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LICENCE EN DROIT ANNEE ACADEMIQUE

2020-2021

COURS DE

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Dr ZAKANE Vincent
Maître-assistant
UFR/SJP
UNIVERSITE THOMAS SANKARA

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PLAN GENERAL DU COURS

INTRODUCTION GENERALE

Section I : Notion de droit international


Section II : Genèse et évolution du droit international
Section III : Fondements philosophiques du droit international
Section IV : Caractères généraux du droit international
Section V : Rapports entre le droit international et le droit interne

TITRE I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL

CHAPITRE 1 : LES SOURCES CONVENTIONNELLES DU DROIT


INTERNATIONAL : LES TRAITES INTERNATIONAUX

Section I : La notion de traité international


Section II : La conclusion des traités internationaux
Section III : La validité des traités internationaux
Section IV : L’application des traités internationaux

CHAPITRE 2 : LES SOURCES NON-CONVENTIONNELLES DU DROIT


INTERNATIONAL

Section I : Les modes de formation spontanée


Section II : Les modes de formation volontaire
Section III : Les moyens de détermination de la règle de droit

TITRE II : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL

CHAPITRE 1 : LES SUJETS A PLENITUDE DE COMPETENCES : LES ETATS

Section I : Définition et attributs de l’Etat


Section II : Les compétences de l’Etat

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Section III : La formation et la transformation de l’Etat

CHAPITRE 2 : LES SUJETS A COMPETENCE SPECIALISEE : LES


ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Section I : La personnalité juridique internationale des organisations


internationales
Section I : Les compétences des organisations internationales

CHAPITRE 3 : LES SUJETS A COMPETENCE LIMITEE : LES INDIVIDUS

Section I : Le statut juridique des individus, personnes physiques


Section II : Le statut juridique des ONG
Section III : Le statut juridique des sociétés transnationales

TITRE III : L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL

CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE

Section I : La responsabilité internationale pour fait internationalement illicite


Section II : La responsabilité internationale sans faute

CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS INTERNATIONALES

Section I : Les sanctions décentralisées


Section II : Les sanctions centralisées

CHAPITRE 3 : LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS


INTERNATIONAUX

Section I : Le règlement non-juridictionnel


§ 1 – Les procédures interétatiques
§ 2 – Les procédures institutionnalisées
Section II : Le règlement juridictionnel

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§ 1 – L’arbitrage international
§ 2 – Le règlement judiciaire international

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INTRODUCTION GENERALE

Également appelé droit des gens ou jus gentium, le droit international est une branche du
droit public qui s'applique à la société internationale ou à la communauté internationale. Tirant
ses racines dans l’Antiquité, il a été conçu comme un droit appelé à régir les relations entre des
Etats souverains formant alors la société internationale. Cette société internationale était, au
début des temps modernes, composée essentiellement d'Etats européens homogènes et reposant
sur des valeurs judéo-chrétiennes. Ces Etats formaient la Sainte Alliance (gouvernement
mondial de fait) qui deviendra le Concert Européen et le droit public européen était par
conséquent assimilé au droit international.
Aujourd'hui, le droit international a beaucoup évolué et s’applique à une société
internationale pluraliste composée de 194 Etats et d’une multitude d’organisations
intergouvernementales, ainsi que d’autres acteurs comme les ONG, les sociétés et les individus
qui en sont à la fois des destinataires et des acteurs contribuant à sa formation. Il apparaît ainsi
de plus en plus comme un droit mondialiste destiné à régir une communauté internationale
hétérogène, constituée d’une multiplicité d’acteurs ayant des statuts juridiques différenciés.
Droit complexe et protéiforme, le droit international ne cesse de se développer et embrasse,
de nos jours, tous les aspects de la vie internationale. Il tend même à envahir des domaines
naguère considérés comme relevant du domaine réservé des Etats. Son développement et son
expansion actuels conduisent à s’interroger sur son état actuel.
Cette interrogation suppose un retour sur les piliers fondamentaux du droit international. Un
tel exercice suppose d’abord la définition même de la notion de droit international (Section 1),
sa genèse et son évolution (Section 2), ses fondements philosophiques (Section 3), ses
caractères généraux (Section 4), ainsi que ses rapports avec le droit interne (Section 5).

Section 1 - Notion de droit international

L’expression « droit international » est la traduction française de l’expression anglaise


« International Law », dont la paternité est attribuée à Claude Bentham qui l’utilisa pour la
première fois en 1780 en la distinguant de la « National Law » ou « Municipal Law ». Cette
expression, qui s’inspirait en réalité de la formule latine « jus inter gentes » employée au
XVIème siècle par Vitoria, avait été utilisée pour distinguer le droit applicable à la société
nationale de celui applicable à la société internationale. Bien que cette distinction ait été
critiquée, l’expression « droit international » est, désormais, utilisée couramment pour désigner
le droit applicable aux relations internationales.
Parfois désigné sous l’expression « droit international public », le droit international peut
être défini comme le droit applicable à la société internationale, c’est-à-dire à la société formée
par les Etats. Il s’agit donc d’un droit qui régit les relations internationales, c’est-à-dire
principalement les relations entre les Etats.
Cette définition, relativement simple, implique l’existence d’une société internationale
distincte de la société nationale ou société étatique. Elle suppose également une distinction entre
le droit international et le droit interne des Etats.
En effet, à l’instar de toute société qui est régie par le droit (‘’ubi societas, ibi jus’’), la
société internationale est également régie par le droit et le droit qui la régit est appelé droit
international. Par société internationale, on entend classiquement la société formée par

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l’ensemble des Etats, c’est-à-dire des entités juridiques souveraines disposant d’un territoire,
d’une population et d’un gouvernement, et dotée de la personnalité juridique internationale. Le
droit international a été, en effet, conçu à un moment où la société internationale était composée
exclusivement d’Etats souverains. Il s’agissait donc d’une société relativement homogène.
Cependant, on sait que la notion de société internationale a considérablement évolué dans le
temps. Alors que dans le passé elle désignait la société des Etats et était relativement homogène,
aujourd’hui, elle comporte une pluralité d’acteurs, dont principalement les Etats, mais aussi les
organisations internationales, les ONG, voire les individus, personnes physiques ou morales.
Dans ces conditions, la distinction entre société internationale et société interne n’est que
purement factice et le droit international ne peut plus être analysé comme le droit applicable
aux seuls Etats. Il s’agit d’un droit plus complexe, qui s’applique principalement aux Etats,
mais aussi aux autres acteurs des relations internationales.
Pour autant, la définition du droit international continue à renvoyer à la distinction entre
société internationale et société interne qui est solidement ancrée dans la pratique internationale.
Le droit international apparaît également comme un droit distinct du droit interne ou du droit
étatique. Cette distinction se fonde aussi bien sur l’objet que sur la nature de ces deux droits.
En effet, alors que le droit interne régit les relations qui se déroulent à l’intérieur des frontières
d’un Etat, le droit international s’applique aux relations qui existent entre les Etats. De même,
le droit international apparaît, dans sa nature, comme un droit de simple coordination, tributaire
de l’égalité souveraine des Etats, tandis que le droit interne apparaît comme un droit de
subordination. Contrairement au droit interne qui est un droit organisé et hiérarchisé, le droit
international est un droit imparfait et peu organisé qui se caractérise par l’absence de hiérarchie
entre ses normes. Il ne connaît pas de législateur mondial, ni de gouvernement central, ni de
justice obligatoire et est peu sanctionné.
Par ailleurs, le droit international se distingue du « droit international privé ». En effet, le
droit international n’a pas le même objet que le droit international privé, ne traite pas des mêmes
questions et n’a pas recours aux mêmes techniques que celui-ci. Alors que le droit international
régit les relations publiques qui existent entre les Etats, le droit international privé régit les
relations entre personnes privées, physiques ou morales, comportant un élément d’extranéité,
découlant soit de la différence de nationalité entre les auteurs desdits rapports, soit du lieu, situé
hors du territoire national. Il traite des questions relatives aux conflits de lois, à la nationalité,
au statut des étrangers et aux contrats internationaux. La principale problématique traitée par le
droit international privé est celle des conflits de lois et des conflits de juridictions, qui implique,
face à une diversité de lois nationales susceptibles de régir une situation, de déterminer celle
qui s’appliquera effectivement à cette situation. Pour sa part, le droit international règle
essentiellement les questions de paix et de guerre entre les nations, celles relatives aux relations
diplomatiques, à l’organisation des relations économiques, et à la protection de
l’environnement. En outre, le droit international privé fait appel à la technique des conflits de
lois et de juridiction, tandis que le droit international s’appuie essentiellement sur celle des
traités internationaux et de la coutume internationale.
En pratique cependant, la différence fondamentale entre droit international public et droit
international privé est parfois difficile à établir. En effet, de nombreuses questions qui relèvent
par nature du droit international privées sont réglées par des traités internationaux. Dans ce cas,
le droit international public exerce une véritable incursion dans le droit international privé. Par
ailleurs, des particuliers, sujets de droit interne, entretiennent de plus en plus de relations avec
des Etats, sujets de droit international, soumises tantôt au droit international et tantôt au droit
interne.

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Dans ces conditions, la distinction entre le droit international public et le droit international
privé n’est que relative. Malgré ces objections, la distinction entre droit international public et
droit international privé est largement admise dans la science et la pratique du droit
international.

Section II - Genèse et évolution du droit international

Le droit international est une discipline ancienne qui tire son origine dans la civilisation
européenne et dans l’histoire des Etats Européens. Toutefois, il a beaucoup évolué et s’est
enrichi d’influences extra-européennes liées à l’histoire du monde.
La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître que la naissance du droit international
remonte au début de l’ère moderne avec la naissance de l’Etat moderne en Europe au XVIème
siècle. Cependant, ils admettent qu’avant l’ère moderne, on pouvait trouver des traces du droit
international aussi bien dans l’Antiquité qu’au Moyen-Age où se sont développées des pratiques
qui préfiguraient l’existence d’un droit international.
Pour certains auteurs, en effet, le Droit International tire ses origines des Cités grecques, de
l'Empire romain et du Moyen Âge. En effet, il existait en ces périodes pré-étatiques, des
pratiques qui préfiguraient les procédures actuelles de règlement des différends, telles que
l'arbitrage, la conclusion des traités, la réception d’Ambassadeurs.
Mais c'est sous la renaissance, c'est-à-dire dans la période allant du 15ème siècle à la fin du
16 siècle, que le droit international en tant qu’ensemble de normes destinées à régler les
ème

rapports interétatiques a vu le jour. C'est à cette époque qu'est apparu l'Etat dans sa forme
moderne, autour de la notion de souveraineté, telle que développée par des auteurs comme Jean
Bodin et Hobbes.
Il trouve ses fondements théoriques dans l’idée de la souveraineté utilisée à l’époque contre
la monarchie universelle de l’Eglise catholique et contre le Saint Empire. Les traités de
Westphalie de 1648 (traité qui ont mis fin à la guerre de trente ans en Allemagne), qui
consacrèrent cette idée, sont considérés comme le point de départ de l’évolution du droit
international. Ils légalisent formellement la naissance de l’Etat moderne, reconnaît la
souveraineté et l’égalité des Etats comme principes fondamentaux des relations internationales
et jettent ainsi les bases du droit international classique.
C'est également à cette époque que le droit international sera systématisé par des théologiens
espagnols que sont Vitoria et Suarez dont Vattel et Grotius prendront la suite. Ces quatre
théologiens sont considérés comme les pères du droit international. Mais c’est à Hugo de
Grotius que l’on doit les premières réflexions d’ensemble sur le droit international, avec son
ouvrage dénommé ‘’De jure Belli ac Pacis’’ (du droit de la guerre à la paix). C’est pourquoi il
est considéré comme le père fondateur du droit international et comme l’initiateur du droit
naturel moderne.
Le droit international classique restera un droit européo-centriste (forgé par les Européens et
pour les Européens) et ce jusqu'au début du 20ème siècle. Ce droit est un droit interétatique (sert
les intérêts des Etats), mais avec l’apparition et le développement de nouveaux sujets de droit
international que sont les organisations internationales (OI) à partir du 19ème siècle, son champ
d’application tend à s’élargir à des relations non étatiques. Les Etats n'ont donc plus le
monopole des relations internationales. D'autres acteurs des RI apparaîtront, mais ce ne sont
pas des sujets de Droit International (DI), bien qu'ils fassent l'objet d'une reconnaissance
internationales.

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Les acteurs des Relations Internationales sont les individus, certains mouvements de
libération nationale telle la SWAPO et l'OLP (organisation de libération de la Palestine),
certaines ONG telle le CICR, les Sociétés transnationales, les peuples et enfin de l'humanité.
Tout acteur des RI n'est pas un sujet de DI.
Selon le droit positif, c'est-à-dire du point de vue de lege lata (qui s'oppose à la lege feranda
: droit futuriste, prospectif), les acteurs des relations internationales ne sont pas tous des sujets
de DI sauf les individus dans les branches humanitaires du droit des gens DH (les 3 branches
sont : DI des droits de l'homme, DI des réfugiés, Droit international humanitaire).
Le domaine d'application du Droit international classique était limité aux relations
diplomatiques et consulaires, au droit de la mer (mer territoriale, zone contiguë, haute mer)
(différent du droit maritime) et au droit de la guerre (cf. les Conventions de la Haye de 1899 et
1907).
Mais depuis la seconde guerre mondiale, le DI s'est diversifié et couvre tous les domaines
d'intervention de l'homme (l'espace extra-atmosphérique, les fonds des mers et des océans la
télédétection ou télécommunication par satellite).
La société internationale quant à elle a perdu de son homogénéité et est devenue une société
hétérogène dominée par les conflits idéologiques et politiques, par les disparités entre les
niveaux de développement économique des Etats, par l'opposition Est-Ouest et le clivage Nord-
Sud. Du coup, ses objectifs vont également se sont démultiplier : recherche de la paix et de la
sécurité internationale, décolonisation, lutte contre le racisme et l'apartheid, la lutte contre le
terrorisme mondial, le désarmement conventionnel et nucléaire, la protection de
l'environnement, le développement économique, la défense et la promotion des droits de
l'homme, etc. Aujourd'hui, l'apartheid est démantelé, la bipolarisation du monde et la guerre
froide ont pris fin à la suite de l'effondrement ou de la désintégration de l'URSS, et le
désarmement nucléaire est en bonne voie.
Les relations internationales sont, désormais, marquées par deux phénomènes
contradictoires : une tendance des Etats à s'associer ou à s'unir, d'une part, et une dissociation
ou un éclatement des Etats existant, d'autres part. En effet, des Etats naguère divisés se sont
réunifiés. Il s'agit des deux Allemagnes (RFA avec ses 10 länders et RDA avec ses 5 länders),
des deux Yémen, des deux Vietnam. Restent les deux Corée et les deux Chine. L'Etat
tchécoslovaque s’est scindé en deux Etats indépendants en janvier 1993, l'Etat Tchèque et un
Etat Slovaque. De plus, nous assistons à une revitalisation des Nations Unies par l'application
régulière du chapitre VII de la charte de l'ONU (Cf. la résolution 678 du Conseil de sécurité
adoptée dans l'affaire de l'invasion du Koweït par l'Irak).
Par ailleurs, le Droit international apparaît, aujourd’hui, comme un droit décentralisé et
régionalisé. Ainsi, on a le Droit International européen dominé par le droit communautaire, le
Droit international africain, le Droit international asiatique, le Droit international américain (y
compris l'Amérique Latine) et le Droit international soviétique.

Section III - Caractères généraux du droit international

Le droit international se distingue par un certain nombre de caractères : il s’agit d’un droit
hétérogène (§ 1) et diversifié (§ 2) qui s’analyse comme un ordre juridique spécifique (§ 3),
tributaire de la souveraineté étatique (§ 4).

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§ 1 - Un droit hétérogène

Le droit international contemporain n’est pas un droit homogène, mais un droit hétérogène
qui poursuit des objectifs extrêmement variés. Cette hétérogénéité du droit international
provient de l’hétérogénéité de ses sources et de celle de ses sujets.
Le droit international est un droit ancien dont l'origine remonte à la naissance des Etats
modernes. Emanation de la volonté souveraine et collective des Etats, il a été, pendant
longtemps, le produit de la volonté des seuls Etats à travers des instruments conventionnels et
la pratique interétatique. Aujourd'hui, il découle de la coexistence d'une pluralité d'acteurs ayant
des statuts différenciés. Ainsi, aux anciennes sources s’ajoutent de nouvelles sources du droit
international qui sont certainement plus complexes et plus diffuses.
Les anciennes sources sont principalement sont :

- les sources conventionnelles, qui connaissent, aujourd’hui, un développement


extraordinaire, le droit international étant constitué d’un réseau dense de traités, accords
bilatéraux, multilatéraux et plurilatéraux ;
- les sources coutumières qui continuent à être vivaces dans le système international et
qui connaissent des développements régionaux et locaux ;
- les principes généraux de droit et du droit international qui jouent un rôle supplétif
irremplaçable du droit international ;
- les actes unilatéraux des Etats et des organisations internationales qui traduisent le rôle
prépondérant des Etats et une plus grande intégration entre eux.
Les nouvelles sources sont :
- les déclarations faites par les Etats dans le cadre des organisations internationales ou à
l'occasion des grandes conférences internationales et qui traduisent de simples intentions
susceptibles de produire des effets de droit ;
- les communiqués conjoints/finals, qui consacrent les conclusions des travaux d'une
rencontre statutaire ou non de haut niveau susceptible d'engager les signataires ;
- les actes concertés non conventionnels qui sont de simples déclarations politiques mais
susceptibles de produire des effets de droit.
A l'origine, le droit international était le produit de la seule volonté des Etats. De nos jours,
il découle d'une pluralité d'acteurs qui ne sont pas toujours des sujets de droit. Aux anciens
sujets de droit international se mêlent des acteurs dont le statut est encore mal défini.
Les anciens sujets du droit international sont :
- les Etats, qui sont les sujets traditionnels du droit international et continuent de jouer un
rôle primordial en tant que producteurs et destinataires des règles du droit international ;
- les organisations internationales intergouvernementales, qui sont des sujets dérivés du droit
international issus de la volonté des Etats et qui tendent parfois à se substituer à eux ou à agir
en leur nom.
Les nouveaux acteurs du droit international sont :
- les individus qui demeurent des sujets de droit interne, mais qui sont devenus, aujourd'hui,
des destinataires directs des règles internationales et peuvent en réclamer l'application par les
Etats ou les organisations internationales ;
- les sociétés, qui demeurent également des sujets de droit interne, mais jouent parfois un
rôle déterminant ans la production et l'application des règles du droit international ;
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- les ONG qui, sans être de nouveaux sujets de droit international, n'en jouent pas moins un
rôle déterminant dans la production des nouvelles règles du droit international et dans leur
application.

§ 2 - Un droit diversifié

L’une des caractéristiques majeures du droit international de nos jours est sa diversité. Le
droit international n’est plus un droit unique. Cette diversité provient de la juxtaposition de
plusieurs catégories de normes provenant de divers cadres d’élaboration et dont la coordination
et la hiérarchisation ne sont pas toujours assurées : aux règles générales, s’ajoutent des règles
spéciales et des règles régionales.
Les règles générales sont celles qui s’appliquent de manière générale à toute la communauté
internationale. Cependant, la notion de règles générales est ambiguë. Elle présente plusieurs
sens. Il convient néanmoins de retenir sa signification la plus opératoire en se plaçant du point
de vue de la géographie. Ainsi compris, les règles générales désignent celles qui sont
applicables à la communauté internationale dans son ensemble, c’est-à-dire à l’ensemble des
Etats et des autres sujets du droit international.
Cette conception universelle du droit international, qui veut que tous les sujets soient soumis
au même droit, est pleinement confirmée par le droit positif.
De nombreuses conventions internationales reconnaissent l’existence de normes générales.
Ainsi, l’article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités entre Etats
reconnait l’existence de normes impératives du droit international général comme normes
acceptées par la communauté internationale des Etats dans son ensemble. De même, le statut
de la CIJ reconnaît l’existence de règles écrites et coutumières générales.
En pratique, on peut relever l’existence de plusieurs catégories de règles générales :

- les règles conventionnelles ;


- les règles coutumières ;
- les principes généraux du droit international public.
Quant aux règles spéciales, ce sont celles qui s’appliquent à un domaine spécial du droit
international. Le développement du droit international général s’est en effet réalisé
parallèlement avec le développement de divers droits spéciaux.
A l’heure actuelle, on dénombre une multitude de branches spécialisées du droit
international. Les plus significatifs sont :

- le droit diplomatique ;
- le droit international économique ;
- le droit international du travail ;
- le droit international de l’environnement ;
- le droit international des droits de l’Homme ;
- le droit international humanitaire ;
- le droit international du développement ;
- le droit du contentieux international ;
- le droit pénal international.
Les règles régionales sont des règles qui s’appliquent à certains Etats ou groupes d’Etats.
C’est le même droit positif qui reconnaît le droit international général et qui reconnaît également

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l’existence de ces droits particuliers. L’existence des règles régionales se traduit par l’existence
d’organisations régionales qui sont autant de cadres d’élaboration de ces normes.
A l’heure actuelle, on assiste à un foisonnement d’organisations régionales et sous régionales
qui sont des cadres d’expression de la solidarité entre les Etats et qui constituent des cadres
d’élaboration de règles particulières.
On distingue deux catégories d’organisations régionales :

- les organisations à caractère politique ;


- les organisations à caractère d’intégration régionale.
Ces dernières donnent lieu parfois à des règles ayant un caractère supra national.
La coexistence de ces règles générales, spéciales et régionales pose le problème de leur
coordination et de leur hiérarchisation.

§ 2 - Un système juridique spécifique

Le droit international régit une Société internationale imparfaite, inorganisée et peu


structurée. En effet, à la différence de la société nationale, la société internationale n'a pas de
Parlement, pas d'Exécutif international et la justice est facultative. Aussi certains auteurs ont
conclu à l'inexistence du Droit international. Ce sont Raymond Aron, Hans Morgenthau, qui
sont les disciples de Thomas Hobbes et Georges Burdeau.
Mais, malgré ces critiques, le Droit international existe bel et bien parce que les Etats, les
hommes politiques, les mouvements d'opinion et les Organisations Internationales le
reconnaissent et l'invoquent même si parfois il n'est pas respecté. Le Droit international
demeure cependant un système juridique spécifique dont la primauté sur les droits internes est
reconnue par la pratique et la jurisprudence internationale et par les constitutions des Etats. De
plus, c'est un droit plus ou moins sanctionné. En effet, il n'existe pas de sanction matériellement
organisée (pas de Code pénal,…). Il existe cependant des sanctions appliquées par les Etats
eux-mêmes. Il s'agit des mesures de représailles et des mesures de rétorsion.
Les mesures de rétorsion sont des actes de contraintes licites qui ne comportent pas d'usage
de la force armée et qui constitue une riposte à des mesures ayant le même caractère. Exemple
: l'expulsion d'un ambassadeur qui se livre sur le territoire de l'Etat accréditaire à des activités
non autorisées par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.
Les mesures de représailles appelées également contre-mesures sont des mesures contraires
au Droit international prises par un Etat à la suite d'actes illicites commis à son préjudice par
un autre Etat. Cet exemple traduit l'application de la « loi du Talion » dans l'ordre international.
Il existe d'autres sanctions dont l'embargo, le blocus et le boycottage qui sont des mesures
ponctuelles que prendre parfois la Communauté internationale ou un Etat, à l'encontre d'un autre
Etat.
Exemple :
• L'embargo contre la Yougoslavie sur les livraisons d'armes, décidé par la résolution du
Conseil de sécurité n°713 du 25 septembre 1991.
• Embargo aérien et réduction des missions diplomatiques contre la Libye en vertu de la
résolution n°748 du 31 mars 1992 du Conseil de sécurité.
• L'Etat cubain subit un embargo économique décidé par les Etats-Unis d'Amérique
depuis 1962

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Dans toute société, par conséquent dans la Société internationale, il existe des sanctions
diffuses dans le corps social, qui consistent dans la réprobation et la condamnation par les paires
ou par l'opinion publique. Dans le cadre des Organisations Internationales, il existe des
sanctions comme la suspension de l'Etat membre.

§ 4 - Un droit tributaire de la Souveraineté étatique

Conçu essentiellement par les Etats et pour les relations interétatiques, le droit international
est marqué par la souveraineté des Etats.
La Souveraineté est un attribut fondamental de l'Etat, un moyen d'identification de l'Etat.
Jellinek la définit comme la compétence de la compétence. L'absence d'un législateur
international fait que le Droit international est un droit élaboré par les Etats et pour les Etats.
En ce sens, c'est un droit positif, un droit qui repose sur la volonté des Etats. Cette volonté peut
être expresse, c'est-à-dire s'exprimer dans une Convention, mais elle peut être également tacite
et découler de la coutume.
Ainsi, les Etats peuvent exprimer leur volonté à être liés par les Traités, soit en les signant
ou en les ratifiant, soit en y adhérant. Mais ils ne sont pas obligés de le faire. Dans certains cas,
ils peuvent se soustraire aux obligations d'un Traité, en le dénonçant ou en s'y retirant si le
Traité prévoit ces clauses. La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités entre Etats
qui est la pièce maîtresse des relations juridiques interétatiques consacre le principe de
l'autonomie de la volonté. Cette convention a dégagé en effet des principes qui se sont propagés
dans le domaine de la conclusion des conventions internationales et qui régissent leur validité.
Toutefois, il existe des normes impératives c'est-à-dire des normes de jus cogens qui
s'imposent à la Communauté internationale dans son ensemble. Cette notion est consacrée par
les articles 53, 64 et 66 de la Convention de Vienne sur le Droit des traités. Elle signifie que par
un Traité, deux Etats ne peuvent modifier une norme impérative de Droit international général.
Cette norme qui est une exception notable à l'exigence du consentement qui caractérise le droit
positif, établit non seulement une super légalité internationale, ou institue un ordre public
international, mais également introduit dans le Droit international une certaine hiérarchie des
normes. Bien qu'elle ne soit pas précise en raison des difficultés d'identification des règles qui
la composent, elle constitue un retour au droit naturel c'est-à-dire un droit selon lequel il existe
des règles fondamentales liées à la conscience universelle.
Cependant, au-delà de cette supra-légalité internationale, le droit international reste tributaire
de la souveraineté étatique et apparaît ainsi comme un droit de simple coordination. En effet,
contrairement au droit interne qui constitue un droit de subordination s’imposant aux individus,
même sans leur consentement, le droit international est un droit de simple coordination qui ne
s’impose à ses principaux destinataires que sont les Etats que pour autant qu’ils y marquent leur
consentement.
L’ordre juridique international est un système construit sur les rapports entre Etats
souverains et égaux dont les relations s’organisent suivant un modèle horizontal. Chaque Etat
étant souverain, aucune autorité supérieure ne peut lui imposer son droit sans son consentement.
Le droit international apparaît donc comme la somme des autolimitations des Etats, le produit
de leurs engagements.
D’où l’idée d’un droit an-archique, c’est-à-dire un droit qui ne connaît pas de hiérarchie,
idée soutenue par Jean COMBACAU.
Cependant, autolimitation et an-archie ne signifient pas que chaque Etat peut faire ce qu’il
veut, quand il le veut et comme il le veut. Le droit international est, en effet, source d’obligations

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juridiques et l’Etat est tenu de se conformer aux engagements auxquels il a volontairement
souscrit, ainsi qu’aux règles d’origine coutumière résultant de la volonté implicite de
l’ensemble des Etats. De même, l’absence de hiérarchie ne signifie pas l’absence de règles
impératives comme en témoigne la notion de jus cogens.

Section IV - Fondements du droit international

S’interroger sur le fondement du droit international revient à se demander quels sont les
facteurs qui expliquent sa force obligatoire. Cette question a toujours divisé la doctrine entre
ceux qui cherchent cette explication dans le droit et ceux qui considèrent que c’est en dehors
du droit qu’il faut la trouver. Les premiers relèvent de l’école du positivisme juridique et les
seconds de l’école du droit naturel. Un nouveau courant de pensée estime qu’il faut dépasser ce
formalisme et trouver le fondement du droit international dans les nécessités de la vie
internationale. On distingue donc trois grands courants philosophiques : la doctrine du droit
naturel (§ 1), la doctrine du droit positif (§ 2) et la doctrine objectiviste (§ 3).

§ 1 - L’école du droit naturel

Elle est, chronologiquement, la plus ancienne. Selon cette école, certaines règles existent par
elles-mêmes et sont supérieures et antérieures à tout droit positif. Au tout début de cette école,
ces règles étaient d’origine divine et étaient assimilées à celles créées par Dieu. Avec la
laïcisation, elles ont été considérées comme étant d’origine naturelle.
Selon la théorie du droit naturel développée au 16ème siècle par Vitoria et Suarez, et leur
continuateurs Grotius et Vattel, le Droit international ne doit pas reposer sur la volonté des Etats
qui est arbitraire, mais sur des considérations d'ordre moral, car la raison naturelle impose
certaines règles aux relations humaines. C'est le jus naturalis.
Le père du droit naturel laïcisé était Hugo Gotius au XVIème siècle. Il a exprimé l’idée de
l’existence d’un droit naturel antérieur et supérieur au droit positif qui limite la souveraineté
des Etats et qui est inhérent à la nature humaine et à ses valeurs. Pour lui, le droit naturel dérive
de la raison et la raison humaine fait connaître si une action est moralement honnête ou non. Il
fait ainsi la distinction entre le droit humain, issu de la raison, et le droit volontaire posé par les
Etats. Le droit naturel est supérieur au droit volontaire et il contient tous les grands principes,
dont celui qui fonde le caractère obligatoire du droit volontaire. Ainsi, le droit positif est
obligatoire parce que le droit naturel dit qu’il l’est, mais il ne l’est que dans la mesure où il est
compatible avec le droit naturel.

§ 2 - Les conceptions positivistes

Contrairement aux partisans du droit naturel, les tenants du positivisme soutiennent que la
force obligatoire du droit international se trouve dans le droit lui-même. Ils se bornent à décrire
le droit positif tel qu’il est, sans aucune influence extérieure, morale ou divine. Ils s’opposent
donc à toute idée d’un droit naturel et considèrent que le droit est le fondement du caractère
obligatoire du droit international. Toutefois, l’école du positivisme est divisée en plusieurs
courants de pensées. On distingue notamment le positivisme volontariste et le positivisme
normativiste.
Le positivisme volontariste ou la doctrine du volontarisme soutient que la source unique du
droit international est l’Etat et que le droit international s’impose aux membres de la collectivité
parce qu’il émane d’une autorité suprême, celle de l’Etat. Selon cette conception, le Droit
international ne dérive que de la volonté des Etats. Cette doctrine admet que l'Etat est la source
13
unique du droit et qu'en conséquence, celui-ci ne peut dépendre que de la volonté étatique. On
retrouve ces conceptions volontaristes chez des auteurs classiques comme Vattel, dans la
doctrine positiviste défendue par l'allemand Jellinek, dans la théorie de la Vereinbarung
soutenue par Triepel, puis dans le positivisme défendu par les italiens Anzilotti et Cavaglieri,
suivis par des auteurs contemporains tels Prosper Weil, et Serge Sur.
Pour Jellinek, par exemple, dans l’ordre international, l’Etat ne pouvant être subordonné à
aucune autre autorité, seule sa volonté souveraine peut seule donner naissance au droit
international et le fonder. L’Etat s’oblige parce qu’il le veut. Il choisit de s’autolimiter pour
répondre à ses propres intérêts et aux besoins de la communauté internationale dont il est
membre. Pour Triepel, par contre, le caractère obligatoire du droit international dérive non pas
de la volonté d’un seul Etat, mais de la volonté commune des Etats, qui se réalise à travers la
Vereinbarung qui, dans la doctrine allemande, désigne une union de volontés. Ainsi, en droit
international, la Vereinbarung se réalise explicitement dans les traités et implicitement dans la
coutume internationale. Pour Anzilotti, la force obligatoire du droit international se trouve dans
une norme supérieure qui est le principe « Pacta sunt servanda » (les accords doivent être
exécutés).
Quant à la théorie normativiste, elle est développée par Hans Kelsen qui a fondé avec
Verdross et Kunz, l'école de Vienne du Droit international. Kelsen voulait construire une théorie
pure du droit positif. Il définit le droit comme « un complexe ordonné de normes » qu’il assimile
à l’Etat et explique le fondement de la force obligatoire du Droit international par une loi dite
loi de normativité. Il part de l'idée que le Droit international est un complexe où les normes sont
ordonnées et hiérarchisées sous la forme d'une pyramide. En vertu de cette hiérarchie, chaque
norme tire sa force obligatoire d'une norme supérieure qu'il appelle norme fondamentale. Dans
l'ordre international, on sait que les règles sont peu hiérarchisées. Ainsi, dans son esprit, la force
obligatoire du droit conventionnel repose sur le principe Pacta Sunt Servanda. Mais, celle du
droit coutumier est supposée, selon Kelsen, parce que la norme fondamentale est une norme
hypothétique. En réalité, Kelsen pense que les règles coutumières sont supérieures aux règles
conventionnelles. Il ne reconnaît pas à l'Etat la qualité de sujet exclusif du Droit international,
et accorde une importance à la notion de sanction. La difficulté est de savoir ce qui fonde le
caractère obligatoire de la coutume. Kelsen admet que la coutume est obligatoire parce qu’une
norme hypothétique extérieure l’exige.
Dans la doctrine française, les normativistes contemporains sont Jean Combacau et Charles
Leben.

§ 3 - Les conceptions objectivistes ou théories non volontaristes

La doctrine objectiviste souhaite dépasser le formalisme de l’école volontariste et insiste


davantage sur le contenu du droit que sur sa forme.
Selon les tenants de la théorie de l'objectivisme sociologique que sont Duguit, Georges
Scelle, Michel Virally, Charles de Visscher, le Droit international ne résulte pas de la volonté
de l'Etat mais des nécessités de la vie en société, et selon ces auteurs, le Droit international
s'appliquerait aux individus.
Georges Scelle adopte une conception solidariste de la société internationale et considère
celle-ci comme une communauté d’individus qui entretiennent entre eux des relations de
solidarité. Le droit international est donc pour lui un véritable « droit des gens » et c’est la
solidarité sociale qui fonde le caractère obligatoire du droit international et non les Etats. Il en
résulte que ce sont les nécessités sociales qui façonnent le contenu des normes et fondent leur
caractère obligatoire.

14
Enfin, de nombreux auteurs contemporains à l'Ouest, à l'Est et dans le tiers monde, voient
dans le Droit international un instrument d'action politique. C'est le militantisme juridique
incarné par l'anglais Georges Schwarzenberger, Lénine qui entend faire du Droit international
le droit de la coexistence pacifique, et Chemiller-Gendreau.
En définitive, il faut reconnaître que le droit international est un droit incertain qu’il faut
relativiser, dans la mesure où toutes les théories y ont leur place. L’explication du droit
international suppose donc la combinaison des différentes théories.

Section V - Rapports entre le droit international et le droit interne

La distinction entre le droit international et le droit interne conduit à s’interroger sur la nature
des rapports qui existent entre ces deux systèmes juridiques. Il s’agit de savoir, d’une part, s’ils
sont autonomes et indépendants l’un de l’autre et, d’autre part, s’il existe entre eux des rapports
hiérarchiques. Cette question est au cœur d’une controverse doctrinale classique entre les
partisans du dualisme juridique (§ 1) et ceux du monisme juridique (§ 2). Cependant, la pratique
des Etats, partagée entre ces deux doctrines, conduit à s’interroger sur la portée de cette
controverse doctrinale (§ 3).

§ 1 - La doctrine dualiste

Pour les partisans de la doctrine dualiste, dont les fervents défenseurs sont Triepel et
Anzilotti, le droit international et le droit interne sont des systèmes juridiques distincts, séparés
et indépendants et les différences entre le droit international et le droit interne rendent les deux
ordres juridiques irréductibles l’un à l’autre. Il n’y a aucun contact entre les deux systèmes et il
ne peut pas exister de conflit entre les normes internes et les normes internationales. Ces normes
n’ont pas le même objet et elles ne réglementent pas les mêmes rapports sociaux. Ce sont deux
sphères parallèles et indépendants, qui n’ont aucun contact, les deux n’ayant pas le même objet,
ni les mêmes sujets de droit. Par conséquent, il ne peut y avoir de hiérarchie entre eux et le
Droit international ne peut s'appliquer directement dans l'ordre interne et vice-versa.
Les communications entre les deux ordres juridiques ne peuvent se faire qu’en vertu de
procédures propres à chaque ordre juridique et par la transformation d’un ordre dans l’autre.
Concrètement, selon cette thèse, on ne peut jamais appliquer le droit international en droit
interne qu’après sa transposition ou sa transformation.
Il s’ensuit que, selon la doctrine dualiste, entre le droit international et le droit interne, il ne
peut y avoir de hiérarchie, ni de conflit de normes.
En pratique, cette doctrine a influencé la pratique de certains Etats comme la Grande-
Bretagne et les autres pays de droit anglo-saxon qui mettent en œuvre le système de
l’incorporation ou de la transposition des traités internationaux dans l’ordre interne, avant leur
application.

§ 2 - La thèse moniste

Pour les monistes, le droit international est de même nature que le droit interne. Entre les
deux, il n’existe qu’une différence de degré, mais pas de nature. Le monde juridique est donc
unitaire et le droit international peut s’appliquer directement dans l’ordre interne sans une
réception formelle préalable. Par conséquent, il y a des rapports d’interpénétration entre les
deux systèmes. Dès lors, se pose nécessairement la question de la hiérarchie entre le droit
international et le droit interne.

15
A cet égard, les monistes sont divisés entre les partisans de la primauté du droit international
et ceux de la primauté du droit interne.
Le monisme avec primauté du Droit international estime qu’en cas de conflit entre le
droit international et le droit interne, le droit international prévaut. Cette approche a été soutenue
par les positivistes normativistes tels que Verdross et Kunz et par les objectivistes comme
Georges Scelle. Pour Georges Scelle, par exemple, la primauté du droit international découle
de la hiérarchie des ordres : « toute norme intersociale prime toute norme interne en
contradiction avec elle, la modifie ou l’abroge ipso facto ». Cette approche, qui est confirmée
par la jurisprudence internationale, admet par conséquent une hiérarchie entre le droit
international et le droit interne.
En revanche, le monisme avec primauté du Droit interne fait du Droit interne un Droit
supérieur au Droit international. Il en résulte qu'en cas de contrariété entre ces deux ordres
juridiques, c'est le Droit interne qui l'emporte. Les partisans de ce courant de pensée réduisent
le droit international à un « droit public externe » de l’Etat, ce qui équivaut en réalité à une
négation du droit international.
Cependant, la divergence entre ces deux courants dualistes tend aujourd’hui à s’amenuiser
et la grande majorité des dualistes admettent le principe de la primauté du droit international
sur le droit interne.
En pratique cependant, ce sont surtout les pays de droit romano-germaniste qui s’inspirent
de la doctrine moniste et admettent la primauté du droit international sur le droit interne.
Toutefois, si la plupart d’entre eux acceptent la primauté du droit international sur le droit
interne, certains d’entre eux ne reconnaissent pas cette primauté sur la Constitution. Le droit
international a donc pour eux une valeur supra-législative, mais infra-constitutionnelle.
Il en va ainsi, par exemple, de la France dont la Constitution de la Vème République de 1958
fait une place de choix, parmi les normes juridiques applicables dans l’ordre interne, à des
normes internationales, notamment celles d’origine conventionnelle. Après une longue
évolution, les juges français tendent à faire prévaloir le droit international sur le droit interne
français.
Le Conseil d'Etat français a fait prévaloir cette théorie dans l'affaire Syndicat général des
fabricants de semoule de France conformément aux conclusions du Commissaire du
Gouvernement Mme Nicole Questiaux pour qui, le juge administratif ne peut faire prévaloir les
traités sur les lois postérieures qui leur sont contraires (Conseil d'Etat, 1er mars 1968).
La Cour de cassation, dans son arrêt du 24 mai 1975, rendu dans l'affaire Cafés Jacques
Vabres, relative à un conflit entre le Droit communautaire, et une norme de Droit interne, c'est
à dire entre l'article 95 alinéa 2 du Traité de Rome de 1957, qui interdit à tout Etat membre de
frapper les produits d'un autre Etat membre d'impositions intérieures, de nature à protéger
indirectement d'autres productions d'une part, et l'article 265 du Code des douanes, qui institue
une taxe intérieure de consommation sur les Cafés importés, en l'espèce de Hollande d'autre
part, a fait prévaloir la norme communautaire en se fondant sur l'article 55 de la Constitution
française du 4 octobre 1958, et sur le caractère spécifique du Droit communautaire qui s'intègre
au système juridique des Etats membres, et s'impose à leurs juridictions. 4 mois auparavant, le
Conseil constitutionnel français avait, dans sa décision du 15 janvier 1975, relative à la loi
portant interruption volontaire de grossesse (IVG), refusé la conformité de l'article 4 de la loi
avec les dispositions de l'article 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales, adoptée à Rome en 1950, et que la France venait de ratifier en 1974.
L'article 2 de cette Convention consacre le Droit à la vie. Le Conseil rappela sa mission qui est
d'assurer le contrôle de conformité de la loi à la constitution, et non le contrôle de la conformité

16
de la loi au Traité, qui est un contrôle de conventionalité, différent du contrôle de
constitutionnalité des lois. Ce faisant, le Conseil s'est refusé à intégrer des Traités dans le bloc
de constitutionnalité, mais il a affirmé qu'une loi contraire à un traité ne serait pas pour autant
contraire à la constitution. Et comme les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à
toutes les autorités administratives et judiciaires en vertu de l'article 61 de la Constitution, la
Cour de cassation n'a pas pu ignorer cette décision du Conseil de 1975, où il a souligné que la
supériorité des traités sur les lois n'a qu'un caractère relatif et contingent.
Mais 21 ans plus tard, le Conseil d'Etat abandonna sa jurisprudence semoule de France dans
l'affaire Nicolo, Conseil d'Etat, 20 octobre 1989, RTP (Revue de Droit Public), page 1041 ou
AFDI, 1990, janvier-février-mars, page 5, ou encore AJDA (Actualité Juridique de Droit
Administratif), 1959, page 756. Cette affaire met en relief une contrariété entre l'article 227-1
du Traité de Rome du 25 mars 1957, et la loi française du7 juillet 1977 relative à l'élection des
représentants à l'Assemblée des Communautés Européennes. Selon cette loi, le territoire de la
République française forme une circonscription unique. Quant au traité de Rome, il dispose que
« le présent traité s'applique… à la République Française ». Le Sieur Nicolo en conclut qu'il
s'agit uniquement de la France métropolitaine à l'exclusion des DOM-TOM. Le Conseil d'Etat
saisi, rejeta sa requête en donnant la primauté au Droit international. Cette jurisprudence Nicolo
a été appliquée au règlement communautaire dans l'arrêt Boisdet, (Conseil d'Etat, 24 septembre
1990). Cette jurisprudence a été également appliquée dans l'arrêt SA, Rothman international,
France et Philippe Moris, Conseil d'Etat, 28 février 1992. Dans cette dernière affaire, le Conseil
d'Etat a fait prévaloir une directive communautaire sur le Droit interne.
Les tribunaux américains se sont également ralliés à la jurisprudence internationale. C'est ce
qui ressort de l'affaire Etats-Unis d'Amérique contre OLP (Organisation de Libération de la
Palestine), jugement du 29 juin 1988 du Tribunal fédéral du District Sud de New York. Cette
affaire est relative à un conflit entre traités en l'occurrence l'accord de siège du 25 juin 1947
entre les Etats-Unis d'Amérique et une loi fédérale, la loi anti-terroriste du 22 décembre 1987.

§ 3 – Portée de la controverse sur la primauté du droit international

Les contradictions entre les thèses dualiste et moniste sont en réalité d’une portée pratique
limitée. En effet, aucun pays n’adhère totalement à l’une ou l’autre de ces deux thèses, avec
leurs conséquences respectives. A vrai dire, si l’opposition entre ces deux thèses peut avoir des
conséquences au plan interne, il n’en est rien au plan international. En effet, au regard du droit
international, ses dispositions prévalent toujours sur celle du droit interne.
Ce principe de primauté du droit international est confirmé par la jurisprudence
internationale et par la pratique diplomatique. D’ailleurs, la jurisprudence nationale de
nombreux pays le reconnaît aussi.
Du reste, si le Droit international et le Droit interne sont deux catégories distinctes et
autonomes dans leur mode de création, ils ne sont pas rigoureusement séparés car ils sont
interdépendants. En effet, l'ordre juridique international est incomplet, et pour fonctionner, il a
parfois besoin du Droit interne. Par exemple, dans l'affaire de la Barcelona Traction qui a mis
aux prises trois Etats (Canada, Belgique et Espagne), la Cour Internationale de Justice s'est
appuyée sur le Droit des Sociétés, institutions étatiques, pour trancher le différend qui lui était
soumis. C'est également en se fondant sur le droit colonial français que la Cour a tranché le
différend territorial qui a opposé le Mali et le Burkina Faso, Cour Internationale de Justice 22
décembre 1986.
Le Droit international ne peut donc se passer du Droit interne. Les deux ne peuvent que
collaborer, mais cette collaboration ne se fait pas sur un pied d'égalité. En effet, le Droit

17
international prévaut sur le Droit interne qui doit se conformer à ses dispositions. C'est un Droit
de coordination et le Droit interne un Droit de subordination, telles est la position de la
jurisprudence internationale et du Droit positif. Au demeurant, l'éthique internationale veut que
les Etats respectent les Traités internationaux dans l'intérêt des relations internationales.
C'est pourquoi beaucoup de constitutions ont consacré expressément le principe de la
primauté des conventions internationales sur le Droit interne même postérieur. Ainsi, en va-t-il
de la constitution française de 1958 en son article 55 et de la constitution burkinabè du 11 juin
1991 en son article 151. Il faut toutefois noter que si aux Etats-Unis d'Amérique, la supériorité
des traités sur les lois fédérales n'est pas contestée, les Tribunaux américains, tout en
reconnaissant le principe de la primauté du traité sur la loi, ne lui accordent qu'une portée
relative. Ainsi, dans l'affaire Breard et Paraguay, Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique, 14
avril 1998, la Cour fédérale a privilégié une loi fédérale sur un traité, en l'occurrence, la
Convention de Vienne de 1963 sur les Relations consulaires. Dans leur conception du respect
du Droit international, les Etats-Unis d'Amérique font preuve d'unilatéralisme en tentant de
faire de leurs droits internes le Droit international.
Le juge français a rejoint quelque peu le juge américain dans l'affaire Sarran et Levacher,
(Conseil d'Etat, 30 octobre 1998) ; dans cette affaire, le Conseil d'Etat a refusé d'écarter un acte
interne en contradiction avec le Droit international, mais conforme à la constitution. Les
requérants contestaient dans cette affaire la constitutionnalité du décret du 20 août 1998, portant
organisation de la consultation des populations de Nouvelle Calédonie (les habitants étant les
canaques), prévue par l'article 476 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle
promulguée le 20 juillet 1998. Il mettait en cause la conformité de l'acte interne par rapport au
traité. Il mettait en cause sa conventionalité au regard des exigences du pacte international
relatif aux droits civils et politiques, et de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
L'arrêt Sarran est une limitation du principe de la primauté du Droit international sur le Droit
interne, en ce sens que la supériorité des traités ne s'applique pas aux dispositions de nature
constitutionnelles. La Cour de cassation a repris cette formule de l'arrêt Sarran, dans l'affaire
Pauline Fraisse, Cour de cassation, 3 juin 2000.
En définitive, il faut reconnaître que le droit international est le champ d’affrontement
privilégié entre des théories doctrinales contradictoires qui tentent de donner une explication
cohérente et globale à ses principaux mécanismes. Droit hétérogène par essence, le droit
international demeure tributaire de la souveraineté des Etats et de leurs intérêts contradictoires.
Pour en comprendre l’ossature d’ensemble, il convient de s’appuyer sur ses mécanismes
fondamentaux que sont : les sources du droit international, les sujets du droit international et
ses modalités d’application.
Le présent cours, dont l’objectif est de favoriser une meilleure compréhension du droit
international, s’articulera donc autour de trois parties essentielles :
- Les sources du droit international (Titre I) ;
- Les sujets du droit international (Titre II) ;
- L’application du droit international (Titre III).

18
TITRE I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL

Au sens matériel, les sources du droit international s’entendent des fondements


sociologiques, politiques, philosophiques et économiques qui sont à la base des normes du droit
international. Au sens formel, les sources du droit international sont les modes ou techniques
de formation et d'élaboration des diverses règles du droit international.
Dans ce dernier sens, qui sera privilégié ici, les normes du droit international sont de nature
et de provenance très diverses. A cet égard, on se réfère habituellement à l’article 38 du Statut
de la Cour internationale de justice pour identifier les sources formelles du droit international.
Selon cette disposition, « 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit
international les différends qui lui sont soumis, applique : a) les conventions internationales,
soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en
litige ; b) la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme
étant le droit ; c) les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; d) sous
réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes
les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles
de droit. 2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté de la Cour, si les parties
sont d’accord, de statuer ex aequo et bono ».
Cette énumération des sources du Droit international appliquées par la Cour reste cependant
ambiguë dans certaines de ses formulations et est incomplète au regard de l’évolution du droit
international intervenue depuis l’adoption de la Charte des Nations Unies en 1945. En effet,
l’expression « reconnus par les nations civilisées », utilisée pour caractériser les principes
généraux de droit a été fortement critiquée et est, aujourd’hui, désuète et abandonnée. On lui
préfère désormais l’expression « reconnus par les principaux systèmes juridiques existant dans
le monde ». De même, s’agissant de la jurisprudence et de la doctrine, elles sont considérées
dans la version anglaise comme des sources subsidiaires et dans la version française comme
des sources auxiliaires. En outre, l’article 38 du Statut de la CIJ est incomplet en ce qu’il ne
prend pas en compte les nouvelles sources du droit international comme les actes unilatéraux
des Etats (notification, reconnaissance, protestation, renonciation, promesse), les actes
unilatéraux des organisations internationales (résolutions, recommandations, déclarations,
décisions, règlements, directives, arrêts et jugements, avis) et les actes concertés non
conventionnels.
Néanmoins, l’article 38 du Statut de la CIJ demeure important pour les Etats membres des
Nations Unies, parties audit Statut, et pour la doctrine. Il demeure, en effet, la principale
référence pour la détermination des sources formelles du droit international. Il introduit une
distinction entre les « sources subsidiaires » et celles que l’on pourrait, par opposition, qualifier
de « sources principales » du droit international.
Ainsi, l’énumération des sources du droit international par l’article 38 du Statut de la CIJ et
les nouvelles sources générées par la pratique internationale font ressortir une diversité de
sources du droit international. Il s’agit des traités internationaux, de la coutume, des principes
généraux de droit, de l’équité, des actes unilatéraux des Etats et des organisations
internationales, de la doctrine, de la jurisprudence et des actes concertés non conventionnels.

19
Ces différentes sources peuvent être classées en deux grandes catégories : les sources
conventionnelles (Chapitre 1) et les sources non-conventionnelles (Chapitre 2).

20
CHAPITRE 1 : LES SOURCES CONVENTIONNELLES : LES TRAITES
INTERNATIONAUX

Les sources conventionnelles sont celles qui dérivent de la volonté expresse des sujets du
droit international de s’engager au plan international. Ces sources sont à l’origine des traités
internationaux qui constituent, aujourd’hui, une des principales sources du droit international
et forment, avec la coutume, le noyau dur de celui-ci. Les traités internationaux sont, en effet,
une des manifestations les plus marquantes de la souveraineté des Etats. Toutefois, les traités
internationaux ne sont pas un monopole des Etats. Ils peuvent être conclus également par les
organisations internationales.
En tant que source du droit international, les traités internationaux sont conclus selon des
procédures déterminées (Section II) et doivent remplir certaines conditions pour être valables
(Section III). Une fois conclus et valables, ils doivent être appliqués de bonne foi (Section IV).
Il convient au préalable de définir la notion de traité international (Section I).

Section I – La notion de traité international

La notion de traité international renvoie à une pratique ancienne et très diversifiée. Dès lors,
il convient de définir la notion de traité (§ 1) et de dresser la classification des traités
internationaux (§ 2).

