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Georges de LEV AL

Chef de Travaux à la Faculté de Droit


de l'Université de Liège

TRAITE DES SAISIES


(Règles générales)

Faculté de Droit de Liège - 1988


«Les citoyens ont besoin de croire en leur justice, et ils ne
peuvent y croire que si l'ordre du juge est obéi et les jugements
exécutés» (R. PERROT, L'exécution des titres, La revue des
huissiers de justice, Numéro spécial, Avril 1986, p. 79).
«L'exécution des obligations doit être volontaire. A défaut,
la loi offre au créancier les moyens lui permettant de contraindre le
débiteur à l'exécution hormis le cas où le débiteur peut se prévaloir
d'une immunité d'exécution» (art. 1er de l'avant-projet de loi
(français) tendant à améliorer les procédures d'exécution en matière
civile).
AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage est limité aux règles communes aux


saisies conservatoires et aux voies d'exécution. Il s'agit de la partie
essentielle de la matière; elle se situe à l'intersection du fond du droit
et de la procédure ; la plupart des contestations y trouvent leurs
éléments de solution. Les pages qui suivent ne comportent pas
/'examen des règles spéciales qui régissent chaque type de saisie;
cette étude a notamment été faite dans le Répertoire Notarial.

Notre plan sera le suivant:

Une introduction générale situe le droit des saisies dans le


droit de /'exécution.

Une première partie est consacrée aux règles communes aux


saisies conservatoires et aux voies d'exécution.

Une deuxième partie traite des règles communes aux saisies


conservatoires.

Une troisième partie a pour objet les règles communes aux


saisies-exécutions.

Certaines matières (saisie-arrêt bancaire; suspension de


/'exigibilité de dettes fiscales et sociales; cession de rémunération par
acte sous seing privé) sont examinées en annexe. Il importait d'éviter
dans le texte général, des développements démesurés de matières
spéciales qui en constituent le complément indispensable.

Avec cet ouvrage, j'achève l'examen du droit des saisies.


Mon but sera atteint si le lecteur ne se trouve dans aucune des deux
situations si subtilement distinguées par Portalis : «Il est des temps
où /'on est condamné à l'ignorance, parce qu'on manque de livres;
il en est d'autres où il est difficile de s'instruire parce qu'on en a
trop».

Le I9 janvier 1988.
LISTE DES ABREVIATIONS

Adm. Publique Administration publique


Ann. Dr. Annales de droit (Louvain)
Ann. Dr. Liège Annales de droit de Liège
Ann. Fac. Dr. Liège Annales de la Faculté de Droit de Liège
A.R. Arrêté royal

Banque Revue de la banque (France)


Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de
cassation de France
Bull. Ass. Bulletin des assurances
Bull. Contr. Bulletin des contributions directes

Cah. Dr. Eur. Cahiers de droit européen


Chron. Dr. Soc. Chroniques de droit social
Ch.s. Chambre des saisies
C.I.R. Code des impôts sur les revenus
Clun et Journal de droit international privé
Corn. Adm. Commentaire administratif

D.A.O.R. Droit des affaires - Ondernemingsrecht


Dall. Dalloz
D.P. Document parlementaire
D.P.C.I. Droit et pratique du commerce
international
D. Rep. dr. int. Encyclopédie Dalloz, Répertoire de
droit international
D. Rep. pr. civ. Encyclopédie Dalloz, Répertoire de
procédure civile
Dr. Eur. Tr. Droit européen des transports
Dr. Mar. Fr. Droit maritime français

Entr. et Dr. Entreprise et droit

F.J.F. Fiscale jurisprudentie - Jurisprudence


fiscale

Gaz. Pal. Gazette du Palais


Ing. Cons. L'ingénieur conseil
I.R. (Dall.) Informations rapides (Dalloz)
J. Jurisprudence
J.Cl.Dr.Int. Juris-classeur, droit international
J.C.P. Juris-classeur périodique
J.J.P. Journal des juges de paix
J.L.M.B. Jurisprudence de Liège, Mons, Bruxelles
J.O.C.E. Journal officiel des Communautés
européennes
Journ. Dr. Fisc. Journal de droit fiscal
Journ. Not. Journal des notaires
Journ. prat. dr. fisc. Journal pratique de droit fiscal
J.T. Journal des tribunaux
J.T.T. Journal des tribunaux du travail
Jur. Corn. Br. Jurisprudence commerciale de Bruxelles
Jur. des Jur. du Trav. Jurisprudence des juridictions du
travail de Bruxelles
Jur. Liège Jurisprudence de la Cour d'appel de
Liège
L'huissier de justice L'huissier de justice - De
gerechtsdeurwaarder
Limb. Rechtsl. Limburgsrechtsleven
Mouv. Corn. Mouvement communal
Pan. Panorama de jurisprudence de la Cour de
cassation française
Pand.pér. Pandectes périodiques
Pas. Pasicrisie belge
Pasin. Pasinomie
R.B.S.S. Revue belge de sécurité sociale
R.C.J.B. Revue critique de jurisprudence belge
R.D.C. Revue de droit commercial belge
Rec. Recueil des arrêts de la Cour de
Justice des Communautés européennes
Rec. Enr. Recueil général de l'enregistrement et
du notariat
Rép. Not. Répertoire notarial
Rev. Arb. Revue de l'arbitrage
Rev. Banque Revue de la banque (Belgique)
Rev. Crit. D.I.P. Revue critique de droit international
privé
Rev. Dr. Int. Revue belge de droit international et
Dr. Comp. de droit comparé
Rev. Int. Dr. Comp. Revue internationale de droit comparé
Rev. Dr. Soc. Revue de droit social
Rev. Huissiers Revue des huissiers (France)
Rev. Prat. Not. Revue pratique du notariat
Rev. Prat. Soc. Revue pratique des sociétés
Rev. Rég. Dr. Revue régionale de droit
Rev. Trim. Dr. Corn. Revue trimestrielle de droit commercial
et Econ. et de droit économique
R.G. Rôle général (en cas d'inédit)
R.G.A.R. Revue générale des assurances et des
responsabilités
R.G.D.C. Revue générale de droit civil belge
R.I.D.C. Revue internationale de droit comparé
R.R. Rôle des requêtes (en cas d'inédit)
R.T.D.C. Revue trimestrielle de droit civil
R.T.D.F. Revue trimestrielle de droit familial
R.W. Rechtskundig Weekblad

S. Sirey

T.G.R. Tijdschrift voor gentse rechtspraak


T.Not. Tijdschrift voor notarissen
T.P.R. Tijdschrift voor privaatrecht
T.V.B.R. Tijdschrift voor brugse rechtspraak
INTRODUCTION GENERALE

1) Définition de la saisie.

Après avoir procuré la reconnaissance judiciaire des droits,


la procédure civile permet d'obtenir par la force, en cas de
résistance, le respect du droit reconnu (1). C'est sous cet angle que
le droit des saisies fait partie de la procédure.
La saisie est une procédure à vocation collective, tendant
au respect de «l'obligation de numéraire, libellée originellement en
argent ou substituée à une obligation inexécutée en nature» (2).
Elle concrétise le droit de gage général du créancier sur Je
patrimoine de son débiteur. Ce principe doit être précisé :
A. - La saisie est une procédure à vocation collective. Les
saisies sont, au départ, des poursuites individuelles diligentées par
un créancier mais elles deviennent collectives lorsqu'un ou plu-
sieurs autres créanciers s'associent à la saisie antérieurement
pratiquée et entendent concourir au paiement réclamé par le
premier saisissant. En effet, le droit de gage général n'emporte pas
droit de préférence et la priorité dans le temps d'une saisie ne
confère aucun droit supplémentaire à son auteur vis-à-vis des
créanciers ultérieurs. Cette extension présuppose que les autres
parties intéressées puissent être informées en temps utile des
mesures qui frappent déjà le patrimoine du débiteur; le Code
judiciaire y pourvoit par un système de publicité qui varie suivant
l'objet de la saisie : l'avis de saisie en matière de saisie mobilière et
de saisie-arrêt (art. 1390); la transcription au bureau de conserva-
tion des hypothèques en matière de saisie immobilière (art. 1434,
1565, al. 1er, 1569 et 1570) et l'inscription au bureau de conserva-
tion des hypothèques maritimes en matière de saisie sur navires et
bateaux (art. 1472 et 1552). Par contre, certaines procédures
constituent, dès le départ, des modes de règlement collectif du

(') A. TISSIER. Le rôle social et économique des règles de la procédure civile. in Les
méthodes juridiques, Paris, V. GIARD et E. BRIERE. 1911, p. 107 et 108.
(') P. CA TALA et F. TERRE. Procédure civile et voies d'exécution, Coll. Thémis, p. 443.
4 TRAITÉ DES SAISIES

passif du débiteur : la faillite, le concordat judiciaire, la liquidation


des sociétés commerciales et des associations sans but lucratif, la
succession bénéficiaire et la succession vacante. La survenance
d'une de ces procédures a d'importantes conséquences au niveau
des saisies, mises en oeuvre par des créanciers chirographaires ou
nantis d'un privilège général sur meubles, car elles s'y substituent
généralement (3).
B. - La .saisie tend au paiement d'une somme d'argent. Sauf
s'il s'agit d'une saisie revendication (4 ) ou d'une saisie en matière
de contrefaçon (5), la saisie ne peut tendre qu'au paiement d'une
somme d'argent, mais il ne s'agit pas d'un procédé exclusif puisque
le même résultat peut être obtenu directement ou indirectement
par la mise en oeuvre d'autres mécanismes qui se combinent parfois
avec une mesure de saisie : droit des sûretés, droit de rétention,
exception d'inexécution, compensation (6), cession de créance,
action paulienne, action oblique, menace d'une sanction civile ou
pénale, apposition de scellés, inventaire, séquestre, etc.

2) Mesures d'exécution forcées étrangères au droit des saisies.


L'exécution d'un titre ne se réalise pas toujours par le
paiement d'une somme d'argent; parfois elle consiste dans l'accom-
plissement d'une prestation imposée à la partie ou à un tiers.
Tel est le cas :
des interdictions professionnelles prononcées en vertu de l'ar-
rêté-royal n° 22 du 24 octobre 1934, modifié par les articles 82 et
suivants de la loi du 4 août 1978;

(3) P. VAN OMMESLAGHE. Les liquidations volontaires et les concordats, in L'entreprise


en difficulté, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 411 à 477; J. LINSMEAU, Le concours, les
saisies multiples et leur solutions, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau
Bruxelles, 1982, p. 287 à 299; F. T'KINT, Le droit d'exécution des créanciers d'une société en
liquidation, même ouvrage, p. 337 à 352; G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les
créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983. p. 315 à 332; infra, n"s 119 et s.
4
( ) La saisie revendication tend au paiement d'une somme d'argent lorsqu'elle est pratiquée en
vue de garantir le recouvrement d'une créance par l'intermédiaire du droit de suite attaché à un droit
réel accessoire (art. 20, 1°, al. 5, L. hyp.; art. 11, II. L. 25 octobre 1919 sur la mise en gage du fonds
de commerce); infra n" 150 B.
(5) La saisie en matière de contrefaçon peut être à la fois une procédure préparatoire de
constatation destinée à faciliter la preuve de la contrefaçon et l'identification du contrefacteur - il
s'agit de la description (ou saisie descriptive) de l'article 1481, alinéa Ier - et une mesure
conservatoire- la saisie (ou saisie réelle) de l'article 1481, alinéa 2 (Cass .• 29 novembre 1%3, Pas.,
1964, !, 341; J.T., 1964, 91; R.W., 1964-1965, 307; Ing. Cons., 1968. 36). Il n'y a pas de lien
automatique entre la description et la saisie; celle-ci n'accompagne pas nécessairement celle-là; infra
n° 150 B.
6
( ) La compensation est une voie d'exécution simplifiée voire informelle puisque celui qui la
pratique se paye lui-même.
INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

- des décisions ordonnant la cessation de certaines pratiques


commerciales ;

- de la transcription du jugement autorisant le divorce ou déclarant


fondée une demande de contestation de paternité;

- du jugement qui permet la réalisation d'un acte juridique même à


défaut de la collaboration d'une partie (ex. : le jugement valant
titre de propriété à défaut de passation de l'acte authentique,
désignant un arbitre, tenant lieu de mainlevée nonobstant la
passivité d'une partie ou tenant lieu d'enregistrement de l'entre-
preneur à défaut pour la Commission d'enregistrement d'y
procéder) (7) ;

- des mesures de coercition sur la personne (droit de garde et droit


de visite, à l'égard des enfants; expulsion de lieux occupés sans
droit);

- de l'exercice du droit de réponse en vertu de la loi du 23 juin


1961.
De manière générale, il importe de mentionner l'exécution
des obligations de faire (art. 1144, C. civ.) ou de ne pas faire (art.
1143, C. civ.). Certes, il ressort de l'article 1142 du Code civil que
lorsqu'une telle obligation présente un caractère personnel, elle se
résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du
débiteur mais ce texte n'enlève pas au créancier la faculté d'exiger
du débiteur l'exécution en nature de l'obligation car, même si
l'exécution forcée en nature est impossible, la résistance du
débiteur peut être vaincue par la prononciation d'une astreinte (art.
1385 bis, C. jud.) (8 ). Ce type d'exécution qui produit le résultat
attendu par le créancier est plus satisfaisant pour celui-ci qu'une
exécution par équivalent qui n'est généralement qu'un pis-aller (9 ).

(') Voy. en cc qui concerne l'enregistrement, Civ. Mons. 22 février 1980, J.T., 1980, 389 et
Civ. Charleroi, 16 octobre 1985, R.D.C., 1986. 373.
8
( ) 1. MOREAU-MARGREVE. L'astreintc, Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, p. 66-67; voy. aussi,
p. 69 au sujet de la possibilité de demander en même temps l'astreinte et l'exécution en nature
indirecte prévue par les articles 1142 et 1143. C. civ.; adde 1. MOREAU-MARGREVE, obs. sous
Corr. Dinant, 27 février 1985. Aménagement 1986. 114; voy. aussi D. TAI.LON. Dommages et
intérêts et exécution en nature, J.T., 1985. 603-604 et L. RAPP et Ph. TERNEYRE, obs. sous Trib.
Adm. Montpellier, Réf., 3 et 22 octobre 1986. J.C.P .. 1987. Il. 20.781.
9
( ) W. JEANDIDIER, L'exécution forcée des obligations contractuelles de faire, R.T.D.C.,
1976, p. 700 et s.; Cass. Fr., 9 décembre 1986. Bull .. 1986, 1, p. 277, n" 291; au sujet des intérêts.
infra, n" 224.
6 TRAITÉ DES SAISIES

Il importe de préciser que :


a) si une obligation de donner porte sur une somme d'argent, la
saisie est un procédé d'exécution directe car elle procure l'objet
même de l'obligation (1°);
b) lorsque le débiteur est seulement tenu de régler le montant de la
facture des travaux exécutés à sa charge par un tiers à la
demande du créancier, ce n'est que du côté de celui-ci que l'on
peut parler d'exécution en nature ( 11 );
c) l'exécution par équivalent peut être imposée au créancier qui
commettrait un abus de droit en exigeant l'exécution en nature
(12).

En principe, l'exécution en nature ne relève pas du droit


des saisies sauf lorsqu'il s'agit d'obtenir le paiement forcé d'une
astreinte ( 13 ), du montant d'une facture (1 4) ou de dommages et
intérêts (la sanction du droit sous forme du paiement d'une somme
d'argent est fréquemment retenue comme solution subsidiaire)
(1 5). Toutefois, le contentieux de l'exécution en nature n'échappe
pas nécessairement à la compétence du juge des saisies (16).

3) Efficacité et inefficacité des saisies.


