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04/05/2017 DROIT DE LA

COMMON LAW
USTA

Enseignante :
DIANE SANGARA
Université Ouaga2
Contents
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................. 2
INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................................................... 3
PARTIE I : LE DROIT ANGLAIS ........................................................................................................................ 8
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS DU DROIT ANGLAIS ................................................................ 8
Section 1 : L’histoire du droit anglais ................................................................................................... 8
Section 2 : L’organisation judiciaire anglaise ..................................................................................... 15
Section 3 : Les sources du droit anglais .............................................................................................. 21
CHAPITRE II : ELEMENTS DE DROIT PRIVE ANGLAIS ............................................................... 27
Section 1 : La procédure civile anglaise ............................................................................................. 27
Section 2 : Le droit des obligations ..................................................................................................... 29
Section 3 : Le droit des biens et le trust .............................................................................................. 35
CHAPITRE III : ELEMENTS DE DROIT PUBLIC ANGLAIS ........................................................... 38
Section 1 : Le droit constitutionnel anglais ......................................................................................... 38
Section 2 : Le droit administratif anglais ............................................................................................ 40
PARTIE II : LE DROIT AMERICAIN ................................................................................................................. 44
CHAPITRE I : LA STRUCTURE DU DROIT DES ETATS-UNIS ..................................................... 45
Section 1 : Les particularismes résultant du fédéralisme .................................................................... 45
Section 2 : Les particularités résultant du contrôle de constitutionalité .............................................. 48
CHAPITRE II : LES SOURCES DU DROIT DES ETATS-UNIS ........................................................ 50
Section 1 : La jurisprudence................................................................................................................ 50
Section 2 : La législation ( Statute law) .............................................................................................. 55
CHAPITRE III : L'AMERICANISATION DU DROIT ......................................................................... 57
Section 1 : La nature du phénomène ................................................................................................... 57
Section 2 : Les manifestations de l’américanisation du droit.............................................................. 59

1
BIBLIOGRAPHIE

Burgess Françoise, Les institutions américaines, Paris, PUF, Collection que sais-je, 6e éd., 1995.
David René & Jauffret-Spinosi Camille, Les grands systèmes de droit contemporains, Paris,
Dalloz, 11e éd., 2002.
David Réné, Le droit anglais, 4e éd, Paris, PUF, Collection que sais-je, 1982.
Frison Danièle, Droit anglais, institutions britanniques, Paris, Ellipses, 1993.
Fromont Michel, Grands systèmes de droit étrangers, Paris, Mémentos Dalloz, 2e éd., 1994, p. 58
à 115.
Jean-Paul PAYRE, Introduction aux grands systèmes juridiques, Cours, 2005-2006.
Lamoureux Martin, Introduction au droit ghanéen des contrats, Bruxelles, Bruylant, 2004.
Levasseur Alain A., Droit des Etats-Unis, Paris, Dalloz, 8e éd., 1994.
Moréteau Olivier, Droit anglais des affaires, Paris, Dalloz, 1ère éd., 2000.
Poirier Donald et Debruche Anne-Françoise, Introduction Générale à la common law, Bruylant,
Bruxelles, 3e éd., 2005.
Strutt Peter, L’anglais juridique, Paris, Edition Belin, 2008.
Tunc André, Le droit des Etats-Unis, Collection que sais-je, Paris, PUF, 1983.

2
INTRODUCTION GENERALE

Il existe 4 principaux systèmes juridiques dans le monde : le système romano-germanique, la


common law, le droit coutumier et le droit religieux.
Appliqué aux Royaumes-Unis et dans certaines des anciennes colonies de l’Empire Britanique, la
common law se distingue du système romano-germanique auquel le système burkinabé se rattache
par un certain nombre de caractéristiques. Avant d’examiner ces principales caractéristiques et de
présenter l’objet du cours, il sera important d’appréhender l’intérêt que des étudiants de droit
burkinabé peuvent avoir à connaître ce système et de préciser la notion de droit de la common law.

3
I. Notion de common law

Le « […] droit anglais va nous apparaître comme très différent du droit français et des autres droits
de la famille romano-germanique. Sa structure n’est pas la même que celle de notre droit … Ne
correspondant à aucune notion connue de nous, les termes du droit anglais sont intraduisibles dans
nos langues, comme le sont les termes de la faune et de la flore d’un autre climat. On en dénature
le sens, le plus souvent, quand on veut coûte que coûte les traduire, et la difficulté n’est pas moindre
lorsque la chose paraît aller de soi : le contrat du droit anglais n’est pas plus l’équivalent du contrat
du droit français que l’Equity anglaise n’est l’équité française : administrative law ne veut pas dire
droit administratif. Civil law ne veut pas dire droit civil, et Common law ne veut pas dire droit
commun. »
René David, Les grands systèmes de droit contemporains, 8e éd., pp. 341-342

La notion de common law revêt plusieurs significations. Du point de vue historique, la common
law, appelée jadis « commune ley » en law French utilisée par les normands, désigne « par
opposition aux coutumes locales, le droit qui est commun à toute l’Angleterre »1.
Aujourd’hui, on attache à la common law deux sens.
Au sens strict, elle renvoie à la partie du droit qui a été développée à titre principal par les
juges anglais. Dans cette acception, on oppose la common law, entendue comme le corps de
normes sécrétées par l’activité judiciaire (le droit d’origine jurisprudentielle), au corps de normes
issues de l’activité législative et exécutive (le droit d’origine législative)2. A l’intérieur des normes
d’origine jurisprudentielle, on pourrait même être précis en distinguant la common law, entendue
comme l’ensemble des règles développées par les Cours royales au Moyen âge, de l’equity, corps
de règles issues des juridictions d’equity.
Au sens large, la common law s’entend des systèmes juridiques fondés sur le droit anglais
qui retiennent comme fondement de leur droit les principes, usages et règles de droit émanant
principalement de l’activité judiciaire3, qu’il s’agisse du droit législatif ou du droit jurisprudentiel.
Dans ce sens, elle désigne donc non seulement le système juridique de l’Angleterre, sa terre natale,
mais également le droit en vigueur dans les Etats qui furent jadis des colonies anglaises (Etats-
Unis, Canada, à l’exception du Québec, Australie, Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, Inde,
Pakistan, Nigéria, Ghana, Sierra Léone, Kenya, …). C’est dans cette acception que nous utiliserons
le terme common law dans notre cours.

1
René David & Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 9e éd., 1988, p. 354,
n°269.
2
Voir Donald Poirier et Anne-Françoise Debruche, Introduction Générale à la common law, Bruylant, Bruxelles, 3e
éd., 2005, p. 2.
3
Ibidem, p. 3.

4
II. L’importance de l’étude de la common law

Pour des juristes formés au système romano-germanique, la connaissance de la common law est
utile à plusieurs titres. D’abord, elle permet d’ouvrir l’esprit et les yeux sur un autre système, qui,
parce qu’il diffère du nôtre à plusieurs égards, permet de s’apercevoir qu’il existe d’autres façons
de concevoir le droit. L’étude de la common law permet, ensuite, de faire du droit comparé. Ceci
favorise, d’une part, une meilleure connaissance du droit national. En effet, selon le professeur
Gérard FARGAT, le droit comparé est souvent « le plus court chemin pour la compréhension des
phénomènes juridiques nationaux ». D’autre part, la comparaison avec la common law favorise
le recul nécessaire pour juger nos institutions et pour mettre en lumière leurs forces et leurs
faiblesses. Ceci devrait contribuer à améliorer notre droit national.

Mais au-delà de ces intérêts qui se dégagent de l’étude de tout système juridique étranger, l’étude
de la common law présente un intérêt particulier. En effet, elle constitue la clé pour la
compréhension des concepts, des règles et de la terminologie des systèmes juridiques de nombreux
pays dans le monde, qui ont subi l’influence anglaise. Ainsi, plus près de nous, elle devrait
permettre de connaître les droits des Etats comme le Ghana, le Nigeria, le Libéria…, pays
d’influence anglaise avec lesquels le Burkina Faso entretien de relations étroites. En outre, l’étude
de la common law est un chemin ouvert vers la connaissance du droit des affaires internationales,
car celui-ci emprunte beaucoup les règles, les concepts et les solutions de la common law.

III. Les caractéristiques de la common law

La common law se distingue des droits romanistes au plan des sources du droit. Ainsi, si dans les
pays de droit romaniste, la jurisprudence n’est pas formellement une source de droit, la common
law accorde un rôle impératif à la source jurisprudentielle. Ce rôle trouve son fondement dans la
doctrine de stare decisis. Cette doctrine signifie que les juridictions inférieures doivent suivre,
dans les cas semblables, les décisions rendues par les juridictions supérieures.
Mais, selon certains auteurs, la doctrine de stare decisis est en déclin dans certains pays de common
law comme le Canada, les Etats-Unis et même, dans une moindre mesure, aux Royaumes-Unis, sa
terre natale. Le caractère impératif de la source jurisprudentielle ne semble plus donc, à leurs yeux,
l’élément déterminant sur lequel reposait la distinction entre civil law et common law.
Les caractéristiques essentielles de la common law, soutiennent ces auteurs, sont au nombre de
deux : une tradition juridique et une attitude d’esprit.
La common law est d’abord une tradition qui « prend principalement appui sur l’activité des
juges, mais aussi sur celle des avocats et des notaires, qui comblent les lacunes laissées par la lente
élaboration du droit ».
Elle est, en outre et surtout, « une attitude d’esprit qui envisage les choses d’une manière
concrète, non dans l’abstrait ; qui a foi dans l’expérience plus que dans les abstractions. C’est
une attitude d’esprit qui préfère avancer prudemment, sur le fondement de l’expérience, dans ce
cas-ci ou dans ce cas-là au cas suivant, comme la justice dans chaque cas semble le requérir, au

5
lieu de s’efforcer de tout ramener à de prétendus universaux. […] C’est un état d’esprit fondé sur
la solide habitude anglo-saxonne de manier les choses et de régler les problèmes comme ils se
présentent, au lieu d’anticiper sur leur solution par des formules abstraites universelles ».
Il résulte de cette affirmation que cette attitude d’esprit se caractérise par les éléments suivants :

1) Le processus inductif de la connaissance juridique : alors que dans notre système juridique,
le processus est déductif, c’est-à-dire que l’on part du général au particulier, en common
law le processus est inductif et consiste à généraliser à partir de l’observation des cas
particuliers ;

2) Le droit est énoncé au cas par cas : c’est la conséquence du processus inductif. La règle est
énoncée dans une décision de justice à partir d’un cas particulier et sa généralité s’étendra
ou diminuera suivant son application au cas par cas ; c’est ainsi que les common lawers se
méfient des formulations abstraites et générales en vogue dans les systèmes romanistes ;

3) Un droit qui se fonde sur l’expérience : dans les systèmes juridiques romano germaniques,
l’expression de la règle de droit est abstraite et générale. Ces systèmes juridiques reposent
souvent sur une logique formelle. L’approche juridique de la common law est, en revanche,
pragmatique et est basée sur l’observation des faits et l’art de la distinction. La « vie du
droit, selon le juge anglais Holmes, n’a pas été la logique, mais l’expérience ». C’est ainsi
que la règle de droit, afin de refléter la réalité, doit être aussi précise que détaillée. Il en
résulte une différence dans le mode de raisonnement. Le juge de civil law utilise volontiers
le syllogisme classique, alors que pour un juriste de common law, le mode principal de
raisonnement est l’analogie ;

4) Un droit qui met l’accent sur la liberté individuelle : il est reconnu que la common law est
protectrice des libertés individuelles. Certains auteurs pensent d’ailleurs que les systèmes
juridiques de common law reposent sur le libéralisme ;

5) Un droit qui se méfie de l’administration : cette attitude, qui remonte loin au temps de
l’opposition entre le roi et les cours de common law, a produit deux conséquences.
D’abord, elle implique que l’administration est soumise aux mêmes lois au même titre que
les particuliers. Elle se voit appliquer notamment le droit ordinaire par les tribunaux
ordinaires et certaines règles procédurales. Elle implique ensuite que les justiciables
peuvent être jugés par leurs pairs et non nécessairement par des juges professionnels.

IV. L’objet du Cours

La common law est aujourd’hui le système juridique de nombreux Etats, notamment de langue
anglaise ou d’influence anglaise. Toutefois, elle a été, à l’origine, construite en Angleterre, avant
de se répandre dans le monde. C’est ainsi que, si chacun de ces Etats a développé ou conservé des
traditions, des institutions ou concepts qui leur sont propres, l’influence du modèle anglais, dans
beaucoup de cas, y est remarquable. Ces Etats ont conservé les concepts, les règles, et surtout

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l’esprit du droit anglais. Il en résulte que toute étude de common law doit débuter par une étude
du droit anglais qui permet, du reste, de comprendre les autres systèmes de common law.

Mais, si de nombreux systèmes juridiques sont demeurés fidèles au modèle anglais, il n’en va pas
de même d’autres systèmes juridiques comme celui des Etats-Unis. En effet, le modèle américain,
plus dynamique, tend à prendre de la distance par rapport au droit anglais, sa source d’inspiration,
et à développer des techniques, des concepts inconnus du système anglais. Pour ce faire, le droit
des Etats-Unis trouve sa place dans une étude initiatique de la common law.
Notre cours abordera donc dans une première partie le droit anglais et dans une seconde partie le
droit des Etats-Unis.

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PARTIE I : LE DROIT ANGLAIS

Le droit anglais, en tant que corps de règles obligatoires, est le droit applicable en Angleterre et au
Pays de Galles. Il n’est donc pas le droit du Royaume-Uni4 (…) et de la Grande Bretagne5, encore
moins celui des pays qui ont l’anglais en partage ou dont le système se rattache à celui de
l’Angleterre. Il convient de cerner les fondements de ce système juridique (Chapitre I) et d’étudier
les éléments de droit privé (Chapitre II) et de droit public (Chapitre III) qui le caractérisent.

CHAPITRE I : LES FONDEMENTS DU DROIT ANGLAIS

Les fondements du droit anglais seront appréhendés grâce à l’étude historique de ce droit (Section
1), de son organisation judiciaire (Section 2) et de ses sources (Section 3).

Section 1 : L’histoire du droit anglais

L’étude de l’histoire du droit anglais revêt une importance particulière. La raison est simple : le
droit anglais est le produit d’une longue histoire dont le cours, contrairement au droit français, n’a
pas profondément été troublé par des révolutions. Le juriste formé à la civil law s’étonnera peut-
être que l’accent soit mis, dans l’étude de l’histoire du droit anglais, sur l’évolution du système
juridictionnel. Il n’y a cependant là rien de surprenant dans un système où la jurisprudence occupe
une place primordiale comme source de droit.
Le droit anglais s’est développé en quatre périodes : La période anglo-saxonne, la formation de la
common law, la rivalité avec l’equity et la période moderne.

§ 1. La période anglo-saxonne

Cette période commence avec la fin de la domination romaine sur l’Angleterre (9e siècle). En effet,
les Romains ont occupé l’Angleterre pendant 4 siècles, important leur système de droit notamment.
Puis, après la chute de l’Empire Romain d’Occident, s’en est suivi une période de plusieurs siècles

4
Grande Bretagne et l’Irlande du nord.
5
Composé de l’Angleterre, pays de Galles, Ecosse et les différentes îles (ile de man et île ango-normand).

8
pendant laquelle l’Angleterre était aux mains de tribus barbares, tantôt les Angles, tantôt les
Saxons, ou les Danois qui chassèrent les Celtes, peuples autochtones.

Le droit anglo-saxon est donc, à l’origine, du droit romain. Les tribus qui ont suivi importèrent
également leur contribution dans le domaine du droit, car chacune avait son système juridique qui
était coutumier. Il n’y avait donc pas à l’époque anglo-saxonne un droit commun applicable à toute
l’Angleterre et au pays de Galles.

Bref, le droit anglo-saxon est en réalité le droit qui existait avant l’arrivée du conquérant normand,
avant la common law. Ce n’était donc pas un droit commun applicable à toute l’Angleterre et au
pays de Galles, mais il s’agissait d’un droit coutumier, très diversifié, fragmentaire, limité, et donc
très mal connu (peu, mal ou pas écrit, élaboré).

Si le droit actuel a été en partie influencé par le droit anglo-saxon, il n’en demeure pas moins qu’il
en est très éloigné.

§ 2. La formation de la common Law (1066-1485)

Après identification des facteurs de naissance de la common law, il importe d’analyser la saisine
des cours royales qui ont joué un rôle majeur dans l’émergence de la common law.

I. Les facteurs de naissance de la common law

La common law va naître en 1066, avec l’arrivée de Guillaume le Conquérant, et sera


véritablement formée en 1485, année de l’arrivée d’un autre système de jurisprudence, l’equity.
Si la common law est aujourd'hui considérée comme le système juridique propre à l'Angleterre,
comme celui qui trouve ses racines dans l'histoire de ce pays, ce ne peut être qu'à la condition de
faire débuter celle-ci en 1066. Avant cette année, dans les faits, le système juridique en place est
différent de celui auquel on se réfère aujourd'hui comme présentant une continuité qui s'étendra
bientôt sur un millénaire. Mais il y a plus. Le droit du pays n'est pas encore la common law pendant
le premier siècle qui suit la conquête normande, dont le point de départ est l'année 1066 et
l'événement marquant la défaite du roi d'Angleterre, HAROLD II, à Hastings face à un prétendant
normand (que l'on appellerait aujourd'hui français, mais qui est, en ce temps, avant toutes choses
un Normand), GUILLAUME I, duc de Normandie, dit GUILLAUME le Conquérant (1027-1087).
Arrive donc en Angleterre un nouveau roi, qui, s’installant sur le trône royal à Londres, va
s'appuyer sur son passé et son expérience pour gouverner, c'est-à-dire sur ce qu'il a déjà fait en
France. Étant militaire, il avait donc hiérarchisé de façon très structurée son comté, et a exporté ce
système en Angleterre. Guillaume Le Conquérant instaure donc à Londres une féodalité très
centralisée, très structurée. De plus, se considérant comme propriétaire de tout, il exporte
également ce système de tenure en Angleterre, système qui existe encore aujourd'hui : la théorie

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de la tenure, c'est que le roi ou la reine possèdent tout, simplement ils concèdent leurs possessions
à leurs sujets.
Le roi possédait des vassaux à qui il octroyait des terres et des faveurs. En contrepartie de ces
faveurs, les vassaux avaient diverses obligations à son égard dont entre autres l’obligation de
conseil qui s’exerçait au sein d’une assemblée appelée Curia.
Les envahisseurs Normands laissèrent tout d'abord en place les juridictions locales existantes, que
sont les County Courts (les juridictions générales) et les Hundred Courts (les juridictions plus
spécialisées). C’est après le premier siècle de la conquête qu’ils vont introduire quelques
changements dans le système judiciaire : les juridictions locales furent remplacées par des
juridictions seigneuriales d’un type nouveau (Courts Baron, Court Lee, Manorial Courts). Mais
dans le fond, celles-ci continuaient à appliquer la coutume locale. De même, des juridictions
ecclésiastiques voient le jour. Elles avaient pour vocation d’appliquer le droit canon à la
communauté des chrétiens.
Le système juridique va connaître sa mutation véritable à partir du moment où le roi, avec son
conseil, la Curia regis, intervint dans le système judiciaire. On assista alors à la naissance d’une
justice itinérante et d’un droit commun à tout le pays, suite au renforcement du pouvoir central.
Il arrivait en effet que le roi soit saisi pour mettre fin à certaines injustices découlant des décisions
des Cours locales. Cette compétence judiciaire de la Cour royale a toutefois été, à l’origine,
exceptionnelle et n’a concerné que les affaires touchant la Couronne.
Une autre manifestation de l’intervention du pouvoir royal dans le système juridique est
l’organisation de la justice itinérante. Cette organisation dont l’objectif premier est d’établir
l’autorité royale sur l’ensemble du territoire anglais, consiste pour le roi à donner des mandats à
certains membres de sa Cour, appelés commissions, de parcourir et d’administrer l’ensemble du
territoire, y compris de rendre la justice en son nom. Dans leur fonction judiciaire, ces
commissions, composées de seigneurs justiciers qui étaient assez souvent normands,
n’appliquaient pas la coutume locale qui leur était inconnue, mais le droit normand, le droit
canonique ou le droit romain. De retour au sein de la Curia, ils échangeaient verbalement leurs
vécus respectifs et leurs approches des litiges, et des solutions qu’ils leur donnaient.
Cet échange verbal va ainsi contribuer à la création d’un droit commun à toute l'Angleterre, le
fameux Common Law – qui vient du normand commune ley, qui signifie un droit identique dans
une région.