§ 1 – Définition du traité international

La doctrine définit généralement le traité comme un accord conclu entre deux ou plusieurs
sujets de droit international, destiné à produire des effets de droit et régi par le droit
international. Cette définition classique fait ressortir quatre critères essentiels pour la définition
du traité : la conclusion d’un accord de volonté ; un accord de volonté entre des sujets de droit
international ; un accord destiné à produire des effets de droit ; et un accord régi par le droit
international.
En effet, le traité international apparaît avant tout comme un « concours de volontés », c’est-
à-dire l’expression de volontés communes émanant de deux ou plusieurs sujets de droit. Ce
concours de volontés peut être exprimé de façon parallèle et simultanée. Mais, il peut également
se traduire par la rencontre de volontés exprimées de façon unilatérale. Pour qu’il y ait traité, il
est nécessaire que les parties à l’accord soient des sujets de droit international, ce qui exclut les
accords conclus entre sujets de droit interne ou avec des sujets de droit interne. De même, tout
traité crée à la charge des parties des engagements juridiques ayant force obligatoire. Enfin, le
régime juridique du traité est régi par le droit international qui détermine ses conditions de
validité, ainsi que ses effets.
L’importance des traités internationaux dans la vie internationale a fait apparaître des
principes généraux relatifs à leur conclusion, leur validité et leurs modalités d’application. Ces
principes sont, aujourd’hui, codifiés dans la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit
des traités entre Etats, considérée comme le traité des traités.
Elaborée à l’initiative de la Commission du droit international et entrée en vigueur le 27
janvier 1980, la Convention de Vienne sur les traités entre Etats constitue, aujourd’hui, le

21
principal guide des Etats en matière de traité et est considérée à bien des égards comme reflétant
le droit coutumier applicable en la matière. Elle fait cohabiter des règles coutumières et des
règles relevant de la codification et du développement progressif du droit international.
Toutefois, la Convention de Vienne de 1969 n’épuise pas toutes les questions relatives au
droit des traités. Elle a été complétée par la Convention de Vienne du 23 août 1978 sur la
succession d'Etats en matière de traité et la Convention de Vienne du 21 mars 1986 sur le droit
des traités entre Etats et Organisations Internationales et entre Organisations Internationales.
Selon l’article 2, § 1, a) de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités
entre Etats, qui régit les traités internationaux entre Etats, « L’expression traité s’entend d’un
accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit
consigné dans un document unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle
que soit sa dénomination particulière ». Cette définition, qui complète la définition coutumière
du traité, inclut dans celle-ci des éléments formels tels que la forme écrite du traité, le nombre
des instruments constituant le traité et la pluralité des dénominations.
La Convention de Vienne privilégie, en effet, la forme écrite des traités internationaux.
Ainsi, pour qu’un accord soit considéré comme un traité, il faut qu’il soit conclu par écrit, ce
qui exclut les accords verbaux qui peuvent exister, mais souffrent d’un défaut de preuve et de
risques d’imprécision.
Par ailleurs, la Convention de Vienne précise qu’un même traité peut comprendre deux ou
plusieurs instruments. Ainsi, l’accord peut être conclu sous la forme d’un document unique ou
au moyen d’un « échange de lettres » ou d’un « échange de notes » entre les parties.
De même, la Convention de Vienne, en disposant que le terme « traité » désigne tout accord
international « quelle que soit sa dénomination particulière », confirme l’existence d’une
pluralité de dénominations équivalentes. Dans son arrêt du 1er juillet 1994 (affaire de la
Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahrein), la CIJ avait
observé qu’un accord international « peut prendre des formes variées et se présenter sous des
dénominations diverses ». Ainsi, le droit international n’est pas formaliste et laisse toute liberté
aux parties quant à la dénomination à donner à leur engagement. La pratique internationale fait
apparaître des dénominations très variées comme : traité, convention, protocole, déclaration,
charte, pacte, statut, accord, échange de notes, échange de lettres, mémorandum d’accord,
procès-verbal et même, dans certains cas, code de conduite. Le choix pour telle et telle
dénomination dépend des considérations d'opportunité.

§ 2 – Classification des traités internationaux

La multiplicité des traités internationaux conduit à s’interroger sur leur classification. A cet
égard, les traités peuvent être classés suivant un critère matériel, qui prend en compte leur
contenu et leur fonction juridique, ou selon un critère formel, qui met l’accent sur leur forme.

A. Classification matérielle

Du point de vue matériel, plusieurs distinctions sont possibles :


• Distinction entre traités-lois et traités-contrats :

22
Cette distinction, qui est l’une des plus classiques en doctrine, s’inspire en réalité de certains
concepts de Droit interne, notamment le droit des contrats. Ainsi, les traités-lois formulent des
règles générales et impersonnelles. C’est le cas notamment de la Charte de l'ONU. Quant aux
traités-contrats, ils comportent un échange de droits et d'obligations, à l’instar des contrats
synallagmatiques en droit interne. C’est le cas, par exemple, des traités d'alliance et des traités
de commerce. Cette distinction présente un certain intérêt sociologique et historique, mais n’a
qu’une portée juridique limitée, car il n’existe aucun régime juridique propre à chacune de ces
deux catégories.
• Distinction entre traités généraux et traités spéciaux :
Cette distinction est d'origine conventionnelle puisqu'elle est indiquée à l'article 38 du statut
de la Cour Internationale de Justice. D’après cette classification, les traités généraux seraient
ceux portant sur le droit international général, tandis que les traités spéciaux seraient ceux
relatifs au droit international spécial, c’est-à-dire à des matières spécialisées du droit
international. Toutefois, cette distinction, qui n’est qu’une variante de la première, paraît
ambiguë et abstraite et ne répond pas aux besoins de la pratique. Il est, en effet, difficile de faire
la distinction entre les matières relevant du droit international général et celles découlant du
droit international spécial.
• Distinction entre traités normatifs et traités constitutifs d'Organisations
Internationales
Selon cette classification, les traités normatifs sont ceux qui fixent des règles de
comportement pour les parties, alors que les traités constitutifs d’organisations internationales
créent des organisations internationales et déterminent leur mode de fonctionnement. Cette
classification, qui est largement reçue en droit positif, n’est pas toujours efficace, car certains
traités ont un caractère mixte et créent des organisations internationales, tout en posant des
normes de comportement.

B. Classification formelle

La classification formelle permet également plusieurs distinctions :


• Distinction suivant la qualité des parties
On distingue les traités conclus entre Etats, les traités conclus entre Etats et Organisations
Internationales, et les traités conclus entre Organisations Internationales. Cette distinction est
fondée sur la différence des régimes juridiques applicables à ces deux catégories de traités. Les
premiers sont régis par la Convention de Vienne de 1989 et les seconds par la Convention de
Vienne de 1986. Toutefois, l’analyse de ces deux régimes juridiques montre qu’elle a une portée
pratique limitée, compte tenu des similitudes entre ces deux régimes juridiques.
• Distinction suivant le nombre des parties
On distingue traditionnellement les traités bilatéraux des traités multilatéraux. Les premiers
sont conclus entre deux parties seulement, tandis que les seconds lient plus de deux parties.
Cependant, certains auteurs estiment qu’entre les deux, il y a des traités plurilatéraux. Les traités
plurilatéraux sont ceux dont le nombre des parties est supérieur à deux, mais reste limité
contrairement aux traités multilatéraux qui sont susceptibles de devenir des traités universels.
Mais, dans la pratique, il n'y a pas de différence substantielle entre ces deux catégories de traités.
• Distinction selon la procédure

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On distingue les accords en forme simplifiée, appelés executive agreements aux Etats-Unis
d'Amérique, et les accords en forme solennelle appelés également traités solennels. Les
premiers entrent en vigueur dès leur signature, tandis que les seconds exigent la ratification
pour leur application. Qu'il s'agisse d'accords en forme solennelle ou d'accords en forme
simplifiée, tous ont la même portée en Droit international. Par ailleurs, une même question peut
faire l'objet d'un accord en forme simplifiée ou d'un accord en forme solennelle selon les
moments. Il en a été ainsi, par exemple du compromis du 16 sept 1983 par lequel le Mali et le
Burkina ont porté leur différend frontalier devant la CIJ, qui était un accord en forme simplifiée
alors que le compromis signé par le Burkina et le Niger le 24 février 2009 et entré en vigueur
le 20 novembre 2009 et le compromis signé par le Burkina et le Bénin en septembre 2009
portant tous deux sur les différends frontaliers qui les opposent, sont des accords en forme
solennelle.
Tout compte fait, aucune de ces classifications n’a une portée générale et absolue. Suivant
les problèmes posés, on aura recours à telle ou telle classification, voire à plusieurs
classifications combinées.

Section II - La conclusion des traités internationaux

En ce qui concerne la conclusion du traité, un large domaine d'intervention est laissé au Droit
interne. De plus, les procédures conventionnelles supposent un certain formalisme. En effet,
l'élaboration d'un traité international est une opération complexe, car un traité ne devient un
acte juridique qu'après accomplissement d'un ensemble de procédures réglementées par le Droit
interne et par la pratique internationale. Ce que l'on appelait jadis jus tractatus, c'est à dire le
droit de conclure des traités, est l'expression de la souveraineté de l'Etat. Il s'agit là d'une
compétence qui intéresse à la fois l'ordre interne et l'ordre international. En effet, dans la
Constitution de chaque pays, on trouve les règles du Treaty Making Power, en vertu desquelles,
certaines autorités publiques interviennent dans les traités (voir article 148-151 de la
Constitution du 11 juin 1991 du Burkina Faso).
La procédure de conclusion des traités varie d’un traité à un autre. Toutefois, on notera des
formalités communes à tous les traités, bilatéraux et multilatéraux (§ 1) et des formalités
spécifiques aux traités multilatéraux (§ 2).

§ 1 - La procédure commune d'élaboration des traités bilatéraux et multilatéraux

Quelle que soit la nature des traités, leur conclusion se fait suivant trois étapes importantes :
l’élaboration du texte du traité (A), l’expression par l’Etat de son consentement à être lié (B)
l’introduction du traité dans l’ordre juridique international (C).

A. L'élaboration du texte du traité

L'élaboration du traité suppose que les représentants des parties disposent des pleins
pouvoirs pour négocier. Elle suppose également le choix de langue du traité, ainsi que structure
(son architecture générale), et enfin, l'adoption du traité.

24
1. Les pleins pouvoirs pour négocier

Quand on élabore un traité, chaque partie intéressée est représentée par un plénipotentiaire,
c'est-à-dire par une personne munie de pleins-pouvoirs, pour négocier et engager l'Etat. Mais
ces pleins pouvoirs ne sont pas nécessaires quand c'est le chef de l'Etat, le chef du gouvernement
ou le ministre des affaires étrangères qui sont les négociateurs. De même, ils ne sont pas
nécessaires si les actes du négociateur doivent être confirmés par les autorités compétentes de
son Etat. La jurisprudence internationale estime que tout chef d'Etat est présumé pouvoir agir
au nom de l'Etat dans ses Relations internationales.
La vérification des pleins pouvoirs dans les Conférences internationales offre l'occasion aux
Etats de contester la représentativité de tel ou tel gouvernement ou Etat.
Selon l'article 148 de la Constitution burkinabè, c'est le Président du Faso qui négocie, signe
et ratifie les traités et accords internationaux. Ce n'est qu'une clause de style.

2. Le choix de la langue

Quand deux Etats de langues distinctes concluent un traité, le texte est rédigé dans les deux
langues et les deux textes font foi. S'il s'agit de traités multilatéraux, le problème devient
complexe. En effet, pendant longtemps, on utilisait le latin et le français, parce que ces deux
langues étaient répandues. De nos jours, c'est l'anglais qui est répandu, mais dans la charte des
Nations Unies, on a retenu 5 langues officielles, à savoir, l'anglais, le français, l'espagnol, le
russe et le chinois. Dans la pratique, on y a ajouté l'arabe.
La Convention de Vienne de 1969 a été établie en 6 langues et tous les textes font également
foi. Cette profusion de langues pose souvent des problèmes d'interprétation.
Exemple : la résolution 242 du Conseil de Sécurité adopté le 22 novembre 1967 à la suite de
la guerre de 6 jours, contient une disposition qui a été interprétée différemment selon la version
française, et selon la version anglaise. Cette disposition concerne le retrait des forces armées
israéliennes des territoires occupées lors du récent conflit.
Aussi, le comité de rédaction qui est chargé de rédiger le traité dans toutes ces langues
officielles dont chacune fait foi, rencontre-t-il souvent des difficultés.

3. La structure du traité

Dans sa structuration, le traité comporte généralement deux parties : un préambule et un


dispositif.
Le préambule comporte deux types d’énonciations :
• L'énumération des parties, appelées Hautes Parties Contractantes. Il arrive souvent
que les Etats concernés soient nommément désignés. En principe, cette énumération est
faite par ordre alphabétique, pour respecter le principe d'égalité entre les Etats. Mais il
y a une exception à ce principe. En effet, la règle de l'alternance permet de faire figurer
en tête de la liste des Etats, l'Etat auquel l'exemplaire du traité est destiné.
• L'exposé des motifs : il est fait sous forme de déclaration générale relative à l'objet et
au but du traité. Contrairement au préambule de la constitution, le préambule d'un traité
n'a aucune valeur juridique. Toutefois, il peut constituer un élément d’interprétation du
traité et présente de ce fait une utilité certaine. Dans son arrêt rendu en 1952 l’affaire

25
relative aux ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc (France c. Etats-Unis
d’Amérique), la Cour Internationale de Justice a déclaré que, pour interpréter les
dispositions de l’Acte d’Algésiras de 1906, il convenait de tenir compte de ses buts, qui
sont énoncés dans le préambule.
Le dispositif est le corps du traité.
Le corps du traité se présente généralement sous forme d’articles contenant les différentes
dispositions (111 articles dans la Charte de l'ONU, 248 articles dans le Traité de Rome,
instituant la CEE). Ces articles peuvent être regroupés en chapitres (C'est le cas Charte de
l'ONU) ou en Titre et en chapitre (C'est le cas de la Convention de la Haye de 1907 pour le
règlement pacifique des conflits), ou enfin en chapitres et en sections (Cas du Traité de Rome).
En plus des articles, le corps du traité comprend des clauses finales. Ce sont des clauses
relatives aux mécanismes d'existence juridique du traité. Elles portent sur la procédure
d'amendement ou de révision, sur les modalités d'entrée en vigueur, sur la durée du traité, sur
l'adhésion des Etats tiers, etc.
Le traité comporte parfois des annexes ou protocoles qui sont séparés de lui pour éviter de
l'alourdir. Mais, juridiquement, ils font partie intégrante du traité et possèdent la même force
obligatoire que les autres éléments du dispositif, à savoir les articles et les clauses finales.
Il en va ainsi, par exemple de la Convention de Montégo Bay sur le nouveau droit de la mer,
qui comporte 9 annexes, alors que l'accord de Marrakech de 1994, adopté à l'issue des
négociations de Uruguay Round et instituant l'OMC, comprend six annexes, elles-mêmes
composées de divers accords et mémorandums.

4. L'adoption du traité

L’adoption du traité marque la fin de la phase d’adoption de celui-ci. Elle consiste à arrêter
définitivement le texte du traité et à l’authentifier. S’il s’agit d’un accord bilatéral, l'adoption
est faite par les deux parties. Mais, si c'est un traité multilatéral, l'adoption est faite par tous les
Etats. Il se pose alors des problèmes car il faut respecter la souveraineté des Etats qui ont
participé aux Conférences d’adoption. Pour se faire, on se réfère à la règle de l'unanimité.
L'inconvénient de ce système est qu'il empêche l'adoption du traité si un Etat s'y oppose.
C'est pourquoi, dans la pratique internationale, le système de la majorité des 2/3 des Etats
présents et votant a été retenu. Mais cette solution est tenue en échec par le processus du
consensus apparu à l'ONU en 1964 et qui est en fait une forme déguisée de l'unanimité. Ainsi,
un traité sera adopté sans vote et sans contestations car il y a eu en coulisse des consultations
effectuées par le président de la Conférence.
Une fois que le traité est adopté, il est authentifié soit par la signature, soit par le paraphe.
La Signature exprime l'accord des plénipotentiaires sur le texte rédigé et fixe le traité dans
l'espace et dans le temps. C'est à partir de là que l'on distingue les accords en forme solennelle
et les accords en forme simplifiée.
S'il s'agit d'un accord en forme solennelle, la signature doit être suivie de la ratification. Mais,
s'il s'agit d'un accord en forme simplifiée, la seule signature engage l'Etat qui est juridiquement
lié.

26
Toutefois, un Etat qui a signé un traité solennel ne peut pas adopter un comportement qui
viderait de toute substance son engagement ultérieur lorsqu'il exprimerait son consentement à
être lié (voir article 18 de la Convention de Vienne).
A cet égard, la Cour Internationale de Justice a estimé que les accords signés mais non
ratifiés peuvent constituer l'expression fidèle des vues communes des parties, à l'époque de la
signature (voir CIJ arrêt du 16 mars 2001 rendu dans l'affaire de la délimitation maritime et des
questions territoriales entre le Qatar et le Bahreïn).
Cependant, il peut arriver que le paraphe précède la signature.
Le Paraphe, quant à lui, authentifie le contenu du traité. Le paraphe consiste, pour les
négociateurs, à apposer leurs initiales au bas du traité avant la signature de celui-ci. Cela arrive
quand les négociateurs n'ont pas les pleins-pouvoirs pour signer l’accord. Mais, ils peuvent
apposer une signature ad referendum, c'est-à-dire une signature provisoire qui doit être
confirmée par les autorités compétentes, et cette confirmation est rétroactive.

B. L'expression par l'Etat de son consentement à être lié

Un traité n'est obligatoire pour un Etat que lorsqu’il exprime sa volonté à être partie à ce
traité. Les modes d'expression du consentement sont nombreux, mais la ratification est le mode
normal à côté de l'approbation, de l'acceptation et de l'accession.

1. La ratification

C'est un acte postérieur dans le temps à la signature d'un traité, acte par lequel une autorité
étatique consent à ce que le traité devienne définitif et obligatoire, s'engageant solennellement
au nom de l'Etat à l'appliquer.
Le Droit international n'impose aucune forme particulière de ratification. Mais en général,
la ratification se fait par lettre de ratification qu'échangent les Hautes Parties Contractantes. Cet
échange est constaté par un procès-verbal qui est daté et signé.
En réalité, chaque Etat élabore son instrument de ratification, qu’il envoie au dépositaire de
la Convention. Mais l'envoi des instruments de ratification est susceptible de lier l'Etat. Il
n'existe, par ailleurs, aucune obligation pour un Etat de procéder à la ratification d'un traité qu'il
a signé, car la ratification est une compétence discrétionnaire. En conséquence, l'autorité interne
chargée d'y procéder est libre de le faire au moment où elle le juge bon. Il n'y a donc pas de
délai précis pour ratifier un traité. C'est pourquoi, après avoir signé, à Rome en 1950, la
Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la France a
attendu 24 ans, soit en 1974, pour ratifier cette convention.
Mais, la ratification des conventions adoptées par la Conférence internationale du travail
dans le cadre de l'Organisation Internationale du Travail doit être faite dans un délai d'un an ou
au plus tard dans les 18 mois suivant l’adoption des textes. C'est donc à la diligence de chaque
Etat qu'intervient la ratification.
Un Etat peut également après signature, refuser de ratifier un traité.
Il en a été ainsi des Etats-Unis qui n’ont pas ratifié le Traité de Versailles, le 19 mars 1920,
de même que l'accord SALT 2 de 1979, le Sénat américain a refusé de donner son autorisation
de ratifier.

27
Par ailleurs, si un Traité n'est pas ratifié, cela n'engage pas la responsabilité internationale de
l'Etat, car il n'a commis aucun manquement à ses obligations, sous réserve du respect des
dispositions de l'article 18 de la Convention de Vienne1.
Comme les Etats, les Organisations Internationales expriment aussi leur consentement à être
liées par les Traités, non par la ratification, mais par l'acte de confirmation formelle.
La ratification est influencée par la notion de mandat connue en Droit civil. De ce fait, elle
est semblable à la confirmation rétroactive faite par le mandant de l'acte effectué par le
mandataire.
On estime, en effet, qu'il est normal que l'autorité qui est investie d'une compétence extrême,
c'est-à-dire, l'exécutif, se prononce sur un acte juridique susceptible d'affecter les intérêts de
la Nation. Ainsi, cette autorité (l'exécutif) pourra éviter de s'engager, si la représentation
nationale (le parlement) estime que les obligations envisagées sont inacceptables car trop
lourdes. Enfin, la ratification permet d'éviter des controverses sur l'excès de pouvoir,
éventuellement commis par un plénipotentiaire lors de la négociation et de la signature.

2. Les autres modes d'expression du consentement

La Convention de Vienne utilise indifféremment l'acceptation, l'approbation et la


ratification. L'acceptation et l'approbation sont des modes d'expression apparus en 1945. Ils ne
sont pas différents de la ratification parce que ce sont tous des actes postérieurs à la signature
dont l'accomplissement est nécessaire pour engager définitivement l'Etat. Mais ces deux modes
d'expression du consentement sont moins solennels parce que le formalisme qu'exige la
ratification n'est pas nécessaire.
En effet, ces procédures sont conduites par des autorités moins haut placées dans la
hiérarchie des organes de l'Etat, habilités à exprimer son consentement. En tout état de cause,
l'article 14, alinéa 2 de la Convention de Vienne dispose que : « le consentement d'un Etat à
être lié par un traité, s'exprime par l'acceptation ou l'approbation dans des conditions
analogues à celles qui s'appliquent à la ratification ».
Mais, en règle générale, l’approbation et l’acceptation sont faites par les Etats qui n’ont pas
participé à la négociation du traité et qui ne l’ont pas signé.

3. Les modes d'expression du consentement en droit comparé

L'autorité chargée de la ratification est variable selon les régimes constitutionnels. Ainsi,
dans les régimes d'assemblée ou régimes conventionnels, c'est l'organe législatif qui intervient.
Mais, dans les régimes parlementaires et présidentiels, il y a un partage de compétences entre
l'exécutif et le législatif.
• Dans les Etats socialistes : dans les constitutions soviétiques de 1936, et de
1977, le praesidium du soviet suprême de l'union était seul compétent pour
ratifier les traités.

1
Selon cette disposition, « Aucune dispositions des articles 34 à 37 ne s’oppose à ce qu’une règle coutumière
énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un Etat tiers en tant que règle coutumière de droit international
reconnue comme telle ».
28
• Dans la Confédération Helvétique : la constitution de 1874 révisée en 1999,
fait intervenir l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral. L'Assemblée fédérale
étant l'organe suprême. Mais certaines catégories de traité peuvent être soumises
à un référendum. Il s'agit des traités conclus pour une durée de 15 ans ou plus,
si une telle demande est faite par 30.000 citoyens, ou par 8 cantons. Il en était
ainsi pour l'adhésion de la Suisse aux Nations unies
• Aux Etats-Unis d'Amérique : la Constitution de 1787 énonce que les traités
formels doivent être ratifiés par le Président si la majorité des 2/3 des Sénateurs
présents y consent. En effet, si l'Etat fédéral a le monopole des relations avec
l'extérieur, les Etats membres, représentés par le Sénat, conservent la possibilité
d'exercer un contrôle sur l'exercice de cette compétence. Le Sénat a, par
exemple, refusé de donner son autorisation pour la ratification du pacte de la
Société des Nations (SDN), pourtant élaboré par Wilson (alors président
américain), parce que les Etats-Unis d'Amérique voulaient retourner à
l'isolationnisme. Mais les exsecutive agreements permettent à l'exécutif de réagir
contre ces dispositions constitutionnelles.
• Au Royaume-Uni : il n'y a pas de constitution écrite, mais dans la pratique, le
gouvernement soumet au parlement les traités susceptibles de modifier le droit
interne britannique. Et si dans un délai de trois semaines les parlementaires ne
font pas connaître leur intention d'ouvrir une discussion sur le traité, ce silence
équivaut à une approbation, et le gouvernement pourra recourir aux formalités
de ratification.
• En France : sous la 3ème République, les lois constitutionnelles de 1875
distinguaient entre les traités devant être soumis à ratification et ceux qui n'ont
pas besoin de l'être. La Constitution de la 4ème République de 1946 a conservé
cette dichotomie que la Constitution de la 5ème République a reprise dans les
articles 52 et 53. Ainsi, selon l'article 52 de la Constitution du 4 octobre 1958,
le Président négocie et ratifie les traités, mais il est seulement informé de toute
négociation d'un traité qui ne sera pas soumis à ratification. L'article 53 énumère
les traités qui doivent être soumis au Parlement. Il s'agit des traités de paix, des
traités de commerce, des traités ou accords relatifs à l'Organisation
Internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les
dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes,
enfin, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire.
Pour ratifier un traité, il faut l'autorisation de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Une question se pose cependant : l'autorisation de ratification du parlement, lie-t-elle la
compétence du chef de l'Etat ? Autrement dit, est-il obligé de ratifier un traité ? La réponse est
négative, car il a un pouvoir discrétionnaire en la matière, et il n'est donc pas tenu de ratifier le
traité malgré l'autorisation parlementaire. Mais, s'il arrive qu’un traité soit ratifié sans
autorisation parlementaire, alors que celle-ci est prévue par la constitution, on se trouve dans
ce cas en présence d'une ratification imparfaite ou irrégulière.
Si l'autorisation de ratifier un traité émane du parlement, elle peut également émaner d'un
référendum ou d'une consultation populaire. C'est le cas lorsqu'il s'agit de cession, d'échanges
et d'adjonction de territoire. Il faut dans ce cas le consentement des populations (article 53,
alinéa 2). Cet article 53 met ainsi en œuvre le principe de la libre détermination des peuples ou
le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

29
Le référendum est également nécessaire pour tout projet tendant à autoriser la ratification
d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait une incidence sur le fonctionnement
des institutions (article 11 de la Constitution de 1958).
Mais que se passe-t-il quand un traité comporte une clause contraire à la constitution ?
Selon l'article 54 de la Constitution française, il faut réviser la Constitution avant de ratifier
ou d'approuver le traité. Cela arrive si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la
République, par le Premier Ministre ou le Président de l'une ou l'autre Assemblée, a déclaré
qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution. A titre
d’exemple, par une décision du 9 avril 1992, le Conseil constitutionnel, saisi par le Président
de la République française, a jugé que la ratification du traité de Maastricht (traité qui créa
l'Union Européenne), ne pouvait intervenir qu'après révision de la Constitution.
Il en fut de même dans sa décision du 31 décembre 1997, relative au traité d'Amsterdam du
2 octobre 1997, et dans sa décision du 22 janvier 1999, relative au statut de la Cour Pénale
Internationale, adopté en 1998.
Mais, parfois, pour ne pas retarder le progrès du droit, certaines juridictions
constitutionnelles ou certains organismes consultatifs, mus par le pragmatisme, procèdent à des
interprétations constructives et même téléologiques qui débouchent sur la non-révision de la
constitution. Ce fut le cas surtout pour le statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale.
Enfin, l'acte de ratification était en droit français un acte de gouvernement, donc
insusceptible de recours contentieux, mais depuis l'arrêt d'Assemblée du Conseil d'Etat du 18
décembre 1998, dans l'affaire SARL du parc d'activités de Blotzheim, le juge administratif
contrôle la régularité de la ratification des traités. Il a même annulé un décret portant publication
d'un accord approuvé en méconnaissance de l'article 53 de la constitution (CE, 23 février 2000,
Bamba Dieng, RGDJP, 2000, p.812).
• Au Burkina Faso : sous la Première République, c'était le ministère des affaires
étrangères qui était seul, compétent pour ratifier et dénoncer les traités au nom de l'Etat
(cf. articler 1er du décret n°353-Presse-AET du 17 août 1961, JO de Haute Volta du 19
août 1961, p.801). Mais les constitutions ultérieures de 1970, 1977 et 1991, ont consacré
un régime de ratification des traités similaires à celui de la 5ème République française.

C. Introduction du traité dans l'ordre juridique international

L'introduction du traité dans l'ordre juridique international est fonction de son entrée en
vigueur et de son enregistrement ou de sa publication.

1. L'entrée en vigueur du traité

Le moment de l'entrée en vigueur d'un traité dépend de la volonté des parties. L'article 24,
alinéa 4 de la Convention de Vienne dispose que les traités entrent immédiatement en vigueur
après leur adoption. Mais, les parties peuvent prévoir que l'entrée en vigueur est conditionnée
par la réalisation de certaines conditions. L'entrée en vigueur n'est donc pas concomitante
(simultanée) à la conclusion du traité.
Si le traité ne contient aucune clause d'entrée en vigueur, il faut distinguer selon qu'il s'agit
d'un accord en forme simplifiée ou d'un traité solennel.

30
S'il s'agit d'un accord en forme simplifiée, il entre en vigueur dès la signature. Mais, s'il s'agit
d'un traité solennel ou d'un accord en forme solennelle, il n'entre en vigueur qu'après
ratification. A ce niveau, on distingue le traité bilatéral et le traité multilatéral.
L’accord bilatéral en forme solennelle entre en vigueur après échange des instruments de
ratification entre les deux Etats. Quant à l’accord multilatéral en forme solennelle, on peut
envisager plusieurs solutions pour son entrée en vigueur :
La première solution est celle de l'unanimité. Dans ce cas, il faut que tous les Etats l'aient
ratifié. C'est un véritable pouvoir de veto accordé à un seul Etat. Par exemple, le projet de traité
établissant une constitution pour l'Europe, signé à Rome le 29 octobre 2004 par les 25 membres
de l'Union Européenne, disposait, en son article IV-447, que :
« Le présent traité est ratifié par les hautes parties contractantes conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives.
Les instruments de ratification sont déposés auprès du gouvernement de la République
italienne. Le présent traité entre en vigueur le 1er novembre 2006, à condition que tous les
instruments de ratification aient été déposés, ou à défaut, le 1er jour du 2ème mois suivant le
dépôt de l'instrument de ratification de l'Etat signataire, qui procède le dernier à cette
formalité. »
La condition d'entrée en vigueur de ce traité est l'unanimité. Par conséquent, tout refus de
ratification empêche son entrée en vigueur. A la suite du référendum organisé le 29 mai 2005
par la France pour la ratification de ce traité, le peuple français a répondu négativement. Le
peuple hollandais lui a emboîté le pas, en refusant également de ratifier le traité à la suite du
référendum organisé le 1er juin 2005.
La deuxième solution consiste à exiger la ratification par un nombre déterminé d'Etats ou à
demander une certaine qualité. Par exemple, l'entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies
était subordonnée à la ratification par tous les Etats membres permanents du Conseil de Sécurité
et par la majorité des autres Etats signataires.
La troisième solution consiste à permettre d’appliquer provisoirement le traité avant son
entrée en vigueur, compte tenu de la lenteur de la procédure parlementaire (article 25 de la
Convention de Vienne).

2. L'enregistrement et la publication des traités internationaux

La publicité des traités est assurée par l'enregistrement, qui est une inscription sur un registre
spécial tenu avant 1945 par le Secrétariat de la Société des Nations, et depuis 1945, par le
Secrétariat de l'ONU. La publication permet d'éviter les inconvénients de la diplomatie secrète
ou des traités secrets. La sanction d'un traité non enregistré est le défaut de valeur juridique et
son inopposabilité. L'obligation d'enregistrer un traité est prévue à l'article 18 du Pacte de la
Société des Nations, à l'article 102 de la Charte de l'ONU et à l'article 80 de la Convention de
Vienne de 1969. Ainsi, après leur entrée en vigueur, les traités sont transmis au Secrétariat
général de l'ONU en vue de leur enregistrement et de leur publication. La Convention de Vienne
universalise cette obligation d'enregistrement en ne distinguant pas entre les membres et les non
membres de l'ONU.

31
§ 2 - Les aspects spécifiques propres à la conclusion des traités multilatéraux

Les traités multilatéraux ne sont apparus qu'au 19ème siècle, mais avant ils formaient un
faisceau de traités bilatéraux. Le premier grand traité multilatéral est le Traité de Paris du 30
mars 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée, entre d'un côté la France et l'Angleterre, et de
l'autre, la Russie.
Aujourd'hui, on assiste à une résurgence ou à une renaissance de cette catégorie
d'instruments dont les Conventions de Lomé 1 de 1975, de Lomé 2 de 1979, de Lomé 3 de
1984, de Lomé 4 de 1989 et de l'accord de Cotonou du 23 juin 2000, constituent un remarquable
exemple. En effet, ils ont été conclus entre les Etats membres de la Communauté européenne
et celle-ci, d'une part, et les Etats ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique), d'autre part. Ils
apparaissent ainsi comme des traités bilatéraux à parties multiple.
La procédure d’élaboration des traités multilatéraux tend, aujourd’hui, à s’institutionnaliser
(A). Compte tenu de leurs spécificités, ils prévoient le plus souvent des modalités d’extension
de leurs dispositions aux Etats tiers qui n’ont pas participé à la négociation (B), ainsi que
l’institution du dépositaire (C).

A. L'institutionnalisation de la procédure d'élaboration

Traditionnellement, les traités multilatéraux étaient élaborés suivant les techniques


interétatiques, sur initiative d’un ou de plusieurs Etats. Cependant, avec le développement des
organisations internationales et leur implication dans la procédure d’élaboration des traités,
celle-ci tend à s’institutionnaliser. L’institutionnalisation de la procédure d’élaboration des
traités se traduit soit par la conclusion des traités dans le cadre d’une Conférence internationale,
soit par la conclusion des traités par un organe d'une Organisation Internationale.

1. L'élaboration du traité par des Conférences Internationales

Au 19ème siècle, ces Conférences internationales s'appelaient des Conférences diplomatiques


(Conférences de la Haye de 1899 et de 1907), par opposition aux « congrès » qui étaient
convoquées en vue de résoudre des problèmes politiques (Congrès de Paris de 1856, Congrès
de Berlin de 1885).
Aujourd’hui, on les qualifie de conférences internationales. Elles peuvent être convoquées à
l'initiative d'un ou de plusieurs Etats. C’était le cas des Conférences de la Haye de 1899 et de
1907, qui avaient été convoquées par le Tsar Nicolas II, et de la Conférence de San Francisco
ayant conduit à l’élaboration de la Charte de l’ONU en 1945, sur l’initiative des quatre
puissances invitantes (Chine, Royaume-Unis, Etats-Unis, URSS). Mais, elles peuvent aussi être
convoquées par des Organisations Internationales. De nos jours, les conférences internationales
convoquées par les organisations internationales sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, sous
l’impulsion des Nations Unies, de nombreux traités internationaux ont été adoptés. Les
conférences les plus emblématiques sont les conférences de codification du droit international,
tenues à Vienne et à Genève (qui ont abouti à l’adoption des Conventions de Vienne sur le droit
des traités et à l’adoption des Conventions de Genève sur le droit de la mer) et la troisième
conférence des Nations Unies sur le nouveau droit de la mer (qui a abouti à l’adoption de la
Convention de Montego Bay sur le droit de la mer).
a) La composition de la Conférence

32
Il n'y a pas toujours eu un accord sur la détermination des Etats qui vont participer à la
Conférence, en raison des vicissitudes (des déséquilibres) Est - Ouest, et du fait que certains
Etats ne sont pas reconnus par l'ensemble de la Communauté internationale. Lorsqu’il s’agit de
conférences convoquées à l’initiative d’un ou de plusieurs Etats, la liste des participants est
arrêtée discrétionnairement la liste des participants. Mais, lorsqu’il s’agit d’une conférence
convoquée par une organisation internationale, il faut distinguer deux catégories de
participants : les Etats membres de l’organisation, qui sont invités d’office, et les autres invités,
dont la liste est dressée par l’organe chargé de la convocation de la conférence.
Mais, de nos jours, se posent souvent la question de la participation des Etats dont l’existence
est imparfaite, celle de la participation des organisations internationales et celle de la
participation des mouvements de libération nationale ou des ONG. S’agissant, par exemple, des
mouvements de libération nationale, ils sont souvent invités, à condition qu'ils soient reconnus
par des organisations régionales comme l'Union africaine, la Ligue des Etats arabes et
l'Organisation des Etats américains (OEA), etc. Cependant, ces mouvements ne disposent pas
du droit de vote à la Conférence où ils sont admis en tant qu’observateurs. Tel est le cas de
l'OLP (Organisation de Libération pour la Palestine) qui participe aux conférences convoquées
par les Nations Unies.
b) Le fonctionnement de la Conférence
L'Etat où se tient la Conférence est chargé de son secrétariat. Dès que la conférence se réunit,
elle constitue son bureau, choisit son président qui est une personnalité de l'Etat invitant, le
vice-président étant choisis entre les différents groupes : le groupe des occidentaux, le groupe
des américains, les socialistes, les africains, les arabes et asiatiques. La Conférence se subdivise
après en Commissions chargées chacune d'examiner un problème particulier. Puis les travaux
commencent par l'examen du projet de traité. Les Etats peuvent présenter des amendements
isolément ou collectivement, et une fois que le nouveau texte est adopté, il est renvoyé au
Comité de rédaction, qui élabore un texte définitif dans toutes les langues officielles. La
Conférence se réunit alors en Assemblée plénière, et statue à la majorité des 2/3 des Etats
présents et votants, après quoi, l'Acte final de la Conférence est établi et signé par les Etats.
Mais, les Organisations Internationales et les entités non étatiques peuvent le signer. La
Communauté Economique Européenne et le Conseil des Nations pour la Namibie, par exemple,
ont signé l'Acte final de la 3ème Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.

2. L'élaboration du traité par un organe d'une Organisation Internationale

Créées en vue de renforcer et de faciliter la coopération interétatique, la plupart des


organisations internationales ont compétence pour encourager la conclusion de traités
internationaux. A cet effet, elles peuvent prendre l’initiative de l’élaboration d’un traité
international. Toutefois, les conventions conclues au sein des organisations internationales
doivent être conformes aux buts fixés par leur acte constitutif. Les actes constitutifs des
organisations internationales prévoient généralement le champ d’application de ce pouvoir,
ainsi que les organes chargés de l’exercer et ses modalités de mise en œuvre.
Pour l'ONU, par exemple, l'article 62 de la Charte reconnaît cette compétence au Conseil
Economique et Social. Mais, c'est l'Assemblée Générale des Nations Unies qui est chargée de
l'élaboration des Conventions de codification du Droit international. L'Assemblée générale a
attribué cette tâche à la Commission de Droit international qu'elle a créée le 21 novembre 1947.
33
Il existe cependant quelques originalités. En effet, l'élaboration des Conventions
internationales du travail se fait par l'Organisation Internationale du Travail, qui est une
organisation à caractère tripartite, puisqu'elle comprend deux représentants du gouvernement,
un représentant des travailleurs et un représentant des employeurs. Le droit de vote est accordé
individuellement à chaque représentant. Les représentants des travailleurs et des employeurs
sont indépendants des représentants gouvernementaux.

B. L'extension des traités aux Etats tiers

En principe, les traités multilatéraux n’ont vocation à s’appliquer qu’aux Etats ayant
participé à sa conclusion. Toutefois, certains traités multilatéraux permettent la participation
ultérieure d’Etats qui n’ont pas participé à leur négociation. On distingue à cet égard les « traités
ouverts » et les « traités fermés ». Les traités fermés sont ceux ne permettent pas la participation
ultérieure d’Etats tiers ou la subordonne à des conditions définies par les parties contractantes
originaires. Les « traités ouverts », en revanche, sont ceux qui permettent la participation
d’Etats tiers par un simple acte unilatéral et sans que les parties contractantes originaires
puissent leur imposer des conditions particulières. Cette extension des traités aux Etats tiers
s'opère par deux procédés : la signature différée et l'adhésion, d’une part (1), et la pratique des
réserves, d’autre part (2).

1. La signature différée et l'adhésion

En théorie, la signature différée et l’adhésion sont des actes distincts. Mais, en pratique, elles
se rapprochent.
• La signature différée
A l'origine, c'était un procédé qui devait permettre à un négociateur, qui manquait
d'instructions de son gouvernement, de les attendre en différant la signature du traité.
De nos jours, c'est une procédure par laquelle un Etat qui n'a pas participé à la négociation
d'un traité, va apposer sa signature après coup, avant de donner par la suite sa ratification.
• L'adhésion ou l'accession
C'est l'acte juridique par lequel, un Etat qui n'est pas partie à un traité, se place
volontairement sous l'Empire des dispositions de ce traité, en adressant généralement une
déclaration d'adhésion au dépositaire du traité, qui communique l'instrument d'adhésion aux
autres parties.

2. La pratique des réserves

En présence d’un traité dont le but, l’objet et le contenu dans son ensemble lui conviennent
à l’exception de quelques dispositions, un Etat a le choix entre deux attitudes : ou bien refuser
de participer à ce traité, ou bien accepter d’y participer en formulant des réserves.
a) Définition des réserves
Selon l'article 2, alinéa 1 d) de la Convention de Vienne de 1969 : « l’expression réserve
s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un
Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à

34
exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application
à cet Etat ».
L'Etat qui formule la réserve est appelé Etat réservataire, l'Etat qui l'accepte est appelé Etat
acceptant et l'Etat qui la rejette est appelé Etat objectant.
La réserve se distingue de la déclaration interprétative. En effet, il arrive qu'un Etat, au
moment où il devient partie à un traité, formule une déclaration interprétative, visant un ou
plusieurs articles de ce traité, déclaration qui signifie comment cet Etat interprète telle ou telle
disposition du dit traité. Par conséquent, la déclaration interprétative ne cherche pas à exclure
une disposition, mais à préciser la portée que l'Etat qui la formule donne à telle ou telle
disposition. Cette pratique est fréquente aux Etats-Unis d'Amérique avec le Sénat. Mais parfois,
la déclaration interprétative est utilisée pour contourner l'interdiction d'une réserve.
La réserve ne concerne pas seulement les traités. Elle peut concerner également les
résolutions d'une Organisation Internationale, quand elles ont été adoptées par consensus. Ces
réserves expriment la position formelle d'un Etat à l'égard de la résolution en cause de sorte que
son silence ne pourra pas ultérieurement lui être opposé comme valant acquiescement. Enfin,
comme les Etats, les Organisations Internationales peuvent aussi émettre des réserves aux
traités auxquels elles participent.
b) Les fondements et l’admissibilité des réserves
Les réserves se rattachent à la conception volontariste du Droit international. Mais elles ne
jouent que pour des traités multilatéraux. Par conséquent, elles ne concernent pas les traités
bilatéraux, parce qu'elles entraîneraient leurs disparitions en raison de la réciprocité des
prestations et des obligations. Elles sont admises en Droit international parce qu'elles facilitent
l'acceptation des traités multilatéraux, puisqu'elles permettent d'éviter que les Etats ne rejettent
massivement la Convention qui leur est proposée. En ce sens, elles favorisent l'universalisation
des traités multilatéraux. Mais l'inconvénient c'est qu'elles portent atteinte à l'intégrité du traité
dont elles entraînent l’éclatement du régime juridique.
Dans la pratique internationale classique, jusqu'en 1951, les réserves aux traités
multilatéraux n'étaient possibles que si elles étaient acceptées par tous les Etats déjà parties.
Ainsi, si un Etat faisait une objection à la réserve, l'Etat réservataire n'était plus partie au traité.
Il en était exclu. Cela se concevait à l'époque, car la Communauté internationale était
homogène. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aussi, a-t-on admis des assouplissements à la
pratique classique, assouplissements qui constituent la réglementation en matière de réserve.
Le premier assouplissement résulte de l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice
du 28 mai 1951 sur les réserves sur la Convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide du 9 décembre 1948. L'Union Soviétique et les autres pays de l'Est avaient formulé
une réserve aux articles 9 et 12 de cette Convention. Dans cet avis, la CIJ a admis la possibilité
de formuler une réserve, à condition que celle-ci soit compatible avec l'objet et le but du traité.
On ne peut donc plus, à partir de cet avis, formuler n'importe quelle réserve. Les Etats qui ont
formulés la réserve, ne partagent pas ce point de vue, car pour eux, chaque Etat est souverain
et a le droit incontestable de faire une réserve à n'importe quel traité et en toute liberté.
Le second assouplissement résulte de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités
entre Etats. En effet, cette Convention accepte le principe des réserves dans ses articles 19 à 23.
L’article 23 consacre, en effet, un principe de liberté des réserves en ces termes « Un Etat, au

35
moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler
une réserve, à moins : a) que la réserve ne soit interdite par le traité ; b) que le traité ne dispose
que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question,
peuvent être faites (…) ».
L’article 20, pour sa part, indique les conditions d’acceptation des réserves et des objections
aux réserves. Il en ressort, notamment, qu’une réserve expressément autorisée par un traité n’a
pas à être acceptée ultérieurement par les autres Etats contractants, à moins que le traité ne le
prévoie. De même, lorsqu’il ressort du nombre restreint des Etats ayant participé à la
négociation, ainsi que de l’objet et du but d’un traité, que l’application du traité dans son
intégralité est une condition essentielle, une réserve doit être acceptée par toutes les parties. Par
ailleurs, lorsqu’un traité est un acte constitutif d’une organisation internationale, une réserve
exige l’acceptation de l’organe compétent.
Aux termes de l’article 22, une réserve ou une objection à une réserve peut être retirée à tout
moment, à moins que le traité n’en dispose autrement.
La Convention de Vienne sur le droit des traités règle les questions d'opposabilité des
réserves, les effets des réserves et des objections, les effets du retrait des réserves et des
objections, et enfin, la procédure relative aux réserves. D'abord, la Convention précise les
moments auxquels les réserves peuvent être formulées. En principe, c'est à tout moment, c'est
à dire à la signature, à la ratification, à l'approbation, à l'acceptation, et enfin, à l'adhésion.
Au moment de la signature, la réserve est connue des autres parties, qui peuvent
immédiatement prendre position. Au moment de la ratification, de l'approbation ou de
l'acceptation, les négociations sont terminées, et toutes les délégations ont regagné leur pays, et
généralement c'est en ce moment que les Etats formulent les réserves. Dans ces conditions, les
autres contractants ne peuvent accepter ou rejeter la réserve en bloc.
Les inconvénients sont plus importants quand la réserve est faite à l'adhésion, c'est à dire à
un moment où le traité est devenu définitif entre les contractants originaires.
Dans la pratique cependant, on observe une diversité de situations. Certains traités
interdisent explicitement toute possibilité de formulation de réserves (cas de l’article 310 de la
Convention du Montego Bay sur le droit de la mer, cas de la Convention de de Rio de Janeiro
et de New York de 1992 sur la diversité biologique et sur les changements climatiques, cas de
la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, adoptée à Nairobi au Kenya le 28 juin
1981). D’autres traités se contentent d’interdire des réserves à certaines de leurs dispositions,
ce qui équivaut à les autoriser pour les autres dispositions (cas de la Convention de Genève de
1958 sur la pêche). A l’inverse, certains traités autorisent expressément les réserves à des
dispositions déterminées, ce qui revient à les interdire pour les autres dispositions (cas de la
Convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés de 1951). D’autres conventions encore
restent silencieuses sur la possibilité de formuler des réserves. C’est le cas notamment de la
Convention de Vienne ne comporte pas de clauses de réserves, en ce sens qu'elle ne précise pas
les articles qui peuvent ou non faire l'objet de réserve. Elle est donc muette ou silencieuse sur
la possibilité de formuler des réserves sur ses propres dispositions.
c) Les effets des réserves
S'agissant des effets de l'acceptation des réserves et des objections, lorsqu'une partie à un
traité formule une réserve, elle est considérée comme partie au traité vis-à-vis de l'Etat qui ne

36
formule pas d'objection (Etat acceptant). Mais l'article 20, alinéa 4 dispose que si un Etat fait
une objection à une réserve, le traité entre en vigueur entre l'Etat objectant et l'Etat réservataire,
à moins que l'Etat objectant ne formule nettement une intention contraire. A titre d'illustration,
lors de son adhésion à la Convention internationale de New York pour la répression des attentats
terroristes à l'explosif du 12 janvier 1998, le Pakistan a assorti son adhésion d'une déclaration
selon laquelle, cette convention ne s'applique pas aux luttes, y compris la lutte armée pour la
réalisation du droit à l'autodétermination. La totalité des Etats qui ont objecté à cette déclaration
qui constituait en fait une réserve, dans la mesure où elle limite unilatéralement la Convention,
a considéré cependant que leurs objections n'empêcheraient pas l'entrée en vigueur de la
Convention entre eux-mêmes et le Pakistan. C'est l'application des dispositions de l'article 21,
alinéa 3.
L'article 22 règle la question du retrait des réserves et des objections en précisant que le
retrait peut intervenir à tout moment s'il s'agit du retrait d'une réserve, le consentement de l'Etat
acceptant n'est pas nécessaire. Le retrait prend effet à partir du moment où sa notification a été
reçue par les destinataires de cette formalité. S'agissant enfin de la procédure relative aux
réserves, elle est réglée par l'article 23. En effet, qu'il s'agisse d'une réserve ou de l'acceptation
à une réserve, qu'il s'agisse d'une objection à une réserve, la manifestation de volonté doit être
formulée par écrit et communiquée aux Etats ayant qualité de parties. Enfin, lorsqu'une réserve
est faite au moment de la signature d'un traité solennel, on exige qu'elle soit confirmée
solennellement par l'Etat qui en est l'auteur, lorsqu'il exprime définitivement son consentement
à être lié par le traité. La réserve prend alors effet à compter de sa confirmation et non de sa
formulation.
En résumé, les réserves sont en principe admises sauf dans 3 cas :
• Si la réserve est interdite, c'est le cas de la Charte africaine des Droits de l'Homme et
des peuples et également le cas de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre
la désertification, dans les pays gravement touchés par la sècheresse et/ou la
désertification, en particulier en Afrique, adoptée à Paris le 17 juin 1994, et entrée en
vigueur le 26 décembre 1996.
• Si la réserve est incompatible avec l'objet et le but du traité (voir avis de la CIJ de 1951
et article 19c de la Convention de Vienne) ;
• S'il y a une liste d'articles auxquels il est interdit de faire des réserves.

C. L'institution du dépositaire

Selon la procédure générale commune à tous les traités, les instruments de ratification d’un
traité font l’objet d’un échange entre les Etats parties. Cette formalité est simple à accomplir
lorsqu’il s’agit d’un traité bilatéral, en ce sens qu’elle se traduit par les échanges de lettres de
ratification. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un traité multilatéral, la tâche peut être
particulièrement ardue, car il s’agit, pour chaque Etat partie de transmettre sa lettre de
ratification à chacune des parties. Afin de simplifier cette procédure, la pratique internationale
a donné lieu à l’institution du dépositaire. Il s’agit, pour les Etats parties, de confier à l’un
d’entre eux le soin de recevoir l’ensemble des lettres de ratification et d’en tenir informées les
autres parties.

37
La pratique de l’institution du dépositaire a été consacrée par les articles 76 à 79 de la
Convention de Vienne qui régissent les modalités de désignation du dépositaire, ainsi que ses
fonctions.

1. La désignation du dépositaire

Selon l’article 76 de la Convention de Vienne, la question de la désignation du dépositaire


d’un traité peut être réglée par les Etats ayant participé à la négociation, soit dans le traité lui-
même, soit de toute autre manière. Le dépositaire peut être :
• Soit un Etat, notamment l'Etat partie au traité sur le territoire duquel celui-ci a été signé.
Par exemple, la Charte des Nations Unies a été signée à Washington. Donc ce sont les
Etats-Unis d'Amérique qui en sont les dépositaires. Autre exemple, ce sont les 4
Conventions de Genève du 12 août 1949 sur le droit de la guerre qui sont déposées
auprès du Conseil Fédéral Suisse. La Suisse en est le dépositaire donc.
• Soit plusieurs Etats : Par exemple, le Traité de Moscou du 25 juillet 1963, relatif à
l'interdiction des essais nucléaires, a été élaboré par les Etats-Unis d'Amérique, l'Union
Soviétique et le Royaume-Uni. Pour des raisons politiques liées à la guerre froide, ces
trois Etats en sont les dépositaires. Cette pratique s'est généralisée par la suite.
• Soit un organe international, notamment les secrétaires généraux des Organisations
Internationales qui sont dépositaires des Conventions créant ces organisations ou de
celles adoptées dans leur cadre. Mais, dans la pratique, c'est le Secrétaire Général de
l'ONU qui est désigné comme dépositaire. Ce n'est pas en tant qu'individu, mais en tant
qu'organe de l'institution car il est choisi ès qualité.

