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SOMMAIRE

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE : L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL

PARTIE PRELIMINAIRE : LES RELATIONS ENTRE LE DROIT NATIONAL ET LE


DROIT INTERNATIONAL

PREMIERE PARTIE : LES SOURCES ET LES ACTEURS DU DROIT


INTERNATIONAL PUBLIC

CHAPITRE I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

CHAPITRE II : LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DEUXIEME PARTIE : DROIT DES ESPACES INTERNATIONAUX


COURS DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
CHAPITRE 2. LES ESPACES MARITIMES INTERNATIONAUX

TITRE 2. LES ESPACES AERIEN ET EXTRAATMOSPHERIQUE

CHAPITRE 1. L’ESPACE AERIEN

CHAPITRE 2. L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE

TROISIEME PARTIE : LES INCIDENTS LIES A L’UTILISATION DES ESPACES


INTERNATIONAUX OU LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL

TITRE 1. LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE

CHAPITRE 1. LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA RESPONSABILITE


INTERNATIONALE

CHAPITRE 2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE

TITRE 2. LE REGLEMENT DES CONFLITS INTERNATIONAUX

CHAPITRE PRELIMINAIRE : L’INTERDICTION DU RECOURS A LA FORCE DANS


LE REGLEMENT DES CONFLITS

CHAPITRE 1. LES PROCEDES POLITIQUES OU NON JURIDICTIONNELS


Dr. Arsène NENE BI
CHAPITRE 2. LES PROCEDES JURIDICTIONNELS

TABLE DES MATIERES

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INTRODUCTION GENERALE : L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL

Définition et objet du DIP : Le DIP, autrefois appelé droits des gens, est constitué par
l’ensemble des règles de droit qui s’appliquent aux sujets de la société internationale, c'est-à-
dire normalement aux États et aux organisations internationales, et exceptionnellement aux
individus.

C’est donc l’ensemble des normes juridiques qui règlent les relations internationales, c'est-à-
dire des normes prescriptives, prohibitives ou permissives.

Cet ordre normatif est un facteur d’organisation sociale qui remplit une double fonction :

- Réduire l’anarchie dans les rapports internationaux en assurant la coexistence entre


les États

- Et satisfaire les intérêts communs (affaire du Lotus 1927 CPIJ)

Les traités de Westphalie des 14-24 octobre 1648, qui ont mis fin à la guerre de Trente ans
(1618-1648), sont traditionnellement considérés comme l’acte de naissance du droit
international moderne. Ces traités reconnaissent l’indépendance des États européens et
marquent la disparition de l’ordre médiéval.

Le DIP doit être distingué du droit international privé qui concerne l’ensemble des règles
juridiques ayant pour objet de régler les relations internationales entre personnes privées.

Caractéristiques du DIP : D’une manière générale, le DIP présente « un caractère


volontaire puisque son existence comme son application sont subordonnées au consentement
des États ». Il est caractérisé à la fois par l’absence d’un législateur qui serait susceptible
d’édicter des normes générales ainsi que par l’absence d’exécutif.

Ce sont notamment les États qui sont à la fois les producteurs et les destinataires des normes
internationales.

Contrairement à la société étatique, la société internationale n’est pas dotée d’une autorité
centrale qui disposerait de moyens de contrainte pour imposer le respect des normes
internationales.

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Le DI est également caractérisé par l’absence de juridiction obligatoire dans la mesure où la
justice internationale repose su le consentement des États.

Ces caractéristiques du DI ont fait dire à certains auteurs comme Raymond Aron que le DI
n’existait pas. Cette approche traditionnelle insiste sur l’inexistence d’un pouvoir de sanction
dans l’ordre international pour prétendre que le DI n’existe pas.

En réalité, en dépit de ses échecs incontestables dans le domaine de la sécurité collective, le


DIP, qui ne cesse d’élargir son champ d’action, existe bel et bien. Il est d’ailleurs pleinement
reconnu par les constitutions des États. Il est appliqué par les juges tant internationaux et que
nationaux et est constamment évoqué par les États ainsi que les autres acteurs des RI. De
même, force est de reconnaitre que l’actualité international témoigne de l’importance des
instruments du DIP dans la vie internationale : résolutions du CSNU, décisions et avis de la
CIJ, mise en place de la CPI, etc.

Différentes conceptions du DI : Deux grandes conceptions du Droit international


s’opposent. On a l’habitude d’opposer l’école du droit naturel à l’école positiviste.

Les tenants du droit naturel soutiennent qu’il existe un droit supérieur aux États. La doctrine
traditionnelle du droit naturel a été formulée au XVI e siècle par Vittoria. Au XVIIe siècle,
Hugo de Groot dit Grotius qui est considéré comme l’un des pères fondateurs du DI va
laïciser le droit naturel qui selon lui « consiste dans certains principes de la droite raison qui
nous font connaitre qu’une action est moralement honnête ou déshonnête selon la
convenance ou la disconvenance nécessaire qu’elle a avec une nature raisonnable ou
sociable. »

L’école positiviste rejette quant à elle l’idée d’un droit naturel.

Pour les positivistes volontaristes, le DI procède de la volonté de l’État. Selon Triepel : «


dans les relations entre États, la source du droit ne peut être qu’une volonté émanant d’États
».

Les positivistes objectivistes affirment, de leur côté, que les normes du DI sont fondées sur la
nécessité sociale. Pour Georges Scelle, qui se rattache à cette doctrine, les normes viennent «
du fait social lui-même et de la conjonction de l’éthique et du pouvoir produits par la
solidarité sociale ».

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Tout ordre juridique peut se définir comme un ensemble structuré de normes qui s’adressent
à des sujets déterminés, afin de leur permettre de vivre en société, c’est-à-dire d’assurer leur
coexistence et leur coopération.

Toutefois, l’ordre juridique n’est pas constitué exclusivement par des normes, mais il est
aussi et surtout une institution, c’est-à-dire un système cohérent d’éléments aussi disparates
que les règles juridiques, les personnes juridiques, etc., dans un but d’organisation sociale.
Ainsi, et comme il a été lucidement affirmé : « le droit consiste avant tout dans l’installation
et l’organisation d’une entité sociale ». Les règles de droit sont, partant, les instruments dont
se sert l’ordre juridique afin d’organiser la base sociale, à l’instar de « pions sur l’échiquier
».

L’existence de plusieurs sujets (au moins deux) dans une même dimension spatio-temporelle
implique nécessairement l’exigence d’une réglementation de leurs rapports et donc la
naissance d’un ordre juridique : ubi societas ibi ius ! Il s’agit ici d’une nécessité, non pas
concoctée et posée a priori par l’esprit humain, mais qui s’impose à l’observateur à la suite
de l’investigation de la réalité historique. Il en va de même pour l’ordre juridique
international où le droit international apparaît simultanément avec l’existence des États.

Conformément à cette esquisse de définition, l’ordre juridique international, objet de ce


cours, peut se définir comme : un ensemble de normes (le droit international public) régissant
les relations internationales entre des sujets déterminés que l’on qualifie conséquemment de
sujets de droit international. La première tâche consistera à identifier les sources du droit
international, c’est-à-dire les processus de création de normes et à déterminer les entités que
l’ordre juridique international contemporain qualifie de sujets de droit international (Partie I).
La deuxième partie s’attachera à s’attraper aux problématiques liées au droit des espaces
internationaux (Deuxième Partie). Enfin, comme vous le savez, toute norme juridique doit
être respectée et toute violation a pour conséquence une réaction de l’ordre juridique, qui doit
assurer le respect, la garantie de ses normes : l’étude des modalités de cette réaction fera
l’objet de la troisième Partie intitulée « Responsabilité internationale » (Partie III). Mais
avant d’en arriver à l’examen de ces trois grandes parties, il apparait opportun de consacrer
une partie préliminaire aux relations existant entre le droit national et le droit international
(Partie Préliminaire).

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Partie Préliminaire : Les relations entre le droit national et le
droit international
La question des relations entre le droit national et le droit international est l'une des questions
les plus importantes du droit international du point de vue du juriste national : il s'agit en
effet de déterminer quel impact le droit international a en droit national et vice-versa. En soi,
si l'on prend une définition classique du droit international public, selon laquelle le droit
international public règle les relations entre Etats souverains, le droit international ne devrait
jouer aucun rôle en droit interne et l'interpénétration des deux ordres juridiques devrait être
limitée.

Cependant, comme indiqué plus haut, cette définition ne vaut plus. En effet, le droit
international public règle aussi des questions relevant traditionnellement du droit interne
comme les questions de commerce, de droits de l'homme ou d'immigration. Il devient alors
clair que droit national et droit international s'appliquent simultanément aux mêmes
situations soulevant ainsi des questions difficiles de relation et plus précisément de validité,
de hiérarchie et d'effet.

Cette partie sera divisée en trois grandes articulations : il commencera par une présentation
générale des différentes relations entre droit national et droit international, en mettant l'accent
sur l'influence du droit international public sur le droit national (I.). Ensuite seront traités les
différents mécanismes de l'influence du droit international public sur le droit national (II.).
Finalement, il s'agira d'analyser la place du droit international public dans l'ordre juridique
ivoirien (III.).

I. Les différentes relations

La relation entre droit national et droit international public comprend deux volets : d'une part
l'influence du droit national sur le droit international (A.) et d'autre part l'influence du droit
international sur le droit national (B.).

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A. L'influence du droit national sur le droit international

Même si cela paraît tout à fait secondaire, le droit national peut avoir une certaine influence
sur le droit international public. Cela passe avant tout par la prise en compte du droit national
devant les tribunaux internationaux et dans la jurisprudence internationale.

A noter que cette influence du droit national ne signifie pas que le droit national puisse être
invoqué pour justifier une violation du droit international public. Le droit national ne peut en
aucun cas être invoqué (sauf exceptions permises à l'art. 46 CV1) pour justifier un
manquement aux obligations d'un Etat en vertu du droit international public (art. 27 CV1).

On distingue trois modes d'influence du droit national sur le droit international public.

1. Le droit national en tant que source du droit international

Certains principes généraux de droit national et certaines décisions judiciaires nationales sont
des sources de droit international public au sens de l'art. 38 du Statut CIJ.

La Cour de La Haye n'a cependant appliqué des notions de droit interne qu'à de rares
occasions (affaire des emprunts serbes et brésiliens, 1929, CPJI Série A n° 20/21 p. 5 ;
affaire Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, Rec. CIJ 1970 p. 3/38). Il
s'agit principalement d'affaires liées à l'utilisation de principes généraux issus du droit des
Etats comme la bonne foi ou le principe de solidarité entre débiteurs.

2. Le droit national comme base de définition des concepts de droit international

Même si les tribunaux internationaux tranchent les affaires qui leur sont soumises en vertu du
droit international public, il peut arriver qu'ils doivent faire appel au droit national pour
clarifier certains concepts de droit international.

On pensera par exemple à la nationalité d'un Etat membre, qui est l'une des conditions
d'application de la protection diplomatique. La nationalité est un concept de droit national
que seuls les Etats membres en cause peuvent définir et cette définition lie les autorités qui
appliquent le droit international public. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les effets de droit
international public de la nationalité puissent être dictés exclusivement par le droit national
(affaire Nottebohm Rec. CIJ 1955 p. 4 ; affaire Barcelona Traction, Light and Power
Company Limited, Rec. CIJ 1970 p. 3). Au contraire, en matière de nationalité, le droit
international a prescrit certains minima d'effectivité à remplir, comme l'avons. Vu
précédemment (cf supra § 2. II. A. 2. a. ii.).

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3. Le droit national comme preuve du droit international

Le droit national peut aussi devoir être utilisé à titre de preuve d'une pratique nationale
devant les juridictions internationales.

I. Les différentes relations

On pensera notamment à la preuve de la pratique qui sous-tend une coutume. Cela peut être
illustré en cas de disputes territoriales ou frontalières où le droit national est cité à titre de
preuve (affaire des pêcheries anglo-norvégiennes, Rec. CIJ 1951 p. 116).

B. L'influence du droit international sur le droit national

La relation entre les deux ordres juridiques est le plus souvent examinée sous l'angle inverse
de l'influence du droit international sur le droit national.

La relation entre droit international public et droit interne s'articule autour de trois questions
fondamentales : le statut du droit international public en droit interne (validité immédiate ou
non), son rang en droit interne (primauté ou non) et, finalement, son invocabilité par les
particuliers en droit interne (effet direct ou non). Ces trois questions et les mécanismes qui y
répondent dans la relation entre droit national et droit international seront détaillés dans ce
qui suit.

II. Les mécanismes de la relation entre ordres juridiques national et international

Les mécanismes de la relation entre droit international public et droit interne sont la validité
immédiate (statut en droit interne) (A.), la primauté (rang en droit interne) (B.) et,
finalement, l'effet direct (invocabilité par les particuliers en droit interne) (C.).

Il est important de souligner qu'en règle générale, c'est le droit national qui détermine les
relations entre le droit international et le droit interne. Chaque Etat a donc une approche
différente de la validité immédiate, de la primauté et de l'effet direct du droit international
dans l'ordre juridique interne (sur la relation entre l'ordre juridique suisse et le droit
international public, voir infra III.).

A noter que ce n'est pas le cas cependant en droit de l'UE, puisque, du fait de l'intégration de
l'ordre juridique européen, c'est le droit de l'UE qui établit sa propre validité immédiate en
droit interne, sa primauté sur le droit interne et son effet direct en droit interne (D.).

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A. Le statut en droit interne

1. Généralités

Afin de présenter le statut du droit international public en droit interne, il est utile de
distinguer les deux écoles traditionnelles que sont le monisme et le dualisme. Il s'agit de deux
approches différentes de la validité du droit international en droit interne : la première admet
la validité immédiate du droit international en droit interne, alors que la seconde soumet sa
validité à l'incorporation en droit interne, voire même à sa transformation en droit interne.

La question du choix entre monisme et dualisme est une question de droit interne. Elle est le
plus souvent résolue au niveau constitutionnel. Ce qu'il est important de souligner,
cependant, c'est que les autorités nationales ne peuvent pas se prévaloir du dualisme pour
justifier une violation du droit international public sur le plan international (cf. art. 27 CV1).
Leur responsabilité internationale peut donc être engagée si elles ne respectent pas le droit
international du fait de son manque de validité en droit interne.

A noter que la validité du droit de l'UE en droit interne implique l'imposition d'une approche
moniste à tous les Etats membres de l'UE, et cela même s'ils sont de tradition dualiste. Le
droit de l'UE a en effet une validité immédiate, dans le sens où il n'a pas besoin d'être
incorporé ou transformé en droit interne pour y avoir des effets immédiats. C'est ce que la
CJUE a décidé dans l'affaire Simmenthal II en 1978 (Rec. CJCE 1978 p. 629). Ainsi, le
Royaume-Uni, lors de son adhésion à la CEE en 1972, a dû adopter une loi par laquelle il
reconnaît que le droit de l'UE fait automatiquement partie du droit interne anglais, même
sans transposition.

Il faut noter néanmoins que ces deux approches sont de moins en moins distinctes, puisque le
dualisme, dans des Etats comme le Royaume-Uni ou l'Irlande, tend de plus en plus à se muer
en une forme hybride de monisme. On le remarque notamment en matière de droits de
l'homme où la possibilité d'invoquer les droits de l'homme devant les juridictions internes
peut se faire même sans incorporation en droit interne. De même, inversement, le monisme
est souvent une forme atténuée du dualisme puisque c'est le droit national, et le plus souvent
la constitution nationale, qui établit le monisme et garantit la validité immédiate du droit
international en droit interne.

Finalement, au vu des multiples relations et interpénétrations entre droit national et


international, certains préfèrent désormais parler de pluralisme, afin de ne pas privilégier un

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ordre juridique par rapport à l'autre tout en reconnaissant la validité immédiate du droit
international en droit interne et de refléter la multiplicité des ordres juridiques en cause.

2. Le monisme

Les tenants de la doctrine moniste affirment l'unité fondamentale de l'ordre juridique


international et de l'ordre juridique interne. Pour la théorie moniste, il s'agit de deux systèmes
juridiques de même nature qui ne forment une fois unis qu'un seul ordre juridique.

Ainsi, un traité conclu par un Etat fait partie intégrante de son ordre juridique interne dès son
entrée en vigueur. Le droit international est en principe immédiatement valide dans cet Etat,
de la même façon que les normes internes, et doit être appliqué par les mêmes organes et aux
mêmes sujets, sans nécessiter une incorporation ou une transformation de ces normes en droit
interne. Il en va de même pour toute norme coutumière, dès la validité de celle-ci en droit
international.

A titre d'exemple de pays appliquant le système moniste, on peut mentionner la France, les
USA, la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse.

L'unité des deux ordres juridiques n'empêche toutefois pas la reconnaissance d'une certaine
hiérarchie entre eux, ce que confirment les deux tendances dans la doctrine moniste :

• Monisme avec primauté du droit interne. La subordination du droit international au droit


interne s'explique par l'absence d'autorité supra-étatique et par le fait que le droit
international procède du droit interne. En cas de conflit, la règle internationale cède le pas à
la règle interne. Cette conception est très peu représentée dans la pratique.

• Monisme avec primauté du droit international. Largement majoritaire, ce courant considère


que l'ordre juridique international est hiérarchiquement supérieur à l'ordre interne et que, en
cas d'opposition entre une règle de droit interne et une norme de droit international, cette
dernière doit l'emporter.

Il y a deux justifications à cette primauté du droit international dans le monisme :

- Le monisme positiviste. Puisque le droit international public résulte de la volonté des Etats
et que le droit national dépend de la qualité d'Etat au sens du droit international de l'Etat qui
l'édicte, le droit international doit primer.

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- Le monisme jus naturaliste. Le droit international prenant ses racines dans une forme de
droit naturel universel et objectif, il prime de par sa nature et son contenu le droit interne.

3. Le dualisme

La conception dualiste des rapports entre le droit international et le droit interne trouve son
origine dans le volontarisme. Pour les tenants de cette doctrine, le droit international et le
droit interne constituent deux ordres juridiques égaux, indépendants et totalement séparés
l'un de l'autre.