Mais cette création du droit commun tiendra surtout à la naissance de véritables Cours de justice
royales. Encore appelées juridictions de Westminster : Westminster Courts, elles sont issues de la
subdivision de la Curia Regis. Il s’agit de :
- la Cour de l’échiquier (Exchequer),
- de la Cour des plaids communs (Common pleas) Les plaids-communs tirent leur nom des
affaires dites « communes », c'est-à-dire de sujet à sujet, et n'impliquant pas les affaires de
la Couronne ;
- et de la Cour du banc du roi (King’s Bench).

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Ces trois cours connaîtront au départ respectivement des affaires concernant les finances royales,
la propriété foncière et la possession des immeubles, les crimes graves intéressant la paix du
Royaume. Par la suite, chacune des Cours fût compétente pour juger des trois chefs de
compétence.
La compétence de ces Cours royales restait cependant exceptionnelle dans la mesure où en dehors
des trois catégories de cas, toutes les contestations demeurent résolues par les Cours locales de
justice.
La common Law, entendue au sens du droit commun applicable à toute l’Angleterre par opposition
aux coutumes locales, finissait ainsi de se mettre en place. Elle va, en premier lieu, coexister avec
le droit coutumier de l'Angleterre (droit anglo-saxon). Puis, petit à petit, elle va le remplacer.

II. La saisine des Cours royales

Bien qu’ayant supplanté les anciennes cours de justices, les cours royales ont gardé encore pour
longtemps (jusqu’à la réforme judiciaire de 1875) une compétence exceptionnelle. En effet, la
saisine de ces juridictions royales n’était pas un droit, mais un privilège rare que pouvaient avoir
seules les personnes détentrices d’un writ (bref) délivré par le chancelier du roi.
Writ signifie bref : c'est une demande rapide, simplifiée (une sorte d'assignation). C’était donc une
ordonnance royale autorisant le demandeur à aller devant le Tribunal. Etabli sous la forme de lettre
revêtue du sceau de l’administration royale, il était délivré, moyennant le paiement des droits à la
Chancellerie, quand le chancelier constatait une injustice ou la violation d’un droit reconnu par
une coutume.

Le plaideur demande ainsi à une juridiction royale le privilège d'être jugé par elle en faisant une
demande brève via un writ. Le premier qui fait la demande, s'il parvient à faire accepter son cas,
ouvre la porte à tout le monde, c'est-à-dire que par la suite, tous les cas similaires seront tranchés
par les juridictions royales sans qu'il y ait besoin de refaire un writ. Ainsi, une réponse positive
(l'acceptation du cas par les juridictions royales) constitue un précédent. Au total, il y a eu 76 writs
acceptés, c’est-à-dire 76 autorisations données, 76 cas limités d’ouverture de recours judiciaires.

A chaque type de writ était associé une faute spécifique et un remède – une action déterminée. (Si
le cas proposé ne correspond pas au cas du writ, le demandeur était débouté). Chaque bref
déclenchait également une procédure donnée, fixant les actes à accomplir, le mode de production
et d’admission de preuve, la manière de régler les incidents de procédure, les possibilités de
représentation des parties, les moyens de faire exécuter la décision. L’action échouait si ces règles
de procédure n’avaient pas été respectées. Cela eu pour conséquence de conférer une plus grande
importance à la procédure sur la question du droit substantiel applicable (Remedies precede right).

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C’est cette situation que résume le professeur René David quand il affirme que : « La common law
a consisté à ses origines dans un certain nombre de procédures (forms of action) au terme
desquelles une décision pouvait intervenir ; quelle serait quant au fond cette décision était
incertain ».
Cette importance a eu une influence notable sur le droit anglais qui en garde, en de nombreux
points, les stigmates jusqu’à nos jours. En effet, les writs, c’est-à-dire les cas limités d’ouverture
de recours judiciaires, continuent, même après leur abolition définitive en 1873, selon la célèbre
expression de Maitland, « de nous gouverner depuis leur tombe » : ils ont en effet formaté l’esprit
du droit anglais en plaçant son centre de gravité dans la procédure plutôt que dans le fond, en
justifiant par principe le silence du juge dans certains cas et en imprégnant très profondément le
travail des avocats plaidants, des barristers.

§ 3. La formation de l’Equity

Le déclin et la disparition des anciennes cours vont permettre à la common Law de connaître un
remarquable développement et d’atteindre son apogée au XIII siècle. Au fil du temps cependant,
la common Law allait être victime de son système formaliste. En effet, les brefs délivrés n’allaient
pas être, à long terme, à son avantage. Le nombre de brefs qui ouvrait droit à la saisine s’accru très
peu, alors que la demande était trop forte en raison du déclin et de la disparition des cours locales.
En outre, le caractère procédurier de l’instance avait fini par développer une classe de
professionnels qui faisaient chèrement payer leur service, fermant ainsi la porte de la justice aux
plus démunis. Victimes de cette injustice ou de ce déni de justice, les litigants (plaideurs) firent
appel au souverain considéré comme la fontaine de toute justice et de grâce, pour lui demander
d’intervenir. Ce fut la naissance des cours d’Equity, créées en réaction avec l’idée que chaque
dommage doit pouvoir être réparé.
Le traitement de ces pétitions était assuré par le roi, mais progressivement, pour des raisons
administratives et politiques, il allait échoir au chancelier. Ce dernier est ainsi devenu par la « force
des choses le noyau d’une juridiction, la Cour de chancellerie » (Court of chancery), dont le rôle
était de d’apporter des remèdes aux injustices de la common law.
A l’origine, la Cour du chancelier, sans ignorer l’existence de la common Law, ne statuait pas
nécessairement en vertu d’elle. Puisqu’il s’agissait d’apporter des correctifs aux injustices créées
par le formalisme exagéré de la common Law, la Cour de chancellerie réglait les litiges, sans autre
forme de procès, suivant ce que requière l’équité ou la conscience de chaque cas particulier.
Son rôle était donc limité à remédier à la common law. Il va cependant radicalement changer à
partir du 16e siècle avec l’accroissement du rôle politique du chancelier. Devenu tout puissant, ce
dernier ne se limitera pas à apporter un remède aux injustices de la common Law ; il ira plus loin
en écartant systématiquement les règles de common Law qu’il jugeait désuètes ou défectueuses.

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En lieu et place, il développera une procédure imprégnée du droit romain et du droit canonique et
appliquera, quant au fond, des principes inspirés de ces droits dans l’objectif d’obtenir des
sentences plus justes et personnalisées.

Ainsi par exemple, un commerçant détaillant a commandé un produit chez l'unique fournisseur du
produit. Mais il refuse d'exécuter le contrat. En Common Law, il obtiendrait des dommages et
intérêts, mais pas le produit. Alors qu'en equity, selon le principe de l'Equity acts in
personam (l'équité agit en personne, sur les personnes), la personne qui n'a pas respecté ses
engagements n'a pas été très morale, et se verra alors délivrer une injonction de livrer le produit
dans un certain délai. Et si le fournisseur n'a pas délivré le produit dans le délai imparti, l'acheteur
montre l'injonction à la police, qui emmènera alors le fournisseur en prison.
En d’autres termes, la common law permet d'octroyer des dommages-intérêts à une partie lésée par
l'inexécution d'un contrat. Le plaignant qui ne souhaite donc pas une réparation monétaire, mais
préfère que son cocontractant soit forcé à exécuter son contrat, doit faire une action en equity.
Les principes de l’equity sont formulés sous forme de maximes établies par les juges. Exemples :
•He who seeks equity must do equity et He who comes into equity must come with clean
hands : le demandeur doit lui-même ne pas être à blâmer dans la survenance du dommage.
Exemple : un voleur demande en justice que son associé lui donne sa part (The Highwayman,
Everet v. Willians, Ex. 1725, 9 L.Q. Rev. 197).
•Equity aids the vigilant, not those who slumber on their rights: même idée. Celui qui tarde
trop à faire valoir ses droits va se voir opposer cette maxime.

Moins formaliste et plus soucieux du juste, ce système va rencontrer l’adhésion d’une bonne partie
du peuple et deviendra le rival de la common law. Les cours de common Law étaient, dès lors,
menacées dans leur existence et le droit anglais failli ainsi basculer dans la famille des droits
d’inspiration romaniste. Pour résister à ce déclin, les cours de common Law s’allièrent avec le
parlement qui était très hostile à l’autorité royale. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre
que le roi, Jacques 1er, appelé à arbitrer en 1616 la rivalité entre ces deux ordres de juridictions,
qui était devenue acerbe, donna sa faveur à la cour du chancelier.
Toutefois, des transformations opérées au sein de la Cour de chancellerie permirent par la suite
une coexistence pacifique entre les corps de juridictions. Ces transformations sont de deux ordres.
En premier lieu, la Cour de chancellerie renonça à appliquer le droit canonique et le droit
romain et donna à ses décisions une connotation morale. Dans le même ordre d’idées, elle fut
obligée de statuer conformément à ses précédents, ce qui contribua à la rapprocher
considérablement des Cours de common law.
En second lieu, elle reconnut que l’equity devait venir en complément de la common law.
C’est ce qu’exprime l’expression « equity follow the law ». Ainsi, les principes de common Law
étaient pris en compte car il s’agissait d’apporter un remède aux faiblesses de la common law.

13
Cette coexistence pacifique va perdurer jusqu’à l’adoption des lois de 1873 et 1875. Celles-ci vont
consacrer l’absorption de la Cour d’equity par les juridictions de common law, et une
réorganisation de l’appareil judiciaire. Ainsi, la Cour de chancellerie devint une division de la
Haute cour de justice, la chancery court, avec comme compétence l’application de l’ensemble du
droit, y compris la common law. En dépit de cette fusion juridictionnelle, la distinction au plan des
règles, entre equity et common law a survécu. Ainsi, lorsqu’il se lève un conflit entre ces deux
corps de règles, l’equity l’emporte sur la common law.

Au XXIe siècle, les deux notions perdurent en droit anglais. Certains juges statuent selon la
procédure de la common law, d'autres selon celle de l'equity. Il convient donc, lorsqu'on souhaite
lancer une action, de déterminer dans quelle branche du droit on se trouve : la distinction
entre common law et equity est donc aussi importante à comprendre en droit anglais que la
distinction entre « droit public » et droit privé en droit français. Les matières se sont peu à peu
réparties entre les deux branches en fonction du type de solution souhaité, mais aussi de la
procédure la plus adéquate, orale dans un cas, écrite dans l'autre.

§ 4. La période moderne

Le droit anglais va connaître à partir de la fin du 19e siècle de profondes mutations. Celles-ci ont
d’abord concerné l’organisation judiciaire et la procédure : les lois de 1873 et 1875 ont rationalisé
le système juridictionnel par la fusion des cours d’equity et les cours de common Law et l’érection
de ces dernières en juridictions de droit commun, mais elles ont également simplifié et modernisé
les procédures. Il en résulte que les efforts que les juristes anglais ont, de par le passé, portés sur
la procédure furent réorientés vers le développement du fond du droit.
Mais c’est, sans doute, l’intervention du législateur qui a constitué le phénomène marquant de cette
période. En effet, si jusque-là le législateur, mis à part les textes de valeur constitutionnelle (liberté
publique ou dépenses publiques), s’est contenté d’apporter des remèdes à la common Law
(remeded statute), son intrusion à la fin du 19 siècle se fit systématique dans le domaine de la
production des normes. Plusieurs lois dont l’objet était de remettre en ordre les solutions de
common Law furent ainsi adoptées dans certains domaines comme la vente mobilière ou la lettre
de change. L’avènement de l’Etat-Providence (WELFARE STATE), après la première guerre
mondiale qui s'efforce, en Angleterre comme ailleurs, de mettre en place une société plus juste et
plus égalitaire va modifier sensiblement la nature de l’intervention législative. En effet, la common
law apparaissant statique et conservatrice, et donc incapable d’impulser le changement exigé par
cette nouvelle donne, c’est la législation qui a constitué le principal instrument de réforme dans
bien de secteurs modernes du droit (droit social, droit fiscal, droit des transports, la protection des
consommateurs, le droit des constructions).

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Dans le même temps, on assiste à la naissance de la législation déléguée, le pouvoir législatif ayant
pris l’habitude de déléguer son pouvoir aux ministres. Mais cette vague législative et réglementaire
sera à l’origine de nombreux différends dirigés notamment par les particuliers contre les pouvoirs.
Le nombre élevé de ces litiges, mais surtout leur nature particulière, rendait les Cours de justice
ordinaires peu aptes à les connaître. C’est ainsi que les administrative Tribunals au 20e siècle et
les ombudsmen vers la moitié de ce siècle (20e) font leur apparition.
Les administrative Tribunals ne sont pas à proprement parler des juridictions, mais des autorités
administratives qui sont chargées de résoudre les litiges en droit du travail et en droit administratif.
Quant aux ombudsmen, ils sont compétents pour régler le contentieux né du fonctionnement des
administrations ministérielles et locales et du service de la santé.
De nos jours, la législation régit des pans entiers de droit très peu touchés par la common Law
(droit de la famille, droit des sociétés de capitaux).

Section 2 : L’organisation judiciaire anglaise

Le système judiciaire anglais, comme le nôtre, repose sur un certain nombre de juridictions et un
personnel chargé de l’animer.
§ 1. Les juridictions anglaises

Le droit anglais ne connaît pas la distinction admise en droit burkinabé entre juridictions civiles et
juridictions administratives. Le contentieux administratif est dévolu aux juridictions ordinaires,
notamment les juridictions civiles. La division fondamentale dans l’organisation judiciaire
anglaise est celle qui distingue les juridictions inférieures des juridictions supérieures.

I. Les juridictions inférieures

Les juridictions inférieures sont théoriquement des juridictions d’exception, c’est-à-dire qu’elles
connaissent les affaires que la loi leur accorde. Elles sont formées par les magistrates’s courts, les
County courts et de quelques juridictions spécialisées.

A. Les magistrates’ courts (Justices de paix)

Elles se trouvent au bas de l’échelon de l’administration judiciaire anglaise. Elles sont animées par
des juges professionnels (District Judges) nommés à vie par la couronne sur proposition du
chancelier, et de juges de paix (Law magistrates ou justices of the peace) qui sont des notables
nommés par le chancelier.

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Les magistrates’s courts sont compétentes aussi bien en matière civile qu’en matière pénale.
Les appels des décisions rendues dans le domaine pénal sont interjetés en grande partie
auprès de la Cour criminelle. Mais, il est également possible de faire l’appel devant le Banc de la
reine de la Haute Cour de Justice.
Dans le domaine civil, les décisions rendues notamment en matière familiale peuvent faire
l’objet d’un appel auprès de la Division familiale (Family Division) de la Haute Cour de Justice.

B. Les cours de comté (County Courts)

La création des cours de comté date de l’année 1846. Initialement compétentes uniquement pour
les actions contractuelles dont la valeur est inférieure à 5 000 livres, elles sont, depuis l’entrée du
Courts and legal Services Act 1990 (loi sur les cours et les professions judiciaires), exclusivement
saisies pour des litiges en matière contractuelle, délictuelle et de revendication immobilière
dont l’intérêt atteint 25 000 livres. Ce seuil est porté à 50 000 livres lorsqu’il s’agit de
préjudice corporel.
Les cours de comté sont composés de deux catégories de juges : les juges de circuit (Circuit
Judges), qui étaient autrefois des juges de comté, et les juges professionnels (District judges) jadis
nommés registrars (juges-greffiers). Ces derniers s’occupent principalement des petites créances
dont la valeur est inférieure à 5000 livres. Les décisions des district judges peuvent être appelées
devant un juge de circuit. La décision de ce dernier peut à son tour être censurée par la Haute Cour
de Justice. La Cour d’appel (Court of Appeal) n’est saisie que lorsque sont en cause des questions
de droit suffisamment importantes.
Les cours de comté sont réparties sur l’ensemble du territoire et sont animées par des juges
itinérants. Ce sont des juridictions à juge unique.

C- Les juridictions spécialisées

Pour ce qui est des juridictions spécialisées, il convient de mentionner les différents tribunaux qui
répondent à l’appellation de « administrative Tribunals ». Ce sont :
- Les Employement Tribunals : ils ont compétence pour régler les litiges relatifs au contrat
de travail ;
- Les Rent Tribunals : qui sont des juges des loyers ;
- Les juridictions spécialisées dans le domaine de la sécurité sociale, d’expropriation,
d’urbanisme, de fiscalité…

II. Les juridictions supérieures

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Les reformes judiciaires de 1873-1875 ont consacré la naissance de la Haute cour de justice (High
Court of Justice), juridiction de première instance, et de la Cour d’appel (Court of Appeal),
juridiction d’appel. En 1971, il a été créé une Cour de la couronne (crown court) compétente en
matière pénale. Depuis la réforme constitutionnelle (constitutionnal reform act) du 24 mars 2005,
ces trois juridictions forment les Cours supérieures d’Angleterre et du pays de Galles (Senior
Courts of England and Wales). Cette réforme a également créé la Cour suprême (supreme court)
du Royaume-Uni (Angleterre, pays de Galles, Ecosse et Irlande du Nord) qui a remplacé à partir
de 2009 la Chambre des Lords comme une juridiction supérieure de tous les tribunaux du Royaume
uni.

A. Les Cours supérieures d’Angleterre et du pays de Galles

Elles comprennent la Haute cour de justice, la Cour de la couronne et la Cour d’appel.