2. Les fonctions du dépositaire

Selon l’article 76, § 2 de la Convention de Vienne, les fonctions du dépositaire d’un traité
ont un caractère international. Il gère donc un service public international et le dépositaire doit
agir de façon impartiale.
Ces fonctions, qui sont essentiellement des tâches administratives, sont très variées.
Conformément à l’article 77, le dépositaire est, en effet, chargé d’assurer la garde de
l'instrument original du traité et des pleins-pouvoirs qui lui sont remis, d’établir et de délivrer
des copies certifiées conformes du texte original, de recevoir toutes signatures du traité, ainsi
que les déclarations par lesquelles les Etats expriment leurs volontés de devenir ou de ne plus
être partie au traité à l'occasion par exemple de la ratification, de l'adhésion, de la dénonciation
ou du retrait.
Par ailleurs, le dépositaire conserve l'unique exemplaire original, seul revêtu des signatures
manuscrites des plénipotentiaires, notifie les dépôts des instruments de ratification ou
d'adhésion aux autres Etats intéressés, puis en dresse un procès-verbal, assure l’enregistrement
du traité auprès du Secrétaire général des Nations Unies.
Les fonctions du dépositaire permettent ainsi d'éviter, pour les signataires, les fastidieuses
formalités d'un échange de ratification entre tous les Etats. Par cette pratique, on veut éviter de
rédiger la Convention en autant d'exemplaires, de contenus identiques et ayant même valeur
authentique, qu'il existe de parties contractantes.
La question qui se pose est de savoir si le dépositaire a compétence, au-delà de ces fonctions
matérielles, pour examiner la régularité des actes accomplis par les Etats intéressés. Peut-il
notamment refuser de recevoir un instrument d'acceptation, si cette acceptation était donnée en
38
violation manifeste des règles de droit constitutionnel internes relatives au Treaty Making
Power. Pour le Professeur Basdevant, il devra apprécier si oui ou non la ratification imparfaite
suffit. Pour le Professeur Jacques Dehaussy, il devra refuser de recevoir cet instrument pour
éviter que cet Etat, plus tard ne se déclare non lié par le traité.
L’article 77 de la Convention de Vienne admet la possibilité pour le dépositaire de contrôler
la régularité de ces actes, mais uniquement dans l’hypothèse où il s’agit d’irrégularité formelle.
S'il s'agit d'une dénonciation ou d'une déclaration de retrait d'une Organisation Internationale,
le dépositaire devra s'assurer que ses hypothèses sont prévues par le traité. A titre d’exemple,
le Sénégal avait notifié au Secrétariat Général de l'ONU, dépositaire des Conventions de
Genève de 1958 sur le droit de la mer, sa volonté de dénoncer sa participation aux Conventions
sur la mer territoriale et sur la pêche. Le Secrétaire Général a considéré que cette dénonciation
n'était pas possible, car ces Conventions ne contenaient aucune disposition à cet égard. Mais,
après des discussions, il s'est borné à faire connaître la condition la position du Sénégal aux
autres Etats membres.

Section III - La validité des traités

Une fois conclu, le traité naît dans la vie juridique et produit des effets juridiques à l'égard
des Etats parties, pour lesquels il a force obligatoire. Mais, le traité ne peut être maintenu et
produire ses effets de droit que s'il est valide. Il se pose alors le problème de sa validité qui n'est
pas, sans rappeler, celui des contrats en droit interne. Pour être valide, le traité doit répondre à
un certain nombre de conditions déterminé par le droit international (§ 1). En cas de non
satisfaction de ces conditions, il est frappé de nullité dans des conditions également fixées par
le droit international à travers un régime de nullité des traités (§ 2).

§ 1 – Les conditions de validité des traités

La validité d’un traité en droit international est subordonnée à trois conditions essentielles :
la capacité des parties (A), l'authenticité du consentement (B) et la légitimité de l’objet du traité
(C).

A. Les conditions tenant à la capacité des parties

En principe, seuls les sujets du droit international ont la capacité requise pour conclure un
traité, puisque, par définition, celui-ci est un acte conclu entre sujets du droit international. Il
s’agit donc des Etats et des organisations internationales.
S’agissant des Etats, il n’y a pas de problème majeur quant à leur capacité de conclure des
traités. En effet, l'article 6 de la Convention de Vienne dispose que « tout Etat a la capacité de
conclure des traités ». Pour qu'il y ait Etat, il faut un territoire, une population et un
gouvernement. Toute entité qui remplit ces conditions peut donc conclure des traités.
Un problème se pose cependant concernant les Etats fédéraux. Les Etats membres de la
fédération ont-ils une compétence externe, c'est-à-dire le droit de conclure des traités avec des
Etats étrangers ? En principe, non, parce que les Etats fédéraux craignent les tendances
centrifuges (fuir le centre) des Etats fédérés. Cependant en 1965, le Province du Québec a
conclu un accord culturel avec Paris et Ottawa a considéré cela comme une atteinte à l'unité des
compétences. En son temps, l'URSS avait proposé que les Etats membres de la Fédération, aient
39
un droit de participation autonome aux traités, mais la Convention de Vienne a rejeté cette
proposition. Toutefois, certaines constitutions fédérales limitent cette interdiction à certaines
conditions. Ainsi, les articles 8 et 9 de la Constitution Suisse de 1874 révisée en 1999,
permettent aux Cantons de conclure des traités portant sur l'économie publique avec des Etats
limitrophes, à condition que cela ne soit pas contraire aux intérêts de la Fédération. Dans la
même optique, l'article 32 de la loi fondamentale de 1949 (Constitution allemande) permet aux
Länder de conclure des accords avec les Etats étrangers, dans les limites de leurs compétences
législatives avec l'autorisation de Bonn.
Il se pose également des problèmes pour les entités qui ne sont pas reconnus comme Etats.
Il s'agit de la Cité du Vatican ou le Saint Siège, et des Mouvements de libération.
Le Saint Siège a pourtant le droit de passer des traités soit dans l'intérêt de l'Eglise (intérêts
spirituels), ce sont les concordats, soit dans le domaine temporel. Ainsi, il a participé à certaines
conventions, telle la Convention de Vienne sur les privilèges et immunités diplomatiques de
1961.
Par le passé, des Mouvements de libération nationale ont conclu des traités avec les Etats
anciennes puissances coloniales.
La 3ème Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer a invité ses Mouvements à signer
l'Acte final. Enfin, la Namibie était en droit de signer les traités par l'intermédiaire du Conseil
des Nations Unies pour la Namibie. Aujourd'hui, c'est un Etat membre des Nations Unies. Il
convient de noter que le Saint siège est partie à certaines conventions internationales et l'OLP
a un bureau d'information en France.
S’agissant des organisations internationales, leur capacité de conclure des traités est établie
par une pratique internationale abondante et est confirmée par l’article 6 de la Convention de
Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre
organisations internationales. Toutefois, contrairement aux Etats qui ont une plénitude de
compétence pour conclure tout traité de leur choix, les organisations internationales ont une
compétence dérivée et partielle, en ce sens qu’elle dérive de la volonté des Etats membres telle
qu’exprimée dans leur acte constitutif et qu’elle est limitée par le principe de spécialité. Ainsi,
une organisation internationale ne peut s’engager par voie de traité que si son acte constitutif
l’y autorise et elle ne peut le faire que dans les domaines relevant de sa compétence.

B. Les conditions tenant à l'authenticité du consentement

Un traité ne peut être valide que s’il a été conclu avec le consentement des parties
concernées. Ce consentement doit être réel. Toutefois, la réalité du consentement peut être
altérée par divers vices du consentement qui entraînent sa nullité. A ce niveau on distingue les
irrégularités formelles (1) et les irrégularités substantielles (2).

1. Les irrégularités formelles

Elles comprennent la violation des règles de compétence interne, d'une part, et l'excès de
pouvoir du représentant d'un Etat, d'autre part.
• La violation des règles de compétence interne

40
L'article 46 de la Convention de Vienne dispose qu'une violation du droit interne concernant
la conclusion des traités ne peut être invoquée par un Etat comme viciant son consentement,
sauf s'il y a une violation manifeste d'une règle de droit interne d'importance fondamentale.
L'article 46, alinéa 2 définit la violation manifeste comme celle qui est objectivement évidente.
C'est le cas des ratifications imparfaites ou irrégulières, hypothèse où un chef d'Etat ratifie un
traité sans l'autorisation du Parlement, autorisation pourtant exigée par la Constitution. En
réalité, on veut éviter qu'un Etat invoque la complexité de son droit interne pour se soustraire à
un traité.
• L'excès de pouvoir du représentant d'un Etat
L'article 47 de la Convention de Vienne dispose que si le pouvoir d'un plénipotentiaire a fait
l'objet d'une limite, et que dans la négociation et la signature, ce plénipotentiaire n'en a pas tenu
compte, il y a excès de pouvoir. Son Etat ne peut pas invoquer ce fait comme vice de
consentement, à moins que cette restriction du représentant n'ait été notifiée aux autres Etats
participant à la négociation. Cet article ne concerne que les accords en forme simplifiée.

2. Les irrégularités substantielles

En droit interne un contrat n'est valable que si la liberté et la réalité du consentement du


cocontractant sont effectives, c'est-à-dire si le contrat n'est pas entaché de vices de
consentement telles l'erreur, le dol, la violence et la lésion.
En Droit international, ces vices de consentement ne sont pas entièrement repris, mais le
droit positif reconnaît qu'à certaines conditions, l'erreur, le dol, la corruption, la contrainte,
peuvent vicier le consentement.
• L'erreur
Selon l'article 48 de la Convention de Vienne, l'erreur constitue un vice de consentement en
matière de traité si elle porte sur un élément essentiel ou déterminant. Cette notion d'erreur
essentielle a été confirmée par la jurisprudence internationale.
• Cour permanente de Justice Internationale (CPJ), affaire Mavrommatis, 26 mars
1925 ;
• Cour Internationale de Justice, 20 juin 1959, affaire relative à la souveraineté
sur certaines parcelles frontalières, Belgique contre Pays-Bas ;
• Cour Internationale de Justice, 26 mai 1961 (exceptions préliminaires), affaire
du Temple de Preah Vihear, Cambodge contre Thaïlande (SIAM) ;
• Cour Internationale de Justice, 15 juin 1962 (fond), affaire du Temple de Preah
Vihear, Cambodge contre Thaïlande (SIAM) ;
• Cour Internationale de Justice, 22 décembre 1986, affaire du différend
frontalier, Burkina Faso contre la République du Mali.
Dans l'affaire du Temple de Preah Vihear, la Thaïlande et le Cambodge revendiquaient la
Souveraineté sur ledit Temple. Pour ce faire, la Thaïlande invoqua devant la Cour une erreur
dans sa déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour qu'elle avait formulée le 20 mai
1950. La Cour a refusé de la suivre et a rappelé que « la principale importance juridique de
l'erreur lorsqu'elle existe, est de pouvoir affecter la réalité du consentement sensé avoir été

41
donné ». Pour la Cour, cette erreur n'est pas essentielle, et n'est donc pas de nature à vicier le
consentement de la partie qui l'a invoquée.
Dans la 2nde phase de la même affaire, la Thaïlande invoqua à nouveau une erreur entachant
son acceptation d'une ligne frontière établie sur une carte, erreur qui a eu pour effet selon elle
d'avantager le Cambodge. Là également, la Cour ne l'a pas suivie en rappelant trois cas dans
lesquels une erreur n'affecte pas la validité du consentement : « c'est une règle de droit établie,
qu'une partie ne saurait invoquer une erreur comme vice du consentement, si elle a contribué à
cette erreur, si elle était en mesure de l'éviter, ou si les circonstances étaient telles qu'elle avait
été avertie de la possibilité d'une erreur ».
1er cas : Si la partie a contribué à l'erreur, la théorie de l'Estoppel ou l'adage Nemo auditur
(nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude) lui est opposable.
2ème cas : Si elle était en mesure d'éviter cette erreur, cela signifie que cette erreur n'est pas
excusable et que même si elle était une erreur de droit, elle ne serait pas admise parce que les
Etats sont sensés connaître les "lois internationales".
Du reste, la Cour a repris ces propos dans l'affaire du différend territorial ayant opposé la
Libye au Tchad à propos de la bande d'Aouzou (CIJ, 3 février 1994). Dans cette affaire, en
effet, la Cour a considéré que les Etats ne peuvent tirer parti de l'argument fondé sur
l'inexpérience diplomatique.
3ème cas : Si les circonstances étaient telles que l'Etat qui invoque l'erreur a été averti de la
possibilité d'une erreur à cause de la large publication faite de la carte incriminée. L'erreur est
une erreur de fait et, en principe, une telle erreur est admise contrairement à l'erreur de droit.
Mais, on l'admet de plus en plus difficilement car les discussions des intérêts internationaux
sont livrées à une large publicité.
L'erreur peut être donc de droit, ou de fait. La Convention de Vienne ne reconnaît pas l'erreur
de droit, elle admet seulement l'erreur de fait.
Dans l'affaire du différend frontalier Mali - Burkina, le Mali a soutenu que l'arrêté général
ou Gubernatorial 2336 du 31 août 1927, est plein d'erreur, mais la Cour ne l'a pas suivi.
• Le dol
Le dol est difficile à prouver. Un Etat qui prétend avoir été trompé risque un peu de plaider
la naïveté ou l'incapacité de ses propres services. C'est pourquoi, les exemples de dol dans la
conclusion des traités sont pratiquement inexistants. Mais la Convention de Vienne l'a
cependant prévu à l'article 49 qui dispose que « si un Etat a été amené à conclure un traité par
la conduite frauduleuse d'un autre Etat ayant participé à la négociation, il peut invoquer le dol
comme viciant son consentement à être lié par le traité ».
Le seul cas de dol que l'on peut signaler, est celui des accords de Munich de 1938 relatifs
aux Sudètes (population d'origine allemande vivant en Tchécoslovaquie). En effet, le tribunal
militaire international de Nuremberg a estimé, au vu des documents secrets du 3ème Reich saisi
en 1945 par les Alliés, qu'Adolphe Hitler n'avait pas l'intention d'appliquer ces accords, et que
pour lui, c'était un simple moyen lui permettant d'annexer la Tchécoslovaquie et d'attaquer la
Pologne. Plus tard, le 19 juin 1973, la République Fédérale d'Allemagne (RFA) et la
Tchécoslovaquie ont conclu un traité prononçant la nullité de cet accord.

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Un vice de consentement qui est rattachable au dol est la corruption. C'est un vice qui est
propre à la matière des traités. L'article 50 de la Convention de Vienne l'a prévu en ces termes
: « si l'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de
la corruption de son représentant, par l'action directe ou indirecte d'un autre Etat ayant
participé à la négociation, l'Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son
consentement à être lié par le traité ».
La corruption prend par conséquent en compte les actes ayant pour effet de peser lourdement
sur la volonté du représentant. Mais, un simple geste de courtoisie ou une faveur minime n'est
pas un acte de corruption. La lutte contre la corruption est devenue une préoccupation
importante de la communauté internationale. En effet, l'AGNU a adopté en 1996 une
déclaration des Nations Unies sur la corruption dans les transactions internationales ; le 09
décembre 2003 une convention des Nations Unies contre la corruption a été adopté à Mérida
au Mexique ; une convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la
corruption a été adoptée à Maputo le 11juillet 2003 ; enfin, le protocole A/P3/12/01 sur la lutte
contre la corruption a été adopté le 21 décembre 2001 par les Chefs d'Etats et de gouvernement
de la CEDEAO. Mais tous ces textes qui entendent lutter contre ce fléau, ne concernent pas
directement le droit des traités.
• La contrainte
Elle est ambivalente. En effet, on distingue la contrainte sur le représentant d'un Etat, et la
contrainte sur l'Etat lui-même.
La contrainte exercée sur le représentant d'un Etat
Selon l'article 51 de la Convention de Vienne, les traités conclus par la violence, exercée sur
les représentants d'Etat au moyen d'actes ou de menaces dirigés contre eux, sont frappés de
nullité. A titre d’exemple, le 15 mars 1939, le président Hacha, chef de l'Etat Tchécoslovaque,
fut contraint de signer le traité qui plaçait la Tchécoslovaquie comme protectorat allemand, sous
la menace de la force par le régime nazi. Le président Hacha était très malade et n'était pas
capable de résister aux pressions dont il était l'objet.
Les représentants Tchécoslovaques ont été plus tard soumis à de très fortes pressions de la
part des autorités soviétiques, en vue de la conclusion du traité du 14 octobre 1968, sur le
stationnement des troupes de l'URSS en Tchécoslovaquie.
Il convient de préciser que l'article 51 parle du représentant de l'Etat en tant qu'individu et
non en tant qu'organe de l'Etat. Celui-ci peut subir des violences physiques, des menaces contre
sa famille, des actes susceptibles d'atteindre sa carrière, et faire l'objet de révélation de faits de
caractère privé.
La contrainte exercée sur l'Etat
Selon l'article 52 de la Convention de Vienne « est nul tout traité dont la conclusion a été
obtenue par la menace ou l'emploi de la force, en violation des principes de Droit international
incorporés dans la Charte des Nations Unies ». Les vices de consentement ne s'appliquent pas
ici. Le Droit international classique autorisait l'usage de la force dans les relations
internationales. De ce fait, un traité imposé par la violence n'était pas frappé d'invalidité. Mais
après la 1ère guerre mondiale, le Pacte de la Société des Nations a posé des règles condamnant
le recours à la force comme l'avait déjà fait les Conventions de la Haye de 1899 et de 1907.
Cependant, les Etats ne renonçaient pas à la guerre. Plus tard, le Pacte Briand-Kellogg, pacte

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franco-américain, a mis la guerre « hors la loi », c'est-à-dire la guerre en tant qu'instrument de
politique nationale (la science de la guerre est la polémologie). Aujourd'hui, la Charte de l'ONU,
en son article 2, § 4, prohibe le recours à la force contre l'intégrité territoriale des Etats.
Faut-il étendre cette contrainte armée aux contraintes économiques et politiques comme les
programmes d'agissements structurels ? A la Conférence de Vienne de 1969, les Etats du tiers
monde pour éviter les traités inégaux, ont voulu incorporer dans la Convention sur les traités
des dispositions sur toutes les formes de contrainte, mais sans succès. Et c'est dans l'acte final
de la Conférence que fut incorporée une déclaration qui condamne les contraintes militaires,
économiques et politiques lors de la conclusion de traités. Mais, cette déclaration n'aborde pas
directement les problèmes de l'emploi des contraintes non armées.

C. Les conditions tenant à la légitimité du contenu : Problème du jus cogens et de la


licéité de l'objet du traité

La validité d'un traité dépend de son objet ; en droit interne, l'objet des contrats doit être
licite et non contraire aux bonnes mœurs. C'est ce que prévoit l'article 6 du Code civil qui
dispose que : « on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent
l'ordre public et les bonnes mœurs ».
En Droit international, l'objet d'un traité doit être également licite, ce qui pose le problème
de l'existence d'un ordre public international ou d'une super légalité internationale. On peut
donc se demander s'il existe en Droit international des règles impératives auxquelles on ne
pourrait déroger par la voie conventionnelle. La Convention de Vienne dissipe les doutes en
son article 53. Celui-ci dispose : « est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en
conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente
convention, une norme impérative du Droit international général est une norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale dans son ensemble, en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n'est permise, et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du
Droit international général ayant le même caractère ».
Cet article est complété par l'article 64 qui dispose que : « si une norme impérative du Droit
international général survient, tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient
nul et prend fin ». C'est une sorte de retour nostalgique à l'école du droit naturel.
L'article 53 appelle quelques remarques.
• Les articles 53 et 64 établissent une véritable hiérarchie entre les normes du Droit
international. Mais la Convention de Vienne n'institue nulle part une procédure
spécifique d'élaboration des normes de jus cogens.
• Le jus cogens est une norme impérative dont le respect s'impose aux Etats dans leurs
rapports mutuels. Il interdit par conséquent toute dérogation et introduit ainsi une
limitation à l'autonomie de la volonté des Etats, c'est-à-dire à leur liberté contractuelle
considérée traditionnellement comme absolue. En ce sens, la norme impérative diffère
de la norme obligatoire.
• C'est une norme de Droit international général. Cela signifie que le jus cogens est
constitué de règles universelles et non de règles régionales. En conséquence, il n'y a pas
de limite géographique dans leur application. Elles sont au service d'intérêts généraux
communs à la Société internationale et protègent les Etats sans distinction des groupes
auxquels ils appartiennent.
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• C'est une norme reconnue par la Communauté internationale dans son ensemble. S'agit-
il d'une unanimité ou d'une majorité ? S'agit-il d'une norme coutumière ou d'une norme
conventionnelle ? Le texte ne le précise pas.
• L'article 53 ne donne pas la liste des actes pouvant être considérés comme des normes
de jus cogens. Il ne procède ni à un inventaire, ni à un recensement de ces normes. Il se
contente d'indiquer que la norme impérative est une norme qui est insusceptible de
dérogation. L'article 66 de la Convention de Vienne donne cependant compétence
obligatoire à la CIJ, pour se prononcer sur le caractère du jus cogens d'une norme. En
effet, il dispose que « toute partie à un différend concernant l'application ou
l'interprétation des articles 53 ou 64 peut, par requête, le soumettre à la décision de la
Cour Internationale de Justice, à moins que les parties ne décident d'un commun
accord, de soumettre le différend à l'arbitrage ». Par conséquent, c'est la CIJ qui a la
charge de déterminer ces normes ou de les qualifier selon cet article 66. La norme qui
dérogerait au jus cogens serait frappée de nullité absolue.
• La non immutabilité du jus cogens : le jus cogens peut être modifié par une norme de
même nature et non par un traité, en application du principe du parallélisme des formes.
C'est une notion évolutive. En effet, d'après l'article 64 de la Convention de Vienne, de
nouvelles impératives peuvent naître.
• Le jus cogens est une notion toujours controversée malgré l'arrêt de 2006.En effet, cette
notion a connu beaucoup d'adversaires dont le Professeur Schwarzenberger et certains
Etats dont la France. Le Professeur redoute que le jus cogens soit un moyen trop facile
pour les Etats de se libérer de la parole donnée car pour lui, qui aura la compétence pour
déterminer si une règle fait ou non partie du jus cogens et pour décider en conséquence
de la nullité éventuelle du traité ? les parties ou le Juge ?C'est en raison de ces zones
d'ombres que la France a toujours contesté l'introduction de cette notion dans la
Convention de Vienne.La question de la positivité du Jus cogens reste toujours posée
En conclusion, la positivité du jus cogens est toujours contestée bien qu'il soit intégré dans
la Convention de Vienne de 1969 aux côtés de nombreuses dispositions à valeur coutumières.
Le jus cogens relève donc du développement progressif du Droit international. C'est une bombe
à retardement dont le déclenchement modifiera les équilibres précaires existant actuellement.

§ 2 - Le régime des nullités

La nullité d'un traité est la sanction la plus grave en Droit international, car elle porte atteinte
à la sécurité des rapports conventionnels. C'est pourquoi très souvent on utilise la technique de
l'inopposabilité et de la mise en jeu de la responsabilité internationale. En Droit interne, les cas
de nullité sont prévus par la loi. Une telle législation n'existe pas en Droit international. En effet,
le Droit international n'est pas un droit suffisamment élaboré pour prévoir de manière précise
les conditions de validité des actes juridiques et, en cas de violation, leurs sanctions. Cependant,
la Convention de Vienne a prévu 8 cas dans lesquels les traités peuvent être invalidés :
• Lorsqu'il y a une violation d'une disposition du droit interne de l'Etat, relative à la
compétence de conclure des traités (article 46) ;
• Lorsque le pouvoir d'un représentant d'exprimer le consentement d'un Etat fait l'objet
d'une restriction particulière et que celui-ci n'en tienne pas compte (article 47) ;
• En cas d'erreur (article 48) ;

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• En cas de dol (article 49) ;
• En cas de corruption (article 50) ;
• Lorsque la violence est exercée sur le représentant de l'Etat (article 51) ;
• Lorsque la violence est exercée sur l'Etat lui-même (article 52) ;
• Lorsque le traité entre en conflit avec une norme impérative du droit international
général (article 53).
Les vices prévus aux articles 46 à 51 sont tous des vices du consentement car l'intérêt protégé
n'est pas un intérêt général, mais un intérêt particulier. En revanche, dans le cas de la violence
exercée sur l'Etat, et la contrariété avec le jus cogens, c'est l'intérêt général qui est protégé et
dans ce cas on sort du cadre du relativisme.
Le régime des nullités comprend : les catégories de nullités (A), les procédures d’annulation
(B) et les conséquences de la nullité (C).

A. Les catégories de nullités

On distingue en droit interne la nullité relative et la nullité absolue. Selon la doctrine, l'ordre
international ignore ces types de nullités. Mais la Convention de Vienne les a tout de même
retenues.
• La nullité relative
Sont sanctionnées par cette nullité, toutes les irrégularités du consentement autres que la
violence ou la contrainte exercée sur l'Etat, et la contrariété avec le jus cogens.
La nullité est relative car seules les parties peuvent l'invoquer. C'est l'Etat dont le
consentement a été vicié qui l'invoque. Mais il n'est pas obligé de le faire. Le juge ne peut
l'invoquer d'office et elle peut être ouverte par la confirmation et la prescription. Cela signifie
que la partie qui l'invoque peut y renoncer expressément ou tacitement.
• La nullité absolue
Elle sanctionne les illégalités graves qui affectent l'intérêt général et trouble l'ordre public.
Tout Etat ayant intérêt peut l'invoquer. Mais, on n'admet pas l'actio popularis (action populaire)
dans le cas où le traité viole une norme de jus cogens. Ce serait le cas si les obligations du jus
cogens sont d'origine coutumière. C'est ce qui ressort de l'arrêt Barcelona traction. Peuvent donc
invoquer cette nullité, les Etats tiers, les Etats contractants eux-mêmes. Le juge peut l'invoquer
d'office, et cette nullité ne peut être confirmée. Le vice de consentement a été soulevé par
l'Islande dans l'affaire des pêcheries CIJ du 2 février 1973. Mais la CIJ a écarté l'argument de
l'Islande qui prétend avoir conclu l'accord de 1961 sous la contrainte britannique.

B. Les procédures d'annulation

Elles sont régies par les articles 65 et 66 de la Convention de Vienne. Il résulte de ces articles,
qu’aucun Etat ne peut, par une décision unilatérale, se soustraire à un engagement international,
sous peine de porter atteinte à la sécurité, c'est-à-dire à la stabilité des relations juridiques
internationales. En un mot, nul ne peut se faire justice à soi-même. Il faut une procédure
d'annulation.
• La déclaration de nullité
46
Selon l'article 65, alinéa 1 et 2, de la Convention de Vienne, un Etat qui invoque un vice de
consentement ou autre motif pour se retirer d'un traité, doit le notifier aux autres parties. En
claire, l'action en nullité ne peut être introduite que par les parties au traité litigieux. Aucune
condition de délai n'est exigée pour la notification. Mais l'alinéa 2 de l'article 65 de la
Convention de Vienne indique que si dans un délai de trois mois, l'Etat qui a pris cette initiative,
ne se heurte à aucune objection, il peut, soit faire la déclaration de nullité, soit se retirer du
traité, soit suspendre sa participation au traité. Mais tant que ce moratoire (délai) de trois mois
n'est pas expiré, le traité demeure toujours en vigueur.
• Le règlement des différends
Les parties contractantes peuvent ne pas être d'accord sur l'interprétation ou la qualification
des faits. C'est ce qui ressort de l'article 65, alinéa 3 qui dispose que si une des parties soulève
une objection, les deux parties doivent rechercher une solution dans l'article 33 de la Charte des
Nations Unies qui énumère les différents modes de règlements pacifiques des différends
internationaux. Les parties doivent également recourir à l'article 33 de la Charte si, dans les 12
mois qui suivent la date à laquelle l'objection a été soulevée, aucune solution amiable n'a pu
être trouvée (article 66). Dans ce cas, elles peuvent soumettre le différend soit à l'arbitrage, soit
à la compétence de la Cour Internationale de Justice, soit enfin à une commission de conciliation
dont les décisions ne sont pas obligatoires.

C. Les conséquences de la nullité

Il peut s'agir de la rétroactivité de la nullité et de la divisibilité du traité.


• La rétroactivité de la nullité
Lorsque c'est le retrait, la nullité est rétroactive (nullite ab initio). Dans l'abrogation, elle ne
l'est pas. Le traité est nul à compter du jour de sa conclusion, et non à partir du moment où la
cause de nullité a été soulevée. La nullité est donc rétroactive. Ainsi, si des actes ont été
accomplis sur la base d'un traité annulé, les parties doivent rétablir dans leurs rapports mutuels,
la situation qui aurait existé si ces actes n'avaient pas été accomplis. On dit alors que l'on
retourne au statu quo ou à la case départ.
L'article 69 de la Convention de Vienne énonce cependant un tempérament aux principes de
la rétroactivité. Ainsi, tous les actes accomplis de bonne foi, ne sont pas rendus illicites du seul
fait de la nullité. Mais, le bénéfice de la bonne foi n'est pas accordé en cas de dol, de corruption
et de contrainte (article 69, alinéa 3). Certes, la bonne foi justifie une exception à la rétroactivité.
Mais elle n'efface pas l'illicéité. On peut donc demander le rétablissement du statu quo (article
69, alinéa 2).
Cela dit, l'application de la rétroactivité est laissée à la discrétion des parties qui entendent
atténuer l'effet de la nullité. C'est ce qu'ont fait l'Allemagne et la Tchécoslovaquie lorsqu'elles
ont décidé de proclamer la nullité des accords de Munich. En effet, ces deux Etats ont décidé
que l'accord du 19 juin 1973, prononçant la nullité de l'accord de Munich, n'affecte pas les
conséquences juridiques découlant pour les personnes physiques, du droit qui a été en vigueur
dans la période du 30 septembre 1938 au 9 mai 1945. Mais, si la nullité découle de la violation
d'une norme impérative de jus cogens, les parties intéressées doivent rendre leurs relations
conformes à la norme impérative. S'il s'agit d'une norme postérieure au traité, les parties ne sont
plus obligées d'exécuter le traité (article 71 de la Convention de Vienne). La nullité n'est pas

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rétroactive ici. Dans ce cas, le traité est annulé pour l'avenir, puisqu'il était valide au moment
de sa conclusion. On dit alors que le traité devient nul et prend fin (article 64 de la Convention
de Vienne).
• La divisibilité du traité
Selon l'article 44, alinéa 2 de la Convention de Vienne, la nullité frappe l'ensemble du traité
formant un tout indivisible, en vertu du principe de l'indivisibilité. Cependant, certains traités
possèdent des clauses indépendantes les unes des autres, ce qui permet d'opérer une division à
l'intérieur du traité, sans bouleverser l'équilibre conventionnel. Les articles 46 et 47 relèvent du
régime général de la divisibilité. Mais pour les articles 49 et 50, c'est-à-dire pour le dol et la
corruption, l'Etat peut demander la nullité de tout le traité ou seulement de certaines clauses.
Mais pour les articles 51, 52 et 53, c'est-à-dire pour la violence et la contrainte, et la contrariété
avec le jus cogens, la divisibilité est impossible (article 44, alinéa 5).

Section III - L’application des traités

Les traités, une fois conclus et s’ils sont valides, produisent des effets de droit à l’égard des
parties et doivent être exécutés de bonne foi par celles-ci. Il convient donc de voir,
successivement, les effets des traités (§ 1), les conflits entre traités (§ 2), les modifications,
suspension et extinction des traités (§ 3).

§ 1 - Les effets des traités

Les traités produisent des effets de droit à l’égard des parties (A). Dans certains cas
cependant, ils peuvent produire des effets de droit à l’égard des Etats tiers (B).

A. Les effets des traités à l’égard des parties

Selon l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etat de 1969, tout
traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elle de bonne foi. Cette disposition
consacre la règle Pacta sunt servanda. L'exécution d'un traité par les parties obéit à certaines
règles qui forment le régime général de l'exécution d'un traité et l'exécution des traités par les
organes de l'Etat.

1. Les principes généraux de l'exécution d'un traité

Quatre principes généraux sous-tendent le régime de l'exécution des traités :


• Le principe de la bonne foi
Selon l'article 26 de la Convention de Vienne « tout traité en vigueur lie les parties et doit
être exécuté par elle de bonne foi ». La bonne foi signifie que l'Etat doit s'abstenir de tout acte
tendant à réduire au néant le but du traité. Il s'agit en réalité d'éviter toute tentative de fraude à
la loi. Ce principe de bonne foi a connu une application jurisprudentielle. En effet, dans l'affaire
du différend territorial entre la Libye et le Tchad à propos de la bande d'Aouzou, la CIJ a affirmé
que « quelles que puissent être les incertitudes tenant à la rédaction du traité, les parties n'en
sont pas moins tenues d'en respecter les dispositions, et l'obligation d'exécuter de bonne foi
demeure ».
L'exécution de bonne foi et le respect de la règle Pacta sunt servanda, sont intimement liés.

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• Le principe de la non-rétroactivité des traités
L'article 28 de la Convention de Vienne pose la règle de la non-rétroactivité des traités. C'est
un principe général de droit applicable à tous les actes juridiques internationaux. Cette règle
signifie qu'à moins qu'une intention différente ne ressorte du traité, les dispositions d'un traité
ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou un fait antérieur à la date d'entrée en vigueur
de ce traité, au regard de cette partie.
• Le principe de l'application territoriale du traité
L'article 29 de la Convention de Vienne dispose qu'« un traité ne lie chaque partie qu'à
l'égard de l'ensemble de son territoire, sauf intention contraire ». Mais, dans certains cas
particuliers, les dispositions d'un traité peuvent s'appliquer à un territoire ou à une région
déterminée. Il en va ainsi du traité du 21 octobre 1920 qui reconnaît la souveraineté de la
Norvège sur le Spitzberg, et le traité du 1er décembre 1959 sur l'internationalisation de
l'Antarctique. Dans d'autres cas, le traité prévoit deux clauses : la clause coloniale aujourd'hui
appelée clause territoriale, et la clause fédérale.
❖ La clause fédérale permet d'écarter les Etats membres du champ d'application d'un
traité conclu au nom de l'Etat fédéral, en raison de leur résistance. On utilise cette
clause lorsque la solidarité interne de la Fédération n'est pas encore suffisante.
❖ Quant à la clause coloniale, elle était prévue à l'époque de la colonisation. Elle vise
à exclure de l'application du traité, les dépendances non métropolitaines d'un Etat,
ou à leur réserver un traitement spécifique. Par exemple, toutes les règles du traité
de Rome de 1957 ne s'appliquent pas aux départements français d'Outre-mer.
• Le principe des garanties du respect des traités
La non-exécution d’un traité entraîne, en principe, la responsabilité internationale de l’Etat
concerné. Toutefois, ce mécanisme traditionnel ne suffit pas toujours à donner une garantie au
respect des dispositions des traités. C’est pourquoi, la pratique internationale a développé
plusieurs mécanismes de garantie du respect des traités. Parmi ces mécanismes, on notera
particulièrement :
❖ Le gage : qui est un procédé traditionnel utilisé autrefois pour garantir l'exécution
des traités de paix. Le traité de paix de Versailles de 1919, dans lequel a été inclut
le Pacte de la Société des Nations, y a recouru.
❖ La garantie par un ou plusieurs Etats de l'exécution du traité constitue également un
mécanisme classique. Par exemple, les Etats-Unis d'Amérique ont garanti
l'application du traité de paix égypto-israëlien, ou accord de camp David du 26 mars
1979.
❖ L'utilisation de la force multinationale d'observateurs est une forme
d’institutionnalisation de la garantie du respect des traités.
❖ Les conférences périodiques pour examiner l'application d'un traité apparaissent
également comme une forme d’institutionnalisation de la garantie du respect des
traités. Il en va ainsi, par exemple, du traité de non-prolifération des armes nucléaires
(TNP) du 1er juillet 1968 qui prévoit que tous les 5 ans une conférence des parties
se réunit pour examiner son état d'application. Ce mécanisme des conférences
périodiques est également prévu pour examiner l'application des conventions sur
l'environnement. C'est le cas du Protocole de Kyoto sur les changements climatiques
de 1997 et le cas de la Convention de Paris de 1994 sur la désertification et/ou la
Sécheresse. Il en va de même dans le domaine des droits de l'Homme où l'exécution

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des Conventions fait l'objet d'un contrôle international par le biais de rapports
périodiques, de requêtes et de communication.
❖ Le contrôle de l’exécution des traités dans le cadre des organisations internationale
apparaît de plus en plus comme une garantie institutionnelle de l’exécution des
traités. Au plan universel, Dans plusieurs organisations spécialisées de l'ONU, il a
été institué un contrôle international permanent du respect des traités. Il s'agit de
l'UNESCO, de l'OIT et de l'OMS. Au plan régional, on note le développement de
procédures efficaces de contrôle de l’application des traités. Il en va ainsi, au sein
du Conseil de l’Europe, des deux organes de contrôle indépendants des gouvernants,
à savoir la Commission et la Cour de Justice de l'Union Européenne. De même, au
sein de l’Union européenne, le contrôle de l’application des traités est assuré par la
Commission européenne et par la Cour de justice de l’Union.

2. L'exécution des traités par les organes de l'Etat

L'exécution des traités est une obligation qui pèse sur tous les organes de l'Etat, c'est-à-dire
sur toutes les autorités administratives, politiques, législatives et judiciaires. Toutefois, les
modalités de cette exécution sont très diversifiées.
a) L'introduction des traités dans l'ordre interne
Les dispositions d'un traité doivent être introduites de manière formelle ou expresse dans
l'ordre interne afin que les pouvoirs publics puissent s'y conformer. Il s'agit d'une obligation
de résultats et non de moyens, car chaque Etat est libre de réglementer l'introduction des
traités dans l'ordre interne comme il l'entend.
En Angleterre par exemple, c'est une loi votée par le Parlement qui reproduit le texte du
traité. Aux Etats-Unis d'Amérique, l'introduction du traité dans l'ordre interne consiste dans une
proclamation présidentielle accompagnée des dispositions de ce traité.
En France, jusqu'en 1946, c'est le système de la promulgation par décret émanant du
Président de la République qui était adopté. Mais depuis 1946, ce système a été abandonné au
profit du système de la publication du texte du traité au Journal Officiel (JO). Le décret du 14
mars 1953 réglemente la ratification et la publication des engagements internationaux souscrits
par la France. De ce fait, l'introduction des traités va s'opérer par un décret de ratification et par
un décret de publication, car un traité non publié ne peut être invoqué en justice.
Au Burkina Faso, il en va de même puisqu'il faut un décret de ratification et un décret de
publication du texte du traité au Journal Officiel. Au Burkina Faso, le décret de ratification
n'est pas toujours assorti de la publication du texte du traité au Journal officiel
b) L'adoption des mesures d'exécution
L'exécution d'un traité peut nécessiter l'adoption de mesures législatives, s'il s'agit de voter
des crédits à cet effet, l'adoption d'actes réglementaires, ou la modification de la législation ou
de la réglementation existante. Si le Parlement ne vote pas ces crédits, le traité ne sera pas
exécuté et la responsabilité de l'Etat peut être engagée. Mais certains traités sont exécutoires,
c'est-à-dire qu'ils n'exigent pas de mesures législatives complémentaires pour leur application.
Ces traités sont appelés traités self-executing qui s'appliquent directement, et les particuliers
peuvent s'en prévaloir. C'est le cas des règlements communautaires dans le cadre de l'Union
Européenne et dans le cadre de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

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c) L'application des traités par les juridictions nationales
Tous les organes étatiques doivent contribuer à l'application du traité. S'agissant
particulièrement des organes juridictionnels, leur fonction est de dire le droit, c'est à dire
d'appliquer la constitution.
En France, l'article 26 de la Constitution de 1946 (constitution de la 4ème République),
disposait que les traités régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi. Le traité avait donc
force de loi, ce qui signifiait qu'une loi postérieure à un traité pouvait y déroger.
En revanche, l'article 55 de la Constitution de 1958 (Constitution de la 5ème République)
donne la primauté au traité sur les lois internes. Les juges doivent donc veiller à ce que les lois
internes soient conformes aux engagements internationaux de l'Etat. Du reste, les juridictions
administratives et judiciaires en France contrôlent la régularité de l'introduction des traités dans
l'ordre interne, en vérifiant que les formalités d'application sont respectées. Elles contrôlent
également la régularité de la ratification ou de l'approbation.

B. Les effets des traités à l’égard des Etats tiers

L'article 2, § 1, h) de la Convention de Vienne désigne par tiers l'Etat qui n'est pas partie à
une partie. Les traités sont gouvernés par le principe de la relativité, mais ils peuvent à certaines
conditions s'appliquer à des Etats-tiers.

1. Le principe de la relativité des traités ou l'adage Res Inter alios Acta

L'article 34 de la Convention de Vienne dispose qu'un traité ne créé ni obligation, ni droits


pour un Etat tiers sans son consentement (article 1134 et 1165 du code civil).
La CIJ a confirmé ce principe dans l'affaire de l'incident aérien du 27 juillet 1957 entre Israël
et la Bulgarie. Mais auparavant, la CPJI (Cour Permanente de Justice Internationale) avait
reconnu ce principe dans l'affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie
polonaise du 25 mai 1926, où elle avait déclaré qu'un traité ne fait droit qu'entre Etats qui y sont
parties.
Dans l'affaire de l'Île de Palmas, relative à un différend entre les Etats-Unis d'Amérique et
les Pays Bas, qui se disputaient la souveraineté sur cette Île (Cour Permanente d'Arbitrage, 10
septembre 1929), l'arbitre Max Hubert a déclaré que les traités conclus par l'Espagne avec les
tierces puissances, et qui reconnaissaient sa souveraineté sur les Philippines, ne pourraient lier
les Pays-Bas. Il faut noter que les Etats-Unis d'Amérique étaient successeurs de l'Espagne aux
Philippines et voulaient opposer lesdits traités au Pays-Bas.
Enfin, dans son différend avec la France, relatif à la souveraineté sur l'Île de Clipperton, le
Mexique a tenté d'opposer à la France certaines dispositions de l'Acte de Berlin de 1885,
auxquelles la France était partie mais pas lui (CPJ, 28 janvier 1931).

2. Les exceptions au principe de la relativité des traités

Ces exceptions sont de deux types : on a, d'une part, l'application des traités aux Etats tiers
avec leur consentement et, d'autre part, l'application des traités aux Etats tiers sans leur
consentement.
a) Application des traités aux Etats tiers avec leur consentement

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Elle se fait dans 3 cas : la technique de l'accord collatéral, l'hypothèse de la clause de la
Nation la plus favorisée (CNPF) et la stipulation pour autrui.
• L'hypothèse de l'accord collatéral
L'article 35 de la Convention de Vienne dispose qu'une obligation naît pour un Etat-tiers,
d'une disposition d'un traité, si les parties à ce traité entendent créer une telle obligation, et si
l'Etat-tiers accepte expressément par écrit cette obligation. L'obligation visée ne s'impose pas à
l'Etat tiers en vertu du traité initial, mais en vertu du traité entre lui et les deux Etats. C'est ce
dernier traité qui est appelé accord collatéral. Le consentement de l'Etat-tiers peut être antérieur
ou postérieur. Le consentement est antérieur lorsque l'Etat tiers déclare par avance qu'il accepte
les dispositions d'un traité le concernant, et qui sera conclu entre d'autres Etats. Mais le
consentement peut aussi être postérieur. Dans tous les cas, ce volontarisme est renforcé par
l'article 37, § 1 de la Convention de Vienne, qui énonce que l'obligation qu'un tiers a acceptée
ne peut être modifiée par les parties au traité. Ainsi, dans l'affaire des zones franches, la CPJI a
relevé que la Suisse avait partiellement acquiescé à l'article 435 du Traité de paix de Versailles,
qu'ainsi, cet article n'était opposable à la Suisse qui n'est partie, que dans la mesure où elle l'a
elle-même accepté. C'est pour protéger la Suisse de la puissance de ses voisins que l'on a créé
les zones franches situées en territoire français, et qui avaient été conférées à la Suisse par les
traités de Vienne de 1815 (affaires des zones franches de la Haute Savoie et du Pays du Gex,
France contre Suisse, CPJ, Arrêt du 7 juin 1932). Pour la CPJI, la Suisse n'est pas partie au
traité de Versailles, même si elle a partiellement accepté son article 435 qui, selon la France,
met fin aux droits de la Suisse sur les zones franches. Mais elle conclut que cet article est
néanmoins opposable à la Suisse.
• La clause de la Nation la plus favorisée (CNPF)
S'agissant de la clause de la Nation la plus favorisée (CNPF), c'est une clause qui permet de
faire régner l'égalité des Etats dans les relations commerciales. On la rencontre en matière
douanière, en matière de conditions des étrangers, en matière de propriété littéraire et artistique
et en matière de commerce international. Sur le plan politique, cette clause pose des problèmes
dans les rapports entre pays développés et pays en développement. C'est pourquoi, ces derniers
demandent sa suppression dans leurs rapports avec les pays industrialisés parce qu'ils la
trouvent inéquitable. En effet, cette clause n'est concevable que dans les rapports entre des Etats
qui ont le même niveau de développement économique.
En quoi consiste-t-elle ? On suppose deux Etats, A et B, qui s'engagent à se faire bénéficier,
avec ou sans réciprocité, du traitement plus favorable qu'ils auraient déjà accordés, ou qu'ils
accorderaient ultérieurement à d'autres Etats. Exemple : les 2 Etats, A et B concluent un traité
relatif au tarif douanier ; dans ce traité, ils insèrent la clause de la Nation la plus favorisée en
faveur de l'Etat C. Si l'Etat A et l'Etat C concluent un traité ayant le même objet, A va accorder
à C les avantages qu'il avait reconnus à B dans le traité initial. Ces nouveaux avantages
bénéficieront automatiquement à B, car le traité entre A et C s'appliquent à lui bien qu'il soit
tiers, et ce en vertu de la clause de la Nation la plus favorisée. Il y a donc bien effet d'un traité
à l'égard d'un tiers, mais cet effet s'explique par le consentement du tiers contenu dans le traité
accordant cette clause.
On trouve souvent cette clause dans les traités bilatéraux, mais on peut la trouver également
dans les traités multilatéraux comme dans l'accord du GATT. L'article 1er de cet accord dispose,
en effet, que : « tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie
contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays, seront immédiatement
et sans condition étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de

52
toutes les autres parties contractantes ». Aussi, les pays en développement ont-ils demandé
l'institution du système généralisé de préférences (SGP), lequel a été adopté en 1970 par la
Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), après
l'adoption en 1964 de la Partie IV du GATT. Ce système généralisé de préférences est
incompatible avec la clause de la Nation la plus favorisée car il interdit en son article 38, §8 de
la Partie IV, la réciprocité entre pays développés et pays en développement. Le régime
préférentiel ou le régime discriminatoire s’oppose donc à la clause de la Nation la plus favorisée
est donc.
Cette clause a connu des applications jurisprudentielles dans 3 affaires par la Cour
Internationale de Justice :
• Arrêt du 22 juillet 1957, dans l'affaire relative aux droits des ressortissants des Etats-
Unis d'Amérique au Maroc.
• Arrêt du 27 août 1952, France contre Etats-Unis d'Amérique. Dans cet arrêt, la Cour a
écrit que le but de la clause est d'établir et de maintenir en tout temps une égalité
fondamentale sans discrimination entre tous les pays intéressés.
• Dans l'affaire Ambatielos, Cour Internationale de Justice, arrêt du 19 mai 1953, Grèce
contre Royaume Uni.
• La stipulation pour autrui
S'agissant enfin de la stipulation pour autrui, en droit interne, c'est l'opération par laquelle
deux personnes qui concluent un contrat font acquérir un droit à une tierce personne ou énoncent
une promesse au bénéfice de cette tierce personne. C'est donc une technique du droit contractuel
interne. Peut-on la transposer en droit international ?
Pour la jurisprudence internationale, dans l'affaire des zones franches entre la France et la
Suisse, dans le Canton de Genève, la réponse est affirmative mais elle est assortie de deux
conditions reprises par l'article 36 de la Convention de Vienne.
• D'abord, les parties doivent vouloir conférer un droit à un Etat tiers.
• Ensuite, le consentement du tiers doit être présumé.
b) L'application des traités aux Etats tiers sans leur consentement
Certains traités produisent des effets à l'égard de tous les Etats. Ce sont les traités qui
créent une situation objective telle que :
• Les traités qui instaurent unilatéralement la neutralité (traité de Vienne de 1815 sur la
neutralité Suisse) ;
• Les traités sur la démilitarisation de certains Etats ou territoires (traité de 1856 pour les
Îles d'Aaland) ;
• Les traités sur l'internationalisation d'un espace : Exemple : le traité du 1er décembre
1959 sur l'internationalisation de l'Antarctique ;
• Les traités relatifs aux libertés de passage dans les Etats riverains ;
• Les traités constitutifs d'Organisations Internationales, surtout universelles qui créent
des situations objectives puisqu'ils posent des normes de comportement éventuellement
opposables aux Etats non membres. Dans son avis consultatif du 11 avril 1949, relatif à
la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, la CIJ a estimé que la

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personnalité juridique de l'ONU est une personnalité objective et que cet avis est
applicable à toutes les Organisations Internationales.
• Les traités de délimitation de frontières et de cessions de territoires.
Tous ces traités créent un droit objectif dont les effets se font sentir en dehors du cercle des
parties.
Mais, une règle énoncée dans un traité peut devenir une norme coutumière obligatoire pour
les Etats non parties à ce traité (article 38 de la Convention de Vienne). Les dispositions de la
Charte de l'ONU sont devenues des normes coutumières.
Les traités qui contiennent des normes de jus cogens, s'imposent à tous les Etats.

§ 2 – Les conflits de normes juridiques dans l'application des traités

Dans l’application des traités, deux types de conflits peuvent apparaître : les conflits entre
un traité et une norme de droit interne (A) et les conflits entre un traité et une autre norme du
droit international (B).

A. Conflit entre un traité et une norme de droit interne

1. La position du juge international

Il résulte de la jurisprudence de la CPJI et de la CIJ qu'en présence d'un tel conflit entre un
traité et une norme de droit interne, c'est le traité qui l'emporte. Ainsi, se trouve consacré la
thèse du monisme avec primauté du droit international.
Par exemple, dans l'affaire Wimbledon du 17 août 1923, la CPJ a fait prévaloir le traité de
Versailles sur une règle de droit interne édictée par l'Allemagne.

2. Les positions des juges nationaux

Le juge interne est un organe de l'Etat, et il doit, par conséquent, respecter l'ensemble des
normes de droit interne, notamment la Constitution.
• Le traité et la constitution devant le juge interne :
En principe, le juge interne n'a pas reçu compétence pour contrôler la conformité de la
constitution au traité. Il ne peut donc censurer le traité. Mais, si un traité comporte une clause
contraire à la constitution, l'article 54 de la Constitution française de 1958, de même que l'article
150 de la Constitution du 11 juin 1991 du Burkina Faso, permettent de réviser la Constitution
avant que le traité ne soit ratifié. Mais le juge constitutionnel peut empêcher l'adoption de la loi
d'autorisation de ratifier un traité. En droit comparé, les juges suprêmes veulent éviter tout
conflit ouvert avec les gouvernements, dans un domaine aussi hautement politisé.
• Le traité et la loi ordinaire devant le juge interne
Traditionnellement, en cas de conflit entre un traité et une loi ordinaire, le juge adopte une
solution fondée sur la légalité juridique entre les deux textes, ce qui entraîne la primauté du
texte postérieur. Ainsi, en cas de conflit entre ces normes égales, la plus récente l'emporte sur
la plus ancienne. Dans son arrêt rendu le 1er mars 1968, syndicat général des fabricants des
semoules de France, le C. E. a fait prévaloir une norme interne sur une norme de droit
communautaire qui lui était antérieure. Cette décision a été critiquée en son temps par la
doctrine, qui estime que le C. E. français a eu un comportement nationaliste. Mais le C. E. est
54
revenu sur sa jurisprudence dans l'arrêt Nicolo (C. E., 20 octobre 1989). Quant à la Cour de
cassation, dans l'affaire Société Café Jacques Vabres, du 24 mai 1975, elle a fait prévaloir la
supériorité du droit communautaire sur le droit interne, c'est à dire, l'article 95 du traité de Rome
sur l'article 265 du Code des douanes édictées par la loi française du 14 décembre 1966.
• Traité et actes administratifs devant le juge interne :
Les actes administratifs sont en dessous de la loi, en conséquence, le juge interne fait
prévaloir le traité sur l'acte administratif contraire. En France, la violation du traité par un acte
administratif est un cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir.
C. E., 30 mai 1952, Dame Kirkwood : dans cette affaire, le recours est dirigé contre un décret
d'extradition, qui est un acte détachable du traité d'extradition.
Les cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir sont la violation de la loi,
l’incompétence : négative ou positive, le détournement de pouvoir, le vice de forme

B. Conflit entre un traité et une autre norme de droit international

1. Le problème des normes conventionnelles successives concurrentes ou la


contrariété des traités

Il peut y avoir conflit entre deux règles particulières et générales, ou entre une norme
générale et une norme particulière. Ce type de conflit ne pose pas un problème de validité, mais
un problème de priorité d'application des règles conventionnelles.
En droit interne, si le conflit oppose 2 normes édictées par 2 autorités différentes, la norme
élaborée par l'autorité supérieure prime celle qui a pour auteur l'autorité inférieure.
Si le conflit oppose 2 normes émanant de la même autorité étatique, la norme postérieure
prime la norme antérieure, en application de l'adage lex posterior derogat priori (contraire de
cette adage lex prior in tempore potior in jure), c'est à dire que c'est l'ancienne règle qui
l'emporte. Ces solutions de droit interne ont été transposées en droit international par les articles
30, 40-§4 et 31 de la Convention de Vienne. Ainsi, si 2 traités bilatéraux conclus par les mêmes
Etats sont en conflit, la lex posterior s'applique sous réserve de la supériorité du traité constitutif
d'organisation internationale sur le traité ordinaire.
Si le conflit oppose des traités incompatibles, conclus entre Etats différents, supposons un
Etat A qui conclut chaque fois avec des Etats différents, soit 2 traités bilatéraux contradictoires,
soit 2 traités multilatéraux contradictoires, c'est la primauté du traité antérieur car A ne peut
conclure des traités postérieurs que dans le respect de ses engagements antérieurs. C'est
l'application de l'adage de lex prior.
S'il y a un conflit entre un traité multilatéral antérieur et un traité multilatéral postérieur,
conclu entre certains Etats parties au traité antérieur, par exemple, un traité multilatéral conclu
entre A, B, C, D et E, et un traité postérieur qui peut être bilatéral entre A B ou multilatéral
entre A, B, C et D, on est donc en présence d'un conflit entre une norme général et une norme
particulière appelé traité inter Se, on applique la lex specialis derogat generalis, c'est à dire le
traité spécial postérieur s'il ne contredit pas le traité général antérieur. Mais s'il y a conflit, c'est
le traité général qui prévaut.