Le plaideur est intéressé non par l'instruction du litige ou
le jugement qui en résulte mais par la traduction concrète de celui-
ci. «Ce qui compte pour lui, ce n'est pas tant le brevet de
satisfaction que constitue la décision de justice que la réalisation

10
( ) P. CUCHE et J. VINCENT, Voies d'exécution et procédures de distribution, 8ème éd.,
Dalloz, 1961, p. 7, n" 8.
11
( ) J. CARBONNIER, Droit civil, T. IV, 6ème éd., Thémis, P.U.F., 1969, p. 524-525, n"
143; voy. aussi J.P. REMERY, Le rôle du technicien commis par le juge dans la réalisation de
travaux ordonnés ou autorisés en justice, Dall. 1986, chron. XLVII, p. 286.
12
( ) Cass., 10 septembre 1971, Pas., 1972, 1, 28 et note W.G.; Cass., 8 janvier 1981, Pas.,
1981, 1, 495; P. VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence 1974 à 1982, Les obligations,
R.C.J.B., 1986, p. 197, n° 92; voy. encore au sujet du règlement des troubles de voisinage, J.
HANSENNE, Examen de jurisprudence, Les biens, R.C.J.B., 1984, n" 45, p. 106 à 109 et réf. cit.
13
( ) G. de LEVAL, Observations sur !'astreinte, Jur. Liège, 1980, p. 242 à 244; Civ. Namur,
ch.s., 20 janvier 1984, Rev. Rég. Dr., 1984, 220.
14
( ) Civ. Liège, ch.s., 28 mai 1980, inédit cité et commenté par G. de LEVAL, in Aspects
actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 632, n" 33; voy. plus particulièrement l'article 65 § 2 al. 2
de la loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme: «le condamné est contraint au
remboursement de tous les frais d'exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et
objets, sur présentation d'un état taxé et rendu exécutoire par le juge des saisies» (voy. 1. MOREAU-
MARGREVE, op. cit., Aménagement, 1986, p. 114-115).
(1 5) P. HEBRAUD, L'exécution des jugements civils, Rev. Int. Dr. Comp., 1957, 191.
16
( ) Infra, n" 15.
INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

effective du droit litigieux» (1 7), c'est-à-dire la suppression de


l'état litigieux. Cette préoccupation particulière rejoint l'intérêt
général car le crédit de la justice exige que le titre judiciaire ne
demeure pas lettre morte.
Il importe donc que des règles à la fois efficaces, simples et
protectrices des intérêts en présence, permettent de prévenir
l'organisation ou la survenance de l'insolvabilité du débiteur et de
vaincre la résistance ou l'inertie du débiteur qui refuse l'exécution
volontaire de ses obligations. A quoi servirait-il de mettre à la
disposition des créanciers des procédures leur permettant d'obtenir
rapidement un titre exécutoire si l'exécution pouvait être entravée
par d'interminables incidents?
Pour que la décision de justice ne demeure pas «un
psychodrame sans lendemain» (1 8), il ne suffit pas de disposer
d'une procédure de saisie performante exploitée dans toutes ses
potentialités; il faut au préalable que le créancier puisse obtenir des
informations sur la consistance du patrimoine à appréhender ( 19 ).
Indépendamment de la publicité qui donne son sens à la loi du
concours, il existe des moyens civils (action paulienne (20), déclara-
tion de tiers saisi, mesures ordonnées par le juge des saisies) ou
pénaux (abandon de famille, art. 391 bis C. pén.; insolvabilité
frauduleuse, art. 490 bis C. pén.) pour lutter contre la soustraction
des biens aux poursuites des créanciers mais ils sont soit insuffisants
singulièrement au niveau international, soit trop peu utilisés {2 1). Il

7
(' ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1979, p. 203, n" 13.
(1 8 ) M. BELJEAN, XYième Congrès national des huissiers de justice, Gaz. Pal., 28-30
octobre 1984, 3.
9
(' ) Voy. L'effectivité des décisions de justice, Travaux de l'Association Henri Capitan!,
Tome XXXVI 1985 et L'exécution des titres, in La revue des huissiers de justice, numéro spécial,
Avril 1986 (Xllème Congrès international des huissiers de justice), p. 82 à 88; voy. sp. la déclaration
de patrimoine en droits suisse et allemand (p. 85-87 et G. de LEVAL, L'efficacité des saisics-
cxécutions, J.T., 1985, p. 139); infra, n° 39 k.; adde. la question parlementaire de M. BAERT
demandant: «Pourquoi n'ordonnc-t-on pas aux services compétents (O.N.S.S., O.N.Em., police) de
communiquer à un créancier qui est en possession d'un jugement coulé en force de chose jugée le lieu
où travaille le débiteur'/ J'estime que cela n'a rien à voir avec la protection de la vie privée, mais il
s'agit de lutter contre ceux qui feignent l'insolvabilité ou qui refusent de se soumettre à un
jugement». (Ouest. et Rép. Ch. Repr., 7 octobre 1986, p. 3983; comp. en matière immobilière,
Ouest. et Rép. Sénat, 23 octobre 1984, 90). Voy. toutefois au sujet de «listes de débiteurs
défaillants», Civ. Liège, 11 mars 1987, J.T., 1987, 426; J.L.M.B., 1987, 549 et J.P. Namur, 13
janvier 1987, Rev. Rég. Dr., 1987, 209 et note Y. POULLET.
(w) Le paiement d'un créancier peut, le cas échéant, tomber sous le coup de l'action
paulienne (Mons, 2 octobre 1985, J.T., 1986, 346; Rev. Not., 1986, 189 et note J. SAGE; G. de
LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, 137; addc. art. 448, C. corn. et Cass., 15
mars 1985, J .T., 1986, 291; R.W., 1985-1986, 2609); infra, n" 50 C 2.
(2') G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 135-137, n" 9; voy. aussi
Ph. BERTIN, L'insolvabilité organisée et sa répression pénale, Gaz. Pal., 14-15 juin 1985, 2 à 5.
8 TRAITÉ DES SAISIES

ne faut cependant pas exagérer les lacunes de la procédure dont


l'échec peut relever des causes qui lui échappent lorsqu'elle se
heurte à l'insolvabilité réelle auquel cas «le problème est d'ordre
social et non d'ordre procédural» (22) {23). Dans les situations les
plus intolérables pour le créancier, un fonds spécial peut être
organisé pour lui fournir un débiteur solvable (2 4 ).
L'insolvabilité ne doit pas être uniquement envisagée du
point de vue du créancier. Elle doit l'être également en considéra-
tion de la situation du débiteur de bonne foi que les règles de
l'insaisissabilité protègent insuffisamment; il importe qu'il puisse
obtenir judiciairement (art. 1333 et 1334, C. jud.) ou amiablement
au stade de l'exécution (25), des délais de grâce et, éventuellement,
bénéficier de l'aide matérielle et juridique dispensée par les centres
publics d'aide sociale {26).
Ainsi se précise l'importance sociale et économique de
l'exécution forcée qui repose sur des principes qui peuvent être
simultanément inconciliables. «Il est clair que la certitude du
prompt recouvrement des créances est une source de crédit et qu'au
contraire le crédit est plus difficilement obtenu si l'exécution est
entourée de trop de formalités. D'un autre côté, s'il faut protéger le
créancier, il faut aussi établir des ménagements en faveur des
débiteurs; des lois d'exécution trop rigoureuses créent des misères
imméritées, provoquent la haine, le désespoir et la révolte; les
conflits entre créanciers et débiteurs ont été, à certaines époques,
de véritables luttes de classes» (27 ).

22
( ) J. VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de distribution,
Dalloz, !5ème éd., 1984, p. 319, n" 377; infra, n" 18et note 127.
23
( ) C'est pourquoi les solutions alternatives fondées sur un règlement amiable (voy. n" 4) ne
constituent pas une panacée ( voy. toutefois Association belge des banques, Quelle attitude les
banques adoptent-elles à l'égard des mauvais payeurs'), Notarius, 1985/6. p. 262 à 264).
24
( ) Voy. outre le Fonds de garantie, le Fonds spécial pour l'aide aux victimes d'actes
intentionnels de violence (art. 28 à 41 de la loi du Ier août 1985 portant des mesures fiscales et
autres). Adde. infra. n" 91 D.
(25) Ce système pourrait être amélioré en organisant le sursis à exécution (proposition de loi
visant à atténuer les effets néfastes de l'endettement excessif des consommateurs. Doc. Pari.. Sénat,
Sess., 1981-1982, n" 124; infra. n° 19).
(26 ) J.M. BERGER, Le droit à l'aide sociale garanti par les centres publics d'aide sociale et la
jurisprudence des chambres de recours, Ann. Dr. Louvain. 1982, p. 183 à 186.
(27 ) A. TISSIER, Le rôle social et économique des règles de la procédure civile. in Les
méthodes juridiques, leçons faites au Collège libre des sciences sociales en 1910, Paris. V. GIARD et
E. BRIERE. 1911, 112-113; voy. aussi P. HEBRAUD, op. cit., Rev. !nt. Dr. Comp .. 1957. p. 200 à
202 qui constate notamment que : «L'exécution apparaît ainsi comme une lutte incessante et sans
relâche. comme une conquête progressive. pied à pied, qui parvient généralement au succès mais
pour laquelle il n'existe pas de moyen donnant une certitude absolue».
INTRODUCTION GÉNÉRALE 9

4) Règles d'ordre public.


La matière des saisies conservatoires et des voies d'exécu-
tion est d'ordre public : en principe, le résultat qu'elles permettent
ne peut être obtenu par d'autres moyens. L'article 1626 du Code
judiciaire applique ce principe en disposant que la clause portant
qu'à défaut d'exécution des engagements pris envers lui, le créan-
cier aurait le droit de faire vendre les immeubles de son débiteur,
sans remplir les formalités prescrites :Rour la saisie-exécution
immobilière, est nulle et non avenue ( 8). C'est pour la même
raison qu'une simple opposition ne peut valoir saisie-arrêt (2 9 ),
qu'une procédure de répartition ne doit se réaliser ~ue dans le
cadre de l'ordre ou de la distribution par contribution (3 ) ou que le
«mandat modalisé » (3 1) (par lequel un débiteur consent à un
créancier au moment de la naissance de la créance ou ultérieure-
ment un mandat de disposer à sa meilleure convenance de biens
actuels ou futurs du débiteur dont le produit sera imputé sur la
créance) ne peut être admis s'il aboutit en fait à une mesure
d'exécution parallèle du type «voie parée» (3 2). Par contre, rien
n'empêche qu'un accord unanime intervienne, dans le respect de la
loi du concours, pour éviter ou arrêter une mesure d'exécution
(33).
Le caractère d'ordre public est justifié par la triple considé-
ration qu'il s'agit d'un domaine où la force publique est en jeu (3 4 )

(28) E. KRINGS, Conclusions précédant Cass., 3 mai 1985, T. Not., 1985, 124-125. Cet arrêt
(Pas., 1985, 1, 1084) fait ressortir, en consacrant la légalité de la dérogation conventionnelle à l'article
1563, que ce que prohibe l'art. 1626 c'est le non-respect des formes de l'expropriation forcée.
L'article 1626, C. jud. procède de l'article 742 C.P.C.Fr. (voy. au sujet de ce texte, M. DONNIER,
Voies d'exécution et procédures de distribution, Litec, 1987, n"s 164 à 168, p. 76 à 78 et note 10, p.
78). Adde. art. 2078, al. 2, C. civ. (lb., n°s 170 à 172, p. 79 et Civ. Bruxelles, ch.s., 4 septembre
1986, Jurisprudence du Code judiciaire, art. 1445, n" 13).
(29) G. de LEVAL, Saisie-arrêt et opposition, J.T., 1979, 669 à 671; Saisies et droit
commercial, in Les créaPciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, 270-272; voy. aussi
Cass. Fr., 26 novembre 1985, Rev. Huissiers 1987, 1131 et obs. A. LESCAILLON.
30
( ) «En cas de saisie-arrêt pratiquée entre ses propres mains par un créancier, celui-ci doit
respecter la procédure de distribution par contribution. Toute initiative individuelle qui énerve la loi
du concours et la répartition y consécutive doivent être déclarées inopposables aux tiers comme aux
autres créanciers déclarants et/ou saisissants. Les sommes dont s'est irrégulièrement dessaisi le
saisissant (ayant fait saisie-arrêt sur lui-même) doivent être rapportées par leurs détenteurs actuels à
défaut de quoi le saisissant peut être condamné au remboursement à la masse des sommes dont il s'est
indûment dessaisi» (Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1986, n°s 145.031et146.075, Inédit).
(3 1) 1. MOREAU-MARGREVE, A propos de quelques garanties en vogue, Rev. Not., 1984,
342-343.
(32 ) G. COUCHEZ, Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985, p. 7, n" 8.
(3 3 ) S'il y a résistance abusive d'une partie, elle peut être éventuellement neutralisée par le
juge des saisies (voy. p. ex. Civ. Bruxelles, ch. s., 21 avril 1986, Rec. Enr., 1986, n° 23.393, p. 413).
4
(' ) J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cit., Dalloz, 1984, p. 41, n" 55.
10 TRAITÉ DES SAISIES

laquelle n'opère que conformément à la loi, que le débiteur ne


peut être irrégulièrement entravé dans la libre disposition de ses
biens ou exproprié de ceux-ci et que les droits des autres créan-
ciers ne peuvent être méconnus par le poursuivant qui, en cette
qualité, ne bénéficie d'aucune cause de préférence (3 5 ). Seul le
respect des formes légales permet la sauvegarde des droits con-
currents ou antagonistes du saisissant, du saisi, des autres créan-
ciers de celui-ci et des tiers. C'est parce que «la violation des
formes est susceptible de causer un dommage aussi grave qu'une
irrégularité de fond» (36) qu'il y a voie de fait chaque fois qu'un
créancier agit pour garantir ou obtenir un paiement sans se
conformer aux cadres légaux au sein desquels opère la théorie
des nullités. Il ne s'agit donc pas de déroger à la théorie des
nullités applicables aux actes de procédure mais, à un stade
antérieur, de constater une absence de procédure et de refuser
de légitimer une voie de fait qui, par définition, est non avenue
en droit (3 7 ).

5) Distinction entre saisie conservatoire et saisie-exécution.

Les saisies conservatoires et les voies d'exécution réalisent


la mise en oeuvre de l'article 8 de la loi hypothécaire à savoir que
«les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers».

Les premières ne mènent pas à l'expropriation; elles ont


seulement un effet de conservation et frappent d'indisponibilité les
biens saisis afin d'empêcher le débiteur d'en disposer au détriment
de ses créanciers; les secondes ont un effet, plus énergique, de

35
( ) Le principe d'égalité entre les créanciers est d'ordre public (Liège, 10 janvier 1985, J.L..
1985, 210). Sur la portée exacte du principe, voy. D. DEVOS, Propos sur la répression de la fraude
en droit privé, R.D.C., 1985. p. 289, n" 10. De manière générale. «le maintien d'un certain équilibre
entre les intérêts en présence est devenu l'une des idées-force» du droit des saisies (M. DONNIER,
op. cit., p. IO, n"s 26-27; p. 70, n" 147; p. 75, n"s 161-162).
6
(' ) D. TOMASIN, Remarques sur la nullité des actes de procédure, Mélanges P. HE-
BRAUD. Toulouse, 1981, p. 862.
(") G. de LEVAL. Saisie-arrêt et opposition, J.T., 1979. p. 670.
INTRODUCTION GÉNÉRALE 11

réalisation (38) et permettent au créancier de se payer sur les biens


saisis ou sur le produit de la vente de ceux-ci (3 9 ).
Le Code judiciaire dissocie les saisies conservatoires des
saisies-exécutions en subordonnant leur mise en oeuvre à des
conditions différentes; il s'agit d'une heureuse solution qui permet
au créancier d'utiliser efficacement la procédure directement adap-
tée à l'état de sa créance. Il n'y a cependant pas de cloison étanche
entre les saisies conservatoires et les voies d'exécution: une saisie
conservatoire peut être transformée en saisie-exécution ; une saisie-
exécution est, dans sa phase initiale, conservatoire par l'indisponi-
bilité des biens saisis qu'elle provoque pour rendre possible la
continuation des poursuites (40 ).
S'il n'y a pas de procédure uniforme de saisie en ce sens
que les règles varient suivant la nature du bien à atteindre et
forment des types particuliers de saisie (saisie mobilière (41 ), saisie-
arrêt, saisie immobilière, saisie sur navires et bateaux), celles-ci
reposent toutefois sur des principes communs à toutes les saisies
conservatoires ou à toutes les saisies-exécutions.

6) Choix de la mesure.
Sous réserve des règles de l'insaisissabilité ou de l'abus de
droit sanctionné par le juge des saisies ordonnant la mainlevée de la
saisie abusivement ~ratiquée, il n'y a pas de hiérarchie entre les
différentes saisies (4 ).

(38 ) La confiscation qui peut être une peine, une mesure de sûreté ou une mesure de
réparation (A. DE GEEST. La confiscation, J.T., 1970, p. 8), est une expropriation en nature (J.
CONSTANT. Traité élémentaire de droit pénal, Liège, Imprimeries Nationales, 1965-1966, T. II, n"
714; Liège, JO août 1977, Jur. Liège, 1977-1978, 121) qui ne peut être assimilée à une saisie (Cass .. 15
octobre 1934, Pas., 1935, 1, 16; Cass., 22 juin 1959, 1. 1085). Sur les rapports entre la saisie en
matière répressive et la confiscation, voy. Bruxelles. 30 octobre 1986, J.T., 1987, 20. Adde. art. 37 et
40 L. 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la règlementation de la
navigation aérienne; art. 65. § 3 du Code de la route; art. IO de la loi du Ier août 1960 relative au
transport rémunéré de choses par véhicules automobiles; art. 7413. § 3 et 4 de la loi du 15 décembre
1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (art. 17, L. 15
juillet 1987).
{39 ) Cass., 8 avril 1983, Pas .. 1983, I. 841.
(4°) De même, une saisie-brandon (variété de saisies-exécutions ayant pour objet les fruits
naturels ou industriels du sol encore pendants par branches ou racines, art. 1529 à 1538, C. jud.) sera
rarement mise en oeuvre car la réalisation peut s'effectuer au stade conservatoire (art. 1421, C. jud.)
ou dans le cours d'une saisie-exécution immobilière (art. 1572. al. 2 et 4). Voy. encore l'article 1576
en cas de saisie des loyers dans le cours d'une saisie immobilière; infra, n"s 40 et 47.
41
( ) A côté de la saisie mobilière de droit commun, il existe des saisies mobilières spéciales:
saisie-gagerie et saisie-brandon (voy. Rép. Not., «La saisie mobilière», n"s 137 à 149-1 et 301 à
315); adde. infra, n° 107.
42
( ) Voy., L'exécution des titres, Travaux du Xllèmc Congrès international des huissiers de
justice, 1986, (numéro spécial), p. 89 à 93.
12 TRAITÉ DES SAISIES

Tous les biens du débiteur sont indistinctement affectés à


l'accomplissement de ses obligations. En principe, moyennant le
respect des règles contenues dans la cinquième partie du Code
judiciaire, le créancier choisit librement le type de saisie (43 ) et rien
ne lui interdit de mettre simultanément (44 ) ou successivement (45 )
en oeuvre plusieurs saisies différentes.
En pratique, le choix de la mesure est fonction de
l'importance de la dette, de la nature du patrimoine du débiteur,
des causes légales ou conventionnelles de préférence dont bénéfi-
cient certains créanciers ou de règles particulières notamment en
matière de créances alimentaires (46 ). La saisie-arrêt dont la mise
en oeuvre est subordonnée à la découverte d'un tiers débiteur,
offre l'avantage, lorsqu'elle frappe une créance de somme d'argent,
ce qui est généralement le cas, de connaître d'avance le résultat
économique de la procédure; dans un monde où les liens juridiques
se multiplient, il est normal que la saisie-arrêt, considérablement
simplifiée par le Code judiciaire, soit de plus en plus utilisée. La
saisie immobilière est nécessairement plus compliquée tant au stade
de la réalisation qu'à celui de la répartition; elle profite surtout au
créancier privilégié ou hypothécaire encore qu'aucune certitude
n'existe à ce sujet singulièrement lorsque le marché immobilier est
maussade; enfin, elle peut atteindre profondément le débiteur
surtout lorsqu'elle frappe sa résidence que ne protège aucune règle
d'insaisissabilité (47 ). A moins que la créance à recouvrer soit d'un
faible montant, le créancier recourt le plus souvent à la saisie
mobilière lorsqu'il n'a pas la possibilité de diligenter une autre
procédure ; elle se présente plus comme un moyen de pression que
d'exécution en incitant le débiteur à régler sa dette, le cas échéant,
par acomptes réguliers et successifs (48 ).