1. La Haute Cour de justice (Hight Court)

La Haute cour est composée de juges appelés Justices qui sont choisis parmi les barristers ayant
15 ans d’expérience. Elle comprend trois divisions : la division du Banc de la reine (Queen’s bench
division), La division de la chancellerie (Chancery division) et la division de la Famille (Family
division).
La Queen’s bench division est l’héritière des anciennes cours royales qui ont développés la
common law. Elle est compétente pour connaître du contentieux contractuel et délictuel,
notamment les actions en dommages et intérêts. Elle contient en son sein des formations
spécialisées : il s’agit de la commercial et de l’Admiralty court compétente pour connaître les plus
grandes affaires commerciales et la Divisional court qui juge la légalité des décisions
administratives, les matières relatives à l’habeas corpus et qui règle les questions préjudicielles se
posant devant les juridictions répressives.
La Chancery division est née des cendres des juridictions d’equity. Elle est donc compétente dans
toutes les matières traditionnellement relevant de l’equity, notamment le trust ou le recours en
exécution forcée, les litiges relatifs aux procédures collectives pour les sociétés dont le capital
libéré dépasse 120 000 livres sterling. Elle connaît aussi les litiges relatifs aux sociétés de capitaux
dont le règlement est confié à une formation spécialisée, la Companies court et le contentieux des
brevets soumis à une Patent court, autre formation spécialisée.
La Family division a été créée récemment par l’Administration Act of justice de 1970 ; sa
compétence est restreinte aux affaires matrimoniales et familiales.

2. La Cour de la couronne (Crown Court)

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Créée en 1971 pour remplacer les juridictions d’assises, la Cour de la couronne est compétente
pour connaître les délits et les crimes les plus graves. Elle est composée d’un juge unique
professionnel assisté souvent de deux à quatre juges de paix et un jury de douze membres. Elle est
unique et a son siège à Londres. Toutefois, elle tient des sessions dans quatre-vingt-dix villes
différentes.
La Cour de la couronne n’a pas de juges propres. Ces derniers proviennent des juges de la Haute
Cour de Justice, des juges des Cours de comté et ceux des Magistrates’s courts.

3. La Cour d’appel (Court of Appeal)

L’Angleterre compte une seule Cour d’appel, qui siège à Londres, et qui a 37 juges ayant le titre
de Lord Justice (Lord signifiant pair). Le président porte le nom de Master of Rolls. La Cour
d’appel connaît rarement des affaires au fond ; assez souvent, elle se prononce sur des questions
de droit. L’appel doit être autorisé par la Cour dont la décision est attaquée ou par la Court of
Appeal elle-même, contrairement aux systèmes continentaux, où l'appel est libre. Cela réduit
considérablement le nombre d'affaires traitées.
La Cour d’appel comprend deux divisions : la division civile (Civil division) et la division pénale
(Criminal division).
- La division civile est compétente pour connaître des affaires jugées en premier degré par
la Haute Cour de Justice et les cours de comté, les cours de pratiques restrictives, le tribunal d’appel
en matière d’emploi et d’autres juridictions.
-La division pénale juge les appels interjetés contre les décisions rendues par la Cour de la
couronne qui se rapportent à la condamnation, l’acquittement, ou la peine infligée à l’accusé.
La Court of Appeal juge environ 1.000 affaires par an. C'est peu.

B. La Cour suprême du Royaume-Uni (Suprem court of United Kingdom)

C’est la plus haute juridiction du système judiciaire anglais. Sa compétence territoriale ne se limite
pas seulement à l’Angleterre, mais s’étend au Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galle, Ecosse et
Irlande du Nord). C’est elle qui s’est substituée, depuis la réforme constitutionnelle de 2005 qui
est entrée en vigueur en 2009, à la chambre des Lords comme juridiction suprême de tout le
Royaume-Uni. Elle est composée de 12 juges appelés juges de la Cour suprême (Justices of the
Suprem Court) qui ont remplacés les 12 lords de la formation du jugement de la Chambre des
Lords. Nommés parmi les barristers ayant au moins quinze ans d’expérience, ils sont désignés à
vie, sauf démission, maladie ou incapacité.

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Les compétences de la Cour suprême du Royaume-Uni dépendent de la matière en cause.
Dans le domaine civil et administratif, la Cour examine les appels formés contre les
décisions rendues par les juridictions supérieures de l’Angleterre (Court of appeal et High court),
d’Ecosse (Court of session) et d’Irlande du Nord (Court of judicature of nord Ireland).
En matière pénale, la compétence de la Cour suprême se limite aux appels exercés à
l’encontre des décisions des juridictions d’Angleterre et d’Irlande du Nord.
En matière constitutionnelle, la Cour suprême est chargée de départager les compétences
entre le Royaume Uni et ses composantes (Ecosse et Irlande du Nord), lequel rôle était jadis dévolu
au Conseil privé de la Reine. La Cour suprême est chargée d’examiner les questions de droit de
grande importance. Ce qui explique que les recours ne se font pas de plein droit : L'appel doit être
autorisé, mais elle ne peut de toute façon être saisie que d'affaires présentant un intérêt juridique,
notamment jurisprudentiel.
Elle juge environ 50 à 80 affaires par an. Elle a « pratiquement » le rôle d'une cour de cassation.
Les juges ne retiennent que les cas avec un réel intérêt, quand il s'agit d'unifier le droit, la
jurisprudence sur un point.

§ 2. Le personnel judiciaire

Il s’agit essentiellement des juges et des auxiliaires de justices. Après avoir brossé les traits
caractéristiques des premiers, il sera abordé l’étude des auxiliaires de justices.

I. Les traits caractéristiques de la magistrature anglaise

La magistrature anglaise est administrée par un Lord chancelor, membre du gouvernement. Elle
est marquée par certains traits qui forgent sa particularité.
En premier lieu, on note une présence remarquable des juges non professionnels, notamment au
sein des juridictions inférieures.
En deuxième lieu, l’on relève que sur le plan du recrutement des juges professionnels, les
magistrats anglais sont recrutés parmi les auxiliaires de justice (Solicitors ou barrister) ayant une
expérience solide de la pratique judiciaire. On ne devient pas magistrat en Angleterre aussitôt les
études universitaires terminées. Les magistrats anglais sont ceux qui ont réussi leur carrière.
Par ailleurs, la magistrature est marquée par une grande indépendance. Deux raisons expliquent ce
fait. D’abord, contrairement au système burkinabé où il n’existe pas en tant que tel un pouvoir
judiciaire, la magistrature anglaise est dotée d’un pouvoir judiciaire. En outre, cette indépendance
tient sans doute à l’expérience des magistrats. Enfin, il convient de signaler leur nombre peu élevé.
Cela est dû au fait que le système du juge unique est le principe en Angleterre.

19
II. Les auxiliaires de justice

Les auxiliaires de justice sont composés de solicitors et de barristers, qui ont des fonctions séparées
mais complémentaires.

A. Les solicitors

Les solicitors exercent diverses fonctions à la fois, ce qui rend leur rapprochement avec les
auxiliaires de justice de l’organisation judiciaire burkinabé difficile à opérer ; en effet leurs
attributions recouvrent à la fois :
- le conseil juridique de leurs clients dans la phase précontentieuse. (Ils sont chargés de
conseiller leurs clients dans la phase précontentieuse sur toutes les questions de droit.)
- ils sont également habilités à représenter leurs clients dans la phase contentieuse, pour
accomplir en leur nom les démarches nécessaires au déroulement de la procédure,
- Une fois le dossier instruit, ils doivent normalement le transmettre à un barrister qui se
chargera de le plaider. Toutefois, les solicitors ont aujourd’hui le pouvoir de plaidoirie
devant les juridictions inférieures ou spécialisées, exception faite des affaires
juridiquement complexes pour lesquelles ils recourent à un barrister.
Les solicitors exercent en outre une activité notariale et d’huissier (rédaction de testament et de
contrat, règlement de succession, transfert de propriété…).

B. Les barristers

Autant la mission du solicitor est étendue, autant celle du barrister est étroite. En effet, sa fonction
principale est de conclure et de plaider à l’audience. Cependant, le barrister ne reçoit pas
directement son affaire du client, puisqu’il est nécessairement saisi par un solicitor. Cela
s’explique, notamment en matière pénale, par l’idée que le barrister ne défend pas des intérêts
partisans, mais est au service de la Cour et de la justice.

Les barristers exercent également le rôle de conseils juridiques. Ici encore, ils doivent être saisis
par les socilitors.

Chaque barrister doit adhérer à l’une des quatre Inns of court qui furent naguère des centres de
formations juridiques devenus aujourd’hui des clubs d’avocats. La profession de barrister est

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représentée et contrôlée par le General Council of the bar, appelé Bar Council qui dispose d’un
pouvoir disciplinaire qu’il délègue aux Inns of court placés sous leur contrôle.

Section 3 : Les sources du droit anglais

Dans le système juridique anglais, la jurisprudence est perçue comme l’une des sources
principales, voire la plus importante, car c’est elle qui a posé les catégories juridiques et les
principes généraux du droit. A côté d’elle, la loi, jadis considérée comme une source secondaire,
occupe aujourd’hui une place non moins importante. A ces deux sources principales s’ajoutent la
coutume, la doctrine et la raison qui jouent un rôle non négligeable.

§ 1. La jurisprudence

A l’inverse de notre système juridique où elle n’a qu’une autorité persuasive, la jurisprudence
anglaise a une force obligatoire comparable à celle de la loi. Le fondement de cette force
obligatoire se trouve dans la doctrine du stare decisis. Le terme provient de la phrase latine « Stare
decisis et non quieta movere », ce que l'on peut traduire par « s’en tenir à ce qui a été décidé et ne
pas bouleverser ce qui est établi ». Les décisions en common law sont nommées « précédents ».
L’étude de la jurisprudence comme source de droit suppose donc d’appréhender le sens et la portée
de cette règle.

I. Le sens de la règle du précédent

La règle du précédent est apparue au 19e siècle à la suite de la mise en place d’une organisation
hiérarchique des juridictions et de l’amélioration apportée à la technique de publications de
décisions judiciaires. Avant cette date, il n’y avait de précédent que l’attitude des juges qui
consistait à consulter les décisions déjà rendues pour y trouver une source d’inspiration.
L’introduction de la règle du précédent visait à répondre à une préoccupation de sécurité juridique :
faire en sorte qu’il y ait le moins de distorsions possible entre les décisions rendues par les
tribunaux. Dans cette optique, la règle du précédent s’analyse comme un principe selon lequel :
« toute règle de droit énoncée dans une décision de justice à l’occasion d’une affaire semblable
doit être considérée comme s’imposant aux juges de même rang ou de rang inférieur »6

6
Michel Fromont, Grands systèmes de droit étrangers, mémentos Dalloz, Paris, p. 66.

21
II. La portée de la règle du précédent

La portée du précédent dépend d’un certain nombre d’éléments qui se présentent comme suit.

A. La hiérarchie judiciaire

Les juridictions anglaises sont hiérarchisées. Une juridiction est liée par les décisions précédentes
des juridictions supérieures. Certaines cours ne lient personne, d'autres lient les juridictions
inférieures mais pas elles-mêmes, et d'autres enfin lient les juridictions inférieures et «
normalement », elles-mêmes.
Ainsi, Les décisions rendues par la Cour suprême du Royaume-Uni ont force de précédents et
s’imposent à toutes les juridictions qui lui sont soumises. Toutefois, la Cour suprême du Royaume-
Uni n’est pas liée par ses propres précédents.
Les précédents de la Cour des appels ont force obligatoire pour les juridictions de rang inférieur et
pour la Cour des appels.
Les précédents de la Haute Cour de Justice s’imposent à elle-même et à toutes les juridictions
inférieures. Toutefois, les juges de cette Cour qui siègent seuls ne sont pas liés par les solutions
rendues par leurs collègues de même rang.
Il faut remarquer que les décisions des juridictions inférieures ne constituent jamais des précédents.

B. La distinction entre ratio decidendi et obiter dictum

Les motifs d’une décision judiciaire anglaise peuvent être classés en ratio decidendi et en obiter
dictum. La ratio decidendi est « le principe que le juge a énoncé à partir des faits de la cause pour
trancher celle-ci »7. Les faits sur la base desquels le juge énonce la règle sont les faits reconnus
par lui pertinents et ayant une valeur essentielle. L’obiter dictum est constitué par les déclarations
du juge qui ne sont pas nécessaires à la solution du litige, parce qu’elles portent soit sur des
problèmes voisins soit sur des faits hypothétiques.
La distinction entre ratio decidendi et obiter dictum est capitale, car seule la première peut
constituer un précédent.

7
Donald Poirier et Anne Françoise Debruche, Introduction générale à la common law, p. 361

22
C. La technique de la distinction

Une solution n’est considérée comme précédent que pour les faits à propos desquels elle a été
rendue. Lorsqu'un juge est confronté à une série de précédents, il doit les harmoniser et les
distinguer les uns des autres : c'est la distinction.
Le juge anglais procède donc à une distinction dans l’application du précédent. Ainsi, lorsqu’il est
saisi d’un litige, il compare les faits émanant de ce dernier à ceux considérés comme pertinents et
essentiels par le précédent. Si les faits de la cause sont semblables à ceux du précédent, il n’a
d’autre choix que d’appliquer ce dernier. Si, en revanche, il relève une différence significative, il
est fondé à écarter le précédent et à appliquer une autre règle. Cette distinction permet au juge
anglais de faire évoluer la common law, en fonction de l’apparition de circonstances nouvelles et
de l’évolution de la société.
Soit il n'en trouve aucun, et il crée lui-même un précédent, soit il y a un ou plusieurs précédents
qui collent, et il applique le précédent qui convient.

D. Les law reports

L’efficacité du système du précédent repose sur une publication rapide et systématique des
décisions judiciaires ayant force de précédents. Ce rôle est assuré par les law reports. Ceux-ci sont
des recueils qui publient les décisions judiciaires les plus importantes ou ayant la force de
précédents. Il en résulte qu’une décision qui n’y est pas publiée ne peut être considérée comme un
précédent, sauf à faire la preuve par un témoignage sérieux de son authenticité. Un tel système
permet de limiter le nombre de décisions qui peuvent être citées comme des précédents.

E. Les situations où le précédent n’a plus force obligatoire

La force obligatoire du précédent n’est pas absolue. Dans certaines hypothèses, le précédent peut
être écarté. Il en est ainsi :
- du cas où le précédent a été infirmé par une décision d’une cour de rang supérieur ou
remplacé ou modifié par une loi ;
- lorsqu’il y a un changement des politiques sous-jacentes c’est-à-dire lorsque des raisons
qui sous-tendent le précédent ne sont plus d’actualité et si l’application de ces politiques
est susceptible de créer une incertitude, une injustice ou un recul par rapport aux politiques
en vigueur ;
- de l’hypothèse où la décision est prise per incuriam, c’est-à-dire à la suite d’une lecture
incorrecte de la jurisprudence de l’époque ou d’une méconnaissance des décisions des
cours supérieures au moment où la décision a été rendue.

23
§ 2. La loi

La loi constitue, à côté de la jurisprudence, une autre source du droit anglais. Elle s’entend de la
loi acte du parlement (Statute, Act of parliament) mais aussi des dispositions réglementaires
variées prises en application de la loi appelées législation déléguée ou législation subsidiaire. On
retiendra que, du fait qu’il n’existe pas de constitution écrite, on ne fait pas de distinction entre loi
ordinaire et loi constitutionnelle, de sorte que toute loi adoptée par le parlement se trouve au
sommet de la hiérarchie des normes. Il convient d’examiner les caractères techniques de cette loi
et l’interprétation que les juges en font.

I. Les caractères techniques de la législation anglaise

La législation anglaise est marquée par son importance et sa conception casuistique.


S’agissant de son importance, il faut mentionner que la législation anglaise était, à l’origine, peu
fournie et avait surtout pour but de fournir des remèdes à la common law. De nos jours, on trouve
en Angleterre, en termes quantitatifs, autant de lois que dans certains pays de droit romaniste, ce
qui fait dire à certains auteurs que la loi est devenue la source principale de droit. Cette opinion
doit être nuancée. En effet, la loi, dans l’esprit du juge anglais, n’est pas le mode normal de
production des normes, de sorte qu’elle ne sera considérée comme tel que lorsqu’elle aura été
appliquée et interprétée par les Cours. Ainsi, il n’est pas rare de voir qu’au lieu de citer le texte de
loi, le juriste anglais se réfère à la décision qui en a fait application ou sur laquelle il repose.
S’agissant de sa conception casuistique, le civil lawer peut être frappé par l’extrême précision avec
force de détails de la loi anglaise. Celle-ci tente, en effet, de cerner de plus près les situations
auxquelles elle sera appliquée, contrairement à la législation de droit romaniste qui se contente
souvent de formulations générales. En outre, la structuration de la loi est complexe : celle-ci est
divisée en sections très longues comportant des sous-sections, des paragraphes et des sous
paragraphes… et des articles.

II. L’interprétation des lois anglaises

Le juge anglais a deux attitudes apparemment contradictoires face à sa loi. D’une part, il la perçoit
comme un acte émanant d’un organe qui lui est supérieur et la respecte, de ce fait,
scrupuleusement ; d’autre part, il présume dans l’interprétation de cette loi que celle-ci a entendu
modifier le moins possible l’état du droit antérieur. De cette attitude découlent les règles
d’interprétation suivantes dont l’application dépend du degré plus ou moins élevé de précision du
texte.

24
En premier lieu, la règle d’interprétation en considération du mal à remédier (mischief rule)
: c’est une méthode d’interprétation ancienne qui tient compte du but visé par le législateur. On
considérait en effet les raisons des remèdes que la loi entendait apporter au défaut de l’état de droit,
et la loi n’est appliquée qu’aux situations ayant nécessité l’intervention du législateur ;
En deuxième lieu, la règle de l’interprétation littérale ou grammaticale (literal rule) : avec
cette méthode d’interprétation, on s’en tient au sens ordinaire et naturel des mots employés par le
législateur dans la loi, même si cela conduit à un résultat injuste. Cette méthode est généralement
utilisée lorsque le texte de loi est clair.
En dernier lieu, l’approche contextuelle (golden rule) : lorsque la loi recèle des ambiguïtés,
c’est-à-dire lorsque le résultat de l’interprétation littérale peut déboucher sur une contradiction ou
une absurdité, le juge peut donner aux mots employés par le législateur une signification autre que
leur sens littéral, de manière à donner à la loi une compréhension moins absurde ou moins
rebutante. Pour ce faire, il doit rechercher l’intention du législateur en considérant l’ensemble des
dispositions de la loi.