55
3. Conflit entre un traité et une autre source du droit international

• Conflit entre le traité et la coutume


Le traité et la coutume ont la même force juridique. En effet, la coutume est une source
indépendante des sources conventionnelles et de rang égal. Un traité peut donc abrogé une
coutume. Par exemple, le droit de la guerre, qui était d'origine coutumière, a été abrogé par le
Pacte Briand-Kellogg de 1928.
Mais une règle coutumière peut-elle modifier ou abroger une règle conventionnelle ? La
réponse est affirmative, car l'article 27 de la Charte des Nations unies, selon lequel « les
décisions du Conseil de sécurité sont prises par un vote affirmatif de 9 de ses membres, dans
lesquels sont comprises les voix de tous les membres permanents », a été remplacé par une
norme coutumière se satisfaisant de l'abstention des membres permanents. L'abstention
n'empêche pas la validité de la résolution.
De même, la résolution Dean Acheson ou Union pour le maintien de la paix, adoptée pendant
la guerre entre la Corée du Nord (communiste) et la Corée du Sud (capitaliste) en 1950, pour le
transfert des pouvoirs du Conseil de sécurité à l'Assemblée Générale des Nations unies, est une
pratique qui modifie la Charte, mêle si certains pays comme l'URSS ont dénoncé son
inconstitutionnalité.
Un traité peut également être déclaratoire d'une règle de droit international coutumier. Par
exemple, La Convention de Montégo Bay sur le nouveau droit de la mer a incorporé certaines
règles coutumières qui s'imposent aux Etats tiers. Il s'agit des dispositions relatives à la zone
économique exclusive.
Enfin, un traité peut servir de base à l'élaboration d'une règle coutumière, qui s'imposera aux
Etats tiers, et subsistera comme tel même si le traité devient caduque (article 43 de la
Convention de Vienne).
• Conflit entre le traité et le jus cogens
La norme impérative l'emporte sur le traité qui lui serait contraire. Elle prive ainsi le traité
de toute valeur juridique. Dans cette situation, la Convention de Vienne s'est prononcée pour
un régime sévère de nullité. En effet, le traité contraire est nul et prend fin au moment où
survient cette nouvelle norme (article 64 de la Convention de Vienne).
• Conflit entre un traité ordinaire et un traité constitutif d’une organisation
internationale
En vertu de l'article 103 de la Charte de l'ONU, les traités instituant des Organisations
Internationales prévalent sur les traités ordinaires.

§ 3 – Modification, suspension et extinction des traités

La Partie IV de la Convention de Vienne est consacrée à l'amendement et à la modification


des traités (articles 39, 40 et 41 de la Convention de Vienne). Elle n'utilise pas le terme de
révision qui avait été utilisé entre les deux guerres. Elle utilise le terme amendement pour
désigner une modification intéressant toutes les parties, et elle parle de modification lorsqu'il y
a accord entre quelques parties au traité.
L'extinction, la suspension et la nullité sont prévues à la Partie V de la Convention de Vienne,
aux articles 42 à 72. La Convention de Vienne distingue l'extinction, qui est une situation
56
définitive, et la suspension qui n'est que provisoire, car le traité peut être remis en vigueur
ultérieurement. Le problème de la fin des traités pose la question de savoir s'ils sont indivisibles
ou divisibles.

A. La modification des traités

1. Observations générales

• Du point de vue juridique


Il s'agit de remplacer une norme par une autre, et une fois la modification faite, le traité
antérieur ne subsistera que si la modification ne concerne que certaines parties du traité. Mais
il s'éteindrait si la modification portait sur l'ensemble du traité.
• Du point de vue politique
La modification est liée au problème de la stabilité des règles de droit. En effet, les actes en
droit international ne sont pas intangibles tout comme en droit interne. Ils sont l'expression d'un
rapport de force entre les Etats, ce qui implique qu'il faut les adapter à la réalité sans cesse
mouvante. C'est ce qu'avait prévu l'article 19 du Pacte de la Société des Nations qui invitait les
Etats membres à procéder de temps à autre à un examen des traités devenus inapplicables.
• Du point de vue terminologique
On distingue la modification, d'une part, les amendements et la révision d'autre part.
L'amendement désigne une modification partielle, et la révision une modification générale
touchant l'ensemble des dispositions du traité. Cette distinction n'a pas été reprise par la
Convention de Vienne sur le droit des traités. Elle n'a retenu que le terme amendement, pour
désigner à la fois la modification partielle et la modification générale. L'inconvénient de cette
situation est que la pratique continue de recourir aux termes amendements et révision. C'est le
cas de l'article 33 de la Charte de l'OUA, qui a maintenu cette distinction, de même que l'article
32 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine (UA), signé à Lomé le 11 juillet 2000, et entré en
vigueur le 26 mars 2001.
• Du point de vue procédural
L'article 39 de la Convention de Vienne énonce que la modification d'un traité nécessite un
nouvel accord entre les parties contractantes. Cette règle vise les traités bilatéraux et
multilatéraux. Pour les traités bilatéraux, il faut l'accord des deux parties. Mais, pour les traités
multilatéraux, il n'en pas de même en raison de la pluralité des parties. Si l'on exigeait
l'unanimité, ce serait consacrer la règle de l'immutabilité ou de l'intangibilité des traités. C'est
pourquoi on utilise le procédé de la majorité qualifiée des 2/3 des Etats.

2. La modification des traités multilatéraux

a) Les clauses de révision


La plupart des conventions multilatérales contiennent des clauses de révision, qui prévoient
l'initiative, la procédure, les conditions d'adoption et les effets de la révision conventionnelle.
S'agissant de l'initiative de la modification d'un traité multilatéral, les parties peuvent prévoir
un certain délai, qui s'étale généralement sur plusieurs années, afin d'assurer la stabilité du droit
conventionnel.

57
Les traités peuvent également prévoir la réunion de conférences périodiques entre les parties,
afin d'examiner le fonctionnement dudit traité en même temps que l'opportunité de sa révision.
Par exemple, l'article 8-3 du traité de non-prolifération des armes nucléaires du 1er juillet 1968
prévoit que 5 ans après l'entrée en vigueur de ce traité, une conférence se tiendra pour constater
comment il fonctionne.
Concernant les conditions d'adoption et d'entrée en vigueur de la modification, on applique
généralement la règle de la majorité.
En dehors des Etats, les Organisations Internationales jouent également un rôle en matière
de modification des traités conclus en leur sein ou sous leurs auspices. Ainsi, des clauses de
révision sont incluses dans les traités constitutifs d'Organisations Internationales. Ces traités
précisent les modalités de révision par les organes de l'Organisation. Il en va ainsi, par exemple,
des articles 108 et 109 de la Charte de l'ONU, de l'article 32 de l'Acte constitutif de l'Union
Africaine.
b) Les aspects particuliers de la modification des traités multilatéraux : modification
dans les relations entre certaines parties
Deux ou plusieurs parties peuvent conclure un accord modificatif. En effet, selon l'article 41
de la Convention de Vienne, l'initiative de la modification dans ce cas n'a pas besoin de provenir
de toutes les parties. Elle peut être prise par un seul Etat. Dans ces conditions, les relations entre
les parties à cet accord modificatif et les Etats parties à l'accord initial, sont régies par l'accord
initial. Cet accord modificatif est appelé accord inter Se. L'article 41 exige que ce type d'accord
soit prévu par le traité initial, et qu'il ne porte pas atteinte aux droits des autres parties. Enfin,
cet accord ne doit pas être incompatible avec l'objet et le but du traité. Il en va ainsi, par
exemple, de la Convention de Saint Germain en Laye du 10 septembre 1919, conclue entre
certaines parties à l'Acte générale de Berlin et modifiant celui-ci.
c) La modification d'un traité multilatéral en dehors des clauses conventionnelles
Normalement, s'agissant d'une modification apportée à un traité multilatéral, on réunit une
conférence internationale afin d'adopter l'accord additionnel. Mais, la modification de la
convention de Montego Bay de 1982 sur le nouveau droit de la mer est intervenue le 28 juillet
1994, en dehors des clauses conventionnelles, et grâce à l'action de l'Assemblée générale des
Nations unies et surtout aux bons-offices du Secrétaire Général. Le but visé était de parvenir à
l'universalisation ou à la quasi universalisation de cette Convention que les pays développés ont
refusé de ratifier à cause des imperfections et des insuffisances des dispositions relatives à la
Partie XI de ladite Convention. Cette partie concerne la zone ou les fonds marins.
Comme insuffisance relevée, on note l'obligation de transfert de technologies à l'Entreprise,
organe opérationnel de l'autorité international des fonds marins, et l'obligation de financer
l'Entreprise par les pays industrialisés.
La convention avait prévu une commission préparatoire qui s'est réunie pendant 12 ans en
l'absence des Etats-Unis d'Amérique, et ses travaux n'ont pu résoudre ces problèmes. D'où cet
accord modificatif considéré en fait comme un véritable protocole d'amendement. L'on a
prononcé ainsi parce qu'on a craint qu'en convoquant une brève 4ème conférence des Nations
unies sur le droit de la mer, l'on permette la renégociation d'autres parties de la convention que
la seule Partie XI. Cet accord modificatif a permis l'entrée en vigueur de la Convention de
Montégo Bay de 1982, le 16 novembre 1994.

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B. La suspension et l’extinction des traités

1. Suspension et extinction en vertu des dispositions du traité

Un traité peut prévoir les conditions de sa suspension (article 57) et de son extinction (article
54).
a) Les clauses expresses
Dans la pratique conventionnelle, il est rare de trouver des clauses concernant la suspension
des traités. Mais, l'article 57 de la Convention de Vienne les prévoit. En effet, le traité peut être
suspendu conformément aux dispositions dudit traité et par consentement de toutes les parties.
En revanche, les causes d'extinction sont fréquentes. D'abord, le traité peut prévoir lui-même
sa durée. Il en va ainsi, par exemple, du traité de Paris du 18 avril 1951 créant la CECA, qui
était prévu pour 50 ans et a pris fin en 2002.
Ensuite, on peut trouver une clause résolutoire, par exemple si le nombre des parties tombe
au-dessous d'un certain niveau (Pacte de Varsovie) ou si le traité fixe un terme à l'expiration
duquel il s'éteint.
La dénonciation peut être également une cause d'extinction du traité, si celui-ci est bilatéral.
C'est l'acte par lequel un Etat manifeste son intention de ne plus être lié par un traité auquel il
était partie, qu'il soit bilatéral ou multilatéral. Si le traité est multilatéral, il continuera entre les
Etats qui ne l'ont pas dénoncé.
Il convient de distinguer la dénonciation et le retrait. Le retrait vaut uniquement pour les
traités multilatéraux.
b) Les clauses implicites
Un Etat peut-il dénoncer un traité sans autorisation expresse ?
Selon l'article 56 de la Convention de Vienne, la réponse est négative à moins que l'on trouve
dans l'intention des parties une autorisation implicite, et que l'Etat qui dénonce le traité informe
les parties au moins un an à l'avance. Par exemple, le Sénégal a décidé le 3 juin 1971 de
dénoncer deux conventions de Genève de 1958 sur le droit de la mer, l'une se rapportant à la
mer territoriale, et l'autre à la pêche. Le Secrétaire Général de l'ONU a contesté ce droit de
dénonciation parce qu'aucune clause expresse ne l'avait prévu, mais il a fini par enregistrer cette
dénonciation.

2. Suspension ou extinction par conclusion d'un traité postérieur

a) Abrogation expresse ou tacite


Un traité postérieur peut abroger un traité antérieur. Si l'abrogation est formelle, c'est-à-dire
prévue par le traité antérieur, le traité postérieur se substitue à l'ancien traité. Si l'abrogation est
tacite, le second traité se substitue au 1er s'il y a identité de partie et d'objet, et s'il est impossible
d'appliquer les deux en même temps en raison de leur incompatibilité.
A cet égard, on notera que le Droit International, notamment conventionnel, est moins
formaliste que le Droit interne en ce sens qu'il ne respecte pas le parallélisme des formes car un
accord en forme simplifiée peut abroger un accord en forme solennelle sous réserve du respect
des règles constitutionnelles.

59
b) Suspension expresse ou tacite
Un traité peut être suspendu de manière expresse par un accord à condition que la suspension
soit prévue par le traité. Mais si le traité est muet, on exige que la suspension ne porte pas
atteinte au droit des autres parties et qu'elle ne soit pas incompatible avec l'objet et le but du
traité.

3. Suspension ou extinction du point de la survenance de certains évènements non prévus


par le traité

On dénombre cinq faits extérieurs aux parties.


a) L'apparition soit d'une nouvelle norme de jus cogens contraire au traité, soit d'une
coutume dérogatoire au traité
C'est l'hypothèse de l'article 64 de la Convention de Vienne.
b) L'inexécution fautive
L'article 60 de la Convention de Vienne, opère une distinction entre la violation substantielle
d'un traité bilatéral et la violation substantielle d'un traité unilatéral.
S'il s'agit d'un traité bilatéral, l'autre partie peut invoquer l'adage exceptio non adimpleti
contractus pour suspendre ou mettre fin au traité.
S'il s'agit d'un traité multilatéral, l'article 60-2 autorise les autres parties contractantes à
suspendre par accord unanime l'application du traité ou à y mettre fin par une action collective.
De plus, la partie qui est spécialement atteinte par cette violation peut l'invoquer comme motif
de suspension du traité avec l'auteur de la violation par une action individuelle.
Mais l'extinction ou la suspension ne peut affecter les traités faisant parties du Droit
International humanitaire car celui-ci exclut toute mesure de représailles à l'égard des personnes
protégées (combattants quand ils sont malades, blessés, naufragés, capturés à l'exclusion des
mercenaires et des espions).
De plus, l'extinction ou la suspension ne peut affecter les traités conçus pour s'appliquer en
cas de violation (article 60-2) : c'est le cas des traités relatifs aux règlements pacifiques des
différends internationaux tels les Conventions de la Haye de 1899 et de 1907.
c) L'inexécution non fautive
Il résulte de l'article 61 de la Convention de Vienne que l'inexécution non fautive provient
d'une situation indépendante de la volonté des parties. L'exécution devient alors possible.
Si l'impossibilité est provisoire, par exemple à la suite de l'extinction de la personnalité
internationale de l'une des parties (Autriche en 1938, Pologne en 1939, Koweït en 1971), le
traité sera suspendu.
Si l'impossibilité est définitive, par exemple en cas d'assèchement d'un fleuve qui a fait l'objet
d'une convention de mise en valeur, on se trouve en présence d'un cas de force majeure, alors
une partie peut mettre fin au traité.
d) Les effets des guerres sur les traités

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La Convention de Vienne n'a rien prévu à ce sujet mais son article 78 se borne à affirmer
que « les dispositions de la présente convention ne préjugent aucune question qui pourrait se
poser à propos d'un traité … du fait de l'ouverture des hostilités entre Etats ».
Sur le plan théorique cependant, plusieurs solutions sont convenables :
• La solution la plus catégorique est l'extinction automatique de tous les traités. S'il s'agit
d’un traité bilatéral, il prend fin du fait de la guerre. S'il s'agit d’un traité multilatéral, il
est suspendu dans les rapports entre les belligérants, mais il demeure dans les rapports
entre non-belligérants et les autres.
• Les traités bilatéraux ou multilatéraux qui sont conçus spécialement pour le temps de
guerre sont maintenus car ils règlent souvent le problème de traitement des prisonniers
de la guerre, la conduite des hostilités, l'interdiction de certaines armes, etc. C'est le cas
des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977.
• Les traités créant des situations objectives ne sont pas affectés par la guerre.
• L'article 74 de la Convention de Vienne précise que la rupture des relations
diplomatiques et consulaires n'a pas d'incidences sur le droit des traités. Elle n'affecte
pas non plus la reconnaissance en tant qu'Etat de l'Etat étranger et laisse normalement
subsister les relations consulaires (cadre commercial) et la collaboration des Etats dans
le cadre des Organisations Internationales.
e) Changement fondamental des circonstances
Est-ce qu'un changement de circonstances par rapport à celle qui existait à l'époque de la
conclusion d'un traité est une cause de nullité s'il n'est pas prévu par un traité ?
La réponse est affirmative, mais le fondement de cette solution a fait l'objet de controverse
doctrinale.
Certains auteurs pensent qu'il existe dans tout traité une clause tacite d'après laquelle le traité
n'est obligatoire que tant que les choses restent en l'état. Ils invoquent à ce sujet la clause robus
sic stantibus. D'autres en revanche parlent de l'imprévision.
Mais le véritable fondement réside dans un souci de réalisme car le Droit International doit
s'adapter à l'évolution des rapports entre Etats et il ne faut pas fixer les situations acquises. En
effet, un traité est conclu compte tenu de certaines circonstances. Si ces circonstances venaient
à disparaître, il est naturel que le traité s'éteigne.
La France, sous le Général De Gaulles a invoqué la clause rebus sic stantibus pour dénoncer
certains accords relatifs à l'OTAN en 1966. Elle ne fit son retour qu'en 2008 sous la présidence
de Nicolas Sarkozy.
L'article 62 de la Convention de Vienne admet qu'un changement de circonstances soit
invoqué comme motif pour mettre fin à un traité dans les conditions suivantes :
• Les circonstances qui ont changé doivent être celles qui existaient au moment de la
conclusion du traité.
• Le changement doit avoir été fondamental.
• Le changement ne doit pas avoir été prévu par les parties au moment de la conclusion
du traité.

61
Cette clause rebus sic stantibus ne peut cependant être invoqué à l'égard d'un traité
établissant une frontière et par suite d'une violation du traité par celui qui l'invoque en
application de l'adage nemo auditur (article 62-2).

62
CHAPITRE 2 : LES SOURCES NON-CONVENTIONNELLES DU DROIT
INTERNATIONAL

Les sources non-conventionnelles du droit international sont l’ensemble des sources autres
que les traités internationaux. Ces sources ne sont pas uniformes et n’obéissent pas aux mêmes
règles.
Certaines d’entre elles ont un caractère spontané, en ce qu’elles ne correspondent pas à un
processus formel de création (Section I). D’autres, au contraire, sont l’expression d’une volonté
formelle des principaux sujets de droit international et constituent de ce fait des sources
volontaires (Section II). D’autres encore, sans être des sources formelles de production du droit
international, sont considérées comme des moyens de détermination des règles de droit et n’en
constituent pas moins des sources indirectes du droit international (Section III).

Section I – Les modes de formation spontanée

Les sources spontanées du droit international sont celles qui ne correspondent pas à un
processus formel de création des règles de droit. Les règles qui en découlent ne sont pas
expressément formulées dans un acte juridique, mais découlent du comportement et de la
pratique des Etats. Il s’agit de la coutume internationale (§ 1), des principes généraux de droit
(§ 2) et de l’équité (§ 3), qui sont expressément visés par l’article 38 du Statut de la CIJ.

§ 1 - La coutume internationale

La coutume constitue, aux côtés des traités internationaux, l’une des principales sources du
droit international. Cependant, contrairement aux traités qui sont une émanation de la volonté
des sujets de droit international, la coutume est une source spontanée, issue de la pratique
internationale et du comportement des sujets du droit international. Elle ne résulte donc pas
d'une manifestation de volonté, mais d'un ensemble de comportements. L'article 38, § 1, b) du
statut de la Cour Internationale de Justice la définit comme « la preuve d'une pratique générale
acceptée comme étant le droit ».
En tant que source formelle du droit international, la coutume se forme suivant un processus
bien établi en droit international (A) et trouve son fondement dans diverses considérations
philosophiques (B). Elle se caractérise par l’absence de règles écrites, ce qui soulève parfois le
problème de la preuve de son existence. Aussi des efforts ont-ils été entrepris en vue de sa
codification (C).

A. La formation de la coutume

En définissant la coutume comme « la preuve d’une pratique générale acceptée comme étant
le droit », l’article 38 du Statut de la CIJ souligne les deux éléments constitutifs de la coutume,
à savoir, « une pratique générale » et « une pratique acceptée comme étant le droit ». La
jurisprudence et la doctrine s’accordent pour reconnaître que, pour qu’on soit en présence d’une
coutume, il faut la réunion de deux éléments : un élément matériel, appelé « consuetudo » (1),
et un élément psychologique, appelé « opinio juris » (2).

63
1. L'élément matériel ou consuetudo

L’existence de la coutume suppose, d’abord, l’existence d’un ensemble de comportements


de sujets du droit international qualifiés de précédents et répétés dans le temps et dans l’espace.
a) Les comportements susceptibles de constituer des précédents
Les comportements susceptibles de contribuer à la formation de la coutume peuvent être des
actes juridiques, internes ou internationaux, émanant de sujets du Droit International. Il peut
s’agir d’actes provenant des Etats ou d’actes provenant des Organisations Internationales.
• Les actes de l’Etat :
Les actes de l’Etat sont ceux accomplis par les organes étatiques compétents et qui ont une
incidence sur les relations internationales.
Il s’agit, d’abord, des actes législatifs, administratifs et judiciaires émanant des autorités
étatiques compétentes. Ainsi, dans l'affaire de lotus, qu’elle a jugée le 7 décembre 1927 (France
c. Turquie), la CPJI a admis la possibilité de retenir comme précédents des actes judiciaires
internes. Elle a notamment reconnu qu’une règle coutumière en matière d’abordage en haute
mer pouvait résulter de jugements nationaux, c'est-à-dire d'actes judiciaires, même si elle ne l’a
pas reconnu dans le cas d’espèce. La France avait invoqué l'existence d'une coutume tendant à
donner compétence à l'Etat dont le navire fautif porte le Pavillon et le fait que les tribunaux des
Etats victimes s'abstenaient d'exercer des poursuites pénales.
Entrent également dans la catégorie des actes de l’Etat susceptibles de constituer des
précédents les actes des autorités chargées des relations internationales et s’exprimant dans
l’exercice de leurs fonctions, comme ceux émanant du Ministre des affaires étrangères et des
agents diplomatiques. Il s’agit, par exemple, des déclarations, des correspondances
diplomatiques ou de l’exercice de la protection diplomatique.
Par ailleurs, les prises de positions des agents diplomatiques au sein d’une organisation
internationale ou au cours d’une procédure juridictionnelle internationale peuvent constituer
des précédents susceptibles de contribuer à la formation d’une règle coutumière.
De la même manière et a fortiori, les actes interétatiques comme les traités internationaux
peuvent servir de point de départ de la formation d’une règle coutumière. La CIJ en a admis le
principe dans son arrêt du 20 février 1969, rendu dans l’affaire du Plateau continental de la mer
du Nord. Dans cette affaire, le Danemark et les Pays-Bas ont tenté d'opposer à la République
Fédérale d'Allemagne, la règle dite de l'équidistance pour délimiter le plateau continental, règle
formulée à l'article 6 de la Convention de Genève sur le plateau continental. La RFA n'était pas
partie à cette convention et ils ont fondés cette opposabilité sur la transformation de cette règle
d'origine conventionnelle en une règle coutumière à la suite de précédent constitué par un
certain nombre de traités bilatéraux conclus après 1958.
• Les actes des Organisations Internationales,
Les actes des organisations internationales sont des actes émanant des organes de ces
organisations. Il peut s’agir des actes des organes juridictionnels des organisations
internationales, mais aussi de leurs pratiques internes ou de leurs comportements dans les
relations internationales.

64
Les décisions des juridictions internationales peuvent, en effet, constituer des précédents
pour la formation de règles coutumières internationales. De fait, la CIJ, tout comme sa
devancière la CPJI, et les tribunaux internationaux se réfèrent fréquemment à leur propre
jurisprudence ou à des décisions d’autres juridictions internationales pour statuer sur les
différends qui leur sont soumis.
S’agissant des pratiques internes des organisations internationales, le principe de leur
participation au processus de formation des règles coutumières a été reconnu par la CIJ dans
son avis consultatif de 1971 sur la Namibie, à propos de la portée de l’abstention d’un membre
permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans cette affaire, la Cour Internationale
de Justice a, en effet, estimé que l'abstention d'un membre permanent du Conseil de sécurité
n'empêche pas la validité d'une résolution et que la procédure suivie constitue la preuve d'une
pratique générale de l'organisation.
Quant aux comportements des organisations internationales dans les relations
internationales, ils se traduisent notamment par l’adoption de résolutions et par leur
participation à des traités internationaux, ainsi que par des relations officielles avec les autres
sujets de droit international. La pratique internationale montre que ces actes peuvent également
constituer des précédents susceptibles de participer à la formation de normes coutumières. Il en
est ainsi, par exemple, des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, dont la
répétition à travers les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale a permis
de dégager un corps de règles coutumières applicables aux opérations de maintien de la paix.
De même, la résolution 1514 (XV) de l'AG des Nations unies de 1960 relative à la déclaration
sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a joué un rôle important dans
la formation du droit de la décolonisation. Il en va de même dans la déclaration universelle des
droits de l'Homme de 1948.
b) La répétition des précédents dans le temps et dans l’espace
Pour que les précédents puissent devenir des règles coutumières, ils doivent être constants
et continus dans le temps et dans l’espace. La répétition permet en effet d'affermir la coutume.
Elle s'opère dans le temps et dans l'espace.
La répétition des précédents dans le temps suppose que les pratiques soient uniformes et
constantes. L'uniformité est la concordance d'actes successifs qui sont en principe similaires.
La constance correspond à la fréquence et à la continuité des actes dans le temps.
La répétition des précédents dans l'espace implique une pratique sinon générale, du moins
suffisamment large et représentative de la part des acteurs des relations internationales. A cet
égard, on distingue les coutumes générales et les coutumes particulières.
Les règles coutumières générales sont celles issues de la pratique générale. Elles
correspondent à des coutumes universelles qui sont expressément visées sous la dénomination
de « coutumes générales » par l’article 38, § 1 du Statut de la CIJ. Il ne s’agit pas nécessairement
d’une pratique unanime de la totalité des Etats, ce qui serait utopique et irréalisable, mais d’une
participation représentative comprenant des Etats particulièrement intéressés. Cette idée de
représentativité est confirmée par la jurisprudence. Dans son arrêt de 1969 dans l'affaire du
plateau continentale de la mer du Nord, la CIJ a estimé que « En ce qui concerne les autres
éléments généralement tenus pour nécessaires afin qu’une règle conventionnelle soit
considérée comme étant devenue une règle générale de droit international, il se peut qu’une
participation très large et représentative à la convention soit suffisante, à condition toutefois
65
qu’elle comprenne les Etats particulièrement intéressés ». En d’autres termes, les précédents
n’ont pas besoin d’émaner d’un nombre important d’Etats, la participation des Etats les plus
concernés étant suffisante. Il en a été ainsi, par exemple, du droit International de l'espace qui
a été forgé par la pratique de quelques Etats industrialisés, en l’occurrence l'URSS et les Etats-
Unis d'Amérique, les autres s'étant contentés d'approuver cette pratique. Il en a été ainsi
également de la formation de certaines règles générales du droit de la mer, qui ont été
influencées par la pratique des principales puissances maritimes.
Quant aux coutumes coutumières particulières, il s’agit de normes ayant une portée
géographique limitée. Bien que cette catégorie de normes coutumières n’ait pas été visée
expressément par l’article 38, 1 du Statut de la CIJ, leur existence est indéniable. En effet, la
pratique et la jurisprudence internationales ont reconnu l’existence de coutumes régionales et
même locales.
Dans son arrêt du 20 mars 1950 rendu dans l’affaire du droit d'asile (Peru c. Colombie), la
CIJ a admis la possibilité de coutume régionale ou locale liant un groupe d'Etats. Dans cette
affaire du droit d'asile, également appelée Haya de la Torre, la Cour a refusé de voir dans l'octroi
de l'asile diplomatique ou politique, une règle coutumière régionale propre aux Etats latino-
américains. La Colombie avait accordé l'asile diplomatique dans son ambassade à Lima (au
Pérou) à Haya de la Torre, homme politique péruvien, à la suite d'une rébellion militaire dont
il est l'instigateur. Pour la Colombie, en octroyant cet asile, elle s'appuyait sur le droit
international américain, et sur l'existence d'une coutume régionale propre aux Etats de
l'Amérique Latine, pour accorder dans de telles circonstances, l'asile politique. Elle prétendait
en plus que le pays accordant l'asile avait le droit de procéder à une qualification unilatérale du
délit en cause, afin de déterminer s'il justifiait l'octroi de cet asile.
Le Pérou a expressément répudié cette façon de voir. La Cour, constatant l'absence des
éléments constitutifs traditionnels de la coutume, du fait des contradictions et des discordances,
ne reconnut pas l'existence d'une coutume régionale constante et uniforme.
Dans son arrêt du 12 avril 1960 rendu dans l’affaire du droit de passage sur le territoire
indien, (Inde contre Portugal), la CIJ a accepté la possibilité de coutume purement locale, liant
deux Etats au profit seulement des personnes privées et des marchandises, et non des forces
armées.

2. L'élément psychologique ou l'opinio juris

L'opinio juris est la conviction des Etats du caractère obligatoire des précédents. La simple
répétition dans le temps et dans l’espace ne suffit pas à faire d'un comportement une règle
coutumière, car les Etats qui ont adopté ce comportement doivent avoir la conviction d'agir
conformément au droit, ou d'être motivés par la conscience d'un devoir. Cet élément
psychologique, qualifié d'opinio juris sive necessitatis (la conviction du droit ou de la nécessité)
constitue une caractéristique essentielle de la règle coutumière qui la distingue de l'usage et de
la courtoisie internationale. Il est expressément visé par l’article 38 du Statut de la CIJ qui
mentionne « une pratique acceptée comme étant le droit ».
L’exigence de l’élément psychologique découle d’une conception traditionnelle de la
coutume consacrée par la jurisprudence internationale. Ainsi, dans son arrêt rendu en 1927 dans
l’affaire du Lotus (France c. Turquie), la CPJI avait affirmé que « C’est seulement si

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l’abstention avait été motivée par la conscience d’un devoir de s’abstenir que l’on pourrait
parler de coutume internationale ».
Dans l'affaire du Plateau continental de la mer du Nord rendue en 1969, la CIJ a noté que,
pour qu'un acte possède valeur coutumière, deux conditions doivent être remplies : non
seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre, ils
doivent témoigner « de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'existence
d'une règle de droit ». Cet arrêt confirmait ainsi la jurisprudence Lotus.
Autrement dit, on ne saurait prouver l’existence d’une coutume dans la simple abstention
des Etats pris en tant que tels. Il faut prouver que cette abstention est le fruit de la volonté non
équivoque des Etats en raison d’un sentiment d’être obligé de s’abstenir. A l’inverse, une action
déterminée précise des Etats, une action positive, ne suffit pas non plus pour prouver l’existence
d’une coutume : il faut, de surcroit, que cette action positive résulte de la volonté non ambiguë
des Etats de respecter une règle qu’ils considèrent comme obligatoire.
Cependant, un Etat peut toujours s’opposer à l’établissement d’une règle coutumière en
déclarant qu’il n’est pas lié par les précédents provenant d’un autre Etat. Cette objection peut
empêcher la formation d’une nouvelle règle coutumière. Toutefois, si cette règle coutumière
existe déjà, l’Etat objectant ne peut s’opposer à sa mise en œuvre. A l’inverse, le silence des
Etats peut être considéré comme un acquiescement à la formation de la règle coutumière. Ainsi,
dans l’affaire des pêcheries de 1951, qui opposa la Grande-Bretagne à la Norvège devant la CIJ,
celle-ci nota que la pratique norvégienne de délimitation de ses eaux territoriales avait été
confortée par « l’attitude des gouvernements », dans la mesure où ceux-ci, en s’abstenant de
protester, « ne l’avait pas considérée [cette méthode de délimitation] comme étant contraire au
droit international ».
Au total, l’opinio juris apparaît comme un complément logique de la consuetudo. En règle
générale, l’élément psychologique suit chronologiquement l’élément matériel de la coutume.
Cependant, face à certaines pratiques internationales ayant fait naître des règles coutumières à
partir de la conviction de la présence d’une règle de droit, la doctrine distingue les coutumes
« sages » des coutumes « sauvages ». La coutume « sage » serait celle qui se formerait suivant
le processus chronologique traditionnel à partir de comportements confortés par l’opinio juris.
La coutume « sauvage » serait, par contre, celle qui se formerait à partir de la conviction de la
présence d’une règle coutumière qui serait confortée par la pratique des Etats.

B. Le fondement de la coutume internationale

La coutume pose toujours la question de son fondement juridique, c’est-à-dire les raisons de
son caractère obligatoire. Traditionnellement, cette question a divisé la doctrine entre les
partisans de la théorie de l’accord implicite et ceux de la formation spontanée.

1. La théorie de l'accord tacite

Selon les partisans de cette doctrine, la force obligatoire de la coutume repose sur un accord
tacite entre les Etats, c'est-à-dire sur la volonté implicite des Etats concernés. Par conséquent,
une fois qu’elle est formée, une règle coutumière ne peut s’appliquer qu’aux Etats qui ont
participé à sa formation, qui ne s’y sont pas opposés ou qui l’ont ultérieurement reconnue. Elle
n’est pas opposable aux Etats tiers sans leur consentement, implicite ou explicite.

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Cette théorie de l’accord tacite a été soutenue par les auteurs volontaristes et correspond à la
théorie de l’autolimitation de la souveraineté de l’Etat et à la théorie de la Vereinbarung chère
à Triepel. Cette théorie repose sur l’idée que le droit international n’étant que la manifestation
de la volonté des Etats, cette volonté peut se manifester soit d’une manière explicite, par
l’intermédiaire d’un traité, soit d’une manière implicite à travers la coutume. La coutume est
considérée ici comme un traité implicite.
La théorie de l’accord implicite a été consacrée par une jurisprudence de la CPJI. Dans
l’affaire du Lotus rendue en 1927, la CPJI avait affirmé que « Le droit international régit les
rapports entre Etats indépendants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la
volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés
généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de gérer la coexistence
de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les limitations
de l’indépendance des Etats ne se présument donc pas ».
Cette conception volontariste et subjective de la coutume a été implicitement confirmée par
la CIJ dans son arrêt rendu dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord de 1969. En
effet, dans cette affaire, la Cour a repris les conditions de formation de la règle coutumière
dégagées dans l’affaire du Lotus, tout en précisant que l’accord de tous n’est pas nécessaire
pour qu’il y ait coutume, une « majorité représentative des Etats » étant suffisante.
La théorie de l’accord tacite a cependant été fortement critiquée, en raison de la primauté
qu’elle tend à accorder à l’élément psychologique de la coutume au détriment de l’élément
matériel et du fait qu’elle ne rend pas suffisamment compte des coutumes générales qui
s’imposent à tous les Etats, même à ceux qui n’ont pas participé à leur formation. C’est
pourquoi, elle a été partiellement abandonnée par la jurisprudence de l’affaire du Plateau
continental de la mer du Nord du 20 février 1969 sur le plateau continental de la mer du Nord
a rompu avec cette jurisprudence du Lotus.
Néanmoins, elle a été soutenue récemment par les nouveaux Etats issus du processus de
décolonisation qui n’entendaient pas être liés par des règles coutumières formées avant leur
accession à l'indépendance, et par les Soviétiques qui y voyaient une illustration de la
souveraineté de l'Etat.

2. La théorie de la formation spontanée du droit coutumier

Selon cette théorie, le caractère obligatoire de la coutume s'explique, non pas par un accord
tacite, mais par un processus de formation spontanée traduisant une prise de conscience
collective, une nécessité sociale qui se développe entre les membres de la société internationale
et se consolide avec le temps. La coutume serait donc un produit des nécessités de la vie
internationale et un phénomène sociologique.
Cette conception de la formation spontanée de la coutume, qui a été soutenue par les auteurs
objectivistes, correspond au mode actuel d'élaboration du droit international et à l'état actuel de
la société internationale. En effet, la société internationale contemporaine est très diversifiée et
comporte, aux côtés des Etats, divers autres acteurs que sont les organisations internationales,
les ONG et les individus, qui contribuent de plus en plus à la formation de la coutume. La
coutume ne repose donc pas sur la volonté des seuls Etats, mais aussi sur celle des autres acteurs
de la vie internationale. En outre, la dans la pratique contemporaine, la coutume, pour exister,
n'a pas besoin de reposer sur la reconnaissance de tous les acteurs de la société internationale,
68
mais seulement les plus représentatifs d'entre eux. Par ailleurs, la coutume est susceptible de
naître beaucoup plus rapidement que dans le passé.
La conception objectiviste de la coutume a été consacrée par la jurisprudence internationale.
Dans son arrêt rendu en 1969 dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord, la CIJ
avait déjà affirmé que « Le fait qu’il ne se soit écoulé qu’un bref laps de temps ne constitue pas
nécessairement en soi un empêchement à la formation d’une règle nouvelle de droit
international coutumier à partir d’une règle purement conventionnelle à l’origine ». Dans son
avis consultatif sur la Namibie de 1991, la CIJ a reconnu la possibilité de l’élaboration de
coutume à la suite d’un processus objectif dans le cadre des organisations internationales. Elle
a, en effet, admis que la pratique générale suivie par les organisations internationales était de
nature à constituer une règle coutumière, et que cette pratique ne nécessitait pas l’a l’accord de
tous les membres, ni une durée extrêmement longue pour exister. Elle a affirmé que « La
procédure suivie par le Conseil de sécurité, qui est demeurée inchangée après l’amendement
apporté à l’article 27 de la Charte en 1965, a été généralement acceptée par les membres des
Nations Unies et constitue la preuve d’une pratique générale de l’Organisation ».
En réalité, les deux théories sur le fondement du droit international ne sont pas antinomiques.
Consacrées toutes les deux par la jurisprudence internationale, elles traduisent deux visions
différentes d’une réalité évolutive de la vie internationale. La conception de l’accord tacite
s’efforce d’expliquer la coutume dans une société interétatique homogène dominée par le
phénomène de la souveraineté étatique et le consensualisme. La conception objectiviste décrit
le phénomène coutumier dans une société internationale hétérogène composée d’une pluralité
d’acteurs, dont les Etats, les organisations internationales et les individus qui concourent tous à
la formation de ce droit.

B. La codification de la coutume

Bien qu’elle tende à s’amenuiser dans les Etats modernes, la coutume n'a pas disparu de
l'ordre juridique international. Elle demeure encore vivace et omniprésente, et joue, aux côtés
des traités un rôle important dans le droit international contemporain. Souple et malléable, elle
peut s’adapter facilement aux nouveaux besoins de la société internationales dans toute sa
diversité et constitue un facteur indéniable de stabilisation de la règle de droit. Elle constitue
aussi un réservoir pour les autres sources du droit international et un moyen d’adaptation de la
règle de droit à l’évolution des relations internationales. Cependant, si la coutume a l'avantage
d'être souple et malléable, elle présente néanmoins des inconvénients, car elle est imprécise,
incertaine, hermétique et est marquée par son éparpillement. Dès lors, il est apparu nécessaire
de cristalliser les règles coutumières, de les unifier et de les systématiser dans un document
écrit.
C’est pour surmonter les incertitudes et les difficultés dont souffre la coutume que la
communauté internationale a entrepris de codifier ses règles dans des documents écrits de
caractère conventionnel. Il convient de préciser la notion de codification, avant d’évoquer
l’œuvre de codification entreprise par l’ONU.

69
1. La notion de codification

La codification est une opération de conversion des règles coutumières en un corps de règles
écrites, systématisée et organisées. Elle consiste donc à mettre par écrit des règles coutumières
non écrites dans un domaine déterminé.
La codification peut revêtir des formes variées. Elle peut ainsi être conventionnelle ou non
conventionnelle. La codification conventionnelle consiste à cristalliser les normes coutumières
dans un traité international. La codification non conventionnelle, pour sa part, consiste à
reprendre des normes coutumières dans des instruments non conventionnels comme les
déclarations, résolutions, codes de conduite ou autres chartes.
La codification peut également se faire dans différents cadres institutionnels. La procédure
de codification peut ainsi résulter d’initiatives étatiques dans le cadre d’une conférence
interétatique classique ou se dérouler dans le cadre d’une organisation internationale. A cet
égard, le cadre des Nations Unies s’impose comme le principal cadre de codification de la
coutume internationale. A cet effet, l’Organisation s’est dotée d’organes spécifiques chargés de
l’appuyer dans sa tâche de codification, à savoir la Commission du droit international (CDI) et
la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).
Par ailleurs, la codification peut se faire selon plusieurs techniques, soit sous forme d’un
travail technique confié à des experts, soit sous forme d’un travail intergouvernemental confié
à une équipe de représentants d’Etats.
Quels que soient cependant le cadre de la codification ou la technique utilisée, la codification
présente des avantages évidents. La codification apparaît, en effet, comme une opération de
clarification des règles coutumière permettant de trier celles qui répondent aux besoins actuels
de la société internationale et de rejeter celles qui ne sont plus adaptées aux évolutions de celle-
ci. Elle apparaît également comme une opération de préservation de règles non écrite menacées
par des contestations répétées et comme un moyen efficace de remédier à l’incertitude qui pèse
sur l’existence et le contenu des règles coutumières.
Mais, la codification présente également des inconvénients. En effet, on peut craindre que la
codification ne soit un facteur d'immobilisme ou de conservatisme juridique, risquant ainsi de
freiner l'évolution du droit international. Elle pourrait aussi affaiblir l'autorité ou la stabilité du
droit international ou faire disparaître les règles générales au profit de règles particulières.
La codification contribue au développement progressif du droit international mais elle
n'affecte pas la portée obligatoire des règles coutumières pour les tiers.

2. L’œuvre de codification de l'ONU

Sous la Société des Nations, une conférence de codification avait été convoquée en 1930 à
la Haye à l'initiative de la Suède, mais ses travaux se sont soldés par un échec.
Sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies, la codification a été organisée et
systématisée. L'article 13 de la Charte de l'Organisation donne, en effet, mandat à l'Assemblée
Générale pour provoquer des études et faire des recommandations en vue « (…) d’encourager
le développement progressif du droit international et sa codification ». Le développement
progressif du droit international est une opération consistant à préparer des instruments
juridiques sur des sujets qui ne sont pas encore réglementés par le droit international ou pour

70
lesquels le droit n’est pas encore suffisamment développé dans la pratique étatique. Il se
distingue de la codification en ce qu’il porte sur des sujets non réglementés ou insuffisamment
réglementés et qu’il débouche sur la consécration de nouvelles règles de droit sur la base du
droit existant. Mais, en réalité, ces deux opérations sont étroitement liées.
En vue de s’acquitter de cette mission de développement du droit international et de sa
codification, l'Assemblée Générale des Nations Unies a créé en 1947, la Commission du Droit
International (CDI). La CDI est un organe subsidiaire de l'ONU, composé de 34 membres dont
des juristes, des professeurs de Droit International, des diplomates et des spécialistes du Droit
International. Ils sont élus pour 5 ans par l'Assemblée Générale et rééligibles. Ils siègent à titre
personnel en accord avec l'Assemblée Générale.
La CDI peut être saisie par l’Assemblée générale en vue d’un travail de codification sur un
sujet donné. A cet effet, la CDI désigne en son sein un rapporteur qui prépare un projet sous
forme d'articles accompagné de commentaire. Ce projet donne lieu à un premier examen par la
CDI, avant d’être envoyé à tous les Etats membres de l'ONU pour des observations qui seront
transmises à la CDI. Celle-ci remanie sur cette base le projet initial et le transmet à l'Assemblée
Générale qui peut décider de convoquer une conférence diplomatique pour conclure un traité.
Plusieurs conventions ont été conclues dans ces conditions :
• Les 4 conventions de Genève de 1958 sur le Droit de la mer ;
• La Convention sur les relations diplomatiques de Vienne de 1961 ;
• La Convention sur les réductions de l'apatride, New York 1961 ;
• La Convention sur les relations consulaires, Vienne 1963 ;
• La Convention de New York du 16 décembre 1969 sur les missions spéciales (ou
diplomatiques ad hoc) entrée en vigueur le 21 juin 1985 ;
• La Convention de Vienne sur la succession d'Etat en matière de traité du 23 août 1978
entrée en vigueur le 6 novembre 1996 ;
• La Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer ;
• La Convention de Vienne du 8 avril 1983 sur la succession d'Etat en matière de biens,
d'archives et de dettes, non encore entrée en vigueur ;
• La Convention de Vienne du 21 mars 1986 sur le droit des traités conclus entre Etats et
Organisations Internationales, et entre Organisations Internationales, non encore en
vigueur ;
• La Convention sur l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation du 21 mai 1997 ;
• La Convention de Vienne des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats
et de leurs biens du 2 décembre 2004 non encore en vigueur.
Cependant, l’Assemblée générale peut aussi confier la tâche de codification à des organes
ad hoc dénommés « comités spéciaux ». Parmi les comités spéciaux les plus importants à cet
égard, on peut citer le Comité spécial pour le droit de la mer, le Comité des pratiques
commerciales restrictives de la CNUCED. Ainsi, ce sont des comités spéciaux qui ont préparé
les déclarations de l'Assemblée Générale sur les principes régissant les relations amicales et la
coopération entre Etats adopté en 1970 et sur les Chartes des droits et devoirs économiques des

71
Etats en 1974. Il en va de même de la Convention de Montégo Bay qui a été élaborée par le
comité des fonds marins et qui est entrée en vigueur le 16 novembre 1994.

§ 2 - Les Principes Généraux de Droit

L'article 38, § 1, c) du Statut de la CIJ dispose que : « la Cour applique les principes
généraux reconnus par les nations civilisées ». Bien que l’expression « reconnus par les nations
civilisées » ait été critiquée dans le passé, elle est considérée, aujourd’hui, comme renvoyant
aux Etats en tant que tels. Cependant, l’expression « principe généraux de droit » peut revêtir
des sens multiples et variés. Par cette expression, on peut entendre, d’abord l’ensemble des
règles de droit régissant les rapports internationaux, c’est-à-dire, en fait, tout le droit
international. On peut aussi entendre par là des règles fondamentales du droit international
n’ayant de valeur ni coutumière, ni conventionnelle. Il peut aussi s’agir de l’ensemble des règles
politico-juridiques gouvernant les relations internationales contemporaines. On peut aussi
entendre par principes généraux de droit l’ensemble des principes communs aux grands
systèmes de droit contemporain et applicables à l’ordre international. Cette dernière définition
correspond aux principes visés par l’article 38 du Statut de la CIJ. Ces principes sont cependant
au cœur d’une controverse doctrinale quant à leur nature juridique (A), même si leur contenu
ne paraît plus aujourd’hui discuté (B).

A. Nature juridique des principes généraux de droit

Les principes généraux de droit ont toujours été au centre de nombreuses controverses
doctrinales portant notamment sur leur existence ou sur leur nature juridique. Pour certains
auteurs, en effet, notamment les auteurs soviétiques et Georges Scelle, n’existent pas en tant
que source autonome du droit international. Ils considèrent que les principes généraux de droit
sont une utopie. Mais, en réalité, ces auteurs visent les principes du Droit International, c'est-à-
dire les règles déduites de l'esprit des coutumes et des conventions en vigueur.
Pour d’autres auteurs, en revanche, ces principes sont une source subsidiaire et supplétive
du Droit International, car ils sont utilisés en l'absence de règles conventionnelles et
coutumières. Ils font partie du droit positif et se distinguent de la coutume et des traités. En
effet, ils ne sont pas induits à partir d'actes et de pratiques comme la coutume internationale,
mais à partir d'instruments juridiques internes comme les règles de preuve devant les tribunaux
internes. On dit alors que ce sont des principes in foro domestico. Ils se distinguent aussi des
principes du droit naturel. Ils constituent donc une source autonome du Droit International
Public.
L’existence des principes généraux en tant que source autonome du droit international est
confirmée par la lettre même de l’article 38, § 1, c) du Statut de la CIJ qui, en les visant
expressément à côté et en plus des autres sources que sont les traités et la coutume consacre
leur autonomie. Elle est également confirmée par la jurisprudence internationale qui invoque
fréquemment les principes généraux de droit à l’appui de sa démonstration, même si elle ne
vise pas expressément ceux consacrés par l’article 38, § 2, c) du Statut de la CIJ.

B. Contenu des principes généraux de droit

Au sens de l’article 38, § 1, c) du Statut de la CIJ, les principes généraux de droit sont des
principes communs aux différents systèmes juridiques nationaux et qui sont transposables dans

72
l’ordre juridique international. La jurisprudence internationale a consacré plusieurs principes
généraux de droit communs aux différents systèmes juridiques nationaux.
La plupart de ces principes sont communs à l'ordre juridique interne et à l'ordre juridique
international.
Les principes d'origine interne sont pour les principaux : les principes de la continuité de
l'Etat, de son indépendance, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, de la non-ingérence
dans les affaires intérieures de l'Etat, de l'égalité souveraine des Etats, de l'interdiction de la
menace ou de l'emploi de la force, etc.
Les principes généraux de droit reconnus en Droit International sont le principe de bonne
foi, de l'abus de droit, principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre faute
(Estoppel), le principe selon lequel toute violation d'un engagement international comporte
obligation de le réparer, le principe de la force majeure, de la prescription libératoire, du respect
des droits acquis et sur le plan procédural, l'autorité de la chose jugée, le principe selon lequel
nul ne peut être juge et partie, le principe selon lequel c'est au demandeur de prouver les charges
qu'il invoque contre le défendeur (actori incombit probatio), le paiement des dépens (frais du
procès).
Ces principes ne sont pas limitatifs.
Il existe des principes qui sont propres à l'ordre juridique international. C'est le principe de
la supériorité des traités sur le droit interne et le principe de l'épuisement des voies de recours
internes.
Le recours aux principes généraux de droit permet au juge international ou à l'arbitre de
combler les lacunes du Droit International et d’éviter de prononcer le non liquet (le déni de
justice), c'est-à-dire l'impossibilité de remplir sa mission contrairement au juge interne qui peut
et doit statuer même en cas de silence de la loi. Le juge interne doit donc statuer dans tous les
cas. Le juge international ne le pourrait pas sans habilitation expresse des sujets de Droit
International et en l'absence d'une réponse conventionnelle coutumière aux différends qui lui
est soumis, le juge ou l'arbitre international doit prononcer le non liquet.
Mais dans la pratique, les juridictions internationales appliquent sans hésiter les principes
généraux de droit, même en l'absence d'une habilitation.

