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DROIT
INTERNATIONAL ~
PRIVE
Troisième édition
François Rigaux
Professeur émérite de l'Université catholique de Louvain
Membre de l'Institut de droit international
Marc Fallon
Professeur ordinaire à la Faculté de droit de l'Université
catholique de Louvain
l
LARCIER
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domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.larcier.com
Imprimé en Belgique
TITRE 1
Définition du droit international privé
CHAPITRE 1 L'objet du droit international privé ........................................................ 19
2 TITRE
Méthodes de solution des conflits
de lois - Analyse descriptive
CHAPITRE 3 La règle de rattachement ......................................................................... 77
CHAPITRE 4 La règle d'applicabilité ........................................................................... 125
3 TITRE
Méthodes de solution des conflits
de lois - Analyse fonctionnelle
CHAPITRE 5 L'application de la règle de conflit de lois ............................................ 171
CHAPITRE 6 La détermination et la condition du droit étranger ............................ 219
CHAPITRE 7 L'application du droit étranger ............................................................. 281
TITRE 4
Droit judiciaire international
CHAPITRE 8 Sources relatives aux conflits d'autorités et de juridictions ............... 329
CHAPITRE 9 Règles générales de compétence internationale .................................. 365
CHAPITRE 10 Règles générales sur l'efficacité des décisions judiciaires
et des actes publics étrangers .. .. .. .. ...... .. ...... ...... ......... ... ... ..... ... .... .. .. ... 419
CHAPITRE 11 La procédure dans le contentieux transfrontière ................................ 467
6 ÜROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
TITRE 5
Règles spéciales
CHAPITRE 12 La personne et les rapports de famille ··························••oo••················· 489
CHAPITRE 13 Les biens .................................................................................................. 665
CHAPITRE 14 Les contrats· ............................................................................................ 763
CHAPITRE 1S Les obligations non contractuelles ....................................................... 917
CHAPITRE 16 Les personnes morales ........................................................................... 965
Table des articles du Code belge de droit international privé .................................. 1019
Il n'est pas inutile de rappeler brièvement la généalogie du présent ouvrage. En 1968 est
publié sous un format compact un Précis du droit international privé (650 p.). Une nou-
velle édition refondue et notablement plus ample était divisée en deux tomes, le premier
(1977) présentait la théorie générale (402 p.), le second (1979) intitulé Droit positif belge
était gros de 678 pages, l'édition suivante (1987 pour le tome I, 1993 pour le tome II)
augmentait encore le nombre de pages. À peu près vingt ans après, une mise jour deve-
nait indispensable. La matière du droit positif est, par nature, changeante mais avant de
considérer les raisons particulières qu'il y avait de publier la présente édition, il y a lieu
d'indiquer ce qui la distingue des précédentes. Une première différence est notable : la
condition des étrangers fera l'objet d'un volume séparé dont Jean-Yves Carlier a bien
voulu assumer la préparation. Cette matière a dès lors été séparée des conflits de juridic-
tions et des conflits de lois. En second lieu, la fusion de la théorie générale et du droit
positif a permis de faire l'économie de répétitions et de doubles emplois.
La récente entrée en vigueur du Code de droit international privé est la première jus-
tification d'une nouvelle présentation de cette matière. Mais ce n'est pas la seule. Les
sources du droit communautaire et la jurisprudence de la Cour de justice des Commu-
nautés européennes ont largement empiété sur le pré carré du droit étatique. Il ne s'agit
pas exactement d'un retour à l'universalisme du XIXe et du début du xxe siècle mais plu-
tôt d'une forme nouvelle du super-étatisme. Des principes nouveaux, érosion du critère
de la nationalité, primat des libertés communautaires fondamentales, se sont attaqués
au nationalisme des solutions traditionnelles de droit international privé. Il n'est pas cer-
tain que la citoyenneté européenne favorisera la constitution d'une Europe fédérale, de
ces Etats-Unis d'Europe que la pensée visionnaire de Victor Hugo apercevait à l'horizon.
Si le projet avait abouti, la Constitution européenne aurait sans doute été un pas dans
cette direction. Mais il faut avouer que les textes européens intéressant les spécialistes du
droit international privé rebutent par leur complexité et, trop souvent, leurs approxima-
tions, et qu'ils contribuent à donner une image très technocratique de l'Europe en forma-
tion.
Pour exposer et commenter de manière objective et critique les sources européennes
Marc Fallon était un guide indispensable, sans le savoir et la patience duquel le présent
ouvrage n'aurait pas été ce qu'il est. Non moins précieuse la contribution du professeur
Fallon à la présentation du Code de droit international privé à l'élaboration duquel il a
participé avec les membres d'autres Universités du pays et auquel il na pas cessé de croire
jusqu'à son complet achèvement. Pour la partie relative aux relations familiales il a béné-
ficié du concours de Jean-Yves Carlier. Les tables sans lesquelles un tel ouvrage serait inu-
16 ÜROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
TITRE 1
,
DEFINITION DU DROIT,
INTERNATIONAL PRIVE
CHAPITRE 1
L'OBJET DU DROIT
INTERNATIONAL PRIVÉ
1.1 - Bibliographie générale
Seuls sont indiqués ci-dessous les traités et manuels usuels. D'autres ouvrages généraux, ainsi que
les Mélanges, figurent dans la liste annexée en fin d'ouvrage.
a) Belgique
I. D'HAEYER, Overzicht van Belgisch internationaal privaatrecht (Gand, Mys & Breesch, 1998) ; J. ERAUW,
Beginselen van internationaal privaatrecht (Gand, Story, 1985); P. GRAULICH, Principes de droit internatio-
nal privé (Paris, Dalloz, 1961); ID., Introduction à l'étude du droit international privé (Liège, Fac. droit,
1978); A. HEYVAERT, Belgisch internationaal privaatrecht, een inleiding (Gand, Mys & Breesch, 2001);
J. MEEUSEN, Nationalisme en internationalisme in het internationaal privaatrecht (Anvers, Intersentia,
1997); G. VAN HECKE et K. LENAERTS, Internationaal Privaatrecht (Gand, Story, 1989); R. VANDER ELST,
Droit international privé - Règles générales des conflits de lois (Rép .. notarial, Bruxelles, Larcier, 1990).
b) Autres pays
Outre les cours généraux de droit international privé enseignés à l'Académie de droit international
et publiés dans le Recueil des cours, voy. : B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Grands arrêts de la jurisprudence fran-
çaise de droit international privé (Paris, Dalloz, 2001); A. ANTON et P. BEAUMONT, Private international
law: a Treatise from the standpoint of Scots law (Edimburgh, Green, 1990); B. AUDIT, Droit international
privé (Paris, Economica, 1999); T. BALLARINO, Diritto internazionale privato (Padova, Cedam, 1999);
H. BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit international privé (Paris, LGDJ, t. I, 1993, t. II, 1983); W. BINCHI,
Irish conflicts oflaw (Abington, Professional Books, 1986) ; M. BOGUSLAVSKY, Private International Law:
the Soviet Approach (Dordrecht, Nijhoff, 1988); A. BRIGGS, Conflictoflaws (Oxford Univ. Press, 2002);
L. BRILMAYER, Conflict of laws (Boston, Little, Brown & Cy., 1995, 2e éd.); A. BUCHER et A. BoNOMI,
Droit international privé (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2004); A.-L. CALVO CARAVACA et J. CARRAS-
COSA GONZALEZ, Derecho internacional privado (Grande, Comares, 2003), 2 vol.; D. CARREAU,
P. LAGARDE et H. SYNVET, Répertoire de droit international (Paris, Dalloz, 1998) ; J. CASTEL, Canadian
Conflicts of Laws (Toronto, Butterworths, 1994); J. COLLIER, Conflict of laws (Cambridge Univ. Press,
2001); L. COLLINS, Dicey and Morris on the Conflict of Laws (London, Sweet & Maxwell, 2000);
P. COURBE, Droit international privé (Paris, Dalloz, 2005) ; L. DE LIMA PINHEIRO, Direito internacional
privado (Coimbra, Almedina, 2002, 2003), 3 vol.; J. DoLLINGER, Direito internacional privado (Rio de
Janeiro, Renova, 1994); B. DUTOIT, Droit international privé suisse - Commentaire de la loi fédérale du
19 décembre 1987 (Bâle, Erweiterte Aufl., 2004) ; C. EMMANUELLI, Droit international privé québécois
(Montréal, Wilson & Lafleur, 2001); J. FERNANDEZ RozAS et S. SANCHEZ LORENZO, Curso de derecho
internacional privado (Madrid, Civitas, 1999); C. FoRSYTH, Private international law (Cape Town,Juta,
1990); GoLDSTEIN et GROFFIER, Droit international privé (Cowansville, Blais, 1998, 2003), 2 vol.;
J. GONZALEZ CAMPOS e.a., Derecho internacional privado (Madrid, Beramar, Eurolex, 1995), 2 vol.;
D. GUTMAN, Droit international privé (Paris, Dalloz, 2000) ; W. HAAK, Internationaal privaatrecht
20 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
(Deventer, Kluwer, 1994); H. HEIN! e.a., IPRG Kommentar (Zürich, Schulthess, 1993); A. JAFFEY,
Introduction to the conflict oflaws (London, Butterworths, 1997) ; F. JuENGER, Choice oflaw and multistate
justice (Dordrecht, Nijhoff, 1993); G. KEGEL et K. SCHURIG, Internationales Privatrecht (München,
Beck, 2003) ; F. KNOEPFLER et Ph. ScHWEIZER, Précis de droit international privé suisse (Berne, Stampfli,
1995) ;]. KROPHOLLER, Internationales Privatrecht (Tübingen, Mohr, 2004); Y. LoussouARN, P. BouREL
et P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES, Droit international privé (Paris, Dalloz, 2004) ; McCLEAN, The conflicts of
laws (London, Sweet & Maxwell, 2000) ; P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé (Paris, Mont-
chrestien, 2005); F. MELIN, Droit international privé (Paris, Gualino, 2002); P. MEYER, Droit internatio-
nal privé burkinabé et comparé (Namur, éd. Boland, 1993) ; A. MEZGHANI, Droit international privé
(Tunis, Ceres, 1991); F. MoNÉGER, Droit international privé (Paris, Litec, 2001); R. MouRA RAMos,
Direito internacional privado e constituiçao (Coimbra, Limitada, 1991) ; P. NORTH et J. FAWCETT, Private
international law (London, Butterworths, 1999) ; P. NYGH, Conflict of laws in Australia (Sydney, Butte-
rworths, 1995) ; J. PEREZ DE ARRILUCEA, The conflicts of laws in the development of the Basque civil law (Bil-
bao, Graficas, 1999); P. P!CONE, La riforma italiana del diritto internazionale privato (Padova, Cedam,
1998); F. PocAR, Il nuovo diritto internazionale privato italiano (Milano, Giuffrè, 1997);]. PONTIER,
Conflictenrecht: grondslagen, methoden, beginselen en belangen (Nijmegen, Ars Aequi Libri, 1997); M.
SCHMIDT, Die Reform des japanischen Internationalen Privatrechts (Koln, Heymann, 1992) ; A. ScHNYDER
et M. L!ATOWITSCH, Internationales Privat- und Zivilverfahrensrecht (Zürich, Schulthess, 2000) ; F. ScHO-
KWEILER et J.-C. WIWINIUS, Les conflits de lois et les conflits de juridictions en droit international privé luxem-
bourgeois (Luxembourg, Bauler, 1997); F. ScHWIND, Internationales Privatrecht - Lehr- und Handbuch
(Wien, Manz Ver!., 1990); K. SIEHR, Internationales Privatrecht (Heidelberg, Müller, 2001); ID., Das
internationale Privarecht der Schweiz (Zürich, Schulthess, 2002) ; E. ScOLES, P. HAY, P. BoRCHERS et S.
SYMEONIDES, Conflict oflaws (St. Paul, West Pub!., 2004) ; H.-J. SONNENBERGER, Münchener Kommentar,
Band 7, Internationales Privatrecht (München, Beck, 1998); P. STONE, The conflicts oflaw (New York,
Longman, 1995) ; L. STRIKWERDA, Inleiding tot het Nederlandse internationaal privaatrecht (Deventer,
Kluwer, 2002) ; E. SYKES et M. PRYLES, Australian private international law (Sydney, Law Book Cy.,
1991); H. THUE, Internasjonal privatrecht (Oslo, Gyldendal, 2002); M. TILBURY, G. DAVIS et B. OPES-
KIN, Conflict oflaws in Australia (Oxford Univ. Press, 2002); R. VAN RoOIJ et M. PoLAK, Private interna-
tional law in the Netherlands (Deventer, Kluwer, 1987, suppl., 1995) ; T. VIGNAL, Droit international pn·vé
(Paris, Dalloz, 2005) ; C. VON BAR et P. MANKOWSKI, Internationales Privatrecht (München, Beck,
2003) ; B. VON HOFFMANN et K. THORN, Internationales Privatrecht (München, Beck, 2005) ; R. WEIN-
TRAUB, Commentary on the conflict of law (Mineola, Foundation Press, 2001); Xu GuoJJAN et H. VON
SENGER, Internationales Privat- und Zivilverfahrensrecht der Volksrepublik China (Zurich, Schulthess,
1994).
c) Mélanges
Les mélanges offerts aux auteurs suivants contiennent des études de droit international privé :
R. Ago (Milano, Giuffrè, 1987), M. Ance! (Paris, Pédone, 1975),J. Andrassy (La Haye, Nijhoff, 1968),
A. Audinet (Paris, PUF, 1968), L. Baudouin (Montréal, Presses Univ., 1974), J. Baugniet (Bruxelles,
ULB, 1976), J. Basdevant (Paris, Pédone, 1960), D. Bastian (Paris, Lib. Techn., 1974), G. Beitzke
(Berlin, de Gruyter, 1979), A. Bilmanis (Leyden, Sijthoff, 1968), W. Bosch (Bielefeld, Gieseking,
1976), F. Bouckaert (Leuven, Univ. Pers, 2000), M. Bride! (Lausanne, Impr. réunies, 1968), H. Capi-
tant (Paris, Dalloz, 1939), R. Cassin (Paris, Pédone, 1969-1973), J. Dabin (Bruxelles, Bruylant,
1963), R. Dalcq (Bruxelles, Larcier, 1994), A. De Luna (Madrid, CSIC, 1968), de Magalhaes Collaço
(Coimbra, Almedina, 2002), R. De Valkeneer (Bruxelles, Bruylant, 2000), M. Domke (La Haye,
Nijhoff, 1967), U. Drobnig (Tübingen, Mohr, 1998), G. Droz (La Haye, Nijhoff, 1996), B. Dutoit
(Genève, Droz, 2002), H. Ficker (Frankfort, Metzner, 1967), A. Fettweis (Bruxelles, Story, 1989), K.
Firsching (München, Beck, 1985), G. Flatter (Lausanne, Payot, 1985), Ch. Fragistas (Univ. Thessalo-
nique, 1967-1971),J.-P. François (Leyden, Sijthoff, 1959), L. Frédéricq (Gand, Fac. droit, 1965), W.
Ganshofvan der Meersch (Bruxelles, Bruylant, 1972), M. Giuliano (Padova, Cedam, 1989),J. Gold
(Heidelberg, Recht & Wirtschaft, 1990), V. Gothot (Liège, Fac. droit, 1962), L. Graulich (Liège, Fac.
droit, 1957), P. Graulich (Ann. Liège, 1988), M. Gutzwiller (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1959),
P. Guggenheim (Genève, Fac. droit, 1968), P. Hébraud (Toulouse, Univ. Sciences sociales, 1981),
J. Heenen (Bruxelles, Bruylant, 1994), D. Holleaux (Paris, Litec, 1990), E. Jayme (München, Sellier,
2004), R.Jeanprêtre (Neuchâtel, Ides & Calendes, 1982), I.Joppe (Deventer, Kluwer, 2002), L.Julliot
L'OBJIT DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 21
de la Morandière (Paris, Dalloz, 1964), F. Juenger (Ardley, Transnational Pub!., 2001), Ph. Kahn
(Paris, Litec, 2000), Kayser (Aix, 1979), H. Kraus (Würzburg, Holzner, 1964), G. Kegel (Frankfort,
Metzner, 1978), Idem (Stuttgart, Kohlhammer, 1987), Idem (München, Beck, 2002), V. Knapp (Pra-
gue, Acad. tchécosl. des sciences, 1984), D. Kokkini-Iatridou (Dordrecht, Nijhoff, 1994), R. Kol-
lewijn et]. Offerhaus (Leyden, Sijthoff, 1962), E. Krings (Bruxelles, Story, 1991), M. Lachs (La Haye,
Nijhoff, 1984), P. Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), P. Lalive (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1993),
H. Lewald (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1953), K. Lipstein (Heidelberg, Müller Ver!., 1980),
Y. Loussouarn (Paris, Dalloz, 1994), G. Lyon-Caen (Paris, Dalloz, 1989), E. Mahaim (Paris, Sirey,
1935), A. Makarov (Zeitschr. ausl. offentl. Recht und Volkerrecht, 1958), F. Mann (München, Beck,
1977), P. Marchal (Bruxelles, Larcier, 2003), G. Maridakis (Athènes, 1963-1964), J. Maury (Paris,
Dalloz, 1960), Merryman (Berlin, Duncker, 1990), G. Morelli (Communicazioni e studi, vol. XIV,
1975), Müller-Freienfels (Baden-Baden, Nomos, 1986), K. Neumayer (Baden-Baden, Nomos, 1985),
P. North (Oxford Univ. Press, 2002), T. Perassi (Milano, Giuffrè, 1957), A. Pillet (Paris, Sirey, 1929),
L. Raucent (Bruxelles, Bruylant, 1992), M. Rheinstein (Tübingen, Mohr, 1969), O. Riese (Karlsruhe,
Müller, 1964), F. Rigaux (Bruxelles, Bruylant, 1993), G. Ripert (Paris, LGDJ, 1950), H. Rolin (Paris,
Pédone, 1964), P. Roubier (Paris, 1961), Ch. Rousseau (Paris, Pédone, 1974), J. Rubbelin-Devichi
(Paris, Litec, 2002), J. Sanchez-Cosiva (Caracas, 1975), R. Savatier (Paris, Dalloz, 1965), G. Scelle
(Paris, LGDJ, 1950), C. Schmitthoff (Frankfort, Athenaum, 1973), A. Schnitzer (Genève, Georg,
1979), W. Schonenberger (Fribourg, Ed. univers, 1968), F. Schwind (Wien, Manzsche Ver!., 1993),
R. Secretan (Montreux, Corbaz, 1964), Seferiades (Athènes, Panteios An. Sch. Polit. Epist., 1961),
K. Siehr (La Haye, Asser Inst., 2000), E. Steindorff (Dordrecht, Nijhoff, 1990), G. Streit (Athènes,
Pyrsos, 1939), F. Sturm (Univ. Liège, 1999), M. Udina (Milano, Giuffrè, 1976), N. Valticos (Genève,
BIT, 2004), R. Vander Elst (Bruxelles, Nemesis, 1986),J. Verzijl (La Haye, Nijhoff, 1958), M. Verwil-
ghen (Ann. droit, 2003, n° 3), F. Vischer (Zürich, Schulthess, 1983), E. Vitta (Milano, Giuffrè,
1994), A. von Mehren (Ardsley, Transnational Pub!., 2002), A. von Overbeck (Fribourg, Ed. univ.,
1990), C. Voskuil (La Haye, 1992), H. Wehberg (Frankfort, Clostermann, 1956), P. Weill (Paris, Dal-
loz, 1983), W. Wengler (Berlin, Interrecht, 1973), M. Wolff (Tübingen, Mohr, 1952), J. de Yanguas
Messia (Rev. esp. der. int., 1972), H. Yntema (Leyden, Sijthoff, 1961), I. Zajtay (Tübingen, Mohr,
1982), P. Zepos (Achène, Katsikalis, 1973), E. Zitelmann (München, Duncker, 1913), K. Zweigert
(Tübingen, Mohr, 1981).
d) Périodiques
Outre les cours publiés dans le Recueil des cours de l'Académie de droit international, les périodiques sui-
vants publient régulièrement des documents intéressant le droit international privé : International
and Comparative Law Quarter/y (Royaume-Uni),]ournal du droit international - Clunet (France),]ournal
of Private International Law (Royaume-Uni), Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts -
IPRax (Allemagne), Revue critique de droit international privé (France), Revista espanola de derecho interna-
cional (Espagne), Rivista di diritto internazionale privato e processuale (Italie), Yearbook ofprivate internatio-
nal law (Inst. suisse dr. comp.), Zeitschrift für ausldndisches und offentliches Privatrecht - Rabels Zeitschrift
(Allemagne).
1.2 - Présentation - L'objet du droit international privé se détermine selon deux élé-
ments. D'abord, quant au champ social étudié, celui-ci couvre toute situation de carac-
tère international de nature à soulever une question de droit privé. Ensuite, l'objet se
démarque en fonction du type de traitement appliqué à cette question, lequel est centré
sur la gestion d'une pluralité de systèmes juridiques.
22 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Section 1
1.5 - Un cas type - Un Italien qui exploite des maisons de prostitution à Londres recrute
à Bruxelles une jeune Belge à laquelle il feint de promettre le mariage. Dès qu'ils sont arri-
vés au Royaume-Uni, il lui fait conclure un mariage avec un autre homme ayant la natio-
nalité britannique et qu'elle ne reverra jamais. Ainsi protégée contre l'expulsion dont elle
aurait été menacée en raison de ses activités, elle acquiert la confiance du patron des mai-
sons de débauche. Quand celui-ci est exposé à des poursuites en Angleterre, il fuit avec
elle en Italie où ils se marient. L'époux meurt durant la nuit de noces.
LA SITUATION PRIVÉE CONFIGURÉE DANS L'ESPACE INTERNATIONAL 23
Le défunt laissait une considérable fortune immobilière en Angleterre, mais les pré-
tentions de la veuve sont combattues par les frères du défunt qui allèguent la nullité de
leur union pour vice de bigamie.
Le tribunal anglais auquel la veuve s'adresse pour faire constater la nullité du pre-
mier mariage rejette la demande. La même action est ensuite intentée en Belgique et
aboutit à l'annulation de cette union en raison de son caractère fictif
■ Sur ce cas, voy.: Gand, 26 avril 1973, R W. (1973-1974), col. 1886.
1.6 - Une perméabilité des systèmes - Ce cas illustre la dimension spatiale d'une situa-
tion de vie inspirant le mobile de la conclusion d'un mariage tenu pour valable dans un
pays, déclaré nul dans un autre pays.
C'est parce qu'une personne risque, en sa qualité d'étrangère, d'être expulsée du ter-
ritoire d'un État, qu'elle contracte mariage avec une personne ayant la nationalité de cet
État. Et c'est en raison de l'existence de cette première union qu'elle se déplace ensuite
dans un autre pays pour y contracter, enfin, une union véritable. C'est aussi après que lui
a été refusée l'annulation du premier mariage dans le pays de la célébration, qu'elle sou-
met une nouvelle demande dans son pays d'origine.
Assurément, de telles tribulations lui auraient été épargnées si elle avait pratiqué la
profession de son choix dans son pays d'origine ...
Le mobile trouve son explication dans la pluralité des systèmes juridiques. Cette plu-
ralité induit en premier lieu un phénomène de dépeçage de la situation de vie. C'est très
explicitement que la personne a cru pouvoir introduire une action dans son pays d'ori-
gine pour le motif que l'effet obligatoire du jugement britannique serait circonscrit dans
les limites du système juridique britannique. En raisonnant ainsi, le sujet de droit a par-
faitement perçu la réalité du relativisme juridique : qu'un mariage soit déclaré valable
dans un État n'empêche pas qu'il puisse être annulé dans un autre. C'est tirer parti d'un
cloisonnement entre les systèmes juridiques étatiques.
Dans l'exemple proposé, c'est toutefois le principe d'effectivité qui l'emportera: le
jugement porté sur la situation internationale dans l'ordre juridique anglais comman-
dera les conditions de dévolution successorale d'immeubles situés à Londres.
À y regarder de plus près cependant, pareille pluralité n'exclut pas toute relation
fonctionnelle entre les systèmes. Devant le tribunal belge, le demandeur n'hésite pas à
faire établir, à la fois, la validité du mariage conclu en Italie et la nullité du mariage con-
clu au Royaume-Uni. Dans l'un et l'autre cas, il est demandé à une autorité étatique de se
prononcer sur un acte public passé dans un autre État. N'y a-t-il pas quelque paradoxe à
compter sur les limites territoriales de l'effet d'une décision étrangère tout en admettant
qu'effet puisse être donné à un acte étranger?
Le paradoxe n'est qu'apparent. En effet, le« droit international privé» permet aussi
bien de reconnaître que de rejeter la force obligatoire d'une décision étrangère, comme de
se prononcer sur la validité d'un acte ou d'un fait passé à l'étranger.
1.7 - Une situation internationale - Le caractère « international » de la situation choisie
comme exemple est aisé à comprendre : entendue comme un complexe de faits formé de
deux mariages conclus dans des pays distincts, différents du pays d'origine de la protago-
niste, la situation comprend maints éléments d'extranéité, qui constituent autant de
liens rattachant celle-ci à l'un ou l'autre État. Et c'est précisément l'existence de ces élé-
24 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
ments d'extranéité qui fait surgir une difficulté spécifique que ne connaît pas le règle-
ment d'une situation interne, à savoir la détermination de la portée qu'il convient
d'attribuer à un acte, un fait ou une décision intervenus à l'étranger.
En ce sens, il y a place pour un corps de règles qui se prononcent sur de telles ques-
tions. Aussi, cette branche du droit mérite le qualificatif« international», sous l'angle au
moins de son objet, à savoir une situation présentant des points de rattachement avec
plus d'un système étatique.
1.8 - Une situation privée -Alors que la situation décrite attire surtout l'attention par
une dimension internationale fortement marquée, elle paraît plus banale, en revanche,
sous l'angle des intérêts en cause. Ceux-ci opposent des particuliers, à propos d'un litige
ayant pour centre de gravité une dévolution successorale. Il est banal qu'une personne allè-
gue la qualité de conjoint survivant pour faire valoir un droit sur la succession du défunt.
Les relations« privées» qui constituent l'objet propre d'une branche du droit, appelée
elle-même « droit international privé», ne se laissent pas identifier par la subdivision du
droit étatique qui les régit. Non seulement la distinction dogmatique entre droit public et
droit privé est élusive, mais si on qualifie le premier par la fonction dévolue à des organes de
l'autorité publique, ceux-ci ne sont pas absents de la sphère des relations privées.
Ill La célébration des mariages, les formalités de publicité immobilière, l'enregistrement des mar-
ques et des brevets, le contrôle des sociétés commerciales et la surveillance des activités financières,
le droit de la concurrence, la lutte contre les délits d'initiés et le blanchiment d'argent, la protection
des consommateurs, l'inspection des lieux de travail, autant de secteurs des relations sociales dans
lesquels toute distinction franche entre le droit public et le droit privé apparaît de moins en moins
praticable.
Section 2
Le droit international privé,
épicentre d'un conflit de systèmes juridiques
§ 1 LA PLURALITÉ DES ORDRES JURIDIQUES
1.10 - Le droit international privé, subdivision du droit étatique - La dispersion géo-
graphique des éléments constitutifs d'un rapport juridique, les frontières qui les séparent
les uns des autres et le monopole de l'exercice de la contrainte organisée que les États se
sont réservé sur l'étendue de leur territoire confèrent aux autorités et aux juridictions
étatiques un rôle majeur dans le règlement des relations privées « internationales » ou
« transfrontières ». Avant de vérifier dans quelle mesure le droit international privé est
une branche du droit étatique (voy. infra, n ° 1.20) et quelles sont ses méthodes propres
(voy. infra, section 4), il y a lieu de considérer le rôle de systèmes juridiques autres que les
multiples ordonnancements étatiques.
Certains États ont conclu des traités par lesquels ils limitaient leur compétence ou
en transféraient l'exercice à des autorités conventionnellement instituées par eux. Il s'agit
d'une politique particulièrement active dans l'espace géographique européen, d'abord
26 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
par l'institution du Conseil de l'Europe (Traité de Londres du 5 mai 1949), ensuite par le
Traité de Paris du 18 avril 1951, instituant la Communauté européenne du charbon et de
l'acier (CECA), puis par le Traité de Rome du 25 mars 1957, instituant la Communauté
économique européenne (CEE), suivi d'autres actes internationaux approfondissant
l'intégration européenne. Ces deux séries d'instruments se caractérisent par l'institution
d'un ordonnancement nouveau ayant une vie propre, normative et juridictionnelle, dont
l'autonomie concurrence celle des ordonnancements étatiques qui, en cas de conflit, doi-
vent céder devant la force obligatoire des ordres juridiques européens.
■ Ainsi, la Communauté européenne est vue, par la Cour de justice des Communautés européen-
nes, comme« un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité
[... ] leurs droits souverains» (C.J.C.E., aff. 26/62, 5 février 1963, Van Gend & Loos, Rec., 1963, p. 1).
De plus, cet « ordre juridique propre», « intégré au système juridique des États membres»,
s'impose à leurs juridictions : le droit communautaire se voit reconnaître une « prééminence»;
« issu d'une source autonome, [il ne pourrait,] en raison de sa nature spécifique originale», se voir
opposer une règle nationale (C.J.C.E., aff. 6/64, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL, Rec/, 1964, p. 585).
Non moins notables mais d'une nature toute différente apparaissent les ordonnan-
cements institués en marge des États et qu'on peut qualifier de transnationaux parce que
leurs protagonistes s'efforcent de soustraire à l'exclusivisme étatique des activités qui
transcendent les frontières nationales.
Ces divers systèmes juridiques ne seront considérés que dans la mesure où ils ont
une incidence sur le droit international privé proprement dit.
1.11 - Étiolement des concepts de nationalité et de territorialité - La nationalité et la
territorialité sont deux concepts communs au droit international et au droit internatio-
nal privé. Traditionnellement, ils occupent une place centrale dans le règlement des con-
tentieux transfrontières de droit privé (voy. infra, section 4). Cependant, les nouvelles
formes de coopération internationale ont eu pour effet de combattre les discriminations
liées à la nationalité des personnes (tant morales que physiques) et, par conséquent,
d'affaiblir la fonction du concept de nationalité. Unifiant un espace économique, le Mar-
ché commun a dû vaincre les résistances nationales, garantir la libre circulation des per-
sonnes et des biens et, en ce qui concerne les premières, poser en principe l'assimilation à
un national de chaque État membre des ressortissants des autres États membres. Ainsi la
nationalité a perdu une partie de sa pertinence, tout en demeurant significative au titre
de condition d'application du principe d'assimilation.
À la différence de la plupart des traités de réciprocité qui subordonnent à la qualité
de ressortissant d'un État contractant la jouissance des droits conventionnellement
garantis, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamenta-
les impose aux États contractants de reconnaître« à toute personne relevant de leur juri-
diction les droits et libertés» qui y sont définis (art. 1er). Sans doute l'idée de réciprocité
n'est-elle pas totalement absente puisque les États se sont engagés les uns vis-à-vis des
autres à respecter les droits et libertés énumérés dans la Convention. Mais « toute per-
sonne relevant de leur juridiction » désigne tous les êtres humains, quelles que soient
leur nationalité ou leur résidence et c'est en ce sens que la nationalité ne retrouve de per-
tinence que pour asseoir la volonté du maintien de mesures exceptionnelles à l'égard des
étrangers (notamment dans l'article 5, paragraphe 1er,f, ou dans l'article 16).
Les instruments d'intégration européenne ne sont pas non plus sans incidence sur
l'assiette territoriale du pouvoir: ils tendent à la formation d'un territoire élargi, sans que
LE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ, ÉPICENTRE D'UN CONFLIT DE SYSTÈMES JURIDIQUES 27
l'origine nationale d'un bien ou d'un produit ait perdu toute pertinence. En revanche, les
formes variées d'ordonnancements transnationaux s'efforcent de s'affranchir de la con-
currence des pouvoirs étatiques pour établir, indépendamment de ceux-ci - et des terri-
toires qu'ils régissent - des procédés autonomes de régulation juridique.
A. Le droit international
1.12 - La tradition du droit des gens - Régissant une société particulière, celle que les
États forment entre eux, le droit international ne saurait se désintéresser des relations
entretenues par leurs sujets respectifs. Ce n'est certes pas à dire que l'ordre juridique
international procure directement des règles partageant les compétences législatives,
juridictionnelles et administratives entre les différents États. Les normes qu'on peut y
trouver sont plutôt de nature prohibitive : elles disent assez clairement ce que l'État ne
peut pas faire sans porter atteinte à la compétence propre des autres États. Par exemple,
faire procéder par ses forces de police à une arrestation sur le territoire d'un autre État,
s'y emparer d'un bien ou d'un instrument de preuve qui y est localisé, ou encore exercer
un acte de poursuite contre une personne bénéficiant d'une immunité pénale en raison
de sa fonction (Cour internationale de justice, 14 février 2002, Affaire relative au mandat
d'arrêt du 11 avril 2000-République démocratique du Congo c. Belgique,]. T, 2002, 282).
À ses origines branche du droit naturel, le droit des gens (ius gentium) ne traçait pas
une séparation rigoureuse entre la sphère publique et la sphère privée, et jusqu'au milieu
du XIXe siècle la doctrine anglo-américaine incluait dans le law of nations la réglementa-
tion des rapports entre individus relevant d'États différents.
■ Pour les références, voy. notamment: F. RIGAUX, « lus communicationis et droit international
privé», in La Escuala de Salamanca y el derecho internacional en America. Del pasado al futuro (Universitad
de Salamanca, 1993), 67-76; ID.,« D'un nouvel ordre international à l'autre», in Souveraineté et mar-
chés internationaux à la fin du 2(Y siècle (Dijon, Travaux du Credimi, vol. 20, 2000), 695-697.
1.13 - La conclusion de traités internationaux dans les matières de droit privé - Parfois
soutenu par les groupes de pression appropriés, l'intérêt des États pour une réglementa-
tion commune des relations privées transfrontières s'est manifesté par la conclusion de
nombreux traités touchant aux matières du droit privé et, de manière plus spécifique, du
droit international privé. On en trouvera un examen succinct dans la section consacrée
aux sources de la matière (chap. 2, sect. 2), et de multiples traités internationaux sont
cités lors de l'examen de questions particulières.
28 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
1.14 - Le devoir des États d'avoir un système de droit international privé - Même si le
droit international positif ne contient, en dehors de ses sources conventionnelles, guère
de règles autres que prohibitives, il peut être affirmé qu'il impose aux États l'obligation
d'avoir un système au moins embryonnaire de droit international privé. L'État qui s'y
refuserait se placerait en dehors de la communauté internationale. Encore intensifiée par
la mondialisation de l'économie, la circulation des personnes et des biens serait totale-
ment paralysée si, à chaque passage de frontière, l'État sur le territoire duquel pénètre
une personne ou un bien devait reconstruire selon ses seules règles de droit matériel
interne l'identité ou le statut de la personne, les modes d'appropriation et de transmis-
sion du bien.
Il existe une forme de« droit acquis» (notion qui fait l'objet de développements par-
ticuliers, infra, n ° 6.38) à la permanence du statut personnel et de la maîtrise des droits
patrimoniaux.
cernent d'autres systèmes de règles de conduite, par exemple la morale, les mœurs, les usa-
ges mondains, le savoir-vivre. Toutefois, il existe des formes de contrainte autres que celles
qui sont exercées sur les biens (selon les voies d'exécution du droit procédural étatique, par
exemple les saisies) ou à l'égard des personnes (privation de liberté, peine de mort).
Bien loin d'être une anomalie ou une nouveauté, la forme de contrainte propre aux
ordres juridiques non étatiques est l'une des plus traditionnelles qui soient. Elle apparaît
en effet chez les populations nomades, et sa variété la plus brutale est l'exclusion du corps
social. L'homme ou la femme qui, dans une société primitive, est exclu du groupe et con-
damné à une vie solitaire, sans aucune protection sociale, est frappé d'une peine pire que
la prison et sans doute même que la mort. Dans les ordres juridiques transnationaux con-
temporains, la contrainte a un effet plus limité : celui qui contrevient aux règles sociétaires
est exclu du cercle de relations ou d'activités sur lequel le pouvoir transnational exerce un
contrôle exclusif. L'excommunication du fidèle, le boycott, la pratique du shunning dans
certaines confessions religieuses américaine, l'interdiction de participer à une compétition
sportive sont les exemples les plus connus d'une telle forme de contrainte.
1.19 - Emprise du droit transnational - La force de chaque ordre transnational résulte
de ce que ses frontières correspondent exactement aux limites du domaine matériel qui
lui est propre. À la différence du droit international, il a pour raison d'être l'élaboration
de normes adaptées à une catégorie particulière de situations privées internationales. Par
sa nature aussi, il se place en dehors du champ des ordres juridiques étatiques. Sans
doute l'État territorial pourrait-il interdire les activités ainsi réglées par des ordres juridi-
ques particuliers. Toutefois il a accepté de respecter certains droits et libertés fondamen-
taux - par exemple la liberté religieuse, le droit d'association, le droit de propriété, la
force obligatoire des contrats. De plus, eu égard au caractère transnational des ordres
juridiques particuliers, ceux-ci bénéficient d'une sorte de compétition entre les États.
Pour les extirper, il ne suffit pas de l'action unilatérale d'un seul État, il faudrait une
action convergente de tous les États, à laquelle la concurrence d'intérêts politiques et éco-
nomiques opposés a jusqu'ici fait obstacle.
Non seulement la plupart des États tolèrent l'action des pouvoirs transnationaux,
mais ils coopèrent avec ceux-ci: le C.I.O. négocie avec les États ou les autorités sportives
nationales l'organisation des jeux olympiques, les États concluent des concordats avec
l'Église ou accordent des subventions aux cultes reconnus, etc. Il arrive même que, de
manière indirecte, les ordres juridiques particuliers obtiennent le concours de la force
publique étatique pour la mise à exécution de leurs décisions : tel est notamment le cas
quand les organes d'un tel ordre juridique recourent à une institution du droit étatique,
le contrat, la propriété ou l'arbitrage.
111 Lors de la réunion du C.I.O. à Singapour en 2005, un chef d'État et le premier ministre d'un
autre État ont comparu devant les organes du C.I.O. pour soutenir la candidature d'une ville de
leurs pays respectifs à l'organisation des jeux de 2012.
forme un système complet. Seul sujet primaire du droit international, l'État est aussi le
seul à disposer d'un ordonnancement juridique apte à soumettre tout comportement à
une règle assortie d'une sanction.
Cela suppose d'abord la présence, dans le système étatique, d'un ensemble de règles
qui embrassent la généralité des situations humaines, alors que le droit transnational,
sectoriel par son objet, n'apporte aucune réponse à des questions situées en dehors de ses
préoccupations. Le droit international public, aussi, présente ce caractère de généralité en
ce qui concerne les relations entre les États. Ce caractère implique que le silence lui-même
peut être constitutif de règle: en l'absence d'une norme de comportement spéciale, le
droit étatique comme le droit international sont aptes à renvoyer à une norme générale
de leur propre système, fût-ce une norme purement permissive.
Pour être opérationnel, le système juridique a également besoin d'un ensemble insti-
tutionnel. Les institutions de l'État moderne sont aptes aussi bien, en amont de la règle, à
créer le droit que, en aval, à en assurer l'application effective.
Le droit étatique bénéficie ainsi d'une double supériorité sur le droit international
public.
Sous l'angle normatif, il donne non seulement réponse à l'ensemble des questions
qu'une situation humaine est de nature à soulever, mais encore peut-il prétendre à énon-
cer une règle déterminant les relations du système étatique avec d'autres systèmes étati-
ques. De son côté, le droit international public, en son état actuel, n'est pas en mesure de
fournir réponse à toute question concernant une situation humaine, car tel n'est pas son
objet. En ce sens, comme le droit transnational, le droit international public présente un
caractère sectoriel.
Sous l'angle institutionnel aussi, le système étatique dispose non seulement de
l'ensemble des organes nécessaires à l'élaboration de la règle de droit, mais encore est-il
muni des moyens de contrainte qui en forcent l'application. Un tel moyen n'est certes pas
fermé en soi au droit international public, mais son développement, en dehors de l'éta-
blissement d'une force d'intervention, reste embryonnaire. Bien plus, c'est de l'État que le
droit international public a besoin, non seulement pour participer à l'élaboration de la
règle, mais encore pour contribuer à son application.
1.21 - Autonomie des ordres juridiques - L'État est, indépendamment de l'ordre juridi-
que international auquel il appartient, un système autonome de pouvoir. L'action de
l'État dans son ordre interne n'est que très partiellement et très sporadiquement contrô-
lée par l'ordre juridique international. Les compétences exercées par chaque État dans
son ordre interne ne dérivent pas d'un ordre juridique hiérarchiquement supérieur, le
droit international. Les compétences de l'État sont originelles, il ne s'agit pas tant d'affir-
mer, comme on l'écrit parfois, que l'organisation de l'État a précédé l'institution d'un
ordre juridique international, que de constater l'émergence simultanée d'ordres juridi-
ques distincts, le droit international et les différents droits étatiques. Les rapports de sys-
tème entre le droit international et les ordres juridiques étatiques ne présentent qu'une
analogie lointaine avec la structure d'un État fédéral. L'intégration des entités fédérées à
l'État fédéral est beaucoup plus profonde que ce qu'on appelle parfois la subordination
du droit interne au droit international.
L'autonomie implique que l'État définisse lui-même les critères d'appartenance à la
société qu'il régit. La nationalité qu'il attribue à ses ressortissants est, pour un État, le
32 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
principal de ces critères. Le droit étatique appréhende aussi les personnes, les biens, les
situations qui se localisent sur son territoire et il institue les organes de son propre fonc-
tionnement. Aucun ordre juridique ne saurait s'immiscer dans l'organisation d'un autre
système de droit, également autonome. La notion d'effectivité est celle qui donne son
expression la plus adéquate à cette limite inhérente à tout ordre juridique. Un État ne
saurait décider quels sont les fonctionnaires d'un autre État ni se prononcer sur la vali-
dité des actes administratits dans l'ordre interne même de cet État.
Ainsi énoncé, le principe doit être entendu correctement : il est loisible à tout ordre
juridique de déterminer quel est, pour son propre fonctionnement, le droit en vigueur
dans un autre ordre juridique, ou quels sont les effets d'un acte administratif ou d'un
jugement qui y a été accompli, mais c'est pour les besoins limités de son propre fonction-
nement et sans qu'il puisse porter atteinte - sinon par la violence - à la manière dont les
autres sociétés s'organisent elles-mêmes.
1.23 - Règlement national des conflits de systèmes - Deux des facteurs précités condui-
sent à affirmer que le droit international privé procède à la solution des conflits de systè-
mes au moyen de règles de caractère national. Ces facteurs sont l'inaptitude du droit
international à régler la globalité des situations humaines et l'autonomie institutionnelle
des systèmes étatiques.
La proposition comporte deux éléments, à savoir que le droit international privé
procède par désignation du système compétent, et qu'il a un caractère national.
L'objet essentiel porte sur la désignation d'une règle apte à emporter une décision
sur le fond de la question en cause. En cela, la problématique ne diffère pas de celle qui
caractérise la réponse à toute question juridique soulevée par une situation privée pure-
ment interne. Elle revêt pourtant une dimension particulière, puisque la multiplicité des
systèmes juridiques subordonne à une opération intermédiaire le choix de la règle maté-
rielle pertinente, alors qu'une telle désignation ne suscite pas d'autre difficulté, à propos
d'une situation purement interne, que celle qui serait issue d'une formulation imprécise
des diverses catégories juridiques du système national en cause.
En d'autres termes, la recherche d'une règle matérielle adaptée à une situation privée
internationale doit normalement conduire à la désignation de règles établies par un
ordre juridique étatique. Bien plus, la mise en œuvre d'une protection juridictionnelle
suppose le recours à une autorité étatique, tant que le système étatique dispose du privi-
lège de la complétude.
Ill!Pour reprendre l'exemple décrit ci-dessus (n ° 1.5), la validité du premier comme du second
mariage ne peut s'apprécier que par référence à un droit national, à savoir, si l'on se laisse guider
par le bon sens, l'un de ceux avec lesquels la situation présente l'un ou l'autre point d'attache, le
Royaume-Uni par le lieu de célébration du premier mariage et la nationalité d'un partenaire, l'Italie
par le lieu de célébration de la seconde union et la nationalité d'un partenaire, la Belgique par la
nationalité du partenaire aux deux célébrations. On voit aussi que c'est à des juridictions nationa-
les que la personne s'est adressée, tantôt anglaise, tantôt belge. Et l'une des questions centrales
revient à se demander si la saisine d'une juridiction nationale emporte aussi la désignation des
règles matérielles susceptibles de commander le fond de la cause.
Si l'on comprend le rôle privilégié des autorités étatiques, le concept d'autonomie
du système étatique emporte aussi que l'autorité saisie ne puisse que se référer à une
norme émanant du système auquel cette autorité appartient, appelé système « du for».
Ceci explique que la règle visant une situation privée internationale quant au fond ne
peut qu'avoir un caractère national. En d'autres termes, il y a un droit international privé
belge comme il y a un droit international privé français, allemand, etc.
Le droit international privé étant «national», on perçoit l'ambiguïté de l'épithète
«international». Les Allemands ou les Néerlandais l'ont compris, qui parlent plutôt de
Internationales Privatrecht ou de Internationaal Privaatrecht, expressions pouvant se traduire
par « droit privé international». Il faut remonter aux travaux de F. Laurent (1880) pour
trouver l'expression« droit civil international». Une telle inversion des épithètes suggère
que le droit international privé est international par son objet davantage que par sa
nature, ce qui n'exclut pas nécessairement qu'il puisse, quant à sa source, trouver encore
inspiration dans le droit international public.
1.24 - Le concept de« droit interne» - L'expression est trop familière aux internationa-
listes pour ne pas être définie avec précision. Or elle véhicule des acceptions différentes
qui ont suscité pas mal d'ambiguïtés et de confusions.
34 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Selon un premier sens, le plus usuel dans la doctrine du droit international public,
« droit interne» s'oppose à « droit international» et désigne le droit étatique. L'ordre
juridique interne comprend de la manière la plus extensive l'ensemble formé par les nor-
mes et les institutions d'un État déterminé. Le droit international s'intéresse au fonction-
nement effectif d'un tel système, seul en mesure d'engager la responsabilité de l'État avec
lequel les juristes identifient l'ordre juridique interne.
C'est en droit international privé qu'apparaît une seconde acception du concept de
droit interne: celui-ci désigne parfois une partie seulement du droit national, celle qui
contient les règles directement applicables aux relations qui n'ont aucun caractère trans-
frontière ou dont les éléments étrangers ne sont pas pertinents pour la solution du litige.
La seconde acception a pour origine une constatation correcte : la majorité des rap-
ports juridiques réglés par un État n'ont pas d'attache avec aucun autre État. De tels rap-
ports ne suscitent aucune question de droit international privé et ils constituent la
prévision la plus usuelle de la quasi-totalité des lois et règlements de l'ordre étatique. Il
est correct d'appeler« droit matériel interne» ou« droit substantiel interne» l'ensemble
des règles conçues pour la vie juridique interne d'un État.
L'épithète « étranger» ne qualifie pas seulement le «droit». Dès lors que le droit
international privé affecte les biens et les personnes, de même qu'il s'adresse à des autori-
tés étatiques, le clivage s'établit aussi entre le national et l'étranger, ou entre les autorités
ou juridictions nationales et celles qui relèvent d'autres États.
Section 3
Les divisions du droit international privé
1.26 - Le conflit de lois - L'expression « conflit de lois» se réfère de manière imagée à la
situation de l'acteur social participant à une relation transfrontière et qui, face à la plura-
lité des droits étatiques contenant des règles de droit matériel aux solutions discordan-
tes, s'interroge sur la manière de se conduire pour agir conformément au droit.
LES DIVISIONS DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 35
droit international privé dans tous les pays : par leur objet, elles ne tendent pas à se pro-
noncer sur la détermination d'un intérêt propre à des relations entre particuliers. L'une
et l'autre portent sur une relation de la personne à l'État, pour déterminer tantôt le lien
d'allégeance, tantôt la faculté pour la personne de s'établir sur le territoire de l'État et d'y
jouir de l'ensemble des droits appartenant aux nationaux. Mais comme les conflits de
lois et les conflits d'autorités ou de juridictions, elles portent sur des situations trans-
frontières, relèvent de règles étatiques et leur mise en œuvre est de nature à engager lares-
ponsabilité de l'État à l'égard d'autres États. Bien plus, la détermination de la nationalité
et la condition de l'étranger exercent une influence sur les conflits de lois et les conflits
d'autorités ou de juridictions, la première chaque fois que cet élément est pertinent pour
désigner le droit ou le juge compétent, la seconde dès le moment où la loi d'un État éta-
blit une discrimination entre le national et l'étranger pour la jouissance ou l'exercice d'un
droit civil.
L'ampleur croissante de la matière de la condition de l'étranger justifie qu'un exposé distinct lui
Ill!
soit consacré dans un volume séparé. En revanche, le conflit de nationalités est inclus, dans cet
ouvrage, parmi les développements concernant la concrétisation des facteurs de localisation
(chap. 5, sect. 3).
1.29 - Partie générale et partie spéciale - La plupart des ouvrages de droit international
privé opèrent une distinction entre la partie générale et la partie spéciale. Il y va davan-
tage d'une commodité pédagogique que d'une division conceptuelle.
La partie générale, parfois qualifiée de théorie générale, analyse les règles positives
applicables à l'ensemble de la matière civile et commerciale. Ceci inclut une part explica-
tive centrée sur la compréhension des mécanismes qui gouvernent la solution d'un con-
flit de lois.
La partie spéciale couvre, matière par matière, les règles particulières de conflit de
lois et de conflit d'autorités ou de juridictions, en distinguant, selon les classifications
traditionnelles du droit privé, le droit de la personne et de la famille, le droit des biens, le
droit patrimonial de la famille, le droit des obligations. Le droit commercial ne donne
pas lieu, en droit international privé, à d'autre classification propre que le droit des socié-
tés. C'est que, selon le droit positif actuel, la plupart des questions de droit commercial se
laissent inclure aisément dans les catégories préconstituées du droit des biens (propriété
intellectuelle, sûretés, faillite) et du droit des obligations (contrats commerciaux). Ainsi,
le droit international privé moderne n'a encore guère assimilé la spécificité du droit com-
mercial, puisqu'il soumet celui-ci aux mêmes principes de solution que ceux qui régissent
le droit civil international.
Section 4
La méthode du droit international privé
1.30 - Originalité de la méthode - Le droit international privé se distingue du droit
international autant que du droit interne sous l'angle de ses méthodes. Le droit interna-
tional a pour vocation d'établir un ordonnancement unique des relations interétatiques.
Le droit interne assure l'application du droit national à des situations de caractère homo-
gène. L'un et l'autre conduisent à un règlement unique.
38 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Sous réserve de leur variété et des modalités qu'elles peuvent comporter (voy. infra
n° 5 3.51 et s.), les règles de droit international privé ont pour effet, au moins induit, de
déterminer le domaine spatial des règles de droit substantiel interne. Cela conduit à se
poser une question fondamentale : comment délimiter le domaine spatial des règles de
droit international privé elles-mêmes ? Cette question appelle des précisions sur la
notion de destinataire de la règle de droit, et sur la portée des concepts de territorialité et
de personnalité.
Pareille séparation des destinataires de la norme conduit dès lors à distinguer deux
aspects dans le concept de domaine spatial d'une règle. L'un, d'ordre formel, désigne la
« force obligatoire» de la règle de droit et l'autre, d'ordre matériel, «l'applicabilité» de
celle-ci. Le premier rend compte du commandement que le législateur adresse à ses auto-
rités pour qu'elles veillent au respect de la loi. Le second tend à déterminer quelles situa-
tions sont de nature à entrer dans les conditions d'application de la loi.
1.35 - Territorialité et applicabilité de la règle - Bien que les faits et les situations sur
lesquels s'exerce la compétence juridictionnelle soient, le plus souvent, localisés sur le ter-
ritoire de l'État ayant institué l'autorité qui en est saisie, il arrive que pareil exercice
s'étende à des faits localisés ailleurs, soit dans un espace commun (comme ce fut le cas
dans l'affaire du Lotus, relative à un abordage en haute mer), soit même sur le territoire
d'un autre État.
Que les organes d'un État exercent leur compétence (jurisdiction) à l'égard de faits
localisés hors du territoire de cet État, conduit à la deuxième acception du concept de ter-
40 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
La territorialité au sens matériel signifie qu'une règle de droit s'applique aux faits
localisés sur le territoire de l'État à l'ordre juridique duquel la règle appartient.
Quand l'autorité ou la juridiction d'un État exerce légitimement sa compétence à
l'égard de faits localisés sur le territoire d'un autre État, elle peut soit y appliquer sa pro-
pre loi, soit y appliquer la loi du second État (voire d'un État tiers), le plus souvent par la
médiation d'une règle de conflit de lois ayant force obligatoire dans l'État du juge.
1111Reconnaissant en principe à un État le pouvoir d'exercer sa compétence juridictionnelle à
l'égard de faits localisés hors de son territoire, l'arrêt Lotus ne se prononce pas (et il n'avait pas à le
faire) sur le choix entre les deux solutions qui viennent d'être distinguées. Si la première est rete-
nue, l'autorité ou le juge paraît conférer à sa propre règle de droit matériel interne une portée
« extraterritoriale » (au sens matériel), puisqu'il l'applique à des faits localisés hors du territoire de
l'État du for.
juridiction s'exerçant sur les personnes un caractère originel et principal. Ainsi, d'après Grotius:
« La juridiction (imperium) s'exerce ordinairement sur deux sujets, l'un principal, savoir les
personnes; et cela suffit quelquefois, comme dans une Armée d'Hommes, de Femmes, d'Enfants,
qui vont chercher à s'établir quelque part; l'autre accessoire, je veux dire, le lieu, qu'on appelle
Territoire» (De ;ure belli ac pacis, II, III, 4, traduction française par Jean BARBEYRAC).
Toutefois, comme l'immense majorité des nationaux résident en fait sur le territoire
national, où ils ont toujours le droit de pénétrer, la territorialité de la loi suffit à légitimer
dans la plupart des cas la compétence exercée par un État à l'égard de ses propres natio-
naux. Il n'est utile d'invoquer la nationalité du destinataire de la règle ou de l'injonction
faite en vertu de celle-ci, que si le sujet se trouve en fait hors du territoire national.
Il Deux arrêts de la Cour suprême des États-Unis offrent les exemples les plus caractéristiques de
l'exercice d'une compétence exclusivement fondée sur la personnalité de la loi.
Dans l'affaire Cook v. Ga/en, la Cour suprême a affirmé la constitutionnalité de la loi fiscale soumet-
tant à l'impôt un sujet américain domicilié au Mexique et dont tous les biens et les ressources
étaient localisés dans cet État.
L'arrêt Blackmer a été prononcé en matière pénale : le citoyen américain résidant à Paris et auquel le
consul des États-Unis a remis une invitation à comparaître comme témoin devant une juridiction
américaine peut être condamné à une amende du chef de contempt ofCourt s'il refuse de déférer à cet
ordre. Tout citoyen, où qu'il se trouve, a le devoir d'obéir aux injonctions du pouvoir judiciaire du
pays dont il a la nationalité et, le cas échéant, de regagner ce pays au premier appel.
Voy. : George W Cook v. Ga/en L. Tait, U.S. Collector of Interna/ Revenue for the District of Maryland, 264
U.S. 895 ( 1924) ; Harry M. Blackmer v. U.S. ofAmerica, 284 U.S. 421 (1932). Pour une discussion plus
détaillée de ces deux cas, et des références de doctrine américaine, voy. : F. RrGAUX, Droit public et droit
privé, §§ 152-154.
LA MÉTHODE DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 41
1.37 - Nationalité et force obligatoire de la règle - La personnalité des lois n'a de sens
qu'à l'égard de la première catégorie de destinataires de la règle de droit, à savoir les res-
sortissants de l'État en leur qualité de citoyens. Pour ce qui concerne les organes ou
agents de l'État, la nationalité de l'agent est, comme telle, privée de pertinence, même si
elle appartient aux conditions de recrutement des agents de l'État.
llllLa condition de nationalité pour l'accès à certains emplois publics de niveaux inférieurs tend
aujourd'hui à s'éroder. Ainsi, l'article 39, § 4, du traité CE soustrait aux dispositions sur la libre cir-
culation des travailleurs les « emplois dans l'administration publique». Une abondante jurispru-
dence de la Cour de justice a réduit la portée du maintien de cette discrimination en limitant celle-
ci aux emplois « comportant une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance
publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des
autres collectivités publiques» (voy. notamment: C.J.C.E., aff. C-473/93, 2 juillet 1996, Luxem-
bourg, Rec., 1996, I-3207). La Cour suprême des États-Unis a adopté une distinction similaire:
Sugarman v. Dougal!, 413 US 634,647 (1973).
Une théorie générale du droit international privé doit prendre en compte le fonc-
tionnement parallèle - et souvent conflictuel - de systèmes de droit autonomes. Encore
faut-il bien l'entendre: face à une situation particulière un ordre juridique procède à
l'évaluation qu'il juge appropriée; sans doute peut-il accueillir à cette fin des éléments
empruntés à un autre système juridique (par exemple par l'application d'une règle de
droit étranger), mais aux conditions qu'il fixe lui-même. Il en résulte que la même situa-
tion de vie risque de recevoir des qualifications différentes et, par conséquent, d'entraîner
des conséquences juridiques incompatibles selon l'ordre juridique dans lequel elle est
évaluée.
Supposons par exemple que deux étrangers se marient en Belgique. D'après leur loi nationale ils
Ill!
sont tenus de procéder à une cérémonie coutumière qui peut être célébrée devant un agent diplo-
matique ou consulaire. La loi belge impose que le mariage soit conclu devant l'officier de l'état civil
compétent. S'il n'est procédé qu'à une seule de ces deux célébrations, le mariage sera valable dans
un ordre juridique, nul dans l'autre. Pour éviter ce qu'on appelle en droit international privé un
mariage boiteux (matrimonium claudicans), il faut cumuler les deux célébrations, ce que les deux
États rolèrent.
Dans une autre hypothèse, le conflit est irrémédiable: le droit islamique interdit le mariage
Ill!
entre une femme musulmane et un homme qui n'appartient pas à l'islam. L'empêchement de
mariage du droit islamique entend s'appliquer à la femme dont le statut personnel est régi par ce
droit même si elle épouse un Belge en Belgique. Après la célébration civile dans ce pays (l'empêche-
ment de mariage prévu par la loi nationale de l'épouse étant écarté en vertu de l'exception d'ordre
public), le mariage est valable selon le droit belge (et dans les pays, tels la France ou l'Allemagne,
partageant sur ce point la conception belge de l'exception d'ordre public), mais non dans d'autres
pays faisant prévaloir les exigences du droit islamique.
Ill Pour un constat de commandements incompatibles, voy.: C.J.C.E., aff. C-148/02, 2 octobre
2003, Garcia Avelia, Revue (2004), 184, note P. LAGARDE, qui, à propos d'une demande de change-
ment de nom d'un Belgo-espagnol, stigmatise la situation dans laquelle se trouve le particulier
dont le nom a été enregistré à l'ambassade d'Espagne en vertu du droit espagnol, ainsi que dans les
registres belges de l'état civil en vertu du droit belge.
c) Le concept de validité se révèle relatif: chacun des deux pays fixe les conditions aux-
quelles un homme et une femme sont tenus pour valablement mariés dans l'ordre
juridique dont ils relèvent respectivement. La notion d'ordre juridique revêt ici une
signification très précise sans qu'elle puisse être localisée dans un espace physique:
partout où un organe de l'un des deux États sera invité à apprécier la validité du
mariage (ce qui inclut les agents diplomatiques et consulaires du pays considéré), il
se conformera aux règles ayant force obligatoire dans son ordre juridique (territoria-
lité au sens formel, voy. supra, n ° 1.34). La force obligatoire initiale appartient à la
règle de droit international privé appliquée par l'organe compétent.
d) Pour qu'un organe de l'État puisse apprécier la validité d'un acte juridique, il doit
être compétent à cette fin. Il s'agit ici de compétence administrative et, plus souvent,
juridictionnelle. La mise en œuvre des règles de conflit de lois d'un pays déterminé
est ainsi subordonnée à une détermination préalable de la compétence d'une auto-
rité de ce pays.
1.40 - Relativité de l'évaluation d'un rapport juridique transfrontière - Une situation
privée internationale ne saurait être appréciée d'une manière pouvant se prétendre
universaliste; elle doit nécessairement être soumise au crible de chacun des systèmes juri-
diques auxquels elle peut être rattachée.
Le praticien consulté par une étrangère musulmane ayant épousé un non-musul-
man ne saurait donner à la question de savoir si elle est célibataire ou mariée une réponse
ayant une valeur absolue. Le même comportement factuel - l'échange de paroles de con-
sentement devant l'officier de l'état civil - est un acte juridique selon un système de
droit, une apostasie d'après l'autre. Comme la situation des parties est inséparable des
qualifications juridiques qui s'y attachent, il faut nier toute relation d'identité entre les
deux évaluations. Les parties occupent dans chacun des deux ordres juridiques la place
que leur comportement y mérite.
De plus, selon les affinités que présentent les systèmes juridiques de pays tiers avec la
solution admise dans chacun des États seuls intéressés au moment pertinent pour une
éventuelle acquisition d'un droit, l'une ou l'autre de ces solutions prévaudra dans ces
pays-là. Face à une question qui comporte une réponse simple, affirmative ou négative
(un mariage est valable ou nul), tous les systèmes juridiques connus se répartissent en
deux groupes.
1.41 - Notion de for de référence - La prééminence de la perspective nationale autant
que la relativité de l'évaluation d'un rapport juridique transfrontière impliquent que nulle
question de droit international privé ne saurait être tranchée sans se référer aux autorités,
administratives ou juridictionnelles, d'un État déterminé, celles qui sont à même d'être
saisies d'une demande relative à l'un ou l'autre aspect de ce rapport juridique.
Dans la terminologie du droit international privé, cet État est qualifié d'État du for,
le« for» désignant l'autorité ou la juridiction appelée à statuer dans le cas individuel.
B. Technique de la simulation
1.42 - Liberté de circulation et soumission à la compétence étatique - Dans la mesure
où ils jouissent de libertés élémentaires, peuvent se déplacer, contracter, acquérir des
biens, nouer des relations juridiques avec des personnes relevant de la compétence
44 L'OBJIT DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
d'États différents, les acteurs sociaux autres que les organes étatiques doivent affronter le
pluralisme institutionnel et législatif des États. Les êtres humains résident ou se trouvent
nécessairement en un lieu soumis à la compétence territoriale d'un État (le cas échéant, à
bord d'un navire en haute mer, d'un aéronef en vol ou d'un engin spatial) et leurs biens, si
immatériels qu'ils soient à certains égards, obéissent à une exigence similaire de localisa-
tion. Ainsi, les acteurs sociaux sont, quant à leur personne et quant à leurs biens, non
moins nécessairement soumis à la compétence (jurisdiction) de l'un ou l'autre État.
La multiplicité d'espaces étatiques indépendants permet à certains acteurs sociaux
de choisir leur domicile ou leur résidence, parfois même leur nationalité, la localisation
de leurs biens, leurs partenaires à un contrat, l'environnement de leurs conditions de vie,
etc. Rendu possible par la jouissance de libertés formelles et par l'accès aux ressources
culturelles et matérielles adéquates, l'exercice de cette liberté de choix ne saurait être con-
fondu avec la loi d'autonomie en matière contractuelle. Certains acteurs sociaux parvien-
nent à placer effectivement leur personne et leurs biens sous la compétence d'un État ou
de plusieurs États déterminés. Mais que signifie exactement, pour une personne privée,
« être soumise à la compétence d'un État » ?
1.43 - Indétermination des droits subjectifs - Hormis le cas dans lequel une personne a
réussi à reconstituer autour d'elle un espace purement interne, par exemple, quand, après
avoir émigré, elle a acquis la nationalité du pays d'accueil, s'y est mariée avec une per-
sonne de même nationalité, ne possède pas de biens en d'autres pays, le passage d'un
espace territorial à un autre a pour effet d'engendrer une situation transfrontière.
Celui qui se trouve dans une telle situation se pose différentes questions relatives à
la consistance de ses droits subjectifs. L'acteur social placé dans une situation purement
interne, dont tous les éléments de localisation convergent vers le même État, peut se fier à
la plénitude formelle et à la cohérence de l'ordre juridique étatique. La difficulté propre à
l'acteur social placé dans une situation transfrontière est la double indétermination que
porte une telle situation : quel est le droit applicable, et en quel pays un juge tranchera-il
un éventuel litige ?
1.44 - La quête du juge ou forum shopping - Les deux questions fondamentales du droit
international privé ne se laissent pas séparer l'une de l'autre. Selon cette branche du droit
comme en droit interne, les parties à une relation non contentieuse évaluent leurs droits
respectifs par référence à la solution qu'atteindrait le juge en cas de litige.
1111La différence résulte toutefois de ce que les États déterminent la compétence internationale de
leurs juridictions selon des règles qui sont propres à chacun d'eux, ce qui entraîne le plus souvent
des conflits positifs. Ceux-ci sont d'autant plus fréquents que, à l'instar des règles de compétence
territoriale interne, la plupart des règles de compétence internationale ont un caractère alternatif
Dans le même État, des critères distincts sont utilisés : le domicile ou la résidence du défendeur, le
lieu de situation d'un bien, le lieu de formation et le lieu d'exécution d'une obligation, etc. Comme
il suffit qu'un de ces critères de compétence soit vérifié à l'égard de chacun des pays, dès que plu-
sieurs des éléments se localisent sur les territoires de pays distincts, les tribunaux de chacun de
ceux-ci pourront se déclarer compétents.
Le choix entre ces tribunaux est l'œuvre du demandeur, ce qui entraîne plusieurs
causes d'indétermination quant à l'issue d'un éventuel litige. Aussi longtemps qu'aucun
litige n'est né, il est malaisé de prévoir qui sera demandeur. Le lieu du domicile du défen-
deur est, par voie de conséquence, lui aussi insuffisamment prévisible. Quant au choix du
tribunal par le demandeur il sera fonction de deux éléments au moins: l'intérêt d'obtenir
lA MÉTHODE DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 45
une décision territorialement efficace, ce qui dépend encore de l'enjeu du litige, difficile-
ment prévisible avant que celui-ci ne soit né; l'espoir d'obtenir une décision favorable,
considération liée pour partie à la solution de conflit de lois qui sera retenue par le juge
sa1s1.
La force normative des règles de conflit de lois d'un pays est inséparable des disposi-
tions qui déterminent la compétence des autorités et des juridictions du même pays: les
premières ne sont applicables que dans les limites posées par les secondes. Il en résulte
que le domaine spatial des règles de conflit de lois est lui-même délimité par les règles du
conflit de juridictions. Cela explique pourquoi la répartition des compétences tradition-
46 L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
nellement attribuée au droit international n'a pas pour objet les méthodes selon lesquel-
les le juge ou l'autorité compétent choisit la loi applicable: dans les limites de sa
compétence administrative et juridictionnelle, l'État peut choisir les solutions de conflit
de lois qu'il estime appropriées.
Il en résulte aussi que les termes « relever de la compétence d'un État » signifient :
être soumis à la compétence juridictionnelle ou administrative d'un organe de cet État.
CHAPITRE 2
ÉCOLES ET SOURCES
DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
2.1 - Bibliographie
a) Histoire du droit international privé
G. BARILE, « La fonction historique du droit international privé», Recueil des cours (1965), vol. 115,
302 et s.; R. DELAUME, Les conflits de lois à la veille du Code civil (Paris, 1947); R. DE NOVA,« Historical
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droit international privé», Recueil des cours (1929), vol 29, 287-400; ID., Geschichte des Internationalpri-
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Sur la codification, voy. notamment, outre le tome IV des Mélanges Aga, Problèmes de la codification en
droit international privé: B. AUDIT, « Le droit international privé en quête d'universalité - Cours
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dans les autres États membres de la CEi au seuil du XXI< siècle», Clunet (1999), 413-434 ;]. ERAUW,
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l'action de l'Institut de droit international en matière de droit international privé», Mélanges
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dans lescodifications récentes du droit international privé en Europe (Paris, L.G.D.]., 1988), 531 p. ; A. VON
OVERBECK, « Les questions générales du droit international privé à la lumière des codifications et
ÉCOLES ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 49
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une codification du droit international privé», Mélanges Droz (La Haye, Nijhoff, 1996), 541-562.
Pour les études portant sur la récente codification belge, voy. infra, n ° 2.33.
d) Ouvrages anciens en Belgique
L. DE Vos, Le problème des conflits de lois (Bruxelles, Bruylant, 1947), 2 vol.; E. HAus, Du droit privé qui
régit les étrangers en Belgique et du droit des gens considéré dans ses principes fondamentaux et dans ses rapports
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e) Ouvrages à l'étranger
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LES ÉCOLES 51
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Section 1
Les écoles
§ 1 L'ÉCOLE DU DROIT NATUREL
2.2 - Le droit des gens selon Grotius - Bien qu'elle ne soit pas la première en date et
qu'elle n'ait abordé les questions spécifiques de droit international privé que de manière
accidentelle et incomplète, il convient d'évoquer d'abord l'École du droit naturel dont le
fondateur est un juriste hollandais du début du XVIIe siècle, Grotius.
L'apport essentiel de cette école appartient au droit international, appelé à cette épo-
que« droit des gens» (ius gentium). L'expression était ambiguë parce qu'en droit romain
et encore au début du Moyen Âge elle désignait un ensemble de règles de droit substan-
52 ÉCOLES ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
tiel applicables à ceux qui n'étaient pas soumis au droit civil (ius civile), réservé aux seuls
citoyens (cives).
Le glissement terminologique a été facilité par la confusion établie dès !'Antiquité et
maintenue durant le Moyen Âge entre ce ius gentium et le ius naturale (droit naturel): les
institutions qui, tels le mariage, le contrat, la propriété, étaient partagées par tous les
peuples et dont jouissaient les non-citoyens, avaient, sous l'influence de la philosophie
stoïcienne, été attribuées à un droit commun à tous les hommes. Ainsi identifié avec le
droit naturel, le ius gentium (droit des peuples plutôt que droit des gens) s'adaptait assez
bien à la situation de souverains qui, en l'état de nature de la société internationale,
n'étaient soumis à aucun autre droit que celui qui se laissait déduire de la raison natu-
relle.
Les deux traits les plus notables qui séparent l'École des statuts de l'École du droit
naturel sont les suivants :
a) À la différence de la seconde, la première a, dès l'origine et très nettement, admis
l'application par le juge d'une ville ou d'une principauté d'une disposition législa-
tive émanant d'un autre pouvoir territorial. Le choix du droit applicable fait l'objet
même du conflit de statuts, de coutumes ou de lois.
b) Plus fondamentalement, la doctrine des statuts épouse la perspective d'une souve-
raineté déterminée, elle systématise les solutions dégagées par la pratique judiciaire,
qui ne saurait être que celle des juridictions établies par les divers pouvoirs territo-
riaux - il serait anachronique de dire par les divers États. Alors que l'École du droit
naturel recherche a priori des solutions proprement internationales, c'est-à-dire
communes aux divers souverains de l'époque, l'École des statuts a des ambitions
plus limitées : aider les organes d'une souveraineté déterminée à résoudre, du seul
point de vue de celle-ci, les conflits de statuts que révèle la pratique des échanges
entre les sujets de divers souverains.
2.5 - Statuts réels et statuts personnels - La méthode smv1e par l'École des statuts
depuis ses origines jusqu'à la fin du XVIIIe siècle consiste à «qualifier» les statuts (les
règles de droit) en réels et en personnels.
Les statuts réels sont territoriaux, ce qui signifie tantôt qu'ils s'identifient avec la lex
fori, tantôt qu'ils sont déterminés par la localisation matérielle de l'élément pertinent du
rapport juridique : situation d'un bien, lieu de conclusion d'un acte, lieu d'un délit (lex rei
sitae, lex loci actus, lex loci delicti).
1111Les statuts personnels ne sauraient être confondus avec la notion internationale de personna-
lité des lois: en effet, jusqu'à la Révolution française, la nationalité ne joue aucun rôle, mais lesta-
tut personnel est lié au domicile, qui, au regard de la nationalité, ne constitue qu'une variété de
critère territorial.
En tant que statut personnel, la lex domicilii s'oppose au statut réel, soit que celui-ci
se confonde avec la lex fori, soit que la résidence ou la présence d'une personne sur le terri-
toire d'une souveraineté différente de celle de son domicile ou la circonstance qu'elle y
possède des biens ou y ait accompli un acte juridique la soumettent au droit de ce terri-
toire plutôt qu'à celui de son domicile.
Au xvre siècle, un magistrat breton, d'Argentré, s'efforce de conférer à la distinction
des statuts réels et des statuts personnels un tour plus systématique en affirmant que les
premiers sont la règle, les seconds l'exception. Ce faisant, il paraît bien identifier statut
réel et lex fori : le juge applique toujours son propre droit sauf s'il est démontré qu'un sta-
tut personnel évince le statut territorial. En cas de doute, la territorialité l'emporte sur la
personnalité. D'où l'adage, qui prévaudra en France jusqu'à la fin du XVIIIe siècle: En
principe, toutes coutumes sont réelles.
2.6 - Vers une théorie des conflits de lois - L'apport essentiel de la doctrine hollandaise
à la théorie du droit international privé fut l'œuvre d'Ulric Huber. Pas plus en France
qu'en Italie le conflit de statuts ou de coutumes n'avait une dimension proprement inter-
nationale. Quand le Parlement de Paris appliquait la coutume de Bretagne, il ne se réfé-
rait pas à un droit étranger au souverain au nom duquel la justice était rendue.
54 ÉCOLES ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Ainsi, c'est chez Ulric Huber que la notion de territorialité reçoit une signification
nouvelle, à savoir que les critères selon lesquels s'opère le choix du droit applicable sont
déterminés par la !ex fori.
§3 UNIVERSALISME ET POSITIVISME
2.7 - À la recherche d'un droit commun - Les traits distinctifs d'une école juridique ne
se laissent clairement dessiner qu'à la faveur de la distance prise par ses successeurs.
Ainsi, en droit international privé on n'a parlé d'« universalisme» qu'à la fin du XIXe siè-
cle, quand la jeune doctrine, qualifiée de « positiviste » - Kahn en Allemagne, Bartin en
France - a édifié des théories nouvelles condamnant toutes celles qui l'avaient précédée.
Ayant elle-même répudié la théorie des statuts, la doctrine qu'on appelle aujour-
d'hui «universaliste» et qui a couvert tout le XIXe siècle présente des tendances assez
diverses selon les périodes, selon les pays, mais aussi selon la personnalité ou le génie pro-
pre de ses principaux représentants. La doctrine universaliste professe qu'il existe une
méthode commune aux nations civilisées de l'époque pour résoudre les conflits de lois.
La diversité des droits substantiels internes serait corrigée par l'élaboration d'un système
uniforme de conflit de lois. À la vérité, avec ce que cette idée fondamentale a de trop systé-
matique, elle n'a été un facteur dominant que dans les pays d'Europe continentale et
d'Amérique latine, avec pour principaux représentants Savigny et von Bar en Allemagne,
Mancini en Italie, François Laurent et Albéric Rolin en Belgique, Weiss et Pillet en France,
ce dernier débordant largement sur le xxe siècle. Le plus grand conflictualiste de langue
anglaise au XIXe siècle, Story, juge à la Cour suprême des États-Unis, et, à la charnière du
xrxe et du xxe siècle, Dicey en Angleterre, se sont mieux gardés des illusions de la doc-
trine universaliste, plus attentifs aussi aux solutions de la jurisprudence des pays de com-
mon law.
LES ÉCOLES 55
1!11Sur la prétention de Laurent à édifier une véritable« science» du droit international privé à par-
tir du principe des nationalités et, d'une manière plus générale, sur l'apport de la doctrine belge à
l'universalisme du XIXe siècle, voy. F. RIGAUX, « Cent cinquante ans de droit international privé
belge», dans: Les grands arrêts de la jurisprudence belge (Bruxelles, Larcier, 1981), 22-30.
2.8 - Internationalistes et civilistes - Au XIXe siècle, le droit international privé n'a pas
encore acquis le statut d'une discipline autonome, ni à l'université ni parfois même dans
la littérature juridique. L'exemple le plus prestigieux est celui de Savigny: les observa-
tions très pénétrantes et très en avance sur leur temps qu'il consacre aux conflits de lois
ne forment qu'une partie du dernier volume d'un ouvrage qui en compte huit et fait la
synthèse du droit romain alors en vigueur en Allemagne. Divisé en deux parties, ce tome
VIII traite des conflits de lois dans le temps et des conflits de lois dans l'espace.
Avant le début du xxe siècle il n'y a guère d'auteur dont l'activité scientifique soit
principalement sinon exclusivement orientée vers le droit international privé. La plupart
se recrutent parmi les internationalistes, ce qui se comprend d'autant mieux que, dans les
universités, il n'y a pas, à cette époque, de chaire de droit international privé distincte de
la chaire de droit des gens. Dans certaines doctrines étrangères, notamment en Italie, en
Espagne et en Amérique latine, la double appartenance des internationalistes s'est pour-
suivie jusqu'à nos jours.
Tant qu'elle n'a pas acquis le statut d'une discipline autonome, la science des con-
flits de lois a été traversée par deux tendances dont on peut attribuer les origines respecti-
ves à la dualité des familles doctrinales dont les différents auteurs étaient issus,
internationalistes d'une part, civilistes de l'autre.
Au XIXe siècle, cette différence de formation et peut-être de tempérament a parfois
été plus notable que l'appartenance commune au courant universaliste. On peut ainsi
opposer des internationalistes comme sir Robert Phillimore ou Lorimer à des civilistes
tels Savigny ou Laurent.
111 Selon Phillimore, l'international jurisprudence couvre à la fois les rapports entre États et les rela-
tions entre individus (Commentaries upon International Law, t. I, 10-13). De même, Lorimer divise ses
Institutes ofthe Law ofNations en trois parties: il appelle droit public celui qui règle les rapports inter-
étatiques, droit public et privé, la matière qui traite des rapports entre l'État et les étrangers, droit
privé, celle qui a pour objet les conflits de lois (t. I, 4-5).
daise des statuts : le droit international privé est une branche du droit interne, il contient
les règles à l'aide desquelles les tribunaux d'un État déterminé résolvent les conflits de
lois qui leur sont déférés.
La division des internationalistes en publicistes et en privatistes a fait plus de tort
aux seconds qu'aux premiers. Le droit international général constitue, en effet, pour le
droit international privé un cadre de référence indispensable. Jointe à un parallélisme ter-
minologique critiquable (voy. infra, n ° 2.14 ), cette division a entretenu l'illusion que le
droit international public et le droit international privé sont deux branches du droit
parallèles, également autonomes, ayant des objets matériels distincts et dont les métho-
des ne doivent rien l'une à l'autre.
2.10 - L'école du droit comparé - Depuis le début du xxe siècle, la doctrine du droit
international privé s'est développée sur les fondements positivistes, profondément
empreints de la problématique judiciaire que lui avaient imprimée Kahn et Bartin.
Entre les deux guerres mondiales s'est constituée une école que, pour la distinguer
des doctrines universaliste et positiviste, Zweigert a appelée la « troisième école du droit
international privé». Son développement a coïncidé avec le renouveau de l'étude du droit
comparé : sans avoir renoncé au positivisme du début du siècle, les auteurs qui y appar-
tiennent sont, en général, moins ouvertement nationalistes que Bartin. Ils découvrent
que les problèmes clés, le renvoi, la qualification, l'ordre public, d'autres qui s'y ajoutent,
telle la question préalable (Vorfrage), élaborée en 1934 par Wengler, se posent aux juges
des différents pays en des termes assez semblables. L'autonomie conférée au droit inter-
national privé par Kahn et par Bartin permet à la génération qui leur succède d'ajouter au
positivisme le prestige de la méthode comparative.
1111 Voy. K. ZWEIGERT, « Die dritte Schule im internationalen Privatrecht », Mélanges Raape (1948).
Sur la méthode comparative en droit international privé, voy. aussi : E. BENDERMACHER-GEROUSSIS,
« La méthode comparative et le droit international privé», Revue hellénique (1979), 54-61; B. FAU-
VARQUE-CossoN, « Droit comparé et droit international privé : la confrontation de deux logiques à
travers l'exemple des droits fondamentaux», Rev. int. dr. camp. (2000), 797-818; lo., « Comparative
law and conflict oflaws: Allies or ennemies? New perspectives on an old couple», Am.]. Camp. L.
(2001), 407-428; H. KOCH,« Rechtsvergleichung im lnternationalen Privatrecht, Wider die Reduk-
tion des !PR auf sich selbst », RabelsZ (1997), 623-646; Y. LoussouARN, « Le rôle de la méthode
comparative en droit international privé français», Revue (1979), 307-339; M. TRAYNOR, « Conflict
oflaws, comparative law, and the American law institute », Am.]. Camp. Law (2001), 391-406.
2.11 - Vers une théorie générale -À la même époque, s'est structurée une théorie géné-
rale des conflits de lois qui, tout en devant beaucoup à Kahn et à Bartin, remet en ques-
tion certaines de leurs solutions. Quelques cours généraux professés à l'Académie de droit
international, ceux d'Ago et de Maury en 1936, celui de Lewald en 1939, donnent le ton.
Exception faite des deux premiers auteurs cités, le principal apport à la théorie générale
du droit international privé est, à cette époque, l'œuvre des doctrines allemande (Mel-
chior, Raape, Rabel, Wengler, Wolff) ou américaine (Beale, Cook, Lorenzen). Niboyet qui
domine la doctrine française jusqu'à l'immédiate après-guerre reste attaché à la doctrine
positiviste.
1111 Parmi les travaux portant sur la doctrine des 150 dernières années, voy. : P. FRANCESCAKIS, « Une
lecture demeurée fondamentale: les 'règles générales des conflits de lois' de Jacques Maury», Revue
(1982), 3-24; A. PONSARD,« L'œuvre de droit international privé du doyen Pierre Louis-Lucas», Clu-
net (1984), 211-240; F. RrGAUX, « Cent cinquante ans de droit international privé belge», Trav.
comité fr. d.i.p. (1980-1981), 17-41; A. VON OVERBECK,« L'influence de Meijers sur le droit internatio-
LES ÉCOLES 57
na! privé », WP.N.R ( 1980), n ° 5504, 78-89. Sur l'œuvre de Laurent et son contexte, voy. : J. ERAuw
e.a. (dir.), Liber Memorialis François Laurent (Bruxelles, Scory-Scientia, 1989).
IllL'incidence du droit communautaire sur le droit international privé pourrait être une illustra-
tion de cette école, dans la mesure où le régime de la circulation des marchandises, des services ou
des personnes est de nature à faire pression sur les règles de conflit de lois nationales en vue de
favoriser les intérêts des opérateurs privés.
§4 TERMINOLOGIE
2.13 - lus Gentium et droit international - Plusieurs auteurs du Moyen Âge, notamment
Isidore de Séville et Gratien, nous ont transmis une expression empruntée au droit
romain, ius gentium, qui acquerra au XV!C siècle, sous la plume de Vitoria et de Suarez,
l'acception précise qui est, aujourd'hui, celle du droit international. Elle fut traduite par
droit des gens, Law ofNations, Volkerrecht.
C'est à Jeremie Bentham, semble-t-il, qu'il faut attribuer l'expression International
Law, introduite dans un ouvrage publié en 1789 (An Introduction to the Principles of Moral
and Legislation, chap. XVII, § 25). Dès 1802, un auteur genevois, Étienne Dumont, adopte
l'expression « droit international» dans un ouvrage écrit en français (Traités de législation
civile et pénale).
2.14 - Conflit de lois et droit international privé - L'expression conflictus legum (conflit
de lois, conflict of laws) provient, semble-t-il, de la doctrine hollandaise. En 1689, pour la
première fois, elle apparaît en tête de la dissertation d'Ulric Huber : De conflictu legum
diversarum in diversis imperiis (voy. supra, n ° 2.6).
58 ÉCOLES ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
C'est à un auteur américain, Story, que l'on attribue généralement le mérite d'avoir,
en l'introduisant dans la première édition de l'ouvrage intitulé Commentaries on the Con-
flict of Laws (Boston, 1834), forgé l'expression Private international Law, par imitation du
néologisme adopté quelque quarante années auparavant par Bentham. C'est un auteur
allemand, Schaffner, qui, le premier, en usa dans son intitulé : Entwicklung des internationa-
len Privatrechts (Francfort, 1841 ), bientôt suivi de Foelix : Traité du droit international privé ou
du conflit des lois de différentes nations en matière privée (Paris, 1843).
Par souci de symétrie, et pour éviter toute confusion, on accola à l'ancien droit inter-
national l'épithète public, innovation qui, d'après Nys (Le droit international, Bruxelles,
1912, t. 1er, 65), qui la critique à juste titre, apparaît vers le milieu du XIXe siècle. Selon le
langage courant et même en certains écrits, l'expression« droit international» (internatio-
nal law) désigne encore le droit des gens à l'exclusion du droit international privé.
Sans être tout à fait adéquate, l'expression« droit international privé» est à ce point
entrée dans l'usage qu'il serait oiseux d'y substituer celle, aujourd'hui plus correcte, de
« droit privé international».
Section 2
Les sources
§1 LE DROIT INTERNATIONAL
Pareilles règles s'imposent à l'État, et leur violation par celui-ci engagerait sa respon-
sabilité à l'égard d'autres États. Quant à l'applicabilité de telles règles à des litiges entre
particuliers, son effectivité dépend de la conjonction de deux dispositions, empruntées
respectivement au droit international et au droit interne. Au premier il appartient de
déterminer quelles règles peuvent, par leur nature mais aussi par leur contenu, avoir un
tel effet. Au second il revient d'adapter son ordonnancement institutionnel en vue
d'assurer le respect de l'obligation qui pèse sur l'État dans l'ordre juridique international.
Ill La théorie del'« effet direct" a connu ses applications les plus poussées en droit communau-
taire. Simple « procédé technique qui permet à des droits créés dans un système d'être 'directe-
ment' applicables dans un autre" 0- VERHOEVEN, « L'application ou la prise en considération des
directives en droit belge», Rev. crit. jur. belge, 1998, 195-221, 217), l'effet direct, tel qu'il a été appli-
qué aux directives, a d'abord procuré au droit communautaire un moyen de sanction contre l'État
en situation de manquement à ses engagements internationaux. Voy. aussi, plus généralement: J.
VERHOEVEN, « La notion d'applicabilité directe du droit international», Revue belge (1980), 243-264.
Appliqué au droit primaire, l'effet direct a permis de conférer aux règles sur les différentes libertés
de circulation une force opératoire dans les litiges entre particulier, sans en exclure les litiges de
droit privé.
LES SOURCES 59
Cette règle laisse pratiquement au droit public interne de chaque État la détermina-
tion de sa nationalité, autant pour les besoins du droit international privé que pour ceux
du droit international. Celui-ci s'abstient de répartir lui-même les êtres humains entre les
différents États et il ne procure même pas de critère de répartition qui serait commun
aux États ou s'imposerait à eux.
Ill L'ordre juridique international connaît dès lors des conflits de nationalités qui lui sont propres
et qui ont pour objet la détermination de la nationalité d'une personne qui satisfait aux critères de
plus d'un État (pluripatridie) ou qu'aucun État ne reconnaît pour son national (apatridie). En cas
d'exercice de la protection diplomatique ou d'une action judiciaire internationale, la détermina-
tion de la nationalité d'une personne est nécessairement préalable à la solution du conflit interéta-
tique.
Cette répartition de compétences exclusives entérine en quelque sorte une vérité
proprement scientifique : il appartient à chaque ordre juridique de déterminer ses sujets
et ses destinataires ; or, la qualité de ressortissant d'un État définit une catégorie de per-
sonnes soumises à l'ordre juridique étatique en vertu d'un critère de nature personnelle,
qui n'est pas dépourvu d'analogie avec l'affiliation aux systèmes juridiques non territo-
riaux, par exemple à un droit religieux (voy. supra, n ° 1.17).
L'acte par lequel un État s'immiscerait dans la détermination de la nationalité d'un autre État
11111
est quasi totalement privé d'effectivité. Ce faisant, il ne saurait porter atteinte à la substance même
des effets de la nationalité, ceux que l'État qui l'a octroyée est seul à même de reconnaître dans son
propre ordre juridique. C'est bien dans l'ordre interne de l'État ayant conféré sa nationalité que
celle-ci produit ses principaux effets. Les droits subjectifs qui résultent de la qualité de ressortissant
d'un État s'exercent, pour l'essentiel, à l'égard de cet État et dans son ordre juridique. Voy. notam-
ment en ce sens: Cour internationale de justice, arrêt du 8 avril 1955, Nottebohm, CI.]. Recueil, 1955,
20.
Sans doute pourrait-on dire que la protection de la personne des étrangers est
incluse dans l'obligation générale de l'État de respecter les droits fondamentaux de
tout être humain. Une différence subsiste cependant, favorable à l'étranger, à savoir
que la coutume internationale reconnaît à l'État dont une personne a la nationalité
le droit d'exercer auprès de l'État qui a porté atteinte à un droit de cette personne
une action diplomatique alors que la personne ayant la nationalité de l'État qui
aurait violé ses droits fondamentaux ne saurait bénéficier d'une protection analo-
gue.
1111 Sur ce thème, voy. par exemple : J. FROWEIN (dir.), Le régime juridique des étrangers en droit national et
international (Berlin, Springer, 1987).
b) La nationalisation de biens appartenant à un étranger a aussi donné lieu à la formu-
lation de règles protectrices. Quelle qu'en soit l'exacte portée, la règle coutumière
offre aux biens des étrangers une protection dont ne sauraient se prévaloir les natio-
naux. Nul n'a jamais songé à prétendre que l'État qui exproprie sans indemnité les
biens de ses nationaux commet un fait illicite international.
1111 Sur les effets internationaux des nationalisations, voy. infra, n ° 13.23.
Dans les limites ainsi fixées par les sources de droit international, chaque État res-
treint comme il l'entend les droits auxquels un étranger peut prétendre dans son ordre
juridique. Le droit interne de la condition des étrangers est, pour l'essentiel, un catalogue
de droits dont la jouissance est soit refusée aux étrangers, soit subordonnée à des condi-
tions qui ne sont pas exigées des nationaux.
tions étatiques dans les espaces communs - en haute mer, à bord d'un aéronef en vol -
elles sont de plein droit licites puisqu'elles ne portent pas atteinte à la compétence coerci-
tive exclusive d'aucun État territorial.
Ill Le cas le plus flagrant de transgression de pareille compétence exclusive est l'arrestation d'une
personne sur le territoire d'un État par les autorités d'un autre État qui conduisent l'intéressé par
la force sur le territoire du second État, pour le soumettre, le cas échéant, à une procédure judi-
oaire.
Il Cette règle trouve une explication, à la fois dans le concept de « territorialité au sens formel "
qui commande les limites de la force obligatoire de la règle de droit (voy. supra, n° 1.34) et dans le
concept d'autonomie institutionnelle du système juridique qui emporte l'exclusivité de la compé-
tence des autorités étatiques sur le territoire (voy. supra, n° 1.21).
111Un accord international peut évidemment habiliter les autorités d'un État à user de contrainte
sur le territoire d'un autre État. On trouve un exemple classique de pareil accord dans les conven-
tions relatives au stationnement des troupes d'une puissance sur le territoire d'une autre. La disci-
pline et la justice militaires y sont exercées par les autorités compétentes et conformément à la loi
de l'État dont relève la troupe autorisée à stationner sur le territoire de la puissance alliée ou vain-
cue. C'est ainsi que la Cour suprême des États-Unis a décidé que la compétence exercée par les juri-
dictions militaires américaines en dehors du territoire des États-Unis devait respecter les garanties
prévues par la Constitution. Voy. en ce sens: Reid v. Covert, 354 U.S. 1 (1957), 14, 56.
Il Les pouvoirs exercés par les agents diplomatiques et consulaires en vertu du droit international
commun sont exclusifs de tout acte de coercition. Certaines conventions consulaires permettent
exceptionnellement l'accomplissement d'actes de contrainte.
ment de l'un de ses éléments significatifs : telle est par exemple la situation de personnes
quittant pour la première fois le pays d'origine où elles se sont mariées et ont eu des
enfants et se présentant à la frontière d'un autre État. Les qualités d'époux, de père et
mère, le nom, les droits d'autorité parentale exercés sur les enfants se sont constitués
dans un milieu «homogène», celui du pays d'origine. C'est donc en ce sens dérivé ou
analogique qu'il est permis de parler de situations homogènes qui relèvent cependant du
droit international privé : au moment où ont été « acquis » certains droits subjectifs, tels
la qualité d'époux ou un état de filiation, tous les éléments de la situation convergeaient
vers un seul État.
IllL'objection parfois faite à la théorie des droits acquis, à savoir que cette théorie préjuge la solu-
tion (quelle est la loi compétente pour décider qu'un droit est acquis?), ne paraît pas pertinente
quand un état a été tenu pour acquis selon le seul système juridique applicable au moment de cette
acquisition.
IllSur la distinction entre situations homogène et hétérogène, et la reconnaissance d'une compé-
tence exclusive de l'État en vertu du droit international, voy. les travaux de W. WENGLER, présentés
par F. R.IGAUX, « Une imposante synthèse allemande en droit international privé. Le traité du pro-
fesseur Wilhelm Wengler ", Revue (1982), 252-253.
B. La codification internationale
2.21 - L'élaboration de traités de droit international privé - Rien n'empêche les États
de conclure entre eux des traités tendant à uniformiser les règles de conflit de lois ou les
règles de conflit de juridictions. Ces traités peuvent être bilatéraux ou multilatéraux, et
peuvent avoir été conclus ou non à l'intérieur d'une organisation internationale.
La mise en œuvre d'un tel traité dans un cas particulier suscite une triple vérification
du domaine de l'instrument, concernant respectivement la délimitation de la matière, le
domaine spatial et le droit transitoire. La détermination du domaine spatial appelle,
dans une étude de droit international privé, un développement particulier. Le concept de
l'applicabilité« entre États contractants» est insuffisant à rendre compte de cette problé-
matique, puisque l'enjeu est l'application du droit conventionnel à une situation privée
qui, par définition, ne s'identifie pas à l'État : il convient alors de déterminer par des
règles spéciales à quelles situations internationales le traité est applicable (voy. infra,
n° 4.48).
Ill La détermination du champ d'application dans le temps du traité nécessite une distinction
entre force obligatoire et applicabilité. L'applicabilité d'un traité dans le temps suscite un problème
de droit transitoire distinct de sa date d'entrée en vigueur.
La fixation de la date d'entrée en vigueur suppose plusieurs opérations, dans l'ordre international
et dans l'ordre interne. Dans l'ordre international, le traité entre en vigueur la première fois par le
dépôt du dernier instrument de ratification requis à cette fin, mais il n'a de force obligatoire à
l'égard d'un État qu'à la suite de l'accomplissement de cette formalité par cet État. Dans l'ordre
interne, l'entrée en vigueur du traité suppose qu'il ait été satisfait aux exigences du droit constitu-
tionnel, par exemple l'assentiment des Chambres législatives.
2.23 - Amérique du Sud - Les codifications internationales les plus ambitieuses ont été
réalisées en Amérique latine. Portant le nom de son auteur, un juriste cubain, le Code
Bustamante (20 février 1928) est le plus complet de tous et le plus détaillé. Ont égale-
ment été élaborés à l'époque deux traités codifiant les règles de conflit de lois et signés à
Montevideo, l'un le 12 février 1889, l'autre le 19 mars 1940.
Les travaux ont été repris après la Seconde Guerre mondiale sous l'impulsion de
l'Organisation des États américains (O.E.A. - O.A.S.), instituée en 1948 et qui regroupe
les États des deux hémisphères. Un pas décisif a été franchi en 1975 par la convocation à
Panama de la 1re Conférence interaméricaine spécialisée sur le droit international privé
(CIDIP). La deuxième Conférence, qui s'est réunie à Montevideo en 1979, a adopté plu-
sieurs instruments dont le plus notable est la Convention sur les règles générales du droit
LES SOURCES 65
international privé, signée le 8 mai 1979. D'autres conventions ont été adoptées depuis
lors sur des matières particulières.
L'acte final des Conférences a été publié dans: /.L.M. (1979), 1211 et s.; (1990), 63 et s.; (1994),
1111
2.24 - Organisation des Nations unies - Il existe à l'O.N.U. une commission spéciale, la
Commission du droit international, ayant pour mission la codification du droit internatio-
nal. L'objet des travaux de la Commission intéresse parfois le droit international privé.
Quelques conventions internationales relatives à des matières de droit international
privé ont été préparées à l'O.N.U. On peut citer notamment les deux Conventions relati-
ves respectivement au statut des réfugiés (28 juillet 1951) et à celui des apatrides
(28 septembre 1954), la Convention de New York du 20 juin 1956 sur le recouvrement
des aliments à l'étranger, la Convention du 29 janvier 1957 sur la nationalité de la femme
mariée, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale
de marchandises (CVIM).
2.25 - Conseil de l'Europe - Les États membres du Conseil de l'Europe ont conclu plu-
sieurs conventions intéressant le droit international privé, par exemple la Convention
européenne du 6 mai 1963 relative aux conflits de nationalités, la Convention euro-
péenne du 7 juin 1968 relative à l'information sur le droit étranger, la Convention euro-
péenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de
garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants.
1111 Pour une présentation des travaux du Conseil de l'Europe, voy. le site: www.coe.int
2.26 - Commission internationale de l'état civil - La CIEC est une organisation inter-
nationale spécialisée dans les matières d'état civil. Elle a éloboré une série de conventions
internationales et de recommandations, à l'intention des États membres.
1111 Pour une présentation des travaux de la CIEC, voy. le site: www.ciecl.org
droit puisque, au sens strict, il ne vise que des mécanismes d'entraide, ces dispositions
permettaient la conclusion de traités dans le domaine des conflits de juridictions, une
extension à celui des conflits de lois étant plus problématique.
L'adoption de conventions de droit international privé entre États membres n'a
cependant pas attendu le traité de Maastricht. Le traité de Rome du 27 mars 1957 pré-
voyait déjà, dans le cadre de la Communauté, la négociation de conventions entre États
membres, « en tant que de besoin», en vue d'assurer, en faveur de leurs ressortissants,
notamment « la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la recon-
naissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires ainsi que des décisions
arbitrales » (art. 220, devenu art. 293 CE).
Œ Sur ce que l'article 293 CE n'a pas pour effet d'ôter la matière visée du champ des compétences
communautaires, voy.: C.J.C.E., aff. C-208/00, 5 novembre 2002, Uberseering, Rec. (2002), 1-9919,
indiquant que la mise en œuvre de l'article n'est pas indispensable à la reconnaissance, dans la
matière considérée, des droits fondamentaux dont le traité CE assure la protection au moyen
d'autres dispositions.
Œ L'article ne saurait avoir d'effet direct: C.].C.E., aff. C-336/96, 12 mai 1998, Gilly, Rec. (1998), 1-
2793.
2.28 - Les implications du régime des entraves aux échanges - Le traité CE établit, res-
pectivement pour les marchandises, les personnes, les services et les capitaux, un régime
de liberté de circulation dans l'espace intérieur de la Communauté. Les dispositions
organiques de ces libertés (art. 28, 39, 43, 49 et 56 CE) ne visaient certes pas à l'origine
d'éventuelles entraves résultant de l'application de règles de droit privé ou de droit inter-
national privé. Pourtant, de ces textes très synthétiques, la Cour de justice des Commu-
nautés européennes a donné une interprétation résolument extensive, après leur avoir
reconnu un effet direct.
Désormais, il n'est pas exclu qu'une règle nationale de droit privé, voire de droit inter-
national privé, puisse faire l'objet d'un contrôle de compatibilité avec le droit communau-
taire. Les termes exacts de l'implication du régime de liberté de circulation restent toutefois
encore incertains, du moins en ce qui concerne la matière des conflits de lois. La jurispru-
LES SOURCES 67
dence de la Cour de justice paraît suggérer l'existence, au moins, d'une règle de nature néga-
tive, interdisant à l'État d'opposer l'application de son propre droit dans un but de
protection de l'intérêt général - par exemple la protection du consommateur - lorsque le
droit du pays d'origine du produit ou du service suffit à assurer une telle protection.
!Ill Un contrôle d'une règle nationale de droit civil a été effectué, à propos des articles 1641 et sui-
vants du Code civil français, dans l'arrêt Alsthom Atlantique du 24 janvier 1991 (aff C-339/89, Rec/,
1991, 1-407). D'autres arrêts de la Cour concernent la caution judicatum solvi (voy. infra, n ° 11.23), la
force probante d'un acte de l'état civil (voy. infra, n ° 12.21) ou la translittération d'un nom (voy.
infra, n ° 12.28).
Une évaluation de la portée du régime de la liberté de circulation des travailleurs sur le contenu
d'une règle de conflit de lois a été effectuée par la Cour de justice, dans l'arrêt Boukhalfa (aff. C-214/
94, 30 avril 1996, Rec., 1996, I-2253).
1111De même, la détermination de l'applicabilité dans l'espace d'une loi de police au sens du droit
international privé se doit de respecter les exigences du principe de liberté de circulation (C.J.C.E.,
aff. C-369/96 e.a., 23 novembre 1999, Arblade, Rec., 1999, 1-8453).
La Cour de justice a eu l'occasion de stigmatiser l'absence, dans la matière considérée, d'un ins-
1111
§3 LE DROIT NATIONAL
2.30 - Le Code Napoléon - Des grandes codifications du XIXe et du xxe siècle, le Code
civil français de 1804 est celle qui contient le moins de règles de conflit de lois. Aux trois
dispositions générales placées sous l'article 3 s'ajoutent quelques règles particulières
LES SOURCES 69
dont certaines concernent plutôt la condition des étrangers ou les conflits d'autorités:
les articles 11, 13, 47, 170, 726, 912, 999 et 2128, la plupart de ces dispositions étant
aujourd'hui modifiées ou abrogées.
Les codifications de première génération ont lieu à la fin du XIXe siècle, le plus sou-
vent en même temps que l'adoption d'un Code civil, où les dispositions relatives au droit
international privé figurent dans un titre préliminaire. C'est déjà le cas de l'ancien Code
civil italien de 1866, aujourd'hui abrogé. Cette technique est également adoptée par le
Code civil allemand entré en vigueur le 1er janvier 1900 et précédé d'une Einführungsgesetz
(EG) - dont les articles 7 à 30 consacrés aux conflits de lois ont été remplacés en 1986 et
complétés en 1999 -, et fut reprise par le Code civil italien du 16 mars 1942 - dont les
dispositions ont été remplacées en 1995. En Suisse, le législateur fédéral a mis en vigueur
une loi spéciale, la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens
établis ou en séjour - remplacée en 1987.
D'autres pays, tels la Belgique, la France, le Luxembourg ou les Pays-Bas, n'ont pas
suivi ce premier mouvement de codification. L'existence de règles embryonnaires et épar-
ses de droit international privé a déplacé du législateur vers le juge la responsabilité de
créer des solutions de conflit de lois : la fonction ainsi attribuée à la jurisprudence est,
dans ces pays, tout à fait inhabituelle, puisque les relations privées dans l'ordre interne y
sont soumises à des sources d'origine législative qui s'imposent au juge.
1!11Les pays membres du Benelux ont conclu successivement deux traités portant loi uniforme rela-
tive au droit international privé, l'un du 11 mai 1951, l'autre du 3 juillet 1969, qui ne sont cepen-
dant jamais entrés en vigueur (voy. : N.I.L.R., 1976, 248). Sur les deux versions successives du projet
de loi uniforme Benelux, voy. : F. RrGAUX, « Le nouveau projet de loi uniforme Benelux relative au
droit international privé », 96 Clunet ( 1969), 334-360.
IllSur le thème du rôle du juge, voy. : F. RrGAUX, « Le juge, arbitre des conflits de lois », Mélanges
F Laurent (Bruxelles, Story-Scientia, 1989), 999-1006.
effectuée par l'adoption systématique de lois particulières, par exemple en matière de nom (Ned.
Staatsblad, 1989, n° 288), de mariage (Ned. Staatsblad, 1993, n° 514), de succession (IPRax, 2000, 59),
de filiation (Revue, 2002, 389). Ce travail est complété par la ratification de nombreuses conven-
tions internationales, notamment celles élaborées par la Conférence de La Haye de droit internatio-
nal privé.
Pour un recueil des textes, voy le site : www.overheid.nl
2.33 - Code belge de droit international privé - L'état des sources du droit internatio-
nal privé en Belgique, marqué par l'existence d'une disposition très synthétique,
l'article 3 du Code civil - antérieur à l'émergence du droit international privé en tant que
discipline autonome - et par l'apparition de dispositions très fragmentaires, a suscité
l'ouverture de travaux en vue d'une codification globale.
Entrepris en 1996 par un groupe d'universitaires à la demande du ministre de la Jus-
tice, ces travaux ont conduit au dépôt d'une proposition de loi le 1er juillet 2002 (Doc.
par!., Sénat, 2001-2002, n° 2-1225/1), devenue caduque par la dissolution des chambres
en 2003. Une nouvelle proposition a été déposée le 7 juillet 2003 (Doc. par!., Sénat, 2003-
2004, n ° 3-27/1). Elle a abouti à la promulgation de la loi du 16 juillet 2004 portant le
Code de droit international privé (Monit., 27 juillet 2004), entrée en vigueur le ier octobre
2004.
1111 Le texte peut être obtenu sur les sites suivants: www.moniteur.be; www.dipr.be.
Ill Le texte et les principaux travaux préparatoires ont été publiés par: J. ERAuw et M. FALLON, La
nouvelle loi sur le droit international privé (Bruxelles, Kluwer, 2004).
Un exposé des motifs de la loi peut être trouvé pour l'essentiel dans les développements de la
1111
varions sont largement inspirées des travaux de la Conférence de La Haye et des codifica-
tions nationales récentes, manifestant ainsi un souci d'ouverture au droit comparé et de
coordination des systèmes nationaux de droit international privé.
111 Comme premiers commentaires généraux, voy. : L. BARNICH, « Présentation du nouveau Code
belge de droit international privé», Rev. not. belge (2005), 6-67; H. BOULARBAH (dir.), « Le nouveau
droit international privé belge »,].T (2005), 173-203 ;J.-Y. CARLIER, « Le Code belge de droit inter-
national privé», Revue (2005), 11-46 ; J. ERAUW, « Het vernieuwde internationaal privaatrecht van
België wordt van kracht », R.W. (2004-2005), 121-132; M. FALLON,« Le droit international privé
belge dans les traces de la loi italienne dix ans après », Riv. dir. int. priv. proc. (2005) ; A. F10RINI, « The
codification of private international law: The Belgian experience », I.C.L.Q. (2005), 499-520; S.
FRANCQ, « Das belgische IPR-Gesetzbuch », RabelsZ. (2005).
Ill Pour une présentation du projet de Code, voy. déjà: J. ERAUW, « De codificatie van het Belgisch
internationaal privaacrecht met het ontwerp van wecboek I.P.R. », R.W (2001-2002), 1557-1565;
M. VERWILGHEN, « Vers un Code belge de droit international privé, présentation de l'avant-projet de
loi portant Code de droit international privé », Trav. Comité fr. d.i.p., année 1998-1999 (Paris, Pédone,
2001), 123-170.
2.34 - États-Unis - Aux États-Unis, où il n'existe pas de codification officielle des règles
de conflit de lois à l'exception de la Louisiane (Act n ° 923, 1991, Revue, 1992, 394), une
organisation non gouvernementale, l'American Law Institute a codifié sous forme de Resta-
tement les principales solutions de conflit de lois dégagées de la jurisprudence. Ces solu-
tions ne concernent qu'exceptionnellement un véritable problème de droit international
privé, s'appliquant le plus souvent aux conflits internes entre les lois des divers États
fédérés.
Le premier Restatement a été publié en 1934, sa rédaction ayant subi l'influence pré-
dominante de Joseph Beale. Son caractère systématique a suscité l'élaboration du Restate-
ment (2d) ofthe Law ofConflict ofLaws, publié en 1971, dont le rapporteur fut Willis Reese.
Ces Restatements ne sont pas des « lois » au sens formel, mais une œuvre de consolidation
purement doctrinale. Ils jouissent toutefois d'un grand crédit auprès des tribunaux et
des praticiens.
Ill Sur l'évolution du droit américain des conflits de lois, voy., outre les études de deux colloques
publiés respectivement dans !'Arn.]. Camp. L. (1982, 1-146) et dans la Mercer Law Review (1984, 419-
646), ainsi que plusieurs cours professés à l'Académie de droit international après la Seconde
Guerre mondiale : B. AUDIT, « A Continental Lawyer Looks ac Contemporary American Choice of
Law Principles », Arn.]. Camp. L. (1979), 589-604, and Cornrnents by F. K. JUENGER, 609-613; E.
BoDENHEIMER, « The Need for a Reorientacion in American Conflicts Law», Festschrift Mann (Mun-
chen, Beck, 1977), 123-142; L. BRILMAYER, « lnteresc Analysis and the Myth ofLegislacive Intent »,
Michigan L.R. (1980), 392 et s.; J. A. CARILLO SALCEDO, « Le renouveau du particularisme en droit
international privé», Recueil des cours, vol. 160 (1978-III), 181-264; M. GREEN,« Legal realism, !ex
fori, and the choice-of-law revolucion », Yale L.}. (1995), 967-994; B. HANOTIAU, Le droit international
privé américain (Paris, L.G.DJ., 1979) ; P. HAY,« The Interrelation ofJurisdiccion and Choice-of-Law
in United States Conlicts Law »,I.C.L.Q. (1979), 161-183 ; ID., « Flexibility versus prediccability and
uniformity in choice of law: Reflections on current European and United States conflicts law »,
Recueil des cours, vol. 226 (1991-I), 281-412; H. MAIER et T. McCoY, « A unifying theory for judicial
jurisdiction and choice oflaw », Arn.]. Camp. L. (1991), 249-292; A. HILL,« TheJudicial Function of
Choice of Law», Columbia L.R. (1985), 1585-1647; H. KAY, « A defense of Currie's governmental
interest analysis », Recueil des cours, vol. 215 ( 1989-II!), 9-204; G. SHREVE (dir.), A conflict-oflaws antho-
lo:;;y (Cincinnati, Anderson, 1997), 439 p. ; S. SYMEONIDES, « The American choice-of-law revolution
in the courts : Today and tomorrow », Recueil des cours, vol. 298 (2002), 9-448 ; M. TRAYNOR,
« Conflict of laws, comparative law, and the American law institute »,Arn.]. Camp. L (2001), 391-
406.
LES SOURCES 73
Pour un plaidoyer en faveur d'une codification, voy. : S. SYMEONTDES, « American choice of law at
the dawn of the 21st century », Willamette L.R., 37 (2001), 1-87.
Pour un manuel de droit international privé américain, voy. : L. BRILMAYER, Conjlict oflaws (Boston,
Little, Brown, 1995), 350 p.; E. ScoLES, P. HAY, S. SYMEONIDES, P. BoRCHERS, Conjlictoflaws (St. Paul,
West Pub!., 2004), 1565 p. ; R. WEINTRAUB, Commentary on the conjlict of laws (Mineola, Foundtion
Press, 2001), 810 p.
De leur côté, les relations économiques internationales obéissent à des règles pro-
pres fixées par le droit international spécial. Le commerce entre États, l'aide au dévelop-
pement, la monnaie, la réglementation des paiements internationaux font l'objet de
traités internationaux et ont suscité l'institution d'organisations internationales spéciali-
sées. Il s'agit d'une branche nouvelle du droit international, qu'on peut appeler droit
international économique (ou droit international de l'économie) et à l'intérieur de
laquelle d'autres subdivisions ont déjà été proposées: droit international financier,
monétaire, du développement. On peut aussi distinguer les organisations universelles
(O.M.C., F.M.I., B.I.R.D.) de celles qui ont un caractère régional (Communauté euro-
péenne) ou un objet sectoriel (l'énergie par exemple).
TITRE 2
,
METHODES DE SOLUTION
DES CONFLITS DE LOIS
ANALYSE DESCRIPTIVE
CHAPITRE 3
LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
3.1 - Bibliographie
On trouve les analyses principales de la structure de la règle de conflit de lois dans quelques cours
généraux faits avant 1940 à l'Académie de droit international, par Ago (1936), Lewald (1939),
Maury (1936) et Raape (1934) et dans les ouvrages de théorie générale de Melchior (1932), Neuhaus
(1976), Niederer (1954 et 1962), Keller et Siehr (1986).
a) Monographies
H. BATIFFOL, Aspects philosophiques du droit international privé (Paris, Dalloz, 1956, 2002, rééd.);
J.-M. BlsCHOFF, La compétence du droit français dans le règlement des conflits de lois (Paris, LGDJ., 1959);
A. BUCHER, Grundfragen, der Anknüpfungsgerechtigkeit im internationalen Privatrecht (Bâle, Helbing &
Lichtenhahn, 1975); W. DRASCH, Das Herkunftslandprinzip im Internationalen Privatrecht (Baden-
Baden, Nomos, 1997); L. DE WINTER, Naar een sociaal I.P.R., Een keus uit het werk van - (Deventer,
Kluwer, 1979); C. DuBLER, Les clauses d'exception en droit international privé (Genève, Georg, 1983);
B. FAUVARQUE-COSSON, Libre disponibilité des droits et conflits de lois (Paris, LGDJ, 1996); A. FLESSNER,
Interessenjurisprudenz im internationalen Privatrecht (Tübingen, Mohr, 1990); A. FUCHS e.a. (dir.), Les
conflits de lois et le système juridique communautaire (Paris, Dalloz, 2004) ; L. GANNAGÉ, La hiérarchie des
normes et les méthodes du droit international privé. Etude de droit international privé de la famille (Paris,
LG DJ, 2001) ; W Go LOSCHMIDT, Sistema y filosofia del derecho internacional privado con especial considera-
cion del derecho internacional privado espanol (2 vol. Barcelona, 1948) ; J.-L. HALPERIN, Entre nationalisme
juridique et communauté de droit (Paris, PUF, 1999);]. ]ITTA, La méthode en droit international privé (La
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lin, de Gruyter et Tübingen, Mohr, 1971); K. HELLER, Realitdt und Interesse im amerik. internat. Priva-
trecht (Wien, Osterr. Akad. Wiss., 1983); F. JUENGER, Choice of law and multistate ;ustice (Dordrecht,
Nijhoff, 1993); M. KELLER et K. SIEHR, Einführung in die Eigenart des Internationalen Privatrechts
(Zürich, Schulthess, 1979); F. KNOEPFLER, Les nouvelles conventions de La Haye de droit international
privé: études de leurs clauses d'adhésion et de leur rôle de lois-modèles (Neuchâtel, Imprim. Centrale, 1968) ;
D. KoERNER, Fakultatives Kollisionsrecht in Frankreich und Deutschland (Tübingen, Mohr, 1995); D.
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genti (Turin, Giappichelli, 1994, rééd.); P. MAYER, La distinction entre règles et décisions et le droit interna-
tional privé (Paris, Dalloz, 1973); R. NEUNER, Der Sinn der internationalprivatrechtlichen Norm (Prag,
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juridico externo y derecho internacional (Univ. Granada, coll. monogr., 22, 1973); R. PLAISANT, Les règles
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of Law, 1963) ; G. REICHELT, Gesamstatut und Einzelstatut im IPR Ein Beitrage zu die allgemeine Lehren des
78 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
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Nijhoff, 1970) ; K. SCHURJG, Kollisionsnorm und Sachrecht- Zur Struktur, Standart und Methode des inter-
nationalen Privatrechts (Berlin, Duncker and Humblot, 1981); H. STEIN, Plaats en tijd in het IPR
(Deventer, Kluwer, 1984); S. SYMEONIDES, Private international law at the end of the 20th century: Pro-
gress or regress? (La Haye, Kluwer, 1999) ; E. STEINDORFF, Sachnormen im internationalen Privatrecht
(Frankfort, Klostermann, 1958) ; A. THÜNKEN, Das k.ollisionsrechtliche Herkunftslandprinzip (Frankfort,
Lang, 2003); F. VON SAVIGNY, Traité de droit romain (Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2002, rééd.); W. WEN-
GLER, Internationales Privatrecht (Berlin, de Gmyter, 1981); M. WHINCOP et M. KEYES, Policy and prag-
matism in the conflict oflaws (Aldershot, Asgate Pub!., 2001); T. YEo, Choice oflaw for equitable doctrines
(Oxford Univ. Press, 2004).
b) Études générales
Parmi les travaux récents sur les fonctions de la règle de conflit de lois, voy.:
B. AUDIT,« Le caractère fonctionnel de la règle de conflit de lois», Rec. cours, vol. 186 (1984), 219-
398 ; H. BATIFFOL, « Les intérêts de droit international privé », Mélanges Kegel; ID., « Actualité des
intérêts du droit international privé», Mélanges Zweigert; D. BLIESENER, « Fairness and choice of
law : A critique of the political rights-based approach to the conflict of laws », Am. ]. Camp. L.
(1994), 687-710; L. BRU.MAYER,« Rights, fairness and choice oflaw », Yale L.]. (1989), 1277 et s.; ID.,
« The role of substantive and choice of law policies in the formation and application of choice of
law mies», Recueil des cours, vol. 252 (1995), 9-112; A. BUCHER,« Sur les règles de rattachement à
caractère substantiel», Mélanges Schnitzer, 37-55; ID., « Über die raumlichen Grenzen der
Kollisionsnormen », Festschrift Vischer, 93-105; ID., « Vers l'adoption de la méthode des intérêts?
Réflexions à la lumière des codifications récentes», Trav. Comité fr. dr. int. pr. 1994-1995 (Paris,
Pédone, 1996), 209-228; J. CARRILLO SALCEDO, « Le renouveau du particularisme en droit interna-
tional privé», Recueil des cours (1978-II), vol. 160, 181-264; T. DE BOER,« Facultative choice oflaw:
The procedural status of choice-of-law mies and foreign law », Recueil des cours, vol. 257 ( 1996), 223-
428; R. DE NovA,« Rilevanza del contenuto delle norme in conflitto nella determinazione tradizio-
nale della lege applicabile », Riv. dir. int. priv. proc. (1978), 241-250; J.-L. faHOUEISS, « L'élément
d'extranéité préalable en droit international privé», Clunet (2003), 39-85; D. EVRJGENIS, « Les ten-
dances doctrinales actuelles en droit international privé», Recueil des cours, vol. 118 (1966-II), 309-
428; H. GAUDEMET-TALLON, « L'utilisation des règles de conflit à caractère substantiel dans les con-
ventions internationales», Mélanges Loussouarn, 181-192; A. GIARDINA,« The Italian constitutional
Court and the conflict oflaws », Mélanges von Overbeck; J. GONZALEZ CAMPOS,« Diversification, spé-
cialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé», Recueil des
cours, vol. 287 (2002), 9-426 ; P. GOTHOT, « Simples réflexions à propos de la saga du conflit des
lois», Mélanges Lagarde, 343-354; P. GRAULICH, « La signification actuelle de la règle de conflit»,
Mélanges P. Weill, 295-302, Ann. Liège (1988), 9-15; R. GRAVESON,« The Special Character of English
Private International Law», N.I.L.R. (1972), 31-41; ID., « The Origins of the Conflict of Laws »,
Mélanges Zweigert, 93-107; ID.,« The Contribution of Private International Law and Comparative
Law to International Harmony and Understanding », Mélanges Lachs, 109-119; P. Herzog,
« Constitutional limits on choice of law », Recueil des cours, vol. 234 (1992-III), 239-330; T. HoYA,
« Marxism and International Private Law», Columbia]. Transn. L. (1985), 265-280; E. ]AYME,
« Identité culturelle et intégration, Le droit international privé postmoderne »,Recueil des cours, vol.
251 (1995), 9-267; F. JUENGER, «Jurisdiction, choice of law and the elusive goal of decisional
harmony », Mélanges Voskuil, 137-148; ID.,« The problem with private international law », Mélanges
Siehr, 289-310; F. KNoEPFLER, « Utilité et dangers d'une clause d'exception en droit international
privé», Mélanges en hommage à R. Jeanprêtre (Neuchâtel, Ides et Calendes, 1982), 113-128;
P. LAGARDE, « Développements futurs du droit international privé dans une Europe en voie
d'unification : quelques conjectures », RabelsZ (2004), 225-243 ; R. LEFLAR, « The Nature of Con-
flicts Law», Columbia L.R. (1981), 1080-1096; Y. LoussouARN, « La règle de conflit est-elle une règle
neutre?», Trav. Comité fr. d.i.p. (1980-1981), 43-68; P. MAYER, « Droit international privé et droit
international public sous l'angle de la notion de compétence », Revue ( 1979), 1-31 ; J. MEEUSEN, « De
invloed van 'selectief nationalisme' in het Belgische conflictenrecht: analyse en evaluatie », TP.R.
(1997), 1399-1466; W. MüLLER-FREIENFELS, « Conflicts of Law and Constitutional Law», Univ. Chi-
lA MÉTHODE DE SOLUTION DES CONFLITS DE LOIS 79
cago L.R. (1978), 598-611; F. MoscoNI, « Qualche interrogativo in tema di uniformità internazio-
nale delle soluzioni e di criterio della cittadinanza », Riv. dir. int. priv. proc. (1999), 421-436; H. Mum
WATT, « Droit public et droit privé dans les rapports internationaux (Vers la publicisation des con-
flits de lois?)», Arch. phi!. droit (1997), 207-214; Io., « Les principes généraux en droit international
privé français», Clunet (1997), 403-415; Io., « Globalisation des marchés et économie politique du
droit international privé», Arch. phil. droit (2003), 243-262 ; P. H. NEUHAUS, « Abschied von
Savigny?», RabelsZ. (1981), 4 et s.; E. O'HARA et L. RIBSTEIN, « From politics to efficiency in choice
of law », Univ. Chicago L.R. (2000), 1151-1232 ; B. ÜPPETIT, « Le droit international privé, droit
savant», Recueil des cours, vol. 234 (1992-III), 331-434; P. PlCONE, « Les méthodes de coordination
entre ordres juridiques en droit international privé», Recueil des cours, vol. 276 (1999), 9-296 ;]. PON-
TIER, Conflictenrecht: grondslagen, methoden, beginselen en belangen (Nijmegen, Ars Aequi, 1997); F.
RIGAUX, « Loi et jurisprudence dans la matière des conflits de lois», Rev. crit. jur. belge (1979), 121-
130; Io., « L'internationalisation du droit étatique», Rev. dr. int. dr. comp. (1983), 91-104; Io.,
« Espace et temps en droit international privé», Rev. interdise. études jur. (1989-22), 107-124; Io.,
« Droit privé matériel et règles de conflit de lois», Rev. belge dr. int. (1991), 385-397; K. RoosEVELT,
« The myth of choice of law: Rethinking conflicts », Michigan L.R. (1999), 2448-2538; J. SAUVE-
PLANNE, « New Trends in the Doctrine of Private International Law and their Impact on Court
Practice », Recueil des cours (1982-II), vol. 175, 9-98; K. SCHURIG, « Interessenjurisprudenz contra
Interessenjurisprudenz im IPR, Anmerkung zu Flessners Thesen », RabeslZ (1995), 229-244; F.
ScHWIND, « Aspects et sens du droit international privé »,Recueil des cours, vol. 187 (1984), 9-144; K.
SIEHR, « Okonomische Analyse des Internationalen Privatrechts »,Mélange K. Firsching, 269-294; M.
SosNIAK, « Considérations sur l'étendue et l'objet du droit international privé», Pol. Yearbook I.L.
(1983), 165-178; G. UBERTAZZI, « Règles de non-discrimination et droit international privé »,Recueil
des cours (1977-IV), vol. 157, 333-414; L. STRIKWERDA, « Interest analysis: No more chan a 'protest
sang'?», Mélanges Voskuil, 301-314; S. SYMEONIDES, « The American choice-of-law revolution in the
courts: Today and tomorrow », Recueil des cours, vol. 298 (2002), 9-448; P. VALI.INDAS, « La structure
de la règle de conflit», Recueil des cours (1960), vol. 101, 327-380; V. VAN DEN EECKHOUT, « De
wisselwerking tussen materieel recht en internationaal privaatrecht: eenrichtings- of twee-
richtingsverkeer? », R.W. (1999-2000), 1249-1264; S. VRELLIS, « La justice matérielle dans une codi-
fication du droit international privé», Mélanges Droz, 541-562; W. WENGLER, « Les principes géné-
raux du droit international privé et leurs conflits», Revue (1952), 595-622; Idem, « The general
principles of private international law », Recueil des cours, vol. 104 (1962-III), 273-465; Io., « Les con-
flits de lois et le principe d'égalité», Revue (1963), 203-231, 503-527.
3.2 - Présentation - Parmi les techniques de solution du conflit de lois, la règle de ratta-
chement occupe une place privilégiée. Son analyse constitue le noyau de la compréhen-
sion du droit international privé. Elle suppose un examen général de la règle en tant que
méthode de solution d'un problème particulier. Elle exige aussi une connaissance précise
de ses éléments constitutifs. Enfin, il paraît approprié d'énoncer, dès l'abord, le contenu
des principales règles de rattachement, dispositions générales dont l'application à des
matières particulières fait l'objet du titre V de cet ouvrage.
Section 1
plus que celle-ci donne aisément une apparence de neutralité à l'égard d'une politique de
droit matériel.
§ 1 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
COMME RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
3.4 - Pluralité de méthodes - La branche des conflits de lois a pour objet le choix du
droit applicable aux situations présentant un élément transfrontière au moment où elle
sont soumises à l'évaluation d'un organe étatique (voy. supra, n ° 1.38). L'exercice (au
moins hypothétique) d'une compétence administrative ou juridictionnelle est insépara-
ble de la méthode des conflits de lois : toute règle de conflit appartient nécessairement à
un système étatique de droit international privé et la portée normative de pareille règle
est non moins nécessairement limitée aux situations relevant de la compétence adminis-
trative ou juridictionnelle de l'État au droit duquel elle est empruntée (voy. supra,
n ° 1.20).
Plusieurs méthodes s'offrent à l'État pour désigner le droit applicable à une telle
situation, pluralité que confirme la pratique.
La méthode sans doute la plus séduisante d'un point de vue conceptuel consiste à
éliminer le conflit de lois par l'élaboration de règles matérielles communes aux différents
États dont les droits sont en concours. Il suffirait alors d'appliquer directement ces dis-
positions, sans devoir choisir, parmi les systèmes étatiques en présence, celui qui doit être
appliqué.
Pour séduisante qu'elle soit, cette méthode n'est pas généralisée. Plutôt récente, elle
repose sur la possibilité d'obtenir un accord entre États, de préférence entre un nombre
significatif d'États. Malgré son intérêt, la méthode d'uniformisation du droit matériel n'a
pas encore cessé d'être marginale.
1111 Dans le contexte de l'Union européenne, des voix, souvent issues des milieux universitaires, se
font entendre en faveur de l'élaboration d'un « Code civil européen », sinon pour l'ensemble de la
matière civile, du moins pour des disciplines entières, comme le droit des contrats, le droit de la
responsabilité civile, voire le droit de la famille. À la différence d'autres uniformisations du droit,
celle-ci revêt un caractère régional et, dût-elle aboutir, n'a pas vocation à être étendue à l'ensemble
des États.
Sur le thème du ius commune, voy. notamment: M. ANTOKOLSKAIA, « The harmonization of family
law: Old and new dilemnas », Rev. eur. dr. pr. (2003), 28-49; A. CHAMBOREDON, « La "texture
ouverte" d'un Code européen du droit des contrats», Clunet (2001), 5-46; A. HARTKAMP, M. HESSE-
LINK, E. HONDIUS, Towards a European civil Code (Dordrecht, Nijhoff, 2004, 3' éd.), 900 p. ; O. LANDO,
Princip/es of European contract law (La Haye, Kluwer, 2003), 3 vol.; P. LEGRAND, « Sens et non-sens
d'un Code civil européen», Rev. int. dr. camp. (1996), 779-812; Y. LEQUETTE, « Quelques remarques à
propos du projet de Code civil européen de M. von Bar», D.S. (2002), 2202-2214; Ph. MALAURIE,
« Le Code civil européen des obligations et des contrats - Une question toujours ouverte »,].C.P.
(2002), I, 110 ; J.-B. RACINE,« Pourquoi unifier le droit des contrats en Europe ? Plaidoyer en faveur
de l'unification», Rev. dr. Union eur. (2003), 369-408 ; C. ScHMID, « Pattern oflegislative and adjudi-
cative integration of private law », Col.]. eur. L. (2002), 415-486 ;]. SMITS, The makingofEuropean pri-
vate law. Towards a ius commune Europaeum as a mixed legal system (Anvers, Intersentia, 2002), 306 p. ;
G. STAUDENMAYER, « Le plan d'action de la Commission européenne concernant le droit européen
des contrats », D.S. (2003), I, 127 ; W. VAN GERVEN, « Harmonization of private law: Do we need
it? », Comm. Mark. L.R. (2004), 505-532 ; T. WILHELMSSON, « Private law in the EU: Harmonised or
fragmented Europeanisation? », Rev. eur. dr. pr. (2002), 77-94.
LA MÉTHODE DE SOLUTION DES CONFLITS DE LOIS 81
IllLe processus d'uniformisation du droit au sein de l'Union européenne est complexe. La Com-
munauté européenne est dotée de compétences normatives étendues, qui expliquent le nombre
d'acres déjà adoptés à ce jour en matière civile et commerciale, mais ces compétences ne cessent pas
d'être seulement d'attribution : l'exercice d'une compétence doit reposer sur l'une des bases juridi-
ques énoncées strictement par le traité CE et, dans le cadre général du marché intérieur, la compé-
tence porte sur le « rapprochement» des législations nationales, dans la mesure « nécessaire » au
bon «fonctionnement» de ce marché (C.J.C.E., aff. C-376/98, 5 octobre 2000, Allemagne c. Parle-
ment européen et Conseil,« Directive sur la publicité pour le tabac», Rec., 2000, 1-8419).
Cerre caractéristique explique largement le caractère fragmentaire des réalisations de la Commu-
nauté, celle-ci ayant à établir au cas par cas que la disparité des législations nationales crée une
« entrave sensible» aux échanges (arrêt précité, reprochant en l'espèce l'absence de toute ventila-
tion dans la matière visée).
le domaine d'application dans l'espace d'une norme particulière ou d'un ensemble légis-
latif déterminé.
1111 La règle de rattachement se prononce sur l'applicabilité d'une règle matérielle particulière, mais
elle le fait d'une manière indirecte et synthétique. Ainsi, la règle qui désigne le droit national de
l'adoptant peut également se lire, à propos d'un adoptant belge, comme disposant que chacune des
règles matérielles particulières énoncées dans le Code civil belge s'applique lorsque l'adoptant est
belge.
Ill Sur cette caractéristique, voy. infra, n ° 3.43.
Ce que l'on peut appeler, par opposition à une règle de rattachement, une « règle
directe d'applicabilité » (voy. infra, n ° 4.4), recouvre un champ en réalité plus vaste que la
détermination de l'applicabilité d'une règle matérielle étatique. De telles règles peuvent
aussi fixer le domaine d'application dans l'espace d'un instrument international, qui
peut contenir des règles de nature variée: règles matérielles (voy. infra, n ° 4.37), règles de
conflit de juridictions (voy. infra, n ° 8.19), voire règles de rattachement (voy. infra,
n ° 4.49).
Ill Comme exemple d'une règle d'applicabilité au sens strict du terme, on peut citer l'article 2 de la
loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyage (Monit., F' avril 1994), aux ter-
mes duquel: « La présente loi est applicable aux contrats [... ] vendus ou offerts en vente en
Belgique».
étrangers ou subordonnée aux conditions qu'elles indiquent. Les règles de conflit de Juridictions
désignent les catégories de situations dont le lien avec l'État du for justifie l'exercice de la compé-
tence juridictionnelle ou elles arrêtent les conditions auxquelles décisions et actes publics étrangers
portent leurs effets dans l'État requis. Toutes ces règles sont, par leur contenu, des normes pri-
maires de droit international privé de caractère matériel puisqu'elles appréhendent une catégorie
déterminée de situations particulières se rattachant à plus d'un État et qu'elles désignent immédia-
tement les effets de droit mis en œuvre par l'ordre juridique étatique.
Dans la matière des conflits de lois, les normes primaires de droit international privé
sont, tantôt des règles de droit matériel, tantôt, précisément, des règles de rattachement.
Ill Les règles de droit matériel se subdivisent elles-mêmes en sous-catégories, les règles de droit uni-
forme applicables à certaines situations privées internationales, les règles de droit matériel interne
dont le domaine d'application dans l'espace est déterminé par une règle directe d'applicabilité et
les règles matérielles de droit international privé. Les deux premiers procédés évincent la mise en
œuvre des règles de rattachement (voy. infra, n° 5 4.35 et s.), à la différence du troisième (voy. le
n ° suivant).
IliLes situations internationales qui n'entrent pas dans le domaine - prioritaire (voy. infra,
n° 5.19)- des règles de droit matériel dont le champ d'application dans l'espace fait l'objet d'une
règle d'applicabilité particulière, relèvent de la méthode du rattachement. Les règles de rattache-
ment appréhendent elles aussi une situation privée internationale, sans contenir aucun dispositif
de droit matériel, puisqu'elles se bornent à désigner le droit - national ou étranger - applicable.
La règle matérielle nationale de droit international privé, au même titre que toute
disposition du droit matériel, a besoin d'une règle nationale de rattachement ou d'appli-
cabilité qui en fixe le domaine spatial.
IllPar exemple, avant d'appliquer l'article 4 de la loi belge du 12 avril 1965 à un contrat de travail
international, il y a lieu de s'assurer de la soumission de cette question contractuelle au droit belge,
soit en vertu de la règle de rattachement qui régit les contrats de travail, soit, le cas échéant, en
vertu d'une règle d'applicabilité qui tend à assurer la protection du travailleur dès lors que la règle
matérielle en cause constitue une loi de police (voy. infra, n° 5 14.174 et s.).
Ill En droit communauraire, la quatrième directive sur l'assurance obligatoire de la responsabilité
des véhicules automoteurs (dir. 2000/26 du 16 mai 2000,].O.C.E., 2000, L 181) établit une action
directe au profit de la victime contre un organe d'indemnisation représentant l'assureur du respon-
sable, lorsque l'accident s'est produit dans un État autre que celui de la résidence de la victime, et
elle exige, par une règle d'applicabilité, que se localisent dans un État membre l'accident, la rési-
dence de la victime, l'établissement de l'assureur et l'immatriculation du véhicule assuré, tout en
précisant ne pas affecter le droit international privé.
LA MÉTHODE DE SOLUTION DES CONFLITS DE LOIS 85
1111Le Code belge de droit international privé soumet la clause d'exception à certains indices
d'appréciation, notamment le prise en compte de l'acquisition de droits à l'étranger (art. 19, infra,
n ° 6.41).
mise en œuvre de la règle de rattachement, comme la technique du renvoi (voy. infra, n ° 6.12) ou la
théorie de la question préalable (voy. infra, n ° 6.29).
Cet objectif peut également apparaître comme étant à la base du principe de l'autonomie des
1111
volontés dans le droit des conflits de lois, en matière de contrats (voy. infra, n'" 3.21 et 14.36 et s.)
mais aussi en d'autres matières (voy. infra, n° 12.70).
Terwangne, Pas., 1853, I, 155) justifie l'application de la loi du domicile, comme« un usage intro-
duit pour l'avantage mutuel des habitants d'États différents afin de leur éviter les difficultés du
conflit de leurs lois nationales »,usage« admis généralement» et« principe du droit des gens ».
Le concept d'harmonie des solutions implique en effet que plusieurs États soient en
mesure d'exercer leur compétence juridictionnelle à l'égard d'une situation transfron-
tière. Si les solutions internes dans ces différents États divergent, les personnes intéres-
sées à la situation jouiront de droits subjectifs ou d'un statut différents selon l'État dans
lequel il sera prononcé sur cette situation. Les solutions seront harmonisées si des effets
juridiques identiques ou sensiblement équivalents sont attachés à une situation détermi-
née, quel que soit l'État dans lequel la question de droit est soulevée. Il faut dès lors se
demander comment l'application de règles de rattachement propres à chaque État favo-
rise une harmonie à laquelle ne saurait atteindre l'application immédiate du droit maté-
riel interne.
Entre les règles de droit international privé il existe une forme d'harmonie préétablie
à laquelle ne sauraient prétendre les règles de droit matériel. En effet, sans être illimitées,
les possibilités de choix offertes au législateur sont, en ce qui concerne les solutions
matérielles, très étendues. Elles sont beaucoup plus restreintes en droit international
privé. Il serait donc simpliste d'affirmer, sans plus, que le droit international privé ne
contribue pas, en raison de sa nature nationale, à résoudre les difficultés suscitées par les
situations transfrontières, et d'appeler à sa disparition.
Ill La raison de la convergence des règles nationales de rattachement est triple.
88 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
11111 En premier lieu, les critères objectifs de localisation (nationalité, domicile, résidence, lieu de
conclusion ou d'exécution d'un contrat, etc.) sont si peu nombreux que les solutions retenues de
manière autonome dans les différents États convergent souvent en fait.
Par exemple, en matière de statut personnel la plupart des États se divisent en deux groupes princi-
paux, les uns qui appliquent la loi nationale, les autres la loi du domicile, ce dernier facteur étant
au demeurant entendu, comme la nationalité, par référence à un lieu qui caractérise l'origine de la
personne plutôt que son milieu de vie actuel.
Ill Le deuxième motif pour lequel les règles nationales de droit international privé contribuent à
l'harmonie des solutions tient aux caractères qui distinguent cette partie du droit interne, des
réglementations nationales de droit substantiel (le droit civil, plus particulièrement encore le droit
des biens ou des relations familiales). Parmi ces caractères, il faut noter la technicité du droit inter-
national privé, droit sur le droit, la circonstance qu'il s'est développé au XIXe siècle dans un milieu
transfrontière, ouvert par vocation à la communication des méthodes et à l'échange des expérien-
ces, l'adoption dans les différents pays d'une politique jurisprudentielle délibérée, surtout notable
au cours des dernières décennies, tendant à favoriser l'harmonie des solutions. Même quand les
sources formelles du droit international privé sont nationales, cette branche du droit est, par la
force des choses, « cosmopolite", étant privée des traditions particularistes beaucoup plus mar-
quées quand il s'agit d'organiser les relations familiales ou de régler la propriété immobilière. Le
recours à la méthode comparative y est inhérent: cessant d'être un rameau purement descriptif ou
spéculatif de la science du droit, cette méthode s'introduit dans la pratique judiciaire, elle contri-
bue à l'élaboration des solutions. Enfin, les questions de théorie générale du droit international
privé sont communes à cous les systèmes juridiques.
Il!!Un troisième facteur a contraint les systèmes étatiques de droit international privé à se dégager
de préoccupations purement nationalistes : il s'agit de l'influence du droit international sur les
solutions apportées par les États aux situations juridiques transfrontières. Sans doute cette action
est-elle discrète dans la matière des conflits de lois ; elle n'incite pas moins le législateur étatique à
admettre le principe de l'application du droit étranger à une situation individuelle.
Une forme d'harmonie peut également être obtenue en agissant sur les décisions.
Une chose est de chercher à obtenir des solutions uniformes de conflit de lois, autre
chose est d'assurer le respect d'une décision obtenue à l'étranger. Le droit international
privé permet de recevoir la solution retenue par le juge étranger, au moyen de règles pro-
pres à la reconnaissance et à la déclaration de la force exécutoire des décisions étrangères
(voy. infra, chap. 10).
Concept ouvert, puisqu'il peut servir autant à exprimer un principe de répartition des
compétences étatiques - chaque État n'ayant à régler que les situations présentant avec
son territoire un lien significatif - qu'un principe d'harmonie internationale des solu-
tions, ou encore de respect des droits acquis. Sous son acception primitive, celle de la
recherche du siège du rapport de droit, le concept repose davantage sur une recherche
assez conceptuelle de l'essence ou de la nature des choses.
1111Voy. une présentation du principe par P. LAGARDE,« Le principe de proximité dans le droit inter-
national privé contemporain", Recueil des cours, vol. 196 (1986-I), 9-238.
1111 La notion américaine de proper law (of a contract ou of a tort) est une autre formulation du prin-
cipe de proximité. Utilisée dans l'article 4 de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obli-
gations contractuelles, la désignation de principe de « la loi du pays avec lequel [le contrat]
présente les liens les plus étroits " relève de la même problématique.
Le principe de proximité est à même de produire des règles, tantôt générales, tantôt
particulières. D'un côté, il permet d'expliquer une tendance à substituer le facteur de la
résidence habituelle au facteur de la nationalité dans diverses branches du droit de la
famille, spécialement les questions concernant les effets d'une relation d'état (voy. infra,
n ° 12.61, à propos des effets du mariage). D'un autre côté, il peut trouver à s'exprimer au
moyen d'une clause générale d'exception (voy. infra, n ° 3.17).
3.14 - Objectifs particuliers de politique législative: l'analyse des intérêts - L'analyse du
conflit d'intérêts inhérent à toute mise en œuvre d'une règle de droit a parfois servi de
guide grâce à la localisation d'un des intérêts en présence, jugé prépondérant. Encore
convient-il de distinguer soigneusement le conflit d'intérêts privés, dont il est ici ques-
tion, des conflits d'intérêts gouvernementaux. Il s'agit de deux conceptions antinomi-
ques, l'une individualiste et l'autre, étatiste.
Dans un premier sens, la recherche du siège du rapport de droit a un objet complexe,
une relation privée dans laquelle sont impliquées plusieurs personnes ayant des intérêts
différents, souvent conflictuels. Il conviendrait alors d'isoler l'intérêt prépondérant, par
exemple, du créancier d'aliments, de la victime d'un accident, de l'enfant face à l'autorité
parentale ou pour l'établissement de sa filiation, du travailleur face à l'employeur, du
consommateur achetant à un vendeur professionnel. La sélection de l'intérêt prépondé-
rant type permettrait de rattacher l'ensemble de la situation à la loi du pays où se localise
cet intérêt.
1111La jurisprudence belge illustre un tel objectif en matière de recherche de paternité. Selon la
Cour de cassation (20 mars 1941, Lakaye, Pas., 1941, I, 91), l'application de la loi nationale de
l'enfant en vertu de l'article 3 du Code civil reposait sur la recherche de la personne « sur qui se
concentr[e] l'intérêt que le législateur belge a voulu principalement sauvegarder", cet intérêt étant
davantage celui de l'enfant à obtenir un état que « l'intérêt du père et de la famille "· L'application
de cette loi s'imposerait« non parce que, in casu, cette loi est plus ou moins favorable à l'intérêt de
l'enfant naturel, mais parce que, du point de vue du droit international privé, cette loi est normale-
ment la seule compétente pour déterminer ce que peut commander l'intérêt de l'enfant" (Cass.,
24 mars 1960, Eijèling, Pas., 1960, !, 860).
Sur ce thème, voy. : C. CHABERT, L'intérêt de l'enfant et les conflits de lois (Aix-Marseille, Presses univ.,
2001), 632 p. .
Dans un autre sens, le juge cherche à promouvoir l'intérêt de l'État le plus touché
par le résultat déduit de l'application du droit désigné. Par exemple, le créancier d'ali-
ments ou la victime d'un accident est préféré au débiteur de l'aliment ou de l'indemnité,
moins pour la satisfaction d'un intérêt propre que parce que la demande est de nature à
90 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
Sans nier la pertinence de la prise en considération de tels intérêts dans des matières
particulières, on peut douter de l'effectivité d'une telle réduction de tout conflit de lois à
un conflit d'intérêts. C'est d'abord aux règles de droit matériel qu'il appartient de tenir en
équilibre les intérêts en conflit et non de favoriser l'intérêt jugé prépondérant. Entre ce
conflit d'intérêts et le conflit de lois l'analogie est trompeuse. Elle se méprend sur la por-
tée d'une règle de rattachement: il n'est rien moins que certain que le contenu du droit
désigné grâce à la localisation de l'intérêt prépondérant soit plus favorable à l'acteur
social dont la règle de rattachement prétend protéger les intérêts. La seule solution logi-
que consisterait à laisser à cette personne la faculté de choisir entre les lois en présence,
méthode dont on rencontrera ci-dessous (voy. infra, n ° 3.59) une application particulière
mais à laquelle il n'a jamais été reconnu la valeur d'un principe systématique de solution.
Lorsque le législateur de droit matériel entend préserver spécialement un intérêt prépon-
dérant, il est de bonne politique législative d'assortir la règle matérielle de protection
d'une règle spéciale d'applicabilité, méthode qui, tout en relevant des méthodes de solu-
tion du conflit de lois, se distingue, par son caractère marginal, de celle de la règle de rat-
tachement (voy. infra, n ° 4.5).
3.1 S - Circulation internationale des personnes et des biens - Le droit des conflits de
lois cherche-t-il à favoriser la circulation internationale des personnes et des biens ? Le
principe de souveraineté semble le nier. En revanche, la théorie des droits acquis comme
la recherche de l'harmonie internationale des solutions favorisent une telle circulation.
IllVoy. déjà, exprimant un tel argument, P.-S. MANCINI, « De l'utilité de rendre obligatoires pour
tous les États, sous la forme d'un ou de plusieurs traités internationaux, un certain nombre de
règles générales du droit international privé pour assurer la décision uniforme des conflits entre
différentes législations civiles et criminelles», Clunet (1874), 294.
Cet objectif peut également trouver trois modes d'expression spécifiques.
Le premier, traditionnel, est l'autonomie de la volonté privée. Selon ce concept, qui
domine la matière des contrats internationaux (voy. infra, n ° 14.36), les parties à un rap-
port juridique peuvent choisir le droit applicable à ce rapport. Pour expliquer cette solu-
tion, il est insuffisant de se référer à l'autonomie des volontés que connaît le droit
interne, spécialement en matière de contrats. En effet, l'autonomie en matière de conflits
LA MÉTHODE DE SOLUTION DES CONFLITS DE LOIS 91
Une troisième implication de l'objectif résiderait dans le principe d'égalité, aux con-
tours il est vrai encore indéterminés. Une discrimination en raison de la nationalité de la
personne ou de l'origine d'un bien est de nature à entraver la circulation internationale,
dans la mesure où elle peut dissuader la personne de se rendre à l'étranger, ou l'opérateur
économique de fournir ou de se fournir à l'étranger. La portée concrète de ce principe
reste délicate à déterminer: exclut-elle toute référence au facteur de la nationalité ou de
l'origine, ou prévient-elle seulement la formulation de règles exclusivement unilatérales,
encourageant alors le recours à des règles multilatérales (voy. infra, n ° 3.44) ?
Il!Voy., à propos du principe d'égalité, outre les travaux consacrés au droit communautaire:
W. WENGLER, « Les conflits de lois et le principe d'égalité», Revue (1963), 203-231, 503-527. Selon
92 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
cet auteur, les principales manifestations du principe d'égalité sont la formulation de règles multi-
latérales - qui créent une égalité entre ordres juridiques, du for et étranger, et entre parties, natio-
nales et étrangères - et la soumission de la situation internationale, comme de la situation interne,
à un droit étatique sans adaptation du contenu de celui-ci, le facteur de rattachement étant alors le
seul mode d'expression de la différenciation entre une situation interne et une situation interna-
tionale.
En relation avec le droit communautaire, voy. notamment: M.-P. PULJAK, Le droit international privé à
l'épreuve du principe communautaire de non-discrimination en raison de la nationalité (Aix-Marseille,
PUAM, 2003), 451 p.
1111La seule disparité de traitement découlant simplement d'une disparité de législations ne s'ana-
lyse pas en un traitement discriminatoire en droit communautaire, dès lors que les personnes con-
cernées sont visées selon des critères objectifs. Voy. notamment: C.J.C.E., aff. 308/86, 14 juillet
1988, Lambert, Rec. (1988), 4369.
Section 2
Règles générales de rattachement
§1 CLAUSE GÉNÉRALE DE RATTACHEMENT
3.16 - Échec de tout critère unique de rattachement - L'histoire du droit international
privé montre l'échec de toute tentative d'énoncer un critère général de rattachement.
Le critère le plus ancien est le principe de la territorialité des lois, qui n'a jamais pu
surmonter une ambiguïté fondamentale : le principe exprime-t-il la prépondérance du
droit matériel du for ou signifie-t-il qu'il faut, en chaque situation, identifier les éléments
qui la rattachent à un territoire déterminé? Toutefois, selon cette dernière interpréta-
tion, le principe de territorialité n'ajoute à la méthode même du rattachement aucune
précision pertinente.
Au milieu du XIXe siècle, Mancini a lancé un critère tout différent, appelé « la per-
sonnalité des lois », parce qu'il consistait à désigner de préférence la loi nationale des per-
sonnes intéressées à une situation juridique. Cette théorie est entièrement abandonnée
aujourd'hui : outre qu'elle ne propose aucune solution applicable aux rapports juridi-
ques qui concernent plusieurs personnes de nationalité différente, elle a dû être tempérée
par un si grand nombre d'exceptions (détermination des hypothèses de rattachement ter-
ritorial) que la prépondérance d'un critère sur l'autre paraît une vue de l'esprit.
1111Sur l'œuvre de Mancini, voy. notamment la notice de R. DE NovA, Institut de droit international,
Livre du centenaire (1873-1973 ), 3-10 ; E. JAYME, Pasquale Stanislao Mancini (Gremer, Ebelsbach, 1980).
Voy. aussi la réédition de : P. MANCINI, Della nazionalità came fondamento del diritto delle genti (Turin,
Giappichelli, 1994).
La doctrine de Mancini exerça à son époque une influence très profonde sur la doctrine des pays
latins. Dans la doctrine de langue française, ses principaux disciples furent Laurent, Weiss et Albé-
rie Rolin (voy. supra, n ° 2.7).
L'échec de ces tentatives résulte de l'impossibilité d'enfermer l'ensemble des matiè-
res couvertes par le droit international privé en un principe de solution unique. Sans
doute concevables dans un état primitif de la discipline, de telles tentatives n'ont pas
résisté à la complexité et à la diversification croissante des situations. L'évolution du
droit international privé au cours de la seconde moitié du xxe siècle montre une ten-
dance à l'éclatement des catégories générales, dans le but d'énoncer des règles adaptées à
la diversité du réel.
RÈGLES GÉNÉRALES DE RATTACHEMENT 93
IllCe constat s'impose à la lecture des codifications nationales récentes, mais aussi des conven-
tions de la Conférence de La Haye de droit international privé. Celle-ci a préféré à une approche
globale une démarche progressive, élaborant des règles propres à diverses catégories, par exemple,
de contrats ou d'obligations non contractuelles.
Selon l'alinéa 2, « lors de l'application de l'alinéa l ", il est tenu compte, notamment:
- du besoin de prévisibilité du droit applicable, et
- de la circonstance que la relation en cause a été établie régulièrement selon les règles de droit
international privé des États avec lesquels cette relation présentait des liens au moment de son
établissement. »
Selon le § 2, «le§ l" n'est pas applicable en cas de choix du droit applicable par les parties confor-
mément aux dispositions de la présente loi, ou lorsque la désignation du droit applicable repose
sur le contenu de celui-ci. »
Les objectifs du droit des conflits de lois conduisent, dans la formulation adoptée
par le législateur belge, à deux types de tempéraments, concernant respectivement la mise
en œuvre de la clause et son domaine.
Lors de l'utilisation de la clause, le juge doit tenir compte, spécialement, d'un objec-
tif de sécurité juridique. Cette exigence est affirmée par l'évocation, non seulement du
« besoin de prévisibilité du droit applicable», mais encore des termes de la théorie des
droits acquis (voy. supra, n',s 3.11 et infra, n° 6.38).
Le domaine de la clause ne s'étend ni aux cas où le droit désigné l'a été par un choix
des parties ni à ceux où « la désignation du droit applicable repose sur le contenu de
celui-ci». Dans ce dernier cas, la règle de rattachement repose moins sur un objectif de
proximité que sur un objectif d'intérêt. Là règle visée est de celles qui utilisent une forme
de rattachement de caractère substantiel (voy. infra, n°' 3.58 et s.).
1111L'exclusion du jeu de la clause lorsque la règle de rattachement est de caractère substantiel mon-
tre que le concept ne vise pas à satisfaire un intérêt étatique.
l'article 20 LDIP, aux termes duquel « la capacité juridique des personnes physiques est régie par
leur loi nationale». Ou encore en Allemagne, selon l'article 7, paragraphe l '\ EGBGB, « la capacité
de jouissance et la capacité d'exercice d'une personne sont régies par la loi de l'État dont elle est
ressortissante ».
Ill De même, selon le Code belge de droit international privé, « hormis les matières où la présente
loi en dispose autrement, l'état et la capacité d'une personne sont régis par le droit de l'État dont
celle-ci a la nationalité» (art. 34, § 1'').
La désignation du droit de l'État dont la personne a la nationalité ne suffit pourtant
pas à régler toute question du droit de la personne ou de la famille. Outre les questions
appelant une référence à un élément territorial, comme la résidence habituelle, la solu-
tion soulève des difficultés lorsque les parties au rapport juridique en cause ont des
nationalités différentes. Il y a alors lieu d'affiner la portée de la règle, apte à se prêter à
diverses modalités (voy. infra, n ° 12.4).
RÈGLES GÉNÉRALES DE RATTACHEMENT 95
Ill Sur le rôle de la nationalité comme facteur de rattachement, voy. notamment, outre les travaux
cités dans la bibliographie générale : L. CASTANGIA, Il criterio della cittadinanz.a ne/ diritto internazionale
privato (Naples,Jovene, 1983) ;J. ERAUW, « Een terugblik naar hec Belgisch ipr bij de uitgang van de
20ste eeuw », T.P.R. (2001), 55-68; ID.,« De nationaliteit en de toepassing van de nationale wec van
de persoon », Devenir Belge (Bruxelles, Bruylanc, 2002), 411-440; H. HELLWIG, Die Staatsangehorigkeit
ais Anknüpfung im deutschen IPR (Frankfort, Lang, 2001); E. ]AYME et H. MANSEL (dir.) Nation und
Staat im Internationalen Privatrecht (Heidelberg, Müller, 1990); K. LENAERTS, « Der Scaatsangehorig-
keicsgrundsatz im belgischen lnternationalen Privatrecht », Nation und Staat, Heidelberg, Müller,
1990), 165-192; P. LAGARDE,« Nationalité et droit international privé», Ann. droit (2003), 205-221 ;
H. MANSE!., Persona/statut, Staatsangehorigkeit und Effektivitdt (Münchern, Beck, 1988); M.-P. PULJAK,
Le droit international privé à l'épreuve du principe communautaire de non-discrimination en raison de la natio-
nalité (Aix, PUAM, 2003); F. MoscoNr, « Qualche interrogativo in cerna di uniformità incernazio-
nale delle soluzioni e di criterio della cittadinanza », Riv. dir. int. priv. proc. (1999), 421-436 ;
R. VANDER ELsT, « La loi nationale dans les Conventions de La Haye », Rev. belge dr. int. ( 1991), 398-
412.
Une référence à la résidence habituelle peut encore se rencontrer dans les pays fidèles
au principe de l'application de la loi nationale, pour déterminer le droit applicable aux
effets d'une relation d'état lorsque les parties ne partagent pas une nationalité commune.
96 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
n'ont pas la même nationalité, « les effets généraux du mariage sont régis [... ] par la loi de l'État
dans lequel les deux époux ont leur résidence habituelle ou avaient leur dernière résidence habi-
tuelle, pourvu que l'un d'eux ait conservé cette résidence». En Italie, selon l'article 29,
paragraphe 2, LDIP, « les rapports personnels entre époux ayant des nationalités différentes ou
plusieurs nationalités communes sont régis par la loi de l'État dans lequel la vie conjugale se loca-
lise de manière prépondérante ».
Sur l'échelle de Kegel, voy. H.-S. SoNNENBERGER, « Introduction générale à la réforme du droit inter-
national privé dans la République fédérale d'Allemagne selon la loi du 25 juillet 1986 », Revue
(1987), 13.
En Belgique, le Code introduit à cet égard une innovation notable, puisque le critère de la rési-
1111
dence habituelle occupe désormais une place de premier rang en matière d'effets du mariage, de
régime matrimonial, de divorce, de responsabilité parentale.
Ce procédé recourt à ce qui peut apparaître comme une« échelle inverse de Kegel ».
§3 MATIÈRES PATRIMONIALES
3.20 - Référence à la localisation d'un bien, d'un acte ou d'un fait - La matière des droits
réels et celle des obligations, contractuelles et non contractuelles, donne lieu tradition-
nellement à une règle fondée sur une référence de principe à la localisation, respective-
ment, du bien, de l'acte ou du fait en cause.
Le Code Napoléon a consacré le principe de territorialité à propos de deux pro-
blématiques, celle des « lois de police et de sûreté» (C. civ., art. 3, al. 1er) et celle des
«immeubles» (al. 2). Pour la première, il prévoit l'application de ces lois à« tous ceux qui
habitent le territoire». Quant aux immeubles, ils « sont régis par la loi belge». En Belgi-
que, la jurisprudence a déduit de ces dispositions, d'une part, pour la matière des obliga-
tions non contractuelles, un rattachement au droit du lieu du fait générateur du
dommage (voy. infra, n ° 15.8) et, pour la matière des droits réels, un rattachement centré
sur la localisation du bien (voy. infra, n ° 13.3).
1111 En droit comparé, la référence à la localisation d'un bien est constante. Par exemple en Italie,
selon l'article 51 LDIP, « la possession, la propriété et les autres droits réels sur les biens mobiliers
et immobiliers sont régis par la loi de l'État dans lequel les biens se trouvent».
Pour plus de détails, voy. le chapitre 13.
1111La référence traditionnelle au lieu de survenance d'un fait engendrant une obligation non con-
tractuelle tend à s'estomper, au profit d'un critère commun aux parties, telle la résidence habituelle
dans le même pays, le lieu de survenance jouant alors un rôle subsidiaire, comme, en droit suisse,
lorsque les parties ne résident pas habituellement dans le même État (art. 133, § 2, LDIP, désignant
« le droit de l'État dans lequel l'acte illicite a été commis »), ou en droit italien, lorsque les parties
ne résident pas habituellement dans l'État dont elles partagent la nationalité (arc. 62, § l", LDIP,
désignant« la loi de l'État dans lequel[ ... ] survient la conséquence [du fait illicite] »).Voy.de même,
en Allemagne, l'article 40 EGBGB introduit par la loi du 21 mai 1999 (Revue, 1999, 870), tout en
RÈGLES GÉNÉRALES DE RATTACHEMENT 97
laissant dans ce cas une faculté d'option à la victime, entre le droit de l'État dans lequel la personne
responsable a agi et celui de l'État dans lequel le dommage s'est produit.
Pour plus de détails, voy. le chapitre 15.
En ce qui concerne le obligations contractuelles, la règle traditionnelle contenait
une référence au lieu de conclusion du contrat. Sans se départir pour autant d'un critère
de localisation de type territorial, la solution s'est assouplie afin de s'adapter tant à l'évo-
lution des pratiques contractuelles, de plus en plus complexes, qu'à la fonction économi-
que du contrat (voy. infra, n° 14.33).
Dans l'ensemble de ces matières, la référence à un principe territorial fait l'objet de
multiples correctifs, non seulement pour adapter, par des règles spéciales, les solutions à
la diversité des situations, mais encore pour pallier certaines insuffisances du principe,
chaque fois que la localisation du bien, de l'acte ou du fait, est aléatoire ou fortuite.
Cette consécration n'est d'ailleurs pas absolue. De même qu'en droit interne les
règles impératives ou d'ordre public conservent leur opposabilité, le choix du droit appli-
cable se heurte à l'emprise croissante des lois dites de police (voy. infra, n° 4.11), dont
l'ampleur contribue à minimiser la portée du concept d'autonomie.
eur. Comp. L., (2000), 11-34; P. GANNAGÉ, « La pénétration de l'autonomie de la volonté dans le droit
international privé de la famille», Revue (1992), 425-454; E. ]AYME,« Diritto di famiglia: società
multiculcurale e nuovi sviluppi del diritto internazionale privato », Riv. dir. int. priv. proc. (1993),
295-304; E. VASSILAKAKIS, « La professio juris dans les successions internationales», Mélanges
Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 781-801 ; 1. VrARENGO, Autonomia della volontà e rapporti patrimoniali tra
coniugi nel diritto internazionale privato (Padoue, CEDAM, 1996).
Ce que l'on appelle « l'option de droit» en matière familiale consiste à permettre
aux parties d'émettre une préférence en faveur de la loi nationale ou de la loi de la rési-
dence habituelle. Une telle préférence s'aperçoit lorsque le législateur déclare applicable
la lex fori, ou encore lorsque, dans un système centré sur la nationalité, il introduit des
exceptions en faveur de la loi de la résidence habituelle : dans ce dernier cas, cette excep-
tion peut être renversée par un retour à la loi nationale.
11 Une préférence pour la loi nationale est possible, en Suisse, en matière de nom (art. 37 LDIP), de
succession (art. 90 LDIP); aux Pays-Bas, en matière de divorce (loi du 5 mars 1981, Revue, 1981,
809); en Allemagne, en matière d'effets du mariage (art. 14 EGBGB), de succession immobilière
(arc. 25 EGBGB) et, en matière de nom (art. 10 EGBGB), le principe de la loi nationale est modalisé
par un jeu complexe d'options en faveur, notamment, de la loi de résidence.
En Espagne, l'option est admise, pour les effets du mariage, en l'absence de nationalité commune,
en faveur de la nationalité ou de la résidence de l'un des époux (C. civ., art. 9, § 2).
Pour l'admission d'une option de législation dans une convention internationale, voy. la Conven-
tion de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort (art. 5).
1111 La matière des régimes matrimoniaux présente une particularité puisque ses liens avec le droit
familial n'ont pas empêché une référence traditionnelle au principe d'autonomie qui gouverne les
contrats (voy. infra, n° 12.67). Pourtant, les règles de rattachement contemporaines en la matière
reviennent plutôt à la technique de l'option de droit (Convention de La Haye du 14 mars 1978; en
Suisse, arc. 51 LDIP; en Allemagne, art. 15 EGBGB; en Italie, art. 30 LDIP).
L'admission de l'option de droit peut encore résulter, tantôt de la difficulté pour le législateur
1111
international d'établir une préférence entre nationalité et domicile (voy. la résolution de l'Institut
de droit international, infra, n ° 6.24), tantôt du souci de permettre à l'acteur social de préserver son
identité culturelle (voy. la thèse précitée de J.-Y. CARLIER).
En Belgique, le Code suit la tendance du droit comparé, en prévoyant l'option de droit en
1111
(Paris, LGDJ, 2003); V. DELAPORTE, Recherches sur la forme des actes juridiques en droit international privé
(thèse dactyl., Paris I, 1974); G. DRoz, v « Actes de l'état civil», Rép. Dalloz; R. GENIN-MERIC, La
0
maxime «Locus regj.t actum», nature et fondement (Paris, Dalloz, 1976); M. GoRÉ, « L'acte authentique
en droit international privé», Trav. Comité fr. dr. int. pr. 1998-1999 (Paris, Pédone, 2001), 23-38; P.
Loms-LucAs, « La distinction du fond et de la forme dans le règlement des conflits de lois »,Mélan-
ges Maury (Paris, Dalloz, 1960), t. rer, 175-205; M. REVILLARD, Droit international privé et pratique nota-
riale (Rép. not. defr., Paris, 1998) ; F. RIGAUX, « La loi applicable à la forme des actes juridiques»,
Mélanges A. Schnitzer (Georg, Genève, 1979), 381-393; R. STÜRNER, « L'acte notarié dans le commerce
juridique européen», Rev. int. dr. comp. (1996), 515-532; R. VANDER ELST,« La loi qui régit le cau-
tionnement au fond et la règle locus regit actum », Ann. Liège (1988), 28-32; H. VAN HourrE, « La
forme du contrat en droit international privé »,fur. Comm. Belg. (1979), 517-523; M. VAUTHIER, Sens
et applications de la règle« locus regit actum » (Bruxelles, Larcier, 1926).
A. Présentation
3.24 - Exigence d'une formalité - Tout acte juridique, en tant que déclaration ou
expression de volonté, revêt nécessairement une forme, celle-ci étant le moyen de com-
muniquer à autrui le contenu de la déclaration. Il est, dès lors, peu correct de parler d'acte
valable« en l'absence de toute forme» ou d'acte« sans forme»: ce qu'on désigne par là
est un acte qui ne doit pas être fait selon une forme prédéterminée, la loi ayant laissé à la
discrétion des parties le choix des moyens les plus aptes à exprimer le contenu de leur
volonté.
Ill Entre la forme et la preuve il existe un lien étroit: moyen de communication sociale, la forme
est aussi un mode de preuve, c'est-à-dire un procédé permettant de réactualiser l'échange des con-
sentements ou la déclaration de volonté unilatérale, événement fugace du passé. On réserve sou-
vent la qualification de « forme préconstituée » à la rédaction d'un écrit, contemporain de
l'accomplissement de l'acte juridique, l'instrument dressé incorporant de manière permanente la
preuve de ce qui s'est passé. De la nature propre de l'écrit - instrument sous seing privé ou acte
authentique - dépend l'étendue de sa force probante.
3.25 -Actes privés et actes publics - Quand l'acte juridique tient la forme qui le caracté-
rise de l'intervention d'une autorité ou d'un officier public, du point de vue de la métho-
dologie du droit international privé il relève de deux subdivisions de cette matière : la
validité et la force obligatoire de l'acte juridique privé sont des problèmes de conflit de
lois, la rédaction de l'instrument authentique et certains de ses effets spécifiques appar-
tiennent à la branche des conflits d'autorités. De plus, la règle qui gouverne la forme
extrinsèque de l'instrument, œuvre propre de l'officier public, offre beaucoup d'analogies
avec l'application du droit du for à la procédure, tandis que l'un des effets les plus nota-
bles de certains actes authentiques, la force exécutoire, est, pour les actes étrangers,
subordonnée à la formalité de l'exequatur (voy. infra, n ° 10.7).
3.26 - Rattachement des formes de publicité et des formes habilitantes - Les formali-
tés qui visent à assurer à certaines déclarations de volonté intéressant les tiers la publicité
convenable, précèdent (tels les bans de mariage) ou suivent (telle l'inscription hypothé-
caire) l'accomplissement de l'acte juridique proprement dit. On étudiera les règles de
conflit de lois qui les régissent à propos de matières spéciales où la publicité instrumen-
taire est usuelle.
Quant aux formes habilitantes, elles portent sur la substance du consentement plu-
tôt que sur sa forme puisqu'elles consistent à renforcer, grâce au concours d'autres
volontés, ou à l'habilitation d'une autorité publique, la déclaration de volonté de l'auteur
RÈGLES GÉNÉRALES DE RATTACHEMENT 101
de l'acte, par hypothèse impuissante à atteindre seule l'effet juridique poursuivi. En droit
international privé, cette matière ne saurait être séparée de l'étude de la capacité (voy.
infra, chap. 12, sect. 8).
3.27 - Rattachement des formes solennelle et probante - Le droit interne distingue
parfois d'après leurs effets respectifs diverses catégories de formes. Est appelée
«solennelle», la forme dont le respect est une condition de validité de l'acte juridique. La
forme« probante» se qualifie par la fonction qu'elle remplit pour l'administration de la
preuve de l'acte juridique. Cette distinction se réfère à deux catégories d'effets qui décou-
lent de la forme en laquelle l'acte est dressé, effets qui seront déterminés selon le droit
applicable sans qu'il soit adéquat de prévoir a priori des solutions de conflit de lois diffé-
rentes pour la détermination de chacun de ces effets.
3.28 - Formalisme du droit contemporain - Contrairement à l'idée communément
reçue que le droit contemporain est foncièrement consensualiste et que les exigences de
forme se sont réfugiées dans le droit des relations familiales, il y a lieu de constater un
grand développement du formalisme dans certaines branches du droit économique et
social, principalement en ce qui concerne les instruments négociables, le droit du travail
et le droit de la consommation.
La forme peut ainsi agir sur le droit applicable au fond.
Certains traités internationaux stipulent parmi leurs propres conditions d'application qu'il ait
11111
sont mariés dans leur pays d'origine) n'est applicable qu'aux époux ayant conclu un mariage reli-
gieux ensuite transcrit sur les registres de l'état civil. Le mariage religieux précédé, en Italie, d'une
célébration civile n'est pas concordataire, et les époux sont soumis aux règles du droit civil. Voy. sur
ce point en Italie, l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 décembre 1973, sentence n° 175, Giuris-
prudenza costituzionale (1973), 2238.
Quand le formalisme a pour but de protéger la partie la plus faible, tel le travailleur
ou le consommateur, il n'est pas exclu qu'il puisse être dérogé à la règle de rattachement
multilatérale qui commande la forme de l'acte, au moyen d'une loi de police (voy. infra,
n ° 4.11) exigeant son applicabilité immédiate au moyen d'un critère qu'elle détermine.
alors que le rite religieux est une condition de fond. Si cette interprétation doctrinale était correcte,
il faudrait autoriser les étrangers à se marier selon les formes de leur loi nationale, conformément à
l'interprétation alternative de la règle Locus, jugée prépondérante par la doctrine. Le prétendu con-
flit de qualifications (voy. infra, n ° 12.50) est impuissant à justifier l'éviction de la loi personnelle
des futurs époux : il dissimule maladroitement une interprétation impérative de la règle Locus, qui
n'a pas pour seul domaine la matière du mariage.
1111L'article lei de la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des disposi-
tions testamentaires (voy. infra, n ° 3.59) est sans doute le paradigme de cette technique. Le testa-
teur a le choix entre plusieurs lois respectivement désignées par un grand nombre de facteurs de
rattachement. La règle de conflit de lois alternative a même été étendue à la détermination de la
nationalité (infra, n° 5.53) ainsi qu'au conflit mobile (infra, n° 5.70).
Telle qu'elle est mise en œuvre par cette disposition, l'application alternative des diverses lois appli-
cables à la forme des dispositions testamentaires paraît purement mécanique: de toutes les lois à
prendre en considération, le juge ne peut et ne doit retenir que celle qui déclare le testament valable
quant à la forme. Sans devoir se référer à aucun choix fait par le testateur lui-même, il suffit de lui
imputer la volonté foncière de faire un testament valable: c'est par là que l'application de la règle
Locus à la forme des testaments se rattache à la loi d'autonomie. Toutefois, il est inutile de présu-
mer que le testateur a été conscient du problème de conflit de lois et a choisi en conséquence une
de ces lois, la volonté qui lui est prêtée a pour objet immédiat un effet de droit matériel, la validité
de ses dispositions de dernières volontés.
Ill L'interprétation alternative a été étendue à d'autres actes juridiques, le contrat de mariage, la
donation entre vifs, la reconnaissance d'un enfant naturel. Pour être valable quant à la forme, il
suffit que l'acte satisfasse aux exigences de la loi qui le régit au fond, de la loi nationale des parties
ou de la !ex loci actus.
Pour le contrat de mariage, voy.: Cass., 28 mai 1925, Ainley c. Cels, Pas. (1925), I, 264, déclarant vala-
bles en la forme les conventions matrimoniales faites par instrument privé au Canada où cette
forme est reçue, l'un des époux étant belge (voy. infra, n° 12.74).
Pour la forme des donations entre vifs, l'interprétation alternative doit être préférée, malgré une
force mais ancienne tradition doctrinale rattachant les formes de la donation à l'application impé-
rative de la loi personnelle de l'auteur de l'acte. Pour l'application de la loi personnelle, voy. LAU-
RENT, t. VI, n° 402; RouN, t. II, n° 814 (mais cet auteur s'incline devant la solution contraire
dégagée par la jurisprudence française); POULLET, n° 474. Pour l'application alternative de la règle
Locus: P. GRAULICH, n° 73; R. VANDER ELST,« Droit international privé», Rép. not., n° 66bis. Cette
solution est confirmée par l'insertion du contrat de donation dans le domaine de la Convention de
Rome (voy. infra, n ° 14.191).
Pour la reconnaissance d'enfant narurel, voy. infra, n° 12.116.
104 lA RÈGLE DE RATTACHEMENT
cielle, déduire de l'arrêt du 24 mai 1954 le pouvoir pour un notaire belge de donner acte à des
époux de leur volonté commune de se séparer par consentement mutuel, la loi belge organisant
une procédure judiciaire de séparation ouverte à des époux étrangers et à laquelle ils doivent recou-
rir s'ils veulent être tenus pour séparés en Belgique.
Rien n'empêche cependant des époux de faire constater par un notaire leur accord sur le paiement
d'une pension alimentaire. L'acte fait alors état de leur séparation de fait en des termes qui, selon la
loi qui régit leur statut personnel, peuvent avoir des effets qu'ignore la loi belge.
3.35 - Formalités de rédaction de l'acte public - Le droit de l'État dont l'officier public
tient sa compétence détermine aussi les formalités qu'il doit observer, comme la langue
dans laquelle- l'instrument est dressé, le nombre et le rôle des témoins instrumentaires,
l'intervention d'un interprète, les mentions monétaires.
IllPour un examen détaillé de ces diverses questions, voy. : F. BoucKAERT, « Het gebruik van
vreemde munten in notariële akten », Tijds. Not. (1992), 352-359; FÉDÉRATION DES NOTAIRES DE BEL-
GIQUE, Internationale contractuele relaties: de roi van de notaris (Anvers, Maklu, 1995), 765 p. ; M.
REVILLARD, Droit international privé et pratique notariale (Rép. not. Defrenois, Paris, 1998); F. R.!GAUX,
« Le rôle social du notaire vis-à-vis de l'étranger», Congrès des notaires de Belgique (Éd. Duculot, Gem-
bloux, 1957), 127-137; E. VAN HovE, « La compétence internationale du notaire belge», Mélanges
Bouttiau et Demblon (Bruxelles, Bruylant, 1987), 361 et s.
La même règle s'applique aux autorités extraterritoriales tenues d'observer les for-
malités prévues par le droit du pays qui les a instituées, non celui du pays où elles exer-
cent leurs fonctions.
1111Il est fait application de ce principe aux agents diplomatiques et consulaires belges à l'étranger
par l'article 9 de la loi du 31 décembre 1851, l'article 1er de la loi du 10 juillet 1931 etl'article ier de
la loi du 12 juillet 1931 (voy. infra, n ° 8.47).
1111Sur la compétence de ces autorités, voy. notamment: L. WILLEMARCK, « La compétence des
agents diplomatiques et consulaires en matière notariale - Théorie et analyse de la pratique», Rev.
not. belge (2002), 340-354.
3.36 - Formalités imposées par le fonctionnement d'un service public - Pour que cer-
tains instruments écrits puissent être produits devant une autorité publique, ils doivent
satisfaire à des exigences de forme fixées par la loi.
1111Ainsi, d'après l'article 2 de la loi du 16 décembre 1851 sur la révision du régime hypothécaire,
seul un acte authentique ou un acte qui y est assimilé par la disposition précitée peut être« admis à
la transcription».
Il faut distinguer la question de validité de l'acte, laquelle relève, le cas échéant, du
droit étranger applicable en vertu de la règle Locus regj.t actum, du problème que suscite la
production de cet instrument devant un service public belge : à cette dernière fin, l'ins-
trument doit satisfaire aux critères requis pour le bon fonctionnement du service.
Sur le plan des conflits de lois, on peut déduire deux conséquences du principe qui
vient d'être énoncé.
a) Dans les cas où le service public remplit une fonction à laquelle les personnes inté-
ressées sont, pour des raisons d'efficacité, tenues de recourir, les exigences de forme
auxquelles est subordonnée cette intervention se communiquent à l'accomplisse-
ment de l'acte juridique produit devant ledit service. Les règles auxquelles obéit la
tenue des registres de publicité foncière ont pour conséquence d'imposer aux parties
de passer un acte authentique.
Les parties recourent naturellement aux formes prévues par la lex rei sitae pour les
actes déclaratifs ou translatifs de droits réels immobiliers, afin de satisfaire aux exi-
106 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
Section 3
Nature de la règle de rattachement
§1 ELÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
3.37 - Définition de la règle de rattachement- La règle de rattachement résout un con-
flit de lois en soumettant à un ordre juridique national (c), par l'intermédiaire d'un
indice de localisation ou « facteur de rattachement» (6), un rapport juridique identifié
au moyen d'un concept appelé« catégorie de rattachement» (a).
IllAinsi, en matière de capacité, la règle rattache une catégorie - les conditions auxquelles une
personne est reconnue comme capable, tel l'âge de la majorité -, au moyen d'un facteur de ratta-
chement - la loi nationale de la personne - au droit de l'État correspondant au facteur utilisé.
1111Parmi les conventions internationales en vigueur en Belgique, on peut donner pour exemple
l'article 1er, alinéa 1er, de la Convention de La Haye du 24 octobre 1956, aux termes duquel« la loi
de la résidence habituelle de l'enfant détermine si, dans quelle mesure et à qui l'enfant peut récla-
mer des aliments ». Cette règle comporte comme facteur de rattachement la résidence habituelle de
l'enfant, désigne comme loi compétente celle du pays où l'enfant a sa résidence habituelle, et prend
pour catégorie de rattachement l'obligation alimentaire, exprimée par les mots: « Si, dans quelle .
mesure et à qui l'enfant peut réclamer des aliments ». Ces mots couvrent la catégorie de situations
particulières qui forme l'objet ou la matière de la règle.
A. La catégorie de rattachement
3.38 - Un concept générique - Le concept appelé « catégorie de rattachement » corres-
pond, dans la règle de rattachement, aux notions désignant l'hypothèse d'une règle de
droit matériel. Toutefois, alors que cette hypothèse est visée à l'aide de concepts définis,
aux contours arrêtés, les catégories de rattachement sont souvent des concepts géné-
riques, dont les limites sont vagues et imprécises: la forme des actes, les régimes matri-
moniaux, les successions, l'état des personnes, la responsabilité civile sont quelques
exemples de catégories de rattachement traditionnelles. Certaines notions désignent une
branche entière du droit civil ou elles découpent dans la situation un aspect particulier,
de pure technique juridique (la forme ou la procédure, par exemple).
NATURE DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT 107
1111 Il suffit de comparer au concept « état et capacité des personnes » du Code Napoléon, les con-
cepts beaucoup plus différenciés des dispositions législatives dont l'hypothèse relève de la catégorie
de rattachement précitée, tels le concept «époux» de l'article 213 du Code civil, ou le concept
« individu qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis» (art. 388).
Le recours à des catégories aussi génériques s'explique d'abord par les conditions qui
ont présidé à l'élaboration de la théorie du rattachement au XIXe siècle. Une construc-
tion scientifique basée sur la nature des choses et cherchant à construire un ensemble
cohérent de règles aptes à résoudre les conflits de lois sous un angle universel, commun
aux États, ne pouvait qu'organiser l'agencement de ces règles autour de concepts abs-
traits, détachés de la contingence de systèmes étatiques particuliers, véritables catégories
de l'entendement.
Sous un angle pratique, l'utilisation de concepts aussi génériques crée à première
vue une ambiguïté - qu'a soulevée l'école positiviste - que pourrait seule lever la réfé-
rence à leur sens usuel dans le droit matériel interne du for.
À la vérité, l'indétermination de tels concepts comporte plus d'avantages que
d'inconvénients. À condition, précisément, qu'on ne s'efforce pas de la réduire à la signi-
fication que chacun de ces concepts pourrait revêtir selon le droit matériel interne du for,
pareille indétermination permet de saisir des situations à la description desquelles appar-
tiennent des concepts de droit étranger, différents des notions similaires du droit du for,
parfois même inconnus de celui-ci, comme la répudiation, le trust ou, dans les pays qui
ignorent une telle institution, l'adoption.
1111 On trouve en matière de divorce un exemple par l'absurde de l'avantage de catégories généri-
ques. Si le législateur du for aligne la catégorie sur les subdivisions du droit matériel, l'utilisation
du système de rattachement peut conduire à des impasses chaque fois que ces subdivisions sont
propres au droit du for. Ainsi, en Belgique, le législateur avait reproduit la distinction entre divorce
pour cause déterminée et divorce par consentement mutuel (voy. infra, n° 12.97), alors que le droit
étranger désigné peut parfaitement nier une telle distinction pour y préférer celle de divorce lié à la
faillite irrémédiable du mariage. Le Code abandonne une telle différenciation.
Il n'est donc pas étonnant que même les codifications nationales récentes n'aient
pas répudié la méthode des catégories génériques. Cette méthode ne serait donc pas liée à
un stade primitif du droit des conflits de lois.
Toutefois, lorsque les États s'efforcent d'unifier leurs règles de rattachement, ils ten-
dent à couvrir des matières juridiques plus précisément circonscrites. Ce faisant, ils veu-
lent surtout éviter une indétermination qui ferait obstacle à l'harmonie des solutions,
notamment en l'absence d'un système commun d'interprétation uniforme des règles de
rattachement conventionnelles. Cette politique est suivie par la Conférence de La Haye
de droit international privé. Elle trouve pourtant encore une autre explication dans les
contraintes de la négociation internationale. Il est en effet plus facile de s'entendre sur un
champ de matières étroitement délimité.
1111Voy. par exemple, en matière de contrats, la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi
applicable aux « ventes internationales d'objets mobiliers corporels ». Une telle délimitation con-
traste avec l'objet plus vaste d'un instrument arrêté au sein d'un club restreint d'États, à savoir la
Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux« obligations contractuelles», acces-
sible aux seuls États membres de l'Union européenne.
IllOn trouve un exemple significatif du recours à des notions concrètes plutôt qu'à des concepts
abstraits dans les conventions de La Haye qui, intéressant les mineurs, préfèrent parler d'un
«enfant», « âgé de moins de 21 ans accomplis» (Conv. La Haye du 24 octobre 1956, infra,
108 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
n ° 12.190, art. 1cr), ou« jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 18 ans» (Conv. La Haye du 19 octobre
1996 concernant la protection des enfants, art. 2). L'utilisation de termes aussi concrets analogues
à ceux que peuc comporter une règle matérielle permet non seulement à chaque négociateur de
savoir à quoi il s'engage, mais encore d'éviter une interprétation jurisprudentielle du terme
«mineur» qui puisse diverger d'un État contractant à l'autre.
Elle opère souvent un dépeçage du rapport juridique. Ainsi, la« forme extrinsèque »
des actes fait, traditionnellement, l'objet d'une règle de rattachement propre (voy. supra,
n ° 3.29). Ou encore, la notion de « capacité des personnes physiques » se réfère aux pro-
blèmes d'aptitude personnelle à accomplir un acte juridique. Par suite de la scission des
éléments constitutifs de la situation singulière, les divers fragments appréhendés par les
règles de rattachement respectives risquent d'être distribués entre des droits étatiques
différents.
Supposons qu'un Anglais domicilié à Londres ait, par un testament fait à Paris, légué un
!Ili
immeuble situé en Belgique et qu'après sa mort, des héritiers qui se prétendent réservataires con-
testent la validité du legs. Le tribunal belge compétent doit appliquer plusieurs lois : la capacité de
disposer dépend de la loi personnelle du testateur, l'étendue de la réserve, de la loi belge, loi succes-
sorale, la forme du testament est appréciée conformément à la règle Locus regit actum, etc.
B. Le facteur de rattachement
3.41 - Élément de localisation - C'est grâce au« facteur de rattachement» que l'objet de
la règle est localisé.
Le facteur de rattachement remplit dans la règle de rattachement une fonction analogue à celle
!Il!
qui appartient au concept qui dans les « règles d'applicabilité» permet de déterminer le domaine
spatial de règles matérielles nationales (voy. infra, n ° 4.8), voire de la règle de rattachement elle-
même (voy. infra, n ° 4.49) ou de règles de droit privé uniforme (infra, n ° 4.37).
Dans la plupart des cas, le facteur de rattachement saisit le rapport juridique par
l'élément de localisation le plus approprié au regard de l'objectif poursuivi par la règle.
Vu sous cet angle, le facteur est soit personnel, soit territorial.
La nationalité établit un lien juridique et politique immédiat entre la personne et l'État. Elle a
11!1
longtemps dominé le droit de la personne et de la famille en Europe continentale (voy. supra,
n° 3.18), essentiellement dans un but de préservation de la permanence de l'état de la personne
(voy. supra, n ° 3.11).
Ill Les facteurs territoriaux désignent un: point du domaine territorial de l'État. Ce sont notam-
ment le domicile ou la résidence d'une personne, la situation d'un bien corporel, le lieu où un acte
juridique est accompli, où un fait dommageable est commis, etc. (voy. supra, n° 3.19).
Un deuxième type de facteur consiste dans le choix par les agents juridiques privés
de la loi applicable à une situation déterminée. La « loi d'autonomie» est un ratta-
chement spécifique, distinct des deux précédents, appelé par Lewald « rattachement
individuel», puisque ce sont les volontés privées qui désignent la loi compétente.
Un troisième type de facteur retient un concept générique, qui exprime directement
l'objectif de la règle et dont la détermination dans le cas individuel est laissée à la dis-
110 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
étroits par l'énoncé d'indices. Voy. en ce sens: C.J.C.E., aff. C-70/03, 9 septembre 2004, Espagne.
Par exemple, la règle disposant que l'obligation alimentaire à l'égard d'un enfant est régie par le
1111
droit de l'État sur le territoire duquel l'enfant réside habituellement ne fournit aucun élément per-
mettant de savoir si l'enfant aura droit ou non à des aliments.
La désignation a pour objet un ensemble de règles, non une disposition législative
particulière. Cela constitue une caractéristique essentielle de la norme indirecte. Si celle-
ci désignait une loi déterminée, il serait possible, parfois à la seule lecture de l'intitulé de
la loi, de prévoir la solution matérielle. Comme la désignation porte sur l'ensemble des
normes en vigueur dans un système étatique - en quelque sorte, sur un nombre infini de
normes -, il appartient à ce système de préciser laquelle de ces normes est pertinente
pour trancher le cas d'espèce.
Ili On aperçoit sans peine que le terme « loi" dans l'expression « règle de conflit de lois" ou
l'expression « loi applicable " constituent des archaïsmes. Ces termes remontent à l'époque où la
problématique de l'école des statuts (voy. supra, n ° 2.4), se concentrait sur l'applicabilité de
« statuts " posés par une ville ou une commune.
Ill!Le terme « loi " est particulièrement inapproprié lorsque la règle de rattachement désigne le
droit d'un pays de common law, où la norme pertinente peut découler d'un précédent jurispruden-
tiel. Sur l'incidence de cette caractéristique sur la condition procédurale du droit étranger, voy.
infra, n° 6.57.
L'ensemble ainsi désigné ne comprend pas pour autant des normes intéressant
n'importe quelle matière. Le caractère fragmentaire de la plupart des catégories de ratta-
chement implique que l'objet désigné dans le droit applicable corresponde uniquement à
la matière couverte par la catégorie.
Ili Par exemple, si le droit français est déclaré applicable aux formalités du mariage célébré en
France entre deux Marocains, en vertu de la règle Locus regit actum (voy. supra, n ° 3.24 et infra,
n ° 12.47), ce droit n'est appliqué que dans ses dispositions concernant la célébration même, non
dans d'autres dispositions concernant, par exemple, la nubilité.
La désignation du droit applicable soulève une série de questions quant à sa portée :
l'ensemble des normes ainsi désigné inclut-il des règles de rattachement? Comment con-
vient-il d'interpréter le droit désigné? Comment gérer l'application distributive de divers
droits étatiques à une situation déterminée ? Ces questions sont traitées sous le titre con-
sacré au fonctionnement de la règle de rattachement.
3.44 - Une désignation« multilatérale» - L'essence de la règle de rattachement est
d'être à même de désigner un droit étranger, c'est-à-dire un système étatique autre que
celui dont émane la règle.
Le procédé consiste à formuler une disposition qui puisse désigner un système étati-
que sans l'identifier par son nom.
IliPar exemple, la règle édictant que l'obligation alimentaire envers un enfant est régie par le droit
de l'État sur le territoire duquel l'enfant réside habituellement ne désigne pas le droit français ou le
droit allemand, mais le droit de tout État où peut être localisée la résidence habituelle dans le cas
individuel.
Cette caractéristique de la règle de rattachement est communément désignée par la
nature « multilatérale » de la règle.
Il arrive toutefois qu'une règle nationale de rattachement ne soit pas énoncée sous
une forme multilatérale mais se présente plutôt comme une règle unilatérale. C'est le cas
de l'article 3 du Code Napoléon qui reproduit, à cet égard, la tradition. Les alinéas 2 et 3
se sont contentés de désigner le droit belge.
112 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
L'alinéa 1er présentait une formulation particulière, apparemment générale, puisqu'il disposait
1111
que« les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire», donnant à enten-
dre que ce territoire peut être celui de tout État où habitent les personnes en cause. En réalité, la
disposition se comprenait comme ne visant que les lois du for, sauf en matière quasi délictuelle
(voy. infra, n° 4.11).
Si elle n'est pas complétée d'une autre disposition plus générale, la règle unilatérale
présente une lacune, puisqu'elle ne prévoit pas le cas où la situation présente l'élément de
localisation pertinent dans un État autre que l'État du for. C'est pourquoi la jurispru-
dence a procédé à une interprétation multilatérale de la règle unilatérale, par le recours à
l'argument d'analogie.
1111En Belgique, l'interprétation analogique est adoptée en 1882, par les arrêts de Baujfremont (Cass.
19 janvier 1882, Pas., 1882, !, 38, constatant que le rattachement du statut personnel à la loi natio-
nale est« implicitement consacré» par le texte de la loi) et Bigwood (Cass., 9 mars 1882, Pas., 1882, I,
62, recevant un pourvoi fondé sur la violation de l'article 3 du Code civil contre un arrêt qui avait
appliqué le droit anglais et estimant que cet arrêt en a fait application « en tenant compte, dans
l'affaire, des lois anglaises régissant le statut personnel»).
1111Comp. déjà: Cass., 3 août 1848, Flescher, Pas., 1848, !, 376, estimant que l'existence de« la juri-
diction des tribunaux belges sur les étrangers [... ] présuppose nécessairement le pouvoir dans ces
tribunaux d'appliquer les lois étrangères de l'espèce de celles mentionnées au § 3 de l'art. 3 du
C. civ. » et précisant que, pour apprécier l'incapacité de l'étranger, « il est évident [que] les tribu-
naux belges devront nécessairement appliquer les lois régissant la capacité ou le statut personnel
de cet étranger » ; cet arrêt ne précise cependant ni la base légale de la solution ni la concrétisation
exacte du facteur de rattachement pertinent.
L'interprétation multilatérale n'a pas suivi l'entrée en vigueur du Code Napoléon. Il semble qu'elle
soit le fruit de l'école de l'exégèse, représentée en Belgique par F. Laurent (voy. supra, n ° 2.7) et
qu'elle ait été rendue possible suite aux travaux de Savigny (voy. supra, n° 2.7). Ainsi, l'arrêt de
Terwangne rendu par la Cour de cassation le 6 août 1852 (Pas., 1853, I, 155, supra, n ° 1.12) se réfère
encore au facteur du domicile en matière de statut personnel comme un principe du droit des gens
distinct de la règle énoncée par l'article 3 du Code civil. Voy. pour plus de détails, notamment sur la
jurisprudence française: M. FALLON,« L'application de l'article 3, alinéa 3, du Code civil par la juris-
prudence belge au XIXe siècle», Mélanges F Laurent (Bruxelles, Story, 1989), 765-782.
111 Sur la jurisprudence française, voy. BATIFFOL et LAGARDE, t. II, n ° 379. La même solution a pré-
valu en Allemagne pour l'interprétation des dispositions unilatérales de l'EGBGB de 1896, bien
que la rédaction unilatérale eût été inspirée par la volonté de réserver l'applicabilité des lois étran-
gères (voy. KELLER et SIEHR, Allgemeine Lehren des internationalen Privatrechts, Zurich, Schulthess, 1986,
73).
111 L'« unilatéralisme » s'est opposé au processus d'interprétation précité (voy. infra, n° 4.18).
Ill Ainsi, l'article 2, alinéa 3, de la Convention de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains
conflits de lois en matière de chèques, permet à chaque État contractant« de ne pas reconnaître la
validité de l'engagement pris en matière de chèques par l'un de ses ressortissants», si, sans être
capable de s'engager par chèque d'après sa loi nationale, celui-ci est seulement tenu par application
de la loi du pays où le chèque a été signé.
La Belgique a fait usage de cette faculté dans l'article 63 de la loi du icr mars 1961, aux termes
duquel« la validité des engagements souscrits par chèque par un Belge à l'étranger n'est reconnue
en Belgique que si, d'après la loi belge, il possédait la capacité requise pour les prendre ».
Le chèque signé en Belgique ou à l'étranger par un étranger incapable d'après sa loi nationale, mais
que la loi belge (ou la loi étrangère du lieu de signature) tient pour capable, est valable conformé-
ment à la règle de conflit conventionnelle. En revanche, le Belge ne peut s'engager à l'étranger que
conformément aux dispositions de sa loi nationale, l'article 63 de la loi du 1er mars 1961 imposant,
pour ce seul cas, une exception au régime conventionnel. Pareille discrimination constitue une
solution exclusivement unilatérale : l'article 63 ne saurait être multilatéralisé puisqu'il apporte une
exception d'interprétation limitative à la règle multilatérale inscrite dans la Convention.
b) Lorsque la règle de rattachement définit le domaine d'application du droit du for en
énonçant plusieurs facteurs de localisation qui jouent alternativement, l'un à défaut
de l'autre, l'interprétation multilatérale est techniquement impossible car pareille
règle est impuissante à désigner un ordre juridique étranger déterminé. Elle excéde-
rait d'ailleurs l'objectif du législateur, uniquement préoccupé d'assurer une applica-
tion extensive de son propre droit.
1111Ainsi, selon l'article 310 du Code civil français, le divorce et la séparation de corps sont régis par
la loi française, notamment, lorsque l'un et l'autre époux sont de nationalité française, ou lorsque
les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français. En conjuguant ces deux critè-
res, le législateur soumet à la loi française aussi bien les Français domiciliés hors de France que les
étrangers domiciliés en France. La disposition ne saurait désigner le droit applicable lorsque le
divorce intéresse des Belges résidant au Royaume-Uni.
Un autre exemple figurait dans l'article 2 de la loi belge du 27 juin 1960 sur le divorce pour
1111
cause déterminée lorsqu'un des époux est étranger, selon lequel le divorce est régi par le droit belge
lorsqu'un des époux est belge. Le caractère exclusivement unilatéral de la disposition se déduit
moins du texte de cette disposition particulière que de l'ensemble de la structure des règles de rat-
tachement en la matière (voy. infra, n ° 12.97).
La règle exclusivement unilatérale qui, en assurant l'application du droit du for aux
seuls nationaux, traduit une politique de protection du national, soulève nécessairement
la question de sa compatibilité avec une norme de protection des droits fondamentaux
prohibant les discriminations exercées en raison de la nationalité, tel l'article 12 du traité
CE (voy. supra, n ° 1.11). Un tel reproche ne semble pas devoir être fait à la règle multilaté-
rale, dès lors qu'elle soumet les uns et les autres à un rattachement identique, celui de
l'application de la loi nationale de chacun. En revanche, la règle exclusivement unilaté-
rale tend à n'affecter que les nationaux de l'État qui produit la règle, tout en soumettant
les nationaux d'autres États à une règle de rattachement distincte.
L'article 63 précité de la loi du 1er mars 1961 paraît un bon exemple d'une règle de nature à con-
1111
3.46 - Qualité de l'ordre juridique désigné - La règle de rattachement désigne, dans son
acception classique, un ordre étatique. Ce postulat a susité deux interrogations, relatives
à la possibilité de désigner un droit non étatique, tels les usages du commerce, et à la con-
figuration de l'ordre étatique désigné.
114 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
À l'égard des États divisés, la jurisprudence belge de droit international privé a fait
preuve de réalisme en ne refusant pas d'appliquer le droit en vigueur sur le territoire
administré par celui des deux États que le gouvernement belge ne reconnaissait pas au
moment du litige.
Ainsi, il a été fait application du droit de la République populaire de Chine et du droit de la
1111
République démocratique allemande, bien qu'à la même époque le gouvernement belge limitât ses
relations diplomatiques au gouvernement de Taïwan et à la République fédérale d'Allemagne.
Voy.: Civ. Bruxelles, 24 novembre 1958, J. T (1959), 189, note J. ÜNDEL; Comm. Bruxelles,
11 décembre 1967,].C.B. (1970), 132.
Même si la règle de rattachement est apte à désigner un ordre juridique étranger, son
propre domaine spatial n'est pas sans limite. L'État dont elle émane ne saurait prétendre
y soumettre toute situation transfrontière quelconque. Etant adressée aux autorités et
aux juridictions de l'État à l'ordre juridique duquel elle appartient, la règle nationale de
rattachement ne vaut que pour les situations relevant de la compétence de ces autorités
ou de ces juridictions.
C'est ainsi que l'applicabilité de la règle de rattachement est elle-même circonscrite
dans l'espace par les règles de compétence internationale que doivent respecter les autori-
tés et les juridictions du même État.
1111La plupart des conventions de la Conférence de La Haye one aujourd'hui ce caractère. Il en est
même ainsi de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la protection des mineurs
(art. 20), alors que cet instrument porte aussi sur la détermination de la compétence internationale
et sur la coopération internationale.
111 Hormis certains traités (par exemple en matière de forme des testaments), les Conventions de
La Haye d'uniformisation des règles de rattachement n'ont obtenu qu'une moyenne d'environ dix
ratifications. Le résultat est beaucoup plus élevé pour les instruments concernant le conflit d'auto-
rités ou de juridictions, ce qui donne à penser que l'uniformisation au sens strict est ressentie
comme étant plus utile dans la seconde matière que dans la première.
A. Le rattachement disjonctif
3.52 - Dépeçage de la catégorie de rattachement- Est« disjonctive», toute règle dont la
catégorie de rattachement établit une alternative entre deux classes de situations visant
l'objet du rattachement. La règle de rattachement disjonctive se divise en deux branches
exclusives l'une de l'autre puisque l'objet du rattachement ne saurait appartenir simulta-
nément aux deux classes considérées.
1111L'exemple type de règle disjonctive est la solution appliquée à la dévolution successorale en Bel-
gique, en France et dans la plupart des pays de common law. Alors que les meubles sont soumis à la
loi du dernier domicile du défunt, les immeubles sont régis par la loi du pays où ils sont situés.
Un autre exemple peut être trouvé dans la distinction qu'entraîne la règle Locus regit actum entre les
conditions de validité d'un acte quant au fond et quant à la forme
B. Le rattachement subsidiaire
3.53 - Un rattachement fonction d'une règle principale - Est appelée subsidiaire, la
règle de rattachement énoncée pour le cas où les faits de l'espèce ne fournissent pas la
concrétisation du facteur de rattachement retenu à titre principal.
1111Dans les pays qui soumettent le statut personnel à la loi nationale, l'application de la loi du
domicile aux apatrides et, plus subsidiairement encore, celle de la loi de la résidence aux apatrides
dont le domicile ne peur être déterminé, ont un caractère subsidiaire par rapport à la règle de ratta-
chement principale.
D'après l'article 3, paragraphe l 'r, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, « le contrat est régi
par la loi choisie par les parties » (règle de rattachement principale), mais« dans la mesure où la loi
applicable au contrat n'a pas été choisie [... ], le contrat est régi par la loi du pays [... ] » (art. 4, § F 1 )
(règle de rattachement subsidiaire).
Voy. encore la première phrase de l'article 6 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi
applicable en matière d'accidents de la circulation routière et l'article 4 de la Convention de La
Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.
Une règle subsidiaire répond à une nécessité pratique dans divers types de cas :
- le facteur retenu à titre principal fait défaut dans la situation concrète.
Par exemple, les parties n'ont pas choisi le droit applicable, ou la personne en cause ne possède
1111
ment, en matière d'obligations non contractuelles, dans l'hypothèse d'un délit à distance (voy. infra,
n° 15.13).
1111Singulièrement, la Convention de Rome du 19 juin 1980 retient la méthode de localisation
objective dans un double sens. En premier lieu, le concept sert à fonder la règle de rattachement
(voy. supra, n° 3.41) et la notion de« lien étroit» figure alors comme facteur de rattachement prin-
cipal. En second lieu, il joue de manière subsidiaire, « lorsque la prestation caractéristique ne peut
être déterminée » (art. 4, § 5). Or, cette prestation est un élément de la présomption qui sert à préci-
ser la portée du facteur principal.
le facteur retenu à titre principal est inapproprié.
1111 C'est la portée que l'on peut attribuer à la clause générale d'exception (voy. supra, n ° 3.17).
l'application du droit étranger doit être évincée pour contrariété à l'ordre public
(voy. infra, n ° 7.55).
La règle subsidiaire peut consister en :
- l'élaboration d'une règle spéciale.
Par exemple, lorsque les époux n'ont pas la même nationalité, la loi de la résidence conjugale
1111
3.55 - Règle affectée d'une condition matérielle - La condition à laquelle fait appel la
règle de rattachement peut être de nature matérielle. Elle est motivée par une politique
du législateur exprimant une méfiance à l'égard d'un facteur de rattachement.
Dans un premier type de cas, la condition est un fait matériel, telle la prévisibilité
d'une situation.
1111 Dans la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait
des produits, la loi de l'État du principal établissement de la personne dont la responsabilité est
invoquée est préférée à la loi de la résidence habituelle de la personne lésée ou à la loi du lieu du fait
120 l.A RÈGLE DE RATTACHEMENT
dommageable quand la première de ces personnes« établit qu'elle ne pouvait pas raisonnablement
prévoir que le produit ou ses propres produits de même type seraient mis dans le commerce dans
l'État considéré» (art. 7). Ainsi, le choix du droit applicable est subordonné à un fait matériel qui,
étant un fait de volonté ou de prévisibilité, n'est pas sans analogie avec les diverses techniques
d'autonomie de la volonté.
1111 Dans le Code belge, voy. l'art. 99, § 1er, 1 °.
Dans un second type de cas, la condition est un fait juridique, à savoir la circons-
tance que le facteur retenu l'est également par un législateur étranger déterminé. C'est
une telle convergence des politiques législatives qui asseoir alors la légitimité de la règle.
1111 Cette technique se rencontre dans l'article 7, paragraphe 1er, a, de la directive 88/357 du 22 juin
1988, concernant les contrats d'assurance autres que sur la vie (voy. infra, n° 14.95), aux termes
duquel, lorsque la loi de l'État sur le territoire duquel le preneur d'assurance a sa résidence habi-
tuelle« le permet, les parties peuvent choisir la loi d'un autre pays». Le législateur communautaire,
confronté à la difficulté de prendre position sur le principe d'autonomie, a préféré ne le retenir que
s'il est admis par le droit de l'État de la résidence du preneur. Pour le législateur du for, cela revient
à retenir la loi d'autonomie si celle-ci est admise par la loi normalement applicable, qui est celle de
la résidence du preneur.
Dans le Code belge, voy. les art. 78, § 2, al. 2, et 110, al. 2.
Ce procédé original s'apparente à la technique du renvoi, dont il constitue une variété (voy. infra,
1111
n° 6.16).
D. Le rattachement distributif
3.57 - Scission du facteur de rattachement - En matière de relations familiales, l'appli-
cation « distributive » des diverses lois personnelles aboutit à scinder la règle de rattache-
ment.
NATURE DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT 121
1111Ainsi, pour déterminer les conditions de validité du mariage, on vérifie les conditions requises
dans le chef de chaque personne selon sa loi personnelle. Par exemple, l'âge requis pour se marier
est fixé selon la loi nationale de chaque époux (art. 46, al. 1er, Codip).
Voy. aussi l'article 4, alinéa 2, et l'article 5, alinéa 1er, de la Convention de La Haye du 15 novembre
1965 concernant la compétence des autorités, la loi applicable et la reconnaissance des décisions en
matière d'adoption.
ceux ici exposés. Voy. la méthode de la règle d'applicabilité du droit matériel national, infra, chap. 4,
sect. 1.
montre une variété du principe d'autonomie, dont l'exercice est réservé unilatérale-
ment à l'une des parties à la relation.
1111Telle est la portée de l'article 6 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applica-
ble à la responsabilité du fait des produits, selon lequel « Quand aucune des lois désignées aux
articles 4 et 5 ne s'applique, la loi applicable est la loi interne de l'État du principal établissement de
la personne dont la responsabilité est invoquée, à moins que le demandeur ne se fonde sur la loi
interne de l'État sur le territoire duquel le fait dommageable s'est produit». Voy., en matière de dif-
famation, l'article 99, § 2, 1 °, du Code belge.
Un autre exemple est procuré par l'article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi
applicable aux obligations contractuelles, selon lequel le choix du droit applicable par les parties ne
peut priver le consommateur de la protection que lui assure le droit du pays dans lequel il réside
habituellement. La disposition n'est guère explicite, mais elle se comprend aisément comme
offrant au consommateur la faculté d'invoquer le droit choisi dans le contrat si celui-ci lui est plus
favorable que le droit de sa résidence habituelle.
Ill La politique peut s'exprimer en combinant le jeu de deux méthodes distinctes de solution du
conflit de lois, une règle de rattachement et une règle d'applicabilité liée à une loi de police (voy.
infra, n ° 4.13). Ainsi, dans la Convention de Rome du 19 juin 1980, la désignation de la loi qui régit
le contrat en vertu de l'article 3 (loi d'autonomie) ou de l'article 4 (rattachement subsidiaire)
n'exclut pas que la partie qui y a intérêt invoque le bénéfice d'une disposition impérative au sens de
l'article 7 (lois de police) au cas où celle-ci lui serait plus favorable qu'une disposition correspon-
dante de la première loi. Cette alternative est plus explicite dans le cas précité de l'article 5.
La formulation d'une clause spéciale d'ordre public positif peut également avoir
recours à une énonciation alternative, permettant d'exprimer la souplesse inhérente
au critère de l'intensité du rattachement qui préside à la mise en œuvre de l'excep-
tion d'ordre public (voy. infra, n ° 7.53).
b) La forme « cumulative » est plus rare. Pour obtenir un effet juridique, il faut satis-
faire aux conditions que posent l'ensemble des droits énoncés dans une liste prédéfi-
nie. Il est alors fait application de la loi la plus stricte.
1111La solution que, par interprétation de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, la Cour de cassation de
Belgique a donnée au divorce d'époux de nationalités différentes, présentait ce caractère: le divorce
n'était admis que si les deux lois nationales en reconnaissaient le principe. On a souvent reproché à
cette théorie, dite du « cumul limitatif», d'appliquer non les deux lois, mais seulement la plus
stricte des deux, exprimant une défaveur au divorce.
Voy.: Cass., 16 mai 1952, Rossi, Pas. (1952), I, 589; ch. réun., 16 février 1955, Rossi, Pas. (1955), I, 647.
Cette jurisprudence est devenue caduque à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 27 juin 1960
sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des conjoints au moins est étranger. Elle a néanmoins été
confirmée ultérieurement pour certaines formes de divorce, par: Cass., 14 décembre 1978 (voy.
infra, n° 12.97). Voy. les critiques unanimes de la doctrine belge, reprises par F. R.rGAUX, « Loi et
jurisprudence dans la matière des conflits de lois», Rev. crit. ;ur. belge (1979), 121-130.
3.60 - Identité de nature des formulations - Il n'y a aucune différence de nature entre la
règle appelée alternative et la solution du cumul limitatif.
NATURE DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT 123
IliVoy. la démonstration en ce sens de : K1scH, « La loi la plus favorable», Mélanges Gutzwiller (Bâle,
Helbing & Lichtenhahn, 1959), 373.
IllDans les exemples qui viennent d'être donnés, la règle poursuit un objectif de droit matériel,
respectivement: la faveur du testament, celle du chèque, le maintien de l'indissolubilité du lien
conjugal, etc.
Entre le rattachement appelé alternatif et celui qui est dit cumulatif, il n'y a qu'une
différence d'expression et de perspective. Dans les deux cas, préférence est donnée à l'inté-
rêt d'une partie occupant une position caractéristique dans le litige éventuel. Suivant
qu'on considère la faveur exprimée par le législateur de droit international privé pour la
partie qui se prévaut d'un acte juridique ou sa défaveur à l'égard de celle qui s'efforce d'en
poursuivre la nullité ou la dissolution, la règle paraîtra respectivement alternative ou
cumulative. Ces deux qualifications s'intervertissent si de la position d'une partie on
passe à celle de son adversaire.
1111 Du point de vue de celle des parties qui se prévaut de la validité du testament ou du chèque, du
consommateur ou de celui des conjoints qui se défend contre l'action en divorce intentée par
l'autre conjoint, les règles ont un caractère alternatif: pour que cette partie ait gain de cause, il suf-
fit qu'une des lois en concours déclare le testament ou le chèque valable, assure la protection
demandée, ou il suffit que la loi d'un seul des époux affirme l'indissolubilité du mariage.
Un renversement de perspective confère aux mêmes règles un caractère cumulatif: la partie qui se
prévaut de la nullité du testament ou du chèque doit démontrer qu'aucune des lois en présence ne
le tient pour formellement valable ; au fabricant ou à l'époux demandeur en divorce, il incombe de
s'appuyer sur la convergence des deux lois nationales.
LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
4.1 - Bibliographie
a) Applicabilité du droit national
La plupart des ouvrages généraux portant sur la méthode des conflits de lois, cités sous le
chapitre 3, analysent aussi la notion de règle d'applicabilité, le plus souvent sous les concepts de loi
de police, de loi d'application immédiate ou d'unilatéralisme.
1 ° Monographies
B. BECK, Die extraterritoriale Anwendung nationalen Wettbewerbsrechts (Baden-Baden, Nomos, 1986);
A. BoNOMI, Le norme imperativi ne/ diritto internazionale privato (Zürich, Schulthess, 1998); A. BUCHER,
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1975); D. CHILSTEIN, Droit pénal international et lois de police (Essai sur l'application dans l'espace du droit
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Mohr, 2002); G. GOLDSTEIN, De l'exception d'ordre public aux règles d'application nécessaire (Montréal,
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2 ° Études générales
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126 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
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(Fribourg, Ed. univ., 1997).
Le phénomène ne touche pas seulement le droit national, pour lequel il a été le mieux
étudié ; il affecte aussi le droit conventionnel, singulièrement les actes internationaux qui
uniformisent le droit matériel. La méthode observée dans l'un et l'autre cas est similaire
et se laisse identifier aisément sous l'appellation de règle directe d'applicabilité ou, plus
couramment, de règle d'applicabilité.
Section 1
Il convient donc d'analyser avec soin l'interaction des méthodes, après avoir dégagé
la nature même de la règle d'applicabilité en tant que règle de conflit de lois.
L'APPLICABILITÉ DU DROIT NATIONAL 129
A. Dé.finition
4.4 - Une norme ayant pour objet une règle matérielle - La règle d'applicabilité peut se
définir comme une disposition - législative ou déduite de la loi par voie d'interprétation
- qui fixe le domaine d'application dans l'espace des règles matérielles auxquelles elle est
attachée. Ces règles matérielles constituent un ensemble fini de dispositions, insérées
dans une législation particulière, laquelle désigne les situations internationales soumises
à ces règles.
IllLe mérite revient à Ph. Francescakis et à R. De Nova (précités n ° 4.1) d'avoir formalisé l'observa-
tion, pour l'un de « règles d'application immédiate », pour l'autre de « normes délimitant elles-
mêmes leur champ d'application ».
Ill La méthode n'est pas nouvelle mais peut s'analyser comme un mode primitif de solution du
conflit de lois avant l'émergence de la méthode savignienne (voy. infra, n°5 4.18 et s., à propos de
l'unilatéralisme, et supra, chap. 2, sect. 1, à propos de la présentation des écoles).
IllL'expression« règle spéciale d'applicabilité» est utilisée par le Code de droit international privé,
sous l'intitulé de l'article 20.
4.5 - Objectif de la règle directe d'applicabilité - La règle directe d'applicabilité fait l'objet
d'une pratique législative croissante. Une délimitation précise du champ d'intervention de
cette méthode reste délicate. Il est cependant possible d'énoncer certaines hypothèses
quant aux objectifs poursuivis par le législateur.
Deux types de considérations semblent prévaloir. L'une et l'autre expriment le souci
d'assurer la pleine effectivité des règles matérielles visées.
D'une part, le législateur éprouve la nécessité de poser une règle particulière parce
qu'il estime la règle générale inadéquate pour atteindre le but visé. En d'autres termes, la
règle serait le plus souvent une dérogation à un principe de solution. Par hypothèse, le
principe est posé dans une règle de rattachement déterminant le droit applicable de
façon globale. La règle directe d'applicabilité se présenterait donc comme une exception à
la règle de rattachement dans une matière particulière. Le motif de cette exception serait
que la règle de rattachement, qui poursuit un objectif propre (voy. supra, n ° 3.10), ne tient
pas compte d'un impératif de justice posé par le législateur de droit matériel.
130 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
Il!!Il est remarquable que la plupart des règles directes d'applicabilité se laissent observer dans le
domaine des contrats, dominé par le principe d'autonomie de la volonté. Le recours croissant à la
méthode pourrait donc exprimer un malaise à propos de cette règle. Comp. infra, n ° 4.9, au sujet de
la relation entre formulation unilatérale et formulation multilatérale de la règle d'applicabilité.
Un paradigme de la règle directe d'applicabilité peut être trouvé dans la loi belge du 27 juillet 1961
relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. Pour
assurer une rigoureuse application des dispositions impératives qu'il édicte - à savoir l'octroi de
dommages et intérêts consécutifs à la résiliation unilatérale du contrat par le concédant -, le légis-
lateur les complète de deux règles de droit international privé : l'une, sur la compétence juridiction-
nelle, d'après laquelle le concessionnaire lésé peut toujours assigner le concédant en Belgique« lors
d'une résiliation d'une concession de vente produisant ses effets dans tout ou partie du territoire
belge» (art. 4, al. l "), l'autre rédigée comme suit: « Pour les cas où le litige est porté devant un tri-
bunal belge, celui-ci appliquera exclusivement la loi belge » (art. 4, al. 2).
Un autre exemple est fourni par l'article 17, alinéa 2, de la loi belge du 5 juin 1928 portant régle-
mentation du contrat d'engagement maritime, selon lequel les dispositions de cette loi
« s'étendent au contrat d'engagement maritime conclu même à l'étranger pour le service d'un
navire belge». En revanche, l'alinéa premier de la même disposition exclut l'application de la loi
« au contrat d'engagement maritime conclu même en Belgique par un marin belge pour le service
d'un navire étranger».
Sur la fonction dérogatoire de la méthode en matière de responsabilité civile, voy. par exemple,
Il!!
en France, à propos d'une« loi d'application nécessaire » : Cass. civ., 3 juin 2004, Revue (2004), 750,
note D. BUREAU.
En matière de statut personnel, voy. comme exemple la loi suédoise du 31 mai 2000 sur les rela-
Il!!
tions de partenariat homosexuel (Revue, 2001, 774), qui utilise pour facteurs d'applicabilité, alter-
nativement, la localisation du domicile d'une partie depuis deux ans en Suède ou la nationalité
suédoise (ou norvégienne ou danoise) d'une partie mais combinée avec un domicile en Suède.
qu'une loi contient une règle directe d'applicabilité qu'elle peut être qualifiée de loi
d'application immédiate.
!IlComme exemple d'utilisation du concept de « loi d'application nécessaire », voy. en France:
Cass. civ., 3 juin 2004, Revue (2004), 750, note D. BUREAU.
1111L'expression règle« spéciale» d'applicabilité figure sous l'article 20 du Code belge. De cette spé-
cialité de la règle d'applicabilité découle que, dans le système du Code, la raison d'être de cette dis-
position n'apparaisse pas à première vue, dès lors que la loi réserve la primauré des « lois
particulières» (art. 2). Cette constatation est vraie pour les règles d'applicabilité belges, elle est
insuffisante à propos de règles étrangères de cette nature, dont la mise en œuvre par le juge saisi
présuppose une disposition spécifique.
Une autre précision terminologique s'impose à propos des« lois de police» et, par le
fait même, des « règles impératives » et des « règles d'ordre public». L'importance du
concept de loi de police justifie cependant un développement particulier (point C, ci-des-
sous).
le« contrat», la règle d'applicabilité contenue dans la loi du 27 juillet 1961 a pour hypothèse les
règles qui, dans cette loi, organisent l'indemnité de préavis en cas de résiliation unilatérale d'une
concession de vente exclusive à durée indéterminée.
1111 Le cas dans lequel l'hypothèse de la règle ne couvre que pour partie les normes matérielles de la
loi en cause est sans doute exceptionnel. On en trouve une illustration à propos de la règle impli-
cite d'applicabilité déduite par la jurisprudence de la qualification comme lois de police de certai-
nes dispositions de la législation sur le contrat de travail (voy. infra, n ° 14.175).
132 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
La règle a pour objet la désignation des règles matérielles qui en constituent l'hypo-
thèse. La règle directe d'applicabilité présente donc un phénomène d'auto-désignation
(voy. ci-dessous). La désignation ne va même pas à d'autres dispositions matérielles que
contiendrait le droit du for en dehors de la loi particulière en cause.
1111Ainsi, lorsque l'article 4, alinéa 2, de la loi du 27 juillet 1961 dispose que le juge « appliquera
exclusivement la loi belge», la désignation n'a de sens qu'à propos des règles matérielles de la loi du
27 juillet 1961, non d'autres règles matérielles contenues, par exemple, dans le Code civil. La même
imprécision figure dans les dispositions plus récentes de l'article 27 de la loi belge du 13 avril 1995
relative au contrat d'agence commerciale.
On trouve une expression plus transparente de l'aura-désignation dans la loi belge du 12 juin 1991
relative au crédit à la consommation, dont l'article 2 porte que: « La présente loi s'applique aux
contrats de crédit conclus par un consommateur ayant sa résidence habituelle en Belgique[ ... ]».
facteurs alternatifs et facteurs conditionnels. La loi belge du 12 juin 1991 relative au crédit à la con-
sommation en fournit un exemple. Elle s'applique dans deux hypothèses alternatives, chaque
hypothèse faisant appel à des facteurs conditionnels. La première hypothèse est celle où prêteur et
emprunteur résident en Belgique. La seconde est celle où l'emprunteur réside en Belgique, à candi-
L'APPLICABILITÉ DU DROIT NATIONAL 133
tion que« le contrat ait été précédé en Belgique d'une proposition particulière ou d'une publicité »
et« que le prêteur[ ... ] aie reçu en Belgique la demande de crédit[... ] ».
La loi suédoise précitée montre aussi pareille combinaison, puisque la nationalité d'une partie ne
suffit pas à emporter l'application de la loi.
1111Comme cas de facteur de type exclusif, ne retenant qu'un élément de localisation à l'exclusion
de cout autre, voy. la loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, qui retient
l'établissement principal de l'agent. Voy. aussi la loi du 5 juin 1928 (supra, n ° 4.5), retenant le cri-
tère du pavillon.
Sur cet exemple, voy. notamment: F. RrGAUX, « Les règles de droit délimitant leur propre domaine
d'application», Ann. droit (1983), 302, 305-306; K. SIEHR, « Normen mit eigener Bestimmung ihres
raumlich-personlichen Anwendungsbereichs im Recht der Bundesrepublik Deutschland », 46
RabelsZ. (1982), 365.
Il arrive exceptionnellement que la règle d'applicabilité conduise à une formulation
de caractère multilatéral. Ceci suppose qu'une analyse du droit comparé révèle une con-
vergence de règles d'applicabilité dans une matière déterminée. Ce phénomène s'observe
en matière de contrats de travail et de contrats de consommation.
L'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations con-
Ill!
tractuelles permet au travailleur de bénéficier des règles impératives de l'État où le travailleur
accomplit habituellement son travail, à moins que le contrat présente des liens plus étroits avec un
autre État. Cette formulation est multilatérale puisqu'elle désigne le droit d'un État sans nommer
celui-ci. On y trouve aussi le critère des« liens étroits » qui caractérise la méthode du rattachement
(voy. supra, n ° 3.41). Il est d'ailleurs remarquable que le même facteur serve à désigner le droit
applicable au contrat (§ 2) à la manière d'une règle de rattachement et à assurer l'applicabilité de
règles de protection à la manière d'une règle d'applicabilité.
La protection du consommateur en montre un autre exemple dans l'article 5 de la Convention de
Rome (voy. infra, n° 14.109), dont les termes multilatéraux seront repris ultérieurement par la loi
belge du 12 juin 1991.
Dans l'un et l'autre cas, les facteurs retenus trouvaient à s'appuyer sur une pratique nationale de
règles d'applicabilité unilatérales. Voy. à cet égard, M. FALLON, « Le droit des rapports internatio-
naux de consommation», Clunet (1984), 765-847. Pour le contrat de travail, le contenu de l'article 6
avait été anticipé, notamment, par l'arrêt Taylor de la Cour de cassation (voy. infra, n ° 14.169).
De même que la règle d'applicabilité traduit un objectif d'auto-désignation, elle pro-
cède d'une volonté d'autolimitation. Cela signifie que la loi en cause exprime sa volonté
d'être appliquée aux hypothèses visées, et à ces hypothèses seulement. L'intention n'est
normalement pas d'étendre ces règles matérielles à d'autres situations pourtant régies
par le droit de l'État ayant posé cette loi. Une telle interprétation se concilie aisément
avec le caractère dérogatoire de la règle d'applicabilité.
Ill Il est exceptionnel que la loi exprime une volonté d'autolimitation. On en trouve un exemple
dans la loi du 5 juin 1928 (voy. supra, n ° 4.5) puisque, avant même d'énoncer l'applicabilité de cette
loi aux marins mis au service d'un navire battant pavillon belge, l'article 17 l'exclur dans le cas d'un
pavillon étranger.
Ill!Pour un cas de refus d'étendre la loi du 27 juillet 1961 à un contrat de concession exécuté à
l'étranger alors que les parties avaient fait choix du droit belge, voy.: Bruxelles, 4 janvier 1989, R.W.
(1989-1990), 20. Comp. en France: Cass. corn., 9 octobre 1990, De Dietrich, Revue (1991), 545, note
P. LAGARDE, admettant l'applicabilité de la réglementation française sur l'agence commerciale en
cas de référence expresse à celle-ci.
Voy. de même, à propos de l'article 91 du livre II du Code de commerce (voy. supra, n° 4.8): Anvers,
24 septembre 2002, Dr. eur. transp. (2002), 772, refusant d'étendre le domaine de la règle matérielle
au-delà de son texte, lorsque le transport est au départ et à destination d'un port étranger.
Que la réglementation en cause constitue seulement une règle de protection« minimale» d'un
Ill!
intérêt privé, par exemple celle du consommateur, peut inciter à une extension de son application
dès que le droit de l'État qui l'a édictée est désigné en vertu de la règle de rattachement du for, mal-
gré les termes de la règle d'applicabilité. Voy. en ce sens: P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 126. Cette inter-
prétation est donnée par la Commission des Communautés européennes à propos de la loi belge
du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation (voy. supra, n ° 4.8) : réponse à une question écrire,
n° 1562/97,].O.C.E. (1997), C 391.
4.10 - Application de règles étrangères d'applicabilité - Quand une loi étrangère limite
spécifiquement son propre champ d'application, plusieurs motifs incitent à respecter la
volonté du législateur sur ce point.
L'APPLICABILITÉ DU DROIT NATIONAL 135
Parmi ces motifs on peut retenir d'abord qu'il n'y a pas lieu de déroger à une règle
générale de rattachement du for pour étendre au-delà de son domaine propre l'applica-
tion d'une règle de droit matériel étranger.
Ensuite, conjuguée avec la loi d'autonomie, règle fondamentale du droit du for,
l'autolimitation de la loi de police étrangère exclut que, par une prétendue interprétation
multilatérale de la loi de police correspondante du for (qui s'appliquerait si la situation
présentait à l'égard de l'État du for le lien qu'elle a avec le pays étranger), on restreigne
contre la volonté d'autolimitation du législateur étranger, l'application de la loi choisie
par les parties.
Ill Si, par exemple, aucune loi de police contractuelle du for n'est applicable à un contrat déter-
miné, il ne paraît pas judicieux de soustraire celui-ci à la loi choisie par les parties au profit d'une
loi de police étrangère dont une disposition particulière exclut en l'occurrence l'application.
Un autre motif de respecter l'autolimitation prévue par le droit étranger réside dans
le lien entre le conflit de lois et le conflit d'autorités: il est vain de décréter l'application
d'une loi étrangère dont la mise en œuvre requiert l'action d'autorités administratives
qui, par hypothèse, auraient refusé de mettre en œuvre leur propre loi dans une situation
excédant le domaine d'application de celle-ci.
À l'appui du respect des règles étrangères restreignant leur propre domaine d'appli-
cation, on peut citer les deux arrêts prononcés le 12 juillet 1929 par la Cour permanente
de Justice internationale (arrêts n ° 14 et n ° 15 du 12 juillet 1929, C.P.].I., Série A, n ° 20-
21, 41-42).
Ill La particularité de ces affaires était qu'il s'agissait d'une règle d'applicabilité d'origine
jurisprudentielle : en décidant que la prohibition de la clause-or portée par le législateur français
était inapplicable aux « règlements internationaux», la Cour de cassation avait restreint aux seuls
paiements faits dans l'ordre interne le domaine spatial des dispositions législatives. Pour décider
que l'État étranger emprunteur n'était pas déchargé de l'obligation contractuelle d'assurer le ser-
vice de la dette en francs-or, la Cour permanente s'est fondée sur une interprétation jurispruden-
tielle de la loi française régissant le paiement, qui excluait du domaine spatial de cette loi les
paiements internationaux.
Si l'on compare pareille interprétation de la jurisprudence française sur le caractère licite de la
clause-or dans les paiements internationaux à celle qui en a été donnée ci-dessus (n ° 3.9), il y a lieu
de faire observer que cette solution jurisprudentielle se laisse interpréter de deux manières différen-
tes mais qui ne sont pas contradictoires : soit d'y voir une règle matérielle de droit international
privé accompagnée d'une règle d'applicabilité qui en circonscrit le domaine spatial, soit de limiter
la prohibition de la clause-or portée par le législateur français, à l'aide d'une règle d'applicabilité
qui en restreint l'application aux seuls paiements internes, la jurisprudence ayant soustrait à cette
prohibition les paiements internationaux.
En matière contractuelle, la référence à une règle d'applicabilité étrangère est impli-
cite dans l'article 7, paragraphe premier, de la Convention de Rome du 19 juin 1980,
puisque la faculté pour le juge de donner effet, quel que soit le droit applicable en vertu
de la règle de rattachement, aux règles impératives du droit d'un autre État est limitée au
cas « où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions impératives sont applicables
quelle que soit la loi régissant le contrat».
Plus généralement, le Code belge contient une disposition générale de ce type, qui
s'inspire des termes de l'article 7 précité (art. 20).
1111Le droit suisse comporte aussi une règle générale sur l'applicabilité de« dispositions impérati-
ves du droit étranger» (art. 19 LDIP) qui ne contient aucune référence à la prise en considération
de la volonté ou du refus d'application du droit étranger, à la différence de ce que prévoyait le texte
à l'état de proiec.
136 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
Par « lois de sûreté», on entend généralement les lois pénales, les règles de droit
public et de droit administratif, tandis que les « lois de police » désignent certaines dis-
positions de droit privé auxquelles le législateur entend assurer un effet territorial.
m Comp. en ce sens les conclusions de l'avocat général HAYOJT DE TERMICOURT précédant Cass.,
17 mai 1957, Pas. (1957), I, 1113.
1111 Tout en déclarant appliquer la Convention, avant même qu'elle ne fût en vigueur, une ordon-
nance de référé du tribunal d'arrondissement de La Haye a refusé de prendre en considération une
décision d'embargo du gouvernement américain interdisant certaines exportations à destination
de !'U.R.S.S. (17 septembre 1983, Revue, 1983, 473; LL.M., 1983, 66; RabelsZ. 1983, 141).
Voy. aussi un arrêt du Hoge Raad, assez restrictif à l'égard d'une loi étrangère sur le contrôle des
changes (12 janvier 1979, Revue, 1980, 68, note R. VAN Roou).
Ill Pour un cas d'application de la Convention en Belgique, voy. : Comm. Mons, 2 novembre 2000,
].T. (2001), 523, note M. FALLON, Rev. dr. comm. belge (2001), 617, note C. ROMMELAERE, estimant que
les conditions d'applicabilité de la loi tunisienne sur les concessions exclusives de vente n'étaient
pas remplies en l'espèce.
Pour plus de détails sur la problématique des lois de police en matière de contrats, notamment
1111
4.14 - Loi de police, règle d'applicabilité, règle impérative, règle d'ordre public et règle
de droit public - La seule portée que puisse revêtir aujourd'hui le concept de loi de police
pour le droit international privé est de fonder une méthode dérogeant à celle de la règle
de rattachement et qui conduit le juge à appliquer une règle matérielle déterminée en
fonction d'une règle directe d'applicabilité. L'utilité du concept disparaît pour un sys-
tème juridique doté d'une disposition générale relative à de telles règles, tel l'article 19 de
la loi suisse ou l'article 20 du Code belge.
Loi de police et règle d'applicabilité entretiennent une relation étroite tout en se
situant à des niveaux conceptuels distincts. La règle directe d'applicabilité est à la loi de
police ce qu'est la règle de rattachement au droit matériel. Elle sert à déterminer l'appli-
cabilité spéciale d'une telle loi.
11 La loi de police peut contenir une règle d'applicabilité particulière et, dans la négative, celle-ci
peut être déduite d'une disposition générale, tel l'article 3, alinéa 1er, du Code civil. Outre des exem-
ples cités à propos de la notion de règle d'applicabilité (voy. supra, n° 5 4.4 et s.), voy. notamment en
Belgique la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique (Monit., 11 octobre
1991), ou la loi du 11 avril 1999 relative à l'intermédiation en assurances et à la distribution d'assu-
rances (Monit., 30 avril 1999).
Le concept de loi de police sert à énoncer une catégorie de règles matérielles dont la
mise en œuvre affecte un intérêt général, non pas seulement un intérêt privé. Pour assu-
rer l'effectivité internationale de cette mise en œuvre, la loi de police a besoin d'une règle
directe d'applicabilité, chaque fois que la désignation opérée par la règle de rattachement
est inopérante sous l'angle de la protection recherchée. À cet égard, il y a synonymie entre
« loi de police» et« loi d'application immédiate».
tive ou d'ordre public, mais non l'inverse. La première constituerait un noyau dur des
secondes, dont le contenu ne se laisse toutefois déterminer autrement qu'en fonction du
résultat de la mise en œuvre de la règle de rattachement pertinente (voy. le numéro précé-
dent).
11!1La référence aux« dispositions impératives» que contient l'article 7 de la Convention de Rome
ne doit donc pas s'entendre au sens précis que reçoit ce terme en droit interne, par opposition à
une règle d'ordre public, qui se reconnaît à ce que son application doit être soulevée d'office par
l'autorité publique.
Le Code belge vise des« règles impératives ou d'ordre public» (art. 20).
11!1Dans la littérature de langue anglaise, qui ne connaît pas l'expression « loi de police» - signe
que le concept ne doit sa raison d'être qu'à la terminologie utilisée par le Code Napoléon-, une
distinction est faite entre « mandatory mies» et « internationally mandatory mies ». Cette der-
nière expression tend à couvrir les lois de police. Voy. notamment: T. HARTLEY, « Mandatory rules
in international contracts: The common law approach », Recueil des cours, vol. 266 (1997), 337-426.
Dans la langue française, l'on pourrait introduire l'expression de« règle hyperimpérative ».
11!1La Convention de Rome semble suggérer une distinction entre « dispositions impératives» et
« lois de police» en dissociant formellement les règles multilatérales propres aux contrats de con-
sommation et de travail (art. 5 et 6) de la règle générale de l'article 7. La nature« impérative» de la
disposition étrangère, à laquelle se réfèrent les premières, appartient au droit matériel interne, tan-
dis que la seconde prend en considération la volonté exprimée par le législateur étranger de renfor-
cer cette nature grâce à une règle spéciale d'applicabilité. Il n'est pas certain qu'entre les deux
conceptions il y ait, sur le terrain de l'application qui peut en être faite, plus que l'épaisseur d'un
cheveu, ce qui soulève la question de l'interaction de ces dispositions (voy. infra, n° 14.175).
En matière familiale, l'article 146-1 du Code civil français revêt les traits d'une loi de police dotée
d'une règle directe d'applicabilité. En faveur de cette qualification, voy. L. GANNAGÉ, note sous Cass.
civ., 15 juillet 1999, Revue (2000), 208.
Ill Une disposition sur la réglementation des changes, ou comportant un embargo à l'importation
ou à l'exportation, ou une réglementation sur la protection de la concurrence - telle la loi belge du
5 août 1991 (Monit., 11 octobre 1991) - sont des lois de police de droit public. Pour une qualifica-
tion de loi de police donnée à la réglementation sur les pratiques du commerce à propos de l'usur-
pation d'un nom de domaine sur Internet, voy.: Bruxelles, 1" avril 1998,].L.M.E. (1998), 1588, note
WERY; Bruxelles, 22 décembre 1999, Rev. dr. comm. belge (2001), 244, note M. PERTEGAS-SENDER, à
propos d'une action en cessation d'une publicité déloyale.
La distinction revêt un intérêt dans la mesure où l'applicabilité d'une règle étrangère de droit
public peut être problématique (voy. supra, n ° 1.26). En droit international privé, la difficulté d'en
faire application n'exclut routefois pas de la prendre en considération comme une condition
d'application d'une norme de droit privé (voy. infra, n ° 6.50). De plus, elle permet d'assigner à
l'article 7 de la Convention de Rome une portée plus large que celle des articles 5 et 6 puisqu'à la
différence de ceux-ci, celui-là peut aussi couvrir de telles dispositions, chaque fois qu'en y
« donnant effet» le juge s'y réfère pour résoudre une question de droit privé.
111 Sur la difficulté de définir une loi de police, voy. la divergence des jurisprudences belge et fran-
çaise à propos du régime matrimonial primaire, infra, n ° 12.63, et les critères énoncés à cette occa-
sion par: Mons, 7 juin 1996, ].T. (1996), 818, évoquant la protection d'intérêts d'organisation
sociale, politique et économique qui impliquerait un critère territorial, ce qui ne serait pas le cas de
la protection des intérêts de la famille.
Voy. aussi les divergences d'appréciation concernant la réglementation protectrice de l'activité
d'agent commercial découlant de la directive 86/653 du 18 décembre 1986, à laquelle la chambre
commerciale de Cour de cassation de France (28 novembre 2000, Allium, Clunet, 2001, 511, note J.-
M. JACQUET) dénie la qualité de loi de police alors que la Cour de justice des Communautés euro-
péennes entend y voir des dispositions « impératives » dont l'applicabilité doit être assurée à roue
agent exécutant ses prestations dans la Communauté malgré la soumission du contrat au droit
d'un État tiers (aff. C-381/98, 9 novembre 2000, Ingmar, Rec., 2000, I-9305, Revue, 2001, 107, note L.
!DOT; voy. infra, n° 14.137).
Pour un recours contestable à la notion de loi de police au sens de l'article 7 de la Convention de
Rome, voy. : Cass. civ., 8 janvier 2002, Comast, Revue (2002), 328, note D. BUREAU, à propos de
l'opposabilité à la faillite ouverte en France d'une clause de réserve de propriété conclue en vertu du
droit italien.
Ill La réglementation peut aussi émaner d'une organisation internationale. Le droit communau-
taire en montre plusieurs exemples.
Les uns concernent de nombreuses mesures d'embargo liées à des considérations de nature politi-
que. Voy. par exemple le règlement 926/98 du 27 avril 1998 concernant la réduction de certaines
relations économiques avec la République fédérative de Yougoslavie,].O.C.E. (1998), L 130, interdi-
sant la fourniture de certains produits par des ressortissants d'États membres de l'Union euro-
péenne.
D'autres exemples sont plus proches de la problématique typique du droit international privé.
Ainsi, on trouve une tentative intéressante de définition des lois de police par l'énonciation d'une
liste de dispositions propres à une matière déterminée, dans la directive 96/71 du 16 décembre
1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services,
].O.C.E. (1997), L 18.
De plus, il y a tout lieu de croire que certains actes communautaires puissent eux-mêmes, en raison
de leur impérativité particulière, constituer ce qu'en droit national on qualifie de lois de police (voy.
infra, n ° 4.45).
Ill Pour un cas d'application immédiate d'un principe d'ordre public d'égalité en matière de con-
triburion aux charges du mariage, voy.: Civ. Liège, 30 mars 1988, Rev. gén. dr. civ. (1989), 417.
25 mai 1989,]. T. (1990), 46, motivation incertaine; Mons, 20 novembre 1991,].L.M.B. (1992), 772,
note M. LIÉNARD-LIGNY, Rev. gén. dr. civ. (1993), note I. CoUWENBERG, à propos d'une loi fiscale.
L'analyse qui précède montre pourtant que cette réticence est excessive. Au demeu-
rant, celle-ci n'est exprimée qu'à propos de l'applicabilité d'une loi de police d'un État
autre que celle qui a été désignée par la règle de rattachement du for. En d'autres termes,
il n'y a pas d'opposition de principe à l'applicabilité d'une loi de police étrangère en rai-
son de la nature du concept.
1111Pour une application d'une loi de police étrangère en tant que telle, contenue dans le droit dési-
gné par la règle de rattachement, voy. déjà: Cass, 24 février 1938, Antwerpia, Pas. (1938, I), 66. Pour
une application - certes critiquable - comme un élément essentiel d'une règle de rattachement
multilatérale, voy. infra, n ° 15.11, en matière quasi délictuelle.
!Ill La circonstance que certaines lois de police soient des règles de droit public conduirait à res-
treindre l'effet pouvant leur être attribué. La question intéresse plus généralement celle de l'appli-
cabilité du droit public étranger (voy. supra, n ° 1.26). Une telle règle n'est sans doute pas applicable
dans son dispositif mais cela n'empêche pas qu'elle puisse être« prise en considération » (voy. infra,
n° 6.50).
La question revient donc à formuler une règle d'applicabilité des lois de police
étrangères. La réponse est désormais certaine dans la matière des contrats (voy. infra,
n ° 14.75). Elle l'est aussi pour les pays disposant d'une clause générale (voy. supra,
n ° 4.14, en Suisse ou en Belgique). Elle peut encore découler de l'obligation de respecter
un traité international. Dans les autres cas, à défaut d'une clause générale plus explicite,
force est d'emprunter la solution au dispositif très générique de l'article 3, alinéa Fr, du
Code Napoléon, tout en se gardant de déterminer l'applicabilité au moyen d'une inter-
prétation multilatérale de la disposition précitée. La seule méthode cohérente consiste à
prendre en considération la règle directe d'applicabilité que se donne la règle étrangère
elle-même. De plus, l'exception générale d'ordre public (voy. infra, n ° 7.42) permet d'évin-
cer la loi étrangère lorsque la politique du législateur étranger ne peut recevoir le soutien
du législateur du for.
Ill Comme cas de prise en considération d'une loi de police étrangère liée au respect d'un traité
international, voy.: Bruxelles, 24 mars 1987, Ann. Liège (1988), 64, note F. RIGAUX, et 23 juin 1988,
].T. (1989), 381, note F. RIGAUX, à propos de la réglementation de change d'un État partie aux
accords de Bretton Woods. La solution est aussi d'évidence en matière de réparation de dommages
causés par un accident de la circulation routière : l'appréciation de la faute se doit de prendre en
considération les normes de sécurité en vigueur dans le pays de l'accident (Convention de La Haye
du 7 mai 1971, art. 7).
Pour un cas de prise en considération d'une interdiction étrangère d'exportation
comme constitutive de force majeure, voy.: Comm. Anvers, 28 avril 1989, Rev. dr. comm.
belge (1990), 413, note H. VAN HOUTIE.
Pour une acceptation nuancée de l'effet donné à des lois de police étrangères, voy. MAYER et
1111
HEUZE, n ° 127.
lité étrangère même. La présence d'une règle d'applicabilité - explicite ou implicite - est
liée à cette qualification.
1111 Pour une qualification selon le droit étranger en cause, voy., dans le contexte de l'application de
l'article 7, § l ''", de la Convention de Rome: Anvers, 8 juin 2004, Limb. Rechtsl. (2005), 24, note A.
CLABOTS.
lois de police dans l'espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et
du droit communautaire)», Revue (1999), 31-75, 245-266; E. PATAUT, « Lois de police et ordre juri-
dique communautaire», Les conflits de lois et le système juridique communautaire (Paris, Dalloz, 2004),
117-144; S. POILLOT PERUZZETTO, « Ordre public et lois de police dans l'ordre communautaire»,
Trav. Comité fr. dr. int. pr. 2002-2003 (Paris, Pédone, 2005), 65-106 ; O. REMIEN, Zwingendes Vertragsrecht
und Grundfreiheiten des EG-Vertrages (Tübingen, Mohr, 2003), 678 p.
A. La méthode unilatéraliste
4.18 - Présentation de la théorie unilatéraliste - Sous les formes diverses qu'il a pu
revêtir, l'unilatéralisme met à l'avant-plan le rôle de l'État et il réduit le problème du con-
flit de lois à une répartition des compétences législatives entre les États. Or, quand elle
n'est pas opérée à l'intérieur d'un ordre juridique commun aux États - tel le droit inter-
national, qui, seul, pourrait répartir entre les États leurs compétences respectives-, cette
répartition devrait se borner à délimiter l'étendue d'application dans l'espace des disposi-
tions de droit substantiel de l'État dont émane la règle de délimitation : ainsi, en chaque
144 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
ordre juridique, toutes les normes matérielles seraient doublées de règles d'applicabilité
qui arrêteraient le domaine spatial des premières. À quel titre un État se prononcerait-il
sur le domaine d'application dans l'espace des normes posées par un autre État? La
méthode qui conçoit le règlement du conflit de lois sous la forme d'une délimitation du
domaine d'application dans l'espace des diverses normes matérielles est, par là même,
nécessairement condamnée à l'unilatéralisme, reconnaissant à chaque ordre juridique
étatique le pouvoir de déterminer le domaine spatial des normes dont il se compose.
La théorie unilatéraliste propose la méthode suivante de solution du conflit de lois.
Puisqu'il appartient à chaque législateur de déterminer le domaine d'application dans
l'espace de ses propres règles de droit matériel, il convient que tous les États se déclarent
prêts à accueillir les normes émanant de tous les autres ordres juridiques avec les limites
spatiales qui, en chacun de ceux-ci, les affecteraient de par leur origine.
Selon cette méthode, le conflit de lois se déploie à deux degrés : après un verdict
négatif d'inapplicabilité du droit du for, l'interprète recherche le droit ou les droits étran-
gers qui se reconnaissent applicables. Le fonctionnement d'un tel système postule un
principe universel de conflit de lois, selon lequel tout ordre juridique arrête le domaine
spatial de chacune de ses normes et applique les règles de droit étranger aux situations
relevant du domaine que ces règles mêmes se sont ainsi assigné.
l1ii L'article 310 du Code civil français sur le droit applicable au divorce, présenté comme une illus-
tration de la règle de rattachement exclusivement unilatérale (voy. supra, n ° 3.45), constitue le para-
digme de la théorie unilatéraliste depuis son adoption en 1975. Le juge français doit d'abord
vérifier si les époux sont français ou s'ils sont domiciliés en France: dans l'un ou l'autre cas, il
applique le droit français. Ensuite, selon le texte, le divorce est régi par la loi française « lorsque
aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont compétents
[... ] "· La formulation de cette dernière hypothèse en masque une autre, implicite, celle où une loi
étrangère se reconnaît compétence. Il appartient donc au praticien de faire cette vérification de la
volonté d'application de route loi étrangère intéressée au litige.
11!1En dehors du droit privé, c'est également une méthode unilatéraliste qui est généralement
pratiquée: en matière pénale et en matière fiscale, compétence législative et compétence juridic-
tionnelle se confondent. Chaque État détermine les conditions de rattachement à son ordre juridi-
que qui justifient l'exercice de la répression pénale et la perception d'un impôt. Toutefois, celles-ci
se font (au moins en principe) conformément au droit du for, sans application d'un droit étranger.
N'ont pas ce caractère les hypothèses assez nombreuses dans lesquelles le contenu du droit étran-
ger ou sa mise en œuvre effective dans l'État dont il émane sont retenus comme condition d'appli-
cation (ou de non-application) du droit du for, telles la règle de la double imputabilité en matière
pénale, la règle selon laquelle un acquittement prononcé par le tribunal étranger du lieu du délit
exclut toute nouvelle poursuite, l'application du principe non bis in idem à la perception d'un impôt
sur un bien ou une activité localisés à l'étranger.
signifie que la disposition fixant à dix-huit ans l'âge de la majorité civile aurait pour seul domaine
d'application les personnes ayant la nationalité de l'État dont émane cette disposition. Pour les
personnes n'ayant pas cette nationalité il y aurait lieu de rechercher quel est l'État dont les lois
acceptent de déterminer la capacité des intéressés.
Outre les inconvénients pratiques d'une telle méthode, il paraît très contestable
d'imputer au législateur la volonté d'accompagner chacune de ses normes de droit maté-
riel d'une clause qui en délimite le domaine d'application dans l'espace. Formulée en ter-
mes généraux, une telle norme a un domaine d'application indéterminé ou universel, elle
est l'expression de ce que le législateur estime juste. Historiquement ou psychologique-
ment, le règlement du conflit de lois est une préoccupation tardive du législateur, radica-
lement distincte du choix des solutions de droit matériel. Le choix du droit applicable
aux situations transfrontières ne se laisse généralement pas déduire du contenu de cha-
cune des normes de droit substantiel.
S'abstenant de désigner elle-même le droit étranger applicable, la règle unilatérale
prétend conférer une valeur universelle au domaine spatial auréolant la règle de droit
matériel : celle-ci devrait être reçue et appliquée dans tous les ordres juridiques avec les
limites spatiales qu'y aurait imprimées l'ordre juridique dont elle émane. Mais à quel titre
un législateur élève-t-il cette prétention d'enfermer ses propres normes dans un domaine
spatial déterminé et d'attendre que les autorités publiques et les juridictions de tous les
146 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
autres États se rallient aux opportunités de ses choix de politique législative (à supposer
qu'une telle politique se laisse élucider) ?
4.21 - Prédominance du droit du for - La théorie unilatéraliste aboutit à une prédomi-
nance du droit du for, à un double titre.
Durant la première phase de recherche du droit applicable, le juge est invité à vérifier
si la situation qui lui est soumise relève du domaine spatial du droit matériel interne du
for. Si la question posée en ces termes reçoit une réponse affirmative, la disposition perti-
nente de ce droit est appliquée sans égard aux éléments étrangers de la situation.
Il Telle qu'elle a notamment été élaborée par B. Currie, la théorie américaine de l'analyse des inté-
rêts gouvernementaux (governmental interest analysis, voy. supra, n ° 3.14) confère au droit du for une
position encore plus solide : cette loi est en principe toujours applicable sauf s'il est démontré
qu'un autre État peut se prévaloir d'un intérêt suffisamment sérieux à ce qu'une disposition parti-
culière de son droit matériel interne soit appliquée. Ainsi le conflit d'intérêts suscité par un conflit
de lois n'a pas pour objet les intérêts respectifs des agents juridiques privés mais ceux des États
dont le droit aurait vocation à être appliqué.
1111 Bien qu'elle ait certaines analogies avec la méthode unilatéraliste, la doctrine de W. Wengler s'en
écarte radicalement sur ce premier point. Refusant toute prépondérance de principe au droit du
for, W. Wengler détermine le droit applicable en vertu d'une règle de conflit multilatérale classique.
Toutefois, la compétence ainsi attribuée au droit étranger n'est que provisoire, et elle sera confir-
mée après vérification de la volonté du droit étranger à être appliqué (Anwendungswilligkeit).
Voy. W. WENGLER, Internationales Privatrecht (Berlin, New York, de Gruyter, 1981) ; ID., « The general
principles of private international law », Recueil des cours, vol. 104 (1962-III), 273-465; F. RIGAUX,
« Une imposante synthèse allemande en droit international privé. Le traité du professeur Wilhelm
Wengler », Revue (1982), 245-272.
Ensuite, en cas de conflit négatif, c'est-à-dire après que le juge a constaté qu'aucune
des lois en présence ne réclame son application, force est d'attribuer une compétence
subsidiaire au droit matériel interne du for, puisque la branche des conflits de lois ne sau-
rait s'accommoder - à l'instar de l'apatridie à laquelle fait conclure le conflit négatif de
nationalités - de situations particulières soustraites à tout droit étatique. Mais n'est-ce
pas anéantir le postulat fondamental du système et restituer au droit du for une compé-
tence illimitée qui y avait été déniée au départ? N'est-ce pas aussi reconnaître que le
domaine d'application dans l'espace du droit matériel n'est pas restreint a priori par des
règles d'applicabilité intangibles ?
La méthode unilatéraliste pratiquée aux États-Unis fait l'économie du conflit négatif en attri-
Ill
buant au droit matériel du for une compétence de principe.
4.22 - Le juge, arbitre de conflits de compétence législative - Pour les situations aux-
quelles le droit matériel interne du for n'est pas applicable, la théorie unilatéraliste
recommande de rechercher le droit étranger assumant une telle compétence d'après ses
propres règles d'applicabilité. L'analogie avec les règles de détermination de la nationalité
est évidente. Des conflits soit positifs, soit négatifs, risquent d'en résulter. À l'égard des
premiers il appartient au tribunal de préférer la loi de l'État qui lui paraît avoir les titres
les meilleurs. Le juge est ainsi posé en arbitre du règlement du conflit de lois.
Selon la version américaine de l'unilatéralisme, c'est pour trancher un conflit positif de compé-
1111
tences législatives que l'analyse des intérêts gouvernementaux en présence s'est révélée la plus
féconde. On notera que la quasi-totalité des conflits de lois ainsi résolus ne sont pas de nature
«internationale», ayant pour objet les lois d'États fédérés (interstate conflicts oflaws).
L'importance accrue du rôle du juge risque alors d'introduire un élément d'insécu-
rité juridique pour le praticien du droit.
L'APPLICABILITÉ DU DROIT NATIONAL 147
Elle paraît également peu compatible avec un processus législatif, dans la mesure où
le législateur, en posant une règle de conflit de lois, ne saurait se contenter d'indiquer aux
autorités publiques les seuls cas d'application de la loi du for: l'attitude à adopter dans
un contentieux transfrontière se prête également à l'édiction de règles de comportement,
et le législateur de droit international privé ne peur ignorer que les juridictions nationa-
les peuvent être saisies de demandes qui ne trouvent pas à se fonder sur le droit du for.
S'en remettre, dans ce cas, à l'appréciation du juge alors que celui-ci serait lié par les
règles d'applicabilité posées à propos des règles matérielles du for, révélerait une appro-
che fragmentaire de la politique des rapports privés transfrontières.
4.24 - L'illusion unilatéraliste - La théorie unilatéraliste repose sur une double illusion.
D'une part, la seule véritable règle de conflit de lois unilatérale est la norme fonda-
mentale de partage des compétences législatives attribuant à chaque État le pouvoir
d'arrêter le domaine spatial de ses dispositions de droit matériel; mais l'existence de cette
norme n'est nullement vérifiée, à la fois parce qu'elle assimile indûment l'exercice de la
compétence législative à l'exercice de la compétence juridictionnelle et à l'accomplisse-
ment d'actes de contrainte institutionnelle ou matérielle, et parce que, bien loin de se
prévaloir d'une telle norme, les États ont le plus souvent réglé les conflits de lois soumis à
leurs juridictions à l'aide de règles de conflit multilatérales.
D'autre part, qu'eÜe soit un organe de l'État ou un agent juridique privé, la personne
qui s'efforce de déterminer le droit applicable à une situation transfrontière selon la
méthode unilatéraliste a pour tâche l'identification des règles de droit matériel dont
l'hypothèse appréhende l'un des éléments de cette situation, et de vérifier laquelle de ces
148 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
dispositions se déclare applicable en vertu des normes d'applicabilité qu'est supposé con-
tenir l'ordre juridique étatique auquel elle appartient. L'existence éventuelle - mais
somme toute marginale - de normes d'applicabilité particulières rencontre de manière
assez adéquate l'un des postulats fondamentaux de l'unilatéralisme ; pour le surplus
force est de se rabattre sur les règles de conflit multilatérales, réinterprétées comme si
elles n'avaient qu'une portée unilatérale.
autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs - comme dans la Convention du
19 octobre 1996 ayant le même objet-, un premier type de disposition sert à déterminer la compé-
tence internationale des autorités. Sauf en des cas particuliers, ces autorités appliquent « leur loi
interne».
La matière du divorce manifeste une tendance à l'application du droit du for. Au Royaume-Uni,
1!111
les tribunaux anglais ne se déclarent compétents que pour prononcer le divorce d'époux ayant leur
domicile ou leur résidence habituelle en Angleterre et ils déterminent les causes du divorce selon la
lexfori.
Dès que se relâche l'appréciation du critère de compétence internationale, par exemple s'il suffit de
passer une nuit à l'hôtel pour satisfaire à la condition de résidence, l'application systématique du
droit du for conduit à des abus, tels ceux que la doctrine américaine a décrits à l'aide de l'expression
imagée « suitcase divorce». Voy. notamment: B. CuRRIE, « Suitcase Divorce», Univ. of Chicago L.R.
(1967), 26; WELs, « The Poor Man's Reno», Cornell Law Quarter/y (1949-1950), 303-326.
Comp. en Belgique l'article 3 de la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des
conjoints au moins est étranger: « La détermination des causes du divorce relève de la loi belge».
Énoncée sans autre précision, la disposition revenait à rendre la loi belge applicable au fond pour
tout litige entrant dans la compétence du juge saisi.
L'APPLICABILITÉ DU DROIT NATIONAL 149
Ill Dans la doctrine, voy. notamment: H. BATIFFOL, « Observations sur les liens de la compétence
judiciaire et de la compétence législative», Mélanges Kollewyn-Ojferhaus (Leiden, Sijthoff, 1962), 56-
66 ; P. HÉBRAUD, « De la corrélation entre la loi applicable à un litige et le juge compétent pour en
connaître», Revue (1968), 205 ;]. FAWCETT, « The interrelationship ofjurisdiction and choice oflaw
in private international law », Current Legal Problems (1991), 39-62; H. MAIER et T. McCov, « A uni-
fying theory for judicial jurisdiction and choice oflaw », Am.]. Camp. L. (1991), 249-292.
Il est aisé d'apercevoir l'analogie entre cette méthode particulière de solution du
conflit de lois et celle qui vaut comme méthode générale en d'autres branches du droit
international privé, par exemple dans les conflits d'autorités et de juridictions ou en
dehors du droit international privé, par exemple en droit pénal ou en droit fiscal. Elle
relève de l'unilatéralisme en ce sens qu'elle se borne à déterminer le domaine d'applica-
tion dans l'espace des dispositions du droit du for, s'abstenant de toute désignation d'un
droit étranger. Mais il s'agit aussi d'un unilatéralisme tronqué, puisque l'aspect le plus
original de la méthode unilatéraliste est de conduire à l'application d'un droit étranger,
aux situations auxquelles ce droit se déclare lui-même applicable.
Ili Il serait inexact d'attribuer au droit international privé anglais ou américain une règle de conflit
(multilatérale) désignant la loi du domicile ou de la résidence des époux ou de l'un d'eux, alors que
la véritable portée de la règle est de lier la compétence législative à la compétence juridictionnelle.
Pareille extrapolation est impossible puisque la compétence juridictionnelle ferait défaut dès le
moment où le droit matériel interne du for ne serait pas applicable. Une telle méthode a pourtant
été suivie en Belgique en matière d'adoption, la Cour de cassation estimant que « selon le droit
international privé des États-Unis, l'état d'une personne est régi non par sa loi nationale mais par
celle de son domicile» (Cass., 4 novembre 1993, Pas., 1993, I, 921) et approuvant alors l'application
du droit belge à un adopté américain établi en Belgique. La solution illustre la théorie du renvoi
(voy. infra, n° 5 6.12 et s.). Elle néglige que selon le droit de l'État dont l'enfant était originaire - en
l'occurrence le Delaware -, le droit international privé contient une règle de compétence alterna-
tive fondant la compétence des autorités de cet État sur les critères, alternatifs, du domicile de l'une
des parties à l'acte, la juridiction saisie appliquant ensuite le droit du for (M. FALLON, note sous
l'arrêt, Rev. trim. dr. Jam., 1994, 494).
4.27 - Répartition des domaines respectifs des méthodes - L'adoption par les diffé-
rents législateurs nationaux de règles directes d'applicabilité en des matières particulières
(voy. supra, n° 5 4.3 et s.) s'inspire manifestement de la méthode unilatéraliste. Faut-il les
tenir pour des exceptions introduites dans un système général de règles multilatérales ou
pour un modèle méritant d'être universalisé?
L'analogie entre les règles directes d'applicabilité de la matière des conflits de lois et
l'unilatéralisme des règles en vigueur dans les conflits de nationalités, la condition des
étrangers et les conflits d'autorités et de juridictions donne à réfléchir. La méthode unila-
téraliste est parfaitement adaptée à la réglementation des rapports dans lesquels la puis-
sance publique occupe une position prépondérante : attribuer sa nationalité, soumettre
l'étranger aux discriminations appropriées, régler le fonctionnement de ses autorités et
de ses juridictions ainsi que la reconnaissance et l'exécution des actes et des jugements
étrangers. Dans la matière des conflits de lois le législateur a fait des applications spora-
diques de la méthode unilatéraliste soit pour verrouiller le domaine d'application dans
l'espace de dispositions de droit matériel jugées particulièrement importantes, soit parce
que la mise en œuvre de celles-ci était indissociable de l'accomplissement d'actes de
nature administrative.
Ili Ainsi, les techniques utilisées par la loi du 5 juin 1928 (voy. supra, n ° 4.5), notamment les dispo-
sitions relatives à l'immatriculation du marin naviguant sous pavillon belge (art. 3), à la délivrance
du livret de marin par le commissaire maritime ou d'une déclaration d'identité par le consul
150 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
(art. 4), à la tenue du rôle d'équipage (art. 13, 14, 21, 22), excluent que l'application de la loi belge
soit étendue au contrat d'engagement d'un marin belge sur un navire étranger. Inversement,
l'homogénéité du statut administratif, contractuel et disciplinaire de l'équipage d'un navire justifie
que ce statut soit impérativement soumis à la loi du pavillon.
