signifie que les dirigeants d’un
régime autoritaire font intervenir le peuple en lui demandant d’approuver
l’établissement d’un texte à la rédaction duquel il n’a pas été associé.
Par exemple, en Egypte, le peuple avait été convoqué en 1956 pour approuver une
Constitution qui se présentait comme faite par lui. Le plébiscite constituant fut
également pendant longtemps la pratique politique de certains régimes militaires
des Etats d’Afrique Noire. En effet, une fois parvenu au pouvoir suite à un putsch, le
régime militaire fait rédiger une Constitution par un comité militaire restreint pour la
soumettre ensuite à l’approbation du peuple par voie de référendum.

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§ 2 : Les modalités de révision de la Constitution
Même si la Charte fondamentale de l’Etat se caractérise par une certaine stabilité
juridique, elle n’est jamais fixée pour autant de manière définitive et immuable. Dès
lors, elle peut être révisée après qu’elle soit entrée en vigueur.
La révision consiste à corriger le texte en supprimant, en ajoutant ou en modifiant
une ou plusieurs dispositions de ce texte. Pour ce faire, est il nécessaire de
déterminer précisément l’étendue du pouvoir constituant dérivé. En outre, la rigidité
constitutionnelle implique que la révision elle-même soit soumise à une procédure
spéciale
a) Le pouvoir constituant dérivé
C’est l’autorité prévue par la Constitution présentement en vigueur. Qualifié de
pouvoir constituant institué, il est organisé en général sous le titre : pouvoir de
révision. Il est compétent pour modifier certaines dispositions tout comme il peut
adopter une Constitution entièrement nouvelle.
Dans l’exercice de sa compétence, l’autorité de révision doit observer, certaines
limitations qui lui sont posées et qui sont en général de deux principales catégories :
les limitations relatives aux circonstances de la révision et celles qui touchent à
l’objet de la dite révision.
Dans le premier cas, il s’agit d’interdire toute procédure de révision dans des
circonstances présentant une menace contre l’intégrité du territoire. Ainsi, de
nombreuses Constitutions interdisent toute révision constitutionnelle par exemple en
cas d’occupation militaire d’une partie ou de la totalité du territoire national. Toute
révision opérée dans de telles circonstances s’avère irrégulière. Car l’occupation
militaire, du fait qu’elle paralyse l’exercice de la souveraineté nationale, rend du
même coup difficile l’exercice du pouvoir constituant.
Dans le second cas, c’est-à-dire concernant l’objet de la révision, les limitations
visent à préserver la forme de l’Etat qui a été établie à l’origine. La plus importante
concerne l’interdiction de toute révision qui met en cause selon les cas, la forme
républicaine ou monarchique de l’Etat.
Les limitations tenant à l’objet de la révision sont qualifiées d’intangibilités
constitutionnelles.
Il importe de préciser cependant que l’ensemble des limitations à la révision de la
Constitution n’ont qu’une valeur juridique théorique, car le pouvoir constituant d’un
jour ne peut limiter ou remplacer le pouvoir constituant de l’avenir. Il en résulte que

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les dites intangibilités peuvent être ignorées ou violées notamment en cas de
révolution politique.
b) La procédure de révision de la Constitution
Toute procédure de révision constitutionnelle se déroule en trois phases
successives: l’initiative, l’élaboration et enfin l’adoption du texte révisé.
Lors de la première phase, se pose la question de savoir à qui doit appartenir
l’initiative de révision constitutionnelle ?
Afin d’assurer une plus grande stabilité à la Constitution, le droit d’initiative de sa
révision est généralement limité. Par conséquent c’est à l’organe dont on entend
assurer la prépondérance dans le jeu politique de l’Etat que sera accordé ce droit
d’initiative.
Ainsi, les Constitutions qui se préoccupent de faire jouer à l’Exécutif un rôle
privilégié, lui réservent le droit d’initiative.
Par exemple, sous le régime du second Empire en France, l’initiative de révision
constitutionnelle était réservée au pouvoir exécutif c'est-à-dire à l’Empereur à travers
le Sénat qu’il avait crée lui-même et dont il nommait les membres.
Si au contraire la Constitution entend affirmer son caractère démocratique, elle
réserve l’initiative de révision aux assemblées parlementaires c'est-à-dire au pouvoir
législatif. Tel est le cas de la Constitution fédérale des Etats-Unis.
Quant aux Constitutions soucieuses d’assurer l’équilibre entre le Législatif et
l’Exécutif, elles optent pour les initiatives concurrentes.
Lors de la seconde phase, deux méthodes sont concevables :
Soit le projet de révision est élaboré par une Convention, agissant dans les mêmes
conditions que celles qui sont requises pour l’établissement de la Constitution. Cette
méthode est peu usitée de nos jours.
Soit le projet est élaboré par les Assemblées ordinaires. Mais dans ce cas, le projet
doit être l’œuvre d’une majorité renforcée des 2/3 de leurs membres.
Lors de la dernière phase d’adoption, deux solutions existent :
D’une part, on reconnaît à l’organe qui a élaboré le projet de révision, le pouvoir de
se prononcer en même temps sur l’adoption de celui-ci.
D’autre part, ce projet une fois élaboré doit être ratifié par le peuple par voie de
référendum.
Section IV : SANCTIONS DES VIOLATIONS DE LA CONSTITUTION

41
La Constitution pose non seulement les règles que les organes de l’Etat ont
l’obligation d’observer, mais exige également que toutes les normes juridiques
inférieures, notamment les lois et les règlements lui soit soumises.
Aborder l’étude de la sanction de la violation de la Constitution consiste à soulever la
question de l’organisation et de l’exercice du contrôle de constitutionnalité des lois.
L’expression contrôle de constitutionnalité des lois, utilisée par la doctrine juridique
française correspond à la justice constitutionnelle. Selon Hans Kelsen, celle-ci est la
« garantie juridictionnelle de la Constitution ». Exercé par l’ensemble des institutions
et des techniques grâce auxquelles est assurée la suprématie de la Constitution, le
contrôle de constitutionnalité des lois revêt une importance fondamentale pour la
théorie de la justice constitutionnelle. Le problème fondamental que pose le contrôle
de Constitutionnalité, concerne la nature politique ou juridictionnelle de l’organe qui
assure ce contrôle. En d’autres termes, la sanction de la violation de la Constitution
sera-t-elle d’ordre politique ou juridique ?
§1 : La sanction politique : il s’agit du système de contrôle en vertu duquel le soin
de vérifier la constitutionnalité des lois est confié à un corps ou à une assemblée
politique. Tel fut le système qui avait été envisagé en France notamment sous le
régime du second Empire en 1852. Mais ce type de contrôle n’a guère eu de succès.
Car l’organe qui en était chargé à savoir le Sénat impérial n’était pas indépendant, du
fait qu’il était placé sous le contrôle exclusif de l’Exécutif qui en désignait les
membres.
En effet, une assemblée politique est sans doute mal placée pour accomplir de façon
impartiale une mission éminemment juridique. C’est pourquoi le choix du contrôle
juridictionnel a fini par s’imposer.
§ 2 : La sanction juridique
Dans ce système, c’est un juge qui vérifie la constitutionnalité de la loi. Sa valeur
juridique réside dans le fait que la procédure juridictionnelle est basée sur le débat
contradictoire, l’obligation de motiver la sentence, qui sont autant de garanties d’une
solution équitable.
Il existe deux grands modèles de justice constitutionnelle : le modèle américain et
celui européen. Le premier repose sur l’exercice de la justice constitutionnelle par les
juges ordinaires, tandis que le second confie cette mission à une juridiction
spécialement conçue à cet effet.
1°)- Le modèle américain de contrôle de constitutionnalité des lois

42
Il prend sa source dans le célèbre arrêt « fondateur » MARBURY v MADISON de
1803, et comporte quatre éléments d’identification qui dénotent de l’originalité du
modèle américain. Dans cet arrêt, le chief justice John MARSHALL rédigea une
opinion (c'est-à-dire une décision comportant une argumentation à l’appui du
jugement) qui joua un rôle décisif dans l’émergence du contrôle de constitutionnalité
aux Etats-Unis. L’affaire était née du changement politique opéré au tournant du XIX e
siècle. En 1800, Thomas JEFFERSON est élu Président des Etats-Unis et les
Républicains démocrates obtiennent également la majorité au Congrès. Avant la
passation du pouvoir, John ADAMS, le Président battu, cherchant à préserver
l’influence du Parti fédéraliste, entreprit de nommer plusieurs dizaines de juges
fédéraux parmi les fidèles de son parti. Mais quelques nominations, dont celle de
William MARBURY ne furent toutefois pas validées par le nouveau Secrétaire d’Etat
James MADISON.
William MARBURY intenta alors un recours devant la Cour suprême en invoquant
certaines dispositions du JUDICIARY ACT (la loi de 1789 portant organisation du
pouvoir judiciaire). A partir d’un raisonnement inédit, John MARSHALL avait réussi
dans cet arrêt MARBURY à justifier le contrôle de constitutionnalité et à le placer
hors d’atteinte de ses détracteurs. Il l’avait fait à travers le syllogisme suivant :
- A- La Constitution est supérieure à toute autre norme.
- B- La loi de 1789 sur l’organisation judiciaire est contraire à la Constitution.
- C- La loi doit être dès lors invalidée pour inconstitutionnalité.
Il concluait son opinion en ses termes : « le langage de la Constitution des Etats-Unis
confirme et renforce le principe considéré comme essentiel pour toute Constitution
écrite, qu’une loi contraire à la Constitution est nulle et que les tribunaux ainsi que les
autres pouvoirs sont liés par un tel instrument ».
Le premier système de justice constitutionnelle était ainsi établi. Il convient d’en
préciser les quatre éléments d’identification.
a)– Un contrôle « diffus » exercé par tout tribunal sous l’autorité régulatrice de la
Cour suprême :
Aux Etats-Unis, la qualification de contrôle « diffus » implique que le contrôle de
constitutionnalité peut être exercé par n’importe quel juge fédéral ou étatique. Les
tribunaux américains disposant d’une plénitude de compétence juridictionnelle, le
juge saisi en première instance, peut se prononcer sur l’ensemble des questions
soulevées par un litige, qu’elles soient civiles, pénales, administratives ou

43
constitutionnelles. Dans ce système, la fonction régulatrice de la Cour suprême doit
être soulignée.
Placée en effet au sommet de la hiérarchie judiciaire, la Cour suprême peut être
saisie notamment par la voie d’un recours en certioriari (95% des cas de saisine
aujourd’hui).
L’objectif est d’obtenir la « certification » c'est-à-dire rendre plus certaine les
décisions rendues par les juridictions inférieures. Ce contentieux soumis à la Cour
suprême qui concerne les affaires constitutionnelles et litiges ordinaires, porte non
seulement sur les lois mais aussi sur d’autres actes notamment de l’Exécutif. Mais
l’essentiel du contrôle de constitutionnalité des lois concerne les lois des Etats
fédérés et non les lois fédérales.
En fixant ainsi en dernier ressort l’interprétation constitutionnelle, la Cour suprême
apparaît dans une position de véritable juridiction constitutionnelle.
b)- Un contrôle concret :
L’exigence du caractère concret du litige postule que le contrôle ne s’exerce qu’à
l’occasion de « cas concrets » et de litiges particuliers (cases and controverses). La
Constitution des Etats-Unis (Article III,section 2) prévoit en effet que «le pouvoir
judiciaire s’étendra à tous les cas concrets, en droit et en équité, qui pourront se
produire sous l’empire de la présente Constitution, des lois des Etats-Unis ou des
traités conclus … ».
Cette exigence de litiges « concrets » conditionne dès lors la recevabilité de la
requête. Le principe général veut que la Cour ne se prononce que sur des litiges
avérés et concrets et non éventuels ou abstraits. Pour valablement saisir la Cour, le
requérant doit justifier entre autres d’un intérêt pour agir et du caractère toujours
actuel du litige.
Ainsi, le demandeur doit être directement affecté par la violation de la Constitution, le
dommage doit s’être produit ou apparaître suffisamment certain et la controverse
toujours en l’état.
c.) Un contrôle exercé généralement a posteriori, par voie d’exception :
Comme modalité du contrôle, celui-ci ne peut s’exercer par principe qu’a posteriori .Il
est déclenché le plus souvent par tout justiciable qui, à l’occasion d’un procès
ordinaire civil ou administratif, peut soulever pour sa défense, une exception
d’inconstitutionnalité.

44
Considérant le texte susceptible de lui être appliqué, contraire à la Constitution, le
requérant demande au juge de le priver d’effet en ne l’appliquant pas au cas
d’espèce.
Aux Etats-Unis, si la voie de l’exception représente le premier mode d’intervention du
contrôle de constitutionnalité, d’autres voies d’usage moins fréquent, sont toutefois
possibles. Ainsi, la question de constitutionnalité peut être soulevée dans le cadre
d’une demande d’injonction. Par ce procédé, le juge peut enjoindre à un agent public
sous peine d’outrage à tribunal, de ne pas appliquer le texte réputé contraire à la
Constitution.
Il s’agit ici d’une procédure permettant d’invoquer l’inconstitutionnalité avant que la loi
ne soit appliquée. Cependant, c’est l’exception d’inconstitutionnalité qui caractérise,
et de loin, le contentieux constitutionnel américain.
Quant à la portée du contrôle, il faut noter que par la voie de l’exception, le juge peut
être saisi de questions de société non encore tranchées par le législateur fédéral.
Cette situation, révélatrice du lien direct entre le citoyen et la Constitution est une
caractéristique de la démocratie juridique américaine. Elle permet à la « société
civile » de porter sur le terrain constitutionnel, au plus haut niveau, celui de la Cour
suprême, des problèmes souvent éminemment politiques ou conflictuels. En pesant
par ses décisions sur des grands choix de société, allant de la séparation de l’Eglise
à la consécration d’un droit à l’interruption volontaire de grossesse, la Cour suprême
relance sans cesse le débat autour de l’étendue des pouvoirs du juge et de sa
légitimité démocratique, au point qu’on en vienne à parler de gouvernement des
juges en raison du retentissement politique de ses décisions.
d)- L’autorité relative de chose jugée des décisions rendues :
Aux Etats-Unis, le tribunal statuant sur une exception d’inconstitutionnalité rend une
décision dotée de l’autorité relative de chose jugée. Cela signifie qu’en principe, un
jugement éventuel d’inconstitutionnalité ne vaudra que pour l’affaire et n’aura d’effet
qu’entre les parties en cause. Cependant, lorsque la Cour suprême par le biais de
l’appel, est amenée à se prononcer et déclare une loi incompatible avec la
Constitution, cette annulation vaudra pour l’ensemble des Etats américains, dans la
mesure où les juridictions inférieures devront s’y conformer par le jeu de la règle du
précédent.
2°)- Le modèle européen de contrôle de constitutionnalité des lois

45
L’avènement du modèle européen de justice constitutionnelle résulte de la théorie de
KELSEN fondée sur le choix d’une Cour constitutionnelle. Pour le célèbre juriste
autrichien, le contrôle de constitutionnalité ne peut être que « centralisé » c'est-à-
dire exercé par une juridiction constitutionnelle spécifique. Il ne saurait être confié à
l’ensemble des juges ordinaires, comme aux Etats-Unis. Seule une Cour
constitutionnelle unique, compétente pour prononcer l’annulation d’une norme
contraire à la Constitution, peut garantir la cohérence de l’ordonnancement juridique
à travers le respect, par l’ensemble des tribunaux, de l’interprétation constitutionnelle.
Ainsi conçu, le modèle européen présente également quatre éléments
d’identification.
a)- Un contrôle concentré exercé par une juridiction constitutionnelle spécifique :
Pour nombre d’Etats européens, ce sont des Cours spécialisées qui en général,
disposent du monopole d’appréciation de la constitutionnalité des lois. C’est en ce
sens que le contrôle est dit « concentré »et non « diffus », les juges ordinaires ne
pouvant connaître de ce contentieux.
Ce juge constitutionnel unique se distingue des juridictions ordinaires dans la mesure
où il se situe hors de l’appareil juridictionnel. Les Cours constitutionnelles
spécialisées ne se trouvent pas, comme la Cour suprême américaine, au sommet de
la hiérarchie juridictionnelle .Elles se présentent donc comme des juridictions
constitutionnelles « à temps complet » situées en dehors de l’appareil juridictionnel
ordinaire et indépendantes de celui-ci, auxquelles la Constitution attribue le
monopole du jugement de la constitutionnalité des lois. Cet élément permet de
distinguer le modèle européen de la plupart des systèmes africains dans lesquels
une chambre de la Cour suprême est spécialisée en contentieux constitutionnel.
b)- L’existence d’un contrôle abstrait :
Il y a contrôle abstrait des normes dans la mesure où les litiges soumis aux Cours
constitutionnelles n’entraînent pas une confrontation classique entre les deux parties
et ne supposent pas la résolution d’un litige particulier antérieur. Le contrôle abstrait
ne vise donc que la confrontation entre deux normes générales, l’une
constitutionnelle, l’autre législative, le juge statuant alors sur la loi en elle-même et
non sur son application dans un litige particulier ; il se borne à vérifier la conformité
de cette loi à la Constitution.
Il convient de noter qu’à côté du contrôle abstrait, on peut aussi considérer comme
contrôle concret les procédures de recours directs pour violation des droits

46
fondamentaux dirigés soit contre des actes législatifs (Allemagne, Autriche,
Belgique), soit contre des actes administratifs ou juridictionnels (Allemagne
,Espagne). En définitive, ce n’est que la France et son système de contrôle
exclusivement abstrait qui se rapproche du schéma kèlsénien initial.
c-) L’existence d’un contrôle par la voie d’action déclenché par des autorités
politiques ou publiques :
Le contrôle abstrait peut être organisé d’abord par voie d’action, a priori, c'est-à-dire
avant la promulgation de la loi ou la ratification d’un traité. Un tel contrôle préalable
est en particulier institué en France et au Portugal. La saisine est alors réservée en
général, à des autorités politiques qui portent directement la loi ou le traité,
notamment, devant le juge constitutionnel, afin d’en faire vérifier la conformité à la
norme supérieure.
Le contrôle abstrait est le plus souvent exercé aussi a posteriori, par voie d’action
devant la Cour constitutionnelle (Autriche, Allemagne, Italie, Portugal, Espagne,
Belgique).
Dans les deux cas, le contrôle est déclenché par des responsables de l’Exécutif, des
parlementaires ou les organes de diverses collectivités autonomes. Le plus souvent,
le contrôle est exercé dans un délai très bref (entre un et trois mois), ce qui tend à le
reprocher du contrôle de type préventif c'est-à-dire a priori.
d)- L’autorité absolue de chose jugée des décisions rendues :
Selon le schéma Kelsénien, chaque fois que la Cour constitutionnelle statue sur une
loi de manière abstraite, sa décision est revêtue d’une autorité absolue de chose
jugée. La décision de conformité ou de non-conformité de la loi et du traité,
notamment vaut à l’égard de tous (elle a effet erga omnes). La solution dégagée
s’applique ainsi, ensuite à tous les litiges concrets soumis aux juridictions ordinaires.
Même dans les hypothèses où la Cour intervient sur renvoi du juge ordinaire (par la
procédure de la question préjudicielle), l’éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité
de la loi applicable, dans un litige donné aura une portée générale garantissant la
cohérence de l’ordonnancement juridique. C’est le cas du procédé utilisé en
Allemagne et en Italie.
L’importance attachée à l’autorité absolue de chose jugée des décisions rendues
constitue donc bien une composante de principe du modèle européen de justice
constitutionnelle.
CHAPITRE III : LA SOUVERAINETE