§ 3 – L’équité

L'article 38, § 2 du Statut de la CIJ, permet aux juges de statuer ex aequo et bono, c'est-à-
dire. Ce mot vient du droit romain où l'équité était considérée comme un moyen pour le juge
de combattre les excès du formalisme juridique. Dans les pays de la common law, c'est un
pouvoir reconnu au juge, de formuler un corps de règles et de principes, destiné à compléter ou
à écarter l'application normale du droit. C'est l'equity qui est donc un véritable pouvoir normatif
pour la jurisprudence de ces pays.
En Droit International, l'équité est un moyen d'atténuer, de compléter et d'écarter
l'application du droit. Son rôle est donc très limité, et pour sa mise en œuvre, on distingue
généralement deux hypothèses. Elle peut être, en effet, mise en œuvre avec la volonté expresse
des parties (A) ou en dehors de leur accord (B).

73
A. Le recours à l'équité avec l'accord des parties

Deux parties peuvent prévoir dans le compromis par lequel elles saisissent un juge ou un
arbitre que celui-ci statuera sur la base de l'équité. Elles insèrent alors dans leur accord une
clause de jugement qui peut être formulée de plusieurs manières. Elles peuvent demander au
juge ou à l’arbitre de statuer « d’après les principes du droit et de l’équité » ou de statuer « ex
aequo et bono ». Une telle clause permet au juge de combler les lacunes du droit en s’appuyant
sur un système de référence pour le règlement du litige qui lui est soumis. Cependant, la
référence à l’équité ne va pas sans soulever de difficulté. Il se pose notamment la question de
savoir si le juge peut, sur la base de l’équité, écarter l’application du droit positif et,
éventuellement, statuer contra legem en élaborant une solution en toute indépendance et sans
référence à des règles de droit en vigueur. La doctrine est divisée sur ce problème. Mais, certains
auteurs que le juge ne peut statuer à l'encontre du droit positif que si les parties l’y ont
expressément autorisé. Mais, dans la pratique internationale, il n'existe aucune affaire dans
laquelle les parties ont demandé aux juges de statuer ex aequo et bono.
Par ailleurs, il peut arriver que le recours à l’équité soit prescrit par une convention. Certains
accords internationaux font, en effet, expressément référence à l’équité parmi les sources de
droit applicables aux différends issus de leur interprétation ou de leur application. Il en va ainsi,
notamment, de la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer qui contient
plusieurs dispositions invitant les parties aux litiges à recourir aux principes équitables. Ainsi,
en vertu de l’article 59 de la Convention, les conflits sur la zone économique exclusive devraient
être résolus sur la base de l’équité. De même, l’article 69 prévoit le droit des Etats sans littoral
de participer à l’exploitation des ressources halieutiques « selon une formule équitable ». Le
Mémorandum d’Accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends de
l’OMC mentionne également l’équité parmi les règles devant régir les différends commerciaux
opposant les Etats membres de l’Organisation.

B. Le recours à l'équité sans l'accord des parties

D’une manière générale, l’équité s’analyse comme une « qualité du droit » qui s’attache à
toutes les règles du droit international. Dans ce sens, elle s’avère nécessaire dans l’interprétation
des règles du droit international et le juge international peut y recourir, même en l’absence d’un
accord exprès des parties en litige.
Ainsi, il est admis que le recours à l’équité peut découler d’une règle coutumière. Dans
l'affaire du plateau continental de la mer du Nord rendue en 1969, la CIJ a jugé que, selon une
règle coutumière dont elle a constaté l'existence, la délimitation du plateau continental entre
Etats doit s'effectuer par accord selon des principes équitables. Mais elle n'a pas dit ce qui est
équitable, elle a seulement constaté ce qui serait inéquitable, c'est-à-dire en l'espèce,
l'application de la méthode de l'équidistance, méthode résultant de la Convention de Genève
sur le plateau continental en son article 6. L'équité apparaît ici comme une règle accessoire à la
règle de droit. Elle est aussi un moyen d'interprétation de la règle de droit.
Toutefois, la question de savoir si l’équité constitue une source du droit ou une règle du droit
international reste encore discutée en doctrine. Pour certains auteurs, l’équité constitue une
source du droit si elle autorise le juge à écarter l’application d’une règle de droit positif jugée
inéquitable. Pour d’autres auteurs, en revanche, l’équité n’est qu’une règle d’interprétation du

74
droit international qui ne saurait autoriser le juge à écarter l’application d’une règle de droit
positif et à créer une nouvelle norme juridique.

Section II - Les modes de formation volontaire

Outre les sources formelles du droit international prévues par l’article 38 du Statut de la CIJ,
la jurisprudence et la pratique internationales reconnaissent l’existence d’autres catégories
d’instruments internationaux qui se distinguent des traités et qui concourent à la formation des
règles du droit international. Constituant nouvelles sources du droit international, ces
instruments internationaux sont très hétérogènes dans leur forme, mais se caractérisent par
l’expression de la volonté de leurs auteurs de leur attacher des effets de droit. Ce sont des modes
de formation volontaires du droit international. Ils sont de deux catégories : les actes unilatéraux
(§ 1) et les actes concertés non conventionnels (§ 2).

§ 1 – Les actes unilatéraux

Les actes unilatéraux sont des manifestations de volonté émanant d'un seul sujet du droit et
tendant à créer des effets de droit. Ce sont des actes correspondant soit à des comportements
positifs d'un sujet de droit international, soit à un acte tacite.
Les actes unilatéraux ne sont pas mentionnés à l'article 38 du statut de la CIJ. Ils se
distinguent des traités en ce sens qu’ils résultent de la manifestation de volonté d’un seul sujet
du droit international. Ils se distinguent également des actes constatés non conventionnels qui
sont le fait de plusieurs sujets du droit international. Ils se caractérisent par leurs diversités.
Mais, leur normativité est souvent contestée et ils sont au centre d'une controverse sur leur rôle
véritable dans l'élaboration du droit international. On distingue les actes unilatéraux des Etats
(A) et les actes unilatéraux des Organisations Internationales (B).

A. Les actes unilatéraux des Etats

Bien qu’elle n’ait pas été prévue par l’article 38 du Statut de la CIJ, l’existence d’actes
émanant d’un Etat agissant seul et tendant à produire des effets de droit est largement établie
en droit international. Elle est consacrée par la jurisprudence internationale et la pratique des
Etats. La CPJI en a reconnu l’existence dans son arrêt rendu le 5 avril 1933 dans l'affaire du
statut juridique du Groenland oriental. Dans cette affaire, la CPJI a admis qu'une déclaration
purement verbale faite par le ministre des affaires étrangères norvégien, du nom d'Ihlen, à
l'ambassadeur danois en 1919, avait pu lier la Norvège.
Les actes unilatéraux des Etats sont très nombreux. Mais on peut les classer en deux
catégories : ceux qui sont liés à une prescription conventionnelle et ceux qui résultent de
comportements dans les rapports interétatiques et qui sont autonomes des traités.

1. Les actes unilatéraux fondés sur un texte conventionnel

Un Etat peut accomplir un acte unilatéral fondé sur un traité qui lui reconnaît un tel pouvoir.
Il en va ainsi, notamment, lorsqu'il adhère à un traité, lorsqu’il formule une réserve à un traité,
lorsqu'il dénonce ou se retire d'un traité, il effectue un acte unilatéral. Il en va ainsi également
lorsqu'il accepte la compétence obligatoire de la CIJ en vertu de l’article 36 de son Statut. La
validité de cet acte provient de la convention qui habilité l'Etat à agir ainsi.
75
En raison des engagements qu’ils génèrent, ces actes constituent, de toute évidence, des
sources de droit. Lorsqu’ils créent des droits et/ou des obligations pour leurs auteurs, la doctrine
les qualifie d’actes auto-normateurs. C’est le cas, par exemple, de l'Acte général de Berlin de
1885 qui imposait aux Etats parties de notifier toute nouvelle occupation coloniale sur le
continent africain aux puissances coloniales. Lorsque ces actes unilatéraux créent des droits
et/ou des obligations pour les Etats tiers, on les qualifie d’actes hétéro-normateurs.

2. Les actes unilatéraux autonomes

Ce sont des actes adoptés par des Etats en dehors de tout acte conventionnel. Leur validité
ne dépend donc pas d’un traité. Ils sont très nombreux et sont de nature et de portée juridique
différente. On peut distinguer, notamment, la protestation, la notification, la promesse, la
renonciation et la reconnaissance. Mais, de tous ces actes, la reconnaissance est sans doute l'acte
le plus important et le plus fréquent.
• La protestation : est un acte par lequel un Etat contester une situation ou un acte,
exprimant ainsi un désaccord avec l'auteur de cet acte. Il réserve de ce fait ses propres
droits face aux revendications d’un autre Etat ou à l’encontre d’une règle en voie de
formation. Mais, le fait pour un Etat de s'abstenir de protester contre la prétention d'un
autre Etat, peut être considéré comme une manifestation implicite de son consentement.
Ce fut l'attitude de la Thaïlande dans l'affaire du temple de Preah Vihear. La protestation
est importante lorsqu'il s'agit de prouver l'existence d'une coutume (cf. affaire Haya de
la Torre).
• La notification : est un acte par lequel un Etat porte à la connaissance des autres Etats
un fait, une situation ou un acte ayant des conséquences juridiques internationales.
Parfois prévu par un traité (Cas de l'Acte général de Berlin de 1885, qui exigeait la
notification de toutes occupations de territoires non encore appropriés), il peut aussi être
fait en dehors de tout traité.
• La promesse : c'est un engagement unilatéral par lequel un Etat s’engage à faire ou à
ne plus faire un acte déterminé. Il lie son auteur. Il ne peut pas créer des obligations à la
charge des Etats tiers. Ainsi, une déclaration par laquelle un Etat proclame sa neutralité
crée à sa charge toute une série d'obligations. En revanche, ces obligations doivent être
respectées par les Etats qui ont reconnu cette neutralité.
• La renonciation : est un acte par lequel un Etat abandonne un droit subjectif qu'il tenait
d'un titre juridique régulier. La renonciation ne se présume pas, elle doit être expresse.
C’est le cas, par exemple, de la renonciation par un Etat à son immunité de juridiction
dans un contrat international. C'est donc l'extinction irrévocable d'un droit
antérieurement détenu. Une fois ce droit abandonné, on ne peut plus s'en prévaloir par
la suite.
• La reconnaissance : est une manifestation de volonté qui consiste, pour un Etat, à
accepter les conséquences juridiques d'une situation donnée, d'une prétention
déterminée, ou d'un acte à la naissance duquel l'Etat auteur de la reconnaissance n'a pas
participé. La reconnaissance revêt plusieurs formes. On a la reconnaissance d'Etat, la
reconnaissance de gouvernement, la reconnaissance des Mouvements de Libération
Nationale, la reconnaissance de belligérance ou d'insurrection, la reconnaissance de
changement de frontière, la reconnaissance de l'annexion d'un Etat par un autre
(annexion de l'Ethiopie par l'Italie fasciste de Benito Mussolini). La reconnaissance
d'insurrection ou de belligérance a un caractère transitoire. Mais de toutes ces

76
reconnaissances, les plus significatives ont toujours été la reconnaissance d'un Etat
nouveau, et la reconnaissance d'un nouveau gouvernement. S’agissant d’abord de la
reconnaissance d’Etat, elle consiste, pour un Etat, à constater l’existence d’un autre Etat
et à en tirer les conséquences sur le plan du droit en ce qui le concerne. Elle constitue
donc un acte hautement politique qui peut servir la politique diplomatique de l’Etat qui
l’exerce comme en atteste la doctrine Hallstein, mise en œuvre par la RFA dans les
années 1950-1960. Quant à la reconnaissance de gouvernement, elle consiste, pour
l’Etat qui l’exerce, à reconnaître la légitimité d’un gouvernement et à marquer sa
disponibilité à travailler avec lui.

B. Les actes unilatéraux des Organisations Internationales

A l’instar des Etats, les organisations peuvent adopter, conformément à leur charte
constitutive, des actes unilatéraux en vue de la réalisation des missions et objectifs qui leur sont
assignés. Ces actes unilatéraux, qui sont adoptés par les organes compétents de ces
organisations, sont destinés soit à leurs propres organes, soit à leurs Etats membres et, parfois,
à des Etats non membres. Ils sont très diversifiés. Il peut s’agir de « résolutions », de
« recommandations », de « décisions », « d’avis consultatifs », « d’arrêts » ou de
« jugements ». Cependant, ces différents actes unilatéraux ne sont pas tous de même nature
juridique et n’ont pas tous la même portée juridique. Certains d’entre eux sont de véritables
actes juridiques susceptibles de produire des effets de droit pour leurs destinataires. D’autres,
par contre, apparaissent comme de simples recommandations visant à orienter les
comportements de leurs destinataires.
Selon la nature des organes qui les adoptent, ces actes unilatéraux peuvent être classés en
deux grands groupes : les actes juridictionnels et les actes non juridictionnels. Suivant leur
nature et leur portée juridiques, on distingue les actes unilatéraux non obligatoires et les actes
unilatéraux obligatoires. Les premiers sont généralement qualifiés de « décisions » et les
seconds de « recommandations ».

1. Les actes unilatéraux non obligatoires : les recommandations

Les recommandations sont des actes unilatéraux qui émanent généralement d’organes
intergouvernementaux et visent à proposer à leurs destinataires des comportements déterminés.
Ces actes sont très variés et reçoivent des dénominations variées. Il peut s’agir d’avis
consultatifs, de résolutions ou de recommandations. Leurs destinataires peuvent être les Etats
membres des organisations concernées, des Etats non membres ; des organes de ces
organisations ou encore d’autres organisations internationales.
Les recommandations des organisations internationales se caractérisent généralement par
leur caractère non obligatoire. Ce sont des actes juridiques non obligatoires qui ne sont pas
susceptibles d’engager juridiquement leurs destinataires. Leurs destinataires ne sont pas obligés
de s’y soumettre et, en cas de non-exécution, leur responsabilité internationale ne peut être
engagée. Il en va ainsi, par exemple, des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies
ou de celles du Conseil de sécurité adoptées en vertu du Chapitre VI de la Charte.
Toutefois, ces actes unilatéraux peuvent être politiquement contraignants et constituer de
véritables moyens de pression politique, obligeant ainsi leurs destinataires à les mettre en
œuvre. Au plan juridique, ils ne sont pas dépourvus de tout effet de droit et ont, parfois, un effet

77
juridique non négligeable. Ils peuvent, en effet, avoir une valeur normative et, dans certains cas
exceptionnels, avoir un caractère obligatoire.
Ainsi, compte tenu de leur objet et des circonstances de leur adoption, certaines
recommandations peuvent produire des effets de droit et avoir une certaine valeur juridique.
Comme l’a rappelé la CIJ dans son avis consultatif de 1996 sur la Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires, « les résolutions de l’Assemblée générale, même si elles n’ont pas
force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative ». Par conséquent, les Etats
membres destinataires de telles recommandations sont tenus, pour le moins, de les examiner de
bonne foi. De même, tout Etat destinataire est en droit d’en faire application et ne peut voir
engagée sa responsabilité internationale du fait de leur application. Par ailleurs, ces
recommandations peuvent être le point de départ de la formation de nouvelles règles
coutumières. A titre d’exemple, on peut citer les nombreuses résolutions de l’Assemblée
générale des Nations Unies adoptées sous forme de recommandations et qui sont devenues
progressivement de véritables sources d’obligations juridiques pour les Etats membres de
l’Organisation. Il s’agit, notamment, de la Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948 ; de la Déclaration relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux
de 1960, de la Déclaration relative à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
de 1962, de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant aux relations
amicales et la coopération entre les Etats de 1970 et de la Déclaration relative aux principes
régissant le fond des mers et des océans ainsi que leur sous-sol au-delà des limites de la
juridiction nationale de 1970.
Quant aux recommandations obligatoires, elles peuvent tirer leur force obligatoire soit dans
leur acceptation par leurs destinataires, soit dans le fait qu’elles se bornent à reprendre des
normes obligatoires. Ainsi, lorsqu’un Etat déclare qu’il accepte une résolution, celle-ci devient
obligatoire pour lui et l’engage au plan international. De même, lorsqu’une résolution se
contente de reprendre des règles coutumières, elle devient obligatoire, non pas par elle-même,
mais du fait de son contenu.

2. Les actes unilatéraux obligatoires : les décisions

Dans certains cas, les organisations internationales peuvent prendre des actes unilatéraux
obligatoires pour leurs destinataires. Ces actes lient alors leurs destinataires qui sont obligés de
les exécuter, sous peine de la mise en jeu de leur responsabilité internationale. En règle générale,
ces pouvoirs de décision des organisations internationales sont prévus par leur charte
constitutive. Mais, celle-ci est très souvent silencieuse quant à la nature et au régime juridique
des actes adoptés par les organes. Dans ce cas, les pouvoirs de décision des organes peuvent
découler des pouvoirs implicites qui leur sont reconnus.
Ainsi, de manière explicite ou implicite, toutes les organisations internationales disposent
des pouvoirs de décision nécessaires pour la réalisation des objectifs qui leur sont assignés par
leur charte constitutive. A ce titre, elles peuvent prendre des décisions visant leur bon
fonctionnement ou la réalisation de leurs activités extérieures. Ces décisions, qui peuvent avoir
une portée individuelle ou collective, peuvent concerner, par exemple, le recrutement du
personnel, le statut du personnel, le règlement intérieur des organes, le statut des organes
subsidiaires, le règlement financier ou le budget. Ils peuvent aussi concerner leurs activités en
destination des Etats membres, d’autres organisations internationales, voire des particuliers.
Ces différentes décisions sont de véritables actes juridiques internationaux qui lient les organes
78
qui les ont adoptés. La doctrine les qualifie d’actes auto-normateurs, en ce qu’ils engagent
directement les organisations internationales qui les ont adoptés.
Par ailleurs, certaines organisations internationales disposent de véritables pouvoirs de
décision qui leur permettent d’adopter des actes obligatoires pour leurs Etats membres et,
parfois, pour les Etats non membres. Il en va ainsi, notamment, du Conseil de sécurité des
Nations Unies, lorsqu’il agit en vertu du Chapitre VII de la Charte. Le Conseil de Sécurité peut,
selon la Charte, prendre des décisions en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationale, au titre du chapitre VII de la Charte, parce que l'article 24 dudit texte (la charte)
lui confère la responsabilité principale en cette matière. Dans le cadre de ce chapitre, son action
est autoritaire et ses décisions ont une valeur juridique contraignante pour tous les membres de
l'organisation. Ce pouvoir de contrainte apparaît lorsque le Conseil de Sécurité ordonne,
prescrit, donne l'ordre, décide et exige. Ainsi, c'est par voie de résolution au titre de ce chapitre,
qu'il a créé les tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie (résolution 827
du 25 mai 1993) et pour le Rwanda (résolution 955 du 8 novembre 1994). C’est aussi sur la
base du Chapitre VII de la Charte qu’il a adopté la résolution 1373 du 28 septembre 2001 sur
la lutte contre le terrorisme mondial, suite aux évènements du 11 septembre 2001 (World Trade
Center). Cette résolution inédite, qui est actuellement le seul instrument normatif de lutte contre
le terrorisme, en l'absence de convention universelle affirme que l'obligation de lutte contre le
terrorisme est une obligation impérative pour la Communauté internationale.
Ces différentes résolutions, qui sont prises dans le cadre des mesures de sécurité collective
ou de police internationale, s’analysent comme de véritables décisions exécutoires.
Le pouvoir d’adoption d’actes unilatéraux obligatoire est également reconnu à des
organisations d’intégration économique régionale telles que l’Union européenne et la
CEDEAO. Ces organisations disposent, en effet, en vertu de leur charte constitutive, de
pouvoirs leur permettant de prendre des décisions obligatoires pour leurs Etats membres. Ces
actes, qui peuvent avoir une portée individuelle ou collective, peuvent revêtir la forme de
décision, de règlement ou de directive.
Dans le cadre de l’Union européenne, par exemple, les décisions sont des actes obligatoires
qui s’adressent à un ou plusieurs Etats membres ou à des particuliers qui sont tenus de les
respecter. La décision est obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne.
Les règlements et les directives ont une portée générale et s’adressent à tous les Etats membres.
Le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tout Etat
membre. La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en
laissant aux instances nationales la compétence à la fois quant à la forme et aux moyens à mettre
en œuvre pour la réalisation des objectifs qu’elle fixe.

§ 2 - Les actes concertés non conventionnels

Dans leurs relations, les Etats négocient fréquemment des instruments qui, sans être des
traités, n’en sont pas moins destinés à orienter ou régir leurs comportements. Qualifiés par la
doctrine anglo-saxonne de « gentlemen’s agreements » ou de « non-binding agreements », ces
actes ne figurent pas dans la liste des sources du droit international de l’article 38 du Statut de
la CIJ. Ils sont, désormais, connus sous la dénomination d’actes concertés non-conventionnels.
Issus le plus souvent de concertations entre sujets de droit international, ils ne sont pas soumis
au droit des traités et ne créent pas directement d’obligations juridiques pour leurs auteurs. Pour

79
autant, ils n’en jouent pas moins un rôle politique important (A) et peuvent constituer, dans une
certaine mesure, une source du droit international (B).

A. Importance des actes concertés non conventionnels

Michel Virally définit le « gentlemen’s agreement » comme « un accord entre dirigeants


politiques qui ne lie pas les Etats qu’ils représentent sur le plan du droit, mais dont le respect
s’impose à ses signataires comme une question d’honneur ou de bonne foi ». Il s’agit donc
d’instruments issus de négociations entre personnes habilitées à engager l’Etat au plan
international et qui sont destinés à régler les relations entre les Etats concernés, sans pour autant
les engager juridiquement.
Adoptés dans des circonstances très diverses, ces actes revêtent des formes hétérogènes et
reçoivent des dénominations très variées : communiqués communs, communiqués conjoints,
actes finals, protocoles, chartes, mémorandums, ou codes de conduite. Certains d’entre eux sont
élaborés dans le cadre des organisations internationales, à la suite de rencontres organisées par
les organes compétents. C’est le cas, notamment, des communiqués finals qui sanctionnent une
rencontre statutaire d’une Conférence de Chefs d’Etat. D’autres sont adoptés à la suite de
négociations diplomatiques classiques, bilatérales ou multilatérales. Il en va ainsi, par exemple,
de l’Acte final d’Helsinki du 1er août 1975 de la Conférence pour la sécurité et la coopération
en Europe (CSCE) ou de la Charte de Paris du 21 novembre 1990 pour une nouvelle Europe.
Ces actes revêtent une grande importance politique pour leurs auteurs, dans la mesure où ils
permettent de régler entre eux des problèmes politiques qui ne peuvent être nécessairement
appréhendés sous l’angle du droit. Ils peuvent se révéler très utiles, par exemple, pour les
négociations en matière de désarmement, comme le montre la Déclaration américano-
soviétique du 5 mai 1971 qui a servi de base pour la négociation de l’Accord SALT I. Ils jouent
également un rôle important en matière de paix et de sécurité, ainsi que le démontrent l’Acte
final d’Helsinki de 1975, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe de 1990 et la Déclaration
introductive du Pacte de stabilité en Europe de 1995.
Les actes concertés non-conventionnels sont très largement utilisés dans les relations
internationales contemporaines et exercent un attrait croissant sur les Etats, notamment en
raison de leur grande souplesse et de leur adaptation aux conditions mouvantes de la vie
internationale. L’expérience montre que ces instruments ne sont pas moins respectés que les
traités internationaux et qu’ils peuvent s’avérer particulièrement efficaces pour régler certains
types de rapports internationaux. Ils suscitent cependant de vives controverses quant à leur
nature et à leur portée juridiques.

B. Nature et portée juridiques des actes concertés non-conventionnels

Les gentlemen's agreements sont des accords politiques contenant des engagements
politiques et moraux, mais qui ne lient pas les Etats sur le plan du droit. Ils ne sont pas soumis
au droit des traités, et en particulier à la règle fondamentale qui le sous-tend, à savoir le principe
Pacta sunt servanda. Contrairement aux traités, qui sont obligatoires, les actes concertés non-
conventionnels ne sont pas obligatoires. Par conséquent, ils ne lient pas juridiquement les Etats
qui en sont les auteurs. Leur non-respect n’engage pas la responsabilité internationale de leurs
auteurs et ne peut faire l’objet d’un recours juridictionnel. Ils n’ont pas non plus vocation à être

80
enregistrés auprès du Secrétariat général des Nations Unies, pas plus qu’ils n’ont vocation à
être introduits dans les ordres juridiques nationaux.
Il s’agit donc d’actes juridiques non-obligatoires. Toutefois, ils ne sont pas dépourvus de
tout effet juridique et ont une portée juridique non-négligeable. De nombreux auteurs
reconnaissent, en effet, que les actes concertés non-conventionnels lient les Etats auteurs qui
doivent les examiner de bonne foi et ne peuvent plus se prévaloir d’un comportement contraire,
en vertu du principe de l’estoppel. Ces auteurs soutiennent également que la conclusion des
actes concertés non-conventionnels empêche les Etats signataires d’invoquer l’exception de
compétence pour se soustraire à leurs engagements politiques. De surcroît, pour eux, les actes
concertés non-conventionnels ont une valeur permissive et permettent ainsi à leurs signataires
de s’en prévaloir dans leurs relations futures.
Au regard des effets de droit qu’ils sont susceptibles de produire, certains auteurs en
déduisent que les actes concertés non conventionnels constituent de nouvelles sources du droit
international. Même si cette idée est largement controversée, il n’en demeure pas moins que la
plupart des auteurs reconnaissent que les actes concertés non conventionnels peuvent servir de
précédents pour la formation de règles coutumières et que, dans certains cas, ils peuvent
contenir des règles obligatoires. Dans ces derniers cas, le caractère obligatoire desdites normes
ne provient pas des actes concertés eux-mêmes, mais du fait qu’ils se bornent à reprendre des
règles coutumières préexistantes. Toutefois, la reprise de ces règles dans les actes concertés non
conventionnel peut contribuer à en préciser le contenu et la portée. Il en est ainsi, par exemple,
de l’Acte final d’Helsinki ou de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe.
En pratique cependant, le contenu d’un acte concerté non conventionnel peut avoir une force
obligatoire pour les Etats qui l’acceptent, soit par un acte unilatéral, soit en vertu d’une décision
d’une organisation internationale et rien n'interdit qu'un communiqué conjoint soit considéré
par les Etats comme un accord international, le droit des traités étant peu formaliste.

Section III – Les moyens de détermination de la règle de droit

En droit international, il est généralement admis que ni la doctrine, ni la jurisprudence ne


peuvent créer des règles de droit et ne constituent donc pas des sources du droit international.
La doctrine et la jurisprudence internationale reconnaissent qu’elles ne peuvent qu’en prouver
l’existence. L'article 38, §1, d) du Statut de la CIJ confirme cette approche en disposant que : «
sous réserve de la disposition de l'article 59 du statut, les décisions judiciaires et la doctrine
des publicistes les plus qualifiés des différentes nations sont considérés comme moyens
auxiliaires de déterminations des règles de droit ». La doctrine (§ 1) et la jurisprudence (§ 2)
apparaissent donc comme des moyens de détermination du droit. Elles jouent cependant un rôle
secondaire par rapport aux traités et aux coutumes.

§ 1 - La doctrine

Au sens de l’article 38 du Statut de la CIJ, la doctrine désigne les opinions émises par
« publicistes les plus qualifiés des différentes nations » sur les différentes questions de droit
international. Il s'agit sans doute des opinions individuelles prises par les auteurs des différentes
nations, qu’il s’agisse d’éminents professeurs de droit public ou de praticiens qualifiés du droit
international. Ces opinions peuvent être émises dans un cadre purement académique ou dans le

81
cadre d’une procédure internationale, à travers des travaux individuels ou collectifs. Ainsi, des
travaux individuels d’éminents auteurs ont eu parfois une influence déterminante dans la
formation de certaines règles du droit international.
Cependant, il peut s’agir aussi des opinions émises par les sociétés savantes qui engagent
des réflexions sur des questions déterminées du droit international et dont les travaux peuvent
avoir des influences décisives sur la formation de règles du droit international. Il en va ainsi,
par exemple, des travaux de l’Institut de Droit international (IDI), de l’Association de droit
international (International Law Association), de l’Université de Harvard ou de l’Académie de
droit international de la Haye, dont les conclusions ont parfois contribué à la formation du droit
international.
Par ailleurs, les opinions individuelles et dissidentes des juges des tribunaux internationaux
comme la CIJ peuvent également contribuer à la détermination des règles du droit international.
Une opinion individuelle est celle d'un juge qui accepte le dispositif d’un arrêt, mais qui en
rejette le motif ; ce type d’opinion lui permet à la fois de justifier son désaccord et de faire
connaître les raisons pour lesquelles il accepte le dispositif. L'opinion dissidente est celle d'un
juge minoritaire qui s’oppose à la fois au motif et au dispositif de l'arrêt. Ces opinions
individuelles et dissidentes peuvent exprimer des positions doctrinales qui peuvent inspirer
l’émergence de règles de droit.
Les organes consultatifs des organisations internationales peuvent aussi être à la base de
réflexions doctrinales susceptibles de contribuer à la formation du droit international. Il en va
ainsi, notamment, de la Commission du droit international (CDI) dont les travaux constituent
souvent des références sur lesquelles s’appuient souvent des juridictions internationales pour
statuer sur des différends qui leur sont soumis. Il en va de même de la Commission des Nations
Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).
Ainsi, sans être une source du droit international, la doctrine apparaît comme un moyen
auxiliaire de détermination de ses règles.

§ 2 - La jurisprudence

La jurisprudence est constituée de l’ensemble des décisions juridictionnelles internes et


internationales.
Dans les pays de tradition anglo-saxonne, la jurisprudence est une source directe du droit car
ces pays sont liés par les précédents en vertu de la règle du stare decisis selon laquelle les
décisions des cours inférieures sont liées par les décisions de principe des cours supérieures. En
Droit International, la jurisprudence n'est pas une véritable source du droit, car les tribunaux
internationaux appliquent le droit, mais ne le créent pas. En effet, les décisions des juridictions
internationales n’ont une portée obligatoire que pour les parties aux litiges qui leur sont soumis
et ne sont revêtues que de l’autorité relative de la chose jugée.
Toutefois, en visant la jurisprudence comme un moyen auxiliaire de détermination des règles
de droit, l’article 38 du Statut de la CIJ admet qu’elle joue un rôle important dans la formation
des règles du droit international.
Ainsi, la jurisprudence peut servir de précédent et contribuer à la formation d’une règle
coutumière. A ce titre, les décisions des juridictions juridictionnelles peuvent être invoquées
devant les juridictions internationales. D’ailleurs, les juridictions internationales se réfèrent

82
fréquemment à leurs décisions antérieures pour fonder ou illustrer leur opinion. Dans son avis
consultatif de 1954 sur les effets des jugements du Tribunal administratif des Nations Unies, la
CIJ a fait expressément référence à son avis consultatif de 1949 dans l’affaire du Comte
Bernadotte.
De même, la jurisprudence peut constituer une source d’inspiration dans l’œuvre de
codification des règles coutumières. Il arrive, en effet, qu'une convention internationale
reprenne expressément un passage d'une décision rendue par le juge international, et qui n'avait
que l'effet relatif de la chose jugée. Ainsi, la convention de Montego Bay de 1982 sur le
Nouveau droit de la mer a repris un passage de l'arrêt rendu dans l'affaire du plateau continental
de la mer du Nord en 1969. La jurisprudence de la CIJ a largement inspiré la CDI, notamment,
dans la codification du droit de la mer et du droit des traités.
Par ailleurs, les juridictions internationales peuvent jouer directement un rôle dans la création
de normes générales d’interprétation des traités, dans l’application de l’équité ou dans
l’élaboration des règles coutumières.

83
TITRE II : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL

En droit, les sujets de droit international sont des membres de la communauté internationale
qui sont directement destinataires des normes du droit international. Un membre de la
communauté internationale est un sujet de droit international, et inversement. Les sujets de droit
international disposent de la personnalité juridique internationale. La personnalité juridique
internationale est l’aptitude reconnue à une entité d’exercer des droits et d’être soumis à des
obligations découlant du droit international.
La doctrine classique, favorable à une conception exclusivement interétatique du droit
international et de la communauté internationale ne reconnaissait que l’Etat comme membre de
la communauté internationale et donc comme sujet de droit international. A l’opposé, la
doctrine objectiviste a soutenu que seuls les individus ont vocation à être des sujets de droit
international. Cependant, l’apparition et le développement des organisations internationales,
ainsi que l’affirmation des individus dans la communauté internationale, ont infirmé ces deux
doctrines.
Aujourd’hui, la doctrine admet que les Etats et les organisations internationales sont des
sujets de droit international. En revanche, la qualité de sujet de droit international des individus
reste toujours controversée.
Comme l’affirme la Cour internationale de justice dans son avis consultatif du 11 avril 1949
relatif à la Réparation des dommages au service des Nations Unies (affaire du Comte
Bernadotte), « Les sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement
identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits ». Autrement dit, les divers sujets
de droit, en droit international, n’ont pas une personnalité juridique identique, c’est-à-dire qu’ils
ne jouissent pas des mêmes droits et qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations.
Historiquement, les sujets du droit international sont apparus progressivement et se sont
imposés en fonction des besoins et des nécessités de la société internationale. De plus, l’étendue
de leur personnalité juridique et l’étendue de leurs droits et obligations ne sont ne sont pas
immuables. En effet, alors que certains sujets du droit international ont vu leurs compétences
diminuer au fil du temps, d’autres, en revanche, ont vu leurs compétences s’accroître
progressivement.
C’est ainsi qu’à côté des Etats, sujets originaires du droit international disposant d’une
plénitude de compétences (Chapitre 1), sont apparus les organisations internationales, qui
disposent de compétences spécialisées (Chapitre 2), puis les individus, qui ont des compétences
limitées ou marginalisées (Chapitre 3).

84
CHAPITRE 1 : LES SUJETS A PLENITUDE DE COMPETENCE : LES ETATS

Sujets originaires du droit international, les Etats sont des sujets privilégiés du droit
international et les principaux acteurs des relations internationales. Ils disposent de la plénitude
des pouvoirs et ne tiennent leur existence légale d’aucun autre sujet de droit, mais de l’ordre
juridique lui-même. C’est la différenciation principale entre l’Etat et tous les autres sujets du
droit international. Les autres sujets du droit international tirent leur légalité de l’Etat.
Cette situation dominante de l’Etat dans l’ordre juridique international s’explique à la fois
par des raisons historiques et des raisons structurelles. En effet, historiquement, les Etats ont
été les premiers sujets du droit international et considérés comme les seuls sujets du droit
international classique. Sur le plan structurel, les Etats possèdent des caractéristiques que ne
peuvent avoir les autres sujets du droit international, à savoir : l’existence d’un territoire, la
possession d’une population et d’un gouvernement et la possession de la souveraineté.
La création et l’existence des Etats sont des faits historiques qui ne dépendent pas du droit
international. Le droit international ne crée pas les Etats. Toutefois, il définit les critères de
l'existence d’un Etat et l’étendue de ses compétences.
Il convient, d’abord, de définir la notion d’Etat et de déterminer ses attributs (Section I),
avant d’indiquer ses compétences (Section II) et d’analyser les modalités de formation et de
transformation de l’Etat (Section III).

Section I – Définition et attributs de l’Etat

L’Etat est un phénomène historique, sociologique et politique, pris en compte par le droit (§
1). Il se caractérise par la souveraineté (§ 2).

§ 1 – Définition de l’Etat

L’Etat est une personne morale à la fois de droit interne et de droit international. Mais, c’est
la personne morale de droit international qui nous intéresse ici. L’Etat est une personne morale
dont l’existence ne dépend pas d’un acte juridique mais de sa seule situation factuelle. Si un
Etat existe dans les faits, il existe automatiquement en droit. Il n’a pas besoin d’autre condition.
Il existe cependant des conditions factuelles à l’existence de l’Etat : c’est l’existence d’une
organisation politique indépendante, sur un espace donné dans lequel vit une population. A cet
égard, la doctrine est unanime pour estimer qu’une collectivité humaine ne peut être considérée
comme un Etat que si elle dispose d’un territoire, d’une population et d’une autorité politique.
Dans son avis consultatif n° 1 du 29 novembre 1991, la Commission d’arbitrage de la
Conférence Européenne pour la paix en Yougoslavie, qui donne une définition de l’existence
factuelle d’un Etat, affirme que « l’Etat est communément défini comme une collectivité qui se
compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir organisé. Il se caractérise par
la souveraineté, la reconnaissance par les autres Etats à des effets purement déclaratoires.
L’existence ou la disparition de l’Etat est une question de pur fait ».
Cette définition de l’Etat a un caractère quelque peu tautologique. Toutefois, elle se révèle
très utile pour distinguer les Etats des autres sujets ou acteurs du droit international, en ce qu’elle
donne les éléments constitutifs de l’Etat.
85
§ 2 – Les éléments constitutifs de l’Etat

Les éléments constitutifs de l’Etat sont en réalité les conditions de l’existence d’un Etat. La
doctrine et la jurisprudence s’accordent pour reconnaître qu’un Etat existe lorsqu’il réunit trois
conditions : un territoire (A), une population (B) et un gouvernement (C). Il s’agit là de trois
conditions de fait nécessaires pour acquérir juridiquement la qualité d’Etat. C’est une règle de
droit qui érige ces données factuelles en faits-conditions de la qualité d’Etat.

A. Le territoire

L’existence d’un Etat est, avant tout, subordonnée à l’existence d’un territoire. Il ne peut y
avoir donc d’Etat sans territoire. L’Etat s’appuie sur un espace territorial que le droit
international consacre en tant que son territoire. Il suffit qu’un territoire existe pour qu’un Etat
existe. Les caractéristiques physiques de ce territoire, son étendue, sa continuité, sa géologie
importent peu. Il n’est pas nécessaire que le territoire ait une dimension importante ou qu’il
forme un seul bloc géographique pour qu’un Etat puisse exister. Le droit international reconnaît
aussi bien des micro-Etats que des Etats archipélagiques. Peu importe aussi que les frontières
de ce territoire ne soient pas clairement établies. Du moment que l’existence elle-même d’un
territoire n’est pas contestée, l’Etat existe.
Le territoire d’un Etat est l’espace géographique où s’applique son pouvoir, c’est-à-dire
l’ensemble des compétences déduites de sa souveraineté. Le territoire d’un Etat se compose
généralement de son territoire terrestre, de son espace aérien et de ses espaces maritimes.
Certains espaces territoriaux sont cependant soustraits à toute appropriation étatique et
constituent, de ce fait, des espaces internationaux.

1. Le territoire terrestre

Le territoire terrestre sur lequel l’Etat exerce sa pleine souveraineté est composé par
l’ensemble des terres émergées ainsi que par les cours d’eau, les lacs et les fleuves qui se
trouvent à l’intérieur de ses frontières.
Le territoire terrestre d’un Etat est délimité par les frontières. La délimitation du territoire
étatique est certes utile pour prévenir des conflits entre Etats limitrophes. Mais, elle n’est pas
juridiquement nécessaire et elle est souvent tardivement réalisée. L’absence de délimitation ou
l’imprécision des frontières ne constitue pas une objection à la reconnaissance de l’existence
d’un Etat (Cf. Arrêt CIJ du 20 février 1969, affaire du Plateau continental de la mer du Nord,
Rec. 1969, § 46).
La délimitation des frontières entre deux Etats se fait de deux manières :
• Soit par un accord passé entre les deux Etats voisins.
• Soit, si les Etats n’arrivent pas à trouver un tel accord et qu’ils consentent à la juridiction
d’un juge international, par le juge international.

2. Le territoire aérien

Le territoire aérien est l’espace aérien sur-jacent l’espace terrestre et l’espace maritime. Le
territoire aérien est une dépendance du territoire terrestre.

86
Utilisation de méthodes fonctionnelles pour savoir jusqu’où s’arrête l’espace aérien : ce sera
la hauteur jusqu’à laquelle un avion peut voler. Le reste ce sera l’espace extraatmosphérique.

3. Les espaces maritimes

Les espaces maritimes de l’Etat sont les zones maritimes soumises à sa souveraineté. Ce sont
les eaux intérieures et la mer territoriale.
• Eaux intérieures : elles sont une dépendance du territoire terrestre. Ce sont toutes les
eaux maritimes qui se trouvent à l’intérieur des lignes de base de l’Etat.
• La mer territoriale : elle est constituée par la zone maritime adjacente aux eaux
intérieures sur laquelle s’étend la souveraineté de l’Etat. L’article 2 de la Convention de
Montego Bay sur le droit de la mer de 1982 précise que cette souveraineté s’étend à
l’espace aérien au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu’au fond de cette mer et à son
sous-sol. La mer territoriale constitue l’accessoire et le prolongement du territoire
terrestre. Très tôt revendiquée par les Etats pour des raisons de sécurité, sa largeur a été
fixée par la Convention de Montego Bay à 12 milles marins à partir de la ligne de base
établie conformément à la Convention (1 mille marin vaut 1852 m), après plusieurs
évolutions successives. En vertu de cette règle, chaque Etat est libre de fixer la largeur
de sa mer territoriale comme il l’entend, mais cette largeur ne saurait dépasser 12 milles
marins. Il y exerce sa pleine souveraineté, sous réserve du droit de passage inoffensif
des navires étrangers, consacré par les articles 17 à 32 de la Convention de Montego
Bay.
D’autres zones maritimes ne font pas partie du territoire de l’Etat, mais celui-ci y exerce
certains droits souverains. Il s’agit de :
• la Zone économique exclusive (ZEE) : résultat d’un compromis inégal entre les
attentes des Etats côtier et celles des Etats sans littoral, la ZEE est l’aboutissement d’une
longue évolution favorisée par les appétits territoriaux des Etats côtiers. Elle est
consacrée par l’article 57 de la Convention de Montego Bay qui en fixe l’étendue à 200
milles marins à partir de la ligne de base (soit 188 milles marins pour les Etats qui ont
établi une mer territoriale de 12 milles marins). Les Etats ne disposent pas sur leur ZEE
au-delà de la mer territoriale de droits souverains, mais, ils y exercent des droits
économiques très étendus énumérés par l’article 58 de la Convention : les libertés de
navigation et de survol, la liberté de poser des câbles et des pipelines sous-marins.
• le Plateau continental : il s’agit de la plate-forme bordant sous la mer les continents,
s’inclinant en pente douce et s’arrêtant à l’endroit où l’eau qui la recouvre atteint les
grandes profondeurs, c’est-à-dire 200 m. Consacré par l’article 76 de la Convention de
Montego Bay, le Plateau continental comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà
de la mer territoriale sur toute l’étendue du territoire terrestre jusqu’au rebord externe
de la marge continentale, sans dépasser la limite de 200 milles marins. En principe,
chaque Etat délimite unilatéralement son plateau continental. Toutefois, lorsque les
côtes sont adjacentes ou se font face, les Etats doivent délimiter leur plateau continental
par voie d’accord ou en recourant à une juridiction internationale. L’Etat côtier dispose
sur son plateau continental de droits souverains et exclusifs qui s’étendent aussi bien sur

87
le plateau continental lui-même que sur les ressources naturelles qu’il contient. Ces
droits sont cependant limités à la seule exploitation du plateau continental et de ses
ressources naturelles et s’exercent dans le respect de la liberté de navigation dans les
eaux surjacentes et de la liberté de survol sur l’espace aérien surplombant la zone,
reconnues aux autres Etats.

4. Les espaces internationaux

Au-delà des limites des espaces territoriaux reconnus aux Etats, il existe des espaces
insusceptibles d’appropriation étatique et qui constituent des espaces internationaux. Sans être
des biens vacants (res nullius) dont pourrait s’emparer le premier occupant, ces espaces
constituent des biens communs (res communis) dont tous les Etats peuvent jouir, sans s’en
approprier. Ces zones non appropriées et non appropriables par les Etats sont soumises à un
régime de liberté d’utilisation. Trois types d’espaces internationaux sont actuellement consacrés
par le droit international. Il s’agit des espaces terrestres non-étatiques, de la Haute mer et de la
Zone, ainsi que de l’espace extra-atmosphérique.
• Les espaces terrestres non-étatiques : il s’agit essentiellement de l’Antarctique,
continent recouvert de glace qui a fait dans le passé l’objet de compétitions territoriales
très vives. Sur initiative des Etats-Unis, le Traité de Washington du 1er décembre 1959
lui confère un régime international spécial qui gèle toutes les revendications
territoriales. L’Antarctique est désormais « réservée aux seules activités pacifiques »,
en particulier celle de recherche scientifique.
• La Haute mer et la Zone : La Haute mer et la Zone sont des espaces internationaux
consacrés par la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer qui les soustrait de
toute appropriation étatique.
o La Haute mer : c’est l’espace maritime qui s’étend au-delà des zones
maritimes soumises à la souveraineté des Etats ou à leurs droits souverains. Elle
comprend donc toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la
ZEE, ni dans la mer territoriale, ni dans les eaux archipélagique des Etats. Elle
concerne uniquement les espaces maritimes ainsi définis, à l’exclusion du sol et
du sous-sol qui relèvent soit de la Zone, soit du plateau continental. Elle échappe
à toute appropriation étatique et est soumise à un régime de liberté comprenant
notamment la liberté de navigation, la liberté de survol, la liberté de pêche, la
liberté de pose de câbles sous-marins et la liberté de recherche scientifique.
Cependant, si la Haute mer ne peut faire l’objet d’aucune appropriation étatique,
les richesses qu’elle contient sont susceptibles d’appropriation étatique. En
outre, chaque Etat y exerce des pouvoirs de police sur les navires battant son
pavillon.
o La Zone : il s’agit des fonds des mers et des océans situés au-delà des limites
des juridictions étatiques. Consacrée par la partie XI de la Convention de
Montego Bay (art. 133 à 191), la Zone et ses ressources sont déclarées
« patrimoine commun de l’humanité » (art. 136). Elles sont soustraites à toute
appropriation étatique et sont soumises un régime juridique international
gouverné par trois règles fondamentales : la non-appropriation, l’utilisation

88
pacifique et l’exploitation dans l’intérêt commun de l’humanité. La Convention
organise un système international d’exploitation des fonds marins et de leurs
richesses sous les auspices d’une organisation internationale appelée
« l’Autorité internationale des fonds marins », dotée de pouvoirs de décision
très étendus et comprenant un organe opérationnel original dénommé
« l’Entreprise ».
• L’espace extra-atmosphérique : il s’agit de l’espace situé au-delà de l’atmosphère
terrestre, y compris la lune et les autres corps célestes. Il a été réglementé par le Traité
sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation
de l’espace atmosphérique y compris la Lune et les autres corps célestes, adopté par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 27 janvier 1967 (Convention de Londres,
Moscou, Washington). Contrairement aux grands fonds marins, qui ont été déclarés
patrimoine commun de l’humanité, l’espace extra-atmosphérique, à l’exception de la
lune et des autres corps célestes, ne jouit pas de ce statut. A l’instar de la Haute mer, il
est donc soumis à un régime d’internationalisation qui se caractérise par l’application
de deux principes : la non-appropriation étatique et la liberté d’utilisation. Quant à la
Lune et aux autres corps célestes, leur statut juridique est précisé par l’Accord régissant
les activités sur la Lune et les autres corps célestes du 18 décembre 1979 qui établit un
régime juridique spécifique. En vertu de ce régime, la Lune et les autres corps célestes
ne peuvent être utilisés qu’à des fins pacifiques et leur exploration et leur utilisation
sont « l’apanage de l’humanité tout entière » (articles 3 et 4). En outre, l’Accord
reconnaît que leurs « ressources naturelles constituent le patrimoine commun de
l’humanité » (article 11).

B. La population

Un Etat est, avant tout, une collectivité humaine. Il ne peut y avoir d’Etat sans population.
La dimension humaine de l’Etat est une condition essentielle pour l’existence de l’Etat.
Toutefois, la notion de population n’est pas aisée à appréhender. Comme pour le territoire, de
même pour la population, il n’y a pas de caractéristiques ou de conditions légalement
déterminées. Ainsi, tant qu’il y a une collectivité humaine, localisée à l’espace territoriale, le
fait-condition population est rempli.

1. Définition de la population

Au sens large, la population de l’Etat comprend tous les habitants qui vivent et travaillent
sur son territoire. Il s’agit là d’une donnée géographique et démographique qui apparaît à la fois
comme trop large et trop restreinte sur le plan juridique. Cette définition de la notion de
population est, en effet, trop large, parce qu’elle inclut les étrangers qui vivent sur le territoire
de l’Etat, mais qui n’ont pas renoncé à leur nationalité d’origine. Elle est également trop
restrictive, en ce sens qu’elle ne prend pas en compte les ressortissants de l’Etat qui vivent à
l’étranger et qui continuent à participer à la vie de leur Etat d’origine.
Au sens juridique, la population est plutôt entendue comme l’ensemble des individus
rattachés de façon stable à l’Etat par un lien juridique, le lien de nationalité, et sur lesquels l’Etat
exerce sa souveraineté. Il s’agit de de l’ensemble des nationaux. La nationalité crée une

89
allégeance personnelle de l’individu envers l’Etat national. Elle fonde la compétence
personnelle de l’Etat qui l’autorise à exercer certains pouvoirs sur ses nationaux où qu’ils se
trouvent.
En tant qu’élément constitutif de l’Etat, la population s’identifie, en principe, aux nationaux
de l’Etat. Toutefois, à cette population s’ajoutent également les étrangers qui s’installent
durablement sur le territoire étatique, les réfugiés ayant obtenu l’asile par l’Etat, les apatrides.
Chaque Etat détermine souverainement les conditions d’acquisition de sa nationalité. Le
droit international renvoie au droit national en la matière. Il existe par conséquent plusieurs
politiques d’acquisition de la nationalité. Les plus communes sont celle du jus sanguinis (droit
du sang) et celle du jus soli (droit du sol) auxquelles s’ajoutent la naturalisation et l’attribution
de la nationalité par le mariage ou la filiation (adoption par exemple).

2. La distinction entre population, nation et peuple

L’Etat existe même si les individus entre eux n’ont aucun lien. Une fois qu’il existe, il peut
avoir des diversités dans sa population. A cet égard, le droit international ne fixe aucune règle.
La population de l’Etat peut correspondre à une nation ou à un peuple. Elle peut aussi comporter
deux ou plusieurs nations ou peuples. La notion de population ne suffit donc pas à couvrir toutes
les réalités prises en compte par le droit international. Celui-ci privilégie tantôt la notion de
population au sens large et tantôt celle de population au sens restreint, en tant que fait
sociologique, symbolisé par la nation ou le peuple, qui suppose une certaine homogénéité de la
population.
Plusieurs modèles existent en droit international :
• Le modèle le plus courant en Europe est celui de l’Etat-nation. C’est un concept
européen selon lequel la nation désigne un groupe de personnes qui appartiennent de
manière volontaire à une collectivité et qui sont unies par des caractéristiques objectives
communes : une volonté commune de vivre ensemble, une communauté historique, une
homogénéité linguistique, raciale ou culturelle ;
• Il existe aussi des Etats multinationaux : dans ces Etats, il existe plusieurs groupes
nationaux distincts. Ex : la Belgique, le Canada, l’Inde, les Etats-Unis, l’Afrique du
Sud. Contrairement à celle de l’Etat-nation, la population d’un Etat multinational n’est
pas homogène ;
• Les Etats sans nation : ils ne reposent pas sur une base nationale préexistante.
Contrairement aux Etats-nations dans lesquels la nation précède l’Etat, les Etats sans
nation peuvent devenir des nations par l’action et la volonté de l’Etat. Il s’agit
principalement des Etats issus de la décolonisation. La notion de peuple a été,
historiquement, utilisée pour faciliter l’accession à l’indépendance de ces Etats, en y
attachant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

C. Le Gouvernement

L’existence d’un Gouvernement est tout aussi nécessaire à l’existence d’un Etat que celle
d’un territoire et d’une population. En tant que personne juridique morale, titulaire de
compétences, l’Etat a besoin d’organes pour le représenter et exprimer sa volonté. Un territoire
sans gouvernement ne peut constituer un Etat au sens du droit international. A cet égard, le droit
90
international n’impose pas de forme particulière de gouvernement. Il exige cependant que le
gouvernement soit effectif.