Ces deux systèmes se distinguent par leur objet (le droit interne, contrairement au droit
international, régit les rapports juridiques à l'intérieur d'un Etat), par leur source (le droit
interne est issu de la volonté d'un seul Etat et non pas d'une volonté commune) et par leurs
destinataires (le droit interne s'applique aux personnes physiques et morales, alors que le
droit international vise principalement les Etats et les organisations internationales).

Sont aujourd'hui des pays de tradition dualiste le Royaume-Uni, l'Irlande, le Canada et les
pays scandinaves. L'Italie et l'Allemagne le sont aussi, mais à moindre degré.

Il faut distinguer, parmi les formes de dualisme, selon que la réception du droit international
public en droit interne se fait par incorporation ou transformation :

• L'incorporation du droit international. L'incorporation se fait dans un pays dualiste en vertu


d'une disposition constitutionnelle qui établit que le droit international a validité désormais
en droit interne.

C'est le cas en Allemagne en vertu de l'art. 25 de la Loi fondamentale allemande. C'est le cas
aussi au Royaume-Uni, mais seulement pour le droit international coutumier.

• La transformation du droit international. La transformation du droit international en droit


interne passe par une traduction expresse des normes internationales en normes internes et en
conséquence par l'adoption de législation idoine.

C'est le cas au Royaume-Uni pour le droit des traités. Le Human Rights Act de 1998 est un
exemple en ce qu'il transforme la CEDH en une loi interne qui reprend textuellement presque
tous les articles de la CEDH.

L'application du dualisme a deux conséquences importantes :

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• Premièrement, puisque les organes étatiques doivent appliquer uniquement le droit interne,
il ne peut y avoir de conflits entre ces ordres juridiques, mais seulement des renvois de l'un à
l'autre.

• Deuxièmement, il ne peut y avoir, dans aucun des deux systèmes, de normes obligatoires
formelles ou matérielles émanant de l'autre. Cette deuxième conséquence a quatre
répercussions notables :

- Aucune règle de droit international n'est valide dans un Etat avant d'avoir été transformée
en règle de droit interne et d'avoir ainsi acquis le rang d'une loi.

- Les tribunaux nationaux jugent exclusivement sur la base du droit interne et ils n'appliquent
des normes internationales écrites que dans la mesure où elles ont été réceptionnées en droit
interne (le droit coutumier et les principes généraux font exception, en général).

Une fois réceptionné en droit interne, le droit international a le rang d'une loi et en cas de
conflit avec le droit interne se voit appliquer les règles de conflit de droit interne, comme les
principes de la lex posterior ou de la lex specialis.

- Les nonnes de droit interne contraires au droit international gardent toute leur validité et,
pour éviter d'engager la responsabilité internationale de l'Etat et de devoir réparer le cas
échéant, le législateur national doit se conformer à ses engagements internationaux d'une
autre manière.

B. Le rang en droit interne

1. Le principe

Que le mode d'insertion du droit international public en droit interne soit moniste ou dualiste,
la question du rang du droit international public par rapport au droit interne concerne la
priorité du droit international sur le droit interne, puis celle de son rang exact par rapport à
différentes sources du droit en droit interne.

Le droit international public pose le principe de la primauté du droit international public. Ce


principe n'est cependant pas toujours suivi par le droit interne (voir également infra III. B.).

En droit des traités, l'obligation de respecter les traités fait l'objet des art. 26 et 27 CV1 (cf.
aussi préambule et art. 2 par. 2 de la Charte). Sous l'intitulé marginal pacta sunt servanda,
l'art. 26 dispose que :

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« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. » En outre, à
teneur de l'art. 27 : « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d'un traité [ ...J. »

La subordination du droit interne aux traités internationaux s'exprime dans les trois principes
fondamentaux que contiennent ces dispositions :

• La règle pacta sunt servanda : elle exige que chaque Etat honore les engagements qu'il
prend au niveau international en concluant un traité.

• Le principe de la bonne foi : valable erga omnes dans les relations internationales, il est «
l'un des principes de base qui président à la création et à l'exécution d'obligations juridiques,
quelle qu'en soit la source » (affaire des essais nucléaires, Rec. CIJ p. 253/268). Un Etat a
l'obligation d'exécuter de bonne foi les traités internationaux auxquels il est partie.

• L'interdiction d'exciper d'une règle de droit interne pour se soustraire à l'application d'une
norme conventionnelle : cette disposition est un exemple de codification d'une règle
coutumière. En effet, la jurisprudence antérieure à la CV1 avait déjà refusé d'admettre qu'un
acte interne puisse prévaloir sur les dispositions d'un traité de paix (affaire du Vapeur
Wimbledon, 1923, CPJI Série A n° 1 p. 15/29).

Ces principes valent plus généralement pour l'ensemble du droit international public. La
jurisprudence internationale a eu maintes fois l'occasion de souligner la supériorité du droit
international sur le droit interne. Par exemple dans l'affaire des « communautés » gréco-
bulgares (avis consultatif du 31 juillet 1930, CPJI Série B n° 17 p. 4/32) :

« C'est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre les
Puissances contractantes d'un traité, les dispositions d'une loi interne ne sauraient prévaloir
sur celles du traité. »

De même, la CIJ a clairement donné raison aux partisans de la primauté du droit international
en affirmant « le principe fondamental en droit international de la prééminence de ce droit
sur le droit interne » (affaire de l'applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section
21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies [OLP] ,
avis consultatif du 26 avril 1988, Rec. CIJ 1988 p. 12/34).

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2. Les conséquences

Le principe de primauté du droit international est avant tout une règle de conflit : il s'applique
lorsqu'une contradiction entre des normes de droit interne et des normes de droit international
devient inévitable. Dans ce cas, le droit international devrait systématiquement primer sur le
droit national, et surtout sur l'ensemble du droit national peu importe sa source.

Toutefois, la réalité est souvent plus complexe. Les règles de conflit internes et les
techniques auxquelles ont recours les juridictions nationales s'écartent en effet parfois de
cette exigence de primauté du droit international public.

En pratique, la primauté du droit international sur le droit national et son rang en droit
national varie en fonction des sources du droit national qui sont en jeu :

• En cas de conflit entre le droit international et une constitution nationale, la primauté du


droit international est rarement acceptée en pratique. Une constitution a souvent valeur de
référence suprême dans un ordre juridique national donné, ce qui explique la réticence
générale des Etats à faire primer le droit international sur celle-ci. D'ailleurs, dans la
pratique, le rang du droit international est parfois déterminé par la constitution nationale elle-
même. Dans les cas où celle-ci laisse cette question ouverte, la décision revient en fin de
compte aux tribunaux nationaux. Cette question sera abordée à nouveau à la lumière de
l'exemple particulier du conflit entre une norme constitutionnelle suisse et le droit
international (cf. infra III. B. 3.).

• En cas de conflit entre le droit international et les lois nationales, la primauté du premier est
largement respectée. Certaines constitutions nationales confèrent même aux traités
internationaux une valeur supra-législative. Lorsque le droit international n'a qu'un rang
législatif tout court, il arrive toutefois que la primauté ne soit appliquée que selon le principe
lex posterior, autrement dit uniquement lorsque la règle de droit international est ultérieure à
la loi nationale avec laquelle elle est en conflit. Cette question sera abordée à nouveau à la
lumière de l'exemple particulier du conflit entre les lois fédérales suisses et le droit
international (cf. infra III. B. 3.).

• En cas de conflit entre le droit international et d'autres actes juridiques nationaux (p.ex. les
actes administratifs), la primauté du droit international est généralement acquise.

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Lorsque le conflit de normes est avéré, la primauté du droit international peut nécessiter des
réponses diverses au niveau national. On peut les énumérer dans un ordre croissant
d'interférence avec la souveraineté nationale : l'obligation pour les autorités de l'Etat
d'interpréter le droit national conformément au droit international contraire, l'obligation de ne
pas appliquer le droit national contraire, l'obligation d'invalider ou de modifier le droit
national contraire, ou encore l'interdiction pour le législateur national d'adopter une loi
postérieure contraire au droit international.

C. L'invocabilité par les particuliers en droit interne

1. La notion

Une norme d'origine internationale est d'effet direct lorsqu'elle est invocable directement par
les particuliers. Cela implique qu'elle fait directement naître, dans l'ordre juridique interne
d'un Etat, des droits ou obligations à l'intention des personnes privées physiques ou morales,
sans qu'il y ait besoin d'une concrétisation de la norme par le droit interne. Ces dernières
peuvent ainsi demander à ce que ces normes soient appliquées directement soit par les
autorités exécutives soit par les juridictions nationales.

La terminologie est parfois fluctuante pour désigner les normes d'effet direct : on parle ainsi
également de normes d'applicabilité directe, ou encore de normes à caractère « self-executing
». Ces termes désignent toutefois tous la même chose, à savoir des normes de droit
international public qui peuvent être invoquées directement par le particulier dans l'ordre
juridique interne d'un Etat sans qu'elles doivent d'abord être concrétisées par le législateur
national.

La question de savoir quand une norme de droit international public est d'effet direct est
controversée. En pratique, les principes suivants sont appliqués afin de déterminer si une
norme internationale est d'effet direct :

• Il est parfois possible de le déterminer sur la base du droit international lui-même, si la


volonté des parties ressort clairement.

• Ce principe avait tout d'abord été rejeté par la CPJI dans l'affaire des tribunaux de Dantzig
(avis consultatif du 3 mars 1928, CPJI Série B n° 15 p. 4/15), dans laquelle la Cour devait se
prononcer sur la possibilité pour un accord international de créer au bénéfice de
fonctionnaires de la ville de Dantzig des droits que ces derniers pouvaient invoquer devant
les juridictions nationales :
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« Selon un principe de droit international bien établi, un accord international ne peut, comme
tel, créer directement des droits et des obligations pour les particuliers. »

Plus récemment, la Cour internationale de Justice, dans l'affaire LaGrand (Rec. CIJ 2001 p.
466/494), a cependant affirmé que certaines normes conventionnelles (en l'occurrence l'art.
36 par. 1 de la CVRC) peuvent directement énoncer des droits individuels au profit de la
personne privée et que l'effet de ces droits devait prioritairement être recherché dans l'ordre
juridique interne des Etats parties au traité (dans le même sens, voir l'affaire Avena et autres
ressortissants mexicains, Rec. CIJ 2004 p. 12) :

« 77. La Cour constate que l'al. b) du par. 1 de l'art. 36 [CVRC] énonce les obligations que
l'Etat de résidence a vis-à-vis d'une personne détenue et de l'Etat d'envoi. Il dispose qu'à la
demande de la personne mise en détention, l'Etat de résidence doit informer « sans retard » le
poste consulaire de l'Etat d'envoi de la détention de l'individu. Il dispose en outre que toute
communication par la personne détenue adressée au poste consulaire de l'Etat d'envoi doit lui
être transmise par les autorités de l'Etat de résidence « sans retard ». Il est significatif que cet
alinéa se termine par la disposition suivante : lesdites autorités « doivent sans retard informer
l'intéressé de ses droits aux termes du présent alinéa » (les italiques sont de la Cour). En
outre, en vertu de l'al. c) du par. 1 de l'art. 36 [CVRC], le droit de l 'État d'envoi de prêter son
assistance consulaire à la personne en détention ne peut s'exercer si celle-ci « s'y oppose
expressément ». La clarté de ces dispositions, lues dans leur contexte, ne laisse en rien à
désirer. De ce fait, et comme il a été jugé à plusieurs reprises, la Cour est tenue de les
appliquer telles qu'elles sont (voir Acquisition de la nationalité polonaise, avis consultatif
1923, CPJI série B n° 7, p. 20; Compétence de l'Assemblée générale pour l'admission d'un
Etat aux Nations Unies, avis consultatif CIJ Recueil 1950, p. 8; Sentence arbitrale du 31
juillet 1989, arrêt, CIJ Recueil 1991, p. 69-70, par. 48 ; Différend territorial (Jamahiriya
arabe libyenne/Tchad), arrêt, CIJ Recueil 1994, p. 25, par. 51). Compte tenu du libellé de ces
dispositions, la Cour conclut que le par. I de l'art. 36 [CVRC] crée des droits individuels qui,
en vertu de l'art. I' du protocole de signataire facultative, peuvent être invoqués devant la
Cour par l'Etat dont la personne détenue a la nationalité. En l'espèce, ces droits ont été violés.
»

Dans les autres cas (la plupart), la question de l'effet direct des dispositions d'un traité
international est réglée par les Etats eux-mêmes,. à moins que le traité n'en dispose autrement

15
(cf. JAAC 64.20/1998). Cela implique une interprétation de la norme inter-nationale en cause
par les autorités nationales.

En principe, l'effet direct est relatif. L'existence de cet effet se décide donc de norme en
norme. On ne peut pas partir de l'idée qu'un traité dans son ensemble ou une source de droit
international public dans son ensemble contient des normes d'effet direct.

Il est néanmoins des types de traités qui, de par leur contenu, contiennent d'ordinaire des
normes d'effet direct, et notamment les suivants :

• Les traités de protection des droits de l'homme. C'est le cas notamment du Pacte des
Nations Unies sur les droits civils et politiques et de la CEDH. Les garanties du Pacte des
Nations Unies sur les droits sociaux, culturels et économiques sont aussi souvent reconnues
d'effet direct, mais dans une moindre mesure (cf. supra § 2. IV. B. 3. a. i. (3)).

• Les traités en matière de procédure civile. • Les traités en matière d'entraide judiciaire. •
Les traités en matière fiscale.

2. Les conditions

Comme indiqué précédemment, l'existence de l'effet direct d'une norme internationale se


déduit de l'énoncé et du contenu de la norme en cause.

En bref, pour que des normes de droit international puissent être considérées comme
directement invocables par les personnes privées, elles doivent satisfaire aux trois conditions
suivantes :

• Premièrement, les normes en cause doivent établir des droits et des devoirs pour les
personnes juridiques et morales. Les traités qui fondent des organisations internationales ou
qui énoncent des règles de collaboration entre Etats ne peuvent donc pas être considérés
comme d'effet direct.

• Deuxièmement, ces normes doivent être justiciables. Elles doivent donc être suffisamment
claires, précises et inconditionnelles, de façon à ne nécessiter, pour leur mise en œuvre,
aucune mesure de concrétisation interne.

• Finalement, ces normes doivent s'adresser à des autorités d'application. Ce n'est pas le cas,
par exemple, de normes programmatrices qui s'adressent au législateur national et non pas
aux autorités exécutives ou judiciaires d'un Etat.

16
3. Les conséquences

Lorsqu'une norme bénéficie d'un effet direct, elle peut être invoquée directement par les
particuliers devant toute autorité nationale. C'est par exemple le cas des normes contenues
dans la CEDH, qui peuvent être directement invoquées devant chaque instance judiciaire
suisse.

Il faut toutefois garder à l'esprit que la majorité des normes de droit international ne
bénéficient pas d'une telle invocabilité directe.

En l'absence d'effet direct, la norme internationale requiert une concrétisation en droit


interne, notamment quant au contenu des obligations qu'elle contient, aux destinataires et
bénéficiaires desdites obligations ainsi qu'aux moyens juridiques de mise en œuvre de cette
norme dans l'ordre juridique national.

L'art. 261bis CP, par exemple, a concrétisé dans l'ordre juridique suisse l'art. 4 de la
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales du 21 décembre
1965 (ICERD ; RS 0.104). Ce dernier article n'étant pas d'effet direct, le particulier ne peut
pas l'invoquer directement devant les tribunaux suisses.

Il faut bien distinguer par conséquent entre la concrétisation d'une norme internationale par le
droit interne, qui vise à préciser son contenu, son champ d'application et ses destinataires et
par conséquent à lui donner un effet direct, et l'incorporation ou transformation en droit
interne, qui vise, dans un système dualiste, à reconnaître une norme internationale comme
valide et comme susceptible de produire des effets en droit interne (directs ou non).

4. Les délimitations

Il faut délimiter l'effet direct à plusieurs titres :

• Tout d'abord, il ne faut pas confondre l'effet direct avec la validité immédiate. La validité
immédiate est un autre nom pour le monisme, soit le fait qu'une norme de droit international
public puisse s'appliquer en droit interne sans incorporation ou transformation. Elle se
distingue donc clairement de l'effet direct et se détermine indépendamment de celui-ci : peu
importe que l'invocabilité directe soit reconnue ou non à une norme de droit international
public, cette norme peut être immédiatement valide en droit interne dans un système moniste.

17
L'inverse est aussi vrai, en ce que l'effet direct d'une norme ne dépend pas des modalités de
sa réception en droit interne.

Certains considèrent cependant que la question de l'effet direct ne se poserait que dans un
ordre juridique moniste, puisque le dualisme exige nécessairement une réception en droit
interne et donc une certaine concrétisation si elle est nécessaire. Il peut cependant arriver que
la réception se fasse par incorporation générale, sans transposition détaillée de la norme,
auquel cas la question de l'effet direct reste intacte.

• Ensuite, il faut bien distinguer entre l'invocabilité directe et la primauté en droit interne. La
primauté d'une norme internationale se détermine indépendamment de son effet direct et
l'inverse vaut aussi, puisqu'une norme internationale peut être d'effet direct même si elle ne
prime pas le droit interne en cas de conflit.

18
Première Partie : LES SOURCES ET LES ACTEURS DU DROIT INTERNATIONAL
PUBLIC

Chapitre I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Selon l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice, hérité du statut de la Cour


permanente de justice internationale, qui propose une typologie des normes du DIP, « la
Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui
sont soumis, applique :

a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles
expressément reconnues par les Etats en litige;

b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le
droit;

c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées;

d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des
publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit. »

De cette énonciation, il appert que l’ordre juridique international comporte à la fois des
sources écrites et des sources non écrites.