47
Du point de vue du droit positif, la souveraineté correspond au pouvoir de
commander ; ce pouvoir appartient aux individus qui en sont régulièrement investis
par la Constitution.
Mais politiquement, la question de la souveraineté dans le cadre de l’Etat,
consiste à déterminer où se trouve originairement le droit de commander, En d’autres
termes, qui dans l’Etat est fondé à détenir le pouvoir politique et à l’exercer ?
La réponse à cette question a fait l’objet de plusieurs théories relatives au
fondement du pouvoir.
Ainsi évoquerons-nous au titre du présent chapitre la question de la souveraineté
telle qu’elle est d’abord conçue par la théorie orthodoxe de l’Eglise (Section I). Quant
à la seconde section, elle portera sur l’analyse des conceptions démocratiques selon
les quelles le pouvoir politique appartient à l’ensemble du peuple ou, dans une
moindre mesure à la nation. Il s’agit de la souveraineté du peuple,
Enfin, s’il est admis que le pouvoir appartient au peuple, celui-ci peut l’exercer
sous diverses formes, Mais nous ne retiendrons que la principale d’entre elles : c’est
celle qui consiste pour le peuple à désigner ses gouvernants, c’est-à-dire à travers
les régimes électoraux (Section III).
Section I : LA THEORIE ORTHODOXE DE L’EGLISE ;
Exposée par Saint Paul, cette théorie se résume de la façon suivante : il n’y a de
pouvoir qui ne vienne de Dieu ; le seul fondement admissible de l’autorité c’est la
volonté de Dieu qui, en voulant que la société ne soit pas viable sans chef, a
nécessairement voulu l’autorité indispensable au chef. Ainsi, en obéissant au chef,
l’individu ne fait que se conformer à la volonté de Dieu.
Il faut toutefois observer que pour l’Eglise, seule la source de l’autorité est divine,
tandis que son mode d’exercice vient des hommes car Dieu n’institue pas le
détenteur de l’autorité. Il en résulte que l’Eglise ne donne la préférence à aucune
forme de gouvernement. La légitimité de la forme du gouvernement dépend
seulement de son adéquation au bien commun. Cette doctrine de l’Eglise implique
en outre la limitation du pouvoir des gouvernants, du fait que Dieu ne leur délègue
l’autorité qu’en vue du bien social qu’ils sont chargés de satisfaire. Donc le véritable
titulaire du pouvoir pourrait bien être le peuple. Mais dans cette doctrine, le peuple
n’intervient que comme intermédiaire, non comme détenteur de l’autorité suprême. Il
fallut l’avènement de la philosophie politique de l’époque révolutionnaire, pour que

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disparaisse toute référence à la volonté divine dans le cadre des doctrines
démocratiques de la souveraineté.
Section II : LA SOUVERAINETE DU PEUPLE
Affirmer que le pouvoir réside dans le peuple signifie qu’il n’ y a de pouvoir légitime
que celui qui est institué par la collectivité que régit ce pouvoir. Mais si la
souveraineté appartient au peuple, il reste à définir concrètement ce qu’est le peuple
souverain ainsi que la manière dont cette souveraineté réside en lui .Telle est la
principale question du fondement de la souveraineté du peuple.
§1 : Fondement de la souveraineté populaire
La souveraineté populaire trouve son fondement dans l’idée d’égalité des hommes.
Celle-ci repose sur une double constatation :
D’une part, les hommes étant égaux, il n’y a pas de raison que l’un domine plutôt
que l’autre ; donc le pouvoir appartient à la multitude.
D’autre part, la puissance politique étant établie dans l’intérêt de tous, elle doit être
contrôlée par les intéressés. Ce qui implique que les citoyens doivent participer a son
établissement. A cet égard, l’idée qui devrait mieux assurer la souveraineté du
peuple, est celle de la théorie du contrat social par le quel les individus créent la
société politique et donc le pouvoir. Le pouvoir désormais résulte de la volonté du
peuple et de son accord. L’expression la plus parfaite de la théorie de la
souveraineté populaire est l’œuvre de ROUSSEAU ( Du Contrat social :1762). Son
point de départ est le contrat social par le quel chacun des membres de la collectivité
consent à aliéner ses droits au profit de la communauté.
La puissance qui naît de ce pacte n’est donc qu’une somme de volontés
individuelles ; bref, le souverain n’est formé que des particuliers qui le composent.
Chaque citoyen est détenteur d’une fraction de la souveraineté. Selon sa formule
célèbre, si l’Etat se compose de dix mille citoyens, chaque membre ne détient que la
dix millième (1 /10 000ème) partie de l’autorité souveraine, quoi qu’il lui reste soumis
tout entier.
Cette conception de la souveraineté entraîne plusieurs conséquences juridiques :
D’abord, il ne peut y avoir d’expression parfaite de la souveraineté sans que tous les
individus y aient participé. C’est ce qui justifie l’établissement du suffrage universel.
Ensuite, parce que le peuple est souverain, il doit directement légiférer, ce qui exige
la mise en place de la démocratie directe. Celle-ci se caractérise par l’électorat droit
qui a pour corollaire le suffrage universel. L’électorat droit signifie que chaque citoyen

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participe par son vote, à l’exercice de la souveraineté. Quant au suffrage universel, il
s’explique par le fait que la souveraineté du peuple n’est exprimée que si l’ensemble
du peuple participe à la décision politique.
Mais en raison des difficultés d’organiser la démocratie directe notamment dans les
grands Etats où il est impossible de réunir tout le peuple en une seule assemblée,
Rousseau recommande l’usage du mandat impératif. Cela signifie qu’en élisant les
députés c'est-à-dire les mandataires, le peuple ne transfert pas sa souveraineté. Car
le député mandaté par ses électeurs, ne peut rien décider d’autre que ce que ceux-
ci lui ont dicté. Dès lors, s’il outrepasse son mandat, le député n’est pas à l’abri d’une
révocation populaire par ses électeurs.
§2 : La souveraineté nationale
Selon cette théorie systématisée par SIEYES in (Qu’est -ce que le tiers-état ? -1789),
la souveraineté réside de manière indivise dans le groupe national. Son sujet c’est la
nation définie comme une sorte d’entité abstraite dont la volonté est différente de
celle des individus qui la composent. Elle est une abstraction imaginée pour être le
support de la souveraineté. C’est cette conception qui fut retenue par la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de1789 dont l’article 3 dispose : « le principe de
toute souveraineté réside essentiellement dans la nation… ».
Dans cette perspective, il n’est pas nécessaire de faire appel à toute la population de
la nation, pour exprimer la volonté de cette dernière. En réalité, une entité doit
nécessairement passer par des représentants pour exercer sa souveraineté. En
conséquence, la souveraineté nationale postule un régime représentatif. De leur
côté, les électeurs exercent non pas un droit mais une fonction qui leur est conférée
par la nation et que celle-ci est libre de ne pas accorder à tous les citoyens. Du fait
qu’elle implique l’électorat-fonction, la souveraineté nationale peut donc
s’accommoder du suffrage censitaire.
En fin, les élus représentent non pas les électeurs qui les ont choisis mais la nation
tout entière, d’où l’interdiction du mandat impératif. Les représentants une fois à
l’assemblée, doivent voter selon leur intime conviction. Qu’en est-il de l’application
constitutionnelle de ces deux théories dans le cadre du droit positif ?
Il existe en effet une véritable confusion entre ces deux théories du point de vue du
droit positif. Elles sont le plus souvent imbriquées, même si l’une d’elle parait
dominante, notamment la souveraineté nationale.

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Ainsi, l’actuelle Constitution française du 4 octobre 1958, emploie dans son article 3
une formule ambiguë : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce
par ses représentants et par la voie du référendum … »
Il faut remarquer qu’il s’agit là d’une formule transactionnelle à laquelle on est
parvenu pour concilier les tenants des deux formes de souveraineté. Cela veut dire
que les constituants de 1958 n’ont opté ni pour l’une ni pour l’autre théorie ; ils ont
plutôt choisi une solution de compromis. Car le peuple n’est qu’un organe
d’expression de la souveraineté nationale.
Quant à la Constitution guinéenne, on peut dire qu’elle est essentiellement le résultat
d’une relecture de l’actuelle Constitution française. Ainsi parle-t-on du mimétisme
constitutionnel guinéen calqué sur le modèle français. A cet égard, l’article 2 alinéa 1
de la nouvelle Constitution guinéenne du 07 Mai 2010 dispose que « la souveraineté
nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus ou par voie de
référendum… ».
Section III : LES REGIMES ELECTORAUX
La principale forme de la participation du peuple à l’exercice du pouvoir consiste à
désigner ses propres gouvernants. Cette désignation, lors qu’elle est démocratique,
s’effectue à travers les systèmes électoraux. Il en résulte que pour être réellement
démocratique, une élection doit avoir lieu au suffrage universel c'est-à-dire être
ouverte à tous les citoyens sans restriction par l’acquittement d’un impôt (suffrage
censitaire) ou par le sexe (suffrage masculin).
Résultat d’un long processus, l’universalisation du suffrage fut amorcée au XIXè
siècle avec l’adoption d’abord du suffrage masculin en 1848 en France, pour ne
s’achever qu’au XXè siècle. C’est ainsi que le suffrage universel fut proclamé aux
Etats-Unis d’Amérique en 1920 (XIXe Amendement), en Angleterre en1928, en
France en 1944 (Ordonnance du 21 avril), etc.…
Le moyen d’expression du droit de suffrage est le scrutin qui n’est autre chose
qu’une opération de vote. D’où l’intérêt de l’étude des modes de scrutin qui désignent
les différentes formes selon lesquelles s’exerce le droit de vote des électeurs. Ainsi,
le mode de scrutin apparaît comme une technique de calcul du résultat électoral en
vue de l’attribution des sièges ou mandats en fonction du nombre de suffrages. Il
existe deux principaux modes de scrutin : le scrutin majoritaire et le scrutin à la
représentation proportionnelle.
§1 : Le scrutin majoritaire

51
C'est le système le plus simple car il vise uniquement à dégager une majorité sans
se soucier de la représentation des minorités. En cas de scrutin majoritaire, est
déclaré élu le candidat ou la liste de candidats qui a obtenu la majorité des suffrages
exprimés. Les suffrages exprimés sont ceux dont on a déduit les votes nuls ou
blancs. Le scrutin majoritaire est susceptible de plusieurs modalités.
-Il est uninominal lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat à élire dans une circonscription
électorale donnée. Dans ce cas, les électeurs qui ne votent que pour pourvoir à un
seul siège, doivent déposer dans l’urne un bulletin comportant un seul nom.
-Il est plurinominal ou scrutin de listes lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir par
chaque circonscription. Les candidas se regroupent en différentes listes et les
électeurs votent pour une des listes en compétition.
Le scrutin majoritaire comporte également d’autres variantes relatives à la majorité
nécessaire pour être élu ; ainsi, il peut être à un tour comme il est à deux tours.
-Le scrutin majoritaire à un tour : avec ce système, la majorité relative des suffrages
suffit pour être élu, ce qui fait que c’est le candidat ou la liste qui arrive en tête qui
l’emporte. C’est le système qui est en vigueur par exemple en Grande-Bretagne.
Exemple de scrutin majoritaire à un tour :
Lors d’un scrutin organisé dans une circonscription électorale, 60.000 suffrages ont
été exprimés. Le scrutin étant uninominal, un seul siège était à pourvoir. Trois
candidas A, B et C s’affrontaient et ont obtenu chacun le nombre de voix suivant :
A 4951 voix
B 27499 voix
C 27550 voix
Résultat : le candidat C est déclaré élu car c’est lui qui a obtenu le plus grand
nombre de voix (il n’était pas nécessaire qu’il obtienne la majorité absolue) .
- Le scrutin majoritaire à deux tours :
Il est plus complexe que le premier. Il consiste à déclarer élu le candidat qui a
obtenu, au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés. Si aucun
candidat ou aucune liste n’obtient cette majorité, il y a ballottage. Un second tour est
alors organisé auquel ne peuvent se présenter que les candidats ayant obtenu au
premier tour un nombre minimum de suffrages, (soit en France 12,5% des électeurs
inscrits).
En outre, par le jeu des retraits volontaires ou des désistements, certains candidats
présents au premier tour vont s’effacer au profit des candidats qui leur sont proches

52
et qui sont mieux placés qu’eux. A l’issue de ce second tour, est élu le candidat ou la
liste qui obtient la majorité simple ou relative des suffrages exprimés.
Exemple de scrutin majoritaire à deux tours :
Le scrutin étant uninominal là aussi, un siège était à pourvoir. 100 000 électeurs
étaient inscrits tandis que 80 000 suffrages ont été exprimés.
Lors du premier tour, les quatre candidats qui étaient en lice ont obtenu
respectivement :
A……………………38000 voix
B…………………….15000 voix
C…………………….14600 voix
D……………………..12400voix
Résultat : le candidat A qui aurait pu être élu avec le scrutin majoritaire à un seul tour
ne l’a pas été, car n’ayant pas obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés
c'est-à-dire la moitié plus une voix, soit (40 000 + 1 voix). Un second tour est donc
nécessaire .A cet égard, seul les trois premiers candidats A, B et C qui ont obtenu un
nombre de voix supérieur à 12, 5% des inscrits peuvent se maintenir, (D est donc
éliminé).
Admettons que les tractations s’engagent entre les candidats à la veille du second
tour : B, C et D ont conclu un accord de désistement mutuel ; et puisque le candidat
B est le plus apte à recueillir le maximum de voix , C et D se désistent en sa faveur .
A l’issue du second tour ,80 000 suffrages ont été exprimés de même qu’au premier
tour. Ainsi, les candidats ont obtenu respectivement :
A …………………………38000 voix
B …………………………42000 voix
Résultat le candidat B est déclaré élu. On remarque que ce système laisse à
l’électeur plus de liberté au premier tour dans la mesure où celui-ci exprime son choix
réel, tandis qu’au second, il est conduit à voter utile.
§2 : Le scrutin à la représentation proportionnelle : c’est le système selon
lequel les sièges sont attribués en fonction du nombre de voix obtenues par les
différentes listes en compétition.
Soit une circonscription comportant 100.000 électeurs et 5 sièges à pouvoir tandis
que 2 partis sont en compétition :
Le parti bleu qui recueille 60.000 voix et le parti blanc qui en recueille 40.000.

53
Avec le scrutin majoritaire, le parti bleu emporterait tous les sièges. Mais avec le
scrutin à la représentation proportionnelle, le parti blanc pour lequel se sont
prononcés 2 /5 des électeurs, aura 2 sièges et le parti bleu en aura 3. Le scrutin à
la représentation proportionnelle aura donc permis au parti minoritaire d’être
représenté à l’assemblée.
Le fondement théorique de ce mode de scrutin se justifie par le fait que dans une
démocratie où l’on applique le principe d’égalité, chaque tendance politique doit être
représentée de façon proportionnelle. Afin de garantir une justice électorale, une
majorité d’électeurs doit toujours avoir une majorité de représentants, de même
qu’ une minorité d’électeurs doit disposer de sa minorité de représentants .
§ 3 : Application de la représentation proportionnelle
La représentation proportionnelle commence nécessairement par le calcul du
quotient électoral dans la circonscription considérée. Le quotient s’obtient en
divisant le nombre de suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir.
Chaque liste obtient ensuite autant de sièges que le nombre de ses voix contient ce
quotient électoral. Mais pratiquement, cette opération entraîne toujours des restes
de voix ainsi que des sièges non pourvus. Leur répartition peut se faire selon deux
principales méthodes : Celle des plus forts restes et celle de la plus forte moyenne.
Exemple de représentation proportionnelle avec répartition des sièges aux plus forts
restes :
Soit une circonscription électorale de 90000 électeurs inscrits, 82000 votants et 2000
bulletins nuls. Le nombre de suffrages exprimés est alors de 80000
5 sièges étaient à pourvoir alors que 4 listes de candidats en compétition obtiennent
le nombre de voix suivants :
Liste A : 35000 voix
Liste B : 22000 voix
Liste C : 15000 voix
Liste D : 8000 voix
On calcule d’abord le quotient électoral :

80000 sufrages exp rimés


Q .E = = 16000
5Sièges à pourvoir

On répartit ensuite les sièges au quotient ; puis les sièges restants seront attribués
aux listes ayant les plus forts restes selon un ordre décroissant. Ainsi,

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Liste A : 35000 / 16000 = 2 sièges ; Reste 3000 voix
Liste B : 22000 / 16000 = 1 siège ; Reste 6000 voix
Liste C : 15000 / 16000 = 0 siège ; Reste 15000 voix
Liste D : 8000 / 16000 = 0 siège ; Reste 8000 voix
Résultat : 3 sièges ayant été attribués, il en reste 2 à pourvoir.
Compte tenu des restes de voix, le 4ème siège sera attribué à la liste C et le 5ème à la
liste D.
Exemple de représentation proportionnelle avec répartition des sièges à la plus forte
moyenne :
Après la répartition des sièges au quotient, il s’agit d’attribuer les sièges restants les
uns après les autres aux listes ayant obtenu la plus forte moyenne. La moyenne de
chaque liste est calculée en divisant le nombre de ses suffrages par celui des sièges
qu’elle a déjà obtenus, auquel on ajoute un siège fictif.
En reprenant ainsi l’exemple précédent, nous obtenons :
35000
Liste A : 2 sièges obtenus au quotient ; Moyenne =  11666
2 1
22000
Liste B : 1 siège obtenu au quotient ; Moyenne =  11000
11
15000
Liste C : 0 siège obtenu au quotient ; Moyenne =  15000
0 1
8000
Liste D : 0 siège obtenu au quotient ; Moyenne =  8000
0 1
On procède alors à l’attribution du 4ème siège qui doit aller à la liste C du fait qu’elle
ait obtenu la plus forte moyenne.
Pour attribuer le 5ème siège restant encore à pourvoir, on calcule les nouvelles
moyennes, compte tenu de l’attribution du 4ème siège.
Liste A : Moyenne inchangée = 11666
Liste B : Moyenne inchangée = 11000
15000
Liste C : Nouvelle moyenne =  7500
11
Liste D : Moyenne inchangée = 8000
A l’issue du calcul des nouvelles moyennes, le 5ème siège sera attribué à la liste A qui détient
cette fois-ci la plus forte moyenne.
Récapitulatif :
Répartition des sièges aux PFR Répartition des sièges à la PFM

55
Liste A : 2 sièges Liste A : 3 sièges
Liste B : 1 siège Liste B : 1 siège
Liste C : 1 siège Liste C : 1 siège
Liste D : 1 siège Liste D : 0 siège
On remarque que la méthode de répartition des sièges aux plus forts restes favorise les
petites listes, tandis que celle de la répartition à la plus forte moyenne renforce la
représentation des grandes listes.
Il convient de préciser qu’il existe en plus des deux principaux systèmes, des modes de
scrutin mixtes. Ce sont des systèmes qui comportent une part de scrutin majoritaire et une
part de scrutin à la représentation proportionnelle. C’est ce système qui est pratiqué en
Guinée par exemple pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale. (article 63 de la
nouvelle Constitution du 07 Mai 2010).
§ 4 : Les effets des modes de scrutin
Tout mode de scrutin exerce une influence sur les résultats de l’élection et le choix qui en est
fait est largement commandé par l’objectif politique poursuivi. En conséquence, les
principaux effets des deux modes de scrutin sur la vie politique et sur les institutions sont les
suivants :
S’agissant du scrutin majoritaire, du fait qu’il permet de dégager une véritable majorité
cohérente échappant aux fluctuations politiques, a pour effet d’assurer une stabilité
gouvernementale. Il conduit généralement à une simplification de la vie politique qui mène
au Bipartisme comme cela est le cas aux U S A ou en Grande- Bretagne. En revanche, ce
mode de scrutin élimine de la représentation, nombre de formations politiques disposant d’un
pourcentage non négligeable d’électeurs.
Quant à la représentation proportionnelle, elle a pour effet de permettre la participation des
formations politiques mêmes minoritaires. A cet égard, la représentation proportionnelle est
considérée comme étant plus démocratique que le scrutin majoritaire car elle donne une
représentation aussi exacte que possible de l’état des courants d’opinion politiques.
Cependant, en raison de la complexité technique du calcul de la répartition des sièges ainsi
que leur éparpillement considérable, ce mode de scrutin rend parfois très difficile la
constitution de majorités politiques fortes et stables

TITRE II : LES REGIMES POLITIQUES

L’étude des régimes politiques est tributaire de la prise en considération du critère


constitutionnel c'est-à-dire l’aménagement du pouvoir.