§ 3. La coutume

La coutume, on se rappelle, était la source principale de droit en Angleterre avant la conquête


normande. Après cette conquête, la common law produite par les juges royaux va progressivement
prendre sa place. L’application de la coutume fut dès lors contrôlée. C’est ainsi que la coutume ne
pouvait être invoquée que si elle était immémoriale, raisonnable, certaine, localisée, bénéfique à
ceux l’invoquent…
Si avec ce contrôle son champ d’application s’est considérablement réduit, la coutume n’a pas
complètement disparu du paysage juridique anglais. Elle subsiste dans certains domaines comme
le droit commercial où elle a été codifiée, le droit maritime, le droit du travail, le droit de la presse
et les terres communes. Mais même dans ces matières, la coutume a une place subsidiaire et doit
s’effacer face à la loi ou au précédent.

§ 4. La doctrine

La doctrine peut se définir comme les travaux et les écrits consacrés au droit par les spécialistes
du droit. Le droit anglais a été secrété par la pratique ; il n’a pas été comme le droit romaniste
l’œuvre des universitaires. La doctrine, dans ces conditions, a été sous-estimée comme source de
droit en Angleterre. On aurait cependant tort de négliger sa place comme source de droit. En effet,
certains ouvrages sont qualifiés en Angleterre de books of authority dotés, selon le professeur Réné
David (Grands système de droit contemporains, n° 356, p. 443), d’une autorité comparable à celle
de notre loi. Ces ouvrages, qui peuvent être considérés comme des sources de droit, sont cités

25
fréquemment dans les décisions anglaises. En outre, depuis le 19 siècle, les common lawers
reçoivent de plus en plus une formation universitaire. Le rôle de la doctrine s’est ainsi accru et les
ouvrages servent souvent soit de point de départ au travail du juge, soit d'incitant à son travail de
réflexion.

§ 5. La raison

L’appel à la raison pour compléter le droit est une constante aussi bien en Angleterre que dans les
pays de droit romaniste. La raison joue cependant un rôle particulier en droit anglais du fait du
caractère casuistique de ce droit. En effet, ce caractère laisse subsister les lacunes qui sont
comblées par la raison, reconnue à ce titre, comme une source subsidiaire. A une certaine époque
du droit anglais (15 siècle), la raison a même été reconnue comme une source primordiale de droit
par certains juges dont le célèbre juge Coke qui affirmait que « la raison est la vie du droit, en
vérité la common law n’est rien d’autre que la raison ».
Le rôle de la raison comme source de droit est de rechercher, dans les cas où il n’existe ni
précédent, ni loi, ni coutume, la solution qui est en accord avec les règles existantes et qui est
conforme aux exigences de justice et de sécurité. Le travail de raison consiste donc à dégager les
principes généraux des règles existantes.

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CHAPITRE II : ELEMENTS DE DROIT PRIVE ANGLAIS

Dans l’étude du droit privé anglais, il sera beaucoup plus question du droit civil. Les éléments de
ce droit ont trait à la procédure civile (Section 1), au droit des obligations (Section 2) et au droit
des biens et au trust (Section 3).

Section 1 : La procédure civile anglaise

En raison du caractère jurisprudentiel du droit anglais, la procédure occupe une place importante
dans celui-ci. La procédure civile anglaise est marquée par son caractère oral et accusatoire. Après
avoir examiné la procédure civile proprement dite, il sera examiné la question de la preuve en droit
anglais.

§ 1. La procédure proprement dite

Le procès civil débute en général en Angleterre, conformément à la tradition, par la délivrance


d’un writ (writ of summons) que le demandeur va signifier au défendeur. Le writ est autre chose
que l’assignation dans notre droit. C’est un ordre, donné au nom de la Reine par le Chancelier au
défendeur, et qui ouvre à ce dernier une alternative : soit satisfaire à la prétention du demandeur,
soit fournir des explications à la Cour pour justifier son refus.

Le défendeur est invité, par le writ, à comparaître en justice (enter in appearance) dans un certain
délai et à faire connaître son intention de résister à la prétention du demandeur. S’il ne le fait pas,
l’ordre contenu dans le writ devient définitif : le défendeur doit, conformément à cet ordre,
satisfaire à la prétention du demandeur.

Une importante conséquence s’attache donc à la différence de nature qui existe entre l’assignation
dans notre droit et le writ anglais. Cette conséquence est l’absence en Angleterre de toute procédure
de jugement par défaut. Le défendeur qui ne comparaît pas est considéré comme ayant reconnu le
bien-fondé de l’ordre qui, sur l’initiative du demandeur, lui a été imparti par le Chancelier. Le
demandeur n’a, dans ces conditions, qu’à faire constater, à l’expiration du délai prescrit pour la
comparution du défendeur, le défaut de ce dernier ; il peut obtenir alors automatiquement, en
dehors de tout examen de l’affaire ce que l’on appelle « jugement », c'est-à-dire un titre exécutoire,

27
contre le défendeur. Pour ce faire, il suffit d’un greffier pour constater qu’un writ a été délivré,
qu’il a été dûment signifié, et que celui à qui il a été signifié n’a pas comparu dans le délai voulu.

Le système anglais suppose seulement que de sérieuses précautions soient prises pour s’assurer
que la signification du writ a effectivement touché le défendeur : seule est admise, en principe, la
signification faite à la personne même du défendeur. Un remède est cependant offert au défendeur,
qui peut, le cas échéant, faire annuler le jugement pris par défaut contre lui ; mais il faut à cette fin
qu’il fournisse une explication valable de son défaut d’une part, qu’il fasse valoir l’existence à son
profit d’un moyen sérieux de défense d’autre part. Ces deux points sont jugés par un auxiliaire du
juge (Master) qui décide s’il y a lieu d’annuler le jugement pris par défaut. La décision ainsi prise
est sujette à un recours devant un juge statuant « en son cabinet » (in chambers). Une reprise de la
procédure peut être autorisée et le procès n’est pas vidé en même temps comme il arrive dans notre
droit lorsqu’il est fait opposition.
Si le défendeur comparaît et fait savoir qu’il conteste la demande, la procédure se déroule devant
un juge de la procédure, appelé Master, dont le rôle est d’organiser l’audience publique ou de
mettre, dans certains cas, fin au procès. Le solicitor du demandeur doit adresser au Master (juge
de la procédure) un exposé de la demande (statement of claim). A cet exposé, le défendeur réplique
par un mémoire en défense (defense ou counterclaim). Après cet échange de conclusions
(pleadings), le Master peut décider de trancher le litige, si la demande ne lui paraît pas sérieusement
contestable ou si les parties le lui demandent.
Hormis ces cas, il met l’affaire en l’état, c’est-à-dire qu’il fixe le lieu et la date de l’audience et les
questions qui y seront débattues, et la transmet au rôle. L’audience peut alors débuter. Elle est
conduite généralement par un juge unique depuis la disparition du jury en 1933, sauf en matière
de diffamation. Le rôle de ce juge se limite à arbitrer le procès et à veiller au bon déroulement du
procès, notamment à la clarté et à la loyauté des débats. C’est ainsi qu’il ne pose pas de questions
aux témoins.

L’audience se déroule devant les barristers des deux parties. Elle est orale et publique. Les témoins
de chaque partie sont interrogés par le barrister de l’autre, à commencer par les témoins du
demandeur qui, après avoir été interrogés par leur barrister, sont soumis à l’interrogatoire du
barrister de la partie adverse. A l’issue de cet interrogatoire, les closing speech sont prononcés par
les barristers des deux parties et le juge est appelé à trancher le litige. Ce dernier peut prendre une
décision sur le champ, comme il peut réserver sa décision à plus tard. Il n’est pas obligé de motiver
sa décision, mais en pratique il le fait.

§ 2. La preuve en droit anglais

28
Comme la procédure proprement dite, les moyens de preuve présentent une originalité en droit
anglais. A cet égard, il convient de noter que la reine de preuve y est constituée par le
témoignage. Les dépositions des témoins, qui prêtent serment, sont, en effet, décisives dans la
mesure où elles permettent au juge de former son opinion de l’affaire. Toutefois, seuls les
témoignages directs sont admis, à l’exclusion des ouï-dire. De même, seuls les témoignages portant
sur des faits sont recevables, l’opinion du témoin n’étant pas prise en considération.

En raison du caractère accusatoire, la preuve par écrit (documentary evidence) occupe une place
secondaire. Elle n’est admise qu’avec restriction : l’original du document doit être produit et
l’authenticité de celui-ci doit être prouvée par un témoin ou établie par expert.

Il faut enfin signaler l’existence en droit anglais de la preuve réelle (real evidence). Celle-ci
consiste en la production d’un objet autre qu’un écrit. Il peut s’agir de la présentation de biens
corporels, de la comparution physique d’une personne ou encore de la visite des lieux.

Section 2 : Le droit des obligations

L’expression « droit des obligations » (Law of Obligations) est d’apparition récente et peu usitée
en droit anglais. Il n’existe pas dans ce droit une théorie générale des obligations.
Traditionnellement, le droit des obligations est constitué séparément des délits (torts) et des
contrats (contracts).

§ 1. Les délits (les torts)

Le droit de la responsabilité délictuelle n’est pas construit en Angleterre comme celui de notre
système. En effet, la responsabilité n’y est pas régie par les règles du genre de celles prévues aux
articles 1382 et suivants du Code civil qui, on le sait, donnent lieu à une action générale en
responsabilité.

29
Le droit anglais de la responsabilité s’est développé à l’origine à partir des actions typiques et
spécialisées nées des writs (ou brefs). C’est la raison pour laquelle Olivier Moréteau 8, le présente
comme un « catalogue de délits ou de quasi-délits spécifiques connus sous l’appellation générale
de torts ». Toutefois, grâce en partie à l’effort doctrinal, des règles communes ont pu voir le jour
concernant certains aspects de ce droit.

I. La spécificité des délits (torts)

Le système traditionnel caractérisé par l’existence de délits typiques tend à faire place à un système
moderne fondé sur un seul délit : la négligence.

A. Les délits traditionnels

A l’origine, il n’y avait que les actions de trespass (writs of trespass), puis, au regard des limites
de ceux-ci, sont apparus les actions on the case (trespass on the case).

1. Les actions of trespass

Le writ on trespass permet l'indemnisation du préjudice en cas d'atteinte aux personnes, aux biens
ou à la propriété immobilière, parce que l'auteur du préjudice n'as pas agi comme on pouvait
raisonnablement l'espérer ( ce writ est plus proche de la responsabilité civile).

Les actions of trespass donc visaient surtout à réparer un fait dommageable causé par la force et la
violence.
Elles comportaient trois variantes :
- L’action of trespass to the person : elle répare le préjudice corporel causé par des coups et
blessures ou de simples agressions.
- L’action of trespass to land : c’est une action permettant au propriétaire de faire prononcer
l’expulsion d’un occupant illégitime ou d’interrompre une prescription acquisitive.
- L’action of trespass to goods : elle permet au propriétaire d’un meuble de le revendiquer
ou d’obtenir une compensation si le meuble a été endommagé.

L’action of trespass était cependant limitée à la réparation des dommages causés de manière directe
et par la force. Elle ne pouvait donc permettre la réparation de préjudices résultant de causes
indirectes, sans intervention physique. En effet, au départ le trespass supposait une violation du
bien; d’où le fait qu’il ne s'appliquait pas lorsque le bien avait été confié volontairement; par la
suite, s'il n'y avait pas de writ préétabli, l'on pouvait tenter sa chance en donnant des explications;

8
Droit anglais des affaires, p. 220, n° 393.

30
il fallait alors voir l'importance que présentait l'affaire. L'on étendit ainsi l'application des writs au
trespass on the case

2. Les actions on the case

Devant l’insuffisance de l’action of trespass, la jurisprudence a dû se résoudre à créer de nouvelles


actions permettant d’obtenir la réparation de dommages indirects, sans violence ou sans
intervention physique. Ces actions ont reçu l’appellation de trespass on the case (action on the
case). Beaucoup plus souples, elles permettent d’inscrire en quelques mots les éléments essentiels
que l’on souhaite soumettre à la Cour. Au titre de ces actions, on peut citer :
- tort of nuisance : qui sanctionne le trouble de voisinage ;
- defamation qui comprend le libel et le slander. Le libel répare le préjudice résultant des
propos diffamatoires diffusés au moyen d’un support durable ; le slander se rapporte aux
propos diffamatoires tenus devant une audience limitée ;
- Tort of fraud ou deceit : qui est la situation où une personne a subi un préjudice du fait de
propos ou agissements dolosifs du défendeur.

Cette extension du writ donna aussi naissance au writ d'assumpsit admis en 1515; au début, le writ
était calqué sur l'action quasi-délictuelle mais par après l'action prit une véritable application
contractuelle là où le défendeur s'est engagé ( assumpsit assumed to do) à exécuter telle obligation
qui a été exécutée de façon défectueuse ou qui n'a pas été exécutée ayant ainsi entraîné un
dommage pour le demandeur.; En 1602, la jurisprudence admit que le writ d'assumpsit pouvait
s'appliquer sans aucune entrave à tout engagement contractuel

(c'est le fameux Slade's case (Slade v. Morley) qui est considéré comme le plus important arrêt en
matière contractuelle). John Slade, qui est un marchant de graine, se plaint que Humphrey Morley
s’était engagé à lui vendre une récolte de blé et de seigle. Slade paye 16 £ pour marquer l’accord.
La Cour a considéré qu’il y avait bien application du writ d’assumpsit car Morley était propriétaire
de l’argent de Slade, alors que lui n’avait rien reçu en échange9.

B. La négligence (tort of negligence)

L’action fondée sur la negligence suppose réunies trois conditions : l’existence d’une obligation
de diligence entre le demandeur et le défendeur, la preuve d’une négligence du défendeur et la
preuve que le dommage a été causé par la négligence de ce dernier.
Elle a été créée pour régir les cas où un préjudice corporel ou matériel est causé par une
intervention indirecte mais négligente du défendeur. Par la suite, elle a été accueillie dans les
cas où l’obligation de diligence résultait de la proximité entre les parties.

9
Voy. Yelv 21, 80 ER 15

31
Le champ d’application de cette action a été élargi par la décision de la Chambre des lords rendue
en 1932 dans la célèbre affaire Donnoghue v. Stevenson. Dans cette affaire, la chambre a reconnu
à un consommateur la possibilité d’agir contre un fabricant, alors que le lien de proximité entre les
parties est moins net. Cette affaire a donné lieu à un développement de la responsabilité fondée
sur la négligence et une redéfinition de l’obligation de diligence. Pour apprécier l’existence de
celle-ci, les juges anglais utilisent le critère de la prévisibilité raisonnable. Selon ce critère, toute
personne est responsable lorsqu’elle devait raisonnablement prévoir les conséquences
dommageables de son acte. La prévisibilité raisonnable est appréciée à la lumière du
comportement d’une personne raisonnable (standard of the reasonable man) placée dans les mêmes
circonstances que celles de l’affaire.

II. Les règles communes aux différents délits

Bien que chaque délit réponde à un régime particulier, certaines règles sont communes à tous les
délits.
Il en est ainsi tout d’abord des causes exonératoires de responsabilité : en droit anglais la
responsabilité n’est pas encourue en cas d’état de nécessité de l’auteur du délit (légitime défense),
d’acceptation du risque par la victime et de force majeure exceptionnelle (Act of God).
Il en va ainsi ensuite des règles relatives à la réparation du préjudice. La réparation par l’allocation
des dommages et intérêts, qui fût jadis la seule sanction possible en common law, demeure la règle.
Sous l’impulsion de l’equity, il a été reconnu à la victime d’un délit la possibilité d’empêcher la
répétition ou la continuation de ce dernier en demandant au juge de prononcer une injonction.
Toutefois, ce recours demeure exceptionnel et est soumis à l’appréciation discrétionnaire du juge.

§ 2. Les contrats

Le contrat présente des originalités en droit anglais. Après quelques considérations à son sujet, il
sera examiné succinctement sa formation et ses effets.

I. Considérations historiques sur la notion de contrat

A l’origine, il n’existait pas d’action contractuelle sanctionnant spécifiquement la violation d’un


engagement contractuel. Sans doute, il y avait le writ of covenant. Mais celui-ci ne sanctionnait
que l’inexécution d’un engagement contracté sous la forme de deed, c’est-à-dire, un document
revêtu du sceau du débiteur.

32
La victime d’une violation d’un engagement contractuel était donc obligée de se rabattre sur les
actions on the case. Plus tard, on ouvrit une action (nonfeasance) au profit de la personne qui avait
exécuté ses obligations contre son cocontractant qui refuse d’exécuter les siennes. Cette action
avait une connotation délictuelle dans la mesure où elle vise à sanctionner la faute d’une partie qui
refuse d’exécuter ses engagements par l’octroi des dommages et intérêts.

La naissance d’une action contractuelle achevée tient à la consécration du writ of assumpsit (oral :
un writ on the case) qui permet à une partie, qui sans avoir exécuté ses propres obligations, d’agir
contre l’autre partie. (au début, le writ fut calqué sur l'action quasi-délictuelle (nonfeasance) mais
par après l'action prit une véritable application contractuelle là où le défendeur s'est engagé (
assumpsit assumed to do) à exécuter telle obligation qui a été exécutée de façon défectueuse ou
qui n'a pas été exécutée ayant ainsi entraîné un dommage pour le demandeur.)

II. La formation du contrat

La formation du contrat en droit anglais s’écarte en de nombreux points du droit burkinabé.

Ainsi, d’abord, si dans la formation du consensus, le droit burkinabé privilégie la recherche de


l’intention réelle des parties, le droit anglais se contente de leur volonté déclarée. Partant, les
contrats sont interprétés de manière objective. C’est ce qui explique également que les documents
contractuels soient l’objet d’une interprétation littérale. L’exigence de la volonté déclarée ne
signifie cependant pas que le droit anglais soit un droit formaliste. En effet, la seule formalité
notable requise est le deed.

Par ailleurs, le droit anglais des contrats est caractérisé par une grande liberté dans la phase de
négociations du contrat. Cette liberté repose sur l’idée qu’il n’y a pas d’engagement à la charge
des parties tant que le contrat n’est pas conclu. Il en résulte qu’il est pratiquement impossible d’agir
sur le terrain délictuel contre une partie qui a rompu les négociations. C’est dans cette logique que
l’on admet que l’offre soit librement révocable, même si elle est assortie d’un délai, tant qu’elle
n’est pas acceptée. Il en résulte que les avant-contrats et les promesses de contrat sont sans valeur
en droit anglais.

S’agissant du processus de formation du contrat, le droit anglais n’adhère pas pleinement au


principe du consensualisme. En effet, pour que le consentement existe, il faut une offre et une
acceptation, mais aussi une intention et une contrepartie. Ces deux dernières exigences constituent
l’originalité de la formation des contrats en droit anglais.

33
La contrepartie, appelée consideration, consiste en un intérêt, profit, ou bénéfice quelconque
obtenu par l’offrant. En d’autres termes, c’est l’obligation du destinataire de l’offre, en contrepartie
de la promesse faite par l’offrant, d’exécuter ou de s’abstenir d’exécuter un acte ou de donner un
bien ou de se priver de celui-ci.
La consideration doit être donnée en échange d'un engagement et non pas dans l'attente (reliance)
d'un engagement.
Un engagement gratuit n'est donc pas susceptible de contrainte juridique en droit anglais; une
contrepartie est requise quelle que soit sa nature. Sans une contrepartie, le contrat n’est pas valable
au regard du droit anglais. Ainsi, les contrats à titre gratuit du droit burkinabé n’auraient aucune
valeur s’ils étaient régis par le droit anglais.