NB : Le contenu de l’article 38 reste incomplet et obsolète en ce qu’il élude la notion de jus


cogens bien que le contenu de cette notion reste incertain. On peut toutefois comprendre
cette absence de référence à la norme impérative car celle-ci était encore inconnue à l’époque
de la rédaction du texte de l’article 38.

Par ailleurs, cette disposition élude les actes unilatéraux des OI et des États qui jouent un rôle
non négligeable dans les relations internationales.

En tout état de cause, les traités et la coutume, qui sont évoqués en premier par l’article 38
du statut de la Cour, sont incontestablement les principales sources du DIP en raison de leur

19
importance indéniable dans la vie internationale (Section I). Cependant à côté de ces sources,
les principes généraux du droit ainsi que les actes unilatéraux des États et des OI constituent
d’autres sources du DIP (Section
II).

SECTION I : LES PRINCIPALES SOURCES DU DIP

Elles sont constituées de sources conventionnelles et de sources non conventionnelles. Il


s’agit notamment des traités qui constituent les sources conventionnelles (§1) et la coutume
internationale qui est la source non conventionnelle (§2).

PARAGRAPHE I : LES TRAITÉS INTERNATIONAUX : SOURCES


CONVENTIONNELLES DU DIP

Ils occupent la première place dans la liste limitative des sources du DIP que dresse l’article
38 de la CIJ.

Ils représentent l’instrument privilégié des relations internationales.

A- La notion de traité international

La doctrine définit généralement le traité comme une manifestation de volontés


concordantes imputables à deux ou plusieurs sujets de droit international et destinée à
produire des effets de droit selon les règles de droit international.

L’article 2 de la convention de Vienne du 22 mai 1969 définit le traité international comme


étant « un accord international conclu par écrit entre États, ou entre un État et une
organisation internationale ou entre organisations internationales et régi par le droit
international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes, et qu’elle que soit sa dénomination particulière. »

De cette définition, il appert que la terminologie utilisée pour qualifier le traité international
est très diverse. Les termes traité, pacte, charte, accord, convention, déclaration, statut,
protocole, modus vivendi, mémorandum d’accords, sont fréquemment retenus pour qualifier
les traités internationaux.

20
La CIJ adopte une position libérale consistant à considérer que « la terminologie n’est pas un
élément déterminant quant au caractère d’un accord ou d’un engagement international » (CIJ,
Sud-Ouest Africain, 21 décembre 1962)

Il s’agit en outre d’accords entre sujets de droit international dans la mesure où seuls les
sujets de droit international c’est à dire les État et les OI peuvent conclure des traités.

Le traité a également pour but de produire des effets de droit : ils se distinguent à cet effet
des gentlemen’s agreements qui sont des accords de caractère politique, sans obligation
juridique en découlant.

De fait, plusieurs classifications des traités ont été suggérées.

- Selon le nombre d’États parties au traité, on distingue les traité bilatéraux liant
seulement deux État, des traités multilatéraux qui eux engagent plus de deux États.

Les traités bilatéraux, qui sont les plus nombreux que les traités multilatéraux, sont
les traités les plus anciens.

- Une distinction très classique consiste à distinguer les accords en forme simplifiée
des accords en forme solennelle. Tandis que les accords en forme simplifiée se
caractérisent par l’absence de ratification, les accords en forme solennelle font
intervenir une ratification. Cette ratification, émanant du « Treaty-making power »,
est seule susceptible d’engager juridiquement l’État. Alors que les accords en forme
simplifiée excluant la ratification, acquièrent force obligatoire pour les États du seul
fait de leur signature.

Cette pratique dite des « executive agreements » s’est développée aux USA compte
tenu du caractère contraignant de la procédure de ratification prévue par la
constitution américaine de 1787.

En effet, les traités internationaux, négociés et conclus par le président américain,


doivent être ratifiés par le Sénat, à la majorité des deux tiers. L’exigence de cette
majorité qualifiée constitue un véritable frein à l’adhésion de certains traités. Ce fut le
cas pour le traité de Versailles en 1920. Ainsi les USA qui avaient largement inspiré
la création de la SDN n’ont jamais pu en devenir membre faute de ratification.

21
C’est précisément pour contourner le pouvoir de blocage du Sénat, il a été introduit la
pratique des « executive agreements ».

La Cour suprême américaine reconnait à ces accords en forme simplifiée les mêmes
effets juridiques qu’aux traités en forme solennelle.

Cependant, une limite existe à ce pouvoir, elle a été posée par une résolution du Sénat
en date du 26 juin 1969, dans laquelle le Sénat a demandé au Président des USA de
n’engager ni les forces armées ni les ressources de l’État américain au service d’un
État étranger sans l’autorisation du Congrès.

B- La conclusion des traités

L’élaboration des traités passe par 3 phases : la négociation, la signature et la ratification.

1- La négociation

La phase de la négociation est l’œuvre des plénipotentiaires qui disposent des pleins
pouvoirs pour négocier au nom de l’État.

Traditionnellement, le plénipotentiaire doit avoir une habilitation sous forme écrite (la
lettre de pleins pouvoirs) qui lui est remise par l’autorité disposant du treaty making
power (généralement le chef de l’État). La convention de Vienne dispose en son article 7
que certaines personnes (chef d’État, de gouvernement, ministre des affaires étrangères,
chef de mission diplomatique) n’ont pas à établir qu’elles sont habilitées.

La négociation se fait dans un cadre qui peut varier. Ainsi, elle peut se faire au sein
d’organisation internationale ou encore dans le cadre d’une conférence internationale.

Ensuite s’ouvre la phase de rédaction du texte qui se fait par des propositions, contre-
propositions ou amendements. Si les négociations et les discussions progressent vers un
accord, les projets amendés ou non sont adoptés au fur et à mesure et deviennent les
dispositions du futur traité.

Originairement, l’adoption du texte se faisait à l’unanimité ; désormais la majorité tend à


se substituer à la règle de l’unanimité.

22
2- La signature

Le traité, une fois adopté, va être signé par les parties. La signature va mettre un terme à
la phase de la négociation, conduite par les plénipotentiaires.

Cette signature ne signifie pas que le texte s’impose aux États qui l’ont signé, elle va
juste authentifier le texte du traité mais ne va pas pouvoir engager l’État.

Elle permet en outre de consacrer le consentement des plénipotentiaires, car un État qui a
signé le texte n’est plus dans la même situation qu’un État qui s’en est abstenu. La
signature confère à l’État un statut provisoire au regard du traité : il a des droits et des
obligations vis-à-vis des autres États signataire. A cet effet, elle entraine l’obligation de
ne pas priver le traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur.

Elle apparait donc comme une transition entre l’étape de l’élaboration, qu’elle clôt, et
celle de l’expression du consentement à être lié, que l’État demeure d’ailleurs libre de ne
pas mener jusqu’à son terme, nonobstant la signature du texte.

NB : Ces développements ne concernent que les traités en forme solennelle ; pour les
traités en forme simplifiée, la seule signature suffit à engager internationalement l’État.

3- La ratification : expression par l’État de son consentement à être lié

Elle est l’approbation définitive donnée au traité. Elle émane en principe des organes
internes c'est-à-dire de l’autorité étatique possédant la compétence constitutionnelle pour
engager internationalement l’État. Cette autorité est généralement le Chef de l’État.
Parfois, l’intervention de ce dernier suppose une autorisation préalable des assemblées
parlementaires. C’est notamment le cas aux USA, en France et en Côte d’ivoire pour :

Les Traités de paix, les Traités ou Accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui
modifient les lois internes de l'Etat ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi. (Article 85)
La ratification est une compétence discrétionnaire des États. Le droit international ne prévoit
aucun délai quant à la ratification. Celle-ci peut être différée sans que ne puisse être engagée
la responsabilité internationale de l’État qui a signé le traité. Exemple : Les USA qui avaient
signé en 1925 le protocole de Genève sur l’interdiction à la guerre des armes
bactériologiques et chimiques, ne l’ont ratifié qu’en 1975. De même, ils ont signé le statut de
Rome mais ne l’ont pas encore ratifié.

23
L’entrée en vigueur du traité va varier en fonction de sa nature :

- Pour les traités conclus en forme simplifiée, l’entrée en vigueur se fait dès leur
signature.

- Pour les traités bilatéraux, l’entrée en vigueur a lieu lors de l’échange des instruments
de ratification. Le traité entre en vigueur dès la réception de la deuxième lettre ou
note de ratification.

- Pour les traités multilatéraux, l’entrée en vigueur est généralement subordonnée au


dépôt d’un certain nombre d’instruments de ratification. Le chiffre de ratification
varie en fonction de la nature de la convention. Pour les grandes conventions
conclues sous les auspices des NU, le chiffre retenu est en principe de 35. Pour le
statut de Rome instituant la CPI, le chiffre exigé pour son entrée en vigueur était de
60.

La convention de Vienne rend obligatoire l’enregistrement au secrétariat des NU et la


publication par ce dernier des traités internationaux. Cette exigence vise à la
condamnation implicite de la pratique de la diplomatie discrète.

C- La validité des traités

Après l’accomplissement des formalités de sa conclusion, le traité nait à la vie


juridique. Toutefois, il ne peut s’y maintenir pour produire durablement ses effets que
s’il est valide. Comme tous les actes juridiques, il frappé de nullité en cas
d’invalidité.

1- Pour que le traité puisse produire ses effets, il faut que les parties soient capables
juridiquement. Au sein de la société internationale, seul un sujet de droit
international a la capacité requise pour conclure un traité, puisque par définition,
celui-ci est un acte conclu entre sujets de DI (Etats, OI).

2- La régularité du consentement peut se manifester par une ratification imparfaite


ou par un vice de consentement.

24
- La ratification imparfaite : le problème se pose lorsque des prescriptions
constitutionnelles n’ont pas été respectées. Cela affecte t-il la régularité du
consentement ?

C’est le cas notamment lorsqu’il existe une contradiction entre la constitution et le


traité. Il faut en principe la révision de la constitution avant la ratification. Pour les
internationalistes (Anzilotti), les irrégularités internes n’ont aucune incidence sur la
validité du traité.

Pour les internistes (Georges Scelle), les prescriptions constitutionnelles ont pleine
valeur juridique dans l’ordre international. De ce fait, leur violation entraine une
irrégularité internationale qui doit être internationalement sanctionnée.

La ratification peut en outre émaner d’une autorité incompétente, dans ce cas, la


convention de vienne prévoit en son article 46 que « Le fait que le consentement d'un
Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation d'une disposition de son droit
interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut être invoqué par
cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation n'ait été
manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d'importance
fondamentale.»

- Les irrégularités substantielles : les vices du consentement

La convention de Vienne sur le droit des traités a cherché à transposer au plan


international, la théorie des vices du consentement qui existe en droit privé. Elle
distingue : l’erreur (art. 48), le dol (art. 49), la corruption du représentant de l’État
(art.50), la contrainte exercée sur le représentant d’un État (art. 51), la contrainte
exercée sur un État par la menace ou l’emploi de la force (art. 52).

- Le traité doit en outre avoir un objet licite

- La convention de Vienne sur le droit des traités a fait entrer dans le droit international
positif la catégorie des normes de droit impératif notamment le Jus Cogens qui est la
norme obligatoire de droit international acceptée et reconnue par la communauté
internationale des États dans son ensemble.

25
Au regard de l’article 53 de la convention, « est nul tout traité qui, au moment de sa
conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. »
Sans apporter une précision sur le contenu et le mode d’élaboration de la norme
impérative, l’article 64 de la convention de Vienne précise que « si une nouvelle
norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est
en conflit avec cette norme devient nul et prend fin. »

Cette notion de jus cogens fut introduite dans le droit international sous la pression
des pays en développement par la convention de Vienne sur le droit des traités ;
laquelle convention ne donne aucun exemple de norme de jus cogens.

Toutefois, l’interdiction du génocide, de la torture, de l’apartheid ou de la piraterie


sont considérés comme faisant partie des normes du jus cogens. L’interdiction du
recours à la force est également considérée comme l’une des règles de jus cogens.

La doctrine cite aussi les principes de DIH affirmés par les conventions de Genève de
1949.

NB : La notion de jus cogens a fait l’objet de vives critiques. Elle ne fait pas
l’unanimité parmi les États. L’imprécision de la notion a été contestée.

D- L’application des traités

Le traité valide doit être appliqué par les États parties ; La conséquence de son caractère
obligatoire est qu’ils doivent l’exécuter. En effet, les effets de la convention
internationale sont obligatoires à l’égard des parties contractantes.

L’article 26 de la Convention de Vienne précise à cet effet que « tout traité en vigueur lie
les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». C’est la fameuse règle « Pacta
sunt servanda » ou encore le principe de l’exécution de bonne foi des traités par les
parties.

L’État partie au traité a donc l’obligation de l’exécuter de « bonne foi » sous peine de
voir sa responsabilité internationale engagée.

Un État ne peut invoquer les dispositions de son droit interne pour justifier la non-
exécution d’un traité. Cela ressort de l’article 27 de la convention de Vienne sur le droit
des traités.

26
Toutefois, les effets des traités ont une portée différente selon les cocontractants lorsque
certains d’entre eux ont formulé des réserves à l’égard de certaines dispositions du traité.
En effet, en présence d’un traité dont l’objet, le but et le contenu dans son ensemble lui
conviennent, à l’exception de quelques-unes de ses dispositions, tout État intéressé peut
soit refuser de devenir partie à ce traité afin d’échapper à l’application de ces
dispositions, soit ne pas couper entièrement les ponts en consentant à s’engager tout en
déclarant qu’il exclut purement et simplement de son engagement les dispositions qui ne
rencontrent pas son agrément, ou encore qu’il entend leur prêter en ce qui le concerne,
une signification particulière acceptable pour lui. Si l’État opte pour cette deuxième
méthode et fait une telle déclaration alors on dit qu’il formule des réserves à ces
dispositions.

Il peut formuler ses réserves à la signature, à la ratification, à l’acceptation, à


l’approbation ou à l’adhésion.

La réserve se définit selon l’article 2 §1.d de la convention de Vienne comme « une


déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État
quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère. Déclaration par
laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité
dans leur application à cet État. »

A côté des réserves, la pratique contemporaine voit proliférer les déclarations


interprétatives qui en principe ont pour objet non d’exclure ou de limiter
l’application d’une disposition mais seulement de préciser le sens de celle-ci.

L’admission des réserves a pour avantage de faciliter l’acceptation des traités et favorise
en conséquence l’extension de leur champ d’application.

Si la réserve est autorisée, la convention de Vienne soumet le droit d’émettre des réserves
à trois conditions :

- Il faut d’abord que le droit de formuler des réserves n’ait pas été exclu par le traité
international. En effet, la règle fondamentale est que les parties contractantes sont
libres d’interdire, ou de limiter, ou de faciliter à leur gré la formulation de réserves.

- De plus, la réserve ne pourra pas concerner des dispositions sur lesquelles le traité
international écarte toute formulation de réserve.

27
- Enfin, la réserve ne doit pas être incompatible avec l’objet et le but du traité
international.

E- Le devenir des traités

La convention de Vienne précise en son article 39 que la révision d’un traité doit être
expresse. Un accord formel sur la révision d’un traité est indispensable. L’article 39
indique en effet qu’un traité « peut être amendé par accord entre parties ». Par
conséquent, la révision du traité international doit en principe procéder du commun
accord des parties contractantes. Cependant, cette exigence n’est que supplétive, les
parties demeurent en effet libres de l’écarter, d’en préciser les modalités.

Dans la pratique, les traités internationaux vont eux-mêmes préciser leur procédure de
révision.

Outre la possibilité d’évolution du traité, le traité peut prévoir sa fin. Ainsi, il n’y aura pas
de problème lorsque le traité fixe lui-même une date d’expiration de ses effets ou lorsqu’il
stipulera une clause résolutoire conditionnant son extinction à certains faits. Mais un traité
peut également prendre fin en dehors de la survenance du terme déterminé au départ par le
traité lui-même.

Le traité peut prendre fin à la suite de sa dénonciation par une des parties contractantes. Il
s’agit d’un acte unilatéral d’un État qui manifeste son souhait de se retirer d’une convention.
La dénonciation n’est valable que dans les formes prévues par le traité.

L’abrogation est également une cause d’extinction du traité. Elle nécessite la volonté
commune des parties de mettre un terme à la convention internationale.

§2 : La coutume internationale : source non conventionnelle du DIP

Présenté comme deuxième source du droit international juste après le traité, l’article 38 de la
CIJ définit la coutume internationale « comme la preuve d’une pratique générale, acceptée
comme étant le droit ».

Entendu qu’une règle de droit international peut exister en l’absence de tout accord formel
entre États, la coutume est considérée comme la principale source non conventionnelle du
DIP.

28
D’ailleurs pendant longtemps, le DIP a été essentiellement composé de règles coutumières.

On peut considérer avec la CPJI dans l’affaire du Lotus du 7 septembre 1927, la coutume
comme étant le produit de l’assentiment des États ou comme l’expression d’une règle
objective (CIJ affaire Nottebohm 1955).

A- Le processus coutumier

Pour qu’il y ait coutume internationale, deux éléments doivent être réunis :

- D’une part, l’élément matériel de la coutume

- Et d’autre part, l’élément psychologique

1- L’élément matériel de la coutume

La formation de la coutume s’appuie sur l’ensemble des comportements des sujets du droit
international. Ces comportements peuvent correspondre à des actes juridiques, internes ou
internationaux, mais ce n’est pas une nécessité. Il suffit qu’ils émanent de sujets de droit
international : États, mais aussi organisations internationales, juridictions internationales,
organisations non gouvernementales, voire certaines personnes privées à la limite — et que
ces agissements soient opposables à leur auteur, donc ne soient pas viciés.

Par comportements, il faut entendre non seulement des comportements positifs et négatifs,
mais aussi toute expression d’une opinion sur l’opportunité ou la légalité des agissements
d’autres sujets de DI.