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De manière générale, l’aménagement du pouvoir politique au sein de l’Etat pose une
problématique essentielle. Tous les pouvoirs doivent-ils être concentrés au profit d’un
même organe ou bien doivent-ils au contraire être séparés et repartis entre différents
organes ? Tel est le principal objet de la théorie classique de la séparation des
pouvoirs (Chapitre I).
En droit constitutionnel, cette théorie est si importante qu’elle permet d’opérer une
classification des régimes politiques à savoir ceux qui pratiquent la séparation des
pouvoirs et ceux des régimes qui en font la confusion (Chapitre II). Dans cette
perspective, toute étude des régimes politiques doit nécessairement comporter une
analyse même succincte des principaux régimes politiques modernes. Tel sera l’objet
du troisième chapitre.
CHAPITRE I : LA SEPARATION DES POUVOIRS
Le principe de la séparation des pouvoirs qui a son origine dans la philosophie
politique du XVIIIè siècle a pour principal fondement la défense des droits et les
libertés des individus. Car son avènement intervient dans un contexte de lutte contre
l’absolutisme du pouvoir royal. Il en résulte que ce principe constitue une formule
utilisée pour expliquer et surtout légitimer cette lutte contre le pouvoir absolu du Roi.
Son expression théorique la plus parfaite est l’œuvre de MONTESQUIEU (de l’Esprit
des Lois : 1748).
Mais ce fut d’abord le philosophe anglais John LOCKE qui posa les bases de cette
théorie classique.
Partant de l’affirmation d’une forme de contrat social et d’un droit à l’insurrection
reconnu aux individus, l’auteur du « Traité du Gouvernement civil » :1690, distingue
trois pouvoirs dans l’Etat : le pouvoir législatif, exécutif et fédératif. A ce dernier
pouvoir revient la tache de régler les rapports de l’Etat avec les puissances
étrangères (droit de faire la guerre, de signer les traités,..). Locke considère que le
pouvoir fédératif et le pouvoir exécutif doivent être réunis aux mains de l’Etat ou du
Roi qui le représente. Toutefois, la société conserve le pouvoir législatif qui est
exercé par le Parlement qui veille au respect des droits et des libertés des citoyens. Il
n’envisage pas un pouvoir judiciaire distinct qu’il semble considérer comme une
dépendance du pouvoir législatif. Dans l’Etat, « il n’ya dit-il qu’un pouvoir suprême
qui est le pouvoir législatif, auquel tous les autres doivent être subordonnés ».
Afin d’éviter le risque de confier l’exécution des lois à ceux-là même qui ont le
pouvoir de les faire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif doivent être séparés .

57
Reprenant la théorie formulée par Locke, Montesquieu va la systématiser dans
une forme plus poussée que ne l’avait fait son prédécesseur. Après avoir distingué
les trois pouvoirs, il préconise que chacun d’eux soit confié à un organe distinct et
indépendant des deux autres.
Partant de l’idée que tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser,
Montesquieu conclut qu’il faut diviser le pouvoir pour l’empêcher de dégénérer en
arbitraire. Il entend ainsi montrer qu’un régime de liberté dépend de la consécration
et du respect de cette division.
Section I : IDENTIFICATION ET CONSENSUS DES TROIS POUVOIRS :
Pour les partisans de la théorie de la réparation des pouvoirs, on peut
distinguer dans tout Etat trois fonctions juridiques à remplir. Il s’agit de la fonction
législative, la fonction exécutive et la fonction judiciaire ou juridictionnelle.
La première concerne l’édiction des règles générales. La seconde, l’exécution de ces
mêmes règles. La troisième concerne le règlement des litiges. La théorie postule
ensuite qu’à l’exercice de chaque fonction doit correspondre un pouvoir : le pouvoir
législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. En fin, la séparation des pouvoirs
implique surtout que chacun de ceux-ci soit confié à un organe distinct. Ainsi, le
Législatif sera confié à une assemblée représentative; l’Exécutif au chef de l’Etat ou
au chef du gouvernement et le pouvoir judiciaire à une ou à des juridictions.
L’identification et le consensus des trois pouvoirs résulte de la formulation plus
élaborée que MONTESQUIEU a fait de ce principe classique en substituant au
troisième pouvoir de LOCKE (le pouvoir fédératif), un pouvoir judiciaire détaché de
la fonction exécutive et qui est tout à fait autonome. Mais dans cette démarche,
l’essentiel doit résider moins dans la différenciation des organes que dans leur
indépendance qui, si elle ne peut être totale, doit être aussi large que possible. Il
s’agit donc surtout de l’équilibre des pouvoirs et plus précisément des deux pouvoirs
politiques le législatif et l’exécutif. L’objectif défini par MONTESQUIEU est simple :
«pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des
choses, le pouvoir arrête le pouvoir » . Cela signifie que l’équilibre des pouvoirs doit
permettre d’éviter que l’un d’eux ne s’empare, en cumulant l’exercice des trois, d’une
souveraineté qui n’appartient qu’à la nation, d’empêcher les abus qu’un titulaire
unique ferait de ces pouvoir, ce qui est dangereux pour les libertés des citoyens.

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§1 : Le pouvoir législatif : c’est celui est exercé par l’organe législatif c'est-à-
dire le parlement. Son rôle traditionnel correspond à l’exercice de la fonction
représentative et de la fonction délibérante.
La première procède de ce que dans les régimes dits représentatifs, l’assemblée
parlementaire est issue de l’élection au suffrage universel. A ce titre, elle constitue un
organe mandaté par la nation entière qu’elle représente. Quant à la fonction
délibérante, elle revêt une double application :
- la fonction législative proprement dite : il s’agit de l’exercice du pouvoir d’initiative,
de discussion et de vote de la loi. Celle-ci est définie comme l’acte édité par l’organe
législatif suivant la procédure législative en vigueur.
- la fonction financière : elle se traduit par le vote du budget de l’Etat qui est un acte
de prévision mais aussi un acte d’autorisation c'est-à-dire celle donnée par le
parlement de percevoir les recettes et d’exécuter les dépenses.
Outre ce rôle traditionnel, le parlement remplit de nos jours d’autres missions
nouvelles. Tel est le cas du contrôle que le parlement exerce sur le pouvoir exécutif.
Ce contrôle qui s’applique notamment à l’activité gouvernementale, se manifeste
surtout par la mise en jeu de la responsabilité politique de celui-ci au moyen de la
procédure de la motion de censure.
Il arrive enfin que le pouvoir législatif exerce une fonction judiciaire lorsqu’il se
transforme en juridiction d’exception destinée à juger les membres de l’exécutif. (Cas
du Congrès des U.S.A).
§2 : Le pouvoir exécutif
Son rôle traditionnel consiste à exécuter les lois. A cet égard il dispose de la faculté
de prendre par exemple des décrets d’application des lois.
Cependant, le rôle traditionnel de l’exécutif s’est transformé et enrichi de celui qui
consiste à définir et à conduire la politique nationale. L’Exécutif est donc le seul
organe capable d’élaborer une politique et de la mettre en œuvre. A cet égard, il
dispose d’atouts variés.
-Sur le plan politique, les membres du gouvernement (dans les régimes
parlementaires) ne sont que des éléments dirigeants des partis majoritaires, ce qui
représente un facteur de soutien à l’action gouvernementale.
-Sur le plan institutionnel, le gouvernement dispose de l’administration publique sans
laquelle aucune politique ne peut être entreprise et réalisée par l’exécutif. Elle est

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composée par le corps de fonctionnaires permanents chargés d’exécuter les
directives qui lui sont données par le gouvernement.
Par ailleurs l’accroissement du rôle de l’exécutif concerne également le domaine
législatif. Ainsi, outre l’initiative législative qu’il partage avec le parlement (en régime
parlementaire), l’exécutif grâce au mécanisme de la « législation déléguée », peut
aussi intervenir par voie réglementaire dans les matières relevant en principe du
pouvoir législatif. C’est la procédure des décrets-lois ou des ordonnances.
§3 : Le pouvoir judiciaire :
Représenté par l’ensemble des juridictions instituées dans l’Etat, son rôle consiste à
rendre la justice en tranchant les litiges. Ceux-ci peuvent opposer les personnes
privées physiques ou morales entre elles, ou encore des personnes morales de droit
public à des personnes privées. Tel est le cas par exemple des litiges opposant
l’administration aux administrés. Dès lors, le pouvoir judiciaire constitue un organe
essentiel de protection des gouvernés face à l’arbitraire du pouvoir politique.
Section II : DE LA REMISE EN CAUSE DU PRINCIPE DE LA SEPARATION DES
POUVOIRS
En dépit de son ancienneté, le principe de la séparation des pouvoirs exerce toujours
une influence considérable en droit positif. C’est ainsi que la Déclaration française
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 le reprend en son article16 qui dispose :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution ».
Il faut toutefois préciser que ce principe classique n’a plus le même sens originel,
celui qui vise à poser l’interdiction du cumul de plusieurs pouvoirs au sein d’un même
organe. En effet, même dans les régimes politiques qui s’en réclament, l’on constate
que l’aménagement moderne du pouvoir révèle une véritable remise en cause de ce
principe classique. Par ailleurs, la pratique politique a parfois dénaturé aussi la
théorie à travers les cas de concentration des pouvoirs.
§1 : L’aménagement moderne du pouvoir : dans le cadre du nouvel aménagement
du pouvoir, s’il y a maintient des structures législative et exécutive traditionnelles, les
fonctions de chacune d’elles évoluent et se transforment en général au profit de
l’Exécutif. Dès lors, il ne s’agit plus de savoir qui politiquement doit élaborer la loi ou
en assurer l’exécution. De nouvelles fonctions c'est-à-dire la fonction directive et la
fonction de contrôle prennent le pas sur les prérogatives traditionnellement dévolues
aux organes législatifs et exécutifs. Cette nouvelle répartition consiste à confier au

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gouvernement le soin de prendre les grandes décisions politiques et aux assemblées
celui de contrôler l’action gouvernementale.
Ainsi, l’aménagement moderne du pouvoir passe par une distinction entre la fonction
gouvernementale de la société et la fonction de contrôle du gouvernement. Comme
le souligne bien Pierre PACTET, « la véritable division n’est pas entre le pouvoir de
faire la loi et celui de l’exécuter mais entre d’une part le pouvoir qui appartient aux
organes exécutifs de conduire la politique nationale en utilisant à cet effet l’appareil
administratif dont ils disposent, et d’autre part la liberté laissée aux organes
délibérants c'est-à-dire aux assemblées parlementaires, de contrôler l’action
gouvernementale ».
Enfin, dans ce nouveau schéma, l’équilibre entre Législatif et Exécutif ne subsiste
guère plus qu’en régime présidentiel où les deux organes demeurent largement
indépendants et sont, en principe dépourvus de moyens d‘action réciproque.
Dans les régimes parlementaires où le gouvernement est soutenu par une majorité à
l’assemblée, il n’y a pas d’opposition entre les deux organes qui doivent du reste
fonctionner en étroite collaboration, ce qui est le gage de leur efficacité. L’unité du
pouvoir se trouve donc largement rétablie.
Quand au pouvoir judiciaire à propos duquel on ne peut guère plus parler de
troisième pouvoir, il est toujours incarné par un ensemble de juridictions ; il est
séparé et dissocié des organes du pouvoir politique.
§2 : Cas d’application de la concentration des pouvoirs
Dans les régimes politiques pluralistes se réclamant de la séparation des pouvoirs, la
donnée constante que l’on y relève est le souci d’assurer la garantie des libertés des
individus contre les abus du pouvoir politique. Mais du fait que la liberté n’est pas
une fin pour tous les systèmes politiques, cette théorie classique peut apparaître
pour les régimes non libéraux comme un obstacle à l’efficacité de l’action de l’Etat.
D’où la nécessité pour ces régimes d’organiser la concentration des pouvoirs afin de
permettre la réalisation des objectifs que leur assignent leurs idéologies. Les
doctrines totalitaires et la doctrine marxiste constituent à cet égard des exemples
classiques d’un aménagement du pouvoir politique fondé sur l’idée de sa nécessaire
concentration.
a°)- Les doctrines totalitaires de la concentration du pouvoir :
Il s’agit de la doctrine national-socialiste (Nazisme) et la doctrine fasciste qui rejettent
en bloc le libéralisme et la séparation des pouvoirs .L’important pour ces doctrines,

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c’est l’établissement d’un régime fort dans lequel tout le pouvoir est concentré entre
les mains d’un chef unique (le Fuhrer ou le Duce) qui prétend régenter tous les
domaines d’activité de la société.
b°)- La doctrine marxiste de la concentration du pouvoir :
Pour les marxistes dont l’objectif était d’assoir la dictature du prolétariat, le pouvoir ne
peut être séparé au sein de l’Etat. Dans ce système, c’est au Parti communiste
qu’appartient le rôle de diriger la société, et c’est en lui que se réalise la
concentration nécessaire du pouvoir pour assurer en théorie, la domination du
prolétariat et l’efficacité de son action.
CHAPITRE II : CLASSIFICATION DES REGIMES POLITIQUES
La théorie de la séparation des pouvoirs fournit le principal critère de classification
des systèmes constitutionnels et politiques.
A cet égard, on distingue entre les régimes politiques qui dans leurs mécanismes
institutionnels pratiquent la séparation des pouvoirs (section I) et ceux qui en font la
confusion (section II).
SECTION I : LES REGIMES DE SEPARATION DES POUVOIRS
Traditionnellement, les régimes politiques qui réalisent la séparation des pouvoirs
peuvent apparaître sous deux formes distinctes :
D’une part, la séparation est stricte entre l’Exécutif et le Législatif sans qu’aucun
organe ne dépende politiquement de l’autre.
On parle dans ce cas de régime présidentiel.
D’autre part, la séparation est assouplie de manière à ce qu’une certaine
collaboration juridique et une interdépendance sont maintenues entre les deux
pouvoirs politiques. On parle alors de régime parlementaire.
Il convient de préciser qu’une catégorie intermédiaire ou mixte comporte des
mécanismes institutionnels empruntant certains aspects de l’un et de l’autre régime :
il s’agit du régime semi-présidentiel.
Bien entendu, dans tous les régimes de séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire
reste indépendant au moins en théorie du Législatif et de l’Exécutif.
§1 : Le régime présidentiel
Apparu aux Etats-Unis d’Amérique avec la Constitution du 17 septembre 1787, ce
régime constitue la première application concrète de la théorie classique de la
séparation des pouvoirs.

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La séparation stricte se reflète dans la Constitution elle-même dont les trois premiers
articles fondamentaux ont été consacrés chacun à l’un des pouvoirs distingués par
les auteurs du siècle des Lumières.
Cette séparation dite « rigide » présente trois caractères principaux.
1°)- Un Exécutif monocéphale : Cela signifie que le chef de l’Etat est en même
temps chef du gouvernement c'est-à-dire chef des ministres. Ces derniers dépendent
directement de lui.
Le chef de l’Etat est le titulaire exclusif du pouvoir exécutif. Les ministres, appelés
Secrétaires aux Etats-Unis sont nommés en dehors des assemblées et peuvent être
révoqués par lui. Chacun d’eux est chargé individuellement de mettre en œuvre la
politique du chef de l’Etat. Ils ne sont responsables que devant lui.
2°)- La spécialisation fonctionnelle des organes :
Cela signifie que le chef de l’Etat dispose d’une totale indépendance dans l’exercice
de la fonction exécutive. Il n’a pas l’initiative des lois tandis que le Congrès ne peut
restreindre les prérogatives de l’Exécutif.
Le Congrès dispose entièrement du pouvoir législatif sans avoir à craindre
l’intervention du Président en la matière.
3°)- L’indépendance politique réciproque des organes :
Dans un régime présidentiel, les mécanismes constitutionnels assurent une
indépendance politique entre Législatif et Exécutif. Aucun des deux organes ne
dépend de la volonté politique de l’autre. Juridiquement, chaque organe tient son
indépendance politique du fait de son élection. Une fois élu, chacun est assuré de
demeurer au pouvoir pour la durée prévue de son mandat.
Il en résulte qu’il n’y a ni responsabilité politique de l’Exécutif devant le Congrès, ni
possibilité pour le président des Etats-Unis de prononcer la dissolution du Congrès.
Toutefois, il importe de noter que cette séparation stricte n’exclut pas les relations
entre les deux pouvoirs. C’est pourquoi existe-t-il certains mécanismes sinon de
collaboration entre l’Exécutif et le Législatif, du moins de « freins ou contrepoids »
entre eux. Ainsi le président peut il intervenir dans la sphère législative en mettant en
œuvre son droit de veto quand il veut s’opposer à une lois déterminée. Mais, pour
empêcher la domination de l’exécutif, la Constitution américaine a consacré un veto
suspensif et non absolu. Cela veut dire que le Congrès peut le surmonter en
approuvant ladite loi à une majorité renforcée des (2/3) de ses membres. De son
côté, le Congrès peut utiliser ses prérogatives budgétaires quand il entend s’opposer

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à la politique présidentielle en refusant de lui voter les crédits nécessaires à son
action. En outre, le Sénat est sollicité formellement pour approuver la nomination des
hauts fonctionnaires de l’Etat.
Enfin, s’il y a absence de responsabilité politique du président vis-à-vis du Congrès,
sa responsabilité pénale peut être engagée en vertu de la procédure d’impeachment.
En effet, aux termes de l’article II, section 4 de la Constitution, « Le Président, le
vice- président et tous les fonctionnaires civils des Etats-Unis pourront être destitués
de leurs fonctions sur mise en accusation suivie de la condamnation pour
trahison, concussion ou autres crimes ou délits majeurs ».
§ 2 : Le régime parlementaire
Inventé en Angleterre, le régime parlementaire peut être défini comme celui dans
lequel la direction de la politique de l’Etat appartient au Parlement et au chef de l’Etat
par l’intermédiaire d’un gouvernement responsable devant le Parlement.
Fondé sur la séparation des pouvoirs de manière dite souple,le régime
parlementaire implique une collaboration entre l’Exécutif et le Législatif, qui
s’accompagne de moyens d’action réciproque entre ces deux pouvoirs.
A l’instar du régime présidentiel, le régime parlementaire présente également trois
principaux caractères.
1°) - Un Exécutif bicéphale
Dans le régime parlementaire, il y a d’une part dissociation entre la fonction de chef
d’Etat et celle de chef de gouvernement qui sont confiées à des organes distincts.
D’autre part, il y a transfert au chef de gouvernement de la réalité du pouvoir qui était
l’apanage traditionnel du chef de l’Etat.
Symbole de l’unité nationale, le chef de l’Etat est le titulaire constitutionnel de
pouvoirs importants (nomination aux principaux emplois civils et militaires; pouvoir de
dissolution; droit de légation, etc …) mais leur exercice effectif est l’œuvre du
gouvernement. Ce transfert des pouvoirs s’effectue au moyen de la technique
juridique du contreseing ministériel.
Au sein de l’Exécutif, le chef de l’Etat qui assure la permanence de l’Etat, est
politiquement irresponsable : il ne peut pas être renversé par le Parlement. Par
conséquent, tous les actes qu’il signe doivent être obligatoirement contresignés par
le chef du gouvernement qui en assume la responsabilité devant le Parlement.
La signature du chef de gouvernement présente la valeur d’une authentification de
la décision du chef de l’Etat.

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2°) - La collaboration entre le Législatif et l’Exécutif : cette collaboration qui est
d’abord juridique, se manifeste à travers l’exercice de la fonction législative. Ainsi, en
régime parlementaire, l’Exécutif dispose-t-il de l’initiative des lois qui en principe
constitue le domaine réservé du pouvoir législatif.
Mais la collaboration est surtout institutionnelle à travers le Cabinet ministériel. Cet
organe de nature politique est composé d’hommes issus de partis majoritaires au
Parlement. Formé et dirigé par le Premier ministre, le Cabinet ministériel fixe la
politique dont il est responsable devant le Parlement. Il en résulte que les membres
du Cabinet doivent être solidaires aussi bien dans l’action que dans la défense à
l’égard des attaques du Parlement.
3°) - L’action réciproque de chaque organe sur l’autre
La collaboration entre les deux pouvoirs n’est effective que si ces organes se
maintiennent sur un pied d’égalité. C’est pourquoi ils disposent des moyens
juridiques d’action l’un sur l’autre et qui sont :
D’une part, la responsabilité politique du gouvernement : elle constitue la pièce
maîtresse du régime parlementaire. De manière générale, la responsabilité politique
du gouvernement signifie que l’action de celui-ci est menée sous l’étroite surveillance
du parlement de façon à ce qu’il ne s’écarte pas de la ligne politique exprimée pour
l’élection de l’assemblée. A cet égard, le moyen d’action du parlement à l’égard du
gouvernement consiste en la mise en jeu de la responsabilité politique de celui-ci.
Ainsi, le parlement qui désapprouve la politique du gouvernement peut le
contraindre à la démission en déposant une motion de censure qui, si elle est
adoptée, provoque sa démission.
D’autre part, le pouvoir de dissolution :
En contrepartie de sa responsabilité politique, l’Exécutif dispose d’un précieux moyen
d’action à l’égard du Parlement.
En cas de désaccord persistant entre le gouvernement et la majorité parlementaire
sur la politique que celui-ci estime pourtant conforme aux intérêts de la nation, il peut
demander au chef de l’Etat de prononcer la dissolution de l’Assemblée. Il s’agira
alors de faire appel après la dissolution à l’arbitrage populaire en organisant de
nouvelles élections anticipées où le peuple tranchera le différend en assurant par
exemple au gouvernant une majorité favorable à sa politique.