1. La notion de Gouvernement

En droit international, la notion de Gouvernement étatique est entendue dans un sens large.
Elle recouvre non seulement le pouvoir exécutif, mais aussi l’ensemble des pouvoirs publics, y
compris l’appareil administratif, les organes législatifs et juridictionnels. C’est tout l’ordre
politique, juridictionnel et administratif interne qui est visé (Cf. articles 4 et 5 du Projet
d’articles de la CDI sur la responsabilité internationale des Etats de 2001).
Cependant, le droit international ne s’intéresse qu’aux structures nationales qui peuvent
valablement engager l’Etat au plan international. Le droit international est donc indifférent à
l’organisation interne des Etats et au mode d’investiture de ses organes. Il y a, en la matière,
une autonomie constitutionnelle incontestable pour les Etats et il appartient au droit interne de
chaque Etat de désigner les autorités nationales susceptibles de le représenter au plan
international.
Cette liberté des Etats a été rappelée par la résolution 26-25 de l’AG des Nations Unies
portant l’intitulé : « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre Etats ». Cette résolution stipule que : « chaque Etat a
le droit inaliénable de choisir son système économique, politique, social et culturel sans aucune
forme d’ingérence de la part d’un autre Etat ». Elle a été également rappelée par la CIJ dans son
avis consultatif du 16 octobre 1975 sur le Sahara occidental lorsqu’elle affirme que : « aucune
règle du DI n’exige que l’Etat ait une structure déterminée, comme le prouve la diversité des
structures étatiques qui existent dans le monde ».

2. L’exigence de l’effectivité gouvernementale

Si le droit international ne s’intéresse pas à la forme du gouvernement, il exige en revanche


que celui-ci soit effectif. L’effectivité du gouvernement signifie ici la capacité réelle d’exercer
toutes les fonctions étatiques, y compris le maintien de l’ordre et de la sécurité à l’intérieur, et
l’exécution des engagements extérieurs. Lorsqu’on parle d’un appareil gouvernemental effectif,
on entend l’existence d’une organisation politique indépendante qui maîtrise l’espace dans
lequel vit la population. Ce critère de l’appareil gouvernemental effectif se compose de deux
éléments :
• un élément interne qui implique la maîtrise de l’espace et de la population. Ce premier
élément n’exige pas que l’ensemble du territoire soit parfaitement et effectivement
contrôlé. On pourra considérer qu’il existe un appareil gouvernemental effectif quand
bien même certaines parties du territoire ne sont pas contrôlées. Il crucial en revanche
que les parties significatives du territoire soient effectivement contrôlées. Le pouvoir
doit être exercé sur la population localisée sur l’espace au moyen de règles créées et
appliquées selon des procédures constantes et régulières. Pour apprécier l’effectivité du
contrôle effectué par le gouvernement, il faut non seulement observer un véritable
contrôle, mais aussi observer que ce contrôle est le produit d’un système normatif (ce
qui implique un appareil législatif efficace et effectif). C’est l’exigence de
l’institutionnalisation du pouvoir. Il faut un pouvoir et ce pouvoir doit être

91
institutionnalisé. L’effectivité implique aussi que le gouvernement doit pouvoir
s’acquitter de l’ensemble des fonctions étatiques : aspect administratif, judiciaire, le
contrôle politique, le maintien de l’ordre et de la sécurité ;
• un élément externe qui implique l’indépendance. L’indépendance est plus difficile à
apprécier. D’un point de vue pratique, elle correspond à la possibilité de résister aux
ordres venant de l’extérieur. Dans sa définition négative, l’indépendance est
l’impossibilité juridique et factuelle pour une autorité extérieure à l’Etat de dicter la
conduite de son gouvernement. En pratique, il arrive souvent qu’on puisse douter de
l’indépendance d’un gouvernement. D’où la difficulté d’appréciation du moment où on
peut considérer qu’une entité existe par elle-même et qu’elle ne reçoit pas de directives.
Pendant longtemps, cela a été un débat pour savoir si les Etats étaient réellement
indépendants à la suite de la colonisation. Les anciens Etats coloniaux gardaient des
mandats sur les Etats qui venaient d’accéder à l’indépendance. Mandats qui n’existent
plus.
Au total, les trois éléments constitutifs de l’Etat (territoire, population et gouvernement) sont
nécessaires pour qu’un Etat puisse exister en droit international. Toutefois, la réunion de ces
trois éléments constitutifs, qui ont un caractère objectif, ne suffit pas. Il faut également que
l’entité qui prétend à la qualité d’Etat bénéficie de la souveraineté.

§ 2 – La souveraineté de l’Etat

La souveraineté est un des deux attributs fondamentaux de l’Etat. Tout Etat, en effet, dispose
de la personnalité juridique internationale et est souverain au regard du droit international. La
personnalité juridique et la souveraineté constituent donc les deux attributs de l’Etat au plan
international. Alors que la personnalité juridique internationale confère à l’Etat la qualité de
sujet du droit internationale, la souveraineté lui confère les pleins pouvoirs pour agir au plan
international.
La notion de souveraineté est une notion complexe (A). Elle a des implications au plan
juridique (B) et bénéficie d’une protection internationale (C).

A. La notion de souveraineté

Le principe de souveraineté de l’Etat est aussi ancien que l’Etat lui-même. A l’origine, il a
été utilisé essentiellement pour consolider l’existence des Etats qui s’affirmaient en Europe
contre la double tutelle du Pape et du Saint-Empire romain germanique. Conçu et développé
par les grands philosophes de l’ère moderne comme Jean Bodin et Vattel, la souveraineté était
généralement définie comme un pouvoir suprême et illimité.
Cette conception trouvait au XIXème siècle une éclatante consécration dans la science
juridique allemande qui, sous l’influence de Hegel, liait étroitement al notion de souveraineté à
la toute-puissance de l’Etat. Jellinek la définissait comme « la compétence de la compétence »,
entendant par là qu’elle constituait le pouvoir originaire, illimité et inconditionnel de l’Etat.
Cependant, cette conception absolutiste de la souveraineté a été rejetée et combattue par la
doctrine de l’autolimitation et par l’école sociologique qui y ont opposé des thèses inverses.
Malgré tout, le concept de souveraineté a beaucoup évolué et est solidement ancré dans le droit

92
positif. Il est aujourd’hui considéré comme un principe de droit coutumier qui est repris dans
de nombreuses conventions internationales.
L’article 2, § 1 de la Charte des Nations Unies dispose, en effet, que « L’Organisation est
fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres ». Aujourd’hui, il est
largement admis que tout Etat détient la souveraineté et que la souveraineté constitue un attribut
fondamental de l’Etat.
La notion de souveraineté recouvre deux sens différents selon que l’on se place dans l’ordre
interne ou international.
• dans l’ordre interne : la souveraineté exprime la puissance suprême de commander, de
gouverner et de décider. Dans la théorie constitutionnelle moderne, la souveraineté
s’identifie à la volonté générale.
• dans l’ordre international : la souveraineté s’assimile à l’indépendance de l’Etat, c’est-
à-dire la non-subordination de celui-ci à autre autorité et la non-ingérence dans ses
affaires intérieures. Dans sa sentence arbitrale rendue dans l’affaire de l’Ile de Palmas
en 1928, l’arbitre Max Huber a déclaré que « La souveraineté dans les relations entre
Etats signifie l’indépendance ». Mais, contrairement à la souveraineté interne qui est
absolue, la souveraineté internationale est relative car elle se heurte à celles,
concurrentes et égales, des autres Etats avec lesquelles elle doit composer. La
souveraineté se définit négativement dans l’ordre internationale comme le fait de n’être
le sujet de personne ; de n’être assujetti à personne. Comme le soutient J. Combacau,
« la souveraineté n’est pas la puissance suprême mais la suprématie de la puissance ».
Ce que le droit international reconnaît à l’Etat avec la souveraineté est donc la qualité
de ne pas être soumis à un pouvoir supérieur quel qu’il soit. Les éléments de la
souveraineté internationale sont donc : l’indépendance et la plénitude des compétences
internationales de l’Etat. La souveraineté apparaît, dans ces conditions, comme la source
des compétences que l’Etat tient du droit international.
Ainsi entendue, la souveraineté de l’Etat entraîne certaines conséquences qui en sont les
corollaires.

B. Les corollaires/conséquences de la souveraineté

La souveraineté de l’Etat comporte trois corollaires : l’égalité souveraine entre les Etats, la
liberté d’action des Etats et le pouvoir d’autolimitation de la souveraineté de chaque Etat.

1. L’égalité souveraine des Etats

La souveraineté implique l’égalité des Etats souverains. Parce les Etats ne sont subordonnés
à aucune autorité nationale ou internationale supérieure, ils sont tous juridiquement égaux entre
eux.
Le principe de l’égalité souveraine date de la paix de Westphalie de 1648 (fin de la Guerre
de Trente ans) qui consacre l’apparition de l’Etat moderne. Ce principe n’a jamais été démenti
par la suite. Il est consacré dans plusieurs instruments internationaux, dont la Charte des
Nations Unies qui affirme que : « l’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité
souveraine de tous ses membres » (art. 2, § 1). Il est régulièrement rappelé dans les résolutions

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de l’Assemblée générale, dont la Déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats du 24 octobre 1970 (résolution
2625 XXV). Le principe a désormais valeur coutumière.

Le principe de l’égalité souveraine des Etats signifie que tous les Etats disposent de la même
personnalité juridique et de la même capacité. Ils ont par conséquent les mêmes droits et sont
tenus des mêmes obligations. En droit international, le principe de l’égalité souveraine des Etats
emporte plusieurs implications juridiques : la réciprocité des droits et des avantages, la non-
discrimination et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat.
Cependant, cette égalité souveraine des Etats ne signifie pas que les tous les Etats sont égaux.
Il y a, en effet, des inégalités de fait entre les Etats et le droit international admet parfois des
inégalités juridiques à travers des régimes différenciés. L’égalité souveraine des Etats signifie
juste qu’à l’origine, ils ont tous les mêmes prérogatives. Les inégalités de droit aménagées par
le droit international visent à corriger les inégalités de fait qui existent entre les Etats.

2. La liberté d’action des Etats

Outre l’égalité souveraine, le principe de la souveraineté des Etats implique leur liberté
d’action au plan international. La liberté d’action est donc un corollaire direct de la souveraineté
des Etats. Elle suppose l’absence de toute subordination organique des Etats à d’autres sujets
du droit international, la présomption de régularité des actes étatiques et l’autonomie
constitutionnelle de chaque Etat.
En effet, un Etat n’est pas indépendant, ni souverain, s’il est en situation de dépendance vis-
à-vis d’un autre Etat qui peut lui dicter ses volontés. L’Etat souverain est donc celui qui agit
librement, sans contrainte de la part des autres sujets du droit international. Il dispose de la
plénitude et de l’exclusivité des compétences internes et externes qui lui sont reconnues. Ainsi,
un Etat sous protectorat ne saurait être considéré comme un Etat souverain, car ne disposant
pas de la plénitude de ses compétences et de sa liberté d’action. La Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
de l’Assemblée générale de 1970 affirme clairement que « chaque Etat a le devoir de respecter
la personnalité des autres Etats » et que « les Etats sont juridiquement égaux ».
En outre, la souveraineté de l’Etat lui confère une sorte de « privilège du préalable », c’est-
à-dire une présomption de bonne foi qui oblige les autres Etats à considérer a priori comme
licites ses actes qui ne sont pas réglés par le droit international. En vertu du principe de
souveraineté des Etats, leurs actes bénéficient donc d’une présomption de régularité et on ne
peut préjuger de la mauvaise foi d’un Etat. Dans sa sentence arbitrale rendue le 16 novembre
1957 dans l’affaire du Lac Lanoux (Espagne c. France), le tribunal arbitral avait considéré que
« Il est un principe général de droit bien établi selon lequel la mauvaise foi ne se présume pas ».
Par ailleurs, la souveraineté de l’Etat entraîne une autonomie constitutionnelle, en ce sens
que chaque Etat est libre de choisir son régime politique, économique et social comme il
l’entend, le droit international étant indifférent à l’égard des formes politiques internes des
Etats. Dans son avis consultatif du 16 octobre 1975 rendu dans l’affaire du Sahara occidental,
la CIJ a rappelé clairement que « Aucune règle de droit international n’exige que l’Etat ait une
structure déterminée comme le prouve la diversité des structures étatiques qui existent

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actuellement dans le monde ». Dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique, 27 juin 1986), elle est allée plus loin en
affirmant que « L’adhésion d’un Etat à une doctrine particulière ne constitue pas une violation
du droit coutumier ; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe
fondamental de la souveraineté des Etats sur lequel repose tout le droit international, et la
liberté qu’un Etat a de choisir son système politique, social, économique et culturel ».
Cependant, au regard des évolutions enregistrées au cours des dernières décennies écoulées,
force est de reconnaître que le droit international est de plus en plus regardant quant à la forme
démocratique de l’Etat, ce qui tend à remettre en cause ces affirmations de la Cour.
• La limitation de la liberté d’action de l’Etat
La liberté d’action et la souveraineté de l’Etat ne sont pas sans limite. En effet, la coexistence
d’entités étatiques également souveraines jouissant de droits égaux entraîne, nécessairement, la
définition d’obligations garantissant leur coexistence pacifique et l’exercice harmonieux de
leurs souverainetés. Non seulement le droit international admet qu’un Etat peut apporter des
limitations à l’exercice de sa souveraineté, mais en outre, il apporte lui-même des restrictions à
la souveraineté des Etats.
Dans son arrêt rendu le 17 août 1923 dans l’Affaire du Vapeur Wimbledon, la CPIJ a déclaré
que conclure un traité international par lequel un Etat s’engage à faire ou à ne pas faire quelque
chose n’est pas un abandon de sa souveraineté mais qu’au contraire, la faculté de contracter des
engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l’Etat. Cette
formule de la Cour confirme, en quelque sorte, la théorie de l’autolimitation soutenue par une
partie de la doctrine volontariste.
Dans un deuxième arrêt Lotus de 1927, la CPJI a affirmé que cette forme de limitation
(autolimitation) était exclusive. Le droit international régit les rapports entre Etats
indépendants. Les règles du droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci et les
limitations à la souveraineté ne se présument pas. On ne peut jamais présumer que l’Etat s’est
autolimité, il faut prouver l’engagement de l’Etat.
Il est aujourd’hui admis qu’en s’engageant au plan international, un Etat accepte
volontairement d’apporter des limitations à l’exercice de sa souveraineté. Cette
autolimitation peut se faire à travers la conclusion d’accords internationaux ou à travers des
transferts des transferts de pouvoirs étatiques à des organisations internationales.
Selon une certaine doctrine, ce qui n’est ni transféré à une organisation, ni limité par un
engagement international constitue la sphère de la liberté résiduelle de l’Etat. Ainsi, à l’origine,
l’Etat a tous les pouvoirs. Mais, par le biais de l’autolimitation, il transfère des pouvoirs aux
organisations internationales ou s’engage à autolimiter ses pouvoirs. La sphère de la liberté
résiduelle est donc ce qui ne concerne pas le droit international.
La sphère de liberté résiduelle a été longtemps considérée par la doctrine comme le domaine
réservé de l’Etat qui relève uniquement de la compétence nationale de l’Etat. Pendant
longtemps, on considérait qu’il y avait des matières relevant par nature du domaine réservé des
Etats. Certaines matières étaient considérées comme si importantes que le droit international ne
pouvait y toucher. Il s’agissait notamment des domaines d’expression de la puissance
régalienne de l’Etat comme la défense, la justice, la monnaie.

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Reste à savoir si l’Etat peut abdiquer tous ses pouvoirs, s’autolimiter dans tous ses pouvoirs.
Dans ce cas, restera-t-il souverain, et restera-t-il un Etat ?
L’Etat peut limiter, transférer tous ses pouvoirs, mais s’il abdique son indépendance, il n’est
plus un Etat et n’est plus souverain. Il doit donc toujours rester un noyau dur de sphère de liberté
résiduelle. Si l’autolimitation va jusqu’à nier la qualité d’Etat, on change de forme (Etat fédéral
par exemple).
Indépendamment de l’autolimitation des pouvoirs de l’Etat, le droit international lui-même
apporte des limitations à la souveraineté des Etats. Ainsi, la souveraineté de l’Etat ne l’exonère
pas de l’obligation du respect du droit international qui s’impose à lui. La soumission de l’Etat
au droit international est inséparable de la souveraineté. De même, le droit international impose
aux Etats la non-ingérence dans leurs affaires intérieures réciproques, ainsi l’obligation de
recourir aux moyens pacifiques pour régler leurs différends internationaux, tout en prohibant le
recours à la force dans leurs relations internationales.

C. La protection de la souveraineté étatique

Afin de préserver la liberté d’action de l’Etat et d’éviter les éventuelles menace contre sa
souveraineté, le droit international organise une protection internationale de sa souveraineté.
Cette protection porte sur le domaine réservé de l’Etat, sur l’inviolabilité de son territoire et sur
ses immunités.

1. La théorie du domaine réservé de l’Etat

La souveraineté de l’Etat trouve son fondement dans le droit international. Toutefois, celui-
ci peut apparaître aussi comme une menace à la souveraineté de l’Etat, dans la mesure où il
peut y apporter des restrictions. Afin de prévenir de telles menaces provenant du droit
international lui-même, la doctrine et la pratique internationale ont développé la théorie du
« domaine réservé » de l’Etat. Intimement lié au concept de souveraineté, la théorie du domaine
réservé de l’Etat a des origines anciennes. Elle repose sur l’idée selon laquelle les compétences
de l’Etat sont tantôt liées par le droit international et tantôt discrétionnaire. Le domaine réservé
de l’Etat serait donc celui des activités étatiques où la compétence de l’Etat ne serait pas liée
par le droit international.
Cette doctrine, longtemps soutenue par une partie de la doctrine et par la jurisprudence
internationale, a été consacrée par le droit international. L’article 15, § 8 du Pacte de la SDN
avait en effet reconnu aux Etats des « compétences exclusives », ce qui tendait à confirmer
l’approche traditionnelle du « domaine réservé par nature » soutenue par une certaine doctrine.
L’article 2, § 7 de la Charte des Nations Unies précise et restreint la portée de ce concept en
disposant que « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à
intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat,
ni n’oblige les Membre à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux
termes de la présente Charte ».
La notion de domaine réservé des Etats a pour conséquence l’interdiction faite aux autres
Etats d’intervenir dans les matières qui en relèvent. Elle implique également l’interdiction faite
aux organisations internationales d’intervenir dans les compétences des Etats qui en relèvent.

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Toutefois, l’étendue du domaine réservé des Etats est déterminée par le droit international et
dépend, en pratique, de la portée des engagements internationaux de chaque Etat et des
interventions autoritaires des organisations internationales. Toutefois, aujourd’hui, la doctrine
internationale considère que rien ne relève par nature du domaine réservé des Etats. L’Etat peut
s’engager à propos de toute matière, y compris ceux qui concernent ses prérogatives
régaliennes. Ex : Euro avec l’UE. Le régime juridique de la souveraineté de chaque Etat est
donc relatif et contingent. Il varie d’un moment à un autre et d’un Etat à un autre, en vertu de
leurs engagements internationaux.

2. L’inviolabilité du territoire de l’Etat

Chaque Etat dispose sur son territoire d’un titre juridique. Ce titre juridique est opposable
aux autres Etats et correspond à une interdiction de porter atteinte l’intégrité de son territoire.
Il a donc droit au respect de son territoire, à son inviolabilité et à son intégrité.
Le territoire de l’Etat est traité par le droit international comme une étendue sur laquelle seul
l’Etat peut déployer sa « compétence territoriale de l’Etat », qui est une compétence exclusive
et qui est le chef de compétence prioritaire du droit international. L’Etat seul peut déployer ses
pouvoirs sur son territoire. C’est donc un chef de compétence prioritaire mais aussi exclusif.
Cette exclusivité de la compétence territoriale de l’Etat est absolue en matière opérationnelle.
Un Etat étranger ne peut déployer des activités matérielles, opérationnelles sur le territoire d’un
autre Etat sans son consentement. Ex : l’armée/la police d’un Etat ne peut agir sur le territoire
d’un autre Etat.

3. Les immunités de l’Etat

Le droit international aménage au profit de tout Etat un régime particulier comportant un


ensemble de privilèges et d’immunités opposables aux autres Etats. Ces privilèges et immunités
protègent la souveraineté de l’Etat dans ses rapports avec les autres Etats. Ces règles, d’origine
coutumière, sont consacrées par des conventions internationales et par la jurisprudence
internationale.
Les immunités de l’Etat sont destinées à garantir le respect de sa souveraineté lorsque ses
agents, sa législation ou ses biens sont en rapport direct avec la souveraineté territoriale d’un
autre Etat. Ces immunités s’étendent aux représentants de l’Etat, qu’il s’agisse des agents
diplomatiques et consulaires ou de certaines personnes occupant un rang élevé dans l’Etat, telles
que le Chef de l’Etat, le Chef du Gouvernement ou le ministre des affaires étrangères.
Les immunités étatiques trouvent leur fondement classique dans la coutume internationale
et découle du concept même de souveraineté. En effet, la souveraineté des Etats exclut toute
hiérarchie entre eux et la possibilité que l’un d’entre eux soit soumis à des actes d’autorité d’un
autre Etat, conformément au principe selon lequel « par in parem non habet juridictionem ».
Cependant, le régime des immunités étatiques a été, récemment, codifié par la Convention des
Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs
biens, qui vise à établir un régime juridique uniforme et harmonisé d’une pratique internationale
jusque-là disparate.
Ce nouveau régime des immunités, qui encadre les exceptions aux immunités, repose sur
une double distinction : d’une part, entre l’immunité de juridiction et l’immunité d’exécution

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et, d’autre part, entre les actes d’autorité et les actes de gestion. La première distinction permet
de reconnaître deux types d’immunités : l’immunité de juridiction et l’immunité d’exécution.
La seconde permet, au sein de chaque immunité, d’aménager des exceptions.
Ainsi, en vertu de l’immunité de juridiction, un Etat ne peut être jugé par les tribunaux d’un
autre Etat sans son consentement. Selon l’article 5 de la Convention des Nations Unies de 2004,
« Un Etat jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l’immunité de juridiction devant les
tribunaux d’un autre Etat ». Le bénéfice de cette immunité s’étend non seulement aux organes
gouvernementaux et aux représentants de l’Etat agissant à ce titre, mais aussi aux différentes
composantes d’un Etat fédéral ou aux subdivisions politiques de l’Etat, dès lors qu’elles sont
habilitées à accomplir des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine de l’Etat (art. 2 de la
Convention).
Cependant, l’immunité de juridiction de l’Etat peut être écartée dans certains cas définis par
la Convention. Il en va ainsi, notamment, lorsque l’Etat a consenti lui-même à l’exercice de la
juridiction, par exemple, dans un accord international, dans un contrat écrit ou par le biais d’une
déclaration de reconnaissance de la juridiction du tribunal saisi (art. 7). De même, l’Etat peut
se voir privé de la possibilité d’invoquer l’immunité de juridiction si la contestation porte sur
une « transaction commerciale » (art. 10). Par ailleurs, l’Etat ne peut se prévaloir de son
immunité de juridiction si la contestation porte sur un contrat de travail relatif à un travail
accompli sur le territoire de l’autre Etat (art. 11).
Quant à l’immunité d’exécution, elle interdit toute forme de contrainte (saisie, saisie-arrêt,
saisie-exécution) contre les biens d’un Etat. Bénéficient de cette immunité tous les biens
affectés aux fonctions d’autorité de l’Etat, c’est-à-dire les biens nécessaires à l’activité des
représentants de l’Etat et de ses services publics à l’étranger, y compris ses fonds placés à
l’étranger.
Toutefois, comme pour l’immunité de juridiction, l’immunité d’exécution connaît également
des exceptions définies par la Convention des Nations Unies de 2004. Ainsi, l’immunité
d’exécution ne peut être invoquée lorsque l’Etat a expressément consenti à l’exécution forcée
ou a pris des dispositions à cet effet (art. 20). De même, l’immunité d’exécution peut être écartée
lorsque les biens en cause sont utilisés ou destinés à être utilisés autrement qu’à des fins de
service public non commerciales (art. 21).

Section II – Les compétences de l’Etat

Le droit international reconnaît à chaque Etat un ensemble de pouvoirs qui lui permettent
d’exercer sa souveraineté au plan interne ou au plan international. Ces pouvoirs, qui constituent
les compétences de l’Etat, sont déterminés par le droit international. Autrement dit, c’est le droit
international qui fonde les compétences de l’Etat, qui les détermine et qui en fixe les conditions
d’exercice.
D’une manière générale, on distingue deux types de compétences : les compétences internes
et les compétences externes. Les compétences internes désignent l’ensemble des actes que
l’Etat peut accomplir librement sur son territoire national. Sur son territoire, l’Etat se comporte
en véritable souverain, en tant que puissance publique, dotée d’un pouvoir de commandement.
Les compétences externes désignent, en revanche, les actes que l’Etat peut accomplir en dehors
de son territoire national et au plan international. Il s’agit là de toutes les compétences que l’Etat

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exerce en tant que membre de la communauté internationale. Toutefois, cette distinction ne
rend pas suffisamment compte de la réalité des compétences de l’Etat.
C’est pourquoi, on lui préfère la distinction entre compétences territoriales (§ 1) et
compétences extraterritoriales, dont les compétences personnelles (§ 2). La compétence
personnelle implique un lien de nationalité et la compétence territoriale un lien de territorialité.

§ 1 – La compétence territoriale de l’Etat

Le territoire étant un des éléments constitutifs de l’Etat, il confère à celui-ci un titre juridique
pour agir dans les limites des frontières. La compétence territoriale de l’Etat soulève l’épineux
problème de la délimitation des frontières de l’Etat (A), ainsi que la question de la nature des
pouvoirs de l’Etat sur son territoire (B).

A. La délimitation du territoire étatique

Conformément au droit international, l’Etat exerce sa compétence territoriale sur l’ensemble


de son territoire terrestre, maritime et aérien. Toutefois, la coexistence de plusieurs territoires
étatiques oblige à délimiter le territoire de chaque Etat. A cet égard, le droit international
n’impose pas de règles générales de délimitation des frontières et laisse à chaque Etat la liberté
de déterminer ses propres frontières dans le respect de certains principes généraux. Cependant,
la portée de cette liberté de délimitation varie selon qu’il s’agit du territoire terrestre ou des
territoires maritimes et aériens.
Concernant la délimitation des frontières terrestres, le droit international n’impose pas de
règle particulière. En pratique cependant, cette délimitation peut se faire soit par voie de traité,
après une négociation entre les Etats concernés, soit par voie de règlement juridictionnel, en
vertu d’une décision arbitrale ou juridictionnelle. Exceptionnellement, des délimitations de
frontières peuvent résulter d’un règlement unilatéral issu d’un « concert de puissances »,
notamment à la suite d’une guerre.
S’agissant de la délimitation des frontières maritimes et aériennes, les Etats sont, prima facie,
compétents pour définir leurs espaces maritimes et aériens, soit de façon unilatérale, soit par
voie de négociation. Mais, dans l’exercice de cette compétence de délimitation, ils doivent se
conformer aux prescriptions du droit international, que celles-ci soient d’origine coutumière ou
conventionnelle.

B. La nature de la compétence territoriale de l’Etat

La compétence territoriale de l’Etat est une compétence pleine et entière qui s’exerce de
façon exclusive. Elle présente donc deux caractéristiques classiques : la plénitude et
l’exclusivité.
Ces deux caractéristiques ont été clairement dégagées par la célèbre sentence arbitrale
rendue par Max Huber sous les auspices de la Cour permanente d’arbitrage (CPA), le 4 avril
1928, dans l’affaire de l’Ile de Palmas ayant opposé les Etats-Unis aux Pays-Bas. Dans cette
affaire, l’arbitre estima, en effet que « La souveraineté, dans les relations entre Etats, signifie
l’indépendance. L’indépendance relativement à une partie du globe est le droit d’y exercer, à
l’exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques. Le développement de l’organisation
nationale des Etats durant les derniers siècles et, comme corollaire, le développement du droit

99
international, ont établi le principe de la compétence exclusive de l’Etat en ce qui concerne son
propre territoire, de manière à en faire le point de départ du règlement de la plupart des
questions qui touchent aux rapports internationaux ».
Il ressort de cette sentence que la souveraineté territoriale est une souveraineté pleine et
entière et qu’elle s’exerce à l’exclusion de toute autre souveraineté.
La plénitude de la souveraineté territoriale implique que chaque Etat a le droit d’exercer de
façon discrétionnaire toutes les fonctions de commandement sur son territoire. Ces « fonctions
étatiques » de commandement visées par Max Huber sont potentiellement illimitées et couvrent
à la fois l’organisation politique, économique et sociale de l’Etat, ainsi que son pouvoir de
légiférer sur toutes les matières de sa vie nationale.
L’exclusivité de la souveraineté territoriale d’un Etat empêche tout autre Etat d’exercer des
actes d’autorité sur son territoire. Cette exclusivité de la compétence territoriale de l’Etat est
d’origine coutumière et est confirmée par une jurisprudence constante. Elle implique deux
conséquences d’ordre général : l’inapplication sur le territoire d’un Etat de la réglementation
juridique d’un autre Etat et l’obligation de respecter la souveraineté territoriale des autres Etats
et de s’abstenir d’actes de contrainte sur leur territoire.
Cependant, la plénitude et l’exclusivité de la compétence territoriale de l’Etat ne sont pas
sans limite. Les conditions d’exercice de cette souveraineté sont soumises à des règles fixées
par le droit international. En particulier, la compétence territoriale s’exerce dans le respect des
droits des Etats tiers, des droits des étrangers et des intérêts de la communauté internationale.

§ 2 – La compétence personnelle de l’Etat

Hors de son territoire, l’Etat exerce sur ses ressortissants des pouvoirs qui relèvent de sa
compétence personnelle. La compétence personnelle de l’Etat est le pouvoir juridique qui lui
est reconnu d’agir à l’égard de ses nationaux se trouvant à l’étranger en leur donnant des ordres,
en réglant leur statut personnel et en exerçant vis-à-vis d’eux sa protection. Cette compétence
trouve son fondement dans le lien de nationalité (A). Son étendue (B) et ses effets sont
déterminés par le droit international (C).

A. Le fondement de la compétence personnelle : le lien de nationalité

Sur son territoire, l’Etat exerce sa compétence territoriale sur toutes les personnes qui s’y
trouve, indépendamment de leur nationalité. Mais, à l’étranger peut exercer certains pouvoirs
sur ses nationaux. La compétence personnelle de l’Etat se fonde donc sur le lien de nationalité
qui le rattache à ses ressortissants établis à l’étranger. La nationalité est le lien juridique qui
rattache une personne à un Etat. Elle concerne aussi bien les personnes physiques que les
personnes morales et les engins susceptibles de se déplacer (navires, aéronefs, satellites). A cet
égard, le droit international laisse à chaque Etat le soin de déterminer librement sa nationalité.
Toutefois, il prévoit des règles en cas de conflits de nationalité.

1. La compétence de l'Etat dans la détermination de sa nationalité

Chaque Etat est libre de fixer les règles d’acquisition de sa nationalité comme il l’entend. Il
dispose, à cet égard, d’une compétence exclusive. Dans son arrêt rendu dans l'affaire
Nottebohm, le 6 avril 1955 (Liechtenstein contre Guatemala), la CIJ écrit que : « il appartient

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… à tout Etat souverain, de régler par sa propre législation, l'acquisition de sa nationalité,
ainsi que de conférer celle-ci par la naturalisation… ».
L’octroi de la nationalité entre donc dans la compétence nationale de l'Etat. Ce principe a été
posé dans l'avis consultatif de la CPJI du 7 février 1923, dans l'affaire des décrets de nationalité
en Tunisie et au Maroc. Dans cet avis, la Cour a affirmé que la nationalité fait partie du
« domaine réservé » à la compétence de chaque Etat. Ce principe a été confirmé par la
Convention relative aux conflits de lois en matière de nationalité, conclue à la Conférence de
Codification du Droit International à la Haye, le 12 avril 1930.
Cependant, la compétence exclusive de l’Etat dans ce domaine doit respecter certains
principes généraux du droit international, en particulier le principe du rattachement effectif à
cet Etat, pour opposable aux Etats tiers. C'est ce qui ressort de l'arrêt Nottebohm où la Cour a
écrit : « la nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une
solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments jointes à une réciprocité de droits et de
devoirs ». La nationalité n'est donc opposable aux Etats tiers que si elle concorde avec la
situation de fait, ou repose sur un lien de fait.
En rappel, dans cette affaire, Frédéric Nottebohm était un ressortissant allemand né à
Hambourg, mais qui quitta sa patrie pour établir au Guatemala son domicile et le siège de ses
affaires. Après l'avènement de l'Hitlérisme, il se fit naturaliser au Liechtenstein où s'était établi
un de ses frères en 1939. En 1941, le nom de Nottebohm figurait sur une liste noire détenue par
les autorités américaines. Alors, le gouvernement du Guatemala procéda à son arrestation, à sa
détention, puis le livra aux américains parce que l'Etat de guerre était proclamé entre
l'Allemagne et le Guatemala. A la libération, il regagna le Liechtenstein et, pour obtenir
réparation des dommages causés à son national, le gouvernement liechtensteinois saisit la CIJ
par voie de requête unilatérale le 17 décembre 1951.
Le Guatemala souleva une exception d'incompétence en prétendant que la déclaration par
laquelle il avait accepté la juridiction obligatoire de la Cour, avait expiré le 26 janvier 1952. La
Cour rejeta cette exception. Le Guatemala invoqua ensuite le défaut de négociation
diplomatique, le défaut de régularité de l'acquisition de la nationalité liechtensteinoise, et le non
épuisement des voies de recours internes.
Le Liechtenstein invoqua la théorie de l'Estoppel en affirmant que le Guatemala avait
reconnu le changement de nationalité de Nottebohm.
La Cour déclara irrecevable la demande du Liechtenstein en faisant prévaloir la nationalité
effective c'est-à-dire la nationalité guatémaltèque où il vivait effectivement. Autrement dit, la
naturalisation conférée à Nottebohm par le Liechtenstein n'était pas opposable au Guatemala.
On peut en conclure que la nationalité octroyée par l'Etat, si elle est valable prima facie
(d'abord) sur le plan interne, ne l'est pas en revanche, dans tous les cas au niveau international.
Cet arrêt est une limitation très nette de la conception classique de la souveraineté étatique, mais
cette jurisprudence n'a pas connue de fortune (elle n'a pas été appliquée dans d'autres cas),
puisque l'effectivité n'est prise en compte que dans le cas de double nationalité, et en matière
de nationalité des personnes physiques. En effet, la Cour n'applique pas la nationalité effective
quand il s'agit des sociétés ou des personnes morales (cf. arrêt Barcelona Traction's où elle n'a
attaché aucune importance aux faits non contestés que la majorité des actionnaires de cette
société étaient des ressortissants belges).

101
2. Les conflits de nationalité

La liberté des Etats dans l’octroi de leur nationalité peut provoquer des conflits de
nationalité. On distingue deux types de conflit de nationalité : le conflit positif, qui survient
lorsqu’une personne de plusieurs nationalités, et le conflit négatif, qui intervient lorsqu’une
personne ne dispose pas ou ne dispose plus d’aucune nationalité.
Le conflit de nationalité positif naît de la plurinationalité ou pluripatridie, dont l’illustration
la plus courante et la double nationalité, qui correspond à la situation d’une personne qui a une
nationalité déterminée, mais peut acquérir une autre nationalité sans perdre la précédente. C'est
le cas pour les femmes qui épousent des étrangers.
Le conflit de nationalité négatif résulte des contradictions des législations nationales qui ne
permettent pas à un individu d’entrer dans le champ d’application de l’une d’entre elles, ou
d’un retrait de la nationalité d’origine non suivi d’une naturalisation immédiate. L'apatridie
correspond à la situation d’une personne qui perd sa nationalité sans en acquérir une autre. Ce
phénomène peut donc provenir de la contradiction des législations nationales ou d’une décision
des autorités nationales.
Afin d’atténuer les inconvénients résultant de la pluralité de nationalités ou de l’apatridie,
certaines conventions internationales ont fixé des règles générales d’octroi ou de déchéance de
la nationalité. Il en va ainsi, par exemple, de :
• La Convention de la Haye du 12 avril 1930 sur les conflits de lois en matière de
nationalité ;
• La convention de New York du 2 septembre 1954, sur le statut des apatrides ;
• La convention de New York du 30 août 1961, sur la réduction de l'apatridie ;
• La Convention du Conseil de l’Europe du 19 mai 2006, relative à la prévention des cas
d’apatridie en relation avec la succession d’Etat.
L’objectif essentiel des trois dernières conventions est de réduire au maximum les cas
d’apatridie, par une consécration plus ferme du droit de l’individu à une nationalité.

B. L’étendue de la compétence personnelle

La compétence personnelle de l’Etat s’étend aux personnes physiques, aux personnes


morales, aux services de l'Etat à l'étranger, c'est-à-dire les ambassades et les consulats, ainsi
qu’aux engins que sont les navires, les aéronefs et les engins spatiaux.

1. Les personnes physiques

Sous réserve du respect des principes généraux applicables en la matière, chaque Etat est
libre de définir les critères d’octroi de sa nationalité, soit à titre originaire, soit par voie de
naturalisation. Dans la pratique cependant, les choix des Etats sont très variés et sont souvent
fonction des particularités démographiques et politiques de chaque Etat.
La nationalité d'origine est celle acquise à la naissance. D’une manière générale, elle peut
découler soit du « droit du sang » (jus sanguinis), qui est déterminé par la nationalité des
parents, soit du « droit du sol » (jus soli), qui est déterminé par le lieu de naissance, abstraction
faite de la nationalité des parents. Les Etats utilisent, séparément ou en les combinant, le critère
du lien du sang et celui du lieu de naissance.

102
Au Burkina Faso, le législateur a combiné les 2 critères, mais en principe, c'est le jus
sanguinis qui est prédominant.
La nationalité acquise peut résulter de deux situations : D'abord à la suite d’un changement
d'état, résultant de l'adoption ou du mariage ; Et suite à une résidence prolongée sur le territoire
d’un autre Etat, par voie de naturalisation, c'est-à-dire par une décision administrative qui
accorde à un étranger le bénéfice d'une nationalité.
En France, c'est le Ministère des affaires sociales qui est compétent en la matière, mais au
Burkina c'est le Ministère de la justice. Il effectue une enquête sur le postulant, et la
naturalisation intervient par décret pris en Conseil des ministres, conformément aux articles 163
et 179 du Code des personnes et de la Famille. Il faut cependant noter une particularité, en
Israël, la loi du retour du 1er avril 1952, confère immédiatement la nationalité israélienne à tout
juif qui pénètre en territoire israélien avec l'intention de s'y établir durablement. Cette loi n'a
pas été appliquée aux Falacha (juifs) venus d'Ethiopie.

2. Les personnes morales

Les personnes morales, comme les personnes physiques, sont rattachées à un Etat par un lien
de nationalité défini discrétionnairement par celui-ci. Compte tenu de la liberté des Etats dans
ce domaine, les solutions retenues sont aussi diverses que pour la nationalité des personnes
physiques. Plusieurs critères existent à cet égard. Il s’agit tantôt du critère du siège social (en
droit français), tantôt du critère du lieu d'incorporation (droit anglo-saxon) et tantôt celui du
contrôle (lui-même fondé sur la nationalité des actionnaires majoritaires ou sur celle des
personnes qui dirigent effectivement la personne morale).
Ce dernier critère a été appliqué dans les affaires de l'InterHandel (Suisse contre Etats-Unis
d'Amérique en 1957), et dans l'affaire Barcelona Traction (Belgique c. Espagne, CIJ, 5 février
1970). Dans cette dernière affaire, le gouvernement espagnol accusait une filiale de la Société
Barcelona Traction de fraude, et l'avait déclaré en faillite par un jugement en date du 12 février
1948. Le gouvernement belge saisit la CIJ une première fois en 1958 pour demander la
réparation de ce dommage, puis retira sa demande et la déposa à nouveau en 1962. Le
gouvernement espagnol souleva 4 exceptions préliminaires dont les 2 dernières contestent à la
Belgique la qualité pour présenter une telle demande, à raison d'un dommage causé à une société
canadienne. En effet, la Belgique était l'Etat national des actionnaires majoritaires, l'Espagne,
l'Etat dont les organes étaient les auteurs d'actes illicites incriminés, et le Canada, l'Etat selon
les lois duquel, la Société a été constituée, et sur le territoire duquel elle avait son siège.
Pour la Cour, les mesures incriminées ont été prises à l'égard, non pas de ressortissants
belges, mais à l'égard de la Société elle-même. Par conséquent, dit-elle, l'actionnaire ne saurait
être identifié à la Société. La Cour poursuit en faisant remarquer que la responsabilité n'est pas
engagée si un simple intérêt est touché. Elle ne l'est que si un droit est violé. En d'autres termes,
il ne suffit pas que la victime ait un intérêt à voir le préjudice réparé, il faut que celui-ci s'analyse
en une atteinte à un droit juridiquement protégé. La CIJ, l'avait déjà rappelé dans l'affaire du
Sud-Ouest africain (Namibie) en 1966.
Cette décision, écartant la demande de la Belgique, a été jugée non satisfaisante parce qu'on
estime que les considérations d'équité exigent que la Belgique demande la protection de la
société.

103
Si dans l'affaire Barcelona Traction's la CIJ dans sa formation plénière a refusé la protection
diplomatique des actionnaires, dans l'affaire Elettronica Sicula, CIJ, arrêt du 20 juillet 1989,
Etats-Unis d'Amérique contre Italie, RDGIP, 1990, Vol III, page 740, la chambre ad hoc a
admis le principe de leur protection diplomatique, mais pour des raisons factuelles (liées aux
textes conventionnels de 1948 et de 1951 conclus entre les 2 Etats), la chambre n'a pas appliqué
le principe au cas d'espèce, pour éviter un changement brutal de jurisprudence.

3. Les services de l'Etat à l'étranger

Il s'agit des ambassades et des consulats, d'une part, et des forces armées stationnées
conventionnellement en territoires étrangers, d'autre part.
Concernant les ambassades et les consulats sont régis par deux conventions internationales.
Il s’agit de :
• la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ;
• la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
Les Etats peuvent compléter ces conventions multilatérales par des conventions bilatérales.
Selon ces deux conventions jumelles, les personnes et les biens appartenant à un Etat, et qui
remplissent en territoire étranger une mission de service public disposent d'un certain nombre
d'immunités :
• L'inviolabilité des personnes et des biens ;
• L'inviolabilité de la valise diplomatique et du secret diplomatique ;
• L'immunité de juridiction ;
• L'immunité d'exécution ;
• Et les privilèges fiscaux ou douaniers.
Toutes ces immunités ont été mises à rude épreuve dans l'affaire des otages américains à
Téhéran (Iran), ou affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis d'Amérique
à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran, CIJ, arrêt du 24 mars 1980). Dans cette affaire, les
gardiens de la Révolution iranienne avaient occupé les locaux diplomatiques des Etats-Unis
d'Amérique à Téhéran, ainsi que leur consulat à Tabriz et à Chiraz, puis avaient détenu des
personnes internationalement protégées, mettant ainsi en jeu l'interprétation ou l'application des
conventions précitées.
Pour la Cour, l'Etat a l'obligation générale de protection et de sécurité à l'égard de tous les
étrangers vivant sur son territoire. Elle en conclut que la responsabilité de l'Iran est engagée
parce qu'il a failli à son devoir de prévention et de répression. Mais elle considère
qu'initialement, des actes illégaux des gardiens de la révolution, accomplis de manière
spontanée, n'étaient pas imputables à l'Iran. Ils ne le sont qu'à partir du moment où les autorités
iraniennes ont donné le sceau de leur approbation officielle. En effet, l'Ayatollah Khomeiny a
approuvé sans réserve les militants de la révolution. Dès lors, les actes posés deviennent des
actes de l'Etat, et ses gardiens, des agents de l'Etat.
Dans l'affaire du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, appelée affaire Yérodia, CIJ, arrêt du 14
février 2002 (République démocratique du Congo c. Belgique), la Belgique a dénié à un

104
ministre des affaires étrangères en fonction le bénéfice de l'immunité de juridiction, pour avoir
commis avant son entrée en fonction, des infractions graves ou des crimes contre l'humanité.
Concernant les forces armées stationnées conventionnellement en territoire étranger, il
s'agit d'une occupation conventionnelle, différente de l'occupation qui découle d'une guerre. Sur
le plan disciplinaire, ces forces armées relèvent de la compétence de leur Etat, mais, sur le plan
juridictionnel, l'Etat de séjour est réticent à admettre une entorse à sa souveraineté. La question
est souvent réglée par des conventions multilatérales. Ces forces armées posent parfois des
problèmes pratiques. Par exemple, à la fin de la 2nde Guerre Mondiale, les forces armées
américaines étaient massées en Islande, et les autorités islandaises ont constaté un
accroissement de la natalité, et ont demandé des dommages et intérêts aux Etats-Unis
d'Amérique.

C. Les effets de la compétence personnelle

La compétence personnelle de l’Etat a pour effets d’autoriser l’Etat à exercer, dans une
certaine mesure, son pouvoir législatif sur ses ressortissants qui se trouvent à l’étranger (1) et à
exercer à leur profit sa protection diplomatique (2).

1. Le droit de légiférer à l’égard des nationaux

En vertu du droit coutumier, le lien de nationalité autorise l’Etat à suivre ses ressortissants
lorsqu’ils se trouvent à l’étranger ou dans un espace qui ne relève de la juridiction d’aucun Etat.
Le droit international lui permet, en effet, de réglementer certaines activités de ses ressortissants
qui se trouvent hors de son territoire.
Dans son arrêt rendu en 1927 dans l’affaire du Lotus, la CPJI avait, en effet, affirmé que :
« Loin de défendre, d’une manière générale aux Etats d’étendre leurs lois et leurs juridictions
à des personnes, des biens et des actes hors du territoire, [le droit international] leur laisse à
cet égard une large liberté qui n’est limitée que dans quelques cas par des règles prohibitives ;
pour les autres cas, chaque Etat reste libre d’adopter les principes qu’il juge les meilleurs et le
plus convenables ».
Il découle de cette jurisprudence que le droit interne d’un Etat peut viser des situations extra-
territoriales. Il peut s’agir, par exemple, des consultations électorales à l’étranger, des bénéfices
réalisés à l’étranger ou des comportements anti-concurrentiels adoptés en dehors du territoire
national.
Toutefois, pour que cette législation nationale produise ses effets à l’étranger, il faut la
collaboration des Etats concernés qui doivent admettre la mise en œuvre sur leur territoire du
droit étranger (par exemple, établissement d’actes d’état civil, organisation de consultations
électorales).

2. L’exercice de la protection diplomatique

Les étrangers vivant sur le territoire d’un Etat jouissent des droits des étrangers reconnus par
le droit international. Lorsque l’Etat d’accueil des étrangers ne respecte pas ces droits, le droit
international autorise leur Etat national à exercer à leur égard sa protection diplomatique, en
vertu de sa compétence personnelle.

105
La protection diplomatique est une institution coutumière qui permet à l’Etat national de
prendre fait et cause pour son national lésé à l’étranger et de défendre ses droits. Elle a été
affirmée avec force par la CPJI, notamment dans son arrêt rendu en 1924 dans l’affaire
Mavrommatis. Dans cette affaire, la Cour a, en effet, affirmé que : « C’est un principe
élémentaire du droit international qui autorise l’Etat à protéger ses nationaux lésés par des
actes contraires au droit international commis par un autre Etat dont ils n’ont pu obtenir
satisfaction par les voies ordinaires (…). En prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant
en mouvement en sa faveur l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, cet Etat
fait valoir son droit propre (…). Ce droit ne peut nécessairement être exercé qu’en faveur de
son national, parce que, en l’absence d’accords particuliers, c’est le lien de nationalité entre
l’Etat et l’individu qui seul donne à l’Etat le droit de protection diplomatique ».
L’action diplomatique d’un Etat en faveur de ses ressortissants à l’étranger peut être mise en
œuvre soit par voie gracieuse, soit par voie contentieuse. La voie gracieuse, qui est la plus
courante, consiste en des démarches diplomatiques directes auprès des autorités compétentes
du pays hôte, afin de trouver une solution appropriée. La voie contentieuse, qui intervient en
cas d’échec de la voie gracieuse, consiste à saisir une juridiction internationale, afin de mettre
en jeu la responsabilité internationale de l’Etat auteur du préjudice subi pour violation du droit
international.

§ 3 – Les conflits de compétences de l’Etat

Les Etats étant également souverains, l’exercice de leurs compétences peut déboucher sur
des conflits de compétences. Les conflits de compétences peuvent se produire lorsque deux
Etats prétendent exercer leurs compétences sur la même personne ou la même situation. Ils
découlent le plus souvent d’une opposition entre la compétence territoriale et la compétence
personnelle (A). Mais, ils peuvent aussi résulter d’une concurrence entre les deux compétences
(B).

A. Les conflits entre compétence territoriale et compétence personnelle

Sur son territoire, l’Etat exerce sa compétence territoriale qui s’applique à toutes les
personnes et sur tous les objets se trouvant sur son territoire, indépendamment de leur
nationalité. A cet effet, il n’a pas besoin de faire appel à sa compétence personnelle. Ainsi,
lorsque des étrangers (personnes physiques, morales ou engins immatriculés à l’étranger) se
trouvent sur son territoire, ils sont soumis à sa juridiction territoriale. Cependant, des conflits
peuvent naître entre cet Etat et l’Etat national de ces étrangers, lorsque celui-ci prétend exercer
sa compétence personnelle à leur égard.
Dans ce cas, le droit international admet que la compétence territoriale prévaut sur la
compétence personnelle, en raison de l’importance cardinale du territoire comme élément
constitutif de l’Etat. La primauté de la compétence territoriale sur la compétence personnelle
exclut en principe toute application, au moins forcée, du droit national à l’étranger. A cet égard,
la compétence personnelle apparaît comme un titre subsidiaire par rapport à la compétence
territoriale qui se caractérise par sa plénitude et son exclusivité.
Toutefois, il n’en va pas toujours ainsi et, dans certains cas, exceptionnellement, la
compétence personnelle prend le pas sur la compétence territoriale. Il en va ainsi notamment
lorsqu’il s’agit du statut des diplomates et des agents consulaires qui jouissent d’immunités et

106
de privilèges liés à leurs fonctions en tant que représentants d’un Etat étranger souverain. Cette
règle a été rappelée avec force par la CIJ dans son arrêt du 24 mai 1980, dans l’affaire du
personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran. Elle a, en effet, estimé que les
Conventions de Vienne de 1961 et de 1963 sur les relations diplomatiques et consulaires
entraînent des limites à l’exercice des compétences territoriales de l’Etat de résidence à raison
du statut spécifique des représentants officiels des Etats étrangers. Il s’agit là, selon elle, de
« règles et principes indispensables au maintien de relations pacifiques entre Etats et acceptés
dans le monde entier par des nations de toutes croyance, cultures et appartenances politiques ».
La compétence territoriale s’incline également devant la compétence personnelle lorsque
sont en cause les droits de l’homme qui sont considérés comme rentrant dans la catégorie des
normes de jus cogens. Le respect des droits de l’homme fait, en effet, partie des intérêts
fondamentaux de la communauté internationale que tous les Etats ont le droit et l’obligation de
protéger.

B. La concurrence de compétence ou l’application extraterritoriale des lois nationales

Dans certains cas, la compétence personnelle d’un Etat peut entrer en concurrence avec la
compétence territoriale d’un autre Etat, notamment lorsqu’il veut donner un effet extraterritorial
à ses lois nationales. En effet, le droit international reconnaît aux Etats une compétence
normative extraterritoriale lui permettant d’édicter des normes susceptibles de s’appliquer à ses
ressortissants à l’étranger. Toutefois, il exclut toute compétence d’exécution extraterritoriale
forcée, le principe de l’exclusivité de la compétence territoriale autorisant l’autre Etat à
s’opposer aux activités concurrentes des autres Etats sur son territoire.
Il se pose, dans ce cas, des problèmes redoutables qui ne peuvent trouver leur solution que
dans la coopération entre les Etats concernés. En règle générale, les Etats ne refusent pas de
laisser produire certains effets au droit étranger sur leur territoire dans les limites qu’ils
définissent. A cet égard, ils manifestent généralement leur disponibilité à coopérer en vue de
son application effective, comme en matière d’extradition. Toutefois, ils se montrent le plus
souvent réticents à l’égard de toute tentative d’exécution unilatérale d’une réglementation
visant des actes commis à l’étranger par des ressortissants étrangers.

Section III – Formation et transformation de l’Etat

La création, la disparition et la transformation des Etats sont des situations de pur fait que le
droit prend en compte. Autrement dit, le droit international ne fixe pas les conditions pour la
formation ou la transformation d’un Etat. C’est pourquoi, il ne limite pas le nombre des Etats
composant la communauté internationale et admet que les Etats existants peuvent sans
restriction se transformer, voire disparaître. Toutefois, le droit international n’est pas indifférent
aux modalités de formation et de transformation des Etats. Il joue, à cet égard, un rôle important
qui lui permet soit d’accompagner la formation de l’Etat (§ 1), soit de fixer les modalités de sa
transformation ou de sa disparition (§ 2), soit de favoriser sa reconnaissance par la communauté
internationale (§ 3).