Même s’il existe une contrepartie, le contrat ne sera valablement conclu en droit anglais, que si les
parties ont l’intention de contracter.
Pour la détermination de cette intention, le droit anglais se base sur des présomptions. Dans les
accords domestiques ou familiaux, cette intention est présumée inexistante, sauf preuve contraire.
En revanche, dans les accords commerciaux, les parties sont présumées avoir eu l’intention
commune de contracter, à moins qu’elles n’apportent la preuve contraire.
L'exigence de consideration est établie définitivement en 1778, après certaines hésitations. Un
engagement ne sera sanctionné que s'il y a bargain. La théorie ne s'appliquera qu'en matière
contractuelle ( pour les contrats liés au writ d'assumpsit). La théorie est étrangère au trust et aux
contrats under seal ( contrats solennels). La théorie ne s'applique qu'à la formation du contrat.

S’agissant du régime de nullité, le droit anglais distingue entre void contract et voidable contract
qu’il faut se garder de confondre avec la nullité relative et la nullité absolue du droit burkinabé. Le
Void rend le contrat nul et non avenu à sa naissance. En revanche, le voidable contract est un
contrat dont la nullité doit être prononcée par le tribunal.

III. Les effets des contrats

Le système anglais consacre la conception rigoureuse et inflexible de l’effet relatif du contrat


(doctrine du privity of contract) qui veut que seules les parties peuvent se prévaloir des droits
découlant du contrat ou être assujetties aux obligations engendrées par ce dernier.
Du point de vue des obligations crées par le contrat, une distinction est faite, d’une part, entre les
clauses expresses et implicites et, d’autre part, entre les clauses essentielles et les clauses
accessoires.
Les clauses implicites sont celles qui pourraient implicitement être reconnues dans le contrat par
une loi quelconque, alors que les clauses expresses sont clairement exprimées dans le contrat.
L’intérêt de la distinction tient en ce que les parties sont libres de modifier, d’écarter les clauses

34
implicites, pour autant que la partie bénéficiaire de telles clauses respecte les clauses essentielles
du contrat.
Quant à la distinction entre clauses essentielles et clauses accessoires, son utilité se situe sur le
plan des sanctions en cas d’inexécution : la violation des clauses essentielles permet de mettre fin
au contrat, tandis que l’inexécution de clauses accessoires ne donne lieu qu’aux dommages et
intérêts.

Section 3 : Le droit des biens et le trust

Après avoir mis en exergue la spécificité du droit anglais des biens, on s’attachera à l’étude du
trust qui constitue l’une des originalités du droit anglais.
§ 1. Le droit des biens

En droit burkinabé, la distinction fondamentale est celle faite d’une part, entre biens meubles et
biens immeubles et, d’autre part, entre biens corporels et biens incorporels. Le droit anglais connaît
également ces classifications. Toutefois, il diffère de notre droit sur de nombreux points.
D’abord, il convient de savoir que la division fondamentale de ce droit est la distinction faite entre
real property et personal property, qui ne correspond pas entièrement à aucune des divisions de
notre droit.
Le real property regroupe les droits du demandeur sanctionnés jadis par des actions réelles.
Le personal property rassemble les droits qui faisaient l’objet d’actions personnelles.
Cette distinction a une explication historique. En effet, les actions visant à protéger les biens
avaient une importance particulière et étaient facilement introduites devant les juridictions royales.
A l’époque, ces biens étaient essentiellement des immeubles. En revanche, les juridictions royales
étaient incompétentes pour connaître les litiges où étaient en cause les biens de moindre
importance, c’est-à-dire essentiellement les biens meubles. Par la suite, pour étendre leur
compétence à ce contentieux, elles ont considéré que l’atteinte portée à ces biens constituait un
tort causé à la personne, ce qui donnait naissance aux actions personnelles et au personal property.
Il ne faut cependant pas croire que la distinction du real property du personal property est
assimilable à notre distinction de meubles et immeubles. L’intérêt de la distinction n’est pas le
même. Outre l’intérêt procédural qui a disparu, il a servi à établir les règles de dévolution à cause
de mort des droits jusqu’en 1925. Aujourd’hui, la distinction se justifie en raison de la
spécialisation des juristes constitués, d’une part, les commercialistes, s’intéressant au personal
property et, d’autre part, de l’equity lawyer ayant une préférence pour le real property.
En outre, la notion de propriété en droit anglais est différente de celle de notre système juridique.
En droit anglais, le mot property n’est pas synonyme de propriété. La notion de propriété, désignée
par le terme ownership, est réservée aux marchandises et ne s’applique pas aux biens immeubles.

35
Au sens strict, on ne peut être propriétaire d’une terre ou d’une maison en Angleterre. On ne peut
avoir qu’un intérêt ou un certain faisceau d’intérêt sur un immeuble, désigné sous l’appellation de
estate. Il est certes possible d’avoir une possession absolue, l’estate in fee simple, qui peut
correspondre à notre de droit propriété. N’empêche que chaque estate est soumis à un régime
juridique propre et il théoriquement possible de créer de nouveaux estates. Ainsi, le principe en
Angleterre est le démembrement de la propriété.

§ 2. Le trust

Le trust apparaît comme un démembrement très important de la propriété en droit anglais. Pour
beaucoup d’auteurs, il constitue la plus grande originalité du droit anglais et de la common law.
Etymologiquement, trust signifie confiance. Au sens juridique, et selon le célèbre historien de droit
anglais MAITLAND, « lorsqu’une personne a des droits qu’elle est tenue d’exercer dans l’intérêt
d’une autre ou pour la réalisation d’un objet spécial donné, on dit qu’elle a ces droits en trust
pour cette autre personne ou pour cet objet et on l’appelle un trustee ».

L'idée de base est qu'un bien peut être la propriété d'un individu pour le bénéfice d'un autre. Le
trust est la création la plus importante de l’equity. Pour présenter les droits et obligations dans le
trust, les anglais aiment bien utiliser l’image du « fagot de bois » : celui qui détient l’ensemble du
fagot possède la pleine propriété du bien. Le fagot est composé de bouts de bois. Chaque bout de
bois représente un droit ou une obligation :

 L’ensemble des obligations qui représentent la responsabilité de la gestion, comme


le pouvoir de louer ou de vendre le bien, constitue « l’intérêt légal » ;
 D’autres bouts de bois représentant les droits à la jouissance, comme toucher les
revenus du bien et bénéficier de l’augmentation de sa valeur (ou en subir la
diminution), constituent « l’intérêt de bénéfice » ou « l’intérêt d’équité ».

Cette dissociation entre les obligations et les droits, dans le respect de la propriété d’un bien, est
l’essence même du trust.

Le trust repose sur les rapports triangulaires suivants : le constituant du trust, settlor of the trust,
stipule que certains biens seront administrés par un ou plusieurs trustees, dans l'intérêt d'un ou
plusieurs bénéficiaires: le ou les cestuis que trust ( ou beneficiary).

Le trustee est donc, a priori, un administrateur chargé, en bon père de famille, de verser les revenus
et de transférer à un certain moment le capital à certaines personnes désignées dans l'acte
constituant le trust. Le trustee est cependant plus qu’un simple administrateur, un simple
représentant des bénéficiaires du trust : il est propriétaire des biens constitués en trust et à ce titre,
il peut donc en disposer à sa guise et n’a de compte à rendre à personne. Toutefois, si le trustee a
aliéné à titre onéreux ces biens, ce qu'il reçoit en contrepartie est subrogé à ces biens : il sera
désormais considéré comme trustee des sommes provenant de la vente ou des biens acquis en
remploi. Mais cela va plus loin. Si un tiers acquiert les biens à titre gratuit ou s'il est acquéreur de

36
mauvaise foi, il devient quand même propriétaire légal (at law) des biens, mais aussi trustee et doit
à son tour les exploiter dans l'intérêt du ou des bénéficiaires du trust (constructive trusts).

A l’origine, la common law niait au bénéficiaire du trust la possibilité d’agir contre le trustee,
même en cas de malversation de la part de ce dernier. En effet, il était admis que le trustee avait
seulement une obligation morale, non juridique, d’agir dans l’intérêt des bénéficiaires (administrer
en bon père de famille, verser les revenus et transférer à un certain moment le capital à certaines
personnes désignées dans l’acte constituant le trust). Cette solution, également fondée à l’époque
par l’absence d’action contractuelle particulière, a été corrigée par la juridiction d’equity du
chancelier qui pouvait prescrire au trustee d'agir sous peine d’emprisonnement ou de placement
des biens sous séquestre. Aujourd’hui, le bénéficiaire du trust a deux actions redoutables contre le
trustee :

- l'action en exécution du trust selon les termes de l'engagement préalablement définis; le


juge répressif peut même dans certains cas être saisi;
- l'action en revendication des biens aliénés de mauvaise foi, c'est-à-dire en enfreignant les
dispositions originelles du trust (BREACH OF TRUST) ; il peut même demander la
révocation du trustee.

Le trustee doit avoir la capacité juridique. Certaines sociétés (TRUST CORPORATIONS) en font
une profession. Il a l’obligation d’agir avec diligence et prudence et de respecter les termes de
l’acte créateur du trust. Sa rémunération, qui est facultative, est déterminée dans l’acte. Il peut y
avoir deux trustee : par exemple une banque et un avocat spécialisé. Dans ce cas, ils détiennent en
copropriété les biens du trust. On l’a vu, la juridiction compétente est la Chancery division de la
High court, spécialisée dans le droit de l’equity.

Le trust est en principe irrévocable, mais le settlor se réserve souvent le pouvoir de révoquer le
trust, de modifier les termes du trust, de contrôler la gestion. Le settlor peut être le bénéficiaire du
trust. Les trusts perpétuels sont interdits depuis 1833, sauf pour les œuvres charitables. La durée
d'un trust varie de 21 à 80 ans maximum. Ce procédé est extrêmement fréquent en Angleterre car
très pratique. Il servait à la protection des incapables et celle de la femme mariée et sert aujourd’hui
dans les successions, les fondations etc.

37
CHAPITRE III : ELEMENTS DE DROIT PUBLIC ANGLAIS

Le droit public anglais sera illustré par deux branches de droit importantes : le droit constitutionnel
(section 1) et le droit administratif anglais (section 2).

Section 1 : Le droit constitutionnel anglais

Il est certain que l’Angleterre ne possède pas une constitution écrite. Mais n’a-t-elle pas de
constitution ? Il est difficile de répondre de façon péremptoire à cette question. Ce qui est sûr, c’est
qu’elle ne dispose pas d’une constitution au sens où l’entend le droit burkinabé, c’est-à-dire
l’énoncé exprès de règles supérieures qui ont pour objet l’organisation du gouvernement, la
distribution des pouvoirs législatifs, exécutif et judiciaires et des principes fondamentaux qui
guident la régulation des relations entre le gouvernement et les citoyens.

Mais, il n’y a pas de doute que l’Angleterre possède des textes de valeur constitutionnelle qui
consacrent des principes fondamentaux.

§ 1. Les sources du droit constitutionnel anglais

Les sources du droit constitutionnel sont variées. On doit d’abord citer la législation.
Théoriquement, la législation, entendue comme un acte de parlement, est la source suprême du
droit en Angleterre. Il en résulte que toutes les lois se valent et que le parlement peut les modifier
à sa guise. C’est ce qui a fait dire à certains auteurs que le « droit constitutionnel britannique se
ramène à une seule règle : le parlement est souverain ». En fait, certains textes législatifs ont
cependant une valeur constitutionnelle. Il s’agit de :
- la Magna Carta (Grande charte) de 1215 : il s’agit d’une charte signée par le roi sous la
pression du baronnage anglais, qui contient les principes essentiels suivants : 1) la justice
ne peut être refusée à quiconque, 2) nul ne peut être emprisonné ni privé de la jouissance
de ses biens sans avoir été jugé par ses pairs ou en vertu de la common law. Ce dernier
principe va fonder un temps la procédure de l’habeas corpus ;
- The petition of Rights : adoptée en 1628, qui vient surtout confirmer certains principes de
la charte en limitant le pouvoir du roi en matière de taxation, en condamnant les
emprisonnements arbitraires et en interdisant l’intrusion des soldats dans la vie privée des
citoyens ;
- Bill of Rights : Cette loi adoptée en 1689 va abolir certaines prérogatives royales (droit de
suspendre ou de révoquer les lois adoptées par le Parlement, de lever l’impôt) et réaffirmer
38
la liberté d’expression dans les procédures du Parlement. Elle a été complétée en 1700 par
l’Act of settlement qui définit les règles d’accession au trône d’Angleterre et reconnaît
formellement l’indépendance du pouvoir judiciaire en prévoyant l’inamovibilité des juges
des cours supérieures, à moins d’une permission conjointe des deux chambres du
parlement ;
- L’European Communities Act : adoptée en 1972 et consacrant l’adhésion de l’Angleterre
à la Communauté Européenne (depuis le vote du oui au brexit en juin 2016, le
gouvernement anglais est appelé à négocier la sortie du RU de l’union européenne ;
- Human Rights Act de 1998 : entré en vigueur en octobre 2000 et incorporant la convention
européenne des droits de l’homme au droit anglais ;
- Constitutionnel reform act du 24 mars 2005 qui a apporté une modification dans
l’organisation judiciaire et des pouvoirs du Lord chancelor.

Il faut citer ensuite la common law : certaines décisions sont intervenues pour fixer les rapports
entre, d’une part, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et, d’autre part, entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir judiciaire10.

Il y a également les conventions constitutionnelles : celles-ci sont constituées par des règles non
écrites fondées sur la coutume et les précédents. Par exemple, la reine a le pouvoir juridique de
refuser de sanctionner les lois votées par les deux chambres ; mais, par coutume, elle ne le fait
jamais.

Il y a enfin la doctrine : les textes de certains auteurs anciens continuent à nourrir certains principes
constitutionnels ou, en tout en cas, servent à les interpréter.

§ 2. Les principes fondamentaux de la constitution anglaise

Un certain nombre de principes peuvent être considérés comme fondamentaux en droit anglais. Il
s’agit de :
- La démocratie : elle constitue dans la culture juridique et politique du Royaume-Uni un
élément important. Elle implique le principe de la primauté du droit, c’est-à-dire que les
institutions doivent avoir une assise juridique et une légitimité (le système doit reposer sur
les aspirations de la population) et reposer sur un processus permanent de discussion.
- La souveraineté du parlement : en Angleterre, le parlement est souverain ; il détient de ce
fait le pouvoir législatif et il n’est soumis à aucun autre organe.

10
Le juge Coke a ainsi admis, dans l’affaire Case of proclamations rendue en 1610, que la prérogative royale
pouvait être limitée par la législation. Dans l’arrêt Bushell’s case (1670), la jurisprudence a décrété l’immunité des
parties, des témoins et de leurs avocats pour les paroles prononcées au cours des procédures judiciaires.

39
- L’indépendance du pouvoir judiciaire : le pouvoir judiciaire est celui dont sont titulaires
les tribunaux et les juges par opposition au pouvoir exécutif. L’indépendance du pouvoir
judiciaire a une dimension individuelle et collective. La dimension individuelle signifie
que les juges rendent des décisions en étant libres de toute intervention ou influence de
l’extérieur. Quant à la dimension collective, elle repose sur l’existence d’un statut fondé
sur des conditions ou garanties objectives.

Section 2 : Le droit administratif anglais

Il n’existe pas en Angleterre un droit administratif comparable à celui qui est en vigueur dans notre
système juridique. Cependant, il y a certaines règles précises qui s’appliquent uniquement aux
autorités administratives et qui donnent de la matière au domaine de l’administrative law qui a
tendance à se développer.

§ 1. L’absence d’un véritable droit administratif

L’absence d’un droit administratif en Angleterre est d’abord attestée par l’unité de droit et de
juridiction. En effet, les autorités administratives sont, en principe, soumises aux mêmes règles
que les particuliers. Elles peuvent cependant agir de façon dérogatoire au droit commun suivant
des habilitations conférées par le parlement ou la common law. En conséquence de cette unité
juridique, les autorités publiques sont justiciables, comme les particuliers, auprès des juridictions
de droit commun et suivant les voies de recours ordinaires.
S’agissant des voies d’exécution, il faut cependant noter que certaines s’appliquent
particulièrement aux autorités administratives.
L’absence d’un droit administratif tient ensuite en ce que l’Angleterre ignore la notion d’Etat et de
personnalité morale de droit public. L’Etat, défini comme une collectivité territoriale et une
personnalité juridique, est inexistant en Angleterre. La common law ne connaît que la Couronne
et ses agents. La notion de personne morale de droit public n'existe pas. En droit, il n'y a pas de
différence entre une commune et une société commerciale. Outre les collectivités locales, les
principales personnes morales qui détiennent des attributions administratives sont les corporations
créées par la loi, comme la B.B.C. (British Broadcasting Corporation). On traduit souvent
Corporation par « établissement public ».

40
§ 2. Le développement de l'Administrative Law

L’Angleterre ne dispose sans doute pas d’un droit administratif au sens du droit burkinabé, c’est-
à-dire un droit qui vise à décrire les institutions administratives (ce qui relève de la Public
administration plutôt que du droit) et à exposer les principes d'un droit propre à l'administration.
Toutefois, il existe des règles particulières qui s’appliquent aux autorités administratives. Cet
ensemble de règles constitue l'objet de l'administrative law. Ce dernier tend à définir les moyens
par lesquels l'administration peut entrer en rapport avec les particuliers, à déterminer le contrôle
juridictionnel auquel elle est soumise et à fixer les règles applicables en cas de poursuites dirigées
contre la Couronne.

I. Les règles définissant les moyens d’action des autorités administratives

Les autorités administratives anglaises sont diverses. A titre d’exemple, on a le Central government
(les ministères), le Local government, la police, les Publics corporations et les différents
organismes désignés sous le terme QUANGOS (Quasi autonomous non government) qui ont été
créés pour mettre en œuvre les lois de l’Etat-Providence. L’organisation, le fonctionnement, les
pouvoirs, les obligations et les procédures de ces diverses autorités sont déterminées par
l’Administrative law.

II. Les règles de contrôle des autorités administratives

C’est l'administrative law qui institue aussi les différents contrôles auxquels est soumise l'action
administrative. Il existe, à cet égard, des contrôles judiciaires et des contrôles extrajudiciaires.