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En régime parlementaire, ce pouvoir de dissolution est exercé nominalement par le
chef de l’Etat irresponsable; mais en réalité, c’est au chef gouvernant qu’il appartient
et qui, de toute manière doit contresigner le Décret de dissolution.
Enfin, le troisième type de régime de séparation des pouvoirs correspond au régime
semi- présidentiel. Celui-ci est défini par Maurice DUVERGER comme « le régime
dont la Constitution qui l’établit lui attribue trois éléments fondamentaux :
1) Le Président de la République est élu au suffrage universel ;
2) Il possède des pouvoirs propres relativement importants ;
3) Mais il a en face de lui un premier ministre et des ministres qui possèdent le
pouvoir Exécutif et gouvernemental et qui ne peuvent rester en fonction que si le
parlement ne leur manifeste pas sa défiance ».
Ce régime trouve sa principale application dans le cas des institutions de la France
de la Vème République.
Par ailleurs, il convient d’évoquer les principales formes que peut revêtir le régime
parlementaire. Ainsi distique-t-on entre d’une part les formes moniste et dualiste du
régime parlementaire et d’autre part la notion moderne de parlementarisme
« rationalisé ».
 Concernant sa forme moniste :
L’expression Régime parlementaire moniste signifie non pas que l’Exécutif serait
monocéphale sur le plan juridique, mais qu’en pratique, une seule volonté politique, à
savoir la volonté gouvernementale, se manifeste à l’intérieur de l’Exécutif. Le chef de
l’Etat n’a plus qu’un rôle effacé de représentation de l’Etat et de présidence
honorifique.
C’est ainsi que si le chef de l’Etat nomme le chef du gouvernement, il ne dispose que
d’une liberté très réduite dan ce choix puisqu’il est tenu de désigner le chef du parti
vainqueur des élections.
Aussi, le pouvoir de dissolution est un pouvoir lié, car le chef de l’Etat se conforme à
la demande de dissolution qui lui est présentée par le chef du gouvernement.
En conséquence, dans ce type de parlementarisme, il n’existe pas de double
responsabilité politique du gouvernement. Ce dernier n’est responsable que devant
la ou les assemblées. Il n’a aucun compte à rendre au chef de l’Etat. C’est cette
forme moniste qui caractérise la plupart des régimes parlementaires européens
actuels, tels que ceux de la Grande- Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, etc.
Concernant sa forme dualiste :

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Dans ce système, le gouvernement est politiquement responsable non seulement
devant la ou les assemblées, mais aussi devant le chef de l’Etat qui participe
activement à l’exercice du pouvoir.
La responsabilité du gouvernement devant le chef de l’Etat résulte du libre choix par
celui-ci des membres du gouvernement. Mais elle résulte surtout du pouvoir de
révocation dont dispose le chef de l’Etat à l’égard de ses ministres lorsque ceux-ci se
trouvent en désaccord avec lui sur la politique à suivre.
Dans ce type de régime, les conflits entre les organes peuvent être fréquents,
pouvant conduire alors à l’instabilité due au mécanisme de censure / révocation/
dissolution. C’est pourquoi il a été abandonné par tous les Etats qui ont eu à le
pratiquer. Exemple : ce système fut mis en place en France sous la Monarchie de
Juillet (juillet 1830-février 1848) sur la base de la Charte de 1830. En effet, le régime
de Louis Philippe d’Orléans, d’où le qualificatif de parlementarisme orléaniste,
consacre en effet des mécanismes de responsabilité ministérielle renforçant les
moyens de contrôle des chambres parlementaires sur le gouvernement.
Responsable devant le Roi, le « Cabinet »gouvernemental devait aussi avoir la
confiance des chambres parlementaires.
Concernant le parlementarisme « rationalisé » :
Afin de remédier à l’instabilité gouvernementale, les Etats comme l’Allemagne,
l’Italie, la France, ont adopté des mécanismes institutionnels destinées à prévenir les
crises ministérielles en les rendant plus difficiles, et donc plus rares. Pour ce faire,
deux procédés principaux ont été introduits dans leurs Constitutions.
D’une part, on s’efforce de donner au gouvernement lors de sa formation la plus
large majorité parlementaire possible. Ainsi, le chef du gouvernement, une fois
désigné par le chef de l’Etat, doit se présenter devant l’assemblée élue pour obtenir
un vote d’investiture à une majorité qualifiée.
D’autre part, on s’efforce d’obliger les députés à bien réfléchir avant de contraindre
un gouvernement à la démission. C’est pourquoi la mise en cause de la
responsabilité politique est précédée de formalités qui constituent autant d’obstacles
juridiques.
Exemple : on exige un délai de réflexion de 48 heures entre le dépôt d’une
proposition de motion de censure et son vote ; une majorité des membres composant
l’Assemblée Nationale, etc. (Cf. article 49 de la Constitution française de la
cinquième République).

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La « rationalisation » vise donc à organiser de manière minutieuse et détaillée les
rapports du gouvernement et des assemblées se traduisant toujours par une plus
grande complexité.
Section II : LES REGIMES DE CONFUSION DES POUVOIRS :
Face aux régimes de séparation des pouvoirs précédemment décrits, il en existe
d’autres qui pratiquent la confusion voire la concentration des pouvoirs au profit soit
du Parlement qui prend alors toutes les décisions fondamentales, (il s’agit du régime
d’Assemblée) ; soit de l’Exécutif (on parle à cet égard de régime Présidentialiste). Il
existe en outre une concentration des pouvoirs au profit d’un parti politique ou d’un
homme. On parle dans ces deux cas de régimes dictatoriaux.
Il y a confusion des pouvoirs lorsqu’un même organe exerce, soit de manière légale,
soit arbitrairement, les principales fonctions de l’Etat.
§1 : Le régime d’Assemblée et le Régime Présidentialiste
Dans les deux cas, l’organe constitutionnel (l’Exécutif ou l’Assemblée) exerce de
manière légale (c’est-à-dire selon les règles constitutionnelles) les principales
fonctions de l’Etat.
1°) Le régime d’Assemblée : il est une sorte de perversion du régime parlementaire
dans la mesure où l’organe législatif, devenu omnipotent, est le centre du système
politique. L’exécutif ici ne constitue pas un véritable pouvoir, et n’est que l’exécutant
d’une assemblée, seule détentrice de l’autorité et c’est elle qui nomme et révoque
ses membres. Les principales caractéristiques du régime d’assemblée sont :
D’abord, le Parlement, ne pouvant se cantonner dans la fonction législative, doit
prendre toutes les décisions importantes pour la vie de l’Etat. Selon les partisans de
ce régime, la souveraineté étant indivisible, sa représentation elle-même ne peut être
divisée. D’où il résulte que le pouvoir législatif doit être remis à une seule assemblée
qui exprime la volonté nationale « dans tous les domaines y compris celui de la
fonction gouvernementale ». Mais comme l’assemblée ne peut pourvoir seule à
toutes ces tâches, un autre organe a été créé et qui tient son existence ainsi que ses
pouvoirs de l’Assemblée. Cet organe qui est le pouvoir exécutif n’est qu’un « pouvoir
commis ».
En suite, les membres de ce Conseil exécutif sont nommés et peuvent être révoqués
librement par l’Assemblée. La prépondérance de celle-ci sur l’Exécutif permet alors
de distinguer ce régime, de celui parlementaire où il existe une action réciproque de

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chacun des pouvoirs sur l’autre. Enfin, cette domination de l’Assemblée sur l’Exécutif
peut aller jusqu’ à un pouvoir d’annulation des décisions de ce dernier.
Comme illustration de ce type de régime, on peut souligner le cas du régime de la
Convention établi en France de 1792 à 1795.
En effet, le gouvernement était confié à un «Conseil exécutif » composé de vingt
quatre membres nommés par le « Corps législatif » et ne pouvait intervenir que pour
exécuter les décisions de l’Assemblée, ce qui privait cet organe de toute
indépendance dans son action.
Actuellement, la question s’est posée de savoir si le régime Suisse constitue ou non
un régime d’assemblée. En effet, le Conseil fédéral (Exécutif de la fédération
helvétique) est un organe collégiale dont les sept membres sont élus pour quatre ans
par l’Assemblée fédérale; laquelle désigne également parmi les sept Conseillers le
Président de la fédération pour un mandat d’une année; celui-ci a un rôle surtout
représentatif. Si l’on retrouve ainsi certains éléments du régime d’Assemblée, le
gouvernement fédéral assume tout de même la plénitude du pouvoir exécutif face à
une Assemblée paraissant comme un organe de contrôle plutôt que d’impulsion. A
noter que le Conseil a la même composition politique que l’Assemblée : ainsi sur ses
200 élus, le Parti radical avec 45 sièges compte 2 membres au gouvernement ;
 Le Parti socialiste avec 54 sièges en compte 2 ;
 Le Parti démocrate-chrétien avec 34 sièges compte 2 ;
 Enfin l’Union démocratique du centre qui a 29 sièges compte 1.
Les autres 38 sièges étant dispersés entre plusieurs petits partis.
C’est pourquoi le régime politique suisse doit être considéré comme un régime de
séparation institutionnelle des pouvoirs accompli par l’esprit de compromis et de
collaboration existant entre les divers partis.
La Suisse ne dispose pas de parti d’opposition.
2°) Le régime présidentialiste : le régime présidentialiste est une invention latino-
américaine. En effet, la plupart de ces Etats devenus indépendants entre 1810 et
1830 adoptèrent des Constitutions inspirées du modèle des Etats-Unis. Mais très
vite, les régimes pratiqués se sont caractérisés par la tendance à l’hégémonie du
Président élu au suffrage universel, aboutissant à une véritable dénaturation du
régime présidentiel.
Si dans ces régimes, il y a bien séparation des pouvoirs, celle-ci n’est que de façade.
Dans son fonctionnement réel, le régime présidentialiste n’est pas un régime de

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limitation des pouvoirs, mais au contraire, un système permettant d’assurer la
prépondérance présidentielle sur les institutions grâce à un très large pouvoir
d’initiative législative dont dispose le Président. Les mécanismes assurant cette
domination varient selon que l’on se trouve en période normale ou en période
exceptionnelle.
a) En période normale : trois mécanismes garantissent l’hégémonie présidentielle.
° Il y a d’abord le veto : qui permet au président de s’opposer au vote d’une loi dans
sa globalité, mais de plus avec l’item veto, il ne peut faire opposition qu’à certaines
de ses dispositions. Ainsi dans nombre de ces Etats présidentialistes latino-
américains, les lois importantes ont été adoptées avec l’application du veto partiel du
président.
° Il y a ensuite les Décrets-lois : ils sont prévus dans la plupart des Constitutions des
Etats latino-américains, et sont généralement la conséquence de l’abandon sans
débat par le parlement de ses compétences pour un temps défini, lorsque celui-ci se
montre réticent à adopter certaines dispositions législatives (notamment en matière
financière).
Toutefois, les mesures adoptées par le Président de la République (Ordonnances)
n’entrent en vigueur que sous réserve de leur ratification par le parlement.
° Il y a enfin l’initiative législative du Président : Elle est l’élément qui
constitutionnellement distingue le plus les régimes présidentialistes du modèle
présidentiel. Ce rôle législatif se manifeste à travers les projets de lois (c'est-à-dire
ceux qui sont pris à l’initiative de l’Exécutif).
A ces mécanismes, s’ajoute de manière générale l’attitude du juge caractérisé par
son effacement en matière constitutionnelle, ce qui est un facteur de renforcement
des pouvoirs présidentiels et donc des régimes présidentialistes.
b) En période exceptionnelle : l’état de siège et l’état d’urgence sont deux
caractéristiques du fonctionnement de la «dictature constitutionnelle» des régimes
présidentialistes.
° L’état de siège : il est déclaré en cas de perturbations politiques graves de l’ordre
public. Cette déclaration confère au Président de la République un pouvoir législatif
extraordinaire tendant au rétablissement de l’ordre ; ce qui constitue un cumul des
pouvoirs législatif et exécutif.

70
° L’état d’urgence : il concerne des événements de nature non politique, mais des
désordres économiques et sociaux ou des calamités naturelles. Dans ce cas, les
Décrets présidentiels ont un caractère permanent.
§ 2 : Les dictatures
D’autres formes contemporaines de confusion des pouvoirs sont désignées par le
terme générique et péjoratif de dictatures.
Dans les régimes qui la pratiquent, soit tous les pouvoirs sont détenus par un seul
homme, soit par un seul parti politique.
a) La dictature d’un homme : la confusion des pouvoirs aboutit à l’établissement d’un
régime qualifié de monocratie. Dans ce type de régime, le dictateur domine tout le
système politique. Bien souvent, il existe un parti qui soutient l’action du dictateur
mais celui-ci s’arroge le monopole de la prise de décisions. Les cas les plus
significatifs de ce type de dictatures monocratiques concernent ceux d’HITLER au
sein du Parti national-socialiste et de MUSSOLINI au sein du Parti fasciste.
b) La dictature d’un parti : Dans ce type de dictature, ce sont les organes centraux du
parti qui détiennent la réalité du pouvoir : la séparation institutionnelle n’étant dès lors
que de façade. Tel fut le cas des anciens régimes marxistes des pays de l’Est où le
Parti communiste concentrait tout le pouvoir. L’Etat n’était plus qu’un simple relais
des décisions prises par les comités centraux du Parti communiste.
Au lendemain de la décolonisation, certains Etats d’Afrique et d’Amérique latine
avaient également établi des dictatures mais de type militaire, au point de devenir un
modèle de gouvernement. Ce rôle politique décisif de l’armée s’expliquait parce que
celle-ci apparaît comme une des rares forces sociales organisées et efficaces de ces
Etats souvent en proie à de profondes crises politique, économique et sociale.
Tous les régimes dictatoriaux sont nécessairement autoritaires et présentent les
mêmes caractères marqués par l’absence d’élections libres et l’interdiction et la
répression de toute forme d’opposition. Aussi, leur méthode d’action font d’eux des
régimes totalitaires et comportent pratiquement les mêmes ingrédients. D’une part, la
mobilisation permanente des masses autour d’une conception de la politique en tant
qu’activité totale, c'est-à-dire qui englobe l’ensemble des domaines d’activités de la
vie sociale. D’autre part, un parti unique tentaculaire encadre toute la population au
moyen de l’endoctrinement idéologique sous la conduite d’un chef ou leader
charismatique à l’exemple d’HITLER, de STALINE, de MAO…

71
Dans ces régimes, le refus de toute dissidence entraîne la terreur sur les opposants;
l’Etat policier supplante l’Etat traditionnel.
CHAPITRE III : LES PRINCIPAUX REGIMES POLITIQUES MODERNES.
Après l’étude de l’aménagement du pouvoir selon le principe classique de la
séparation des pouvoirs qui a donné naissance à la distinction entre régimes de
séparation et ceux de confusion de pouvoirs, l’objet du présent chapitre est
d’analyser les principaux régimes politiques modernes.
Cette analyse concernera d’une part les institutions de trois Etats considérés comme
largement représentatifs du modèle politique occidental : ce sont les régimes
politiques américain, britannique et français.
D’autre part, nous évoquerons le régime politique guinéen, présenté comme étant un
régime d’inspiration du model présidentiel.
Section 1 : LE REGIME POLITIQUE DES ETAS-UNIS D’AMERIQUE
Les institutions politiques des U.S.A. sont régies par la Constitution du 17 septembre
1787 qui a fondé l’Etat fédéral reposant sur une logique de séparation stricte des
pouvoirs. Ce texte initial amendé à 27 reprises de nos jours, est divisé en 7 articles
dont les trois premiers, plus importants, sont consacrés chacun dans l’ordre, au
pouvoir législatif fédéral (Congrès), au pouvoir exécutif fédéral (Président), et au
pouvoir judiciaire fédéral (Cour suprême).
Les données politiques du régime américain sont déterminées par une constante
essentielle : LE BIPARTISME DOMINANT.
En effet, les partis politiques sont apparus en 1791 quand Thomas JEFFERSON
fonda le Parti Républicain Démocrate.
Son adversaire de l’époque, John ADAMS, fonda le Parti Fédéraliste.
Si le premier est préoccupé de préserver les droits des Etats fédérés, le second est
quant à lui, partisan d’un pouvoir central fort.
Mais ce sont les Républicains Démocrates qui demeureront la formation politique la
plus importante, cela après la défaite de John ADAMS (en 1800) entraînant la
disparition du Parti Fédéraliste.
Le problème de l’esclavage oblige les dissidents républicains démocrates conduits
par Abraham LINCOLN à fonder en 1854 le Parti Républicain qui rassemble
rapidement les partisans anti-esclavagistes, cependant que le Parti Républicain
Démocrate demeure lié aux intérêts esclavagistes. Le bipartisme américain prend à
ce moment-là son aspect définitif.

72
Le Parti Démocrate prône une idéologie favorable à l’égalité raciale et une politique
d’aide sociale aux plus défavorisés.
Les Démocrates sont favorables au recours à l’impôt comme moyen de financement
de la politique d’aide sociale. C’est pour eux que votent les minorités d’immigrants,
les Noirs et les catholiques, dans ce pays à majorité protestante.
Le Parti Républicain est quant à lui champion de la libre entreprise, et l’essentiel de
son électorat est constitué de protestants(les White Anglo-Saxon
Protestants :W.A.S.P.), des propriétaires de grosses fortunes américaines.
La doctrine économique du parti consiste à répudier la Social-démocratie et son
expression la plus achevée qu’est le « WEL FARE STATE », c'est-à-dire l’Etat –
providence, qui vient en aide aux catégories sociales démunies.
§ 1 : La structure des pouvoirs
Elle correspond aux trois pouvoirs fixés par la Constitution fédérale. Il convient de
les préciser avant d’examiner leur fonctionnement ainsi que les rapports entre ces
pouvoirs.
1)- Le pouvoir législatif ou le Congrès : Il est régi par l’Article I de la Constitution
qui dispose que le Congrès de U.S.A. ou parlement fédéral est bicaméral,
(conséquence du caractère fédéral de l’Etat).
La première est la chambre des Représentants, composée d’élus du peuple
américain entier. Au nombre de 435 membres, ils sont élus au suffrage universel
direct, au scrutin majoritaire uninominal à un tour pour un mandat de deux ans.
La seconde est le Sénat composé de 100 membres élus selon le même mode de
scrutin et pour un mandat de six ans. Mais le renouvellement du Sénat se fait par
tiers à l’occasion du renouvellement intégral de la chambre de Représentants, c’est-
à-dire tous les deux ans.
2) - Le pouvoir exécutif ou le Président :
Dans son Article II, la Constitution confie le pour exécutif au Président des Etats-
Unis, de même qu’elle définit son mode d’élection complexe. En effet, le Président
est élu pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois (depuis le
XXIIème Amendement en 1951). La procédure de sa désignation se déroule en
deux phases successives : au sein des partis puis devant les électeurs américains
dans l’ensemble.
a)- La désignation du candidat du parti à la présidentielle : elle comporte deux
étapes : d’abord au niveau local où dans les Etats, chaque parti procède à la