43
( Liège, 15 avril 1985, Jur. Liège, 1985, 553.
)
44
( Une saisie-arrêt ne libère pas les autres tiers saisis de leurs propres obligations, sauf le
)
recours du débiteur contre le créancier qui aurait trop perçu.
45
( ) Civ. Liège, ch.s., 8 février 1984, Jur. Liège, 1984, 487.
46
( ) G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale, in
L'évolution du droit judiciaire au travers des contentieux économique, social et familial, Xlès
Journées Jean DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 880, n" 7.
47
( ) G. de LEVAL, L'ordre, Rev. Not., 1982, p. 107; voy. toutefois infra, n° 54, note 398.
48
( ) J. PREVAULT, L'évolution du droit de l'exécution forcée depuis la codification

napoléonienne, Mélanges dédiés à M. Jean VINCENT, Dalloz, 1981, p. 311; J. VINCENT et J.


PREVAULT, op. cit., p. 157, n° 211; L'exécution des titres, Rev. des Huissiers de Justice, 1986,
92; infra, n°s 18 et s.
INTRODUCTION GÉNÉRALE 13

7) Abus de droit.
Le libre choix du créancier, respectueux des conditions de
forme et de fond, est limité par l'abus de droit de saisir ou le
maintien abusif d'une saisie.
L'abus de droit peut résulter non seulement de l'exercice
d'un droit avec la seule intention de nuire, mais aussi de l'exercice
de ce droit d'une manière qui dépasse les limites de l'exercice de
celui-ci par une personne prudente et diligente. Ainsi, il y a abus de
choisir, sans utilité pour soi-même, entre différentes façons d'exer-
cer son droit, celle qui est dommageable ou la plus dommageable
pour autrui. De même, il peut y avoir abus de droit en cas de
disproportion entre l'intérêt servi et l'intérêt lésé (49 ). La sanction
de l'abus de droit ne réside pas nécessairement dans la déchéance
totale de ce droit mais éventuellement dans la réduction de celui-ci
à son usage normal et/ou dans la réparation du dommage causé
(50).

Ce bémol introduit dans l'exercice d'un droit se justifie


tout particulièrement en matière de saisies car celles-ci atteignent
directement leur destinataire dans son patrimoine et lui infligent un
préjudice immédiat dont l'intensité varie avec la mesure appliquée.
Plusieurs situations doivent être envisagées :
lorsque la valeur vénale des biens du débiteur est insuffisante
pour couvrir les frais de la procédure (5 1) ( 52 ), la saisie est

(4 9 ) Cass., 10 septembre 1971, Pas., 1972, 1, 28; Cass., 16 décembre 1982, Pas., 1983, 1, 472;
voy. aussi Cass., 10 mars 1983, Pas., 1983, 1, 756; Cass., 19 septembre 1983, Pas., 1984, 1. 55;
R.C.J.B., 1986, 282 et note J.L. FAGNART (L'exécution de bonne foi des conventions: un principe
en expansion); J.T., 1985, 56 et obs. S. DUFRENE, p. 58, n° 10; Cass., 6 avril 1984, Pas., 1984, 1,
990; Liège, 22 septembre 1983, Pas., 1984, II, 7; note W.G. sous Cass., 10 septembre 1971. Pas ..
1972, 1, 35; P. VAN OMMESLAGHE, note sous Cass., 10 septembre 1971. Abus de droit, fraude
aux droits des tiers et fraude à la loi, R.C.J.B., 1976, p. 331, n" 13. L'abus de droit peut exister en
l'absence d'une faute volontaire du saisissant (M. DONNIER, op. cit., Litec, 1987, p. 55, n° 110;
l'auteur estime «qu'on ne doit sanctionner qu'une négligence ou qu'une imprudence grave et
caractérisée»; adde. R.O. DALCQ, Examen de jurisprudence, La responsabilité délictuelle et quasi
délictuelle, R.C.J.B., 1973, n° 12, p. 635).
50
( ) Cass., 26décembre 1982, Pas., 1983, 1, 472.
51
( ) Civ. Mons, 12 avril 1984, Rcv. Rég. Dr., 1984, 197; Civ. Anvers, Il octobre 1984, R.W.,
1985-1986, 1502.
52
( ) Adde. au sujet d'un résultat dérisoire, les pénétrantes observations de M. CARBON-
NIER, De peu, de tout et de rien, Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 47 et s. et spéc.
p. 55: «La modicité doit s'apprécier au regard de tous les tracas, soucis, amertumes que le droit
porte en sa besace. Est juridiquement peu, à ce compte - donc juridiquement réputé n'être rien -
ce qui ne suffit pas au coût matériel et mental de son propre accomplissement juridique. Pessimisme
pénétrant: il met à nu l'autodestruction du droit en même temps que la sagesse des individus qui,
dans leurs bilans intimes, savent procéder à l'amortissement de l'injustice».
14 TRAITÉ DES SAISIES

inutile (53 ); elle doit, en principe, être évitée sans qu'il soit
toujours nécessaire d'établir un procès-verbal de carence, acte de
procédure dont l'intitulé ne se retrouve pas dans le Code
judiciaire ;

- lorsque le poursuivant peut obtenir le même résultat en mettant


en oeuvre n'importe quelle saisie, il commet un abus de droit en
choisissant, «sans utilité pour lui, le mode d'exercice de ce droit
le plus préjudiciable pour des tiers» (54 ). Le problème surgit
surtout lorsque la somme à recouvrer est d'un montant peu élevé
et qu'une saisie-arrêt à l'effet d'indisponibilité particulièrement
intense ou une saisie immobilière aux conséquences lourdes sur
le plan patrimonial est diligentée par un créancier qui aurait pu,
avec la même efficacité, pratiquer une saisie mobilière sur des
biens déterminés (55 ). Il y a donc abus de droit de saisir «lorsque
le créancier exécute pour une somme minime des biens d'une
valeur considérable, alors qu'il eut pu, sans aucun inconvénient
pour lui, saisir d'autres biens mieux en rapport avec le montant
de sa créance» (56); en ce cas, la saisie n'est certes plus inutile;
elle est seulement exagérée car elle manque de mesure (57 ) ;

en principe, le créancier chirographaire a le droit de saisir un bien


dont la valeur ne dépasse pas le montant d'une autre créance à la
garantie de laquelle il est affecté car les causes de préférence ne
peuvent, en principe, exercer une influence qu'au stade de la
répartition. Toutefois, dès que le créancier est informé de
l'existence de la créance privilégiée, encore que l'on ne puisse
méconnaître l'effet de contrainte produit par toute saisie, il peut
y avoir abus de droit à saisir ou à maintenir une saisie sur des
biens dont la valeur est de toute évidence inférieure au montant

(5') Elle est de même inutile lorsque le recouvrement de cc qui est dû au créancier est assuré
sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'exécution.
(5 4 ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., R.C.J.B., 1976, p. 336. n" 16; voy. aussi Civ. Mons,
3 juin 1964, J.L 1965, 23.
55
( ) L'abus peut aussi résulter, au sein de la même saisie (par exemple mobilière) du choix de
certains meubles à l'exclusion d'autres meubles (E. VIEUJEAN. Examen de jurisprudence (1976 à
1983), Personnes. R.C.J.B., 1986. n" 97, p. 588; infra, n" 69 B).
56
( ) D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, Bruxelles, Bruy-
lant, 1979, p. 81; J.L. FAGNART et M. DENEVE, La responsabilité civile (1976-1984). J.T., 1986.
p. 306, n° 64/4; Civ. Namur, ch.s .. 18 février 1983, Rev. Rég. Dr.. 1983, 329; voy. aussi J.
CARBONNIER, op. cit .. p. 32. note W, citant un arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 8 mars
1822; Ouest. et Rép. Pari., Rcv. Huissiers de justice. 1987, 1380; infra, n" 19 in fine.
(5 7 ) J. MESTRE. Réflexions sur l'abus du droit de recouvrer sa créance, Mélanges P.
RAYNAUD. Dalloz, 1985, p. 456, n" 37.
INTRODUCTION GÉNÉRALE 15

des créances garanties et dont les titulaires entendent se prévaloir


(58) (59) ;

le maintien d'une saisie est abusif lorsque les causes de la créance


ont été payées au poursuivant (60).
Toutefois, la théorie de l'abus de droit ne peut devenir un
principe tentaculaire permettant en toute occasion de faire table
rase du droit positif. Il importe que le créancier puisse normale-
ment user des voies de droit permettant d'aboutir à la pleine
efficacité de son titre; ainsi ce n'est pas parce que le débiteur refuse
le paiement d'un montant dérisoire mais incontestablement dû que
le créancier ne peut tenter un recouvrement forcé après avoir
vainement tenté d'obtenir un règlement amiable (61 ). Dans tous les
cas, il y a lieu d'éviter les excès à apprécier en fonction des
circonstances de l'espèce (parfois il sera tenu compte du trouble
causé aux activités d'une entreprise) ( 62 ) mais on ne peut confon-
dre une réaction rigoureuse adaptée à la résistance injustifiée du

(5 8 ) Civ. Liège. ch.s., 4 février 1981. Rec. Enr.. 1982, n" 22.761: Jur. Liège. 1981, 309, obs
G. de LEVAL; Rev. Not.. 1981. 598 et obs. D.G .. Voy. aussi Civ. Bruxelles. ch.s., 21avril1986.
Rec. Enr., 1986, n" 23393. p. 413. Il faut cependant ne pas perdre de vue que le créancier saisissant
peut avoir intérêt à poursuivre la saisie pour obtenir le remboursement des frais privilégiés et
accroître ses chances ultérieures de paiement en faisant désintéresser un créancier qui lui est
préférable (Liège, 27 juin 1986, Jur. Liège, 1986, 497).
9
(' ) Pour apprécier l'intérêt suffisant du créancier pour saisir et partant rejeter l'exception
fondée sur le caractère abusif de la procédure, le juge devra parfois dégager anticipativement les
règles susceptibles de régir la répartition ultérieure afin de faire apparaître le paiement total ou
partiel que pourrait recevoir le saisissant (Civ. Liège, 4 mars 1983. R.G., n" 49.609/81).
("'') Cass. Fr., 24 février 1982. Gaz. Pal., 1982, Pan., 204 et note M.V.
61
( ) Question Pari., Sénat, Sess .. 1983-1984, p. 844: Bull. Contr., 1984, 2189: voy. encore
Question pari., Ch. Sess., 1984-1985, p. 3249 et Bull. Contr., 1985, 2741: Question Pari.. Ch .. Sess.,
1984-1985, p. 4573 et Bull. Contr., 1986, 528: Civ. Liège. 4ème ch., 31 mars 1987. R.G., n"
75.856/86 («La carence obstinée du débiteur à reconnaître le bien-fondé du solde de sa dette
(virement de 2.478 francs qui aurait été restitué par le C.C.P. au débiteur à la suite d'une indication
erronée du compte destinataire), justifie le créancier à déclencher en dernier ressort les voies
d'exécution dont il dispose. en sorte que, sauf à apprécier la régularité formelle et la proportionnalité
de l'exécution, cc dont le juge des saisies connaît. le débiteur ne démontre pas que le comportement
litigieux du saisissant serait fautif. abusif»): comp. et contra. Prop. Loi complétant l'article 1386. C.
jud., et modifiant l'article 1408, C. jud., Doc. Pari. Ch., 1985-1986. n" 316/1 visant à prohiber toute
saisie mobilière pour une créance d'un montant inférieur il 25.000 francs. Sïl est vrai que la privation
d'une chose possédant une valeur matérielle minime peut avoir une valeur émotionnelle considérable
pour le débiteur, mieux vaudrait, dans cette optique. renforcer les règles de lïnsaisissabilité sous
peine au surplus de créer des situations injustes voire inextricables en cas de concours: voy. aussi J.
MESTRE, op. cil., Mélanges RAYNAUD. Dalloz. 1985. p. 458, n" 39 qui relève qu'il n'y a pas abus
de droit lorsque le créancier est conduit à agir ainsi en raison de la carence obstinée de son débiteur
qui avait été vainement l'objet de plusieurs demandes de sa part. et J. SALVAIRE, Le permis
d'exécution, J.C.P., 1969. Doel. n" 2282 bis qui écrit: «Tout jugement compte; tout jugement doit
être exécuté. et il y aurait quelque scandale à ne mettre la force publique en action qu'au- dessus
d'un certain chiffre».
("') Trib. Gde Inst. Paris. 28 mars 1984. Gaz. Pal., 28-29 septembre 1984. 13.
16 TRAITÉ DES SAISIES

débiteur avec une mesure conservatoire ou exécutoire diligentée


avec une brutalité inutile ou disproportionnée par rapport à l'enjeu
réel (63 ).
Il est donc excessif de prétendre que, sous l'effet de l'abus
de droit, le droit de recouvrer sa créance est devenu une préroga-
tive d'une réelle fragilité (64 ), même si les procédures de saisie
demeurent des instruments dont la réussite n'est pas toujours
pleinement assurée (65 ).
Deux remarques doivent encore être faites:
- il importe d'insister sur ce que la mauvaise foi du débiteur ne doit
pas être démontrée par le créancier avant de mettre en oeuvre
une saisie; la seule constatation du défaut d'exécution volontaire
de l'obligation suffit (66);
- de manière générale, on ne peut oublier que le paiement ne peut
être imposé que sur le fondement d'un titre exécutoire que le
créancier peut légitimement mettre en oeuvre dans son intérêt
personnel le cas échéant après avoir consenti ou subi des termes
et délais. Il n'y a rien d'illicite à vouloir donner effet, dans des
conditions régulières, à une décision de justice!

8) Le rôle du juge dans l'exécution.

L'adage <data sentencia, judex desinit esse judex» (le


jugement rendu, le juge cesse d'être un juge) ne signifie ~as que le
juge est définitivement dessaisi par la décision rendue ( 7). D'une
part, le juge des saisies est au sens large le juge de l'exécution qui se
préoccupe de la traduction actuelle (saisie-exécution) ou future
(saisie conservatoire) du titre dans les faits. D'autre part, le juge
dont la décision doit être exécutée ne se contente plus de donner un

63
( ) Comp. en matière de cession de rémunération, Liège, 4 mai 1984, Jur. Liège, 1984, 377 et
obs. G. de LEVAL.
64
( ) J. MESTRE, op. cil., p. 472, n° 65.
65
( ) J. VINCENT, La protection du créancier saisissant dans les saisies de meubles se
trouvant entre les mains du débiteur, in Mélanges P. RAYNAUD, Dalloz, 1985, 849.
66
( ) P. L'ECLUSE, note sous Gand, 14 octobre 1985. Jura Falconis, 1986, 287.
67
( ) Le dessaisissement fait seulement obstacle dans le cadre d'un même litige à la formulation
de demandes ou de défenses sur lesquelles il a déjà été statué. Le moyen, distinct de l'autorité de
chose jugée, doit être soulevé d'office par le juge (Chev. RUTSAERT, Chose jugée, R.P.D.B.,
Compl. VI, n" 4 mais voy. n° 129; comp. Cass. Fr., 28 avril 1986, Rev. Huissiers, 1986, 1650; Cass.
Fr., 18 mars 1987, Dall., 1987, inf. rap., 74; adde. infra n°190 A).
INTRODUCTION GÉNÉRALE 17

«titre nu» (68 ) en abandonnant les parties à leur sort; il veille à


prendre les mesures propres à garantir l'efficacité et la bonne
exécution de ses décisions voire même à leur exécution (69 ).
Cette préoccupation est indispensable dans les matières
pour lesquelles il n'existe pas de réglementation précise de l'exécu-
tion; c'est le cas des obligations de faire ou de ne pas faire assorties
éventuellement d'une astreinte (7°). Ainsi, il peut être souhaitable
qu'une discussion sur les modalités d'exécution soit suscitée par le
juge afin de prévenir toute difficulté qui naîtrait entre l'inadéqua-
tion d'un dispositif et la réalité qu'il prétend régir. Bref, «l'idée fait
son chemin qu'il entre dans les pouvoirs de tout juge - y compris
du juge du fond - de veiller à l'exécution effective de ses décisions
et, par une action attentive et discrète à la fois, de fournir à la
partie gagnante les voies et moyens propres à assurer l'effectivité
des droits et prérogatives qu'il lui a reconnus» {7 1). Ces considéra-
tions revêtent cependant une acuïté toute particulière en ce qui
concerne la décision du juge des référés qui «n'a de sens et de
finalité que dans son exécution» (72).