107
§ 1. La création de l’Etat

Dans le passé, la naissance de l’Etat a été faite sur la base de l’aptitude d’une entité à créer
un titre juridique primitif, appelé « terra nullius », territoire/espace n’appartenant à personne et
susceptible d’appropriation par le premier occupant. Si l’entité/collectivité s’appropriait une
terra nullius et y exerçait une occupation effective, et créait un titre juridique, elle devenait un
Etat. Dans ce cas, la constitution du titre territorial et la naissance de l’Etat étaient
indissociables. L’Etat naissait au même moment que son territoire se formait, d’où l’emploi du
terme titre juridique primitif.
Aujourd’hui, il n’y a plus de terra nullius et un nouvel Etat ne peut se former qu’à partir du
territoire d’un Etat déjà existant. Dans un monde fini où la quasi-totalité des espaces terrestres
relèvent soit d’une souveraineté étatique, soit d’un espace internationalisé, les Etat naissent
nécessairement autrement, car toutes les terres sont déjà appropriées et tous les groupes sont
soumis à une autorité étatique.
De nos jours, la création de nouveaux Etats peut se faire de deux manières : soit par la
décolonisation (A), soit par l’éclatement d’un Etat préexistant, à travers la sécession (B) ou la
dissolution (C).

A. La décolonisation

La décolonisation a été le mode de création de nombreux Etats au cours du XIXème siècle


en Amérique latine et dans la seconde moitié du XXème siècle en Afrique, en Asie et au Moyen-
Orient. Elle consiste en une rupture du lien de dépendance entre un territoire colonial et l’Etat
métropolitain, par l’accession du territoire colonial à l’indépendance.
La création d’Etats par la décolonisation a été encadrée progressivement par le droit
international. Le Pacte de la SDN avait organisé et encadré juridiquement la colonisation. Au
lendemain de la seconde guerre mondiale, la Charte des Nations Unies a renforcé cet
encadrement juridiquement de la colonisation en aménageant divers régimes coloniaux,
notamment celle de la tutelle pouvant évoluer vers l’indépendance. Cependant, s’appuyant sur
les articles 1, § 2 et 55, de la Charte qui mentionnent le « principe de l’égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », l’Assemblée générale a, sous la pression des
puissances anti-colonialistes, forgé progressivement un véritable droit à la décolonisation.
Ainsi, elle a adopté, à partir de 1950, une série de résolutions reconnaissant le droit à la
décolonisation des peuples coloniaux. L’adoption, par l’Assemblée générale, de la résolution
1514 (XVI) relative à la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux a été sans doute l’événement décisif qui a permis l’organisation effective de la
décolonisation de nombreux Etats à partir des années 1960. Ce texte, appelé « Charte de la
décolonisation », affirme notamment que « Le manque de préparation dans les domaines
politique, économique ou social ou dans celui de l’enseignement ne doit jamais être pris comme
un prétexte pour retarder l’indépendance ». Par la suite, l’Assemblée générale adoptera
plusieurs autres résolutions tendant à préciser le contenu du droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes ou à organiser les modalités de sa mise en œuvre.
Ainsi, consacré par de nombreuses et concordantes résolutions des Nations Unies,
confirmées par deux importants avis consultatifs de la CIJ (avis du 21 juin 1971 et avis du 16
octobre 1975 dans les affaires de la Namibie et du Sahara Occidental), le principe du « droit

108
des peuples à disposer d’eux-mêmes » a servi de catalyseur à la création de nombreux Etats. Il
est, aujourd’hui, considéré comme une norme coutumière relevant du jus cogens.
Dans son contenu, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes implique le droit d’accéder
au statut étatique. Cependant, en pratique, il revêt un contenu variable et sa mise en œuvre
s’avère parfois très complexe, comme en témoignent les revendications sécessionnistes dans
certains pays nouvellement décolonisés.

B. La sécession

Il s’agit de la séparation d’une partie du territoire d’un Etat préexistant qui laisse subsister
celui-ci. Il en a été, par exemple, de la Belgique qui s’est séparée des Pays-Bas et du Panama
qui s’est séparé de la Colombie.
Proche de la décolonisation, la sécession ne saurait cependant se confondre avec celle-ci.
Alors que la décolonisation a été encouragée et organisée par le droit international, la sécession
se heurte généralement à la réticence des Etats et de la communauté internationale. En outre, à
la différence du territoire colonial qui a un statut distinct de celui du territoire qui l’administre,
le territoire sécessionniste n’a pas de statut distinct de celui de l’Etat dont il veut se séparer.
C’est pourquoi, les revendications sécessionnistes se heurtent le plus souvent au principe
fondamental de l’intégrité territoriale des Etats.
La Déclaration de l’Assemblée générale des Nations Unies du 24 octobre 1970 sur les
principes touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats (Rés. 2625) précise,
en effet, que le principe du droit des peuples à l’autodétermination ne peut être interprété
« comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou
menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout Etat
souverain et indépendant (…) ».
Il découle de cette Déclaration qu’on ne peut déduire du droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes un droit à la sécession, lorsqu’il s’agit d’un peuple intégré dans un Etat. Il s’ensuit donc
que le droit international n’autorise pas la sécession qui apparaît comme un élément
perturbateur dans la vie d’un Etat.
En pratique, la sécession aboutit rarement à la création d’un nouvel Etat. Elle donne parfois
lieu à des conflits sanglants comme en témoignent les conflits consécutifs à la tentative de
sécession du Katanga au Congo en 1960, à la tentative de sécession du Biafra au Nigeria entre
1967 et 1969.
Dans certains cas cependant, la sécession peut aboutir à la création d’un nouvel Etat, comme
il en a été ainsi de la création du Bengladesh en 1970, de la création de l’Erythrée en 1993, de
la sécession du Kosovo en 2008 et de la création du Soudan du Sud en 2011. La communauté
internationale se contente alors d’entériner le fait accompli.

C. La dissolution d’Etats

La dissolution d’un Etat consiste dans l’éclatement d’un Etat préexistant en deux ou
plusieurs Etats nouveaux, dont aucun ne peut prétendre être le continuateur de celui dont ils
sont issus. Il en a été ainsi notamment de l’URSS en 1990 et 1991, de la Yougoslavie en 1991
et de la Tchécoslovaquie en 1992. Ces différents cas récents de dissolution ont touché des Etats
fédéraux et ont été réglés sur la base du principe de l’intégrité territoriale des anciennes entités

109
fédérées. Cependant, dans le cas d’un Etat unitaire, cette solution paraît difficilement
transposable.
Dans tous les cas, le droit international n’encourage pas davantage la dissolution d’un Etat
qu’il ne le fait pour la sécession. Il les considère comme des situations de fait que la
communauté internationale se contente le plus souvent d’entériner.

D. La fusion et la scission d’Etats

La fusion d’Etats se produit lorsque deux ou plusieurs Etats se regroupent pour n’en
constituer qu’un seul. Il en a été ainsi des USA qui se sont substitués aux Etats préexistant
d’Amérique du nord.
Quant à la scission d’Etats, elle a lieu lorsqu’un Etat unique éclate pour donner naissance à
deux ou plusieurs Etats nouveaux. L’Etat préexistant disparait ici aussi.
Qu’il s’agisse de la fusion ou de la scission d’Etats, elles soulèvent le problème de la
succession d’Etat.

§ 2 – La succession d’Etats

La succession d’Etats peut être définie, d’une manière générale, comme étant la substitution
d’un Etat à un autre Etat dans ses responsabilités internationales. Elle résulte généralement
d’une mutation territoriale se traduisant par un transfert définitif de territoires d’un Etat à un
autre, quelle qu’en soit la forme : fusion d’Etats, démembrement d’un Etat, disparition d’un
Etat. La succession d’Etat soulève en droit international plusieurs questions complexes : quels
seront les rapports entre l’Etat successeurs et les sujets de droit internes, en ce qui concerne en
particulier la nationalité des personnes privées et le respect de leurs droits acquis ? Quels
doivent être les rapports entre l’Etat successeur et l’Etat prédécesseur, concernant notamment
la substitution de systèmes juridiques, la dévolution des biens de l’Etat prédécesseur et la
transmission de ses dettes ? Quels seront les rapports entre l’Etat successeur et l’ordre
international ?
Seule cette dernière question sera abordée ici. Elle concerne aussi bien le sort des traités
internationaux (A) que la participation aux organisations internationales (B) et la succession à
la responsabilité internationale (C).

A. Le sort des traités internationaux

L’une des questions majeures posées par la succession d’Etats est celle du sort des traités
conclus par l’Etat prédécesseur. Il s’agit de savoir si l’Etat successeur est automatiquement lié
par les traités conclus par son prédécesseur ou s’il peut en revendiquer le bénéfice. La
Convention des Nations Unies du 22 août 1978 sur la succession d’Etats en matière de traité
distingue deux situations, selon que la succession d’Etats concerne une partie du territoire ou
qu’elle découle de la création de nouveaux Etats.
En cas de succession d’Etat concernant une partie du territoire, c’est-à-dire lorsque l’Etat
successeur n’est pas un Etat nouveau, l’article 15 de la Convention prévoit que les traités
conclus par l’Etat successeur sont étendus au territoire transféré auquel les traités de l’Etat
prédécesseur cessent de s’appliquer.

110
En cas de création d’un nouvel Etat, le principe applicable est celui de l’intransmissibilité
des traités conclus par l’Etat prédécesseur. Pour participer à ces traités, le nouvel Etat devra
donc engager une nouvelle procédure d’admission. Toutefois, l’Etat successeur peut être lié
exceptionnellement par certains traités. Il en va ainsi notamment lorsque les traités conclus par
l’Etat prédécesseur ont créé une « situation objective », telle qu’une neutralisation ou une
démilitarisation. Il en va ainsi également pour les traités contenant des normes coutumières ou
des normes de jus cogens.

B. La participation aux organisations internationales

La participation aux organisations internationales constitue sans doute un facteur de


reconnaissance de la qualité de sujet de droit international à un Etat. Conformément aux
principes généraux du droit des organisations internationales, l’Etat successeur n’a pas un droit
de participation automatique aux organisations internationales dont était membre l’Etat
prédécesseur et ne peut non plus être contraint d’y participer. Il devra par conséquent demander
son admission dans les organisations concernées et se soumettre aux procédures habituelles
d’acceptation de sa candidature.
Il en a été ainsi dans les années 1960 pour les Etats issus de la décolonisation qui ont dû
engager des procédures d’admission au sein des Nations Unies et des autres organisations
internationales.
Dans certains cas cependant, un Etat successeur peut revendiquer sa participation
automatique à une organisation internationale. C’est le cas notamment en cas de démembrement
de l’Etat prédécesseur (cas de la Russie qui a succédé à l’URSS, à la suite de l’éclatement de la
fédération en 1991)2 ou de réunification de deux Etats antérieurement séparés (cas de la RFA
et de la RDA)3.

C. La succession à la responsabilité internationale

Le droit international n’admet pas la succession d’Etat en matière de responsabilité


internationale. Ce principe général vaut aussi bien pour la responsabilité passive que pour la
responsabilité active.
Ainsi, en matière de responsabilité passive, l’Etat successeur n’est pas habilité à exercer sa
protection personnelle, par la mise en œuvre de la protection diplomatique, en vue d’engager la
responsabilité internationale d’un Etat tiers pour des faits antérieurs à la succession.
En matière de responsabilité active, l’Etat successeur n’est pas comptable des actes
internationalement illicites commis par l’Etat prédécesseur au détriment d’Etats tiers. L’Etat
auteur des actes illicites reste, en principe, seul responsable de ces actes. Toutefois, en cas de
disparition de celui-ci, la pratique internationale offre des solutions permettant à l’Etat
successeur d’assumer ses responsabilités au profit des victimes qui, autrement, resteraient sans
indemnisation.

2
Par l’Accord d’Alma-Ata du 21 décembre 1991, les Etats membres de la CEI ont accepté que la Russie succède
à l’URSS aux Nations Unies, avec tous les droits et prérogatives qui lui sont reconnus, notamment le droit de
veto.
3
Après la réunification des deux entités allemandes en 1991, l’Allemagne s’est contentée d’en faire notification
aux Nations Unies et aux autres organisations internationales.
111
§ 3 – La reconnaissance d’Etat

La reconnaissance d’Etat est un acte unilatéral par lequel un Etat déclare accepter l’existence
d’un autre Etat comme lui étant opposable et en tire les conséquences au plan du droit. Il s’agit
là d’une prérogative reconnue aux Etats par le droit international. Bien qu’elle ne constitue pas
un élément constitutif de l’Etat, la reconnaissance d’Etat joue un rôle important dans la
formation et la transformation des Etats (A). Ses modalités de mise en œuvre sont cependant
complexes (B).

A. Nature et fonctions de la reconnaissance d’Etat

La formation et la transformation de l’Etat en tant que tel est une question de pur fait, que le
droit international se contente d’entériner. Pour qu’un Etat existe, il suffit qu’il réunisse les trois
conditions objectives que sont le territoire, la population et le gouvernement effectif. La
reconnaissance d’Etat ne constitue donc pas un élément constitutif de l’existence de l’Etat.
Cependant, il se pose la question de savoir comment constater l’existence d’un Etat.
A défaut d’une autorité supérieure qui se prononcerait sur l’existence d’un Etat, ce sont les
Etats qui le font. Ainsi, pour objective qu’elle soit en droit, l’existence de l’Etat ne peut pas
faire l’objet d’une reconnaissance par elle-même. A partir du moment où les seuls pouvant juger
de l’existence des trois éléments sont les autres Etats, en définitive, ce sont les Etats tiers qui
vont tenir tel ou tel nouvel Etat comme constitué à leur égard. La reconnaissance joue donc une
fonction importante dans la création de l’Etat.
La question de la nature de la reconnaissance d’Etat a, pendant longtemps, fait l’objet d’un
débat entre les partisans de la théorie de la reconnaissance constitutive et ceux de la théorie de
la reconnaissance déclarative. Pour les tenants de la théorie de la « reconnaissance
constitutive », celle-ci constitue, avec l’existence d’une population, d’un territoire et d’un
gouvernement, un quatrième élément constitutif de l’Etat. La reconnaissance d’Etat, selon eux,
permet, en effet, d’attribuer la qualité d’Etat à une entité, en ce sens qu’elle permet de
parachever son processus de création.
Cette conception de la reconnaissance d’Etat, soutenue par les auteurs volontaristes comme
Triepel et Jellinek, a été combattue par les partisans de la « reconnaissance déclarative », selon
lesquels la reconnaissance ne saurait être un élément constitutif de l’Etat, dans la mesure où
l’existence de celui-ci est un élément de fait qui ne peut dépendre de la volonté des autres Etats.
Pour eux, en effet, la reconnaissance d’Etat n’a qu’une portée déclarative, en ce sens que son
seul objet est de constater l’existence de l’Etat nouveau, sans lui conférer la qualité d’Etat qu’il
possède déjà du fait de la réunion des trois éléments constitutifs de l’Etat.
Cette dernière conception, qui est la plus dominante aujourd’hui, est consacrée par une large
pratique des Etats en la matière. Cependant, la plupart des auteurs s’accordent à reconnaître que
même si elle est déclarative, la reconnaissance joue une fonction importante dans la formation
et la transformation des Etats et comporte des effets de droit non négligeables.
La reconnaissance participe en effet au processus de formation de l’Etat, dans la mesure où
elle aide les faits à s’imposer et consolide en droit les éléments de fait. Elle peut ainsi accélérer
la formation d’un nouvel Etat et faciliter sa participation à la vie internationale en tant que
membre à part entière de la communauté internationale. Par l’acte unilatéral de reconnaissance,
un ou plusieurs Etats attestent de l’existence, à leur égard, d’une situation qu’ils se rendent

112
opposable et incontestable. Non seulement l’Etat existe vis-à-vis d’eux en tant qu’Etat (il leur
est opposable), mais aussi il ne peut pas revenir sur cette reconnaissance.
Sur le plan juridique, la reconnaissance n’est pas dénuée de tout effet de droit. Elle permet
d’établir l’existence de l’Etat à l’égard de celui qui le reconnaît. L’auteur de la reconnaissance
est tenu de garantir à l’entité qu’il reconnaît comme Etat les effets que le droit international
attache à la qualité d’Etat. La reconnaissance permet également au nouvel Etat d’avoir des
relations diplomatiques et juridiques avec ceux qui le reconnaissent, de conclure avec eux des
traités et de participer facilement à des organisations internationales. La reconnaissance permet
donc la mise en œuvre de toutes les prérogatives attachées à la qualité d’Etat et permet au nouvel
Etat d’exercer les fonctions qu’il tire de son statut.
L’absence de reconnaissance condamne l’Etat non reconnu à une existence virtuelle et
autarcique puisqu’elle exclut les relations avec les autres Etats.
Il ne faut pas confondre la reconnaissance d’un Etat et la reconnaissance de gouvernement.
La reconnaissance de gouvernement intervient en cas de changement de régime notamment à
la suite d’un coup d’Etat ou d’une révolution. Les Etats tiers reconnaîtront le gouvernement
qu’ils considèrent être le gouvernement légitime lorsque deux gouvernements se déclarent
légitimes dans un même Etat.

B. Modalités de mise en œuvre de la reconnaissance d’Etat

La reconnaissance d’Etat a un caractère discrétionnaire. Le droit international ne prescrit


aucune modalité dans sa mise en œuvre. En pratique, cependant, il existe plusieurs modalités
de sa mise en œuvre et les Etats peuvent la soumettre à des conditions prédéfinies ou non.
Théoriquement, la reconnaissance peut être faite de jure ou de facto.
La reconnaissance de jure est une reconnaissance explicite, solennelle, irrévocable, pleine et
entière qui produit la totalité des effets théoriques de la reconnaissance. Elle se traduit
généralement par un Acte officiel de reconnaissance. La reconnaissance de facto est une
reconnaissance implicite, provisoire et révocable qui produit des effets limités. Elle ne résulte
pas d’un acte solennel mais de contacts réguliers ou de conclusion de traités communs.
Par ailleurs, la reconnaissance peut être exercée de façon individuelle ou collective. La
reconnaissance est individuelle lorsqu’elle émane d’un seul Etat. En règle générale, chaque Etat
reconnaît l’Etat nouveau par un acte individuel qui, juridiquement, n’engage que lui. La
reconnaissance collective, qui est généralement circonstancielle, intervient lorsque plusieurs
Etats s’entendent pour reconnaître collectivement un nouvel Etat.
La reconnaissance peut être également faite de façon expresse ou implicite. On parle de
reconnaissance expresse ou explicite lorsque l’Etat qui reconnaît adopte un acte juridique
formel qui exprime clairement sa volonté de reconnaître l’Etat nouveau. La reconnaissance est
implicite ou tacite lorsqu’elle peut être déduite de certains actes qui sont habituellement
réservés aux relations interétatiques comme l’entretien de relations diplomatiques ou la
conclusion de traités internationaux.
L’Etat est libre de reconnaître à tout moment un autre Etat, selon son appréciation propre et
même pour des raisons d’opportunité.
En pratique cependant, il existe en droit international, une limitation à la liberté d’exercice
de la reconnaissance d’Etat, qui résulte du droit international général et plus précisément de
113
l’interdiction de reconnaître une situation territoriale acquise par la force. Cette obligation de
non-reconnaissance de situations constituées par l’usage illicite de la force a été réaffirmée par
la Déclaration des Nations Unies de 1970 relative aux principes du droit international touchant
les relations amicales et la coopération entre les Etats (résolution 2625 de l’AG de l’ONU) et
découle de l’interdiction du recours à la force tel que prévu à 2, § 4 de la Charte des Nations
Unies.
Cependant, cette obligation de non reconnaissance est purement passive. Elle n’implique pas
une quelconque obligation d’agir ou même de dénoncer la situation. En réalité, l’obligation de
non-reconnaissance est une impossibilité légale de reconnaître la situation constituée par la
force.
Cette pratique de non-reconnaissance a été initiée par les Etats-Unis, sous le régime de la
SDN, à la suite de la crise de l’Etat de Mandchoukouo en 1932. Le Mandchoukouo était un Etat
constitué par le Japon par amputation d’une partie du territoire chinois, la province de
Mandchourie. Le Secrétaire d’Etat américain de l’époque, Stimson, avait alors déclaré que les
Etats-Unis n’entendaient pas reconnaître une situation ou un traité obtenu par des moyens
contraires aux engagements et obligations du Pacte Briand-Kellogg de 1928. Cette position,
qualifiée depuis lors de « Doctrine Stimson » impliquait le refus de reconnaître un Etat créé par
une action de force illicite. Elle a été, par la suite, généralisée dans la politique de
reconnaissance de nombreux Etats, puis consacrée par les Nations Unies.

114
CHAPITRE 2 : LES SUJETS A COMPETENCE SPECIALISEE : LES
ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Une organisation internationale constitue, selon Sir Gerald Fitzmaurice, « une association
d’Etats constituée par traité, dotée d’une constitution et d’organes communs, et possédant une
personnalité juridique distincte de celle des Etats membres ». En tant que regroupements
d’Etats, les organisations internationales sont anciennes dans les relations internationales. Les
premières organisations ont, en effet, été créées dès le XIXème siècle sous forme de
commissions fluviales4 et d’unions administratives5. Mais c’est surtout au XXème siècle
qu’elles se sont se multipliées et se sont imposées comme des acteurs incontournables des
relations internationales. Créées par les Etats en vue de répondre à leurs besoins de coopération,
elles n’étaient pas considérées à l’origine comme des sujets du droit international. Elles sont
devenues progressivement des sujets du droit international après la seconde guerre mondiale
et leur personnalité juridique internationale n’est plus, aujourd’hui, contestée. Cependant,
contrairement aux Etats qui sont des sujets à plénitude de compétence, les organisations
internationales sont des sujets dérivés qui ont des compétences restreintes liées aux buts et
objectifs qui leur sont assignés. Cette qualité de sujet dérivé résulte de la reconnaissance de leur
personnalité juridique internationale (Section I) et des compétences qui leur sont assignées par
leurs chartes constitutives (Section II). Elle induit une véritable transformation du droit
international.

Section I : La personnalité internationale des organisations internationales

Bien que l’existence des organisations internationales soit ancienne dans les relations
internationales, la reconnaissance de leur statut juridique international est relativement
récente. Elle remonte, en effet, à la création de l’ONU en 1945 et au débat engagé en son sein
sur la personnalité juridique internationale de l’Organisation. Saisie d’une demande d’avis
consultatif à ce sujet, la CIJ a, dans son avis consultatif rendu en 1949 dans l’affaire relative à
la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, conclu que l’ONU jouit de la
personnalité juridique internationale. Depuis lors, la reconnaissance de la personnalité
juridique des organisations internationales s’est généralisée et figure désormais dans leurs
chartes constitutives. Elle est désormais renforcée par la reconnaissance de leur personnalité
juridique interne. Les organisations internationales jouissent donc d’une double personnalité
juridique : la personnalité juridique internationale (§ 1) et la personnalité juridique interne (§
2).

§ 1 : La personnalité juridique internationale des organisations internationales

Le droit international classique ne reconnaissait pas explicitement aux organisations


internationales la personnalité juridique internationale. Celles-ci n’étaient donc pas

4
Commission centrale du Rhin, prévue pour l’Acte final du Congrès de Vienne et créée par la Convention de
Mayence de 1831 ; Commission européenne du Danube, établie par le Traité de Paris de 1856.
5
Union Télégraphique internationale (UTI), créée en 1865 ; Bureau International des Poids et Mesures, créée en
1875 ; Union Postale Universelle (UPU), créée en 1878 ; Union pour la protection des Œuvres Littéraires et
Artistiques, créée en 1883.
115
considérées comme des sujets du droit international. Le Pacte de la SDN était silencieux sur la
question de la personnalité juridique de la Société. Cette situation était, d’ailleurs, reconnue par
l’affirmation de la CPJI dans son arrêt rendu en 1927 dans l’affaire du Lotus, lorsqu’elle a
affirmé que : « Le droit international régit les rapports entre Etats indépendants »6. Le droit
international étant appelé à régir les rapports entre Etats, il n’avait pas vocation à s’appliquer
aux organisations internationales.
La Charte de l’ONU de 1945 est également silencieuse sur la question de la personnalité
juridique de l’Organisation et de sa qualité de sujet du droit international. La reconnaissance
de sa personnalité juridique internationale a cependant été l’œuvre d’une construction
jurisprudentielle. C’est la CJI qui, la première, a posé les jalons de la reconnaissance de la
personnalité juridique internationale de l’ONU dans son avis consultatif rendu le 11 avril 1949,
dans l’affaire relative à la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies
(Affaire du Comte Bernadotte). Saisie par l’Assemblée générale d’une demande d’avis
consultatif sur la question de savoir si l’ONU possédait la capacité de présenter une réclamation
internationale contre un Etat, pour le compte de ses agents, en l’occurrence les ayants-droit du
Comte Bernadotte, médiateur des Nations Unies, assassiné dans l’exercice de ses fonctions en
Palestine, la Cour a répondu par l’affirmative, en élaborant toute une théorie de la personnalité
juridique internationale.
La Charte étant silencieuse sur la question, la Cour s’est appuyée à la fois sur les caractères
généraux de l’ONU, qui constitue une organisation permanente, sur sa structure interne et les
compétences propres de ses organes, ainsi que sur le caractère international de sa mission qui
est de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer les relations internationales
entre les nations et de réaliser la coopération internationale dans l’ordre économique,
intellectuel et humanitaire, pour reconnaître que l’ONU dispose, au moins implicitement, de la
personnalité juridique internationale. La Cour a, en effet, affirmé que : « la Charte ne s’est pas
bornée à faire simplement de l’Organisation créée par elle un centre où s’harmonisent les
efforts des Nations vers les fins communes définies par elle (…). Elle lui a donné des organes ;
elle lui a assigné une mission propre. Elle a défini la position des membres par rapport à
l’Organisation (…) ». Elle a ajouté que : « Il serait difficile de concevoir comment une telle
convention pourrait déployer ses effets sinon sur le plan international et entre parties possédant
la personnalité internationale ». Aussi, a-t-elle conclu que : « On doit admettre que ses
membres, en lui assignant certaines fonctions, avec les devoirs et les responsabilités qui les
accompagnent, l’ont revêtue de la compétence nécessaire pour lui permettre de s’acquitter
effectivement de ses fonctions »7. La Cour a ajouté que : « Cela signifie que l’Organisation est
un sujet de droit international, qu’elle a la capacité d’être titulaire de droits et de devoirs
internationaux et qu’elle a la capacité de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation
internationale »8.
En d’autres termes, la personnalité juridique internationale de l’ONU, quand bien même elle
n’est pas affirmée par la Charte, est une nécessité pour permettre à l’Organisation de s’acquitter

6
CPJI, Série A, n° 10, p. 18.
7
CIJ, Avis consultatif du 11 avril 1949, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Rec : 1949,
pp. 178-179.
8
CIJ, Réc. 1949, p. 179.
116
de ses fonctions. Pour la Cour, en effet, une organisation internationale est censée posséder
toutes les compétences nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de ses fonctions, de ses
missions telles qu’elles apparaissent dans sa charte constitutive. Il s’agit là d’une
reconnaissance implicite et explicite de la personnalité internationale de l’ONU.
Mais, au-delà de la reconnaissance de la personnalité juridique internationale de l’ONU,
cette analyse de la Cour a eu une portée considérable, puisqu’elle a servi de base pour la
construction de la théorie de la personnalité juridique internationale des organisations
internationales. La doctrine y a vu une base suffisante permettant d’établir un principe général
selon lequel toutes les organisations internationales possèdent toutes les compétences
internationales nécessaires pour remplir les buts et missions qui leur ont été confiés par leurs
chartes constitutives. Dans les faits, elle a été transposée, mutatis mutandis, aux organisations
internationales en général, car l’accomplissement de leurs missions respectives exige une
capacité d’action autonome dans les relations internationales et donc une personnalité
internationale distincte de celle des Etats membres. De nos jours, la personnalité juridique
internationale des organisations internationales est reconnue et consacrée par leurs propres
chartes constitutives et la question de leur statut de sujets du droit international n’est plus
discutée9 .
D’une manière générale, on s’accorde à reconnaître que cette personnalité juridique est une
personnalité internationale fonctionnelle, c’est-à-dire une personnalité juridique destinée à
permettre à l’organisation d’assurer ses fonctions. Elle se distingue donc de la personnalité
internationale des Etats qui est pleine et entière. Elle constitue aussi une personnalité
internationale objective, qui s’impose erga omnes aux Etats membres et aux Etats non
membres. Dans son Avis consultatif précité sur la Réparation des dommages subis au service
des Nations Unies, la CIJ avait affirmé que la personnalité internationale de l’ONU était « une
personnalité internationale objective », c’est-à-dire opposable à tous les Etats, y compris aux
Etats non membres et ce, indépendamment de toute reconnaissance de leur part. Par ailleurs, la
personnalité juridique des organisations internationales est une personnalité juridique dérivée,
car elle résulte de la volonté des Etats membres qui les créent.
La personnalité internationale des organisations internationales n’implique cependant pas
qu’elles aient les mêmes droits et obligations que les Etats, ni entre elles. Dans le même avis
consultatif, la Cour a, en effet, souligné que : « Tous les sujets de droit, dans un système
juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature et à l’étendue de leurs
droits (…) Leur nature dépend des besoins de la Communauté »10. Autrement dit, dans l’ordre
juridique international, il existe plusieurs catégories de sujets et ceux-ci ne sont pas tous placés
sur le même pied d’égalité.
Cette reconnaissance formelle de la personnalité internationale est généralement renforcée
par la reconnaissance de leur personnalité juridique interne.

9
Voir par exemple article 39 de la constitution de l’OIT ; article 4 du statut de Rome DE la CPI ; article 47 du
Traité de Lisbonne sur l’UE. A noter cependant que l’Acte constitutif de l’UA reste silencieux quant à la
personnalité juridique de l’Union. Il en va de même du Traité révisé de la CEDEAO.
10
CIJ, Avis consultatif du 11avril 1949, Rec. 1949, p. 178
117
§ 2 : La personnalité juridique interne des organisations internationales

Indépendamment de leur personnalité juridique internationale, les organisations


internationales jouissent d’une personnalité juridique interne qui leur confère la capacité
juridique nécessaire pour agir dans l’ordre juridique interne de leur Etat de siège et dans les
ordres juridiques nationaux des autres Etats membres.
Contrairement à leur personnalité juridique internationale qui est une construction
jurisprudentielle consolidée par le droit conventionnel, la personnalité juridique interne des
organisations internationales trouve sa base juridique dans leurs chartes constitutives, mais
aussi dans le droit interne des Etats concernés.
Ce sont, en effet, les actes constitutifs des organisations internationales qui prévoient que
les organisations internationales auxquelles elles donnent naissance doivent être considérées
comme des personnes morales dans l’ordre interne des pays membres. La plupart des chartes
constitutives des organisations internationales adoptées après la seconde guerre mondiale leur
confèrent la personnalité juridique interne sur le territoire des pays membres. Ainsi, alors que
le Pacte de la SDN était silencieux sur la question, l’article 104 de la Charte des Nations Unies
prévoit que : « L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, de la
personnalité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre son but ».
Cette solution, considérée comme relevant du droit commun des organisations internationales,
a été reproduite presque textuellement dans les actes constitutifs des institutions spécialisées
des Nations Unies et dans les chartes constitutives de la plupart des autres organisations
internationales, universelles et régionales.
Toutefois, de telles dispositions sont le plus souvent insuffisantes, car imprécises et
lacunaires quant au contenu et à la portée de la personnalité juridique interne des organisations
internationales. C’est pourquoi, elles sont, le plus souvent, précisées par les conventions
spéciales que sont les accords de siège et les accords sur les privilèges et immunités des
organisations internationales. Il en va ainsi, par exemple, de la Convention de 1946 sur les
privilèges et immunités de l’ONU et de la Convention de 1947 sur les privilèges et immunités
des institutions spécialisées de l’ONU.
L’étendue et la portée de la personnalité juridique interne des organisations internationales
sont également précisées par le droit interne des Etats membres au titre de leur obligation de
respecter leurs engagements internationaux.
En règle générale, la personnalité juridique interne reconnue aux organisations
internationales est de type fonctionnel, dans la mesure où elle leur permet d’accomplir les
fonctions qui leur sont imparties par leurs chartes constitutives. En vertu de cette personnalité
juridique interne, elles peuvent passer des contrats avec d’autres personnes juridiques, acquérir
et aliéner des biens, ester en justice dans l’ordre juridique interne de chacun des Etats membres.
Cependant, cette personnalité juridique interne ne se confond pas avec la personnalité juridique
internationale et ne découle pas automatiquement de celle-ci.
La personnalité juridique interne des organisations internationales prolonge et complète leur
personnalité juridique internationale. Elles impliquent toutes les deux la reconnaissance des
compétences des organisations internationales.

118
Section II : Les compétences des organisations internationales

Reconnaître la personnalité juridique des organisations internationales c’est leur reconnaître


des compétences propres pour leur permettre d’agir dans l’ordre international et éventuellement
dans les ordres juridiques internes de leurs Etats membres. Les compétences des organisations
internationales sont l’ensemble des pouvoirs et moyens juridiques qui leur sont reconnus afin
de leur permettre de réaliser les buts et objectifs qui leur sont assignés par leurs actes
constitutifs. Elles reposent sur le principe de spécialité (§ 1) et ont une nature et des fonctions
très variées (§ 2). Comme celles des Etats, elles sont protégées par le droit international (§ 3).

§ 1 : Les fondements des compétences des organisations internationales : le principe


de spécialité

Contrairement aux Etats qui disposent en droit international de compétences générales, les
organisations internationales n’ont que des compétences limitées aux missions qui leur sont
assignées. Leurs compétences reposent, en effet, sur le principe de spécialité, en vertu duquel
chaque organisation internationale n’a de compétences que celles qui lui sont attribuées par ses
Etats membres à travers son acte constitutif. Il s’agit donc de compétences d’attribution, c’est-
à-dire de compétences qui leur sont attribuées par les Etats qui les ont créées. Par conséquent,
une organisation internationale ne peut agir qu’au regard des buts et missions qui lui sont
assignés par son acte constitutif. Elle ne peut faire que ce que son statut l’autorise à faire.
C’est ce qu’a reconnu le CIJ dans son avis consultatif précité de 1949 sur la Réparation des
dommages subis au service des Nations Unies, lorsqu’elle a affirmé que : « Alors qu’un Etat
possède dans leur totalité les droits et devoirs internationaux reconnus par le droit
international, les droits et devoirs d’une entité telle que l’Organisation doivent dépendre des
buts et fonctions de celle-ci énoncés ou impliqués dans son acte constitutif et développés dans
la pratique »11. Ce principe de spécialité a été récemment réaffirmé par la Cour dans son avis
consultatif du 8 juillet 1996 sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé, dénommé Avis « OMS » : « Les Organisations internationales sont des sujets
de droit international qui ne jouissent pas, à l’instar des Etats, de compétences générales. Les
organisations internationales sont régies par « le principe de spécialité », c’est-à-dire dotées
par les Etats qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des
intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir »12. Il découle de cette
analyse jurisprudentielle que les organisations internationales n’ont pas toutes les mêmes
compétences et qu’elles ne forment pas une catégorie homogène de sujets de droit. Autrement
dit, chaque organisation internationale est unique en son genre.
En règle générale, leurs droits et obligations et donc leurs compétences sont énumérés
explicitement par leur traité constitutif et sont fonction des buts et fonctions qui leur sont
assignés. Toutefois, la doctrine, tout comme la jurisprudence internationale, reconnaît que
l’étendue des compétences d’une organisation ne se limite pas forcément à leur énumération
expresse dans le texte de sa charte constitutive. Dans son avis consultatif précité sur la
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, la CIJ avait affirmé que : « les

11
CIJ, Rec. 1949, p. 180.
12
CII, Rec. 1996, p.180.
119
droits et devoirs d’une entité telle que l’Organisation doivent dépendre des buts et fonctions de
celle-ci, énoncés ou impliqués par son acte constitutif et développés dans la pratique »13. Allant
plus loin, elle a souligné que : « Selon le droit international, l’Organisation doit être considérée
comme possédant ces pouvoirs qui, s’ils ne sont pas expressément énoncés dans la Charte, sont
par une conséquence nécessaire conférées à l’Organisation en tant qu’essentiels à l’exercice
des fonctions de celle-ci »14. Cette solution de la CIJ a été interprétée par la doctrine comme
créant une théorie « des compétences implicites ». Elle induit une interprétation libérale et
dynamique des compétences expresses et des objectifs des organisations internationales, ainsi
qu’une extension de leurs compétences, tout en les contenant dans les limites du principe de
spécialité. Le principe de spécialité constitue donc une limite à la théorie des pouvoirs
implicites, car, comme l’a reconnu la Cour elle-même, on ne peut accorder à l’Organisation des
compétences qui vont au-delà des termes de sa charte constitutive.
Conçue dans le cadre des Nation Unies, la théorie des compétences implicites a cependant
été étendue à l’ensemble des organisations internationales et des organisations d’intégration
régionale, comme l’a d’ailleurs réaffirmé à plusieurs reprises la Cour de justice des
Communautés européennes15.

§ 2 : La nature et les fonctions des compétences des organisations internationales

Les compétences des organisations internationales leur permettent de s’acquitter de leurs


missions conformément à leurs actes constitutifs. Dans la pratique cependant, elles leur
permettent de jouer un rôle très actif dans la société internationale et font d’elles des sujets
incontournables du droit international contemporain. Ces compétences sont de nature variée et
assurent diverses fonctions.
Ainsi, concernant leur nature, ces compétences peuvent être soit normatives, soit
opérationnelles. Les compétences normatives sont celles qui les autorisent à adopter
unilatéralement des normes, c’est-à-dire des règles juridiques de portée générale ou
individuelle. A cet égard, toutes les organisations internationales exercent des compétences
normatives plus ou moins étendues selon leurs chartes constitutives. Le droit international
contemporain est fortement marqué par les compétences normatives des organisations
internationales, universelles et régionales, dont les actes unilatéraux constituent, désormais, des
sources importantes de normes internationales. Les compétences normatives des organisations
d’intégration sont encore plus étendues que celles des organisations de simple coopération. Ces
compétences normatives portent aussi bien sur le fonctionnement desdites organisations que
sur les normes de comportement imposées à leurs Etats membres, sur l’harmonisation leurs
législations nationales et sur le règlement pacifique de leurs différends. Elles comprennent
également la participation aux traités internationaux.
Les compétences opérationnelles sont celles qui leur confèrent des pouvoirs d’actions autres
que l’édiction des normes. Elles comprennent, notamment, l’apport d’une assistance
économique, technique, administrative, ou militaire aux Etats membres, les initiatives de
règlements pacifiques de leurs différends, les mesures de sanction des Etats membres, la

13
Cf. CIJ, Rec., 1949, p. 180
14
Ibid., p. 182.
15
Voir par exemple CJEC, affaire AETR et AVIS 1-76, Rec. 1977, p.741
120
représentation diplomatique pour l’exercice de la protection fonctionnelle au profit de
l’organisation ou de ses agents. Ces compétences fonctionnelles sont également plus ou moins
étendues d’une organisation à une autre et selon leurs chartes constitutives.
Quant aux fonctions des compétences des organisations internationales, ce sont celles qui
ont trait à la réalisation des finalités qui leur sont assignées. A cet égard, les fonctions de ces
compétences peuvent être regroupées en deux catégories : les fonctions de coopération et celles
d’intégration. Les fonctions de coopération sont celles qui ont pour seule ambition de favoriser
la coopération entre les Etats membres, sans porter atteinte à leur souveraineté, notamment en
rapprochant leurs politiques dans des domaines déterminés. Les fonctions d’intégration, en
revanche, visent à réaliser une intégration politique, économique ou autre entre les Etats
membres à travers des politiques communes ou uniformes et impliquent un abandon partiel des
souverainetés des Etats membres au profit des organes des organisations concernées. A cet
égard, les organisations qui disposent de compétences d’intégration sont qualifiées
d’organisation d’intégration, alors que celles qui mettent en œuvre des compétences de
coopération sont appelées des organisations de simple coopération.
Dans les faits cependant, la plupart des organisations d’intégration disposent également de
compétences de coopération (cas de l’UE, CEDEAO, CEEAC, SADC) et, inversement,
certaines organisations de simple coopération disposent parfois de véritables compétences
d’intégration dans certains domaines (cas de l’ONU et de l’UA). En outre, l’étendue des
compétences d’intégration de certaines organisations internationales conduit à les considérer
comme des organisations « supranationales », en raison de l’importance des compétences qui
leur sont transférées par les Etas membres. Ces organisations tendent à se rapprocher de
véritables Etats fédéraux.

§ 3 : La protection des compétences des organisations internationales

Tout comme les Etats, les organisations internationales bénéficient, en droit international,
des avantages, privilèges et immunités destinés à protéger leurs compétences, à garantir le
respect de leur personnalité et à assurer leur bon fonctionnement. Cependant, contrairement aux
avantages, privilèges et immunités des Etats qui trouvent leurs fondements juridiques dans la
pratique des Etats telle que codifiée par les accords internationaux, les privilèges et immunités
des organisations internationales ont un fondement essentiellement conventionnel. Ce sont, en
effet, les chartes constitutives de ces organisations qui posent le principe des privilèges et
immunités. Il en va ainsi, par exemple, de l’article 105, § 1 de la Charte de l’ONU qui prévoit
que : « L’Organisation jouit sur le territoire de chacun de ses Membres des privilèges et
immunités qui lui sont nécessaires pour atteindre ses buts ». On retrouve des dispositions
analogues dans la plupart des chartes constitutive des organisations internationales
contemporaines. Toutefois, ces dispositions sont le plus souvent complétées et précisées par les
accords sur les privilèges et immunités conclus avec l’ensemble des Etats membres et par les
accords de siège conclus avec les Etats de siège16. Elles sont également complétées par les
législations nationales des Etats membres.

16
Cf. accords de siège et accords sur les privilèges et immunités conclus par l’ONU et ses institutions
spécialisées respectivement en 1946 et 1947.
121
En vertu de ces privilèges et immunités, les organisations internationales jouissent des
avantages et privilèges diplomatiques reconnus par le droit international dans chacun des Etats
membres, ainsi que des immunités de juridiction et d’exécution devant leurs tribunaux
nationaux. Par conséquent, elles ne peuvent être poursuivies devant des juridictions nationales,
ni se voir imposer des actes de contrainte dans leurs biens et leurs locaux. Ces avantages,
privilèges et immunités sont reconnus aussi bien aux organisations internationales elles-mêmes
qu’à leurs agents. Ce sont des privilèges et immunités de type fonctionnel, c’est-à-dire qu’ils
sont limités aux besoins des organisations internationales, afin de leur permettre d’exercer leurs
missions en toute autonomie.
Les avantages, privilèges et immunités des organisations internationales sont calqués sur
ceux des Etats. Toutefois, contrairement à ces derniers qui connaissent d’importantes
limitations contemporaines, ces privilèges et immunités ont un caractère absolu et complet.
Cependant, tout comme les Etats, les organisations internationales peuvent y renoncer
expressément à propos d’une affaire déterminée.
En définitive, la reconnaissance de la personnalité internationale des organisations
internationales et l’extension progressives de leurs compétences font d’elles des sujets
incontournables du droit international contemporain. Titulaires de droits et de devoirs conférés
directement par le droit international, elles offrent aujourd’hui des cadres privilégiés pour la
codification, l’élaboration et le développement progressif du droit international. Désormais,
leur qualité de sujet du droit international n’est plus discutée. La reconnaissance de leur
personnalité juridique et de leur qualité de sujets de droit international entraîne une
transformation majeure dans le droit international. Désormais, les Etats ne sont plus les seuls
sujets du droit international et doivent, désormais, partager ce rôle avec les organisations
internationales.
Il en va tout autrement des sujets émergents du droit international.

122
CHAPITRE 3 : LES SUJETS A COMPETENCE LIMITEE : LES INDIVIDUS

Outre les Etats et les organisations internationales, de nombreux autres acteurs jouent, aujourd’hui,
un rôle de plus en plus important dans la société internationale, participent à la formation du droit
international et sont souvent destinataires directs des normes internationales. Cependant, contrairement
aux organisations internationales qui jouissent d’une personnalité juridique avérée, ces nouveaux acteurs
de la société internationale ont un statut juridique controversé et discuté. Constituant des sujets de droit
interne, ils occupent cependant une place de plus en plus importante en droit international. Parfois
regroupés sous le vocable de personnes privées ou d’individus, ils n’ont pas de statut juridique uniforme
et se caractérisent par leur hétérogénéité. On distingue, à cet égard, plusieurs catégories : les individus,
personnes physiques (Section I), les ONG (Section II), les entreprises transnationales (Section III). On
se demande s’ils ne sont pas devenus des sujets émergents du droit international, disposant de la
personnalité juridique internationale. Toutefois, cette tendance à la multiplication des sujets du droit
international conduit à s’interroger sur la reconnaissance de la personnalité internationale à d’autres
acteurs tels que les mouvements de libération nationale, les peuples, les minorités, voire les peuples
autochtones qui bénéficient d’un statut international.

Section I : Le statut juridique des individus, personnes physiques

Les individus, en tant que personnes physiques, sont, à l’évidence, des sujets de droit interne. En tant
que tels, ils étaient, pendant longtemps, ignorés par le droit international classique et n’avaient aucune
existence en droit international. Ils connaissent cependant une évolution remarquable dans le droit
international contemporain qui leur reconnaît désormais directement des droits et des obligations, leur
offre l’accès à des procédures internationales de garantie de leurs droits et ouvre la voie de la mise en
œuvre de leur responsabilité pénale internationale. Cette évolution s’est réalisée de façon progressive en
deux temps : après avoir traité l’individu comme un simple objet de droit, insusceptible de bénéficier
indirectement de droits et d’être assujettis à des obligations dans l’ordre international (§ 1), le droit
international leur reconnaît dorénavant la qualité de sujets de droit, aptes à bénéficier directement de
droits et à être soumis à des obligations dans l’ordre international (§ 2). Certains auteurs en ont déduit
que les individus sont devenus des sujets du droit international. Toutefois, la subjectivité internationale
des individus, personnes physiques, reste encore discutée en doctrine.

§ 1 : L’individu, objet du droit international

A l’origine, le droit international classique ignorait totalement les individus. Conçu comme un droit
interétatique, il n’avait pas vocation à s’appliquer aux individus, mais à une société internationale
composée exclusivement d’Etats souverains. Les Etats souverains étaient, en effet, les seuls auteurs et
les seuls destinataires des règles internationales. Les individus ne pouvaient donc bénéficier des règles
du droit international, ni être soumis à des obligations internationales. Cette situation s’expliquait par le
fait que la société internationale que le droit international était appelé à régir était composée
exclusivement d’Etats souverains qui ne reconnaissaient aucune autorité au-dessus d’eux. C’est cette
situation que la CPJI résumait dans son arrêt rendu en 1927 dans l’affaire du Lotus, lorsqu’elle affirmait
que : « Le droit international régit les rapports entre Etats indépendants »17. Il s’ensuivait que l’individu
était inexistant dans le droit international classique et qu’il ne pouvait prétendre à des droits en vertu du
droit international, ni être soumis à des obligations dans l’ordre international.

17
CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, affaire du Lotus, (France c. Turquie), Rec. 1927, Série A n° 10, p. 18.
123
Cependant, cette situation d’inexistence de l’individu dans l’ordre juridique international allait
connaître une légère évolution à partir du XIXème siècle, avec sa prise en compte progressive dans le
droit coutumier et dans certains accords internationaux.
Déjà, le droit coutumier avait fait apparaître des règles relatives à la protection des étrangers vivant
sur le territoire d’un Etat, ainsi qu’un mécanisme spécifique de protection des étrangers victimes de
violations de leurs droits dans cet Etat, connu sous la dénomination de la protection diplomatique. En
effet, la pratique coutumière des Etats avait progressivement consacré au profit des étrangers vivant sur
le territoire d’un Etat le droit à une protection minimum dès lors qu’ils avaient été régulièrement admis
sur le territoire dudit Etat. Ils bénéficiaient ainsi d’un standard minimum de protection qui devait les
protéger contre des mesures arbitraires ou discriminatoires. En cas d’atteinte aux droits des étrangers, le
droit international classique avait établi le mécanisme de la protection diplomatique, qui permettait à un
Etat de prendre fait et cause pour son ressortissant ayant subi des dommages dans un Etat étranger en
élevant le conflit au plan international et en formulant une réclamation internationale.
Par la suite, le droit conventionnel classique a consacré directement des droits au profit de l’individu :
l’Acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815 et l’Acte général de la Conférence de Berlin du 26
février 1885, ainsi que l’Acte général de la Conférence de Bruxelles du 2 juillet 1890, en interdisant
l’esclavage, reconnaissaient des droits spécifiques aux anciens esclaves. De même encore, certains
traités conclus au début du XXème siècle permettaient à des particuliers l’accès à des juridictions
internationales, comme la Cour de justice centraméricaine de 1907. Par ailleurs, les traités de paix
mettant fin à la première guerre mondiale avaient prévu la création de tribunaux arbitraux mixtes ouverts
aux particuliers pour des litiges relatifs à des contrats conclus entre ressortissants alliés et ennemis avant
l’entrée en vigueur desdits traités.
Ainsi, le droit international classique admettait que les Etats pouvaient, par des accords, décider
d’octroyer certains droits aux individus et aménageait des voies de garantie de ces droits. Toutefois, ces
différents textes et mécanismes internationaux ne visaient les individus que comme des sujets de droit
interne et comme un simple objet du droit international, car ils ne pouvaient en bénéficier que par
l’intermédiaire de l’Etat dont ils étaient les ressortissants. Autrement dit, l’Etat faisait écran à la
jouissance effective de ces droits et à la mise en œuvre de ces mécanismes internationaux. En tant que
sujet de droit interne, l’individu ne pouvait jouir de ces droits que dans l’ordre interne et ne pouvait les
réclamer dans l’ordre interne que si l’Etat prenait les dispositions à cet effet. Par conséquent, il ne
pouvait mettre en œuvre directement une procédure internationale de réclamation, en cas de violation
de ses droits. Ainsi, en matière de statut des étrangers, seul l’Etat national de l’étranger pouvait mettre
en œuvre l’action diplomatique internationale au profit de son national victime d’une violation du droit
international. D’ailleurs, la protection diplomatique a été conçue non pas comme un droit de l’individu,
mais comme un droit de l’Etat qui l’exerce. En exerçant la protection diplomatique, l’Etat n’agit pas au
nom de son national, mais en son propre nom. Il fait valoir son propre droit à ce que le droit international
soit respecté à travers son national. Il s’agit donc d’un droit discrétionnaire de l’Etat qui ne peut être
revendiqué par l’individu. Au surplus, l’exercice de la protection diplomatique est subordonné à
l’épuisement préalable des voies de recours internes de l’Etat de résidence.
C’est ce que résumait la CPJI dans son avis consultatif du 3 mars 1928 dans l’affaire de la
Compétence des tribunaux de Dantzig lorsque, après avoir rappelé que : « Selon un principe de droit
international bien établi, [un] accord international ne peut, comme tel, créer directement des droits et
des obligations pour les particuliers »18, elle ajoutait que : « (…) On ne saurait contester que l’objet
même d’un accord international, dans l’intention des Parties contractantes, puisse être l’adoption de
règles déterminées créant des droits et des obligations pour les individus, et susceptibles d’être

18
CPJI, Avis consultatif du 3 mars 1928, affaire de la Compétence des tribunaux de Dantzig, Rec. 1928, Série B
n° 15, p. 16.
124
appliquées par les tribunaux nationaux »19. La Cour admettait donc que les Etats en tant que sujets
souverains du droit international, pouvaient décider souverainement de faire de l’individu l’objet d’un
accord international. En tant qu’objet de cet accord, l’individu ne pouvait prétendre à la qualité de sujet
de droit dans l’ordre international. Toutefois, cette situation allait connaître une évolution significative
après la seconde guerre mondiale. Du statut d’objet du droit international, l’individu deviendra,
progressivement, un sujet de droit dans le droit international.