73
désignation du candidat à la présidence; ensuite au niveau national où le parti se
réunit en Convention nationale pour l’investiture définitive du candidat choisi.
- La désignation locale se fait de deux manières :
Soit par l’organisation d’élections primaires dans certains Etats (31 Etats pour le parti
Démocrate et 26 pour les Républicains).
Lors de ces primaires, les électeurs désignent d’une part les délégués à la
Convention nationale, d’autre part celui des leaders candidats qui a leurs
préférences. La première primaire se déroule en Février dans l’Etat du New
Hampshire et les suivantes se déroulent jusqu’en Juin.
Soit par la désignation purement interne au parti dans des Etats où les primaires
n’ont pas lieu. Dans ce cas le parti se réunit en « CAUCUS », c'est-à-dire une
assemblée des militants et responsables du Parti qui choisit son candidat à l’élection.
- La Convention nationale se réunit dans le courant de l’été (soit deux mois avant
l’élection présidentielle) pour d’abord élaborer le programme politique du Parti,
(appelé plate-forme) et désigner ensuite le candidat à la présidentielle ainsi que son
vice-président. Sera désigné comme candidat officiel du Parti, celui qui aura obtenu
la majorité absolue de voix des délégués des Etats.
b)- L’élection proprement dite du Président des U.S.A. :
Une fois désignés les candidats des partis, commence la phase constitutionnelle de
l’élection du Président. Elle a lieu le premier mardi du mois de Novembre de l’année
électorale.
L’élection permet aux électeurs américains de désigner les Grands électeurs dans le
cadre de chaque Etat au scrutin de liste majoritaire à un tour. Le nombre des Grands
électeurs est fixé dans chaque Etat en proportion du nombre total des Sénateurs et
des Représentants dont dispose chaque Etat fédéré.
Ainsi, l’Etat du Vermont dispose de 3 Grands électeurs correspondant à 2 Sénateurs
et 1 Représentant ; la Californie 50 Grands électeurs (c’est-à-dire 2+ 48 ) , le Texas
32 Grands électeurs (soit 2+30 ) etc..
Dans chaque Etat, la liste du parti qui obtient la majorité relative remporte tous les
Grands électeurs.
Le nombre total de Grands électeurs est de 538 (correspondant aux 435
Représentants, 100 Sénateurs et 3 délégués du District de Columbia qui n’a pas de
Représentants au Congrès. Le vote ayant lieu à la majorité absolue, il faut pour être

74
élu Président, obtenir au moins 270 Grands électeurs. Le vice-président est élu en
même temps que le Président dont il est d’ailleurs le colistier.
3) Le pouvoir judiciaire ou la Cour suprême :
Par pouvoir judiciaire, il faut entendre au sens de l’Article III de la Constitution, la
seule Cour suprême. Il dispose que « le pouvoir judiciaire des Etats-Unis est dévolu
à une Cour suprême et à de telles Cours inférieures dont le Congrès peut au fur et à
mesure des besoins, ordonner l’établissement ».
Ainsi, au niveau fédéral, la hiérarchie judiciaire établie par le Congrès comprend 94
Cours de Districts (au minimum une Cour par Etat fédéré), 11 Cours d’appel
fédérales et la Cour suprême qui est située au sommet de cette pyramide judiciaire
fédérale.
La Cour suprême comprend traditionnellement neuf (9) magistrats dont un fait office
de président et appelé Chief Justice.
Ils sont nommés à vie par le Président des Etats-Unis après approbation du Sénat.
Mais ils peuvent prendre leur retraite à l’âge de 70 ans s’ils le désirent. Les juges
sont choisis sur la base des critères professionnels après consultation de
l’association des barreaux.
§ 2 : Le fonctionnement des pouvoirs constitutionnels
Dans le système politique américain, chaque organe de pouvoir exerce ses
compétences dans toute leur plénitude.
Il convient de préciser comment fonctionne chacun des trois pouvoirs à travers leurs
attributions respectives.
1°) - Les attributions du Congrès :
Pour remplir sa mission le Congrès tient une session annuelle qui dure en principe
sept mois (de Janvier à Juillet). Le travail parlementaire est l’œuvre des commissions
permanentes et des multiples sous-commissions. A l’échelle des deux chambres, les
plus importantes concernent :
- A la chambre des Représentants, c’est la Commission des règles (Rules) ou
commission des lois.
- Au Sénat, il s’agit de la Commission de la défense, celle des affaires étrangères et
celle des nominations.
La chambre des Représentants est placée sous l’autorité du Speaker qui organise le
travail parlementaire. Le Sénat a pour Président de droit le vice-président des Etats-
Unis, mais il est placé sous l’autorité principale du leader de la majorité sénatoriale.

75
Les attributions du Congrès sont de deux catégories :
Le pouvoir législatif proprement dit et une fonction du contrôle de l’Exécutif,
auxquelles s’ajoutent diverses autres fonctions variées.
° Le Pouvoir législatif du Congrès consiste à élaborer les lois, mais il faut mettre à
part ses prérogatives budgétaires.
En matière de lois, le Congrès ne connaît aucune limitation dans l’exercice de ses
compétences. Le domaine de la loi étant illimité, toute matière juridique est
susceptible d’être légiférée. Ainsi, le Congrès bénéficie de la souveraineté législative
qui s’exprime par l’indépendance procédurale dans l’élaboration de la loi.
En matière budgétaire également, il n’existe aucune limitation à l’exercice des
prérogatives financières du Congrès. Le président des Etats-Unis qui n’a pas le
pouvoir d’initiative législative doit alors faire déposer les projets de lois que prépare
son administration par le truchement des parlementaires amis, ou bien les annexer à
son message annuel sur l’état de l’union.
° Le contrôle de l’Exécutif s’effectue au moyen de deux types de commissions :
Les Commissions permanentes spécialisées qui peuvent convoquer toute personne
qu’elles désirent entendre et l’interroger sur tous points relevant de leur compétence.
Les Commissions d’enquête souvent créées pour l’étude d’une question précise, leur
pouvoir d’investigation est très étendu.
Elles ont les objets les plus divers, allant de la criminalité, la mafia en passant par le
fonctionnement des services publics ainsi que les affaires militaires.
Le Congrès dispose en outre d’autres attributions telles que :
- L’exercice du pouvoir constituant dérivé, en matière d’initiative de révision
constitutionnelle à la majorité des 2/3.
- La justice politique par le biais de l’Impeachment à l’égard des hauts
responsables de l’Etat.
- Le pouvoir de déclarer la guerre : le Président des Etats-Unis a besoin de
l’accord du Congrès dans toute opération militaire s’étendant au delà de
soixante jours
2°) les attributions de l’Exécutif:
Bien qu’il n’existe pas un gouvernement à proprement parler aux Etats-Unis, on y
trouve néanmoins une organisation gouvernementale autour du Président, chef
unique de l’Exécutif américain.

76
Dans l’exercice de ses fonctions, il est assisté de collaborateurs de haut niveau qui
forme l’administration fédérale. C’est le Cabinet, constitué de Secrétaires qui sont
chargés de diriger les différents départements de l’administration fédérale. Il s’agit
du Département d’Etat, celui de la Justice (dirigé par l’Attorney General), de la
Défense et du Trésor, pour les plus importants. Leur mission est d’exécuter la
politique du Président chacun en ce qui le concerne et pour les tâches qui lui sont
confiées.
Le Président dispose des organes de travail et qui concernent :
- Le Bureau de la Maison blanche «WHITE HOUSE OFFICE» :
Il est composé de collaborateurs personnels privés et permanents du Président.
Qualifiés de «BRAIN TRUST» présidentiel, ils n’ont pas à diriger un département
ministériel mais leur influence demeure considérable sur le destin politique du
Président, dont ils préparent les multiples décisions.
Organismes rattachés au Président, les plus importants sont :
° Le NATIONAL SECURITY COUNCIL : il coordonne la politique intérieure,
étrangère et militaire en vue de la sécurité de l’union. Sa tâche est donc très vaste.
Plusieurs services importants lui sont rattachés tel celui de la CIA, principal service
de renseignements américain.
° Le COUNCIL OF ECONOMICS ADVISERS : il informe le Président sur l’évolution
de la situation économique dont il a mission de contrôler et de surveiller.
Ces divers organismes sont au service du Président qui peut suivre ou non leur avis.
Quant aux attributions proprement dites de l’Exécutif, elles sont au nombre de trois :
° Le pouvoir réglementaire : la Constitution impose au Président de veiller «à ce que
les lois soient fidèlement exécutées». A ce titre, il signe les executive orders, sortes
de Décrets d’application, publiés au «Federal register». Ce pouvoir réglementaire est
toutefois limité à l’exécution des lois, car la Constitution et la Cour suprême
interdisent la législation déléguée.
° La direction de l’administration : le Président détient (sous réserve de l’approbation
du Sénat) a le pouvoir de nomination des fonctionnaires fédéraux et de leur
révocation.
Chef de l’administration, le Président est chargé du maintien de l’ordre public. Ce
pouvoir réside dans le commandement de la garde fédérale (armée nationale) qui
l’autorise à décider d’intervenir sur le territoire des Etats membres, même sans leur
consentement et ce, en cas de crise.

77
° Les relations internationales : le Président dispose du droit de légation active et
passive. Cela veut dire qu’il nomme les envoyés diplomatiques à l’étranger et les
agents diplomatiques étrangers sont accrédités auprès de lui.
Aussi, le président définit librement les orientations de la politique étrangère des
Etats-Unis qu’il conduit personnellement dans des grandes rencontres
internationales.
Il négocie les traités et les executive agreements c'est-à-dire des accords dénués de
formalisme procédural pour leur entrée en vigueur.
A ces attributions, s’ajoute le rôle militaire du Président. Chef des armées, il nomme
les responsables de la défense, fixe ses orientations et son budget et décide des
opérations militaires.
3) Les attributions du pouvoir judiciaire:
L’organisation du pouvoir judiciaire est caractérisée par l’existence au niveau fédéral
de 94 Cours de districts chargées juger les affaires civiles, pénales et
administratives, auxquelles se superposent 11 Cours d’appel fédérales. Mais
l’essentiel du contentieux (soit 90%) est traité au niveau des Etats fédérés par leurs
juridictions. L’unité du système judiciaire est toutefois assurée par la Cour suprême
fédérale devant laquelle peuvent être portés tous les litiges provenant soit des
Tribunaux fédéraux soit de ceux des Etats fédérés.
La Cour suprême dispose d’une compétence générale : elle est une juridiction
d’appel mais aussi de cassation puisqu’elle juge en dernier ressort le fait et le droit.
Elle exerce enfin en dernier ressort le contrôle de constitutionalité des lois.
Cette compétence générale donne à la jurisprudence de la Cour suprême une
autorité considérable dans la mesure où elle embrasse tout le champ du droit.
§ 3 : Les rapports entre les pouvoirs :
Ils concernent d’une part les moyens d’action s du Président sur le Congrès et ceux
de cet organe sur le Président.
D’autre part, il s’agit des rapports du pouvoir judiciaire à l’égard des deux autres
pouvoirs.

a- ) Les moyens d’action du Président sur le Congrès :


Le Président dispose deux types de moyens d’action face au Congrès.
- D’abord le veto : il s’agit en fait d’un double veto :

78
Le premier est appelé veto explicite : lorsqu’une loi votée par le Congrès ne le
satisfait pas, le Président peut la renvoyer aux chambres, tout en expliquant dans un
message les raisons de son opposition. En ce cas, la loi doit être réexaminée pour
être adoptée à la majorité des 2/3 du Congrès, ce qui est un chiffre considérable.
Le second est le veto de poche, «Pocket veto» : il consiste pour le Président à ne
pas promulguer la loi jusqu’au moment où la session parlementaire s’achève ; le
Congrès devra alors reprendre la procédure au cours de la session suivante. Et le
Président n’est pas tenu de s’expliquer sur les raisons du pocket veto.
- Ensuite, le droit de message : c’est le message adressé au Congrès par le
Président ; appelé message sur l’état de l’union, il est une sorte d’exposé sur la
politique passée et future du Président. Pratiquement, c’est par ce message annuel
que le président exerce l’initiative législative sur laquelle la Constitution est muette. Il
est accompagné de véritables projets de lois.
b- ) Les moyens d’action du Congrès sur le Président :
Ils sont de plusieurs catégories :
- D’abord c’est au Congrès, à travers le Sénat qu’il appartient de ratifier les traités
négociés par le Président et d’approuver des nominations de fonctionnaires,
décidées par le Président.
Le Congrès peut également influencer la politique du Président en refusant ou en
modifiant les textes de lois souhaités par celui-ci.
- Ensuite, le Congrès exerce un contrôle actif sur le Président à travers notamment
des Commissions d’enquête. Celles-ci peuvent citer devant elles toutes personnes
dont elles estiment la comparution nécessaire, y compris les Secrétaires et les
agents de l’administration.
c) Les rapports du pouvoir judiciaire à l’égard des deux pouvoirs politiques :
Ces rapports s’organisent autour du contrôle de constitutionnalité effectué par la
Cour suprême. Il consiste en un examen de la régularité des actes législatifs et
exécutifs, c'est-à-dire leur compatibilité avec la Constitution fédérale.
Parce qu’une très forte possibilité d’action sur les pouvoirs constitutionnels est
ouverte à la Cour suprême et que ses décisions ont souvent un retentissement
politique réel, on a pu parler à son propos, de «Gouvernement de juges».

Section 2 : LE REGIME POLITIQUE BRITANNIQUE

79
L’Angleterre est la mère des Parlements. Ses institutions sont marquées par un
certain archaïsme mais également par une remarquable stabilité.
En effet, l’établissement du régime contemporain remonte au XIIIè siècle lorsqu’un
conflit opposa la Couronne (dépositaire d’un pouvoir absolu) à la Noblesse et au
Clergé, qui se solda par l’adoption de la Grande charte de 1215. Celle-ci posait
l’interdiction au Roi de lever l’impôt sans le consentement du Conseil commun du
Royaume qui réunit les représentants de cette Noblesse et ce Clergé. C’est dans ce
contexte qu’est né le Parlement qui, appelé à l’origine Grand Conseil (Magnum
Concilium) deviendra le «Parlement modèle» en 1295 et comprend deux chambres.
Dans l’une siègent les Lords c'est-à-dire les Prélats et les Barons ; dans l’autre les
Communes où siègent les représentants des comtés et des villes, en somme du
peuple entier.
Ce bicamérisme dure toujours même si la réalité du pouvoir politique parlementaire
réside dans la seule chambre des Communes.
Mais c’est au XVIIIème siècle que s’établit le régime parlementaire proprement dit,
lorsque fut constitué un Cabinet politiquement responsable devant les Communes.
Au départ, les ministres n’étaient que de simples membres du Conseil privé du Roi
sans existence collective et n’étaient responsables que devant le seul Monarque.
Ensuite, l’accession de la dynastie de Hanovre (avec Georges 1er) à la Couronne
britannique en 1715 renforce d’autant plus l’autonomie du Cabinet que le Monarque
ne participait pas régulièrement au Conseil. Le Cabinet acquiert alors une existence
autonome sous l’autorité du Premier ministre, et se détache du Conseil privé.
Le cadre institutionnel qui n’a pas été modifié depuis, se traduit par l’existence de
trois organes aux fonctions propres, tandis que le fonctionnement du
parlementarisme repose sur un système bipartisan.
Ces organes sont régis par une Constitution coutumière formée de grands textes
mais également d’un nombre important de règles coutumières.
§ 1 : Les organes du régime :
La structure des organes politiques repose sur la Couronne, un Parlement bicaméral
et le Gouvernement.
1°) La Couronne : L’Angleterre est une monarchie où la dévolution de la Couronne
se fait selon la règle de l’hérédité et suivant le degré de parenté avec le monarque
précédent.

80
Le Souverain est soumis à la règle fondamentale de la neutralité politique. Ses
prérogatives sont fort variées mais restent purement nominales, et ne peuvent être
exercées sans le contreseing du Premier ministre.
La Couronne n’exerce pratiquement plus aucun rôle politique direct même si elle jouit
encore d’un prestige immense auprès de ses «bons et loyaux sujets», et fait l’objet
d’un véritable culte de la part de la majorité des britanniques. C’est pourquoi on peut
assigner trois fonctions essentielles à la Couronne :
-Une fonction de stabilité politique : le Souverain assure la continuité des choix
politiques majeurs du Cabinet quel que soit le type de majorité dont il émane.
-Une fonction de symbole : la Couronne incarne l’âme même de la nation britannique
dont le patriotisme se mesure d’abord par l’attachement à la personne du Roi.
-Une fonction de recours : en cas de péril intérieur grave ou de menace extérieure
troublant la paix publique, c’est vers le Souverain que le peuple se tournerait comme
recours ultime. Il serait alors l’arbitre décidant sur la seule considération de l’intérêt
supérieur de la patrie en tant qu’il est le garant du salut du Royaume-Uni.
2°) Le Parlement :
L’expression anglaise de Parliament entendue dans son sens juridique traditionnel
désigne l’autorité que forment les deux chambres (celle des Lords et celle des
Communes).
a) La chambre des Lords : sa composition extrêmement variée ne doit rien à
l’élection. En effet, la chambre des Lords est formée d’environ un millier de Lords
temporels (993) désignés par la règle de l’hérédité ; de quelques Lords spirituels qui
sont des dignitaires ecclésiastiques au nombre de 26 et une centaine de Pairs
désignés à vie par le Souverain. La chambre des Lords est présidée par le Lord
Chancelor, Environ deux cents Lords participent effectivement aux séances de la
chambre. Elle n’a aucun pouvoir sur le Cabinet et ses prérogatives législatives ont
subi une diminution sensible depuis le PARLIAMENT ACT de 1911, un des rares
textes s anglais.
Toutefois, les Lords remplissent les fonctions judiciaires. Ils sont une Cour suprême
en matière civile et pénale ; par ce biais, ils sont juges de la légalité de l’action
gouvernementale et de l’Impeachment, permettant la mise en accusation des hauts
responsables de l’Etat.
b) La chambre des Communes :

81
C’est de la volonté de la chambre Communes que se nourrit au jour d’hui l’autorité du
Parlement anglais.
Elle est composée de 659 députés élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour
pour un mandat de cinq ans.
La chambre des Communes est organisée sous l’autorité d’un président appelé le
Speaker qui assure le bon déroulement des séances de travail parlementaire.
L’élément fondamental de son autorité concerne son absolue neutralité, c’est-à-dire
que sa nomination par le Souverain intervient sans considération des partis
politiques présents aux Communes. Il demeure en fonction pendant toute la durée de
la législature.
Le travail parlementaire des Communes est l’œuvre des Commissions siégeant au
cours d’une session qui dure six mois. Les plus importantes sont les Commissions
permanentes dont la particularité est qu’elles ne sont pas spécialisées. Il en résulte
que tout projet de Bill peut être envoyé pour examen à une Commission permanente
par le Speaker.
Les attributions des Communes sont importantes. En effet, la chambre a le pouvoir
de voter les lois (public bills) d’origine gouvernementale ou (private member’s
bills) émanant du Parlement. Le domaine de la loi est illimité, car toute matière
pouvant être légiférée.
La chambre dispose également des pouvoirs financiers, mais en la matière, elle ne
bénéficie d’aucun droit d’initiative. Ses prérogatives financières sont donc très
réduites si bien que le gouvernement applique son projet de budget sans l’accord
préalable des Communes.
Enfin, les Communes ont des pouvoirs de contrôle parlementaire de l’action du
gouvernement. Ce contrôle se réalise d’abord au niveau de la formation du
gouvernement qui est en fait l’émanation de la majorité parlementaire; mais il
s’exerce également à travers la responsabilité politique du Cabinet, matérialisée par
la procédure de la motion de censure.
3°) Le Gouvernement :
La structure du gouvernement britannique comprend le Premier ministre et le
Cabinet. Ce sont ces deux organes réunis qui forment le gouvernement.
a) Le Premier ministre : en vertu d’une règle coutumière, le Premier ministre est
nécessairement le leader du parti majoritaire aux Communes. Après les élections
générales il est nommé par la Reine, qui a l’obligation de désigner le leader du parti