68
( ) P. DRA!, L'exécution des décisions judiciaires et les moyens de pression à la disposition
du tribunal, R.l.D.C., 1986, 512.
69
( ) «Dans tous les cas, le juge s'efforcera d'anticiper les résultats pratiques de sa décision;
parfois il organisera des procédures d'auto-contrôle des mesures qu'il préconise en prévoyant tantôt
des mesures d'adaptation de celles-ci, tantôt même la possibilité de leur révision» (F. OST, Quelle
jurisprudence pour quelle société?, Archives de philosophie du droit, Tome 30, Sirey, 1985, 31).
Voy. p. ex. Liège, 12 novembre et 19 novembre 1986 (Aff. Cuivre et Zinc) Jur. Liège, 1986, 705.
0
(' ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1982, p. 71, n" 91. Voy. aussi J.P. REMERY, Le rôle du technicien commis par
le juge dans la réalisation de travaux ordonnés ou autorisés en justice, Dall. 1986, Chron. XLVII, p.
285 à 292. Adde. infra, n° 15 B et note 115.
(7 1) P. DRA!, L'exécution des décisions judiciaires et les moyens de pression à la disposition
du tribunal, R.l.D.C., 1986. 516; voy. aussi J. NORMAND, Jurisprudence française en matière de
droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1985. 439 à 444.
72
( ) Discours de Madame le Premier Président ROSES, Rev. Huissiers, 1987, 428.
PREMIERE PARTIE

REGLES COMMUNES
AUX SAISIES CONSERVATOIRES
ET AUX VOIES D'EXECUTION
TITRE 1

REGLES D'ORGANISATION JUDICIAIRE


DE COMPETENCE.ET DE PROCEDURE

CHAPITRE 1 - LE JUGE DES SAISIES.

9) Généralités.
«Le juge des saisies constitue une innovation importante
du nouveau Code judiciaire» (7 3 ). La généralisation des mesures
conservatoires et des voies d'exécution imposait, dans un but de
simplification, de célérité et d'unité, la centralisation entre les
mains d'un magistrat spécialisé du tribunal de première instance du
contentieux concernant les mesures conservatoires et exécutoires
(74). Le juge des saisies est désigné par le Roi pour un terme de
trois ans (art. 79, al. 2). L'article 80 permet de faire appel à un juge
effectif pour remplir les fonctions du juge des saisies pendant la
durée de l'empêchement de celui-ci ou, si les besoins du service le
justifient, pour un terme de trois mois renouvelable.
«La spécialisation du juge des saisies ne doit pas être
réalisée de la même manière dans tous les arrondissements. Si dans
les tribunaux importants, l'activité d'un magistrat peut être sans
doute entièrement consacrée à l'application des saisies conservatoi-
res et aux voies d'exécution, dans d'autres, en revanche, le juge des
saisies peut cumuler l'exercice de ses fonctions propres avec celles
qu'il remplit aux audiences ordinaires du tribunal» (75 ). En
conséquence, l'article 79, alinéa 3 du Code judiciaire prévoit que le
juge des saisies (tout comme le juge d'instruction) peut continuer à
siéger à son rang pour le jugement des affaires soumises au tribunal
de première instance.

(73) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 355.


(74) lb., p. 497; voy. aussi M. A YDALOT, La prospective judiciaire. Revista pénale, 1965,
T. 1., p. 489.
(75 ) Rapport VAN REEPINGHEN, p. 355.
22 TRAITÉ DES SAISIES

On constate qu'aucun supplément de traitement n'est


alloué au juge des saisies alors que tel est le cas pour le juge de la
jeunesse ou le juge d'instruction (art. 357 et 358, C. jud.).
Nous examinerons successivement la compétence d'attri-
bution du juge des saisies (section 1), la compétence territoriale en
matière de saisies (section II) et les règles de procédure applicables
en cette matière (section III).

SECTION 1 - Les attributions du juge des saisies.

10) Compétence exclusive.


Aux termes de l'article 1395, alinéa 1er du Code judiciaire,
«toutes les demandes qui ont trait aux saisies conservatoires et aux
voies d'exécution sont portées devant le juge des saisies», juge
effectif du tribunal de première instance, lequel a compétence
exclusive pour connaître des contestations élevées sur l'exécution
des jugements et arrêts (art. 569, 5°) (7 6 ).
Si l'article 569, 5° a un contenu plus large que l'article 1395
en ce qu'il vise toute exécution (7 7 ), il importe de relever que
l'article 1395 ne concerne pas seulement l'exécution par voie de
saisie des décisions de justice rendues en matière civile ou répres-
sive (7 8) mais aussi l'exécution des autres titres exécutoires (7 9)
(actes authentiques et contraintes) qui, en règle, ne permettent que
l'exécution par voie de saisie et non l'exécution directe (80 ).
Les juridictions d'exception sont donc incompétentes pour
connaître de telles demandes même lorsqu'elles sont formées à
l'occasion de l'exécution de leurs propres décisions (81 ) sous cette

('") F. TOP, Beslag en tenuitvoerlegging, art. 1395/15 et s., in Gerechtclijk recht, Artikclsge-
wijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer Rechtswetenschappen.
7
(' ) Infra, n" 15; comp. et contra, Civ. Mons, ch.s., 16 juillet 1973, J.T., 1973, 660.

(7 ) « Lorsque l'administration de l'enregistrement et des domaines a, pour recouvrer des


8

choses confisquées, fait application des procédures visées audit article 1395, les contestations relatives
à ces procédures doivent être tranchées par le juge des saisies conformément aux règles déterminées
dans la cinquième partie du Code judiciaire,, (Cass., 9 janvier 1981, Pas., 1981, 1, 500; W.
DESMET, De bcvoeghcid van de beslagrechter, in Actuele problcmen van gcrechtclijk privaatrecht,
Acco, Leuven, 1976, p. 120. n" 16).
(79 ) Bruxelles, IO septembre 1979. Pas., 1979, Il, 137.
("') G. de LEV AL, Aspects actuels du droit des saisies, J .T.. 1980, p. 650, n" 78 et réf. cit.
infra, n"s 235 et 239.
81
( ) Comm. Bruxelles. 14 septembre 1961, Jur. Com. Br., 1962. 342; Trav. Namur. JO
décembre 1975. Pas., 1976. III, 16 et 1977, III, 27; J.P. Neufchâteau, 15 juin 1973. J.J.P., 1976, 170.
RÈGLES COMMUNES 23

réserve que «l'exclusivité de compétence accordée au juge civil


n'interdit pas aux autres juridictions de vérifier l'existence ou la
validité d'une saisie conservatoire ou définitive dans la mesure où
ce contrôle est nécessaire pour apprécier le fondement d'une
défense » ( 82).

Les incidents de répartition au sein du tribunal de première


instance doivent être réglés conformément à l'article 88, § 2 du
Code judiciaire. Les incidents de compétence surgissant entre le
tribunal civil et les juridictions d'exception du premier degré
doivent être réglés conformément aux articles 639 et 640 du Code
judiciaire sauf si un texte spécial y déroge (83 ).

11) Incidence d'une convention d'arbitrage.

Une demande en justice tendant à des mesures conserva-


toires ou provisoires n'étant pas incompatible avec une convention
d'arbitrage (art. 1679/2, C. jud.), l'existence d'une telle convention
n'exclut pas la compétence du juge des saisies en matière conserva-
toire que l'instance arbitrale soit ou non en cours (84 ).

Le juge privé ne dispose d'aucun imperium pour réaliser


par la contrainte la sentence arbitrale ; l'exécution de celle-ci relève
toujours du contrôle des tribunaux de l'ordre judiciaire (85 ).

12) Compétence du juge des référés.

Disposant d'une plénitude de juridiction en matière de


référé, le président du tribunal de première instance peut connaître
de demandes urgentes et provisoires touchant au droit des saisies
singulièrement lorsque le saisi s'estime victime d'une voie de fait

( 8 ~) A. FETIWEIS. Précis de droit judiciaire, T. Il. La compétence. Bruxelles. Larcier.


1971, p. 239, n" 414; adde. infra, n" 215 D (Mainlevée de la saisie).
83
( ) Infra, n° 14/2.
84
( ) Civ. Bruxelles, eh.s., 27 décembre 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte.
Art. 1395, p. 9, n" 2 bis; M. HUYS et G. KEUTGEN. L'arbitrage en droit belge et international.
Bruxelles, Bruylant, 1981. n"s 154 et 386.
85
( ) Infra. n"s 245 et s.
24 TRAITÉ DES SAISIES

(art. 584, al. 1er, C. jud.) (86), par exemple lorsqu'une saisie-arrêt
est pratiquée en vertu d'un titre ne répondant pas aux exigences
légales. En pratique, la juridiction des référés est peu sollicitée (87 )
car de telles demandes peuvent être instruites et jugées avec la
même efficacité par le juge des saisies qui statue dans les formes du
référé (art. 1395, al. 2, C. jud.). Dans tous les cas, un incident de
répartition surgissant entre le juge des saisies et le juge des référés
doit être réglé conformément à l'article 88, § 2 du Code judiciaire
(88).

13) Synthèse des attributions du juge des saisies.

En principe (89 ), le juge des saisies ne connaît que des


demandes en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécu-
tion (90 ) :
a) Il autorise sur requête (91 ) les saisies conservatoires (art. 1417
et 1418, C. jud.) et leur renouvellement (art. 1426, 1437, 1459 et
1475, C. jud.) ; il ordonne leur mainlevée (art. 1419 et 1420, C.
jud.) et condamne, le cas échéant, au paiement de dommages-
intérêts pour saisie téméraire et vexatoire ; il fixe les modalités

86
( ) J.M. POUPART, Les voies de fait et la juridiction des référés, Ann. Dr., 1974, p. 339, n"
20; Gand, 13 juillet 1984, T.G.R., 1985, p. 17; voy. aussi A. BRAUN et B. VAN REEPINGHEN,
Droits intellectuels (1980-1986), Chronique de jurisprudence, J.T., 1987, p. 247, n° 109. Par contre,
les présidents des tribunaux du travail et du commerce sont sans compétence dans cette matière (art.
584, al. 2; Comm. Tongres, Réf., 25 septembre 1973, Jur. Liège, 1973-1974, 111; Comm. Charleroi,
Réf., 4 septembre 1986, Inédit).
87
( ) Voy. p. ex. Civ. Anvers (Réf.), 20 février 1981, Pas., 1982, Ill, 43; R.W., 1982-1983,
520; voy. au sujet de la garantie à p1emière demande, infra Annexe 1, n° 14.
( 88 ) A. FETTWEIS, Une disposition légale souvent méconnue : l'article 88, § 2 du Code
judiciaire, Mélanges Jean BAiUGNIET, p. 275 à 279 ; G. de LEVAL, L'examen du fond des affaires
par le juge des référés, J.T., 1982, p. 424, n° 17; A. FETTWEIS, A. KOHL et G. de LEVAL,
Eléments de la compétence civile, P.U.Liège, 1983, p. 140, n" 267; contra C. CAMBIER, Droit
judiciaire civil, T. 1 (1974), note 36, p. 496 et T. Il (1981), p. 205. L'obligation d'appliquer l'article
88, § 2 au référé civil est admise en jurisprudence: Cass. 11mai1984 (impl.), J.T., 1984, 614; R.W.,
1984-1985, 125 et obs. J. LAENENS; Liège, 30 janvier 1979, R.T.D.F., 1979, 298 et note J.L.
RENCHON; J.T., 1979, 424.
89
( ) Voy. infra, n" 14.
(9°) Ainsi ne justifie pas légalement sa décision, suivant laquelle le litige qui divise les
plaideurs concerne des difficultés d'exécution et relève de la compétence d'attribution du juge des
saisies en vertu des articles 1395 et 1498 du Code judiciaire, le juge qui ne constate pas que la
demande concerne des saisies conservatoires ou des voies d'exécution visées par l'article 1395 du
Code judiciaire et qui ne constate pas davantage l'existence d'une difficulté d'exécution au sens de
l'article 1498 du même code, c'est-à-dire d'une difficulté relative à une exécution forcée (Cass., 6 mai
1982, Pas., 1982, 1, 1021).
91
( ) Il est prévu dans les travaux préparatoires qu'il doit disposer au palais d'un cabinet
personnel pour y recevoir les requêtes (Pasin., 1967, p. 355).
RÈGLES COMMUNES 25

du cantonnement (art. 1403, al. 3 et 1407, C. jud.). De manière


générale, il est seul compétent pour vider les contestations sur la
régularité de la procédure de saisie conservatoire sans que son
ordonnance ne porte préjudice au principal (art. 1489, C. jud.),
c'est-à-dire n'ait autorité de chose jugée à l'égard du juge appelé
à statuer sur le fond du litige et dont le titre permet d'entamer la
phase exécutoire (92 ) ;
b) En principe, l'exécution n'est donc pas subordonnée à une
intervention préalable du juge des saisies devant lequel en cas
de difficulté d'exécution toute partie intéressée peut se pour-
voir, sans cependant que lexercice de cette action ait un effet
suspensif (art. 1498, al. 1er) sauf s'il s'agit d'une action en
distraction (art. 1514) (93 ) ;
Dans certaines circonstances, le recours préalable au juge des
saisies est obligatoire par exemple lorsqu'il s'agit de pratiquer
une saisie mobilière hors du domicile du débiteur et chez un
tiers (art. 1503) ou d'accomplir un acte d'exécution à un
moment (jour et heure) autre que celui qui est prévu par
l'article 1387 du Code judiciaire. Dans d'autres circonstances, il
doit être saisi en cours de procédure : ainsi, il nomme le notaire
chargé de procéder à l'adjudication des immeubles saisis et aux
opérations d'ordre (art. 1580). Dans certaines limites (art.
1334), il accorde des délais de grâce (94 ) ;

c) Toute contestation surgissant en cas de procédure de répartition


lui est soumise soit par l'huissier de justice s'il s'agit d'un
contredit formé contre le projet de répartition (art. 1631), soit
par le notaire s'il s'agit d'une contestation dirigée contre le
procès-verbal d'ordre (art. 1646), soit par le liquidateur suite au
dépôt de la liste des créances déclarées (art. 1663) (95 ) ;
d) Enfin, «il exerce une surveillance sur les officiers ministériels
commis à l'exécution des mesures d'exécution, entend leur
rapport, et reçoit, le cas échéant, les plaintes des parties» (96).

(9 2 ) Cass., 16 novembre 1984, Pas., 1985, 1, 339.


(9') Adde. l'art. 1541 qui suspend l'obligation du tiers sans mettre fin à l'indisponibilité
(Bruxelles, 10 juin 1986, J.T., 1986, 595).
94
( ) Infra, n°s 19 et s.
95
( ) Voy. sur tous ces points, Rép. Not., T. XIII, Livre IV, V" Distribution par contribution,
n°s 57 et s.; T. XIII, Livre IV, Titre V, V0 Ordre, n"s 104 et s.; T. XIII, Livre Ill, V" La saisie
mobilière, n°s 592 et s.
96
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, p. 497 ; infra, n"s 22-23 et n°s 37 et s.
26 TRAITÉ DES SAISIES

§ 1. - La forme et le fond.

14) La connaissance du fond de la demande.