De ce fait, la coutume est constituée par une pratique répétée et constante (CIJ affaire Haya
de la Torre, 1950). Il peut donc s’agir de la répétition d’actes positifs mais également de la
répétition d’abstention. La répétition est la condition de l’affermissement de la pratique sans
lequel il serait impossible de parler d’usage.

Ces précédents seront des actes émanant des divers organismes étatiques, en particulier des
actes adoptés par les organes de l’État spécialisés dans la conduite des relations extérieures.
Un acte législatif interne adopté par l’État peut être considéré comme un acte constitutif de

29
l’élément matériel de la coutume internationale. Il en va de même pour une déclaration du
ministre des affaires étrangères.

En outre, pour que le précédent puisse être considéré comme étant un élément matériel de la
coutume, il faut qu’il apparaisse dans le temps. Ainsi les actes concordants ne doivent pas
être le fait d’un seul État, si c’est le cas, il n’y a pas coutume mais confirmation de sa
revendication. La dispersion est donc nécessaire mais ne doit pas nécessairement être
universelle.

Une classification peut être faite entre les différentes coutumes :

- Il existe les coutumes régionales qui ne concernent qu’un nombre limité d’États.
Exemple la coutume latino-américaine concernant l’asile politique. Dans sa décision
du 20 novembre 1950, la CIJ a reconnu que le droit d’asile était une règle coutumière
concernant l’Amérique du Sud (affaire du droit d’asile).

- La coutume peut être locale et n’intéressée que deux États (CIJ affaire du droit de
passage en territoire indien, Portugal/Inde, 12 avril 1960).

- La coutume peut également être universelle c'est-à-dire dont le champ d’application


est relativement étendu.

2- L’élément psychologique : l’opinio juris

Un simple usage dicté par la courtoisie internationale ne crée pas une coutume, exemple :
la reconnaissance du nonce comme doyen du corps diplomatique.

La pratique doit être dictée par le sentiment d’une obligation juridique et non par des
raisons d’opportunité politique (affaire Haya de la Torre).

En effet, l’élément psychologique suppose la conviction des États à ce qu’il y a


obligation juridique de suivre une pratique déterminée. Pour eux, le non-respect de la
pratique serait la transgression d’une règle de droit et donc susceptible de sanction. En
d’autres termes, il faut que l’État ait le sentiment d’être juridiquement lié.

30
B- L’opposabilité de la norme coutumière

Dans quelle mesure une norme coutumière est-elle opposable à un sujet de droit ? La
question se pose d’autant plus que si l’État a manifesté son abstention, son opposition ou
qu’il y était absent de la société internationale au moment de son élaboration.

- Une solution parait s’imposer lorsque l’État a fait objection à la création de la règle
coutumière, sans réussir à imposer son point de vue (c’est la théorie de l’objecteur
persistant). Dans ce cas la règle coutumière lui est inopposable.

Cette théorie consiste à épargner l’applicabilité de la coutume à un État qui a l’a


rejetée de façon expresse pendant le temps où elle était en train de se former. Dans
l’affaire des pêcheries anglo-norvégiennes, la CIJ a déclaré que la règle de
l’incorporation des eaux intérieures des baies dont l’ouverture est supérieure à 10
milles apparait inopposable à la Norvège car celle-ci s’étant toujours élevée contre
toute tentative de l’appliquer à la côte norvégienne (décision du 18 décembre 1951).

- Pour ce qui est des États nouveaux ayant accédé à l’indépendance après la formation
de la coutume, en principe ces derniers ne peuvent échapper à son application. Cela
les oblige dans ce cas en cas de désaccord sur le fond, à ouvrir un nouveau processus
d’élaboration du droit coutumier ou conventionnel.

C- L’application de la coutume

Dès l’origine, le rôle de la coutume était considérable. Avec le développement des normes
conventionnelles, l’on constate un amenuisement continu de la place et du rôle de la
coutume.

La coutume constitue un réservoir latent pour les autres sources du droit.

En cas de conflit entre normes coutumières successives liant les mêmes États, la norme
coutumière la plus récente l’emporte sur la plus ancienne, la norme postérieure prime la
norme antérieure.

En cas de conflit entre une norme universelle et une norme régionale, la solution de
l’antériorité ne fournit pas la solution de droit commun. On considère qu’en l’absence d’une
hiérarchie des normes coutumières, il parait logique de faire prévaloir la norme régionale si
le différend oppose deux États tenus par la norme régionale, celle-ci étant la lex specialis.

31
Par contre, on fera application de la norme universelle en cas de différend entre État non
tenus par la norme régionale, dans la mesure où la norme universelle est opposable à
l’ensemble des parties au litige.

D- La codification de la coutume : Conformément à l’article 13§1 de la

Charte des NU : « L’AG provoque des études et fait des recommandations en vue de
développer la coopération internationale dans le domaine politique et d’encourager le
développement progressif du DI et sa codification. » La Commission du droit international
(CDI), organe subsidiaire permanent instituée par l’AGNU le 21 décembre 1947 joue un rôle
essentiel en matière de codification du droit international public. L’article 15 du statut de la
CDI précise qu’il s’agit pour la commission de « préparer des projets de conventions sur des
sujets qui ne sont pas réglementés par le droit international. »

Définissant la codification comme étant la « formulation plus précise et la systématisation


des règles de DI dans les domaines où existent déjà une pratique conséquente, des
précédents et des opinions doctrinales », la codification est en réalité une opération de
conversion de règles coutumières en corps de règles écrites.

De nombreuses conventions ont ainsi été conclues sous les auspices de la Commission du DI
(composée de 34 membres élus par l’AGNU pour 5 ans). Exemple de codification : les 4
conventions sur le droit de la mer 1958, la convention de Montego Bay sur le droit de la mer
de 1982, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961.

Section II : Les autres sources du droit international public

§1 : Les principes généraux de DIP

Ils font parties des sources du DI mentionnées à l’article 38 du statut de la CIJ. Il


s’agit en réalité de principes généraux de Droit (PGD) qui sont communs aux divers ordres
juridiques internes. A l’origine, il s’agissait de ceux « reconnus par les nations civilisées. » Il
s’agit désormais de principes généraux reconnus dans tous les systèmes juridiques de tous les
États indépendants. Par conséquent, la formulation de l’article 38 du statut de la CIJ, legs de
l’époque coloniale, qui fait référence aux nations civilisées est périmées.

Au sein de la doctrine, certains auteurs ont estimé que les PGD n’avaient pas un
caractère directement applicable. Pour eux, les volontaristes, sans nier la valeur juridique de
ces principes, ils estiment qu’ils ne peuvent s’appliquer dans leurs rapports internationaux
qu’à a suite d’une autorisation conventionnelle expresse, qui doit intervenir dans chaque cas.
32
Ainsi quand l’article 38 du statut de la CIJ prescrit à la Cour de recourir à ces PGD, cette
prescription ne s’adresse qu’à elle seule. Par conséquent, tant qu’aucun accord n’est conclu à
ce sujet, les PGD ne s’imposent ni aux États, ni aux juges, si aux arbitres, car ils ne
constituent pas une source primaire du DI de laquelle peuvent naitre directement des règles
positives.

Pour d’autres auteurs, les PGD ne constituent pas une « troisième » source distincte
de la coutume ou de la convention. Telle était la position de Georges Scelle, qui les assimilait
aux coutumes et les intégrait au droit coutumier.

Enfin pour beaucoup d’auteurs, l’utilité des PGD se réduit à combler certaines
lacunes du droit coutumier et conventionnel, ou à éviter les impasses d’une apparence de
lacune juridique. Ces principes ne constitueraient donc qu’une source non seulement
supplétive mais subsidiaire du DI.

Toutefois, les PGD constituent une source autonome du DI qui ne se confondent ni


avec la coutume car ils dépendent moins de la pratique des États, ni avec l’équité. Leur
utilisation comme source directe du DI résulte d’une pratique ancienne et constante qui date
de 1794 avec les commissions mixtes angloaméricaines qui ont fondé leurs décisions sur les
PGD. Depuis, les tribunaux arbitraux n’ont cessé de suivre le même exemple sans que la
validité de leurs sentences n’ait jamais été contestée pour ce motif par les États parties aux
différends qui leur étaient soumis.

De ce fait, l’on constate qu’avant la création de la CPJI, une norme coutumière


fondamentale s’était déjà formée en vertu de laquelle les PGD étaient dotés de force
obligatoire dans l’ordre juridique international.

Exemples de PGD : le principe du contradictoire ou de la notion d’abus de droit.

§2 : Les actes unilatéraux

Par acte unilatéral, il faut entendre l’acte imputable à un seul sujet du DI. Ces actes,
longtemps limités aux États, comprennent désormais les actes des OI.

Cet état des faits est dû à la multiplication des sujets du DI.

33
Trois caractéristiques de l’acte unilatéral :

- Manifestation de volonté d’un seul sujet de DI

- Indépendance vis-à-vis d’autres manifestations de volonté

- Production d’effets de droit

A- Les actes unilatéraux des États

Il n’est pas contestable que l’État agissant seul, puisse exprimer sa volonté qui produit des
effets en DI. Pour qu’il en soit ainsi, il faut comme tout acte juridique, que soient démontrées
l’imputabilité de l’acte à un État, agissant dans les limites de sa capacité, et une publicité
suffisante de la volonté de cet État.

Il existe une panoplie d’actes unilatéraux des États :

- La notification qui est un acte condition en tant qu’elle conditionne la validité


d’autres actes. C’est l’acte par lequel un État porte à la connaissance d’un ou
plusieurs autres un fait déterminé auquel se rattachent des conséquences juridiques.
Exemple : la déclaration de guerre, de neutralité ou de succession à un traité.

- La reconnaissance qui est un acte créateur d’obligations. C’est un acte par lequel
l’État constate l’existence de certains faits (apparition d’un État, effectivité d’un
gouvernement) ou de certains actes juridiques (nationalité accordée à un individu par
un État, reconnaissance d’une coutume).

- La protestation qui est un pendant négatif de la reconnaissance : il s’agit d’un acte


par lequel l’État affirme ne pas reconnaitre comme légitime une prétention, une
conduite ou une situation donnée. La protestation empêche la consolidation d’une
situation (la coutume) et son absence permet de rendre opposable une situation.

- La renonciation est un acte portant abandon de droits. La renonciation ne se présume


pas, elle peut être définitive ou ne viser qu’une situation spéciale (exemple : le
désistement)

34
L’acte unilatéral est un acte auto-normateur par lequel un État s’impose des obligations à
lui-même ou exerce unilatéralement des droits dans les limites admises par le DI général.

Dans l’affaire des essais nucléaires, le juge de la CIJ a considéré dans son arrêt du 20
décembre 1974 que la déclaration du Président française, Valéry Giscard d’Estaing, par
laquelle l’État français s’engageait à ne pas faire d’essais nucléaires dans l’atmosphère,
obligeait la France à l’égard des autres États.

B- Les actes unilatéraux des OI

Les organes des OI peuvent adopter des « résolutions », des

« Recommandations» et des « jugements » ou rendre « des arrêts », donner des « avis


consultatifs ».

La caractéristique commune de ces actes est d’être des actes unilatéraux des OI.
Cependant, les statuts des OI ne définissent pas toujours la portée des différents actes
adoptés par leurs organes ou leur attribuent une portée variable.

Toutefois, il est permis de distinguer traditionnellement les actes unilatéraux à caractère


obligatoire des actes unilatéraux à caractère non obligatoire.

Ainsi on a les décisions qui sont des actes unilatéraux autoritaires des OI : exemple les
directives et règlements communautaires. Ces actes se rencontrent le plus souvent au sein des
OI d’intégration.

Pour les OI de coopération, la quasi-totalité des actes qui vont être adoptés ne seront pas
juridiquement obligatoires. Ce sont des recommandations.

Section III : Les moyens auxiliaires de détermination des règles de droit

Selon l’article 38 du statut de la CIJ, la doctrine et la jurisprudence constituent des moyens


auxiliaires de détermination des règles de droit.

§1 : La doctrine

Le terme doctrine a deux acceptions sans lien entre elles :

35
- Il désigne parfois la position des acteurs internationaux sur des problèmes politiques.
C’est ce sens qu’on parle de doctrine Monroe.

- Par doctrine, on entend aussi, les positions des auteurs, des sociétés savantes ou des
organes appelés à formuler des opinions juridiques sans engager les sujets de droit
dont ils relèvent.

C’est ce deuxième sens que vise l’article 38 du statut de la CIJ et qui est pris en
considération ici.

La doctrine favorise l’élaboration du droit positif par un travail d’analyse et de synthèse. Les
sujets du DI ont de tout temps ressenti le besoin d’une expertise juridique.

§2 : La jurisprudence

Elle est constituée de l’ensemble des décisions juridictionnelles (judiciaires) ou arbitrales,


tant nationales qu’internationales.

Considéré isolément, un arrêt ou un avis d’une juridiction internationale constitue un


précédent ou un moyen de détermination du droit, il n’est pas la jurisprudence.

CHAPITRE II : LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

Par société internationale, il s’agit d’examiner les sujets du droit international.

On différencie traditionnellement les acteurs des sujets de la société internationale.

Les acteurs sont les personnes qui jouent un rôle au plan national tandis que les sujets du
droit international sont des acteurs qui sont dotés de la personnalité juridique internationale.
L’évolution actuelle de la société montre que de plus en plus d’acteurs des relations internes
et internationales ont tendance à devenir des sujets de DI.

Ainsi si originairement, l’on considère l’État comme étant le premier sujet du DI, les OI
comme étant les seconds et aujourd’hui avec l’universalité des droits de la personne, on
admet aujourd’hui l’individu comme sujet du droit international.

Section I: L’État

Le DIP a traditionnellement pour fonction de faire coexister des États. Ce sont les sujets les
plus anciens du DIP. L’État peut se définir selon Raymond CARRÉ de MALBERG comme
étant « une communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre possédant une

36
organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une
puissance supérieure d’action, de commandement et de coercition ».

Ils sont dotés de la personnalité morale, sont distincts des gouvernants et sont
permanents.

Si l’État est distinct des gouvernants, cependant, les décisions adoptées par les gouvernants
lui sont imputables.

§1 : Les éléments constitutifs de l’État

Dans son avis du 29 novembre 1991, la commission d’arbitrage pour la

Yougoslavie précisait que « l’État est communément défini comme une collectivité qui se
compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé. »

De cette définition, il ressort que l’existence de l’État dépend de la réunion d’un certain
nombre de faits à savoir le territoire, la population et le gouvernement.

A- Le territoire

Défini par Hauriou comme un phénomène « essentiellement spatial », il ne peut pas avoir
d’État sans territoire. On ne peut concevoir un État qui ne serait composé que d’une
population et ou d’un gouvernement. C’est pourquoi, l’on peut dire « pas d’État sans
territoire ». Le principe est fermement établi par la coutume internationale. L’État disparait
avec la perte totale de son territoire.

Il importe peu que ce territoire soit exigu (cas des micro-États comme le Vatican qui fait
44 hectares) ou très vaste (comme la Russie, les USA).

Le territoire fournit le cadre de l’exercice des compétences étatiques. Il est l’étendue


géographique sur laquelle va s’exercer l’autorité souveraine est exclusive de l’État.

Il comporte différents éléments : le territoire terrestre, le territoire maritime et le territoire


aérien.

1- Le territoire terrestre

Il est soumis à l’autorité exclusive de l’État et comprend outre la terre, les voies d’eaux et les
lacs. Il est délimité par des frontières qui sont naturelles (montagnes, eaux) ou encore
artificielles (fixation par l’homme).

37
Les États nouveaux, issus de la décolonisation, ont maintenu les limites territoriales
antérieures à celle-ci, qui pour la plupart, avaient été déterminées par les puissances
coloniales de façon arbitraire. C’est le principe de l’Uti possedetis (le principe de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation) qui a été utilisé lors de l’accession à
l’indépendance des États africains. Selon la CIJ dans son arrêt du 22 décembre 1986 relatif
au différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, « le but évident de l’intangibilité de
frontières est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mises
en danger par des luttes fratricides, nées de la contestation des frontières à la suite du
retrait de la puissance administrante. »

2- Le territoire aérien

C’est l’espace atmosphérique qui couvre le territoire terrestre et maritime.

L’État est libre d’autoriser, d’interdire ou encore de réglementer le survol de son territoire
aérien. Les seules limitations à la souveraineté étatique résultent des conventions en vigueur
et des compétences de l’Organisation de l’avion civile internationale dans le domaine de la
réglementation aérienne.

3- Le territoire maritime

Pour qu’un État soit titulaire du titre maritime il faut évidemment qu’il y ait une côte. Le
territoire maritime comporte les eaux intérieures et la mer territoriale. Les zones où l’État
n’exerce que des droits souverains ou une juridiction fonctionnelle ne sont pas incorporées
au territoire étatique : tel que les zones de pêche exclusive, zone économique exclusive.

B- La population

Autant l’on peut dire « pas d’État sans territoire », l’on peut également dire « pas d’État sans
population ». La population est la collectivité humaine présente sur le territoire étatique. En
l’absence de cette collectivité humaine, il ne peut y avoir d’État.

Il n’y a pas de chiffre minimum pour qu’une collectivité humaine soit qualifiée de population
encore qu’elle soit fixée à un endroit unique et déterminé.

38
Elle est constituée au sens restreint par les nationaux et au sens large des nationaux et des
étrangers c'est-à-dire de personnes possédant la nationalité d’un autre État.

En ce qui concerne les étrangers, il convient de faire la distinction entre les réfugiés et les
apatrides. Les apatrides sont des personnes sans patrie, sans nationalité. Ils sont privés de
toute protection étatique.

Les réfugiés, quant à eux, ont la nationalité d’un autre État. Ils peuvent bénéficier de la
protection de l’État qui les accueille.

L’État demeure totalement libre de déterminer souverainement les conditions d’attribution et


de retrait de sa nationalité. Deux formules, qui peuvent se combiner, permettent
généralement de déterminer les conditions d’octroi de la nationalité :

- D’une part, le droit du sang ou « jus sanguinis » qui fait dépendre la nationalité du
mariage ou de la filiation parentale.