Au titre des contrôles extrajudiciaires, il y a :

- en premier lieu les contrôles exercés par les ministres. Ces derniers sont en effet tenus de
contrôler les agents placés sous leur autorité.
- Il y a, en deuxième lieu, le contrôle exercé les Administrative Tribunals. Il faut rappeler
que celles-ci ne sont pas des juridictions en tant que tel ; elles sont des autorités
administratives indépendantes chargées de contrôler l’opportunité et la légalité des
décisions de certaines administrations dans certains domaines comme l’immigration,
impôts, sécurité sociale, transport…
- Il y a en dernier lieu les contrôles exercés par le parlement. Traditionnel, ce contrôle, de
nature politique, repose sur le principe de la responsabilité des ministres devant le
parlement. Il s’exerce de plusieurs façons : questions parlementaires à la chambre des
communes, correspondances entre les parlementaires et les ministres, rapports d’enquêtes
diligentées par le délégué parlementaire pour l’administration qui est chargé de mener des
investigations sur les réclamations des citoyens se plaignant du mauvais fonctionnement
de l’administration.

Les autorités administratives sont enfin soumises au contrôle des cours ordinaires suivant des voies
de recours et des moyens assez spécifiques (High court of justice).

41
III. Les règles gouvernant les poursuites contre la Couronne

Font également partie de l’administrative law, l’ensemble des règles qui concernent les poursuites
dirigées contre la couronne ou ses représentants, c’est-à-dire les fonctionnaires des ministères.
Pendant longtemps, cette action fut impossible car « le roi ne peut mal agir » (the king can do no
wrong). (la Couronne a ainsi échappé pendant longtemps aux poursuites). Le roi ne pouvait pas
être responsable des agissements préjudiciables aux particuliers. Le responsable était le
fonctionnaire (CIVIL SERVANT) auteur de tels agissements qui avait agi ultra vires (en excédant
ses pouvoirs), qu’il ait mal appliqué les ordres ou qu’il se soit comporté de manière non conforme
au droit. Il était alors permis d’engager la responsabilité personnelle de cet agent, mais la couronne
n’avait pas l’obligation de réparer le préjudice, car la notion de faute de service était inconnue.

La loi votée en 1947 (le Crown proceding act) a mis fin à cette immunité royale. Il fût alors possible
de mettre directement en œuvre la responsabilité de la couronne sur le fondement du droit commun
des délits civils (droit des torts). Mais par la suite, la mise en cause de la couronne ne s’est pas
arrêtée à la mise en œuvre de la responsabilité civile. Des voies de droit originales furent ouvertes
au profit des particuliers contre les autorités administratives devant les juridictions de droit
commun en vue de faire valoir leurs moyens de droit. Après avoir examiné ces voies de recours,
on se penchera sur ces moyens.

A. Les voies de droit en matière administrative


La personne qui veut agir en justice contre une autorité administrative dispose de deux sortes de
recours.
D’abord, elle peut choisir de diriger ses recours contre la personne publique. Ce type de recours,
fondé sur la common law, est appelé prerogative orders. Il comporte trois variantes :
le certiorari : action en annulation d’une décision d’une autorité publique,
la prohibition : action tendant à obtenir une injonction de ne pas faire, car l’autorité est
incompétente ;
et le mandamus : action permettant d’obtenir une injonction de faire à l’encontre d’une
administration.

Ensuite, la personne qui agit contre une autorité administrative peut aussi user des voies de recours
de droit commun (qui peuvent être dirigées indifféremment contre une personne privée ou une
autorité publique. Ces recours sont les suivants :
l’injonction : action tendant à obtenir une injonction de ne pas faire)
et la déclaration (action permettant de constater une situation juridique contestée).

Une seule requête appelée « demande de contrôle judiciaire » (Application for judicial review)
permet, depuis la réforme de 1977-1981, d'introduire l’un ou l’autre type de recours ci-dessus
présentés. De ce fait, certaines règles de procédure sont devenues communes à ces recours, comme
par exemple le délai pour agir qui est de 3 mois, et la nécessité d’un intérêt légitime pour agir.

42
Toutefois, sont exclus du champ du contrôle juridictionnel,

- d’une part les actes réglementaires pris par le pouvoir exécutif en vertu d'une habilitation
législative,
- d’autre part certains actes, comparables à nos actes de gouvernement, qui ne peuvent être
soumis à un contrôle des juridictions : l'élaboration des traités, le droit de grâce, l'attribution
de décorations, la dissolution du Parlement, la nomination des ministres, etc.)

Les particuliers disposent, par ailleurs, contre les décisions du ministre statuant en matière
contentieuse et contre les décisions des administrative tribunals, d’un recours spécial devant la
High Court of Justice, appelé l'appel sur les questions de droit (Appeal on point of law).

B. Les moyens de droit

Les moyens de droit d’agir contre les autorités administratives peuvent être fondés sur le
manquement par ces dernières de leurs obligations. A cet égard, deux obligations essentielles
pèsent sur l’administration.

- L'obligation de ne pas excéder les pouvoirs légaux : Le dépassement des pouvoirs


conférés par la loi ou la common law, entache d’excès de pouvoirs (ultra vires) l’acte pris par
l’autorité administrative. Lorsque l’autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire,
elle est tenue de l’exercer de façon raisonnable : c’est le principe de Wednesbury (Wednesbury
unreasonableness). Elle est tenue également de se fonder sur des faits exacts (ou considérations
pertinentes), de respecter le contradictoire et les règles de procédure, et de ne pas se laisser
conduire par des considérations étrangères à sa mission, ou de suivre une ligne de conduite trop
rigide. La prise d’intérêt est également un cas d’annulation. A défaut, elle commet l’abus de
pouvoir discrétionnaire (ABUSE OF DISCRETION) sanctionné par la procédure de Control of
discretion.
- L'obligation de respecter la natural justice (justice naturelle) : Introduite par l’equity,
elle oblige l’autorité administrative à mettre en œuvre des règles ou des principes de procédure
destinés à garantir aux administrés une bonne justice et un traitement équitable. La natural justice
exige de l'autorité administrative dans son action une certaine impartialité ou une absence d’intérêt
personnel sur le problème en cause. Elle implique également le respect de la procédure du
contradictoire et des droits de la défense.

43
PARTIE II : LE DROIT AMERICAIN

Le droit des Etats-Unis est incontestablement un système juridique de common law. Son histoire
l’atteste. Elle a commencé avec la conquête de l’Amérique par les colons anglais. Ainsi, de 1607
à 1732, treize colonies furent créées. En s’installant en Amérique, les colons britanniques ont
apportés avec eux le droit anglais. Selon sir Blackstone, « Si un pays inhabité est découvert et
peuplé par des sujets anglais, toutes les lois anglaises alors en vigueur, qui sont le droit de leur
naissance, s’appliquent immédiatement ». Toutefois, la common law ne pût s’appliquer
intégralement. Les conditions sociales et économiques étant différentes de celles de l’Angleterre,
les colons ont dû l’adapter pour régler les nouveaux problèmes qui se présentaient.

Jusqu’en 1776, les colonies sont restées sous la coupe du Parlement britannique. Mais le 4 juillet
1776, elles proclamèrent leur indépendance. Une constitution adoptée le 17 septembre 1787 créa
la fédération des Etats-Unis. Cette indépendance n’a pas remis en cause dans l’ensemble
l’application de la common law aux Etats-Unis. La tentation de s’affranchir du droit anglais a
cependant existé. Séduits par l’Ecole du droit naturel en vogue à l’époque en Europe, certains
juristes américains ont été de fervents partisans de la codification. A partir de 1820, plusieurs Etats,
à l’exemple de la Louisiane qui a adopté un Code civil inspiré du Code civil français, s’engagèrent
sur le chemin de la codification. Mais, en définitive, cette codification n’a pas été adoptée dans la
plupart des cas. Le rapprochement avec les droits romanistes a donc été peu significatif. Les
raisons du maintien du système de la common law sont multiples, mais la langue et l’origine du
peuplement ont été en grande partie décisives.

Si le système de common law a été maintenu aux Etats-Unis, il comporte des différences avec la
common law anglaise. En effet, beaucoup de règles de la common law n’ont pas été adoptées par
le droit américain. Depuis l’indépendance en 1776, les droits anglais et américains ont évolué
séparément. Ainsi, quand bien même le droit américain s’est inspiré des réformes de structure
intervenues en Angleterre au 19e siècle (rationalisation de la procédure, unification des juridictions
de common law et d’equity, développement des organes administratifs…), des différences sont
perceptibles.

Ces différences sont notamment à remarquer sur le plan de la structure du droit des Etats-Unis
(Chapitre 1), et sur celui des sources de ce droit (Chapitre 2). Cette prise de distance avec le droit
anglais a favorisé la création d’institutions juridiques originales qui, pour diverses raisons,
exercent une influence sur bien de systèmes juridiques à travers le monde. Ce phénomène, appelé
américanisation du droit, affecte particulièrement les systèmes juridiques romanistes (Chapitre 3).

44
CHAPITRE I : LA STRUCTURE DU DROIT DES ETATS-UNIS

Le droit des Etats-Unis partage avec le droit anglais un certain nombre de traits. Il est, en effet, un
système jurisprudentiel. La common law et l’equity y occupent une grande place comme source
de droit. Ainsi, lorsqu’il n’y a pas de précédent dans une matière déterminée, le juriste américain
raisonne comme s’il n’y a pas de règle (There is no law on the point), même s’il existe en cette
matière une loi. C’est en conséquence un droit casuistique et pragmatique. De même, comme en
Angleterre, les lois sont rédigées aux Etats-Unis avec le souci du détail et les contrats sont
caractérisés par leur longueur considérable (centaines de pages). Les rédacteurs des lois et des
contrats cherchent, en effet, à couvrir toutes les hypothèses possibles. Par ailleurs, le droit
américain connaît certaines institutions anglaises comme le trust, l’habeas corpus… Il se montre
également, comme en Angleterre, protecteur des droits et libertés individuels. De nombreux
amendements de la constitution de 1789 sont consacrés à ces derniers (notamment les dix premiers
amendements et le 14e amendement).
Toutefois, la structure du droit des Etats-Unis se distingue de celle du droit anglais pour deux
raisons essentielles. La première est liée au système fédéral : le droit des Etats-Unis est constitué
du système juridique de chaque Etat, donc cinquante (50) droits, et du droit fédéral. En ce sens,
André TUNC affirmait que « Le trait le plus fondamental du droit des Etats-Unis, c’est qu’il
n’existe pas ». La seconde raison tient à l’existence d’un contrôle de constitutionalité. Aussi, après
avoir examiné les particularités du droit des États-Unis liées au système fédéral (section 1), il sera
abordé les particularités résultant du contrôle de constitutionalité (section 2).

Section 1 : Les particularismes résultant du fédéralisme

Le fédéralisme a des conséquences sur l’organisation des pouvoirs publics et sur le système
juridique.

§ 1. L’organisation des pouvoirs publics

Le système fédéral américain distingue deux types de pouvoirs publics : les pouvoirs au niveau
local, c’est-à-dire au sein de chaque Etat fédéré, et les pouvoirs au niveau fédéral.

I. Les pouvoirs au niveau local

Sur le plan constitutionnel, chaque Etat fédéré possède une constitution qui consacre une
séparation des pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Le pouvoir exécutif est exercé par

45
un gouverneur (Governor) et assisté d’un Lieutenant Governor ; le gouverneur possède le droit de
veto sur les lois. Le pouvoir législatif dénommé State legislature ou General assembly est détenu
par un organe bicaméral, sauf au Nebraska, composé de deux chambres. Les mandats législatifs
sont brefs : deux ans en général. Le pouvoir judiciaire est dévolu aux juridictions au sommet
desquelles se trouve une Cour suprême. Chaque Etat fédéré a ainsi une cour suprême.

Sur le plan administratif, chaque Etat fédéré est divisé en comtés (counties), villes (cities)
administrées par un maire (mayor) et un conseil municipal (city council), bourgs (townships). Ces
institutions disposent d’une autonomie dans la gestion, à l’image des institutions de même type en
Angleterre.

II. Les pouvoirs au niveau fédéral

La constitution américaine du 17 Septembre 1787 a posé les bases de l’organisation des pouvoirs
de l’Etat fédéral. Fondée sur le principe démocratique selon lequel toute autorité investie d’un
pouvoir doit être élue au suffrage universel direct ou indirect, cette organisation repose sur une
séparation stricte des pouvoirs, contrebalancée par une collaboration entre ces derniers (checks
and balances.

Le pouvoir législatif est exercé par un Congrès composé d’une Chambre des Représentants
(chambre basse, qui représente les citoyens) de 435 membres et d’un Sénat de 100 membres
(chambre haute, qui représente les Etats fédérés). Il légifère dans les domaines dévolus au pouvoir
fédéral (ces chambres votent les lois ainsi que le budget fédéral).

Le pouvoir exécutif est confié à un Président des Etats-Unis qui est assisté d’un cabinet de
Secrétaires et d’une administration dont les membres les plus importants sont nommés par lui avec
l’accord du Sénat. Le Président est élu au suffrage universel indirect, c’est-à-dire par des grands
électeurs eux-mêmes élus par les électeurs.

Le pouvoir judiciaire est dévolu aux juridictions fédérales et à la Cour suprême des Etats-
Unis.

§ 2. Le droit

L’existence du droit fédéral inhérente au fédéralisme distingue le droit des Etats-Unis du droit
anglais. Le fédéralisme implique de déterminer, en matière juridique, les attributions respectives
des autorités fédérales et des Etats fédérés. En outre, il suggère de savoir comment se conçoit la
common law dans le cadre de ce système fédéral.

I. Le mécanisme de répartition des compétences législatives

Dans le système fédéral des Etats-Unis, les Etats fédérés ont une compétence législative de droit
commun, celle de l’Etat fédéral étant l’exception. D’après le Xème amendement de la Constitution,
« Les pouvoirs que la Constitution ne délègue pas aux Etats-Unis, et qu’elle n’interdit pas aux
Etats d’exercer, sont réservés à chacun des Etats respectivement ou au peuple ». Cette règle

46
s’expliquait, à l’origine, par les différences sociales et religieuses qui existaient dans les treize
colonies11.

Le législateur fédéral est compétent pour donner effet aux dispositions du 14e amendement
(libertés les plus importantes), faire toutes les lois nécessaires et appropriées permettant la mise en
œuvre des pouvoirs conférés au gouvernement des Etats-Unis, fixer et percevoir les impôts et
réglementer le commerce entre les divers Etats. Ainsi, en dehors de ces matières, les Etats fédérés
sont, en principe, compétents pour légiférer. Chaque Etat peut alors développer des règles
juridiques originales. Par exemple, dans le Nevada, la spécificité du droit de la famille est
manifestée par les mariages et les divorces express à Reno (ville du Nevada spécialisée en divorce).
Pour en profiter, il faut habiter l’Etat où ces lois sont en vigueur. Le temps de résidence est donc
pour les candidats un élément déterminant. Alors que 06 mois étaient nécessaires à la fin du XIXe
siècle, il réduit ce délai d’abord à 03 mois puis, dans les années 30, à 06 semaines)

Toutefois, la compétence des Etats fédérés n’est pas exclue dans les domaines où l’Etat fédéral est
compétent. Ainsi, les Etats fédérés sont intervenus dans beaucoup de matières où l’Etat fédéral,
bien que compétent, s’est abstenu de légiférer (ex: effets de commerce, vente, sociétés
commerciales), préférant parfois laisser les Etats agir. Ces derniers doivent cependant respecter
certains principes. D’abord, leur compétence est résiduelle et ne peut pas contredire la législation
fédérale. En outre, elle ne peut qu’ajouter et compléter (ex: en matière fiscale) et doit être conforme
à l’esprit de la Constitution.

II. La conception de la common law dans le système fédéral

Aux Etats-Unis, comme en Angleterre, le fond du droit est constitué par un corps de règles
dégagées par les cours de justice qui constituent la common law. La common law américaine
regroupe les règles dégagées par le juge américain depuis 1776 sur la base de la common law
anglaise, y compris l’equity.

Mais, compte tenu du fédéralisme, on peut se demander si la common law américaine émane de
l’Etat fédéral ou des Etats fédérés ou de ces deux ensembles. En 1938, la Cour Suprême des Etats-
Unis, dans l’affaire ERIE RAILROAD COMPANY v. TOMPKINS, décida qu’il n’y pas une
common law générale au niveau de la fédération : « Sauf dans les matières régies par la
Constitution fédérale ou par les lois du Congrès, le droit qui doit être appliqué dans toutes les
espèces est le droit d’un Etat particulier. Que le droit de cet Etat ait été formulé par son Parlement
dans une loi écrite ou par sa cour suprême dans une décision, ne regarde pas les autorités
fédérales. Il n’y a pas de common law fédérale générale ».

En conséquence, il n’existe une common law fédérale que dans certaines matières particulières
comme le droit maritime, le droit de la concurrence... Il y a, en revanche, une common law dans
chaque Etat dans les matières qui relèvent de la compétence législative des Etats. Ainsi, excepté

11
Les hollandais sont à New York, les suédois en Pennsylvanie, les français en Louisiane etc. Les économies et les
religions diffèrent aussi.

47
la Louisiane, on peut compter 49 common law développées souverainement par la Cour suprême
de chaque Etat.

En conclusion, on pourrait croire que le droit des Etats-Unis formé par les 50 cinquante systèmes
juridiques des Etats fédérés et le système juridique fédéral constitue une mosaïque. En réalité, il
n’en est rien. Plusieurs facteurs contribuent à l’unification des systèmes juridiques. Il s’agit de
l’existence de la constitution à laquelle doivent se conformer les législations des Etats fédérés et
de l’Etat fédéral, de la Cour Suprême des Etats-Unis qui assure une interprétation unificatrice, du
langage commun, de l’état d’esprit des juristes qui cherchent toujours à voir les facteurs d’unité
des droits des Etats, plutôt que leurs spécificités et de la tendance des Etats fédérés à imiter les
bonnes solutions adoptées dans d’autres Etats.

Section 2 : Les particularités résultant du contrôle de constitutionalité

L’existence d’un contrôle de constitutionalité dans le système juridique américain est l’une des
différences majeures avec le droit anglais.

Ce pouvoir de contrôle de constitutionnalité (judicial review), qui est l’essentiel de la puissance de


la cour suprême, n’est pas explicite dans la constitution. C’est dans l’arrêt Marbury v. Madison
rendu en 1803 à propos d’une loi fédérale qui était contraire à la constitution, que le principe fut
établi par la cour suprême. Dans cet arrêt en effet, la cour affirme la capacité, pour les tribunaux
et en particulier pour elle-même, de juger de la conformité des lois à la constitution, et d’écarter
en ne les appliquant pas, celles qui y contreviendraient. Le juge Marshall justifiai le contrôle en
déclarant que : « Tous ceux qui ont des constitutions écrites les considèrent comme formant la loi
fondamentale et supérieure du pays…Alors, si les cours doivent tenir compte de la constitution et
si la constitution est supérieure à tout acte ordinaire du législateur, la constitution et non pas
l’acte ordinaire devra régir l’affaire à laquelle ils sont applicables ».

Par la suite, dans l’arrêt Fletcher v. Peck de 1810, la Cour a refusé de donner effet à la loi d’un
Etat contraire à la constitution. Aujourd’hui, il est admis que tout tribunal, même d’un Etat fédéré,
doit s’abstenir d’appliquer une loi étatique ou fédérale contraire à la constitution de l’Etat fédéré
et notamment à la constitution fédérale.