En droit économique, des réglementations contraignantes font appel aux techni-
ques du droit administratif, dont le domaine d'application est nécessairement déterminé
de manière unilatérale : quand la loi organise le contrôle des banques ou des compagnies
d'assurances et qu'elle soumet à l'agrément d'une autorité publique l'accomplissement
d'opérations déterminées, l'application de la norme ne saurait être séparée de la désigna-
tion des autorités instituées à cette fin. La plupart des dispositions de cette nature sont
inapplicables dans un autre ordre juridique.
Voy. F. RrGAUX, « Les règles de droit délimitant leur propre domaine d'application ", Ann. dr.
Ill!
(1983), 290-312.
disposition impérative est déclarée applicable y est totalement étrangère. En revanche, le pouvoir
reconnu au juge de s'écarter d'une application trop rigide des règles de rattachement multilatérales
doit être rapproché des solutions souples introduites dans le Restatement 2d on the conflict of laws par
le professeur Reese, qui rompt totalement avec la governmental interests anarysis. La notion de « lien
étroit» qui apparaît dans les deux textes européens évoque celle de most significant relationship qui,
selon le système du Restatement 2d, permet d'identifier la loi du contrat (proper law of the contract)
quand les parties n'ont pas elles-mêmes choisi cette loi.
Section 2
L'applicabilité du droit uniforme
4.29 - Présentation - Ni plus ni moins que le droit national, le droit uniforme soulève,
quant à sa mise en œuvre, une question d'applicabilité. Une fois qu'est établie la force
obligatoire de la règle uniforme, déterminée en fonction des États dans lesquels l'instru-
ment international est en vigueur, il reste au juge d'un tel État, saisi d'une situation par-
ticulière dotée d'éléments d'extranéité, à vérifier si ladite règle a vocation à régir le cas
d'espèce qui lui est soumis.
La question présente une intensité variable selon qu'elle affecte le droit matériel uni-
forme ou les règles de rattachement uniformes. Et pour les premières, elle revêt une
dimension particulière lorsque l'instrument est adopté dans le cadre de l'Union euro-
péenne.
§1 NOTIONS
de traités d'unification du droit matériel, mais la plupart portent uniquement sur le régime de la
responsabilité contractuelle (voy. infra, n ° 14.153), ainsi que sur la réparation des dommages causés
par des faits de pollution (voy. infra, n ° 15.48).
Le rapprochement des droits nationaux par l'établissement de règles communes de
rattachement constitue certes une avancée plus modeste, mais la démarche, plus réaliste,
peut suffire à favoriser l'objectif propre au règlement des situations internationales, à
savoir la sécurité juridique, le respect de droits acquis, la circulation internationale des
152 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
personnes et des biens (voy. supra, n° 5 3.10 et s.), à condition sans doute que de telles dis-
positions soient complétées de règles communes sur la compétence internationale et
l'efficacité des décisions judiciaires.
L'adoption d'actes mixtes se rencontre également. Ceux-ci tendent principalement à
établir des règles matérielles communes mais, pour les questions sur lesquelles un accord
n'a pu être atteint, elles introduisent des règles de rattachement complémentaires.
Voy. récemment la Convention des Nations unies du 31 janvier 2002 relative à la cession de
1111
ment, notamment le droit de la responsabilité civile (projet « Rome II », chap. 15) ou le droit des
contrats (projet« Rome I », chap. 14) mais aussi le droit du divorce (chap. 12) ou le droit des suc-
cessions (chap. 13).
En Europe, d'autres organisations poursuivent encore des objectifs propres d'har-
monisation. On peut citer le Benelux et le Conseil de l'Europe.
4.32 - Apparition d'une coutume transnationale - Il existe aussi des usages propres à
certains milieux professionnels, les plus significatifs ayant aujourd'hui un caractère
transnational. Les opérateurs commerciaux ont, par la répétition d'usages qui leur sont
propres, par le recours à des contrats types, institué des pratiques obligatoires. À celles-ci
peut être reconnu le caractère d'une coutume occupant un espace propre: il ne s'agit évi-
demment pas d'une coutume internationale au sens de l'article 38, 1, b, du Statut de la
Cour internationale de Justice puisqu'elle n'est pas le fait de sujets ou d'organes de
l'ordre juridique international. Elle n'est pas davantage réductible à la coutume comme
source de droit interne puisqu'elle s'est instituée dans un milieu qui n'appartient en pro-
pre à aucun État déterminé. La qualification transnationale doit dès lors être jugée seule
adéquate.
Dans la doctrine, voy. notamment, outre les ouvrages cités dans le chapitre 2 : E. GAILLARD,
1111
« Trente ans de !ex mercatoria. Pour une application sélective de la méthode des principes généraux
du droit», Clunet (1995), 5-30; Ph. KAHN, La vente commerciale internationale (Paris, Sirey, 1961); A.
KAssrs, Théorie générale des usages du commerce (Paris, L.G.D.j., 1984); C. LARROUMET, « La valeur des
principes d'Unidroit applicables aux contrats du commerce international »,].C.P. (1997), I, 4011 ;
E. LOQUIN, « Où en est la !ex mercatoria? », Mélanges Ph. Kahn (Paris, Litec, 2000) ; C. PAMBOUKIS,
« La !ex mercatoria reconsidérée», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 635-659.
1111 Pour une codification des usages, voy. les principes établis par UNIDROIT (Rome, 1994), 256 p.
Entre les usages du commerce et les sources de droit classiques, à savoir le droit
international et les différents droits internes, il se noue deux espèces de liens.
L'APPLICABILITÉ DU DROIT UNIFORME 153
D'une part, l'unification du droit privé matériel a pu trouver dans des pratiques ou
des usages antérieurs la matière de règles auxquelles, par une forme de codification inte-
rétatique, il est subséquemment conféré une nature juridique nouvelle les rendant obli-
gatoires dans les ordres juridiques respectifs des États parties au traité.
IllLa codification internationale du droit maritime et, d'une manière plus générale, du droit appli-
cable aux transports internationaux, est un exemple classique de pareille novation de la source du
droit applicable.
D'autre part, de nombreux instruments internationaux contiennent une référence
aux usages du commerce, le contexte et, parfois même, le texte faisant apparaître qu'il
s'agit d'usages du commerce« international».
IllVoy. par exemple l'article 23 du règlement 44/2001, qui admet une clause attributive de juridic-
tion conclue, « dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce
domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître» (voy. infra, n° 14.13).
La référence est notable dans plusieurs instruments internationaux relatifs à l'arbitrage de droit
international privé : voy. notamment l'article VII, 1, de la Convention européenne sur l'arbitrage
commercial international du 21 avril 1961, l'article 38 du Règlement d'arbitrage de la Commission
économique pour l'Europe de l'ONU, l'article 33 du Règlement d'arbitrage de la Commission des
Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI).
Voy. aussi, en matière de vente, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 (infra, n ° 14.183).
Le juge étatique appliquant un usage « international » le qualifie parfois de « droit
étranger » de manière à l'introduire plus commodément dans les catégories juridiques
qui lui sont familières (voy. infra, n ° 6.57).
Ainsi qu'il a déjà été indiqué (voy. supra, n ° 1.22), ce n'est pas la référence aux usages
transnationaux qui confère à ceux-ci une portée normative, comme s'ils n'avaient pu
l'acquérir sans l'action d'une source de droit étatique ou interétatique, pareille référence
se bornant à les introduire par un phénomène de réception dans d'autres ordres juridi-
ques.
Owusu, à propos de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 : le traité peut régir des situa-
tions ayant des points de rattachement avec un pays tiers sans entraîner pour autant aucune obli-
gation pour celui-ci.
La première question, la plus facile, concerne la détermination des pays dans les-
quels un traité a force obligatoire. À cet égard, il suffit de consulter la liste des États ayant
déposé les instruments de ratification et de vérifier si le délai généralement prévu pour
l'entrée en vigueur est expiré et si le traité n'a pas été régulièrement dénoncé.
La deuxième question est relative à l'applicabilité du traité dans l'espace: à quelles
catégories de situations est-il, selon le critère de leur localisation, applicable? À cette
question, l'exigence que le traité soit « applicable entre États contractants» fournit une
réponse généralement insuffisante. Elle ne détermine pas quelles situations concrètes
sont à même de tomber sous l'application des règles communes.
154 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
Ill Ainsi, dans un traité d'établissement, les États stipulent certains avantages au profit de leurs
seuls ressortissants. Dans un traité portant des règles de compétence judiciaire, il peut être précisé
que les litiges visés sont ceux où le défendeur est domicilié dans un État contractant.
Un traité sur la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires prévoit seulement que les
décisions rendues dans chacun des États contractants seront reconnues par cous les autres. Dans
cette hypothèse, le critère d'applicabilité se réfère à une relation entre États.
Dans la matière des conflits de lois, l'applicabilité des règles uniformes suscite des
questions assez complexes qui justifient un examen approfondi(§ 2 et 3 ci-dessous).
L'adoption d'actes communautaires en matière civile ou commerciale soulève des
questions analogues. Leur force obligatoire s'étend aux États membres de l'Union euro-
péenne, et à eux seuls, sans exclure que certains actes ne concernent pas certains États
membres, en vertu du recours au processus de coopération renforcée que permettent les
articles 11 CE ou 69 CE. Quant à l'applicabilité, il convient de déterminer si un acte
communautaire peut affecter toute situation quelconque, interne ou internationale, ou
seulement celles qui présentent avec le « territoire communautaire » un lien de rattache-
ment approprié.
1111La question de l'applicabilité dans l'espace d'un acte communautaire ne doit pas être confon-
due avec celle de la définition du territoire de référence pour l'application du droit communau-
taire. Les termes de l'article 299 CE sont, à cet égard, ambigus en comparaison de ceux des traités
CECA et CEEA: ils portent seulement que« Le présent traité s'applique au[ ... ]», énonçant ensuite
la liste des différents États membres. La référence explicite à certains « territoires», européens ou
<l'outre-mer, donne à entendre que la disposition sert bien à fixer le territoire pertinent; l'applica-
tion « à» l'État permet d'inclure dans ce territoire toute subdivision territoriale, même non euro-
péenne, faisant partie de cet État selon son droit constitutionnel.
Par exemple, pour déterminer l'applicabilité dans l'espace d'une règle du droit primaire dotée
d'effet direct, tel l'article 28 CE concernant la circulation des marchandises, il est insuffisant d'en
constater l'application aux différents États membres; il convient de préciser que la liberté de circu-
lation en cause régit toutes les marchandises « mises en libre pratique dans» un État membre
(art. 23 CE, § 2). De même, l'article 49 CE précise que la liberté de prestation de services vaut, « à
l'intérieur de la Communauté », à l'égard des « ressortissants des États membres établis dans un
pays de la Communauté ». Cette règle complexe se lit comme posant trois critères d'applicabilité
cumulatifs, à savoir que la situation concrète doit concerner une entrave éprouvée à l'intérieur de la
Communauté et qu'elle affecte une personne qui, à la fois, ait la nationalité d'un État membre et
soit établie dans un tel État. Pour concrétiser les éléments « à l'intérieur de la Communauté» et
« établi dans un pays», il convient de se référer à la définition du ressort territorial donnée par
l'article 299 CE.
La détermination de l'applicabilité présuppose encore une réponse à la question dis-
tincte, propre au contexte communautaire, de l'étendue de la compétence normative des
institutions communautaires. Cette compétence étant d'attribution seulement, il
n'appartient à ces institutions de rapprocher les législations nationales (art. 95 CE) ou
d'agir en matière de conflits de lois ou de juridictions (art. 65 CE) que dans la mesure
nécessaire « au bon fonctionnement du marché intérieur» (C.J.C.E., aff. C-376/98,
5 octobre 2000, Allemagne c. Parlement européen & Conseil, « Directive sur la publicité pour le
tabac», Rec., 2000, I-8419, à propos de l'article 95 CE) : les termes de l'habilitation com-
portent ainsi pour limite à l'exercice de la compétence attribuée, la condition du respect
du principe de proportionnalité. La question se pose alors de savoir si le domaine d'appli-
cation dans l'espace du droit dérivé ne doit pas s'aligner, en principe, sur celui du droit
primaire.
IllSur ce que n'excède pas les limites dans l'exercice de la compétence normative, l'adoption d'une
directive tendant à prévenir le risque d'interprétations divergentes, d'un État membre à l'autre,
l' APPLICABILITÉ DU DROIT UNIFORME 155
d'une convention internationale en vigueur dans ces États, voy.: C.J.C.E., aff. C-377/98, 9 octobre
2001, Pays-Bas c. Parlement européen & Conseil, « Directive sur la brevetabilité des inventions biotechno-
logiques », Rec. (2001), 1-7079.
Sur l'étendue de la compétence normative à l'égard des situations purement externes, voy. infra,
11111
n° 4.44.
vaut sur la Convention de Rome du 19 juin 1980, laquelle, dans un État à l'égard duquel les deux
instruments sont en vigueur, continue de régir les autres contrats. Pour la forme des dispositions
testamentaires (Convention de La Haye du 5 octobre 1961) et pour les accidents de la circulation
routière (Convention de La Haye du 4 mai 1971), les dispositions conventionnelles n'affectent pas
les règles nationales de conflit de lois qui concernent plus généralement la forme des actes et lares-
ponsabilité extracontractuelle.
1111 Des explications complémentaires sur les conflits de traités et sur le conflit entre un traité et le
droit interne seront données pour le choix de la norme primaire de droit international privé (infra,
n ° 5.14).
contenu de la convention et celui de l'acte (C.J.C.E., aff. C-471/98, 5 novembre 2002, Belgique,
« Accords de ciel ouvert», Rec., 2002, I-9681).
Cela explique qu'un acte communautaire n'admette la priorité de règles conventionnelles spéciales
que si celles-ci sont antérieures à l'acte, excluant toute possibilité pour l'État d'y déroger, en une
matière particulière, par un traité ultérieur. Comp. à cet égard l'article 71, paragraphe le'", du règle-
ment 44/2001, avec l'article 57, paragraphe 1cr, de la Convention de Bruxelles.
cacité de l'acte à l'étranger. Cette « forme internationale» est également accessible au testateur
dans une situation purement interne.
Sous l'angle de l'applicabilité dans l'espace, le procédé recourt à trois types de
méthodes, selon qu'il s'abstient de toute règle d'applicabilité particulière, qu'il établit
une règle uniforme de ce type (n ° 4.37) ou qu'il prétend nier l'intervention de toute règle
analogue (n ° 4.38). La première méthode ne requiert pas de développement particulier. À
l'instar du droit uniforme qui se substitue au droit commun, le traité n'accompagne les
règles matérielles d'aucune disposition sur l'applicabilité dans l'espace. L'utilisation de
cette méthode paraît exceptionnelle.
Ill On peut citer la Convention de Washington du 26 octobre 1973, sous certaines réserves (voy.
infra, n ° 13.93).
Le traité peut contenir une règle matérielle de droit international privé, comme peut
aussi le faire le droit national (voy. supra, n ° 3.8). L'applicabilité dans l'espace de ce type
de règle s'aligne sur celle de toute règle matérielle que le traité peut contenir.
Ill Ainsi, l'article 22 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur l'administration interna-
tionale des successions s'applique aux situations visées par l'article 1er, c'est-à-dire chaque fois que
le titulaire d'un certificat dressé conformément à la Convention dans un État contractant, obtient
dans un autre État contractant un paiement ou la remise de biens.
Ill Toute règle matérielle contenue dans un traité et applicable aux situations internationales n'est
pas nécessairement une règle matérielle de droit international privé au sens propre attribué à
l'expression.
1111Le contenu de ces règles uniformes de droit privé matériel ne fait pas obstacle à ce qu'un État
contractant les déclare également applicables aux situations purement internes (voy. infra,
n ° 14.158). Certaines conventions ont même servi de modèle au législateur national dans des pays
où elles n'étaient pas en vigueur. Toutefois, l'acte par lequel un État étend l'applicabilité des dispo-
sitions contenues dans un traité international à des situations non prévues par ce traité est un acte
législatif purement interne qui se borne à faire référence aux normes matérielles que contient le
traité, sans prendre appui sur la force obligatoire de l'instrument international.
4.37 - Méthode de la règle d'applicabilité uniforme - La plupart des traités qui unifor-
misent le droit matériel délimitent leur domaine d'application dans l'espace au moyen
d'une disposition qui remplit une fonction analogue à celle qui, à propos de règles maté-
rielles nationales, caractérise la règle directe d'applicabilité (voy. supra, n ° 4.4).
Concrètement, la règle désigne l'élément typique opérant le rattachement de la
situation à au moins l'un des États contractants. Il s'agit normalement de l'élément ser-
vant à définir la condition d'internationalité de la situation visée.
liilCette double condition se rencontre dans la phrase suivante, extraite de l'article 2 de la Conven-
tion de Varsovie du 12 octobre 1929, qui définir le transport aérien international auquel, suivant
son article premier, s'applique ladite Convention: « Est qualifié transport international, au sens de
la présente Convention, tout transport dans lequel, d'après les stipulations des parties, le point de
départ et le point de destination[ ... ] sont situés soit sur le territoire de deux Hautes Parties contrac-
tantes, soit [... ] ».
D'après d'autres conventions de la même famille, tel l'article 1er, 1 °, de la Convention de Genève du
19 mai 1956 (C.M.R.), il suffit que le point de départ ou le point d'arrivée soit situé sur le territoire
d'un État contractant.
Demeurent soustraites au domaine spatial de cette variété de règles uniformes de
droit matériel, les situations purement internes, les situations transfrontières auxquelles
fait défaut l'élément typique conventionnellement défini et celles qui, selon la concrétisa-
tion de cet élément, ne sont pas rattachées au territoire de l'un des États contractants.
158 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
l'on préfère, elle s'accompagne d'une règle de conflit de lois implicite rattachant au droit
du for les situations qu'elle vise et à l'égard desquelles les tribunaux des États où elle est
en vigueur exercent leur compétence internationale.
Ill Pour de plus amples références sur la controverse suscitée par cet aspect de la loi uniforme de
1964, voy.: F. RrGAUX, « Le domaine d'application de la loi uniforme ... », Le contrat économique inter-
national (Bruxelles, Bruylant, 1975), 107-112.
11111 Les auteurs de la Convention du 1er juillet 1964 ont prévu des réserves ayant pour effet de limi-
ter le domaine spatial de la loi (art. III et V), voire même de subordonner ce domaine à la mise en
œuvre d'une règle de conflit de lois (art. IV). Les réserves tendent respectivement: soit à limiter
l'application de la loi aux situations se rattachant à un État contractant (art. III) ou aux contrats
dont les parties ont choisi la loi uniforme pour régir leurs relations (art. V), soit à n'appliquer la loi
uniforme que si celle-ci est déclarée applicable en vertu d'une convention sur les conflits de lois en
matière de vente internationale d'objets mobiliers corporels (art. IV), ce qui vise manifestement la
Convention de La Haye du 15 juin 1955. La plupart des États ont accompagné le dépôt de leur ins-
trument de ratification de l'une ou de l'autre de ces réserves, tels le Royaume-Uni (art. V) et la Belgi-
que (art. IV).
4.40 - Combinaison des méthodes - Il arrive que le traité combine plusieurs méthodes
de délimitation de son domaine spatial, en énonçant à la fois une règle directe d'applica-
bilité et un renvoi aux règles de rattachement du for. Le procédé vise à étendre le domaine
d'application du traité, au moyen de deux techniques qui jouent de manière alternative.
La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchan-
1111
dises (CVIM) tend à remplacer la loi uniforme de 1964 (voy. infra, n ° 14.182). Elle s'applique si cha-
cune des parties est établie dans deux États contractants différents (art. 1er, 1er, a), ou si les règles de
conflit du for désignent la loi d'un État contractant (art. 1cr,§ 1er, b).
Le procédé est singulier, car il combine deux concepts qui peuvent être contradic-
toires. En effet, la méthode de la règle d'applicabilité tend à restreindre le domaine
d'application des règles uniformes lorsque cette règle utilise une structure condition-
nelle, tandis que la méthode du renvoi à la règle de rattachement du for, qui caractérise
les traités de la première catégorie exposée ci-dessus (supra, n ° 4.36), entend simplement
ne pas se prononcer sur l'applicabilité par une règle particulière.
Cette singularité explique sans doute que les auteurs de la Convention de Vienne ont prévu une
Ill
réserve à l'article 1er, paragraphe F'", b) (art. 95). Cette réserve a suscité une vive controverse au sujet
de sa réciprocité. Voy. à ce sujet: M. FALLON, « Le domaine d'application de la Convention de
Vienne», Ann. dr. (1998), 264-266.
dans la Convention de Genève du 7 juin 1930 destinée à régler certains conflits de lois en matière
160 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
de lettres de change et de billets à ordre et dans la Convention de Genève du 19 mars 1931 destinée
à régler certains conflits de lois en matière de chèques (voy. infra, n ° 14.142).
1111La Convention des Nations unies sur la cession de créances (voy. supra, n ° 4.30) définit le con-
trat international visé en exigeant que le cédant et le débiteur cédé se trouvent dans des pays diffé-
rents (art. 4). Cette précision sert uniquement à définir la matière visée (des opérations
internationales). S'y ajoute une règle d'applicabilité affectant les règles matérielles uniformes, à
savoir la condition que le cédant se trouve dans un État contractant, et cette condition ne s'étend
pas au chapitre de la Convention consacré aux règles de rattachement communes (art. 1er) : celles-
ci reçoivent ainsi un caractère universel.
Avec une règle de rattachement proprement dite il ne faut pas confondre la« règle
de signalisation». Celle-ci se borne à constater que la question qu'elle vise n'est pas réglée
par la loi uniforme, sans qu'elle désigne la loi compétente pour y pourvoir.
11111 Voy. à titre d'exemple l'article 288, alinéa 1e,, du traité CE(« la responsabilité contractuelle de la
Communauté est régie par la loi applicable au contrat en cause»), l'article 60, § 3, du règlement
44/2001, ou l'article 5, § 2, de la loi uniforme de 1964 sur la vente internationale des objets mobi-
liers corporels, selon lequel« La présente loi ne porte pas atteinte aux dispositions impératives pré-
vues dans des droits nationaux pour la protection de l'acheteur dans les ventes à tempérament».
Les directives communautaires comportent de nombreuses règles de signalisation.
D'abord, le droit communautaire, dont ces règles sont issues, est lui-même un ordre
juridique, à l'espace nécessairement délimité. La question se pose alors d'une délimita-
tion du domaine des règles communautaires par rapport aux frontières de l'espace com-
munautaire plutôt qu'aux frontières nationales.
Ensuite, la majorité des actes communautaires en cause sont des directives. Or, ce
type d'acte, ne bénéficiant pas d'une applicabilité immédiate, a besoin d'un acte de trans-
position en droit national : le juge saisi d'un différend entre particuliers est alors conduit
à appliquer formellement, non pas la directive, mais la loi nationale de transposition.
Cette caractéristique complique la formulation de règles d'applicabilité dans une direc-
tive (voy. infra, n ° 4.45).
4.43 - Méthode de la substitution de règles communes - La substitution de règles com-
munes aux règles générales en vigueur dans chacun des États membres constitue la
L'APPLICABILITÉ DU DROIT UNIFORME 161
ponsabilité du fait des produits défectueux, j.O.C.E. (1985), L 210; directive 86/653 du
18 décembre 1986 concernant les agents commerciaux indépendants,].O.C.E. (1986), L 382.
IllLa règle d'applicabilité peut se laisser déduire de la définition du domaine matériel de l'acte,
mais cette méthode peut susciter des difficultés d'interprétation. Voy. par exemple la directive
2002/47 du 6 juin 2002 COljCernant les contrats de garantie financière,].O.C.E. (2002), L 168, qui,
pour définir les entreprises financières visées, renvoie à d'autres actes qui, organisant l'accès au
marché, visent des entreprises établies dans la Communauté.
De même que pour le droit conventionnel, les règles matérielles, une fois intégrées
au droit national, voient leur domaine spatial délimité normalement, comme toute règle
matérielle nationale, au moyen des règles de conflit de lois du for, à moins de pouvoir en
dégager, par voie d'interprétation, une règle d'applicabilité implicite.
Ill À première vue, le juge d'un État membre saisi d'un litige international concernant la responsa-
bilité du fait d'un produit défectueux cherchera d'abord à désigner le droit national applicable au
litige au moyen de la règle nationale de rattachement, laquelle peut utiliser pour facteur de ratta-
chement la localisation du fait générateur de responsabilité, à savoir vraisemblablement la localisa-
tion de la fabrication (voy. infra, n° 15.58). Une règle matérielle issue de la transposition ne sera
donc appliquée dans cet État que si le produit a été fabriqué dans un pays ayant transposé la direc-
tive.
Il n'est pas certain que la méthode suffise à réaliser l'objectif d'achèvement du mar-
ché intérieur, puisque l'applicabilité des règles communes peut varier en fonction des
règles de rattachement nationales. Un tel constat pourrait conduire à interpréter l'acte
comme comportant une règle d'applicabilité implicite, qui permette d'aligner son
domaine d'application sur celui du droit primaire.
1111Ainsi, dans le cas précité de la responsabilité du fait des produits, il y aurait lieu de considérer
que le régime s'applique, devant le tribunal d'un État membre, à tout produit mis en libre pratique
dans un État membre, à tout le moins comme une règle d'applicabilité minimale. La question de
l'application à des produits mis en libre pratique dans un État tiers soulève un problème propre de
droit communautaire institutionnel, concernant l'existence d'une compétence «externe» pour
régler de telles situations (voy. le numéro suivant).
Ill Voy. en ce sens, le raisonnement suivi à propos de l'agence commerciale, infra, n ° 14.137.
1111Sur ce que chaque acte communautaire comprendrait une règle d'applicabilité au moins impli-
cite, voy. : S. FRANCQ, précité n ° 4.42.
4.44 - Méthode de la superposition de règles communes - Il arrive que les règles com-
munautaires se bornent à établir des dispositions nouvelles qui s'ajoutent aux règles
nationales pour le motif qu'elles ne couvriraient que les situations internationales ou
auraient une vocation particulière à le faire. Le recours à cette méthode paraît marginal
en comparaison avec le droit conventionnel, qui la privilégie.
Le droit communautaire institutionnel détermine l'existence d'une compétence
d'attribution pour l'adoption de normes communes concernant les situations purement
internes, ou les situations purement externes.
162 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
ne s'intègre pas au droit national comme peut le faire le droit conventionnel dans l'hypothèse de la
méthode de substitution. L'acte reste formellement détachable de l'ordre juridique national, ne
cessant pas d'appartenir à l'ordre juridique communautaire. On observe qu'il est préféré à la direc-
L'APPLICABILITÉ DU DROIT UNIFORME 163
tive lorsqu'il porte moins sur le rapprochement des droits nationaux que sur la création d'une ins-
titution juridique autonome, celle une marque communautaire faisant l'objet d'un enregistrement
proprement communautaire. Il paraît alors nécessaire d'accompagner l'acte d'une norme primaire
(sur le sens de ce terme, voy. supra, n ° 3.7), en privilégiant sans <loure la forme d'une règle d'applica-
bilité. Ainsi, le règlement 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire /J.O.C.E.,
1994, L 11) organise une procédure propre d'application des règles de protection: un système
autonome de recours est mis en place contre les décisions de l'Office communautaire d'enregistre-
ment de la marque, devant un chambre administrative dont les décisions peuvent faire l'objet d'un
recours devant la Cour de justice ; pour les actions en contrefaçon, des juridictions nationales sont
instituées en « tribunaux des marques communautaires». Ainsi, le règlement dispose d'organes
juridictionnels propres, qui sont amenés à statuer sans aucune référence à un système national de
droit international privé.
Ce qui est vrai pour un règlement portant des règles matérielles ne l'est pas nécessairement pour
un règlement portant des règles de compétence judiciaire ou des règles d'efficacité des décisions
étrangères. Voy. infra, chap. 8.
Plusieurs règlements portent des mesures d'embargo pouvant affecter la validité de certains
1111
contrats de fourniture. Leur domaine d'application dans l'espace est précisé au moyen d'une règle
d'applicabilité. Voy. notamment: le règlement 2158/99 du 11 octobre 1999 concernant une inter-
diction de la vente à l'Indonésie de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne
ou de cerrorisme,j.O.C.E. (1999), L 265, applicable aux ressortissants d'États membres.
S'agissant de directives, l'expérience montre que les actes adoptés portent sur des
questions qui, en droit national, intéresseraient le plus souvent des « lois de police » ou
des« lois d'application immédiate» et qui, à ce titre, appelleraient l'insertion d'une règle
directe d'applicabilité (voy. supra, n ° 4.14). Le recours à la méthode de la règle d'applicabi-
lité dans une directive est donc normal à première vue. Il n'en soulève pas moins des diffi-
cultés certaines, liées au type d'acte, qui doit faire l'objet d'une transposition en droit
national. Le malaise apparaît dès la formulation du critère d'applicabilité.
IllLa circonstance que la plupart des directives portent sur des questions affectant des lois de
police ou des lois d'application immédiate s'explique du fait que l'acte tend à réduire des disparités
de législations nationales qui affectent le bon fonctionnement du marché intérieur. Or, nombre de
ces législations peuvent être vues comme des lois de police ou des lois d'application immédiate,
comme l'illustre l'arrêt Arblade précité (voy. supra, n ° 4.14). Il est significatif que peu d'actes por-
tent, par exemple, sur des contrats commerciaux, matière dans laquelle l'État n'est guère à même
de justifier une entrave aux échanges par une raison d'intérêt général au sens où l'entend le traité
CE.
1111 Sur ce que toute directive comporterait une règle, explicite ou implicite, d'applicabilité, voy. S.
FRANCQ, précité n ° 4.42.
pension de l'État à étendre le droit du for à l'ensemble des hypothèses localisées « dans la
164 LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
Communauté ». Voy. par exemple: M. FALLON, « La loi applicable aux clauses abusives après la
transposition de la directive n° 93/13 », Rev. eur. dr. cons. (1996), 3-27.
1111Pour l'État, la seule transposition adéquate d'un critère se référant au territoire de la Commu-
nauté semble être la formulation d'une règle de rattachement dotée d'un élément de réciprocité,
limitée à la désignation du droit d'un État membre. Ainsi, la directive 94/47 du 26 octobre 1994
concernant le contrat de timeshare (J.O.C.E., 1994, L 280) utilise pour critère d'applicabilité la loca-
lisation de l'immeuble dans un État membre, ce qui a conduit par exemple la loi belge du 11 avril
1999 (Monit., 20 avril 1999) à prévoir l'application des règles de protection du consommateur en
vigueur dans l'État membre de situation de l'immeuble, plutôt que de prévoir l'application généra-
lisée de la loi du for.
Ill Le second procédé reprend la formulation de l'article 7 de la Convention de Rome (voy. supra,
n ° 14.74) et s'inspire donc probablement du même objectif. La transposition de la disposition n'a
pas moins montré des difficultés, singulièrement à propos de la directive 93/13 relative aux clauses
abusives (voy. infra, n ° 14.113), certains États se contentant de reproduire le terme« lien étroit»,
d'autres traduisant celui-ci par un critère de localisation concret, telle la résidence d'une partie.
Voy. pour plus de détails, M. FALLON, précité.
Le recours à une notion à contenu variable dans une directive soulève une difficulté d'interpréta-
tion, puisqu'il est incertain si le concept est amené à être transposé tel quel ou s'il laisse une marge
d'appréciation lors de la transposition. Cette difficulté n'existe pas à propos d'un règlement. Un tel
constat ne suffit cependant pas à éliminer la directive comme mode de rapprochement des législa-
tions nationales au profit du règlement, mais à mettre le législateur communautaire en garde con-
tre le risque de divergences d'interprétation en l'absence de précision apportée au texte.
Selon la Cour de justice, l'existence d' « un lien étroit» fait bien figure d'une disposition susceptible
d'effet direct et applicable telle quelle par le juge saisi. Ainsi en est-il dans le cas de la directive 93/13
(C.J.C.E., aff. C-70/03, 9 septembre 2004, Espagne), sans exclure la possibilité pour le législateur
national d'accompagner la notion d'une présomption. Comp. une règle d'applicabilité implicite de
ce type dégagée de l'interprétation d'une directive par: C.J.C.E., aff. C-381/98, 9 novembre 2000,
Ingmar, Rec., 2000, 1-9305, Revue, 2001, 107, note L. IooT).
Ill Le procédé de l'utilisation de facteurs de localisation concrets présente des variantes dans la
structure de la règle, analogues à celles qui ont été observées à propos du droit conventionnel ou de
la règle nationale d'applicabilité. Certaines règles utilisent un critère exclusif, tel le lieu de conclu-
sion du contrat de voyage (directive 90/314 du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et cir-
cuits à forfait,].O.C.E., 1990, L 158). D'autres utilisent une structure alternative, qui tend à étendre
unilatéralement le domaine spatial des règles matérielles (directive 95/46 du 24 octobre 1995 rela-
tive à la protection des données à caractère personnel,].O.C.E., 1995, L 281), ou une structure con-
ditionnelle, qui tend à limiter ce domaine (directive 89/592 du 13 novembre 1989 concernant la
coordination des réglementations relatives aux opérations d'initiés,].O.C.E., 1989, L 334).
Ill!La méthode est utilisée largement en droit des sociétés (voy. infra, n ° 16.16). On en trouve
encore un exemple, notamment, pour la détermination du droit de propriété en matière de restitu-
tion de biens culturels (directive 93/7 du 15 mars 1993,].O.C.E., 1993, L 74), de droits réels sur un
navire (proposition de règlement sur le registre communautaire de navires,].O.C.E., 1992, C 19), ou
pour le régime du contrat de garantie financière (directive 2002/47 du 6 juin 2002,].0.C.E., 2002, L
168).
De nombreux actes communautaires contiennent encore des règles de signalisation
(voy. supra, n ° 4.41 ). Le procédé se concilie assez bien avec le concept de la directive, puis-
que celle-ci peut se contenter d'une harmonisation partielle.
Ill Voy. par exemple la directive 91/250 du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des pro-
grammes d'ordinateur, ].O.C.E. (1991), L 122, dont l'article 4 énonce que: « L'auteur d'un pro-
gramme d'ordinateur est [... ], lorsque la législation de l'État membre concerné l'autorise, la
personne morale considérée par cette législation comme étant titulaire du droit».
nant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection du mineurs : « La pré-
sente Convention s'applique à tous les mineurs qui ont une résidence habituelle dans un des États
contractants».
Comp. l'article 5 de la Convention de La Haye du 12 juin 1902 pour régler la tutelle des
1111
Ill Il arrive que la condition d'applicabilité figure dans un traité bilatéral. Voy. la Convention entre
la Belgique et le Maroc du 15 juillet 1991 « sur la loi applicable et la reconnaissance des mariages et
de leur dissolution » (non en vigueur). Celle-ci n'intéresse que les ressortissants de ces États.
Le second procédé prévoit que la règle de rattachement n'a d'autre effet que de dési-
gner le droit d'un des États contractants.
Ill Voy. par exemple la Convention de La Haye du 24 octobre 1956 sur la loi applicable aux obliga-
tions alimentaires envers les enfants : « La Convention ne s'applique qu'aux cas où la loi désignée
par l'article premier, est celle d'un des États contractants» (art. 6).
Voy. aussi l'article 7 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 pour régler les conflits entre la loi
nationale et la loi du domicile.
À titre d'exemple d'accord bilatéral, voy. la Convention du 10 août 1981 entre la France et le
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Maroc relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire.
Caires» de lois, à l'instar des « interstate conflicts » que connaît le droit des États-Unis à
propos des situations propres à l'espace fédéral.
La règle d'applicabilité tend à formaliser un lien entre la situation visée et l'espace
occupé par l'ordre juridique communautaire, à l'instar de ce que font aussi les règles
d'applicabilité présentes dans des règlements ou directives (voy. supra, n ° 4.45). Les cas
rencontrés illustrent un recours au premier procédé évoqué à propos des traités, celui
d'une condition concernant la localisation de l'élément d'applicabilité pertinent dans la
Communauté, alors que l'élément de rattachement peut se localiser dans un État tiers.
Ainsi, la pratique communautaire montre la possibilité d'adopter des règles universelles
dont le domaine se limiterait à des situations présentant un lien déterminé avec l'ordre
juridique auquel appartient la règle de rattachement.
Voy. par exemple les règles de rattachement adoptées en matière de contrat d'assurance (infra,
1111
n° 14.91): celles-ci ne s'appliquent qu'aux contrats portant sur un risque localisé dans la Commu-
nauté, et probablement aux seuls assureurs établis dans la Communauté.
La présence d'une telle règle d'applicabilité tendant à circonscrire le domaine de la
règle de rattachement aux situations communautaires pourrait s'expliquer par une
contrainte propre au droit communautaire institutionnel, à savoir que le législateur
communautaire ne dispose que de compétences d'attribution: l'acte adopté pour le bon
« fonctionnement du marché intérieur» (art. 95 CE, supra, n° 5 2.29 et 4.33) reçoit un
domaine d'application s'alignant naturellement sur celui de la liberté de circulation dont
il entend faciliter l'exercice.
Ill Cet élément peut servir à l'interprétation d'une règle communautaire de rattachement, pour
voir dans l'acte qui la porte une règle d'applicabilité implicite. Ainsi, la directive 2002/47 du 6 juin
2002 concernant les contrats de garantie financière (JO.CE., 2002, L 168) opère une harmonisa-
tion, à la fois, des règles matérielles et, de manière complémentaire, des règles de rattachement,
sans contenir de précision sur son applicabilité dans l'espace. Selon le préambule de la directive,
celle-ci « favorisera [... ] la libre prestation des services et la libre circulation des capitaux dans un
marché unique des services financiers». On constate que l'article 1er vise pratiquement des entre-
prises « agréées » dans un État membre.
L'existence de cette contrainte suffirait à justifier la présence d'une règle d'applicabilité, ôtant
1111
toute force persuasive à l'argument de commodité tiré de la simplification que comporte toute
règle de rattachement destinée à se substituer aux règles nationales correspondantes (voy. supra,
n° 4.43). Rien n'empêche l'État membre soucieux d'une telle simplification d'étendre le domaine
de la loi de transposition à l'ensemble des situations internationales.
1111 Le lien fonctionnel entre l'applicabilité de l'acte et le domaine du droit primaire est encore plus
fort lorsque l'acte entend expliciter le concept de « loi d'origine» dans une clause dite de marché
intérieur (voy. supra, n ° 4.46) : dans ce cas en effet, les situations visées sont nécessairement de cel-
les qui entrent dans le domaine du traité CE, et la loi désignée est nécessairement celle d'un État
membre.
IllUne mise en doute d'un tel lien est décelable dans certains arrêts de la Cour de justice concer-
nant, tantôt l'applicabilité du droit matériel uniforme (arrêt Ôsterreichischer Rundfunk précité), tan-
tôt des règles uniformes de compétence internationale (sur ce dernier point, voy. l'arrêt Owusu,
supra, n ° 4.33).
TITRE 3
,
METHODES DE SOLUTION
DES CONFLITS DE LOIS
ANALYSE FONCTIONNELLE
CHAPITRE 5
L'APPLICATION DE LA RÈGLE
DE CONFLIT DE LOIS
Section 1
Les phases successives de l'application
de la règle de conflit
5.1 - Sélection de la norme primaire - En droit international pnve comme en toute
branche du droit, la fonction du praticien est d'appliquer les règles à des situations parti-
culières. La première opération consiste à choisir la norme qui appréhende directement
les faits, norme qualifiée de «primaire» (voy. supra, n ° 3.7) car l'application qui en est
faite n'est, le plus souvent, que la première phase du processus qui doit acheminer à la
solution de droit matériel appropriée. La sélection de la norme primaire de droit interna-
tional privé fait l'objet de la section II du présent chapitre.
Qu'un droit étranger puisse être désigné par la norme primaire du droit du for sus-
cite les quatre problèmes essentiels de la théorie classique du droit international privé.
a) Si l'ordre juridique étranger est un système de droit non unifié ou qu'il contienne
lui-même une règle de conflit de lois prévoyant un rattachement différent de celui
qui l'a déclaré applicable, l'une des péripéties de la mise en œuvre de la norme pri-
maire de droit international privé du for a pour objet l'applicabilité des normes de
conflit de lois interne du droit étranger, voire celle de ses règles de conflit de droit
international privé. On retrouvera ici deux problèmes classiques, à savoir le
« renvoi » et la « question préalable ».
b) L'application du droit étranger introduit dans le système du juge saisi des normes
qui ne sauraient être jugées équivalentes à celles du droit du for. On appelle tradi-
tionnellement « condition procédurale du droit étranger» l'ensemble de questions
suscitées par l'insertion de normes hétérogènes dans l'ordre juridique du for. Eu
égard à la connexité des deux séries de problèmes, on y a joint ceux qui touchent à
l'application d'office des normes primaires de droit international privé du for.
c) Après que les étapes précédemment décrites ont été franchies, le juge doit affronter
une difficulté inhérente à la technique même du rattachement, à savoir que les
catégories de rattachement appréhendent des aspects partiels de la situation parti-
culière, dont le règlement, en cas de dispersion géographique de ses éléments maté-
riels, risque d'être fragmenté entre les dispositions de droit matériel de plusieurs
États. La terminologie la plus adéquate est celle « d'application distributive» des
lois applicables, ce qui couvre les prétendus « conflits de qualifications » et la
« détermination du concept préjudiciel».
Section 2
Le choix de la norme primaire
de droit international privé
5.4 - Présentation - La sélection de la norme primaire de droit international privé lors
de la résolution d'un cas comportant des éléments d'extranéité suscite deux types de dif-
ficultés.
La première consiste à adapter les classifications propres au système juridique du
for, système de référence pour la résolution du cas, à la diversité des concepts qui peuvent
servir à la définition des éléments de ce cas constitué éventuellement sous l'empire d'un
droit connaissant des classifications différentes. Cette opération est indispensable au
choix correct de la norme primaire pertinente.
La seconde, d'une autre nature, consiste à effectuer un choix entre une pluralité de
normes primaires produites par le système de droit international privé du for, dans une
matière déterminée.
culière, la logique juridique. Face à l'infinie diversité des situations de vie, la structure lin-
guistique et conceptuelle de l'ordre juridique étatique offre un cadre de référence stable
et qu'il est permis de supposer logiquement clos.
Cette stabilité se vérifie à deux niveaux : les phénomènes sociaux appréhendés par le
droit, les relations personnelles, les rapports économiques, sont introduits dans des
cadres conceptuels qu'on appelle« l'hypothèse» de la règle de droit. Vrai ou faux, le pré-
supposé de la plénitude logique de l'ordre juridique étatique implique qu'à toute relation
sociale relevant du droit corresponde un ensemble conceptuel, une hypothèse légale dont
le choix est la tâche propre du praticien.
Le second niveau auquel se manifeste la rigidité d'un système de référence universel
et exclusif est la plénitude formelle de l'ordre normatif: le droit étatique est un réseau
complexe de commandements harmonisés ou aptes à l'être, ce qui, au moins en principe,
évite aussi bien les lacunes (on ne sait quelle solution donner à une situation déterminée)
que les contradictions et les conflits (la même situation fait l'objet de commandements
incompatibles).
L'application du droit serait paralysée si tous les éléments de la situation étaient mis
en question. Les données qui doivent être tenues pour constantes sont nécessairement
désignées à l'aide de concepts juridiques.
La difficulté est particulièrement sensible si, comme il a été suggéré ci-dessus
(n ° 1.42), le praticien recherche, avant toute intervention d'un organe étatique, la règle
de droit applicable. Sera-t-il condamné au silence parce que lui ferait défaut ce langage
spontané qui paraît associé à un système national de droit et d'expression juridique? À
l'aide de quelles notions décrire une situation qui ne saurait être appréhendée par le jeu
des règles de conflit avant d'avoir été décrite, mais dont on se demande à présent s'il est
possible d'en énumérer les éléments constitutifs, avant tout rattachement à un ordre
juridique positif?
Dans les dernières années du XIXe siècle, Kahn et Bartin ont été les premiers auteurs
attentifs à cette interrogation. Celle-ci n'avait pas de sens pour l'école universaliste, qui
prétendait dégager de la communauté de civilisation des États occidentaux des règles de
conflit de lois utilisant des concepts aptes à appréhender toutes les institutions de ses
différents membres.
176 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
En étendant aux conflits de lois le schéma logique qui caractérise l'application judi-
ciaire du droit privé et en centrant la mise en œuvre de la règle de rattachement sur un
système conceptuel déterminé, celui de l'État du for, Kahn et Bartin ont érigé la lex fori en
système de référence absolu et universel de toutes les situations juridiques, quelle qu'en
fût l'origine. Le praticien a désormais pour tâche d'insérer ces situations dans les grilles
conceptuelles familières au tribunal saisi afin de les soumettre aux règles de conflit de
lois, normes juridiques spéciales élaborées par le droit du for pour celles de ces situations
qui présentent un élément« étranger».
il prétend avoir droit, sait que le demandeur s'expose à ce que la qualité alléguée soit victorieuse-
ment contestée par le défendeur, en fait mais aussi en droit. La seule différence entre une situation
purement interne et une situation transfrontière est que, pour atteindre la décision relative à la
seconde, il faudra, le cas échéant, vérifier la validité et les effets des qualités alléguées par les parties
en y faisant application du droit étranger désigné par une règle de rattachement.
La méthode des conflits de lois repose dès lors sur un postulat, à savoir que les con-
cepts utilisés par la norme primaire de droit international privé, notamment ceux de la
catégorie de rattachement, soient en mesure d'appréhender des situations« étrangères»,
c'est-à-dire des rapports de droit étranger, l'opération de qualification consistant alors à
mettre en présence les termes suffisamment larges de la catégorie de rattachement et les
institutions juridiques des divers droits étrangers.
Sur la controverse relative à l'objet du rattachement (s'agit-il d'une situation de fait ou d'un rap-
1111
port de droit?), voy. notamment: F. RlGAUX, La théorie des qualifications en droit international privé
(Bruxelles, Larcier, 1956), n ° 102, n ° 127, n',s 155-156.
5.12 - Une communauté de langage - Un tel postulat n'est logiquement admissible que
si l'on suppose en outre que les professionnels du droit formés dans des ordres juridiques
nationaux différents parlent une langue commune. Cela conduit à une deuxième diffi-
culté, qui n'est pas seulement liée à la nécessité de travailler sur des notions traduites
d'une langue elle-même étrangère. L'existence de langues de très large diffusion, comme
le français, l'anglais, l'espagnol, l'arabe, et, dans une moindre mesure, l'allemand, fait
apparaître que dans les nombreux systèmes juridiques où l'une de ces langues est utilisée,
au même mot du langage choisi par le législateur ne correspondent pas des concepts
juridiques rigoureusement équivalents. Sans doute peut-on délimiter un noyau de signi-
fication commune autour duquel se sont développées des pratiques linguistiques et juri-
diques distinctes. L'obligation de traduire d'une langue dans une autre met mieux en
relief une difficulté qui risque d'être moins apparence quand la comparaison des notions
juridiques a pour objet les concepts différents désignés par des mots paraissant identi-
ques parce qu'ils appartiennent à la même aire linguistique.
Par leur source, les unes appartiennent à un traité international directement appli-
cable dans l'ordre interne, les autres sont propres au droit du for.
Par leur nature, les règles de rattachement multilatérales côtoient des règles (con-
ventionnelles) d'unification du droit matériel, des règles matérielles de droit internatio-
nal privé, des normes matérielles du for dont le domaine d'application est délimité par
une règle particulière d'applicabilité, des règles de rattachement exclusivement unilatéra-
les.
Face à cette double pluralité des normes primaires de droit international privé, il y a
lieu de distinguer quatre problèmes relatifs au choix de la norme pertinente : le premier
concerne la détermination du domaine matériel de chacune des normes, au moyen de
l'opération de qualification des faits (voy. supra, n ° 5.7); la deuxième difficulté a pour
objet la détermination du domaine spatial de la norme régissant une situation transfron-
tière lorsque cette norme ne vaut que pour les situations satisfaisant aux conditions pré-
vues par la règle particulière d'applicabilité qui l'accompagne (voy. supra, n ° 1.32) ; la
troisième difficulté touche au conflit issu de la multiplicité des règles de droit pouvant
valoir comme « norme primaire » applicable à la même situation; la quatrième est le con-
flit transitoire suscité par la succession de normes différentes ayant la même nature.
5.1 S - Conflit entre règle conventionnelle et règle nationale - Une autre variété de con-
flit est celle qui oppose une source de droit international à une source de droit interne,
par exemple la règle de droit matériel uniforme contenue dans un traité est opposée à
une règle nationale de rattachement.
LE CHOIX DE LA NORME PRIMAIRE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 179
Ill En cas de conflit entre une règle de rattachement conventionnelle et une règle d'applicabilité
nationale, cette dernière ne peut recevoir effet que dans les limites posées par la première, en raison
du principe de primauté du traité. Les deux types de dispositions sont bien concurrents puisque
l'un et l'autre ont un objet commun, à savoir résoudre le conflit de lois, mais ils utilisent des
méthodes différentes (voy. supra, n'" 3.4 et s.) : à ce titre, ces règles constituent bien des normes pri-
maires.
Pour un cas de cession de priorité aux règles nationales d'applicabilité, voy. l'article 7 de la Conven-
tion de Rome du 19 juin 1980 (infra, n ° 14.74).
L'article 6, alinéa l ''", de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 sur l'adoption (voy. supra,
n ° 3.8) a la même portée, bien qu'il ne contienne pas une solution aussi explicite que la disposition
précitée.
5.19 - Récapitulation des règles de conflit de normes primaires du for - Lorsque le pra-
ticien cherche à déterminer la norme primaire pertinente, il se doit de dresser un inven-
taire de l'ensemble des dispositions de ce type qui, pour la matière en cause, ont force
obligatoire dans le système du for, règles de rattachement nationales ou conventionelles,
assorties ou non d'une règle d'applicabilité, règles matérielles ou conventionnelles assor-
ties d'une règle d'applicabilité. En revanche, il n'y a pas lieu, à ce stade, de considérer une
règle matérielle, nationale ou conventionnelle, non assortie d'une règle d'applicabilité,
puisqu'une telle règle se fond dans le système juridique que la norme primaire a pour
vocation de désigner (voy. supra, n ° 4.35).
Les divers paramètres énoncés aux numéros précédents permettent d'établir un clas-
sement des normes primaires par ordre de priorité :
- Rang 1: règle matérielle uniforme assortie d'une règle d'applicabilité.
- Rang 2: règle de rattachement uniforme assortie d'une règle d'applicabilité; et la
règle spéciale de ce type passe avant la règle générale du même type.
- Rang 3 : règle de rattachement uniforme de caractère universel ; et la règle spé-
ciale de ce type passe avant la règle générale du même type.
- Rang 4: règle matérielle nationale assortie d'une règle d'applicabilité.
- Rang 5 : règle de rattachement nationale ; et la règle spéciale de ce type passe
avant la règle générale du même type.
Ainsi, dans le paysage juridique belge, la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit interna-
Ill!
tional privé se situe au rang 5 seulement quoique, par l'étendue de son domaine, elle constitue la
source la plus étendue en la matière.
5.20 - Conflit de normes primaires étrangères - Il peut arriver que le praticien ait à con-
sidérer une norme du droit étranger qui, si elle était empruntée au droit du for, aurait le
caractère d'une norme primaire : ce peut être le cas d'une règle de rattachement dans le
contexte particulier de la théorie du renvoi (voy. infra, n ° 6.12), mais plus normalement
d'une règle matérielle uniforme ou d'une règle matérielle de droit international privé en
vigueur dans le système juridique désigné par la règle de rattachement du for.
IllLe cas de désignation d'une règle matérielle uniforme en vigueur dans le droit étranger désigné
par la règle de rattachement se présente, par exemple, en matière de vente internationale (voy. supra,
n° 14.182).
Le praticien se doit alors de respecter un ordre de priorité entre les différentes nor-
mes étrangères en présence, à savoir considérer d'abord la règle matérielle uniforme,
ensuite, si l'on se situe dans le contexte du renvoi, la règle de rattachement, ensuite la
règle matérielle de droit international privé et, à titre subsidiaire seulement, la règle
matérielle de droit interne. Dans les deux derniers cas, il convient encore d'avoir égard à
une éventuelle règle directe d'applicabilité au cas où le juge saisi serait amené à y donner
effet (voy. supra, n ° 4.4).
5.21 - Conflits impliquant une règle communautaire - Lorsqu'un acte de l'Union euro-
péenne contient une règle de droit international privé, celle-ci prétend à la primauté dans
le domaine considéré, non seulement sur toute règle nationale mais encore sur toute
LE CHOIX DE LA NORME PRIMAIRE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 181
règle conventionnelle en vigueur entre États membres. Pour les traites liant un État
membre à un État tiers, il incombe au premier de prendre les mesures appropriées pour
en assurer la compatibilité avec le droit communautaire (voy. supra, n ° 4.34 ).
IllPar exemple, la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations con-
tractuelles cède devant un règlement ou les dispositions nationales de transposition d'une directive
communautaire, en des termes que confirme l'article 20 de la Convention.
5.22 - Bibliographie
0
B. ANCEL, v « Conflits de lois dans le temps», Répert. Dalloz (2000); H. BATIFFOL, « Conflits de lois
dans l'espace et conflits de lois dans le temps», Mélanges Ripert (1950), t. I, 292-303; P. COURBE, Les
objectifs temporels des règles de droit international privé (Paris, PUF, 1981); J. ERAuw, « Het intertempo-
reel internationaal privaatrecht, en de toepassing ervan in het huwelijksvermogensrecht », TP.R.
(1979), 1-28; C. GAVALDA, Les conflits dans le temps en droit international privé (Paris, 1955); C. EBEN-
ROTH, G. REINER et E. BOIZEL, « Succession d'États et droit international privé», Clunet (1996), 5-68;
A GIARDINA, Successione di norme di conflitto (Milan, Giuffrè, 1970); P. GRAULICH et M. LIÉNARD-LIGNY,
« Droit transitoire et droit international privé des régimes matrimoniaux », Mélanges Vander Elst,
341-351 ; ]. GRODECKI, « Conflict of Laws in Time », B.Y.I.L. (1959), 58-82 ;J. HERON,« Etude struc-
turale de l'application de la loi dans le temps», Rev. trim. dr. civ. (1985), 2 et s.; B. Hess, Intertempora-
les Privatrecht (Tübingen, Mohr, 1998); I. JOPPE, Overgangsrecht in het internationaal privaatrecht en het
fait accompli (Arnhem, Gouda Quint, 1987); P. LAGARDE, « Le droit transitoire des règles de conflit
après les réformes récentes du droit de la famille», Trav. Comité fr. d.i.p. (1977-1979), 89 et s.; P.
LEVEL, Essai sur les conflits de lois dans le temps (Paris, 1959) ; P. LOUIS-LUCAS, « Traits distinctifs des con-
flits de lois dans le temps et des conflits de lois dans l'espace», Mélanges Roubier (1961), t. I, 323-
348; A MAKAROV, « Postmortale Anderung der Sachnormen des Erbstatuts »,RabelsZ. (1957), 201-
219; F. A. MANN,« The Time Element in the Conflict ofLaws », B.Y.I.L. (1954), 217-247 ;J. C. MOR-
RIS, « The Time Factor in the Conflict of Laws », I.C.L.Q. (1966), 422-435; F. R.!GAUX, « Espace et
temps en droit international privé», Rev. interdise. Et. jur. (1989-22), 107-124; K. SIEHR, « Der Eini-
gungsvertrag und seine internationalen Kollisionsnormen »,RabelsZ. (1991), 240-267; M. SosNIAK,
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(1981-1982), 201-218; H. STEIN, Plaats en tijd in het IPR (Deventer, Kluwer, 1984); G. VAN HECKE,« La
succession dans le temps des règles de conflit», note sous Cass., 8 octobre 1964, Rev. crit. jur. belge
(1965), 397-404; B. VON HOFFMANN, « Internationales Privatrecht im Einigungsvertrag », IPRax
(1991), 1-10; N. WATTÉ, « Les régimes matrimoniaux, les conflits de lois dans l'espace et dans le
temps», Rev. crit. jur. belge (1994), 676-732.
182 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
rapport provisoire de M. SoRENSEN sur Le problème dit du droit interternporel dans l'ordre international,
Annuaire, vol. 55 (1973), 1-47, le rapport définitif, ibid. 85-98, le compte rendu des délibérations en
séance plénière à la session de Wiesbaden, vol. 56 (1975), 339-374, et le texte de la résolution sur
« Le problème intertemporel en droit international public», ibid., 536-541.
5.24 - Solutions nationales -À défaut d'insertion d'une règle expresse de droit transi-
toire dans la loi nouvelle, la solution généralement avancée par la doctrine consiste à
étendre au changement des règles nationales de rattachement les solutions de droit tran-
sitoire prévues par le droit interne pour la catégorie de situations visée par la règle de
droit international privé.
En chaque pays, le droit transitoire interne a élaboré des solutions adaptées aux
diverses matières du droit privé, mariage, divorce, filiation, successions, contrats,
responsabilité : à la règle nouvelle de rattachement il est reconnu la même applicabilité
dans le temps qu'à la règle correspondante de droit civil interne.
1111Comp. en Belgique, en matière de régime matrimonial, la position de la Cour de cassation dans
l'arrêt Weirnberg (9 septembre 1993, Pas., 1993, I, 665): la Cour refuse de voir dans les dispositions
transitoires de la loi du 14 juillet 1976 portant réforme du droit matériel, des dispositions propres
à déterminer« l'application dans le temps d'une nouvelle règle belge de conflit de lois». Ce refus de
transposition ne porte cependant que sur la règle spéciale élaborée par le législateur de 1976. En
effet, la Cour se réfère alors à la« règle», manifestement puisée au droit civil interne, selon laquelle
« une nouvelle loi s'applique, non seulement aux situations qui naissent à partir de son entrée en
vigueur, mais aussi aux effets futurs des situations nées sous le régime de la loi antérieure qui se
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 183
produisent ou se prolongent sous l'empire de la loi nouvelle», tout en constatant qu'il y est dérogé
« lorsque l'application immédiate de la loi nouvelle porterait atteinte à des situations antérieures
définitivement accomplies». Elle utilise alors cette dérogation sur la base d'une appréciation de la
nature du régime matrimonial puisée au droit interne, à savoir le lien étroit du régime légal avec
l'institution du mariage, pour en déduire que « la détermination de la loi applicable [aux effets
patrimoniaux du mariage] doit être considérée comme définitivement acquise au moment où est
consommé le fait générateur de ceux-ci ».
Sur ce raisonnement, voy. la critique de N. CorPEL, « Conflit traqsiroire international, régime matri-
monial légal et conflit mobile», Rev. trim. dr. fam. ( 1994), 480-493.
Pour l'application de la règle de rattachement en vigueur au moment de l'acte d'adoption à la
1111
demande tendant à l'annulation de l'acte, voy.: Liège, 18 janvier 1999, Rev. gén. dr. civ. (1999), 662,
note Y. DEKELETAERE.
1111Comp.: Hoge Raad, 7 avril 1989, Tan c. Bavinck, NI.L.R. (1991), 398, note DE BOER, admettant la
rétroactivité de la nouvelle règle de rattachement jurisprudentielle sauf en cas d'atteinte à l'attente
légitime des parties.
En Belgique, le Code adopte des règles propres de solution des conflits transitoires
de droit international privé. Pour le conflit de lois, une règle générale d'application
immédiate s'accompagne de précisions et de dérogations. La précision affecte l'applica-
tion aux effets futurs d'un acte ou fait antérieur, sauf pour les matières contractuelle et
quasi délictuelle (art. 127). La date de la demande est retenue en matière de divorce et de
recherche ou de contestation d'un lien de filiation biologique. Exceptionnellement,
l'application rétroactive est prévue lorsqu'elle permet de valider un acte, en matière de
filiation, de trust, ou en cas d'exercice de l'autonomie de la volonté.
Ill! Sur ces solutions particulières, voy. infra, les chapitres concernant chacune de ces matières.
Section 3
La concrétisation du facteur de localisation
5.25 - Présentation - L'utilisation du critère de rattachement ou d'applicabilité que
contient la règle de conflit de lois suppose diverses opérations.
D'abord, le critère, pour être opérationnel, doit être à même d'identifier un système
juridique ou une règle matérielle par la localisation de l'élément pertinent. Plus que
d'aunes critères, la nationalité ainsi que le domicile et la résidence soulèvent des ques-
tions particulières.
Ensuite, il y a lieu d'évaluer l'incidence du temps sur la concrétisation du critère per-
tinent, lorsque celui-ci a subi un changement.
Enfin, il arrive qu'il faille neutraliser un élément de localisation pour le motif qu'il
ne présente pas un degré suffisant d'effectivité, suite au comportement frauduleux d'une
partie.
tionale des autorités et des juridictions : le domicile du défendeur, le lieu d'un délit, le lieu d'exécu-
tion d'un contrat sont des critères territoriaux usuels pour l'attribution de la corn pétence
juridictionnelle; la nationalité a le même caractère quand la compétence internationale des tribu-
naux est fondée sur la personnalité (voy. infra, n° 9.11).
En outre, les traités sur les conflits d'autorités et de juridictions se réfèrent à un élément de localisa-
tion remplissant la fonction d'une règle d'applicabilité (voy. infra, n ° 8.19).
Il est vrai qu'au même titre que la plupart des autres notions utilisées en droit inter-
national privé, le facteur d'applicabilité ou de rattachement est un concept emprunté au
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 185
droit interne. Des notions telles que le domicile, le lieu de conclusion ou d'exécution
d'un contrat, le lieu où une faute a été commise, la situation d'un bien, sont couramment
utilisées en droit interne, notamment en droit judiciaire (pour la détermination de la
compétence territoriale interne des tribunaux), mais aussi en droit constitutionnel (tel le
principe de l'inviolabilité du domicile), en droit pénal (pour la qualification de la viola-
tion de domicile) ou en droit civil (telle la règle de l'article 1247, alinéa 2, du Code civil
belge, selon laquelle « le paiement doit être fait au domicile du débiteur »).
illl De même, les règles substantielles de conflit d'autorités et de juridictions ont emprunté au droit
judiciaire interne les concepts servant à déterminer la compétence internationale des juridictions
étatiques. On retrouve des concepts similaires dans les traités internationaux sur la compétence et
l'exécution, où ils ont une fonction différente de celle qu'ils remplissent dans les règles d'applicabi-
lité des mêmes traités.
On n'observe pas moins la même variété de sens dans l'ordre interne: il existe plu-
sieurs notions du « domicile», selon qu'on passe du droit civil au droit judiciaire, au
droit pénal, au droit électoral, au droit fiscal, etc.
Depuis l'entrée en vigueur du Code judiciaire, le législateur belge a détaché du domicile civil,
illl
toujours défini selon les articles 102 à 109 du Code civil, le domicile pour les besoins de la procé-
dure civile, qui est « le lieu où la personne est inscrite à titre principal sur les registres de la
population» (C. jud., art. 36).
vention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur
186 l' APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
la nationalité. Cette méthode apparaît aussi dans l'article 59, § 2, du règlement 44/2001:
« Lorsqu'une partie n'a pas de domicile dans l'État membre dont les tribunaux sont saisis, le juge,
pour déterminer si elle a un domicile dans un autre État membre, applique la loi de cet État
membre».
De même, aux termes du dernier alinéa de l'article 1cr de la Convention de La Haye du 5 octobre
1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires, « la question de
savoir si le testateur avait un domicile dans un lieu déterminé est régie par la loi de ce même lieu ».
111 Comme exemple de la seconde méthode, voy. la section VIII du Protocole annexé à la Conven-
tion européenne d'établissement du 13 décembre 1955, aux termes duquel la résidence habituelle
(article 30 de la Convention) « s'appréciera selon les règles applicables dans le pays dont l'intéressé
est ressortissant».
De ces méthodes il convient de distinguer celle qui utilise une simple règle de signa-
lisation (voy. supra, n° 4.41). Il arrive en effet que les rédacteurs de l'instrument interna-
tional se bornent à renvoyer la question aux règles de droit international privé de chaque
État contractant.
C'est le cas de l'article 53 de la Convention de Bruxelles, en ce qui concerne le domicile d'une
11!1
personne morale. Le règlement 44/2001 y substitue une règle matérielle (art. 60), sauf en ce qui
concerne le domicile du trust.
Ceci explique que le Code belge prenne soin de dissocier la résidence habituelle du domicile au sens
où celui-ci est défini en droit matériel interne, même si la formalité administrative qui caractérise
cette définition s'appuie sur une exigence de résidence habituelle.
qu'il revient de répondre à la question. Aussi l'utilisation du lieu de conclusion comme facteur de
rattachement était-elle de nature à générer un cercle vicieux.
1111 Sur la problématique de la localisation des délits et quasi-délits, voy. infra, n'" 15.9 et 15.13.
Un concept peut encore recevoir un sens différent selon qu'il sert comme facteur
d'applicabilité ou comme critère de compétence internationale, dans le cas où la règle de
compétence internationale reçoit un sens exclusif alors que la règle d'applicabilité revêt
une portée alternative : tandis que la première tend à concentrer les litiges afin de pro-
téger les intérêts du défendeur, la seconde peut poursuivre un objectif distinct, à savoir
étendre le domaine d'application dans l'espace du texte.
Ill Le législateur communautaire ne semble pas avoir été conscient de cette différence lors de
l'adoption du règlement 44/2001, en ce qui concerne la détermination du domicile d'une personne
morale, critère servant à fixer autant la compétence internationale (art. 2) que l'applicabilité dans
l'espace (art. 4). Voy. infra, n ° 9.29
§2 LA DÉTERMINATION DE LA NATIONALITÉ
DE LA PERSONNE PHYSIQUE
5.32 - Bibliographie
a) Études générales sur le conflit de nationalités
M. ANCEL, « Les conflits de nationalités», Clunet (1937), 22; BAR-YAAcov, Dual Nationality (London,
1961); BoGGIANO, « La doble nacionalidad en Derecho Internacional Privado », Rev. Der. Internac.
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droit (2003), 221-231 ; G. FITZMAURICE, « The general principles ofinternational Law... », Recueil des
cours, vol. 92 (1957), 191-207; R. HANSEN et P. WEIL (dir.), Dual nationality, social rights and federal citi-
zenship in the US and Europe: The reinvention ofcitizenship (New York, Berghahn Books, 2002) ;JORDAN,
v° Conflit de nationalité, Rép. de Lapradelle et Niboyet; ISAY, « De la nationalité», Recueil des cours, vol.
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et belge bipatride - Une nouvelle étape», Act. droit (1992), 769-792; Lours-LuCAs, « Les conflits de
nationalité», Recueil des cours, vol. 64 (1938), 1-70; A. MAKAROV, « Règles générales du droit de la
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keitsrechts (1962); D. MARTIN et K. HAILBRONNER, Rights and duties ofdual nationals: Evolution and pros-
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nalités, plurinationalité et apatridie », Recueil des cours, vol. 277 (1999), 9-484; P. WEIS, Nationality
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443, 599-620; AH. PHILIPSE, « La nationalité à la première conférence de codification », Acta Scandi-
navica (1931), 85-94 ;J. B. Scorr, « Nationality », Am.]. Int. L. (1930), 556-561 ;]. VAN HourrE, « La
codification des lois sur la nationalité à la Conférence de La Haye (13 mars-12 avril 1930) »,Rev. dr.
internat. etlégisl. comp. (1931), 103-119.
A. Sources
1. TRAITÉS MULTILATÉRAUX
Ill Le texte officiel, anglais et francais, de la Convention a été publié par la Société des Nations,
Recueil des traités, vol. 179, 89.
Le domaine spatial de la Convention est limité par une condition de réciprocité: elle
ne s'applique, en effet, que dans les « relations mutuelles» entre parties contractantes.
Or, ces pays sont peu nombreux. Toutefois, comme la Convention n'a fait que codifier
plusieurs principes qui sont l'expression de la coutume internationale, la jurisprudence a
pu s'y référer même pour résoudre des conflits de nationalité dans les relations entre
États non contractants.
11!1Voy. en ce sens à propos de l'application de l'article 5 de la Convention à une femme franco-ita-
lienne, alors que ni la France, ni l'Italie ne sont liées par la Convention: Bruxelles, 22 avril 1988,
Montanari c. Queru,].T (1988), 664. Selon l'arrêt,« la Convention de La Haye n'a été ratifiée ni par la
France, ni par l'Italie, mais le principe qu'elle consacre dans l'article 5 correspond à une solution
traditionnelle admise en droit international privé», citant P. GRAULICH, Principes, 104, n° 145. De
même, la Cour de cassation (29 septembre 1994, Roch c. Glynn, Pas., 1994, I, 778) n'a pas hésité à se
prononcer sur un pourvoi qui invoquait la violation de l'article 5 de la Convention alors que les
nationalités en cause étaient britannique et irlandaise et que seul le Royaume-Uni, à l'exclusion de
l'Irlande, est lié par la Convention.
Depuis l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, le droit belge contient une dis-
11!1
position portant des solutions analogues à celles de la Convention (art. 3).
5.35 - Autres traités multilatéraux - Parmi les autres traités multilatéraux en vigueur en
Belgique et qui concernent les conflits positifs ou négatifs de nationalités, on peut citer :
- la Convention relative au statut des apatrides, et ses annexes, signées à New York, le
28 septembre 1954 (loi du 12 mai 1960, Monit., 10 août 1960, Pasin., 1960, 503). Cette
Convention s'efforce d'améliorer la condition juridique de « l'individu qu'aucun État ne
considère comme son ressortissant par application de sa législation». En soi, elle ne pré-
tend donc ni résoudre ni prévenir l'apatridie, mais seulement en atténuer certains effets
pervers. Elle concerne donc essentiellement la condition de l'étranger.
- les Protocoles de signature facultative concernant l'acquisition de la nationalité annexés à
la Convention sur les relations diplomatiques, signée à Vienne le 18 avril 1961 (loi du 30 mars
1968, Monit., 6 juin 1968, Pasin., 1968, 353) et à la Convention sur les relations consulaires,
signée à Vienne le 24 avril 1963 (loi du 17 juillet 1970, Monit., 14 novembre 1970, Pasin.,
1970, 1221). L'objectif poursuivi dans ces Protocoles est d'éviter que les enfants d'agents
diplomatiques et consulaires ne deviennent binationaux en raison de leur naissance dans
l'État où s'exercent les fonctions d'un de leurs auteurs, lorsque la loi nationale de l'agent
diplomatique ou consulaire consacre le ius sanguinis.
- la Convention concernant l'échange d'informations en matière de nationalité, et son
annexe, signées à Paris le 10 septembre 1964 (loi du 18 juillet 1974, Monit., 31 décembre
1974, Pasin., 1974, 711). Cette Convention est entrée en vigueur en Belgique le
31 décembre 1974.
IliSur l'interprétation administrative de cette Convention, voy. la circulaire ministérielle du
25 mars 1975 (Monit., 29 mars 1975).
- la Convention européenne sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obli-
gations militaires en cas de pluralité de nationalités, conclue à Strasbourg le 6 mai 1963, ainsi
que le Protocole portant modification de la Convention précitée, fait à Strasbourg, le
24 novembre 1977, et le Protocole additionnel à la Convention précitée, relatif à
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 191
- la Convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toute forme
de discrimination à l'égard des femmes (loi du 11 mai 1983, Monit., 5 novembre 1985).
- la Convention sur la nationalité de la femme mariée, adoptée le 29 janvier 1957 par l'Assemblée géné-
rale des Nations unies (résolution 1840 [XI]), signée par la Belgique le 15 mai 1972;
Voy.: Série législative des Nations unies, suppl. au volume Lois relatives à la nationalité, 1954, ST/
LEG/SER.B/9, 1959, p. 95; texte officiel, en anglais, français, chinois, russe et espagnol, dans:
Nations unies, Recueil des Traités, vol. 309, p. 65. Texte français dans: Ann. Dr. de l'Homme (1957),
309-310. Traduction en néerlandais dans: VAN DER WEG, BRINKMAN et ARNOLD, Nationali-
teitswetgeving, t. I", C-49 (Sect. l'e). Voy. l'état des signatures, adhésions et ratifications dans: Trai-
tés multilatéraux pour lesquels le Secrétaire Général exerce les fonctions de dépositaire (New York, O.N.U.,
public. annuelle). Conformément à son article 6, la Convention est entrée en vigueur le 11 août
1958. Sur cette Convention, voy. Convention sur la nationalité de la femme mariée. Historique et com-
mentaires, Nations unies, doc. E/CN.6/389, New York, 1962 (éditions française et anglaise).
192 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
- la Convention des Nations unies du 30 août 1961 sur la réduction des cas d'apatridie (non signée
par la Belgique);
Texte officiel, en anglais, français, chinois, russe et espagnol, in Nations unies, document A/
Conf. 9/15, 1961. Texte anglais in: I.C.L.Q. (1962), 1090-1096. Texte français in: Ann. dr. de
l'homme pour 1961, 439-442. Traduction néerlandaise in VAN DER WEG, BRINKMAN et ARNOLD,
Nationaliteitswetgeving, t. !, C. 55 (sect. !).
- la Convention n° 13 de la Commission internationale de l'état civil, signée à Berne le
13 septembre 1973, tendant à réduire le nombre des cas d'apatridie (signée par la Belgique);
www.coe.int.
- le Traité d'amitié et de commerce, conclu le 18 avril 1912 encre la Belgique et la Bolivie (voy. surtout
l'art. 5) (loi d'approbation du 17 janvier 1913, Pasin., 1913, 22), encore en vigueur;
- la Convention sur la nationalité de la femme mariée, conclue le 9 janvier 1947 entre la Belgique et la
France (loi du 10 juin 1949, Pasin., 1949, 363).
Prétextant d'une approbation imminente d'un traité multilatéral en la matière (la Convention des
Nations unies du 29 janvier 1957, citée supra, n° 5.37), le gouvernement belge a dénoncé cette con-
vention bilatérale par un avis du 23 juillet 1971 (Monit., 23 juillet et 28 septembre 1971). Une circu-
laire ministérielle du 5 juin 1972 a précisé les effets de cette dénonciation (Monit., 15 juin 1972).
Cette dénonciation n'a pas d'effet rétroactif Il est donc encore nécessaire de se référer au traité
pour déterminer la nationalité des femmes belges ou françaises mariées durant l'intervalle encre
l'entrée en vigueur de la Convention et la date de prise d'effet de la dénonciation.
5.40 - Effets d'un changement de souveraineté - Les effets sur la nationalité belge des
changements territoriaux consécutifs aux guerres mondiales ont été réglés par traité.
Il en fut ainsi après la Première Guerre mondiale, pour organiser l'attribution de la
nationalité belge en raison des accroissements de territoire obtenus par la Belgique en
vertu du Traité de Versailles du 28 juin 1919.
Voy. les articles 36 et 37 de ce traité (loi du 15 septembre 1919), l'article 4 de la loi du 25 octobre
1111
1919 sur les options de patrie et l'article 2 de la loi du 15 septembre 1919 réglant le statut du terri-
toire de Moresnet-neutre. Dans la jurisprudence belge relative à l'interprétation des articles 36 et
37 du Traité de Versailles, voy. notamment: Cass., 27 octobre 1932, Hupperman, Pas. (1932), I, 271;
16 janvier 1954, Schumacher, Pas. (1954), I, 409.
tion d'accomplir leur service militaire dans les deux pays dont ils relèvent appartiennent
à ce groupe de règles de droit international.
La Belgique a ainsi conclu plusieurs traités bilatéraux pour résoudre les difficultés
que provoque, en matière d'obligations militaires, une double nationalité. Ces instru-
ments précisent souvent que leurs dispositions n'affectent en rien la condition juridique
des intéressés en matière de nationalité. En d'autres termes, le conflit de nationalités per-
siste, seul un de ses effets étant réglé: le traité n'a donc pas d'incidence sur les questions
de droit privé.
5.43 - Le Code de la nationalité belge du 28 juin 1984 - Le Code de la nationalité belge ins-
titué par la loi du 28 juin 1984 (Monit., 12 juillet 1984, Pasin., 1984, 1201) est entré en
vigueur le 1er janvier 1985 (Monit., 4 août 1984). Il a innové dans la matière du conflit de
nationalités et bien que le texte ne contienne aucune règle spécifique à cet égard.
1111 Pendant plus d'un demi-siècle, la détermination de la nationalité belge fut régie par les lois sur
l'acquisition, la perte et le recouvrement de la nationalité, coordonnées par l'arrêté royal du 14 décembre
1932 (Monit., 17 décembre 1932, Pasin., 1932, 559). Malgré leur abrogation, ces lois restent applica-
bles aux personnes dont l'état relève de faits ou actes passés sous leur empire.
Pour plus de détails sur ces lois, voy. M. VERWILGHEN, Le Code de la nationalité belge (Bruxelles, Bruy-
lant, 1985).
Le Code de la nationalité a subi une importante réforme par la loi du 13 juin 1991
(Monit., 3 septembre 1991), entrée en vigueur le ier janvier 1992 (circulaire du 4 mai 1992,
Monit., 22 mai 1992).
1111 Sur cette réforme, voy.: M. LIÉNARD-LIGNY,« Nationalité belge, les lois de 1991 ", Rev. dr. étr.
(1991), 325-335; ID.,« Nationalité belge et belge bipatride - Une nouvelle étape", Actualités du droit
(1992), 769-792; M. VERWILGHEN et C. DEBROUX, « Le nouveau visage de la nationalité belge »,].T
(1992), 2-12.
11 novembre 1999, Mesbah, Rec. (1999), 1-7955; aff. C-192/99, 20 février 2001, Kaur, Rec., 2001, 1-
1237, y voyant un principe de droit international coutumier.
Sans énoncer de véritables règles uniformes sur la détermination de la nationalité, la Conven-
lllll
tion européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997 s'efforce d'en proposer un embryon, par
l'énonciation d'une série de« règles relatives à la nationalité», par exemple « l'acquisition de plein
droit» de la nationalité d'un État par un enfant dont l'un des parents possède la nationalité de cet
État (art. 6, § 1er, a).
La Convention de La Haye du 12 avril 1930 a codifié plusieurs principes qui sont
l'expression de la coutume internationale.
Selon l'article 1er de cette Convention, « il appartient à chaque État de déterminer
par sa législation quels sont ses nationaux. Cette législation doit être admise par les
autres États, pourvu qu'elle soit en accord avec les conventions internationales, la cou-
tume internationale et les principes de droit généralement reconnus en matière de
nationalité». Les premiers mots de la deuxième phrase énoncent clairement l'obligation,
pour chaque État, d'admettre la législation de tous les autres États, en ce qui concerne les
critères selon lesquels ils déterminent leurs propres nationaux.
La Convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997 reprend mot pour mot le
lllll
principe de répartition des compétences législatives énoncé par la Convention de La Haye.
Cette obligation pour chaque État d'admettre « la législation» des autres États en
matière de nationalité est précisée au moyen d'une disposition qui revêt la forme d'une
véritable règle de conflit de lois : « Toute question relative au point de savoir si un indi-
vidu possède la nationalité d'un État doit être résolue conformément à la législation de
cet État» (art. 2). Ainsi la règle conférant à chaque État une compétence exclusive pour la
détermination de sa nationalité est-elle complétée d'une règle multilatérale faisant aux
autres États le devoir de reconnaître (en principe) les effets de cette nationalité.
111Pareille règle de conflit de lois n'est qu'une implication de la règle de répartition de compéten-
ces énoncée par le droit international. Celle-ci, en effet, suffit à ne laisser subsister aucun doute
quant au« droit applicable» (en ce sens, P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 844). Voy. en ce sens la Conven-
tion européenne sur la nationalité, du 6 novembre 1997, qui se borne à reproduire l'article 1er de la
Convention de La Haye, à l'exclusion de l'article 2.
En Belgique, l'article 3, § 1er, du Code de droit international privé exprime la règle de
conflit de lois précitée; l'ajout d'une règle de répartition de compétences étatiques serait
sans objet dans le contexte national.
5.45 - Reconnaissance des effets d'une nationalité étrangère - La règle de compétence
législative que contient l'article 1er de la Convention de La Haye présente cette particula-
rité de trancher le conflit de lois du point de vue de l'ordre juridique international, en
conférant à chaque État une compétence exclusive : fixer les règles selon lesquelles il attri-
bue sa propre nationalité.
Devant être respectée par tous les États, la règle leur interdit de prétendre attribuer à
aucun autre État des ressortissants que l'État compétent ne tient pas pour siens. Une
telle prétention se heurterait à une véritable impossibilité: les principaux effets de la
nationalité, ceux qu'elle produit dans l'ordre juridique de l'État qui l'a conférée, ne sau-
raient être contrôlés par les autorités d'un autre État. Tout ce que celles-ci sont en mesure
de faire, c'est de reconnaître (ou de refuser) à la nationalité étrangère les effets qu'elle est
apte à produire dans leur propre ordre juridique et, à cette occasion, d'attribuer ou de
refuser la jouissance de cette nationalité à la personne intéressée.
196 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Cette règle ne signifie pas qu'un État soit tenu de s'incliner devant toutes les déci-
sions individuelles par lesquelles les autorités d'un autre État ont attribué ou reconnu
leur nationalité à telle personne déterminée. L'efficacité des actes administratifs ou juri-
dictionnels étrangers en matière de nationalité appartient à la théorie des conflits d'auto-
rités et de juridictions (voy. infra, n ° 5.49).
De plus, la législation d'un État en matière de nationalité ne doit pas être admise par
les autres États si elle n'est pas « en accord avec les conventions internationales, la cou-
tume internationale et les principes de droit généralement reconnus en matière de
nationalité » (art. 1er, ze phrase, de la Convention de La Haye). Cette règle couvre notam-
ment les effets de la nationalité dans l'ordre juridique d'un État autre que celui qui l'a
conférée, le premier État étant maître de refuser que cette nationalité produise ses effets
dans son ordre interne alors que la législation en vertu de laquelle elle a été conférée con-
trevient au droit international. La même règle vaut dans l'ordre juridique international.
5.46 - Éviction de certains effets d'une nationalité étrangère - Avec le refus de recon-
naître à une personne la nationalité dont elle se prévaut, il ne faut pas confondre l'hypo-
thèse dans laquelle l'effet juridique dont cette nationalité est une condition d'application
est écarté pour le motif que les circonstances dans lesquelles une nationalité a été confé-
rée à une personne ne satisfont pas aux critères auxquels l'ordre juridique compétent
subordonne l'effet litigieux réclamé.
Deux théories ont été concurremment utilisées à cette fin, la fraude à la loi et la
théorie de l'effectivité.
L'exemple classique de fraude à la loi appartient à la jurisprudence française: à l'épo-
que où le divorce n'était pas admis en France, une Française séparée de corps, la princesse
de Bauffremont, obtient sa naturalisation du grand-duc de Saxe-Altenburg. Le divorce
ensuite prononcé en Allemagne n'a pas été reconnu en France pour le motif qu'il avait été
obtenu en fraude à la loi française, droit du for.
IllVoy. Cass. civ., 18 mars 1878, Bauffremont, S. (1878), 1, 193, note LABBÉ. Sur cette affaire, voy.
notamment DE FOLLEVILLE, Un mot sur le cas de Mme la Princesse de Bauffremont, aujourd'hui Princesse
Bibesco (Paris, 1876).
1111 Sur la théorie de la fraude à la loi, voy. infra, n° 5.72.
La théorie de la fraude à la loi se limite à refuser à la naturalisation étrangère l'effet
de droit particulier réclamé dans l'ordre juridique du for. L'arrêt Bauffremont de la Cour
de cassation de France n'a pas contesté ni la compétence internationale du grand-duc de
Saxe-Altenburg pour conférer sa nationalité ni sans doute même la perte de la nationalité
française que la naturalisation étrangère avait entraînée. Il a suffi de refuser à la nationa-
lité allemande l'effet que l'on entendait en déduire selon le droit international privé fran-
çais.
L'arrêt Nottebohm de la Cour internationale de Justice est un exemple de la mise en
œuvre d'une autre théorie, celle de l'effectivité. Pour que la nationalité justifie l'exercice
de la protection diplomatique, une condition supplémentaire est requise, à savoir que
cette nationalité exprime un lien effectif avec l'État protecteur, condition qui, selon
l'arrêt précité, n'était pas remplie en l'espèce. La Cour distingue des effets de la nationa-
lité dans l'ordre interne ceux qu'elle peut produire « sur le plan du droit international.
C'est le droit international qui détermine si un État a qualité pour exercer la protection et
saisir la Cour».
lA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 197
11!1Sur l'arrêt Nottebohm, du 6 avril 1955, CI.]. Recueil (1955), p. 5, voy. notamment: S. BASTID,
« L'affaire Nottebohm devant la Cour internationale de justice», Revue (1956), 607; P. DE VrsscHER,
« L'affaire Nottebohm », Rev. gén. (1956), 238; Ch. DE VrsscHER, Aspects récents du droit procédural de la
Cour internationale de Justice (Paris, 1966), 138-139 ; J. MAURY, « L'arrêt Nottebohm et la condition de
nationalité effective», Mélanges Makarov, RabelsZ. (1958), 515; G. PERRIN,« Les conditions de vali-
dité de la nationalité en droit international public», Mélanges Guggenheim, 853 ; R. PINTO,« Les pro-
blèmes de nationalité devant le juge international», Ann. fr. dr. internat. (1963), 361. Comp. la
décision n° 182, du 20 septembre 1958, de la Commission de conciliation italo-américaine, dans
l'affaire Flegenheimer, Rec. des sentences arbitrales, t. XIV, 327.
Nottebohm était un Allemand établi au Guatemala où il possédait des biens considérables. À la
veille de la Seconde Guerre mondiale, il obtient la naturalisation du Liechtenstein, pays dans lequel
il avait résidé le temps nécessaire à l'accomplissement des formalités requises par la loi locale. Ses
biens ayant été mis sous séquestre pour le motif qu'en sa qualité d'Allemand il était sujet ennemi, il
obtient que le Liechtenstein défende ses intérêts contre le Guatemala.
Devant la Cour internationale de Justice, il ne semble pas avoir été contesté que Nottebohm eût
régulièrement acquis la nationalité de l'État protecteur ni même qu'il eût, en conséquence, perdu
sa nationalité allemande d'origine. Au demeurant, les autorités du Guatemala avaient, en divers
documents administratifs, tenu compte de son changement de nationalité.
L'idée sous-jacente à la motivation de l'arrêt Nottebohm est très proche de celle de la
théorie de la fraude à la loi. Le droit international n'interdit pas à un État d'accorder la
naturalisation à des personnes n'ayant qu'un lien ténu avec la communauté nationale.
En revanche, il appartient au droit international d'apprécier si ce lien suffit pour que
l'État qui a conféré sa nationalité, s'en prévalant « sur le plan du droit international»,
introduise une réclamation diplomatique ou une action judiciaire en faveur de la per-
sonne intéressée.
C'est de la même manière que, dans l'affaire Bauffremont, les juridictions francaises
ont estimé que le droit d'obtenir à l'étranger un divorce apte à être reconnu en France, ne
pouvait être acquis par une Française ayant à cette seule fin acquis la nationalité d'un
État dont la loi nationale permettait le divorce. La fraude à la loi française, normalement
compétente en vertu des règles de droit international privé français, résulte de l'absence
d'effectivité du lien entre la princesse de Bauffremont et la principauté allemande dont
elle avait obtenu la nationalité. Poursuivant la comparaison avec la motivation de l'arrêt
de la Cour internationale de Justice, on peut dire que Nottebohm s'est efforcé d'obtenir
une nationalité peu effective à la seule fin de bénéficier d'une protection diplomatique
avantageuse, favorisant ainsi une fraude au jeu correct du droit de la protection diploma-
tique.
Certaines décisions internationales ont rejeté l'action diplomatique pour le motif que l'acquisi-
11!1
tion de la nationalité qui en était la condition d'application avait été frauduleuse. Voy. la jurispru-
dence arbitrale citée par R. PINTO, précité, et P. WEIS, op. cit. (n ° 5.32), p. 217.
Sur l'utilisation de la notion de nationalité « acquise de bonne foi» par la Commission
11!1
d'indemnisation des Nations unies appelée à allouer des compensations aux personnes, États ou
organisations pour les dommages liés à la guerre entre l'Irak et le Koweit, voy.: P. D'ARGENT,
« Nationalité et droit international public», Ann. droit (2003), 221-231.
cirait ressortissant d'un pays étranger? Seules, les autorités ou les juridictions de l'État
étranger dont la nationalité est en cause sont en droit de se prononcer à titre principal
sur cette nationalité.
Les autorités et les juridictions belges sont cependant appelées à statuer sur l'extra-
néité d'une personne et à se prononcer sur sa (ou ses) nationalité(s) étrangère(s) lorsque
ces questions présentent un caractère préalable (voy. infra, n° 6.35). Par exemple, lorsque
le juge belge applique la règle de rattachement en matière de statut personnel, il doit
déterminer la nationalité étrangère de l'intéressé pour identifier le droit matériel appli-
cable.
Ili Sur la distinction à faire entre détermination et preuve de l'extranéité d'une part, détermination
et preuve de la nationalité étrangère d'autre part, voy. M. VERWILGHEN, « La preuve de la nationalité
en droit belge», Rev.jur. et polit. Indépendance et Coopération (1985), 531.
De même, les autorités et les juridictions du royaume sont parfois tenues de se réfé-
rer à une règle étrangère en matière de nationalité lorsque celle-ci conditionne l'attribu-
tion, l'acquisition, la perte ou le recouvrement de la nationalité belge. Ainsi, pour éviter
les cas d'apatridie, le législateur subordonne généralement la perte de la nationalité belge
à l'acquisition préalable d'une autre nationalité selon ce que prévoit la loi étrangère com-
pétente.
Ili Quand une loi étrangère est la condition d'application de la loi belge, notamment en matière de
nationalité, il faut écarter les dispositions rétroactives éventuelles de la loi étrangère qui n'auraient
pas acquis force obligatoire au moment où se réalise le fait auquel le droit du for, combiné avec la
loi étrangère, attache certaines conséquences juridiques. Voy. en ce sens en France: Cass. civ.,
24 octobre 1949, Revue (1950), 367, note H. BATIFFOL; 26 janvier 1953, ibid. (1954), note Y.L., et sur
l'ensemble de la question: F. RIGAUX, « Le conflit mobile», Recueil des cours, vol. 117 (1966), 414-
415. Telle paraît aussi la solution du ministère de la Justice à en juger par la note (1) du tableau I, A,
annexé à la circulaire ministérielle du 12 février 1982 (Monit., 27 février 1982).
5.48 - Preuve d'une nationalité étrangère - Pour démontrer qu'elle possède une natio-
nalité étrangère déterminée, une personne produit souvent en Belgique une décision
judiciaire, un acte administratif, un certificat, voire un simple passeport ou une carte
d'identité émanant d'une autorité du pays auquel elle prétend se rattacher. Il y a alors
lieu de déterminer l'efficacité en Belgique de l'acte ou du jugement invoqué (voy. infra,
chap. 10).
Il ne suffit pas toujours d'établir qu'on a telle nationalité étrangère d'origine, il faut
encore prouver que celle-ci n'est pas perdue au moment pris en considération pour que
s'y attache l'effet juridique qui en découle. D'après la jurisprudence belge, la charge de la
preuve est renversée au profit de l'étranger qui, ayant établi sa nationalité d'origine, est
présumé l'avoir conservée tant que n'a pas été rapportée la preuve que cette nationalité a
été perdue.
Ill Voy.: Cass., 16 mai 1898, Marx-Levy, Pas. (1898), I, 188; 27 juin 1899, Lemaire, Pas. (1899), !, 313.
Le Conseil d'État a Jugé que, pour être considéré comme apatride, un étranger devait établir la
perte de sa nationalité d'origine: C.E .. , 26 juin 1973, n° 15941, Nemeth, RA.A.CE. (1973), 539.
Dans diverses circulaires, le ministre de la Justice a admis cette solution. Voy. p. ex., implicitement,
la circulaire du 12 février 1982 (Monit., 27 février 1982).
Ili Pour un cas de détermination de la nationalité étrangère selon la loi de l'État à l'égard duquel
doit être établi le lien prétendu, voy. Cass., 31 janvier 1958, Duc Charles de Cray et crts c. Office des
séquestres, Pas. (1958), I, 586.
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 199
5.50 - Autorité de la chose jugée d'une décision constatant qu'une personne a ou n'a
pas la nationalité du for - La force obligatoire d'une décision judiciaire qui a fait droit à
l'action par laquelle une personne entendait se voir attribuer la nationalité du for ou qui
a rejeté cette action doit être internationalement reconnue, en vertu des articles 1er et 2 de
la Convention de La Haye du 12 avril 1930, sous la seule réserve de la vérification des con-
ditions inscrites dans la deuxième phrase de l'article 1er_
Pareille reconnaissance ainsi que l'efficacité internationale des naturalisations étran-
gères risquent de susciter un conflit positif de nationalités si la personne intéressée a
aussi la nationalité d'un autre État, voire celle de l'État du for. Pareil conflit doit être
résolu selon les règles, soit de l'article 3, soit de l'article 5, de la Convention de La Haye
(voy. infra, n ° 5.57).
5.51 - Certificats de nationalité - Toute différente est l'hypothèse dans laquelle les
autorités d'un pays dressent un certificat attestant qu'une personne a la nationalité de ce
pays. La délivrance d'un passeport et les mentions relatives à la nationalité qu'il contient,
l'inscription d'une personne aux registres consulaires, les certificats établis par l'autorité
territoriale compétente, valent jusqu'à preuve du contraire.
1111 Voy. sur cette question, notamment, LoussouARN et BOUREL, n'" 648 et s.
Les passeports et certificats attestent seulement que l'autorité qui les a délivrés y a
exprimé sa propre appréciation relative à la nationalité de l'intéressé. Pareilles apprécia-
tions ne font pas obstacle à ce que les tribunaux et les autorités d'un autre pays vérifient
eux-mêmes l'opération de la loi compétente pour attribuer la nationalité.
1111 Pour de plus amples développements, voy. : F. RIGAUX, Droit public et droit privé,§§ 22 et 62.
200 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
5.52 - Causes et nature du conflit - Les deux formes du conflit de nationalités sont la
pluralité de nationalités et l'absence de nationalité ou apatridie.
De telles anomalies ont pour origine la discordance des règles substantielles selon
lesquelles chaque État détermine ses nationaux.
1111Ainsi, selon certains États la nationalité est un effet de la filiation (ius sanguinis), d'autres confè-
rent leur nationalité à taure personne née sur leur territoire (ius soli). Comme « il appartient à cha-
que État de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux» (voy. supra, n ° 5.44), la
personne dont le père est ressortissant d'un État dont la nationalité se communique par l'effet de
la filiation et qui est née dans un pays appliquant le principe du ius soli a deux nationalités. Est,
inversement, apatride, la personne dont les auteurs sont ressortissants d'États qui ne confèrent pas
leur nationalité iure sanguinis, alors qu'elle est née dans un pays dont la nationalité n'est pas attri-
buée en raison du lieu de la naissance.
Même entre les pays pratiquant le ius sanguinis l'évolution du droit des relations familiales et le
1111
principe de l'égalité des sexes ont multiplié les cas de conflit positif. Alors que la solution tradition-
nelle attribuait à l'enfant légitime la nationalité de son père, l'État dont la mère avait la nationalité
s'abstenant de tenir un tel enfant pour son ressortissant, en de nombreux pays aujourd'hui l'enfant
recueille aussi la nationalité de sa mère. Il en résulte un nouveau type de bipatride, l'enfant cumu-
lant les nationalités respectives de ses deux auteurs. Un tel conflit est d'autant plus répandu que la
femme n'acquiert plus automatiquement la nationalité de son mari par l'effet du mariage, ou
encore que l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère n'est plus toujours une cause de
perte de la nationalité d'origine.
5.55 - Élimination du conflit par renonciation volontaire à une nationalité - Des dis-
positions conventionnelles prévenant les conflits de nationalités, il faut distinguer celles
qui s'efforcent de les éliminer.
Sans uniformiser ni coordonner les règles relatives à l'attribution de leur nationalité,
plusieurs États peuvent convenir de solutions communes tendant à éliminer certains
conflits entre leurs nationalités respectives.
202 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
voy.: Bruxelles, 30 juin 1981, ].T (1981), 723. Voy. ultérieurement, par exemple: Bruxelles,
12juillet 1991,J.T (1991), 818; Liège, 16 novembre 1993, Rev.gén. dr. civ. (1994), 503, note L. BAR-
NICH, évoquant « l'intérêt politique» de l'État et concluant alors nécessairement (voy. infra,
n ° 12.49) à la nullité d'un mariage consulaire célébré en Belgique; Civ. Gand, 28 mars 1994, Gentse
Rechtslev. (1994), 160; Civ. Liège, 2 février 1995,].L.M.B. (1995), 1187.
Ill La pratique administrative exprime une préférence catégorique pour la nationalité belge,
comme une implication impérative de la Convention de 1930 (Rev. dr. étr., 1989, 121). Voy. notam-
ment la réponse du ministre de la Justice à une question parlementaire de M. Lenfant (n° 88, du
6 mars 1990, Q.R., Sénat, sess. 1989-1990, p. 1262): en vertu de l'article 3 de la Convention de La
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 203
Haye du 12 avril 1930, « la personne qui, outre la nationalité belge, possède une ou plusieurs natio-
nalités étrangères est considérée en Belgique exclusivement comme belge ». Dans le même sens
impératif, voy.: Liège, 8 septembre 1992,].L.M.B. (1994), 879, note L.-L. CHRISTIANS.
Contra: Civ. Liège, 28 juin 1991, Rev. dr. étr., 1991, 220, note M.-C. FoBLETS, mais à propos de la véri-
fication d'une compétence administrative, celle du consul de Tunisie en Belgique pour célébrer un
mariage; Civ. Bruxelles, 29 avril 2003, Rev. trim. dr. Jam. (2003), 781, note M. FALLON, retenant le
choix de la nationalité étrangère fait par un Belgo-brésilien aux fins de détermination du nom.
La faculté prévue par la Convention de La Haye ne s'analyse pas nécessairement en un droit subjec-
tif pour l'individu: le texte s'adresse à l'État, auquel il offre cette faculté, et ne semble donc pas de
nature à recevoir un effet direct.
La Cour de cassation refuse de casser l'arrêt d'appel qui déclare préférer la nationalité belge,
1111
pour le motif que la Convention de La Haye ne soumet cette préférence à aucune condition
(14 novembre 1997, Hellebuyck, Pas., 1997, I, 476).
L'intérêt politique de l'État à préférer sa propre nationalité semble pourtant devoir
être fonction de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique du for.
À cet égard, il paraît approprié de retenir la nationalité la plus effective (voy. le numéro
suivant) lorsque l'intéressé ne possède pas d'autre lien significatif avec la Belgique et que
la situation en cause a été acquise à l'étranger.
1111Voy.: Civ. Liège, 28 juin 1991, retenant la nationalité étrangère dans le cas d'une Tunisienne
devenue Belge par option sans perdre sa nationalité d'origine, ce qui permet de valider le mariage
consulaire célébré devant le consul de Tunisie en Belgique. Dans le même sens, pour valider un acte
de reconnaissance de filiation adultérine: Civ. Arlon, 21 février 1992,J.T (1992), 661. Voy. encore, à
propos de la reconnaissance d'une répudiation intéressant un conjoint belgo-marocain : Civ.
Bruxelles, 18 mars 1998, Rev. trim. dr.fam. (1999), 120, note M. FALLON; 28 février 2001,J.T. (2001),
note H. BouLARBAH, à propos de la vente d'un immeuble appartenant à un mineur belgo-français,
retenant la nationalité française pour le motif que la tutelle avait été dévolue précédemment en
vertu du droit français.
La solution l'emporte sur celle d'une préférence inconditionnelle pour la nationalité du for, condui-
sant par exemple à procéder à une seconde célébration du mariage pour satisfaire aux conditions de
fond du droit belge que doit respecter une femme Belgo-marocaine, alors que le mariage avait déjà
été célébré conformément au droit marocain au Maroc (Bruxelles, 12 juillet 1991, précité).
À l'étranger, pour un cas de préférence pour la nationalité la plus effective, voy. par exemple: Hoge
Raad, 9 décembre 1965, Revue (1966), 297, note L. DE WINTER. Il en va de même dans la loi suisse de
droit international privé (art. 23), du moins en ce qui concerne le conflit de lois, non pour la déter-
mination de la compétence internationale.
Le Code belge de droit international privé s'en tient au principe de la préférence
pour la nationalité belge (art. 3, § 2, 1 °). Le texte s'exprime de manière impérative. Cela
n'exclut pas pour autant toute possibilité d'écarter la nationalité belge, de manière indi-
recte, via la clause d'exception (sur cette clause, voy. supra, n ° 3.17). Le cas d'espèce peut
en effet avoir peu de liens significatifs avec la Belgique et en présenter davantage avec le
pays étranger dont l'individu possède aussi la nationalité.
Comp., à propos de la répudiation, le texte de la proposition de loi, dont l'article 57 considérait
11111
le cas du binational « si la situation ne présentait pas d'autre lien significatif avec la Belgique» au
moment de l'acte de répudiation (voy. infra, n ° 12.95). Cet assouplissement a été rejeté au cours des
travaux parlementaires.
5.58 - Préférence de principe pour la nationalité effective - C'est en cas de conflit entre
des nationalités étrangères, que le droit international consacre le critère de l'effectivité.
La Convention de La Haye du 12 avril 1930 contient deux règles à cet égard.
D'abord: « Dans un État tiers, l'individu possédant plusieurs nationalités devra être
traité comme s'il n'en avait qu'une» (art. 5, ire phrase).
204 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Ensuite : « Sans préjudice des règles de droit appliquées dans l'État tiers en matière
de statut personnel et sous réserve des conventions en vigueur, cet État pourra, sur son
territoire, reconnaître exclusivement, parmi les nationalités que possède un tel individu,
soit la nationalité du pays dans lequel il a sa résidence habituelle et principale, soit la
nationalité de celui auquel, d'après les circonstances, il apparaît comme se rattachant le
plus en fait» (art. 5, 2e phrase).
Alors que la première règle impose une obligation (entre les nationalités concurren-
tes, un choix doit être fait), la seconde, non impérative, ne donne que des conseils, en
explicitant la notion de nationalité« active» ou« effective».
Ili Cette notion trouve son origine dans la jurisprudence et, à propos, il est vrai, d'un problème dif-
férent, elle a été invoquée par la Cour internationale de Justice dans l'arrêt Nottebohm (voy. supra,
n ° 5.46). La Cour y a relevé l'analogie entre le conflit de nationalités soulevé dans l'État tiers et
celui qui est soumis au juge international. Bien plus, elle a déclaré emprunter la notion de « lien
effectif" à l'article 5 de la Convention et à la jurisprudence des tribunaux étatiques. L'analogie est
plus étroite quand le juge international est mis en présence d'un conflit positif de nationalités, ce
qui n'était pas le cas dans l'affaire Nottebohm.
IllPour une application de cette règle dans un pays qui n'a pas ratifié la Convention de La Haye,
voy. en France: Cass. civ., 15 mai 1974, Martinelli, Revue (1975), 260, note NISARD.
Pour une présentation du concept de nationalité «dominante", établissant une préférence
1111
moins si cette acquisition fut volontaire, celle invoquée par l'intéressé, celle qui, par ses caractères,
se rapproche le plus des conceptions belges en la matière, etc.
En revanche, la seule circonstance que l'une des nationalités en concours soit la nationalité d'ori-
gine de l'intéressé (acquise à sa naissance) ne suffit pas pour la qualifier de plus effective. Appelé à
trancher le conflit entre la nationalité britannique d'origine d'un individu et la nationalité améri-
caine qu'il avait ensuite acquise par naturalisation, conflit préalable à la détermination de l'identité
de cette personne (orthographe du nom patronymique), le président du tribunal civil de Gand a
décidé qu'en fait la nationalité américaine était la plus effective: Civ. Gand (réf.), 12 septembre
1983, Rev. dr. étr. (1983), 144, note M. COGEN.
Ill La jurisprudence a tendance à retenir, parmi les nationalités d'une personne, celle qu'elle par-
tage avec l'autre partie au rapport juridique, lorsque la détermination du droit applicable à ce rap-
port repose sur un rattachement conditionnel retenant pour facteur la nationalité commune, ce
facteur s'entendant alors comme« une» nationalité commune. La solution s'observe en matière de
régime matrimonial et pourrait s'autoriser d'une lecture littérale de l'arrêt Eicker de la Cour de cas-
sation du 10 avril 1980 (voy. infra, n° 12.72). Voy. en ce sens, notamment: Civ. Bruxelles, 31 mai
1994, R W (1994-1995), 677, ainsi que: Bruxelles, 22 avril 1988, précité, précisant que la préférence
a lieu si les deux nationalités en conflit présentent une effectivité équivalente.
Sans doute peut-on estimer que la possession d'une nationalité commune permet d'établir une
présomption d'effectivité.
Pour les cas auxquels la Convention de La Haye ne s'applique pas, le Code de droit
international privé confirme le critère de l'effectivité: l'autorité belge retient la nationa-
lité de l'État avec lequel, d'après l'ensemble des circonstances, la personne « possède les
liens les plus étroits, en tenant compte, notamment, de la résidence habituelle» (art. 3,
§2,2°).
5.59 - Préférence pour une nationalité fonctionnelle en vertu de la loi - Simple règle
permissive, l'article 3 de la Convention du 12 avril 1930 n'interdit pas d'attacher à une
situation particulière les effets découlant de la nationalité étrangère et que l'éviction de
celle-ci par la nationalité de l'État du for aurait fait écarter.
Pareille solution est classique pour l'interprétation des dispositions législatives qui,
dans l'hypothèse d'un conflit armé, frappent d'une peine ou d'une mesure de déchéance
les ressortissants ennemis. Qu'un sujet ennemi puisse se prévaloir en même temps de la
nationalité de l'État du for, ne suffit pas à le faire échapper aux mesures frappant les
sujets ennemis si son comportement a démontré qu'il méritait ce dernier qualificatif. Le
principe d'effectivité l'emporte ici sur la règle traditionnelle selon laquelle la nationalité
de l'État du for évince normalement toute autre nationalité.
Pour des exemples jurisprudentiels, voy. notamment en Belgique: Cass., 25 mars 1926, Prince
llll
d'Arenberg, Pas. (1926), I, 317; en France: Cass. req., 14 mai 1923, Prince Élie de Bourbon-Parme, D.P.
(1923) 1, 105, note MÉRIGNHAC. De son côté, M. VAN PANHUYS (précité n° 5.32, 165-166) cite des cas
néerlandais analogues. Voy. encore : WEIS, précité n ° 5.32, 193 ; NrnoYET, c. rer, n ° 406. M. VAN PAN-
HUYS et A. MAKAROV (Allgemeine Lehren, 12-29) parlent à ce sujet de« nationalité fonctionnelle».
L'affaire d'Arenberg concernait un Belge d'origine qui, en sa qualité de prince d'une maison ancien-
nement souveraine, avait acquis en 1897 la nationalité allemande en prenant à cette époque du ser-
vice dans l'armée prussienne, service qu'il avait poursuivi jusqu'en 1901. L'arrêt ne contient aucun
élément relatif au choix d'allégeance que le prince aurait manifesté durant la Première Guerre
mondiale. Selon la motivation, l'article 2 de la loi du 17 novembre 1921 « ne distingue pas entre le
Belge et l'étranger qui ont possédé la nationalité allemande ». Cette interprétation purement léga-
liste n'est pas satisfaisante, il n'appartenait pas à une loi particulière, mais aux règles générales
applicables aux conflits de nationalités de procurer la solution d'un tel conflit. La seule motivation
correcte de l'application des mesures de séquestre à un binational aurait été la préférence effective-
ment donnée par l'intéressé à la nationalité du pays ennemi. Si, durant la Première Guerre mon-
206 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
diale, le prince avait manifesté une allégeance réelle à l'égard de la Belgique, il n'aurait certes pas été
justifié de le soumettre aux mesures de séquestre visant les ressortissants ennemis, et la loi du
17 novembre 1921 impliquait une telle distinction, que la Cour de cassation a refusé d'y apercevoir.
Une solution fonctionnelle du conflit peut encore résulter de l'objectif poursuivi par
la règle de rattachement du for.
1111Ainsi, en attribuant compétence à la loi interne « d'une nationalité possédée par le testateur»,
l'article F' de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de
forme des dispositions testamentaires étend au conflit de nationalités la solution de rattachement
alternative qui gouverne toute l'économie de cette disposition (voy. supra, n ° 3.59). Le testament est
valable si son auteur a suivi les formes du droit d'un des pays dont il a la nationalité, si peu effective
que soit cette nationalité.
Voy. aussi l'article 15 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régi-
mes matrimoniaux. Comp., en matière de conflits de juridictions, l'article 7 de la Convention de La
Haye du 1cr juin 1970 sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps.
Ill Le Code belge de droit international privé ne retient pas cette solution pour le cas des règles de
rattachement alternatives qu'il contient. Le texte y évoque « la» nationalité de l'individu, ce qui
renvoie implicitement au mode de solution de principe de l'article 3.
De manière plus exceptionnelle, la jurisprudence a parfois tranché le conflit de
nationalités en fonction du contenu matériel du droit désigné par l'intermédiaire du fac-
teur de la nationalité, retenant alors, parmi les droits en présence, celui dont le contenu
est le plus proche du droit matériel du for. La compatibilité du procédé avec la Conven-
tion de La Haye mérite d'être posée, les termes« pourra[ ... ] reconnaître exclusivement»
de l'article 5 pouvant s'entendre tantôt comme laissant une liberté à l'État, tantôt
comme limitant cette liberté dans le choix de critères exclusifs.
Pour l'utilisation de ce procédé, voy. en Belgique: Civ. Bruxelles, 9 juin 1956, Pas. (1957), Il, 99,
1111
qui estime devoir préférer l'application de celle des lois étrangères « dont le principe directeur se
rapprochera le plus de la loi du tribunal ».
En Suisse, voy.: Trib. féd., 11 juillet 1968, Dame Cardo c. Cardo, R.O., 94, Il, 65, Revue (1969), 303 et
note F. KNOEPFLER.
Pour un cas d'application du critère fonctionnel en France, voy. : P. LAGARDE, « Vers une approche
fonctionnelle du conflit positif de nationalités », Revue (1988), 29-55.
5.60 - Préférence pour une nationalité fonctionnelle en vertu d'un traité - La simple
indication que contient la deuxième phrase de l'article 5 de la Convention de La Haye
cède devant une obligation internationale plus contraignante. Quand une personne,
ayant la nationalité d'un État avec lequel le pays d'accueil a conclu un traité de récipro-
cité et la nationalité d'un autre État, réclame le bénéfice du traité, le pays d'accueil doit
reconnaître les effets juridiques découlant de l'obligation conventionnelle qu'il a con-
tractée.
Ili Voy., en matière de conflit de juridictions: Cass., 15 décembre 1994, Indra Cy., Rev. crit. ;ur. belge
(1997), 5, note]. VERHOEVEN, à propos de la caution judicatum solvi dans le cas d'une société offshore
constituée en conformité du droit du Libéria, invoquant le bénéfice de la convention bilatérale du
l"·mai 1885.
À l'étranger, voy., en matière de conflits de juridictions: Trib. féd., 9 février 1959, Clunet(l96l), 480.
Dans la doctrine: NIBOYET, t. 1er, n° 464; P. LALIVE, note sous l'arrêt du Tribunal fédéral, Ann. suisse
dr. int. (1962), 240; Ch. FRAGISTAS, Recueil des cours, vol. 104 (1961), 188-189.
Voy. aussi Paris, 7 octobre 1967, Uzan et Sultan, Revue (1968), 267, note P. LAGARDE.
Dans les États de l'Union européenne, le ressortissant d'un autre État membre qui
aurait en même temps la nationalité d'un État tiers a le droit de jouir de la condition pri-
vilégiée qui découle de la première nationalité, sans que le pays d'accueil puisse refuser la
jouissance de ces droits pour le motif que l'intéressé se rattache plus effectivement à
l'État tiers.
Ill Voy.: C.J.C.E., aff. C-101/89, 12 décembre 1990, Procacci, Rec. (1990), 1-4647, implicite à propos
d'un ltalo-suisse; aff. C-369/90, 7 juillet 1992, Micheletti, Rec. (1992), 1-4239, à propos d'un ltalo-
argentin.
Ce raisonnement peut s'étendre au cas d'un conflit entre une nationalité étrangère et la nationalité
du for, commandant alors la préférence pour la première (C.J.C.E., aff. 292/86, 19 janvier 1988, Gul-
lung, Rec., 1988, 111, à propos d'un Franco-allemand se prévalant d'une liberté de circulation
auprès de l'État français) : la question se pose chaque fois que l'intéressé ne pourrait pas invoquer
le bénéfice du traité CE s'il se voyait préférer la nationalité du for pour le motif que, dans ce cas, la
situation en cause échapperait au domaine du droit communautaire parce que purement interne.
L'arrêt Micheletti précité consacre, « conformément au droit international », la compétence de cha-
que État membre pour définir les « conditions d'acquisition et de perte de la nationalité», mais
cette compétence« doit être exercée dans le respect du droit communautaire».
Pour une application du principe précité à propos de la caution judicatum solvi (infra, n ° 11.20),
voy.: C.J.C.E., aff. C-122/96, 2 octobre 1997, Saldanha, Rec. (1997), 1-5325, Revue (1998), 283, note
G. DROZ, concernant une société anglo-américaine.
Pour une application en matière de nom, voy. l'arrêt Garcia Avelia, infra, n ° 12.32.
1111Comp. la méthode de solution du conflit positif dans l'ordre juridique communautaire: à pro-
pos de l'attribution de l'indemnité de dépaysement due au fonctionnaire communautaire qui« n'a
pas et n'a jamais eu la nationalité de l'État sur le territoire européen duquel est situé le lieu de son
affectation» (art. 4, a, de l'annexe du statut des fonctionnaires européens), la Cour de justice a con-
sidéré qu'il fallait« faire abstraction de la nationalité imposée d'office à un fonctionnaire féminin,
lors de son mariage avec un ressortissant d'un autre État» (aff. 37/74, 20 février 1975, Van den
Broeck, Rec., 1975, 235). S'agissant toutefois d'une Française qui avait perdu sa nationalité d'origine
par le fait de l'acquisition de la nationalité belge lors du mariage, la Cour constate que l'intéressée
aurait pu y renoncer et conserver sa nationalité d'origine (arrêt précité). Mais il n'y a pas lieu de
retenir la nationalité italienne acquise par le mariage dans le cas d'une Belge d'origine qui, tout en
ayant conservé sa nationalité belge d'origine par une déclaration expresse, s'est vu conférer la natio-
nalité de son époux lors de son mariage sans possibilité d'y renoncer (C.].C.E., aff. 21/74, 20 février
1975, Aira/a, Rec., 1975, 221).
1111La Cour de JUStice refuse d'étendre la solution fonctionnelle de l'arrêt Micheletti au cas d'un
binational - tel un travailleur belgo-marocain - invoquant le bénéfice de prestations sociales en
vertu d'un accord conclu entre la Communauté et un État tiers, tel le Maroc (C.J.C.E., aff. C-179/
98, 11 novembre 1999, Mesbah, Rec., 1999, 1-7955). La solution signifie que, dans un tel cas, l'État
membre est libre de retenir la nationalité du for et, partant, d'exclure la personne de la protection
que lui assure l'accord en tant que ressortissant étranger. Elle repose sur une interprétation stricte-
ment communautaire de l'accord, dont l'objectif, selon la Cour, n'est pas comparable à l'objectif
d'intégration que poursuit le traité CE. Le raisonnement paraît contestable. Indépendamment de
la divergence d'objectifs, il y a lieu d'interpréter l'accord CE-Maroc comme supposant une exten-
sion de son domaine à toute personne ayant formellement la nationalité de l'État tiers.
Ill!La solution fonctionnelle énoncée par la Cour de justice pourrait connaître un ajustement dans
le sens de l'ajout d'une condition de proximité, suite à l'arrêt Collins (aff. C-138/02, 23 mars 2004,
C.M.L.R., 2005, 205, note H. ÜOSTEROM-STAPLES). Un Américano-irlandais, né aux États-Unis et y
ayant toujours résidé, avait demandé le bénéfice d'une aide à la recherche d'un emploi du droit
anglais, toutefois assortie d'une condition de résidence ; la légitimité de cette condition fut confir-
mée par la Cour.
208 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Lorsque l'apatridie est établie et qu'il y a lieu de surmonter le conflit négatif aux fins
de statuer, par exemple, sur une question d'état, il est nécessaire, à défaut de supprimer le
conflit, d'y obvier en retenant une solution subsidiaire, valable pour les besoins de
l'espèce. La solution consiste, en matière de statut personnel, à substituer le critère de la
résidence habituelle à celui de la nationalité comme élément de rattachement de la per-
sonne (voy. infra, n ° 12.9).
L'établissement de la preuve de l'apatridie soulève une question délicate. Cette
preuve est plus difficile à rapporter que celle de la possession d'une nationalité,
puisqu'elle porte sur un fait négatif.
Il n'est évidemment pas demandé à l'autorité de vérifier selon toutes les lois en
vigueur dans le monde si l'individu ne satisfait pas aux conditions posées par l'une
d'entre elles. Les faits de la cause circonscrivent le problème, le juge ou l'autorité ne
devant prendre connaissance de la teneur que d'une, deux ou trois législations : celle du
lieu de naissance de l'individu ou de ses parents, celle de l'État de sa résidence habituelle,
celle dont ses auteurs ont la nationalité ...
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 209
Il peut arriver que l'absence de la possession d'une nationalité ne soit pas certaine.
On ne peut cependant déduire du doute un concept de« nationalité indéterminée». Le
tribunal se rendrait coupable de déni de justice en s'abstenant de trancher une question
de droit pour le motif que celle-ci est «douteuse». Il lui appartient de s'en remettre à
l'organisation des preuves: de même que le statut de célibataire ou l'inexistence d'une
créance prévaut tant que la preuve positive d'un mariage ou d'un contrat n'a pas été éta-
blie, en l'absence de preuve suffisante de la réunion des conditions prévues par la loi com-
pétente, il faut décider que l'intéressé n'a pas telle nationalité et si on ne peut lui en
attribuer aucune autre, on doit le tenir pour apatride. C'est d'ailleurs très logiquement
qu'est tenue pour étrangère toute personne ne satisfaisant pas aux conditions selon les-
quelles la nationalité belge est attribuée (art. 1er de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès
au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers).
Selon la réponse donnée par le ministre de la Justice à une question parlementaire, la pratique
!Ill
administrative belge a créé entre l'étranger ayant fait la preuve de sa nationalité et l'apatride une
catégorie intermédiaire : l'étranger« de nationalité indéterminée ». D'après la réponse du ministre,
aurait cette qualité, la personne dont la nationalité est douteuse (Q.R, Sénat, sess. 1974-1975, n°
47, 26 août 1975, p. 1829).
À la suite de la réponse donnée à cette question, le sénateur C. De Clercq a déposé une proposition
de loi assimilant, au regard de la législation sociale, les « personnes de nationalité indéterminée »
aux« apatrides» (Doc. pari., Sénat, sess. extr. 1977, n° 85). Si bien intentionnée qu'elle fût, cette pro-
position présentait le grand inconvénient de faire entériner par le législateur dans les autres domai-
nes que ceux de la législation sociale la notion de nationalité indéterminée. Aujourd'hui, cette
proposition est devenue caduque.
Ill Le Code de droit international privé renvoie, dans un tel cas, au critère de la résidence habituelle
(art. 3, § 4).
5.64 - Bibliographie
D. BAETGE, Der gewohnliche Aufenthalt im Internationalen Privatrecht (Tübingen, Mohr, 1994), 170 p.;
L. DE WINTER, « Domicile or Nationality: the present state of Affairs », Recueil des cours, vol. 128
(1969), 347-504; Ph. FRANCESCAKIS, « Les avatars du concept de domicile dans le droit international
privé actuel», Trav. Comité fr. d.i.p. (1962-64), 291 et s.; V. MARQUETTE,« La notion de domicile des
personnes physiques et morales en droit international privé», Rev. dr. comm. belge (2003), 141-143;
D. MASMEJAN, La localisation des personnes physiques en droit international privé. Etude comparée des notions
de domicile, de résidence habituelle et d'établissement, en droit suisse, français, allemand, anglais, américain et
dans les Conventions de La Haye (Genève, Droz, 1994), 253 p.; P.M. NORTH,« Reform but not revolu-
tion - General course on private international law », Recueil des cours, vol. 220 (1990-I), 9-288;
P. RoGERSON, « Habituai residence: the new domicile?», I.C.L.Q. (2000), 86-107; B. SCHNEIDER, Le
domicile international (Neuchâtel, Ed. Ides et Calendes, 1973); P. SMART, « Domicile of choice and
multiple residence », Oxford]. Leg. St. (1990), 572-578.
S.65 - Relativité du concept de domicile en droit comparé - Le domicile reçoit des sens
très différents selon la nature de chaque système étatique.
Il faut, dès l'abord, distinguer les États fédéraux et surtout ceux dont le droit privé
interne n'est pas unifié, des États ayant une structure unitaire et régis par un seul système
juridique. En effet, dans les États fédéraux le domicile a, en droit public interne, une por-
tée qui l'assimile à une sous-nationalité et qui, par conséquent, n'est pas sans analogie
avec la fonction du domicile comme facteur de rattachement en droit international privé.
En outre, qu'ils soient ou non fédéraux, les États comprenant différentes unités territo-
210 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
riales ayant leurs propres règles de droit privé interne ont dû élaborer un système interne
de conflit de lois dans lequel le domicile joue un rôle qui peut aisément être transposé
aux rapports internationaux. Ce n'est dès lors pas une coïncidence si bon nombre de ces
États n'utilisent guère la nationalité comme facteur de rattachement en droit internatio-
nal privé.
Il faut également distinguer les pays de tradition romaniste des pays de common law.
Alors que les premiers attachent au domicile une fonction de proximité administrative,
qu'exprime la formalité de l'inscription dans un registre public, les seconds peuvent lui
assigner une fonction de proximité culturelle analogue à celle que la nationalité procure
dans les premiers. C'est ainsi que le domicil oforigin est le domicile possédé par la personne
au moment de sa naissance : cette définition attribue au domicile une permanence, con-
firmée par les conditions sévères auxquelles est soumis tout changement de ce domicile.
111Le domicil oforigin se distingue du « domicil of choice ». Le concept de base est la fixité du domicile
d'origine, dont la continuité est présumée. L'adoption d'un nouveau domicile suppose la double
preuve d'une intention et d'une résidence permanente sans esprit de retour.
9.50.
Ill!Pour une définition par référence à une période antérieure, camp., en matière de conflits de juri-
dictions, la Convention de La Haye du 1'' juin 1970 sur la reconnaissance des divorces et des sépa-
rations de corps, exigeant du demandeur qu'il ait résidé habituellement au moins une année
immédiatement avant la date de la demande (arc. 1"). La double circonstance que la condition de
durée n'affecte que la résidence du demandeur et non celle du défendeur, et qu'elle s'ajoute au qua-
lificatif« habituel» montre que cette condition n'est pas incluse dans ce qualificatif
Comp. une référence au critère de durée au cours d'une période antérieure, dans le règlement 2271/
96 du Conseil du 22 novembre 1996 (J.O.C.E., 1996, L 309), adopté en vue d'évincer les effets extra-
territoriaux de la loi Helms-Burton adoptée aux États-Unis, se référant à une résidence d'une durée
de six mois au moins au cours d'une période de douze mois.
La détermination du domicile ou de la résidence peut être délicate à propos de la période qui
Ill!
suit immédiatement un déménagement. La prise en compte d'un élément d'intention quant à la
212 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
stabilité doit suffire à l'établissement de la preuve de la durée. Comp. en ce sens, en matière de sécu-
rité sociale: C.J.C.E., aff. C-90/97, 25 février 1999, Swaddling, Rec. (1999), 1-1075.
1111On trouve une définition modèle du« domicile» et de la« résidence habituelle» dans la résolu-
tion n ° 72 du Conseil de l'Europe du 18 janvier 1972.
Le domicile se réfère à un « lien de droit » entre la personne et un pays et résulte essentiellement du
fait que cette personne « établit ou maintient volontairement sa résidence unique ou principale»
dans ce pays, « avec l'intention d'en faire et d'y maintenir le centre de ses intérêts personnels,
sociaux et économiques».
La résidence habituelle « est uniquement déterminée par des critères de fait» et ne dépend pas
d'une autorisation de résider; elle implique un séjour « pendant un certain laps de temps » sans
être continu ; sa détermination repose sur des indices, comme la durée et la continuité de la rési-
dence« ainsi que d'autres faits de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens dura-
bles entre une personne et sa résidence », ou encore les intentions de la personne, sans toutefois
que celles-ci constituent une condition de la résidence.
jettie la résidence de l'étranger en Belgique: la possession d'une « résidence habituelle » n'est pas
incompatible avec une situation de séjour illégal au regard de la condition de l'étranger. Voy.
notamment: Bruxelles, 22 octobre 1996, Rev. trim. dr. fam. (1998), 46. Contra: Civ. Bruxelles,
30 juillet 1996,]. T (1997), 348.
De plus, malgré l'article 13 du Code civil - visant le cas de l'étranger admis par l'autorisation du
Roi à établir son domicile en Belgique, abrogé par la loi du 15 décembre 1980 (art. 93) -, elle n'a
pas tenu la jouissance d'un domicile pour un droit civil réservé à certaines catégories d'étrangers
privilégiés. Voy.: Cass., 10 décembre 1925, Broitman, Pas. (1926), I, 109; Bruxelles, 13 décembre
1920, Pas. (1921), II, 21.
Le Code précise que la résidence s'acquiert sans formalité préalable et, dans le cas d'un étranger,
indépendamment de toute autorisation administrative de résider.
Ill La preuve du fait de l'établissement en Belgique, ou de son caractère principal, résulte, notam-
ment, des mentions des registres de la population. Toutefois, ces mentions ne constituent pas une
preuve décisive du fait, qui reste soumise à la libre appréciation du juge: Cass., 31 janvier 1958, Duc
de Cray c. Office des séquestres, Pas. (1958), I, 586.
Ill Le domicile légal de l'article 107 du Code civil - disposition qui localise au lieu de l'exercice de
la fonction le domicile du fonctionnaire qui a accepté des fonctions conférées à vie - ne saurait
avoir aucun effet en droit international privé. Il ne paraît d'ailleurs guère vraisemblable que laper-
sonne nommée à de telles fonctions n'ait pas en Belgique son principal établissement.
§4 LE CONFLIT MOBILE
5.68 - Bibliographie
Outre la bibliographie citée au n ° 5.22, voy. : F. BoucKAERT, « Modifications conventionnelles des
régimes matrimoniaux en droit international privé et conflit mobile», Rev. not. belge (1991), 486-
492; N. COIPEL, « Réflexions sur la loi applicable aux effets du mariage», Rev. trim. dr. fam. (1993),
141-180; P. COURBE, « Divorce et conflit mobile», Mélanges Holleaux (Paris, Litec, 1990); I. JOPPE,
Overgangsrecht in het internationaal privaatrecht en het fait accompli (Arnhem, Gouda Quint, 1987), 360
p.; F. R!GAUX, « Le conflit mobile en droit international privé», Recueil des cours, vol. 117 (1966),
335-341, et les références; Io., « Espace et temps en droit international privé», Rev. interdise. Et. jur.
LA CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 213
(1989-22), 107-124; C. WASSERSTEIN FASSBERG, « On rime and place in choice oflaw for property »,
I.C.L.Q. (2002), 385-400.
5.69 - Notion du conflit mobile - Le conflit mobile est un incident qui affecte une caté-
gorie de règles de rattachement, celles qui usent d'un facteur de rattachement variable,
telles la nationalité ou la résidence habituelle. En revanche, la localisation d'un événe-
ment, par exemple de la passation d'un acte ou de la perpétration d'un délit, est la plus
constante qui soit : pareils faits ne se produisent qu'une fois, à un instant du temps et en
un point de l'espace.
Pour qu'il y ait conflit transitoire, écrivait déjà Savigny, « il faut que le changement affecte les
1111
règles de droit elles-mêmes (le droit objectif), et non les éléments de fait du rapport de droit (le
droit subjectif)» (t. VIII, § 383, p. 369). La complication apportée au conflit de lois dans l'espace
par le déplacement des éléments de fait du rattachement a très bien été aperçue par Savigny. Zitel-
mann (Internationales Privatrecht, t. I, 1893, 151) qui, à la fin du XIXe siècle, en poursuit l'élabora-
tion, l'appelle Statutenwechsel (changement de statut), mais c'est Bartin qui, dans le premier volume
de ses Principes, publié en 1930 (§ 78, p. 193), imagine la terminologie ingénieuse de « conflit
mobile», qui fut aussitôt adoptée.
Ce qu'on appelle conflit mobile a donc pour objet le choix entre plusieurs moments
successifs de la détermination du facteur de rattachement. Abstraction faite de la déter-
mination du droit applicable à une chose mobilière durant son déplacement (chose en
transit), les modifications apportées au facteur de rattachement sont discontinues, et le
problème consiste généralement à savoir si, pour l'application de la règle de conflit com-
pétente, ce facteur doit être déterminé avant ou après le changement qu'il a subi.
fere de celle du droit transiroire interne où l'on applique généralement à la forme des actes la loi en
vigueur au moment où l'acte est accompli.
Le Code belge retient la même technique à propos de l'option de législation adoptée en matière
successorale (art. 79).
Sur les inconvénients de cette solution, voy. notamment F. RIGAUX, Recueil des cours, vol. 117
1111
Pour une exception à la concrétisation ancienne lorsque le conflit mobile se double d'un chan-
1111
Pour un recours au principe de l'unité de législation pour écarter le risque de dépeçage du droit
1111
P. ARMINJON, « La fraude à la loi en droit international privé», Clunet (1920), 409 et s. (1921), 63 et
s., 419 et s.; B. AUDIT, La fraude à la loi (Paris, Dalloz, 1974) ;J. FAWCETI, « Evasion oflaw and manda-
tory rules in private international law », Cambridge L.j. (1990), 44-62; P. FloRE, « Du changement de
nationalité opéré en fraude à la loi», Clunet (1910), 753 et s.; R. GRAVESON,« The doctrine of eva-
sion of the law in England and America», 19 Journ.Comp. L. (1937, 21 et s.; I. GUYON-RENARD,« La
fraude en matière d'état civil dans les États membres de la CIEC »,Revue (1996), 541-571; G. LANG,
La fraude à la loi en droit international privé suisse (Mauras, Impr. Chabloz, 1984), 242 p.; P. Lou1s-
LUCAS, « La fraude à la loi étrangère», Revue (1962), 1 et s.; G. MARIDAKIS, « Réflexions sur laques-
tion de la fraude à la loi d'après le droit international privé», Mélanges Maury, t. I, 231 et s.;
U. MORELLO, Frode alla legge (Milano, Giuffrè, 1969) ;J. P. NIBOYET, « La fraude à la loi en droit inter-
national privé», Rev. dr. int. lég. camp. (1927), 402 et s.; G. PARRA-ARANGUREN, « General Course of
Private International Law: Selected Problems », Recueil des cours, vol. 210 (1988-III), 9-224; J. PER-
ROUD, « La fraude à la loi en droit international privé», Clunet (1926), 19 et s.; R. PRioux, « Le droit
international privé et les contrats illicites dans le commerce international »,].T (1990), 733-739;
J. VERPLAETSE, La fraude à la loi en droit international privé (Paris, Sirey, 1938).
5.73 - La manipulation du facteur de rattachement- La fonction de la règle de ratta-
chement, qu'elle poursuive un objectif de localisation de la situation ou une politique de
caractère substantiel (voy. supra, n° 5 3.10 et s.), implique que le facteur de rattachement ne
soit pas laissé à la disposition des parties dans les matières où le droit du for ne reconnaît
pas l'automie de la volonté.
La théorie de la fraude à la loi appartient dès lors au droit des conflits de lois comme
au droit matériel interne. Dans la première matière cependant, il tend à déjouer la mani-
pulation de l'élément pertinent de localisation par les parties. L'élément de rattachement
artificiellement créé doit être neutralisé lorsqu'il a visé à la modification de la désignation
du droit qui aurait été applicable en l'absence de cette manœuvre.
En Belgique, le Code énonce que : « Pour la détermination du droit applicable en
une matière où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits, il n'est pas tenu
compte des faits et des actes constitués dans le seul but d'échapper à l'application du
droit désigné par la présente loi» (art. 18).
L'article 12, § 4, du Code civil espagnol sanctionne la fraude à la loi, qui consiste, selon cette dis-
Ill!
position, en « l'utilisation d'une règle de conflit dans le but d'éluder l'application d'une loi espa-
gnole impérative».
Comp. le paragraphe 8 du décret-loi hongrois, l'article 851 du Code de la famille du Sénégal et,
dans l'ex-Yougoslavie, l'article 5 LDIP.
Selon l'article 6 de la Convention interaméricaine sur les normes générales du droit international
privé (Revue, 1984, 262), « le droit d'un État partie ne sera pas appliqué en tant que droit étranger
dans un autre État partie à l'occasion d'actes entachés de dérogation frauduleuse aux principes
fondamentaux de la législation de ce dernier État». De plus,« il appartiendra aux autorités compé-
tentes de l'État requis de déterminer l'intention frauduleuse des parties intéressées».
Le phénomène du mariage fictif constitue une forme de fraude à la loi qui, pour être répandue
!Ill
en droit international privé, n'affecte pas directement le concept ici en cause. Le projet de parties de
nationalités différentes de conclure un mariage sans intention de vie commune, dans le bue de
bénéficier du droit au regroupement familial, soulève une question de validité du mariage, soumise
au droit national applicable à l'acte (voy. infra, n° 12.42), sans qu'il y ait nécessairement manipula-
tion de l'élément pertinent de rattachement.
216 L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Ili La théorie de la fraude à la loi agit seulement sur la désignation du droit applicable au rapport
de droit. Elle n'exclut pas d'autres effets d'une fraude à des dispositions de droit administratif, par
exemple à propos du mariage fictif visant à contourner la condition de l'étranger. Dans ce cas, le
droit fraudé peut encore fonder une sanction propre, relevant, par exemple, de la condition de
l'étranger. Voy., par exemple, une sanction d'inopposabilité aux fins du droit de séjour, non une
sanction de nullité, figurant dans la résolution du Conseil du 4 septembre 1997 sur les mesures à
adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance,J.O.C.E. (1997), C 382.
111!Le droit communautaire exige une approche spécifique de la théorie de la fraude à la loi. En
effet, la régime de liberté de circulation des marchandises, mais surtout des services et des person-
nes, implique la liberté des opérateurs de fixer leur établissement dans un État membre de leur
choix, autre que leur État d'origine, pour prester des services dans l'ensemble des États membres,
notamment dans l'État d'origine. Ce régime tolère le contrôle de la fraude à la loi mais sous des
conditions strictes, essentiellement la mise en place d'un contrôle au cas par cas. Voy.
spécialement: C.J.C.E., aff. C-212/97, 9 mars 1999, Centras, Rec. (1999), I-1459.
Ili La sanction de la fraude à la loi peut se manifester au moment de la reconnaissance d'une déci-
sion étrangère obtenue dans le seul but d'échapper au droit désigné en vertu de la règle de rattache-
ment du for (voy. infra, n ° 10.39). Voy. par exemple: Civ. Bruxelles, 18 novembre 2003,]. T. (2004),
893.
Le phénomène peut affecter le conflit mobile, tel un changement de nationalité ou
de résidence habituelle en matière de statut personnel. En matière successorale, il peut
consister à modifier la consistance d'un patrimoine immobilier par une opération de
vente et de rachat d'immeubles situés dans des pays différents, ou à transformer une part
immobilière en part mobilière, par la constitution d'une société par actions. En matière
de contrat, il peut consister à donner l'apparence d'une exécution des prestations dans
un pays.
Ill! Pour le cas d'un changement de nationalité, voy. l'affaire Bauffremont, supra, n ° 5.46.
Voy. un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (21 janvier 1981, Revue, 1982, 297) ayant con-
111!
sidéré que le mariage contracté en Israël par deux Francais domiciliés en France étaie entaché de
fraude à la loi, alors que les prétendus époux savaient qu'ils n'auraient pu se marier en France. Tou-
tefois, le motif tiré de la fraude à la loi est, dans cet arrêt, surabondant.
En matière successorale, voy. l'exception de fraude formulée par la Cour de cassation de France
Ill!
dans l'affaire Caron, à propos de la cession, par le de cujus, d'un immeuble situé en France à une
société américaine dont il détenait la majorité du capital: Cass. civ., 20 mars 1985, Revue (1986), 66,
note Y. LEQUETIE, cité par BATIFFOL et LAGARDE, n° 371.
Ili Dans la matière des contrats, la théorie de la fraude à la loi a permis de déjouer une localisation
conventionnelle de l'obligation, destinée à évincer une disposition impérative du for. La loi belge
du 27 juillet 1961 sur la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indétermi-
née se veut applicable à la concession de vente ayant ses effets sur le territoire belge (voy. supra,
n° 4.5). Est, dès lors, constitutive de fraude à la loi, la clause localisant fictivement l'exécution de
l'obligation du concédant au siège social de ce dernier en Allemagne (Cass., 28 juin 1979, Audi-
N.S.U., Pas. (1979), I, 1260, infra, n° 14.18). La théorie de la fraude à la loi s'efforce de protéger le
caractère impératif des dispositions de la loi belge, que les parties ne sauraient valablement écarter,
ni par une clause sur la loi applicable ni, comme en l'espèce, par une clause d'arbitrage.
Voy. encore: Civ. Liège, 30 avril 1999, Auteurs & Media (1999), 438: à propos de la réalisation de
l'adjudication d'un tableau au Luxembourg alors que la vente publique était organisée en Belgique,
afin d'échapper au droit de suite, le tribunal n'hésite pas à appliquer le droit belge, après avoir cons-
taté une fraude à cette loi, consistant en la simulation d'i:tn élément d'extranéité afin de créer un
facteur de rattachement artificiel.
L'exception de fraude à la loi suppose-t-elle une recherche de l'intention des parties?
La question est discutée. Le Code de droit international privé donne une place à cet élé-
ment, en n:ientionnant le « but » poursuivi. Dans la pratique toutefois, la définition don-
l.A CONCRÉTISATION DU FACTEUR DE LOCALISATION 217
née à la fraude à la loi en matière de conflits de lois ne semble pas devoir conduire le juge
à une introspection des consciences, dès lors que la définition fait appel à des éléments
objectifs - « des faits et des actes constitués» (art. 18 Codip) - dont l'ensemble apporte
les indices d'une volonté de manipulation. En effet, le succès de l'exception suppose que
soit établi le caractère fictif de l'élément de rattachement. Cette condition nécessite une
vérification des circonstances de temps et de lieu qui permettent de conclure à une locali-
sation artificielle de la situation.
IllPour un exposé de la discussion, voy.: BATIFFOL et LAGARDE, n ° 372, qui estiment ne pas devoir
déroger à la nécessité de vérifier l'élément intentionnel à l'instar de ce qui prévaut en droit interne.
Contra, en Belgique: R. VANDER ELsT, note sous l'arrêt Audi-N.S. U. précité, Rev. crit. jur. belge (1981),
332.
Pour une recherche de l'intention, voy.: Trib. arr. Luxembourg, 27 mars 1990, Riv. dir. int. priv. proc.
(1991), 1097, à propos d'un prêt bancaire consenti par une banque belge à un consommateur rési-
dant au Luxembourg, ce dernier étant exclu du bénéfice de la protection offerte par l'article 4 de la
Convention de Rome du 19 juin 1980 (voy. infra, n ° 14.54) du fait de la localisation de la conclu-
sion du contrat dans les locaux de la banque: l'intention de fraude dans cette localisation ne fut
pas établie en l'espèce.
Ill!L'exception de fraude est nécessairement soumise au débat contradictoire, au cours duquel les
parties peuvent faire valoir leurs arguments. Voy. par exemple, à propos de la création d'une société
fictive aux îles Cayman: Bruxelles, 11 février 1988,].T (1988), 606, Rev.gén. dr. civ. (1989), 479, note
R. P1uoux.
La sanction de la fraude à la loi peut-elle bénéficier à un droit étranger? L'approche
traditionnelle limite la loi fraudée au droit du for. Pourtant, une fraude au droit étranger
ne cesse pas de constituer une fraude à la norme primaire du for, sur l'application de
laquelle repose la désignation normale du droit étranger que les parties ont tenté d'évin-
cer (BATIFFOL et LAGARDE, n ° 373). En Belgique, le Code couvre, sans distinction, tout
droit désigné par la règle de rattachement.
Les dispositions figurant dans des codifications se limitent à prohiber l'éviction, grâce à la
lill
fraude à la loi, des règles matérielles du for.
Pour une thèse favorable à la sanction de la fraude au droit étranger, voy. B. AUDIT, La fraude à la loi,
précité n° 5.72.
CHAPITRE 6
,
LA DETERMINATION ET LA CONDITION
DU DROIT ÉTRANGER
6.1 - Présentation - Lorsque la mise en œuvre de la règle de rattachement conduit à la
désignation d'un droit étranger, il convient, avant d'entamer la phase d'application de ce
droit qui en résulte normalement, de déterminer avec précision l'objet de la désignation.
Une première question touche à la nature de la règle qui opère cette désignation.
Elle revient à savoir si cette règle porte seulement sur les règles matérielles contenues
dans le droit étranger, ou si elle s'étend aux règles de conflit de lois.
Une seconde question concerne la procédure devant la juridiction saisie. Le droit
étranger est, en tant que tel, assujetti à une condition procédurale particulière, s'écartant
partiellement du statut du droit matériel interne.
Section 1
La désignation d'une règle
de rattachement étrangère
6.2 - Variété des hypothèses - Il arrive que l'ordre juridique étranger désigné par la règle
de rattachement ne contienne pas, comme tel, les dispositions matérielles aptes à résou-
dre le litige, ou qu'il soumette le choix des règles applicables à un critère différent de celui
qui a permis sa propre désignation.
On peut retenir plusieurs séries d'hypothèses dans lesquelles le droit étranger pro-
cure lui-même une règle de conflit interne ou international de lois, par l'opération de
laquelle sera, en fin de compte, identifiée la norme matérielle applicable.
Dans une première série de cas, l'ordre juridique national désigné contient des règles
de« conflit interne» de lois, - dans l'espace ou dans le temps - dont la mise en œuvre
est préalable au choix du droit matériel applicable (§ 1er).
Dans une seconde série d'hypothèses, le droit étranger désigné contient une règle de
conflit de lois différente et l'on s'interroge sur l'applicabilité de cette règle par le juge
saisi. Cette applicabilité peut être conçue à des titres divers.
D'abord, l'application de la règle étrangère de droit international privé peut être vue
comme un effet inhérent à la nature même de la règle de rattachement du for: c'est
l'hypothèse de la théorie du renvoi(§ 2).
220 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
6.3 - Bibliographie
a) Conflits interterritoriaux
Dans la Constitution américaine, voy. : art. IV; XIV< Amendment, 1866, sect. I. Pour un commen-
taire de ces dispositions, voy. : BAXTER, « Choice of Law and the Federal System », Stanford L.R.
(1963), 1-42; BoNASSIES, « Structures fédérales et conflits de lois - L'exemple des États-Unis
d'Amérique», Revue (1953), 289; CHEATHAM, Recueil des cours, vol. 99 (1960), 253-263; B. FRIEDMAN,
« Under the law of federal jurisdiction : Allocating cases between federal and scare courts », Colum-
bia L.R. (2004), 1211-1279; GRAVESON, Recueil des cours, vol. 99 (1960), 33; P. HERZOG,
« Conscitutional limits on choice of law », Recueil des cours, vol. 234 (1992-III), 239-330; KEGEL,
Recuell descours, vol. 112 (1964), 165-176.
Sur les problèmes suscités en Belgique par les réformes institutionnelles de 1970 et de 1980, voy.
notamment M. FALLON et Y. LEJEUNE, « La pratique belge des conflits interterritoriaux à l'épreuve
du droit comparé», Ann. dr. (1982), 281-335; P. LEGROS,« L'influence du droit international privé
sur la jurisprudence de la Cour d'arbitrage », Mélanges Vander Elst, 517-528 ; F. R.!GAUX, « Les règles
de droit délimitant leur propre domaine d'application »,Ann. dr. (1983), 313-331; M. UYTIENDAELE,
« Existe-t-il un droit interrégional privé en Belgique?», Mélanges Vander Elst, 785-799; J.-L. VAN
BoxSTAEL, « Constitution et conflits de lois», Rev. belge dr. int; (1994), 184-209.
Voy. en outre: B. BLAGOJEVIC, « Le concept et la structure du système juridique en Yougoslavie», Dr.
Yougoslave (1982), 3-28; A. BORRÀS RooRIGUEZ, Calificacion, renvia y orden pùblico en el derecho interregio-
nal espanol (Bellacerra, 1984); Io., « Les ordres plurilégislatifs dans le droit international privé
actuel», Recueil des cours, vol. 249 (1994-V); J. CASTEL,« Constitutional Aspects of Private Interna-
tional Law in Australia and Canada», Recueil des cours, vol. 126 (1969), 3; Constitucion, Comunidades
Autonomas y Derecho Internacional (Xunta de Galicia, Santiago, 1982); E. EDINGER, « Territorial Limi-
tations on Provincial Powers », Ottawa L.R. (1982), 57-99; M. T. HERZ, « Interprovincial, the Consti-
tution and the Conflict ofLaws », Univ. Toronto L.]. (1976), 84 et s.; M. SosNIAK, « Le droit interlocal
et le droit international privé», Polish Yearbook (1977-1978), 235-249; M. SuMAMPOuw, « Droit
interrégional privé et droit international privé », Mélanges Kokkini-Iatridou (Dordrecht, Nijhoff,
1994).
Sur le « droit interzonal» applicable aux relations encre la République fédérale d'Allemagne et la
République démocratique allemande avant la réunification, voy. : G. KEGEL, Internationales Priva-
trecht (1971), 181; P. H. NEUHAUS, 215; L. RMPE et F. STURM, Internationales Privatrecht (München,
Verlag Franz Vahien, 1977), t. I, 381, et la bibliographie citée; W. WENGLER, « Prinzipienfragen des
interzonalen Rechts in Deutschland »,Neue]ur. Woch. (1951), 49.
Pour une bibliographie générale, voy. E. VITTA, t. I, 160-163, ainsi que M. FALLON et Y. LEJEUNE, pré-
cités, 283-284.
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 221
b) Conflits interpersonnels
K. ELGEDDAWY, Relations entre systèmes confessionnel et laïque en droit international privé (Paris, Dalloz,
1971); P. GANNAGÉ, « Droit intercommunaucaire et droit international privé», Clunet (1983), 479-
508 ; R. HouErss, « Le régime matrimonial légal à travers les conflits internes de lois et de juridic-
tions - Étude de droit libanais», Rev. dr. int. dr. comp. (1981), 105-124; KOLLEWIJN, Intergentiel Recht
(La Haye, 1955), principalement « Intergentiel Privaatrecht », 102-130; S. MELONE, « Les juridic-
tions mixtes de droit écrit et de droit coutumier dans les pays en voie de développement - Du bon
usage du pluralisme judiciaire dans les pays en Afrique: l'exemple du Cameroun »,Rev. int. dr. comp.
(1986), 327-346; S. PAUWELS, Rechtskeuze en wording van een eenvormige stadsgewoonte in de inlandse
rechtbanken te Leopoldstad (Kinshasa) (Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren, 1967, série in-8 °,
n ° 60); A. SANDERS (dir.), The internai conflict of laws in South Africa (Durban, Butterworths, 1990),
132 p. ; I. SZASZY, « Le conflit de lois interpersonnel dans les pays en voie de développement»,
Recueil des cours, vol. 138 (1973), 81-202; Io., « Interpersonal Conflict ofLaws », Mélanges W.Wengler,
t. 2,793; A. TIER, « Conflict oflaws and legal pluralism in the Sudan », I.C.L.Q. (1990), 611-640;
U. UCHE, « Conflict oflaws in a multi-ethnic setting- Lessons from anglophone Africa »,Recueil des
cours, vol. 228 (1991-III), 277-438; C. WASSERSTEIN FASSBERG, « Choice-of-Law Models: The Interna!
Interreligious Context », Mélanges Vander Elst, 885-910 ; W. WENGLER, 289-308.
c) Conflit transitoire de droit étranger
Voy. la bibliographie supra, n ° 5.22.
6.5 - Le conflit interpersonnel - Comme les conflits interritoriaux, les conflits interper-
sonnels (appelés par Wengler intergentile conflicts oflaws) se posent à l'intérieur de certains
ordres juridiques nationaux. Mais, à la différence des premiers, qui naissent d'une divi-
sion territoriale des sphères de compétence législative, les seconds sont liés à la coexis-
tence, sur le même territoire, de groupes sociaux régis par des droits différents.
Il en subsiste diverses formes: le conflit interconfessionnel, principalement dans le
domaine du mariage et de la filiation, le conflit interracial, certains conflits de coutumes
en Afrique.
1111Voy. par ex. l'application de la coutume rabbinique à des Algériens de rite mosaïque (Cass. civ.,
1re ch., 28 juin 1966, Sellam, Bull. civ., 1966, I, n° 390,300), l'existence en Inde de systèmes juridi-
ques distincts applicables selon l'affiliation religieuse des personnes et, surtout, la jurisprudence
nombreuse relative à l'application du Code de statut personnel (Moudawana) marocain en Belgi-
que.
1111L'Italie connaît une forme particulière de mariage ecclésiastique. Alors que le Concordat du
Latran du 11 février 1929 avait institué en Italie deux réglementations parallèles selon que les Ita-
liens contractaient un mariage canonique ou un mariage civil, ce qui entraînait diverses consé-
quences, notamment la reconnaissance d'une compétence exclusive aux autorités ecclésiastiques
pour la dissolution d'un mariage concordataire, l'entrée en vigueur de la loi n ° 898 du 1er décem-
bre 1970 sur le divorce et la jurisprudence qui s'en est ensuivie ainsi que l'accord de modification
du Concordat du Latran conclu le 18 février 1984 (Diritto di Familia e delle persane, 1984, 821) ont
bouleversé les rapports entre les deux ordres juridiques. Après l'entrée en vigueur de la loi sur le
divorce, il a été jugé que les tribunaux civils, qui n'avaient pas le pouvoir d'annuler un mariage con-
cordataire célébré en Italie, pouvaient cependant le dissoudre par le divorce (Corte costituzionale,
11 décembre 1973, n. 175, Giur. cost., 1973, 2238). Alors que les sentences canoniques de nullité
étaient soumises à l'exequatur de la cour d'appel en vertu de l'article 34, alinéa 6, du Concordat du
Latran, la jurisprudence a progressivement soumis ces sentences au contrôle exercé sur les déci-
sions étrangères (voy. notamment: Cass., sez. un., 1er octobre 1982, n. 5026, Diritto di Famiglia e delle
persane, 1984, 14; 5 juillet 1984, n. 3944, ibid., 1984, 931). Pareille évolution a été entérinée par
l'article 8, alinéa 2, de l'accord modificatif du 18 février 1984. En outre, selon l'interprétation
dominante, l'État italien a cessé de reconnaître la compétence exclusive des juridictions canoniques
pour l'annulation d'un mariage concordataire. Il en résulte que, quelle que soit la forme du
mariage célébré par des Italiens en Italie, les effets de l'union sont, du point de vue de l'ordre juridi-
que civil, réglés par le droit étatique.
Depuis l'entrée en vigueur de l'accord modificatif du 18 février 1984, il n'est plus permis de consi-
dérer que le droit matrimonial italien soumet à deux régimes distincts le mariage civil et le mariage
concordataire. On notera l'intérêt pour la théorie du droit international privé de l'assimilation à
des décisions étrangères des sentences canoniques prononcées en Italie conformément au Concor-
dat du Latran.
Dans la doctrine, voy. notamment: F. RIGAUX, « L'article 34 du Concordat du Latran et le droit
international», Mélanges Wagnon (1976), 395-414 et, sur l'interprétation de l'accord du 18 février
1984, R. COPPOLA, « Osservazioni sull'accordo di modificazioni del Concordato lateranense »,
Diritto di Famiglia e delle persane (1984), 697-708; P. MONETA,« Il matrimonio ne! nuovo Concordato
con la Santa Sede », ibid., 1205-1220 ;J.-L. VAN BOXSTAEL, « Observations sur le pouvoir des époux
de disposer d'un mariage religieux célébré à l'étranger », Rev. trim. dr. fam. (1996), 29-42.
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 223
Des accords avec le Saint-Siège ont également été conclus par l'Espagne, Malte et le Portugal. Il y
est fait référence par le règlement « Bruxelles IIbis » (voy. infra, n ° 12.56, art. 63) et, pour Malte, par
le règlement 2116/2004 du 2 décembre 2004 (J.O.C.E., 2004, L 367).
6.6 - Les conflits suscités par un changement de souveraineté - Les changements de sou-
veraineté entraînent des difficultés multiples.
Entre les conflits suscités par un changement territorial et les deux variétés de con-
flits précédemment analysées, il existe une différence fondamentale. Alors que le conflit
interterritorial et le conflit interpersonnel sont strictement internes - comme le conflit
dans le temps-, le conflit suscité par un changement de souveraineté a pour origine une
situation de droit international: l'exercice sur un territoire des compétences successives
d'États différents. Ces derniers conflits se distinguent cependant du conflit de lois de
droit international privé, lequel a pour cause l'exercice simultané, sur des territoires dis-
tincts, de compétences étatiques indépendantes les unes des autres.
De plus, les conflits suscités par un changement de souveraineté prennent des reliefs
très différents suivant la perspective dans laquelle on les envisage. Trois points de vue
doivent être distingués : celui de l'État annexant ou du nouvel État, celui de l'État qui
subsiste après avoir subi une perte de territoire, celui des États tiers.
Pour l'État annexant, l'annexion engendre un conflit interterritorial aussi long-
temps que les sources de droit entrées en vigueur sous la précédente souveraineté conser-
vent force obligatoire, et un conflit dans le temps après qu'il y a substitué son propre
droit. Ces conflits ont un caractère interne parce que, en dépit de son origine étrangère, le
droit de l'État amputé, demeuré en vigueur sur la nouvelle partie du territoire étatique,
est traité par l'État annexant comme une branche de son propre droit.
Pour un cas d'application lié à la situation de l'État annexant, voy. en Belgique: Cass., 10 mai
1111
continuèrent à régir le pays - désormais souverain - non plus au titre de droit belge colonial, mais
comme droit congolais proprement dit : elles ont donc changé de« nationalité».
Voy. Ph. FRANCESCAKIS, « Problèmes du droit international privé de l'Afrique noire indépendante »,
Recueil des cours, vol. 112 (1964), 269-361.
Ill Dans cet exemple, la Belgique occupe la position de l'État qui a perdu une partie de son terri-
toire. Voy. Cass., 8 octobre 1964, De Vos c. Société congolaise d'alimentation Fridapek, Pas. (1965), I, 127.
rattachement, la loi nationale à un citoyen des États-Unis, il constate qu'il n'existe pas de « droit
américain», au sens d'un droit fédéral, sur les matières traditionnelles de l'état et de la capacité des
personnes. La Constitution américaine ayant, en ce domaine, confié la compétence législative aux
« États», le juge saisi n'a pas encore atteint la source de droit applicable quand sa règle de conflit
donne compétence au système américain dans son ensemble. Voy. une application par: Cass.,
4 novembre 1993, Pas. (1993), !, 921, à propos de l'adoption d'un Américain originaire de l'État du
Delaware.
La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, dont
l'article 23 considère la référence à la loi d'un tel État comme une référence à « la loi en vigueur
dans l'unité territoriale concernée ». La formulation de la Convention de La Haye du 19 octobre
1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération
en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des mineurs, revient à une assi-
milation de la référence à la loi d'un État à celle d'une unité territoriale (art. 47).
En Belgique, le Code de droit international privé assimile au« droit d'un État» cha-
cun des« systèmes de droit» que comprend l'État dont le droit est désigné (art. 17, § 1cr).
6.9 - Utilisation d'une règle spéciale de conflit interne - Lorsque le système de droit
étranger non unifié est désigné en vertu du critère de la nationalité ou s'il suscite un con-
flit interpersonnel, le facteur de rattachement de la règle de conflit est impuissant à loca-
liser la situation à l'intérieur d'un tel système.
Il y a alors lieu de faire application des règles auxquelles le droit étranger subor-
donne lui-même la solution de ses propres conflits internes.
1111 Comp. Cass., 4 novembre 1993, cité au numéro précédent: la Cour utilise la méthode de l'utili-
sation d'une règle étrangère, tout en se méprenant sur la portée exacte de la disposition pertinente
en l'espèce. Elle estime« que, selon le droit international privé des États-Unis, l'état d'une personne
est régi non par sa loi nationale mais par celle de son domicile ». La formulation souffre d'une dou-
ble imprécision. D'abord, ce qu'il convient de considérer est moins le droit international privé
étranger que son droit interterritorial. Or, il n'existe pas aux États-Unis de règle de conflit de lois
fédérale: la compétence des États fédérés s'étend à l'adoption de telles règles. Dans le cas d'espèce,
il y avait lieu de considérer la règle de conflit de l'État du Delaware, qui constitue en réalité une
règle de compétence juridictionnelle utilisant comme critères alternatifs la résidence de l'une ou de
l'autre partie à l'adoption, le juge saisi appliquant alors le droit du for. Une telle règle n'était trans-
posable à l'espèce que si les deux parties résidaient en Belgique, ce qui semble avoir été le cas.
Si le système étranger non unifié ne donne pas au conflit interterritorial ou interper-
sonnel une solution suffisamment explicite, il est fait application de la partie de ce droit
avec laquelle la situation a les liens les plus étroits. À la différence de la précédente, cette
règle-ci fait partie intégrante de l'ordre juridique du for.
1111 Dans la doctrine, voy. notamment: P. ARMINJON, « Les systèmes juridiques complexes et les con-
flits de lois et de juridictions auxquels ils donnent lieu», Recueil des cours, vol. 74 (1949), 73; R. DE
NovA, « Les systèmes juridiques complexes en droit international privé», Revue (1955), 1;
F. R!GAUX, La théorie des qualifications, n° 5 220-223.
Cette double solution est aujourd'hui prévue dans de nombreuses conventions éla-
borées par la Conférence de La Haye de droit international privé.
1111D'après l'article 1er, avant-dernier alinéa, de la Convention du 5 octobre 1961 sur les conflits de
lois en matière de forme des dispositions testamentaires et d'après l'article 11 de la Convention du
15 novembre 1965 concernant la compétence des autorités, la loi applicable et la reconnaissance
des décisions en matière d'adoption, « si la loi nationale consiste en un système non unifié, la loi
applicable est déterminée par les règles en vigueur dans ce système» (texte de la Convention du
5 octobre 1961 ). À défaut de telles règles, il faut, aux termes de la première de ces deux con ventions,
déterminer la loi applicable « par le lien le plus effectif qu'avait le testateur avec l'une des législa-
tions composant ce système» ; suivant la deuxième convention, il faut rechercher « la loi ou (les)
autorités du système avec lequel l'intéressé a les liens les plus étroits ».
Certaines conventions plus récentes ont modifié la terminologie sans raucher à la solution. Il en est
ainsi de l'article 16 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obliga-
tions alimentaires, lequel vise aussi le conflit interpersonnel de droit étranger.
On trouve une dérogation à la première solution dans la Convention de La Haye du 1er août
1111
1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort. Selon l'article 19, paragraphe 3, b), la
référence à la loi de l'État de la nationalité vise la loi de l'unité de cet État dans laquelle le défunt
226 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
avait sa résidence habituelle. Ainsi, au lieu de retenir la règle de conflit interne du système plurilé-
gislatif compétent, la solution consiste à appliquer une règle subsidiaire, qui utilise un facteur ter-
ritorial de manière à se retrouver dans la première hypothèse, exposée au numéro précédent.
La référence au système avec lequel la situation a les liens les plus étroits a disparu de
certaines conventions, puis a été réintroduite dans des conventions plus récentes
1111Dans le sens d'une suppression, voy. les articles 16 à 19 de la Convention du 14 mars 1978 sur la
loi applicable aux régimes matrimoniaux et les articles 17 à 20 de la Convention du 14 mars 1978
sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages.
1111Dans le sens d'une réinsertion, voy. l'article 19 de la Convention de La Haye du 1er août 1989 sur
la loi applicable aux successions à cause de mort, ou l'article 47 de la Convention de La Haye du
19 octobre 1996 en matière d'autorité parentale et de mesures de protection des enfants
Les codifications nationales présentent des solutions variées.
En Belgique, le Code de droit international privé s'aligne sur le droit comparé en désignant les
1111
règles de conflit interne de lois du droit étranger et, à défaut de telles règles, par la référence au sys-
tème avec lequel la situation a les liens les plus étroits (art. 17, § 2).
1111 Alors que l'article 12, paragraphe 5, du Code civil espagnol se borne à donner compétence aux
solutions internes de l'État étranger dans lequel coexistent plusieurs systèmes législatifs, en Autri-
che le paragraphe 5, (3) LDIP, en Allemagne le nouvel article 4, alinéa 3, EGBGB et en Italie
l'article 18 LDIP prévoient en outre qu'en cas de lacune du système étranger il faut appliquer
« l'ordre juridique partiel avec lequel existe le rapport le plus fore" (ou le plus étroit). En ex-You-
goslavie, l'article 10 LDIP contient les solutions les plus élaborées. Il prévoit d'abord le rattache-
ment immédiat« à une unité juridique déterminée" de l'État étranger (voy. supra, n ° 6.8), à défaut
de quoi il prévoit les mêmes solutions que la loi autrichienne.
Les hypothèses les plus intéressantes sont celles où le législateur étranger a mis en
vigueur des dispositions nouvelles d'application immédiate (par exemple, modification
des effets des contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle), voire rétroacti-
ves (par exemple, validation d'un acte juridique nul en vertu de la loi sous l'empire de
laquelle il a été accompli ou, au contraire, annulation d'actes valables selon les disposi-
tions qui les régissaient au moment où ils ont été faits).
Il est généralement enseigné aujourd'hui que le caractère rétroactif de la loi étran-
gère compétente doit, en principe, être respecté sous la réserve générale de l'exception
d'ordre public. La rétroactivité n'est pas comme telle contraire à l'ordre public, il y a seu-
lement lieu de vérifier si la solution particulière de droit transitoire étranger n'est pas
incompatible avec l'ordre public.
L'article 9, alinéa ier, de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la
Ill!
reconnaissance de la validité des mariages inclut expressément la reconnaissance des mariages
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 227
ayant fait l'objet d'une validation rétroactive, en assimilant au mariage« qui a été valablement con-
clu selon le droit de l'État de célébration» celui « qui devient ultérieurement valable selon ce
droit».
6.11 - Interaction d'un conflit mobile et d'un conflit transitoire - Au cas où la situa-
tion a rompu les liens qui l'unissaient au droit étranger applicable, il n'est sans doute
plus justifié d'appliquer les dispositions de ce droit postérieures à la rupture.
Les cas rencontrés dans la jurisprudence concernent la détermination du droit
applicable au régime matrimonial de personnes qui ont quitté leur pays d'origine sans
esprit de retour, le contenu de ce droit ayant changé depuis ce départ.
Ill Des décisions françaises ont écarté l'application du Code de la famille roumain du 4 janvier
1954, au régime matrimonial d'époux d'origine roumaine ayant quitté leur pays bien avant l'entrée
en vigueur de la loi nouvelle. Voy. notamment: Fort-de-France, 21 juin 1962, Braescu, Revue (1963),
724, note G. DROZ; Seine, 18 avril 1966, Cismigiu, ibid. (1967), 323, note PATARIN; et pour l'interpré-
tation de ces décisions, et d'aurres développements: F. RIGAUX, Recueil des cours, vol. 117 (1966), 404
et s.; P. GRAULICH, v 0 « Conflit de lois dans le temps», n° 5 109 et 110, Répert. Dalloz (1968);
P. COURBE, précité n ° 5.22, 236 et S.
1111 En Allemagne, il existe une jurisprudence abondante sur les réfugiés d'origine tchécoslovaque
de la région des Sudètes, mariés avant 1938 sous le régime matrimonial de leur pays d'origine et
qui n'ont pas été soumis aux dispositions du droit tchécoslovaque postérieures à leur établisse-
ment dans la République fédérale. C'est la solution donnée au conflit mobile (application de la loi
du premier domicile conjugal ou de la loi nationale au moment de la célébration du mariage, voy.
infra, n° 12.71) qui suscite la difficulté. La jurisprudence tend à pétrifier le droit étranger applicable
en l'état qu'il présentait au moment de la concrétisation du facteur de rattachement (Versteinerungs-
theorie) et à négliger ses modifications ultérieures, même si celles-ci n'ont pas un caractère rétroac-
tif, telle la modification du régime matrimonial pour l'avenir.
Toute différente est l'hypothèse d'une disposition étrangère rétroactive qui, après le
changement d'éléments de fait caractéristiques, entend saisir une situation désormais
soustraite à sa compétence.
228 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
L'exemple classique est celui d'un décret espagnol ayant rétroactivement validé la réquisition de
1111
meubles corporels après que ceux-ci avaient été transportés en France. Sans qu'il ait à vérifier si
cette disposition est contraire à l'ordre public, le juge français doit constater que la compétence
dévolue au droit espagnol en qualité de lex rei sitae cesse de s'exercer après que les meubles ont
quitté le territoire espagnol. Voy. en France: Cass. civ., 14 mars 1939, Potasas ibericas, Revue (1939),
280 et, pour un commentaire plus approfondi, F. RIGAUX, Droit public et droit privé, § 120.
Ici aussi, les données du conflit transitoire dépendent de la solution apportée à un conflit mobile.
En matière de propriété mobilière il est généralement admis que le déplacement des meubles cor-
porels entraîne le changement du droit applicable. Dès lors, quand les meubles ont été transportés
d'un pays dans un autre, la technique de la rétroactivité de la loi ne permet pas au législateur du
premier pays de prendre à l'égard des meubles déplacés une disposition qui puisse être déclarée
applicable dans le second.
§2 LA THÉORIE DU RENVOI
6.12 - Bibliographie
Outre l'ouvrage de base de Ph. FRANCESCAKIS, La théorie du renvoi et les conflits de systèmes en droit inter-
national privé (Paris, 1958), et la bibliographie, voy.: G. BEITZKE, « Rück- und Weiterverweisung im
Internationalen Deliktsrecht? », Walter Wilburg zum 70. Geburtstag (1975), 31-39; A. BRJGGS, « In
praise and defence of renvoi», I.C.L.Q. (1998), 877-884; R. DE NovA, « Il rinvio in Froland e
Boullenois », Dir. int. (1966), 361 ; J. DERRUPPÉ, « Plaidoyer pour le renvoi», Trav. Comité fr. d.i.p.
(1964-1966), 181 ;J. FOYER,« Requiem pour le renvoi?», Trav. Comité fr. d.i.p. (1980-1981), 105-133;
0
F. FRANCESCAKIS, La théorie du renvoi en droit international privé (Paris, Sirey, 1958) ; Io., V Renvoi, Rép.
Dalloz (1968); W. GoLDSCHMIDT, « Renvoi Revisited en la jurisprudencia espanola », Rev. der. int. y
ciencas dipl. (1959), 51-60; E. GRAUE, Internationales Privatrecht, Rück- und Weiterverweisung (Berlin,
Schweitzer Verlag, 1981); R. GRAVESON,« Le renvoi dans le droit anglais acruel »,Revue (1968), 259;
P. HERZOG,« Régime matrimonial et renvoi dans deux décisions de la Cour suprême de New York»,
Revue (1968), 607 ;J.-M.JACQUET, « La fonction supranationale de la règle de conflit de lois »,Recueil
des cours, vol. 292 (2001), 147-248; W. KAssrn, Réflexions sur le renvoi en droit international privé comparé
(Bruxelles, Bruylant, 2002) ; G. KEGEL, Die Grenze von Qualifikation und Renvoi im internationalen Verfah-
rungsrecht (Opladen, 1962); Y. LEQUETTE, « Le renvoi de qualification», Mélanges Holleaux (Paris,
Litec, 1990); Io., v «Renvoi», Répert. Dalloz (1998); K. LIPSTEIN, « Unusual bedfellows - Renvoi
0
and foreign characterization joined together », Mélanges Siehr (La Haye, Asser, 2000), 405-412;
P. LOUIS-LUCAS,« Vue simplifiée du renvoi », Revue ( 1964), 1 et s. ; P. MAYER,« L'État et le droit inter-
national privé», Rev. Droits (1993), 33-44; L. MIGLIORJNO, « La questione del rinvio e le soluzioni
accolte nelle convenzioni internazionali », Riv. dir. int. priv. proc. (1996), 499-512; J. NAVARRETE, El
reenvio en el derecho internacional privado (Ed. jur. de Chile, 1969) ; P. P!CONE, « La teoria generale del
diritto internazionale privato nella legge italiana di riforma della mate ria», Riv. dir. int. (1996), 289-
364; P. REICHART, Der Renvoi im schweizerischen IPR (Zürich, Schulthess, 1996) ; A. SCHNITZER, « Der
Renvoi, Rück- und Weiterverweisung im Internationalen Privatrecht », Schweizerische Juristenzeitung
(1973), 213-219; D. E. SEIDELSON, « Americanization of Renvoi», Duquesne L.R. (1968-69), 201;
M. SoNNTAG, Der renvoi im internationalen Privatrecht(Tübingen, Mohr, 2001); E. SPIRO, « The Proper
Law of the Contract and Renvoi : Further Comments on the Amin Rasheed Shipping Case », 33
I.C.L.Q. (1984), 199-202; S. TONOLO, Il rinvio di qualificazione nei conflitti di leggi. (Milan, Giuffrè, 2003),
331 p.; A. VON MEHREN, « The Renvoi and its Relation to Various Approaches to the Choice-of-Law
Problem », Mélanges Yntema, 380 et s. ; D. WUNDERLICH, « Die versteckte Rückverweisung im Inter-
nationalen Privatrecht », Festschrift fùr Oskar Miihring (1973), 27-39.
Voy. en outre la résolution de l'Institut de droit international sur « La prise en compte du droit
international privé étranger »,Annuaire, vol. 68-II, (1999), 370,Revue (2000), 135.
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 229
6.14 - Renvoi simple, au premier ou au second degré - Sous sa forme classique, telle
qu'elle a été perçue par la jurisprudence à l'origine, la technique du renvoi vise un retour
au droit matériel du for, effectué par la règle de rattachement étrangère.
111 Ainsi, lorsque la règle du for utilise le facteur de la nationalité et que la règle étrangère utilise le
facteur du domicile, le droit matériel du for est appliqué à l'étranger domicilié sur le territoire du
for. Tel fut le cas dans l'affaire Bigwood.
Il dépend du contenu de la règle de rattachement étrangère de renvoyer au droit du
for ou à un droit étranger. Dans le second cas, la doctrine parle d'un « renvoi au second
degré».
1111Ainsi, lorsque, dans le cas précédent, l'étranger est domicilié dans un troisième État, le droit de
celui-ci est alors désigné. Il en irait de même, devant une juridiction belge, de la succession mobi-
lière d'un Français domicilié et décédé en Espagne : la règle du for désignerait le droit espagnol
comme droit du dernier domicile du défunt, mais la règle de rattachement espagnole désignerait le
droit français comme droit de la nationalité du défunt.
1111 La distinction faite entre le « renvoi au premier degré » (renvoi au sens strict) et le « renvoi au
second degré» (qui, en réalité, transfère la compétence au droit d'un État tiers) est d'une qualité
terminologique douteuse. Les expressions étrangères sont beaucoup plus correctes, qui distin-
guent, d'une part, rinvio indietro, Rückverweisung, remission, terugverwijzing (renvoi au sens strict) et,
de l'autre, rinvio altrove, Weiterverweisung, transmission, verderverwijzing (renvoi au second degré).
6.15 - Double renvoi - Le double renvoi (ou Foreign Court theory) offre une variante qui
centre le raisonnement sur la solution qu'adopterait une juridiction étrangère, celle du
pays dont le droit a été désigné par la règle de rattachement du for. Lors de l'appréciation
de cette solution, l'on tient compte de l'application que ce juge pourrait être amené à
faire de la technique du renvoi.
1111 Pour exposer ce système, pratiqué au Royaume-Uni, il suffit de présenter deux affaires soumises
en 1930 à la Chancery Division.
Dans une première espèce (in re Ross), le problème concernait la succession mobilière d'une Britan-
nique domiciliée en Italie. Parti de la règle de conflit anglaise donnant compétence à la loi du der-
nier domicile, le juge anglais applique la règle de conflit italienne qui (du point de vue du for
anglais) renvoie à la loi anglaise, loi nationale. À cette époque, la jurisprudence italienne refusait
d'appliquer le renvoi, ce qui explique que la règle italienne ait renvoyé directement au droit du for.
Devant statuer sur la légitimité de l'enfant issu d'un Britannique domicilié en Allemagne (in re
Askew), et après avoir constaté que sa règle de conflit désignait le droit allemand, droit du domicile,
la même juridiction a pris en considération les dispositions de conflit de lois de ce droit. Toutefois,
la partie du droit allemand applicable n'est pas seulement l'article 19 EGBGB qui, à l'époque, ren-
voie au droit anglais, droit de la nationalité, mais aussi l'article 27 EGBGB qui, complétant la pre-
mière disposition, enjoint au juge allemand de faire lui-même application du renvoi. Suivant sur ce
point l'indication qu'il trouve dans le système étranger, d'abord déclaré applicable en vertu de sa
règle de conflit, le juge anglais s'inspire de ce qu'aurait, à sa place, fait un juge allemand: il applique
donc l'article 19 EGBGB, qui donne compétence au droit anglais, droit de la nationalité, et
l'article 27 EGBGB, qui accepte le renvoi du droit anglais au droit allemand. Au terme de ce
« double renvoi», qui annule les effets d'un renvoi simple, le juge britannique revient au droit
matériel allemand, solution qui, pour le juge allemand, résulte d'un renvoi simple.
Voy. in re Annesley [1926] Ch. 692; in re Ross [1930] I Ch. 389; in re Askew [1930] II Ch. 259.
Dans la jurisprudence ultérieure, voy.: Re Duke of Wellington [1947] Ch. 506; [1947] 2 Ali E.R. 854
(application d'un simple renvoi, le juge anglais ayant constaté que le droit espagnol ne fait pas
application du renvoi); In the Estate ofFuld (N° 3) [1968] P. 675, [1965] 3 Ali E.R. 776 (application de
l'article 27 EGBGB).
Ill Dans la jurisprudence française, l'arrêt de Marchi, du 7 mars 1938, fait aussi application d'un
double renvoi (voy. F. RIGAUX, La théorie des qualifications en droit international privé, Bruxelles, Larcier,
1956, n° 200).
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 231
6.16 - Renvoi conditionnel- Il arrive que la règle de rattachement du for limite la réfé-
rence à la règle de rattachement étrangère au cas où celle-ci prévoit un facteur de ratta-
chement déterminé. Lorsque cette condition n'est pas remplie, le droit matériel étranger
désigné par la règle du for est appliqué.
Ill Ainsi, selon l'article 7 de la directive 88/357 du 22 juin 1988 relative à l'exercice effectif de la
libre prestation de services d'assurance directe autre que l'assurance sur la vie (j.O.C.E., 1988, L 172,
voy. infra, n ° 14.92), le droit normalement applicable est celui du pays dans lequel le risque est loca-
lisé - le plus souvent le pays de la résidence habituelle du preneur-, mais les parties peuvent choi-
sir le droit d'un autre pays si un tel choix est admis par le droit du pays du risque.
L'on peut aussi donner cette qualification aux solutions qui s'attachent à concilier les facteurs
Ill!
de la nationalité et du domicile en matière de statut personnel, infra, chap. 12.
Ce renvoi présente un « caractère substantiel » - par analogie avec des règles de rat-
tachement ayant ce caractère (voy. supra, n ° 3.58) - parce qu'il est pratiqué en fonction
du contenu même du droit désigné. Il traduit une politique législative portant sur le con-
tenu des règles de rattachement. En effet, la règle de rattachement étrangère n'est appli-
quée que si elle répond à une intention précise du législateur du for quant au droit
applicable, alors que la technique du renvoi simple n'a pas égard à une telle politique,
étant appliquée mécaniquement quel que soit le contenu de la règle étrangère de ratta-
chement. Toutefois, à la différence d'une règle de rattachement de caractère substantiel,
le renvoi conditionnel ne porte pas sur une politique de droit matériel qui prenne en
compte le contenu des règles matérielles désignées. Pour ce motif, l'expression« renvoi de
caractère substantiel » peut prêter à équivoque.
droit du for non plus la règle de rattachement (ce qui conduirait à un cercle vicieux) mais
une disposition de droit matériel.
La variante du double renvoi ne récuse pas les observations précédentes, mais elle y
ajoute la conception qu'a le droit international privé étranger de la technique du renvoi.
Lorsque celui-ci ignore cette technique, le raisonnement conduit au même résultat que le
renvoi simple (au premier ou au second degré, selon les cas). Lorsqu'il admet cette techni-
que, le résultat est celui qui aurait été obtenu en l'absence de toute technique de renvoi.
La variante du renvoi conditionnel ajoute aux constantes du renvoi simple une con-
dition ayant égard au contenu de la règle de conflit étrangère.
6.18 - Objectifs de la théorie du renvoi - Selon l'analyse qu'en a donnée la doctrine plus
que la jurisprudence, la théorie du renvoi est apte à poursuivre quatre objectifs.
L'objectifle plus ancien consiste à juger inconcevable l'application du droit matériel
étranger déclaré incompétent selon la règle de conflit du même pays : en désignant un
droit autre que le sien, le législateur étranger manifesterait le refus de voir appliqué son
propre droit, qui devrait être obéi au nom du respect de la souveraineté étrangère.
1111 Cet argument a été présenté par Westlake lors de travaux de l'Institut de droit international, en
1900 (Annuaire, vol. 18, 1900, 166, cité par BATIFFOL et LAGARDE, t. l", n ° 304).
Un deuxième objectif, avancé le plus largement, est la faveur de l'harmonie interna-
tionale des solutions: en suivant le renvoi opéré par le droit étranger, le juge saisi aligne
sa solution sur celle qui aurait été retenue dans l'État étranger.
Un troisième objectif, auquel la doctrine s'est résignée, concerne les avantages prati-
ques de la technique du renvoi: le renvoi au premier degré - mais non le renvoi au
second degré - permet au juge saisi d'appliquer un droit qu'il connaît mieux que le droit
étranger.
1111 Cet objectif est celui du« renvoi-expédient» que certains auteurs ont résolu de rolérer. C'est à ce
titre que s'y est rallié en France J. Maury: en appliquant les règles de droit matériel auxquelles il est
accoutumé, le juge a plus de chance d'arriver à une solution correcte. Dès 1910, la Chambre des
requêtes s'est déclarée sensible à cet argument qui sera exploité plus tard par Lerebours-Pigeon-
nière et par Niboyet.
Dans l'arrêt du 1er mars 1910 (Soulié, D.P., 1912,1, 262, Clunet, 1910, 888), la chambre des requêtes a
vu dans le renvoi un moyen d'appliquer le droit français aux étrangers domiciliés en France. Cet
avantage de l'assimilation des étrangers sera, plus tard, exploité par Niboyet (t. 1, 571 et s.; t. III,
457 et s.) et parfois explicitement avoué par la jurisprudence (Paris, 20 octobre 1951, Michaud c.
Michaut, Clunet, 1952, 188, note TAGER).
1111 Comp. la théorie ingénieuse proposée par Lerebours-Pigeonnière, d'après laquelle le droit du
for n'accepte pas le renvoi, mais s'applique à titre subsidiaire, une fois que le droit étranger a
décliné sa propre compétence (« Observations sur la question du renvoi», Clunet, 1924, 877;
LEREBOURS-PIGEONNIÈRE et LOUSSOUARN, n° 5 362-368). Cette explication a été abandonnée par LOUS-
SOUARN et BOUREL, n ° 208.
1111 Comp. l'« explication du renvoi par la notion de coordination des règles de conflits» (BATIFFOL
et LAGARDE, t. 1, n ° 304), ces auteurs étant également sensibles à l'avantage procuré par l'applica-
tion du droit matériel interne du for (ibid., n° 305).
for: il serait contraire à un tel objectif d'appliquer ce droit dans le cas où cet État s'y
opposerait sur son territoire.
Voy. en ce sens: BUCHER et BONOMI, n ° 422; BATIFFOL et LAGARDE, t. rer, n ° 311: « La coordina-
1111
tion des règles de conflit n'est souhaitable que si elle correspond au fondement et à l'objectif de la
règle de conflit", évoquant l'appui de l'article 4 EGBGB.
Ill!Le renvoi conditionnel peut être vu comme une règle poursuivant un tel objectif Dans le cas de
la directive concernant le contrat d'assurance, on peut estimer que le législateur communautaire a
voulu laisser un certain champ au principe d'autonomie que la règle uniforme condamne dans son
principe. En ce sens, la technique du renvoi exprime un malaise du législateur quant au contenu de
la règle de rattachement du for.
1111Une appréciation analogue peut être faite à propos de la conciliation des facteurs de la nationa-
lité et du domicile (voy. infra, n ° 6.24).
en vigueur en Belgique. Voy., à propos de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi
applicable aux régimes matrimoniaux, ratifiée par les Pays-Bas: Civ. Gand, 31 mars 1994, T Not.
(1994), 479, note F. BoucKAERT; Civ. Termonde, 27 juin 1997, T Not. (1997), 410, note F.
BoucKAERT; Rev. gén. dr. civ. (1998), 140, note C. DE BussCHERE. Voy. également ci-dessous, l'arrêt de
la Cour de cassation du 17 octobre 2002.
Pour un cas où le juge belge a considéré la règle étrangère non pour le motif que le droit de ce
1111
pays a été désigné par la règle de rattachement belge, mais pour le motif que le droit étranger est
également intéressé au litige parce que l'acte privé a été passé sur son territoire, à propos de la
reconnaissance d'un enfant, voy.: Liège, 20 décembre 1988, ].L.M.B. (1989), 454; Civ. Liège,
20 décembre 1991, Rev. trim. dr. fam. (1992), 394; 9 janvier 1992, Rev. trim. dr. fam. (1992), 397;
comp., du même tribunal, utilisant la technique classique du renvoi simple: Civ. Liège, 2 juin 1992,
Rev. trim. dr. fam. (1992), 400.
1111Le renvoi peut jouer dans le cas où la règle étrangère utilise un facteur autre que celui du domi-
cile, par exemple la nationalité de la mère en matière de reconnaissance d'enfant (Civ. Liège, 2 juin
1992, précité), la nationalité de l'adoptant (Civ. Liège, 23 janvier 1998, Rev. trim. dr. fam., 1998, 665,
note J.-Y. CARLIER), le lieu de célébration du mariage (Bruxelles, 18 octobre 1988, ].L.M.B., 1989,
348), voire la loi nationale du mari (Civ. Anvers, 29 mars 1984, T Not., 1985, 308, note]. ERAuw).
En matière de sociétés, pour un renvoi vers la loi du pays de constitution en vertu de la règle de rat-
tachement suisse du lieu d'établissement, voy. : Anvers, 17 juin 2003, fur. Anvers (2003), 123, aux
fins de localisation du domicile au sens de l'article 5 de la Convention de Bruxelles.
Après avoir rendu plusieurs arrêts à l'interprétation malaisée, la Cour de cassation a
définitivement tranché en faveur de la technique du renvoi le 17 octobre 2002 (Echtschei-
dingsjournaal, 2003, 2, note M. TRAEST; Rev. trim. dr.fam., 2003, 341, note M. FALLON): est
confirmé l'arrêt d'appel qui a soumis une demande d'aliments entre époux divorcés à la
loi belge, dès lors que la loi étrangère de la dernière résidence conjugale renvoyait à la loi
belge, loi du divorce, en vertu de l'article 8 la Convention de La Haye du 2 octobre 1973
sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Est ainsi consacrée la variante du ren-
voi simple au premier degré, sans limitation à l'hypothèse type d'un renvoi de la loi natio-
234 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
repose sur une conception dépassée de la condition procédurale du droit étranger (voy. supra,
n° 6.13).
L'arrêt Bigwood II, du 14 décembre 1978 (Pas., 1979, I, 445, infra, n ° 12.97), relatif au divorce
1111
d'un couple italo-britannique, pratique le renvoi pour le statut du Britannique, alors soumis au
droit belge, mais omet toute allusion à la règle de conflit étrangère pour le statut de l'italienne,
alors que cette règle désignait à l'époque la loi nationale du mari : le renvoi aurait conduit à dési-
gner le droit anglais, lequel renvoyait à son tour au droit belge (hypothèse rare d'un renvoi au
second degré à double détente).
1111L'arrêt]osi II, du 30 octobre 1981 (Pas., 1982, I, 306, infra, n ° 15.11), concernant une action en
responsabilité civile entre Belges pour un accident survenu en Allemagne, semble exclure le renvoi
en la matière tout en formulant cette condamnation par une référence implicite au double renvoi:
alors que la cour d'appel avait appliqué le droit belge au titre de loi nationale commune des parties,
comme règle qu'auraient appliquée les tribunaux allemands, la Cour de cassation exige l'applica-
tion du droit allemand désigné par la règle de rattachement du for, qui ne souffre pas de déroga-
tion par le fait que dans un cas comme celui de l'espèce« les tribunaux allemands appliqueraient la
loi allemande ». Alors que la cour d'appel avait appliqué, sous une formulation maladroite, un ren-
voi simple au premier degré, la Cour de cassation rejette cette solution mais par une formulation
qui n'a de sens que comme une référence au double renvoi. En effet, dans le cas d'espèce, les tribu-
naux allemands auraient effectivement appliqué le droit allemand par l'effet d'un renvoi de la règle
de rattachement belge. Or, la technique du double renvoi centre le raisonnement sur celui
qu'aurait suivi le juge étranger s'il avait été saisi.
Cette position de la Cour de cassation en matière de responsabilité civile se heurte à une tendance
des juges du fond à admettre la théorie du renvoi. Voy. notamment: Anvers, 27 octobre 1999, Rev.
gén. dr. civ. (2002), 629, note]. VERLINDEN.
Ill L'arrêt du 4 novembre 1993 (Pas., 1993, I, 921), relatif à l'adoption d'un Américain originaire du
Delaware, pratique un renvoi simple au premier degré. L'arrêt utilise sans ambages une formula-
tion typique du renvoi. Cependant, malgré l'ampleur de sa formulation, la portée de l'arrêt ne sau-
rait être étendue au delà des éléments de l'espèce, qui concernaient un conflit interne de lois (voy.
infra, n° 12.127).
6.20 - Le renvoi selon les codifications nationales - En droit comparé, la position sur le
renvoi est partagée, reflet des hésitations de la doctrine à ce propos.
Plusieurs codifications récentes se prononcent en faveur du renvoi comme principe,
tout en l'excluant en matière de contrats, en raison du contenu de la règle de rattache-
ment, qui consacre l'autonomie de la volonté des parties.
Ill!En Autriche, la consécration du renvoi est absolue (§ 5 LDIP). Dans plusieurs pays, elle est limi-
tée au renvoi au premier degré (art. 12, § 2, C. civ. espagnol; art. 2, al. 3, LDIP turque; § 4, LDIP
hongroise; art. 6, 2, LDIP yougoslave). En Italie, elle vaut pour le renvoi au premier degré ainsi que
lorsque le droit d'un État « accepte ce renvoi » par la règle étrangère, mais elle connaît certaines
nuances: elle ne vaut pas lorsque le droit étranger est désigné en vertu de l'autonomie de la
volonté, ni à propos de la forme des actes ni en matière de responsabilité civile. En matière de filia-
tion, le législateur consacre un renvoi conditionnel, le renvoi n'ayant lieu que s'il favorise l'établis-
sement de la filiation (art. 13 LDIP).
1111 L'exclusion du renvoi en matière de contrats a du sens lorsque le droit étranger a été désigné en
vertu du choix opéré par les parties, étant alors entendu que ce choix ne porte raisonnablement que
sur des règles matérielles, non sur des règles de rattachement. Lorsque le rattachement subsidiaire
se détache de toute recherche de volonté hypothétique pour retenir une localisation objective du
contrat, cet argument n'est pas fondé, mais la solution peut alors se prévaloir du principe de proxi-
mité. La Convention de Rome du 19 juin 1980 exclut le renvoi (voy. ci-dessous, n ° 6.21).
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 235
6.21 - Le renvoi selon les actes internationaux - La plupart des conventions de La Haye
écartent expressément l'application du renvoi.
Ill La formulation de l'exclusion a évolué. Dans un premier temps, elle résultait implicitement de
la désignation, par la règle de rattachement, de « la loi interne». Par exemple, cette formule appa-
raît dans les articles 2 à 4 de la Convention du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à carac-
tère international d'objets mobiliers corporels, dans l'article 1er de la Convention du 5 octobre
1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires ainsi que dans les
articles 3, 4 et 6 de la Convention du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.
L'expression « loi interne» n'est pas satisfaisante pour désigner le droit matériel à l'exclusion des
règles de conflit de lois, alors que, selon la terminologie usuelle, elle signifie plutôt, soit le droit éta-
tique mis en relation avec le droit international, soit le droit du for par opposition au droit étran-
ger (voy. supra, n ° 1.24), mais jamais une subdivision du droit déclaré applicable.
Ill Depuis la Convention du 1cr juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, les
dispositions sur la loi applicable utilisent le mot «loi», la portée de ce concept étant précisée
comme suit: « Au sens de la convention, le terme« loi » désigne les règles de droit en vigueur dans
un État à l'exclusion des règles de conflit de lois» (art. 17). Cette formulation s'inspire de la Con-
vention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dont
l'article 15 précise que les règles de droit en vigueur dans le pays dont la loi est déclarée applicable
doivent s'entendre« à l'exclusion des règles de droit international privé ».
Il est exceptionnel qu'une convention prévoie expressément l'application du renvoi.
Ill On peut citer en ce sens une disposition commune à l'article 2 de la Convention de Genève du
7 juin 1930 destinée à régler certains conflits de lois en matière de lettres de change et de billets à
236 lA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
ordre, et à l'article 2 de la Convention de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains conflits
de lois en matière de chèques (voy. infra, n ° 14.142). Aux termes de la deuxième phrase de l'alinéa
ier de chacun de ces deux articles, si la loi nationale de la personne qui s'engage « déclare compé-
tente la loi d'un autre pays, cette dernière loi est appliquée». Cette formule large inclut le renvoi au
second degré.
11111 Une application intéressante du renvoi apparaît dans l'article 43, alinéa 1er, de la Convention de
Washington du 18 mars 1965, pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre
États et ressortissants d'autres États (voy. infra, n ° 14.24). Selon cette disposition,« Le tribunal sta-
tue sur les différends conformément aux règles de droit adoptées par les parties. Faute d'accord
entre les parties, le tribunal applique le droit de l'État contractant partie au différend - y compris
les règles relatives aux conflits de lois - ainsi que les principes de droit international en la
matière».
(non en vigueur) admet le renvoi lorsque le droit étranger désigne la loi d'un État qui serait égale-
ment désignée par la règle de conflit de cet État (art. 4). Cette approche vise à faire céder la règle du
for devant une convergence des solutions selon les droits des pays avec lesquels la situation pré-
sente les liens les plus étroits. Elle appelle à cet égard l'analogie avec la fonction d'une clause
d'exception.
Ce procédé a été repris dans la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 sur la protection des
enfants (art. 21, § 2).
tion de la loi [étrangère], la cour d'appel eût dû constater que cette loi renvoyait à la loi
du divorce».
IllEn France, dans le même sens, voy.: Cass. civ. (F' ch.), 21 mars 2000, Ballestrero, Revue (2000),
399, note B. ANCEL.
Autre est la question de l'interprétation de la règle étrangère de rattachement. Elle
relève de la condition de cette règle comme une partie intégrante du droit étranger et, à ce
titre, suit la condition de ce droit. Il en découle que le facteur de rattachement utilisé par
la règle étrangère se définit selon le droit étranger.
1111 Ainsi, savoir comment interpréter le « domicile » lorsque cet élément est retenu par le droit du
Royaume-Uni, dépend de ce droit (voy. supra, n ° 5.65). Pour une interprétation exemplaire du domi-
cil oforigin du droit anglais, voy. : Bruxelles, 1er juin 1982, Rev. trim. dr. fam. (1983), 173, note H. WYC-
KAERT.
1111 Une détermination de la condition procédurale du droit étranger applicable selon les principes
que prévoit le droit international privé désigné par le droit du for, est dans la logique du renvoi.
Pourtant, en France, la Cour de cassation s'y est refusée (Cass. civ., 11 juin 1996, Agora Sopha, Revue,
1997, 65, note P. LAGARDE): il est indifférent que le juge étranger établisse d'office le contenu du
droit étranger. La solution qui procéderait de cette logique, à savoir que l'office du juge saisi varie-
rait selon le système juridique auquel est empruntée la règle de conflit renvoyante, est sans aucun
doute singulière (LAGARDE, précité, p. 68). Cette critique fondée met plutôt l'accent sur une fai-
blesse de la théorie même du renvoi (voy. infra, n ° 6.26).
Enfin, savoir si le renvoi porte aussi sur la qualification d'une institution juridique,
dépend de la conception du droit international privé du for sur la « théorie des
qualifications».
Pour une présentation du « renvoi de qualifications », voy. : Y. LEQUEITE, « Le renvoi de
1111
qualifications», Mélanges D. Holleaux, 249-262. Pour une application en France, voy. : Paris, 3 mars
1994, Mobil, Revue (1994), 533, note B. ANCEL, ].C.P. (1995), II, 22367, note H. MuIR WATT, D.S.
(1994), Somm., 355, note B. AUDIT, admettant dans son principe - sauf si les parties ont choisi le
droit applicable - une qualification procédurale de la prescription selon le droit anglais applicable
au contrat.
Cette forme de renvoi ne se distingue pas de la théorie de la « qualification lege causae » et appelle,
par conséquent, la même critique (voy. infra, n ° 7.12).
rait avoir pour effet de proroger la compétence du tribunal belge qui, à défaut d'accepter cette pro-
rogation, créerait « une sorte de déni de justice». Pareil raisonnement est vicié s'il signifie que le
juge saisi est désigné au moyen du critère de compétence prévu par le droit étranger. Il est accepta-
ble s'il consiste à compléter les règles de compétence internationale d'un for de nécessité (voy. infra,
n ° 9.15).
Savoir si la règle de rattachement du for est apte à désigner, dans le droit étranger,
une règle de compétence internationale, doit recevoir une réponse négative, pour deux
types de motifs. D'abord, le procédé est inconciliable avec la nature de la règle de compé-
tence internationale, pour le motif évoqué ci-dessus : pas davantage qu'une règle du for
ne pourrait attribuer compétence à une juridiction étrangère, aucune règle étrangère ne
saurait le faire à propos d'une juridiction nationale. Ensuite, lorsque la règle de compé-
tence internationale est de caractère alternatif, comme c'est normalement le cas (voy.
infra, n ° 9.7), celle-ci est impuissante à identifier le droit applicable avec toute la précision
reqmse.
1111 L'application d'une règle de compétence du droit étranger est pourtant observée en cas de
« renvoi latent»(« hidden renvoi», selon E. ScoLES, P. HAY, P. BoRCHERS et S. SYMEONIDES, Conflictof
laws, St Paul Minn., West Pub!., 2004, § 3.14, note 4), ou « versteckte Rückverweisung » selon
J. KROPHOLLER, Internationales Privatrecht, Tübingen, Mohr, 2001 § 25): chaque fois que le juge
étranger compétent aurait appliqué sa propre loi, on peut voir dans la règle de compétence étran-
gère la formulation indirecte d'une règle de rattachement.
L'utilisation du renvoi latent est constante dans la jurisprudence, singulièrement à propos du
divorce de Britanniques domiciliés en Belgique. Il est cependant douteux que cette caractéristique
du droit international privé du Royaume-Uni ait été aperçue. Il en va de même de l'arrêt de la Cour
de cassation du 4 novembre 1993, concernant l'adoption d'un Américain originaire du Delaware
(voy. infra, n° 12.127).
Toute autre est la question de savoir si la règle de rattachement du for est apte à
désigner, dans le droit international privé étranger, une règle sur la reconnaissance des
décisions étrangères : chaque fois du moins que le juge saisi identifie dans le droit étran-
ger, au lieu d'une règle de conflit de lois, une règle de compétence indirecte permettant
d'assurer la reconnai_ssance de la décision à intervenir, la prise en considération de cette
règle est de nature à assurer efficacement une harmonie internationale des solutions.
Ili!En Belgique, la Cour de cassation (29 novembre 1994, Roch, Pas., 1994, I, 778; Rev. trim. dr. fam.,
1994, 517, note M. FALLON,j.L.M.B., 1995, 516, note M. LIÉNARD-LIGNY, R W., 1994-1995, 1330, note
J. MEEUSEN, T Not., 1995, 363, note K. WAUTERS-LAMBEIN) a refusé nettement cette méthode de
raisonnement: elle a cassé la décision qui avait admis le divorce d'un Irlandais que la règle de ratta-
chement du for soumettait au droit irlandais, après avoir constaté que le jugement rendu en ce sens
serait reconnu en Irlande dès lors qu'il aurait été prononcé dans le pays du domicile. Pour l'utilisa-
tion de cette méthode en matière d'adoption, voy.: Bruxelles, 2 avril 1980, Pas. (1980), II, 79, Rev.
trim. dr.fam. (1981), 169, note K. LENAERTS; Civ. Bruges, 7 juin 1994, T Not. (1994), 457.
atteinte que si, soit dans l'État de la nationalité, soit dans l'État du domicile, le juge
applique sans renvoi le droit désigné par la norme primaire de droit international privé
tandis que, dans l'autre État, il est arrivé à la même solution par l'effet du renvoi.
En cas de renvoi au second degré, l'harmonie des solutions peut être atteinte puis-
que les pays rattachant le statut personnel soit à la loi nationale, soit à la loi du domicile,
préfèrent à leur propre solution de rattachement la solution vers laquelle convergent res-
pectivement les normes primaires du pays de la nationalité et celles du pays du domicile.
Cependant, un résultat identique peut être obtenu au moyen d'une autre technique, celle
du respect des droits acquis à l'étranger (voy. infra, n ° 6.38).
Il J. MAURY (548-549) approuve le renvoi au second degré « lorsque le droit qui renvoie et celui
auquel il est renvoyé sont d'accord sur la compétence de celui-ci : on a alors la certitude d'une har-
monie juridique qui, pour n'être pas forcément absolue, n'en a pas moins une grande valeur
pratique"·
Maury s'est référé à un exemple imaginé par Raape et que celui-ci opposait tel un « rocher de
bronze " aux adversaires du renvoi : un homme épouse sa nièce à Moscou, lieu de leur domicile ;
tous deux sont suisses. Le mariage est valable d'après le droit russe déclaré compétent, et par la
règle de conflit soviétique, et par la règle de conflit suisse. Il serait injuste, estime Raape, qu'un tri-
bunal allemand saisi ultérieurement d'une action en nullité de ce mariage, y applique, conformé-
ment à son propre système de conflit de lois, l'article 100 du Code civil suisse qui établit un
empêchement de mariage entre l'oncle et la nièce, alors que le droit du pays dont les époux ont la
nationalité décline sa propre compétence et concorde sur ce point avec le droit du pays où ils ont
leur domicile au moment de la célébration du mariage.
Sur le« rocher de bronze" de Raape, voy. cet auteur, Recueil des cours, vol. 50 (1934), 413; BATIFFOL
et LAGARDE, t. !, n ° 307; LEWALD, 59-60 ; MAURY, 548. Voy. aussi infra, n ° 6.40.
C'est à Meijers que revient le mérite, non seulement d'avoir fait sortir la doctrine du renvoi des
iill
arguties logiques où la majorité des auteurs voulaient l'enfermer, mais encore d'avoir inspiré la
Convention de La Haye du 15 juin 1955 pour régler les conflits entre la loi nationale et la loi du
domicile, Convention non en vigueur mais ratifiée par la Belgique (loi du 11 avril 1962, Monit.,
26 octobre 1966). Cette Convention résout explicitement le conflit par une règle proche du renvoi
au second degré. Quand l'État dont une personne a la nationalité et le pays sur le territoire duquel
elle est domiciliée s'accordent l'un et l'autre à rattacher le statut personnel, soit à la loi nationale,
soit à la loi du domicile, pareille convergence doit être universellement respectée. L'harmonie est,
dans cette hypothèse, aisément atteinte; elle exige de l'État du for qu'il sacrifie sa propre solution
de conflit à celle des deux États les plus intéressés à régler le statut personnel.
Par exemple, un Anglais domicilié au Danemark, pays qui, comme le Royaume-Uni, rattache lesta-
tut personnel à la loi du domicile, est soumis à cette loi, même dans des États qui, tels la Belgique,
la France ou l'Allemagne, rattachent le statut personnel à la loi nationale (Conv. du 15 juin 1955,
art. 2). Inversement, un tribunal britannique ou danois soumettra des Français domiciliés en Belgi-
que ou en Allemagne à leur loi nationale (Conv. du 15 juin 1955, art. 3).
Cette solution est logiquement impeccable. Sa supériorité sur l'application inconditionnelle de la
règle de conflit du for sans renvoi avait déjà été soulignée par Raape, suivi de Maury et de Lewald.
L'exemple imaginaire de Raape est, en effet, identique à l'hypothèse prévue par l'article 2 de la Con-
vention du 15 juin 1955.
Meijers a le plus clairement exposé sa solution dans un article intitulé « Het vraagstuk der
Herverwijzing ", Weekblad voor Privaatrecht, Notaris-ambt en Regzstratie (1938), n° 5 3555-3558, repro-
duits dans Verzamelde Privaatrechtelijke Opstellen (1955), t. 11, 366-399, et publié en français dans le
Bulletin de l'Institut juridique international (1938), 191-231.
Sur la Convention du 15 juin 1955, voy. notamment: Actes et documents de la 7e session de la Confé-
rence de La Haye, 1951; FRANCESCAKIS, précité n° 6.12, n')S 183-190; ID., « La convention de La
Haye[ ... ]», Trav. Comité fr. d.i.p. (1958-1959), 151-174; MULDER, « Enkele opmerkingen [... ]»,Mélan-
ges Kollewijn-Ojferhaus, 340-348.
Comp. les travaux de l'Institut de droit international, ayant abouti à une résolution sur« La dualité
des principes de nationalité et de domicile en droit international privé » (session du Caire,
240 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
Annuaire, 1987, vol. 1962-II, 290) : outre une recommandation à admettre une option de droit (sur
cette notion, voy. supra, n ° 3.22) en matière de régimes matrimoniaux, de successions et d'effets
personnels du mariage, le texte consacre le concept del'« échelle de Kegel » (supra, n° 3.19).
L'Institut s'est encore prononcé sur « La prise en compte du droit international privé étranger»
lors de sa session de Berlin, en 1999 (Annuaire, 1999, vol. 68-II, 370). Sur la base d'impératifs de jus-
tice, de sécurité juridique, d'efficacité, d'uniformité et de respect des attentes des parties, il estime
ne pas devoir écarter systématiquement le renvoi et pouvoir l'admettre pour un objectif distinct de
l'harmonie internationale des solutions, essentiellement un objectif de sécurité juridique. Il
approuve ainsi la technique, princip;,1ement, lorsqu'elle permet d'assurer la validité ou l'efficacité
d'un acte juridique.
Le double renvoi, quant à lui, permet de favoriser l'harmonie juridique, soit que le
juge anglais applique le renvoi simple quand l'autre pays intéressé prohibe cette solution,
soit que, grâce au double renvoi, il efface, en présence d'un pays qui pratique le renvoi
simple, la distorsion liée à la généralisation de cette solution. Mais ce procédé ne force
pas seulement à un exercice de virtuosité. Il conduit encore, comme le renvoi au premier
degré, à un cercle vicieux inextricable si les deux États intéressés s'avisaient de pratiquer
le double renvoi.
Sur l'argument du cercle vicieux provoqué par le double renvoi, voy.: DICEY-MORRJS, The conflict
1111
ofLaws (1973), chap. 6, citant l'avis du Private International Law Committee: « The English judges and
the foreign judges would then continue to bow to each other like the officers at Fontenoy».
La doctrine anglaise semble avoir suivi une évolution inverse de celle de la doctrine française : alors
que l'auteur à son époque le plus influent, Dicey, y était favorable (voy. encore DICEY-MORRIS, The
Conflict of Laws, 1973, chap. 6), les ouvrages plus récents y paraissent hostiles. Voy. notamment:
CHESHIRE & NORTH, chap. 5; MORRIS, The conflict of laws (London, Sweet & Maxwell, 2000), 515 ;
comp. l'opinion plus nuancée de GRAVESON, « The Fuld case», 15 I.C.L.Q. (1966), 937-946. Ces
auteurs qui rattachent le double or total renvoi à la Foreign Court theory y opposent le simple or partial
renvoi, tel qu'il est pratiqué en Allemagne ou en France.
IllComp. BATIFFOL et LAGARDE, t. I, n ° 309, qui, après avoir constaté le cercle vicieux, admettent le
mérite d'une théorie qui conduit à identifier l'ordre juridique compétent au cas où la compétence
du juge saisi repose sur un for exorbitant. Ce mérite peut cependant être obtenu par une méthode
distincte, qui cherche à déterminer l'ordre juridique compétent au moyen d'une règle de conflit de
systèmes (voy. infra, n ° 6.42).
L'objectif d'harmonie internationale des solutions ne se révèle pas seulement illu-
soire dans la pratique. Il néglige, au demeurant, l'interaction du renvoi et de la probléma-
tique de la reconnaissance des décisions étrangères. De fait, la technique a pu être
imaginée à une époque où une telle reconnaissance faisait difficulté : la non-reconnais-
sance à l'étranger ne présentait pas d'inconvénient majeur dès lors que le juge d'origine et
le juge requis parviendraient à la même solution quant au conflit de lois grâce au renvoi
(F. RrGAUX, Recueil des cours, vol. 213, 1989, I, 149 ; BUCHER et BoNOMI, n ° 419).
L'harmonie internationale est mieux atteinte par d'autres techniques que celle du
renvoi.
L'une est mieux à même d'assurer l'effectivité des solutions, cherchant à assurer la
reconnaissance du jugement à l'étranger.
L'autre, plus radicale puisqu'elle agit sur le contenu de la règle de rattachement du
for, tend à un accord entre les États intéressés au moyen d'un traité international.
IllAinsi, dans l'hypothèse classique du renvoi au premier degré, la Convention de La Haye du
15 juin 1955, inspirée des travaux de Meijers, prévoit que: « Tout État contractant appliquera les
dispositions du droit interne de la loi du domicile ». En réalité, la solution tranche le conflit par
une préférence pour le principe du domicile sur celui de la nationalité.
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 241
droit désigné est celui d'un État contractant, l'une des constantes de la technique - à savoir une
disparité des facteurs de rattachement - fait par définition défaut, et, lorsque ce droit est celui
d'un État tiers, le renvoi conduirait à une désignation sortant des prévisions des États contrac-
tants, altérant alors la portée de leur accord sur le droit applicable.
L'exclusion du renvoi dans une convention universaliste s'explique par l'objectif des règles
communes: par définition, l'intention est d'exprimer les règles les meilleures d'un point de vue
objectif ou conceptuel, c'est-à-dire indépendamment des contingences propres à un système étati-
que. Il est alors peu concevable d'admettre encore une disparité de législations : il est plus con-
forme à la politique du législateur international d'inciter les États tiers à adhérer aux règles
communes.
Force est d'admettre que le renvoi d'origine jurisprudentielle est souvent un alibi
permettant d'appliquer le droit matériel du for.
Si la technique vise effectivement la coordination des systèmes, il y a lieu d'être plus
attentif à l'interaction du conflit de lois et du conflit de juridictions, en prenant pour
données aussi bien la technique de la reconnaissance internationale des décisions que la
détermination de la compétence internationale.
Au lieu de poursuivre une harmonie chimérique par l'alignement de la solution de
conflit de lois du tribunal saisi sur le contenu supposé de la règle de conflit renvoyante,
LA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 243
les juges soucieux d'harmonie juridique internationale devraient être plus attentifs aux
conditions auxquelles la décision qu'ils rendront sera reconnue dans le pays auquel les
parties se rattachent par leur nationalité ou par leur domicile. Si, dans ce pays, la recon-
naissance d'un jugement étranger n'est pas subordonnée à l'application de la règle de
conflit primaire de l'État requis, l'admission du renvoi au premier degré par le juge dont
la décision doit y être reconnue est une péripétie innocente mais inutile.
Dans les cas exceptionnels où la saisine d'une juridiction est aléatoire parce qu'elle
se fonde soit sur un for exorbitant (voy. infra, n ° 9 .25), soit sur un élément qui, en raison
de l'écoulement du temps, ne correspond plus à une localisation significative de la situa-
tion, une règle de conflit de systèmes tendant à dissocier le for du jugement et le for du
raisonnement (voy. infra, n ° 6.42) paraît plus attrayante que la mécanique du renvoi.
Sur ce que les règles de rattachement fondées sur le principe de proximité « s'accommodent
1111
moins bien» du renvoi, voy. BATJFFOL et LAGARDE, n ° 311. Avec raison, ces auteurs montrent que le
renvoi est incompatible avec la règle de la localisation objective pratiquée en certaines matières
(voy., en matière de contrats, infra, n° 14.36), ou avec une clause de proximité qui, dans certaines
codifications nationales, couvre l'ensemble de la matière civile (voy. supra, n ° 3.17). Le renvoi est
toutefois admis lorsque la règle étrangère permet d'affiner la règle du for. L'appréciation de cette
condition paraît cependant délicate.
choisi par les parties, la règle ayant pour objectif premier la prévisibilité du droit applicable.
Ce critère permettrait de justifier le renvoi en présence d'une norme primaire de caractère alter-
1111
natif (sur cette modalité, voy. supra, n ° 3.59) : une règle de rattachement étrangère peut être appli-
quée au cas où, la règle matérielle étrangère refusant l'effet de droit réclamé, elle permet de désigner
une règle matérielle du for ou celle d'un autre État qui permet de valider un acte. Dans le sens pré-
244 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
cité, voy. BATIFFOL et LAGARDE, Il 311. Contra: INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL, session de Berlin,
O
pour le motif que le for ne présente pas de lien objectif suffisant avec la question en litige.
Elles tendent donc à rompre l'interaction de la compétence juridictionnelle et de la com-
pétence législative plus radicalement que la théorie du renvoi. À la différence de celle-ci,
elles dérogent à l'application de la norme primaire du for.
Outre les travaux de W. WENGLER, « Die Vorfrage im Kollisionsrecht », RabelsZ. (1934), 148-251, et
« Nouvelles réflexions sur les questions préalables», Revue (1966), 165-215, voy.: P. LAGARDE,« La
règle de conflit applicable aux questions préalables», Revue (1960), 459-484; P. Louis-LUCAS,
« Qualification et répartition», Revue (1957), 160 et s.; A. MoRAIRE, Da questaô previa em direito inter-
nacional privado (Coimbra, 1968); P. PICONE, Saggio sui/a struttura formate del problema delle questioni
preliminari ne/ diritto internazionale privato (Naples, 1971); Io., Ordinamento competente e diritto interna-
zionale privato (1986), 111-137; Io., « La méthode de la référence à l'ordre juridique compétent en
droit international privé», Recueil des cours, vol. 197 (1986), II, 303-320; Io., « Les méthodes de coor-
dination entre ordres juridiques en droit international privé», Recueil des cours, vol. 276 (1999), 9-
296 ; F. R.!GAUX, La théorie des qualifications, n ° 290-304 ; M. ScHERER, Le nom en droit international privé.
Etude de droit comparé français et allemand (Paris, LGDJ, 2004), 374 p.; T. S. SCHMIDT,« The Prelimi-
nary Question and the Question of Substitution in Conflict of Laws », Scandinavian Studies in Law
(1968), vol. 12, 91-119; F. SCHWIND, note sous OGH, 8 novembre 1972, Zeitschr. für Rechtsvergleichung
(1973), 145-148; R. SCHUZ, A modern approach to the incidental question (Dordrecht, Kluwer, 1997),
296 p. ; M. H. VAN HooGSTRAETEN, « Le droit international privé néerlandais et la question
préalable», Mélanges Kollewijn-Offerhaus, 209-225.
Voy. en outre, infra, n ° 6.31.
1. PRÉSENTATION DE LA THÉORIE
6.30 - Notion de question préalable - Par question, on entend ici une question de fait
et de droit soumise au juge saisi d'un litige. Conformément au principe dispositif, c'est
aux parties qu'il appartient de formuler de telles questions: une question est dite préala-
ble ou principale selon la place qu'elle occupe dans le procès, compte tenu de la détermi-
nation de l'objet et de la cause des demandes, défenses et exceptions, responsabilité
propre des plaideurs.
Est appelée principale, la demande qui constitue l'objet même de l'action. Avant de
statuer sur celle-ci, le juge doit vérifier si les éléments de l'hypothèse légale sont réunis. La
constatation de ce qui, dans un procès déterminé, est le fait litigieux, implique l'examen,
et parfois la discussion, de questions de droit. Ces différentes questions sont appelées
préalables parce que de la solution qu'elles recevront dépend la décision prise par le juge
sur la demande (ou question principale) dont il est saisi.
Comme exemples d'une question principale, une femme abandonnée assigne son mari en vue
Ill!
d'obtenir une pension alimentaire; un successeur agit en pétition d'hérédité; un conjoint poursuit
contre l'autre l'annulation du mariage.
L'examen d'une question préalable surgit lorsque le mari qui se défend à l'action alimentaire invo-
que la nullité du mariage ; lorsqu'à celui qui réclame une part successorale est dénié tout lien fami-
lial avec le défunt; lorsque l'action en nullité du mariage se fonde sur la bigamie, ayant elle-même
pour cause l'inefficacité du divorce par lequel un des nouveaux époux se croyait affranchi d'une
union antérieure.
246 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
6.31 - Soumission d'une question préalable à une règle de rattachement étrangère - Depuis
que W. Wengler a élaboré la théorie de la« question préalable» (Vorfrage), cette expression
désigne en droit international privé une difficulté spécifique de la matière des conflits de
lois. Il est supposé que la question principale et la question préalable relèvent de secteurs
du droit international privé qui sont scindés ou répartis entre des systèmes nationaux
différents.
IllAinsi, la question (principale) de succession fait l'objet d'une autre règle de rattachement que la
question (préalable) de légitimité. La question (principale) de validité du mariage appartient à la
matière des conflits de lois, tandis que la question (préalable) d'efficacité du divorce relève tantôt
du droit judiciaire interne, tantôt des règles sur la reconnaissance des jugements étrangers.
suite, attaquée pour le motif que le précédent mariage d'un des nouveaux époux n'a pas été réguliè-
rement dissous par le divorce prononcé dans un autre État que celui dont il est ressortissant, l'effi-
cacité de ce jugement sera appréciée conformément aux règles sur la reconnaissance des jugements
étrangers en vigueur dans l'État dont l'époux qui se prétend divorcé a la nationalité et dont le droit
régit la validité du mariage conformément à la règle de rattachement belge.
ment dans l'ouvrage de MELCHIOR, publié en 1932, qui y consacra un chapitre intitulé Vorfrage (245-
265), et dans un article de WENGLER, « Die Vorfrage im Kollisionsrecht », R.abelsZ. (1934), 148-251.
Voy. aussi RAAPE, Recueil des cours, vol. 50 ( 1934), 485 et s.
La terminologie la plus usuelle est« question préalable » (Vorfrage) ou« question préjudicielle »
1111
(LEWALD, 63-66), en anglais: incidental or preliminary question (voy. WENGLER, 368-371 ; LYSYK,
« Comments on Schwebel v. Ungar », Can. Bar Rev., 1965, 363-380).
L'expression « question préjudicielle» doit être écartée parce qu'elle désigne en général une ques-
tion préalable que sa nature soustrait à la compétence de la juridiction régulièrement saisie de la
question principale, ce qui n'est évidemment pas la portée de la question préalable du droit inter-
national privé.
for. Dans l'affirmative, l'on a affaire à une question préalable de droit national et, dans la
négative, à une question préalable de droit étranger.
Ill Par exemple, si des époux se sont mariés dans les formes civiles de la loi territoriale, en trans-
gression de la disposition de leur loi nationale qui requiert une célébration consulaire, la validité de
leur union sera soulevée comme question préalable à l'exécution d'une obligation alimentaire. Il se
peur que le mariage ait été célébré en Belgique, pays dont une juridiction est appelée à trancher la
question principale, ou dans un État tiers, par exemple en France ou en Allemagne. Dans le cas de
saisine d'une juridiction belge, la question préalable de validité du mariage se pose à propos d'une
situation matrimoniale valablement créée conformément au droit du for, droit du pays où le
mariage a été célébré; dans le second cas, la question préalable est, en tout cas, soustraite à la com-
pétence du droit matériel du for. La première est une question préalable de droit national, la
seconde une question préalable de droit étranger, qui se posent, l'une comme l'autre, à l'occasion
de l'application de la loi nationale des époux à l'action alimentaire exercée par un époux contre
l'autre.
1111 Un autre exemple de la même distinction est relatif à un conflit de juridictions préalable à
l'application de la règle de conflit de lois régissant la question principale. Supposons que l'effica-
cité du divorce d'un couple franco-irlandais soit soulevée à titre préalable devant un tribunal belge :
il s'agit d'une question préalable de droit national si le divorce a été prononcé en Belgique, elle est
de droit étranger si c'est un tribunal français ou anglais qui a admis le divorce.
Dans l'enchaînement causal des effets juridiques, c'est, en général, le dernier, ou l'un
des plus récents, qui est revendiqué. L'objet de la demande en justice se circonscrit autour
d'un des effets, et parfois d'un effet accessoire ou secondaire de la situation dont il
découle. Pareille situation, l'état d'époux, de fils, de divorcé, ne paraîtra qu'exceptionnel-
lement sous les traits d'une « question » principale, et seulement si elle est contestée. En
revanche, il est fréquent que celui qui s'en prévaut, rencontrant des résistances à propos
de tel ou tel effet particulier, ne puisse les vaincre qu'en réclamant cet effet en justice.
Il ne paraît guère satisfaisant d'apprécier la validité de la situation «causale»
d'après des lois qui diffèrent selon la nature des effets réclamés. Il y va de l'harmonie juri-
dique interne et de la cohésion du système du for. La validité d'un état acquis en vertu du
droit matériel du for ne saurait, même au titre de condition préalable, être suspendue à
l'application du système de droit international privé du droit étranger déclaré applicable
à la question principale.
Ill!Supposons que des étrangers aient acquis l'état d'époux ou de fils légitime, conformément au
droit matériel du for, ou que l'état de divorcé découle impérieusement d'une décision rendue dans
l'État du for. Au cas où un effet, même accessoire, de cet état est rattaché à un droit étranger par la
règle de conflit du for, faut-il que le juge saisi déclare non avenu l'état acquis dans son propre ordre
248 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
juridique, parce que telle serait la solution du droit international privé de l'État dont le droit est
applicable à la question principale ?
La jurisprudence comme le législateur ne se montrent guère attirés par la théorie de
la question préalable.
1111En France, voy. nettement pour un rejet de la théorie : Cass. civ., 11 mars 1986, Djenangi, Revue
(1988), 302, noteJ.-M. BISCHOFF, et, en droit comparé, les références citées par BATIFFOL et LAGARDE,
n ° 312.
1111 Les références à la théorie dans les codifications restent exceptionnelles. Voy. l'art. 8 de la Con-
vention interaméricaine sur les normes générales du droit international privé (Revue, 1984, 262),
aux termes duquel« les questions préalables, préliminaires ou incidentes, qui peuvent être soule-
vées à l'occasion d'une question principale, ne doivent pas nécessairement être tranchées confor-
mément à la loi qui régit cette dernière ». Voy. aussi l'art. 12 de la Convention de La Haye du
14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages, qui rejette en prin-
cipe la théorie:« Les règles [sur la reconnaissance de la validité d'un mariage conclu dans un autre
État] s'appliquent même si la question de la reconnaissance de la validité du mariage doit être tran-
chée, à titre incident, dans le contexte d'une autre question» (al. l"l Il en va autrement lorsque la
question préalable de la validité du mariage se pose à propos d'une question principale soumise au
droit d'un État non contractant en vertu de la règle de rattachement du for (al. 2).
111Une application ponctuelle de la théorie est faite par la Convention de Munich du 5 septembre
1980 sur la loi applicable aux noms et prénoms (non en vigueur en Belgique):« Les situations dont
dépendent les noms et prénoms sont appréciées selon la loi [de la nationalité]», au« seul effet» de
détermination du nom ou du prénom (art. F').
6.34 - Méprise sur l'objet de la désignation du droit applicable - Lorsque la norme pri-
maire désigne le droit applicable, elle le fait uniquement à propos du point de droit visé
par la catégorie de rattachement. Du caractère foncièrement partiel de la catégorie
découle souvent une fragmentation du droit applicable au rapport de droit considéré
dans son ensemble (voy. supra, n ° 3.39). La théorie de la question préalable ne tient pas
compte de cette fragmentation, en réunissant sous l'ordonnancement d'un même sys-
tème juridique des questions que le système du for entend dissocier.
1111 Lorsque la question principale relative à une obligation non contractuelle est régie par un droit
étranger, tel le droit du lieu où le fait dommageable s'est produit, et que ce droit exige une relation
matrimoniale valable entre l'ayant droit et la victime, la soumission de cette relation au droit dési-
gné par la règle de rattachement étrangère revient à étendre la compétence législative de l'ordre
juridique désigné pour régir l'obligation non contractuelle, à une question distincte - celle de la
validité du mariage - qui excède l'objet de cette désignation.
En négligeant l'effet de fragmentation de la norme primaire du for, la théorie de la
question préalable introduit une incohérence, sous l'angle du système du for, à propos
du règlement du rapport juridique boiteux. Lorsque la question principale concerne
l'effet d'un rapport juridique valable selon le droit international privé du for mais non
selon le droit international privé étranger, la soumission de la question préalable au
second n'est pas satisfaisante.
IllVoy., dans un sens analogue : P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 263, à propos de ce que ces auteurs appel-
lent des« questions en "série" ».
tion de La Haye du 12 avril 1930 (voy. supra, n ° 5.34) commande que, pour la détermina-
tion de cette nationalité, les États se réfèrent aux règles particulières posées à cette fin
dans le pays dont la nationalité est en question. Pour que la filiation, l'adoption, le
mariage, puisse avoir un effet sur la nationalité d'une personne, il faut que le droit de
l'État seul compétent pour conférer sa nationalité reconnaisse pareil effet au rapport
juridique de droit familial.
Cela impliquera le plus souvent que l'élément du statut personnel, condition
d'application de la disposition législative octroyant la nationalité, ait été acquis confor-
mément aux règles de droit international privé du même État. Il arrive toutefois que le
législateur compétent soumette à ses propres règles de droit matériel interne les condi-
tions auxquelles s'acquiert la qualité prévue par son droit de la nationalité. En revanche,
le droit international privé des autres États n'a aucun titre à s'appliquer à la question de
statut personnel préalable à la détermination d'une nationalité étrangère.
Ill Il résulte de ce postulat que la mise en œuvre des règles de droit international privé de l'État du
for permettra de reconnaître tous les effets civils de l'état acquis conformément à ces règles sans
que le même état ait aucun effet sur l'acquisition ou la perte d'une nationalité étrangère.
1111 Sur la question, voy. notamment: Ph. FRANCESCAKIS, « Les questions préalables de statut person-
nel dans le droit de la nationalité», Festgabe Makarov, R.abelsZ. (1958), 466; P. PICONE, Norme di con-
flitto speciali perla valutazione di norme materiali (Napoli, 1969), et les contributions de B. DuTOIT et de
P. LAGARDE à l'ouvrage collectif Nationalité et statut personnel (Bruylant, Bruxelles, L.G.D.J., Paris,
1984), 445-508. Voy. encore, plus généralement: M. VERWILGHEN, « Conflits de nationalités, pluri-
nationalité et apatridie », Recueil des cours (1999), vol. 277, 9-484.
III Un bon exemple est donné par les décisions relatives aux enfants nés hors mariage en Belgique
et reconnus seulement par un Marocain. En droit marocain, la reconnaissance volontaire de la
paternité naturelle, qu'elle soit simple ou adultère, est interdite (art. 83 du Code de statut person-
nel). Or, selon l'interprétation que la jurisprudence a donnée de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, la
reconnaissance était régie, en Belgique, par la loi nationale de l'enfant (voy. infra, n° 12.115), lequel
peut être belge par sa mère ou par application de l'article 10 du Code de la nationalité. Dès lors, au
regard du droit international privé belge, il était possible d'admettre, dans ce cas, que la filiation
paternelle fût légalement établie.
Pourtant, on ne pourra jamais se fonder sur cette filiation considérée en Belgique comme valable
pour affirmer que l'enfant aurait acquis la nationalité marocaine de son père par application de
l'article 6, 1°, du Code de la nationalité marocaine, selon lequel« est marocain l'enfant né d'un père
marocain». Aucune autorité ou juridiction belge ne peut tenir pour Marocain un individu que la
loi marocaine ne considère pas comme tel. Voy. p. ex. : Civ. Liège, 28 avril 1980, Rev. trim. dr. fam.
(1981), 97.
La méthode inclut l'application des règles étrangères sur la reconnaissance des juge-
ments étrangers. De manière assez paradoxale, un jugement prononcé dans l'État du for
ne produira d'effet sur l'attribution d'une nationalité étrangère que s'il satisfait aux con-
ditions auxquelles il est reconnu selon le droit international privé du pays de cette natio-
nalité.
6.36 - Droit applicable aux actes juridiques ayant pour objet un changement de natio-
nalité étrangère - C'est conformément au système de droit international privé étranger
que doit être déterminé le droit applicable aux actes juridiques ayant effet sur une natio-
nalité étrangère ou ayant pour objet un changement (acquisition, perte ou recouvre-
ment) involontaire de cette nationalité.
Ill Ainsi, la capacité requise pour qu'un Belge puisse acquérir ou recouvrer volontairement une
nationalité étrangère ou pour qu'un étranger puisse répudier sa nationalité étrangère en vue de
250 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
devenir belge, naguère controversée, est régie par le droit international privé de l'État étranger dont
la nationalité est en cause.
1111Voy. l'affaire Bauffeemont (supra, n° 5.46). À l'occasion d'une action introduite en Belgique par la
princesse, la cour d'appel de Bruxelles dut se prononcer sur son statut matrimonial afin de décider
si son second mari avait qualité pour l'autoriser à ester en justice. Comme les tribunaux français, la
cour d'appel de Bruxelles tint le second mariage pour nul. Elle le fit non point en invoquant la
théorie de la fraude à la loi, mais en affirmant que la princesse n'avait pas, au regard du droit fran-
çais, perdu la nationalité française, parce que son acquisition volontaire de la nationalité alle-
mande s'était faite sans autorisation maritale.
Voy. Bruxelles, 5 août 1880, de Bauffeemont c. de Bauffeemont, de Chimay et le prince Bibesco, Pas. (1880),
II, 319, Clunet (1880), 508. L'arrêt de cassation (19 janvier 1882, Pas., 1882, !, 36, Clunet, 1882, 365)
n'eut pas à se prononcer sur la validité du second mariage ni sur le conflit de nationalités. Dans la
doctrine belge, voy. notamment: LAURENT, t. V, n° 5 172-182; t. VIII, n° 123; RoLIN, t. ler, pp. 618 et
S.; PoULLET, n'" 98-99.
Ainsi, en matière de sécurité sociale, le règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 (J.O.C.E.,
Ill!
1971, L 149) renvoie, pour la définition des membres de la famille du travailleur, à la« législation
au titre de laquelle les prestations sont servies», expression qui paraît se comprendre comme cou-
vrant aussi les règles de conflit de lois. De même, pour déterminer si un travailleur appartient au
marché régulier de l'emploi d'un État membre, il convient de se référer à la législation en vigueur
au lieu d'exercice de l'emploi (C.].C.E., aff. C-434/93, 6 juin 1995, Bozkurt, Rec., 1995, I-1475), ce qui
inclut, le cas échéant, les règles sur la désignation du droit applicable à une relation de travail lors-
que l'existence d'une telle relation détermine l'appartenance au marché regulier de l'emploi.
lA DÉSIGNATION D'UNE RÈGLE DE RATTACHEMENT ÉTRANGÈRE 251
P. ARMINJON, « La notion des droits acquis en droit international privé», Recueil des cours (1933), vol.
44, 5-110; J. BEACH, « Uniform Interstate Enforcement of Vested Rights », Yale L.]. (1918), 656; J.
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Private International Law», J.C.L.Q. (1959), 268-288; D. CAVERS, « The Two 'Local Law' Theories »,
Harvard L. R. (1950), 822; CHEATHAM, « American Theories of Conflict of Laws: Their Role and
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len Privatrecht (Hamburg, 1937) ; ]. P. NIBOYET, V Droits acquis, Répertoire de droit international, t. V,
0
6.39 - Permanence d'un état et écoulement du temps - Dans la matière du statut per-
sonnel où la stabilité de l'état des personnes joue un rôle déterminant, lorsque le tribunal
est saisi d'un litige après que la situation des parties s'est effectivement consolidée, il se
conçoit de se référer à un système de droit international privé étranger compétent à une
époque antérieure de la vie des intéressés. Ce faisant, le juge tient un droit pour acquis
par application des règles de rattachement en vertu desquelles une situation a pu se for-
mer ou se consolider. C'est parce que la pénétration de la situation dans l'ordre juridique
du for est tardive, que le juge hésite à appliquer une norme primaire du for, qui condui-
rait à désigner un droit matériel sous lequel la situation ne s'est ni créée ni consolidée: il
y préfère la désignation du droit matériel en vertu des règles de conflit du système dont
relevait la situation avant de pénétrer dans le système du for.
Voici un exemple topique du procédé, montrant l'utilisation de l'exception d'ordre public de
!Ili
droit étranger.
Le 14 octobre 1918, un Autrichien de confession évangélique épouse à Odessa, devant le pasteur
luthérien, une Juive russe. À Trieste en 1922, ils acquièrent la nationalité italienne, puis s'établis-
sent à Karlsruhe. Après avoir quitté le domicile conjugal, le mari assigne sa femme en nullité de
mariage. Il invoque le paragraphe 64 du Code civil autrichien qui probibe les mariages entre chré-
tiens et non-chrétiens.
252 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
D'après le Reichsgericht, auquel l'affaire est finalement soumise, bien que les conditions de validité
du mariage relèvent, pour chaque époux, de sa loi nationale au jour de la célébration, l'action en
nullité du mariage est régie par la loi italienne, loi nationale des époux au moment où cette action
est introduite. Or, en droit international privé italien, la disparité des cultes, cause de nullité
empruntée au droit autrichien, loi nationale du mari au moment de la conclusion du mariage, est
contraire à l'ordre public, et un tribunal italien se refuserait à la retenir. Quoique l'exception
d'ordre public ne fasse pas obstacle, en Allemagne, à ce qu'on y invoque un empêchement de nature
confessionnelle, le Reichsgericht s'est rallié à la conception italienne de l'ordre public, parce que
« dans les causes matrimoniales, il faut appliquer la loi nationale et que le juge allemand n'est pas
disposé à tenir pour nul un mariage qui est valable dans l'État dont les époux ont la nationalité».
Sur RG, 16 mai 1931, RGZ, 132,416, voy.: P. LAGARDE, Recherches sur l'ordre public en droit internatio-
nal privé (Paris, L.G.D.J., 1959), n° 201 et s.; MARIDAKIS, Recueil des cours, vol. 85 (1954), 132; F.
RIGAUX, Recueil des cours, vol. 117 (1966), 427.
Le régime de la reconnaissance des jugements étrangers n'est pas inspiré d'un autre
souci que de préserver, dans toute la mesure du possible, l'autorité de ce qui a été décidé à
l'étranger. Le lien entre la reconnaissance de droits établis par un juge étranger et la théo-
rie des droits acquis est apparent dans le régime de la reconnaissance de plein droit (voy.
infra, n ° 10.15), puisque celui-ci exclut toute révision au fond du jugement étranger et,
partant, tout contrôle de la loi appliquée en fonction de ce que prévoirait la règle de rat-
tachement du juge requis.
6.41 - La théorie des droits acquis dans les codifications - Quelques codifications récen-
tes connaissent une application de la théorie des droits acquis.
La consécration est parfois explicite.
1111L'exemple le plus notable apparaît dans l'article 7 de la Convention interaméricaine sur les
règles générales de droit international privé (CIDIP-II) (Revue, 1984, 262) : « Les relations juridi-
ques valablement constituées dans un État contractant, en conformité avec toutes les lois auxquel-
les elles se rattachent au moment de cette constitution, sont reconnues dans les autres États
contractants pourvu qu'elles ne soient pas contraires à leurs principes d'ordre public».
IllAux États-Unis, la section 8, 3, du Restatement 2d est rédigée dans les termes suivants : « When
the state of the forum has no substantial relationship to the particular issue or the parties and the
courts of ail interesred scares would concur in selecring the local law rule applicable ro this issue,
the forum will usually apply this rule ».
IllLa formulation législative la plus achevée de la théorie des droits acquis avait été introduite sous
l'influence de Meijers dans l'article 25, alinéa 2, du projet de loi uniforme Benelux sur le droit inter-
national privé (1951), passé sans modification sous l'article 21, alinéa 2, du projet de 1969:
« Lorsqu'un rapport juridique est né ou s'est éteint hors de Belgique/ du Luxembourg/ des Pays-
Bas conformément à la loi applicable suivant le droit international privé des pays que ce rapport
juridique concernait essentiellement au moment de sa naissance ou de son extinction, cette nais-
sance ou cette extinction sont également reconnues en Belgique/ au Luxembourg/ aux Pays-Bas,
même par dérogation à la loi applicable en vertu des dispositions de la présente loi ».
1111L'article 31 du Code civil portugais donne une application particulière de la théorie des droits
acquis, limitée aux acres juridiques accomplis par une personne conformément aux règles de droit
international privé du pays de sa résidence habituelle.
1111En matière de mariage, la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la recon-
naissance de la validité des mariages prévoir, à propos d'un acte conclu à l'étranger, que celui-ci est
considéré comme valable s'il l'est « selon le droit de l'État de la célébration» (art. 9). Le terme
« droit» vise sans aucun doute les règles de conflit de lois, à la différence des termes « loi interne »
utilisés dans le chapitre de la Convention concernant la validité du mariage lors de la célébration.
Ainsi, la Convention distingue nettement de la théorie du renvoi, qu'elle rejette, la consécration de
la validité du mariage acquise selon le droit international privé de l'État étranger de célébration.
Cette référence au droit étranger n'est pourtant pas totale, car la Convention réserve l'application
du« droit» du for pour l'examen de certaines questions, tels la bigamie, la nubilité, l'empêchement
bilatéral.
En Suisse, l'article 73 LDIP montre un exemple analogue à propos de la validité de la reconnais-
sance d'un enfant naturel intervenue à l'étranger. Voy. aussi l'article 39 LDIP, à propos du change-
ment de nom intervenu à l'étranger.
À la différence de la théorie classique du respect des droits acquis, ces exemples couvrent aussi des
droits qui, quoique acquis à l'étranger, peuvent affecter une situation qui, au moment même de
l'acquisition du droit, avait des points de contact significatifs avec le système du for. Ils suggèrent
un rapprochement entre le régime de l'acte passé à l'étranger et celui appliqué à un jugement étran-
ger.
Une clause générale d'exception, aussi, peut préserver les droits acquis à l'étranger.
Elle permet de déroger à la règle de rattachement du for lorsque la situation ne présente
2S4 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
pas de lien objectif avec le système du for, tout en présentant des liens significatifs avec
un autre système juridique (voy. supra, n ° 3.11 ). Quoique formulée comme une règle de
rattachement du for et se passant d'une référence à une règle de rattachement étrangère,
la formulation autant que l'esprit de la clause permettent une prise en compte de
l'emprise du temps sur la situation.
111 Voy. déjà les références dans : F. RIGAUX, « Le conflit mobile en droit international privé", Recueil
des cours, vol. 117 ( 1966-I), 425-427, évoquant « la situation effective des parties" au moment où le
juge statue.
111 En Belgique, le Code de droit international privé exprime la préservation des droits acquis
parmi les critères à considérer lors de l'appréciation des liens étroits dans le cadre de la clause
d'exception, en évoquant« la circonstance que la relation en cause a été établie régulièrement selon
les règles de droit international privé des États avec lesquels cette relation présentait des liens au
moment de son établissement" (art. 19, § 1"', al. 2).
Pour une suggestion en faveur de l'application des règles de conflit de lois du pays de réception
!Il!
d'un acte public pourvu que soit vérifié un lien étroit avec ce pays, voy. : P. LAGARDE,
« Développements futurs du droit international privé dans une Europe en voie d'unification : quel-
ques conjectures », RabelsZ (2004), 225-243.
Pour une critique du procédé, voy. : A. STRUYCKEN, « Locus regit actum, un nouvel avatar
1!11
hollandais», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 765-779.
Les cas exceptionnels pouvant justifier cette méthode paraissent liés à l'existence
d'un for exorbitant, d'un for accessoire ou d'un for dérogatoire. Le recours à la méthode
pourrait se révéler utile dans une convention internationale concernant la compétence
judiciaire, lorsque le législateur entend circonscrire le risque de« forum shopping».
1!11En cas de for exorbitant, on conçoit que le hasard du domicile du demandeur, de la présence sur
le territoire du défendeur ou de biens sans rapport avec le litige (voy. infra, n ° 9.25), puisse conduire
à préférer les règles de rattachement d'un pays avec lequel la situation présente des liens plus signi-
ficatifs. La difficulté subsiste cependant de définir la nature du lien requis. Une désignation du for
du raisonnement par le biais de la règle de rattachement du for propre à la matière n'est pas néces-
sairement appropriée - notamment lorsque la règle est alternative. La clause d'exception peut y
pourvoir, pour le cas où la règle de rattachement pertinente ne suffit pas à exprimer une proximité.
Ill!Le for accessoire couvre la compétence attribuée aux juridictions saisies alors que la matière se
prête à l'attribution d'une compétence de principe à d'autres juridictions, par exemple dans un but
d'effectivité ou de concentration des litiges. La matière successorale peut en procurer un exemple.
Le critère du lieu d'ouverture de la succession y joue un rôle dominant pour la détermination de la
compétence. Cependant, il peut être nécessaire de conférer une compétence aux autorités du lieu
de situation d'un bien, pour des opérations de liquidation ou de transmission du bien. Une règle de
conflit de systèmes peut énoncer que ces autorités locales appliqueront les règles de conflit de lois
du pays du lieu du dernier domicile du défunt.
Voy. en ce sens la proposition pour une convention concernant la compétence judiciaire et l'exécu-
tion des décisions en matière familiale et successorale, par le Groupe européen de droit internatio-
nal privé (Rev. belge dr. intern., 1993, 645),
Camp. l'art. 91 LDIP en Suisse, se référant au droit désigné par le droit international privé du der-
nier domicile du défunt, en matière successorale. La règle est un exemple de renvoi lié à l'objectif de
la règle de rattachement du for, mais sa raison d'être est analogue à celle d'une règle désignant
l'ordre juridique compétent dans le cas où le for suisse n'est qu'accessoire. Le but serait en effet de
préserver l'unité du règlement successoral dans un cas où le système du for est peu intéressé par la
situation (BUCHER et BoNOMI, n ° 425). DROZ, précité, n ° 384, cite cette règle comme un exemple de
dissociation du for du raisonnement.
Voy. la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement internatio-
nal d'enfants, centrée sur une compétence naturelle des autorités de l'État de résidence de l'enfant
pour statuer sur la responsabilité parentale, dont l'article 3 soumet - à l'adresse des autorités du
pays où se trouve l'enfant qui a été enlevé - la détermination d'un droit de garde au « dtoit » de
l'État de résidence, terme dont il est entendu qu'il inclut une référence aux règles de conflit de lois.
256 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
1111Le for dérogatoire est celui par lequel les parties choisissent de déroger au tribunal normale-
ment compétent en prorogeant la compétence d'un autre tribunal. Lorsque le for prorogé ne pré-
sente aucun lien avec la situation, on peut admettre la référence à un système étranger de conflit de
lois. Voy. en ce sens, dans l'affaire de la Banque ottomane: Paris, 19 mars 1965, Revue ( 1967), 85, note
P. LAGARDE.
1111Sur le lien entre la méthode et la solution de la question préalable ou la théorie des droits
acquis, voy. G. DRoz, précité, n ° 394 et 396. Selon cet auteur, la méthode pourrait être utilisée dans
le cas de ce que l'on pourrait appeler un for inexistant, lorsque le juge compétent pour statuer sur
la question principale ne le serait pas pour statuer sur la question préalable.
Dans le contexte propre au droit communautaire aussi, la référence aux règles de
conflit de lois d'un système étranger prédéterminé pourrait découler de la nécessité
d'assurer la liberté de circulation des biens et des personnes. De même qu'il serait incohé-
rent de contraindre l'État d'accueil d'appliquer la loi de l'État d'origine à l'encontre de la
volonté d'application de cette loi (voy. supra, n ° 6.18, à propos de la théorie du renvoi), il
pourrait se concevoir qu'afin de prévenir les entraves aux échanges pouvant résulter de
l'application de la loi d'un État membre, le conflit de lois se résolve à partir du système de
droit international privé du pays d'origine d'un bien, d'un acte ou d'une personne,
pourvu que ce pays soit aisément identifiable.
système juridique considéré comme prédominant par le législateur allemand. L'auteur remarque
que le droit appliqué par le juge n'est qu'un des éléments de la reconnaissance, puisque celle-ci peur
également être fonction d'une règle de compétence indirecte (voy. supra, n ° 6.23).
Ill Le droit suisse recourt à la méthode de la référence à l'efficacité internationale de la décision à
intervenir. Ainsi, l'article 43, par. 2, LDIP admet la compétence des autorités suisses pour célébrer
le mariage d'étrangers non domiciliés en Suisse,« lorsque le mariage est reconnu dans l'État de leur
domicile ou dans leur État national». De manière étonnante, la même loi abandonne la méthode
en d'autres matières où elle introduit un for de nécessité (sur cette notion, voy. infra, n ° 9.15), pré-
voyant alors la désignation du droit du for (art. 47 et 48, § 3, en matière d'effets du mariage; art. 60
et 61, § 4, en matière de divorce).
Le droit suisse contient un autre exemple à propos de l'adoption. Celle-ci est régie en principe par
le droit du for (art. 77, § 1er LDIP), mais le juge prend en considération un refus éventuel de recon-
naissance de l'adoption dans l'État du domicile ou de la nationalité d'un adoptant(§ 2). Il faut pré-
ciser que la compétence internationale des tribunaux suisses repose sur le domicile d'un adoptant
ou sur un for de nécessité (for d'origine d'un adoptant) (art. 75 et 76).
IllComp., en Belgique, le refus de la Cour de cassation de permettre le divorce d'un Irlandais, par
application de la loi nationale du demandeur désignée par la règle de rattachement du for (voy.
supra, n° 6.23), alors même que le droit irlandais permet de reconnaître une décision étrangère de
divorce prononcée dans l'État du domicile.
d'admettre aussi le« renvoi étendu», couvrant les règles étrangères sur la reconnaissance des juge-
ments.
Ill Il faut être attentif au risque d'incohérence interne, pour le système du for, que peut créer la
méthode exposée. En effet, la référence à l'ensemble des règles de droit international privé étrangè-
res, incluant les règles sur la reconnaissance, expose le système du for à devoir considérer, le cas
échéant, des règles étrangères de compétence indirecte sanctionnant les règles de compétence
directe du for, des règles étrangères sur le respect de garanties procédurales plus strictes que celle
en vigueur dans le for, une exception d'ordre public étranger hostile à l'application éventuelle du
droit du for, etc. Que dire encore lorsque l'ordre juridique étranger de référence ignore roue sys-
tème de reconnaissance d'un jugement étranger ?
Il convient encore d'analyser la relation entre l'utilisation de la méthode et la poursuite d'une poli-
tique substantielle du for. P. PICONE (précité, 350) estime que la régression de la méthode en
matière de divorce est liée à une propension à appliquer la lex fori sans se préoccuper de la recon-
naissance à l'étranger, afin de permettre le divorce. Paradoxalement, c'est la même politique de
258 lA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
faveur du divorce qui a conduit les juridictions de fond en Belgique à admettre le divorce d'irlan-
dais, ou l'adoption de majeurs, en entendant la référence à la loi de la nationalité - dont les règles
matérielles interdisaient le divorce ou l'adoption, contrairement aux règles matérielles du for -
comme incluant les règles sur la reconnaissance des jugements étrangers (voy. supra, n ° 6.23).
Ill Pour un cas de prise en considération de la règle étrangère de reconnaissance des jugements
étrangers, dans le but d'assurer l'effectivité de la décision à intervenir, voy. : J.P. Uccle, 26 octobre
1995, Rev. not. belge (1996), 125, subordonnant l'exercice du droit de visite à l'obtention de l'exequa-
tur du jugement belge dans le pays où ce droit est appelé à être exercé.
Section 2
La condition procédurale du droit étranger
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étrangère - Quelques réflexions», Mélanges Marchal (Bruxelles, Larcier, 2003); M.-L. STENGERS, « Le
rôle de la jurisprudence étrangère lors de l'application par le juge belge de la loi étrangère»,]. T
(1975), 95-98; C. TUBEUF, « L'accord procédural en droit international privé et l'office du juge au
cours d'une procédure judiciaire», Rev. dr. comm. belge (2003), 224-234; R. VANDER ELsT, « La Cour
de cassation, la loi étrangère et les règles de droit non écrites »,].T (1967), 145 et s.; A. VON OVER-
BECK, « L'application par le juge interne des conventions de droit international privé», Recueil des
cours, vol. 132 (1971), 1-196; I. ZAJTAY, Contribution à l'étude de la condition de la loi étrangère en droit
international privé français (Paris, 1958) ; Io., « L'application du droit étranger, science et fictions »,
Rev. int. dr. comp. (1971), 49 et s.; Io., « The Application of Foreign Law »,International Encyclopedia of
Comparative Law, vol. III, chap. 14.
Sur la Convention européenne dans le domaine de l'information sur le droit étranger, faite à Lon-
dres le 7 juin 1968 et entrée en vigueur le 17 janvier 1974, voy.: G. BRULLIARD, « La Convention
européenne du 7 juin 1968 relative à l'information sur le droit étranger et l'influence qu'elle peut
avoir sur l'application de la loi étrangère dans la procédure civile »,].C.P. (1973), n ° 43; H. A. DES-
MEDT, « La Convention européenne dans le domaine de l'information sur le droit étranger»,]. T
(1974), 97 et s.; J. ERAUW, « De eerste Belgische ervaringen met het europees verdrag inzake
inlichtingen over buitenlands recht », R. W (1981-1982), 1503-1508; H. U. ]ESSURUN o'OLIVEIRA,
« De Europese overeenkomst nopens het verstrekken van inlichtingen over buitenlands recht »,
Nederl.Jur. (1979), 637-648; B. RooGER et]. VAN DooRN, « Proof of Foreign Law: The Impact of the
London Convention »,I.C.L.Q. (1997), 151-173.
public étranger, il bénéficie d'un traitement privilégié s'il est la condition d'application
d'une règle nationale de droit public.
Le droit étranger ne se limite pas au droit matériel. Il faut y inclure les règles de con-
flit étrangères, soit internes, soit internationales, quand il y a lieu d'appliquer une de ces
règles pour vider un conflit interne de droit étranger, par l'effet du renvoi ou en vertu de
la théorie des droits acquis.
6.48 - Condition du droit uniforme - Les règles uniformes insérées dans un traité inter-
national appartiennent aux sources de droit international et ne sauraient, dès lors, être
tenues pour des dispositions de droit« étranger». Leur condition en chaque État dépend
de la position que le droit constitutionnel interne reconnaît au droit international parmi
les diverses sources de droit (voy. supra, n° 5.14).
Plus délicate apparaît la condition du droit uniforme qui, dans les États contrac-
tants, a vocation à se substituer au droit commun (voy. supra, n ° 4.35). S'incorporant au
droit interne de chaque État, les dispositions unifiées doivent-elles, dans les autres États
ayant participé à l'unification, être tenues pour du« droit étranger»? L'affirmative a été
soutenue en France à propos de la loi allemande sur la lettre de change, unifiée par la
Convention de Genève à laquelle les deux États sont parties. Encore faut-il distinguer
selon que la question affecte l'interprétation du texte, ou son applicabilité d'office ainsi
que la preuve de son contenu. Sur le premier point, le principe de l'interprétation con-
forme aux objectifs du traité encourage à une interprétation autonome de ses termes.
Ill Voy. Cass. corn., 4 mars 1963, Hoeke, Clunet (1964), 806, note GoLDMAN,j.C.P. (1963), II, 13376,
note LESCOT, Revue (1964), 264. Dans la doctrine, voy. notamment: P. LAGARDE, « Les interpréta-
tions divergentes d'une loi uniforme donnent-elles lieu à un conflit de lois?», Revue (1964), 235 et
s. ; P. LESCOT,« L'interprétation judiciaire des règles de droit privé uniforme »,].CP. (1963), I, 1756.
La méthode la plus sûre pour éviter toute divergence d'interprétation du droit uni-
forme consiste à ériger les contestations relatives à cette interprétation en question préju-
dicielle déférée à une juridiction commune aux États contractants.
Dans les Communautés européennes, la procédure du renvoi préjudiciel de
l'article 234 CE attribue une compétence d'interprétation à la Cour de justice des Com-
munautés européennes.
1111 De même, le droit uniforme mis en vigueur dans le Benelux fait l'objet d'une interprétation uni-
forme confiée à la Cour de justice Benelux par le traité de Bruxelles du 31 mars 1965 entré en
vigueur le 1er janvier 1974.
Lorsque le juge d'un État membre doit appliquer le droit d'un autre État membre
dont le contenu est issu de la transposition d'une directive communautaire, il doit réser-
ver à ce « droit étranger » la condition procédurale établie par le droit communautaire.
Ainsi doit-il en interpréter les dispositions en cause en fonction de l'interprétation que la
Cour de justice a donnée aux règles transposées ou, en cas de divergence entre les disposi-
tions nationale et communautaire, en interprétant la première à la lumière de la seconde,
dans la mesure du raisonnable. De plus, il ne peut attribuer au droit communautaire -
ni, partant, au droit étranger de transposition - une condition procédurale moins favo-
rable que celle dont bénéficie la disposition correspondante de la !ex fori (principe dit
d'équivalence).
IllSur l'interprétation du droit national à la lumière d'une directive, voy.: C.J.C.E., aff. C-106/89,
13 novembre 1990, Marleasing, Rec. (1990), I-4135.
LA CONDITION PROCÉDURALE DU DROIT ÉTRANGER 261
1111 Sur l'assimilation du droit communautaire au droit national, voy. : C.].C.E., aff. C-430/93,
14 décembre 1995, Van Schijndel, Rec. (1995), I-4705; aff. C-312/93, 14 décembre 1995, Peterbroeck,
Rec. (1995), I-4599, précisant, à propos d'un moyen invoquant la contrariété du droit national à
une directive, que la règle nationale de procédure civile ne peut empêcher en fait toute applicabilité
d'office de la règle de droit en cause.
111 Pour une mise en contexte de cette problématique, voy. : M. FALLON, « Les conflits de lois et de
juridictions dans un espace économique intégré - L'expérience des Communautés européennes »,
Recueil des cours, vol. 253 ( 1995-III), 9-282.
alors que le vendeur réclamait paiement du prix (modification de l'objet) ; il ne peut non plus don-
ner au contrat une qualification qu'aucune des parties n'a alléguée, par exemple décider qu'il y a eu
donation ou location et non vente (modification de la cause). De même, le juge ne peut prononcer
la nullité du mariage alors que la demande tendait au divorce (modification de l'objet) ni admettre
le divorce pour adultère alors que seules des injures graves avaient été invoquées (modification de la
cause).
Pour une difficulté d'application en droit international privé, voy. infra, n ° 7.23.
Il est dérogé à ces deux règles quand la matière intéresse l'ordre public. Les faits dont
l'allégation est prohibée doivent être écartés par le juge. L'accord des parties est insuffi-
sant soit pour asseoir le fait, soit pour en déduire la conséquence juridique, quand l'ordre
public est intéressé, par exemple en matière d'état des personnes.
Selon l'adage jura novit curia, « la cour sait le droit». Cela signifie que les plaideurs
n'ont pas l'obligation d'indiquer au tribunal la règle de droit dont découle, à leur profit,
l'effet juridique réclamé.
Ili! Cet adage doit être mis en relation avec le principe dispositif.
L'adage Jura novit curia permet, d'abord, de préciser la deuxième règle énoncée sous le principe
Ili!
dispositif: pour formuler l'objet et la cause de sa demande ou, s'il est défendeur, de l'exception ou
de la fin de non-recevoir proposée, le plaideur n'est pas tenu de viser un texte de loi, il suffit qu'il
exprime avec précision l'effet de droit qu'il réclame. C'est, suivant l'adage Jura novit curia, au juge
qu'il appartient de rechercher les dispositions législatives pertinentes et de les appliquer d'office.
Comme exemples d'un effet de droit réclamé, on peut citer : un associé assigne ses coassociés pour
obtenir la dissolution de la société qu'ils ont formée, un prêteur réclame le remboursement de la
somme empruntée, un propriétaire poursuit la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, etc.
Ili! Dans l'exercice de cette mission, le juge reste lié par la première règle du principe dispositif: il
ne peut choisir que les règles de droit dont l'hypothèse vise un des faits allégués par les parties.
Réserve faite des matières qui intéressent l'ordre public, le juge ne peut rechercher les faits conne-
xes aux circonstances de la cause, faits que les parties n'ont pas elles-mêmes allégués. Sans que les
parties doivent indiquer au juge la disposition législative applicable, elles choisissent néanmoins
les concepts juridiques à l'aide desquels elles déterminent objet et cause des demandes, défenses et
exceptions et, par là, circonscrivent les règles de droit parmi lesquelles s'exerce le choix du juge.
Ill!Appelée dispositif, la partie essentielle d'une décision judiciaire ou d'un acte administratif con-
tient la décision même prise par le juge ou par l'agent du pouvoir et est exprimée en termes
impératifs : un mariage est dissous, un débiteur est condamné au paiement d'une somme, un bien
est attribué à la personne tenue pour son propriétaire, une nationalité est conférée ou reconnue,
une peine est prononcée, un service public est ordonné (tels l'obligation militaire, le paiement d'un
impôt).
Souvent, la règle est une simple condition d'application d'une autre norme.
Ill!Par exemple, si une femme réclame des aliments à un homme qu'elle prétend être son conjoint
et que le défendeur conteste la validité du mariage, le juge saisi de cette question préalable doit la
trancher, sans que sa décision ait pour portée, à supposer qu'il admette le bien-fondé de l'excep-
tion, d'annuler le mariage, demande dont il n'a pas été saisi. Aussi n'applique-t-il pas la disposition
législative en vertu de laquelle le mariage est nul: cette disposition est simple condition d'applica-
tion d'une règle excluant tout droit aux aliments en l'absence de mariage.
De nombreuses dispositions législatives font appel au droit étranger, non pour qu'il
soit appliqué par le juge, mais au titre de condition d'application du droit du for. Le pro-
cédé permet de prendre en considération le contenu de la norme étrangère sans rien
emprunter à son dispositif.
Ill!On peut prendre pour exemple le principe de la double incrimination. L'application combinée
de l'article 7 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale
et des articles 418 et 420 du Code pénal permet de poursuivre en Belgique le Belge qui, à l'étranger,
a, « par défaut de prévoyance ou de précaution », causé des coups ou des blessures involontaires à
un autre Belge. D'après l'article 7, § 1er, précité, ce Belge ne peut être poursuivi que« si le fait est
puni par la législation du pays où il a été commis ». L'incrimination suivant la loi belge est ainsi
subordonnée à la condition que le fait soit aussi punissable d'après le droit étranger.
De plus, si ce fait a été commis à l'occasion d'un accident de roulage, pour apprécier le « défaut de
prévoyance ou de précaution» de l'article 418 du Code pénal belge le juge vérifie si l'inculpé s'est
conformé aux prescriptions du Code de la route du lieu de l'infraction. Les dispositions de ce Code
se combinent avec l'article 418 du Code pénal belge pour définir l'un des éléments constitutifs de
l'infraction.
(Cass., 17 novembre 1983, Assurances Zurich, Pas., 1984, I, 292), implique un alignement du régime
de la norme primaire sur celui de la règle matérielle sous l'angle de l'applicabilité d'office.
L'obligation pour le juge du fond de respecter le principe du contradictoire comme un tempéra-
ment de l'adage Jura novit curia atténue la portée pratique de l'applicabilité d'office. Ainsi, est cassé
l'arrêt qui a fait application du droit étranger sans qu'aucune partie n'ait invoqué celle-ci et sans
avoir donné aux plaideurs l'occasion de conclure sur ce point, violant ainsi les droits de la défense
(Cass., 4 septembre 1992, C.M.B., Pas., 1992, I, 993, à propos de la responsabilité du transporteur à
l'égard du tiers porteur d'un connaissement, relation qualifiée de non contractuelle en droit belge).
Ill On trouve une consécration implicite de l'applicabilité d'office de la règle de rattachement en
une matière intéressant l'ordre public, dans l'arrêt Fiorini de la Cour de cassation du 12 juin 1941
(Pas., 1941, !, 224), se conformant aux conclusions de l'avocat général Cornil qui avait estimé rece-
vable parce que non nouveau un moyen tiré de l'applicabilité du droit italien à une action en
divorce, qui n'avait pas été invoqué devant le juge du fond: celui-ci « aurait pu enjoindre aux par-
ties de s'expliquer sur leur nationalité et sur leur statut personnel et, s'il avait estimé le moyen
fondé en fait et en droit, il aurait dû l'opposer d'office à l'action en divorce dont il était saisi ». Le
moyen fut cependant considéré comme manquant en fait, pour le motif que la Cour de cassation
ne pouvait pas considérer d'autres faits que ceux constatés par le juge du fond.