- D’autre part, le droit du sol ou « jus soli » qui lui fait dépendre la nationalité du lieu
de naissance.

- La nationalité peut également s’acquérir par la naturalisation.

C- Le gouvernement

Un appareil politique est tout aussi nécessaire à l’existence de l’État qu’une population et un
territoire. En tant que personne juridique, l’État a besoin d’organes pour le représenter et
exprimer sa volonté. Titulaire de compétences, il ne peut les exercer que par l’intermédiaire
d’organes composés d’individus.

Dans l’acception moderne du terme, un territoire sans gouvernement ne peut un État au sens
du DI.

La notion de gouvernement étatique est entendue au sens large sans rapport strict avec les
qualifications faites au niveau du droit interne.

Ainsi au regard du droit international, est considéré comme gouvernement non seulement les
autorités exécutives de l’État, mais également l’ensemble de ses pouvoirs publics c'est-à-dire
l’ordre politique, juridictionnel et administratif interne.

39
Si le DI impose la nécessité d’un gouvernement pour l’existence d’un État, cependant, il
n’impose pas les modalités de la représentation gouvernementale. C’est dans cet esprit que la
résolution 2625 (XXV) de l’AGNU a rappelé que « tout État a le droit inaliénable de choisir
son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d’ingérence de la
part d’un autre État. »

Cependant, le DI impose un certain nombre d’éléments pour que l’autorité politique puisse
être considérée comme étant un gouvernement.

Le droit international exige que le gouvernement puisse bénéficier de l’effectivité


c'est-à-dire qu’il soit en mesure d’exercer une autorité réelle et durable sur l’ensemble du
territoire et de la population qu’il prétend contrôler.

Il doit aussi disposer de la capacité d’exercer toutes les fonctions étatiques, y compris le
maintien de l’ordre et de la sécurité à l’intérieur, et l’exécution des engagements extérieurs.

Dans la plupart du temps, cette exigence de l’effectivité est présumée réelle. En effet, dans
les circonstances normales, mettre en doute l’effectivité du pouvoir politique local, ou même
prétendre en vérifier l’existence, serait jugé incompatible avec le principe de non-ingérence
dans les affaires intérieures des États. Même dans les situations anormales dans lesquelles
l’État se trouve en proie à un conflit armé, on considère qu’il s’agit d’État déjà constitué
depuis longtemps et que la situation l’affecte ne remet pas en cause son existence : les autres
États considèrent que l’inaptitude n’est que temporaire.

La reconnaissance de gouvernement : Le problème de la reconnaissance de gouvernement


va se poser lorsqu’il y a un changement irrégulier de gouvernement notamment par un coup
d’État.

Elle est un acte juridique déclaratif fondée sur l’effectivité des autorités gouvernementales
nouvelles et non sur leur légalité et de portée rétroactive. La reconnaissance de
gouvernement est révocable et la validité des actes du gouvernement précédent ne peut être
contestée.

La reconnaissance de gouvernement est importante du fait de ses incidences politiques et


mêmes juridiques. Elle permet en particulier de déterminer le véritable titulaire de la
représentation internationale de l’État et de sa responsabilité internationale.

40
§2 : La notion de souveraineté

Le principe de la souveraineté de l’État est aussi ancien que l’État lui-même. La souveraineté
est une caractéristique propre à l’État.

La souveraineté peut se définir comme le pouvoir suprême et illimité de l’État.

Elle est assimilée à l’indépendance (sentence arbitrale de Max Hubert dans l’affaire de l’île
de palmas du 4 avril 1928 : la souveraineté dans les relations entre États signifie
indépendance).

De ce fait, elle signifie que sur le plan international, l’État n’a que des égaux. Il ne tient des
compétences juridiques d’aucune autre autorité que la sienne. Il ne peut donc sans son
assentiment, être lié par aucun ordre juridique supérieur.

L’indépendance de l’État n’est en rien compromise, ni sa souveraineté atteinte, par les traités
internationaux qui peuvent contribuer à limiter ses compétences internationales.

A- L’exclusivité et l’autonomie de la compétence étatique

Le caractère exclusif de la compétence étatique signifie que les autorités nationales


sont les seules autorisées à engager l’État dans le but de remplir les fonctions dévolues à ce
dernier au plan international.

L’État dispose du monopole de la juridiction. Ainsi, dans l’État, les décisions


juridictionnelles d’un tribunal étranger ne pourront s’appliquer de plein droit. Pour qu’elles
puissent obtenir force exécutoire, il faudra un jugement d’exequatur.

Cet exequatur ne pourra être accordé que dans la mesure où les décisions de justice étrangère
ne sont pas incompatibles avec les exigences de l’ordre public de l’État.

Par ailleurs, les autorités nationales sont les seules habilitées à commettre tout acte de
contrainte sur le territoire national. Elle dispose du monopole de la contrainte (Max Weber :
l’État dispose du monopole de la violence légitime). En conséquence, les autorités d’un État
ne sont pas compétentes pour se livrer à des actes de contrainte sur le territoire d’un État
étranger. C’est ce qui justifie la pratique de l’extradition.

L’autonomie de la compétence étatique signifie que l’État bénéficie en principe d’une liberté
de décision pleine et entière. Les autorités nationales ne sont soumises à aucune autorité

41
étrangère. L’État ne peut en aucune façon être soumis à des injonctions provenant d’une
organisation internationale ou d’un autre État.

B- Les corollaires de la souveraineté

Si tous les États sont souverains, cela a pour conséquence de les rendre tous égaux et
qu’aucun État ne peut intervenir sans son consentement sur le territoire d’un autre État.

1- Le principe d’égalité souveraine des États

Tout État étant souverain, il est juridiquement égal à tout autre. Ça veut dire que même s’il
est moins important sur un plan économique, sur un plan démographique, sur un plan
militaire, et bien le droit international le considère comme égal à tout autre.

Il a la même personnalité juridique internationale. Tous les États ont la même personnalité
juridique. Ils ont les mêmes droits de participer au système international. Lorsque des États
dont membres d’une organisation internationale, ils ont le même droit de vote dans l’organe
principal de l’organisation.

Ce principe de l’égalité souveraine est présenté comme le fondement de la coopération des


NU dans l’article 2§1 de la Charte et l’article 18 qui stipule que « chaque membre de l’AG
dispose d’une voix ».

Partant de là, l’assemblée générale de l’Onu, qui regroupe tous les États membres, chaque
État a un droit de vote égal aux autres, quelque soit son importance. Toutefois, si le droit
interdit des statuts différenciés, exceptionnellement il existe des régimes différenciés
d’exercice des droits et obligations internationaux des États.

Exemples : Au sein du CSNU, les 5 membres permanents (la Chine, Russie, France,
l’Angleterre, les USA) disposent d’un statut privilégié compte tenu de leur de veto et
de leur siège permanent.

A l’inverse, le droit international va parfois tenir compte des inégalités mais en faveur des
pays les plus faibles. Exemple : dans le domaine du commerce international, il est admis
dans le cadre de l’O.M.C (organisation mondiale du commerce), les États les moins riches
peuvent bénéficier d’avantages commerciaux qu’ils ne sont pas obligés d’accorder eux-

42
mêmes aux pays les plus riches. On appelle ce mécanisme le principe de l’inégalité
compensatrice.

Il en va de même au sein de l’OIT où au sein du Conseil d’administration, il est accordé une


place privilégiée aux États dont la puissance industrielle est la plus considérable.

Le principe de l’égalité souveraine a également pour conséquence l’immunité


juridictionnelle de l’État. En effet, à partir du moment où l’État est souverain, il ne peut pas
être soumis à la juridiction d’un autre État. En sa qualité de personne morale, l’État va
échapper à la compétence de l’État étranger. L’État ne pourra donc pas être jugé sans son
consentement par la juridiction d’un autre État : il bénéficie d’une immunité de juridiction.

D’autre part, les biens de l’État ne peuvent pas donner lieu à une saisie : c’est l’immunité
d’exécution.

2- Le principe de non-ingérence

Puisqu’un État ne connaît pas d’autorité supérieure à lui, il ne pourra pas subir d’ingérence
de la part des autres États. L’ingérence est une intervention non voulue par l’État qu’il la
subit. La non-ingérence concerne aussi bien les affaires intérieures que les affaires
extérieures de l’État.

Principe sacro-saint du droit international, la non-ingérence signifie pour un État l’obligation


de ne pas s’immiscer dans les affaires relevant de la compétence nationale d’un autre État.
Dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua du 27 juin 1986, la CIJ a
reconnu une valeur coutumière au principe et a précisé dans l’un de ses considérants que « le
principe de non-ingérence interdit à tout État ou groupe d’États d’intervenir directement ou
indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. »

Exemple : L’aide apportée par les USA aux contras qui luttaient contre le régime
marxiste en place au Nicaragua constitue un exemple « d’intervention indirecte.» Ou
encore celle apportée par la France et la GB en Lybie.

Par contre, l’invasion irakienne en 1990 du territoire koweitien a été un exemple


d’intervention directe.

43
- On distingue deux grandes sortes d’ingérence. Tout d’abord il peut y avoir une
ingérence militaire, c'est-à-dire une intervention militaire d’un ou plusieurs États sur
le territoire d’un autre État. Le droit international condamne ce type d’ingérence sauf
évidemment si certaines conditions sont réunies. Si l’État qui intervient militairement
est dans une situation de légitime défense, dans ce cas l’intervention peut être légale.
Si c’est le gouvernement lui-même qui a demandé l’intervention militaire, elle est en
principe légale.
- L’autre type d’ingérence c’est une intervention d’un État dans les affaires
intérieures d’un autre, et notamment dans son domaine réservé. Le domaine
réservé concerne toutes les affaires dans lesquels le droit international n’a pas à
intervenir. Si un État par exemple intervient dans la composition d’un autre, il s’agit
d’une ingérence.
- Cependant, il existe des exceptions au principe de non-ingérence. Il s’agit
notamment de l’intervention sollicitée. C’est le cas lorsqu’un État est victime d’une
agression armée et qu’il fait appel à un État tiers pour lui porter assistance.
- Le principe est également remis en cause avec ce qu’on a appelé l’intervention
d’humanité.

§3 : La reconnaissance de l’État

Toute entité humaine comprenant les trois éléments constitutifs de l’État est
souveraine. Cependant pour que cet État puisse entrer en relation avec les autres États de la
communauté internationale, il faut qu’il soit reconnu par ses pairs.

On admet généralement que la naissance d’un État nouveau est un fait dont l’existence ne
dépend pas des intentions ou appréciations des États existants. C’est pourquoi, la
reconnaissance de l’État se fait par un acte déclaratif par lequel un État existant vient
constater l’existence d’un nouvel État sur la scène internationale. C’est un acte qui
conditionne dans une certaine mesure les effets internationaux de la souveraineté du nouvel
État. Cet acte ne crée pas la souveraineté, ni l’État.

C’est pourquoi, l’institut de droit international considère dans sa résolution 1936 que « la
reconnaissance a un effet déclaratif. L’existence de l’État nouveau, avec tous les effets
juridiques qui s’attachent à cette existence, n’est pas affectée par le refus de reconnaissance
d’un ou plusieurs.» De même, l’article 3 de la Déclaration de Montevideo du 27 décembre

44
1933 sur les droits et les devoirs des États dispose que « l’existence politique de l’État est
indépendante de sa reconnaissance par les autres États ».

En d’autres termes, la reconnaissance d’un État n’est pas constitutive, elle est simplement
déclarative ; l’État existe par lui-même, et la reconnaissance n’est rien d’autre que la
déclaration de son existence reconnue par les États dont elle émane.

Le refus de reconnaissance n’interdit pas à un État d’exister. Ce qu’un État refuse de


reconnaitre n’existe tout simplement pas pour lui. Inversement, l’octroi de la reconnaissance
ne suffit pas pour créer un État : si les éléments constitutifs ne sont pas vérifiés, l’entité
constituée n’est pas pour autant un État.

Si la reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’État, sur le terrain, la situation
juridique de l’État nouvellement constitué demeure sensiblement différente avant et après sa
reconnaissance.

Avant sa reconnaissance, l’État nouveau n’a pas besoin d’être reconnu pour exister, à ce titre,
il exerce ses compétences de manière plénière et exclusive sur son territoire qu’il organise
librement, et dans lequel, il légifère, administre, juge librement et ses autorités publiques
sont les seules en mesure d’exercer des actions de contraintes (police, défense armée). En
revanche, il ne peut contraindre les autres États à le reconnaitre comme un égal. Leur propre
souveraineté leur permet de ne pas considérer comme opposables les actes juridiques pris par
le nouvel État ; de même, ils sont en droit de refuser d’entrer en relations juridiques avec lui
aussi longtemps qu’ils ne reconnaissent pas.

Après sa reconnaissance, la situation du nouvel État constitué se normalise à tous les


échelons et en toutes matières avec l’État qui l’a reconnu. Ses actes juridiques lui sont
opposables, ils peuvent entrer en relations.

L’exercice de la reconnaissance de l’État n’est pas uniformisé au niveau de la pratique


internationale.

La reconnaissance peut être de droit ou de fait.

Elle est de droit lorsqu’elle se fait à travers un acte unilatéral ou conventionnel (traité de
Versailles reconnaissant la Tchécoslovaquie) ou par une déclaration officielle du Chef de
l’État ou de gouvernement.

45
La reconnaissance peut également être de fait ou implicite. Lorsque deux États décident
d’avoir des relations diplomatiques entre eux, si au paravent, ils ne s’étaient pas reconnus,
l’établissement de relations diplomatiques signifie qu’ils se reconnaissent.

Outre l’État, d’autres entités peuvent posséder une personnalité juridique en droit
international : il s’agit notamment des organisations internationales.

Section II : Les organisations internationales

La doctrine fédère avec la définition proposée au cours des travaux de codification des traités
en 1956 pour définir l’Organisation internationale comme étant « une association d’États
constituée par traité, dotée d’une constitution et d’organes communs, et possédant une
personnalité juridique distincte de celle des États membres ».

On peut dire qu’une organisation internationale est une institution créée par plusieurs États
pour gérer de manière permanente leur coopération dans différents domaines. Autrement dit,
l’organisation internationale est une personne juridique qui est créée par les États. Mais, elle
va être dotée d’une certaine autonomie qui va lui permettre de se détacher dans une certaine
mesure des États qui l’ont créé.

Développement historique des OI : En réaction à l’anarchie qui résultait de la juxtaposition


des souverainetés qui a conduit à des conflits internationaux, les États ont cherché à remédier
à cet état de fait par la création d’une OI. Ce fut d’abord la SDN le 28 avril 1919 après le
premier conflit mondial puis l’ONU en 1945. La SDN est la première organisation à vocation
universelle. Ces organisations ont en commun le maintien de la paix et de la sécurité
internationale.

En outre, dans le but d’avoir une plus grande efficacité dans certains domaines, les États ont
créés des OI limitées géographiquement c'est-à-dire dont le domaine de compétence est
circonscrit à une région. Exemple : la CEDEAO, la Communauté Économique du Charbon
et de l’Acier (CECA).

§1 : La classification et le statut des OI

Créés par voie d’accord, les organisations internationales possèdent une personnalité
juridique distincte des États qui les ont créés. Cette personnalité est généralement reconnue
de manière expresse dans les traités constitutifs des organisations. Cependant, même si les

46
actes de création sont silencieux sur ce point, cela n’autorise pas à mettre en doute la
possession d’une personnalité juridique à l’organisation. Cette personnalité juridique résulte
implicitement mais nécessairement des besoins exprimés par les États fondateurs à
l’occasion de l’établissement de l’organisation internationale. En tout état de cause, s’il a été
jugé opportun de mettre en place une institution permanente, et non pas une simple
conférence, c’est avec l’intention de lui conférer les caractéristiques garantissant son
efficacité : il s’agit notamment de la personnalité juridique qui demeure la caractéristique
fondamentale de toute institution sociale. Cette personnalité juridique leur permet de pouvoir
conclure des traités et conduire des actions diplomatiques. Elle permet également de voir leur
responsabilité internationale engagée si leurs actions s’avèrent contraires au droit
international.

Dotée de la personnalité juridique, l’organisation internationale dispose également de la


capacité juridique lui permettant d’accomplir les fonctions prévues par son acte constitutif.
Elle bénéficie sur le territoire de chacun des États membres de la capacité juridique
indispensable pour accomplir sa mission et atteindre ses objectifs. C’est généralement l’acte
constitutif de l’organisation qui lui attribue la personnalité juridique sur le territoire des États
membres.

Ainsi, par exemple, l’article 104 de la Charte des NU précise que « l’organisation jouit sur
le territoire de chacun de ses membres de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour
exercer ses fonctions et atteindre ses buts ».

Les compétences des OI : Pour les États, l’organisation ne peut avoir de compétences en
dehors de celles que les États lui ont expressément conférées, c’est la théorie de la spécialité
de l’organisation.

Pour la doctrine, on ne peut s’en tenir à l’attribution expresse de compétences à


l’organisation ce qui pourrait tenir en échec certaines actions de l’organisation. C’est
pourquoi, a été développée par les organes judiciaires la théorie des compétences implicites.
La CIJ a également rappelé dans son avis consultatif de 1949, le principe de la compétence
implicite.

Comme les États, les OI bénéficient de privilèges et immunités.

47
Le pouvoir d’une organisation internationale est fonction d’un certains nombres d’éléments
qui sont : l’acte constitutif, l’influence politique des pays membres ainsi que leur capacité à
parvenir à faire appliquer les accords conclus. Rares sont les organisations qui comme
l’ONU, l’UE ou l’OMC se trouvent être dotées d’un pouvoir de sanction.

Classification des OI : Il est possible de distinguer les OI selon leur zone géographique de
compétences.

- Les organisations à vocation universelle et les organisations à vocation régionale.