82
vainqueur. Le premier ministre est l’interlocuteur privilégié du Souverain car il est
l’organe de liaison entre le Souverain et le gouvernement, entre le gouvernement et
les Communes, enfin entre celles-ci et le Souverain. Il apparaît comme le
personnage le plus important du Royaume. Il compose à sa guise le gouvernement
et peut le défaire à son gré; il est le seul à décider de l’ordre du jour des réunions
ministérielles.
b) Le Cabinet : c’est une formation restreinte mais particulièrement importante
(vingt-et-un membres dans le Cabinet nommé par TONY BLAIR en 1997) au sein
d’une équipe gouvernementale plus nombreuse. Celle-ci comprend des ministres
chargés d’un Département, des ministres sans portefeuille, des Secrétaires et des
sous-secrétaires d’Etat, etc. C’est le Premier ministre qui décide quels sont ceux
des ministres qui font partie du Cabinet. Mais son choix est dicté par la nécessite
d’assurer le respect des diverses tendances du parti et par la compétence des
candidats à la fonction ministérielle.
Le Premier ministre dirige les travaux de ce Cabinet dont il coordonne la prise des
positions politiques communes que chacun des ministres s’engage ensuite à
soutenir. Il est aidé dans son rôle de direction par un organe administratif, le
« Cabinet office » chargé de préparer, grâce à ses techniciens et spécialistes, les
décisions et d’en suivre l’exécution.
- Les attributions du Gouvernement : sous l’autorité du Premier ministre, le Cabinet,
organe directeur de l’Exécutif, exerce d’importants pouvoirs. Chargé de déterminer
et de conduire la politique de la nation, il dispose à cette fin, de l’administration
générale du Royaume qui est le principal instrument d’exécution de sa politique.
Le Gouvernement possède en outre d’importantes prérogatives législatives et
financières.
En matière législative, il dispose concurremment avec le Parlement de l’initiative des
lois. La plupart des lois résultent de textes d’origine gouvernementale;
En matière financière, sa suprématie est encore plus nette.
Le Gouvernement met en vigueur le budget sans attendre le résultat des
délibérations parlementaires. Le budget étant entièrement préparé par les services
ministériels.
Enfin, le Gouvernement dispose du pouvoir de dissolution qu’il peut exercer à
l’égard d’une majorité parlementaire hostile à sa politique.
§ 2 : Le parlementarisme anglais :

83
En Angleterre, le régime parlementaire repose sur une donnée politique
fondamentale qu’est le bipartisme. Celui-ci est à la fois le produit des circonstances
et de la législation électorale.
Historiquement, c’est au XVIIè siècle que, sous le nom de TORIES et de WHIGS
que se constituèrent au Parlement les premiers clans politiques qui se
transformèrent progressivement en partis politiques au sens moderne du terme.
Le Parti conservateur naît d’abord en 1867 en substitution au terme « Tory » qui
reste cependant en usage. De son coté, le Parti libéral moderne naît en 1874 avec
comme ancêtre le parti des « Whigs ».
Ces deux partis furent consolidés par le mode de scrutin majoritaire à un tour qui a
pour conséquence de réduire au minimum le nombre de compétiteurs et donc de
tendre à l’élimination du parti tiers.
De ce fait, deux grands blocs s’affrontent, entraînant l’élimination des autres partis.
En effet, le développement du syndicalisme entraîna la constitution d’une troisième
formation politique en 1893 à savoir le LABOUR PARTY ou Parti travailliste.
Devenu rapidement un puissant parti, il fut considéré comme un des deux pôles de
l’option politique pour les électeurs.
Sur le plan parlementaire, le principal résultat du bipartisme est d’introduire dans
l’Assemblée une majorité homogène.
Depuis plus d’un siècle le Royaume-Uni vit ainsi un système bipartisan, hormis de
brèves périodes de tripartisme qui ne remettent pas en cause le schéma
fondamental du «TWO PARTY SYSTEM».
Les deux partis britanniques ont des fondements idéologiques distincts.
- Concernant le Parti travailliste (Labour party) :
Le travaillisme est un humanitarisme social; c’est une idéologie qui fait notamment
référence à la fraternité, la solidarité sociale. Sur le plan économique, il admet la
légitimité de la concurrence entre entreprises publiques et privées.
- Concernant le Parti conservateur :
Son idéologie repose sur l’individualisme. Les axes de l’idéologie du parti
correspondent à l’exaltation des valeurs individuelles, la préférence pour le
capitalisme libéral qui est la garantie des droits et libertés individuelles; la valorisation
de la réussite personnelle et la limitation du rôle de l’Etat dans le jeu économique.

84
Les Conservateurs prônent le caractère inévitable de la hiérarchie sociale et du
système inégalitaire qui l’accompagne. Ils font référence au passé: l’Empire
britannique et surtout la grandeur du Royaume.
Enfin, la principale caractéristique du parlementarisme britannique est le libéralisme
de la mentalité politique. Cela veut dire que le parti majoritaire au pouvoir ne doit pas
exploiter les avantages de sa situation pour étouffer la voix de l’opposition et lui
retirer pour l’avenir, les moyens de se faire entendre.
C’est pourquoi l’opposition fait partie intégrante du système politique. Elle constitue
une sorte de Cabinet fantôme « SHADOW CABINET » dirigé par son leader. La
majorité n’a de respectabilité que dans la mesure où elle facilite l’expression de
l’opinion minoritaire.
L’opposition a droit au titre « d’opposition à Sa Majesté ». Son leader reçoit un
traitement public alloué par la Couronne; il assiste à toutes les cérémonies officielles
du royaume aux côtés du Premier ministre gouvernant.
Section III : LE REGIME POLITIQUE FRANÇAIS
Les institutions politiques françaises actuelles prennent naissance dans la période de
la «grande Révolution» de 1789 qui a mis officiellement un terme à la prédominance
de l’Ancien Régime d’absolutisme du pouvoir royal.
Mais si la Révolution marque une profonde rupture par rapport aux vieilles pratiques
du pouvoir, il faudra aux nouvelles institutions de la France post-révolution, une
longue période d’enracinement caractérisée par une instabilité sans précédent qui fut
l’occasion d’une succession de plusieurs régimes constitutionnels, avec autant de
phases de recul que celles d’avancée politique.
Sans vraiment retracer cette évolution des pratiques institutionnelles, la présente
étude mettra l’accent seulement sur l’actuel régime, celui de la Vè République,
considérée comme le véritable aboutissement du long processus d’implantation des
institutions républicaines.
La cinquième République a pour cadre principal l’actuelle Constitution du 4 octobre
1958, résultat d’une crise politique qui a entériné la fin de la quatrième République.
En effet au printemps de 1958, la IVème République, déjà en proie à une forte
instabilité politique devait faire face à la crise algérienne née d’un mouvement
insurrectionnel nationaliste dans ce pays.

85
Devant la radicalisation des partisans de l’Algérie française et qui voulaient perpétrer
un coup d’Etat en Métropole, le Président d’alors (Réné COTY ) fit appel au général
de GAULLE afin de former un nouveau gouvernement.
Le 1° juin 1958 de GAULLE est investi Président du Conseil (c’est-à-dire du
Gouvernement) par la Chambre des députés. Par une loi du 3 juin, les pleins
pouvoirs sont votés au gouvernement et notamment le pouvoir constituant dérivé par
dérogation à l’article 90 de la Constitution de 1946. Mais cette loi pose des
contraintes à ce dernier gouvernement de la IVème République que préside DE
GAULLE.
Les contraintes visaient à marquer une rupture avec le passé en établissement un
Etat plus fort et un pouvoir d’Etat plus fort fondé sur la tradition républicaine et
parlementaire.
Ainsi, le projet de révision constitutionnelle établi par le gouvernement devait
respecter cinq principes fondamentaux :
- Le principe démocratique, selon lequel le suffrage universel est la source du
pouvoir, et l’Exécutif de même que le Législatif en dérivent ;
- Le principe de la séparation des pouvoirs ;
- Le principe de responsabilité gouvernementale devant le Parlement ;
- Le principe d’indépendance de la justice, garante des libertés fondamentales ;
- Enfin, le principe d’association de la République avec les peuples d’Outre-mer.
A ces cinq principes de fond s’ajoute l’obligation de soumettre le projet à
l’approbation populaire par voie référendaire.
En fait de révision, c’est une nouvelle Constitution qui fut élaborée. L’avant projet
conçu au sein du gouvernement est l’œuvre d’un groupe de travail que présida
Michel DEBRE, ministre de la justice, et au sein duquel les représentants du général
de Gaulle ont exercé une influence prépondérante.
Le projet ainsi établi développa les orientations présentées par de Gaulle en Conseil
des ministres et dont le texte fut approuvé le 26 juillet.
Le 28 septembre, le référendum constitutionnel est marqué par la victoire du « oui »,
le texte étant promulgué le 4 octobre.
Le texte qui avait repris les idées constitutionnelles de de Gaulle, repose d’abord sur
la restauration de l’autorité de l’Etat après un siècle et demi de crise. Il s’agit d’un
Etat fort qui nécessite la diminution de l’emprise des partis politiques, jugés comme
des instruments de division.

86
En France, les partis sont en effet traditionnellement assez nombreux et jouent un
rôle important dans la formation des majorités parlementaires. Leur recensement doit
tenir compte à la fois de ceux représentés à l’Assemblée nationale et de ceux qui n’y
ont pas de sièges bien que pouvant se prévaloir d’une certaine importance.
Quatre grandes formations politiques relèvent de la première catégorie :
_ Le P.S. (Parti Socialiste): sa base partisane est composée de larges couches de
la population venant notamment de la fonction publique, des couches aisées et des
groupes intellectuellement influents.
_ Le P.C. (Parti Communiste): son électorat se recrute essentiellement dans la
classe ouvrière et les paysans. Il subit aujourd’hui un fort déclin lié au recul
sociologique de ces catégories sociales devant l’expansion du secteur tertiaire.
-L’U.D.F (Union pour la Démocratie Française) : c’est une confédération
rassemblant des éléments centristes, et souvent de traditions démocrate-chrétienne
et socialement avancés, attachés au libéralisme politique et économique. Ce parti
connaît désormais une nouvelle appellation depuis l’élection présidentielle de Mai
2007, à savoir le Mouvement Démocrate (MODEM).
- Le R.P.R.(Rassemblement pour la République) : c’est un mouvement héritier du
Gaullisme; il est partisan d’une politique libérale volontariste et sociale, qui recrute
dans toutes les classes sociales. Il devint l’Union pour la Majorité Présidentielle
(U.M.P),à l’occasion de scrutin présidentiel de Mai 2002.
Quant à la seconde catégorie, elle concerne certaines formations politiques telles
que :
- Le F.N. (Front National) : il se situe en marge de la droite libérale et parlementaire.
Sa principale base partisane est composée de couches sociales très conservatrices.
- Les Mouvements écologistes : très divers, ils sont souvent victimes de leurs
divisions chroniques et d’un électorat trop dispersé.
C’est à partir de ces données que s’analyse le jeu politique. Aucun parti
ne pouvant en principe obtenir à lui seul ni la présidence de la République ni la
majorité à l’Assemblée nationale, les alliances sont donc nécessaires. L’alliance de
Gauche rassemble le P.S, le P.C. et les Divers gauches. L’alliance de Droite
regroupe l’actuel U.M.P. et diverses autres petites formations.
Ainsi pour DE GAULLE, les partis doivent être condamnés du fait que leurs
programmes sont marqués par des idéologies composites et la démagogie. Les
majorités élues sur une entente électorale éclatent après les élections dès qu’elles

87
essaient de mettre en œuvre un programme de gouvernement. L’instabilité
ministérielle qui en résulte est antinomique des idées d’efficacité et de continuité de
l’Etat. D’où la nécessité de placer à sa tête un chef de l’Etat garant de sa continuité
et disposant de pouvoirs exceptionnels en cas de péril national (Article 16).
Le pouvoir d’Etat voulu par de GAULLE correspond donc aux fonctions de chef de
l’Etat telles qu’elles sont énoncées à l’article 5 : veiller au respect de la Constitution ;
assurer par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que
la continuité de l’Etat.
Quant au système parlementaire maintenu parallèlement au pouvoir d’Etat, il serait
caractérisé par un Parlement bicaméral. La seconde chambre(le Sénat) représentant
les intérêts locaux et socio-économiques, et un Gouvernement procédant du chef de
l’Etat qui, seul détient l’essentiel du pouvoir.
Le texte adopté de la Constitution représente donc un compromis entre de GAULLE
qui voulait un pouvoir exécutif fort et les Etats-majors des partis qui voulaient d’un
Gouvernement responsable devant le Parlement. D’où la création de deux têtes de
l’Exécutif : l’une soumise au Parlement (à savoir le Premier ministre) et l’autre non
(c’est-à-dire le Président de la République).
§ 1 : Les pouvoirs constitutionnels et leurs attributions :
Si la Constitution du 4 octobre 1958 institue les deux principaux pouvoirs politiques,
elle marque une très grande innovation en instituant le Conseil Constitutionnel qui
relève du pouvoir juridictionnel.
a) - Le pouvoir exécutif : désormais désigné sous le nom de Gouvernement, il
comprend le Président de la République et le Premier ministre chef du
Gouvernement. Il s’agit donc d’un Exécutif bicéphale.
1°)- Le Président de la République:
Le Président de la République est la clef de voûte des institutions de la Vème
République en raison notamment de ses nombreuses attributions. Il est élu au
suffrage universel direct (depuis la révision constitutionnelle, du 6 novembre 1962).
Est éligible tout citoyen français qui bénéficie du parrainage de 500 élus nationaux
ou locaux.
Depuis la Loi constitutionnelle du 2 octobre 2000, la durée du mandat du Président
de la République est de 5 ans renouvelables.
Le Président dispose des pouvoirs propres qui correspondent à des compétences
d’attribution et des pouvoirs partagés relevant de la catégorie de droit commun.

88
. Les pouvoirs propres : ce sont des pouvoirs dont l’ exercice ne requiert pas
le contreseing du Premier ministre ou de tout autre membre du gouvernement
. Ils résultent de l’articulation de l’article 5 qui lui confère le pouvoir d’interprétation
de la Constitution notamment celle de son propre pouvoir, sans l’intervention du
Conseil Constitutionnel et une série d‘autres articles . Il s’agit entre autres de;
-La nomination du Premier ministre (Article 8 al.1er );
-La consultation du pays par référendum pour tout projet de loi portant organisation
des pouvoirs publics (Article 11 );
-la dissolution de l’assemblée nationale (Article12) ;
-La prise en charge de tous les pouvoirs constitutionnels en cas de crise nationale
(Article16);
- Les pouvoirs partagés : ils sont exercés avec le Premier ministre et le
gouvernement et exigent de ce fait le contreseing du chef du gouvernement ainsi que
des ministres responsables de leur application. Il s’agit notamment de la
promulgation des lois, de la signature des Ordonnances et des Décrets délibérés en
Conseil des ministres, de la nomination aux emplois supérieurs liés notamment à la
défense et à la diplomatie.
2°)- Le Premier ministre: il est nommé par le Président de la République. En effet,
aux termes de l’article 8, « le Président de la République nomme le Premier ministre
». S’il appartient au chef de l’Etat de choisir le chef du gouvernement, il doit le faire
de sorte que celui-ci bénéficie de la confiance de la majorité parlementaire.
Les attributions du Premier ministre sont définies à l’article 21 de la Constitution.
C’est ainsi que celui-ci dirige l’action du Gouvernement. De ce fait, c’est sur sa
proposition que sont nommés et révoqués les ministres.
Le Premier ministre est également chef suprême de l’administration; il est
responsable de la Défense nationale. Il assure l’exécution des lois et exerce en
partage avec le chef de l’Etat le pouvoir réglementaire; il nomme aux emplois civils et
militaires.
- Les attributions du Gouvernement :
Le Gouvernement est dirigé par le Premier ministre et comprend les ministres d’Etat
normalement chargés d’un département et dont les fonctions confèrent un poids
politique plus important.
Viennent ensuite les ministres puis les ministres délégués qui sont rattachés soit au
Premier ministre soit à un ministre de plein exercice. Enfin, les secrétaires d’Etat qui

89
ne participent pas aux Conseils des ministres sauf pour les affaires qui les
concernent. Aux termes de l’article 20, « le Gouvernement détermine et conduit la
politique de la nation.
Il dispose de l’administration et de la force armée… ».
Le Gouvernement dispose des attributions tant sur le plan législatif que financier.
Ainsi, le gouvernement élabore la loi ordinaire (projet de loi) de même qu’il prépare
et exécute les Lois de Finances.
Organe collégial et solidaire, le Gouvernement est doté d’une existence propre qui se
traduit par la constitution du Conseil des ministres. Ceux-ci sont solidairement
responsables de la mise en œuvre de la politique générale du Gouvernement.
b)- Le Parlement :
La Constitution de la Vème République comme celle du régime précédent, a maintenu
le bicamérisme : une chambre élue au suffrage universel direct ayant plus de
pouvoirs que l’autre. Ainsi, le parlement comprend :
- L’Assemblée nationale : elle est composée de 577 députés élus au scrutin
uninominal majoritaire à deux tours, au suffrage universel direct pour un mandat de
cinq ans.
-Le Sénat : seconde chambre du parlement, le Sénat assure la représentation des
collectivités territoriales ainsi que des Français de l’étranger. Il est composé de 321
membres dont 21 pour les Territoires d’Outre- mer (TOM) et 12 pour les Français de
l’étranger.
Les Sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, exceptés ceux qui
représentent les Français de l’étranger. Le collège électoral est composé des
Conseillers régionaux, Conseillers généraux et des délégués des Conseils
municipaux. Leur mandat est de 9 ans renouvelable par tiers tous les trois ans.
° Les attributions du Parlement : la Constitution confère au parlement des attributions
législatives, financières et de contrôle.
Sur le plan législatif, les attributions correspondent non seulement au pouvoir de
voter la loi mais aussi celui d’autoriser la ratification des engagements internationaux.
Les attributions financières : si de manière générale le Gouvernement dispose de
l’initiative budgétaire, ses projets de loi de Finances doivent être soumis en premier
lieu à l’Assemblée nationale dont la discussion intervient au début de la session
ordinaire (d’octobre à juin).

90
Les attributions de contrôle s’entendent principalement de la mise en cause de la
responsabilité politique du Gouvernement par l’Assemblée nationale.
c)- Le pouvoir juridictionnel Si la Constitution reconnaît une autorité judiciaire
considérée comme gardienne de la liberté individuelle, il convient de souligner
l’émergence du Conseil constitutionnel qui s’est affirmé comme une véritable
juridiction constitutionnelle. Cette tendance permet d’intégrer le système français
dans les régimes d’Etat de droit où l’ensemble des acteurs sociaux et politiques sont
soumis à l’autorité supérieure des règles de droit sanctionnées par la garantie
juridictionnelle.
Le Conseil Constitutionnel: il est composé de membres nommés et des membres
de droit.
Les premiers, au nombre de neuf, sont désignés pour un mandat de neuf ans et sont
renouvelés par tiers tous les trois ans. Le Président de la République en désigne
trois, et chacun des Présidents des deux chambres du Parlement en désigne autant.
Les seconds c'est-à-dire les membres de droit, sont des anciens Présidents de la
République qui sont membres à vie du Conseil.
Le conseil est compétent en matière référendaire; il est juge électoral et juge de la
constitutionnalité des lois. Cependant, il ne peut être saisi que par le Président de la
République, celui de l’Assemblée nationale, celui du Sénat ainsi que le Premier
ministre et soixante députés ou Sénateurs. Il exerce le contrôle de constitutionnalité
a priori c’est-à-dire avant la promulgation des lois.
Lorsqu’il est saisi, le Conseil peut déclarer une disposition non-conforme à la
Constitution laquelle disposition sera censurée.
Si l’intégralité de la loi est censurée, celle-ci ne peut être promulguée. Il peut
également exercer le même contrôle sur une loi en vigueur.
§ 2 : Les rapports entre pouvoirs :
Ces rapports concernent principalement ceux du Gouvernement avec le Parlement. Il
s’agit normalement des rapports de collaboration à l’occasion de l’élaboration de la
loi. Mais ce sont aussi des rapports de tension pouvant aboutir à la mise en cause de
la responsabilité politique du Gouvernement devant l’Assemblée nationale.
Pour l’élaboration de la loi, une collaboration constante des organes législatifs
(Assemblée nationale et Sénat) et des organes exécutifs (Premier ministre et
Président de la République qui intervient pour sa promulgation) est nécessaire.