Comp.: Liège, 14 mars 1991,J.L.M.B. (1992), 1123, note A. KOHL, qualifiant une norme primaire
1!11
comme étant d'ordre public parce que d'origine conventionnelle. En réalité, cette qualification
peut également affecter la norme primaire du droit national, en fonction de la matière en cause.
Une dissociation encre les normes primaires en fonction de leur origine a été faite dans la jurispru-
dence française précitée et paraît aujourd'hui abandonnée (voy. les arrêts précités). La doctrine a
critiqué avec raison cette distinction (P. MAYER et V. Heuzé, n° 146-147; BATIFFOL et LAGARDE,
n° 330).
Pareil accord procédural se distingue du principe d'autonomie (voy. supra, n ° 3.21) sur deux
1!11
points : il bénéficie uniquement au droit du for, et sa portée est limitée à celle de la procédure en
cause, sous réserve de l'étendue de l'autorité de la chose jugée.
1111Dans les matières où le législateur du for admet une simple« option de législation» (voy. supra,
n ° 3.22), la possibilité d'un simple accord procédural en faveur du droit du for paraît douteuse, car
elle excéderait la prévision du législateur.
Lorsque le juge estime que l'accord procédural doit rester sans effet pour le motif
que sa règle de rattachement commande l'application d'un droit étranger, il ne saurait se
retrancher derrière le principe dispositif pour déclarer la demande non fondée.
1111En sens contraire, voy.: Comm. Mons, 15 juin 2001, Auteurs & Media (2002), 273, rejetant, parce
que basée sur le droit belge, une action en diffamation pour pratique commerciale déloyale liée à
l'utilisation d'un nom de domaine sur Internet, alors que la règle de rattachement désignait la loi
américaine du lieu de l'enregistrement du nom de domaine et de situation des serveurs hébergeant
les propos diffamants. Il aurait fallu, ou bien acter l'accord procédural parce que valable, ou bien
déclarer celui-ci sans effet en raison de l'indisponibilité des droits, pour appliquer ensuite d'office
la règle de rattachement pertinente.
Contre la première solution, il faut rappeler avec force que le droit étranger est un
système normatif auquel la norme primaire a reconnu valeur de source dans l'ordre juri-
dique du for. Le juge peut - et même doit, à condition de respecter le principe du contra-
dictoire - appliquer d'office la règle de droit étranger qu'il connaît et qui est applicable
en vertu de son système de conflit de lois.
Ill!Le raisonnement vaut aussi pour la mise en œuvre d'un acte international en vigueur dans l'État
du for. Par conséquent, le juge belge ne saurait écarter l'application d'un traité pour le seul motif
que le demandeur n'a pas établi que le cas d'espèce entrait dans le domaine d'application dans
l'espace du texte, omettant de vérifier l'état des ratifications à l'étranger. Une telle attitude est
observable in : Bruxelles, 29 mai 2000, Rev. gén. dr. civ. (2003), note C. TuBEUF.
Il faut donc approuver, en Belgique, la Cour de cassation d'avoir énoncé une obliga-
tion pour le juge, « s'agissant de normes juridiques relevant d'un droit étranger», de
« rechercher et déterminer le contenu de ce droit» (Cass., 9 octobre 1980, Babcock-Smul-
ders, Pas., 1981, I, 159, Rev. crit. jur. belge, 1982, 8, note F. RIGAUX; 12 janvier 1990, Knippen-
berg, 1990, I, 566; Rev. crit. jur. belge, 1993, 450, note N. WATIÉ; 13 mai 1996, Dessart, Pas.,
1996, I, 455). La formulation insiste sur le caractère normatif de la règle étrangère. Le
Code confirme cette approche (art. 15, § 1cr).
La détermination du contenu du droit étranger relève de l'office du juge. Elle
n'affecte pas la problématique de la preuve, dont les règles ne sont pas applicables : on ne
saurait soumettre « la recherche et la détermination du contenu et de la portée de la loi
268 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
établi d'office»; en Italie, l'article 14 LDIP: « L'établissement de la loi étrangère est recherché
d'office par le juge» ; en Autriche, le paragraphe 4 LDIP: « Le droit étranger doit être recherché
d'office».
Contra, au Luxembourg: Trib. arrond. Luxembourg, 7 juillet 1988, Riv. dir. int. priv. proc. (1991),
1092, et, plus généralement : F. ScHOCKWEILER, Les conflits de lois et les conflits de ;uridictions en droit
international privé luxembourgeois (Luxembourg, Min. Justice), n'" 142 et s.
Ili En France, la jurisprudence n'admet une obligation pour le Juge d'établir le contenu du droit
étranger que depuis l'arrêt Amerford (Cass. comm., 16 novembre 1993, Revue, 1994, 332, note P.
LAGARDE), en énonçant que l'obligation pour le demandeur de prouver que le droit étranger con-
duirait à un résultat différent de celui du for, a lieu dans les matières où les parties ont la libre dis-
position de leurs droits. L'obligation du juge dans les matières où les droits sont indisponibles a été
confirmée ultérieurement (Cass. civ., 1,r juillet 1997, A. et B., Revue, 1998, 60, note P. MAYER; Cass.
corn., 2 mars 1999, Sea Land Service, Revue, 1999, 305; Cass. civ., 26 mai 1999, A-B, Revue, 1999, 708,
note H. MuIR WATT). On le voit, cette solution, en introduisant une distinction selon les matières,
prolonge celle qui a été adoptée à propos de l'applicabilité d'office du droit étranger, ce qui devrait
conduire à supprimer le critère de la nature conventionnelle de la norme primaire (critère utilisé
par: Cass. civ., Agora Sopha, Revue, 1997, 65, note P. LAGARDE). Ensuite, la jurisprudence a considéré
l'obligation du juge comme inconditionnelle dès qu'il soulève l'applicabilité de la règle de rattache-
ment (Cass. civ., 27 janvier 1998, Abadou,].C.P., 1998, 11, 10098, note H. Mum WATT; 8 décembre
1998, Calberson, Revue, 1999, 80, note B.A.). Sur l'obligation pour le juge de rechercher la teneur du
droit étranger en matière contractuelle, voy. : Cass. civ., 18 septembre 2002, D & J Sporting, Revue
(2003), 88, note H. MUIR WATT.
Ill Aux États-Unis, le législateur fédéral, comme celui de la plupart des États de la fédération, s'est
écarté de la solution de la common law, pour libérer le particulier de la charge exclusive de la preuve,
celle-ci relevant davantage d'une collaboration avec le juge, qui peut faire appel à l'expertise (E.
SCOLES, P. HAY, P. BORCHERS et S. SYMEONIDES, Conflictof/aws, St. Paul, West Pub!., 2004, § 12.18).
Lorsqu'il applique le droit étranger, le juge ne remplit pas une fonction identique à
celle du juge étranger. En particulier, il ne saurait établir la portée de ce droit d'une
manière qui ferait autorité sur la jurisprudence étrangère. Il doit s'attacher uniquement à
découvrir la réalité du droit étranger, tel qu'il est.
Aussi l'obligation du juge n'est-elle pas absolue. Elle connaît deux nuances.
LA CONDITION PROCÉDURALE DU DROIT ÉTRANGER 269
Revue (1997), 716, note P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES: il n'y a pas lieu à l'application d'office de la
norme primaire devant le juge du provisoire pour le motif que celui-ci ne statue pas au fond.
Au titre d'une exception, ce tempérament doit être strictement interprété. Dans l'affaire ayant
donné lieu à cassation, les conditions de l'attribution de la garde en droit iranien semblaient bien
270 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
établies. Les juges du fond sont tentés de faire de ce tempérament une application plutôt large.
Voy.: Civ. Ypres, 21 mai 1997, Rev. gén. dr. civ. (1999), 82, à propos du droit marocain de la famille,
pourtant largement connu en Belgique; Trib. trav. Bruxelles (réf), 29 juin 1998,).T (1998), 779, à
propos du statut du travailleur détaché en droit français.
En Belgique, le Code de droit international privé couvre cette hypothèse en évo-
quant plus largement les cas où« il est manifestement impossible d'établir le contenu du
droit étranger en temps utile» (art. 15, § 2, al. 2). Cette formulation souple donne à
entendre que l'appréciation du délai utile varie en fonction de l'instance, mais elle
requiert dans tous les cas la preuve stricte de l'impossibilité de connaître le contenu.
111 Sur l'obligation pour le juge d'établir l'impossibilité d'obtenir la jurisprudence étrangère en
l'espèce, voy. en France: Cass. civ., 13 novembre 2003, B & K, Clunet (2004), 521, note F. MÉLIN.
que celle-ci avait reçue du tribunal suprême de Pologne, consulté par le ministre de la Justice et
dont l'avis avait été recueilli dans un décret du pouvoir exécutif, le roue conformément aux règles
du droit public interne de ce pays (Paris, 16 mai 1960, Potocki,j.C.P., 1960, Il, 11763, note GAVALDA).
LA CONDITION PROCÉDURALE DU DROIT ÉTRANGER 271
IllLe juge ne saurait s'en tenir au texte de la loi : il doit dépasser l'apparence pour chercher à appli-
quer la solution de droit positif: Cass. civ., 24 novembre 1998, Lavazza, D.S. (1999),J, 337, note M.
MENJUCQ, Revue (1999), 88, note B.A.
L'office du juge saisi n'est pourtant pas identique à celui du juge étranger. Ainsi, sa
tâche consiste moins à interpréter le droit étranger, qu'à adopter une interprétation con-
forme du droit étranger : il ne prend pas position sur cette interprétation, mais applique
le droit étranger tel qu'il l'est dans le pays d'origine (av. gén. KRINGS, conclusions précé-
dant l'arrêt Babcock-Smulders). Le Code belge de droit international privé adopte cette
approche, en précisant que l'interprétation à considérer est celle qui est « reçue » à
l'étranger (art. 15, § 1cr, al. 2).
IllDans le même sens, P. MAYER et V. HEUZÉ (n ° 191) distinguent entre le pouvoir d'interprétation,
réservé au juge du pays d'origine, et la constatation de la teneur de la règle, imposée au juge saisi;
Cass., 14 février 2005, Gecamines,]. TT (2005), 261.
liliLa singularité de la position du juge à l'égard de l'interprétation du droit étranger semble inspi-
rer un autre tempérament au devoir du juge, qui ne devrait pas soulever d'office le problème
d'interprétation. Dans un arrêt du 23 février 1984 (Carretero, Pas., 1984, !, 726), la Cour, statuant
272 LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
subsidiairement le droit du for (Cass. civ., 8 janvier 1991, UAP, Revue (1991), 569, note H. MurR
WATT). De plus, le demandeur doit démontrer que le droit étranger n'est pas équivalent au droit du
for: à défaur de pouvoir le faire, celui-ci est appliqué (Cass. civ., 22 avril 1986, Djenangi, Revue, 1988,
302, note].-M. BISCHOFF).
Une présomption de conformité du droit étranger au droit du for est pratiquée dans les pays de
1111
Dans les pays où le droit écrit occupe une position prépondérante, le contrôle de
légalité est généralement restreint à la violation de la loi (au sens formel), ce qui inclut les
274 LA DÉTERMINATION IT LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
règlements pris en exécution de la loi, mais non la coutume, ni les usages, ni la jurispru-
dence elle-même.
Il!Voy., en droit belge, l'article 608 C. jud, qui limite le pourvoi en cassation aux contraventions à
la« loi », et l'article 1080 C. jud., qui exige de la requête qu'elle contienne une« indication des dis-
positions légales dont la violation est invoquée».
En droit belge, le pourvoi peut également invoquer la violation d'un principe général de droit. Voy.
notamment: Cass., 10 novembre 1988, Promedia, Pas. (1989), I, 256, distinguant principe général et
adage.
Ill!La double fonction précitée implique l'irrecevabilité du pourvoi lorsque le moyen est nouveau,
sauf s'il affecte une règle impérative ou d'ordre public. D'un côté, le juge du fond ne saurait encou-
rir de reproche si le moyen n'a pas été soulevé devant lui. D'un autre côté, il convient de sauvegar-
der la cohérence de l'ordre juridique en préservant l'application des dispositions qui poursuivent
un objectif d'intérêt général.
Pour une application de ce motif d'irrecevabilité à propos de l'applicabilité du droit étranger, voy. :
Cass., 17 novembre 1983, Assurances Zurich, Pas. (1984), I, 292, déclarant nouveau un moyen qui,
invoquant pour la première fois l'application du droit étranger en vertu de l'article 3, alinéa 1e,, du
Code civil, siège de la règle de rattachement en matière d'obligations non contractuelles (voy. infra,
n° 15.11), « ne se fonde pas sur des dispositions légales d'ordre public ou impératives».
Il! Un pourvoi manquant d'intérêt est également déclaré irrecevable. En matière de conflit de lois,
il en serait ainsi en cas d'équivalence des lois en conflit selon la Cour de cassation de France (Cass.
civ., 13 avril 1999, Royale Belge, Revue, 1999, 698, note B. ANCEL et H. MuIR WAn), ce qui revient à
conférer une portée pratique au concept de« faux conflit» (fa/se conflict) du droit américain.
étranger ? Un tel doute· ne suffit pas à écarter toute intervention de la Cour de cassation,
mais plutôt à en déterminer plus précisément les termes.
Il est erroné de répondre à cette question d'une manière dogmatique, soit en tenant
le droit étranger pour un simple fait, qui serait dès lors soustrait à tout contrôle de léga-
lité, soit en reconnaissant sa qualité de système juridique, ce qui lui vaudrait une assimi-
lation pure et simple au droit du for. Les observations déjà faites à cet égard à propos de
la connaissance du droit étranger ne doivent pas être répétées ici. Les deux aspects sont
étroitement liés : les motifs qui s'opposent à une extension inconditionnelle de l'adage
Jura novit curia à la connaissance du droit étranger par le juge du fond rejaillissent sur le
contrôle que la Cour de cassation est en mesure d'exercer.
U1î Depuis un arrêt du 15 décembre 1966 (De/val c. Fournier, Pas, 1967, I, 483), la Cour de cassation
de Belgique a cessé d'opposer, comme elle le faisait jusqu'alors, l'irrecevabilité du pourvoi fondé sur
la violation d'une règle de droit étranger.
rogée sur l'étendue de son contrôle de l'interprétation du droit d'un État membre régissant un
contrat de la Communauté par l'institution communautaire ayant participé au contrat. Réservant
aux autorités nationales le pouvoir d'interprétation, elle limite son contrôle à celui d'une « erreur
manifeste d'interprétation» et s'en remet, par exemple, aux termes d'une décision nationale coulée
en force de chose jugée (T.P.I.C.E., aff. T-365/00, 11 juin 2002, Alsace international Car Service, Rec.,
2002, II-2719).
6.63 - Cassation pour violation du droit du for - Une transgression du droit étranger
peut résulter, à des titres divers, d'une mauvaise application du droit du for.
Une première hypothèse concerne une mauvaise interprétation de l'hypothèse de la
règle du for qui a été appliquée, dont résulte une erreur de qualification. Cette règle peut
être une norme primaire, dont la catégorie de rattachement a été mal interprétée, ou une
règle matérielle dont l'application supposait la prise en considération d'une règle étran-
gère.
Comme erreur de qualification liée à une méconnaissance de la catégorie de rattachement, on
1111
peut prendre l'exemple d'un juge du fond qui, pour statuer sur la validité d'un mariage, aurait fait
application du droit de l'État dont les époux ont la nationalité, après avoir méconnu la nature de la
violation d'une formalité imposée par le droit du lieu de célébration. Comp. infra, n° 7.20, à propos
de la théorie des qualifications.
1111 Comme cas de censure de l'erreur de qualification consistant à avoir mal interprété la notion de
droit étranger appartenant à la qualification de la situation régie par une règle matérielle du for,
voy.: Cass., 15 février 1967, Électrorail, Pas. (1967), I, 741, et, dans la jurisprudence antérieure: Cass.,
1""juin 1868, Bouchoms, dit Bochoms, Pas. (1868), !, 425; 29 mai 1961, Talbi, Pas. (1961), !, 1037.
L'arrêt du 15 février 1967 est le plus caractéristique. Le juge du fond devait qualifier au regard de la
loi fiscale belge et de la Convention franco-belge du 16 mai 1931 pour éviter les doubles imposi-
tions, la perception d'une indemnité payée à une société belge par l'État français à la suite de la
nationalisation d'une société française dont la première était actionnaire. Pour contrôler la qualifi-
cation du juge du fond, la Cour de cassation a dû interpréter la loi française du 8 avril 1946 sur la
nationalisation de l'électricité et du gaz. En revanche, il n'était pas indispensable de viser au moyen
la violation de cette loi : n'ayant pas été appliquée par le juge du fond, la loi française n'aurait pu
être directement transgressée par lui. Elle n'intervient que pour qualifier une situation soumise au
droit fiscal belge auquel le juge contrevient quand il l'applique à une situation de fait qui n'appar-
LA CONDITION PROCÉDURALE DU DROIT ÉTRANGER 277
tient pas aux prévisions de ce droit. La loi étrangère est ici simple condition d'application du droit
du for.
Une seconde hypothèse porte sur la méconnaissance du facteur de rattachement uti-
lisé par la norme primaire.
Par exemple, le juge du fond a qualifié correctement les faits comme concernant une formalité
Ill!
du mariage, mais il a méconnu la structure disjonctive de la règle de rattachement et, au lieu
d'appliquer le droit du lieu de célébration, il a appliqué le droit de la nationalité des époux.
Ill Une mauvaise application de la théorie du renvoi constituerait une méconnaissance de la
norme primaire du for,. Voy. en ce sens: Cass., 4 novembre 1993, Pas. (1993), I, 921, recevant un
pourvoi fondé sur la violation de l'article 344 du Code civil (droit applicable à l'acte d'adoption) et
justifiant le juge d'appel d'avoir appliqué le droit belge par un renvoi du droit américain. Au vrai,
une distinction doit être faite. Si le juge du fond a méconnu la règle étrangère de rattachement,
parce qu'il a refusé d'appliquer le renvoi, et a appliqué - correctement - la règle matérielle étran-
gère pertinente, il y a bien méconnaissance de la règle de rattachement du for, dans la mesure où la
technique du renvoi est liée à l'objet de la norme primaire (voy. supra, n° 6.22). En revanche, si la
méconnaissance porte sur le contenu de la règle étrangère de rattachement - ce qui peut avoir été
le cas dans l'espèce rapportée -, la violation porte plutôt sur le droit étranger (voy. sous le
n ° suivant).
6.64 - Cassation pour violation du droit étranger - L'erreur du juge du fond peut con-
sister à avoir méconnu le droit étranger qui a été désigné par la norme primaire. Cette
erreur est distincte de celle qui consiste à avoir commis une erreur dans la désignation du
droit applicable, par exemple quand le juge a appliqué le droit du for alors qu'il aurait dû
J
appliquer un droit étranger en vertu de la norme primaire pertinente.
1111Le droit suisse fait une distinction entre la non-application du droit étranger désigné par la
norme primaire et l'application erronée du droit étranger. La première fait l'objet d'un contrôle
d'office et repose sur la violation de la règle de rattachement suisse. La seconde ne donne lieu à un
contrôle de légalité que si la contestation porte sur un droit de nature« non pécuniaire" (BUCHER
et BoNOMI, n ° 466).
dénaturation: Cass., 2 avril 1981,Josi I, précité; Cass., 10 mars 1988, La Patriotique, Pas. (1988), !,
828, déduisant ce rejet de l'obligation mise à charge du juge du fond quant à l'établissement du
contenu du droit étranger (voy. supra, n ° 6.54); Cass., 20 avril 1989, Pas. (1989), !, 868 (même
motivation); Cass., 29 novembre 1990, Nationale Nederlanden, Pas. (1991), !, 320.
sa décision encourt la cassation si une motivation insuffisante sur ce point empêche la Cour de
cassation d'exercer son contrôle. Voy. en ce sens: Cass. crim., 19 mai 1971, Terrier, ].CP. (1972), II,
16947, note A. VJTu.
CHAPITRE 7
Section 1
La théorie des qualifications
et la détermination du concept préjudiciel
§ 1 LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS
7.2 - Bibliographie
a) Définition de la problématique
E. BARTIN, « De l'impossibilité d'arriver à la solution définitive des conflits de lois", Clunet (1897),
225-255; 466-495; 720-738; F. DESPAGNET, « Des conflits de lois relatifs à la qualification des rap-
ports juridiques", Clunet (1898), 253-275 ; F. KAHN, « Gesetzeskollisionen. Ein Beitrag zur Lehre
des internationalen Privatrechts ", Jherings Jahrbücher (1891), 1-143, reproduit dans: F. KAHN,
Abhandlungen zum /PR (1928), t. I, 1-123 ..
b) Affinement de la problématique
Dans l'ordre chronologique: LORENZEN, « The theory of qualifications and the conflict of laws ",
Columbia L.R (1920), 248-282; E. RABEL, « Das Problem der Qualification", RabelsZ. (1931), 241 et
s.; R. NEUNER, Der Sinn der internationalprivatrechtlichen Norm (eine Kritik der Qualifikationstheorie)
(Brno, 1932); G. MELCHIOR, 107-192; WOLFF, Internationales Privatrecht(Springers Enzyklop., Berlin,
1933), 30 et s. ; BECKETT, « The Question of Classification ("qualification") in Private international
Law", B.YLL. (1934), 46-81; MAURY, 460-512; AGo, 313-342; FALCONBRIDGE, « Characterization in
the Conflict ofLaws ", L.Q.R (1937), 235 et 537; LEWALD, 68-84; REu, note sous KG 26 mars 1939,
Deutsches Recht ( 19 39), 9 38 ; NIEDERER, Die Frage der Qualifikation ais Grundlage des internationalen Priva-
trechts (1940); WENGLER, « Réflexions sur la technique des qualifications en droit international
privé", Revue (1954), 661-691.
282 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
c) Études contemporaines
Pour un état de la question, voy.: F. R.!GAUX, La théorie des qualifications (Bruxelles, Larcier, 1956). À la
bibliographie recueillie dans cet ouvrage, ajoutez: B. ANcEL, Les conflits de qualifications à l'épreuve de
la donation entre époux (Paris, Dalloz, 1977); ID., « L'objet de la qualification», Clunet (1980), 227-
268; B. AUDIT, « Qualification et droit international privé», Rev. Droits (1993), 55-66; BLAND,
« Classification Re-Classified »,I.C.L.Q. ( 1957), 10 et s. ; S. Cofil-lELOUP, La publicité des situations juridi-
ques, une approche franco-allemande du droit interne et du droit international privé (Paris, LGDJ, 2003),
565 p. ;J. CRUTHERS, « Substance and procedure in the conflict oflaws: A continuing debate in rela-
tion to damages», I.C.L.Q. (2004), 691-711; I. DE MAGALHAES CoLLAÇO, Da qualificaçao em direito
internacional privado (Lisboa, 1964); G. DRoz, « Regards sur le droit international privé comparé»,
Recueil des cours, vol. 229 ( 1991-IV), 322-350 ; J.-L. ELHOUEISS, « Retour sur la qualification lege cau-
sae en droit international privé», Clunet (2005), 281-313; C. FoRSYTH, « Characterisation revisited:
An essay in the theory and practice of the English conflict of laws », L.Q.R. (1997), 141-161; P.
HAGE-CHAHINE, Les conflits dans l'espace et dans le temps en matière de prescription (Paris, Dalloz, 1977) ;
H. }ACOBS, « De erfgerechtigdheid en de aard van de erfrechten van de langstlevende echtgenoot in
het internationaal privaatrecht », Tijds. Not. (1991), 51-60; R. LEHMANN,« Les qualifications »J-C/.,
fasc. 531 ; Y. LEQUETTE, « Le renvoi de qualification», Mélanges Holleaux (Paris, Litec, 1990); P.
Lou1s-LuCAs, « Qualification et répartition», Revue (1957), 153 et s.; A. PAPAUX, Essai philosophique
sur la qualification juridique: De la subsomption à l'abduction (Bruxelles, Bruylant, 2003), 532 p.; A.
ROBERTSON, Characterization in the conflict of laws (Cambridge Mass., Harvard Univ. Press, 1940); R.
ScHuz, A modern approach to the incidental question (Dordrecht, Kluwer, 1997), 296 p.; SPERDUTI, « Le
qualificazioni in dir. int. priv. », Riv. dir. intern. (1965), 393-415; S. TONOLO, Il rinvio di qualificazione
nei conflitti di leggi (Milan, Giuffrè, 2003), 331 p.; C. C. TURPIN,« Characterization and policy in the
conflict of laws », Acta juridica (Cape Town, 1959), 222-229; E. TYLAN, « La question des
qualifications», Ann. de l'Ecole franç. de Beyrouth (1946, n ° 2), 5-42; H. WEBER, Die Theorie der Qualifi-
cation (Tübingen, MDhr, 1986), 309 p.; N. WATTÉ et A.-C. VAN GYSEL, « La filiation et la vocation
successorale en droit international privé »,Rev. dr. ULB (1990), 121-152.
7.3 - Présentation - La problématique de la qualification est au cœur de la théorie géné-
rale du droit international privé. L'approche traditionnelle - et dominante - s'attache à
définir les termes utilisés par le droit international privé en partant des concepts juridi-
ques, tels qu'ils sont pratiqués en droit matériel. Afin de surmonter les difficultés rencon-
trées par cette approche, il paraît préférable de s'en tenir à une définition de ces termes
qui soit fonction de l'interprétation de la norme primaire du for.
7.5 - Une création jurisprudentielle - Comme le problème du renvoi élaboré par les
mêmes auteurs, la théorie des qualifications trouve son origine dans l'analyse que Bartin
et Kahn ont faite de décisions judiciaires prononcées dans leurs pays respectifs. Avant de
discuter la terminologie et la méthode qu'ils ont adoptées et de situer à sa vraie place la
difficulté appelée par Bartin « conflit de qualifications», il y a lieu de résumer les déci-
sions judiciaires qu'ils ont choisies comme paradigmes de la théorie nouvelle et d'exposer
la solution qu'en vertu de celle-ci ils entendaient apporter aux situations de fait présen-
tant un tel conflit.
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 283
1111 Le problème que Bartin appellera« qualification » a été, pour la première fois, abordé explicite-
ment par Kahn, dans une étude intitulée:« Gesetzeskollisionen. Ein Beitrag zur Lehre des interna-
tionalen Privatrechts »,Jherings]ahrbücher(l891), 1-143.
Le titre de l'article de Bartin exprime clairement sa préoccupation : « De l'impossibilité d'arriver à
la solution définitive des conflits de lois», Clunet (1897), 225-255, 466-495, 720-738. Bien que cette
publication ait suivi à six ans d'intervalle celle de Kahn, Bartin ne semble pas avoir eu connais-
sance, en 1897, des travaux de son collègue allemand.
Le problème a été repris dès l'année suivante par Despagnet, « Des conflits de lois relatifs à la quali-
fication des rapports juridiques», Clunet (1898), 253-275.
mariage, ils s'établissent en Algérie, y acquièrent des immeubles et le mari meurt sans enfant. Pour
régler les droits respectifs de la veuve et des héritiers du mari, le droit international privé français
en vigueur en Algérie offre les solutions suivantes : le régime matrimonial est soumis au droit de
Malte, lieu du premier domicile conjugal, la succession immobilière est dévolue suivant le droit
français (C. civ., art. 3, al. 2).
D'une part, le Code Rohan en vigueur à Malte soumet les époux mariés sans contrat à un régime de
communauté légale (art. 18), et attribue au conjoint survivant en état de besoin le quart de la part
du prédécédé (art. 17). D'autre part, le droit français en vigueur à cette époque ne reconnaît aucun
droit successoral au conjoint survivant.
Alger, 24 décembre 1889, Bartholo, Clunet (1891), 1171, commenté par BARTIN, Clunet (1897), 227.
C'est le contenu des règles de droit matériel appartenant, respectivement, à chacun
des deux droits compétents, qui va susciter une difficulté que Bartin lie à un conflit de
qualifications : la « quarte du conjoint pauvre » ne doit être allouée à la veuve que si elle
est un effet du régime matrimonial, non si elle est une prétention émise au titre d'héritier
ou de successeur. En effet, le Code Rohan qui, à la différence du droit français, applicable
à la succession, lui en reconnaît le bénéfice, n'est applicable que dans la mesure où les
droits qu'il consacre relèvent du régime matrimonial, à la détermination duquel se limite
sa compétence.
Selon Bartin, le législateur français, qui n'a pas défini ses catégories de rattachement
(dans l'exemple de l'arrêt Bartholo les notions de «successions» et de « régimes
matrimoniaux »), se réfère implicitement au contenu de ces concepts en droit privé
interne. Dès lors, il est fait obligation au juge de qualifier suivant la lex fori.
Bartin entend par là que les institutions du droit étranger (par exemple la « quarte
du conjoint pauvre» du droit maltais) ne peuvent être appliquées en vertu de la règle de
conflit de lois française que si leur« nature juridique» répond, d'après les définitions et
qualifications du droit privé français, à la catégorie inscrite dans la règle de rattachement.
Si le droit étranger auquel appartient l'institution litigieuse en propose une qualification
différente, celle-ci doit céder devant la nature que lui attribue le législateur du for.
7.7 - Un véritable conflit de qualifications étudié par Kahn - Dans un article publié en
1891, six ans avant celui de Bartin, Kahn avait analysé une difficulté qui, bien qu'il ne
l'eût pas appelée« qualification», était tout à fait semblable au problème qui doit ce nom
à l'auteur français. Comme celui-ci, Kahn raisonne à partir de la jurisprudence. À plu-
sieurs reprises, le Reichsgericht fut saisi d'une difficulté où l'on peut voir un véritable
conflit de qualifications : la même institution - la prescription - reçoit du législateur
284 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
Adversaire du cumul comme de la lacune, Kahn propose une solution dont l'inspira-
tion est proche de la qualification lege fori de Bartin : appliquant ses règles de conflit de
lois, le juge donne aux notions dont elles se composent le sens qu'elles reçoivent du droit
civil interne. Concevant, d'après le droit privé allemand, la prescription comme une
exception de fond, le juge allemand rattache au droit américain le moyen de défense sou-
levé. Quand il applique le droit américain, le même juge ne doit plus s'interroger sur la
nature différente qui y serait imprimée aux règles de droit déjà déclarées compétentes.
La solution de Kahn triomphera beaucoup plus tard. Voy. notamment à propos de la prescrip-
1111
tion de la lettre de change: RG, 6 juillet 1934, RGZ 145, 121, Clunet (1935), 1190.
puisqu'il se dissimule derrière l'expression identique donnée aux règles de conflit des
deux États.
conjoint pauvre du droit maltais. C'est donc bien après le choix du droit applicable, et
non avant, que se situe le problème décrit par Kahn et par Bartin.
Ce n'est pas à dire que l'analyse de Kahn et de Bartin soit sans portée. Tous les exem-
ples auxquels ils se réfèrent attestent que le problème décrit par eux apparaît après qu'au
moins un droit étranger a été désigné, et qu'il implique toujours une répartition du règle-
ment de la situation litigieuse entre plusieurs droits nationaux. Jointe au découpage des
matières opéré par les catégories de rattachement« état des personnes»,« successions»,
« régimes matrimoniaux», « procédure», la dispersion matérielle des éléments de ratta-
chement (nationalité, domicile, etc.) pris en considération par les règles correspondantes
requiert que les divers aspects visés par chacune de ces catégories soient respectivement
attribués au droit compétent.
7.10 - Un problème de répartition de compétences législatives - Dans cette perspective,
ce que la doctrine a appelé problème de la qualification a pour objet l'exacte délimitation
du domaine matériel de chacun des droits désignés par les diverses règles de rattachement.
Loin de le précéder, cette délimitation suit le choix opéré par les règles de conflit de lois du
for. De ce fait, elle s'inscrit dans un règlement global de la situation litigieuse.
G. DROZ (précité n° 7.2) couvre la matière des qualifications sous le terme
ll!li « conflit de
répartition ».
Les exemples mêmes choisis par Bartin et par Kahn exigent ce redressement de leur
problématique.
Dans l'affaire Bartholo, il ne s'agit pas de « choisir» entre l'application du droit maltais et celle
1111
du droit français. Ils sont tous deux applicables, chacun pour l'aspect qui le concerne: le Code
Rohan détermine l'étendue des droits que le conioint survivant puise dans son régime matrimo-
nial, tandis qu'il appartient au droit français de désigner les héritiers ou successibles.
Cet exemple dévoile très clairement le conflit d'intérêts qui porte le conflit de lois sur le plan
judiciaire: la masse de biens à partager étant limitée, tout ce qui aura été attribué au conjoint survi-
vant en vertu de son régime matrimonial (ou, le cas échéant, en sa qualité d'héritier ou de succes-
seur) sera soustrait aux héritiers.
L'exemple de Kahn mérite la même interprétation : le droit américain détermine les obligations
lllli
du débiteur, le droit allemand organise les moyens de défense qu'il peut opposer à son créancier
quand celui-ci l'attrait devant un tribunal allemand. Qu'on détermine le délai de prescription selon
l'un ou l'autre de ces droits, n'est qu'un aspect du règlement global de la situation qui requiert
l'application tant de l'un que de l'autre.
Centrée sur l'enjeu d'un litige particulier, la théorie des qualifications s'inscrit dans
le cadre processuel qui caractérise l'école positiviste: si la seule question de droit disputée
par les parties est, soit l'attribution au conjoint survivant de la quarte du conjoint pau-
vre, soit la fixation du délai de prescription, il est aisé de présenter le choix du droit appli-
cable à cette seule question dans les termes d'une alternative ou d'un dilemme. À cette
question-là, le juge devrait appliquer soit l'un soit l'autre des droits en présence.
7.11 - Illusion de la qualification lege fori - La qualification par le droit du for présente
un caractère illusoire, pour deux motifs.
D'abord, la référence aux catégories du droit civil interne peut constituer une
impossibilité. L'objet de la qualification étant une institution du droit étranger déclaré
applicable en vertu de la règle de conflit de lois du for (voy. supra, n ° 7.9), une réduction
aux qualifications du droit du for est un pur artifice lorsque l'institution en cause est
inconnue de ce droit.
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 287
IllAinsi, dans l'affaire Bartholo, il n'y a pas de sens à vouloir qualifier selon le droit civil français la
quarte du conjoint pauvre du droit maltais, dont le premier ne contient aucune trace.
!liComp. infra, n ° 7.27, la problématique de la définition du concept préjudiciel, lorsque les droits
en présence connaissent des institutions comparables sans être identiques.
!li Le législateur russe a bien aperçu la difficulté puisque l'article 1187 du Code civil introduit par
la loi du 26 novembre 2001 (Revue, 2002, 182), après avoir énoncé une qualification de principe lege
fori, prévoit une qualification subsidiaire selon le droit étranger.
Plus fondamentalement ensuite, selon la méthode conceptuelle, les concepts utilisés
comme catégorie de rattachement sont logiquement définis par le droit matériel auquel
ils seraient empruntés. Certes, pareils concepts ont un sens en droit interne. Pourtant, ils
n'y sont assurément pas définis avec précision et ne sauraient l'être. Au demeurant, ils ne
servent aucunement à déterminer les conditions d'application d'un droit étranger, c'est-
à-dire d'une disposition appartenant à un autre système juridique réglant des situations
de vie qui lui sont propres.
Au contraire, la technique du rattachement recourt à des concepts larges, aux con-
tours indistincts, ce qui permet précisément de viser, par leur intermédiaire, des situa-
tions décrites à l'aide de concepts étrangers à l'ordre juridique du for et qui, sous peine
d'être dénaturées, n'auraient pu être exprimées au moyen d'autres « mots», plus fami-
liers au praticien qui appartient à cet ordre (voy. supra, n ° 5.10).
!li Quelle portée ont, dans un ordre juridique national, des concepts tels que « successions»,
« régimes matrimoniaux », « état des personnes» ? lis désignent des « matières» du droit privé et
paraissent, d'ailleurs, directement empruntés à l'enseignement du droit. Autant ils sont aisés à
comprendre, autant il est difficile d'assigner à leurs contenus respectifs des limites précises. Cette
tâche est d'ailleurs inutile pour le juriste de droit interne. Nombre de règles ou d'institutions ont
un caractère complexe et leur contenu les situe aux confins des grandes branches du droit civil
dont on croit apercevoir le décalque dans les systèmes de conflit de lois.
Les arrêts du Reichsgericht à partir desquels raisonne Kahn sont, à cet égard, exem-
plaires. Force est d'en déduire qu'il est artificiel de cristalliser la différence des institu-
tions de droit interne sous les traits d'une opposition radicale entre deux systèmes clos
de qualifications conceptuelles présentées comme irréductibles.
Kahn entend réagir contre une solution aberrante de la Begriffsjurisprudenz, mais sa réponse n'est
11111
guère moins conceptuelle que les décisions du Reichsgericht qu'il critique à bon escient.
Pourquoi affirmer ex cathedra que la prescription « est» une exception de fond ou, au contraire,
«est» un moyen de procédure? La vérité est plus nuancée, et les prescriptions longues, notam-
ment, ne sauraient être analysées indépendamment d'un contexte procédural. Les actions patrimo-
niales n'obéissent sans doute pas aux mêmes règles que les actions ayant pour objet les droits de la
personne, auxquels sied naturellement, et sauf exception légale, un régime de longue prescription
voire d'imprescriptibilité.
L'erreur de Kahn consiste à avoir opposé deux qualifications typiques, comme si à la qualification
procédurale du droit américain s'opposait radicalement la qualification substantielle du droit alle-
mand. Que l'écoulement du délai de prescription constitue en droit romano-germanique une cause
légale d'extinction de l'obligation (voy. notamment l'article 1234 du Code civil), n'enlève pas à la
prescription tout caractère procédural.
7.12 - Qualification lege causae selon Wolff- Ce que l'on appelle « qualification lege
causae » consiste à appliquer le droit étranger déclaré compétent avec ses propres qualifi-
cations.
288 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
7.13 - Élargissement des concepts juridiques du for par une analyse lege causae - La doc-
trine allemande contemporaine de Wolff, notamment Lewald, Melchior, Raape, adopte,
en l'appelant qualification selon la lex fori, une méthode qui ressemble à celle de Wolff
Sous la forme où elle a été reprise en France par Maury et par Batiffol, cette méthode con-
siste à distinguer deux phases dans la qualification: « une phase préparatoire d'analyse
qui, le cas échéant, prendra en considération la loi étrangère et une phase de jugement
selon la loi du for» (BATIFFOL et LAGARDE, t. I, n ° 294). Cela permet de répondre à l'objec-
tion adressée à Bartin, comme entend aussi y répondre la variante de la qualification lege
causae : comment introduire dans les concepts du droit interne du for une institution qui
en est, par hypothèse, inconnue (voy. supra, n ° 5.10)?
La méthode se sépare toutefois de la qualification lege causae dans la mesure où deux
institutions réputées similaires sont diversement qualifiées: l'étendue d'application du
droit étranger est alignée sur celle qui, pour le droit matériel du for, découle de ses pro-
pres qualifications. Ce que le droit du for emprunte au droit étranger, c'est uniquement
l'interprétation du but et des effets de l'institution en cause, aux seules fins de vérifier si
cette institution correspond bien à l'objet de la désignation opérée par la règle de conflit
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 289
de lois du for. Cette analyse lege causae de l'institution étrangère peut conduire à étendre
la catégorie de rattachement du for en appliquant la règle de rattachement à des ques-
tions qui, selon le droit du for, devraient y échapper.
Ill Cette méthode donne à la situation imaginée par Wolff (voy. le numéro précédent) une solution
différente de celle de cet auteur: la qualification quasi délictuelle de l'action en réparation d'une
rupture de fiançailles, qui est celle du droit interne français, a pour conséquence qu'en droit inter-
national privé français on applique le droit du pays où l'abandon fautif a eu lieu, ce qui permet à la
fiancée de nationalité française, quand la rupture est intervenue en Allemagne, d'exercer devant les
tribunaux de son pays l'action prévue par le droit allemand, même si celui-ci la qualifie de contrac-
tuelle.
7.14 - L'autonomie des concepts utilisés comme catégorie de rattachement- C'est aussi
dans la doctrine allemande qu'est née une méthode de qualification assez proche de la
précédente. Imaginée par un grand comparatiste, Rabel, elle consiste à récuser la réfé-
rence aux concepts du droit interne pour édifier selon une méthode comparative, des
catégories de rattachement universelles, c'est-à-dire qui soient aptes à accueillir sous une
qualification commune dénationalisée les institutions juridiques des divers États.
IllAvec raison, LoussoUARN et BOUREL (n° 188) mettent en doute la« viabilité» de la méthode,
non seulement en raison de la difficulté d'identifier ces catégories au terme d'une recherche ency-
clopédique insurmontable, mais encore en raison de la subjectivité de l'interprétation de concepts
uniformes par le juge national.
mais une légitimation par mariage le serait. Cependant, selon le droit belge applicable à la légitima-
tion par mariage en vertu de la règle belge de rattachement, une telle légitimation est impossible en
raison de la relation adultère, mais ce droit permettrait l'adoption plénière s'il était applicable.
Observant l'objectif commun des droits en présence, à savoir permettre la légitimation dans l'un
ou l'autre contexte institutionnel, le tribunal a fait droit à la demande, en déclarant « adapter» le
droit matériel italien au droit belge.
Sur l'exemple de Wolff, voy. F. RIGAUX, La théorie des qualifications, n ° 96, n ° 257 et s., et Recueil des
Ill!
cours, vol. 117 ( 1966), 395 et s.
Sur l'adaptation, voy. encore : G. CANSACCHI, Scelta e adattamento delle norme straniere richiamate
(Torino, 1939); ID.,« Le choix et l'adaptation de la règle étrangère dans le conflit de lois», Recueil
des cours, vol. 83 (1953), 79-161; P. ZrccARDI, Il valore del diritto straniero nell' ordinamento nazionale
(1946), 44; ScHR0DER, Die Anpassung von Ko/lisions- und Sachnormen (1961); Courrs, Can. Bar Rev.
( 1963 ), 265-272 ; J. OFFERHAUS, Aanpassing in het intemationaal Privaatrecht ( 1963) : Ph. FRANCESCAKIS,
0
V « Conflits de lois (principes généraux)», n'" 341-346, Répert. Dalloz (1968); M. FALLON, « La
théorie de l'adaptation au secours de l'ordre public dans les adoptions internationales?», Rev. trim.
dr.fam. (1983), 133-148.
deux phases dans la qualification, dont l'un comprend précisément l'analyse de l'institu-
tion étrangère dans le contexte législatif qui lui est propre.
Ensuite, la qualification selon la lex causae a pour inconvénient de susciter des
cumuls ou des lacunes qui ne sont éliminés que par le recours à de prétendues qualifica-
tions subsidiaires. La qualification selon la lex fori n'est pas davantage en mesure d'har-
moniser les contenus des lois en présence, ce qui a rendu nécessaire un ajustement de ces
lois ou leur adaptation.
Enfin, que pareils tempéraments soient admis par les auteurs mêmes qui se préva-
lent des méthodes conceptuelles de qualification, est une autre contradiction inhérente à
ces méthodes : elles sont adéquates dans la mesure où les droits nationaux concurrem-
ment applicables s'harmonisent sans difficulté. Au contraire, dès le moment où les conte-
nus respectifs de plusieurs systèmes de droit interne ne sont pas prédisposés à être
concurremment appliqués, il est nécessaire de dépasser les méthodes abstraites de déter-
mination de la nature juridique des institutions.
À la vérité, et ceci constitue sans doute l'objection la plus fondamentale, aucun sys-
tème de droit interne ne contient de qualification préétablie des diverses institutions juri-
diques, telle que celles-ci puissent être classées sous une catégorie de rattachement à
l'exclusion des autres. Quand elles sont maniées avec sagesse, les méthodes de qualifica-
tion offrent une motivation purement formelle de la solution que le juge a donnée à
l'évaluation des contenus respectifs des systèmes juridiques en présence.
7.18 - Prise en considération de l'objectif de la norme primaire du for - Plutôt que de
fonder une prétendue qualification sur la nature ou l'essence d'une institution juridique,
il paraît plus réaliste de s'attacher à l'objectif du législateur lorsqu'il pose une règle de
conflit de lois. Pareil objectif tend à tenir en équilibre des intérêts multiples et complexes,
plutôt qu'à se conformer à la définition théorique d'une institution que la science du
droit aurait déduite de la raison pure.
Nombre des critiques formulées ici à l'encontre de la méthode conceptuelle sont reprises des
1111
travaux de Robert Neuner, publiés en 1932. Celui-ci a étendu au droit international privé une criti-
que fondamentale dirigée par Philipp Heck contre la Begriffs;urisprudenz qui domine la doctrine et
la pratique judiciaire au début du xxe siècle. Heck se prévaut d'une méthode différente qu'il
appelle Interessenjurisprudenz car elle tend à reconnaître les intérêts sous-jacents à l'élaboration
d'une règle de droit.
Pour les références sur Ph. HECK, voy. F. RrGAUX, La théorie des qualifications, n°5 120-121, et supra,
n°3.14.
La diversité des intérêts entre lesquels, selon la théorie de la jurisprudence d'intérêts,
la règle de droit tient la balance égale contredit l'attribution à une règle de droit ou à une
institution d'une nature juridique exclusive de toute autre. De plus, un même objectif
peut être atteint par la mise en œuvre de techniques différentes. La prétendue nature juri-
dique d'une institution n'est pas révélatrice du but social poursuivi.
Ainsi, une répartition équitable des biens acquis durant le mariage peut prendre la forme d'un
Ill!
droit de succession ou d'un procédé de liquidation des biens après le décès d'un des conjoints.
La référence à l'objectif de la norme primaire inclut certes une référence au droit du
for, puisque la première appartient au second. Cependant, elle signifie aussi que
l'emprunt se fait moins aux concepts du droit privé interne, qu'aux objectifs propres au
droit international privé, partie du droit du for adaptée aux situations à caractère inter-
national.
292 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
législateur, mais c'est pour justifier la qualification lege fori - du fait de la nature foncièrement
nationale de la règle de conflit de lois-, non sans évocation contradictoire de la nécessité de dépas-
ser un emprunt exclusif aux définitions données par le droit privé interne.
Voy. par exemple MAYER et HEUZÉ (n')S 155 et s.), pour qui « La qualification lege fori est seule
défendable», « Le problème de la qualification s'analyse en un problème d'interprétation de la
volonté de l'auteur des règles de conflit» (n ° 156) ; et d'ajouter que, certes,« on pourrait être tenté,
pour résoudre ce problème d'interprétation de la règle, de se reporter au sens du mot en droit
interne», mais« un tel système lacunaire doit être écarté» (n° 160); et« un grave danger guette
l'interprète de la règle de conflit: l'excessive prise en considération des classifications retenues par
le droit interne du for.» (n° 165).
Selon BUCHER et BoNOMI (n')S 533 et s.), la référence exclusive au droit matériel du for est insuffi-
sante car ce droit est fait pour les situations internes, et le droit étranger désigné peut connaître des
institutions inconnues du droit du for, de sorte qu'il convient, à propos d'un« rapport de droit né
sous l'emprise d'une loi étrangère», d'effectuer une« certaine qualification préliminaire selon la loi
étrangère», indispensable pour« identifier» l'institution en cause; de plus, l'application du droit
étranger peut nécessiter une « qualification secondaire ». Tout en dissociant leur approche d'une
qualification lege fori ou lege causae, ces auteurs semblent ne pas se démarquer d'une recherche du
sens des concepts selon le droit privé interne, tout en évoquant l'opportunité, défendue par
d'autres, d'une« qualification autonome ou fonctionnelle en droit international privé ».
droit international privé (Revue, 1984, 262), dont l'article 9 dispose que: « Les différentes lois
applicables à la réglementation des divers aspects d'un rapport juridique doivent être appliquées
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 293
d'une manière harmonieuse en vue de la réalisation des buts poursuivis par chacune de ces lois ».
La disposition ajoute que : « Les difficultés éventuelles rencontrées dans leur application simulta-
née à l'espèce en question sont tranchées compte tenu des exigences de l'équité».
Sans être identiques, les solutions des deux systèmes peuvent recevoir une applica-
tion distributive (n ° 7.21).
1111Ainsi, il est possible de décider que le conjoint survivant n'a aucune vocation successorale selon
le droit qui régit la succession mais qu'il a droit au quart des biens du défunt en vertu de la loi
applicable à son régime matrimonial, encore que cette solution lui accorde un avantage dont
l'aurait privé l'application intégrale et exclusive de la loi successorale.
Selon les deux droits en présence, l'objet de la demande formulée par une partie doit
lui être alloué, mais pour une cause qui est différente en chacun de ces deux droits
(n° 7.22).
Par exemple, le même effet juridique, l'exception de prescription, est fondé tantôt sur l'extinc-
1111
tion de l'obligation, tantôt sur la déchéance du droit d'agir en justice. Ou encore, les dommages et
intérêts réclamés par la fiancée abandonnée sont selon tel droit la réparation d'une faute délic-
tuelle, selon tel autre la conséquence de l'inexécution d'une obligation contractuelle.
7.20 - Choix entre des effets juridiques incompatibles - Le conflit de deux règles de
droit matériel qui prévoient des conséquences juridiques exclusives l'une de l'autre
appartient à l'essence même du conflit de lois, que la norme primaire tend précisément à
résoudre du point de vue du système juridique du for. En d'autres termes, il relève d'un
problème de rattachement, qui doit être résolu par l'élaboration d'une règle de conflit de
lois appropriée, à laquelle la théorie des qualifications n'ajoute qu'une motivation criti-
quable.
L'illustration peut en être fournie à propos de la détermination du droit applicable à
la validité du mariage. La question a surgi à propos du mariage civil de Grecs orthodoxes
célébré en France, du fait que le droit grec exigeait le respect de formalités religieuses par
des nationaux même à l'étranger, alors que le droit français admet la célébration civile du
mariage célébré en France.
La méthode conceptuelle pourrait y voir un problème de qualifications, puisque le
droit français, !ex fori, qualifie la formalité de question de forme, soumise à ce titre au
droit du lieu de célébration, alors que le droit grec la traite comme une question de fond,
soumise au droit de la nationalité des parties.
C'est en de tels termes que la Cour de cassation de France a abordé la question, dans l'arrêt
1111
Caraslanis (Cass. civ., 22 juin 1955, Revue, 1955, 723, note H. BATIFFOL) qui, selon la doctrine domi-
nante, s'est rallié « en toute clarté» à la méthode de qualification selon la lex fori (BATIFFOL et
LAGARDE, t. I, n ° 292). Elle rejette le pourvoi pour le motif« que la question de savoir si un élément
de la célébration du mariage appartient à la catégorie des règles de forme ou à celle des règles de
fond devait être tranchée par les juges français suivant les conceptions du droit français, selon les-
294 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
quelles le caractère religieux ou laïque du mariage est une question de forme; qu'en conséquence,
le mariage civil contracté en France par les époux Caraslanis-Dumoulin était valable conformé-
ment à la règle locus regit actum ».
En réalité, un tel raisonnement énonce une interprétation de la règle de rattache-
ment du for applicable aux formalités du mariage. La prétendue qualification selon la !ex
fori n'est qu'une manière d'exprimer le rattachement obligatoire de la formalité de célé-
bration du mariage au droit du pays où il est conclu, plutôt qu'à la loi personnelle des
futurs époux, dont le domaine d'application est étendu par une règle de conflit exclusive-
ment unilatérale dissimulée derrière une pseudo-qualification.
Il En cette matière, le droit international privé français ne permet pas que des étrangers se préva-
lent en France des règles de forme prévues par leur loi nationale, la célébration du mariage étant
impérativement fixée selon le droit du lieu de célébration.
Le prétendu « conflit de qualifications» est ici pur artifice. C'est se placer à deux
points de vue différents, nullement incompatibles, que d'affirmer d'une part qu'une for-
malité requise à peine de nullité concerne« le fond» ou la substance (qualification étran-
gère de la célébration religieuse) et de constater de l'autre qu'il s'agit là d'une règle de
forme (qualification du for). Il n'y a pas antinomie entre ces deux aspects: ils expriment
l'un et l'autre la nature complexe d'une formalité dont la transgression a pour consé-
quence la nullité de l'acte juridique.
lm Voy. sur ce point : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, §§ 18 et 19.
Il En matière de mariage, le problème de conflit de lois, qui touche aussi aux conflits d'autorités,
concerne la désignation de l'autorité compétente pour procéder à la célébration du mariage. Dans
les pays ayant laïcisé les formes de conclusion du mariage, l'autorité compétente est déterminée
selon le droit du lieu où il est procédé à l'échange des consentements. Que les droits d'inspiration
confessionnelle fassent une place plus large, parfois même exclusive, à la compétence des autorités
désignées par la loi personnelle des futurs époux, n'a pas pour cause une disqualification de ces for-
malités mais bien une conception différente de l'institution matrimoniale prise dans son
ensemble : fondés sur l'appartenance des croyants à une communauté religieuse, les systèmes juri-
diques confessionnels ont pour critère de rattachement la personnalité des lois et non la territoria-
lité, et ils s'efforcent d'étendre l'applicabilité de la loi personnelle à l'aide de règles de conflit
exclusivement unilatérales déterminant les formes du mariage en quelque pays qu'il soit célébré.
lm Contrairement à ce qu'affirme l'arrêt Caraslanis, « le caractère religieux ou laïque» du mariage
n'est pas plus une « question de fond » en droit grec qu'il n'est une« question de forme» en droit
français. Dans les deux pays, il existe entre le fond et la forme un lien qui s'exprime dans la solution
de rattachement appropriée : application du droit du lieu de célébration dans les pays ayant laïcisé
les formes du mariage, application de la loi personnelle dans les systèmes ayant maintenu son
caractère confessionnel (voy. supra, n ° 1.38).
7.21 - Conjugaison d'effets juridiques empruntés à des droits distincts - Dans certains
cas, les règles matérielles emprµntées aux divers droits que le juge doit appliquer, peuvent
l'être concurremment parce qu'elles ne s'excluent pas l'une l'autre.
L'affaire Bartholo est un exemple typique de cette modalité du problème de réparti-
tion, qui peut être résolu sans recours à la méthode conceptuelle de Bartin.
Il La quarte du conjoint pauvre n'est pas, ni en soi ni par la grâce du droit du for, une institution
du droit matrimonial ou du droit des successions. Destinée à protéger le conjoint survivant contre
l'indigence, elle suppose que son état de besoin soit vérifié compte tenu des droits que lui recon-
naissent, par ailleurs, et son régime matrimonial et la loi successorale et, le cas échéant, le testa-
ment qu'aurait laissé le défunt.
Avant de permettre à la veuve de s'en prévaloir, il faut vérifier si, en fait, elle en remplit les condi-
tions. Comment le savoir sans tenir compte de ce que lui reconnaît, le cas échéant, le droit français
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 295
au titre de loi successorale ? L'étendue d'application du droit maltais ne saurait donc être détermi-
née indépendamment du contenu du droit français, avec lequel elle doit s'harmoniser.
Si, par application du Code Rohan en vigueur à Malte, le quart des biens du défunt est attribué au
conjoint survivant, cette quotité de biens est soustraite aux héritiers légaux et la masse de biens
dévolue conformément au droit français, loi successorale, en est réduite d'autant.
C'est là une simple conséquence du système français de conflit de lois qui permet au conjoint survi-
vant de réclamer l'application du droit étranger auquel est soumis son régime matrimonial. Con-
trairement à la problématique élaborée par Bartin, il n'y a pas lieu de choisir entre les deux droits
mais seulement de déterminer, pour chacun d'eux, son domaine matériel, et ce problème ne
dépend pas de la qualification abstraite donnée à telle institution juridique mais de la manière
dont les contenus respectifs des deux droits sont de nature à être harmonisés.
7.22 - Conflit entre les causes respectives du même effet de droit - Le cas le plus irri-
tant - parce que très révélateur du cadre processuel de la problématique des qualifica-
tions - se présente quand l'effet juridique réclamé par une partie est prévu par les deux
règles de droit matériel en concours, mais pour des causes qui diffèrent l'une de l'autre.
Au cours du débat judiciaire qui oppose les parties, chacune se prévaut de la cause ou de
la qualification qui favorise sa position dans le procès.
Ici encore, l'erreur de la théorie des qualifications a consisté à déduire de la nature
juridique d'une prétention selon le droit matériel interne, des conséquences sur le plan
du conflit de lois.
Ill Il est évidemment absurde, comme l'avait fait le Reichsgericht, de conclure à l'imprescriptibilité
d'une lettre de change que les deux droits en présence, le droit du for et le droit étranger régissant
l'obligation, soumettaient à un délai de prescription. Il n'est pas plus satisfaisant d'attribuer à la
qualification de l'exception de prescription selon le droit interne du for la portée que Kahn lui a
reconnue pour la solution du conflit de lois.
Il faut plutôt rechercher une motivation propre à la matière des conflits de lois.
Quant à la distinction entre la substance et la procédure, une limitation stricte de la
seconde aux besoins du fonctionnement de l'autorité étatique paraît conforme à un
objectif propre à un système de règles de rattachement, par essence, multilatérales, à
savoir de déterminer le droit applicable en fonction de la proximité de la situation avec
un ordre juridique sans préférence de principe pour le droit du for (voy. supra, n ° 3.10).
Ill Ainsi, il paraît judicieux de soumettre l'obligation aux délais de prescription prévus par le droit
qui la régit, ce qui restreint le domaine de la !ex fori. Cela n'empêche pas d'emprunter à celle-ci les
délais qu'elle prévoit, soit parce que la disposition du droit étranger régissant l'obligation ne pour-
rait être appliquée, soit parce que l'imprescriptibilité prévue par ce droit serait jugée incompatible
avec l'administration de la justice telle que l'organise la !ex fori.
Sur le droit applicable à la prescription extinctive, voy. notamment, outre sous le 11° 11.14: BATIF-
FOL et LAGARDE, t. II, n ° 615; GRAULICH, n ° 129; F. R.IGAUX, La théorie des qualifications, n'" 248-250.
Ill Dans la jurisprudence, comp.: Cass., 14 juillet 1898, Van Mill-Debly, Pas. (1898), I, 274; 4 mai
1950, Vigouroux, Pas. (1950), I, 624, avec: Cass. civ., 9 janvier 1934, US. Shipping Board, Revue (1934),
915, note NIBOYET; Cass. civ., 31 janvier 1950, Banque internationale de Pétrograd, D. (1950), 261, note
LEREBOURS-PJGEONNIÈRE; Cass. civ., 28 mars 1960, Revue (1960), 202, note BATIFFOL; Cass. civ.,
3 janvier 1963, D. (1963), 241; Roma, 6 septembre 1983, Nagel, Riv. dir. int. priv. proc. (1984), 167.
Voy. en outre infra, 11° 7.26.
IllUne qualification lege causae dans un cas analogue à ceux traités par le Reichsgericht dans les
arrêts commentés par Kahn, mais avec le recours à un« renvoi de qualification», est encore obser-
vée aujourd'hui dans: Trib. comm. Bruxelles, 15 février 1982, Rev. dr. comm. belge (1984), 61 ; impli-
citement, Paris, 3 mars 1994, Revue (1994), 533, note B. ANCEL ;].C.P. (1995), II, note H. Mum WATT.
En revanche, pour une référence à la loi de l'obligation, selon la « tradition latine», après constat
296 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
que le problème de qualification est« insoluble», voy. : Trib. trav. Bruxelles, 16 février 2000, Chron.
dr. soc. (2000), 548.
Pour une qualification lege causae aux fins de déterminer la nature d'un contrat de timeshare, selon
qu'il constitue ou non un droit réel, voy. : Liège, 4 novembre 2003,].L.M.B. (2004), 1191.
Le cas échéant, la distorsion observée dans le cas d'espèce permet de révéler le carac-
tère inapproprié de la structure des normes primaires du for, dont la fragmentation est à
l'origine du dépeçage de la situation de vie. Il convient alors d'adapter le droit internatio-
nal privé du for, soit par une réforme des règles de conflit de lois pertinentes, soit par une
extension, en fonction du cas d'espèce, de la catégorie de la règle de rattachement la
mieux à même d'obtenir une solution équitable.
Ili Ainsi, dans l'hypothèse de la rupture de fiançailles, la question pertinente est de savoir si la règle
de rattachement désignant le droit du lieu du fait dommageable ou le droit régissant une obliga-
tion contractuelle (autonomie de la volonté, résidence habituelle du débiteur de la prestation
caractéristique) est apte à procurer une solution cohérente. Il y a lieu de croire plus appropriée une
règle particulière de rattachement tenant compte des relations personnelles entre les parties, inspi-
rée des dispositions qui déterminent le droit applicable aux relations de vie commune, conduisant
ainsi à désigner le droit de la nationalité commune des parties et, à défaut, le droit de leur résidence
habituelle commune (voy. infra, n° 12.104).
1111Pour une thèse favorable à l'adaptation de la règle de conflit en fonction de l'espèce, voy. :
BUCHER et BONOMI, n°s 551 et s., à propos de la distorsion entre loi du régime matrimonial et loi
successorale, estimant que,« une méthode de solution précise [faisant défaut], on doit se contenter
d'admettre [... ] une modification de la règle de conflit [... ] lorsque l'application de lois différentes à
la même cause aboutirait à des solutions incompatibles [... ] avec les objectifs des droits concernés ».
Pour exprimer l' « objet » et la « cause » de sa demande dans une situation interna-
tionale, celui qui intente une action judiciaire doit tenir compte des effets juridiques que
le droit étranger compétent attribuera aux faits déclarés établis par le juge. S'il a quelque
hésitation sur le choix du droit applicable, le demandeur doit réclamer les deux effets de
droit que prévoient tant l'un que l'autre des droits nationaux en concours. Bien que la
qualification de l'action soit sans incidence sur le choix du droit applicable, dans un sys-
tème judiciaire fondé sur le principe dispositif la qualification choisie par le demandeur
limite le pouvoir du juge d'emprunter au droit étranger reconnu compétent un effet de
droit qui n'aurait pas été régulièrement réclamé.
L'action alimentaire permet d'en fournir un exemple, soumis à la jurisprudence en 1960 : Cass.,
1111
24 mars 1960, Eifeling, Pas. (1960), I, 860, Rev. crit. jur. belge (1961), 335, note F. RIGAUX.
Un enfant naturel, Français comme sa mère, intente en Belgique, contre un Belge, l'action alimen-
taire non déclarative de filiation prévue par l'article 3406 (sous la version alors en vigueur) du Code
civil belge. À la différence du droit belge, le droit civil français reconnaît à l'enfant naturel simple
l'action en recherche de paternité (à des conditions à peu près similaires à celles de l'action alimen-
taire du droit belge).
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 297
D'après la Jurisprudence belge (voy. infra, n ° 12.115), cette action était, comme l'action d'état pro-
prement dite, alors soumise à loi nationale de l'enfant, soit le droit français. Aucun problème de
qualification ne se pose lors du choix du droit applicable : l'action d'état et l'action alimentaire non
déclarative de filiation sont l'une et l'autre régies par la loi nationale de l'enfant (C. civ., art. 3, al. 3).
Si le problème de conflit de lois est tranché à une phase de la procédure où le demandeur ne peut
plus modifier l'objet ni la cause de sa demande, il sera débouté : sa demande d'aliments n'est pas
fondée puisque l'article 3406 du Code civil belge n'est pas applicable à un enfant français ; quant à
la recherche de paternité du droit français, elle excède l'objet de sa demande, et le principe disposi-
tif qui régit l'action judiciaire interdit au juge d'emprunter au droit étranger reconnu compétent
au cours du litige un effet juridique que le demandeur n'a pas réclamé en temps urile.
Dans cette affaire, le conseil de l'enfant avait, par erreur, raisonné comme si son action n'avait que
les effets limités prévus par le droit belge, droit du for.
droit italien applicable, le divorce ne peut être prononcé qu'au terme d'une période de séparation
commençant au jour de la comparution des conjoints devant le président du tribunal au cours
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 301
d'une procédure de séparation. Dans le cas où la séparation des époux a été organisée par des mesu-
res d'administration prises par le juge de paix durant le mariage, de telles mesures valent-elle
l'intervention du président du tribunal au sens prévu par le droit italien? Voy. à cet égard: Civ.
Liège, 21 décembre 1995, Pas. (1995), III, 58,j.L.M.B. (1996), 280, note M. LIÉNARD-LIGNY, Tijds. Not.
(1996), 477, noce M. LOOYENS: l'équivalence n'étant pas reconnue, le tribunal se refuse à accueillir
une demande d'homologation de la séparation.
La mise en œuvre de la règle matérielle qui régit la question principale est perturbée
par l'insertion, dans l'hypothèse de cette règle, d'une institution différente de celle qui y
est contenue. Or, toute norme a pour fonction de prévoir un effet juridique adapté à
l'hypothèse même qui y est prévue.
Ill!Pour attribuer des quotités distinctes aux diverses catégories d'héritiers, les règles de dévolution
successorale se réfèrent aux relations de filiation celles que les qualifient les dispositions qui, dans
le même système juridique, structurent les relations familiales.
En conférant aux époux séparés de corps la faculté d'obtenir le divorce par la voie de la conversion,
le législateur attache à la procédure en séparation de corps qu'il a lui-même organisée un effet spé-
cifique.
si la décision prononcée en Italie et qui dans l'ordre juridique dont elle émane ne peut pas être con-
vertie en divorce, est visée par le droit matériel interne d'un autre pays - la France ou la Belgique -
dans lequel pareille conversion est prévue par la loi. Sans doute le problème d'équivalence est-il
moins crucial depuis que le droit italien admet le divorce, alors qu'à l'époque des arrêts Ferrari, la
Cour de cassation de France a dû décider si la séparation de corps admise dans un pays où le
mariage est indissoluble peut être convertie en divorce après qu'un changement de nationalité (ou
de domicile) a fait naître dans le chef de l'époux séparé de corps un droit au divorce découlant de
son nouveau statut personnel.
Telle est aussi la solution retenue par le tribunal civil de Neufchâteau (17 janvier 1979,].T., 1979,
630, note F. R!GAUX), à l'époque où le droit belge connaissait encore une discrimination successo-
rale, à propos d'un enfant polonais appelé à hériter d'un immeuble situé en Belgique. Alors que le
droit belge, loi successorale, attribuait une quotité moindre à l'enfant naturel, la loi personnelle du
demandeur avait supprimé toute discrimination entre les diverses catégories d'enfants. Le qualifier
de« naturel» au regard de la loi successorale, pour le motif qu'il était né hors mariage, aurait con-
duit à empiéter sur le domaine propre de la loi personnelle.
La même solution devrait valoir pour la détermination des droits successoraux du partenaire ou du
conjoint de même sexe du défunt, lorsque, à la différence de la loi personnelle, la loi successorale ne
connaît pas d'autre institution que le mariage entre un homme et une femme.
Ill Voy. aussi: Cass., 2 avril 1981, Josi I, Pas., 1981, 1, 835, Rev. crit. jur. belge (1983), 499, note F.
RIGAUX, à propos de l'action introduite en Belgique en réparation du dommage causé par le décès
accidentel d'un Français sur le territoire belge, la demande émanant de la femme qui avait obtenu
du président de la République française l'autorisation de procéder à la célébration posthume pré-
vue par l'article 171 du Code civil français. Bien que le droit belge, !ex loci delicti, applicable à l'action
en réparation ne connût pas cette forme de célébration, l'action de la veuve a été déclarée fondée.
mariage mais que les parties soient unies par une relation de partenariat conclue conformément à
un droit étranger qui attribue à cette institution, visant à formaliser les unions homosexuelles, une
portée analogue à celle du mariage, hormis pour les questions de filiation, il n'y a pas d'obstacle à
étendre l'application de la loi des effets du mariage à cette hypothèse, à moins que l'exception
d'ordre public ne soit appelée à intervenir.
L'autre écueil consisterait à exiger du droit applicable à la détermination du concept
préjudiciel qu'il prévoie lui aussi l'effet juridique réclamé en vertu du droit qui régit la
question principale. Cette deuxième erreur reviendrait à soumettre au premier droit une
question que la règle de conflit de lois du for défère au second.
1111 Par exemple, pour qu'un enfant adoptif puisse venir à la succession des parents collatéraux des
adoptants, il suffit que cette conséquence soit prévue par la loi successorale, à condition que la qua-
lité reconnue à !'adopté par sa loi personnelle soit équivalente à celle qui a un tel effet selon la loi
successorale, sans qu'il soit nécessaire de vérifier l'étendue de son aptitude à succéder d'après sa loi
personnelle.
LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ET LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL 303
De même, pour qu'une séparation de corps admise en vertu d'un droit autre que le droit applicable
à la conversion en divorce puisse être convertie conformément à ce dernier droit, il n'est pas néces-
saire que le premier connaisse lui-même la faculté pour les époux séparés de corps de demander le
divorce par la voie de la conversion.
Lorsque l'institution prévue par le droit régissant la question préalable est inconnue
du droit qui régit la question principale, l'appréciation de l'équivalence peut conduire
indirectement à un ajustement des catégories de rattachement du for, montrant par là
que le domaine d'application dans l'espace d'une règle matérielle ne se laisse pas détermi-
ner de manière absolue. Le cas échéant, il y a lieu de procéder à une adaptation de la règle
de rattachement du for, lorsque celle-ci soumet les effets d'un rapport juridique au droit
d'un pays qui ignore l'institution en cause alors que la validité de celle-ci est admise selon
la loi qui en régit la constitution.
L'hypothèse du mariage posthume en fournit une illustration, si on modifie sensiblement les
1111
données du cas d'espèce soumis aux juridictions belges (voy. sous le numéro précédent). Par exem-
ple, la femme belge prétend exercer un droit de succession sur un immeuble délaissé par son con-
joint posthume et localisé en Belgique. La règle de rattachement successorale désigne le droit belge,
qui ignore le mariage posthume. La validité du mariage posthume, question préalable, doit être
appréciée en l'espèce en fonction du droit français, selon lequel le mariage posthume n'entraîne
aucun droit de succession ab intestat au profit de l'époux survivant. Le juge belge ne pourrait
qu'écarter la veuve à la succession. Ce faisant, il étend le domaine d'application du droit français,
en lui attribuant une portée pour la question successorale qu'il n'est normalement pas appelé à
régir.
Sur cet exemple, voy. : F. RrGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relati-
vité générale», Recueil des cours, vol. 213 (1989-I), 166-168.
Ill L'hypothèse du partenariat enregistré ou de la cohabitation légale - ou pacte civil de solidarité
en droit français - peut nécessiter une adaptation de la règle de rattachement. Si la demande prin-
cipale, relative aux effets personnels de la relation, est régie, en vertu de la règle de rattachement du
for, par une loi qui ignore l'institution, alors que la relation a été conclue valablement selon la loi
qui régit celle-ci en vertu du droit international privé du for, force est de revenir à une loi qui con-
naît l'institution, le cas échéant la loi même qui a permis la conclusion valable de la relation. Cette
adaptation n'est cependant pas nécessaire dans tous les cas de partenariat ou de pacte de solidarité,
et ne devrait donc pas justifier une règle de rattachement unitaire soumettant les effets de toute
relation de ce type à la loi en vertu de laquelle celle-ci a été conclue (voy. infra, n ° 12.107).
Le Code belge de droit international privé prévoit cette hypothèse, en permettant une dérogation à
la règle de rattachement (art. 60, al. 3). La proposition de loi prévoyait en cette matière une disposi-
tion plus large, du fait que la règle de rattachement dissociait davantage le régime des effets de
celui de la validité de l'acte.
polygamie. La chambre civile de la Cour de cassation de France (19 février 1963, Revue, 1963, 559,
note G.H.) maintient cet effet en affirmant que la naturalisation française acquise par le mari a
pour seule conséquence de soumettre désormais au droit français, applicable aux « effets du
mariage d'époux de nationalité différente domiciliés rous deux en France », l'obligation alimen-
taire d'un Français polygame, dont les unions contractées sous son statut tunisien ont conféré à
chacune de ses épouses la« qualité d'épouse légitime définitivement acquise [... ] à l'étranger».
L'application du droit régissant les effets alimentaires, par hypothèse compatibles avec l'ordre
public, d'une union polygame ne va pas sans difficulté lorsque ce droit lie l'obligation alimentaire
au devoir de secours et d'assistance, lequel s'exécute en nature à la résidence conjugale et n'est pas
dû à l'époux qui, sans motif valable, refuse de cohabiter avec l'autre. Dans le cas du conjoint poly-
game, l'offre de reprendre la vie commune devrait être jugée contraire à l'ordre public dans un pays
connaissant l'union monogame (voy. infra, n ° 12.43).
Dans la doctrine, voy. notamment: FRANCESCAKIS, note sous TGI Versailles, 2 février 1960, Revue
(1960), 384-387; BATIFFOL, Mélanges Roubier, 39 et s. Pour d'autres exemples des difficultés liées à ce
problème de transposition, voy. F. R.IGAUX, Recueil des cours, vol. 117 (1966), 398-402.
Le problème de transposition se distingue des autres hypothèses de substitution par
la circonstance que, dans le premier cas, les deux droits sont désignés à la faveur de deux
concrétisations successives du même facteur de rattachement.
Quand le conflit mobile ne reçoit pas de solution expresse du législateur, le juge
peut tenir compte des difficultés du problème de transposition pour modifier la solution
donnée à ce conflit.
1111Ainsi, dans le cas du Tunisien polygame devenu Français, la solution la plus correcte consiste à
laisser sous l'application du droit tunisien les effets de la polygamie compatibles avec l'ordre public
français. La différence entre les deux institutions est trop accusée pour qu'il soit raisonnable de
soumettre à un droit d'inspiration monogamique les effets, tolérés, de la polygamie. Voy. en ce sens
aussi: MAYER et HEUZÉ (n° 574, citant BISCHOFF).
Section 2
L'éviction du droit étranger
par l'exception d'ordre public
7.32 - Bibliographie
a) Études générales
Outre la bibliographie que contient l'ouvrage de P. LAGARDE, Recherches sur l'ordre public en droit inter-
national privé (Paris, LGDJ, 1959), voy.: G. BARILE, I principi fondamentali della communità statale ed il
coordinamento fra sistemi (L'ordine pubblico internazionale) (Padoue, Cedam, 1969); F. BOULANGER,« Le
rôle de l'ordre public dans les actions d'état en droit international pnvé », D.5. (1982), J., 285-287;
J. BASEDOW, « Recherches sur la formation de l'ordre public européen dans la jurisprudence»,
Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 55-74; J. BLOM, « Public policy in private international law
and its evolution in rime», N.I.L.R. (2003), 373-400; A. BUCHER,« L'ordre public et le but social des
lois en droit international privé», Recueil des cours, vol. 239 (1993-II), 9-116; F. CADET, L'ordre public
en droit international de la famille: étude comparée France-Espagne (Paris, L'Harmattan, 2005) ; P.
COURBE, « L'ordre public de proximité», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 227-239; M. DE
ANGULO RoDRIGUEZ, « Du moment auquel il faut se placer pour apprécier l'ordre public
international», Revue (1972), 369 et s.; N. ENONCHONG, « Public Policy in the Conflict of Laws: A
Chinese Wall Around Little England? », I.C.L.Q. (1996), 633-661; Ph. FRANCESCAKIS, « Y a-t-il du
nouveau en matière d'ordre public?», Trav. Comité fr. d. i. p. (1966-1969), 149 et s.; F. GAMILLSCHEG,
« Rules of Public Orcier in Private International Labour Law», Recueil des cours, vol. 181 (1983-III),
285-347; A. GARNEFSKY, Public policy in Soviet private international law (Groningen, V.R.B., 1968);
--- ---------------------------------------
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 305
G. GoLDSTEIN, De l'exception d'ordre public aux règles d'application nécessaire (Montréal, Thémis, 1996);
P. HAMMJE, « L'effet atténué de l'ordre public », L'extranéité ou le dépassement del'ordre juridique étatique
(Paris, Pédone, 1999), 87-1:0; E. ]AYME,« Identité culturelle et intégration: le droit international
privé postmoderne», Recueil des cours, vol. 251 (1995), spéc. 223-245; C. KABANGE, « L'ordre public
et le droit traditionnel», Rev. jur. et pol. indépendance et coopération (1972), 271 et s.; T. KEANE,
« Aloha, marriage ? Constitutional and choice of law arguments for recognition of same-sex
marriages », Stanford L.R. (1995), 499-532; L. KRAMER, « Same-sex marriage, conflict oflaws, and the
unconstitutional public policy exception», Yale L.]. (1997), 1965-2008; P. LAGARDE,« La théorie de
l'ordre public international face à la polygamie et à la répudiation - L'expérience française »,Mélan-
ges Rigaux (Bruxelles, Bruylarit, 1993), 263-282; G. A. LANG, La fraude à la loi en droit international privé
suisse (Mauraz, Imp. Chablo:;z, 1984); K. LENAERTS, « Le rôle joué par l'exception d'ordre publie lors
de la solution des conflits ie lois en matière de filiation», Rev. trim. dr. Jam. (1983), 109-132; F.
MARQUET,« Du conflit encre l'ordre juridique interne et l'ordre public international »,].T (1974),
187 et s.; A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions de droit musulman», Clunet (2003),
721-766; F. MoscoNI, « Exceptions to the operation of choice of law rules », Recueil des cours,
vol. 217 (1989-V), 9-214; K. MURPHY, « Traditional View of Public Policy and ordre public in Private
International Law», Georgie]. Int. Comp. L. (1981), 591-615; S. OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre
public en droit international privé suisse - Personnes, famille, successions (Zürich, Schulthess, 2000),
644 p.; N. PALAJA, L'ordine pubblico 'internationale' (Padoue, Cedam, 1974); S. PoILLOT-PERUZZETTO,
« Ordre public et droit communautaire», D.S. (1993), C, 177-182; ID.,« Ordre public et lois de
police dans l'ordre commurautaire », Trav. Comité français dr. int. pr. 2002-2003 (Paris, Pédone, 2005),
65-106 ;J.-B. RACINE, L'arbitrage commercial international et l'ordre public (Paris, LGDJ, 1999), 623 p.; F.
RIGAUX, Droit public et droit privé, §§ 10, 25, 41, 42, 46, 47, SS, 71, 73, 82, 95, 99, 101, 108, 111, 119-
121,123-125, 129, 131-135, 145, 181, 184, 192, 209-212; S. ScHWUNG, « Das Ersatzrecht bei einem
Verstoss des auslandischen Rechts gegen den ordre public», RabelsZ. (1985), 407-425; 1. SEIDL-
HoHENVELDERN, « L'ordre public international et la fraude à la loi», Mélanges Maury, t. I, 473 et s.;
M. SoSNIAK, « Les effets de l'application de la clause d'ordre public dans la doctrine et la législation
contemporaines de droit international privé», Polish Yearbook Int. Law (1984), 177-192; E. STEIN-
DORFF, « Europaisches Gemeinschaftsrecht und deutsches internationales Privatrecht - Ein
Beitrag zum ordre public und zur Sonderanknüpfung zwingenden Rechts », Europarecht (1981),
426 et s.; R. VANDER ELST, « Ordre public international, lois de police, lois d'application
immédiate», Mélanges Legro;, 653 et s.; ID.,« Arbitrabilité des litiges et fraude à la loi en droit inter-
national privé», Rev. crit. jur. belge (1981), 347-359; G. VAN HECKE,« Le mariage polygamique devant
les tribunaux belges», Rev. ,:rit. jur. belge (1971), 5-12; H. VERHEUL, « Public Policy and Relativity »,
N.I.L.R. (1979), 109-129; N. WATTÉ, « Quelques remarques sur la notion de l'ordre public en droit
international privé», Rev. ci-it. jur. belge (1989), 66-104; W. WAUTERS et K. WAUTERS-LAMBEIN, « De
exceptie van de internationale openbare orde - Enkele toepassingen in het I.P.R. », Tijds. Gentse
Rechtspraak (1995), 131-136 ..
A. Objet de l'exception
7.35 - Le droit étranger désigné, objet de l'exception - Dans la matière des conflits de
lois, l'ordre public exerce une fonction propre lors de la mise en œuvre de la disposition
qui conduit normalement à l'application d'un droit étranger. Alors même que celui-ci a
été déclaré applicable en vertu de la norme primaire du for, son applicabilité peut être
écartée lorsqu'elle est incompatible avec l'ordre public, tel qu'on le conçoit dans l'État du
for.
Le terme «exception» exprime le caractère négatif de cette fonction de l'ordre
public : il est apporté une dérogation au jeu normal de la norme primaire du for.
L'exception a pour objet l'applicabilité d'un droit étranger. Elle se distingue de
l'ordre public opposé à un acte privé (voy. infra, n ° 14.77) ou de l'éviction d'une règle du
droit interne jugée incompatible avec une norme supérieure.
1111En ce sens, l'exception d'ordre public est un élément de la condition du droit étranger : à la dif-
férence des sources de droit national, le droit étranger n'est pas protégé contre une appréciation de
son incompatibilité avec « l'ordre public» du tribunal saisi. Pour un motif de cohérence formelle
du système juridique, le droit du for jouit d'une immunité dont ne bénéficie pas le droit étranger.
Ainsi, la loi en vigueur dans une unité territoriale d'un système juridique non unifié peut bénéficier
d'une immunité qui n'aurait pas été reconnue à une disposition étrangère ayant le même contenu.
Par exemple, avant l'indépendance du Congo, la Cour de cassation de Belgique a refusé de tenir
pour contraire à l'ordre public une disposition du droit colonial, qui aurait vraisemblablement été
écartée si elle avait émané d'un pouvoir étranger (Cass., 22 octobre 1953, Iramana, Pas., 1954, !, 130;
sur cet arrêt, voy. notamment la note de R. DEKKERS, Rev. crit. jur. belge, 1954, 102).
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 307
La même solution a prévalu en France en ce qui concerne notamment les dispositions du BGB
maintenues en vigueur en Alsace-Lorraine (P. LAGARDE, précité n ° 6.39, 192 et s.).
En revanche, certains systèmes plurilégislatifs, de type fédéral, font jouer l'exception d'ordre public
dans les relations interfédérales. Aux États-Unis, la Full Faith and Credit Clause n'exclut pas l'argu-
ment de la public policy à propos du droit d'une entité de la fédération. De même, de l'arrêt précité
du 22 octobre 1953, on ne pourrait déduire que les conflits intercoloniaux n'ont jamais laissé de
place à l'exception d'ordre public. Voy. sur ce point: BATJFFOL et LAGARDE, n ° 357.
1111Le droit du for peut devoir être écarté en cas de violation, tantôt d'une règle constitutionnelle
de répartition des compétences normatives garante de la cohérence du système du for, tantôt d'une
norme supérieure destinée à garantir les droits fondamentaux de la personne, établie dans la Cons-
titution ou par un traité international ratifié par l'État du for. Voy. infra, n ° 7.48, sur la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le traité instituant la Communauté euro-
péenne.
L'exception d'ordre public ne vise pas l'hypothèse de la prise en considération du
droit public étranger.
1111Quand le juge pénal doit soumettre une infraction commise à l'étranger au principe de la dou-
ble incrimination ou reconnaître l'effet absolutoire de l'acquittement déjà prononcé par le juge
étranger, il ne saurait être soutenu que la loi pénale étrangère n'incriminant pas le fait réprimé par
la !ex fori ni que la décision étrangère ayant acquitté l'inculpé sont contraires à l'ordre public.
À propos d'une question analogue suscitée par la reconnaissance d'une décision civile étrangère,
voy.: Bruxelles, 15 décembre 1967, Pas. (1968), Il, 122.
7.36 - L'éviction des effets du droit étranger - À le serrer de plus près, l'objet de l'excep-
tion d'ordre public n'est pas le droit étranger comme tel, mais les effets que ce droit
devrait produire dans le pays où il est en principe déclaré applicable et qui sont jugés
incompatibles avec l'ordre public de ce pays.
Le tribunal saisi n'a aucune qualité pour« juger» le droit étranger ni pour infliger
un blâme au législateur étranger. Il est assez simpliste, comme le fait encore Bartin en
1930, d'associer l'exception d'ordre public au refus« d'appliquer à un litige la législation
d'un pays non civilisé, que les règles françaises du conflit des lois devraient le conduire à
appliquer si cette législation en était digne» (t. I, § 102, 268).
Ill La jurisprudence contemporaine n'est pas encore entièrement affranchie d'une prétention à
juger le droit étranger. Voy. particulièrement: Civ. Bruxelles, 27 septembre 1996, Rev. trim. dr. fam.
(1997), 393, note M. FALLON: le droit italien, applicable à une demande en divorce par consente-
ment mutuel d'époux italiens qui avaient connu une séparation prolongée, est qualifié de« nul»
pour contrariété à l'ordre public, pour le motif qu'il prévoit une homologation judiciaire de la
séparation consensuelle ! Un tel raisonnement est toutefois isolé.
Le droit étranger est évincé, non point parce qu'il est indigne d'application, mais
parce que la mise en œuvre de ses dispositions est incompatible avec le fonctionnement
normal des institutions et des règles juridiques en vigueur dans l'État du for. L'étude du
droit comparé enseigne au moins la relativité des solutions juridiques, sans que les juges
d'un État puissent prétendre que celles de la lex fori sont supérieures aux solutions diffé-
rentes d'un droit étranger.
7.37 - La relation de l'exception avec l'ordre public interne: de l'ordre public positif à
l'ordre public négatif- Ayant pour élément de référence l'ordre public de l'État du for,
l'exception d'ordre public participe du caractère national du droit international privé
(voy. supra, n ° 1.10).
Ill C'est l'école positiviste qui a posé les éléments de la théorie de l'ordre public dans la matière des
conflits de lois. Après le renvoi (chapitre 6) et la qualification (section 1), la doctrine de l'ordre
308 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
public (selon le titre d'un article publié par Kahn en 1898) est le troisième pilier de la construction
positiviste : non seulement les règles de conflit diffèrent d'un pays à l'autre (problème du renvoi) et
les règles matérielles formulées dans les mêmes termes suscitent des conflits de qualifications, mais
le contenu du droit étranger déclaré applicable est parfois incompatible avec l'ordre public du tri-
bunal saisi.
S'élevant contre ce qu'il a appelé l'école romaniste de l'ordre public, Kahn a vivement critiqué la
confusion, courante dans la doctrine issue de Mancini, entre les lois impératives ou lois de police et
les « lois d'ordre public». Voy. KAHN, « Die Lehre vom ordre public (Prohibitivgesetze) », Jherings
]ahrbücher (1898), 1-112, reproduit dans Abhandlungen, t. !, 161-254. Dans ses Principes, publiés en
1930, Bartin présente encore le renvoi, les qualifications et l'ordre public international comme les
trois théories fondamentales « qui peuvent seules donner son vrai caractère au système du conflit
des lois pratiqué dans un État quelconque» (t. !, § 104, 271). Il avait déjà groupé les trois problè-
mes dans ses Études de droit international privé ( 1899).
Ce n'est pas à dire que Kahn et Bartin ont « inventé» la notion d'ordre public. Au contraire, des
trois problèmes qu'ils ont rapprochés l'un de l'autre, la théorie de l'ordre public avait seule été
explicitée par la doctrine universaliste. Leurs efforts ont porté sur la critique d'une théorie large-
ment reçue et qui consistait à intégrer « l'ordre public international» au jeu normal des règles de
conflit de lois.
L'ordre public interne influence nécessairement l'objet de l'exception sous l'angle de
son contenu. À cet égard, la seconde endosse nécessairement le caractère évolutif qui
affecte le premier. Les modifications apportées au droit du for exercent une influence
immédiate sur la mise en œuvre de l'exception d'ordre public.
IllAinsi, à l'époque où le droit interne belge ou français prohibait roue établissement d'une filia-
tion adultérine, il était généralement considéré que l'application d'un droit étranger plus libéral
était évincée par l'exception d'ordre public. Voy. encore: Cass. civ., 3 juin 1966, Domino, Revue
(1968), 64, note J. DERRUPPÉ. En Belgique, la jurisprudence s'est assouplie après l'entrée en vigueur
de la loi du 10 février 1958. Voy.: Bruxelles, 18 février 1960, Revue (1960), 577, note F. RIGAUX, et
surtout Cass., 27 février 1986, Swartebroeckx, Pas. (1986), I, 806.
111!Voy. aussi, à propos du mariage de personnes de même sexe, la circulaire de la ministre de la Jus-
tice, du 23 janvier 2004 (Monit., 23 janvier 2004), explicitant la possibilité de célébrer en Belgique le
mariage d'étrangers à l'encontre de leur loi personnelle, par référence à la loi du 13 février 2003
(art. 143 C. civ.) ayant élargi le mariage aux personnes de même sexe.
Cette relation n'est pourtant pas dépourvue d'ambiguïté et il convient de détermi-
ner avec soin la perspective propre à chacun des deux concepts.
Historiquement, l'ordre public dans la matière des conflits de lois procède d'une
comparaison entre le droit étranger et le droit du for. Il entre en action quand le contenu
du droit étranger en principe déclaré compétent paraît trop incompatible avec les solu-
tions différentes de la !ex fori.
Ainsi, la polygamie, la prohibition des mariages interraciaux, les discriminations entre l'enfant
Ill!
naturel et l'enfant légitime, les restrictions apportées au droit de propriété sont comparées à la
monogamie, à la liberté du mariage, à la prohibition des discriminations liées à la naissance, à la
protection constitutionnelle du droit de propriété. Au mariage d'étrangers régis par leur loi per-
sonnelle peut-on appliquer un statut polygamique ou un empêchement de mariage fondé sur la
disparité de culte ou de race ?
Cette méthode conduit le juriste à considérer un ordre public positif, fait d'un
ensemble de règles matérielles indispensables au fonctionnement de la société. Elle ne
pourrait pour autant donner cette qualification à coure règle d'ordre public, sous peine
de ruiner le droit des conflits de lois. En effet, une assimilation de l'ordre public
«international» à l'ordre public« interne» abourirait, pratiquement, à évincer l'applica-
bilité de la loi nationale à la plupart des questions de statut personnel.
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 309
Voy. l'opinion exprimée par les délégués des États membres de la Conférence de La Haye de
1111
droit international privé, d'ailleurs confirmée par la pratique rédactionnelle présentée ci-dessous :
rapport du professeur DE WINTER, Documents relatifs à la se session, 130-131.
Voy. aussi l'opinion individuelle de deux membres de la Cour internationale de Justice, exprimée
dans l'arrêt Boil, du 28 novembre 1958 (voy. infra, n ° 12.169), Sir Hersch Lauterpacht et M. Morera
Quintana, C.I.j. Recueil (1958), 91-92 et 103.
Les Conventions de La Haye enferment le moyen de l'ordre public dans des limites
strictes, qui exigent que l'incompatibilité soit « manifeste». Au demeurant, la formula-
tion confirme le concept d'un ordre public négatif, centré sur les effets de l'application
du droit étranger plutôt que sur le jugement porté sur le droit étranger.
La formulation nouvelle apparaît dès la Convention du 24 octobre 1956 sur la loi applicable
1111
aux obligations alimentaires envers les enfants:« La loi déclarée applicable par la présente Conven-
tion ne peut être écartée que si son application est manifestement incompatible avec l'ordre public
de l'État dont relève l'autorité saisie » (art. 4).
Voy. comme exemple récent, l'article 18 de la Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi
applicable aux successions à cause de mort: « L'application d'une des lois désignées par la Conven-
tion ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre
public».
Comp. l'inclusion d'une règle matérielle dans l'article 22 de la Convention du 19 octobre 1996 con-
cernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière
de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants : « L'application de la loi dési-
gnée par les dispositions du présent chapitre ne peut être écartée que si cette application est mani-
festement contraire à l'ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant ».
1111 La formulation était moins ferme dans l'article 6 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955
sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels:
« L'application de la loi déterminée par la présente Convention peut être écartée pour un motif
d'ordre public».
1111Sous l'angle terminologique, les termes « application» et« incompatibilité» marquent adéqua-
tement la méthode d'évaluation, nécessairement fonctionnelle (voy. infra, n ° 7.46) de l'ordre public,
mieux que le terme« contraire» observé dans la Convention précitée du 19 octobre 1996. Le terme
« manifeste» traduit bien le caractère restrictif du moyen mais paraît moins approprié - parce
qu'exprimant un concept d'apparence - que celui de «absolument» (ou rigoureusement, en
anglais: strongly, selon P. CARTER, « The role of public policy in English private international law »,
I.C.L.Q., 1993, 1-10).
Il arrive exceptionnellement que le traité exclue l'exception d'ordre public comme
telle, tout en incluant un concept ayant une fonction similaire.
1111Ainsi, selon l'article 20 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de
l'enlèvement international d'enfants : « Le retour de l'enfant conformément aux dispositions de
l'article 12 peut être refusé quand il ne serait pas permis par les principes fondamentaux de l'État
requis sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales». Selon le rapport
explicatif de E. Pérez-Vera, cette solution« est le produit d'un compromis entre délégations favora-
bles et délégations contraires à l'inclusion dans la Convention d'une clause d'ordre public» (Actes et
documents de la 14e session, t. III, 1982). L'interprétation correcte de l'article 20 exige que l'exception
d'ordre public ne puisse pas comme telle être invoquée.
7.39 - L'exception dans les codifications nationales - La plupart des codifications récen-
tes prévoient expressément l'exception d'ordre public.
Ill Plusieurs lois précisent que l'éviction de la loi étrangère n'a lieu que si l'application de cette loi
doit aboutir à un «résultat» incompatible avec l'ordre public (en Autriche, § 6 LDIP; en Suisse,
art. 17 LDIP). Dans le texte suisse, l'adverbe «manifestement» qui apparaissait dans le texte du
projet déposé par le Conseil fédéral a été biffé au cours des travaux parlementaires.
En Italie, l'article 16 LDIP se réfère aux« effets» du droit étranger.
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 311
En Allemagne, suivant le nouvel article 6 EGBGB, la règle de droit étranger doit être écartée
« lorsque son application conduit à un résultat manifestement incompatible avec les principes fon-
damentaux du droit allemand. C'est notamment le cas lorsque son application est inconciliable
avec les droits fondamentaux».
En Belgique, le Code de droit international privé suit la tendance du droit comparé,
en énonçant que: « L'application d'une disposition du droit étranger désigné [... ] est
écartée dans la mesure où elle produirait un effet manifestement incompatible avec
l'ordre public» (art. 21, al. 2). La référence à« une disposition» plutôt qu'au droit étran-
ger même entend confirmer le caractère fonctionnel de l'exception. Il en va de même de
l'utilisation du terme« effet».
jurisprudence française pratique le contrôle du droit appliqué - à la matière des conflits de lois -
par exemple à propos d'unions polygamiques célébrées à l'étranger. Voy. à ce sujet: BATIFFOL et
LAGARDE, n ° 361.
Ill En Belgique, cette démarche est très explicite dans l'arrêt de la Cour de cassation du 29 avril
2002, ONP c. A., R. W (2002-2003), 862, note J. ERAUW; Rev. trirn. dr. farn. (2003), 94, note J.-Y. CAR-
LIER, à propos de la reconnaissance d'une répudiation (voy. infra, n ° 12.96).
L'arrêt comporte encore une précision intéressante sur la relation entre reconnaissance d'un juge-
ment étranger et conflit de lois, en ayant soin d'indiquer que le juge requis, loin d'appliquer le droit
étranger, se borne à reconnaître les effets d'un jugement qui s'est fondé sur l'application du droit
étranger.
Ill Le moyen de l'ordre public montre combien l'autorité d'une décision étrangère subit une condi-
tion discriminatoire au même titre que le droit étranger. Alors que l'autorité de la chose jugée
d'une décision nationale en couvre tous les vices et qu'elle ne saurait être combattue que par l'exer-
cice d'une des voies de recours spécialement prévues par la loi, la décision étrangère est beaucoup
plus fragile à un double égard: quels que soient les mérites respectifs des deux décisions, elle est
évincée par la décision inconciliable prononcée dans l'État du for (voy. infra, n° 5 10.24 et 10.39), et
l'exception d'ordre public fait obstacle à la reconnaissance d'une décision contenant une irrégula-
rité qui, dans l'ordre interne, est couverte par l'autorité de la chose jugée.
impératives ou d'ordre public de ce droit, soit une disposition spéciale d'applicabilité attachée à
une règle de droit matériel.
Pour des cas d'application de cette méthode, voy. infra, n ° 14.77.
Sur le rôle limité de l'article 6 du Code civil à propos de l'exception d'ordre public, voy.
spécialement: Cass., 17 juin 1999, Elite, Bull. Cass. (1999), 916, R.W (2000-2001), 657, note J.
ERAUW : viole la règle de rattachement en matière de contrats, et partant la Convention de Rome du
19 juin 1980, le juge d'appel qui vérifie l'admissibilité d'une clause pénale en fonction de l'article 6
du Code civil sans appliquer préalablement la loi étrangère qui régit le contrat.
Cette différenciation de l'ordre public interne par son objet et par sa mise en œuvre
ne se répercute que partiellement sur le contenu de l'ordre public.
Dans un cas comme dans l'autre, ce qui est en cause est l'intérêt général, les valeurs
supérieures indispensables au maintien de la structure sociale. Nul ne se hasarderait à
énoncer, à côté de dispositions particulières qualifiées d'impératives ou d'ordre public,
une liste exprimant l'ensemble des aspects qui intéressent l'ordre public: la notion est à
contenu variable, en droit interne comme en droit international privé, et son explicita-
tion appartient aux seuls organes habilités à exprimer la conscience juridique collective
en présence de siruations particulières.
Dans les deux cas aussi, le juge peut avoir égard à un ordre public de droit interna-
tional, dont la mise en œuvre s'impose avec la même force à propos d'un acte privé qu'à
propos d'un droit étranger. Le cas échéant, il refusera de la même manière de donner
effet à un droit étranger inconciliable avec un droit fondamental consacré par un traité
international, qu'à un contrat international de droit privé comportant une violation du
même droit.
1111 Sur l'ordre public du droit international à propos du droit étranger, voy. infra, n ° 7.50.
7.42 - Ordre public et loi de police - L'exception d'ordre public de la matière des con-
flits de lois entretient des relations complexes avec la problématique dite des « lois de
police» (voy. supra, n ° 4.11). Les deux concepts ne se confondent pas sous un angle tech-
nique, alors qu'une similarité de contenu est de nature à engendrer une influence du pre-
mier sur le second.
Techniquement, les concepts sont distincts par leur objet. Comme l'exception
d'ordre public porte sur les effets de l'application du droit étranger désigné en vertu
d'une norme primaire du for, elle peut avoir pour objet une règle étrangère qualifiée de
loi de police, de loi impérative ou de loi d'ordre public. Cette prééminence de l'exception
d'ordre public traduit un ordre de priorité entre l'ordre public du for et l'ordre public
étranger, puisque le premier est apte à évincer le second lorsque celui-ci s'exprime au
moyen d'une loi particulière.
L'application du moyen de l'exception d'ordre public à l'égard du« droit public» étranger suffit
1111
à préserver les intérêts étatiques du for, mieux qu'une prétendue inapplicabilité de principe du
droit public étranger (voy. sur ce thème, supra, n ° 1.26).
Ill La jurisprudence belge montre un passage rapide de la phase de l'exception d'ordre public à
celle de la formulation - implicite - d'une règle de rattachement, à propos des aliments entre ex-
époux. Confrontée à de nombreuses reprises à l'application du droit d'un pays musulman - Algé-
rie ou Maroc - ne connaissant pas de droit aux aliments comparable à ce que prévoient les pays
européens, elle n'a pas hésité à traduire la préoccupation de l'éviction du droit étranger normale-
ment applicable - en tant que loi nationale commune des parties - par une règle désignant le
droit de la résidence habituelle du créancier d'aliments, avant que le Code de droit international
privé consolidât cette évolution. Voy. infra, n ° 12.189.
Le législateur belge a aussi montré l'exemple d'une relie mutation, en matière de divorce. À une
époque où de nombreux époux ressentaient l'impossibilité de divorcer en vertu du droit étranger
normalement applicable, il a adopté des dispositions particulières favorisant l'application du droit
belge (loi du 27 juin 1960, infra, n ° 12.97). Le caractère exclusivement unilatéral de ces dispositions
explicite bien le lien avec une préoccupation d'ordre public.
IllEn matière de contrat de travail, la similitude de contenu entre exception d'ordre public et loi
de police apparaît dans l'arrêt Taylor de la Cour de cassation du 25 juin 1975 (Pas., 1975, I, 1038). La
cour d'appel avait appliqué le droit belge à l'octroi d'indemnités de préavis consécutives à la résilia-
tion d'un contrat de travail conclu aux États-Unis entre Américains et exécuté en Belgique. L'arrêt
observe qu'il n'y a pas de vice de motivation dans le fait de fonder la solution sur l'application de
« dispositions légales touchant à l'ordre public international belge » alors que le demandeur au
fond avait invoqué l'applicabilité de« lois de police». Or, la première expression paraît correspon-
dre à l'ordre public positif que connaît la jurisprudence belge (voy. supra, n ° 7.37). En ne voyant pas
d'erreur de motivation dans la confusion des deux concepts, la Cour dévoile la facilité du passage
de la phase de l'exception à celle de la formulation d'une règle directe d'applicabilité, phase que
franchit l'arrêt à l'occasion du motif suivant où les lois impératives de protection du travailleur
sont qualifiées de lois de police au sens de l'article 3, alinéa 1er, du Code civil, ce qui justifie leur
applicabilité lorsque l'exécution des prestations du travailleur se localise en Belgique.
En cette matière, la phase suivante de l'élaboration d'une règle de rattachement multilatérale a été
franchie avec l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, dont l'article 6 bilaté-
ralise notamment le critère de localisation énoncé par l'arrêt Taylor.
IllUne démonstration analogue peut aussi être faite à propos du contrat de consommation. Voy. à
cet égard: M. FALLON, « Le droit des rapports internationaux de consommation», Clunet (1984),
765-847.
IllSur la relation entre exception d'ordre public et formulation d'une règle de rattachement, voy.
notamment: A. BUCHER, « L'ordre public et le but social des lois en droit international privé »,
Recueil des cours (1993-II), vol. 239, 9-116.
Le choix entre les deux méthodes n'est cependant pas indifférent, non seulement
parce que l'exception d'ordre public permet d'évincer une loi de police étrangère, ou
parce que la première ne saurait conduire à l'application d'un droit étranger, mais encore
parce que la mise en œuvre de l'exception (voy. infra, n ° 7.46) est plus souple que l'utilisa-
tion d'une règle directe d'applicabilité.
IllIl n'est donc pas indifférent que l'article 6 de la Convention de Rome - à la différence de l'arrêt
Taylor - ait ajouté une clause particulière d'exception, ce que ne fait pourtant pas l'article 5 qui, au
sujet du contrat de consommation, répond à une préoccupation analogue.
7 .43 - Ordre public et fraude à la loi - L'exception d'ordre public entretient des rela-
tions complexes avec la théorie de la fraude à la loi. À première vue, les deux concepts
sont similaires, puisque la fraude à la loi intéresse par définition l'ordre public. Il en va
toutefois autrement en droit international privé, en raison de l'objet propre de chaque
concept.
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 315
Au sens strict, la fraude à la loi en matière de conflits de lois couvre une manipula-
tion artificielle par les parties de l'élément de localisation apte à déterminer le droit appli-
cable à la situation (voy. supra, n ° 5.73).
Cette définition montre trois différences entre l'exception de fraude et l'exception
d'ordre public en droit international privé. D'abord, la fraude affecte la règle de rattache-
ment et l'exception consiste à neutraliser la manipulation du facteur de rattachement:
elle agit donc au moment du choix de la norme primaire (chap. 5), alors que l'exception
d'ordre public agit après que la norme primaire a été mise en œuvre. Ensuite, l'exception
de fraude porte sur des comportements de particuliers, comme l'ordre public de droit
interne. Enfin, si l'exception de fraude sanctionne toute manipulation artificielle, elle
peut jouer au bénéfice de la désignation d'un droit étranger, alors qu'un tel droit ne cons-
titue normalement pas l'ordre juridique de référence de l'exception d'ordre public (voy.
infra, n ° 7.50).
Ces différences ne suffisent pas pour autant à supprimer tout lien entre les deux
concepts. Lorsque l'exception de fraude joue à propos de la reconnaissance d'un juge-
ment étranger, elle intervient au même titre que l'ordre public, dont elle peut d'ailleurs
apparaître comme un élément (voy. infra, n ° 10.12). De fait, si les parties ont obtenu un
divorce à l'étranger dans le seul but d'obtenir la dissolution du mariage à des conditions
- établies par un droit étranger - inacceptables au regard du droit du for, le refus du
juge requis de reconnaître le jugement aura le même effet que l'éviction du droit étranger
au moyen de l'exception d'ordre public.
7.44 - Ordre public et clause d'exception - L'exception d'ordre public se distingue nette-
ment de la« clause d'exception» (voy. supra, n° 3.17). Certes, l'une et l'autre ont un effet
dérogatoire, et elles ont en commun de prendre en considération l'intensité du rattache-
ment de la situation avec un ordre juridique (voy., pour l'ordre public, infra, n ° 7.53).
À la différence de l'exception d'ordre public, la clause d'exception, comme la loi de
police, agit au moment du choix de la norme primaire. Elle déroge à la règle ordinaire de
rattachement, pour le motif que, eu égard aux éléments de l'espèce, cette règle ne garantit
pas la désignation du droit le mieux à même de concrétiser le principe de proximité.
Au demeurant, la clause d'exception, pas plus que la la loi de police, n'exclut le jeu de
l'exception d'ordre public. L'application du droit étranger désigné au moyen de la clause
d'exception est exposée à l'exception d'ordre public au même titre que l'application de tout
droit étranger désigné par la règle ordinaire de rattachement. Tout au plus peut-on estimer
que la situation en cause aura un lien de rattachement ténu avec l'ordre juridique du for,
de sorte que l'exception d'ordre public peut être appelée à jouer moins fréquemment.
1111 Sur ce concept en relation avec le droit des conflits de lois, voy.: M. FALLON et]. MEEUSEN, « Le
commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le droit international privé », Revue (2002), 487,
à propos de la « clause marché intérieur » présente dans les directives dites de la « nouvelle
approche» ; ID., « Private international law in the European l,Jnion and the exception of mutual
recognition», Yearb. Priv. Int. Law (2002), 37-66; M. FALLON,« Libertés communautaires et règles de
conflit de lois», Les conflits de lois et le système juridique communautaire (Paris, Dalloz, 2004), 31-80.
1111 Le même concept peut limiter l'applicabilité d'une loi de police nationale: voy. supra, n ° 4.16.
NEUHAUS, § 50; SzAszy, Recueil des cours, vol. 111 (1964), 243-244; WENGLER, 440-441.
111 Pour une tentative de détermination d'un contenu par référence à des « principes» et à des
« règles » d'ordre public, sans renier le caractère « exceptionnel» ni « relatif» du concept, voy.
BUCHER et BONOMI, n°5 473 et s.
Ill Dans la jurisprudence de la Cour de cassation, cependant fidèle à la conception archaïque d'un
ordre public positif (voy. supra, n° 7.37), la consécration d'une règle d'ordre public international
n'est certaine que pour le principe de l'égalité des créanciers en matière de faillite (Cass.,
26 septembre 1991, IBW, Pas., 1992, I, 77). Les autres arrêts ayant statué sur l'ordre public en
matière de conflits de lois concluent à l'absence d'incompatibilité de la règle étrangère incriminée.
L'arrêt]osi I est significatif, à propos du mariage posthume (voy. infra, n ° 12.44).
Les juridictions de fond manifestent une plus grande sévérité à l'égard du droit étranger, parfois
dans les termes d'une condamnation excessivement absolue. Il en est ainsi à propos des aliments
entre ex-époux (voy. infra, n ° 12.189), ou en matière de filiation avec une référence significative à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voy.
infra, n° 12.117).
Pour une explicitation du caractère exceptionnel, voy.: Civ. Nivelles, 17 mars 1998,].T (1999), 230.
Il reste alors à préciser la méthode à suivre pour comparer la disposition législative
étrangère aux critères prévalant dans l'État du for. Pour indéfinissable que soit l'ordre
public, il est en effet possible de préciser les critères auxquels obéit la mise en œuvre de
l'exception d'ordre public en droit international privé.
Trois critères principaux doivent être retenus : la gravité de l'incompatibilité entre le
droit étranger et les principes jugés essentiels dans l'ordre juridique où ce droit est appelé
à produire ses effets, la nature des effets réclamés et l'intensité du rattachement de la
situation à l'ordre juridique du for.
1111 Le Code belge de droit international privé explicite ces critères comme suit : « [L']incompatibi-
lité s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec
l'ordre juridique belge et de la gravité de l'effet que produirait l'application du droit étranger»
(art. 21, al. 2).
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 317
Le premier critère affecte l'émergence d'un ordre public du droit international et, à
ce titre, c'est moins l'exception d'ordre public qui intervient, que la primauté de la règle
de droit international. Aussi la mise en œuvre de l'exception est-elle fonction de l'ordre
juridique de référence, national ou international.
hende pas directement les relations juridiques de droit privé. Il arrive cependant qu'une telle
relation ait pour objet un comportement dont la matière touche au devoir des États de respecter
les normes impératives de droit international, tel le recrutement de mercenaires ou la vente d'armes
permettant à un État de mener une guerre d'agression.
Encore faut-il que le principe fondamental en cause bénéficie d'un effet direct, ce qui ne va pas de
soi en raison du contexte du ius cogens, qui règle les rapports entre États. Il y a lieu d'avoir égard, en
présence d'un traité, à l'intention des auteurs de celui-ci, et de vérifier, notamment, si la disposition
en cause constitue une règle suffisamment claire et inconditionnelle pour être applicable au cas
particulier.
tions de l'exception d'ordre public: tantôt le juge national exprime, par sa réaction devant le droit
étranger, la conscience humaine universelle, tantôt il favorise une politique législative nationale.
Dans son expression, à tout le moins, la première motivation paraît, chez cet auteur, liée à la con-
viction de la supériorité de la civilisation occidentale (voy. notamment: LEREBOURS-PIGEONNIÈRE et
LoussoUARN, n ° 379, encore cité dans l'édition due à LoussOUARN et BouREL, évoquant les
« principes communs aux nations civilisées » n ° 254), et on peut se demander alors si elle se distin-
gue réellement de la seconde. Sur cette application du droit naturel, voy. encore: LAGARDE, précité
n ° 7.32, 44; Paris, 19 mars 1965, Banque Ottomane, Revue ( 1967), 86, note P. LAGARDE; Clunet (1966),
132, note B. GOLDMAN. Comp. les termes désormais nuancés de BATIFFOL et LAGARDE, t. I, n° 358.
Les dernières éditions de LoussoUARN et BouREL corrigent nettement l'approche antérieure
(n° 254).
du droit communautaire qui ont une force obligatoire s'imposent à l'État et à ses juridic-
tions. Il peut arriver, en matière civile ou commerciale, que le droit d'un État membre que
le juge d'un autre État membre doit normalement appliquer en vertu de sa norme pri-
maire soit inconciliable avec de telles dispositions. Ce juge est alors conduit à déclarer
inapplicable la norme étrangère contraire au droit communautaire, afin d'éviter le risque
d'un recours en manquement contre son propre État pour violation du droit commu-
nautaire.
Ill L'incompatibilité peut exister avec le droit primaire (les traités fondateurs) ou avec le droit
dérivé (directive ou règlement).
Par exemple, celle règle matérielle entrave la production ou la commercialisation d'une marchan-
dise, ou une prestation de services, en matière de contrat de consommation (contrariété aux
articles 28 ou 49 CE), ou établit une discrimination sexuelle en matière de contrat de travail (con-
trariété à l'article 141 CE). Ou encore, elle viole un droit fondamental commun aux États membres,
à l'instar de ceux que protège la Convention européenne de sauvegarde. C'est ce qu'a estimé, par
exemple, la Cour de justice à propos de la réserve de propriété. Voy.: C.J.C.E., aff 17/61, 13 juillet
1962, Klockner-Werke, Rec. (1962), 615.
La contrariété à une directive peut avoir pour source l'absence de transposition ou une transposi-
tion incorrecte, dans le délai imparti, par l'État membre étranger dont le droit est désigné par la
norme primaire du for. Cette hypothèse s'est présentée aux tribunaux allemands à propos de la
directive 85/577 du 20 décembre 1985 relative aux contrats négociés en dehors des établissements
commerciaux, dans les affaires dites des « Grandes Canaries ». Sur ce thème, voy.notamment: P.
LAGARDE, « Heurs et malheurs de la protection du consommateur dans l'Union européenne»,
Mélanges Ghestin (Paris, Dalloz, 2001), 511-526; KEGEL et ScHURIG, Internationales Privatrecht
(Munich, Beck, 2000), 539.
1111Ces hypothèses doivent être distinguées, techniquement, de celle où c'est la norme primaire du
for qui est contraire au traité CE ou au droit dérivé, par exemple quand le facteur de rattachement
opère une discrimination en raison de la nationalité inconciliable avec l'article 12 CE. Voy. supra,
n ° 3.15.
Comp. le cas où, devant le juge requis, reproche est fait au juge d'origine d'avoir mal appliqué les
règles communautaires sur la circulation des marchandises, par exemple à propos d'un jugement
de condamnation à des dommages et intérêts pour violation de droits de propriété intellectuelle :
C.].C.E., aff C-38/98, 11 mai 2000, Renault, Rec. (2000), I-2973, Revue (2000), 497, note H. GAUDE-
MET-TALLON, estimant toutefois que le moyen de l'ordre public national n'avait pas à justifier un
refus de reconnaissance, le droit communautaire disposant d'un arsenal suffisant de recours juri-
dictionnels à l'égard des autorités de l'État d'origine.
1111Sont aussi différentes les hypothèses dans lesquelles le juge national est appelé à vérifier la com-
patibilité du comportement de particuliers avec des règles impératives ou d'ordre public ayant une
source communautaire.
Voy. notamment la nécessité pour un contrat international de respecter les dispositions de
l'article 81 CE en tant que constitutif d'un ordre public communautaire intégré à l'ordre public
national-. au sens de l'ordre public contractuel précité, n ° 7.41 - : C.J.C.E., aff C-126/97, 1er juin
1999, Eco Swiss China Time, Rec. (1999), I-3055, Clunet (2000), 299, note S. POILLOT-PERUZZETIO.
1111Sur ce que le droit communautaire même se doit de respecter l'ordre public de droit internatio-
nal, tel notamment qu'exprimé dans la Convention européenne de sauvegarde, voy., à propos de
l'efficacité des jugements dans le contexte de l'Union européenne (infra, n° 10.22): C.J.C.E., aff C-
7/98, 28 mars 2000, Krombach, Rec. (2000), I-1935, Revue (2000), 481, note H. Mum WATT.
Dans un second sens, le droit communautaire est en mesure d'influencer la mise en
œuvre de l'exception d'ordre public étatique. En effet, permettant d'écarter l'application
du droit étranger au bénéfice, le cas échéant, du droit du for, l'exception peut conduire à
soumettre l'opérateur économique au droit du pays d'accueil par opposition au droit du
pays d'origine (sur cette distinction, voy. supra, n ° 7.45). Si une entrave au commerce
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 321
devait en découler - pour le motif par exemple que le premier comporte une interdiction
que ne prévoit pas le second-, cette entrave ferait l'objet du contrôle que permet plus
généralement le régime de liberté de circulation (voy. supra, n ° 2.28).
Comp. un cas où l'applicabilité d'une règle du for basée sur l'exception d'ordre public ne fut pas
Ill!
considérée comme violant ce régime: C.J.C.E., aff. 15/78, 24 octobre 1978, Koestler, Rec. (1978),
1971, à propos d'une règle allemande s'opposant à la récupération d'une créance fondée sur une
dette de jeu.
111!La Cour de justice hésite cependant à établir une définition autonome du contenu de l'ordre
public national. Une chose est de définir ce contenu, ce qui relève de la compétence de l'État, autre
chose d'en fixer les limites, qu'il appartient au droit communautaire de déterminer. Voy. par exem-
ple les termes prudents de: C.J.C.E., aff. C-377/98, 9 octobre 2001, Pays-Bas c. Parlement européen et
Conseil, Rec. (2001), I-7079, admettant qu'une directive permette la faculté pour l'État d'invoquer
l'ordre public dans certaines conditions sans en définir pour autant le contenu, variable en fonc-
tion des particularités socio-culrurelles de l'État.
7.50 - L'ordre public étranger - Lorsque l'ordre public invoqué devant un juge n'est
pas l'ordre public du droit international ni l'ordre public du for, mais celui d'un État
étranger, le droit désigné par la règle de rattachement peut-il être écarté pour ce motif?
La question se pose logiquement lorsque la désignation du droit applicable repose
sur une règle étrangère de droit international privé, par exemple en vertu de la théorie du
renvoi ou de la théorie des droits acquis (voy. supra, chap. 6), puisque ces techniques, en se
référant aux solutions étrangères de conflit de lois, englobent normalement l'ensemble
des procédés de mise en œuvre de ces solutions. L'affirmative comporte pourtant le ris-
que d'une atteinte à la cohérence institutionnelle du système du for, notamment lorsque
le droit dont l'application devrait être écartée est, dans l'hypothèse du renvoi, le droit
matériel de la lex fori. On peut y voir un argument supplémentaire contre la technique du
renvoi.
1111 Dans la doctrine française, qui évoque à cet égard« l'effet réflexe de l'ordre public [du for]», voy.
notamment: BATIFFOL et LAGARDE, n° 366, qui limitent strictement l'effet réflexe aux deux hypo-
thèses précitées ; LOUSSOUARN et BOUREL, n ° 262.
Dans un contexte distinct du contexte formel de l'exception d'ordre public, les inté-
rêts étatiques étrangers peuvent être pris en considération par le juge saisi lorsque celui-ci
est amené à donner effet à une règle impérative ou d'ordre public étrangère assortie d'une
règle directe d'applicabilité (voy. supra, n ° 4.15). Or, la mise en œuvre de l'exception
d'ordre public et l'élaboration d'une telle norme par le législateur ne sont pas sans rela-
tion entre elles (voy. infra, n ° 7.42).
111 Voy. en ce sens la prise en considération de « l'ordre public étranger» selon BUCHER et BoNOMI,
n ° 507 et s.
322 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
conception plus légaliste qui avait cours au XIX' siècle. À cette époque, les auteurs avaient tendance
à reconnaître à certains principes du droit étatique une valeur absolue telle qu'il ne pouvait être
dérogé à aucun de ces principes en vertu du système de conflit de lois. L'institurion de la monoga-
mie était volontiers rangée au nombre de ces principes. L'acception fonctionnelle contemporaine
de l'exception a permis, au contraire, de reconnaître certains effets à la polygamie.
Cette relativité, qui suppose une évaluation au cas par cas, laisse un large pouvoir
d'appréciation au juge.
Ill L'organe du ministère public, aussi, jouit d'une telle marge d'appréciation. Il ne veille pas ici au
respect de l'ordre public interne, mais il fait jouer l'exception propre au droit international privé.
De même qu'en droit interne l'action d'office du ministère public est réservée aux atteintes les plus
graves portées à l'ordre public, il n'est pas recevable à agir dans tous les cas où, saisi à l'initiative des
parties, le juge devrait écarter l'application de la disposition étrangère. Pour justifier l'action
d'office, l'atteinte portée à l'ordre public doit être particulièrement caractérisée. On peut se référer
ici à la notion d'application « manifestement» incompatible avec l'ordre public, retenue par le
législateur belge ou par plusieurs conventions internationales (supra, n ° 7.38).
Sur le droit d'action du ministère public en droit international privé, voy. : F. R.rGAUX, note sous
Bruxelles, 18 février 1960, Revue (1960), 581-585, et, pour une application correcte de la solution
proposée: Civ. Bruxelles, 21 mai 1966,J.T (1966), 653.
Toutefois, la doctrine s'est efforcée de canaliser cette appréciation, en suggérant
deux types de critères, qui portent respectivement sur la nature des effets invoqués et sur
le degré d'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique de référence. De
plus, il arrive que le législateur formalise l'appréciation dans des matières particulières,
aux fins d'assurer la sécurité juridique, au moyen de clauses spéciales d'ordre public posi-
tif.
7.52 - Critère de la nature et de l'étendue des effets réclamés - L'évaluation des effets
réclamés en fonction de leur nature implique une différenciation selon le degré d'agressi-
vité du point de vue des principes du droit du for.
Ill!Ainsi, à propos de la polygamie, on peut distinguer les effets admissibles, tels le droit aux ali-
ments, à des dommages et intérêts en cas de décès accidentel du conjoint, la vocation successorale
ou la légitimité des enfants issus de l'union polygamique, d'effets auxquels l'exception d'ordre
public ferait obstacle: on ne saurait admettre, par exemple, que le mari polygame contraigne ses
épouses ou l'une d'elles à la vie commune dans des conditions qui seraient incompatibles avec la
conception occidentale de la dignité de la femme.
Cette approche fonctionnelle de l'exception d'ordre public a été retenue par la Cour de cassation de
Belgique, malgré sa conception d'un ordre public positif, dans l'arrêt ]osi I, du 2 avril 1981 (Pas.,
1981, I, 835, Rev. crit. jur. belge, 1983, 499, note F. RrGAUX), ne voyant pas d'incompatibilité dans
l'article 171 du Code civil français qui admet le mariage posthume, pour les besoins d'une action
en responsabilité civile, pour le motif que « le juge ne doit vérifier la compatibilité avec l'ordre
public international que des seuls effets juridiques susceptibles d'être produits par la règle du droit
L'ÉVICTION DU DROIT ÉTRANGER PAR L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC 323
étranger déclarée applicable». Voy. aussi, sur le critère de l'effet: Bruxelles, 22 décembre 1995, Alg.
Jur. Tijds. (1995-1996), 488, note K. LAMBEIN.
Pareille différenciation peut aussi varier en fonction du type de collaboration que les
autorités et les juridictions d'un État sont invitées à apporter à l'application du droit
étranger, selon qu'elles sont appelées à constituer une relation juridique ou à se pronon-
cer seulement sur les effets d'une relation constituée à l'étranger. Dans le second cas,
l'ordre public doit recevoir un « effet atténué».
1111 Par exemple, ce n'est pas la même chose de prononcer un divorce ou de statuer sur une action
en recherche de paternité que de reconnaître quelque effet à un divorce déjà admis ou à une filia-
tion déjà établie à l'étranger.
La polygamie offre un autre exemple de la même problématique : les tribunaux belges et français ne
refusent pas tout effet à l'union polygamique régulièrement célébrée à l'étranger conformément au
statut personnel des intéressés. Ainsi, la deuxième épouse d'un étranger polygame n'est pas privée
en France du droit de réclamer des aliments à son mari (Cass. civ., 28 janvier 1958, Krieff c. Che-
mouni, Revue, 1958, 110). La qualité <l'ayant droit en matière de sécurité sociale a également été
reconnue (Cass. civ., 8 mars 1990, Meguellati, Revue, 1991, 694, note ÜÉPREZ, seule une épouse rési-
dant en France). Pour la jurisprudence belge, voy. infra, n ° 12.45. En revanche, il faudra juger con-
traire à l'ordre public qu'un étranger puisse se prévaloir de son statut personnel pour conclure sur
le territoire d'un État pratiquant la monogamie une deuxième union avant la dissolution de la pre-
mière.
La solution proposée s'explique par la théorie des droits acquis (voy. supra, n ° 6.38)
et non par la distinction entre une question préalable et une question principale (voy.
supra, n ° 6.30). Il est faux que le premier type de question justifierait une intervention
atténuée de l'exception d'ordre public.
1111Par exemple, si l'union polygamique a été célébrée en Belgique ou en France, il paraît contraire à
l'ordre public de lui reconnaître quelque effet juridique que ce soit. li importe peu que la question
de validité du mariage soit soulevée à titre principal ou à titre préalable : dans le premier cas, la
solution correcte est l'annulation du mariage conclu devant un officier de l'état civil, dans le
second le rejet de l'action alimentaire, motivé par la réponse négative donnée à la question préala-
ble de validité du mariage.
Inversement, le mariage régulièrement contracté à l'étranger (voy. Civ. Bruxelles, 18 décembre
2001, Rev. trim. dr.fam., 2004, 312, note M. FALLON) conformément au statut personnel des époux
produit certains effets dans un pays qui pratique la monogamie et on ne saurait en poursuivre la
nullité par la voie d'une action principale pour le motif que la réaction de l'exception d'ordre
public est plus vigoureuse à l'égard du droit étranger appliqué à la question principale qu'à l'égard
de celui qui délimite seulement l'hypothèse de la règle de droit appliquée par le juge.
Ainsi, en Allemagne, il est dérogé à la règle de rattachement relative au divorce lorsque la loi étran-
gère désignée ne permet pas de prononcer le divorce, si le demandeur est allemand (art. 17, § ier,
EGBGB). En matière de mariage, si le refus de célébration édicté par la loi étrangère applicable est
« incompatible avec la liberté de contracter mariage», la loi allemande est désignée si, notamment,
l'un des fiancés est allemand ou réside en Allemagne (art. 13, § 2, EGBGB).
En Suisse, BUCHER et BONOMI, n° 5 484 et s., classent de telles clauses sous le vocable de « règles
d'ordre public», par exemple l'article 34, § 1er, LDIP soumettant la jouissance de droits civils à la
loi suisse. De même, l'article 77 LDIP soumet au droit suisse les conditions de l'adoption pronon-
cée en Suisse, mais non sans prendre en considération le risque d'un refus de reconnaissance de la
décision suisse dans l'État de la nationalité du ou des adoptants.
Le Code belge de droit international privé prévoit plusieurs clauses de ce type, sous
des formulations diverses. En matière de divorce, la clause assure l'applicabilité de la loi
belge à l'admissibilité, sans référence au critère de l'intensité du rattachement (art. SS,
§ 3), mais un telle intensité découle normalement du jeu de la règle de compétence inter-
nationale. En matière d'adoption, l'application subsidiaire du droit belge est possible
lorsque la loi étrangère désignée ne permet pas l'adoption alors que la situation a des
liens« manifestement étroits» avec la Belgique (art. 67, al. 2, voy. infra, n ° 12.122). C'est à
propos du mariage de personnes de même sexe que la technique apparaît le plus
explicitement : la loi étrangère est écartée si le droit de l'État de la nationalité ou de la
résidence de l'un des époux permet un tel mariage (art. 46, al. 2, voy. infra, n ° 12.46).
Ainsi, la nationalité et la résidence d'une seule des parties servent, alternativement, à con-
crétiser un lien jugé suffisamment intense avec un pays qui, admettant le mariage de per-
sonnes de même sexe, est considéré par le fait même inclure cet élargissement de
l'institution dans la notion d'ordre public.
La répudiation, traitée par le biais du mécanisme de la reconnaissance des décisions (art. 57),
1111
donne également lieu à une formalisation analogue, avec une explicitation de l'intensité du ratta-
chement.
En matière d'adoption, l'ancien article 344, § 1er, C. civ. organisait aussi l'applicabilité de la loi
!Ill
belge à l'égard d'un adopté mineur, en présence d'éléments précis de rattachement au territoire
belge.
326 L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
Le recours à ce type de clause doit rester marginal, afin de ne pas ruiner l'approche
fonctionnelle de l'exception d'ordre public. Un autre moyen consiste à utiliser une règle de
rattachement de caractère substantiel, formulée de manière alternative (voy. supra, n ° 3.59).
Il n'y a pas lieu, comme le fait généralement la doctrine, d'affirmer que le droit
interne du for se substitue d'office au droit étranger normalement compétent. Non seule-
ment, comme on vient de le voir, cette application subsidiaire du droit du for n'est pas
toujours requise, mais là où la seule éviction de la disposition étrangère contraire à
l'ordre public créerait une lacune, il est parfois possible - et il paraît préférable - de
combler celle-ci par l'application d'une autre disposition du droit étranger auquel la
règle de conflit a donné compétence. L'éviction est ainsi limitée à ce qui est indispensable.
Ill!Ainsi, après avoir écarté l'imprescriptibilité prévue par la loi de l'obligation comme contraire à
l'ordre public du for, il y a lieu de choisir la règle de droit déterminant le délai de prescription
auquel est soumise l'action. Le Reichsgericht a cassé la décision qui, après avoir écarté l'article 119,
alinéa 5, du Code des obligations suisse, avait appliqué une prescription brève du droit du for, alors
qu'il aurait fallu combler la lacune par l'interprétation du droit étranger compétent ou, à tout le
moins, en appliquant la disposition allemande « la plus proche de l'esprit du droit étranger » (RG
19 décembre 1922, RGZ 106, 85).
Sur les controverses qu'a suscitées l'arrêt du 19 décembre 1922, voy.: F. R:rGAUX, La théorie des qualifi-
cations en droit international privé (Bruxelles, Larcier, 1956), n ° 287.
1111Certaines codifications nationales contiennent une référence à l'effet de substitution du droit
du for. Voy. : en Autriche,§ 6 LDIP; en Hongrie, § 7 LDIP; Code de la famille du Sénégal, art. 851 ;
en Turquie, art. 5 LDIP. En Italie en revanche, l'article 16, § 2, LDIP commande l'application de« la
loi que déterminent les autres critères de rattachement éventuellement prévus pour la même hypo-
thèse normative. À défaut, la loi italienne s'applique».
Ainsi, le droit étranger n'est pas nécessairement appliqué dans son intégralité,
comme il le serait dans son pays d'origine, mais il fait l'objet, dans l'État du for, d'une
adaptation. Cette observation confirme que le droit des conflits de lois a moins pour
objet de réduire un conflit abstrait que de conduire les organes du for à résoudre une
situation internationale de la manière la plus appropriée du point de vue de la !ex fori.
TITRE4
DROIT JUDICIAIRE
INTERNATIONAL
CHAPITRE 8
SOURCES RELATIVES
AUX CONFLITS D'AUTORITÉS
ET DEJURIDICTIONS
8.1 - Bibliographie générale
a) Ouvrages généraux
G. BORN et D. WESTIN, International civil litigation in the United States courts (Deventer, Kluwer, 1996);
H. BORN et M. FALLON,« Droit judiciaire international - Chronique de jurisprudence »,].T (1983),
181-188, 197-225, 229-235, (1987), 457-463, 473-485, 493-499, (1992), 401-422, 425-439, avec
J.-L. VAN BoxsTAEL, Coll. Dossiers du Journal des tribunaux (Bruxelles, Larcier, 2001); S. GRUBBS,
International civil procedure (La Haye, Kluwer, 2003); T. HARTLEY, Civil]urisdiction andjudgments (Lon-
don, Sweet & Maxwell, 1985) ; P. JENARD et M. WESER, Droit international privé belge et droit convention-
nel international - Conflits de ;uridictions (Bruxelles, Bruylant, 1985) ; MAX PLANCK INSTITUT FÜR
AusLANDISCHES UND INTERNATIONALES PRIVATRECHT, Handbuch des Internationalen Zivilverfahrensrecht,
Tübingen, Mohr, 1982) ; G. MORELLI, Diritto processuale internazionale (Padova, 2e éd., 1954); E. RIEZ-
LER, Internationales Zivilprozessrecht (Berlin, Tübingen, 1949).
E. BURG, EU principles on jurisdiction and recognition and enforcement of;udgments in civil and commercial
matters according ta the case law of the European Court ofJustice (La Haye, Asser Inst., 2004); P. PusTO-
RINO, « Observations sur les principes généraux opérant dans le droit international privé et pro-
cédural communautaire», R.M.U.E. (2005), 113-158; T. RAusCHER e.a. (dir.), Europdisches
Zivilprozessrecht, Kommentar (Munich, European Law Pub!., 2004); P. STONE, Civil jurisdiction and jud-
gments in Europe (Amsterdam, Longman, 1998); H. VAN HOUTTE e.a. (dir.), Europese IPR-Verdragen
(Leuven, Acco, 1997) ; Io., Het nieuwe Europese IPR: van verdrag naar verordening (Anvers, Intersentia,
2001); R. VAN HovE, De Europese executieverdragen - Brussel (1968) en Lugano (1988) (Bruges, La
Charte, 1994) ; M. WESER, Le Traité franco-belge du 8 juillet 1899 (Bruxelles, Larcier, Paris, Sirey, 1951);
ID., Convention communautaire sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions (Paris, Pédone,
1975).
Voy. aussi la chronique annuelle de N. WATTÉ, A. NuYTs et H. BouLARBAH,]ournal des tribunaux -
Droit européen.
contrats (14) et aux obligations non contractuelles (15). Pour la matière contractuelle, il y a lieu de
distinguer en outre selon que les règles communautaires concernent les contrats en général ou des
contrats spéciaux.
Un instrument occupe une place prépondérante, en raison de l'étendue des matières
qu'il couvre et en raison de son importance pratique, liée à la circonstance qu'il est en
vigueur dans les États membres de l'Union européenne. Initialement, il a pris la forme
d'un traité international, à savoir la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.
Celle-ci a ensuite été convertie en un acte communautaire, par le règlement 44/2001 du
Conseil du 22 décembre 2000, dit règlement« Bruxelles I ».
1111 L'expression « Bruxelles I » s'explique du fait de l'adoption d'autres instruments ultérieurs, en
des matières particulières. Voy., en matière matrimoniale, le règlement « Bruxelles II», infra,
n° 12.79.
L'analyse qui suit porte principalement sur le règlement, la Convention de Bruxelles n'étant
1111
plus appelée qu'à jouer un rôle marginal. Dans les cas appropriés, le texte évoque encore certains
éléments de la Convention utiles à l'analyse.
Une compréhension de la portée de ces instruments nécessite à la fois un exposé des
sources, une présentation des méthodes d'interprétation et une analyse de leur domaine
d'application.
Malgré leur nombre, ces actes internationaux n'ôtent pas toute portée utile aux
règles nationales, puisque les règles communes ne font que se superposer aux règles
nationales sans s'y substituer.
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 331
Section 1
Actes liés à l'Union européenne
§1 PRÉSENTATION DES ACTES « BRUXELLES 1 »
ET DE LEURS COMPLÉMENTS
8.3 - La« Convention de Bruxelles» - La Convention de Bruxelles concernant la com-
pétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale a été
signée le 27 septembre 1968 par les six pays fondateurs de la Communauté économique
européenne. Depuis lors, elle a fait l'objet de diverses adaptations aux particularités des
nouveaux États membres, non sans de notables modifications (voy. infra, n° 8.5 ; pour
une version consolidée, voy. ].O.C.E., 1998, C 27). Ces États ont signé une Convention
parallèle avec les pays membres de l'Association européenne de libre-échange, à Lugano
le 16 septembre 1988 (voy. infra, n° 8.9).
Ces traités ne sont en principe accessibles qu'aux États membres d'une de ces orga-
nisations internationales. Ainsi, la Convention de Bruxelles prévoit l'obligation pour les
nouveaux États membres de la Communauté européenne de prendre cette convention
comme base pour la négociation d'une nouvelle convention (art. 63). La Convention de
Lugano admet toutefois que des États tiers puissent adhérer, mais sur demande d'un
État contractant et à l'invitation de l'État dépositaire, après accord unanime des États
signataires et des États contractants (art. 60 et 62, § 1er, point b). Cette ouverture a per-
mis l'adhésion de la Pologne.
Ill Un premier traité avait été signé le 24 novembre 1961 entre États membres de l'Union économi-
que Benelux. À la différence de la Convention de Bruxelles, il s'étendait à la faillite et à l'efficacité
des sentences arbitrales. Il a été ratifié par le gouvernement belge et le gouvernement néerlandais
mais non par le gouvernement luxembourgeois. L'entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles
l'a privé de toute portée dans les matières couvertes par celle-ci. Aussi, selon le quinzième rapport
commun des trois gouvernements au Conseil interparlementaire consultatif du Benelux, du
31 avril 1971, envisageait-on à cette époque l'élaboration d'un protocole additionnel à la Conven-
tion C.E.E.,« pour régler les questions que cette Convention ne traite pas, notamment celles relati-
ves à l'état des personnes» (rapport précité, p. 8). Depuis lors, le traité de 1961 « a été abandonné»,
selon]. LIMPENS, « L'unification dans les pays de Benelux», Rev. dr. uniforme (1976), 85.
décisions judiciaires ainsi que des sentences arbitrales». Cette filiation communautaire
explique que la signature ait été le fait des représentants des États membres réunis au
sein du Conseil des ministres, que la Communauté économique européenne en soit
l'organe dépositaire et que seuls les États membres de cette organisation puissent en faire
partie. Elle s'exprime aussi dans la détermination du domaine d'application dans l'espace
de la Convention (voy. infra, n ° 8.19), dans la définition des objectifs communs poursui-
vis (voy. infra, n° 5 8.12 et s.) ainsi que dans l'attribution d'une compétence d'interpréta-
tion à la Cour de justice des Communautés européennes (voy. infra, n ° 8.10).
llii La lecture de l'ancien article 220 du traité CE enseigne que les règles envisagées étaient censées
protéger les « ressortissants » des État membres et qu'elles ne devaient couvrir formellement que
l'efficacité des décisions, non la compétence internationale ; des négociations étaient également
prévues pour la reconnaissance des sentences arbitrales. Les travaux entrepris se sont écartés de ces
différences prévisions.
apportées aux articles 5 (matières spéciales) et 17 (clauses de juridiction), ainsi qu'en matière
d'assurance (art. l2bis), l'introduction de règles propres aux contrats de consommation, en rem pla-
cement des anciens articles 13 à 15 (voy. infra, n ° 14.103). Voy. not. E. MEZGER, « Les grandes lignes
de la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Danemark, de l'Irlande et du
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 333
été signée à Luxembourg le 25 octobre 1982 (J.O.C.E., 1982, L 388). Elle a reçu l'assentiment des
Chambres le 31 juillet 1986 (Monit., 17 octobre 1986). Elle est entrée en vigueur à l'égard de la Bel-
gique le 1« avril 1989.
Le rapport explicatif est dû à MM. Evrigenis et Kerameus (J.O.C.E., 1986, C 298).
Cette version n'apporte aucune modification de substance à la version antérieure.
La Convention de San Sebastian est suivie d'une nouvelle version, signée à Bruxelles
le 29 novembre 1996 (J.O.C.E., 1997, C 15), en vue de l'adhésion de l'Autriche, de la Fin-
lande et de la Suède. La Belgique a cependant omis de ratifier cet instrument.
Il La Convention est entrée en vigueur le 1er décembre 1998. Elle a été ratifiée, outre par les trois
États concernés, par l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Irlande, les Pays-Bas
et le Portugal.
Il L'absence de ratification par la Belgique est sans portée pratique, depuis l'entrée en vigueur du
règlement 44/2001.
l'Union européenne, du 7 février 1992, permettait au Conseil d'établir des conventions dont il
recommanderait l'adoption par les États membres. Cette disposition a été utilisée pour entrepren-
dre une révision de la Convention de Bruxelles, qui a préparé l'adoption du règlement précité. On
trouve une première trace de ces travaux dans la position de la Commission, publiée au ].O.C.E.
(1998), C 33. Les négociations ont conduit à un texte final, adopté le 30 avril 1999 et transmis au
Conseil de l'Union européenne (doc. JusTCIV 60).
Le recours à l'article 61 CE comme base juridique signifie, en termes instirutionnels, la nécessité
11111
voire même à compter du 1e,· mai 2004 comme l'y autorise désormais le traité de Nice (protocole
relatif à l'article 67). Cette habilitation a été utilisée pour certaines matières du titre IV, mais non
pour la coopération en matière civile (décision 2004/927 du 22 décembre 2004,].0.C.E., 2004, L
396).
!1!1L'emprunt de cette base juridique signifie aussi l'inapplicabilité de l'acte à certains États mem-
bres (art. 69 CE). Alors que l'Irlande et le Royaume-Uni ont cependant la faculté« de participer à
l'adoption et à l'application de la mesure » en cause (art. 3 du Protocole sur la position du
Royaume-Uni et de l'Irlande), le Danemark n'a pas la faculté d'opter pour l'applicabilité d'une
mesure ponctuelle, ne pouvant le faire que pour un ensemble de matières (Protocole sur la position
du Danemark). Par conséquent, le règlement ne pouvait pas être étendu au Danemark. Cet État
reste donc lié par la Convention de Bruxelles dans ses relations avec les autres États membres, dans
l'attente de l'adoption d'un nouvel instrument, que l'évolution des règles de conflit de juridictions
apportées par le règlement rend indispensable.
!1!1La question du choix de la base juridique appropriée a été largement discutée en doctrine. Outre
l'article 61 CE, l'article 95 CE permet l'adoption de toute mesure utile au« bon fonctionnement du
marché intérieur», ce qui n'exclut pas de soi l'adoption de règles communes de conflit de juridic-
tions, dès qu'il est établi que la disparité de ces règles entrave sensiblement la liberté de circulation.
L'hésitation d'un recours à l'article 61 CE résulte de ce qui apparaît comme une anomalie dans la
construction du texte. En effet, l'intitulé du titre IV dont relève la disposition couvre les
« politiques liées à la libre circulation des personnes », alors que le domaine du règlement paraît
excéder la problématique de la circulation des personnes. Pourtant, la relation à cette problémati-
que n'est reprise formellement par le texte qu'à propos du contrôle aux frontières extérieures, de
l'asile, de l'immigration et de la criminalité (art. 61 CE, point a), non à propos de la matière civile
(art. 61 CE, point c), et la disposition organique de la compétence en matière civile (art. 65 CE)
n'évoque pas davantage cette problématique, se contentant d'exiger que la matière concernée ait
une« incidence transfrontière » et que l'action soit« nécessaire au bon fonctionnement du marché
intérieur». Le traité de Nice n'a malheureusement pas levé l'ambiguïté.
Sur cette question, voy. la synthèse, avec les références, de Ph.-E. PARTSCH, Le droit international privé
européen: de Rome à Nice (Bruxelles, Larcier, 2003), favorable à une interprétation large des termes
du titre IV.
L'adoption d'un acte communautaire en matière civile dans les relations entre États
membres peut entraîner une modification de la répartition des compétences législatives
dans les relations avec des États tiers. En effet, la théorie de la « préemption», selon
laquelle l'exercice par la Communauté d'une compétence partagée a pour effet de confé-
rer à cette compétence un caractère exclusif, signifie qu'après l'adoption d'un acte concer-
nant le droit judiciaire international dans une matière déterminée, la Communauté
seule, à l'exclusion des États membres, devient compétente pour négocier et conclure une
convention avec des États tiers.
!Ill Pour une application de la théorie de la préemption, voy. : C.].C.E., avis 1/94, 15 novembre 1994,
« Accord OMC», Rec. (1994), 1-5267.
!IllCette théorie a pour effet singulier d'emporter la compétence communautaire dès que le traité
comporte, fût-ce marginalement, une règle de compétence internationale. Voy. par exemple, pour
le secteur des transports suite à l'adoption du règlement « Bruxelles I », la décision 2002/971 du
Conseil du 18 novembre 2002 (J.O.C.E., 2002, L 337), autorisant l'adhésion par les États membres à
la Convention de 1996 sur la responsabilité liée au transport en mer de substances nocives (conven-
tion HNS).
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 335
prévoit que son entrée en vigueur est subordonnée au dépôt de l'instrument de ratification de deux
États, dont un État membre de la C.E.E. et un État membre de ['A.E.L.E. (art. 62, § 3). Elle est entrée
en vigueur dans les rapports entre, d'une part la Suisse, d'autre part la France et les Pays-Bas le 1er
janvier 1992. Elle est actuellement en vigueur dans tous les États membres de l'Union européenne,
depuis son approbation par la Belgique (loi du 27 novembre 1996, Monit., 8 janvier 1998). Elle est
également en vigueur en Islande et en Norvège, ainsi qu'en Pologne (voy. infra, n ° 8.29).
1111 Le rapport explicatif de la Convention est dû à MM.Jenard et Mailer (J.O.C.E., 1990, C 189/57).
être appliqué de préférence à la Convention chaque fois que la situation entre dans son champ
d'application.
Sous l'angle du contenu, le texte de la Convention de Lugano est dépassé depuis les adaptations
1111
effectuées par le règlement, tant du moins que l'intention est de conserver une similitude des règles
uniformes. Une révision de la Convention est donc à l'ordre du jour. L'adoption du règlement
emporte normalement que la conclusion du nouveau traité relève de la compétence de la Commu-
nauté pour les matières couvertes par le règlement, en vertu de la théorie de la préemption (voy.
supra, n° 8.6).
14 juillet 1977, Eurocontrol, Rec. (1977), 1517; aff 288/82, 15 novembre 1983, Duijnstee, Rec. (1983),
3663, à propos du principe de sécurité juridique lié au principe d'égalité; aff C-432/93, 11 août
1995, SISRO, Rec. (1995), I-2269, Revue (1996), 344, note H. GAUDEMET-TALLON, à propos de la
nécessité d'une interprétation« autonome» (voy. infra, n ° 8.12).
La Cour de justice n'a pas manqué d'observer que la Convention de Bruxelles offre la« libre cir-
1111
culation des Jugements» (voy. par ex.: C.J.C.E., aff C-183/90, 4 octobre 1991, Van Dalfsen, Rec.,
1991, 1-4743, Revue, 1992, 117, note H. GAUDEMET-TALLON), facteur positif pour le droit du marché
338 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
intérieur, non sans constater qu'un tel instrument fait défaut en d'autres matières où se rencon-
trent des entraves aux échanges (pour la matière pénale: C.j.C.E., aff. C-29/95, 23 janvier 1997,
Eckehard Pastoors, Rec. (1997), 1-285, R W. (1997-1998), 433, note J.P. BoGAERT; pour la matière de
l'état civil: C.J.C.E., aff. C-336/94, 2 décembre 1997, Dafeki, Rec. (1997), 1-6761, Revue (1998), 329,
note G. DROZ.
Il n'est pas exclu que la Cour de justice s'estime compétente pour l'interprétation
d'une disposition nationale, lorsque celle-ci contient un renvoi inconditionnel au droit
conventionnel ou au droit communautaire et qu'elle oblige le juge national à suivre
l'interprétation retenue (C.J.C.E., aff. C-346/93, 28 mars 1995, Kleinwort Benson, Rec.,
1995, I-615, Tijds. Not., 1996, 46, note F. BouCKAERT).
avec cette jurisprudence (C.J.C.E., aff. C-383/95, 9 janvier 1997, Rutten, Rec., 1997, 1-57,
Revue, 1997, 336, note H. GAUDEMET-TALLON, à propos des relations de travail).
Ill Pour une synthèse des objectifs de la Convention tels qu'ils ont été dégagés par la Cour de jus-
tice, voy., pour la jurisprudence initiale : C. KoHLER, « La jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes sur la Convention C.E.E. du 27 septembre 1968 concernant la compé-
tence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale», Ann. droit (1983),
177-217. Voy. ensuite: H. BORN, M. FALLON et J.-L. VAN BoxsTAEL Droit judiciaire international (1991-
1998), (Bruxelles, Larcier, coll. Dossiers duj.T., 2001), 18-24; M. EKELMANS, « Le recours aux objec-
tifs de la Convention de Bruxelles dans la jurisprudence de la Cour de justice relative à son
interprétation», Le recours aux ob;ectifs de la loi dans son application (Bruxelles, Story-Scientia, 1990),
265-278; M. FALLON,« Le recours aux objectifs de la loi dans son application en droit international
privé belge», ibid., 13-42.
Camp. l'attitude de la Cour de justice dans l'arrêt Six Constructions, précité au n ° 8.11.
Sur ce que la Convention de Bruxelles peut se laisser interpréter à la lumière du règlement 44/2001,
pour les actions introduites avant l'entrée en vigueur de ce dernier, voy. : C.j.C.E., aff. C-167/00, 1"'
octobre 2002, VKI & Henkel, Rec. (2002), 1-8111 ; aff. C-111/01, 8 mai 2003, Gantner Electronic, Rec.
(2003), 1-4207.
R.TD.E. (1992), 709, note P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES; aff. C-269/95, 3 juillet 1997, Benincasa, Rec.
(1997), I-3767,].T. (1997), 683, note M. EKELMANS.
Pour l'art. 16 (art. 22 du règl. 44/2001), voy.: C.].C.E., aff. C-8/98, 27 janvier 2000, Dansommer, Rec.
(2000), l-393, Revue (2000), 264, note H. MUIR WATT.
Singulièrement, cette méthode a prévalu également pour restreindre le domaine des règles de pro-
tection de la partie faible au contrat, tel le consommateur (voy. infra, n ° 14.110).
Les modes de définition des concepts sont de trois types. La recherche d'une défini-
tion directe et « autonome » paraît devoir être la règle. Le recours à la technique des
règles de conflit de lois ou encore à une simple règle de signalisation laissant au droit
national le soin de répondre à la question posée, reste exceptionnel. On en trouve certai-
nes illustrations dans le texte de la Convention (art. 59 du règl. pour le domicile des per-
sonnes physiques, infra, n ° 9.29) comme dans la jurisprudence de la Cour de justice.
1111Un recours aux règles de conflit de lois du tribunal saisi pour déterminer le lieu d'exécurion de
l'obligation contractuelle en litige s'observe dans l'arrêt Tessili, infra, n° 14.9; comp. la dérogation
introduite à propos du contrat de travail par l'arrêt Ivenel, infra, n° 14.165. Voy. encore l'utilisation
de cette méthode à propos d'une clause de juridiction, infra, n ° 14.14.
1111Pour une affirmation du principe de l'interprétation autonome, voy. dans la jurisprudence
récente: C.J.C.E., aff. C-125/92, 13 juillet 1993, Mulox, Rec. (1993), I-4075,J. TD.E. (1993), 36, note
M. FALLON, R.D.C.B. (1993), 1113, note N. WATIÉ; aff. C-351/96, 19 mai 1998, Drouot Asssurances,
Rec. (1998), I-3075,]. T (1998), 772, note H. BouLARBAH, Revue (2000), 63, note G. DRoz.
La Cour de justice (aff. 144/86, 8 décembre 1987, Gubisch Maschinenfabrik, Rec., 1987, 4861, Revue,
1988, 370, note H. GAUDEMET-TALLON, Clunet, 1988, 538, note A. HuET) a cependant exclu toute
préférence pour le principe d'interprétation autonome, estimant que le choix entre les méthodes
dépend simplement de chaque disposition, tout en cherchant à« assurer la pleine efficacité [de la
Convention] dans la perspective des objectifs de l'article 220 du Traité C.E.E. ». Cette position a été
reprise par la Cour en séance plénière (C-214/89, 10 mars 1992, Powell Duffryn, Rec., 1992, I-1745),
en invoquant la jurisprudence Tessili dont la portée paraissait pourtant exceptionnelle. Cet arrêt
procède toutefois en l'espèce à une interprétation autonome eu égard aux« objectifs et [à] l'écono-
mie générale de la Convention de Bruxelles, et afin d'assurer, dans la mesure du possible, l'égalité et
l'uniformité des droits et obligations qui découlent de la Convention pour les États contractants et
les personnes intéressées ». Dans le sens de l'arrêt Duffryn, voy. encore: C.J.C.E., aff. C-440/97,
28 septembre 1999, Groupe Concorde, Rec. (1999), I-6307, Revue (2000), 253, note B. ANCEL.
1111Un renvoi au droit du for s'explique lorsque l'acte ne règle pas le point de droit en cause, telle
une question de procédure (C.J.C.E., aff. C-68/93, 7 mars 1995, Shevill, Rec., 1995, I-415,].L.M.B.,
1995, 1148, note A. KOHL, Rev. gén. dr. civ., 1996, 49, note I. COUWENBERG, Revue, 1996, 487, note P.
LAGARDE), notamment pour apprécier la régularité de la communication d'un acte judiciaire (voy.
infra, n° 10.22) ou l'effet du dépôt tardif d'une pièce (C.J.C.E., aff. C-275/94, 14 mars 1996, van der
Linden, Rec., 1996, l-1393, Revue, 1996, 506, note H. GAUDEMET-TALLON).
Le renvoi peut viser les règles de conflit de lois plutôt que le droit matériel: ainsi en est-il pour
déterminer la partie à une clause de juridiction (C.J.C.E., aff. C-387/98, 9 novembre 2000, Coreck
Maritime, Rec., 2000, I-9337, Revue, 2001, 359, note F. BERNARD) ou la validité du contrat dans lequel
est insérée une clause de juridiction (C.J.C.E., aff. C-269/95, 3 juillet 1997, Benincasa, Rec., 1997, I-
3767,]. T., 1997, 683, note M. EKELMANS).
Ce renvoi ne peut pour autant affecter l'effet utile de l'acte (arrêt Shevill précité).
A. Domaine matériel
8.13 - Situation internationale - Tout porte à croire que le règlement, comme la Con-
vention, ne concernent que les situations transfrontières, à l'exclusion des situations
purement internes. En précisant que la Convention détermine la compétence « dans
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 341
l'ordre international», le préambule paraît impliquer que ses auteurs ont voulu en limi-
ter l'application à pareilles situations. Quant au règlement, la limitation résulte de sa
base juridique, puisque l'article 65 du traité CE évoque des mesures nécessaires« au bon
fonctionnement du marché intérieur » dans les matières civiles « ayant une incidence
transfrontière ». Ces instruments requièrent donc bien un élément d'extranéité, mais il
est indifférent que cet élément rattache la situation à un État membre ou à un pays tiers
(C.J.C.E., aff. C-281/02, 1er mars 2005, Owusu), pourvu que soit rencontré le critère
d'applicabilité exigé (voy. point B ci-dessous).
Apparemment théorique, la question présente toutefois un intérêt au sujet des clau-
ses de juridiction, chaque fois que le droit national en restreint l'efficacité alors que le
règlement ou la Convention peut les valider si elles entrent dans son domaine d'applica-
tion. Il peut en être ainsi en matière de résiliation d'une concession de vente exclusive
(voy. infra, n° 14.188).
11!1 Le texte ne procure pas de réponse. Par analogie avec la solution suggérée en matière de conflits
de lois (voy. infra, n° 14.69; comp. n° 14.46), la seule attribution d'une compétence à une juridic-
tion étrangère ne suffit sans doute pas à conférer au litige un caractère international. Il faut égale-
ment considérer comme insuffisant le critère de la nationalité des parties alors que les autres
éléments de la situation sont localisés dans le même pays, puisque la Convention s'efforce précisé-
ment d'éliminer ce critère pour la détermination de la compétence (voy. infra, n° 9.12). Mais on ne
saurait exiger pour autant d'avoir affaire à un contrat intéressant le « commerce international»,
puisque ce type de contrat fait l'objet d'une disposition particulière au paragraphe ter, point c, de
l'article 23 (voy. infra, n" 14.13). Dans ce sens aussi, voy.: H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et effica-
cité des jugements en Europe (Paris, L.G.D.J., 2002), n ° 134.
Le rapport SCHLOSSER précise que l'article 17 de la Convention ne s'applique qu'aux opérations
mettant en jeu des rapports internationaux (n° 174). P. GOTHOT et D. HOLLEAUX vont dans le même
sens (précités n° 8.1, n° 167), ainsi que P. JENARD (Rdpport, précité n° 8.5, p. 8, et Traité, précité
n ° 8.1, n° 90.1.2), donnant un poids particulier au domicile des parties.
rogative propre conférée par le législateur (C.J.C.E., aff C-271/00, 14 novembre 2002, Gemeente
Steenbergen, Rec., 2002, I-10527).
Ill De même, la qualification de l'action de l'État en exécution d'une caution à laquelle s'est engagé
l'assureur d'un transporteur en paiement d'une dette douanière, dépend des circonstances de la
conclusion du contrat de caution, essentiellement du degré de liberté laissé aux parties dans la
détermination de leurs droits et obligations par la loi qui régit le contrat (C.J.C.E., aff C-266/01,
15 mai 2003, TIARD, Rec., 2003, I-4867).
1111 Il est douteux que l'affaire Eurocontrol obéissait à l'indice précité. La question préjudicielle con-
cernait l'exequatur en Allemagne d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles (16 décembre 1974, sur
Comm. Bruxelles, 7 mars 1974,].C.B., 1974, Ill, 520, note LITVINE), qui avait condamné une entre-
prise allemande au paiement de redevances de routes que l'Organisation européenne pour la sécu-
rité de la navigation aérienne perçoit sur les détenteurs d'aéronefs pour l'utilisation de services de
sécurité aérienne. Sur cet arrêt, voy. notamment le rapport SCHLOSSER et la note de R. GEIMER, Neue
fur. Woch. (1977), 492; F. RrGAUX, « Le droit comparé comme science appliquée», Rev. dr. intern. etdr.
comp. (1978), 74-76.
Or, les parties étaient liées par une clause d'élection de for attribuant compétence aux tribunaux
belges. L'adoption d'une telle clause par l'autorité publique internationale exclut que cette autorité
ait« agi dans l'exercice de la puissance publique». Il est significatif que les tribunaux belges n'aient
eu d'autre choix, par la suite, que d'apprécier leur compétence internationale conformément au
droit commun, à savoir l'article 635 du Code judiciaire (Bruxelles, 19 novembre 1996, Eurocontrol,
Pas., 1995, II, 119).
La Cour de justice a confirmé sa jurisprudence dans un arrêt du 16 décembre 1980, aff 814/79, État
néerlandais c. RM/Jer, Rec. (1980), 3807,j.T (1981), 82, à propos d'une action tendant au rembourse-
ment des frais d'enlèvement d'une épave par le gestionnaire des voies d'eau publiques. Elle y préci-
sait que le recouvrement par voie judiciaire plutôt qu'adminiscrative ne suffit pas à qualifier le
litige de civil.
Comp. ultérieurement: C.J.C.E., aff C-167/00, 1er octobre 2002, VKI & Henkel, Rec. (2002), I-8111,
appliquant le critère de l'exercice de pouvoirs exorbitants par rapport au droit commun à propos
de l'action en cessation introduite par une association de consommateurs, pour conclure à l'appli-
cation de la Convention.
8.15 - Matières exclues - Le règlement établit aussi une série de conditions négatives,
en excluant certaines actions de son domaine en raison de la matière qui en fait l'objet.
L'exclusion affecte des matières qui auraient pu satisfaire à la qualification « civile» ou
« commerciale».
1111Ne relève pas de cette exclusion une demande relative à une pension alimentaire. Cette matière
est clairement couverte par la Convention, qui prévoit en effet une règle de compétence spéciale
(art. 5, 2°). La qualification peut parfois être difficile, par exemple à propos d'une demande tendant
à l'octroi d'un capital à un ex-époux, attribution de nature à intéresser aussi la liquidation du
régime matrimonial. Voy. infra, n ° 12.178: C.J.C.E., aff C-220/95, 27 février 1997, van den Boogaard,
Rec. (1997), I-1147, Revue (1998), 466, note G. DROZ.
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 343
On comprend mal l'exclusion de la Convention dans le cas d'une action alimentaire consécutive à
une action tendant à établir un lien de filiation, par : Cass., 29 mars 2001, Rev. trim. dr. Jam. (2001 ),
729, note M. FALLON.
En matière de validité du mariage, de divorce et de séparation de corps, voy. le règlement
1111
sur la possibilité d'exécuter un jugement antérieur passé en force de chose jugée dans le pays d'ori-
gine et inclus dans le domaine de l'acte - jugement condamnant au paiement d'une somme en exé-
cution d'un contrat - relève du droit du juge requis, y compris ses règles de droit international
privé (C.J.C.E., aff. C-267/97, 29 avril 1999, Coursier, Rec., 1999, 1-2543).
Des actes communautaires spécifiques concernent la compétence internationale et l'efficacité
1111
divorce (à propos de la Convention: C.J.C.E., aff. 120/79, 6 mars 1980, De Cave! c. De Cave/, Rec.,
344 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
1980, 731, Revue, 1980, 614, note G. DRoz). Toutefois, pour éviter le risque d'un morcellement du
procès, l'article 5, 2°, précise, depuis la version de la Convention amendée en 1978, qu'en cas de
demande alimentaire accessoire à une question d'état, le tribunal compétent pour en connaître
l'est aussi pour la demande accessoire, sauf si cette compétence repose uniquement sur la nationa-
lité d'une des parties.
1111 Voy. aussi, à propos de l'arbitrage, infra, n° 14.19.
Selon la Cour de justice, le caractère provisoire d'une mesure couverte par la Con-
vention est également sans pertinence, même si les mesures définitives concernent une
matière exclue de la Convention (arrêt De Cavel, précité). Appliquée sans nuances, cette
solution risque d'attirer dans le domaine de la Convention des litiges dont les liens avec
les matières couvertes sont assez artificiels.
1111Voy. par exemple: Bruxelles, F' avril 1977, Pas. (1977), II, 205,].T (1978), 119, note A.-M. STRA-
NART, où la mesure alimentaire sollicitée au cours d'une procédure en divorce ne faisait que s'ajou-
ter à une mesure de garde et à une autorisation de résidence séparée.
8.18 - Extension du chapitre III à des matières exclues - L'article premier est commun
aux chapitres II (compétence), III (reconnaissance et exécution) et IV (actes authentiques
et transactions judiciaires) du règlement. Dès lors, le chapitre III s'étend à l'ensemble des
matières civile et commerciale.
La délimitation des matières visées par le chapitre III comporte le risque d'un éclate-
ment des conditions de l'efficacité de la décision étrangère, chaque fois que la demande
porte aussi sur une question qui en est exclue. Tel serait le cas d'une décision relative à
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 345
l'attribution des droits de garde et des aliments décidée par le juge d'un autre État mem-
bre en matière de divorce.
Toutefois, le chapitre III couvre aussi des matières exclues de l'article premier, pour
apprécier si deux décisions sont inconciliables : dans ce cas, le juge requis tient compte
d'une décision intéressant une matière exclue (C.].C.E., aff. 145/86, 4 février 1988, Hoff-
mann c. Krieg, Rec., 1988, 645).
Ill Dans la Convention de Bruxelles, l'article 27, 4°, introduit parmi les motifs de refus de la recon-
naissance de la décision étrangère un contrôle propre aux matières d'état et de capacité, de régimes
matrimoniaux, de testaments et de successions (voy. infra, n° 10.24). Cela vise le cas où, pour se pro-
noncer, le juge d'origine a dû statuer au préalable sur l'une de ces questions. Cela ne signifie pas
pour autant qu'une demande de reconnaissance ou d'exécution portant principalement sur l'un de
ces aspects de la décision s'appréciera aussi sur base de la Convention.
Cette disposition a été supprimée dans le règlement.
Ill Voy. P. GoTHOT et D. HOLLEALIX (précités n° 8.1), n° 5 234,289,359.
nement une quelconque autorité d'un pays tiers. Sur cette précision, voy. nettement: C.J.C.E., aff.
C-281/02, 1er mars 2005, Owusu.
Dans le cas des Conventions de Bruxelles et de Lugano, ces tribunaux sont ceux des
États qui ont ratifié chacune de ces conventions. Dans le cas du règlement, ceux-ci ne
sont pas nécessairement ceux de tout État membre. En effet, l'acte n'est pas« applicable»
au Danemark (voy. supra, n ° 8.6). Cela explique que, dans ce règlement, « on entend par
"État membre" tous les États membres à l'exception du Danemark» (art. 1er, par. 3).
Concrètement, les tribunaux belges sont tenus par le règlement, alors que les tribunaux
danois ne le sont pas. Pour ceux-ci, la Convention de Bruxelles continue d'avoir force
obligatoire, dans l'attente de la conclusion d'un nouvel instrument liant ce pays (voy.
supra, n ° 8.6). Et les tribunaux belges sont tenus de l'appliquer aux demandes présentant
avec le Danemark le lien servant à définir l'applicabilité dans l'espace, tel le domicile du
défendeur.
IllSur la distinction générale encre applicabilité et force obligatoire de la règle de droit, voy. supra,
n° 1.31.
Ill Concrètement, le juge belge aura à appliquer la Convention lorsque le défendeur est domicilié
au Danemark, ou si la demande porte sur un bien au sens de l'article 22, localisé au Danemark, ou
si la clause de juridiction désigne les juridictions danoises.
346 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
Il Pareille distinction n'apparaît pas dans l'arrêt Six Constructions de la Cour de justice du 15 février
1989 (aff. 32/88, Rec., 1989, 341, Revue, 1989, 555, note P. RODIÈRE, Clunet, 1989, 461, note A. HuET)
qui, à propos d'une action introduite contre un défendeur domicilié dans un État contractant alors
que le lieu d'exécution de l'obligation contractuelle litigieuse se situait dans un État tiers, déclare
l'article 5, 1°, « inapplicable ».
Si une clause entrant dans le domaine du règlement ne répond pas aux conditions
de validité que celui-ci établit, son effet sera nul, et il n'y aura plus lieu ensuite d'en appré-
cier encore la validité au regard du droit commun. La compétence du tribunal sera alors
déterminée abstraction faite de la clause. Si une clause n'entre pas dans le domaine du
règlement, il convient normalement d'en apprécier la portée au regard, soit d'un autre
instrument international qui serait applicable, soit, à défaut, du droit commun.
11!1Pour une référence aux règles de conflit de lois de la juridiction saisie lorsque la clause désigne
les juridictions d'un pays tiers, voy. : C.J.C.E., aff. C-387/98, 9 novembre 2000, Coreck Maritime, Rec.
(2000), I-9337, Revue (2001), 359, note F. BERNARD.
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 347
Comme d'autres auteurs l'ont souligné, cette solution permet aux parties d'ôter
tout effet utile aux compétences exclusives ou impératives que doivent respecter les clau-
ses couvertes par le règlement ! Ce risque pourrait être écarté si on faisait prévaloir les
dispositions communes dès que le litige lui-même obéit aux conditions d'applicabilité
requises par ces dispositions. Ainsi, une clause échappant au domaine du règlement mais
valable selon le droit commun devrait céder devant le critère du for du domicile du défen-
deur chaque fois que celui-ci se localise dans un État membre. Pareille interprétation
donne toutefois au critère d'applicabilité la portée d'une règle substantielle, puisque la
clause échappant au domaine d'application du règlement se verrait privée de toute por-
tée par l'effet d'un autre critère d'applicabilité, celui du domicile du défendeur. Il paraît
plus satisfaisant de ne faire prévaloir que les compétences impératives (sections 3 à 5) et
exclusives (art. 22) du règlement, en considérant que le paragraphe 5 de l'article 23, ôtant
tout effet aux clauses contraires à ces compétences, doit être attaché à chacune des dispo-
sitions visées et régit ainsi toute clause affectant une action entrant dans le domaine
d'application de celles-ci.
Ill Sur cette question, en faveur de la première solution, voy.: G. VAN HECKE et K. LENAERTS, n° 67,
approuvant G. DROZ, précité n ° 8.1, n° 217; rapport SCHLOSSER, n" 63 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX,
précités n ° 8.1, n" 166, mais sans les nuances indiquées, ainsi que la jurisprudence belge citée par B.
HANOTIAU et M. FALLON,]. T (1987), 477, n° 50.
En faveur de la seconde solution, voy. : H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en
Europe (Paris, LGDJ, 2002), n° 131; P. MAYER et V. HEUZÉ, n° 350. Cette solution-ci respecte aussi
un objectif général de l'acte, qui entend limiter les cas dans lesquels le défendeur peut être assigné
hors du pays de son domicile (voy. infra, n" 9.22); C. trav. Liège, 3 avril 2003,].L.M.B. (2004), 413.
111En cas de pluralité de défendeurs, les dispositions pertinentes ne s'appliquent que si ceux-ci
sont domiciliés sur le territoire d'un État membre (C.J.C.E., aff. C-51/97, 27 octobre 1998, Réunion
européenne, Rec., 1998, 1-6511, Revue, 1999, 322, note H. GAUDEMET-TALLON).
Techniquement, on peut imaginer qu'une demande en garantie soit formulée contre un défendeur
domicilié dans un autre État membre alors que la compétence du tribunal saisi est fondée sur le
seul domicile du demandeur, en vertu de l'article 4. La Cour de cassation de France (Fe ch. civ.,
14 mai 1992, Veenbrink, Clunet, 1993, 151, note A. HUET) ne voit pas d'objection à appliquer
l'article 6, 2 °, ce qui a pour résultat de permettre d'attraire un tel défendeur devant un for exorbi-
tant. En réalité, l'article 4 ne devrait jouer que contre un défendeur domicilié dans un État tiers.
Le domicile de l'une des parties, à propos des clauses de juridiction (art. 23).
L'appartenance du tribunal désigné à un État membre: lorsque aucune des par-
ties à une clause de juridiction au sens de l'article 23 n'est domiciliée dans un État mem-
bre, les tribunaux des autres États membres ne peuvent connaître du différend tant que
le tribunal désigné n'a pas décliné sa compétence. Par ailleurs, les règles de procédure du
règlement (art. 25 à 30) ne valent que pour les actions introduites devant un tribunal
d'un État membre.
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 349
1111 Les règles sur la litispendance et la connexité obéissent au critère de l'appartenance des juridic-
tions saisies : celles-ci doivent toutes appartenir à des États membres. La condition est suffisante,
de sorte que les dispositions s'appliquent indépendamment du domicile des parties, même lors-
que, à l'égard d'un défendeur domicilié dans un État tiers, le tribunal exercerait sa compétence en
vertu du droit commun, conformément à l'article 4 (C.J.C.E., aff. C-351/89, 27 juin 1991, Overseas
Union Insurance, Rec., 1991, 1-3317, Revue, 1991, 764, note H. GAUDEMET-TALLON).
Il peut en résulter des conflits entre instruments. Ainsi, la Convention de Lugano (supra, n° 8.9)
prévoit l'application de ses propres dispositions (art. 21 et 22) lorsque les demandes intéressent res-
pectivement des tribunaux d'un État membre des Communautés européennes et des tribunaux
d'un État contractant non membre des Communautés (art. 54ter, § 2, b).
Pour le cas où l'un des États n'était pas encore partie à la Convention de Bruxelles lors de l'intro-
duction des demandes mais bien ultérieurement alors que les demandes étaient encore pendantes,
voy.: C.J.C.E., aff. C-163/95, 9 octobre 1997, von Horn, Rec. (1997), 1-5451, Revue (1998), 105, note
H. GAUDEMET-TALLON.
Pour une inclusion dans le domaine de l'article 21 de la Convention de Bruxelles (devenu art. 27 du
règl.) de demandes portant sur une décision rendue dans un État tiers, voy.: C.J.C.E., aff. C-129/92,
20 janvier 1994, Owens Bank, Rec. (1994), 1-117, Tijds. Not. (1994), 343, note M. LOOYENS, Revue
(1994), 377, note H. GAUDEMET-TALLON.
1111 L'extension du domaine de l'article 23 résulte d'une adaptation de l'article 17 de la Convention
de Bruxelles lors de l'adhésion de la Grande-Bretagne. Elle tendrait à préserver le rôle de la place de
Londres, dont les tribunaux sont fréquemment désignés dans des contrats commerciaux. D'après
le rapport ScHLOSSER (n° 177), il est de« l'intérêt de la Communauté de veiller à ce que l'effet déro-
gatoire soit reconnu ».
1111 Pour le cas où la clause désigne les juridictions d'un pays tiers, voy. le point précédent.
La prorogation de compétence fondée sur la comparution du défendeur (art. 24, voy. infra,
1111
n° 9.37) soulève un problème particulier: est-elle subordonnée à la condition que le défendeur soit
domicilié sur le territoire d'un État membre ?
Le rapport JENARD (chap. IV, B, à propos de l'art. 18 de la Conv.) répond affirmativement. Cette
réponse, bien qu'elle ne résulte pas du texte (comp. l'art. 26, § 1er), paraît conforme à l'économie
générale de l'acte, et, notamment, à l'article 4, paragraphe 1er, auquel il n'y a pas lieu de déroger ici
(en ce sens aussi : H. GAUDEMET-TALLON, Compétence judiciaire et efficacité des décisions en Europe, Paris,
LGDJ, 2002, n ° 165).
Pourtant, la circonstance que l'article 24 trouve également à s'appliquer malgré les termes d'une
clause de juridiction (voy. infra, n° 14.12) donne à penser que son domaine puisse coïncider égale-
ment avec celui de l'article 23. De fait, pour la Cour de justice, « la comparution volontaire du
défendeur fonde la compétence de la juridiction d'un État [membre] saisie par le demandeur, sans
que le lieu du domicile du défendeur soit pertinent» (C.J.C.E., aff. C-412/98, 13 juillet 2000, Josi
Reinsurance, Rec., 2000, 1-5925, Rev. dr. comm. belge, 2001, 140, note C. VAN ScHOUBROECK), y voyant
une atténuation du principe de l'application du critère du domicile du défendeur.
1111La localisation du critère de compétence pertinent dans un État tiers peut également conduire à
écarter l'application de la disposition visée : voy. l'arrêt Six Constructions de la Cour de justice, pré-
cité, n° 8.11.
L'applicabilité de la disposition relative aux mesures provisoires ou conservatoires
(art. 31 du règl., art. 24 de la Conv.) soulève une difficulté. Initialement simple règle de
signalisation renvoyant au droit national, cette disposition n'a pas soulevé de difficulté
particulière à cet égard, jusqu'à ce que la Cour de justice y ajoute une disposition norma-
tive conditionnant l'exercice de la compétence internationale (voy. infra, n ° 9.34).
D'aucuns estiment ne pas devoir aligner l'applicabilité dans l'espace de la disposition sur
celle des autres règles de compétence du règlement (Civ. Bruxelles, 6 février 1997, Intellec-
tuele Eigendom - Droits intellectuels, 2002, 346, citant notamment P. GoTHOT et D. HoL-
LEAUX). Il y a plutôt lieu de croire qu'il faut s'en tenir aux termes de l'article 4, paragraphe
premier, qui ne prévoit pas d'exception dans ce cas, en comprenant que l'applicabilité de
350 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
la disposition s'aligne sur celle des règles de compétence pertinentes dans la matière
correspondante. Toute autre interprétation conduirait à substituer pratiquement
l'article 31 du règlement au droit commun des États membres, même pour un litige non
communautaire. Et, à lui seul, le critère du domicile du demandeur ne pourrait suffire
(voy. l'arrêt]osi Reinsurance, précité).
8.23 - Clauses de différenciation pour certains États - Le règlement n'établit pas un
régime totalement uniforme. Il consent encore certaines disparités de traitement, liées à
la protection d'intérêts nationaux ou aux particularités procédurales de certains droits
nationaux.
La clause de protection du défendeur luxembourgeois est présente dans la Con-
vention de Bruxelles dès sa version de 1968 (art. 1cr du protocole annexé). Le défendeur
domicilié au Grand-Duché de Luxembourg pouvait invoquer l'inopposabilité du for con-
tractuel (art. 5, 1 °), afin d'éviter d'être assigné dans un autre État membre lorsque l'obliga-
tion contractuelle en litige devait s'exécuter hors de son propre pays, et il pouvait exiger
qu'une clause de juridiction fût expressément et spécialement acceptée par lui. Le règle-
ment reprend le principe de cette protection, non sans en limiter la portée quant à l'objet
et dans le temps. Pour le for contractuel, la protection n'est due que si « le lieu final de
livraison de la marchandise ou de la prestation de service se situe au Luxembourg»
(art. 63, § 1er), restriction qui doit se lire en relation avec le contenu du nouvel article 5, 1°,
point b); pour la clause de juridiction, le texte se contente d'une confirmation écrite du
défendeur; sous l'angle des contrats visés, la protection ne s'étend pas aux prestations de
services financiers. Quant à la durée de la protection, celle-ci expire au terme d'un délai de
six ans à compter de l'entrée en vigueur du règlement, soit le 1er mars 2008.
1111Sur ce que le privilège luxembourgeois vaut uniquement à propos de l'article 5, non de
l'article 6, voy. : C. trav. Anvers, 7 février 2002,]ur. Anvers (2002), 9 ; 20 juin 2002,]ur. Anvers (2003),
215.
Une clause spéciale couvre aussi les relations de travail concernant un navire de mer
immatriculé en Grèce ou au Portugal (art. 64): la juridiction saisie ne peut statuer
qu'après avoir vérifié que l'agent diplomatique ou consulaire dont relève le navire a été
informé du litige. Comme dans le cas précédent, la protection expire au 1cr mars 2008.
Enfin, le règlement exclut l'application des dispositions relatives aux demandes en
garantie ou en intervention devant les juridictions allemandes ou autrichiennes - ainsi
que hongroises (règl. 1496/2002 du 21 août 2002,].O.C.E., 2002, L 225) -, sans tourefois
étendre cette exclusion à la reconnaissance par ces juridictions de décisions rendues dans
d'autres États membres sur la base de ces dispositions (art. 65).
8.24 - Décision rendue dans un État membre - Les critères d'applicabilité relatifs aux
règles de compétence ne sont pas pris en considération dans la matière de la reconnaissance
et de l'exécution. Le critère spatial auquel est subordonnée, dans cette matière, la mise en
œuvre des dispositions communes est que la décision ou l'acte public à reconnaître ou à exé-
cuter dans un État membre émane d'un autre État membre (voy. les art. 32, 33, § 1er, 38 et
57, § 1er; la solution est implicite dans l'art. 58). Et toute personne peut obtenir la recon-
naissance ou l'exécution dans l'État requis sans qu'elle doive se prévaloir d'un autre critère
de localisation que le lieu dans lequel l'acte ou la décision doit produire ses effets.
Ill Ainsi, bénéficie du chapitre III la décision rendue dans un État membre, lorsque la compétence
du juge d'origine se fonde sur l'un des critères exorbitants dont l'article 4 permet l'utilisation dès
lors que le demandeur est domicilié sur le territoire d'un État membre.
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 351
Dans ce cas toutefois, l'article 72 permet un refus de reconnaissance sur base d'une convention pas-
sée entre l'État du juge requis et l'État tiers sur le territoire duquel se trouvait le défendeur devant
le juge d'origine.
d'une marchandise commercialisée aux États-Unis, mais non, inversement, celle intentée contre
une entreprise américaine lorsque la marchandise a été commercialisée dans la Communauté.
1111En ce qui concerne les règles sur l'efficacité des décisions, la condition de l'appartenance du juge
d'origine à un État membre emprunte un critère qui est de principe dans les traités internationaux.
Pourtant, son utilisation dans un acte communautaire, qui est unilatéral par essence, ne s'impose
pas, tandis qu'une extension des règles communes aux décisions rendues dans un pays tiers lors-
que la situation présente un intérêt communautaire répondrait mieux aux besoins du marché inté-
rieur.
352 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
L'article 220 du traité CE n'exigeait pas formellement que l'action des États entre dans le
11!1
domaine du traité CE, ; pourtant, cette condition découlait non seulement de l'appartenance de la
disposition au traité, mais encore de la condition que cette action soit prise« en tant que de besoin».
L'utilisation de l'article 65 CE comme base juridique du règlement accentue l'intérêt de la question
soulevée, puisque le texte exige que l'action soit « nécessaire au bon fonctionnement du marché
intérieur» (voy. supra, n ° 4.33).
Il y aurait donc lieu de s'interroger sur la possibilité de définir autrement les litiges
communautaires, en définissant l'ensemble des situations qui affectent un intérêt com-
munautaire. Cette définition semble devoir reposer sur celle des situations qui entrent
dans les prévisions des règles du traité CE qui organisent les différentes libertés de circu-
lation concernées par l'acte, sans qu'il soit exclu que le législateur communautaire reste
en deçà de la compétence attribuée en ne l'exerçant pas pour l'ensemble des situations
concernées.
1111Sur cette problématique, voy. notamment: M. FALLON,« Approche systémique de l'applicabilité
dans l'espace de Bruxelles I et de Rome I »,]. MEEUSEN e.a. (dir.), Enforcementofinternational contracts
in the European Union (Anvers, lntersentia, 2004), 127-174. Voy. plus généralement: H. GAUDEMET-
TALLON, « Les frontières extérieures de l'espace judiciaire européen: quelques repères», Mélanges
Droz (La Haye, Nijhoff, 1996), 85-104.
Selon la Cour de justice toutefois, la condition que l'acte affecte le bon fonctionnement du mar-
11!1
ché intérieur n'exige pas que la situation concrète ait un « lien effectif et suffisant» avec le marché
intérieur car une telle exigence soumettrait l'applicabilité dans l'espace de l'acte communautaire à
une variabilité excessive en fonction de l'espèce (C.].C.E., aff. C-281/02, 1er mars 2005, Owusu,
s'appuyant sur: aff. C-465/00 e.a., 20 mai 2003, Osterreichischer Rundfunk, Rec., 2003, I-4989).
8.27 - Actes concernant des matières particulières - Le règlement « n'affecte pas les
conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particu-
lières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions»
(art. 71). Le texte présente, par rapport à celui de la Convention, une différence notable.
Celle-ci ne déroge pas aux conventions auxquelles les États sont« ou seront » parties : elle
permet donc une dérogation par la conclusion d'un traité à venir, alors que le règlement
l'exclut. La différence s'explique par l'appartenance du règlement au droit communau-
taire, puisque l'exercice de la compétence normative pour le marché intérieur confère en
principe une compétence normative exclusive pour la conclusion d'accords avec des pays
tiers (voy. supra, n ° 8.6).
ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 353
1111 Pour une liste des conventions existantes en 1968, voy. le rapport JENARD, chap. IV, sous
l'article 57 de la Convention. Celles qui intéressent la Belgique sont mentionnées sous les n'15 8.32
et S.
Ill Le paragraphe 2 de l'article 71 ajoure que le tribunal qui applique une convention particulière à
un défendeur domicilié hors du territoire d'un État partie à cette convention, doit respecter
l'article 26 du règlement, relatif à la vérification de la recevabilité lorsque le défendeur fait défaut.
Pour une application de l'article 20 de la Convention (art. 26 du règl.), voy.: C.J.C.E., aff. C-148/03,
28 octobre 2004, Nürnberger Allgemeine Versicherungs, confirmant que la vérification de la compé-
tence au sens de l'acte renvoie, dans un tel cas, à un examen en fonction de la convention spéciale,
en l'espèce la C.M.R.
Par application de la règle !ex specialis, la priorité est également accordée aux actes
communautaires - ou aux législations nationales harmonisées en exécution de ces actes
- (art. 67), sans qu'il faille distinguer selon que l'acte particulier est antérieur ou posté-
rieur au règlement.
Ill Sur l'existence de tels actes particuliers, voy. supra, n ° 8.7.
Ill Par une disposition spécifique (art. 26, § 3), le règlement renvoie au règlement 1348/2000 du
Conseil du 29 mai 2000 (voy. supra, n ° 8.8) qui, sans viser la compétence ni l'efficacité des décisions,
affecte cette problématique en couvrant celle de la communication des actes judiciaires à l'étranger.
Le renvoi sert à définir la remise en temps utile de l'acte introductif d'instance, élément que le juge
de l'instance directe est tenu de vérifier.
Le renvoi s'étend à la Convention de La Haye, du 15 novembre 1965, relative à la signification et à la
notification à l'étranger des acres judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale
(infra, n'" 8.40 et 11.25 et s.), pour les cas exclus du domaine du règlement 1348/2000 (art. 26, § 4).
Le règlement cède aussi devant un traité conclu par un État membre avec un État
tiers, dont l'effet est de refuser la reconnaissance, dans le premier État, d'une décision
rendue dans un autre État partie à la Convention de Bruxelles, lorsque le tribunal d'ori-
gine a pu fonder sa compétence sur l'un des critères exorbitants que tolère l'article 4 en
présence d'un demandeur domicilié sur le territoire d'un État membre (art. 72, renvoyant
à l'art. 59 de la Convention).
8.29 - Relations avec la Convention de Lugano - Les liens entre le règlement et la Con-
vention de Lugano (précitée, n° 8.9) suscitent une difficulté particulière. Lorsqu'une
action introduite devant les tribunaux d'un État lié par les deux instruments répond au
critère d'applicabilité utilisé par l'un et l'autre, lequel doit-il appliquer?
354 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
8.31 - Efficacité des décisions étrangères - Le principe précité vaut aussi pour l'effica-
cité des décisions. Toutefois, l'article 66, paragraphe 2, du règlement étend le domaine de
celui-ci aux procédures introduites dans l'État d'origine avant la date de son entrée en
vigueur lorsque la décision étrangère est rendue après cette date, mais à condition que,
soit la compétence du juge d'origine trouve à se fonder sur les règles du chapitre II ou sur
celles d'une convention bilatérale, soit l'action dans l'État d'origine entre dans le
domaine d'application dans le temps de la Convention de Bruxelles ou de la Convention
de Lugano.
L'article 66 introduit ainsi un contrôle de la compétence indirecte, en principe exclu pour les
1!11
décisions relevant du domaine du règlement ou de la Convention (voy. infra, n° 10.23). Voy. une
application par: Civ. Bruxelles, 12 avril 1988, Rev. gén. dr. civ. (1989), 422.
Des dispositions transitoires particulières figurent dans les versions modificatives de la Conven-
1111
tion de Bruxelles. Entre les États parties à la Convention de base, les dispositions nouvelles sont
applicables immédiatement.
L'article 70, paragraphe 2, du règlement, comme la disposition correspondante de la
Convention, confirme que les traités sur lesquels le règlement, ou la Convention, a la
priorité (voy. ci-dessous) s'appliquent aux décisions étrangères rendues avant son entrée
en vigueur.
ACTES INTERNATIONAUX NON LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE 355
Section 2
Actes internationaux
non liés à l'Union européenne
§1 CONVENTIONS BILATÉRALES DOUBLES
8.32 - Relations avec la France et les Pays-Bas - Deux traités bilatéraux portent sur
l'ensemble des matières civile et commerciale, et couvrent à la fois la compétence interna-
tionale et l'efficacité des décisions étrangères.
La portée de ces traités a été réduite considérablement par l'entrée en vigueur de la
Convention de Bruxelles puis du règlement 44/2001, ainsi que du règlement
« Bruxelles II» (voy. infra, n° 12.79) et du règlement sur l'insolvabilité (voy. infra,
n ° 13.63). Ils n'affectent plus que des demandes exclues du domaine d'application de ces
actes (voy. supra, n ° 8.26). Il s'agit de:
- la Convention conclue le 8 juillet 1899 entre la Belgique et la France sur la compé-
tence judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbi-
trales et des actes authentiques (loi du 31 mars 1900, Monit., 30-31 juillet 1900, Pasin.,
1900,329);
- la Convention conclue le 28 mars 1925 entre la Belgique et les Pays-Bas sur la
compétence judiciaire territoriale, sur la faillite, sur l'autorité et l'exécution des décisions
judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, et le Protocole additionnel
(loi du 16 août 1926, Monit., 27 juillet 1929, Pasin., 1929, 549).
8.33 - Domaine d'application des conventions bilatérales doubles - Le domaine d'ap-
plication dans l'espace de ces traités n'est pas toujours aisé à déterminer. Bien qu'ils
visent essentiellement les rapports entre ressortissants d'États contractants - ceux-ci
fussent-ils tous ressortissants de l'État contractant autre que celui du for-, il n'est pas
exclu qu'ils puissent s'appliquer également à des litiges auxquels sont parties les ressor-
tissants d'États tiers.
Il Sur ces questions, voy., outre les études de H. DE CocK (spéc. pp. 107 et 131) et de M. WESER,
précitées n° 8.1: C. DEBROUX, note sous C. trav. Mons, 15 mai 1991, Rev. trim. dr. fam. (1991), 332-
337.
Le traité belgo-néerlandais est assez clair à cet égard. L'article 9 exige seulement que
l'une des parties devant une juridiction de l'un des États soit ressortissante de l'autre
État. Cette disposition ne s'applique cependant pas aux règles de compétence relatives à
la faillite (art. 20 à 25), qui ne contiennent aucun critère d'applicabilité.
Sur l'application de ce traité à une demande en divorce émanant d'un Néerlandais contre un
1111
1111 Les compétences exclusives instituées en matière de tutelle et de succession ne comportent pas
de critère d'applicabilité explicite. En raison de leur nature, leur application s'impose à tout litige
relatif à une tutelle ou à une succession ouverte en Belgique ou en France, mais en limitant la
répartition des compétences que ces règles opèrent aux conflits opposant tribunaux belges et fran-
çais.
Les dispositions sur la litispendance et la connexité suscitent une difficulté analo-
gue. Alors que le traité belgo-néerlandais requiert explicitement que l'un des plaideurs
soit ressortissant de l'autre État contractant, le traité franco-belge est muet, ce qui laisse
supposer qu'il suffit que les deux litiges soient respectivement soumis aux tribunaux de
l'un et de l'autre États.
Les dispositions de cette Convention ont été étendues au territoire de Hong-Kong, en vertu
d'un accord par échange de lettres prenant effet le 28 décembre 1972 (Monit., 8 octobre 1977),
ainsi qu'à la Nouvelle-Zélande (Monit., 25 février 1938);
- Convention entre la Belgique et la Suisse sur la reconnaissance et l'exécution des décisions judi-
ciaires et des sentences arbitrales, signée à Berne le 29 avril 1959 (loi du 21 mai 1962, Monit.,
11 septembre, Pasin., 1962, 664).
Il est plus rare que la Belgique soit liée avec des États non membres de l'Union euro-
péenne, en des matières qui ne soient pas particulières.
1111 On peur citer :
- Convention entre la Belgique et l'Inde relative à la reconnaissance des actes notariés, conclue à
Bruxelles par échange de lettres les 21 novembre et 16 juillet 1962 (Monit., 19 février 1962);
- Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume du Maroc relative à l'entraide judi-
ciaire en matière civile, commerciale et administrative et dans le domaine de l'information juri-
dique, signée à Rabat le 30 avril 1981 (Monit., 10 janvier 1984), art. 12 et 13.
La Belgique a conclu avec le Maroc une convention intéressant la reconnaissance d'actes de
1111
répudiation, mais cet instrument n'est pas entré en vigueur (voy. infra, n° 12.95).
statut des réfugiés (loi du 26 juin 1953, Monit., 4 octobre, Pasin., 1953, 723) et la Conven-
tion de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides (loi du 12 mai
1960, Monit., 10 août, Pasin., 1960, 503).
De plus, de nombreuses dispositions conventionnelles suppriment au profit des res-
sortissants des États contractants l'une ou l'autre des deux principales discriminations
maintenues par le droit commun, à savoir: la caution de l'étranger demandeur (voy. infra,
n° 5 11.20 et s.) et les restrictions apportées au droit à l'assistance judiciaire (voy. infra,
n° 11.23).
1111La dispense de caution et le bénéfice de l'assistance judiciaire sont respectivement prévus par les
articles 17 à 19 et 20 de la Convention de La Haye du 1er mars 1954, par les articles 9 et 8 de la Con-
vention européenne d'établissement et par de nombreuses conventions dont la liste est publiée aux
Codes Bruylant et aux Codes Larcier en note sous l'article 851 du Code judiciaire et en note sous
l'article 668 du Code judiciaire.
Les dispositions de la Convention de La Haye sont destinées à être remplacées par celles de la Con-
vention de La Haye du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice, entrée
en vigueur le 1rr mai 1988. La Belgique n'a pas signé cette Convention.
Il est fréquent qu'aucune caurion ne puisse être exigée de celui qui, dans un État contractant,
Ill
demande l'exécution d'une décision rendue dans un autre État contractant. De même, l'assistance
judiciaire obtenue dans le deuxième État doit être étendue, sans nouvel examen, à la procédure
d'exécution engagée dans le premier État. Voy. par exemple l'article 9, alinéa 2, de la Convention de
La Haye du 15 avril 1958 concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
d'obligations alimentaires envers les enfants, et l'article 9, 2°, de la Convention de New York du
20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l'étranger.
matière pénale, signée à Strasbourg le 20 avril 1959 (loi du 19 juillet 1975, Monit., 23 octobre 1975,
Pasin., 1975, 1249), art. 7.
Voy. une liste des conventions bilatérales dans les Codes Bruylant, t. l", note sous l'arc. 45 du
Ill
Code civil et dans les Codes Larcier, t. I", v « Actes de l'état civil».
0
Section 3
Droit commun
§1 DROIT JUDICIAIRE COMMUN
8.44 - Code de droit international privé - La loi du 16 juillet 2004 portant le Code de
droit international privé (Monit., 27 juillet 2004) introduit un jeu de règles de compé-
tence internationale et de règles sur l'efficacité des décisions judiciaires et des actes
publics étrangers, qui a vocation à faire office de droit commun.
Ces règles sont tantôt de nature générale (chap. I, sect. 4 et 6). Tantôt, elles sont pro-
pres à des matières particulières et sont éparpillées, à ce titre, dans les subdivisions du
Code concernant de telles matières.
Ili Le Code de droit international privé abroge les dispositions correspondantes du Code judi-
ciaire, lesquelles s'étaient contentées de reprendre celles de l'ancien Code de procédure civile.
Les principaux travaux préparatoires du Code judiciaire sont :
362 SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS
- Doc. pari., Sénat, sess. 1963-1964, n° 60, du 10 décembre 1963, contenant l'exposé des motifs du
gouvernement, le projet de loi auquel sont annexés le texte du projet de Code et le rapport établi
par M. Charles VAN REEPINGHEN, commissaire royal à la réforme judiciaire, ainsi que l'avis de la
section de législation du Conseil d'État, du 18 juin 1963;
- Doc. pari., Sénat, sess. 1964-1965, n° 170, du 9 mars 1965: rapport fait au nom des commissions
de la Justice et de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, par M. DE BAECK, rapporteur
général;
- Doc. pari., Ch. repr., sess. 1964-1965, n° 1040, du 8 avril 1965: rapport fait au nom de la com-
mission de la Justice, par M.F. HERMANS.
8.45 - Code judiciaire et lois particulières - Les principaux articles du Code judiciaire
intéressant le droit international privé ont pour objets respectifs, dans l'ordre de
numérotation :
les commissions rogatoires (art. 11, al. 2, et 873, al. 2);
les notifications d'actes judiciaires à l'étranger (art. 40 et 55);
la compétence d'attribution du juge de l'exequatur (art. 570, tel que modifié par
l'art. 134 de la loi du 16 juillet 2004);
1111 Auparavant, cet article était le siège du régime de l'efficacité des décisions judiciaires étrangères.
§3 FONCTIONS CONSULAIRES
8.47 - Règles de compétence internationale - Les dispositions suivantes affectent la
compétence des autorités consulaires :
- la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire (Monit.,
7 janvier 1852) ;
- l'arrêté royal du 23 mars 1857 réglant les attributions des consuls en matière de
légalisations et de significations judiciaires (Monit., 29 mars 1857);
- la loi du 10 juillet 1931 concernant la compétence des agents diplomatiques et
consulaires en matière notariale (Monit., 31 juillet 1931) ;
- la loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l'état civil et à la compétence
des agents diplomatiques et consulaires en matière d'état civil (Monit., 31 juillet 1931),
dont l'article 13 a été inséré dans l'article 170 du Code civil, ensuite modifié par la loi du
1er mars 2000 (Monit., 6 avril 2000), et dont l'article 7 a été modifié par la loi du 4 mai
1999 (Monit., ier juillet 1999).
CHAPITRE 9
RÈGLES GÉNÉRALES
DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
9.1 - Bibliographie
Outre les ouvrages généraux cités sous le chapitre 8, voy. : M. BAHMAEL, L'intervention du juge étatique
des mesures provisoires et conservatoires en présence d'une convention d'arbitrage. Droits français, anglais et suisse
(Paris, LGDJ, 2002); H. BAUER, Compétence judiciaire internationale des tribunaux civils français et alle-
mands (Paris, Dalloz, 1965); C. CHALAS, L'exercice discrétionnaire de la compétence juridictionnelle en droit
international privé (Aix, PUAM, 2000); P. DE PAEPE, Études sur la compétence civile à l'égard des étrangers
(Bruxelles, Bruylant, 1900-1902), 2 vol.; P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES, La compétence internationale de
l'État en matière de droit privé (Paris, LGDJ, 1997); FRAGISTAS, « La compétence internationale en droit
privé», Recueil des cours, vol. 104 (1961), 159-271; H. GAUDEMET-TALLON, La prorogation volontaire de
juridiction en droit international privé (Paris, Dalloz, 1965) ; A. HEYVAERT, De internationale rechtsmacht van
de gerechten na het WI.P.R (Mechelen, Kluwer, 2005) ; X. KRAMER, Het kort geding in internationaal pers-
pectief (Deventer, Kluwer, 2001) ; A. LowENFELD, International litigation and the quest for reasonableness -
Essays in private international law (Oxford, Clarendon, 1996) ; F. A. MANN, « The Doctrine of Interna-
tional Jurisdiction Revisited after Twenty Years », Recueil des cours, vol. 186 (1984), 9; O. MERKT, Les
mesures provisoires en droit international privé (Zürich, Schulthess, 1994); A. MIAJA DE LA MuELA, « Les
principes directeurs des règles de compétence territoriale des tribunaux internes en matière de litiges
comprenant un élément international», Recueil des cours, vol. 135 (1972), vol. 135, 1-96; A. Nurrs,
L'exception de forum non conveniens (Bruxelles, Bruylant, 2003); E. PATAUT, Principe de souveraineté et con-
flits de juridictions (Paris, LGDJ, 1999) ; Th. PFEIFFER, Internationale Zustandigkeit und prozessuale Gerechtig-
keit (Frankfort, Klostermann, 1995); M.-P. PuLJAK, Le droit international privé à l'épreuve du principe
communautaire de non-discrimination en raison de la nationalité (Aix, PUAM, 2003) ; J. SALMON, « La légis-
lation belge relative à la compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière notariale et
d'état civil», Mélanges]. Baugniet (Bruxelles, ULB, 1976), 637-705; H. VAN HourrE, « Internationale
bevoegdheid en lex fori », R W. (1977-1978), 1908-1912; J. P. VERHEUL, Rechtsmacht in het Nederlands
internationaal privaatrecht (Anvers, Maarten Kluwer, 1982) ; A. VON MEHREN, « Theory and practice of
adjudicatory authority in private international law: A comparative study of the doctrine, policies
and practices of common- and civil-law systems», Recueil des cours, vol. 295 (2002), 9-432 ; C. VosKUIL,
De internationale bevoegdheid van de Nederlandse rechter (Amsterdam, 1967).
9.2 - Présentation - Avant d'exposer le contenu des règles générales de compétence
judiciaire dans le contentieux international, il est utile d'énoncer les notions qui régis-
sent cette matière.
Quant aux notions (sect. 1), il y a lieu de comprendre la nature exacte de la compé-
tence internationale (§ 1er), avant d'établir les types de critères utilisés en droit comparé
(§ 2). De plus, la mise en évidence des objectifs de l'attribution d'une compétence inter-
nationale est indispensable à la compréhension de la portée de la règle de compétence,
notamment aux fins de son interprétation(§ 3).
366 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Quant au contenu (sect. 2), une distinction est faite, pour des raisons pratiques, en
fonction de la source de la règle de compétence, acte communautaire (§ 1er), droit con-
ventionnel(§ 2) ou, à défaut, droit commun(§ 3).
Section 1
Notion de compétence internationale
§1 NATURE DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE
A. Compétence internationale et compétence interne
9.3 - Définition de la compétence internationale - Quand une autorité ou une juridic-
tion étatique est saisie d'une situation présentant quelque élément étranger, elle doit
d'abord décider si elle est internationalement compétente.
Déterminer la compétence internationale d'une autorité ou d'un tribunal consiste à
décider si la situation qui lui est soumise relève, en raison des éléments d'extranéité qui la
caractérisent, de la compétence juridictionnelle de l'État auquel il appartient et n'en est
pas exclue en raison de la matière, ou de la qualité des personnes qui y sont intéressées.
La compétence internationale vise ainsi le pouvoir de connaître d'une demande en
raison de l'appartenance du juge ou de l'autorité à un corps d'organes. Elle appelle alors
l'analogie avec le pouvoir de juridiction, qui porte sur les attributions conférées aux
membres de l'ordre judiciaire considéré dans son ensemble. Toutefois, à la différence du
pouvoir de juridiction, la compétence internationale peut également porter sur l'inter-
vention d'un organe quelconque dans l'État, qu'il appartienne ou non au pouvoir judi-
ciaire. En quelque sorte, elle affecte le pouvoir de juridiction de l'État, non le pouvoir de
juridiction dans l'État.
Pour plus de développements, voy. : M. FALLON,
1111 « La dérogation volontaire à la compétence
internationale», Rev. crit. jur. belge (2003), 271-316.
La compétence internationale peut être« directe» ou« indirecte». Elle est indirecte
lorsqu'elle fait l'objet d'une règle qui appartient aux motifs de refus pouvant être oppo-
sés à une décision étrangère (voy. le chapitre 10).
9.4 - Dissociation de la compétence interne - Compétence internationale et compétence
interne doivent être dissociées nettement. Il est vrai que la distinction entre les deux critè-
res de compétence internationale - localisation et matière - suggère une analogie trom-
peuse avec la distinction, familière en droit judiciaire interne, entre la compétence
territoriale et la compétence d'attribution.
Quand la situation soumise à une autorité publique ou à un juge présente quelque
élément étranger, il doit poser d'abord la question de la compétence internationale sous
ses divers aspects. Cet examen s'opère par référence à l'ordre juridique pris dans son
ensemble, sans qu'il y ait lieu de rechercher quelle autorité de cet État est, le cas échéant,
compétente: le problème de compétence interne ne sera abordé qu'après qu'une réponse
affirmative aura été donnée à la question de compétence internationale. Celle-ci a pour
seule portée de déterminer si la situation relève de l'État à une autorité duquel elle est
soumise, sans préjudice de la question si cette autorité-là ou une autre du même État est
compétente. En ce sens, cette compétence est appelée générale.
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 367
La distinction implique que les deux compétences puissent se déterminer selon des
règles distinctes. C'est le cas en droit belge, où le législateur, plutôt que d'utiliser la
méthode de transposition des règles de compétence interne en règles de compétence
internationale, a créé, dès le XIXe siècle, des règles propres à la matière internationale.
IllAvant l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, le droit belge connaissait un
ensemble de règles spécifiques composé, d'une part, de l'article 15 du Code civil (critère de la natio-
nalité belge du défendeur) et, d'autre part, des articles 635 à 638 du Code judiciaire, qui avaient
repris la substance de l'article 52 de la loi du 25 mars 1876. Ainsi, deux catégories de règles complé-
mentaires visaient, respectivement, le défendeur belge et le défendeur étranger.
Ill La technique de la « transposition » des règles de compétence interne en règles de compétence
internationale est utilisée à l'étranger, lorsque fait défaut un système de règles légales de compé-
tence internationale. Voy. par ex. en France, P. MAYER et V. HEUZÉ, n'" 284 et s., non sans certaines
exceptions prétoriennes, comme en matière de succession immobilière (Cass., 1 ce ch. civ., 7 mars
2000, Igoa-Etchebarren, Revue, 2000, note B. ANCEL). Aux Pays-Bas, voy. Hoge Raad, 13 février 1987,
Revue (1988), 555, noteJ.-P. VERHEUL.
La jurisprudence belge a utilisé la technique de la transposition dans certaines matières particuliè-
res, telle la faillite, en raison du caractère exclusif de la compétence (voy. infra, n ° 13.70).
Ill Pour un cas de confusion entre compétence internationale et compétence territoriale interne,
voy.: Cour d'arbitrage, 30 janvier 2003,]. T (2003), 191, infra, n ° 9.54.
La même distinction interdit aussi toute analogie avec la compétence territoriale et
la compétence d'attribution, concepts du droit judiciaire interne. Non seulement la com-
pétence internationale n'est pas nécessairement territoriale, mais encore on observe des
motifs d'incompétence en raison de l'objet de la demande ou de la qualité des personnes
qui obéissent à des impératifs irréductibles à ceux qui, dans l'ordre interne, commandent
une répartition entre les différents pouvoirs de l'État.
9.S - La compétence interne et le droit international privé - La décision sur la compé-
tence internationale ne vide normalement pas la question de compétence interne. Après
qu'a été établi le pouvoir de connaître d'une situation internationale, il reste à désigner le
tribunal ou l'autorité compétent pour exercer ce pouvoir. Ce second stade dans l'examen
de la compétence soulève les deux questions traditionnelles de la compétence territoriale
et de la compétence d'attribution.
La compétence interne se détermine selon le droit du for. Ce principe n'empêche pas
que cette détermination de compétence doive être modalisée pour son application à une
situation internationale.
D'un côté, il arrive qu'une règle de compétence internationale désigne directement
la juridiction territorialement compétente. De telles règles se reconnaissent à leur formu-
lation, en mentionnant« le tribunal» compétent plutôt que« les juridictions ».
Le règlement 44/2001 contient plusieurs exemples de ce procédé, notamment à l'article 5. C'est
1111
aussi le cas du règlement« Bruxelles II» (Civ. Hasselt, 11 juin 2002, Limb. Rechtsl., 2002, 332).
1111 En Belgique, les règles de compétence internationale se bornent normalement à déterminer la
compétence générale. Une fois cette compétence établie, il y a lieu de se référer aux dispositions per-
tinentes du Code judiciaire (art. 13 Codip; voy. infra, n ° 9.57).
D'un autre côté, les éléments étrangers de la situation ne permettent pas toujours de
régler la compétence interne selon les critères habituels du droit interne. Il appartient
alors au droit international privé d'élaborer les règles spéciales de droit judiciaire qui
déterminent la compétence d'attribution et la compétence territoriale interne des autori-
tés et des juridictions déjà reconnues internationalement compétentes.
368 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
juridictions de l'État sur le territoire duquel le défendeur est domicilié (art. 2), aux tribu-
naux de l'État sur le territoire duquel est domicilié le consommateur (art. 16), ou, en
matière de droits réels immobiliers, aux tribunaux de l'État où l'immeuble est situé
(art. 22, 1 °). Cependant, chacune de ces dispositions se présente comme un faisceau de
règles unilatérales. C'est par commodité que le texte comporte une formulation abstraite
de la règle, mais nul n'ignore que l'acte international ne peut servir à désigner que les
juridictions d'un État qu'il lie. C'est pourquoi le texte précise, à chaque fois, qu'il s'agit
d'un État « contractant » dans le cas d'un traité, ou d'un État « membre » dans le cas
d'un acte communautaire.
9.7 - Une règle alternative plutôt qu'exclusive - Les règles de compétence internatio-
nale sont alternatives en un double sens. D'un côté, elles tendent à favoriser la com-
pétence des juridictions nationales en multipliant les critères aptes à établi-; cette
compétence. D'un autre côté, elles ne font pas obstacle à l'application de règles concur-
rentes. Par conséquent, elles tendent à laisser au demandeur dans un litige international
un choix parmi les divers ordres de juridictions internationalement compétents.
Ill Ainsi, le caractère alternatif reçoit-il un sens sensiblement distinct de celui qui caractérise la
compétence territoriale interne, puisque le choix laissé au demandeur dans un litige interne ne sau-
rait lui permettre d'opter pour un ordre de juridiction étranger.
Le règlement 44/2001 contient aussi des règles de compétence exclusive en des matières particu-
1111
lières (art. 22, 1 ° à 5°). L'article 25 précise que« le juge d'un État membre, saisi à titre principal
d'un litige pour lequel une juridiction d'un autre État membre est exclusivement compétente en
vertu de l'article 22, se déclare d'office incompétent». De même, il donne un caractère exclusif à la
compétence attribuée par une clause d'élection de for, « sauf convention contraire des parties»
(art. 23).
Une telle règle ne constitue en réalité qu'une règle « indirecte » analogue aux règles
de compétence auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution de déci-
sions judiciaires étrangères (voy. infra, n ° 10.12).
En effet, le législateur d'un État ne peut régler la compétence judiciaire internatio-
nale des autres États. Comme l'effet juridique d'une règle de compétence exclusive
devrait se produire là où opère l'exclusion, c'est-à-dire dans les ordres juridiques auxquels
la compétence est déniée, une telle règle serait totalement inefficace dans l'ordre juridi-
que dont elle émane si elle ne constituait une règle de compétence indirecte interdisant
de reconnaître les décisions étrangères prononcées par un tribunal dont ladite règle
exclut la compétence.
Telle est bien la portée du paragraphe 55 du décret-loi hongrois précité. En effet, le
1111
paragraphe 70 du même décret-loi dispose que les décisions étrangères rendues dans des affaires
qui relèvent de la compétence exclusive des tribunaux hongrois ne seront reconnues en Hongrie
que dans les cas définis par ce décret-loi. Parmi les cas relatifs à l'état des personnes, le
paragraphe 71 ne retient que trois hypothèses: le divorce ou l'interdiction d'un Hongrois et
l'homologation de l'adoption d'un Hongrois par un étranger.
Ill!En Belgique, le Code de droit international privé n'énonce qu'exceptionnellement une règle de
compétence exclusive, par la technique de l'insertion d'une règle de compétence indirecte parmi les
motifs de refus d'une décision étrangère. C'est le cas en matière de nom (art. 39), de droits de
propriété intellectuelle donnant lieu à enregistrement (art. 93), de sociétés (art. 115), de faillite
(art. 121). Dans ces cas, la règle de compétence directe n'est pas de type alternatif, la règle limitant
strictement la compétence internationale des juridictions belges.
En outre, le législateur peut, pour la détermination de la compétence internationale
de ses propres juridictions, prendre en considération les règles de compétence exclusive
du droit étranger. En revanche, quand le droit du for ne contient aucune disposition qui
subordonne expressément la compétence internationale de ses juridictions à la recon-
naissance de cette compétence par un droit étranger, il n'y a pas lieu de tenir compte des
règles unilatérales de compétence exclusive de ce droit.
En Allemagne, les juridictions allemandes doivent décliner leur compétence en matière de
1111
divorce dans certains cas où la décision à intervenir ne serait reconnue dans aucun des États aux-
quels les époux appartiennent. La règle unilatérale de compétence exclusive que contient la loi per-
sonnelle des époux est ainsi érigée en condition d'application de la règle de compétence
internationale du tribunal saisi. Les modifications apportées au paragraphe 606a ZPO par la loi du
25 juillet 1986 ont considérablement restreint la portée de cette condition d'application déduite
du contenu du droit étranger. Selon le chiffre 4 nouveau de l'alinéa 1er de cet article, « Les tribu-
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 371
naux allemands sont compétents en matière matrimoniale[ ... ] lorsque l'un des conjoints a sa rési-
dence habituelle sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, à moins que la décision à
rendre ne soit manifestement reconnue par la loi d'aucun des États dont l'un des conjoints est
ressortissant».
En Suisse, en matière successorale, le législateur prévoit la compétence des juridictions suisses
1111
du dernier domicile du défunt (art. 86, § Fr, LDIP), tout en « [réservant] la compétence exclusive
revendiquée par l'État du lieu de situation des immeubles » (§ 2).
Le régime d'une clause d'élection de for selon le droit national peut également con-
duire à conférer une compétence exclusive aux juridictions désignées, à condition toute-
fois que la clause soit valable selon le droit applicable (voy. infra, n ° 9.14), mais sans
pouvoir empêcher que la reconnaissance de cette compétence à l'étranger puisse être
refusée.
Ill En Belgique, selon le Code de droit international privé, la prorogation volontaire de compé-
tence au profit des juridictions belges confère un caractère exclusif à la compétence attribuée
(art. 6) : il en résulte qu'une décision étrangère rendue en méconnaissance de cette compétence ne
pourra pas être reconnue, en vertu des motifs généraux de refus énoncés par le législateur (arc. 25,
§ Fr, 7°). Lorsque la clause déroge valablement à la compétence des juridictions belges, une dispo-
sition particulière oblige le juge belge à surseoir à statuer et, le cas échéant, à se dessaisir (art. 7).
9.8 - Effet d'une compétence d'ordre public sur l'application d'une règle convention-
nelle - L'exception d'ordre public (voy. supra, n ° 7.32) permet-elle de déroger aux règles
de compétence judiciaire internationale insérées dans un traité, lorsque la demande inté-
resse l'ordre public du for quant à la substance?
La jurisprudence française a donné à cette question une réponse affirmative pour
l'interprétation de la Convention franco-suisse et de la Convention franco-belge (voy.
infra, n ° 13.44). En l'occurrence, les tribunaux français ont voulu motiver leur compé-
tence exclusive pour se prononcer sur la validité de brevets français, alors que l'appli-
cation du traité international eût justifié la compétence des tribunaux de l'État
cocontractant.
Bien que la solution d'espèce soit correcte (voy. infra, n ° 9.17) et fasse aujourd'hui
l'objet d'une disposition expresse de la Convention de Bruxelles (art. 16, 4 °) comme du
règlement 44/2001 (art. 22, infra, n ° 13.44), il est erroné d'affirmer, comme l'a fait la
Cour de cassation de France, que les règles de compétence conventionnelles peuvent être
écartées chaque fois que les tribunaux français sont « saisis d'une demande intéressant
l'ordre public français» (Cass. civ., 21 janvier 1936). À défaut de réserve expresse conte-
nue dans un traité, il est inadmissible que chacun des États contractants puisse faire
céder l'exécution du traité international devant son ordre public judiciaire.
Voy. Cass. civ., 21 janvier 1936, Société des Usines de Melle, Revue (1936), 510, note NIBOYET. Cet
Ill
arrêt a écarté l'application de la Convention franco-belge. En ce qui concerne la Convention franco-
suisse, voy.: Lyon, 19 février 1931,Annalesdelapropriétéindustrielle, artistiqueetlittéraire (1933), 291;
TGI Paris, 27 juin 1969, Chassagnon, D. (1970), som. 3.
fois que la situation n'obéit à aucun des critères qui servent à fixer, unilatéralement, la
compétence des autorités des États intéressés. L'importance du risque est fonction du
caractère alternatif ou non de la règle de compétence : ce risque est grand si la compé-
tence internationale est fixée, dans chaque État, au moyen d'un critère unique exclusif de
tout autre et que ce critère varie d'un État à un autre. Cela suffit à justifier le caractère par
essence alternatif de la règle de compétence internationale, en l'absence d'un système de
règles uniformes.
Ill Pour un cas significatif d'incompétence internationale fondée sur une règle non alternative,
venant d'une extension à la compétence internationale d'une règle de compétence interne, en
matière de divorce, voy. en France: Cass. (F" ch. civ.), 13 janvier 1981, Revue (1981), 331, note H.
GAUDEMET-TALLON.
Ill Sur ce que la circonstance que le demandeur serait exposé à un déni de justice à l'étranger ne
justifierait pas la prorogation de compétence du tribunal saisi, voy.: Cass. (l'" ch. civ.), 7 janvier
1982, Le Van Chan, Revue (1983), 87, note B. AUDIT, dans le cas particulier d'une succession portant
sur des immeubles sis à l'étranger et soumis au droit étranger; contra implicitement, l'arrêt précité
du 13 janvier 1981.
Ill Comp. infra, n ° 9.15, la correction que peur apporter le concept de« for de nécessité».
Le conflit positif d'injonctions est beaucoup plus fréquent. Il faut s'y résigner cha-
que fois qu'il a pour cause le caractère concurrent des compétences étatiques en la
matière, le droit international ne comportant qu'un jeu très limité de règles exclusives
(voy.supra,n° 9.7).
La matière du droit économique en montre les exemples les plus frappants, à propos
du droit de la concurrence ou de l'interdiction de commercer avec des entreprises d'un
État déterminé. Pratiquement, la question de la compétence internationale est liée à celle
de la compétence législative, à savoir l'applicabilité dans l'espace de la réglementation en
cause. À cet égard, il convient de distinguer, d'une part, la question de l'applicabilité de
l'injonction aux effets, localisés dans l'État du for, d'actes ou de faits localisés à l'étranger,
et, d'autre part, la question de l'adoption, par l'État sur le territoire duquel se trouve le
destinataire d'une telle injonction, d'une « loi de blocage » ou d'une « contre-mesure »
tendant à interdire à cette personne de donner suite aux injonctions qui lui sont adres-
sées de l'étranger. Dans les deux cas, le droit international n'interdit pas l'adoption de
pareilles mesures, pourvu qu'elles ne tendent pas à établir une contrainte institutionnelle
sur des autorités étrangères.
De telles lois de blocage ont été adoptées, notamment, à propos de l'obligation faite à des socié-
1111
Communauté - seule compétente à cet égard en droit communautaire, à l'exclusion des États
membres - s'est dotée d'un instrument interdisant de reconnaître tout jugement américain de
récupération et organisant la compétence internationale des juridictions des États membres à pro-
pos d'actions en réparation du dommage subi par un acte de récupération.
Voy. à ce sujet, notamment: H. LESGUILLONS, « Les lois Helms-Burton et D'Amato : les réactions de
l'Union européenne», Rev. dr. aff. int. (1997), 95-112; A. LOWE,« U.S. extraterritorial jurisdiction:
The Helms-Burton and D'Amato acts », I.C.L.Q. (1997), 378-389; B. STERN, « Les lois Helms-Bur-
ton et D'Amato-Kennedy », Rev.gén. (1996), 979-1004.
Le différend a donné lieu à la conclusion d'un mémorandum d'entente concernant la loi Helms-
Burton, du 11 avril 1997 (I.L.M., 1997, 529).
Ill Voy. plus généralement : L. BOISSON DE CHAZOURNES, Les contre-mesures dans les relations internatio-
nales économiques (Paris, Pédone, 1992); G. BURDEAU, « Le gel d'avoirs étrangers», Clunet (1997), 5-
58 ; J. GROSS, « Iraqi-Kuwaiti sanctions and choice of law in the Eurodollar market», Law Pol. Int.
Bus. (1991), 471-526; M.-A. RENOLD, Les conflits de lois en droit antitrust (Zürich, Schulthess, 1991) ;
F. R!GAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale », Recueil
des cours, vol. 213 (1989-I), 292-334; Io., « Rapport préliminaire sur la compétence extraterritoriale
des États», Annuaire (1999), vol. 68-I, 271 et s.; P.M. ROTH,« Reasonable extraterritoriality: Correc-
ting the balance of interests », I.C.L.Q. (1992), 245-286; B. STERN,« L'extraterritorialité revisitée -
Où il est question des affaires Alvarez-Machain, Pâte de bois et de quelques autres ... », Annuaire fr.
dr. int. (1992), 239-313.
Lorsque le conflit positif conduit à des décisions judiciaires inconciliables dans des
États différents, il appartient à chaque État de s'opposer à la reconnaissance du jugement
étranger, en faisant figurer cet élément parmi les motifs de refus (voy. infra, n ° 10.24). La
prévention de tels conflits peut se concevoir au moyen de l'exception de litispendance
internationale, dont l'admission en droit commun reste cependant très rare (voy. infra,
n° 9.56).
1111 Le règlement 44/2001 utilise des termes analogues à propos du défendeur étranger domicilié
dans l'État du for (art. 2, § 2).
sa suite dans le règlement 44/2001, dont l'article 4, paragraphe 2, a pour effet de permettre, par
exemple, à un Japonais domicilié en France d'y agir, comme s'il était Français, contre une entreprise
établie aux États-Unis.
9.14 - La volonté - Les parties peuvent recevoir la faculté de désigner la ou les juridic-
tions, étatiques ou arbitrales, compétentes pour régler leurs différends internationaux.
En l'absence de disposition législative accompagnant les règles spécifiques de compé-
tence internationale, la jurisprudence belge n'a pas hésité (voy. infra, n° 14.17) à consa-
crer l'admissibilité d'une clause d'élection de for dans les situations internationales. On
peut y voir à première vue une transposition du principe de l'autonomie des volontés
reconnu à propos de situations internes, tant en ce qui concerne la substance des droits
que la faculté pour les parties de désigner le tribunal compétent. L'approche s'explique
aussi par un objectif de sécurité juridique des rapports commerciaux internationaux
(voy. infra, n ° 9.22).
Ill!La question a été débattue plus largement aux États-Unis, où le principe de l'admissibilité de
telles clauses n'est acquis que depuis le prononcé, en 1972, de l'arrêt Bremen v. Zapata Offshore Cy.,
par la Cour suprême (407 U.S. 1 [1972]), non sans la réserve que « enforcement is shown by the
resisting party to be unreasonable under the circumstances ». Sur cette problématique, voy. : Y. LEE,
« Forum selection clauses : Problems of enforcement in diversity cases and State courts,,, Columbia
]. Transn. L. (1997), 663-696.
En France, la jurisprudence a développé une règle matérielle de droit international privé per-
Ill!
mettant l'admissibilité de principe d'une clause d'élection de for dans les litiges internationaux,
surmontant ainsi une règle d'interdiction valant en droit interne (P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 303).
376 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Ili Le Code belge de droit international privé confirme la faculté de prorogation (art. 6) ou de déro-
gation (art. 7) volontaires (voy. le chapitre 14).
Pareille clause a un double effet: un « effet prorogatoire », en ce sens qu'elle rend
« apte à connaître d'un litige donné un tribunal qui ne pourrait, en l'espèce, fonder sa
compétence sur aucune autre base»; « un effet dérogatoire», à savoir « l'exclusion de
toute compétence que pourraient avoir, en l'absence d'un tel accord, les tribunaux autres
que celui qui y est désigné».
1111Voy. L. T. WELAMSON, Rapport explicatif de la Convention de La Haye du 25 novembre 1965 sur
les accords d'élection de for, Actes et documents de la dixième session de la Conférence de La Haye de droit
international privé, t. IV, For contractuel, 201-226, spéc. 204.
1111 En Belgique, le Code de droit international privé exprime ce double effet dans deux dispositions
rions de prêter leur assistance à la solution de litiges totalement externes, en raison du coût que
représente le service de la justice.
En Belgique, le Code de droit international privé présente une réserve de ce type (art. 6, § 2).
Une telle appréciation peut s'exprimer selon deux méthodes, négative et positive.
Dans les systèmes anglo-saxons, le juge saisi peut refuser une compétence interna-
tionale par ailleurs établie, lorsqu'il apparaît des circonstances que les juridictions d'un
autre État seraient plus appropriées pour connaître du différend. Cette appréciation peut
dépendre de la matière en cause (par exemple l'administration d'un patrimoine), de
l'existence de procédures pendantes simultanément dans le for et à l'étranger, de l'atti-
tude du demandeur cherchant à attraire le défendeur devant un for particulièrement
désavantageux pour ce dernier. Elle repose sur une comparaison des mérites respectifs
d'une saisine du for ou à l'étranger, en fonction, notamment, de la localisation des élé-
ments de l'espèce, du droit qui serait appliqué au fond, de la difficulté pour le demandeur
d'obtenir un procès équitable à l'étranger.
1111Outre la bibliographie générale (voy. supra, n ° 9.1), voy. une présentation, notamment, par: J.
FAWCETI (dir.), Declining jurisdiction in private international law (Oxford, Clarendon, 1995). Sur la
théorie du forum (non) conveniens aux Pays-Bas, voy.: J. P. VERHEUL, « The Forum (non) conveniens
in English and Dutch Law and Under Sorne International Conventions», I.C.L.Q. (1986), 413-422
et l'arrêt du Hoge Raad, 13 février 1987, Revue (1988), 555, noteJ.-P. VERHEUL.
Pour une critique tendant à limiter l'application de la théorie, voy. : D. W. ROBERTSON, « Forum
Non Conveniens in America and England: A Rather Fantastic Fiction», L.Q.R (1987), 398-432.
Pour une analyse approfondie, voy. : A. NUYTS, L'exception de forum non conveniens (Bruxelles, Bruy-
lant, 2003).
111! Sur l'application de la théorie du forum non conveniens dans le contexte du règlement
« Bruxelles I », voy. infra, n ° 9.27.
Ill Le Code belge de droit international privé consacre ce concept, tout en précisant le caractère
exceptionnel de cette compétence et en exigeant des liens « étroits» avec la Belgique (art. 11, infra,
n ° 9.48), approche analogue à celle de la clause d'exception dans la matière des conflits de lois (voy.
supra, n° 3.17).
378 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
L'appréciation des limites exactes que le droit international impose à l'exercice des
compétences étatiques peut être malaisée.
Il arrive que le juge ou l'autorité enfreigne les limites de sa propre compétence inter-
nationale en adressant une injonction à une autorité étrangère ou en accomplissant un
acte matériel d'exécution sur un document délivré par une autorité étrangère et qui
n'était pas destiné à faire l'objet de cet acte.
Voy. par exemple: Cass., 14 novembre 1927, Pas. (1928), I, 7, ordonnant qu'un acte notarié fran-
Ill!
çais soit « réformé dans le sens du jugement et réintégré dans cet état dans l'étude du notaire
précité»; Bruxelles, 9 octobre 1973, Talhaoui,].T (1973), 711, n'estimant pas illicite que la gendar-
merie appose sur le passeport d'un étranger des mentions que ce document n'est pas destiné à
recevoir. Pour un commentaire de ces deux décisions, voy. respectivement: F. RIGAUX, Revue (1961),
79, et].T (1974), 50-51, et sur les instructions administratives relatives aux« cachets pouvant être
apposés dans les passeports», voy. la circulaire du 27 juin 1978 (Monit., F' juillet 1978).
Ill!D'autres décisions mesurent plus correctement les limites de la compétence. Ainsi, à l'époque
où le droit belge prévoyait la mention des déchéances du droit de conduire sur la carte d'identité
du condamné, il a été correctement jugé qu'une telle mention ne pouvait être apposée sur la carte
d'identité délivrée à un Français par l'administration française du lieu de son domicile. De même,
quand un époux.belge ayant pour employeur une entreprise établie à l'étranger est en défaut de
satisfaire à son obligation de contribuer aux charges du mariage, le tribunal belge ne peut notifier
au tiers débiteur résidant à l'étranger la mesure de délégation de sommes prévue par l'article 221
(218 avant la loi du 14 juillet 1976) du Code civil. Sur ces deux exemples, voy. respectivement:
Cass., 5 octobre 1964, Procureur du Roi à Ypres c. Delebarre, Pas. (1965), I, 108, et F. RIGAUX, Droit public
et droit privé, § 45-A; Bruxelles, 18 février 1971,]. T (1971), 235, et commentaire, Rev. crit. jur. belge
(1976), 228. Voy. de même en France: Cass., 1re ch. civ., 20 mars 2001, Hassan, Revue (2001), 697,
note H. MuIR WATT, se refusant - après avoir pris soin de constater que la validité même du testa-
ment n'était pas en cause - à annuler formellement un acte public étranger recevant un testament,
ou à adresser une injonction à l'officier public étranger dont il était attesté qu'il avait faussement
rapporté les déclarations du testateur. Autre chose serait de refuser de reconnaître la force pro-
bante de l'acte public étranger.
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 379
Une juridiction belge est sans pouvoir pour désigner un notaire étranger pour procéder à la liqui-
dation d'une succession mais bien pour auroriser un notaire belge à se faire assister par un notaire
étranger pour les biens situés à l'étranger (Civ. Bruxelles, 31 mai 1994, R. W., 1994-1995, 677). Voy.
aussi, à propos du refus de censurer une décision du Haut Commissaire des N arions unies auquel
compétence avait été déléguée - jusqu'à la loi du 14 juillet 1987 - pour statuer sur la reconnais-
sance du statut de réfugié: Liège, 17 mai 1993,].L.M.B. (1994), 267, situation ayant pour inconvé-
nient de priver le particulier d'une voie de recours juridictionnel.
Une juridiction belge est également incompétente pour ordonner la mainlevée d'une saisie prati-
quée à l'étranger au lieu de situation du bien, mais non pour ordonner une mesure de sûreté - en
l'espèce une garantie - tendant à permettre la libération du bien, dès lors que cette mesure est exé-
cutable par le justiciable sans qu'il y ait pour autant immixtion dans la compétence des aurorités
étrangères: Bruxelles, 19 novembre 1996, Pas. (1995), II, 119.
Ill!Comp., à propos d'une demande de reconnaissance de l'injonction d'un tribunal américain
interdisant au plaideur belge d'intenter une action en Belgique (anti-suit injunction ), un refus fondé
sur le défaut de compétence du juge étranger, assorti aussitôt d'une astreinte interdisant la tenta-
tive d'autres mesures étrangères limitant l'accès aux tribunaux belges : Civ. Bruxelles (réf.),
18 décembre 1989, R. W (1990-1991), 676, et les observations de H. BORN et M. FALLON,]. T (1992),
438, n° 145.
Dans le cas inverse où il est demandé au juge belge d'interdire, pour abus de droit, certains actes
décrétés dans le cadre d'une procédure de discovery en cours devant un tribunal américain contre
une entreprise belge, ce juge s'est également déclaré incompétent pour commettre une immixtion
dans le cours de la procédure étrangère : Comm. Termonde, 3 janvier 2000, Rev. dr. comm. belge
(2000), 242, note P. WAUTELET, R.W. (2001), 1095, note M. NEUT.
Comp. en France, l'interdiction faite à une partie de demander la vente d'un immeuble à l'étranger :
Cass. civ., 19 novembre 2002, Banque Worms, Revue (2003), 631, note H. Mum WATT.
La Cour de justice a condamné l'injonction tendant à blog uer une demande vexaroire introduite à
l'étranger, motif pris de l'ingérence dans la compétence de la juridiction étrangère et de l'existence
d'une règle de litispendance internationale dans la Convention de Bruxelles: aff. C-159/02, 27 avril
2004, Turner, Rev. dr. comm. belge (2004), 800, note T. KRUGER,j.T. (2004), 31, note A. NuYTs, Revue
(2004), 654, note H. MurR WATT.
L'erreur inverse consiste, pour le tribunal, à refuser, par excès de timidité, d'exercer
une compétence qui lui appartient. L'exemple classique est celui des actes juridiques pri-
vés reçus par une autorité publique. Faute d'avoir su distinguer de l'acte instrumentaire
accompli par l'autorité publique étrangère, les déclarations de volonté privées qui y sont
constatées (voy. infra, n° 5 10.3, 12.52 et 12.111), certains tribunaux n'ont pas osé annuler
un mariage ou une reconnaissance d'enfant naturel.
Ili Voy. par exemple: Gand, 25 février 1956, Rev. crit. jur. belge (1957), 179, note P. GRAULICH; Civ.
Hasselt, 18 mars 1964, Pas. (1965), III, 25.
Pour une appréciation correcte de l'étendue de la compétence pour annuler un mariage célébré à
l'étranger, voy.: Gand, 26 avril 1973, R.W. (1973-1974), 1886; Civ. Bruxelles, 17 ocrobre 1989, Pas.
(1990), III, 47.
Une telle possibilité est prévue par le Code belge de droit international privé, en matière de mariage
(art. 43), après un avis réservé du Conseil d'État (Doc. pari., Sénat, 2001-2002, n ° 2-1225/1, p. 275).
1111La protection des droits de propriété intellectuelle a suscité une abondante jurisprudence rela-
tive à l'étendue de la compétence juridictionnelle à l'égard d'une demande tendant à interdire des
faits localisés en terriroire étranger, telle une contrefaçon. Voy. infra, n ° 13.35.
IllLa demande de mesures conservaroires soulève également une difficulté d'appréciation
lorsqu'elle porte sur des biens localisés à l'étranger. Voy. infra, n° 5 9.54, 13.46.
cause ou à la nature d'un acte accompli dans l'exercice d'une puissance publique étran-
gère. Cette limite est fonction d'un pouvoir de juridiction que le droit international
reconnaît à l'État dont l'organe ou l'acte est en cause. Ce pouvoir - que l'État peut
renoncer à exercer - prive le juge normalement compétent du pouvoir de connaître de la
demande (Cass., 12 mars 2001, Ligue des États arabes, Pas., 2001, I, 390; Alg. fur. Tijdschr.,
2001, 493, note B. DE VUYsT).
La jurisprudence belge a été l'une des premières à appliquer aux États étrangers la
théorie de l'immunité restreinte: quand l'activité de l'État étranger qui fait l'objet du
litige appartient à la gestion privée, ainsi distinguée de l'exercice de la puissance publi-
que, les tribunaux belges se déclarent compétents.
1111 Voy. Cass., 11 juin 1903, Chemin de fer liégeois-luxembourgeois c. État néerlandais, Pas. ( 1903), I, 294,
ainsi que les décisions récentes cirées par H. BoRN et M. FALLON, ].T (1983), 218, (1987), 481,
(1992), 428; H. BORN, M. FALLON et].-L. VAN BoxsTAEL, Droit judiciaire international (1991-1998), coll.
Dossiers du].T., (Bruxelles, Larcier, 2001), 538 et s.; Bruxelles, 16 mars 1989,]. T (1989), 548; Trib.
trav. Bruxelles, 23 mai 1989, Jurisprudence des juridictions du travail de Bruxelles (1989), 274; pour
l'immunité absolue à l'égard d'un chef d'État étranger, voy. Civ. : Bruxelles (sais.), 29 décembre
1988, Prés. Mobutu, J.L.M.B. (1989), 169. À propos de l'immunité invoquée par une organisation
internationale, voy. Cass., 12 mars 2001, précité.
Ainsi, constitue un acre de gestion privée, la résiliation d'un contrat de travail affectant un employé
d'ambassade qui avait été engagé comme professeur de langue et de culture nationales (C. trav.
Bruxelles, 22 septembre 1992, Pas., 1992, II, 104, précisant qu'en cas de défaut de l'État, le déclina-
toire doit être examiné d'office).
Le critère pertinent est celui de la nature de l'acte, non celui de sa destination. Ainsi, ne donnent
pas lieu à immunité de juridiction l'action en paiement de matériel médical ou scientifique de
nature à servir à la production d'armes nucléaires (Bruxelles, 10 mars 1993,J. T., 1994, 787, note J.
VERHOEVEN), ou l'action en paiement d'honoraires d'architecte relatifs à la construction d'une mos-
quée (Bruxelles, 27 avril 1992,]. T., 1993, 24).
1111 Dans les rapports entre États contractants, la Convention européenne sur l'immunité des États
du 16 mai 1972 prévaut sur les solutions du droit commun.
111 Voy. aussi, sur la question des immunités, l'analyse approfondie de G. VAN HECKE et K. LENAERTS,
n°' 70-85.
L'immunité d'exécution se distingue de l'immunité de juridiction. Quant à sa défini-
tion, elle pose une limite à l'exercice du pouvoir de contrainte sur des biens, ajoutant,
quant à ses conditions, au critère de la nature de l'acte, qui affecte l'immunité de juridic-
tion, le critère de la destination - publique ou privée - du bien qui fait l'objet de la
mesure d'exécution.
1111 Sur cette distinction, voy.: Bruxelles, 10 mars 1993,].T. (1994), 787, note]. VERHOEVEN, à propos
de la détermination de la portée d'une déclaration d'exequatur demandée au tribunal de première
instance conformément à l'article 570 du Code judiciaire (voy. infra, n° 10.14): la mesure de con-
trainte gît moins dans cette déclaration que dans la mesure de saisie ultérieure, seule cette dernière
étant de nature à porter sur des biens déterminés dont il soit possible d'apprécier la destination.
À propos d'une demande de mainlevée d'une saisie-arrêt pratiquée sur un compte bancaire affecté
au fonctionnement d'une mission diplomatique, voy.: Bruxelles, 8 octobre 1996,].T. (1997), 100,
note P. D'ARGENT, réformant Civ. Bruxelles, 9 mars 1995,J. T (1995), 565, note P. D'ARGENT: posant
l'immunité en des termes larges qui n'excluent pas pour autant la thèse de l'immunité restreinte, la
cour d'appel attache les fonds en cause à « la continuité des services publics» étrangers comme
corollaire de l'exercice de la souveraineté et met à charge de la partie privée le soin d'établir la
preuve contraire. Voy. encore: Bruxelles, 15 février 2000,].T. (2001), 6, note M. RoMERO.
1111 Sur l'immunité d'exécution en droit belge, voy. J. VERHOEVEN, « Immunity from Execution of
Foreign States in Belgian Law», N.I.L.R. (1979), 74-84.
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 381
1111Correctement interprétée, la théorie de l'acte d'un État étranger exclut la mise en œuvre de
l'exception d'ordre public, moins parce que celle-ci, selon l'arrêt du 23 novembre 1939, appartient
au droit international privé et ne saurait donc être invoquée en droit international « public», que
parce que, procédant par sa narure de l'examen du fond, elle est étrangère à un examen qui semble
relever de la recevabilité de l'exception.
L'on distinguera, au sens strict, cette théorie de celle dite de « l'acte de gou-
vernement», qui couvre l'absence de pouvoir de juridiction due à un acte émanant, non
d'un État étranger, mais du pouvoir exécutif du for. L'appréciation de ce pouvoir de juri-
diction dépend exclusivement du mode de répartition qu'établit à cet égard le droit du
for.
Voy., en France, une application de ce concept par: Conseil d'État, 19 février 1988, Robatel, D.S.
1111
(1988), J, 365, à propos d'une mesure nationale d'embargo à l'exportation d'un équipement
nucléaire à destination du Pakistan.
1111Pour une référence maladroite aux termes « acte de gouvernement » à propos d'un contentieux
portant sur un contrat de bail contracté par un diplomate, voy. : J.P. Bruxelles, 26 mai 1994,
].].P. (1994), 221, rejetant cette qualification en l'espèce, et non sans utiliser aussi le concept
d'immunité.
Pour un état de la question, voy. : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, §§ 78-93 ; P. SMART,
11111
« International Insolvency and the Enforcement of Foreign Revenue Laws », I.C.L.Q. (1986), 704-
710. Pour un exemple de refus de connaître d'une prétention à la récupération d'une dette doua-
nière étrangère, voy. en France: Cass. civ., 2 mai 1990, Rép. Guate~ala, Revue (1993), 378, note B.
AUDIT, utilisant pour critère de délimitation le concept de l'exercice d'une prérogative de puissance
publique (camp. supra, n ° 8.14): tout en invoquant les« principes de droit international», la Cour
admet que le défaut du pouvoir de juridiction cède devant les exigences de la courtoisie internatio-
nale ou la convergence des intérêts en cause.
Voy. encore la décision de la Cour suprême du Canada refusant l'exécution forcée d'une condam-
nation étrangère de nature fiscale: U.S. of America v. Harden (1963) S.C.R. 366, (1963) 44 W.W.R.,
(1964) 41 D.L.R. (2d) 721.
Pour l'utilisation du critère de l'exercice de la puissance publique dans le cadre du règlement
1111
§3 ÜBJECTIFS DU RÈGLEMENT
DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE
9.21 - Spécificité des objectifs - La compétence internationale se distingue de la compé-
tence interne, non seulement par sa nature, mais également par ses objectifs. Deux carac-
téristiques du contentieux transfrontière suffisent à le démontrer.
La première est de nature physique : elle procède du phénomène de distance, de
l'éloignement dans l'espace des éléments du procès, comme le domicile des parties, la
localisation des actes, des faits ou des biens. Ce phénomène peut compliquer l'adminis-
tration des preuves, engendrer des surcoûts liés au déplacement des personnes. Il peut
encore être amplifié par des facteurs d'ordre politico-culturel, comme la nécessité de
s'adapter à la procédure étrangère, notamment la langue de la procédure, ou la nécessité
- légale ou non - de recourir aux services d'un avocat local.
La seconde caractéristique est de nature juridique. Le choix de la compétence juri-
dictionnelle peut influencer la compétence législative, puisque les juridictions saisies
appliqueront nécessairement les règles de conflit de lois nationales, alors que les règles
correspondantes s'imposant aux juridictions d'un autre État pourraient conduire à
appliquer au fond un droit différent. Après le procès, il y a encore lieu pour le bénéficiaire
de la décision d'en obtenir l'exécution, le cas échéant forcée, et, lorsque cette exécution
doit avoir lieu à l'étranger, le demandeur s'expose à la nécessité d'entreprendre une procé-
dure nouvelle, pouvant engendrer surcoûts et perte de temps.
Les objectifs du règlement de la compétence internationale sont assurément com-
plexes. La complexité découle autant de l'évolution de ces objectifs dans le temps, que de
leur multiplicité. À l'intérêt de l'État à décider de l'étendue de son propre pouvoir de juri-
diction, s'ajoute celui des plaideurs, demandeur et défendeur, à bénéficier d'une protec-
tion équitable.
La clarification de tels objectifs en Europe est largement due à la jurisprudence de la
Cour de justice des Communautés européennes relative à l'interprétation de la Conven-
tion de Bruxelles (voy. supra, n ° 8.10).
9.22 - La protection juridictionnelle du défendeur - Comme pour la compétence interne,
le domicile du défendeur constitue un critère de référence pour la compétence internatio-
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 383
nale. Émanation du principe Actor sequitur forum rei, il manifeste le souci du législateur que
l'action soit portée à proximité de la personne du défendeur, afin de lui éviter les inconvé-
nients du phénomène de distance. C'est aussi dans ce pays que, normalement, le deman-
deur trouvera des biens pouvant faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée.
Le critère du domicile du défendeur est consacré autant par l'art. 2 du règlement 44/2001 que
1111
par l'arc. 5 du Code belge de droit international privé (voy. infra, sect. 2).
Enfin, la protection du défendeur peut exiger du législateur qu'il soit renoncé à cer-
tains« fors exorbitants» (voy. infra, n ° 9.25).
agir pour le tout dans le pays du domicile du défendeur. Ainsi, la victime d'un dommage survenu
dans plusieurs pays peut agir dans chaque pays pour la part de dommage qui s'y localise, non pour
le tout (C.J.C.E., aff. C-69/93, 7 mars 1995, Shevill, Rec., 1995, 1-415). En matière contractuelle, en
cas d'obligations multiples il y a lieu de se référer au lieu d'exécution principal (C.J.C.E., aff. C-125/
92, 13 juillet 1993, Mulox, Rec., 1993, I-4075) mais, en cas de pluralité d'obligations principales, le
juge compétent pour connaître de l'une ne peut étendre sa compétence aux autres obligations, le
demandeur désireux de saisir un juge unique devant alors s'adresser au juge du domicile du défen-
deur (C.J.C.E., aff. C-420/97, 5 octobre 1999, Leathertex, Rec., 1999, I-6747). Il en va de même lors-
que l'obligation en litige est localisable «mondialement», c'est-à-dire dans tout État, telle une
obligation de ne pas faire (C.J.C.E., aff. C-256/00, 19 février 2002, Besix, Rec., 2002, 1-1699).
La relation avec le concept de« proximité» est présente dans: C.j.C.E., aff. C-18/02, 5 février 2004,
DFDS Torline, Revue (2004), 791, note E. PATAUT; aff. C-168/02, 10 juin 2004, Kronhofer.
En droit commun, une certaine concentration des litiges est recherchée, notamment, en matière
1111
dence du demandeur (ancien art. 638 C. jud.) d'une faculté de déclinatoire de juridiction par le
défendeur (ancien art. 636 C. jud.). Sur ce mécanisme complexe, voy. infra, n ° 9.49.
NOTION DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE 385
Ill Le règlement 44/2001 - comme précédemment la Convention de Bruxelles - illustre une poli-
tique de protection de la partie faible en matière de contrats de consommation et de relations indi-
viduelles de travail (voy. infra, chap. 14). Ces dispositions se combinent avec celles que prévoit la
Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Un tel
lien est exprimé - fût-ce maladroitement - par la Cour de justice, à propos des relations de travail,
dans l'arrêt Ivenel (aff. 133/81, 26 mai 1982, Rec., 1982, 1891). D'autres dispositions du règlement
et de la Convention s'expliquent aussi par l'objectif de protection juridictionnelle de la partie fai-
ble, à savoir la règle propre aux créances alimentaires (art. 5, 2°: C.J.C.E., aff. C-295/95, 20 mars
1997, Farrell, Rec., 1997, I-1683, Rev. trim. dr. Jam., 1997, 116, Revue, 1997, 594, note G. DRoz), voire
la règle concernant la preuve de la réalité du consentement à une clause de juridiction (art. 17 de la
Conv., art. 23 du règl.: C.].C.E., aff. C-106/95, 20 février 1997, MSG, Rec. 1997, I-911,J. T., 1997, 406,
note C. MEREU, Revue, 1997, 563, note H. GAUDEMET-TALLON). Comp., supra, n ° 8.12, la restriction
apportée aux règles de protection du consommateur en raison de leur caractère dérogatoire.
9.25 - Notion de« for exorbitant» - Le for est dit exorbitant lorsque la compétence
internationale du juge ne trouve pas à se fonder sur l'un des objectifs admis communé-
ment. Cette qualification comporte un élément de condamnation à l'égard de certaines
règles nationales visant à permettre la saisine du juge dans les litiges internationaux sur
base de la seule localisation d'une personne ou d'un bien, même sans relation avec le
litige. Une telle condamnation peut se trouver dans un instrument international. Dans le
droit national aussi, on peut en trouver par l'intermédiaire d'une règle de compétence
indirecte (voy. supra, n ° 9.7).
Ill La Convention de Bruxelles - suivie par le règlement 44/2001 - a mis en exergue ce concept en
établissant une liste de tels fors (art. 3, § 2, de la Conv. ; annexe I du règl., et mise à jour par règl.
1496/2002 du 21 août 2002,].O.C.E., 2002, L 225, règl. 1937/2004 du 9 novembre 2004,].0.C.E.,
2004, L 334, règl. 2245/2004 du 27 décembre 2004, J.O.C.E., 2004, L 381). Ceux-ci peuvent avoir
trait, tantôt à une qualité - nationalité (art. 14 C. civ. français) ou domicile - propre au deman-
deur, tantôt à la localisation de biens sans rapport avec le litige(« for du patrimoine»).
La liste, non limitative, des dispositions visées varie, pour le droit belge, avec les versions du texte.
Dans la version de la Convention de 1968, il s'agissait des articles 52, 52bis et 53 de la loi du
25 mars 1876, ce qui recouvrait pratiquement les articles 635 à 638 du Code judiciaire, ainsi que de
l'article 15 du Code civil. Dans la Convention de 1978 - comme dans l'annexe I du règlement-, il
n'est plus question, outre ce dernier, que de l'article 638. Le rapport ScHLOSSER (n° 82) admet que le
texte de 1968 avait inclus l'article 52 (devenu art. 635) et l'article 52bis (devenu art. 637) par erreur.
386 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Il résulte de la liste une assimilation de fait entre le critère de l'article 638 du Code judiciaire et
celui de l'article 14 du Code civil français (for de la nationalité du demandeur), sans tenir compte,
curieusement, du tempérament imposé par l'article 636 (voy. infra, n° 9.49).
111 L'objectif de pareille liste est principalement de dénoncer les« revendications abusives de com-
pétence internationale » de certains États membres (rapport ScHLOSSER, n° 82). Il ne vise donc pas à
préciser l'alinéa 1«·, qui énonce un principe d'assimilation de l'étranger au national (voy. infra,
n° 9.33). À première vue, sa place serait donc plutôt dans le préambule ou dans le rapport explica-
tif, puisque aucune des règles dénoncées ne saurait l'emporter sur les règles conventionnelles.
Cependant, l'article 72 du règlement - comme l'article 59 de la Convention - se réfère aux critères
énumérés dans cette liste, au titre du contrôle de la compétence indirecte comme un motif de refus
que le juge requis peut opposer à une décision d'un État membre en vertu d'un engagement de
l'État du juge requis vis-à-vis d'un État tiers sur le territoire duquel le défendeur avait son domicile
ou sa résidence habituelle.
Il!! Sur ce que l'article 3 n'empêche pas, au sens de l'article 31 du règlement (voy. infra, n° 9.34), le
juge du provisoire de fonder sa compétence sur le domicile du demandeur, voy. : C.j.C.E., aff C-
391/95, 17 novembre 1998, Van Uden, Rev. dr. corn. belge (1999), 611, note H. BOULARBAH, Revue
(1999), 340, note]. NORMAND.
Ill Cette critique du « for du patrimoine » a eu une influence sur le droit commun. Voy. en France
le revirement de la jurisprudence Nassibian (Cass., ire ch. civ., 6 novembre 1979, Revue, 1980, 588,
note G. COUCHEZ) par l'arrêt Méridien-Breckwoldt (Cass., ire ch. civ., 17 janvier 1995, Revue, 1996,
133, note Y. LEQUETTE). En Allemagne, le Bundesgerichtshof a admis la nécessité d'ajouter à la loca-
lisation de biens saisissables une condition tenant à l'existence d'autres points de contact avec le
système du for (BGH, 2 juillet 1991, I.C.L.Q., 1992, 632, note G. DANNEMANN).
Il!!La critique du for du patrimoine ne vaut évidemment pas lorsque le litige porte précisément sur
le bien en cause, par exemple en matière de droits réels.
Section 2
Contenu des règles générales de compétence
9.26 - Présentation - La détermination de la compétence internationale obéit à la dis-
tinction traditionnelle entre le droit communautaire et le droit conventionnel, d'une
part, qui reçoivent la primauté, et le droit commun, d'autre part.
Parmi les sources appartenant à la première catégorie, celles du droit communau-
taire revendiquent une primauté par rapport à celles du droit conventionnel, conformé-
ment à ce que prévoit le droit communautaire général. L'importance, pour la pratique,
des sources liées au traité CE - tant la Convention de Bruxelles que le règlement 44/
2001, appelé communément « Bruxelles I » (voy. le chapitre 8) - appelle à leur mise en
évidence avant d'exposer successivement les dispositions d'autres sources conventionnel-
les et les règles du droit commun.
IllIl n'est question, dans ce chapitre, que des règles générales, c'est-à-dire qui régissent l'ensemble
de la matière civile et commerciale. Pour l'exposé de règles en des matières particulières, il est ren-
voyé à chacun des chapitres traitant de ces matières
Il!! Le domaine d'application du règlement est exposé dans le chap. 8.
A. Règles de compétence
9.27 - Exhaustivité des règles communes - L'objectif de protection juridictionnelle du
défendeur, lié à un impératif de sécurité juridique, implique que la détermination de la
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 387
Ce principe occupe la première place par rapport aux autres règles de compétence.
De plus, son objectif, qui est d'assurer la protection juridictionnelle au défendeur (voy.
supra, n° 9.22), a un caractère fondamental. Il en est résulté une tendance à une interpré-
tation stricte des autres règles de compétence (voy. supra, n° 8.12).
L'article 2, paragraphe 1er,« réserve» d'autres chefs de compétence que celui que cet
article énonce. Ces dérogations ont une portée différente selon qu'elles ajoutent à la
compétence des tribunaux du pays du domicile celle des tribunaux d'un autre État mem-
bre (compétences« spéciales» des art. 5 et 6), qu'elles excluent toute compétence interna-
tionale autre que celle du pays dans lequel se localise l'objet du litige (compétences
«exclusives» de l'art. 22) ou que celle du pays ou du tribunal désigné par une clause
expresse d'élection de for(« prorogation» de compétence de l'art. 23), ou selon qu'elles
combinent une compétence particulière avec d'autres règles générales (art. 8, 15 et 18).
Ill Le terme« compétences spéciales» qui regroupe les articles 5 et 6 ne s'entend pas au sens d'une
compétence prévue dans une matière spéciale, mais d'une règle qui détermine autant la compé-
tence« internationale» que la compétence« interne» (voy. supra, n ° 9.5). De ce point de vue, l'inti-
tulé lié à la structure du règlement est inadapté, puisque la section 2 comprend une règle de
388 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
domicile pour l'application de la présente Convention» (art. 53). À défaut de critère commun aux
États contractants,« pour déterminer ce siège, le juge saisi applique les règles de son droit interna-
tional privé» (art. 53, 2e phrase).
Pour une application de la méthode, voy. : Anvers, 17 juin 2003,Jur. Anvers (2003), 123.
1111L'article 60, paragraphe 2, du règlement précise le sens du terme « siège statutaire» « pour le
Royaume-Uni et l'Irlande», indiquant par là, lorsqu'il existe, le « registered office», à défaut le
« place of incorporation», à défaut encore« le lieu selon la loi duquel la formation (constitution) a
été opérée». Cette disposition introduit une définition particulière lorsqu'il y a lieu de vérifier la
présence d'un domicile sur le territoire de l'un de ces pays, se référant alors aux définitions qui pré-
valent dans ces droits nationaux.
Cette définition autonome reproduit les termes de l'article 48 du traité CE. Cette
disposition vise à définir la « nationalité » des personnes morales pour les besoins de
l'application des règles du traité qui organisent la liberté d'établissement et la libre
prestation de services. De fait, ces règles ne bénéficient qu'aux« ressortissants» des États
membres.
1111Pareil emprunt est cohérent pour définir le domicile lorsqu'il remplit la fonction de critère
d'applicabilité, non comme critère de compétence. Dans le premier cas, il s'agit uniquement de
déterminer la catégorie des personnes qui entrent dans le domaine d'application des règles com-
munes. Pour ce faire, la règle d'applicabilité peut recevoir un sens alternatif, ce qui conduit à élargir
cette catégorie, de manière unilatérale. C'est bien la portée qu'il convient de donner à l'art. 48 CE,
et il n'y a pas d'inconvénient à l'étendre au règlement. L'appréciation diffère à propos du critère de
compétence. Puisque le règlement a pour objectif de répartir les compétences juridictionnelles
entre les États membres et de concentrer les litiges au domicile du défendeur (voy. supra, n ° 9.28), il
s'entend que le critère doit obéir à une acception aussi précise que possible. En admettant trois
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 389
localisations possibles du domicile d'une société, le texte expose celle-ci au risque de se voir assi-
gnée dans trois États membres différents au titre de son seul« domicile».
tion d'une décision, lorsque, par la voie d'une action en opposition à l'exécution, le défendeur
390 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
demande« la compensation entre le droit en vertu duquel l'exécution est poursuivie et une créance
sur laquelle les tribunaux de cet État [... ] ne seraient pas compétents pour statuer si elle faisait
l'objet d'une action autonome» (C.J.C.E., aff. 220/84, 4 juillet 1985, Autoteile, Rec., 1985, 2267,
Revue, 1986, 142, note E. MEZGER).
Voy. encore l'interprétation stricte d'autres chefs de compétence de l'article 22, infra, n ° 13.5.
9.31 - Compétence dérivée - Certaines des compétences prévues par le règlement sont
dérivées, en ce sens qu'elles reposent sur une attraction exercée par une action principale,
dans les cas de pluralité de défendeurs (art. 6, 1 °) ou de pluralité de demandes (demande
en garantie, art. 6, 2 ° ; demande reconventionnelle, art. 6, 3 ° ; demandes jointes, art. 6,
4 o).
1111 Sur le domaine d'application dans l'espace de l'article 6, voy. supra, n ° 8.22.
Sur l'application de l'article 6 en présence d'une clause attributive de compétence, voy. infra,
1111
En cas de pluralité de défendeurs (art. 6, 1°), un lien suffisant est exigé entre les
demandes, qui doivent obéir à une condition de connexité. Introduite par le règlement,
cette condition avait déjà été énoncée par la Cour de justice à propos de la Convention :
C.J.C.E., aff. 189/87, 27 septembre 1988, Kalfelis, Rec. (1988), 5565,].T (1989), 214, note
M. EKELMANS; aff. C-365/88, 15 mai 1990, Kongress Agentur Hagen, Rec. (1990), I-1845,
Revue (1990), 564, note H. GAUDEMET-TALLON, Clunet (1991), 498, note A. HUET.
Il découle du texte même de l'article 6, 1 °, que celui-ci ne couvre que le cas où le litige est porté
1111
devant le tribunal du domicile de l'un des défendeurs (C.J.C.E., aff. C-51/97, 27 octobre 1998, Réu-
nion européenne, Rec., 1998, I-6511).
chapitre 14.
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 391
prorogée qu'en énonçant que les tribunaux désignés sont « seuls » compétents. En revanche, elle
ajoute, à la différence du règlement, que« si la convention attributive de juridiction n'a été stipulée
qu'en faveur de l'une des parties », celle-ci reste en droit d'invoquer toute autre disposition perti-
nente de la Convention (art. 17, al. 5).
ple objectif, à savoir assurer la protection juridictionnelle du défendeur, rendre compte de l'auto-
nomie des volontés et réaliser l'économie de procédure (C.J.C.E., aff. 48/84, 7 mars 1985, Spitzley,
Rec., 1985, 787, Revue, 1985, 682, note H. GAUDEMET-TALLON).
La prorogation tacite par voie de comparution vaut même en présence d'une clause attributive
Ill
au sens de l'article 23 (C.J.C.E., aff. 150/80, 24 juin 1981, Elefanten Schuh, Rec., 1981, 1671). Encore
faut-il que la renonciation soit certaine. Camp., à propos d'une comparution à l'étranger en inter-
vention dans une cause opposant le demandeur à l'action aux clients du défendeur: Liège,
25 novembre 1997, Rev. dr. comm. belge (1998), 393, note H. BouLARBAH, critiquant une telle exten-
sion de la portée d'une comparution qui ne peut avoir effet qu'entre parties à cette cause.
Ill Le terme« défendeur» s'entend de la partie défenderesse à la demande en cause, non pas néces-
sairement du défendeur à l'action. Ainsi, il vise le demandeur principal auquel est opposée une
demande en compensation (C.J.C.E., aff. C-48/84, 7 mars 1985, Spitzley, Rec., 1985, 787, Revue,
1985, 682, H. GAUDEMET-TALLON).
1111 La« contestation de la compétence» peut avoir lieu en même temps que la première défense au
fond - et non ultérieurement-, à condition qu'elle« ne se situe pas après le moment de la prise de
position considérée, par le droit procédural national, comme la première défense adressée au tribu-
nal saisi» (arrêt Elefanten Schuh précité).
L'exclusion de la prorogation tacite affecte seulement l'article 22, non les dispositions de pro-
1111
Ill Sur la compétence du juge de la comparution pour connaître de mesures provisoires, voy. infra,
n ° 9.34.
voir opposer des règles nationales de compétence internationale que le demandeur pour-
rait invoquer contre lui en raison de sa qualité d'étranger (art. 3, § 1er).
La troisième mise en œuvre du principe d'assimilation à un ressortissant d'un État
membre vise le demandeur ayant son domicile sur le territoire d'un de ces États alors que
le défendeur est domicilié en dehors de ceux-ci (art. 4, § 2). Pareil demandeur peut,
« quelle que soit sa nationalité » et comme les nationaux, invoquer contre le défendeur
les règles de compétence en vigueur dans l'État où il a son domicile, et notamment celles
figurant sur la liste des fors exorbitants. Cela inclut une disposition telle que l'article 14
du Code civil français (voy. supra, n° 9.11).
Autant l'assimilation du défendeur au national est inspirée du « libéralisme de la
Convention» (rapport JENARD, chap. IV, A, 2), autant pareille appréciation ne peut être
étendue à l'assimilation du demandeur au national. En permettant au demandeur étran-
ger mais domicilié dans un État membre de s'y prévaloir des privilèges exorbitants fondés
sur la nationalité, l'article 4, paragraphe 2, bien loin d'avoir fait prévaloir un critère
« libéral » sur un critère nationaliste, a étendu le privilège de nationalité aux demandeurs
se rattachant par leur domicile à l'État qui a maintenu un tel privilège.
111 Un exemple fera comprendre les conséquences paradoxales de ce système. Un Argentin domici-
lié en France peut citer devant un tribunal français, conformément à l'article 14 du Code civil, un
Belge domicilié au Congo. Il n'est pas exact que « ce principe avait déjà été établi expressément
dans la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 » (art. 1er, § 2, infra, n ° 9.43) (rapport JENARD,
chap. IV, B, art. 4), car cette dernière disposition se limitait à étendre le privilège de nationalité aux
seuls Belges demandeurs.
provisoire (les mesures provisoires et le litige européen) », Les mesures provisoires en droit belge,français
et italien (Bruxelles, Bruylant, 1998).