Les organisations à vocation universelle sont celles dont le domaine d’activité n’est
nullement circonscrit à une zone géographique délimitée.
Elles ont un domaine de compétence qui transcende les continents.

Les organisations à vocation régionale ont un domaine d’activité limité à une zone
géographique délimitée.

- Il est également possible de faire une distinction entre les organisations de


coopération et les organisations d’intégration.

Les OI de coopération ont pour but de favoriser la coordination des politiques des États
membres. Elles sont essentiellement des enceintes internationales où les États membres se
rencontrent et cherchent à élaborer des conventions internationales. Mais en aucun cas les
États ne procèdent au transfert d’une partie de leurs compétences à l’organisation.

Elles sont les organisations les plus nombreuses.

A la différence des organisations de coopération, celles dites d’intégration visent un transfert


de souveraineté ou de supranationalité. Elles reposent sur des mécanismes fédératifs
(primauté du droit de l’OI, applicabilité directe des décisions prises).

§2 : La structure et le fonctionnement des organisations internationales

A- La structure

Évoquez la question de la structure des organisations internationales revient à analyser les


organes qui les composent en d’autres termes son organigramme. Les États, en établissant
une organisation internationale doivent mettre en place des organes propres à celle-ci. La

48
création d’organes constitue la manifestation de leur intention d’établir une institution
permanente, distincte de ses membres. C’est en effet par l’intermédiaire de ces organes que
l’organisation exprime sa volonté et exerce ses compétences.

Il appartient en premier lieu à l’acte constitutif de chaque organisation d’en fixer la structure
organique. Souvent, les fondateurs peuvent préciser la hiérarchie qui doit s’établir entre les
organes.

La structure organique interne de chaque organisation variera d’une organisation à une autre
en fonction de divers éléments tenant notamment à la composition, à l’objet, à la nature des
activités, à la vocation universelle ou régionale de chaque institution.

Cependant, force est de constater que dans un grand nombre d’organisations internationales,
la nécessité de satisfaire à certaines exigences fondamentales explique l’existence d’un
organe plénier, chargé d’assurer la participation de tous les États membres, à la prise de
décisions importantes.

En principe, l’égalité souveraine des États voudrait qu’ils soient tous représentés au sein de
cet organe.

Dans la pratique, la constitution de l’organe plénier dépend du nombre des États membres.
Lorsque le nombre d’États n’est pas élevé, tous les États sont représentés. Cette solution
n’est possible que pour les organisations régionales. C’est le cas notamment pour l’UA où la
conférence des chefs d’États et de gouvernement constitue l’organe plénier.

Dans les organisations universelles dont le nombre d’États membres est très élevé, le
principe égalitaire nuirait certainement à l’efficacité recherchée. Aussi est-il souvent mis en
œuvre que pour un organe, celui en général chargé de donner les principales orientations aux
programmes d’action de l’organisation. C’est l’AG.

Dans certaines chartes constitutives, il n’est établi qu’un organe restreint qui est chargé du
contrôle de la gestion courante de l’organisation, c’est le cas du Conseil d’administration ou
du conseil économique et social. La constitution de l’organe restreint obéit dans la pratique à
un souci d’efficacité dans la prise de décision.

Très souvent, l’organe restreint est subordonné à l’organe plénier.

49
Cependant, il existe quelques exceptions qui concernent l’ONU où le CSNU est indépendant
de l’AGNU et l’emporte sur elle à certains égards.

Il faut en outre ajouter l’existence d’organes subsidiaires dans certains domaines, ces
organes sont créés par les organes principaux.

B- Le fonctionnement

Les organes qu’ils soient pléniers ou restreints sont constitués de membres désignés par les
gouvernements des États membres. Ils doivent alors suivre les instructions de leur
gouvernement. Ces organes s’apparentent à des conférences diplomatiques.

Ainsi les représentants gouvernementaux sont soumis à la procédure de vérification de leur


pouvoir.

En outre, se pose le problème du vote au sein de l’organe ; si aujourd’hui le vote des


décisions se fait à la majorité qualifiée (2/3 par exemple), le principe qui prévalait autrefois
était celui de l’unanimité (tenant notamment compte de la souveraineté ; car tenant en échec
l’application d’un texte à un État ayant voté contre de se le voir appliquer en cas de majorité
qualifiée). Système mis en place dans le cadre de la SDN : conséquence paralysie de
l’organisation.

Section III: L’individu

Le Principe est que l’individu relève du seul droit interne, il ne relève pas du droit
international. Il en est ainsi parce que l’État a la plénitude et l’exclusivité des compétences
internationales. C’est donc par le biais de l’État, dont il est le ressortissant, qu’un individu est
pris en compte du point de vue du droit international.
Par conséquent, il a longtemps été dénié à l’individu, la qualité de sujet du droit
international. Cependant, sous l’impulsion des droits de l’homme notamment avec leur
universalité, l’individu est pris en compte par le DI.

50
§1 : La protection internationale des individus

En principe, la norme internationale n’atteint l’individu que si l’État l’édicte sous une forme
qui la rend invocable par celui-ci ; à cette condition seulement elle peut être opposée aux
autorités publiques nationales.

Traditionnellement, si l’État néglige cette formalité essentielle, le particulier ne dispose


d’aucun recours pour l’obliger à l’accomplir ou pour pallier cette omission, sauf s’il s’agit
d’un ressortissant étranger, à obtenir la protection diplomatique de son État national.

Face aux défaillances d’un certain nombre d’États, des institutions internationales ont
progressivement développé une jurisprudence favorable à l’invocabilité et à l’opposabilité à
tous les États de quelques normes fondamentales.

La protection internationale de l’individu est ressentie comme une grave atteinte à leur
souveraineté. En raison de sa compétence personnelle et de sa compétence territoriale, c’est à
l’État que revient le pouvoir exclusif d’agir à l’égard des individus, nationaux ou étrangers
vivant sur son territoire.

§2 : La responsabilité pénale des individus et la CPI

En tant que coupables de violations du DIH, les individus sont désormais susceptibles d’être
traduits devant la CPI qui est composée de 18 juges élus pour un mandat de 9 ans, non
renouvelable, par l’ensemble des États parties.

- Compétence de la CPI : Crimes de guerre, crime contre l’humanité, crime de


génocide, crime d’agression.

- Cour complémentaire (subsidiarité) des États.

- Modalités d’exercices : saisine Proprio motu, État, CSNU

- Les critiques à l’égard de la Cour.

51
Deuxième partie : Droit des espaces internationaux

Le droit des espaces se présente à la fois comme un droit sur les espaces et comme un droit
d'aménagement des activités.

52
Des données de fait et de politique internationale amènent à recourir à une étude fondée sur
la constitution physique des espaces pour l'examen successif des régimes juridiques : l'espace
terrestre (non traité), l'espace maritime, l’espace aérien et l'espace extraatmosphérique

Titre 1. Les espaces maritimes

Chapitre 1. Les espaces maritimes sous juridiction nationale

Section 1. Les espaces maritimes annexés au territoire terrestre

Paragraphe 1. Les eaux intérieures

Les eaux intérieures sont constituées par les eaux situées entre le littoral et la ligne de base de
la mer territoriale.

Cette définition inclut dans les eaux intérieures : les ports 1, les rades2, les havres3, les fjords1,
les estuaires2, les baies historiques3.

1 Un fjord ou fiord est une vallée érodée par un glacier avançant de la


montagne à la mer, qui a été envahie par la mer depuis la retraite de la glace.
L'aspect typique d'un fjord est celui d'un bras de mer étroit, plus ou moins
ramifié, aux côtés très escarpés et qui s'avance dans les terres sur plusieurs
kilomètres et parfois jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres.

2 Un estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve (lieu où le fleuve se


jette à la mer) où l'effet de la mer ou de l'océan dans lequel il se jette est
perceptible. Pour certains, il correspond à toute la portion du fleuve où l'eau est
salée ou saumâtre, pour d’autres, c'est la présence de l’effet dynamique de la
marée sur les eaux fluviales qui le définit.

3 Aux fins de la Convention, on entend par « baie » une échancrure bien


marquée dont la pénétration dans les terres par rapport à sa largeur à l'ouverture
est telle que les eaux qu'elle renferme sont cernées par la côte et qu'elle
constitue plus qu'une simple inflexion de la côte. Toutefois, une échancrure
n'est considérée comme une baie que si sa superficie est au moins égale à celle
d'un demi-cercle ayant pour diamètre la droite tracée en travers de l'entrée de
53
Un port est une infrastructure construite par l'homme, située sur le littoral maritime et
destinée à accueillir des bateaux et navires. Un port peut remplir plusieurs fonctions, mais
doit avant tout permettre d'abriter les navires, en particulier pendant les opérations de
chargement et de déchargement. Il facilite aussi les opérations de ravitaillement et de
réparations. Il est un lieu de séjour.

La rade est un plan d'eau marin permettant le mouillage d'une flotte. Elle a une ouverture
vers la mer plus étroite que n'en a une baie ou un golfe.

Un havre : Petit port naturel ou artificiel, situé le plus souvent à l'embouchure d'un fleuve,
pouvant éventuellement servir de refuge à des navires de faible tonnage.

La souveraineté de l’État y est totale. L’accès à ces eaux est du seul ressort de l’État côtier,
dont les lois et règlements sont pleinement applicables. Cependant, les Etats riverains ne
peuvent fermer leurs ports à ces navires qu’à titre exceptionnel, pour des raisons de
protection sanitaire ou de maintien de l’ordre. La décision de fermeture doit être rendue
publique. La faculté d’interdiction est cependant exclue si le navire est en détresse.

L’État peut réglementer voire même interdire l’accès à ses ports des navires de guerre
étrangers, lesquels disposent en tout état de cause d’une immunité complète.

Paragraphe 2. La mer territoriale

La mer territoriale est décrite comme l'espace situé au-delà de la ligne de laisse de basse mer
et d'une largeur maximale de 12 milles. On définit la mer territoriale essentiellement par sa
dimension ou sa largeur7.

La mer territoriale est soumise au principe de la souveraineté de l’Etat côtier. L'Etat riverain
y exerce les compétences exclusives qui sont le prolongement de la compétence territoriale
sur le domaine terrestre.
Ainsi la plénitude et 1'exclusivité de la compétence s'exercent sur les activités économiques,
les activités de police et les activités de services publics. Toutefois, la souveraineté de l’Etat

l'échancrure.

54
côtier est limitée par le droit de passage inoffensif reconnu à tout navire étranger. En effet, le
principe du passage inoffensif consiste dans l'obligation faite à un Etat côtier de ne pas
entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale.
7
Le passage, selon la convention de Montego Bay, est inoffensif aussi longtemps qu'il
ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l'Etat côtier. Cette conception
du caractère inoffensif du passage en termes de régime de police administrative de 1'Etat
côtier laisse en définitive à 1'interprète une latitude importante en matière de définition du
caractère offensif ou du caractère inoffensif du passage. Une liste d'activités menées sur la
mer territoriale qui peuvent porter atteinte au bon ordre, à la sécurité et à la paix de 1'Etat
côtier est établie par la Convention de Montego Bay (article 19, paragraphe 2) 8. Le passage
d'un navire étranger est considéré comme portant atteinte à la paix, au bon ordre ou à la
sécurité de l'État côtier si, dans la mer territoriale, ce navire se livre à l'une quelconque des
activités suivantes :

a) menace ou emploi de la force contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou


l'indépendance politique de l'État côtier ou de toute autre manière contraire aux principes
du droit international énoncés dans la Charte des Nations Unies ;

b) exercice ou manœuvre avec armes de tout type ;

c) collecte de renseignements au détriment de la défense ou de la sécurité de l'État


côtier;

d) propagande visant à nuire à la défense ou à la sécurité de l'État côtier ;

e) lancement, appontage ou embarquement d'aéronefs ;

f) lancement, appontage ou embarquement d'engins militaires ;

g) embarquement ou débarquement de marchandises, de fonds ou de personnes en


contravention aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d'immigration de
l'État côtier ;

h) pollution délibérée et grave, en violation de la Convention ;

i) pêche ;

j) recherches ou levés ;

55
k) perturbation du fonctionnement de tout système de communication ou de tout autre
équipement ou installation de l'État côtier ;

l) toute autre activité sans rapport direct avec le passage.

La commission de ces activités constitue dès lors des actes de passage non inoffensif. Mais
la formule du point L de l’article 19, paragraphe 2, qui mentionne « toute autre activité sans
rapport direct avec le passage » peut prêter à controverse entre les parties.

Les pouvoirs de l'Etat côtier en matière de réglementation du passage inoffensif font 1'objet
d'une énumération exhaustive à l'article 21 de la convention de 1982 9. L'État côtier peut
adopter, en conformité avec les dispositions de la Convention et les autres règles du droit
international, des lois et règlements relatifs au passage inoffensif dans sa mer territoriale, qui
peuvent porter sur les questions suivantes :

a) sécurité de la navigation et régulation du trafic maritime ;

b) protection des équipements et systèmes d'aide à la navigation et des autres


équipements ou installations ; c) protection des câbles et des pipelines;

d) conservation des ressources biologiques de la mer ;

e) prévention des infractions aux lois et règlements de l'État côtier relatifs à la pêche ;

f) préservation de l'environnement de l'État côtier et prévention, réduction et maîtrise de


sa pollution ;

g) recherche scientifique marine et levés hydrographiques ;

h) prévention des infractions aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou


d'immigration de l'État côtier.

2. Ces lois et règlements ne s'appliquent pas à la conception, à la construction ou à


l'armement des navires étrangers, à moins qu'ils ne donnent effet à des règles ou des
normes internationales généralement acceptées.

3. L'État côtier donne la publicité voulue à ces lois et règlements.

56
4. Les navires étrangers exerçant le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale se
conforment à ces lois et règlements ainsi qu'à tous les règlements internationaux
généralement acceptés relatifs à la prévention des abordages en mer.

L'Etat côtier a une compétence liée.

Dans la mer territoriale, les sous-marins et autres véhicules submersibles sont tenus de
naviguer en surface et d'arborer leur pavillon.

La préoccupation principale des rédacteurs de la convention de 1982 a été de limiter au


maximum les risques et les tentations d'abus de droit de la part de 1'Etat côtier. En effet, il a
fallu veiller à ce que, par le biais des modalités d'application de la réglementation du passage
inoffensif, l'Etat côtier ne parvienne à empêcher ou à restreindre le passage, notamment par
le biais des inspections. Le navire qui accomplit le passage est, en revanche, tenu de
respecter scrupuleusement la législation de 1'Etat traversé, ainsi que l'ensemble de la
réglementation internationale.

Mais certains navires sont soumis à un régime spécial de passage inoffensif. II s'agit des
navires nucléaires et des navires à cargaison dangereuse ; Il peut leur être prescrit l'utilisation
d'une route maritime spécifique. Les sous-marins, de leur côté, sont tenus de naviguer en
surface en arborant leur pavillon tandis que les navires de guerre sont assimilés aux autres
navires avec interdiction, toutefois, de procéder à des manœuvres pendant le passage dans la
mer territoriale.

En cas de passage non inoffensif, l'Etat côtier dispose de droits préventifs et de droits
répressifs. Sur le plan préventif, l'Etat côtier peut prendre toutes les mesures nécessaires pour
empêcher un passage qui n'est pas inoffensif et ordonner 1'évacuation des espaces maritimes
par le navire étranger. Le pouvoir de réaction de 1'Etat côtier doit s'exercer dans le cadre du
régime de l'utilisation de la force déterminé par la Charte des Nations Unies et cette réaction
doit être proportionnelle à la gravité de 1'illicéité.

Enfin, la suspension du passage inoffensif peut être ordonnée par 1'Etat côtier dans les cas où
cette mesure est indispensable à la protection de la sécurité de cet Etat. La convention vise en
particulier les manœuvres militaires organisées par 1'Etat côtier. La suspension doit être
temporaire.

57
Sur le plan répressif, l'Etat côtier exerce sa compétence civile et pénale à bord des navires
qui exercent le droit de passage inoffensif. En effet, seuls les navires de guerre bénéficient
d'une immunité absolue. La compétence de juridiction de 1'Etat côtier est établie en ce qui
concerne la répression des infractions commises a bord pendant le passage en général ; 1'Etat
côtier peut procéder à des arrestations et à 1'accomplissement des actes d'instruction à bord
de navires lors du passage du navire dans la mer territoriale en venant des eaux intérieures. Il
s'agit d'une règle déjà consacrée lors de la convention de 1958 à Genève. La seule limite à la
compétence répressive de 1'Etat côtier est relative aux actes d'arrestation ou d'actes
d'instruction pour des infractions commises avant 1'entrée dans la mer territoriale sur les
navires qui passent dans la mer territoriale sans pénétrer dans les eaux intérieures.

Section 2. Les espaces sur lesquels l’État côtier exerce des droits souverains en matière
économique

Paragraphe 1. Le plateau continental

Formulé pour la première fois sur le plan juridique en 1945 avec la proclamation Truman, le
plateau continental a connu une modification profonde avec la convention de 1982.

Le Plateau continental est défini par l’article 76 de la Convention de Montego Bay. Le


Plateau continental d’un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol jusqu’au
rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base,
lorsque ce rebord externe se trouve à une distance inférieure

a. Les limites extérieures du plateau continental

Les limites extérieures du plateau continental d'un Etat côtier sont constituées par le rebord
externe de la marge continentale ou jusqu'à 200 milles marins à partir de la ligne de base de
la mer territoriale. Le critère d'isobathe retenu en 1958 a été écarté au profit d'un critère de
distance. Mais le critère de distance n'est pas le critère absolu. Si naturellement le plateau
continental s'étend au-delà de 200 milles, l'Etat côtier peut se référer "Aux points fixes
extrêmes ou l'épaisseur des roches sédimentaires est égale au centième au moins de la
distance entre le point considéré et le pied du talus continental" 4 pour déterminer le rebord
extrême.

4 Art. 76-5 de la Convention de Montego Bay.


58
La limite extrême du plateau continental ne peut être éloignée de plus de 350 milles marins
des lignes de base ou de 100 milles marins de l'isobathe de 2 500 mètres.