§ 2 : L’individu, sujet de droit en droit international

Alors que dans le droit international classique l’individu était considéré, dans le meilleur des cas,
comme un simple objet du droit, le droit international contemporain lui reconnaît un véritable statut de
sujet de droit. En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale et sous l’impulsion de l’ONU, le
droit international s’est largement étendu aux individus. Désormais, il crée directement des droits au
profit des individus qui peuvent en réclamer le respect aussi bien dans l’ordre juridique interne que dans
l’ordre juridique international. Il leur impose aussi directement des obligations internationales dont le
non-respect peut être sanctionné directement dans l’ordre juridique international, tout comme dans
l’ordre juridique interne. Ainsi, la reconnaissance directe de droits au profit des individus, leur accès
aux juridictions internationales pour faire valoir leurs droits, ainsi que la possibilité de mettre en jeu leur
responsabilité pénale internationale devant des juridictions pénales internationales tendent à faire d’eux
de véritables sujets de droit.
Cette évolution du statut juridique des individus en droit international, sans être générale, ni
absolue, est particulièrement remarquable dans plusieurs domaines fondamentaux du droit
international, en particulier : en matière de droit international des droits de l’homme et de droit
international humanitaire, en matière de droit international pénal, en matière de droit de la fonction
publique internationale et en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.
En matière de droit international des droits de l’homme et de droit international humanitaire, le
statut de l’individu a connu une évolution considérable. De nombreux instruments conventionnels et
non-conventionnels, adoptés dans le cadre de l’ONU20 et des organisations régionales21, ont, en effet,
conféré directement des droits individuels et collectifs aux individus22. Ces mêmes instruments ont
établi, à l’échelle universelle et régionale, des mécanismes juridictionnels et non-juridictionnels de
garantie de ces droits, dont certains sont accessibles aux individus qui peuvent les actionner directement
en cas de violation de leurs droits. De même, les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs
deux protocoles additionnels de 1977 organisent une protection internationale de l’individu en temps de
guerre et lui accordent des droits substantiels qui sont internationalement garantis.

19
CPJI, Avis consultatif du 3 mars 1928, affaire de la Compétence des tribunaux de Dantzig, Rec. 1928, Série B
n° 15, p. 18.
20
Les Nations Unies ont, en effet, été à l’origine de nombreux instruments universels de protection des droits de
l’homme. Parmi ces instruments, on se contentera de mentionner la Déclaration universelle des droits de l’homme
de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966, qui forment ensemble la Charte internationale des droits de l’homme.
A ces instruments généraux, il convient d’ajouter la Convention contre la discrimination raciale de 1966, la
Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984, la Convention relative
aux droits de la femme et la Convention relative aux droits de l’enfant.
21
Il en va ainsi de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, de la Convention
interaméricaine des droits de l’homme du 22 mars 1969 et de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples du 27 juin 1981.
22
Ces différents instruments universels et régionaux consacrent, en effet, des droits individuels et collectifs
généraux ainsi que des droits catégoriels au profit de certaines catégories de personnes comme les femmes, les
enfants, les personnes handicapées.
125
En matière de droit international pénal, les récents progrès du droit international ont permis non
seulement d’imposer directement des obligations internationales à l’individu, mais aussi d’ériger les
violations de certaines de ces obligations en infractions pénales internationales qualifiées de crimes
internationaux et susceptibles d’être poursuivies directement devant des juridictions pénales
internationales. Certes, le droit international classique connaissait déjà des infractions pénales
internationales comme la piraterie en haute mer, la traite des esclaves et le trafic des stupéfiants.
Toutefois, la répression de ces infractions était assurée par les juridictions pénales internes. Cependant,
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les efforts déployés par la communauté internationale ont
permis d’incriminer certains actes considérés comme attentatoires à la paix et à la sécurité de
l’humanité23 et d’organiser directement leur répression dans l’ordre international, avec la mise en place,
d’abord, de juridictions pénales internationales ad hoc24, puis d’une juridiction pénale internationale
permanente, la CPI, pour réprimer au plan international les crimes internationaux les plus graves : les
crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide et les crimes d’agression.
En matière de droit de la fonction publique internationale, la multiplication et le développement
des organisations internationales ont conduit à mettre en place en leur sein des juridictions spécialisées
pour statuer sur les litiges qui les opposent à leurs agents au sujet de leurs conditions d’emploi. Ces
tribunaux administratifs existent désormais dans la plupart des organisations internationales. Les plus
connus sont le Tribunal administratif de l’ONU (TANU), le Tribunal administratif de l’OIT (TAOIT),
le Tribunal administratif de la Banque mondiale (TABM) et le Tribunal administratif du FMI (TAFMI).
Constituant de véritables juridictions internationales, ces tribunaux administratifs se caractérisent par
l’ouverture de leur juridiction contentieuse à des individus ayant la qualité de fonctionnaires
internationaux.
Ces différentes évolutions du statut de l’individu en droit international tendent à le faire passer du
statut de simple objet de droit à celui de sujet de droit. Partant de ce constat et des critères de la
subjectivité internationale, certains auteurs en ont déduit que les individus sont devenus de véritables
sujets du droit international25. Pour Antonio Augusto Cançado Trindade, par exemple, « La personnalité
juridique internationale s’est développée pour s’étendre aujourd’hui non seulement aux Etats et aux
organisations internationales, mais aussi aux individus – à la personne humaine – qui sont de véritables
sujets (et non de simples acteurs) du droit international »26.

23
Voir en particulier la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du
crime de génocide et le projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par la
Commission du droit international à la demande de l’Assemblée générale, et dont des versions ont été produites
en 1951, en 1954, en 1991 et en 1996.
24
Il s’agit du Tribunal international de Nuremberg, créé par l’Accord de Londres du 8 août 1945 pour juger les
criminels de guerre nazis ; du Tribunal international de Tokyo, institué par la Décision du Commandement en chef
des troupes d’occupation au Japon du 19 janvier 1946 pour juger les criminels de guerre nippons ; du Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie, créé par la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité des Nations
Unies du 22 février 1993 pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à partir de 1991 ; et du Tribunal pénal
international pour le Rwanda, créé par la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité du 8 novembre 1994 pour
juger les auteurs présumés de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crime de droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda.
25
Lire à ce sujet : Paul GUGUENHEIM, « L’individu en droit international », Cours général de droit
international public, Chapitre VII ; Ahmed MAHIOU, « L’irrésistible émergence de l’individu en droit
international », Cours général de droit international public, RCADI, tome 337, 2009, pp. 213-241 ; Valérie SOMA,
« L’évolution du statut de l’individu en droit international », Revue CAMES, 2017.
26
Antonio Augusto CANCADO TRINDADE, Le droit international pour la personne humaine, Paris, Pedone,
2011, p. 57.
126
Toutefois, la question de la personnalité juridique internationale des individus reste encore
discutée dans la doctrine. D’autres auteurs ont, en effet, soutenu que cette personnalité juridique est
tributaire de la volonté des sujets primaires du droit international que sont les Etats souverains, qu’elle
confère à l’individu une qualité de sujet passif et non de sujet actif du droit international et qu’elle est
limitée à certaines matières du droit international27. Pourtant, dans son avis consultatif de 1949 sur la
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, la CIJ avait affirmé que : « Les sujets de
droit, dans un système juridique, ne sont pas identiques quant à l’étendue de leurs droits (…) Leur
nature dépend des besoins de la Communauté »28.
A l’évidence, la reconnaissance du statut de sujet du droit international à l’individu induirait une
transformation radicale du droit international qui tendrait à devenir un véritable « droit des gens », selon
la philosophie de Georges Scelle. Toutefois, elle n’est pas sans susciter d’importantes difficultés. Ce
sont les mêmes difficultés qui sont soulevées en ce qui concerne le statut juridique des ONG.

Section II : Le statut juridique des ONG

Les ONG sont des associations internationales créées par une initiative privée ou mixte et regroupant
des personnes privées ou publiques, physiques ou morales, de nationalités diverses. Elles se distinguent
des organisations intergouvernementales, en ce qu’elles ne sont pas constituées par des traités
internationaux, mais par des actes de droit interne et qu’elles ne sont pas constituées par des Etats, même
si des Etats peuvent y participer. Elles se distinguent aussi des individus, personnes physiques, car il
s’agit de personnes morales, même si elles comprennent également des individus personnes physiques.
Par ailleurs, les ONG se distinguent des sociétés transnationales, dans la mesure où, contrairement à
celles-ci, elles ne poursuivent pas de buts lucratifs.
Très nombreuses et très diverses quant à leurs statuts et leurs moyens d’action, elles poursuivent des
objectifs très variés au plan international, allant des objectifs humanitaires et sociaux à des objectifs
politiques, en passant par des objectifs économiques, scientifiques, culturels, environnementaux et
techniques. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on assiste à une multiplication des ONG qui
existent désormais dans tous les domaines de la vie internationale et sont de plus en plus actives sur la
scène internationale.
Tout comme les individus, personnes physiques, les ONG n’avaient aucune existence juridique dans
le droit international classique et n’avaient donc aucun statut juridique international. Cependant, depuis
quelques décennies, les ONG jouent un rôle de plus en plus important dans la formation des normes
internationales et dans la mise en œuvre du droit international.

§ 1 : La participation des ONG à la formation du droit international

Elles sont, en effet, parfois associées aux conférences diplomatiques internationales, ainsi qu’aux
rencontres statutaires des organisations intergouvernementales où elles peuvent prendre la parole,
formuler des observations ou même faire des propositions. Elles participent ainsi directement à la
préparation des instruments internationaux, conventionnels ou non conventionnels et à l’élaboration des
résolutions des organisations internationales. Certains instruments internationaux ont même été élaborés
à l’initiative d’ONG, comme en témoignent les quatre Conventions de Genève de 1949 sur le droit

27
Voir notamment : Serge SUR et Jean COMBACAU, Droit international public, 11è éd., Paris, LGDJ, 2014, pp.
314-319 ; Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU, Alain PELLET, Droit international public, 8è éd., Paris,
LGDJ, 2009, pp. 716-719.
28
CIJ, Avis consultatif du 11 avril 1949, Réparation des dommages au service des Nations Unies, Rec. 1949, p.
71.
127
international humanitaire, préparées par le CICR, et la Charte mondiale de la nature de 1982, proposée
par l’IUCN. A cet égard, les ONG sont particulièrement actives dans des domaines comme ceux des
droits de l’homme et du droit international humanitaire, du droit international pénal et du droit
international de l’environnement, où elles sont, aujourd’hui, en mesure d’influencer sur le contenu et la
portée des normes internationales. Elles ont exercé une influence déterminante dans la négociation du
Statut de Rome de la CPI.

§ 2 : La participation des ONG à la mise en œuvre du droit international

Les ONG jouent également un rôle croissant dans la mise en œuvre du droit international. Elles
mènent, en effet, des plaidoyers auprès des Etats et exercent sur eux des pressions pour la ratification et
la mise en œuvre de certains traités internationaux. Certaines d’entre elles apportent une assistance
financière ou technique à des Etats pour la mise en œuvre de leurs engagements internationaux. D’autres
abritent le secrétariat technique de certaines conventions internationales et peuvent ainsi contribuer
directement à leur mise en œuvre. Mais, surtout, de nombreuses ONG ont, aujourd’hui, reçu le pouvoir
d’engager une action internationale à l’encontre d’Etats qui ne respectent pas leurs engagements
internationaux. Il en va ainsi, par exemple, des ONG de défense des droits de l’homme qui peuvent saisir
directement des organes de surveillance des traités des droits de l’homme des Nations Unies ou des
juridictions régionales de protection des droits de l’homme contre des Etats soupçonnés de violations
des droits de l’homme29. Elles peuvent également jouer un rôle déterminant dans la procédure pénale
internationale visant à poursuivre et juger les auteurs présumés de crimes internationaux, ne serait-ce
qu’en fournissant des informations au Procureur de la juridiction pénale internationale, en exerçant des
pressions sur les Etats pour obtenir l’extradition des auteurs de ces crimes et en assistant les victimes
lors du procès pénal international.
Par ailleurs, les ONG sont de plus en plus associées directement aux mécanismes de mise en œuvre
des traités internationaux. Elles participent ainsi aux mécanismes non-juridictionnels de surveillance
des traités des droits de l’homme (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Conseil
des droits de l’homme des Nations Unies, Commission interaméricaine des droits de l’homme,
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples) et peuvent y présenter des rapports
autonomes. Elles participent aussi aux sessions des conférences des parties des accords multilatéraux
d’environnement et peuvent y présenter également des rapports. Certaines d’entre elles bénéficient du
statut d’observateurs auprès de certaines organisations internationales.
Au regard de l’importance grandissante de leur rôle dans la formation et dans la mise en œuvre du
droit international, certains auteurs en concluent que les ONG sont devenues de véritables sujets du droit
international, à l’instar des individus30. Toutefois, tout comme le statut international des individus, celui
des ONG reste discuté en doctrine, d’autres auteurs estimant qu’aucun texte international ne consacre
expressément un tel statut et que l’extrême hétérogénéité des ONG ne permet pas de leur conférer un
statut autonome. Tout en admettant l’émergence d’un statut international des ONG, ces derniers auteurs
y voient tout au plus l’émergence d’une « personnalité juridique dérivée, fonctionnelle et relative »31.

29
Il en va ainsi, par exemple, du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, du Comité contre la torture, de
la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de la Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples.
30
Voir, par exemple : Raymond RANJEVA, « Les organisations non gouvernementales, partenaires de la mise en
œuvre du droit international ».
31
Cf. Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU, Alain PELLET, Droit international public, op. cit., p. 713.
128
Section II : Le statut juridique des sociétés transnationales

Les sociétés transnationales sont des entreprises ayant leur siège social dans un pays, mais qui
déploient des activités dans un ou plusieurs autres pays à travers des filiales ou des succursales qu’elles
contrôlent. Selon l’Institut de droit international, « Les entreprises formées d’un centre de décision
localisé dans un pays et de centres d’activités, dotés ou non de personnalité juridique propre, situés
dans un ou plusieurs autres pays, devraient être considérées comme constituant en droit des entreprises
multinationales ». Les sociétés transnationales sont donc des groupements d’entreprises commerciales
constituées d’une société mère située dans un pays et d’une ou de plusieurs sociétés filiales situées dans
un ou plusieurs autres pays, et qui sont qui sont contrôlées directement ou indirectement par la société
mère. Chaque société possède sa propre personnalité juridique dans l’Etat où elle est constituée, mais la
société transnationale, en tant que telle, ne possède pas de personnalité juridique. Toutefois, il n’y a pas
de définition unanime sur la notion même des sociétés transnationales et plusieurs expressions sont
utilisées pour désigner ces nouveaux acteurs de la vie internationale. Tantôt qualifiées de sociétés ou de
firmes multinationales, tantôt d’entreprises internationales ou mondiales, elles désignent des réalités
multiformes et très diversifiées.
Mais, au-delà de leur diversité, ces sociétés poursuivent toutes un but lucratif et, en cela, se
distinguent des ONG qui n’ont pas de but lucratif. Très peu nombreuses avant la seconde guerre
mondiale, elles se sont, depuis lors, multipliées et sont, devenues, aujourd’hui, les principaux acteurs de
l’économie internationale. Elles sont à l’origine de l’essentiel des échanges commerciaux mondiaux
(90%) et de la plupart des investissements internationaux. Disposant de capacités financières supérieures
à celles de nombreux Etats souverains, elles entretiennent avec les Etats des relations très complexes qui
se traduisent par la conclusion d’accords spécifiques qui sont parfois régis directement par le droit
international. Elles participent directement à l’élaboration et à la mise en œuvre de certaines normes du
droit international. Dès lors, elles soulèvent en droit international la question de leur statut juridique,
c’est-à-dire celle de savoir si elles disposent de la personnalité juridique internationale.
En réalité, la question du statut juridique des sociétés transnationales a beaucoup évolué en droit
international, même si elle a été plus tardive que celle des individus et des ONG32. A l’instar des
individus, elles ont, d’abord, été considérées comme un simple objet du droit international (§ 1), avant
d’être traitées comme de véritables sujets de droit en droit international (§ 2).

§ 1 : Les Sociétés transnationales, objet du droit international

Apparues tardivement dans la société internationale, les sociétés transnationales n’étaient pas prises
en compte dans le droit international classique. Elles n’avaient donc pas d’existence en droit
international et la question de leur statut juridique ne se posait pas.
Cependant, très tôt, elles ont été considérées comme des sujets de droit interne. Assimilées dès le
départ à des étrangers, elles pouvaient bénéficier, sur le territoire des Etats d’accueil, du statut des
étrangers réglementé par des règles coutumières internationales. En vertu de ce statut, elles bénéficiaient
de droits spécifiques découlant de la coutume internationale, notamment du droit au traitement juste et
équitable. Toutefois, en cas de violation de leurs droits, elles ne pouvaient formuler directement de
réclamation dans l’ordre juridique international et devaient mettre en œuvre des procédures de droit
interne en saisissant les juridictions nationales du pays d’accueil. C’est ce que résumait la CPJI dans son
arrêt du 22 juillet 1929, rendu dans l’affaire des Emprunts serbes et brésiliens, lorsqu’elle affirma que :
« Tout contrat qui n’est pas un contrat entre Etats en tant que sujets de droit international a son

32
Lire à ce sujet : SFDI, L’entreprise multinationale et le droit international, Colloque de Paris 8-Vincennes-
Saint-Denis, Paris, Pedone, 2017, 521 p.
129
fondement dans une loi nationale »33. Autrement dit, les contrats conclus entre un Etat en tant que sujet
du droit international et une société en tant que sujet du droit interne ne pouvaient être régis que par une
législation nationale et ne pouvait être soumis au droit international, la société n’étant pas un sujet du
droit international. Par conséquent, les litiges issus de tels contrats ne pouvaient être soumis à une
procédure internationale.
Cependant, ces sociétés pouvaient bénéficier, à l’instar des individus, de la protection de leur Etat
d’origine qui pouvait alors élever le conflit au plan international et prendre fait et cause pour elles en
mettant en œuvre le mécanisme de la protection diplomatique. La protection diplomatique pouvait donc
être mise en œuvre non seulement au profit des individus personnes physiques, mais aussi au profit des
personnes morales telles que les sociétés étrangères. Mais, tout comme pour les individus, la protection
diplomatique exercée au profit des sociétés étrangères n’est pas un droit desdites sociétés, mais un droit
propre de l’Etat qui l’exerce de façon discrétionnaire. L’Etat faisait donc écran entre ces sociétés et le
droit international. Elles étaient considérées comme un simple objet du droit international et ne
pouvaient bénéficier directement de droits ou être assujettis à des obligations dans l’ordre juridique
international.
Ce statut de simple sujet de droit interne et d’objet du droit international allait être renforcé au
lendemain de la seconde guerre mondiale, surtout après le mouvement de décolonisation des années
1950 et 1960 et l’accession à l’indépendance des anciens territoires coloniaux d’Afrique et d’Asie.
Soupçonnant ces sociétés transnationales de perpétuer le système colonial au plan économique et
d’entraver leur indépendance économique, ces pays nouvellement indépendants avaient, en effet,
revendiqué la réglementation internationale de leurs activités, dans le cadre du Nouvel Ordre
économique international (NOEI). Cette revendication avait abouti à l’adoption, par l’Assemblée
générale des Nations Unies, d’une série de résolutions tendant réglementer les activités des sociétés
transnationales et à leur imposer le respect de la souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles,
ainsi qu’un véritable « code de conduite » visant à encadrer les activités des sociétés transnationales et
à garantir l’indépendance et la souveraineté des Etats. Il en a été ainsi, par exemple, de la résolution
1803 (XVII) du 14 décembre 1962 sur la souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources
naturelles et de la résolution 3201 (S-VI) du 1er mai 1974 sur l’instauration d’un nouvel ordre
économique international. Plus récemment, l’ONU a lancé, en 1999, une initiative dénommée « Pacte
mondial » contenant dix principes à l’attention des entreprises multinationales et invitant celles-ci à
s’engager volontairement à respecter dans leurs activités les droits de l’homme, le droit international du
travail et la protection de l’environnement.
Au plan régional, plusieurs organisations régionales ont également tenté de réglementer le statut et
les activités des sociétés transnationales. Il en a été ainsi, par exemple, de la Déclaration de l’OCDE du
21 juin 1976 sur l’investissement international et les entreprises multinationales, dont l’Annexe I
formule des principes directeurs à l’attention des entreprises multinationales.
Ces différentes tentatives de réglementation des activités des sociétés transnationales considéraient
ainsi ces nouveaux acteurs comme un simple objet que le droit international devait réglementer. Mais,
cette tendance allait vite s’inverser à partir des années 1970, à la faveur du mouvement
d’internationalisation des contrats conclus par ces sociétés avec les Etats et de la multiplication des
traités bilatéraux d’investissement (TBI). Du statut de simple objet du droit international, ces sociétés
allaient devenir progressivement de véritables sujets de droit en droit international.

33
Cf. CPJI, arrêt du 22 juillet 1929, Emprunts serbes et brésiliens (Brésil c. France ; France c. Yougoslavie), Rec.
1929, Série A, n° 20/21, p. 41.
130
§ 2 : Les sociétés transnationales, sujets de droit en droit international

Depuis le début des années 1970, le statut juridique des sociétés transnationales connaît une évolution
significative en droit international. Ce sont les sociétés transnationales elles-mêmes qui ont été à
l’origine de cette évolution.
En effet, face aux lacunes du droit international, elles ont élaboré, dès les années 1960 et 1970, des
réglementations propres, en marge des règles du droit international, en vue de réglementer leurs propres
activités et elles sont parvenues, progressivement, à les imposer aux autres acteurs de l’économie
internationale, y compris les Etats et les organisations internationales. Elles ont ainsi élaboré des
réglementations spécifiques relatives aux marchés bancaires à travers la constitution des « euro-
devises » et des « euro-obligations » qui ont donné naissance, dans ce secteur, à des règles coutumières
et à des principes généraux devenus peu à peu obligatoires pour tous les prêteurs et emprunteurs, y
compris les Etats et les organisations internationales. Elles ont aussi élaboré des règles visant à organiser
des opérations du commerce international entre elles et qui ont été à l’origine de règles générales
applicables à tous les opérateurs du commerce international, y compris les Etats, et qui ont été qualifiées
de lex mercatoria.
Elles ont, par ailleurs, été à l’origine de la promotion et de la protection des investissements directs
étrangers, notamment à travers la conclusion d’importants accords avec des Etats étrangers en vue de
favoriser l’exploitation de leurs ressources naturelles. Ces accords, qualifiés de contrats d’Etat, conclus
entre des Etats en tant que sujets du droit international et des personnes privées d’origine étrangère, se
caractérisent par leur conclusion pour une longue durée, mais surtout par l’inclusion de clauses
spécifiques par lesquelles les Etats contractants s’engagent à ne pas modifier unilatéralement les termes
du contrats ou leurs législations nationales à leur égard, à accepter l’application du droit international à
leurs relations contractuelles ou à accepter une procédure arbitrale internationale pour le règlement de
leurs éventuels litiges. Elles sont, en effet, parvenues à imposer aux Etats des clauses, telles que les
« clauses de stabilisation », les « clauses d’intangibilité », les « clauses de droit applicable » ou les
« clauses d’arbitrage » prévoyant la saisine d’un tribunal arbitral indépendant pour statuer sur les litiges
les opposant à leurs partenaires étatiques. Ces clauses ont été à l’origine d’un mouvement
d’internationalisation des contrats d’Etat ayant permis de soustraire ces contrats de l’emprise du droit
interne pour les placer sous la protection du droit international.
Ce mouvement d’internationalisation des contrats d’Etat a été consolidé par la conclusion, le 18 mars
1965 à Washington, sous les auspices de la Banque mondiale, de la Convention pour le règlement des
différends en matière d’investissement, qui a mis en place le Centre international pour le règlement des
différends en matière d’investissement (CIRDI). Cette convention permet, sous certaines conditions, à
ces sociétés transnationales, de faire des réclamations internationales devant des tribunaux arbitraux
internationaux constitués sous l’égide du CIRDI. Outre l’internationalisation des contrats d’Etat, cette
convention confère directement la pleine capacité juridique internationale aux sociétés internationales
en relations contractuelles avec des Etats. On a ainsi assisté à une évolution progressive du statut
juridique des sociétés transnationales. Désormais, elles peuvent bénéficier directement de certains droits
à travers des contrats conclus avec des Etats ou par le biais de la Convention CIRDI et disposent des
capacités d’action nécessaires pour les faire respecter au plan international.
Cette évolution a été confirmée par la jurisprudence internationale, à travers plusieurs sentences
arbitrales internationales, dont la plus importante est la sentence rendue le 19 janvier 1977 dans l’affaire
du Texaco-Calasiatic par l’arbitre unique René-Jean Dupuy. Dans cette sentence arbitrale, l’arbitre
unique, après avoir reconnu que les contrats de concession litigieux se rattachent au droit international,
a affirmé que : « dire que le droit international régit les rapports contractuels d’une Etat et d’une
personne privée étrangère ne signifie nullement que celle-ci soit assimilée à un Etat ni que le contrat
qu’elle a conclu avec lui soit assimilée à un traité (…). Le droit international compte des sujets
diversifiés ». Il ajoute aussitôt que : « aux fins de l’interprétation et de l’exécution du contrat, il convient

131
de reconnaître au cocontractant privé des capacités internationales spécifiques (…) lui permettant
d’agir au plan international pour faire valoir les droits résultants pour elle d’un contrat
internationalisé »34. Ce faisant, il reconnaît que les sociétés internationales disposent de la personnalité
internationale. A l’appui de son affirmation, l’arbitre unique invoque le motif de la CIJ dans son avis
consultatif relatif à l’affaire de la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies de 1949,
selon lequel : « les sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas identiques quant à leur nature
ou à l’étendue de leurs droits (…) leur nature dépend des besoins de la Communauté ».
La multiplication et la généralisation récentes des Traités bilatéraux d’investissement (TBI) depuis
la fin de la guerre froide ont confirmé la tendance à l’internationalisation des contrats conclus entre les
Etats et les investisseurs privés étrangers et à la reconnaissance de leur personnalité juridique. Conclus
généralement entre pays d’origine et pays d’accueil des investissements internationaux, les TBI
contiennent d’importantes clauses visant à promouvoir et à protéger ces investissements dans les pays
d’accueil. Ils prévoient, notamment, d’importants droits au profit des investisseurs privés étrangers
constitués essentiellement de sociétés transnationales, tels que la pleine et entière protection et sécurité,
la liberté de rapatriement des gains dans le pays d’origine, l’applicabilité directe du droit international,
et la faculté de saisir directement une juridiction arbitrale internationale. Ils imposent également aux
Etats d’accueil d’importantes obligations à travers des clauses et des standards relatifs notamment au
traitement juste et équitable, au traitement national, à la nation la plus favorisée, à la pleine et entière
protection et sécurité et à l’arbitrage international.
Dès lors, on assiste à une évolution remarquable du statut des sociétés transnationales qui peuvent,
désormais, revendiquer directement des droits en droit international, être assujetties à des obligations
internationales et mettre en œuvre directement des procédures de réclamation internationale à l’encontre
des Etats d’accueil. Certains auteurs en ont conclu que les sociétés transnationales sont devenues, à
l’instar des individus, de véritables sujets du droit international. S’appuyant sur la jurisprudence de la
CIJ et de la sentence arbitrale dans l’affaire du Texaco-Calasiatic, ils considèrent, en effet, que rien
n’empêche un Etat souverain d’élever son partenaire contractuel au rang de sujet du droit international
pour les besoins de la relation contractuelle. Pour eux, une telle reconnaissance a un effet constitutif et,
comme telle, la personnalité juridique des sociétés transnationales est dérivée et limitée, dans la mesure
où elle résulte de la volonté d’un Etat et est limitée aux droits et obligations contractuels. Elle est
également relative et fonctionnelle, dans la mesure où elle ne déploie ses conséquences juridiques que
dans les rapports entre l’Etat et son cocontractant et qu’elle n’engendre qu’une capacité internationale
limitée dans le cadre du rapport de droit considéré35.
Toutefois, cette reconnaissance de la personnalité juridique des sociétés transnationales est loin de
faire l’unanimité en doctrine. D’autres auteurs considèrent, en effet, qu’une telle reconnaissance ne
repose sur aucune règle du droit des gens et qu’elle procède d’une simple construction doctrinale. Pour
Joe VERHOEVEN, par exemple, « un acteur n’est pas un sujet de droit (…) l’élever au rang de sujet
de droit est aussi vain qu’illusoire »36. François RIGAUX, pour sa part, considère qu’un seul Etat ne
saurait avoir le pouvoir de créer un nouveau sujet de droit international. Pour lui, il appartient « à la
communauté internationale elle-même d’admettre, soit par catégorie de sujets, soit par reconnaissance
individuelle, de nouveau partenaires »37.

34
Sentence arbitrale René-Jean Dupuy, 19 janvier 1977, affaire du Texaco-Calasiatic, JDI, 1977, §§ 46, 47, 48.
35
Voir Gérard COHEN-JONATHAN, « L’arbitrage Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen, décision au
fond du 19 janvier 1977, AFDI, Vol. 23, 1977, p. 458. Voir aussi Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU, Alain
PELLET, Droit international public, 8è éd., Paris, LGDJ, 2009, p. 714.
36
Voir Joe VERHOEVEN, « Droit international des contrats et droit des gens », RBDI, 1978-1979, p. 219.
37
François RIGAUX, « Des dieux et des héros. Réflexions sur une sentence arbitrale », Revue de droit
international privé, 1978, pp. 444-446.
132
Ainsi, bien qu’elles jouissent d’importants droits qui leur sont directement reconnus par le droit
international, les sociétés internationales ont un statut juridique controversé. Toutefois, la
reconnaissance de leur personnalité juridique internationale marquerait une évolution considérable du
droit international. Conçu à l’origine pour s’appliquer exclusivement à des Etats, le droit international
s’appliquerait, désormais, à une grande diversité de sujets. Il s’ensuivrait non seulement une
diversification progressive des sujets du droit international, mais en outre une transformation de celui-
ci pour répondre aux besoins variés d’une société internationale composite et complexe.

133
TITRE III : L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL

CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE

Section I : La responsabilité internationale pour fait internationalement illicite

Section II : La responsabilité internationale sans faute

CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS INTERNATIONALES

Section I : Les sanctions décentralisées

Section II : Les sanctions centralisées

CHAPITRE 3 : LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS


INTERNATIONAUX

Section I : Le règlement non-juridictionnel

§ 1 – Les procédures interétatiques


§ 2 – Les procédures institutionnalisées

Section II : Le règlement juridictionnel

§ 1 – L’arbitrage international
§ 2 – Le règlement judiciaire international

----oo0oo------

134
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

I. OUVRAGES GENERAUX

1. ALLAND Denis, Manuel de droit international public, 2è éd., Paris, PUF, Coll. Droit
fondamental, 2015, 281 p. ;
2. BEDJAOUI (M.) (dir.), Droit international. Bilan et perspectives, Paris,
Pedone/UNESCO, 2 vol., 1991, 1361 p. ;
3. BASTID (S.), Cours de droit international public, Les cours de droit, Paris, 1976-1977,
XXVI, 1396 p. ;
4. CANAL-FORGUES (E.) et RAMBAUD (P.), Droit international public, Paris,
Flammarion, Coll. Champs, 2007, 450 p. ;
5. CARREAU Dominique et MARRELLA Fabrizio, Droit international, 12è éd., Paris,
Pedone, 2018, 768 p. ;
6. CASSESE (A.), Le droit international dans un monde divisé, Paris, Berger Levrault,
1986, 375 p. ;
7. CAVARE (L.) et QUENEUDEC (J.-P.), Le droit international public positif, Paris,
Pedone, 1967-1969, 2 vol., 808 et 952 p. ;
8. COMBACAU Jean et SUR Serge, Droit international public, 11e éd., Paris,
Montchrestien, coll. Domat Droit public, 2014, 830 p. ;
9. COT Jean-Pierre, PELLET Alain et FORTEAU Mathias, La Charte des Nations Unies :
Commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005, 3729 p. (Tomes I et
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10. DAILLIER (P.), FORTEAU (M.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris,
LGDJ, 8è éd., 2009, 1709 p. ;
11. DECAUX Emmanuel, FROUVILLE Olivier de, Droit international public, 11è éd.,
Paris, Dalloz, Coll. HyperCours, 2018, 646 p. ;
12. DE VISCHER (Ch.), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone,
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Précis Dalloz, 2016, 920 p. ;
14. DUPUY (R.-J.), Le droit international, Paris, PUF, « Que sais-je ? », n° 1060, 1996,
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Rennes, 2014, 1144 p.
16. KELZEN (H.), Principles of International Law, Rinhehart, New York, 1966, 602 p. ;

17. KOLB Robert, Théorie du droit international, 2è éd., Bruxelles, Bruylant, 2013, 832
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18. MANIN (Ph.), Droit international public, Paris, Masson, 1979, 419 p. ;
19. RANJEVA (R.) et CADOUX, Droit international public, Paris, Edicef, AUPELF, 1992,
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20. REDSLOB (R.), Traité de droit des gens, Sirey, 1950, 473 p. ;
21. REUTER (P.), Droit international public, Paris, PUF, 1983, 595 p. ;

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22. ROUSSEAU (Ch.), Traité de droit international public, Paris, Sirey, 5 vol. (t. I,
Introduction et sources, 1970, 464 p. ; t. II, Les sujets de droit, 1974, 797 p. ; t. III, Les
compétences, 1977, 635 p. ; t. IV, Les relations internationales, 1980, 671 p. ; t. V : Les
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23. RUZIE (D.), Droit international public, Dalloz, 2008, VI, 299 p. ;
24. SALMON Jean (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant,
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25. SUR Serge, Les dynamiques du droit international, Paris, Pedone, 2012, 316 p. ;
26. THIERRY (H.), COMBACAU (J.), SUR (S.) et VALLEE (), Droit international public,
Paris, Montchrestien, 1986, XIX, 789 p. ;
27. TCHIKAYA Blaise, Mémento de la jurisprudence Droit international public, 6è éd.,
Paris, Hachette, 2015, 167 p.
28. TOUSCOZ (J.), Droit international, Paris, PUF, 1992, 432 p. ;
29. VELLAS (P.), Droit international public, t. 1, Institutions internationales, Paris, LGDJ,
1967, 481 p. ;
30. VERHOEVEN (J.), Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, 856 p. ;
31. VIRALLY (M.), Le droit international en devenir. Essais écrits au fil des ans, Paris,
PUF, 1990, 502 p.

II. OUVRAGES SPECIALISES

1. BADONNET Daniel et VIRALLY Michel, Le nouveau droit de la mer, Paris, Pedone,


1983 ;
2. BASTID Suzanne, Les traités dans la vie internationale conclusion et effets, Paris,
Economica, 1985 ;
3. BOKATOBA Isse Omanga, L’ONU et la protection des minorités, Bruxelles,
Bruylant, 1992 ;
4. BOLLECKER-STERN Brigitte, Le préjudice dans la théorie de la responsabilité
internationale, Paris, Pedone, 1973 ;
5. CASSESSE Antonio, Le droit international dans un monde divisé, Paris, Ed. Berger
Levrault, 1986 ;
6. CHAPAL Philippe, L’arbitrabilité des différends internationaux, Paris, Pedone,
1967 ;
7. DECAUX Emmanuel, La réciprocité en droit international, LGDJ, 1980 ;
8. DE VISSCHER Charles, Les effectivités du Droit International Public, Paris, Pedone,
1967 ; Les problèmes de confins en Droit International, Paris, Pedone, 1969 ; De l’équité
dans le règlement arbitral ou judiciaire des litiges de droit International Public, Paris,
Pédone, 1972 ;
9. DUPUY René-Jean, VIGNES Daniel, Traité du nouveau droit de la mer, Bruylant,
1985 ; 10. DUPUY Pierre-Marie, La responsabilité internationale des Etats pour les
dommages d’origine technologique et industrielle, Paris, Pedone, 1976 ;

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11. MARTIN Antoine Martin, L’estoppel en droit international, Paris, Pedone, 1969 ;
12. ORAISON André, L’erreur dans les traités, Paris, LGDJ, 1972 ;
13. PAZARTZIS Photini, Les engagements internationaux en matière de règlement
pacifique des différends entre Etats, Paris, LGDJ, 1992 ;
14. RANJEVA Raymond, La succession d’organisations internationales en Afrique,
Paris, Pédone, 1978 ;
15. REUTER Paul, Introduction au droit des traités, Paris, PUF, 2e édition, 1985 ;
16. THIERRY Hubert, Droit et relations internationales : Traités, résolutions,
Jurisprudence, Paris, Montchrestien, 1984 ;
17. TOUSCOZ Jean, Le principe d’effectivité en Droit International, Paris, LGDJ, 1964.

III. MELANGES, HOMMAGES ET RECUEILS

1. Recueil d’études de droit international en hommage à Paul GUGGENHEIM, IUHEI,


Genève, 1968, XXXL, 901 p. ;
2. Mélanges René CASSIN, Paris, Pedone, 1969-1972, 4 vol., 482 p., 602 p., 325 p. et 405
p. ;
3. Mélanges offerts à Charles ROUSSEAU, La communauté internationale, Paris, Pedone,
1974, 346 p. ;
4. Mélanges offerts à Paul REUTER, Le droit international : unité et diversité, Paris,
Pedone, 1981 ;
5. Mélanges offerts à Charles CHAUMONT, Le droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes, Paris, Pedone, 1984, 595 p. ;
6. Mélanges offerts à Pierre-François GONIDEC, Paris, LGDJ, 1985, 543 p. ;
7. Etudes en l’honneur de Roberto AGO, Le droit international à l’heure de sa
codification, Giuffré, Milan, 1987, 4 vol. XIX-, 604, 554, 524 et 455 p. ;
8. Mélanges René-Jean DUPUY, Humanité et droit international, Paris, Pedone, 1991,
382 p. ;
9. Mélanges Michel VIRALLY, Le droit international au service de la paix, de la justice
et du développement, Paris, Pedone, 1991, XXXI- 511 p. ;
10. Le droit international dans un monde en mutation, Liber amicorum en hommage au
Professeur Eduardo JIMENEZ DE ARECHAGA, Fundacio de cultura universitaria,
Montevideo, 1994, 2 vol. 1358 p. ;
11. CDI, Le droit international à l’aube du XXIè siècle- Réflexion de codificateurs, Nations
Unies, New York, 1997, XXXI, 383 p. ;
12. Charles DOMINICE, L’ordre juridique international entre traditions et innovation.
Recueil d’études, PUF, 1997, XLI – 417 p. ;
13. Mélanges offerts à Hubert THIERRY, L’évolution du droit international, Paris, Pedone,
1998, 417 p. ;
14. Liber amicorum Mohammed BEDJAOUI, Kluwer, La Haye, 1999, XXI – 790 p.

137
IV. REVUES ET PERIODIQUES SPECIALISES

1. Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye (RCADI) ;


2. Annuaire français de droit international (AFDI) ;
3. Journal du droit international (JDI) (le Clunet) ;
4. Revue belge de droit international (RBDI) ;
5. Revue générale de droit international public (RGDIP) ;
6. Revue juridique et politique. Indépendance et coopération (RJPIC) ;
7. Encyclopédie Dalloz, Droit international ;
8. Juris-classeur de droit international.

138
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE .................................................................................................................... 5


Section 1 - Notion de droit international .................................................................................................. 5
Section II - Genèse et évolution du droit international ............................................................................. 7
Section III - Caractères généraux du droit international ......................................................................... 8
§ 1 - Un droit hétérogène ....................................................................................................................................... 9
§ 2 - Un droit diversifié ....................................................................................................................................... 10
§ 2 - Un système juridique spécifique.................................................................................................................. 11
§ 4 - Un droit tributaire de la Souveraineté étatique ............................................................................................ 12
Section IV - Fondements du droit international...................................................................................... 13
§ 1 - L’école du droit naturel ............................................................................................................................... 13
§ 2 - Les conceptions positivistes ........................................................................................................................ 13
§ 3 - Les conceptions objectivistes ou théories non volontaristes ........................................................................ 14
Section V - Rapports entre le droit international et le droit interne ....................................................... 15
§ 1 - La doctrine dualiste ..................................................................................................................................... 15
§ 2 - La thèse moniste .......................................................................................................................................... 15
§ 3 – Portée de la controverse sur la primauté du droit international ................................................................... 17

TITRE I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL .................................................................... 19


CHAPITRE 1 : LES SOURCES CONVENTIONNELLES : LES TRAITES INTERNATIONAUX ..................................... 21
Section I – La notion de traité international ........................................................................................... 21
§ 1 – Définition du traité international ................................................................................................................. 21
§ 2 – Classification des traités internationaux...................................................................................................... 22
A. Classification matérielle ......................................................................................................................... 22
B. Classification formelle............................................................................................................................ 23
Section II - La conclusion des traités internationaux ............................................................................. 24
§ 1 - La procédure commune d'élaboration des traités bilatéraux et multilatéraux .............................................. 24
A. L'élaboration du texte du traité ............................................................................................................... 24
1. Les pleins pouvoirs pour négocier ..................................................................................................... 25
2. Le choix de la langue ......................................................................................................................... 25
3. La structure du traité .......................................................................................................................... 25
4. L'adoption du traité ............................................................................................................................ 26
B. L'expression par l'Etat de son consentement à être lié ............................................................................ 27
1. La ratification .................................................................................................................................... 27
2. Les autres modes d'expression du consentement ............................................................................... 28
3. Les modes d'expression du consentement en droit comparé .............................................................. 28
C. Introduction du traité dans l'ordre juridique international....................................................................... 30
1. L'entrée en vigueur du traité .............................................................................................................. 30
2. L'enregistrement et la publication des traités internationaux ............................................................. 31
§ 2 - Les aspects spécifiques propres à la conclusion des traités multilatéraux ................................................... 32
A. L'institutionnalisation de la procédure d'élaboration .................................................................................. 32
1. L'élaboration du traité par des Conférences Internationales............................................................... 32
2. L'élaboration du traité par un organe d'une Organisation Internationale ................................................ 33
B. L'extension des traités aux Etats tiers ..................................................................................................... 34
1. La signature différée et l'adhésion ..................................................................................................... 34
2. La pratique des réserves ......................................................................................................................... 34
C. L'institution du dépositaire ..................................................................................................................... 37
1. La désignation du dépositaire ............................................................................................................ 38
2. Les fonctions du dépositaire................................................................................................................... 38
Section III - La validité des traités .......................................................................................................... 39
§ 1 – Les conditions de validité des traités .......................................................................................................... 39
A. Les conditions tenant à la capacité des parties ........................................................................................ 39
B. Les conditions tenant à l'authenticité du consentement .............................................................................. 40
1. Les irrégularités formelles ................................................................................................................. 40
2. Les irrégularités substantielles ............................................................................................................... 41

139
C. Les conditions tenant à la légitimité du contenu : Problème du jus cogens et de la licéité de l'objet du
traité ...................................................................................................................................................................... 44
§ 2 - Le régime des nullités.................................................................................................................................. 45
A. Les catégories de nullités ........................................................................................................................ 46
B. Les procédures d'annulation ................................................................................................................... 46
C. Les conséquences de la nullité ................................................................................................................ 47
Section III - L’application des traités ..................................................................................................... 48
§ 1 - Les effets des traités .................................................................................................................................... 48
A. Les effets des traités à l’égard des parties ............................................................................................... 48
1. Les principes généraux de l'exécution d'un traité ............................................................................... 48
2. L'exécution des traités par les organes de l'Etat ................................................................................. 50
B. Les effets des traités à l’égard des Etats tiers.......................................................................................... 51
1. Le principe de la relativité des traités ou l'adage Res Inter alios Acta ............................................... 51
2. Les exceptions au principe de la relativité des traités............................................................................. 51
§ 2 – Les conflits de normes juridiques dans l'application des traités .................................................................. 54
A. Conflit entre un traité et une norme de droit interne ............................................................................... 54
1. La position du juge international ....................................................................................................... 54
2. Les positions des juges nationaux .......................................................................................................... 54
B. Conflit entre un traité et une autre norme de droit international ............................................................. 55
1. Le problème des normes conventionnelles successives concurrentes ou la contrariété des traités .... 55
3. Conflit entre un traité et une autre source du droit international ........................................................ 56
§ 3 – Modification, suspension et extinction des traités ...................................................................................... 56
A. La modification des traités ..................................................................................................................... 57
1. Observations générales ...................................................................................................................... 57
2. La modification des traités multilatéraux ............................................................................................... 57
B. La suspension et l’extinction des traités ................................................................................................. 59
1. Suspension et extinction en vertu des dispositions du traité .............................................................. 59
2. Suspension ou extinction par conclusion d'un traité postérieur .............................................................. 59
3. Suspension ou extinction du point de la survenance de certains évènements non prévus par le traité ... 60
CHAPITRE 2 : LES SOURCES NON-CONVENTIONNELLES DU DROIT INTERNATIONAL ..................................... 63
Section I – Les modes de formation spontanée ....................................................................................... 63
§ 1 - La coutume internationale ........................................................................................................................... 63
A. La formation de la coutume .................................................................................................................... 63
1. L'élément matériel ou consuetudo ..................................................................................................... 64
2. L'élément psychologique ou l'opinio juris .............................................................................................. 66
B. Le fondement de la coutume internationale ............................................................................................... 67
1. La théorie de l'accord tacite ............................................................................................................... 67
2. La théorie de la formation spontanée du droit coutumier ....................................................................... 68
B. La codification de la coutume................................................................................................................. 69
1. La notion de codification ....................................................................................................................... 70
2. L’œuvre de codification de l'ONU ......................................................................................................... 70
§ 2 - Les Principes Généraux de Droit ................................................................................................................. 72
A. Nature juridique des principes généraux de droit ................................................................................... 72
B. Contenu des principes généraux de droit ................................................................................................ 72
§ 3 – L’équité....................................................................................................................................................... 73
A. Le recours à l'équité avec l'accord des parties ........................................................................................ 74
B. Le recours à l'équité sans l'accord des parties ......................................................................................... 74
Section II - Les modes de formation volontaire ...................................................................................... 75
§ 1 – Les actes unilatéraux................................................................................................................................... 75
A. Les actes unilatéraux des Etats ............................................................................................................... 75
1. Les actes unilatéraux fondés sur un texte conventionnel........................................................................ 75
2. Les actes unilatéraux autonomes ............................................................................................................ 76
B. Les actes unilatéraux des Organisations Internationales ......................................................................... 77
1. Les actes unilatéraux non obligatoires : les recommandations ............................................................... 77
2. Les actes unilatéraux obligatoires : les décisions ................................................................................... 78
§ 2 - Les actes concertés non conventionnels ...................................................................................................... 79
A. Importance des actes concertés non conventionnels ............................................................................... 80
B. Nature et portée juridiques des actes concertés non-conventionnels ...................................................... 80
Section III – Les moyens de détermination de la règle de droit .............................................................. 81
§ 1 - La doctrine .................................................................................................................................................. 81
§ 2 - La jurisprudence .......................................................................................................................................... 82

140
TITRE II : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL ...................................................................... 84
CHAPITRE 1 : LES SUJETS A PLENITUDE DE COMPETENCE : LES ETATS ......................................................... 85
Section I – Définition et attributs de l’Etat ............................................................................................. 85
§ 1 – Définition de l’Etat ..................................................................................................................................... 85
§ 2 – Les éléments constitutifs de l’Etat .............................................................................................................. 86
A. Le territoire ............................................................................................................................................. 86
1. Le territoire terrestre .............................................................................................................................. 86
2. Le territoire aérien.................................................................................................................................. 86
3. Les espaces maritimes ............................................................................................................................ 87
4. Les espaces internationaux..................................................................................................................... 88
B. La population.......................................................................................................................................... 89
1. Définition de la population..................................................................................................................... 89
2. La distinction entre population, nation et peuple ................................................................................... 90
C. Le Gouvernement ................................................................................................................................... 90
1. La notion de Gouvernement ................................................................................................................... 91
2. L’exigence de l’effectivité gouvernementale ......................................................................................... 91
§ 2 – La souveraineté de l’Etat ............................................................................................................................ 92
A. La notion de souveraineté ....................................................................................................................... 92
B. Les corollaires/conséquences de la souveraineté .................................................................................... 93
1. L’égalité souveraine des Etats ................................................................................................................ 93
2. La liberté d’action des Etats ................................................................................................................... 94
C. La protection de la souveraineté étatique................................................................................................ 96
1. La théorie du domaine réservé de l’Etat ................................................................................................. 96
2. L’inviolabilité du territoire de l’Etat ...................................................................................................... 97
3. Les immunités de l’Etat ......................................................................................................................... 97
Section II – Les compétences de l’Etat ................................................................................................... 98
§ 1 – La compétence territoriale de l’Etat ............................................................................................................ 99
A. La délimitation du territoire étatique ...................................................................................................... 99
B. La nature de la compétence territoriale de l’Etat .................................................................................... 99
§ 2 – La compétence personnelle de l’Etat ........................................................................................................ 100
A. Le fondement de la compétence personnelle : le lien de nationalité ..................................................... 100
1. La compétence de l'Etat dans la détermination de sa nationalité .......................................................... 100
2. Les conflits de nationalité .................................................................................................................... 102
B. L’étendue de la compétence personnelle .............................................................................................. 102
1. Les personnes physiques ...................................................................................................................... 102
2. Les personnes morales ......................................................................................................................... 103
3. Les services de l'Etat à l'étranger ......................................................................................................... 104
C. Les effets de la compétence personnelle ............................................................................................... 105
1. Le droit de légiférer à l’égard des nationaux ........................................................................................ 105
2. L’exercice de la protection diplomatique ............................................................................................. 105
§ 3 – Les conflits de compétences de l’Etat ....................................................................................................... 106
A. Les conflits entre compétence territoriale et compétence personnelle .................................................. 106
B. La concurrence de compétence ou l’application extraterritoriale des lois nationales ........................... 107
Section III – Formation et transformation de l’Etat ............................................................................. 107
§ 1. La création de l’Etat.................................................................................................................................... 108
A. La décolonisation.................................................................................................................................. 108
B. La sécession .......................................................................................................................................... 109
C. La dissolution d’Etats ........................................................................................................................... 109
D. La fusion et la scission d’Etats......................................................................................................... 110
§ 2 – La succession d’Etats ................................................................................................................................ 110
A. Le sort des traités internationaux .......................................................................................................... 110
B. La participation aux organisations internationales................................................................................ 111
C. La succession à la responsabilité internationale ................................................................................... 111
§ 3 – La reconnaissance d’Etat .......................................................................................................................... 112
A. Nature et fonctions de la reconnaissance d’Etat ................................................................................... 112
B. Modalités de mise en œuvre de la reconnaissance d’Etat ..................................................................... 113
CHAPITRE 2 : LES SUJETS A COMPETENCE SPECIALISEE : LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ............ 115
Section I : La personnalité internationale des organisations internationales ...................................... 115
§ 1 : La personnalité juridique internationale des organisations internationales ................................................ 115
§ 2 : La personnalité juridique interne des organisations internationales ........................................................... 118
Section II : Les compétences des organisations internationales........................................................... 119
141
§ 1 : Les fondements des compétences des organisations internationales : le principe de spécialité ................. 119
§ 2 : La nature et les fonctions des compétences des organisations internationales ........................................... 120
§ 3 : La protection des compétences des organisations internationales.............................................................. 121
CHAPITRE 3 : LES SUJETS A COMPETENCE LIMITEE : LES INDIVIDUS ..................................... 123
Section I : Le statut juridique des individus, personnes physiques ....................................................... 123
§ 1 : L’individu, objet du droit international ...................................................................................................... 123
§ 2 : L’individu, sujet de droit en droit international ......................................................................................... 125
Section II : Le statut juridique des ONG .............................................................................................. 127
§ 1 : La participation des ONG à la formation du droit international ................................................................ 127
§ 2 : La participation des ONG à la mise en œuvre du droit international ......................................................... 128
Section II : Le statut juridique des sociétés transnationales ................................................................. 129
§ 1 : Les Sociétés transnationales, objet du droit international .......................................................................... 129
§ 2 : Les sociétés transnationales, sujets de droit en droit international ............................................................. 131

TITRE III : L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL .......................................................... 134


CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE ................................................................................ 134
Section I : La responsabilité internationale pour fait internationalement illicite................................. 134
Section II : La responsabilité internationale sans faute ....................................................................... 134
CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS INTERNATIONALES ...................................................................................... 134
Section I : Les sanctions décentralisées................................................................................................ 134
Section II : Les sanctions centralisées .................................................................................................. 134
CHAPITRE 3 : LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS INTERNATIONAUX ........................................... 134
Section I : Le règlement non-juridictionnel .......................................................................................... 134
Section II : Le règlement juridictionnel ................................................................................................ 134
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE ............................................................................................................. 135
TABLE DES MATIERES .......................................................................................................................... 139

142

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