L'objectif de cette règle est « d'éviter aux parties un préjudice résultant de la lon-
gueur des délais inhérente à toute procédure internationale» (C.J.C.E., aff. C-104/03,
28 avril 2005, St. Paul Dairy Industries). Sa nature« dérogatoire» implique cependant une
interprétation stricte de ses termes, qui s'exprime surtout à propos de la définition de
son domaine (voy. le n ° suivant), car son utilisation risque de contredire les objectifs de
sécurité juridique pour le défendeur et de concentration des litiges (même arrêt).
En apparence, le texte contient une simple règle de signalisation. Ce faisant, le règle-
ment limite le domaine des règles de compétence directe à la compétence« pour connaî-
tre du fond». Ceci ne signifie pas pour autant que l'acte ne couvre pas la problématique
des mesures provisoires. D'un côté, la règle de signalisation a pour portée d'incorporer la
règle de compétence nationale dans le système commun, à propos de la détermination de
la compétence indirecte, c'est-à-dire lors de la reconnaissance de la décision étrangère
(C.J.C.E., aff. 125/79, 21 mai 1980, Denilauler, Rec., 1980, 1553; voy. infra, n ° 10.12). D'un
autre côté, le règlement permet au juge compétent pour connaître du fond en vertu des
règles communes, de connaître aussi des mesures provisoires reconnues nécessaires
(C.J.C.E., aff. C-391/95, 17 novembre 1998, Van Uden Maritime, Rec., 1998, I-7091, Rev. dr.
com. belge, 1999, 611, note H. BouLARBAH, Revue, 1999, 340, note]. NORMAND).
Selon la Cour de justice, l'article 31 comporte bien une « règle de compétence»
(arrêt Van Uden précité). En effet, la référence aux règles nationales est conditionnelle, en
ce sens que la compétence du juge du provisoire au sens de cette disposition n'est pas illi-
mitée (C.J.C.E., aff. C-99/96, 27 avril 1999, Mietz, Rec., 1999, I-2277, et ce même en cas de
comparution volontaire). Deux conditions apparaissent. La première tient à« l'existence
d'un lien de rattachement réel» entre l'objet du litige et l'État du for. La seconde évoque
l'obligation pour le juge « de prendre en considération la nécessité d'imposer des condi-
tions ou modalités destinées à garantir le caractère provisoire ou conservatoire » des
mesures en cause, périphrase inspirée de l'arrêt Denilauler précité et servant de réponse à
l'observation faite devant la Cour selon laquelle la condition d'un lien suffisant devait
s'accompagner de celle de l'urgence. Ces conditions sont suffisantes, en ce sens que la
compétence du juge national peut se fonder sur un for exorbitant au sens de l'article 3.
1111 Voy. déjà P. GOTHOT et D. HOLLEAUX (précités n° 8.1), n° 5 202-205, qui, s'attachant à l'objectif
d'économie de procédure, exigent qu'il y ait urgence, et que se localisent sur le territoire de la déci-
sion à prendre la personne ou les biens qui font l'objet de la mesure.
1111 Pour une application de la jurisprudence Van Uden à des biens situés en Belgique, voy. : Cass.,
3 septembre 1999, SANAC, Rev. dr. comm. belge (2000), 128, note M. PERTEGAS SENDER, à propos
d'une demande de saisie pour contrefaçon alors même que le brevet n'était pas protégé en
Belgique; Bruxelles, 20 février 2001, Roche, IRDI (2002), 284, refusant la compétence pour une
demande déclaratoire de constatation de non-contrefaçon pour l'ensemble des pays de l'Union
européenne. Voy. infra, le chap. 13.
À propos d'un litige relatif à une concession exclusive de vente, voy. : Liège, 17 janvier 2002, Rev. dr.
comm. belge (2005), 38.
11111 Les deux conditions précitées ne s'imposent pas à l'adoption de mesures provisoires par le juge
compétent pour connaître du fond en vertu du règlement (arrêt Mietz précité). Ce juge pourra donc
décider de mesures conservatoires dès lors que sa compétence repose par exemple sur l'article 2 ou
sur l'article 5, même si la mesure concerne des biens localisés à l'étranger, nécessitant alors une pro-
cédure d'exequatur lorsqu'il y a lieu d'obtenir une exécution forcée sur ces biens. Sur la compétence
394 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
du juge du fond à statuer au provisoire sans être tenu par l'article 31, voy.: Comm. Hasselt, 14 juin
2001, R W. (2003-2004), 309.
Le silence de la Cour sur la condition de l'urgence semble impliquer que cette condition ne soit
1111
pas formellement requise par le règlement. Elle peut cependant l'être par le droit national. Voy. par
exemple, à propos d'une mesure d'expertise: Civ. Courtrai, 25 juin 2001, R. W. (2003-2004), 476.
Le texte du règlement, qui s'aligne sur celui de la Convention, contraste curieusement avec celui
1111
du règlement« Bruxelles II», qui s'inspire de la jurisprudence précitée (voy. infra, n ° 12.82).
tractuelle n'est-il normalement pas une mesure provisoire au sens de l'article 31, à moins qu'il serve
à« garantir l'efficacité de l'arrêt au fond». Il ne peut l'être que si une double preuve est rapportée, à
savoir que la somme allouée est de nature à être remboursée au cas où la demande est rejetée au
fond et que la mesure porte sur des avoirs localisés « dans la sphère de compétence territoriale du
juge saisi » (arrêt Van Uden Maritime précité). La même appréciation vaut pour la procédure en kart
geding des articles 289 à 297 du Code néerlandais de procédure civile (arrêt Mietz précité n ° 9.33).
La condition relative à la localisation des avoirs, que la Cour de justice évoque à propos de la défini-
tion de la mesure, est déjà explicite dans la règle de compétence elle-même, selon l'arrêt Van Uden
Maritime.
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 395
Ne constitue pas une mesure provisoire au sens de l'arrêt Reichert II, la demande introduite
11111
devant le juge des référés, tendant simplement à obtenir une décision plus rapide sur l'obligation
de livrer la chose vendue (Bruxelles, 7 septembre 1999, R W, 2000-2001, 593).
Ill Échappe également au domaine de l'article 31 la procédure d'audition provisoire de témoins
aux fins de permettre au demandeur d'apprécier l'opportunité d'une procédure au fond: C.J.C.E.,
aff. C-104/03, 28 avril 2005, St. Paul Dairy Industries. Cette appréciation contraint pratiquement le
demandeur à introduire une telle procédure devant le juge du fond, quitte à invoquer alors le béné-
fice du règlement 1206/2001 du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États
membres dans le domaine de l'obtention des preuves (voy. infra, n ° 11.18), comme le suggère l'arrêt
précité.
Sur l'exequatur d'une décision de référé adoptée par un juge qui n'est pas compétent pour con-
1111
naître du fond en vertu du règlement et qui comporte une mesure qui ne peut pas être qualifiée de
provisoire au sens de l'article 31, voy. infra, n° 10.23.
aux règles de compétence d'une convention spéciale, dans le cas prévu par l'article 71, § 2 (pri-
mauté des conventions en des matières particulières) : C.J.C.E., aff C-148/03, 28 octobre 2004, Nür-
nberger Allgemeine Versicherungs.
Dans l'hypothèse où une partie conteste la compétence internationale du tribunal
saisi sans invoquer pour aurant le règlement, il appartient au tribunal d'appliquer
d'office celui-ci en tant que norme juridique applicable (Trib. trav. Liège, réf., 6 février
1989,].L.M.B., 1990, 5, note D. MARTIN; Cass. civ., 17 décembre 1986, Revue, 1988, 92,
note H. TAGARAS).
Le règlement n'impose donc pas formellement un contrôle d'office de la compé-
tence lorsque celle-ci n'affecte pas une compétence exclusive ou en l'absence de défaut. Si
le défendeur comparaît sans contester la compétence, le juge saisi est compétent (art. 24).
La comparution volontaire est donc prorogatoire de compétence (voy. infra, n ° 14.12) et
le juge saisi ne peut pas soulever son incompétence, sauf s'il existe une compétence exclu-
sive au profit d'une autre juridiction.
1111La contestation de la compétence peut avoir lieu en même temps que la défense au fond, à con-
dition qu'elle« ne se situe pas après le moment de la prise de position considérée, par le droit pro-
cédural national, comme la première défense adressée au juge saisi » (C.J.C.E., aff 150/80, 24 juin
1981, Elefanten Schuh, Rec., 1981, 1671).
Ill Le chapitre III relatif à l'efficacité des décisions confirme le principe selon lequel les règles relati-
ves à la compétence ne concernent pas l'ordre public (art. 35, § 3), mais à l'exception des compéten-
ces exclusives (art. 22) et des compétences fondées sur un objectif de protection de la partie faible
(assurance et contrats de consommation) (art. 35, § 3). Dans cette dernière hypothèse, on observe
une divergence singulière selon que la compétence en cause est directe - la vérification n'a pas lieu
d'office - ou indirecte - le contrôle du motif de refus a lieu d'office. Il est cour aussi singulier que
le contrôle de ce motif n'aie pas lieu à propos des règles de compétence protectrices du travailleur.
vérifications, au regard des conditions posées par l'article 34, 2°. Le règlement tend en effet à met-
tre en œuvre dès l'établissement de la compétence toutes les garanties permettant d'assurer une
reconnaissance ultérieure du jugement.
Ill L'« identité» des parties s'entend largement. Elle ne suppose pas nécessairement une identité
formelle. Ainsi, la condition est remplie lorsqu'une demande vise l'assuré et l'autre, l'assureur, du
moins si la convergence de leurs intérêts respectifs - impliquant le cas échéant une autorité de la
chose jugée en cas de subrogation - peut conduire au risque de décisions inconciliables (C.J.C.E.,
aff. C-351/96, 19 mai 1998, Drouot Assurances, Rec., 1998, 1-3075, ].T., 1998, 772, note H. BouLAR-
BAH).
398 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
En cas d'identité partielle des parties, le dessaisissement n'est requis que pour autant que les par-
ties au litige devant le juge second saisi sont également parties à la procédure engagée antérieure-
ment devant la juridiction d'un autre État, et la procédure peut donc continuer entre les autres
parties, même si cela entraîne un « morcellement» du litige (C.J.C.E., aff C-406/92, 6 décembre
1994, The ship Tatry, Rec., 1994, I-5439, précisant que les conditions de la connexité pouvaient alors
être remplies).
La« cause» des demandes« comprend les faits et la règle juridique invoqués comme fondement
11!1
de la demande » (arrêt The ship Tatry précité).
L'« objet» des demandes « consiste dans le but» (arrêt précité) non dans les moyens invoqués
(C.J.C.E., aff C-111/01, 8 mai 2003 Gantner Electronic, Rec., 2003, I-4207). Ont le même objet des
demandes tendant, l'une à nier la responsabilité, l'autre à obtenir des dommages et intérêts fondés
sur la responsabilité (arrêt The ship Tatry).
Pour une application de la définition de la litispendance, voy.: Comm. Bruxelles, 31 mars 1994,
Rev. dr. comm. belge (1995), 418, note H. VAN HourrE; 23 juin 1994,].T.D.E. (1994), 201.
11!1La distinction que connaît le droit anglais entre les actions in personam et in rem est sans perti-
nence, eu égard à la définition autonome de la litispendance (arrêt The ship Tatry précité).
Sont connexes « les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a inté-
rêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être
inconciliables si les causes étaient jugées séparément» (art. 28, § 3). Le règlement n'exige
pas, comme le fait la Convention, que les demandes soient pendantes au premier degré.
Partageant, avec la disposition relative à la litispendance, le même objectif de bonne
administration de la justice par la prévention de la contrariété de décisions, la connexité
se doit aussi de recevoir une interprétation autonome extensive. La Cour va pourtant
plus loin qu'à propos de la litispendance, puisqu'elle voit un risque de contrariété entre
des décisions, constitutif de connexité, même lorsque « leurs conséquences juridiques ne
s'excluent pas mutuellement» (C.].C.E., aff. C-406/92, 6 décembre 1994, The ship Tatry,
Rec., 1994, I-5439). Il y va, selon la Cour, d'un impératif de « meilleure coordination de
l'exercice de la fonction judiciaire à l'intérieur de la Communauté», alors que le motif de
refus que vise l'article 34 constitue une exception au principe de circulation des juge-
ments.
Cette précision relative à l'objectif de la règle sur la connexité semble valoir, par identité de
11!1
motifs, pour la litispendance.
demande d'exequatur, qui vise à obtenir l'exécution d'une décision dans le seul État requis, non
dans un autre État. Il ne saurait, dès lors, y avoir identité d'objets lorsque les demandes concernent
des États différents.
laquelle ont été remplies en premier lieu les conditions permettant de conclure à une
litispendance définitive, ces conditions devant être appréciées selon la loi nationale de
chacune des juridictions concernées» (aff 129/83, 7 juin 1984, Zelger, Rec., 1984, 2397,
].T, 1984, 584, Revue, 1985, 374, note D. HoLLEAUX). De son côté, le règlement donne une
définition autonome de ce moment (art. 30), en distinguant selon que l'acte doit être
déposé auprès de la juridiction ou qu'il doit être notifié ou signifié avant d'être déposé. La
date pertinente est, respectivement, celle du dépôt ou celle de la réception par l'autorité
chargée de la notification ou signification. Dans les deux cas, le demandeur doit prendre
les mesures ultérieures requises pour que l'acte soit, selon les cas, notifié ou signifié au
défendeur, ou déposé auprès de la juridiction.
9.41 - Effets de la litispendance et de la connexité - À des conditions différentes, le rè-
glement prévoit un mécanisme de surséance ou de dessaisissement du juge saisi en
second lieu. Il ne rend ce dernier maître du règlement de la compétence qu'en cas de des-
saisissement pour connexité.
En cas de litispendance, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir après que
la compétence du tribunal premier saisi est établie (art. 27, § 2). Elle surseoir à statuer -
et ce d'office - dans l'attente de cette vérification (art. 27, § 1er). Cette solution est con-
forme à la raison d'être du régime de la litispendance, qui est d'éliminer un conflit de
compétences concurrentes.
Selon la version de la Convention antérieure à 1989, le texte ne limitait pas le dessaisissement au
1111
cas où la compétence du premier juge était vérifiée, exposant ainsi les parties au risque d'un juge-
ment d'incompétence du premier juge après dessaisissement du second. Il ne permettait pas non
plus au juge saisi en second lieu de vérifier la compétence du juge premier saisi, la simple surséance
en cas de contestation devant permettre de réaliser le but de la disposition, qui serait d'éviter les
« conflits négatifs» de juridictions (C.j.C.E., aff. C-351/89, 27 juin 1991, Overseas Union Insurance,
Rec., 1991, 1-3317, Revue, 1991, 764, note H. GAUDEMET-TALLON).
1111Le juge second saisi peut-il contrôler si la décision du juge premier saisi pourra être internatio-
nalement reconnue? Selon la version initiale, la réponse était largement affirmative (P. GoTHOT et
D. HOLLEAUX, précités n ° 8.1, n° 5 219-220). L'arrêt Overseas Union Insurance précité laisse entrevoir
certaines nuances, non sans équivoque. Après avoir réservé le cas où la compétence du juge saisi en
second lieu est de nature exclusive,« notamment» au sens de l'article 16 de la Convention - ou 22
du règlement-, il exclut tout contrôle de la compétence« en dehors [d']exceptions limitées», évo-
quant « le stade de la reconnaissance ou de l'exécution » où le contrôle porte, en vertu de
l'article 28 de la Convention - ou 35 du règlement -, sur des « règles de compétence spéciale ou
exclusive ayant un caractère impératif ou d'ordre public». L'arrêt von Horn du 9 octobre 1997 (aff.
C-163/95, Rec., 1997, 1-5451, supra, n ° 8.22, à propos du domaine spatio-temporel de l'art. 21 de la
Conv.) admet que le juge second saisi poursuive la procédure lorsque la compétence du juge pre-
mier saisi est fondée « sur des règles non conformes au titre II de la convention », puisque, dans ce
cas, la décision du juge premier saisi « ne pourrait être reconnue » dans l'État du juge second saisi
- affirmation qui n'est cependant vraie qu'à propos des règles de compétence exclusive et impéra-
tive. L'arrêt admet ainsi un contrôle par anticipation de la compétence indirecte, y compris pour les
compétences non impératives, mais déclare limiter cette dérogation - sans s'en expliquer autre-
ment - au cas, examiné en l'espèce, d'une procédure engagée avant l'entrée en vigueur de la Con-
vention.
Le juge second saisi ne peut en tout cas pas se substituer au juge premier saisi désigné par une
clause de juridiction visée par l'article 23, car il n'est pas mieux placé pour vérifier la compétence de
celui-ci: C.J.C.E., aff. C-116/02, 9 décembre 2003, Gasser, Rev. dr. comm. belge (2004), 791, note P.
WAUTELET, Revue (2004), 444, note H. Mum WATT.
Ill! En cas de connexité,« la juridiction saisie en second lieu peur surseoir à statuer» (art. 28, § 1er).
Ainsi, après que le tribunal premier saisi aura rendu une décision apte à être reconnue dans l'État
400 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
auquel appartient l'autre juridiction, l'autorité de la chose jugée de cette décision permettra d'évi-
ter des solutions« inconciliables ».
Ill En cas de connexité, la juridiction saisie en second lieu peut également se dessaisir si plusieurs
conditions sont remplies (art. 28, § 2) : que ce dessaisissement soit demandé par une des parties,
que le droit du juge premier saisi permette la jonction d'affaires connexes et que ce juge soit com-
pétent pour connaître des demandes. À ces conditions s'ajoute la nécessité d'avoir affaire à des
demandes pendantes au premier degré.
1111 Dans le texte de la Convention, l'exigence que les demandes soient pendantes au premier degré
est posée plus généralement par l'alinéa 1cr, mais elle n'a d'utilité que dans le cas du dessaisisse-
ment, anomalie que le règlement a corrigée.
Voy. à ce sujet P. GOTHOT et D. HoLLEAUX précités n° 8.1, n',s 225-226, relatant les incidents de
rédaction.
Comme les dispositions sur la litispendance et la connexité ne sont pas attributives
de compétence, elles ne sauraient avoir pour effet de joindre devant un juge qui n'est pas
compétent au sens du règlement, une affaire connexe à une autre pour laquelle cette
compétence existe (C.J.C.E., aff. 150/80, 24 juin 1981, Elefanten Schuh, Rec., 1981, 1671;
aff. C-51/97, 27 octobre 1998, Réunion européenne, Rec., 1998, 1-6511 ).
9.42 - Concurrence de compétences exclusives - « Lorsque les demandes relèvent de la
compétence exclusive de plusieurs juridictions, le dessaisissement a lieu en faveur de la
juridiction première saisie» (art. 29).
1111 Le rapport explicatif de la Convention, à laquelle ce texte est repris, évoque à cet égard « une
hypothèse qui ne se présentera que très rarement».
À titre d'exemple, on peut concevoir des demandes relatives à une société dont le siège statutaire ne
correspond pas au siège réel (P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, précités n ° 8.1, n° 222), ou à l'exploitation
d'un bail à ferme relatif à des terres situées de part et d'autre d'une frontière (C.J.C.E., aff. 158/87,
6 juin 1988, Scherrens c. Maenhout, Rec., 1988, 3791, Revue, 1989, 545, obs. H. GAUDEMET-TALLON,j. T,
1989, 714, note O. MACGJLLAVRY; cet arrêt exclut cependant des compétences concurrentes en ce
cas: voy. infra, n° 13.5).
La portée de ce texte sibyllin est malaisée à établir. Ce serait lui accorder un effet
utile que d'estimer, d'un côté, qu'il déroge au caractère facultatif du dessaisissement
prévu par les articles 27 et 28, et, d'un autre côté, qu'il sert à assurer que la décision du
juge premier saisi soit reconnue ultérieurement dans l'État du juge second saisi
Pour le surplus, il n'est pas certain si l'article 29 est autonome et, dans la négative,
avec quelles dispositions des articles 27 et 28 il doit se combiner. Assurément avec la défi-
nition de la litispendance et de la connexité (d'après le rapport JENARD, il s'applique aux
deux hypothèses), mais on peut hésiter sur l'applicabilité de l'exigence de demandes
« pendantes au premier degré» (art. 28, § 2). De même, il est incertain si l'article 29
entend interdire à la juridiction saisie en second lieu de surseoir à statue"r comme le per-
mettent l'article 27, paragraphe 2, et l'article 28, paragraphe 1er_
Le texte ne vise que l'hypothèse où les compétences en concurrence sont l'une et
l'autre exclusives. Lorsque seule la compétence du juge premier saisi a ce caractère, le juge
second saisi devra nécessairement se dessaisir pour respecter la primauté liée à une com-
pétence exclusive. Lorsque la compétence exclusive est celle du juge second saisi, celui-ci
n'a pas à se dessaisir puisque la compétence du premier juge ne saurait alors être admise
au sens du règlement.
Ill Voy. en ce sens: H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe (Paris,
LGDJ, 2002), n',s 337 et 347, en ce qui concerne la litispendance, alors que, pour la connexité, cet
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 401
auteur fonde plutôt l'argument sur la primauté de la compétence exclusive, non sur l'absence de
compétence du juge premier saisi. En cas de conflit entre compétences exclusives, cet auteur pro-
pose, à propos de la connexité, le maintien des conditions de l'article 28, paragraphe 2.
§2 RÈGLES GÉNÉRALES
DES AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
9.43 - Règles de compétence directe conclues avec la France et avec les Pays-Bas - Deux
traités conclus respectivement avec la France en 1899 et avec les Pays-Bas en 1925, com-
prennent des règles de compétence directe concernant la matière civile et commerciale.
L'entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles en a cependant limité la portée (voy.
supra, n ° 8.32).
Le principe fondamental commun aux deux traités bilatéraux est l'assimilation du
national de chaque État contractant aux ressortissants de l'autre État devant les juridic-
tions de celui-ci. La Convention conclue avec les Pays-Bas y ajoute le for du domicile du
défendeur.
Pratiquement, le principe d'assimilation signifie qu'il y a lieu, en Belgique, de déter-
miner la compétence internationale à l'égard d'un plaideur français ou néerlandais
comme si celui-ci était belge. Il a pour portée d'écarter les règles de compétence exorbi-
tantes, tels l'article 14 du Code civil français ou, avant son abrogation, l'article 638 du
Code judiciaire, au ressortissant d'un État contractant attrait devant les tribunaux de
l'autre État. De plus, le traité franco-belge prend soin d'ajouter que l'article 15 du Code
civil (aujourd'hui abrogé) est inapplicable aux rapports entre ressortissants d'États con-
tractants.
Ainsi le tribunal belge saisi tranche-t-il la compétence en faisant abstraction du facteur de la
1111
tion doit être exécutée en Belgique au lieu du domicile du créancier, le droit néerlandais,
lex loci delicti (voy. infra, n° 15.11), imposant au débiteur d'exécuter son obligation en ce
lieu (Cass., 10 décembre 1976, Van Esbroeck c.]oris, Pas., 1977, I, 413).
L'analogie avec la méthode suivie par la Cour de justice des Communautés euro-
péennes à propos de la Convention de Bruxelles, pour la matière des contrats (voy. supra,
n ° 5.31, l'arrêt Tessili), est certaine. Cette méthode y revêt pourtant un caractère excep-
tionnel.
D'autres décisions ont procédé à une interprétation autonome.
Ainsi, au nom d'une telle interprétation, les Juges du fond se réfèrent, en matière de faillite, à
Ill!
une définition du domicile en fonction de l'établissement principal (Bruxelles, 18 juin 1996, Rev. dr.
comm. belge, 1997, 312, note V. MARQUETTE; Mons, 22 mars 1999, Rev. gén. dr. civ., 2001, 94, note V.
MARQUETTE; 7 juin 1999, Rev. dr. comm. belge, 2003, 140, note V. MARQUETTE).
9.44 - Conventions simples - Certains traités bilatéraux de portée générale dont l'objet
se limite à l'efficacité des décisions étrangères peuvent intéresser la compétence interna-
tionale, directement ou indirectement, abstraction faite du règlement de la litispen-
dance, exposé ci-dessous.
Ainsi, les Conventions belgo-suisse (art. 10) et belgo-allemande (art. 15) contiennent
des dispositions relatives au pouvoir d'arrêter des mesures provisoires ou conservatoires.
Des règles de compétence indirecte figurent dans les conventions bilatérales passées
en matière de reconnaissance et d'exécution (voy. la liste supra, n° 5 8.37 et 8.38). Elles
n'exercent cependant aucune incidence sur la compétence directe, c'est-à-dire sur la com-
pétence internationale du juge d'origine: en droit international privé belge, celui-ci sta-
tue en effet indépendamment de l'efficacité qu'aura sa décision à l'étranger, soit dans
l'État contractant, soit dans un État tiers.
On ne s'étonnera pas de rencontrer une telle clause dans les traités qui, contenant
des règles de compétence directe, prévoient qu'en cas de litispendance, la cause peut, à la
demande d'une des parties, être renvoyée devant la juridiction déjà saisie de l'autre État
(traité franco-belge, art. 4, § ier; traité belgo-néerlandais, art. 6, § icr). Ces traités contien-
nent aussi une disposition sur la connexité.
On rencontre une clause analogue, mais qui se limite à prévoir le dessaisissement du
tribunal second saisi, dans quelques traités bilatéraux ayant pour seul objet la reconnais-
sance et l'exécution des décisions judiciaires. Cette règle particulière de compétence
directe est destinée à éviter la contrariété de deux décisions dont l'une a été rendue dans
un État contractant tandis que l'autre, prononcée dans le deuxième État, devrait être
reconnue dans le premier.
Ill Voy. l'art. 15, § ier, du traité avec la République fédérale d'Allemagne, l'art. 10, § ier, du traité
avec la Suisse, etl'art. 14, al. F', du traité avec l'Italie (précités n° 8.37).
A. Présentation
9.46 - Agencement des règles de compétence internationale - Les règles de droit com-
mun ne sont applicables qu'à défaut de l'un des actes communautaires ou des traités
cités précédemment. Elles consacrent avec une netteté plus grande que d'autres droits
étrangers la distinction fondamentale qu'il y a lieu de faire entre la compétence interna-
tionale et la compétence interne (voy. supra, n ° 9.4), qui se divise elle-même en compé-
tence territoriale et compétence d'attribution (voy. supra, n° 9.5).
Le Code de droit international privé présente les règles de compétence matière par
matière, tout en énonçant une série de règles générales. Celles-ci sont inspirées de la
Convention et du règlement « Bruxelles I ». Outre le principe Actor sequitur forum rei et
l'admission de l'autonomie de la volonté, il prévoit des dispositions analogues concer-
nant les compétences dérivées (codéfendeurs, demandes reconventionnelles, en garantie,
en intervention), les incidents de compétence (vérification de la compétence, litispen-
dance, connexité), les mesures provisoires.
L'établissement d'une liste exhaustive de critères de compétence internationale
exclut à la fois la technique de la transposition des règles de compétence interne, et le
recours inconditionnel à la théorie du forum non conveniens, ou for inapproprié. En revan-
che, un appel au concept de« for de nécessité» (voy. supra, n ° 9.15) aide à surmonter cer-
taines rigidités, lorsque les dispositions législatives ne tiennent pas compte d'une règle de
conflit de lois privilégiant le droit du for, ou de difficultés que peuvent rencontrer les
plaideurs en raison du manque de coordination des systèmes nationaux de compétence.
Ill Sur le caractère exhaustif des dispositions législatives antérieures, excluant tout chef de compé-
tence se fondant sur l'appréciation libre de liens étroits, voy.: C. trav. Liège, 17 mai 1999, Chron. dr.
soc. (2002), 333.
Ill La théorie du for inapproprié connaît une application particulière à propos de la prorogation
volontaire de juridiction (art. 6, § 2, Codip, voy. infra, n ° 14.16).
La technique de la transposition de règles de compétence territoriale interne a été pratiquée pré-
1111
dispositions-ci n'intéressent les litiges internationaux que pour déterminer la compétence interne,
après que la compétence internationale des tribunaux belges a été établie (voy. infra, n° 9.60).
Voy. un rappel de la distinction et les références jurisprudentielles par H. BORN et M. FALLON,]. T.
(1983), 197, n',s 40-41, 212, n°5 125bis et s., (1987), 473, n° 24. Contra: J. ERAuw, 48, transposant
aussi en règle de compétence internationale l'article 628 du Code judiciaire, ainsi que M. WESER et
P.JENARD, 450, mais pour la seule matière du divorce. G. VAN HECKE et K. LENAERTS (n° 55) évoquent
également les dispositions « générales » des articles 624 à 634 à côté des articles 635 à 638 et de
l'article 15 du Code civil, et estiment que les articles 627 à 629 ne sauraient être écartés dans les
siruations internationales par une clause contraire à l'article 630, mais à condition que l'on se
trouve dans l'une des hypothèses de l'article 15 du Code civil ou des articles 635 à 638, qui détermi-
nent le cadre général de la compétence internationale des tribunaux belges.
La question revêtait un intérêt pour les règles impératives des articles 627 à 630, et singulièrement
au sujet de la validité des clauses attributives de juridiction. Voy. infra, n° 9.53.
B. La compétence internationale
1111Pour un recours particulier au concept du for inapproprié, voy. cependant infra, n ° 14.16, à pro-
pos de la prorogation volontaire de compétence.
Cette exhaustivité n'a pas empêché le législateur de prévoir un for de nécessité (sur
cette notion, voy. supra, n ° 9.15). Par une « attribution exceptionnelle de compétence
internationale», les juridictions belges peuvent connaître d'une demande « lorsque la
cause présente des liens étroits avec la Belgique» (art. 11 Codip). Un tel assouplissement
procède d'un concept de proximité, qui figure parmi les objectifs de l'allocation de com-
pétence internationale (voy. supra, n ° 9.23).
La disposition joue cependant comme une clause d'exception, tendant à préserver le
droit fondamental d'accès à la justice. Il appartient au juge qui en fait usage de motiver sa
décision. Deux cas permettent l'utilisation de la clause. Soit il est établi « qu'une procé-
dure à l'étranger se révèle impossible». Soit il est établi« qu'on ne peut raisonnablement
exiger que la demande soit formée à l'étranger».
Il Le droit suisse connaît ce type de disposition, aux conditions analogues (arc. 3 LDIP).
1111L'impossibilité de procéder vise par exemple la désorganisation du système juridictionnel d'un
pays en état de guerre civile.
1111 L'appréciation de l'exigence « raisonnable» permet, selon l'exposé des motifs de la proposition
de loi (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1) d'évaluer la faisabilité d'une action à l'étranger en
raison, par exemple, du montant des intérêts en jeu.
étrangère a, en Belgique, une succursale non impliquée dans l'activité ayant donné lieu au litige. Le
Code y apporte une réponse dans l'article 5, § 2. Voy. infra, chap. 16.
En revanche, il abandonne toute référence générale au domicile du demandeur. Pré-
cédemment, l'article 638 du Code judiciaire permettait au demandeur domicilié ou rési-
dant en Belgique de saisir une juridiction belge à titre subsidiaire. Toutefois, ce for
« exorbitant » subissait le tempérament d'un déclinatoire, que le défendeur pouvait
opposer sous une condition de réciprocité (art. 636 C. jud.).
1111La condition de réciprocité s'appréciait en fait, sur la base d'un traité, d'un texte légal ou de tous
« actes propres à en établir l'existence» (art. 636, al. 2). Sa preuve obéissait aux règles générales rela-
tives à la preuve du droit étranger (voy. supra, n ° 6.55).
Selon ce mécanisme, le tribunal peut déduire la réciprocité de sa connaissance du droit étranger
(par exemple, la législation zaïroise) et, en conséquence, se déclarer incompétent (voy. en ce sens,
Civ. Bruxelles, 17 octobre 1975, Pas., 1976, III, 14), non sans avoir mis le demandeur en mesure de
s'expliquer sur ce point. À défaut de traité de réciprocité, « il n'incombe pas à la demanderesse de
faire la preuve que le déclinatoire n'est pas fondé» (Civ. Huy, 20 octobre 1971,Jur. Liège, 1971-1972,
70) et le tribunal peut se déclarer compétent. Voy. dans le même sens: Civ. Bruxelles, 30 janvier
1970,].T (1970), 498.
En revanche, lorsque le défendeur comparaît, la charge de la preuve lui incombe. Voy. outre les réfé-
rences citées par H. BORN et M. FALLON,j.T. (1983), 224: Bruxelles, 1er décembre 1994, Pas. (1994),
II, 11 ; Liège, 28 avril 1997, Rev. trim. dr. fam. (1998), 257.
Voy. des applications du mécanisme à propos du droit allemand (Bruxelles, 3 mai 1977, Pas., 1978,
II, 13, se référant à tort aux règles étrangères de compétence interne; Civ. Liège, 26 juin 1990,
J.L.M.B., 1991, 1292), du droit camerounais (Civ. Liège, 16 janvier 1992, J.L.M.B., 1993, 295), du
406 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
droit italien (Civ. Liège, F' septembre 1977,]. T., 1979, 59), du droit panaméen (C. trav. Bruxelles,
18 mai 1993, Rev. dr. soc., 1993, 361), du droit roumain (Civ. Arlon, 3 mai 1996,j. T., 1997, 49, préci-
sant avec raison que la charge de la preuve n'incombe pas au demandeur), du droit suisse (Liège,
28 avril 1997, Rev. trim. dr. Jam., 1998, 257), du droit tunisien (Gand, 15 mars 1996, R.W., 1996-
1997, 781), du droit turc (Gand, 2 novembre 1995, R.W., 1995-1996, 956) et du droit zaïrois (Civ.
Bruxelles, 17 octobre 1975, Pas., 1976, III, 14; Bruxelles, 16 mars 1989,].T., 1989, 550).
tion d'une çlurée de douze mois avant l'introduction de la demande (art. 42), à l'exemple de ce que
prévoit le règlement« Bruxelles Il" (voy. infra, n ° 12.81).
La 101 du 19 juillet 1991 (Monit., 3 septembre 1991) relative aux registres de la popu-
lation oblige l'inscription dans la commune de la « résidence principale». Celle-ci est
définie par l'article 3 de la loi et par les articles 16 à 20 de l'arrêté royal d'exécution du
16 juillet 1992 (Monit., 15 août 1992).
Le domicile de l'étranger obéit au même mode de concrétisation que celui des natio-
naux. La notion de registre s'entend au sens générique d'une formalité administrative
d'inscription. Elle ne renvoie pas nécessairement aux seuls « registres de la population »
qui, au sens strict, sont réservés aux Belges et aux étrangers établis, alors que les simples
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 407
titulaires d'une autorisation de séjour sont inscrits au « registre des étrangers » et les can-
didats réfugiés, au« registre d'attente».
Ill Contra avant la loi du 19 juillet 1991: Cass., 14 avril 1987, Pas. (1987), I, 975.
IliLa loi du 19 juillet 1991 (Monit., 3 septembre 1991) relative aux registres de la population ne vise
nécessairement que les étrangers autorisés à s'établir. L'arrêté royal d'exécution du 16 juillet 1992
(précité) fusionne ces registres avec celui des étrangers.
Sur l'inscription des fonctionnaires de la Communauté européenne, voy. : C.J.C.E., aff. 85/85,
11111
tion de savoir si cette loi avait implicitement abrogé l'article 15 du Code civil. La jurisprudence
n'avait cependant pas hésité à en faire application. Voy. les références citées dans la précédente édi-
tion de cet ouvrage, n ° 816.
11111 Inapplicable au Belge domicilié dans un des États liés par le règlement 44/2001 ou par les Con-
ventions de Bruxelles ou de Lugano, l'article 15 du Code civil entrait en concours avec les règles de
compétence exorbitante d'un de ces États, que ces actes (art. 4, § 2) déclarent applicables quand le
demandeur, mais non le défendeur, y est domicilié (voy. supra, n ° 9.33).
Ainsi, un Argentin domicilié en France pouvait attraire un Belge domicilié en Argentine soit devant
un tribunal français (art. 14 C. civ. français et art. 4, al. 2, de la Convention de Bruxelles), soit
devant un tribunal belge (art. 15 C. civ. belge).
9.52 - Compétences dérivées - Le droit belge admet la compétence des juridictions bel-
ges pour connaître d'une demande dérivant d'une autre demande lorsque la compétence
à l'égard de la seconde est établie.
Il en est ainsi en cas de pluralité de défendeurs, dont l'un a en Belgique son domicile
ou sa résidence (art. 5, § 1er, al. 2, Codip; précédemment, art. 635, 10°, C. jud.) ou de plu-
ralité de demandes, en cas de demande en intervention ou d'une demande reconvention-
nelle lorsque la demande originaire est pendante devant un tribunal belge (art. 8 Codip,
précédemment art. 635, 9 °, C. jud.), mais aussi « si la demande est connexe à un procès
déjà pendant devant un tribunal belge» (art. 9 Codip, précédemment art. 635, 6°, C.
jud.).
IllLa connexité est définie conformément à l'article 30 du Code judiciaire (Comm. Liège, 6 février
1986, Ann. Liège, 1987, 53, note P. GRAULICH et 1. MoREAU-MARGRÈVE). Elle se vérifie, par exemple, à
propos de demandes concernant la liquidation des successions respectives de conjoints et de leur
régime matrimonial (Civ. Bruxelles, 31 mai 1994, R W., 1994-1995, 677).
Une condition de loyauté affecte cependant la compétence dérivée du domicile du
défendeur (pluralité de défendeurs) ou d'une demande originaire (demande en garantie
ou en intervention). Il ne faut pas que la demande ait été introduite uniquement « pour
traduire un défendeur hors de la juridiction de son domicile ou de sa résidence à
l'étranger» (art. 5 Codip).
Ill Cette condition reprend les termes utilisés par le règlement « Bruxelles I » pour la demande en
garantie ou en intervention, alors que, pour le cas de pluralité de défendeurs, celui-ci retient plutôt
une exigence de connexité.
Pour la demande reconventionnelle, une telle exigence est implicite puisque le texte prévoit que
celle-ci« dérive du fait ou de l'acte sur lequel est fondée la demande originaire » (art. 8, 2 °, Codip).
Précédemment, la jurisprudence exigeait aussi la loyauté de l'assignation, à savoir un « lien de
1111
droit» entre le premier défendeur et le demandeur, outre la condition de connexité. Voy. par
exemple: C. trav. Liège, 21 octobre 1992,]. TT ( 1994), 181, et la jurisprudence citée par H. BORN et
M. FALLON,J.T. (1983), 223, (1987), 484, avec J.-L. VAN BoxsTAEL, Droit judiciaire international (1991-
1998), coll. Dossiers duj.T. (Bruxelles, Larcier, 2001), 574.
1111 La condition de loyauté énoncée au texte ne doit pas s'entendre d'une condition de connexité
au sens strict, afin de ne pas ôter tout effet utile à l'extension de compétence fondée sur la con-
nexité (voy. infra, n ° 9.56).
règles impératives des articles 627 à 629 du Code judiciaire que par un accord conclu après la nais-
sance du différend.
La présence, dans le Code de droit international privé, d'une disposition propre aux
mesures conservatoires, empêche désormais de transposer l'article 633 du Code judi-
ciaire en règle de compétence internationale. Selon cette disposition, « les demandes en
matière de saisie conservatoire [... ] sont exclusivement portées devant le juge du lieu de la
saisie [... ] ».
1111Le juge des saisies de. Bruxelles a exprimé ~ne tendance à entendre le chef de corn pétence dans
un sens strict en précisant n'être compétent que si le tiers saisi est établi en Belgique, et non lorsque
la saisie doit être opérée sur des biens localisés à l'étranger (Civ. Bruxelles, sais., 14 juin 1996,J. T.,
1997, 242).
Sur l'affirmation du caractère exclusif de la compétence établie par l'article 633, à propos de la
reconnaissance d'une décision étrangère, voy.: Bruxelles, 24 juin 1977,J.T. (1977), 747.
1111La saisie-arrêt soulève une difficulté de localisation: a-t-elle lieu au domicile du débiteur saisi
ou en un lieu affectant le tiers saisi ?
La jurisprudence a localisé la saisie au lieu de la signification de l'exploit au tiers saisi ou au lieu de
réception par celui-ci de la notification de l'ordonnance, que ce soit pour les litiges internes (Cass.,
4 février 1983, Pas., 1983, !, 646) ou les litiges internationaux (Civ. Anvers, 4 octobre 2001, R W.,
2001-2002, 573).
Le législateur a corrigé cette solution en localisant la saisie au domicile du débiteur (art. 633, al. 2,
C. jud, introduit par la loi du 4 juillet 2001). L'application de ce critère au contentieux internatio-
nal a été condamnée par la Cour d'arbitrage pour violation du principe constitutionnel de non-dis-
crimination à l'égard d'un débiteur saisi domicilié à l'étranger qui demanderait une saisie-arrêt en
Belgique (C.A., 30 janvier 2003,].L.M.B., 2003, 564, note G. DE LEVAL, Actualités du droit, 2003, 349,
note P. WAUTELET). Cette condamnation se comprend si l'intention du législateur de 2001 était
bien de retenir exclusivement le lieu du domicile du débiteur saisi dans le contentieux internatio-
nal. Il semble pourtant que la précision introduite en 2001 entendait viser uniquement le cas où le
débiteur saisi est domicilié en Belgique (G. DE LEVAL et P. WAUTELET, précités).
La loi du 8 avril 2003 (Mon., 12 mai 2003) confirme que la précision introduite en 2001 concerne
uniquement le débiteur domicilié en Belgique, en disposant désormais que: « En matière de
saisie-arrêt, le juge compétent est celui du domicile du débiteur saisi. Si le domicile du débiteur
saisi est situé à l'étranger ou est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la
sa1s1e. »
410 RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Si l'article 633 devait être vu uniquement comme une règle de compétence interne (P. WAUTELET,
précité), l'objection émise par la Cour d'arbitrage devenait sans objet puisque le critère introduit
par la loi de 2001 ne pouvait conduire à ôter une compétence internationale établie à un stade
antérieur du raisonnement.
Cette controverse permet d'illustrer la difficulté d'ériger une règle de compétence internationale
exclusive, en raison des rigidités qui en résultent (voy. supra, n ° 9.7). La précision apportée par le
législateur de 2003 permet au moins de montrer que la compétence internationale se concilie
mieux, en la matière, avec un critère concret permettant d'appréhender les biens visés par la mesure
à prendre.
Le critère retenu par l'article 10 du Code s'entend dans un sens concret, ce qui vise, en matière de
saisie-arrêt, la localisation de toute personne en mesure de prendre des dispositions à l'égard des
biens en cause, tantôt le tiers saisi, tantôt le débiteur.
111 Les juridictions belges sont compétentes pour connaître de la validité ou de la mainlevée d'une
telle saisie lorsque celle-ci a été pratiquée en Belgique (voy. précédemment la précision en ce sens
dans l'art. 635, 5°, C. JUd.). A contrario, elles ne le sont pas pour ordonner la mainlevée d'une saisie
pratiquée à l'étranger (Bruxelles, 19 novembre 1996, Pas., 1995, 11, 119).
Ill Sur la possibilité d'ordonner une saisie sur des biens sis à l'étranger, voy. en France: Cass. civ.
(l'e ch.), 22 juin 1999, Revue (2000), 42, note G. CVNIBERTJ.
vérification comporte un enjeu particulier pour l'État du for: impliquant le « pouvoir de juridic-
tion de l'État», elle demande un examen du respect des conditions auxquelles le législateur a sou-
mis l'attribution à ses propres juridictions du pouvoir de connaître d'un litige à caractère
international.
IllLe juge saisi vérifiera notamment si la comparution du défendeur « a pour objet principal de
contester la compétence» au sens de l'article 6, § 1er, al. 2.
D'un autre côté, la compétence internationale ne suscite, à la différence de la compé-
tence interne, aucun problème de répartition des compétences. En effet, les autorités bel-
ges sont incompétentes pour adresser quelque injonction que ce soit à des autorités
étrangères, fût-ce pour leur reconnaître une compétence. Dès lors, le tribunal d'arrondis-
sement n'a pas à connaître des conflits de compétence internationale, pas plus qu'il
n'appartiendrait au tribunal saisi de renvoyer la cause au sens de l'article 660 du Code
judiciaire. Par ailleurs, le tribunal ne saurait exiger des plaideurs qu'ils déterminent, au
sens de l'article 855 du Code judiciaire, quel tribunal, selon eux, est compétent. Quant au
déclinatoire de compétence internationale, l'article 636 du Code judiciaire - plutôt que
l'article 854 - donne la réponse lorsque le défendeur est étranger: à défaut pour lui de le
faire dans les premières conclusions, le juge retient la cause et statue au fond.
Ill Sur ces questions et sur la jurisprudence, voy. H. BORN et M. FALLON,J.T (1983), 217, (1987),
481, avecJ.-L. VAN BoxsTAEL, Droit judiciaire international (1991-1998), coll. Dossiers du].T. (Bruxel-
les, Larcier, 2001), 531 et s .. Pour un cas de refus de renvoyer à un tribunal étranger pour le motif
que le tribunal d'arrondissement est sans compétence pour statuer sur le pouvoir de juridiction,
voy.: T. arr. Liège, 15 décembre 1994,].L.M.B. (1995), 1170, Pas. (1994), III, 47. Sur ce que le juge de
CONTENU DES RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE 411
renvoi n'est pas lié par l'appréciation de la compétence internationale du premier juge, voy. :
Bruxelles, 30 octobre 2001, Rev. Divorce (2003), 42, noteJ.-L. VAN BoxsTAEL.
1111 La circonstance qu'un jugement avant dire droit déclarant fondé le déclinatoire de compétence
internationale ne puisse être suivi d'un jugement définitif, explique l'inapplicabilité de
l'article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire, qui réserve l'appel contre un jugement rendu sur la com-
pétence à l'appel contre le jugement définitif (Liège, 1er février 1994,].L.M.B., 1994, 1058, note G. DE
LEVAL). En revanche, il n'y a pas lieu d'écarter cette disposition lorsque le jugement écarte le décli-
natoire (Liège, 5 mars 2002,]. T., 2003, 8, note H. BOULARBAH, qui critique cette asymétrie).
Quant au moment auquel le déclinatoire doit être soulevé, le fait que la compétence
internationale doive être vérifiée d'office implique que, comme pour le pouvoir de juri-
diction, le déclinatoire puisse être soulevé à tout moment.
Ill Précédemment, la jurisprudence exigeait que le déclinatoire eût lieu in limine litis, solution qui
s'explique mieux par la circonstance que les règles de compétence internationale sont normale-
ment alternatives que par la nature de la compétence internationale, qui est irréductible à la déter-
mination d'une compétence territoriale.
Sur cette jurisprudence, voy. la chronique précitée (1983), 217.
C. La compétence interne
9.57 - Compétence d'attribution en matière contentieuse - Après que la compétence
internationale des autorités ou des juridictions belges a été dûment vérifiée, il reste à
décider de quel ordre de juridiction relève la matière en litige (voy. supra, n ° 9.4). Le prin-
cipe fondamental consiste à déterminer la compétence d'attribution selon le droit
interne du for.
La mise en œuvre de ce principe n'entraîne guère de difficulté en matière conten-
tieuse. Hormis les problèmes suscités par les immunités de juridiction ou par la théorie
de l'Act of State (voy. supra, n° 5 9.18 et 9.19), les tribunaux se saisissent des actions selon
leurs propres règles de compétence matérielle.
Ainsi, les actions civiles que les articles 145 et 373, alinéa 3, du Code civil soumettent
au tribunal de la jeunesse relèvent de cette juridiction quelle que soit la nationalité de la
personne dont l'état de minorité justifie cette compétence.
111 Sur les hésitations antérieures de la jurisprudence, voy. les références dans : G. VAN HECKE et F.
RrGAUX, Rev. crit. jur. belge (1970), 291-292. La jurisprudence plus récente a cessé d'être divisée (voy.
ibid., 1976, 253).
Le principe est plus discutable si la détermination de l'état de minorité suscite une
question préalable de conflit de lois, à soumettre à la loi nationale de l'intéressé : un
étranger de dix-neuf ans, mineur selon sa loi nationale, relève-t-il du tribunal de première
instance ou du tribunal de la jeunesse ? Bien que les deux solutions soient défendables, il
faut préférer la seconde : comme les règles du statut personnel applicables au fond sont
celles qui gouvernent un mineur, il paraît judicieux de maintenir l'intéressé sous la com-
pétence du tribunal de la jeunesse dont le fonctionnement et la procédure sont adaptés à
l'état de minorité du justiciable, état pris en considération pour déterminer la compé-
tence d'attribution des tribunaux.
Comp. sur ce point les solutions divergentes de deux décisions commentées respectivement
111
dans: Rev. crit. jur. belge (1970), 292-293, et ibid. (1976), 251.
Une seconde difficulté concerne le transfert aux autorités d'un autre pays de compé-
tences non contentieuses que la loi régissant le fond attribue aux autorités qu'elle a elle-
même instituées. Pour opérer un tel transfert, il y a lieu de distinguer deux hypothèses
selon que l'intervention de l'autorité considérée est ou non prévue par le droit du for.
Quand l'intervention est prévue par le droit du for, le principe de la soumission de la
compétence d'attribution à la !ex fori exige de substituer à l'autorité que désigne le droit
étranger l'autorité belge remplissant une fonction analogue selon le droit interne.
Ill Ainsi, bien que, en droit italien, les adoptions fussent homologuées par la cour d'appel, l'homo-
logation de l'adoption d'un Italien par un autre Italien a été faite en Belgique par le tribunal de pre-
mière instance (Bruxelles, 28 juin 1961, Rev. dr. Jam., 1961, 173, note J. HuMBLED), le cas échéant,
depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 avril 1965, par le tribunal de la jeunesse (voy. infra,
n° 12.120).
dent est, en principe, applicable. Bien que le pouvoir de dispense soit, historiquement, un
attribut du pouvoir législatif et qu'il continue à être exercé par le chef de l'État qui a con-
servé quelques éléments du pouvoir législatif des monarques de l'Ancien Régime (et, dans
le cas du mariage, du Pape selon le droit canonique), il paraît admissible que le Roi
exerce, pour l'application d'un droit étranger, le pouvoir de dispense qu'il tient du droit
belge.
1111 Avant la modification de l'article 145 du Code civil par la loi du 19 janvier 1990, le tribunal de
Liège a refusé d'accorder à un Italien la dispense d'âge que, selon sa loi nationale, il devait obtenir
du tribunal (Civ. Liège, 12 novembre 1976,j. T, 1977, 211). Selon la motivation, ce pouvoir aurait
pu être exercé par le Roi qui, sous la législation antérieure, accordait des dispenses semblables. Voy.
les réserves de H. BoRN, « La compétence des tribunaux belges à l'égard des demandes de dispense
de l'âge légal de la nubilité intéressant des mineurs étrangers », Rev. trim. dr. Jam. (1978), 203-231, et
de G. VAN HECKE et K. LENAERTS, n° 87, ces derniers pour le motif, discutable, qu'il n'appartiendrait
pas à l'autorité d'un État d'appliquer le droit d'un autre État.
Se sont déclarés compétents en raison du refus d'intervention de l'administration : Bruxelles,
14 mai 1980, Rev. trim. dr.fam. (1981), 83; Civ. Bruxelles, 4 septembre 1981,].T (1982), 361.
Voy. dans le sens proposé la pratique administrative française citée par BATIFFOL et LAGARDE,
!Ill
n° 418.
1111 La question reste d'actualité à propos du pouvoir que l'article 164 du Code civil attribue au Roi
(dispenses relativement aux mariages entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu).
Quand le droit étranger applicable au statut personnel attribue au chef de l'État un
pouvoir de dispense inconnu du droit du for, il paraît difficile que le Roi exerce, pour
l'application du droit étranger, un pouvoir de dispense qu'il n'a pas reçu du législateur
belge. Compte tenu de la plénitude de sa juridiction, le tribunal belge de première ins-
tance devrait se substituer à l'autorité étrangère, quelle qu'elle soit, dès lors que, ne pré-
voyant aucune intervention analogue, la loi belge n'a pu conférer à une autorité
déterminée la compétence d'attribution requise.
Camp. la solution différente enseignée dans: Rev. crit. jur. belge (1976), 248, à laquelle la solution
lllli
qui vient d'être exposée doit être préférée.
llllEn présence des critères de compétence internationale de nature territoriale contenus dans
l'article 635 du Code judiciaire avant son abrogation, on a pu se demander si le même critère pou-
vait être transposé par analogie en critère de compétence interne, ou s'il convenait également
d'appliquer les dispositions des articles 624 à 630 du Code judiciaire. L'application des mêmes dis-
positions - les articles 624 à 630 - au cas où le défendeur est étranger assurait une égalité de trai-
tement des plaideurs sans discrimination de nationalité, principe fondamental introduit par le
législateur de 1876, en même temps que le respect, pour la compétence interne, des règles impérati-
ves des articles 627 à 630.
Voy. notamment la discussion entre H. BORN, favorable à la transposition, et M. FALLON,]. T (1983),
225, (1987), 485, (1992), 434, et les références. G. VAN HECKE et K. LENAERTS, n° 55, exigeaient égale-
ment le respect de ces dispositions dans les situations internationales. Contre la transposition, voy.
aussi M. WESER et P. JENARD, 420.
La jurisprudence paraît s'être prononcée contre la transposition, dans le sens ici proposé : voy. les
références citées,].T (1987), 485; Civ. Tournai, 21 mars 1988,J.L.M.B., 1988, 716; en faveur de la
transposition: Liège, 28 avril 1997, Rev. trim. dr. Jam. (1998), 257.
Lorsque les règles de compétence interne ne suffisent pas, parce que la situation ne
présente aucune des attaches territoriales prévues par le législateur, il convient de recou-
rir à une règle subsidiaire et d'utiliser le critère prévu par la règle correspondante de com-
pétence internationale ou, à défaut, d'établir une règle subsidiaire spécifique. Celle-ci
désigne le juge de l'arrondissement de Bruxelles (art. 13, al. 2, Codip).
Ill Ainsi, le recours au critère impératif de l'article 627, 9°, est exclu lorsque le travail s'exécute à
l'étranger (Mons, 10 février 1983,j. TT, 1984, 273; Bruxelles, 14 mai 1985, Rev. dr. soc., 1985, 380).
Contra, en matière de divorce: Trib. arr. Bruxelles, 6 avril 1992, Actualités du droit (1992), 1357, note
H. BORN.
Pour un recours au critère des points de contact de la situation litigieuse avec le territoire, voy. :
1111
dans l'exécution du service", et aussi longtemps que ces autorités n'ont pas renoncé à l'exercice de
leur compétence, l'action intentée devant les tribunaux du pays où l'infraction a été commise est
irrecevable (Liège, 19 décembre 1966, R.W, 1966-1967, 1186, Rev. dr. pén., 1967-1968, 574, com-
mentaire de M. DANSE, avec références de jurisprudence française dans le même sens).
En outre, les règles relatives à certaines demandes d'indemnités prévues par l'article
VIII, paragraphe 5, de la Convention de 1951 ne s'appliquent pas aux membres des forces
et des éléments civils ayant la même nationalité que l'auteur du dommage. Par consé-
quent, les juridictions civiles belges sont compétentes pour statuer sur l'action en répara-
tion exercée par un Belge contre un militaire belge pénalement condamné pour la faute
commise sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne.
1111 Voy. Cass.,19 juin 1972, Thibaut c. Escaut s.a. et Établissement Laroy s.a., Pas. (1972), I, 971, Rev. dr.
La même solution vaut lorsque le défendeur à l'action civile est, non pas l'auteur du
dommage, mais l'État dont ce dernier et la victime civile sont ressortissants (Civ. Bruxel-
les, 30 juin 1971, R W, 1972-1973, 1776).
(2) Une autre disposition établit une immunité d'exécution.
En ce qui concerne« un litige né d'un acte accompli dans l'exécution du service», le
« membre d'une force ou d'un élément civil» jouit de l'immunité d'exécution à l'égard
des condamnations prononcées à sa charge par une juridiction de l'État de séjour (Con-
vention du 19 juin 1951, art. VIII,§ 5,g).
1111 Dans la doctrine, voy. notamment: M. DANSE,« Le statut pénal de l'OTAN», Rev. dr. pén. mil.
(1963), II-1 et II-2, (1965), V-1; DEHAUSSY, « Les conditions d'application des normes convention-
nelles sur le for interne français», Clunet (1960), 702; LAZAREFF, Le statut des forces de l'OTAN et son
application en France (Paris, 1964).
1111 Sur la question du droit applicable à l'action en responsabilité civile non contractuelle dont est
saisie une autorité en vertu du droit conventionnel, voy. infra, n° 15.12.
CHAPITRE 10
Section 1
Notions
Par la« reconnaissance», l'État requis accueille dans son propre réseau d'autorités
et de juridictions les effets que le jugement ou l'acte produit dans le pays d'origine. Cette
terminologie est d'inspiration continentale.
NOTIONS 421
IllDe même, le juge requis ne pourrait pas déclarer un jugement étranger exécutoire à l'encontre
de personnes qui n'ont pas été impliquées par la condamnation étrangère: Bruxelles, 10 mars
1993,].T. (1994), 787, note]. VERHOEVEN.
Ill Sur ce que le juge requis ne peut pas compléter ni modifier la décision étrangère, voy., dans le
cadre de la Convention de Bruxelles: Cass., 2 mars 2000, R W (2000-2001), 342. Ainsi, le juge
requis ne procède pas à la capitalisation d'intérêts en lieu et place du juge d'origine (Mons,
12 octobre 1999, Rev. not. belge, 2001, 340, noteJ.-L. VAN BoxSTAEL, rappelant encore que le contrôle
a pour objet le Jugement même, non une censure d'un gouvernement étranger non reconnu).
Ill Le règlement 44/2001 explicite ce caractère déclaratoire - déjà admis formellement par la Con-
vention de Bruxelles - en précisant que le juge de l'exequatur «constate» la force exécutoire
(art. 42 et 43).
!IllLe pourvoi en cassation ayant donné lieu à l'arrêt du 29 avril 2002 (voy. supra, n ° 7.40 et infra,
n ° 10.39, à propos de l'ordre public) prétendait qu'en reconnaissant une répudiation établie au
Maroc entre parties marocaines, le juge d'appel avait appliqué la loi étrangère. L'arrêt corrige la
méprise en affirmant que le juge du fond a seulement décidé de reconnaître en Belgique les effets
d'une répudiation intervenue au Maroc en vertu de la loi marocaine, et il rejette le moyen comme
manquant en fait. Cela illustre la nature de la reconnaissance, qui se limite aux effets de ce qui a été
établi à l'étranger.
Il appartient à chaque État de déterminer, par des normes substantielles, les condi-
tions de réception d'une décision ou d'un acte étranger. Le principe de territorialité au
sens formel implique ainsi la nature forcément unilatérale des règles sur l'efficacité des
décisions ou des actes étrangers.
En ce sens, voy.: Cass., 23 janvier 1981, Lupo, Pas. (1981), I, 547; Liège, 26 juin 1985, fur. Liège
1111
(1985), 474.
rect, ils appartiennent le plus souvent aux éléments constitutifs d'une situation juridique privée.
Par exemple, lors de la vente d'un terrain situé à l'étranger le vendeur produit le permis de bâtir
délivré par les autorités locales.
Quelques catégories d'actes administratifs ont une vocation particulière à étendre leurs effets en
dehors de l'ordre juridique dont ils émanent: ceux qui concernent l'attribution de la nationalité
(par exemple, un décret de naturalisation), la concession des brevets et des autres droits de pro-
priété intellectuelle, les licences d'importation et d'exportation, les autorisations relatives au con-
trôle des changes, les certificats d'aptitude (permis de conduire un véhicule ou un aéronef, brevet
de la marine marchande), etc. À propos de certains de ces actes, on peut encore distinguer de l'acte
administratif proprement dit le document qui le constate: passeport, certificat de nationalité,
diplôme ou certificat d'aptitude, etc.
Sur la méthode de reconnaissance d'un acte public étranger, dans le sens précité, voy.
!Ill
notamment: M. GORÉ, « L'acte authentique en droit international privé », Trav. Comité fr. dr. int. pr.
1998-1999 (Paris, Pédone, 2001), 23-38.
10.4 - État d'origine et État requis - Par décisions judiciaires et actes publics « étran-
gers », il faut entendre ceux qui émanent d'un autre « État ».
L'acte et la décision sont qualifiés d'« étrangers» par rapport à l'État dans lequel une
personne se prévaut de leur efficacité. Cet État est appelé l'État « requis», tandis que
l'expression État« d'origine» désigne le pays dont l'acte ou la décision est originaire.
Que la décision ou l'acte doive émaner d'un État exclut les actes et les décisions éma-
nant d'organes institués par une source de droit international, telles la Cour internatio-
nale de justice, la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de justice ou la
Commission des Communautés européennes, un tribunal arbitral institué par deux
États.
Cela exclut aussi les sentences arbitrales de droit privé. Celles-ci sont, comme les
décisions judiciaires, de nature à recevoir pleine efficacité dans l'État requis, mais c'est
sous des conditions spécifiques qui font l'objet d'une analyse distincte (voy. infra,
n° 14.24).
La « nationalité » d'un acte public ou d'une décision judiciaire dépend du réseau
institutionnel d'autorités et de juridictions auquel appartient l'organe étatique dont
l'acte ou la décision émane. Pareille détermination ne fait pas de difficulté sauf pour ce
qui concerne l'arbitrage de droit privé (voy. infra, n ° 14.24).
la force exécutoire ;
la reconnaisance ;
la force probante ;
l'effet de fait.
Ces effets présentent une intensité inégale, et cette variation se traduit dans la
rigueur des conditions exigées, de la plus sévère à la plus souple. Qui peut le plus peut le
moins. Ainsi, une décision ayant force exécutoire bénéficie aussi a fortiori de la force pro-
bante, alors que celle-ci peut être attribuée à une décision qui ne répondrait pas aux con-
ditions de la force exécutoire. Mais cela signifie aussi que la force exécutoire ne saurait
être attribuée sans la force probante.
Les quatre effets précités se laissent regrouper deux par deux, non seulement en rai-
son de leur nature mais aussi en fonction des conditions de leur admission.
La force obligatoire d'un jugement relève de l'autorité de la chose jugée. Elle interdit
toute contestation ultérieure de ce qu'il faut tenir pour la vérité judiciaire. Reconnaître
un jugement étranger y confère la même autorité qu'à une décision prononcée dans
l'État du for.
Ill Selon le Code belge de droit international privé, « la reconnaissance établit pour droit ce qui a
été décidé à l'étranger» (art. 22, § 3, 2 °).
La force exécutoire place la contrainte étatique au service de celle des parties qui a
obtenu gain de cause et peut requérir des autorités compétentes à cette fin l'accomplisse-
ment d'un acte de contrainte sur les biens (par exemple une saisie) ou d'un acte de coerci-
tion sur les personnes. En principe, la force exécutoire implique la force obligatoire à
laquelle elle se bornerait à ajouter la mise en œuvre de moyens matériels de coercition. En
principe seulement, car l'exercice de certaines voies de recours contre une décision judi-
ciaire ne prive pas nécessairement celle-ci de la force exécutoire, accordée de manière pro-
visionnelle.
1111La décision qui s'est prononcée sur les droits respectifs des parties a, dans leurs relations
mutuelles, la même force obligatoire que le précepte général de la loi à l'égard de destinataires indé-
terminés. Le dispositif judiciaire arrête les éléments de fait qui constituent une situation particu-
lière et« dit» le droit qui y est applicable. Sur ces deux points, l'autorité de la décision s'impose aux
parties.
Deux autres notions doivent être mises en relation avec la force obligatoire ou autorité de la
1111
chose jugée.
NOTIONS 425
L'une concerne l'obJet du dispositif judiciaire, tenu ou non pour« définitif» selon qu'il tranche le
fond même du litige ou a seulement ordonné des mesures préparatoires ou une instruction de la
cause.
L'autre notion porte sur la faculté d'exercer un recours contre une décision judiciaire. Selon une
terminologie qui prête à confusion avec l'autorité de la chose jugée, est « passée en force de chose
jugée», la décision contre laquelle il n'existe plus de recours.
L'autorité de la chose jugée s'attache en principe aux jugements « définitifs », au sens qui vient
d'être précisé. Elle est indépendance de la force de chose jugée car même l'exercice effectif d'une
voie de recours ne prive pas la décision qui en fait l'objet de son caractère obligatoire. Toutefois, sa
force exécutoire sera suspendue, sauf si le juge a déclaré la décision exécutoire par provision, c'est-à-
dire nonobstant tout recours.
11!1Quant à« l'exception de la chose jugée », elle est un moyen de défense découlant de la force obli-
gatoire d'une décision: elle permet à la partie qui s'en prévaut de faire obstacle à ce qu'une nouvelle
action ayant même objet et même cause soit introduite encre les mêmes parties. Cette exception ne
peut toutefois être invoquée à l'encontre de certaines décisions donc la force est liée à la persistance
des circonstances de fait dans lesquelles elles ont été rendues : ainsi, une décision ayant accordé un
secours alimentaire ou statué sur la garde d'un enfant est sujette à révision si la situation des par-
ties s'est modifiée.
10.7 - Force obligatoire des actes publics étrangers - La différence de nature entre
l'acte administratif, dont l'autorité émane du pouvoir conféré par l'État à ses agents, et
l'acte instrumentaire, dont la force obligatoire est l'œuvre de la volonté d'agents juridi-
ques privés, rejaillit sur la problématique du droit international privé. La force obliga-
toire d'un acte juridique privé est déterminée selon la règle de droit matériel qui le régit.
Il en est ainsi du mariage ou du contrat translatif de droit réel immobilier. L'officier
public se borne à constater les volontés exprimées par les parties.
Déterminé selon la loi qui y est applicable, l'effet juridique des déclarations de
volonté constatées dans un acte instrumentaire et notamment les obligations qu'elles
nouent entre les contractants relèvent de la matière des conflits de lois. À l'égard des actes
instrumentaires, la branche des conflits d'autorités règle seulement ce qui concerne les
formalités à suivre, la force probante privilégiée et la force exécutoire.
En d'autres termes, la reconnaissance d'un acte instrumentaire étranger obéit nor-
malement à un régime distinct de celui du jugement étranger. Au lieu de se borner à rece-
voir l'acte après un contrôle des divers motifs de refus pouvant lui être opposés, le juge
requis est appelé à en apprécier la validité en vertu du droit national déclaré applicable
par la règle de rattachement pertinente.
Ill Comp. sur cette question la thèse de Ch. PAMBOUKIS, L'acte public étranger en droit international
privé (Paris, LGDJ, 1993); ID.,« L'acte quasi public en droit international privé», Revue (1993), 565-
590, prônant un raisonnement analogue pour les actes instrumentaires et pour les décisions judi-
ciaires. Il est vrai qu'en France, un tel raisonnement n'empêche pas le contrôle du droit applicable.
Comp.: L. BARNICH, Les actes juridiques en droit international privé (Bruxelles, Bruylanc, 2001), propo-
sant une référence au système de droit international privé du pays où l'acte a été reçu ; contra: A.
STRUYCKEN, « Locus regit actum, un nouvel avatar hollandais », Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz,
2005), 765-779, critiquant l'approche en ce sens aux Pays-Bas.
1111Le Code de droit international privé comble une lacune du droit commun en Belgique en expli-
citant le régime de l'efficacité des actes publics étrangers (voy. infra, n ° 10.56). L'article 27 soumet la
« reconnaissance » de la validité de l'acte aux règles de conflit de lois du juge requis.
1111 Le règlement« Bruxelles Il » innove en cette matière, en assimilant l'acte authentique à la déci-
11! Sur la reconnaissance des actes publics en droit commmunautaire général, voy. infra, n ° 10.54.
La reconnaissance de l'acte public se distingue de l'effet exécutoire qu'il peut pro-
duire. La réception de cet effet à l'étranger obéit à des règles analogues à celles qui concer-
nent les décisions judiciaires.
Voy. déjà: J. BAUGNIET, « L'exécution des actes aurhentiques dans les pays de la CEE », Mélanges
1111
Ganshof van der Meersch, t. II, 711-716; F. RrGAUX, v 0 «Acte», n° 5 173-182, Répert. Dalloz (1968).
Sur la force exécutoire d'un acte notarié en droit interne, voy.: Cass., 23 mai 1991,].T (1991),
1111
613, à propos de la vente publique d'un immeuble permettant une mesure d'expulsion.
Le règlement 44/2001 prévoit des dispositions propres à la force exécutoire des actes publics
1111
de nature à exclure sa responsabilité pénale, un jugement de divorce étranger sur la foi duquel il a
cru pouvoir contracter un second mariage. Que la décision de divorce ne puisse pas être reconnue
NOTIONS 427
parce qu'elle ne remplit pas toutes les conditions requises à cette fin, n'empêche pas que sa seule
existence appartient aux faits sur lesquels le juge répressif d'un autre État peut asseoir une motiva-
tion d'acquittement. Pour un cas où la prévention d'adultère a été écartée par l'effet de fait attribué
à une répudiation irrégulière, voy.: Corr. Bruxelles, 21 octobre 1986, Rev. dr. étr. (1986), 110. Sur
l'appréciation, aux fins d'une action en divorce, du caractère injurieux d'un acte de répudiation
irrégulier, voy.: Bruxelles, 4 octobre 1988, Pas. (1989), II, 67.
1111L'effet de fait peut aussi être attribué à un jugement rendu à l'étranger en matière répressive.
Encore faut-il s'entendre sur la portée du concept d'effet de fait. Lorsque, pour les besoins de
l'appréciation de l'action civile, le juge belge considère le contenu d'un jugement répressif
étranger concernant un accident de la circulation routière pour en déduire la cause du décès, il y
emprunte cerces un élément de fait pour les besoins de la cause pendante devant lui, mais qui tou-
che plutôt à l'autorité de la chose jugée ou au moins à la force probante, selon les cas. Pour un
emprunt à la notion d'effet de fait dans ce cas, voy. : Gand, 11 janvier 1996, Tijds. Gentse Rechtspraak
( 1996), 155.
L'acte public étranger, aussi, peut recevoir un effet de fait, par l'application de la
théorie du fait du prince en matière contractuelle : le débiteur d'une obligation soumise
au droit du for peut invoquer comme cause de libération l'acte administratif étranger qui
l'a empêché d'exécuter son obligation dans le pays désigné par le contrat.
Par exemple, l'exécution d'un contrat de travail est suspendue au cas où les autorités locales
11111
le seul risque de discordance provient d'une divergence sur l'appréciation de ces condi-
tions.
11111 Si un créancier a obtenu la condamnation de son débiteur dans un pays et que l'exécution de
cette décision doive être poursuivie dans un autre pays où sont situés les biens du débiteur, il serait
contradictoire qu'après avoir refusé de donner force exécutoire à la décision étrangère, les tribu-
naux de ce pays accueillent l'exception de chose jugée invoquée par le débiteur pour faire obstacle à
une nouvelle action ayant même objet et même cause que la première, ce qui aurait pour consé-
quence de soustraire les biens du débiteur à l'action de son créancier.
jugée, voy., dans le contexte de la Convention de Bruxelles: C.J.C.E., aff 145/86, 4 février 1988,
Hoffmann, Rec. (1988), 645, Revue (1988), 598, note H. GAUDEMET-TALLON.
IllLe concept de l'ordre public peut couvrir seulement des valeurs fondamentales de l'ordre juridi-
que, mais aussi d'autres éléments comme la fraude dans la procédure ou l'inconciliabilité de la
décision ou de l'acte avec une procédure pendante ou une décision prononcée ou un acte rendu
dans l'État requis : il y va, dans la plupart de ces cas, de la préservation de la cohérence institution-
nelle de l'ordre juridique de l'État requis, ou préservation d'un ordre public de procédure. Voy. par
exemple, outre le règlement 44/2001, infra, n° 10.24, la Convention de La Haye du [cr février 1971
sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale (non
en vigueur en Belgique), art. 5.
Sur ce que l'exception d'ordre public peut suffire à justifier le refus de reconnaissance ou d'exécu-
tion quand le traité ne contient aucune disposition relative à ces points particuliers, voy., à propos
de la Convention franco-belge du 8 juillet 1899, Cass. civ., 23 mars 1936, Santer c. Meuter, Revue
(1937), 198, et à propos de la Convention franco-sarde, Cass. civ., 18 novembre 1891, Parance/li c.
Mallet, S. (1892), 1, 52.
10.13 - La révision au fond- La révision au fond est la faculté pour le juge requis
d'étendre son contrôle à la manière dont la juridiction étrangère a tranché les points de
fait et de droit qui lui étaient soumis. Si ce juge estime que la décision a été mal rendue,
en fait ou en droit, il a le pouvoir de refuser qu'elle soit mise à exécution dans l'État
reqms.
Une forme atténuée de révision au fond consiste à vérifier si la juridiction étrangère
a appliqué les mêmes solutions de conflit de lois que celles qui eussent découlé de la mise
en œuvre des règles de conflit de l'État requis.
1111Une définition de la révision au fond est donnée - pour les besoins de la Convention de Bruxel-
les, mais extensible à d'autres contextes - par la Cour de justice des Communautés européennes
dans les arrêts Krornbach (aff. C-7/98, 28 mars 2000, Rec., 2000, I-1935, Revue, 2000, 481, note H.
Mum WATT) et Renault (aff. C-38/98, 11 mai 2000, Rec., 2000, I-2973, Revue, 2000, 497, note H. GAu-
DEMET-TALLON): la révision porterait sur (1 °)«une divergence[ ... ] entre la règle de droit appliquée
par le juge de l'État d'origine et celle qu'aurait appliquée le juge de l'État requis s'il avait été saisi du
litige» et (2°) sur« l'exactitude des appréciations de droit ou de fait qui ont été portées par le Juge
de l'État d'origine».
1111Voy. le règlement 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen
pour les créances incontestées U.O.C.E., 2004, L 143). Selon l'article 5, « Une décision qui a été certi-
fiée en cane que titre exécutoire européen dans l'État membre d'origine est reconnue et exécutée
dans les autres États membres, sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit néces-
saire et sans qu'il soie possible de contester la reconnaissance. »
11!1 Voy. encore, en matière de droit de visite, infra, n° 12.162.
Pareille précarité n'affecte cependant pas la reconnaissance décidée par un juge saisi
de l'exception de chose jugée, dans la mesure du moins où l'autorité de la chose jugée qui
s'attache à cette décision s'étend aux motifs qui soutiennent le dispositif.
432 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
IllAinsi, la décision par laquelle le juge de paix a statué sur la contribution aux charges du ménage
entre époux (C. civ., arc. 221) après avoir écarté l'exception tirée de l'existence d'une répudiation,
s'impose au juge ultérieurement saisi d'une demande de divorce entre les mêmes parties, ce juge
n'étant plus à même d'examiner l'exception à nouveau soulevée devant lui: Cass., 15 mars 1991,
Chourak, Pas. (1991), !, 656.
Une autre difficulté provient de ce que la personne ou l'autorité à l'égard de laquelle
la décision étrangère est invoquée peut refuser de la reconnaître ou hésite à engager sa
responsabilité sur une appréciation délicate ou controversée. Celui qui se prévaut de la
décision a le choix entre la soumettre à la procédure prévue pour la force exécutoire ou
agir en justice contre la personne ou l'autorité récalcitrante, en se prévalant de l'autorité
de la décision. Par exemple, la personne qui veut se remarier peut assigner l'officier de
l'état civil pour lui faire ordonner par le juge de célébrer la seconde union. Depuis l'entrée
en vigueur du Code de droit international privé, le droit commun admet l'action en
opposabilité d'un jugement étranger (voy. infra, n ° 10.42).
IllLe recours à la procédure prévue pour la déclaration de la force exécutoire paraît le plus naturel,
surtout lorsque cette procédure est simplifiée, comme c'est le cas de la Convention de Bruxelles et
du règlement 44/2001. Pourtant, le règlement ne prévoit l'action en« constatation" de la recon-
naissance qu'en cas de« contestation" (arr. 33, § 2).
Ill Le règlement « Bruxelles IIbis" prévoit aussi l'action en opposabilité (art. 21, § 3, infra,
Il
O
12.91).
Section 2
Efficacité des décisions judiciaires
§1 ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE
A. Présentation
10.17 - Domaine des actes liés à l'Union européenne - Lorsque la décision émane d'un
État membre de l'Union européenne, il y a lieu de vérifier l'applicabilité du règlement 44/
2001 et, à défaut, celle de la Convention de Bruxelles ou, lorsqu'elle émane d'un État par-
tie à la Convention de Lugano, l'applicabilité de cet instrument. Les uns et les autres
répondent à des critères analogues, tant matériels que temporels et spatiaux.
Ill Les conditions concernant le domaine d'application ont été présentées en même temps que
l'inventaire des sources des conflits d'autorités et de juridictions (chap. 8).
Ces actes ne concernent que des« décisions» (art. 32 du règl., art. 25 de la Conv.). La
définition en est large (voy. supra, n ° 10.3), s'arrêtant à la fonction juridictionnelle plutôt
qu'à sa qualification institutionnelle.
La nature répressive, administrative ou civile de la juridiction d'origine n'importe
pas (art. 1er), non plus que la dénomination de la décision,« arrêt, jugement, ordonnance
ou mandat d'exécution» (art. 32 du règl.). De plus, le chapitre III s'étend aux décisions
portant « fixation par le greffier du montant des frais de procès» (art. 32). Il en va de
même de décisions portant mesures provisoires ou conservatoires (C.J.C.E., aff. 125/79,
21 mai 1980, Denilaulerc. Cauchet, Rec., 1980, 1553,].T, 1980, 629; C.J.C.E., aff. C-80/00,
6 juin 2002, Italian Leather, Rec., 2002, I-4995, Revue, 2002, 713, note H. MuIR WATT, à pro-
pos du référé), ou condamnant à une astreinte (art. 49), ou de décisions qui, faisant
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 433
encore l'objet d'un recours ordinaire, ne sont pas encore coulées en force de chose jugée
(art. 37).
L'arrêt Denilauler précité précise qu'une décision ordonnant des mesures provisoires ou conser-
1111
vatoires ne bénéficie pas de l'exécution simplifiée prévue par le chapitre III, lorsque la partie contre
laquelle ces mesures sont dirigées n'a pas été appelée à comparaître et que ces mesures sont desti-
nées à être exécutées sans avoir été préalablement signifiées à cette partie.
Ultérieurement, l'arrêt Mietz (C.J.C.E., aff C-99/96, 27 avril 1999, Rec., 1999, 2277, Revue, 1999,
669, note A MARMISSE et M. WrLDERSPIN) ajoute que le juge requis ne peut appliquer le chapitre III
qu'après s'être assuré que les mesures prises entrent bien dans le domaine de l'article 31 du
règlement ou de l'article 24 de la Convention, ou qu'elles émanent bien d'un juge certainement
compétent au fond en vertu des règles communes de compétence directe, afin de contrer un
détournement de ces règles. Le chapitre III ne serait pas applicable en cas de silence du juge d'ori-
gine sur le fondement de sa compétence pour connaître du fond (même arrêt).
Selon la Cour de justice, la décision doit avoir été rendue au cours ou au terme d'une
instruction normalement contradictoire, eu égard au libéralisme des dispositions con-
ventionnelles relatives à l'octroi de la reconnaissance (arrêt Denilauler, précité). Cela
n'exclut pas pour autant une décision rendue par défaut et réputée contradictoire, ou
encore une injonction ouverte à une instruction contradictoire sur opposition avant la
demande d'exécution (C.J.C.E., aff C-474/93, 13 juillet 1995, Hengst Import, Rec., 1995, I-
2113, Revue, 1996, 152, note H. GAUDEMET-TALLON). Le texte n'exclut pas non plus la juri-
diction gracieuse.
La décision doit émaner d'un organe juridictionnel « appartenant à un État contractant et sta-
1111
tuant de sa propre autorité sur des points litigieux entre parties» (C.J.C.E., aff C-414/92, 2 juin
1994, Solo Kleinmotoren, Rec., 1994, I-2237,J.L.M.B., 1995, 1176, note A KOHL), formulation mala-
droite qui suggère l'exclusion de la juridiction gracieuse.
La décision doit émaner d'un organe étatique, ce qui exclut les sentences arbitrales.
Les transactions judiciaires font l'objet de dispositions particulières (art. 57 et 58 du
règl.).
Ill L'arrêt Solo Kleinmotoren précité a précisé que la transaction judiciaire ne répondait pas à la défi-
nition de la décision judiciaire. Il aurait suffit de dire qu'elle relève de dispositions particulières.
Dalfsen, Rec. (1991), 1-4743, Revue (1992), 117, note H. GAUDEMET-TALLON, excluant la recevabilité,
devant le juge requis, d'un moyen déjà soumis au juge d'origine.
La circulation intracommunautaire des décisions réalise en même temps un objectif de sécurité
juridique, qui implique la mise en place d'un système autonome et complet, une application uni-
forme de celui-ci et une stricte limitation des motifs de refus, même si cette circulation n'est envisa-
gée que « dans toute la mesure du possible" (C.J.C.E., aff. C-7/98, 28 mars 2000, Krombach, Rec.,
2000, 1-1935, Revue, 2000, 481, note H. MUIR WATT).
Le chapitre III comporte également un objectif propre. La libre circulation des juge-
ments ne peut affaiblir, de quelque manière que ce soit, les droits du défendeur devant le
juge requis. Le principe de protection juridictionnelle guide également le chapitre II,
lequel consacre le principe Actor sequitur forum rei (voy. supra, n° 9.22) et impose au juge
d'origine la vérification de la recevabilité de l'assignation (voy. supra, n° 9.38). Il ne revêt
pas moins une importance particulière dans une procédure accélérée tendant à faciliter,
au détriment du défendeur, la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue.
Sur le principe de protection juridictionnelle dans le cadre du chapitre III, à propos du titre III
1111
de la Convention de Bruxelles, voy.: C.J.C.E., aff. 49/84, 11 juin 1985, Debaecker et Plouvier c. Bouw-
man, Rec. (1985), 1779,].T (1986), 158, note M. EKELMANS, ainsi que l'arrêt Klomps, précité; aff. C-
305/88, 3 juillet 1990, Lancray, Rec. (1990), 1-2725, Revue (1991), 161, note G. DROZ, Clunet (1991),
503, note A. HUET. Voy. également infra, n° 10.22.
Ces objectifs impliquent que, lorsqu'une décision a été prononcée dans un État
membre conformément au chapitre II du règlement, la reconnaissance et la force exécu-
toire ne puissent être obtenues qu'aux conditions et selon les garanties procédurales du
chapitre III. L'action en exequatur ne permet pas la réitération de la condamnation déjà
prononcée par le juge d'origine (C.J.C.E., aff. 42/76, 30 novembre 1976, De Wolf c. Cox,
Rec., 1976, 1759, infra, n° 10.27).
Même si le règlement se borne à régler la procédure d'exequatur des titres exécutoi-
res étrangers sans toucher à l'exécution proprement dite, qui reste soumise au droit
national du juge requis, l'application de ce droit ne peut pas porter atteinte à l'effet utile
du règlement.
Ill Cela exclut par exemple qu'en vertu du droit national une partie puisse former un recours con-
tre l'exécution d'une décision revêtue de la formule exécutoire alors qu'elle a omis d'intenter un
recours contre l'exequatur (C.].C.E., aff. 145/86, 4 février 1988, Hoffmann c. Krieg, Rec., 1988, 645).
Ces objectifs ne semblent pas exclure pour autant toute possibilité d'élargir la recon-
naissance d'une décision étrangère en vertu du droit commun. Au cas où celui-ci prévoit
des motifs de refus moins sévères que ceux du règlement, ces règles plus libérales
devraient recevoir effet pourvu qu'elles respectent les deux objectifs précités, à savoir,
outre la circulation internationale des décisions, la protection juridictionnelle du défen-
deur.
IllCela signifie, par exemple, que, dans le contexte de la Convention, le contrôle de la loi appliquée
que prévoit l'article 27, 4 °, ne devrait pas être effectué en Belgique (voy. infra, n'" 10.24 et 10.39),
tandis que le contrôle de la compétence indirecte, non opéré en droit belge, resterait de rigueur.
Cette disposition ne figure plus dans le règlement 44/2001.
Ill Cette position est plus nuancée que celle du rejet catégorique du droit commun, par exemple
chez H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe (Paris, LGDJ, 2002),
n ° 435, faisant état de la controverse doctrinale.
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 435
B. Motifs de refus
10.19 - Interprétation stricte des motifs de refus - Le règlement 44/2001, comme la
Convention de Bruxelles, soumet la reconnaissance ou la mise à exécution d'une décision
étrangère à des motifs de refus assez semblables à ceux que connaissent d'autres sources
de droit conventionnel, ainsi que, en Belgique, le droit commun.
De l'objectif du règlement comme de celui de la Convention et de son lien avec le
traité CE il résulte, non seulement que la liste des motifs de refus est exhaustive (C.J.C.E.,
aff. C-474/93, 13 juillet 1995, Hengst Import, Rec., 1995, I-2113, Revue, 1996, 152, note
H. GAUDEMET-TALLON, interdisant le contrôle de la loi appliquée) - ce qui va de soi -
mais encore qu'ils doivent recevoir une interprétation stricte, en raison de la dérogation
qu'ils apportent au principe de liberté de circulation des jugements (C.J.C.E., aff. 166/80,
16 juin 1981, Klomps, Rec., 1981, 1593; aff. C-414/92, 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren, Rec.,
1994, 1-2237,].L.M.B., 1995, 1176, note A. Kom).
Le texte ne dit pas si le contrôle des motifs de refus a lieu d'office. L'affirmative peut
être déduite de l'emploi de l'indicatif(« Une décision n'est pas reconnue si[ ... ]»). Selon la
Cour de justice, ce contrôle a bien lieu d'office (C.J.C.E., aff. C-80/00, 6 juin 2002, Italian
Leather, Rec., 2002, I-4995, Revue, 2002, 713, note H. MUIR WATT), et ce, semble-t-il, pour
l'ensemble des motifs de refus. Pratiquement, cette solution est implicite lorque utilisa-
tion est faite de la procédure de mise à exécution, unilatérale lors d'une première phase
(voy. infra, n ° 10.28). La question revêt un intérêt dans d'autres contextes procéduraux,
telle l'exception de chose jugée. Dans ce cas, il paraît suffisant que, parmi les motifs de
refus, soient contrôlés d'office ceux qui appellent une vérification selon le droit de l'État
d'origine ou d'après les règles substantielles du règlement, alors que les motifs à vérifier
selon le droit de l'État requis obéiraient à la condition procédurale prévalant dans le
droit commun de cet État.
IliComp. en France: Cass. (l'° ch. civ.), 17 novembre 1999, Revue (2000), 52, note B. ANCEL, préci-
sant que le contrôle de l'ordre public n'a pas lieu d'office.
Ili L'arrêt Italian Leather concerne le motif de l'inconciliabilicé de décisions. La Cour y évoque la dif-
férence grammaticale entre le texte de la Convention de Bruxelles et celui de la Convention de
Lugano qui, dans une hypothèse particulière, prend soin de préciser que la reconnaissance« peut»
être refusée (arc. 28, al. 2). Elle ajoute, comme si cet argument était insuffisant, que le motif ciré de
l'inconciliabilité de décisions tend à assurer l'objectif de sécurité juridique, ce qui est vrai dans
l'ordre juridique de l'État requis mais pas nécessairement à l'égard d'une circulation intracommu-
nautaire des décisions.
(art. 46, 2°, de la Conv.). En effet, la reconnaissance est refusée si« l'acte introductif d'ins-
tance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, réguliè-
rement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre» (art. 27, 2 °, de la Conv.). Le
règlement innove, en dispensant de cette formalité pour les besoins de la reconnaissance
mais, lorsque la force exécutoire est demandée, il y a lieu de produire normalement un
certificat qui, émanant de l'État d'origine (voy. infra, n ° 10.29), atteste, notamment, de la
date de la signification ou de la notification de l'acte introductif d'instance au cas où la
décision a été rendue par défaut.
1!1 L'article 48 de la Convention - comme l'article SS du règlement en ce qui concerne le certificat
- permet à l'autorité judiciaire de dispenser de la production du second document. Sur la traduc-
tion, voy. le même article.
1!1Sur la preuve de la régularité de la communication de l'acte introductif d'instance, voy. infra,
point 2°.
10.21 - Décision non définitive - Au cas où la décision étrangère « fait l'objet d'un
recours ordinaire» dans l'État d'origine, l'autorité judiciaire de l'État requis « peut sur-
seoir à statuer» sur la reconnaissance (art. 37 du règl., art. 30 de la Conv.) ou sur le
recours dirigé contre l'ordonnance d'exequatur et même, dans ce dernier cas, impartir un
délai au défendeur pour former un recours qui serait encore ouvert (art. 46, § 1er, du règl.,
art. 38, al. 1er, de la Conv.).
l!I Dans son arrêt du 22 novembre 1977 (aff. 43/77, Industria!Diamond Supplies, Rec., 1977, 2175), la
Cour de justice a décidé que « constitue un 'recours ordinaire' formé ou susceptible d'être formé
contre une décision étrangère tout recours qui est de nature à pouvoir entraîner l'annulation ou la
modification de la décision faisant l'objet de la procédure de reconnaissance ou d'exécution selon
la Convention et dont l'introduction est liée, dans l'État d'origine, à un délai déterminé par la loi et
prenant cours en vertu de cette décision même ». Cette notion inclut le pourvoi en cassation, quelle
que soit à cet égard la qualification des voies de recours en chacun des États contractants.
alors que le règlement renvoie simplement au certificat exigé lors de la demande de déclaration de
la force exécutoire, document attestant la force exécutoire de la décision dans l'État d'origine.
Pour une application de l'article 47 de la Convention, voy.: Civ. Tournai, 21 février 1991,].L.M.B.
(1991), 691; Cass. 7 mai 1982, Pas. (1982), I, 1029; 23 septembre 1994, Pas. (1994), I, 762, exigeant
que le pourvoi concernant l'irrégularité de la signification invoque la violation du droit étranger,
non de l'article 47 précité.
1111 Une décision étrangère condamnant à une astreinte ne peut être exécutoire dans l'État requis
que si le montant en a été définitivement fixé dans l'État d'origine (art. 49 du règl., art. 43 de la
Conv.).
10.22 - Respect des droits de la défense - Si le défendeur a fait défaut, le juge requis se
doit de vérifier si les droits de la défense ont été respectés dans l'État d'origine. Les textes
limitent toutefois ce contrôle à la vérification des conditions dans lesquelles l'acte intro-
ductif d'instance a été communiqué au défendeur.
IllCe contrôle bénéficie aussi au défendeur défaillant domicilié dans l'État d'origine. Voy. en ce
sens: G. DROZ (précité n ° 8.1), n° 500; M. WESER (précité n ° 8.1), n° 275; C.].C.E., aff. 228/81,
15 juillet 1982, Pendy Plastic, Rec. (1982), 2723, Clunet (1982), 960, note A. HUET, Revue (1983), 521,
note G. DROZ. Ainsi, la disposition de l'article 26, paragraphe 2, à laquelle le juge de l'État d'origine
a dû se conformer si le défendeur était domicilié sur le territoire d'un État membre autre que l'État
d'origine, est utilement complétée pour le cas, précisément, où le défendeur avait son domicile
dans un État tiers.
Pareille limitation du contrôle du respect des droits de la défense procède du carac-
tère dérogatoire des motifs de refus. La limitation est double. Non seulement le texte ne
prévoit pas d'autre moyen tiré de la violation des droits de la défense, mais encore ce
moyen n'est-il prévu qu'en cas de défaut devant le juge d'origine.
1111L'essentiel est que le défendeur ait pu connaître la procédure entamée contre lui, dès l'introduc-
tion de l'instance. Ce n'est pas le cas lorsqu'il a été représenté par un avocat qu'il n'a pas mandaté
(C.J.C.E., aff. C-78/95, 10 octobre 1996, Hendrikman, Rec., 1996, I-4943, Revue, 1996, 555, note G.
DRoz). C'est bien le cas lorsqu'il a conclu, au cours d'une procédure répressive avec jonction de
l'action civile, sur les griefs au pénal sans contredire la créance de droit civil dont il a eu connais-
sance (C.J.C.E., aff. C-172/91, 21 avril 1993, Volker Sonntag, Rec., 1993, I-1963, Rev. dr. comm. belge,
1993, 1105, Revue, 1994, 96, note H. GAUDEMET-TALLON).
Cela ne suffit cependant pas à nier toute interprétation favorable au défendeur,
puisque l'objectif de protection juridictionnelle est central dans la Convention (C.J.C.E.,
aff 49/84, 11 juin 1985, Debaecker et Plouvier c. Bouwman, Rec., 1985, 1779,]. T., 1986, 158,
note M. EKELMANS). La Cour de justice n'a pas hésité à consacrer la prééminence des
droits fondamentaux de la personne, tels qu'ils résultent de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et figurent comme des principes généraux du droit
communautaire : au sens du règlement ou de la Convention, le juge requis doit assurer le
respect de ces droits lors de la vérification du respect de l'ordre public (C.J.C.E., aff C-7/
98, 28 mars 2000, Krombach, Rec., 2000, I-1935, Revue, 2000, 481, note H. MurR WATT).
Ill L'affaire Krombach concernait l'efficacité en Allemagne d'un jugement répressif rendu en France
et ayant condamné au paiement d'une indemnité à la partie civile, alors que le défendeur allemand
n'avait pas comparu et n'avait pas eu la possibilité, selon le droit français, de se fair~ représenter.
1111Dans le cadre de la Convention, le bénéfice de la protection a été étendu au défendeur défaillant
qui, ayant eu connaissance du jugement, n'a pas exercé les voies de recours disponibles (C.J.C.E.,
aff. C-123/91, 12 novembre 1992, Mina/met, Rec., 1992, I-5661, Revue, 1993, 81, note G. DRoz). Le
règlement a corrigé la Convention sur ce point (voy. ci-dessous).
438 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
Convention, que « les règles relatives à la compétence ne concernent pas l'ordre public
visé à l'article 27, 1° » ou, dans le règlement en des termes inélégants, que« le critère de
l'ordre public visé à l'article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence».
Toutefois, par dérogation au principe, « les décisions ne sont pas reconnues si les
dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues ainsi que dans le cas
prévu à l'article 72 » (art. 35, § ier, du règl.), disposition reprise de l'article 28 de la Con-
vention.
Les trois sections visées ont pour objet la compétence en matière d'assurances, de contrats con-
llffl
clus par des consommateurs et les compétences exclusives de l'article 22. Le cas prévu à l'article 72
est l'hypothèse où l'État requis s'est engagé vis-à-vis d'un État tiers à ne pas reconnaître une déci-
sion rendue dans un aurre État membre en vertu d'une règle de compétence exorbitante, contre un
défendeur qui avait son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire de l'État tiers. Les
articles 35 et 59 permettent à l'État requis de refuser de reconnaître une telle décision.
L'omission de la matière des relations de travail, à côté de celles des contrats d'assurance et de con-
sommation, apparaît comme une anomalie, qui s'observe également dans le cadre de la Conven-
tion.
Un contrôle de la compétence indirecte a également lieu en cas de conflit transitoire, lorsque la
llffl
décision étrangère a été rendue avant l'entrée en vigueur du règlement (art. 66) ou de la Conven-
tion.
Ill!La Convention de Lugano (supra, n° 8.9) ajoute deux nouveaux cas de contrôle - facultatif - de
la compétence indirecte (art. 28, al. 2, renvoyant aux art. 54ter, § 3, et 57, § 4).
La Cour de justice a ajouté une vérification de la compétence indirecte dans le cas de
mesures provisoires ou conservatoires arrêtées par un juge qui n'aurait pas motive
expressément le fondement de sa compétence pour connaître du fond (voy. supra,
n° 9.34, l'arrêtMietz).
ron, Pas. (1985), I, 1323; Civ. Bruxelles, 28 avril 1987, Pas. (1987), III, 80; Gand, 22 décembre 1988,
Pas. (1989), II, 162; Civ. Liège, 9 octobre 1995, Actualités du droit (1996), 80.
Le motif de l'ordre public ne peut pas être retenu lorsque le refus entre dans une autre catégorie
Ill!
de motifs, par exemple le caractère inconciliable des décisions (C.J.C.E., aff 145/86, 4 février 1988,
Hoffmann c. Krieg, Rec., 1988, 645).
Ce contrôle est subsidiaire par rapport à celui du respect des droits de la défense (C.J.C.E., aff
C-474/93, 13 juillet 1995, Hengst Import, Rec., 1995, I-2113, Revue, 1996, 152, note H. GAUDEMET-
TALLON) et ne peut dissimuler une vérification de ce respect (C.J.C.E., aff C-78/95, 10 octobre 1996,
Hendrikman, Rec., 1996, I-4943, Rev. gén. dr. civ., 1997, 621, note H. BouLARBAH, Revue, 1997, 555,
note G. DROZ).
Le contenu de l'ordre public est défini par l'État requis mais le droit communautaire en con-
llffl
trôle les limites, en particulier au regard de ses principes généraux, dont la protection des droits
fondamentaux de la personne fait partie. Il peut en résulter que cette notion conduise à un con-
trôle des droits de la défense qui excède ce que permet le point 2 (arrêt Krombach, précité n ° 10.22).
Font également partie de l'ordre public communautaire dont le juge requis doit assurer le respect,
les règles fondamentales du traité CE relatives au marché intérieur, telles les règles de concurrence
des articles 81 CE et 82 CE (C.].C.E., aff C-126/97, 1er juin 1999, Eco Swiss China Time, Rec., 1999, I-
440 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
3055, Clunet, 2000, 299, note S. PoILLOT-PERUZZETTO). Toutefois, il n'y aurait lieu à refus qu'en cas
d'incompatibilité «inacceptable» avec l'ordre public - dans le souci d'éviter la confusion avec la
révision au fond-, en limitant le contrôle à« la violation manifeste d'une règle de droit considérée
comme essentielle» (C.].C.E., aff. C-38/98, 11 mai 2000, Renault, Rec., 2000, I-2973, Revue, 2000,
497, note H. GAUDEMET-TALLON). Ce ne serait pas le cas d'une simple méconnaissance par le juge
d'origine de l'application des règles sur la circulation des marchandises (même arrêt) - alors même
que celles-ci présentent un caractère aussi fondamental que les règles de concurrence : la Cour de
justice, craignant une entrave à la circulation des jugements via une extension de la révision au
fond, déplace l'examen de l'affectation du marché intérieur vers les mécanismes juridictionnels mis
en place par le traité CE, comme l'article 234 CE (procédure de renvoi préjudiciel).
1111Le contrôle de la contrariété à l'ordre public porte moins sur la décision même que sur sa
« reconnaissance », nuance qui doit inciter à une appréciation fonctionnelle de l'ordre public ten-
dant moins à sanctionner le jugement étranger qu'à évaluer l'admissibilité de ses effets, selon une
méthode analogue à celle qui est admise dans la matière des conflits de lois (voy. supra, n ° 7.46 et, à
propos du droit commun, infra, n° 10.39).
(2) la décision est« inconciliable avec une décision rendue.entre les mêmes parties
dans l'État membre requis» (3°);
Ill Pour exercer ce contrôle, il appartient au juge requis de rechercher « si les décisions en cause
entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement», ce qui est le cas lorsque
l'une accorde des aliments encre époux tandis que l'autre prononce le divorce (C.].C.E., aff. 145/86,
4 février 1988, Hoffmann c. Krieg, Rec., 1988, 645). Pour une appréciation du juge du fond, voy. par
ex. : Civ. Bruxelles, 12 avril 1988, Rev. gén. dr. civ. ( 1989), 422. Le critère de l'effet est essentiel,
l'inconciliabilité ne devant pas se mesurer en fonction de la nature des procédures en concours
(C.J.C.E., aff. C-80/00, 6 juin 2002, Italian Leather, Rec., 2002, I-4995, Revue, 2002, note H. Mum
WATT, à propos d'une contradiction entre une décision prononcée au fond et une décision en
référé).
111Ce contrôle relève de la prévention de troubles contre l'ordre social (arrêt Italian Leather précité,
évoquant le rapport}ENARD), ce qui n'est pas éloigné d'un contrôle de l'ordre public.
111 L'incompatibilité s'apprécie encre deux décisions au sens de l'article 32 du règlement ou de
l'article 25 de la Convention, non encre une décision et une transaction judiciaire, pour le motif
que le trouble issu de la contradiction éventuelle ne serait pas aussi « grave » que si la juridiction
étrangère avait tranché elle-même la question litigieuse (C.].C.E., aff. C-414/92, 2 juin 1994, Solo
Kleinmotoren, Rec., 1994, I-2237,].L.M.B., 1995, 1176, note A. KoHL).
(4) « la décision est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un
autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 441
même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les con-
ditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis » (4 ° du règl., comp.
5° de la Conv.).
Dans la Convention, ce motif, ajouté en 1978, ne couvre pas le cas de conflit entre décisions
1111
public. Voy. les nuances que la Convention requiert du juge requis à propos de : Liège, 17 mai 1984,
fur. Liège (1984), 381.
1111 Pour une définition de la révision au fond, voy. l'arrêt Krombach, précité n° 10.13.
1111 Cette interdiction impliquerait que, dans le pays requis, le juge ne puisse pas, par exemple lors
de l'appréciation du sursis à statuer (voy. infra, n° 9.38), connaître d'un moyen que la partie qui a
introduit le recours était en mesure de faire valoir devant le juge d'origine (C.j.C.E., aff. C-183/90,
4 octobre 1991, Van Dalfsen, Rec., 1991, I-4743, Revue, 1992, 117, note H. GAUDEMET-TALLON). À ce
motif on en préfère un autre évoqué par l'arrêt, à savoir l'objectif de circulation internationale des
jugements et la préservation de l'effet utile du règlement ou de la Convention (faveur à la déclara-
tion d'exequatur), voire un motif tiré de l'étendue de la chose jugée, car ce n'est pas réviser au fond
que de statuer sur un moyen dont le juge d'origine n'a pas connu.
C. Formes de la reconnaissance
10.26 - Reconnaissance de plein droit - En principe, la reconnaissance a lieu de plein
droit, « sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure» (art. 33, § 1er, du règl.,
art. 26, al. 1er, de la Conv.).
L'autorité qui s'attache au jugement étranger doit être reconnue par quiconque, et
sa force obligatoire s'impose comme s'il s'agissait d'une décision analogue prononcée
dans l'État requis, sauf si une des exceptions prévues par les articles 34 et 35 - 27 et 28 de
la Convention - peut être invoquée contre la décision (voy. supra, n° 5 10.22 à 10.24).
10.27 - Reconnaissance incidente et action en opposabilité - Le règlement et la Con-
vention prévoient deux hypothèses dans lesquelles la personne contre laquelle ou vis-à-
vis de laquelle la décision est invoquée résiste à la reconnaître.
(1) « Si la reconnaissance est invoquée de façon incidente devant une juridiction
d'un État membre, celle-ci est compétente pour en connaître» (art. 33, § 3, du règl.,
art. 26, al. 3, de la Conv.).
Si, par exemple, à l'occasion d'une autre action entre les mêmes parties et ayant même objet et
Ill!
même cause, le défendeur motive par la décision étrangère une exception de chose jugée (voy. supra,
n° 10.6), le juge saisi doit notamment vérifier si la reconnaissance de la décision prononcée dans un
autre État membre ne doit pas être exclue en vertu des articles 34 ou 35 du règlement.
(2) «Encas de contestation, toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à
titre principal peut faire constater, selon la procédure prévue aux sections 2 et 3 du pré-
442 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
sent chapitre, que la décision doit être reconnue» (art. 33, § 2, du règl., art. 26, al. 2, de la
Conv.).
1111 Lorsqu'une décision doit être reconnue, le requérant peut demander des mesures provisoires ou
conservaroires, conformément à la loi de l'État requis, sans devoir faire déclarer cette décision exé-
curoire (art. 47, § 1cr, du règl.).
Bien que cette disposition ne soit pas très clairement rédigée, elle implique que la
seule procédure correcte pour faire reconnaître à titre principal une décision ayant un
titre à l'être en vertu du règlement ou de la Convention consiste à soumettre cette déci-
sion à la procédure simplifiée prévue pour la mise à exécution. La disposition est impéra-
tive et les tribunaux des États membres doivent relever d'office qu'elle procure à la partie
intéressée le seul moyen de faire constater qu'une décision soumise au règlement ou à la
Convention doit être reconnue (C.J.C.E., aff. 42/76, 30 novembre 1976, De Wolf c. Cox,
Rec., 1976, 1759).
IllDans l'affaire De Wolf, le créancier ayant obtenu d'un juge de paix belge la condamnation de son
débiteur estimait moins coûteux de former à nouveau la même demande devant le kantonrechter
néerlandais que de poursuivre l'exequatur devant le président de l'Arrondissementsrechtbank. Il
résulte de l'arrêt que le juge cantonal des Pays-Bas ne pouvait, en reconnaissant l'autorité de la déci-
sion belge, formuler une deuxième fois un dispositif identique au premier.
1111 Pour un cas de recevabilité d'une action en opposabilité, voy.: Bruxelles, 13 janvier 1998, Rev.
gén. dr. civ. (2000), 450, note H. BoULARBAH.
L'arrêt du 30 novembre 1976 ne fait pas obstacle à ce que la partie ayant obtenu une
décision judiciaire en sa faveur invoque la force obligatoire de cette décision afin d'obte-
nir dans l'État requis une décision ayant force exécutoire mais dont le dispositif est diffé-
rent du dispositif de la décision reconnue.
Ainsi, le jugement ayant, dans un État membre, constaté le caractère illicite d'un acte de concur-
1111
rence déloyale pourrait justifier que la juridiction compétente d'un autre État membre fasse une
injonction à la partie condamnée ou prenne une mesure conservatoire ou provisoire.
10.29 - La phase unilatérale - La première phase est introduite « sur requête de la par-
tie intéressée» (art. 38 du règl., art. 31 de la Conv.), et le juge statue à bref délai (art. 45,
§ 1er, du règl., art. 34, al. 1er, de la Conv.).
En vertu de l'article 39, § 1er, et de l'annexe II du règlement - mise à jour par divers règlements
1111
de la Commission (J.O.C.E., 2002, L 225, 2004, L 318, L 334, L 381) -, en Belgique la requête est
présentée au tribunal de première instance tandis que le paragraphe 2 de la même disposition
détermine le tribunal territorialement compétent: c'est, en principe, la juridiction dans le ressort
duquel est situé « le domicile de la partie contre laquelle l'exécution est demandée » et, à défaut
d'un tel domicile, le lieu de l'exécution.
Le dépôt de la requête obéit aux modalités fixées par le droit de l'État requis (art. 40, § 1er, du
1111
des objectifs visés par la Convention» (arrêt Carron, précité) : la sanction ne peut pas remettre en
cause la validité du jugement ordonnant l'exequatur ni permettre de porter atteinte au respect des
droits de la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie. Comp. les hésitations de la jurispru-
dence citée par H. BoRN et M. FALLON,j.T (1983), 230, n" 203.
tions qui y figurent. Cela n'exclut probablement pas route possibilité de mettre celles-ci en doute,
444 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
pourvu que soient rencontrées les conditions prévues plus généralement par le droit communau-
taire pour la contestation de la force probante d'un acte public étranger (voy. infra, n ° 10.54).
Le juge requis peut dispenser le requérant de la formalité du certificat« s'il s'estime suffisamment
éclairé» (art. 55, § 1er, du règl.).
IllLa Convention exige aussi que la décision étrangère soit exécutoire dans l'État d'origine. Cette
notion doit s'entendre dans un sens formel, comme visant une décision revêtue de la formule exé-
cutoire, indépendamment de l'impossibilité d'exécution (C.J.C.E., aff. C-267/97, 29 avril 1999,
Coursier, Rec., 1999, I-2543).
Ill Seule la partie contre laquelle l'exécution est demandée peut exercer le recours; les tiers ne peu-
vent agir contre l'autorisation d'exécution, mais bien contre les« mesures d'exécution forcée» pro-
prement dite dans les conditions prévues par le droit national (C.J.C.E., arrêt Deutsche
Genossenschaftsbank, précité).
il Le délai est fixé à un mois à compter de la signification à la partie contre laquelle l'exécution est
demandée, et il est porté à deux mois si cette partie est domiciliée dans un État membre autre que
l'État requis (art. 43, § 5, du règl., art. 36 de la Conv.).
D'après le rapport du comité d'experts, si la même partie est domiciliée dans un État tiers, le délai
d'un mois peut « être augmenté des délais en raison de la distance tels qu'ils sont prévus » par le
droit de l'État requis. Cette interprétation équitable du texte ne résulte pas indubitablement de
celui-ci.
Ill Le délai de recours est impératif, et le juge doit soulever d'office le moyen tiré de sa violation
(C.J.C.E., aff. 145/86, 4 février 1988, Hoffmann c. Krieg, Rec., 1988, 645, Revue, 1988, 598, note H.
GAUDEMET-TALLON).
Lorsque la décision du juge d'origine n'est pas coulée en force de chose jugée, le juge
saisi du recours peut, à la requête de l'auteur du recours, surseoir à statuer (art. 46, § ier,
du règl., art. 38, al. 1er, de la Conv.). Il peut également subordonner l'exécution à la cons-
titution d'une garantie (§ 3) à charge du bénéficiaire de la décision du juge d'origine. La
constitution de cette garantie ne peut être ordonnée que dans ce cas (C.J.C.E., aff 258/83,
27 novembre 1984, Brennero c. Wendel, Rec., 1984, 3971).
1111La faculté de surseoir à statuer tend à protéger le défendeur contre d'éventuels dommages qui
pourraient résulter de l'exécution d'une décision non coulée en force de chose jugée qui viendrait à
être modifiée. Elle appelle une interprétation stricte, non seulement en raison de son caractère
exceptionnel, mais aussi pour éviter roue risque de révision au fond, prohibée dans ce contexte (voy.
supra, n ° 10.25). Aussi la juridiction saisie du recours ne pourrait-elle prendre en considération, ni
des moyens qui ont déjà été soumis au juge étranger, ni des moyens qu'une partie s'est abstenue
d'invoquer devant ce juge (C.J.C.E., aff. C-183/90, 4 octobre 1991, Van Dalfsen, Rec., 1991, 1-4743,
Revue, 1992, 117, note H. GAUDEMET-TALLON).
La décision rendue sur le recours ne peut faire l'objet, en Belgique, que d'un pourvoi
en cassation (art. 44 du règl., art. 37, § 2, de la Conv.). Le souci de limiter la remise en
cause du jugement étranger explique une interprétation étroite des conditions de ce
recours. La notion de décision s'entend dans un sens restrictif. Il s'agit de celle qui
« statue sur le bien-fondé du recours formé contre la décision accordant l'autorisation
d'exécution» (C.J.C.E., aff C-183/90, 4 octobre 1991, Van Dalfsen, précité).
1111Ces termes restrictifs excluent la décision accordant des mesures conservatoires en vertu de
l'article 47 du règlement ou de l'article 39 de la Convention (C.J.C.E., arrêt Brennero, précité), ou la
décision relative au sursis à statuer (C.J.C.E., aff. C-432/93, 11 août 1995, SJSRO, Rec., 1995, 1-2269,
Revue, 1996, 344, note H. GAUDEMET-TALLON) ou à la constitution d'une garantie, prise en vertu de
l'article 46 du règlement ou de l'article 38 de la Convention, même lorsqu'elle fait formellement
partie de la décision sur le bien-fondé (arrêt Van Dalfsen, précité).
Comme le recours contre la décision autorisant l'exécution, ce recours n'est pas ouvert au tiers
1111
(C.].C.E. aff. C-172/91, 21 avril 1993, Volker Sonntag, Rec., 1993, 1-1963, Rev. dr. comm. belge, 1993,
1105, Revue, 1994, 96, note H. GAUDEMET-TALLON).
1111 La juridiction suprême saisie du recours ne peut, lorsqu'elle est compétente au fond selon le
droit national (Royaume-Uni), surseoir à statuer et ordonner la constitution d'une garantie au sens
de l'article 46 du règlement ou de l'article 38 de la Convention (arrêt SISRO précité).
faire l'objet que d'un pourvoi en cassation (art. 41). Le règlement a supprimé cette parti-
cularité (art. 43), cette ordonnance étant soumise aux mêmes voies de recours que celle
qui autorise l'exécution.
Le juge saisi du recours veille avec un soin particulier aux intérêts du défendeur,
puisque, lorsque celui-ci est défaillant, il doit vérifier la loyauté de l'assignation devant le
juge d'origine conformément aux dispositions de l'article 26 du règlement ou de
l'article 20 de la Convention, même lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un État
membre (art. 43, § 4, du règl., art. 40, § 2, de la Conv.).
L'obligation pour le juge d'appeler le défendeur à comparaître est absolue, et vaut
également lorsque le rejet de l'exécution se fonde sur la violation par le demandeur d'une
règle procédurale, comme la production de documents, ou lorsque le défendeur n'est pas
domicilié dans l'État d'exécution, ce qui peut accroître le risque de voir celui-ci soustraire
ses biens saisissables à la mesure d'exécution (C.J.C.E., aff. 178/83, 12 juillet 1984, P. c. K.,
Rec., 1984, 3033, Revue, 1985, 566, note P. LAGARDE, Clunet, 1985, 178, note A. HuET).
10.33 - La force exécutoire partielle - La mise à exécution peut n'être autorisée que
pour certains chefs de la demande, l'alinéa 2 prévoyant en outre que « le requérant peut
demander une exécution partielle» (art. 48 du règl., art. 42 de la Conv.).
Bien qu'aucune disposition ne précise pour quelle raison la juridiction saisie du
recours doit, selon le cas, le rejeter ou y faire droit, il va de soi que ce ne peut être qu'en
fonction de l'appréciation des seuls motifs admis par les articles 34 et 35 du règlement
ou 27 et 28 de la Convention (voy. supra, n° 5 10.19 et s.).
10.34 - Mise à exécution de la décision qui autorise l'exécution - Il convient de distin-
guer la procédure tendant à l'apposition de la formule exécutoire, de celle qui poursuit
ensuite la mise à exécution proprement dite. Tandis que la première relève du règlement
ou de la Convention, la seconde dépend du droit national (C.J.C.E., aff. 145/86, 4 février
1988, Hoffmann c. Krieg, Rec., 1988, 645, Revue, 1988, 598, note H. GAUDEMET-TALLON).
l!!lSur la possibilité d'octroyer un cantonnement conformément aux dispositions du Code judi-
ciaire après que la décision étrangère exécutoire par provision a fait l'objet, en Belgique, d'une auto-
risation d'exécution, voy.: Bruxelles, 8 février 2000,].T. (2000), 426; Civ. Gand, 18 mars 2002, R.W
(2002-2003), 30.
L'application du droit national ne peut pour autant priver d'effet utile le système
mis en place. Ainsi, le juge saisi d'un recours contre une mesure d'exécution doit soulever
d'office le moyen tiré de la violation du délai impératif prévu à l'article 43 du règlement
ou à l'article 36 de la Convention, et conclure à l'irrecevabilité du recours que le défen-
deur à l'exécution aurait pu intr~duire contre la décision du juge requis accordant la
force exécutoire (C.J.C.E., arrêt Hoffmann, précité). Toutefois, il en irait autrement si l'irre-
cevabilité obligeait le juge à ignorer un jugement national inconciliable prononcé aupa-
ravant (même arrêt).
l!!l Dans l'affaire Hoffmann, la Cour de cassation des Pays-Bas était saisie d'un conflit entre la déci-
sion néerlandaise ayant accordé la force exécutoire à un jugement étranger attribuant des aliments
entre époux, et un jugement néerlandais ayant prononcé le divorce des parties.
La Cour considère aussi plus généralement que la décision qui a reçu la force exécu-
toire peut ne pas être exécutée en raison d'une impossibilité tirée du droit national
« pour des raisons qui échappent au domaine d'application» du règlement ou de la Con-
vention.
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 447
des décisions judiciaires, sur présentation d'un certificat délivré par les autorités d'ori-
gine.
1111 La loi du 24 avril 2003 réformant l'adoption (Monit., 16 mai 2003) entend adapter le droit belge
à l'entrée en vigueur de la Convention (qui suppose une loi distincte d'assentiment) en organisant
une reconnaissance administrative, par l'autorité centrale fédérale (voy. infra, n° 12.140).
Tant pour la mise à exécution que pour la reconnaissance, la révision au fond est
exclue.
Ces conventions comportent des règles de compétence indirecte.
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 449
§3 ÜROIT COMMUN
d'un effet de fait au jugement étranger, essayé de reconnaître à celui-ci une certaine autorité sur le
dénouement du litige soumis à une juridiction belge même en l'absence d'exequatur (voy. ].T,
1960, 287).
Précédemment, le régime était organisé par l'article 570 du Code judiciaire, qui, sous le couvert
1111
d'un règle attributive de compétence au tribunal de première instance à propos d'une « demande
d'exequatur», établissait la liste des motifs de refus pouvant être opposés à la décision.
Le texte reprenait, avec quelques améliorations rédactionnelles, celui de l'article 10 de la loi du
25 mars 1876.
Pour plus de détails sur la jurisprudence relative à l'application de l'article 570, voy. notamment la
chronique de H. BoRN et M. FALLON (précités n° 8.1).
Pour le reste, le Code confirme la distinction de principe entre questions de procé-
dure et motifs de refus opposables au jugement étranger.
450 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
Les dispositions nouvelles régissent toute demande concernant des jugements ren-
dus après le ier octobre 2004 (art. 126, § 2, Codip). Toutefois, la solution du conflit tran-
sitoire connaît un assouplissement, en faveur de la décision à reconnaître : si celle-ci a été
rendue antérieurement, elle peut également être reconnue si elle « satisfait aux
conditions» du Code (al. 2), mais elle ne sera en aucun cas soumise aux conditions plus
strictes de celui-ci.
11!!En général, les motifs de refus du Code ne s'écartent guère des motifs connus précédemment,
hormis pour la révision au fond. Toutefois, le Code se montre plus strict pour les actes de répudia-
tion (voy. infra, n ° 12.95).
11!!Les «conditions» évoquées par le texte s'entendent logiquement des motifs de refus, non des
conditions de procédure. Pour celles-ci, il y a lieu de se référer à la règle de conflit transiroire régis-
sant« la compétence internationale» (art. 126, § 1er, Codip). Toute autre interprétation signifierait
que, le cas échéant plusieurs années après l'entrée en vigueur du Code, toute demande de recon-
naissance ou de déclaration de la force exécutoire doive encore être introduite selon des disposi-
tions qui n'auront plus cours pour les demandes concernant plus généralement des jugements
étrangers.
1. MOTIFS DE REFUS
10.39 - Énonciation des motifs - Le Code de droit international privé établit (art. 25,
§ 1er) une liste de motifs de refus sensiblement plus longue que l'ancien article 570 du
Code judiciaire. Hormis la question de la révision au fond, les modifications sont d'ordre
formel, le Code visant à identifier certains motifs auparavant englobés sous le concept
ouvert d'ordre public.
Il! D'autres motifs de refus sont propres à certaines matières et sont analysés, à ce titre, dans les
chapitres particuliers.
La jurisprudence belge a invoqué l'exception d'ordre public contre une décision étrangère
Ill!
inconciliable avec une décision belge (voy. Cass., 4 novembre 1909, Pas., 1909, I, 429). Ce motif est
désormais distinct (point 5°), comme il l'est aussi dans le règlement « Bruxelles I » (voy. supra,
n° 10.24).
Pour le conflit de procédures, voy. infra, n ° 10.44, à propos de la reconnaissance de plein droit.
EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES 451
Pour un contrôle de la fraude à la loi sous le couvert de l'ordre public, lorsque les parties ont
1111
cherché à obtenir à l'étranger ce qu'elles n'auraient pu obtenir en Belgique, voy. : Civ. Bruxelles,
24 mai 1988, Rev. trim. dr. fam. (1990), 382; 18 novembre 2003,]. T. (2004), 893.
Le Code ne sanctionne la fraude à la loi que si deux conditions sont remplies, à savoir que la
matière est de celles où les parties ne disposent pas librement de leurs droits et que « le seul but»
en cherchant à obtenir le jugement étranger était d'échapper à l'application du droit - belge ou
étranger - désigné par la règle belge de rattachement.
Cass., 15 janvier 1995, Consarc Corp., Pas. (1995), I, 15, faisant reproche au juge américain d'avoir
donné à croire, à propos d'un litige entre une société américaine et un démembrement de l'État ira-
kien, que« la guerre du Golfe s'est poursuivie devant sa juridiction ». Pour un cas de refus de recon-
naissance pour le motif que le juge étranger a négligé d'entendre un témoin important, voy.:
Bruxelles, 2 février 1995,]. T. (1995), 769.
tance, cette régularité devant s'apprécier au regard du droit étranger (art. 24, § 1er, 2 °).
En cas de défaut devant le juge étranger, le demandeur doit produire« l'original ou une copie certi-
fiée conforme du document établissant que l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent a été
signifié ou notifié à la partie défaillante» (/oc. cit.). Le juge belge peut toutefois accepter un docu-
ment équivalent, voire en dispenser(§ 3).
En cas de défaut, la circonstance que le défendeur a introduit un recours dans le pays d'origine en
dehors des délais légaux ne suffit pas à constater une violation des droits de la défense (Civ. Bruxel-
les, 13 ocrobre 2004, Rev. gén. dr. civ., 2005, 125).
IllDe nombreuses décisions concernant les droits de la défense intéressent des cas de répudiation
(voy. infra, n ° 12.95).
Ensuite, il sanctionne certains fors exorbitants (sur cette notion, voy. supra, n ° 9.25), à savoir la
compétence fondée sur la seule présence d'une personne ou d'un bien sans aucun rapport avec le
litige devant le juge étranger.
Il Précédemment, l'article 570 du Code judiciaire exigeait que le juge étranger ne fût pas compé-
tent seulement en raison de la nationalité du demandeur : ce critère sanctionnait le privilège de
nationalité de l'article 14 du Code Napoléon.
Pour un contrôle plus étendu, fondé sur la notion de « juge naturel», voy. : Civ. Anvers, 11 juin
2001, R.A.B.G. (2004), 494, note K. DE LAET, sanctionnant un divorce touristique en Tunisie, pays
de la nationalité d'origine des époux alors que ceux-ci résidaient en Belgique et que la femme avait
acquis la nationalité belge. Selon le Code, il convient plutôt de contrôler la fraude à la loi.
452 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
1111 Toutefois, lorsque cette condition n'est pas remplie, le juge belge peur ordonner des mesures
d'exécution provisoires, qu'il peur subordonner à la constitution d'une garantie (art. 23, § 4). Cette
possibilité est inspirée des textes communauraires.
Précédemment, dans le sens d'une interprétation large de la condition du caractère définitif de
manière à se satisfaire d'une décision exécutoire par provision, voy.: Bruxelles, 19 septembre 2001,
R.W. (2003-2004), 27.
L'invocation de la force exécutoire exige la preuve que, selon le droit étranger, la décision est exé-
1111
Le juge belge doit exiger la production de la pièce, mais il peut aussi accepter un document équi-
1111
valent, voire en dispenser « s'il s'estime suffisamment éclairé» (art. 24, § 2). Cette disposition est
inspirée des textes communautaires.
La« révision au fond» ne figure plus parmi les motifs de refus (art. 25, § 2).
1111 La révision au fond (voy. supra, n° 10.13), que, depuis l'arrêt Munzer (Cass. civ., 7 janvier 1964,
Revue, 1964, 344), la jurisprudence française a supprimée en toute matière, avait suscité de la part
de la doctrine belge des critiques dont le commissaire royal Van Reepinghen a fait état dans son
rapport (Rapport sur la réforme judiciaire, t. rer, 209). C'est en connaissance de cause que cette exigence
archaïque, consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 juillet 1849, Chabot c. Verheyden,
Pas. ( 1849), I, 358, fut maintenue dans l'article 570 du Code judiciaire.
Sur un contrôle en droit et en fait d'une décision étrangère au regard de l'effet de l'embargo décrété
sur la Yougoslavie aux fins d'exécution d'un contrat, voy.: Bruxelles, 19 septembre 2001, R W.
(2003-2004), 27.
Cette condition fut supprimée par la jurisprudence en matière d'état, ensemble avec la recon-
1111
naissance de plein droit (voy. infra, n° 10.41), mais confirmée en d'autres matières: Cass., 23 janvier
1981, Lupo c. Castilla, Pas. (1981) I, 547; contra: Bruxelles, 10 mars 1993,J.T (1994), 787, note J.
VERHOEVEN.
1111La notion couvre la vérification de toute erreur en droit ou en fait (Bruxelles, 2 février 1995,J. T.,
1995, 769). Elle est plus large que le contrôle limité à la loi appliquée au fond. Cette forme-ci de
contrôle atténué est toujours admise en France (BATIFFOL et LAGARDE, n° 726, et récemment: Cass.
civ., 25 février 1986, Shafa, Revue, 1987, 103, note F. MONÉGER). En Belgique, camp. en ce sens déjà:
Cass., 4 octobre 1956, Pas. (1957), I, 88, contre une décision ayant, au moins en certaines matières,
écarté l'application du droit belge alors que ce droit était compétent en vertu de ses propres règles
de conflit de lois.
Sur cette double signification de la révision au fond, voy. la jurisprudence de la Cour de justice,
citée supra, n ° 10.13. Voy. aussi: Civ. Bruxelles, 9 juin 1999,]. T (2000), 189.
Pas. (1882), I, 36; 25 juin 1903, Ctesse de Mercy-Argenteau c. Duchesse d'Avaray, Pas. (1903), I, 317;
16 janvier 1953, De Pellaertc. Breydel, Pas. (1953), I, 335, Revue (1953), 810, note FRANCESCAKIS, concl.
de M. HAYOIT DE TERMICOURT, publiées in Arr. Cass. (1953), 304; 4 octobre 1956, Clossetc. Declercque,
Pas. (1957), I, 88, Rev. crit. jur. belge (1957), 23, note VAN HECKE, Revue (1957), 478, note VANDER ELST;
11 octobre 1957, Franck c. Dupont, Pas. (1958), I, 122.
1111 Sur les questions soulevées par cette jurisprudence, voy. l'édition précédente de cet ouvrage,
n'" 859 et s.
IllEn Belgique, la jurisprudence a pu admettre une telle action. Voy. : Bruxelles, 10 septembre
1987, Ann. Liège (1988), 125; Civ. Bruxelles, 26 juin 1986, Rev. trim. dr. fam. (1986), 403; Civ. Mali-
nes, 30 avril 1987, R.W. (1988-1989), 757; Civ. Bruxelles, 3 mars 1992,}.L.M.B. (1992), 1387; contra:
Civ. Arlon, 9 janvier 1987, Rev. gén. dr. civ. (1987), 77.
Pour un cas d'action en opposabilité d'une répudiation, introduite par l'épouse, contre l'officier de
l'état civil qui refusait de transcrire, voy.: Civ. Bruxelles, 7 janvier 1998, Pas. (1998), III, 1, surséant
toutefois à statuer pour appeler le mari à la cause. Pourtant, l'action en exequatur n'exige pas
d'appeler à la cause tous les ayants droit: Cass., 2 mars 2000, R.W (2000-2001), 342.
Ill Par exemple, en raison de la précarité de l'autorité qui s'attache à une décision étrangère ayant
homologué une adoption, le ou les adoptants ou !'adopté ont certainement un intérêt à introduire
une demande en reconnaissance de cette décision devant le tribunal de première instance.
Ou encore, la personne qui veut se remarier peut poursuivre contre son ex-conjoint l'exequatur de
la décision de divorce ou introduire une action tendant à faire condamner l'officier de l'état civil à
célébrer le second mariage.
1111 Pour l'action en inopposabilité, voy., dans la jurisprudence française: Cass. civ., 22 janvier 1951,
Weiller, Revue (1951), 167, note FRANCESCAKIS; 10 février 1971, Bielski, Revue (1972), 123.
Pareille action est recevable quand elle est exercée par une personne dont le statut
est en cause, ainsi que par le ministère public en matière d'état et de capacité.
Il Voy. par exemple: Civ. Bruxelles, 17 octobre 1989, Rev. trim. dr. fam. ( 1990), 391, note M. FALLON.
Le procureur du Roi ne trouve dans l'article 184 du Code civil que le pouvoir de poursuivre la
Ill!
nullité du second mariage, vicié par la bigamie si le divorce étranger ne doit pas être reconnu. C'est
par erreur que le tribunal de Bruxelles a en outre déclaré recevable et fondée l'action en nullité du
divorce étranger introduite par le ministère public : il n'y a pas de voie de nullité contre les juge-
ments étrangers (voy. supra, n° 9.17). Voy. Civ. Bruxelles, 3 mai 1972, Pas. (1974), III, 29. On trouve
la même erreur dans un jugement du tribunal de Liège (9 novembre 1966,jur. Liège, 1967-1968, 35).
Ill Sur l'exequatur partiel, voy.: Cass., 19 janvier 1882, de Bauffremont, Pas. (1882), I, 36; Civ. Bruxel-
les, 6 mars 1970,J.T (1970), 298; Mons, 12 octobre 1999, Rev. not. belge (2001), 340, noteJ.-L. VAN
BoxSTAEL. Comp. la solution semblable de la Convention de Bruxelles (supra, n° 10.33).
L'autorité qui s'attache au jugement étranger est celle que confère le droit du juge
d'origine, tant pour son objet que pour son étendue, sans préjudice d'un contrôle au
regard de l'ordre public du pays requis.
111 Voy. à ce sujet en France, BATIFFOL et LAGARDE, n° 736-1.
En recevant le jugement étranger avec l'autorité qui y est attachée, l'exequatur lui
attribue normalement effet au jour où il bénéficie de cette autorité dans le pays d'origine.
En ce sens, la décision du juge requis« déclare» l'exequatur. Se contentant de recevoir le
jugement étranger (voy. supra, n ° 10.14), elle n'est pas constitutive de droits.
1111 La jurisprudence est rare. En France, voy. dans le sens proposé, P. MAYER et V. HEUZÉ, n° 427 ;
contra: Y. LouSSOUARN, P. BOUREL et DE VAREILLES-SOMMIÈRES, n° 504-2.
Par conséquent, la décision étrangère permet de fonder une exception de chose jugée
durant une instance en cours dans le pays requis (art. 22, § 1er, al. 3, Codip). De même,
l'existence d'une procédure pendante dans ce pays ne saurait justifier l'irrecevabilité
d'une action en opposabilité du jugement étranger.
Ill! Voy. à cet égard en France, P. MAYER et V. HEUZÉ, n° 448.
Par exemple, si une procédure de divorce est en cours en Belgique et que la dissolurion du
Ill!
mariage ait été prononcée entre les mêmes parties pour la même cause à l'étranger, il n'est pas dou:
ceux que l'exception de chose jugée puisse être accueillie au cours de cette procédure (Liège, 26 juin
1985,]ur. Liège, 1985, 474). Il est indifférent que l'effet de cette décision remonte ou non à une date
antérieure à celle de l'ouverture de la procédure en Belgique (Civ. Bruxelles, 25 janvier 1989,
]LM.B., 1989, 487).
La reconnaissance peut ainsi être examinée par le juge de paix saisi d'une demande de contribu-
Ill!
tion aux charges du mariage (Civ. Bruxelles, 8 mars 1983, Rev. trim. dr. Jam., 1983, 268, note Ch.
PANIER) ou par le tribunal du travail saisi d'une demande d'allocation sociale au titre d'épouse du
travailleur (Trib. trav. Liège, 8 décembre 1982,Jur. Liège, 1983, 234).
propos d'un jugement relatif à la contribution aux charges du mariage, qui s'était pro-
noncé au préalable sur l'efficacité d'un acte de répudiation).
L'admission de l'exception de chose jugée comme un corollaire de la reconnaissance
de plein droit emporte la nécessité d'admettre aussi l'exception de litispendance ou de
connexité internationale (voy. supra, n ° 9.56). En effet, en l'absence d'une telle exception,
le défendeur à l'action en Belgique est en mesure de préférer une défense à l'étranger par
l'intentement d'une action principale au lieu d'ouvrir une action reconventionnelle (Civ.
Bruxelles, 17 octobre 1989, Rev. trim. dr. fam., 1990, 391, note M. FALLON). De fait, l'admis-
sion de l'exception dès le stade de la compétence directe repose sur le souci de prévenir le
risque de décisions inconciliables au moment du débat sur l'efficacité du jugement étran-
ger (voy., à propos du règlement 44/2001, supra, n ° 9.39).
L'exception de chose jugée à l'étranger connaît un frein. Afin d'assurer le respect du
mécanisme de litispendance, le législateur a introduit, parmi les motifs de refus du juge-
ment étranger, son caractère inconciliable avec une demande encore pendante en Belgi-
que, entre les mêmes parties et sur le même objet, lorsque la demande à l'étranger a été
introduite après l'introduction de la demande en Belgique (art. 25, § 1er, 6°).
Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1), ce
1111
motif de refus tend à contourner la manœuvre d'une « course au jugement» et complète le motif
de refus fondé sur la priorité d'une décision belge même postérieure à la décision étrangère : il évite
un risque de blocage de la procédure belge en cours.
10.46 - Transcription de la décision étrangère - La transcri prion peut être tantôt une
formalité substantielle, tantôt une formalité administrative.
Avec la transcription, formalité substantielle, il ne faut pas confondre celle qui cons-
titue un moyen efficace de conserver dans les registres de l'état civil tenus en Belgique un
renseignement intéressant l'état d'un Belge ou d'une personne domiciliée en Belgique.
En outre, la transcription purement administrative du divorce prononcé à l'étranger est
de nature à faciliter l'inscription d'une mention en marge de l'acte de mariage si celui-ci a
été dressé en Belgique.
Pour être transcrit, il n'est pas nécessaire que le jugement étranger ait reçu
l'exequatur: la formalité a pour seul objet l'enregistrement d'une décision étrangère qui
paraît satisfaire aux conditions requises pour être reconnue. Il serait paradoxal que l'offi-
cier de l'état civil pût - et dût - célébrer un second mariage sans exequatur ni vérifica-
tion judiciaire des conditions de la reconnaissance, alors que la simple transcription
requerrait une telle formalité.
1111 Après avoir soutenu une solution contraire dans une circulaire du 7 mars 1953 (voy. une édition
antérieure de cet ouvrage, 1979, n° 975), le ministre de la Justice s'est rallié à cette thèse par une cir-
culaire du 30 avril 1984 (Monit., 30 mai 1984), l'acceptant explicitement comme une implication du
régime de la reconnaissance de plein droit consacré par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 mars
1973 (supra, n° 10.41). En ce sens aussi: Civ. Hasselt, 22 mars 1983, Rev. trim. dr. fam. (1984), 165,
avis conforme du ministère public; Civ. Bruxelles, 15 mars 1988, Rev. trim. dr. fam. (1990), 376;
9 juin 1999,]. T (2000), 189. Contra antérieurement: Bruxelles, 6 juin 1979,].T (1980), 7.
À propos de l'émargement prévu par l'article 49 du Code civil, voy. en ce sens: Liège, 26 juin 1985,
fur. Liège (1985), 474.
1111 La solution proposée est consacrée par le règlement « Bruxelles II» (voy. infra, n° 12.91):
« aucune procédure n'est requise pour la mise à jour des actes de l'état civil [... ] sur la base d'une
décision rendue[ ... ]» (art. 14, § 2).
IllLe Code de droit international privé consacre cette solution (art. 31, voy. infra, n ° 12.22), tout en
ajoutant que le contrôle des motifs de refus par l'autorité publique est exigé. Il prévoit la faculté
pour le dépositaire du registre de demander l'avis du ministère public sur l'appréciation des motifs
de refus, ainsi que la possibilité pour le ministre de la Justice d'établir des directives en vue d'une
application uniforme de ces motifs.
Ill La formalité du dépôt qu'organise la loi du 14 juillet 1966 (voy. infra, n° 12.23) est également
ouverte aux jugements étrangers, par exemple de divorce, et requiert la vérification des motifs de
refus qui président à la reconnaissance (Civ. Bruxelles, 9 octobre 1996, Rev. trim. dr. fam., 1997, 396).
Le Code confirme cette solution (art. 31, § 3).
458 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
10.47 - Preuve de l'authenticité par la légalisation - Aucun effet ne saurait être reconnu
à un jugement étranger dont le contenu n'est pas attesté par un instrument faisant foi,
l'expédition du jugement.
Comme la seule garantie d'authenticité est la signature de l'officier public ayant
dressé et délivré cette expédition, et que cette signature est, par hypothèse, inconnue dans
le pays requis, elle fait l'objet d'une procédure appelée« légalisation».
La légalisation porte uniquement sur l'authenticité. Selon les termes de la Conven-
tion de La Haye du 5 octobre 1961, elle« n'atteste que la véracité de la signature, la qua-
lité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre
dont l'acte est revêtu».
IllPour une définition stricte de la légalisation portant seulement sur la conformité du document
avec l'original, non sur la vérification de la substance de l'acte, voy. correctement: Civ. Liège,
24 septembre 1997, Rev. dr. étr. (1997), 385.
La formalité suit deux filières: d'abord, une cascade de contrôles successifs dans le
pays auquel appartient l'officier public, la dernière authentification étant la signature
d'un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, la pièce étant ensuite transmise
par la voie diplomatique aux autorités de l'État requis.
En droit commun, l'organisation de la formalité repose désormais sur l'article 30 du
Code de droit international privé. Cette disposition a un triple objet : elle détermine
l'obligation de légaliser (al. 1er), définit la formalité de légalisation (al. 2) et établit une
compétence d'attribution (al. 3).
L'obligation de légalisation confirme une pratique antérieure, laquelle ne reposait
sur aucun texte légal explicite. Elle ne s'impose cependant qu'à défaut d'application de
l'un des nombreux instruments internationaux dont découlerait une « dispense » de
légalisation.
Ill La pratique antérieure s'appuyait sur une disposition de la loi de 1851 organique des consulats
(ci-dessous), qui attribuait une compétence en la matière (arc. 14). Or, selon l'article 137 de cette
loi, « Sont abrogées, en tant qu'elles sont applicables en Belgique et contraires à la présente loi, les
dispositions de l'ordonnance du roi de France, du mois d'août 1681 ».
Selon l'article 23 du livre I, titre IX, de l'ordonnance sur la marine d'août 1681 (cité par J. ERAUW et
N. WATTÉ, Les sources du droit international privé belge, Bruxelles, Bruylant, 1992, n ° 799), « cous actes
expédiés dans les pays étrangers quand il y aura des consuls ne feront foi en France que s'ils sont
par eux légalisés ».
La légalisation ne saurait être exigée lorsque la décision judiciaire entre dans le domaine d'un
1111
instrument international qui dispense de cette formalité. Les traités de reconnaissance et d'exécu-
tion contiennent généralement une telle dispense. Voy. par exemple l'article 56 du règlement 44/
2001 et l'article 49 de la Convention de Bruxelles.
La définition de la formalité suit les termes de la Convention de La Haye de 1961.
Ses termes restrictifs (la légalisation « n'atteste que [... ] ») signifient que la formalité ne
conduit nullement l'autorité à apprécier l'un des motifs de refus énoncés par l'article 25
du Code de droit international privé.
L'exposé des motifs de la proposition de loi (Dac. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1) explicite la
1111
cette décision :j.T (1960), 288, ainsi que les exemples cités supra, n ° 10.9.
Toutefois, la décision répressive peut exercer un effet sur l'action civile. Deux cas
doivent être distingués: soit la juridiction répressive étrangère a aussi statué sur l'action
civile; soit la juridiction civile est appelée à connaître de l'efficacité d'une décision répres-
sive étrangère de nature à influencer sa décision au civil.
10.51 - Dispositif civil d'une décision répressive - Dans les pays, comme la Belgique,
où l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction peut être jointe à
l'action publique pour être portée devant les tribunaux correctionnels, le dispositif de la
décision qui statue sur les mérites de cette action a un caractère civil.
Certains instruments internationaux, tel l'article ier du règlement 44/2001 ou de la
Convention de Bruxelles, prévoient expressément qu'ils s'appliquent« en matière civile et
commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction», ce qui inclut le dispositif civil
d'une juridiction répressive.
La même solution prévaut en droit commun. La définition large donnée au terme
« décision judiciaire» par le Code de droit international privé (art. 22, § 3) permet
d'inclure une décision rendue sur l'action civile par une juridiction répressive. Cette déci-
sion sera donc reconnue aux mêmes conditions que si elle avait été rendue par une juri-
diction civile.
10.52 - Effet d'une décision répressive sur l'action civile - La décision répressive ren-
due à l'étranger peut exercer un effet sur l'action civile introduite devant une juridiction
belge, lorsque le droit applicable à l'action civile attribue un effet à la décision qui s'est
prononcée sur l'action répressive, mais aussi plus généralement lorsque la preuve d'un
fait utile à l'action civile peut être apportée au moyen d'éléments de preuve qui ont été
appréciés par le juge répressif.
L'exemple le plus répandu au1ourd'hui est celui des accidents de la circulation. Si les juridic-
1111
tions pénales du pays où l'accident s'est produit ont acquitté ou condamné un des conducteurs,
leur décision ne lie pas le juge civil d'un autre pays devant lequel est portée l'action en réparation
du dommage causé par l'accident.
Sur cette question, voy.: F. RIGAUX, Droit public et droit privé, § 24; Io., « L'exercice de la justice
répressive", Ann. dr. (1985), 40-42.
La négation de tout effet ne serait pas en harmonie avec deux constantes, à savoir le
caractère absolutoire de l'acquittement prononcé par un tribunal du pays où les faits ont
été commis et la possibilité de mettre à exécution la réparation civile ordonnée par le tri-
bunal étranger.
La jurisprudence belge a admis qu'un effet soit attribué à une décision répressive
étrangère lors de l'exercice de l'action civile en Belgique. La raison de décider doit être
cherchée à la fois dans l'article 13 de la loi belge du 17 avril 1878 dans l'hypothèse d'un
acquittement, et dans l'autorité qui s'attache au dispositif civil des décisions rendues par
une juridiction étrangère. D'après l'article 13 précité, l'action publique est paralysée en
Belgique par la décision d'acquittement qu'a prononcée le juge du pays étranger où les
faits ont été commis. Si l'action civile avait été introduite dans le même pays, le juge qui
en aurait été saisi n'aurait pu méconnaître l'autorité de la décision répressive et cette
décision civile aurait dû être reconnue en Belgique. Il serait incohérent de refuser à la
décision répressive étrangère un effet civil qui doit être reconnu s'il a été préalablement
incorporé au dispositif civil tombant sous l'application d'un traité de reconnaissance et
d'exécution conclu par la Belgique. Il n'est pas plus cohérent d'écarter les conséquences
EFFICACITÉ DES ACTES PUBLICS 461
civiles d'un acquittement prononcé par une juridiction du pays du délit alors que cette
décision lie le juge répressif belge qui vient à être saisi du même fait.
1!111 Bien que le motif ciré de l'article 3, alinéa 1er, du Code civil ne soit guère satisfaisant, il faut
approuver la cour de Liège d'avoir reconnu l'autorité qui s'attache à un jugement du tribunal cor-
rectionnel d'Avesnes-sur-Helpe ayant acquitté un conducteur belge du chef d'avoir conduit en état
d'ébriété; l'assureur belge avait invoqué cette faute pour faire déchoir l'intéressé du bénéfice du
contrat d'assurance: Liège, 31 octobre 1969, ]ur. Liège (1969-1970), 202; voy. cependant en sens
contraire, à propos de décisions d'acquittement: Bruxelles, 11 juin 1968, Pas. (1968), II, 254;
21 mars 1969, Pas. (1969), II, 142; à propos d'une décision de condamnation: Liège, 19 novembre
1973, Bull. ass. (1976), 151.
Pour la prise en considération d'une décision répressive étrangère aux fins de connaître les cau-
1!111
ses d'un décès, voy.: Gand, 11 janvier 1996, Tijds. Gentse Rechtspraak (1996), 155, distinguant recon-
naissance - qu'il exclut en matière répressive - et effet de fait. L'effet emprunté allait cependant
au-delà de l'effet de fait (sur cet effet, voy. supra, n ° 10.9).
1111La loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matière de prescription (Moniteur,
17 juillet 1998) dissocie la prescription de l'action civile de celle de l'action publique. Sur cette
question, il n'y a donc plus lieu de s'interroger sur l'effet d'une action publique introduite à l'étran-
ger.
Section 3
Efficacité des actes publics
§1 INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
Comp., en matière matrimoniale (infra, n° 12.90), la« reconnaissance» mise en place par le
1111
règlement« Bruxelles II».
L'acte authentique n'est pas défini par le règlement. Selon la Cour de justice, il s'agit
d'un acte établi entre particuliers et faisant l'objet de l'intervention de l'autorité publique
« ou de toute autre autorité habilitée par l'État d'origine» (C.J.C.E., aff. C-260/97, 17 juin
1999, Unibank, Rec., 1999, I-3715, Revue, 2000, 245, note G. DRoz). Il doit remplir trois
conditions (même arrêt, citant le rapportJENARD-MôLLER): l'authenticité doit être établie
par l'autorité publique, elle doit porter sur le contenu de l'acte, non pas seulement sur sa
signature, et il doit être exécutoire par lui-même.
1111 Ne revêt pas ce caractère un titre de créance privé, exécutoire selon le droit danois sans l'inter-
vention d'une autorité publique (arrêt Unibank précité).
462 RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
111Le règlement assimile à un acte authentique une convention alimentaire conclue devant une
autorité administrative ou authentifiée par elle (art. 57, § 2).
111! Sur la distinction entre transaction judiciaire et décision judiciaire, voy. supra, n ° 10.3.
Les seules conditions auxquelles la formule exécutoire est, dans un État membre,
apposée sur un acte authentique reçu par une autorité publique d'un autre État membre,
sont:
1 ° que l'acte produit réunisse les« conditions nécessaires à son authenticité dans l'État
d'origine» (art. 57, § 3, du règl., art. 50, al. 2, de la Conv.);
2 ° qu'il soit exécutoire dans le même État (art. 57, § ier, du règl., art. 50, al. 1cr, de la
Conv.;
3° que l'exécution de cet acte ne soit pas« manifestement contraire à l'ordre public de
l'État membre requis» (art. 57, § 1cr, du règl.; comp. art. 50, al. 1cr, de la Conv.).
P. GoTHOT et D. HoLLEAUX (précités n° 8.1), n° 410, précisent que l'octroi de la force exécutoire
1111
ne dépend pas d'une vérification de la validité de l'acte privé (negotiurn), en ce sens que si la validité
de l'acte est contestée, l'examen du moyen ne relève pas de la compétence du juge de l'exequatur
mais plutôt de celui qui est désigné par les règles de compétence directe (voy. supra, n'" 9.27 et s.) du
règlement ou de la Convention. Dans le même sens, H. GAUDEMET-TALLON, précité, n° 470.
Le caractère exhaustif de ces conditions implique que l'acte ne puisse pas se voir
opposer d'autres motifs de refus opposables à un jugement (C.J.C.E., aff. C-414/92, 2 juin
1994, Solo Kleinmotoren, Rec., 1994, I-2237,].L.M.B., 1995, 1176, note A. KoHL).
La dispense de légalisation dont bénéficient les jugements s'étend aux actes publics (implicite-
Ill!
ment, art. 57, § 4, du règl., art. 51, al. 3, de la Conv.). Voy. une application par: Cass. civ. (ire ch.),
12 janvier 1994, précité.
La procédure est celle qui est à suivre pour les décisions (art. 57, § 1cr, du règl.,
art. 50, al. 1er, de la Conv.) : cela implique que l'apposition de la formule exécutoire soit
sollicitée par requête adressée au tribunal compétent pour donner force exécutoire aux
jugements et que les mêmes voies de recours puissent être exercées contre la décision qui
s'est prononcée sur la requête et contre les décisions ultérieures. De plus, le requérant
doit déposer le certificat délivré par une autorité du pays d'origine, conformément au
règlement ou à la Convention, selon les conditions imposées pour la production d'une
décision aux fins de mise à l'exécution (art. 57, § 4, du règl.).
nisée par l'article K du traité sur l'Union européenne. Plus généralement, l'interdiction
d'exiger la légalisation d'actes émanant d'autorités des États membres découlerait du
principe de confiance mutuelle précité.
1111 Voy. en ce sens: C.J.C.E., aff. C-424/98, 25 mai 2000, Italie, Rec. (2000), 1-4001.
§2 LE DROIT COMMUN
10.56 - Reconnaissance et mise à exécution des actes publics - Le Code de droit inter-
national privé prévoit des dispositions particulières pour la reconnaissance et la force
exécutoire des actes publics et des transactions judiciaires étrangers (art. 27).
1111 Le Code comble ainsi une lacune. Précédemment, l'article 586, 3°, du Code judiciaire attribuait
au président du tribunal de première instance, saisi par voie de requête, compétence pour statuer
sur l'exequatur des actes authentiques autres que ceux énumérés au 2° - visa d'un acte d'hypothè-
que portant sur un immeuble situé à l'étranger - passés en pays étranger,« pour autant qu'il existe
avec ces pays un traité réglant l'exequatur de ces actes». Cette disposition avait curieusement sup-
primé l'exequatur des actes publics quand il n'est pas prévu par un traité international.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du Code judiciaire, la procédure et, par analogie, les conditions de
1111
l'exequatur des actes publics étrangers, étaient empruntées à l'article 10 de la loi du 25 mars 1876, à
savoir aux mêmes dispositions que celles affectant les décisions judiciaires.
La procédure à suivre est la même que pour les décisions judiciaires : la reconnais-
sance est acquise de plein droit, alors que la force exécutoire requiert une déclaration
préalable du tribunal de première instance. Le refus de reconnaissance de plein droit
ouvre la possibilité d'un recours selon la procédure valable pour la reconnaissance des
jugements.
1111Il en découle que la reconnaissance judiciaire suivra une autre procédure que si la validité de
l'acte est mise en cause dans un autre contexte. La proposition de loi ne prévoyait pas de disposi-
tion particulière, ce qui revenait à renvoyer à la procédure normale de la citation. La modification,
introduite par voie d'amendement (amendement n ° 21 du gouvernement) tend à faciliter l'accès à
EFFICACITÉ DES ACTES PUBLICS 465
Les conditions à vérifier sont, outre l'authenticité et, le cas échéant, la remise des piè-
ces exigées pour les jugements, la «validité» de l'acte « conformément au droit
applicable» en vertu du Code. Cette précision vise à indiquer que l'acte privé lui-même
(negotium) reste soumis au jeu de la règle de conflit de lois.
1111 Sur cette question en général, voy. supra, n ° 10.7.
10.57 - Force probante et effet de fait des actes publics - Le Code de droit internatio-
nal privé organise la force probante (art. 28) et l'effet de fait (art. 29) des actes publics
étrangers, comme il le fait pour les jugements: l'acte fait foi des constatations faites, sauf
preuve contraire, pourvu qu'il réponde aux formalités du droit du pays où il a été passé et
qu'il réunisse les conditions nécessaires à son authenticité.
De même, la légalisation des actes publics étrangers fait désormais l'objet d'une
explicitation, comme pour les jugements (art. 30 Codip; voy. infra, n ° 10.47).
Sur la légalisation des actes de l'état civil, voy. la circulaire du ministre de la Justice du 17 février
1111
La force probante interne peut être admise aux conditions indiquées pour les déci-
sions judiciaires (voy. infra, n ° 10.48) sous réserve de l'application de dispositions parti-
culières. Il faut que l'acte étranger en cause mérite la qualification d'acte public et que le
droit étranger en vertu duquel il a été dressé lui reconnaisse, comme en Belgique, une
force probante supérieure à l'acte sous seing privé.
La procédure de la contestation de la force probante est fixée par le droit du for, non
par le droit étranger. Il y a donc lieu de recourir à la procédure d'inscription de faux, non
sans quelque adaptation par rapport à celle qui affecte les actes internes. En effet, la pro-
cédure d'inscription de faux tend à aboutir, le cas échéant, à la rectification de l'instru-
ment déclaré faux, cette partie du dispositif étant mise à exécution grâce à une injonction
adressée au dépositaire de la minute. Toutefois, elle est inapplicable à un acte public
étranger, car les tribunaux de l'État requis sont incompétents pour accueillir l'inscription
de faux dirigée contre un officier public étranger. La procédure rencontre des obstacles
pratiques (impossibilité de se faire produire ou de soumettre à une expertise l'original
conservé à l'étranger) et, surtout, elle ne saurait se clôturer par une injonction adressée
au dépositaire étranger de la minute. Un expédient consiste à procéder à une transcrip-
tion préalable de l'acte étranger et à faire porter la procédure sur cette transcription.
Sur ce point, voy. notamment: F. R.IGAUX, « La force probante des écrits en droit international
1111
privé», Revue (1961), 77-80. Voy. aussi supra, n° 9.17. Voy. aussi en France: Cass. (1re ch. civ.),
20 mars 2001, Hassan, Revue (2001), 697, note H. Mum WATT, constatant que le juge du fond,
devant lequel était mise en cause la réalité même des énonciations faites par l'autorité publique qui
avait reçu un testament, ne pouvait que refuser d'annuler l'acte étranger ou d'adresser une injonc-
tion à l'autorité étrangère, en l'absence de transcription préalable.
CHAPITRE 11
LA PROCÉDURE DANS
LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
11.1 - Bibliographie
Bruxelles», Huissier de justice (1995), 149-169; M. EKELMANS, « La signification des actes judiciaires
dans les pays limitrophes», Rev. dr. comm. belge (1992), 826-836; ID.,« Le règlement 1348/2000 rela-
tif à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires »,].T. (2001), 481-
488; B. HESS,« Nouvelles techniques de la coopération judiciaire transfrontière en Europe »,Revue
(2003), 215-238; E. LEROY,« Le règlement (CE) n ° 1348/2000 relatif à la signification et à la notifi-
cation dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et
commerciale», Rev. not. belge (2001), 138-188; J. MEEUSEN, « Het Europees betekeningsverdrag:
snelheid, soepelheid en samenwerking ais troeven voor meer efficiënte betekeningsprocedures in
Europa », Rev. dr. comm. belge (1999), 597-603; P. MEIJKNECHT, « Service of documents in the Euro-
pean Union: The Brussels Convention of 1997 », Rev. eur. dr. priv. (1999), 445-457; F. R!GAUX, « La
signification des actes judiciaires à l'étranger», Revue (1963), 447-474; H. TAGARAS, « L'applicabilité
des Conventions de La Haye dans le cadre de la Convention de Bruxelles », Rev. belge dr. int. ( 1991 ),
479-490; H. VAN HouTTE, « Het ogenblik van de betekening bij dagvarding in het buitenland »,Rev.
dr. comm. belge (1996), 814-819; ID. (dir.), Het nieuwe Europese IPR: van verdrag naar verordening
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par un praticien du droit», Le droit processuel et judiciaire européen (Bruges, La Charte, 2003), 195-236.
c) Preuve
Ch. BRUNEAU, « L'obtention des preuves en matière civile et commerciale», ].C.P. (2001), I, 349;
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« The Hague Evidence Conventions and Discovery; A serious Misunderstanding? », I.C.L.Q.
(1986), 765-786; S. CORNELOUP, La publicité des situations juridiques, une approche franco-allemande du
droit interne et du droit international privé (Paris, LGDJ, 2003); Y. DEKETELAERE, « Le règlement 1206/
2001 en matière de preuves: vers la constitution d'un espace judiciaire civil européen »,Rev. gén. ass.
resp. (2002), n ° 13584; E. FoNGARO, La loi applicable à la preuve en droit international privé (Paris, LGDJ,
2004); L. FUMAGALLI, « La nuova disciplina comunitaria dell'assunzione delle prove all'estero in
materia civile», Riv. dir. int. priv. proc. (2002), 327-348; C. GAVALDA, « Les commissions rogatoires
internationales en matière civile et commerciale», Revue (1964), 1540; D. J. GERBER,« Extraterrito-
rial Discovery and the Conflict of Procedural Systems : Germany and the United States »,Am.].
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HESS,« Nouvelles techniques de la coopération judiciaire transfrontière en Europe», Revue (2003),
215-238; A. HUET, Les conflits de lois en matière de preuve (Paris, Dalloz, 1965); W. KENNETT, « The pro-
duction of evidence within the European Communiry »,Modern L.R. (1993), 342-360; D. LEBEAU et
M.-L. NrnoYET, « Regards croisés du processualiste et de l'internationaliste sur le règlement (CE) du
28 mai 2001 relatif à l'obtention des preuves civiles à l'étranger», Gaz. Pal. (2003), n ° 50, 6-19; M.
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juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou
commerciale», Le droit processuel et judiciaire européen (Bruges, La Charte, 2003), 271-294; C. McLA~
CHLAN, « The jurisdictional limits of disclosure orders in transnational fraud litigation », I.C.L.Q.
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2004) ; M. NEUT et L. DEMEYERE, « De grensoverschrijdende bewijsverkrijging binnen de Europese
Unie: Brengt verordening nr. 1206/2001 de verhoopte versoepeling teweeg? », R. W (2004-2005),
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Fr. TERRE,« Les conflits de lois en matière d'action en justice», Trav. Comité fr. dr. int. pr (1964-1966),
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ment européen relatif à la coopération entre les juridictions des États de l'Union du 28 mai 2001 :
une encrée en vigueur passée inaperçue»,]. T. (2004), 789-796; Th. VIGNAL, v «Preuve», Répert.
0
Dalloz (1999).
DÉLIMITATION DE LA PROCÉDURE 469
11.2 - Présentation - Les actes de procédure accomplis au cours d'un litige transfron-
tière peuvent susciter plusieurs questions particulières.
Consistant à cerner avec précision la notion de procédure, une première difficulté
tend à identifier ce qui relève strictement du fonctionnement de la juridiction, sans y
inclure tout processus de mise en œuvre de la règle de droit, telle la preuve des actes juri-
diques privés.
Une seconde série de questions affecte l'accès de l'étranger à la justice. La personne
n'ayant pas la nationalité de l'État du for est exposée à des entraves épargnées au national.
Une troisième série de questions concerne les formalités particulières qu'il convient
de respecter afin de communiquer un acte judiciaire à l'étranger.
Section 1
Délimitation de la procédure
§1 L'APPLICATION DU DROIT DU FOR
11.3 - Principe de territorialité au sens matériel- Le principe suivant lequel les tribu-
naux appliquent, à l'exclusion de toute autre, leurs propres règles de procédure est large-
ment admis. Il serait, d'après Meijers (précité n ° 2.1, 195), la plus ancienne règle de
conflit de lois connue, attestée avant 1235 par Jacobus Balduini. Le juge ne saurait appli-
quer le droit étranger que sur le fond du droit, ad !item decidendam, sa loi est seule applica-
ble à la procédure, ad !item ordinendam.
Il convient d'abord de préciser à quel titre le principe de territorialité régit la procé-
dure. Celle-ci se distingue à cet égard des règles de compétence juridictionnelle, territo-
riales au sens formel. Il serait oiseux de subordonner à la médiation d'une règle de conflit
de lois l'applicabilité de la disposition selon laquelle une autorité ou une juridiction éta-
tique se déclare internationalement compétente: l'acte par lequel l'agent d'un État se sai-
sit d'une situation émane directement d'une compétence ou d'un pouvoir qu'il ne saurait
tenir que de l'ordre juridique dont il relève. Au contraire, le rattachement des règles de
procédure au droit du for relève de la territorialité au sens matériel: il s'agit de savoir
quelles dispositions sont« applicables » au déroulement du procès. Au surplus, l'applica-
bilité de normes procédurales étrangères ne saurait être exclue a priori (voy. infra, n° 11. 7),
ce qui délivre de l'irritant problème de qualification, le caractère prétendu procédural
d'une telle situation n'étant pas un motif de l'écarter.
La mise en œuvre de la règle de conflit de lois rattachant en principe la procédure au
droit du for suscite deux séries de questions. Il faut d'abord déterminer ce qu'on entend par
procédure et ensuite mieux préciser la nature des règles de procédure que contient la lex fori.
11.4 - Portée du renvoi au droit interne - La référence au droit du for en tant que loi de
procédure est généralement conçue comme un renvoi au droit interne. Cette notion doit
être bien entendue et appelle quelques précisions.
En premier lieu, il faut réserver les dispositions de procédure insérées dans un traité
international et directement applicables par les juridictions étatiques. Il y a également
lieu de vérifier si, le cas échéant, telle règle du droit interne est compatible avec les princi-
pes énoncés par un instrument international établissant des droits fondamentaux.
470 LA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
Il! Outre la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, on songe au traité CE,
particulièrement aux dispositions sur l'interdiction de toute discrimination en raison de la natio-
nalité (arc. 12) ou sur l'interdiction d'entraves non discriminatoires aux échanges ou à la circula-
tion des personnes.
Pareille question s'est posée à propos de la procédure italienne d'injonction de payer, dont le béné-
fice est exclu lorsque le défendeur est domicilié à l'étranger. Cette mesure a été qualifiée d'entrave à
l'exportation au sens de l'article 29 CE, mais la Cour de justice a appliqué sa jurisprudence concer-
nant l'exclusion du contrôle communautaire des entraves purement aléatoires et indirectes
(C.J.C.E., aff. C-412/97, 22 juin 1999, ED, Rec., 1999, I-3845).
D'autres arrêts montrent clairement l'incidence du traité CE, en particulier à propos de la règle de
l'imposition d'une caution à l'étranger demandeur (voy. infra, n ° 11.21).
Parmi les règles de droit interne proprement dites, les règles ordinaires du procès
civil qui s'appliquent à tout litige quels qu'en soient les éléments d'extranéité doivent être
distinguées de certaines règles substantielles qui dérogent au droit commun de la procé-
dure par considération pour l'élément étranger typique qu'elles visent expressément.
Parmi les solutions de droit interne applicables à tout litige quelconque, on peut citer la forme
11!1
de l'introduction de la demande, le caractère oral ou écrit de la procédure, l'exigence d'un prélimi-
naire de conciliation, les délais et les conditions d'exercice des voies de recours.
Il!À titre d'exemple, voy.: Gand, 29 juin 1965, Pas. (1966), II, 196, soumettant aux formes prévues
par l'article 340,f, du Code civil l'introduction de l'action alimentaire non déclarative de filiation
d'un enfant allemand, bien que l'action fût régie, quant au fond, par le droit allemand.
Appartiennent aux règles de procédure spécialement adaptées aux particularités
d'une situation internationale et sont par conséquent des dispositions matérielles de
droit international privé (supra, n° 3.8) : la détermination des formes selon lesquelles la
citation doit être faite quand le défendeur réside hors du territoire du royaume (C. jud.,
art. 40, voy. infra, n° 11.24), l'allongement du délai de comparution lorsque la communi-
cation de l'acte judiciaire doit avoir lieu à l'étranger (C. jud., art. 55).
11.5 - Coopération internationale en matière de procédure - Le principe de territoria-
lité au sens formel qui guide la détermination de la compétence, complété du principe de
territorialité au sens matériel qui commande l'application du droit du for aux modalités
de fonctionnement de l'autorité étatique, implique une stricte limitation des devoirs de
procédure à l'intérieur des frontières de l'État du for.
De graves difficultés peuvent en découler, principalement lorsqu'il y a lieu de com-
muniquer un acte judiciaire à l'étranger ou de rassembler des éléments de preuve situés à
l'étranger, puisque l'autorité locale ne saurait être mise dans l'obligation de répondre à la
demande de renseignements ni, à plus forte raison, d'exécuter le devoir ou de satisfaire à
l'injonction qui lui viendraient de l'autorité d'un autre pays si un accord international
n'a pas prévu une coopération à cette fin.
Un règlement efficace de ces questions passe donc par la conclusion d'accords au
moins tacites.
Ill! Voy. une liste de tels accords, supra, n ° 8.40.
Il! Sur la communication des actes, voy. infra, n ° 11.24.
1111Ainsi, rien n'empêche le juge de choisir le délai de prescription dans le droit régissant le fond de
l'obligation ni de déterminer selon la même loi l'admissibilité des preuves. Si elle se généralise, une
telle solution favorise mieux l'harmonie des solutions (voy. supra, n° 3.12) qu'une application
extensive du droit du for.
1111Par exemple, le calcul d'intérêts judiciaires de nature indemnitaire, pour la période qui suie
l'assignation comme pour celle qui la précède, repose sur les critères établis par le droit applicable
au fond: Cass., 29 novembre 1990, R W. (1990-1991), 1270.
(2) Le deuxième principe encourage le juge à chercher dans un droit étranger ayant
avec la situation litigieuse un lien plus objectif que le pur rattachement procédural, la
solution d'une série de questions de droit qui forment autant de conditions d'applica-
tion d'une règle de procédure ou sont préalables au fonctionnement d'une institution
procédurale.
IllAinsi, la détermination de l'âge auquel on a qualité pour agir en justice dépend de la loi person-
nelle de la partie intéressée. La loi de la résidence décide si une habilitation est requise, mais, au cas
où celle-ci est conférée par le juge ou par l'aurorité, les formes de l'habilitation relèveront du droit
du for comme loi de procédure.
Voy. en ce sens un jugement déjà cité (n° 9.58) : le droit allemand détermine à partir de quel âge un
mineur allemand peut consentir lui-même à son adoption, il appartient au droit de la résidence de
décider en outre que ce mineur a besoin d'une autorisation de justice, mais celle-ci est donnée par
l'autorité belge que désignent les règles belges de compétence d'attribution et qui recourt aux for-
mes prévues par ses propres disposirions,procédurales.
On aura relevé l'analogie avec la solution donnée à une autre question préalable, concernant la
définition de l'état de minorité dont dépend la détermination de la compétence d'attribution selon
le droit belge (voy. supra, n° 9.57).
(3) La solution de principe ne fait pas obstacle à ce que la lex fori, en tant que loi pro-
cédurale, comble certaines la~unes que pourrait susciter une application mécanique du
droit régissant le fond. La lex fori remplit dans ce cas une fonction subsidiaire.
Un exemple classique déjà rencontré est l'application du délai de prescription du
droit du for quand le droit étranger déclare imprescriptible une action que le droit du for
soumet à un délai plus long que le délai de droit commun du droit applicable au fond
(voy. supra, n° 7.55).
11.9 - Droit applicable à la qualité et à la capacité pour agir - Le principe d'une limita-
tion stricte des questions procédurales à ce qui détermine le déroulement du procès, con-
duit à permettre l'application d'un droit étranger en ce qui concerne la capacité et la
qualité pour agir.
Le droit de l'État dont le demandeur a la nationalité ou, pour les personnes morales,
le droit applicable à la validité de leur constitution, détermine le droit d'ester en justice et
l'étendue de cette capacité, mais il appartient à la !ex fori de décider si un groupement
doit disposer de la personnalité juridique pour pouvoir agir. Par extension, le droit de
l'incapacité détermine la représentation en justice consécutive à une incapacité.
Pour une application de la loi contractuelle à la qualité pour agir du courtier d'assurance en
1111
tant que représentant de l'assuré, voy.: Anvers, 30 mai 1990,]ur. Anvers (1991), 126.
Pour la soumission de la capacité d'ester d'une personne morale au droit qui régit celle-ci, voy. :
1111
Bruxelles, 29 juin 1989,].T. (1989), 749, note L. VAN BUNNEN. Pour l'application du droit qui régit
une association de fait à l'attribution de la personnalité juridique, voy.: Cass., 11 janvier 1979, The
Marine Ins. Cy.,]. T. (1979), 464, Rev. gén. ass. resp. (1982), n ° 10530, concl.J. VELU. Plus généralement,
voy. le chap. 16.
La même solution vaut en droit communautaire, pour les litiges soumis à la compétence de
1111
pleine juridiction de la Cour de justice en vertu d'une clause compromissoire: C.J.C.E., aff C-77/
99, 11 octobre 2001, Oder-Plan Architektur, Rec. (2001), I-7355.
La qualité pour agir appelle une appréciation plus nuancée.
En ce qui concerne l'action «attitrée», à savoir la détermination du titulaire du
droit d'action, la qualité dépend du droit applicable au fond de la cause.
1111Il en est ainsi, par exemple, de la question de savoir qui, de la victime ou d'un ayant droit, a qua-
lité pour demander la réparation d'un dommage, ou de celle de savoir qui peut introduire une
action en recherche ou en contestation de paternité.
1111 Sur l'action oblique, voy. le chap. 14, infra, n ° 14.62.
'
La détermination du titre à agir peut encore se poser à propos d'une action intro-
duite par un groupement (syndicat, association), pour déterminer la représentativité du
demandeur. Savoir si un titre est nécessaire et quelles en sont les conditions d'attribu-
tion, dépend du droit de l'État dont relève ce groupement.
1111Ainsi, l'action collective introduite en Belgique par une association française de consommateurs
suppose que celle-ci puisse produire l'agrément octroyé conformément au droit français et qui con-
ditionne, selon ce droit, la représentativité de l'association. Cela signifie que cette association ne
doit pas, pour agir en Belgique, avoir obtenu l'agrément prévu par le droit belge.
Ill Cette question est distincte de celle de l'intérêt à agir, qui dépend de la lex fori (voy. supra, n ° 11.8).
La détermination du titre doit encore être distinguée de la détermination du droit
que le demandeur a qualité à faire protéger. Cette question-ci relève nécessairement du
domaine du droit applicable à la substance de la cause.
Ill Ainsi, une association de consommateurs devrait pouvoir intenter en Belgique une action col-
lective en réparation du dommage que prévoit le droit français, dès lors que ce droit serait applica-
ble à la cause en vertu de la règle de rattachement pertinente en matière de responsabilité civile non
contractuelle.
Ill Voy. plus généralement sur l'action collective: J.-Y. CARLIER, « Les actions collectives transfron-
tières. Rapport belge», Les actions collectives transfrontières des organisations de consommateurs (Zürich,
Schulthess, 1997), 45-68 ; M. FALLON, « An essay on the mutual recognition of group actions
(governmental, organisational or class actions) in cross-border consumer conflicts within the
European Community », Group Actions and the Defence ofthe Consumer Interest in the European Commu-
474 LA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
supra, n ° 7.7), n'est qu'un cas parmi d'autres du problème que suscitent en droit interna-
tional privé le calcul des délais et les conséquences qui découlent de leur transgression :
nullité de l'acte, forclusion, prescription extinctive.
Comme il appartient à la même loi de déterminer la durée du délai et les conséquen-
ces qui s'attachent à sa transgression, il serait erroné de faire varier selon la nature de cel-
les-ci la qualification (au sens donné à ce mot par Bartin) du délai lui-même, et surtout
d'en déduire une solution de conflit de lois.
1111Selon la théorie des qualifications, aurait un caractère procédural, le délai dont l'écoulement
fait obstacle à l'exercice d'une action en justice, tandis que le délai à l'expiration duquel l'obligation
est elle-même éteinte serait rattaché à la loi régissant cette obligation. En d'autres termes, la
méthode des qualifications renverse l'ordre des problèmes en prétendant subordonner le choix de
la loi compétente à la nature juridique propre à l'effet même prévu par cette loi.
11.12 - Les délais liés au déroulement du procès - Il ne paraît guère difficile de distin-
guer les délais de procédure, directement relatifs au déroulement de l'action, de tous les
délais qui, quelle que soit leur incidence sur ce déroulement, s'en laissent séparer. Seuls
les premiers sont impérativement fixés par la lex fori, tandis qu'il faut, en principe, ratta-
cher les seconds au droit applicable au fond.
1111Par exemple, l'effet interruptif de l'acte de citation dépend du droit applicable au fond, telle la
loi contractuelle, compétent pour fixer autant la longueur du délai de prescription que les causes
d'interruption. En revanche, la détermination des demandes pouvant être incluses dans l'acte
introductif d'instance dépend de la lex fori : il en est ainsi du point de savoir si une demande intro-
duite ultérieurement constirue une demande nouvelle (Cass., 29 novembre 1990, Billiet, Pas., 1991,
I, 321).
Cette interprétation stricte de la notion plus générale de loi procédurale (voy. supra,
n° 11.6) ne rattache à cette loi que les délais se rapportant immédiatement au déroule-
ment du procès.
Ill! Ont ce caractère :
- les délais d'attente ;
- les délais de citation (C. jud., art. 707 à 710) ;
- les délais qui fixent le temps dans lequel une partie doit conclure ou présenter ses moyens de
défense (C. jud., art. 747 et 748);
- les délais de forclusion pour l'exercice des voies de recours (C. jud., art. 1051) ou pour l'accom-
plissement de formalités liées à l'administration de la justice, tel le délai dans lequel il y a lieu de
requérir la transcription du dispositif d'un jugement de divorce (C. jud., art. 1275 et 1303).
En fixant ces délais de procédure, la !ex fori détermine aussi les conséquences qui
s'attachent à leur transgression.
11.13 - Les délais concernant le fond de l'action - Les délais qui ne se rattachent pas
directement au déroulement de l'action relèvent en principe du droit applicable au fond,
auquel il appartient de déterminer la durée du délai ainsi que sa nature : prescription
extinctive (avec les possibilités d'interruption ou de suspension que cela comporte), for-
clusion (ou délai fatal avec, le cas échéant, une intervention de la force majeure), extinc-
tion du droit lui-même.
476 lA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
Avec, parfois, des hésitations dans l'expression, la jurisprudence belge s'est nette-
ment prononcée en faveur d'une application restrictive de la !ex fori.
Ill Sont ainsi rattachés au statut de la personne intéressée :
- le délai dans lequel peut être introduite une action en recherche de maternité (Cass., 4 mai 1950,
Vigouroux, Pas., 1950, I, 624) ou de paternité (Civ. Charleroi, 12 janvier 1990,J.T, 1990, 662, con-
firmé par Mons, 25 juin 1991,].T, 1991, 744), ou une action en contestation de paternité (Civ.
Bruxelles, 20 février 1990, Pas., 1990, III, 93, Rev. gén. dr. civ., 1991, 86; 4 novembre 1998,J.T.,
1999, 583; Bruxelles, 23 avril 1998,]. T., 1999, 581);
- le délai d'exercice de l'action en désaveu (Civ. Verviers, 9 novembre 1953, j.T, 1954, 42; Civ.
Anvers, 16 novembre 1962, Pas., 1964, III, 52; Civ. Bruxelles, 12 novembre 1975, R.W, 1975-
1976, 1581);
- le délai d'exercice de l'action alimentaire non déclarative de filiation (Bruxelles, 13 juin 1964,
Pas., 1965, II, 184).
1111 De même, il appartient :
- au droit étranger régissant une lettre de change d'en régler la prescription (Cass., 14 juillet 1898,
Van Mill-Debly c. Ka/es, Pas., 1898, I, 274);
- à la loi contractuelle de déterminer les causes d'interruption de la prescription, tandis que la loi
procédurale détermine les actions visées par l'assignation (Cass., 29 novembre 1990, R. W, 1990-
1991, 1201; Trib. trav. Bruxelles, 16 février 2000, Chron. dr. soc., 2000, 548, évoquant le conflit
« insoluble» de qualifications) ;
- à la loi contractuelle plutôt qu'à la loi du for de déterminer le délai d'exercice d'une action en
paiement d'un arriéré de fret (Bruxelles, 21 octobre 1966,]ur. Anv., 1967, 25);
- au droit applicable à la responsabilité quasi délictuelle de fixer la prescription de l'action directe
contre l'assureur (Bruxelles, 3 novembre 1975,].T, 1976, 367) ou de l'action de la victime contre
le responsable (Bruxelles, 11 avril 1972, R. W, 1973-1974, 1212).
1111 En décidant que le droit allemand n'est pas contraire à l'ordre public en ce qu'il ne prévoit
aucun délai pour l'exercice de l'action alimentaire non déclarative de filiation, la Cour d'appel de
Bruxelles (13 juin 1964, précité) n'entend pas se prononcer sur l'imprescriptibilité de cette action,
mais soumettre la question au droit commun de la prescription.
Ill La détermination d'un délai spécial de prescription peut relever du concept de loi de police et
appelle alors, à ce titre, un raisonnement du conflit de lois emprunté à cette méthode. Voy. : Anvers,
8 juin 2004, Limb. Rechtsl. (2005), 24, note A. CLABOTS, supra, n ° 4.17.
Mélanges Pillet (1929), t. l''", 19-56; FAYEZ HAGE-CHAHINE, Les conflits dans l'espace et dans le temps en
matière de prescription (Paris, Dalloz, 1977) ; ID., « La vérité jurisprudentielle sur la loi applicable à la
prescription extinctive de l'obligation», Mélanges A. Weill (Paris, Dalloz, 1983), 303-324; P. HAY,
« Die Qualifikation der Verjahrung im US-Amerikanischen Kollisionsrecht », IPRax (1989), 197-
202; M. PHILONENKO, « La prescription extinctive en droit international privé», Clunet (1936), 259-
283, 513-546.
IllAinsi, la preuve d'un lien de filiation relève de la loi personnelle applicable à la validité de ce lien
(Bruxelles, 23 avril 1998,J. T., 1999, 581). Ou encore, la détermination du mode de preuve d'un fait
constitutif d'une faute quasi délictuelle, notamment l'établissement d'une présomption de faute,
dépend du droit applicable à l'action en responsabilité.
En revanche, la lex fori règle le mode d'administration de la preuve devant le juge, par
exemple le mode d'interrogation d'un témoin, ou la portée de l'attitude d'une partie face
aux allégations de l'autre partie. La même loi permet, le cas échéant, de s'opposer à
l'administration d'une preuve selon un mode qu'elle n'admet pas.
1111Voy. aussi, en droit communautaire: T.P.I.C.E., aff. T-172/01, 21 avril 2004, relatif à l'existence
d'une convention alimentaire au profit d'un fonctionnaire de la Communauté : à défaut de règle
matérielle en droit communautaire, le juge se réfère à la loi grecque qui régit la convention alimen-
taire après divorce pour permettre la preuve par témoins, tout en constatant que ce mode de preuve
est admis également en droit communautaire.
C'est aussi au droit du for qu'il appartient de fixer la force probante d'un acte public,
fût-ce avec une référence au droit de l'État où cet acte a été établi (voy. supra, n ° 10.57). En
revanche, la force probante d'un acte privé - savoir si le document présenté prouve, par
exemple, la réalité d'un échange de consentements qui y est constaté - relève du droit
applicable à cet acte.
IllEn matière de contrats, la preuve du consentement d'une partie relève de la loi contractuelle
mais cette partie peut invoquer une disposition plus favorable du droit de l'État de sa résidence
habituelle (voy. infra, n ° 14.55).
Contra: Bruxelles, 11 juin 2002, Rev. trim. dr. Jam. (2003), 329, qui, après avoir énoncé l'applica-
1111
11.16 - Preuve de l'existence d'un acte privé - La question de savoir si la preuve d'un
acte privé obéit ou non à un mode préconstitué (exigence d'un écrit, règle du « bon
pour» de l'article 1326 du Code civil) relève du droit applicable à la forme de l'acte.
L'interprétation alternative de la règle Locus regit actum autorise le recours à l'une des
formes admises, soit par le droit qui régit l'acte au fond, soit par le droit de l'État sur le
territoire duquel l'acte a été passé (voy. supra, n ° 3.32).
1111En matière de contrats, la Convention de Rome du 19 juin 1980 soumet la preuve de l'acte juri-
dique, alternativement, au droit du for ou au droit applicable à la forme, tantôt le droit du lieu de
conclusion, tantôt le droit qui régit le contrat au fond ·(art. 14, § 2; voy. infra, n ° 14.56). Le texte
précise toutefois que ce rattachement ne vaut que « pour autant que la preuve puisse être adminis-
trée selon [le mode ainsi autorisé] devant le tribunal saisi ». L'existence de présomptions légales ou
la répartition de la charge de la preuve obéit également au domaine de la loi qui régit le contrat au
fond (arc. 14, § 1er, de la Conv.). Comp. en France: Cass. (Fe ch. civ.), 5 janvier 1999, Ollanescu, Revue
(1999), 293, note A. HUET, évoquant l'alternative entre la loi du lieu de l'acte et la loi du for. ·
Pour un cas de preuve d'un mandat par la remise de fonds en vue de la construction d'une mos-
1111
quée en Arabie Saoudite, voy.: Civ. Liège, 30 novembre 1989,J.T. (1989), 78, écartant l'application
du droit belge et admettant celle du droit religieux.
IllSur la preuve du consentement en matière de filiation, voy. infra, n° 12.116 et 12.123; et sur la
détermination des modes de preuve, voy. infra, n ° 12.116.
Ill Sur les commissions rogatoires étrangères, voy. la circulaire du ministre de la Justice du 14 mai
1888 (Monit., 20 mai 1888).
Ill La Cour de cassation (25 mars 1898, Capochiani c. Guzzolini et crts, Pas., 1898, I, 126) a très nette-
ment distingué l'obligation pour l'autorité judiciaire belge saisie de la demande émanant du juge
étranger de vérifier sa propre compétence ainsi que « la conformité du service réclamé avec les
règles du droit», sans qu'il lui appartienne de rechercher « si l'exécution de la commission roga-
toire est opportune et en concordance avec les convenances internationales et les intérêts du pays».
Alors que le deuxième point fait l'objet d'une appréciation politique du gouvernement que le légis-
lateur a attribuée au ministre de la Justice, le pouvoir judiciaire peut, par la décision qu'il rend sur
la première question, refuser d'exécuter la commission rogatoire que le ministre l'autorise à accom-
plir sans l'y contraindre.
1111Le ministère public est compétent pour faire exécuter par le tribunal la commission rogatoire
émanant d'un tribunal étranger que le ministre de la Justice lui a transmise à cette fin (Civ. Bruxel-
les, 13 juin 1896, même espèce), sans que les plaideurs intéressés aient qualité pour relever appel
d'une décision à laquelle ils n'ont pas été parties (Bruxelles, 16 décembre 1896, même espèce, Belg.
jud., 1897, 321).
Ill Le procureur du Roi peut interjeter appel contre une ordonnance refusant de donner exécution
à une commission rogatoire émanant d'une autorité étrangère (Bruxelles, 25 avril 1956, Pas., 1957,
II, 107).
Section 2
La condition procédurale de l'étranger
11.19 - Principe d'assimilation au national - Hormis les règles de compétence judi-
ciaire fondées sur la nationalité belge du demandeur ou du défendeur (C. civ., art. 14 et
15 avant leur abrogation), et deux restrictions qui forment leur condition procédurale
propre (voy. ci-dessous), les étrangers ont toujours été soumis aux mêmes règles de com-
pétence et de procédure que les Belges.
Dès 1848, la Cour de cassation a tenu l'accès aux tribunaux du Royaume pour une
faculté du « droit des gens» dont aucun étranger n'est privé, et qui, au surplus, lui est
garantie par le principe constitutionnel d'égalité entre l'étranger et le Belge, sauf excep-
tion prévue par la loi. La règle doit être étendue à l'accès à toutes les autorités publiques
territoriales: officier de l'état civil, notaire, conservateur des hypothèques, receveur de
l'enregistrement, etc.
Sur l'accès des étrangers aux tribunaux belges, voy. : Cass., 3 août 1848, Flescher c. Valeriane, Pas.
1111
(1848), I, 358; 1er octobre 1880, Nys, Pas. (1880), 1,292. Dans la doctrine: LAURENT, r. rer, n'" 435 et s.
Le principe d'assimilation s'applique également aux personnes morales étrangères,
l'accès aux tribunaux leur étant assuré dans les mêmes conditions qu'aux personnes
morales correspondantes de droit belge, même si d'autres restrictions peuvent leur être
opposées, en vertu du droit applicable à la création et au fonctionnement de la personne
morale, ou encore du droit qui régit le fond de l'action (voy. infra, n° 16.27).
regard de l'action originaire (Civ. Bruxelles, 26 octobre 1987, J. T., 1988, 250; Bruxelles,
10 décembre 1996,].L.M.B., 1997, 1242, note G. DE LEVAL).
D'après la Cour de cassation, la règle a pour objet« de prémunir le justiciable belge,
ou le justiciable assimilé à ce dernier par l'article 13 [du Code civil], contre les pertes
480 LA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
pécuniaires que peut lui faire subir, par un procès sans fondement, un étranger n'offrant
pas de garanties, en Belgique, pour assurer le paiement des frais et des dommages et inté-
rêts auxquels il serait condamné» (Cass., 4 octobre 1965, Alhadeff,j.T, 1966, 148).
111 Pareille motivation explique pourquoi la jurisprudence a reconnu au Belge le droit d'exiger cau-
tion d'un établissement public étranger, alors même que celui-ci possédait des immeubles suffi-
sants en Belgique: étant insaisissables en vertu de l'immunité d'exécution dont jouissent les États
étrangers et leurs démembrements, ces biens ne peuvent pas constituer la garantie adéquate (Civ.
Bruxelles, 25 mars 1965,]. T, 1965, 332).
1111Est irrecevable pour défaut d'intérêt le pourvoi introduit contre une décision qui a rejeté
l'exception de caution, mais n'a pas condamné le demandeur aux frais ni à des dommages et inté-
rêts (Cass., 10 septembre 1987, Pas., 1988, I, 35, R W, 1987-1988, 1429, note]. ERAuw).
L'exception de caution doit être soulevée in limine litis et faire l'objet d'une décision séparée :
111
Mons, 15 octobre 1991, Pas. (1991), II, 191.
1111L'existence d'une réciprocité de fait dans le cas où l'État du demandeur n'exige pas de caution
est indifférente, puisque la caution vise à assurer l'exécution des pertes pécuniaires subies par le
défendeur au cas où le demandeur ne disposerait pas de biens sur le territoire (Liège, 25 novembre
2002,].T., 2003, 174).
Dès lors que le juge belge est appelé à apprécier l'exception au regard de l'état de fortune du
1111
demandeur, il n'y aurait pas de contrariété à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme :
Comm. Charleroi, 8 février 1994,].L.M.B. (1995), 21, note A. KOHL. En ce sens aussi: Comm. Mons,
2 novembre 2000, Rev. dr. cornm. belge (2001), 617, note C. RoMMELAERE, J. T (2001), 523, note M.
FALLON.
Serait contraire au principe de l'égal accès à la justice et, partant, à l'ordre public du juge requis, la
condamnation à une caution d'un montant prohibitif émanant d'une juridiction étrangère - dans
un pays ne connaissant pas cette exigence: Cass. (F" ch. civ.), 16 mars 1999, Pordea, Revue (2000),
223, note G. DRoz, dans le cadre de l'article 27 de la Convention de Bruxelles.
1111À propos de la protection du droit d'auteur, voy. l'interprétation donnée à l'article 4 de la Con-
vention de Berne dans sa version du 26 juin 1948 par: Civ. Bruxelles, 14 février 1997, Rev. gén. dr.
civ. (1997), 232.
tut des réfugiés et de la Convention de New York sur le statut des apatrides doit recevoir la même
interprétation. En ce sens, voy.: Comm. Bruxelles, 18 février 1987, Rev. dr. comrn. belge (1988), 324.
Sur l'interprétation plus restrictive de la jurisprudence française avant l'abrogation de l'article 16
du Code civil français, voy.: P. LAGARDE, v0 «Apatride», Rép. Dalloz (1999).
La question d'une extension de l'assimilation aux personnes en attente d'obtenir le statut d'apa-
1111
tride ou aux apatrides de fait s'est posée. Pour une appréciation in concreto lorsque le demandeur est
un apatride ne bénéficiant pas du statut administratif, voy. : Civ. Bruxelles, 9 décembre 1998,
].L.M.B. (2001), 486. De même, pour un candidat apatride dans son action contre l'État en vue
d'obtenir le statut: Bruxelles, 29 février 2000, Alg.]ur. Tijdschr. (2000), 242.
En revanche, les termes de l'article 17, alinéa 1er, de la Convention de La Haye, du 1er mars 1954,
1111
sur la procédure civile(« Aucune caution ni dépôt[ ... ] ne peut être imposé[ ... ] aux nationaux d'un
des États contractants [... ] ») n'impliquent que la seule dispense d'être condamné à fournir caution
comme demandeur. Voy. aussi l'article 9 de la Convention européenne d'établissement.
§2 L'ASSISTANCE JUDICIAIRE
11.23 - Extension du bénéfice de l'assistance judiciaire - L'article 667 du Code judi-
ciaire réserve aux Belges le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Toutefois, de nombreuses catégories d'étrangers peuvent se prévaloir d'une exten-
sion du bénéfice de l'assistance, en vertu du droit commun ou d'un traité international
(art. 668). Il s'agit de tout ressortissant d'un État membre du Conseil de l'Europe, de tout
étranger qui a, d'une manière régulière, sa résidence habituelle en Belgique et de tout
étranger dans les procédures prévues par la loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établis-
sement et l'éloignement des étrangers.
Ill De nombreux traités garantissent le droit à l'assistance judiciaire aux catégories d'étrangers qu'ils
désignent (voy. supra, n° 8.39). Un tel droit découlerait également implicitement du traité CE, selon
un raisonnement analogue à celui qui a été arrêté à propos de la caution de l'étranger demandeur.
482 LA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
1111 Voy. aussi !'Accord européen sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire, fait à
Strasbourg le 27 janvier 1977 (supra, n° 8.44) et le rapport explicatif concernant cet Accord, publié
par le Conseil de l'Europe.
La directive 2002/8 du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les
affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à
l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (J.O.C.E., 2003, L 26), oblige les
États membres à étendre l'aide judiciaire de manière non discriminatoire à toute
personne domiciliée ou résidant dans un autre État membre, qu'elle soit une ressortis-
sante d'un État membre ou une ressortissante d'un pays tiers en séjour régulier dans un
État membre. De plus, l'aide doit être «appropriée», de manière à garantir un accès
« effectif» à la justice.
Comme pour d'autres actes basés sur les articles 61 CE et s., le terme« État membre» s'entend
illl
de roue État membre à l'exception du Danemark.
Section 3
La communication des actes judiciaires
à l'étranger
11.24 - Droit commun - En l'absence de traité, le législateur localise fictivement sur le
territoire belge l'accomplissement des actes requis pour qu'une personne qui n'a, dans ce
pays,« ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus», soit régulièrement citée devant
un tribunal belge (C. jud., art. 40).
Deux hypothèses doivent être distinguées.
Soit le destinataire de l'acte possède, à l'étranger, un domicile. La communication
est alors faite par envoi postal.
1111Une copie de l'exploit est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à la poste au
domicile ou à la résidence à l'étranger « et en outre par avion si le point de destination n'est pas
dans un État limitrophe». « La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux servi-
ces de la poste contre récépissé de l'envoi dans les formes prévues au présent article» (art. 40,
al. 1er). Pour un cas de double envoi par avion et par la poste, voy. : Gand, 10 mars 2004, Rev. dr. jud.
(2004), 136.
L'envoi postal ne peut être effectué valablement que s'il n'est pas exclu par un instrument inter-
1111
national (voy. ci-dessous). En revanche, son irrégularité selon la loi du pays de destination - par
exemple en Autriche ou en Suisse - est indifférente.
Soit le destinataire n'a« en Belgique ni à l'étranger de domicile, de résidence ou de
domicile élu connus». La signification est alors faite au procureur du Roi (art. 40, al. 2).
Toutefois, ces deux formes exceptionnelles de signification seraient non avenues si la
partie à la requête de laquelle l'acte a été accompli connaissait le domicile ou la résidence
du signifié en Belgique ou à l'étranger (art. 40, al. 4).
Ce mécanisme repose sur la localisation ou la connaissance du domicile, deux élé-
ments qui ont soulevé des questions pratiques délicates.
illl Pour un exposé d'une jurisprudence abondante, voy.: H. BoRN et M. FALLON (précités n° 8.1).
1111L'article 40 vise à concilier deux exigences contradictoires, à savoir éviter des communications
abusives à l'étranger tout en gardant pour exceptionnelle l'hypothèse où la communication peut
être faite au procureur du Roi, puisque le procédé ne garantit nullement l'arrivée de l'acte à destina-
LA COMMUNICATION DES ACTES JUDICIAIRES À L'ITRANGER 483
tion. La situation du demandeur est donc délicate, car il lui appartient de faire une recherche qui
ne confine pas pour autant à une enquête (Civ. Liège, 22 mars 2004,j.L.M.B., 2005, 434). Elle l'est
encore davantage en cas de changement du domicile du défendeur à l'étranger. Normalement, le
risque d'un tel changement est à charge du demandeur (Cass., 8 septembre 1975, Verschueren c. Kat-
sar:z;yris, Pas., 1976, !, 36; 24 juin 1982, Welsh, Pas., 1982, 1, 1255). Il en va toutefois autrement lors-
que l'ignorance est imputable à la négligence du destinataire, auquel cas la communication au
procureur du Roi pourra être considérée comme régulière (Cass., 22 mai 1980, Wachskerz c. De Don-
der, Pas., 1980, !, 1168). Il en va de même lorsque le destinataire a communiqué une adresse impré-
cise ou inexacte (Cass., 15 décembre 1993, Pauwels, Pas., 1993, !, 1071) ou encore lorsque les
informations concernant un domicile à l'étranger n'indiquent qu'une pure éventualité (Cass.,
14 février 1995, Sea/ici, Pas., 1995, !, 179).
Sur ce que « l'adresse de référence » en Belgique est bien constitutive de domicile au sens de
l'article 40, voy.: Cass., 19 avril 2002,].L.M.B. (2003), 1000, note V. D'HUART.
!IllL'appréciation exacte du devoir de connaissance relève du juge du fond: Cass., 22 octobre 1987,
Pas. (1988), I, 211.
1111 Sur cette jurisprudence, voy. la chronique de H. BORN et M. FALLON (précités n ° 8.1).
Ces conventions concernent les « matières civile et commerciale». La définition de ces termes
1111
peut être délicate (comp. supra, n° 8.14, à propos du règlement« Bruxelles I »). Il convient en cout
cas de chercher à s'inspirer des travaux préparatoires. Ainsi apparaît-il que la Convention de La
Haye du 15 novembre 1965 ne porte pas sur une demande de sécurité sociale. Contra: Cass.,
30 septembre 1985, Pycke c. O.N.A.FTS., Pas. (1986), I, 89,jur. Liège (1986), 62, supra, n° 1.9.
1111 Avant l'adoption du Code judiciaire, voy. déjà en ce sens: Cass., 4 mars 1954, Pas. (1954), !, 577;
2 mars 1961, Pas. (1961), 721; 26 juin 1964, Pas. (1964), 1, 1155,].T (1964), 576, en ce qui concerne
la remise d'un exploit par le consul de Belgique à l'autorité compétente de l'État requis.
mination de la date incertaine, il appartient aux États d'instituer les mécanismes d'infor-
mation appropriés.
Dans les rapports belgo-allemands, il appartient au demandeur de prouver que l'autorité alle-
1111
mande compétente a envoyé un accusé de réception de l'acte (Cass., 19 mai 1982, Pas., 1982, I,
1102; 8 Juin 1988, Pas., 1988, I, 1202).
Lorsque la communication est faite en vertu de la Convention de La Haye du 15 novembre
111!
1965, celle-ci paraît supposer que la communication n'a lieu qu'au jour où le destinataire a été mis
en mesure de recevoir l'acte (art. 5 et 15). Voy. à ce sujet: M. FALLON, note sous Comm. Liège,
31 mars 1983,].T (1984), 21; Gand, 10 mars 2004, Rev. dr.jud. (2004), 136; plus généralement en
faveur de la remise au destinataire, F. RrGAUX, « La signification des actes judiciaires à l'étranger»,
Revue (1963), 465-467.
L'acte tend à établir une communication directe et rapide entre les entités - locales
ou centrales - désignées par les États membres, et à déterminer la date de l'accomplisse-
ment de la formalité malgré les différences entre les règles procédurales des États mem-
bres.
lili Le règlement ne s'applique pas« lorsque l'adresse du destinataire est inconnue» (art. F', § 2).
Le règlement contient également une disposition relative à la vérification, par le juge devant
1111
lequel le défendeur ne comparaît pas, que la communication a été faite en temps utile (arc. 19) en
des termes inspirés de l'article 15 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965.
L'acte est transmis« par tout moyen approprié» pourvu que l'intégrité et la lisibilité
du contenu soient préservées, et il est accompagné du formulaire type dont un modèle
figure en annexe du règlement (art. 4).
!IllD'autres moyens restent ouverts, soit ceux permis par d'autres instruments, pourvu qu'ils facili-
tent la communication et ne contreviennent pas au règlement (arc. 20), soit ceux qu'autorise le
règlement, par voie consulaire ou diplomatique (art. 12), par la poste à moins d'une réserve expri-
mée par l'État destinataire (art. 14), ou directement à la demande du requérant par les soins« des
officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l'État membre requis» - à
moins que l'État requis ne s'y oppose (art. 15).
' ,
REGLES SPECIALES
CHAPITRE 12
LA PERSONNE
ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Section 1
Observations générales sur le statut personnel
12.1 - Bibliographie générale
a) Monographies
S. ALDEEB et A. BoNOMI (dir.), Le droit musulman de la famille et des successions à l'épreuve des ordres ;uridi-
ques occidentaux (Zürich, Schulthess, 1999) ; D. BOULANGER et J.-L. BOURGEOIS, Notariat, relations com-
munautaires et internationales (Conférence de La Haye de droit international privé) (Bruxelles,
Bruylant, 1994) ; F. BOULANGER, Droit civil de la famille: Aspects internes et internationaux (Paris, Econo-
mica, 1990), 385 p. ; A. BUCHER, L'enfant en droit international privé (Bâle, Helbing & Lichtenhahn,
2003) ; Io., Le couple en droit international privé (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2004) ; F. CADET,
L'ordre public en droit international de la famille: étude comparée France-Espagne (Paris, L'Harmattan,
2005); A. CALVO CARAVACA, Estatuto persona/ y multiculturalidad de la familia (Madrid, Colex, 2000);
J.-Y. CARLIER, Autonomie de la volonté et statut personnel (Bruxelles, Bruylant, 1992) ;J-Y. CARLIER et M.
VERWILGHEN (dir.), Le statut personnel des musulmans - Droit comparé et droit international privé (Bruxel-
les, Bruylant, 1992); J. CARRASCOSA GONZALEZ, Matrimonio y eleccion de Ley (Grenade, Comares,
2000); J. DE BuRLET, Traité de l'état civil - Les relations internationales (Bruxelles, Larcier, 1987);
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir.), Internationalisation des droits de l'homme et évolution du droit de la famille
(Paris, LGDJ, 1996); A. ELGEDDAWY, Relations entre systèmes confessionnel et laïque en droit international
privé (Paris, Dalloz, 1971); I. FADLALLAH, La famille légitime en droit international privé (Paris, Dalloz,
1977); M.-C. FoBLETS, Les familles maghrébines et la justice en Belgique -Anthropologie juridique et immi-
gration (Paris, Karthala, 1994) ; Io. (dir. ), Femmes marocaines et conflits familiaux en immigration (Anvers,
Maklu, 1998); L. GANNAGÉ, La hiérarchie des normes et les méthodes du droit international privé. Etude de
droit international privé de la famille (Paris, LGDJ, 2001); P. GANNAGÉ (dir.), Le pluralisme des statuts per-
sonnels dans les États multicommunautaires (Bruxelles, Bruylant, 2002); D. HENRICH, Internationales
Familienrecht (Frankfort, Ver!. Standesamtswesen, 1989); M. HUNTER-HENIN, Pour une redéfinition du
statut personnel (Aix, PUAM, 2005); E. ]ACOBY (dir.), Les familles sans frontière en Europe, 101 e Congrès
des notaires de France (Assoc. Congrès Not. France, 2005); E. }AYME et H.-P. MANSEL, Nation und
Staat im Internationalen Privatrecht (Müller, Heidelberg, 1990); U. KôTTERS, Parteiautonomie und
Anknüpfungsmaximen - Ein Vergleich des deutschen und U.S.-amerikanischen internationalen Familien- und
Erbrechts (Frankfort, Lang, 1989); N. LOWE (dir.), Families across frontiers (La Haye, Kluwer, 1996);
J.-D. McCLEAN, Recognition offamily judgments in the Commonwealth (London, Butterworths, 1983);
J. NASIR, The status of women under Islamiclaw (Dordrecht, Nijhoff, 1994) ; C. RoCHAT, La dislocation du
statut personnel - Étude de droit international privé (Lausanne, Imp. Vaudoise, 1986) ; M. VERWILGHEN
(dir.), Nationalité et statut personnel (Bruxelles, Bruylant, 1984); N. WATTÉ, Les droits et devoirs respectifs
des époux en droit international privé (Bruxelles, Larcier, 1987).
490 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
b) Etudes générales
Outre les études mentionnées dans les bibliographies propres à chaque section de ce chapitre, voy. :
F. BALLION, « La pratique judiciaire et administrative et le droit maghrébin des personnes dans
l'arrondissement judiciaire de Bruxelles »,].].P (1989), 69-94; F. BoucKAERT, « Internacionaal pri-
vaatrecht en grepen uit de notariele praktijk. Ontleding van casussen », Tijds. Not. (1998), 322-343;
A. BUCHER, « La famille en droit international privé », Recueil des cours, vol. 283 (2000), 9-186 ; J. DE
CEUSTER et K. LENAERTS, « Het personen- en familierecht in het internationaal privaatrecht », Perso-
nen- en Familierecht (Anvers, Kluwer, permanent) ; J. DEPREZ, « Droit international privé et conflit de
civilisations - Aspects méthodologiques», Recueil des cours, vol. 211 (1988-III), 9-372; M. FALLON,
« Chronique de jurisprudence - Les conflits de lois relatifs à la personne et aux relations
familiales», Rev. trim. dr. fam. (1988), 193-246; ID.,« Une chronique anticipée du droit internatio-
nal privé de la famille (1980-2000) », Rev. trim. dr. fam. (1991), 475-494; M.-C. FOBLETS, « La femme
marocaine et sa loi en Belgique», Rev. dr. étr. (1991), 336-342; ID., « Conflits conjugaux et
immigration: libérer la femme marocaine musulmane malgré elle?», Ann. droit (1999), 45-68; ID.,
« Migrant women caught between Islamic family law ans women's righcs. The search for the appro-
priate 'connecting factor' in international family law », Maastricht]. eur. camp. L. (2000), 11-34 ;
P. GANNAGÉ, « La pénétration de l'autonomie de la volonté dans le droit international privé de la
famille», Revue (1992), 425-454; A. HEYVAERT, « De grenzen van de gezinsautonomie in de interna-
tionale openbare orde in België », RW (1981-1982), 2221-2242; ID.,« Het gelijkheidsbeginsel in
het Belgisch internationaal huwelijks-, echtscheidings- en afstammingsrecht », R W (1991-1992),
1194-1202 ; A. GIARDINA, « La Corte Costitutionale ed i rapporti personali tra coniugi ne! diritto
internazionale privato », Riv. dir. int. priv. proc. (1987), 209-226; E. ]AYME, « Diritto di famiglia:
società multiculturale e nuovi sviluppi del diritto internazionale privato », Riv. dir. int. priv. proc.
(1993), 295-304; C. KoHLER, « L'article 220 du traité CEE et les conflits de juridictions en matière
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« Le Code de droit international privé et les relations matrimoniales internationales», Rev. Div.
(2005), 49-60.
1111 L'application exclusive d'une des lois nationales consiste à déplacer le centre de gravité de la
relation vers une des parties et traduit ainsi l'objectif poursuivi par la règle de rattachement. En
droit belge, cette solution a été retenue en matière de régimes matrimoniaux (voy. infra, n ° 12.72) et
de filiation (voy. infra, n ° 12.115).
la validité d'un mariage peuvent se poser très longtemps après le moment adéquat pour
déterminer le facteur de rattachement, ce moment étant contemporain de la naissance
ou de la conclusion du mariage. En revanche, les événements qui scandent la vie des per-
sonnes, tels le mariage, le divorce, la conception et la naissance, ont des conséquences qui
se prolongent tout au long de la vie et parfois même au-delà. Ainsi, à la permanence et à
la mobilité de ces effets s'oppose le caractère instantané de l'acte juridique ou du fait
dont ils procèdent. La recherche de la loi la plus adaptée aux éléments actuels d'une
situation vaut pour la première série de problèmes, elle est moins convaincante à l'égard
de la seconde : que signifie cette actualité rétrospective, la prétention de soumettre un
acte juridique à la loi qui bénéficiait d'un lien plus effectif que celui qui pouvait se déga-
ger de la nationalité possédée à la même époque ?
Aussi, à l'égard de la validité des actes juridiques (mariage, reconnaissance d'enfant
naturel) ou de l'acquisition d'un état de filiation, la nationalité offre une stabilité et une
sécurité dont la résidence est privée, surtout s'il faut la localiser à une date reculée dans le
temps. En revanche, l'application subsidiaire de la loi du domicile est justifiée quand les
effets permanents d'une relation d'état unissant plusieurs personnes doivent être soumis
à une loi qui leur soit commune, qu'elles partagent ou non la même nationalité.
Ensuite, l'argument tiré du conflit des lois personnelles n'est pas adéquat quand la
question rattachée à la loi nationale fait l'objet d'une application distributive des lois en
conflit ou de l'application exclusive de l'une d'elles. À l'égard de ces questions, il n'y a pas
lieu de substituer la loi du domicile ou de la résidence pour ce motif
Ill C'est ainsi que les conditions de validité du mariage sont soumises aux lois nationales respecti-
ves des futurs époux, que l'établissement de la filiation est rattaché à la loi nationale de l'auteur,
que la capacité de chaque personne est soumise à sa loi nationale.
Enfin, l'argument tiré de l'adéquation du domicile à une politique d'intégration des
immigrés n'est pas toujours décisif, lorsque les personnes partagent la même nationalité.
Dans ce cas, l'application de leur loi nationale peut exprimer plus justement la réalité
d'une intégration, par exemple lorsque les membres d'une famille ayant la même natio-
nalité se sont expatriés ensemble ou lorsque deux immigrés de même nationalité se sont
mariés. Tant que les immigrés sont demeurés dans des familles homogènes partageant la
même nationalité, l'imposition d'un statut personnel en fonction du domicile risque,
selon ce qu'on peut juger de leur comportement, de ne pas répondre à un changement
profond de leur milieu culturel. Il appartient alors au législateur de décider d'une politi-
que consistant à privilégier, tantôt le sentiment individuel d'appartenance culturelle,
tantôt l'intérêt de l'État d'accueil à sauvegarder ses valeurs matérielles.
1111 Pour une analyse générale contemporaine du débat, voy. spécialement: A. BUCHER, « La famille
en droit international privé», Recueil des cours, vol. 283 (2000), 9-186 ; P. LAGARDE, « Nationalité et
droit international privé», Ann. droit (2003), 205-220.
1111 Sur le rôle de la nationalité comme critère de compétence, voy. supra, n ° 9.11.
1111Lors de sa session du Caire, l'Institut de droit international a, dans sa résolution sur La dualité
des principes de nationalité et de domicile en droit international privé (Annuaire, 1987, vol. 62-II, p. 290),
reconnu l'inopportunité de l'affirmation d'une prévalence d'un facteur sur l'autre, et a préconisé
une méthode de conciliation. Celle-ci recourt à une autonomie limitée de la volonté des parties en
matière de régimes matrimoniaux, de successions, d'effets personnels du mariage, de divorce et de
séparation de corps, le choix étant limité à la nationalité et au domicile. En outre, en cas de conflit
des lois personnelles, un principe de préférence est émis en faveur du facteur, de nationalité ou de
domicile, commun.
494 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
12.7 - Option de droit - Certains ont tenté de trouver un moyen terme entre le ratta-
chement du statut personnel à la loi nationale et son rattachement à la loi du domicile
ou de la résidence habituelle, par l'autonomie de la volonté offrant aux personnes le
choix de la loi applicable.
Pour une thèse favorable à une autonomie limitée de la volonté, notamment en vue de concilier
lilll
les conflits de civilisations entre systèmes confessionnels et laïques, voy. J.-Y. CARLIER, Autonomie de
la volonté et statut personnel (Bruxelles, Bruylant, 1992), et les références.
Un tel choix n'est cependant pas absolu, à la différence de ce que permet le principe
d'autonomie en matière de contrats.
lilll Pour une présentation générale, voy. supra, n° 3.21.
Il s'agit d'une option de droit pour l'une des lois, de nationalité ou de résidence
habituelle, que le législateur du for a préalablement déterminées, en fonction du degré de
proximité.
Ce choix doit aussi être encadré par des règles de forme.
De façon limitée, le Code introduit l'option de droit dans certains domaines du sta-
tut personnel (divorce, art. 55, § 2; régimes matrimoniaux, art. 49; successions, art. 79).
Sur cette question, plus généralement, voy. notamment: A. HEYVAERT, précité n° 12.1 ; M. FAL-
lilll
LON,« Variations sur le principe d'origine entre droit communautaire et droit international privé »,
Mélanges F Rigaux (Bruxelles, Bruylant, 1993), 187-221 ; !o.,« Les conflits de lois et de juridictions
dans un espace économique intégré - L'expérience des Communautés européennes », Recueil des
cours, vol. 253 (1995), 126 et s. ; M.-P. PULJAK, Le droit international privé à l'épreuve du principe commu-
nautaire de non-discrimination en raison de la nationalité (Aix-Marseille, PUAM, 2003), 451 p. ; F. R:rGAUX,
« Versorgungsausgleich' and Art. 12 EC : Discriminations based on the nationality and German
private international law », IPRax (2000), 287 et s.
dirions précitées. Dans ce cas, le mécanisme général de l'exception d'ordre public (supra,
chap. 7) permet d'écarter les effets de l'application de la loi étrangère à l'espèce.
12.9 - Substitution du domicile pour les réfugiés et les apatrides - Chaque fois qu'en
matière de statut personnel il est fait référence à l'application de la loi nationale, il y a
lieu, pour ce qui concerne le réfugié ou l'apatride, de substituer à cette loi celle de sa rési-
dence habituelle (art. 3, § 3, Codip).
lil Pour les cas relevant de ces dispositions, l'article 12, § 1er, de la Convention de Genève du
28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (loi du 26 juin 1953, Monit., 4 octobre 1953) et
l'article 12, § 1er, de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatri-
des (loi du 12 mai 1960, Monit., 10 août 1960) précisent qu'il convient d'appliquer à la personne
« la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile,[ ... ] la loi du pays de sa résidence». À la dif-
férence de ces conventions, le Code belge omet toute référence au domicile. De plus, il précise qu'il
s'agit de la résidence« habituelle» (sur ce qualificatif, voy. supra, n ° 5.67).
Cette substitution ne devrait concerner que le réfugié reconnu, dont la rupture avec l'État d'origine
est ainsi constatée, non le candidat réfugié en cours de procédure, encore qu'un débat puisse se
tenir a posteriori, en raison du caractère déclaratif de la décision de reconnaissance de la qualité de
réfugié.
lil Voy. une application à un adoptant réfugié, par Civ. Bruxelles, 17 novembre 1987, R. W ( 1989-
1990), 1062.
Comp. supra, n° 6.11, l'éviction de la loi étrangère normalement applicable aux réfugiés, en cas
1111
de combinaison d'un conflit mobile et d'un conflit transitoire; Paris, 5 juillet 1990, Rev. not. belge
(1991), 484, note F. BoUCKAERT.
La substitution a également lieu lorsque la détermination de la nationalité d'une
personne se révèle impossible (art. 3, § 4, Codip), dans le cas exceptionnel où la preuve
matérielle de la nationalité ne peut être apportée.
La substitution a pour effet d'assimiler au Belge la personne qui réside habituelle-
ment - ou, le cas échéant, est domiciliée - en Belgique. Aussi, pour l'interprétation
d'une règle de conflit désignant la loi nationale, des époux tous deux apatrides ou l'un
Belge et l'autre apatride, à condition que celui qui n'est pas belge ait en Belgique son
domicile ou sa résidence habituelle, sont réputés avoir une nationalité commune.
12.10 - Droit applicable aux effets d'un rapport boiteux - Un rapport juridique est dit
boiteux en matière d'état lorsque, par l'application de la règle de conflit de lois de l'État
du for, il est tenu pour valable dans cet État alors qu'il est tenu pour nul dans l'État dont
les personnes ont la nationalité. Cette discordance est la conséquence normale de la
disparité des règles de droit international privé et il ne peut y être remédié de manière
satisfaisante qu'au moyen d'une uniformisation des règles de cette branche du droit
international privé.
Cette situation soulève une difficulté au regard du système juridique du for. Chaque
fois qu'il y a lieu, pour celui-ci, de déterminer le droit applicable à un acte ou à un fait con-
sécutif au rapport boiteux, et que la règle de conflit du for désigne le droit de l'État qui
tient le rapport de base pour nul, il faut s'interroger sur la cohérence de cette désignation.
Ainsi, un mariage civil tenu pour valable en Belgique peut être considéré comme nul au Maroc,
1111
pays de la nationalité des parties. Faut-il soumettre à la loi marocaine les effets personnels de ce
mariage, en vertu de la règle de rattachement du for? Faut-il également y soumettre l'action en
divorce?
De même, un mariage peut être tenu pour valablement dissous en Belgique alors qu'il ne l'est
Ill!
pas à l'étranger: ce divorce peur être qualifié de« boiteux». Peut-on soumettre à la loi étrangère les
496 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1) exclut l'utilisation de l'exception liée au rapport boiteux, sous le
commentaire de l'article 46.
1111Le Code de droit international privé répond à la difficulté à propos des relations de vie com-
mune, dans le cas où la règle de rattachement en soumet les effets au droit d'un pays qui ignore
l'institution (voy. infra, n° 12.108, à propos de l'art. 60).
puissance publique (droit à une pension de survie, par exemple), l'état de majorité peut
avoir une incidence sur l'exercice de droits sociaux, un rapport de parenté est générateur
d'incompatibilités pour l'exercice de certaines fonctions publiques, etc. Le mariage et la filia-
tion ont également un effet sur l'acquisition ou la perte de la nationalité (infra, n ° 12.13).
Sur la nécessité de déterminer l'état de minorité en fonction de la loi nationale pour les besoins
1111
de l'application d'une règle de droit public, voy.: Cass., 25 novembre 1991, Polat, Pas. (1992-I), 224,
Rev. dr. étr. (1993), 317, note M.-C. FOBLETS.
L'incidence est également apparente sur la condition des étrangers. Lorsque le droit
communautaire ou le droit interne belge consacre le droit au regroupement familial, il
impose à l'autorité administrative (Office des étrangers, administration compétente pour
délivrer un permis de travail) l'obligation de reconnaître certains effets juridiques à des
relations d'état constituées selon le droit étranger. Inversement, l'exploitation abusive du
droit au regroupement familial peut inciter l'étranger à conclure un mariage fictif.
IllSur le droit au regroupement familial, voy. notamment: M. NYs, « Le droit au regroupement
familial: nouvelles dispositions légales», Rev. dr. étr. (1994), 3-26. Sur la reconnaissance d'un parte-
nariat étranger, voy. la directive 2004/38 du 29 avril 2004 (j.O.C.E., 2004, L 158), art. 2.
La mise en œuvre de la règle de droit communautaire ou de droit administratif
implique que soit résolue une question préalable de droit international privé. L'autorité
administrative doit vérifier selon les règles de conflit de lois exposées dans le présent cha-
pitre à quelles conditions une relation d'état a pu se constituer ou se modifier. En
d'autres termes, la détermination de la question d'état ne relève pas nécessairement de la
!ex fori, elle peut relever du droit étranger désigné par la règle de rattachement du for.
Il en va de même lorsque la contestation de l'état de la personne repose sur le soup-
çon d'une fraude à la législation relative aux étrangers.
L'autonomie des concepts de droit international privé implique que la détermina-
tion de la résidence habituelle de l'étranger ne dépende pas de l'octroi d'une autorisation
administrative préalable de séjour sur le territoire, dès lors que le concept vise une situa-
tion de fait. Ainsi, le Code belge précise, à propos de la définition de la résidence habi-
tuelle, qu'il s'agit du lieu de l'établissement principal « même en l'absence de tout
enregistrement et indépendamment d'une autorisation de séjourner ou de s'établir»
(art. 4, § 2, 1 °, Codip). En revanche, le« domicile» se définit par référence à une inscrip-
tion « sur les registres de la population, sur les registres des étrangers ou sur le registre
d'attente» (art. 4, § ier, 1 °, Codip ).
IllVoy. en ce sens: Bruxelles, 22 ocrobre 1996, Rev. trim. dr. fam. (1998), 46, à propos de la condition
de publication préalable au mariage.
1111 Comp., pour les besoins de l'application de la loi belge sur la nationalité : Cass., 16 janvier 2004,
].L.M.B. (2004), 900, note A. CHOMIK et z. MAGLIONI, Rev. dr. étr. (2004), 21, note A. DETHEUX, énon-
çant que la condition de résidence de sept ans posée par la loi sans autre précision exclut l'exigence
supplémentaire d'une autorisation administrative de séjour; contra, art. 299 de la loi-programme
du 27 décembre 2004 (Monit., 27 décembre 2004).
12.12 - Voies d'action contre l'autorité administrative - L'étranger qui se prétend vic-
time d'une erreur d'appréciation commise par l'autorité administrative compétente a le
choix entre deux voies d'action.
Il peut attaquer l'illégalité de la décision administrative lui ayant refusé la jouissance
du droit qu'il prétendait déduire d'une relation d'état. À cette occasion, la juridiction
administrative pourra contrôler si l'acte attaqué a fait une correcte application des règles
498 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
du droit international privé belge. Il arrive, par exemple, que l'Office des étrangers refuse
de délivrer une autorisation de séjour à un étranger pour cause de simulation de mariage
ou de polygamie, ou à une femme marocaine pour le motif que celle-ci a été répudiée. Si
l'acte de répudiation n'a pas encore fait l'objet d'un exequatur ou d'une reconnaissance
par une juridiction civile belge, l'appréciation de l'Office des étrangers est elle-même sou-
mise au contrôle de légalité du Conseil d'État. La décision administrative doit être annu-
lée si elle n'a pas correctement appliqué les règles du droit international privé belge.
1111 À propos d'une union polygamique, voy. C.E., 9 juillet 1986, cité infra, n° 12.43.
La deuxième voie d'action consiste à saisir la juridiction civile, selon les cas, d'une
action en opposabilité ou d'une action tendant à faire déclarer inopposable en Belgique
l'acte ou la décision de l'autorité étrangère, sur lequel repose l'acte administratif belge. Si
une décision devait intervenir sur une telle action avant que la juridiction administrative
ne se fût prononcée sur le recours introduit devant elle, il faudrait admettre que l'auto-
rité de la chose jugée au civil s'impose à la juridiction administrative. L'inverse n'est sans
doute pas vrai car, dans l'exemple donné ci-dessus, le Conseil d'État se serait borné à
trancher une question préalable de droit civil, dans les limites du litige administratif qui
lui aurait été déféré, sans que le jugement sur cette question pût régler de manière défini-
tive l'état des personnes.
1111 Sur l'action en opposabilité ou en inopposabilité, voy. supra, n° 10.42.
12.14 - La thèse nationaliste - Une première manière de résoudre les questions préala-
bles de statut personnel liées à la détermination de la nationalité belge consiste à les sou-
mettre systématiquement au droit matériel belge, en considérant que les concepts utilisés
dans la loi belge sur la nationalité ne peuvent être définis que par référence aux disposi-
tions de ce droit.
Cette solution a été retenue:
(1) au XIXe siècle, par la Cour de cassation, qui considéra que« l'application des lois
personnelles étrangères [était] de nature à compromettre un intérêt national belge» et
ajouta qu'il y avait un intérêt national « à ce que le droit de réclamer la qualité de Belge ne
soit pas organisé sur une base variable et ne soit pas subordonné à l'arbitraire des souve-
rainetés étrangères» (Cass., 19 février 1878, Belg.]ud., 1878, col. 321).
ÜBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LE STATUT PERSONNEL 499
(2) par la doctrine belge commentant les lois coordonnées de 1932. Le premier
auteur qui publia un commentaire sur ces lois, R. Standaert, fonctionnaire au ministère
de la Justice, estimait que: « Dès qu'il intervient un élément belge ou qu'il s'agit de la
nationalité belge, la majorité, la minorité, la filiation, la reconnaissance, la légitimation,
etc., dont il est question dans nos lois sur la nationalité sont déterminées par les notions
de droit civil belge. »
1111 Pour justifier cette vue nationaliste, Standaert reprit l'idée de la Cour de cassation en se laissant
influencer par la terminologie utilisée dans les années trente dans une partie de l'Europe. Selon cet
auteur, « Les lois sur la nationalité relèvent du droit public; elles régissent la conservation et le
développement de la race ; elles associent l'individu à la vie de la nation. » Et d'ajouter: « En consé-
quence, il ne peut appartenir à la loi étrangère qui n'est basée ni sur nos us et coutumes, ni sur
notre mentalité, de conférer à un individu des droits aussi importants que ceux qui naissent de la
nationalité» (R. STANDAERT, La nationalité belge, 30 et s., n'" 27 et s. ; ID., « La nationalité belge »,
Novel/es - Droit civil, t. F', 1938, 49 et s., n')S 38 et s.).
1111 Cette thèse et sa justification furent reprises telles quelles par une doctrine unanime pendant
près de quarante ans.
(3) par le ministre de laJustice, dans une circulaire du 4 mars 1982 (Monit., 17 mars
1982).
1111 Sur cette circulaire et les critiques qu'elle suscite, voy. M. VERWILGHEN, Le Code de la nationalité
belge (Bruxelles, Bruylant, 1985), 250 et s.
Cette thèse repose sur une erreur d'argumentation. La Cour de cassation considérait
à tort que l'éviction du droit étranger s'imposait pour sauvegarder le principe de la souve-
raineté de l'État dans la détermination de ses nationaux, alors que l'empire de la loi
étrangère s'arrêtait aux limites de la question préalable de statut personnel. Et c'est parce
que le législateur lui-même commandait l'applicabilité du droit étranger, par le biais de
la règle belge de rattachement, que ce droit tranchait les problèmes d'état des personnes.
La qualité de Belge n'était aucunement subordonnée à une souveraineté étrangère,
même non arbitraire. C'est le législateur belge qui fixait lui-même les conditions requises
pour être Belge. C'est lui qui retenait, parmi les éléments des hypothèses légales, des critè-
res liés au statut personnel. C'est lui encore qui admettait, dans ce cas, l'applicabilité des
normes matérielles étrangères.
12.1 S - La thèse internationaliste - Déjà au XIXe siècle, la volonté du législateur fut
d'appliquer la loi nationale des enfants désireux de devenir Belges après dix-huit ans,
pour régir les habilitations requises. Cette thèse revient à respecter le jeu des règles de
conflit de lois pour régler la question d'état préalable à la détermination de la nationalité
belge.
!Ill Les travaux parlementaires préparatoires à la loi du 16 juillet 1889 (Monit., 16-17 août 1889,
Pasin., 1889, 313) attestent cette volonté du législateur. De même, dans un rapport sur le projet
appelé à devenir la loi du 8 juin 1909, le député Léon Mabille formula cette thèse internationaliste
en des termes excellents. Il rappela la position de la Cour de cassation, mais sans l'approuver (voy.
les débats reproduits in Pasin., 1909, 129).
La jurisprudence belge postérieure à l'entrée en vigueur des lois coordonnées de
1932 n'est guère abondante, mais elle n'a pas hésité à trancher la question préalable en se
fondant sur le statut personnel de l'individu en cause.
1111 Civ. Courtrai, 6 décembre 1963, Pas. (1964), III, 14; Civ. Hasselt, 18 mars 1964, Pas. (1965), III,
25; Civ. Bruxelles Ueun.), 2 octobre 1968,].T (1969), 13; Civ. Liège, 22 mars 1974,Jur. Liège (1974-
1975), 219; Civ. Liège, 29 avril 1971,]. T (1971), 611.
500 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Quant à la Cour de cassation, si elle n'a plus eu l'occasion de statuer sur la loi applicable à une
1111
question préalable liée à la nationalité belge, il est intéressant de relever sa position dans un
domaine voisin: par un arrêt du 24 janvier 1977 U.T., 1977, 410), elle a appliqué la loi personnelle
d'un étranger à une question de droit civil préalable à la mise en œuvre de dispositions de droit
pénal.
Le législateur de 1969 opta en faveur de la solution internationaliste en introduisant
un article 3bis dans les lois coordonnées, relatif aux effets sur la nationalité de la légitima-
tion par adoption.
On lisait, en effet, dans les travaux préparatoires que « les termes · légitimation par adoption'
1111
pouvant ne pas se retrouver dans une législation étrangère qui devrait être consultée, il conviendra de
rechercher si une adoption passée à l'étranger par un étranger en faveur d'un enfant belge répond,
dans ses effets, au nouveau concept belge de légitimation par adoption» (cité in Pasin., 1969, 222).
Ces termes montrent que la volonté du législateur n'était pas de se référer exclusivement aux défini-
tions de droit civil belge, mais de respecter le statut personnel des étrangers désigné par la règle
belge de conflit de lois.
Dans la doctrine, majoritairement favorable à la thèse internationaliste, voy. notamment: J. DE
1111
questions préalables. Or ce droit comprend à la fois des règles matérielles et des normes de conflit
de lois ou de juridictions. Lesquelles choisir? Le ministre ne se prononce nettement qu'à propos
des questions préalables de filiation adoptive: il opte résolument, dans ce cas, en faveur de la solu-
tion internationaliste : l'article 9 du Code de la nationalité s'applique aux adoptions - quelle que
soit leur dénomination - valablement faites à l'étranger dans les formes locales (en vertu de l'adage
Locus regit actum, voy. infra, n° 12.126) et selon les lois applicables au fond.
IllDans la circulaire du 30 juillet 1985 complétant la précédente (Monit., 1er août 1985), le ministre
décide que« par droit belge, pour les questions d'état et de capacité préalables à la question de natio-
nalité belge, il faut entendre, en principe du moins, le droit interne belge ». L'embarras ministériel
réapparaît donc, comme en témoigne l'incise(« en principe du moins»).
Section 2
L'identification des personnes physiques
§1 LES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL
12.17 - Bibliographie
J. DE BuRLET, Traité de l'état civil, t. II, Les relations internationales (Bruxelles, Larcier, 1987) ;J.-F. FLAUSS,
« État civil et droit communautaire», Mélanges Sturm (Liège, Ed. Univ., 1999); F. GRANET,
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ger en droit international privé (Paris, LGDJ, 1993); ID., « L'acte quasi public en droit international
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agents diplomatiques et consulaires en matière notariale et d'état civil», Mélanges]. Baugniet
(Bruxelles, ULB, 1976), 637-705; J. VAN DE VELDE, État civil international (Bruges, Vanden Broele,
502 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
Voy. aussi les ouvrages suivants de droit matériel contenant des indications sur les conflits
d'aurorités : CENTRE DE DROIT DE LA FAMILLE DE L'U.C.L., Traité de l'état civil, t. rer, Les relations internes
(Bruxelles, Larcier, 1978); H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. rer (1962), n° 5 379-473;
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WouTERS, Guide pratique de l'officier de l'état civil en Belgique (12e éd. mise à jour au 1er mars 1963,
Bruxelles, 1963); F. PHILIPPART et J. M. LEBOUTTE, État civil, Funérailles, Sépultures (Bruges, Vanden
Broele, feuilles mobiles).
De plus, le Code énonce, pour chaque matière d'état, des dispositions particulières
permettant de fonder la compétence internationale des juridictions belges. En outre, à
défaut de telles dispositions, une règle résiduelle leur attribue compétence lorsque laper-
sonne réside en Belgique ou est belge lors de l'introduction de la demande (art. 32).
12.19 - Compétence des autorités diplomatiques en matière d'état civil - Les autorités
diplomatiques et consulaires belges disposent de compétences en matière d'état civil,
organisées par la loi du 12 juillet 1931 (Monit., 31 juillet 1931). Cette attribution appelle
les distinctions suivantes :
(b) Une règle générale de compétence d'attribution opère une distinction entre les
agents diplomatiques et les consuls. Ces derniers doivent avoir reçu une attribution spé-
ciale du ministre des Affaires étrangères (art. 2).
Voy. les arrêtés ministériels du 29 août 1984 (Monit., 28 septembre 1984), du 10 avril 1985
Ili
(Monit., 8 mai 1985), du 14 juin 1989 (Monit., 17 août 1989) et du 24 avril 1992 (Monit., 8 mai 1992).
(c) Des règles spéciales déterminent la compétence des autorités en certaines matiè-
res, comme la reconnaissance d'enfant naturel (art. 6) ou le mariage (art. 7). Elles préci-
sent à l'égard de quelle(s) personne(s) le critère de la nationalité doit être satisfait.
1111 Sur ces matières particulières, voy. infra, n° 5 12.49 et 12.111.
12.20 - Application de la règle Auctor regit actum - L'officier de l'état civil a l'obligation
de respecter les formalités prévues par la loi de l'État qui l'a institué (voy. supra, n ° 3.34). Il
ne saurait donc recevoir un acte ni effectuer une mention que la loi belge n'organise pas.
Ili Ainsi, l'attribution du nom est un effet de la loi, le cas échéant de la loi étrangère désignée par la
règle de rattachement belge (voy. infra, 12.28), et il n'appartient pas à l'officier de l'état civil de pré-
juger l'opération de la loi par une mention que le législateur n'a pas prévue.
Jusqu'à la modification de l'article 57 du Code civil par la loi du 30 mars 1984, il était illégal d'attri-
buer un nom au nouveau-né dans son acte de naissance, et il y avait donc lieu d'ordonner, comme
l'a fait le tribunal civil de Nivelles (24 octobre 1967, Rec. jur. trib. civ. Niv., 1969, 71), la rectification
de l'acte de naissance d'un enfant portugais auquel l'officier de l'état civil avait expressément con-
féré un nom de famille déterminé selon les règles du droit portugais.
Ili Sur les formalités du mariage, voy. infra, 12.47.
IllSur la compétence des autorités administratives pour l'enregistrement d'une cohabitation
légale et son incidence sur la loi applicable, voy. infra, n ° 12.108.
Ainsi, la circonstance qu'un acte étranger contient des mentions insolites ne suffit pas à le faire
écarter: « de toute manière, il est impossible de supposer, comme l'intimé le fait, que, pour les
besoins de la cause, les autorités russes compétentes auraient délivré des faux » (Bruxelles, 9 janvier
1974, Pas., 1975, II, 67).
Même irrégulier, l'acte de l'état civil dressé à l'étranger n'est pas privé de toute force probante, et s'il
constate un fait matériel (naissance, décès) « il peut au moins constituer une présomption grave
recueillie par le juge du fond» (concl. procureur général MERLIN précédant Civ. req., 10 mars 1813,
reproduit par MERLIN, Répertoire, v0 «Émigration», § XVIII).
Le tribunal de Bruxelles a admis, à titre de présomption concourant, avec d'autres pièces, à rappor-
ter la preuve du décès, un bulletin de décès portant le sceau de la ville française d' Armentières, mais
non signé (21 août 1915, Pas., 1915-1916, III, 85).
504 lA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
Ill Sur la force probante des actes de mariage, voy. infra, n° 12.51.
IllSur la force probante d'un acte de nororiété, voy.: Civ. Liège, 12 octobre 1973,]ur. Liège (1973-
1974), 139. Un acte de notoriété peut suppléer à l'impossibilité de disposer d'un acte de naissance,
en matière de nationalité et de mariage.
111 Sur la reconnaissance des livrets d'état civil, voy. la Convention du 5 septembre 1990, Riv. dir. int.
priv. proc. (1994), 206, non en vigueur en Belgique.
111 Sur la validité d'un acte de reconnaissance d'un enfant naturel conforme aux formalités du
droit du pays de sa réception, voy.: Civ. Arlon, 9 juin 1995,]. T (1996), 177, par application de
l'article 47 C. civ., précisant que la question soulevait une question de validité plutôt que d'effica-
cité.
De plus, l'acte doit normalement faire l'objet d'une légalisation (art. 30 Codip; voy.
supra, n ° 10.47), sauf si un instrument international en prévoit la dispense.
111Sur la légalisation des actes de l'état civil, voy. la circulaire du ministre de la Justice du 17 février
1993 (Monit., 27 mars 1993).
Dans le contexte particulier de l'Union européenne, l'acte établi dans un autre État
membre doit recevoir le même traitement qu'un acte établi dans l'État du for, chaque fois
qu'un traitement moins favorable est de nature à constituer une entrave à une liberté de
circulation instituée par le traité CE. Même si, en l'absence de règles communes sur la
reconnaissance des décisions étrangères en matière d'état civil analogues à celle qu'orga-
nise le règlement« Bruxelles I », la rectification d'actes nationaux et étrangers ne doit pas
faire l'objet d'un traitement équivalent, il y a lieu de respecter le certificat étranger à
moins que son exactitude ne soit ébranlée ultérieurement par des indices concrets se
rapportant au cas individuel (C.J.C.E., aff. C-336/94, 2 décembre 1997, Dafeki, Rec., 1997,
1-6761, Rev. dr. étr., 1999, 83, note S. FRANCQ, Revue, 1998, 329, note G. DRoz, supra,
n° 10.57).
12.22 -Transcription sur le registre de l'état civil de décisions et d'actes étrangers rela-
tifs à des Belges - La transcription d'un acte de l'état civil (à ne pas confondre avec la
transcription du dispositif de certains jugements) est la copie intégrale de cet acte sur les
registres d'une commune à l'égard de laquelle la personne intéressée présente le rattache-
ment territorial défini par la loi.
La transcription a notamment pour effet de centraliser les actes de l'état civil dres-
sés, soit par des autorités extraterritoriales, soit par des autorités étrangères. Ces deux
hypothèses doivent être distinguées.
(a) La transcription d'un acte dressé par une autorité extraterritoriale tend simple-
ment à assurer la coordination de diverses autorités belges.
L'article 8 de la loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l'état civil et à la
compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière d'état civil prescrit
qu'une copie de tout acte d'état civil dressé par ces agents « sera transcrite, à la diligence
du ministre des Affaires étrangères, dans les registres de l'état civil de la commune belge
dans laquelle la personne que l'acte concerne a eu son dernier domicile dans le
royaume». L'acte de mariage est transcrit au lieu du dernier domicile de chacun des
époux (art. 8, al. 2).
La loi a également prévu la transcription des actes dressés par d'autres autorités bel-
ges instrumentant hors du territoire national: commandants de navires et d'aéronefs,
actes dressés aux armées, etc.
L'IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES 505
(b) En ce qui concerne les actes dressés par une autorité étrangère, la loi ne prévoyait,
jusqu'à l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, que la transcription de
l'acte de mariage du Belge, reçu par une autorité étrangère, mais cette disposition a été
abrogée par le Code (voy. infra, n° 12.50). Celui-ci a toutefois rétabli l'article 48 du Code
civil, abrogé par la loi du 15 décembre 1949, ouvrant au Belge la faculté de demander la
transcription d'un acte de l'état civil le concernant, sur les registres de la commune de
son domicile ou de son premier établissement après son retour. Pareille transcription est
indispensable si l'acte doit être rectifié (infra, n° 12.24).
Ill Pour une interdiction faite à l'officier de l'état civil de refuser de transcrire les actes relatifs à
l'état civil des Belges, dressés par une autorité étrangère, voy. la circulaire du ministre de la Justice,
du 10 février 1939, Revue communale (1939), 218.
Ill Certains textes qui ordonnent une transcription dans les relations internes sont appliqués, par
analogie, aux relations internationales : ainsi, l'acte de décès dressé à l'étranger est transcrit sur les
registres de la commune belge du lieu du domicile du défunt (voy. les articles 80 et 82 du Code
civil).
La formalité de la transcription requiert la vérification préalable des conditions qui
président à l'octroi, selon les cas, de la reconnaissance ou de la force probante de l'acte
(art. 31 Codip). Pour un jugement, elle ne requiert certes pas de déclaration judiciaire
préalable mais bien la vérification qu'aucun des motifs de refus prescrits par l'article 25
du Code ne s'oppose à la reconnaissance. Pour un acte, il faut vérifier sa validité au regard
du droit désigné par la règle de rattachement belge ou, pour un acte constatant un fait
matériel, comme la naissance ou le décès, sa force probante.
IllLe dépositaire du registre auquel la transcription est demandée peut uniquement, « en cas de
doute sérieux», demander l'avis du ministère public pour qu'il procède, si nécessaire, à des vérifica-
tions supplémentaires (art. 31, § 2, al. 3, Codip).
IllLe ministre de la Justice peut« établir des directives visant à assurer une application uniforme
des conditions» que le dépositaire du registre est tenu de vérifier (art. 31, § 2, al. 2, Codip).
12.24 - Rectification d'un acte de l'état civil dressé à l'étranger - La rectification est
une modification apportée par voie d'autorité aux actes de l'état civil incorrects, erronés
ou irréguliers. En droit belge, ces actes sont rectifiés par le tribunal de première instance
(C. jud., art. 1383-1385).
La rectification des actes de l'état civil dressés par un agent diplomatique ou par un
agent consulaire exerçant les fonctions d'officier de l'état civil est attribuée au tribunal de
première instance de Bruxelles (art. 11, al. 2, de la loi du 12 juillet 1931).
La rectification d'un acte dressé par une autorité étrangère soulève un problème par-
ticulier. Le contenu essentiel du dispositif de rectification est l'injonction adressée par le
juge à l'officier public. Grâce aux formalités de la transcription de ce dispositif sur les
registres et à la mention faite en marge de l'acte rectifié, le juge contraint le détenteur du
registre à délivrer des extraits corrigés ou complétés conformément à ses prescriptions.
Or, pareille injonction ne peut pas être adressée par un tribunal belge à un officier de
l'état civil étranger (voy. supra, n ° 9.17).
Sous la pression de nécessités pratiques, il a été admis que les tribunaux d'un État
rectifient un acte de l'état civil relatif à un ressortissant du même État, pourvu que, si cet
acte émane d'une autorité étrangère, il ait été préalablement transcrit sur les registres de
l'État du for. Cette pratique est irréprochable à la double condition :
- d'assigner pour objet au dispositif de rectification, non point l'original étranger,
mais la copie qui en a été faite dans l'État du for, ce qui donne à ce dispositifle caractère
d'une injonction régulièrement adressée à l'officier de l'état civil de cet État, détenteur de
la copie;
L'IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES 507
La procédure de rectification a été étendue aux actes déposés au ministère des Affai-
res étrangères conformément à la loi du 14 juillet 1966 (voy. ci-dessus).
En soi, elle évoque encore d'autres questions, tantôt celle du moment auquel une
personne existe en tant que telle, à partir du moment de sa conception, tantôt celle de
son identité sexuelle. L'hypothèse d'une adaptation physiologique d'un transsexuel peut
entraîner une demande de modification de son état. Théoriquement, la question relève
du droit désigné pour régir l'état de la personne, à savoir en Belgique le droit du pays
dont elle a la nationalité, en vertu des dispositions générales de l'article 34, § 1er, du Code
de droit international privé. En pratique, puisque le droit pour un transsexuel à la modi-
fication de son état résulte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme, l'exception générale d'ordre public conduit à écarter l'application d'une loi
étrangère qui exclurait une telle demande.
1111 Voy. en ce sens en France: Paris, 14 juin 1994, Revue (1995), 308, note Y. LEQUETIE, à propos
1980 sur la loi applicable aux noms et prénoms, signée mais non ratifiée par la Belgique.
1111 Le Code apporte une précision relative au conflit mobile : en cas de changement de nationalité,
la détermination du nom ou du prénom dépend de la loi de la nouvelle nationalité à partir de ce
changement (art. 37, al. 2, Codip). Cela ne signifie pas nécessairement un changement de nom par
l'effet du changement de nationalité : c'est à la loi de la nouvelle nationalité qu'il appartient de
déterminer, par une règle matérielle, si un changement de nom a lieu et à quelles conditions.
L'absence d'une celle règle matérielle particulière emporte l'absence de changement dans le nom.
Ill Le principe de l'application de la loi nationale implique que l'indication du nom dans un regis-
tre belge reproduise littéralement les noms et prénoms lorsqu'ils sont écrits dans les mêmes carac-
tères que ceux utilisés en Belgique. En cas de divergence de caractères (langue grecque, langue
arabe ... ), la reproduction doit se faire sans traduction par translittération. Ce principe est confirmé
par la Convention de Berne du 13 septembre 1973 relative à l'indication des noms et prénoms dans
les registres de l'état civil, signée mais non ratifiée par la Belgique.
À tout le moins dans le contexte de l'Union européenne, l'indication, même réalisée conformément
à une disposition conventionnelle, ne peur pas constituer une entrave à la liberté de circulation des
personnes d'une manière qui heurte le traité CE (C.J.C.E., aff C-168/91, 30 mars 1993, Konstantini-
dis, Rec., 1993, I-1191, Rev. trim. dr. h., 1994, 445, note].-F. FLAuss).
En cas de pluralité de nationalités, il y a lieu de préférer la nationalité belge éven-
tuelle (voy. supra, n ° 5.57). Une préférence inconditionnelle peut cependant conduire à
un résultat inapproprié, lorsque cette nationalité présente peu d'effectivité. Même si le
texte légal ne prévoit pas de dérogation spécifique en ce sens (rejet de l'amendement
n ° 36, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/7, p. 388), la clause générale d'exception peut
jouer, lorsque les conditions strictes en sont remplies (voy. supra, n ° 3.17), à moins d'envi-
sager une demande en changement de nom (voy. ci-dessous).
L'IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES 509
Avant l'entrée en vigueur du Code, le tribunal civil de Bruxelles (29 avril 2003, Rev. trim. dr. fam.,
Ill!
2003, 781, note M. FALLON) a donné préférence à la nationalité brésilienne sur la nationalité belge,
transmise par la mère bel go-brésilienne, dans le cas d'un enfant né en Belgique.
L'autonomie du rattachement est consacrée par le Code de droit international privé, selon les
Ill!
précisions qu'en donne l'exposé des motifs.
Voy. à tort, un rattachement du nom de l'enfant aux lois nationales de ses père (espagnol) et
1111
La loi nationale d'une personne détermine notamment selon quels procédés les
noms respectifs de son père et de sa mère lui sont communiqués.
1111 Voy.: Liège, 8 septembre 1992,j.L.M.B. (1994), 879, note L.-L. CHRISTIANS.
En ce qui concerne par exemple un Espagnol, l'application de la loi espagnole emporte l'attribu-
1111
tion du premier nom de son père et du premier nom de sa mère, selon les modalités d'option
qu'offre cette loi. Voy., dans un cas où un tel nom est exprimé dans l'acte de naissance d'un enfant
espagnol: Civ. Liège, 13 février 1976,]. T (1976), 229.
Ill!La faculté pour les parents de choisir le nom de leur enfant dépend ainsi de la loi nationale de
celui-ci. La solution peut soulever une difficulté dans le cas exceptionnel où des membres d'une
même fratrie ont des nationalités différentes, chaque fois que la loi nationale de l'un d'eux impose
la règle de l'unicité du nom. Il semble cohérent d'en assurer l'application au moyen d'un rattache-
ment cumulatif des lois nationales.
En France, en faveur de l'application de la loi qui régit les effets du mariage, voy. : Cass. civ.,
11!1
7 octobre 1997, Canovas Gutierrez, Revue (1998), 72, note critique P. HAMMJE.
À défaut de pouvoir produire un document d'identité, l'étranger réfugié peut établir son iden-
1111
tité en produisant route pièce de nature à bénéficier de la force probante, comme un certificat de
vaccination émanant des autorités de l'État dont l'intéressé est ressortissant (Liège, 28 novembre
1986,].T, 1987, 89).
Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) délivre des documents d'identité au
réfugié reconnu.
VAN HECKE, op. cit. n° 12.26, émettant une préférence pour la thèse de l'autonomie, à la suite de
codifications nationales récentes. En ce sens aussi en Belgique, N. WAITÉ, précitée (n° 12.1), n° 291.
1111Pour un rattachement autonome de la question du changement de nom d'un enfant après le
divorce de ses parents, en faveur de la loi nationale de l'enfant, voy.: Civ. Gand, 19 mars 1992, Rev.
gén. dr. civ. (1993), 70.
L'IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES 511
Il en résulte que lorsque, au moment du mariage, la loi nationale des époux leur per-
met de choisir le nom de l'un ou de l'autre, cette faculté doit être admise. Si elle n'existe
que selon la loi nationale de l'un des époux et non de l'autre, la question revient à savoir
si l'un d'eux a la faculté de prendre le nom de l'autre. Ainsi entendue, elle affecte le statut
du premier, et la faculté d'option sera reconnue aux conditions que prévoit sa loi natio-
nale.
Ill!Par exemple, en cas de mariage d'un Allemand et d'une Belge, le premier pourra prendre le nom
de son épouse en vertu de ce que permet le droit allemand, alors que la seconde ne pourra pas choi-
sir le nom de son mari, tant que cette faculté n'existe pas en droit belge.
1!11Le Code de droit international privé prévoit qu'en cas d'option conforme à la loi compétente,
l'officier de l'état civil belge mentionne ce nom dans l'acte de mariage (art. 38, al. 2). Cette disposi-
tion est complétée en ce sens par l'article 76, 11 °, C. civ., tel que modifié par la loi-programme du
31 décembre 2004 (Monit., 31 décembre 2004, art. 240).
père espagnol et de mère belge - est enregistrée en Espagne selon le nom attribué conformément
au droit espagnol (double nom composé du premier nom du père et du premier nom de la mère),
alors qu'en Belgique, où elle réside, elle n'a pas cessé d'être considérée comme belge, ce qui impli-
que que soit retenu le double nom de son père.
Cette situation peut gêner la personne circulant dans plusieurs pays. Dans le con-
texte de l'Union européenne, les autorités belges doivent tenir compte de la nationalité
d'un autre État membre que possède l'intéressé. Aussi ce dernier est-il en droit de deman-
der un changement de nom, aux conditions que prévoit le droit de sa nationalité qui lui
est le plus favorable, afin d'obtenir un alignement du nom attribué en Belgique sur celui
qui l'a été à l'étranger.
1111Voy. à cet égard: C.J.C.E., aff. C-148/02, 2 octobre 2003, Garcia Avello, Revue (2004), 184, note P.
LAGARDE, D.S. (2004), J, 1476, note M. AUDIT, et commentaire de J.-Y. CARLIER, J. TD.E., 2004, 74.
Encore convient-il que l'intéressé établisse qu'il se trouve dans une situation encrant dans le
domaine du droit communautaire, ce qui est le cas lorsqu'il est un ciroyen de l'Union européenne
en séjour dans un État membre autre que celui dont il revendique la nationalité et à condition qu'il
établisse que la discordance évoquée crée une entrave à la liberté de circulation instaurée par
l'article 18 CE, ce que la Cour a admis dans un cas comme celui de l'espèce, alors même que les
enfants sont nés et ont roujours résidé en Belgique.
Le raisonnement de la Cour repose sur la constatation d'une discrimination encre Belges et person-
nes qui, roue en étant belges, ont une seconde nationalité, discrimination liée au refus des autorités
belges d'admettre le changement de nom dans le cas d'espèce. Alors que l'État belge invoquait la
nécessité de traiter les uns et les autres de manière égale en préférant la nationalité belge dans tous
les cas, la Cour a considéré que les situations n'étaient pas comparables, seuls les binationaux étant
confrontés à la contradiction de leurs lois nationales. Elle a ensuite écarté les justifications d'inté-
rêt général liées aux principes de fixité de nom et d'intégration sociale de la personne, non sans en
admettre le principe, pour violation du principe de proportionnalité en l'espèce.
Implicitement la Cour de justice reconnaît une sorte d'option de nationalité en matière de nom.
Ill!
Cette option s'étendra-t-elle à d'autres domaines du statut personnel?
512 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
ments de noms et de prénoms (non en vigueur en Belgique), se sont engagés à ne pas accorder
pareil changement aux ressortissants d'un autre État contractant, saufle cas de double nationalité.
§3 L'ABSENCE
En revanche, le for du domicile du défendeur (art. 5 Codip) n'est pas retenu en cette
matière.
L'adoption de mesures relatives aux biens de l'absent justifie que le for de situation
soit aussi retenu: les juridictions belges sont également compétentes à l'égard de biens
situés en Belgique, mais à l'égard de ces biens seulement, lorsque l'absent est étranger ou
résidait à l'étranger lors de sa disparition.
12.35 - Reconnaissance des mesures prises à l'étranger - Les décisions judiciaires étran-
gères qui auraient pourvu à l'administration des biens d'un absent doivent être recon-
nues aux conditions prévues plus généralement pour les jugements (supra, chap. 10).
Ainsi, les biens situés en Belgique sont valablement administrés par la personne ou
l'autorité qu'une décision étrangère reconnue en Belgique a investies de ce pouvoir.
B. Le conflit de lois
12.36 - Loi de la nationalité et loi de la résidence - Les conditions auxquelles l'absence
doit être déclarée sont déterminées par la loi de la nationalité de l'absent lors de sa dispa-
rition (art. 41 Codip). Dans la plupart des cas, cette règle conduira à l'application de la lex
fori.
En revanche, l'administration provisoire des biens de l'absent relève de la loi de sa
résidence habituelle lors de sa disparition (art. 41, al. 2, Codip). L'application subsidiaire
du droit belge est prévue pour le cas où cette loi ne permet pas d'organiser de telles
mesures. La référence à la loi de la résidence habituelle lors de la disparition, combinée
avec la disposition qui organise le rattachement successoral, permettra normalement
une confusion des lois applicables à un titre ou à un autre, sauf pour les masses immobi-
lières.
Les effets de l'absence ne relèvent pas nécessairement de la loi personnelle de
l'absent.
Les effets de l'absence sur la liberté matrimoniale du conjoint demeuré seul (voy. par
exemple l'article 139 du Code civil) dépendent de la loi régissant l'aptitude matrimoniale
de ce conjoint.
IllDe nombreuses lois étrangères autorisent le remariage du conjoint de l'absent. Un étranger
peut se prévaloir en Belgique de ce droit que lui confère sa loi nationale.
De même, la détermination de la qualité d'héritier d'un absent relève du rattache-
ment de la succession à laquelle celui-ci serait appelé.
L'effet de l'absence sur la responsabilité parentale relève du rattachement propre à
cette matière.
514 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Section 3
La formation du mariage
12.37 - Bibliographie
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internationaal privaatrecht », TP.R. (1982), 269-310 ;]. RooDHOOFT, « Schijnhuwelijken: het huwe-
lijksinstituut misbruikt », R.W (1991-1992), 209-222; M. TAVERNE,« Quelques réflexions à propos
des mariages mixtes en Belgique», Rev. trim. dr. Jam. (1981), 253-264; ID., « Quelques réflexions à
propos de la polygamie », Ann. droit (1983), 237-248 ; V. VAN DEN EECKHOUT, Huwelijk en echtscheiding
in het Belgische conflictenrecht (Anvers, Intersentia, 1998) ; ID.,« De wet coepasselijk op het huwelijk en
de huwelijksontbindingvan nationaliteitsgemengde partners »,]uraFalconis (1997-1998), 449-480;
G. VAN HECKE, « Le mariage polygamique devant les tribunaux belges», note sous Liège, 23 avril
1970, Rev. crit. jur. belge (1971), 7-12; M. VAN LooK, « Le mariage des étrangers en Belgique», Rev. dr.
étr. (1986), 61-67; M. VERWILGHEN, note sous Civ. Arlon, 16 janvier 1973, Revue (1973), 328-342, et
sous Cass., 2 avril 1981, Revue (1983), 59 et s.; R. WAGNER,« EG-Kompetenz für das Internationale
Privatrecht in Ehesachen? », RabelsZ (2004), 119-153; J. WARDLE (dir.), « International marriage
and divorce regulation and recognition», Family L.Q. (1995), 497-701.
Voy. aussi: le rapport explicatif de M. Ake MALMSTROM sur la Convention de La Haye du 14 mars
1978 sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages, Actes et documents de la
treizième session, t. III, pp. 289-313; les Mélanges offerts à Roland De Valkeneer (Bruxelles, Bruylant,
2000).
Sur les formalités du mariage, voy.: DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. Ier, n°s 693-695;
LEHMANN,« Les qualifications »,].-Cl., fasc. 531, n°s 78 et s.; Louis-LUCAS,« La distinction du fond
et de la forme dans le règlement des conflits de lois », Mélanges Maury, t. Ier, 194 et s. ; C. PARIS, « Le
rôle de l'officier de l'état civil requis de célébrer un mariage présumé simulé», Rev. trim. dr. Jam.
(1997), 335-347; F. RIGAUX, La théorie des qualifications, n° 241 ; ID., note sous Bruxelles, 14 décembre
1955, Revue (1957), 72; ID., note sous Civ. Bruxelles, 10 octobre 1956, Ann. not. enreg. (1956), 329-
333; ID., v0 «Acte», n°s 62-76, Rép. Dalloz (1968); A. SAPART, « Célébration et reconnaissance des
mariages d'étrangers en Belgique - Implications au niveau communal», Rev. dr. étr. (1996), 515-
524.
LA FORMATION DU MARIAGE 515
Sur le mariage confessionnel, voy. : P. CALLERI, « Matrimoni acattolici ed ordine pubblico », Riv. dir.
intern. (1967), 342-354; L.-L. CHRJSTIANS, « Le droit canonique internormatif- Conflits de lois et de
juridictions avec les systèmes étatiques et les autres systèmes religieux en droit matrimonial»,
Revue ( 1998), 217-248 ; A. K. ELGEDDAWY, Relations entre systèmes confessionnels et laïques en droit interna-
tional privé (Paris, Dalloz, 1971); LALAGUNA DOMINGUEZ, « Matrimonio de Espanoles en el extran-
jero en la forma de la !ex loci», Annuario de derecho civil (1960), 881-941; Io., « Nulidad de
matrimonio civil por confesion catolica de los contrayentes »,jus canonicum, t. rer (1961), 271-289;
MARIDAKIS, « Le mariage des Grecs orthodoxes hors de la Grèce »,Revue (1952), 661 ;]. MESTRE,« Le
mariage en France des étrangers de statut confessionnel», Revue (1977), 659-700; J.-L. VAN Box-
STAEL, note sous Bruxelles, 11 mai 1994, Rev. trim. dr. fam. (1996), 25; M. VERWILGHEN, « Un cas de
mariage confessionnel contracté par des Belges à l'étranger »,].T (1970), 57-65.
Sur le mariage de personnes de même sexe, voy., outre infra, n° 12.103: H. JESSURUN o'OuvEIRA,
« De Europese Commissie erkent het Nederlands huwelijk », Ned. jurbl. (2001), 2035-2040; T.
KEANE, « Aloha, marriage ? Constitutional and choice oflaw arguments for recognition of same-sex
marriages », Stanford L.R. (1995), 499-532; L. KRAMER, « Same-sex marriage, conflict oflaws, and the
unconstitutional public policy exception», Yale L.]. (1997), 1965-2008; NOTE, « Constitutional
constraints on interstate same-sex marriage recognition», Harvard L.R. (2003), 2028-2051 ; G. Ros-
SOLILLO, « Registered partnerships e matrimoni rra persane della stesso sesso : problemi di qualifi-
cazione ed effetti nell'ordinamento italiano », Riv. dir. int. priv. proc. (2003), 363-398; D. STERCKX,
« Le mariage homosexuel et l'ordre international ministériel »,].T. (2004), 390.
Pour les actes passés avant le 1er octobre 2004, la technique du renvoi peut conduire
à soumettre le cas d'espèce à une loi autre que la loi nationale. En matière de mariage, il
en sera ainsi chaque fois que la loi de l'État dont les époux ou l'un d'eux sont ressortis-
sants, désigne la loi du lieu de célébration pour déterminer les conditions de fond du
mariage. L'utilisation de cette technique est cependant exclue pour les mariages célébrés
après cette date (art. 16 Codip).
Ill Pour une application de cette technique à propos du mariage d'un Belge et d'une Chinoise,
voy.: Bruxelles, 18 octobre 1988,].L.M.B. (1989), 348.
En cas de mariage boiteux, lorsque l'acte a été célébré valablement en la forme civile
en Belgique alors qu'il est tenu pour nul pour ce motif par la loi nationale des parties, la
jurisprudence pratique une forme de dérogation à l'application de la loi nationale pour
la détermination des conditions de fond, pour le motif que l'on ne saurait logiquement
emprunter à cette loi les conditions d'un acte que celle-ci tient pour inexistant. Cette
objection a cependant été surmontée (voy. supra, n ° 12.10).
Ill Dans le sens d'une dérogation en faveur de la loi belge, voy.: Civ. Bruxelles, 31 mars 1992, Rev.
gén. dr. civ. (1993), 75.
Pour un cas d'annulation basée sur la contrainte exercée par le tuteur matrimonial sur une femme
marocaine, voy.: Mons, 7 février 1995,Journ. dr. jeunes (1995), 471.
Ill Comp., à propos des relations bilatérales avec le Maroc, la convention du 15 juillet 1991 sur la
loi applicable et la reconnaissance des mariages et de leur dissolution (Rev. trim. dr.jam., 1994, 537),
cependant non entrée en vigueur, confirmant l'application distributive des lois nationales.
droit belge en tant que loi de procédure (Bruxelles, 11 juin 2002, Rev. trim. dr. jam., 2003, 329).
mariage (Civ. Bruxelles, 20 février 1985, ].T, 1985, 286; 28 octobre 1986, Rev. dr. étr., 1986, 112;
17 octobre 1989, Pas., 1990, III, 46). La conjonction de ces éléments de fait peut concourir à la
preuve de la simulation du mariage (voy. ci-dessous), mais savoir s'il pouvait être question d'une
obligation éventuelle de versement d'une dot relève de la loi de la nationalité.
En cas de conflit de lois personnelles, il faut s'interroger sur l'existence d'un rattachement
1111
cumulatif ou distributif. Soit l'institution suppose que les deux conjoints appartiennent au même
contexte culturel, ce qui exigerait alors un rattachement cumulatif des lois nationales ; soit elle a
pour fonction de protéger les intérêts du créancier, ce qui emporterait l'application de la loi natio-
nale de l'époux au bénéfice duquel la dot doit être constituée.
de la loi belge, à l'égard de celui des deux conjoints qui a cette nationalité (Gand, 26 avril 1973,
RW, 1973-1974, 1886), ou de la loi française à l'égard d'un conjoint de nationalité française (Civ.
Bruxelles, 30 janvier 1970,]. T, 1970, 498).