Le caractère politique de 1'accord consacré par la convention de 1982 implique la


renonciation aux abus par les Etats à plateau continental étendu. L'annexe II institue, à cette
fin, une Commission des limites du plateau continental, de 21 experts, chargée d'adresser aux
Etats côtiers des recommandations sur la fixation de la limite extérieure du plateau dont
l'étendue dépasse les 200 milles.

b. Le régime juridique du plateau continental

La définition du régime juridique du plateau continental a été le complément apporté à la


délimitation dans les œuvres de la convention de 1982. Dans leurs grandes lignes, le régime
des droits souverains applicables à la zone économique exclusive peuvent être transposés
mutatis mutandis en ce qui concerne le plateau continental.

La philosophie des régimes juridiques se rapproche et on peut les résumer comme étant des
droits souverains relevant de la compétence de principe de 1'Etat côtier, droits finalisés à des
fins essentiellement économiques.

Le développement des travaux d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures off shore sur
le plateau continental a amené la conférence à rappeler la responsabilité spécifique de 1'Etat
côtier en matière de lutte contre la pollution.

Enfin, la convention de 1982 a aménagé un régime quasi fiscal international pour


l'exploitation des ressources audelà de la limite de 200 milles marins. En effet, la convention
a prévu un système de versements de contributions en nature ou en paiement au titre de
1'exploitation des ressources non biologiques du plateau continental dans cette partie du
plateau ainsi définie. Ces versements doivent être effectués au profit de 1'Autorité
internationale des fonds marins ; après les premières années d'exploitation, une dispense
d'obligation de paiement pour les Etats en voie de développement a été établie. Il s'agit d'une
contribution assise sur une partie des ressources considérées comme relevant du patrimoine
commun de 1'humanité et devant échapper au principe de la territorialité de la compétence
de 1'Etat côtier sur 1'ensemble du plateau continental.

59
Paragraphe 2. La zone économique exclusive

La Zone économique exclusive est une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente
à celle-ci. Elle est d’une largeur maximale de 200 milles (370 km) au-delà des lignes de base.
La zone économique exclusive est la création principale ex novo de la convention de 1982. Il
s'agit de la pierre angulaire de la nouvelle convention sur le droit de la mer. La négociation
portant sur 1'adoption de cette notion a mis en relief les contradictions d'intérêt entre, d'une
part, les Etats côtiers et la communauté Internationale et, d'autre part, les Etats en
développement et les Puissances maritimes. La convention de 1982 a tenté d’assurer une
synthèse entre les différentes pratiques des Etats en ce qui concerne l'appropriation des
espaces maritimes ; à cette fin, elle a consacré les droits patrimoniaux des Etats riverains sur
l'ensemble des ressources situées dans la zone économique exclusive, tout en confirmant les
libertés traditionnelles de la haute mer dans cet espace. En effet, la zone économique
exclusive est constituée par 1'étendue de mer située au-delà de la ligne de base jusqu'à une
limite maximale de 200 milles, c’est-à-dire après soustraction de la mer territoriale, un
maximum de 188 milles pour les Etats qui ont fixé leur mer territoriale à 12.

Dans la zone économique exclusive, 1'Etat riverain jouit de droits souverains sur les
ressources qui y ont leur source. Bien que d'une très grande ampleur les droits souverains,
toutefois, ne peuvent pas être assimilés à la souveraineté territoriale, telle que cette
souveraineté apparait dans la mer territoriale. Il s’agit de prérogatives sur lesquelles 1'Etat
riverain exerce une compétence de principe dans le cadre d'un régime international aménagé.
Les attributions de l'Etat riverain, aux termes de la convention, sont des compétences
affectées. En effet, les droits souverains sont reconnus « aux fins d'exploration et
d'exploitation, de conservation et de gestion, des ressources naturelles, biologiques ou non
biologiques, des eaux sur jacentes ou fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol,
ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à 1'exploration et à l'exploitation de la
zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants
et des vents ».
A 1'analyse, il ne s'agit pas de droits inhérents aux prérogatives de l'Etat côtier, du seul fait
de sa proximité. Ce sont des droits spécialisés au profit de 1'Etat riverain, portant non pas sur
la zone en tant qu'espace mais sur les ressources dont regorge cet espace. La reconnaissance
de la compétence de principe de l'Etat côtier dans la zone économique exclusive est la
conséquence essentielle du caractère souverain de ses droits.

60
En matière de pêche l'Etat riverain détermine discrétionnairement tant le niveau des
autorisations de prises maximales que sa propre capacité de pêche. Ainsi le riverain est seul à
pouvoir exercer, dans la zone économique exclusive, une certaine fonction sociale en
procédant a la répartition et à la gestion des ressources de la mer. Le caractère souverain des
droits s'étend également a ce qui concerne l'exercice de la compétence de principe relative à
la mise en place d'iles artificielles, d'installations, ainsi que la réglementation de la recherche
scientifique de la protection de l'environnement. Bien que surprenante, cette extension vise la
conservation et le développement des ressources, ainsi que la protection de 1'environnement
marin contre les dégradations résultant de ces installations ou activités.

L'aménagement international de 1'exercice de cette compétence de principe se situe à un


double niveau. D'abord en ce qui concerne 1'obligation de p a r t a g e r le surplus de stock
auquel ont prioritairement droit les Etats sans littoral et les Etats en voie de développement.

Ce partage se réalise par la voie des accords d'accès aux ressources, bilatéraux, sous-
régionaux ou régionaux. Le second niveau de la réglementation internationale afférent à
1'exercice de la compétence de principe, se situe au niveau des immunités des actes de 1'Etat
riverain. En effet, aux termes des dispositions qui régissent le règlement des différends, les
actes de 1'Etat riverain relèvent du domaine de la conciliation obligatoire.

Chapitre 2. Les espaces maritimes internationaux

Section 1. La haute mer

La haute mer se définit de façon négative depuis la convention de Montego Bay. Il s'agit:

«de toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive,
la mer territoriale ou les eaux intérieures d'un Etat, ni dans les eaux archipélagiques d'un Etat
archipel »5.

Le régime de la haute mer est caractérisé par le Príncipe de la liberté de la haute mer d'une
part et l'application de la loi du pavillon sur la haute mer d'autre part.

5 Art. 86 de la convention.
61
Paragraphe 1. Le principe de la liberté de la haute mer

Le principe de la liberté de la haute mer est accepté comme une règle fondamentale du droit
international6. Le principe de la liberté des mers et de la haute mer signifie l'interdiction pour
un Etat d'exercer sa juridiction ou son autorité à 1'égard des navires étrangers. La jouissance
de cette liberté de la haute mer est reconnue à tous les Etats, qu'ils soient côtiers ou non-
côtiers, mais le contenu de cette liberté n'est pas absolu. Toutes les activités humaines qui
peuvent avoir comme cadre d'exercice la haute mer ne jouissent pas de plein droit du régime
de la liberté de la haute mer ; i1 y a en effet des libertés consacrées et des activités qui sont
prohibées.

A. Les libertés consacrées

Les libertés consacrées sont celles qui ont trait, à titre principal, aux usages traditionnels de
la mer, mais également aux utilisations nouvelles imposées par le progrès technologique et le
développement de la connaissance scientifique.

Parmi les libertés traditionnelles, on peut retrouver la liberté de navigation, la liberté de la


pêche, la liberté de poser des câbles et des pipe-lines sous-marins, ainsi que la liberté de
survol. A ces libertés traditionnelles, il convient d'ajouter de nouvelles libertés : la liberté de
la recherche scientifique et la liberté de construire des Iles artificielles et autres installations.

B. Les activités prohibées

En revanche, sont interdites certaines activités sur la haute mer. Il s'agit de 1'interdiction des
essais nucléaires. Cette prohibition résulte explicitement du traité portant interdiction
partielle des essais nucléaires de 1963 ; elle a été implicitement confirmée par la convention
de 1982 au titre du régime de l'utilisation pacifique des océans. De même, est également
interdit sur la haute mer le trafic des esclaves, plus exactement le transport d'esclaves par
mer. Enfin, la convention de 1982 confirme l'illicéité de la piraterie, du trafic de stupéfiants
et de substances psychotropes, ainsi que celle des émissions non autorisées diffusées depuis
la haute mer à destination du grand public.

6 Ce principe correspondait aux intérêts des grandes Puissances maritimes au


moment de sa consécration par la pratique coutumière. Mais ce principe n'a
jamais été remis en cause par les différentes conférences internationales
consacrées au droit de la mer. Cette liberté a été essentiellement 1'expression du
refus de toute appropriation nationale de 1'espace maritime ainsi que du rejet
des différentes tentatives d'exercice des compétences de souveraineté par
certains Etats sur les navires étrangers.
62
Le souci a été de veiller à ce que la liberté de la haute mer ne serve pas de prétexte à la
constitution de zones refuges pour 1'accomplissement en toute impunité d'activités nuisibles
à la vie sociale. Les besoins de répression expliquent le recours à la loi du pavillon pour le
régime juridique de la haute mer.

Paragraphe 2. La loi du pavillon

A. La signification de la loi du pavillon

La loi du pavillon régit les activités sur la haute mer. Cela signifie que la compétence de
1'Etat dont le pavillon est porté par un navire est, en haute mer, exclusive et plénière. Pour
les navires de guerre, le caractère exclusif et plénier de la compétence a une portée absolue.
En revanche, pour les navires marchands, le problème de l'exclusivité de la plénitude de la
compétence est atténué par les règles de conflit de lois, au sens du droit international privé en
matière civile. Mais elle est absolue en matière de répression des infractions pénales.

Les seules exceptions à 1'exclusivité de la compétence concernent la piraterie, le trafic et la


traite des esclaves. Le trafic illicite des stupéfiants soulève plus de difficultés et 1'article 108
de la convention de Montego Bay invite les Etats à coopérer pour la répression de ce type
d'activité.

L'importance du pavillon dans la réglementation du régime juridique de la haute mer, a une


implication importante : le droit des Etats à un pavillon, quelle que soit la situation juridique
et géographique de cet Etat. La convention n'établit aucune distinction entre les Etats côtiers
et les Etats sans littoral. Ce droit au pavillon est intimement lié au droit reconnu à chaque
Etat de développer ses activités sur tous les plans et dans tous les domaines.

63
B. Les difficultés liées à l’application de la loi du pavillon

Pour que le régime des libertés soit réalité, une condition est souhaitée en ce qui concerne le
pavillon : 1'effectivité du droit de juridiction et de contrôle de 1'Etat du pavillon sur ses
navires. Au plan juridique, les Etats disposent d'une compétence discrétionnaire en ce qui
concerne les conditions d'octroi du droit au pavillon aux différents navires. Mais, face au
développement de la pratique des pavillons de complaisance, et aux risques de tous ordres
inhérents à ces pratiques, le problème s'est pose de savoir s'il fallait déterminer en droit
international les critères essentiels à l’octroi du pavillon.

La Commission du droit international, dans la préparation des conventions de Genève en


1958 et 1960, tenta de rappeler le caractère nécessaire du lien substantiel et réel entre 1'Etat
et le pavillon revendique par le navire. Tant à la conférence de Genève de 1959 qu'à celle de
la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, seule a été retenue la
formule selon laquelle était souhaitée un lien substantiel entre l'Etat et le navire qui
revendique sa nationalité. Tout effort de précision portant sur l'étendue du droit de direction
et de contrôle de 1'Etat du pavillon sur le navire a échoué. Un problème se pose : quelle est
la position du droit international vis-à-vis des dispositions et actes octroyant une nationalité à
un navire au mépris de 1'existence de ce lien substantiel mentionné dans les dispositions des
conventions de Genève et de 1982 ?

Section 2. La Zone

La consécration de la zone internationale des fonds marins comme patrimoine commun de


1'humanité représente la création la plus spectaculaire de la convention de 1982. A ce titre,
cette zone est soumise à un régime spécial d'exploration et d'exploitation dont le pilotage est
assuré par des structures institutionnelles particulières.

Paragraphe 1. Le régime juridique de la zone

L’article 136 de la convention de 1982 proclame :

« La zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l'humanité ».

Il s'agit dorénavant d'une règle de droit positif. La zone internationale des fonds marins situés
au-delà des limites de la juridiction nationale des Etats côtiers est soumise à un régime
spécifique, celui du patrimoine commun de l’humanité. Ce régime exclut toute possibilité
d’appropriation privative de la zone ou de ses ressources. En effet, selon Article 137 de la
Convention de Montego Bay,

64
« 1.Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur
une partie quelconque de la Zone ou de ses ressources ; aucun État ni aucune personne
physique ou morale ne peut s'approprier une partie quelconque de la Zone ou de ses
ressources. Aucune revendication, aucun exercice de souveraineté ou de droits souverains ni
aucun acte d'appropriation n'est reconnu.

2. L'humanité tout entière, pour le compte de laquelle agit l'Autorité, est investie de tous les
droits sur les ressources de la Zone. Ces ressources sont inaliénables ».

L'exclusion de 1'appropriation est entendue dans le sens le plus large puisqu'elle comprend
non seulement 1'espace en question mais également les ressources provenant de
1'exploitation de cet espace. Les activités d'extraction menées dans la zone sont placées sous
le contrôle de 1' Autorité internationale des fonds marins. Les droits sur les ressources
essentiellement minérales sont attribués non aux Etats mais à 1'humanité tout entière, par-
delà les espaces et par-delà les générations. La communauté internationale n'en est que le
gestionnaire afin de faire sortir les déshérités de leur condition actuelle. Le patrimoine
commun de 1'humanité est un concept juridique à vocation prospective dont 1'effectivité sera
fonction directe de 1'aptitude de la communauté à résoudre les contradictions d'intérêts
caractéristiques de la société internationale contemporaine. Son exploitation a nécessité la
création d’un mécanisme institutionnel.

Paragraphe 2. Le mécanisme institutionnel de l’exploitation de la zone internationale


des fonds marins

Le mécanisme institutionnel se fonde sur 1'idée selon laquelle les institutions ne sont que des
gestionnaires pour le compte de 1'humanité du patrimoine commun institué. Trois principes
en forment les idées directrices : une organisation spéciale, créée et dotée de pouvoirs
particulièrement importants, qui est 1'Autorité internationale des fonds marins (A) ; une
institution opérationnelle qui est 1'Entreprise (B) ; et un mécanisme spécifique de règlement
des différends relatifs aux fonds marins grâce à la chambre du Tribunal international du droit
de la mer (C).

A. L'Autorité internationale des fonds marins

Sur le plan formel, l'Autorité internationale des fonds marins, dont le siège a été fixé à
Kingston (Jamaïque), ressemble à une organisation internationale et repose sur le principe de
1'égalité absolue des Etats membres.

65
Elle comprend les organes traditionnels d'une organisation internationale, à savoir : une
Assemblée plénière, un Conseil restreint et un Secrétariat.

Les relations entre le Conseil et 1'Assemblée constituent le problème le plus délicat pour le
fonctionnement de 1'Autorité. L'Assemblée, en effet, dispose du pouvoir d'orientation
générale de la politique de 1'Autorité des fonds marins, en statuant à la majorité absolue de
ses membres et non à la majorité qualifiée des deux tiers.

Le Conseil, en revanche, organe plus restreint de 36 membres, s'efforce d'assurer la plus


grande représentativité de la composition de 1' organisation, en combinant dans son
recrutement les critères géographiques et ceux de la représentation d'intérêts. I1 a le pouvoir
d'arrêter les politiques spécifiques à suivre par 1'Autorité en fonction des dispositions de la
convention et de la politique générale définie par l'Assemblée. La procédure de décision au
sein du Conseil est assez complexe, les qualifications de la majorité variant selon
l'importance des sujets7.

A côté des pouvoirs délibératifs, 1'Autorité comporte des commissions chargées de préparer
la décision des organes délibératifs, tandis que le Secrétaire général est élu pour quatre ans.

B. L'Entreprise

L'Entreprise constitue le bras opérationnel de 1'Autorité des fonds marins et sa création


constitue une originalité de l'institution. Elle est dotée de la capacité juridique et bénéficie
des privilèges et immunités nécessaires pour 1' accomplissement de 1'exploitation dans la
zone internationale.

C. La chambre des fonds marins du Tribunal international du droit de la mer

La chambre pour le règlement des différends représente la dernière dimension


institutionnelle de 1'Autorité. I1 s'agit d'une chambre spéciale du Tribunal international du
droit de la mer chargée d'assurer l'application de la convention, des règles et règlements de

7 Ainsi, la majorité des deux tiers est requise pour les huit questions les plus
importantes, notamment celles relatives aux directives à donner à 1'entreprise.
La majorité des trois quarts est exigée pour 19 questions, par exemple, le
contrôle des activités dans la zone ou le choix des demandeurs d'emploi. Enfin,
le consensus est requis pour des questions affectant l'équilibre général de la
convention, telles que les règles relatives à 1'exploitation minière et au partage
des avantages financiers, ainsi que les amendements relatifs à 1' exploration et à
1' exploitation.
66
1'Autorité et les clauses du contrat. La chambre est compétente pour connaitre de tous les
différends relatifs a 1'exploitation de la zone internationale des fonds marins, ainsi que des
différends entre 1'Autorité et une autre entité relative à la responsabilité de 1'Autorité, par
exemple en matière de délivrance de permis. Les entités contractantes autres que les Etats
ont un droit d'accès a la chambre. Les différends portant sur un contrat peuvent toutefois, à la
demande de 1' une ou 1'autre partie, être soumis à un arbitrage commercial obligatoire.

Titre 2. Les espaces aérien et extraatmosphérique

Chapitre 1. L’espace aérien

L'espace aérien ou la colonne d'air qui surplombe le territoire d'un Etat est soumis à la
compétence territoriale de 1'Etat sous-jacent. Cette extension physique de la sphère
géographique de la compétence de 1'Etat s'apparente à 1'assimilation de la mer territoriale au
territoire terrestre. Il en résulte d'une part une répartition des espaces aériens dans le monde
et, d'autre part, un aménagement du régime juridique de 1'utilisation de 1'espace aux fins de
la navigation aérienne. L'espace aérien se répartit en espace aérien national (Section 1) et
espace aérien international (Section 2).