Les vérifications auxquelles le juge des saisies procède ne
sont pas purement formelles même si elles concernent avant tout la
régularité de la procédure ; il prend connaissance des droits
invoqués, même pour trancher définitivement une contestation
sérieuse (97), dans les limites de ses attributions ; tel est le cas
lorsqu'il s'a~it de vérifier l'actualité ou l'efficacité d'un titre
exécutoire ( ). Cependant, il ne connaît généralement pas du fond
des litiges au terme desquels est rendue la décision sur base de
laquelle est entamée la procédure d'exécution (99).
Il existe d'importantes exceptions à cette règle :
1) Exceptions particulières. Ainsi, le juge des saisies connaît
définitivement du fond du droit en matière d'action en distrac-
tion mobilière (art. 1514) ou immobilière (art. 1613à1616) et en
matière de contestations de créances élevées lors d'une procé-
dure de répartition. Ces exceptions sont justifiées par le fait
qu'il faut empêcher toute manoeuvre dilatoire de la part de tiers
complaisants se prétendant propriétaires de biens saisis et éviter
les lenteurs résultant de la dispersion des procédures au moment
de la répartition des deniers ;
2) Exception générale résultant de l'application des articles 88, § 2 et
568 du Code judiciaire. En effet, le juge des saisies fait partie du
tribunal de première instance où il peut continuer à siéger
comme juge ordinaire (art. 79, al. 3) ; il est donc logique qu'en

97
( ) F. de VISSCHER, obs. sous Cass., 16 novembre 1984, Ing. Cons., 1985, 168; Civ.
Bruxelles, 27 avril 1972, Pas., 1972., III, 56; adde. Cass. Fr., 11février1987, Gaz. Pal., 1987, Pan.,
108. L'article 1039, al. 1, C. jud. est donc inapplicable (comp. et contra sous l'empire de l'art. 806
C.P.C. encore en vigueur au Luxembourg, Cour d'appel (Réf.), Luxembourg, 6 novembre 1985,
Jurisprudence Luxembourgeoise, 1986, 366). On comparera avec intérêt l'art. 1498, C. jud. qui
donne pouvoir, sans limitation au juge des saisies pour trancher une difficulté d'exécution avec l'art.
1489 al. 2 qui, au stade conservatoire, précise nécessairement que l'ordonnance du juge des saisies ne
porte pas préjudice au principal (X. DIEUX, La formation, l'exécution et la dissolution des contrats
devant le juge des référés, R.C.J.B., 1987, p. 255, note 32).
98
( ) Un arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 1986 (J.T.T., 1987, 245) énonce de
manière, selon nous, trop générale (car la licéité et le fondement peuvent être indissociables) : «Le
juge des saisies n'a pas le pouvoir de statuer sur les contestations qui, même liées à l'exécution, ne
portent pas sur la licéité ou la régularité de celle-ci. Il est incompétent pour statuer à l'égard d'une
demande quant au fond, sauf les exceptions énoncées expressément par la loi ».
99
( ) Liège, 28 juin 1985, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Saisies, Annexe,
Liquidation, n° 6.
RÈGLES COMMUNES 27

l'absence d'incident de répartition ou de déclinatoire de compé-


tence soulevé au début du litige, la cause lui soit définitivement
attribuée (100) à moins qu'il ne s'agisse de la contestation par le
tiers saisi de sa dette envers le saisi (art. 1456, al. 2 et 1543, al.
2) ou d'une contestation qui ne relève pas de la compétence des
cours et tribunaux ( 101 ).
Lorsque le juge des saisies statue comme juge ordinaire du
tribunal, les règles de procédure applicables sont celles du droit
commun notamment en ce qui concerne la communication pour
avis au ministère public (art. 764) et l'exécution provisoire ( 102 ).

15) Le juge des saisies et le juge de l'exécution.

A. - Si, en principe, le juge des saisies ne connaît pas des


difficultés d'exécution volontaire ( 103), des mesures d'exécution en
nature (1 04) ou d'incidents qui ne trouvent par leurs éléments de
solution dans le droit des saisies !telles les mesures de délégation ou
de cession de rémunération) ( 10 ), il n'y a pas d'obstacle à ce qu'il
connaisse de toutes les exécutions par le biais d'une application,
parfois implicite des articles 568 et 88, § 2 du Code judiciaire (1 06).
Dès lors, malgré l'absence de coïncidence entre le champ
d'application de l'article 1395, al. 1er et celui de l'article 569, 5°,

(1 00) Liège, 30 juin 1981 et Liège, 17 mars 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1395,
p. 6, n°s 2/5 et 217 ; Arr. Verviers, 6 novembre 1981, J .T., 1982, 376; Civ. Gand, ch.s., 24 septembre
1984, T.G.R., 1985, n° 59, p. 87; Civ. Liège (Prés.), 28 novembre 1985, Pas., 1986, III, 10. En
matière de délégation, voy. J. LAENENS, Bevoegheidsregels inzake loondelegatie, Ann. Dr. Liège,
1987, n° 5.
101
( ) Ainsi en matière d'impôts sur les revenus (Civ. Tongres, ch.s., 17 mars 1983, Bull.
Contr., 1985, 284; G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979,
p. 348, n° 6; adde. Gand, 3 octobre 1986, Bull. Contr., 1987, 1478 et Civ. Bruges, 3 décembre 1985,
Bull. Contr., 1987, 1157).
(1°2 ) Infra, n°s 32 et 34.
103
( ) A. FETTWEIS, La compétence, p. 228, n° 413; W. DE SMET, De bevoegheid van de
beslagrechter, in Actuele problemen van gerechtelijk privaatrecht, Acco, Leuven, 1976, p. 124, n°
30; F. TOP, op. cil., Art. 1395/19; contra J. LAENENS, Overzicht van de rechtspraak (1970-1978),
De bevoegheid, T.P.R., 1979, p. 290, n° 84; J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de
jurisprudence (Du Code judiciaire à 1982), Larcier, 1984, p. 23, n° 24; cette dernière opinion doit
prévaloir si la solution réside dans le droit des saisies.
(1 04 ) Ainsi, le juge des saisies ne peut connaître en vertu de l'article 1395 d'une contestation
relative à l'exécution en nature d'une décision condamnant à restituer un mobilier de cuisine, Civ.
Tournai (Prés.), 16 mars 1984, J.T., 1985, 152; supra, n° 10.
105
( ) F. TOP, op. cit., Art. 1395/39-40.

("l6) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, 625, n"s 2 à 4; W. DE
SMET, op. cit., p. 123-124, n°s 26 à 29.
28 TRAITÉ DES SAISIES

l'appartenance du juge des saisies au tribunal de première instance


permet qu'il devienne le juge de toutes les exécutions (directes ou
indirectes) et de tous les incidents suscités par celles-ci.
Cette tendance au regroupement de tout le contentieux de
l'exécution devant un même juge spécialisé se vérifie non seulement
dans les cas particuliers où le juge des saisies ou une partie ne
soulève pas «in limine litis » un incident de répartition mais aussi de
manière plus générale lorsque la loi attribue au juge des saisies la
connaissance de demandes qui ne relèvent pas directement de la
cinquième partie du Code judiciaire ; ainsi il n'est pas contesté que
le juge des saisies est compétent pour connaître d'une demande de
délais de grâce (art. 1334, C. jud.) ( 107 ) ; de même, l'article 1127
du Code judiciaire lui accorde expressément le pouvoir de susPoen-
dre l'exécution d'une décision frappée de tierce-opposition ( 08 ) ;
de même, l'article 310 du Code des Impôts sur les Revenus attribue
au juge des saisies la connaissance du recours dirigé par le
redevable contre la décision du directeur régional des contributions
exigeant de lui une garantie réelle ou une caution personnelle pour
garantir le paiement de ses impôts ( 109).
En synthèse, si le juge des saisies n'est pas nécessairement
le juge de toute exécution, il a vocation à devenir le juge de
l'exécution. Cette solution renforce l'efficacité du droit de l'exécu-
tion tout en évitant, le cas échéant, un trop grand encombrement de
la juridiction des saisies.
Il y a lieu de réserver l'existence de procédures spéciales
d'exécution et singulièrement la réalisation du gage commercial et
celle du gage sur fonds de commerce qui relèvent de la compétence
du tribunal de commerce (art. 4 et s. de la loi du 5 mai 1872 et art.
12 de la loi du 25 octobre 1919) mais cette compétence n'est pas
nécessairement exclusive de toute compétence du juge des saisies
notamment en cas d'action en distraction ( 110).

107
( ) Note 3 sous Cass .. 13 janvier 1972, Pas., 1972, 1, 470; Liège, 28 juin 1984, Jur. Liège,
1984, 541 ; voy. aussi Civ. Tournai, ch.s., 21 septembre 1984, R.G., n° 19.621 : «Attendu que la
contestation trouve son origine dans l'exécution d'un acte authentique, que nous sommes compétents
pour connaître de la demande d'allocation de termes et délais, par application de l'article 34 de la loi
du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération et des articles 1334 du Code judiciaire et 1244 du
Code civil combinés».
108
( ) Infra, n" 21.
109
( ) Voy. P. COPPENS et A. BAILLEUX, Droit fiscal, Les impôts sur les revenus,
Bruxelles, Larcicr, 1985, 659-660.
(1 10) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, n" 7
bis, p. 349; Civ. Bruxelles, ch.s., 16 octobre 1986, R.G. 16.376, Jurisprudence du Code judiciaire,
Annexe 1 ; voy. aussi infra, n° 21.
RÈGLES COMMUNES 29

B. - Il importe de distinguer le droit de l'exécution forcée des


difficultés d'exécution «par suite d'instance» qui relèvent en
principe (1 11 ) du magistrat qui a rendu la décision. Il ne s'agit pas
d'obtenir le paiement d'une somme d'argent par voie de contrainte
sur les biens mais d'obtenir de son auteur un titre juridictionnel
mieux adapté aux circonstances ( 112).
Ainsi en va-t-il de l'interprétation ( 113 ), de la rectification
du jugement (art. 793 à 801, C. jud.) et de la réception de caution
(art. 1346 à 1351). De même, en présence de refus de la partie
condamnée de déférer à l'obligation de faire qui lui est imposée, il
est permis de revenir devant le juge (114) afin qu'il ordonne une
mesure de substitution pour parvenir aux mêmes fins (1 15 ). Ainsi
une demande de délégation peut être adressée au juge alors que
celui-ci a déjà statué sur la demande de pension (116 ).
Force est de relever que la rectification ou l'interprétation
du titre et la contestation soulevée en de telles circonstances
peuvent se confondre spécialement lorsqu'il s'agit de déterminer la
portée des termes d'un dispositif et, le cas échéant, des motifs qui y
sont indissolublement liés. Dans un tel cas, indépendamment de
l'article 88, § 2 du Code judiciaire, la compétence du juge des
saisies ne peut être, par principe, écartée singulièrement pour
constater que malgré telle ou telle mention, le titre est parfaitement

("') Il y a lieu de réserver l'application des article 88 § 2 et 568, C. jud. ; voy. aussi F. TOP,
op. cit., art. 1395/58.
2
(" ) A. FETTWEIS, La compétence, Larcicr 1971, n" 410, p. 237; la même solution vaut
pour l'exécution des mesures d'instruction (difficultés d'exécution en cours d'instance; A. FET-
TWEIS, lb., p. 236 n° 409 et G. de LEVAL, L'instruction sans obstructions, in La preuve, Louvain,
1987, n" 7).
3
(" ) Un problème d'interprétation peut surgir au stade de l'exécution (Liège, 4 février 1986,
R.G. n" 17.170/85, inédit).
114
( Sous réserve de l'effet dévolutif de l'appel.
)
115
( J. NORMAND, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
)
1985, p. 610, n° 2. L'auteur relève «la distinction entre l'exécution forcée proprement dite, dont les
incidents échappent en principe aux juridictions d'exception, et ce que l'on pourrait appeler
l'exécution dérivée qui ne requiert pas cette exclusive. Dans,Ie premier cas, l'exécution implique, par
définition, coercition sur la personne (expulsion, par ex.) ou sur les biens du débiteur (saisies). La
technicité juridique et la gravité des questions posées peuvent justifier que l'on garantisse à cc dernier
l'intervention du juge de droit commun. Dans le second, en revanche, il s'est bien produit un incident
d'exécution : l'exécution volontaire n'a pas eu lieu. Le débiteur n'a voulu ou n'a pu exécuter
l'obligation de faire qui lui était imposée. Mais la contrainte n'intervient pas à ce stade. L'obstacle
n'est pas franchi de vive force ; les dispositions sont prises pour le contourner ; pour vaincre
ultérieurement la résistance, l'on revient en arrière, devant te juge, afin que soient repris les termes
de sa décision et arrêté un mode mieux approprié d'exécution» (p. 612).
(1 16 ) J.P. Marchienne-au-Pont, 7 juin 1985, J.T., 1986, 114. Invcrsément, te magistrat reste
compétent pour la supprimer (J.P. Etterbeek, 24 décembre 1979, J.J.P., 1980, 280); voy. en matière
d'astreinte, infra n° 35.
30 TRAITÉ DES SAISIES

clair pour permettre l'exécution immédiate ou encore pour redres-


ser sur base du titre exécutoire, une erreur purement matérielle
(117). C'est précisément lorsque la décision dont l'exécution est
demandée présente de telles ambiguïtés que le juge des saisies est
spécialement compétent pour trancher ces difficultés d'exécution
(art. 1498, C. jud.). Toute autre solution offrirait au débiteur le
moyen de se soustraire, ne fût-ce que temporairement, à la mise en
oeuvre d'une saisie en soulevant un problème d'interprétation ou
de rectification à renvoyer devant un autre siège.

16) Respect de la chose jugée au fond.


Tant au stade conservatoire qu'à celui de l'exécution, le
juge des saisies est lié par l'autorité de chose jugée qui s'attache aux
décisions de justice ; celles-ci ne peuvent être anéanties que sur les
recours prévus par la loi (art. 20, C. jud.). Ainsi, le débiteur saisi
ne peut invoquer le défaut de certitude, d'exigibilité ou de liquidité
d'une créance alors que ces caractères sont reconnus par un
jugement ; de telles contestations ne peuvent être articulées que par
l'exercice régulier d'une voie de recours ( 118).

(1 17 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 20 mai 1987, J.L.M.B., 1987, 1233; A. FElTWEIS, op. cit.,
Larcier, 1971, p. 238, n° 412; voy. Civ. Bruxelles, ch.s., 7 mars 1985, R.G. n°1940; Civ. Bruxelles,
ch.s., 14 novembre 1985, R.G., n° 12.428; Civ. Bruxelles, 31 janvier 1985, R.G. n° 117, ces
décisions relèvent que le juge des saisies n'a pas de pouvoir de renvoyer les parties en interprétation.
Ainsi un jugement du juge des saisies de Bruxelles du 5 janvier 1987 (R.G. n° 23.766) énonce :
«Attendu que le demandeur conteste la réclamation pour frais de logopédie, aux motifs que ceux-ci
ont été exposés par la défenderesse sans qu'elle en ait au préalable référé au demandeur ; que celui-ci
soutient par ailleurs que ces frais ne sont nullement inclus dans ceux «médicaux, pharmaceutiques et
chirurgicaux» mis à sa charge par l'arrêt de la Cour d'appel de Liège du 12 novembre 1985, la
logopédie étant une science paramédicale et ne pouvant donc entraîner des frais médicaux; Attendu
que l'interprétation donnée par le demandeur à l'arrêt de la Cour d'appel du 12 novembre 1985 est, à
cet égard, manifestement contraire tant à l'esprit qu'à la lettre du dispositif dudit arrêt, lequel en
prononçant que «l'intimé supportera seul tous les frais médicaux, pharmaceutiques et chirurgicaux
en faveur des enfants, non remboursés par la mutuelle», a, de manière claire et ne prêtant pas lieu à
interprétation, entendu mettre à charge de l'actuel demandeur tous les frais nécessaires à la santé
physique et mentale de ses enfants, en ce compris des frais de logopédie»; voy. aussi Civ. Tournai,
ch.s., 20 mars 1987, R.G., n° 24.056 (le juge des saisies est compétent pour connaître d'une demande
de rectification, formée incidemment devant lui, du jugement qui fonde la poursuite) et Bruxelles,
7ème ch., 30 avril 1987 (R.G., n°s 2688185 et 435/86): lorsque les parties tirent du dispositif et de
certains motifs d'un arrêt de condamnation des conclusions contradictoires sur la question si des
intérêts judiciaires à caractère moratoire doivent se calculer sur le principal et les intérêts judiciaires à
caractère compensatoire, il s'agit d'une difficulté d'exécution procédant d'une divergence dans
l'interprétation de l'arrêt. Le juge des saisies peut dire qu'il n'y a pas lieu à interprétation au vu de la
décision mais il n'est pas autorisé à proposer une lecture de celle-ci qui serait en-decà ou irait au-delà
de la chose jugée. La compétence d'interprétation appartient au juge qui a rendu la décision ; il
s'impose en ce cas de surseoir au jugement de la cause jusqu'à ce que la Cour qui a rendu l'arrêt
litigieux ait été saisie de la difficulté d'interprétation qui oppose les parties ; adde. infra, n° 16.
118
( ) G. de LEV AL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 349, n°
7 ; F. TOP, op. cil., art. 1395, 55 ; Liège, 28 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 473. Inversément, le saisissant
débouté au fond ne peut faire état de ses chances de réformation pour justifier la mise en oeuvre ou le
maintien d'une saisie conservatoire (Civ. Bruxelles, ch.s., 25 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1004).
RÈGLES COMMUNES 31

De même, le juge des saisies ne peut, en l'absence de


disposition légale particulière, sous couvert d'interprétation d'un
titre clair et ayant autorité de chose jugée, accorder un délai de
grâce permettant de différer l'exécution du jugement ou d'y
surseoir sauf le cas d'irrégularité de la procédure d'exécution elle-
même ( 119 ).
Le moyen tiré de l'autorité de chose jugée n'est pas d'ordre
public et ne peut être en principe soulevé d'office par le juge ( 120 ).

17) Nature de la mission du juge des saisies.