Ill La jurisprudence relative à la simulation est particulièrement abondante (voy. les chroniques
publiées à la Rev. trim. dr. jam., 1980, 235 et s., 11° 6, 1988, 193 et s., n° 5 21 22, 1997, 29, n°s 19 et 20,
et à la Rev. crit. jur. belge, 1991, pp. 157-158, 2003, 507, n ° 18). L'hésitation s'observe encre l'applica-
tion de la loi belge (Civ. Bruxelles, 30 mars 1976,].T, 1976, 427, ayant appliqué la loi belge à un
mariage simulé par deux Grecs en Belgique; Civ. Bruxelles, 5 février 1991, Rev. dr. étr., 1991, 50,
appliquant la loi belge à un mariage célébré en Belgique entre un Français et une Zairoise) et celle
de la loi nationale (Civ. Bruxelles, 28 octobre 1986, Rev. dr. étr., 1986, 112 ; Bruxelles, 28 janvier
1986, Pas., 1986, II, 56; 24 avril 1990, Rev. trim. dr. jam.,1990, 363; ier février 1994,].L.M.B., 1994,
599, note M. LIÉNARD-LIGNY; 9 décembre 1997, Rev. Divorce, 1999, 100; Anvers, 2 janvier 2002, Alg.
fur. Tijdschr., 2001-2002, 959).
La solution de l'application de la loi nationale s'impose, de sorte que le pourvoi invoquant la viola-
tion du droit belge à propos de l'absence de consentement d'un Marocain est irrecevable, la viola-
tion de la loi marocaine étant la base nécessaire du pourvoi (Cass., 19 mars 1992, Harchou, Pas.,
1992, I, 659).
d'affirmer avec netteté que le droit marocain exige la réalité du consentement comme une condi-
tion essentielle du mariage (voy. notamment: Anvers, 2 janvier 2002, précité).
518 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
sance dans la culture musulmane sans preuve de cette contrainte en l'espèce: Bruxelles, 16 mars
2000, Rev. trim. dr. Jam. (2001), 281, note M.-C. FoBLETS. Sont également insuffisants le non-verse-
ment de la dot combiné avec l'absence de relations sexuelles.
Dans le sens proposé, voy. nettement: Bruxelles, 24 juin 2004, N.j.W. (2005), 134, évoquant le con-
cept de mariage de raison et exigeant une preuve de la simulation sur la base d'éléments concor-
dants.
Ill De même, il faut désapprouver l'attitude du ministère public consistant à s'opposer au mariage
avant sa célébration (voy., dans un sens critique, Civ. Mons, 21 février 1986,].T, 1987, 370). Pour
un cas de refus, considéré comme injustifié, de délivrance d'un certificat de non-empêchement par
l'officier de l'état civil en vue de la célébration à l'étranger, après avis favorable du ministère public,
voy.: Civ. Bruxelles, 27 avril 1998, Rev. dr. étr. (1998), 233.
1111Pour un découplage des questions d'état et d'immigration, dans le sens d'une appréciation spé-
cifique aux fins d'immigration sans affecter pour autant l'annulation du mariage, voy. la résolution
du Conseil de l'Union européenne du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en matière de
lutte contre les mariages de complaisance,J.O.C.E. (1997), C 382.
Pour le droit au regroupement familial de l'époux d'un citoyen européen, indépendamment des
documents d'accès au territoire (visa) ou de séjour, voy.: C.J.C.E., aff. C-459/99, 25 juillet 2002,
MRAX, Rec. (2002), 1-6591, et la circulaire du 21 octobre 2002 (Monit., 29 octobre 2002) qui fait
suite à cet arrêt.
Le législateur a toutefois introduit dans le Code civil des dispositions spécifiques
pour lutter contre les mariages simulés (art. 146bis C. civ.). Les officiers de l'état civil sont
invités à faire un contrôle préventif.
LA FORMATION DU MARIAGE 519
!Ill Pour un recours à la technique des indices, voy. la circulaire ministérielle du 7 juillet 1994,
Monit., 7 juillet 1994.
Comp. en France, en faveur d'un rattachement cumulatif: Cass. civ., 24 septembre 2002, Revue
11!1
(2003), 271, note B. BOURDELOIS.
En Angleterre, voy. Court of Appeal, 24 juin 1982, Hussain v. Hussain, Clunet (1988), 807, note K.
11!1
LIPSTEIN, 3 All.E.R. [1982] 415.
Ill Il ressort clairement de l'application de la loi nationale que doit être annulé le second mariage
conclu par une Colombienne au Venezuela avant la dissolution du premier alors que le droit
colombien n'admet pas la polygamie: Bruxelles, 6 mars 2001, Echtsch. ]oum. (2001), 140, K. JAN-
SEGERS et J. VERHELLEN. Pour un cas de nullité d'un second mariage conclu entre un Grec, déjà lié
par un mariage religieux célébré en Grèce, et une Belge, alors qu'une loi grecque rétroactive a régu-
larisé ce second mariage, mais seulement à l'égard du Grec, non de la Belge, voy. : Civ. Gand, 21 juin
2001, Rev. gén. dr. civ. (2003), 109, note K.JANSEGERS.
De même, doit être annulé le mariage civil célébré en France après que les époux ont célébré leur
union sous la forme coutumière au Congo (Cass. civ., 3 février 2004, D.S., 2004, ], 3171, note J.-G.
MAHINGA).
En revanche, le second mariage ne saurait encourir la sanction de nullité après que le juge d'appel a
établi la nullité du premier mariage: Cass., 20 avril 2001, Alg.]ur. Tijdschr. (2001-2002), 551.
!IllAutre chose est l'impossibilité de célébrer un mariage polygamique en Belgique (voy. infra,
n ° 12.45, à propos de l'exception d'ordre public).
12.44 - Le cas du mariage posthume - Le droit étranger peut, comme le fait le Code
civil français (art. 171) autoriser la célébration d'un mariage après le décès d'un des
(futurs) époux. Lorsqu'une Belge a épousé, en France, un Français décédé au jour de la
célébration, conformément aux dispositions du droit français relatives au mariage pos-
thume, il appartient au droit français de déterminer les conditions de validité de ce
mariage, sans préjudice de la mise en oeuvre éventuelle de l'exception d'ordre public.
L'application de la loi étrangère est certaine (Liège, 6 février 1980, Dhont c. Josi,]. T, 1980,
492, Rev. trim. dr. fam., 1980, 274, concl. min. publ., Revue, 1983, 59, note M. VERWILGHEN;
520 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Cass., 2 avril 1981, Pas., 1981, I, 835, concl. VELU, R W, 1982-1983, 922, note]. ERAuw, Rev.
crit. jur. belge, 1983, 499, note F. RrGAUX).
Le titre exact de cette application est controversé. Si plusieurs auteurs (RrGAUX,
précité; VAN HECKE et LENAERTS, n° 456) y voient une application de la règle Locus régis-
sant la célébration du mariage, d'autres estiment, à la suite de la cour d'appel, que la
question intéresse aussi le consentement du défunt, dont le mode d'expression relèverait
effectivement de la règle Locus (VERWILGHEN, précité), voire simplement sa capacité matri-
moniale. La première interprétation favorise la validité du mariage en raison du lieu de
célébration quelle que soit la nationalité de« l'époux» décédé. À tout le moins, la Cour
de cassation paraît avoir rejeté implicitement un rattachement cumulatif aux lois natio-
nales des conjoints (ERAUW, précité).
IllEn faveur de l'application de la loi du lieu de célébration, à propos d'une demande de célébra-
tion en Belgique avec un Italien prédécédé, voy.: Liège, 4 mars 1997,]. T (1997), 520.
12.45 - L'exception d'ordre public - L'exception d'ordre public intervient tantôt pour
écarter un empêchement que contient la loi étrangère normalement applicable, tantôt
pour prohiber la célébration, en Belgique, d'un mariage qui serait admissible conformé-
ment à la loi personnelle des époux ou à la loi du lieu de célébration.
Ill Par exemple, aucun empêchement de caractère racial ou de nature religieuse ne saurait faire
obstacle à la célébration d'un mariage en Belgique (supra, n° 7.47). Inversement, un étranger poly-
game ne pourrait se prévaloir de sa loi nationale pour conclure sur le territoire belge une deuxième
union avant la dissolution de la première (n° 7.53). L'exception d'ordre public doit aussi jouer à
l'égard d'une union polygamique qui serait conclue devant un agent diplomatique ou consulaire
étranger en Belgique.
Cependant, l'appréciation de l'exception doit se faire en fonction du double critère
de la nature des effets postulés et de l'intensité du rattachement de la situation à l'ordre
juridique belge, sauf dans les cas où l'application de la loi étrangère contredirait un prin-
cipe du droit international positif (voy. supra, n° 5 7.46 et s.).
1111Pour une appréciation exemplaire de l'exception, à propos de l'admission des effets d'un
mariage posthume valablement célébré en France, pour les besoins d'une action en responsabilité
civile, voy.: Cass., 2 avril 1981, Dhontc.Josi, précité n° 12.44.
IllL'absence de paiement de la dot comme cause de nullité du mariage est écartée par la jurispru-
dence au nom de l'exception d'ordre public (Bruxelles, 17 avril 1985, cité par RIGAUX et VAN HECKE,
Rev. crit. jur. belge, 1991, 156; Gand, 12 septembre, 1994, R W., 1996-1997, 1194; Civ. Bruxelles,
30 novembre 1994, Rev. trim. dr. fam., 1995, 66). Une réponse aussi catégorique est douteuse, à
moins d'une intensité particulière du rattachement de la situation à l'ordre juridique belge, telle la
célébration du mariage en Belgique.
Ainsi, une union polygamique valablement conclue à l'étranger peut produire cer-
tains effets, alors même que les parties ne sauraient se prévaloir de leur statut personnel
pour contracter en Belgique une deuxième union avant la dissolution de la première.
Sur le droit pour les deux veuves d'un travailleur marocain, victime d'un accident mortel, de se
1111
prévaloir l'une et l'autre de l'article 1382 du Code civil à l'égard du tiers responsable du décès, voy. :
Liège, 23 avril 1970, Rev. crit. jur. belge (1971), 5, note G. VAN HECKE, Revue (1975), 61, note P. GRAU-
LICH.
1111Sur le droit à des aliments, voy.: Civ. Liège, 26 juin 1975,Jur. Liège (1975-1976), 163, Rev. crit. jur.
belge (1976), 229-230, implicite, alors même que la première épouse d'un Marocain était une Ita-
lienne ayant épousé celui-ci au consulat du Maroc en Belgique, le second mariage ayant eu lieu au
Maroc avec une Marocaine. Le statut monogamique de la première épouse aurait pu entraîner une
appréciation différente, en vertu du critère de l'intensité du rattachement ; voy. en ce sens, Civ.
LA FORMATION DU MARIAGE 521
Bruxelles, 20 novembre 1990,].T. (1991), 283, Rev. dr. étr. (1990), 351, note M.-C. FOBLETS, alors
même que le premier mariage conclu avec une Belge avait été dissous après le second mariage ;
l'action alimentaire présupposait la légitimité des enfants issus de la seconde union : J.P. Zaventem,
17 octobre 2002,].].P. (2004), 456, faisant droit à la demande de la première épouse et autorisant
aussi une résidence séparée.
Ill Sur le droit au regroupement familial, voy.: C.E., 9 juillet 1986, Rev. dr. étr. (1986), 104, la cir-
constance que la première épouse était belge étant indifférente dès lors que le premier mariage
avait été dissous antérieurement à l'entrée sur le territoire - mais après conclusion du second
mariage - par le divorce.
Ill Sur le droit à des allocations sociales, voy.: Anvers, 22 octobre 1985,J. T.T. (1986), 29; mais non,
prétendument, le droit à une pension d'épouse: C. trav. Liège, 18 avril 2001, Chr. dr. soc. (2004), 176,
et la note renvoyant à une jurisprudence plus souple, rapportée au Guide social permanent, part. I,
livre II, titre III, ch. II, 2, n ° 910.
La question de la compatibilité avec l'ordre public d'une distribution des droits de pension de
veuve entre les différentes épouses d'un Marocain - par application de la convention bilatérale de
sécurité sociale du 24 juin 1968 (loi du 20 juillet 1970) - a été posée à la Cour d'arbitrage, lui
demandant une interprétation des principes d'égalité des sexes (l'homme ne risquant jamais une
telle distribution) et de non-discrimination en raison de la nationalité (les femmes belges échap-
pant à un tel risque). Selon la Cour (arrêt du 4 mai 2005, Haouach), qui prend soin de relever que le
droit belge connaît des cas de distribution des droits en cas de remariage, la réponse relève d'une
appréciation in concreto de l'exception d'ordre public, à effectuer par le juge du fond en fonction de
l'espèce. Sur une telle appréciation, voy.plus généralement supra, chap. 7).
1111Sur l'acquittement de la prévention de délit d'adultère de l'époux, voy. : Corr. Bruxelles,
21 octobre 1986, Rev. dr. étr. (1986), 110.
1111 Le droit coranique permet que les époux concluent au moment de la célébration du mariage un
pacte de monogamie. Pareille stipulation est très recommandable en cas de mariage mixte. Voy. :J.-
Y. CARLIER, « Les contrats de mariage internationaux : l'aspect particulier des clauses relatives aux
relations personnelles» in Relations familiales internationales (Bruxelles, Bruylant, 1993), 278-900.
Le nouveau Code marocain de la famille prévoit cette possibilité à l'art. 40 (voy. supra, n ° 12.43).
12.46 - Exception d'ordre public et mariage de personnes de même sexe - Depuis que
certains droits étrangers, tels les Pays-Bas, ont admis la faculté pour des personnes de
même sexe de contracter mariage, s'est posée la question, à la fois, de la reconnaissance
en Belgique d'un tel mariage célébré à l'étranger, et de la possibilité de contracter une
telle union en Belgique, par application de la loi de la nationalité des parties.
L'utilisation du concept de« mariage» à l'égard de l'union de personnes de même sexe a soulevé
1111
une réaction dans la doctrine, comme aussi du Conseil d'État, à l'occasion de l'adoption de la loi
du 13 février 2003 ouvrant le mariage à des personnes de même sexe. Voy. notamment: J.-L. REN-
CHON, « Mariage et homosexualité »,]. T. (2002), 505-514. Sous l'angle du droit international privé,
ce qui importe n'est pas le mot utilisé(« mariage» en Belgique et aux Pays-Bas,« partenariat» en
Suède et en Allemagne) mais le contenu de l'institution ainsi créée : si elle à des effets similaires au
mariage elle devra être considérée comme telle.
La distinction entre « mariage» et « relation de vie commune » pose une question de qualifica-
111111
tion d'institutions étrangères - comme le partenariat - à classer dans l'une ou l'autre catégorie de
rattachement, qui se résout par la théorie de l'équivalence (voy. infra, sect. 6).
À propos du partenariat homosexuel en Suède, assimilé au mariage, voy. la position de l'État
111111
suédois dans: C.J.C.E., aff. C-122/99 P, 31 mai 2001, Rec. (2001), I-4319.
Avant la loi du 13 février 2003 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe en
Belgique, la réponse devait être cherchée dans le jeu normal de l'exception générale
d'ordre public. Comme pour la polygamie, il semblait exclu d'autoriser l'officier de l'état
civil à célébrer un tel mariage. En revanche, comme pour la polygamie, une union homo-
522 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
sexuelle célébrée à l'étranger conformément à la loi nationale des parties pouvait recevoir
certains effets en fonction de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juri-
dique belge.
ffll Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 février que l'intention du législateur de 2003 a
été de ne pas toucher aux règles de conflit de lois relatives au mariage. Aussi, l'admissibilité du
mariage relevait de la loi nationale de chacune des parties, par un rattachement de type cumulatif.
Voy. en ce sens la circulaire ministérielle du 8 mai 2003 (Monit., 16 mai 2003), renvoyant aux tra-
vaux préparatoires.
L'exposé des motifs de la proposition de Code de droit international privé, rédigé avant la loi du
ffll
13 février 2003, évoque l'utilisation de l'exception générale d'ordre public.
ffllUne circulaire ministérielle du 23 janvier 2004 (Monit., 27 janvier 2004), remplaçant celle du
8 mai, prend acte de la loi du 13 février pour énoncer que« l'application d'une disposition de droit
étranger doit être écartée si cette disposition prohibe le mariage de personnes de même sexe, lors-
que l'une d'elles a la nationalité d'un État ou a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État
dont le droit autorise un tel mariage ». Cette approche fait usage du critère d'intensité du rattache-
ment, qu'elle concrétise par le jeu alternatif de la nationalité et de la résidence de l'une des parties à
la relation.
1111Pour les besoins de l'application de la réglementation sur l'immigration, comp. la circulaire du
30 septembre 1997 relative à l'octroi d'une autorisation de séjour sur la base de la cohabitation dans
le cadre d'une union durable (Monit., 14 novembre 1997), qui ouvre le droit au regroupement fami-
lial pour les cohabitants indépendamment de la nature juridique de leur relation et de leur sexe.
mariage célébré à partir du 1er juin 2003 » (art. 127, § 3, Codip), cette date étant celle de l'entrée en
vigueur de la loi du 13 février. Le législateur a cru nécessaire d'aiouter une disposition parallèle
pour le mariage célébré à l'étranger, dans la disposition relative à l'efficacité des décisions et actes
authentiques étrangers (art. 126, § 2, al. 3). Le même résultat aurait été obtenu par un raisonne-
ment basé sur la mise en œuvre de l'article 27 du Code (renvoyant, pour les actes étrangers, aux
règles sur le conflit de lois).
Ill! La validité d'une célébration religieuse à l'étranger, même lorsque l'un des époux est belge, n'a
pas fait de difficulté dans la jurisprudence. Voy.: Cass., 20 février 1913, Dutry q.q., Maertens et
Pauwels c. Brazieret héritiers de Wavrin-Villers au Tertre et crts, Pas. (1913), I; Bruxelles, 28 mai 1955, Rev.
dr. fam. (1955), 61; Civ. Bruxelles, 6 juillet 1957, Bull. Féd. avoués (1957), n° 4, p. 3; Civ. Bruxelles,
16 décembre 1967, ].T. (1970), 68; Civ. Bruxelles, 30 avril 1986, Rev. dr. étr. (1986), 73; Liège,
19 mars 1996, Rev. trim.dr. fam. (1997), 323, pour une célébration au Maroc.
111!Pour la validité du mariage conclu dans un pays qui admet la validité du seul échange des con-
sentements, sans intervention d'un officier public ni d'un ministre du culte, et quelle que soit la
nationalité des parties, voy.: Cass. req., 20 décembre 1841, D.P. (1842), 1, 34; 13 janvier 1857, D.P.
(1857), 1, 106, relatives à des mariages contractés solo consensu conformément à l'ancien droit cano-
nique demeuré en vigueur en certains États des États-Unis.
Plus récemment, les cas rencontrés concernent des mariages célébrés au Maroc devant témoins,
selon le Code de statut personnel, le cas échéant avec portée rétroactive. La validité de principe de
tels mariages a pu être admise : J.P. St-Gilles, 5 avril 1990, J. T. (1990), 662; Civ. Bruxelles,
20 novembre 1990,].T. (1991), 283, Rev. dr. étr. (1990), 351, note M.-C. FOBLETS. Encore reste-t-il à
apporter la preuve de la réalité de l'échange des consentements Uugement précité).
12.48 - Compétence internationale des autorités belges de l'état civil - Le Code de droit
international privé précise les termes de la compétence internationale des officiers belges
de l'état civil pour dresser un acte de mariage. Les critères sont relativement ouverts,
puisqu'il suffit que l'une des parties soit belge, soit domiciliée ou réside habituellement
en Belgique lors de la célébration (art. 44). Toutefois, le critère de la résidence est affecté
d'une condition de durée (trois mois au moins), introduite dans le souci d'éviter les
mariages« touristiques». La crainte de tels mariages a été exprimée essentiellement, au
cours des travaux préparatoires, suite à l'élargissement des conditions d'admissibilité de
l'union de personnes de même sexe.
L'utilisation de la résidence habituelle comme critère de compétence indique que le mariage
1111
peut être célébré en Belgique même lorsque l'étranger n'est pas autorisé au séjour. La notion de
résidence revêt en effet un caractère factuel (voy. supra, n ° 5.67).
Ill Avant l'entrée en vigueur du Code, îa jurisprudence admettait l'obligation pour l'officier de
l'état civil de procéder à la célébration même en l'absence de domicile en Belgique, pourvu par
exemple que l'une des parties fût belge. Voy.: Civ. Bruxelles, 21 février 1996,]. T. (1996), 802;
Bruxelles, 22 octobre 1996, Rev. trim. dr. fam. (1998), 46; 15 mai 1997,].L.M.B. (1998), 1208, note C.
PARIS. Contra: Civ. Audenaerde, 8 octobre 2002, R.A.B.G. (2004), 461, note VANGOIDSENHOVEN.
La circulaire ministérielle du 28 août 1997 (Monit., l cr octobre 1997) affirme que l'étranger en
séjour illégal peut se marier en Belgique.
Une règle de compétence interne complète l'attribution de compétence internatio-
nale, en des termes exprimés par les articles 63 et 64 du Code civil à propos de la forma-
LA FORMATION DU MARIAGE 525
lité de déclaration du mariage. Celle-ci doit être déposée dans la commune du domicile
de l'un des époux, à défaut d'un tel domicile en Belgique, dans celle de la résidence
actuelle de l'un d'eux, à défaut encore, dans la commune de l'ancien domicile, du domi-
cile d'un parent jusqu'au deuxième degré ou du lieu de naissance, à défaut enfin à l'offi-
cier de l'état civil de Bruxelles (art. 63 C. civ.). La déclaration doit apporter la preuve,
notamment, de la nationalité, du domicile, ou de la résidence d'une durée de trois mois
au moins (art. 129 Codip, modifiant l'art. 64 C. civ.).
Un officier de l'état civil pourrait-il recevoir l'union de personnes de même sexe alors
que le droit applicable aux conditions de fond, tel le droit suédois dans le cas de partenai-
res suédois, organiserait une telle union sous l'appellation distincte d'un« partenariat« ?
Le principe Auctor regit actum implique que l'autorité belge doit se contenter de recevoir
les actes de nature à se prêter aux formalités prévues par le droit belge. Si le droit étranger
applicable au fond s'interprète comme constituant le partenariat en institution équiva-
lente au mariage (voy. infra, n ° 12.106), il n'y a normalement pas d'objection à ce que
l'officier de l'état civil procède à la célébration, pourvu de respecter les formalités prévues
par le Code civil belge.
Ill On convient qu'en cas de célébration, une difficulté pourra surgir à propos de la qualification à
donner à l'union, mariage ou partenariat. Il semble que la demande des partenaires en vue de la
célébration ne puisse porter que sur un « mariage», et l'enregistrement portera alors sur cette
appellation. Autre chose est, pour l'officier de l'état civil, d'emprunter au droit étranger applicable
au fond les conditions que celui-ci classe sous la catégorie« partenariat». Sur la question des trans-
criptions ou mentions d'actes étrangers, voy. infra, n° 12.50.
12.49 - Validité du mariage consulaire - Le mariage peut être célébré devant une auto-
rité diplomatique ou consulaire, pourvu que cette possibilité soit admise et par le droit
du pays où il est célébré (règle Locus regi,t actum) et par le droit du pays dont relève l'auto-
rité (règle Auctor regi,t actum ).
S'agissant des autorités belges accréditées à l'étranger, le droit belge leur attribue
compétence en matière de célébration du mariage, aux conditions que prévoit la loi du
12 juillet 1931 (Monit., 31 juillet 1931 ). Selon l'article 7, cette compétence a lieu dès qu'un
des futurs époux a la nationalité belge.
Il L'article 7 a été modifié en ce sens par la loi du 4 mai 1999 (Monit., 1er juillet 1999). Selon la ver-
sion antérieure, les deux époux devaient être belges ; exceptionnellement, la compétence existait à
l'égard d'un Belge épousant une étrangère (et non l'inverse), dans les pays désignés par le ministre
des Affaires étrangères dont la loi locale met obstacle à la célébration. La liste de ces pays figure
dans l'arrêté ministériel du 14 juin 1989 (Monit., 17 août 1989), modifié le 24 avril 1992 (Monit.,
8 mai 1992).
Il Les termes de l'article 7 avaient été repris par l'article 170, 2 °, C. civ. Celui-ci a été abrogé par le
Code de droit international privé (art. 139, 2°), sans affecter pour autant la compétence attribuée
parla loi de 19 31.
L'article 170 n'attribuait de compétence, dans le cas de couples mixtes, qu'en cas de nationalité
belge du mari. Cette discrimination en raison du sexe avait été supprimée par la loi du 1e, mars
2000 (Monit., 4 juin 2000).
111 De tels mariages one été annulés par les tribunaux belges. Voy.: Civ. Bruxelles, 19 février 1881,
Pas. (1881), III, 94; Civ. Anvers, 4 août 1877, Pas. (1879), III, 157; Civ. Liège, 27 février 1976, fur.
Liège (1975-76), 275; Civ. Bruxelles Ueun.), 15 juin 1981, ].T (1981), 760, incidemment; Liège,
16 novembre 1993, Rev. gén. dr. civ. (1994), 503, note L. BARNICH, alors que le conjoint belge avait
aussi la nationalité étrangère.
La même solution a été affirmée par la Cour de cassation de France: Cass. civ., 30 juillet 1900, S.
(1902), 1,225.
111Le mariage consulaire de deux étrangers peut aussi être annulé s'il ne satisfait pas aux règles de
fond applicables en vertu du droit international privé belge, et notamment si la loi étrangère com-
pétence est contraire à l'ordre public.
Pour un cas de validité du mariage de deux Marocains au consulat du Maroc, voy. J.P. Molenbeek,
21 juin 1988, Rev. trim. dr. fam. (1989), 23.
Au regard du droit belge, la validité d'un mariage consulaire conclu en Belgique entre étrangers
1111
alors que l'un des époux a la nationalité d'un pays tiers, devrait être admise, dès lors que le droit
belge attribue une telle compétence à ses propres consuls dès qu'un des époux est belge. Voy. en ce
sens: Civ. Liège, 15 avril 2002,]. T (2003), 365.
Une convention consulaire conclue entre la Belgique et le pays dont les époux ou,
éventuellement, l'un d'eux, sont des ressortissants, doit, le cas échéant, être consultée
(voy. la liste supra, n° 8.35).
Ill La plupart de ces traités exigent que les deux époux soient des ressortissants de l'État d'envoi. Le
traité passé avec le Royaume-Uni (8 mars 1961, loi du 12 juillet 1964, Monit., 9 octobre 1964,
art. 28) admet que l'un des époux seulement soit un ressortissant de l'État d'envoi, du moment
qu'aucun d'eux n'est un ressortissant du pays de résidence.
Ill L'accord peut prévoir une condition de résidence, excluant la célébration si l'une des parties
réside sur le territoire de l'État d'accréditation. Voy. par exemple la convention conclue avec le
Royaume-Uni (8 mars 1961, Monit., 9 octobre 1964), art. 28, b), iii).
S'agissant de la célébration d'un mariage consulaire à l'étranger, il faudra se référer
au droit international privé de cet État.
1111 Un mariage entre une Belge et un Congolais au consulat du Congo à Cologne sera valable quant
à la forme, en application du droit international privé allemand.
12.50 - Domaine de la loi du lieu de célébration - La loi du lieu de célébration régit les
questions qui relèvent strictement des formalités entourant la passation de l'acte. Ces
formalités affectent essentiellement le mode d'intervention de l'autorité publique et cou-
vrent l'ensemble des actes et pièces qui doivent ou peuvent lui être soumis.
Le Code de droit international privé en donne une liste exemplative (art. 47, § 2),
incluant:
- les déclarations et publications préalables ;
Quelle que soit la nationalité des futurs époux, l'officier belge de l'état civil ne peut procéder à la
11111
célébration si celle-ci n'a pas été précédée des déclarations requises par la loi belge ou si dispense de
déclaration n'a pas été obtenue.
La doctrine est unanime sur ce point. Voy. notamment: LAURENT, t. IV, n'" 276, 310 et 319 ; ROLAND
et WouTERS, op. cit. n° 957, n° 756; RouN, t. II, n'" 551 et 558. Pour un cas pratique, voy. Rev. adm.
(1964), 118.
1111Le mariage d'un Belge à l'étranger ne doit pas être précédé des déclarations prescrites par
l'article 63 du Code civil. Sous sa rédaction primitive, l'article 170 du Code civil exigeait cette con-
dition pour le mariage d'un Français à l'étranger.
Pourtant, la théorie du « mariage clandestin» s'est basée sur l'applicabilité des règles de publicité
aux nationaux. Quand des Belges contractent mariage à l'étranger, le principe de la publicité a été
rattaché par la Cour de cassation à leur loi nationale. Il appartient au juge du fond« de se placer au
LA FORMATION DU MARIAGE 527
double point de vue [de la loi du lieu de célébration] et de la loi belge pour apprécier si le mariage a
été dépourvu de la publicité effective requise par chacune de ces lois» (Cass., 20 février 1913, Pas.,
1913, I, 118).
Les déclarations ou publications préalables constituent l'un des éléments qui concourent à la
publicité de l'acte, ourre la célébration devant l'officier de l'état civil compétent et le caractère
public de la célébration elle-même. Aucun de ces éléments n'est nécessaire à la validité du mariage.
Quand cette validité est contestée, le juge recherche si le mariage était clandestin: l'absence d'un des
trois éléments qui rendent le mariage public n'est une cause de nullité que si les époux ont eu
l'intention frauduleuse de dissimuler leur union. Cette intention est appréciée en fait. Le plus sou-
vent, le juge en trouve la preuve dans la volonté des époux de déjouer un autre empêchement prohi-
bitif.
Sur la jurisprudence, voy. M. VERWILGHEN, !oc. cit. n° 12.37,J.T (1970), 59, et pour des considéra-
tions critiques, F. RIGAUX, note sous Bruxelles, 25 novembre 1959, Revue (1962), 83-84 et la note 1,
p. 84. Voy. ultérieurement: Civ. Malines, 29 juin 1982, Pas. (1983), III, 33; 19 juin 1984, R W (1985-
1986), 326.
En cas de violation d'un empêchement dirimant tenant au consentement des parents d'un mineur
prévu par la loi nationale de celui-ci, le recours à la théorie de la clandestinité est superflu, le ratta-
chement de cette condition de fond à la loi nationale suffisant à annuler le mariage (Mons,
20 décembre 1978, Pas., 1979, II, 24).
Ill Dans le cas d'un mariage consulaire, la règle Auctor regj,t actum implique que les autorités belges
à l'étranger assurent le respect des conditions de publicité prévues par le droit belge. L'article 170bis
du Code civil, modifié par la loi du 4 mai 1999, confirme que la déclaration de mariage à célébrer
par une autorité diplomatique ou consulaire est faite conformément au droit belge.
Les publications éventuelles exigées par la loi locale doivent, en outre, être effectuées.
- les modalités d'établissement de l'acte de mariage;
ml En cas de conclusion d'un mariage posthume, il paraît inévitable de soumettre à la loi du lieu de
célébration les formalités requises, et pour passer l'acte, et pour exprimer le consentement du
défunt (voy. supra, n° 12.44). Voy. en ce sens: Liège, 4 mars 1997,].L.M.B.. (1997), 1036, note Y.-H.
LELEU, à propos de la célébration d'un tel mariage en Belgique, le prédécédé étant italien.
ml L'opposition à mariage se rattache, par sa forme - une notification faite à l'officier de l'état civil
- aux formalités de célébration : l'opposition prévue par la loi belge ne saurait avoir pour destina-
taire qu'un officier public institué en vertu de la même loi.
Cela n'empêche pas d'emprunter à la loi étrangère les conditions d'application de la formalité orga-
nisée par le droit belge : ainsi, la loi nationale commune au père qui a formé l'opposition et à sa fille
majeure détermine les cas justifiant cette opposition et les causes pour lesquelles le juge belge doit
en accorder mainlevée (Civ. Liège, 3 mai 1967, Pas., 1967, III, 99,].T, 1967, 540). Pour que l'opposi-
tion soit recevable, il faut que la personne dont elle émane démontre que la loi régissant l'empêche-
ment qu'elle entend dénoncer l'autorise à faire obstacle à la célébration.
- la transcription éventuelle de l'acte de mariage;
Ill!L'article 171 du Code civil prévoyait, jusqu'à son abrogation par le Code de droit international
privé, la transcription de l'acte de célébration du mariage contracté par un Belge à l'étranger, soit
avec un Belge, soit avec un étranger. Cette formalité était opérée à l'initiative du conjoint belge, sur
les registres de l'état civil du lieu du premier domicile des époux à leur retour en Belgique. Le Code
réintroduit la possibilité d'une transcription de tout acte de l'état civil, dont le mariage, par
l'article 48 du Code civil (voy. supra, n ° 12.22).
Ces dispositions ne visent que le mariage célébré devant une autorité étrangère. Les actes de célé-
bration dressés par un agent diplomatique ou consulaire belge sont transcrits d'office, à la dili-
gence de ce fonctionnaire (voy. supra, n° 12.22).
Le non-accomplissement de la formalité était sans effet sur la validité du mariage (Civ. Malines,
29 juin 1982, Pas., 1983, III, 33), mais a parfois été retenu comme élément de fait concourant à son
caractère clandestin (Cass., 20 février 1913, voy. supra, n° 12.47).
La transcription peut certainement porter sur un mariage de personnes de même sexe valable-
Ill!
ment conclu à l'étranger, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 février 2003. L'appréciation est
528 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
plus délicate dans le cas d'un partenariat valablement enregistré à l'étranger, dont les effets seraient
équivalents à ceux du mariage (voy. infra, n° 12.106). Si le principe même de la transcription ne
semble pas soulever de difficulté particulière, la question reste de savoir sous quelle appellation
l'acte doit être cité. La fidélité de la transcription suppose l'utilisation de l'appellation d'origine. Il
devrait alors en aller de même d'autres mentions apportées dans des registres publics.
la possibilité de passer l'acte devant une autorité confessionnelle;
1111 Voy. supra, n ° 12.47.
1111Cette possibilité était reconnue, notamment, en Espagne pour les catholiques (C. civ. esp.,
art. 42) et en Grèce pour les orthodoxes (C. civ. hellén., art. 1367). Sur les modifications du droit
matrimonial espagnol (loi du 7 juillet 1981), voy. notamment: M. VERWILGHEN, « L'évolution du
droit matrimonial espagnol», Mélanges Wagnon, 619-620; pour la Grèce, la loi du 5 avril 1982 a
admis la célébration civile (Revue, 1982, 790).
1111 La question se pose aujourd'hui à propos des ressortissants marocains de statut musulman,
dont le mariage, confessionnel, doit se faire devant une autorité ayant également des qualités liées à
la religion (adouls).
La jurisprudence belge a maintenu la validité du mariage civil de ces étrangers en Belgique, mais
pour des motifs contestables. Les tribunaux ont écarté l'application de la loi nationale des futurs
époux, pour le motif qu'elle est« contraire à l'ordre public international belge » (Bruxelles, 16 mars
1961, ci-dessous). Avant d'évincer la loi étrangère pour ce motif, il faut s'interroger sur son titre de
compétence.
Le législateur étranger prétend certes déterminer la forme de célébration du mariage de ses ressor-
tissants, hors de son territoire, et considère même qu'il s'agit d'une condition de fond et non de forme
(problème de qualification). Quoi qu'il en soit, la disposition considérée appartient au droit interna-
tional privé étranger. Elle entre en conflit avec la règle du droit international privé belge, selon
laquelle les solennités du mariage célébré en Belgique relèvent impérativement de la loi belge. Entre
ces deux règles de droit international privé (qui appartiennent plutôt au conflit d'autorités qu'au
conflit de lois), le juge belge ne saurait hésiter: il applique la sienne, aucune source de droit belge ni
de droit international ne lui permettant de consulter la loi nationale d'étrangers pour déterminer
les autorités compétentes en Belgique.
Dans la jurisprudence, outre Bruxelles, 16 mars 1961, Pas. (1962), II, 68, voy.: Civ. Charleroi,
5 juillet 1957, Rev. dr. Jam. (1957), 242, note DE KEERSMAECKER; Civ. Liège, 5 novembre 1958, fur.
Liège (1958-1959), 171; Civ. Bruxelles, 28 octobre 1986, Rev. dr. étr. (1986), 112, repoussant la loi
marocaine au nom de l'ordre public. Comp. la solution correcte de Civ. Bruxelles, 29 octobre 1982,
Rev. trim. dr.fam. (1985), 211, avis min. pub!., à propos de Grecs.
Pour une critique de la solution donnée aux mariages confessionnels en vertu de la théorie des qua-
lifications, voy. supra, 7.20.
En pratique, pour éviter des situations boiteuses, il était suggéré de faire une double célébration :
d'abord devant l'officier de l'état civil belge, ensuite devant le consul du Maroc qui a les compéten-
ces adoulaires requises par le droit marocain.
Le nouveau Code marocain de la famille n'impose plus cette double célébration car« les Marocains
résidant à l'étranger peuvent conclure leur mariage selon les procédures administratives locales du
pays de résidence» mais en présence, le cas échéant, du tuteur matrimonial (Wali) et de deux
témoins musulmans (art. 14) et en respectant certaines conditions dont celles relatives à la dot. Il
faudrait alors, pour éviter les mariages boiteux, que les officiers de l'état civil belges soient formés
et informés en vue du respect de ces conditions ou que la deuxième célébration au consulat soit
maintenue. Une copie de cet acte de mariage doit être déposée dans les trois mois au consulat
(art. 15).
- la possibilité de passer l'acte par procuration.
Sur le mariage par procuration, voy. déjà en ce sens: Civ. Liège, 3 février 1966,Jur. Liège (1965-
1111
1966), 203; Civ. Bruxelles, 18 décembre 1990,J.T (1991), 242, à propos du Maroc. On trouve la
même solution dans plusieurs pays étrangers dont le droit interne n'admet pas plus que le droit
belge le mariage par procuration. Voy. RIGAUX, Le statut de la représentation, 73-78. Contra: Civ. Lou-
vain, ier décembre 1998, Tijds. Not. (2000), 49, admettant la procuration pour l'homme à propos
LA FORMATION DU MARIAGE 529
d'une célébration au Maroc, par application distributive des lois nationales; Civ. Audenarde,
22 octobre 2002, RA.B.G. (2004), 472, note F. DE BocK, concluant dans un cas et sur un raisonne-
ment analogues à la nullité à propos d'une procuration pour la femme belge.
1111 Le nouveau Code marocain de la famille a réduit les possibilités de mariage par procuration.
Celui-ci doit être autorisé au préalable par le juge qui examine les « circonstances particulières»
(art. 17).
1111En France, une règle unilatérale exige que le mariage d'un Français, même contracté à l'étranger,
requiert sa présence (art. 146-1 C. civ.). Cette disposition étend l'interdiction du mariage par procu-
ration aux nationaux par une règle d'applicabilité, alors que la célébration du mariage en France
semble bien supposer l'application du droit français - et l'exclusion d'une procuration - par l'effet
de la règle de rattachement qui détermine les conditions de forme de l'acte.
12.51 - Preuve de la célébration du mariage - La personne qui prétend avoir été mariée
à l'étranger doit produire une expédition de l'acte authentique éventuel (art. 24 Codip,
auquel renvoie l'art. 27).
Toutefois, lorsque la distance ou la difficulté de communiquer avec certains pays
étrangers rend une telle production impossible, la jurisprudence française a admis que la
célébration fût prouvée par d'autres voies.
IllVoy. des exemples dans: F. RIGAUX, v0 «Acte», n'" 57-58, Rép. Dalloz (éd. 1968). Voy.: Civ. Liège,
21 mai 1995, Rev. trim. dr.fam. (1998), 642, noteJ.-P. MASSON, la preuve du mariage ayant été mise
en cause à l'occasion d'une instance en divorce et le juge se satisfaisant, au vu de l'impossibilité de
produire les pièces, de documents belges considérant les époux comme mariés.
Cette attitude libérale doit être approuvée. Elle est compatible avec l'article 24 du
Code de droit international privé, qui permet d'accepter des documents équivalents,
voire d'en dispenser si une preuve suffisante est apportée(§ 2).
Ill L'applicabilité du droit belge à la détermination du mode de preuve se concilie avec le principe
selon lequel il appartient au droit du for de déterminer les conditions de réception d'un acre public
étranger, comme d'une décision judiciaire étrangère.
La preuve du mariage consensuel - supposé qu'il soit valable - a évidemment lieu
par toutes voies de droit, soit celles que permet la lex loci actus, soit celles de la lex fori.
Voy. par ex. J.P. St-Gilles, 5 avril 1990,J.T (1990), 662, infirmé quant à cette preuve par Civ.
1111
De plus, le ministère public peut introduire une action en nullité si le mariage a été
célébré en Belgique, ou si l'un des époux est belge ou réside habituellement en Belgique
au moment de l'introduction de la demande (art. 43, 2 °, Codip ).
La circonstance que le consentement des époux a été reçu par un officier public
étranger ne fait pas obstacle à ce que le mariage, comme acte juridique, soit annulé par le
tribunal belge: la décision judiciaire a pour objet l'acte juridique privé et non l'acte ins-
trumentaire dressé par l'officier public étranger.
1111 Voy. en ce sens: Gand, 26 avril 1973, R.W (1973-1974), 1886 et contra: Gand, 25 février 1956,
Rev. crit. jur. belge (1957), 179. Ces deux cas sont typiques puisqu'ils concernent une nullité déduite
de la simulation. Voy. depuis lors, très clairement en faveur de la compétence, Civ. Bruxelles,
17 octobre 1989, Pas. (1990), III, 46; 18 décembre 1990,].T (1991), 242; Liège, 16 novembre 1993,
Rev. gén. dr. civ. (1994), 503, note L. BARNICH; Civ. Bruxelles, 10 février 1998,].L.M.B. (2000), 1213;
Anvers, 28 avril 1998, Alg. Jur. Tijdschr. (1999-2000), 540, note K. LAMBEIN; Gand, 13 février 2001,
Alg.]ur. Ti;dschr. (2001), 329; sur le principe, voy. supra, n° 9.17.
1111 Dans son avis sur l'avant-projet de loi portant le Code de droit international privé (Doc. pari.,
Sénat, 2001-2002, n° 2-1225/1, 275), le Conseil d'État critiquait la possibilité d'une telle action en
nullité, au motif d'une« ingérence de l'autorité judiciaire belge dans le fonctionnement des autori-
tés publiques étrangères», tout en atténuant ensuite la portée de cette condamnation en citant le
cas où, selon le droit étranger, la dissociation entre l'acte public et l'acte privé n'est pas possible, et
il suggérait d'évoquer plutôt l'action en« inopposabilité » du mariage en Belgique, aux conséquen-
ces identiques à celles d'une déclaration de nullité. La portée exacte du concept d'opposabilité d'un
acte public étranger reste cependant à déterminer, si elle ne se confond pas avec les notions de
reconnaissance ou de force probante (voy. supra, n°s 10.56 et s.), tandis que la déclaration de nullité,
à la différence d'un refus de reconnaissance limité au territoire, pourrait théoriquement faire
l'objet d'une décision d'exequatur à l'étranger.
durée de résidence du demandeur national alors qu'elle est de« au moins une année» pour l'étran-
ger (art. 3, § 1", a) (infra n ° 12.81).
L'appréciation est plus délicate pour le critère de la nationalité commune des époux, retenu par le
règlement comme par le Code (art. 42, 4°, Codip).
Gha-zzali, Pas. (1995), I, 205, Revue (1996), 305, note M. FALLON. En France, voy. en ce sens: Cass. civ.,
F' décembre 1998,j.C.P. (1999), II, 10032, note H. Mum WATT.
Il est excessif de qualifier de contraire à l'ordre public une loi étrangère qui n'attache
pas à la violation d'une condition de validité essentielle l'effet de la nullité. Il est plus adé-
quat de recourir à une appréciation qui soit fonction de la nature de l'effet invoqué et de
l'intensité du rattachement de la situation (voy. supra, n° 12.45).
Pour une« condamnation» de la loi turque, voy. Bruxelles, 28 janvier 1986, Pas. (1986), II, 56;
1111
nullité provient de la loi belge (voy.: Cass., 8 mars 1963, Pas., 1963, I, 754; 28 octobre 1966,J.T,
1967, 22; Bruxelles, 8 octobre 1963,].T, 1963, 694; Liège, 19 février 1953, cité n° 12.47).
IllPlusieurs décisions ont également reconnu le bénéfice du mariage putatif alors que le mariage
avait été annulé par application d'une loi étrangère, sans que la motivation fasse apparaître quels
532 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
sont les effets de la nullité d'après cette loi. En ce sens, voy. notamment: Civ. Bruxelles,
26 novembre 1965,]. T (1966), 230.
La jurisprudence récente consacre l'application de la loi étrangère (Bruxelles, 28 janvier 1986, Pas.,
1986, II, 56, à propos du droit turc; 27 juin 1988, Rev. dr. étr. 1988, 219, à propos du droit tunisien;
Civ. Bruxelles, 18 novembre 1986, Rev. gén. dr. civ. 1988, 467, note A.-Ch. VAN GYSEL, à propos du
droit zalrois).
Certains effets de la théorie du mariage putatif paraissent « détachables » de la loi
qui régit la nullité du mariage. Il en est ainsi notamment pour le régime des pensions de
survie qu'il faut rattacher à l'institution (de droit public, de droit social, de droit du tra-
vail) compétente. De même, l'étendue de la réparation des conséquences d'un accident
relève de la loi applicable à la responsabilité civile.
Ill Appliquant toutes deux le droit belge, deux décisions ont donné des solutions contradictoires à
une question délicate : en cas de décès d'un bigame, dont le second conjoint peur réclamer le béné-
fice du mariage putatif, les deux veuves ont-elles droit à la réparation forfaitaire prévue par la loi
sur les accidents du travail? Quelle que soit la loi applicable à la nullité du mariage, il semble que
cette question doive être résolue conformément à la loi régissant la réparation des accidents du tra-
vail.
Voy.: Civ. Charleroi, 1er juin 1963, Rev. gén. ass. resp. (1967), 7909; Civ. Hasselt, 18 février 1966, ibid.
(1967), 7867.
Pour l'appréciation de la « bonne foi» exigée par l'article 201 du Code civil, et si
l'erreur commise par un des époux est une erreur de droit, il faut tenir compte, en droit
international privé, du contenu de la règle de conflit de lois sur lequel le conjoint belge a
pu se méprendre. La circonstance qu'un Belge se marie à l'étranger en vue d'éluder une
disposition de la loi belge, n'exclut pas nécessairement sa bonne foi, car il a pu croire le
mariage valable conformément au droit international privé.
Ill Voy.: Cass., 8 mars 1963, Pas. (1963), I, 754; 28 octobre 1966,].T (1967), 22, implicite.
Ill Le même principe a été appliqué à la confiance que des Belges ont pu avoir en un divorce obtenu
à Reno (Nevada) et déclaré contraire à l'ordre public. Le second mariage a été annulé, mais le carac-
tère frauduleux du divorce n'a pas empêché l'application de la théorie du mariage puratif (Bruxel-
les, 8 octobre 1963,].T, 1963, 694). Voy. encore: Civ. Bruges, 3 novembre 1965, R W (1966-1967),
1340, conf. par Gand, 19 janvier 1967, inédit.
sans examen contradictoire, elle viole les droits de la défense (C.E.D.H., aff. 30882/96, 20 juillet
2001, Pellegrini, Revue, 2004, 106, note critique L.-L. CHRISTIANS).
1111 La reconnaissance d'une décision rendue dans un État membre de l'Union européenne à propos
d'un mariage confessionnel, fait l'objet de dispositions particulières dans le règlement
« Bruxelles IIbis ». Voy. l'article 63 et, pour une extension à Malte, le règlement 2116/2004 du
2 décembre 2004 (J.O.C.E., 2004, L 367).
Pour un cas d'application de l'exception de chose jugée en matière de nullité de mariage, voy.
1111
Section 4
Les rapports entre époux
12.57 - Bibliographie
Peu de publications portent spécifiquement sur les effets généraux du mariage. Voy. : N. COIPEL,
« Réflexions sur la loi applicable aux effets du mariage», Rev. trim. dr. fam. (1993), 141-180; J. DE
GAVRE et M.-F. LAMPE,« Le régime primaire ou les droits et devoirs respectifs des époux», La réforme
des droits et devoirs respectifs des époux et des régimes matrimoniaux (Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1977),
85-196 ; J. ERAuw, « De collisierechtelijke aanknoping van het patrimoniale basisstatuut ('primair
statuut') van het huwelijk », R.W. (1978-1979), 881-896; E. Guw1x, « De doolhofvan het wetscon-
flictenrecht inzake primair huwelijksstelsels bewegwijzerd door het Hof van Cassatie ? », Mélanges
Baeteman (Anvers, Kluwer, 1997), 141-166; M. VERWILGHEN, « Du neuf sur la loi régissant le régime
matrimonial primaire», Mélanges Rigaux (Bruxelles, Bruylant, 1993), 581-618; N. WATIÉ, Les droits et
devoirs respectifs des époux en droit international privé (Bruxelles, Larcier, 1987).
La matière des régimes matrimoniaux a fait l'objet de publications abondantes.
H. BoRN, « Ferments nouveaux d'évolution des conflits de lois concernant les régimes
matrimoniaux »,].T (1977), 167-170, 181-187; L. BARNICH, « Les régimes matrimoniaux en droit
international privé», Rev. dr. étr. (1998), 721-730; A. BONOMI, « Autonomie des parties en droit
patrimonial de la famille et intérêt des entrepreneurs: aspects de droit matériel et de droit interna-
tional privé», Rev. suisse dr. int. dr. eur. (2004), 459-482; F. BoucKAERT, « Modifications convention-
nelles des régimes matrimoniaux en droit international privé et conflit mobile», Rev. not. belge
(1991), 486-492; J. CANIVET, « Les conflits de lois concernant le régime matrimonial des époux
mariés sans contrat», J. T. (1963), 37-40; J.-Y. CARLIER, « Les contrats de mariage internationaux:
aspect particulier des clauses relatives aux relations personnelles», Relations familiales internationales
(Bruxelles, Bruylant, 1993), 277-300; G. CoucHEz, Essai de délimitation du domaine de la loi applicable
au régime matrimonial (Paris, Dalloz, 1972); M. DAVIE,« Matrimonial property in English and Ame-
rican conflict of laws », I.C.L.Q. (1993), 855-881 ; C. DE BusscHERE, « La modification convention-
nelle du régime matrimonial pendant le mariage : quelques aspects du droit international privé
belge»,]. T. (1996), 89-98; ID.,« La loi du 9 juillet 1998 relative à la procédure de modification con-
ventionnelle du régime matrimonial au cours du mariage», Rev. not. belge (1999), 62-122; C. DE
WULF, « Het huwelijksvermogensrecht en het erfrecht in het internationaal privaatrecht », TP.R.
(1982), 327-364; G. DROZ, « Les régimes matrimoniaux en droit international privé comparé»,
Recueil des cours, vol. 143 (1974-III), 1-138; J. ERAuw, « Het intertemporeel internationaal privaa-
trecht en de toepassing ervan in het huwelijksvermogensrecht », TP.R. (1979), 1-28; J. ERAuw et
M. VERWILGHEN, « Droit international privé», Cinq années d'application de la réforme des régimes matri-
534 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
et faits juridiques. Voy. par exemple les manuels de BATIFFOL et LAGARDE, ou de LoussoUARN et Bou-
REL Comp. en revanche MAYER et HEUZÉ, pour une présentation globale du droit patrimonial de la
famille.
§1 LE CONFLIT DE JURIDICTIONS
12.59 - Renvoi aux règles générales sur le contentieux matrimonial - La loi offre à un
époux de nombreuses mesures d'exécution contre l'autre. De telles mesures suscitent une
question fondamentale qui relève du conflit de juridictions : quels sont les éléments
étrangers d'une situation excluant la compétence des juridictions belges ?
Il n'y a pas nécessairement coïncidence entre la compétence juridictionnelle et la
compétence législative. Le pouvoir d'intervention des tribunaux belges dans la relation
conjugale ne se limite pas à se prononcer sur les effets personnels d'un mariage soumis à
la loi belge. Inversement, certaines situations auxquelles la loi belge est applicable sont
soustraites à la compétence juridictionnelle des tribunaux belges.
Ill L'exemple le plus éclairant concerne l'article 221, alinéa 2, du Code civil. La délégation de som-
mes est une mesure d'exécution qui n'est pas réservée aux seuls époux dont les relations personnel-
les ou le régime matrimonial primaire sont soumis à la loi belge. Il convient d'assurer l'intervention
des tribunaux belges lorsque le tiers auquel le juge de paix enjoint de se libérer entre les mains d'un
conjoint à l'exclusion de l'autre réside en Belgique ou est une entreprise y ayant une succursale ou
un siège d'opération, et sans doute aussi lorsque le conjoint délégataire réside en Belgique ou y a
fait élection de domicile, de manière à ce que le paiement à propos duquel s'opère la substitution
de créancier soit localisé en Belgique.
Ill Rien ne s'oppose en soi à ce qu'il soit fait défense à un époux d'aliéner un immeuble situé à
l'étranger: après exequatur aux conditions posées par le droit étranger, une telle ordonnance est
susceptible d'être mise à exécution dans le pays où l'immeuble est situé. En revanche, le président
du tribunal ne saurait ordonner, à propos d'un tel immeuble, une mesure de publicité foncière
dont l'exécution échappe nécessairement à sa compétence.
- les époux sont belges au moment de la demande (art. 42, 4°, Codip).
Le lieu de situation de l'immeuble qui sert de logement familial ne figure pas parmi
les chefs de compétence, alors même que la loi belge serait applicable au fond (voy. infra,
n ° 12.66). Il y a lieu de croire que, dans la plupart des cas, l'un des critères précités suffira
à asseoir l'intervention des juridictions belges. De plus, la prorogation exceptionnelle de
compétence établie par l'article 11 du Code pourrait jouer un rôle utile, pourvu que les
conditions de son application soient remplies en l'espèce.
12.60 - Le contentieux matrimonial dans le contexte de l'Union européenne - À l'heure
actuelle, les instruments communautaires ne comportent guère de dispositions visant les
relations entre époux.
Le règlement« Bruxelles llbis » (voy. infra, n° 12.79) ne couvre pas les litiges liés aux
effets du mariage. Selon l'article 1er, il vise seulement les procédures relatives« à l'annula-
tion du mariage des époux ».
Le règlement« Bruxelles I » exclut de son domaine« l'état et la capacité des person-
nes physiques, les régimes matrimoniaux[ ... ]» (art. 1er). L'exclusion couvre, notamment,
la demande relative à la gestion des biens d'un époux par l'autre lorsque cette gestion est
liée étroitement aux rapports qui résultent du lien conjugal, ou encore l'octroi d'un capi-
tal à l'un des époux en relation avec la liquidation du régime matrimonial (voy. supra,
n° 9.15).
divorce: les effets personnels du mariage d'époux de nationalités différentes sont régis par la loi du
pays où ils sont tous deux domiciliés (Cass. civ., 19 février 1963, Chemouni, Revue, 1963, 559). Ulté-
rieurement cependant, un rattachement territorial lié au concept des lois de police a prévalu (voy.
ci-dessous, n° 12.63).
Cette thèse fut reprise en particulier par N. WATIÉ, précitée n° 12.37, 123-125, non sans laisser
1111
une large place à l'applicabilité dérogatoire des lois de police.
11111 La Cour de cassation de Belgique a retenu l'application de la loi nationale commune des époux
et, à titre subsidiaire, « lorsque les époux sont de nationalités différentes au moment où le conflit
surgit», de la loi du « premier domicile conjugal », à propos d'une demande d'annulation de eau-
LES RAPPORTS ENTRE ÉPOUX 537
tion contractée par l'un des époux, fondée sur l'article 224 du Code civil (Cass., 25 mai 1992, Ban-
que Sud Belge, j.L.M.B., 1992, 938, notes S. NUDELHOLE et M. LIÉNARD-LIGNY, Tijds. Not., 1992, 432,
note F. BoUCKAERT, Revue, 1993, 615, note M. FALLON, Rev. dr. étr., 1992, 418, note M.-C. FüBLETS).
Relatif à une question touchant aux effets du mariage sur les biens des époux, cet arrêt, dont la for-
mulation se réfère de manière générale« au mariage et à ses effets», pouvait intéresser a fortiori les
effets du mariage sur la personne des époux.
La règle nouvelle remplace la règle ancienne à partir du 1er octobre 2004. En effet, il
y a lieu d'appliquer en cette matière le principe de solution du conflit transitoire que
retient l'article 127, paragraphe 1er, alinéa 2, selon lequel la règle nouvelle détermine le
droit applicable aux effets produits après l'entrée en vigueur de la loi. Appliquée à la
matière du mariage, cette disposition signifie que, si la validité de l'acte est régie par la
règle de rattachement prévalant au jour de la passation de celui-ci, il en va autrement de
ses effets.
1111 La référence au moment où l'acte a été passé a été ajoutée par voie d'amendement lors des tra-
vaux de la commission de la Justice du Sénat. Elle permet par exemple de pétrifier la concrétisation
du facteur lorsque la question porte sur la validité d'une libéralité entre époux.
111 La Cour de cassation avait évoqué l'incidence du temps sur la situation des époux dans l'arrêt
cité au numéro précédent, mais y apportant une solution non dépourvue de paradoxe. Tout en se
référant, à défaut de nationalité commune, au « premier» domicile conjugal, elle visait le cas où
« les époux sont de nationalités différentes au moment où le conflit surgit». Ainsi le moment perti-
nent pour apprécier l'existence d'une nationalité commune était-il bien celui où se pose la question
des effets, étant indifférent que les époux aient partagé une nationalité commune au moment de la
célébration du mariage. Il paraît alors singulier de soumettre cette hypothèse au facteur du
« premier» domicile plutôt qu'à celui du domicile actuel. En réalité, aucun élément du pourvoi
n'invoquait de changement intervenu dans le domicile des époux. On peut donc douter que la
Cour ait entendu résoudre un conflit mobile lié au changement de domicile, l'arrêt ayant soin, au
demeurant, de préciser que le recours au« premier» domicile ne vaut qu'« en règle».
Comp. l'appréciation de M. LIÉNARD-LIGNY (note précitée n° 12.61, p. 949), regrettant la référence
au premier domicile et estimant que la Cour a pu se référer au premier domicile acquis après que
les époux ont perdu leur nationalité commune.
lil La référence à la concrétisation actuelle est très nette dans la jurisprudence ultérieure des juges
du fond. Il en va ainsi de l'arrêt de renvoi dans l'affaire précitée (Bruxelles, 27 juin 1996, Rev. trim.
dr. fam., 1997, 429, note S. FRANCQ). Voy. aussi: Civ. Liège, 5 décembre 1994, Rev. trim. dr. fam.
(1995), 580, Ti;ds. Not. (1996), 77, note C. De BUSSCHERE.
Une telle dualité de rattachements suppose cependant que la ligne puisse être cor-
rectement tracée entre les effets strictement personnels du mariage et les effets de nature
patrimoniale et d'identifier, parmi ceux-ci, les effets appelant à un rattachement territo-
rial.
En Belgique, N. WAITÉ, précité n ° 12.37, qualifie de lois de police un nombre élevé de disposi-
Ill!
tions relatives aux effets du mariage, à savoir la capacité des époux, la solidarité des dettes du
ménage à l'égard des tiers, l'activité professionnelle, la perception des revenus, la contribution aux
charges du ménage et la protection de la résidence conjugale.
IllDans l'édition précédente de cet ouvrage (n'" 1455 et s.), recevaient cette qualification, la protec-
tion de la résidence conjugale, l'accès à un compte de dépôt ou à un coffre-fort, la responsabilité
des époux à l'égard de tiers.
1111 Comme illustration de la difficulté, voy. la controverse jurisprudentielle au sujet des articles 221
et 223 du Code civil, ci-dessous. À propos de l'article 224 du Code civil, la cour d'appel de Mons
(20 juin 1989, Rev. dr. comm. belge, 1990, 787) avait retenu un rattachement territorial au titre d'une
qualification de loi de police, solution contestée par l'arrêt de la Cour de cassation précité.
LES RAPPORTS ENTRE ÉPOUX 539
cipes ne sont pas affirmés avec la même force dans tous les systèmes de droit interne et les
points d'équilibre ne sont pas identiques partout, ce qui suscite précisément des problè-
mes de conflit de lois.
12.65 - Questions soumises à la loi des effets du mariage - Le Code de droit interna-
tional privé établit une liste exemplative des points de droit soumis à la loi qui régit les
effets du mariage (art. 48, § 2). L'établissement de cette liste tend à asseoir la sécurité juri-
dique. Elle s'inspire cependant des dispositions contenues dans le droit matériel du for,
sans pouvoir anticiper sur le contenu du droit étranger désigné. Il appartient à l'inter-
prète de chercher une équivalence entre les premières et le second.
Relèvent de cette catégorie, notamment :
- les devoirs de cohabitation et de fidélité ;
1111 Pour une mesure autorisant une résidence séparée, voy.: J.P. Zaventem, 17 octobre 2002,].].P.
(2004), 456.
1111L'application à la représentation d'un époux par l'autre de la loi gouvernant le régime primaire,
s'agissant tantôt de dispositions qui limitent le droit de se donner mutuellement mandat (C. civ.,
art. 219), tantôt de celles qui permettent d'obtenir une délégation judiciaire (C. civ., art. 220 et 221,
al. 2 et s.), ne vise que les aspects internes du rapport de représentation (voy. infra, n ° 14.136). Les
restrictions que contiendrait sur ce point la loi du régime primaire sont inopposables aux tiers, qui
peuvent se fier aux dispositions en vigueur dans le pays où le représentant a agi (voy. infra,
n° 14.138).
Il en résulte que les articles 219, 220 et 221, alinéa ier, du Code civil, régissent l'opposabilité aux
tiers des actes accomplis en Belgique par un époux en qualité de mandataire ou de délégataire de
l'autre.
- la validité à l'égard d'un époux d'un acte passé par l'autre qui affecte les intérêts
de la famille, ainsi que la réparation des conséquences dommageables d'un tel acte à
l'égard de cet époux.
Ill Sur cette question, le Code confirme l'approche de la Cour de cassation (voy. supra, n° 12.61).
IllLa règle ne couvre que l'opposabilité de l'acte à l'époux, non les conditions de formation, d'exé-
cution ou d'extinction du contrat conclu par l'autre époux avec le tiers, qui relèvent du rattache-
ment contractuel.
Ill Le rattachement s'étend judicieusement au régime des dommages et intérêts que l'un des époux
peut réclamer à l'autre, et notamment à la détermination de la durée de prescription de l'action
(art. 224, § 2, C. civ.). Ce résultat peut aussi être atteint au moyen de la notion de rattachement
accessoire consacrée, en matière de responsabilité civile, par l'article 100 du Code de droit interna-
tional privé.
12.66 - Rattachements spéciaux - Le Code établit une catégorie ouverte des « effets »
du mariage. Celle-ci ne couvre cependant pas toute question liée au mariage.
Le régime matrimonial dit secondaire obéit à un rattachement qui lui est propre
(voy. infra, n ° 12.67).
De plus, le principe du rattachement autonome du nom (voy. supra, n ° 12.28) impli-
que que la faculté d'utiliser le nom du conjoint et, le cas échéant, avec l'accord de celui-ci,
relève de la loi personnelle de celui qui entend en faire usage.
La question de la protection du logement familial obéit à un rattachement déroga-
toire, retenant un critère territorial de manière inconditionnelle, à savoir en toute hypo-
thèse le lieu de situation de l'immeuble (art. 48, § 3, Codip).
Ill Sur la question du logement familial, voy. N. WATIÉ, précitée (n° 12.57), 273-293; ID.,« Lesta-
tut du logement familial en droit international privé et les articles 214 et 215 du Code civil», Rev.
not. belge (1986), 174-181.
Cette règle s'écarte de l'approche de la Cour de cassation, qui s'était prononcée incidemment en
1111
faveur de la loi personnelle à propos d'une demande introduite par un ex-époux après le divorce
(voy. infra, n ° 12.101).
La question des relations avec les tiers est complexe. En effet, ceux-ci peuvent ne pas
appartenir à la sphère d'intégration sociale des époux, par exemple lorsqu'ils sont établis
dans un pays autre que celui de la résidence conjugale. Dans ce cas, l'application de la loi
des effets du mariage peut les surprendre. De plus, en cas d'action judiciaire dans le pays
de la résidence conjugale, la reconnaissance de la décision à l'étranger peut susciter des
difficultés. Une interrogation analogue surgit à propos du régime matrimonial secon-
daire (voy. infra, n ° 12.75).
Il ressort de la formulation de l'article 48, paragraphe 2, précité que la loi des effets
du mariage régit ce qui concerne l'ouverture d'un compte de dépôt ou la location d'un
542 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
coffre, la relation avec le tiers dans la délégation de sommes, ainsi que l'annulation du
contrat conclu avec un tiers, à la demande de l'époux qui n'a pas contracté. En revanche,
la relation entre le représentant et le tiers relève du rattachement de la représentation
(voy. n ° précédent).
De plus, la solidarité à la dette contractée par l'un des époux pour les besoins du
ménage ou l'éducation des enfants relève du même rattachement que celui de l'opposabi-
lité au tiers du régime matrimonial : la loi de ce régime est applicable, sous réserve de
l'application de la loi du pays dans lequel le tiers et l'époux dont il est le créancier rési-
daient lors de la naissance de la dette (art. 54, § 2, Codip ).
11111 L'important est que le tiers puisse compter sur l'application d'une loi prévisible, relie la loi de la
résidence conjugale ou au moins la loi du pays dans lequel il réside ainsi que l'époux avec lequel il a
contracté. L'article 54 conduit précisément à ce résultat. Il en sera de même le plus souvent de
l'article 48. L'une et l'autre dispositions permettent de concrétiser le critère de résidence - du tiers
pour le premier, des époux pour le second - au moment où l'acte a été conclu.
Aux Pays-Bas, le Hoge Raad (7 avril 1989, Tan c. Bavinck, N.I.L.R., 1991, 398, note T. DE BOER) a fait
rétroagir la règle jurisprudentielle nouvelle, tout en réservant l'attente légitime des parties, corri-
geant un arrêt antérieur qui avait refusé l'effet rétroactif dans le cas d'un mariage conclu à l'époque
où était en vigueur la Convention de La Haye du 17 juillet 1905, ultérieurement dénoncée.
llliLa Convention de La Haye du 14 mars 1978 (supra, n ° 12.57) prévoit que, sauf déclaration con-
traire de l'État, ses dispositions ne s'appliquent qu'aux époux qui se sont mariés après son entrée
en vigueur pour cet État (art. 21).
Toutefois, les mariages célébrés sous la période antérieure peuvent bénéficier des
règles nouvelles par l'exercice de l'autonomie de la volonté.
D'une part, si les époux ont, avant le 1er octobre 2004, fait choix du droit d'un État,
un tel choix est valable s'il satisfait aux dispositions du Code.
D'autre part, les époux peuvent, après le 1er octobre 2004, passer un acte modificatif
de leur régime matrimonial, dont la validité sera soumise au droit désigné par le Code.
Pour la clarté de l'exposé, il paraît judicieux de maintenir la distinction tradition-
nelle selon que les époux ont choisi (A) ou non (B) le droit applicable à leur régime, en
évoquant ensuite la mutation conventionnelle (C). Pour chaque point, les solutions
anciennes sont comparées aux règles nouvelles.
Cass. civ., 7 novembre 1961, Daim c. Minaz.zi, Revue, 1962, 681, note H. BATIFFOL). Toute-
fois, la jurisprudence a vu dans le premier domicile conjugal une présomption solide à
défaut d'autres éléments: les juges du fond doivent rechercher la volonté des parties,« en
tenant spécialement compte de la présomption résultant de la fixation du domicile
conjugal » (Cass. civ., 15 décembre 1965, Dupuy c. Vanthaliti, Clunet, 1967, 398).
1111 La France a ratifié depuis lors la Convention de La Haye du 14 mars 1978 (supra, n ° 12.57).
En Belgique, après avoir, au XIXe siècle, soumis les époux mariés sans contrat à la loi
du premier domicile conjugal, les tribunaux se sont parfois exprimés en faveur de la loi
d'autonomie, avec l'interprétation qu'elle recevait de la jurisprudence française. Une
autre solution trouve sa source dans la doctrine favorable à l'application de la loi natio-
nale du mari (Rolin, De Paepe, Poullet), et elle coïncide à peu près avec l'entrée en vigueur
(le 15 avril 1913) de la Convention de La Haye du 17 juillet 1905 sur les effets du mariage,
qui consacre cette solution. Même après sa dénonciation par la Belgique (produisant
effet le 24 août 1922), la Convention de 1905 est restée pour les auteurs et aussi pour la
jurisprudence une source de droit ayant« une valeur doctrinale» telle que« rien n'empê-
che les tribunaux d'appliquer les principes qu'elle consacre» (concl. av. gén. LEPERRE, pré-
cédant Bruxelles, 17 avril 1940, Rev. prat. not., 1940, 422).
À la fin du xxe siècle, la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable
aux régimes matrimoniaux exprime une nouvelle tendance. Tout en confirmant le prin-
cipe d'autonomie, elle se singularise dans la détermination du rattachement subsidiaire.
Elle donne la préférence à la loi du pays de la résidence des deux époux et, à défaut, dési-
gne la loi de la nationalité commune sous des conditions strictes, à défaut encore, elle se
réfère à la détermination des liens les plus étroits.
111 Ce texte subtil échoue à établir une sécurité juridique satisfaisante, en prévoyant une évolutivité
de la désignation de la loi applicable en vertu du rattachement objectif, en omettant toute règle sur
la mutabilité et en s'en remettant, de manière subsidiaire, au rattachement par les liens les plus
étroits. Il contraint pratiquement les époux à faire choix du droit applicable. La Convention n'a été
ratifiée que par la France, le Luxembourg et les Pays-Bas.
- quant à sa formulation, il obéit à une exigence analogue à celle qui frappe le choix
d'un régime, telle qu'énoncée par l'article 52 (voy. infra, n ° 12.74).
1111 L'article 52 détermine le droit applicable à la forme du choix du régime même. Le renvoi à cet
article se comprend comme portant sur l'exigence de forme qui affecte le choix d'un régime selon le
droit désigné. S'il signifiait seulement une référence aux modalités prévues par ce droit pour le
choix du droit applicable, cela conduirait à une lacune fréquente chaque fois que ce droit ignore
l'autonomie de la volonté. De plus, c'est au droit international privé du for qu'il appartient de défi-
nir les modalités du choix du droit applicable, ce que fait le législateur belge en s'en remettant pra-
tiquement aux exigences imposées pour le choix du régime. Il aurait été plus clair de spécifier que le
choix doit être fait dans la forme prescrite pour les contrats de mariage, comme le fait la Conven-
tion de La Haye de 1978, du moins pour l'hypothèse d'une désignation expresse (art. 13).
Le renvoi au « droit applicable au régime matrimonial » évoqué par l'article 52 se comprend
1111
comme un renvoi au droit qui régit ce régime au cas où le choix de la loi applicable est valable
quant à la forme.
Le moment du choix est indifférent. Le choix peut être fait à tout moment, et peut
modifier un choix antérieur (art. 50, § 1er). Cependant, les époux doivent être attentifs au
fait qu'un tel choix ultérieur, en opérant changement de la détermination de la loi appli-
cable, ne peut porter atteinte aux droits des tiers (art. 50, § 3). De plus, sauf stipulation
contraire, il n'a d'effet que pour l'avenir.
1111Des dispositions analogues sur le moment du choix figurent dans la Convention de La Haye de
1978.
Les époux mariés avant le 1er octobre 2004 peuvent aussi formuler un tel choix en cours de
1111
manage.
droit international privé doit être évitée, car celle-ci est de nature à affecter aussi un régime légal,
tandis que tout contrat de mariage ne contient pas nécessairement de choix du droit applicable
(voy. le n° précédent).
Un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 1966 (De/val, Pas., 1967, I, 478) a déclaré irrece-
1111
vable pour défaut d'intérêt, motif ciré de l'identité de contenu du droit belge et du droit étranger,
un pourvoi qui reprochait au juge du fond de n'avoir pas spécifié quel droit avait été appliqué au
fond alors que les époux avaient fait choix du droit français.
1111 Le lien opéré par l'arrêt Eicker entre le régime légal et le mariage a fait douter de la possibilité
d'envisager l'autonomie de la volonté en cette matière, celle-ci ne se prêtant pas, traditionnelle-
ment, à la faculté de choix du droit applicable par les parties. Voy. les références citées par: N.
WATIÉ, « Droit international privé (conflit de lois), Examen de jurisprudence (1990 à 2002) », Rev.
crit. jur. belge (2003), 515.
Les juges du fond n'ont pas hésité à admettre le choix du droit applicable par les
parties.
Voy.: Civ. Liège, 10 janvier 1994, ].L.M.B. (1994), 1191, note S. NUDELHOLE; Bruxelles,
1111
29 octobre 1996, Rev. not. belge (1997), 275, note L. BARNICH, Rev. trim. dr.fam. (1996), 566, note M.
FALLON, Div. Act. (1998), 83, note M. LIÉNARD-LIGNY.
Le législateur avait pris une disposition qui, en établissant une limite à la formula-
tion du choix du droit applicable, admettait implicitement le principe d'autonomie.
L'article 1389 du Code civil, introduit par la loi du 14 juillet 1976, disposait que:
«Les époux ne peuvent établir leurs conventions matrimoniales par simple référence à
une législation abrogée ou, si l'un d'eux est Belge, à une législation étrangère.»
La disposition a été modifiée par l'article 130 du Code de droit international privé, par la sup-
1111
pression des termes« ou, si l'un d'eux est Belge, à une législation étrangère». Les contraintes impo-
sées par le Code quant à la formulation du choix du droit applicable ont été jugées suffisantes.
1111 La portée de cette disposition était sans doure minime, puisqu'elle prohibait la référence pure et
simple à une législation étrangère, mais non l'élaboration d'un régime conventionnel dont les clau-
ses fussent inspirées par une telle législation. La disposition n'en était pas moins critiquable
puisqu'elle interdisait au Belge épousant une étrangère ou à la Belge épousant un étranger d'élimi-
ner tout conflit de lois par une clause simple insérée dans leur contrat de mariage. Elle découra-
geait également en fait l'adoption d'un régime prévu par un droit étranger.
Ill Cet article fournie l'illustration d'une règle matérielle de droit international privé (voy. supra,
n ° 3.8), qui ne doit pas être appliquée par analogie ni à la simple référence à la loi belge ni à la réfé-
rence à une loi étrangère quand les deux conjoints sont étrangers.
Comme le législateur belge s'est abstenu d'en déterminer le domaine d'application dans l'espace, il
y a lieu de limiter celui-ci aux conventions matrimoniales dressées devant une autorité belge. Le but
que semble avoir poursuivi le législateur étaie d'éviter que le Belge épousant une étrangère (ou vice
versa) n'adopte par simple référence un régime étranger qu'il (ou qu'elle) ne connaît pas.
Voy. le rapport fait au nom de la commission de la Justice du Sénat par M. HAMBYE, Doc. pari.,
Sénat, sess. excr. 1974, n° 683/2, p. 21, et dans la jurisprudence: Civ. Bruxelles, 21 décembre 1977,
Rev. trim. dr.fam. (1978), 76.
Cette crainte est beaucoup moins fondée quand les conventions matrimoniales sont dressées à
l'étranger devant une autorité étrangère.
Voy. encore F. RIGAUX, « Quelques réflexions sur la loi du 14 juillet 1976 - Droit interne et droit
international privé», Rev. trim. dr. Jam. (1978), 17 et s.
LES RAPPORTS ENTRE ÉPOUX 547
même pays.
Il s'agit de la « première» résidence conjugale, non de toute autre résidence acquise ultérieure-
1111
1111La Convention de La Haye de 1978 permet aussi un choix ultérieur du droit applicable. Mais
elle prévoit aussi un changement de désignation par l'effet du rattachement objectif, en fonction
de l'évolution des circonstances de rattachement. C'est le cas, notamment, en cas de déménage-
ment vers le pays de la nationalité commune ou, en cas de déménagement vers un autre pays, après
écoulement d'un délai de dix ans (art. 7). Ce changement n'a cependant, en principe, d'effet que
pour l'avenir (art. 8).
1111Parmi les codifications nationales, voy. : art. 15 EGBGB en Allemagne qui, tout en rattachant
aux effets généraux du mariage, précise qu'il s'agit de ces effets« lors de sa célébration»; la loi ita-
lienne du 31 mai 1995 prévoit un rattachement aux effets généraux du mariage sans fournir de pré-
cision sur le conflit mobile (art. 30). Contra: la loi suisse du 18 décembre 1987 s'en remet à une
actualisation du facteur de rattachement pertinent, à savoir le domicile (art. 54), sauf volonté con-
traire des époux (art. 55), dans le souci d'éviter que l'immuabilité du rattachement abourisse à la
désignation d'un droit avec lequel les époux ont perdu tout lien (BUCHER et BONOMI, n ° 658).
En France, la jurisprudence utilise pour le régime légal une échelle classique ayant pour ratta-
1111
chement principal la nationalité commune et pour rattachement subsidiaire, le domicile, dans leur
concrétisation lors du mariage. Toutefois, le changement de domicile peut être pris en compte en
fonction de la volonté des époux (Cass. civ., 9 octobre 1991, Diermeyer, Rép. Defr.,1992, 35, note M.
lŒVILLARD).
La combinaison d'un conflit mobile et d'un conflit transitoire est de nature à justi-
fier l'application automatique d'un nouveau régime légal, au cas où les époux ont volon-
tairement rompu les liens qui les unissaient au pays à l'égard duquel le facteur de
rattachement se concrétisait au moment de la conclusion du mariage (voy. supra,
n ° 6.11). Ce résultat peut être obtenu par le recours aux conditions de la clause générale
d'exception de l'article 19 du Code.
1111 Sur ce thème, voy. en France: Paris, 5 juillet 1990, Rev. not. belge (1991), 484, note F. BOUCKAERT,
à propos de réfugiés roumains ayant acquis ultérieurement la nationalité française.
12.72 - Échelle des rattachements pratiquée avant l'entrée en vigueur du Code - Le lien
établi entre le régime légal et le mariage emportait nettement la désignation de la loi de la
nationalité, par application de l'article 3 du Code civil. Le cas du conflit des lois person-
nelles soulevait un problème plus délicat. La désignation de la loi nationale du mari a
prévalu longtemps, avant son remplacement par la loi de la résidence conjugale.
1111 Le rattachement de principe à la loi de la nationalité est établi fermement par l'arrêt Eicker de la
Cour de cassation, en ce qui concerne le régime légal: Cass., 10 avril 1980, Eicker c. Brickman, Pas.
(1980), I, 968, R W (1980-1981), 918, note]. ERAuw, Rev. not. belge (1980), 495, note R. VANDER ELST,
Rev. trim. dr. fam. (1980), 390, note J.-L. RENCHON, Rev. crit. jur. belge (1981), 309, note F. RIGAUX. En
revanche, le cas du régime conventionnel non accompagné d'un choix de loi n'entre pas dans cette
formulation.
En faveur de la loi nationale du mari, voy. encore: Civ. Bruxelles, 3 janvier 1973, Cab. dr. fam.
1111
(1974-1975), 19; Civ. Liège, 30 décembre 1977,]ur. Liège (1977-1978), 196, cette dernière décision
émettant elle-même des réserves sur l'application de cette loi et n'ayant retenu celle-ci que parce
que les époux étaient d'accord sur son application.
La préférence donnée à la loi nationale du mari a été jugée incompatible avec l'égalité des conjoints,
introduite en droit belge par la loi du 30 avril 1958 (GRAULICH, n ° 167). Ce motif n'est pas décisif en
raison de la neutralité de la règle de rattachement au regard du droit matériel appliqué (voy. VAN
0
HECKE et RrGAUX, Rev. crit. jur. belge, 1965, 346-348 ; VANDER ELST, Rép. prat. droit belge, compl., t. II, v
« Conflits de lois», n°' 43 et 46). Mais on retiendra le souci de soumettre le ménage à un critère
commun aux deux époux, ce qui a justifié l'application de la loi de la résidence conjugale aux effets
personnels du mariage (supra, n ° 12.61).
LES RAPPORTS ENTRE ÉPOUX 549
Ill La première décision à avoir introduit le critère subsidiaire de la résidence, plus précisément de
l'intégration prépondérance, est l'arrêt Beddini de la cour d'appel de Mons du 22 octobre 1975, Rev.
not. belge (1976), 520, note R. VANDER ELsT.
La règle s'est imposée rapidement: Civ. Bruxelles, 21 décembre 1977, Rev. trim. dr.fam. (1978), 76;
Anvers, 11 janvier 1982, Rec.gén. enr. not. (1983), 145; Mons, 23 avril 1987,].L.M.B. (1987), 1249.
Voy. déjà dans le même sens l'article 2 de la résolution de l'Institut de droit international, à la ses-
sion de Grenade, Annuaire, vol. 46 (1956), 363.
1111La condition de nationalité commune semblait remplie dès que les deux époux partageaient
«une» nationalité, même en cas de binationalité lorsque cette nationalité n'était ni la plus effective
ni celle du for. Voy. en ce sens: Bruxelles, 22 avril 1988,J.T (1988), 664; Civ. Bruxelles, 19 octobre
1990, Rev. not. belge (1992), 218.
conclusion» du mariage; Civ. Liège, 5 décembre 1994, Rev. trim. dr. Jam. (1995), 580, Tijds. Not.
(1996), 77, note C. DE BusscHERE, admettant que les époux pouvaient avoir perdu tout contact avec
ce pays; Civ. Louvain, 3 juin 2003, R.A.B.G. (2004), 506.
1111Pour le facteur de résidence, la solution est implicite dans l'arrêt Banque Sud Belge du 25 mai
1992 (voy. supra, n° 12.61), certes relatif aux effets généraux du mariage mais valant, a fortiori, pour
le régime matrimonial. Voy. ultérieurement, notamment: Bruxelles, 4 juin 1998, Rev. trim. dr. Jam.
(1999), 576, noce M. FALLON.
Belgique; le cas tranché par Bruxelles, 16 mai 1960, Pas. (1960), II, 265, est plus complexe: la loi
nationale du mari yougoslave renvoyait à la loi congolaise, « loi du domicile commun envisagé»,
mais comme le Code civil congolais ne contenait pas de disposition sur le régime matrimonial
légal, la lacune a été comblée par l'application de la loi belge ; Civ. Audenarde, 29 juin 1982, R W
(1982-1983), 1135, note]. ERAUW, Rec. gén. enr. not. (1983), 147.
1111La solution du conflit des lois personnelles fournit l'occasion de dénoncer une difficulté supplé-
mentaire que soulève le renvoi lorsque la règle de rattachement étrangère utilise un critère que le
droit du for a rejeté explicitement. Il en est ainsi pour la détermination du régime d'un couple
libano-syrien dont la première résidence conjugale était au Japon, la règle japonaise désignant la loi
nationale du mari (Civ. Anvers, 29 mars 1984, Tijds. Not., 1985, 308, note]. ERAUW, utilisant la tech-
nique). La raison d'être du revirement paraît exclure que le tribunal belge puisse donner effet à une
telle règle étrangère.
1111 Le renvoi pouvait conduire à désigner une convention internationale ratifiée par l'État étranger
et non par la Belgique. Ce fut le cas de la désignation du droit néerlandais, à propos de la Conven-
tion de La Haye du 14 mars 1978. Voy.: Civ. Gand, 31 mars 1994, Tijds. Not. (1994), 479, note F.
BoucKAERT; Civ. Dendermonde, 27 juin 1997, Tijds. Not. (1997), 410, note F. BouCKAERT, Rev.gén. dr.
civ. (1998), 140, note C. DE BusscHERE, Rev. not. belge (1998), 388. Pour le droit portugais, voy.: Cass,
17 octobre 2002, R. W. (2002-2003), 1507, note B. VoLDERS, Rev. trim. dr. Jam. (2003), 341, note M.
FALLON.
IllL'article 48 du Code, relatif aux effets généraux du mariage, réserve le rattachement du régime
matrimonial. Cette réserve montre que le domaine du régime primaire ne doit pas être interprété
largement au détriment du domaine du régime secondaire. Pour un cas d'extension excessive du
régime primaire à la possibilité pour l'époux de se faire autoriser à vendre un immeuble commun
en vertu de l'article 1420 du Code civil, voy.: Anvers, 11 janvier 1988, Pas. (1988), II, 91.
en cause une incapacité propre à la matière (art. 34 Codip). Les règles spéciales portent
respectivement sur la forme du contrat de mariage et sur les relations avec des tiers.
12.74 - Rattachement alternatif pour la forme du contrat de mariage - Le Code établit
une règle particulière pour la détermination des formalités à suivre pour la conclusion
du contrat de mariage (art. 52, al. 1er). Cette disposition a une double nature: elle porte
d'une part une règle de conflit de lois et, d'autre part, une règle matérielle.
La règle de rattachement est de type alternatif. Elle tend à désigner une loi qui per-
mette d'assurer la validité formelle de l'acte, soit la loi du régime, soit la loi du pays où le
contrat a été passé.
1111Sur la technique du rattachement alternatif, voy. supra, n ° 3.59.
Cette technique est d'utilisation courante en matière de forme des actes. Voy., en matière de con-
trats, infra, n° 14.56.
La solution est inspirée de la Convention de La Haye de 1978.
La règle matérielle exige que le choix du régime ait fait« au moins [... ] l'objet d'un
écrit daté et signé des deux époux».
1111 Cette exigence figure également dans la Convention de La Haye de 1978.
L'exigence est de nature minimale : si chacune des lois désignées par la règle de rattachement
1111
n° 4.9) assurant son application devant toute autorité belge, même lorsque la règle de rattache-
ment précitée désigne un droit étranger.
Pour les contrats passés avant le 1er octobre 2004, la pratique antérieure admettait
aussi un rattachement alternatif en fonction de la loi du régime ou de celle du lieu de
conclusion.
1111 Cass., 28 mai 1925, Ainley, Pas. ( 1925), I, 264.
1111 Ainsi, l'article 1392 du Code civil exigeant un acte notarié ne régit pas nécessairement les Belges
à l'étranger. De même, deux étrangers dont la loi du régime déclare valable le contrat de mariage
par acte privé ne seraient pas soumis à cette exigence.
Le Belge souhaitant passer le contrat à l'étranger peut s'adresser aux autorités diplo-
matiques et consulaires belges à l'étranger, qui peuvent recevoir le contrat de mariage de
deux Belges ou d'un Belge et d'un étranger (loi du 10 juillet 1931, art. 5).
Le texte de la loi évoque le contrat conclu entre un Belge et une étrangère, ce qui exclurait la
1111
compétence lorsque la femme est belge. Dans la loi du 12 juillet 1931 réglant les compétences en
matière d'état civil, qui contenait une règle analogue, cette disposition discriminatoire a été corri-
gée (loi du 14 mai 1999). L'absence de correction de la loi du 10 juillet apparaît comme une inad-
vertance, et la femme peut invoquer la violation du principe fondamental de l'égalité de sexes pour
obtenir l'intervention de l'autorité belge.
12.75 - Rattachement de protection pour les relations avec les tiers - Le Code intro-
duit des dispositions particulières tendant à préserver les intérêts des tiers avec lesquels
les époux ou l'un d'eux ont contracté. Même si l'opposabilité du régime au tiers reste sou-
mise en principe à la loi du régime, le tiers peut cependant invoquer l'application d'un
autre droit, avec lequel il présente un lien déterminé, à savoir celui du pays de sa résidence
au moment où il a contracté, lorsque du moins l'époux cocontractant résidait aussi dans
ce pays.
1111La Convention de La Haye maintient en principe l'applicabilité de la loi du régime, mais elle
prévoit la faculté pour un État contractant d'y déroger, selon un mécanisme de protection analo-
552 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
gue, avec les réserves énoncées ci-dessous (art. 9). Elle permet toutefois au tiers d'invoquer les dis-
positions de la loi de sa résidence ou de celle de l'époux qui lui oppose le contrat de mariage, sans
exiger que cette loi soit commune.
Cette protection ne joue cependant pas dans tous les cas. Elle est exclue dans trois
hypothèses :
- soit les époux ont suivi les formalités de publicité ou d'enregistrement prévues
par le droit applicable au régime ;
11 Cette hypothèse présuppose que ce droit organise de telles formalités. En droit belge, c'est le cas
de l'article 76, 10°, du Code civil: l'acte de mariage énonce« la date du contrat de mariage, le nom
et la résidence du notaire qui l'a reçu et l'indication du régime matrimonial « ; la sanction est
l'inopposabilité du régime conventionnel au tiers qui a contracté dans l'ignorance du contrat de
mariage.
Il en irait de même des formalités de mutation, par exemple, en droit belge, l'homologation et la
publication au Moniteur (voy. infra, n ° 12.77).
Le droit belge organise aussi un enregistrement des contrats de mariage passés par des commer-
çants, le notaire ayant l'obligation de transmettre au greffe du tribunal de commerce un extrait du
contrat (art. 12 et 13 C. comm.).
Il Pratiquement, lorsque les époux établis en Belgique s'y marient après avoir passé un contrat de
mariage, l'officier de l'état civil procède à la mention précitée. Même si le contrat de mariage est
régi par un droit étranger, la mention s'impose à l'officier en vertu de la règle Auctor regit actum,
quelle que soit la formalité prévue par ce droit. Les époux devront cependant être attentifs à la
sanction éventuelle d'inopposabilité au cas où les formalités éventuelles prévues par la loi patrimo-
niale n'ont pas été suivies.
En cas de célébration du mariage à l'étranger alors que la loi belge est applicable au régime, ou si le
droit étranger applicable prévoit une publicité, les époux font bien de faire transcrire l'acte en Bel-
gique (voy. supra, n ° 12.22) et de faire mentionner, lors de cette formalité, leur régime matrimonial.
111La Convention de La Haye se réfère plutôt aux formalités organisées soit par la loi de la rési-
dence du tiers, soit par celle de la résidence de l'époux qui lui oppose le contrat de mariage.
- soit le tiers avait connaissance du régime ou ne l'a ignoré qu'en raison de son
imprudence;
IllEn cas de connaissance alors que les règles de publicité de la loi patrimoniale n'ont pas été res-
pectées, le but de protection est atteint (Exposé des motifs de la proposition de loi, Doc. pari., Sénat,
2003-2004, n ° 3-27/1, 84).
- soit, en matière immobilière, les époux ont respecté les règles de publicité du lieu
de situation de l'immeuble.
11 Les époux seront donc prudents de transcrire leur contrat affectant des droits réels sur un
immeuble situé en Belgique, en vertu de l'article 1er de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 qui
organise des règles de publicité foncière: cette transcription assurera l'opposabilité de leur contrat
aux tiers, pour les immeubles situés en Belgique et ce, à l'égard des autorités belges. Voy. déjà: N.
WATIÉ, « Les conflits de lois en matière de régimes matrimoniaux", Rép. not. (Bruxelles, Larcier,
1982), n ° 53.
Ill La réponse au conflit mobile donnait lieu à des solutions divergentes, tantôt en faveur d'une
pétrification de l'élément pertinent de rattachement, tantôt en faveur de son actualisation.
En faveur d'une actualisation, outre l'édition précédente de cet ouvrage (Bruxelles, Larcier, 1993,
n° 1448), voy.: Anvers, 11 janvier 1988, Pas. (1988), 220; Gand, 26 mai 1994, Tijds. Not. (1995), 560,
note K. WAUTERS-LAMBEIN et W. WAUTERS; Civ. Bruxelles, 27 mars 1996, Rev. not. belge (1996), 338,
note C. DE BusSCHERE.
En faveur d'une pétrification, voy.: Civ. Bruxelles, 2 avril 1990, Rev. dr. étr. (1990), 345; Civ. Liège,
7 mars 1994, Rev. trim. dr. fam. (1996), 90, note M. FALLON; Civ. Gand, 11 mai 1995, Rev. gén. dr. civ.
(1996), 73; Bruxelles, 24 mars 1998,].L.M.B. (1999), 799, note C. COUQUELET.
Pour les mariages célébrés avant le 1er octobre 2004, la mutation intervenue après
cette date soulève un problème de conflit transitoire, qui pourrait revêtir un intérêt prati-
que en cas de conflit mobile, puisque la règle nouvelle tranche nettement celui-ci. Ni le
Code ni l'exposé des motifs de la proposition de loi n'y apportent de réponse spécifique.
À première vue, les conditions de la mutation relèvent de l'ancienne règle de rattache-
ment, dans la mesure où celle-ci concerne les mariages célébrés au cours de la période
antérieure. Toutefois, la mutation conventionnelle constitue un contrat qui est, comme
tel, dans l'hypothèse précitée, un acte survenu après l'entrée en vigueur du Code au sens
de l'article 127, paragraphe 1er_ En ce sens, sa validité devrait relever des règles nouvelles.
554 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
des motifs de la proposition de loi, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1, 83), et de la publication
au Moniteur prévue par l'article 1396. Cette procédure organise une intervention du tribunal de
première instance de la résidence conjugale.
Avant l'entrée en vigueur du Code, l'applicabilité de la procédure d'homologation
était discutée dans la jurisprudence, celle-ci retenant tantôt un rattachement territorial
exclusif, tantôt un rattachement à la loi patrimoniale.
111 La plupart des décisions, citées par N. WATIÉ, « Examen de jurisprudence (1990-2002), Droit
international privé (conflit de lois) », Rev. crit. jur. belge (2003), 518, favorisent le rattachement terri-
torial exclusif. Adde: Civ. Dendermonde, 27 juin 1997, Tijds. Not. (1997), 410, note F. BouCKAERT,
Rev. gén. dr. civ. (1998), 140, note C. DE BusscHERE; Bruxelles, 24 mars 1998, J.L.M.B. (1999), 799,
note C. COUQUELET.
Telle qu'elle est prévue en droit belge, la compétence attribuée au juge de l'homolo-
gation prévoit comme condition de l'intervention que la modification entraîne la liqui-
dation du régime préexistant ou un changement actuel dans la composition des
patrimoines - cas dit de la« grande modification». L'exigence de cette condition relève
certainement du droit belge, en tant que condition affectant la compétence du tribunal.
En revanche, la vérification qu'il y est satisfait en l'espèce dépend du contenu de la modi-
fication et, par ce biais, du droit applicable à celle-ci.
Voy. par exemple: Bruxelles, 24 mars 1998, précité, précisant que la condition relative à
1111
Section 5
La dissolution et le relâchement du lien conjugal
12.78 - Bibliographie
a) Études générales
R. ABRAHAMS, « La loi belge du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un conjoint au
moins est étranger», Clunet (1966), 765-782; H. BoRN, « La contribution de l'arrêt de la Cour de
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l.A DISSOLUTION ET LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 555
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la loi du 27 juin 1960? », Mélanges Vander Elst (Bruxelles, Nemesis, 1986), 113-132; J. ERAUW,
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nationalité en droit international privé belge - À propos d'un arrêt de la Cour d'appel de
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inachevée du divorce international, la loi belge du 27 juin 1960 »,Revue (1962), 247-282; S. FRANCQ
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A. Compétence internationale
12.79 - Objet du règlement« Bruxelles Ilbis » - Le règlement dit« Bruxelles IIbis » entend
constituer la suite du règlement dit « Bruxelles I » (voy. supra, n ° 8.6). Alors que celui-ci
vise à répartir les compétences internationales entre juridictions d'États membres de
LA DISSOLUTION ET LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 557
l'Union européenne dans les matières patrimoniales, celui-là le fait pour le contentieux
matrimonial en général, du divorce et de la séparation de corps en particulier.
Les institutions communautaires ont adopté successivement deux actes, le second
abrogeant le premier: le règlement 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de res-
ponsabilité parentale des enfants communs (J.O.C.E., 2000, L 160), dit« Bruxelles II», et
le règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance
et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité
parentale (J.O.C.E., 2003, L 338), dit« Bruxelles IIbis ». Le second ne modifie pas la subs-
tance du premier pour le contentieux du divorce, il s'attache plutôt à élargir son domaine
matériel à l'égard du contentieux de la responsabilité parentale (voy. infra, n ° 12.154).
Le règlement « Bruxelles II » a été précédé de la Convention de Bruxelles du 28 mai 1998 ayant
1111
le même objet (J.O.C.E., 1998, C 344), basée sur l'article K.3 du traité UE. Cet instrument n'est
jamais entré en vigueur. Il est accompagné d'un rapport explicatif, dû à A. BoRRAS, donc les termes
servent encore utilement à l'interprétation du règlement (J.O.C.E., 1998, C 221).
1111Le règlement « Bruxelles !Ibis» remplace formellement les règles de compétence du règlement
« Bruxelles II» à partir du 1er mars 2005. Il est cependant encré en vigueur le 1er août 2004, pour
être applicable immédiatement dans des dispositions concernant l'échange d'informations encre
autorités nationales (art. 72).
ill Pour ce motif, le texte évoque le « caractère exclusif» des compétences. Ce qualificatif est
usurpé: il ne signifie pas que la compétence établie soit exclusive au sens entendu en droit judi-
ciaire mais simplement que, dans ce cas, seul le règlement peut, pour un juge d'un État membre,
déterminer sa compétence.
illSoit un demandeur belge et un défendeur américain résidant à Paris : la compétence est établie
en fonction du règlement seulement. Il en va de même si le défendeur est français, mais réside aux
États-Unis.
illIl est regrettable que le texte évoque seulement la qualité de défendeur, alors que l'acte concerne
aussi des demandes conjointes. Cette anomalie n'a pas été corrigée par le règlement
« Bruxelles IIbis ».
1111Pour une application du règlement à un défendeur marocain résidant en Italie, voy. : Civ. Has-
selt, 11 juin 2002, Limb. Rechtsleven (2002), 332.
Les autres cas sortent à première vue du domaine du règlement et relèvent alors des
règles du droit commun. Il en va cependant autrement dans deux hypothèses.
D'abord, le règlement reprend la règle de l'assimilation du demandeur étranger au
national consacrée par l'article 4 du règlement« Bruxelles I » (voy. supra, n° 5 9.12 et 9.33),
pour permettre à ce demandeur d'invoquer le for exorbitant de la nationalité du deman-
deur (art. 7, § 2, du règlement« !Ibis»).
Ensuite, les règles du droit commun semblent recevoir une portée résiduelle. En
effet, le renvoi au droit national n'a lieu que« lorsque aucune juridiction d'un État mem-
bre n'est compétente en vertu des articles 2 à 6 » (art. 7, § 1er). Cela signifie qu'il convient,
lors d'une première phase, de chercher à appliquer le règlement; ensuite, si celui-ci ne
conduit pas à la compétence d'une juridiction dans l'Union, il est encore possible, dans
une seconde phase, de fonder la compétence des juridictions nationales sur le droit
national, si et seulement si il n'y a pas de défendeur« communautaire».
Ill Ces compétences sont alors qualifiées de« résiduelles ».
1111Le libellé de l'article 7, § 1er, est général, ne distinguant pas selon la qualité du défendeur. Il
résulte cependant de l'article 6 précité que le« défendeur communautaire» ne saurait en aucun cas
se voir opposer, de manière complémentaire, les règles nationales de compétence. Il peut en résul-
ter, assez paradoxalement, que, dans certains cas, toute compétence des juridictions d'États mem-
bres fera défaut à l'égard d'un défendeur communautaire, alors qu'elle pourrait exister à l'égard
d'un défendeur non communautaire.
IllPour une présentation des controverses d'interprétation, voy. : J.-Y. CARLIER, S. FRANCQ, J.-L. VAN
BOXSTAEL, op.cit.,]. TD.E. (2001), 73, n ° 18.
Les articles 7 et 8 du règlement
1111 « Bruxelles II » sont devenus les articles 6 et 7 dans le règlement
« Bruxelles IIbis ».
le juge belge, voy. les tableaux publiés in:]. TD.E (2001), 81 et 84.
comme une disposition établissant certes la compétence, mais par un renvoi au droit national.
L'interprétation qui en a été donnée restreint toutefois le chef de compétence (voy. supra, n ° 9.34).
La circonstance que le juge du provisoire peut être amené à prendre des mesures diverses,
1111
Pour une application de l'article 24 de la Convention de Bruxelles aux mesures provisoires durant
l'instance en divorce alors que l'un des chefs de la demande a pour objet l'octroi d'une pension ali-
mentaire, voy. Bruxelles, ier avril 1977, J.T (1978), 119; Liège, 30 janvier 1991, Rev. trim. dr. fam.
(1992), 60; contra, au sujet de la Convention de Bruxelles, à tort, Civ. Verviers (réf.), 7 mai 1986, Rev.
trim. dr.fam. (1988), 467, note M. FALLON.
1111 Des mesures provisoires peuvent encore être adoptées dans l'État dont les juridictions sont
compétentes au fond, même si la demande ne satisfait pas aux critères de compétence relatifs au
contentieux du provisoire.
1111 Sur les mesures à l'égard des enfants, voy. infra, n°s 12.154 et s.
du 30 juin 1958 (arc. 15), l'absence de litispendance au sens de la triple identité exigée par ce texte,
lorsqu'une demande invoque le trouble de la vie conjugale et l'autre, l'adultère: Bruxelles, 24 avril
1997, Rev. trim. dr. fam. (1997), 371. De même, à propos de la convention belgo-italienne du 6 avril
1962, pour une demande en divorce alors que l'autre porte sur l'homologation d'une convention
de séparation de fait, voy.: Bruxelles, 3 février 1998, Rev. Div. (2000), 55.
12.85 - Renvoi aux dispositions générales sur le contentieux matrimonial - Depuis l'en-
trée en vigueur du Code de droit international privé, il suffit de se référer aux règles géné-
rales de compétence internationale régissant toute demande relative au mariage ou à ses
effets, à la dissolution ou au relâchement de l'union conjugale ou à ses effets (art. 42
Codip, supra, n ° 12.52).
L'étendue du domaine couvert par le règlement « Bruxelles !Ibis» réduit toutefois
considérablement la portée de cette disposition pour le contentieux du divorce.
Au demeurant, la disposition s'aligne sur celle du règlement. Elle s'en écarte pour
deux chefs de compétence, liés à la dernière résidence conjugale et à la résidence du
demandeur. Pour le premier, elle n'exige pas la condition d'une résidence actuelle de l'un
des époux : il suffit que cette résidence était en Belgique « moins de douze mois avant
l'introduction de la demande». Pour la seconde, elle s'aligne sur une durée de douze
mois sans distinction en fonction de la nationalité belge du demandeur.
Ces dispositions sont applicables à toute demande introduite à partir du 1er octobre
2004. Il n'y a donc plus lieu de se référer aux règles en vigueur antérieurement.
1111Le droit en vigueur avant le 1ei· ocrobre 2004 ne contenait aucune règle de compétence interna-
tionale propre à la matière du divorce. Force était alors d'utiliser les règles générales (art. 15 C. civ.,
art. 635 à 638 C. jud.), non sans une extension opérée par une référence à l'ancien article 14 C. civ.
en tant que for de nécessité, voire une restriction résultant d'une transposition de l'article 628, 1 °,
C. jud. Sur la jurisprudence, voy. l'édition précédente de cet ouvrage, n ° 1051 et s.
12.86 - Renvoi aux dispositions générales sur la compétence - Outre les règles propres
au contentieux matrimonial, il y a lieu de se référer aux dispositions générales du Code
de droit international privé, en ce qui concerne les compétences dérivées (demande
reconventionnelle, art. 8), l'adoption de mesures provisoires (art. 10, voy. supra, n ° 9.54),
voire le recours subsidiaire à un for de nécessité (art. 11, voy. supra, n ° 9.48).
La compétence au provisoire existe, pourvu que soient vérifiés les critères de compétence inter-
1!111
nationale exigés, même si le juge compétent au fond est un juge étranger. Voy. déjà: Anvers,
30 septembre 1997, Alg.Jur. Tijdschr. (1997-1998), 354, note K. LAMBEIN.
12.87 - Éviction des règles étrangères de compétence - Le jeu d'une règle étrangère de
compétence juridictionnelle ne saurait conduire à altérer l'ordonnancement de la compé-
tence internationale des juridictions belges.
562 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
Une juridiction belge n'a pas à tenir compte d'une règle unilatérale de compétence
exclusive par laquelle une législation étrangère entendrait restreindre la compétence de
cette juridiction (voy. supra, n ° 9.7).
La jurisprudence a été très nette à propos de la séparation de corps d'époux espagnols qui, ayant
1111
contracté un mariage canonique reconnu dans leur pays d'origine, relevaient des juridictions ecclé-
siastiques en matière de nullité de mariage et de séparation de corps. Il suffit de satisfaire aux règles
de droit international privé belge déterminant la compétence internationale des tribunaux belges
pour obliger ceux-ci à se prononcer sur l'action en séparation de corps dont ils sont saisis.
Voy. en ce sens: Bruxelles, 11 décembre 1965, Pas. (1966), II, 307, Rev. crit. jur. belge (1970), 5, note F.
RIGAUX; Civ. Bruxelles, 25 avril 1969,].T (1969), 408.
12.88 - Compétence interne du juge du fond - Les dispositions analysées aux points
précédents fixent uniquement la compétence internationale, non la compétence territo-
riale interne (voy. sur cette distinction, supra, n ° 9.4).
Le règlement « Bruxelles Ilbis » utilise une terminologie qui est typique d'une règle
de compétence internationale. À la différence du règlement « Bruxelles I », il se réfère
toujours aux « juridictions de l'État » vues dans leur ensemble, sans déterminer directe-
ment quel tribunal de l'État il convient de saisir. Pour ce faire, il y a lieu de se référer aux
dispositions du Code judiciaire, à savoir l'article 628, 1 °, qui oblige à porter la demande
devant le juge du domicile du défendeur ou celui de la dernière résidence conjugale.
Contra: Civ. Hasselt, 11 juin 2002, Limb. Rechtsleven (2002), 332, voyant la détermination de la
Ill
compétence interne dans le règlement.
Le Code de droit international privé consacre aussi cette distinction. Une fois fixée la
compétence internationale des juridictions belges sur la base du Code, celui-ci renvoie à
l'agencement de la compétence interne tel qu'il résulte du Code judiciaire; lorsque ce
renvoi n'y suffit pas, il transpose à cet effet les règles de compétence internationale ; plus
subsidiairement encore, il prévoit la compétence du tribunal de l'arrondissement de
Bruxelles (art. 13, voy. supra, n ° 9.60).
LA DISSOLUTION IT LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 563
1111Ainsi, lorsque la compétence internationale est fondée sur la résidence prolongée du deman-
deur alors que la dernière résidence conjugale était en Belgique mais a cessé depuis plus de douze
mois, les juridictions belges sont internationalement compétentes, tant en vertu du règlement
« Bruxelles IIbis » que du Code, et il convient de chercher à appliquer l'article 628, 1 °, C. jud. :
comme la dernière résidence conjugale est en Belgique, la demande doit être portée devant le juge
de ce lieu.
Lorsque la compétence internationale des juridictions belges est fondée sur la nationalité belge
commune des parties alors que le défendeur réside à l'étranger où se trouve aussi la dernière rési-
dence conjugale, l'article 628, 1°, C. jud. ne saurait être respecté puisque le cas tombe en dehors de
ses prévisions, alors qu'une saisine en Belgique doit rester possible. Le Code renvoie alors au critère
de la résidence prolongée du demandeur (art. 42) si elle est vérifiée; sinon, il permet de saisir le tri-
bunal de Bruxelles (art. 13, al. 2).
l!I!Au cours de la période antérieure, la jurisprudence n'était pas unanime à limiter la portée de
l'article 628, 1 °, C. JUd. à celle d'une règle de compétence interne. Pour une application correcte,
voy.: Bruxelles, 2 janvier 2001, R.W (2001-2002), 782.
comme dans le règlement Bruxelles II (art. 13, § 3), le règlement Bruxelles IIbis (considé-
rant n ° 22) prévoit que « les actes authentiques et les accords entre parties qui sont exé-
cutoires dans un État membre sont assimilés à des décisions aux fins de l'application des
règles de reconnaissance et d'exécution» (art. 46).
Cette extension a pour singularité de soumettre la« reconnaissance» de l'acte authentique à un
1111
régime libéral excluant toute révision « au fond», à savoir tout contrôle de la loi applicable. Il en
résulte un changement radical de perspective pour les systèmes nationaux de droit international
privé basés sur l'utilisation de règles de rattachement de nature multilatérale, ne distinguant pas
selon qu'un negotium a été reçu par un instrumentum dans l'État du for ou à l'étranger (voy. supra,
n° 10.7).
Il précise que la mention d'une décision étrangère dans un registre de l'état civil ne
constitue pas une mesure d'exécution, en indiquant qu'aucune procédure n'est requise à
cette fin (art. 21, § 2). Tout en omettant toute référence à d'autres conditions à respecter,
il faut comprendre le texte comme permettant uniquement une économie de procédure,
sans interdire la vérification des motifs de refus qui préside à la reconnaissance.
1111 Voy. à cet égard en droit commun, supra, n ° 12.22.
Le régime de reconnaissance de plein droit implique la faculté d'obtenir le dépôt organisé par le
1111
législateur (voy. supra, n° 12.23) sans procédure préalable, pourvu que le jugement étranger de
divorce soit régulier au regard des motifs de refus qui lui sont opposables (Gand, 9 octobre 1996,
Rev. trim. dr.fam., 1997, 396).
Sur l'opposabilité d'un jugement anglais de divorce lors d'une instance relative à des mesures à
Ill!
adopter entre époux dans le cadre d'une procédure en divorce ouverte en Belgique, voy. : Civ.
Bruxelles, 18 octobre 1996, Rev. trim. dr. Jam. (1997), 636.
de résidence des parties en France. Voy. spécialement: Cass. civ., 17 février 2004 (5 arrêts), Revue
(2004), 423, note P. HAMMJE, Clunet (2004), 1200, note L. GANNAGÉ, D.S. (2004), J, 824, et D, 815,
note P. COURBE,}.C.P. (2004), II, 10128, note H. FULCHIRON.
Le Code prévoit le contrôle de la fraude à la loi comme un motif de refus distinct
(art. 25, § ier, 3°). Avant d'accueillir ce moyen, le juge requis veillera à recueillir tous les
moyens de preuve pertinents. On ne peut en effet priver les nationaux du choix d'une
procédure de divorce à l'étranger, tandis que le contrôle du jugement étranger ne peut
s'étendre ni à une révision au fond ni même au contrôle de la loi appliquée.
IliSur la théorie de la fraude à la loi et son application dans l'affaire de Bauffremont, voy. supra,
n° 5.73.
Ill Voy., à titre d'illustration de contrôles effectués: Civ. Louvain, 12 juin 1978, R W (1978-1979),
675; Civ. Bruxelles, 15 mars 1988, Rev. trim. dr. fam. (1990), 376 et 24 mai 1988, Rev. trim. dr. fam.
(1990), 382, noteJ.-Y. CARLIER, à propos d'un divorce par consentement mutuel prononcé par pro-
curation en République dominicaine entre une Belge et un Colombien résidant en Colombie. Dans
ce cas, la volonté de divorcer commune aux parties a influencé la décision de reconnaissance.
Ili Le Code précise que la fraude consiste à vouloir« échapper à l'application du droit désigné » en
vertu de ses règles de rattachement. Cette formulation permet de sanctionner la fraude au droit
étranger, lorsque celui-ci aurait été désigné par une juridiction belge si elle avait été saisie de l'ins-
tance directe.
Voy. déjà sur cette problématique, dans le contexte de conventions bilatérales, concluant à
l'absence de fraude: Bruxelles, 29 juin 1962, ].T (1963), 27, note F. Rl.GAUX ijugement français);
9 décembre 1975, Rev. not. belge (1976), 80 ijugement néerlandais).
Le contrôle de l'ordre public a également couvert la vérification du caractère incon-
ciliable de décisions concurrentes, motif désormais séparé dans le Code (art. 25, § 1er, 5 °
et 6°).
LA DISSOLUTION IT LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 567
1111Pour le cas d'une décision étrangère opposée en cours d'instance en Belgique, alors que la procé-
dure étrangère avait été ouverte après la procédure belge, voy.: Mons, 30 novembre 1993, Rev. rég.
dr. (1995), 173, estimant qu'en cas même de reconnaissance, l'intérêt à poursuivre la procédure
belge en cours subsiste pour obtenir la dissolution pour une autre cause ; Liège, 8 octobre 2002,J. T.
(2003), 215, Rev. rég. dr. (2003), 106, note H.B., admettant la reconnaissance. Selon le Code, la cir-
constance d'une saisine ultérieure à l'étranger suffirait à exclure la reconnaissance.
Ill En revanche, il n'y a pas d'objection à reconnaître l'effet d'un jugement étranger de divorce lors-
que l'instance en cours en Belgique a le même objet: Civ. Liège, 7 janvier 1999, Div. Act. (1999), 46, à
propos d'un jugement croate basé sur la séparation, le tribunal précisant que, pour les besoins de la
demande alimentaire et alors que la demande de divorce en Belgique reposait sur l'article 231 C.
civ., il restait utile de déterminer si le divorce étranger avait été prononcé aux torts de l'une des par-
ties, en l'occurrence celle qui avait abandonné le domicile conjugal.
de la volonté du mari, voy. cependant: J.-Y. CARLIER, « La reconnaissance en Belgique des répudia-
tions unilatérales intervenues au Maroc ou l'ordre public répudié? »,].T (1985), 101-108.
En revanche, cette définition ne couvre pas le divorce prononcé par application d'un droit qui
fonde la dissolution sur la volonté d'une des parties, si cette faculté appartient également aux deux
époux, ce qui est le cas de la législation tunisienne pour toute répudiation, ou de la nouvelle législa-
tion marocaine lorsque le mari a consenti au droit d'option (par exemple dans l'acte de mariage)
qui permet à l'épouse de le répudier (Code marocain de la famille de 2004, art. 89).
Le nouveau droit marocain pourrait encore soulever une question d'interprétation quant au res-
pect de la condition d'un « droit égal», dès lors que la forme de « divorce pour désunion» permet
désormais à chaque époux de demander le divorce, parallèlement à l'institution de la répudiation,
qui n'a pas été supprimée.
La disposition exige que l'acte ait fait l'objet d'une homologation judiciaire (art. 57,
§ 2). Cette exigence repose sur un double motif. D'abord, elle montre que le concept de
«reconnaissance», quis~ caractérise par un contrôle limité à la vérification d'une série de
motifs de refus, ne se conçoit qu'à propos d'une décision judiciaire, non d'un acte privé,
fut-il reçu par une autorité publique: c'est en raison de l'autorité de la chose jugée consa-
crée dans le pays d'origine que l'État requis accepte, le cas échéant, de recevoir comme tel
ce qui est définitivement acquis à l'étranger. Ensuite, elle indique le souci de garantir
l'intervention d'un juge, le rôle de celui-ci fût-il limité.
1111Le Conseil d'État (Doc. pari., Sénat, 2001-2002, n° 2-1225/1, 281) avait critiqué cette condition,
pour le motif que le juge étranger n'accomplit pas un véritable acte de juridiction mais que son
intervention, qui relève de la« précaution probatoire », se contente« d'entériner» la déclaration de
volonté du mari. Si cette affirmation est exacte pour certaines répudiations, elle ne l'est plus pour
le nouveau Code marocain selon lequel le juge autorise, après audience et tentative de conciliation,
la répudiation dans certaines conditions mais ne l'homologue plus (art. 80 à 84 du Code maro-
cain). De plus, elle ne contredit pas qu'il y a décision judiciaire et que celle-ci, dans le pays d'origine,
fige la situation juridique des parties après avoir été coulée en force de chose jugée.
1111La condition montre que l'acte étranger ne saurait recevoir de portée en Belgique en l'absence
d'intervention judiciaire, pas même par le biais d'un raisonnement basé sur l'application des règles
de conflit de lois du for, énoncées dans l'article 55 du Code.
Les motifs de refus spécifiques se laissent classer en deux catégories.
Un premier type de motifs relèvent de l'ordre public de proximité (voy. supra,
n ° 10.39) : la reconnaissance est refusée, parce qu'incompatible avec l'ordre public du for,
lorsque la situation présente un lien de rattachement d'un certain degré d'intensité avec
l'ordre juridique de celui-ci, voire de tout autre État ne connaissant pas la répudiation.
Ainsi, la reconnaissance est refusée si l'une des parties est Belge ou réside habituellement
en Belgique au moment de l'homologation dans le pays d'origine.
Ill L'article 57 innove en ce que l'ordre public de référence peut être un ordre public étranger, celui
d'un pays qui « ne connaît pas cette forme de dissolution du mariage ». Ainsi, lorsqu'une Alle-
mande a été répudiée alors qu'elle résidait en France, il est cohérent de refuser également la recon-
naissance en Belgique.
Le terme« connaît» peut soulever une difficulté d'interprétation. La proposition de loi déposée au
Sénat (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1) était plus précise: le refus n'avait lieu que si la disso-
lution « n'est pas susceptible d'être reconnue dans l'État [... ] », termes qui se réfèrent aux règles
étrangères sur l'efficacité des décisions. L'intention du gouvernement, auteur de l'amendement
(n ° 56) qui a servi de base au texte finalement adopté, était probablement de se contenter de véri-
fier le contenu du droit matériel étranger, tel que le Code civil français ou néerlandais, pour exclure
la reconnaissance, exprimant surtout le souci d'éviter de « détourner le droit du divorce belge»
(Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/7, 313) : de fait, une politique plus libérale de reconnaissance
dans le pays de résidence laisserait une brèche permettant à une répudiation reconnue dans un
État de l'Union européenne de« circuler» dans d'autres États membres.
LA DISSOLUTION IT LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 569
1111En cas de binationalité, il y a lieu de trancher le conflit conformément à l'article 4 du Code. Par
exemple, si l'un des époux est belgo-marocain, il y a lieu de retenir sa nationalité belge pour appré-
cier le motif de refus, ce qui amènera à refuser la reconnaissance, même s'il s'agit d'un couple vivant
au Maroc. La proposition de loi précitée dérogeait à l'article 4 en énonçant que la condition de
nationalité belge pouvait être écartée - et ce par le juge seulement, non par toute autorité publique
- « si la situation ne présentait pas d'autre lien significatif avec la Belgique» au moment de
l'homologation judiciaire.
Un autre motif relève de l'ordre public des valeurs fondamentales, à savoir du prin-
cipe d'égalité: puisque l'acte étranger heurte en ce qu'il n'est pas ouvert à la femme, il
viole le principe général de l'égalité des sexes; selon une certaine logique de renonciation
à un droit fondamental, seule l'acceptation de la dissolution par la femme est de nature à
lever cette contrariété à l'ordre public du for.
1111L'acceptation doit être certaine et « sans contrainte ». Si cette qualification paraît aller de soi,
son explicitation vise à attirer l'attention de l'autorité requise, qui aura à motiver son appréciation
à cet égard.
1111L'acceptation peut avoir lieu à cout moment, lors de l'homologation ou ultérieurement, par
exemple après que la femme est arrivée en Belgique, au moment où elle entend faire transcrire l'acte
dans un registre public, ou lorsqu'elle veut se remarier.
La proposition de loi précitée exigeait que l'acceptation aie eu lieu lors de l'homologation, dans le
but d'éviter que le sort de la dissolution soie entre les mains de l'une des parties - la femme - mais
aussi dans un souci de sécurité juridique: la femme ne sera pas toujours présente à l'instance évo-
quant la reconnaissance, par exemple en cas de litige encre l'homme et l'office des pensions, ou
l'intérêt, pour la femme, à invoquer ou non le bénéfice de la reconnaissance pourrait varier en fonc-
tion de l'effet invoqué.
Le motif de la solution arrêtée est un souci de réalisme : l'exigence d'une acceptation lors de
l'homologation aurait restreint considérablement les cas de reconnaissance, dans la mesure où la
procédure étrangère ne tient pas compte de cet élément; elle risquait aussi de mettre la pression sur
la femme, incitée à consentir à un moment difficile pour elle.
La justification d'une reconnaissance basée sur l'acceptation de la femme est dans le souci
1111
maintes fois affirmé durant les travaux préparatoires d'éviter une « double victimisation» de la
femme: un refus de reconnaissance obligerait en effet celle-ci à ouvrir en Belgique une procédure
de divorce.
D'autres motifs énoncés par les dispositions générales de l'article 25 conservent une
portée utile, notamment le caractère inconciliable de la décision étrangère avec une déci-
sion rendue en Belgique.
L'absence de renvoi à l'article 24 ne dispense pas du respect des conditions de forme,
notamment de la production d'une expédition authentique du jugement exécutoire dans
l'État d'origine.
l'époux auquel cet acte est opposé» et ce, « conformément à la procédure prévue à l'article 23 ».
Cette exigence revenait à priver l'homme d'un accès à la justice.
La politique retenue, que l'on pourrait qualifier du « double verrou», est à mi-che-
min entre une tentation de refus absolu et l'attitude de semi-ouverture pratiquée par la
jurisprudence.
1111Le terme« verrou» a été utilisé au cours du débat au sein du comité d'avis du Sénat pour l'éga-
lité des chances entre les hommes et les femmes (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/5, 12 et 20).
Le verrou est constitué des deux types de motifs spécifiques précités, relatifs à la proximité et à
l'acceptation.
1111 Une politique de refus absolu était préconisée par plusieurs parlementaires (amendements
n° 5 6, 41 et 64) mais aussi par le Conseil d'État (Doc. pari., Sénat, 2001-2002, n ° 2-1225/1, 280 et s.).
Celui-ci invoquait essentiellement le principe absolu d'égalité, ainsi que, à propos de l'acceptation
par la femme, son caractère illusoire ainsi que l'indisponibilité de la procédure (art. 5 du Protocole
n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde, pour l'égalité dans le mariage et lors de sa disso-
lution, art. 3 de la Convention européenne de sauvegarde, pour l'interdiction de traitements dégra-
dants).
1111Les juges du fond admettaient pratiquement la reconnaissance, même en cas de résidence en
Belgique, dès la preuve de l'acquiescement par la femme, formulé même postérieurement à l'acre.
Voy. les références citées dans la précédente édition de cet ouvrage (Bruxelles, Larcier, 1993),
n ° 1063. Comp. : Liège, 5 février 2002,J. T (2002), 368, reconnaissant une répudiation Khol par assi-
milation au divorce par consentement mutuel.
Les juges de première instance en étaient venus à préférer à une condamnation de principe, une
appréciation in concreto tenant pour déterminantes l'acceptation ultérieure par la femme et l'inten-
sité du rattachement de la situation avec la Belgique, notamment pour contrer toute fraude à la loi
par une répudiation dite « touristique». Voy. spécialement, pour leur motivation nuancée: Civ.
Nivelles, 25 juin 1991, Rev. trim. dr.fam. (1991), 378, note M. FALLON; Civ. Bruxelles, 16 décembre
1997,].].P. (2000), 212, note M.-C. FoBLETS; 9 juin 1999,J. T (2000), 189; Civ. Liège, 23 mars 2001,
].L.M.B. (2002), 167; Civ. Anvers, 16 avril 2002, Rev. gén. dr. civ. (2002), 472 ; 26 novembre 2002,
RA.B.G. (2004), 491, note K. DE LAET.
Dans le cas où l'homme est belge, comp.: Anvers, 30 novembre 1982, Rev. dr. étr. (1982), 59, admet-
tant la reconnaissance, et la critique de F. RrGAUX et G. VAN HECKE, Rev. crit. jur. belge (1991), 174;
Gand, 20 février 2003, RA.B.G. (2004), 498, note K. DE LAET, la refusant, ainsi que la circulaire du
27 avril 1994, Monit., 19 mai 1994.
Il était parfois prétendu que l'acte devait être conforme à la loi nationale des parties (voy.
notamment: Bruxelles, 30 juin 1998,]. T., 1999, 648; circulaire du 27 avril 1994, Monit., 19 mai
1994) : cette affirmation est inexacte, du moins dans un raisonnement basé sur l'article 570 C. jud.
(reconnaissance des jugements) car elle revient à effectuer un contrôle de la révision au fond, exclu
en matière d'état (voy. supra, n° 10.41). Voy. en ce sens, à propos de la répudiation: Cass., 29 avril
2002, cité ci-dessous, précisant que le juge requis n'applique pas le droit étranger mais se contente
de recevoir les effets d'une répudiation intervenue à l'étranger en vertu de la loi étrangère.
1111 La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts montrant une évolution vers une appréciation in
concreto, tenant compte à la fois de l'intensité du rattachement de la situation et de l'acceptation de
la femme, mais pourvu que cette acceptation ait eu lieu au moment de l'acte. Voy. successivement:
Cass., 11 décembre 1995, R W. (1995-1996, 1339, note]. ERAUW, Rev. dr. étr (1996), 185, note M.-C.
FoBLETS, Rev. trim. dr. fam. (1996), 165, note J.-Y. CARLIER, refusant la reconnaissance pour violation
des droits de la défense, la femme n'ayant pas été convoquée ; 29 avril 2002, Echts]ourn. (2003), 862,
note M. TRAEST, Rev. Div. (2003), 97, note C. BARBÉ, R W. (2002-2003), 862, note J. ERAUW, Rev. trim.
dr. fam. (2003), 94, note J.-Y. CARLIER, admettant la reconnaissance lorsque les époux marocains
vivaient au Maroc lors de la répudiation, que la femme y vit encore et qu'elle a accepté la
dissolution; 29 septembre 2003, Rev. trim. dr. fam. (2004), 317, refusant la reconnaissance pour vio-
lation des droits de la défense lorsque, malgré une convocation régulière, la femme a fait défaut à la
procédure de dissolution et ne pouvait« guère» faire valoir ses droits, étant indifférent qu'elle ait
acquiescé ultérieurement.
LA DISSOLUTION IT LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 571
M.-C. FoBLETS (dir.), Femmes marocaines et conflits familiaux en immigration (Anvers, Maklu, 1998), 105-
148 ;].-Y. CARLIER, « La reconnaissance mesurée des répudiations par l'examen in concreto de la con-
trariété à l'ordre public», Rev. trim. dr. fam. (2003), 94.
11111 Par la position de « double verrou» rendant les conditions de proximité et de consentement
cumulatives plutôt qu'alternatives, le législateur belge exprime une approche sévère qui contraste
avec l'évolution du droit de certains pays d'origine, comme le nouveau Code marocain de la famille
marocain de 2004.
1111En France, la jurisprudence de la Cour de cassation a évolué. Plusieurs arrêts rendus le 17 février
2004 (D.S., 2004), J, 824, note P. COURBE (D, 815), Rép. Defr. (2004), 812, note J. MASSIP, Revue
(2004), 423, note P. HAMMJE, sont considérés par la doctrine comme fermant nettement la porte à la
répudiation, en invoquant rour à rour le respect du principe d'égalité au sens du protocole n ° 7 à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui admettrait l'acquiescement par
la femme, et un ordre public de proximité excluant la reconnaissance en cas de domicile en France.
Ces arrêts concernaient une partie domiciliée en France. Toute ambiguïté n'a pas disparu quant à
la combinaison des deux critères précités. Pour une synthèse de l'évolution de cette jurisprudence,
voy. le commentaire de J. Massip, évoquant chronologiquement dans la jurisprudence une admis-
sion, un contrôle de la fraude, un contrôle des droits de la défense et d'une protection pécuniaire,
un refus de principe pour violation du principe d'égalité, un contrôle de la fraude, des droits de la
défense et d'une protection pécuniaire; désormais, le refus serait catégorique en cas de résidence en
France. Pour deux points de vue opposés dans la doctrine, voy. R. EL-HUSSEIN!, « Le droit interna-
tional privé français et la répudiation islamique», Revue. (1999), 427, et A. MEZGHANI, « Le juge
français et les institutions de droit musulman», Clunet (2003), 721-765.
L'introduction, par l'épouse répudiée, d'une demande en divorce en Belgique est une
faculté qui s'analyse en relation avec le statut de la répudiation.
Selon la jurisprudence, le refus de reconnaissance de la répudiation n'empêche pas de qualifier
11111
l'acte d'injure grave aux fins d'apprécier l'existence d'une cause déterminée. Comp.: Bruxelles,
4 ocrobre 1988, Pas. (1989), II, 66, catégorique en ce sens; 12 novembre 1998, Rev. Div. (1999), 46,
appréciant plus correctement en fonction des circonstances de la répudiation, notamment l'omis-
sion d'informer la femme.
Ili La question de l'accès au divorce pour la femme a été évoquée constamment au cours des tra-
vaux préparatoires. Certains parlementaires proposaient de combiner un refus catégorique avec
une règle matérielle donnant droit à la dissolution sur base de l'article 231 C. civ., les rorts étant à
la charge du mari (amendement n ° 64). Le gouvernement a été entendu, en plaidant que cette
question relevait d'une réforme du droit du divorce.
Comp., en droit italien, l'article 3 de la loi du 1er décembre 1970 sur le divorce, prévoyant que« La
dissolution[ ... ] peut être obtenue par l'un des époux[ ... ] dans les cas où[ ... ] l'autre conjoint, ressor-
tissant étranger, a obtenu à l'étranger l'annulation ou la dissolution du mariage ou a contracté à
l'étranger un nouveau mariage ».
Une règle matérielle pourrait être insérée dans le Code civil, introduisant une nouvelle cause, dis-
tincte, de divorce, pour rous les cas où l'autre époux a obtenu, à l'étranger, l'annulation ou la disso-
lution du mariage, lorsque la décision étrangère n'est pas susceptible d'être reconnue en Belgique.
Il faut observer que l'insertion d'une règle matérielle ne suffit pas à en assurer l'application,
laquelle dépend encore de sa désignation par une règle de conflit de lois, soit règle de rattachement,
soit règle unilatérale d'applicabilité, au sens de l'article 20 du Code (sur cette notion, voy. supra,
n ° 4.4). Elle aurait le mérite de limiter les cas de situation boiteuse, ce qui correspond à l'objectif
d'harmonie des solutions du droit international privé.
11111 Lorsque la femme réside en Belgique, la compétence du juge belge du divorce sera vérifiée prati-
quement dès qu'elle aura résidé en Belgique depuis douze mois, ou si la dernière résidence conju-
gale était en Belgique moins de douze mois avant la saisine (art. 42 Codip). Selon l'article 55 du
Code (voy. infra, n ° 12.98), la loi ne sera appliquée, pratiquement, que si la dernière résidence con-
jugale était en Belgique, ou si le mari réside encore en Belgique.
572 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Pour une proposition favorable à l'utilisation d'une échelle inversée, voy. les travaux du Groupe
européen de droit international privé, réunion de Vienne, en 2003 (www.drt.ucl.ac.be/gedip).
Le choix en faveur de la loi de la nationalité resterait inopérant si, ce faisant, les époux désignent
1111
Quant au moment, le choix doit être fait devant le juge du divorce : « Il doit être
exprimé lors de la première comparution».
IllLa nécessité d'une expression du choix indique que, en cas de silence des parties sur le droit
applicable, le juge ne peut pas s'en remettre à un choix tacite: il devra appliquer d'office le droit
désigné par la règle de rattachement objectif.
1111Le législateur rejette roue choix fait antérieurement au litige, notamment un choix global réa-
lisé, par exemple, au moment de la conclusion du mariage, parmi les divers arrangements matrimo-
niaux. La faculté d'un choix anticipatif aurait permis aux époux de disposer de leur statut
personnel. Elle risquait aussi de soumettre l'un des époux à une pression inacceptable.
12.100 - Dérogation par une clause spéciale d'ordre public - Le Code explicite les ter-
mes de l'exception générale d'ordre public, par l'insertion d'une clause spéciale d'ordre
public positif (voy. supra, n ° 7.S4). L'effet de cette clause est de permettre le divorce alors
même que l'institution est ignorée du droit normalement applicable (art. SS, § 3).
L'utilisation d'une telle clause spéciale traduit l'évolution du droit comparé en
matière de divorce au long de la seconde moitié du xxe siècle. Les États dont le droit
ignore l'institution même de la dissolution du mariage du vivant des époux sont devenus
exceptionnels. D'autres pays européens ont introduit une clause qui a pu servir de
modèle au législateur belge.
LA DISSOLUTION ET LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 575
1111 Voy. : en Allemagne, l'article 17, § ier, EGBGB; en Italie, l'article 31, § 2, de la loi du 31 mai 1995
sur le droit international privé; en Suisse, l'article 61, § 3, de la loi du 18 décembre 1987 sur le droit
international privé.
Ces clauses présentent routefois des variations notables. Seule la clause italienne est analogue à la
clause belge. La clause allemande consiste en un rattachement alternatif en cascade, permettant le
divorce s'il ne peut être prononcé selon le droit normalement applicable. La clause suisse joue lors-
que ce droit soumet le divorce à des « conditions extraordinairement sévères ». De plus, ces deux
clauses ne bénéficient qu'à des époux ayant avec le for un rattachement déterminé, par la nationa-
lité (Allemagne) ou par la nationalité ou le domicile (Suisse). Une telle condition comporte le ris-
que d'une discrimination qui, dans le cas allemand, pourrait violer l'article 12 CE.
La clause insérée dans le Code comporte une double particularité, quant à son hypo-
thèse et quant à son effet. L'hypothèse est celle où le droit étranger ignore l'institution
même du divorce: ce n'est pas le cas lorsque, connaissant l'institution, il ne permet pas la
dissolution dans le cas d'espèce. L'effet est de désigner, non pas le droit du for, mais un
autre droit désigné par l'échelle des rattachements.
La clause spéciale ne vise pas à remplacer la clause générale de l'exception d'ordre
public (art. 21 Codip). Celle-ci peut jouer dans d'autres cas, non visés par la clause spé-
ciale, pourvu que soient rencontrées les conditions d'appréciation qui lui sont propres.
Parmi d'autres formes de dérogation, seule la clause générale d'exception peut inter-
venir (art. 20 Codip), comme en d'autres matières. En revanche, le législateur a entendu
ne pas donner effet au concept de rapport juridique boiteux (voy. supra, n ° 12.10).
1111 La jurisprudence a utilisé cette forme de dérogation, à propos de mariages d'étrangers valables
selon le droit belge mais non selon la loi de la nationalité. Voy.: Civ. Arlon, 3 novembre 1967,Jur.
Liège (1967-1968), 301; Civ. Bruxelles 17 octobre 1975, Pas. (1976), III, 14; Bruxelles, 12 octobre
1981, Rev. trim. dr. jam. (1982), 50, note M. VERWILGHEN.
Pour un recours excessif au concept de proximité - avant même la consécration de la clause
1111
séparation éventuelle, savoir si elle doit avoir été actée par la voie judiciaire. Voy. sur cette question,
à propos du droit italien: Civ. Liège, 21 décembre 1995, J.L.M.B. (1996), 280, note M. LIÉNARD-
LrGNY, Tijds. Not. (1996), 477, note M. LooYENS, Rev. rég. dr. (1997), 110, note S. FRANCQ.
Dès lors que l'intervention judiciaire est requise, elle peut être demandée en Belgique, non pas
devant le type d'autorité ayant reçu cette attribution en droit étranger, mais selon les attributions
576 lA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
du droit belge, le cas échéant devant le tribunal de première instance en vertu de la plénitude de sa
juridiction.
En cas de divorce par consentement mutuel, le droit désigné régit les conditions du
consentement, y compris son mode d'expression (2 °).
Ce droit détermine également l'effet essentiel du divorce, à savoir la dissolution
même et son moment.
!Ill En revanche, la dissolution du régime matrimonial obéit à sa loi propre (voy. supra, n° 12.73).
D'autres effets du divorce obéissent à la loi qui leur est propre. En omettant toute
précision à cet égard, le législateur a ainsi renoncé à énoncer une loi des effets du divorce.
11111 Voy. l'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/1, 87).
La dissolution du mariage par le divorce peut aussi apparaître comme un pur inci-
dent qui, comme la nullité du mariage ou le décès de l'un des époux, est un simple fac-
teur de perturbation d'un rapport juridique préexistant, rattaché à sa loi propre. Ces
institutions sont de nature variée, mariage, rapports de filiation, devoir de secours entre
des personnes unies par un lien privilégié, succession, régime matrimonial, contrat, mais
aussi institutions de droit public comme le bénéfice d'assurances sociales.
LA DISSOLUTION IT LE RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL 577
Une telle perspective met en cause la légitimité d'un rattachement unitaire des
« effets » du divorce.
Aussi, relèvent de la loi qui leur est propre :
- les relations des ex-époux avec les enfants: il en est ainsi de l'exercice de l'autorité
parentale ou du devoir de secours, mais non des mesures qui doivent être adoptées au
cours de la procédure même de divorce (voy. le numéro suivant) ;
Voy. par exemple pour un rattachement autonome du nom de l'enfant après la dissolution, par
Ill!
désignation de la loi nationale de l'enfant: Civ. Gand, 19 mars 1992, Rev. gén. dr. civ. (1993), 70.
- l'incidence du divorce sur la personne de l'ex-époux, comme la détermination du
nom ou l'aptitude au remariage;
- les rapports entre ex-époux, tel le devoir de secours, ou la subsistance, après la dis-
solution, d'un effet général du mariage, telle l'occupation du logement familial.
1111Voy. déjà, en faveur d'un rattachement aux effets du mariage, pour le devoir de secours: Bruxel-
les, 4 octobre 1988, Pas. (1989), II, 66; 19 mars 1990, Rev. trim. dr. fam. (1990), 155; Civ. Bruxelles,
30 octobre 1990, Rev. gén. dr. civ. (1991), 293; Bruxelles, 19 mars 1991, Pas. (1991), II, 129; G. vAN
HECKE et K. LENAERTS, n ° 509 ; pour le logement familial: Cass., 16 juin 1994, Montanari, Rev. not.
belge (1994), 397, concl. min. pub!., Rev. trim. dr.fam. (1994), SOS, note M. FALLON,j.L.M.B. (1995),
509, note M. LIÉNARD-LIGNY, Rev. crit. jur. belge (1996), 5, note N. WATTÉ.
Contra, en faveur de la loi appliquée au divorce, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la
loi applicable aux obligations alimentaires, non ratifiée par la Belgique, art. 8.
Ill Sur l'octroi de prestations compensatoires pour la perte de revenus ou de droits à une pension,
voy. infra, n ° 12.188.
En droit allemand, la compensation des expectatives de pensions et de rentes (Versorgungsausgleich)
- opérée par le juge du divorce entre les droits respectifs des époux à une pension - relève de la loi
appliquée au divorce, qui est la loi applicable aux effets généraux du mariage, non sans une réfé-
rence subtile à la loi nationale des époux : l'une de celles-ci doit prévoir cette compensation pour
que la loi des effets du mariage s'applique; à défaut, la compensation est accordée en vertu de la loi
allemande, pourvu que, pendant le mariage, les effets de celui-ci aient été soumis à une loi pré-
voyant une compensation (art. 17, § 3, EGBGB).
Pour une position favorable au rattachement de la compensation des droits de pension à la loi
applicable au divorce ou, si cette loi ignore une telle institution, à la loi des effets personnels du
mariage, voy. la résolution de l'Institut de droit international lors de sa session de Helsinki,
Annuaire, vol. 61-II, 1986, 304.
Ill!Le droit pour un ex-époux de bénéficier d'une pension de survie souscrite par l'autre, relève de la
loi qui régit ce régime de pension. Il convient ensuite d'apprécier en fonction de la loi qui régit le
divorce, si celui-ci a été prononcé pour une cause qui, selon ce régime, exclut le droit à la pension
(F. RIGAUX, « La loi applicable aux effets du mariage après sa dissolution», Rapport définitif,
Annuaire, vol. 61-I, 1985, 433).
Section 6
Les rapports de couple hors du mariage
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telde huwelijk en het Nederlandse internationaal privaatrecht », Ned. ]urbi. (2000), 884-886; Io.,
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priv. proc. (2000), 293-322 ; G. KEssLER, Les partenariats enregistrés en droit international privé (Paris,
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liaux à l'épreuve de la mondialisation (aspects de droit international privé) »,Ar.ch. Phil. Droit (2001),
LES RAPPORTS DE COUPLE HORS DU MARIAGE 579
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namento italiano », Riv. dir. int. priv. proc. (1003), 363-398; K. SIEHR, « Family unions in private
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naal privaatrecht: een materie in voile evolutie », Alg. fur. Tijds. (2000-2001), 384-388 ; N. WATTÉ et
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A. WEYEMBERGH, « Les nouvelles formes de vie commune et leur impact sur le regroupement
familial», Rev. dr. étr. (2000), 6-18.
Voy. en outre le recueil d'articles publié dans les ouvrages collectifs suivants : Des concubinages, droit
interne, droit international, droit comparé, Mélanges en l'honneur de]. Rubbelin-Devichi (Paris, Litec, 2002) ;
Aspects de droit international privé des partenariats enregistrés en Europe (Zürich, Schulthess, 2004); K.
B0ELE-W0ELKI et A. FUCHS, Legal recognition ofsame-sex couples in Europe (Anvers, Intersentia, 2003).
§1 LES FIANÇAILLES
Une solution correcte ne peut être trouvée que dans des considérations propres à la
structure globale des règles de conflit de lois du for. Le choix de la règle pertinente doit
être fonction de la nature et du contenu des règles susceptibles de désigner le droit appli-
cable. Le critère de l'acte générateur est non seulement trop fortuit pour régler une ques-
tion relevant de la vie commune de deux personnes, il sera aussi, bien souvent, inapte à
localiser exactement l'événement pertinent. Il est donc préférable de considérer la nature
du rattachement qui régit les rapports de type familial, en ayant égard au lien qui unit les
rapports personnels entre individus avec la loi du pays d'intégration prépondérante.
Le Code permet ce résultat lorsque l'action relève de la matière des obligations non
contractuelles, au moyen du concept de rattachement accessoire (art. 100, voy. infra,
n° 15.19).
580 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
de l'union de fait. Il y était proposé d'adopter un système de rattachement analogue à celui qui
peut rendre compte de l'intégration prépondérante d'un couple, en utilisant une échelle de Kegel.
Pour établir des règles de droit international privé relatives à ces diverses institu-
tions, il n'est pas nécessaire que celles-ci soient connues du droit matériel du for. Même si
ce droit ignore l'institution du partenariat, le juge saisi doit être à même de statuer sur
toute demande qu'un particulier peut lui adresser au sujet d'une relation éventuellement
établie à l'étranger. Ce constat encourage à configurer les catégories de rattachement du
for d'une manière suffisamment ouverte pour leur permettre d'englober des institutions
inconnues du système du for, en s'attachant à les qualifier selon leur fonction plutôt que
selon leur nature.
Pour les relations de couple, cela signifie que, pour être opérationnelle, la catégorie
de rattachement se devrait de couvrir l'ensemble de ces relations, quelle que soit leur
appellation, pourvu que soit identifiable le rôle que la collectivité assigne à l'institution.
C'est plaider pour une catégorie unique des relations de couple, englobant le mariage, au
sens classique ou élargi, ainsi que le partenariat enregistré connu de certains droits étran-
gers, lorsque leur encadrement légal - selon le droit étranger - est équivalent à celui du
manage.
LES RAPPORTS DE COUPLE HORS DU MARIAGE 581
pour cette relation. Il y aura lieu d'identifier, au cas par cas, la nature de la demande (par exemple,
une demande fondée sur un contrat) et d'appliquer en conséquence les règles de rattachement pro-
pres à la matière concernée. De plus, la clause générale d'exception (art. 19 Codip) pourrait jouer
un rôle utile.
Pour une critique de cette exclusion, voy. : P.-P. RENSON, « L'union libre internationale", Ann. dr.
(2002), 181-225.
L'appréciation est plus délicate pour le « geregistreerd partnerschap » du droit néerlandais, ouvert,
comme le mariage, aux couples hétéro- comme homosexuels, comme l'est aussi la cohabitation
légale du droit belge. L'effet de ce partenariat est analogue à celui du mariage et inciterait à l'insérer
dans la catégorie du mariage au sens du Code de droit international privé ; toutefois, selon le cri-
tère précité dans les travaux préparatoires, la possibilité d'accéder à l'institution du mariage ten-
drait à l'exclure de cette catégorie.
Camp. la règle d'applicabilité unilatérale retenue en droit suédois : l'enregistrement est possible
Ill!
en Suède si l'une des parties est domiciliée en Suède depuis deux ans, ou si l'une d'elles est suédoise
(ou norvégienne ou danoise) et est domiciliée en Suède lors de l'acte (loi du 31 mai 2000, Revue,
2001, 774).
Ill Ce rattachement vertical motivé par le caractère encore limité dans l'espace de législations rela-
tives à la vie commune hors mariage, paraît voué à s'aligner sur les règles de rattachement de la
catégorie du mariage dès que l'évolution du droit comparé montrera une banalisation de l'institu-
tion.
Section 7
La filiation
12.109 - Bibliographie
a) Filiation biologique
C. CAMPIGLIO, Il rapporta di filiazione ne/ diritto internazionale privato italiano (Padova, Cedam, 1990);
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584 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
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tionale et Convention européenne des droits de l'homme », Rev. dr. ULg (2004), 575-583 ; J. DALCQ,
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LA FILIATION 585
d'autorités et de juridictions en matière de filiation adoptive »,].].P. ( 1973), 161-178 ; ID.,« Filiation
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d'accueil (Bruxelles, Story-Scientia, 1990), 179-192; ID., « Le renouveau de l'adoption
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M. VERWILGHEN, J.-Y. CARLIER, C. DEBROUX et J. DE BuRLET, L'adoption internationale en droit belge
(Bruxelles, Bruylant, 1991).
Pour des présentations générales des réformes législatives successives, voy., dans l'ordre
chronologique: F. BoucKAERT, « De wet van 21 maart 1969 betreffende de adoptie en de wettiging
door adoptie en het internationaal privaatrecht », Tijds. Not. (1971), 1-13; M. VERWILGHEN, « La filia-
tion adoptive en droit international privé belge - Etude des règles de conflits de lois introduites à
l'article 344 du Code civil par la loi du 21 mars 1969 », Rev. not. belge (1973), 162-199 et 226-241;
C. DEBROUX, « La réforme du droit international privé de la filiation adoptive »,]. T (1988), 293-
301; ID.,« La filiation adoptive internationale depuis la loi du 27 avril 1987 - Réforme souhaitée
mais inattendue», Rev. trim. dr. Jam. (1987), 253-276 ; J. ERAuw, « De nieuwe geplande regeling in
België van de internationale adopties - Een analyse», R.W: (1986-1987), 2065-2086; M. TRAEST,
« Interlandelijke adoptie na de wet van 24 april 2003 », R. W. (2003-2004), 1361-1375.
Sur la Convention de La Haye de 1993, voy. notamment: N. MEYER-FABRE,« La Convention de La
Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption
internationale», Revue (1994), 259-296; E. POISSON-DROCOURT,« L'entrée en vigueur de la Conven-
tion de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière
d'adoption», Clunet (1999), 707-744; B. STURLÈSE, « La Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur
la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale »,].C.P. (1993), I,
3710; M. VERWILGHEN, « La genèse d'une Convention sur l'adoption d'enfants originaires de
l'étranger», Rev. belge dr. int. (1991), 438-468.
Voy. également la résolution adoptée par l'Institut de droit international lors de sa session du Cen-
tenaire (Rome, 1973), concernant les effets de l'adoption en droit international privé, dont le texte
est publié par la Revue (1973), 179. Sur les travaux préparatoires de l'Institut, voy.: Annuaire, vol. 55
(1973), 117-213, avec le rapport de R. DE NovA, 694-717.
La Revue internationale de droit comparé a publié un recueil de travaux sur l'adoption interne et inter-
nationale en 1985, pp. 703-865.
ment et d'efficacité des décisions étrangères, relatives à l'adoption, a été postposée, dans
l'attente de l'entrée en vigueur de la loi spéciale du 24 avril 2003 réformant l'adoption
(art. 140). Cette loi comporte certaines règles de droit international privé, dont un règle-
ment complet de la reconnaissance des décisions étrangères, et, pour le surplus, elle
maintient les règles de conflit de lois antérieures, contenues dans les articles 344 et 344ter
du Code civil (art. 24, § 1er, de la loi sur l'adoption). Elle vise principalement à adapter le
droit belge à une ratification de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protec-
tion des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
111 L'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 2003 réformant l'adoption (Monit., 16 mai 2003), fixée
par le Roi, a été postposée au 1er septembre 2005 (arrêté royal du 24 août 2005, Monit., 29 août
2005). Ce retard est lié à l'ampleur de la réforme, initialement limitée à une adaptation du droit
belge à l'entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 29 mai 1993, ensuite étendue au droit
matériel de l'adoption (art. 343 à 356-4 nouveaux C. civ.).
Concernant les cas internationaux, la loi de 2003 distingue l'hypothèse de l'établissement d'une
adoption en Belgique de celle de la reconnaissance d'une adoption établie à l'étranger. Pour la pre-
mière hypothèse, elle organise une procédure particulière et des voies de recours (art. 1231-26 et s.,
C. jud.), et elle établit une série de conditions matérielles liées au respect de formalités propres aux
cas d'un déplacement international d'un enfant (art. 360-1 à 363-6 nouveaux C. civ.). Pour la recon-
naissance, elle distingue selon que le cas entre ou non dans le domaine de la Convention de La
Haye. Dans la négative, elle établit un régime complet de reconnaissance, qui fait fonction de droit
commun.
IllLes articles 344 et 344ter C. civ. restent donc applicables après le 1er octobre 2004, jusqu'au 1er
septembre 2005. Après l'entrée en vigueur des dispositions du Code, elles continueront de détermi-
ner la validité d'actes établis avant cette date, même si la phase juridictionnelle est postérieure à
cette date.
111 Dans le cas d'adoptions établies à l'étranger, l'entrée en vigueur de la règle spéciale du Code
(art. 72) dépend de celle de la loi du 24 avril 2003, puisque son contenu se réfère aux dispositions
de celle-ci.
Les dispositions transitoires de la loi du 24 avril 2003 prévoient une règle alternative, en faveur de
la reconnaissance (art. 24, § 2) : une décision étrangère devenue définitive avant l'entrée en vigueur
de la loi, relève des règles sur la reconnaissance du droit antérieur si celui-ci est plus favorable. Il en
va de même si la décision, rendue antérieurement, est devenue définitive après cette date (loi du
20 juillet 2005, Monit., 29 juillet 2005, art. 9, modif. art. 24, § 2, de la loi de 2003), sous certaines
conditions toutefois si l'adoption implique un déplacement international (art. 24, § 3, nouveau).
Pratiquement, dans la mesure où le régime nouveau est plus strict, le régime ancien prévaudra, hor-
mis pour le contrôle de la loi applicable, désormais supprimé. Ce contrôle est toutefois remplacé
par l'obligation de respecter certaines règles matérielles (voy. infra, n ° 12.143).
Cette loi précise qu'une décision reconnue antérieurement peut bénéficier de la procédure d'enre-
gistrement qu'elle établit.
Les adoptions établies avant l'entrée en vigueur des règles nouvelles semblent toute-
fois relever de ces dernières en ce qui concerne le droit applicable à leurs effets. Cette
solution découle du principe de l'application immédiate consacré par le Code.
Il! Cette nuance peut avoir une portée pratique sensible, car les nouvelles règles de rattachement
diffèrent nettement des anciennes.
§ 1 LA FILIATION BIOLOGIQUE
A. Compétence internationale
12.111 - Critères extensifs de compétence internationale - Le Code de droit internatio-
nal privé introduit des règles de compétence internationale propres à la matière de la
LA FILIATION 587
filiation. Une distinction s'impose selon que la compétence affecte une juridiction ou
une autorité. (art. 61).
(1) La compétence juridictionnelle (art. 61) s'attache moins à la qualité de deman-
deur ou de défendeur, qu'à la qualité d'enfant ou de père et mère prétendus. Toutefois, il
convient d'y ajouter les règles générales, à savoir principalement l'utilisation du critère
du domicile ou de la résidence habituelle du défendeur (art. 5).
Les règles particulières ont égard à :
la résidence habituelle de l'enfant;
la résidence habituelle de l'auteur en cause;
la nationalité commune de l'enfant et de l'auteur en cause.
Ces règles ne retiennent pas la nationalité de l'une des parties, comme le permettait
l'ancien article 15 du Code civil, voire la prorogation exceptionnelle de compétence fon-
dée sur la nationalité du demandeur (voy. supra, n ° 9 .51 ).
IllAu cours de la période antérieure, po·ur l'utilisation de la nationalité de l'enfant, voy. : Trib. arr.
Nivelles, 1er décembre 1992, ].T. (1993), 582; Gand, 20 décembre 1996, RW (1997-1998), 1077,
dans ce cas sur la base, singulièrement, de l'article 3 C. civ., porteur d'une règle de conflit de lois.
compétence internationale, voy.: Civ. Gand, 19 avril 2001, Tijds. Gentse Rechtspraak (2002), 90.
Il n'est pas certain qu'il faille imposer - comme le fait par ex. J. DE BuRLET, op. cit. n° 12.1,
1111
n° 1479 - par voie de réciprocité que le reconnaissant soit un ressortissant du pays d'envoi. Il ne
pourrait en aller autrement qu'en cas d'application impérative de la règle Locus. Dès lors que l'on
considère que l'acte est valable s'il répond aux conditions prescrites par la loi étrangère applicable
aux conditions de fond, on ne saurait exclure qu'une autorité du pays dont l'enfant a la nationalité
ait reçu compétence de la loi étrangère pour recevoir tout acte concernant cet enfant, même effec-
tué par un ressortissant de l'État de résidence.
La validité même de l'acte reçu par l'autorité s'apprécie au moyen des règles de ratta-
chement pertinentes, et non des règles relatives à l'efficacité des décisions judiciaires
étrangères. Étant reçu par une autorité publique étrangère sous la forme instrumentaire,
l'acte ne cesse d'avoir un caractère privé (voy. supra, n ° 10.7).
Ill! Voy. une telle confusion par: Civ. Liège, 18 mai 1983, précité.
12.112 - Compétence d'attribution - L'intervention d'une autorité belge peut faire dif-
ficulté lorsque la reconnaissance est soumise à une loi étrangère.
(1) Une première question surgit lorsque la loi étrangère confère à l'acte une portée
différente de celle attribuée par la loi belge à l'acte que l'autorité belge est compétente
pour recevo1r.
La Convention portant extension de la compétence des autorités qualifiées pour
recevoir les reconnaissances d'enfants naturels, signée à Rome le 14 septembre 1961 (loi
du 18 juillet 1967, Pasin., 1967, 934) prévoit que:
- les ressortissants d'États dont la loi ne prévoit que la reconnaissance avec filiation
peuvent souscrire une telle reconnaissance devant les autorités publiques d'un État qui
n'admet que la reconnaissance sans filiation (art. 2 et 4);
- les ressortissants d'États dont la législation prévoit la reconnaissance sans filia-
tion sont admis à souscrire pareille reconnaissance devant les autorités compétentes d'un
État qui ne prévoit que la reconnaissance avec filiation (art. 3 et 4).
1111En Suisse, il est précisé que la personne reconnaissant un enfant naturel pourra, si la loi de son
pays d'origine le permet, déclarer que la reconnaissance« sera avec ou sans effet d'état civil» (circu-
laire du département fédéral de justice et de police, du 29 avril 1964). Mais les effets de cette décla-
ration de volonté sont déterminés par la loi compétente, laquelle n'est pas désignée par la
Convention.
IllContrairement à ce que donne à entendre l'exposé des motifs du projet de loi d'assentiment
(Doc. pari., Ch. repr., 1963-1964, n° 698), aucune solution de conflit de lois ne pourrait être déduite
de la Convention.
(2) Une autre question surgit lorsque la loi étrangère, soit prévoit une homologation
dans des cas que la loi belge ne prévoit pas, soit répute l'acte accompli par la simple pré-
sentation d'une demande de légitimation, soit encore suppose une déclaration devant les
autorités de l'état civil.
Dans le premier et le troisième cas, la plénitude de juridiction du tribunal de pre-
mière instance permet d'asseoir sa compétence (voy. supra, n ° 9.58).
Pour le cas où une déclaration est prévue devant l'officier de l'état civil, voy. : Civ. Liège,
1111
Voy. en ce sens: Civ. Liège, 9 janvier 1992, Rev. trim. dr. fam. (1992), 397, disant n'y avoir pas lieu à
homologation puisque le droit polonais ne prévoit pas cette exigence; 12 juin 1992, Rev. trim. dr.
fam. (1992), 407, déclarant la demande recevable puisque le droit zaïrois prévoyait cette formalité.
LA FILIATION 589
Dans le second cas, il n'y a aucune objection à admettre la validité de l'acte quant à
la forme.
Ill Voy.: Civ. Mons, 21 novembre 1984, Rev. trim. dr.fam. (1985), 118.
Encore faut-il que le droit étranger qui prévoit cette intervention soit bien applica-
ble à la question. Ce sera le cas, en cette matière, lorsque l'acte a été passé à l'étranger
mais sans accomplir la formalité subséquente de l'homologation. Le droit étranger est en
effet applicable aux formalités à accomplir (voy. infra, n ° 12.116).
B. Droit applicable
12.113 - Objectifs de la règle de rattachement en matière de filiation - L'incertitude qui
affectait le contenu de la règle de conflit de lois en matière de filiation à la veille de
l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, justifie quelques considérations
liminaires sur les enjeux de la problématique. De soi, la recherche des objectifs de la règle
de conflit de lois en cette matière peut avoir égard à des éléments de droit matériel, au
principe fondamental de l'intérêt de l'enfant et à une exigence de praticabilité de la règle
de droit.
En premier lieu, le droit matériel de la filiation a vu s'estomper, sous la pression des
droits fondamentaux, la distinction traditionnelle entre les filiations dites légitime et
naturelle. Cette distinction ne saurait donc plus fournir une classification utile aux fins
de la solution du conflit de lois. Cependant, d'autres clivages peuvent apparaître à l'inté-
rieur de la filiation par le sang. Une différence tient aux conditions biologiques de la pro-
création, celle qui sépare l'établissement de la filiation maternelle de la preuve de la
filiation paternelle. Après qu'il a cessé de qualifier le lien entre l'enfant et ses auteurs, le
mariage demeure un chaînon essentiel pour le fonctionnement de la présomption légale
de paternité. De plus, dans un pays qui, comme la Belgique, demeure très attaché à l'attri-
bution de sa nationalité par l'effet de la filiation, le choix de la loi applicable à la détermi-
nation de la filiation au moment de la naissance reste lié à l'attribution de la nationalité
iure sanguinis. On pourrait en déduire un rattachement à la loi de l'auteur en cause, non
sans pouvoir envisager, de soi, un rattachement distinct en fonction d'autres modes
d'établissement de la filiation.
Ill Quant aux modes d'établissement de la filiation, on peut en distinguer trois :
(a) ceux qui procèdent directement de l'application de la loi, telles la règle Mater semper certa est ou
la présomption légale de paternité du mari de la mère ;
(b) ceux qui exigent une déclaration de volonté de l'auteur de l'enfant, par exemple la reconnais-
sance de maternité ou de paternité ;
(c) ceux qui mettent en œuvre une action judiciaire, soit pour établir la filiation d'une personne qui
en est dépourvue (telle l'action en recherche de paternité), soit pour renverser une filiation réguliè-
rement établie en vertu d'un des deux premiers modes (par exemple : désaveu de paternité, contes-
tation d'une reconnaissance de paternité ou de maternité).
En droit comparé, le lien de filiation dite légitime, de plein droit ou par la naissance, subit l'attrac-
tion de la loi d'un aureur, tantôt la loi nationale de la mère (art. 311-14 du Code civil français, mais
la légitimation obéit à un rattachement alternatif, art. 311-16), tantôt la loi des effets du mariage
ou, alternativement, la loi nationale de chaque auteur (art. 19 de la loi allemande de 1986). En
Suisse, le droit désigné est celui de la résidence de l'enfant; cependant, la loi nationale commune
de l'enfant et des parents est appliquée si les uns et les autres ne résident pas dans le même État
(art. 72 de la loi de 1987). La loi suédoise du 30 mai 1985 (Revue, 1987, 198) institue un rattache-
ment alternatif de la paternité de plein droit à la loi de la résidence ou de la nationalité de l'enfant
590 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
1111L'application de la loi nationale de l'enfant aux modes (b) et (c) soumettrait à une loi unique
l'ensemble des actes juridiques et des actions en justice relatifs à la filiation, tandis que la loi de
l'auteur régirait le mode (a). Une telle ventilation aurait cependant pour inconvénient de différen-
cier la solution selon que le lien fait l'objet ou non d'une contestation, risquant de sacrifier la sécu-
rité juridique à un aléa procédural.
1111 Le développement de possibilités de procréation artificielle, tout en posant des questions nou-
velles, n'est pas encore de nature à bouleverser ces objectifs (infra, n ° 12.117).
En faveur de l'application de la loi nationale de l'enfant sur la base du principe d'égalité, voy. A.
1111
Considéré de manière concrète, l'intérêt de l'enfant reçoit une portée qui lui est pro-
pre en droit international privé. Dans cette matière, la seule manière de lui conférer une
portée réelle consiste à utiliser une règle de caractère substantiel utilisant un rattache-
ment de type alternatif, la loi appliquée étant celle qui réalise le mieux l'objectif de pro-
tection recherché (voy. supra, n ° 3.59).
1111Le recours à des règles alternatives s'introduit en droit comparé à propos de la filiation natu-
relle.
En Allemagne, l'article 20 de la loi du 25 juillet 1986 (Revue, 1987, 170 et s.) prévoit l'application de
la loi nationale de la mère, de celle du père ou de celle de la résidence habituelle de l'enfant. L'éven-
tail est plus large en droit suisse, puisqu'il couvre la loi de la résidence de l'enfant, sa loi nationale,
et celles de la résidence et de la nationalité de ses père et mère (arc. 72 de la loi du 18 décembre
1987, Revue, 1988, 409 et s.). En France, l'article 311-14 du Code civil prévoit l'application alterna-
tive de la loi nationale de l'auteur ou de celle de l'enfant pour la reconnaissance volontaire, tandis
que la recherche de filiation relève de la règle qui régit aussi la filiation légitime (loi nationale de la
mère).
En troisième lieu, le droit des conflits de lois exige l'utilisation de règles praticables.
Or, en matière de filiation, les difficultés concrètes liées à la détermination du droit appli-
cable sont de deux ordres.
D'une part, dans les pays qui, comme la Belgique, attribuent par principe la nationa-
lité par l'effet de la filiation, il est parfois impossible de déterminer cette nationalité lors-
que la loi applicable au lien est précisément la loi nationale de la personne intéressée, à
savoir l'enfant. La difficulté est réelle lorsque l'établissement du lien doit être fixé avant la
naissance de l'enfant. Le cercle vicieux ne peut être évité que, soit en renonçant à ce ratta-
l.A FILIATION 591
Le Code maintient ainsi une fidélité au facteur de la nationalité, selon une approche
qu'il utilise plus largement pour déterminer l'état d'une personne. La résidence n'est pas
retenue, malgré une tendance rencontrée en ce sens dans la jurisprudence. Est également
écartée la nationalité de l'enfant. D'un côté, ce facteur génère une incertitude lorsque est
en cause la détermination de cette nationalité, et que celle-ci dépend du lien de filiation.
D'autre part, la nationalité de l'enfant sera le plus souvent celle de son auteur, ou même
de ses auteurs présumés.
L'application de la loi de chaque auteur à l'égard duquel la formation d'un lien de
filiation est en cause, permet d'obtenir un rattachement unitaire indépendant du mode
d'établissement de la filiation, tout en respectant une ligne de partage entre les filiations
maternelle et paternelle. Elle conduit encore à une égalité de statuts entre enfants issus
des mêmes auteurs.
Cette règle appelle une solution des conflits potentiels de filiations, lorsqu'un lien
est revendiqué à l'égard d'un enfant par plusieurs personnes de même sexe, soit en cas de
remariage de la mère, soit en cas de reconnaissance volontaire. Au lieu de poser une règle
matérielle d'application immédiate, le législateur s'en tient à la technique de rattache-
ment, en désignant la loi à laquelle sera empruntée la solution du conflit de filiations.
Trois cas sont envisagés par le législateur (art. 62, § 2) :
592 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
- le conflit entre un lien établi de plein droit et un acte de reconnaissance est régi
par la loi applicable au premier ;
- le conflit entre plusieurs liens établis de plein droit est régi par celui des droits
applicables à ces liens, avec lequel la situation présente la relation la plus étroite ;
- le conflit entre deux actes de reconnaissance est régi par la loi applicable à la pre-
mière reconnaissance.
111 L'exposé des motifs (Doc. par!., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1, 98) - qui relève que la Convention
Benelux de 1968 consacrait le même principe de rattachement à la loi nationale de l'auteur sans
résoudre autrement le conflit de filiations que par une allusion du rapport explicatif à la loi des
liens les plus étroits - explicite qu'en cas d'acte de reconnaissance, la problématique « affecte la
portée, sur un lien de filiation déterminé, d'un acte volontaire ou, en cas de pluralité d'actes volon-
taires, de l'acte établi en second lieu ».
1959), 346; Civ. Bruxelles, 9 juin 1956, Pas. (1957), III, 99,].T (1959), 47; Civ. Nivelles, 17 mars
1998,j. T. (1999), 230, de même que pour la filiation paternelle de plein droit.
La solution ne change pas lorsque l'enfant entend faire établir un lien de filiation maternelle alors
que le nom de sa mère ne figure pas dans l'acte de naissance. Voy. à propos d'un enfant né en
France, Civ. Bruges, 5 novembre 1979, R W (1979-1980), 2777, Rev. trim. dr. fam. (1980), 444,
somm., note].-L. RENCHON.
1111Pour l'action en désaveu, en faveur de la loi nationale du père, voy. : Civ. Bruxelles, 3 novembre
1956, Pas. (1957), III, 110; 29 septembre 1987, Pas. (1987), III, 110; 6 octobre 1987, Rev. gén. dr. civ.
(1988), 481; Civ. Anvers, 16 novembre 1962, Pas. (1964), III, 52; Civ. Verviers, 9 novembre 1953,].T
(1954), 42; Civ. Nivelles, 13 juin 1967,].T (1968), 256.
Pour la présomption de paternité et sa contestation, voy. : Civ. Bruxelles, 22 novembre 1988, Rev.
trim. dr. fam. (1990), 253, note M. FALLON; 20 février 1990, Rev. gén. dr. civ. (1991), 86; 30 avril 1990,
Rev. dr. étr. (1990), 91; Civ. Tournai, 21 mars 1988, ].L.M.B. (1988), 717; Civ. Bruxelles, 16 Juin
1992,].L.M.B. (1993), 1208; Bruxelles, 23 avril 1998,]. T. (1999), 581 ; Civ. Gand, 19 avril 2001, Tijds.
Gentse Rechtspraak (2002), 90.
Contra, en faveur de la loi nationale de l'enfant : Civ. Dendermonde, 15 février 2001, Alg.]ur. Tijdschr.
(2001-2002), 97, note S. MOSSELMANS.
1111Pour une dissociation des rattachements, soumettant la filiation de plein droit à la loi de
l'auteur et sa contestation, à la loi de l'enfant, voy. : Civ. Bruxelles, 23 novembre 1994, Rev. trim. dr.
fam. (1995), 671; 27 mars 1996, Rev. gén. dr. civ. (1997), 116; 7 janvier 1998, Rev. gén. dr. civ. (2002),
212, note A.-Ch. VAN GYSEL; 4 novembre 1998,j. T. (1999), 583.
Ill La légitimation par mariage a été rattachée à la loi nationale du père (Civ. Bruges, 27 janvier
1986, R W., 1986-1987, 878, note L. DE FOER; Civ. Bruxelles, 15 juin 1981, ].T., 1981), 760, et la
jurisprudence antérieure citée par B. HANOTIAU, Rev. trim. dr. fam. (1980), 235 et s., n ° 39.
En faveur de la loi des effets du mariage, voy. : G. VAN HECKE et K. LENAERTS, n')S 526-529.
Un rattachement unique de la légitimation et de la reconnaissance volontaire aurait également sa
logique. En ce sens, implicitement, Civ. Bruxelles, 28 janvier 1987, Rev.gén. dr. civ. (1988), 340.
LA FILIATION 593
Liège, 2 juin 1992, Rev. trim. dr. Jam. (1992), 400; Civ. Bruxelles, 24 mars 1999, Rev. trim. dr. Jam.
(1999), 661.
L'exigence de certains législateurs de soumettre la validité de la reconnaissance paternelle au
1111
28; Bruxelles, 20 juin 1972, Pas. (1973), II, 4; Civ. Liège, 13 juin 1975, fur. Liège (1975-1976), 28;
Civ. Charleroi, 20 février 1986, Pas. (1986), III, 45 ; 12 janvier 1990,J. T. (1990), 662, confirmé par
Mons, 25 juin 1991,J.T. (1991), 744; Civ. Bruxelles, 21 décembre 1994, Rev. trim. dr.Jam. (1996),
233, note M. FALLON.
Dans son arrêt du 24 mars 1960 (Eifeling, Pas., 1960, I, 860), la Cour de cassation applique cette loi à
une action alimentaire non déclarative de filiation, pour casser l'arrêt d'appel, alors que le pourvoi
avait fondé cette solution sur l'appartenance au statut personnel et le lien entre cette action et l'éta-
blissement d'une filiation.
111Pour un rattachement à la loi nationale du père, voy.: Liège, 29 avril 1991, Rev. trim. dr. Jam.
(1992), 363, Rev. rég. dr. (1992), 407, note]. SossoN.
Ill Pour un rattachement alternatif à la loi nationale du père ou à celle de l'enfant, voy. : Bruxelles,
30 octobre 1984, Pas. (1985), II, 9.
11!1 Lorsque la recherche concerne un enfant dont le nom de la mère ne figure pas dans l'acte de
naissance, il n'y a pas lieu de déroger aux solutions précitées. Si l'acte à été dressé à l'étranger, il est
exclu d'en demander en Belgique la rectification.
Sur la question de la rectification, voy. supra, n° 12.24, et Civ. Bruxelles, 17 novembre 1974, Cah. dr.
Jam. (1975), 26.
Sur la jurisprudence antérieure, voy. notamment: Rev. crit. jur. belge (1970), 287, (1971), 263,269 et
S., (1976), 244-245.
594 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
mariage boiteux, voy.: Anvers, 9 janvier 2002, Alg.fur. Tijdschr. (2001-2002), 1041.
Certaines décisions plus anciennes se sont référées à la loi du domicile commun : Civ. Liège,
8 octobre 1971, fur. Liège (1971-1972), 157; 10 mars 1972, Cah. dr. Jam. (1973-1974), 27;
24 décembre 1976,fur. Liège (1977-1978), 284.
Une autre manière d'écarter l'application des dispositions matérielles de la loi natio-
nale a pu résulter de l'application de la technique du renvoi, généralement pratiquée par
la jurisprudence en matière d'état. Le Code exclut désormais cette technique en matière,
notamment, de filiation (voy. supra, n ° 6.20).
1111Les cas d'application paraissent peu fréquents. Voy.: Civ. Nivelles, 12 octobre 1998,]. T. (1999),
228, la loi américaine renvoyant au droit belge de la résidence de l'enfant ; Civ. Dendermonde,
15 février 2001, Alg. fur. Tijdschr. (2001-2002), 97, note S. MossELMANS, renvoi analogue par la loi
allemande ; Civ. Gand, 25 octobre 2001, précité, renvoi analogue par la loi yougoslave.
position de loi, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/1, 99). Voy. en ce sens: Civ. Bruxelles, 16 juin
1992,].L.M.B. (1993), 1208; Bruxelles, 23 avril 1998,J.T. (1999), 581.
Cette question s'est révélée suffisamment sensible pour inciter la jurisprudence à utiliser l'excep-
tion d'ordre public (voy. ci-dessous).
De même, la détermination des modes de preuve relève de la loi de la filiation, y
compris la question de leur admissibilité, et non du droit belge en tant que loi de procé-
dure. La loi précise qu'il en va de même des conditions et des effets de la possession
d'état.
Ill!L'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1, 99) indique
que le principe est également consacré en France (LoussoUARN et BouREL, n ° 342), sauf pour la pos-
session d'état qui y obéit à un facteur territorial, mais par une règle unilatérale visant uniquement
l'application du droit français (art. 311-15 C. civ.) et ne contredisant pas l'application de principe
de la loi de la filiation (MAYER et HEUZÉ, n ° 612). Au sens du Code, l'article 311-15 précité utilise
une règle d'applicabilité visée à l'article 20.
1!11Dans la jurisprudence, pour une soumission de la possession d'état à la loi qui régit le lien de
filiation, voy. : Bruxelles, 30 janvier 2003, NJ. W. (2003), 709.
La même loi régit les questions de prescription.
LA FILIATION 595
IllVoy. en ce sens: Civ. Bruxelles, 16 juin 1992,].L.M.B. (1993), 1208; 28 juin 1995, Pas. (1995), III,
25; Bruxelles, 23 avril 1998,]. T. (1999), 581.
Deux questions relèvent toutefois d'un rattachement spécial. Celui-ci n'exclut pas
véritablement ces matières du domaine de la loi de la filiation. Il ajoute un rattachement,
à la manière d'une règle de caractère substantiel (voy. supra, n ° 3.58), par un rattache-
ment en cascade pour les consentements, dans un but de protection de l'intérêt de
l'enfant, et par un rattachement alternatif pour les formalités de l'aéte de reconnaissance
dans un but de faveur à la validité de l'acte.
Pour le consentement de l'enfant, le Code désigne en premier lieu la loi de la filia-
tion. Toutefois, si cette loi« ne prévoit pas l'exigence d'un tel consentement», il y a lieu
d'appliquer la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment du consentement, en
ce qui concerne les conditions de celui-ci autant que son mode d'expression (art. 62, § 1er,
al. 2).
IllUne disposition analogue régit les consentements en matière d'adoption (voy. infra, n ° 12.123).
On observe ainsi que cette matière obéit à un rattachement analogue à celui qui affecte l'ensemble
des questions relatives à l'autorité parentale et aux mesures de protection (voy. infra, sect. 8).
une utilisation plutôt abstraite de l'exception alors que celle-ci appelle une appréciation
en fonction de l'espèce.
Ill Sur la question de la prescription, voy.: Civ. Bruxelles, 28 juin 1995, Pas. (1995), III, 25, écartant
l'exception à propos du délai de un mois à compter de la naissance prévu par la loi turque; Bruxel-
les, 23 avril 1998,J. T. (1999), 581, écartant l'exception à propos de l'absence de délai selon le droit
marocain.
1111Sur la question de la qualité pour agir, voy.: Civ. Bruxelles, 15 décembre 1992,J.L.M.B. (1993),
1210, note A. Nurrs, écartant le droit turc; 26 février 1997, Pas. (1996), III, 40, et 7 janvier 1998,
Pas. (1998), III, 2, Rev. gén. dr. civ. (2002), 212, note A.-Ch VAN GYSEL, à propos du droit marocain
lorsque l'enfant n'a pas la possession d'état à l'égard de la mère, après avoir vérifié l'intensité du rat-
tachement avec l'ordre juridique belge (enfant né et résidant en Belgique); Civ. Gand, 3 avril 2000,
Tijds. Gentse Rechtspraak (2000), 164, à propos du droit marocain.
1111Sur la question du principe de la paternité naturelle, voy.: Civ. Anvers, 6 mai 1992, Rev. gén. dr.
civ. (1993), 77, écartant, au nom de la Convention européenne de sauvegarde, le droit turc qui
exclut la reconnaissance d'enfant adultérin; Civ. Bruxelles, 16 décembre 1992, Pas. (1993), III, 3,
idem à propos du droit marocain ; 29 juin 1994, Rev. trim. dr. Jam. (1996), 231, note S. SAROLÉA, idem ;
Civ. Anvers, 30 juin 1998, R W. (2000-2001), 311, note K. SwERTS, idem.
Pour une évaluation en fonction de l'intensité du rattachement, voy. en France : Cass. civ.,
10 février 1993, Revue (1993), 621, note]. FOYER.
Cette jurisprudence donne à prévoir une difficulté à s'en remettre à la loi nationale
de l'auteur de manière inconditionnelle. Il aurait sans doute été plus judicieux de prévoir
dans le Code, par une clause spéciale d'ordre public positif, que lorsque le droit étranger
désigné ne permet pas d'établir un lien de filiation à la demande de l'enfant, celui-ci peut
invoquer le droit de sa résidence habituelle au moment de l'introduction de la demande.
Le recours à des modes de procréation assistée peut également donner lieu à la mise
en œuvre de l'exception d'ordre public, en fonction de l'évolution de la politique législa-
tive.
111 À l'avenir, il est prévisible que les tribunaux auront à connaître de l'établissement d'un lien de
filiation de substitution. À supposer que le droit étranger applicable admette la substitution et
valide le consentement de la mère porteuse à attribuer, le cas échéant par contrat, la filiation à la
mère biologique, il y a lieu d'apprécier l'ordre public en fonction des critères de la gravité de l'effet
et de l'intensité du rattachement. Camp. la condamnation de principe de cette pratique au nom de
l'indisponibilité de l'état de la personne, en France, par: Cass. civ., 31 mai 1991,J. T. (1991), 767,
note X. DIJON etJ.-P. MASSON, cassant Paris, 15 juin 1990, D.S. (1990),J, 540, note BOULANGER, qui
avait admis correctement une formule d'adoption ; Rennes, 4 juillet 2002, D.S. (2002), ], 2902, note
F. GRANET, même condamnation.
Ill La question a été posée au cours des travaux préparatoires au Code de droit international privé,
et il y a été répondu par référence aux termes généraux de l'exception d'ordre public (Rapport fait
au nom de la commission de la Justice, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/7, 252).
§2 LA FILIATION ADOPTIVE
A. Compétence internationale
12.118 - Demandes introduites avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 2003 - Le
Code civil résolvait par une disposition unique la compétence internationale et la compé-
tence interne (art. 350, § 1er, al. 2).
Ill La requête d'adoption étant une procédure gracieuse, il n'y a pas lieu de tenir compte d'un
défendeur.
LA FILIATION 597
1111Selon l'article 140, alinéa 3, du Code de droit international privé, les articles 635, 636 et 638 du
Code judiciaire, et l'article 15 du Code civil, restent en vigueur jusqu'à la date d'entrée en vigueur
de la loi du 24 avril 2003, « dans la mesure où ils peuvent porter sur l'adoption ou la révocation de
l'adoption».
La conversion d'une adoption simple en adoption plénière obéit aux mêmes critères
de compétence, auxquels est ajoutée la circonstance que la première a été établie en Belgi-
que (art. 66, al. 2, Codip).
La révocation d'une adoption obéit à des dispositions analogues (al. 3).
Ill Le texte ne permet pas d'exclure que la révocation puisse porter sur une adoption établie à
l'étranger. Une celle révocation ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée à l'étranger, dès
lors qu'elle n'a d'effet que pour l'avenir.
La révision d'une adoption obéit à des dispositions analogues, auxquelles est ajoutée
la circonstance qu'une décision judiciaire établissant l'adoption a été reconnue ou décla-
rée exécutoire en Belgique (al. 4).
Ill Le Code abroge la règle de compétence internationale insérée à l'article 359-5 nouveau du Code
civil par la loi du 24 avril 2003, afin de rassembler l'ensemble des dispositions de cette nature
(arc. 139, 5 °).
598 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
1111La répartition des compétences au sein du système fédéral explique qu'en Belgique, les autorités
communautaires interviennent dans la procédure d'adoption (voy. infra, n ° 12.123 et 12.138).
Pour la Communauté française, voy. le décret du 31 mars 2004 (Monit., 13 mai 2004, destiné à rem-
placer l'arrêté de !'Exécutif du 14 juillet 1992, Monit., 26 août 1992) et, pour la Communauté fla-
mande, le décret du 30 avril 2004 (Monit., 8 septembre 2004, destiné à remplacer le décret du
17 juillet 1997, Monit., 23 septembre 1997). L'entrée en vigueur de ces décrets est liée à celle de la loi
fédérale du 24 avril 2003 (voy. supra, n ° 12.110).
Quiconque prétend, sur le territoire belge, constituer ou anéantir une filiation adop-
tive doit se conformer aux procédures d'établissement ou de révocation organisées par la
loi belge. Seuls les actes accomplis à l'étranger peuvent prétendre à la reconnaissance en
Belgique, mais il faudrait tenir pour nulles les adoptions ou leur révocation autorisées
sur le territoire belge par d'autres autorités que celles qui ont été désignées par la loi. Cela
exclut, par exemple, qu'une telle procédure puisse se dérouler devant un agent diplomati-
que ou consulaire.
Lorsque l'acte d'adoption a été passé à l'étranger, la phase judiciaire de la procédure
peut être poursuivie en Belgique (art. 69, al. 2). Il est évidemment supposé que la compé-
tence internationale soit acquise.
Avant la loi du 24 avril 2003, la réponse positive à cette question ne posait guère de difficulté
1111
pratique puisque la procédure belge d'adoption consistait en deux étapes: l'acte d'adoption
(devant notaire ou juge de paix) et l'homologation de cet acte par le tribunal de première instance.
L'on pouvait concevoir aisément qu'un contrat d'adoption dressé hors du territoire belge fût
ensuite soumis à la procédure d'homologation organisée par le droit belge.
Après l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 2003, la procédure belge d'adoption étant une procé-
dure unique d'établissement devant le tribunal de première instance, la même réponse est plus
délicate puisque le rôle du tribunal de première instance ne se réduit plus à une simple fonction
d'homologation.
D'abord, il faut que le droit étranger applicable à la forme dans laquelle l'acte a dû
être dressé (voy. infra, n ° 12.123), prévoie le principe d'une telle autorisation. Il est toute-
fois indifférent que ce droit désigne le tribunal civil, car la détermination de la compé-
tence d'attribution relève du droit belge uniquement.
Ensuite, l'acte doit répondre aux exigences d'authenticité posées par le droit étran-
ger. En effet, il paraît difficile d'admettre qu'un contrat d'adoption sous seing privé satis-
faisant aux règles de forme de la loi étrangère sous l'empire de laquelle l'acte a été dressé,
puisse être soumis à procédure judiciaire devant un tribunal belge compétent. Il ne s'agit
pas d'une dérogation à la règle Locus regit actum, mais de la mise en œuvre d'une autre
règle de droit international privé, relative au fonctionnement d'un service public (voy.
supra, n ° 3.36) : la loi belge qui gouverne la procédure judiciaire détermine les exigences
de forme des instruments produits au cours de cette procédure.
Il Voy. en ce sens : Civ. Tongres Ueun.), 2 décembre 1969, Doc. prot. jeun., 1, 179. Comp. Civ. Gand,
14 septembre 1981,J. T. (1981), 657, refusant l'homologation d'un acte« passé devant un fonction-
naire hongrois», sans se demander si le droit étranger prévoyait une celle autorisation, et se pro-
nonçant à rort sur « l'autorité de la chose jugée » de l'acte étranger, sans se demander si l'acte
étranger avait la nature d'un acte public ou d'un acte juridictionnel, plutôt que d'un acte privé
passé en la forme instrumentaire.
Il Il appartient à la loi du pays où l'acte a été dressé de décider si la personne qui l'a reçu a qualité
d'officier public.
Enfin, l'hypothèse ne peut pas être de celles que le Code civil qualifie d' « adoptions
internationales» (art. 360-2), terme couvrant le cas particulier d'une adoption
« impliquant le déplacement international d'un enfant», soit lorsque celui-ci réside à
l'étranger et que les adoptants résident en Belgique, soit lorsqu'il doit être déplacé à
l'étranger alors qu'il réside en Belgique. En effet, les conditions strictes auxquelles le droit
belge soumet la procédure à suivre dans ce cas impliquent l'accomplissement de nom-
breuses formalités en Belgique.
Ili!Le problème de la compétence d'attribution lié à la suppression de la procédure d'homologa-
tion en droit belge ne paraît pas avoir été aperçu dans les travaux préparatoires, l'article 69 du Code
ne faisant l'objet d'aucune observation (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/7 et 338) et l'exposé
des motifs, antérieur à la loi de 2003, parlant encore d'acte d'adoption pour l'ensemble de
l'article 69, en ce compris la procédure belge.
Pour éviter des difficultés d'interprétation des compétences d'attribution du tribunal de première
instance, il est conseillé d'effectuer l'ensemble de la procédure soit en Belgique, soit à l'étranger, et,
dans ce dernier cas, de poursuivre par une procédure de reconnaissance.
B. Droit applicable
12.121 - Présentation - La règle de conflit transitoire oblige à distinguer selon que le
droit applicable est déterminé en vertu du Code de droit international privé ou selon les
dispositions antérieures. La solution du conflit transitoire est exposée supra, n ° 12.110.
La simplification de la règle de rattachement attendue de l'entrée en vigueur du
Code sera compensée par l'alourdissement considérable des procédures administratives
(adaptabilité, aptitude à adopter, enregistrement), qui risque de décourager l'adoption
internationale, particulièrement en cas de déplacement international d'enfant. La filière
dite libre, qui consiste à ne pas passer par un organisme d'adoption, tendra probable-
ment à disparaître.
600 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
seing privé à l'étranger conformément à la loi locale (Exposé des motifs de la proposition de loi,
Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n° 3-27/1, 102).
Ill Dans un souci de contrôle, les formalités d'une adoption internationale sont considérablement
alourdies par la loi du 24 avril 2003, en cas de déplacement international d'un enfant. Ces formali-
tés tendent à respecter les exigences posées par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 (voy.
infra, n° 12.137).
Ill Lorsque l'adoption est établie en Belgique, il y a lieu de respecter les formalités particulières pré-
vues au cas où le dossier « implique le déplacement international d'un enfant », au sens des
articles 360-1 et 360-2 du Code civil. Ces dispositions ne concernent donc ni l'adoption d'une per-
sonne de plus de dix-huit ans, ni celle d'un enfant en l'absence de déplacement international (qui
est toutefois soumise à une enquête sociale, art. 1231-6 C. jud.).
Une distinction apparaît selon que l'enfant doit être déplacé de l'étranger vers la Belgique, et inver-
sement.
En cas de déplacement vers la Belgique, les personnes désireuses d'adopter un enfant résidant habi-
tuellement en Belgique doivent avoir suivi « la préparation organisée par la communauté
compétente» et « obtenir un jugement les déclarant qualifiées et aptes à assumer une adoption
internationale» (art. 361-1 C. civ.). Il faut supposer que cette qualification est appréciée en vertu du
droit désigné par la règle de conflit de lois posée par le Code de droit international privé. Le texte
précise ensuite les conditions auxquelles le déplacement peut avoir lieu (arc. 361-3 C. civ.), ainsi que
les documents à produire (art. 361-4 C. civ.).
En cas de déplacement vers l'étranger, le texte énonce les conditions préalables à son autorisation, à
savoir: (1 °) un jugement du tribunal de la jeunesse constatant que l'enfant est« internationale-
ment adoptable» sur la base d'une étude sociale, que l'adoption internationale répond à l'intérêt
602 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
supérieur de celui-ci et que l'ensemble des consentements requis ont pu être donnés en connais-
sance de cause (art. 362-2 C. civ.); (2 °) l'autorité centrale communautaire, notamment, (a) a reçu
de l'autorité étrangère compétente un rapport que celle-ci a adressé à l'autorité centrale fédérale,
donnant diverses informations sur les adoptants et (b) a constaté que l'adoption répond à l'intérêt
supérieur de l'enfant (art. 362-3 C. civ.); (3°) une« décision de confier» l'enfant, à prendre après
vérification que l'adoptant est qualifié et apte selon l'autorité étrangère compétente, que l'enfant
sera autorisé à séjourner à l'étranger et que l'accord de l'adoptant est assuré.
111 Les communautés ont, par voie de décrets, mis en place la procédure de préparation prévue par
la loi. Voy. les références citées infra, n ° 12.138.
La Convention de La Haye du 29 mai 1993 (voy. infra, n° 12.137) permet l'intervention d'organis-
mes agréés (arc. 22, § 1er). Elle permet aussi à l'État d'origine de déclarer que l'adoption ne peut
avoir lieu que si les fonctions de l'Autorité centrale sont exercées conformément à l'article 22. La
Belgique a fait une déclaration en ce sens, énonçant que« l'adoption d'un enfant résidant [en Belgi-
que] ne peut avoir lieu que si les fonctions conférées à l'Autorité centrale de l'État d'accueil sont
exercées » conformément à cette disposition.
Voy. déjà, dans un sens analogue: Liège, 18 janvier 1999, Rev. gén. dr. civ. (2000), 662, note Y.
Ill
DEKETELAERE.
La révision de l'adoption est régie, dans tous les cas, par le droit belge (art. 71, § 3,
Codip).
IllLe Code incorpore ainsi l'alinéa 2 de l'article 359-5 nouveau du Code civil, qu'il abroge en con-
séquence (art. 139, 5°).
La nullité de l'adoption fait l'objet d'une règle matérielle qui entend régir toute
demande introduite en Belgique : elle « ne peut être prononcée en Belgique, même si le
droit de l'État où elle a été établie le permet» (art. 359-6 nouveau C. civ.).
Ill Cette interdiction est singulière, car elle est pratiquement sans objet. Soit l'adoption a été éta-
blie en Belgique, et son« annulation» ne se conçoit que comme la remise en cause de l'autorité de
la chose jugée. Soit elle a été établie par une juridiction étrangère, et la demande porte alors sur la
reconnaissance d'une décision, c'est-à-dire la réception ou le refus de la chose jugée à l'étranger, le
juge belge n'ayant aucune compétence pour « annuler» un jugement étranger. Voy. par exemple:
Liège, 18 janvier 1999, Rev. gén. dr. civ. (2000), 662, note Y. DEKETELAERE.
Autre serait l'hypothèse d'une demande portant sur une adoption étrangère passée par un simple
acte privé ou un acte authentique. Une demande devrait pouvoir être introduite tendant à en con-
tester la validité.
Dans le cas d'une décision étrangère annulant une adoption, la question revient à nouveau à se
prononcer sur la reconnaissance d'une décision (voy. infra, n° 5 12.137 et s.).
L'exception ne constitue pourtant un moyen acceptable que si elle est utilisée dans
son sens fonctionnel, en tenant compte des circonstances de l'espèce (voy. supra, n°' 7.46
et s.), notamment, de l'âge de l'enfant, de son degré d'insertion dans la société belge et de
son statut familial en cas de refus d'adoption (Bruxelles, 9 novembre 1982, Rev. trim. dr.
fam., 1983, 198). Il faut savoir que la décision entreprise risque le plus souvent de créer un
rapport «boiteux», l'adoption n'étant pas reconnue dans le pays d'origine. Dans beau-
coup de cas, il sera même problématique de demander le consentement de la famille
d'origine.
1111 Sur la question de l'admissibilité, voy. les références citées par: G. vAN HECKE et F. RIGAUX, Rev.
crit. jur. belge (1991), 177, et par M. FALLON, Rev. trim. dr. fam. (1988), 233.
En France, n'écartant pas la loi étrangère, voy.: Cass. civ., 19 octobre 1999, El Karroumi, Clunet
(2000), 737, note F. MüNEGER.
Sur l'interdiction d'adopter un enfant naturel en droit italien, voy.: Civ. Bruxelles, 21 décembre
1111
1111C'est en réponse à ces difficultés que le législateur avait renoncé au cumul limitatif pour les
adoptés de moins de quinze ans (voy. infra, n ° 12.129). Cela a rendu plus difficile l'utilisation de
l'exception d'ordre public en présence d'une volonté claire du législateur d'opérer une distinction
selon l'âge, tout en conduisant à des références plus fréquentes à la théorie du renvoi (sur cette
notion, voy. supra, chap. 6) par des juridictions de fond soucieuses de faire droit à l'adoption de
majeurs en présence de relations filiales véritables.
1111 Sur l'adoption de majeurs, la Cour de cassation a pris fermement position dans l'arrêt Carau-
leanu du 10 avril 2003 (Rev. trim. dr. fam., 2004, 180), concernant l'adoption d'un Moldave: le droit
au respect de la vie privée et familiale que consacre l'article 8 de la Convention européenne de sau-
vegarde des droits de l'homme n'établit pas un droit fondamental à l'adoption.
Dans le même sens: Civ. Bruxelles, 16 novembre 1994, J.L.M.B. (1995), 527, note M. LIÉNARD-
LIGNY; Anvers, 2 mai 1995, Tijdschr. Vreemd. (1997), 411, note L. WALLEYN; Bruxelles, 30 mai 2000,
Rev. trim.dr. fam. (2002), 476; 4 septembre 2001,].T (2002), 469.
Voy. précédemment, évinçant la loi étrangère: Civ. Turnhout, 12 décembre 1996, R W. (1999-2000),
334; Civ. Anvers, 25 mars 1997, Tijds. Not. (1997), 538, note K. LAMBEIN; 25 janvier 2002, R W
(2002-2003), 1395.
Il reste que, selon la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (20 novembre
1111
1989, loi du 25 novembre 1991, Monit., 17 janvier 1992), tout enfant« privé de son milieu familial »
a droit à une « protection de remplacement», qui peut être une adoption, un placement dans une
famille ou une kafalah de droit islamique, pourvu qu'il soit « tenu compte», notamment, « de son
origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique» (art. 20). D'autres dispositions (art. 21) con-
cernent spécialement l'organisation de l'adoption.
Il. DROIT APPLICABLE EN VERTU DES ARTICLES 344 ET 344TER DU CODE CIVIL
12.125 - Orientations générales - L'adoption est l'une des rares matières à avoir suscité
l'intérêt du législateur de droit international privé avant l'entrée en vigueur du Code.
Deux lois ont réglé successivement la matière, avant même la loi du 24 avril 2003 - dont
le texte final ne comprend cependant guère de règles de compétence internationale ni de
rattachement-, à savoir les lois du 21 mars 1969 et du 27 avril 1987.
En droit international privé, la première période a vu confirmé le principe du ratta-
chement en fonction de la nationalité de chacune des parties, approche conduisant à
déclarer l'acte inadmissible chaque fois que l'institution est ignorée de l'une des lois
nationales en présence.
604 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
12.126 - Droit applicable aux formalités de l'acte - Le Code civil ne comporte aucune
disposition relative à loi applicable à la forme de l'acte d'adoption ou de sa révocation.
IllLa loi du 21 mars 1969 évoquait, à propos des actes passés en Belgique, la validité de ceux qui
respectaient les« formes prévues par le présent Code ». Cette précision a été supprimée par la loi du
27 avril 1987.
La terminologie varie. Alors que pour les enfants de moins de quinze ans, le
paragraphe 1er de l'article 344 évoque les conditions« de fond» - ce qui exclut les condi-
tions de forme -, pour les autres, le paragraphe 2 ne parle que des « conditions », ce qui
peut couvrir aussi les questions de forme. Il en va de même pour la révocation.
On ne peut certes en déduire une dérogation à la règle Locus regj.t actum, commune
aux actes juridiques privés. Mais convient-il d'en retenir une interprétation alternative,
qui est de principe, ou plutôt une interprétation impérative ? Les travaux préparatoires
suggèrent la volonté du législateur de déroger à l'interprétation alternative.
Voy. à ce sujet: M. VERWILGHEN, « L'établissement de la filiation adoptive ...
1111 », op. cit. n ° 12.109,
188; C. DEBROUX, op. cit. n ° 12.109, 205.
Ill Sous la législation antérieure, voy. l'interprétation impérative donnée par: Civ. Bruxelles Qeun.),
18 juin 1984,J.J.P. (1986), 78, note]. ERAuw.
Voy. depuis lors, en ce sens: Anvers, 7 octobre 1997, Alg.Jur. Tijdschr. (1998-1999), 73.
Selon le Code de droit international privé, le mode d'expression du consentement relève désor-
1111
1969, Rev. dr. Jam., 1970, 58), et un Marocain ne peut pas y adopter (Civ. Bruxelles, jeun., 26 mars
1970, Rev. dr. Jam., 1970, 74; Liège, 30 mai 1983, Rev. trim. dr. Jam., 1984, 55; Civ. Bruxelles, 15 avril
1985,J.J.P., 1986, 18, note]. ERAuw), l'institution de l'adoption étant ignorée du droit algérien et du
droit marocain.
Pour l'adoption d'un Russe, voy. Civ. Bruxelles 0eun.), 14 janvier 1988,].T. (1989), 751.
Lors de l'examen de l'admissibilité, il n'y a pas lieu d'exiger que le droit étranger pré-
voie formellement une institution qualifiée d'adoption, mais de rechercher si l'institu-
tion étrangère comporte des effets analogues à ceux de l'établissement d'un rapport de
filiation.
Ill En Belgique, la question a été posée à propos de la kaJalah, dont la jurisprudence a refusé à juste
titre l'analogie avec l'adoption, le droit musulman interdisant l'adoption ayant des effets de filia-
tion (voy. M. FALLON, Rev. trim. dr. Jam., 1988, 233 ;].P. Saint-Gilles, 16 janvier 2001, Rev. gén. dr. civ.,
2001, 245). Le nouveau Code marocain de la famille ne reprend plus l'interdiction formelle de
l'adoption (ancien art. 83, 3 °, nouvel art. 146), ce qui pourrait porter à confusion même si le légis-
lateur marocain n'a introduit aucune procédure d'adoption dans son droit interne, à la différence
du législateur tunisien.
Autre chose est d'envisager cette forme de placement si le droit étranger qui l'organise est applica-
ble à la relation en cause, au titre de la catégorie régissant les incapacités (voy. infra, sect. 8).
606 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
jugé abusif. Voy. Liège Ueun.), 21 juin 1977, Rev. not. belge (1978), 85.
En revanche, la détermination du lien de filiation entre l'adopté et sa famille d'ori-
gine relève de la loi qui lui est propre, à savoir la loi applicable à ce rapport de filiation.
Cette dualité de rattachements peut soulever une difficulté lorsque la loi applicable à la
filiation biologique, par exemple celle de l'auteur, ignore l'adoption. La difficulté n'est
pourtant qu'apparente puisque, juridiquement, la seule vérification à opérer dans cette
loi est celle de l'existence d'un lien de filiation biologique.
IllAinsi, il est incorrect de ne pas demander le consentement du père marocain naturel pour le
motif que la reconnaissance n'est pas valable selon la loi nationale de celui-ci, alors que la règle
belge de rattachement soumet cet acte à la loi belge de l'enfant Q.P. Schaerbeek, 27 mars 1985,J.J.P.,
1986, 44, note]. ERAuw).
IllLa vérification du lien de filiation biologique peut se heurter à un problème de preuve. Voy. Civ.
Bruxelles Ueun.), 21 février 1986, Rev. gén. dr. civ. (1988), 149, révélant la pratique chilienne de la
rédaction d'un« acte de naissance» ad hoc avant le départ de l'enfant du Chili, mentionnant le nom
des adoptants. On ne saurait accorder à cet acte la force probante d'un acte de naissance permet-
tant d'établir un lien de filiation biologique entre enfant et parents, comme l'a pensé le ministère
public.
Comp. une référence à la loi de la nationalité des parties, celles-ci étant belges en l'espèce : Liège,
1111
voy.: Rev. crit. jur. belge (1970), 291 (1976), 249-250. Pour un cas d'adaptation de la loi étrangère
applicable à la légitimation par adoption qui refusait celle-ci à un enfant naturel tout en permet-
tant une légitimation de celui-ci par mariage, alors que la loi applicable à cette légitimation-ci pré-
voyait la solution inverse, voy.: Mons, 5 octobre 1981,].T. (1981), 759, et l'analyse de M. FALLON,
Rev. trim. dr.fam. (1983), 133-148.
Dans le choix de la forme d'adoption, le tribunal ne saurait sans doute s'attacher à
« des raisons purement humanitaires» qui ont guidé les adoptants, lorsque l'adopté est
un enfant abandonné originaire d'un milieu socio-économique défavorisé, pour n'autori-
ser que l'adoption simple.
1111 Une considération de ce type est présente dans: Anvers, 6 juin 1980, Rev. trim. dr. fam. (1982), 77.
LA FILIATION 609
12.131 - Choix restreint pourl'adopté de moins de quinze ans - Si l'adopté n'a pas
atteint l'âge de quinze ans, le choix entre les deux formes d'adoption n'est ouvert que si
l'adoption est admise par la loi nationale de l'adoptant ou, lorsqu'il y a plusieurs adop-
tants, par leurs lois nationales respectives.
Ill Voy. les hypothèses (a) et (b) citées supra, n° 12.129.
Seule l'adoption simple est possible dans le dernier cas envisageable, lorsque la loi
nationale de l'adoptant ou lorsque la loi nationale de l'un des adoptants n'admet pas
l'adoption (art. 344, § 1er, C. civ.). Encore faut-il, dans ce cas, que les parties satisfassent à
l'exigence de territorialité prévue par la loi.
Ill Voy. le cas (c) supra, n ° 12.129.
tion en Belgique d'adoptés qui ont atteint l'âge de quinze ans (art. 344ter, in fine).
Cette exception suggère que le principe de l'attraction de la loi des effets par la loi de
l'établissement ne répond pas à une nécessité logique.
Le conflit mobile subit un corollaire fâcheux de cette méthode. Celle-ci suppose que
la question de l'effet soit résolue en fonction de la concrétisation du facteur de ratta-
chement au jour de la formation de l'acte de base, non au jour où l'effet est réclamé.
Cette solution va à l'encontre de celles qui sont apportées généralement au conflit
mobile en droit comparé.
1111 Camp. supra, n ° 12.62, à propos du mariage.
1111 La solution apportée au conflit mobile n'implique pas pour aurant une pétrification du droit
applicable. Celui-ci est appliqué tel qu'il se présente au jour où l'effet est demandé, avec l'évolution
intervenue depuis le moment de la formation de l'acte de base.
c) La circonstance que l'adoption a été établie à l'étranger plutôt qu'en Belgique n'est
pas nécessairement déterminante.
1111Pour l'adoption d'un enfant de moins de quinze ans, le législateur soumet aux mêmes solutions
de conflit de lois les effets d'une décision étrangère et ceux d'une décision belge, et n'opère pas de
distinction selon la nationalité belge ou étrangère des parties (arc. 344ter, 1rc phrase).
Le texte comporte une anomalie puisqu'il omet de viser les effets d'une adoption passée entre Bel-
ges à l'étranger, alors que cette hypothèse est prévue explicitement à propos de la reconnaissance
d'une décision étrangère d'adoption ou de révocation. Rien ne justifie apparemment de particulari-
ser cette hypothèse, qu'il y a donc lieu de soumettre aux dispositions qui règlent les effets de l'adop-
tion.
1111Lorsque la question des effets concerne un acte établi ou révoqué à l'étranger, elle présuppose
que la décision étrangère puisse être reconnue conformément aux règles prévues respectivement
par l'article 344bis (adoption) ou par l'article 344quater (révocation) du Code civil.
Il y aura alors lieu de recourir à la méthode du rattachement à deux degrés, l'un pour déterminer le
droit applicable aux effets (question principale), l'autre pour effectuer le contrôle de la loi appli-
quée par le juge d'origine (question préalable).
Le contrôle de l'ordre public peut, en soi, également être double. Il peut porter sur l'incompatibilité
des effets de l'application d'une loi étrangère à la question des effets de l'acte ou de sa révocation,
mais aussi sur l'incompatibilité de la décision étrangère elle-même. Il est suggéré que la seconde
vérification puisse être plus libérale que la première, dans la mesure où elle porte sur des droits
valablement acquis à l'étranger (voy. supra, n ° 7.52).
d) La loi belge est souvent appliquée en fait à la question des effets de l'adoption ou de
sa révocation, établie en Belgique ou à l'étranger.
1111 Il n'en va autrement que dans les cas suivants :
- l'adoption - quel que soit l'âge de l'enfant - a été réalisée à l'étranger et son admissibilité
relève du droit étranger ;
- l'adoption d'un enfant de moins de quinze ans a été réalisée en Belgique par un adoptant
étranger ou par des adoptants étrangers de même nationalité, dont la loi nationale admet
l'adoption;
- la révocation a eu lieu à l'étranger et la personne « dans l'intérêt de laquelle» elle a été pro-
noncée est de nationalité étrangère.
12.133 - Droit des effets de l'adoption d'une personne de quinze ans - Lorsque l'adopté
a atteint l'âge de quinze ans au jour de l'acte, une distinction nouvelle apparaît, selon que
l'acte a été réalisé en Belgique ou à l'étranger.
Si l'acte a eu lieu à l'étranger, ses effets sont soumis à la loi « qui a été appliquée à
son admissibilité» (art. 344ter, ire phrase).
LA FILIATION 611
1111 Cette solution s'aligne sur celle qui vaut pour l'adoption d'un enfant qui n'a pas atteint l'âge de
quinze ans, que l'acte ait été réalisé en Belgique ou à l'étranger (voy. ci-dessous).
Si l'acte a eu lieu en Belgique, ses « effets sont régis par la loi belge» (art. 344ter, in
fine).
Cette solution, qui consacre l'application de la loi belge en tant que loi du for, est exceptionnelle
1111
en matière de stacut personnel. Elle traduira souvent une rupcure entre la loi appliquée à l'établis-
sement du lien et la loi appliquée aux effets, puisque la première obéit au rattachement tout à fait
traditionnel de l'application distributive - avec la réserve du cumul limitatif - des lois nationales
respectives des parties, dans la ligne du principe de l'article 3, alinéa 3, du Code civil.
Rien ne justifie une dérogation aussi nette à ce principe, pas même le souci de simplifier l'interven-
tion de praticiens belges par l'application de leur propre loi.
Par comparaison avec le cas d'une adoption passée entre parties belges, la solution comporte sans
doute un élément discriminatoire qu'un contrôle au regard de l'article 6 de la Consticution devrait
permettre de sanctionner.
12.134 - Droit des effets de l'adoption d'un mineur de moins de quinze ans - Lorsque
l'adopté n'a pas atteint l'âge de quinze ans au moment de l'acte, les effets de celui-ci
« sont régis [... ] par la loi qui a été appliquée à son admissibilité» (art. 344ter, ire phrase).
Cette règle vaut pour les adoptions réalisées en Belgique aussi bien que pour déterminer
les effets d'une adoption acquise par une décision étrangère.
Pour les procédures suivies en Belgique, la loi de l'admissibilité est aussi celle des
conditions de fond, à l'exception de la condition relative au consentement de l'adopté.
De plus, il s'agit normalement de la loi belge, sauf dans une hypothèse, lorsque la loi
nationale de l'adoptant ou la loi nationale commune des adoptants admet l'adoption :
dans ce cas, la loi appliquée est la loi nationale du ou des adoptants.
Ainsi voit-on que, dans son principe, la loi applicable aux effets est souvent la loi
belge, comme à propos des enfants ayant atteint l'âge de quinze ans.
La solution retenue dans ce cas-ci a pourtant un mérite propre.
Lorsque cette loi est celle de l'adoptant, on peut supposer que le rattachement des
effets n'est pas artificiel dans la mesure où l'acte a intégré l'enfant à la famille de celui-ci.
Il n'en va différemment que pour les effets à l'égard de l'enfant par rapport à sa famille
d'origine, du moins si l'on comprend cet effet sous le concept visé par la loi.
1111Le rattachement à la loi de l'admissibilité ne risque pas de désigner plusieurs lois en cas de plu-
ralité d'adoptants puisque, dans cette hypothèse, la loi appliquée aura été la loi belge (voy. supra,
n ° 12.129).
Lorsque cette loi est la loi belge, les mérites de son application s'imposent chaque
fois que cette loi seule a permis l'adoption, à l'exclusion de la loi nationale de l'adoptant,
des adoptants ou de l'un d'eux. Dès lors que, dans ce cas, le législateur a choisi d'appli-
quer la loi du for, il ne peut qu'imposer cette loi pour déterminer les effets de l'acte. Le
même résultat aurait pu être atteint par la théorie générale du rapport juridique boiteux
(voy. supra, n ° 12.10).
Cette appréciation ne s'impose évidemment pas lorsque la loi belge a été appliquée à
l'admissibilité alors que les adoptants étaient de nationalités différentes et que leurs lois
nationales respectives admettent l'adoption. Dans ce cas, le législateur soumet les condi-
tions de fond de l'adoption à la loi belge par raison de facilité, et l'application de la même
loi aux effets de l'acte constitue tout autant un pur expédient.
612 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
méthode est heureuse puisqu'elle évite le risque de devoir demander des effets à une loi étrangère
qui ignore la révocation. Le même résultat aurait cependant pu être obtenu au moyen de la théorie
du rapport juridique boiteux.
1111L'ancienne législation opérait une distinction entre la loi applicable à la révocation et la loi
applicable aux effets : la première relevait de la loi belge et les secondes, de la loi personnelle de
!'adopté, cette loi étant censée pouvoir définir le mieux l'intérêt principal à protéger.
Il Les effets d'une décision étrangère de révocation « sont régis en Belgique par la même loi» que
celle ayant servi au contrôle de la décision étrangère elle-même (art. 344quater, al. 2, C. civ.). On sait
qu'aux yeux du législateur, la décision étrangère doit satisfaire, pour pouvoir être reconnue, au con-
trôle de la loi qui a été appliquée par le juge d'origine (voy. infra, n° 12.147). En d'autres termes, il y
a lieu de vérifier si le même résultat aurait été atteint par application de la loi du« statut personnel
de la partie dans l'intérêt de laquelle la révocation a été prononcée».
Il est évident que l'application de cette loi doit être écartée lorsqu'elle n'aurait pu permettre l'éta-
blissement même du lien d'adoption.
LA FILIATION 613
savoir l'ensemble des États membres de de la Conférence (à l'exception de l'Irlande, des États-Unis,
de la Russie et de la Chine), ainsi qu'une vingtaine d'États non membres, dont la plupart sont des
États de provenance d'enfants à adopter.
Ensuite, un seul motif de refus peut être opposé à la reconnaissance, à savoir la con-
trariété manifeste à l'ordre public de l'État requis,« compte tenu de l'intérêt supérieur de
l'enfant» (art. 24).
IllL'article 364-1 du Code civil reprend la substance de cette disposition. Son utilité est donc dis-
cutable. En termes de force obligatoire, seule la disposition pertinente de la Convention doit être
appliquée.
l.A FILIATION 615
b) Droit commun
12.142 - Régime de reconnaissance administrative - L'entrée en vigueur combinée de
l'article 72 du Code de droit international privé et de la loi du 24 avril 2003 signifie la
mise en place d'un régime de reconnaissance administrative de la décision étrangère.
Le Code consent en la matière une dérogation à ses dispositions générales, qui consa-
crent en toute matière une reconnaissance de plein droit du jugement étranger (voy. supra,
n ° 10.41 ). Il opère un renvoi aux dispositions pertinentes du Code civil, introduites par la
loi de 2003, tant pour l'établissement que pour la conversion, révocation, révision ou annu-
lation décidée à l'étranger. Ce renvoi vaut aussi dans le cas d'un acte authentique étranger.
12.143 - Motifs de refus de la reconnaissance - Les articles 365-1 et 365-2 du Code civil
énoncent une série de motifs de refus spécifiques, selon des variations dans la formula-
tion dont la pertinence n'est guère explicite.
Certaines conditions sont énoncées de manière positive (art. 365-1) et d'autres, de manière
1111
Le demandeur doit produire une liste de documents, énoncée par l'article 365-4.
Outre une copie certifiée conforme de la décision (1 °) ou de l'acte accompagnée d'une
traduction éventuelle (2 ° ), il s'agit de pièces tendant à établir (3 ° à 5 °) l'identité des par-
ties, (6°) celle, le cas échéant, de ses père et mère avec la preuve éventuelle de leurs consen-
tements, (7°) l'autorisation étrangère de déplacer l'enfant, (8°) l'aptitude des adoptants
résidant en Belgique et (9°) l'agrément de l'organisme intermédiaire éventuel.
Il L'Autorité centrale fédérale peut dispenser de la production de certaines pièces.
La décision de reconnaissance est prise par l'Autorité centrale fédérale (art. 367-1) et
enregistrée par celle-ci (art. 367-2), aux mêmes conditions que les décisions couvertes par
la Convention de La Haye.
La demande doit être portée devant l'Autorité centrale fédérale (art. 366-2), ce qui
exclut l'intervention d'un agent diplomatique ou consulaire. Elle doit être accompagnée
d'une série de pièces. Comme pour une décision établissant l'adoption, outre une copie
certifiée conforme de la décision (1 °) ou de l'acte accompagnée d'une traduction éven-
tuelle (2°), il s'agit de pièces tendant à établir (3° à 5°) l'identité des parties et (6°) celle,
le cas échéant, de ses père et mère avec la preuve éventuelle de leurs consentements.
Les arguments tenant à la nature contractuelle de l'adoption ou à la lutte contre une éventuelle
fraude à la loi, ne sont guère convaincants. D'un côté, on ne peut exclure que le droit du pays où
l'adoption s'est déroulée organise une procédure exclusivement juridictionnelle. D'un autre côté, la
fraude, qui ne saurait être exclue plus généralement à propos d'aucune procédure suivie à l'étran-
ger, peut être contrôlée au moyen de l'ordre public (sur ce moyen, voy. supra, n ° 10.39).
Pour ce qui concerne la révocation de l'adoption, la condition est d'autant plus critiquable qu'elle
subordonne la reconnaissance des jugements étrangers au respect d'une solution de conflit de lois
différente de celle que les tribunaux belges doivent eux-mêmes respecter, puisque
l'article 344quater soumet les conditions de la révocation à la lex fori (voy. supra, n° 12.128). Au
demeurant, le rattachement est inopérant chaque fois que la loi étrangère désignée ne permet pas
l'établissement même du lien d'adoption. En ce cas, il convient d'appliquer une règle subsidiaire,
dans la ligne des solutions apportées à propos de rapports Juridiques boiteux.
En n'ajoutant à l'article 344bis que deux des conditions que prévoit l'article 570 du
Code judiciaire, le législateur a-t-il entendu renoncer aux autres, à savoir le respect des
droits de la défense, la nécessité d'une décision passée en force de chose jugée et une com-
pétence du juge d'origine fondée sur un critère autre que la nationalité du demandeur?
On ne saurait négliger la dimension contentieuse d'une procédure d'adoption, non seu-
lement à propos d'une révocation, mais chaque fois que peut exister une divergence
d'intérêts entre parties, par exemple à propos du consentement de la famille d'origine; le
contrôle du respect des droits de la défense doit alors pouvoir être assuré, au titre d'un
principe inhérent à la reconnaissance des décisions étrangères. Quant au contrôle de la
compétence indirecte selon l'article 570, il pourrait conduire à refuser l'effet d'une déci-
sion - sans doute hypothétique - prononcée dans le pays dont l'adopté ou l'adoptant
seul à la nationalité sans y résider. On peut supposer que le législateur a omis cette condi-
tion de nationalité parce que l'article 350 du Code civil admettait lui-même de fonder la
compétence des tribunaux belges sur la nationalité.
1111Sur cette question, voy. l'étude critique de C. DEBROUX, « La reconnaissance ... ", précitée
n° 12.109.
La condition que la décision étrangère soit coulée en force de chose jugée paraît
devoir être considérée comme implicite dès lors qu'un traité international applicable n'y
déroge pas.
Section 8
L'incapacité et la protection des incapables
12.149 - Bibliographie
a) L'incapacité
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L'INCAPACITÉ ET LA PROTECTION DES INCAPABLES 621
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bourg, Ed. universitaires, 1977), 447-467; W. VON STEIGER, « The protection of minors in private
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www.hcch.net, voy. : M.-D. ADAM MuNOZ et S. GARCIA CANO, Sustraccion internacional de menores y
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mars tegen 'legal kidnapping': het Europees Verdrag van 20 mei 1980 in werking », R. W (1985-
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Haye et de Luxembourg en matière d'enlèvement et de garde des enfants », Rev. trim. dr. Jam. (1983),
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Voy. en outre la résolution de l'Institut de droit international sur La coopération entre autorités étati-
ques dans la lutte contre le déplacement illicite d'enfants (session de Lisbonne, 31 août 1995), Annuaire,
vol. 66-II, p. 454.
622 lA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
nant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs.
!Ili Aucun de ces instruments n'est en vigueur en Belgique.
Les nouvelles dispositions visent aussi à unifier les catégories de rattachement, en
rassemblant l'ensemble des questions touchant à l'exercice de la responsabilité parentale
et aux mesures de protection. Les dispositions sont communes aux mineurs et aux
majeurs. Seule la détermination de l'incapacité relève d'un rattachement spécial, fidèle au
critère de la nationalité.
Pour le conflit de juridictions, l'application des règles générales (art. 126 Codip) ne
semble pas susciter de difficultés particulières : les règles nouvelles de compétence inter-
nationale régissent les demandes introduites après le 1er octobre 2004; le régime de l'effi-
cacité des décisions affecte les décisions rendues après cette date, mais il peut bénéficier à
celles-ci puisqu'il suffit qu'elles satisfassent aux conditions nouvelles.
Pour le conflit de lois, la solution relève de la règle générale de l'application immé-
diate des règles nouvelles aux actes et faits survenus après leur entrée en vigueur, ainsi
qu'aux effets ultérieurs de ceux-ci (art. 127, § 1er, Codip). Il ne fait pas l'objet de disposi-
tions spécifiques, à la différence de ce qui est observé pour d'autres matières du statut
personnel. Une distinction doit être faite selon que la question appelle ou non une
mesure de protection.
Lorsque est en cause une mesure de protection, l'enjeu porte sur l'adoption d'un
acte constitutif de droits et d'obligations. Les règles nouvelles concernent l'adoption de
toute mesure postérieure à leur entrée en vigueur.
1111 La solution est explicitée dans la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 (art. 53).
Pour la détermination de l'incapacité en revanche, les règles nouvelles ne sauraient
conduire à affecter un état acquis antérieurement. Si une personne était devenue capable
avant le 1er octobre 2004, cet état est lié à un acte ou à un fait survenu antérieurement : il
serait incohérent qu'elle puisse redevenir incapable par l'application des dispositions
nouvelles. La portée pratique de la question est minime pour la détermination de l'inca-
pacité, puisque les règles nouvelles confirment les solutions antérieures. Elle est plus sen-
sible pour la détermination de la responsabilité parentale de plein droit, soumise à des
solutions nouvelles. Comme pour la détermination de l'incapacité, il y a lieu de se référer
au moment de l'acte ou du fait - tel le décès d'un auteur - qui a pu recevoir un effet de
plein droit sur la personne ou sur les biens de l'incapable. En d'autres termes, les règles
nouvelles n'empêchent pas de reconnaître un rapport d'autorité résultant de plein droit
de la loi désignée par l'ancienne règle de rattachement.
!Ili Cette solution est retenue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 (art. 17).
L'INCAPACITÉ ET LA PROTECTION DES INCAPABLES 623
§ 1 LA DÉTERMINATION DE L'INCAPACITÉ
A. Compétence internationale
12.1 S1 - Référence à la nationalité ou à la résidence de la personne - Le Code de droit
international privé règle la compétence internationale des juridictions belges pour con-
naître des demandes tendant à déterminer la capacité d'une personne, sous le couvert
d'une disposition générale portant sur l'ensemble des demandes concernant« l'état ou la
capacité» (art. 32). Cette disposition est de nature résiduelle, dans la mesure où elle
n'intervient qu'à défaut de règle propre à la matière particulière en cause, tel l'établisse-
ment d'un lien de filiation.
La compétence des juridictions belges sera vérifiée en tout cas dans l'un des trois cas
suivants:
la personne réside habituellement en Belgique lors de la demande ;
celle-ci est belge à ce moment; ou
le défendeur est domicilié ou réside habituellement en Belgique à ce moment
(art. 5).
En outre, la compétence internationale peut résulter d'une attribution exception-
nelle au sens de l'article 11, lorsque les conditions du for de nécessité sont vérifiées (voy.
supra, n° 5 9.15 et 9.48).
B. Droit applicable
12.1 S2 - Référence à la loi de la nationalité - Le Code de droit international privé con-
firme le principe du rattachement à la loi nationale (art. 34), qu'avait consacré l'article 3,
alinéa 3, du Code civil, qui rompait avec le principe antérieur du rattachement à la loi du
domicile.
La capacité des réfugiés et des apatrides est régie, comme les autres éléments du sta-
tut personnel, par la loi de leur domicile (voy. supra, n ° 12.9).
Le conflit mobile est neutralisé : un changement de nationalité ne saurait conduire à
faire perdre une capacité acquise conformément à la loi de l'ancienne nationalité (art. 34,
§ 1er, al. 3). Cette solution offre une modalité de règle alternative à effet de cliquet: la loi
appliquée sera la loi la plus favorable à l'état de capacité. Elle se justifie par un souci de
sécurité juridique. Pratiquement, lorsque la détermination de la capacité affecte la vali-
dité d'un acte, le critère est concrétisé au moment où cet acte a été accompli.
Ili La solution est inspirée de l'article 7 EGBGB (Exposé des motifs de la proposition de loi, Doc.
pari., Sénat, 2003-2004), n ° 3-27/1, 65).
Ili Voy. sur cette question: F. RrGAUX, « Le conflit mobile», Recueil des cours, vol. 117 (1966), 378-
381, préférant la solution contraire, au nom de la sécurité juridique des transactions. Comp. en
matière de contrats (voy. infra, n ° 14.60) une règle favorable à la capacité pour rencontrer le besoin
de prévisibilité pour le cocontractant de l'incapable.
La technique du renvoi peut avoir pour effet de conduire à l'application d'une loi
autre que celle de la nationalité, telle la loi de la résidence habituelle. Selon les règles
anciennes, cette technique était utilisée sans limitation, pour l'ensemble de la matière du
statut personnel. Depuis l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, elle est
624 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
en principe exclue (art. 16, voy. supra, n ° 6.20), mais une dérogation a été introduite en
matière de capacité (art. 34, § 1er, al. 2). Cette dérogation ne permet cependant que l'une
des variantes de la technique, celle du renvoi au premier degré : « la capacité est régie par
le droit belge si l'application du droit étranger conduit à l'application de ce droit». Ce
renvoi, le seul de type inconditionnel consacré par le Code (voy. supra, n ° 6.16), répond à
un objectif propre à la matière.
1111 Ce renvoi au droit du for ne doit pas être vu comme l'expression d'une tendance nationaliste. Il
a été introduit par la voie d'un amendement du gouvernement (amendement n ° 50). Selon la justi-
fication, « les règles du droit belge qui protègent l'incapable pourront bénéficier à un étranger
même capable selon sa loi nationale. En revanche, s'il est incapable selon sa loi nationale mais
capable selon la loi belge, il sera mis à égalité avec les Belges qui se trouvent en Belgique. »
1111 Pour une application du renvoi selon les règles antérieures, voy. : Civ. Bruxelles, 22 décembre
1967, Pas. (1968), III, 61.
Ill La question de la représentation relève de l'article 35 du Code (loi de la résidence, voy. infra, § 2)
plutôt que de l'article 34 selon les termes de l'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. pari.,
Sénat, 2003-2004, n° 3-27/1, 66). Il est vrai que le texte légal, formulé en termes synthétiques,
aurait pu être plus explicite, par l'inclusion d'une disposition précisant le domaine de la loi appli-
cable. Le rattachement territorial de la représentation coïncide avec celui de l'autorité parentale et
des mesures de protection, telle la tutelle, dont procède la désignation du représentant.
1111 Comp., parmi les instruments internationaux relatifs à la protection des incapables (voy. infra,
§ 3), l'inclusion de la désignation et des fonctions d'un représentant, mais l'exclusion de l'émanci-
pation, par les Conventions de La Haye de 1996 et de 2000.
La loi nationale détermine aussi l'état de majorité ou de minorité pour les besoins de
l'application de la loi pénale ou de la réglementation sociale.
1111Voy. Cass., 24 janvier 1977, Pas. (1977), I, 555; 25 novembre 1991, Polat, Pas. (1992), I, 224, Rev.
dr. étr. (1993), 317, note M.-C. FOBLETS; pour l'application de la législation sociale, C. trav. Liège,
4 mai 1990, Rev. dr. soc. (1991), 359; camp. C. trav. Liège, 29 juin 1988,J.T. (1989), 497, écartant la
loi nationale au nom du principe de non-discrimination de l'article 7 du traité C.E.E. (devenu
art. 12 CE).
En revanche, « Les incapacités propres à un rapport juridique sont régies par le droit
applicable à ce rapport» (art. 34, § 2). Cette précision confirme la nature résiduelle du
rattachement à la loi nationale de l'incapable. Il y a lieu de se référer au droit qui régit un
rapport juridique pour vérifier l'existence d'une cause particulière d'incapacité.
La capacité de contracter donne lieu à une dérogation à la loi nationale depuis l'entrée en
1111
vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 (voy. infra, n ° 14.60). Une personne ne peut
opposer une incapacité résultant de sa loi nationale dans un contrat conclu entre des personnes se
trouvant dans un même pays, lorsqu'elle serait capable selon la loi de ce pays, que si le cocontrac-
tant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part (art. 11).
Cette solution est traditionnelle en France à propos d'actes accomplis en France par des étrangers,
depuis Cass. req., 16 janvier 186i, Lizardi, D.P. (1861), 1, 193. Voy. MAYER et HEUZÉ, n° 525. Comp.
la solution semblable de l'article 7, alinéa 3, EGBGB.
L'art. 11 précité de la Convention de Rome implique que dans son principe, la capacité de contrac-
ter relève de la loi nationale: le rapport explicatif précise que la solution découle de l'exclusion de
la matière de la capacité du domaine de la convention en vertu de l'article 1er_
La disposition précitée se trouve également dans l'article 20 de la loi italienne du 31 mai 1995
1111
1111Sur la loi applicable à la capacité requise pour s'engager par chèque, par lettre de change et par
billet à ordre, voy. infra, n ° 14.144.
506, note P. LAGARDE, Clunet (1963), 996, note Ph. MALAURIE, et supra, n° 7.26; en Belgique, Gand,
5 juin 1968, R.W. (1968-1969), 265.
IllLa Convention de Rome étend le domaine de la loi contractuelle à la prescription et aux nulli-
tés. La faculté laissée aux État de formuler une réserve sur ce dernier point atteste du malaise (voy.
infra, n° 14.55).
626 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
§2 L'AUTORITÉ PARENTALE
A. Compétence internationale
12.154 - Contexte de l'Union européenne - L'Union européenne s'est intéressée à la
détermination de la compétence internationale en matière de « responsabilité parentale »
- selon les termes utilisés désormais par les instruments internationaux » - en deux
temps. D'abord, elle a limité son action aux demandes accessoires à une action en
divorce, par l'adoption du règlement 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à la compétence,
la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de
responsabilité parentale des enfants communs, dit« Bruxelles II» (J.O.C.E., 2000, L 160).
Ensuite, elle a étendu son action à toute demande, même en dehors d'une procédure en
divorce, par le règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, dit « Bruxelles
Ilbis » (J.O.C.E., 2003, L 338), qui abroge le précédent.
Pour une présentation générale de ces actes, voy. supra, n ° 12.79. Les règles de compétence inter-
Ill!
nationale du règlement 2201/2003 remplacent celles du règlement 1347/2000 pour les demandes
introduites à partir du 1er mars 2005.
1996 ou dans un autre État tiers (arc. 12, § 4). Dans la seconde hypothèse, celle d'un enfant rési-
dant pratiquement hors de l'Union européenne, il prévoit un for de nécessité. A contrario, ce for ne
vaut pas lorsque l'enfant réside dans un État partie à la Convention de La Haye.
Les règles de compétence internationale du règlement « Bruxelles Ilbis » sont basées
respectivement sur :
- le critère de la résidence habituelle de l'enfant lors de la saisine (art. 8, § 1er);
- en cas de déplacement international de l'enfant, une durée de trois mois maxi-
mum après ce déplacement, pour modifier une décision sur le droit visite, si le titulaire de
ce droit réside encore dans cet État, à moins que celui-ci ait accepté la compétence des
juridictions de l'État de la nouvelle résidence (art. 9) ;
1111L'hypothèse d'un déplacement illicite fait l'objet de précisions importantes (arc. 10 et 11), qui
adaptent les dispositions de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 (voy. infra, n ° 12.166).
Ill Le « maintien» de compétence en cas de déplacement semble de nature exclusive: le juge de
l'ancienne résidence « garde» sa compétence pour les mesures de modification, ce qui implique
l'absence de compétence corrélative pour le juge de la nouvelle résidence.
1111Un maintien de la compétence dans un cas de ce type est également prévu par la Convention de
La Haye de 1996 (art. 14), mais en des termes plus classiques (voy. le n° suivant).
- en cas de demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation du
mariage, la compétence pour connaître du fond de la demande introduite (art. 12, § 1er) ;
Ill Le texte précise utilement que cette compétence doit être« exercée».
1111 La compétence du juge du principal cesse, notamment, après qu'est passée en force de chose
jugée la décision prise au principal ou, le cas échéant, la décision sur la responsabilité parentale
encore en instance à ce moment(§ 2).
Ill Le texte n'exige pas, à la différence du règlement« Bruxelles II», que l'enfant soit« commun ».
Ill La Convention de La Haye de 1996 comporte une disposition analogue (art. 6).
En outre, le règlement prévoit un mécanisme de « renvoi » à une juridiction d'un
autre État, lorsque celle-ci est« mieux placée» pour connaître de la demande (art. 15). Ce
renvoi peut être« demandé» par le juge saisi, mais le juge de renvoi n'est pas sans pou-
voir apprécier sa propre compétence « en raison des circonstances spécifiques de
l'affaire» et « dans l'intérêt supérieur de l'enfant» (§ 5). Le renvoi n'est possible que si
l'enfant a« un lien particulier» avec l'État de renvoi, lien défini à l'aide d'indices, comme
la résidence de l'enfant, sa nationalité, la résidence de l'un des titulaires de la responsabi-
lité parentale, la localisation de biens sur le territoire(§ 4).
Ce mécanisme de renvoi est inspiré de celui que contient l'article 8 de la Convention de La Haye
1111
de 1996.
1111 Ce mécanisme est distinct de celui de la litispendance, qui suppose la saisine concurrente de
deux juridictions également compétentes. Le règlement établit une exception de litispendance,
dont le régime est identique à celui prévu pour le contentieux matrimonial (voy. supra, n ° 12.83).
Toutefois, la définition de la litispendance obéit à la triple identité d'objet, de cause et de parties, la
troisième se contentant toutefois de se référer à des actions« à l'égard d'un enfant».
L'adoption de mesures provisoires ou conservatoires obéit aux règles générales
posées par le règlement (voy. supra, n ° 12.82).
Cet ensemble subtil montre la primauté du critère de la résidence de l'enfant. En
particulier, le critère de la nationalité est abandonné. Il n'apparaît que comme l'indice
d'un critère de proximité, dans le chef de l'un des parents.
Ces règles ne servent pas à déterminer la compétence territoriale interne. Celle-ci
continue donc d'être déterminée en fonction du droit national.
Elles ne servent pas davantage à déterminer la compétence d'attribution.
12.155 - Contexte de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 - La Conférence de
La Haye de droit international privé a élaboré un instrument couvrant l'ensemble des
questions de conflit de juridictions et de conflit de lois « en matière de responsabilité
parentale et de mesures de protection des enfants». Elle n'a pas été ratifiée par la Belgi-
que. La possibilité ainsi que l'opportunité de le faire supposent un examen attentif des
relations de l'instrument avec le droit de l'Union européenne.
1111Les travaux ont été menés au même moment que ceux qui ont conduit au règlement
« Bruxelles II ». La question du conflit des instruments a donc été considérée attentivement. Il en
est résulté une « clause de déconnexion » dans la Convention de La Haye (art. 52). Les États mem-
bres de l'Union européenne ont reçu « l'autorisation » de procéder à sa signature, par la décision
2003/93 du Conseil du 19 décembre 2002 (J.O.C.E., 2003, L 48). La nécessité d'une telle autorisa-
tion s'explique du fait que, en adoptant le règlement 1347/2000, la Communauté a, par l'exercice
d'une compétence interne, acquis une compétence exclusive à l'égard des relations externes pour la
matière visée, selon la jurisprudence générale de la Cour de justice des Communautés européennes.
12.157 - Règles du droit commun - Pour autant que le règlement« Bruxelles !Ibis» leur
laisse encore une place utile, des dispositions particulières déterminent, dans le Code de
droit international privé, la compétence internationale pour connaître de demandes
« concernant l'autorité parentale [... ] » (art. 33).
La compétence des juridictions belges peut reposer sur l'un des critères suivants :
- les mêmes critères que ceux qui régissent les demandes en matière de capacité, à
savoir la nationalité ou la résidence habituelle de l'incapable, ainsi que le domicile ou la
résidence habituelle du défendeur;
Pour l'utilisation du critère de nationalité pour un droit de visite, voy. : Civ. Courtrai,
1111
7 novembre 2001, Tijdschr. West-VI. (2001), 184, noce P. ARNou, montrant que le juge du provisoire
peut baser sa compétence internationale sur celle des juridictions belges pour connaître du fond.
La résidence, comme la nationalité, est celle possédée lors de la demande. Rien n'empêche donc
1111
une juridiction belge de se déclarer compétente en cas de déplacement de l'enfant vers la Belgique,
pour modifier une décision rendue à l'étranger.
Voy. déjà en ce sens : Bruxelles, 23 octobre 1964, somm. dans : R. ABRAHAMS, « Chronique de juris-
prudence belge», Clunet (1965), 676; Bruxelles, 15 janvier 1964, Pas. (1965), II, 20; 26 avril 1990,
Rev. trim. dr. fam. (1990), 368 (arc. 4, § 1er, de la Convention franco-belge du 8 juillet 1899); Civ.
Bruxelles (réf.), 6 mai 1969, Pas. (1970), III, 11 ; Civ. Bruxelles ijeun.), 26 mai 1972, Doc. prot. jeun., 1-
249. Contra: Civ. Liège, 9 novembre 1966,]ur. Liège (1967-1968), 35.
B. Droit applicable
12.158 - Référence de principe à la résidence de l'enfant- Le Code de droit internatio-
nal privé innove en soumettant désormais l'autorité parentale - le droit d'hébergement
et le droit aux relations personnelles - au critère de la résidence habituelle de l'enfant
(art. 35), au lieu du critère de la nationalité, auparavant basé sur l'article 3, alinéa 3, du
Code civil.
1111Sur le principe de rattachement, voy. M. VERWILGHEN, « Conflits de lois ... ", précité n° 12.149,
ainsi que: Cass., 28 novembre 1929, Harris, Pas. (1930), I, 34; 12 décembre 1985, Rev. not. belge
(1987), 353, note R. VANDER ELST; voy. aussi: Bruxelles, 27 juin 1969,J. T. (1969), 622 et Rev. crit. jur.
belge (1976), 256; 9 novembre 1982, Rev. dr. étr. (1983), 27.
Contra: Civ. Bruxelles, 12 octobre 1990, Rev. gén. dr. civ. (1991), 87, appliquant la loi nationale
comme rattachement des effets du lien de filiation.
L'arrêt précité de la Cour de cassation précise que si les dispositions relatives à l'exercice du droit de
garde ont bien un caractère d'ordre public, elles ne relèvent pas pour autant de la catégorie des dis-
positions obligeant tous ceux qui habitent le territoire, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de lois de
police au sens de l'article 3, alinéa 1", du Code civil (sur la notion, voy. supra, n° 4.11).
Pour une application de la loi marocaine, commune aux parties, après répudiation, voy. : J.P.
lill
Schaerbeek, 23 janvier 1973,].J.P. (1976), 210; Civ. Anvers Ueun.), 15 juin 1976, Doc. prot. jeun., 1-
323.
Pour le droit de visite, voy. antérieurement, en faveur de la loi nationale : Voy. Civ. Bruxelles
1!11
0eun.), 4 décembre 1968,J. T (1969), 105.
La jurisprudence avait parfois manifesté une tendance à appliquer le droit belge au
nom de l'intérêt de l'enfant.
1111Civ. Bruxelles Ueun.), 12 mars 1969, ].T (1969), 372; 21 avril 1969, Rev. dr. fam. (1969), 8;
Bruxelles (secc. Mons), 27 octobre 1972,J. T (1973), 334; Liège, 11 juin 1975,Jur. Liège (1975-1976),
25.
Pour le droit de visite, voy.: Civ. Bruxelles Ueun.), 12 mars 1969,]. T (1969), 372; Bruxelles,
lill
24 novembre 1971, Pas. (1972), II, 31.
Le Code exprime un souci de prise en compte de l'intérêt de l'enfant, non seulement
en établissant un rattachement de proximité, mais encore en prévoyant un rattachement
en cascade. En effet, lorsque la loi de résidence ne permet pas d'assurer une protection
suffisante, il est fait application de la loi de la nationalité de l'enfant et, à défaut encore,
du droit belge (art. 35, § 2).
Par comparaison, la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 conduit à la dési-
gnation de la loi du for (art. 15, § 1er), ce qui signifie pratiquement la désignation de la loi
de la résidence de l'enfant, mais pas dans tous les cas. Elle prévoit aussi un rattachement
en cascade, en faveur de la loi du pays avec lequel la situation « présente un lien étroit »
(§ 2).
L'INCAPACITÉ ET LA PROTECTION DES INCAPABLES 631
12.159 - Solution du conflit mobile - Le Code de droit international privé vise à résou-
dre le conflit mobile par une référence à l'actualisation du critère de rattachement perti-
nent, en retenant sa concrétisation au jour de la demande. Ce principe appelle certaines
précisions.
Le moment de la demande est clairement pertinent en ce qui concerne l'exercice de
l'autorité parentale (art. 35, § ier, al. 2).
La détermination de l'autorité parentale, en revanche, ne peut pas faire abstraction
du moment où se sont produits les actes ou faits déclencheurs de l'attribution de l'auto-
rité, dans la mesure où cette attribution résulte directement de l'effet de la loi: l'autorité
parentale existant en vertu de la loi de la première résidence subsiste après le changement
de résidence. Une actualisation des circonstances de rattachement a cependant lieu, en
faveur de la personne qui n'est pas encore investie de l'autorité parentale: celle-ci peut
invoquer les dispositions de la loi de la nouvelle résidence (ou nationalité).
1111On trouve ainsi une règle alternative à effet de cliquet, déjà observée pour la détermination de
l'incapacité.
11111 La Convention de La Haye de 1996 contient une disposition analogue (art. 16, §§ 3 et 4).
l'étranger à l'occasion du droit de visite, à l'accord exprès de l'autre parent (Bruxelles, 30 juin 1981,
].T., 1981, 723, note N. WATTÉ), l'obligation de rapatrier l'enfant qui a été emmené à l'étranger par
le détenteur du droit de garde en ôtant toute possibilité d'exercice effectif du droit de visite par
l'autre parent (Bruxelles, 9 décembre 1981, Rev. trim. dr. fam., 1985, 76; pourvoi rejeté par Cass.,
9 septembre 1982, Rev. trim. dr. fam., 1985, 95; comp. dans la même affaire, Bruxelles, 23 décembre
1982, ibid.), ou encore une modification de la convention préalable au divorce lorsque le détenteur
du droit de garde a expatrié l'enfant contrairement au prescrit de la convention (Bruxelles,
9 novembre 1984, Rev. trim. dr. fam., 1987, 433).
Pour l'octroi de l'autorité parentale à l'auteur resté dans le pays d'origine alors que l'autre s'est
1111
expatrié, voy.: Bruxelles, 28 juin 2001, Rev. trim. dr. fam. (2003), 188; Civ. Bruxelles, 16 août 2001,
Rev. trim. dr. fam. (2003), 205, accordant une garde accessoire à la mère expatriée (Espagne) pour les
périodes de vacances scolaires.
1111Sur ce que l'enlèvement de l'enfant par la mère n'est pas défavorable à l'octroi de la garde princi-
pale sous condition de ramener l'enfant afin de permettre l'exercice des droits du père, voy. : Bruxel-
les, 6 décembre 2001, Rev. trim. dr.fam. (2003), 197.
Sur cette jurisprudence, voy.: J.-L. RENCHON, « L'hébergement et l'éducation de l'enfant
1111
"transfrontières" », L'enfant et les relations familiales internationales (Bruxelles, Bruylant, 2003), 293-
362.
632 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
cutoire ou d'enregistrement, au droit de l'État requis, tout en exigeant que celle-ci soit « simple et
rapide» (art. 26).
1111La décision rendue sur le droit de visite fait l'objet de dispositions particulières (art. 41): elle
bénéficie d'une force exécutoire de plein droit, en ce sens que le droit établi est« reconnu et jouit de
la force exécutoire dans un autre État membre sans qu'aucune déclaration lui reconnaissant force
exécutoire ne soit requise et sans qu'il soit possible de s'opposer à sa reconnaissance si la décision a
été certifiée dans l'État membre d'origine». Ce certificat ne peut être délivré qu'après vérification,
par le juge d'origine, de la notification de l'acte introductif d'instance et du droit à l'audition, des
parties et de l'enfant.
La force exécutoire de plein droit est également assurée à un ordre de retour en cas de déplace-
Ill
ment illicite (voy. infra, n° 12.168).
La Convention a été élaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe, au même moment que la
1111
111! Elle s'applique uniquement à l'égard de décisions rendues dans un autre État contractant.
Une distinction est faite selon qu'il y a eu ou non déplacement« sans droit».
Le déplacement sans droit se définit par référence à la « violation d'une décision
relative à [la] garde rendue dans un État contractant et rendue exécutoire dans un tel
État» (art. 1er, d). Y est assimilé le non-retour après exercice d'un droit de visite.
En cas de déplacement sans droit, lorsqu'une demande de restitution a été intro-
duite moins de six mois à partir de celui-ci, les motifs de refus qui peuvent être opposés à
la décision qui a attribué la garde sont limités au caractère inconciliable de décisions ren-
dues avant le déplacement ainsi que, s'il y a eu défaut, au contrôle de la régularité de la
signification et au contrôle de la compétence indirecte (art. 9). Toutefois, aucun motif de
refus n'est opposable à la décision étrangère, si deux conditions sont remplies: les parties
avaient la nationalité de l'État d'origine et l'enfant y résidait (art. 8).
1111La règle de compétence indirecte utilise pour critères alternatifs la résidence habituelle de
l'enfant ou du défendeur, ou la dernière résidence habituelle commune des parents si l'un d'eux y
réside encore.
Voy. une application de l'article 9 par: Civ. Bruxelles, 16 mai 1989, Rev. dr. étr. (1991), 52; Civ.
1111
refusant de reconnaître un jugement allemand de placement dans une école de langue allemande,
au nom de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
prévue aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire, avant sa modification (voy. supra, n ° 10.35).
Ill Sur l'utilisation, dans le cadre d'une procédure d'exécution d'un droit de visite décidé par un
juge belge, de l'exception de chose jugée à l'étranger, appréciée selon le régime de la reconnaissance
de plein droit, voy.: Civ. Bruxelles, 3 septembre 2003,].L.M.B. (2004), 750.
La reconnaissance d'une décision étrangère n'exclut pas de prendre des mesures dif-
férentes que commande un changement de circonstances.
La circonstance qu'une même décision puisse avoir statué sur la garde et les ali-
ments ne devrait pas susciter de difficulté particulière dans la mesure où, abstraction
faite d'un instrument international qui régirait l'une à l'exclusion de l'autre, ces ques-
tions obéissent à un régime commun de reconnaissance de plein droit. Ce n'était pas le
cas auparavant, les décisions alimentaires se prêtant alors à une révision au fond, exclue
en matière d'état.
429.
30 juin 1983, Rev. trim. dr.Jam. (1986), 108; Civ. Bruxelles, 5 novembre 1995, Rev. trim. dr. Jam. (1996),
427. Son applicabilité aux matières familiales a été admise, dans le cadre de la Convention Benelux
du 28 novembre 1973, par la Cour de justice Benelux ( 11 mai 1982, Rev. trim. dr. Jam., 1982, 329).
Ill D'une extrême rigueur, la sanction de !'astreinte doit être utilisée avec prudence, singulièrement
lorsque le destinataire est confronté avec des commandements contradicroires émanant d'aurori-
tés de pays différents, à moins qu'il n'ait précisément organisé une telle situation dans le but
d'échapper à la sanction. De ce point de vue, la date de l'introduction de la procédure à l'étranger
pourrait être déterminante.
636 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
L'objet de la Convention est d'assurer, dans les plus brefs délais et sans recours à des
procédures particulières de reconnaissance, le retour immédiat de l'enfant. Ce méca-
nisme « n'affecte pas le fond du droit de garde» (art. 19) et ne dépend donc d'aucune
appréciation de la validité de la décision qui a attribué ce droit. Le retour n'est pas subor-
donné à la reconnaissance de la décision dans l'État requis ni à l'absence d'une décision
inconciliable dans cet État. Le concept repose sur le principe selon lequel tout différend
relatif au droit de garde relève normalement des juridictions de l'État de résidence de
l'enfant avant le déplacement. La neutralisation du déplacement constitue un moyen à
cette fin.
Sur ce que la Convention n'a pas pour objet d'organiser la décision sur la garde, voy. : Civ. Liège,
!Ill
14 mars 2002, Rev. trim. dr.fam. (2003), 398.
buée en Belgique au père belge alors que l'enfant belge résidait en Belgique mais que la mère est
Allemande, l'une des conditions précitées fait défaut.
638 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Lorsque ces conditions font défaut et que le retour est demandé dans un délai de six
mois, il y a lieu de demander la reconnaissance ou l'exécution de la décision à l'étranger.
Les motifs de refus opposables sont cependant limités, selon une liste variable en fonc-
tion des circonstances.
En comparaison avec la Convention de La Haye, la Convention de Luxembourg a
pour inconvénients de présupposer une décision sur la garde dans le pays de résidence
avant le déplacement, et de permettre le non-retour dès que l'enfant possède, parmi ses
nationalités, celle de l'État vers lequel il a été déplacé.
1111Ainsi, dans le cas énoncé ci-dessus d'un enfant enlevé en Belgique par sa mère allemande alors
que la garde a été attribuée à son père belge par une décision belge, et à sa mère par une décision
allemande, la Convention de La Haye conduirait, à la différence de la Convention de Luxembourg,
à une restitution immédiate indépendamment de la validité de la décision belge.
1111En revanche, la Convention de Luxembourg assure mieux l'effectivité de la décision sur la garde,
lorsque l'enfant a été déplacé vers un pays dont il n'a pas la nationalité, lorsque la demande de res-
titution intervient dans un délai de moins de six mois, car elle n'autorise pas le refus de retour pour
le motif tiré de la mise en danger de l'enfant.
A. Présentation
12.169 - Objet des mesures de protection - L'administration de la personne et des
biens des incapables, singulièrement des mineurs, peut donner lieu, le plus souvent dans
l'État de résidence de l'incapable, à des mesures spéciales de protection prises par des
autorités administratives ou judiciaires. Certaines de ces mesures relèvent nettement du
droit civil, telles la tutelle ou la minorité prolongée. D'autres ont un caractère adminis-
tratif prononcé, telle une mesure de placement, ou constituent la sanction d'un compor-
tement susceptible de nuire à l'éducation ou à la santé de l'incapable, par exemple la
mesure de déchéance de l'autorité parentale.
Ill En Belgique, on trouve de telles mesures, relativement aux mineurs, dans la loi du 8 avril 1965
relative à la protection de la jeunesse, dans les décrets du Conseil flamand relatifs à l'assistance spé-
ciale à la jeunesse, coordonnés le 4 avril 1990 (Monit., 8 mai 1990) ou dans le décret du Conseil de la
640 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse (Monit., 12 juin 1991), et, relati-
vement aux malades mentaux, dans les lois du 26 juin 1990 (Monit., 27 juillet 1990) et du 18 juillet
1991 (Monit., 26 juillet 1991).
Ill De plus, l'article 479 de la loi-programme(!) du 24 décembre 2002 (Monit., 31 décembre 2002)
organise un régime de tutelle du mineur étranger non accompagné (MENA).
Ces dispositions évoquent encore le cas du mineur non accompagné par une personne exerçant
l'autorité parentale ou la tutelle « en vertu de la loi nationale du mineur», alors que l'entrée en
vigueur du Code de droit international privé a entraîné un remplacement de principe de la loi de la
nationalité par la loi de la résidence. Cette anomalie a été corrigée par la loi-programme du
31 décembre 2004 (Monit., 31 décembre 2004), qui se contente correctement d'une règle de signali-
sation renvoyant à « la loi applicable conformément à l'article 35 de la loi du 16 juillet 2004 »
(arc. 265 et 269).
Par leur objet, ces mesures peuvent affecter l'exercice de l'autorité parentale. Par leur
nature même, elle ne sont pas toujours dissociables d'une décision relative à l'attribution
d'un droit d'hébergement. Lorsqu'à l'occasion du divorce, il y a lieu de se prononcer sur
l'administration de la personne d'un mineur, la loi applicable à cette question peut, selon
les cas, tantôt prévoir un mode d'attribution du droit d'hébergement, tantôt organiser la
tutelle de l'incapable.
Cette observation conduit à la nécessité de soumettre au même rattachement de
principe l'exercice de l'autorité parentale et les mesures prises plus largement pour assu-
rer la protection du mineur.
Dans les pays qui consacrent l'application de la loi nationale au statut personnel, un
tel rattachement peut être inapproprié, parce qu'inefficace, à propos de certaines mesures
qui, par leur nature, appellent un critère territorial, comme la résidence habituelle de
l'incapable, voire sa simple présence, sur le territoire de l'État qui prend la mesure. Il y a
alors lieu de ventiler les catégories de rattachement, opération qui peut s'avérer délicate.
Ill À la différence du rattachement du statut personnel, le rattachement territorial présente un
caractère strictement unilatéral. Il peut être rapproché de la notion générale de loi de police ou de
loi d'application immédiate (voy. supra, n° 4.11).
1111La distinction entre la tutelle et des mesures d'éducation protectrice a fait l'objet de l'arrêt Boil
de la Cour internationale de justice (Affaire relative à la Convention de 1902 pour régler la tutelle des
mineurs, dite affaire Boil, Pays-Bas c. Suède, arrêt du 28 novembre 1958, Recueil (1958), 55. Sur cet
arrêt, voy. notamment: H. BATIFFOL et Ph. FRANCESCAKIS, « L'arrêt Boil de la Cour internationale de
justice et sa contribution à la théorie du droit international privé», Revue (1959), 259; F. RrGAUX,
Droit public et droit privé, §§ 72, 73, 77, 154.
À l'occasion d'un différend entre le gouvernement néerlandais et le gouvernement suédois au sujet
de l'interprétation de la Convention de La Haye du 12 juin 1902 sur la tutelle des mineurs, la Cour
a distingué des mesures traditionnelles de droit privé, protégeant le mineur à l'intérieur de sa
famille, celles qui souvent sont dirigées contre les personnes ne remplissant pas de manière satisfai-
sante leurs devoirs d'autorité parentale ou de tutelle. D'après la Cour, la Convention de 1902 ne
couvre que les mesures de la première catégorie; elle laisse intact le droit des États de prendre une
mesure de protection qui dépouille le tuteur de tout ou partie de ses prérogatives. De plus, la Cour
précise que ces dernières mesures ont un caractère territorial, c'est-à-dire que les autorités, tantôt
judiciaires, tantôt administratives, qui ont compétence pour les prendre, ne sauraient appliquer
d'autre loi que la leur.
La Cour paraît aussi supposer que la territorialité des mesures de protection de la jeunesse fait obs-
tacle à ce que pareilles mesures soient prises par une autorité publique à l'égard de ses ressortis-
sants se trouvant à l'étranger. Cette deuxième conséquence de la notion de territorialité doit être
jugée excessive: en soi, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'un tribunal de la jeunesse belge puisse, quand
les circonstances l'exigent, déchoir de la puissance paternelle les auteurs d'un mineur belge qui
réside temporairement à l'étranger.
L'INCAPACITÉ ET LA PROTECTION DES INCAPABLES 641
Ill Pour un cas de concours entre la mesure de garde demandée au tribunal belge en vertu de
l'article 302 du Code civil et la mesure éducative prise par un magistrat de la jeunesse étranger,
voy.: Civ. Bruxelles Geun.), 21 avril 1969, ].T (1969), 442 et le commentaire, Rev. crit. ;ur. belge
(1970), 294-295.
- En matière de tutelle, la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 (voy. supra, n ° 8.32) contient
un chef de compétence directe (art. 6).
- En matière consulaire, il y a lieu de consulter, outre la Convention de Vienne du 24 avril 1963
(arc. 5, h), les conventions bilatérales (voy. supra, n ° 8.35).
Voy. sur ces conventions: M. VERWILGHEN et H. VAN HourrE, « Conflits d'autorités ... », précités
n° 12.149, 402. Voy. par ex. la Convention conclue avec la Bulgarie le 28 novembre 1978 (loi du
18 avril 1980, Moniteur, 6 mars 1981), art. 50.
12.171 - Les mesures de protection selon le droit commun - Le Code de droit interna-
tional privé tend à établir une unicité de la catégorie de rattachement, en soumettant au
même rattachement territorial les questions relatives à l'autorité parentale - sa détermi-
nation et son exercice - d'une part, et les diverses mesures de protection, de nature civile
ou administrative, d'autre part. De plus, il établit à la fois des règles de compétence inter-
nationale et des règles de conflit de lois particulières, tout en s'en remettant, pour l'effica-
cité des jugements, au régime général de la reconnaissance de plein droit.
IllCe faisant, il s'aligne sur la tendance exprimée par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996
concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération « en
matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants ».
B. Compétence internationale
12.172 - Compétence internationale selon le droit conventionnel - Les Conventions
de La Haye de 1961, de 1996 et de 2000 ont pour objectif premier de déterminer la com-
pétence internationale des autorités et juridictions appelées à prendre des mesures de
protection de l'incapable. La compétence emporte normalement la désignation de la loi
du for.
L'INCAPACITÉ ET LA PROTECTION DES INCAPABLES 643
1111La Convention de La Haye de 1902 ne prévoit de règle de compétence explicite que de manière
marginale, tantôt pour prévoir l'intervention d'un agent diplomatique ou consulaire, tantôt pour
l'adoption de mesures d'urgence. Les termes imprécis de ses articles 2 et 3 peuvent toutefois se
comprendre aussi comme englobant une règle de compétence. Voy. en ce sens: J.P. Asse, 2 mars
1999, Tijds. Not. (2000), 53, note C. DE BuSSCHERE.
Ill La Convention franco-belge de 1899 attribue une compétence exclusive au« juge du lieu où la
tutelle s'est ouverte» (art. 6).
1111Le règlement « Bruxelles !Ibis» porte uniquement sur la responsabilité parentale. Toutefois, il
envisage le cas particulier où le juge saisi « envisage le placement de l'enfant dans un établissement
ou dans une famille d'accueil » (art. 56) : lorsque le placement doit être fait dans un autre État
membre, il ne peut être ordonné qu'après approbation des autorités compétentes de cet État, si le
droit de celui-ci prévoit l'intervention d'une autorité en cas de placement.
Pour la protection des mineurs, le contenu de ces règles de compétence est identique
à celui qui affecte les mesures relatives à l'autorité parentale. Il suffit donc d'y renvoyer
(voy. supra, n° 5 12.154 et s.). Ces règles tendent à concentrer la compétence dans le pays de
la résidence habituelle de l'incapable.
Pour la protection des adultes, la Convention de 2000 consacre aussi le critère de la
résidence habituelle de l'incapable (art. 5), non sans laisser un pouvoir d'initiative aux
autorités de l'État de la nationalité, à moins que les autorités de l'État de résidence ne s'y
opposent (art. 7). Elle permet à ces dernières de requérir l'intervention des autorités
d'autres États (art. 8), de manière analogue à ce que prévoit la Convention de 1996 pour
les enfants.
1111Le conflit mobile se résout par une compétence immédiate des autorités de la nouvelle résidence
(art. 7, § 2).
IllLa Convention consacre encore le for de la situation de biens à administrer (art. 9), un for subsi-
diaire en cas d'urgence (art. 10), un for d'exception basé sur la présence de l'incapable, pour l'adop-
tion de mesures« ayant un caractère temporaire» (art. 11).
mineur étranger alors que la succession s'est ouverte en France et que les parties y sont domiciliées :
J.P. Mouscron, 8 avril 2002, Rev. not. belge (2002), 621, noteJ.-L. VAN BoxsTAEL.
1111Pour d'aurres mesures de protection, l'article 44 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection
de la jeunesse, tel que modifié par la loi 2 février 1994 (Monit., 17 septembre 1994), établit des critè-
res en cascade, urilisant la résidence du parent ou du tuteur titulaire du droit de garde si elle se
situe en Belgique, à défaut le lieu où le jeune est trouvé ou hébergé.
La compétence d'attribution est déterminée par le droit belge, quel que soit le lieu de
résidence ou la nationalité de la personne intéressée. Toutefois, une adaptation des règles
applicables peut être requise. En effet, lorsque le droit étranger applicable au fond pré-
voit l'intervention d'une autorité judiciaire inexistante en Belgique, comme le juge des
tutelles, il y a lieu normalement de respecter la compétence d'attribution fixée par le droit
belge.
Voy. par ex. : J.P. Liège, 4 mai 1983,].J.P. ( 1983), 225, note J.-P. MACQUET et R. LEDENT, à propos
1111
1111 En cas d'impossibilité de convoquer le conseil de famille, la question s'est posée de savoir si le
juge de paix pouvait se substituer à ce conseil CT.P. St-Gilles, 25 mars 1986,].].P., 1987, 165, note A.
VAN MENSEL; 28 juillet 1989,J.].P., 1990, 114) ou si, plutôt, la compétence du tribunal civil s'impo-
sait au titre de sa plénitude de juridiction (Civ. Bruxelles, 11 avril 1987, Pas., 1987, III, 76, à propos
d'un mineur marocain).
Pour l'intervention du juge de paix à propos de l'administration provisoire des biens d'un
1111
majeur alors que le droit étranger applicable désigne le juge des tutelles, voy. : Civ. Bruxelles,
21 février 1995,].T. (1995), 387. De même, à propos de la vente d'un immeuble appartenant à un
mineur français: Civ. Bruxelles, 28 février 2001,J. T. (2001), 550, note H. BoULARBAH.
Le principe Auctor regit actum entraîne la soumission à la loi belge du mode de fonc-
tionnement de l'autorité tutélaire (étendue et articulation des divers pouvoirs, contrôle
exercé sur les organes de la tutelle par une autorité administrative ou judiciaire). En
revanche, les habilitations spéciales ou les formalités requises pour l'accomplissement
d'un acte juridique déterminé relèvent de la loi qui régit l'incapacité mais, depuis l'entrée
en vigueur du Code de droit international privé, cette loi coïncidera le plus souvent avec
la loi du for.
Par exemple, si le tuteur est amené à accomplir un acte en Belgique, l'habilitation éventuelle-
1111
ment prévue par le droit belge n'est pas requise si elle ne l'est pas par la loi étrangère qui régit la
tutelle (Cass., 16 juillet 1906, Neerinckx, Pas., 1906, I, 349).
C. Droit applicable
12.17 5 - Référence de principe à la loi de la résidence - L'entrée en vigueur du Code de
droit international privé signifie un changement de la règle de rattachement affectant la
protection de l'incapable: écartant le principe du rattachement en fonction de la natio-
nalité - auparavant basé sur l'article 3, aliné 3, du Code civil-, le législateur soumet la
matière à la loi de la résidence habituelle de l'incapable (art. 35, § 1er), comme il le fait
aussi pour l'autorité parentale (voy. supra, § 2).