Ce contrôle a permis à la Cour suprême de poser un certain nombre de principes fondamentaux


notamment dans le domaine de la protection des libertés et de l’égalité. Ainsi, en matière de liberté
d’opinion (freedom of speech), la Cour a admis qu’elle couvre la publicité commerciale, en
particulier la publicité en faveur du tabac (Lorillard Tobacco Co v. Velasquez 2001) et toute la
presse y compris la presse pornographique (Paris Adult Theature v. Slaton, 1973). La liberté
d’opinion, selon ladite Cour, inclut en outre le droit à l’injure de personnes publiques (New York
Times v. Sullivan, 1964), l’atteinte à la vie privée (Cox Broadcasting Corps v. Cohn, 1975) et
justifie la publication des documents détenus par le gouvernement (New York Times v. US et US
v. Washington Post, 1971, à propos des documents relatifs à la guerre de Vietnam).

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De même en matière d’égalité des races, la Cour suprême (deux arrêts Brown v. Board of
Education of Topeka rendus en 1954 et en 1955) a condamné les lois et règlements de ségrégation
raciale qui réservent certaines écoles soit aux blancs, soit aux noirs. Elle a ainsi mis fin à la doctrine
« séparés mais égaux » qu’elle avait auparavant consacrée en 1896 dans l’arrêt Plessy v. Ferguson.

On peut également noter que la Cour a admis l’égalité du suffrage en posant dans l’arrêt Baker v.
Carr le principe « une personne, une voix ».

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CHAPITRE II : LES SOURCES DU DROIT DES ETATS-UNIS

Deux sources apparaissent essentielles dans le droit des États-Unis : la législation (Section 2) et la
jurisprudence (Section 1). Il existe des différences en la matière entre le droit américain et le droit
anglais.

Section 1 : La jurisprudence

Comme en droit anglais, la jurisprudence occupe une place importante en droit américain. Ce
dernier consacre en effet la règle du précédent, même si celle-ci connaît un assouplissement.
L’étude de la jurisprudence en droit américain suppose de bien connaître l’organisation judiciaire
américaine et le contenu et la portée de la règle américaine du précédent.

§ 1. L’organisation judiciaire

Après un bref aperçu des juridictions américaines, il sera examiné tout aussi succinctement le
personnel judiciaire américain.

I. Les juridictions américaines


Compte tenu du fédéralisme, la hiérarchie judiciaire américaine est double. D’une part, il existe
une hiérarchie judiciaire fédérale, d’autre part, une hiérarchie judiciaire pour chaque Etat fédéré.
A la différence des autres Etats fédéraux (Allemagne, Australie, Canada), où il n’y a des
juridictions fédérales qu’au sommet de la hiérarchie, les Etats-Unis possèdent un système original,
indéniablement plus complexe.
Des juridictions fédérales se trouvent, en effet, dans tous les Etats fédérés, et elles doivent, dans
un certain nombre de cas, être saisies en première instance. Pour bien comprendre cette
organisation juridictionnelle, il convient d’examiner d’abord les juridictions fédérales, puis les
juridictions des Etats fédérés.

A. Les juridictions fédérales

Créées par le Congrès, les juridictions fédérales comprennent des juridictions spécialisées et des
juridictions à compétence générale ou de droit commun.

Chaque année, 33 millions d’affaires sont portées devant les cours d’États, et 800 000 devant
les cours fédérales. Celles-ci ne sont pas des cours d’appel de tous les jugements rendus par
les cours d’États. Elles ne connaissent des affaires jugées par les cours d’État que lorsque ces
affaires intéressent le droit fédéral. Celui-ci étant limité aux compétences de l’Union (le
gouvernement des États-Unis), a un pouvoir « limité », « énuméré ». Une vaste part du droit
d’État (tout le droit privé aussi bien civil que pénal) est de la seule compétence des cours
d’État et ne va pratiquement jamais devant les cours fédérales

50
Les juridictions spécialisées sont compétentes dans des matières données. Il s’agit par exemple de
la Cour des impôts fédéraux (Tax Court), de la Cour des douanes fédérales (Court of international
trade), de la Cour des Banqueroutes (Bankruptcy court). Les décisions de ces cours spécialisées
peuvent faire l’objet d’appel devant la Cour d’appel pour les affaires fédérales.

Les juridictions de droit commun sont plus nombreuses. Elles sont constituées par :

- Les Cours fédérales de districts (United States District Courts) : elles forment la première
instance des juridictions fédérales. Ce sont des juridictions sollicitées pour les affaires concernant
le droit fédéral. Elles sont composées de juges (700) nommés à vie par le Président des Etats-Unis
avec l'accord du Sénat. Ces juges statuent généralement comme juge unique et exceptionnellement
de manière collégiale à trois.

- Les Cours fédérales d’appel (United States courts of appeals) sont les juridictions d'appel
du Système judiciaire fédéral américain. Composées de juges de haut niveau nommés à vie qui
statuent à trois, elles tranchent en dernier lieu la plupart des affaires fédérales. Elles sont au nombre
de treize (13) et leurs juridictions, appelées Circuit, couvrent pour chacune d'entre elle plusieurs
États ou territoires américains donc autant de District Courts. Elles constituent des juridictions
d’appel pour les décisions rendues (en première instance) par les cours de districts fédérales qui
dépendent de leurs juridictions, ainsi que celles émanant de certaines juridictions spécialisées et
les divers organismes administratifs (agencies, boards etc.), mais uniquement pour mauvaise
application de la loi (erreur de droit).

Au sommet de la hiérarchie juridictionnelle fédérale trône la Cour suprême des Etats-Unis. Cette
dernière est composée de neufs magistrats nommés à vie par le président avec l’accord du sénat.
La Cour suprême est la seule juridiction fédérale mentionnée dans la Constitution. Elle a une
compétence de première instance et une compétence d'appel.
La compétence de première instance est exceptionnelle et non exclusive. Autrement dit, la
cour décide en 1ere instance dans quelques rares cas : dans les litiges impliquant un Etat ou un
diplomate étranger (les ambassadeurs et les consuls), et les litiges entre Etats fédérés, ou entre
l'Etat fédéral et les Etats fédérés. Pour toutes les autres affaires elle n’a aucun pouvoir. Dans tous
les cas, ses jugements sont sans appel.
La compétence principale est la compétence d'appel. En cette matière, la Cour a un pouvoir
discrétionnaire : à sa seule discrétion, la Cour suprême peut entendre des appels provenant
des cours fédérales d'appel ainsi que des cours d'États les plus élevées si l'appel concerne la
Constitution des États-Unis ou la loi fédérale.
Autrement dit, contrairement aux autres cours, elle a le droit de refuser de connaître une
affaire si elle la juge de peu d’importance juridique.

51
B. Les juridictions des Etats fédérés

Chaque Etat a sa propre organisation judiciaire fixée par sa Constitution et ses lois. En général,
trois niveaux de juridictions existent dans chaque Etat : la Cour suprême, la cour d’appel et les
juridictions de première instance.

Les tribunaux de première instance se trouvent au bas de la hiérarchie. Il s’agit de tribunaux


municipaux, des justices de paix ou des tribunaux spécialisés.

Au niveau supérieur, on a la Cour d’appel et la Cour suprême. Mais certains petits Etats n'ont pas
de Cour d'appel, alors que les plus peuplés en ont plusieurs (14 au Texas, 5 en Floride, 5 en
Louisiane). La plupart des procès s’arrêtent au stade de la Cour d’appel, de sorte que les Cours
suprêmes étatiques fonctionnent peu. Le plus souvent, les juges suprêmes, à l’instar de ceux la
Cour Suprême des Etats-Unis, disposent du pouvoir discrétionnaire de choisir les affaires à
examiner, et les pourvois acceptés ne sont donc pas nombreux.

C. Les rapports entre les deux ordres de juridictions

Ces rapports sont guidés par les relations qui existent entre le droit fédéral et les droits des Etats.
On peut dire que les juridictions fédérales ne sont compétentes que lorsque la Constitution les
reconnaît telles (compétentes). Deux idées ou principes président à leur compétence.

- D’abord, il y a la nature du litige. Les juridictions fédérales sont compétentes pour les
affaires mettant en jeu l’interprétation de la Constitution fédérale ou d’une loi fédérale.
- Ensuite, il convient de citer la personne des plaideurs. Les juridictions fédérales sont
compétentes, lorsque l’Etat fédéral est intéressé ou si un diplomate étranger est en cause,
ou encore si le litige oppose deux citoyens de deux Etats différents. Encore faut-il qu’il y
ait au moins 10.000 $ en jeu.

Mais, dans la pratique, les situations sont extrêmement compliquées. Lorsque les juridictions
fédérales peuvent être saisies, leur compétence est très rarement exclusive. Les parties ont le choix
entre elles et les tribunaux des Etats. Lorsqu’une juridiction fédérale est saisie, elle peut juger au
cours du procès des questions qui relèvent normalement de la compétence des juridictions des
Etats.

En ce qui concerne la compétence territoriale, elle est réglée par les lois fédérales et étatiques de
VENUE. Il arrive fréquemment que plusieurs juridictions soient territorialement compétentes pour
la même affaire. Le demandeur va choisir (FORUM SHOPPING) la juridiction devant laquelle il
a le plus de chance de gagner, d’être le plus indemnisé. Le juge saisi peut, cependant, refuser de
juger, s’il estime qu’il n’est pas la juridiction la plus appropriée.

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Pour conclure sur l’organisation judiciaire américaine, on peut dire que la justice, en raison du
système fédéral, est beaucoup plus décentralisée que la justice anglaise où les principales
juridictions sont concentrées à Londres.

II. Le personnel judiciaire

Le personnel judiciaire est composé, comme en droit anglais, de juges (A) et des auxiliaires de
justice (B). Il convient également d’examiner le ministère public, qui est un acteur judiciaire
majeur en droit américain (C).

A. Les juges

Il existe aux Etats-unis deux catégories de juges. Les juges fédéraux et les juges des Etats
fédérés.

1. Les juges fédéraux

Nommés à vie par le Président avec l’accord du Sénat, les juges fédéraux sont désignés parmi les
avocats, les universitaires, les hauts fonctionnaires et les juristes réputés. Comme les juges anglais,
les juges américains ont été formés par la pratique, non dans une école (il n’existe aucune
formation spécifique ni examen pour les juges). Depuis 1967 cependant, il existe un organisme, le
federal judicial center, qui assure la formation continue et initiale des juges et du personnel des
juridictions fédérales. Sur le plan du statut, les juges américains bénéficient de l’inamovibilité et
d’une grande indépendance.

2. Les juges des Etats fédérés

Deux catégories de juges existent dans les Etats fédérés : d’une part, les juges non professionnels
(juges de paix) qui siègent dans les juridictions inférieures et qui constituent, en nombre, l’essentiel
des juges des Etats. D’autre part, il convient de noter l’existence de juges professionnels qui
officient dans certaines juridictions inférieures (Cours municipales), les Cours de Comté, les cours
d’appel et les cours suprêmes des Etats. Ils proviennent d’horizons divers. Dans 40 Etats, de
nombreux juges sont élus au suffrage universel direct depuis 1828.

B- Les auxiliaires de justice


En droit américain, le plus important des auxiliaires de justice est le Lawyer. Ce dernier est capable
d’exercer plusieurs fonctions. Il peut être un trial lawyer, dont la fonction est de participer
physiquement aux procès civils et pénaux. D’autres lawyers se spécialisent dans la procédure,
comme en France les avoués. La plupart des lawyers exercent le rôle de notaires et de conseillers
juridiques et fiscaux.
Il convient cependant de savoir que le notary public américain n’est pas un lawyer. Sa fonction
se limite à authentifier des actes et des signatures pour les personnes qui le lui demandent. Elle ne
demande pas de compétence juridique particulière. Il faut également noter que les avocats, en droit
américain, portent les noms les plus divers : attorney, attorney at law, counsel, counsellor,

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counsellor at law, etc. Les lawyers sont, en général, membres d’une association dans chaque Etat
(Bar Association ). Quand l’affiliation est obligatoire, c’est un Integrated Bar. Au plan national,
c’est l’american bar association, crée en 1878, qui fédère les Bars des Etats. Americain Bar
Association créé

En pratique, les avocats sont rémunérés en proportion de ce qu’ils font gagner à leurs clients. C’est
en application du vieil adage américain selon lequel : « no win, no fee » (si je perds le procès, je
ne touche rien, ... mais si je gagne, c’est entre 20 et 50 % !). Cette pratique, analogue au quota litis,
est une particularité du droit américain car, elle est, en principe, interdite en Angleterre et dans de
nombreux Etats du système romano-germanique.

Outre les lawyers, il convient de retenir comme auxiliaires les greffiers (Court clerk) élus ou
nommés, les huissiers (Baillif) qui sont chargés de la police dans le tribunal et les sténotypistes
(Court reporter).

C- Le Ministère Public

L’existence d’un ministère public aux Etats-Unis est une des différences importantes avec
l’Angleterre. Toutefois, le ministère public américain se distingue du nôtre. Il est, en effet,
composé de magistrats indépendants, alors que chez nous les magistrats du parquet se trouvent
dans un lien de subordination à l’égard du Garde des Sceaux. De même, les U.S. District Attorneys,
procureurs fédéraux, sont très autonomes à l’égard du Ministère de la Justice de Washington, bien
qu’ils soient nommés par le Président, avec l’accord du Sénat, pour 4 ans. Une autre différence est
que les chefs de parquet dans les Etats fédérés sont souvent élus.

Pour les affaires sensibles, un procureur spécial indépendant (INDEPENDENT SPECIAL


PROSECUTOR) pouvait être nommé. Celui-ci était désigné, à l’initiative du Ministre de la Justice,
par un panel de 3 juges, pour une affaire précise avec un budget spécialement alloué par le Congrès.
Mais, depuis l’affaire Monica LEWINSKY, les parlementaires américains se sont opposés à la
reconduction de la loi, votée après le scandale du Watergate, qui permettait de désigner le
procureur indépendant.

Les bras exécutifs des procureurs fédéraux sont les US Marshals. Chaque tribunal de district est
doté d'un bureau de Marshal qui relève du US Marshal service United states marshal service.
Equivalents des Sheriffs, les US Marshals sont chargés d’exécuter les décisions des tribunaux
fédéraux, de convoyer les malfaiteurs, d’assurer la sécurité du personnel judiciaire, du maintien de
l'ordre dans les locaux de la justice et les bâtiments fédéraux en général. Un Marshal peut procéder
à des arrestations, avec ou sans mandat.

54
§ 2. La règle du précédent (stare decisis)

Comme le droit anglais, le droit américain connaît la règle du précédent. Toutefois, celle-ci
fonctionne différemment. En premier lieu, il convient de relever que, contrairement à l'Angleterre,
aux Etats-Unis les juridictions ne sont pas liées par leurs propres précédents. Ensuite, le système
fédéral en complique l’application, car il est nécessaire de concilier le respect de la règle du
précédent avec le souci d’éviter les différences significatives dans les droits appliqués dans les
Etats. Par ailleurs, l’application stricte de la règle de précédent s’avère compliquée en raison du
très grand nombre de décisions rendues qui sont parfois contradictoires. Enfin, une décision
judiciaire ne peut être qualifiée de précédent que si elle fait l’objet de publication. Ce principe est
mis cependant à mal par la multiplication de la diffusion électronique des décisions judiciaires ; il
est en voie de disparition.

Il importe de noter que la Cour Suprême fédérale et les cours suprêmes des Etats ne sont pas tenues
par leurs précédents. Elles opèrent donc parfois des revirements. Pour limiter les effets du
revirement de jurisprudence, le juge Benjamin N. Cardozo a conçu la doctrine du Progressive
overruling. Selon cette doctrine, le juge devrait appliquer, dans une affaire donnée, la règle
ancienne, mais en avertissant les justiciables, qu’il appliquera à l’avenir la nouvelle solution.

Les décisions de justice américaines commencent par un résumé détaillé des faits, chronologique.
Puis, suivent l’exposition des points de droit soulevés, l’analyse des motifs ou des raisons retenues
par la juridiction accompagnés de nombreuses références à des sources de droit, le Holding qui est
la règle brève que la juridiction fournit en réponse au problème de droit soulevé et le dispositif.
C’est le holding qui est le précédent, non pas le dictum ou le concurring opinion (un juge est
d’accord sur le fond de la décision, mais pour des raisons différentes peut exprimer dans la décision
sa position personnelle) ou le dissenting opinion (un juge n’adhère pas à la décision majoritaire et
le faire savoir dans la décision).

Section 2 : La législation ( Statute law)

Dans le système juridique américain, il existe deux types de lois : les lois fédérales et les lois des
Etats.

Les lois des Etats sont adoptées par les parlements locaux. La tendance est à l’inflation
législative en raison de la compétence législative étendue de ces Etats. Pour parer aux risques de
morcellement du droit législatif, il a été institué la pratique de la rédaction des projets modèles. Un
organisme, créé en 1892, la Conférence nationale des Commissaires pour des Lois d’Etat
Uniformes (NATIONAL CONFERENCE OF COMMISSIONEERS ON UNIFORM STATE
LAWS NATIONAL CONFERENCE OF COMMISSIONEERS ON UNIFORM STATE LAWS
), propose aux Etats des lois modèles, uniformes, dans certaines matières où la pratique
reconnaissait le besoin d’une intervention législative.

Les lois fédérales sont votées par le Congrès et promulguées avec l’approbation tacite ou explicite
du Président des Etats-Unis. Toutefois, ce dernier peut mettre son veto empêchant ainsi la
promulgation de la loi. Dans ce cas, le véto présidentiel ne peut être contourné que par un nouveau

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vote des deux chambres à la majorité des deux tiers. Les lois fédérales sont ensuite publiées dans
le Federal Register qui apparaît comme le Journal Officiel fédéral. Elles sont rassemblées dans le
United State Code (U.S.C.). Les termes ou les concepts de la common law sont souvent employés
dans lois fédérales. Il n’y a rien de surprenant à cela, puisqu’ il existe une interaction permanente
entre les lois et la common law ; ces dernières s’influencent réciproquement.

A côté des lois votées par le congrès, se développe la législation déléguée. Celle-ci est
adoptée par le Président américain ou par un organisme administratif indépendant à la suite d’une
délégation du pouvoir législatif consentie par le Congrès. S’agissant des organismes administratifs
indépendants (les plus anciennes sont l'U.S. PATENT OFFICE créé en 1802 pour l'enregistrement
des brevets, le BUREAU OF INDIANS AFFAIRS 1824, l’INTERSTATE COMMERCE
COMMISSION, créé en 1887 pour contrôler les chemins de fer et les transports inter-étatiques,
supprimée récemment et remplacée par une autre institution), ils se sont multipliés. Ils sont animés
par des hauts fonctionnaires nommés par le Président des Etats-Unis avec l'accord du Sénat. Ils
produisent des règlements qui sont publiés dans le Federal register trente jours avant leur mise en
application, et intégrés, chaque année, dans le Code of Federal Regulation.