91
Conformément à l’article 39, l’initiative des lois appartient concurremment au Premier
ministre et aux membres du Parlement.
Du côté de l’Exécutif, le Premier ministre a l’obligation de déposer les projets de lois,
après avis conforme du Conseil d’Etat, sur le bureau de l’une ou de l’autre des
Assemblées.
Concernant la responsabilité politique du Gouvernement devant l’Assemblée
nationale, elle peut être engagée à l’initiative du Premier ministre sur son programme
de gouvernement. Elle peut l’être également à l’initiative du Parlement par le vote
d’une motion de censure.
De son côté, le Président de la République peut, à l’égard de l’Assemblée nationale,
utiliser l’arme de la dissolution.
Le Président ne peut exercer la prépondérance qui lui est reconnue que s’il bénéficie
du soutien de la majorité parlementaire. Ainsi, face au risque de blocage des
institutions résultant notamment d’un désaccord entre le Président et la majorité, la
dissolution apparaît comme la principale issue constitutionnelle. Elle permet de
donner la parole au peuple qui se prononce par voie électorale.
Enfin, le Conseil Constitutionnel entretient des rapports avec les deux autres
pouvoirs. En appréciant la conformité de la loi qui lui est déférée, par rapport à la
Constitution, le Conseil contrôle à la fois le législateur qui a voté la loi et le
Gouvernement qui l’a préparée.
Section 4 : LE REGIME POLITIQUE GUINEEN
Il était vraiment malaisé d’aborder l’étude des institutions politiques de la République
de Guinée, depuis l’avènement en date du 23 décembre 2008 du Conseil National
pour la Démocratie et le Développement (CNDD), l’instance dirigeante qui incarnait
le pouvoir politique chez nous. Cet organe du pouvoir exécutif que conduisait un
jeune officier de l’armée guinéenne en l’occurrence le Capitaine Moussa Dadis
CAMARA, a fait irruption sur la scène politique au lendemain de la disparition du feu
Président Général Lansana CONTE qui aura présidé aux destinées de la nation
guinéenne durant vingt quatre ans, soit du 03 Avril 1984 au 22 décembre 2008.
Le malaise provenait de ce qu’en cinquante ans de souveraineté, la République de
Guinée n’avait globalement enregistré que deux chefs d’Etat et une expérience
politique qui ne permet pas de ranger notre système politique ni dans le modèle
parlementaire ni dans le schéma présidentiel, deux régimes politiques que nous
avons examinés précédemment. Ce malaise nous paraissait d’autant plus profond

92
que tout le tout premier acte politique pris par les nouvelles autorités du pays fut la
suspension de la Constitution et la dissolution du Gouvernement (cf. Communiqué
N° 001/CNDD/2008 du 23 décembre 2008 portant prise effective du pouvoir par
l’armée). Toutes les institutions étant dissoutes, il s’agissait donc en clair d’une
situation qui correspondait à une nouvelle période d’exception réputée transitoire
vers de nouvelles institutions plus démocratiques ?
En droit, les périodes d’exception présentent la particularité de mettre en place des
institutions politiques qui fonctionnent en dehors de toute normalité constitutionnelle.
Cela veut dire que si l’on prend soin de créer les organes de pouvoir, leur
fonctionnement pose le difficile problème de leur légitimité normative. Comment
étudier en effet le fonctionnement des organes de pouvoir en dehors du Statut
juridique fondamental, source de la légalité dans un Etat ? Sans la Constitution, acte
régulateur de l’exercice des activités politiques de l’Etat, peut-on véritablement
comprendre les attributions et les rapports des organes de pouvoir qui décident au
nom de l’Etat ?
En attendant la fin de ladite période d’exception qui permettra de répondre
notamment à cette question à la faveur de la restauration de l’ordre constitutionnel,
l’étude de notre régime politique consistera à faire un aperçu de l’évolution des
institutions politiques allant de l’indépendance en 1958 au 22 décembre 2008, à
travers les divers textes constitutionnels qui ont été adoptés. Cependant, notre étude
tiendra également compte de cette nouvelle donne politique qu’est cette seconde
période d’exception qui fera ainsi l’objet d’une analyse, même succincte.
1)- Aperçu de l’évolution historique des institutions politiques de la Guinée
Il s’agit ici de passer en revue le processus évolutif de l’implantation des institutions
politiques allant de la période de l’indépendance en 1958 à l’avènement de la
seconde période d’exception le 24 décembre 2008.
I : LA CONSTITUTION DU 10 NOVEMBRE 1958
C’est la première Constitution de la Guinée indépendante, initiée par le premier
Président Sékou TOURE. Ce texte avait institué un régime politique de type
«Présidentiel» au sein duquel le Président de la République, chef de l’Etat, exerce le
pouvoir du gouvernement ainsi que le droit d’initiative législative, concurremment
avec le Parlement. Il est assisté dans sa mission d’un Cabinet sans Premier ministre.
Les ministres ne sont responsables que devant le Président. Quant à l’Assemblée
nationale qui tient lieu de Parlement, elle vote la loi dont le domaine est illimité.

93
Exécutif et législatif sont indépendants l’un de l’autre. Si l’article 24 rend le Président
de la République responsable de la politique générale de son Cabinet devant
l’Assemblée nationale, aucune disposition constitutionnelle ne prévoit en revanche la
procédure de la motion de censure pas plus que ce texte ne prévoit celle de la
dissolution.
L’ensemble de ces mécanismes constitutionnels prouve le caractère quelque peu
étrange du système présidentiel qui avait été institué. L’autorité judiciaire avait été
également prévue, le Président de la République étant le garant de son
indépendance. Mais le contexte politique ultérieur, marqué par la dictature du parti
unique, lorsque le PDG-RDA dévient le Parti- Etat, le Président parvient à faire de
son humeur la seule règle de gouvernement où la force l’emporte. Il en est résulté
une mise à l’écart de la Constitution jusqu’en 1982.
II : LA CONSTITUTION DU 14 MAI 1982.
La première Constitution étant tombée en désuétude, Sékou Touré décide d’adopter
un nouveau texte plus conforme à la pratique dictatoriale et à l’idéologie en vigueur.
Concrètement, ce texte apparaît comme le statut du parti unique dont le Préambule
vante d’ailleurs les mérites, faisant de la Guinée une République Populaire et
Révolutionnaire. Si le texte institue un Parlement national, un Exécutif et une autorité
judiciaire, on remarque une superposition de la structure organique du parti à celle
de l’Etat.
Au sein de ces institutions, les prérogatives du Président sont exorbitantes. Il est
Président de toutes les instances de décision. Si la Constitution prévoit un poste de
Premier ministre, (article 57), elle ne définit nulle part le rôle de celui-ci. Cette
Constitution marque en quelque sorte la radicalisation de la dictature du parti unique,
débouchant sur une restriction sans précédent de l’exercice des droits
fondamentaux. Cependant, ce texte n’a eu qu’une courte durée de vie. En effet, le 3
Avril 1984, suite à la disparition du premier Président de la Guinée, l’armée nationale
s’empare du pouvoir à l’aide d’un coup d’Etat, et dissout toutes les institutions
existantes, ouvrant une première période d’exception plus ou moins longue.
III : LA PREMIERE PERIODE D’EXCEPTION : 1984- 1990
A la mort de Sékou TOURE le 26 mars 1984, la succession telle que prévue par les
dispositions constitutionnelles (article 51) concernant la suppléance du
Gouvernement révolutionnaire pendant un délai maximum de 45 jours, ne fut pas
observée.

94
Profitant du mouvement de contestation au sein dudit Gouvernement, le Comité
Militaire de Redressement National (CMRN) conduit par le Colonel Lansana CONTE,
s’empare du pouvoir le 3 Avril 1984. De cette date jusqu’au 23 décembre 1990 la vie
politique de la Guinée fut marquée par une période d’exception caractérisée par
l’absence d’une Constitution et la confusion des pouvoirs : le Président décidant
alors par voie «d’Ordonnances». Si dès la prise du pouvoir l’armée avait promis la
démocratie, celle-ci tardait à se concrétiser. Il a fallu l’événement majeur que fut le
discours de la BAULE (juin 1990) prononcé par le Président François MITTERAND
lors du sommet France- Afrique, au cours duquel le chef de l’Etat français décida de
conditionner désormais son effort d’aide économique à la tenue en Afrique
d’élections libres et l’instauration du multipartisme. Peu avant, le Général Président
CONTE qui avait annoncé en octobre 1989 l’élaboration d’une Constitution dans les
meilleurs délais, en confia effectivement la tâche à une Commission constituée au
sein de l’élite de l’armée nationale. Le texte rédigé fut approuvé par référendum en
date du 23 décembre 1990.
IV : LA CONSTITUTION DU 23 DECEMBRE 1990
C’est la dernière Constitution mais qui a été révisée le 11 novembre 2001, jusqu’au
moment de sa suspension le 23 décembre 2008. Ce texte qui reconnaît la séparation
des pouvoirs, a institué comme les textes précédents les pouvoirs exécutif, législatif
et judiciaire. Dans cette structure des pouvoirs, les prérogatives du Président de la
République demeurent considérables ; et s’il n’existe pas de Premier ministre, en
pratique, le chef de l’Etat en a désigné à plusieurs reprises. Si pour ces nominations,
le Président a usé des prérogatives que lui confèrent la Constitution en son article 39
c'est-à-dire le pouvoir de nommer les ministres et de fixer par décret leurs
attributions, il faut souligner que le Premier ministre issu des tragiques événements
de janvier-février 2007, en l’occurrence M. Lansana KOUYATE, est le produit d’une
volonté populaire. Proposé par l’inter centrale syndicale CNTG/ USTG à l’occasion
du vaste mouvement de grève générale illimitée des mois de janvier et Février, ce
Premier ministre disposait d’une légitimité que n’avait pu avoir ses prédécesseurs.
Ainsi, sa nomination a eu valeur de précédent dans l’histoire du système politique
guinéen, en ce sens qu’il avait été certes choisi par le Président de la République,
mais surtout soutenu par le peuple, eu égard aux circonstances de sa nomination.
Désigné par Décret du Président de la République en date du 26 Février 2007,
ce Premier ministre dit de consensus fut discrétionnairement destitué par le

95
Président de la République à la suite d’un Décret du 20 mai 2008 nommant Dr
Ahmed Tidiane SOUARE en lieu et place du Premier ministre de consensus.
C’est ce dernier désigné qui resta en fonction jusqu’au moment de l’avènement du
C.N.D.D. le 23 Décembre 2008. Enfin, une donnée politique fondamentale qui
caractérise le système politique actuel de la Guinée, est le pluralisme politique et
idéologique se traduisant par le multipartisme intégral. Celui-ci a été consacré par la
Loi Organique N° 91/03/ CTR N du 23 Décembre 1990 portant modification du
nombre de partis susceptibles d’être créés. Ainsi, on dénombre actuellement plus
d’une cinquantaine de partis politiques. Les plus importants concernent le P.U.P. l’ex
parti présidentiel et longtemps majoritaire à l’Assemblée Nationale; le R.P.G. ; le
P.P.G.; l U.P.R. ; l’ U.F.R. ;l’ U.F.D.G. ; l’ U.P.G. etc. Ce groupe de partis ayant de
leur coté formé un bloc de l’opposition.
La Constitution de 199O apparaît comme un texte résolument libéral du fait surtout
qu’elle avait consacré les trois pouvoirs : Législatif, Exécutif et Judiciaire, Toutefois
leur fonctionnement révélait la prépondérance du chef de l’Etat c’est-à-dire de
l’Exécutif.
a) L’Exécutif : dans la lettre de la Constitution le pouvoir exécutif est
monocéphale. Mais la nomination du Premier ministre de consensus par le
Président de la République a contraint celui-ci à un partage de compétences avec
celui-là, désormais chef du Gouvernement aux attributions clairement définies. Si le
Président de la République se prévaut d’une légitimité démocratique garantie par la
Constitution, le Premier ministre quant à lui se prévalait d’une légitimité populaire en
raison des circonstances qui ont précédé sa désignation.
b) Le Législatif : c’était l’organe parlementaire composé de 114 députés jusqu’à sa
dissolution par le C.N.D.D.. Les deux tiers (2/3) d’entre eux soit 76 députés, étaient
élus au scrutin de liste nationale à la représentations proportionnelle. Le tiers (1/3)
restant, soit 38 députés, étant élu au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Les
attributions de l’Assemblée nationale correspondent au vote de la loi ordinaire et du
budget de l’Etat. Le domaine de la loi étant défini par l’article 59 de Loi
Fondamentale, il concerne les matières aussi diverses que le régime des libertés et
des droits fondamentaux, le droit civil, pénal, les matières fiscales, les secteurs
économique et social, etc... Pour exercer ses fonctions, l’Assemblée nationale tient
chaque année deux sessions ordinaires. La première s’ouvrait le 5 Avril pour une
durée qui ne pouvait excéder les trente jours. La seconde s’ouvrait le 5 octobre,

96
début de l’année budgétaire. Sa durée ne pouvait excéder soixante jours au cours
desquels l’Assemblée nationale examine la Loi de finances de l’année.
c) Le Judiciaire : aux termes de l’article 80 de la Loi Fondamentale, « le pouvoir
judiciaire est exercé exclusivement par les Cours et tribunaux ».
La structure actuelle de la justice guinéenne est caractérisée par l’existence d’une
part des juridictions de droit commun et d’autre part des juridictions d’exception.
L’étude des juridictions concerne la matière des institutions judiciaires. Par
conséquent, seul le cas de la Cour suprême, à travers sa Chambre administrative et
constitutionnelle peut nous intéresser ici. En effet, la Cour suprême de la République
est l’organe consultatif et juridictionnel le plus élevé de l’ordre judiciaire et
administratif. Elle est compétente en matière de contentieux constitutionnel
(régularité des élections, du referendum …). Elle statue sur la constitutionnalité des
lois et des engagements internationaux.
Enfin, concernant les rapports entre les pouvoirs, le fonctionnement des institutions
guinéennes révèle des mécanismes de collaboration juridique entre les pouvoirs, qui
rapprochent notre régime du modèle parlementaire. En effet, il existe des moyens
d’action réciproque entre l’Exécutif et le Législatif, bien qu’il s’agisse de rapports
nettement déséquilibrés au détriment du Législatif, ce qui est une caractéristique
essentielle des régimes présidentialistes.
La Loi Fondamentale étant suspendue ainsi que des institutions républicaines
établies par elles, nous ne pouvions envisager ici l’étude des rapports entre les
organes de pouvoir.
V : LA SECONDE PERIODE D’EXCEPTION :
A la disparition le 22 décembre 2008 du Général président Lansana CONTE, le
schéma d’une transition constitutionnelle, tel qu’il résultait de l’article 34 n’a jamais
fonctionné. En effet, par un Communiqué, celui du N° 001 /CNDD/2008 du 23
décembre 2008, portant prise effective du pouvoir par le Conseil National pour la
Démocratie et le Développement, suspension de la Constitution et dissolution du
gouvernement, l’armée nationale s’empare du pouvoir et annonce l’ouverture d’une
période de transition devant déboucher sur l’instauration des institutions politiques de
caractère plus démocratique.
Dans cette nouvelle situation exceptionnelle, l’analyse juridique du fonctionnement
des institutions était doublement difficile du fait que la Loi Fondamentale, instrument
de distribution des compétences au sein de l’Etat était inopérante. En outre,

97
l’Assemblée nationale étant dissoute tandis que la Cour suprême ne pouvant exercer
ses attributions constitutionnelles, le Conseil National pour la Démocratie et le
Développement, principal organe de la transition politique à l’époque, restait donc le
titulaire unique du pouvoir. Autrement dit, à l’Exécutif de structure bicéphale, ne
faisait aucun contrepoids réel en matière législative et juridictionnelle. Au sein même
de cet Exécutif, si l’Ordonnance N° 007/ PRG/ CNDD du 29 décembre 2008
reconnaît une série d’attributions précises au Premier ministre M. Kabinè KOMARA,
chef du Gouvernement, il n’existait malheureusement pas encore un texte définissant
celles du chef de l’Etat et Président du C.N.D.D.
Au demeurant, comme cette période de transition était censée déboucher sur la mise
en place des institutions plus démocratiques, il était souhaitable que les acteurs de
cette transition s’attellent d’abord à ce qui paraissait le plus urgent de tout : doter la
Guinée d’une nouvelle Loi Fondamentale c'est-à-dire d’une boussole juridique
pouvant orienter le système politique Guinéen.
VI- LA TROISIEME REPUBLIQUE
Instaurée à la faveur de la «nouvelle transition», la troisième République a consacré
la restauration de l’ordre constitutionnel normal. L’étude juridique du système
politique mis en place doit ainsi prendre en compte d’abord les éléments clés de
ladite «Nouvelle transition», avant de mettre l’accent sur les pouvoirs
constitutionnels résultant de la nouvelle Constitution ainsi que de leurs attributions.
1) les actes politiques et dates clés de la «nouvelle transition» :
Après la tentative d’assassinat perpétrée le 3 Décembre 2009 contre la personne du
chef de l’Etat, le Capitaine Moussa Dadis CAMARA, Président du CNDD, suivi de
son évacuation sanitaire au Royaume du Maroc, une ère d’incertitude s’ouvre en
Guinée, quant à l’issue sereine de la 1ère transition. Et c’est dans ce nouveau
contexte difficile (le chef de la junte militaire éloigné désormais), qu’une réunion du 6
Janvier 2010 initiée par le CNDD désigna le Ministre de la défense nationale, le
Général Sékouba Konaté, 2ème Vice président du CNDD, comme Président de la
République par intérim. Le but d’une telle initiative étant d’éviter que le pays ne
sombre définitivement dans le chaos et l’anarchie. Pour éviter un isolement
diplomatique prolongé de la junte militaire et sortir le pays de l’impasse politique en
favorisant le retour à l’ordre constitutionnel, la CEDEAO réagit vite en mandatant le
Président du Burkina Faso son Excellence Blaise COMPAORE comme médiateur
dans la crise en Guinée.

98
Car de crise, il en était bien question. En effet, depuis les événements tragiques du
28 Septembre 2009 qui se sont soldés par la sanglante répression armée des
manifestants pacifiques, réunis au stade national du 28 Septembre à l’appel des
principaux leaders du «forum des forces vives de Guinée» pour protester contre la
probable candidature présidentielle du chef de la junte le Capitaine Moussa Dadis
Camara, le dialogue politique était définitivement rompu entre les deux camps.
Prenant la situation en main, le médiateur mena d’intenses consultations les 13 et 14
janvier à Ouagadougou entre le chef de la junte alors en convalescence sur place et
le Président de la République par intérim. De ces consultations a résulté la signature
le 15 Janvier 2010 de la déclaration conjointe de Ouagadougou.
Accord tripartite signé par le Capitaine Moussa Dadis CAMARA, le Général Sékouba
Konaté et le médiateur son Excellence Blaise COMPAORE, il constitue donc la
véritable base juridique de la «nouvelle transition» politique en Guinée. Par cet
accord, les signataires se sont engagés à prendre une série de mesures politiques
dont entre autres :
 La création d’un Conseil National de Transition, organe politique délibérant
réunissant toutes les composantes de la société guinéenne ;
 La nomination d’un premier ministre, Chef du Gouvernement, issu du forum
des forces vives de Guinée ;
 La formation d’un Gouvernement d’union nationale de transition ;
 L’organisation, dans un délai de six mois de l’élection présidentielle à laquelle
ne peuvent participer les membres du CNT, le Chef de l’Etat de transition ,les
membres du CNDD , le premier ministre , les membres du gouvernement et
les membres des forces de défense et de sécurité en activité.
Aux termes de cet accord historique , le chef de la junte le capitaine Moussa
Dadis CAMARA avait donc renoncé à toute option pour une candidature
présidentielle . « La question de ma non candidature étant définitivement réglée »
avait - il déclaré , le Général Sékouba KONATE se posa alors en unique Chef de
la « nouvelle transition » politique qui pouvait désormais être relancée .
Ainsi se justifient les tout premiers actes politiques posés par ce nouveau chef
de l’Etat.
Il s’agit d’une part du Décret numéro D / 001/ PRG / CNDD / SGG/ 2010 du 19
janvier 2010 portant nomination du Premier Ministre Chef du Gouvernement
d’Union Nationale de Transition. Le choix s’étant porté sur la personne de

99
l’honorable Jean Marie DORE alors porte- parole du « Forum des Forces Vives de
Guinée». D’autre part de l’Ordonnance n° 001/ PRG /CNDD / SGG / 2010 du 09
Février 2010, portant création du Conseil National de la Transition, une autre
institution politique transitoire que dirigera Mme Hadja Rabiatou Serah DIALLO,
une figure de proue du mouvement syndical guinéen.
Conformément à la lettre de mission datant du 18 Février 2010, le CNT a été érigé
en assemblée législative mais investi aussi du pouvoir constituant dérivé, du fait qu’il
a eu pour charge de procéder à la révision des textes législatifs et constitutionnels.
S’étant mis au travail aussitôt, cet organe de la transition, réussit donc à doter la
Guinée d’un nouveau texte constitutionnel approuvé le 19 Avril 2010 à la majorité
des ¾ de ses 159 membres, tandis qu’une Ordonnance du Chef de l’Etat de la
transition datant du 07 mai 2010 l’a entériné en le promulguant, ce qui a donc permis
son entrée en vigueur. De ce fait, l’élection présidentielle, étape ultime de la
« nouvelle transition politique » pouvait désormais avoir lieu, en vertu des
dispositions pertinentes de la nouvelle Constitution. Programmé dans l’esprit du
chronogramme établi en fonction de l’accord d’Ouagadougou, le premier tour de
cette élection présidentielle eut lieu le 27 juin 2010. Ce scrutin, premier du genre
dans l’histoire électorale de notre pays, par son caractère libre, démocratique et
transparent, à vu s’affronter pas moins de vingt quatre candidats au total. Selon
l’article 32 de la nouvelle Constitution, « est élu le candidat qui a obtenu la majorité
absolue des suffrages exprimés. Dans le cas où, à l’issue du premier tour, aucun
candidat n’a atteint cette majorité, il est procédé à un deuxième tour … ». Vu le
nombre élevé de candidats lors de ce premier tour, c’est donc sans surprise
qu’aucun d’entre eux n’a pu atteindre la majorité absolue exigée. En effet, les
résultats provisoires rendus publics par la Commission Electorale Nationale
Indépendante ( CENI ) le 02 Juillet 2010 donnent les chiffres de 39,72% de
suffrages exprimés pour ElHadji Cellou Dallein DIALLO candidat du parti de L’UFDG
et 20,69% de suffrages exprimés en faveur du professeur Alpha CONDE, candidat
du RPG ,soit respectivement premier et second sur la liste des vingt quatre
candidats. Ces deux candidats furent confirmés par la cour suprême dans un arrêt
rendu le 22 Juillet 2010 où Elhadj Cellou Dalein DIALLO obtint 43,69% de suffrages
exprimés tandis que le Professeur Alpha Condé obtenait 18,25% de suffrages ce,
après que cette juridiction eut annulé quatre circonscriptions électorales pour défaut
de transmission par la C.E.N.I des procès verbaux correspondants.