Le juge des saisies est membre du pouvoir judiciaire ; sa
mission est exclusivement juridictionnelle. Certes, en autorisant
une saisie conservatoire, il sauvegarde l'efficacité future du titre et
en réglant une difficulté liée à l'exécution, il permet la réalisation
concrète du droit mais en aucun cas il n'exécute la mesure dont il ne
connaît généralement que les aspects contentieux (1 21 ).
Son intervention juridictionnelle n'est jamais purement
gracieuse car il existe toujours un contentieux ou un contentieux
sous-jacent notamment lorsqu'il autorise une saisie conservatoire
sur requête unilatérale {1 22). Sa fonction consiste chaque fois à
vérifier la légalité ou la régularité d'une situation juridique mais il
ne lui appartient pas d'assurer la traduction concrète des droits (art.
30 al. 2 Const. ). L'aspect administratif et technique relève du
greffier, de l'huissier de justice, du notaire et, le cas échéant, des
forces de l'ordre soumises aux instructions du ministère public
(123).

Bref, «le juge ne devient pas un administrateur, même


lorsqu'il fait un acte qu'on s'arroge la liberté intellectuelle de
qualifier matériellement d'administratif. Il reste toujours un juge.
Les limitations apportées aux pouvoirs des administrateurs lui sont

119
( Civ. Bruxelles, ch.s., 16 juin 1986, R.G. n° 22.967.
)
120
( J. van COMPERNOLLE, Considérations sur la nature et l'étendue de l'autorité de la
)
chose jugée en matière civile, note sous Cass., IO septembre 1981, R.C.J.B., 1984, p. 255-257, n° 20
à 22. Voy. aussi supra, n° 8, note 67.
(1 21 ) Voy. toutefois infra, n° 23.
(1 22 ) E. KRINGS, concl. préc. Cass., 19 novembre 1981, Pas., 1982, 1, 379.
(1 23 ) Voy. infra n°s 39 B et 221 (formule exécutoire) et G. de LEVAL, L'exécution et la
sanction des décisions judiciaires en matière familiale in L'évolution du droit judiciaire, XIe Journées
J. DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 904, n° 37. Adde. A. FETIWEIS, L'effet obligatoire du
jugement, Ann. Dr. Liège. 1987, p. 223, n° 12.
32 TRAITÉ DES SAISIES

absolument étrangères. Ses pouvoirs sont toujours ceux d'un juge,


et ils comportent, indissolublement unies, ces deux faces, jurisdic-
tio et imperium » (1 24 ).

§ 2. - Opportunité des poursuites.

18) L'intérêt de surseoir aux poursuites.

Il importe de concilier l'efficacité économique des procédu-


res de recouvrement et la protection du débiteur qui ne doit pas
subir des mesures d'expropriation non rentables mais humiliantes
pour lui, même si l'état total ou partiel d'insolvabilité de celui-ci,
fût-il imputable à la force majeure n'éteint pas les obligations dont
l'objet est une somme d'argent (1 25).

Le respect d'un plan de remboursement, sous la menace


d'une saisie (spécialement la saisie-exécution mobilière), est sou-
vent plus intéressant pour le créancier que la réalisation de
quelques biens dont le produit ne permet pas de dégager un
montant suffisant pour apurer même une partie du passif. On ne
peut cependant méconnaître à ce stade la loi du concours et le
respect du traitement égalitaire entre les créanciers. Les acomptes
successifs doivent faire l'objet de répartitions entre eux. C'est à
cette condition que le plan d'apurement peut ne pas être entravé
par des interventions intempestives d'autres créanciers grâce à la
conciliation opérée entre tous les intérêts en présence : celui du
débiteur auquel est évité le drame matériel et moral de l'expropria-
tion, celui du poursuivant et celui des créanciers associés à la
poursuite (1 26).

Il faut encore insister sur ce qu'une mesure de surséance


n'est généralement qu'un maigre palliatif et que le problème du sur-

24
(' P. HEBRAUD. L'exécution des jugements civils, Rev. Int. Dr. Comp., 1957, 186.
)
125
( G. SOUS!, La spécificité juridique de l'obligation de somme d'argent, R.T.D.C., 1982,
)
p. 536-537, n° 51 qui invoque l'adage« genera non pereunt »; voy. aussi Civ. Liège, 23 mars 1985,
R.G. n° 65.413/84 en matière de demande de réduction d'une contribution alimentaire fixée dans une
convention préalable au divorce par consentement mutuel. Infra, n" 20.
(1 26 ) Sur cette question, voy. G. de LEVAL, Le caractère collectif de la saisie mobilière. note
sous Civ. Verviers. 19 décembre 1986, Ann. Dr. Liège. 1988 (à paraître).
RÈGLES COMMUNES 33

endettement est social et non procédural. Sa solution doit être


avant tout recherchée en amont, au stade de l'endettement (1 27 ).

19) Le juge des saisies et les délais de grâce.

Une disposition générale permet au juge des saisies (1 28 )


de suspendre l'exécution pour des raisons d'opportunité : aux
termes de l'article 1334 du Code judiciaire, «si l'exécution ou la
saisie ont lieu en vertu d'un acte authentique autre qu'un jugement,
la demande de délais prévue à l'article 1244 du Code civil doit être
formée, à peine de déchéance, dans les quinze jours (1 29) à partir
du commandement ou s'il n'y a pas lieu à commandement, à partir
du premier acte de saisie signifié au débiteur» ( 130) ( 131 ) ( 132)
(133).

Par contre dans l'état actuel des textes, si le juge du fond


n'a pas accordé des termes et délais (1 34), sa décision est inélucta-
blement exécutoire (art. 1333) et le juge des saisies est sans pouvoir

127
( ) Un premier pas en cc sens est réalisé par l'arrêté-royal du 15 avril 1985 relatif à
l'enregistrement de contrats à tempérament (M.B., 20 avril 1985, 5499 ; adde. A.M. du 19 novembre
1985 relatif aux modalités des communications concernant les contrats à tempérament, à effectuer à
et par la Banque Nationale de Belgique, M.B., 19 décembre 1985, 18.560). Il ne s'agit toutefois que
d'un enregistrement négatif (en cas de défaillance) ce qui limite la valeur préventive d'une telle
publicité (J. LAENENS, Gerechtsdeurwaarders en debiteurs in crisistijd, R.W., 1985-1986, 1612, n°
22; voy. aussi supra, n° 3).
28
(' ) Civ. Liège (Prés.), 19 décembre 1986, R.G. n° 73.242/85 et réf. à la note 3, Pas., 1972, I,
470; F. TOP, op. cit., art. 1395/24.
29
(' ) Infra, n° 236/2.
130
( ) L'article 1334 est applicable au procès-verbal de conciliation (Civ. Tournai, ch.s., 18
janvier 1985, R.G. ,0 20.251) et à la contrainte délivrée en matière de droit d'enregistrement ou
d'impôts sur les revenus (Infra, n° 238 B).
31
(' ) L'article 1244, C. civ., peut se rapporter à la condamnation de faire quelque chose, telle
l'évacuation d'un immeuble loué (J. LAENENS, op. cit., R.W., 1985-1986, 1619, n° 37) sauf si celle-
ci résulte automatiquement du non-respect, dans les délais judiciairement fixés, des échéances
prévues (Civ. Bruxelles, eh.s., 16 juin 1985, R.G. n° 22.967).
32
(' ) Au sujet de la reprise du délai de quinze jours à l'issue d'une période de suspension, voy.
Civ. Dinant, 13 décembre 1985, Jur. Liège, 1986, 154; Rev. Not., 1986, 437.
33
(' ) L'action introduite par le saisi dans les quinze jours de la dénonciation, même si elle ne
contient pas expressément une demande de délai de grâce ultérieurement formulée par voie de
conclusions, peut être considérée comme introduisant dans le délai la demande de termes de grâce
(Civ. Bruxelles, ch.s., 30 juin 1986, R.G. n" 22.321).
34
(' ) Une telle décision ne ferait pas nécessairement obstacle à une saisie conservatoire (art.
1416, C. jud. ; infra, n° 163 B).
34 TRAITÉ DES SAISIES

pour accueillir une demande ayant cet objet ( 135 ). Cette règle se
conçoit dans la mesure où elle procède du caractère définitif du
dessaisissement du juge et où elle prévient toute manoeuvre
dilatoire du débiteur, mais elle ne se justifie plus lorsqu'elle ne
permet pas de tenir compte d'un changement de circonstances
survenu après le dessaisissement des juridictions du fond (136).
C'est pour remédier à cette lacune que, de lege ferenda, a été
proposé d'étendre les pouvoirs du juge des saisies afin que, de
manière générale, il puisse ordonner le sursis à l'exécution, fixer les
modalités permettant au débiteur de s'aciuitter et prévoir l'arrêt
total ou partiel du cours des intérêts ( 137) ( 8).
Au-delà de la rigidité des textes actuels, il importe de tenir
compte d'une pratique assez répandue : la mesure d'exécution,
surtout s'il s'agit d'une saisie mobilière ( 139) est suspendue par
l'huissier de justice aussi longtemps que le débiteur règle sa dette
par acomptes successifs (140).
Enfin, si le juge des saisies ne peut accorder des délais de
paiement en dehors des conditions strictes énoncées par l'article
1334 du Code judiciaire, il conserve le pouvoir de constater qu'un
accord est intervenu entre les parties sur un plan d'apurement ou de
décider que l'exécution doit être suspendue ou annulée en raison de
la perte d'efficacité ou d'actualité exécutoire du titre (141 ) ou en

135
( ) Liège, 15 novembre 1984, Jur. Liège, 1985, 410; Liège, 15 avril 1985, Jur. Liège, 1985,
553; Civ. Liège, 15 novembre 1972, Jur. Liège, 1972-1973, 236; Civ. Liège, 10 mai 1978, Jur. Liège,
1978-1979, 34; Civ. Huy, 8 octobre 1979, Jur. Liège, 1980, 11. En ce qui concerne le paiement de
lamende, voy. lart. 197 C. 1. Crim.
(1 36) Supra, n° 8, note 67.
(1 37 ) Proposition de loi visant à atténuer les effets néfastes de l'endettement excessif des
consommateurs, Doc. Pari., Sénat, Sess., 1981-1982, n° 124; voy. aussi, La protection juridique
contre le sur-endettement, Propositions résultant d'une recherche sur le crédit à la consommation,
Fondation Roi Baudouin, 1984, p. 27-28 et 65 à 68.
138
( ) Cet effet, (arrêt du cours des intérêts) n'est pas produit par l'octroi des délais de grâce
(supra, n° 18 ; infra, n° 20).
139
( ) La même souplesse ne se retrouve pas toujours en matière de saisie immobilière parce
que l'adjudication doit intervenir dans les six mois de l'ordonnance de désignation du notaire (art.
1587 in fine et 1622 C. jud.).
140
( ) Voy. toutefois J. LAENENS, op. cil., R.W., 1985-1986, col. 1606, n° 10 et 1607, n° 13
pour lequel l'octroi de telles facilités de remboursement est une coutume contraire à la loi (art. 1333,
al. 2, C. jud. ; art. 74 de la loi sur la lettre de change). Selon nous, l'huissier de justice ne peut refuser
des facilités de paiement que si son mandant s'y oppose. Telle est la règle en matière de recouvrement
d'impôts : « ni l'huissier des contributions, ni l'huissier de justice ne sont habilités à accorder des
facilités de paiement. Ce droit relève exclusivement de la compétence du receveur responsable »
(Comm. Adm. C.l.R., T. X. (Recouvrement), Titre V, n° 611).
141
( ) Infra, n°s 228 et s.
RÈGLES COMMUNES 35

raison d'une contestation sérieuse de celui-ci (1 42 ) ; Rar contre, le


débiteur ne pourrait se plaindre d'un abus de droit ( 43 ) et former
une demande de délais prévue à l'article 1244 du Code civil en
dehors des conditions prévues à l'article 1334 du Code judiciaire
alors que les circonstances constitutives de l'abus de droit étaient
connues du débiteur avant l'expiration du délai de quinze jours
(144).

20) Les modalités.

En tout état de cause, l'article 1244 du Code civil impose


au juge de n'accorder des délais modérés qu'avec une grande
réserve en tenant compte des délais dont le débiteur a déjà usé
tandis que l'article 1337 du Code judiciaire dispose que le débiteur
ne peut obtenir un délai ni jouir du délai qui lui a été accordé, si ses
biens sont vendus à la requête d'autres créanciers, s'il est en état de
faillite ou de déconfiture, s'il est fugitif, s'il n'a pas fourni ou s'il a
diminué les sûretés dont il était tenu envers son créancier (1 45 ).

Si le juge peut accorder des délais pour le paiement de la


dette, il ne peut toutefois pas exonérer le débiteur de ce paiement.
C'est pourquoi la décision qui accorde au débiteur la possibilité de
régler des mensualités dont le montant est inférieur aux intérêts
mensuels dus pour la même période, viole l'article 1244 du Code
civil (1 46 ).
Une clause conventionnelle de déchéance ne fait pas
obstacle à l'octroi des délais de grâce (1 47 ).

142
( Infra, n° 236.
)
143
( Supra, n° 7.
)

(1 44 ) Comp. Cass., 13 juin 1985, Pas., 1985, I, 1312; J.T., 1985, 592; Rev. Not., 1986, 116 et
note J.L. LEDOUX (demande de délais formulée dans le cadre d'une contestation relative au cahier
des charges); cet arrêt casse Civ. Mons; ch.s., 12 avril 1984, Rev. Rég. Dr., 1984, 197; Rec. Gén.,
1985, n° 23.137; J.T., 1985, 148 (infra, n° 236/2). Au sujet d'un temps d'arrêt imposé au saisissant en
raison du caractère abusif de l'exécution, voy. Trib. Gde Inst. Paris (Réf)., 28 mars 1984,
Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1494, p. 21, n° 4/8; adde Civ. Anvers, 11 octobre 1984,
R.W., 1985-1986, 1502, interdisant la vente sur saisie des meubles sans valeur marchande
appartenant à un débiteur très âgé. Comp. infra, n° 22 in fine.
145
( ) Sur le débiteur malheureux et de bonne foi, voy. J. LAENENS, op. cil., R.W., 1985-
1986, col. 1613, n° 24 et réf. cil.
146
( ) Cass., 19 juin 1986, Jur. Liège, 1986, 489; J.T., 1987, 163.
147
( ) Infra, n° 236; Civ. Liège, 23 mars 1983, Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Art.
1395, n° 317.
36 TRAITÉ DES SAISIES

Les termes et délais accordés peuvent consister dans


l'autorisation de reprendre, à partir d'une date déterminée - qui
doit être précisée dans la décision et qui a effet indépendamment de
toute signification (1 48 ) - les paiements auxquels les emprunteurs
sont tenus en vertu de l'acte authentique de prêt (1 49 ).
La circonstance que la créance saisie ou cédée du débiteur
est pour partie insaisissable ou incessible (art. 1408 à 1412) ne rend
pas irrecevable une demande de termes et délais (1 50). Mieux,
cette faveur se justifie souvent pour améliorer la situation du
débiteur de bonne foi mais il importe de ne pas perdre de vue que
cette mesure de clémence ne modifie pas les obligations du débiteur
à l'égard duquel les intérêts moratoires continuent à courir (1 51 ).
De même, le fait que la créance du poursuivant soit protégée par
les règles de l'insaisissabilité ou de l'incessibilité ne rend pas le
débiteur de cette créance irrecevable dans sa demande de termes et
délais ; certes, la créance insaisissable correspond ~énéralement à
un minimum vital qui doit être payé sans délai ( 52 ) mais il est
concevable qu'une mesure d'étalement soit admise spécialement
pour le paiement d'arriérés (1 53 ).
La règle suivant laquelle «les juges d'appel ne peuvent en
aucun cas, à peine de nullité, interdire l'exécution des jugements ou
y faire surseoir» (art. 1402, C. jud.) ne rend pas irrecevable une
demande de termes et délais, formulée même pour la première fois,
en degré d'appel (1 54 ). De même, le juge d'appel peut en

(1 48 ) De même. les intérêts dus en vertu d'un jugement de condamnation courent à dater du
jugement (infra, n° 259 D).
49
(' ) Liège, 28 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 541.
150
( ) C.T. Anvers, Ier mars 1979, J.T.T., 1981, 37; G. de LEVAL, Observations sur la
procédure relative à la cession de rémunération, Jur. Liège, 1982, p. 285. Toutefois, le terme de grâce
n'est point un obstacle à la compensation (art. 1292, C. civ.) sur la partie saisissable de la dette (art.
1293, 3°, C. civ.).
151
( ) 1. MOREAU-MARGREVE, Contribution à la théorie de l'effet du délai de grâce sur
l'obligation du débiteur, R.C.J.B., 1966, p. 426 et 458.
52
(' ) Ainsi, des termes et délais pour le paiement d'une rémunération n'ont été admis que
dans les limites fixées par les articles 1409 et 1410 (C.T. Gand, 28 février 1983, J.T.T., 1983, 322 et
R.W., 1982-1983, 2633; voy. toutefois M. JAMOULLE, Le contrat de travail, T. II, Liège 1986, p.
95, n° 86 et réf. cit).
153
( ) Voy. en matière d'arriérés de pensions alimentaires, Civ. Bruxelles, ch.s., 30 juin 1986,
R.G. n° 22.231, contra, Civ. Tournai, ch.s., 28 juin 1984, J.T., 1985, 152 et obs. critiques G. de
LEV AL ; infra, n° 98.
(1 54 ) Civ. Liège, 16 octobre 1984, R.G. n° 65.746/84 (inédit) qui après avoir refusé de faire
surseoir à l'exécution du jugement du juge de paix (art. 1402) énonce : «Attendu que l'appelant a
disposé par son fait d'un an et demi de répit qu'il n'a manifestement pas mis à profit pour se libérer
d'une dette incontestable; que sa bonne foi n'est pas démontrée: qu'il n'y a en conséquence pas lieu
de faire droit à sa demande de termes et délais supplémentaires».
RÈGLES COMMUNES 37

ordonnant l'exécution provisoire accorder des délais de grâce sauf


si la loi s'y oppose (1 55 ). En principe, le délai de grâce n'est pas, à
nos yeux, susceptible d'être renouvelé, sauf à établir l'existence de
circonstances graves et nouvelles justifiant un nouvel étalement de
la dette (1 56 ) ou sauf à solliciter une prorogation avant l'échéance
du délai (comp. art. 51, C. jud.).