Dans la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur du Code, voy., pour une référence à la loi
1!111
de la nationalité: Civ. Bruxelles, 6 septembre 1989,J. T. (1990), 260, pour la rutelle d'un Chilien.
Voy. aussi, pour l'application de la loi nationale :
- au statur de minorité prolongée: Civ. Bruxelles, 10 décembre 1993, Pas. (1993), III, 55; 25 juin
1997, Rev. trim. dr. Jam. (1998), 38, mais au motif de l'expression d'une volonté des parties en
conservant leur nationalité d'origine. Contra, en faveur de la loi de résidence : Civ. Liège, 6 mars
1998, Rev. trim. dr. Jam. (2000), 230, note M. FALLON, au nom d'un objectif d'intégration.
- pour l'administration provisoire des biens d'un majeur: Civ. Bruxelles, 21 février 1995, J. T.
(1995), 387, mais évoquant un rattachements alternatif en cascade, au bénéfice de la loi belge si
elle est plus favorable ;J.P. Louvain, 5 juillet 1999, R W. (1999-2000), 856.
La loi italienne du 31 mai 1995 sur le droit international privé maintient le rattachement à la loi
111!
de la nationalité pour la protection des majeurs (art. 43) tour en transposant au droit commun les
règles de la Convention de La Haye de 1961 en ce qui concerne les enfants (art. 42).
En Allemagne, l'art. 24 EGBGB maintient également le rattachement de principe à la loi de la
nationalité, en ce qui concerne la tutelle et la curatelle.
En Suisse, la loi du 18 décembre 1987 sur le droit international privé transpose également la Con-
vention de La Haye de 1961 (art. 85), tout en l'étendant aux majeurs, et en prévoyant un for de
nécessité - et donc l'application de la loi suisse.
Enfin, la seule présence de l'incapable sur le territoire belge peut justifier l'application
d'une règle de protection, en raison de la nature de la réglementation en cause. Cela paraît
être le cas de la loi organique de la tutelle des mineurs étrangers non accompagnés (MENA).
Voy. déjà en ce sens auparavant, pour la tutelle des centres publics d'aide sociale, sur la base
1111
d'une qualification de « loi de police» au sens de l'article 3 du Code civil: Civ. Charleroi, 27 juin
1958, Rev. dr.fam. (1958), 346.
1!11La loi précitée peut être vue comme une illustration d'une réglementation d'ordre public assor-
tie d'une règle spéciale d'applicabilité implicite au sens de l'article 20 du Code de droit internatio-
nal privé (sur cette notion, voy. supra, chap. 4).
d'attribution du droit belge au cas où le droit étranger prévoit l'intervention d'une autorité déter-
minée. Comp. en ce sens, à propos de l'autorisation en vue de la conclusion d'un emprunt hypothé-
caire pour l'achat d'un immeuble par un Marocain, l'application de la loi marocaine - à ce
moment, en vertu de l'art. 3 C. civ. - conduisant à demander le consentement du père d'une
femme mariée, Civ. Bruxelles, 11 avril 1987, Pas. (1987), III, 75.
En revanche, il n'y a normalement pas lieu d'étendre au mineur - même belge - résidant à l'étran-
ger les formalités par lesquelles le législateur belge protège les incapables, alors que la loi de la rési-
dence du mineur ne connaît pas les mêmes exigences.
Comp. en ce sens, mais avec une référence à la loi de la nationalité du mineur en vertu de l'art. 3 C.
civ.: Civ. Bruxelles, 2 février 1968, Pas. (1968), III, 64; motivation de Civ. Gand, 30 juin 1975, Rec.
gén. enr. (1976), 124; Civ. Bruxelles, 20 octobre 1982, Tijds. Not. (1983), 64, note C. DE BussCHERE;
Civ. Bruxelles, 30 septembre 1985,j.].P. (1986), 181, note G. ROMMEL. Ces décisions en sont pour-
tant venues à l'application des formalités prévues en Belgique, par voie d'interprétation ou en
l'absence de preuve du contenu du droit étranger. Comp.: Civ. Bruxelles, 28 février 2001, J. T.
(2001), 550, note H. BouLARBAH, appliquant la loi française à un Belge-français pour le motif que la
tutelle avait déjà été constituée conformément au droit français.
1111Si le droit belge régit l'incapacité, par exemple parce que le mineur réside en Belgique, mais que
l'immeuble est à l'étranger, l'autorisation de procéder à la vente doit normalement être requise en
vertu de l'article 1186 C. jud. L'autorisation doit pouvoir être demandée à l'étranger, en s'adressant
à l'autorité compétente selon le droit étranger. Elle doit aussi pouvoir l'être en Belgique mais, dans
ce cas, le juge de paix doit pouvoir autoriser que la vente se fasse à l'étranger, le cas échéant en
ordonnant qu'elle ait lieu selon les formes locales pour la vente de biens de mineurs, dans la
mesure où le respect de cette forme usuelle peut avoir un effet positif sur la vente (Exposé des
motifs de la proposition de loi, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/ 1, 66 ; comp. en ce sens, pour
la vente de meubles: Bruxelles, 19 octobre 1970, Ann. not., 1970, 421). Il ne faut pas exclure que
cette décision doive se soumettre aux conditions auxquelles le droit étranger soumet plus générale-
ment l'efficacité des décisions étrangères.
1111Si la vente a eu lieu à l'étranger alors que le mineur réside en Belgique, la vérification de la vali-
dité de l'acte de vente requiert normalement celle du respect des habilitations prévues par le droit
belge. Il y a cependant lieu d'être attentif à l'incidence du principe Auctor regzt actum, impliquant
que l'autorité étrangère ait agi conformément à l'agencement des compétences prévu par son pro-
pre droit. Ainsi, l'exigence d'une hypothèque légale pourrait difficilement s'imposer lorsque le
droit étranger du lieu de situation de l'immeuble empêche l'autorité étrangère d'y procéder (en ce
sens, voy.: J.-L. VAN BOXSTAEL, « Le patrimoine du mineur dans les relations internationales»,
L'enfant et les relations familiales internationales, Bruxelles, Bruylant, 2003, 271 ).
Lorsque la vente a eu lieu à l'étranger, l'application de la sanction de nullité en vertu de la loi de la
protection pourrait paraître excessive. Ce risque est plus limité si la sanction est rattachée à la loi
contractuelle, même en cas de violation d'une règle de protection (voy. infra, n ° 14.55). Encore con-
vient-il de mesurer la portée de l'art. 11 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 (voy. infra,
n ° 14.60), qui protège le tiers qui s'est fié à la loi locale. Une disposition analogue figure dans la
Convention de La Haye de 1996 (art. 19), qui prévient la nullité d'un acte passé entre un tiers et la
personne qui a la qualité de représentant selon la loi du lieu de l'acte mais non selon la loi de pro-
tection (la loi de résidence de l'incapable).
Section 9
Les obligations alimentaires
12.177 - Bibliographie
Outre l'ouvrage collectif rassemblant des études de droit comparé, publié par le C.N.R.S., L'obliga-
tion alimentaire en droit international privé (t. rer, 1983, t. II, 1988), voy.: S. ALVAREZ GONZALEZ, Crisis
matrimoniales internacionales y prestaciones alimenticias entre conyuges (Madrid, Civitas, 1996); C. BARBÉ,
« Les clauses relatives aux aliments entre ex-époux», Rev. gén. dr. civ. (2002), 141-152; M. BILMANS,
648 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
« Les conflits de lois en matière d'obligations alimentaires envers les enfants et la Convention de La
Haye du 24 octobre 1956 »,].T. (1972), 129-132; C. BISCAREITI or RuFFIA, Le obbligazioni alimentari
nel diritto internazionale privato convenzionale (Padova, Cedam, 1989) ; W. DUNCAN, « The develop-
ment of the new Hague Convention on the international recovery of child support and other forms
of family maintenance», Family L.Q. (2004), 663-688; E. GROFFIER, Les pensions alimentaires à travers
les frontières (Bruxelles, Bruylant, 1980); F. HERZFELDER, Les obligations alimentaires en droit internatio-
nal privé conventionnel (Paris, LGDJ, 1985); E. GuLDIX et K. VAN CAUWELAERT, « De onderhoudsvor-
dering van het kind jegens zijn ouders in het Belgisch internationaal privaatrecht », R. W (1982-
1983), 257-290; A. HEYVAERT, « Onderhoudsgeld in het Belgisch internationaal privaatrecht »,
Onderhoudsgeld (Bruxelles, CED-Samson, 1978) ; P. LALIVE, « Sur la loi applicable à l'obligation ali-
mentaire et à la question préalable de filiation, selon la Convention de La Haye du 24 octobre
1956 », Ann. suisse dr. int. (1977), 377-390; M. LIÉNARD-LIGNY,« Le recouvrement des aliments», Rev.
dr. étr. (1998), 749-762; M. LOOYENS, « De toepasselijke wet op de echtscheidingsgevolgen anno
2005 », Echtscheidingsjournaal (2005), 113-115; D. LOZANO, « La determinacion de la ley applicable a
las obligaciones de alimentos en el Derecho internacional privado espanol », Rev. espan. der. int.
(1989), 433-486; D. MARTINY, « Maintenance obligations in the conflicts oflaws », Recueil des cours,
vol. 247 (1994-III), 131-290; E. MEZGER, « Vieux et nouveaux problèmes posés par l'application de
la Convention du 25 avril 1958 concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions en
matière d'obligations alimentaires envers les enfants», D.S. (1977), ]., 686-688; Y. MERON,
« L'accommodation de la répudiation musulmane», Rev. int. dr. comp. (1995), 921-942; F. RIGAUX,
« Le statut des mineurs, l'autorité parentale et les obligations alimentaires en droit international
privé», T.P.R. (1982), 311-326; Io., « "Versorgungsausgleich" and Art. 12 EC: Discriminations
based on the nationality and German private international law », JPRax (2000), 287 et s. ; M. SAUTE-
RAUD-MARCENAC, « Le recouvrement des aliments à l'étranger: application des Conventions de New
York, La Haye, Bruxelles», Trav. Comité fr. d.i.p. (1986); E. SCOLES, « Choice oflaw in family property
transactions», Recueil des cours, vol. 209 (1988-II), 9-94; V. TATON, « Les obligations alimentaires
entre ex-époux», Relations familiales internationales (Bruxelles, Bruylant, 1993), 59-86;
M. VERWILGHEN, « Contribution à l'étude historique du droit international privé des obligations
alimentaires», Mélanges Vander Elst (Bruxelles, Nemesis, 1986), 863-883; N. WATIÉ, « Les consé-
quences juridiques du divorce en droit international privé», Rev. crit. ;ur. belge (1996), 12-36.
A. Compétence internationale
12.178 - Compétence dans le contexte de l'Union européenne - Le règlement 44/2001
du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécu-
tion des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », a repris en subs-
tance le contenu de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (voy. supra, n° 5 8.4
et 8.6).
Cette disposition traduit un objectif de proximité (voy. supra, n ° 9.23) et, à ce titre,
privilégie le critère de la résidence du créancier. En même temps, elle tend à protéger la
partie faible à la relation (C.J.C.E., aff. C-295/95, 20 mars 1997, Farrell, Rec., 1997, 1-1683,
Revue, 1997, 594, note G. DRoz). Toutefois, la place de la disposition dans la structure du
règlement conduit à en donner une interprétation stricte, car le demandeur est égale-
ment en mesure d'agir dans le pays du domicile du défendeur, en vertu de l'article 2, et
celui-ci tend aussi à protéger le défendeur, partie faible à une action, notamment lorsqu'il
est débiteur d'aliments (C.J.C.E., aff. C-433/01, 15 janvier 2004, Blijdenstein, Revue, 2004,
465, note E. PATAUT).
L'applicabilité du règlement aux actions alimentaires est certaine. Elle résulte de la
présence même de l'article 5, 2 °. Et la circonstance que la demande soit accessoire à une
action d'état est indifférente (voy. supra, n ° 8.16).
Il! Sur l'application de l'article 5 malgré le caractère accessoire de la demande, voy. : Civ. Nivelles,
30 décembre 1994,].L.M.B. (1995), 1530.
La circonstance que le demandeur soit un organisme public est indifférente (voy. supra, n° 8.14).
Ill!
L'important est que son action ne relève pas, selon le droit national, d'un régime dérogatoire du
droit commun basé sur une prérogative de puissance publique (CJ.C.E., aff C-271/00,
14 novembre 2002, Gemeente Steenbergen, Rec., 2002, I-10489).
Quant aux parties à la cause, le demandeur qui se prétend créancier peut bénéficier
de ce chef de compétence: il n'est pas nécessaire qu'une décision antérieure l'ait reconnu
comme titulaire de droits (arrêt Farrell, précité). En revanche, le demandeur doit avoir au
moins cette prétention; il ne s'agit pas de toute partie invoquant les droits d'un créan-
cier, par exemple dans le cas d'une action récursoire d'un organisme public qui ne consti-
tue pas une partie faible au litige (arrêt Blijdenstein, précité).
- la demande est accessoire à une action d'état pour laquelle les juridictions belges
sont compétentes (§ 2).
En outre, les règles générales de compétence internationale prévoient, notamment,
les conditions dans lesquelles une mesure conservatoire peut être demandée en Belgique,
telle une saisie-arrêt (voy. supra, n ° 9.54).
trument. Il suffit donc de renvoyer aux dispositions générales pertinentes (voy. supra,
chap. 10).
Ill Pour un cas d'application de la Convention de Bruxelles à propos d'une décision française, voy.
Liège, 17 mai 1984,Jur. Liège (1984), 381.
Contra, curieusement (voy. supra, n° 8.15): Cass. 29 mars 2001, Rev. trim. dr.fam. (2001), 729, note
M. FALLON, pour le motif que la Convention de Bruxelles ne concerne pas les questions d'état.
1111 Sur la possibilité de refuser l'efficacité d'une décision alimentaire étrangère pour le motif qu'elle
est inconciliable avec une décision nationale de divorce, voy. C.J.C.E., aff 145/86, 4 février 1988,
Hoffmann c. Krieg, Rec. (1988), 645, Revue (1988), 598, note H. GAUDEMET-TALLON, Clunet (1988), 449,
note A. HUET.
alors que la demande de reconnaissance - peu réaliste dans le présent contexte mats
néanmoins visée par la Convention - y échappe.
1111Les États contractants ont indiqué au gouvernement des Pays-Bas les autorités compétentes
pour rendre des décisions en matière d'aliments et pour rendre exécutoires les décisions étrangères
(art. 13). Voy. le site de la Conférence de La Haye, www.hcch.net.
Le motif de refus tiré de l'ordre public peut jouer un rôle important à l'occasion de
litiges entre ex-époux, notamment lorsque la décision étrangère relative à la dissolution
du mariage, rendue en vertu du droit islamique, n'a accordé aucun aliment à l'épouse, ou
des aliments réduits à un « don de consolation». Il faut toutefois se garder d'une posi-
tion radicale excluant par principe l'effet alimentaire. L'utilisation du moyen doit donner
lieu à une appréciation fonctionnelle (voy. supra, n ° 10.39). Parmi les facteurs qu'il faut
considérer en la matière, figurent le fait que l'acte de dissolution du mariage a été
reconnu, que le juge étranger a conféré au règlement un caractère définitif ou non, que la
demande d'aliments, si elle était introduite en Belgique indépendamment de l'autorité de
la chose jugée de la décision étrangère, serait régie par le droit belge, ou par le droit étran-
LES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES 653
ger sans donner lieu à l'exception d'ordre public en raison de l'insuffisante intensité du
rattachement de la situation avec le système juridique belge.
IllSur la nécessité de prendre en compte les deux premiers facteurs, voy. la résolurion de l'Institut
de droit international sur « La loi applicable à certains effets d'un mariage dissous », Annuaire
(1986), vol. 61-II, 298, point 6, b etc.
Ill Dans la jurisprudence, voy.: J.P. Saint-Gilles, 5 mai 1988, ].].P. (1989), 122; J.P. Saint-Nicolas,
3 avril 1990,].J.P. (1990), 371 ;J.P. Marche-en-Famenne,].J.P. (2000), 242, rejetant la partie alimen-
taire d'un jugement turc après avoir insisté sur la localisation de la résidence du créancier et de la
dernière résidence conjugale en Belgique.
IllSur l'octroi d'aliments à la femme répudiée lorsque la décision homologuant l'acte de répudia-
tion a pu être reconnue en Belgique à l'exception de sa partie alimentaire, voy. supra, n° 5 12.95 et s.
§2 CONFLITS DE LOIS
Lorsque la demande est de nature indemnitaire, par exemple lorsque l'octroi d'ali-
ments repose sur les torts qui ont causé le divorce, la solution retenue pour une demande
en réparation d'un préjudice quasi délictuel - à savoir l'application des règles en vigueur
au moment du fait illicite - (voy. infra, n ° 15.8) s'impose à première vue. Toutefois,
l'objectif de sécurité juridique qui inspire cette solution ne trouve pas de place ici. De
plus, le moment de la naissance du dommage est celui de la dissolution du mariage, où
cesse le devoir de secours. Il y aurait donc lieu de retenir la même solution de conflit tran-
sitoire que pour le divorce (voy. supra, n ° 12.97).
Voy.: Cass., 24 mars 1960, Eifeling, Pas. (1960), I, 860, Rev. crit. ;ur. belge (1961), 335, note F. RIGAUX,
et la jurisprudence abondante citée dans: Rev. crit. ;ur. belge (1970), 297-298; Civ. Liège, 13 février
1976,]ur. Liège (1975-1976), 229.
Pour la contriburion en faveur des enfants communs, voy. pour l'application de la loi nationale
commune : Civ. Nivelles, 8 avril 1997, Rev. trim. dr. fam. ( 1998), 51.
Ill L'obligation alimentaire résultant du mariage, de la parenté ou de l'alliance, relevait nettement
de la loi nationale commune des parties. Pour le divorce, voy. : Civ. Nivelles, 8 avril 1997, précité ;
Civ. Bruxelles, 16 décembre 1997,J.J.P. (2000), 212, note M.-C. FoBLETS; Bruxelles, 15 janvier 2002,
Rev. trim. dr.fam. (2003), 360.
La solution était moins ferme en cas de conflit des lois personnelles.
En faveur de la loi nationale du créancier: Bruxelles, 26 octobre 1967,].T. (1968), 24.
Ill Cependant, le jeu de l'exception d'ordre public (voy. ci-dessous) revenait souvent à désigner la
loi belge de résidence du créancier.
Voy. déjà, en faveur de la loi de la résidence du créancier, motif tiré de la prise en compte de l'état de
besoin: Civ. Bruxelles, 28 février 2000, Rev. trim. dr.fam. (2001), 692, note M. FALLON.
Ili Le renvoi permettait aussi de revenir à l'application du droit belge. Voy. : Cass., 17 octobre 2002,
Echtsch. ]ourn. (2003), 2, note M. TRAEST, R W. (2003), 1507, note B. VOLDERS, Rev. trim. dr. Jam.
(2003), 341, note M. FALLON.
Ili Comp. le diagnostic pessimiste du T.P.I.C.E., dans l'affaire Khouri (aff. T-85/91, 18 février 1992,
Recueil, 1992, 11-2637), à l'occasion d'une demande adressée à un fonctionnaire européen, consta-
tant l'absence de règle claire et précise en matière alimentaire dans le droit belge des conflits de lois.
L'objectif de la règle nouvelle est de lier les conditions de la définition de la créance
alimentaire à l'intégration socio-économique de celle-ci, en s'attachant à la fonction
sociale de l'institution. On y reconnaît une illustration de l'objectif de proximité (voy.
supra,n° 3.13).
Ill La Convention de La Haye de 1973 utilise un principe de rattachement analogue (art. 4).
Le conflit mobile se résout en retenant l'actualisation du facteur de rattachement.
La solution se déduit de la fonction sociale de l'institution alimentaire : le rattachement
se doit de permettre une appréciation actuelle de l'état de besoin. Selon le texte, le
moment pertinent de concrétisation est celui où l'obligation« est invoquée».
Ill La préférence pour une actualisation du facteur pertinent est une constante en la matière. Le
droit allemand évoque la résidence« actuelle» (art. 18, (1er).
La Convention de La Haye de 1973 formule le principe sous la formulation d'une application
immédiate de la loi nouvellement désignée : « En cas de changement de la résidence [... ], la loi
interne de la nouvelle résidence habituelle s'applique à partir du moment où le changement est
intervenu» (art. 4, al. 2).
Le moment de « l'invocation» du droit ne doit pas s'entendre nécessairement comme celui de
l'introduction de la demande en justice, car la mise en œuvre de la règle de rattachement doit pou-
voir être autonome, et le texte légal prend soin de n'utiliser cette expression qu'à propos des règles
de compétence. Appliqué à la matière alimentaire, le terme doit se comprendre comme visant la
période pour laquelle des aliments sont demandés. Si, normalement, le droit est invoqué pour cou-
vrir des besoins présents et à venir, la demande peut aussi porter sur des arriérés: dans ce cas, il est
logique d'opérer une ventilation en fonction des périodes concernées.
Le changement de résidence du créancier emporte la soumission d'une demande de modifica-
illi
tion de la pension alimentaire à la loi nouvelle, comme le montre le rapport explicatif de la Con-
vention de La Haye. Cette loi déterminera ainsi la variabilité de la pension, même si la loi qui a servi
à déterminer celle-ci précédemment énonçait un principe d'immutabilité.
Ill Pour les aliments après divorce, la règle de l'actualisation du facteur de rattachement pourrait
avoir un effet de surprise sur le débiteur, en cas de déménagement ultérieur du créancier. Pour y
remédier, il aurait fallu pétrifier le conflit au moment de la demande en divorce, voire au moment
656 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
de la dernière résidence conjugale. Un tel effet pourrait être obtenu au moyen de la clause générale
d'exception (art. 19), en fonction des circonstances de l'espèce.
Comp. la Convention de La Haye de 1973, qui s'en remet à la loi appliquée au divorce.
Ili Pour une actualisation du facteur de rattachement - à l'époque la nationalité pour des ali-
ments après divorce-, voy. :J.P. Liège, 30 janvier 1997,].L.M.B. (1998), 426, note B. MAIRY, retenant
cependant la nationalité belge acquise postérieurement au divorce mais avant l'introduction d'une
demande alimentaire postérieure au divorce. Pour une position favorable au moment de la dissolu-
tion, voy. N. WATIÉ, « Examen de jurisprudence (1990 à 2002) », Rev. crit. ;ur. belge (2003), 527.
le ménage n'a jamais vécu dans le pays d'expatriation, lorsque les époux sont de nationalités diffé-
rentes. La clause générale d'exception (art. 19) pourrait rourefois jouer, si les conditions en sont
remplies.
La clause spéciale d'exception, appliquée aux rapports de couple, permet de soumet-
tre pratiquement à une loi unique la contribution aux charges du mariage, les conditions
du divorce et le devoir de secours entre époux ainsi que l'obligation alimentaire entre ex-
époux.
Sur les difficultés liés à un éclatement des rattachements de la relation entre ex-époux, lors
Ill!
d'une demande d'ordre pécuniaire, voy. supra, n ° 12.101.
non l'étendue de l'obligation à charge du débiteur d'aliments : celle-ci relève de la loi alimentaire
(§ l er, 50).
IliLa solution figure également dans la Convention de La Haye de 1973, où elle ne couvre cepen-
dant que le cas d'une institution publique (art. 9).
LES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES 657
1111Ainsi, il appartient à la loi belge de déterminer si le centre public d'aide sociale peut poursuivre
le remboursement des frais de l'aide sociale en exerçant une action directe contre le débiteur ali-
mentaire de celui qui a bénéficié de cette aide (art. 98, § 2, de la loi du 8 juillet 1976), et de désigner
les débiteurs auxquels le centre public d'aide sociale peut réclamer le remboursement des frais qu'il
a assumés.
Il en va de même du Service des créances alimentaires qui a désintéressé le créancier en vertu de la
loi du 21 février 2003 (voy. ci-dessous).
Mais il appartient à la loi de la résidence du créancier d'aliments de fixer les conditions d'existence
et l'étendue de la créance alimentaire à l'égard du débiteur. Pratiquement, cette loi sera souvent la
loi belge.
Ill En cas de subrogation conventionnelle, il convient de se référer au contrat en cause (voy. infra,
n° 14.58).
1111En l'absence d'obligation légale ou conventionnelle du demandeur, celui-ci invoquera la gestion
d'affaires (voy. infra, n° 15.60).
L'action récursoire du co-débiteur qui a désintéressé le créancier relève du domaine de la loi ali-
1111
12.189 - Éviction de la loi alimentaire par l'exception d'ordre public - Comme en toute
matière, l'exception générale d'ordre public permet d'écarter l'application de la loi étran-
gère désignée, pour un motif tenant à son incompatibilité radicale avec l'ordre public
belge, pourvu que l'appréciation se fasse in concreto, en fonction de la gravité de l'effet
invoqué et de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge (voy.
supra, n° 7.51).
La jurisprudence a fait un large usage de l'exception à propos des dispositions de la
loi étrangère appliquée au contentieux entre ex-époux, lorsque cette loi ignore le principe
de l'attribution alimentaire ou ne prévoit que l'attribution forfaitaire d'un montant
réduit alors que le secours alimentaire serait dû en vertu du droit belge. Cette jurispru-
dence a permis d'identifier la place croissante occupée par le critère de la résidence du
créancier d'aliments. Le contenu des règles nouvelles de rattachement en la matière
devrait réduire la nécessité d'avoir recours à l'exception.
Voy. déjà la jurisprudence citée dans: Rev. crit. jur. belge (1961), 389-390; Civ. Bruxelles, 15 mai
1111
1990, Rev. trim. dr. Jam. (1991), 422, écartant la loi marocaine ignorant une dette alimentaire envers
un enfant majeur.
1111 Pour l'utilisation de l'exception à propos de la loi allemande permettant une renonciation con-
ventionnelle aux aliments en cas de divorce, voy. : Mons, 19 janvier 2000, Rev. gén. dr. civ. (2002),
185, note C. BARBÉ, ayant recours au critère de l'intensité du rattachement en fonction du domicile
du créancier.
111! Pour une éviction de la loi luxembourgeoise invoquée par le banquier étranger opposant le
secret professionnel à une demande formulée en vue de déterminer le montant des ressources du
débiteur, voy.: Liège, 6 mars 2000,j.L.M.B. (2000), 1728.
tion de la loi marocaine ou algérienne. Voy.: Civ. Bruxelles, 31 janvier 1989, Rev. trim. dr. Jam.
(1990), 42, note M. FALLON; Bruxelles, 9 mai 1989, Rev. trim. dr. Jam. (1990), 37; Bruxelles, 19 mars
1991, Pas. (1991), II, 129, notant l'acquisition volontaire par les parties d'une résidence en
Belgique; Civ. Bruxelles, 26 novembre 1992, Rev. trim. dr. Jam. (1993), 121; Civ. Nivelles, 8 avril
1997, Rev. trim. dr. Jam. (1998), S 1, énonçant l'octroi d'aliments à l'époux innocent comme un prin-
cipe fondamental, et appliquant la loi belge comme loi de résidence.
Pour une approche fonctionnelle liée à l'espèce, voy. : Civ. Bruxelles, 16 décembre 1997,j.J.P. (2000),
212, note M.-C. FoBLETS, signalant l'absence de moyens de subsistance de la femme et la localisa-
tion de sa résidence en Belgique; Bruxelles, 15 janvier 2002, ].T. (2003), SS, évoquant la durée
LES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES 659
exceptionnelle de la vie commune (45 ans) en Belgique et le risque de voir la femme à charge de la
société.
En France, voy., à l'encontre de la loi marocaine: Cass. civ., 16 juillet 1992, Revue (1993), 269, note
P. COURBE.
Ili Pour l'utilisation de la présomption de l'article 306 C. civ., voy.: Civ. Namur, 17 mai 1990, Rev.
trim. dr.fam. (1990), 431 ;J.P. Hasselt, 25 juillet 1995, Limb. Rechtsleven (1997), 175. Cette solution
est recherchée pour accorder à la femme un statut favorable roue en reconnaissant en Belgique son
état d'épouse répudiée.
Une approche parallèle est remarquée à propos de la reconnaissance de décisions étrangères en
Ili
matière d'aliments. Voy. supra, n ° 12.183.
Dans les rapports entre époux, l'intervention de l'ordre public paraît moins sensible.
Voy. J.P. Namur, 20 octobre 1988, ].].P. (1989), 101; Civ. Bruxelles, 26 février 1988, Rev. dr. étr.
1111
(1988), 216, admettant qu'en vertu du droit marocain l'époux supporte seul les charges du ménage
(nafaqa).
B. Rattachements spéciaux
12.190 - Aliments envers des enfants selon la Convention de La Haye de 1956 - La Bel-
gique a ratifié la Convention de La Haye du 24 octobre 1956 sur la loi applicable aux obli-
gations alimentaires envers les enfants (loi du 17 juillet 1970, Pasin., 1970, 1219).
Le domaine de la Convention se limite aux obligations envers l'enfant, y compris
adoptif, défini comme une personne non mariée de moins de 21 ans. De plus, la Conven-
tion n'est applicable que si elle conduit à désigner le droit d'un État contractant (art. 6,
voy. supra, n ° 4.49).
1111 Ainsi, la Convention ne remplace pas le droit commun. Elle ne régit pas, pratiquement, une
créance envers un enfant résidant dans un pays tiers, par exemple les États-Unis. Pour la liste des
États contractants, voy. le site www.hcch.net.
1111 La Convention ne préjuge pas du droit applicable aux rapports de filiation ni aux rapports fami-
liaux entre créancier et débiteur (art. 5).
Sur l'application de la Convention à un enfant tunisien résidant en Belgique et fondant son
1111
action sur l'article 3406 (ancien) du Code civil, voy. Bruxelles, 18 février 1981, Rev. not. belge (1982),
415.
La règle connaît deux dérogations, qui poursuivent deux objectifs distincts, la pre-
mière un objectif de faveur au créancier et la seconde, un objectif de proximité.
(1) « La loi belge est déclarée applicable même si l'enfant a sa résidence habituelle à
l'étranger, lorsque la demande d'aliments est portée devant un tribunal belge, que
l'enfant et la personne à qui les aliments sont réclamés sont de nationalité belge, et que
cette dernière personne a sa résidence habituelle en Belgique.» (loi du 27 juillet 1970,
art. 2).
Ill Cette règle de type unilatéral résulte d'une faculté de dérogation offerte par l'art. 2 de la Con-
vention.
660 LA PERSONNE IT LES RAPPORTS DE FAMILLE
La dérogation répond à un cas de délocalisation du créancier. Elle est reprise plus généralement
1111
(2) au cas où la loi de la résidence habituelle de l'enfant lui refuse tout droit aux ali-
ments, l'autorité saisie applique la loi désignée par sa propre règle de conflit de lois
(art. 3).
1111 Cette dérogation utilise la technique de rattachements alternatifs en cascade (voy. supra,
n° 3.59).
Le droit commun utilise aussi cette technique depuis l'entrée en vigueur du Code de droit interna-
tional privé, mais en des termes différents (voy. ci-dessous).
1111 À l'époque de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Belgique, la règle de conflit du
droit commun permettait pratiquement à un enfant étranger ayant sa résidence habituelle en Bel-
gique d'exercer une action à fins de subsides prévue par sa loi nationale, dans les cas où, selon les
articles 336 et suivants du Code civil belge, son action devrait être rejetée.
Depuis l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, la règle de conflit du droit com-
mun permet, par un rattachement en cascade, l'application de la loi de la nationalité commune
(voy. ci-dessous), mais cette faculté est sans objet du fait de la dérogation (1); toutefois, cette règle
prévoit encore l'application subsidiaire de la loi belge, désignation qui conserve un effet utile lors-
que les parties sont de nationalité étrangère.
12.191 - Aliments entre époux ou envers des enfants selon le droit commun - Lorsque
le créancier est l'époux ou l'enfant mineur du débiteur, il peut invoquer le bénéfice d'une
loi autre que celle de sa résidence habituelle, dans les conditions fixées par l'article 74,
§ 2, du Code de droit international privé.
La disposition utilise la technique de rattachements alternatifs en cascade (voy.
supra, n ° 3.59), selon un objectif de faveur à l'octroi d'aliments. La règle utilise pour éche-
lons successivement :
la nationalité commune des parties ;
la loi belge.
Ces échelons correspondent à ceux que consacre la Convention de La Haye de 1973
(art. 5 et 6).
Le déclenchement du rattachement en cascade dépend du contenu de la loi norma-
lement applicable: il faut que celle-ci« n'accorde pas de droit aux aliments». La condi-
tion ne se réfère pas à la seule admissibilité de la créance, elle est vérifiée in concreto, « par
une comparaison de ce que peut obtenir le créancier en vertu de l'un ou de l'autre droit»
(Exposé des motifs de la proposition de loi, Doc. par!., Sénat, n ° 3-27/1, 105).
Le rattachement en cascade prévaut sur le rattachement lié à la délocalisation. Ainsi,
lorsque le créancier s'est expatrié, la loi des liens les plus étroits sera normalement appli-
cable, mais le créancier pourra encore invoquer la loi belge - pourvu que la compétence
internationale des juridictions belges soit vérifiée.
1111 Dans la Convention de 1956, l'hypothèse de la délocalisation (art. 2) cède aussi devant le ratta-
chement en cascade (art. 3).
Dans la Convention de 1973, la dérogation - déduite d'une réserve - liée à la délocalisation
1111
Les relations entre époux ou entre ex-époux échappent ainsi à un rattachement qui
rende compte d'un lien entre les parties, sauflorsque le demandeur en appelle à la loi de
la nationalité commune. Cela peut avoir pour inconvénient, en cas de demandes croisées,
de soumettre chacune d'elles à une loi distincte, avec le risque d'une incompatibilité de
contenus. Une autre approche aurait pu consister à soumettre l'ensemble des obligations
pécuniaires à un rattachement lié aux effets généraux du mariage. Toutefois, la force opé-
ratoire d'un tel rattachement n'aurait guère été plus grande - sauf à retenir la nationalité
commune pour rattachement principal - puisque ces effets relèvent en principe de la loi
du pays où résident les deux parties, créancier et débiteur: force aurait alors été de s'en
remettre au rattachement subsidiaire à la loi belge (sur ce rattachement, voy. supra,
n° 12.61).
Ill Sur la difficulté liée aux demandes croisées, voy. : A. BUCHER, Le couple en droit international privé
(Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2004), n ° 204, qui estime toutefois que l'inconvénient est limité en
pratique.
La Convention de La Haye de 1973 ne remédie pas à cet inconvénient pour les rapports entre
époux. Pour les aliments après divorce, la solution retenue (loi appliquée au divorce) a pour mérite
principal de désigner une loi unique.
cess10ns.
1111 Les critères prévus sont analogues à ceux retenus pour le régime matrimonial (art. 49).
Ill Sur l'autonomie de la volonté en cette matière, voy. plus généralement : C. BARBÉ, « Les clauses
relatives aux aliments entre ex-époux", Rev.gén. dr. civ. (2002), 141-152.
En cas de choix valable du droit applicable, il semble que c'est à cette loi qu'il appartient de déter-
1111
miner si les époux peuvent, par exemple, renoncer à l'avance au droit à une pension en cas de divorce,
662 LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
ou modaliser les conditions d'attribution d'une celle pension. L'exception d'ordre public peut éven-
tuellement jouer, s'il devait être décidé que la question affecte le noyau dur des valeurs fondamenta-
les de la société, cout en ayant égard aux critères d'appréciation fonctionnelle (voy. supra, n ° 7.46).
Le défaut de choix appelle un rattachement objectif (§ 2). Cette règle subsidiaire
reproduit la règle générale relative aux aliments, hormis le cas de la délocalisation. Cette
solution peut surprendre à première vue, puisque le facteur retenu a égard à la qualité de
«créancier», alors que l'une et l'autre parties peuvent y prétendre. La règle retenue per-
met de réduire l'écart entre le rattachement de la convention et celui des aliments non
conventionnels. Sans doute le terme« créancier» doit-il s'entendre comme le demandeur
qui prétend à cette qualité en cas de litige. De ce fait, la loi qui régit la convention peut
varier en fonction du demandeur.
1111Une difficulcé analogue surgie en cas de demandes alimentaires croisées encre (ex-)époux non
liés par un accord, lorsque les parties résident dans des pays différents (voy. ci-dessus) : la créance
de chacun des époux sera régie par une loi distincte, avec le risque de contradictions encre les lois
applicables.
Voy. plus généralement: D. MARTINY, précité n° 12.177, 221, évoquant la nécessité de lier le ratta-
chement contractuel à celui de l'obligation légale, et proposant par le fait même d'écarter l'autono-
mie des volontés.
Le conflit mobile se résout par une pétrification du facteur de rattachement, à la dif-
férence de la règle générale relative aux aliments : la référence est à la concrétisation au
moment où l'acte a été passé. La solution, qui est constante en matière de contrats, obéit
à un objectif de sécurité juridique (voy. plus généralement supra, n ° 5.71).
Les formalités à respecter pour la passation de l'acte obéissent à un rattachement
utilisant le principe Locus regj,t actum dans son expression alternative (voy. supra, n ° 3.32).
Il suffit que la convention suive les formes prescrites par le droit du pays de conclusion
ou par le droit qui la régit au fond(§ 3).
12.193 - Accès au Service des créances alimentaires - La loi du 21 février 2003 créant
un Service des créances alimentaires au sein du SPF Finances (Monit., 28 mars 2003), met
en place un mécanisme d'octroi d'avances au créancier d'une pension alimentaire et de
recouvrement de ces créances auprès du débiteur.
1111Les pensions visées sont celles dues aux enfants, ou entre époux ou cohabitants. Elles doivent
avoir été fixées par une décision judiciaire exécutoire ou par une convention visée à l'arc. 1288 C.
jud. ou encore, dans le cas d'aliments envers des enfants, par un accord exécutoire visé aux
articles 731 à 734 C. jud.
« Le Service des créances alimentaires octroie son intervention si le créancier d'ali-
ments est domicilié en Belgique et si le débiteur d'aliments est domicilié en Belgique ou y
perçoit des revenus» (art. 6, modifié par l'art. 331 de la loi-programme du 21 décembre
2003, Monit., 28 décembre 2003). Cette disposition remplit la fonction d'une règle
d'applicabilité (voy. supra, n ° 4.6), déterminant les situations internationales entrant
dans le champ d'application de la loi.
La version initiale de l'article 6 étaie formulée comme suie: « L'application de la présente loi est
1111
limitée aux créanciers d'aliments ayant leur domicile ou leur résidence habituelle en Belgique».
Cette formulation-ci indiquait plus explicitement sa fonction d'applicabilité.
Le critère d'applicabilité retenu est de nature conditionnelle. Le domicile du créan-
cier n'est pas suffisant: sa localisation en Belgique doit s'accompagner d'un autre élé-
ment relatif au débiteur, soit le domicile de celui-ci, soit la localisation de biens.
1111 Cet ajout semble lié au souci de faciliter les opérations menées par le Service.
LES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES 663
Ill!Le« domicile» semble s'entendre au sens de l'article 36 du Code judiciaire plutôt qu'au sens de
la résidence habituelle (art. 102 C. civ.). Cette déduction est tirée autant des travaux préparatoires
(cités par J.-P. MASSON,j.T., 2004, 192, citant: Doc. pari., Ch. repr. 7 janvier 2003, n° 50-1627/17,
amendement n ° 132) que de la modification opérée sur la version primitive, où le domicile était
dissocié de la résidence habituelle. Ce choix facilite la vérification de la condition.
Le Service n'intervient qu'au vu d'une décision exécutoire, d'une convention conclue
entre les époux dans le cadre du divorce par consentement mutuel, ou d'un accord de
conciliation acté par un jugement. Cette condition peut conduire le Service à verser des
aliments dus en raison d'une créance établie en vertu d'un droit étranger, ou d'une déci-
sion étrangère.
Ill Lorsque la décision a été rendue en Belgique, celle-ci reposera le plus souvent sur le droit belge,
puisque la« résidence habituelle » du créancier constitue le facteur de rattachement normal. Il n'y
a cependant aucun inconvénient, pour un organisme public, à effectuer une avance sur un mon-
tant dû en raison de l'application du droit étranger, dès lors que le juge a pu utiliser au préalable le
filtre de l'exception d'ordre public.
IllIl est regrettable, à cet égard, que le domicile aie été préféré à la résidence comme facteur d'appli-
cabilité de la loi, car l'un et l'autre ne coïncident pas nécessairement.
Ill!Lorsque la décision a été rendue à l'étranger, la référence à une « décision exécutoire » trouve
parfaitement à couvrir un jugement étranger qui bénéficie de la force exécutoire en Belgique. Ici
aussi, une juridiction belge aura normalement été appelée au préalable à vérifier le respect de
l'ensemble des motifs de refus prévus par le Code de droit international privé (voy. supra, n ° 10.39).
!Ill L'accord de conciliation visé par la loi dans le cas d'aliments envers des enfants doit aussi cou-
vrir d'autres transactions judiciaires établies à l'étranger. Lorsque le juge qui est intervenu appar-
tient à un État lié par le règlement 44/2001 dit « Bruxelles 1 » (voy. supra, n ° 8.6), il suffit de se
référer à l'article 58 de ce règlement.
Il peut arriver que le jugement étranger bénéficie de la force exécutoire de plein droit. Ce sera le
!Ill
cas lorsque la créance est« incontestée» au sens du règlement 805/2004 du 21 avril 2004 U,O.C.E.,
2004, L 143).
Ill!En cas d'accord entre époux conclu dans le cadre du divorce, un tel accord peut être soumis à un
droit étranger, en fonction de la règle de rattachement qui régit une convention alimentaire (voy.
ci-dessus). Ici aussi, le juge du divorce aura pu vérifier que la convention est de nature à recevoir un
effet juridique plein et entier en respectant l'ensemble des règles de droit international privé, y
compris le jeu de l'exception d'ordre public.
Le Service peut recouvrer les sommes versées auprès du débiteur. Le droit au recou-
vrement de l'organisme public - comme la subrogation organisée par la loi - relève bien
de la loi belge, tantôt en vertu de la règle d'applicabilité de la loi même, tantôt par applica-
tion de l'article 75, § 2, du Code de droit international privé, mais l'étendue des obliga-
tions du débiteur dépend de la loi qui régit l'obligation alimentaire (voy. supra, n ° 12.186).
Le droit de l'Union européenne pourrait avoir une incidence sur l'applicabilité de la
réglementation précitée. En effet, à l'égard de personnes couvertes par un régime de sécu-
rité sociale d'un État membre, l'avance sur pensions alimentaires constitue une
« prestation familiale» au sens du règlement 1408/71 du 14 juin 1971 (tel que modifié,
].O.C.E., 2001, L 187). Or, selon ce règlement, les prestations sont dues selon le droit de
l'État de l'exercice des activités professionnelles et, en cas de cessation de telles activités,
selon le droit de l'État de résidence.
IllVoy. en ce sens : C.J.C.E., aff. C-302/02, 20 janvier 2005, Effing.
La Cour de justice précise que le rattachement en fonction de la résidence n'est pas constitutif
d'une discrimination au sens de l'article 12 CE, dès lors que la disparité de traitements dont se
plaint la personne est due à la disparité des législations désignées par la règle de rattachement.
CHAPITRE 13
LES BIENS
13.1 - Présentation - Le lieu de situation d'un bien a une incidence déterminante sur la
solution des conflits de lois et de juridictions, dans un ensemble de matières identifié,
selon la tradition, par le terme de« statut réel». Le Code Napoléon a consolidé ce critère
de localisation pour les immeubles (art. 3, al. 2), et la pratique a confirmé celui-ci pour les
droits portant sur un meuble. À côté du régime général des droits réels (sect. 1), le prin-
cipe du rattachement territorial affecte le régime de la propriété intellectuelle (sect. 2). Il
s'étend également à la faillite (sect. 3). Enfin, en droit international privé belge, il explique
les règles applicables aux questions successorales (sect. 4).
Section 1
Le régime général des droits sur un bien
13.2 - Bibliographie
a) Généralités
C. BEREZOWSKI, « Le développement progressif du droit aérien », Recueil des cours, vol. 128 ( 1969-III),
1-94, spéc. 36-63; P. BoNASSIES, « La loi du pavillon et les conflits de droit maritime», Recueil des
cours, vol. 128 (1969-III), 505-629, spéc. 532-557; R. CHURCHILL, « European Community law and
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LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 667
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668 LES BIENS
Une autre difficulté tient à la diversité des biens concernés. Tant que le droit porte
sur un bien corporel, et surtout sur un immeuble, la référence au lieu de situation se con-
cilie aisément avec un objectif de sécurité juridique. Il en va autrement lorsque le droit
porte sur des biens immatériels, soit par nature, soit par dématérialisation. Outre le cas
particulier des droits de propriété intellectuelle (voy. infra, section 2), il faut évoquer la
constitution de droits sur des créances, tel un gage ou un usufruit, ou la détermination
de droits sur un titre dépourvu de certificat. De plus, la nature de l'assiette de certains
droits peut soulever une difficulté pratique au regard de la mise en œuvre du principe de
territorialité, telle la difficulté de localiser un privilège général, par nature apte à concer-
ner des biens situés dans des pays différents.
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 669
1111Même si le principe territorial régit les droits réels portant sur des meubles autant que sur des
immeubles, ceux-ci sont soumis, en droit matériel, à des règles particulières, qui accentuent le for-
malisme et le contrôle étatique, non seulement pour assurer la maîtrise de politiques foncière et fis-
cale mais encore pour assurer la transparence des opérations immobilières dans un but de sécurité
juridique. D'où la tendance à exercer une compétence exclusive sur les immeubles sis sur le terri-
toire, et à imposer impérativement le respect des formalités qui président au transfert de droits sur
de tels immeubles.
Une autre difficulté peut encore résulter de la diversité des fonctions attachées à un
droit sur un bien. À côté de la catégorie des droits réels principaux, l'on connaît celle des
droits réels accessoires, qui sont constitués, non pour assurer un droit en soi sur la chose,
mais pour garantir un droit distinct portant sur un autre bien, telle une créance. Ce cas
ouvre la possibilité d'une aspiration du droit réel par le droit qui régit le rapport juridi-
que principal.
deux interprétations possibles renvoyant dans ce cas, l'une au droit national du juge saisi (théorie
dite de l'effet réflexe), l'autre aux dispositions générales du règlement, il faut préférer la première
(voy. supra, n° 8.22).
670 LES BIENS
1111La règle ne s'applique pas aux contestations relatives à des droits réels immobiliers trouvant
leur source dans une des matières exclues du domaine matériel de l'acte selon l'article 1er_
Il en est ainsi des contestations relatives au droit de jouissance légale des père et mère (état et capacité
des personnes), au partage d'un immeuble après divorce (régimes matrimoniaux), à la dévolution suc-
cessorale d'un immeuble (testaments et successions), à l'exercice d'un privilège en cas de faillite.
En revanche, une contestation relative à une donation immobilière ne paraît pas devoir être sous-
traite à la règle, l'article ier n'ayant pas visé les libéralités parmi les matières exclues du champ
d'application du règlement.
La règle devrait-elle s'étendre aux contestations portant sur l'existence du contrat translatif,
11111
telle la réalité de l'échange des consentements ? Par exemple, une personne prétend qu'une autre
lui a vendu un immeuble, sans produire de preuve écrite de ce contrat. Comme de la solution qui
sera donnée à cette contestation dépend la détermination du titulaire du droit réel immobilier, il
paraît conforme à l'intention des auteurs du texte de la soumettre à la compétence exclusive des
juridictions de l'Etat où l'immeuble est situé. La structure globale de l'instrument appelle aussi
cette solution, une définition extensive permettant de contourner route tentative de détournement
par l'une des parties de l'exclusivité de la compétence attribuée.
Ill Le comité d'experts fait à ce sujet un commentaire qu'on peut juger trop limitatif. Selon le rap-
portJENARD, « ces contestations entraînent, en effet, fréquemment des vérifications, des enquêtes,
des expertises qui devront être faites sur place. De plus, la matière est souvent soumise, en partie,
aux usages qui ne sont généralement connus que des juridictions du lieu de la situation de
l'immeuble ou, tout au moins, du pays où l'immeuble est situé. Finalement, le système retenu tient
compte également de la nécessité d'opérer des transcriptions sur les registres fonciers qui existent
au lieu de la situation de l'immeuble » (rapport JENARD, précité n ° 8.4, chap. IV, B, sect. 5).
Ce texte a été paraphrasé par la Cour de justice dans son arrêt précité du 14 décembre 1977, point
13, et l'argument de proximité a été repris par d'autres arrêts relatifs aux droits réels. La Cour de
justice ne précise pas moins, à propos du bail d'immeuble, que les objectifs de l'article justifient
une extension, notamment, aux contestations relatives « à l'existence ou à l'interprétation » du
contrat (arrêt précité, point 15).
Ill Les arguments du rapport explicatif restent à la surface du problème. Les contestations les plus
délicates relatives aux droits réels immobiliers ne font pas appel aux experts immobiliers, et les for-
malités d'inscription sur les registres publics sont une pure conséquence de la solution apportée à
un tel litige. De plus, cette question-là est visée par l'article 22, 3 °, qui confère une compétence
exclusive« en matière de validité des inscriptions sur les registres publics [aux] tribunaux de l'Etat
membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus ». Il est plus important de savoir si une con-
testation relative à un contrat translatif de droits réels immobiliers tombe sous l'application de
l'article 22, 1 °, du règlement.
Ill La« matière immobilière» connaît une forme d'extension indirecte, puisque le juge du lieu de
situation est également compétent pour connaître d'une action jointe contre le même défendeur
« en matière contractuelle» (arc. 6, 4°).
IllPour la qualification mobilière des éléments d'une fresque arrachés d'une chapelle située en
France et déplacés en Suisse après la vente, voy. en France: Cass. (ass. plén.), 15 avril 1988, Fondation
Abeg,g, Clunet (1989), 86, note Ph. KAHN.
La possibilité de saisir une juridiction belge sur base du Code à propos d'un immeu-
ble situé à l'étranger paraît limitée, pour des motifs juridiques et pratiques. Si l'immeuble
est situé dans l'Union européenne, le règlement « Bruxelles I » - ou la Convention de
Bruxelles en cas de localisation au Danemark - excluent la compétence des juridictions
belges. Il en va de même d'un immeuble situé dans un Etat partie à la Convention de
Lugano (voy. supra, n ° 8.9). En cas de localisation dans un autre pays, une interprétation
de l'article 22 du règlement par la théorie de l'effet réflexe devrait exclure également la
compétence. Quoi qu'il en soit, la personne qui entend se prévaloir d'un droit réel immo-
bilier fait bien de saisir de préférence un tribunal du pays où l'immeuble est situé, afin de
ne pas risquer un refus d'exequatur, qui pourrait n'avoir d'autre motif que la compétence
exclusive à laquelle prétendrait l'Etat de la situation du bien.
111 Le tribunal belge devrait, en tout cas, se déclarer incompétent pour adresser une injonction à un
service public étranger. Il ne saurait ordonner ni qu'il soit procédé à une inscription sur un registre
foncier étranger ni que l'autorité compétente du lieu de situation de l'immeuble délivre un certifi-
cat foncier. Il n'y a cependant pas d'obstacle à ce qu'il se prononce sur le transfert d'un droit réel
immobilier par l'effet d'un contrat. L'exécution d'une telle décision dans le pays où l'immeuble est
situé suppose qu'elle y reçoive l'exequatur.
Ill Les tribunaux français déclinent leur compétence quand une action a pour objet un immeuble
situé à l'étranger. Voy. : BATIFFOL et LAGARDE, t. II, n ° 681.
Le Code de droit international privé ajoute aux règles générales (voy. supra, n ° 9.48)
le cas où« _le bien est situé en Belgique» (art. 85).
1111 Le Code suit ainsi l'exemple du droit allemand (art. 23 ZPO) ou du droit néerlandais (art. 126,
3 °, Wetboek van burgerlijke rechtsvordering). -
Des précisions sont fournies à propos de certains biens dont la localisation est pro-
blématique. Pour d'autres, il n'y a pas lieu de procéder par analogie avec la localisation
retenue pour les besoins de la détermination du droit applicable (voy. infra, n ° 13.13). En
effet, les règles spéciales ayant cet objet utilisent un critère de rattachement sans conférer
à celui-ci la portée d'une localisation fictive.
L'article 85 fournit une explicitation pour une demande relative à des droits portant sur un
1111
fonds de commerce : celui-ci est réputé être situé en Belgique si le fond présente« les liens les plus
étroits» avec la Belgique (art. 85, renvoyant à l'art. 87, § 2).
De même, la demande concernant des droits réels sur une créance peut être introduite en Belgi-
1111
13.9 - Saisie de biens mobiliers - Comme en d'autres matières, la saisie peut être prati-
quée en Belgique, si les biens qui en font l'objet se trouvent en Belgique (art. 31 Règl.
« Bruxelles I », art. 10 Codip, concernant les mesures conservatoires, supra, n° 5 9.34 et
9.54).
Des instruments internationaux peuvent prévoir des règles particulières, telle la
Convention de Bruxelles, du 10 mai 1952, pour l'unification de certaines règles sur la sai-
sie conservatoire des navires de mer (loi du 24 mars 1961, Monit., 19 juillet 1961).
1111Cette Convention s'applique aux saisies effectuées en vertu d'une « créance maritime» (art. 2),
celle-ci pouvant avoir pour cause, notamment,« la propriété contestée d'un navire», ou encore« la
copropriété contestée d'un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les droits aux produits
d'exploitation d'un navire en copropriété» (art. 1er, 1 °, litt. o et p).
1111La Convention prévoit la compétence du juge dans le ressort duquel la saisie doit être pratiquée
(art. 4).
Elle étend cette compétence à celle de connaître du fond du litige, sous la condition qu'au critère de
la situation du bien s'en ajoute un autre, soit en vertu du droit du for, soit tel qu'il est défini par
l'article 7.
La portée de l'article 3 n'est pourtant pas des plus claires. Un projet antérieur prévoyait l'applica-
tion de l'alinéa 1er aux meubles. Dans l'ancien droit, la solution n'était pas certaine. Diversement
interprété, l'adage Mobilia sequuntur personam rattachait plutôt les meubles à la personne. Sur cette
évolution en France, voy. notamment B. ANCEL et Y. LEQUETIE, Grands arrêts de la jurisprudence fran-
çaise de droit international privé (Paris, Sirey, 2001 ), sous Cass. civ., 8 juillet 1969, D.I.A. C.
Le conflit transitoire de droit international privé n'est pas tranché autrement par le Code que
111!
dans une référence générale au principe de l'application aux actes et faits ultérieurs, et aux effets
futurs d'actes ou de faits antérieurs - à moins que ceux-ci ne consistent en un contrat, un fait
dommageable ou un quasi-contrat-, sous réserve d'une disposition spécifique pour les biens cul-
turels (voy. infra, n ° 13.15).
13.11 - Définition du régime des biens - La« matière» des droits réels appelle une déli-
9:!_it_.iücm rigoureuse par rapport à d'autres questions de droit international privé, not.im-
ment celles qui concernent la forme ou la substance des actes juridiques privés portant
sur un bien : contrat de vente ou de donation, testament, bail, etc.
Toute question intéressant la constitution ou la transmission d'un droit réel immo-
bilier, n'appelle pas nécessairement l'application des règles de droit matériel de la !ex rei
sitae.
Par exemple, une indivision immobilière a diverses sources: elle peut être la conséquence d'une
Ill!
communauté de biens entre époux, un effet de la dévolution d'une succession à plusieurs héritiers,
une phase de la liquidation d'une personne morale déclarée nulle ou dissoute. Les règles auxquelles
obéit le partage en ces diverses circonstances ne relèvent pas nécessairement de la /ex rei sitae en tant
que loi applicable au régime des biens.
1111Si un immeuble dépendant d'une succession est situé dans un pays qui soumet les règles de
dévolution successorale à la loi nationale du défunt (par exemple, en Italie, art. 46 LDIP), le partage
judiciaire auquel procède un tribunal italien a pour effet d'investir les héritiers de la jouissance
effective de leurs parts respectives dans la succession. Pour déterminer celles-ci, le tribunal italien
fait application de la loi nationale du défunt, par exemple de la loi belge si le défunt était belge.
Le droit applicable au régime des biens détermine la liste et la définition des droits
_réels dont un immeuble ou un meuble peut faire l'objet, Jes conditions auxquelles ces
droits s'acquièrent, ~e conservent, se transmettent, et leur opposabilité aux tiers.
Selon le Code de droit international privé, ce droit « détermine, notamment :
1° le caractère mobilier ou immobilier d'un bien ;
IllCette forme de qualification lege causae répond à la nécessité de respecter la classification retenue
par le droit appelé à déterminer la nature des droits réels susceptibles de grever le bien, en fonction
de sa nature mobilière ou immobilière.
Cette liste ne porte pas sur la détermination des causes de création d'un droit. Celles-ci peuvent
11111
découler de la loi ou d'un acte privé, tel un contrat. Elle relèvent d'un rattachement auronome.
hin_si, l9rsque le droit est constitué par la voie d'un contrat, l'effet trarislatif du contrat opérant
transmission du droit réel dépend de la !ex rei sitae. En revanche, la capacité des parties relève en
principe de leur loi personnelle (voy. supra, n° 12.152). La validité et l'interprétation des act_esjuri-
digues doivent être soumises à la loi du contrat, encore qu'il y ait de grandes chances que cette loi
soit précisément la loi du pays où est situé l'immeuble qui en fait l'objet (voy. infra, n ° 14.131). La
forme des actes juridiques est en principe soumise à la règle Locus regit actum, mais la nécessité de
satisfaire aux exigences de fonctionnement des services de publicité foncière énerve l'efficacité de
cette maxime dans les pays dont le droit matériel distingue l'effet translatif immédiat du contrat de
son opposabilité aux tiers, ce qui explique la référence à la loi du lieu de situation en matière immo-
bilière.
Il existe aussi des causes légales ou conventionnelles d'attribution de la propriété d'un immeuble,
qui font chacune l'objet d'un rattachement approprié: l'application de la loi successorale, du
régime matrimonial légal ou conventionnel, de la loi régissant une société, et, le cas échéant, du
contrat de société au partage de l'actif social en cas de dissolution, en sont quelques exemples.
Le terme« existence » d'un droit vise l'énumération des droits réels établie par la l9i. Cette énu-
11111
l.9c loi qui régit le rapport entre les parties (en l'espèce, la loi contractuelle) et à la loi de situation;
cette approche sévère signifie qu'un droit de rétention valable selon la première loi mais non la
seconde, ne peut être invoqué, cela afin de préserver les tiers ainsi que la sécurité du crédit. Il semble
que l'incidence de la loi réelle puisse se limiter à un rattachement disjonctif, distinguant la ques-
tion de l'opposabilité aux tiers : alors que la validité du rapport juridique entre parties et l'admissi-
bilité du droit de rétention relèvent de la loi qui régit ce rapport, l'existence d'un droit réel lié à la
rétention - et l'opposabilité de celle-ci aux tiers - relève de la loi de situation. En ce sens aussi, avec
de nombreuses références : A. NUYTS, « Le droit de rétention en droit international privé : quelques
observations sur le rôle de la loi de l'obligation, de la loi réelle et de la loi du lieu d'exécution », Rev.
gén. dr. civ. (1992), 30-53.
Comp. en France, en faveur du rattachement réel mais non sans hésitation pour l'interaction de la
loi contractuelle, l'avis du ministère public précédant: Cass. corn., 2 mars 1999, Sea Land Service,
Revue (1999), 305, cet arrêt se contentant cependant de constater que le rétenteur n'apportait pas la
preuve du contenu du droit étranger invoqué (sur ce moyen distinct affectant la condition procé-
durale du droit étranger, voy. supra, n° 5 6.54 et s.).
1111 Le conflit mobile donne lieu, pour les sûretés, à la même solution que pour d'autres droits réels.
IllLes sûretés affectant certains biens peuvent toutefois donner lieu à des règles spéciales, mais ces
biens font aussi l'objet d'un rattachement spécial pour la détermination des droits réels princi-
paux. Pour les navires et aéronefs, voy. infra, n° 13.17; pour les droits sur des créances, voy. infra,
n° 13.21.
Çela n'empêche pas de soumettre à sa loi propre le rapport contractuel éventuel qui,_
tel le contrat de gage.,__<! c::onstitué la garantie.
1111Pour une critique de la dualité des rattachements - le droit réel étant soumis à la loi de la situa-
tion actuelle du bien-~Î:-ie rapport contractueÇi la -loi d'autonomie-, en faveur de la loi d'aut<J:
.. nomie, voy. G. KHAIRALLAH, Les sûretés mobilières en droit international privé (Paris, Economica, 1984),
limitant le titre de la loi de la situation au cas du tiers qui a agi de bonne foi, sans légèreté ni impru-
dence. Cet auteur invoque notamment Cass. corn., 11 mai 1982, Localease c. Singer, Revue (1983),
450, note G. KHAIRALLAH, cassant l'arrêt qui avait exigé le respect des formes de publicité prévues
par le droit français à propos d'un meuble qui, importé d'Allemagne et localisé en France au
moment du litige, avait fait l'objet d'un contrat de crédit-bail entre un propriétaire et un locataire
allemands et avait été sous-loué à un Français.
Le Code précise que« l'existence de causes de préférence et leur rang, ainsi que la dis-
tribution du produit de la réalisation», relèvent de la loi de situation aux fins de réalisa-
tion du bien du débiteur (art. 94, § 2).
1111 La portée générale de la disposition inclut l'ensemble des causes de préférence, liées ou non à un
droit réel.
Ill Le privilège général relève aussi de ce rattachement. En cas d'éparpillement du patrimoine, il ne
trouvera cependant à s'exercer qu'en fonction du lieu de situation de chacun des biens qui en font
l'objet.
Ill En cas de faillite, voy. infra, n ° 13.67.
Ainsi, l'hypothèque relève certainement de la loi de situation pour ses effets à l'égard
de tiers, notamment des autres créanciers du débiteur hypothécaire. Mais les parties peu-
vent soumettre le contrat d'hypothèque à une autre loi.
Pour un renvoi général à la loi de situation, voy.: C.].C.E., aff C-222/97, 16 mars 1999, Trum-
1111
mer, Recueil (1999), I-1661, Rev. gén. dr. civ. (2000), 308, note H. MouREAU.
Le fait qu'un jugement étranger déclaratif de faillite a été exequaturé en Belgique n'empêche pas la
compétence du tribunal belge pour« apprécier, selon la loi belge, l'existence et le rang de la créance
hypothécaire afin de vérifier l'exactitude des opérations d'ordre, ensuite de la vente forcée d'un
immeuble sis en Belgique» (Civ. Bruxelles, sais., 24 juin 1970, Pas., 1970, III, 117).
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 677
IllPour le rattachement du contrat hypothécaire, voy. infra, n ° 14.131. Quant à la forme, le contrat
devra cependant obéir à la loi de situation (art. 9 Conv. Rome).
Ill Un acte hypothécaire conclu à l'étranger mais portant sur un immeuble situé en Belgique devra,
pour recevoir« effet» en Belgique, être revêtu du« visa» du président du tribunal de première ins-
tance de la situation des biens (art. 77 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851). « Ce magistrat
est chargé de vérifier si les actes et les procurations, qui en sont le complément, réunissent routes
les conditions nécessaires pour leur authenticité dans le pays où ils ont été reçus » (al. 2). De plus,
l'exigence du visa est étendue à l'acte de consentement à radiation ou à réduction d'une inscription
hypothécaire, passé en pays étranger (art. 93, al. 3), ainsi qu'à la procuration dressée par un notaire
étranger et produite lors de la conclusion du contrat d'hypothèque en Belgique (Cass., 15 janvier
1853, Lecouteulx de Canteleu, Pas., 1853, I, 104).
Cette disposition refuse au contrat toute force obligaroire aussi longtemps qu'il n'a pas été soumis
à la formalité du visa. Le Code de droit international privé n'a pas abrogé cette disposition, mais il
l'a fait pour l'article 586, 2° C. jud, qui organise la compétence d'attribution. La formalité doit
donc être considérée comme une règle spéciale toujours en vigueur. Quant à la compétence d'attri-
bution, elle découle désormais de l'article 570 C. jud., et la procédure est celle prévue par l'article 27
du Code de droit international privé.
Cette formalité est plus sévère que l'article 27 du Code, puisque la formalité de l'inscription dans
un registre public est vue normalement comme un effet de la force obligatoire (§ 1er de l'art. 27) et
non de la force exécutoire(§ 2 de l'art. 27).
Il va de soi que l'acte étranger qui a fait l'objet d'une déclaration de force exécutoire au sens de
l'article 23 du Code, est dispensé de la formalité du visa.
Pour une application de l'article 77, voy.: Bruxelles, 19 février 1998, Pas. (1997), II, 48.
Pour un examen du Code à ce propos, voy. : J. DECUYPER, « Visa abrogé ou non ? That's the
question ! », Rec. gén. enr. not. (2005), 45-52.
Ill En droit conventionnel, la force « exécutoire» de l'acte est soumise à l'exequatur du président
du tribunal civil de la situation des biens (art. 17 Conv. de 1899 avec la France, art. 17 Conv. de
1925 avec les Pays-Bas, supra, n ° 8.32). De même, l'article 57 du règlement« Bruxelles I » (voy. supra,
n ° 8.6) prévoit que les actes authentiques reçus et exécutoires dans un Etat membre reçoivent un
effet exécutoire dans un autre Etat membre moyennant le respect de la procédure de l'exequatur.
A. Biens en circulation
13.14 - Solution du conflit mobile - Il existe entre les meubles et les immeubles une
différence fondamentale, qui exerce une influence directe sur la détermination du droit
applicable. Celle-ci tient à l.1 mobilité_ des choses précisément qualifiées de meubles.
Dans l~-!!1?,_!_(ère des droits réels sur un meuble corporel, _le conflit mobile résulte du
conc:o_t,1rs des droits réels constitués ou consentis sur la même chose, conformément aux
lois différentes par lesquelles le meuble transporté d'un pays à l'autre a été successive-
_ll}~nt régi.
678 LES BIENS
Les deux lois en vertu desquelles des droits réels inconciliables ont été consentis sur
le meuble corporel seront le plus souvent la loi de la situation antérieure du meuble et la
loi du pays où le meuble se trouve au moment du litige, laquelle coïncide avec la lex fori.
1111 Pour bien saisir la portée du conflit mobile dans la matière des droits réels sur un meuble corpo-
rel, il faut considérer la manière dont les différents systèmes de droit matériel conçoivent la dépen-
dance plus ou moins étroite de la propriété à l'égard de la possession.
To_utefois, si, dans l'Etat de la situation actuelle du meuble, quelqu'un prétend avoir
acquis conformément à la loi locale un droit réel qui évince le droit acquis antérieure-
ment, cette loi déter!1]i_11-~_!.:t _p~ote_ction du possesseu~ contre ceux qui entendraient se
prévaloir de la loi désignée par une localisation antérieure du même bien, loi en vertu de
laquelle leur propre droit se serait constitué.
Le Code de droit international privé explicite cette forme de rattachement distribu-
tif dans la règle de base relative aux droits réels (art. 87). Après avoir affirmé le principe de
l'application de la loi de situation actuelle (§ 1er), il précise que l'acquisition ou la perte
de droits s'apprécie ~n fonction de la localisation du bien au moment de l'acte ou du fait
invoqué pour fonder cette acquisition ou cette perte (§ 2).
111 Par exemple, si une voiture a été acquise en Allemagne mais qu'elle est déplacée ensuite en Belgi-
que, où elle se trouve entre les mains d'un tiers, la détermination du droit de propriété relève de la
loi allemande mais la protection du possesseur sera celle du droit belge.
Voy. de même, pour l'application de l'article 2270 du Code civil belge à un bien situé en Belgique,
en faveur du possesseur qui avait acquis ce bien à l'étranger auprès d'un vendeur non-propriétaire:
Liège, 18 janvier 2002,].L.M.B. (2002), 1050. Mais la qualité de propriétaire suite à l'achat devrait
s'apprécier en fonction du droit correspondant à la situation du bien au moment du transfert de
propriété.
111L'avis du Conseil d'Etat dénonce un vice de circularité du raisonnement (Doc. pari., Sénat, 2001-
2002, n ° 2-1225/1, p. 265) pour le motif que les actes et faits pertinents au sens du§ 2 ne sont con-
nus qu'après détermination du droit applicable. Cependant, ce cercle vicieux est évité si la référence
va uniquement à l'invocation d'actes ou de faits par le demandeur, ce que fait précisément le texte
légal, tel que modifié suite à l'avis.
Ill L'article 87 du Code est inspiré de l'article 100 de la loi suisse de droit international privé.
Il semble toutefois que l'application de la loi actuelle ne s'impose que pour la con-
frontation du droit, au moment de sa réalisation, avec d'autres droits concurrents. Sans
exiger pour autant une purge, il suffit de considérer que le concours des créanciers obéira
à la loi de la situation actuelle. Le Code confirme que la loi de situation détermine
« l'existence de causes de préférence et leur rang, ainsi que la distribution du produit de
la réalisation» (art. 94, § 2), sans préciser la solution du conflit mobile, mais cette solu-
tion est inhérente à la loi du concours, qui exige, pour la réalisation sur un bien déter-
miné, l'application d'une loi unique.
13.1 S - Revendication de biens transférés illicitement : biens volés et biens cultu-
rels - Le Code de droit international privé offre une protection particulière à la per-
sonne lésée lorsque la présence du bien hors du territoire d'origine est liée à un compor-
tement illicite, soit un vol, soit la violation d'une réglementation relative à la sauvegarde
de biens culturels.
Ill Quand une chose volée dans un pays a été transportée sur le territoire d'un autre pays, la victime
du vol peut se prévaloir normalement de la première loi sauf contre un tiers qui, prétendant avoir
acquis la propriété de la chose conformément à la loi du second pays, peut opposer à la revendica-
tion de l'ancien propriétaire les moyens de défense que lui offre la loi de la situation actuelle du bien.
Voy. en ce sens: trib. Amsterdam, 27 novembre 1932, Nederl. Jurisprudentie (1935), 1657. Comp.
routefois: Hof's-Hertogenbosch, 18 septembre 2000, NI.PR. (2001), 75, soumettant le bien volé à
la loi de situation avant la dépossession.
La protection consiste à offrir à la personne qui se prétend lésée une option de légis-
lation, entre la loi de la situation ancienne et celle de la situation actuelle du bien (art. 90
pour les biens culturels, art. 92 pour les biens volés).
Il La définition des éléments de l'hypothèse relève de la loi de l'ancienne situation. Il en va ainsi
pour savoir si le bien fait partie du patrimoine à protéger, si sa présence hors du territoire d'origine
est licite ou s'il y a eu vol.
1111L'incidence du temps fait l'objet de deux précisions dans le code au sujet des biens culturels,
concernant deux cas de conflit transiroire, un conflit de droit matériel et un conflit de droit inter-
national privé : la solution consiste à« geler» la règle de droit.
Le premier conflit vise le cas d'un changement de la loi de l'Etat d'origine sur un des éléments de
l'hypothèse, après que le bien a quitté le territoire de cet Etat: il n'est pas tenu compte de ce chan-
gement, afin d'éviter une protection rétroactive de la part d'un Etat en même temps intéressé par la
restitution.
Le second conflit concerne la modification de la règle belge de rattachement: l'article 90 régit uni-
quement le bien« qui a quitté le territoire de l'Etat de manière illicite après l'entrée en vigueur» du
Code, à savoir après le 1er octobre 2004. Introduite au cours des débats parlementaires, cette dispo-
sition tend à protéger les possesseurs actuels contre la nouvelle règle protectrice. L'exemple évoqué
lors des travaux préparatoires concerne notamment les collections possédées par les musées natio-
naux.
Il Dans sa résolution sur « La vente d'objets d'art sous l'angle de la protection du patrimoine
culturel», adoptée lors de sa session de Bâle en 1991 (Rev. belge dr. intern., 1991, 346), l'Institut de
droit international propose une règle de conflit de lois particulière, soumettant le transfert de la
propriété à la loi du pays d'origine du bien (art. 2) ; ce pays est défini comme « celui auquel, du
point de vue culturel, l'objet en question se trouve rattaché par le lien le plus étroit» (art. 1'r, b).
Il On trouvera des références à la jurisprudence dans l'étude de H. MurR-WATT, précitée n° 13.2,
notamment l'arrêt de la Court of Appeals (Seventh Circuit) des Etats-Unis du 24 octobre 1990 en
l'affaire Autocephalous Greek Orthodox Church of Cyprus and Republic of Cyprus v. Goldberg, commenté
par cet auteur et faisant droit à la revendication par l'Etat de Chypre de fresques arrachées d'une
église localisée sur son territoire. Camp. l'arrêt de la House of Lords dans l'affaire Attorney General of
New Zealand v. Ortiz, [1983] 2 Ali ER 93.
680 LES BIENS
111 Comp. infra, n ° 14.75, à propos d'une action en revendication d'un Etat étranger liée à la
matière contractuelle, l'absence de pouvoir de juridiction invoquée en France lorsque la demande
fondée sur le droit public étranger est« liée à l'exercice de la puissance publique».
1111 Les règles impératives - ou lois de police - du lieu de situation actuelle d'un objet d'art peuvent
encore, lorsqu'elles s'accompagnent d'une règle spéciale d'applicabilité, exercer une incidence sur la
validité de certains actes privés.
Voy. par exemple, sur la mise en œuvre de dispositions testamentaires, infra, n° 13.100.
rence à la loi de l'Etat d'origine : « La propriété du bien culturel après la restitution est régie par la
législation de l'État membre requérant. » (art. 12).
La directive a été transposée en droit belge par la loi du 28 octobre 1996 (Monit., 21 décembre
1111
1996).
Des mécanismes de coopération peuvent être mis en place par la voie d'instruments
internationaux.
Voy. par exemple, outre la directive précitée, la Convention européenne pour la protection du
1111
patrimoine archéologique, du 16 janvier 1992 (Rev. gén., 1992, 480, www.coe.int, non en vigueur en
Belgique).
Sous l'angle de la compétence, le législateur a prévu, dans la loi de transposition de
la directive, la possibilité de porter une demande devant le juge des saisies du lieu où se
trouve le bien. Cependant, lorsque celui-ci est la propriété d'un Etat étranger et qu'il fait
l'objet d'une exposition en Belgique, il est insaisissable, à moins qu'il soit affecté à une
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 681
activité économique ou commerciale de droit privé (loi du 14 juin 2004, Monit., 29 juin
2004).
llll La loi du 14 juin 2004 fait application de la théorie de l'immunité restreinte d'exécution (voy.
supra, n ° 9.18).
13.16 - Biens en transit et équipements de transport- Les questions de droit que sus-
cite une chose pendant qu'elle se déplace d'un pays à l'autre résistent à l'application de la
lex rei sitae : le caractère fugace de toute localisation rend arbitraire le choix d'un moment
où la chose en mouvement serait, par l'effet d'une fiction, réputée immobile. De plus, ces
biens peuvent, à un moment donné, se trouver dans un espace soustrait à toute souverai-
neté.
Les principaux meubles corporels en déplacement sont les marchandises d'une part,
les équipements de transport (navires, bateaux, aéronefs, automobiles, matériel roulant
de chemin de fer) d'autre part.
Le Code de droit international privé opère une distinction selon que le bien fait ou
non l'objet d'un enregistrement.
Pour les marchandises non enregistrées, il désigne le droit du pays de destination
(art. 88).
Ill La solution est inspirée de l'article 101 de la loi suisse de droit international privé.
D'autres rattachements ont été proposés : loi du pays de l'expédition (Convention de La Haye
1111
du 15 avril 1958 sur la loi applicable au transfert de propriété en cas de vente à caractère internatio-
nal d'objets mobiliers corporels, non en vigueur, art. 6), loi du pavillon en ce qui concerne les mar-
chandises voyageant par mer, et, sous certaines conditions, loi du pays de destination pour les
marchandises transportées par terre.
Pour un état de la question, voy. notamment: BATIFFOL et LAGARDE, t. II, n ° 509.
Les navires, autres bateaux et aéronefs, ainsi que les véhicules destinés à la circula-
tion sur la voie publique, sont immatriculés. L'immatriculation est un acte administratif
national consistant à inscrire le bien sur les registres tenus à cette fin par chaque Etat.
illL'immatriculation des aéronefs est organisée par les articles 17 à 21 de la Convention de Chi-
cago, du 7 décembre 1944, relative à l'aviation civile internationale (loi du 30 avril 1947, Pasin.,
1948, 857).
ill L'immatriculation en Belgique est organisée par diverses réglementations, à savoir notamment:
- Pour les aéronefs: l'article 6 de la loi du 27 juin 1937 (Monit., 26 juillet 1937) et les articles 2 à 18
de l'arrêté royal du 15 mars 1954 (Monit., 26 mars 1954).
- Pour les navires et bateaux: la loi du 21 décembre 1990 relative à l'enregistrement des navires
(Monit., 29 décembre 1990) et l'arrêté royal du 21 décembre 1990 (Monit., 29 décembre 1990).
- Pour les bâtiments de plaisance : l'arrêté royal du 15 mars 1966 relatif aux lettres de pavillon et à
l'équipement des bâtiments de plaisance (Monit., 6 avril 1966) et l'arrêté ministériel d'exécution
du 16 mars 1966.
La Convention relative à la reconnaissance internationale des droits sur aéronefs, signée à
llll
Genève le 19 juin 1948, a été ratifiée par la Belgique (loi du 6 août 1993, Monit., 18 décembre 1993).
Comp., dans la Communauté européenne, la proposition de règlement du Conseil du
Ill!
13 décembre 1991 relative au registre et au pavillon communautaires (l.O.C.E., 1991, C 19).
L'immatriculation tient lieu de nationalité pour les navires et aéronefs, pour les
besoins de l'application de textes qui utilisent le concept de nationalité.
Ill!Sur la nationalité des aéronefs, voy. l'article 17 de la Convention de Chicago et l'article 6 de la
loi du 27 juin 1937.
682 LES BIENS
11! Pour les navires, la Convention de Moncego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer (loi
du 18 juin 1998, Monit., 16 décembre 1999) précise (arc. 91) que« Les navires possèdent la nationa-
lité de l'Etat donc ils sont autorisés à battre pavillon», et chaque Etat fixe souverainement les con-
ditions d'attribution de cette nationalité, les conditions d'immatriculation et le droit de battre
pavillon, mais« il doit exister un lien substantiel entre l'Etat et le navire».
En Belgique, voy. l'article 2 de la loi du 21 décembre 1990 relative à l'enregistrement des navires
(Monit., 29 décembre 1990): le droit de battre pavillon «belge» est soumis à la formalité de
«l'enregistrement».
Il!Pour une référence à l'Etat d'enregistrement, base d'octroi du pavillon, comme élément consti-
tutif de la nationalité d'un navire pour les besoins de l'interprétation du traité CE, voy.
notamment: C.J.C.E., aff. C-246/89, 4 octobre 1991, Royaume-Uni, Rec., 1991, 4607, C.M.L.R.
(1992), 405, note CHURCHILL; aff. C-280/89, 2 décembre 1992, Irlande, Rec. (1992), I-6185.
Il paraît plus rationnel de soumettre le droit réel à la loi nationale de l'engin (appe-
lée, pour les navires, loi du pavillon) qu'à la loi de sa situation. Ce principe est confirmé
par le Code de droit international privé (art. 89), qui retient pour critère le lieu d'inscrip-
tion dans un registre public.
Le critère de l'immatriculation ne résout pas toute difficulté. Si un cumul d'imma-
triculations semble exceptionnel, il est plus fréquent que le bien fasse l'objet d'un chan-
gement d'immatriculation, générant un conflit mobile.
1111Pour les aéronefs, l'article 19 de la Convention de Chicago se borne à constater que :
« L'immatriculation ou le transfert d'immatriculation d'aéronefs dans un Etat s'effectue confor-
mément à ses lois et règlements. »
Le législateur belge s'est efforcé d'éviter tout cumul d'immatriculations. D'après l'article 5 de
l'arrêté royal du 15 mars 1954, « aucun aéronef immatriculé à l'étranger n'est immatriculé en Belgi-
que avant d'avoir été rayé du registre étranger».
Voy. aussi les articles 6, 9 et 11 du même arrêté.
IllPour les navires, la Convention de Moncego Bay exclut les effets d'un cumul de nationalités :
« Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat» (art. 92, § l "} S'il navigue sous le pavillon
de plusieurs Etats, le navire« ne peut se prévaloir, vis-à-vis de tout Etat tiers, d'aucune de ces natio-
nalités et peut être assimilé à un navire sans nationalité » (§ 2).
1111Sur le changement de pavillon des navires dans la Communauté, voy. le règlement 613/91 du
4 mars 1991 relatif au changement de registre des navires à l'intérieur de la Communauté U,O.C.E.,
1991, L 68), prévoyant l'obligation pour l'Etat d'autoriser l'immatriculation d'un navire qui a fait
l'objet d'un agrément antérieur dans un autre Etat membre.
L'effet utile du texte légal suppose qu'en cas de pluralité d'immatriculations simul-
tanées, la référence soit faite à celle du pays avec lequel l'engin a les liens les plus substan-
tiels. Quant au conflit mobile, il se résout normalement selon les principes applicables
aux meubles corporels.
Ill L'article 89 du Code ne fournit pas de précision sur le conflit mobile. En évoquant « le droit de
l'Etat sur le territoire duquel l'inscription a eu lieu », le texte formule simplement le critère de rat-
tachement pertinent, sans trancher le cas d'un changement d'immatriculation.
Pour les navires, le critère du pavillon remplit pratiquement la fonction du critère de l'immatri-
1111
Ill!Le matériel roulant de chemin de fer est, par la Convention de Berne qui y est applicable, sous-
traie à coute saisie autre que celle qui serait ordonnée par un tribunal de l'Etat de l'administration
de la compagnie ferroviaire à laquelle ce matériel appartient (COTIF, arc. 57, § 3 ; voy. infra,
n° 14.155).
Ill Sur la saisie des navires, voy. supra, n ° 13.9.
lieu de situation, voy.: Bruxelles, 12 mai 1956, fur. Anv. (1957), 195; Anvers, 30 juillet 1982, fur.
Anv. (1983-1984), 347; dans le sens de la loi du pavillon, voy.: Gand, 10 octobre 1986, Rev. dr.
comm. belge (1987), 113, note K. LENAERTS; Comm. Gand, 18 septembre 2001, Tijdschr. Gentse Rechts-
praak (2001), 326.
K. LENAERTS, précité, distingue la détermination du droit applicable à la création du privilège, celle
du droit applicable à l'exercice du privilège (notamment l'opposabilité aux tiers) et celle du droit
684 LES BIENS
applicable aux modalités d'exécution sur les biens. La première relève du droit applicable au rap-
port juridique de base, la seconde du droit de la situation du bien et la troisième, du droit du for.
C'est au titre de loi de situation que la loi du pavillon régit les modalités d'exercice du privilège.
Pour les aéronefs, voy.: Comm. Bruxelles, 25 janvier 1984,j.C.B. (1985), SS, se référant au ratta-
1111
B. Biens incorporels
13.18 - Problématique de localisation d'un droit - Le concept de bien a normalement
pour éléments constitutifs une chose, partie du monde réel, et une valeur qui y est atta-
chée, par laquelle la chose est susceptible d'un acte juridique. L'activité humaine est elle-
même productrice de valeurs : les prestations sont évaluables en argent sans que corres-
ponde nécessairement à cette valeur une chose bien déterminée, mais elles peuvent aussi
constituer une action, ou un ensemble d'actions, sur une chose tout en acquérant une
valeur propre.
Le système juridique prend en compte cette valorisation de l'activité en lui recon-
naissant une identité propre. Cette abstraction prend la forme de la création d'un droit,
détachable d'une chose déterminée et de nature à pouvoir faire l'objet d'opérations,
comme aussi à pouvoir être grevée de droits propres. Ainsi apparaissent des droits sur un
droit.
Le phénomène identifiable le plus aisément est celui des « droits intellectuels ».
Quoique ne portant pas sur la maîtrise d'une chose du monde matériel, ils peuvent faire
l'objet d'un droit de« propriété», assurant au titulaire une exclusivité sur son œuvre qui,
en raison de son originalité - et de cette exclusivité - acquiert une valeur propre. Ce
« droit intellectuel » peut être cédé ou transféré, donné en garantie, comme toute chose
susceptible d'appropriation.
1111 Voy. par exemple, pour un rattachement de droits réels portant sur un dessin ou modèle visé par
le règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (J.O.C.E.,
2002, L 3), l'application de la loi du domicile du titulaire du dessin ou modèle à la question si le
dessin ou modèle est un droit de propriété (art. 27) ainsi qu'à l'opposabilité aux tiers du transfert
du droit ou d'un gage (art. 33).
Le même constat peut être fait pour un droit de créance, habilitation du créancier à
exiger du débiteur une prestation imposée par la loi ou par le contrat. Le créancier peut
aussi transférer son droit, le donner en garantie, accomplir des actes juridiques qui trai-
tent l'obligation comme un objet de droit mobilisable.
Tantôt encore, c'est un ensemble de biens, constitué en patrimoine, qui peut faire
l'objet, comme tel, de droits détachables des biens déterminés qui le composent: par le
fait même, ce patrimoine peut être engagé, et l'ensemble des actifs peut servir à couvrir le
passif qui y est lié. Ainsi, le droit conçoit comme un patrimoine l'ensemble des biens lais-
sés par le défunt, ou l'ensemble des biens laissés par le failli, voire un ensemble de biens
affectés à une destination déterminée, tel un fonds de commerce et, au-delà, le patri-
moine constitutif d'une société.
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 685
Les questions juridiques soulevées par certains de ces biens de nature incorporelle
ont acquis une autonomie propre: c'est le cas de la propriété intellectuelle, du droit suc-
cessoral, du droit de la faillite. Leur analyse fait donc l'objet d'un traitement séparé.
Quant aux droits de créance, ils relèvent normalement d'un rattachement qui leur
est propre, celui qui régit le rapport juridique dont ils sont issus. Appelle seule un traite-
ment particulier la question de leur localisation en tant qu'objet d'un droit, telle la
créance gagée.
Appelle aussi un traitement particulier la localisation d'un titre représentatif d'un
patrimoine ou d'une partie de patrimoine, chaque fois que ce titre peut acquérir une
valeur propre par sa négociabilité et peut, de ce fait, devenir l'objet même d'un droit, tel
un gage ou un usufruit sur une part représentative du capital d'une société.
Ce rattachement ne vaut qu'en cas de constitution volontaire d'un droit réel, non
lorsque le droit existe en vertu de la loi. En ce cas, le droit réel doit être considéré comme
attaché au rapport juridique qui l'a fait naître, et relever du rattachement de la créance
sur laquelle il porte.
Ill Ainsi, l'existence d'un privilège au profit du tiers lésé sur les indemnités dues par l'assureur
dépend de la loi qui régit les obligations de l'assureur, soit la loi contractuelle, soit éventuellement
une loi de police terriroriale (Liège, 21 février 1978, fur. Liège, 1978-1979, 161; Comm. Anvers,
25 avril 1991,Jur. Anvers, 1994, 243).
13.20 - Billets de banque et dépôts bancaires - Même s'ils sont assimilés à des droits
réels en raison du titre qui les incorpore, les billets de banque sont parfois soumis à des
règles spéciales de droit international privé.
La possession de billets ou leur revendication au sens des articles 2279 et 2280 du
Code civil est régie par la loi de situation actuelle des billets, chose corporelle, à savoir par
le droit belge si ceux-ci se trouvent en Belgique.
Toutefois, l'alinéa 3 de l'article 2279 du Code civil interdit que le droit de revendica-
tion contre le possesseur prévu par l'alinéa 2 en cas de perte ou de vol soit applicable
« aux billets de la Banque nationale de Belgique et aux billets émis en vertu de la loi du
12 juin 1930 lorsque leur possesseur est de bonne foi». Cette règle a pour effet de sou-
mettre au seul alinéa 1er de l'article 2279 la catégorie de biens qu'elle désigne. Les billets
de banque étrangers demeurent soumis au droit commun de la propriété mobilière.
Ill Pour l'application de l'alinéa 3, la circonstance que les billets ont été acquis, perdus ou volés à
l'étranger est indifférente: le législateur prohibe qu'ils puissent être revendiqués contre la personne
qui les possède de bonne foi en Belgique. La loi belge est ainsi applicable pratiquement en tant que
lexfori.
Cela exclut aussi qu'une décision étrangère ayant fait droit à une telle revendication puisse, par
!Ill
son exequatur, contraindre le possesseur de bonne foi à restituer les billets de banque qu'il détient
sur le territoire belge.
La localisation d'actifs inscrits en compte bancaire peut également soulever une dif-
ficulté. L'inscription en compte représente un montant correspondant à des espèces
fongibles ; et la banque a pour obligation de restituer un montant équivalent, dans la
monnaie du compte. Lorsque le client a constitué un droit réel sur les montants en
compte, convient-il d'utiliser le rattachement des droits sur une créance, par une localisa-
tion en fonction de la résidence habituelle du client, en vertu de l'article 87,
paragraphe 3, du Code de droit international privé ? Cette solution reposerait sur une
qualification des droits du client sur les biens inscrits en compte comme des droits de
créance, qualification « légale » qui peut dépendre du droit qui régit la relation bancaire.
Il paraît suffisant de s'arrêter à la constatation que l'inscription en compte reflète la réa-
lité d'espèces déposées, ces espèces constituant des biens corporels: il y a alors lieu de
localiser le droit réel éventuel en fonction de la localisation de ces espèces, normalement
au lieu d'ouverture du compte bancaire.
Le même résultat serait atteint en considérant que le droit patrimonial à la restitution des mon-
1111
tants déposés est incorporé dans le titre que constitue l'inscription en compte: le rattachement
prévu par l'article 91, paragraphe 1er (voy. ci-dessous) désigne alors pratiquement la loi de l'établis-
sement principal de la banque dépositaire.
1111 li paraît insuffisant de s'arrêter à la constatation de l'existence d'un droit de créance du client
sur la banque. En effet, dans l'affirmative, il faudrait procéder de même pour tout droit de créance
affectant un bien corporel, par exemple lorsque le propriétaire d'une voiture a déposé celle-ci
auprès d'un réparateur. Pour les besoins du droit international privé, l'élément pertinent pour
identifier le domaine du rattachement en fonction du droit de créance, est l'absence de toute réalité
corporelle : à ce titre, la disposition de l'article 87, § 3, a une portée résiduelle.
13.21 - Titres au porteur et titres dématérialisés - Un bien corporel, telle une mar-
chandise ou un ensemble de biens, corporels et incorporels - comme une part sociale
représentative d'une partie du capital, mais aussi de la valeur d'une société - peuvent
donner lieu à l'émission d'un certificat, à l'exclusion de toute autre trace, dont la posses-
sion est destinée à établir un droit de propriété. Ce certificat sera, lui-même, négociable. Il
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 687'
arrive aussi que le titre même ne fasse pas l'objet d'un certificat incorporé sur un support
meuble, mais qu'il fasse l'objet d'une inscription en compte, tantôt dans un registre tenu
par l'émetteur - c'est le cas des titres nominatifs de sociétés-, tantôt dans les livres d'un
intermédiaire financier enregistrant uniquement, au regard du nom d'un titulaire, le
nombre de parts détenues par celui-ci - hypothèse dite des titres dématérialisés.
La détermination de droits sur un titre relève d'un rattachement disjonctif.
D'un côté, la détermination de droits sur un titre incorporé dans un certificat relève
de la loi du lieu de situation du titre. En cas de conflit mobile, le rattachement distributif
observé pour les meubles corporels est également applicable (art. 91, § 2, Codip). En cas
de titre nominatif ou de titre dématérialisé, le rattachement a lieu en fonction du lieu
d'inscription du titre en compte, avec une présomption réfragable de localisation en
fonction de l'établissement principal de la personne qui tient le compte des titulaires de
titres (art. 91, § 1er, Codip), soit la société émettrice pour le titre nominatif, soit l'intermé-
diaire financier pour le titre dématérialisé.
La formulation générale de l'article 91, § 1"1 , permet d'en étendre l'application à d'autres titres
1111
que ceux représentatifs d'une marchandise ou d'une part de capital, tels les « permis de polluer»
devenus négociables (sur ces permis, voy. la directive 2003/87 du 13 octobre 2003 établissant un
système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté,].O.C.E., 2003,
L275).
1111Cette formulation permet de couvrir la pratique de la détention de titres dématérialisés auprès
d'intermédiaires financiers, dans la mesure où le terme« enregistrement prévu par la loi » doit être
entendu dans un sens générique comme ne se limitant pas à un « registre public» (voy. à cet égard
l'exposé des motifs de la proposition de loi, Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1).
L'arrêté royal n ° 62 du 10 novembre 1967 relatif au dépôt d'instruments financiers fongibles et la
liquidation d'opérations sur ces instruments (Monit., 14 novembre 1967) comporte deux disposi-
tions qui intéressent le conflit de lois. L'une définit l'organisme de liquidation comme un orga-
nisme agréé par le Roi (art. 1"). L'autre précise que la mise en dépôt d'instruments par l'organisme
de liquidation auprès d'autres dépositaires à l'étranger « n'affecte pas l'application » de cet arrêté
(art. 4). L'une et l'autre règles expriment une approche unilatérale, puisqu'elles se préoccupent seu-
.Jement de la gestion de titres sur le territoire. En ajoutant que le sous-dépôt à l'étranger n'affecte
pas l'application du régime matériel lié aux opérations, le texte donne à entendre qu'il est assorti
d'une règle d'applicabilité prenant pour critère l'organisme de liquidation agréé en Belgique.
Ill La Conférence de La Haye a également adopté, le 13 décembre 2002, une Convention sur la loi
applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire (non en vigueur). La
Convention concerne, dans l'ensemble, la détermination de droits réels sur les titres dématérialisés.
Elle se distingue par la consécration de l'autonomie de la volonté, mais limitée à la désignation de
la loi d'un pays dans lequel l'intermédiaire a un établissement effectuant de telles opérations. À
défaut de choix valable, les droits sont régis par la loi de« l'établissement particulier» via lequel la
convention de compte a été conclue. Subsidiairement, ils sont régis par la loi « qui régit la
constitution» de l'intermédiaire. Le texte ajoute encore une liste de« critères exclus» pour la déter-
mination du rattachement.
Formulée dans une langue ardue, dont la version française est parfois rendue approximative par la
traduction de l'anglais, la Convention recourt à des rattachements atypiques et nécessite une
méthode de raisonnement qui semble plus familière de l'approche américaine que de l'approche
continentale.
Sur la Convention, voy.: P. BLOCH et H. DE VAUPLANE, « Loi applicable et critères de localisation des
titres multi-intermédiés dans la Convention de La Haye du 13 décembre 2002 », Clunet (2005), 3-
40; M. GERMAIN et C. KESSEDJIAN, « La loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès
d'un intermédiaire. Le projet de convention de La Haye de décembre 2002 », Revue (2004), 49-82.
IllLa dépossession involontaire de titres au porteur a suscité des règles matérielles particulières
dans un grand nombre de législations nationales.
688 LES BIENS
Voy. à titre d'exemple la loi du 24 juillet 1921 (Monit., 10 août 1921) relative à la dépossession invo-
lontaire des titres au porteur.
Ces législations permettent à la victime de la perte ou du vol de faire opposition auprès de l'orga-
nisme qu'elles désignent, procédure qui, étant suivie de la publicité appropriée, a pour effet de ren-
dre irrégulière et de soustraire à l'application de la règle « En fait de meubles la possession vaut
titre» route acquisition faite, même de bonne foi, à l'expiration du délai prévu par la loi.
Ces mesures, qui affectent le possesseur acquéreur de bonne foi, relèvent normalement de la loi du
pays où celui-ci a acquis le titre à l'aide duquel il contredit la revendication de l'ancien propriétaire
dépossédé. Il appartient à cette loi de décider si la revendication est admissible compte tenu de la
procédure d'opposition ou d'une procédure analogue qui y a été - ou non - pratiquée.
Toutefois, les dispositions du Code de droit international privé protectrices du propriétaire d'un
bien corporel volé (art. 92) semblent couvrir aussi l'hypothèse de titres au porteur, notamment eu
égard à l'emplacement de l'article, placé après l'article 91.
La Convention relative à l'opposition sur titres au porteur à circulation internationale et le Règle-
ment annexe faits à La Haye le 28 mai 1970 ont été approuvés par la loi du 10 avril 1973 (Pasin.,
1973, 402) et sont entrés en vigueur le 11 février 1979 (Monit., 10 février).
111La constitution, par voie conventionnelle, d'une garantie composée de titres négociables par
inscription dans un registre ou sur un compte tenu par un intermédiaire, donne lieu à une règle
spéciale de rattachement, établie par la directive 2002/47 du 6 juin 2002 concernant les contrats de
garantie financière (J.O.C.E., 2002, L 168, loi du 15 décembre 2004, Monit., 1er février 2005, art. 17).
Ce rattachement concerne, notamment, la concurrence entre les droits sur la garantie, et « les for-
malités requises pour la réalisation de la garantie». Il désigne « la loi du pays où le compte perti-
nent est situé» (art. 9).
111 Une référence à la loi de l'Etat membre dans lequel le registre ou le compte est situé pour la
détermination des droits du titulaire d'une sûreté sur un titre, se trouve également dans la directive
98/26 du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement
et de règlement des opérations sur titre (J.O.C.E., 1998, L 166, art. 9), et dans la loi de transposition
du 28 avril 1999 (Monit., 1er juin 1999). Voy. aussi l'art. 24 de la directive 2001/24 du 4 avril 2001
(J.O.C.E., 2001, L 125) concernant la liquidation des établissements de crédit. Ces dispositions ne
concernent cependant que les comptes tenus dans un État membre.
D'un autre côté, la représentativité du titre, sa négociabilité et les droits attachés au
titre sont régis par le droit du pays d'émission (art. 91, § 3, Codip). La notion de« meuble
corporel», applicable aux titres au porteur, est ici effacée en faveur de l'aspect immatériel
du rapport juridique entre la société et ses actionnaires, rapport qui se rattache à la loi du
siège de la société.
111 Une illustration exceptionnelle de l'applicabilité de la loi de l'émission est donnée par l'affaire
Royal Dutch, relative à l'adoption de mesures visant à faire face à des spoliations collectives.
Par des arrêtés dits de « rétablissement des relations de droit», le gouvernement des Pays-Bas a
voulu, en 1945, vérifier si les porteurs de valeurs mobilières néerlandaises n'avaient pas acquis cel-
les-ci à la suite des spoliations commises par les autorités allemandes durant la Seconde Guerre
mondiale. Le système consista à inviter les porteurs à obtenir la validation de leurs titres en souscri-
vant une déclaration accompagnée de documents justificatifs. La liste des titres non déclarés fut
publiée et, à l'expiration du délai fixé, ces titres furent annulés.
Après la clôture de la procédure de validation, des porteurs de titres non validés réclamèrent à la
société qui les avait émis la délivrance de titres nouveaux. Plusieurs affaires concernant la Royal
Dutch furent portées devant les tribunaux français et suisses. Dans les deux pays, la Cour suprême
décida que l'Etat dont relève une société est compétent pour prendre des mesures non discriminatoi-
res et non confiscatoires à l'égard des actionnaires,« quel que soit le pays où les titres sont détenus».
Voy. les réfêrences aux décisions de la Cour de cassation de France et du Tribunal fédéral suisse,
ainsi qu'un commentaire plus détaillé, dans: F. RrGAUX, Droit public et droit privé, § 108.
La perte ou le vol d'un chèque, d'un billet à ordre ou d'une lettre de change donne
lieu à une règle de rattachement particulière : les mesures à prendre sont régies par la loi
du pays où les effets de commerce sont payables.
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 689
Voy. l'art. 9 de la Convention de Genève du 7 juin 1930 destinée à régler certains conflits de lois
11111
tuant un patrimoine, unité dont rend compte, fût-ce partiellement, le rattachement successoral en
droit international privé (voy. infra, sect. 4).
1111Le cas le plus explicite est celui du fonds de commerce, qui peut faire l'objet d'un gage. Selon la
loi du 25 octobre 1919, celui-ci« comprend l'ensemble des valeurs qui composent le fonds de com-
merce et notamment la clientèle, l'enseigne, l'organisation commerciale, les marques, le droit au
bail, le mobilier de magasin et l'outillage", et éventuellement une partie de la marchandise en
stock (art. 2).
Comme exemple d'un gage constitué sur un fonds de commerce localisé en Belgique, voy. : Comm.
Courtrai, 31 octobre 2000, R W (2004-2005), 1593.
tionnés en temps de guerre et que le propriétaire originel revendique devant les tribunaux d'un
autre Etat dans les eaux territoriales duquel le navire a pénétré paisiblement.
D'après la Cour de cassation, l'immunité de juridiction de l'Etat étranger fait obstacle à ce que les
tribunaux belges se saisissent d'une telle action dirigée contre cet Etat. Même si le demandeur sou-
cient qu'une réquisition faite sans indemnité est contraire à l'ordre public,« celui-ci n'est à considé-
rer qu'au regard du droit international privé et est, dès lors, étranger au droit international public,
le seul applicable en l'espèce».
Voy. Cass., 23 novembre 1939, de Pinillos c. Murua et cts, Pas. (1939), !, 487. Il s'agissait d'un vapeur
réquisitionné par le gouvernement espagnol au cours de la guerre civile.
Comme on l'a indiqué ci-dessus (n° 9.19), bien que l'arrêt soit explicitement motivé par l'immunité
de juridiction de l'Etat étranger, il a plutôt fait application de la théorie de l'acte de gouvernement.
Une affaire similaire a été jugée dans le même sens par la Chambre des Lords (Compania Naviera Vas-
congado v. S.S. Cristina [1939] A.C. 485).
1111Un traité international peut convenir des modalités d'indemnisation des intérêts étrangers.
C'est le cas du protocole à la Convention générale de coopération entre la Belgique et le Zaïre du
28 mars 1976 (loi du 16 juillet 1976, Monit., 28 août 1976), portant règlement de l'indemnisation
des biens zaïrianisés ayant appartenu à des personnes physiques belges. Ce protocole fixe les moda-
lités d'évaluation de la valeur des biens. Il prévoit en particulier la liquidation des créances par
l'Etat zaïrois sur une période de vingt années, ainsi qu'un « préfinancement» en dix ans par l'Etat
belge. Les sommes versées par l'Etat zaïrois sont portées sur un compte de l'Etat belge auprès d'une
banque zaïroise. La Cour de cassation a admis que les Belges puisent dans ce protocole le« bénéfice
des droits civils dont ils peuvent demander devant les juridictions belges l'exécution » par l'Etat
belge. L'obligation de préfinancement assumée par l'Etat reçoit ainsi une applicabilité directe.
Voy.: Cass., Thonon c. Etat belge, Rev. dr. pén. crim. (1985), 22, note M. WAELBROECK. Ultérieurement, a
été conclu un protocole relatif au règlement de l'indemnisation des biens zaïrianisés ayant appar-
tenu à des personnes morales belges n'ayant pas pu obtenir un règlement d'indemnisation ou la
rétrocession de leurs biens zaïrianisés (24 juillet 1983, Monit., 8 février 1984). Sur l'indemnisation
par l'Etat belge, voy. encore: Cass., 25 février 1993, Pas. (1993), I, 210.
Vis-à-vis d'autres pays, voy., avec le Maroc, l'accord du 12 juillet 1976 relatif aux conséquences
financières du Dahir portant loin° 1-73-213 (loi du 18 avril 1980, Monit., 13 juin 1981) et, plus
généralement dans le cadre d'accords relatifs aux investissements, avec la Malaisie (22 novembre
1979, loi du 15 juillet 1981, Monit., 30 mars 1982) ou avec le Cameroun (27 mars 1980, loi du
21 août 1981, Monit., 5 février 1982).
Lorsque l'Etat étranger n'est pas directement partie au procès ou ne peut se préva-
loir de son immunité de juridiction, la jurisprudence belge a cherché à déterminer le
droit applicable à l'opération de nationalisation par l'utilisation de la règle de rattache-
ment qui gouverne le régime des biens, sans préjudice de l'exception d'ordre public.
L'application du principe territorial signifie que la validité de l'opération au regard
du droit belge dépend de la loi du pays de situation des biens au moment de la nationali-
sation. Ce principe a été compris comme limitant le pouvoir de l'Etat expropriant aux
biens situés sur son propre territoire, à l'exclusion des biens situés à l'étranger.
Pour le refus de donner effet à un décret s'efforçant de valider de manière rétroactive la confisca-
1111
tion d'un bien après que celui-ci a quitté le territoire de l'Etat ayant pris la mesure, voy. : Cass. civ.,
14 mars 1939, Soc. Potasas Ibericasc. Nathan Bloch, Revue (1939), 280, note H. BATIFFOL.
La localisation réelle de certains biens peut poser problème, dans ce contexte comme
dans d'autres, telles les parts représentatives du capital d'une société. La jurisprudence a
hésité entre le lieu de situation du titre au porteur et le lieu d'émission du titre.
Pour une localisation en Belgique de titres au porteur de sociétés belges déposés par leur pro-
1111
priétaire auprès d'une banque égyptienne qui, à son tour, les a confiés à une banque établie en Bel-
gique, voy. Comm. Bruxelles, 16 mai 1963, Pas. (1963), III, 124.
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 691
En faveur du lieu de détention, voy. en Angleterre : Banco de Viscaya v. Don Alfonso de Barbon y Austria
[1935] 1 K.B. 140; Rumasa s.a. v. Multinvest Ltd. [1986] AIL E.R.129, [1986] 2 W.L.R. 24, Clunet (1988),
842, note K. LIPSTEIN, et en Suisse: Trib. féd., 11 mai 1964, Vetania Trust reg. c. Lloyd's Bank (Foreign),
R.O. 90, II, 158.
En faveur du lieu d'émission, voy. en France: Cass. civ., 17 octobre 1972, ép. Audouze c. Royal Dutch,
Revue (1973), 520, note H. BATIFfOL.
La loi française de nationalisation du 11 février 1982 (J.O., 13 février 1982) a limité volontairement
son application aux titres de sociétés étrangères possédés en France par les sociétés nationalisées.
Techniquement, l'opération a consisté en réalité en un rachat par l'Etat du capital de sociétés fran-
çaises.
L'attribution des droits sur les marques et les brevets dont l'entreprise nationalisée
était titulaire, a suscité une abondante jurisprudence.
1111Voy. par exemple: Cass., 2 juin 1960, Agebel c. « Koh-I-Noor; L. et C. Hardmuth » et csts., Pas. ( 1960), 1,
1138, Rev. crit. jur. belge (1962), 446, note P. GOTHOT. La Cour de cassation invoque la contrariété à
l'ordre public du caractère confiscatoire de la mesure, sans chercher à localiser les droits de pro-
priété intellectuelle. Sur la jurisprudence étrangère, voy. : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, § 129.
Ill Les droits intellectuels localisés hors du territoire de l'Etat expropriant et qui échappent à la
mesure globale de nationalisation du patrimoine de l'entreprise ne tombent pas dans le domaine
public. Il a généralement été admis que les anciens actionnaires de l'entreprise nationalisée consti-
tuent une société nouvelle soumise au droit d'un autre pays où la société nationalisée possédait des
biens. L'exploitation des brevets et des marques soustraits à la nationalisation est poursuivie par la
société nouvelle qui a même été autorisée à agir en contrefaçon contre l'entreprise publique de
l'Etat d'origine quand celle-ci a exporté ses produits sous le nom ou la marque litigieux.
Voy. les décisions françaises et allemandes citées dans : F. R:iGAUX, Droit public et droit privé, §§ 128 et
130.
Ill Camp., pour l'application du régime de la libre circulation des marchandises dans l'Union euro-
péenne, la faculté reconnue au titulaire d'une marque de s'opposer à l'importation d'un produit
similaire revêtu de la même marque, même dans le cas « où la marque avait à l'origine un seul titu-
laire et où cette unicité de titulaire a été rompue à la suite d'une expropriation » (C.].C.E., aff C- 10/
89, 17 octobre 1990, CNL c. Hag, Rec., 1990, I-3711,J. T. 1991, 404, note F. DE VISSCHER, Rev. trim. dr.
eur., 1991, 283, note R. JOLIET, à propos d'une marque ayant appartenu à une filiale belge de la
société allemande Haget cédée à une société belge par les autorités belges dans le cadre des mesures
de séquestre de biens ennemis prises en 1944).
anciens actionnaires de cette société, par ailleurs indemnisés, dans les droits de cette dernière au
sein du capital des filiales se serait heurtée à des difficultés pratiques considérables ; la mesure
étrangère n'a été la manifestation d'aucune politique d'ingérence dans l'économie d'Etats étran-
gers. Une ordonnance du président de ce tribunal, siégeant en référé (12 août 1982, Rev. prat. soc.,
1982, 184), avait cependant admis le sérieux d'une contestation relative aux droits des anciens
actionnaires de la société nationalisée sur le capital de filiales étrangères, la décision refusant les
distinctions opérées par le tribunal de commerce.
Pour une autre contestation relative aux effets sur une filiale belge de la nationalisation du Crédit
du Nord, voy. Comm. Bruxelles (réf.), 29 octobre 1982, ].T. (1982), 743, la décision concluant
cependant au défaut d'urgence, non sans avoir rejeté la thèse de la substitution des anciens action-
naires de la société nationalisée dans le capital de la filiale localisée à l'étranger.
13.24 - Lois étrangères de nationalisation et ordre public - Dans les cas où la loi étran-
gère de nationalisation est désignée par la règle de rattachement du for, son application à
l'espèce peut se heurter au jeu de l'exception générale d'ordre public (art. 21 Codip).
L'ordre public peut d'abord être celui du droit international public.
Encore faut-il décelér une règle impérative que le droit international imposerait avec
suffisamment de certitude à l'Etat. C'est bien le cas de la règle selon laquelle l'expropria-
tion ou la nationalisation de biens appartenant à un étranger est illicite si elle n'est pas
accompagnée du paiement d'une indemnité équitable.
1111 Voy. : Cour permanente de JUStice internationale, 25 mai 1926, Usine de Chorzow, C.P.J.I., série A,
n° 7, p. 22.
111!Le protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme admet les
atteintes au droit de propriété, à condition qu'elles reposent sur une « cause d'utilité publique»,
qu'elles soient organisées par la loi et respectent les dispositions applicables, et qu'elles respectent
les« principes généraux du droit international >>. Après avoir précisé que la référence au droit inter-
national ne concernait pas, dans l'évolution actuelle du droit, des ressortissants de l'Etat nationali-
sant, la Cour européenne a interprété la disposition comme supposant le versement d'une
indemnité« raisonnablement en rapport avec la valeur du bien », dont le montant relèverait toute-
fois du pouvoir discrétionnaire de l'Etat « sauf s'il se révèle manifestement dépourvu de base
raisonnable» (arrêt Lithgow du 8 juillet 1986,]. T., 1987, 34).
À l'occasion des mesures de nationalisation prises par le législateur français en 1982, la jurispru-
1111
dence belge a eu l'occasion d'admettre comme non contraire à l'ordre public une mesure étrangère
non discriminatoire ni confiscatoire.
IllComp. Bruxelles, 18 décembre 1981, Banque Commerciale de Syrie, Rev. Banque (1982), 99, esti-
mant ne pas devoir soulever le caractère (non) confiscatoire de la mesure étrangère en l'absence
d'une contestation sur ce point.
L'évaluation peut également différer selon que le propriétaire exproprié est encore
en possession ou non du bien concerné. Il est fréquent que le nouveau propriétaire pos-
sesseur du bien à l'étranger demande simplement la protection du possesseur de bonne
foi, après acquisition du bien. Les quelques cas rencontrés dans la jurisprudence, au sujet
des nationalisation soviétiques ou iraniennes, sont marginaux au regard de l'ensemble
des opérations économiques nouées sans difficulté sur des biens nationalisés.
ffll Si le titulaire du droit exproprié n'a jamais perdu la possession de son bien et a transféré celui-ci
sur le territoire d'un autre Etat, les autorités du pays où le bien est situé ont hésité à prêter main-
forte à l'Etat étranger qui leur demanderait d'ordonner que le bien lui soit remis.
Voy.: Cass. req., 5 mars 1928, Etat russe c. Compagnie« La Ropit » et autres, Revue (1929), 288, note].-P.
NmoYET. L'exception d'ordre public invoquée parmi les motifs de l'arrêt est superfétatoire, l'action
originelle ayant été exercée par l'Etat soviétique réclamant que lui soit remis un navire visé par un
décret de nationalisation, mais qui avait trouvé refuge dans un port français avant que le proprié-
taire exproprié n'en eût perdu la possession. Voy. aussi la motivation de la Chambre des Lords dans
l'affaire Cristina (supra, n ° 13.23).
1111 Pour plus de développements, voy. : F. R:!GAUX, Droit public et droit privé, §§ 115-132.
Les modes de constitution et les objectifs du trust sont variables. Celui-ci peut être
constitué en vertu de la loi ou par convention, pour cause de mort ou entre vifs. L'irré-
ductibilité de l'institution à des catégories préétablies justifie que des règles spéciales
soient prévues.
La Convention de Rome du 19 juin 1980 (voy. infra, n ° 14.34) exclut le trust de son domaine
1111
d'application.
IllLa pratique du trust se rencontre dans certaines formules de time sharing (infra, n° 14.113) pro-
posées au public.
A. Compétence internationale
13.2i - Union européenne : référence de principe au lieu du domicile du trust - Le rè-
glement « Bruxelles I » prévoit une règle de compétence spéciale en matière de trust. Le
défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne peut être
attrait, dans un autre Etat membre, « devant les tribunaux de l'Etat sur le territoire
duquel le trust a son domicile»,« en sa qualité de fondateur, de trustee ou de bénéficiaire
d'un trust constitué soit en application de la loi, soit par écrit ou par une convention ver-
bale, confirmée par écrit» (art. 5, 6 °).
Ill La nature des droits conférés par le trust soulève la question de l'applicabilité du for exclusif de
situation de l'immeuble (arc. 22, 1 °) lorsque le trust en cause porte sur un tel bien. Il semble que
l'article 5, 6°, couvre les litiges« internes» (voy. en ce sens: H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exé-
cution des ;ugements en Europe, Paris, LGDJ, 2002, n ° 236) alors que l'article 22 concernerait les litiges
impliquant un tiers. Cela expliquerait que, pour la Cour de justice (aff. C-294/92, 17 mai 1994,
Webb, Rec., 1994, 1-1717, Revue, 1995, 123, note].-P. BÉRAUDO), la demande du constituant tendant
à établir que le défendeur détient un immeuble situé en France en qualité d'administrateur, n'a pas
pour objet un droit réel immobilier au sens de l'article 22. Cette interprétation s'autorise de l'objec-
tif de cette disposition-ci (voy. supra, n ° 9.23), à savoir n'exiger l'intervention du juge local que dans
la mesure nécessaire aux devoirs d'expertise (objectif de bonne administration) et dans la mesure
d'un alignement de la compétence juridictionnelle sur la compétence législative.
Par ailleurs, une clause attributive de juridiction insérée dans un acte constitutif de
trust reçoit effet, dans la mesure où elle répond aux dispositions générales relatives au
domaine d'application de l'article 23 et à la validité d'une clause de juridiction, pour les
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 695
«connaisse» l'institution : le choix sera valable s'il porte sur un droit qui connaît l'institution sans
valider pour autant le trust constitué in concreto.
1111 Comp. en matière de contrats: le choix peut y conduire à un droit qui annulerait le contrat (voy.
infra, n ° 14.41).
Ensuite, le choix ne peut pas être artificiel. Il le sera s'il permet de soumettre à un
droit qui valide le trust, un ensemble de biens localisés dans un pays qui ignore l'institu-
tion (§ Fr, al. 2). Et il ne peut pas aller à l'encontre des dispositions de la loi du lieu de
situation régissant la détermination et le transfert de droits réels (voy. ci-dessous).
Par comparaison, la Convention de La Haye prévoit une disposition analogue sous forme d'une
1111
13.31 - Domaine de la loi du trust - Le Code définit largement la liste des questions
juridiques régies par la loi du trust (art. 125). Cette liste s'étend, notamment, à la validité
et à l'interprétation du trust, à ses effets et à sa cessation, comme à son administration.
La forme du trust n'obéit à aucun rattachement particulier. Il n'y a donc pas lieu
d'appliquer à ce propos l'adage Locus reyj,t actum (voy. supra, n ° 3.29).
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES DROITS SUR UN BIEN 697
Il!!Par comparaison, la Convention de La Haye exige un écrit (art. 3). Cette règle matérielle
n'affecte cependant, dans la Convention, que la détermination de son domaine d'application, et
non sa validité puisqu'un trust verbal relèverait alors du droit international privé commun du juge
sa1s1.
Le domaine de ce rattachement ne couvre pas pour autant toute question intéres-
sant un trust.
D'abord, certaines questions portant sur la détermination de titulaires de droits sur
un bien échappent à la loi du trust pour relever d'un rattachement spécial. Il en va ainsi
de la protection de l'héritier réservataire selon la loi qui régit la dévolution successorale
(art. 124, § 3). De même, le transfert de droits réels ou la protection du possesseur de
biens qui font l'objet du trust, sont régis par la loi réelle (art. 125, § 2).
La disposition relative à l'héritier réservataire est en harmonie avec celle qui protège celui-ci en
l!II
cas de choix de la loi applicable à la succession (art. 79).
Sur la validité d'un trust testamentaire dans les limites du droit à la réserve, voy. déjà: Civ.
Ill!
Bruxelles, 31 mai 1994, R W (1994-1995), 677.
Comp., en France, la qualification de donation indirecte donnée à un trust constitué du vivant du
constituant par lequel celui-ci se dépouille du capital tout en recevant les revenus, à charge de
remettre le capital aux bénéficiaires au jour du décès: Cass. civ., 20 février 1996, Zieseniss, Revue
(1996), 691, note G. DROZ.
li! Pour un cas d'utilisation de la formule du trust (du droit de l'ile de Man) pour organiser le droit
d'utilisation d'un immeuble situé au Portugal dans le cadre d'un contrat de time sharing, voy. : Liège,
4 novembre 2003,].L.M.B. (2004), 1191,]. T (2004), 209 : ayant à qualifier de mobilier ou d'immobi-
lier le droit institué par un tel contrat pour les besoins de la liquidation d'une communauté de
biens par laquelle le survivant recevait la propriété des meubles, la Cour d'appel voit dans le trust
un démembrement de la propriété entre l'administrateur, titulaire de la legal ownership, et le bénéfi-
ciaire, titulaire de l 'equitable ownership; elle précise que la détermination de la liste des droits réels
pouvant affecter un bien dépend du droit de situation du bien, en l'espèce le droit portugais qui
organise un régime de publicité foncière du droit de time share, tout en ajoutant que la nature réelle
de ce droit est confirmée par le droit de suite que la common law confère au bénéficiaire du trust: cet
ajout paraît contredire le rattachement du droit réel au droit du pays de situation, puisque le droit
portugais ignore le démembrement de propriété issu d'un trust.
Ensuite, les questions préalables restent régies par la loi qui leur est propre. Il en va
ainsi de la validité du testament constitutif de trust, des règles relatives à la protection
des incapables, de la réglementation des effets du mariage ou de la détermination du
régime matrimonial.
13.32 - Reconnaissance d'un trust constitué à l'étranger - À la différence de la Conven-
tion de La Haye, le Code ne distingue pas formellement selon que le trust a été constitué
en Belgique ou à l'étranger. En cas de constitution volontaire, il procède à un rattache-
ment bilatéral, désignant la loi applicable indépendamment du lieu de constitution.
Pour justifier des règles particulières de « reconnaissance », il est insuffisant d'invo-
quer la nécessité de reconnaître au trust son plein effet sans que, dans les pays qui igno-
rent l'institution, il soit nécessaire de l'insérer dans une catégorie préexistante du for. Au
vrai, dès lors qu'existe une règle de rattachement appropriée et que celle-ci désigne un
droit étranger connaissant le trust, il convient d'appliquer celui-ci tel qu'il est, en y
incluant les institutions inconnues du for. La difficulté, si elle existe, concerne plus géné-
ralement la condition du droit étranger (voy. à ce sujet supra, n° 5 6.51 et s.).
IllAu vrai, les dispositions de la Convention sur la« reconnaissance" confirment largement que ce
processus passe par la désignation de la loi applicable au trust. Si leur utilité n'apparaît dès lors
698 LES BIENS
guère, elles trouvent à s'expliquer par le souci d'assurer une intégration optimale du trust dans les
systèmes juridiques qui ignorent l'instirution.
Une première série de dispositions renvoient à la loi applicable au trust, que ce soit par le jeu des
règles de conflit de lois (art. 11, al. 1er) ou en vertu de l'applicabilité de dispositions impératives.
Une deuxième série de dispositions sont de nature matérielle. Elles consacrent deux éléments
essentiels de l'institution, d'une part le principe de la distinction des patrimoines (art. 11, al. 2) et
ses corollaires (art. 11, al. 3), d'autre part les pouvoirs du trustee de faire inscrire un bien dans un
registre (art. 12). Ces deux éléments auraient cependant reçu le même effet par la simple applica-
tion de la loi du trust. L'article 12 ajoute toutefois pratiquement, en ce qui concerne l'inscription,
l'application cumulative de la loi du registre, puisque la formalité ne peut être interdite par la loi de
l'Etat où l'inscription doit avoir lieu ni être incompatible avec cette loi.
Une troisième série de dispositions sont mises au service de politiques contradictoires dont l'appré-
ciation incombe à chaque Etat contractant, permettant, l'une d'instituer un motif de refus de la
reconnaissance (art. 13), l'autre d'appliquer des règles de droit plus favorables à la reconnaissance
d'un trust (art. 14).
En cas de trust judiciaire, il y aura lieu d'utiliser les règles générales concernant la
reconnaissance des jugements étrangers (voy. supra, chap. 10).
Section 2
Les droits intellectuels
13.33 - Bibliographie
a) Généralités
G. AUSTIN,« The infringement of foreign intellectual property rights », L.Q.R (1997), 321-340; S.
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intellectual property litigation: A vehicle for resurgent comparativist thought? »,Am.]. Camp. L.
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Welke rechter is bevoegd voor voorlopige maatregelen ? », Le droit processuel et judiciaire européen
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b) Propriété industrielle
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système juridictionnel de l'Union européenne dans le cadre de la propriété industrielle à l'aube de
la création du brevet communautaire», Rev. dr. UE. (2002), 711-734; F. DE VISSCHER, « Les récents
LES DROITS INTELLECTUELS 699
c) Droit d'auteur
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H. DESBOIS, « L'évolution du droit d'auteur dans les relations internationales depuis la conférence
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laire du droit d'auteur - Etude de conflits de lois», Ing.-Cons. (2003), 409-450; C. DoUTRELEPONT,
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« Détermination de la loi applicable à la titularité du droit d'auteur entre l'auteur de l'œuvre d'art
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copyright in an era of technological change», Recueil des cours, vol. 273 (1998), 239-406; M. JOSSE-
LIN-GALL, Les contrats d'exploitation du droit de la propriété littéraire et artistique - Etude de droit comparé et
de droit international privé (Paris, Joly, 1995); R. LuzzATTO, « Problemi internazionalprivatistici del
diritto di aurore», Riv. dir. int. priv. proc. (1989), 273-292; R. MASTROIANNI, Diritto internazionale e
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private international law in the light of recent cases and developments », IPRax (1998), 495-504;
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flits de lois», Rev. int. dr. auteur (1976), 45-87; D. WINN, European Community and international media
law (Paris, Lib. Lavoisier, 1994).
700 LES BIENS
un « droit civil» au sens de l'interprétation exégétique de l'article 11 du Code civil avant son abro-
gation, c'est-à-dire un droit subjectif dont la jouissance par l'étranger était subordonnée à la condi-
tion de la réciprocité. C'est pourquoi les conventions internationales <l'Union prévoient
expressément l'assimilation des ressortissants de chacun des pays de l'Union à un national du pays
où la protection d'un droit intellectuel est poursuivie.
La notion de territorialité permet d'exprimer la position particulière des droits intel-
lectuels dans la problématique des conflits de lois ou d'autorités. Le principe est com-
mun aux deux principales catégories de droits intellectuels, la propriété industrielle et le
droit d'auteur (propriété artistique et littéraire). Toutefois, le régime matériel de protec-
tion de l'un et de l'autre présente une différence sensible: la protection de la propriété
industrielle requiert en général l'accomplissement de formalités de dépôt ou d'enregistre-
ment, alors que la protection du droit de l'auteur a lieu le plus souvent de plein droit, par
la seule application de la loi à l'œuvre originale publiée.
13.35 - La territorialité au sens matériel et au sens formel - La nature de la protection
matérielle des droits intellectuels confère à la territorialité deux significations différentes
(voy. supra, n° 5 1.34 et s.).
Pour l'ensemble des droits intellectuels, le principe revêt un sens matériel. La loi du
pays dans lequel la protection doit être assurée est applicable car c'est sur le territoire de
cet Etat que s'accomplissent les actes matériels de jouissance du droit (publication,
reproduction, fabrication ou vente des objets fabriqués selon le modèle ou le brevet pro-
tégés) et que sont, le cas échéant, commis les faits de contrefaçon.
Pour les brevets, dessins ou modèles, qui donnent lieu à un dépôt ou à un enregistre-
ment, le principe revêt aussi un sens formel, qui explique la limite de la protection
accordée: groupés sous le concept de« propriété industrielle», ces divers droits subjec-
tifs n'ont normalement d'effet que sur le territoire de l'Etat dont un organe administratif
a accordé concession d'un de ces droits. Pareils droits n'ont aucune efficacité extra-
territoriale : seule une concession nouvelle accordée par chaque autorité nationale dans
les limites de sa compétence territoriale permet d'assurer la protection dans d'autres
espaces territoriaux. D'après les conventions <l'Union et les lois nationales, le dépôt ini-
tial n'est que la condition de l'octroi prioritaire d'une protection nouvelle et autonome
concédée par l'organe compétent d'autres Etats.
La solution du conflit de lois est ainsi étroitement subordonnée à une question de
conflit d'autorités: le droit intellectuel a pour source nécessaire l'acte d'une autorité éta-
LES DROITS INTELLECTUELS 701
tique dont la compétence se limite à un seul territoire national. Il ne peut en être autre-
ment qu'en présence d'un accord entre Etats, comme c'est le cas du Benelux.
1111 Le droit de l'Union européenne ne surmonte qu'avec peine le principe de territorialité. Seul le
concept de « droit intellectuel communautaire » y parvient, mais sans contredire le postulat de la
délimitation territoriale de la protection: cette protection est accordée pour l'ensemble du terri-
toire communautaire en cas d'inscription dans un registre communautaire - et non national-, de
sorte que la protection vaut pour l'ensemble du territoire de l'ordre juridique dont émane le régime
de protection.
Ainsi, selon la directive 2004/48 (voy. ci-dessous),« les mesures[ ... ] s'appliquent[... ] à toute atteinte
[... ] prévue [... ] par la législation nationale de l'Etat membre concerné» (art. 2).
1111Pour une confirmation de la limitation territoriale de la protection de la marque, voy. : C.J.C.E.,
aff. 238/89, 13 décembre 1990, Pail Corp. & Dalhausen, Rec. (1990), I-4827, constatant la nécessité
d'un dépôt dans chaque Etat, d'origine ou de commercialisation. Pour une présentation générale
du principe à propos du droit des marques, constatant l'incidence négative sur le marché intérieur
et adressant un appel à des règles uniformes, voy.: C.J.C.E., aff. C-9/93, 22 juin 1994, IHT & Ideal-
Standard, Rec. (1994), I-2789.
1111Sans nier la faculté pour l'Etat d'entraver les échanges au nom de la nécessité de protéger la pro-
priété intellectuelle, selon une justification prévue par l'article 30 CE, la Cour de justice n'a pas
moins stigmatisé les entraves aux échanges pouvant résulter de l'exercice du droit de propriété,
lorsque le titulaire s'oppose à la réimportation d'un produit par une entreprise titulaire d'une
licence volontairement concédée (règle de l'épuisement).
La nature administrative de l'acte de concession exerce sur le conflit de juridictions
des conséquences qui ne se laissent correctement définir qu'à la lumière d'un principe de
droit international, à savoir l'incompétence des juridictions d'un Etat pour apprécier la
validité du droit intellectuel concédé par l'autorité administrative d'un autre Etat.
§2 LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE
A. Présentation des sources internationales
13.36 - Système de la Convention d'Union - La protection internationale de la pro-
priété industrielle repose sur un acte général, complété par d'autres instruments spécifi-
ques, ainsi que par plusieurs actes communautaires.
Le régime de base est établi par la Convention <l'Union de Paris du 20 mars 1883
pour la protection de la propriété industrielle, plusieurs fois révisée depuis, la dernière
fois à Stockholm le 14 juillet 1967 (loi du 26 septembre 1974, Pasin., 1974, 925).
1111La Convention de Stockholm a également institué l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (O.M.P.I.), dont le siège est à Genève (site Internet: www.wipo.org).
De plus, au sein de l'Union européenne, la directive 2004/48 du 29 avril 2004 rela-
tive au respect des droits de propriété intellectuelle (J.O.C.E., 2004, L 157) oblige les Etats
membres à assurer la mise en œuvre des droits du titulaire de la propriété intellectuelle.
Le régime des marques repose sur !'Arrangement de Madrid du 14 avril 1891 concer-
nant l'enregistrement international des marques de fabrique ou de commerce, plusieurs
fois révisé depuis, la dernière fois à Stockholm le 14 juillet 1967 (loi du 26 septembre
1974, Pasin., 1974, 925), et le protocole du 27 juin 1989 (loi du 29 août 1997, Monit.,
28 juillet 1998).
1111L'arrangement de Madrid est complété par !'Arrangement de Nice du 15 juin 1957 concernant
la classification internationale des produits et des services auxquels s'appliquent les marques de
702 LES BIENS
fabrique ou de commerce, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 (loi du 26 septembre 1974, Pasin.,
1974, 925) et à Genève le 13 mai 1977 (loi du 15 mai 1984, Monit., 22 mai 1985).
Pour les marques, d'autres régimes de caractère régional revêtent une importance
particulière, dans le Benelux ou dans l'Union européenne.
1111Convention Benelux du 19 mars 1962 en matière de marques de produits, signée à Bruxelles (loi
du 30 juin 1969, Monit., 14 octobre 1969; adde Monit., 8 septembre 1970) et protocole modificatif
du 7 août 1996 (loi du 3 juin 1999, Monit., 26 octobre 1999), portant adaptation aux règles de
l'O.M.C. La Convention a donné lieu à plusieurs règlements d'exécution et d'application.
Voy. encore, dans les relations avec des pays tiers: !'Arrangement du 10 avril 1975 entre le Gouver-
nement du Royaume de Belgique, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouver-
nement du Royaume des Pays-Bas, d'une part, et le Gouvernement de la République populaire de
Chine, d'autre part, concernant l'enregistrement et la protection des marques de produits (Monit.,
17 mars 1977).
!Ill Le droit communautaire comprend plusieurs actes :
- La directive 89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les
marques (j.O.C.E., 1989, L 40), ne préjuge pas de l'application de la Convention de Paris.
- Le règlement 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (j.O.C.E., 1994, L 11)
ajoute aux systèmes nationaux d'enregistrement, un système d'inscription dans un registre uni-
que.
- Le règlement 3295/94 du 22 décembre 1994 sur la mise en libre pratique et l'exportation de
marchandises de contrefaçon et de marchandises pirates (j.O.C.E., 1994, L 341) tend à organiser
une indemnisation du titulaire du droit de propriété intellectuelle, complété par le règlement
383/2003 du 22 juillet 2003 (j.O.C.E., 2003, L 196), organisant l'intervention des autorités
douanières à l'égard de telles marchandises.
Pour les brevets d'invention, plusieurs actes de base organisent un régime de protec-
tion, à savoir :
- la Convention de Strasbourg du 27 novembre 1963 sur l'unification de certains
éléments du droit des brevets d'invention (loi du 8 juillet 1977, Monit., 30 septembre
1977, suppl. 7 octobre 1977);
- le Traité de coopération en matière de brevets, fait à Washington le 19 juin 1970
(loi du 8 juillet 1977, Monit., 30 septembre 1977, suppl. 7 octobre 1977). Sur les formali-
tés du dépôt en Belgique, voy. l'arrêté royal du 21 août 1981 (Monit., 5 novembre 1981);
- l'Arrangement de Strasbourg du 24 mars 1971 concernant la classification inter-
nationale des brevets (loi du 22 janvier 1975, Pasin., 1976, 2347).
Ill Voy. précédemment :
- Accord de La Haye du 6 juin 1947 relatif à la création d'un Bureau international des brevets,
révisé à La Haye le 16 février 1961 (loi du 30 juin 1969, Pasin., 1969, 784), dénoncé par la Belgi-
que le 30 décembre 1977 avec effet le 31 décembre 1979 (Monit., 24 mars 1978).
- Convention européenne de Paris du 11 décembre 1953 relative aux formalités prescrites pour
les demandes de brevets (loi du 15 janvier 1965, Pasin., 1965, 29), dénoncée par la Belgique le
4 avril 1976.
- Convention européenne de Paris du 19 décembre 1954 sur la classification internationale des
brevets d'invention (Monit., 29 octobre 1955), dénoncée avec effet le 7 octobre 1975 et remplacée
par !'Arrangement de Strasbourg du 24 mars 1971.
Certains brevets font l'objet d'instrumens internationaux spécifiques.
IllAccord de Paris du 21 septembre 1960 pour la sauvegarde mutuelle du secret des inventions
intéressant la défense et ayant fait l'objet de demandes de brevet (Monit., 21 mars 1962).
LES DROITS INTELLECTUELS 703
sants de chacun des pays contractants à un national de l'Etat dans lequel la protection
est réclamée, pour les cas où les lois étatiques compétentes établiraient des discrimina-
tions fondées sur la nationalité (par ex., art. 2, § 1er, Conv. Union de Paris). De plus, ces
ressortissants sont assimilés aux ressortissants d'Etats tiers « qui sont domiciliés ou ont
des établissements industriels ou commerciaux effectifs et sérieux sur le territoire de l'un
des pays de l'Union» (art. 3). On trouve des dispositions analogues dans l'article 1er (2) et
(3) et l'article 2 de l'Arrangement de Madrid.
1111Les diverses lois belges d'assentiment contiennent une disposition aux termes de laquelle les
Belges peuvent revendiquer l'application à leur profit, en Belgique, des dispositions des deux séries
de traité, dans tous les cas où ces dispositions seraient plus favorables que la loi belge pour proté-
ger, respectivement, les droits dérivant de la propriété industrielle (Union de Paris) ainsi que les
marques (Arrangement de Madrid).
1111 Voy. aussi l'article 18 de la loi uniforme Benelux sur les marques de produits, annexée à la Con-
18.2.
De même, une limitation aux nationaux d'un Etat membre de l'Union européenne
est prévue à propos de la protection de topographies de produits semi-conducteurs
(directive 87/ 54 du 16 décembre 1986, art. 3, § 3, a), sans exclure la faculté pour le Con-
seil d'étendre la protection à des ressortissants de pays tiers sous réserve d'une condition
de réciprocité.
Voy. une extension, notamment, par plusieurs décisions du 9 octobre 1990, ].O.C.E. (1990),
1111
L 285 et L 307.
LES DROITS INTELLECTUELS 705
Encore ces limitations doivent-elles ne pas entrer en conflit avec l'ouverture inhé-
rente aux règles de l'Organisation Mondiale du Commerce, spécialement l'ADPIC.
L'accès à toute personne physique ou morale, sans condition de nationalité, est
offert par la Convention sur la délivrance de brevets européens (Munich, 5 octobre 1973,
art. 58). L'habilitation est étendue à « toute société assimilée à une personne morale en
vertu du droit dont elle relève».
Le droit de l'inventeur salarié fait l'objet d'une règle de rattachement dans la Con-
vention de Munich.« Si l'inventeur est un employé, le droit au brevet européen est défini
selon le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'employé exerce son activité personnelle»
et, si cet Etat ne peut être déterminé, selon le droit « de l'Etat sur le territoire duquel se
trouve l'établissement de l'employeur auquel l'employé est attaché» (art. 60 (1)).
13.39 - Effets du dépôt d'un brevet - La Convention du 5 octobre 1973 sur le brevet
européen ne contient pas de règle de droit matériel. La détermination des effets du brevet
concédé fait l'objet d'une règle de rattachement. Ce brevet confère à son titulaire « dans
chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui con-
férerait un brevet national délivré dans cet Etat» (art. 64, 1).
Ill! Voy. aussi l'article 74 de la même Convention.
13.40 - Accès au dépôt d'un dessin ou modèle - Les actes communautaires compren-
nent plusieurs dispositions intéressant le droit international privé.
Le critère de la localisation de l'enregistrement apparaît comme déterminant dans la
directive 98/71 du 13 octobre 1998. Celle-ci prend pour critère d'applicabilité un enregis-
trement dans un Etat membre ou dans le Benelux, mais aussi un enregistrement interna-
tional prenant effet dans un Etat membre. La loi de l'Etat d'enregistrement régit la
titularité du droit et l'autorisation d'inscription. Elle définit aussi le régime de protection
par les règles sur le droit d'auteur.
Le critère du domicile du titulaire sert à déterminer le régime du dessin ou
modèle comme objet de propriété, en cas d'enregistrement communautaire, de manière
analogue à ce qui vaut pour le brevet communautaire (règlement 6/2002 du 12 décembre
2001).
Pour le reste, la Convention sur le brevet communautaire soumet les effets de ce brevet à des
1111
règles matérielles uniformes: ces effets « sont exclusivement déterminés par les dispositions de la
présente convention » (art. 36).
13.43 - Accès à l'enregistrement du droit - Le droit belge assure une égalité d'accès au
dépôt d'un brevet pour le ressortissant étranger. Cette règle résulte implicitement de la
faculté pour le juge des saisies d'imposer au requérant qu'il consigne un cautionnement
sans que le législateur vise expressément la situation d'un requérant étranger (art. 1483
C. jud.).
En prévoyant dans sa rédaction originelle que le breveté de nationalité étrangère avait i'obliga-
1111
Une limitation peut trouver sa source dans un acte communautaire. Ainsi, la pro-
tection juridique des topographies de produits semi-conducteurs (directive 87/54 du
LES DROITS INTELLECTUELS 707
16 décembre 1986; loi du 10 janvier 1990, Monit., 26 janvier 1990) ne s'adresse que« aux
personnes physiques qui sont ressortissantes d'un Etat membre des Communautés euro-
péennes ou qui y ont leur résidence habituelle » ainsi que, en ce qui concerne les droits
offerts à l'employeur, « aux personnes morales qui ont un établissement industriel ou
commercial effectif et sérieux sur le territoire d'un Etat membre des Communautés
européennes» (art. 6 de la loi), sous réserve du prescrit d'un instrument international ou
d'une décision du Conseil des Communautés européennes (art. 7).
La loi uniforme Benelux sur les marques de produits a supprimé toute discrimina-
tion fondée sur la nationalité.
De la loi du 1er mars 1879 concernant les marques de fabrique ou de commerce, il ne subsiste
1111
plus que les dispositions pénales (art. 8 à 15). Les autres dispositions ont été formellement abro-
gées par l'article 3, 1 °, de la loi du 30 juin 1969 portant approbation de la Convention Benelux en
matière de marques de produits, alors que l'article 6, alinéa 2, de la loi de 1879 contenait une réfé-
rence à la réciprocité diplomatique.
juridictions françaises à appliquer les règles conventionnelles qui ne contiennent aucune disposi-
708 LES BIENS
tian propre à la matière, pour le motif que ces règles ne sauraient« porter atteinte à la compétence
des tribunaux français saisis d'une demande intéressant l'ordre public français ; qu'il en est ainsi
d'une demande en nullité d'un brevet d'invention délivré par les autorités françaises » (Cass. civ.,
21 janvier 1936, Revue, 1936, 510, noteJ.-P. NIBOYET).
Cette solution découle du caractère exclusif de la compétence reconnue aux juridictions de l'Etat
donc une autorité a concédé le brevet. Le motif tiré de l'ordre public est, ici, inopérant; c'est en
vertu du droit international que les tribunaux d'un Etat doivent se déclarer incompétents pour
« annuler les brevets accordés par une puissance étrangère».
La territorialité des droits de propriété industrielle interdit aussi aux juridictions d'un Etat de
1111
donner une injonction tendant à ce que le titulaire d'une licence localisée sur le territoire d'un
autre Etat rétrocède celle-ci à son cédant.
Sur ce point, voy. la jurisprudence anglaise commencée dans : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, § 177.
Bruxelles, 6 février 1997, Smithkline Beecham Group, I.R.D.I. (2002), 346, excluant la demande de sus-
pension des effets du brevet et incluant la demande d'autorisation de fabriquer. Comp. ci-dessous,
à propos de la marque communautaire.
Ill Sur la compétence pour ordonner une mesure sur des biens situés à l'étranger lorsque la mesure
émane des juridictions compétentes au fond et sous réserve d'en obtenir la force exécutoire à
l'étranger au moyen de la procédure appropriée, voy. : Civ. Bruxelles, 27 juin 1997, Smithkline Bee-
cham Group, I.R.D.I. (2002), 342.
1111Sur la compétence pour effectuer une saisie sur des biens situés en Belgique, à la demande du
titulaire d'un brevet enregistré à l'étranger et alors que le juge étranger est compétent au fond, voy. :
Cass., 3 septembre 1999, SANAC, Rev. dr. comm. belge (2000), 128, note M. PERTEGAS SENDER.
Sur l'incompétence pour autoriser au provisoire la production aux Pays-Bas d'un produit bre-
1111
veté, voy. : Civ. Bruxelles, 23 juin 2000, I.R.D.I. (2002), 328. Dans le même sens, refusant d'ordonner
710 LES BIENS
une mesure à effet global: Civ. Bruxelles, 22 septembre 2000, Torpedo, I.R.D.I. (2000), 292; 7 avril
2003, Steps Holding, I.R.D.I. (2003), 282; contra, accordant une celle mesure : Civ. Bruxelles,
14 septembre 2001, Colgate-Palmolive,I.RD.I. (2002), 239.
111!La« procédure d'exécution d'un brevet communautaire" relève de la compétence exclusive des
tribunaux et des autorités de l'Etat du domicile ou du siège du demandeur du brevet (arc. 41).
IllPour un cas d'application du for du demandeur, voy.: Cour de justice Benelux, aff. 90/4,
16 décembre 1991, Burberrys,].T. (1992), 917, note F. DE V!SSCHER, permettant la jonction en cas de
pluralité de demandeurs si elle est prévue par le droit du for et évoquant l'incidence de la litispen-
dance et de la connexité internationales.
Les relations entre ces lois uniformes et le règlement« Bruxelles I », dont l'article 67
donne priorité aux conventions portant sur une matière spéciale, font difficulté. Les lois
uniformes entrent bien dans cette catégorie, mais la disposition du règlement à laquelle
elles dérogent a précisément aussi ce caractère de spécialité ! Force est alors de faire jouer
la règle de primauté de l'article 307 CE, au bénéfice du règlement.
La question se pose en des termes différents à l'égard de la Convention de Bruxelles, qui n'est
1111
pas un instrument communautaire. Sans doute la nature de « loi uniforme» justifie-t-elle que
priorité soit accordée à la Convention. Pour l'Etat membre du Benelux, la règle de compétence
introduite par la loi uniforme prend la place des règles de droit commun, de sorte que la Conven-
tion de Bruxelles, dont le domaine est limité aux dépôts effectués sur le territoire d'un Etat con-
tractant, fait figure de règle spéciale. Toute autre solution permettrait aux Etats du Benelux de
déroger à l'article 16, 4 °, de la Convention pour tout enregistrement couvert par la Convention de
Paris, hypothèse à laquelle s'étendent les lois uniformes.
Sur cette question, voy. aussi M. DE SALLE, « Compétence territoriale en matière de marques», Rev.
dr. intell. (1978), 27 et F. GoTZEN, « La compétence judiciaire en droit européen et en droit Benelux
des marques et modèles», Rev. dr. intel!. (1978), 172.
13.49 - Détermination de la compétence interne - La loi du 28 mars 1984 sur les bre-
vets d'invention (Monit., 9 mars 1985) introduit des règles spéciales de compétence, qui
ont un caractère exclusif (art. 73, §§ 4 à 6) : les parties ne peuvent y déroger par une con-
vention contraire.
712 LES BIENS
étranger en vertu du droit étranger, en l'occurrence un droit sur des pièces de rechange de voitures,
ne suffit pas à soulever l'objection de l'ordre public, voy. : C.J.C.E., aff. C-38/98, 11 mai 2000,
Renault, Revue (2000), 497, note H. GAUDEMET-TALLON,j.C.P. (2001), II, 10607, note C. NoURISSAT,
excluant aussi tout contrôle de ce type au titre de révision au fond.
§3 LE DROIT D'AUTEUR
- Convention européenne du 11 mai 1994 concernant des questions de droit d'auteur et de droits
voisins dans le cadre de la radiodiffusion transfrontière par satellite, Rev.gén. (1994), 561 (non
en vigueur en Belgique).
!Ill Pour la protection des droits liés à l'utilisation de supports électroniques, voy. :
- Directive 87/54 du 16 décembre 1986 concernant la protection juridique des topographies de
produits semi-conducteurs U.O.C.E., 1987, L 24, loi de transposition du 10 pnvier 1990, Monit.,
26 janvier 1990).
- Directive 91/250 du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordina-
teur u.o.C.E., 1991, L 122, loi de transposition du 30 juin 1994, Monit., 27 Juillet 1994).
- Directive 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données,
J.O.C.E. (1996), L 77, transposée par la loi du 31 août 1998 (Monit., 14 novembre 1998).
IllPour le droit de suite, voy. la directive 2001/84 du 27 septembre 2001 relative au droit de suite
au profit de l'auteur d'une œuvre d'art originale,].O.C.E. (2001), L 272.
Cette protection est due indépendamment de l'existence de la protection dans le pays d'origine
1111
de l'œuvre (§ 2).
111Une condition de réciprocité permet à un pays contractant de« restreindre» la protection d'un
auteur ressortissant d'un autre pays contractant qui n'offre pas une protection« suffisante» de ses
ressortissants (arc. 6).
Dans le contexte de l'Union européenne aussi, la discrimination qui frappe l'auteur ou l'inter-
1111
prète étranger peut s'avérer contraire au principe de non-discrimination de l'article 12 du traité CE.
Voy.: C.J,C.E., aff. C-92/92 e.a., 20 octobre 1993, Phil Collins, Rec. (1993), 1-5145, D.S. (1995), J, 133,
note B. EDELMAN.
Enfin, quelques règles subsidiaires de conflit de lois couvrent les questions non
réglées par l'instrument international (voy. ci-dessous).
Les règles matérielles de la première catégorie tendent à remplacer les règles maté-
rielles nationales chaque fois que l'auteur appartient à la catégorie des personnes proté-
gées. Toutefois, celui-ci peut « revendiquer l'application de dispositions plus larges» du
droit d'un Etat contractant (art. 19). Ainsi, les dispositions conventionnelles constituent
un socle de protection minimale, qui n'empêche pas l'application alternative des disposi-
tions nationales, du moins dans les limites prévues par les règles d'applicabilité propres à
ces dispositions.
13.56 - Règles de conflit de lois selon les instruments internationaux - Comme il est
de principe en matière de droits de propriété intellectuelle, les droits de l'auteur sont
régis par la loi du pays de protection. Celle-ci est la loi du pays « où » la protection est
réclamée, dans l' Acte de Paris.
111 Pour les droits voisins, la définition du « traitement national » passe par une règle de rattache-
ment, puisque ce traitement est celui accordé par la législation de l'Etat contractant « sur le terri-
toire duquel la protection est demandée» (art. 2).
111Pour une application de cette règle de rattachement, voy.: Civ. Gand, 21 janvier 2002, I.RD.I.
(2002), 119.
film-, voy.: Civ. Gand, 10 janvier 1996, Rev. dr. comm. belge (1997), 33, note M. PERTEGAS SENDER.
Sur ce que la Convention contient bien une règle de conflit de lois - soumettant à la loi de protec-
tion« l'étendue» de celle-ci-, pour le motif que cette règle remplit le rôle d'une disposition subsi-
diaire - donc générale - ayant vocation à couvrir toute question non couverte par une règle
matérielle uniforme, voy. notamment, avec les références: J.-S. BERGÉ, note critique sous TGI Ren-
nes, 22 juin 1992, Revue (1999), 76. Cet auteur regrette pourtant la soumission de la titularité à la
loi de protection.
Convention de Berne, voy. en France: Cass. civ., 5 mars 2002, Sisro, D.S. Aff (2002), J, 2999, note
LES DROITS INTELLECTUELS 717
N. BOUCHE, D.S. Aff (2003),J, 58, note M.JOSSELIN-GALL, entendant cette loi comme celle du lieu du
comportement de contrefaçon et non celle du lieu de survenance du dommage.
La loi du pays d'origine reçoit un domaine limité. Dans l'Acte de Paris, elle sert à
fixer la durée maximale de protection, à moins que la loi de protection « n'en décide
autrement» (art. 7, § 8).
llllLorsque la loi de protection renvoie, pour la durée maximale de la protection, à la loi d'origine
comme le permet la Convention de Berne, à moins que l'auteur soit allemand, cette restriction
constitue une violation du principe de non-discrimination posé par l'article 12 du traité CE :
C.J.C.E., aff C-360/00, 6 juin 2002, Ricordi, Rec. (2002), 1-5089, Revue (2002), 771, note J.-S. BERGÉ,
Auteurs & Media (2002), 402, note V.-L. BENABOU.
Dans le contexte de l'Union européenne, le principe dit du pays d'origine (voy. supra,
n° 5 4.46 et 7.45) peut exercer une influence plus déterminante. Il trouve application dans
le secteur de la télévision, par la directive 93/83 du 27 septembre 1993 relative à la radio-
diffusion par satellite et à la retransmission par câble.
Voy. à ce propos, désignant la loi du pays d'émission: Paris, 3 ocrobre 2001, Revue (2002), 315,
llll
note J.-S. BERGÉ.
La loi nationale de l'auteur détermine la protection de base du droit de suite (art. 14,
§ 2).
La forme du contrat d'engagement de l'auteur d'une contribution cinématographi-
que est régie par la loi du pays contractant où se situe le siège ou la résidence habituelle
du producteur, mais la loi de protection peut prévoir l'exigence d'un écrit.
Ces règles de rattachement présentent certaines dispositions cumulatives, permet-
tant, parmi plusieurs lois, l'application de la plus stricte en termes de protection. Il en est
ainsi pour la durée de la protection, pour la détermination de la forme d'un contrat
d'engagement dans une contribution cinématographique et pour le droit de suite.
13.57 - Règles de conflit de lois selon le droit commun - Selon le Code de droit inter-
national privé, la protection du droit d'auteur et des droits voisins relève de la même
règle de rattachement que d'autres droits de propriété intellectuelle, à savoir du droit du
pays« pour le territoire duquel» la protection est demandée (art. 93, al. ier).
llllComme les règles de compétence internationale n'excluent pas que le titulaire puisse agir en
Belgique au titre de la localisation du domicile du défendeur, rien n'empêche une juridiction belge
de soumettre dans ce cas le régime de protection à un droit étranger.
Lorsque la compétence de la juridiction belge repose sur le critère du territoire de protection
(art. 86, al. 1"), et puisque cette compétence est limitée à la protection demandée pour le territoire
belge, cette juridiction appliquera forcément le droit belge.
Pour l'application de la loi de protection du for, voy. : Bruxelles, 10 novembre 1998, I.RD.I.
llll
(1999), 24.
La détermination du titulaire du droit d'auteur, en revanche, ne suit pas la règle de
rattachement valable pour la propriété industrielle (art. 93, al. 2). En d'autres termes, elle
relève du rattachement territorial à la loi de protection. Ce faisant, le législateur a estimé
que cette question est associée étroitement au régime de protection, qualifiant en quel-
que sorte celui-ci de loi de police (sur cette notion, voy. supra, n° 4.11). Il écarte ainsi la
thèse de l'application de la loi d'origine. Cela n'implique cependant pas l'exclusion de
toute loi étrangère. En effet, en présence d'un contrat de cession de droits, il convient de
soumettre au rattachement contractuel toute question concernant l'existence, l'exécu-
tion ou l'extinction du contrat. En revanche, la question de la cessibilité - et a fortiori
718 LES BIENS
vol. 46, p. 64; 8 octobre 2001, Auteurs & Media (2002), 344, étendant le domaine de la loi de protec-
tion à l'objet du droit, à la titularité, au contenu et à la durée de la protection, tout en soumettant
le contrat de cession à la loi contractuelle et, par le fait même, la qualité de producteur au sens de
cette loi.
Pour l'application de la loi d'origine, voy.: Civ. Gand, 10 janvier 1996, Rev. dr. comm. belge (1997),
33, noce M. PERTEGAS SENDER; Civ. Bruges, 28 novembre 2001, Auteurs & Media (2002), 426, dési-
gnant la loi de l'établissement principal de l'auteur; Bruxelles, 10 novembre 1998, I.R.D.I. (1999),
24, déterminant les droits du producteur d'un film sur la base d'un contrat régi par le droit néer-
landais, prenant appui sur G. VAN HECKE et K. LENAERTS, n° 5 670 et s. Ces auteurs réservent pour-
tant la question de l'admissibilité du contrat de cession, qu'ils soumettent à la loi de protection.
Pour une distinction entre le rattachement contractuel de la cession du droit et l'opposabilité aux
tiers de cette cession, celle-ci étant soumise à la loi belge de protection, voy.: Liège, 16 mars 1999,
Ing.-Cons. (1999), 392.
IIIJPour les droits voisins, voy. l'application de la loi du lieu de protection par: Cass. civ.,
9 décembre 2003, Revue (2004), 595, note T. Azz1, soumettant à la loi française la demande d'un
artiste ayant enregistré une œuvre musicale en Belgique, celle-ci ayant été reproduite en France
sans autorisation.
En droit belge, le régime matériel de protection est contenu dans la loi organique du
30 juin 1994 (Monit., 27 juillet 1994).
Ill Cette loi inclut le droit de suite, abrogeant ainsi la loi du 25 juin 1921 ayant cet objet. Celle-ci
comportait une condition de réciprocité analogue à celle de la législation organique du droit
d'auteur.
Conformément à l'article 93 du Code de droit international privé, cette loi s'appli-
que normalement, dans son ensemble, à toute demande de protection effectuée pour le
territoire belge.
Ill!Pour un cas d'application des règles belges sur le droit de suite à propos du désintéressement de
l'auteur d'une œuvre d'art située en Belgique et destinée à être offerte en vente publique en Belgi-
que alors que l'adjudication volontaire avait été réalisée par l'huissier au Luxembourg pour échap-
per au paiement de ce droit, voy. : Civ. Liège, 30 avril 1999, Auteurs & Media ( 1999), 438, utilisant la
théorie de la fraude à la loi pour qualifier d'artificiel l'élément d'extranéité constitué de la vente
volontaire; confirmé par: Liège, 18 janvier 2001, Auteurs & Media (2001), 248, semblant considérer
que la législation sur le droit de suite a pour critère d'applicabilité le lieu de réalisation de la vente
publique, mais après avoir pris soin de constater que les biens litigieux se trouvaient dans ce pays
lors de la vente volontaire. L'allusion complémentaire à une clause de choix de la loi belge dans
l'acte de cette vente pour confirmer cette solution procède d'une confusion avec le rattachement
contractuel, qui affecte uniquement la validité et les effets du contrat de vente.
Ce régime matériel comporte une règle d'assimilation de l'étranger au national,
assortie d'une condition de réciprocité (art. 79 de la loi de 1994).
Sur cette condition déjà présente dans la législation antérieure, voy.: Civ. Charleroi,
IIIJ
30 novembre 1976,]. T. (1978), 665.
LES DROITS INTELLECTUELS 719
La directive 96/9 sur la protection des bases de données explicite mieux la présence
d'une règle particulière d'applicabilité: la règle matérielle de protection par le droit« sui
generis» qu'elle institue « s'applique aux bases de données dont le fabricant ou le titu-
laire du droit sont ressortissants d'un Etat membre ou ont leur résidence habituelle sur
720 LES BIENS
C. Compétence internationale
13.59 - Renvoi aux règles générales de compétence - À la différence d'autres droits de
propriété intellectuelle qui donnent lieu à un enregistrement, le droit d'auteur ne se prête
pas à une règle spécifique de compétence internationale.
Dans !'Acte de Paris, la saisie fait l'objet d'une disposition spécifique en cas de contrefaçon: elle
1111
peut être pratiquée « dans les pays de l'Union où l'œuvre originale a droit à la protection légale»,
même si la reproduction provient d'un pays où l'œuvre n'est pas protégée (arc. 16).
1111 La loi du 30 juin 1994 transposant la directive 91/250 du 14 mai 1991 concernant la protection
juridique des programmes d'ordinateur (Monit., 27 juillet 1994), ajoute au texte de la directive une
règle de compétence (arc. 13), d'attribution et territoriale. Celle-ci désigne pour seul compétent le
tribunal de première instance du lieu de l'infraction ou du lieu du domicile ou de la résidence du
défendeur, et, à défaut de domicile ou de résidence en Belgique, celui du domicile ou de la résidence
du demandeur. Il est incertain si cette règle de compétence territoriale interne entend être transpo-
sée en règle de compétence internationale (sur cette notion, voy. supra, n ° 9.4). La question n'a
d'intérêt que lorsque le domicile et la résidence du défendeur sont dans un pays tiers à l'Union
européenne puisque, dans les autres cas, le règlement « Bruxelles I » reçoit la priorité. Il y a lieu de
croire que, comme pour d'autres chefs de compétence insérés dans les articles 627 à 629 du Code
judiciaire, la disposition sert uniquement à déterminer la compétence interne, non sans prévoir le
cas particulier où le critère principal retenu ne se localise pas en Belgique alors que la compétence
internationale des juridictions belges serait acquise par ailleurs. L'entrée en vigueur du Code de
droit international privé force à voir dans l'article 86 la seule règle de compétence internationale
pertinente en droit commun.
Dans le contexte du règlement« Bruxelles I », le for de référence est celui qui com-
mande la matière quasi délictuelle, désignant le lieu où le fait dommageable s'est produit
ou risque de se produire (art. 5, 3°). Ces termes permettent de couvrir, notamment,
l'action en cessation (voy. supra, n ° 13.45). Le « fait » au sens de cette disposition est, soit
l'événement causal, soit la survenance du dommage. Le premier élément vise la localisa-
tion de l'acte de contrefaçon et le second, le lieu de distribution.
L'INSOLVABILITÉ 721
Ill Lorsqu'un film étranger a été diffusé en Belgique via Internet, l'acte de contrefaçon s'entend de
la copie, de la vente, de l'importation, de la communication au public et de l'alimentation d'un site
web depuis le territoire ; le lieu de survenance du dommage est celui de la consultation d'un site
web (Bruxelles, 4 mai 2001,].T., 2003, 234).
Le droit commun connaît des dispositions analogues (art. 86 et 96 Codip, supra,
n ° 13.45).
L'introduction d'une action en contrefaçon soulève, comme pour d'autres droits de
propriété intellectuelle, la question de l'extension de l'ordre de cesser à des comporte-
ments localisés hors du territoire de l'Etat du juge saisi. La tendance de la jurisprudence
est, ici aussi, à exclure tout effet extraterritorial. Encore faut-il comprendre la raison d'en
décider. Elle résulte moins de la crainte d'un excès de l'exercice de la compétence interna-
tionale à l'égard d'une souveraineté étrangère, que de la restriction qu'impose la règle de
compétence en matière quasi délictuelle, puisque celle-ci limite l'intervention du juge de
proximité aux actes commis sur le territoire ou au dommage survenu sur le territoire.
Mais pour ce dommage, le texte n'exclut pas la possibilité d'un ordre de cesser un acte
commis à l'étranger. De plus, une telle limitation ne vaut plus lorsque la compétence est
fondée sur le critère général du domicile du défendeur. Il en va autrement lorsque la
demande est introduite au provisoire devant une juridiction autre que celle compétente
au fond. En tout état de cause, la circonstance que la règle de rattachement désigne la loi
de protection ne suffit pas à justifier une limitation de la compétence internationale.
Ill!Pour un ordre global de cessation, voy.: Comm. Bruxelles (réf.), 31 janvier 1997, I.RD.I. (1997),
44; Civ. Bruxelles, 24 septembre 2001, Auteurs & Media (2002), 537, interdisant de vendre un dis-
que en Belgique ainsi qu'aux Pays-Bas; Gand, 12 juin 2003, Ing.-Cons. (2004), 385, note B. DocQUIR,
se contentant d'observer l'absence de contestation de la compétence et la possibilité d'exécuter le
jugement en Belgique, comme à l'étranger grâce au règlement« Bruxelles I ».
Ill!Pour une limitation strictement territoriale de l'ordre de cesser, voy. : Bruxelles, 4 mai 200 l,J. T.
(2003), 234, dans un cas où la compétence au fond était basée sur la survenance du dommage;
Mons, 13 mai 2002, Auteurs & Media (2002), 421, note F. BRISON, refusant d'interdire de reproduire
des enregistrements hors de Belgique et constatant que l'effet de la protection se limite au terri-
toire de l'Etat qui édicte celle-ci.
Section 3
L'insolvabilité
13.60 - Bibliographie
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722 LES BIENS
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La finalité de l'institution commande que tous les biens du failli, en quelque pays qu'ils
se trouvent, soient versés dans une masse commune pour être partagés entre tous les
créanciers, quels que soient leur nationalité, leur domicile et la loi régissant la créance.
La solution ainsi décrite est connue sous le nom d' « universalité de la faillite». Elle
suppose le conflit de juridictions résolu sous ses deux aspects : détermination du pays
compétent pour organiser la liquidation et, dans tous les autres pays, reconnaissance des
mesures prises par les autorités du premier.
Par« territorialité de la faillite», on entend, au contraire, un système tendant à cons-
tituer autant de masses de biens qu'il y a de pays dans lesquels ils sont dispersés, et à créer
un privilège de fait au profit du groupe de créanciers qui, dans chacun de ces pays, s'est
saisi des biens qui y sont respectivement situés. À vrai dire, la territorialité de la faillite est
moins un système que l'effet d'une liquidation anarchique du patrimoine dont les élé-
ments se localisent en différents pays.
1111Un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles (18 juin 1965,j.C.B., 1968, IV, 161, note R.
VANDER ELST) en fournit un exemple. Une société belge déclarée en faillite par le tribunal de com-
merce de Bruxelles est créancière d'une firme allemande et débitrice d'une banque allemande. Celle-
ci fait saisie-arrêt sur ladite créance et obtient d'un tribunal allemand que le débiteur allemand du
failli lui verse une somme équivalente au montant de sa propre créance. D'après le droit allemand,
le fait que le débiteur soit déclaré en faillite à l'étranger (en l'espèce, en Belgique) ne fait pas obsta-
cle à la saisie de l'actif situé en Allemagne et à l'exécution forcée au profit exclusif du saisissant.
C'est là une application caractéristique de la territorialité de la faillite, consacrée par le droit inter-
national privé allemand.
Pour un cas dans lequel la faillite a été déclarée en Allemagne, voy. Comm. Bruxelles, 20 juin
1111
1111Le principe de la territorialité de la faillite implique que, lorsque celle-ci a été déclarée dans un
pays où il prévaut, il n'y a aucune objection à procéder à une saisie dans un pays où prévaut le prin-
cipe de l'universalité (Cass., 26 septembre 1991, Rev. dr. comm. belge, 1992, 360, à propos d'une
faillite déclarée au Danemark).
dat « et autres procédures analogues» (art. 1er, § 2, b). Voy. par exemple: C.J.C.E., aff C-267/97,
29 avril 1999, Coursier, Rec. (1999), I-2543, à propos de la détermination de la portée d'un jugement
de faillite étranger sur un jugement antérieur de condamnation à payer une dette.
La coexistence des règlements nécessite une interprétation harmonieuse de leurs domaines respec-
tifs en raison de la matière. Ainsi, il y a lieu de croire que le règlement 1346/2000 couvre les deman-
des qui dérivent « directement» de la faillite, de sorte que d'autres demandes introduites par le
curateur relèvent du règlement « Bruxelles I ». Sur l'application de la Convention de Bruxelles à
une action en recouvrement de créance de la société en liquidation ne s'insérant pas« étroitement»
dans le cadre de la procédure collective voy. en France: Cass. corn., 24 mai 2005, D.S. Act. (2005),
1553, note A. LIENHARD.
Une définition stricte des demandes visées par le règlement 1346/2000 est confirmée à propos de la
reconnaissance des décisions étrangères (voy. ci-dessous).
L'INSOLVABILITÉ 725
Parmi les traités bilatéraux comportant des règles sur l'efficacité des décisions étran-
gères, seul celui conclu avec le Royaume-Uni s'étend à la matière de la faillite (art. 4, § 3,
C).
La Belgique a encore conclu avec l'Autriche, le 16 juillet 1969, une convention rela-
tive à la faillite, le concordat et le sursis de paiement (loi du 15 avril 1975, Monit.,
24 juillet 1975).
li La liste des procédures annexée au règlement a été mise à jour par le règlement 603/2005 du
12 avril 2005,j.O.C.E. (2005), L 100.
li Comp. la définition de la « faillite» donnée par la Cour de justice, à propos de l'exclusion de
cette matière du domaine du règlement« Bruxelles I », supra, n ° 8.15.
Outre les banques et les assurances, l'exclusion concerne« les entreprises d'investissement qui
11!1
fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers » et les
organismes de placement collectif (OPCVM).
1111Les banques et assurances ont fait l'objet de directives sectorielles: directive 2001/17 du
19 mars 2001 (J.O.C.E., 2001, L 110) pour les banques, et directive 2001/24 du 4 avril 2001 (J.O.C.E.,
2001, L 125) pour les entreprises d'assurances. Ces directives ont été transposées en droit belge par
la loi du 6 décembre 2004 (Monit., 28 décembre 2004).
Les demandes qui dérivent de l'insolvabilité sont-elles visées par les règles de compé-
tence du règlement ? Apparemment non, puisque celui-ci évoque seulement les procédu-
res d' « ouverture». Pourtant, au titre de la reconnaissance des décisions étrangères, il vise
bien« d'autres décisions», notamment celles« qui dérivent directement de la procédure
d'insolvabilité» (art. 25). Dans l'attente d'une confirmation de l'extension du règlement,
le Code de droit international privé précise que le juge compétent pour ouvrir une procé-
dure l'est également « pour connaître des contestations qui en dérivent directement»
(art. 118, § 2).
La détermination de la compétence interne sort de l'objet du règlement. Celui-ci se
contente de déterminer la compétence internationale, en désignant seulement « les
juridictions » d'un Etat dans leur ensemble, sans préciser quel tribunal est territoriale-
ment compétent (sur cette notion, voy. supra, n ° 9.4). Par conséquent, la désignation de
ce tribunal relève du droit du for (voy. infra, n° 13.72).
Le domaine d'application dans l'espace du règlement ne fait l'objet d'aucune explici-
tation. Certes, sa force obligatoire affecte toute juridiction d'un Etat membre, à l'excep-
tion du Danemark, en raison de l'emprunt à l'article 67 du traité CE comme base
juridique. Quant à la définition des situations internationales visées, le texte n'offre
d'autre certitude que de couvrir toute procédure concernant un débiteur dont le centre
des intérêts principaux est dans la Communauté, puisque cet élément configure le critère
de compétence internationale établi par le règlement (voy. ci-dessous). On peut en
déduire que celui-ci n'affecte pas les règles nationales concernant un débiteur dont le
centre des intérêts principaux est au Danemark ou dans un pays tiers. Autre est laques-
tion de l'application du règlement au débiteur communautaire, pour les biens de celui-ci
localisés dans un pays tiers. Comme le règlement ne prévoit aucune disposition particu-
lière à cet égard, force est de s'en tenir au jeu de la règle de compétence qu'il institue, à
savoir le pouvoir d'une juridiction d'un Etat membre de connaître de tous les biens de ce
débiteur, même ceux localisés à l'étranger (principe d'universalité).
li Les principes du règlement, qui tendent à assurer une répartition égale des actifs disponibles,
s'imposent même à la Cour de justice, saisie en vertu d'une clause compromissoire : C.].C.E., aff. C-
294/02, 17 mars 2005, AMI Semiconductor Belgium, à propos d'une créance de la Commission contre
une société allemande en faillite.
L'ouverture d'une procédure principale relève d'une compétence exclusive lorsque le cen-
tre des intérêts principaux est situé sur le territoire d'un Etat membre(§ 2).
1111Cette exclusivité suffit à expliquer l'absence de règle de litispendance internationale. Comp. ci-
dessous la possibilité d'ouvrir une procédure dans un autre pays alors que la procédure principale
est pendante, la seconde procédure étant dite secondaire.
La loi applicable à l'insolvabilité est la loi du for. Le domaine de cette loi est explicité par le
Ill!
paragraphe 2 de l'article 4.
La loi de l'insolvabilité règle, notamment, « les effets de la procédure sur les poursuites
individuelles ». Elle détermine ainsi dans quelle mesure un créancier peut encore faire valoir sa
créance isolément (C.J.C.E., aff C-294/02, 17 mars 2005, AMI Semiconductor Belgium).
La définition du« centre des intérêts principaux» donne lieu à une précision pour
les personnes morales, au moyen d'une présomption. Celle-ci désigne « le lieu du siège
statutaire». Cette présomption est toutefois réfragable. Il n'est donc pas exclu que le juge
du lieu du siège réel de direction puisse être compétent, mais il faudra motiver en ce sens
contre la présomption favorable au siège statutaire.
IllLe groupe de sociétés constitue un facteur de complication, que révèlent les premières décisions
d'application. Ainsi, dans l'affaire Daisytek, les juridictions britanniques se sont déclarées compé-
tentes pour ouvrir une procédure à l'égard de la filiale française d'une société anglaise, localisant
ainsi au siège de la société mère le centre des intérêts principaux de la filiale et renversant la pré-
somption établie par le règlement. Cette compétence a été acceptée en France, au stade de la recon-
naissance de la décision étrangère: Versailles, 4 septembre 2003, Revue (2003), 655, note G.
KHAIRALLAH,j.C.P. (2004), II, 10007, note M. MENJUCQ, Clunet (2004), 142, note A. JACQUEMONT.
Comme illustration d'ouverture d'une procédure au lieu du centre des intérêts principaux en
1111
Belgique, voy.: Comm. Bruxelles, 29 juillet 2003, D.A.O.R. (2004), n ° 68, p. 94.
D'autres procédures principales ont été ouvertes en Belgique sur cette base, alors même qu'une autre
procédure avait été ouverte à l'étranger. Voy. : Comm. Tongeren, 20 février 2003, Rev. dr. comm. belge
(2004), 70, note T. KRUGER, à propos d'une société dont le siège statutaire était à l'étranger.
Pour un cas de renversement de la présomption à propos d'une société constituée en Belgique
1111
où elle eut son siège réel mais qui transféra ensuite son siège statutaire en France, compétence fon-
dée sur le maintien du siège factuel en Belgique, voy.: Comm. Bruxelles, 8 décembre 2003, D.A.O.R
(2004), n° 68, p. 96, note B. DE MooR.
Le cas d'extension de la faillite au maître de l'affaire n'est pas exclu des prévisions du règlement. Une
1111!
demande concernant un commerçant dont le centre des affaires est en Belgique alors que son domicile
est, par exemple, à Monte Carlo, pourra relever de la compétence des juridictions belges. Voy. précédem-
ment en ce sens dans la jurisprudence: Liège, 3 juin 1983,jur. Liège (1983), 561, note A. KOHL.
demande d'un créancier ayant un rattachement particulier avec le pays d'établissement, soit par
son domicile, sa résidence ou son siège, soit par l'origine de sa créance dans l'exploitation de cet
728 LES BIENS
établissement(§ 4, b). Elle peut encore se faire si une procédure principale ne peut être ouverte en
vertu de la loi du centre des intérêts principaux du débiteur(§ 4, a).
1111 Le domaine de la loi de l'insolvabilité est précisé au moyen d'une liste exemplative des questions
Lorsque la procédure territoriale suit l'ouverture d'une procédure principale, elle est
dite «secondaire» (§ 3). Cette procédure est une procédure de « liquidation»; elle ne
donne pas lieu à un examen de l'insolvabilité du débiteur (art. 27).
La circonstance qu'une procédure principale est pendante à l'étranger n'affecte pas la possibilité
1111
d'une procédure principale à l'étranger, voy.: Comm. Bruxelles, 18 novembre 2002, D.A.O.R.
(2003), n ° 68, p. 88.
Ill!Le texte vise aussi les « biens incorporels» localisés à l'étranger. Les créances font l'objet d'une
localisation fictive, au « centre des intérêts principaux du tiers débiteur» (art. 2, g). Les droits ins-
crits « dans un registre public» sont réputés localisés dans « l'Etat membre sous l'autorité duquel
ce registre est tenu» (!oc. cit.).
Ill La réserve de propriété au profit du vendeur du débiteur n'est pas non plus affectée par l'ouver-
ture de la procédure, lorsque le bien se trouve dans un autre Etat membre lors de l'ouverture (art. 7,
§ ier), sous la réserve des règles impératives de la loi du concours pour les actes préjudiciables à
l'ensemble des créanciers(§ 3).
Une règle de rattachement véritable est énoncée, pour la réserve de propriété, à propos de l'assainis-
sement et de la liquidation des établissements financiers. Voy. notamment, pour le secteur de
l'assurance, la directive 2001/17 du 19 mars 2001 (j.O.C.E., 2001, L 110), désignant la loi de situa-
tion actuelle du bien (art. 21).
La loi réelle régit encore « les effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat
donnant le droit d'acquérir un bien immobilier ou d'en jouir» (art. 8), ou les effets sur
un bien immobilier, un navire ou un aéronef soumis à inscription dans un registre public
(art. 11), ainsi que la validité de l'acte de disposition à titre onéreux d'un immeuble,
navire ou aéronef, conclu après l'ouverture de la procédure (art. 14).
La loi contractuelle régit, notamment, les effets de la procédure sur un système de
paiement ou de règlement ou un marché financier (art. 9), ou sur un contrat de travail
(art. 10). Elle permet encore de contrer l'attaque portée contre un acte préjudiciable à
l'ensemble des créanciers selon la loi de l'insolvabilité (art. 13).
Ill!La protection du travailleur en cas d'insolvabilité de l'employeur fait l'objet d'un mécanisme
communautaire spécifique tendant à assurer l'indemnisation du travailleur. Voy. la directive 80/
987 du 20 octobre 1987 (j.O.C.E., 1987, L 283), modifiée par la directive 2002/74 du 23 septembre
2002 (j.O.C.E., 2002, L 270) qui, lorsque l'employeur est actif dans plusieurs Etats membres, met le
paiement des créances impayées à charge de l'institution du lieu d'exercice habituel du travail, cette
institution appliquant sa propre loi. Sous la directive 80/987, voy. sur cette hypothèse: C.J.C.E.,
aff. C-117/96, 17 septembre 1997, Mosbaek, Rec. (1997), 1-5017, énonçant plutôt l'intervention de
l'institution du pays de l'établissement principal de l'employeur, par un rapprochement avec le rat-
tachement de la procédure d'insolvabilité.
Ill!Pour l'application de la loi du système de paiement aux droits et obligations d'un participant
qui fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité, voy. l'art. 8 de la directive 98/26 du 19 mai 1998
(j.O.C.E., 1998, L 166, loi du 28 avril 1999, Monit., 1er juin 1999, art. 7).
procédure, ont été effectués dans le cadre d'un système de paiement et de règlement
d'opérations sur titre au sens de la directive 98/26 du 19 mai 1998 (JO.CE., 1998, L 166;
loi de transposition du 28 avril 1999, Monit., 1er juin 1999).
111Cette directive contient une règle d'applicabilité selon laquelle les règles matérielles s'appli-
quent à tout système - entendu comme un « accord » - régi par le droit d'un Etat membre choisi
par les participants parmi les Etats où l'un d'eux a son siège social (art. 2).
tant sur les articles 38 à 58 du règlement, puisque celui-ci s'était substitué entre-temps à la Conven-
tion entre les Etats membres de l'Union européenne à l'exception du Danemark. Le renvoi ne porte
pas sur l'article 34, § 2, de la Convention: cette exclusion est devenue sans objet depuis l'entrée en
vigueur du règlement, puisqu'elle tendait à supprimer tout contrôle des motifs de refus lors de la
phase unilatérale de la procédure, suppression qu'opérera le règlement« Bruxelles I ».
111 La technique de référence est critiquable car approximative. Ainsi, elle soulève une difficulté à
propos du contrôle de la compétence indirecte. En effet, le règlement sur l'insolvabilité se com-
prend comme excluant, à l'époque où il a été rédigé, ce contrôle lors de la phase unilatérale, non
lors de la phase contradictoire, puisque l'article 34, § 2, dont il exclut l'application, permet ce con-
trôle lors de cette première phase mais ne concerne pas la seconde phase. Cette exclusion peut se
comprendre à l'époque de la rédaction puisqu'au même moment, le règlement« Bruxelles II» (voy.
supra, n ° 12.70) excluait aussi ce contrôle lors de la première phase mais non lors de la seconde.
Avec l'entrée en vigueur du règlement « Bruxelles I », ce contrôle s'effectue aussi lors de la phase
contradictoire (art. 45). Or, il prévoit une règle de compétence indirecte, mais seulement dans des
matières particulières (art. 35, contrats d'assurance et de consommation, droits réels). Forcément,
ces matières n'incluent pas celle de l'insolvabilité, exclue du règlement « Bruxelles I ». Pourtant,
une interprétation selon l'effet utile du règlement sur l'insolvabilité devrait étendre par identité de
motifs le contrôle de la compétence indirecte à cette matière, car, parmi celles donnant lieu à un tel
contrôle dans le règlement « Bruxelles I », figurent (art. 22) des matières connaissant une règle de
compétence directe exclusive. Telle est bien la nature de la règle de compétence directe en matière
d'insolvabilité.
Ill Le règlement n'identifie pas, par une annexe, le tribunal ayant la compétence d'attribution pour
connaître d'une demande de reconnaissance ou de déclaration de la force exécutoire, à la différence
du règlement« Bruxelles I », qui cite, pour la Belgique, le tribunal de première instance. À première
vue, ce tribunal est donc compétent aussi en matière de la faillite. De son côté, le Code attribue
cette compétence au tribunal de commerce, non seulement pour les décisions rendues dans un
pays tiers (régime du droit commun), mais également pour celles rendues en vertu du règlement
(voy. infra, n ° 13.75). Il aurait été plus judicieux que celui-ci établisse une liste propre à la matière.
L'INSOLVABILITÉ 731
Dans l'attente d'une modification du règlement tendant à introduire une nouvelle annexe, il n'est
pas certain que l'attribution du tribunal de commerce soit conforme au règlement. Certes, il appar-
tient aux Etats de modifier les annexes (art. 74), ce qui confirme leur compétence à cet égard, mais
le règlement reste ob!igaroire dans tous ses éléments, y compris ses annexes tant qu'elles n'ont pas
été adaptées valablement, et le particulier a donc le droit de se fier à sa version en vigueur.
Les effets de la reconnaissance sont d'abord ceux attribués par la loi de l'Etat
d'ouverture de la procédure (art. 17). De plus, ils portent sur les pouvoirs du syndic, sans
préjudice d'une décision inconciliable rendue dans l'Etat requis (art. 18).
gne, Pas. (1853), 1, 155, reconnaissant les pouvoirs du syndic nommé par la juridiction française du
domicile du failli.
732 LES BIENS
Voy. notamment, pour l'incompétence à l'égard d'un débiteur domicilié à l'étranger: Bruxelles,
14 juin 1978,J.C.B. (1979), 419, note H. VAN HoUTIE; Liège, 30 septembre 1981,J.C.B. (1982), 336.
Pour la compétence à l'égard de la succursale étrangère d'un débiteur domicilié en Belgique, voy. :
Comm. Bruxelles, 28 avril 1980,J.C.B. (1980), 417.
Pour le refus de reconnaître un jugement étranger, voy.: Comm. Bruxelles, 26 novembre 1991, Rev.
dr. comm. belge (1992), 1077.
111 La définition du domicile pouvait susciter des difficultés dans une procédure internationale.
En l'absence de domicile en Belgique au sens l'article 36 du Code judiciaire et de résidence connue
hors du territoire belge, la compétence du juge belge du lieu d'exercice de l'activité commerciale a
été retenue: Cass., 30 septembre 1976, Gouda,J.T (1977), 57; 3 décembre 1987, Pas. (1988), I, 411.
Pour les sociétés commerciales, le lieu de l'établissement principal a été retenu, en harmonie avec la
règle de rattachement en matière de sociétés (voy. infra, n° 16.11). Voy. particulièrement, à propos
d'une société de droit public étrangère dont le siège à l'étranger était apparu comme fictif, dans
l'affaire Air Zaïre: Bruxelles, 21 septembre 1995, Rev. prat. soc. (1996), 129, noteJ.-L. VAN BoxsTAEL;
Cass., 2 décembre 1996, Rev. dr. comm. belge (1997), 526, note M. CLAEYS, retenant la localisation du
siège réel en Belgique.
Ill Le concordat, aussi, obéissait au principe d'universalité. Voy., dans l'affaire Leernhout & Hauspie:
Comm. Ypres, 19 janvier 2001 et 20 juin 2001, TR. V. (2001), 60 et 336, indiquant comme corollaire
le rejet d'une demande tendant à attendre une autorisation de vente d'actifs par un tribunal étran-
ger, américain en l'espèce.
Le Code tend à transposer au droit commun le concept d'universalité relative consa-
cré par le règlement, en distinguant procédure principale et procédure secondaire. La
portée pratique de ce régime est toutefois limitée, puisque, pour les entreprises visées par
le règlement, il n'affecte pas tout débiteur dont « le centre des intérêts principaux» est
dans la Communauté - à l'exception du Danemark.
Le droit commun reprend la terminologie ouverte adoptée par le règlement, en
englobant sous le terme « procédure d'insolvabilité » toute procédure « collective fondée
sur l'insolvabilité» (art. 116), comprenant, outre la faillite, le concordat et le règlement
collectif de dettes, ou encore, à propos de la reconnaissance d'une décision étrangère,
toute procédure ouverte à l'étranger.
IllLe texte de la proposition de loi citait les procédures de faillite, de concordat et de règlement
collectif de dettes. La version finale issue de l'amendement n ° 106 de MM. Zenner et Vandenberghe
(Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/6) est plus large, afin de pouvoir viser, au stade de la recon-
naissance d'une décision étrangère, toute procédure étrangère connaissant une autre appellation.
Ill La justification de l'amendement précité précise que le texte peut« s'appliquer à des procédures
non visées par le règlement sur l'insolvabilité, telles que la liquidation volontaire ou judiciaire fon-
dée sur l'insolvabilité du débiteur». Une telle extension ne devrait certes pas couvrir route procé-
dure de liquidation issue de la dissolution de la société, question relevant de la loi qui régit la
société.
L 166, arc. 2,j, loi du 28 avril 1999, Monit., 1er juin 1999, art. 7) et la loi du 15 décembre 2004 sur les
sûretés financières (Monit., F'février 2005, arc. 3, 5°).
L'établissement de règles de droit commun hors des situations visées par le règlement présente
1111
une utilité lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est dans un pays tiers alors qu'un
établissement secondaire est situé en Belgique.
Code a-t-il supprimé du Code judiciaire la référence au « domicile» du débiteur pour fonder la
compétence du tribunal (art. 136). Telle quelle, cette référence ne correspondait plus au critère
énoncé par le règlement et, en droit commun, le législateur a préféré un alignement sur les solu-
tions de celui-ci.
13.72 - Compétence interne - Pas plus que le règlement, le Code ne détermine la com-
pétence interne après que la compétence internationale des juridictions belges est véri-
fiée. Pour ce faire, il convient de se référer d'abord aux dispositions du Code judiciaire et
subsidiairement, pour le cas où le critère de compétence interne ne se localise pas en Bel-
gique, aux dispositions pertinentes du Code (art. 13 Codip).
Une distinction a lieu selon que la procédure est principale ou territoriale.
734 LES BIENS
tence interne, puisque la compétence internationale reste acquise. Force est alors d'utiliser le critère
du siège statutaire, en vertu de l'article 13 du Code, qui renvoie au critère de compétence interna-
tionale de l'article 118 - ou du règlement.
2003-2004, n ° 3-27/6).
Ill!La nouvelle rédaction de l'article 631, § l", al. 2 (art. 135 Codip) évoque seulement une procé-
dure basée sur le règlement. En effet, celui-ci ne comprend aucune disposition sur la compétence
interne.
La disposition attribue la compétence au tribunal premier saisi en cas de pluralité d'établissements
sur le territoire.
Ill!Avant l'entrée en vigueur du Code, l'article 3 (al. 1") de la loi sur la faillite du 8 juillet 1997,
modifié par la loi du 4 septembre 2002, comportait une anomalie puisqu'il pouvait se comprendre
comme établissant la compétence internationale des juridictions belges pour ouvrir une procédure
territoriale lorsque le débiteur« possède un établissement en Belgique ». Entendue en ce sens, cette
règle faisait double emploi avec le règlement, auquel elle renvoyait par ailleurs.
Le Code modifie la disposition de manière à l'entendre comme une règle matérielle énonçant que
l'ouverture d'une procédure territoriale peut avoir lieu à propos d'un débiteur non commerçant et
que l'état de faillite de l'établissement belge s'apprécie indépendamment « de l'état des établisse-
ments de celui-ci situés à l'étranger ». De plus, la faillite territoriale est déclarée« indépendamment
de tout examen de l'état du débiteur>> (al. 2). Le texte vise d'abord à combler une lacune puisqu'il
convenait de permettre une procédure à l'égard d'un non-commerçant lorsque le droit étranger qui
régit la procédure principale le prévoit. Ensuite, il donne sa portée utile à l'ouverture d'une procé-
dure territoriale, en permettant d'agir dès que l'établissement local présente un état de faillite alors
que le débiteur a préservé l'état de ses établissements à l'étranger.
De manière générale, l'opposabilité aux tiers d'un droit réel ainsi que l'existence et le rang de causes
de préférence sont régies par la loi de situation du bien au moment de la réalisation de celui-ci,
selon l'article 94. Celui-ci précise que c'est« sans préjudice de l'article 119 », et le texte de la justifi-
cation de l'amendement qui a introduit cette disposition (amendement n ° 72 du gouvernement,
Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/6) indique qu'il appartient à la loi de la faillite de déterminer
quelles créances sont privilégiées. Les termes de la justification doivent être nuancés. Le renvoi à
l'article 119 signale qu'en cas de faillite, il y a lieu de considérer cette disposition. Celle-ci consiste
certes à rattacher, par principe, à la loi de la faillite, notamment, « les règles de la distribution du
produit de la réalisation des biens [et] le rang des créances» (art. 4, § 1er, i, du règlement auquel
renvoie l'art. 119, § 1er), mais elle réserve aussi, parmi les causes de préférence, celles qui résultent
d'un droit réel, d'une compensation ou d'une réserve de propriété, les laissant à la loi de situation.
1111L'ensemble de ces dispositions est rédigé sous la forme de règles de rattachement, alors que le
règlement traire certaines d'entre elles par une règle matérielle.
Pour les droits réels, une différence sensible en découle. Alors que le règlement soumet pratique-
ment ceux-ci à la loi de l'insolvabilité en posant une règle matérielle applicable au titre de !ex fori, le
Code s'en remet à la loi réelle. La première approche assure l'inopposabilité de la procédure au titu-
laire du droit réel, alors que le Code laisse cette question à la loi réelle. Le Code ne cherche donc pas
à offrir au créancier du débiteur une protection aussi large que le règlement, afin de ne pas vider de
toute substance la notion de règlement« collectif» tout en offrant une sécurité juridique minimale
au créancier étranger. En pratique toutefois, l'un et l'autre textes préservent les règles de la loi de
l'insolvabilité sur l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers, non sans
nuance (voy. ci-dessous).
Ill La préservation des droits réels selon la loi de situation - actuelle - du bien, même en cas de
faillite, va plus loin que la solution de la jurisprudence antérieure, qui soumettait l'exercice du pri-
vilège, notamment l'opposabilité de la réserve de propriété, à la loi de la faillite, alors que l'existence
et l'étendue du droit réel relèvent de leur loi propre.
Voy.: Comm. Bruxelles, 27 octobre 1958,J.C.B. (1959), 81; Bruxelles, 27 mars 1963, Pas. (1963), II,
226; Comm. Courtrai, 25 juin 1964, R.W (1964-1965), 271; Comm. Gand, 8 janvier 1982 (2 espè-
ces),].C.B. (1982), 417, note H. VAN HOUTIE, et Rev. dr. comm. belge (1984), 35, note H. VAN HouTIE;
Anvers, 20 novembre 1984, Rev. dr. comm. belge (1986), 787; Bruxelles, 22 mars 1988, Rev. dr. comm.
belge (1989), 631, noteJ.-F. GÉRARD; 15 juin 1993,].L.M.B. (1995), 904.
En France, voy. en ce sens: Cass. civ., 8 janvier 1991, Clunet (1991), 993, note A. JACQUEMONT, qui
approuve.
Comp.: Comm. Charleroi, 22 mars 1994, ].L.M.B. (1995), 159, somm., soumettant à la loi espa-
gnole la distribution du prix de la vente et acceptant de créer ainsi une sous-masse, à propos d'un
immeuble situé en Espagne dans le cadre d'une faillite ouverte en Belgique,
Ill Un rattachement à la loi de la faillite apparaît dans la Convention belgo-néerlandaise de 1925
(supra, n ° 8.32), pour les privilèges sur les biens meubles du failli, et les hypothèques et privilèges
immobiliers restent soumis à la loi de la situation du bien, alors que ceux portant sur un navire ou
bateau relèvent de la loi de l'Etat de la nationalité du navire ou bateau (art. 23).
un acte déterminé. Cela n'empêche pas qu'il puisse être demandé au curateur belge de
chercher à collaborer. Cette disposition se comprend moins comme une obligation de
résultat, que comme posant les termes d'une habilitation à agir. Elle obéit toutefois à une
condition de réciprocité, amenant à vérifier si le droit étranger organise une obligation
au moins« équivalente».
Une condition de réciprocité affecte aussi l'obligation de transfert du surplus d'actifs à charge
1111
Les règles générales sur l'efficacité des décisions étrangères sont applicables. Il en est
ainsi du concept de reconnaissance de plein droit, de la nécessité d'une déclaration judi-
ciaire d'exequatur pour l'obtention de la force exécutoire, ou du respect d'une série de
motifs de refus qui commandent la reconnaissance ou la non-reconnaissance.
Toutefois, deux types de dispositions particulières concernent la matière de l'insol-
vabilité.
L'INSOLVABILITÉ 737
D'abord, deux motifs de refus supplémentaires sont prévus. Ils procèdent, respecti-
vement, d'un contrôle de la compétence indirecte et d'une révision au fond. D'une part, il
est exigé du jugement étranger qu'il n'ait pas été rendu sur une procédure d'insolvabilité
qui aurait relevé de la compétence des juridictions belges en vertu du Code (§ 1er).
D'autre part, le jugement étranger ne peut pas porter atteinte aux droits des créanciers
qui sont préservés par le rattachement spécial établi par le Code(§ 2).
Il Par dérogation aux motifs généraux de refus de l'article 23, le Code introduit une règle de com-
pétence indirecte (sur cette notion, voy. supra, n° 9.3) qui donne à la règle de compétence directe de
l'article 118 un caractère exclusif. Toutefois, dans le cas d'une procédure principale, le seul critère
tenu pour exclusif est celui de l'établissement principal: il est indifférent que le jugement étranger
ait été rendu alors que le débiteur avait son seul siège statutaire en Belgique.
Lorsque la procédure étrangère était basée sur la localisation d'un établissement secondaire, l'effi-
cacité de la décision est limitée à coute question concernant des biens situés dans ce pays: cette
limitation reflète la nature strictement territoriale assignée à une telle procédure par le droit inter-
national privé belge - mais aussi communautaire.
Par comparaison, la Convention franco-belge de 1899, à présent écartée par le règlement dans la
1111
plupart des procédures d'insolvabilité (voy. ci-dessus), prévoit une règle de compétence indirecte
conduisant au refus de reconnaissance si le juge français qui a statué n'a pas respecté la règle com-
mune désignant le tribunal du domicile du débiteur. Cette règle a été prise à la lettre au cas où ce
domicile était bien en France mais non dans le ressort du tribunal: Civ. Anvers, 24 janvier 1994,
R W ( 1994-1995), 130, à propos d'un jugement du tribunal de Paris concernant un commerçant
domicilié à Marseille. La solution est excessive, puisque le juge étranger n'a pas empiété sur la com-
pétence des juridictions de l'Etat requis et alors que son jugement a acquis force de chose jugée
dans l'Etat d'origine.
1111L'appréciation d'une violation de la règle de compétence indirecte peut s'avérer délicate lorsque
le juge étranger a fait application de la théorie de l'extension de la faillite au maître de l'affaire et
que celui-ci est domicilié en Belgique. La question s'est posée dans le cadre de la Convention
franco-belge. Un refus de reconnaître (Civ. Gand, 1er février 1996, Rev. gén. dr. civ., 1997, 334) a été
infirmé pour le motif que l'action contre le maître dérive directement de la faillite : Gand, 6 mai
1997, Rev. gén. dr. civ. (2001), 93, note V. MARQUETTE et N. WATIÉ.
1111L'objectif de cette attribution est de concentrer la compétence en matière de faillite. Cette con-
centration s'observe non seulement entre l'instance directe et l'instance en reconnaissance, mais
aussi, dans l'instance en reconnaissance, pour les décisions rendues dans des pays tiers comme
pour celles rendues en vertu du règlement. Elle vaut également pour toute procédure de reconnais-
sance entrant dans le domaine d'un traité international en vigueur en Belgique qui ne prévoit
aucune attribution de compétence.
Sur l'extension de la compétence d'attribution aux jugements rendus en vertu du règlement, voy.
les doutes exprimés supra, n ° 13.68.
738 LES BIENS
Section 4
Les successions
13.76 - Bibliographie
a) Généralités
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LES SUCCESSIONS 739
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Sur la Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort
(non en vigueur), voy. outre les Actes et Documents de la 16e session (La Haye, Bureau permanent, 1990)
avec le rapport explicatif de D. WATERS, les commentaires de P. LAGARDE, Revue (1989), 249-276, et
de E. ScoLES, Am.]. Camp. L. (1994), 85-124.
b) Successions testamentaires
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eigenhandig testament van Nederlanders in België », R W (1953-1954), 513-518; R. VANDER ELST,
« La Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dis-
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Sur la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, voy. particulièrement le Rapport explicatif de
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Sur les règles matérielles concernant la forme des testaments internationaux, voy.: J.-E. BEERNAERT
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notarisambt », Tijds. Not. (1983), 321-338; C. HALL, « Towards a Uniform Law of Wills: the
Washington Convention 1973 »,I.C.L.Q. (1974), 851-866; K. NADELMANN, « The Formai Validity of
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740 LES BIENS
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France, dépendant d'une succession ouverte à l'étranger »,journal des notaires et des avocats (1968),
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Sur la Convention de La Haye, du 2 octobre 1973, sur l'administration internationale des succes-
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Sur les travaux en cours au sein de l'Union européenne, voy. le Livre vert de la Commission, Clunet
(2005), 583
13.77 - Présentation - Lors du décès, les biens laissés par le défunt constituent, selon le
droit matériel, une universalité. Le règlement successoral affecte la transmission d'un
patrimoine et peut être vu, à ce titre, comme un aspect du régime des biens. C'est bien ce
raisonnement qui a été suivi en Belgique avant l'adoption du Code de droit international
privé.
Le règlement international d'une succession suit les étapes d'un règlement interne, à
savoir la détermination de la dévolution et l'appréciation de la portée de dispositions de
dernière volonté, ainsi que les modalités d'administration et de transmission des biens
jusqu'au partage. La détermination du droit applicable y apparaît plus déterminante que
celle de la compétence internationale, sans doute en raison de la rareté du contentieux
observée en la matière : en effet, le règlement repose essentiellement sur l'intervention du
notaire, loin du bruit du prétoire.
L'entrée en vigueur du Code de droit international privé ne bouleverse pas le droit
antérieur, si ce n'est par l'admission d'une option de législation.
Dans ses dispositions de conflit de lois, il concerne uniquement les décès survenus
après le 1er octobre 2004, tout en permettant de valider une option de législation faite
avant cette date (art. 127 Codip).
§ 1 LA DÉVOLUTION LÉGALE
A. Compétence internationale
13.78 - Absence de compétence exclusive - Alors que la détermination de la compé-
tence territoriale interne repose sur le lieu d'ouverture de la succession, à l'exclusion de
tout autre lieu (art. 627, 3 °, C. jud.), il en va autrement de la compétence internationale.
Le Code de droit international privé ne consacre pas pour autant le jeu des règles
générales de compétence internationale. Il recourt à un concept de semi-concentration
des litiges, en fonction de la proximité de l'espèce avec le juge saisi.
LES SUCCESSIONS 741
Comme critère subsidiaire, la localisation d'un bien en Belgique peut aussi fonder la
compétence internationale, mais uniquement pour la partie de la demande portant sur
ce bien.
On trouve une analogie avec la matière de l'insolvabilité, où une juridiction belge pourra con-
Ill!
naître d'une procédure « territoriale» pour des bien situés en Belgique (voy. supra, n'" 13.66 et
13.71).
Ainsi, le plus souvent, la compétence législative s'alignera sur la compétence juridic-
tionnelle, puisque le juge belge saisi appliquera normalement le droit belge désigné par la
règle de rattachement. Il n'en ira autrement que lorsque la demande porte sur la dévolu-
tion d'un meuble situé en Belgique alors que le défunt résidait à l'étranger en dernier lieu.
Le droit conventionnel connaît peu de règles de compétence internationale en la
matière. Seule la Convention franco-belge (voy. supra, n ° 8.32) a étendu l'attribution
exclusive qui régit la compétence interne (art. 7).
Il Pour un cas d'application de la Convention, voy. : Civ. Bruxelles, 17 décembre 1998,J. T. ( 1999),
608.
Ill! Le règlement« Bruxelles I » ne couvre pas« les testaments et les successions» (art. l "l
111! Pour une proposition de convention européenne en la matière, voy. les travaux du Gedip, Riv.
dir. int. priv. proc. (1993), 1079: Voy. ensuite le Livre vert de la Commission, Clunet (2005), 583.
B. Droit applicable
1. DÉSIGNATION DE LA LOI SUCCESSORALE
La tradition invoque l'ancien adage Mobilia sequuntur personam: les meubles sont réputés se
111!
trouver au lieu du dernier domicile du défunt. Le passage général de la loi du domicile à la loi
nationale, qui fut l'œuvre du Code civil, n'exerça aucune influence sur le rattachement des succes-
sions mobilières, celles-ci ne relevant pas du statut personnel.
1111La Cour de cassation n'a guère eu l'occasion de se prononcer sur le rattachement successoral.
Dans son arrêt du 28 mars 1952 toutefois (infra, n ° 13.84), elle isole explicitement la partie mobi-
lière et soumet celle-ci à la loi suédoise, après que le pourvoi avait souligné que le défunt était de
nationalité suédoise sans préciser son dernier domicile. Celui-ci étant également en Suède, on ne
saurait déduire de l'arrêt une préférence pour le facteur de la nationalité sur celui du dernier domi-
cile.
111Dans la jurisprudence, voy. par exemple: Liège, 21 février 1978,]ur. Liège (1978-1979), 161; Civ.
Bruxelles, 19 octobre 1990, Rev. not. belge (1992), 218; Anvers, 22 décembre 1997, Tijds. Not. (1998),
496, note F. BoUCKAERT.
Le critère utilisé par la jurisprudence était le« domicile», mais au sens de l'article 102 C. civ., ce qui
renvoie à l'établissement principal. Voy. par exemple: Civ. Bruxelles, 31 mai 1994, R. W. (1994-
1995), 677; 17 décembre 1998,].T. (1999), 608; Civ. Gand, 5 janvier 2001, Tijds. Gentse Rechtspraak
(2001), 84, estimant avec raison que le seul décès dans un hôpital belge ne suffisait pas à localiser
en Belgique la dernière résidence d'une personne domiciliée aux Pays-Bas.
Le Code définit désormais la résidence habituelle (arc. 4, voy. supra, n ° 5.67), d'une manière qui se
concilie avec le critère des centres d'intérêts affectifs et patrimoniaux (Liège, 21 février 1978, pré-
cité).
Ili La même solution prévaut en France. Le recours à l'article 3, alinéa 2, du Code civil est explicite
pour la partie immobilière: Cass. civ., 14 mars 1837, S. (1837), 1, 95. Le rattachement des meubles
repose sur« l'ancienne règle, toujours subsistante»: Cass. civ., 19 juin 1939, Revue (1939), 481,
note J.-P. NIBOYET; un arrêt plus récent confirme la solution pour les meubles, sur base de
« l'article 3 du Code civil et [des] principes du droit international privé qui gouvernent le droit des
successions et des libéralités» (Cass. civ., 18 octobre 1988, Clunet, 1989, 349, note D. ALEXANDRE).
Ill Le régime de dévolution que prévoit la loi du 16 mai 1900 sur les petits héritages ne s'applique
qu'à l'immeuble situé en Belgique, mais la condition relative à la limite du revenu cadastral de
l'ensemble des immeubles que comporte la succession, s'apprécie au regard des immeubles sis à
l'étranger. Voy. à propos de cette loi: Anvers, 22 avril 1986, R.W. (1986-1987), 870, note K.
LENAERTS.
L'arrêt précité évoque l'article 9 du projet Benelux de droit international privé, aujourd'hui aban-
donné, qui se référait à la nationalité du défunt.
La Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à
cause de mort (supra, n ° 13.76, non en vigueur) cherche à combiner les facteurs de la
nationalité, du domicile et de la localisation par les liens les plus étroits, sans opérer de
distinction entre les parties mobilière et immobilière du patrimoine (art. 3).
Le choix est limité, puisqu'il ne peut porter que sur la loi de la nationalité ou de la
résidence de son auteur, soit lors du choix, soit lors du décès. Il doit être exprimé dans
« une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort».
Ill La Convention de La Haye du 1er août 1985 (supra, n ° 13.76) prévoit une faculté analogue.
1111 À l'étranger, voy. par exemple l'article 90 de la loi suisse de droit international privé.
1111Cette idée figurait déjà dans les résolutions du 7e Congrès de l'Union internationale du notariat
latin (Bruxelles, 1963), où le vœu fut émis de rattacher les successions à la loi nationale du défunt,
avec la faculté de choisir, par testament, l'application de la loi du dernier domicile (voy. Revue,
1964, 168 et s., 276 et s.).
Le choix ne peut pas opérer de dépeçage du patrimoine : il doit conduire à soumettre
celui-ci à une loi unique. Cette exigence exprime le but poursuivi par le législateur, d'arri-
ver, par ce biais, à une unité de la loi successorale.
Le choix a pour limite de ne pas pouvoir affecter la réserve qu'assure la loi désignée
en vertu du rattachement objectif.
Cette faculté permet au défunt de gérer sa succession sans devoir rédiger un testa-
ment, document supposé régler de manière plus précise les droits des héritiers alors
qu'une telle perspective ne répond pas nécessairement à ses souhaits. De plus, le testa-
ment ne permet pas de modifier une disposition de la loi successorale sur laquelle le
défunt n'a pas d'emprise, par exemple une cause d'exhérédation, le moment d'ouverture
de la succession, les conditions d'acceptation ou de renonciation par les héritiers.
13.81 - Dévolution de la succession de l'adopté - Selon le Code de droit international
privé, il n'y a pas lieu de soumettre à une règle de rattachement particulière la dévolution
des biens d'une personne adoptée.
Ce faisant, le législateur abandonne une disposition singulière consacrée par
l'article 344ter du Code civil - avant son abrogation-, qui soumet, sans distinction, les
«effets» de l'adoption à « la loi qui a été appliquée à son admissibilité» (voy. supra,
n ° 12.133). Ne distinguant pas la dévolution successorale, le texte peut laisser entendre
que celle-ci, au titre d'un effet de l'adoption, relève de la loi appliquée à l'admissibilité.
Semblable interprétation paraît cependant dépasser l'intention du législateur qui, au vu
des réactions que la solution antérieure avait suscitées, semble sur ce point se contenter
d'une référence aux règles de droit international privé.
1111 Voy. M. VERWILGHEN e.a., L'adoption internationale en droit belge (Bruxelles, Bruylant, 1991), n° 80,
13.82 - Dérogation par le renvoi - Le Code de droit international privé admet une
forme de renvoi en matière successorale (art. 87, § 2, al. 2), alors qu'il exclut cette techni-
que dans son principe (art. 16).
La technique n'est admise que pour le rattachement d'une masse immobilière, lors-
que« le droit étranger conduit à l'application du droit de l'Etat sur le territoire duquel le
défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès». Cette forme de renvoi
744 LES BIENS
conditionnel (voy. supra, n ° 6.16) tend à assurer, autant que possible, une unité du ratta-
chement successoral. Il faut que le droit étranger de situation refuse sa propre compé-
tence, mais il suffit qu'il conduise en fait au droit de la dernière résidence, même si le
facteur de rattachement est autre, par exemple la nationalité.
1111 La Convention de La Haye du 1er août 1989 (supra, n ° 13.76) prévoit une forme limitée de ren-
voi, celle du renvoi au second degré (supra, n ° 6.21) au bénéfice de la loi d'un Etat non contractant
(art. 4) : la disposition tend à respecter la convergence des rattachements observée dans le droit
étranger désigné par la règle du for et dans le droit désigné par ce droit étranger.
Avant l'entrée en vigueur du Code, la jurisprudence utilisait la technique du renvoi
en matière successorale, comme elle le faisait en d'autres matières (voy. supra, n ° 6.19).
1111 Voy. notamment: Anvers, 22 avril 1986, R W. (1986-1987), 870, note K. LENAERTS, à propos du
droit espagnol.
111 En France, voy.: Cass. civ., 21 mars 2000, Ballestrero, Revue (2000), 399, note B. ANCEL, Clunet
(2001), 505, noce M. REVILLARD.
13.83 - Eviction de la loi désignée par l'exception d'ordre public - Comme en d'autres
matières, la clause générale de l'exception d'ordre public (art. 21 Codip) permet d'écarter
l'application de la loi étrangère désignée, en fonction des circonstances de l'espèce.
Toute disparité entre le droit du for et le droit étranger, notamment celle qui créerait
une inégalité entre certains héritiers, ne justifie pas la mise en œuvre de l'exception. De
même, il est insuffisant de constater que le droit étranger ne connaît pas l'institution de
la réserve.
Traditionnellement, le législateur belge, comme le législateur français, a entendu
préserver le principe d'égalité par l'établissement d'un « droit de prélèvement». Selon
l'article 912 du Code civil, « dans le cas de partage d'une succession comprenant des
avoirs situés sur le territoire d'un Etat étranger, les cohéritiers non ressortissants de cet
Etat prélèveront sur les biens situés en Belgique une portion égale à celle des biens .étran-
gers dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes
locales». Cette règle matérielle de droit international privé a nécessairement pour critère
d'applicabilité la localisation d'un immeuble en Belgique, sur lequel l'héritier évincé
pourra faire valoir ses droits.
Sur cette disposition, telle que modifiée par la loi du 15 décembre 1980, voy.: J. ERAUW, « Het
1111
nieuw recht van voorafneming in de internationale erfenissen », Mélanges Spanoghe (Anvers, Kluwer,
1983), 115-135; A. HEYVAERT, « Het erfrecht van vreemdelingen na de wet van 15 december 1980
betreffende het vreemdelingenstatuut », Tijds. Not. (1981), 257-276; N. TORES,« Het recht van voor-
afneming bij internationale erfenissen »,Jura Falconis (1980-1981), 101-126; R. VANDER ELST,« La
condition civile des étrangers selon la loi du 15 décembre 1980 », Rev. not. belge (1981), 355-361 ; N.
WATTÉ, « Le droit de prélèvement dans les successions internationales», Mélanges Pirson (Bruxelles,
U.L.B., 1986), 411-418.
Sur la relation avec la problématique des droits de l'homme, voy. : D. COHEN, « La Convention
européenne des droits de l'homme et le droit inte1mational privé français», Revue (1989), 451-485).
L'origine historique de la disposition remonte au Code de 1804, selon lequel l'étranger n'était
1111
admis à succéder aux biens délaissés en France que sous la condition de la réciprocité diplomati-
que. À la réciprocité diplomatique, la loi du 20 mai 1837 substitua la réciprocité craie pour craie.
En 1865, le législateur mit fin à l'interdiction de succéder pour les étrangers, et compensa, au profit
des seuls héritiers belges, ce dont ils auraient été privés à l'étranger. Historiquement lié à la sup-
pression de l'inégalité entre le Belge et l'étranger, que contenait l'ancien article 726 du Code civil, le
droit de prélèvement introduisait ainsi une discrimination nouvelle, puisque la règle matérielle de
droit international privé avait égard à la nationalité belge des cohéritiers qu'elle entendait favoriser.
LES SUCCESSIONS 745
D'après les travaux préparatoires de la loi du 27 avril 1865, le privilège accordé aux héritiers belges
à l'égard de leurs cohéritiers étrangers consistait à prélever sur les biens situés en Belgique une part
égale à celle dont ils auraient été privés sur les biens situés à l'étranger, non seulement en raison de
leur qualité de Belges, mais aussi en vertu de l'application de la loi étrangère normalement compé-
tente d'après les règles belges de conflit, et notamment s'il s'agit d'une loi qui ne connaît pas la
réserve légale prévue par la loi belge.
1111Sur l'application de cette disposition, voy. notamment: Bruxelles, 9 janvier 1974, Pas. (1975), li,
67; Civ. Dinant, 16 octobre 1974,]ur. Liège (1975-1976), 29; Civ. Arlon, 21 décembre 2000, Rev. not.
belge (2001), 325, note F. BouCKAERT, montrant une extension de l'hypothèse à toute disparité des
droits, tel un usufruit moins étendu de la veuve.
lillLa version finale de l'article 912, ainsi corrigée par l'article 86 de la loi du 15 décembre 1980 sur
la condition des étrangers, n'a que partiellement rencontré les critiques justifiées par la version
antérieure. Pour une interprétation qui en limite le domaine au cas où un traitement discrimina-
toire a été effectué de manière définitive dans le pays étranger sur la base de la nationalité, voy. G.
VAN HECKE et K. LENAERTS, n ° 614.
Seul le privilège de nationalité a été atténué par l'extension du droit de prélèvement à tous les cohé-
ritiers autres que les ressortissants de l'Etat étranger sur le territoire duquel se trouve la portion de
biens dont la dévolution donne lieu à la mise en œuvre du prélèvement. Ainsi, la disposition est
tout à fait dénaturée puisque, de la règle de condition des étrangers qu'elle paraissait être à son ori-
gine, elle est devenue pratiquement une règle de conflit de lois avec un léger tempérament propre à
la condition des étrangers.
La version finale supprimait certes une discrimination qu'autorisait la version antérieure entre les
héritiers belges et des cohéritiers ayant la nationalité d'un autre Etat membre de l'Union euro-
péenne sans toutefois la supprimer entièrement puisque la disposition pouvait encore être opposée
à un ressortissant de l'Etat de situation de l'immeuble étranger. L'article 12 du traité CE, qui inter-
dit les discriminations basées sur la nationalité, permet de mettre en doute ce mécanisme chaque
fois qu'il constitue une entrave à la circulation de personnes ou de biens protégés par ce traité.
Contra: M.-P. PULJAK, Le droit international privé à l'épreuve du principe communautaire de non-discrimina-
tion en raison de la nationalité (Aix-Marseille, PUAM, 2003), n'" 793 et s., estimant que les situations
du national et de l'étranger ne sont pas comparables.
Le jugement précité du tribunal civil de Dinant a soumis au droit de prélèvement un cohéritier de
nationalité française.
Une règle de conflit de lois qui, comme celle du droit belge, fait une assez large place
à la loi du pays de la situation, ne doit pas prétendre corriger sur les biens situés en Belgi-
que l'application de cette loi aux biens situés à l'étranger.
111 On peut certes concevoir que le législateur qui soumet à une loi unique l'ensemble de la dévolu-
tion successorale - comme c'est le cas en Espagne-, s'efforce de rétablir l'égalité des cohéritiers,
tom pue par l'application de la lex rei sitae dans les pays étrangers où est située une partie des biens
successoraux. Le procédé suivi à cette fin consiste à autoriser le prélèvement d'une part compensa-
toire sur les biens situés dans l'Etat du for. L'exercice de ce droit n'est pas subordonné à une condi-
tion de nationalité, mais a pour cause l'application par le juge étranger d'une solution de conflit de
lois dérogeant à celle de l'Etat du for.
Ill Sur le plan de la condition des étrangers, il eut été rationnel de permettre au Belge de compen-
ser sur les biens situés en Belgique ce dont il aurait été privé à l'étranger, en raison d'une règle de
condition des étrangers moins libérale que l'article 3 de la loi du 27 avril 1865. Comme on l'a vu, le
droit de prélèvement n'a pas été tenu dans ces limites.
Le Code de droit international privé a abrogé l'article 912 du Code civil (art. 139,
6°). Autre chose serait de considérer que, en fonction de l'espèce, l'application du droit
étranger puisse avoir des effets incompatibles avec l'ordre public (sur cette exception, voy.
supra, chap. 7).
746 LES BIENS
pour succéder (enfant conçu, absence de causes d'indignité, statut du conjoint divorcé).
3° la vocation de l'État ;
lillSur l'attribution à l'Etat suédois de meubles vacants situés en Belgique par un Suédois domici-
lié en Suède, voy. : Cass., 28 mars 1952, Etat belge c. Etat suédois, Pas. ( 1952), !, 483, Revue (1953), 132,
note Y. LoussoUARN. Voy. aussi in Re Maldonado [1953] 2 Ali E.R. 1579, Clunet (1961), 1156, note K.
LrPSTEIN. La Court of Appeal a attribué à l'Etat espagnol les biens mobiliers délaissés en Angleterre
par un Espagnol dont la succession s'était ouverte en Espagne.
D'après une partie de la doctrine, la solution de la Cour de cassation de Belgique serait un exemple
de qualification par la /ex causae (supra, n ° 7.12): la loi successorale est appliquée avec sa propre
qualification du droit de l'Etat (le droit suédois qualifie de successoral le droit de l'Etat), s'écartant
de celle de la !ex fori (le droit belge consacrerait un droit régalien).
Le problème est, en ces termes, mal posé. La prétendue« nature juridique» du droit de l'Etat dans
les relations internes n'a pas d'influence à exercer sur le problème de droit international privé. La
méthode conceptuelle de qualification fut invoquée pour combler une lacune du droit internatio-
nal privé positif: à quel Etat faut-il attribuer les biens d'une succession à laquelle n'est appelé
aucun héritier ni successible, légal ou testamentaire ?
Le caractère factice du prétendu conflit entre la conception belge et la conception suédoise du droit
de l'Etat est souligné par l'existence, en droit international privé suédois, d'une règle matérielle
unilatérale de droit international privé qui exclut expressément toute incidence de la
« qualification successorale » du droit de l'Etat sur le problème de droit international privé (voy.
supra, n ° 3.9).
1111 Au vu de la règle de rattachement belge, l'enjeu se limite, pour l'Etat belge, aux meubles laissés
en Belgique par un défunt établi à l'étranger. Il est en revanche plus grand dans un pays dont la
règle de rattachement soumet l'intégralité de la succession à la loi nationale du défunt.
Ill Comp. l'arc. 16 de la Convention de La Haye du 1er août 1989 (supra, n ° 13.76) permettant à
l'Etat de situation d'appréhender les biens vacants : la formulation se comprend comme désignant
normalement la loi successorale, mais celle-ci peut être écartée, au moyen d'une condition qui
s'analyse comme une clause spéciale d'ordre public positif
Sur le droit successoral de l'Etat, voy. : BARTIN, c. II, §§ 459-460 ; R. QuADRI, « La successione
1111
dello Stato ne! diritto internazionale privato », Riv. dir. int. (1958), 51-65; Y. LoussouARN, note sous
Cass., 28 mars 1952, Revue (1953), 132; G. MARIDAKIS, « Les bona vacantia d'après le droit interna-
tional privé», RabelsZ (1958), 802; F. RIGAUX, La théorie des qualifications, n',s 77, 160, 233-235.
4° les causes d'exhérédation et d'indignité successorale;
5° la validité au fond des dispositions à cause de mort ;
6° la quotité disponible, la réserve et les autres restrictions à la liberté de disposer à
cause de mort ;
7° la nature et l'étendue des droits des héritiers et des légataires, ainsi que les charges
imposées par le défunt ;
go [... ]
9° les causes particulières d'incapacité de disposer ou de recevoir;
LES SUCCESSIONS 747
10 ° le rapport et la réduction des libéralités ainsi que leur prise en compte dans le calcul
des parts héréditaires. [... ] ».
11!1 Sur le rapport, voy.: Civ. Bruxelles, 5 janvier 1971, Rev. gén. ass. resp. (1972), 8942.
approuvée par la loi du 29 juillet 1971, est entrée en vigueur à l'égard de la Belgique le
19 décembre 1971.
Les règles de la Convention s'appliquent« à tous les cas où le testateur est décédé
après son entrée en vigueur», c'est-à-dire après le 20 décembre 1971 (art. 8).
Le gouvernement belge n'a pas fait usage de la réserve, prévue par l'article 13, permettant aux
1111
13.87 - Notion de« dispositions testamentaires» - C'est délibérément que les rédac-
teurs de la Convention ont préféré au mot «testament» l'expression « dispositions
testamentaires». Celle-ci a une portée plus étendue puisque, à côté des testaments pro-
prement dits, instruments destinés à recevoir les dispositions de dernière volonté, elle
inclut aussi tout écrit quelconque dans lequel une telle disposition apparaîtrait, même de
manière accidentelle, ainsi qu'un codicille (H. BATIFFOL, Rapport explicatif, p. 160).
La Belgique a fait usage de la faculté de « se réserver de ne pas reconnaître les dispo-
sitions testamentaires faites, en dehors de circonstances extraordinaires, en la forme
orale par un de ses ressortissants n'ayant aucune autre nationalité» (art. 10).
La Convention couvre aussi :
- un acte de révocation: « L'article premier s'applique aux dispositions testamen-
taires révoquant une disposition testamentaire antérieure» (art. 2, al. 1er). Longuement
discuté, ce texte exprime la volonté de la majorité des membres, qui fut « d'exclure la
révocation résultant d'un fait ou d'un acte ayant un autre objet, tel le mariage ou le
divorce du testateur, tout en incluant les révocations par testament oral, et celles qui ne
prennent aucune disposition nouvelle aux lieu et place des dispositions révoquées» (H.
BATIFFOL, Rapport explicatif, p. 166).
Il Sur les discussions qui ont précédé l'adoption du texte, voy. Actes et Documents de la 9' session, t. 3,
74-79, 118-121.
Ill Sur les règles de fond applicables à la révocation de dispositions testamentaires, voy. infra,
n ° 13.90.
En revanche, le testament consulaire n'est pas couvert par la Convention. Celle-ci n'a
pas entendu se prononcer sur les conditions de forme auxquelles devaient satisfaire les
LES SUCCESSIONS 749
13.88 - Notion de forme - « Les prescriptions limitant les formes de dispositions testa-
mentaires admises et se rattachant à l'âge, à la nationalité ou à d'autres qualités person-
nelles du testateur» sont couvertes par la Convention (art. 5). Celle-ci surmonte ainsi
une difficulté irritante que suscitaient les jurisprudences nationales antérieures à son
entrée en vigueur.
Ill La difficulté la plus commentée par la doctrine avait pour origine l'article 992 de l'ancien Code
civil néerlandais, défendant au sujet néerlandais de faire à l'étranger un testament olographe con-
formément à la loi locale. En Belgique comme en France, la jurisprudence avait cependant, après
quelques hésitations, admis la validité du testament olographe fait par un Néerlandais dans un
pays qui connaît cette forme de testament. Voy. les références dans : F. RIGAUX, Droit international
privé (1968), n° 406.
Ill Bartin avait à tort traité comme un conflit de qualifications le conflit entre la loi néerlandaise
prohibant la forme olographe et la loi territoriale qui la déclare valable: entre la qualification
« règle de fond» qu'il imputait à l'article 992 du Code civil néerlandais et la qualification« règle de
forme» qu'il attribuait à l'article 970 du Code civil français, le juge français devait préférer la quali-
fication de la lex fori. À la vérité, la disposition néerlandaise prétendant limiter les formes en les-
quelles un sujet néerlandais peut faire son testament en dehors des Pays-Bas est une règle de droit
international privé que les juges d'un autre Etat n'ont pas à appliquer.
Pour un état de la question, voy. notamment: F. RIGAUX, La théorie des qualifications, n° 5 4, 276-277.
Sur le faux conflit de qualifications fond-forme, voy. supra, n ° 7.20.
Désormais, la prohibition de faire un testament olographe du droit néerlandais
n'est respectée que dans la mesure où ce droit est seul applicable en vertu de l'article pre-
mier de la Convention.
Ill Ainsi est nul, le testament olographe fait par un Néerlandais aux Pays-Bas où il a son domicile
et sa résidence. Pour que le testament soit valable, il suffit qu'une autre loi soit déclarée applicable
conformément au même article: par exemple, la loi belge, si le testament a pour objet un immeuble
situé en Belgique ou si la disposition testamentaire a été faite dans ce pays.
Le gouvernement belge n'a pas fait usage de la réserve permettant à tout Etat contractant de déter-
miner le domicile du testateur selon la loi du for (Conv., art. 9).
750 LES BIENS
sairement délimité au moyen d'une condition de réciprocité. Insérées dans le corps même du traité
(art. III et IV) et non dans l'annexe contenant la loi uniforme, elles concernent la « reconnaissance
internationale» de la désignation de la personne habilitée à instrumenter et de l'attestation délivrée
par cette personne, prévue par la loi uniforme (art. 10), que les formalités du testament international
ont été suivies. Ces dispositions relèvent davantage du conflit d'autorités que du conflit de lois.
Nonobstant son objet, la loi uniforme comporte pourtant une référence indirecte à
la détermination du droit applicable. En disposant que le testament est valable, en ce qui
concerne la forme, « quels que soient notamment le lieu où il a été fait, la situation des
biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur», l'article premier pose une
règle - matérielle - de validité dont la portée ne dépend d'aucun critère de localisation
de la situation. C'est, par une voie détournée, nier toute pertinence aux facteurs de ratta-
chement, notamment ceux fixés par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961.
Vue sous cet angle, la loi uniforme se rapproche davantage de la troisième méthode d'unifica-
1111
13.94 - Règles matérielles de droit international privé - Sous l'intitulé « Des règles par-
ticulières sur la forme de certains testaments», les articles 981 à 998 du Code civil sou-
mettent à des règles spéciales le testament dressé en des circonstances exceptionnelles.
Ces circonstances sont :
- « les testaments des militaires et des individus employés dans les armées »
(art. 981 à 984);
- « les testaments faits dans un lieu avec lequel toute communication sera intercep-
tée à cause de la peste ou autre maladie contagieuse» (art. 985 à 987);
- « les testaments faits sur mer dans le cours d'un voyage» (art. 988 à 998).
L'applicabilité de ces dispositions matérielles dépend de la Convention de La Haye.
Elles constituent une partie de « la loi interne » du pays dont le droit est désigné en vertu
des règles de conflit de lois conventionnelles.
752 LES BIENS
1111 En vertu des règles de conflit de lois de la Convention, les articles 981 à 998 du Code civil peu-
vent être déclarés applicables si l'un des facteurs de rattachement retenus par ces règles se localise
en Belgique, par exemple si le militaire a la nationalité belge ou si les dispositions des articles 985 à
987 sont appliquées à la forme d'un testament fait en Belgique, etc.
domicile ni résidence en Belgique suit les formes du testament des militaires hors du territoire
belge.
111 De même, un passager n'ayant aucun lien avec la Belgique doit pouvoir faire son testament
dans les formes des articles 988 à 997 sur un bâtiment battant pavillon belge, et l'on pourrait hési-
ter à appliquer à cette hypothèse l'article 1er, alinéa 1er, a, de la Convention de La Haye.
À la vérité, bien que le législateur ne se soit pas expressément prononcé sur ce point,
il faut déduire des formalités mêmes auxquelles la loi a soumis le testament des militaires
et celui fait sur mer que ces deux formes exceptionnelles ont pour domaine spatial, res-
pectivement, l'armée belge et les navires battant pavillon belge. Dès lors, cette seule cir-
constance justifie la mise en œuvre de la forme exceptionnelle prévue par la loi belge,
même si aucun des critères de rattachement de la Convention ne se vérifie en l'espèce.
Grâce à l'article 3 de la Convention, la règle spéciale de conflit de lois belge - sous la
forme d'une règle d'applicabilité - s'ajoute à celles qui sont prévues par l'article premier.
13.9S - Dérèglement des institutions publiques - Il arrive que les institutions publi-
ques se sont déréglées à un point tel que le testateur ne peut recourir à aucune des formes
prévues par les diverses lois compétentes.
111 Tel a, par exemple, été le cas pour certains prisonniers durant la Seconde Guerre mondiale.
1111 Sur les motivations artificielles de la jurisprudence française, voy. : F. Rigaux, Droit public et droit
privé, §§ 25 et 27.
La seule solution correcte consiste à autoriser le juge civil à assouplir des exigences
de forme qui ne sauraient être imposées dans leur rigueur à une personne mise dans
l'impossibilité de les respecter.
Ill Comp. supra, n ° 12.51, la solution analogue proposée pour la célébration du mariage.
Ill Sur la compétence relative à un testament international, voy. l'arc. 16 de la loi du 2 février 1983
(supra, n° 13.93).
IllL'arrêté ministériel du 22 décembre 1983 (Monit., 31 janvier 1984) organise une procédure de
dépôt d'une copie au greffe du tribunal de première instance de Bruxelles.
LES SUCCESSIONS 753
B. Inscription du testament
13.97 - Système de la Convention de Bâle - La Convention de Bâle du 16 mai 1972
relative à l'établissement d'un système d'inscription des testaments a été approuvée par
la loi du 13 janvier 1977 (Monit., 6 mai 1977), dont l'article 7 fait entrer en vigueur au
1cr janvier 1977 l'obligation d'inscription prévue par la Convention.
L'organisme chargé de procéder aux inscriptions et de répondre aux demandes de
renseignements est la Fédération royale des notaires de Belgique (loi d'assentiment,
art. 2). Le système d'inscription vise les actes énumérés par l'article 4 de la Convention,
auxquels s'ajoutent les actes désignés par l'article 4 de la loi d'assentiment. D'après
l'article 6, 1, de la Convention, « l'inscription n'est soumise, en ce qui concerne le testa-
teur, à aucune condition de nationalité ou de résidence»: le notaire, l'autorité publique
ou la personne habilitée à cette fin, soit qu'ils aient dressé un acte authentique, soit qu'ils
aient reçu en dépôt un testament olographe, le font inscrire dans le pays où ils exercent
leurs fonctions, quels que soient la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur.
En outre, à la demande du testateur, le notaire, l'autorité publique ou la personne
chargés de faire l'inscription peuvent y procéder « non seulement dans l'Etat où le testa-
ment aura été dressé ou déposé, mais également, par l'intermédiaire des organismes
nationaux, dans les autres Etats contractants» (art. 6, 2).
Conformément à l'article 10 de la Convention, celle-ci « ne porte pas atteinte aux
règles qui, dans chacun des Etats, concernent la validité des testaments et autres actes
visés par la présente Convention».
En droit international privé belge, il paraît d'autant moins justifié de préférer la loi
nationale au moment du décès que celle-ci est étrangère au règlement successoral propre-
ment dit.
13.99 - Incapacités spéciales de disposer et de recevoir - La plupart des incapacités
spéciales de disposer sont indissociables de l'incapacité spéciale de recevoir correspon-
dante, eu égard au caractère réciproque de la relation entre le testateur et le légataire, rela-
tion à laquelle la loi attache une mutuelle prohibition (voy. par exemple les articles 907 à
909 du Code civil). En France, une opinion dominante rattache ces incapacités à la loi
successorale.
Voy. en ce sens: Paris, 29 novembre 1954, Revue (1956), 272, note Y. LoussoUARN. Dans la
Ill
doctrine: BATIFFOL et LAGARDE, t. II, n ° 651 ; BOULANGER, précité n ° 13.76, 145.
754 LES BIENS
Le Code de droit international privé soumet à la loi successorale« les causes particu-
lières d'incapacité de disposer et de recevoir» (art. 80, § 1er, 9°).
Voy.: Civ. Dinant, 16 octobre 1974, fur. Liège (1974-1975, 29, soumettant un enfant naturel
1111
français à l'incapacité de recevoir prévue par l'article 757 du Code civil, loi successorale.
La capacité de recevoir et le régime de spécialité des personnes morales ont suscité une abon-
1111
dante jurisprudence qui les a soumis à la loi régissant le statut juridique de ces personnes.
Dans la jurisprudence française, voy. notamment: Cass. civ., 7 février 1912, D.P. (1912), 1, 433 ; Civ.
Seine, 14 novembre 1936, Revue (1938), 57; Rouen, 26 juillet 1949, Revue (1951), 629, note Y. Lous.
SOUARN.
Le statut des fondations, personnes morales que le testateur institue en vue de les
faire bénéficier de ses libéralités, est soumis à la loi d'autonomie dans les limites de la
liberté de tester fixées par la loi successorale.
Voy.: Paris, 16 mai 1960, Fondation Potocki, ].CP. (1960), II, 11.763, note GAVALDA, et sur cet
1111
Le pacte successoral fait l'objet, dans la Convention de La Haye du ier août 1989 sur
la loi applicable aux successions à cause de mort (non en vigueur), de dispositions parti-
culières (art. 8 à 12) qui, en substance, désignent la loi successorale de la ou de chacune
des parties concernées. Dans le second cas, le rattachement obtenu est de type cumulatif.
Le testament peut cependant désigner la loi applicable à la dévolution, sans préju-
dice des dispositions sur la réserve.
Le contenu de certaines dispositions testamentaires peut encore se heurter à l'appli-
cation de règles impératives autres que celles figurant dans la loi successorale, pour un
motif tenant notamment au statut de certains biens concernés par ces dispositions. La
loi de la situation actuelle de ces biens pourra en effet avoir un titre à s'appliquer. La solu-
tion peut se fonder sur les dispositions générales de l'article 20 du Code de droit interna-
tional privé.
Ill L'arrêt rendu par le Hoge Raad des Pays-Bas le 16 mars 1990 (Museum Bredius, N.I.L.R., 1991,
403, note Th. DE BOER) en fournit un bon exemple: un testament rédigé par un Monégasque -
dont la succession était, en vertu de la règle néerlandaise de rattachement, soumise au droit de
Monaco - et prévoyant que les œuvres d'art dont il avait fait don à un musée ne pouvaient en être
retirées, fut soumis à la loi néerlandaise du 1cr mai 1925 relative aux musées, permettant dans cer-
tains cas la révision d'un testament par le juge.
il convient d'en distinguer une autre, relative à la véracité des constatations faites par le
notaire étranger qui a reçu le testament en la forme authentique.
Cette question-ci concerne la force probante intrinsèque de l'acte public étranger
(voy. supra, n ° 10.8). Par conséquent, la constatation de faits matériels faites par l'officier
public seront tenues pour vraies jusqu'à preuve du contraire, une inscription de faux ne
pouvant être établie directement sur l'acte étranger mais seulement sur une copie faite en
Belgique.
Sur la qualification de la question comme concernant la force probante, voy. : Cass. civ., 20 mars
Ill!
2001, Hassan, Revue (2001), 697, note H. MurR WATT.
Il serait exclu d'admettre une compétence des juridictions du for pour procéder à une annula-
1111
tion de l'acte public étranger, ni pour donner une quelconque injonction à l'officier étranger
(même arrêt).
D. Interprétation du testament
13.102 - Principe d'autonomie de la volonté- La loi régissant la dévolution successo-
rale assigne au testateur les limites dans lesquelles ses actes de volonté sont efficaces.
Quand il s'est clairement exprimé, il est assez facile d'apprécier la légalité des dispositions
qu'il a prises, et notamment de réduire à la quotité disponible tout legs portant atteinte à
la réserve légale.
Pour interpréter les dispositions obscures et compléter les dispositions insuffisan-
tes, il faut se référer à la loi choisie par le testateur (art. 84 Codip).
1111Voy. en ce sens: Paris, 16 mai 1960,].C.P. (1960), II, 11763, note GAVALDA; Civ. Seine, 26 février
1958, Clunet (1959), 430, note A. PONSARD; Paris, 10 janvier 1970, Revue (1971), 518, note G. DROZ.
Bien que ce dernier arrêt paraisse affirmer la compétence de la loi d'autonomie pour des biens
situés à l'étranger, il exclut cependant que la loi étrangère choisie par l'intéressé puisse porter
atteinte à la réserve prévue par la loi française, applicable à la succession.
Le choix doit être exprès ou certain. De plus, il ne peut avoir pour objet que l'une des
lois auxquelles le défunt peut soumettre la succession.
Ili Pourtant, une autonomie large n'est pas incompatible avec une limitation, ou même une exclu-
sion, de la loi d'autonomie en matière successorale. La recherche de la volonté du testateur (inter-
prétation, en anglais: construction) est aisément dissociable de la loi successorale: c'est dans les
limites permises par cette loi que le de cujus a usé de sa liberté de tester, notamment en introduisant
dans son testament des dispositions de dernière volonté qui ne sauraient être interprétées que par
référence à la loi étrangère à laquelle elles sont empruntées.
Par exemple, quand un Anglais institue un trust sur des biens dévolus conformément à la loi belge,
ses dernières volontés ne sont efficaces qu'à concurrence de la quotité disponible, mais, dans ces
limites, elles doivent être interprétées à la lumière du droit anglais.
Ainsi dissociée de la loi successorale, qui détermine la validité et les effets du testament, la loi con-
sultée pour l'interprétation de cet acte remplit une fonction analogue à celle de dispositions subs-
tantielles du même droit, matériellement incorporées à l'acte juridique (infra, n° 14.47).
À défaut de loi choisie par le testateur, le testament doit être interprété d'après la loi
du pays avec lequel il a les liens les plus étroits, avec une présomption de localisation à la
résidence habituelle du défunt au moment de sa rédaction (art. 84, al. 2, Codip).
Voy. en faveur de la loi du domicile : Philipson-Stow and others v. In/and Revenue Cornrnissioners
1111
E. Effets du testament
13.103 - Rattachement des effets à la loi successorale - La distinction entre la recher-
che de la volonté du testateur, question de fait que la loi compétente aide, le cas échéant,
à élucider, et la détermination des effets juridiques de la volonté ainsi interprétée n'est
pas toujours aisée. Question de droit, le deuxième problème doit être rattaché à la loi suc-
cessorale.
Un cas limite concerne l'effet d'un testament sur ceux qui l'ont précédé. À défaut de
révocation expresse et quand les contenus respectifs des testaments successifs ne sont
pas incompatibles, il appartient normalement à la loi successorale de décider si les legs
contenus dans un premier testament sont rendus caducs par un testament ultérieur.
Ill Voy. en faveur de la loi successorale: Cass. civ., 13 novembre 1951, Biadelli c. Orphelins d'Auteuil,
Revue (1952), 323.
1111 En droit interne, cette question est réglée par les articles 1035 à 1038 du Code civil.
peut aussi se concevoir, au titre de loi applicable à l'interprétation de la volonté, lorsqu'on peut
déceler une référence au moins implicite du testateur à cette loi. Cette solution évite un dépeçage
de l'effet du testament lorsque celui-ci porte sur des immeubles situés dans des pays différents et
que la loi successorale est celle de la situation de chaque immeuble.
La caducité d'un testament ou d'un legs (voy. par exemple les articles 1039 à 1047
du Code civil) relève également de la loi successorale.
L'effet du testament se détermine au regard d'une loi successorale qui peut ne pas
être celle dont le testateur a pu considérer l'application au moment de la rédaction du
testament. Cela découle de la solution donnée au conflit mobile en matière successorale :
la loi applicable est déterminée par la concrétisation du facteur de rattachement (domi-
cile, situation des biens, nationalité) au jour du décès.
1111La jurisprudence britannique en offre un excellent exemple (in re Groas [1915] 1 Ch. 572). Au
moment où une Néerlandaise lègue à son mari tous les biens dont la loi lui permet de disposer, elle
est domiciliée aux Pays-Bas, mais elle transfère ensuite son domicile en Angleterre où elle meurt. La
loi anglaise applicable à la succession mobilière ne restreint pas la liberté de tester, tous les biens
meubles de la défunte sont donc attribués à son mari. Si elle était morte peu après la rédaction du
testament, le legs aurait été réduit à concurrence du disponible, en vertu des règles néerlandaises
sur la réserve. La circonstance que la testatrice avait expressément limité sa libéralité à la mesure
que la loi permet, ne justifie pas qu'on prenne en considération la loi qui aurait été applicable si elle
était morte immédiatement après avoir testé.
1111De même, dans un litige de droit transitoire et de droit interrégional, la chambre civile de la
Cour de cassation de France a décidé que le testament par lequel, sous l'empire du Code civil fran-
çais en vigueur en Alsace-Lorraine en 1897, un homme léguait à sa femme un usufruit, ne privait
pas celle-ci du droit successoral que l'entrée en vigueur du BGB allait, trois ans plus tard, attribuer
au conjoint survivant (Cass. civ., 2 août 1921, Baltzer, Clunet, 1923, 105).
Avant le partage de l'excédent d'actif, un conflit aigu peut opposer trois catégories
d'intérêts divergents : les créanciers, le fisc et les héritiers et successeurs.
De plus, les règles de transmission des biens ne sont pas identiques dans tous les
pays. L'une des différences les plus accusées oppose le système de saisine de plein droit
des héritiers aux systèmes anglo-américains dans lesquels la dévolution n'est pas immé-
diate, les biens étant distribués, après le règlement du passif, sous le contrôle des tribu-
naux.
Ill D'après la common law, les héritiers ne sont pas saisis de plein droit des meubles laissés par leur
auteur. Si celui-ci n'a pas fait de testament, le tribunal, généralement une Probate Court, désigne un
administrator chargé de recueillir l'actif, de payer les dettes et les impôts, puis de distribuer le solde
entre les héritiers. En principe, l' administrator est désigné par le tribunal de l'Etat où le défunt avait
son dernier domicile (domiciliary administrator). Pareille désignation n'est pas subordonnée à la pré-
sence de biens sur le territoire de cet Etat. D'autres administrateurs, ayant un caractère auxiliaire,
peuvent être désignés par le tribunal de tout Etat dans lequel le défunt a laissé des biens (assets).
Voy., aux Etats-Unis, les §§ 467 et 468 du Restatement 2nd, favorable à une administration unitaire
de la succession. Les pouvoirs d'un administrator hors du territoire de l'Etat qui l'a désigné sont
reconnus par le Restatement 2nd, au moins quand ils n'entrent pas en concours avec ceux de l'admi-
nistrator local.
Les successions testamentaires n'échappent pas au contrôle judiciaire dans les pays de common law.
Les pouvoirs sont, en général, attribués par le testateur à un executor, dont la fonction est beaucoup
plus étendue que celle de l'exécuteur testamentaire du Code civil. Toutefois, l'executor doit soumet-
tre le testament au tribunal compétent, le plus souvent une Probate Court, auquel il appartient,
après vérification de l'acte, de lui délivrer des lettres d'administration.
Enfin, les biens successoraux peuvent être dispersés en différents pays et, par la force
de leur situation, être soumis à des règles de conflit de lois différentes et à des systèmes de
transmission peu ou mal harmonisés.
IllLa méthode archaïque du droit de prélèvement (supra, n ° 13.83) est un exemple de « correctif»
par lequel un Etat dans lequel une partie des biens est située s'efforce d'étendre l'application de ses
propres règles de conflit de lois à la dévolution de biens sis hors de son territoire.
13.107 - Paiement des dettes - Comme dans le cas d'une faillite, aux avantages d'une
liquidation unitaire fait obstacle la dispersion des biens en plusieurs pays.
IllSur cette difficulté, voy. notamment la note de G. DROZ, sous Cass. civ., 13 février 1973, veuve
Oliverc. époux Allen, Revue (1974), 338.
1111 En matière successorale, il faut distinguer l'obligation aux dettes de la contribution à celles-ci.
Lorsque le créancier peut se prévaloir d'un droit de gage sur les biens du défunt (en
droit belge, tous les biens du défunt forment le gage de tous ses créanciers, loi du
16 décembre 1851, art. 8), il peut saisir les biens situés en n'importe quel pays, à condi-
tion qu'il puisse se prévaloir d'un titre exécutoire délivré ou reconnu au lieu de la situa-
tion. En pratique, il s'attaquera de préférence aux biens délaissés dans le pays où il a son
domicile ou son établissement commercial. Il en résulte un certain privilège de fait au
profit des créanciers locaux, ceux qui sont étrangers au pays dans lequel se trouvent les
biens les plus aisément saisissables devant d'abord obtenir la mise à exécution du titre
dont ils se prévalent.
Ill Il est généralement admis qu'un créancier peut faire une saisie conservatoire en invoquant un
titre exécutoire étranger, à condition qu'il obtienne l'exequatur durant la procédure de validation de
la saisie. Voy. en ce sens: Cass., 4 juin 1891, Pas. (1891), I, 162 et les références françaises citées par
BATIFFOL et LAGARDE, t. II, n ° 74. Voy. aussi supra, n ° 10.49.
Quand une succession s'est ouverte dans un pays de common law, l'administrator
chargé de payer les dettes et les impôts avant de distribuer l'excédent d'actif entre les héri-
tiers peut demander à obtenir les meubles situés en Belgique. Cette demande ne sera
LES SUCCESSIONS 759
reçue que dans la mesure où la qualité de l' administrator peut être reconnue en Belgique
(voy. ci-dessous).
13.108 - Paiement des dettes fiscales - Une distinction s'impose lorsque le créancier est
l'Etat du for ou un Etat étranger.
Dans le cas d'un Etat étranger, les meubles comme les immeubles délaissés en Belgi-
que sont soustraits à toute action de l'administration fiscale étrangère. Il faut même
exclure toute forme indirecte de recouvrement forcé d'un impôt par le fisc étranger. Il en
est ainsi au cas où l'administrator veut se faire remettre les biens pour payer les droits de
succession ou des dettes fiscales du défunt.
1111Il existe sur ces deux questions une jurisprudence constante dans les pays de common law. Voy.
les références dans : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, § 84, mais camp. les décisions commentées
ibid.,§ 85, C.
belge parce que le défunt est décédé en Belgique (meuble) ou parce que le bien est situé en
Belgique (immeuble), l'héritier aura gain de cause sur l'exécuteur testamentaire désigné à
l'étranger.
1111Voy. en ce sens les explications de l'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. pari., Sénat,
2003-2004, n ° 3-27/1).
Un conflit pourrait cependant surgir au cas où la loi étrangère du lieu de situation aura exigé
l'intervention d'une aurorité locale alors que la dévolution reste régie par un droit qui prévoit la
saisine de plein droit. Dans ce cas cependant, l'autorité prendra normalement une décision, qui
devrait être assimilée à une décision judiciaire, et le conflit sera tranché par l'application des règles
sur l'efficacité des jugements (voy. ci-dessous).
Ill Sur les expériences étrangères, voy. par exemple en France: Cass. cr., 4 juin 1941, Sz.apka c. Geffros
et Bessin, S., 1944, 1, 133, note H. BATIFFOL: il appartient au public trustee administrant une succes-
sion mobilière soumise à la loi américaine d'exercer en France l'action en réparation du préjudice
subi par le de cujus, alors qu'en droit français, l'action ex herede est intentée par les héritiers eux-
mêmes.
Les exécuteurs testamentaires d'un sujet britannique dont la succession mobilière est soumise à la
loi britannique, loi du dernier domicile, ont qualité pour reprendre, devant les tribunaux français,
l'instance entamée par le de cujus lui-même avant son décès (Paris, 4 juillet 1958, Clunet, 1959, 1122,
note PONSARD).
Dans une affaire où l'application des règles de conflit de lois en vigueur en Indochine donnait com-
pétence à la loi personnelle du défunt, la chambre civile a permis à l'executor d'exercer sur les
immeubles sis en Cochinchine les pouvoirs étendus que le testateur lui avait confiés jusqu'à la
majorité des héritiers mineurs (Cass. civ., 22 juin 1954, Eaishabi c. Maindin, Revue, 1955, 123, note
LOUSSOUARN).
Si l'administrateur étranger a été investi par une décision judiciaire, ses pouvoirs
seront fonction de la reconnaissance de plein droit ou, en cas de refus de remise du bien,
ils reposeront sur la déclaration de la force exécutoire de la décision en vertu des règles
générales sur l'efficacité des décisions étrangères (art. 22 et s., Codip; voy. supra,
chap. 10).
Pratiquement, en l'absence de contestation, l'administrateur pourra invoquer la reconnaissance
1111
de ses pouvoirs sans procédure judiciaire préalable (art. 22 Codip), mais il pourra se voir opposer
une décision inconciliable en Belgique (art. 25, § 1er, 5°, Codip).
Quand les pouvoirs conférés par le testateur ont pour objet l'administration de
biens appartenant à des héritiers mineurs, la loi de l'incapacité doit aussi être prise en
considération (voy. supra, n° 5 12.75 et s.).
Ill Sur la compétence d'une juridiction belge pour autoriser la vente d'un immeuble d'un mineur,
sur base du critère du lieu de situation, voy. :J.P. Mouscron,].J.P. (2002), 420, cependant sur base de
l'article 629 du Code judiciaire, règle de compétence interne.
IllSur la possibilité d'introduire une demande en Belgique pour des biens localisés en Belgique,
voy. déjà: Civ. Malines, 28 juin 1955, Tijds. Not. ( 1955), 184; Civ. Courtrai, 8 mars 1951, ibid. (1951),
87.
Si le testament a été soumis à une vérification judiciaire à l'étranger, un envoi en
possession en Belgique n'est plus nécessaire car, soit cette décision opérera envoi en pos-
session, soit elle se limitera à homologuer le testament privé et ses effets seront reconnus
de plein droit (art. 22 Codip).
IllVoy. déjà: Civ. Bruxelles, 6 mars 1956, Ann. not. enr. ( 1956, 190, à propos d'un Probate du tribu-
nal de New York. En France, voy.: Paris, 4 juillet 1958, Clunet (1959), 1122, noce PONSARD.
13.112 - Rattachement spécial des modalités du partage - Si le partage en tant que tel
relève de la loi successorale, il en va autrement de ses modalités (art. 81 Codip).
La loi successorale détermine par exemple le régime de l'indivision et de la sortie
d'indivision, ou les conditions d'un partage amiable. En l'absence de précision dans le
texte légal, les formalités à suivre relèvent aussi de cette loi, à l'exclusion de la loi du lieu
du partage.
762 LES BIENS
LES CONTRATS
14.1 - Bibliographie
a) Rattachement contractuel
En raison de l'abondance des publications, il a fallu se limiter aux monographies et à quelques étu-
des de base.
M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du contrat (Paris, Economica, 2001); M. AUDIT, Les conventions
transnationales entre personnes publiques (Paris, LGDJ, 2002) ; H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de
contrats (Paris, Sirey, 1938); ID., « La loi appropriée au contrat», Mélanges Goldman (Paris, Litec,
1982), 1-14; ID., Les contrats en droit international privé comparé (Montréal, Univ. McGill, Inst. dr.
comp., 1981); A. BoGGIANO, International standard contracts (Londres, Graham & Trotman, 1991);
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VACA et L. FERNANDEZ DE LA GANDAR.A (dir.), Contratos internacionales (Madrid, Rogar, 1997);]. CAR-
R.AscosA GONZALEZ, El contrato internacional (Madrid, Civitas, 1992) ; S. CHAILLE DE NERE, Les difficultés
d'exécution du contrat en droit international privé (Aix, PUAM, 2003) ; B. CoRTESE, Il trasferimento di tecno-
logia ne/ diritto internazionale privato. Licenza e cessione di privative industriali e know-how (Padoue,
Cedam, 2002) ; G. DELA UME, Transnational contracts, Applicable law and settlement ofdisputes (New York,
Oceana, 1979, 1983); L. DE W1NTER, « Enige beschouwingen over de wet van karakteristieke
prestaties », Mélanges Hijmans van den Berg (Deventer, Kluwer, 1971), 367 et s.; L. DIAMOND,
« Harmonization of private international law relating to contractual obligations », Recueil des cours,
vol. 199 (1986-IV), 233-312; FÉDÉR. NOTAIRES BELG., Internationale contractuele relaties: de roi van de
notaris (Anvers, Maklu, 1995); A. FRIGNANI, Il contratto internazionale (Cedam, Padoue, 1991), 529 p.;
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(Bruxelles, Bruylant, 1989); J.-M. JACQUET, « Retour sur la règle de conflit de lois en matière de
contrats», Clunet (1991), 679-690; ID., Le contrat international (Paris, Dalloz, 1999); H. GAUDEMET-
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Clunet (1981), 5-28; A. KAss1s, Le nouveau droit européen des contrats internationaux (Paris, LGDJ,
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Lichtenhahn, 1980); P. KAYE, The new private international law of contracts of the European Community
(Darmourh, Aldershot, 1993); P. LAGARDE, « Le dépeçage dans le droit international privé des
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764 LES CONTRATS
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LES CONTRATS 765
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b) Lois de police
Outre les références c1tees à propos des lois de police sous le chapitre 4, voy. : B. AUDIT,
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« L'application des lois de police dans l'espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution
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Rev. dr. ULB (1994-2), 129-157; O. REMIEN, Zwingendes Vertragsrechtund Grundfreiheiten des EG-Vertrages
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relativité générale», Recueil des cours, vol. 213 (1989-I), 9-408; J. SCHULSZ, « Dutch Antecedents and
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zum ordre public und zur Sonderanknüpfung zwingenden Rechts », EuR (1981), 426 et s.; C. TILL-
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766 LES CONTRATS
c) Arbitrage international
Sur les questions générales et sur la compétence internationale, voy. : B. AUDIT, « L'arbitre, le juge et
la convention de Bruxelles», Mélanges Loussouarn (Paris, Dalloz, 1994), 15-29; M. BAHMAEL, L'inter-
vention du juge étatique des mesures provisoires et conservatoires en présence d'une convention d'arbitrage.
Droits français, anglais et suisse (Paris, LGDJ, 2002); C. BLANCHIN, L'autonomie de la clause
compromissoire: un modèle pour la clause attributive de juridiction? (Paris, LGDJ, 1995); G. BORN, Interna-
tional commercial arbitration (La Haye, Kluwer, 2002); N. CorPEL-CORDONNIER, Les conventions d'arbi-
trage et d'élection de for en droit international privé (Paris, LGDJ, 1999); L. COLLINS, « Provisional and
protective measures in international litigation », Recueil des cours, vol. 234 (1992-III), 9-238;
R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce international (Paris, Economica, 1982); J. FERNANDEZ RozAs,
« Le rôle des juridictions étatiques devant l'arbitrage commercial international », Recueil des cours,
vol. 290 (2001), 9-224; Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial
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« L'autonomie de l'arbitre international dans l'appréciation de sa propre compétence», Recueil des
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vention communautaire de 1968 », Mélanges La/ive (Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1993), 587-594;
A. NUYTS, La concession de vente exclusive, l'agence commerciale et l'arbitrage (Bruxelles, Bruylant, 1996);
ID., « Le contrôle de l'arbitrabilité selon la loi du for dans les Conventions de New York et de
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nécessaires? », Revue (2003), 1-36; A. REDFERN et M. HUNTER, Droit et pratique de l'arbitrage commer-
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LES CONTRATS 767
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international (Paris, LGDJ, 2003).
768 LES CONTRATS
Section 1
À côté des actes communautaires, on peut encore citer les deux conventions bilaté-
rales conclues respectivement avec la France en 1899 et avec les Pays-Bas en 1925 (voy.
supra, n ° 8.32). Celles-ci déterminent un forum contractus, opposable au défendeur domi-
cilié en dehors de l'Union européenne - ou d'un État partie à la Convention de Lugano
- et possédant la nationalité, tantôt française, tantôt néerlandaise, et elles consacrent
l'efficacité d'une clause attributive de compétence internationale, valable pour les clauses
désignant les juridictions d'un pays non membre de l'Union européenne ou non partie à
la Convention de Lugano.
14.3 - Présentation - Le règlement 44/2001 (supra, n ° 8.6) fournit, pour l'ensemble des
contrats, l'essentiel des règles de compétence internationale et d'efficacité des décisions
étrangères, dans les limites de son domaine d'application dans l'espace (voy. supra,
n ° 8.19). Il comprend des dispositions propres aux contrats. De celles-ci, certaines
s'appliquent exclusivement à certains contrats: il en est question dans la section III, lors
de l'examen des contrats spéciaux.
1. QUALIFICATION DE L'ACTION
14.6 - Demande portant sur la validité du contrat - Une contestation portant sur la
formation du lien contractuel, c'est-à-dire l'existence des éléments constitutifs du con-
trat ou la nullité de celui-ci, entre dans le domaine de l'article 5.
La Cour de justice en a décidé ainsi à propos de l'exception de nullité (aff. 38/81,
4 mars 1982, Effer, Rec., 1982, 825, Revue, 1982, 570, note H. GAUDEMET-TALLON), statuant
dans le même sens qu'à propos des baux d'immeubles (voy. supra, n ° 13.5). Il devrait en
aller de même pour l'action principale en nullité.
111Sur cette question, voy. P. GoTHOT et D. HoLLEAUX, précités n° 8.1, n° 63, hésitant à étendre la
disposition à l'action principale en nullité, et les références en sens divers.
Ill Pour une application de la jurisprudence Ejfer, voy. : Liège, 28 avril 2003, D.A.O.R (2003), n ° 67,
p. 73.
est invoquée pour justifier de telles demandes» (même arrêt). Et le caractère autonome
de l'obligation est régi par le droit national (même arrêt).
IllLa question a reçu de nombreuses illustrations en matière de concessions de vente exclusives
(voy. infra, n ° 14.187).
(2005), 123 (obligation de payer); Comm. Hasselt, 8 juin 2004, Rev. dr. comm. belge (2005), 96 (obli-
gation de payer), alors cependant que l'espèce semblait concerner une livraison communautaire.
Ill Cette méthode rend excessivement complexe la détermination de la compétence internationale,
spécialement en matière de vente d'objets mobiliers corporels. Elle n'a pas toujours été respectée
(voy. par ex.: Mons, 7 janvier 1992,].L.M.B., 1992, 881, note A. KoHL).
Pour une application exemplaire, voy.: Liège, 28 avril 2003, D.A.O.R. (2003), vol. 67, p. 73: la loi qui
régit l'exécution est désignée directement par la règle d'applicabilité que contient la CVIM (voy.
infra, n° 14.182), dès que les parties sont établies dans des États contractants différents, et la règle
qui s'en déduit est la portabilité de la dette.
1111Pour une localisation de l'obligation de payer les honoraires dus à un avocat établi en Belgique,
après constatation de l'application de la loi belge au fond du litige: Anvers, 30 mars 1998, Rev. gén.
dr. civ. (2003), 328, note J.-P. BUYLE, faisant application de la thèse de la portabilité de la dette due à
l'avocat.
IllPour le cas où le lieu d'exécution se situe en dehors du territoire d'États membres, voy. supra,
n° 8.22.
références). Contra: Gand, 13 octobre 2003, D.A.O.R. (2004), 41, se référant encore à la règle maté-
rielle de quérabilité des marchandises contenue dans la CVIM, applicable au contrat de vente en
l'espèce, et voyant ce lieu à la remise au premier transporteur, à savoir au siège social du vendeur.
lll!Le concept de « fourniture de services » pourrait susciter une difficulté d'interprétation. Pour
les services immatériels, tel le service bancaire, voy. : J. BURKE,« Brussels I Regulacion (EC) 44/2001 :
Application to financial services under Article 5(1)(6) », Columbia]. eur. L. (2004), 527-548. Omet de
considérer comme une fournirure communautaire : Comm. Hasselt, 8 juin 2004, Rev. dr. comm.
belge (2005), 96, à propos d'une demande de paiement de facture émanant d'un entrepreneur belge
à l'encontre d'un client néerlandais à propos d'une prestation effectuée aux Pays-Bas.
La relation de travail connaît également une dérogation à la méthode Tessili (voy.
infra, n° 14.164).
L'effet de la clause est de conférer une compétence« exclusive, sauf convention con-
traire des parties».
Selon la Convention, le tribunal désigné est« seul» compétent. Cela n'empêche pas les parties
1111
d'y renoncer (C.].C.E., aff. C-116/02, 9 décembre 2003, Gasser, Revue, 2004, 444, note H. MuIR WATT,
Rev. dr. comm. belge, 2004, 791, note P. WAUTELET).
Encore faut-il, à la fois, que la renonciation soit certaine, et que soit déterminable la partie en
faveur de laquelle la clause a été rédigée. Ce n'est pas nécessairement le cas d'une clause désignant
les tribunaux du domicile d'une partie (C.J.C.E., aff. 22/85, 24 juin 1986, Anterist, Rec., 1986, 1951;
comp. : Bruxelles, 24 février 2000,]. T., 2000, 468).
Le règlement a supprimé une référence spéciale à cette faculté.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'y ajouter la recherche de la réalité du consentement, dès lors
Il!!
que la condition de forme a été respectée. Celle-ci constitue en quelque sorte « l'unique mode de
preuve et une présomption irréfragable de la condition de fond qu'est l'existence d'un consente-
ment effectif» : il y aurait en quelque sorte « auto-suffisance» du régime instauré par l'article 23
(H. BoRN et M. FALLON,]. T., 1983, 206, n ° 87). Contra: le Rapport de P. JENARD et G. MôLLER sur la
Convention de Lugano (précité n° 8.9), n° 55.
livraison - hormis pour les services financiers - se situe au Luxembourg, la clause doit avoir été
« expressément et spécialement acceptée» (art. 63, § 2). Pour des cas d'application de ce privilège
(voy. supra, n° 8.23), voy.: Liège, 16 juin 1992,].L.M.B. (1992), 1396, note A. KOHL; Mons, 13 mai
2003, Rev.gén. dr. civ. (2004), 101, note P. WAUTELET.