100
En tout état de cause, le second tour qui eut lieu le Dimanche 7 Novembre 2010 a
opposé le professeur Alpha Condé du R.P.G soutenu par l’Alliance Arc-en-ciel au
candidat de l’U.F.D.G soutenu par l’Alliance Cellou Dalein Président. Et c’est le
premier qui l’emportera avec un score de 52,25% de suffrages exprimés contre
47,48% pour son adversaire Elhadj Cellou Dalein DIALLO. Ce résultat définitif qui
referme la parenthèse de l’Etat d’exception institué à partir du 23 Décembre 2008 fait
ainsi du nouveau président élu, le cinquième chef de l’Etat guinéen. En outre, une
donnée politique fondamentale qui caractérise le système politique actuel de la
Guinée est le pluralisme politique et idéologique se traduisant par le multipartisme
intégral. Celui- ci a été consacré par la loi organique L n° 91/03/CTRN (précitée) du
23 Décembre 1991 portant modification du nombre de partis susceptibles d’être
crées. Ainsi on dénombre actuellement plus d’une centaine de partis politiques. Les
plus importants concernent : les partis coalisés au tour de l’alliance Arc-en-ciel à
savoir le RPG, le PEDN, le RDR, le RDIG, le GPT, le PLUS, le FUDEC, l’UDG, le
PR, l’UPR, etc. Les partis coalisés autour de l’alliance Cellou Dalein président et
comprennent l’UFDG, l’UFR, la NGR, le PUP, le PNR, etc.
2) Les Pouvoirs Constitutionnels et leurs attributions
La lecture de la nouvelle Constitution permet de comprendre que la nature juridique
du régime politique mis en place correspond véritablement à un présidentialisme
atténué. En effet, le constituant ayant crée un Exécutif bicéphale au sein duquel le
poste de Premier Ministre a été désormais constitutionnalisé et dispose des
attributions précises. Mais il s’agit tout de même d’attributions très limitées qui
reprennent pour l’essentiel celles qui étaient dévolues au Premier Ministre de
consensus désigné par décret du 26 Février 2007 à la suite des événements
tragiques de janvier et février de la même année. Il convient donc d’examiner ces
différents pouvoirs et leurs attributions.
a) Le pouvoir Exécutif :
Il est désormais bicéphale du fait qu’il s’agit d’un pouvoir exercé conjointement par
deux chefs. Toutefois, dans ce système de dyarchie, les deux têtes de l’Exécutif ne
disposent pas du tout des mêmes attributions.
a-1 Le Président de la République :
Selon l’article 27 de la nouvelle Constitution, le Président de la République est élu au
suffrage universel direct.
La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une seule fois.

101
En tant que premier responsable de l’Exécutif, le Président de la République est
investi d’importantes prérogatives.
«Le Président de la République est le Chef de l’Etat, il préside le Conseil des
Ministres. Il veille au respect de la Constitution, des engagements internationaux, des
lois et décisions de justice. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
et la continuité de l’Etat. Il détermine et contrôle la conduite de la politique de la
nation ….» (Article 45).
Selon l’article 46 «Le Président de la République dispose du pouvoir réglementaire
qu’il exerce par décret. Il fixe par décret les attributions de chaque ministre. Il peut
déléguer une partie de ses pouvoirs au premier Ministre…».
En outre «Le Président de la République est garant de l’indépendance nationale, de
l’intégrité du territoire et de la cohésion nationale. Il est responsable de la défense
nationale. Il préside le Conseil Supérieur de la défense nationale. Il est chef des
armées, il nomme à tous les emplois militaires…» (Article 47)
«Le Président de la République exerce le droit de grâce.»(Article 49)
Enfin, «Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de
l’Assemblée Nationale, soumettre à referendum tout projet de loi portant sur
l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection des libertés et
des droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à
autoriser la ratification d’un traité … » (Article 51). En somme, le Président de la
République est, investi de l’essentiel des prérogatives régaliennes.
a.2 Le Premier Ministre :
Le Premier Ministre constitue désormais l’autre tête de l’Exécutif bicéphale. Selon
l’article 52 de la nouvelle Constitution, «Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
est nommé par le Président de la République qui peut le révoquer. Il est chargé de
diriger, de contrôler, de coordonner et d’impulser l’action du Gouvernement».
Du fait que le Premier Ministre soit nommé et révocable par le Président de la
République signifie que son statut jusqu’à présent ne repose sur aucune garantie
juridique sérieuse. Sa désignation n’étant fondée sur aucun appui parlementaire,
cela est de nature à fragiliser de manière évidente sa fonction. En effet, l’éventualité
d’une divergence de vue entre les deux têtes de l’Exécutif, sur la conduite de la
politique de la nation peut être réglée à l’avantage du Président de la République qui
n’hésitera pas à se défaire de son Premier Ministre en le révoquant. Celui-ci étant
installé dans «un siège éjectable», il demeure toujours un "mineur non émancipé" de

102
la tutelle du Président de la République. «Après sa nomination, le premier Ministre
fait une déclaration de politique générale suivi de débats sans vote devant
l’Assemblée nationale», nous dit l’article 57. Que le premier Ministre fasse une
déclaration de politique générale suivi de débats sans vote devant l’Assemblée
Nationale, voilà qui dénature complètement la notion de la responsabilité politique du
Gouvernement. Dans les régimes politiques parlementaires authentiques où l’on
pratique le parlementarisme rationalisé, la déclaration de politique générale est une
des occasions propices où le Chef du Gouvernement engage la responsabilité
politique du Gouvernement qui peut provoquer sa chute si à la suite d’un vote, le
parlement désavoue le Premier Ministre en lui refusant sa confiance sur cette
déclaration de politique générale. Le Constituant guinéen a donc tout simplement
manqué sur ce point précis, le rendez vous avec l’histoire du fait qu’il n’a pas pu faire
preuve de hardiesse et d’imagination pour instaurer un régime politique au moins
semi présidentiel à l’instar du modèle politique français.
b) Le Pouvoir Législatif :
«Les Députés à l’Assemblée Nationale sont élus au suffrage universel direct. La
durée de leur mandat est de cinq (5) ans, sauf cas de dissolution» (Article 60) de la
nouvelle Constitution. Cette disposition reprend à quelques nuances près l’ancien
article 47 de la loi fondamentale du 23 Décembre 1990. Le mode de désignation des
députés à l’Assemblée Nationale résulte de l’article 63 de la nouvelle
Constitution : «le tiers des députés est élu au scrutin uninominal à un tour ... .
Les deux tiers des députés sont élus au scrutin de liste nationale, à la représentation
proportionnelle.
Les sièges non attribués au quotient national sont repartis au plus fort reste».
Pour remplir sa mission, l’Assemblée Nationale tient deux sessions ordinaires
annuelles. Ainsi, conformément à l’article 68 de la nouvelle Constitution,
«l’Assemblée Nationale se réunit de plein droit en session ordinaire deux fois par an.
- la première session s’ouvre le 5 Avril, sa durée ne peut excéder quatre-vingt-
dix jours ;
- la deuxième session s’ouvre le 5 Octobre, sa durée ne peut excéder quatre-
vingt-dix jours »
Enfin, les attributions de l’Assemblée Nationale sont définies à l’article 72 de la
Constitution, et qui consistent au vote de la loi et du contrôle de l’action
Gouvernementale. Le domaine de la loi étant limité par cette même disposition.

103
Le contrôle parlementaire de l’action Gouvernementale s’effectue à travers les
questions écrites ou orales avec ou sans débat, posées au Gouvernement et
auxquelles sont tenus de répondre le Premier Ministre et les Ministres. Il s’agit donc
d’un contrôle qui n’entraîne pas la mise en jeu de la responsabilité politique du
Gouvernement. Cela nous permet de comprendre que notre régime politique n’est
donc pas un modèle parlementaire.
c) La Cour constitutionnelle :
L’une des innovations majeures de la nouvelle Constitution du 7 Mai 2010 est la
création de la Cour constitutionnelle.
Il s’agit désormais d’une juridiction autonome qui va exercer les compétences qui
étaient jusqu’à présent dévolues à la chambre administrative et constitutionnelle de
la Cour suprême.
En effet, selon l’article 93, «la Cour constitutionnelle est la juridiction compétente en
matière constitutionnelle, électorale et des droits et libertés fondamentaux. Elle juge
de la constitutionnalité des lois, des ordonnances ainsi que de la conformité des
traités et accords internationaux à la Constitution. Elle garantit l’exercice des droits
fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Elle veille à la
régularité des élections nationales et des referendums dont elle proclame des
résultats définitifs. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des
pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’Etat.»
Enfin, la Cour constitutionnelle est composée de neuf (9) membres désignés pour un
mandat de neuf (9) ans non renouvelable. Toutefois, le renouvellement se fait par
tiers tous les trois ans par tirage au sort.
3)- Rapports entre les pouvoirs
Il existe des moyens d’interaction entre l’Assemblée Nationale et le Président de la
République d’une part, et les moyens d’action de la cour constitutionnelle à l’égard
de ces deux organes d’autre part.
Dans le premier cas, les deux organes politiques exercent en partage la fonction
législative. Ainsi, selon l’article 84, «l’initiative des lois appartient concurremment au
Président de la République et aux Députés à l’Assemblée Nationale». En outre,
conformément à l’article 86,
«L’Assemblée Nationale établit son ordre du jour. Toutefois, le Président de la
République peut demander l’inscription par priorité à l’ordre du jour, d’un projet ou

104
d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale. Cette inscription
est de droit, …».
Aussi, conformément à l’article 75, «l’Assemblée Nationale vote le budget en
équilibre. Elle est saisie par le Gouvernement du projet de loi de Finances au plus
tard le 15 Octobre. La loi de finances est votée au plus tard le 31 Décembre.
Si à la date du 31 Décembre, le budget n’est pas voté, les dispositions du projet de
loi de Finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance».
Il s’agit donc des rapports de collaboration, mais où le rôle du Président de la
République semble nettement prépondérant.
En effet, même la fonction de contrôle de l’Assemblée Nationale à l’égard de
l’Exécutif à travers des commissions d’enquêtes et des questions écrites ou orales
ne débouche sur la mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement
(Article 89).
En revanche, certains rapports de type conflictuel peuvent déboucher sur la fin du
mandat de l’un ou de l’autre organe. Ainsi, en vertu de l’article 92 «en cas de
désaccord persistant entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale
sur des questions fondamentales, le Président de la République peut après avoir
consulté le président de l’Assemblée Nationale, prononcer la dissolution de celle-ci.
De nouvelles élections ont lieu dans les soixante jours, qui suivent la dissolution; si
celles-ci renvoient à l’Assemblée Nationale une majorité de députés favorables à la
position adoptée par l’ancienne majorité sur la question qui a provoqué la dissolution,
le Président de la République doit démissionner».C’est la notion de la double
persistance législative, expression attribuée à Dr Makanera . IL en est de même du
cas où la Haute cour de justice, tribunal d’exception qui juge le Président de la
République en cas de haute trahison et le Premier ministre et les autres membres du
gouvernement pour crimes et délits.
La Haute Cour de Justice étant composée de neuf membres dont six députés (article
117et118)
En second lieu, concernant les rapports de la Cour constitutionnelle à l’égard des
deux organes :
c’est ainsi que la Cour statue sur les conflits d’attributions entre les organes
constitutionnels (l’article 94).Car selon l’article 74 «les matières autres que celles qui
sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Lorsque des dispositions

105
d’une loi sont intervenues dans ces autres matières, elles peuvent être modifiées par
décret, après que la Cour constitutionnelle en ait constaté le caractère réglementaire.

106
BIBLIOGRAPHIE

- OUVRAGES GENERAUX

- ARDANT Philippe : Institutions politiques et droit constitutionnel (2002), 14ème

éd. LGDJ. Paris.

- BURDEAU Georges et al. Droit constitutionnel (2001), 27ème éd. LGDJ. Paris.

- CHANTEBOUT Bernard : Droit constitutionnel (2004), 20ème éd. Armand

Colin. Paris.

- DEBBASCH Charles et al. Droit constitutionnel et institutions politiques

(2001), 4ème éd. Economica. Paris.

- FAVOREU Louis et al. : Droit constitutionnel (2004). 7ème édition, Dalloz,

Paris.

- LECLERCQ Claude : Institutions politiques et droit constitutionnel (1998),

4ème éd. Litec. Paris.

- PORTELLI Hugues : Droit constitutionnel (Cours) : (1999),


1. D
3ème éd. Dalloz, Paris.
r
- SUPPORTS DE COURS :
o
- DIABY Alya : Cours de droit constitutionnel et d’institutions politiques (2005)
i
Editions Universitaires -Conakry
t
- KAKE Makanera Al Hassan : Régime Politique Guinéen : étude et doctrine

(2002)- Editions Universitaires – Conakry.


c
- AUTRES TEXTES JURIDIQUES:
o
- Textes des anciennes Constitutions et Loi Fondamentale ainsi que la
n
Constitution du 07 mai 2010 et Lois Organiques de la République de Guinée.
s

t
107
u
TABLE DES MATIERES

Titres Pages

CHAPITRE PRELIMINAIRE : NOTION DU DROIT CONSTITUTIONNEL …………..7


Section 1 : Distinction Droit public/ Droit privé …………………………………………...8
Section 2 : L’objet du Droit constitutionnel comme branche du Droit public …………9
Section 3 : L’origine du pouvoir de l’Etat ………………………………………………..10
Section 4 : Les équilibres du droit constitutionnel ………………………………………11
TITRE I : THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL ………………..13
CHAPITRE I : L’ETAT …………………………………………………………………….13
Section 1 : Le Groupement humain : la nation ………………………………………… 14
§1 : L’Ecole allemande…………………………………………………………….14
§2 : L’Ecole française ……………………………………………………………..15
Section 2 : Le Territoire de l’Etat …………………………………………………………15
§1 : L’étendue du Territoire ……………………………………………………….15
§2 : Le rôle du Territoire …………………………………………………………..16
Section 3 : Le Pouvoir de l’Etat …………………………………………………………..17
§1 : L’origine divine du pouvoir …………………………………………………..18
§2 : L’origine populaire du pouvoir ………………………………………………19
Section 4 : L’ordre Economique, Social, Politique et Juridique ………………………19
§1 : L’ordre économique et social ………………………………………………..20
§2 : L’ordre politique et juridique …………………………………………………21
Section 5 : Les Formes d’Etat …………………………………………………………….22
§1 : L’Etat unitaire ………………………………………………………………….22
a) L’Etat unitaire centralisé …………………………………………………22
b) L’Etat unitaire décentralisé ………………………………………………23
§2 : L’Etat composé : le fédéralisme …………………………………………….24
A- La spécificité de l’Etat fédéral …………………………………………...25
1. La superposition de deux ordres juridiques …………………………25
2. La répartition des compétences ……………………………………...26
B- Les procédés de l’Etat fédéral …………………………………………...27
1. La loi dite d’autonomie ………………………………………………….27
2. La loi dite de participation ……………………………………………...28

108
CHAPITRE II : LES CONSTITUTIONS ………………………………………………30
Section 1 : La notion de Constitution ………………………………………………….30
§1 : Formation historique de la notion moderne de Constitution …………..31
§2 : De la Constitution règle à la Constitution -programme …………………33
Section 2 : Les Formes de Constitutions ……………………………………………..34
§1 : La constitution coutumière ou souple …………………………………….35
§2 : La constitution écrite ou rigide ……………………………………………..36
Section 3 : Modalités d’établissement et de révision des Constitutions …………...37
§1 : Les modalités d’établissement …………………………………………….37
§2 : Les modalités de révision ………………………………………………….40
Section 4 : Sanctions des violations de la Constitution ……………………………..42
§1 : La sanction juridique .42
§2 :La sanction juridique ………………………………………………………...42
CHAPITRE III : LA SOUVERAINETE ………………………………………………....48
Section 1 : La théorie orthodoxe de l’Eglise …………………………………………..48
Section 2 : La souveraineté du peuple ………………………………………………..49
§1 : Fondement de la souveraineté du peuple ……………………………….49
§2 : La souveraineté nationale ………………………………………………….50
Section 3 : Les Régimes électoraux …………………………………………………...51
§1 : Le scrutin majoritaire ………………………………………………………...52
§2 : Le scrutin à la représentation proportionnelle ……………………………54
§3 : Application de la représentation proportionnelle …………………………54
§4 : Les effets des modes de scrutin …………………………………………..56
TITRE II : LES REGIMES POLITIQUES ……………………………………………….57
CHAPITRE I : LA SEPARATION DES POUVOIRS …………………………………57
Section 1 : Identification et consensus des trois pouvoirs ……………………………58
§1 : Le pouvoir législatif …………………………………………………………..59
§2 : Le pouvoir exécutif …………………………………………………………...59
§3 : Le pouvoir judiciaire ………………………………………………………….60
Section 2 : De la remise en cause du principe de la séparation des pouvoirs …….60
§1 : L’aménagement moderne des pouvoirs …………………………………..60
§2 : Cas d’application de la concentration des pouvoirs ……………………...61
CHAPITRE II : CLASSIFICATION DES REGIMES POLITIQUES …………………..62

109
Section 1 : Les régimes de séparation des pouvoirs …………………………………62
§1 : Le régime présidentiel ……………………………………………………….63
§2 : Le régime parlementaire …………………………………………………….64
Section 2 : Les régimes de confusion des pouvoirs ………………………………….68
§1 : Le régime d’Assemblée et le régime présidentialiste ……………………68
§2 : Les dictatures …………………………………………………………………71
CHAPITRE III : LES PRINCIPAUX REGIMES POLITIQUES MODERNES ………72
Section 1 : Le régime politique des Etats-Unis d’Amérique …………………………..72
§1 : Structure des pouvoirs ……………………………………………………….73
§2 : Fonctionnement des pouvoirs constitutionnels …………………………...75
§3 : Rapports entre les pouvoirs………………………………………………….78
Section 2 : Le régime politique britannique ……………………………………………..80
§1 : Les organes du régime ………………………………………………………80
§2 : Le parlementarisme anglais …………………………………………………84
Section 3 : Le régime politique français …………………………………………………85
§1 : Les attributions des pouvoirs constitutionnels …………………………….88
§2 : Rapports entre les pouvoirs …………………………………………………91
Section 4 : Le régime politique guinéen ………………………………………………..92
§1 : Aperçu de l’évolution des institutions politiques depuis l’indépendance..93
§2 : Les attributions des pouvoirs constitutionnels …………………………...101
§3 : Rapports entre les pouvoirs ………………………………………………..104
BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………...107
TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………108

110

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