21) L'effet suspensif facultatif de la tierce-opposition.

«Voie de recours extraordinaire, la tierce-opposition n'a,


de plein droit aucun effet suspensif de l'exécution. Cet effet est
facultatif» (1 57). Deux textes spéciaux organisent cet effet suspen-
sif:

1. - Aux termes de l'article 1126 du Code judiciaire, «Sur les


conclusions des parties, le juge devant lequel la décision attaquée a
été produite, peut, suivant les circonstances, passer outre ou
surseoir» ; cette disposition est rarement appliquée ; elle vise
l'hypothèse où la décision frappée de tierce-opposition est invoquée
devant le juge saisi d'un autre litige ; celui-ci peut soit statuer en
tenant compte de la «force probante» (1 58 ) attachée à cette
décision sans avoir égard à la tierce-opposition dont elle est l'objet
(«passer-outre»), soit surseoir jusqu'à ce que soit connu le sort
réservé à la tierce-opposition (1 5 ) ;

2. - Aux termes de l'article 1127 du Code judiciaire, «le juge


des saisies peut, sur citation à la requête de la partie qui a formé la
tierce-opposition et toutes autres parties appelées, suspendre à titre
provisoire, en tout ou en partie, l'exécution de la décision atta-
quée». Cette disposition confère au juge des saisies une compé-

55
(' Liège, 21mars1985, Jur. Liège, 1985, 483.
)
156
( En cc cas, Je délai de 15 jours demeure, à nos yeux, applicable à dater de la première
)
échéance impayée.
157
( ) A. FETTWEJS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 572, n° 896.
158
( ) Cass., 20 avril 1966, Pas., 1966, 1, 1055; J. van COMPERNOLLE, Considérations sur
la nature et l'étendue de l'autorité de la chose jugée en matière civile, R.C.J.B., 1984, p. 247, n" 12.
159
( ) A. LE PAIGE, Les voies de recours, Précis de droit judiciaire, T. IV, Larcicr, 1973, p.
175, n" 188; R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1985, p. 220, n° 13.
38 TRAITÉ DES SAISIES

tence générale pour toute exécution {1 60). A la demande du tiers-


opposant, le juge des saisies peut suspendre l'exécution, à titre
provisoire, dans la mesure qu'il déterminera, du titre frappé de
tierce-opposition (1 61 ). Bien que l'article 1127 ne détermine pas les
critères d'octroi du sursis à exécution, il y a lieu de prendre en
considération ceux qui sont généralement retenus en la matière :
sérieux des moyens développés dans la tierce-opposition et crainte
d'un préjudice difficilement réparable {1 62). L'effet suspensif est
attaché non à la demande mais à la décision éventuelle.

La compétence territoriale est déterminée par l'article 633,


C. jud. dans la mesure où il s'agit de suspendre une saisie ; dans les
autres hypothèses (suspension demandée à titre préventif ;mesure
d'exécution directe,etc.), il y a lieu, à notre avis, d'appliquer les
règles de droit commun et notamment l'article 624 du Code
judiciaire {1 63 ).

L'article 1127 peut recevoir application même lorsque le


jugement attaqué est exécutoire par provision nonobstant opposi-
tion ou appel, et ce même lorsque l'exécution provisoire est de
droit (1 64 ) ; en ce cas, l'exercice de la voie de recours extraordi-
naire peut produire un effet suspensif qui ne peut l'être par une
voie de recours ordinaire (art. 1402, C. jud.).

Cette solution est justifiée par la formulation tout à fait


générale de l'article 1127 C. jud. et par la dimension nouvelle que
donne au litige la présence d'un tiers. L'absence d'automatisme
dans l'effet suspensif permet d'éviter tout abus de la part du tiers

(1 60 ) Supra, n° 15; contra mais à tort, Civ. Bruxelles, ch. s., 3 août 1984 (inédit, R.G., n°s
174.580, 174.581 et 174.680) qui se déclare incompétent pour connaître d'une demande fondée sur
l'art. 1127, C. jud. alors que la décision du président du tribunal de commerce ordonnant la
réalisation forcée du fonds de commerce est frappée de tierce-opposition par un tiers se prétendant
propriétaire.
(1 61 ) Rapport VAN REEPINGHEN, p. 472; comp. Cass. Fr., 16 mai 1984, Gaz. Pal., 1984,
Pan., 301; J.C.P., 1984, IV, p. 239; R.T.D.C., 1985, n° 13, p. 219, obs. R. PERROT et Aix-en·
Provence (Réf.), 22 octobre 1984, Gaz. Pal., 2-3 août 1985, 13. L'article 1127 ouvre au juge la
possibilité de suspendre le titre exécutoire sans lui en faire un devoir (Civ. Bruxelles, ch. s., 22
janvier 1987, R.G. n° 19.021).
(1 62 ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, L'évolution du référé: mutation ou
renouveau?, J.T., 1985, p. 522, n° 18 et note 53 ; Civ. Bruxelles, ch. s., 18 avril 1985, inédit, R.G. n°
427 ; infra, n° 220 B et note 1800.
(1 63 ) Voy. aussi infra, n° 28.
164
( ) Paris, 25 avril 1984, Dall., 1984, l.R., 421 et obs. critiques P. JULIEN.
RÈGLES COMMUNES 39

qui doit avoir, préalablement à la demande de suspension, forma-


lisé la tierce-opposition. Les deux demandes pourront être intro-
duites simultanément devant le juge des saisies lorsque celui-ci est
compétent pour connaître de l'une et de l'autre.

§ 3. -Mission d'encadrement et de surveillance.

22) Caractère général de la mission.

L'article 1396 du Code judiciaire attribue une m1ss10n


générale de surveillance au juge des saisies : «sans préjudice des
voies de nullité prévues par la loi, le juge des saisies veille au
respect des dispositions en matière de saisies conservatoires et des
voies d'exécution. Il peut, même d'office, se faire remettre un
rapport sur l'état de la procédure par les officiers publics ou
ministériels instrumentants ou commis. S'il constate une négli-
gence, il en informe le procureur du Roi, qui apprécie les suites
disciplinaires qu'elle peut comporter».
Le juge des saisies exerce, en vertu de ce texte, une
surveillance sur les officiers ministériels commis à la mise en oeuvre
des mesures conservatoires ou exécutoires ; «il entend leur rapport,
et reçoit le cas échéant les plaintes des parties» (1 65 ). L'article 1396
rend possible l'instauration d'une véritable collaboration entre les
officiers ministériels et le juge des saisies ( 166) qui peut ainsi
obtenir une connaissance précise du déroulement des saisies dans
son arrondissement et veiller au respect des textes (1 67 ).
De manière générale, l'article 1396 du Code judiciaire
confère au juge des saisies de très larges pouvoirs pour assurer,
dans l'intérêt de toutes les parties, et à tout moment, l'efficacité des
saisies. «Si le juge des saisies n'est pas, sauf abus de droit manifeste
et dûment démontré, juge de l'opportunité des mesures régulière-
ment prises par un créancier en vue de l'exécution de son titre, il
n'en demeure pas moins que sa mission ne saurait se limiter à la

165
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, p. 497.
166
( ) J. BEIRENS, Bewarend beslag en middelen tot tenuitvoerlegging, La Charte, Bruges,
1983, Art. 1396; F. TOP, Gerechtelijk recht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van
rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, Beslag en tenuitvoerlegging, Art. 1396/4.
167
( ) «On a voulu de la sorte assurer aux textes légaux leur pleine efficacité» écrit M. VAN
REEPINGHEN (p. 497).
40 TRAITÉ DES SAISIES

seule sanction du respect des dispositions en matière de saisies


conservatoires et des voies d'exécution ; comme tout autre, il doit
veiller à ce que l'exercice régulier d'un droit (en l'occurrence le
droit à la poursuite de l'expropriation du gage) s'effectue concrète-
ment au mieux des intérêts du créancier et du débiteur» (1 68 ).

23) Modalités et nature de l'intervention du juge des saisies.

Le juge des saisies veille au respect de toutes les disposi-


tions en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution. Il
agit soit d'office (le cas échéant au départ d'indications recueillies
en consultant le fichier des saisies), soit à la demande d'une partie,
soit à la demande de l'officier public confronté à une difficulté.

Généralement, il intervient de manière informelle sur


requête verbale ou écrite du justiciable, de l'huissier de justice ou
du notaire. S'il constate une négligence, il en informe le Procureur
du Roi, qui apprécie les suites disciplinaires qu'elle peut comporter
mais généralement, il agit à titre préventif en formulant des conseils
appropriés dont le respect devrait logiquement protéger le notaire
ou l'huissier contre des reproches qui lui seraient adressés, même à
l'occasion d'une procédure contentieuse. Dans ces hypothèses, il ne
statue pas par voie de décision revêtue de l'autorité de chose jugée
et susceptible de recours (1 69 ).

Dans certains cas, cependant, l'intervention du juge des


saisies doit, pour être efficace, déboucher sur une mesure suscepti-
ble d'être imposée à une partie. Ainsi, le notaire qui se heurte au
refus du saisi de laisser visiter son immeuble doit pouvoir obtenir
du juge des saisies une décision permettant de vaincre l'attitude
hostile du saisi. A ce stade, le respect des droits de la défense de
celui-ci exige sa mise à la cause dans une procédure contentieuse
introduite éventuellement par le notaire investi de la mission de

68
(' ) Civ. Bruxelles, ch. s., 4 septembre 1986, R.G., n° 23.681 (en l'espèce, un moratoire est
ordonné afin que la vente d'un immeuble n'intervienne pas avant la fin des vacances d'été alors que
des négociations pour la vente de gré à gré sont en cours. Cette décision est cependant critiquable car
la demande devait résulter d'un contredit régulièrement formé contre le cahier des charges, art. 1580,
C. jud. ; voy. Liège, 27 juin 1986, Jur. Liège, 1986, 497; comp. supra, n° 19).
69
(' ) Voy. aussi F. TOP, Gerechtclijk recht, op. cit., art. 1396/14.
RÈGLES COMMUNES 41

vendre l'immeuble (art. 1580) (1 70 ). S'il y a absolue nécessité, le


juge des saisies peut être saisi par requête unilatérale (art. 584, al. 3
et 1395, al. 2 cbnés).

SECTION II - La compétence territoriale en matière de saisie.

24) Le juge du lieu de la saisie - Incidence de la connexité.

«Les demandes en matière de saisies conservatoires et de


voies d'exécution, sont exclusivement portées devant le juge du lieu
de la saisie, à moins que la loi n'en dispose autrement» (art. 633)
171
( ). Il s'agit d'une règle de compétence territoriale d'ordre public
qui ne concerne que les saisies conservatoires et les voies d'exécu-
tion ( 172) ; son caractère se justifie par la nécessité d'une centrali-
sation des procédures frappant un même bien afin que la surveil-
lance du juge des saisies puisse effectivement s'exercer et que le
respect des droits en concours soit assuré spécialement par la
publicité.

Lorsqu'une saisie, diligentée par le fisc, suscite une contes-


tation étrangère à l'application d'une loi d'impôt, l'article 633 du
Code judiciaire est applicable à l'exclusion de l'article 632 ( 173 ).

170
( ) Gand, 8 septembre 1983, R.W., 1983-1984, 1222 et note C. ENGELS. Contra Mons, 27
juin 1984, J.T., 1985, 150; la Cour d'appel de Mons décide que l'incident d'exécution ne peut être
soumis au juge des saisies que par une «partie intéressée» (art. 1498); à notre avis, la portée générale
de l'article 1396 permet de ne pas s'en tenir à une application très textuelle de l'article 1498. Sauf
instruction en sens contraire du poursuivant, la mission confiée au notaire ou à l'huissier comporte le
pouvoir de prendre les initiatives formelles ou informelles indispensables à son aboutissement. Adde.
Proposition de loi complétant l'article 1580 du Code judiciaire (Doc. Pari., Sénat, Sess. 1986-1987, n°
448/1).
71
(' ) Au sujet du règlement de l'incident de compétence en degré d'appel, voy. n° 36 C.
172
( ) Arr. Liège, 26 septembre 1985, Jur. Liège, 1985, 631.
173
( Civ. Liège, 8 avril 1981, Bull. Contr., 1985, 2478 et Jurisprudence du Code judiciaire,
)
Art. 1514, n° 3; Civ. Liège, 9 décembre 1981, R.G. n° 46.416/81, Jurisprudence du Code judiciaire,
Art. 1514, n° 3; voy. aussi Arr. Liège, 24 avril 1986, J.L.M.B., 1987, 265 et Arr. Liège, 18 décembre
1986 inédit, R.T.A., n° 894/86 : «La demanderesse ne fait pas opposition à contrainte autrement dit,
n'élève pas directement une contestation relative à l'impôt (art. 632, C. jud.), mais se limite à
protester de la nullité de la saisie-exécution mobilière pratiquée. L'objet de pareille demande en
justice est une demande en matière de voie d'exécution obéissant à l'article 633, C. jud. et non une
contestation relative à l'exécution d'une loi d'impôt au sens de l'article 632, C. jud. La saisie ayant eu
lieu à Liège, le Tribunal de l'arrondissement judiciaire de Liège est seul compétent pour connaître de
la contestation telle qu'elle est formulée»; voy. dans le même sens, Civ. Furnes, ch.s., 19 juin 1985,
Bull. Contr., 1986, 2568; comp. et contra, Civ. Bruxelles, ch.s., 2 août 1984, Bull. Contr., 1985, 626
et P. COPPENS et A. BAILLEUX, op. cit., Larcier, 1985, p. 653, note 203.
42 TRAITÉ DES SAISIES

La détermination du lieu de la saisie ne suscite pas de


difficultés pour les meubles corporels et les immeubles : il s'agit du
lieu où ils se trouvent physiquement. Si les biens à saisir sont situés
dans plusieurs arrondissements, les diverses demandes peuvent être
portées, en raison de la connexité, devant un seul et même juge
(174).

Le caractère d'ordre public de la compétence territoriale


de l'article 633 du Code judiciaire ne fait pas obstacle à la
connexité. L'article 634 du Code judiciaire autorise un tel regrou-
pement (1 75 ) facultatif (1 76 ) qui permet, le cas échéant, d'éviter
que le saisissant puisse s'adresser successivement à plusieurs
magistrats (1 77 ) et de soumettre à l'appréciation d'un même juge
tous les éléments d'une même situation. Cette solution permet
enfin d'économiser des frais de procédure puisque les demandes
connexes sont valablement introduites par un seul et même acte
(art. 701) devant le juge des saisies dans le ressort duquel se trouve
une partie des biens à saisir. En principe, le choix de l'arrondisse-
ment est effectué librement par le requérant ( 178 ) ( 179 ).

(' 74 ) Cette solution est expressément prévue par les travaux préparatoires du Code judiciaire
(Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1%7, p. 404 et 507); voy. aussi Civ. Bruxelles, 11juin1970,
Rev. Not., 1975, 44; Civ. Charleroi, 11septembre1974, Rec. Enr., 1975, n° 21.008; Civ. Liège, 25
avril 1980, J.T., 1980, p. 626, n° 6 in fine; Civ. Huy, ch.s., 4 décembre 1984, Inédit; Civ. Bruxelles,
ch.s., 25 novembre 1986, A.R. n° 29207 et 30949, inédits; J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de
jurisprudence (Du code judiciaire à 1982), Larcier, 1984, p. 25, n° 31.
175
( ) Ainsi un arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 1980 (Journ. Dr. Fisc., 1981, 144;
Bull. Contr., 1984, p. 2912) décide, au sujet de l'art. 632 C. jud. que le caractère exclusif de la
compétence ne s'oppose pas à ce que, sous le contrôle du juge et conformément aux dispositions
légales qui s'y rapportent, les règles de la connexité et de la litispendance soient applicables (voy.
dans le même sens, Mons, 26 janvier 1983, Bull. Contr., 1984, p. 2917 et, en matière de saisie
immobilière, Arr. Charleroi, 19 février 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 289 et Arr. Charleroi, 11 février
1986, J.T., 1987, 161 impl.).
( 176 ) Civ. Bruges, 17 février 1981, J.T., 1981, 646. On signale une décision du juge des saisies
de Bruxelles du 13 avril 1987 (R.G. n° 34.723) qui informé par les parties (saisi et saisissant) que
plusieurs saisies conservatoires les opposent dans plusieurs arrondissements, les invite (à défaut de
pouvoir ordonner la jonction d'office, art. 856 al. 2 a contrario) à s'expliquer sur l'opportunité de
joindre les causes du chef de connexité.
177
( ) «Il faut éviter dans toute la mesure du possible qu'un requérant qui s'est vu refuser par
un juge l'autorisation qu'il sollicitait, ne puisse, aux mêmes fins, s'adresser à un autre juge» (Rapport
VAN REEPINGHEN, p. 404) ; il est toutefois difficile de réaliser ce souhait dans les faits car ni le
saisi ni le juge des saisies ne sont informés par le saisissant des procédures qu'il peut diligenter
successivement dans des arrondissements différents (K. BAERT, Algemene beginselen van
bewarend beslag, T.P.R., 1980, p. 293, n° 33).
178
( ) L'article 1565, al. 2 prévoit toutefois une exception en matière de saisie immobilière (G.
de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 124).
(1 79 ) Au sujet du règlement des incidents de compétence, voy. infra, n° 175/4.
RÈGLES COMMUNES 43

25) Le lieu de la saisie en cas de saisie-arrêt.