!1!1 L'arrêt Dujfryn du 10 mars 1992 (précité n ° 14.11) évoque le cas d'une clause insérée dans les
statuts d'une société « et adoptée conformément aux dispositions du droit national applicable » :
c'est admettre un titre à l'application du droit national au sujet de la validité de la clause. Il précise
qu'il suffit que les statuts soient« déposés en un lieu auquel l'actionnaire peut avoir accès ou figu-
rent dans un registre public», ajoutant qu'il importe peu que l'actionnaire se soit opposé ou non à
l'adoption de cette clause.
776 LES CONTRATS
La clause peut aussi être conclue « sous une forme qui soit conforme aux habitudes
que les parties ont établies entre elles » (point b ).
Le texte suit ainsi l'interprétation nuancée de la condition de forme faite par la Cour de justice.
1111
Pour une appréciation de l'acceptation en cas de relations continues, voy. notamment: Liège,
25 novembre 1997, Rev. dr. comm. belge (1998), 393, note H. BouLARBAH; Bruxelles, 7 septembre
1999, R W (2000-2001), 593; Anvers, 10 avril 2000, fur. Anv. (2001), 204, constatant l'absence de
relations commerciales antérieures.
La clause peut encore être conclue « dans le commerce international, sous une
forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient cen-
sées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type
de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale
considérée» (point c).
11 La condition de conformité aux usages ne supprime pas la condition de consentement : elle éta-
blit une présomption de consentement (arrêt Castelletti précité). Il y a lieu de vérifier dans l'usage, en
particulier, les conditions concernant la présentation matérielle de la clause, la langue, le statut
d'un formulaire non signé (même arrêt).
La preuve de l'existence de l'usage se fait par référence à la branche commerciale en cause, non à un
pays déterminé ; elle s'établit par voie d'indices, telle son utilisation par les opérateurs occupant
une position prépondérante dans la branche (arrêt Castelletti précité).
1111 Pour une application au secteur de la navigation sur le Rhin, voy. : C.J.C.E., arrêt MSG, précité.
1111Pour les difficultés d'interprétation rencontrées par une jurisprudence peu abondante, voy. H.
BORN et M. FALLON,j.T. (1983), 221-223, (1987), 484; ID., avec J.-L. VAN BOXSTAEL, Droit judiciaire
international (1992-1998) (Bruxelles, Larcier, 2001), n° 5 297 et s. Il y est notamment fait état d'un
arrêt de la Cour de cassation relatif à la Convention belgo-néerlandaise du 28 mars 1925, mais
dont la motivation repose sur une extension analogique d'une règle inspirée du droit commun
(Cass., 10 décembre 1976, Van Esbroeck, Pas., 1977, I, 413): l'expression « lieu où l'obligation doit
être exécutée», prévue par cette convention, doit être déterminée par la loi qui régit le fond du
litige, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'une règle de conflit de lois. Dans ce sens à propos de
l'article 635, se référant à cet arrêt: Bruxelles, 19 mars 1987, Rev. dr. comm. belge (1988), 297; Gand,
ier mars 1996, Rev. gén. dr. civ. (1997), 104, note I. CouwENBERG, utilisant pour règle de rattache-
ment susceptible de servir à concrétiser le lieu de naissance du contrat, le critère du lieu d'exécution
de la prestation caractéristique. Comp.: Gand, 9 octobre 1996, Rev. dr. comm. belge (1998), 765, pro-
cédant à une appréciation concrète en fonction de la localisation du point de départ d'un transport
aérien; de même, pour une référence au lieu de chargement comme élément d'exécution en
Belgique: Anvers, 17 juin 2003, D.E.T. (2003), 496.
Cette méthode, peu conciliable avec le principe selon lequel un critère de compétence s'interprète
selon le sens qui est donné au concept dans l'ordre juridique dont il relève, ne se rencontre en réa-
lité qu'en présence de l'impossibilité de trouver un tel sens dans le cadre d'un instrument interna-
tional, en raison de divergences fondamentales entre États contractants (voy. ci-dessus la
jurisprudence Tessili, n ° 14.9, à propos de la Convention de Bruxelles). Voy. encore les nuances
introduites par: H. BoRN et M. FALLON,]. T. (1992), 431, n° 110.
L'approche précitée pose encore la question de savoir si la position de la Cour de justice relative au
contrat de travail doit également être suivie. Pour l'affirmative, voy. : C. trav. Liège, 2 juin 1994, Rev.
rég. dr. (1994), 371, note H. BoRN. Pour une référence au lieu de signature par le travailleur pour
concrétiser le lieu de conclusion, voy.: C. trav. Liège, 21 octobre 1992,].T.T. (1994), 181. Pour une
localisation directe de l'obligation de donner un préavis, voy.: C. trav. Liège, 17 mai 1999, Chr. dr.
soc. (2002), 333. Comp.: C. trav. Bruxelles, 18 mai 1993, Rev. dr. soc. (1993), 361, se référant au lieu
de conclusion du contrat, déterminé en fonction de la loi nationale applicable au contrat.
B. Clauses de juridiction
L'application de la loi belge à l'admissibilité sans préjudice de l'application plus large de la loi
d'autonomie à d'autres questions de validité, semble avoir été admise par la Cour de cassation. Plu-
sieurs arrêts rendus à propos de clauses d'arbitrage (voy. infra, point II) valent par identité de motifs
pour la clause d'élection de for. Selon cette approche, l'application de la loi belge se justifie dans
des matières régies par une loi de police, comme c'est le cas en matière de concession de vente
exclusive (voy. infra, n° 14.188) ou de transport maritime de marchandises (voy. infra, n° 14.157).
Comme arrêt relatif à une clause prorogatoire de la corn pétence de tribunaux étrangers, voy. : Cass.,
2 novembre 2001, Price Waterhouse Coopers, Pas. (2001), I, 1769, Rev. crit. jur. belge (2003), 263, note M.
FALLON, admettant« une clause attributive de compétence aux seules juridictions d'un État étran-
ger licitement convenue», saufle cas d'une« compétence internationale exclusive».
La question de l'application d'autres lois que celle du for mérite d'être posée.
Lorsque le juge belge est saisi malgré une clause qui désigne un juge étranger, une
référence à la loi du for étranger désigné est cohérente puisqu'elle permet d'anticiper
l'appréciation que ce juge fera de sa propre compétence: au cas où celui-ci serait amené à
décliner sa compétence, il serait inapproprié que le juge belge saisi décline la sienne au
seul motif de la présence d'une clause de juridiction valable. Encore faut-il préciser que
cette référence au droit étranger n'est pertinente que si elle couvre toute disposition de ce
droit étranger de nature à influencer l'appréciation du juge étranger, y compris ses pro-
pres règles de droit international privé.
1111 Voy. sur cette question: N. CO!PEL-CORDONNIER, précité n ° 14.1, n ° 307.
lillCette référence au droit étranger est implicite dans l'article 7, puisque l'attente d'une décision à
rendre à l'étranger suppose que cette décision pourra bloquer la compétence du juge saisi après que
le juge étranger a constaté la validité de la clause au regard de son propre droit.
Autre chose serait de soumettre l'admissibilité au droit qui régit la matière en vertu
de la règle de rattachement du for. Au vrai, l'admission d'une clause en vertu du droit
étranger, par exemple de la loi de la nationalité, alors qu'un tel accord serait exclu en
vertu du droit du for lorsque la personne possède la nationalité de cet État, pourrait
s'avérer problématique en termes de politique législative.
Comp., ci-dessous à propos de l'arbitrage, la référence classique à la loi du for, sans évocation du
1111
1111 Sur cette question, voy. N. COIPEL-CORDONNIER, précité n° 14.1, et sa proposition de limiter la
référence à la loi du fond aux cas d'inarbitrabilité propres à une matière particulière en raison
d'une politique déterminée de protection.
En faveur de la loi applicable au fond, voy. : P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 306, à propos de la clause
compromissoire.
Ill L'exposé des motifs de la proposition de loi (Doc. par!., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/1) ne fournit
de précisions qu'à propos de l'applicabilité de lois belges de protection.
14.18 - Contenu du droit belge sur l'admissibilité d'une clause - Une fois établi le titre
du droit belge à déterminer l'admissibilité de la clause de juridiction en tant que loi du
for, il reste à en préciser le contenu. Cette question est au vrai la plus délicate. L'applicabi-
lité du droit du for n'implique pas de soi une illicéité de la clause.
La jurisprudence belge n'a pas hésité à lier l'admissibilité au domaine d'application
dans l'espace d'une règle impérative ou d'ordre public du for recevant la qualification de
loi de police (sur cette notion, voy. supra, chap. 4) dans la matière considérée.
La circonstance que la jurisprudence de la Cour de cassation concerne principalement des con-
11111
ventions d'arbitrage n'empêche pas d'étendre celle-ci aux clauses d'élection de for par identité de
motifs.
Lorsqu'une disposition impérative entend régir tout contrat exécuté en Belgique et
prévoit la compétence internationale des juridictions belges dans ce cas, tout en énon-
çant l'inopposabilité d'une clause dérogatoire de compétence internationale, il est cohé-
rent de limiter cette inopposabilité aux cas entrant dans le domaine des dispositions
impératives en cause.
De même, en l'absence de disposition particulière relative à la prorogation volon-
taire, lorsque la relation contractuelle présente avec l'ordre juridique belge des liens qui
justifient l'applicabilité d'une loi de police, la jurisprudence a pu en déduire l'inadmissi-
bilité d'une dérogation volontaire. Sont ainsi exclus pratiquement de la sanction les con-
trats que l'on pourrait qualifier de réellement internationaux.
1111 Pour l'exigence de liens objectifs avec le système étranger dont les tribunaux sont désignés, voy.
Trib. trav. Bruxelles, 19 juin 1986,J. TT (1988), 151, et infra, n ° 14.168, à propos du contrat de tra-
vail.
Dans l'un et l'autre cas, l'inadmissibilité dépend, tantôt directement, tantôt indirec-
tement, de l'applicabilité de la loi de police au fond du litige.
Ainsi, la Cour de cassation a précisé que la sanction d'inadmissibilité n'a pas lieu si
le juge étranger est amené à assurer une protection équivalente. Cette vérification peut se
faire dans deux contextes distincts. Soit le juge belge est saisi après que le juge étranger a
statué au fond et il suffit alors de contrôler si une protection équivalente a été assurée
(Cass., 28 juin 1979, Audi-NSU, Pas., 1979, I, 1260, Rev. crit. jur. belge, 1981, 332, note R.
VANDER ELST). Soit ce juge intervient avant la saisine du juge étranger désigné : dans ce
cas, il doit s'assurer que ce juge sera tenu de faire application du droit belge, et il peut, à
cet égard, s'en tenir à la vérification de l'existence d'une stipulation expresse du contrat
faisant choix de ce droit (Cass., 2 février 1979, Bibby Line, Pas., 1979, I, 634; 22 décembre
1988, Gutbrod, inédit sur ce point).
Ill Dans la jurisprudence, voy. notamment: Anvers, 26 septembre 1995,Jur. Anv. (1996), 3.
1111 L'utilisation du critère du contrôle de la loi applicable par le juge étranger ne tient pas compte
d'autres éléments de nature à influencer le choix du tribunal, comme la difficulté pour l'une des
parties de soutenir une procédure à l'étranger.
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE JURIDICTIONS RELATIVES AUX CONTRATS 781
macht) et non la compétence au sens des articles 1050 et 1055 du Code judiciaire, voy. : Anvers,
7 avril 2003, Rev. dr. comm. belge (2004), 572, note M. PIERS.
règle matérielle de droit international privé favorable à la validité de la convention d'arbitrage dans
le commerce international, non sans limites (voy. infra, n ° 14.21).
Pour le cas où les parties n'ont pas choisi de loi, il convient de déterminer un ratta-
chement subsidiaire de la clause. Conformément à la solution du droit commun, la loi
applicable sera alors désignée selon la méthode indiciaire, c'est-à-dire que la clause sera
rattachée à la loi du pays avec lequel elle présente les liens les plus étroits (voy. plus géné-
ralement infra, n ° 14.53).
Parmi les indices de localisation, deux possèdent un poids prépondérant. Le premier
est celui du pays où la sentence arbitrale doit être rendue. Le second est celui de la loi
applicable au contrat principal.
Ill Le critère du pays de la sentence est consacré par la Convention de Genève de 1961 (art. VI,§ 2,
litt. b). Celle-ci renvoie subsidiairement, pour le cas où il est impossible de déterminer ce pays, à la
règle de conflit de lois du juge saisi. Le critère du lieu de l'arbitrage est traditionnel. Voy. G. VAN
HECKE et K. LENAERTS, n ° 855. Il paraît artificiel lorsque le tribunal arbitral désigné appartient à
une institution permanente due à l'initiative privée et délocalisée par rapport à l'ordre étatique du
lieu du siège.
La référence à la loi applicable au contrat principal n'exclut pas l'autonomie de la clause d'arbi-
11111
trage, admise par les jurisprudences belge (F. RIGAUX, « L'autonomie de la clause compromissoire
en droit belge», Ann. droit, 1961, 215-242; Liège, 28 avril 2003,].T., 2003, 324) et française (Cass.
civ., ire sect., 7 mai 1963, Gasset, Revue, 1963, 615; Paris, 13 décembre 1975, Menicucci, Revue, 1976,
508, note B. ÜPPETIT).
L'opposabilité de la convention d'arbitrage à une personne qui n'a pas participé à sa
conclusion soulève une question analogue à celle que pose la clause d'élection de for (voy.
supra, n° 14.14): même si la convention ne lie que les« parties», il reste à déterminer si
un tiers peut être considéré comme ayant succédé aux obligations de l'une d'elles.
IllLa question s'est posée, dans la jurisprudence belge, à propos du statut du tiers porteur du
connaissement: Anvers, 26 mai 2003, N.J. W (2003), 1296, appliquant directement la solution du
droit matériel belge sans recherche préalable du droit national applicable à la question.
dans une disposition distincte de celle qui désigne la loi de la convention d'arbitrage, que
le« juge saisi pourra ne pas reconnaître la convention d'arbitrage si, selon la loi du for, le
litige n'est pas susceptible d'arbitrage» (§ 2, al. 2). La disposition n'admet pourtant que
l'applicabilité d'une loi impérative du for, non celle d'une loi étrangère. La Convention de
New York formule une exigence analogue en des termes sensiblement différents: pour
être reconnue conformément au traité, il faut que la convention d'arbitrage soit écrite et
qu'elle ait pour objet « un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel,
portant sur une question susceptible d'être réglée par voie d'arbitrage» (art. 2, § 1er).
Voy. aussi la loi modèle sur l'arbitrage commercial international, préparée par Uncitral (J.L.M.,
Il!!
1985, 1302), qui n'affecte pas les règles impératives nationales relatives à l'arbitrabilité (art. ier, 5°).
Il!! À l'égard de la Belgique, la Convention de New York ne couvre que les sentences rendues sur le
territoire d'un autre État contractant, en vertu de la déclaration faite par le gouvernement belge
(voy. infra, n° 14.26). En revanche, celui-ci n'a pas fait usage de la réserve permettant de limiter
l'application de la Convention aux différends issus de rapports de droit considérés comme com-
merciaux par la loi nationale.
1111Les juges du fond se sont attachés à voir dans la Convention de New York une confirmation du
principe d'autonomie de la volonté, du moins au stade de l'instance directe.
Voy. notamment: Comm. Louvain, 24 mars 1992, Rev. dr. comm. belge ( 1993), 1131 ; 14 septembre
1999, R W. (1999-2000), 1302, note M. NEUT; Comm. Bruxelles, 5 octobre 1994,]. T (1995), 344,
noce B. HANOTIAU; Comm. Gand, 21 décembre 2000, D.A.O.R (2001), 324, noce B. HANOTIAU;
Liège, 28 avril 2003,].T (2003), 811, tout en soulignant l'existence d'une loi d'application immé-
diate dans la matière en litige mais en écartant son application pour le motif que celle-ci n'a de por-
tée que dans l'ordre juridique du for, motif reposant sur une confusion entre force obligatoire et
applicabilité d'une règle de droit (voy. supra, n ° 1.31 ).
1111La Cour de cassation a affirmé nettement l'applicabilité du droit du for à l'arbitrabilicé en vertu
de la Convention de New York, puisque l'article 2, loin de comprendre une règle de rattachement,
permet au juge saisi d'exclure l'arbitrabilicé en cas d'affectation de« l'ordre public» de son système
juridique (Cass., 15 octobre 2004, Calvi, R.W., 2004-2005, 1063, note M. PIERS, Rev. dr. comm. belge,
2005, 488, notes séparées de M. TRAEST et de P. HOLLANDER).
La Cour a cassé l'arrêt d'appel pour ne pas avoir exclu « a priori » l'applicabilité de la « lex fori ».
L'arrêt d'appel avait soumis l'arbitrabilicé à la loi suisse choisie par les parties, à propos d'un con-
trat de concession exclusive de vente prévoyant un arbitrage à Genève.
L'interprétation de la Cour de cassation paraît conforme à la Convention de New York. Voy. plus
généralement : A. VAN DEN BERG, The New York Arbitration Convention of1958 (Kluwer, Anvers, 1981 ),
152-154, et les références de droit comparé.
Une distinction encre la phase de l'instance directe et celle de la reconnaissance d'une sentence a
Il!!
pu reposer sur une application combinée du Protocole de Genève de 1923 et de la Convention de
Genève de 1927 (voy. supra, n ° 8.38), destinés à être remplacés par la Convention de New York de
1958: le premier faisait interdiction au juge étatique de se déclarer compétent malgré les termes
d'une clause d'arbitrage ; la seconde permettait au juge requis de refuser la reconnaissance pour un
motif tenant à l'inarbicrabilicé du litige selon son propre droit.
Cette distinction paraît dépassée par les termes nets des Conventions précitées de 1961 et 1958.
Au stade de la reconnaissance de la sentence, l'arbitrabilité est également fonction
du droit du for.
Il!!La Convention de Genève du 26 septembre 1927 (voy. supra, n ° 8.38) subordonne la reconnais-
sance ou l'exécution de la sentence étrangère à ce « que, d'après la loi du pays où elle est invoquée,
l'objet de la sentence soit susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage » (art. 1", al. 2, lice. b).
Ces termes se sont substitués à ceux, nettement plus libéraux, utilisés par le Protocole de
1111
Ill La Convention de New York permet au juge requis de refuser la reconnaissance si l'objet du
litige n'est pas susceptible de faire l'objet d'une sentence arbitrale selon son propre droit (art. 5, § 2,
a). Ce motif de refus est distinct de celui de l'ordre public (point b).
En droit commun aussi, la convention d'arbitrage peut porter sur roue différend
« sur lequel il est permis de transiger» (art. 1676 C. jud.). Par cette disposition, le législa-
teur pose une règle de nature à avoir une incidence sur la compétence internationale des
juridictions belges. Cette règle n'a de force obligatoire ni pour une juridiction étrangère
ni pour un arbitre.
La disposition a pour effet d'obliger le juge saisi à se déclarer incompétent
(art. 1679, § ier C. jud.). Toutefois, ce résultat n'est acquis que si le litige est de ceux sur
lesquels il est permis de transiger. Le texte ne précise pas en vertu de quel droit national
cette condition est vérifiée. Le silence du législateur semble impliquer une référence
implicite au droit du for.
IllPour une référence au droit du for au stade de la compétence directe, voy. les arrêts Bibby Line et
Gutbrod précités n° 14.18.
Ill L'arrêt précité du 15 octobre 2004 évoque seulement une vérification au regard de « l'ordre
public", terme plus étroit que celui de« règle impérative", comme le relève P. Hollander: le pour-
voi critiquait l'application de la loi contractuelle par le juge d'appel après que celui-ci eut observé
que les règles belges en cause étaient« impératives "· Le pourvoi reprochait non seulement la viola-
tion de l'article 2 de la Convention de New York, mais aussi celle de ces règles impératives, quali-
fiées de« lois de police "· La Cour a cassé sur la base du premier moyen. Il est improbable qu'elle ait
entendu modifier la jurisprudence établie par l'arrêt Audi-NSU précité, qui se base sur la nature
impérative des dispositions en cause.
Comp. en France: Cass. civ. (1re sect.), 20 décembre 1993, Dalico, Revue (1994), 663, note P.
1111
MAYER, montrant une méthode de désignation implicite de la loi du for, sous le couvert de l'énon-
ciation d'une règle matérielle de droit international privé favorable à la convention d'arbitrage
dans le commerce international, tempérée par les limites qu'imposent les lois impératives ou
d'ordre public. Cette approche écarte cependant la méthode conflictuelle également pour les ques-
tions relatives à la validité même de la convention.
Ill Comp., dans le droit de l'Union européenne: C.J.C.E., aff. C-209/90, 8 avril 1992, Feilhauer, Rec.
(1992), l-2613, qui, relatif à l'admissibilité d'une clause compromissoire désignant la Cour de jus-
tice dans un contrat conclu entre la Communauté et un particulier mais soumis au droit allemand,
écarte une sanction de nullité de la loi contractuelle au bénéfice de l'article [238 CE], organique de
la compétence d'attribution de la Cour; cet article peut être vu comme une disposition de l'ordre
juridique du for communautaire.
L'une des incapacités le plus souvent citées est celle de l'État ou de certains organis-
mes de droit public. Il se peut que la loi compétente limite cette incapacité aux situations
internes, créant pour les situations internationales une règle matérielle de droit interna-
tional privé. Il en est ainsi pour les clauses entre parties établies dans deux États diffé-
rents liés par la Convention de Genève de 1961, dont l'article II contient une règle de
droit matériel uniforme prévoyant la faculté de compromettre pour les personnes mora-
les qualifiées de droit public par la loi qui leur est applicable.
La jurisprudence française a limité aux contrats internes l'interdiction pour l'État français de
11111
compromettre quand la clause d'arbitrage est insérée dans « un contrat international passé pour
les besoins et dans des conditions conformes aux usages du commerce maritime»: Cass. civ. (1re
sect.), 2 mai 1966, Galakis, Revue (1967), 553.
1111 Le Code judiciaire limite la capacité d'une personne morale de droit public de conclure une con-
vention d'arbitrage (art. 1676, § 2, al. 2 C. jud.), sans toutefois préciser si cette limitation s'étend
aux opérations internationales.
telle, 1989, Annuaire, vol. 63-II, 325) dont l'article 5 précise qu'« un État, une entreprise d'État ou
une entité étatique ne peut pas invoquer son incapacité de conclure une convention d'arbitrage
pour refuser de participer à l'arbitrage auquel il a consenti».
La « nationalité » d'une sentence arbitrale est, en général, déterminée par son ratta-
chement au pays sur le territoire duquel elle a été rendue (voy. infra,§ 3). L'application de
la loi du siège de l'arbitrage à la procédure arbitrale et - on le verra plus loin (n° 5 14.80 et
s.) - au moins en certains cas le choix de cette loi comme lex fori pour la mise en œuvre
des règles de droit international privé, renforcent le critère en vertu duquel il est conféré
une nationalité à la sentence.
des effets territoriaux ; elle doit dès lors être repetee en chaque État sur le territoire
duquel une des parties veut faire procéder à des actes d'exécution forcée.
La difficulté consiste à savoir si, pour être reconnue à l'étranger, une sentence doit
avoir, au préalable, reçu l'exequatur de l'autorité compétente du pays auquel elle se ratta-
che. Bien que cette exigence d'un double exequatur puisse être jugée excessive, certains
traités bilatéraux la prévoient expressément en subordonnant la mise à exécution d'une
sentence arbitrale étrangère à la condition qu'elle soit exécutoire dans le pays dont elle
émane.
La troisième question résulte de la différence entre une demande portant sur la
reconnaissance d'une sentence et celle portant sur sa validité. Une chose est de demander
de reconnaître, en Belgique, l'efficacité d'une sentence exécutoire à l'étranger, autre chose
d'introduire la même demande après que la sentence a fait l'objet d'une décision étran-
gère qui en a prononcé, le cas échéant, la nullité.
1. ÜROIT CONVENTIONNEL
Toutefois, la plupart des États contractants, et notamment la Belgique, ont fait la déclaration ten-
dant à limiter le domaine d'application de la Convention de New York aux sentences rendues sur le
territoire d'un État contractant.
La reconnaissance et la mise à exécution obéissent à des conditions concernant :
(a) les documents à produire (Conv. New York, art. 4);
(b) la régularité du compromis, ou de la convention d'arbitrage, qui donne à la sen-
tence son fondement contractuel (Protocole de 1923 et Conv. Genève, art. 1er, al. 2, a à c,
art. 2, c; Conv. New York, art. 2, art. 5, § 1er, a etc) ;
(c) la vérification des conditions auxquelles la sentence a force obligatoire et exécu-
toire dans l'État d'origine (Conv. Genève, art. 1er, al. 2, d, art. 2, a, et art. 3 ; Conv. New
York, art. 5, § 1er, d et e, art. 6);
Ill!Sur la condition que la sentence ait force obligatoire, voy. successivement: Civ. Bruxelles,
25 janvier 1996,].T. (1997), 6, note G. BLOCK; Bruxelles, 24 janvier 1997,].T (1997), 319, note B.
HANOTIAU et B. DUQUESNE; Cass., 5 juin 1998,].T. (1998), 701, illustrant la difficulté de définir le
caractère obligatoire et de dissocier les notions de décision « définitive » et de décision devant faire
l'objet d'un premier exequatur dans le pays d'origine.
(d) la vérification des conditions auxquelles l'État requis subordonne la mise à exé-
cution d'une sentence étrangère (Conv. Genève, art. 1er, al. 2, e, art. 2, b; Conv. New York,
art. 5, § 1er, b, et§ 2).
IllSur l'application de l'article 5, § 2, au sujet de l'admissibilité d'une clause d'arbitrage relative à
une concession de vente exclusive, voy. infra, n° 14.190.
Ne prévoyant pas que la sentence étrangère soit exécutoire dans l'État d'origine, la
Convention de New York n'exige pas le double exequatur.
14.27 - Convention européenne du 21 avril 1961- L'article IX de la Convention du
21 avril 1961 (supra, n ° 14.19) àdmet comme motif de refus opposable à la reconnais-
sance d'une sentence arbitrale, l'existence d'une décision d'annulation intervenue dans
l'État dans lequel ou d'après la loi duquel la sentence a été rendue, lorsque l'annulation
repose sur l'un des motifs énoncés au texte.
Le paragraphe 2 précise qu'entre États parties à la Convention de New York, l'appli-
cation de l'article V, § 1er, e, de cette Convention se limite aux causes d'annulation énu-
mérées par le paragraphe premier.
14.28 - Conventions bilatérales - La Convention franco-belge du 8 juillet 1899 (art. 15)
et la Convention belgo-néerlandaise du 28 mars 1925 (art. 15) prévoient à peu près dans
les mêmes termes que les sentences arbitrales rendues dans un État contractant ont de
plein droit l'autorité de la chose jugée si elles satisfont aux quatre premières conditions
prévues par l'article 11 pour la reconnaissance des jugements. En outre, l'exequatur est
accordé par le président du tribunal après vérification des mêmes conditions.
Parmi les autres traités bilatéraux, la Convention belgo-allemande du 30 juin 1958
(art. 13), la Convention avec la Suisse du 29 avril 1959 (art. 9) et la Convention avec
l'Autriche du 16 juin 1959 (art. 6, renvoyant aux dispositions de la Convention de
Genève du 26 septembre 1927) ont prévu la reconnaissance et la mise à exécution des
sentences arbitrales.
La Convention conclue avec la Suisse ne prévoit pas, à côté du contrôle de l'ordre
public, celui de l'admissibilité de la clause d'arbitrage. Ce silence peut se comprendre
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE JURIDICTIONS RELATIVES AUX CONTRATS 789
De tous les traités bilatéraux, seul celui conclu avec l'Allemagne exige que la sen-
tence rendue sur le territoire de l'État contractant y soit « exécutoire», ce qui implique
qu'elle y ait déjà reçu l'exequatur. L'interprétation de la Convention franco-belge est con-
troversée sur ce point.
1111 Voy. à propos du double exequatur dans les traités bilatéraux :J.T. (1960), 204, n° 29.
14.29 - Rapports entre traités - Lorsque la sentence étrangère entre dans le domaine de
différents traités en vigueur dans l'État requis, il appartient au juge de trancher le conflit
en recherchant d'abord une solution dans les textes conventionnels en présence.
Ainsi, la Convention de New York permet aux parties de se prévaloir d'une sentence
conforme, notamment, aux « traités du pays où la sentence est invoquée» (art. 7). Elle
donne donc la préférence à une convention bilatérale éventuelle qui contiendrait un
régime plus favorable à la sentence étrangère.
Pour un cas de priorité de la Convention belgo-néerlandaise, voy.: Civ. Hasselt, 24 février 1997,
1111
Rev.gén. dr. civ. (1997), 232; Anvers, 25 octobre 1999, Rev.gén. dr. civ. (2001), 539, note M. EKELMANS.
1111La compétence de la cour d'appel pour connaître d'une sentence lorsqu'il a été compromis sur
appel d'un jugement du tribunal de première instance ou du tribunal de commerce (voy. l'art. 606,
1°, C. jud.) ne concerne pas les sentences étrangères.
La procédure et les conditions de l'exequatur sont réglées par les articles 1719 à
1723 du Code judiciaire.
111 Voy. une application par: Civ. Bruxelles, 6 décembre 1988, Ann. Liège (1990), 267, accordant
l'exequatur à une sentence qui avait été infirmée dans le pays d'origine par une décision d'appel
contre laquelle un pourvoi en cassation avait été introduit. Comp. la Convention de New York, qui
prévoit un sursis à l'exécution dans ce cas.
111 Sur le refus de reconnaissance basé sur l'inarbitrabilité du litige, voy. supra, n ° 14.18.
111 Pour une thèse favorable à un régime de reconnaissance basé sur une règle de rattachement plu-
tôt que sur la vérification de motifs de refus, voy. S. BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à
l'épreuve des sentences arbitrales (Paris, Economica, 2004).
Ces dispositions ne concernent pas l'efficacité d'une décision étrangère qui s'est pro-
noncée sur la reconnaissance d'une sentence arbitrale. L'objet même de cette décision
empêche que l'exequatur de cette décision soit demandé en Belgique. Il appartient aux
parties de demander plutôt un nouvel exequatur de la sentence.
cable lorsque le « lieu de l'arbitrage» se trouve sur le territoire de l'État qui adopte la loi (I.L.M.,
1985, 1302) et prévoyant un recours devant les tribunaux de cet État (art. l" et 34).
En Suisse (loi relative au droit international privé, art. 190) comme en France (Code de procé-
1111
dure civile, art. 1504), le recours en annulation contre une sentence de droit international privé
n'est possible que si celle-ci a été rendue sur le territoire national.
!IllLe texte en vigueur résulte de la loi du 19 mai 1998 (Monit., 7 août 1998), qui a modifié la loi du
27 mars 1985 (Monit., 13 avril 1985). La modification a consisté à limiter le cas d'incompétence à
l'hypothèse où elle résulte d'une renonciation des parties.
Ill L'objectif de la loi est d'attirer les arbitrages « internationaux» en Belgique (voy. Doc. pari.,
Sénat, 1982-1983, n° 513/1). Le recours à un critère matériel d'incompétence tenant à la matière du
litige est évité, en y substituant des critères spatiaux définis de manière négative. La loi évite aussi
de qualifier les arbitrages en cause d'internationaux. Il n'est pas moins paradoxal de devoir consta-
ter que la loi institue une catégorie spéciale de sentences belges mais rendues entre étrangers, c'est-
à-dire dépourvues des liens spatiaux pertinents avec le territoire. Ces sentences ne sont pas pour
autant a-nationales au sens des conventions relatives à l'efficacité.
llliÀ quel moment les critères spatiaux énoncés par la loi doivent-ils être rencontrés : au jour de la
convention d'arbitrage, au jour de l'ouverture de la procédure arbitrale, au jour du prononcé de la
sentence ou au jour de·l'introduction de la demande d'annulation? Les opinions divergent sur ce
point. Contenant des critères de compétence, la condition doit à première vue être remplie à la plus
récente de ces dates. Toutefois, elle a pour objectif de définir la qualité de la sentence et, à ce titre,
implique plutôt une référence au jour où celle-ci a été prononcée. Comp. la loi modèle UNCITRAL,
se référant, pour la définition de l'internationalité, notamment à la résidence des parties lors de la
convention d'arbitrage.
!Ill Parmi les commentaires de la loi, voy. notamment: F. DE LY, « De liberalisering van de interna-
tionale arbitrage», TP.R. (1985), 1025-1050; L. MATR.AY, « La loi belge du 27 mars 1985 et ses réper-
. eussions sur l'arbitrage commercial international», Rev. dr. int. dr. camp. (1987), 243-262; M.
STORME, « Belgium, a Paradise for International Commercial Arbitration », Int. Business Lawyer
(1986), 294-295; A. VANDERELST, « Increasing the Appeal of Belgium as an International Arbitral
Forum - The Belgian Law of March 27, 1985 Concerning the Annulment of Arbitral Awards »,
Journal ofInternational Arbitration (1986), 77-86; H. VAN HoUTTE, « La loi belge du 27 mars 1985 sur
l'arbitrage international», Rev. arbitrage (1986), 29-42; N. WATTÉ, « Le sort des sentences arbitrales
en droit belge depuis la loi du 27 mars 1985 », Rev. belge dr. intem. (1988), 496-512, mettant en
doute la compatibilité de cette loi avec la Convention de Strasbourg du 20 janvier 1966 portant loi
uniforme en matière d'arbitrage.
Les causes d'annulation de la sentence sont celles prévues par le droit belge. Une
liste en est donnée par l'article 1704 du Code judiciaire.
1111 Pour une appréciation du motif de l'ordre public, voy.: Bruxelles, 6 décembre 2000,]. T. (2001),
572, note B. HANOTIAU, évoquant les principes essentiels énoncés dans la Constitution ou la Con-
vention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, tel le principe de non-discrimination en
raison de la race.
Lorsque la sentence a été annulée, son exécution dans le pays requis est refusée à la
demande de la partie intéressée (art. 5, § 1er, e). L'annulation figure donc pratiquement
comme un motif de refus de la sentence au moment de l'appréciation de sa reconnais-
792 LES CONTRATS
de reconnaissance) que sur son existence même. Elle est donc susceptible d'être reconnue à son
cour à l'étranger, ce que ne pourrait pas une décision étrangère de reconnaissance d'une sentence
rendue dans un autre pays.
1111 Sur la reconnaissance d'une décision française d'annulation, voy.: Bruxelles, 14 avril 1999,]ur.
Anvers (1999), 303, confirmant Civ. Bruxelles, 29 septembre 1998, ibid., 271.
Sur un refus d'exequatur d'une sentence annulée en Espagne, voy. : Gand, 1cr avril 1994, R W.
1111
(1994-1995), 1057, ajoutant que la Convention de Genève de 1961 limite les motifs de refus aux
causes de nullité énoncées dans l'article 9, § 1"'.
La Convention de New York permet toutefois d'appliquer les règles plus libérales du
droit commun du juge requis (art. 7).
1111Voy. une application en France par: Cass. civ., 23 mars 1994, Hilmarton, Revue (1995), 356, note
critique B. ÜPPETIT, conduisant à reconnaître, en vertu du droit français, une sentence annulée en
Suisse pour le motif que celle-ci était une « sentence internationale qui n'était pas intégrée dans
l'ordre juridique» étranger.
Section 2
Règles générales de conflit de lois
relatives aux contrats
§ 1 PLURALISME DES SOURCES ET DES MÉTHODES
14.33 - Variété des catégories contractuelles - L'état actuel du droit international privé
des contrats se caractérise par un pluralisme des sources. Comme tel, le concept de con-
trat ne correspond plus guère à une catégorie de rattachement bien définie. Il est vrai que
cette matière reste régie par un principe fondamental, celui de l'autonomie des volontés.
Ce principe donne toutefois naissance à des sous-catégories qui visent, tantôt à en assu-
rer une meilleure consécration, tantôt à en réduire la portée. Ainsi se profilent trois types
de contrats sous l'angle de la détermination du droit applicable.
La première catégorie recouvre les contrats les plus usuels, tels la vente, le bail,
l'entreprise. Ils se forment et s'exécutent dans le cadre traditionnel des droits étatiques
dont l'applicabilité dépend, dans chaque ordre étatique, d'une règle de conflit de lois per-
mettant aux parties de choisir le droit applicable à leurs relations contractuelles et recou-
rant, à défaut d'un tel choix, à un rattachement subsidiaire. La catégorie correspondant à
cette règle est générique, en ce sens qu'elle porte sur le contrat en général.
La deuxième catégorie partage avec la précédente le recours à la technique des règles
de conflit de lois de droit étatique. Elle recouvre cependant des contrats soumis à des dis-
positions spécifiques. Ce particularisme peut avoir une double origine. Certains contrats
font l'objet de règles propres pour un motif purement historique. Cela a été le cas de la
vente. L'importance de ce contrat à une époque où les règles générales de conflit n'étaient
guère fixées, explique l'adoption d'une règle précise, de nature législative. La plupart des
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 793
contrats de cette catégorie sont cependant de ceux qui appellent une désignation impéra-
tive du droit applicable, en raison à la fois de l'intérêt de l'État à maîtriser certains rap-
ports économiques de masse et de la nécessité d'assurer une protection particulière de
l'un des contractants, pour le motif qu'un déséquilibre des rapports de forces altère
l'autonomie des volontés. C'est le cas notamment de certains contrats d'assurance ou de
consommation, des contrats de travail, de la concession de vente exclusive. Pour les con-
trats de cette catégorie, le législateur a privilégié la méthode de la règle d'applicabilité (sur
cette méthode, voy. supra, chap. 4).
La troisième catégorie se distingue des précédentes par la nature des intérêts en jeu
et par le mode de règlement des litiges. Les relations contractuelles ici en cause sont
moins nombreuses et moins stéréotypées, et mettent en présence des intérêts beaucoup
plus considérables impliquant des partenaires d'une certaine dimension. Cette catégorie
ne se laisse sans doute guère définir avec précision, recouvrant pratiquement les contrats
de la première catégorie. Elle ne se caractérise pas moins par une référence à une techni-
que propre de règlement des litiges. Celle-ci tend à évincer toute emprise étatique sur le
contrat, en soumettant celui-ci au droit transnational et en confiant à des arbitres la
fonction de juger.
Ces différentes catégories ne sont pas cloisonnées pour autant. Lorsqu'une entre-
prise de grande taille contracte avec un agent économique de taille petite ou moyenne, la
dimension de la première ne suffit pas à exclure l'application du droit international privé
étatique. On en trouve une illustration à propos des relations de travail. D'un autre côté,
il n'est pas exclu que des contractants relativement modestes utilisent les techniques de
règlement des litiges propres aux grands contrats.
La présentation des règles générales appelle une distinction entre la détermination
du rattachement contractuel(§ 2) et la définition du domaine de celui-ci(§ 3). De plus, il
convient d'apprécier les limites de la mise en œuvre de ce rattachement face, d'une part à
l'applicabilité de lois impératives(§ 4), d'autre part à l'intervention d'un arbitre(§ 5).
14.34 - Préséance de la Convention de Rome de 1980 - Parmi les sources intéressant les
contrats internationaux, la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles, occupe une place particulière.
11111 La Convention de Rome du 19 juin 1980 est ouverte à la signature des seuls États membres des
Communautés européennes U.O.C.E., 1980, L 266, Revue, 1980, 875, Clunet, 1981, 218). Les États
adhérents sont amenés à négocier leur adhésion aux conventions signées en vertu de
l'article 293 CE et aux« conventions indissociables de la réalisation des objectifs de ce traité et dès
lors liées à l'ordre juridique communautaire» (voy. par ex. l'art. 3, § 2, de !'Acte d'adhésion du
12 juin 1985 U.O.C.E., 1985, L 302), pratiquement par la signature d'une nouvelle convention
reprenant les termes de la Convention de Rome. Voy. successivement les Conventions de Luxem-
bourg le 10 avril 1984 pour l'adhésion de la Grèce U.O.C.E., 1984, L 146), de Funchal du 18 mai
1992 U.O.C.E., 1992, L 333) pour l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, de Bruxelles du
29 novembre 1996 pour l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède U.O.C.E., 1997, C 15,
et rapport explicatif, C 191 ; loi du 25 avril 2004, Monit., 17 juin 2004). Une version consolidée a été
publiée au].O.C.E. (1998), C 27). La convention d'adhésion liée à l'élargissement aux dix nouveaux
pays a été signée à Luxembourg le 14 avril 2005.
1111 Le rapport explicatif de la Convention est dû à M. GIULIANO et P. LAGARDE et a été publié au
].O.C.E. (1980), C 282.
1111La version finale de la Convention a été précédée de deux avant-projets, de 1972 et de 1978. Sur
les versions antérieures, voy. notamment: H. BATIFFOL, « Projet de Convention C.E.E. sur la loi
794 LES CONTRATS
applicable aux obligations contractuelles», Rev. trim. dr. eur. (1975), 181-186; J. FOYER,« L'avant-
projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non
contractuelles», Clunet ( 1976), 555-658 ; B. HANOTIAU et P. JENARD, « Les clauses relatives au contrat
dans l'avant-projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non
contractuelles», Le contrat économique international, précité n° 14.1, 41-66; H.U. JESSURUN o'Ou-
VEIRA, « Characteristic Obligation in the Draft EEC Obligation Convention», Am. ]. Camp. L.
(1977), 303-331; P. LAGARDE,« Examen de l'avant-projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable
aux obligations contractuelles et non contractuelles», Trav. Comitéfr. d.i.p. (1971-1973), 148-188; O.
LANDO, B. VON HOFFMANN et K. SIEHR (eds.) European Private International Law of Obligations (Tübin-
gen, ].C.B. Mohr, 1975); R. VANDER ELST, « L'unification des règles de conflit de lois dans la
C.E.E. »,].T (1973), 249-254.
Certains États membres ont subordonné leur ratification à l'adoption d'un proto-
cole spécial attribuant une compétence d'interprétation à la Cour de justice des Commu-
nautés européennes (sur la position de la Commission à ce sujet, voy. J.O.C.E., 1980, C
94). Il faut approuver l'attribution d'un pouvoir d'interprétation à la Cour de justice.
Celle-ci est déjà amenée à y procéder à propos d'autres textes, soit la Convention et le
règlement « Bruxelles I » relatifs à la compétence judiciaire (voy. supra, n ° 8.6), soit une
directive complétant la Convention de Rome ou y dérogeant.
liliDeux protocoles relatifs à l'interprétation ont été signés le 19 décembre 1988 (J.O.C.E., 1989, L
48, Revue, 1989, 414). Le premier attribue une compétence d'interprétation à la Cour de justice des
Communautés européennes et organise la procédure du renvoi préjudiciel. Le second déclare que
la Cour de justice a la compétence que lui confère le premier protocole. L'entrée en vigueur dépend
de la ratification par l'ensemble des douze États signataires: la dernière ratification nécessaire a été
faite par la Belgique (loi du 25 avril 2004, Monit., 28 août 2004), permettant ainsi l'entrée en
vigueur des protocoles au 1er août 2004.
La combinaison de ces deux protocoles s'explique par deux facteurs, l'un d'ordre constitutionnel,
l'autre d'ordre communautaire. Il est admis qu'un organe communautaire ne peut se voir attribuer
de compétences non prévues, directement ou indirectement, par le traité CE, sans un accord una-
nime des États membres. Or, l'Irlande objectait ne pas pouvoir accepter la saisine d'une juridiction
internationale à propos de compétences appartenant à ses propres tribunaux sans une modifica-
tion de sa Constitution, difficile à envisager pour la présente matière. Sur ces protocoles et leur jus-
tification, voy. le rapport de A. TrZZANO,j.O.C.E. (1990), C 219.
Convention de Rome, d'autre part celles qui, tout en échappant à ce dernier, n'entrent
dans celui d'aucune réglementation propre à un contrat particulier.
Pour appartenir au domaine de la Convention, la relation contractuelle doit remplir
une triple condition relative à son objet (art. 1er). D'une part, elle doit « comporter un
conflit de lois». D'autre part, elle doit intéresser des« obligations contractuelles». Enfin,
elle ne doit pas concerner l'une des matières exclues par la disposition.
Formellement, les contrats portant sur des matières exclues relèvent des solutions
développées par la jurisprudence avant l'entrée en vigueur de la Convention. Celle-ci peut
néanmoins se laisser inspirer par le contenu de la Convention, comme le suggère
d'ailleurs l'exposé des motifs, au titre de« raison écrite». Le Code belge de droit interna-
tional privé prévoit une extension des règles de la Convention à ces matières, pourvu
qu'elles portent sur des obligations contractuelles (art. 98, § 1er, al. 2).
Sur les difficultés liées à la détermination du domaine matériel de la Convention, voy. notam-
1111
ment M. FALLON,« Le nouvel agencement des règles de conflit de lois en matière de contrats »,].T
(1988), 469-474; F. RIGAUX, « Examen de quelques questions laissées ouvertes par la Convention de
Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles», Cah. dr. eur. (1988), 306-321.
IllL'extension opérée par le Code ne signifie pas que toute obligation contractuelle relève désor-
mais de la Convention. Elle vaut « hormis les cas où la loi en dispose autrement ». Il en est ainsi,
notamment, en matière de régimes matrimoniaux ou de conventions alimentaires. En revanche, le
contrat de donation bénéficie de l'extension, non sans quelques nuances (voy. infra, sect. 3).
contiennent une règle de droit international privé, ces actes, qui portent essentiellement sur le
droit matériel, ne contiennent que rarement des règles de rattachement, la plupart ayant recours,
explicitement ou implicitement (sur ce dernier cas, voy. le contrat d'agence commerciale, infra,
n° 14.137) à la technique des règles d'applicabilité.
A. Le principe d'autonomie
14.36 - Présentation - Une compréhension exacte de la signification du principe d'auto-
nomie dans les contrats internationaux nécessite un aperçu de l'évolution historique (1 °)
ainsi qu'une analyse de la portée du choix des parties (2 °).
L'autonomie des parties connaît aussi des limites, sous forme de dérogations. Cer-
taines sont propres à des contrats spéciaux et sont examinées dans la section suivante.
D'autres concernent l'ensemble des contrats (3°).
14.37 - Référence au lieu de conclusion - Les canonistes du xne siècle et l'École ita-
lienne des statuts (supra, n ° 2.4) appliquaient aux actes juridiques privés la coutume du
lieu où l'acte est accompli. La solution s'exprima dans l'adage Locus regit actum et fut
expliquée par l'idée que les contractants connaissent la coutume en vigueur au lieu de
leur engagement et qu'ils s'y réfèrent implicitement. Cette justification d'une solution
qui, à l'origine, était impérative la transforma en règle facultative ou alternative: régies
par la loi du lieu de conclusion parce qu'elles y ont consenti, les parties peuvent, en choi-
sissant une autre loi, se soustraire à la première.
11 Sur cet adage, voy. supra, n ° 3.29.
Dans le passage de la règle Locus regit actum à la loi d'autonomie, il faut mentionner
l'influence de Dumoulin, qui s'est exercée sur un problème particulier, le régime des
biens entre époux (supra, n ° 12.68), et celle de Mancini qui fit appel à« l'autonomie de la
volonté» pour contrebalancer l'application systématique de la loi nationale (Y. NISHI-
TANI, « Mancini e l'autonomia della volontà nel diritto internazionale privato », Riv. dir.
int. priv. proc., 2001, 23-44).
14.38 - Apparition de la loi d'autonomie en droit comparé - Bien que l'on puisse citer
des décisions anglaises ayant, dès la deuxième moitié du XVIIF siècle, rattaché un contrat
à la loi choisie par les parties, cette solution se manifeste nettement dans la jurisprudence
britannique au milieu du siècle suivant.
11 Sur Robinson v. Bland (1760) 2 Burr. 1077, voy. notamment: BEALE, Cases on the Conjlict ofLaws, t.
II, 309 ; P. FARACO DE AZEVEDO, Recherches sur la ;ustification de l'application du droit étranger (Louvain,
Presses UCL, 1971), 41-42.
est celle que les parties ont adoptée» (Civ., 5 décembre 1910, S., 1911, 1, 129, note LYON-
CAEN).
Au cours du XXe siècle, on trouve aussi des applications de la loi d'autonomie dans
la jurisprudence internationale. La plus notable apparaît dans deux arrêts de la Cour per-
manente de Justice internationale, du 12 juillet 1929.
1111 Voy. Affaire concernant le paiement de divers emprunts serbes émis en France, arrêt n ° 14 ; Affaire relative
au paiement en or des emprunts fédéraux brésiliens émis en France, arrêt n ° 15 ; C.P.].I., série A, n°s 20-21,
et pour un commentaire de ces arrêts du point de vue de la loi d'autonomie, voy. F. RIGAUX, Droit
public et droit privé,§§ 69-71.
La loi d'autonomie est actuellement appliquée par la plupart des jurisprudences
nationales.
Ill Aux États-Unis, le principe d'autonomie a été admis tardivement, en 1954, par la décision Auten
v. Auten (1954) 308 NY 155, 124 NE 2d 99. Elle sera consacrée par le Restatement Second,§§ 187, 188.
Dans le premier tiers du xxe siècle, la loi d'autonomie a été critiquée par la doctrine, notam-
1111
Pas. (1975), I, 1038; 4 septembre 1975, Nelissen c. Samer, Pas. (1976), !, 16, R. W. (1975-1976), 1561,
note H. VAN HourrE,; 24 septembre 1987, Brunner, Pas. (1988), !, 12, Ann. Liège (1988), 25, note R.
V ANDER ELST.
Depuis lors, plusieurs traités ratifiés par la Belgique ont consacré le principe d'auto-
nomie.
Pour la vente, c'est le cas de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi
applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (voy. infra,
n° 14.180).
Pour l'ensemble des contrats, la Convention de Rome explicite que« le contrat est
régi par la loi choisie par les parties » (art. 3, § 1er).
Pour un cas d'application de l'article 3, § 1", voy. : Cass., 17 juin 1999, Elite, R. W (2000-2001),
llll
657, note]. ERAUW.
llllSur l'article 42, alinéa 1er, de la Convention internationale pour le règlement des différends rela-
tifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, voy. infra, n° 14.80.
Pour autant, il ne faudrait pas minimiser la portée du choix des parties. Celui-ci
tient lieu de facteur de rattachement dans la règle de conflit de lois appliquée par le juge ;
ce sont les parties qui déterminent l'ordre juridique national dans lequel se meut leur
opération.
On trouve une réduction de ce type dans la « théorie de la localisation » de H. BATIFFOL, telle
1111
qu'elle a été exprimée par exemple dans son Traité, t. II, 7e éd., n ° 573. La clause de choix exprès ne
serait« qu'un élément - capital assurément - de la localisation du contrat, mais non absolument
obligatoire en droit parce que cette localisation reste une question de fait». Par conséquent, le juge
ne serait pas lié par le choix des parties. L'auteur y voit une réponse à l'objection du cercle vicieux,
en limitant l'intervention des parties à une opération de localisation, « ce qui est un acte matériel,
non juridique, donc sans problème de validité» (n ° 573-1).
C'est, en tout cas, dénaturer le rôle de la volonté des parties que de réduire la compé-
tence attribuée au droit étranger à l'incorporation des dispositions législatives étrangères
parmi les stipulations du contrat. Cette thèse, parfois qualifiée de subjectiviste - parce
qu'au lieu d'opérer un rattachement du rapport juridique, elle ne tient compte que de la
volonté subjective des parties - accompagne chronologiquement la consécration du
principe d'autonomie au XIXe siècle.
1111Dans un contexte légèrement différent, l'arrêt du 24 février 1938 (supra, n° 14.39) trahit
l'approche subjectiviste. Pour repousser un moyen fondé sur le caractère « politique et
exceptionnel» de la loi étrangère prohibant la clause-or, appliquée par le juge du fond, la Cour
décide« que le moyen manque en fait, le juge du fond n'ayant pas fait application des lois étrangè-
res comme telles, mais de dispositions légales étrangères invoquées et insérées par les parties dans
leur convention et devenues, par conséquent, des dispositions conventionnelles».
1111Ultérieurement, la Cour de cassation a très nettement affirmé que « la loi applicable aux con-
trats régit non seulement leurs conditions et leurs conséquences, mais aussi leur réalisation et, dès
lors, leur existence» (Cass., 21 février 1975, supra, n° 14.39 et infra, n° 14.55). Elle a ainsi cassé
l'arrêt de la Cour de Gand ayant appliqué la lex fori à la question de savoir si un contrat de vente est
conclu par une simple acceptation tacite de la facture (solution belge), alors que la loi allemande,
loi du domicile de la personne à laquelle le paiement de cette facture était réclamé, exige une accep-
tation expresse.
cation par celui-ci de la méthode de« localisation objective» (Cass., 27 novembre 1974, Pas., 1975,
800 LES CONTRATS
I, 343), dominante en Belgique comme rattachement subsidiaire du contrat (voy. infra, n ° 14.53).
Par conséquent, elle s'est refusée à tout contrôle autre que celui de la foi due aux actes (voy. infra,
n° 14.50).
Ill La Cour n'a pas hésité, dans son arrêt du 24 février 1938 (supra, n ° 14.39), à admettre la sanc-
tion de nullité prévue par la loi désignée implicitement par les parties.
À la vérité, cette objection semble valoir surtout dans la perspective de la thèse sub-
jectiviste précitée. Lorsque les parties n'ont pas choisi de droit applicable et que le ratta-
chement subsidiaire opéré par le juge ne peut s'appuyer sur aucune recherche de volonté
(voy. infra, n° 14.51), le respect de l'attente des parties n'apparaît plus comme une exi-
gence essentielle à la règle de conflit contractuelle. Or, c'est précisément à défaut de choix
de la loi applicable que la problématique du renvoi présente un intérêt pratique, puisque
l'on constate une convergence en droit comparé pour ce qui est de la loi d'autonomie.
Voy. la nuance présente dans la résolution de l'Institut sur« La prise en compte du droit inter-
1111
national privé étranger» (session de Berlin, 1999, Annuaire, vol. 68-11, 370): « La prise en compte
du droit international privé étranger [... ] ne devrait pas être envisagée [... ] si les parties ont le choix
du droit applicable et, l'ayant exercé, n'ont pas inclus dans celui-ci le droit international privé ».
L'exclusion ne jouerait donc pas en l'absence de choix des parties.
sa désignation (voy. supra, n ° 6.51 ). La règle ne vaut toutefois que dans les limites de ce
qui intéresse l'ordre public, en vertu du principe dispositif (voy. supra, n ° 6.53).
Ainsi, dans les matières où est reconnue une autonomie des volontés, il n'y a pas lieu
pour le juge saisi de soulever d'office l'application de la loi étrangère désignée par la règle
de conflit de lois, dès lors que les parties peuvent, lors du procès même (voy. infra,
n ° 14.45), exprimer une préférence pour la loi du for. On peut tout aussi bien considérer
qu'en appliquant alors le droit du for, le juge respecte également la règle de conflit de
lois, dans la mesure où celle-ci consacre précisément le principe d'autonomie.
Si l'on admet qu'en tout état de cause le juge saisi applique d'office la règle de conflit
contractuelle, il lui revient également de désigner d'office la loi applicable à certains con-
trats spéciaux qui connaissent, soit une dérogation, soit un tempérament à la loi d'auto-
nomie, sauf à considérer que la partie dont l'intérêt est protégé puisse renoncer
valablement à cette protection en ne l'invoquant pas.
IllComp. infra, n° 15.11, en matière de responsabilité civile, la position de la Cour de cassation au
sujet de l'application des lois de police mêmes : il n'appartient pas au juge de les soulever d'office.
14.43 - Formulation d'un choix exprès - Le choix de la loi applicable est qualifié d'exprès
lorsqu'il figure dans une clause spéciale faisant partie du contrat ou annexée à celui-ci.
La validité de ce type de clause s'apprécie-t-elle de la même manière que les autres
clauses contractuelles? Dans l'affirmative, elle dépendrait de la loi contractuelle, ce qui
conduirait à un cercle vicieux puisque la clause de choix a précisément pour objet de dési-
gner cette loi. Logiquement, comme élément d'une règle de conflit de lois, elle devrait
plutôt relever du droit du for, à tout le moins pour son admissibilité et ses effets sur la
désignation de la loi contractuelle.
Le législateur en a toutefois décidé autrement en renvoyant sur ce point, dans la
Convention de Rome (art. 3, § 4), aux dispositions applicables à toute clause contrac-
tuelle quelconque. La loi applicable à la clause de choix est alors, quant au consentement,
celle qui serait applicable si la clause était valable, sous réserve des dispositions tendant à
protéger la partie qui s'engage ou de celles qui gouvernent la forme de la clause ou la
capacité contractuelle (voy. infra, n°5 14.55 et s.).
Toutefois, lorsqu'elles répondent à la définition des lois de police, les règles matériel-
les du for - relatives, par exemple, aux conditions générales de vente dans les contrats de
consommation - peuvent obéir à un rattachement particulier, que commande l'impéra-
tivité de ces règles.
Ill! Pour le contrat de consommation, voy. infra, n ° 14.109.
IllLa résolution de l'Institut de droit international (session de Bâle, précitée n° 14.1) prévoit une
règle matérielle propre au choix de la loi applicable formulé dans des conditions générales (art. 5).
14.44 - Expression d'un choix tacite mais certain - Une distinction traditionnelle a lieu
entre le choix exprès et le choix tacite, ou implicite. Lorsque ni le contrat ni l'un de ses
avenants ne contiennent de clause expresse, on se demande si le choix peut résulter de
manière certaine d'autres éléments de la relation contractuelle.
802 LES CONTRATS
La Convention de Rome n'exige pas de choix exprès. La volonté des parties peut
aussi « résulter de façon certaine du contrat ou des circonstances de la cause» (art. 3,
§ 1er). La condition de certitude encourage à une interprétation stricte du mode d'expres-
s10n.
En matière de vente, la Convention de La Haye du 15 juin 1955 (infra, n ° 14.180) adopte une
1111
position similaire, tout en exigeant que ce choix résulte « indubitablement des dispositions »
mêmes du contrat.
1111Déniant avec raison la portée d'un choix de loi au choix de la langue et à la nationalité des par-
ties, voy.: Comm. Hasselt, 10 mai 2000, R W (2000-2001), 1244.
1999,]. TT. (1999), 370. Pour un choix certain déduit d'une référence aux usages pratiqués en
France, voy.: Trib. trav. Huy, 18 juin 1999, Chron. dr. soc. (2002), 340, note M. FALLON.
14.45 - Moment d'expression du choix - En admettant que le choix résulte des circons-
tances de la cause, la Convention de Rome permet aux parties de l'exprimer à tout
moment, y compris au cours du procès.
1111 En faveur d'un choix opéré dans les conclusions, voy. : C. trav. Bruxelles, 18 mai 1993, Rev. dr.
Voy. une confirmation de cette solution par la résolution de l'Institut de droit international
1111!
La Convention précise que le choix peut être modifié et ce, à tout moment (art. 3,
§ 2).
14.46 - Objet du choix - Telle qu'elle est administrée par les tribunaux étatiques, la loi
d'autonomie implique que le choix des parties ait pour objet la loi d'un État. En revan-
che, la loi choisie peut être sans lien avec le contrat.
La Convention de Rome n'exige pas littéralement cette condition. Celle-ci résulte
pourtant indirectement de ses termes. Ainsi le domaine de l'acte se limite à l'hypothèse
de situations comportant un « conflit de lois», expression qui recouvre uniquement,
comme en témoignent notamment les traductions néerlandaise et allemande, un conflit
entre lois étatiques.
11111 Dans le même sens en France: Cass. civ., 5 février 1991, Groupe Zürich c. Levante, Rev. gén. ass. terr.
(1991), 660, note FAUGEROLAS.
Sur le choix du droit d'un État non reconnu, ou de règles de droit abrogées au jour du choix,
1111
Une clause de référence aux usages du commerce peut garder de son utilité malgré la
nécessité de choisir un droit étatique. Certes, pareille référence ne vaut pas désignation
de la loi contractuelle : le juge étatique localisera le contrat, s'il y a lieu, en fonction d'une
règle de rattachement subsidiaire. Mais il appartient à la loi contractuelle ainsi désignée
de déterminer quelle portée elle confère aux usages.
1111! Voy. en matière de vente, infra, n ° 14.182, à propos de l'application de la LUVI et de la CVIM. Le
jeu combiné de la LUVI et de la Convention du 15 juin 1955 relative à la loi applicable, donnait le
même résultat.
1111! Pour l'attribution d'une portée subsidiaire aux règles et usances de la C.C.I. en matière de crédit
documentaire en l'absence de dispositions pertinentes dans le droit applicable, voy. Comm. Bruxel-
les, 27 février 1978,].C.B. (1979), 8. Dans un arrêt du 18 février 1985 (Sabbadini, Pas., 1985, I, 741),
la Cour de cassation reproche au juge du fond de ne pas avoir assimilé les règles et usances des
Lloyd's de Londres au droit étranger, quant à la condition qu'il convenait de reconnaître au droit
applicable du point de vue de la connaissance de son contenu (sur cette question, voy. supra,
n° 6.57).
BERAUDO, « Faut-il avoir peur du contrat sans loi ? », Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 93-112 ;
S.M. CARBONE,« Il 'contratto senza legge' e la convenzione di Roma del 1980 », Riv. dir. int. priv. proc.
(1983), 279 et s.; LEVEL,« Le contrat dit sans loi», Trav. Comité fr. d.i.p. (1964-1966), 209 et s.; Y.
LOUSSOUARN et J.O. BREDIN, Droit du commerce international (Paris, Sirey, 1969), 602-604; PEYREFITTE,
« Le problème du contrat dit 'sans loi'», D. (1965), C, 113; R. VANDER ELST, Rép. prat. dr. belge,
804 LES CONTRATS
Campi., t. II, v 0 « Conflits de lois», n° 172; W. WENGLER, « Immunité législative des contrats
multinationaux», Revue (1971), 637-661.
Voy. aussi : Le contrat économique international (précité n ° 14.1 ), notamment pp. 290-291 et 443-447.
Le choix peut porter sur le droit d'un pays avec lequel le contrat n'a pas de lien parti-
culier. Cette faculté est fonction de la portée assignée au principe d'autonomie (voy.
supra, n° 5 14.40 et s.). La perspective subjectiviste implique normalement la possibilité
d'un tel choix, la théorie de la localisation objective l'exclut, non sans entendre dans un
sens large la notion d'objectivité.
1111 Ainsi, pourrait être objectifle lien entre un contrat de prêt et la loi de l'État de New York, même
en l'absence de tout lien géographique du contrat avec cet État, en raison de l'importance de cette
place et de sa réglementation pour les milieux financiers.
La Convention de Rome ne contient aucune limite de ce type. Elle permet même aux
parties à un contrat interne, entendu au sens de l'article 3, paragraphe 3, de choisir une
loi étrangère. Dans ce cas cependant, le contrat n'échappera pas pour autant aux
« dispositions impératives » du pays où se localise ce contrat interne.
dans le temps», n° 5 106 à 108, Rép. Dalloz (édit. 1968), et H. BATIFFOL, v 0 « Contrats et
conventions», n')S 34 à 37, ibid.
Ill La résolution de l'Institut de droit international (session de Bâle, précitée n ° 14.1) permet la
clause de pétrification tout en prévoyant l'application des règles impératives ultérieures de la loi
désignée qui entendent régir les contrats en cours (art. 8).
Si les dispositions de droit matériel applicables au contrat ont été modifiées par
l'État nouveau ou par l'État annexant, la jurisprudence du pays dont le territoire a été
détaché a tendance à appliquer aux contractants ayant quitté ce territoire pour regagner
une partie non annexée du même pays le droit de cet État, de préférence au droit de l'État
nouveau.
Ili Ainsi, un arrêt de la cour de Paris a maintenu sous l'empire de la loi française un contrat conclu,
avant l'indépendance de l'Algérie, encre des sociétés ayant ensuite transféré en France leur siège
d'exploitation. Cette solution se justifie sans doute par l'interprétation de la volonté des parties
qui, en choisissant l'application de la loi française, n'ont pas entendu passer sous la juridiction du
nouvel État, volonté qui s'exprime dans la rupture du lien qui les unissait au territoire ayant accédé
à l'indépendance.
Outre Paris, 10 juillet 1965, Revue (1966), 63, voy. des références de jurisprudence allemande posté-
rieure au démembrement de l'Empire allemand par le Traité de Versailles, dans F. RrGAUX, Recueil
descours,vol. ll7,4ll-4l4.
1111La solution est appliquée aussi par la Cour de cassation de France: « C'est par une interpréta-
tion souveraine de la volonté des parties [que la cour d'appel] déduit de ces circonstances que cel-
les-ci ont entendu faire régir leur convention par la loi française» (Cass. civ., 28 juin 1966, Revue,
1967, 334).
En incorporant la loi choisie par les parties à la méthode de localisation objective, un arrêt plus
récent a encore affirmé « que les juges du fond apprécient souverainement les circonstances qui
déterminent la localisation d'un contrat d'où ils déduisent la loi qui lui est applicable » (Cass. civ.,
1re ch., 29 juin 1971, Nassarc. Banque commerciale africaine, Clunet, 1972, 51, noce Ph. KAHN).
1111 L'arrêt du 21 février 1975 (voy. supra, n° 14.39) justifie la cassation de la décision attaquée par la
violation de l'article 97 [aujourd'hui 149] de la Constitution (contrôle de la motivation).
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 807
Sous la forme où elle a été élaborée au XIXe siècle par la doctrine allemande, une pre-
mière solution subsidiaire paraît difficile à distinguer de l'interprétation des volontés
implicites. Appelée hypothetische Parteiwille, cette théorie consiste à s'efforcer d'identifier la
loi que, compte tenu des divers éléments de localisation de la situation, les parties eus-
sent choisie si elles avaient exprimé leur volonté à cet égard.
Ill La méthode est critiquable dans la mesure où elle paraît supposer que les circonstances propres
à la cause révèlent des indices suffisants de rattachement à telle loi déterminée, alors que, précisé-
ment, l'insuffisance ou le caractère contradictoire de ces indices n'ayant pas permis de déceler le
choix implicite des parties, il faut faire appel à une solution subsidiaire.
14.52 - Identification d'un lieu prédéterminé - Au cours d'une première phase, le rat-
tachement contractuel a été basé sur la localisation d'un élément déterminé du contrat,
d'abord la conclusion, ensuite l'exécution.
La référence au lieu de formation des actes juridiques figure dans les règles de conflit
de lois les plus anciennes (voy. supra, n° 14.37). Elle a encore reçu une consécration
comme rattachement subsidiaire par la Cour de cassation de France dans son arrêt de
principe du 5 décembre 1910 (voy. supra, n ° 14.38).
Ce facteur a perdu aujourd'hui tout titre à figurer comme facteur de rattachement
subsidiaire, si ce n'est pour des opérations déterminées, comme des contrats de bourse.
IllLa jurisprudence belge a manifesté un abandon progressif du facteur. Voy. une critique vigou-
reuse par: C. trav. Bruxelles, 11 juin 1974, R W (1974-1975), 2030. Celui-ci s'est pourtant main-
tenu longtemps en matière de contrat d'assurance.
tract. Transposée en droit américain, elle y a été étendue à la matière de la responsabilité civile
comme proper law ofthe tort (infra, n ° 15.10).
1111Selon Dicey-Morris paraphrasant la jurisprudence, le rôle du juge est, sans exprimer pour
autant l'intention, inexistante, des parties, de « dire comment une personne droite et raisonnable
aurait considéré le problème, quelle intention des hommes d'affaires moyens, raisonnables et intel-
ligents auraient vraisemblablement exprimée s'ils avaient été conscients du problème et des cir-
constances de fait, dont le juge, à défaut des parties, a été informé" (Rule 127 de DrcEY).
Quoique sous des formulations diverses, la jurisprudence belge a appliqué pratique-
ment la méthode indiciaire depuis de nombreuses années.
Ill Voy. les références citées par B. HANOTIAU et M. FALLON,j.T (1987), 100-101. Sur l'ambiguïté de
la formulation, voy. supra, n° 14.44. Alors que l'arrêt attaqué s'était très clairement prononcé en
faveur de la localisation objective du contrat, un arrêt de rejet de la Cour de cassation (27 novembre
1974, Pas., 1975, I, 343) s'est prononcé sur le moyen tiré de la loi d'autonomie en droit internatio-
nal privé, en réduisant la localisation faite par le juge du fond à une interprétation souveraine de la
volonté des parties.
En France, la méthode indiciaire a été approuvée par la Cour de cassation dès 1959 : « Il appar-
1111
tient aux juges du fond de rechercher d'après l'économie de la convention et les circonstances de la
cause quelle est la loi qui doit régir les rapports des contractants" (6 juillet 1959, Revue, 1959, 708).
Bruxelles, 18 février 1999, Rev. prat. soc. (2000), 243, identifiant la prestation du mandataire pour les
relations internes du contrat de mandat; Comm. Hasselt, 10 mai 2000, R W (2000-2001), 1244,
identifiant la prestation de l'entrepreneur sous-traitant; 8 juin 2004, Rev. dr. comm. belge (2005), 96,
identifiant la prestation de l'entrepreneur.
En France, voy.: Grenoble, 13 septembre 1995, Revue (1996), 666, note D. PARDOEL, Clunet (1996),
948, note C. WITZ, identifiant par la prestation de l'affactureur.
Le contrat de distribution a donné lieu à des interprétations divergentes. Voy. infra, n° 14.189.
111 Dans la doctrine antérieure, voy. déjà, principalement, les travaux de A. SCHNITZER, précités
n ° 14.1.
Voy. déjà aussi: G. VAN HECKE,« Signification et limites du principe de l'autonomie de la volonté
dans les contrats internationaux», Rev. dr. int. dr. camp. (1955), 84.
La théorie a reçu une illustration en matière de vente dès la Convention de La Haye du 15 juin
1955, mais sans combinaison avec la méthode indiciaire (voy. infra, n ° 14.184).
La localisation selon la prestation caractéristique du contrat se fait au moyen de
l'établissement du débiteur de cette prestation, et non de l'exécution de cette prestation.
1111Pour une illustration - anticipée - à propos du contrat d'agence, dans le sens de la désignation
de la loi de l'établissement de l'agent, voy.: Trib. arrond. Luxembourg, 7 juillet 1988, Riv. dir. int.
priv. proc. (1991), 1092. En France, voy.: Douai, 13 juillet 1988, Clunet (1990), 403, note J.-M. JAC-
QUET, appliquant la loi de l'établissement du bailleur d'une grue.
D'autres présomptions sont spéciales. Pour les contrats portant sur des immeubles,
la présomption joue en faveur du pays de situation du bien (§ 3) et, pour le contrat de
transport de marchandises, du pays où convergent l'établissement principal du transpor-
teur et, soit le chargement ou déchargement, soit l'établissement principal de l'expédi-
teur(§ 4).
Le conflit mobile est tranché par référence à la localisation de l'établissement ou de
la résidence au moment de la« conclusion » du contrat.
Une clause dite «d'exception» remplit une double fonction. D'un côté, elle sert de
règle subsidiaire, pour le cas où la prestation caractéristique ne se laisse pas déterminer
(art. 4, § 5, 1re phrase). D'un autre côté, elle tempère la référence au lieu de l'établissement
du débiteur de la prestation caractéristique en écartant la présomption « lorsqu'il résulte
de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un
autre pays», auquel cas la loi de ce pays est appliquée(§ 5, ze phrase).
1111Pour une première application, critiquée, de cette clause, voy.: Versailles, 6 février 1991, Revue
(1991), 745, note P. LAGARDE, C/unet (1992), 125, note J. FOYER. Voy. aussi: C. CAMPIGLIO, « Prime
applicazioni della clausola d'eccezione europea in materia contrattuale », Riv. dir. int. priv. proc.
(1992), 241-254.
Comp. les termes ambigus de: Comm. Anvers, 13 avril 1999, Jur. Anv. (1999), 238, relatif à une
assurance maritime, retenant, à titre d'indices, la loi (belge) du lieu de conclusion, de résidence de
l'assuré et des usages auxquels les parties s'étaient référées.
Il!Pour un rejet en l'espèce de la clause d'exception, voy. : Anvers, 7 avril 1998, Rev. gén. dr. civ.
(1999), 83.
En principe, le domaine de la loi contractuelle s'étend à toutes les questions qui, par
leur nature, relèvent du droit des contrats. Il en va ainsi de la formation du contrat (con-
sentement, objet et cause, partiellement forme), de son interprétation, de l'exécution des
obligations contractuelles, de la détermination de la monnaie du contrat, de l'extinction
des obligations, de la preuve contractuelle. La Convention de Rome consacre ce principe
(art. 10).
!Ill Ainsi, la prescription extinctive relève de la loi contractuelle (Cass., 29 novembre 1990, Pas.,
1991, I, 321; Trib. trav. Bruxelles, 2 février 1981,]. TT., 1982, 60; Gand, 9 octobre 1996, R W., 1997-
1998, 125).
Il importe peu que la loi contractuelle étrangère donne à cette institution une qualification diffé-
rence, ne connaissant que des prescriptions de nature procédurale. Pour le juge belge saisi, laques-
tion se réduit à celle de la détermination du contenu de sa règle de conflit de lois en matière de
prescription, et du choix encre le rattachement au principe d'autonomie ou à la loi du for au titre
de loi de procédure. L'extension donnée au domaine de la première et la relative restriction de la
seconde (voy. supra, chap. 11) par le droit international privé du for impliquent une préférence pour
celle-là.
Ce mode de raisonnement permet d'éviter tout recours à une analyse conceptuelle en termes de
qualification (voy. supra, n° 7.22). Une telle analyse a pourtant été opérée par le tribunal de com-
merce de Bruxelles dans un jugement du 15 février 1983, Rev. dr. comm. belge (1984), 61, qui a appli-
qué la prescription de droit belge à un contrat soumis au droit anglais en procédant à une
qualification lege causae.
ffll Pour la détermination de la monnaie, voy. infra, n° 5 14.64 et s.
Certaines questions donnent lieu à une application nuancée de la loi contractuelle.
Il en est ainsi de l'existence du contrat (art. 8), de sa forme (art. 9), des problèmes de
preuve (art. 14), de la cession de créance (art. 12).
Pour l'existence du contrat, la partie qui prétend ne pas avoir consenti peut se référer
sous certaines conditions à la loi de sa résidence habituelle.
L'application de principe de la loi contractuelle à la question de l'existence confirme la jurispru-
ffll
dence, notamment: Cass., 21 février 1975, Pas. (1975), !, 642, mais sans la nuance précitée. Voy. une
présentation de celle-ci par B. HANOTIAU et M. FALLON,j. T ( 1987), 108-110. Pour une application de
la loi contractuelle sur la base de l'article 8, voy.: Comm. Anvers, 15 février 2002, R.A.B.G. (2004),
1337. Sur la portée théorique de l'extension de la loi contractuelle à l'existence du contrat, voy.
supra, n ° 14.40.
!Ill Le domaine de la loi contractuelle s'étend aux « conséquences de la nullité du contrat (art. 10,
§ 1", e), mais la Convention ouvre une faculté de réserve à cet égard (art. 22, § 1"'). La Belgique n'en
a pas fait usage.
La portée de négociations précontractuelles sur l'existence du contrat pourrait relever à ce titre
1111
de la loi précitée.
1111Sur la thèse de l'application de la loi de la résidence de l'acceptant, voy. notamment: A. BoG-
GIANO, (précité n ° 14.1, Recueil descours), 34-36, indiquant son origine allemande, ainsi que: F. VIS-
CHER, précité n ° 14.1, 45-46; résolution de l'Institut de droit international, session de Bâle, précitée
n ° 14.1, art. 4, § 2.
L'exécution relève de la loi du contrat, mais la Convention introduit une nuance
pour les« modalités» d'exécution ainsi que pour« les mesures à prendre par le créancier
en cas de défaut dans l'exécution» (art. 10, § 2) : à ce propos, l'on« aura égard à la loi du
pays où l'exécution a lieu». Cette disposition renvoie à la loi locale, sans constituer pour
autant une dérogation véritable au domaine de la loi du contrat, puisque les règles loca-
les seront seulement prises en considération : le juge aura à en tenir compte dans son
appréciation. Les «modalités» visées sont, selon l'exposé des motifs, définies selon le
812 LES CONTRATS
droit du for, faute de pouvoir trouver une définition autonome de la notion, mais
incluent en toute hypothèse« la réglementation de jours fériés, celle des modalités d'exa-
men de la marchandise ainsi que les mesures à prendre en cas de refus de celle-ci».
111 Selon l'exposé des motifs, le terme« avoir égard» implique une simple faculté pour le juge saisi
d'appliquer la loi locale, et ce « pour rendre justice aux parties». Il semble plutôt que l'expression
relève de la notion de« prise en considération» d'une règle (voy. supra, n° 6.50), et le texte paraît
impliquer une obligation, et non une simple faculté, de prendre cet élément en considération.
La référence à la loi qui régit le contrat au fond permet, indirectement, que les par-
ties fassent choix du droit applicable à la forme. En effet, la Convention tolère un dépe-
çage de la loi contractuelle: l'aspect formel peut être vu comme« une partie» du contrat
au sens de l'article 3.
La jurisprudence antérieure à la Convention de Rome illustre, sous deux variantes,
un recours au principe d'autonomie. Dans cette perspective toutefois, le juge ne cherche
pas nécessairement à appliquer la loi qui favorise la validité du contrat quant à la forme,
mais plutôt à appliquer la loi qui a été choisie par les parties.
Selon une première modalité, le droit du lieu de conclusion a été appliqué, « lorsque
n'est pas établie la volonté des parties de soumettre la forme de leur contrat à la loi qui
régit au fond celui-ci ou à leur loi nationale» (en France: Cass. civ., ire ch., 10 décembre
1974, Pierucci, Revue, 1975, 474, note R. PONSARD, Clunet, 1975, 542, note Ph. KAHN).
Selon une seconde modalité, le droit qui régit le contrat quant au fond a été appli-
qué, à moins que ne soit établi le choix d'un autre droit par les parties.
111 Sans être explicites, plusieurs arrêts de la Cour de cassation de Belgique peuvent être interprétés
en ce sens: Cass., 27 novembre 1974, Debecker, Pas. (1975), I, 343; 24 septembre 1987, Brunner, Pas.,
(1988), I, 112.
Dans l'affaire Debecker, des Belges domiciliés en Belgique y font un contrat par lequel l'un cède à
l'autre un fonds de commerce situé en France. La nullité est prononcée pour violation des règles de
forme du droit français, le juge du fond ayant pu légalement déduire des circonstances de la cause
que le contrat était soumis à ce droit, choisi par les parties. Sans doute l'arrêt ne contient-il aucune
trace de l'autonomie du statut de la forme et on peut s'étonner que le demandeur en cassation n'ait
pas pensé à invoquer la violation de la règle Locusregitactum (qui aurait pu trouver un appui textuel
dans l'article 3, alinéa 1", du Code civil).
L'arrêt de 1987 rejette le pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui avait
validé sur base du droit belge un cautionnement conclu en Suisse, en énonçant que « les indices
relevés à propos du choix de la loi applicable au fond subsistent en ce qui concerne le choix de la loi
applicable à la forme». En constatant le respect de l'article 1134 du Code civil alors que la violation
de« la règle belge de conflit de lois locus regit actum » était invoquée, la Cour confirme une tendance
à ne pas isoler le rattachement de la forme du contrat, tout en admettant l'éventualité du choix
exprès d'une autre loi.
Voy. aussi: Mons, 20 novembre 1991,J.L.M.B. (1992), 772, note M. LIÉNARD-LIGNY, soumettant la
forme à la loi contractuelle si les parties n'ont pas choisi la loi du lieu de conclusion.
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 813
du contrat de cession: Comm. Courtrai, 31 octobre 2000, R.W (2004-2005), 1593, retenant la loi
de l'établissement du cédant en vertu du critère de la localisation par la prestation caractéristique
du contrat.
En revanche, la cessibilité de la créance et l'opposabilité de la cession au débiteur
cédé dépendent de la loi applicable à la créance cédée.
Ill Voy. une application par: Civ. Anvers (sais.), 15 janvier 1991, R W (1991-1992), 55; Comm. Has-
selt, 9 novembre 1999, Alg. jur. Tijdschr. (1999-2000), 507; Civ. Bruxelles, 17 mars 2000,]. T. (2001), 740.
Sur l'opposabilité des droits du débiteur cédé (acheteur) à l'affacrureur, soumise à la loi de la vente,
voy.: Grenoble, 13 septembre 1995, Revue (1996), 666, note D. PARDOEL, Clunet (1996), 948, note C.
WITZ.
Voy. antérieurement: J.P. Borgerhout, 14 décembre 1973, ].].P. (1975), 144; contra, à propos de
l'article 1690 C. civ.: Civ. Bruxelles, 9 avril 1968, Pas. (1968), III, 106, dans le sens de l'application de
la règle Locus regzt actum.
Le rapport explicatif précise que la loi de la créance cédée régit les « modalités requises» pour que
le transfert ait un effet vis-à-vis du débiteur.
Le texte n'évoque pas la question de l'opposabilité de la cession aux tiers autres que le
débiteur cédé. Si ce silence doit être interprété comme une inclusion dans le domaine de la
loi contractuelle, cela exclurait l'application de la loi de la créance cédée et se compren-
drait comme la désignation de la loi qui régit la cession. Une autre solution se dégage en
doctrine, au bénéfice de la loi de l'établissement du cédant: ce rattachement comporte
l'avantage de désigner une loi à la fois connaissable pour les tiers et unique en cas de ces-
sions multiples (affacturage) ou successives. Pratiquement, elle se confondra souvent avec
le rattachement de la créance cédée et du contrat de cession (via une localisation par la
prestation caractéristique) tout en excluant l'autonomie de la volonté. Le Code de droit
international privé retient l'application de la loi de la résidence du cédant (art. 87, § 3).
Ill Le rattachement à la loi qui régit le contrat de cession a été retenu par le législateur dans le
secteur des services financiers. Selon l'article 145 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance
du secteur financier et aux services financiers (Monit., 4 sept. 2002, abrogé par le Code),
« L'opposabilité du contrat de cession de créance à l'égard des tiers autres que le débiteur cédé est
814 LES CONTRATS
précités.
En ce sens également, la Convention des Nations unies du 12 décembre 2001 sur la cession de
créance dans le commerce international (J.L.M., 2002, 776) ; la position du Groupe européen de
droit international privé (réunion de Vienne, 2003, www.drt.ucl.ac.be/gedip).
Contra, en faveur de la loi de la créance cédée: Hoge Raad, 16 mai 1997, Alg.Jur. Tijdschr. (1998-
1999), 295, note K. CHRISTIAENS et I. PEETERS, renvoyant à l'article 12, § 1", de la Convention de
Rome ; en faveur d'un rattachement unitaire de la créance cédée, voy. notamment E. Cashin-
Ritaine (sauf pour la réserve de propriété) et W. Mangold, précités.
11!1Dans le cas soumis au tribunal de commerce de Courtrai (31 octobre 2000, précité), une banque
belge créancier du cédant et détenteur d'un droit de gage sur le fonds de commerce de celui-ci,
déclaré en faillite, invoquait l'inopposabilité de la cession d'une créance sur l'État néerlandais opé-
rée à titre de sûreté au bénéfice d'un cessionnaire allemand, en se basant sur la loi belge applicable
au contrat de cession. Le même résultat aurait été obtenu par la règle de rattachement du Code, le
cédant étant établi en Belgique. Par ailleurs, les droits sur le fonds de commerce issus du gage
auraient également été régis par le droit belge (voy. supra, n ° 13.22).
En matière de contrat d'assurance, la cession du contrat fait l'objet de règles maté-
rielles spéciales à l'article 11 de la deuxième directive relative aux assurances « non-vie »
(infra, n° 14.92) et à l'article 14 de la directive 2002/83 relative aux assurances «vie»
(infra, n ° 14.99). Ces dispositions se réfèrent aux « conditions prévues par le droit
national», notamment au sujet de la cessibilité et de la publicité vis-à-vis du preneur,
sans qu'il soit sûr que cette référence constitue une règle de conflit de lois. Il s'agirait
alors d'une simple règle de signalisation (supra, n ° 4.41). Encore peut-on hésiter à propos
de la règle relative à la publicité puisque celle-ci, à la différence des autres, vise un État
déterminé, respectivement celui du lieu « où le risque est situé» et celui de l'« enga-
gement». De plus, en prévoyant une autorisation administrative préalable à la cession,
les auteurs du texte ont pu supposer - mais alors à tort - que l'autorité n'appliquerait
que ses propres règles matérielles.
Ces dispositions relatives à la cession du « contrat» soulèvent la question de l'applicabilité à
1111
une telle cession de l'article 12 de la Convention de Rome relatif à la cession de « créance». L'affir-
mative n'est pas douteuse puisque la première expression englobe la seconde. Celle-ci aurait été
mieux libellée en s'étendant aussi à la cession éventuelle de dettes.
1111L'application de l'article 12 de la Convention de Rome aux contrats visés par les directives est
possible au titre de « règles générales de droit international privé » au sens entendu par ces directi-
ves (voy. infra, n ° 14.90).
La subrogation légale fait l'objet d'une règle particulière (art. 107 Codip, infra,
n° 15.24).
14.61 - Droits réels constitués par voie conventionnelle - Le contrat constitutif d'un
droit réel reste soumis à la règle de conflit de lois qui régit la matière contractuelle, sans
exclure certains rattachements particuliers. Ainsi, le contrat ayant pour objet un droit
réel immobilier fait l'objet d'une présomption spéciale dans la Convention de Rome, en
faveur de la localisation de l'immeuble (art. 4, § 3).
816 LES CONTRATS
En revanche, l'existence d'un droit réel et son opposabilité aux tiers relèvent de la
règle de conflit de lois qui régit le droit des biens (voy. supra, n ° 13.11).
Ainsi, la détermination du droit applicable à la réserve de propriété appelle une distinction
1111
selon que la question intéresse un élément du contrat de vente (existence de consentements, déter-
mination du prix) ou son opposabilité aux tiers, notamment en cas de faillite.
14.62 - Actions protectrices d'une créance - Selon le Code civil, le créancier peut cher-
cher à agir en justice afin de préserver l'effet utile de sa créance, en s'assurant de l'apti-
tude de son débiteur à s'exécuter. Ce faisant, il vise à protéger son droit de gage général.
Dans le cas de l'action oblique, il agit en lieu et place de son débiteur contre le débiteur de
celui-ci (art. 1166), afin que celui-ci exécute ses obligations envers celui-là. Dans le cas de
l'action paulienne, il attaque un engagement pris par son débiteur« en fraude de [ses]
droits» (art. 1167).
La soumission de l'action oblique à la loi qui régit la créance du demandeur à
l'action s'autorise autant d'un objectif de protection de cette créance que d'une analyse
de l'institution en termes de subrogation: dans ce dernier cas, l'existence de l'action relè-
verait de la loi précitée, alors que le contenu de la demande relèverait de la loi qui régit la
relation entre le débiteur du demandeur et son propre débiteur. Une analyse en termes de
représentation, selon laquelle le demandeur agit comme représentant de son débiteur,
signifierait que l'existence de la représentation relèverait de la relation entre représentant
et représenté, en cas de représentation volontaire.
La soumission de l'action paulienne à la loi qui régit la créance du demandeur peut
aussi s'autoriser d'un objectif de protection de cette créance. En revanche, même si elle
n'a pas pour objet la réparation d'un dommage, elle tend à prévenir la survenance d'un
dommage dû à un acte prétendument fautif et, à ce titre, elle pourrait dépendre d'un rat-
tachement quasi délictuel.
Tout rattachement basé sur une analyse de la nature de l'institution - subrogation
légale ou action quasi délictuelle - a pour inconvénient de faire dépendre la solution de
la nature assignée par le droit applicable au fond. Pour éviter ce cercle vicieux, il semble
préférable de s'attacher à la fonction de l'action, tel son but de protection de la créance
du demandeur. À cet égard, cette fonction peut aussi être vue comme affectant la déter-
mination de la personne ayant qualité pour agir sur l'acte attaqué dans l'action pau-
lienne, et pour agir en exécution de l'obligation dans l'action oblique: le rattachement
devrait alors désigner le droit qui régit, respectivement, l'acte attaqué et la créance du
débiteur du demandeur.
1111 Pour un rattachement considérant la créance protégée, voy. : H. BATIFFOL et P. LAGARDE, n ° 546;
pour une analyse en termes de qualité pour agir, voy.: P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 497; M.-L. NIBOYET-
HoEGY, L'action en justice dans les rapports internationaux de droit privé (Paris, Economica, 1986), 240 et
s., en faveur de la créance protégée.
1111En faveur de la soumission de l'action paulienne à la loi de situation du bien, où aura lieu une
saisie, au titre d'action tendant à préserver le droit de gage, voy. P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 665.
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 817
On trouvera tous les textes relatifs au droit monétaire international : L. iAZZAR, Transnational econo-
mic and monetary law transactions and contracts (New York, Oceana), vol. I (1977); vol. II (1978), sur
feuillets mobiles.
14.66 - Portée des accords de Bretton Woods - Selon l'article VIII, section 2(6), des sta-
tuts du Fonds monétaire international, « les contrats de change qui mettent en jeu la
monnaie d'un membre et sont contraires aux réglementations de contrôle des changes
que ce membre maintient en vigueur ou qu'il a introduites en conformité avec cet
Accord, ne seront pas exécutoires sur les territoires des membres. En outre, les membres
pourront, par accord mutuel, coopérer à des mesures destinées à rendre plus efficaces les
réglementations de contrôle des changes de l'un d'eux, à condition que ces mesures et
réglementations soient compatibles avec le présent Accord» (traduction non officielle, le
texte anglais seul faisant foi, Washington, F.M.I.).
La portée de cette disposition est controversée. Dans les différents États parties aux
accords de Bretton Woods, elle a suscité une abondante jurisprudence.
Ill Sur cette jurisprudence, voy. les chroniques de J. GOLD, sous le titre The Fund Agreement in the
Courts (supra, n ° 14.63).
La Belgique étant liée par les accords, il faut considérer que ses tribunaux ne peuvent
déclarer obligatoires « les contrats de change qui mettent en jeu la monnaie d'un autre
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 819
État membre », si ces contrats « sont contraires aux réglementations de contrôle des
changes» que cet État maintient ou met en vigueur, conformément aux accords de Bret-
ton Woods.
Voy. par exemple: Comm. Bruxelles, 13 mars 1973,].C.B. (1973), 403, et F. RIGAUX, « L'exécution
!!Il
en Belgique d'un contrat de change prohibé par la loi d'un autre État», Ann. Liège (1988), 659-683.
14.67 - Limites aux mesures nationales de protection selon le droit communautaire - Les
mesures par lesquelles un État membre de l'Union européenne restreint le choix de la
monnaie pour une raison d'intérêt général quelconque, qu'elle relève d'une politique
monétaire ou d'un souci de sécurité juridique, se doivent de respecter le régime général
de contrôle des entraves aux échanges institué par le traité CE (voy. supra, n ° 2.28). En
particulier, de telles mesures peuvent enfreindre les dispositions organiques de la circula-
tion des capitaux (art. 56 CE et s.).
En cas d'entrave contraire au traité CE, le juge d'un État membre doit laisser inappli-
quée la disposition nationale en cause, qu'elle émane de son propre État ou d'un autre
État membre.
Il!!Par exemple, une mesure autrichienne prohibant une inscription hypothécaire en devises peut
apparaître comme une entrave à la constitution d'une sûreté dans une opération transfrontière, et
sa compatibilité avec le traité CE dépendra de la nature de la raison d'intérêt général invoquée pour
la justifier ainsi que d'un contrôle proportionnalité. Voy.: C.j.C.E., aff. C-222/97, 16 mars 1999,
Trummer, Rev. dr. comm. belge (2000), 308, noce H. MOUREAU.
de mesure, tel l'or, ou, en l'absence de tout choix, quelle doit être la monnaie de compte.
C'est à la loi contractuelle qu'il appartient à la fois de décider de la licéité d'un choix et de
déduire de l'absence de choix, le cas échéant, une référence à la monnaie du pays dont la
loi régit le contrat. Toutefois, il ne faut négliger l'incidence possible, ni de certaines régle-
mentations de protection (voy. infra, n ° 14.73), ni de l'exception d'ordre public.
1111 Pour une désignation de la loi du contrat à la détermination de« l'ampleur de la dette», voy. en
Suisse l'art. 147, § 2, LDIP.
1111 Dans le sens de la loi du contrat, avec les références à la jurisprudence française, voy. : H. BATIF-
FOL et P. LAGARDE, n ° 613; P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 742.
(1963), 376; comp. Cass., 24 février 1938, « Ville d'Anvers», Pas. (1938), 1, 66.
Deux sentences arbitrales célèbres sont relatives à la détermination de la monnaie de
compte. L'une concernait un différend entre deux États, l'autre l'exécution d'un contrat
entre un État et une entreprise étrangère.
1111 Voy. la sent. du président René CASSIN, 10 juin 1955, Gouvernement hellénique c. Gouvernement bri-
tannique, affaire des« cargaisons déroutées», Revue (1956), 278, note H. BATIFFOL; Sent. arb. G. RIPERT
et A. PAN CHAUD, 2 juillet 1956, Société européenne d'études et d'entreprise c. Gouvernement yougoslave, Clu-
net (1959), 1074.
obligation libellée en francs congolais a dû subir les conséquences des dépréciations de la monnaie
de compte.
Dans la jurisprudence, voy.: Civ. Bruxelles, 14 octobre 1963, ].T (1963), 662; Bruxelles,
1111
24 décembre 1964, Pas. (1965), II, 293; Civ. Bruxelles, 26 mai 1965,J. T (1965), 660; Comm. Bruxel-
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 821
les, 25 août 1965, fur. comm. Brux. (1966), 40 ; Bruxelles, 26 juin 1990, Rev. gén. ass. resp. (1990),
n° 11762, note R. VANDER ELST.
Sur le pouvoir libératoire de la monnaie et l'attribution de dommages et intérêts, voy. par exemple:
C. trav. Mons, 13 septembre 1990,].TT (1991), 198.
Ill En Suisse, selon l'art. 147, § ier, LDIP, « La monnaie est définie par le droit de l'État
d'émission. »
La création de l'euro comme monnaie de certains États membres de l'Union euro-
péenne a nécessité l'établissement de deux types d'actes. D'un côté, il a fallu définir la
valeur de la monnaie nouvelle (règlement 974/98 du 3 mai 1998 concernant l'introduc-
tion de l'euro, ].O.C.E., 1998, L 139). D'un autre côté, le Conseil a veillé à neutraliser
l'incidence de la nouvelle monnaie sur les contrats en cours, en introduisant le principe
de la continuité des contrats (règlement 1103/97 du 17 juin 1997 fixant certaines dispo-
sitions relatives à l'introduction de l'euro,J.O.C.E., 1997, L 162). Aucun de ces actes ne
définit son applicabilité dans l'espace à l'égard des obligations contractuelles. Celle-ci se
dégage cependant de leur objet. L'un et l'autre concernent les contrats utilisant la mon-
naie de compte d'un État membre ayant introduit l'euro. Ainsi, le principe de la conti-
nuité des contrats ne trouve à s'appliquer concrètement qu'aux contrats régis par le droit
de l'un de ces États.
Ill Sur la question, voy. notamment: C. SUNT, « De invoering van de euro», R W (1996-1997),
1177-1188; A. GIARDINA,« L'euro: aspetti internazionalprivatistici », Riv. dir. int. prov. proc. (1999),
789-800 ; F. PocAR, « Quelques observations sur la continuité des contrats face à l'introduction de
l'euro», Mélanges Siehr (La Haye, Asser Inst., 2000), 591-604; F. PocAR et A. MALATESTA,« Gli effetti
dell'euro sui contratti internazionali », Riv. dir. int. priv. proc. (1999), 201-222; J. RITTER, Euro-Ein-
führung und IPR unter besonderer Berücksichtigung nachehelicher Unterhaltsvertrdge (Frankfort, Lang,
2003), 283 p.
14.71 - Rôle de la loi du lieu du paiement - Il appartient à la loi du pays dans lequel le
paiement est effectué de déterminer les modalités du paiement, et notamment la mon-
naie - nationale ou étrangère - dans laquelle le débiteur peut se libérer, ainsi que la date
de la conversion.
111 Ainsi, la loi locale détermine la régularité d'un paiement par chèque: Gand, 22 décembre 1994,
R. W (1995-1996), 262.
Ill Pour une référence à la loi du contrat pour déterminer la date de conversion, voy. : C. trav. Liège,
8 novembre 1996,J. TT (1997), 150.
Autre chose est de déterminer le lieu où le paiement doit être effectué. À défaut de
règle de rattachement spécifique, la question paraît relever de la loi qui régit le contrat,
car elle détermine une modalité de l'exécution, cependant détachable des réglementa-
tions locales auxquelles il y a lieu d'avoir égard en vertu de l'art. 10, § 2, de la Convention
de Rome (voy. supra, n ° 14.55).
111 Voy. sur cette question, pour une référence au lieu du domicile ou au lieu d'exécution après
affirmation de la désignation de la loi du lieu du paiement: Comm. Bruxelles, 11 décembre 2001,
Rev. dr. comm. belge (2003), 57, noteJ.-P. BUYLE et M. DELIERNEUX.
Pour les paiements à effectuer en Belgique, la loi du 12 juillet 1991 (Monit., 9 août
1991), qui a modifié l'article 3 de la loi du 30 décembre 1885, permet désormais d'expri-
mer des sommes en monnaies autres que la monnaie nationale - le franc à l'époque-, à
savoir en Ecu et en devises d'États membres de l'O.C.D.E., dans les actes publics et admi-
822 LES CONTRATS
nistratifs. Désormais, cette loi doit se lire en combinaison avec la loi du 30 octobre 1998
relative à l'euro (Monit., 10 novembre 1999), qui opère conversion des sommes exprimées
en francs belges.
Sur la loi de 1991, voy.: J.V. Lours, « Le franc belge n'est plus requis dans les actes publics et
1111
administratifs »,].T (1991), 669-670. Voy. aussi l'arrêté royal d'exécution du 14 septembre 1992
(Monit., 25 septembre 1992).
Le refus de libeller une condamnation en toute devise autre que celle prévue par la
loi de 1991 repose sur une lecture inexacte de la loi de 1885. Celle-ci ne visait pas à choisir
la monnaie de paiement, entre la monnaie nationale et une monnaie étrangère, mais uni-
quement à définir la monnaie nationale en renvoyant au franc. Il ne devrait donc pas être
exclu de permettre la condamnation au paiement en devises choisies par les parties, tout
en permettant au débiteur de se libérer en euros dès lors que le paiement est à effectuer
en Belgique.
1111 Sur la base de la loi de 1885, les tribunaux belges ne condamnaient, en cas d'obligations libellées
en monnaie étrangère, qu'à la contre-valeur de celle-ci en francs belges. Dans cette perspective,
l'éventuelle perte qui peut en résulter pour le créancier en cas de dépréciation monétaire peut être
couverte par l'attribution de dommages et intérêts, du moins si la loi contractuelle prévoit cette
possibilité. Celle-ci est en effet applicable à la question au titre de loi applicable à l'exécution des
obligations contractuelles, et à la responsabilité qui peut découler de la violation de l'une de ces
obligations. Voy.: Cass., 4 septembre 1975, Pas. (1976), I, 16; 26 novembre 1976, Pas. (1977), I, 339.
En réalité, il paraissait excessif d'imputer au législateur de 1885, qui avait d'abord en vue la défini-
tion de la monnaie nationale par rapport à des unités monétaires de l'Ancien Régime ayant tou-
jours cours à l'époque, la volonté d'interdire toute possibilité de condamnation en monnaie
étrangère. Au demeurant, la fixation du taux de conversion au jour du paiement effectif (voy. ci-
dessous) et l'attribution éventuelle de dommages et intérêts en cas de dépréciation, rapprochaient
en fait la position de la jurisprudence de celle de la condamnation en devises. Voy. à ce sujet M. FAL-
LON, précité n° 14.63.
Comp. en France, la faculté laissée au débiteur de se libérer en devises ou en monnaie nationale
pour les règlements internationaux (P. MAYER et V. HEUZÉ, n ° 746).
14.72 - Date de la conversion en monnaie de paiement- Si les parties n'ont rien stipulé
à cet égard, il incombe au juge de déterminer la date à prendre en considération pour pro-
céder à la conversion éventuelle des monnaies, et de fixer le taux de change.
Il est traditionnellement enseigné que la date du jour du paiement effectif doit être
préférée à celle du jour de la naissance de l'engagement, à celle de la mise en demeure et à
celle où la dette est devenue exigible.
Ill Voy. Cass., 17 janvier 1929, Ville d'Anvers c. capitaine Foxwell, Pas. (1929), I, 63; PIRET, Les variations
monétaires et leurs répercussions en droit privé belge (Bruxelles, 1935), n ° 30; la jurisprudence citée dans
DE PAGE, t. III, n ° 459; Bruxelles, 5 février 1965,]. T (1965), 153; Bruxelles, 31 mars 1987, Ann_
Liège (1988), 74, note M. FALLON; 19 mai 1988,J.T (1988), 655.
Sur l'article 562, al. 1er, du Code judiciaire, évoquant le jour de la demande pour évaluer le mon-
Ill!
tant de celle-ci, voy.: Cass., 22 septembre 1992, RW. (1992-1993), 582, cassant l'arrêt d'appel fai-
sant application de cette disposition alors que la demande tendait à obtenir la contre-valeur en
francs belges d'une somme libellée en dollars, calculée au cours le plus élevé au jour du paiement.
IliLa loi du 12 juillet 1991 se réfère, pour le calcul des dépens, au jour du jugement de condamna-
tion aux dépens (art. 1018, al. 2, C. jud.).
1111Pour une référence au jour du jugement déclaratif de faillite pour la conversion d'une créance
libellée en monnaie étrangère, voy.: Bruxelles, 15 juin 1993,].L.M.B. (1995), 904.
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 823
Ill Pour une référence au jour du jugement étranger pour la conversion de la monnaie de condam-
nation dans le cadre d'une déclaration d'exequatur, voy.: Bruxelles, 29 novembre 1994, Pas. (1994),
II, 6.
L'existence de plusieurs cours parallèles d'une monnaie étrangère soulève un pro-
blème particulier. Il arrive que celle-ci ait un cours indicatif communiqué par la Banque
Nationale différent de celui qui est pratiqué sur le marché libre. Faur-il calculer le cours
du jour du paiement effectif au taux du marché libre ou à celui du marché officiel ? Si la
monnaie étrangère est cotée au marché officiel en Belgique, elle doit être évaluée devant
les juridictions belges en fonction de ce cours (C. jud., art. 562, al. 1er).
Ill Voy. en ce sens: Comm. Bruxelles, 13 mars 1973, précité n° 14.66.
À défaur de cours officiel, il faut prendre en considération la valeur d'achat que lui
attribue le marché libre en Belgique, alors même qu'une valeur différente lui serait recon-
nue dans l'État qui l'a émise.
Ill Voy. en ce sens: Gand, 13 mars 1969,].T (1969), 422.
Comp., à propos des actes publics et des actes administratifs, l'arrêté royal du 14 septembre
1111
1992 (supra, n ° 14.71) se référant au cours indicatif communiqué par la Banque Nationale.
On ne confondra pas la problématique des lois de police contractuelle avec celle, voi-
sine, des lois de police interdisant, sous peine de sanctions de nature répressive ou admi-
nistrative, un comportement déterminé. Seules les premières intéressent le contenu
même du régime contractuel, décrivant les droits et obligations issus du contrat. À ce
titre, elles seules sont susceptibles d'application à la relation contractuelle. Les secondes
ne se prêtent qu'à une prise en considération aux fins d'apprécier l'étendue des obliga-
tions contractuelles (voy. supra, n ° 6.50). Elles ne sauraient au demeurant être appliquées
par le juge civil dans leur dispositif pénal ou administratif.
111 Il existe une grande variété de lois de police du second type, que l'on peut qualifier, selon les
contextes, de police administrative, répressive, monétaire, etc. Ainsi, quelle que soit la loi - le cas
824 LES CONTRATS
échéant de police contractuelle - applicable au contrat de travail, il faut respecter les règles relati-
ves à la protection de la santé du travailleur et à la sécurité du travail du (des) pays où les presta-
tions s'exécutent. L'exécution d'un contrat d'entreprise suppose que l'autorité territorialement
compétente ait délivré le permis de bâtir ou d'ériger un établissement dangereux ou insalubre. Ou
encore, à la différence de la monnaie de compte, la détermination de la monnaie de paiement ne
saurait faire abstraction des contraintes imposées par le pays du lieu du paiement, comme la déter-
mination des moyens libératoires (voy. supra, n° 14.71). Voy. aussi infra, à propos de l'appréciation
de la licéité d'un contrat violant une réglementation de change étrangère, n ° 14. 77.
111Dès 1929 (voy. supra, n ° 14.38), la Cour permanente de Justice internationale voyait dans les
règles de police monétaire des dispositions dont l'application est« inéluctable».
1111On trouve un exemple significatif d'une loi de police intéressant la généralité des contrats dans
la loi du 30 mars 1976 relative aux mesures de redressement économique (Monit., l" avril 1976).
L'article 57 annule toute clause contractuelle contenant une indexation de prix, et rend inopposa-
bles certaines clauses de révision de prix. Mais l'interdiction ne s'applique qu'aux contrats qui « se
rapportent à des prestations à effectuer en Belgique » et « ont été passés par des personnes résidant
en Belgique».
111Pour un cas de prise en considération d'une loi du for relative à la réglementation de l'exporta-
tion de marchandises sensibles (loi belge du 11 septembre 1962, Monit., 27 octobre 1962), à propos
de commerce d'armes, voy.: Comm. Bruxelles, 2 mai 1988, Rev. gén. dr. civ. (1990), 59, note L. BAR-
NICH.
2000, D.A.O.R (2000), 391, à propos de la loi de 1961 en matière de concession de vente exclusive
(voy. infra, n° 14.189); Trib. trav. Huy, 18 juin 1999, Chron. dr. soc. (2002), 340, note M. FALLON, à
propos de la protection impérative du représentant de commerce. Pour un cas de rejet de la règle
du for, en matière de contrats de travail, pour le motif que le travailleur ne prestait pas habituelle-
ment en Belgique, voy.: C. trav. Anvers, 19 novembre 2001, R.W (2003-2004), 821, montrant par là
qu'il incombe au moins au juge saisi de vérifier une volonté d'application dans l'espace de la règle
impérative du for.
Le blanc seing que le paragraphe 2 laisse à l'État du for en vue de l'application de ses
propres lois de police ne va pas sans comporter une difficulté au regard des libertés fon-
damentales instituées par le traité CE. L'application d'une telle loi peut constituer une
entrave aux échanges et, dans ce cas, elle n'est tolérée que si, notamment, elle ne soumet
pas la personne à laquelle on l'oppose à un commandement auquel celle-ci s'est déjà con-
formé en fonction d'une réglementation étrangère : une « obligation de reconnaissance
mutuelle des normes des États membres» supposerait que l'État du for n'ajoute pas
d'autres contraintes à celles auxquelles l'opérateur économique s'est déjà conformé à
l'étranger, dès lors que les normes en conflit sont de nature équivalente. Pratiquement, la
mise en œuvre de l'article 7 devrait donc être assortie d'une « clause de reconnaissance
mutuelle».
11111 Sur ce raisonnement, voy. supra, n ° 7.45.
Voy., pour un tel raisonnement: Colmar, 18 février 2004, D.S. (2004), Act. jur. 1898, note V.
11111
AVENA-ROBARDET; implicitement: Anvers, 8 juin 2004, Limb. Rechtsleven (2005), 24, note A. CLABOTS.
1111 Dans la jurisprudence antérieure, voy. l'arrêt de principe du Hoge Raad, 13 mai 1966, Alnati,
Revue (1967), 522, note STRUYCKEN.
Pour un cas d'application du§ 1er, voy.: Comm. Bruxelles, 2 novembre 2000,].T (2001), 523, note
M. FALLON, Rev. dr. comm. belge (2001), 617, note C. ROMMELAERE. Le jugement conclut toutefois au
refus de donner effet en l'espèce à la loi étrangère, en l'occurrence une loi tunisienne relative aux
contrats de concession exclusive de vente.
La Convention de Rome prévoit la faculté pour les États de réserver l'application, par leurs pro-
1111
pres tribunaux, du§ 1er de l'article 7. En ont fait usage l'Allemagne, l'Irlande, le Luxembourg et le
Royaume-Uni.
La résolution de l'Institut de droit international (session de Bâle, précitée n ° 14.1) limite l'appli-
111!
cation de règles impératives étrangères distinctes de celles de la loi du contrat, en prévoyant non
seulement une condition relative à l'existence d'un lien étroit, mais en exigeant encore qu'elles
« poursuivent des fins généralement acceptées par la communauté internationale» (art. 9, § 2).
Ill!Comp. en France, en termes de compétence internationale: Cass. civ., 2 mai 1990, Rép. du Guate-
mala, Revue (1991), 378, note B. AUDIT: si, selon le droit du for, l'objet de la demande, fondée sur le
droit public étranger, est« lié à l'exercice de la puissance publique» de l'État étranger, le juge saisi
est incompétent à moins que, selon le droit du for,« les exigences de la solidarité internationale ou
la convergence des intérêts en cause justifient» pareille compétence. Ainsi y a-t-il, selon la Cour,
défaut de juridiction lorsque l'État étranger exerce une revendication fondée sur un droit de suite
par application de sa réglementation de commerce extérieur, même lorsque « la règle de droit
public en cause s'incorpore à la loi du contrat».
1111L'article 7, § 1er, a été ignoré dans l'affaire Ammann-Yanmar (Cass. civ., 25 novembre 2003, Revue,
2004, 102, note P. LAGARDE), où l'arrêt d'appel est cassé pour avoir soumis à la loi belge de 1961 sur
les concessions de vente exclusives (voy. infra, sect. 3) un contrat conclu entre un concédant français
et un concessionnaire belge suite à une identification de la prestation caractéristique comme étant
celle du distributeur, alors que ce résultat pouvait être atteint par une qualification de la loi belge
comme loi de police.
14.76 - Référence aux lois de police du pays d'origine - La portée du principe du pays
d'origine, que consacre le droit communautaire dérivé, sur le droit international privé,
est vivement débattue (voy. supra, n° 5 2.28 et 4.16). Vue sous l'angle des obligations con-
tractuelles, sa mise en œuvre peut apparaître, non sans paradoxe, comme une implica-
tion du jeu de lois de police.
La directive 2000/31 du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services
de la société de l'information, et notamment du commerce électronique dans le marché
intérieur (].O.C.E., 2000, L 178) fournit une illustration type de cette problématique.
Selon la clause marché intérieur, « Chaque État membre veille à ce que les services [... ]
fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales
applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné» (art. 3, § 1er), le
domaine coordonné couvrant, notamment, « les exigences [en matière] de contrat»
(art. 2, h, i). Selon la loi belge de transposition (loi du 11 mars 2003, Monit., 17 mars
2003), « La fourniture de services [... ] par un prestataire établi sur le territoire belge doit
être conforme aux exigences applicables en Belgique» (art. 5, al. ier).
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 827
Il paraît certes difficile de voir, dans ces dispositions, une véritable règle de rattache-
ment au sens strict. À tout le moins, elles revêtent la portée d'une règle d'applicabilité
imposant l'application de la loi belge lorsque le prestataire est établi en Belgique, affec-
tant un ensemble de règles matérielles composé, au minimum des dispositions harmoni-
sées par la directive (par exemple l'information précontractuelle, les modalités de la
conclusion du contrat entre absents), voire de toute règle de droit des contrats si le
« domaine coordonné » doit se comprendre comme ayant cette portée.
IllPour plus de détails, voy. notamment: M. FALLON et]. MEEUSEN, « Le commerce électronique, la
directive 2000/31/CE et le droit international privé», Revue (2002), 435-490. Minimisant l'effet de
ces dispositions sur le droit international privé, voy. notamment: M. WILDERSPIN et X. LEWIS, « Les
relations entre le droit communautaire et les règles de conflits de lois des États membres », Revue
(2002), 1-38, 289-314.
Pour une critique virulente du phénomène, voy. : V. HEUZÉ, « De la compétence de la loi du pays
Ill!
d'origine en matière contractuelle ou l'anti-droit européen », Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005),
393-415.
B. L'ordre public
14.77 - Incidence de l'ordre public contractuel sur la licéité de la cause - Aux termes
de l'article 1133 du Code civil, doit être déclaré nul, le contrat dont la cause est illicite
parce qu'elle est prohibée par la loi, ou parce qu'elle est contraire à l'ordre public ou aux
bonnes mœurs. Plus généralement, l'article 6 du Code civil prohibe de déroger« par des
conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ».
La théorie de la cause peut aussi inviter à déclarer illicites des contrats internatio-
naux générant des obligations qui poursuivent délibérément la transgression de certai-
nes réglementations étrangères.
1111Comme exemples classiques on peut citer les contrats de contrebande, ceux qui poursuivent un
trafic de devises en transgression de lois douanières ou de la réglementation des changes d'un État
autre que l'État du for dont la loi est applicable au contrat, ou encore les contrats portant sur la
vente d'objets d'art en violation de la réglementation du pays d'origine de ces objets.
Voy. sur ce thème, de manière générale : A. MEZGHANI, « Méthodes de droit international privé et
contrat illicite», Recueil des cours, vol. 303 (2003), 119-430 ; R. PRJoux, « Le droit international privé
et les contrats illicites dans le commerce international»,]. T (1990), 733-739; ID.,« Le droit appli-
cable aux contrats internationaux de vente d'armes », Rev. belge dr. int. (1993), 217-238.
IllVoy. notamment: Bruxelles, 17 février 1886, Pas. (1886), II, 173; 13 mai 1936, Belg. jud. (1937),
4; Comm. Bruxelles, 19 avril 1968, ].C.B. (1968), 765, note F. RrGAUX,; Bruxelles, 24 mars 1987,
Ann. Liège (1988), 64, note F. R:rGAUX, suivi dans la même affaire de: Bruxelles, 23 juin 1988, J. T
(1989), 381, note F. RIGAUX; R. PRIOUX, « Le droit international privé et les contrats illicites dans le
commerce international »,].T (1990), 733-739.
Sur la jurisprudence étrangère, voy.: Regazzoni v. Sethia (1964) Ltd [1958] A.C. 301; BGH,
Ill!
22 juin 1972, BGHZ 59, 83; F. RIGAUX, Droit public et droit privé,§§ 95-97.
Ill Par exemple, le litige porte sur l'exécution d'un contrat de société ayant pour objet un trafic de
devises organisé par des Belges entre la Belgique et le Zaïre (Comm. Bruxelles, 19 avril 1968), ou sur
l'exécution d'un contrat par lequel des commerçants anglais ayant exporté du jute de l'Inde vers
l'Afrique du Sud (Regazzoni v. Sethia), ou sur l'indemnisation par un assureur allemand du proprié-
taire d'œuvres d'art illégalement exportées du Nigeria et perdues durant le transport (BGH, 22 juin
1972). Dans chacun de ces cas, l'exécution du contrat a été refusée en raison de la nullité du con-
trat, fondée sur l'ordre public contractuel (art. 6 et 1133 C. civ., common law, § 138 BGB), celui-ci
interdisant de donner force obligatoire à un contrat ayant pour objet la transgression délibérée
d'une norme étrangère.
828 LES CONTRATS
Ill La norme prohibitive transgressée peut encore être une norme de l'État du for, alors que le con-
trat international est régi par un droit étranger, telle une vente conclue en Belgique entre Israéliens
et Américains portant sur la fourniture d'armes à livrer à Malte en destination de l'Iran, en viola-
tion de la loi du 11 septembre 1962: Comm. Bruxelles, 2 mai 1988, Rev. gén. dr. civ. (1990), 59, note
L. BARNICH, qualifiant avec imprécision cette loi d'ordre public au sens de l'ordre public internatio-
nal belge.
111 Pour un cas de contrat de commission lié à la corruption de fonctionnaires, voy. : Gand,
16 janvier 1986,J.T (1989), 108, se gardant toutefois de soulever la question du droit applicable,
tout en effectuant une appréciation in concreto qui tienne compte des pratiques« locales », pakista-
naises en l'occurrence.
L'illicéité peut aussi résulter de la violation d'une norme de droit international,
appelant une obligation de coopération entre les États. Tantôt il peut s'agir directement
d'un ordre public reposant sur une conviction fondamentale de la société internationale,
ou résultant d'un traité en vigueur entre l'État du for et l'État étranger. Tantôt, la loi
étrangère transgressée met en œuvre un tel principe énoncé dans un traité cependant
non ratifié par l'État du for. Tantôt, il y a lieu de donner effet à une mesure d'interdiction
émanant du Conseil de sécurité des Nations unies.
IllDans la décision Reggazoni v. Sethia, il est précisé que la « public policy » requiert cette
« deference to international comicy » et la motivation s'appuie sur un précédent de 1824 ayant
décidé que les contrats de ce genre sont« concrary to the law of nations».
111 L'arrêt précité du Bundesgerichcshof se réfère à la Convention Unesco du 14 novembre 1970
relative à la protection des biens culturels, quoique non en vigueur en Allemagne.
IllVoy. encore nettement: Paris, 9 février 1966, Favier, Revue (1966), 264, ayant annulé une traite
acceptée couvrant le solde de paiement d'une vente de matériel de guerre conclue à Genève entre
deux sociétés ayant leur siège au Liechtenstein, ce trafic étant jugé« contraire à l'ordre public inter-
national, tel que celui-ci est révélé» par diverses conventions internationales.
1111 Sur une jurisprudence plus divisée concernant le contrôle des changes, voy. : F. RrGAUX, Droit
transport participent à la nullité de la convention principale, sauf si, en scindant les opérations
successives, il y a moyen de maintenir la validité du contrat accessoire. Voy. en ce sens: Bruxelles,
13 mai 1936, précité. Voy. aussi, à propos d'un contrat de courtage accessoire à un contrat de vente
d'armes: Comm. Bruxelles, 2 mai 1988, précité.
constaté que le droit belge régit le contrat (Cass., 17 juin 1999, Elite, Bull. Cass., 1999,
916).
En revanche, la norme prohibitive étrangère ou du droit international est « prise en
considération » pour évaluer les comportements que la loi du contrat qualifie d'illicites.
En quelque sorte, celle-ci agit comme une loi de police sanctionnant les actes juridiques
privés transgressant l'ordre public international.
Ill L'appartenance des réglementations étrangères en cause au droit public ne suffit pas à renoncer
à une annulation du contrat.
La jurisprudence, notamment en France, a longtemps hésité à annuler ces contrats quand ils
étaient soumis à la loi du for. L'erreur de raisonnement consistait à refuser d'appliquer la régle-
mentation étrangère qualifiée de droit public, pour le motif que les tribunaux d'un État n'ont pas à
prêter main-forte à l'exécution ni des lois douanières ou fiscales ni de la réglementation des chan-
ges d'un autre État (voy. supra, n° 14.75). Principe assurément correct, mais en l'occurrence
inadéquat: en effet, il ne s'agit pas ici de percevoir un impôt ou une taxe pour le compte d'un État
étranger ou de punir ceux qui contreviennent à sa réglementation sur le contrôle des changes, mais
seulement de refuser l'exécution forcée d'un acte juridique poursuivant délibérément et dans un
but de lucre la transgression de ces règles, bien plus, prétendant conférer un caractère obligatoire à
l'engagement de commettre pareille transgression.
111 La jurisprudence belge précitée admet que la loi du contrat, en l'occurrence la !ex fori, doit tenir
pour illicite l'obligation ayant pour cause la violation systématique d'une loi étrangère prohibant
certaines opérations d'exportation ou d'importation ou contrôlant les changes.
Cette solution a également été retenue en Angleterre, en Allemagne et aux Pays-Bas. Voy. les réfé-
rences dans : F. RrGAUX, Droit public et droit privé,§§ 95-97.
Le raisonnement ne se confond pas avec celui de l'exception d'ordre public du droit
des conflits de lois (voy. supra, n ° 7.42). À la différence des cas dans lesquels une loi étran-
gère est évincée en vertu de l'exception d'ordre public, la théorie de la cause illicite ou
immorale invite les juridictions étatiques à décider que la transgression délibérée d'une
loi étrangère est incompatible avec l'ordre public ou avec les bonnes mœurs contractuels
tels que les définit la loi du contrat. De même, il faut distinguer l'annulation d'un contrat
pour le motif que sa cause est illicite au regard du droit international, de l'éviction d'une
loi étrangère incompatible avec l'ordre public international au sens de principes auxquels
la communauté internationale ne permet pas de déroger (voy. supra, n ° 7.4 7).
IllAinsi, de nombreuses décisions ont refusé de prendre en considération une réglementation des
changes jugée spoliatrice ou l'interdiction d'exporter leurs biens faite à des émigrés pour cause
politique.
Voy. les références dans : F. RIGAUX, Droit public et droit privé, §§ 103-106. Adde: Prés. Rb. Den Haag,
17 septembre 1982, Sensor Nederland, Revue (1983), 473, note B. AUDIT.
14.79 - Exception d'ordre public - Quand le contrat est soumis à une loi étrangère,
l'application des dispositions de cette loi incompatibles avec l'ordre public du tribunal
saisi doit être écartée, conformément aux règles générales (supra, chap. 7). Il se peut que
cette loi étrangère soit une loi de police.
Cette exception d'ordre public se distingue des cas où l'ordre public contractuel
impose non pas d'évincer une loi étrangère, mais de refuser tout effet obligatoire aux
conventions privées (supra, n ° 7.41 ).
Elle se distingue tout autant de la mise en œuvre d'une loi de police (voy. supra,
n ° 7.42).
IllSur ce que la réglementation sur l'indemnisation consécutive au licenciement d'un travailleur
ne justifie pas la mise en œuvre de l'exception d'ordre public, voy.: C. trav. Anvers, 19 novembre
830 LES CONTRATS
2001, R W (2003-2004), 821. Comp.: Cass. 25 juin 1975, Taylor, Pas. (1975), I, 1038, ne voyant pas
de défaut de motivation dans un arrêt d'appel qui avait répondu en termes d'exception d'ordre
public à un argument basé sur l'applicabilité de lois de police, à propos du licenciement d'un tra-
vailleur.
Le recours à l'exception d'ordre public est d'autant plus rare en matière de contrats
que la technique de l'applicabilité des lois de police contractuelle prend de l'extension. Il
n'est pourtant pas certain que la seconde présente des avantages à ce point déterminants
pour évincer la première. Telle qu'elle est appliquée à ce jour, elle ne présente pas la
faculté d'adaptation que requiert l'équité (voy. infra, n ° 14.178, l'exposé relatif au contrat
de travail).
L'utilisation de l'exception peut également connaître une limite lors de l'invocation
du fait du prince étranger. Il arrive que l'autorité étrangère territorialement compétente a
effectivement mis en œuvre ses propres lois de police, de telle sorte qu'elle oppose à l'exé-
cution d'une obligation régie par la loi désignée par la règle de rattachement ou par la !ex
fori un obstacle insurmontable. L'invocation du fait du prince étranger permet alors de
libérer le débiteur, sans même que le créancier puisse invoquer l'exception d'ordre public
pour empêcher que les effets de l'acte de l'autorité étrangère sur l'obligation soient recon-
nus par le tribunal saisi. Ainsi, l'originalité de l'insertion du fait du prince étranger dans
le déroulement de la situation contractuelle consiste en la totale éviction de l'exception
d'ordre public.
Il Voy. supra, n ° 10.9, ainsi que les références qui y sont indiquées. Adde: Comm. Anvers, 28 avril
1989, Rev. dr. comm. belge (1990), 413, note H. VAN HourrE.
aux contractants de se soumettre à un ordre juridique étatique en vigueur (supra, n ° 14.46), ce qui
inclut l'ordre public contractuel de la loi choisie par les parties. En justice, cette loi cède devant les
dispositions de police contractuelle que contient la loi d'un autre pays avec lequel le contrat pré-
sente le lien approprié (supra, n ° 14.73) et elle peut être écartée en vertu de l'exception d'ordre
public (supra, n° 14.79). Le juge est aussi tenu par son ordre public judiciaire (supra, n ° 7.51).
À la différence du juge étatique, l'arbitre n'a pas de !ex fori. Il ne dispose d'aucun
cadre normatif de nature à comporter à la fois un jeu de règles de rattachement et des
règles d'applicabilité commandant le respect de règles impératives ou d'ordre public. La
raison d'être même de l'arbitrage est de permettre aux parties de régler leurs litiges en
dehors du système étatique. L'État n'est donc guère en mesure de dicter à l'arbitre le droit
que celui-ci doit appliquer au fond au stade de l'instance directe. En revanche, il reste
maître de la réception de la sentence dans son propre système et peut, lors de la phase de
la reconnaissance, édicter l'une ou l'autre réglementation affectant la solution du litige
au fond. Cependant, la tendance est à limiter les motifs de refus de la reconnaissance
(voy. supra, n° 5 14.24 et s.), mais cela n'exclut pas tout contrôle fondé sur l'exception
d'ordre public, voire, plus largement, sur le respect de certaines règles impératives dont
l'applicabilité doit être assurée dans les situations internationales.
RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS RELATIVES AUX CONTRATS 831
Le degré d'autonomie institutionnelle dont jouit l'arbitre se reflète ainsi sur le mode
de raisonnement en vue de résoudre le fond du litige. Si l'arbitre statue dans le cadre d'un
règlement d'arbitrage spécifique, il aura à respecter ce règlement, avec les règles éventuel-
les de conflit de lois que celui-ci comporte. Dans les autres cas, les règles arrêtées par le
droit étatique, national ou international, reçoivent une portée essentiellement déclara-
toire, tant que leur sanction ne s'exprime pas lors de la phase de l'annulation ou de la
reconnaissance de la sentence.
Plusieurs textes couvrent la détermination du droit applicable par l'arbitre. Tous
consacrent la faculté pour les parties de choisir le droit applicable. En l'absence de choix,
une règle subsidiaire tend à renvoyer à la règle de conflit de lois que l'arbitre jugera
«appropriée».
111!Selon l'article VII, § 1", de la Convention de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage commercial
international (loi du 19 juillet 1975, Monit., 17 février 1976): « Les parties sont libres de déterminer
le droit que les arbitres devront appliquer au fond du litige. À défaut d'indication par les parties du
droit applicable, les arbitres appliqueront la loi désignée par la règle de conflit que les arbitres juge-
ront appropriée en l'espèce. Dans les deux cas, les arbitres tiendront compte des stipulations du
contrat et des usages du commerce. » De plus,« les arbitres statueront en amiables compositeurs si
telle est la volonté des parties et si la loi régissant l'arbitrage le permet» (§ 2).
Ill Selon l'article 42, alinéa 1er, de la Convention du 18 mars 1965 pour le règlement des différends
relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États (loi du 17 juin 1970, Monit.,
24 septembre 1970): « Le tribunal statue sur les différends conformément aux règles de droit
adoptées par les parties. Faute d'accord entre les parties, ce tribunal applique le droit de l'État con-
tractant partie au différend - y compris les règles relatives aux conflits de lois - ainsi que les prin-
cipes de droit international en la matière. »
Sur cette application du renvoi, voy. supra, n ° 6.21.
On trouve aussi une référence, subsidiaire, aux règles de conflit de lois étatiques - à savoir celles
1111!
du lieu du siège arbitral - dans la résolution de l'Institut de droit international (session de Bâle,
précitée n° 14.1), article 6 combiné avec l'article 4.
Pour une formulation analogue à celle de la Convention de Genève, voy. l'article 17 du règle-
Ill
ment de la CCI.
La loi-modèle de la CNUDCI (art. 28) renvoie à la règle de conflit que l'arbitre« juge applicable
Ill!
en l'espèce».
1111Il est exceptionnel qu'une règle étatique contienne une disposition particulière de conflit de
lois. C'est le cas de la loi suisse sur le droit international privé, dont l'article 187 se réfère, en
l'absence de choix des parties,« aux règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus
étroits».
En Belgique comme en France, le législateur se réfère, en l'absence de choix, aux « règles du
Ill!
droit» (art. 1700 C. jud.) ou aux « règles de droit [que l'arbitre] estime appropriées» (art. 1496
C. proc. civ.).
14.81 - Étendue des pouvoirs des parties et de l'arbitre - Ces textes reconnaissent aux
parties une autonomie étendue. En effet, leur choix peut porter sur tout« droit». Ce mot
ne désigne pas seulement la loi d'un pays déterminé, destinée à encadrer l'ensemble de
l'opération, mais il permet aux parties:
- de se référer directement aux stipulations mêmes du contrat et aux usages du
commerce, indépendamment de toute loi-cadre;
- de dépecer le contrat en rattachant les diverses obligations qui le constituent et
les phases successives de sa mise en œuvre à autant de lois nationales différentes ;
832 LES CONTRATS
que. Ayant pour origine une pratique américaine, la rédaction de contrats très détaillés dans les-
quels les parties s'efforcent de rencontrer toutes les éventualités a aidé à propager la notion de
« contrat sans loi» (camp. supra, n ° 14.46). Il faut entendre par là que le contrat économique inter-
national est un microcosme juridique s'efforçant d'apporter une solution à tout différend que peut
susciter l'exécution de la convention.
Les « usages du commerce» désignent la lex mercatoria, telle qu'elle s'exprime dans des condi-
1111
tions générales de vente ou des pratiques habituellement respectées dans un milieu professionnel
déterminé (voy. supra, n ° 2.35).
1111Des règles de conflit de lois communes aux pays avec lesquels la cause présente un lien significa-
tif peuvent être trouvées dans la Convention de Rome du 19 juin 1980, appelée à servir de socle à
l'ensemble des systèmes des États membres de l'Union européenne.
14.82 - Incidence des règles impératives ou d'ordre public nationales - Les textes ne
laissent pas de place aux règles de conflit de lois du pays du siège de l'arbitrage. Cela illus-
tre l'absence de lex fori qui caractérise la juridiction arbitrale. Certes, l'arbitre devrait nor-
malement être attentif au risque d'annulation de sa sentence par une juridiction de ce
pays (sur la compétence pour ce faire, voy. supra, n ° 14.31 ), en fonction des règles de droit
international privé de ce système étatique. De telles règles peuvent pourtant prévoir la
faculté pour les parties de renoncer à tout recours en annulation. Et rien n'exclut que les
parties se conformeront au dispositif de la sentence, ce qui suffira à conférer à celle-ci
toute l'effectivité voulue. Fondamentalement, l'arbitre se doit, comme professionnel, de
rendre une sentence - acte privé ayant une base contractuelle - qui soit dotée d'effecti-
vité selon une prévisibilité raisonnable, car cela correspond à la mission contractuelle qui
lui a été confiée, et qui ne revienne pas à conforter un autre acte privé - le contrat princi-
pal - dont la cause serait immorale ou illicite. Un test commode de la nécessité d'assurer
le respect de dispositions étatiques consiste à vérifier si l'opposabilité de telles disposi-
tions constitue un cas de force majeure pour l'une des parties.
IllEn faveur de l'obligation pour l'arbitre de considérer les règles d'ordre public ou les lois de
police du droit du pays d'exécution - davantage que du pays d'annulation -, notamment au
regard des arguments de force majeure et d'illicéité de la cause, voy. : J.-B. RACINE, L'arbitrage com-
mercial international et l'ordre public (Paris, Dalloz, 1999), n° 5 514 et s.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 833
Ill Sur le thème, voy. encore: H. ARFAZADEH, « L'ordre public du fond et l'annulation des sentences
arbitrales internationales en Suisse », Rev. suisse dr. int. dr. eur. ( 1995), 223-254; Ph. KAHN,« Les prin-
cipes généraux du droit devant les arbitres du commerce international», Clunet (1989), 305-327 ;J.-
C. POMMIER, « La résolution du conflit de lois en matière contractuelle en présence d'une élection
de droit: le rôle de l'arbitre», Clunet (1992), 5-44; Ch. SERAGLINI, Lois de police et justice arbitrale inter-
nationale (Paris, Dalloz, 2001).
Parmi les règles de droit international privé pouvant être prises en compte au cours
d'une procédure d'annulation ou de reconnaissance de la sentence, il faut compter les
dispositions éventuelles concernant l'arbitrabilité du litige (voy. supra, n ° 14.21). Il en va
de même d'autres dispositions d'ordre public dont l'applicabilité s'imposerait à la situa-
tion malgré son caractère international.
1111Telle est la portée de l'arrêt Eco Swiss China Time de la Cour de justice des Communautés euro-
péennes (aff. C-126/97, 1er juin 1999, Clunet, 2000, 299, note S. PoILLOT-PERUZZETIO): le juge néer-
landais saisi d'une demande d'annulation d'une sentence arbitrale doit contrôler le respect, par la
sentence, des dispositions de l'article 81 CE interdisant les ententes qui affectent la concurrence,
dispositions jugées faire partie de l'ordre public national. Encore faut-il vérifier si la situation est de
celles qui entrent dans le domaine d'application dans l'espace de l'article 81 CE.
Voy. plus largement: N. SHELKOPLYAS, The application of EC law in arbitration proceedings (Groningen,
Europa Law Pub!., 2003).
Ill Plus généralement, sur la prise en compte de l'impératif d'ordre public international par l'arbi-
tre, voy. : Y. DERAINS, « L'ordre public et le droit applicable au fond du litige dans l'arbitrage
international», Rev. arb. (1986), 375-414; Ph. KAHN, « Les principes généraux du droit devant les
arbitres du commerce international», Clunet (1989), 305-327; P. LALIVE, « Ordre public transnatio-
nal (ou réellement international) et arbitrage international», Rev. arb. (1986), 329-374; J.-P.
MmTRY, « L'arbitre international et l'obligation de boycottage imposée par un État», Clunet (1991),
349-370; J.-C. POMMIER, « La résolution du conflit de lois en matière contractuelle en présence
d'une élection de droit: le rôle de l'arbitre», Clunet (1992), 5-44.
Section 3
Règles propres à certains contrats
§1 LE CONTRAT D'ASSURANCE
14.83 - Bibliographie
P. BLANCO MORALES, El seguro espanol en el Derecho internacional privado - Derecho comunitario (Madrid,
Caser, 1989) ; B. DUBUISSON, « Les règles belges de conflit de lois et l'assurance communautaire »,
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nazionalprivatistici della seconda direttiva comunitaria sull'assicurazione contro i danni », Riv. dir.
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834 LES CONTRATS
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« Grensoverschrijdende verzekering en beroepsaansprakelijkheid »,Bull. ass. (1995), 501-542.
A. Compétence internationale
14.85 - Place des règles particulières dans le règlement« Bruxelles I » - Le règlement
« Bruxelles I » (voy. supra, n ° 8.6) consacre une section particulière à la détermination de
la compétence internationale« en matière d'assurances» (art. 8 à 14).
Ces règles spéciales tendent à la protection de l'une des parties au contrat, celle qui
est présumée la plus faible, à savoir l'assuré, le preneur ou le bénéficiaire et, le cas échéant,
la personne lésée introduisant une action directe. Cette protection s'exprime par l'admis-
sion du for du demandeur, par la limitation des chefs de compétence intéressant l'action
de l'assureur et par la réglementation des clauses attributives de juridiction.
1111À l'instar des dispositions générales, le règlement prévoit aussi des compétences dérivées en cas
de demande reconventionnelle (art. 12, § 2) et en cas d'appel à la cause de l'assureur en responsabi-
lité civile, si la loi du tribunal saisi de l'action par la personne lésée le permet (art. 11, § 2).
En revanche, l'article 6, pas plus que les articles 2 et 5, n'est applicable aux contrats couverts par
l'article 8.
Quant au domaine matériel, la section s'étend à première vue à toute couverture
d'assurance, obligatoire ou non, assurance ou coassurance, couverture de responsabilité
civile, assurance portant sur un immeuble, assurance maritime ou aérienne. De fait, le
texte évoque l'action contre un« coassureur », et, à propos des règles protectrices concer-
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 835
nant la prorogation volontaire de juridiction, il en exclut les grands risques (voy. ci-
dessous), ce qui donne à entendre que ceux-ci relèvent bien de la section particulière.
Pourtant, l'action du réassuré contre le réassureur en serait exclue, selon une interpréta-
tion stricte de la section en fonction de son objectif, qui est de protéger uniquement la
partie faible au contrat (C.J.C.E., aff. C-412/98, 13 juillet 2000,]osi Reinsurance, Rec., 2000,
I-5925, Rev. dr. comm. belge, 2001, 140, note C. VAN SCHOUBROECK, Bull. ass., 2002, 590, note
J.-L. FAGNART et H. BoULARBAH). Il en irait de même d'un appel en garantie entre assu-
reurs, du fait qu'aucune protection spéciale ne se justifie dans les rapports entre des pro-
fessionnels (C.J.C.E., aff. C-77/04, 26 mai 2005, Réunion européenne Il).
1111Sur l'interprétation stricte liée au caractère dérogatoire de la section, voy. aussi la jurisprudence
relative aux contrats de consommation, infra, n° 14.104.
Ill!L'exclusion des rapports entre professionnels se comprend cerces en termes d'objectifs de la
politique, mais elle ne convainc pas au regard du système du règlement. Non seulement les
« grands risques» sont évoqués par la section 3. De plus, le maintien d'une section propre au con-
trat d'assurance à côté de celle qui a été ajoutée en 1978 pour le contrat de consommation n'est
cohérent que si les domaines de ces sections distinctes ne coïncident pas : en ce sens, le domaine de
la section relative aux assurances semble plus large que celui de la section consacrée au contrat de
consommation.
Autre chose serait de modifier le règlement, de manière à insérer les relations d'assurance dans la
section relative aux contrats de consommation, quitte à y maintenir des chefs de compétence adap-
tés à la matière.
Il résulte de l'arrêt Réunion européenne II précité que l'article 6 reste applicable à certains contrats
1111
d'assurance. Comp. en sens contraire, précédemment: Anvers, 16 mars 1993,Jur. Anv. (1994), 429,
à propos d'un litige entre professionnels.
Le domaine d'application dans l'espace des règles communes est fixé par la localisa-
tion du domicile du défendeur dans un État membre de l'Union européenne (art. 4
auquel renvoie l'art. 8, voy. supra, n ° 8.22). Pour ce qui est de l'assureur, le texte fournit
des précisions particulières, qui étendent le domaine au cas d'une compagnie ne possé-
dant sur le territoire d'un État membre qu'une « succursale, une agence ou tout autre
établissement» dont l'exploitation est mise en cause par la contestation (art. 9, § 2).
À la différence des compétences spéciales de l'article 5, qui s'ajoutent à la compé-
tence de principe des tribunaux de l'État membre où le défendeur a son domicile (art. 2),
les règles particulières excluent l'application de l'article 2 ainsi que celle de l'article 5,
sous réserve de l'article 5, 5 °.
lement tout tiers n'entrant pas dans l'une de ces catégories. Voy. cependant infra, n° 15.6, à propos
de l'action directe contre l'assureur automobile.
3) s'il s'agit d'un coassureur, devant le tribunal d'un État membre saisi de l'action
formée contre l'apériteur de la coassurance.»
Ill Les dispositions reprises sous les points 2 et 3 incluent une règle de compétence territoriale
interne (voy. supra, n ° 9.5).
1111Il est satisfait à la condition de domicile sur le territoire d'un État membre quand l'assureur
possède une succursale ou une agence dans un de ces États et alors que la contestation est relative à
l'exploitation de cette succursale ou agence (art. 9, § 3). De plus, le tribunal du lieu de la situation
de la succursale ou de l'agence est compétent en vertu de l'article 5, 5 °, auquel se réfère expressé-
ment l'article 8 (voy. infra, n ° 16.25).
Pour certaines couvertures, la liste est complétée. Outre le cas des assurances de res-
ponsabilité (voy. infra, n ° 15.6), une demande relative à la couverture d'un risque immo-
bilier peut être introduite devant le tribunal du lieu « où le fait dommageable s'est
produit» (art. 10). Ce critère manque de précision. Il aurait été plus judicieux d'évoquer
directement le lieu de situation de l'immeuble comme localisation du risque (comp. infra,
n ° 14.91, à propos de la règle de conflit de lois).
14.87 - Action de l'assureur dans le règlement« Bruxelles I » - La section limite stric-
tement les possibilités d'action de l'assureur contre le preneur, l'assuré ou le bénéficiaire.
La demande originaire ne peut être portée que devant les juridictions du pays du
domicile du défendeur (art. 12, § 1er) : la disposition confirme ainsi le principe posé par
l'article 2, tout en excluant toute possibilité pour l'assureur de se prévaloir du for con-
tractuel de l'article 5.
Comme l'article 2, la disposition reçoit la formulation d'une règle de compétence internatio-
1111
ciaire, ce qui reviendrait à autoriser « une clause, non pas exclusive, mais facultative» (arrêt SFIP
précité).
3 ° étant conclue entre des parties ayant leur domicile ou leur résidence habituelle dans
un même État, elle consiste à attribuer compétence aux tribunaux de cet État, « sauf
si la loi de celui-ci interdit de telles conventions» ;
4 ° si le preneur n'a pas son domicile sur le territoire d'un État membre,« sauf s'il s'agit
d'une assurance obligatoire ou qui porte sur un immeuble situé dans un État
membre»;
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 837
1111Pour éviter cour conflit avec les directives alors en préparation, la Convention de Rome avait
prévu qu'elle ne s'applique pas aux polices couvrant un risque localisé dans un État contractant
(art. 2, § 3). Ce critère de localisation doit logiquement être défini par référence aux dispositions
pertinentes des directives.
Ill Le recours à une règle d'applicabilité délimitant le domaine spatial de règles de rattachement
uniformes est exceptionnel (voy. supra, n ° 4.48). Il s'explique par le lien entre l'adoption de ces actes
et le« fonctionnement du marché intérieur», critère attributif de compétence normative aux insti-
tutions communautaires selon l'article 95 CE.
En pratique, le risque se localisera normalement au lieu de la résidence habituelle du
preneur, sauf pour certains risques spéciaux, portant sur les véhicules automobiles, les
immeubles ou les voyages de courte durée : dans ces cas, il se localise respectivement au
lieu d'immatriculation, au lieu de l'immeuble et au lieu de conclusion du contrat (art. 2,
litt. d, de la deuxième directive non-vie; art. 3, § 3, de la loi de 1975).
Le domaine d'application des règles communes semble obéir à un second critère de
délimitation, à savoir l'établissement de l'assureur dans un État membre. Cette limite
découle de l'objet de l'acte, qui est de garantir la libre prestation aux entreprises remplis-
sant cette condition.
IllL'inclusion des règles de conflit de lois dans la loi de contrôle des entreprises donne aussi à
croire que ces règles ne régissent que les entreprises agréées en Belgique. Une interprétation aussi
étroite, liant le domaine de dispositions de droit privé à des mécanismes de contrôle administratif,
conduirait à une lacune puisque la couverture, par un établissement étranger, d'un risque localisé
dans un État membre n'entre pas davantage dans le domaine de la Convention de Rome.
Le législateur belge a fait usage de cette faculté au moyen d'une règle unilatérale,
prévoyant que « les contrats destinés à satisfaire à une obligation d'assurance imposée
par la loi belge sont régis par la loi belge» (art. 28sexies). De plus,« les dispositions impé-
ratives du droit belge sont applicables [... ] lorsque la Belgique impose l'obligation
d'assurance» (art. 28quater, § 2).
1111 Le législateur reprend ainsi une formulation tautologique déjà présente dans la directive.
Il n'est pas certain que l'application de la loi belge en tant que loi contractuelle
s'imposait à toute assurance obligatoire prévue en Belgique. Il était suffisant de prévoir
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 841
cette application pour les seules règles matérielles ayant un effet contraignant sur le con-
trat.
habituelle ou de l'administration centrale du preneur, la loi désignée est nécessairement celle d'un
État membre de la Communauté.
Le législateur belge a préféré distinguer selon que le risque est localisé en Belgique
ou à l'étranger.
En cas de localisation du risque en Belgique, si le preneur réside également en Belgi-
que, la loi exclut l'autonomie envisagée par la directive (art. 28ter, § l er, al. 1er), comme
celle-ci permet de le faire, à moins que le choix porte sur la loi du sinistre lorsque celui-ci
se localise hors du pays de résidence. Si le preneur réside à l'étranger, un choix est ouvert
entre la loi de l'un des États visés (al. 2), y compris la loi du lieu du sinistre(§ 5).
En cas de localisation du risque dans un autre État membre, le texte semble ouvrir
une autonomie illimitée (§ 2) mais, en réalité, cette autonomie est uniquement celle que
permet la loi de cet État membre ou celle de l'État membre de la résidence du preneur
(§ 4). Il y a lieu d'ajouter au texte le cas d'un choix de la loi du sinistre, choix que permet
la directive.
1111 Selon les termes de la transposition, si « les parties n'ont pas choisi la loi applicable, le contrat
est régi par la loi de l'État membre où le risque est situé"· Cette phrase comporte une double singu-
larité. Quant à son objet, elle sert à définir le rattachement objectif, en désignant la loi du lieu du
risque en l'absence de choix: elle fait double emploi avec le § 7 qui prévoit cette hypothèse, et
génère une contradiction puisque le rattachement objectif du § 7 est plus souple (voy. infra,
n ° 14.97). Quant à l'auronomie des volontés, elle ne se déduit que par une interprétation a
contrario: puisque le texte prévoit l'hypothèse de l'absence de choix, c'est que le législateur admet
celle de l'existence d'un choix valable.
1111 L'octroi d'une auronomie illimitée semble contraire à la directive, puisque celle-ci ne l'admet
que dans les limites prévues par la loi désignée par le rattachement objectif Le§ 4 reprend heureu-
sement en ce sens les termes de la directive.
111 La transposition de la faculté de choisir la loi du sinistre est incomplète, puisque la loi belge ne
la consacre que lorsque le risque est localisé en Belgique(§ 5), sans envisager le cas d'un risque loca-
lisé dans un autre État membre.
842 LES CONTRATS
La référence au principe d'autonomie tel que l'admet le droit étranger de l'État désigné au
1111
moyen d'un critère de localisation, paraît nouvelle en droit international privé positif Elle est pro-
che de la thèse de la référence à l'ordre juridique de base, ou Grundlegung, avancée notamment par
A. ScHNITZER, «père» de la théorie de la prestation caractéristique. Voy. à ce sujet P. MAYER, « Le
mythe de l'ordre juridique de base, ou Grundlegung », Le droit des relations économiques internationales,
Etudes offertes à B. Goldman (Paris, Litec, 1983), 199-216. La Convention de Rome du 19 juin 1980
n'a pas repris cette thèse.
Un rapprochement peut également être fait avec la technique du renvoi (voy. supra, n° 6.16).
14.96 - Modalités du choix du droit applicable - Le choix doit être exprès ou certain,
pouvant découler des clauses du contrat ou des circonstances de la cause (art. 7, § 1er,
litt. h, de la ze dir., repris par l'art. 28ter, § 7, de la loi de 1975).
Cette condition est reprise de la disposition correspondante de la Convention de
Rome de 1980. Le texte ne se prononce pas sur d'autres conditions imposées générale-
ment au choix des parties, et notamment par cette Convention (voy. supra, n ° 14.43.). La
référence de la directive aux règles générales (voy. supra, n ° 14.90) implique cependant
leur application aux contrats visés.
Une condition supplémentaire d'information du preneur, personne physique, appa-
raît dans l'article 31 de la troisième directive. Il s'agit d'une règle matérielle de droit inter-
national privé, imposant une obligation d'informer au sujet« de la loi qui sera applicable
au contrat au cas où les parties n'auraient pas de liberté de choix ou du fait que les par-
ties ont la liberté de choisir la loi applicable et, dans ce cas, de la loi que l'assureur pro-
pose de choisir». La détermination des « modalités d'application» de cette disposition
est régie par la loi de l'État membre où le risque est situé.
Les seuls indices que le juge peut prendre en considération sont les critères entrant
en ligne de compte pour le choix de la loi applicable par les parties, à savoir l'État du lieu
du risque, celui de la résidence du preneur - qui se confondra le plus souvent avec le pre-
mier - et, le cas échéant, l'État du lieu du sinistre.
La présomption joue en faveur de l'État du lieu du risque.
Ill Le contenu de cette présomption paraît cadrer assez mal avec le principe de l'autonomie
«totale>> consentie aux parties pour les grands risques, où fait défaut toute préférence pour le lieu
du risque. Il aurait été plus judicieux de se référer au critère de l'établissement de l'assureur, dans la
ligne de ce que prévoit la Convention de Rome (applicable aux risques localisés dans des pays tiers)
mais aussi de la portée que reçoit le principe de l'État d'origine dans le droit communautaire dérivé
(voy. supra, n ° 4.46).
La loi de transposition (art. 28ter, § 7) respecte les termes de la directive, suite à la
modification introduite par l'arrêté royal du 12 août 1994. Auparavant, le texte prévoyait
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 843
Ill D'autres dispositions sur l'applicabilité des lois d'assurance obligatoire figurent à l'article 8 de
la directive (art. 28quinquies de la loi de 1975 ; voy. aussi, à propos des véhicules automoteurs, infra,
n ° 15.41).
Le législateur belge semble entendre dans un sens extensifla notion de règle impéra-
tive ici visée. En effet, les règles du droit belge ayant ce caractère s'imposent chaque fois
que« le risque est situé en Belgique» (art. 28quater, § 2, de la loi de 1975). Par ailleurs, les
dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (Monit., 20 août
1992) « sont impératives» à moins que « la possibilité d'y déroger par des conventions
particulières résulte de leur rédaction même» (art. 3 de cette loi). De plus, l'article 3 de la
loi de 1975 déclare« nuls» - sous réserve de la« bonne foi» du preneur(§ 5) - les con-
trats souscrits auprès d'une entreprise non agréée pour couvrir un engagement ou un ris-
que localisés en Belgique.
844 LES CONTRATS
La seule allusion au caractère impératif de dispositions de la loi de 1992 ne suffit pas à en faire
1111
des lois de police au sens ici visé, car celles-ci ne couvrent pas toute règle impérative (voy. supra,
n° 4.14).
IllLa règle de la nullité des contrats souscrits auprès d'une entreprise non agréée pour couvrir un
risque localisé en Belgique constitue une disposition matérielle, non une règle d'applicabilité. Son
but manifeste est pourtant bien de sanctionner tout contrat portant sur un risque localisé en Belgi-
que, lorsque l'assureur n'est pas agréé. La disposition n'aurait aucun sens à propos d'un contrat
portant sur un risque localisé à l'étranger.
Ill À titre de comparaison, la loi du 27 mars 1995 relative à l'intermédiation en assurances et à la
distribution d'assurances (Monit., 14 juin 1995), telle que modifiée par la loi du 11 avril 1999
(Monit., 30 avril 1999), conditionne l'exercice de l'activité en interdisant de participer à la conclu-
sion de contrats d'assurance qui sont « manifestement contraires» à deux catégories de disposi-
tions, évoquées dans deux catégories de cas (art. 10). Dans un premier cas, un contrat conclu avec
une entreprise agréée en Belgique serait contraire à des dispositions du droit belge « qui sont
impératives». Dans un second cas, un contrat conclu avec une entreprise qui n'est pas agréée en
Belgique serait contraire à des dispositions du droit belge « qui sont d'intérêt général ». Cette
notion évoque celle de« raison d'intérêt général» du droit communautaire, ce qui ne suffit pas à la
dissocier nettement de celle de règle impérative. Elle ne s'accompagne d'aucune règle d'applicabi-
lité particulière. Toutefois, en obligeant par ailleurs à ne traiter qu'avec des entreprises agréées en
application de la loi de 1975, pour exercer leur activité en Belgique ou pour offrir leurs prestations
en Belgique, la loi renvoie aux règles d'applicabilité de cette loi.
1111 Sur la difficulté de définir la catégorie des lois de police en la matière, voy. notamment les tra-
14.99 - Présentation - Le contrat d'assurance sur la vie fait l'objet de règles de rattache-
ment spécifiques, dans la directive 90/619 (dite «deuxième» directive) du 8 novembre
1990 (J.O.C.E., 1990, L 330), ensuite consolidée par la directive 2002/83 du 5 novembre
2002 (J.O.C.E., 2002, L 345, transposée par arrêté royal du 14 novembre 2003, Monit.,
14 novembre 2003). Les dispositions de transposition figurent aux articles 28nonies et
28decies de la loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d'assurances.
Il La directive 90/619 a été transposée par l'arrêté royal du 8 janvier 1993 (Monit., 9 février 1993),
art. 5, qui a introduit les articles 28nonies et 28decies dans la loi sur le contrôle des entreprises
d'assurances.
Il Une« troisième» directive a été adoptée le 10 novembre 1992 (dir. 92/96,].0.C.E., 1992, L 360,
transposée par arr. royal du 12 août 1994, Monit., 16 septembre 1994). Modifiant la précédente, elle
n'intéresse que marginalement le droit applicable. Elle a été abrogée par la directive 2002/83.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 845
La règle de rattachement porte uniquement sur le contrat, non sur d'autres ques-
tions préalables du droit de la famille ou du droit du travail, dont l'incidence est détermi-
nante en matière d'assurance-vie. La solution de ces questions obéit aux rattachements
propres à ces matières.
La cession du contrat fait l'objet de règles matérielles spéciales, sans qu'il soit certain
qu'elles permettent de déterminer la loi applicable à la cession (voy. supra, n ° 14.57).
14.100 - Prédominance du lieu de l'engagement- Les règles de conflit de la directive
2002/83 présentent la même structure que pour le contrat d'assurance non-vie (art. 32).
Le contrat obéit à un rattachement objectif et l'autonomie des volontés est strictement
limitée. De plus, il ne peut être porté atteinte aux règles impératives du for, et le juge a la
faculté, si son propre droit le prévoit, de donner effet aux règles impératives de la loi de
l'État correspondant au rattachement objectif que pose la directive (§ 4). Pour le reste,
l'acte renvoie aux règles générales de droit international privé de l'État du for(§ 5).
IllL'article 28decies de la loi belge reprend, pour l'applicabilité des règles impératives, des disposi-
tions analogues à celles établies pour l'assurance non-vie (voy. supra, n ° 14.98).
Le critère de rattachement objectif se réfère au« lieu de l'engagement» (§ 1er), défini
comme la résidence habituelle du preneur ou, s'il s'agit d'une personne morale, l'établis-
sement auquel se rapporte la couverture. Dans la loi de transposition, il se traduit par
l'application de la loi belge lorsque « le contrat est relatif à des risques localisés en
Belgique» (art. 28nonies, § 1er). En cas de localisation dans un autre État membre, le con-
trat est régi par la loi de cet État (§ 2).
La faculté de choix de la loi applicable est offerte dans différentes hypothèses : lors-
que la loi de l'engagement le permet (§ ier); et lorsque le preneur réside dans un État
membre autre que celui dont il est ressortissant : la loi de la nationalité peut alors être
choisie (§ 2). Le législateur belge exclut l'autonomie lorsque le risque se localise en Belgi-
que (art. 28nonies, § 1er, al. 1er). Mais, lorsque le preneur, résidant en Belgique, a la natio-
nalité d'un autre État membre, choix peut être fait de la loi de cet État (al. 2). En
revanche, en cas de localisation du risque dans un autre État membre, le texte désigne la
loi du lieu du risque si« les parties n'ont pas choisi la loi applicable», ce qui se comprend
comme permettant un choix illimité de la loi applicable (§ 2). Cette transposition com-
porte une double anomalie : elle ne prévoit pas de choix de la loi de la nationalité lorsque
le preneur réside dans un autre État membre; et, en cas de risque localisé à l'étranger, elle
ne conditionne pas l'autonomie par ce qu'autorise la loi du lieu du risque.
Le législateur a suivi la même technique de transposition que pour la directive« non-vie» (dis-
!Ill
tinction en fonction de la localisation du risque en Belgique et à l'étranger), commettant les mêmes
erreurs d'interprétation de la directive.
De plus, le preneur ne peut, selon la directive, être empêché de souscrire un contrat
conclu avec une entreprise agréée « pour autant qu'il ne soit pas en opposition avec les
dispositions légales d'intérêt général en vigueur dans l'État membre de l'engagement»
(art. 33).
Ill Dans la deuxième directive, l'art. 14, § 5, permettait« de souscrire un engagement autorisé par
la réglementation de l'État membre de l'établissement [de l'assureur], sauf s'il est contraire aux dis-
positions d'ordre public de l'État membre de la prestation>>.
L'expression « dispositions légales d'intérêt général », puisée à la terminologie relative au
1111
régime communautaire de la libre circulation des marchandises et des services, englobe normale-
846 LES CONTRATS
ment les dispositions que le droit international privé qualifie de « lois de police » (voy. supra,
n ° 14.74 et chap. 4).
1111 Cette règle ne semble pas avoir donné lieu une disposition légale spécifique dans la loi belge de
transposition.
Une obligation d'informer le preneur est énoncée en des termes figurant à l'annexe
III de la directive.
§2 LE CONTRAT DE CONSOMMATION
14.101 - Bibliographie
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RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 847
A. Compétence internationale
14.103 - Présentation - Des règles spéciales de compétence internationale figurent dans
le règlement « Bruxelles I » (art. 15 à 17), ainsi que dans la Convention de Bruxelles
depuis sa révision le 9 octobre 1978, sous une section réservée aux« contrats conclus par
des consommateurs» (art. 13 à 15).
Ill!Ces dispositions remplacent celles qui, dans la première version de la Convention, concernaient
les ventes et prêts à tempérament. Déjà dans l'arrêt Bertrand du 21 juin 1978 (aff. 150/77, Rec.,
1978, 1431), la Cour de justice des Communautés européennes avait limité le bénéfice de ces dispo-
sitions, pratiquement, aux contrats conclus par des consommateurs, en excluant le cas de la« vente
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 849
d'une machine, consentie par une société à une autre société moyennant un prix payable par traites
échelonnées ». L'arrêt se réfère aux « acheteurs ayant besoin de protection, leur position économi-
que étant caractérisée par leur faiblesse vis-à-vis des vendeurs du fait qu'ils sont des consomma-
teurs finaux à caractère privé, non engagés, par l'achat du produit acquis à tempérament, dans des
activités commerciales ou professionnelles».
directe du sous-acquéreur contre le vendeur, pour les besoins de l'application de l'article 5, 1 ° (voy.
supra, n° 14.5).
Comme les règles générales, les règles spéciales ont un domaine spatial limité. Leur
application dans l'espace se réduit au cas où le défendeur est domicilié sur le territoire
d'un État membre (art. 4). Toutefois, le domicile reçoit une définition propre - comme
en matière d'assurances-, dont le caractère extensif conduit à élargir le domaine au cas
d'un simple établissement du défendeur (art. 15, al. 2).
IllSi la condition spatiale n'est pas remplie, le droit national reste applicable et le demandeur
bénéficie du privilège éventuel de nationalité que celui-ci prévoit (art. 4).
Sur la non-application de l'article 15 du règlement et un renvoi au droit national - sauf en ce qui
concerne l'article 22 - lorsque le défendeur est domicilié dans un pays tiers, voy. : C.J.C.E., aff. C-
318/93, 15 septembre 1994, Brenner, Rec. (1994), I-4275.
L'opposabilité d'une clause attributive de juridiction aux tribunaux d'un État membre alors que
11111
le demandeur aurait son domicile sur le territoire d'un État membre et le défendeur, dans un État
tiers, serait appréciée au regard des dispositions générales de l'article 23 pour les contrats commer-
ciaux (voy. supra, n ° 8.22).
Qu'en irait-il d'une clause désignant les juridictions d'un pays tiers? Cette clause échapperait cer-
tainement au domaine de l'article 23. Mais, indépendamment de l'incidence de la directive 93/13
(voy. ci-dessous), elle ne devrait pas échapper pour autant aux exigences de l'article 17, afin d'assu-
rer l'effet utile de l'objectif de protection de la partie faible qui sous-tend cette disposition (voy.
supra, n° 14.88, à propos du contrat d'assurance).
teurs (CJ.C.E., aff C-167/00, F' octobre 2002, VKI & Henkel, Rec., 2002, I-8111).
L'internationalité de la situation se définit par la présence de certains éléments de
localisation dans le pays de résidence du consommateur. Elle ne joue cependant pas pour
certains contrats de crédit, à savoir « une vente à tempérament d'objets mobiliers
corporels», ou encore un« prêt à tempérament ou une opération de crédit liés au finan-
cement d'une vente de tels objets» (art. 15, § 1er, a et b).
1111Cette condition de localisation ne se confond ni avec un critère d'applicabilité, ni avec un critère
de compétence, ni avec un critère de rattachement. Elle remplit une fonction analogue à celle d'une
disposition déterminant l'hypothèse d'une règle matérielle de droit international privé (voy. supra,
n'" 3.8 et s.). À l'inverse de celle-ci cependant, elle requiert, par la convergence d'éléments dans le
même État, que la situation visée ait avec cet État un degré élevé de proximité.
La condition remplit toutefois une fonction qui sert à fonder la compétence internationale,
puisqu'elle vise« à garantir l'existence de liens étroits entre le contrat en cause et l'État sur le terri-
toire duquel le consommateur est domicilié» (C.J.C.E., aff C-96/00, 11 juillet 2002, Gabriel, Rec.,
2002, 1-6367).
Ill Le crédit à tempérament est à interpréter de manière stricte, comme les autres dispositions de la
section en raison de leur caractère dérogatoire : ainsi, il suppose que le transfert de la possession ait
lieu avant le paiement échelonné du prix, et non l'inverse (CJ.C.E., aff C-99/96, 27 avril 1999,
Mietz, Rec., 1999, J-2277, R W., 1999-2000, 1353, note L. DEMEYERE).
lement faite » ou une publicité et qu'il ait accompli dans cet État les actes nécessaires à la
conclusion du contrat.
Le règlement « Bruxelles I » vise le cas où le contrat a été « conclu » dans l'État du
domicile du consommateur, ou encore celui où le contrat « entre dans le cadre » des acti-
vités commerciales ou professionnelles si le cocontractant du consommateur «dirige»
celles-ci vers cet État (art. 15, § 1er, c). On pourrait parler désormais de consommateur
«semi-passif», car le texte protège le consommateur qui a pris l'initiative à l'étranger.
1111Le règlement permet de faire l'économie de l'appréciation en fait de la localisation de l'acte de
publicité - doit-il être orienté spécialement vers le pays du consommateur? En revanche, il main-
tient la difficulté de localiser la conclusion du contrat, notamment en cas d'utilisation d'Internet.
La condition de« direction » des activités nécessite aussi une appréciation délicate.
Par une déclaration commune, le Conseil et la Commission ont entendu préciser que la seule acces-
sibilité d'un site Internet ne suffit pas à« diriger» ses activités sur un marché déterminé, estimant
qu'il faut que le site« invite à la conclusion de contrats à distance [... ] et qu'un contrat ait effective-
ment été conclu à distance, par tout moyen».
IllSelon la Cour de justice, citant le rapport explicatif de la Convention de Rome qui reprend des
termes analogues (voy. infra, n ° 14.110), « les notions de 'publicité' et de 'proposition spécialement
faite', figurant à la première de ces conditions communes aux conventions de Bruxelles et de Rome,
visent toutes formes de publicité faite dans l'État contractant où le consommateur est domicilié,
qu'elle soit diffusée de manière générale, par voie de presse, de radio, de télévision, de cinéma ou
selon toute autre modalité, ou adressée de manière directe, par exemple par voie de catalogues spé-
cialement dirigés vers ledit État, ainsi que les propositions d'affaires soumises individuellement au
consommateur, notamment par le moyen d'un agent ou d'un colporteur» (C.J.C.E., aff. C-96/00,
11 juillet 2002, Gabriel, Rec., 2002, 1-6367).
1111 « L'expression "actes nécessaires à la conclusion" du contrat se réfère à tout acte écrit ou à coute
autre démarche effectués par le consommateur dans l'État où il est domicilié et qui expriment sa
volonté de donner suite à la sollicitation du professionnel» (arrêt Gabriel précité).
Certains contrats sont exclus du domaine de la protection, soit en vertu d'une dis-
position expresse, soit par interprétation systémique. Il s'agit du contrat de transport - à
moins qu'il se combine avec un contrat de voyage - (art. 15, § 3) mais aussi, selon la logi-
que d'une combinaison des sections 3 et 4, du contrat d'assurance visé par les articles 8 à
14, ainsi que, en raison du caractère exclusif de la compétence attribuée, des opérations
sur immeuble couvertes par l'article 22.
Ill N'entre pas dans l'objet de l'article 22, au titre éventuel de la matière du bail, la mise à la dispo-
sition d'un logement de vacances par un organisateur de voyages dans le cadre d'un contrat de
voyage à forfait, lorsque le litige n'oppose pas l'utilisateur au propriétaire du logement: la relation
contractuelle s'analyse alors en un contrat de services (C.J.C.E., aff C-280/90, 26 février 1992, Hac-
ker, Rec., 1992, 1-1111, supra, n ° 13.5).
1111 La Convention de Bruxelles ne couvre que la « fourniture de services ou d'objets mobiliers
corporels» (art. 13, al. 1"', 3°), restriction que ne reprend plus le texte du règlement.
l'article 59 (voy. supra, n ° 9.29), tandis que celui du cocontractant reçoit une définition autonome,
qui étend pratiquement la notion au simple bureau d'affaires (art. 15, § 2).
Comme en matière d'assurance, ces règles spéciales « ne portent pas atteinte au droit d'intro-
111!
duire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi d'une demande originaire
conformément» à la section 4 (art. 16, § 3).
En droit commun, la protection va plus loin que selon le règlement, puisque le con-
sommateur peut agir en Belgique s'il y réside, ou encore en vertu des règles générales de
compétence (critères du domicile du défendeur, du lieu de naissance ou du lieu d'exécu-
tion de l'obligation, de manière alternative) (art. 97, § ier, Codip).
14.107 - Contrôle des clauses de juridiction - Les clauses attributives de juridiction
font l'objet d'un contrôle afin d'éviter qu'elles jouent au détriment du consommateur.
Dans le règlement « Bruxelles I », le traitement est analogue à celui observé en
matière d'assurance, le texte de l'article 17 reprenant en substance les trois premiers cas
de l'article 13 (voy. supra, n ° 14.88).
Ill!Pour un cas d'application des dispositions générales de l'article 17 de la Convention (devenu
art. 23 du règlement) sans vérification des conditions prévues par les règles spéciales, voy. : Liège,
3 décembre 1990,J.T (1991), 841.
En droit commun, le Code de droit international privé n'attribue d'effets à la clause
« à l'égard du consommateur» que si elle est postérieure à la naissance du différend
(art. 97, § 3). Le texte ne reprend que la première des hypothèses prévues par le règlement.
Quant à la sanction, il est plus précis que le règlement puisque, plutôt que d'autoriser
une dérogation comme le fait celui-ci, il énonce une règle d'inopposabilité à l'une des
parties, le consommateur.
D'autres textes encore peuvent intervenir. Ainsi, la loi du 14 juillet 1991 sur les
pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur qualifie
d'abusive la clause permettant au demandeur, au moyen d'une élection de domicile,
d'agir devant un tribunal autre que celui désigné par l'article 624, 1 °, 2 ° et 4 °, du Code
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 853
judiciaire (art. 32, 20°); l'interdiction précise toutefois ne pas affecter l'application de la
Convention de Bruxelles. Une disposition analogue figure à l'article 114 de la loi du
12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, modifiant l'article 628, 8 °, du Code
judiciaire pour y introduire le domicile du consommateur comme chef de compétence
impérative. De même, la loi du 11 avril 1999 (Monit., 30 avril 1999) relative au contrat de
timeshare, ajoute aux dispositions de transposition de la directive 94/47, une règle répu-
tant non écrite une clause désignant les juridictions d'un pays tiers,« lorsque l'acquéreur
a sa résidence habituelle en Belgique ou lorsque l'immeuble est situé sur le territoire d'un
État partie [à la Convention de Bruxelles ou à la Convention de Lugano]» (art. 3, § 4).
IliEn spécifiant ne concerner qu'une clause désignant les juridictions d'un pays tiers, la loi de 1999
respecte la primauté de la Convention ou du règlement« Bruxelles I », qui sont compris comme ne
contrôlant que les clauses désignant les juridictions d'un État membre (voy. supra, n ° 8.22).
1111À première vue, les dispositions de la loi du 14 juillet 1991 n'intéressent que la compétence ter-
ritoriale interne puisqu'elles affectent des articles qui, dans le Code judiciaire, contiennent ce type
de règle (voy. supra, n ° 9.60). L'intention du législateur semble cependant être de couvrir également
la compétence internationale: ainsi s'explique l'allusion de la loi à la Convention de Bruxelles, qui
a cet objet.
De son côté, l'article 114 de la loi du 12juin 1991 régit impérativement toute situation entrant
dans le domaine d'application dans l'espace de cette loi, fixé au moyen d'une règle spéciale d'appli-
cabilité (voy. infra, n° 14.112).
Les termes des dispositions relatives aux concessions de vente exclusives (voy. infra, n° 14.189) ou
au contrat d'agence commerciale (voy. infra, n ° 14.137) sont plus clairs à cet égard.
Ces dispositions doivent être lues en parallèle avec l'interprétation donnée par la
Cour de justice à la directive 93/13, dont l'annexe donne pour exemple d'une clause abu-
sive celle qui a pour objet ou pour effet« de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions
en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le
consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des
dispositions légales» (point 1, q). Ainsi, serait abusive une clause non négociée indivi-
duellement, obligeant le consommateur à porter le litige devant le juge de la résidence du
défendeur, car elle crée une entrave à l'exercice de l'action en justice en raison de l'éloigne-
ment du for désigné et des frais complémentaires pour le consommateur (aff C-240/98
e.a., 27 juin 2000, Océano Grupo, Rec., 2000, 1-4941). Affirmée à propos d'un cas purement
interne, cette interprétation vaut a fortiori pour la compétence internationale.
Ill La sanction cirée de la directive 93/13 prévaut sur celle de l'article 17 du règlement« Bruxelles
I », par l'effet de la priorité consentie par l'article 67 de celui-ci. Encore faut-il que la situation entre
dans le domaine d'application dans l'espace de cette directive (voy. infra, n° 14.113).
note M. TRAEST.
854 LES CONTRATS
2 ° les divers contrats spéciaux entrant dans le domaine d'une directive relèvent directe-
ment des règles matérielles de transposition de ces directives ;
3° le contrat de transport entrant dans le domaine de l'une des conventions internatio-
nales en vigueur en matière de transports (voy. infra, § 8) relève directement des
règles matérielles de l'une de ces conventions ;
4 ° le contrat visé par les dispositions de l'article 5 de la Convention de Rome, y compris
la vente d'objets mobiliers corporels, relève des règles de rattachement que contient
cette disposition;
5° le contrat exclu du domaine de l'article 5 relève des règles générales sur le droit
applicable au contrat (voy. supra, sect. 2) ;
6 ° les contrats visés par une réglementation nationale particulière assortie d'une règle
d'applicabilité relèvent directement de cette réglementation, par application de
l'article 7 de la Convention.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 855
Certains contrats sont exclus, en raison de leur objet. Il en est ainsi de certains ser-
vices, comme le transport, ou « lorsque les services dus au consommateur doivent être
fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence
habituelle». Par ailleurs, l'exclusion du contrat d'assurance portant sur un risque localisé
sur le territoire d'un État membre des Communautés européennes procède de l'exclusion
générale qu'établit l'article 2, § 3, de la Convention.
Ill Comme dans la Convention de Bruxelles, l'opération sur immeuble subit l'attraction du lieu de
situation. En effet, l'article 5 ne vise que« la fourniture d'objets mobiliers corporels». Si le texte vise
aussi la« fourniture de services», il faut sans doute comprendre que c'est à l'exclusion des contrats
qui portent sur des droits d'utilisation d'un immeuble au sens de l'article 4, § 3, de la Convention.
IllSur l'exclusion du contrat de timeshare de la définition de l'article 5, voy. en Allemagne: BGH,
19 mars 1997, Revue (1998), 610, note P. LAGARDE.
n° 3.59.
Pour un cas de choix qualifié d'implicite - alors que l'article 3 requiert qu'il soit au moins cer-
1111
tain-, voy.: Trib. arrond. Luxembourg, 27 mars 1990, Riv. dir. int. priv. proc. (1991), 1097.
Lorsque les parties n'ont pas choisi la loi applicable au contrat, celle-ci est désignée
selon le facteur de la résidence habituelle du consommateur. Dans ce cas, il y a déroga-
tion au rattachement subsidiaire qui gouverne les contrats en général, et singulièrement
abandon de la méthode indiciaire. Pratiquement, une confusion s'opère alors entre la
désignation de la loi contractuelle et l'applicabilité des règles impératives de protection.
14.112 - Prise en considération des lois de police - L'article 5 suffit-il à exclure la règle
générale de la prise en considération, par le juge, des lois de police du for ou étrangères en
vertu de l'article 7 de la Convention? Il semble que cette possibilité, curieusement, n'ait
pas été exclue par les auteurs du texte. Cette approche conduit à affaiblir la portée utile
de l'article 5.
Voy. supra, n° 14.74. Le rapport explicatif cite, à titre d'exemple de dispositions visées par l'ali-
1111
1111Les lois précitées de 1991, de 1992 et de 1999 désignent explicitement le lieu de résidence au
moment de la conclusion du contrat. Voy. un cas d'application de la loi du 12 juin 1991 par: Trib.
arr. Bruxelles, 4 mai 1992,].L.M.B. (1992), 1032.
li!En France, sur ce que la loi sur le surendettement de particuliers est opposable au prêteur
immobilier étranger dès lors que l'emprunteur est domicilié en France, alors même que le contrat
désigne le droit étranger du prêteur, voy.: Cass. civ. (1re ch.), 10 juillet 2001, Rev. dr. bancaire (2001),
364, note M.-E. MATHIEU.
État membre de l'Union européenne serait applicable et que cette loi procure une protec-
tion plus élevée au consommateur» (art. 4, modifiant l'art. 33, § 2, de la loi du 14 juillet
1991 sur les pratiquès du commerce et sur l'information et la protection du consomma-
teur). Cette disposition requiert du juge belge qu'il compare les contenus respectifs de la
loi choisie et de la loi objectivement applicable, mais aussi qu'il vérifie au préalable que
celle-ci est la loi d'un État membre. Cette loi est désignée conformément aux dispositions
de la Convention de Rome, tantôt l'article 5, tantôt les articles 3 et 4.
IllCette transposition est l'une des diverses formes utilisées par les États membres lors de la trans-
position de l'article 6, § 2, de la directive 93/13. Pour plus de détails sur cette situation de disparité
des transpositions, voy. : M. FALLON, « Le droit applicable aux clauses abusives après la transposi-
tion de la directive 93/13 du 5 avril 1993 », Rev. eur. dr. cons. (1996), 3-27.
La directive exige de l'État qu'il assure la protection de la directive contre le choix du droit d'un
1111
pays tiers, lorsque le contrat présente« un lien étroit» avec le territoire d'un État membre.
IllLa formulation retenue par le législateur belge ne respecte pas l'objectif du législateur commu-
nautaire, car elle conduit pratiquement à restreindre le champ de la protection au consommateur
passif au sens de l'article 5 de la Convention de Rome, ou au cas où le vendeur réside dans un État
membre - l'art. 7 n'est pas pris en compte par la disposition de transposition, puisqu'elle évoque
seulement la loi applicable« en l'absence de cette clause».
De fait, selon la Cour de justice, les termes « un lien étroit» s'entendent comme une règle qui ne
saurait faire l'objet d'une traduction au moyen d'une combinaison de critères de localisation pré-
déterminés, mais bien au moyen d'une présomption simple (C.].C.E., aff. C-70/03, 9 septembre
2004, Commission c. Espagne): constitue alors une transposition erronée la disposition qui renvoie,
en droit ou en fait, à la protection organisée par la loi désignée en vertu de l'article 5 de la Conven-
tion de Rome.
Pour le contrat conclu à distance, la loi du 25 mai 1999 répute « nulle et interdite » une
clause désignant le droit d'un pays tiers, « en ce qui concerne les matières régies par la
présente [loi] [... ] lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un ou de
plusieurs États membres» (art. 82, § 4, nouveau, de la loi du 14 juillet 1991 précitée).
Cette disposition vise à transposer les termes de la directive 97/7 qui sont rédigés de
manière identique à ceux de la directive 93/13. Elle diffère cependant de celle relative aux
clauses abusives, puisqu'elle ne requiert aucune comparaison des contenus des lois en
conflit, et utilise pour critère de rattachement l'existence d'un lien étroit, reprenant en
cela les termes mêmes de la directive.
L'utilisation du critère d'un lien étroit avec le territoire d'États membres est conforme à l'inten-
1111
La loi du 24 août 2005, transposant la directive 2002/65 sur les services financiers à distance et
1111
modifiant l'article 83decis de la loi du 14 juillet 1991, revient à la formule utilisée pour les clauses
abusives ...
Il Selon l'arrêt Parodi, « une distinction doit être faite selon la nature de l'activité bancaire en cause
et du risque encouru par le destinataire du service. Ainsi, la conclusion d'un contrat de prêt hypo-
thécaire présente pour le consommateur des risques différents de ceux du dépôt de fonds auprès
d'un établissement de crédit. Or, à cet égard, la nécessité de protéger l'emprunteur varie en fonc-
tion de la nature des prêts hypothécaires, étant observé que, dans certaines situations, en raison
précisément des caractéristiques du prêt octroyé et de la qualité de l'emprunteur, il n'y a aucun
besoin de protéger celui-ci par l'application des règles impératives de son droit national(§ 29).
11 L'obligation de reconnaissance mutuelle conduit à modaliser la portée des articles 5 et 7 de la
Convention de Rome. Les rattachements prévus semblent ne pas pouvoir entraver l'exécution d'un
contrat conclu valablement selon le droit d'un État membre au contenu équivalent.
Voy. en ce sens: Colmar, 18 février 2004, D.S. (2004), ], 1898, note V. AVENA-ROBARDET, à propos
d'un prêt consenti par une banque allemande à un résident français.
Comp. déjà en ce sens, la recommandation de la Commission du 1er mars 2001 relative à l'informa-
tion précontractuelle devant être fournie aux consommateurs par les prêteurs offrant des prêts au
logement (J.O.C.E., 2001, L 69).
§3 LE CONTRAT D'ÉTAT
14.11 5 - Bibliographie
S. AsANATE, « International Law and Foreign Investment: A Reappraisal »,I.C.L.Q. (1988), 588-628;
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international?», Rev. gén. (1972), 313-345.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 861
Ill Voy. notamment: W. GOLDSCHMIDT, précité; J.-F. LALIVE, précité; LORD McNAIR, « The general
principles of law recognized by civilized nations» B. Y.I.L. (1957), 4-5. Ici aussi, les critiques sont
vives, venant soit des auteurs qui entendent éviter la formation d'un droit soustrait au contrôle éta-
tique (voy. notamment: J. Touscoz, « Le régime juridique international des hydrocarbures et le
droit international du développement», Clunet, 1973, 303, note 13), soit des auteurs favorables à
l'internationalisation du contrat (P. WEIL, précité, 179).
D'après Ch. M. SPOFFORD (« Third Party Judgment and International Economie Transactions»,
Recueil des cours, vol. 113, 1964-III, 197), les techniques utilisées par les deux solutions« are basically
the same ».
ducteurs de produits de base. Voy. quelques exemples dans: J. FAWCETT, « The Function of Law in
International Commodity Agreements», 44 B. Y.I.L. (1970), 160-165 ;J. Touscoz, précité. Comp. les
accords Tova/op, Cristal et Opal (I.L.M., 1969, 497, 1971, 137, 1974, 1409; F. RIGAUX, Droit public et
droit privé,§§ 12-13) et les accords intergouvernementaux sur le même objet (voy. J. FAWCETT, ibid.,
165 et s.).
1111 On trouve des exemples de contrats faisant référence aux « principes généraux du droit» dans :
P. WEILL, précité, 150 et S. ; Ch. SPOFFORD, précité, 205-207 ; J. VERHOEVEN, « Les contrats entre
États ... », précité, 132-133, notes 59 et 60, 142, note 99; la sentence arbitrale du 19 janvier 1977,
précitée.
1111 Les sentences arbitrales sont notamment invoquées en faveur de cette solution par : W. FRIED-
MANN, précité, 150-155; Ch. SPOFFORD, précité, 199-205; P. WEIL, précité, 150, 164 et S.
tant, est subordonné au même titre que l'État personne morale est soumis au droit inter-
national.
Rien n'empêche des contractants de se soustraire au choix entre les divers droits éta-
tiques pour préférer soit la !ex mercatoria ou les usages du commerce, soit une référence
au droit comparé, aux« principes généraux du droit», voire au droit international dans
la mesure où certaines règles de ce droit sont susceptibles de s'appliquer par analogie à
leur situation. Il s'agit, dans tous les cas, d'un simple « renvoi matériel» (voy. supra,
n ° 14.46). Pareille délocalisation du contrat transnational est effective aussi longtemps
que les parties acceptent de se conformer aux règles qu'elles ont elles-mêmes posées ou y
sont contraintes par la pression du milieu auquel elles appartiennent.
En revanche, les parties ne sauraient prétendre délocaliser leur contrat et, en même
temps, obtenir des juridictions étatiques que celles-ci entérinent des accords consistant
précisément à évincer le jeu normal du droit international privé étatique. Il serait plus
extraordinaire encore que la référence au droit international par des contractants qui
n'ont pas, l'un et l'autre, qualité de sujets du droit international, eût un effet de sublima-
tion sur la qualité de la partie non étatique, de telle sorte que le renvoi de droit matériel
pût transformer le contrat en quasi-traité de droit international restreignant les préroga-
tives de la partie étatique sur le plan des rapports de souveraineté. Dans les « accords de
développement économique», un tel effet n'est rendu possible que si les deux contrac-
tants ont qualité de sujets du droit international ou si l'arbitrage a été institutionnalisé
par un accord interétatique, telle la Convention du 18 mars 1965 (supra, n ° 14.24).
1111 L'article 42, alinéa ter, de la Convention de Washington du 18 mars 1965 (supra, n ° 14.24)
donne à la loi de l'État contractant une place sensiblement équivalente à celle qui lui a été reconnue
par la Cour permanente.
864 LES CONTRATS
111 Les arrêts prononcés en 1929 par la Cour permanente ont fait l'objet d'une réinterprétation
ingénieuse, mais peu convaincante dans la sentence arbitrale du 19 janvier 1977, précitée. Voy. la
critique de cette interprétation, Revue (1978), 446-447.
111 L' Accord belgo-allemand relatif au règlement des litiges résultant de contrats passés directe-
ment, signé à Bonn le 3 août 1959 (loi du 6 mai 1963, Monit., 22 juin 1963), prévoit en son article 3
relatif à des contrats de fourniture passés entre les forces belges en Allemagne et un entrepreneur
pour des fournitures à effectuer dans ce pays, que le litige peut être porté en Allemagne contre
l'État allemand, qui défend les intérêts de l'État belge. En ce cas, le droit applicable est celui choisi
par les parties dans le contrat ou, à défaut, le droit allemand.
§4 LE CONTRAT DE GARANTIE
14.121 - Bibliographie
S. BARJATII, « Le garanzie finanziarie nell'insolvenza transnazionale : l'attuazione della direttiva
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financial services», Maastricht]. Eur. Camp. L. (1997), 161-208, 284-309.
de droit international privé que celles qui régissent plus généralement les obligations
contractuelles.
De tels contrats ne soulèvent pas moins des difficultés particulières, liées à la plura-
lité de relations concernées. Ces difficultés tiennent au degré d'autonomie de la garantie
par rapport à la relation juridique de base.
De plus, il arrive que le législateur ait posé certaines règles spécifiques de droit inter-
national privé.
A. Compétence internationale
14.123 - Application du for contractuel - En matière contractuelle, le demandeur peut
agir, notamment, devant le tribunal du lieu où l'obligation a été ou devait être exécutée
(art. 5, 1 °, règl. « Bruxelles I »; art. 96 Codip; voy. supra, n° 5 14.4 et 14.15).
Le contentieux lié à l'exécution d'une garantie conventionnelle peut soulever deux
types de questions.
Dans un premier cas, le créancier de l'obligation de garantie agit contre son débi-
teur. Faut-il chercher à localiser cette obligation par elle-même, ou par l'intermédiaire de
l'objet de la garantie? Par exemple, dans l'hypothèse d'un cautionnement, faut-il locali-
ser l'obligation de la caution de s'exécuter, ou plutôt l'obligation principale qui a donné
lieu à une caution? Ou encore, dans l'hypothèse d'une lettre de patronage, faut-il locali-
ser l'obligation du garant en fonction de la localisation des obligations de la filiale dont
la garantie tend à assurer la garantie de l'exécution?
Il semble que les quelques décisions rendues à cet égard tendent à localiser l'obliga-
tion en litige en fonction de l'obligation garantie. Il n'est cependant pas certain que cette
solution s'impose dans tous les cas. S'il est vrai que l'obligation de garantie n'a de sens
qu'en fonction de l'obligation garantie, elle ne cesse pas de donner lieu à un processus de
mise en œuvre autonome.
1111 Pour le contrat de cautionnement, voy.: Bruxelles, 9 septembre 1993,J.L.M.B. (1994), 465, note
A. KOHL, en faveur de la localisation de l'obligation cautionnée. Il semble pourtant que, si la c'au-
tion devait s'exécuter par exemple par un paiement à faire dans le pays du créancier de l'obligation
de base, alors que le débiteur de celle-ci avait à payer dans un autre pays, seul le premier lieu devrait
être retenu pour l'obligation de la caution.
111 Pour la localisation de l'obligation issue d'une lettre de patronage, voy. : Cass. comm., 30 janvier
2001, ING Bank, Revue (2001), 539, note S. PorLLOT-PERUZZETTO, en faveur du lieu du siège de la
filiale soutenue.
Sur ce que la lettre de patronage revêt bien un caractère contracruel, voy.: Cass. civ., 3 mars 1992,
Svedex Holding, Revue (1993), 692, note P. COURBE.
Dans un second type de cas, le garant qui s'est exécuté intente une action récursoire
contre le débiteur de l'obligation de base. Cette demande peut avoir diverses causes, soit
l'existence d'une subrogation, soit l'existence d'une action personnelle liée à un enga-
gement consenti par le débiteur ou à une obligation de type quasi contractuel. Dans le
contexte du règlement « Bruxelles I », l'interprétation stricte de la notion de « matière
contractuelle» implique l'existence, entre parties au litige, d'un engagement librement
assumé, ce qui supposerait, en cas d'action subrogatoire de la caution, que le débiteur ait
autorisé le contrat de garantie (C.].C.E., aff. C-265/02, 5 février 2004, Frahuil).
1111 En cas d'action quasi contractuelle, voy. infra, chap. 15.
866 LES CONTRATS
gage: Comm. Anvers, 22 mars 1990, D.E.T. (1991) 647, évoquant cependant avec justesse la sou-
mission à la loi du lieu de situation des questions de validité du contrat« qui tiennent à la consti-
tution d'un droit réel». Il devrait en aller ainsi des conditions concernant l'objet (meuble ou
immeuble, corporel ou incorporel) du gage ou l'obligation d'une mise en possession.
Liège ( 1988), 25, note R. VANDER ELST, rejetant parce que manquant en fait un moyen reprochant au
juge d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions des parties qui tendaient à obtenir l'applica-
tion de la théorie de la prestation caractéristique du contrat de caution. Le juge du fond avait ainsi
préféré à un rattachement autonome en l'absence de choix exprès du droit applicable, un rattache-
ment au droit qui régit le contrat principal par un mécanisme de présomption de la volonté des
parties en ce sens. A fortiori, cette approche admettait la faculté pour les parties de choisir la loi du
cautionnement de manière autonome.
li!!En France, en faveur du rattachement accessoire, voy.: Cass. civ., 22 octobre 1996, Catteau,].C.P.
(1997),J, 22826, note critique H. MurR WATT. Camp. MAYER et HEUZÉ, n° 721, distinguant la cau-
tion offerte par une banque et soumise à ce titre à la loi de la banque.
Pour une utilisation de la clause d'exception, voy.: Versailles, 6 février 1991, Revue (1991), 745,
11!1
note P. LAGARDE (critique sur l'utilisation de la clause dans le cas d'espèce).
La validité du cautionnement peut encore relever d'une loi distincte, si celle-ci
exprime en ce sens une volonté particulière d'application. Cela peut être le cas d'une dis-
position permettant à l'un des époux de demander l'annulation du contrat par lequel
l'autre époux s'est porté garant, lorsque cet engagement nuit aux intérêts de la famille. Ce
rattachement spécial peut résulter, dans le contexte de la Convention de Rome, de
l'exclusion des questions relevant du droit de la famille (art. 1er), ou encore de la portée
de l'article 7 relatif aux lois de police (voy. supra, n ° 14.74, et la jurisprudence citée).
14.126 - Rattachement d'une garantie indépendante ou unilatérale - Lorsque la garan-
tie est consentie de manière indépendante de l'exécution du contrat de base (garantie dite
à première demande), ou lorsqu'elle résulte d'un engagement unilatéral à couvrir les det-
tes d'autrui (lettre de patronage), il n'y a pas de difficulté particulière à déterminer le
droit applicable après que la nature contractuelle de l'opération a pu être identifiée.
La faculté pour les parties de choisir le droit applicable à la garantie ne fait pas de
doute, même si le choix résulte d'une expression unilatérale, le bénéficiaire de la garantie,
qui l'a acceptée, étant alors réputé avoir accepté cette clause.
En l'absence de choix des parties, la présomption d'un rattachement en fonction de
l'établissement du débiteur de la prestation caractéristique du contrat (art. 4, § 2, Conv.
Rome) signifie pratiquement une référence à l'établissement du garant, sans préjudice de
l'utilisation de la clause spéciale d'exception (§ 5) si les conditions en sont remplies en
l'espèce.
Ainsi, les rattachements sont convergents entre les garanties dites indépendantes et
les autres. Cela permet notamment de laisser à la loi qui régit le contrat de déterminer
l'existence d'une indépendance.
li!! Pour un rattachement en ce sens de l'indépendance, voy. : Cass. civ., 30 octobre 1993, Tarek Ben
Ammar, Revue (1997), 685, note M.JOBARD-BACHELLIER.
nature des institutions visées comme parties à de tels contrats donne cependant à enten-
dre qu'il s'agira normalement d'entreprises agréées dans un État membre.
Les règles matérielles ne semblent pas porter sur la relation contractuelle même
mais plutôt sur la réalisation de la garantie; elles ne comportent pas moins des disposi-
tions sur la forme du contrat et sur l'admissibilité de certains modes de garantie. Elles
sont complétées par une règle de conflit de lois, pour certaines questions qui n'ont pas
fait l'objet d'harmonisation (art. 9). Cette règle concerne les garanties portant sur des
titres négociables « transmissibles par inscription en compte». Elle désigne « la loi du
pays où le compte pertinent est situé». Le renvoi est exclu, puisque le texte précise que le
terme« loi» s'entend du « droit interne» et non d'autres règles« stipulant que laques-
tion considérée doit être tranchée selon la loi d'un autre pays ».
Le domaine de ce rattachement porte sur :
- « la nature juridique et les effets patrimoniaux de la garantie » ;
- « les exigences relatives à la mise au point d'un contrat[ ... ] et, plus généralement,
l'achèvement des formalités nécessaires pour rendre un tel contrat [... ] opposable aux
tiers»;
la détermination du rang de droits de propriété ou d'autres droits concurrents;
« les formalités requises pour la réalisation de la garantie».
Le rattachement contractuel relève de la Convention de Rome. Celle-ci permet aux
parties de choisir le droit applicable et se réfère subsidiairement à une localisation par les
liens les plus étroits avec une présomption en faveur de l'établissement du débiteur de la
prestation caractéristique. Ce débiteur semble certes être l'intermédiaire en ce qui con-
cerne le contrat de gestion du compte, non en ce qui concerne le contrat de garantie
même, pour lequel le propriétaire du titre offert en garantie semble remplir plutôt cette
fonction.
14.128 - Bibliographie
F. BoucKAERT, « Les prêts transfrontaliers garantis par une hypothèque : esquisse d'une solution»,
Mélanges De Valkeneer (Bruxelles, Bruylant, 2000), 77-92 ; Ch. HENSEN, « De no taris en internationale
onroerend goed transacties », Tijds. Not. (1992), 241-255; F. MoscoNI, « Competenza giurisdizio-
nale e legge regolatrice della locazione di immobili all'estero », Riv. dir. int. priv. proc. (1993), 5-32;
P. PIRODDI, « Competenza giurisdizionale e legge applicabile aile locazioni immobiliari nelle con-
venzioni di Bruxelles e di Roma», Riv. dir. int. priv. proc. (1995), 41-86; A. SERAVALLE, « Conflitti di
leggi nei contratti internazionali di costruzione »,Riv. dir. int. priv. proc. (1991), 895-924; R. VANDER
ELST,« Les entreprises belges face à la loi française du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à
l'assurance dans le domaine de la construction», Entr. et dr. (1982), 46-52; N. WATTÉ, « La forme
des contrats de vente d'immeuble en droit international privé », Rev. not. belge (1994), 6-12.
Voy. également, à propos du contrat de timeshare, la bibliographie citée à propos du contrat de con-
sommation, supra, n° 14.101.
tion répond à la difficulté de dissocier les aspects purement contractuels de ceux qui
affectent l'attribution du droit réel et relèvent comme tels de la loi du lieu de situation.
1111 Pour une présentation des droits réels, voy. supra, chap. 13.
1111 Au sujet de la réglementation du crédit hypothécaire, comp. supra, n ° 14.112.
A. Compétence internationale
14.130 - Référence au lieu de situation - Le règlement « Bruxelles I », comme la Con-
vention de Bruxelles (voy. supra, chap. 8), attribue une compétence exclusive aux tribu-
naux de l'État membre où l'immeuble est situé « en matière de droits réels immobiliers et
de baux d'immeubles».
1111 La raison d'être de cette attribution de compétence résiderait dans le lien avec la compétence
législative, en raison de l'intérêt de l'État du lieu de situation à assurer l'application impérative des
dispositions servant à déterminer les obligations du locataire (C.J.C.E., aff C-292/93, 9 juin 1994,
Lieber, Ti;ds. Not., 1995, 148, note F. BoucKAERT,j.l.M.B., 1995, 1177, note A. KoHL).
De plus, le tribunal du lieu de situation de l'immeuble bénéficie d'une compétence
dérivée pour connaître d'une demande dirigée contre le défendeur principal, « en matière
contractuelle, si l'action peut être jointe à une action en matière de droits réels
immobiliers» (art. 6, 4°).
En droit commun, cette compétence n'est qu'alternative, s'ajoutant aux chefs de compétence
1111
trat porte sur un objet mobilier corporel ou sur un immeuble. Voy. infra, n° 14.180.
Cette règle spéciale s'étend aux contrats« ayant pour objet un droit réel immobilier
ou un droit d'utilisation sur un immeuble». Cela vise de soi la vente autant que le bail et
l'exploitation d'un fonds de commerce, mais non, selon l'exposé des motifs, la construc-
tion ou la réparation.
870 LES CONTRATS
La présomption n'est toutefois que réfragable, comme c'est le cas aussi pour
l'ensemble des contrats (voy. supra, n ° 14.54).
1111Ainsi, le bail d'une maison de vacances à l'étranger conclu entre deux personnes résidant dans le
même pays pourrait relever, selon l'exposé des motifs, de la loi de résidence commune, le facteur du
lieu de situation ne bénéficiant que d'une présomption réfragable.
Comp. en ce sens: Civ. Marche-en-Famenne, 26 février 1986, Ann. Liège (1988), 100, noce H.
1!11
BORN. Cette position ne coïncide pas avec celle qui a été adoptée pour la compétence internatio-
nale. Dans l'affaire précitée, le tribunal belge s'était déclaré compétent en vertu de l'article 16 de la
Convention de Bruxelles, puis avait écarté l'application de la loi du lieu de l'immeuble.
1111Dans la jurisprudence antérieure, une référence de fait à la loi du lieu de situation est tradition-
nelle. Elle est rompue nettement par la cour d'appel d'Anvers dans un arrêt du 22 novembre 1978,
Tijds. Not. (1979), 54; voy. les références citées par B. HANOTIAU et M. FALLON,]. T. (1987), 102.
La forme du contrat relève normalement de la loi du pays de situation, par déroga-
tion à la règle Locus regit actum (art. 9, § 6). Toutefois, ce rattachement est fonction de la
volonté d'application en ce sens de la loi désignée.
Des actes communautaires établissent des rattachements sensiblement distincts,
ayant en commun de focaliser le rattachement sur le lieu de situation, sans tenir compte
des nuances de la Convention de Rome.
1!11La directive 2000/31 sur le commerce électronique du 8 juin 2000 (J.O.C.E., 2000, L 178) exclut du
domaine de la« clause marché intérieur» (prévoyant l'applicabilité des dispositions de la loi de l'éta-
blissement du prestataire de services, supra, n ° 14.76) « la validité formelle des contrats créant ou trans-
férant des droits sur des biens immobiliers, lorsque ces contrats sont soumis à des exigences formelles
impératives selon le droit de l'État membre dans lequel le bien immobilier est situé» (annexe à la dir.).
1111Selon le règlement 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité U.O.C.E.,
2000, L 160), « les effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat donnant le droit d'acquérir
un bien immobilier ou d'en jouir sont régis exclusivement par la loi de l'État membre sur le terri-
roire duquel ce bien est situé».
1!11En matière de contrats d'assurance portant sur des immeubles, les dispositions de la directive
du 22 juin 1988, applicables aux risques localisés dans la Communauté européenne, soumettent
également le contrat au rattachement général prévu pour le contrat d'assurance (voy. supra,
n ° 14.95). Cependant, le critère du lieu du risque, qui y joue un rôle central, est concrétisé par une
référence au lieu de situation de l'immeuble.
426, refusant l'application à un immeuble situé à l'étranger, sur base d'une qualification concep-
tuelle du contrat comme appartenant au statut réel immobilier.
1!11 Sur la protection de l'emprunteur immobilier en Belgique, voy. supra, n ° 14.112.
1111Sur la législation française, voy. P. PELLETIER, « Propositions pour l'application dans l'espace de
la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection de l'emprunteur dans le domaine
immobilier», Revue (1981), 247-262, ainsi que R. VANDER ELsT, précité n ° 14.128.
1111 Sur la constitution de droits réels immobiliers, telle une sûreté, voy. supra, n ° 13.12.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 871
§6 LE CONTRAT D'INTERMÉDIAIRE
14.133 - Bibliographie
G. BADR, « Agency: Unification of material law and conflict rules », Recueil des cours, vol. 184 (1984),
9-168; L. BERNARDEAU, « Droit communautaire et lois de police »,].C.P. (2001), I, 328; R. DE QuE-
NAUDON, « Quelques remarques en matière de représentation volontaire», Revue (1984), 413-438;
C. FERRY, « Contrat international d'agent commercial et lois de police», Clunet (1993), 299-308;
P. HAY et W. MüLLER-FREIENFELS, « Agency in the conflict oflaws and the 1978 Hague Convention »,
Am.]. Camp. L. (1979), 1-50; P. LAGARDE, « La loi applicable au contrat de distribution com-
merciale», Revue générale de droit (1990), 669-685; O. LANDO, « Loi applicable au contrat d'agence
commerciale et règlement des différends », Le contrat d'agence commerciale internationale (Bruxelles,
Bruylant, 1997), 83-104; A. NUITS, La concession de vente exclusive, l'agence commerciale et l'arbitrage
(Bruxelles, Bruylant, 1996) ; F. PARENTE,« La disciplina dell'agire rappresentativo nella convenzione
di Roma sulla legge applicabile alle obbligazioni contrattuali », Riv. dir. int. priv. proc. (1993), 341-
433; F. RIGAUX, Le statut de la représentation (Bibliotheca Visseriana, t. 27, Leiden, Brill, 1963); Io., v0
« Agency », International Encyclopedia of Comparative Law, vol. III, chap. 29, et la bibliographie
détaillée; J.G. SAUVEPLANNE, « Het Haagse Verdrag over de toepasselijke wet op de vertegenwoor-
diging », R W (1978-1979), 1265-1274; F. TROMBETTA-PANIGADI, Rappresentanza volontaria e diritto
internazionale privato (Padoue, Cedam, 2003); H. VERHAGEN, Agency in private international law - The
Hague convention on the law applicable to agency (Dordrecht, Nijhoff, 1995); P. WÉRY, Le mandat
(Bruxelles, Larcier, 2000), spéc. 314-320.
14.134 - Présentation - Le contrat d'intermédiaire insère, quelle que soit son appella-
tion, une partie dans une chaîne de rapports juridiques. Le plus souvent, l'intermédiaire
constitue le maillon d'une chaîne de distribution d'un produit ou d'un service, tel l'agent
commercial, le concessionnaire exclusif, le courtier en assurances. Il peut également
constituer un simple représentant, comme c'est le cas dans le mandat. Il peut se situer ou
non dans une relation de dépendance.
Dans tous les cas, la question de droit international privé est liée à la pluralité des
parties intéressées. Dans le contrat de représentation, le représentant est en relation, à la
fois, avec le représenté et avec le tiers alors que le premier et le dernier ne sont pas en con-
tact direct. Dans les contrats liés à la distribution d'un produit ou d'un service, le distri-
buteur constitue le lien entre le producteur situé en amont et le destinataire situé en aval.
Cette configuration triangulaire soulève la question de l'unicité du droit applicable à
l'ensemble multipartite.
11111 L'intervention de l'organe d'une personne morale relève du rattachement propre au fonctionne-
ment de la personne morale (voy. infra, n° 16.14).
Le contrat de distribution exclusive est présenté séparément(§ 10), en même temps
que les règles sur la vente, en raison du lien étroit entre ce type de rapport contractuel et
la vente même.
A. La relation interne
14.135 - Compétence internationale: localisation de l'obligation en litige - Dans le
litige qui oppose le représenté au représentant auquel reproche est fait d'avoir mal exé-
cuté son mandat, la détermination de l'obligation contractuelle en litige au sens de
l'article 5, 1 °, du règlement« Bruxelles I », ou de l'article 96 du Code de droit internatio-
nal privé, passe par une localisation de l'exécution des obligations du mandataire. Lapra-
tique semble s'en remettre à une référence au lieu d'exercice de l'activité de celui-ci, même
872 LES CONTRATS
s'il conviendrait de s'attacher d'abord à identifier la loi qui régit cette obligation pour y
déceler une disposition permettant d'effectuer cette localisation Uurisprudence Tessili,
voy. supra, n ° 14.9).
Ill Voy. :].P. Namur, 13 février 1990,JJ.P. (1992), 81.
Dans le litige qui oppose le représentant au représenté parce que celui-ci a, par exem-
ple, résilié le contrat de manière prétendument abusive, l'obligation à localiser est moins
celle de payer l'indemnité demandée que celle, autonome, de respecter le contrat d'agence
(C.J.C.E., aff C-9/87, 8 mars 1988, Arcado, Rec., 1988, I-1539). Il reste alors à localiser cette
obligation. La méthode à suivre est sans doute analogue à celle utilisée à propos de la
rupture d'une concession exclusive de vente (voy. infra, n ° 14.187).
IllPour une référence globale au lieu de l'exécution du contrat par l'agent, voy. : Comm. Bruxelles,
29 mai 1990, Rev. dr. comm. belge (1992), 908.
18 février 1999, Rev. prat. soc. (2000), 243; Comm. Anvers, 15 février 2002, RA.B.G. (2004), 1337;
Comm. Termonde, 19 décembre 2002, Tijds. Gentse Rechtspraak (2002), 284. En France, en ce sens,
alors que la Convention de La Haye du 14 mars 1978 était applicable, voy.: Cass. civ., 18 juillet
2000, Bismuth, Clunet (2001), 97, note E. LOQUIN et G. SIMON.
11!1Le principe de l'application subsidiaire de la loi de l'établissement du représentant est égale-
ment consacré par la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats
d'intermédiaires et à la représentation, non en vigueur en Belgique.
La forme dans laquelle le contrat de représentation doit être conclu relève de la règle
générale de l'article 9 de la Convention deRome: il suffit de suivre les formalités exigées,
soit par le droit du pays où l'acte a été conclu, soit par le droit qui régit le contrat même.
dant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 873
une autre personne, ci-après dénommée 'commettant', soit de négocier et de conclure ces opéra-
tions au nom et pour le compte du commettant. » (art. 1'r, § 2).
La mise en œuvre de la directive pose la question de la détermination de son applica-
bilité dans l'espace: les règles impératives de protection posées par une loi nationale de
transposition s'appliquent-elles au contrat international si et seulement si cette loi est
désignée en vertu des règles de conflit de lois de la Convention de Rome, y compris les
dispositions relatives à la prise en considération des lois de police (art. 7) ?
La législateur belge a cru devoir préciser, dans la loi de transposition du 13 avril
1995 (Monit., 2 juin 1995), que« toute activité d'un agent commercial ayant son établisse-
ment principal en Belgique relève de la loi belge [... ] », toutefois « sous réserve de l'appli-
cation des conventions internationales auxquelles la Belgique est partie» (art. 27). Une
formulation aussi générale est ambiguë: la référence à« la loi belge» couvre-t-elle seule-
ment la loi de 1995, ou toute disposition du droit belge relative au contrat? Dans l'affir-
mative, la disposition violerait la Convention de Rome : elle ne peut donc se comprendre
que comme une loi de police applicable selon ce que permet l'article 7, § 2, de la Conven-
tion.
La précision ainsi donnée par la loi de transposition comporte aussi le risque d'une
délimitation du domaine spatial de la protection qui puisse ne pas correspondre exacte-
ment à la volonté du législateur communautaire. Cette affirmation suppose que celui-ci
puisse avoir une telle volonté.
Selon la Cour de justice, la présence d'une règle d'applicabilité implicite se laisse
déduire du contexte de la directive. Adopté en vue de faciliter la liberté d'établissement,
l'acte se doit de régir toute situation ayant « un lien étroit» avec la Communauté,
« notamment lorsque l'agent commercial exerce son activité sur le territoire d'un État
membre, quelle que soit la loi à laquelle les parties ont entendu soumettre le contrat »
(C.J.C.E., aff. C-381/98, 9 novembre 2000, Ingmar, Revue, 2001, 107, note L. IDoT).
Ainsi, les règles protectrices doivent régir un contrat d'agence conclu entre un agent établi dans
Ill!
la Communauté et un commettant établi aux États-Unis, alors même que les parties ont fait choix
du droit américain (même arrêt).
Camp. le résultat en sens contraire obtenu dans un cas analogue par : Cass. civ., 28 novembre
Ill!
2000, Allium, Clunet (2001 ), S 11, note J.-M. JACQUET, déniant aux dispositions nationales de trans-
position la qualification de loi de police. La question est cependant moins de savoir si ces disposi-
tions ont bien ce caractère, que d'identifier dans la loi de transposition une règle d'applicabilité
implicite déduite de la directive.
B. La relation externe
14.138 - Référence au droit du pays de l'activité de l'intermédiaire - La question de
savoir dans quelle mesure le mandant est tenu à l'égard des tiers avec lesquels le man-
dataire a contracté, relève d'un rattachement qui lui est propre. Selon le Code de droit
international privé, il y a lieu d'appliquer le droit de l'État sur le territoire duquel l'inter-
médiaire a agi. Le texte ajoute une présomption de localisation, en faveur du lieu de la
résidence habituelle de celui-ci (art. 108).
Ill! La référence au lieu de l'activité est constante. Voy. par exemple: Bruxelles, 18 février 1999, Rev.
prat. soc. (2000), 243.
La Convention de La Haye du 14 mars 1978 prévoit une solution plus nuancée, basée sur un rat-
11111
Cette loi détermine si le représentant a été habilité à agir au nom et pour le compte
d'une autre personne, quelle est l'étendue de cette habilitation et quels en sont les effets.
1111Notamment, cette loi détermine si le représenté est lié en cas de mandat apparent (P. WÉRY, pré-
cité n ° 14.133, p. 320).
§7 LA NÉGOCIATION DE TITRES
14.140 - Bibliographie
P. BLOCH, « Un espoir déçu ? La Convention des Nations Unies sur les lettres de change et billets à
ordre internationaux», Clunet (1992), 907-920; E. CAPRIOLI, « La loi applicable aux contrats de cré-
dits documentaires, approche de droit comparé», Rev. dr. aff. int. (1991), 905-944; R. CHEMALY,
« Conflits de lois en matière d'effets de commerce», Recueil des cours, vol. 209 (1988-II), 347-452;
G. CONTALDI, « L'art. 17 della convenzione di Bruxelles del 1968 e l'opponibilita al terzo portatore
delle clausole di proroga della giuridizione contenute in polizze di carico », Riv. dir. int. priv. proc.
(1999), 890-912; M. EKELMANS, « Les conditions de validité au regard de l'article 17 de la Conven-
tion de Bruxelles du 27 septembre 1968 d'une clause attributive de juridiction dans un connaisse-
ment maritime», Cah. dr. eur. (1985), 426-446; Y. LoussouARN et J.-D. BREDIN, Droit du commerce
international (Paris, Sirey, 1969) ; A. MALATESTA, « Considerazioni sull'ambito di applicazione della
Convenzione di Roma del 1980: il caso dei titoli di credito », Riv. dir. int. priv. proc. (1992), 887-904;
J. PUTZEYS, « Le nationalisme dans le droit international», Mélanges R. Rodière; R. ROLAND, « La
clause de juridiction dans les connaissements devant l'article 17 de la Convention C.E.E. du
27 septembre 1968: retour à l'anarchie? »,].T. (1983), 301-304; R. STEENOT, « Internationaal pri-
vaatrechtelijke problemen bij documentair krediet », Rev. Banque (1999), 208-217; G. VAN HECKE,
« Crédits bancaires internationaux et conflits de lois», D.P.C.I. (1977), 497-505.
Voy. encore le« Rapport sur la loi applicable aux effets de commerce » préparé par la Conférence de
La Haye de droit international privé, Actes et documents de laXVJIC session (1995), t. I, 158-185.
Lorsque le titre est dématérialisé, sa localisation suscite une difficulté particulière. Voy., à pro-
Ill!
pos de la détermination des droits réels, supra, n ° 13.21.
Traditionnellement, deux types de titres négociables ont donné lieu à des solutions
particulières, à savoir les chèques, lettres de change et billets à ordre d'une part, le con-
naissement maritime d'autre part. Alors que les premiers ont surtout attiré l'attention en
ce qui concerne la détermination du droit applicable, le second a suscité des difficultés au
sujet de la compétence internationale.
L'apparition de nouvelles pratiques contractuelles portant sur la cession de titres
dématérialisés mérite aussi l'attention. Il en va ainsi du contrat de garantie financière,
lorsque la garantie consiste en un titre dématérialisé.
Ill Sur ces contrats, voy. supra, n ° 13.21.
1. SOURCES
Genève du 19 mars 1931 (loi du 23 mars 1951, Pasin., 1962, 49), a pris la place du droit belge jus-
que-là en vigueur.
14.145 - Forme de l'acte: application impérative de la loi du lieu - Selon les deux Con-
ventions, la forme des actes est régie en principe par la loi du pays où ils ont été faits.
L'application impérative de la loi du lieu où la formalité est accomplie ne souffre pas
d'exception en ce qui concerne« la forme et les délais du protêt, ainsi que la forme des
autres actes nécessaires à l'exercice ou à la conservation des droits» en matière de lettre
de change et de billet à ordre, et en matière de chèque (art. 8 de chacune des deux Con-
ventions).
1!11 Sur la règle Locus regit actum, voy. supra, chap. 3.
Quant à la forme de l'engagement lui-même, elle est en principe régie par la loi du
pays sur le territoire duquel il a été souscrit (Conv. du 7 juin 1930, art. 3, al. 1er; Conv. du
19 mars 1931, art. 4, al. ier, ire phrase).
Un tempérament affecte le cas où, n'étant pas valables selon la loi précitée, les enga-
gements initiaux sont « conformes à la législation de l'État où un engagement ultérieur a
été souscrit » : dans ce cas, « la circonstance que les premiers engagements sont irré-
guliers n'infirme pas la validité de l'engagement ultérieur» (Conv. du 7 juin 1930, art. 3,
al. 2; Conv. du 19 mars 1931, art. 4, al. 2).
De son côté, le chèque est valable quant à la forme s'il satisfait aux exigences soit de
la loi du pays sur le territoire duquel un engagement a été souscrit, soit de celle du pays
du lieu du paiement. En effet,« l'observation des formes prescrites par la loi du lieu du
paiement suffit» (Conv. du 19 mars 1931, ze phrase de l'art. 4, al. 1er).
Toutefois, le chèque souscrit par un Belge obéit à une règle particulière. Faisant
usage de la réserve ouverte par la Convention du 19 mars 1931 (art. 4, al. 3), le législateur
belge a consacré en cette matière l'application alternative de la loi nationale du Belge,
grâce à une règle de conflit exclusivement unilatérale. « Les engagements souscrits par
chèque par un Belge à l'étranger, dans les formes de la loi belge, sont valables en Belgique
à l'égard d'un autre Belge» (loi du 1er mars 1961, art. 64).
Le législateur belge n'a pas fait usage d'une faculté analogue prévue par l'article 3, alinéa 3, de la
Ill!
Convention du 7 juin 1930.
Pour un cas de nullité d'un chèque souscrit au Zaïre sans mention du lieu de création, par appli-
Ill!
cation de l'article 1er de la loi uniforme, mais en omettant toute référence à la Convention du
19 mars 1931 pour la détermination du droit applicable, voy. Bruxelles, 24 mars 1987, Ann. Liège
(1988), 64, note critique F. R.!GAUX.
IllLa conformité des termes de la réserve avec le principe de non-discrimination du droit commu-
nautaire peut être mise en doute.
14.146 - Dépeçage des effets de l'engagement - La loi du pays où le titre est payable
régit:
- « les effets des obligations de l'accepteur d'une lettre de change et du souscripteur
d'un billet à ordre» (Conv. du 7 juin 1930, art. 4, al. 1er);
1111. Voy. une application par: Bruxelles, 22 septembre 1988,J. T. ( 1989), 333, Pas. (1989), II, 38.
B. Le connaissement
14.147 - Présentation - Le connaissement se présente à la fois comme un élément cons-
titutif du contrat de transport, puisqu'il intéresse la preuve de la réception des marchan-
dises par le capitaine, et un titre dont peut se prévaloir le porteur pour se faire délivrer les
marchan_gi~~~ e11 l'.ét~t de réception. De soi, il soulève autant de difficultés en ce qui con-
cerne;[;joi _applj<;:i!.l2Wque pour la détermination de la compétence internationale. Or,
dans la jurisprudence, seule cette seconde dimension semble avoir attiré l'attention.
L'une des difficultés vient de la portée qu'il convient d'attribuer aux dispositions de
l'article 91 du livre II du Code de commerce. Reprenant en substance la Convention de
Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connais-
sement (voy. infra, n° 14.154), cet article contient à la fois diverses règles relatives à la
création du connaissement, un régime de la responsabilité du transporteur énonçant
les droits que le porteur peut faire valoir, ainsi qu'une disposition sur la négociabilité
(§ VI) pour le cas où chargeur et transporteur conviennent d'une dérogation à ses dispo-
sitions.
L'article 91 se dit applicable à l'égard de tout« connaissement émis pour le trans-
port des marchandises effectué par tout navire, de quelque nationalité qu'il soit, au
départ ou en destination d'un port du royaume».
1. COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Lorsque l'une des parties seulement, tel le demandeur, est domiciliée dans l'un de
ces États et que le connaissement contient une clause attributive de juridiction aux tribu-
naux d'un État membre, cette clause est-elle opposable au tiers porteur ?
La réponse dépend de la qualification de« partie» au sens de l'article 23, l'opposabi-
lité n'étant admise que si le tiers peut être considéré comme succédant aux droits et obli-
gations du chargeur. Cette condition s'apprécie selon le « droit national» du juge saisi
(C.J.C.E., aff. 71/83, 19 juin 1984, Tilly-Russ, Rec., 1984, 2417, Rev. dr. comm. belge, 1985, 98,
note]. LIBOUTON, Revue, 1985, 385, note H. GAUDEMET-TALLON).
L'expression « droit national» s'entend comme une référence au système de droit
international privé du for (C.J.C.E., aff. C-387/98, 9 novembre 2000, Coreck Maritime,
Revue, 2001, 359, note F. BERNARD, fur. Anvers, 2000, 387). En cette matière, celui-ci
comprend non seulement une règle de rattachement, mais également une règle spéciale
d'applicabilité régissant des dispositions impératives (voy. l'art. 91 ci-dessous, point 2 ° ).
Il Dans un arrêt du 18 septembre 1987 (Precam, Pas., 1988, I, 75), la Cour de cassation, après avoir
constaté l'application de l'article 91, a affirmé clairement que, selon cette disposition, le tiers por-
teur ne succède pas au chargeur, mais que ses droits à l'égard du transporteur sont réglés d'une
manière indépendante par le connaissement. Par conséquent, la clause de juridiction lui est inop-
posable. Voy. ultérieurement: Anvers, 14 mars 1990,]ur. Anv. (1991), 120. Comp. antérieurement
l'arrêt ambigu du 25 janvier 1985, Pas. (1985), I, 611.
1111Pour l'application de la loi qui régit le connaissement, voy.: Comm. Anvers, 7 avril 1997, D.E. T
(1997), 431, à propos d'un transport au départ et à destination de l'étranger, exclu du domaine de
l'article 91.
14.149 - Opposabilité d'une clause de juridiction au tiers porteur selon le droit com-
mun - Afin de mieux garantir l'application impérative de l'article 91 du livre II du Code
de commerce, la jurisprudence belge en a renforcé l'efficacité en ôtant tout effet à l'attri-
bution de compétence à un tribunal étranger quand celle-ci contribue à la mise en action
de la stipulation contractuelle désignant la loi étrangère tout en neutralisant la protec-
tion voulue par la loi belge.
1!11Selon la Cour de cassation, les parties ne peuvent se soustraire à l'application de l'article 91 et la
clause attribuant compétence à un tribunal étranger doit être annulée quand elle « n'est que
l'accessoire de celle contenant référence à la loi étrangère » (9 juin 1932, Bathe, Pas., 1932, I, 183 ;
voy. aussi Cass., 19 décembre 1946, Witt, Pas., 1946, I, 480). Toutefois, la clause doit recevoir effet
lorsque, tenant lieu de loi entre parties au sens de l'article 1134 du Code civil, elle prévoit que le
juge étranger appliquera le droit belge ou les règles de la Convention de La Haye reprises à
l'article 91, et qu'il n'est pas établi que le juge étranger n'appliquera pas ce droit (2 février 1979,
Bibby Line, Pas., 1979, I, 634, supra, n° 14.18).
La jurisprudence est très abondante. Voy. une confirmation récente par: Anvers, 17 juin 2003,
D.E.T. (2003), 496.
Sur l'applicabilité de la loi belge en tant que loi du for à l'admissibilité de la clause, voy. supra,
1!11
n° 14.17, et Cass., 15 juin 1988, ].T (1989), 259, Rev. dr. comm. belge (1989), 586, note H. VAN
HOUITE.
f Pour rappel (voy. supra, sect. 1), le critère pertinent selon le règlement est, outre le
domicile du défendeur, le lieu d'exécution de l'obligation en litige, mais, en cas de fourni-
ture « communautaire » d'un service, il y a lieu de se référer au lieu de cette fourniture. Le
\ Code ajoute aux critères du domicile du défendeur et du lieu d'exécution de l'obligation
1
L en litige, celui de la naissance de l'obligation.
Ill Pour une application de la jurisprudence Tessili (voy. supra, n ° 14.9), conduisant à déterminer la
loi applicable à l'obligation en litige par une référence à l'article 91 du livre Il du Code de com-
merce, voy.: Anvers, 17 juin 2003, D.E. T. (2003), 496, estimant toutefois qu'il n'y a pas lieu de rete-
nir en l'espèce le chef de compétence de l'article 5, pour le motif que, le lieu d'exécution étant
multiple du fait que le vice de chargement pouvait se localiser au lieu de chargement autant que de
déchargement, l'objectif de sécurité juridique ou de concentration des litiges ne pouvait pas être
atteint.
}
\; llld obrs qude défende ur edst d omicilié e~ Su'.sdse et que, selodndle_ chonnaissemen t, le lideu d'exécbut ion
, e 17o 11gat1on est au 11eu e 11vra1son, c est-a- 1re au port e ec argement, 1es JUfl 1ct10ns e1ges
1 sont incompétentes, en vertu de la Convention de Lugano, lorsque ce port est aux États-Unis
, (Comm. Anvers, 18 juin 2002, D.E. T., 2002, 453).
chement (sur cette notion, voy. supra, chap. 4). Ainsi, cette règle d'applicabilité définit
directement le domaine d'application dans l'espace des règles matérielles de l'article 91,
sans qu'il soit nécessaire de déclarer au préalable le droit belge applicable au moyen d'une
règle de rattachement.
Il convient de préciser que la situation visée par la règle est rattachée à la Belgique au
moyen d'un critère alternatif, qu'un port belge soit le point de départ ou le lieu de desti-
nation du transport maritime. Dès lors, la règle n'est pas susceptible de recevoir une
interprétation multilatérale.
Ainsi, la règle régit un transport de Valparaiso vers Anvers ou d'Anvers vers Singapour, mais on
!Ill
ne saurait en déduire aucune solution par la voie de l'analogie au cas où les marchandises sont
transportées de Valparaiso à Singapour.
La détermination de la loi contractuelle au moyen d'une règle de rattachement
n'intervient que pour les questions non réglées par l'article 91, à savoir, soit un élément
de la relation que cette disposition ne règle pas, soit une situation échappant à son
domaine d'application dans l'espace.
Ainsi, l'article 91 n'est pas applicable lorsque le départ et la destination sont à l'étranger, alors
1111
même que le connaissement est régi par le droit belge (Anvers, 24 septembre 2002, D.E. T., 2002,
772). On trouve ici l'exemple d'une règle autolimitative (voy. supra, n ° 4.9).
Plus généralement, le caractère négociable d'un titre est régi, selon le Code de droit
international privé, par le droit de l'État du lieu d'émission (art. 91, § 3, supra, chap. 13).
§8 LE CONTRAT DE TRANSPORT
14.152 - Bibliographie
Outre les études publiées dans les ouvrages collectifs consacrés à la Convention de Rome du 19 juin
1980 ou dans les traités de droit commercial, voy.: P. DE MEIJ, Samenloop van CMR-Verdrag en EEX-
Verordening (Deventer, Kluwer, 2003); F. DE VrsscHER, « Les conflits de lois en matière de droit
aérien», Recueil des cours, vol. 48 (1934-II), 279-385; W. GULDIMANN, « Air Carriers' Liability in Res-
pect of Passengers - From Warsav 1929 via The Hague 1955 to Guatemala City 1971 », Recueil des
cours, vol. 135 (1972-I), 452-477; HOSTIE, « Le transport de marchandises en droit international»,
Recueil des cours, vol. 78 (1951), 211 et s.; IvALDI, Diritto uniforme dei trasporti e diritto internazionale pri-
vato (Milan, Giuffrè, 1990); JAMBU-MERLIN, « Conflits de lois en matière de transports maritimes»,
Trav. Comité fr. dr. int. pr. (1960-1962), 89 et s.; M. LITVINE, « Le mythe de l'uniformisation du droit
international aérien public et privé», Mélanges Baugniet, 455-470; P. MENGOZZI, « I contratti di tras-
porto in generale », Verso una disciplina comunitaria della legge applicabile ai contratti (Padoue, Cedam,
1983), 225-234; O. PELTZER, « Toepassing van art. 2 en art. 5, 1, EEX/EVEX-Verdrag in internatio-
naal weg- en zeevervoer », D.E.T. (2000), 595-605 ;]. RAJSKI, « Trends ofDevelopment of the Interna-
tional Law of Carriage by Air», Polish Yearbook Int. L. (1972-1973), 209-230; RIESE,
« Internationalprivatrechtliche Probleme auf dem Gebiet des Luftrechts », Zeitschrift für Luftrecht
(1958), 276; G. RoMANELLI, « I trasporti aerei ed i trasporti terrestri in relazione alla Convenzione
del 1980 sulla legge applicabile », Verso una disciplina comunitaria della legge applicabile ai contratti
(Padoue, Cedam, 1983), 235-248; SADIKOV, « Conflicts of laws in international transport law »,
Recueil des cours, vol. 190 (1985-I), 189-270.
Pour le transport maritime, voy.: J. ALVAREZ RUBIO, Los foras de competencia judicial internacional en
materia maritima (San Sebastian, Gouv. basque, 1993) ; F. BERLINGIERI, « La Convenzione di Roma
sulla legge applicabile aile obbligazioni contratuali e il trasporto marittimo », Verso una disciplina
comunitaria della legge applicabile ai contratti (Padoue, Cedam, 1983), 249-265; H. BooNK, Zeerecht en
!PR (Deventer, Kluwer, 1998); G. CoNTALDI, « L'art. 17 della convenzione di Bruxelles del 1968 e
l'opponibilita al terza portatore delle clausole di proroga della giuridizione contenute in polizze di
882 LES CONTRATS
carica », Riv. dir. int. priv. proc. (1999), 890-912; W. DEN HAERYNCK, « Validity and enforceability of
foreign forum selection clauses in maritime passage contracts : a comparative analysis between the
United States and the European Economie Community », D.E.T (1991), 315-328; I. DIALLO,
« Conflits de lois et conflits de conventions dans le transport international de marchandises par
mer», Droit maritime français (1988), 643 et s.; G. DIENA, « Principes du droit international privé
maritime», Recueil des cours, vol. 51 (1935-I), 405-482; M. GUERIN, « Législation applicable en
matière de transport international de marchandises par mer», Droit maritime français (1988), 653 et
s. ; R. ]AMBU-MERLIN, « Les conflits de lois en matière de transports maritimes », Trav. Comité fr. dr.
int. pr. (1960-1962), 89-109; O. VARTOLOMEEFF, « Le principe de l'autonomie de la volonté et la loi
appliquée au contrat de transport maritime international», Institut des Sciences juridiques (1963), vol.
XIII ; P. VERGUTS et W. VERHEES, « Bevoegdheid en zeevervoer: recente Belgische ontwikkelingen »,
D.E. T (2003), 403-462 ; M. WESER,« L'article 91 de la loi maritime belge et la Convention de Bruxel-
les du 27 septembre 1968 »,].C.B. (1976), 666-672; A. YIANNOPOULOS, « Conflict of Laws and the
Brussels Convention of 1924 ... », Univ. of Detroit L.]. (1961), 89; Io., « Conflict oflaws and unifica-
tion of law by international convention : the experience of the Brussels convention of 1924 », Loui-
siana L.R. (1961), 553.
A. Sources internationales
14.153 - Transport aérien - Le texte de référence est, en matière de transports aériens, la
Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relati-
ves au transport aérien international (loi du 7 avril 1936, Pasin., 1936, 660), amendée à La
Haye par le Protocole du 28 septembre 1955 (loi du 30 juillet 1963, Pasin., 1963, 896),
complétée à Guadalajara le 18 septembre 1961 (loi du ier avril 1969, Pasin., 1969, 332),
amendée à Guatemala City le 8 mars 1971 et à Montréal le 25 septembre 1975 (Protoco-
les non signés par la Belgique).
Jugeant excessives les limitations de responsabilité posées par la Convention de Var-
sovie et ses révisions successives, le Conseil de l'Union européenne a adopté le règlement
2027/97 du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas
d'accident (J.O.C.E., 1997, L 285). Celui-ci a été suivi de la Convention de Montréal du
28 mai 1999 (loi du 13 mai 2003, Monit., 18 mai 2004; décision d'approbation 2001/539
du Conseil du 5 avril 2001,JO.C.E., 2001, L 194).
De plus, la Communauté a édicté des règles de protection des passagers en cas de
surréservation (règlement 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes
en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement
et d'annulation ou de retard important d'un vol,JO.C.E., 2004, L 46, abrogeant un règle-
ment antérieur de 1991).
Elle a également établi des exigences communes en matière d'assurance applicables
aux transporteurs aériens, par le règlement 785/2004 du 21 avril 2004 (J.O.C.E., 2004,
L 138).
On peut encore ajouter l'Accord multilatéral relatif aux redevances de route (Euro-
control), conclu à Bruxelles le 12 février 1981 (loi du 16 novembre 1984, Monit., 30 avril
1985), dont les articles 15 à 19 contiennent un jeu de dispositions relatives à l'efficacité
des décisions relatives aux créances de l'organisation Eurocontrol.
fait à Bruxelles le 23 février 1968 (loi du 29 août 1978, Monit., 23 novembre 1978) et par le
Protocole du 21 décembre 1979 (loi du 17 août 1983, Monit., 22 novembre 1983).
- Convention de Bruxelles du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité
des propriétaires de navires de mer et Protocole (loi du 18 juillet 1973, Pasin., 1976, 211).
Un Protocole modificatif a été signé à Bruxelles le 21 décembre 1979 (loi du 17 août
1983, Monit., 22 novembre 1983).
Ill Cette Convention remplace, pour les relations entre les États qui la ratifient ou y adhèrent, la
Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles concernant la limi-
tation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer (loi du 20 novembre 1928, Pasin.,
1931, 139).
B. Compétence internationale
14.156 - Primauté des règles spéciales du droit conventionnel - La plupart des conven-
tions d'uniformisation du droit matériel des transports comportent une règle de compé-
tence internationale, à laquelle il y a lieu de se référer lorsque la situation entre dans le
domaine d'application, notamment spatial, de la convention. Le règlement« Bruxelles I »
884 LES CONTRATS
leur accorde la priorité sur ses propres dispositions (art. 71). De plus, il cède devant une
règle spéciale présente dans un autre acte communautaire ou dans une loi nationale de
transposition d'une directive (art. 67).
La Belgique est partie à plusieurs traités comportant une règle de compétence inter-
nationale accessoire.
1111 On peut citer les dispositions des traités suivants :
- Convention révisée pour la navigation du Rhin, signée à Mannheim le 17 octobre 1868 (pre-
mière publication au Moniteur belge du 29 septembre 1954, erratum, Monit., 6 mai 1955), art. 33 à
39;
- Convention pour l'unification de certaines règles concernant l'immunité des navires d'État,
signée à Bruxelles le 10 avril 1926 (loi du 20 novembre 1928, Monit., 1cr_2 juin 1931) et Protocole
du 24 mai 1934 (Monit., 9 septembre 1936);
- Convention de Varsovie précitée, art. 33, 45 et 46 ;
- Convention CMR précitée, art. 31;
- Convention CIM précitée, art. 44, codifiée par la Convention COTIF signée à Berne le 9 mai
1980 (loi du 25 avril 1983, Monit., 7 septembre 1983);
- Convention CIV précitée, art. 39 et 40, codifiée par la Convention COTIF signée à Berne le 9 mai
1980 (loi du 25 avril 1983, Monit., 7 septembre 1983) ;
- Accord multilatéral relatif aux redevances de route (Eurocontrol), conclu à Bruxelles le
12 février 1981 (loi du 16 novembre 1984, Monit., 30 avril 1985), art. 13.
Ill Pour des cas d'application de l'article 31 de la Convention CMR du 19 mai 1956, voy.: Comm.
Anvers, 25 juin 1976, D.E.T. (1976), 691; Bruxelles, 9 novembre 1977, Rev. gén. ass. resp. (1979),
10079; Gand, 19 novembre 1993, R W. (1994-1995), 436.
Pour un examen de priorité de la CMR sur la Convention de Bruxelles, voy.: C.J.C.E., aff C-148/03,
28 octobre 2004, Nürnberger Allgemeine Versicherungs.
Sur ce que le régime de l'acceptation d'une clause de juridiction couverte par l'art. 31 relève du
droit applicable au contrat à défaut de disposition spécifique dans la Convention et en vertu de la
priorité donnée par l'article 31, voy.: Cass., 29 avril 2004, Continental Cargo Carriers, Rev. dr. comm.
belge (2005), 510.
Pour une application de l'article 28 de la Convention de Varsovie, voy. : Comm. Bruxelles,
1111
21 septembre 1998,Jur. Anvers (1999), 68, limitant le domaine de la disposition à l'action contre le
transporteur, sans l'étendre à celle du transporteur.
Ill La Convention de Montréal tend à protéger le demandeur (art. 33). Elle ajoute aux critères du
domicile du transporteur et du lieu de destination, consacrés par la Convention de Varsovie, le cri-
tère de la résidence principale du passager, pour les dommages corporels, à condition toutefois que
le transporteur ait des activités commerciales dans ce pays. Cette protection est analogue à celle
que le règlement« Bruxelles I » offre désormais au consommateur (art. 15).
À défaut de telle règle, il convient d'appliquer, avant de recourir au droit commun,
les dispositions du règlement « Bruxelles I » (voy. supra, chap. 8).
Ill Le règlement contient deux dispositions propres au transport. Le paragraphe 7 de l'article 5
ajoute aux compétences spéciales que prévoit cette disposition, le cas du paiement de la rémunéra-
tion réclamée en raison de l'assistance ou du sauvetage dont a bénéficié une cargaison ou un fret, et
prévoit la compétence du juge du lieu de la saisie de ces marchandises. L'article 7, au sujet du trans-
port maritime, étend aux demandes relatives à la limitation de la responsabilité, la compétence du
tribunal compétent pour connaître des actions en responsabilité du fait de l'utilisation ou de
l'exploitation d'un navire.
1111En droit commun, pour une application du critère du lieu de naissance ou d'exécution de l'obli-
gation (art. 635 C. jud., remplacé par l'art. 96, 1 °, Codip), voy.: Gand, 9 octobre 1996, Rev. dr. corn.
belge (1998), 765, compétent à propos d'un départ de Belgique; Comm. Anvers, 23 février 1998,]ur.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 885
Anvers (2000), 431, compétent à propos d'avaries à des marchandises devant être livrées en Belgi-
que.
Pour un emprunt incorrect à l'article 624 C. jud. (constitutif d'une règle de compétence interne
seulement), voy. : Anvers, 26 mai 2003, N.J. W. (2003), 1296.
14.159 - Portée subsidiaire des règles de rattachement nationales - Il peut arriver que
les règles matérielles issues de l'instrument international ne s'accompagnent d'aucune
règle spéciale d'applicabilité. Ce cas peut se présenter dans deux séries d'hypothèses.
Soit c'est le législateur international qui décide de se passer de tout critère d'applica-
bilité. Cette option, exceptionnelle et critiquable (voy. supra, n ° 4.38), se rencontre dans la
Convention de Bruxelles du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité des
propriétaires de navires de mer (art. 7).
Soit c'est le législateur national qui décide d'étendre l'application des solutions con-
ventionnelles à des catégories de situations n'entrant pas dans les prévisions du traité. Il
peut recourir à deux procédés, tantôt une disposition insérée dans la loi d'assentiment,
tantôt l'insertion des règles du traité dans la législation interne belge.
1111 Voy. comme exemple du premier procédé l'article 2 de la loi du 7 avril 1936 (Pasin., 1936, 660)
IllPour un cas d'insertion dans le droit interne, voy. l'article 1" de la loi du 28 novembre 1928
(Pasin., 1928, 470), mettant la législation belge en concordance avec la Convention de Bruxelles du
25 août 1924 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires.
Alors que la technique qui entend se passer de toute règle d'applicabilité prévient le
recours à une règle de rattachement du for, celle-ci reste indispensable dans l'hypothèse
de l'extension des règles conventionnelles.
Il pourrait en être ainsi, selon l'exposé des motifs, d'un transport encre Bruxelles et Londres par
1111
La loi vise non seulement les « mesures " - soit des actes de portée générale - mais aussi des
1111
§9 LE CONTRAT DE TRAVAIL
14.162 - Bibliographie
H. BooNK, Zeerecht en IPR (Deventer, Kluwer, 1998) ; P. CHAUMETTE, « Loi du pavillon ou statut per-
sonnel - Du navire comme lieu de travail habituel ? », Droit social (1995), 997-1006 ; P. COURSIER, Le
conflit de lois en matière de contrat de travail. Etude en droit international privé français (Paris, LG DJ, 1993) ;
M. DE Los ANGELES BENITES SALAS, « La loi applicable au contrat de travail et la libre circulation des
travailleurs dans la Communauté», RM.C. (1985), 33-44; C. DENEVE, Grensoverschrijdende conflicten
in het arbeidsrecht (Gand, Intersentia, 2001); B. DUBOIS, J. ERAuw e.a., Tewerkstelling van Belgische
werknemers in het buitenland (Anvers, Kluwer, 1988) ;J. DuMORTIER, Arbeidsverhoudingen in het interna-
tionaal privaatrecht (Anvers, Kluwer, 1981); C. ENGELS, « Arbeidsovereenkomsten en toepasselijk
recht », Chr. dr. soc. (2000), 157-167, 209-215 ;J. ERAuw, « De nationaliteit van het arbeidscontract »,
R W (1979-1980), 2502-2505; M. FALLON,« Autonomie de la volonté et rattachement du contrat
international de travail au droit belge »,].TT (1984), 265-271; R. GARNETT, « Stace immunity in
employment matters », I.C.L.Q. (1997), 81-124; Ph. FRANCESCAKIS, « Lois d'application immédiate
et droit du travail», Revue (1974), 273-296; F. GAMILLSCHEG, « Rules of public order in private inter-
national labour law », Recueil des cours, vol. 181 (1983-III), 285-347; R. GIESEN, « Posting: Social
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867-870; ]. HAENTJENS, « De uitvlagging van Belgische koopvaardijschepen naar Luxemburg -
Sociaalrechtelijke aspekten »,]. TT (1993), 89-94; R. JAMBU-MERLIN, « La loi applicable aux acci-
dents du travail en droit international et en droit communautaire», Recueil des cours, vol. 180 (1983-
II), 237-294; F. JAULT-SESEKE, « La détermination des accords collectifs applicables aux relations de
travail internationales», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 455-473; H. KRoNKE, « The impact
of international business transfers on employment contracts »,NI.L.R (1989), 1-18 ;J.-P. LABORDE,
« Les rapports collectifs de travail en droit international privé », Trav. Comité fr. dr. int. pr. (Paris,
Pédone, 2000), 153-164; F. LECLERC, La protection de la partie faible dans les contrats internationaux
(Bruxelles, Bruylant, 1995); U. LJUKKUNEN, The role of mandatory rules in international labour law: A
comparative study in the conflict of laws (Helsinki, Talentum, 2004); G. LYON-CAEN,« La convention
collective de travail en droit international privé», Clunet (1964), 247-264; P. MAYER, « Les clauses
relatives à la compétence internationale, insérées dans les contrats de travail », Mélanges Holleaux
(Paris, Litec, 1990), 263-282; J. MEEUSEN, « Directive 94/45 concernant les comités d'entreprise
européens: aspects de droit international privé», Comités d'entreprise européens (Anvers, Intersentia,
1999), 239-271; M.-A. MOREAU,« Le détachement des travailleurs effectuant une prestation de ser-
vices dans l'Union européenne», Clunet (1996), 889-908; C. MORSE,« Tort, employment and the
conflict of laws », I.C.L.Q. (1984), 449-461 ; F. MoscoNr, « La giurisdizione in materia di lavoro ne!
regolamento (CE) n. 44/2001 », Riv. dir. int. priv. proc. (2003), 5-28; R. MouRA RAMos, Da lei aplicavel
ao contrato de trabalho internacional (Coimbra, Liv. Almedina, 1990); F. R.!GAUX, « Loi d'autonomie et
contrat de travail en droit international privé »,].TT (1985), 453-456; P. RoDIÈRE, La convention col-
lective de travail en droit international (Paris, Litec, 1987); ID.,« Droit social - Coordination des droits
nationaux, loi applicable, compétence juridictionnelle », Rev. trim. dr. eur. (2003), 529-552 ;
M. SJMON-DEPITRE, « Droit du travail et conflits de lois», Revue (1958), 285-320; H. STORME et S.
BouzoUMITA, « Arbeidsovereenkmosten in internationaal privaatrecht », N].W (2005), 290-314;
I. SzASZY, International Labour Law (Leiden, Sijthoff, 1968) ; ID., « The Proper Law of Labour
Contracts », I.C.L.Q. (1968), 11-27; M. TASCHNER, Arbeitsvertragsstatut und zwingende Bestimmungen
nach dem Europdischen Schuldvertragsübereinkommen (Frankfurt, Lang, 2003); M. TRAEST, « De deta-
chering van werknemers in het internationaal privaatrecht na de Europese richtlijn van 16 decem-
ber 1996 », RW (1998-1999), 1339-1345; F. VANDAMME, « Les normes internationales du travail de
l'Organisation internationale du travail »,].TT (1995), 329-334; A. VAN HoEK, Internationale mobili-
teit van werknemers (La Haye, Sdu, 2000); G. VAN LIMBERGHEN (dir.), « Grensoverschrijdende
tewerkstelling », Rev. dr. soc. (2004), 435-832; A. VAN REGENMORTEL (dir.), Le détachement international
(Bruges, La Charte, 1995); C. VERBRAEKEN, « Le contrat international de travail»,]. T (1990), 353-
357; M. VERWILGHEN, « Les règles de droit international privé européen régissant les conflits indivi-
duels du travail», Rev. gén. droit (1991), 79-107; O. WoUTERS, « De rechterlijke bevoegdheid inzake
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 889
A. Compétence internationale
1. ACTES INTERNATIONAUX
14.164 - For spécial de protection du travailleur selon le droit dérivé - Le contrat« indi-
viduel » de travail donne lieu à une règle particulière de protection du travailleur. La pro-
tection consiste à permettre à celui-ci d'agir en justice, outre devant les juridictions du
pays du domicile du défendeur, devant celles du pays du lieu d'exécution des prestations
contractuelle_s (art. 19).
1111Ces dispositions. particulières dérogent aux règles générales du règlement (arc. 18, § 1er). Toute-
fois, elles maintiennent, en cette matière, le for d'assimilation de l'étranger demandeur au national
(arc. 4, § 2), ainsi que la possibilité de saisir le tribunal du lieu de l'établissement de l'employeur
pour une contestation relative à l'exploitation de celui-ci (arc. 5, 5°). Cela permet pratiquement au
890 LES CONTRATS
travailleur d'agir contre l'employeur établi à l'étranger, lorsqu'il est occupé par un siège local
d'exploitation.
L'établissement local ne peut cependant être une filiale, juridiquement indépendante, de
l'employeur: C. trav., Anvers, 7 février 2002,Jur. Anvers (2002), 9.
Ili Le domaine spatial de ces dispositions de protection est étendu au cas où l'employeur est domi-
cilié dans un pays tiers, tout en possédant un établissement dans un État membre auquel le règle-
ment s'applique: cet employeur est considéré comme ayant un domicile en ce lieu pour toute
contestation relative à l'exploitation de cet établissement (art. 18, § 2).
1111Le for du lieu d'exécution détermine à la fois la compétence internationale et la compétence
interne, à la différence du for du domicile, qui se limite à la première.
Le lieu d'exécution retenu est celui de l'accomplissement «habituel» des presta-
tions, ou celui du« dernier lieu» d'accomplissement habituel. En l'absence de cette con-
dition, le critère subsidiaire est celui du lieu d'embauche du travailleur.
Ainsi, est indifférent un lieu d'exécution accessoire. li en est normalement ainsi en cas de déta-
1111
action au lieu d'exécution des prestations. Il pourra cependant introduire en ce lieu une
demande reconventionnelle (art. 20, § 2).
MET-TALLON, confirmé par: aff. 266/85, 15 janvier 1987, Shenavai, Rec. (1987), 239,].T (1987), 364,
note H. BORN, Revue (1987), 793, note H. GAUDEMET-TALLON.
Cette solurion était empruntée à la Convention de Rome du 19 juin 1980 - alors non en vigueur -
qui prévoit une règle de rattachement propre au contrat de travail (voy. infra, n° 14.169), mais elle
se conciliait mal avec les termes de l'article 5, 1 °, dans leur formulation en vigueur à l'époque.
Le texte de l'article 5, 1 °, a été corrigé par la version de San Sebastian, et dans la Con-
vention de Lugano, en ce sens que l'obligation à considérer reste celle« qui sert de base à
la demande», mais le lieu d'exécution de cette obligation « est celui où le travailleur
accomplit habituellement son travail», tout en ajoutant que, « si le travailleur n'accom-
plit pas habituellement son travail dans un même pays, ce lieu est celui où se trouve l'éta-
blissement qui a embauché le travailleur».
Selon la Cour de justice (aff. 32/88, 15 février 1989, Six Constructions, Rec., 1989, 341, Revue,
11111
1989, 555, note P. RoDIÈRE), la référence au lieu d'embauche, introduite en 1989, ne pouvait pas
s'étendre à l'interprétation de la version antérieure du texte.
1111La comparaison entre les termes de l'arrêt Ivenel et ceux des Conventions de Lugano et de San
Sebastian laisse encore apparaître une contradiction au sujet de l'obligation à prendre en considé-
ration, le premier se référant à l'obligation « qui caractérise le contrat » et les autres, à celle qui sert
de base à la demande.
14.166 - Régime des clauses de juridiction - Comme pour le consommateur (voy. supra,
n ° 14.107), le règlement « Bruxelles I » offre au travailleur une protection contre une
clause de juridiction qui pourrait lui causer préjudice (art. 21).
La protection consiste à exclure toute dérogation aux règles spéciales de compé-
tence, à moins que la clause soit postérieure à la naissance du différend, ou qu'elle per-
mette au travailleur de saisir d'autres tribunaux.
1111 Ainsi, une clause rédigée après que le travailleur a contesté la légalité de la résiliation du contrat,
est opposable à celui-ci au moment où il saisit une des juridictions visées à l'article 19.
892 LES CONTRATS
1111 Encore faut-il que cette clause réponde aux conditions générales de l'article 23, à savoir, norma-
lement, qu'elle ait été conclue« par écrit ou verbalement avec confirmation écrite» (art. 23, § 1er, a).
L'applicabilité des conditions de l'article 23 est confirmée par la référence de cette disposition à,
notamment, l'article 21 (§ 5), en exigeant le respect de celle-ci.
1111Le domaine spatial de l'article 21 s'aligne-t-il sur celui de l'article 23? Dans l'affirmative, le
régime communautaire de la clause de juridiction concernerait seulement le choix d'une juridic-
tion d'un État membre et à condition que l'une des parties soit domiciliée dans un tel État - étant
entendu que le domicile devrait couvrir la localisation de l'établissement secondaire de l'employeur
au sens de l'article 19. La clause serait alors appréciée en vertu du droit commun (voy. supra,
n ° 8.21), avec le risque que celui-ci valide une telle clause.
L'objectif de protection des articles 18 à 21 suggère plutôt une réponse négative: une clause dési-
gnant les juridictions d'un pays tiers relèverait de l'article 21, du moins si le défendeur est domicilé
dans un État membre. Voy. supra, n° 14.88, à propos du contrat d'assurance.
Pour une application de l'article 21 à toute relation de travail visée par l'article 18, voy., à propos de
la Convention de San Sebastian mais en des termes transposables au règlement : C. trav. Liège,
3 avril 2003,].L.M.B. (2004), 413, à propos d'une clause désignant les tribunaux algériens.
De son côté, la Convention de Bruxelles ne contient une réglementation des clauses
de juridiction qui soit propre aux relations de travail que depuis la version de San Sebas-
tian, à l'exemple de la Convention de Lugano. La disposition, insérée dans l'article 17
(al. 5) portant le régime général des clauses de juridiction, est analogue à celle du règle-
ment.
1111Sous l'empire de la version antérieure à 1989, de telles clauses devaient être réputées valables si
elles répondaient aux conditions de l'article 17 (voy. supra, n° 5 14.166 et s.; Trib. trav. Bruxelles,
9 mars 1992,]ur. dr. soc., 1992, 287, à propos d'une clause désignant les tribunaux français ; C. trav.
Anvers, 6 juin 1995, Limb. Rechtsl., 1996, 110, note P. MARTENS, pour une clause en faveur des tribu-
naux allemands).
Le système conventionnel présentait ainsi une anomalie. Non seulement d'autres contrats requé-
rant une protection particulière de la partie dite faible faisaient alors l'objet de dispositions parti-
culières à cet égard (voy. les contrats d'assurance, supra, n° 14.88, et les contrats de consommation,
supra, n ° 14.107), mais le chef de compétence spéciale de l'article 5, 1 °, avait, quant à lui, donné lieu
à une interprétation de la Cour de justice (arrêt Ivenel, précité) qui reposait sur un tel objectif de
protection.
que localisée sur le territoire. Une activité partielle ne répond à cette condition que si, parmi celles
accomplies, elle revêt un caractère principal.
Ill Le conflit mobile est tranché par référence au moment du différend, non au moment de la
demande ni au dernier lieu d'accomplissement habituel. Pour une référence à ce dernier lieu, voy. le
règlement« Bruxelles I ».
Cette règle n'exclut pas l'application, en cette matière, du for général du lieu de la
naissance de l'obligation, ce qui permet d'agir en Belgique si le contrat y a été conclu.
Cela revient à admettre pratiquement, de manière alternative, le critère du lieu d'embau-
che.
1111 La méthode suivie par le législateur diffère de celle du législateur communautaire.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 893
Les règles impératives des articles 627, 9 °, et 630 du Code judiciaire ne font que
déterminer la compétence interne, non la compétence internationale.
Sur cette distinction, voy. supra, n° 5 9.3 et 9.60. Dans le même sens : C. trav. Bruxelles,
1111
20 novembre 1974,]. T. (1975), 135; 14 mai 1985, Rev. dr. soc. (1985), 380; Trib. trav. Bruxelles,
3 novembre 1981,J.TT. (1983), 12; C. trav. Bruxelles, 19 septembre 1997,].TT (1997), 484.
Pour une application de l'article 627, 9°, au détachement à l'étranger d'un travailleur embauché en
Belgique, voy.: C. trav. Bruxelles, 28 janvier 1992,Jur. dr. soc. (1992), 319, justifiant la compétence
des tribunaux belges.
L'occupation sur un dispositif situé sur le plateau continental obéit à une règle par-
ticulière. La loi du 13 juin 1969 (voy. infra, n° 14.173) répute localisé sur le territoire du
deuxième canton de justice de paix de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles tout acte
ou fait ayant des effets juridiques autres que pénaux qui se produisent sur ou à l'égard
d'un tel dispositif. Cette disposition ne vaut qu' « à défaut d'autres règles attributives de
compétence ». Cette formulation se comprend comme précisant le facteur territorial du
lieu d'exécution des prestations pour la détermination, notamment, de la compétence
territoriale interne, sans préjudice de l'application d'autres règles de compétence interna-
tionale. Pour la mise en œuvre de celles-ci, la localisation de l'exécution de l'obligation se
fera en assimilant les actes et faits visés par la loi de 1969 à des actes et faits localisés sur
le territoire belge.
14.168 - Régime des clauses de juridiction - Le Code de droit international privé com-
prend une disposition protectrice du travailleur, en déclarant la clause inopposable à
celui-ci si elle a été conclue avant la naissance du différend (art. 97, § 3).
Le législateur ne prévoit pas, à la différence du règlement« Bruxelles I », le cas d'une clause anté-
1111
IllCe mode de raisonnement paraît n'avoir été adopté qu'en matière de relations de travail, alors
même que la question de la licéité des clauses attributives de juridiction insérées dans des contrats
appelant la protection de l'une des parties, revêt un caractère plus général.
Sur les diverses techniques utilisées, voy. plus généralement supra, n°s 14.16 et s.
1111 La Convention de Rome du 19 juin 1980 ne pouvait, par elle-même, servir à évaluer la validité
d'une clause de juridiction: Cass., 24 février 1997, Pas. (1997), I, 270.
27 mars 1968, Pas. (1968), 1,916; 3 février 1971, Pas. (1971), !, 513; 25 juin 1975, Pas. (1975), I,
1038. Parmi les juridictions de fond, les références explicites sont nombreuses. Voy. par exemple:
Trib. trav. Bruxelles, 16 février 1976,]. TT (1976), 151 ; C. trav. Bruxelles, 28 juin 1978,]. T (1979),
217.
IllDepuis lors, voy. en ce sens: C. trav. Bruxelles, 28 janvier 1992,]ur. dr. soc. (1992), 319, en faveur
de la loi belge; C. trav. Liège, 8 novembre 1996,j.TT. (1997), 150; C. trav. Mons, 8 février 1999,
].TT. (1999), 370, pour un choix implicite du droit français au moment du différend.
À défaut de choix de la loi par les parties, un rattachement spécial est prévu qui,
comme pour le contrat de consommation, coïncide avec l'applicabilité des lois de police
(voy. infra, n° 14.174).
La règle subsidiaire prévoit une série de critères, à considérer dans l'ordre d'impor-
tance suivant :
1 ° le lieu habituel d'accomplissement du travail en exécution du contrat, même en cas
de détachement temporaire du travailleur dans un autre pays;
1111La disposition ne précise pas la solution à donner au conflit mobile. En faveur d'une localisa-
tion au moment du différend, ce qui se concilie moins avec le rattachement contractuel qu'avec
l'objectif, dominant, de protection, voy.: C. trav. Anvers, 19 novembre 2001, R.W. (2003-2004), 821.
1111 Ce rattachement neutralise le détachement (voy. infra, point 2°).
Par ce jeu de présomptions, la loi opère une conciliation entre deux solutions obser-
vées dans la jurisprudence antérieure à défaut de choix de la loi applicable par les parties,
le critère du lieu d'exécution des prestations du travailleur et la méthode indiciaire.
1111Pour une présentation de cette jurisprudence, voy. B. HANOTIAU et M. FALLON,}. T. ( 1987), 104.
Certaines décisions ont préfiguré la solution législative, par une référence de fait au siège de
l'employeur en l'absence d'exécution habituelle dans un pays: voy. C. trav. Bruxelles, 8 février 1983,
R. W. (1983-1984), 2620, note]. ERAuw; 11 avril 1978,]. TT (1978), 234, conf. par Cass., 5 novembre
1979, Pas. (1980), !, 286, R. W (1979-1980), 2499, note J. ERAUW. Pour l'expression d'une préférence
pour la méthode indiciaire sur le critère d'exécution, voy.: Trib. trav. Bruges, 16 septembre 1982,
]. TT (1983), 402. Ces décisions conduisent à l'application en fait de la loi du for.
Il n'est pas sûr que le texte soit adapté à des relations complexes se caractérisant par
une mobilité des parties, non seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps. On
songe, principalement à l'intérieur d'un groupe de sociétés, au cas du travailleur ayant
presté son activité habituelle dans des pays successifs, ou dépendant successivement de
différents établissements. Si le rattachement du contrat même plaide en faveur de la loca-
lisation existant au moment de sa conclusion - ce qui expliquerait la référence à l'établis-
sement « d'embauche» -, cette solution paraît artificielle sous l'angle de l'applicabilité
de lois de police (voy. infra, n° 5 14.174 et s.).
Pour le cas de litiges intéressant un travailleur transféré dans un pays autre que celui de
1111
l'embauche et soumis au droit belge sans que la question du droit applicable ait été soulevée, voy. :
C. trav. Mons, 21 novembre 1991, ].TT (1992), 93, à propos de la question de l'unicité
d'employeur; Trib. trav. Bruxelles, 12 juillet 1991,Jur. dr. soc. (1991), 490, évoquant la question du
contrat de cession.
14.171 - Le contrat de marin - Il ne fait pas de doute que l'article 6 intéresse également
le contrat d'engagement maritime, en tant que contrat individuel de travail. Le critère de
rattachement prévu évince-t-il alors les dispositions de l'article 17 de la loi du 5 juin
1928, selon lesquelles cette loi s'applique aux contrats conclus au service d'un navire bat-
tant pavillon belge et non à ceux conclus au service de navires battant pavillon étranger ?
Même si l'utilisation de la clause d'exception, du critère subsidaire du lieu d'embauche,
ou plus simplement une concrétisation fictive du lieu d'exécution principal, permettrait
au juge de maintenir en fait le critère du pavillon à ce type de contrat, une différence sub-
siste sur l'admissibilité d'une clause de choix de la loi applicable.
1111La question n'est pertinence que si l'on voit dans l'article 17 une règle de rattachement, puisque
la Convention ne laisse plus subsister les règles de rattachement antérieures - elle permet tout au
plus de créer des règles dissidentes ultérieures, sous réserve d'une procédure particulière (art. 23).
En ce sens, F. RrGAUX, « Les règles de droit délimitant leur propre domaine d'application », Ann. dr.
(1983), 306; Trib. trav. Bruxelles, 8 septembre 1982,]. T.T. (1983), 146. Sous l'empire de la loi de
1987, on pouvait se demander si l'article 6 abroge ou non toute règle de rattachement antérieure;
pour les contrats soumis à la Convention de Rome, l'article 6 prévaut.
Si l'article 17 est vu uniquement comme règle spéciale d'applicabilité (en ce sens, M. FALLON,« Les
règles d'applicabilité en droit international privé », Mélanges Vander Elst, Bruxelles, Nemesis, 1986,
298), sa prise en considération par le juge reste techniquement possible grâce à l'article 7 de la Con-
vention de Rome.
Pour un cas d'application du critère du pavillon (grec en l'espèce), voy. : Trib. trav. Anvers,
1111
La loi de 1928 est auto-limitative, de sorte qu'elle ne saurait être appliquée à un marin au service
1111
d'un navire battant pavillon étranger (Cass., 4 mai 1992, Fonds des accidents du travail, Pas., 1992, I,
771).
Une référence au critère du pavillon figure dans certains actes communautaires con-
cernant les conditions de travail des gens de mer. Ainsi, la directive 1999/63 du 21 juin
1999 (J.O.C.E., 1999, L 167) concernant un accord collectif européen relatif à l'organisa-
tion du temps de travail, régit tout marin au service d'un navire immatriculé sur le regis-
tre d'un État membre.
Encore peut-on se demander si la référence au critère du pavillon est pertinente cha-
que fois qu'il s'agit d'un pavillon de complaisance. La nécessité pour tout critère de loca-
lisation de revêtir une certaine effectivité pourrait conduire à y déroger dans un tel cas,
au bénéfice du critère du lieu de l'établissement principal du propriétaire du navire.
14.172 - Personnel civil occupé auprès de forces stationnées à l'étranger - Le contrat des
travailleurs civils occupés auprès des forces belges stationnées en Allemagne a fait l'objet
d'une règle de rattachement spéciale. Selon l'article 56 de l'Accord complétant la Con-
vention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces,
en ce qui concerne les forces étrangères stationnées en République fédérale d'Allemagne
(loi du 6 mai 1963, Pasin., 1963, 444, voy. supra, n ° 9.62), ces travailleurs étaient soumis à
la législation allemande du travail applicable aux employés civils des forces armées alle-
mandes.