Enfin, on peut constater une multiplication des compilations officielles ou privées des lois ou
règlements votés aussi bien au niveau fédéral qu’au niveau des Etats fédérés. Ces compilations
prennent souvent la dénomination de REVISED LAWS ou CONSOLIDATED LAWS, et parfois
CODES. Cependant, elles ne doivent pas être confondues avec nos codes au sens formel. Les Etats
ont rarement un code civil ou un code de procédure civile (Géorgie, Montana, Californie). Seule
la Louisiane a un code civil analogue au nôtre. On note, en revanche, la fréquence des codes pénaux
et des codes de procédure pénale.

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CHAPITRE III : L'AMERICANISATION DU DROIT

L’américanisation du droit est un fait marquant de ces dernières années. Après avoir cerné la nature
du phénomène (Section 1), on examinera quelques manifestations du phénomène (Section 2)

Section 1 : La nature du phénomène

Il est indéniable que les échanges se mondialisent. Ce mouvement de mondialisation est


principalement conduit par les Etats-Unis. L’aspect le plus visible de cette mondialisation est la
libéralisation des échanges. Mais, elle comporte une manifestation juridique qui consiste soit en
une adoption des pratiques culturelles américaines, comme d'invoquer le droit à tout propos ou de
recourir constamment aux tribunaux, soit en une transposition ou réception de règles juridiques
nées outre-atlantique.

Cette double influence manifeste l’américanisation du droit. Elle s’exerce sur les systèmes
romano-germaniques beaucoup plus par le biais des principes que par des règles du droit positif.
Ainsi, le droit américain s’infiltre de diverses manières dans les droits romano-germaniques. Il
importe de comprendre les raisons de cette américanisation du droit et les modalités de celle-ci.

§ 1. Les raisons de l’américanisation du droit


Trois raisons au moins peuvent expliquer l’influence du droit américain sur le système romano-
germanique.
En premier lieu, il convient de remarquer que les américains sont sortis de leur
isolationnisme depuis les années 1960. Avant cette période, les Etats-Unis participaient rarement
aux conférences qui élaboraient les traités, notamment en matière de droit commercial (ex :
conventions de Genève au XIXème siècle sur les effets de commerce). Mais depuis la Deuxième
guerre mondiale, ils s'intéressent aux systèmes juridiques étrangers et contribuent au
développement du droit comparé et des règles uniformes internationales. A cet égard, leur
participation active à la Commission des Nations-Unies sur le droit du commerce international
(C.N.U.D.C.I.) et à l'Institut international pour l'unification du droit privé de Rome est illustrative.
Cette influence est servie par l'anglais qui tend à supplanter les autres langues et par une hégémonie
économique, politique et militaire.
En second lieu, l’américanisation du droit tient au fait que la common law américaine est
plus simple et plus intelligible que la Common Law anglaise. Par exemple, le droit américain, à
l’inverse du droit anglais, admet le principe général d'exécution de bonne foi.
Enfin, le mouvement d’américanisation s’explique par la capacité d’adaptation plus rapide
du droit américain par rapport au progrès technique et aux évolutions sociales. Les américains
innovent souvent. Par exemple, ils ont inventé les O.D.R. (Online Dispute Resolution). Ces termes
désignent aussi bien la négociation et la médiation que l'ensemble des procédures juridictionnelles
en ligne (appelé « eFiling »). Les O.D.R. connaissent un grand succès outre-atlantique et dans le
monde.

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§ 2. Les modalités de l'américanisation

L'américanisation du droit concerne aussi le droit positif que la culture juridique (méthodes,
sources, pratiques, rôles professionnels, mentalités), celle-ci constituant l’environnement dans
lequel baigne les règles de droit et leur donne un sens.

L’influence sur le droit positif se manifeste dans plusieurs branches du droit. D’abord, elle est
perceptible en droit civil et touche la protection des consommateurs, la responsabilité civile des
produits, la responsabilité civile des erreurs médicales. Ainsi, on a observé qu'en France
responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle tendent à se rapprocher, comme aux Etats-
Unis. Par ailleurs, si l'article 1382 du Code civil pose le principe d'une réparation identique pour
tout dommage, plusieurs lois prévoient, comme en droit américain, un régime différent pour les
dommages aux biens et les dommages aux personnes.

Ensuite, l’influence du droit américain s’exerce sur le droit commercial. C’est certainement la
branche du droit qui a le plus subi la pénétration de la Common Law notamment par le biais du
droit des contrats: leasing, factoring, franchising, renting, etc. De même, le droit de la faillite
s'inspire du « chapter 11 » américain qui vise à anticiper les dépôts de bilan.

Par ailleurs, le droit américain a influé sur le droit public de certains droits de la famille romano-
germanique. On doit aux Etats-Unis l'idée de souveraineté limitée par le droit, et une certaine
conception du fédéralisme fondée sur une souveraineté divisée, lesquelles sont partagées par
exemple, par l’Allemagne et l’Italie.

De même, le droit américain paraît avoir inspiré le législateur français lorsque celui-ci a créé la
Commission des Opérations de Bourse (C.O.B.) en 1967 (remplacée par l'Autorité des Marchés
Financiers), et réglementé le délit d'initié.

Enfin, en matière environnementale, les règles qui découlent du principe pollueur-payeur sont
d’inspiration américaine.

Il convient cependant de relativiser l’influence du droit américain sur les systèmes romano-
germaniques. D’abord, une telle influence n’a touché que certaines branches du droit, encore que
l’impact sur celles-ci fût partiel. En outre, Le droit américain en s'introduisant dans les droits
romano-germaniques ne l’a pas adopté en tant que tel. Il fut adapté et dans certains cas modifié.
Enfin, il convient de relever dans certains cas la résistance des systèmes romano germanique.
Ainsi, en 2002, lorsque les Etats-Unis ont adopté, à la suite du scandale ENRON, la loi
SARBANES-OXLEY qui oblige à la délation si l'on a connaissance de faits délictueux, la
Commission Nationale Informatique et Liberté s'est opposée à ce que de telles pratiques soient
imposées à des salariés de filiales américaines en France (McDonald's et la Compagnie européenne
d'accumulateurs).

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L’influence sur la culture juridique a été aussi importante que celle sur le droit positif. Ainsi,
l’analyse économique du droit fut inventée par les américains avant d’être reprise par les
européens. Une telle analyse a un impact sur le comportement de certains juristes de droit civil.
Ceux-ci ne font plus leur analyse seulement sur les catégories abstraites ; ils deviennent sensibles
aux données concrètes. De même, du fait de l’influence américaine, les droits européens utilisent
des concepts nouveaux qui transcendent les frontières traditionnelles celles séparant le droit privé
et le droit public. Il en va ainsi dans les matières touchant à la protection du consommateur, le droit
de l'environnement, la propriété intellectuelle, le droit de la presse, le commerce électronique,
Internet etc. Par ailleurs, il y a lieu de constater la place de plus en plus importante prise par la
jurisprudence dans les pays de droit romano-germaniques.

Section 2 : Les manifestations de l’américanisation du droit

L’américanisation du droit se manifeste de plusieurs façons. On en a donnera une illustration à


travers l’examen de trois institutions : Le plaider coupable, La class action et la discrimination
positive.

§ 1. Le « plaider coupable » (ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité)

Le « plaider coupable », connu en droit américain de plea bargaining, est un élément fondamental
de la procédure pénale américaine. Aux Etas-Unis, dans son arrêt Santobello de 1971, la Cour
Suprême considère que le plea bargaining est un élément essentiel de l'administration de la justice
criminelle. C’est une procédure qui permet à une personne soupçonnée de crime ou de délit,
d’obtenir des réductions de peine (de 20 à 30 %) en échange d'une reconnaissance préalable de
culpabilité. Cette reconnaissance peut intervenir à tous les stades de la procédure. La réduction de
peine est importante si la reconnaissance a lieu plus tôt. Aux Etats-Unis, 90 % des accusés plaident
coupables.

Le plaider coupable à infiltré de nombreux systèmes juridiques. Il a ainsi été introduit dans les
droits allemand, anglais, canadien, espagnol, portugais, italien, polonais et russe. En France, cette
procédure a été consacrée par la loi PERBEN 2 du 9 mars 2004. Elle consiste en une procédure
accélérée prévue pour les délits ne dépassant pas une certaine gravité. Elle permet au prévenu
d’accepter, sur proposition du Procureur de la République, ou à sa demande, de reconnaître sa
culpabilité avant de comparaître devant la juridiction de jugement en contrepartie d’une peine
allégée, plafonnée à 1 an d'emprisonnement et inférieure, au moins de moitié, à celle qu'il encourt.

La consécration de cette procédure typiquement américaine dans les systèmes juridiques romano-
germaniques suscite un débat. En effet, si une telle procédure comporte des avantages, elle n’est
pas exempte d’inconvénients.

Au titre des avantages, la procédure de plaider coupable permet :

- un désengorgement des juridictions pénales notamment des audiences correctionnelles de


comparution immédiate ;

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- un raccourcissement des délais entre la commission de l’infraction et le jugement, ce qui
évite la péremption des preuves et donc un gain de temps ;
- d’éviter le gaspillage des moyens qui devraient être mis en œuvre pour étayer la culpabilité
du prévenu.

Pour ce qui est des inconvénients, on peut relever les aspects suivants :

- un risque indéniable de chantage : les procureurs peuvent être tentés de charger excessivement
les prévenus afin de les pousser à accepter la procédure de plaider coupable ou d’être en position
favorable pour négocier ;

- l’absence de procès : ce qui entraîne une marginalisation du juge qui doit se contenter
d’homologuer ou non l’accord passée entre l’accusation et la défense ; la condamnation perd de
ce fait les garanties d’impartialité et d’équilibre.

- la mise à l’écart de la victime lors de la procédure ; la victime peut ressentir une forme d’injustice
et croire que ses souffrances laissent indifférentes la société ;

- un rôle important accordé aux considérations économiques, celles visant à obtenir une justice à
un moindre coût. Sont donc minimisées la bonne administration de la justice et la recherche de la
vérité et de la justice.

§ 2. La class action

La class action (action de groupe) est une action en justice collective qui permet à des milliers,
voire des millions, de victimes d’obtenir réparation du préjudice qu’elles ont subi. C’est « une
action par laquelle une ou plusieurs, se prétendant représentatives d’une catégorie de justiciables,
engagent une action (généralement en responsabilité) en justice pour le compte de l’ensemble de
ces personnes »12. La class action se caractéristique par trois éléments : l’existence d’un groupe
dont les membres ont subi le même dommage, un représentant du groupe qui prend l’initiative
d’agir et une décision qui lie tous les membres du groupe. Tirant ses origines de la procédure de
Bill of peace consacrée par les tribunaux anglais au 17e siècle, l’action de groupe a connu un essor
remarquable dans les années 1960 aux Etats-Unis sous la pression des mouvements de
consommateurs. Ces dernières années, les class action se sont multipliées contre les laboratoires
pharmaceutiques (médicaments pour maigrir), les fournisseurs d’Internet (A.O.L. par exemple),
les fabricants de cigarettes, les fabricants d’armes, Microsoft, etc.

Ces class action constituent un moyen d’action pour les consommateurs et sont par là un outil de
régulation économique spécifique de l'économie libérale. Elles suivent une procédure qui peut être
résumée en trois étapes. La première étape est l’introduction de la class action. Elle débute par une
assignation (filing of complaint), initiée par un ou plusieurs plaignants, désignés comme « lead
plaintiff », qui est adressée au défendeur. Ce dernier à trente jours pour répondre, mais peut
bénéficier d’un délai supplémentaire.

12
Article 23 des règles fédérales de procédure civile.

60
La deuxième étape de la procédure est la certification. Le demandeur doit, en effet, obtenir la
certification de la procédure. Le juge doit constater, à cet effet, l’existence d’un groupe homogène
et le fait que celui-ci est valablement représenté par le ou les plaignant. Lorsque la certification est
prononcée, le juge impose au plaignant (représentant du groupe) de notifier la décision de
certification à tous les membres du groupe. Si ces derniers sont connus, ils doivent être informés
par lettre recommandée avec avis de réception. Mais, quand les membres du groupe sont inconnus
ou trop nombreux, le juge autorise la notification par médias. Ainsi, les membres informés peuvent
se joindre à la procédure.

La troisième étape concerne l’issue de la procédure. Les parties transigent la plupart des cas (90%)
pour fixer le montant de l’indemnisation. Mais, il est également possible que les demandeurs
désistent. En l’absence de transaction ou de désistement, il est ouvert un procès au cours duquel la
juridiction reconnaît ou non le bien-fondé de l’action. En cas de reconnaissance du bien-fondé de
la demande, deux solutions s’offrent au juge. Soit ce dernier se contente de poser le principe de
responsabilité du défendeur et laisse chaque membre du groupe agir individuellement contre le
défendeur pour fixer le montant de la réparation qui lui revient ; soit le juge admet le principe de
responsabilité et fixe, dans le même temps, le montant global de la réparation et la part qui revient
à chaque plaignant.

Le juge fixe également le pourcentage des indemnités perçues par les avocats.
Les sommes perçues par ce dernier peuvent être énormes. Par exemple, Microsoft, pour mettre fin
à une class action en Californie, a dû verser 1,1 milliard $ aux victimes (soit un bon de réduction
de 5 à 29 $ pour des logiciels Microsoft pour chacune des 13 millions de victimes), et 258 millions
$ aux avocats.

Pour limiter les class actions qui pèsent sur le budget des entreprises (En 2005, les class action
auraient coûté aux groupes américains 300 milliards de dollars) et éviter le choix de plaider devant
les juridictions supposées généreuses (FORUM SHOPPING), le Congrès a décidé, par Class action
fairness act de février 2005, de transférer à la justice fédérale les actions en nom collectif dépassant
5 millions de $.

L'expérience américaine de la class action a inspiré certains pays comme la Suède, le Canada et la
France. En France, l’action de groupe a été consacrée par une loi du 13 février 2014. C’est une
action qui est réservée aux associations de consommateurs. Elle comporte cinq principales phases :

- En premier lieu, le constat d’un manquement à des obligations professionnelles, au


détriment de consommateurs ;
- En deuxième lieu, l'introduction de l'action (saisine), par une association de
consommateurs agréée ;
- En troisième lieu, il faut un jugement portant sur la responsabilité, l'indemnisation et la
définition du groupe,
- En quatrième lieu, la publicité du jugement et l'extension du groupe défini aux
consommateurs souhaitant rallier l'action
- Enfin, la répartition de l'indemnisation financière.

61
La class action présente des avantages. Elle permet un accès à la justice plus rapide, plus facile,
moins coûteux pour les petits plaignants. Elle évite, par ailleurs, l’engorgement [le
(dés)engorgement] des tribunaux par les petites affaires. Mais l’action de groupe comporte des
inconvénients. D’abord, elle paraît contraire à certains principes de notre système juridique : nul
ne plaide par procureur, le principe de la responsabilité personnelle, l’interdiction des arrêts de
règlement. En outre, elle pourrait ruiner les entreprises et susciter un contentieux facile initié par
des avocats en quête de célébrité ou de richesse.

§ 3. La discrimination positive

Le Civil Rights Act de 1964 (loi sur les droits civiques), a créé l'affirmative action. Celle-ci
apparaît comme une politique mise en œuvre par les agences fédérales, consistant à accorder un
traitement préférentiel à des groupes minoritaires ayant subi dans le passé un régime juridique
discriminatoire. Cette politique a été appliquée dans trois domaines : le travail suivi par l'Equal
Employment Opportunity Commission (Commission pour l'égalité des chances dans l'emploi), la
passation de marchés publics et l'admission dans des établissements d'enseignement supérieur.
Aux Etats-Unis, les groupes minoritaires sont définis à partir de critères ethniques (noirs,
hispaniques, indiens, asiatiques) et de genre (femmes).

Cette discrimination positive heurte cependant deux principes fondamentaux du droit américain :
le principe méritocratique et la norme de « coloured blindness » (cécité à la couleur de la peau).
Selon la Cour Suprême des Etats-unis, une discrimination peut se justifier par un intérêt de «
diversité » qui est un intérêt général prioritaire (Compelling state interest) ou par une
discrimination passée. En revanche, la Cour suprême interdit la discrimination positive consistant
en des quotas et une attribution automatique de points en fonction de critères raciaux, ethniques
ou religieux.

Depuis quelques années, l’application de la politique de la discrimination positive a été réduite du


fait des scandales dans l'attribution des marchés publics, des résultats décevants et des effets
pervers de cette politique.

Bien que la discrimination positive soit en déclin aux Etats-Unis, elle inspire les politiques dans
certains pays relevant du système romano-germanique. En France, des hommes politiques français
plaident pour son adoption. De fait, il existe en France des politiques de discrimination positive
fondées, non sur le critère ethnique ou de genre, mais sur un critère territorial. Il en va ainsi de la
création de Zones d'Education Prioritaire en 1981, de Zones Urbaines Sensibles en 1996, de 44
Zones Franches Urbaines, de 416 Zones de Redynamisation Urbaine. Au Burkina Faso, la
politique de discrimination positive est consacrée en matière de choix des élus. La loi du 16 avril
2009 sur le quota impose l’inscription de 30% de femmes sur les listes électorales. Elle vise ainsi
à réduire les inégalités à l'égard des femmes et à promouvoir leur pleine participation à la vie
politique. En effet, selon les statistiques, les femmes représentent au Burkina plus de 52% de la
population alors que seulement 15% de ces femmes occupent des postes au sein des sphères
décisionnelles.

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On peut cependant se demander si la discrimination positive n’est pas inconstitutionnelle,
puisqu’elle paraît contraire au principe d’égalité des citoyens. Pour le Conseil Constitutionnel
français : « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente
des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu
que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet
de la loi qui l'établit ». Ainsi, le principe d’égalité n’exclut pas une discrimination du moment que
celle-ci est justifiée.

Toutefois, la discrimination positive comporte des méfaits. Normalement, une politique de


discrimination positive doit être provisoire et parvenir à faire disparaître l’inégalité. Toutefois, on
observe qu’elle a tendance à se pérenniser, qu’elle crée une accoutumance à l’assistance et un
sentiment d’irresponsabilité. En définitive, comme le note un auteur, trois conceptions
relativement à la discrimination positive peuvent être dégagées.

Premièrement, il s’agit de celle qui n'accepte pas de transiger avec les valeurs et les principes de
la République et qui refuse que la fin justifie les moyens;

Deuxièmement, il s’agit de la conception qui accepte que les principes républicains soient
suspendus lorsque la situation l'exige; la discrimination positive est alors conçue comme une
dérogation;

Enfin, il s’agit de l’acception selon laquelle le modèle républicain est dépassé et qu'il faut en
changer. Elle préconise, par conséquent, le remplacement du principe d'égalité par le principe
d'équité ; elle ouvre la voie à la constitution d'une société multiculturelle ou plutôt
communautarisée.

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