Section 1. L'espace aérien national

L'Etat sous-jacent jouit de la plénitude de la souveraineté de la compétence territoriale sur 1'


espace aérien qui surplombe son territoire terrestre et sa mer territoriale. Sont exclues du
domaine de 1'espace aérien national, les zones maritimes affectées à des fins ou usage
économiques, relevant de la compétence de principe de 1'Etat riverain : le plateau continental
et la zone économique exclusive. Cette délimitation restrictive sur le plan de la géographie

67
physique s'explique par l'importance des considérations de sécurité qui ont marqué les
travaux de négociations de ces différents traités multilatéraux.

Les questions de sécurité, tant de 1'Etat survolé que des avions, posent le problème de la
délimitation verticale de 1'espace aérien national, notamment en raison de la vitesse
actuellement atteinte par les différents types d'appareils mis en exploitation et des
conséquences graves pouvant survenir à la suite des erreurs, mêmes mimines de navigation.

La Convention de Chicago n’établit pas de règles en matière de délimitation des espaces


aériens nationaux, bien que dans la pratique des difficultés soient fréquentes : incertitudes
liées à la délimitation terrestre, le caractère défectueux du fonctionnement des points de
repérage. Face à ces lacunes, la seule solution raisonnable consiste à faire coïncider les
limites latérales de 1'espace aérien national avec les lignes constitutives des frontières
terrestres et maritimes.

La souveraineté de 1'Etat sur son espace aérien national implique le caractère discrétionnaire
de ses compétences pour 1'aménagement du régime juridique du survol de son territoire par
les aéronefs, nationaux ou étrangers. Ainsi il est libre non seulement de réglementer mais
voire d'interdire tout survol à des appareils militaires ou même civils. Toute violation de ces
prescriptions constitue une atteinte à sa souveraineté et peut donner lieu à la mise en œuvre
de mesures de réactions licites de 1'Etat dont les droits sont violés : interception ou
obligation d'atterrir de 1'avion en situation d’infraction. Le droit de riposte de 1'Etat survolé
est, toutefois, limité par les exigences élémentaires d'humanité, liées au souci de ne pas
mettre en danger les vies des personnes transportées.

Section 2. L'espace aérien international

L'espace aérien international8 est constitué par les espaces ne relevant pas de la souveraineté
d'un Etat sousjacent particulier. A la différence de la haute mer, on ne saurait envisager pour
8 Il n’est pas défini par la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative
à l’aviation civile internationale et couvre dans la pratique la zone située au-
delà des 12 milles nautiques (marins) des frontières de chaque pays, à la
verticale des mers territoriales.
68
cette catégorie juridique un régime de liberté absolue pour des raisons évidentes de sécurité.
Aussi des fonctions particulières ont-elles été attribuées à l'Organisation de l'Aviation civile
internationale pour promouvoir l'internationalisation effective de cet espace dans le cadre
d'une uniformisation au plus haut degré possible des règles de navigation aérienne.

Cette internationalisation du régime connait néanmoins deux limites : en premier lieu, la


convention de 1'OACI ne s'applique qu'aux seuls aéronefs civils à l'exclusion des appareils
d'Etat et, en second lieu, 1' efficacité de la convention est fonction directe de la prise en
charge par chaque Etat de sa responsabilité. Les manœuvres d’approche relèvent de l’autorité
de l'Etat survolé à laquelle doivent se plier les avions concernés, tandis qu'il appartient à
chaque Etat de prendre des mesures pour faire respecter les règles et règlements en vigueur
par les avions arborant son pavillon.

Chapitre 2. L’espace extra-atmosphérique

L'espace extra-atmosphérique représente la catégorie d'étendue la plus récente a laquelle


s'est intéressé le droit positif. Le lancement de Spoutnik I 9, le 4 octobre 1957, a ouvert une
nouvelle ère dans l'ordre juridique de 1'espace extra-atmosphérique.

Le régime juridique de 1'espace extra-atmosphérique est marqué par la solution de trois


questions principales : le statut (Section 1), 1'immatriculation des objets (Section 2) et le
mécanisme de la coopération internationale (Section 3).

Section 1. Le statut de 1'espace extra-atmosphérique, la lune et les corps célestes

Le statut de 1'espace extra-atmosphérique et des corps célestes qui s'y trouvent est caractérisé
par le principe de la liberté, transposé directement du régime de la haute mer. Cette liberté
implique une double dimension négative (A) et positive (B) avec des particularités pour le
statut de la lune (C)

9 Spoutnik signifiant « compagnon de route » est une famille de satellites lancés


par l'URSS. Spoutnik 1, lancé le 4 octobre 1957, est le premier engin placé en
orbite autour de la Terre et marque le début de l'ère spatiale.
69
A. La dimension négative de la liberté de l'espace : la non-appropriation

Le droit positif reconnait, de façon non équivoque, que 1'espace et les corps célestes ne sont
pas susceptibles d'appropriation privative. Il en résulte qu'aucun acte, ni aucune activité
afférent à ces espaces ne peuvent créer un droit quelconque à leur auteur, ni constituer un
titre de souveraineté10.

B. La dimension positive de la liberté de l'espace : la liberté d'utilisation

La liberté d'utilisation de 1'espace extra-atmosphérique implique tout d'abord la liberté de


l'initiative pour mener des activités spatiales. Aucune autorisation d'un Etat survole ou sous-
jacent ou d'une institution internationale n'est requise. En outre, cette liberté signifie la
prohibition de toute discrimination. L'utilisation de 1'espace extraatmosphérique est
reconnue à tous les Etats sans distinction et sur une base de stricte égalité.

Des limites à 1'exercice de cette liberté ont toutefois été envisagées ; la conformité des
activités spatiales au droit international y compris la Charte des Nations Unies ; l'utilisation
pacifique de 1'espace aux fins de maintenir la paix et la sécurité internationales avec
interdiction de mise sur orbite d'engins porteurs d'arme nucléaire ou de destruction massive
et, enfin, la finalisation des activités spatiales pour le bien ou 1'intérêt de tous les pays sans
distinction.

10 Mais la mise en œuvre de ce principe parait être source de problèmes


compte tenu de la position géographique des Etats sur le globe. Il en émit ainsi
des satellites géostationnaires équatoriaux ou polaires. Ce sont des satellites
géostationnaires qui tournent à la même vitesse que la terre et apparaissent
comme stationnaires aux yeux d'un observateur situe à 1'équateur. En effet, les
coordonnées géographiques de certains Etats situés le long de 1'équateur leur
conféraient une situation privilégiée en leur offrant une « ressource naturelle
rare' en matière de maitrise des télécommunications par satellites, tandis que
d'autres placés dans les aires de chute des satellites (cf. Madagascar)
s'estimaient exposés à des risques graves et anormaux. En 1976, huit Etats
situés le long de la ligne de 1'équateur ont proclame leur souveraineté sur
1'orbite géostationnaire équatoriale (Brésil, Colombie, Congo. Equateur,
Indonésie, Kenya, Ouganda et Zaïre) en contradiction avec le droit positif.
Toutefois, 1'Assemblée générale en 1983 s'est préoccupée de l'utilisation
rationnelle et équitable de 1'orbite géostationnaire qui est une ressource
naturelle limitée qui risque d'être surchargée (résolution 30/80 du 15 décembre
1983).

70
C. Le statut particulier de la lune et des autres corps célestes

Les principes régissant 1'espace sont aussi valables pour la lune et les autres corps célestes
solides du système solaire. Echappent à cette définition les matières extraterrestres qui
atteignent la surface de la terre comme les météorites en chute. Mais c'est en matière de
démilitarisation que le statut de la lune et des corps célestes se distingue du droit de l'espace
interplanétaire. En effet, l'interdiction des armements y est absolue et totale. L'établissement
de bases, les essais et les manœuvres militaires sont prohibés et la règle frappe aussi bien les
armes nucléaires et de destruction massive que les armes dites classiques.

Par ailleurs, par transposition dans le domaine de 1'espace, du principe du patrimoine


commun de 1'humanité, la lune et les autres corps célestes sont « 1'apanage de 1'humanité
tout entière » et leurs ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l'humanité.
Il en résulte des obligations d'information et de coopération en matière de recherche
scientifique et d'environnement, ainsi que 1'ébauche d’un régime international pour 1'
exploitation.

Mais 1' idée d’affectation d’une partie des produits au profit des Etats et des peuples les plus
démunis, inhérente au concept de patrimoine commun de 1'humanité, explique, sans la
justifier, l'hostilité des Puissances spatiales à 1'accord du 18 décembre 1979 régissant les
activités sur la lune et les autres corps célestes. Ainsi, contrairement aux ambitions de
1'Assemblée générale, le droit de 1'espace n'assure pas encore 1'égalité des Etats.

Section 2. L'immatriculation des objets spatiaux et la responsabilité

Par analogie avec les navires et les aéronefs, les engins spatiaux sont immatriculés par un
Etat. La compétence d'un Etat pour assurer l'immatriculation des engins spatiaux fait 1'objet
d'un régime juridique particulier et l'exercice de cette compétence comme celui des activités
spatiales est sanctionne par un régime spécial de responsabilité.

A. Régime juridique de l'immatriculation

Les engins spatiaux sont soumis à la formalité de l'immatriculation dont la responsabilité


relève de la compétence de 1'Etat lanceur. Les organisations internationales peuvent aussi

71
jouir du droit de faire immatriculer des objets spatiaux. L'originalité du mécanisme tient au
système du double registre. Un premier registre est tenu par 1'Etat de lancement et un second
par le Secrétaire général des Nations Unies. A 1'examen, le double registre ne se situe pas au
même niveau d'obligation juridique. L’immatriculation nationale découle directement de la
pratique en matière de nationalité des navires et des aéronefs. En revanche, 1'immatriculation
auprès du Secrétariat général des Nations Unies est la consécration de la pratique de
1'enregistrement volontaire, initialement observée par les Puissances spatiales. L'origine
historique de 1'enregistrement volontaire explique la disposition selon laquelle la déclaration
d'enregistrement auprès des Nations Unies devait se faire le plus tôt possible.

B. Compétence et responsabilité de 1'Etat d'immatriculation

L'immatriculation des engins spatiaux confère à l'Etat de lancement des compétences


particulières dont 1'exercice est sanctionne par la responsabilité internationale. Cet Etat
exerce sur 1'engin une compétence personnelle et continue de juridiction pendant toute
1'opération de navigation spatiale : depuis le lancement jusqu'a la récupération de 1'engin
sans considération particulière du statut de 1'espace touche ou survole : espace interstellaire,
corps célestes, terre. Une obligation de surveillance, sinon de direction des activités menées
par les personnel tant publiques que privées dans le domaine spatial pèse ainsi sur les Etats
concernes. Des mécanismes particuliers pour la restitution des objets lances et atterrissant sur
un espace, national ou international, de la terre ont été aménagés par les traites de 1967 et de
1979.

Le système international de responsabilité pour les activités spatiales est sui generis, en droit
international, non seulement en raison de la dimension des risques encourus mais aussi du
caractère spécifique des règles qui sont établies et distinctes du droit commun de la
responsabilité internationale des Etats. La responsabilité peut être imputée à un Etat pour ses
activités spatiales nationales et les activités spatiales menées à partir de son territoire. La
responsabilité est absolue, fondée sur le risque en dehors de toute faute, pour les dommages
causés à la surface de la terre ou sur les aéronefs en vol. En revanche la responsabilité pour
faute peut être engagée pour les dommages causés ailleurs qu'à la surface de la terre à un
autre objet spatial soit par la faute de 1'Etat de lancement, soit par celle de toute personne
dont ledit Etat doit répondre.

72
Par ailleurs et à titre d'innovation en droit international, la responsabilité peut être solidaire
entre 1'Etat de lancement et 1'Etat ayant mis son territoire ou ses installations à la disposition
du premier.

Table des matières

SOMMAIRE.........................................................................................................1

INTRODUCTION GENERALE : L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL


...............................................................................................................................2

Partie Préliminaire : Les relations entre le droit national et le droit international 5

I. Les différentes relations.....................................................................................5

A. L'influence du droit national sur le droit international.....................................6

1. Le droit national en tant que source du droit international............................6

2. Le droit national comme base de définition des concepts de droit


international.......................................................................................................6

3. Le droit national comme preuve du droit international.................................7

73
B. L'influence du droit international sur le droit national.....................................7

II. Les mécanismes de la relation entre ordres juridiques national et


international...........................................................................................................7

A. Le statut en droit interne...................................................................................8

1. Généralités.....................................................................................................8

2. Le monisme...................................................................................................9

B. Le rang en droit interne...................................................................................11

1. Le principe...................................................................................................11

2. Les conséquences........................................................................................13

C. L'invocabilité par les particuliers en droit interne..........................................14

1. La notion.................................................................................................14

2. Les conditions..............................................................................................16

3. Les conséquences........................................................................................17

4. Les délimitations.........................................................................................17

Première Partie : LES SOURCES ET LES ACTEURS DU DROIT


INTERNATIONAL PUBLIC.............................................................................19

Chapitre I : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC...........19

SECTION I : LES PRINCIPALES SOURCES DU DIP....................................20

PARAGRAPHE I : LES TRAITÉS INTERNATIONAUX : SOURCES


CONVENTIONNELLES DU DIP......................................................................20

A- La notion de traité international.................................................................20

B- La conclusion des traités................................................................................22

1- La négociation.............................................................................................22

2- La signature.................................................................................................22

3- La ratification : expression par l’État de son consentement à être lié.........23

74
C- La validité des traités......................................................................................24

D- L’application des traités.................................................................................26

E- Le devenir des traités......................................................................................27

§2 : La coutume internationale : source non conventionnelle du DIP................28

A- Le processus coutumier..................................................................................28

1- L’élément matériel de la coutume...............................................................29

2- L’élément psychologique : l’opinio juris....................................................30

B- L’opposabilité de la norme coutumière..........................................................30

C- L’application de la coutume...........................................................................31

D- La codification de la coutume....................................................................31

Section II : Les autres sources du droit international public...............................32

§1 : Les principes généraux de DIP.....................................................................32

§2 : Les actes unilatéraux....................................................................................33

A- Les actes unilatéraux des États.......................................................................33

B- Les actes unilatéraux des OI...........................................................................34

Section III : Les moyens auxiliaires de détermination des règles de droit..........35

§1 : La doctrine....................................................................................................35

§2 : La jurisprudence...........................................................................................35

CHAPITRE II : LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE........................................36

Section I: L’État..................................................................................................36

§1 : Les éléments constitutifs de l’État...............................................................36

A- Le territoire.....................................................................................................37

1- Le territoire terrestre.......................................................................................37

2- Le territoire aérien...........................................................................................38

75
3- Le territoire maritime......................................................................................38

B- La population..................................................................................................38

C- Le gouvernement............................................................................................39

§2 : La notion de souveraineté............................................................................40

A- L’exclusivité et l’autonomie de la compétence étatique................................41

B- Les corollaires de la souveraineté..................................................................41

1- Le principe d’égalité souveraine des États..................................................41

2- Le principe de non-ingérence......................................................................42

§3 : La reconnaissance de l’État..........................................................................44

Section II : Les organisations internationales......................................................45

§1 : La classification et le statut des OI...............................................................46

§2 : La structure et le fonctionnement des organisations internationales............48

A- La structure.....................................................................................................48

B- Le fonctionnement..........................................................................................49

Section III: L’individu.....................................................................................50

§1 : La protection internationale des individus...................................................50

§2 : La responsabilité pénale des individus et la CPI..........................................50

Deuxième partie : Droit des espaces internationaux..........................................52

Paragraphe 2. La mer territoriale.........................................................................54

Section 2. Les espaces sur lesquels l’État côtier exerce des droits souverains en
matière économique...........................................................................................57

Paragraphe 1. Le plateau continental..................................................................58

a. Les limites extérieures du plateau continental.................................................58

b. Le régime juridique du plateau continental.................................................58

76
Paragraphe 2. La zone économique exclusive.....................................................59

Chapitre 2. Les espaces maritimes internationaux..............................................61

Section 1. La haute mer.......................................................................................61

Paragraphe 1. Le principe de la liberté de la haute mer......................................61

A. Les libertés consacrées...................................................................................62

B. Les activités prohibées....................................................................................62

Paragraphe 2. La loi du pavillon.........................................................................63

A. La signification de la loi du pavillon..............................................................63

B. Les difficultés liées à l’application de la loi du pavillon................................63

Section 2. La Zone...............................................................................................64

Paragraphe 1. Le régime juridique de la zone.....................................................64

Paragraphe 2. Le mécanisme institutionnel de l’exploitation de la zone


internationale des fonds marins.........................................................................65

A. L'Autorité internationale des fonds marins.....................................................65

B. L'Entreprise.....................................................................................................66

C. La chambre des fonds marins du Tribunal international du droit de la mer...66

Titre 2. Les espaces aérien et extraatmosphérique..............................................67

Chapitre 1. L’espace aérien.................................................................................67

Section 1. L'espace aérien national......................................................................67

Section 2. L'espace aérien international..............................................................68

Chapitre 2. L’espace extra-atmosphérique..........................................................69

Section 1. Le statut de 1'espace extra-atmosphérique, la lune et les corps


célestes................................................................................................................69

A. La dimension négative de la liberté de l'espace : la non-appropriation......69

B. La dimension positive de la liberté de l'espace : la liberté d'utilisation......70


77
C. Le statut particulier de la lune et des autres corps célestes.........................70

Section 2. L'immatriculation des objets spatiaux et la responsabilité.................71

A. Régime juridique de l'immatriculation........................................................71

B. Compétence et responsabilité de 1'Etat d'immatriculation..........................71

Table des matières...............................................................................................73

78

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