Ill Voy. par ex. C.E., 14 juin 1978, R.A.A.C.E. (1978), n° 19063, à propos d'une action intentée con-
tre l'État belge par un magasinier belge licencié pour cause de suppression d'emploi.
898 LES CONTRATS
14.173 - Personnel occupé sur une installation off-shore - Les travailleurs occupés sur
une installation ou autre dispositif situé en haute mer, fixé à demeure sur le plateau con-
tinental et visé par la loi du 13 juin 1969 sur le plateau continental de la Belgique (Monit.,
8 octobre 1969) « sont soumis au droit belge» (art. 7), comme cette installation. Par
ailleurs, « les actes ou faits ayant des effets juridiques autres que pénaux qui se produi-
ront sur ou à l'égard d'une installation ou d'un autre dispositif visé à l'article 7 seront
réputés s'être produits en Belgique» (art. 9, al. 1er).
Ces dispositions ne semblent pas avoir pour portée de soumettre nécessairement au
droit matériel belge toute relation de travail exécutée sur une plate-forme située sur le
plateau continental. Leur combinaison fait ressortir que, d'une part, l'ordre juridique
national s'étend à de tels rapports localisés hors du territoire - le plateau continental
désignant un espace situé en dehors de la mer territoriale (art. 1er, al. 1er, a) -, précision
utile pour fixer les limites du pouvoir de juridiction, et, d'autre part, cet espace est fictive-
ment assimilé à celui du territoire de l'État pour la mise en œuvre de toute règle faisant
appel à un facteur de localisation.
Les termes prudents de l'avis du Conseil d'État peuvent également s'interpréter en ce sens.
1111
Ainsi, les contrats de travail concernés relèveraient de l'article 6 de la Convention de Rome et, à
défaut de désignation de la loi contractuelle par les parties, l'exécution habituelle sur un dispositif
localisé sur le plateau continental sera considérée comme localisée sur le territoire belge.
Le rapport explicatif de la Convention pose plus simplement que« pour le travail effectué sur une
1111
plate-forme pétrolière en haute mer, on devrait appliquer la loi du pays de l'entreprise qui a embau-
ché le travailleur». Comp., pour la compétence internationale, l'arrêt Weber, précité n° 14.164.
14.174 - Protection assurée par les articles 6 et 7 de la Convention de Rome - Les lois
impératives de protection du travailleur reçoivent un domaine d'application défini par
l'article 6 de la Convention de Rome. Le critère utilisé est le même que celui qui sert à
désigner la loi contractuelle à défaut de choix des parties.
Lorsque les parties ont choisi la loi du contrat, celle-ci ne peut, par définition, préva-
loir sur des dispositions plus protectrices de la loi désignée par le rattachement impératif.
Lorsque la loi choisie prévoit des dispositions plus favorables que cette loi, celles-ci béné-
ficient au travailleur. Ainsi, la Convention de Rome consacre un système de rattachement
alternatif, dans le sens de l'application de la loi la plus favorable au travailleur (sur ce type
de rattachement, voy. supra, chap. 3).
Ill Pareil système se laissait déjà déduire de la jurisprudence antérieure. Voy. notamment: Cass.,
25 juin 1975, Pas. (1975), !, 1038.
Le critère d'applicabilité utilisé était l'exécution sur le territoire de tout ou partie des prestations
du travailleur. Si l'arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 1968 (Pas., 1968, I, 916) avait pu laisser
entendre qu'une localisation potentielle, simplement prévue au contrat, pouvait suffire, la juris-
prudence ultérieure, non sans ambiguïté, a exclu le simple détachement temporaire (Trib. trav.
Bruxelles, 2 février 1981,].T.T., 1982, 234), voire exigé une exécution principale sur le territoire (C.
trav. Bruxelles, 24 mai 1983, R W., 1983-1984, 253; Trib. trav. Bruxelles, 4 mars 1985,J. T.T., 1985,
426; C. trav. Anvers, 15 avril 1996,].T.T., 1997, 237; 19 novembre 2001, R.W., 2003-2004, 821). Voy.
plus généralement: B. HANOTIAU et M. FALLON,}. T. (1987), 105. Pour une exécution partielle consi-
dérée comme suffisante, voy.: Cass., 16 novembre 1994, Kawa/,]. T. (1995), 297.
Sur ce qu'une occupation même brève sur le territoire au moment du licenciement justifie l'appli-
cation des règles belges de protection, voy.: C. trav. Bruxelles, 7 octobre 1998,].T.T. (1999), 152.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 899
L'applicabilité d'autres règles impératives encore est prévue plus généralement par la
Convention de Rome, au titre de« lois de police» (art. 7, voy. supra, sect. 2).
La présence de cette disposition de portée générale soulève la question de sa perti-
nence pour les contrats qui font déjà l'objet de règles spéciales de protection, comme le
contrat de travail ou le contrat de consommation (voy. supra, n ° 14.74). À la différence de
l'article 6, qui détermine lui-même l'applicabilité des lois de protection, l'article 7 s'en
remet plus largement à la volonté d'application exprimée par la règle impérative.
liliL'article 7, alinéa 2, de la Convention de Rome maintient la possibilité pour le juge d'appliquer
les lois de police belges, sans y imposer de restriction. Cela revient à admettre qu'en matière de con-
trat de travail, les dispositions impératives qualifiées de loi de police puissent encore relever de
règles d'applicabilité développées avant l'entrée en vigueur de la Convention, règles au demeurant
analogues à celles de l'article 6.
14.175 - Définition des lois de police - La définition de la catégorie des lois de police
constitue une opération délicate.
L'article 6 vise toutes« dispositions impératives» assurant une« protection» au tra-
vailleur. L'article 7 vise également toutes « dispositions impératives », en précisant qu'il
s'agit de celles qui sont applicables quelle que soit la loi qui régit le contrat. La précision
ne permet pas de différencier les deux catégories de dispositions, puisque, dans le con-
texte de l'article 6, celles-ci peuvent être celles d'un pays autre que celui dont la loi a été
choisie par les parties.
La Cour de justice a repris à son compte une définition donnée par la doctrine fran-
çaise, selon laquelle les lois de police sont de celles qui visent à la sauvegarde de l'organi-
sation politique, sociale ou économique de l'État justifiant leur applicabilité à toute
personne se trouvant•sur le territoire ou à tout rapport juridique localisé sur le territoire
(C.J.C.E., aff C-369/96 e.a., 23 novembre 1999, Arblade, Rev. dr. étr., 1999, 779, note S.
FRANCQ, Revue, 2000, 710, note M. FALLON, voy. supra, n ° 4.14). Exprimée à l'occasion
d'un contrôle de compatibilité avec le droit communautaire d'une norme sociale relative
à la protection du travailleur détaché, cette définition pourrait être reprise par la Cour
aux fins d'interprétation de l'article 7.
Ill!Dans la jurisprudence belge, le concept de « loi de police» permet d'englober, en matière de
rupture du contrat, les dispositions « qui fixent les délais minima de préavis ou les indemnités qui
en tiennent lieu» (Cass., 25 juin 1975, Ingersol, Pas., 1975, I, 1038), ainsi que la détermination, par le
juge, de l'indemnité de préavis lorsque la rémunération dépasse la limite fixée par la loi (Cass.,
3 juin 1985, ].TT., 1985, 309, note C.W.), mais non l'indemnité de licenciement (C. trav. Liège,
23 septembre 1993, Rev. dr. soc., 1993, 450). On peut y ajouter les dispositions sur le salaire mini-
mum, l'indemnité d'éviction, le complément de salaire pour les heures supplémentaires, le pécule
de vacances, les causes de suspension du contrat, etc. Pour le pécule de vacances, voy. : Cass.,
16 novembre 1994, Kawa/,]. T (1995), 297.
Pour une qualification en ce sens de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail intérimaire, voy. : C. trav.
Anvers, 7 février 2002,]ur. Anvers (2002), 9, utilisant le critère du lieu d'exécution habituelle, pour
en déduire l'inapplicabilité à la mise à disposition d'un travailleur au Luxembourg.
Dans le même sens, pour la loi de 1965 relative à la protection de la rémunération du travailleur,
applicable à ce titre à tout travailleur prestant habituellement en Belgique, voy. : Cass., 4 décembre
1989,]. TT. (1990), 77, R W. (1989-1990), 988.
La législation relative aux accidents du travail obéit à une règle d'applicabilité qui lui
est propre. Selon la loi du 10 avril 1971, le critère est celui qui régit l'applicabilité du
régime de sécurité sociale des travailleurs. D'après l'article 3 de la loi du 28 décembre 1944,
il s'agit de l'occupation en Belgique au service d'un employeur« établi en Belgique ou acta-
900 LES CONTRATS
ché à un siège d'exploitation établi en Belgique». Les situations couvertes par le règlement
1408/71, codifié par le règlement 883/2004 du 29 avril 2004 (J.O.C.E., 2004, L 166), obéis-
sent également aux règles de conflit de lois propres au contexte communautaire.
111 Pour un cas intéressant la législation antérieure à 1971, voy. Cass., 22 juin 1977, RW. (1978-
1979), 2655, note]. ERAUW.
111 Pour une qualification de la rémunération due après un accident du travail comme relevant de
la notion de prestation de sécurité sociale au sens du règlement 1408/71, voy.: Anvers, 4 février
1998, RW (1998-1999), 471.
trouvant sur le territoire d'un État étranger (Monit., 24 août 1979) vise à interdire l'engagement de
mercenaires, tout en limitant les hypothèses auxquelles elle s'applique. Les critères d'applicabilité
sont, alternativement, la localisation en Belgique de l'acte d'engagement ou, lorsque celui-ci se
localise à l'étranger, la nationalité belge du recruteur et du volontaire.
Malgré la nature répressive de ses sanctions, cette loi régit l'admissibilité même du contrat d'enga-
gement qu'elle vise.
Tant en raison de ses critères d'applicabilité que de la nature de son objet, cette loi d'application
immédiate résiste à toute interprétation multilatérale (voy. supra, n° 4.9).
sociale du pays d'origine de l'entreprise, chaque fois que celle-ci fournit une protection
équivalente au travailleur (C.J.C.E., aff C-369/96 e.a., 23 novembre 1999, Arblade, Rev. dr.
étr., 1999, 779, note S. FRANCQ, Revue, 2000, 710, note M. FALLON). Cette équivalence est
appréciée globalement (C.J.C.E., aff C-165/98, 15 mars 2001, Mazzoleni, Revue, 2001, 495,
note E. PATAUT).
1111 Voy. encore, sur la problématique du détachement: C.J.C.E., aff. C-49/98 e.a., 25 octobre 2001,
Finalarte, Rec. (2001), 1-7831; aff. C-164/99, 24 janvier 2002, Portugaia Construçoes, Rec. (2002), 1-787.
D'un autre côté, la directive 96/71 du 16 décembre 1996 (J.O.C.E., 1997, L 18) orga-
nise une protection du travailleur détaché en lui permettant d'invoquer, outre la loi
applicable en vertu de la Convention de Rome, les dispositions impératives de la loi du
pays du détachement. L'acte prend soin d'établir la liste des règles impératives visées. Il
est à noter qu'il n'opère aucun rapprochement des règles matérielles des États membres
en la matière. Il y a lieu de croire que l'applicabilité systématique de la loi du détache-
ment pourrait se heurter à une exception de reconnaissance mutuelle que l'entreprise
pourrait soulever en cas d'équivalence des législations en conflit.
1111L'acte limite son domaine à un détachement opéré dans la Communauté par une entreprise éta-
blie dans un État membre, tout en excluant qu'une entreprise d'un pays tiers puisse bénéficier d'un
régime plus favorable qu'une entreprise visée par l'acte (art. Fr, § 4).
1111La transposition de la directive a été faite par la loi du 5 mars 2002 (Monit., 13 mars 2002). Celle-
ci entend régir tout travailleur détaché en Belgique tout en étant occupé habituellement à l'étran-
ger ou en ayant été engagé à l'étranger (art. F 1 , 2°). Elle fait obligation à l'employeur, notamment,
de respecter« les conditions de travail, de rémunération et d'emploi [... ] qui sont prévues par des
dispositions[ ... ] sanctionnées pénalement» (art. 5, § 1er).
La protection offerte par la loi belge est plus étendue que celle de la directive à un double titre.
D'abord, elle couvre aussi le détachement par un employeur de pays tiers, et pose ainsi le régime de
droit commun. Ensuite, elle concerne l'applicabilité d'une catégorie de dispositions nettement plus
large que celle prévue par la directive. Si la première extension ne fait pas de difficulté au regard du
droit communautaire, il peut en aller autrement de la seconde, qui relève du contenu même de la
directive.
La loi belge a cependant un domaine plus étroit que celui de la directive, en prévoyant uniquement
le détachement en Belgique, non dans un autre État membre, alors que la directive oblige tout État
membre à prévoir aussi un tel cas. Sur ce point, la transposition est donc incomplète.
international», voy.: Cass., 17 décembre 1990,]anssen,].TT. (1991), 258, Pas. (1991), !, 381.
Pourtant, la technique de l'exception d'ordre public a l'avantage, sur celle des règles
spéciales d'applicabilité, de permettre d'atténuer la rigidité inhérente à une telle règle, car
elle amène à prendre en considération le contenu de la loi normalement applicable ainsi
que les circonstances de l'espèce (voy. supra, n° 5 7.46 et s.). Le phénomène est très appa-
rent à propos de situations exclues du domaine de la Convention de Rome.
Ainsi, l'application de la loi du lieu d'exécution des prestations au moment de la rupture ne suf-
11111
fit pas à rendre compte de considérations d'équité lorsque ce facteur permet au cadre supérieur
d'une entreprise multinationale de bénéficier de la protection assurée aux travailleurs en Belgique,
mais exclut de cette même protection un travailleur belge effectuant des prestations à l'étranger.
Dans le premier cas, le travailleur bénéficiera d'un cumul surprenant de la sécurité d'emploi assu-
rée par le droit belge et de salaires élevés dont le montant est fonction de l'absence de garanties ana-
logues à l'étranger.
Il faudrait cependant se garder de faire jouer les deux techniques de manière alterna-
tive, leur coexistence risquant d'étendre en fait l'empire de la loi du for, en l'appliquant
non seulement aux situations visées par le critère d'applicabilité des lois de police, mais
en outre à toute situation présentant avec le for l'intensité de rattachement requise.
Ill On trouve trace de pareille confusion dans un arrêt de la cour du travail de Bruxelles du 24 mai
1983, R W (1983-1984), 253, qui justifie l'application éventuelle du régime belge de la rupture du
contrat, non seulement par une qualification comme loi de police, mais aussi comme disposition
« d'ordre public international belge».
D'autres décisions font une allusion correcte à l'exception d'ordre public, sans l'accueillir en
l'espèce pour autant: C. trav. Liège, 22 octobre 1981,].TT (1982), 58; Trib. trav. Bruxelles, 2 février
1981,]. TT (1982), 234.
Le recours aux règles spéciales d'applicabilité permet certes de contribuer à la sécu-
rité juridique. Cela n'empêche pas d'assortir la règle d'une souplesse analogue à celle qui
caractérise l'exception d'ordre public. C'est précisément ce que fait, pour le contrat de
travail, la clause d'exception de l'article 6 de la Convention de Rome, mais cette clause n'a
pas égard au contenu des règles matérielles en conflit (voy. supra, n ° 14.169).
§ 10 LE CONTRAT DE VENTE
14.179 - Bibliographie
a) Études générales
Outre les ouvrages cités dans Actes et documents de la 9' session, t. 1er, 327-329, et Actes et Documents de la
J(Y session, t. 1er, 326-327, ainsi que les ouvrages concernant les conventions de droit matériel uni-
forme, voy. : J. BAUERREIS, « Le rôle de l'action directe contractuelle dans les chaînes internationales
904 LES CONTRATS
de contrats», Revue (2000), 331-355; C. BERNASCONI, « The persona! and territorial scope of the
Vienna Convention on contracts for the international sale of goods », NI.L.R (1999), 137-170;
R. BERTRAMS et F. VAN DER VELDEN, Overeenkomsten in het internationaal privaatrecht en het Weens koop-
verdrag (Zwolle, Tjeenk Willink, 1999); M. BRJAT (dir.), La vente internationale d'œuvres d'art (Deven-
ter, Kluwer, 1988, 1990), 2 vol.; E. CORNU et B. ELSTER,« Quelle protection pour l'objet d'arc lors de
sa vente ou de son exportation? »,].T (2000), 455-459; M. FALLON,« Le domaine d'application de
la Convention de Vienne», Ann. droit (1998), 255-278; M. FALLON et D. PHILIPPE,« La Convention
de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises»,]. T (1998), 17-37 ;]. FAWCETT,
J. HARRIS et M. BRIDGE, International sale of goods in the conflict of laws (Oxford Univ. Press, 2005);
L. FREDERJCQ, « La vente en droit international privé (Quelques conventions récentes)», Recueil des
cours, vol. 93 (1958-I), 1-116; M. GuTZWILLER, « La loi applicable aux ventes à caractère internatio-
nal d'objets mobiliers corporels», Ann. suisse dr. int. (1951), 149 et s.; A. HUET, « Convention de
Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises et compétence des
tribunaux en droit judiciaire européen», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 417-430; P. LALIVE
(dir.), La vente internationale d'œuvres d'art (Genève, Fac. droit, Paris, CCI, 1985); O. LANGNER, « Das
Kaufrecht auf dem Prüfstand der Warenverkehrsfreiheit des EG-Vertrages », RabelsZ. (2001), 223-
244 ; R. PRIOUX, « Les lois applicables aux contrats internationaux de vente d'armes », Rev. belge dr.
int. (1993), 217-238; L. REczEI, « The area of operacion of the international sales conventions »,Am.
]. Camp. L. (1981), 513-522; S. RUTTEN,« Bewijs in de internationale koopovereenkomst »,Jura Fal-
conis (1993), 221-238; K. SIEHR, « International art trade and the law », Recueil des cours, vol. 243
(1993-VI), 9-292; K. VAN NUFFEL, « Het Weens koopverdrag en internacionaal dwingend recht »,
Jura Falconis (1998-1999), 55-76; N. WATTÉ et A. NuYTs, « Le champ d'application de la Convention
de Vienne sur la vente internationale. La théorie à l'épreuve de la pratique», Clunet (2003), 365-424.
À propos de la Convention de La Haye du 22 décembre 1986, voy. notamment: D. COHEN et
D. UGHETTO, « La nouvelle Convention de La Haye relative à la loi applicable aux ventes internatio-
nales de marchandises», D.S. (1986), C, 149-156, 157-158; O. LANDO, « The 1985 Hague Conven-
tion on the law applicable to sales», RabelsZ. (1987), 60-85; Y. LoussoUARN, « La Convention de La
Haye d'octobre 1985 sur la loi applicable aux contrats de vente internationale de marchandises»,
Revue (1986), 271-296.
champ d'application territorial de la loi du 27 juillet 1961 sur les concessions de vente exclusive»,
].T. (1990), 725-729; R. VANDER ELST,« Concessions de vente en Belgique et règles de compétence
de la Convention C.E.E. du 27 septembre 1968 », ].T. (1976), 733-738, (1977), 74-75; H. VAN
HourrE, « L'arbitrabilité des concessions de vente exclusive », Mélanges Vander Elst (Bruxelles, Neme-
sis, 1986), 821-834; Io., « Is een Belgisch vonnis inzake concessiebeëindiging uitvoerbaar in het
buitenland wanneer de concessie-overeenkomst een arbitragebeding bevat ? », Rev. dr. comm. belge
(1995), 876-881 ; C. VERBRAEKEN, « La loi applicable aux contrats de concession de vente exclusive
comportant un ou plusieurs éléments d'extranéité», Mélanges Heenen (Bruxelles, Bruylant, 1994),
557 et s.; M. WESER,« L'article 5, alinéa 1er, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et
la concession de vente exclusive »,]. T. ( 1976), 323-325.
(1988), 557.
Des conflits transitoires résultent de la succession d'actes portant sur la même
matière. Pratiquement, la Convention de Rome régit les contrats de vente conclus à par-
tir du 1er septembre 1999. La CVIM régit les contrats conclus à partir du 1er novembre
1997. Il convient donc d'appliquer les instruments les plus anciens aux contrats conclus
avant ces dates.
906 LES CONTRATS
Ill La Belgique a dénoncé les Conventions du 15 juin 1955 (Monit., 30 juin 1999) et du 1"' juillet
1964 (Monit., 1er juillet 1997).
La dénonciation de la Convention de 1955 vise à assurer l'application des règles générales de la
Ill
Convention de Rome du 19 juin 1980 et celle des Conventions de 1964, l'application de la CVIM.
Ces instruments ne portent que sur des contrats internationaux, dont la définition
fait l'objet de précisions dans les instruments portant droit matériel uniforme. Ces préci-
sions tendent à restreindre le domaine du droit uniforme aux seules opérations présen-
tant les éléments d'extranéité visés. Parmi ceux-ci, l'établissement des parties dans des
pays différents occupe la première place, les textes tendant à viser les seuls contrats rele-
vant du commerce international.
La condition relative au caractère international du contrat doit être distinguée d'une condition
11!1
savoir les deux Conventions de 1964 et la Convention de 1955, supposait une opération
délicate, dont la jurisprudence n'a pas toujours été consciente.
Les conventions portant droit matériel uniforme appellent une distinction entre la
LUVI et la CVIM.
La LUVI créait une difficulté particulière, du fait de sa volonté d'application à toute
situation internationale même dépourvue de toute attache avec l'État du for (voy. supra,
n ° 4.38). Il en résultait normalement que le droit matériel uniforme était d'application
immédiate devant un juge belge, sans recherche préalable du droit applicable en vertu de
la règle de rattachement contractuelle. Toutefois, en déposant son instrument de ratifica-
tion, le gouvernement belge a déclaré que, conformément à l'article IV de la Convention,
« la Belgique n'appliquera la loi uniforme que si la Convention de La Haye du 15 juin
1955 sur la loi applicable aux ventes internationales d'objets mobiliers corporels conduit
à l'application de la loi uniforme» (Monit., 14 janvier 1971). Cela signifie que la loi uni-
forme n'était applicable que si elle était en vigueur dans un pays dont le droit était
déclaré compétent en vertu de la Convention de conflit de lois.
1111 Sur les difficultés que suscite cette réserve, voy. F. RIGAUX,j.T (1972), 561-572, n° 5 82-86.
Ill Pratiquement, la Convention sur la loi applicable contient les solutions de conflit de lois appli-
cables à toute vente appartenant à son domaine matériel. Quand elle désigne le droit belge ou le
droit d'un autre État dans lequel la loi uniforme de 1964 est entrée en vigueur, celle-ci est applica-
ble en tant que droit matériel. Dans les autres cas, il y a lieu d'appliquer le droit matériel interne de
l'État à l'égard duquel se concrétise le facteur de rattachement.
1111 Une application immédiate de l'une des conventions de 1964 a été fréquente dans la jurispru-
dence des premières années: voy. B. HANOTIAU et M. FALLON, ].T (1987), 108. La jurisprudence
récente a manifesté, au contraire, un raisonnement correct. Voy. par ex.: Bruxelles, 30 avril 1987,
Ann. Liège (1988), 90, note G. VAN HECKE.
L'entrée en vigueur en Belgique de la CVIM a supprimé toute difficulté relative à
l'interaction des instruments internationaux relatifs à la vente. En effet, elle comporte
une règle d'applicabilité exigeant un lien avec un État contractant, à l'exemple de la plu-
part des conventions portant droit matériel uniforme (voy. supra, n ° 4.37). Le choix de
cette méthode de solution du conflit de lois conduit à évincer la règle de rattachement
contractuelle : lorsque la situation entre dans le domaine spatial de la convention de
droit matériel uniforme, celle-ci est applicable directement sans qu'il soit nécessaire
d'utiliser au préalable une règle de rattachement.
1111 Par exemple, la CVIM régit directement une vente conclue entre parties établies respectivement
en Belgique et en Chine: Comm. Hasselt, 19 mai 1999, R.W (1999-2000), 1242. Il en va de même en
cas d'établissements en Belgique et en Italie: Comm. Ypres, 20 janvier 2001, R.W (2001-2002),
1396, note K. Roox, montrant qu'il y a lieu d'être attentif au domaine matériel de la CVIM qui, ne
couvrant ni prescription ni octroi d'intérêts de retard, laisse ces questions à la loi contractuelle.
Par ailleurs, la CVIM prévoit aussi son application en tant que loi désignée par une
règle de rattachement du juge saisi (art. 1er, § 1er, b ), ce qui permet son application à des
situations ne présentant pas d'autre lien de rattachement avec un État contractant que la
circonstance que la loi désignée par le système de droit international privé du for conduit
au droit d'un tel État.
Ill Inversement, avant la ratification de la CVIM par la Belgique, un tribunal belge a estimé devoir
appliquer celle-ci dès que sa règle de rattachement désignait le droit d'un État qui l'avait ratifiée.
Voy.: Anvers, 4 novembre 1998, Rev. dr. comm. belge (1999), 133, à propos de l'application du droit
néerlandais, choisi par les parties. Cette solution semble confondre applicabilité et force obliga-
908 LES CONTRATS
toire de la règle de droit (voy. supra, chap. 1cr) : le juge saisi doit trouver dans son propre système
une norme primaire permettant de conduire à la désignation des règles uniformes; or, la disposi-
tion précitée de la CVIM n'en fait pas partie tant que le traité n'a pas été approuvé par l'État du for.
La solution pourrait être différente si le juge saisi s'en remettait à la seule volonté d'application de
l'acte dès lors que celui-ci est en vigueur dans l'État dont la loi est désignée en vertu de la règle de
rattachement du for, mais cette méthode devrait alors s'étendre à l'ensemble des traités d'uniformi-
sation du droit matériel.
La faculté pour les parties de choisir la CVIM ne fait l'objet d'aucune précision. La
question ne revêt d'intérêt pratique que lorsque le contrat ne présente pas les conditions
d'applicabilité prévues par la Convention (établissements dans des États contractants ou
désignation du droit d'un État contractant en vertu du rattachement objectif). Deux
types de choix peuvent se présenter.
Le choix peut d'abord avoir pour objet le droit d'un État contractant. La réponse
découle de la règle d'applicabilité de la Convention qui renvoie au droit international
privé du for: dès lors que celui-ci, via l'article 3 de la Convention de Rome, permet aux
parties de choisir une loi étatique, ce choix se comprend comme une référence à l'ensem-
ble des sources en vigueur dans cet État, ce qui comprend la CVIM, acte qui exprime une
volonté d'application conditionnée par la mise en œuvre de la règle de rattachement du
for.
1111Par exemple, si le contrat a été conclu entre une partie établie au Royaume-Uni (État non lié) et
une autre établie en Belgique (État lié) alors que le contrat désigne le droit français (la France a rati-
fié la Convention), un tel choix inclut la CVIM, sauf exclusion conforme à l'article 6 de celle-ci. Sur
la portée en ce sens du choix du droit français, voy. notamment: Gand, 15 mai 2002, Rev. dr. comm.
belge (2003), 155, note E. BoosoN et T. KRUGER; et en cas de choix du droit belge, à propos de la
LUVI: Bruxelles, 9 février 1989, Rev. dr. comm. belge (1990), 164, note L. BARNICH.
Il suffit de rappeler que cette solution est dans la ligne de celle que prévoit la Convention de
1111
1955. Elle est cependant plus flexible, puisque cette Convention ne prévoit ni mécanisme de pré-
somption ni clause d'exception. De plus, la Convention de Rome permet de donner effet aux lois de
police d'un pays autre que celui dont le droit régit le contrat.
choix de la loi par les parties, loi applicable à l'existence du contrat, à la forme du contrat. Elle y
ajoute aussi la possibilité d'un renversement de la présomption favorable à l'établissement du ven-
deur, par une référence à la méthode indiciaire, sauf lorsque la question litigieuse entre dans le
domaine de la Convention de Vienne de 1980.
B. Contrats de distribution
14.185 - Présentation - La pratique des affaires a développé diverses formes de contrats
de distribution par lesquelles les parties s'engagent à limiter leurs opérations de vente ou
d'achat, de manière exclusive ou sélective. La variante la plus fréquente, observée par
exemple dans le secteur automobile, est celle où le distributeur s'engage à ne vendre au
détail que des produits fournis par le contractant.
De telles pratiques soulèvent une difficulté au regard du droit de la concurrence,
puisqu'en imposant à une partie de ne se fournir qu'auprès d'une entreprise déterminée,
ou de ne vendre qu'à une entreprise déterminée, elles affectent la liberté d'approvisionne-
ment ou d'écoulement. Il n'est donc pas étonnant que le droit communautaire se soit
doté d'une réglementation à cet égard, par l'établissement de règles matérielles, accompa-
gnées de règles d'applicabilité particulières, explicites ou implicites.
1111 Ces actes organisent les conditions d'exemption de certaines ententes. Voy. le règlement 19/65
du 2 mars 1965 (j.O.C.E., 1965, n ° 36), modifié par le règlement 1215/99 du 10 juin 1999 (j.O.C.E.,
1999, L 148), et les règlements d'exécution de la Commission, principalement le règlement 2790/
99 du 22 décembre 1999 (j.O.C.E., 1999, L 336) et, pour le secteur automobile, le règlement 1400/
2002 du 31 juillet 2002 (j.O.C.E., 2002, L 203).
Sur ce que la loi vise seulement la résiliation, non la résolution du contrat, voy. : Bruxelles,
1111
Appliquée aux contrats internationaux, cette loi soulève des questions de conflit de
juridictions et de conflit de lois qu'elle résout partiellement.
1. COMPÉTENCE INTERNATIONALE
comm. belge (1990), 791, note P.M. Lours; Comm. Gand, 5 mars 1992, Tijds. Gentse Rechtspraak
(1992), 120; Mons, 8 octobre 1996, ].L.M.B. (1997), 1651; 5 juin 1997, Tijds. Gentse Rechtspraak
(1997), 151; Liège, 25 janvier 2002, Rev. rég. dr. (2002), 421.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 911
IllVoy. Bruxelles, 7 janvier 1969, Pas. (1969), II, 74,].T (1969), 528; 17 octobre 1974, Pas. (1975), II,
59; Comm. Bruxelles, 21 mars 1972,J.T (1972), 447; 13 septembre 1979,j.T (1980), 374. Contra,
notamment: Bruxelles, 4 octobre 1985,J. T. (1986), 93, note A. KOHL; Comm. Bruxelles, 5 octobre
1994,j.T. (1995), 344, note B. HANOTIAU; Comm. Gand, 21 décembre 2000, D.A.O.R (2001), 324,
note B. HANOTIAU; Liège, 28 avril 2003,].T. (2003), 811. Sur cette question, comp. H. VAN HourrE,
précité n ° 14.179, in Mélanges Vander Elst, et les références, notamment étrangères, considérant que
la Convention de New York n'empêche pas le juge belge d'admettre l'arbitrabilité du litige en vertu
de la loi contractuelle étrangère.
1111 Pour une appréciation de l'argument de fraude consistant à simuler un élément d'extranéité, en
l'espèce le siège étranger du bénéficiaire de la clause alors que les produits sont distribués en Belgi-
que, voy. : Cass., 21 juin 2001, Pas. (2001), !, 1197, concluant à l'absence de fraude.
14.189 - Portée de la référence à la loi belge pour la concession exclusive - Parmi les
contrats de distribution, la concession exclusive a suscité une attention particulière du
fait de la loi du 27 juillet 1961. Pourtant, cette loi ne suffit pas à déterminer le ratta-
chement contractuel. Comme tout contrat, la concession exclusive relève, à défaut de dis-
positions spécifiques, des règles de rattachement générales applicables aux contrats.
Lorsque l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi de 1961 dispose que le juge belge« appliquera la
loi belge», il n'établit pas, comme la formulation pourrait le laisser entendre, une règle
de rattachement mais plutôt une règle d'applicabilité particulière (sur cette notion, voy.
supra, chap. 4).
La détermination de la loi contractuelle relève des articles 3 et 4 de la Convention de
Rome (voy. supra, sect. 2). Les parties peuvent donc choisir la loi applicable et, à défaut de
choix, cette loi sera celle du pays avec lequel le contrat a les liens les plus étroits, avec une
présomption en faveur de l'établissement du débiteur de la prestation caractéristique.
L'application du concept au contrat de concession exclusive reste délicate. À tout le
moins, il faut ventiler cette relation d'exclusivité et le contrat de fourniture lui-même, car
la première engendre des droits et obligations de nature distincte de la vente. À l'instar
du contrat d'intermédiaire (voy. supra, § 6), la prestation du distributeur pourrait être
considérée comme caractéristique, à moins que l'espèce montre un rôle déterminant du
concédant dans les conditions de distribution. Il en irait ainsi, probablement, du rôle du
franchiseur dans le contrat de franchise.
1111 Comp. cependant en France: Cass. civ., 15 mai 2001, Optelec, Revue (2002), 86, note P. LAGARDE,
Clunet (2001), 1121, note A. HUET, soumettant au droit néerlandais du lieu de fourniture par le
concédant, une demande du concessionnaire français visant à obtenir réparation du dommage dû
à une résiliation unilatérale du contrat.
912 LES CONTRATS
Les règles impératives de la loi de 1961 seront appliquées par le juge belge - comme
le lui permet l'article 7 de cette Convention de Rome - chaque fois qu'est rencontré le
critère d'applicabilité que celle-ci prévoit, à savoir l'exécution de tout ou partie de la con-
cession sur le territoire belge. Il est clair que le titre du droit belge dans ce cas se limite
aux questions touchant à la résiliation du contrat au sens de la loi de 1961, sans s'étendre
à d'autres questions contractuelles, qui restent soumises à la loi du contrat.
Ili Pour un cas de confusion, voy.: Comm. Bruxelles, 10 septembre 1979,j.C.B. (1980), 602, note
critique H. VAN HOUITE.
Ili Sur ce que la loi de 1961 constitue bien une loi impérative au sens de l'article 7, voy.: Liège,
18 février 2000, D.A.O.R (2000), 391.
1111Sur ce que la loi de 1961 ne sera pas nécessairement appliquée par le juge étranger alors même
qu'elle entendrait régir une concession ayant effet en Belgique, voy.: Cass. civ. (1re ch.),
25 novembre 2003,].C.P. (2004), II, 10046, note]. RAYNARD, à propos d'une concession accordée par
un concédant français, la Cour cassant l'arrêt d'appel qui avait appliqué la loi de 1961 comme loi
du contrat alors qu'il convenait, selon la Cour, de se référer à la prestation de fourniture des pro-
duits comme caractéristique du contrat, sans toutefois que la mise en œuvre de l'article 7 semble
avoir été soulevée en l'espèce comme elle aurait pu l'être. Cette utilisation n'est toutefois que facul-
tative (voy. supra, n° 14.75).
Lorsque l'exécution principale de la concession se localise à l'étranger mais que, soit
le droit belge régit le contrat en tant que loi contractuelle - en vertu du choix des parties
ou du rattachement objectif-, soit le contrat, soumis au droit étranger, connaît en Belgi-
que une exécution accessoire, la règle d'applicabilité précitée soulève une difficulté
d'interprétation. Dans le premier cas, on se demande si la désignation du droit belge à
l'ensemble des prestations contractuelles s'étend également aux dispositions de la loi de
1961. Dans le second cas, on s'interroge sur l'opportunité de l'application de la loi de
1961 sur base d'une localisation somme toute artificielle.
Il paraît conforme à la politique législative inhérente à la protection du concession-
naire que les dispositions de la loi de 1961 ne soient appliquées dans aucun de ces cas.
Dans le premier cas, où le contrat est régi par le droit belge, il n'en irait autrement
que lorsque le choix du droit belge par les parties peut se comprendre comme une réfé-
rence certaine aux dispositions protectrices de la loi, le législateur ne pouvant être sup-
posé empêcher que l'autonomie contractuelle étende le domaine de sa propre loi au-delà
de ce qu'il a expressément prévu.
Ill Pour l'interprétation du choix exprès du droit belge comme une référence implicite à la loi de
1961, voy.: Bruxelles, 4 janvier 1989, R W. (1989-1990), 20; Liège, 18 décembre 2003, Rev. dr. comm.
belge (2005), 50. Contra: Bruxelles, 30 janvier 2004, Rev. dr. comm. belge (2005), 55.
Ill Sur les travaux préparatoires de la loi de 1961, voy. : Doc. pari., Sénat, 1959-1960, n ° 172, Propo-
sition de loi sur les concessions de vente exclusive; ibid., n ° 426, Rapport fait au nom de la commis-
sion des Classes moyennes, par M. VERHAEST, avec, en annexe, l'avis du Conseil d'État. Ces
documents ont été reproduits à la Pasin. (1961), 629.
Pour les concessions exécutées sur un territoire étranger, le juge ne saurait non plus
déduire de la règle d'applicabilité que connaît la loi belge, une volonté d'application du
droit étranger. Il doit plutôt se référer aux critères prévus par l'article 7, alinéa 1er, de la
Convention de Rome, qui exigent de vérifier la volonté d'application propre du droit
étranger.
IllPour une critique de l'interprétation multilatérale des règles spéciales d'applicabilité, voy. plus
généralement supra, n ° 4.9.
RÈGLES PROPRES À CERTAINS CONTRATS 913
1111 Pour un cas d'application de l'article 7, alinéa 1er, sans conclure toutefois en l'espèce à l'applica-
tion de la loi étrangère, voy.: Comm. Mons, 2 novembre 2000,]. T (2001), 523, note M. FALLON, Rev.
dr. comm. belge (2001), 617, note C. ROMMELAERE.
1111 Pour une utilisation de la règle de rattachement générale dans le cas d'un contrat exécuté en
Allemagne, voy.: Comm. Bruxelles, 20 décembre 1991, Rev. dr. comm. belge (1992), 919.
de choix, il y a lieu de retenir la loi du pays avec lequel la relation a les liens les plus
étroits. La présomption en faveur de la loi de la résidence du débiteur de la prestation
caractéristique semble devoir aller à la loi de la résidence du donateur.
1111 Sur l'application de la Convention de Rome, voy. notamment: L. FUMAGALLI, « La convenzione
di Roma e la legge regolatrice delle donazioni ", Riv. dir. int. priv. proc. ( 1993), 589-606.
1111 Pour une application de la loi d'autonomie, voy. en France: Paris, 23 janvier 1990, Revue (1991),
92, note Y. LEQUETTE, Clunet (1990), 994, note M.-L. NIBOYET-HOEGY,j.C.P. (1991), II, 21637, note M.
BÉHAR-TOUCHAIS.
ffll L'extension donnée à la Convention de Rome par le Code de droit international privé (art. 98)
vaut notamment pour la donation, même si l'acte est établi entre membres d'une même famille.
1111 La forme de la donation relève de l'article 9 de la Convention de Rome (voy. supra, n ° 14.56).
Pour une référence à la loi du lieu de conclusion, voy. en France: Cass. civ., 23 janvier 2001, Le
Meilleur, Clunet (2001), 1113, note T. VIGNAL,j.C.P. (2001), II, 10620, note G. LÉGIER.
1111 Sur l'application de la loi personnelle des effets du mariage, voy. en France: Cass. civ., 3 avril
1990, Klein, Revue (1991), 104, confirmant: Versailles, 27 juin 1988, Revue (1989), 696, note B.
ANCEL.
1111 Comp. l'incidence de la loi personnelle sur la validité de certains actes établis par un époux, qui
mettent en péril les intérêts de la famille, à propos d'une sûreté conventionnelle, supra, n')S 12.61 et
12.65.
Sur l'incidence possible de la loi du régime matrimonial, voy. : J.-L. VAN BoxSTAEL, « L'avantage
1111
LES OBLIGATIONS
NON CONTRACTUELLES
Section 1
Obligations dérivant d'un fait dommageable
15.1 - Bibliographie
T. BALLARINO, « Questions de droit international privé et dommages catastrophiques », Recueil des
cours, vol. 220 (1990-I), 289-388; U. BAX!,« Mass torts, multinational enterprise liability and private
international law », Recueil des cours, vol. 276 (1999), 297-427; G. BEITZKE, « Les obligations délic-
tuelles en droit international privé», Recueil des cours, vol. 115 (1965-II), 67-141; O. BoscoVIc, La
réparation du préjudice en droit international privé (Paris, LGDJ, 2003); P. BouREL, Les conflits de lois en
matière d'obligations extracontractuelles (Paris, Dalloz, 1961); ID., « Du rattachement de quelques
délits spéciaux en droit international privé», Recueil des cours, vol. 214 (1989-II), 255-398; P. CARTER,
« Choice oflaw in tort and delict », L.Q.R. (1991), 405-418 ; S. CNUDDE, « Naar een verfijning van de
!ex loci delicti regel? », Rev. gén. dr. civ. (1993), 467-480; D. COHEN, « La responsabilité civile des
dirigeants sociaux en droit international privé», Revue (2003), 585-624; B. DE GROOTE,
« Rechtsmacht inzake vorderingen uit onrechtmatige daad: enkele bedenkingen bij de toepassing
van art. 5 sub 3 EEX-Verdrag », T.P.R. ( 1996), 735-826 ; ]. ERAuw, De onrechtmatige daad in het interna-
tionaal privaatrecht (Anvers, Kluwer, 1982); ID., « Artikel 1384 B.W. en een voorvraag in het I.P.R. »,
R.W. (1977-1978), 1607-1612; ID., « Hoofdlijnen van de argumentatie voor een betere verwij-
zingsregel inzake de internationale gevallen van aansprakelijkheid »,R. W. (1981-1982), 2519-2526;
M. FALLON,« The law applicable to international obligations - a Belgian viewpoint »,Hague-Zagreb-
Ghent Essays 8 (Anvers, Maklu, 1989), 59-82; ID., « L'incidence de l'autonomie de la volonté sur la
détermination du droit applicable à la responsabilité civile non contractuelle », Mélanges Dalcq
(Bruxelles, Larcier, 1994), 159-188; M. FALLON et S. FRANCQ, « Les conflits de lois en matière d'obli-
gations contractuelles et non contractuelles (1986-1997), Chronique de jurisprudence», ].T.
(1998), 683-700; H. Fox, « Stace responsibility and torr proceedings against a foreign scare in
municipal courts», Neth. Yearb. Int. L. (1989), 3-34; P. GLENN,« Tort liability and choice oflaw -
Role of private international law and of constitutional law », Rev. barreau canadien (1989), 586-591 ;
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918 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
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tractuelles et des biens », Revue (1999), 647-668; R. VANDER ELST, Les lois de police et de sûreté en droit
international privé belge et français (Bruxelles, Parthenon, 1956, 1963); ID.,« Lois régissant l'action en
réparation d'un délit commis par un Belge à l'étranger», Rev. crit. jur. belge (1957), 195-203; H. VAN
HourrE, « Internationale forumshopping bij onrechtmatige daad », Mélanges Dalcq (Bruxelles, Lar-
cier, 1994), 575-590; E. VANLINTHOUT, « Het recht, toepasselijk op de onrechtmatige daad in het
I.P.R., in de Belgische rechtspraak van 1966 tot nu», Jura Falconis (1993), 239-254; J. VON HEIN,
« Rechtswahlfreiheit im Internationalen Privatrecht », IPRax (2000), 595-613; W. WENGLER, « La
responsabilità per fatto illecito nel diritto internazionale privato. Ricerca di una nuova
sistematica », Ann. dir. intern. (1966).
L'Institut de droit international a adopté une résolution sur « Les obligations délictuelles en droit
international privé», lors de sa session d'Édimbourg, Annuaire, vol. 53 (1969), t. Ier, 293-546; t. II,
180-254.
Les travaux des XIW Journées d'études juridiques Jean Dabin ont été publiés dans: La réparation
des dommages catastrophiques - Les risques technologiques majeurs en droit international et en
droit communautaire (Bruxelles, Bruylant, 1990), 579 p.
Sur la proposition de règlement communautaire « Rome II », voy. : S. BARIATTI, « La futura disci-
plina delle obbligazioni non contrattuali nel quadro della comunitarizzazione del diritto interna-
zionale privato », Riv. dir. int. priv. proc. (2005), 5-24; P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES,« La responsabilité
civile dans la proposition de règlement communautaire sur la loi applicable aux obligations non
contractuelles ("Rome II")», Les conflits de lois et le système ;uridique communautaire (Paris, Dalloz,
2004), 185-204; GROUPE DE HAMBOURG, « Comments on the European Commission's draft propo-
sai for a Council regulation on the law applicable ro non-contractual obligations »,RabelsZ. (2002),
1-56.
15.2 - Présentation des sources - La matière des obligations non contractuelles est
régie par une multiplicité de sources, dont l'enchevêtrement constitue un facteur de
complexité certain. En effet, cette multiplicité se traduit par l'existence d'actes qui se dif-
férencient par la nature de leur source (internationale, européenne, nationale), par leur
objet matériel (quasi-délits en général, délits spéciaux) ou par la nature de leur contenu
(règles de rattachement, règles matérielles, règles de conflit de juridictions). Ce phéno-
mène va en s'accentuant: l'importance de certains risques liés à la société industrielle a
incité le législateur national ou européen à édicter, le plus souvent, des règles matérielles
uniformes assorties ou non d'une règle spéciale d'applicabilité et parfois complétées
d'une règle spéciale de compétence internationale.
Les actes internationaux et européens en vigueur en Belgique sont cités lors de l'exposé des
1!11
matières particulières qu'ils affectent.
Les actes internationaux ayant pour objet d'harmoniser le droit matériel ne concernent jamais
qu'un délit spécial.
ÜBUGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 919
Lorsque ces actes se contentent d'harmoniser le droit matériel sans comporter de règle spéciale
d'applicabilité, ils n'ajoutent aucune règle de droit international privé : leur domaine d'application
dans l'espace est alors fixé au moyen des règles de conflit de lois nationales.
L'absence de règle d'applicabilité explicite dans un acte communautaire ne signifie pas nécessaire-
ment que celui-ci en soit dépourvu: la présence d'une telle règle peut être décelée par voie d'inter-
prétation (voy. supra, chap. 4).
IllLe Code de droit international privé a introduit des règles de compétence internationale et de
rattachement propres aux obligations non contractuelles dérivant d'un fait dommageable et aux
quasi-contrats (art. 98 à 107).
!IllDeux projets aujourd'hui abandonnés, mais faisant partie d'une codification englobant
d'autres matières, ont eu pour objet la loi applicable aux obligations non contractuelles.
Il en est ainsi du projet de loi uniforme Benelux de 1969 (non entré en vigueur, voy. supra, chap. 2),
et de l'avant-projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non
contractuelles. Ces articles ont été biffés de la version établie en 1978, le groupe de travail ayant
« décidé de négocier une convention séparée pour les obligations non contractuelles ».
Pour une bibliographie générale sur le projet de convention C.E.E., voy. supra, n ° 14.34. Sur les
articles 10 à 14, voy. en outre: M. FALLON,« Les dispositions de l'avant-projet C.E.E. relatives à la loi
applicable aux obligations aquiliennes », European Private International Law of Obligations (Tübingen,
Mohr, 1975), 87-98; R. VANDER ELST,« Projet de convention C.E.E. sur la loi applicable aux obliga-
tions non contractuelles», Rev. trim. dr. eur. (1975), 187-195; A. VON OVERBECK et P. VoLKEN, « Das
internationale Deliktsrecht im Vorentwurf der EWG », RabelsZ. (1974), 56-78.
Des travaux sont en cours au sein de l'Union européenne en vue de règles uniformes sur la loi
!Ill
applicable aux obligations non contractuelles (projet dit« Rome Il»). Voy. la proposition de règle-
ment transmise au Conseil le 22 juillet 2003, Doc. COM(2003) 427 final.
- soit, « s'il s'agit d'une action en réparation de dommage ou d'une action en resti-
tution fondées sur une infraction, devant le tribunal saisi de l'action publique, dans la
mesure où, selon sa loi, ce tribunal peut connaître de l'action civile» (art. 5, 4 °).
consécutif à l'immobilisation d'un navire pour fait de grève (C.J.C.E., aff C-18/02, 5 février 2004,
DFDS Torline, Revue, 2004, 791, note E. PATAUT). Il importe peu que le comportement ait cessé
entre-temps, en raison de l'objectif de prévisibilité de la compétence pour le demandeur (même
arrêt).
aff. C-18/02, 5 février 2004, DFDS Torline, Revue, 2004, 791, note E. PATAUT).
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 921
1111 Le texte ne prévoit l'action directe que« lorsque l'action directe est possible » (arc. 11, § 2). Cette
condition constitue une simple règle de signalisation (voy. supra, n° 4.41), qui renvoie aux règles de
droit international privé du juge saisi. Elle ne paraît pas indispensable pour autant. Il n'aurait pas
été excessif d'étendre le bénéfice de la section au tiers lésé, pourvu que la demande identifie l'exis-
tence d'une relation d'assurance qui lie le défendeur, tout en réservant au traitement du fond la
question de l'existence et du régime de l'action directe.
B. Droit commun
15.7 - Insertion d'une règle spéciale de compétence - Le Code de droit international
privé introduit une règle propre aux demandes fondées sur une obligation non contrac-
tuelle liée à un fait dommageable (art. 96, 2 °). Le texte s'inspire de la portée donnée à la
disposition correspondante du règlement « Bruxelles I », puisqu'il permet de fonder la
compétence des juridictions belges en cas de survenance en Belgique du « fait généra-
teur » ou du dommage.
Le texte se garde d'utiliser le terme « fait dommageable», préférant citer directement chacun
1111
1. RATTACHEMENT DE PRINCIPE
a) Solutions actuelles
15.9 - Rattachement fondé sur le principe de proximité - Le Code établit une échelle
de rattachements, en fonction de la localisation des éléments de l'espèce, cherchant à
désigner la loi du pays avec lequel la siruation présente les liens les plus étroits (art. 99,
§ ier).
L'échelle comporte trois degrés, à savoir, dans l'ordre descendant:
- la résidence des parties dans le même pays au moment de la survenance du fait
dommageable (1 °);
Ill!Le conflit mobile est résolu par une référence au moment du « fait dommageable». Ce terme
doit se comprendre dans le sens traditionnel, comme pouvant couvrir la survenance de l'acte géné-
rateur comme celle du dommage. Le texte ne précise pas la solution en cas d'éparpillement de ces
éléments, à la différence de ce qu'il fait pour la responsabilité du fait des produits (voy. infra,
n ° 15.58). Il y a sans doute lieu d'admettre une souplesse d'appréciation, en se contentant, par
exemple, d'une convergence des résidences à un moment de survenance de l'un quelconque de ces
éléments.
- la localisation dans le même pays de l'ensemble des éléments constitutifs de la
responsabilité, à savoir le fait générateur du dommage et le dommage même, « en
totalité » (2 °) ;
924 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
1111 Les termes de cette localisation doivent s'entendre strictement : ce rattachement n'est pertinent
que si l'ensemble des éléments constitutifs se localise dans le même pays. Cette exigence est expri-
mée par les termes « en totalité». Ainsi, ce rattachement n'est pas pertinent si une partie du dom-
mage, ou si une partie du fait générateur, se localise dans un autre État.
Ce faisant, le législateur a voulu exprimer que le concept de « fait dommageable» n'est significatif
que s'il traduit une proximité suffisance, de nature à sauvegarder la prévisibilité du droit applica-
ble. Ainsi, la règle nouvelle ne consacre pas un abandon total du principe territorial initial, mais
elle lui assigne une nouvelle fonction, de proximité plutôt que de souveraineté.
Dans le contexte du règlement« Bruxelles I » aussi, le« fait dommageable» n'est considéré comme
totalement pertinent, selon la Cour de justice, que s'il correspond à une concentration de l'ensem-
ble des éléments constitutifs de la responsabilité (arrêt Kronhofer, précité n ° 15.5). Pourtant, il con-
serve un rôle en cas d'éparpillement, mais l'interprétation stricte donnée encourage le demandeur à
agir plutôt dans le pays du domicile du défendeur.
ment du lieu où le dommage est ressenti, selon l'exposé des motifs (Doc. pari., Sénat, 2003-2004,
n ° 3-27/1). En cas de dommage causé à un tiers par ricochet, seul le dommage direct, causé à la vic-
time, est pris en compte. Voy. déjà en ce sens en France: Cass. civ., 28 octobre 2003, Pays-Fourvel,
Revue (2004), 83, note D. BUREAU, Clunet (2004), 499, note G. LÉGIER.
- subsidiairement, une localisation par les liens les plus étroits de l'obligation en
cause avec un pays déterminé (3°).
111 Ce rattachement subsidiaire établit une clause spéciale d'exception, dont les termes sont néces-
sairement plus souples que ceux de la clause générale de l'article 19, puisqu'elle n'intervient qu'à
défaut de l'un des liens plus significatifs prédéterminés aux échelons précédents.
Cette clause spéciale d'exception ôte évidemment de sa portée utile à la clause générale chaque fois
qu'elle trouve à s'appliquer. Cela ne revient cependant pas à écarter la clause générale pour l'ensem-
ble de la matière de la responsabilité civile. En effet, il pourra arriver que même la convergence des
résidences dans le même pays ne suffise pas, en fonction des éléments de l'espèce, à traduire les
liens« les plus» étroits: la clause générale pourrait donc jouer en ce cas.
1111Il est apparemment curieux d'évoquer encore les liens « les plus étroits » lorsque la clause
d'exception intervient en ordre subsidiaire. L'intensité du lien doit évidemment s'apprécier en
fonction d'une proximité relative, eu égard à l'éparpillement des éléments de l'espèce. Le texte pré-
cise toutefois que l'appréciation doit se faire à l'égard de «l'obligation» plutôt que de la
« situation », ce qui amène à focaliser sur les seuls éléments constitutifs de la responsabilité. Ainsi,
le fait générateur et la survenance du dommage ou d'une partie de ceux-ci peuvent être pris en con-
sidération, en combinaison avec l'un ou l'autre élément apte à exprimer une localisation précise
d'un fait ou d'un dommage diffus, celle la résidence d'une partie.
Choice of Law for Torts: What Principles should be preferred? », Law and Contemporary Problems
(1977), 146.
Voy. aussi la chronique annuelle de S. SYMEONIDES, « Choice oflaw in the American courts», Am.].
Camp. L., ainsi que: ID., « The American choice-of-law revolution in the courts: Today and
comorrow », Recueil des cours, vol. 298 (2002), 9-448.
1111 La jurisprudence n'est pas monolithique, mais elle s'inspire des différentes théories proposées
En Europe, les réactions les plus sensibles se situent au Royaume-Uni, pays de com-
mon law, mais aussi en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Les travaux qui furent à l'origine de la réaction contemporaine sont ceux de J.H.C. MORRIS,
1111
« The Proper Law of a Tort», Harvard L.R. (1950-1951), 881, et de H. BrNDER, « Zur Auflockerung
des Deliktsstatuts », RabelsZ. (1955), 401.
1111 Au Royaume-Uni, voy. pour l'application du droit anglais à un accident survenu à Malte entre
deux militaires britanniques qui y étaient en service, Boys v. Chaplin [1968] 1 Ali. E.R. 283, 25 juin
1969, Revue (1970), 78, note GRAVESON et WoRTLEY. Cette jurisprudence a suscité de nombreuses
interrogations, principalement suite aux appréciations diverses émises par les membres de la haute
juridiction pour justifier la solution: voy., outre les ouvrages généraux :J.J. FAWCETT, « Is American
Governmental Interest Analysis the Solution co English Tort Choice of Law Problem? », I.C.L.Q.
(1982), 150-166; ID.,« Policy Considerations in Tort Choice of Law», Modern L.R (1984), 650-670.
En 1996, le Private International Law (Miscellaneous Provisions) Act (Revue, 1996, 377) établit des règles
écrites en la matière. Celles-ci mettent en avant une clause d'exception, tout en affirmant un ratta-
chement principal en fonction de la localisation de la survenance du dommage.
1111En Allemagne et aux Pays-Bas, le législateur est également intervenu par voie de dispositions
particulières, respectivement en 1999 (Revue, 1999, 870) et en 2001 (Neth. Int. Law Rev., 2003, 222).
La loi suisse de 1987 comporte également des règles propres à la matière (art. 133).
Ces dispositions expriment la tendance à préférer la localisation par la résidence des parties dans le
même pays, avec le tempérament d'une clause d'exception. Le rattachement subsidiaire maintient
une référence aux éléments constitutifs de la responsabilité, plus précisément au lieu de surve-
nance du dommage, avec des nuances variables : tantôt une condition de prévisibilité (Pays-Bas,
Suisse), tantôt alternativement avec le lieu de l'acte générateur, au choix du demandeur (thèse alle-
mande de l'ubiquité).
La loi néerlandaise tient aussi pour pertinent le lieu du fait dommageable si cous les éléments cons-
titutifs de la responsabilité se localisent dans le même pays. Cette référence se retrouve aussi dans
la loi belge.
1111L'Institut de droit international a, ces dernières années, consacré deux sessions à la responsabi-
lité non contractuelle. Il suggère un assouplissement du rattachement territorial, aussi bien pour
l'ensemble de la matière (session d'Édimbourg, précité n° 15.1), que pour les actions en concur-
rence déloyale (session de Cambridge, infra, n ° 15.42).
1111 Camp. la référence laconique de la Cour de justice des Communautés européennes à une ten-
dance à l'application de la loi du lieu de survenance du dommage : C.J.C.E., aff. C-397/96,
21 septembre 1999, Kordel, Rec. (1999), 1-5959; aff. C-397/02, 9 septembre 2004, Clinique La Ramée.
Le texte en projet exprime ainsi une évolution en faveur d'un rattachement de proxi-
mité, où la convergence des résidences dans un même pays constitue un indice détermi-
nant. En même temps, il n'abandonne pas toute référence aux éléments constitutifs de la
responsabilité, tout en préférant l'élément «dommage» à l'élément « fait générateur»,
au nom d'une accentuation de l'objectif de compensation inhérent au droit matériel de
la responsabilité civile.
1111 Comp. l'avant-projet de 1978, dont l'article 10 contenait pour seule disposition un rattache-
ment en fonction de la localisation du fait générateur, tempéré par une clause d'exception, ainsi
libellée: « Toutefois, lorsque d'une part, il n'existe pas de lien significatif entre la situation résul-
tant du fait dommageable et le pays où s'est produit le fait et que, d'autre part, cette situation pré-
sente une connexion prépondérante avec un autre pays, il est fait application de la loi de ce pays»
(al. 2). Les alinéas 3 et 4 précisaient, respectivement, la nature de cette connexion et la solution
applicable en cas de pluralité de victimes.
b) Jurisprudence antérieure
15.11 - Référence absolue au lieu du fait générateur - Selon la Cour de cassation, « les
lois qui déterminent les éléments du fait générateur de la responsabilité civile, délictuelle
ou quasi délictuelle, ainsi que le mode et l'étendue de la réparation, sont des lois de police
au sens de l'article 3 » du Code civil (17 mai 1957, Bologne c. Sainte, Pas., 1957, I, 1111).
Ill!La solution est constante. Voy.: Cass., 2 janvier 1961, Jeangout c. Motte, Pas. (1971), 1, 465;
23 novembre 1962, Riemens c. Kulleberg, Rev. crit. jur. belge (1963), 223, note F. RIGAUX; 27 novembre
1964, Kovalev c. Barton, ibid. (1966), 98, note F. RIGAUX; 23 octobre 1969, RFA. c. Bureau belge des
assureurs automobiles, ibid. (1971), 345, note F. RIGAUX; 24 janvier 1977, Procureur du Roi c. Keppels,j. T.
(1977), 410; 30 octobre 1981, Groupe Josi c. Faes, Pas. (1982), I, 306, Rev. gén. ass. resp. (1983),
n ° 10567, note]. ERAUW; 17 novembre 1983, Z. c. coop. V De S., Pas. (1984), I, 292, R. W. (1984-1985),
2185, note L. DE FOER; 12 avril 1985, État belge c. Dahlen et Luchte, Pas. (1985), I, 979, R. W. (1985-
1986), 2539, note]. ERAUW; 10 mars 1988, La Patriotique c. Meuser, Pas. (1988), I, 829; 29 avril 1996,
Ongyert, ibid. (1996), I, 395, R.W (1996-1997), 812, note]. MEEUSEN.
L'action civile née d'un délit pouvant être réprimé par les juridictions belges conformément aux
Ill!
dispositions de la loi du 17 avril 1878, demeure régie par la loi du pays étranger où il a été commis
(Cass., 17 mai 1957, précité; camp. l'opinion contraire du procureur général]ANSSENS dans les con-
clusions précédant Cass., 26 novembre 1908).
Ill!Cette approche repose sur une interprétation large des termes légaux : pour que la loi d'un terri-
toire soit applicable, il n'est pas nécessaire que la personne responsable y« habite» ni même qu'elle
y soit présente. Il suffit que le « fait générateur» du dommage y soit localisé (Cass., 23 novembre
1962, précité).
L'interprétation multilatérale ainsi donnée à l'article 3, alinéa 1er, du Code civil par
l'arrêt du 17 mai 1957 permet l'application de lois de police étrangères, alors que le précé-
dent arrêt prononcé sur un conflit de lois en matière de responsabilité civile avait affirmé
que le juge belge ne peut appliquer d'autres lois de police que celles du for (Cass.,
26 novembre 1908, Soc. Gérard c. Monseur, Pas., 1909, I, 25). Si la possibilité de donner une
interprétation multilatérale aux règles d'applicabilité des lois de police du for prête à dis-
cussion (voy. supra, n ° 4.9), l'inapplicabilité des lois de police étrangères est aujourd'hui
abandonnée (supra, n ° 4.15).
Le rattachement retenu par la Cour de cassation n'a aucun caractère impératif ou
d'ordre public, de sorte qu'il n'incombe pas au juge du fond de le soulever d'office (arrêt
du 17 novembre 1983). Cette précision implique la possibilité pour les parties de négliger
toute référence à la loi étrangère normalement applicable au cours du procès. La solution
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 927
constitue un corollaire du principe dispositif (voy. supra, n ° 6.53) ; elle paraît pourtant
peu compatible avec la qualification de « loi de police » donnée au droit matériel de la
responsabilité civile.
Ill Camp., à propos de la loi d'autonomie, infra, n ° 15.14.
15.12 - Éviction de la loi de l'acte générateur par les juges du fond - Même dans le con-
texte du droit commun, les juridictions de fond n'ont pas hésité à écarter la loi du lieu de
l'accident, en utilisant des techniques variées
Un premier procédé consistait à préférer la loi correspondant au « milieu social » du
fait dommageable, ce qui permettait pratiquement de désigner la loi de la résidence des
parties en cas de localisation dans le même pays.
Ainsi, la loi du lieu de l'accident a été écartée en matière de responsabilité des véhicules automo-
11!1
teurs avant l'entrée en vigueur de la Convention de La Haye de 1971 (voy. infra, n ° 15.32):
- soit qu'il s'agisse d'un accident de la circulation dont les seules victimes sont les passagers d'un
véhicule immatriculé en Belgique et dont tous les occupants résident dans ce pays et ont cette
nationalité (Civ. Anvers, 4 novembre 1976, R W., 1976-1977, 2089; contra: Bruxelles, 14 mai
1973, infra, n ° 15.20), constatant que les parties sont d'accord sur l'application de la loi liba-
naise, mais appréciant le quantum du dommage« en fait», c'est-à-dire selon la jurisprudence
belge);
- soit que l'accident soit survenu en Allemagne, mais concerne exclusivement des membres des
familles belges accompagnant les forces armées qui y sont stationnées (Civ. Bruxelles, 30 juin
1971, R.W.,1972-1973, 1776);
- soit que le dommage dont la réparation est demandée soit en relation avec la violation d'une
obligation issue de la matière familiale (Anvers, 4 février 1987, Pas. (1988), II, 86, à propos d'une
action civile en réparation pour un adultère commis en Belgique, intéressant des époux néerlan-
dais établis aux Pays-Bas. Comp. supra, n ° 12.61, à propos de l'applicabilité de l'article 224 du
Code civil, et n ° 12.104, à propos de la rupture de fiançailles).
Ill Ce recours à la méthode indiciaire était toutefois contraire à la jurisprudence très ferme de la
Cour de cassation.
Voy.: Cass., 30 octobre 1981, précité, cassant un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles qui avait uti-
lisé cette méthode; Anvers, 21 mai 1979, R.W. (1979-1980), 2726.
Il en était même ainsi d'accidents intéressant des membres de troupes belges stationnées en Alle-
magne. Alors que prévalait antérieurement la thèse d'un alignement de la compétence législative
sur la compétence juridictionnelle (sur cette dernière, voy. supra, n ° 9.62), l'arrêt précité du 12 avril
1985 expose que nulle dérogation de ce type n'est plus justifiée depuis l'entrée en vigueur de
l'accord belgo-allemand du 3 août 1959, modificatif d'accords précédents (sur cet accord, voy.: J.
ERAUW, R.W., 1985-1986, 2539 et s.).
En ce sens aussi : Bruxelles, 9 octobre 1990, Bull. ass. ( 1991 ), 151, précisant correctement que la dési-
gnation de la loi étrangère ne viole pas le principe constitutionnel d'égalité des Belges devant la loi
dès lors que, placés dans des situations analogues, ceux-ci sont soumis à la même règle.
Pour la Jurisprudence antérieure, voy. Cass., 2 janvier 1961,]eangout c. Motte, Pas. (1961), !, 465.
Un second procédé consistait à utiliser la technique du renvoi, aux fins d'appliquer
une loi autre que celle désignée par la règle de rattachement traditionnelle (sur cette tech-
nique, voy. supra, chap. 6).
Ainsi, dans le cas d'un litige opposant deux Belges à propos d'un accident survenu en Allema-
1111
gne, la règle de rattachement allemande pouvait conduire à l'application de la loi belge (Civ.
Anvers, 4 novembre 1976, R. W., 1976-1977, 2089). Voy. encore: Gand, 4 octobre 1994, R W. (1995-
1996), 435 ; Anvers, 27 octobre 1999, Rev. gén. dr. civ. (2002), 629, note J. VERLINDEN.
La Cour de cassation a rejeté l'argument tiré de la solution qu'appliqueraient des juges alle-
1!1
mands dans un cas de ce type, par son arrêt précité du 30 octobre 1981. Le texte de l'arrêt ne cite
928 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
cependant pas expressément le renvoi, ni ne reprend la formulation exacte propre à cette techni-
que, car celle-ci se préoccupe moins de savoir ce qu'aurait fait le juge étranger, comme l'arrêt donne
à le penser, que d'appliquer la règle étrangère de rattachement, sauf dans la variante du double ren-
voi (voy. supra, n° 6.15).
bois situé aux Pays-Bas d'où le feu s'était communiqué à un bois situé en Belgique, voy. Bruxelles,
28 mai 1969, Pas. ( 1969), II, 297. De même, pour une référence au lieu où la« faute» a été commise,
voy. Liège, 21 février 1978,]ur. Liège (1978-1979), 161.
Quant à l'objet, la faculté de choix est illimitée: les parties peuvent choisir toute loi,
non pas nécessairement une loi en rapport avec l'obligation en litige. De plus, l'utilisa-
tion de cette faculté exclut l'utilisation de la clause d'exception (art. 19, § 2).
Les modalités du choix répondent cependant à certaines conditions. Quant au
moment, le choix doit être fait« après la naissance du différend». Quant à sa formula-
tion, il doit être« exprès».
La jurisprudence antérieure admettait une « clause» de choix de loi, mais sans fournir d'autre
1111
précision, ni quant au moment ni quant à la formulation. Voy. en ce sens: Cass., 30 octobre 1981,
précité. La référence au terme « clause » suggère que le choix doive être exprès.
La faculté de conclure un accord procédural (voy. supra, n ° 6.53) reste ouverte, en application du
1111
principe dispositif, si la matière en cause ne relève pas de l'ordre public. Cet accord a nécessaire-
ment lieu après la naissance du différend. En revanche, il peut n'être qu'implicite, puisqu'il suffit
qu'aucune des parties ne soulève la question de la détermination du droit applicable. À la diffé-
rence du principe d'autonomie, l'accord ne porte par définition que sur le droit du for.
L'effet du choix est cependant limité aux relations entre parties: celles-ci ne peuvent
pas« porter atteinte aux droits des tiers».
1111 Cette limitation de l'effet du choix exclut que le choix de la loi de la responsabilité puisse désa-
vantager l'assureur de responsabilité, appelé à indemniser en fonction du droit matériel qui régit la
réparation du dommage.
mes d'infractions violentes (loi du 19 février 2004, Monit., 13 avril 2004), imposant à l'État
d'indemniser les victimes d'infractions commises sur son territoire, texte applicable aux ressortis-
sants d'États parties ou aux ressortissants d'États membres du Conseil de l'Europe résidant dans
l'État de l'infraction.
930 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
En cette matière, voy. aussi la directive 2004/80 du 29 avril 2004 relative à l'indemnisation des victi-
mes de la criminalité U.O.C.E., 2004, L 261), imposant aux États membres un régime d'indemnisa-
tion, accessible dans l'État membre de l'infraction.
Ill!Voy. en Belgique la loi sur l'indemnisation des victimes d'actes intentionnels de violence (loi du
1ec août 1985, Monit., 6 août 1985), applicable aux victimes belges ou en séjour régulier en Belgique.
En France, la loi 90-589 du 6 juillet 1990 relative aux victimes d'infractions U.C.P., 1990, III, 64024)
est applicable à tout ressortissant français, ou à tout acte commis en France, ou à tout ressortissant
communautaire ou tout étranger en séjour régulier en France.
Ill!Une telle loi, se doit de bénéficier à tout citoyen de l'Union européenne victime d'un acte com-
mis sur le territoire, même résidant à l'étranger, pour être compatible avec le traité sur l'Union
européenne (C.].C.E., aff. 186/87, 2 février 1989, Cowan, Revue, 1990, 83, note M. SrMON-DEPITRE,
].T., 1989, 314 et 496, note M. VERDUSSEN).
Plusieurs actes communautaires concernant des activités exercées via Internet éta-
blissent des règles matérielles de responsabilité assorties, explicitement ou implicite-
ment, d'une règle d'applicabilité, ayant égard à l'établissement du prestataire de services
dans un État membre.
IllAinsi, les directives 1999/93 du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signa-
tures électroniques U.O.C.E., 2000, L 13) et 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique
U.O.C.E., 2000, L 178) contiennent des règles particulières sur la responsabilité du prestataire, res-
pectivement, de certification de signature (responsabilité sauf preuve de l'absence de négligence)
ou d'hébergement de fichiers (exonération de principe), accompagnées d'une clause marché inté-
rieur, telle, dans la directive 1999/93: « Chaque État membre applique les dispositions nationales
qu'il adopte conformément à la présente directive aux prestataires de service de certification établis
sur son territoire et aux services qu'ils fournissent» (art. 4).
L'acte peut, pour assurer son effectivité, comprendre à la fois une règle d'applicabi-
lité, une règle de compétence internationale et une règle sur l'efficacité des jugements
étrangers. Les lois de blocage peuvent en fournir une illustration intéressante.
Ill Ainsi, le règlement 2271/96 du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'appli-
cation extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur
elle ou en découlant U.O.C.E., 1996, L 309), qui vise à bloquer les effets extraterritoriaux de la loi
Helms-Burton, établit une série de mesures visant à interdire de donner effet à la loi étrangère.
Ce règlement s'applique aux personnes suivantes (art. 11) exerçant une activité commerciale entre
la Communauté et des pays tiers (art. 1cr) :
« 1) toute personne physique qui réside dans la Communauté et qui est un ressortissant d'un État
membre;
2) toute personne morale constituée en société dans la Communauté ;
3) toute personne physique ou morale visée à l'article 1", paragraphe 2, du règlement (CEE)
n° 4055/86;
4) toute autre personne physique qui réside dans la Communauté, à moins que cette personne ne
se trouve dans le pays dont elle est un ressortissant ;
5) toute autre personne physique se trouvant dans la Communauté, y compris dans ses eaux terri-
toriales et son espace aérien ou à bord de tout aéronef ou de tout navire relevant de la juridiction
ou du contrôle d'un État membre, et agissant à titre professionnel. »
L'acte établit un régime de réparation du préjudice subi par la loi étrangère. Il complète ces règles
matérielles de règles de compétence internationale renvoyant à la Convention de Bruxelles [au
règlement« Bruxelles I »], tout en y ajoutant le for exorbitant du patrimoine (compétence au fond
basée sur le lieu de la saisie) (art. 57, § 3).
Il exclut la reconnaissance d'un jugement étranger basé sur la loi aux effets extraterritoriaux
(art. 5).
«une disposition légale étrangère qui, tout en reconnaissant à la victime le droit à la réparation du
dommage causé par un fait illicite, ne donne pas à cette réparation la même étendue que la loi
belge».
Dans ses conclusions, M. Hayoit de Termicourt a ajouté la précision suivante : « On doit admet-
11111
tre que serait contraire à l'ordre public international belge une disposition légale étrangère en vertu
de laquelle la victime d'une infraction punie par la loi belge serait privée du droit à une réparation
quelconque» (Pas., 1957, 1, 1114). Comp. sur ce point: R. VANDER ELsT, notes].T (1956), 686, et
Rev. crit. jur. belge (1957), 202-203. Il faut noter, en effet, que dans l'ordre interne, la matière de la
responsabilité civile n'intéresse pas, en principe, l'ordre public, au sens de l'article 6 du Code civil
(comp. supra, n ° 15.11).
Comp. en France, où l'exception a joué à l'encontre de la prescription établie par le droit
11111
espagnol: Cass. civ., 21 mars 1979, Antunes, Revue (1981), 81, note R. DAYANT, Clunet (1980), 92,
note A. Hun,j.C.P. (1980), II, 19311, note F. MoNÉGER. Une conception plus restrictive de l'ordre
public a été admise ensuite par: Cass. civ., 6 juin 1990, Phénix Espagnol, Revue (1991), 354, note P.
BOUREL.
mais encore par celui des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde»
(Cass., 23 novembre 1962, précité n° 15.11). Il s'agissait, en l'espèce, de la responsabilité d'un arma-
teur, en raison d'une faute commise par le capitaine lors d'un abordage survenu dans les eaux néer-
landaises de l'Escaut.
Sur la responsabilité du fait d'autrui en droit international privé, voy. la note de F. RrGAUX sous cet
arrêt, Rev. crit. jur. belge (1963), 234-237.
De même, le § 831 du BGB est, en tant que loi de la responsabilité, applicable à la question de
savoir si le mari de la conductrice est civilement responsable de l'accident causé par sa femme (Civ.
Bruxelles, 15 mars 1957, Rev. gén. ass. resp., 1957, 5926), et les §§ 832, 1626 et 1631 du même Code
932 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
régissent la responsabilité des père et mère pour les quasi-délits de leurs enfants mineurs (Civ.
Malines, 27 mars 1975, R W., 1976-1977, 821).
Ill Pour la responsabilité du fait des choses, voy. déjà: Liège du 10 juillet 1956,]. T. (1956), 683,
note R VANDER ELST, en un élément qui échappa à la cassation dans l'arrêt du 17 mai 1957 (précité,
n ° 15.11), ayant rattaché l'action fondée sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil belge à la loi du
lieu du fait générateur et appliqué en conséquence l'article 1403 du Code civil néerlandais. La com-
pétence de la loi de la responsabilité (loi du fait générateur) fut confirmée dans un obiterdictum de
l'arrêt du 23 novembre 1962 (précité, n ° 15.11).
Voy. aussi en France, l'arrêt Lautour (Cass. civ., 25 mai 1948, Revue, 1949, 89, note H. BATIFFOL), se
référant au lieu où le gardien exerce la garde sur la chose.
IllLes articles 2, 3°, et 8, 7°, de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 (voy. infra, n° 15.32) lais-
sent hors de son champ d'application « les responsabilités du fait d'autrui à l'exception de celle du
propriétaire du véhicule et de celle du commettant».
3 ° les causes d'exonération, ainsi que toute limitation et tout partage de responsa-
bilité;
Ill!L'opposabilité à l'action en réparation« non contractuelle » d'une clause restrictive ou exonéra-
roire de responsabilité non contractuelle, relève de la loi de cette responsabilité, alors que ses
aspects contractuels, comme la réalité de son acceptation ou son admissibilité au regard d'une
politique de protection du consommateur, dépend de la loi du contrat.
4° l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation;
O
S les mesures que le juge peut prendre pour assurer la prévention ou la cessation du
dommage;
6° les modalités et l'étendue de la réparation;
7° les personnes ayant droit à réparation du dommage qu'elles ont personnellement
subi;
8 ° la mesure dans laquelle le droit de la victime à réparation peur être exercé par ses
héritiers;
9° les prescriptions et les déchéances fondées sur l'expiration d'un délai, y compris le
point de départ, l'interruption et la suspension des délais ;
10 ° la charge de la preuve et les présomptions légales.
De ces questions, méritent un examen particulier, outre la détermination de la
nature de l'action, la détermination des personnes tenues à réparation, le mode et l'éten-
due de la réparation.
15.19 - Nature de l'action - Comme c'est plus généralement le cas en droit internatio-
nal privé, la définition de la catégorie de rattachement recourt aux concepts juridiques
du système du for. Tant que ceux-ci sont suffisamment généraux et se réfèrent à une ins-
titution qui reçoit une expression dans un acte concret de la vie sociale, comme le
mariage ou le contrat, la conceptualisation des faits de l'espèce ne suscite pas de diffi-
culté majeure. Il peut en aller autrement de la responsabilité civile non contractuelle,
concept qui ne reçoit de concrétisation que dans les éléments de la réparation qui sera
accordée et ne trouve à s'appuyer sur l'existence d'aucun rapport déterminé entre parties.
Par exemple, il peut être délicat de conceptualiser l'action en réparation de troubles de
v01smage.
À propos de relations transfrontières, des difficultés de ce type sont apparues lors-
que l'action tend à la réparation d'un dommage causé en dehors de tout rapport juridi-
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 933
des conséquences de la rupture d'un lien de fiançailles relèverait alors de la loi du pays où se situe
l'intégration des intéressés, loi de nationalité ou de résidence commune. L'appréciation des consé-
quences de l'atteinte à la vie privée ne saurait faire abstraction non plus du milieu de vie de laper-
sonne lésée.
La rupture de liens de fiançailles a donné lieu à une qualification « quasi délictuelle» de l'action
consécutive, en Belgique (Civ. Gand, 15 février 1982, RW., 1982-1983, 2770, note]. ERAUW, 2721),
aussi bien qu'en France à propos du refus dugueth (Civ. Seine, 22 juin 1967, Clunet, 1968, 356, note
R. DAYANT, Revue, 1969, 474, note Y. LoussouARN). Dans les deux cas, le recours au critère du lieu
où la« faute» a été commise paraît assez simpliste.
L'action en réparation entre parties liées par un contrat ou impliquées dans une rela-
tion contractuelle plus large, doit donner lieu à une solution pragmatique analogue.
L'admissibilité d'une action non contractuelle, question connue sous l'appellation
du « concours » ou « cumul » des actions, suscite une première difficulté. Face à une dua-
lité des rattachements contractuel et non contractuel, il semble préférable de soumettre
la question à la loi de la responsabilité non contractuelle, plutôt qu'à un rattachement
cumulatif, car la question intéresse l'admissibilité de celle-ci, pour un motif tenant sim-
plement à l'existence d'une relation préexistante entre parties. Une attraction de l'éven-
tuelle action non contractuelle sous le rattachement contractuel supprime la difficulté.
La thèse dite du« rattachement accessoire», que consacre l'article 100 du Code de
droit international privé, tend à un tel résultat: l'obligation non contractuelle est régie
par le droit applicable à un rapport préexistant entre parties avec lequel cette obligation a
un lien étroit.
1111Aux Pays-Bas, la thèse du « rattachement accessoire» a permis, notamment, de soumettre
l'action quasi délictuelle au droit applicable à un rapport contractuel. Voy. déjà: L. STRIKWERDA,
Inleiding tot het Nederlandse internationaal privaatrecht (Groninge, Noordhoff, 1990), 182 et s.
Depuis lors, ce concept est consacré par l'article 5 de la loi du 11 avril 2001 (Wet conflictenrecht
onrechtmatige daad, site www.overheid.nl).
Sur la question du concours des actions, voy. en faveur de la loi de la responsabilité: G. VAN
1111
HECKE et K. LENAERTS, n° 771; Civ. Anvers, 25 octobre 1994, RW. (1994-1995), 1065, note]. MEEU-
SEN. Contra, en France: Cass. civ., 18 octobre 1989, Alfa Laval, Revue (1990), 712, note J. FOYER,
approuvant le juge du fond d'avoir appliqué la règle de l'option prévue par la loi du contrat sans
devoir recourir à la règle française de rattachement relative à la responsabilité non contractuelle.
Cette solution conduit à soumettre une action non contractuelle à la loi du contrat.
L'action directe du sous-acquéreur contre le vendeur, ou celle du maître de l'ouvrage
contre le sous-traitant, soulève aussi une question de qualification spécifique, résolue de
934 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
manière variable en droit matériel comparé. L'absence entre parties au litige d'un lien
direct analogue à celui qui se noue entre deux contractants par un échange de volontés,
inciterait à en proposer un rattachement« non contractuel».
IllAu sujet de l'action directe du sous-acquéreur, cette solution est avancée par la Convention de
La Haye du 2 octobre 1973 relative à la responsabilité du fait des produits (infra, n° 15.57). Contra,
la tendance à l'application de la loi de la « créance protégée», exprimée par H. BATIFFOL et P.
LAGARDE, n ° 605.
1111 Comp. supra, n ° 14.5, à propos de la compétence internationale.
li Comp. infra, n°s 15.25 et 15.40, les solutions proposées pour l'action directe du tiers lésé contre
l'assureur du responsable.
propos du refus d'allouer des dommages et intérêts aux parents de la victime quand celle-ci ne les
entretenait pas par son travail, point sur lequel le droit néerlandais est moins favorable à la victime
que le droit belge; Civ. Neufchâteau, 24 juillet 1968,Jur. Liège (1968-1969), 222.
La méthode n'est compatible avec le prescrit légal que si elle traduit l'appréciation
laissée au juge du fond par la loi de la responsabilité. Si cette loi prévoit un plafond
d'indemnisation, ou un forfait, il serait contraire au rattachement prévu par le législateur
d'accorder davantage en fonction de la loi de la résidence de la victime. En d'autres ter-
mes, référence peut être faite, moins à la loi de la résidence, qu'aux conditions de vie dans
le pays de résidence.
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 935
La référence aux conditions de vie dans le pays de résidence peut jouer au détriment
de la victime, si celle-ci réside dans un pays au niveau de vie moins élevé. Autre chose est
d'anticiper, lors de l'évaluation, un déménagement futur éventuel de la personne lésée
dans un pays au niveau de vie différent.
Ill Au sujet de travailleurs migrants, voy.: Anvers, 17 juin 1976, R. W. (1977-1978), 2538, décrétant
que l'allocation à une veuve marocaine demeurant au Maroc d'une indemnité de 100.000 francs
pour le dommage moral subi à la suite du décès de son mari en Belgique, n'est certes pas inférieure
à la somme de 150.000 francs habituellement allouée à une veuve belge en Belgique. Dans un sens
analogue, voy. deux arrêts de la cour d'appel de Gand du 14 novembre 1978, R. W. (1978-1979),
2123, et du 10 décembre 1979, Rev. gén. ass. resp. (1981), 10334.
15.21 - Responsabilité de l'État pour les actes de ses organes ou préposés - L'applica-
tion de la loi de la responsabilité aux conditions dans lesquelles les organes et préposés
de l'État engagent la responsabilité de celui-ci, est à première vue problématique. Sous un
angle théorique, elle reviendrait à soumettre l'État aux dispositions arrêtées par un légis-
lateur autre que le sien. Sous un angle pratique, l'application par analogie à l'État des
règles auxquelles obéit la responsabilité de l'État étranger pour les actes de ses propres
agents peut s'avérer difficile.
En réalité, le contentieux reste limité, car l'hypothèse dans laquelle des agents ou
préposés sont à même d'intervenir en dehors du territoire national est par nature excep-
tionnelle. Il pourrait toutefois se développer à mesure de l'accroissement des interven-
tions de type humanitaire. Dans la jurisprudence belge, on trouve des litiges liés au
stationnement des troupes belges en Allemagne ou à des erreurs de pilotage commises
dans les eaux néerlandaises de l'Escaut. Dans les deux types de cas, une préférence a été
donnée, sur base de considérations variables, à la loi belge.
Ill À propos de la responsabilité de l'État belge en raison des fautes commises par des membres des
forces armées stationnées en République fédérale d'Allemagne, voy.: Civ. Bruxelles, 9 avril 1969,
R. W (1969-1970), 1396; 30 juin 1971, R.W. (1972-1973), 1776, et voy. aussi supra, n ° 9.62. Contra:
Bruxelles, 9 octobre 1990, Bull. ass. (1991), 151.
Ill La responsabilité de l'État belge en raison d'une erreur commise par l'un de ses pilotes dans les
eaux territoriales néerlandaises de l'Escaut a été soumise à la loi néerlandaise par le tribunal civil de
Bruxelles dans un jugement du 14 avril 1978,Jur. Anv. (1979-1980), 276. Ce jugement a été infirmé
par un arrêt de la cour d'appel du 7 avril 1981 (inédit). L'adoption de la loi du 30 août 1988 (Monit.,
17 septembre 1988) visant à supprimer la responsabilité de l'État et prévoyant une application
rétroactive, confirme l'intérêt de l'État à voir appliqué son propre droit. Si le droit néerlandais
devait être déclaré applicable, la loi précitée serait pratiquement sans objet. La solution peut aussi
bien se déduire de la présence, dans cette loi, d'une règle d'applicabilité implicite.
Le Règlement du 20 mai 1843 (voy. infra, n ° 15.30) ne contient pas de solution expresse, mais plu-
sieurs dispositions, notamment les articles 58, alinéa 3, 59 (modifié par l'art. 1er de la Convention
belgo-néerlandaise du 4 mai 1891, approuvée par la loi du 27 février 1892), 67 et suivants, souli-
gnent que chaque État soumet ses pilotes à la discipline de ses autorités administratives et à la
compétence de ses juridictions, sans qu'il soit tenu compte du lieu où la faute a été commise.
IllÀ propos de la réparation par l'État belge du dommage causé par ou à ses militaires, la loi du
20 mai 1994 (Monit., 24 août 1994) relative aux statuts du personnel militaire, ne contient pas de
règle particulière de conflit de lois.
Pays-Bas sur l'assistance mutuelle dans la lutte contre les catastrophes et les accidents, signée à La
Haye le 14 novembre 1984 (Monit., 29 octobre 1988), aux conditions de la responsabilité de cet État
pour les dommages causés sur son territoire par une équipe d'assistance de l'État d'envoi. Cette
solution permet de soumettre aux mêmes conditions les indemnisations dues aux victimes locales,
que le comportement soit dû à une autorité nationale ou à une autorité étrangère.
Plusieurs instruments adoptés dans le contexte de l'Union européenne confirment l'applicabilité
1111
de la loi de l'État sur le territoire duquel l'organe étranger a agi. Voy. en ce sens: la Convention du
29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union
européenne (J.O.C.E., 2000, C 197); la décision-cadre 2002/465/JAI du Conseil du 13 juin 2002 rela-
tive aux équipes communes d'enquête (J.O.C.E., 2002, L 162); l'accord du 17 novembre 2003 relatif
au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions européennes (J.O.C.E., 2003,
C 321), dans le cadre des missions de politique extérieure visées par le traité UE (art. 18).
Contra, en faveur de la loi de l'État d'envoi: le règlement 2725/2000 du Conseil du 11 décembre
2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales
aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin [relative à la détermination de l'État
compétent pour l'examen de la demande d'asile] U-O.C.E., 2000, L 316), en ce qui concerne l'action
en réparation contre l'État pour un traitement illicite (art. 17).
Plus fondamentalement, la soumission de l'État à un droit étranger ne se conçoit
pas moins en cette matière qu'en d'autres branches du droit civil ou commercial, sans
exclure qu'une loi particulière organisant un régime spécifique de responsabilité pour
certains risques, apparaisse comme s'accompagnant d'une règle d'applicabilité implicite
opérant par auto-désignation.
Cette orientation est celle du Code de droit international privé. En omettant toute
règle particulière, le législateur a entendu soumettre la responsabilité de l'État aux
mêmes règles de conflit de lois que le particulier. Encore faut-il rappeler que le Code ne
couvre que« la matière civile et commerciale» (art. 2).
1111La solution est certaine à la lecture des discussions en commission de la Justice du Sénat, où le
texte final a été élaboré alors que la proposition en débat prévoyait une règle particulière sous
l'article 103 (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/7, p. 357 et s.).
1111Une délimitation selon que la demande relève de la« matière civile ou commerciale» serait en
harmonie avec l'application de la théorie de l'immunité restreinte de juridiction (voy. supra,
n ° 9.18), sur laquelle se basent les juridictions belges pour écarter l'exception d'incompétence pour
les actes accomplis iure gestionis.
Une définition de la« matière civile» d'après la méthode choisie par la Cour de justice pour l'inter-
prétation de la Convention de Bruxelles, selon que le régime auquel l'État est soumis relève ou non
du droit commun (voy. supra, n° 8.14), engendre un cercle vicieux tant que ce régime ne sera connu
qu'après désignation du droit applicable.
Comp. supra, n° 14.75: Cass. civ., 2 mai 1990, évoquant, à propos de l'application de règles de
1111
Autre est la question de savoir qui est organe ou préposé de l'État en cause : celle-ci
relève nécessairement de la loi de cet État, selon un raisonnement également appliqué
aux questions préalables (voy. ci-dessous).
tracté un mariage posthume, voy. supra, n° 12.43. Voy. aussi: Civ. Hasselt, 9 juin 1969,].T (1973),
42, ayant appliqué la loi turque à un mariage dont la validité était contestée.
C'est aussi en vertu des règles générales relatives à la représentation d'un incapable
(voy. supra, n ° 12.153) que la loi de la résidence du mineur est applicable à la capacité
d'ester en justice.
Voy.: Bruxelles, 27 novembre 1986, Rev. gén. dr. civ. (1988), 113, note L. BARNICH, alors en faveur
1111
de la loi nationale.
autres prestations assurés par l'État en raison de l'atteinte à l'intégrité corporelle ou du décès de
son agent.
Voy. aussi: Bruxelles, 26 mai 1992, Bull. ass. (1993), 52.
lllll La proposition de règlement« Rome II » prévoit une solution analogue (arc. 15).
La subrogation conventionnelle dépend d'un rattachement distinct, qui relève de la matière
Ill!
contractuelle (voy. supra, n ° 14.58).
Sur la subrogation légale, voy. notamment: P. LAGARDE, note sous Cass. civ. (Fe ch.), 17 mars
1111
1970 et sous Cass. b., 23 octobre 1969, Revue (1970), 688-698; F. RrGAUX, « Le paiement avec subro-
gation éteignant l'obligation délictuelle ou quasi délictuelle d'autrui en droit international privé»,
Rev. crit. jur. belge (1971), 348-367; J.G. SAUVEPLANNE, « De subrogatie in het internationaal
privaatrecht », Mélanges Kollewijn-Offerhaus, 413-429.
Ainsi, le droit de subrogation que, dans de nombreux pays, la loi a institué au profit
de l'État employeur, relève de ces dispositions légales. En pareil cas, la véritable victime de
la partie du préjudice couvert par le statut de droit public du fonctionnaire ou du mili-
taire est l'État lui-même, privé des services de son agent par la faute d'un tiers, tout en
étant statutairement tenu à poursuivre le paiement du traitement et à assumer la charge
des soins de santé. Cette mise en œuvre du droit public étranger a été admise par plu-
sieurs juridictions suprêmes étrangères.
Ill!Voy. les références dans la note sous l'arrêt du 23 octobre 1969, Rev. crit. jur. belge (1971), 348-
367, et sur la nature juridique de la norme étrangère appliquée, voy. F. RIGAUX, Droit public et droit
privé, §§ 88 et 186.
La Cour de justice des Communautés européennes retient un rattachement analogue pour la
Ill!
subrogation prévue par le règlement de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale des
travailleurs migrants. Voy. notammment: aff. 72/76, 16 février 1977, Topfer, Rec. (1977), 271; aff.
C-428/92, 2juin 1994, DAK, Rec. (1994), 1-2259; aff. C-397/96, 21 septembre 1999, Kordel, Rec.
(1999), 1-5959. Ces arrêts distinguent nettement le rattachement de la subrogation de celui de la
responsabilité civile, qui continue de relever du droit international privé du for.
lable relative à un lien entre celui-ci et la victime, par exemple lorsque la loi de la subrogation fait
dépendre l'indemnisation de l'ayant droit de l'existence d'une créance alimentaire envers la
victime: l'existence de cette créance dépend évidemment du rattachement alimentaire.
l'assuré a commis le fait dommageable sur le territoire d'un autre pays, à laquelle de ces
deux lois appartient-il de décider si la victime peut agir directement contre l'assureur?
La question ne se limite pas nécessairement à la matière de la responsabilité non contractuelle.
lllll
La loi peut organiser une action directe pour l'ensemble des contrats d'assurance. Voy., en France,
l'article 124-3 du Code des assurances.
1111 Sur l'assurance automobile obligatoire, voy. infra, n ° 15.40.
Le Code de droit international privé soumet l'action directe au droit qui régit l'obli-
gation de l'assuré d'indemniser le tiers (art. 106). La solution illustre un rattachement à
la loi de la créance protégée, celle du tiers envers l'assuré.
1111La jurisprudence belge a rattaché nettement l'admissibilité de l'action directe à la loi de la res-
ponsabilité. Voy. notamment: Bruxelles, 15 mai 1964, Pas. (1965), II, 153 et concl. min. pub!.; Civ.
Verviers, F' décembre 1964, fur. Liège (1964-1965), 165; Liège, 26 janvier 1967, ].T. (1967), 539;
Bruxelles, 13 janvier 1971, Pas. (1971), II, 103; Bruxelles, 3 novembre 1975,J.T. (1976), 367; Bruxel-
les, 17 novembre 1975, R.W. (1976-1977), 534.
Une autre solution consiste à appliquer la loi régissant le contrat d'assurance, car la
question intéresse la détermination des bénéficiaires de la couverture. Elle a également le
mérite de faire coïncider le rattachement de l'admissibilité de l'action avec celui de l'éten-
due des obligations de l'assureur vis-à-vis du tiers lésé, dont le rattachement contractuel
n'est pas contesté. Mais le rattachement contractuel n'exclut nullement, au cas où cette
loi ne prévoirait pas d'action directe, l'applicabilité d'une loi de police de protection du
tiers lésé, en fonction d'un critère de nature territoriale.
Voy. en ce sens : Bruxelles, 28 novembre 1990, Rev. gén. ass. resp. ( 1991), n ° 11793 ; P.
1111 MAYER et V.
HEUZÉ, n° 683.
1111La loi du contrat d'assurance a été appliquée au privilège du tiers lésé sur l'indemnité due par
l'assureur à l'assuré: Comm. Anvers, 25 avril 1991,Jur. Anvers (1994), 243.
note V. HEUZÉ.
1111 Voy.: Bruxelles, 23 septembre 1965, Rev. gén. ass. resp. (1967), 7921 et 7908 et note M. MAHIEU;
Liège, 19 novembre 1973, Bull. ass. (1976), 151; Mons, 15 décembre 1976, Rev. gén. ass. resp. (1978),
9860; Bruxelles, 24 octobre 1977,J.T (1978), 9.
1111 Pour un cas de formulation d'une règle matérielle de droit international privé à propos de
l'action récursoire en matière d'assurance automobile, voy. : Cass., 8 novembre 2002, Pas. (2002), I,
2138, limitant le recours au cas où l'accident s'est produit en Belgique et non à l'étranger, à propos
d'un accident causé en Belgique par un conducteur disposant d'un permis étranger non reconnu
en Belgique.
§3 DÉLITS SPÉCIAUX
nal de Hambourg (1-5 avril 1974), Révision des Conventions de Bruxelles sur la limitation de lares-
ponsabilité des propriétaires de navires de mer et sur l'unification de certaines règles en matière de
connaissement, des 10 octobre 1957 et 25 août 1924 », Droit maritime français (1974), 383-388;
R.JAMBU-MERLIN, « Loi applicable à l'abordage en haure mer», D.S. (1966), 578; F. R.iGAUX, « La
responsabilité du fait d'autrui, spécialement en cas d'abordage, en droit international privé
comparé», Rev. crit. jur. belge (1963), 227-241; R. RoDIERE, « Les tendances contemporaines du droit
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 941
privé maritime international», Recueil des cours, vol. 135 (1972-I), 335-409; ID.,« La limitation de
responsabilité du propriétaire de navires (Passé, présent et avenir)», Droit maritime français (1973),
259-267; E. VAN BOGAERT, « Rechtsconflicten in verband met aanvaringen op zee », R.W (1976-
1977), 514-523. Voy. encore: M. GUERIN,« Législation applicable en matière de transport interna-
tional de marchandises par mer », Droit maritime français (1988), 653 et s.
Les conséquences civiles d'un abordage et des opérations d'assistance font l'objet
des deux Conventions du 23 septembre 1910 (loi du 14 septembre 1911, Pasin., 1913, 67).
De plus, des règles de compétence internationale ont été établies par la Convention pour
l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage,
signée à Bruxelles le 10 mai 1952 (loi du 24 mars 1961, Pasin., 1961, 586).
1111 Pour l'action pénale, voy., du même jour, la Convention internationale pour l'unification de cer-
taines règles relatives à la compétence pénale en matière d'abordage et autres événements de navi-
gation (loi précitée du 24 mars 1961).
IllPour la prévention des abordages, voy. encore la Convention de Londres du 20 ocrobre 1972 (loi
du 24 novembre 1975, Monit., 12 juin 1976 et 14 juillet 1977), établissant des règles de circulation
en haute mer.
1111La convention de 1910 précise que l'indemnisation a lieu sans tenir compte du lieu de l'abordage
(art. 1er). C'est dire si elle a pour objet d'unifier les règles matérielles, sans avoir à tenir compte d'une
règle de rattachement qui, à l'époque, soumettait la responsabilité civile au lieu du fait illicite.
recourent à un principe de réciprocité et exigent, pour être applicables, que cous les navires impli-
qués aient la nationalité d'un État partie.
1111 En matière d'accident aérien, la convention sur l'indemnisation des tiers à la surface utilise un
critère cumulatif, exigeant que l'accident se soit produit sur le territoire d'un État partie et que le
dommage soit causé par un avion immatriculé dans un tel État.
La loi belge d'assentiment précise (art. 2) que les dispositions de la Convention « seront d'applica-
tion sur le territoire belge, que l'immatriculation de l'aéronef ait eu lieu à l'étranger ou qu'elle ait
eu lieu en Belgique même». Cette formulation maladroite semble viser à inclure les cas purement
internes.
Une extension de l'applicabilité aux moyens de transport de pays tiers reste excep-
tionnelle. On la rencontre surtout en matière de limitation de la responsabilité du pro-
priétaire de navire: les règles uniformes s'appliquent à toute personne faisant valoir la
limitation de sa responsabilité devant une juridiction d'un État partie (art. 15
Conv. Londres). L'objectif de l'instrument, à savoir une limitation de la responsabilité
dans l'intérêt du propriétaire, souligne le caractère exorbitant d'une règle d'applicabilité
qui s'en réfère pratiquement à la lex fori, au détriment des passagers victimes.
IllLa Convention de Londres permet cependant à l'État d'établir une règle d'applicabilité prenant
pour critère la résidence de la personne dans un État partie, ou la possession, par le navire impli-
qué, du pavillon d'un État partie. La Belgique n'a pas fait usage de cette faculté.
Ill!Sur l'applicabilité particulière des dispositions légales par lesquelles l'État a limité sa responsa-
bilité du fait d'erreurs de ses pilotes, voy. infra, n ° 15.21. Sur ce contentieux, voy., avant l'adoption
de cette loi: Civ. Bruxelles, 14 avril 1978,Jur. Anv. (1979-1980), 276.
L'embouchure de l'Escaut fait l'objet d'un régime international spécifique qui
trouve son origine dans l'article 9 du Traité du 19 avril 1839, en vertu duquel le pilotage
et le balisage ainsi que la conservation des passes de l'Escaut en aval d'Anvers seront sou-
mis à une surveillance commune (§ 2) déterminée selon un Règlement adopté de com-
mun accord par les deux États(§ 6).
Ce Règlement a été arrêté le 20 mai 1843, pour l'exécution des dispositions des articles 9 et 10
1111
du Traité du 19 avril 1839, et du chapitre II, sections !, II, III et IV du Traité du 5 novembre 1842. Le
Règlement a, pour la dernière fois, été modifié par la Convention belgo-néerlandaise du
12 décembre 1968 (Monit., 25 juin 1969).
1111 Voy. aussi la loi du 3 novembre 1967 sur le pilotage des bâtiments de mer et l'arrêté royal du
8 juin 1971.
1111 Le domaine temporel de la Convention n'est pas explicité. La solution la plus adéquate consiste
à y soumettre les accidents de la circulation routière survenus après la date de son entrée en
vigueur. Cette solution est retenue par la Cour de cassation.
Voy. Cass., 30 décembre 1981, ].T (1981), 649; Mons, 24 avril 1980, Rev. gén. ass. resp. (1982),
n ° 10488, note J.-L. FAGNART.
Le Code de droit international privé n'affecte pas le jeu de la Convention (art. 99,
§ 2, 5 °). En effet, celle-ci présente un caractère universel (art. 11 ; sur cette notion, voy.
supra, chap. 3). Puisqu'elle permet de désigner le droit d'un pays tiers, elle a vocation à
régir une situation internationale quelconque, même dépourvue de tout rattachement
avec un État partie : elle configure donc le droit commun des règles de rattachement en la
matière.
La liste des points de 'droit visés par la règle de rattachement est donnée par
l'article 8. Elle atteste de l'applicabilité de la Convention à« la responsabilité du commet-
tant du fait de son préposé» (7°).
Il découle de l'article 5 que la Convention s'applique aussi à la réparation des dom-
mages aux biens.
Certaines exclusions sont explicitées. Elles portent tantôt sur la mise en cause de
personnes ou d'organismes autres que les agents matériels de l'accident (tels les fabri-
cants, vendeurs et réparateurs du véhicule, le propriétaire de la voie de circulation, les
organismes de sécurité sociale), tantôt sur les recours entre personnes responsables.
ÜBUGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 945
juridique non unifié (art. 12) ou quand un État partie à la Convention a un tel système (art. 13 et
14). Voy. supra, n° 5 6.7 et s.
D'après l'article 10, l'application de la loi compétence« ne peut être écartée que si elle est mani-
1111
vention, en dehors de l'accord procédural, doit être exclue. En effet, la« règle» de l'autonomie de la
volonté est une règle de rattachement comme une autre et relève, à ce titre, de l'objet matériel de la
Convention. En omettant cette faculté, celle-ci doit donc se comprendre comme l'excluant.
Contra, admettant l'autonomie: Liège, 22 décembre 1986, Rev. gén. ass. resp. (1988), n ° 11328.
En France, voy.: Cass., 19 avril 1988, Roho, Revue (1989), 68, note H. BATIFFOL, admettant un choix
par les parties de la loi française de nationalité commune.
Ill Sur ce que les règles conventionnelles seraient par nature d'ordre public, et ne doivent pas être
invoquées in limine litis, voy.: Liège, 14 mars 1991,J.L.M.B. (1992), 1123, note A. KOHL. La question
est cependant plus complexe, car elle relève plus généralement de la détermination de la condition
procédurale de la règle de rattachement (voy. supra, chap. 6).
946 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Le texte distingue quatre cas dans lesquels la loi du pays d'immatriculation régit :
- la responsabilité « envers le conducteur, le détenteur ou toute autre personne
ayant un droit sur le véhicule, sans qu'il soit tenu compte de leur résidence habituelle »
(art. 4, a et b);
- la responsabilité « envers une victime qui était passager, si elle avait sa résidence
habituelle dans un État autre que celui sur le territoire duquel l'accident est survenu»
(art. 4, a) ;
- la responsabilité « envers une victime se trouvant sur les lieux de l'accident hors
du véhicule, si elle avait sa résidence habituelle dans l'État d'immatriculation» (art. 4, a) ;
en cas de pluralité de victimes, la loi applicable est déterminée séparément à l'égard de
chacune d'entre elles (art. 4, a, al. 2);
- la responsabilité des personnes se trouvant sur les lieux de l'accident hors du ou
des véhicules, alors même qu'elles sont aussi victimes de l'accident, quand ces personnes
sont impliquées dans l'accident (le texte anglais dit plus clairement:« are involved in the
accident and may be liable ») (art. 4, c), à condition que toutes ces personnes aient leur
résidence habituelle dans l'État d'immatriculation.
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 947
Pour une appréciation des conditions de l'article 4, c, dans un cas délicat, voy. : Civ. Liège,
11111
11 décembre 2001, Rev. gén. ass. resp. (2003), n ° 13678, à propos d'un accident dû à un jet de pierres
d'un pont d'autoroute, causant des blessures au passager britannique d'un autobus: après consta-
tation de l'implication d'un seul véhicule, la présence hors du véhicule d'un tiers impliqué condui-
sit à écarter la disposition, au bénéfice de l'article 3.
15.36 - Dommages aux biens autres que les véhicules (art. 5) - Le texte distingue selon
que les biens sont transportés dans le véhicule où se trouvait la victime, passager (al. 1er)
ou conducteur (al. 2), ou hors de ce véhicule (al. 3).
Pour les biens transportés dans le véhicule, le rattachement est le même que celui
des dommages corporels : le texte renvoie aux articles 3 et 4.
Pour les biens se trouvant hors du véhicule, la loi du lieu de l'accident est applicable
en principe. Toutefois, la loi du lieu d'immatriculation est applicable lorsque les biens
sont des « effets personnels » d'une victime résidant dans le pays d'immatriculation, dès
lors que cette loi sera aussi la loi de la responsabilité pour les dommages corporels.
Les mots « être tenu compte » expriment adéquatement que les règles de circulation
et de sécurité interviennent seulement comme« condition d'application» de la loi appli-
cable à la responsabilité quand celle-ci ne coïncide pas avec la loi de ce lieu (voy. supra,
n° 6.50).
21 novembre 1989 (Monit., 8 décembre 1989). Les dispositions du contrat type sont fixées par
l'arrêté royal du 14 décembre 1992 (Monit., 3 février 1993).
!IllComme actes communautaires, on peut citer: directive 72/166 du 24 avril 1972 U.O.C.E., 1972,
L 103), imposant une couverture obligatoire et supprimant le principe du contrôle de la
couverture; directive 84/5 du 30 décembre 1983 U.O.C.E., 1984, L 8), étendant les conditions des
couvertures; directive 90/232 du 14 mai 1990 U.O.C.E., 1990, L 129), complétant la 2e directive;
directive 2000/26 du 16 mai 2000 U.O.C.E., 2000, L 181, 4e directive); directive 2005/14 du 11 mars
2005 U.O.C.E., 2005, L 149, 5e directive).
948 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Les ire et 2e directives ne contiennent pas de règle de droit international privé, à la différence des 3e
et 4e directives. La se directive comporte des règles accessoires de compétence internationale.
Outre la détermination de la compétence internationale, ces dispositions particuliè-
res peuvent servir à désigner le droit applicable à l'action directe de la personne lésée con-
tre l'assureur. À cet égard, elles illustrent l'utilisation des deux méthodes concurrentes de
solution du conflit de lois, celle de la règle de rattachement et celle de la règle d'applicabi-
lité.
Dans la pratique, l'indemnisation de la personne lésée dans un accident transfron-
tière est facilitée, lorsque l'assureur est étranger, par la mise en place de « bureaux
nationaux» chargés d'assurer la gestion du sinistre.
1111 Les directives précitées tiennent compte de ces bureaux nationaux.
Sur le système du certificat international d'assurance, dit de la « carte verte», et sur le méca-
11111
nisme des bureaux nationaux, voy. notamment: B. ÜUBUISSON et M. FALLON, Rev. gén. ass. resp.
(1991),n° 11791.
basée sur l'article lSbis de la loi du 21 novembre 1989, voy.: Cass., 19 mars 2004, Bull. ass. (2004),
500.
La personne lésée peut puiser le droit d'action directe:
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 949
- soit dans la loi déclarée applicable à son action en responsabilité en vertu des
articles 3, 4 ou 5 ;
- soit dans la loi du pays de l'accident quand celle-ci est évincée par la loi de l'État
d'immatriculation en vertu des articles 4 ou 5 ;
- soit dans la loi du contrat d'assurance.
L'application de la deuxième et de la troisième de ces lois est subsidiaire par rapport
à la précédente dans la mesure où elles ne prennent place que si la première ne connaît
pas le droit d'action directe de la personne lésée.
Il Sur l'application de l'article 9, voy.: Civ. Courtrai, 12 janvier 1988, Rev. gén. ass. resp. (1991),
n° 11710; Cour mil., 23 mai 1990, R W. (1991-1992), 152.
À cet effet, les cas visés sont définis avec précision (art. 1er, 4e dir.), en prévoyant pour
conditions cumulatives que l'accident survienne dans un État membre autre que celui de
la résidence de la victime et soit dû à un véhicule immatriculé dans un État membre et y
ayant son stationnement habituel. Ils couvrent aussi l'accident survenu dans un pays
tiers si la victime réside dans un État membre, « sans préjudice du droit international
privé».
L'intervention de « bureaux nationaux » en vue de faciliter le règlement des sinistres
n'est pas de nature à influencer la détermination du droit applicable aux conditions de
l'indemnisation, que celles-ci relèvent du régime de la responsabilité ou de l'étendue de la
couverture d'assurance. En effet, le bureau agit comme un représentant de l'assureur.
950 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Le préambule de la 4e directive précise que la directive n'affecte pas le droit international privé,
lllll
plus précisément qu'elle établit l'intervention du représentant ou de l'organisme sans déterminer
le droit matériel applicable, et que la seule présence du représentant ne suffit pas à fonder la com-
pétence internationale (art. 4, 8 °).
L'absence de règle de rattachement spécifique sur le régime de l'indemnisation due à la personne
lésée donne à entendre que le représentant, voire l'organisme, agira conformément au droit appli-
cable à la responsabilité en vertu des règles de rattachement nationales, à savoir, en Belgique, celles
de la Convention de La Haye.
Ili Sur l'application de la loi belge du lieu de l'accident alors que le véhicule était immatriculé à
l'étranger, voy.: Cass, 31 ocrobre 1997, Virgo, Pas. (1997), I, 1109, constatant ensuite que la loi belge
ne couvrait pas le véhicule volé.
IliLes règles matérielles sur l'intervention du représentant chargé du règlement du sinistre obéis-
sent à une règle d'applicabilité particulière: l'accident doit avoir été causé par un véhicule assuré
auprès d'un établissement situé dans un État membre, autre que celui de la résidence de la per-
sonne lésée, et ce véhicule doit avoir son stationnement habituel dans un État membre, autre que
celui de la résidence de cette personne.
Cette disposition comprend à la fois une règle matérielle de droit international privé
et une règle de conflit de lois hybride. La première énonce les limites territoriales de la
garantie: elle est due même en cas de déplacement du véhicule à l'étranger; mais elle ne
définit pas les véhicules visés. La seconde, cherchant à améliorer la protection de la per-
sonne lésée, lui permet d'invoquer la couverture la plus haute offerte, soit par la loi du
stationnement habituel, soit par la loi qui exige une couverture : alors que la première
branche désigne certainement le droit applicable, la seconde branche semble s'en remet-
tre simplement à la manière dont la législation sur l'assurance obligatoire fixe son propre
domaine d'application dans l'espace.
15.42 - Bibliographie
CONFÉRENCE DE LA HAYE,« Note sur la responsabilité civile pour fait de concurrence déloyale et sur
les mesures conservatoires connexes», Actes et documents de la 17" session (1995), 96-107; F. DANTHE,
Le droit international privé suisse de la concurrence déloyale (Comparativa, 1998); A. DE CALUWÉ, « Les
effets internationaux de la loi sur les pratiques du commerce »,Rev. dr. comm. belge (1994), 592-598;
A. DYER, « Unfair competition in private international law », Recueil des cours, vol. 211 (1988-III),
373-446; C. HONORAT!, La legge applicabile alla concorrenza sleale (Padoue, Cedam, 1995); L. IooT,
« Quelques pistes pour la résolution des conflits de droits de la concurrence en matière de
distribution», D.P.C.I. (1993), 214-243; Io., « Les conflits de lois en droit de la concurrence», Clu-
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champ d'application de la loi sur les pratiques du commerce »,D.C.C.R. (1998), 218-242.
Voy. aussi la résolution de l'Institut de droit international sur « Les règles de conflit de lois en
matière de concurrence déloyale», lors de sa session de Cambridge, Annuaire, vol. 60 (1984), t. II,
292.
voy. : Cass. civ., 5 mars 2002, Sisro, D.S. Aff, 2003, J, 58, note M. JOSSELIN-GALL, distinguant le ratta-
chement à la loi du lieu de protection du droit, concrétisé par le lieu du comportement, et le ratta-
chement de l'indemnisation à la loi du dommage.
trompeuse relève bien de l'article 5, 3 °, du règlement« Bruxelles I », et il n'est pas nécessaire qu'un
dommage soit survenu: C.J.C.E., aff. C-167/00, l °' octobre 2002, VKI & Henkel, Revue (2003), 682,
note P. RÉMY-CORLAY.
D. Atteintes à l'environnement
15.47 - Bibliographie
CONFÉRENCE DE LA HAYE,« Note sur la loi applicable à la responsabilité civile pour dommages cau-
sés à l'environnement», Actes et documents de la 17< session (1995), t. 1er, 186-211; A. DE RAULIN,
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sionsrecht (Heidelberg, Müller Ver!., 1992), 245-313; ID.,« Environmental disturbance and damage
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« Environ mental damage in private international law », Recueil des cours, vol. 268 ( 1997), 291-412.
15.48 - Présentation - Certains risques présentent une masse critique telle que, leur
nature transfrontière aidant, les États ont mis en place des mécanismes communs
954 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Une approche plus globale est offerte par la Convention de Lugano du 21 juin 1993
sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'envi-
ronnement (Int. Leg. Mat., 1993, 1228; non signée par la Belgique).
La Communauté européenne s'est également dotée d'un régime de prévention et de
remise en état des dommages environnementaux par la directive 2004/35 du 21 avril
2004 sur la responsabilité environnementale (J.O.C.E., 2004, L 143), où fait cependant
défaut un régime de responsabilité.
En matière de déchets, la Communauté européenne est partie à la Convention de
Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dange-
reux et de leur utilisation (décision 93/98 du ier février 1993, ].O.C.E., 1993, L 39). En
outre, un Protocole du 10 décembre 1999 concerne la responsabilité et l'indemnisation
en cas de dommages résultants de tels mouvements (non signé par la Belgique, site
www.basel.int).
ment « Bruxelles I ». Elle ajoute un for spécial pour les demandes introduites par les associations,
désignant le tribunal du lieu de l'exercice de l'activité dangereuse ou du lieu d'adoption de mesures
de prévention ou de remise en état (art. 19).
Il en va de même du Protocole sur les accidents industriels.
IllEn matière de déchets, le Protocole de Bâle retient également le critère du lieu du dommage,
roue en ajoutant le principe du for de la résidence du défendeur.
Il La Conventions HNS précise qu'en cas de pollution en haute mer, l'action peut être portée
devant les juridictions du pays d'immatriculation du navire - ou à défaut, du pavillon-, ainsi que
devant ceux du pays de résidence du propriétaire ou du pays où un fonds d'indemnisation a été
constitué (art. 38).
juge saisi désigne le droit d'un État partie (sur ce procédé, voy. supra, chap. 4).
Ce rattachement spécial écarte ainsi, comme pour d'autres délits spéciaux, le critère
de la résidence des parties dans le même pays, critère peu approprié en cette matière. Il
n'exclut pas de soi que le dommage puisse se localiser au lieu de la résidence de la victime.
De plus, la clause générale d'exception reste d'application (art. 19), et rien n'empêche les
parties de convenir du droit applicable (art. 101).
1111 La proposition « Rome II » comprend une règle spéciale, offrant à la personne lésée une option
entre la loi du lieu du fait et celle du lieu de survenance du dommage. La règle exprime une politi-
que de faveur à la restauration de l'environnement, dans la ligne de l'objectif communautaire de
réalisation d'un niveau élevé de protection. L'exposé des motifs souligne que le critère du lieu de
survenance du dommage correspond à une tendance en droit comparé et évite la délocalisation
d'activités dangereuses, mais n'empêche pas l'installation d'un établissement frontalier de nature à
causer un dommage dans un pays voisin à faible niveau de protection.
La règle de rattachement n'empêche pas le jeu d'une règle spéciale d'applicabilité qui
affecterait un régime de protection particulier (art. 20 Codip).
IllAinsi, l'arrêté du gouvernement wallon du 5 novembre 1998 relatif aux règles d'indemnisation
par la Région wallonne des dommages causés par les déchets (Monit., 15 décembre 1998) prend
pour critère d'applicabilité la survenance du dommage sur le terriroire de la Région, et ajoute une
présomption de localisation en fonction de la présence de la personne lésée sur le territoire au
moment de l'exposition aux effets nocifs des déchets.
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 957
sible en relation avec l'événement, comme sa réputation en ce lieu pour une atteinte aux
droits de la personnalité, ou en relation avec une perte de marché, pour une atteinte à un
droit de propriété intellectuelle. Et la compétence basée sur la localisation du dommage
est limitée à la localisation dans le pays du for.
1111L'arrêt précité de la cour d'appel de Bruxelles du 4 mai 2001 envisage une localisation par Inter-
net, de l'événement causal au lieu d'alimentation, sur le territoire, d'un site étranger et de la maté-
rialisation du dommage, au lieu de consultation, sur le territoire, d'un site étranger ; de même,
l'arrêt précité du 26 février 2003, pour la matérialisation du dommage au lieu de consultation d'un
site Internet.
De même en France, pour une localisation du dommage au lieu de consultation passive d'un site
localisé à l'étranger, voy. : Cass. civ., 9 décembre 2003, Castellblanch, Revue (2004), 632, note O.
CACHARD,j.C.P. (2004), II, 10055, note C. CHABERT, à propos de la réparation du dommage causé par
la contrefaçon d'une marque diffusée à partir d'un site localisé en Espagne et consultable en France.
À propos de la protection d'une marque constituée d'un nom de domaine, voy. : Bruxelles,
9 décembre 2004,].T. (2005), 338, note A. CRUQUENAIRE, qui, après avoir localisé en Suisse le fait
générateur constitué de l'enregistrement frauduleux, n'identifie la survenance du dommage en Bel-
gique, où le site était accessible, qu'en raison de l'enregistrement de la marque qui avait été effectué
pour ce territoire.
1111 Comp., pour la règle de rattachement: Cass. civ., 14 janvier 1997, Gordon and Breach Science,
Revue (1997), 504, noteJ.-M. BiscHOFF, voyant dans la diffusion en France d'une érude scientifique,
dans le contexte de la réparation d'un fait de concurrence déloyale, une confusion du fait généra-
teur et de la réalisation du dommage.
Pour une extension de ce critère à la compétence du juge des référés dès lors qu'il lui est demandé
de prévenir un dommage dont la réparation est demandée en Belgique, à savoir interdire la diffu-
sion d'un livre d'un auteur belge (quoique résidant à l'étranger), voy.: Bruxelles, réf., 6 juin 2002,
N.]. W. (2003), 670, alors que le demandeur est un organisme allemand de radio-diffusion.
J.-M. BiscHOFF, ôtant l'effet utile de l'option en concentrant l'événement et le dommage au même
lieu de diffusion. Voy. antérieurement, en faveur de l'application de la loi du lieu où les faits ont été
commis aux« conséquences de l'atteinte à la vie privée d'une personne ou de la violation du droit
qu'elle possède sur son image»: Cass. civ., 13 avril 1988,Jours de France, Revue (1988), 546, note P.
BouREL. Cette solution rompait avec la désignation distributive des lois des lieux de diffusion (par
ex.: Paris, 19 mars 1984, Caroline de Monaco, Revue, 1985, 141, note H. GAUDEMET-TALLON). P. Bou-
REL (Recueil des cours, précité n ° 15.1) y préfère l'application de la loi de la résidence habituelle de la
victime, solution qu'avait invoquée le pourvoi dans l'affaire jours de France précitée.
Pour la localisation en Belgique, au lieu de publication de photos, du fait générateur alors que la
1111
personne lésée résidait en France et que les photos avaient été prises en France, voy. : Civ. Bruxelles,
27 avril 2004, Auteurs & Media (2005), 80.
ÜBLIGATIONS DÉRIVANT D'UN FAIT DOMMAGEABLE 959
Ill!Pour la localisation du « fait générateur», au sens de l'article 3, § 1er, du Code civil (voy. supra,
n ° 15.11), au lieu du« point final» de l'acte, pour un cas d'usurpation de nom de domaine consti-
tué du nom d'une société, la localisation opérée se confondant alors avec le lieu de l'établissement
principal de la société (également lieu de survenance du dommage), voy.: Bruxelles, F' avril 1998,
Tractebel,J.L.M.B. (1998), 1588, note E. WÉRY. Contra, de manière plus rigoureuse: Comm. Mons,
15 juin 2001, Starnet Communications, inédit, localisant le fait au lieu d'enregistrement du nom de
domaine litigieux et de situation du serveur contenant des propos diffamants.
1111Lorsque le dommage se localise en plusieurs pays (diffusion simultanée), la personne lésée ne
pourra invoquer le bénéfice de la loi d'un de ces pays que pour le dommage qui y est localisé. On ne
pourrait pas évoquer à cette occasion une application « conjointe» des droits des différents pays
(Civ. Bruxelles, 17 janvier 1975,J. T., 1975, 441) mais plutôt leur application distributive.
L'atteinte à la vie privée par la voie de la presse requiert une balance des intérêts de
deux droits fondamentaux, celui de la protection de la vie privée et celui de la protection
de la liberté d'expression. Ces valeurs d'ordre constitutionnel peuvent entraîner un
recours à la clause générale de l'exception d'ordre public lorsque les conditions en sont
remplies (art. 21), à l'encontre d'un droit étranger dont l'application à l'espèce violerait
autant l'un que l'autre de ces droits.
Ill!L'impératif d'ordre constitutionnel de protection de la liberté de la presse justifie-t-il une exclu-
sion de la loi du dommage au profit de la loi du lieu de production de l'article de presse? Si cette
solution rigide peut satisfaire cet impératif (par exemple à l'égard d'un droit étranger organisant
une censure), il peut également ne pas satisfaire un impératif de protection de la vie privée.
1111Comp. la proposition de règlement « Rome II», qui, tout en laissant jouer la règle générale de
rattachement en matière de responsabilité civile, désigne la loi du for« lorsque l'application de la
loi désignée [... ] serait contraire aux principes fondamentaux du for en matière de liberté d'expres-
sion et d'information» (art. 6, § 1er).
15.55 - Règles spéciales de conflit de lois - Le législateur peut déroger aux règles de rat-
tachement qui régissent les atteintes aux droits de la personnalité, en fonction d'un
objectif ou d'un contexte particulier. Le phénomène se rencontre à propos de l'organisa-
tion de la protection de données à caractère personnel par le législateur communautaire.
De manière générale, la directive 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection
des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données (J.O.C.E., 1995, L 281) établit les conditions de licéité du
traitement et énonce un principe de responsabilité tempéré, comme cause d'exonération,
par la preuve que« le fait qui a provoqué le dommage [n'est] pas imputable [au responsa-
ble du traitement] » (art. 23). Elle complète ces règles matérielles d'un jeu de règles de
conflit de lois, distinguant selon que le responsable du traitement est établi ou non dans
la Communauté (art. 4). Dans l'affirmative, la loi applicable est celle de l'État membre où
est situé l'établissement du responsable du traitement où celui-ci a été effectué. Dans la
négative, cette loi est celle de l'État membre sur le territoire duquel sont situés les
« moyens, automatisés ou non», auxquels le responsable du traitement a eu recours.
Ill! La directive 2002/58 du 12 juillet 2002 sur la vie privée et les communications électroniques
(J.O.C.E., 2002, L 201) établit des règles matérielles applicables à toute fourniture de communica-
tion électronique par voie d'un réseau public de communications dans la Communauté.
1111 La directive 95/46 a été transposée en droit belge par la loi du 11 décembre 1998 (Monit.,
3 février 1999), modifiant la loi du 8 décembre 1992. L'article 3bis nouveau contient, pour le res-
ponsable de traitement établi dans la Communauté, une règle unilatérale visant les seuls établisse-
ments localisés en Belgique. Cette règle doit s'entendre comme complétée d'un faisceau de règles
d'applicabilité analogues énoncées par chacun des États d'origine des opérateurs établis ailleurs
dans la Communauté.
960 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
par l'article 2 de la Convention du 4 mai 1971, celle-ci ne s'applique le plus souvent qu'à
la responsabilité de personnes elles-mêmes présentes au lieu où le véhicule « est impliqué
dans l'accident»; la chaîne causale d'actes et de faits susceptibles d'engager la responsa-
bilité en raison d'un produit se compose, pour une large part, d'actes juridiques, en telle
sorte que cette responsabilité est tantôt contractuelle, tantôt quasi délictuelle.
À ces particularités techniques, s'ajoute la considération que les accidents en cause
engagent parfois un secteur important de l'économie nationale, et que leur ampleur peut
être catastrophique. Ce facteur de coût accentue l'intérêt que peut revêtir pour l'État la
préférence donnée à une loi sur une autre.
15.58 - Rattachement autonome de la responsabilité du fait des produits - Le Code de
droit international privé a introduit une règle spéciale de rattachement « en cas de res-
ponsabilité du producteur, de l'importateur ou du fournisseur du fait d'un produit »
(art. 99, § 2, 4 °).
La règle désigne le droit de l'État de la résidence habituelle de la personne lésée, et le
conflit mobile est tranché en fonction du moment de la survenance du dommage. Elle ne
préjudicie ni du choix d'une autre loi par les parties, pourvu que ce soit après la naissance
du différend (art. 101), ni du jeu de la clause générale d'exception (art. 19).
La solution peut être vue comme cherchant à favoriser la personne lésée. En effet,
d'autres alternatives auraient pu consister à chercher une loi dont l'application fût prévi-
sible pour le responsable, soit par la formulation d'un critère déterminé exprimant un
élément de localisation connu de celui-ci, comme la mise sur le marché dans le pays de
résidence, soit par une condition de prévisibilité de la loi applicable. Pourtant, la loi de
résidence de la personne lésée ne sera pas nécessairement favorable à celle-ci : tout dépen-
dra de son contenu. De plus, une référence au lieu de commercialisation aurait été peu
appropriée lorsque la personne lésée n'a pas acquis le produit en cause.
111!La Convention de La Haye élabore un système complexe qui s'efforce de tenir en équilibre les
diverses localisations possibles en donnant compétence à la loi d'un pays vers lequel convergent
deux facteurs de rattachement au moins : les articles 4 et 5 contiennent chacun une règle de ratta-
chement conditionnel utilisant les critères du fait dommageable, de la résidence des parties et du
lieu d'acquisition du produit, dont la première est subsidiaire par rapport à la seconde. Une troi-
sième solution (art. 6), subsidiaire par rapport aux deux précédentes, offre une option au deman-
deur (entre la loi du fait dommageable et la loi de l'établissement du fabricant), exprimant ainsi
une politique de droit matériel qui lui est favorable. Enfin, le champ d'application de toutes les
règles précédentes est restreint par un critère de droit matériel, la prévisibilité, pour le fabricant res-
ponsable, de l'exportation de ses produits (art. 7).
La proposition de règlement« Rome II » émet aussi une préférence de principe pour la loi de la
Ill
résidence de la personne lésée, tout en tempérant celle-ci par une clause de prévisibilité pour le
fabricant (art. 4) : lorsque celui-ci établie que le produit n'a pas été commercialisé dans le pays de
résidence avec son consentement, la loi de son établissement est applicable. Cette règle cède cepen-
dant lorsque les parties résident dans le même pays, ou devant le jeu de la clause d'exception.
111L'absence de condition de prévisibilité dans le Code pourrait être compensée par le jeu de la
clause d'exception.
Le texte ne contient pas de définition de la« responsabilité du fait des produits». Il
n'utilise pas non plus cette expression, préférant se référer au « fait » d'un produit, sans
avoir égard à la qualité du défendeur (producteur, importateur ou fournisseur). Il n'est
pas exigé que le produit soit « défectueux », car cette condition relève du régime matériel
de la responsabilité, qui dépend précisément de la loi à désigner. Une difficulté pourrait
962 LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Section 2
Les autres obligations non contractuelles
§1 LES OBLIGATIONS QUASI CONTRACTUELLES
15.59 - Bibliographie
BALLARINO, « L'arricchimento senza causa ne! dir. int. privato », Dir. internazionale (1963), 341-394;
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matière d'obligations extra-contractuelles (Paris, 1961), 25-2 7 ; G. CARELLA, « La disciplina international-
privatistica delle obbligazioni da facto lecito nella proposta di regolamento 'Roma II' »,Ri.v. dir. int.
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« Bereicherungsansprüche im I.P.R. », Süddeutsche Juristenzeitung ( 194 7), 24 7.
l'égard de son gérant, ainsi que la mesure dans laquelle l'acte du gérant a engagé le maître
à l'égard des tiers.
Le Code de droit international privé introduit des règles propres aux quasi-contrats,
qui se réfèrent au principe de la localisation de la survenance du fait dont résulte l'obliga-
tion quasi contractuelle (art. 104, § 1er).
Le critère de la survenance de ce fait sert aussi de critère de compétence internationale (art. 96,
11!1
3°), en complément des règles générales du Code.
b) Études générales
M. BENEDETTELLI, « 'Corporate governance', mercati finanziari e diritto internazionale privato »,
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966 LES PERSONNES MORALES
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prat. droit belge, n°s 32 et s., n°s 168, 601, 3050-3117 ;J. VAN RYN, Principes de droit commercial (Bruxel-
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commerciales: La théorie du siège réel à l'épreuve de la liberté d'établissement»,]. T.D.E. (2003),
33-97; Y. LoussouARN, « Le rattachement des sociétés et la Communauté économique
européenne », Mélanges Teitgen (Paris, Pédone, 1984), 239-270; S. RAMMELOO, « The long and win-
ding road towards freedom of establishment for legal persons in Europe »,Maastricht.]. eur. camp. L.
(2003), 169-198; E. PATAUT, « De Bruxelles à La Haye», Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz, 2005), 661-
695; W.-H. ROTH,« From Centras to Uberseering: Free movement of companies, private interna-
tional law and Community Law», I.C.L.Q. (2003), 177-208; H.-J. SONNENBERGER, « Europaïsche
Herausforderungen des Internationalen Gesellschafrsrechts », Mélanges Lagarde (Paris, Dalloz,
2005), 749-763; K. SoRENSEN et M. NEVJLLE, « Corporate migration in the European Union»,
Columbia]. eur. L. (2000), 181-208 ;]. WOUTERS, « Europees vestigingsrecht van venootschappen en
internationaal privaatrecht », NI.PR. (2000), 259-272 ; E. WYMEERSCH, « The transfer of the com-
pany's seat in European company law », C.M.L.R. (2003), 661-695.
Sur la société européenne, voy. notamment: G. BLANC,« La société européenne: la pluralité des rat-
tachements en question », D.S., Dr. aff (2002), 1052-1057; M. BoULOUKOS, « Le régime juridique de
la société européenne (SE)», Rev. dr. aff int. (2004), 489-517; C. CASTELEIN, « De Societas Europaea,
nuttig instrument of maat voor niets ? Bijdrage over een toekomstige vennootschapsvorm, met
bijzondere aandacht voor het IPR »,Jura Falconis (2002-2003), 41-76 ; V. MAGNIER, « La société euro-
péenne en question», Revue (2004), 555-588.
968 LES PERSONNES MORALES
16.2 - Présentation - La personne morale peut susciter en droit international privé des
problèmes très différents de ceux que soulève la personne physique. L'existence même de
celle-ci est indépendante de toute intervention législative, alors que celle-là ne peut pré-
tendre à la qualité de sujet de droit que si cette qualité lui a été conférée par un État déter-
miné - ou par l'ordre juridique international.
Aussi la personne morale nécessite-t-elle une règle de rattachement particulière, qui
permette de désigner le droit qui régit sa constitution, son fonctionnement et sa dissolu-
tion. Et ces questions appellent à leur tour des règles appropriées de conflit de juridic-
tions.
Mais comme la personne physique, la personne morale se prête encore à l'applica-
tion de textes dont les destinataires peuvent être tout sujet de droit, personne physique
ou morale. De tels textes peuvent utiliser, pour les besoins de leur application aux situa-
tions internationales, des facteurs de localisation tels que la nationalité ou le domicile,
sans définir nécessairement ces critères de manière particulière pour les personnes mora-
les. Dans une telle perspective, il y a lieu de s'attacher à une définition de la nationalité -
comme du domicile - d'une personne morale.
La détermination de la nationalité de la personne morale joue en particulier un rôle
lorsque la qualification d' « étrangère » a pour conséquence de la soumettre à un régime
discriminatoire analogue à celui qui peut frapper une personne physique étrangère. Elle
ne suscite pas moins des questions spécifiques, liées aux conditions de son existence par
l'effet de la loi, telle la question de la reconnaissance de la personnalité ou celle de l'assi-
milation à une personne physique.
Section 1
La condition de la personne morale étrangère
§ 1 LA DÉTERMINATION DE LA NATIONALITÉ
DE LA PERSONNE MORALE
16.3 - Fonctions de la nationalité d'une société - L'extension même du concept de
nationalité aux personnes morales n'a pas cessé de susciter des critiques, notamment de
Niboyet, reprenant certaines objections déjà formulées par Pillet et par de Vareilles-Som-
mières. L'une des difficultés tient à la détermination de la fonction attachée à la nationa-
lité d'une société.
1111 Sur la nationalité des sociétés, voy. dans la doctrine, notamment: BATIFFOL, « Observations sur
le problème de la nationalité des sociétés», Studi in memoria di A. Straffia (1962), t. I, 65-78; HAMEL,
« Faut-il parler de "nationalité" des sociétés commerciales?», Mélanges Gutzwiller, 365-371; Lorns-
LUCAS, « Remarques relatives à la détermination de la nationalité des sociétés »,].C.P. (1953), I, 104;
MAZEAUD,« De la nationalité des sociétés », Clunet (1928), 30; NmoYET, « Existe-t-il vraiment une
nationalité des sociétés ? », Revue (1927), 402; M. RAHMAN,« Determination of nationality of trans-
national corporations (TNCs): A functional approach », Indian]. Int. L. (1988), 222-235; A. PRUJI-
NER, « La personnalité morale et son rattachement en droit international privé», Cahiers de droit
(1990), 1049-1074; V. SIMONART, La personnalité morale en droit privé comparé (Bruxelles, Bruylant,
1995); TRAVERS,« La nationalité des sociétés commerciales», Recueil des cours (1930), vol. 33, 1 et s.;
J. VERHOEVEN, « Condition des étrangers, conflit de lois et sociétés offshores», Rev. crit. jur. belge
LA CONDITION DE LA PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE 969
(1997), 5 et s.; P. VLAS, « 'Apatride' associations: Aspects of private international law », N.I.L.R.
(1990), 37-70.
li!Voy. déjà l'emprunt fait à l'article 3, alinéa 3, du Code civil par: Cass., 12 avril 1888, Tant c.
Boutmy, Pas. (1888), !, 186.
ques, car ce concept y remplit la fonction d'un critère de compétence internationale ou d'un facteur
de rattachement à l'égard de ces personnes. En revanche, le concept n'y remplit aucun rôle pour les
personnes morales, ce qui explique l'absence de définition pour cette catégorie de sujets de droit.
Le Code belge des sociétés ne fait pas l'économie du facteur de nationalité pour les personnes
11111
morales. S'il n'utilise pas formellement l'expression « société belge », si ce n'est dans un intitulé, il
le fait pour une « société étrangère». Celle-ci n'est pas définie, mais la notion est mise en relation,
tantôt avec celle de société « constituée en pays étranger» (art. 58), tantôt avec celle de société
« relevant du droit d'un État [... ] » (art. 81 et 82). Le texte utilise aussi l'expression « succursale
belge d'une société étrangère» (art. 59).
Dans le système de ce Code, la société« non étrangère» se comprend comme celle qui est régie par
le droit belge, selon la règle de rattachement établie par le législateur (art. 56, remplacé par
l'art. 110 Codip, voy. infra, n ° 16.11). Il y a donc confusion entre« nationalité» et« rattachement»
de la société au droit belge.
Ill L'expression « société relevant du droit d'un État [... ] » puise au droit communautaire dérivé.
Voy. par exemple la directive 2004/25 du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisi-
tion (J.O.C.E., 2004, L 142).
Il! Le droit belge connaît encore l'expression « société de droit belge». Voy. par exemple, à propos
de la réglementation des offres publiques d'acquisition de sociétés cotées en bourse, la loi du
2 mars 1989 (Monit., 24 mai 1989, art. 1er,§ 2), modifiée par la loi du 2 août 2002 (Monit., 22 août
2002). Cette expression renvoie au« rattachement» de la société au moyen de la règle de conflit de
lois qui régit son existence et son fonctionnement, à savoir l'article 110 du Code de droit inter-
national privé (Anvers, 13 avril 2000, TR. V, 2000, 236, note K. VANERHEYDEN et S. DEVISCH). Ce qui
n'empêche pas la Cour de cassation de lier l'expression à celle de « société belge» (Cass.,
22 novembre 2002, Rev. dr. comm. belge, 2003, 823, note B. DE Vos).
Voy. aussi la loi du 20 juillet 2004 relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles
d'investissement (Monit., 9 mars 2005), qui utilise l'expression « organisme belge» ou « de droit
belge».
970 LES PERSONNES MORALES
Il!Voy. encore, à propos des associations, l'assimilation entre nationalité et rattachement, infra,
n° 16.11.
Ill En droit international public, la détermination de la nationalité d'une personne morale est
nécessaire à la protection diplomatique.
La question a été longuement débattue devant la Cour internationale de Justice à propos de
l'affaire de la Barcelona Traction et, dans son arrêt du S février 1970, la Cour a affirmé que: « la règle
traditionnelle attribue le droit d'exercer la protection diplomatique d'une société à l'État sous les
lois duquel elle s'est constituée et sur le territoire duquel elle a son siège» (C.I.J. Rec. 1970, 42).
Cette affirmation contient deux règles. L'une concerne la détermination de la nationalité et désigne
le pays ayant conféré la personnalité juridique à la société. L'autre subordonne« le droit d'exercer la
protection diplomatique» à l'effectivité du lien entre la société et l'État qui agit en son nom, lien
concrétisé par la localisation du siège.
Pour une analyse de la jurisprudence internationale sur ce deuxième point, voy. notamment : P. DE
VISSCHER, « La protection diplomatique des personnes morales», Recueil des cours (1961), vol. 102,
446 et S.
Comp. supra, n° 5.46, l'arrêt Nottebohm, à propos de la détermination de la nationalité des person-
nes physiques pour les besoins de l'exercice de la protection diplomatique.
Le lien établi généralement entre le « rattachement » d'une société et sa « nationa-
lité » conduit à une confusion lors de la détermination de la nationalité de la société, en
empruntant à la méthode du rattachement une règle de nature universelle.
Dans les pays qui rattachent les personnes morales à la loi de leur siège social, la
solution dominante consiste à généraliser ce critère en déterminant la nationalité des
sociétés étrangères par le lieu du siège social, même si elles ont acquis la personnalité juri-
dique par leur enregistrement dans un autre pays. Cette solution est souvent motivée par
la nécessité de contraindre les sociétés à se conformer aux exigences de la loi du pays où
est situé leur siège réel, alors que le critère de l'enregistrement leur permet de soumettre
leurs statuts et leur fonctionnement à une loi n'offrant pas les mêmes garanties aux asso-
ciés et aux tiers (voy. notamment: BATIFFOL et LAGARDE, t. rer, n ° 193).
1111 Le critère de l'enregistrement n'est, par sa nature même, pas susceptible d'universalisation.
Comment saurait-on l'étendre aux sociétés ayant obtenu la personnalité juridique d'une loi qui ne
prévoit pas de formalité analogue?
La motivation d'une telle règle universelle confond deux problèmes différents : la
détermination de la nationalité d'une personne morale et la reconnaissance de sa person-
nalité par les États dont, suivant la solution donnée au premier problème, elle n'a pas la
nationalité.
Pour la détermination de la nationalité d'une personne morale de droit privé et sous
réserve des droits qui lui sont ensuite reconnus, il y a lieu d'élaborer une règle analogue à
celle qui s'applique aux personnes morales de droit public: une société ou une fondation
a la nationalité de l'État dont la loi lui a conféré la personnalité juridique. Il importe peu
à cet égard que la personnalité morale et la nationalité qui en découle soient obtenues
grâce à une formalité administrative particulière, tel l'enregistrement, par la seule opéra-
tion de la loi ou moyennant l'accomplissement de formes de publicité.
16.6 - Approche fonctionnelle du conflit de nationalités - Comme pour les personnes
physiques, le législateur peut, en des matières particulières, ajouter à la nationalité une
condition qui reflète un lien particulier avec un État déterminé.
Cette solution fonctionnelle a été pratiquée pour la définition des biens ennemis
après un conflit armé, aux fins de l'adoption de mesures de séquestre. La condition s'atta-
che à l'existence d'un « contrôle» de la société par les actionnaires, nationaux de l'État
ennem1.
972 LES PERSONNES MORALES
11!1 À propos de la liquidation de biens appartenant à des Allemands ennemis, l' Accord du
5 décembre 1947 sur la résolution des conflits portant sur les avoirs allemands ennemis (Monit.,
19 mars 1949) couvre route « entreprise organisée conformément aux lois d'un Gouvernement
signataire [... ] dans laquelle existaient, à la date de référence, des intérêts allemands ennemis,
directs ou indirects» (art. 11, A). Le « contrôle» allemand d'une entreprise se définit par la déten-
tion de 50 % au moins des actions avec droit de vote, ou par le contrôle de la gestion, de l'adminis-
tration ou du fonctionnement de l'entreprise, ou du vote des actionnaires, par des Allemands
ennemis (art. 11, B).
11!1Ont été tenues, en Belgique, pour ennemies au cours de deux guerres mondiales, bien qu'ayant
le statut juridique de l'État du for ou d'États tiers, les sociétés présentant d'autres attaches avec un
État ennemi: soit la nationalité des actionnaires (voy. l'arrêté-loi du 10 novembre 1918), soit la
nationalité des personnes physiques« contrôlant» la société (arrêté-loi du 23 août 1944).
Sur la théorie du contrôle, voy. notamment P. DE VrsscHER,
11!1 « La protection diplomatique des
personnes morales», Recueil des cours, vol. 102 (1961), 439-445.
L'existence d'un traité international peut également obliger l'État du for a retenir,
parmi plusieurs nationalités, celle du pays avec lequel cet État est lié. À moins que le
traité en dispose autrement, une condition supplémentaire d'effectivité ne saurait être
exigée : il suffit que la personne ait acquis la qualité de ressortissant en vertu de la loi
étrangère.
Ill Voy. une application classique de l'approche fonctionnelle à propos de l'invocation du privilège
de la caution judicatum solvi, inopposable en Belgique aux ressortissants du Liberia en vertu de la
convention conclue avec ce pays le 1er mai 1985, par: Cass., 15 décembre 1994, Indra Cy., Rev. crit.
jur. belge (1997), 5, note]. VERHOEVEN, TRV (1995), 411, note F. PETILLION.
structure du texte, mais à définir la catégorie des sujets de droit bénéficiaires du traité CE. À cet
égard, elle relève davantage d'une règle sur la condition de l'étranger, en excluant de cette catégorie
les sociétés qui ne remplissent aucun de ces critères. La condition veille à une effectivité minimale
du lien entre la société et l'espace communautaire et présente à cet égard une analogie avec celle
observée à propos de la protection diplomatique.
Voy. une application de cette assimilation de la personne morale à un ressortissant d'un État
1111
membre, en droit belge, dans la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux
marchés financiers (Monit., 22 décembre 1990), utilisant les critères précités pour distinguer une
société qui« relève » du droit d'un État membre de celle qui n'en relève pas.
L'article 35 de cette loi exige qu'une société de bourse « de droit belge» soit constituée sous la
forme d'une société commerciale de droit belge, mais cela n'exclut pas que la société ait son établis-
sement principal en Belgique tout en ayant été constituée par un acte passé à l'étranger (voy. infra,
n° 16.14).
1111Comp. la référence à une société « constituée» en Belgique apparaît pour définir la qualité de
« belge » lorsque la condition sert à définir les conditions du recours contre une sentence arbitrale
(art. 1717 C. jud.).
Voy. encore, l'arrêté royal du 5 octobre 1978 relatif à l'enregistrement d'un entrepreneur dans le
secteur de la construction, et: Civ. Bruxelles, 19 décembre 1991,].T. (1992), 498, établissant une
assimilation entre le critère de la constitution conformément au droit belge et la localisation du
siège réel en Belgique.
Comp. le Protocole belgo-zaïrois du 24 juillet 1983 (Monit., 8 février 1984) relatif au règlement
1111
de l'indemnisation des biens zaïrianisés ayant appartenu à des personnes morales belges n'ayant
pas pu obtenir un règlement d'indemnisation ou la rétrocession de leurs biens zaïrianisés, consi-
dère comme « personne morale belge » la société « constituée conformément au droit belge et
[ayant] son siège social en Belgique» (art. l", 3°).
Le droit dérivé réserve une place certaine au critère du siège réel (voy. infra, n ° 16.17).
Plusieurs actes du Conseil utilisent ce critère, tantôt pour délimiter dans l'espace la caté-
gorie des personnes morales visées, tantôt pour soumettre celles-ci à des obligations pré-
vues par le droit national.
1111Un groupement européen d'intérêt économique (règlement 1237/85 du 25 juillet 1985,].O.C.E.,
1985, L 199) doit avoir son siège dans la Communauté. Il s'agit du siège« fixé par le contrat de
groupement» (art. 2). Il doit être fixé par référence à« l'administration centrale », soit du groupe-
ment, soit de l'un de ses membres (art. 12). En outre, le groupement doit être immatriculé dans
l'État du siège.
En Belgique, la loi du 12 juillet 1989 (Monit., 22 août 1989) portant diverses mesures d'application
du règlement, confère la personnalité juridique au groupement « immatriculé » en Belgique, et
celui-ci est soumis à la loi belge sur le groupement économique. L'immatriculation a lieu au regis-
tre du greffe du tribunal de commerce dans le ressort territorial duquel le groupement a son siège.
Des dispositions analogues figurent dans le règlement 2157/2001 du 8 octobre 2001 relatif au
11111
statut de la société européenne (J.O.C.E., 2001, L 294), comme dans le règlement 1435/2003 du
22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (J.O.C.E., 2003, L 207).
1111 Le préambule du règlement 1435/2003 précise que l'acte consacre la théorie du« siège réel».
Ili À propos de l'accès à l'activité économique, le règlement 2343/90 du 24 juillet 1990 (J.O.C.E.,
1990, L 217) relatif aux services aériens réguliers, définit comme « transporteur aérien
communautaire» route entreprise localisée dans la Communauté par les critères cumulatifs
suivants: administration centrale, principal établissement, détention d'une participation majori-
taire par un État membre ou par des ressortissants d'un tel État et contrôle effectif par un tel État
ou par des ressortissants d'un tel État (art. 2, e).
Le droit de faire des opérations en Belgique, d'y ester en justice et de s'établir par la
création d'une succursale, est reconnu aux « sociétés constituées en pays étranger et y
ayant leur siège réel» (art. 58, al. 1er, C. soc.).
1111La première intervention du législateur tendant à reconnaître la personnalité juridique étran-
gère est celle de la loi du 14 mars 1855 relative à la réciprocité internationale en matière de sociétés
anonymes, reconnaissant aux sociétés françaises poursuivant un but de lucre le droit d'« exercer
tous les droits et [d']ester en justice en Belgique», sous réserve de la réciprocité (art. 1er). L'article 2
de la même loi habilita le gouvernement à étendre ce régime aux sociétés de même nature existant
en tout autre pays.
Un régime plus libéral fut consacré par la loi du 18 mai 1873, qui reconnut de plein droit et sans
condition de réciprocité, « les sociétés anonymes et les autres associations commerciales, indus-
trielles ou financières constituées et ayant leur siège en pays étranger».
Toutefois, le droit d'agir en justice n'est reconnu à une société étrangère ayant créé
une succursale en Belgique ou y faisant appel public à l'épargne, que si l'acte constitutif a
été déposé au greffe du tribunal de commerce du ressort de la succursale ou, à défaut, de
Bruxelles, avec inscription au registre des personnes morales, répertoire de la Banque-
Carrefour des entreprises (al. 2).
IliLa succursale s'entend d'un local, siège de l'établissement secondaire que la société a fondé en
Belgique, où le public puisse rencontrer une personne ayant le pouvoir d'engager la société étran-
gère, un représentant de celle-ci (Cass., 18 décembre 1941, Pas., 1941, I, 467; F. RrGAUX, « La notion
de succursale d'une société étrangère en droit belge», Mélanges Fredericq, t. II, 815-827).
Les sociétés sont celles appartenant à l'une des catégories visées par le Code des socié-
tés (art. 2). Celui-ci couvre, outre les sociétés commerciales - qu'il dote de la personnalité
LA CONDITION DE LA PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE 975
La Cour de cassation a admis la capacité d'ester en justice d'une société civile dont une loi étran-
1!11
gère « a présidé à la naissance et fixé l'étendue de ses droits », se référant à la loi du « pays
d'origine» pour déterminer le droit d'ester en justice (Cass., 12 novembre 1935, Dewit, Pas., 1936, I,
48). Voy. aussi en ce sens: Cass., 28 juin 1968, The Scotch Whisky Association, Pas. (1968), I, 1239 ;
Bruxelles, 29 juin 1989,J.T. (1989), 749, note L. VAN BUNNEN.
Sur les hésitations des juridictions de fond, voy. : F. RIGAUX, « La protection de la personnalité en
droit international privé», Ann. dr. et sc. pal. (1959), 279-286.
La solution invoque un motif emprunté au droit des gens. Entretenant avec les États étrangers
1!11
des« relations d'amitié et d'affaires», le gouvernement belge ne saurait manquer de reconnaître les
personnes morales qui émanent de ces États.
Ayant reçu l'approbation d'une fraction de la doctrine belge (Rolin, De Paepe), cette motivation a
été vivement combattue par LAURENT (t. IV, 253) et par POULLET (n ° 206).
1!11 Voy. déjà, à une époque où une société anonyme légalement établie à l'étranger se voyait refuser
le droit d'ester en justice: Cass., 8 février 1849, Assur. gén. de Paris c. Ruelens, Pas. (1849), I, 221, au
motif que les « établissements administratifs » auxquels un État étranger a conféré la personnalité
civile devaient être reconnus en Belgique.
1111Voy. une reconnaissance implicite par, notamment: Comm. Bruxelles, 16 ocrobre 1990, J. T.
(1991), 482, note F. RIGAUX. Autre est la question de la recevabilité de la demande en raison de la
nature - ressortissant au droit public ou au droit privé - de son objet ou de sa cause, comme le
montre correctement le jugement.
À propos d'une demande de saisie sur des biens du domaine privé de l'État étranger au sujet d'une
dette d'une entreprise publique étrangère, voy. : Cass., 6 décembre 1996, Distrigaz, Rev. dr. comm.
belge (1997), 300, note B. DE GROOTE, soumettant la personnalité juridique à la loi étrangère de la
société. Voy. encore pour une reconnaissance explicite: Gand, 6 décembre 2001, TR.V (2002), 376.
976 LES PERSONNES MORALES
refusé de reconnaître une société civile constituée conformément aux articles 1832 et suivants du
Code civil français, et à laquelle, en droit interne, la jurisprudence française, mais non la jurispru-
dence belge, a reconnu la personnalité civile (Cass., 12 novembre 1935, Dewit, Pas., 1936, I, 48 ; voy.,
du même jour, l'arrêt D'Hoedt, ibid., 51).
1111La solution de ces arrêts est liée au refus d'appliquer la loi française avec l'interprétation que
celle-ci a reçue des tribunaux français, thèse aujourd'hui périmée (supra, n ° 6.57). Elle s'explique
aussi par l'influence de la théorie de la fiction : la personnification des êtres de raison ne saurait être
attribuée qu'à une expression formelle de volonté du législateur.
Alors que quelques auteurs se sont bornés à entériner cette solution (ABRAHAMS, op. cit., 97 et 98,
105 ; FREDERICQ, t. II, n ° 775 ; VAN RYN, t. II, n ° 1132), VAN DIEVOET (Le droit civil en Belgique et en Hol-
lande de 1800 à 1940, 1948, 350) et DE PAGE (Traité élémentaire de droit civil, t. 1er, 1962, 159, note 7)
l'ont vigoureusement critiquée. Voy. aussi: F. R.rGAUX, La nature du contrôle de la Cour de cassation,
n ° 84. On peut considérer aujourd'hui qu'elle est périmée.
1111D'après la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 (supra, n ° 8.32), « toute société civile ou
commerciale de l'un des deux pays, qui établit une succursale dans l'autre, est réputée faire élection
de domicile, pour le jugement de toutes les contestations concernant les opérations de la succur-
sale, au lieu où celle-ci a son siège » (art. 3, § 2). Contrairement à ce qu'a affirmé la Cour de cassa-
tion, loin d'impliquer « d'une manière non douteuse, que toute société civile ou commerciale
établie dans l'un des deux pays a le droit d'ester en justice dans l'autre» (6 octobre 1904, Desier c.
Mutuelle de France et des colonies, Pas., 1904, I, 362), cette disposition énonce une règle de conflit de
juridictions pour le cas où, en vertu des dispositions compétentes, la société étrangère est reconnue
dans l'État du for.
personnalité juridique des sociétés, associations et fondations étrangères (signée et ratifiée par la
Belgique, mais non entrée en vigueur).
IllSur ces instruments, voy. notamment: U. DROBNIG, « La convenzione della CEE su! reciproco
riconoscimento delle società e persane giuridiche », Riv. dir. int. priv. proc. (1973), 513-551; B. GOLD-
LE CONFLIT DE LOIS 977
MAN,« The Convention between the Member States of the European Economie Community on the
mutual recognition of companies and legal persans», C.M.L.R (1968), 104-128; A. LEJUSTE, « Het
Verdrag van Brussel inzake de erkenning van vennootschappen en rechtspersonen », R. W ( 1970),
833-840 ; J. RENAULD, « La reconnaissance mutuelle des sociétés dans le marché commun», Rev.
prat. soc. (1968), 207-243.
La Convention européenne d'établissement, du 13 décembre 1955 (loi du 24 mars 1961, Monit.,
1111
Section 2
Le conflit de lois
§1 L'EXISTENCE IT LE FONCTIONNEMENT DE LA PERSONNE MORALE
A. Droit commun
16.11 - Référence au lieu de l'établissement principal - Les personnes morales de droit
privé ont pour origine un acte juridique, soit un contrat s'il s'agit de sociétés, soit un acte
juridique unilatéral s'il s'agit de fondations. Qu'il soit contractuel ou unilatéral, cet acte
juridique n'est pas régi par la loi d'autonomie. Selon la doctrine belge traditionnelle, les
conditions d'existence de la personne morale relèvent de son« statut personnel», c'est-à-
dire d'une application impérative de la loi du siège social, entendu comme le lieu de l'éta-
blissement principal.
978 LES PERSONNES MORALES
Voy. notamment: PrRMEZ, rapport sur la loi du 18 mai 1873, reproduit par GUILLERY, n° 85; dis-
1111
cussions à la Chambre, séance du 22 février 1870, ibid., n ° 361 ; PASSELECQ, n°' 5216, 5223, 5227.
Ill Dans la jurisprudence, une référence au « principal établissement» figure dans: Cass.,
24 septembre 1963, Durand et Huguenin c. État belge, Pas. (1964), !, 86. Pour l'évocation du critère du
«siège», voy. déjà: Cass., 12 avril 1888, Tante. Boutmy, Pas. (1888), !, 186.
Parmi les juridictions de fond, voy. notamment: Liège, 27 mars 2001, Rev. dr. comm. belge (2003),
144, note N. WATTÉ et V. MARQUETTE.
Ce rattachement régit toute personne morale, à l'exclusion de celles qui font l'objet
d'une règle de conflit de lois spécifique dans une loi particulière, en vertu de la priorité
laissée par l'article 2 du Code. C'est formellement le cas pour« les associations sans but
lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations », visées par la
loi du 27 juin 1921 (Monit., 1er juillet 1921) telle que révisée par la loi du 2 mai 2002
(Monit., 18 octobre 2002). Celles-ci sont soumises à des règles spéciales d'applicabilité, de
nature unilatérale et formulées de manière variable, qui reviennent à identifier, comme
pour les sociétés, le lieu de l'établissement principal.
111 Pour l'association sans but lucratif« belge»,« le siège[ ... ] est situé en Belgique» (art. 1"), tandis
que l'association« étrangère» est celle qui est« valablement constituée à l'étranger conformément
à la loi de l'État dont elle relève» (art. 26octies). Cette expression circulaire dénote la confusion déjà
évoquée entre« nationalité »et« rattachement» de la personne morale (voy. supra, n ° 16.3).
Dans la jurisprudence antérieure, voy. une référence au critère de l'établissement principal par
opposition à celui du lieu de constitution, par: Bruxelles, 15 juillet 1998, Rev. gén. dr. civ. (2000),
268, note S. GILCART.
Pour la fondation, la règle d'applicabilité se laisse déduire de l'exigence que les statuts mention-
1111
nent« l'adresse du siège de la fondation, qui doit être situé en Belgique» (art. 28, 4°). Cette règle
confond une règle d'applicabilité avec une règle matérielle, sans dire ce qu'il en est du rattachement
d'une fondation étrangère, ni de l'exigence d'une mention de l'adresse d'une telle fondation.
111Pour l'association dite « internationale », la règle d'applicabilité se cache sous le couvert d'une
disposition octroyant« la personnalité juridique», par autorisation royale, à celle qui a son« siège
social en Belgique», tout en étant « ouverte aux Belges et aux étrangers» (art. 46). L'association
« valablement constituée à l'étranger conformément à la loi de l'État dont elle relève » peut ouvrir
en Belgique un siège d'opération (art. 58). La première disposition prend la forme, à la fois, d'une
règle sur la condition de l'étranger personne physique, admettant pour l'étranger la jouissance du
droit de créer une association ayant son siège en Belgique, et d'une règle matérielle sur l'existence
de la personnalité juridique d'une telle association. La seconde a la portée d'une règle sur la recon-
naissance d'une association étrangère, sans énoncer de manière positive à quel régime cette associa-
tion est soumise quant à son fonctionnement.
LE CONFLIT DE LOIS 979
Le régime antérieur des associations internationales de droit belge était établi par la loi du
25 octobre 1919 (Monit., 5 novembre 1919), dont la loi de 2002 a repris la substance.
Comp., en ce qui concerne la réglementation des marchés financiers, la définition du marché
1111
« belge» par référence aux sociétés dont le« siège social» est en Belgique, et l'évocation des sociétés
dont « le pays d'origine est un État membre de l'Espace économique européen », par la loi du
2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (Monit.,
4 septembre 2002).
De même, une société de gestion d'un OPCVM doit avoir son « siège statutaire» et son
« administration centrale» en Belgique (loi du 20 juillet 2004, Monit., 9 mars 2005).
!IllComp. la soumission à la loi du pays du« siège» d'un groupement local de coopération trans-
frontalière, par la Convention conclue avec la France le 16 septembre 2002 sur la coopération
transfrontalière entre les collectivités terriroriales et organismes publics locaux (loi du 25 avril
2004, Monit., 24 mai 2005).
Plutôt que d'appliquer le droit du siège réel dont les fondateurs peuvent ne pas avoir
tenu compte dans l'attente de l'application du droit du pays de l'enregistrement, le Code
de droit international privé désigne dans ce cas le droit du pays « en vertu duquel la per-
980 LES PERSONNES MORALES
sonne morale a été constituée» (art. 110, al. 2). Cette application, exceptionnelle, du ren-
voi s'explique par le souci de concilier la dualité des rattachements des personnes
morales constatée en droit comparé.
1111Voy. déjà, en ce sens: Anvers, 17 juin 2003, Dr. eur. transp. (2003), 496, qui, après avoir désigné le
droit suisse de l'établissement principal, accepte un renvoi du droit suisse vers le droit du pays
d'enregistrement, en l'espèce le Panama.
Cette conciliation n'a toutefois pas lieu lorsque la société a son établissement princi-
pal dans un pays alors qu'elle a été enregistrée dans un autre pays qui retient le rattache-
ment en fonction du lieu d'enregistrement: le législateur accorde en ce cas une priorité à
la localisation par l'établissement principal.
16.13 - Détermination de l'établissement principal - La terminologie retenue par le
Code de droit international privé tend à obtenir une concrétisation aussi précise que pos-
sible du facteur de rattachement. Cela explique l'abandon de l'expression« siège réel» et
a fortiori celle de« siège social».
L'établissement principal reçoit une définition pour les besoins de l'application du
Code. Il « se détermine en tenant compte, en particulier, du centre de direction, ainsi que
du centre des affaires ou des activités et, subsidiairement, du siège statutaire» (art. 4,
§ 3). Cette disposition permet d'éclaircir la relation entre le siège statutaire et le siège
réel : quoi que dise le droit applicable sur la nécessité d'une coïncidence des localisations,
elle donne au siège statutaire une portée limitée pour la détermination de l'établissement
principal. Cette portée est moindre que celle d'une présomption, puisque la loi n'y voit
qu'un indice, de nature subsidiaire. La règle exprime ainsi un objectif d'effectivité du rat-
tachement de la société.
L'élément déterminant est moins le centre des affaires, telle la localisation d'un siège important
1111
16.14 - Domaine de la loi de la société - La loi qui régit la société détermine l'ensemble
des questions concernant son existence et son fonctionnement, sous certaines nuances
relatives à la capacité (art. 110 Codip).
Il en va ainsi du nombre des associés requis. La circonstance que la loi de la société se contente
1111
d'un seul associé n'a pas été jugée contraire à l'ordre public, à un moment où le droit belge ne con-
naissait pas cette forme de société (Cass., 13 janvier 1978, Anstalt Del Sol,J.T., 1978, 544).
11111 Il en va de même de l'existence de la personnalité, alors que la question de la reconnaissance de
cette personnalité relève du droit du for (voy. supra, n ° 16.8).
Cette règle s'étend aux formalités à accomplir en vue de l'obtention de la personna-
lité juridique. Aussi la matière des sociétés échappe-t-elle à la règle Locus regit actum qui
préside au rattachement de la forme des actes juridiques privés (voy. supra, n ° 3.29). En
LE CONFLIT DE LOIS 981
effet, l'exigence d'une solennité (tantôt un écrit sous seing privé, tantôt un instrument
notarié), le cas échéant accompagnée d'une inscription dans un registre public, appar-
tient aux conditions relatives à la constitution de la société et le législateur peut y avoir
attaché l'attribution de la personnalité civile.
Ill! La solution résultait clairement des termes de l'article 56 du Code des sociétés, décrétant
l'application de la loi du siège réel même lorsque « l'acte constitutif a été passé à l'étranger». La
précision ne figure pas dans le texte du Code de droit international privé, mais la solution découle
du terme« constitution» utilisé pour définir le domaine de la loi applicable (art. 110, § 1"", 3°).
1111La soumission des formalités à la loi de la société n'exclut pas que l'acte constitutif puisse être
passé à l'étranger alors que la société aura son établissement principal en Belgique dès sa constitu-
tion. Une chose est de désigner le droit applicable, autre chose de déterminer la forme de l'acte à
passer. Ainsi, dans le cas précité, le Code belge des sociétés détermine si un acte authentique est
nécessaire, mais cet acte peut être passé à l'étranger.
1111 Le rattachement de la forme a suscité un débat chez les anciens auteurs. D'après le rapport de
PIRMEZ (n° 85), la forme du contrat de société est soumise à la règle Locus re!J.t actum, solution
reprise par quelques auteurs (FREDERICQ, t. V, n ° 771 ; VAN RYN, t. II, n ° 1125, n ° 1128 ; PASSELECQ,
n ° 5215). Toutefois, Resteau, qui se rallie aussi à cette solution, précise, à propos de la société ano-
nyme, que « la société, même si elle a son principal établissement en Belgique, peut être constituée
en pays étranger par un acte passé dans les formes requises pour donner, dans ce pays, l'authenti-
cité aux actes» (t. IV, n ° 2153; Rép. prat. droit belge, v « Sociétés anonymes», n° 3051). Cette opi-
0
nion est renforcée par les commentaires doctrinaux de l'article 4 des lois coordonnées, exigeant la
rédaction d'un écrit et qualifié« règle de fond» (RESTEAU, t. IV, n ° 2153; VAN RYN, t. II, n ° 1128).
1111De même, aux termes de l'article 7, alinéa 1"', de la résolution de l'Institut de droit international
sur les sociétés anonymes en droit international privé, « la loi de la société régit les conditions de
forme et de fond de la constitution de la société » (Annuaire, 1965, vol. 51, t. 2, 265).
D'après certains auteurs (voy. notamment PoULLET, n ° 217), le rattachement de la« capacité» des
personnes morales étrangères à leur statut personnel serait limité à la reconnaissance des seuls
droits privés dont jouissent les personnes morales belges de même nature. Par l'affirmation de
cette restriction, s'exprime la volonté d'étendre le régime de spécialité des personnes morales belges
aux personnes étrangères analogues.
Affirmé en termes aussi généraux, ce principe ne paraît pas acceptable. Les règles délimitant le
champ d'activité de la personne morale - comme d'ailleurs les limites qui lui sont imposées par le
contrat de société - font partie de son statut: quand la personne morale agit dans les relations
internationales, elle est astreinte aux limites fixées par la loi compétente, celle qui régit son statut
juridique. En droit international privé belge, par exemple, on ne saurait admettre qu'une associa-
tion sans but lucratif régie par la loi du 27 juin 1921 puisse, à l'étranger, enfreindre son statut légal
et conventionnel. Réciproquement, les règles de spécialité du droit étranger suivent en Belgique la
personne morale qui y est soumise. Cette solution appartient au règlement des conflits de lois, non
à la condition des étrangers.
Un rattachement territorial pourrait toutefois se déduire d'une qualification de « loi de police»
(sur cette notion, voy. supra, chap. 4) de certaines dispositions jugées d'application impérative
quelle que soit la loi qui régit la société, telle la limitation de la propriété immobilière guidée par la
prévention des abus de la mainmorte, ou encore la soumission à autorisation administrative de
l'efficacité d'une libéralité adressée à certaines personnes morales.
Voy. en ce sens, pour les libéralités en faveur d'une association sans but lucratif, l'article 26octies,
§ 3, al. 3, qui étend la limitation aux associations« étrangères ».
Ill!Au titre de la détermination de la capacité de la personne morale, la définition de la qualité
d'une association pour agir en justice dans l'intérêt collectif de ses membres relève du droit du pays
dont relève cette association, sans exclure l'applicabilité du droit du for pour la détermination de
l'intérêt à agir. Sur cette question délicate peu traitée en jurisprudence, voy. : M.-L. NrnoYET-HOEGY,
L'action en justice dans les rapports internationaux de droit privé (Paris, Economica, 1986), n° 5 282, 286,
670, 679 et S.
16.15 - Relations avec les tiers - Le droit des sociétés ne se réduit pas à un encadrement
destiné à stimuler la volonté créatrice des fondateurs. Il poursuit également un but de
protection des tiers avec lesquels l'entreprise, comme acteur économique sur le marché,
est en relation. Ce souci de protection se comprend d'autant mieux que la personnalité
morale peut ne pas apparaître clairement au tiers. De plus, la raison d'être même de la
personnalité morale, qui est de permettre au fondateur de limiter sa responsabilité au
capital qu'il engage dans la société, peut, si le législateur n'y prend garde, nuire aux inté-
rêts de tiers inconscients de limitations qui pourraient découler d'un droit étranger.
Le principe même du rattachement au droit du pays de l'établissement principal
peut être vu comme l'outil d'une telle politique, en faisant connaître aux tiers que la
société établie sur le territoire est régie par le droit de ce pays. De plus, il tend à soumettre
à un traitement égal l'ensemble des opérateurs économiques actifs sur un marché déter-
miné, tant du moins que le lieu de l'établissement principal peut être supposé coïncider
souvent avec le lieu des activités principales.
Ill!Cela explique comment certains pays utilisant le critère de l'enregistrement n'hésitent pas, en
cas d'enregistrement à l'étranger, à soumettre la société établie sur leur territoire à une série de dis-
positions impératives affectant la constitution même de la société, telle l'exigence d'un capital
minimal, dans un but de protection des tiers. Voy. par exemple le cas des Pays-Bas, rapporté par
l'affaire Inspire Art (C.].C.E., aff. C-167/01, 30 septembre 2003, Rec., 2003, 1-10155, Rev. dr. comm.
belge, 2004, 91, note H. DE WULF, Revue, 2004, 151, note H. Mum WATT).
L'activité des organes de la société peut également donner lieu à des rattachements
particuliers.
« Les personnes préposées à la gestion de la succursale belge d'une société étrangère
sont soumises à la même responsabilité envers les tiers que si elles géraient une société
belge» (art. 58 C. soc.). La portée exacte de cette disposition en termes de conflits de lois
reste délicate à établir.
D'après la doctrine, la règle ne vise que les actes accomplis en Belgique,« dans la ges-
tion des affaires de la succursale ou du siège d'opération belge» (FREDERICQ, t. V, n ° 778,
qui se réfère à RESTEAU, t. IV, n ° 2177. Voy. aussi VAN RYN, t. II, n ° 153). Ainsi limitée à la
responsabilité personnelle des préposés à la gestion de l'établissement belge d'une société
étrangère pour les actes qu'ils accomplissent en Belgique, la règle peut être vue comme
spécifiant l'applicabilité territoriale d'une loi de police.
984 LES PERSONNES MORALES
quant à son statut, à sa liquidation et à sa dissolution par les règles de droit national de
son siège social.» (C.J.C.E., aff. 18/57, 20 mars 1959, Nold, Rec., 1958-1959, 89). Ou
encore, lorsque la Cour de justice apprécie les termes de sa compétence basée sur une
clause compromissoire, elle apprécie la capacité juridique et la capacité d'ester en justice
en fonction du droit du pays du siège (aff. C-77/99, 11 octobre 2001, Oder-Plan Architek-
tur, Rec., 2001, I-7355).
La localisation en fonction du siège est également présente dans le droit dérivé.
Selon la directive 85/611 du 20 décembre 1985 sur les organismes de placement col-
lectif de valeurs mobilières (OPCVM) (J.O.C.E., 1985, L 375), la loi de transposition régit
une société « située » sur le territoire, ce qui couvre une société y ayant son « siège
statutaire», étant entendu que ce lieu doit se confondre avec celui de« l'administration
centrale» (art. 3).
Les sociétés «européennes», dont la création est prévue par plusieurs règlements,
obéissent à une règle analogue.
1111Plusieurs règlements instituent une forme strictement communautaire de société, distincte de
celles que continuent de prévoir les droits nationaux. Ces sociétés « européennes » sont le groupe-
ment européen d'intérêt économique (GEIE), institué par le règlement 2137/85 du 25 juillet 1985
(j.O.C.E., 1985, L 199), la société européenne (SE), instituée par le règlement 2157/2001 du
8 octobre 2001 (j.O.C.E., 2001, L 294) et la société coopérative européenne (SEC), instituée par le
règlement 1435/2003 du 22 juillet 2003 (j.O.C.E., 2003, L 207).
Pour pouvoir être constitué valablement, le GEIE ou la SE doit avoir son siège statu-
taire dans un État membre et faire l'objet d'un enregistrement dans cet État. De plus, le
siège statutaire doit être dans le même État que l'administration centrale. De même, la
SEC doit avoir son siège statutaire dans l'État membre de son administration centrale.
Ces textes évitent ainsi tout risque de fragmentation des rattachements, en exigeant la
concentration des trois éléments susceptibles de localiser une société - l'enregistrement,
le siège statutaire et le siège réel ou établissement principal explicité par l'administration
centrale. Néanmoins, la règle exprimant le rattachement de la société est formulée par
une référence au lieu du siège statutaire. L'enregistrement apparaît moins comme un fac-
teur de rattachement que comme une condition matérielle de la personnalité juridique.
Quant à l'administration centrale, elle est formulée comme une condition qui affecte le
siège statutaire. Cette condition tend à assurer une effectivité du rattachement de la
société, par l'assurance d'une intégration réelle dans un tissu économique déterminé,
davantage que ne pourrait le faire le seul siège statutaire.
151, note H. MurR WArr), tirée d'une application du régime général de la liberté d'établis-
sement. La création d'un établissement hors du pays d'enregistrement est vue comme un
établissement« à titre secondaire», ce qui suppose qu'un établissement à titre primaire
ait été constitué, fût-ce fictivement, dans le pays d'enregistrement. Dans cette perspec-
tive, l'applicabilité des règles impératives de l'État d'accueil - qui intervient selon la
méthode des lois de police - ne peut qu'être contestée. En effet, l'entrave qui en résulte
ne peut, selon le mode de raisonnement du régime général des entraves (voy. supra,
n ° 2.28), se justifier que par une raison d'intérêt général et sous le respect du principe de
proportionnalité. Or, si le souci de protection des créanciers constitue assurément une
raison légitime, le degré d'aptitude et de nécessité de la mesure peut être difficile à
établir: il faut prouver que la protection offerte par la loi de l'État d'accueil est effective-
ment assurée, qu'elle ne pourrait l'être par une mesure moins restrictive, et qu'elle
s'impose au regard d'une comparaison avec le degré de protection atteint par le pays
d'enregistrement. À cet égard, la Cour de justice a estimé que les diverses directives adop-
tées à ce jour aux fins de rapprocher les droits des États membres en matière de sociétés,
ont porté ces droits à un niveau d'équivalence suffisant à assurer cette protection mini-
male, notamment par l'imposition de normes de publicité destinées aux tiers.
Ill Sous l'angle du droit communautaire, l'approche de la Cour de justice apparaît comme ortho-
doxe, pourvu que l'on accepte la prémisse de l'applicabilité du régime de la liberté d'établissement,
et que l'on admette que ce régime ne se réduit plus, comme c'était le cas à l'origine, à une règle sou-
mettant l'étranger aux mêmes dispositions que les nationaux selon le droit de l'établissement...
L'hypothèse type de la liberté d'établissement est celle où un ressortissant d'un État membre, déjà
établi dans un tel État, cherche à s'établir ensuite dans un autre État: l'applicabilité même du
régime de liberté présuppose l'antériorité d'un établissement dans un État membre autre que l'État
d'accueil. Il apparaît donc artificiel de postuler que la simple inscription dans un registre du pays
d'enregistrement non accompagnée d'une permanence établissant un lien durable dans cet État,
vaut un établissement« à titre primaire». À moins de vider le concept de liberté d'établissement de
sa substance, l'installation d'un premier établissement dans l'État d'accueil ne peut être vue
comme un établissement« à titre secondaire».
de manière incompatible avec l'une des libertés de circulation. Une telle obligation engendre plutôt
une «exception» de reconnaissance mutuelle, jouant de manière analogue à l'exception d'ordre
public (voy. supra, n° 7.45). Au demeurant, elle joue uniquement à l'égard d'une société dont l'admi-
nistration centrale ou le principal établissement est dans la Communauté, ou dont le siège statutaire
y est localisé lorsqu'elle est sous contrôle d'actionnaires de la Communauté (voy. supra, n° 16.7).
Ili Voy. l'analyse nuancée de l'arrêt Überseering par P. Lagarde: il revient à chaque État membre de
déterminer les conditions de constitution sur son territoire ; le critère du siège réel ne suscite pas de
difficulté s'il n'entrave pas l'établissement, par exemple en cas de transfert entre pays de siège réel ;
l'État d'établissement secondaire ne saurait imposer l'application de la loi du nouveau siège si la
société conserve sa personnalité selon la loi de constitution ; l'invocation de la loi la plus favorable
est possible devant tout juge d'un État autre que ceux du siège et de constitution.
Ill Le risque d'aboutir à un résultat incompatible avec le régime des entraves est réduit, dans le
Code, par la mise en œuvre du renvoi (voy. supra, n° 16.12). Il l'est aussi par la solution donnée au
conflit mobile, en cas de transfert de siège (voy. infra, n ° 16.21).
Ill Une assimilation entre la loi de constitution et l'existence de la société (arrêt Überseering, § 81,
évoquant un lien« consubstantiel») doit-elle conduire à une assimilation entre cette loi et le ratta-
chement de la société ? Une telle confusion est apparente dans l'arrêt AMI Semiconductor Belgium
(aff. C-294/02, 17 mars 2005), mais à propos de la question de la capacité d'ester, qui apparaît tra-
ditionnellement comme une question de« reconnaissance» (voy. supra, sect. 1).
de dixième directive, ].O.C.E., 1985, C 23) répartit les titres respectifs d'application des lois des
sociétés participantes ou des sociétés absorbante et absorbée, à l'opération de fusion.
voy. supra, n ° 5.69). D'un autre côté, il peut entraîner la perte de la personnalité juridique,
ce qui empêche de parler d'un véritable transfert puisque la société existant après celui-ci
constitue une société nouvelle distincte de la précédente. Cette seconde question soulève
un problème délicat de rattachement, dont la solution est un préalable à celle du conflit
mobile.
Le Code de droit international privé consacre un rattachement de type cumulatif, en
posant que la continuation de la personnalité n'est acquise que si elle est reconnue par le
droit des deux États (art. 112, al. 1er).
Ill!La règle consolide la position de la Cour de cassation. Selon celle-ci, une société ayant
« valablement, suivant les règles du droit anglais, transféré son principal établissement en Belgique
[et n'ayant] pas cessé ainsi, d'après le droit anglais, d'être une personne juridique» n'a pas cessé,
« au regard de la loi belge, d'être une personne juridique» (12 novembre 1965, W Lamot c. soc.
Lamot, Pas., 1966, I, 336). Cette formulation exprime par une règle matérielle la nécessité de consul-
ter chacune des lois en présence, autre chose étant de savoir si celles-ci, dans leurs dispositions
matérielles, retiennent ou non le maintien de la personnalité.
Voy. aussi: Comm. Bruxelles, 10 août 1955, Rev. prat. soc. (1956), 236, conf. par: Bruxelles, 17 mars
1959, Pas. (1960), II, 148.
En d'autres termes, le transfert du siège social d'un pays à l'autre n'équivaut pas à la dissolution de
la personne morale, quand les deux lois compétentes admettent que cette personne a survécu au
transfert de son siège. Dans le cas d'espèce, cette solution était rendue plus aisée par la circonstance
que le transfert avait été fait d'un pays d'incorporation à un pays de siège social (sur cette distinc-
tion, voy. supra, n ° 16.4). Elle suppose aussi, comme le constate la Cour de cassation, que les statuts
de la société et la structure qu'elle tient de la loi du premier établissement soient compatibles, le cas
échéant après adaptation, avec la loi du nouveau siège social.
Comp., à propos du transfert du siège d'une société belge de personnes vers les Pays-Bas (C.E,
29 juin 1987, Pas., 1990, IV, 114, TR V., 1988, 110, note K. LENAERTS), la constatation de l'absence
de toute règle matérielle belge permettant de prendre acte de la dissolution. Contra la solution res-
trictive de la loi fiscale du 22 décembre 1989, qui assimile à une liquidation le transfert par des
sociétés belges « à l'étranger [de] leur siège social, leur principal établissement, ou leur siège de
direction ou d'administration » (art. 123, § 1er, 4 °, C.I.R.).
Le cas soumis au Conseil d'État était l'inverse de celui déféré à la Cour de cassation, puisque le
transfert prétendu avait eu lieu d'un pays de siège vers un pays d'incorporation. Comme le fait
remarquer l'annotateur, le résultat obtenu pouvait se concilier avec la thèse du rattachement
cumulatif par le détour de la théorie du renvoi, utilisée à cette époque.
IllVoy. déjà, pour un transfert de siège de Belgique vers la France mais jugé apparent, dans le con-
texte de l'application du règlement 1346/2000 en matière d'insolvabilité (voy. supra, n° 13.61):
Comm. Bruxelles, 8 décembre 2003, D.A.O.R. (2004), n ° 68, 96, note B. DE MooR, retenant la vali-
dité prima facie du transfert selon le droit belge sans perte de personnalité juridique et la soumis-
sion corrélative de la société au droit français après le transfert.
La loi suisse sur le droit international privé contient un principe de rattachement analogue,
Ill!
sous le couvert de règles unilatérales. L'analogie est la plus nette dans la règle concernant la
« soumission» d'une société suisse au droit étranger (art. 163) : le transfert peut avoir lieu sans
liquidation s'il est conforme au droit suisse et si la société « continue d'exister en vertu du droit
étranger». Dans le cas inverse, la soumission sans liquidation au droit suisse est autorisée si le
droit étranger« le permet» et à condition de« s'adapter à l'une des formes d'organisation du droit
suisse» (art. 161).
Le rattachement cumulatif semble ne régir que la question de l'existence - de la sur-
vivance - même de la société. D'autres dispositions légales, qui ne contiennent pas de
« condition substantielle pour la naissance d'une société» (arrêt précité de la Cour de
cassation), telle la détermination de sa durée, obéissent à un rattachement opérant de
manière distributive dans le temps : le conflit mobile suscité par le transfert du siège
990 LES PERSONNES MORALES
échappe ainsi au principe de l'unité de législation (voy. supra, n ° 7.26) pour donner lieu à
l'application immédiate de la loi désignée en fonction de la concrétisation actuelle du
facteur de rattachement pertinent (art. 112, al. 2, Codip ).
Ill!D'après l'arrêt précité de la Cour de cassation, quand la société est devenue belge au cours de
son existence, le délai de trente ans ne court qu'à dater du jour où la société a acquis cette nationa-
lité (solution critiquée par VAN RYN, Rev. crit. jur. belge, 1966, 404-406).
Le droit dérivé comporte également des dispositions sur le transfert de siège des
sociétés« européennes».
Le GEIE donne lieu à une règle matérielle. Il jouit d'un droit au transfert de siège, à
l'intérieur de la Communauté (art. 13). Un tel transfert n'opère pas de dissolution du
groupement. Des formalités doivent cependant être suivies lorsque le transfert provoque
un déplacement du siège dans un autre État membre, et l'autorité de l'État d'immatricu-
lation peut s'y opposer. Il résulte de cette disposition, interprétée a contrario, qu'un trans-
fert vers un État tiers provoque une dissolution du groupement. Il en résulte aussi que le
système juridique de l'État d'origine possède un certain titre, même limité, à s'opposer au
transfert.
Des règles analogues figurent dans le règlement sur la SE (art. 8).
Comp. l'ordonnance-loi, n ° 66-341, du 7 juin 1966 (Moniteur congolais, 1966 n ° 14, p. 523), qui
ordonne aux sociétés dont le principal siège d'exploitation est situé au Congo d'y transférer leur
siège social et leur siège administratif Ce transfert« sera considéré comme n'ayant pas donné nais-
sance à une personne morale nouvelle» (art. 3).
111L'accession du Ruanda-Urundi à la pleine souveraineté a donné lieu à une loi similaire, du
14 juin 1962, relative au statut des sociétés belges de droit colonial constituées sous le régime de la
législation en vigueur au Ruanda-Urundi et ayant leur principal établissement administratif en
Belgique; le délai fixé par la loi a été prorogé par l'arrêté royal du 10 décembre 1963.
Comp. aussi la loi du Burundi du 21 septembre 1963 portant abrogation partielle de la loi belge du
14 juin 1962, publiée par affichage le 12 novembre 1963, en vigueur le 22 novembre 1963 (Rev. jur.
droit écrit et cout. du Rwanda et du Burundi, 1963, 176).
Section 3
Le conflit de juridictions
§1 COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Parmi les sociétés «européennes», la SEC donne lieu, pour les demandes concer-
nant la dissolution de la société, à une règle de compétence internationale désignant « le
tribunal ou toute autorité administrative compétente de l'État membre du siège »
(art. 73, règl. SEC).
Les règlements concernant la SE ou le GEIE ne contiennent pas d'autre disposition explicite
11111
que la compétence pour connaître d'une demande émanant d'une autorité lorsque l'activité de
l'entité affecte l'intérêt public : le critère est celui du siège.
Pourtant, sous le titre relatif à la dissolution ou à la liquidation, la SE est soumise aux dispositions
applicables aux sociétés anonymes constituées selon le droit de l'État membre du siège statutaire
(art. 63): cette assimilation semble couvrir les règles de compétence internationale.
16.25 - Actions auxquelles une personne morale est partie - Les demandes introduites
contre une personne morale tombent sous l'application des règles ordinaires de compé-
tence internationale du règlement « Bruxelles I ». Toutefois, celui-ci apporte certaines
précisions relatives à la définition du domicile ou à la présence d'une succursale ou
agence sur le territoire.
Les notions de matière contractuelle au sens de l'article 5, 1 °, et de clause attributive de juridic-
Ill!
tion au sens de l'article 23, ont donné lieu à une interprétation de la Cour de justice accentuant le
caractère contractuel des relations établies entre l'associé ou l'actionnaire et les organes de la
société (voy. supra, n° 5 14.5 et 14.12).
La définition du domicile (art. 60, supra, n ° 9.29) emprunte aux termes de l'article 48
CE, mais, utilisé dans le contexte spécifique de la détermination de la compétence, un tel
emprunt risque de conduire à un éclatement du contentieux, en permettant de localiser
le domicile en trois lieux - le siège statutaire, l'administration centrale ou l'établisse-
ment principal - alors que, dans le traité CE, il remplit la fonction distincte d'une règle
d'applicabilité (voy. supra, n ° 16.10).
La présence d'une succursale ou d'une agence sur le territoire de l'État du for peut
également fournir une base à la compétence.
La société ou la personne morale ayant son siège sur le territoire d'un État membre
peut être attraite, « s'il s'agit d'une contestation relative à l'exploitation d'une succursale,
d'une agence ou de tout autre établissement, devant le tribunal du lieu de leur situation »
(art. 5, 5 °).
Ill Les compétences prévues par l'article 5 s'ajoutent au principe fondamental de l'article 2,
alinéa 1er (voy. supra, n ° 9.30). Ainsi, le demandeur a le choix entre les tribunaux du pays du siège et
ceux du pays de la succursale.
Ill! Comp. une disposition analogue dans les conventions franco-belge et belgo-néerlandaise (voy.
supra, chap. 8), mais les tribunaux de la succursale y sont seuls compétents, à l'exclusion de ceux du
domicile de la société.
blissement, celui de la soumission à la direction et au contrôle d'une autre société (aff. 14/76,
6 octobre 1976, De Bloos, Rec., 1976, 1497; aff 33/78, 22 novembre 1978, Somafer, Rec., 1978, 2183).
Ill La confirmation des critères du prolongement et de l'apparence (déjà présents dans l'arrêt Soma-
fer) suggère que la question intéresse plus généralement les ventes par intermédiaire. Dans l'arrêt
Blanckaert (aff 139/80, 18 mars 1981, Rec., 1981, 819,]. T., 1981, 358), la Cour a refusé d'étendre la
notion d'établissement à un agent commercial indépendant agissant de manière autonome et sans
exclusivité, et sans participer à la négociation ou à l'exécution de l'opération litigieuse. À tout le
moins, la formulation de l'arrêt Schotte, qui a été largement critiquée, se limite au cas où l'intermé-
diaire a participé activement à l'opération contractuelle et donnait en outre l'apparence d'être un
établissement du défendeur. En même temps, cet établissement doit bénéficier d'une autonomie
effective, et non seulement apparente (arrêt Somafer), ce qui est le cas lorsqu'il s'agit d'une société-
mère.
L'arrêt Lloyd's Register of Shippinget Campenon (C.J.C.E., aff C-439/93, 6 avril 1995, Rec., 1995, 1-961,
Revue, 1995, 770, note G. DRoz), où l'on trouve inspiration de la définition donnée en droit com-
munautaire, retient le critère du centre durable disposant d'un pouvoir de négocier au nom de la
maison mère dont il est le prolongement.
La matière de l'assurance (voy. supra, n ° 14.86) donne lieu à une extension analogue,
puisque les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel un assureur « possède
une succursale, une agence ou tout autre établissement » sont compétents « pour les
contestations relatives à leur exploitation», même si l'assureur n'a de domicile dans
aucun État membre, c'est-à-dire, quand il s'agit d'une personne morale, si elle a son siège
social dans un État tiers.
Le consommateur bénéficie d'une disposition analogue (art. 15, § 2).
B. Droit commun
16.26 - Alignement sur le règlement « Bruxelles I » - L'entrée en vigueur du Code de
droit international privé s'est traduite par l'insertion, en droit belge, de règles de compé-
tence internationale propres au contentieux en matière de sociétés.
1111 Auparavant, l'interprétation de l'article 635 du Code judiciaire était malaisée, puisque la dispo-
sition nécessitait une transposition des notions de domicile et de résidence, conduisant alors sou-
vent à un recoupement avec l'article 15 du Code civil, qui utilisait le critère de la nationalité du
défendeur.
Il Une élection de domicile de la société étrangère au lieu de sa succursale pour les opérations trai-
tées par celle-ci avait été énoncée par: Cass., 8 novembre 1968, Pas. (1969), I, 258.
IllL'article 628, 13°, du Code judiciaire est une règle de compétence territoriale interne (sur cette
notion, voy. supra, n ° 9 .5) qui attribue une compétence exclusive au « juge du siège social ou du
principal établissement de la société, lorsqu'il s'agit de contestations entre associés ou entre admi-
nistrateurs et associés [... ] ».
Les demandes de « liquidation » visent la liquidation volontaire, non celle qui découle d'une
1111
procédure d'insolvabilité, visée par des dispositions particulières (voy. supra, chap. 13). On aperçoit
cependant une convergence des critères de localisation.
1111La portée pratique de la règle est à première vue réduite en raison de l'existence de l'article 22 du
règlement« Bruxelles I ». En effet, dans les cas visés par l'article 109, la compétence sera fondée sur
le règlement, non sur le Code. Il faut voir plutôt dans la disposition une règle de délimitation de la
compétence. Elle signifie que les juridictions belges n'ont pas d'autre compétence que dans les cas
visés, pratiquement, par le règlement. Ainsi, elle exclut l'application des règles générales de compé-
tence.
Sur l'incompétence des tribunaux belges pour prononcer la nullité d'une société étrangère, voy.
1111
déjà: DE Vos, Commentaire pratique et critique de la loi du 18 mai 1873, t. IV (1886), n°s 46 et 47.
D'autres litiges impliquant une société font l'objet d'une extension de compétence
en fonction de la localisation d'une succursale ou d'un établissement secondaire (art. 5,
§ 2, Codip), en une disposition analogue à celle de l'article 5, 5 °, du règlement« Bruxelles
I ». Il est précisé que la demande doit« concerner l'exploitation» de l'établissement situé
en Belgique.
La justification de l'amendement n ° 14 (Doc. pari., Sénat, 2003-2004, n ° 3-27/3) ayant servi à
1111
introduire cette disposition sous l'article 5 - la déplaçant de l'article 109 où elle avait été malen-
contreusement placée dans la proposition de loi - précise que l'établissement doit être
« dépendant», ce qui exclut l'action d'un agent indépendant. Elle ajoute que l'établissement est
dépourvu de personnalité juridique, et que le terme «exploitation» doit s'entendre largement
comme couvrant non seulement des relations avec des tiers, mais également des relations internes,
comme une relation de travail.
111Dans la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation exigeait aussi que les demandes concer-
nent des« opérations traitées par cette succursale» (Cass., 8 novembre 1968, Pas., 1969, I, 258).
Comp. Cass., 24 décembre 1903, Pas. (1904), I, 91, cet arrêt s'étant contenté d'observer l'existence
d'une « résidence» de la société défenderesse étrangère en Belgique, alors que le pourvoi n'indi-
quait pas clairement si la succursale belge avait été impliquée dans les opérations litigieuses.
111 À propos des contentieux qui ont opposé des compagnies aériennes étrangères à certains de
leurs pilotes, la jurisprudence belge a été partagée, une fraction exigeant l'existence d'un lien entre
la demande et les affaires traitées par la succursale. Voy. un état de la question par H. BORN et
M. FALLON,« Droit judiciaire international (1983-1985) »,].T. (1987), 483.
Pour l'exigence d'un lien avec l'exploitation, voy., à propos d'une action introduite par une
1111
société belge expropriée contre l'acquéreur zaïrois: Bruxelles, 16 mars 1989,].T. (1989), 548, conf.:
Comm. Bruxelles, 31 décembre 1986, Rev. dr. comm. belge (1989), 529, note N. WAITÉ; C. trav. Liège,
17 mai 1999, Cab. dr. soc. (2002), 333, définissant la succursale comme un bureau de l'employeur
consistant en une installation propre.
Voy. encore, retenant la localisation d'un siège d'exploitation en Belgique: Comm. Bruxelles,
1111
12 juin 1997, Rev. dr. comm. belge ( 1999), 617, note V. MARQUETTE, mais sans exiger de lien entre la
demande et l'exploitation de la succursale.
§2 CONDITION PROCÉDURALE
DES PERSONNES MORALES ÉTRANGÈRES
16.27 - Partage entre la loi de la société et la loi de procédure - Les diverses condi-
tions qui affectent l'accès à la justice d'un étranger personne physique, s'étendent aux
personnes morales (voy. supra, n ° 11.21 ). En raison de leur nature propre, celles-ci soulè-
vent toutefois des questions particulières, nécessitant un partage parfois délicat entre les
domaines respectifs de la loi de la personne morale et de la loi du for.
996 LES PERSONNES MORALES
des obligations contractées sous la raison sociale, n'est pas contraire à l'ordre public (Cass.,
29 septembre 1927, Soc. Handels-en Landbouwbank c. Peeters, Pas., 1927, I, 296).
1988,J. T. (1988), 606, renvoyant curieusement à la loi de la société (Grand Cayman) pour détermi-
ner la validité de l'indication du siège social. Toutefois, l'article 703 du Code judiciaire a diminué,
en droit interne, les exigences que la jurisprudence avait déduites de l'article 61, 1 °, du Code de
procédure civile : voy. le Rapport du commissaire royal VAN REEPINGHEN, t. l'", 276.
En revanche, la détermination de la qualité pour agir dans l'intérêt collectif, notamment l'obli-
1111
gation de bénéficier d'un titre, relève de la loi de l'association, alors que le droit applicable au fond
détermine le bien-fondé de la demande (voy. supra, chap. 11).
Une telle règle se laisse déduire, notamment, de la directive 98/27 du 19 mai 1998 relative aux
actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs U.O.C.E., 1998, L
166), supra, n° 11.10.
IllComp. cependant, à propos de l'action en cessation introduite par une association en matière
d'environnement, la loi du 12 janvier 1993 (Monit., 19 février 1993), limitant l'accès à une associa-
tion conforme à la loi belge sur les associations sans but lucratif.
- la faculté pour le national d'exiger le dépôt d'une caution par l'étranger deman-
deur (voy. supra, n ° 11.22) : les dispositions pertinentes valent également pour les person-
nes morales.
IllVoy. une illustration par: Comm. Bruxelles (réf.), 26 décembre 1984,J. T. (1985), 123; Bruxelles,
26 juin 1985, Pas. (1985), II, 166.
LE CONFLIT DE JURIDICTIONS 997
3
44 - Mariage : 1 : Belge, domicile ou C
m
résidence habituelle en Belgique C)
C
depuis + de 3 mois n
- Promesse mariage 45 - Résidence habituelle commune/ 0
C)
m
- Mariage Nationalité commune/belge.
- fond 46 - Nationalité (exception : même "'m
tim
sexe : ssi loi nationale ou de rési- C)
m
dence habituelle d'un le permet) C)
- forme 47 - Locus t)
=i
- effets 48 - Résidence habituelle commune/
Nationalité commune/belge ~
(exception immeuble) ~
~
- Régime matrimonial 49 - Autonomie de la volonté : Rési- i5
dence habituelle ou nationalité z
~
51 - Résidence habituelle commune/ "
~
Nationalité commune/locus ~
- Divorce 55 - Autonomie de la volonté : Loi 57 - Répudiation : Refus, sauf si G +
nationale commune ou loi belge. - Loi nationale et de résidence
- Résidence habituelle commune/ habituelle des deux époux con-
Dernière résidence habituelle naît la répudiation fil
commune si 1 réside/Nationalité - La femme a accepté
commune/belge. ...
0
...
0
COMPÉTENCE INTERNATIONALE DROIT APPLICABLE RECONNAISSANCE
...
0
0
N
IV. Relation de vie Art. Art. Art.
commune 59 - 42 60 Locus enregistrement
- résidence habituelle commune
en Belgique
V. Filiation
- biologique 61 - G.+ 62 - Nationalité parent
- Résidence habituelle en Belgi-
que enfant ou parent
- Nationalité commune
64-65 - Formalités et compétence
de reconnaissance
- adoptive 66 - Nationalité belge ou 67 - Nationalité commune adoptants/ 72 Code civil belge (enregistrement)
(! entrée en vigueur) - Résidence habituelle en Belgique Résidence habituelle commune
adoptant ou adopté adoptants/Belgique (exception :
intérêt adopté et proximité)
68 - Consentement adopté : Résidence
habituelle adopté (exception : si
pas: Belgique)
69 - Modalités : Code civil belge.
VI. Obligations
alimentaires 73 - G.+ 74 - Résidence habituelle créancier.
- Résidence habituelle - Nationalité commune
en Belgique du créancier ssi = Résidence habituelle
- Nationalité belge commune
- accessoire d'une action d'état 75 - Convention : Autonomie de la
volonté : Nationalité ou Résidence
habituelle sinon 74
COMPÉTENCE INTERNATIONALE DROIT APPLICABLE RECONNAISSANCE
85 87
~
Droits réels - G+ - Locus (liens étroits)
- Locus - Résidence habituelle partie consti-
- Domicile ou Résidence habituelle tuant ou cédant créance ~-
I
,Ô
débiteur (droits réels sur une 88 - Transit : destination C
m
créance) 90,92 - Culturel et vol : Autonomie de la 0
C
volonté. : Origine ou locus n
0
(réserve: protection possesseur de 0
m
bonne foi) "'m
Propriété intellectuelle 86 - G. + Protection limitée en Belgique 91 - Titres : Registre= principal établis- 95 - Motifs refus cim
- Dérogation ; dépôt ou enregistre- sement - G. + 0
m
ment ssi demandé ou effectué 93 - Locus protection (proximité, droit - dépôt ou enregistrement 0
....
0
0
(,1,,)
COMPÉTENCE INTERNATIONALE DROIT APPLICABLE RECONNAISSANCE
...
0
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~
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z
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m,
...
0
0
u,
,
TABLE ALPHABETIQUE
Contrainte, 1.18, 1.36, 1.45, 2.19, 9.17, 10.6, 10.14, Créance, 13.18 et s., 14.62
13.3 Voy. aussi Aliments, Cession (- de créances), Com-
Contrat, 14.1 et s. pensation de créances.
Cause illicite, 14.77 et s. Cumul limitatif, voy. Règle de rattachement (-
Compétence, 14.2 et s. cumulative).
- à distance, 14.113
- entre époux, 12.65, 14.192
Q
- portant sur un droit réel, 13.3, 13.11, 13.12,
13.67, 14.61, 14.128 et S. Décision étrangère, voy. Efficacité des décisions étran-
- soustrait au droit étatique, voy. Contrat d'État. gères.
Forme, 3.29 et s., 14.56 Décolonisation, Voy. Changement territorial.
Fraude à la loi, 5.73 Défaut
Loi applicable (en général), 14.33 et s. - d'une partie, 9.37 et s., 10.20 et s., 10.39, 11.27
Ordre public, 14.77 et s. - de juridiction (Lack ofjurisdiction), 9.16 et s.
Qualification, 14.5 Délai, 11.11 et s.
Règle impérative, 14.74, 14.82, 14.113, 14.132, Voy. aussi Prescription.
14.137, 14.174 Délégation de sommes, 9.17, 12.59, 12.65 et s.
Voy. aussi Arbitrage, Capacité, Cession, Clause attri- Dénaturation, 6.60 et s., 6.64, 12.54, 14.50
butive de juridiction, Dépeçage, Forme, Loi de poli- Déni de justice, 1.15, 9.9, 9.15
ce, Méthode indiciaire. Dépeçage, 3.52, 12.69, 13.80, 14.47, 14.146
Contrat d'assurance, voy. Assurance. Dessin et modèle, 13.36 et s.
Contrat de bail, voy. Bail. Discrimination, voy. Égalité.
Contrat de change, 14.66 Divorce et séparation de corps, 12. 78 et s.
Contrat de consommation, 14.101 et s. Aliments, 12.79, 12.82, 12.101 et s., 12.177 et s.
Contrat de distribution, 14.185 et s. Compétence, 12.79 et s.
Contrat d'engagement maritime, 4.5, 14.171 Confessionnel, 12.87
Contrat d'État, 14.115 et s. Conversion de la séparation de corps en divor-
Contrat de garantie, 14.121 et s. ce, 12.82, 12.97
Voy. aussi Cautionnement, Sûreté. Droit de garde, 12.161
Contrat d'intermédiaire, 14.133 et s. Effets, 12.101
Contrat de mariage, 12.68 et s. Loi applicable, 12.97 et s.
Forme, 12.74 Mesures provisoires, 12.82, 12.86, 12.102
Contrat de transport, 14.152 et s. Prestation compensatoire, 12.101, 12.188
Voy. aussi Connaissement, Transport international. Séparation de corps, 12.101
Contrat de travail, 14.162 et s. Séparation prolongée, 12.97
Voy. aussi Armée, Contrat d'engagement maritime, Voy. aussi Répudiation.
Convention collective. Doctrine des droits acquis, voy. Droits acquis.
Contrat de vente, voy. Vente. Domicile et résidence
Contrat de voyage, 14.113 Critère d'applicabilité, 8.22
Voy. aussi Contrat de transport. Critère de compétence, 9.28 et s., 9.49 et s.,
Contrôle des changes, 14.66 13.27, 14.106
Convention collective, 14.177 Définition, 5.64 et s., 9.29, 9.50
Convention d'arbitrage, voy. Arbitrage. - de la personne morale, 9.29, 16.13
Coopération internationale, 2.27, 8.40 et s., 11.5, - et conflit de nationalités, 5.58, 5.62 et s.
11.17 et S. Élection de domicile, 10.29
Actes d'état civil, 8.42, 12.25 Facteur de rattachement, 3.19, 5.67, 12.5 et s.
Adoption, 12.138 Statut personnel, 12.5 et s.
Aliments, 8.41, 12.180, 12.184 Donation, 14.191 et s.
Biens culturels, 13.15 - entre époux, 12.65, 14.192
Incapacité et protection des incapables, 12.150, Forme, 3.32
12.162 et s., 12.170 Personne morale, 16.14
Cour de justice des Communautés européennes, Dot, 12 .41 et s.
6.48, 8.4 et s., 8.10 et s. Double renvoi, voy. Renvoi.
Coutume Droit antitrust, voy. Concurrence déloyale.
- internationale, 2.18, 5.44 et s. Droit canon, 1.17, 6.5, 12.47, 12.87
- transnationale, 4.32 Droit communautaire, voy. Union européenne.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1011
Droit confessionnel, voy. Droit canon, Droit islami- Condition des étrangers, 13.37, 13.55
que. Loi applicable, 13.37 et s., 13.55 et s.
Droit d'auteur, 13.54 et s. Reconnaissance et exécution, 13.51 et s.
Droit d'ester en justice, voy. Accès à la justice, Condi-
tion procédurale. E
Droit de garde, voy. Garde des enfants.
Droit de prélèvement, 13.83 Échelle de Keyel, 3.19
Droit de visite, voy. Garde des enfants. École des statuts, 2 .4 et s.
Droit étranger École du droit naturel, 2.2 et s.
Application du-, 4.10, 7.1 et s. Effectivité, 1.6, 1.18, 1.21, 5.58
Application du droit international privé étran- Effet de commerce, voy. Billet à ordre, Lettre de chan-
ger, 6.13 et s., 6.36 et s., 6.39 et s., 6.45 ge, Titre.
Condition procédurale du -, 6.46 et s. Effet de fait, 10.5, 10.9, 10.47 et s., 10.57
Connaissance, 6.54 et s. Efficacité des actes étrangers, 8.46, 10.7, 10.53 et s.,
Définition, 1.25, 6.48 12.21 et S.
-, condition d'application d'une norme, 6.50 Voy. aussi Force exécutoire, Force obligatoire, Force
Interprétation, 6.57 probante.
Lois de police étrangères, 4.15, 14.75 et s. Efficacité des décisions étrangères, 8.31, 10.1 et s.,
Voy. aussi Conflit interpersonnel, Conflit interterri- 12.180 et S.
torial. - en matière de nationalité, 5.45 et s.
Droit fiscal, 1.26, 4.26, 5.27, 6.63 - pénales, 10.50 et s.
Droit international Jugement définitif, 10.6, 10.21, 10.39
- et ordre public, 7.42 Ordre public, voy. Conflit d'autorités et de juridic-
Rapports avec le droit international privé, 1.12 tions.
et S. Respect des règles de compétence, voy. Compé-
Rapports avec le droit interne, 2.16 et s. tence (- indirecte).
Terminologie, 2.13 et s. Respect des règles de conflit de lois, 10.13,
Droit international économique, 2.35 10.24 et S.
Droit interne (définition), 1.25 Voy. aussi Conflits d'autorités et de juridictions, Ef
Droit islamique, 1.38 et s., 7.47 fet de fait, Exequatur, Force exécutoire, Force obli-
Voy. aussi Mariage, Répudiation. gatoire, Force probante, Reconnaissance de plein
Droit maritime, 4.32, 14.152 et s., 15.48 droit, Révision au fond, Sentence arbitrale.
Droit matériel uniforme, voy. Uniformisation du Égalité
droit.
- des créanciers, 12.63
Droit naturel, 1.12, 1.36, 2.2 et s., 7.47
- des héritiers, 13.83
Droit patrimonial de la famille, voy. Donation, Régi-
- des sexes, 5.52, 12.5, 12.65 et s., 12.72, 12.95
me matrimonial, Succession.
et S.
Droit pénal, 1.26, 4.26, 5.27, 6.66, 10.51
- des races et des religions, 7.47, 12.45
Voy. aussi Efficacité des décisions étrangères (-
- du statut des enfants, 12.114 et s.
pénales).
- et nationalité, 3.15, 11.19, 12.8, 13.43
Droit public, 1.8, 1.26, 4.11, 4.14, 4.27, 12.11
Voy. aussi Assimilation de l'étranger au national,
- étranger, 1.26, 4.15, 6.66
Droits de l'homme, Condition des étrangers.
Droit réel, 3.20, 13.4 et s., 13.73, 14.61
Élection de domicile, voy. Domicile et résidence.
Voy. aussi Immeuble, Meuble, Sûretés, Trust.
Droit social, 1.26 Élection de for, voy. Clause attributive de juridiction.
Voy. aussi Contrat de travail. Enlèvement international d'enfants, 12.165 et s.
Droit sportif, 1.20, 1.22 Enregistrement
Droit transitoire, voy. Conflit transitoire. - des navires et aéronefs, 13.16
Droit transnational, voy. Ordre juridique - d'un brevet (dépôt), 13.34 et s., 13.43 et s.
(- transnational). - d'une adoption, 12.140 et s.
Droit uniforme, voy. Uniformisation du droit. - d'une relation de vie commune, 12.105 et s.
Droits acquis, 2.20, 3.11, 6.38 et s., 7.52 - d'une société (incorporation), 16.4 et s., 16.12
Droits de l'homme, 1.15, 7.48, 10.22, 10.39, 12.95 et S.
Droits de la défense, 6.56, 10.22, 10.39, 12.95 - d'un titre, 13.21
Droits intellectuels, 13.33 et s. Enrichissement sans cause, 15.59 et s.
Compétence, 13.44, 13.59 Entraide judiciaire, voy. Coopération internationale.
1012 ÜROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
M Nationalité
Certificat de-, 5.51
Mandat, voy. Représentation.
Citoyenneté européenne, 2.17, 5.36, 5.61
Mariage, 12.37 et s.
Compétence législative, 2.17, 5.44
Capacité, 12.40 et s., 12.63, 12.65, 12. 73
Contentieux de la - étrangère, 5.47 et s., 6.35
Compétence, 12.48 et s., 12.53, 12.59 et s.
et S.
Conclusion, 12.37 et s.
Critère de compétence, 5.44, 9.51
Condition de fond, 12.40 et s.
Détermination de la-, 5.32 et s., 12.13 et s.
Effets, 12.61 et s.
Effets, 5.45 et s.
- patrimoniaux, 12.64 et s. Facteur de rattachement, 1.11, 3.18, 5.33, 12.3
- personnels, 12.61 et s., 12.101, 12.188 et S.
Efficacité des décisions étrangères, 12.56 Loi belge, 5.43
Forme, 12.47 et s. - de la femme mariée, 5.37 et s., 5.52
- clandestin, 12.50 - effective, 5.58
- consulaire, 12.19, 12.49 et s. - fonctionnelle, 5.59 et s.
- de personnes de même sexe, 12.46, 12.48 Naturalisation, 5.46, 5.49 et s.
- polygamique, voy. Polygamie. Personne morale, voy. Personne morale.
- posthume, 7.52, 12.44 Preuve, 5.48
- putatif, 12.55 Service militaire, 5.42, 5.62
- religieux, 3.28, 3.31, 6.5, 7.19 et s., 12.47, Voy. aussi, Apatride, Conflit de nationalités, Chan-
12.50, 12.56 gement territorial.
- simulé, 12.42 Navire, 13.16 et s.
- solo consensu, 12.47 Nom, 12.26 et s., 12.101, 12.123
Nullité, 12.52 et s. Changement de-, 12.31 et s.
Preuve, 12.41 et s., 12.51 Norme indirecte, 3.5 et s.
Marin, Voy. Contrat d'engagement maritime. Voy. aussi Règle de rattachement.
Marque, 13.23, 13.36 et s., 15.42 et s. Norme primaire de droit international privé, 3.7,
Mercenaire (engagement de-), 7.47, 14.175 5.1
Ménage de fait, voy. Vie commune. Notaire, 3.34, 9.17
Mesures provisoires, 8.16, 8.22, 9.34 et s., 9.54, Voy. aussi Acte public, Testament.
12.82, 12.102, 13.46 et s., 13.106 Notary public, 9.24
Méthode indiciaire, 14.53 et s., 14.97 Nullité, 12.52 et s., 12.123, 14.55
Méthode multilatérale, voy. Règle de rattachement (-
multilatérale). 0
Méthode unilatéraliste, voy. Unilatéralisme.
Meuble Objectifs
Compétence, 13.8 - des règles de conflit de lois, 3.10 et s.
Loi applicable, 13.10 et s. - des règles de conflit de juridictions, 9.21 et s.
- en circulation, 13.14 et s. Objet (de la demande), 6.33, 6.49, 7.19, 8.16
Succession, 13. 78 et s. Obligations militaires, voy. Nationalité (Service mili-
Sûretés, 13.9, 13.12 taire).
Obligation alimentaire, 12.177 et s.
Voy. aussi Conflit mobile, Lex rei sitae.
Action non déclarative de filiation, 7.23, 12.115
Minorité, voy. Capacité, Protection (- des incapables).
Compétence, 12.178 et s.
Minorité prolongée, voy. Protection (- des incapa-
Contrat, 12.192
bles).
Efficacité des décisions étrangères, 12.180 et s.
Monnaie, 14.63 et s.
Loi applicable, 12.185 et s.
- de compte, 14.69 et s.
- entre époux, 12.188, 12.191
- de paiement, 14.71 et s.
- entre ex-époux, 12.188
Voy. aussi Taux de change.
- envers un enfant, 12.188, 12.190 et s.
Mutabilité du régime matrimonial, voy. Régime
Question préalable, 6.30 et s., 6.50
matrimonial.
Voy. aussi Coopération internationale, Service des
créances alimentaires.
Oeuvres d'art, voy. Biens culturels.
Nationalisation, voy. Expropriation Office européen des brevets, 13.50 et s.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1015
Officier de l'état civil, 3.34, 10.3, 12.20 et s., 12.47 que, Siège social.
et S. Pluralisme juridique, 1.22
Officier public, 3.34, 10.3 Polygamie, 7.52, 12.43
Ordre juridique Pratique commerciale déloyale, 15.42 et s.
- étatique, 1.20, 3.46 Prescription, 7.7, 7.22, 11.11 et s., 14.55
- international,, 7.4 7 Preuve, 10.47, 11.15 et s.
- transnational, 1.17 et s., 2.35, 4.32, 14.46, - de la célébration du mariage, 12.51
14.115 - de la filiation, 12.113
Voy. aussi Droit transnational. - de la nationalité étrangère, 5.48
Ordre public, 4.14, 6.65, 7.32 et s. - des actes de procédure, 10.20, 10.47
Aliments, 12.189 - du contenu du droit étranger, 6.53, 9.49
Arbitrage, 14.21, 14.28 et s. - du domicile, 5.66 et s.
Capacité et protection des incapables, 12.158, Voy. aussi Droit étranger, Force probante, Forme.
12.175 Prévisibilité, 3.12, 3.17, 9.23
Clause d' - positif, 7.54, 12.46, 12.100, 12.122 Principal établissement ou siège social des per-
Compétence, 9.7, 9.8, 14.18, 14.21 sonnes morales, voy. Domicile et résidence (- de la
Contrats, 14.77 et s., 14.178 personne morale), Siège social.
Divorce, 12.92, 12.94 et s., 12.100 Principe dispositif, 6.42 et s., 7.23
Efficacité des décisions, 10.12, 10.24, 10.39 Principe du contradictoire, 6.49, 6.53 et s.
Expropriation et nationalisation, 13.23 et s. Privilèges et hypothèques, 13.12, 13.73
Filiation, 12.115 et s., 12.124 - maritimes et aériens, 13.17
Intensité du rattachement, 7.53, 12.45 Privilèges et immunités, voy. Immunité.
Mariage, 12.45 Procédure, 11.1 et s.
- contractuel, 7.41 Délai, voy. Prescription.
étranger, 7.50 Loi applicable, 9.36, 11.3 et s.
- judiciaire, 9 .8 Preuve, voy. Preuve.
Personne morale, 16.14, 16.27 - et qualification, 7.22
Responsabilité civile, 15.16 Règlements européens, 11.18, 11.28
Successions, 13.83 Voy. aussi Assistance judiciaire, Auctor regit actum,
Communication des actes, Compétence internatio-
p nale, Condition procédurale, Exequatur, Preuve.
Procuration
Paiement indu, 15.60
Forme de la-, 11.6, 13.12, 14.139
Paiement international, voy. Monnaie.
Mariage et divorce par-, 4.8, 12.50, 12.94
Partage
Propriété industrielle, 13.36 et s.
- de la succession, 13.111 et s.
Protection
- des biens, 13.6, 13.11
- diplomatique, 2.17, 5.46, 16.5 et s.
- du régime matrimonial, 12.73
Voy. aussi Agents diplomatiques et consulaires.
Partenariat, voy. Vie commune. - de l'incapable, 12.169 et s.
Pension de survie, 12.55, 12.101, 12.178, 12.188,
- des parties au procès, 9.22 et s.
12.192
- du contractant le plus faible, 14.73, 14.85,
Personnalité (des lois), 1.37, 3.16, 9.11
14.88, 14.102 et s., 14.111, 14.164 et s., 14.174
Personne morale, 16.1 et s.
- du logement familial, 12.59, 12.64, 12.66,
Condition procédurale de la personne morale
12.101
étrangère, 16.27
Proximité (notion), 3.13, 3.17, 9.23
Conflit de juridictions, 16.24 et s.
Voy. aussi Clause d'exception.
Conflit de lois, 16.11 et s.
Publicité, voy. Forme.
Domicile, voy. Domicile et résidence (- de la person-
ne morale).
Fusion de sociétés, 16.19 et s. Q
Nationalité, 16.3 et s. Qualification
Nullité, 16.11, 16.24, 16.26, 16.28 Conflit de qualifications, 7.5 et s.
Reconnaissance de la personne morale étrangè- Définition des concepts de droit interne, 5. 7 et
re, 16.8 et s. S., 7.27 et S.
Transformation et extinction, 16.19 et s. Lege causae, 7.12 et s.
Voy aussi Groupement européen d'intérêt économi- Lege fori, 7.6 et s.
1016 DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
- et catégorie de rattachement, 5.9 et s., 7.14, Règle d'application nécessaire (ou immédiate), 4.6
15.19 Règle de circulation et de sécurité, 15.37
Théorie des qualifications, 7.2 et s., 11.11 Règle de compétence, voy. Compétence.
Quasi-contrat, 15.59 et s. Règle de rattachement (notion), 3.1 et s.
Question préalable, 6.29 et s., 13.85, 15.22 Critère, 3.16 et s.
- de droit étranger, 6.32, 7.29 Méthode de la-, 3.4 et s.
- de droit national, 6.32 - alternative, 3.59 et s., 5.31
Question préjudicielle, 6.31, 6.48 Voy. aussi Testament.
- complexe, 3.54 et s.
R - conditionnelle, 3.54 et s.
- cumulative, 3.59 et s.
Rapport boiteux, 4.45, 12.10, 12.99, 12.107, 12.124 - disjonctive, 3.52
Réciprocité, 1.11, 2.6, 3.48, 13.74, 13.83, 13.93, - distributive, 3.57, 12.40
15.28 - exclusivement unilatérale, 3.45
Reconnaissance de plein droit, 10.15 et s., 10.26, - multilatérale, 3.44
10.41 et s., 12.91 et s., 12.139, 13.75 - subsidiaire, 3.53
Voy. aussi Autorité de la chose jugée. - uniforme, 3.48, 3.50
Reconnaissance mutuelle, 4.46, 7.45, 10.2, 10.54 Voy. aussi Assimilation de l'étranger au national,
Voy. aussi Libre circulation, Union européenne. Catégorie de rattachement, Facteur de rattache-
Référé, voy. Mesures provisoires. ment, Intérêtdel'enfant, Norme primaire, Règle
Réfugié, 2.24, 8.39, 12.9 d'applicabilité.
Régime matrimonial Règle de signalisation (notion), 4.41
Conflit de juridictions, 12.59 et s. Règle impérative, 3.31, 4.14
Droit applicable en l'absence de choix, 12.71 Voy. aussi Contrat, Loi de police.
et S. Règle matérielle de droit international privé (no-
Droit transitoire, 12.67 tion), 3.8 et s.
Autonomie de la volonté, 12.69 et s. Voy. aussi Testament.
Modification du régime matrimonial, 12.76 Règlement Bruxelles I, 8.6 et s., 9.27 et s., 10.17 et s.
et S. Règlement Bruxelles II et Ilbis, 12.79 et s., 12.154,
Opposabilité aux tiers, 12.75 12.162
Régime primaire, 12.64 Renvoi, 6.12 et s.
Registre (Inscription au - ) Contrat, 6.27, 14.42
Contrat de mariage, 12.75 Double-, 6.15
- des personnes morales, 16.4 et s. Droit patrimonial de la famille, 6.19, 12.72
- de la population, 5.65 et s., 9.50 Personne morale, 16.12
- de l'état civil, 12.22 - au premier degré, 6.14
Testament, 13.97 - au second degré, 6.14
Voy. aussi Enregistrement. - conditionnel, 6.16
Règle alternative, voy. Compétence (-alternative), Rè- - expédient, 6.18
gle de rattachement (-alternative). Responsabilité civile, 15.12, 15.34
Règle d'applicabilité, 4.1 et s. Statut personnel, 6.19, 12.40, 12.115, 12.127,
Contrat, 4.12 12.152
Méthode de la-, 3.6, 4.4, 4.30 Successions, 13.82
- du droit uniforme, 4.29 et s. Représentation, 11.9, 12.153, 12.176, 14.8, 14.133
- et adoption, 12.122 et s., 16.14
- et aliments, 12.175 Répudiation, 12.95 et s.
- et droit communautaire, 4.16, 4.31, 4.34, 4.42 Réserve
et s., 4.50, 13.58, 14.113, 14.137 - de propriété, 13.11, 13.67, 13.73, 14.61
- et loi de police, 4.11 et s. - héréditaire, 13.31, 13.83 et s., 13.100
- et mariage, 4.8 Résidence, voy. Domicile et résidence.
- étrangère, 4.10, 4.15 Responsabilité civile, 15.1 et s.
- et règle de droit matériel, 4.4 Conflit de juridictions, 15.3 et s., 15.39, 15.44,
- et règle de rattachement, 4.25 et s. 15.53
- unilatérale ou multilatérale, 4.9 Localisation du fait générateur, 15.5, 15.13
Voy. aussi Facteur d'applicabilité, Loi de police, Rè- Loi applicable, 15.8 et s.
gle d'application nécessaire. - contractuelle, voy. Contrat.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1017
Art. 2: 1.9, 4.6, 15.21, 16.11 Art. 35: 12.153, 12.158, 12.159, 12.169, 12.171,
Art. 3: 5.35, 5.44, 5.57 et s., 5.63, 12.9, 12.53 12.175
Art. 4: 5.27, 5.30, 5.67, 9.50, 12.11, 12.69, 12.71, Art. 36: 9.49, 9.51, 12.18, 12.30, 12.33
12.95, 13.71, 13.79, 16.13, 16.24 Art. 37: 12.28
Art. S : 9.22, 9.49, 9.52, 12.30, 12.34, 12.52, 12.59, Art. 38: 12.3, 12.31
12.59, 12.111, 12.179, 13.28, 14.15, 16.26 Art. 39: 9.7, 10.39, 12.30, 12.33
Art. 6: 9.7, 9.14, 9.46, 9.53, 14.16 Art. 40: 9.49, 12.34
Art. 7: 9.7, 9.14, 9.53, 14.16 Art. 41: 12.36
Art. 8: 9.52, 12.86 Art. 42: 9.49, 9.51, 12.52, 12.53, 12.59, 12.85, 12.88,
Art. 9: 9.52, 9.56, 12.52, 12.86 12.96, 12.108
Art. 10: 9.54, 12.86, 12.157, 13.9 Art. 43: 9.17, 12.52, 12.59
Art. 11: 9.15, 9.48, 12.34, 12.52, 12.59, 12.86, 13.110 Art. 44: 12.18, 12.48
Art. 12: 9.7, 9.55, 12.86 Art. 45: 12.104
Art. 13: 9.5, 9.60, 12.18, 12.88, 12.111, 13.72 Art. 46: 3.57, 7.54, 12.10, 12.40, 12.41, 12.46, 12.71
Art. 14: 9.56, 12.86 Art. 47: 12.47, 12.50, 12.62
Art. 15: 6.54, 6.55, 6.57, 6.58 Art. 48: 12.61, 12.66, 12.65, 12.66, 12.73, 14.192
Art. 16: 6.20, 12.40, 12.152, 13.82, 14.42 Art. 49: 12.7, 12.76
Art. 17: 6.8, 6.9 Art. 50: 12.69, 12.76
Art. 18 : 5. 73, 13.112 Art. 51: 12.71
Art. 19: 3.11, 3.17, 6.41, 12.71, 12.106, 13.30, 14.42, Art. 52: 12.74, 12.77
15.35, 15.51, 15.58, 15.61 Art. 53: 12.69, 12.73, 12.76
Art. 20: 4.4, 4.6, 4.9, 4.10, 4.14, 4.28, 12.73, 12.96, Art. 54: 12.66, 12.107
12.116, 12.100, 12.122, 12.123, 12.175, 13.100, Art. SS: 3.38, 7.54, 12.7, 12.95, 12.96, 12.98 et s.
15.46, 15.51 Art. 56: 12.73, 12.101, 12.102, 12.161
Art. 21: 6.65, 7.39, 7.46, 7.55, 12.100, 12.117, 13.24, Art. 57: 7.50, 12.10, 12.95
13.83, 15.16 Art. 58: 12.106
Art. 22: 10.3, 10.6, 10.41, 10.42, 10.44, 10.51, Art. 59: 12.18, 12.106, 12.108
13.109, 13.110, 12.164 Art. 60: 7.30, 12.10, 12.106, 12.107
Art. 23: 10.40, 13.7, 13.75 Art. 61: 9.49, 9.51, 12.111
Art. 24: 12.51 Art. 62: 12.16, 12.114, 12.116, 12.176
Art. 25 : 9.7, 9.56, 10.13, 10.39, 10.45, 10.47, 12.22, Art. 63: 12.111, 12.116
12.94, 13.109, 15.29 Art. 64: 12.18, 12.116
Art. 26 : 10.8, 10.48 Art. 66: 9.49, 12.119
Art. 27: 8.45, 10.7, 10.55, 10.56, 12.23, 12.46, 13.12 Art. 67: 3.59, 7.54
Art. 28: 10.48, 10.57, 12.21, 12.23 Art. 68: 12.126, 12.176
Art. 29: 10.9, 10.49, 10.57 Art. 69: 12.120, 12.122, 12.123
Art. 30: 10.47, 10.57, 12.21 Art. 70: 12.123
Art. 31 : 8.46, 10.46, 12.22 Art. 71: 12.123
Art. 32: 9.49, 9.51, 12.18, 12.151 Art. 72: 12.110, 12.123, 12.137, 12.142
Art. 33: 9.49, 9.51, 12.157, 12.171 Art. 73: 9.49, 9.51, 12.179
Art. 34: 3.18, 6.20, 12.28, 12.73, 12.152, 13.98 Art. 74: 3.59, 12.186, 12.191
1020 DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Art. 75: 12.185, 12.192, 12.193 Art. 106: 3.59, 15.2, 15.25
Art. 77: 9.23, 13.78, 13.110, 13.111 Art. 107: 14.58, 15.2, 15.24
Art. 78: 3.55, 6.16, 6.20, 6.27, 13.79 Art. 108: 3.41, 14.138
Art. 79: 5.70, 12.7, 13.31, 13.57, 13.80 Art. 109: 9.49, 16.26
Art. 80: 13.84, 13.99, 13.100, 13.105, 14.193 Art. 110: 3.55, 16.3, 16.11, 16.12, 16.14, 6.16, 16.18,
Art. 82: 13.11, 13.105, 13.109 6.20
Art. 83: 13.86, 13.87 Art. 111: 16.15
Art. 84: 13.102 Art. 112: 16.21, 16.22
Art. 85 : 13.6, 13.8 Art. 113: 16.19
Art. 86: 13.44, 13.49, 13.59 Art. 115: 9.7, 16.28
Art. 87: 13.8, 13.10, 13.14, 13.19, 13.20, 13.22, Art. 116: 13.61, 13.70
13.23, 13.82, 14.57
Art. 117: 13.61
Art. 88: 13.16
Art. 118: 9.49, 13.61, 13.65, 13.71, 13.72, 13.75
Art. 89: 13.16, 13.17
Art. 119: 13.61, 13.73
Art. 90: 13.15
Art. 120: 13.61, 13.74
Art. 91: 13.21, 14.151
Art. 121: 9.7, 13.61, 13.75
Art. 92: 13.15, 13.21
Art. 122: 5.10, 13.26
Art. 93: 9.7, 13.42, 13.57
Art. 123 : 13.28
Art. 94: 13.11, 13.12, 13.14
Art. 96: 13.45, 13.49, 14.15, 14.123, 14.135, 14.156, Art. 124: 13.29
15.7, 15.60 Art. 125 : 13.31
Art. 97: 9.49, 14.105 et s., 14.167, 14.168 Art. 126: 10.38, 12.150
Art. 98: 14.17, 14.20, 14.35, 14.143, 14.191, 15.2 Art. 127: 5.24, 12.46, 12.61, 12.67, 12.76, 12.110,
Art. 99: 3.55, 3.59, 13.45, 15.2, 15.9, 15.32, 15.51, 12.150, 12.185, 13.77, 15.8
15.54, 15.58 Art. 129 : 12.48
Art. 100: 12.65, 15.2, 15.19 Art. 130: 12.70, 12.122
Art. 101: 15.2, 15.14, 15.51, 15.58 Art. 134 : 8.45
Art. 102 : 15.2 Art. 135: 13.72
Art. 103: 15.2, 15.18 Art. 136: 13.71
Art. 104: 15.2, 15.60 Art.139: 8.45, 13.91, 12.49, 12.119, 12.123, 13.83
Art. 105: 15.2, 15.61 Art. 140: 12.110, 12.119
TABLE DES MATIÈRES
Sommaire .......................................................................................................................... s
Index des abréviations ................................................................................................. 7
Avant-propos ................................................................................................................ 1 s
TITRE 1
DÉFINITION DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
CHAPITRE 1
L'OBJET DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Section 1
La situation privée configurée dans l'espace international
Section 2
Le droit international privé,
épicentre d'un conflit de systèmes juridiques
§ 1 LA PLURALITÉ DES ORDRES JURIDIQUES .•.•••••••••••.•••.•••••••••••.•••••••••.••..•••••••.••••.•••••••••.••• 25
A. Le droit international ......................................................................................... 27
B. La protection internationale des droits de l'homme . ... .. ... .. ... ... ... ... ... .. ... .. ... . ... ... .. 28
C. Le droit de l'Union européenne ........................................................................... 29
D. Les ordres juridiques transnationaux ................................................................... 29
§2 PLACE DU DROIT ÉTATIQUE PARMI LES AUTRES ORDONNANCEMENTS JURIDIQUES ••••••...•• 30
Section 3
Les divisions du droit international privé
Section 4
La méthode du droit international privé
§1 FORCE OBLIGATOIRE ET APPLICABILITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT •••.••••.•••.••••••••••••••••••••••.•. 38
§2 MISE EN CEUVRE PROCESSUELLE DE LA RÈGLE DE DROIT ••••.•.••.•••••••.•..••.••••••••••••••••••••••• 41
A. Conflits suscités par l'exercice de compétences concurrentes ................................. 41
B. Technique de la simulation .. .. ... ... .. .. ... ... .. .. ... .. .. .... .. ... .. .. ... ... .. ... ... ... ... .. .. ... .. ... .. ... 43
1022 DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
CHAPITRE 2
ÉCOLES ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Section 1
Les écoles
§1 L'ÉCOLE DU DROIT NATUREL ..................................................................................... 51
§2 L'ÉCOLE DES STATUTS ............................................................................................... 52
§4 TERMINOLOGIE ........................................................................................................ 57
Section 2
Les sources
§1 LE DROIT INTERNATIONAL ......................................................................................... 58
A. Le droit international général . .. .. ... ... .. ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. .. ... ... ... .. ... .. ... .. 59
B. La codification internationale . .. ... .. ... ... .. ... ... ... . ... ... .. .... .. .. ... .. .. ... ... .. ... ... .. ... ... .. .. .. 63
§2 LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE .......................................................................... 65
TITRE 2
MÉTHODES DE SOLUTION DES CONFLITS
DE LOIS - ANALYSE DESCRIPTIVE
CHAPITRE 3
LA RÈGLE DE RATTACHEMENT
Section 1
La méthode de solution des conflits de lois
§ 1 LA RÈGLE DE RATTACHEMENT COMME RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS ................................ 80
§2 ÜBJECTIFS DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT ................................................................ 85
Section 2
Règles générales de rattachement
§1 CLAUSE GÉNÉRALE DE RATTACHEMENT ....................................................................... 92
C. Forme des actes publics .. ... .. ...... .. ... .. .. .. .. ... ... . ..... . ... ... ... .. .. ... .... .. .. ... ... .. .. ... .. ... ... 1 04
Section 3
Nature de la règle de rattachement
§1 ELÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT ......................................... 106
A. La catégorie de rattachement .. ... .. ... .. .. ... ... .. .. ... ... ... .. .. ... ... .. ... ... ... ... .. .. ... .. ... ... .. . 1 06
B. Le facteur de rattachement ... .. .... . ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... ... .. .... ... .. ... .. ... .. .. ... ... . 1 09
C. L'ordre juridique désigné .................................................................................. 110
§2 FONCTION DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT ............................................................. 114
A. Règle universelle ou règle limitée . .. ... .. .. ... .. ... .. ... ... .. ... ... .. .. ... .... ... .. ... ... .. .. ... .. ... .. 114
B. Règle de répartition des compétences ou règle de localisation .. .... ... ... .. .. ... .. .. ... ... 11 6
§3 MODALITÉS DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT ........................................................... 117
A. Le rattachement disjonctif . ... ... ... .. .. ... .. .. ... ... . .... .. ... ... .. .. ... ... ... ... ... .. ... .. ... .. .. .... .. . 117
B. Le rattachement subsidiaire .. .. ... ... .. ... .. .. .. ... ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. .. .. ... .. ... .. ... . ... ... ... . 118
C. Les rattachements complexes .. .. ... ... .. .. .. ... ... .. .. ... .... .. .. ... .. ... ... .... .. .. ... ... .. ... .. .. ... .. 118
D. Le rattachement distributif............................................................................... 1 20
E. Les rattachements de caractère substantiel ....................................................... 121
CHAPITRE4
LA RÈGLE D'APPLICABILITÉ
Section 1
L'applicabilité du droit national
§1 NOTION DE RÈGLE DIRECTE D'APPLICABILITÉ ............................................................. 129
A. Définition ........................................................................................................ 129
B. Configuration de la règle directe d'applicabilité .. ... .. .. ... ... .. ... .. ... . ... ... .. .. ... .. .. ... ... 131
C. Règles d'applicabilité et lois de police ................................................................ 136
§2 INTERACTION DES MÉTHODES DE SOLUTION DES CONFLITS DE LOIS ............................ 143
A. La méthode unilatéra/iste . .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. .. ... ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .. .. ... .. ... .. ... .. ... ... 143
B. Critique de la théorie unilatéraliste ... .. .. ... .. .. ... ... ... ... .. .. ... ... ... ... .. ... ... .. .. ... .. ... .. ... 145
C. La complémentarité des méthodes .. .. .. .. ... ... .. .. ... ... ... .. .. ... ... ... .. ... ... ... ... .. .. .. .. ... ... 148
Section 2
L'applicabilité du droit uniforme
§1 NOTIONS ·········"·····"···································································"························ 151
A. Diversité des instruments .. ... .. .. .. . .. . .. .. ... .. .. ... ... ... ... .. .. ... ... .. ... .... .. ... .. ... .. .. ... .. ... .. 1 51
B. Détermination de l'applicabilité de l'instrument international ............................ 153
§2 LE DROIT MATÉRIEL UNIFORME ................................................................................ 156
A. Méthodes d'applicabilité du droit conventionnel ................................................ 156
B. Méthodes d'applicabilité du droit communautaire dérivé ................................... 160
§3 LES RÈGLES DE RATTACHEMENT UNIFORMES .............................................................. 166
1024 ÜROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
TITRE 3
MÉTHODES DE SOLUTION DES CONFLITS
DE LOIS -ANALYSE FONCTIONNELLE
CHAPITRE 5
L'APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Section 1
Les phases successives de l'application de la règle de conflit
Section 2
Le choix de la norme primaire de droit international privé
§1 L'INTRODUCTION SOUS LES CONCEPTS DU DROIT DU FOR DE SITUATIONS
CONFIGURÉES PAR UN SYSTÈME ÉTRANGER ................................................................ 173
A. L'application de la méthode conceptuelle aux situations purement internes ......... 173
B. Le postulat de perméabilité des ordres juridiques .............................................. 175
§2 LES CONFLITS DE NORMES PRIMAIRES DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ ....................... 178
A. Les conflits entre normes primaires simultanées . ... .. .. .... .. ... ... .. .. ... .. .. .. .. .. ... ... .. .. . 1 78
B. Le conflit transitoire de droit international privé ............................................... 181
Section 3
La concrétisation du facteur de localisation
§1 DIVERSITÉ DES MÉTHODES DE CONCRÉTISATION ........................................................ 183
§ 2 LA DÉTERMINATION DE LA NATIONALITÉ DE LA PERSONNE PHYSIQUE ........................... 188
A. Sources ............................................................................................................ 189
1. 189
TRAITÉS MULTILATÉRAUX •••••••••......•..•••••...........••••••.........••...•...............••••.•.....
CHAPITRE 6
LA DÉTERMINATION ET LA CONDITION DU DROIT ÉTRANGER
Section 1
La désignation d'une règle de rattachement étrangère
§1 LE CONFLIT INTERNE DE DROIT ÉTRANGER ................................................................ 220
A. Types de conflits internes dans l'espace ............................................................. 221
B. Solution du conflit spatial de droit étranger ....................................................... 224
C. Solution du conflit transitoire de droit étranger ................................................. 226
§ 2 LA THÉORIE DU RENVOI ........................................................................................... 228
A. Présentation de la technique du renvoi .............................................................. 229
B. La technique du renvoi en droit positif ... .. .. ... .. ... ... .. ... .. ... .. .. ... .... ... ....... ....... .. ... . 233
C. Évaluation de la technique du renvoi ................................................................. 238
§ 3 LA DÉSIGNATION DE L'ORDRE JURIDIQUE DE RÉFÉRENCE ............................................ 244
A. La théorie de la question préalable .. .. .. .. ..... .. ... ... ..... .. .... .... ... ... ... .. ... .. ... .. ..... ... .. 245
1. PRÉSENTATION DE LA THÉORIE ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.•••••••••••••••••••••••••••••• 245
Il. ÉVALUATION DE LA THÉORIE ............................................................................ 246
Ill. APPLICATIONS PONCTUELLES DE LA THÉORIE ........................................................ 248
B. La théorie du respect des droits acquis .............................................................. 251
C. La théorie du for du raisonnement .................................................................... 254
D. La référence à la reconnaissance internationale du jugement .............................. 256
Section 2
La condition procédurale du droit étranger
§1 NOTIONS DE PROCÉDURE CIVILE .............................................................................. 259
CHAPITRE 7
L'APPLICATION DU DROIT ÉTRANGER
Section 1
La théorie des qualifications et la détermination
du concept préjudiciel
§ 1 LA THÉORIE DES QUALIFICATIONS ............................................................................. 281
A. Les méthodes conceptuelles de qualification ....................................................... 282
1. LES PARADIGMES DE LA THÉORIE TRADITIONNELLE ..............•......••••.•••••••.••••.•.••.•.••. 282
Il. CRITIQUE DE LA THÉORIE TRADITIONNELLE .•.••.••••.•.•••••..•.••••.•.•••••••••••••••.••••.•.••.•.• 285
111. VARIANTES DE LA MÉTHODE CONCEPTUELLE DE QUALIFICATION ...•..............••.•........•• 287
B. Approche fonctionnelle de la qualification par l'interprétation
de la norme primaire du for .............................................................................. 290
1. MÉTHODE CONCEPTUELLE ET APPROCHE FONCTIONNELLE .••.•••••••••.•.••••..••••.•..•.•.••.• 290
Il. MODES DE RÉPARTITION DES DOMAINES DES DROITS CONCURREMMENT COMPÉTENTS •• 293
Ill. L'APPROCHE FONCTIONNELLE ET LA CODIFICATION ....••..............•.•.......••.••.•.••••.•.•• 297
IV. L'APPROCHE FONCTIONNELLE ET LE CONFLIT MOBILE ........••.•.•..•.••••.•.•••••.••••.••••.•••• 298
§ 2 LA DÉTERMINATION DU CONCEPT PRÉJUDICIEL .......................................................... 300
A. Exposé du problème ......................................................................................... 300
B. Méthode de solution proposée .......................................................................... 302
Section 2
L'éviction du droit étranger par l'exception d'ordre public
§1 DÉFINITION DE L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC .......................................................... 306
A. Objet de l'exception ......................................................................................... 306
B. Relation de l'exception avec d'autres concepts juridiques ................................... 311
§2 MISE EN ŒUVRE DE L'EXCEPTION D'ORDRE PUBLIC .................................................... 316
A. Détermination de l'ordre juridique de référence ................................................ 317
B. Critères d'appréciation de l'ordre public étatique .............................................. 322
C. Effet de l'éviction du droit étranger ................................................................... 326
TITRE 4
DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL
CHAPITRE 8
SOURCES RELATIVES AUX CONFLITS D'AUTORITÉS
ET DEJURIDICTIONS
Section 1
Actes liés à l'Union européenne
§1 PRÉSENTATION DES ACTES« BRUXELLES 1 » ET DE LEURS COMPLÉMENTS .................... 331
TABLE DES MATIÈRES 1027
Section 3
Droit commun
§1 DROIT JUDICIAIRE COMMUN .................................................................................... 361
§2 ACTES DE L'ÉTAT CIVIL ............................................................................................ 362
§3 FONCTIONS CONSULAIRES ....................................................................................... 363
CHAPITRE 9
RÈGLES GÉNÉRALES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Section 1
Notion de compétence internationale
§1 NATURE DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE ......................................................... 366
A. Compétence internationale et compétence interne ............................................. 366
B. Caractéristiques de la règle de compétence internationale .................................. 368
§2 TYPOLOGIE DES CRITÈRES DE COMPÉTENCE INTERNATIONALE ..................................... 373
A. Critères tenant à la localisation du litige ........................................................... 373
B. Critères tenant à l'objet du litige ...................................................................... 378
§3 ÜBJECTIFS DU RÈGLEMENT DE LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE ............................... 382
Section 2
Contenu des règles générales de compétence
§1 RÈGLES GÉNÉRALES DE « BRUXELLES 1 » ................................................................... 386
A. Règles de compétence ....................................................................................... 386
B. Régime des incidents de compétence ................................................................. 395
1028 DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
CHAPITRE 10
RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS
JUDICIAIRES ET DES ACTES PUBLICS ÉTRANGERS
Section 1
Notions
§1 ÜBJET DU CONCEPT D'EFFICACITÉ ............................................................................ 420
§2 CLASSIFICATION DES EFFETS ..................................................................................... 423
A. Classification sous l'angle du type d'effet .......................................................... 423
B. Classification sous l'angle des motifs de refus .................................................... 427
C. Classification sous l'angle de la procédure ......................................................... 429
Section 2
Efficacité des décisions judiciaires
§1 ACTES LIÉS À L'UNION EUROPÉENNE ........................................................................ 432
A. Force exécutoire et reconnaissance ... .. ... ... .. ... .. .. ... .. ... ... ... .. ... .. .. ... .. .. .. .. .. ... .. ... .. .. 449
1. MOTIFS DE REFUS • •• • •• • • ••• •• • • ••• •• •• • •• ••• • •• •• • • • •• • •• •• •• • •• ••• ••• •• • • ••• •• • • • •• •• • ••• •• • •• •• ••• •• • • • 450
Il. PROCÉDURE EN VUE DE LA RECONNAISSANCE OU DE LA FORCE EXÉCUTOIRE •••••••••••••••• 453
Ill. EFFETS DE LA DÉCISION ACCORDANT L'EXEQUATUR ............................................... 454
IV. EFFETS DE LA RECONNAISSANCE DE PLEIN DROIT •••••••••••••••••••••••••••••••••.••••••••••••••••• 455
TABLE DES MATIÈRES 1029
Section 3
Efficacité des actes publics
§1 INSTRUMENTS INTERNATIONAUX .............................................................................. 461
B. Autres instruments internationaux ... .. ... . .. .. .. .. .. .. .. .. ... .. .. ... ... ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... . 464
CHAPITRE 11
LA PROCÉDURE DANS LE CONTENTIEUX TRANSFRONTIÈRE
Section 1
Délimitation de la procédure
§1 L'APPLICATION DU DROIT DU FOR ........................................................................... 469
Section 2
La condition procédurale de l'étranger
§1 LA CAUTION DE L'ÉTRANGER DEMANDEUR ............................................................... 479
§2 L'ASSISTANCEJUDICIAIRE ......................................................................................... 481
Section 3
La communication des actes judiciaires à l'étranger
1030 ÜROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
TITRES
RÈGLES SPÉCIALES
CHAPITRE 12
LA PERSONNE ET LES RAPPORTS DE FAMILLE
Section 1
Observations générales sur le statut personnel
§1 ETENDUE ET LIMITES DE L'APPLICATION DE LA LOI DE LA NATIONALITÉ ........................ 491
§2 EFFETS DE DROIT ADMINISTRATIF D'UNE RELATION D'ÉTAT ........................................ 496
A. Autonomie de la question d'état ....................................................................... 496
B. Détermination de la nationalité et statut personnel .... .. .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. ... ... .. .. .. 498
1. ENONCÉ DU PROBLÈME .................................................................................. 498
11. LA SOLUTION DU DROIT BELGE ...•..•............•••..•....•••••.••••.•.•••••••.•.•.....•..•........... 500
Section 2
L'identification des personnes physiques
§1 LES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL ....................................................................................... 501
A. Le fonctionnement des autorités belges ............................................................. 502
B. L'efficacité en Belgique des actes de l'état civil étrangers ................................... 503
C. Coopération internationale en matière d'état civil ............................................. 507
§2 L'IDENTITÉ, LE NOM ET LE PRÉNOM ......................................................................... 507
A. Détermination du nom et du prénom . .. .. .. .. .. . ... .. .. ... .. .... .. .. ... ... .. .. ... ... ... .. ... .. ... .. . 508
B. Changement de nom ou de prénom ................................................................... 510
Section 4
Les rapports entre époux
§1 LE CONFLIT DE JURIDICTIONS ................................................................................... 535
§2 DROIT APPLICABLE AUX EFFETS PERSONNELS ET AU RÉGIME PRIMAIRE .......................... 536
A. Détermination de la loi des effets généraux du mariage ..................................... 536
B. Domaine de la loi des effets généraux du mariage ............................................. 539
§3 DROIT APPLICABLE AU RÉGIME MATRIMONIAL ........................................................... 542
A. Droit applicable en vertu d'un choix des époux .................................................. 543
B. Droit applicable en l'absence de choix ............................................................... 547
C. Droit applicable à la mutation de régime .......................................................... 552
Section 5
La dissolution et le relâchement du lien conjugal
§1 LES CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS ........................................................ 556
A. Compétence internationale ............................................................................... 556
1. LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE SELON LE RÈGLEMENT« BRUXELLES IIB/5 » ............. 556
Il. LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE SELON LE DROIT COMMUN ••••••••........................• 561
Ill. DÉTERMINATION DE LA COMPÉTENCE INTERNE ..................•.........••••••••••••••••••••••••• 562
B. Efficacité de la dissolution intervenue à l'étranger ............................................. 563
1. DISSOLUTION INTERVENUE DANS UN ÉTAT DE L'UNION EUROPÉENNE •••••••••••••••••••••••• 563
Il. RÈGLES DU DROIT COMMUN ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••......••••••.••••.•.••...•...••.•••••• 565
§2 DROIT APPLICABLE À LA DISSOLUTION ET AU RELÂCHEMENT DU LIEN CONJUGAL .......... 572
A. Détermination de la loi du divorce ou de la séparation ...................................... 573
B. Domaine de la loi du divorce ou de la séparation ............................................... 575
Section 6
Les rapports de couple hors du mariage
§1 LES FIANÇAILLES ..................................................................................................... 579
§2 LES RELATIONS DE VIE COMMUNE 580
Section 7
La filiation
§ 1 LA FILIATION BIOLOGIQUE 586
A. Compétence internationale ............................................................................... 586
B. Droit applicable ............................................................................................... 589
§ 2 LA FILIATION ADOPTIVE ........................................................................................... 596
A. Compétence internationale . ... .. .. .. .. .. ... .. .. .. .. ... .. .... .. .. ... ... ... .. .. .... ... .. ... ... . ... ... .. ... . 596
B. Droit applicable ............................................................................................... 599
1. 600
DROIT APPLICABLE EN VERTU DU CODE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ •••••••••••••••••...
Section 8
L'incapacité et la protection des incapables
§ 1 LA DÉTERMINATION DE L'INCAPACITÉ ....................................................................... 623
A. Compétence internationale ... .. .. ... .. .. .... .. ... ... .. .. ... .. ... .... .. .. ... ... . ... .. ... ... ... .. ... .. ... .. 623
B. Droit applicable ............................................................................................... 623
§2 L'AUTORITÉ PARENTALE ........................................................................................... 626
A. Compétence internationale ............................................................................... 626
B. Droit applicable ............................................................................................... 630
C. Efficacité des décisions étrangères ..................................................................... 632
D. Restitution d'enfants déplacés irrégulièrement ................................................... 635
§3 LES MESURES DE PROTECTION DE L'INCAPABLE .......................................................... 639
A. Présentation .................................................................................................... 639
B. Compétence internationale . ... .. ... .. .. ... ... .. ... ... .. ... .. .. .... ..... .. ... .. .. ... .. .... .. .. ... ... .. .. .. 642
C. Droit applicable .. .. ... .. ... .. ... .. .. ... .. ..... ... ... .. ... .. ... .. .. ... .... .. ... .. .. ... .. .. ... ... ... .. .. ... ... .. 645
Section 9
Les obligations alimentaires
§1 CONFLITS D'AUTORITÉS ET DE JURIDICTIONS ............................................................. 648
A. Compétence internationale ... .. .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .. ... ... . ... ... ... ... .. .. ... ... 648
B. Efficacité des décisions et des actes publics étrangers .. ... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. ... .. ... .. . 650
§2 CONFLITS DE LOIS ................................................................................................... 654
A. Règle générale de rattachement . .. .. ... .... .. ... .. .. ... .. .. ... .. .. .. ... .. .. ... .. .. ... .. . ... .. ... .. ... .. 654
B. Rattachements spéciaux ................................................................................... 659
CHAPITRE 13
LES BIENS
Section 1
Le régime général des droits sur un bien
§1 APPLICATION DU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ .......................................................•.. 668
A. Règles de conflit de juridictions . .. .. ... ...... .. .. ... .. ... .. ... ... ..... ... .. .. ... .. ... ... .. ... ... .. .. ... . 669
TABLE DES MATIÈRES 1033
Section 3
L'insolvabilité
§1 LES PROCÉDURES D'INSOLVABILITÉ DANS LE CONTEXTE DE L'UNION EUROPÉENNE 724
§2 LES PROCÉDURES D'INSOLVABILITÉ SELON LE DROIT COMMUN .................................... 731
A. Ouverture d'une procédure en Belgique ............................................................ 731
B. Reconnaissance des décisions étrangères ............................................................ 736
1034 DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
Section 4
Les successions
§ 1 LA DÉVOLUTION LÉGALE .....•.•.•.•.........................•......................•..•...•.•...........•........ 740
A. Compétence internationale ... .. ... .. ... .. .... .. .. ... ... .. .. ... .. .... .. .. ... ... .. .. ... ... ... .. ... .. ... .. .. 7 40
B. Droit applicable . .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. ... .. .... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. .. ... ... .. ... .. ... ... .. ... .. ... ... .. 7 41
1. DÉSIGNATION DE LA LOI SUCCESSORALE •• •• • •• .• • •• •• . • • •• • . • • .• •• • •. • • • •• •• . • • • . • • • • •. • •• ••• •• •• . •• 7 41
CHAPITRE 14
LES CONTRATS
Section 1
Règles générales de conflit de juridictions
relatives aux contrats
§1 RÈGLES DE COMPÉTENCE PROPRES AUX CONTRATS
DANS LE RÈGLEMENT« BRUXELLES 1 » ...................................................................... 768
A. Critère du lieu d'exécution (art. 5, 1 °) ............................................................. 769
1. QUALIFICATION DE L'ACTION ........................................................................... 769
Il. DÉTERMINATION DE L'OBLIGATION À LOCALISER ................................................... 770
Ill. LOCALISATION DE L'EXÉCUTION DE L'OBLIGATION EN LITIGE ....•...•••....•••.•..•.•••••••••••• 771
B. Clauses de juridiction ( art. 23) ........................................................................ 773
§2 RÈGLES DE COMPÉTENCE DU DROIT COMMUN .......................................................... 776
A. For contractuel ................................................................................................ 776
B. Clauses de juridiction .. .. ... .. ... .. .. ... .. .. .. .. .. ... .. ... .. ... .. ... ... ... .. ... .. ... .. .. .... ... .. ... .. ... .. . 777
1. CLAUSES D'ÉLECTION DE FOR ........................................................................... 777
Section 2
Règles générales de conflit de lois relatives aux contrats
§1 PLURALISME DES SOURCES ET DES MÉTHODES ........................................................... 792
§2 DÉTERMINATION DE LA LOI DU CONTRAT ................................................................. 796
A. Le principe d'autonomie ................................................................................... 796
1. ÉVOLUTION DES SOLUTIONS • •• • • • ••• •• • •• •• • • . • • •. . . . .. •. . . . . .. • • • •• •• • •• • • • • • • •. . . . . •. . •• •• • •• •• ••• •• • • 796
Il. PORTÉE DU CHOIX EXPRIMÉ PAR LES PARTIES .•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.•.• 798
B. Modalités du choix du droit applicable .............................................................. 801
1. FORME DU CHOIX DE LA LOI CONTRACTUELLE •••••••••.•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 801
Il. LIMITES DU CHOIX DE LA LOI CONTRACTUELLE •.........................••.•••.•..........••.•••••• 803
Ill. CONTRÔLE DE LA COUR DE CASSATION SUR LE CHOIX DE LA LOI CONTRACTUELLE •......• 806
C. Droit applicable à défaut de choix ... ... .. ..... .... .. ... ... ... .. ... .. ... ..... ... ... ..... ... .. ..... ... .. 807
1. FONCTION DE LA RÈGLE DE RATTACHEMENT SUBSIDIAIRE ..•...•••••••••...............•••••••••• 807
Il. ÉVOLUTION DES RÈGLES DE RATTACHEMENT SUBSIDIAIRES •••••••••.•••••••••••••••••••••.......• 808
§3 DOMAINE DE LA LOI CONTRACTUELLE ...................................................................... 810
A. Étendue du domaine de la loi contractuelle .... .. ... ... .......... ..... ....... ....... ... .. ..... .. .. 810
B. Détermination de la monnaie contractuelle ....................................................... 817
1. EFFICACITÉ DES MESURES NATIONALES DE PROTECTION •••••••••••••••••••••••••••••••••••••....• 818
Il. DÉTERMINATION DE LA MONNAIE DE COMPTE ••.•.••..••••••••••••••••••••...••.••.••••••••••••••• 819
Ill. DÉTERMINATION DE LA MONNAIE DE RÈGLEMENT ..........•.•••..•.....•.••.••..........••••••••• 821
§4 DÉROGATIONS À LA LOI D'AUTONOMIE .................................................................... 823
A. Les lois de police contractuelle .... ...... .. ..... .. ... .. .. .... .. ..... ... .. ......... .. ... ... .. ... .. ... .. ... 823
B. L'ordre public .................................................................................................. 827
§5 LE PRINCIPE D'AUTONOMIE DEVANT L'ARBITRE .......................................................... 830
Section 3
Règles propres à certains contrats
§1 LE CONTRAT D'ASSURANCE ...................................................................................... 833
A. Compétence internationale ... ... .. ... .. ... .. ..... .. ..... .. .... ....... ... ..... ..... .... ... .. ..... .. ..... .. 834
B. Droit applicable au contrat d'assurance ... .. .. ... .. .. .... .. ... ........ .. .... ..... ... .. ..... .. ... ... 838
1. L'ASSURANCE DIRECTE AUTRE QUE L'ASSURANCE SUR LA VIE ............••••••.••..•............ 839
B. Droit applicable au contrat de consommation .. ... .. .. ... ... ... ... . ... .. ... .. .. .... ... .. .. ... .. .. 854
§3 LE CONTRAT D'ÉTAT .............•................................................................................. 860
A. Échappatoire au droit étatique ......................................................................... 861
B. Application du droit étatique . .. ... ... .. ... ... .. .. ... .. ... ... .. ... ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .. ... ... .. . 863
§4 LE CONTRAT DE GARANTIE ...................................................................................... 864
A. Compétence internationale ... .. .. ... .. ... ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. .. .... .. ... .. .. ... ... .. 865
B. Droit applicable au contrat de garantie .. .. ... ... . ... ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... ... ... .. .. ... ... .. .. . 866
§5 LES OPÉRATIONS SUR IMMEUBLES ............................................................................. 868
A. Compétence internationale .. .. ... .. .. ... ... ... ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. .. . 869
B. Droit applicable au contrat immobilier . ... ... .. .. ... .. ... ... .. ... ... .. .. ... .. .. .... .. ... ... .. .. ... . 869
§6 LE CONTRAT D'INTERMÉDIAIRE ...........................................•.................................... 871
A. La relation interne ........................................................................................... 871
B. La relation externe . ... ... .. .. .. ... .. ... .. ... ... ... .. .. ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. ... .. ... ... .. ... .. ... .. .. ... . 873
§ 7 LA NÉGOCIATION DE TITRES .........................................................•........................... 874
A. Les effets de commerce et le chèque .................................................................. 875
CHAPITRE 15
LES OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES
Section 1
Obligations dérivant d'un fait dommageable
§1 RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DEJURIDICTIONS ...................................................... 919
A. Contexte de l'Union européenne ....................................................................... 919
B. Droit commun ................................................................................................. 922
§2 RÈGLES GÉNÉRALES DE CONFLIT DE LOIS ................................................................... 923
A. Détermination de la loi de la responsabilité ...................................................... 923
1. RATTACHEMENT DE PRINCIPE ••••••••••••••••••••••••••••••.•.•••••••••••••••••.•••••••••••••••••••••••• 923
CHAPITRE 16
LES PERSONNES MORALES
Section 1
La condition de la personne morale étrangère
§ 1 LA DÉTERMINATION DE LA NATIONALITÉ DE LA PERSONNE MORALE ..•••..•....•.....•...••.•••• 968
Section 2
Le conflit de lois
§1 L'EXISTENCE ET LE FONCTIONNEMENT DE LA PERSONNE MORALE .•.•..•.•..•.••.••.••••••.•..•.• 977
A. Droit commun ................................................................................................. 977
B. Droit de l'Union européenne ............................................................................ 984
§2 TRANSFORMATION ET EXTINCTION DES PERSONNES MORALES ••.••••.••••.•.••.•••••••.••••.••••. 987
A. Le groupement, la cession et la fusion de sociétés .............................................. 987
B. Le transfert du siège d'un pays à un autre .. .. .. ... .. ... ... .. ... ...... .. .. .. .. .. .. .. ... .. ... .. ... .. 988
Section 3
Le conflit de juridictions
§1 COMPÉTENCE INTERNATIONALE ............................................................................... 992
A. Droit de l'Union européenne ............................................................................ 992
B. Droit commun ................................................................................................. 994
§2 CONDITION PROCÉDURALE DES PERSONNES MORALES ÉTRANGÈRES ............................ 995
§3 RECONNAISSANCE DES JUGEMENTS ÉTRANGERS ......................................................... 997