L'article 633 du Code judiciaire prévoit que «les demandes


en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution sont
exclusivement portées devant le juge du lieu de la saisie, à moins
que la loi n'en dispose autrement». Il s'agit d'une règle de
compétence territoriale d'ordre public qui a donné naissance, en
matière de saisie-arrêt, à une controverse : le lieu de la saisie est-il
le domicile du débiteur saisi ou celui du tiers saisi ? ( 180)
Dans un arrêt du 26 novembre 1982, la Cour de cassation
définit le lieu de la saisie-arrêt conservatoire comme étant celui où
le tiers est régulièrement atteint par l'acte de saisie : «il ressort des
dispositions légales relatives à la saisie-arrêt conservatoire, spécia-
lement des articles 1449, 1450, 1451 et 1457 du même code, que la
saisie-arrêt est pratiquée par signification de l'exploit de saisie ou
par notification de l'ordonnance, autorisant la saisie, au tiers saisi
et qu'elle est dénoncée ultérieurement au saisi ; le lieu de la saisie
est, dès lors, le lieu où l'exploit est signifié au tiers saisi ou celui où
la notification est reçue ; aucune loi n'en dispose autrement» (1 81 ).
De lege lata, la paix judiciaire impose le respect de cette
décision tant au stade conservatoire qu'exécutoire (où la saisie se
réalise toujours chez le tiers par voie de signification) (1 82) mais
cette solution n'est pas satisfaisante.
Au niveau des principes, il est inexact de prétendre que le
bien saisi se trouve nécessairement au lieu où l'acte de saisie est
signifié ou notifié. La créance est un meuble incorporel qui peut
aussi bien être rattaché au domicile du créancier (le saisi) qu'à celui

("'")Voy. à ce sujet, G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles


communes aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et
d'exécution - Bilan et perspectives, Ed. du Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, n° 19 à 22, p. 23 à 27 ;
A.M. STRANART, La saisie-arrêt, même ouvrage, p. 121 à 125.
81
(' ) Pas., 1983, 1, 397; R.W., 1982-1983, 2113; R.D.C., 1983, 345 et note J. LAENENS;
Cass., 4 février 1983, Pas., 1983, 1, 646 ; comp. F. TOP, Loonbeslag, loondelegatie en loonover-
dracht: problemen bij de evenredige verdeling, T.P.R., 1983, p. 374, n° 24 et 25 qui retient le lieu de
signification au tiers saisi mais estime que lorsque la saisie porte sur des effets dus par le tiers au saisi,
le lieu de la saisie est déterminé par le lieu de situation de ces objets.
82
(' ) Arr. Liège, 6 octobre 1983, Jur. Liège, 1983, 505 et obs. G. de LEVAL; Arr. Tournai,
23 mars 1984, R.G. n° 18.887 et Civ. Liège, ch.s., 6 octobre 1986, R.G. 78.392/86 (mainlevée de
saisie-arrêt-exécution) ; Arr. Tournai, 14 septembre 1984, R.G. n° 19.466 (procédure du visa) ; Arr.
Liège, 20 mars 1986, Jur. Liège, 1986, 267 et Civ. Anvers, ch.s., 19 janvier 1987, Ann. Dr. Liège,
1987, 262 (visa); contra Arr. Hasselt, 16 septembre 1986, R.G. n° 86.B.1420 (cette décision retient
le domicile du saisi en matière de visa).
44 TRAITÉ DES SAISIES

du débiteur (tiers saisi) (1 83 ) ; or, c'est la situation du saisi qui est à


la base de la saisie. Ainsi, il est anormal de devoir s'adresser au
juge du domicile du tiers saisi, devant lequel celui-ci ne comparaît
pas, pour solliciter l'organisation d'un cantonnement ou l'octroi du
visa (art. 1544 C. jud.).
En pratique, il est beaucoup plus commode pour les parties
directement impliquées (le créancier et le débiteur saisi) de fixer le
lieu de la saisie-arrêt au domicile de celui-ci et non en un lieu
occasionnel, voire multiple et changeant, parfois beaucoup plus
éloigné ; l'unicité de domicile du débiteur saisi permet d'éviter la
dispersion de procédures dont les résultats pourraient être malaisé-
ment conciliables.
Enfin, la solution dégagée par la Cour de cassation, outre
qu'elle génère un encombrement excessif de la juridiction des
saisies de Bruxelles (siège de multiples tiers saisis), est impraticable
lorsque le domicile du tiers saisi est inconnu au moment du dépôt
de la requête ; elle est source d'insécurité pour le saisissant dont
l'acte de saisie serait signifié ou notifié en un lieu autre que le
domicile ou le siège du tiers saisi en considération duquel le lieu de
saisie a été déterminé pour le dépôt de la requête (1 84 ) ; elle est
totalement injustifiée lorsqu'elle impose au saisissant ou au saisi de
diligenter la procédure dans l'arrondissement du tiers sans que
celui-ci soit à la cause (autorisation de saisir, mainlevée, cantonne-
ment, visa, etc.).
Il importe d'insister sur ce que le choix du domicile du
débiteur saisi ne s'effectue pas au détriment du tiers saisi car si la
déclaration de celui-ci n'est pas contestée, il ne peut être fait
aucune procédure ni de la part du tiers saisi, ni contre lui (art. 1542,
al. 3) et si le tiers saisi conteste sa dette envers le saisi, la cause est
renvoyée devant le juge compétent (art. 1456, al. 2 et 1542 al. 2 C.
jud.) sans qu'à ce niveau les articles 639 et 640 du Code judiciaire
ne soient applicables (1 85). Aussi, ce n'est que si la responsabilité

83
(' ) Ainsi, un arrêt du Tribunal Fédéral Suisse du 14 décembre 1981 (Rec. Off. 1982, III, n"
33, p. 147) décide que «les créances non incorporées dans des papiers-valeurs sont en principe
séquestrées au domicile de leur titulaire, le débiteur poursuivi». Toutefois si celui-ci n'a pas de
domicile en Suisse, «la créance est séquestrée au domicile ou au siège du tiers-débiteur» (infra, n"
26).
184
( ) La compétence territoriale est alors déterminée en fonction d'un critère inconnu au
moment du dépôt de la requête !
185
( ) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979. p.
369, n" 82 et réf. cil. ; La saisie-arrêt, Liège, 1976. p. 231, n° 154.
RÈGLES COMMUNES 45

du tiers saisi est engagée que le juge du lieu de la saisie est


compétent envers lui.
De lege ferenda, il est symptomatique de constater que la
proposition de loi qui optait pour la compétence du domicile du
tiers saisi en remplaçant à l'article 633 du Code judiciaire, les mots
«de la saisie» par les mots «où la saisie a été exécutée» (1 86 ) a été
amendée par la Commission de Justice du Sénat dont «la préfé-
rence allait au juge des saisies du domicile du débiteur saisi» (1 87 ).
Toutefois, en remplaçant à l'article 633, les mots «de la saisie» par
les mots «du domicile du débiteur saisi», le texte adopté par la
Commission généralisait une règle qui ne se justifie qu'en matière
de saisie-arrêt en raison de la présence d'un tiers saisi. «Pour
traduire correctement la décision de la Commission de la Justice, il
convenait donc de laisser inchangé le texte actuel de l'article 633 et
de le compléter par un second alinéa réglant spécifiquement
l'hypothèse de la saisie-arrêt» (1 88 ).
En définitive, il est projeté de compléter l'article 633 du
Code judiciaire par l'alinéa suivant: «pour l'application de l'alinéa
1er en matière de saisie-arrêt, le lieu de la saisie est le domicile du
débiteur saisi» (1 89 ).

26) Le lieu de la saisie-arrêt au niveau international.

A. - Définition.
La souveraineté nationale s'oppose à ce qu'une autorité
étrangère exerce en Belgique des prérogatives de la puissance
publique. En matière de saisies, les règles internes de compétence
territoriale ne sont donc pas nécessairement transposables à l'ordre
international (1 90). Si à ce niveau, le lieu de la saisie mobilière ou
immobilière se définit comme dans l'ordre interne, il n'en va pas de
même pour le lieu de la saisie-arrêt lorsque le saisi n'est pas
domicilié dans le pays où se trouve l'objet de la créance. Dans cette
hypothèse, le lieu de la saisie-arrêt est celui où se concrétise la

(1 80 ) Proposition de loi modifiant l'article 633 du Code judiciaire. Doc. Pari.. Sénat, 1981-
1982, n" 5411.
87
(' ) Doc. Pari.. Sénat. 1981-1982, (session 1984-1985), n° 54/2.
88
(' ) lb.; Doc. Pari., Sénat, 1981-1982 (session 1984-1985). n° 54/3.
89
(' ) Projet de loi modifiant l'article 633 du Code judiciaire. Doc. Pari. Ch .. 1984-1985. n"
1035/1.
(1 90 ) A. PONSARD, rapport avant Cass. Fr.. 6 novembre 1979, Clunet, 1980, 98 et réf. cil.
46 TRAITÉ DES SAISIES

mesure d'interception de l'objet dû par le tiers au saisi ; seul est pris


en considération l'endroit où peuvent être effectivement conservés,
payés ou réalisés les sommes ou effets dus par le tiers saisi ;
généralement, ce lieu correspond au domicile ou au siège social du
tiers mais si tel n'est pas le cas, seul est retenu le lieu de situation de
l'objet de la créance saisie-arrêtée (1 91 ).
Seul le juge belge est compétent pour connaître d'une
saisie-arrêt portant sur des avoirs localisés en Belgique ; ainsi, une
saisie-arrêt conservatoire autorisée à l'étranger ne peut frapper
d'indisponibilité en Belgique les sommes ou effets dus par le tiers
(1 92). Réciproquement, le juge belge ne peut efficacement connaî-
tre d'une saisie-arrêt qui se matérialise à l'étranger (1 93 ). En
matière de saisie sensu stricto (1 94), il y a chaque fois coïncidence
entre la compétence législative et la compétence juridictionnelle
quelles que soient la nationalité des Earties, la situation de leur
domicile et la loi régissant la créance ( 5).

(1 91 ) Cass. Fr., 4 mai 1976, Bull., 1976, 1, 123; il est traditionnellement affirmé en doctrine
que la juridiction compétente en matière de saisies est celle du pays de la situation des biens à saisir
(Loussouarn et Bourel, Droit international privé, 2ème éd., n° 488; Niboyet, note S. 1932, 1, 137;
Fouchard, D. Rép. dr. int., V0 Biens, n° 106 s. ; Battifol, Francescakis et le Galcher-Baron, ibid.,
V° Compétence civile et commerciale, n" 115; Patarin, ibid., V0 Saisies, n° 2; Mercier, ibid., V0
Saisie-arrêt, n° 5; Huet, J.Cl. dr. int., Fasc., 581-C, n° 90; J. PREVAULT, note sous Cass. Fr., 19
novembre 1985, Dall., 1986, Jur. 362; R. VANDER ELST et M. WESER, Droit international privé
belge et droit conventionnel international, T. II, Conflits de juridictions par M. WESER et P.
JENARD, Bruxelles, Bruylant, 1985, p. 435). Comp. en matière de délégation de sommes: «le seul
critère adéquat est que le tiers auquel le juge de paix enjoint de se libérer entre les mains d'un
conjoint à l'exclusion de l'autre, réside en Belgique, ou soit une entreprise ayant une succursale ou un
siège d'opération, et sans doute aussi que le conjoint délégataire réside en Belgique ou y ait fait
élection de domicile, de manière à ce que le paiement à propos duquel s'opère la substitution de
créancier soit localisé en Belgique« (F. RIGAUX, Quelques réflexions sur la loi du 14 juillet 1976,
Droit interne et droit international, R.T.D.F., 1978, 25).
(1 92 ) Bruxelles, 24 juin 1977, Pas., 1978, II, 27; J.T., 1977, 747 et obs. A. KOHL.
L'ordonnance d'autorisation de saisir à titre conservatoire ne doit pas être confondue avec le
jugement étranger de condamnation qui peut éventuellement être pris en considération comme
constitutif du titre permettant de pratiquer une saisie conservatoire (infra, n° 170).
(1 93 ) «Le tribunal saisi doit constater son défaut de juridiction quand la mesure sollicitée
implique un acte de coercition localisé hors du territoire de l'Etat du for ou comporte une injonction
adressée à des autorités étrangères» (F. RIGAUX, Droit international privé, Larcier, 1979, T. II, p.
181, n° 792). Au sujet de la déclaration de tiers saisi, voy. cependant Cass. fr., 30 mai 1985, Rev.
Crit. D.l.P., 1986, 329 et obs H. BATIFFOL.
(1 94 ) Indépendamment de la loi applicable au fond (infra n" 158 B).
(1 95 ) Cass. Fr., 29 février 1984, Rcc. Crit. D.l.P., 1985, 545 et obs. A. SINAY-CYTER-
MANN; J.C.P., 1984, IV, 144: les procédures conservatoires et d'exécution relèvent des lois de
compétence de l'Etat où ces procédures sont diligentées, même si d'autres juridictions sont
internationalement compétentes pour statuer sur le fond: infra, n° 44 B: adde J. SAGE, Chronique
de jurisprudence, Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., 1985, 405 et note 10 et J.P. REMERY, obs. sous Cass.
Fr., 25 février 1986, J.C.P., 1987, II, n" 20776 II (en matière de faillite). Une clause d'élection de for
est sans incidence en la matière (Civ. Bruxelles, ch. s., 11 mai 1987, R.G., n°s 140.710, 140.711 et
146.860, réf. à F. RIGAUX, Droit international privé, T. II, Bruxelles, Larcicr, 1979, n" 1162, p.
390; voy. aussi Versailles, 13 mai 1986, Dall., 1987, Sommaires commentés, 348 et ohs. B. AUDIT).
RÈGLES COMMUNES 47

B. - Utilité et légalité de l'exequatur.


Pourrait-on admettre qu'une saisie-arrêt autorisée par un
juge étranger soit pratiquée en Belgique après avoir reçu l'exequa-
tur de la justice belge ? Une telle procédure retarderait la mise en
oeuvre d'une mesure par définition urgente ; son efficacité serait
dès lors compromise d'autant plus que le caractère contradictoire
de la procédure d'exequatur la priverait de l'effet de surprise que
doit revêtir, à son début, la saisie-arrêt.
La procédure unilatérale d'exécution prévue par les articles
31 et suivants de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968
n'est généralement pas applicable; en effet ; «les décisions judiciai-
res autorisant des mesures provisoires ou conservatoires, rendues
sans que la partie contre laquelle elles sont dirigées ait été appelée à
comparaître et destinées à être exécutées sans avoir été préalable-
ment signifiées, ne bénéficient pas du régime de reconnaissance et
d'exécution prévu par le titre III de la Convention du 27 septembre
1968, relative à la compétence judiciaire et l'exécution des décisions
en matière civile et commerciale» (1 96 ).
Bref, afin d'éviter une double procédure au lieu de
l'autorisation et au lieu de l'exécution, il est plus expédient
d'entamer une unique procédure de saisie dans l'état du for, ce qui
nécessite le diligentement d'autant de procédures qu'il y a de pays
dans lesquels la mesure doit être mise en oeuvre. En ce cas, le juge
des saisies n'est pas lié par la motivation des décisions d'un juge
étranger qui eut déjà à se prononcer sur une demande de saisie ; il
lui suffit de constater que la créance est certaine, liquide et exigible
(197).

196
( ) C.J.C.E., 21 mai 1980, Aff. DENILAULER cl S.N.S. COUCHET Frères, n° 125179,
Rec., 1980, 1553 et conclusions de M. I' Avocat général MA YRAS ; Clunet, 1980, 939 ; P. GOTHOT
et D. HOLLEAUX, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Ed. Jupiter (Exporter),
1985, p. 136 à 138, n" 241; A. VANDENCASTEELE, La reconnaissance et l'exécution des mesures
provisoires et conservatoires dans la Convention sur la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968, J.T., 1980, 737 à 739. L'arrêt du 21
mai 1980 énonce notamment: «C'est certainement le juge du lieu ou en tout cas l'Etat contractant où
sont situés les avoirs qui feront l'objet des mesures sollicitées qui est le mieux à même d'apprécier les
circonstances qui peuvent amener à octroyer ou à refuser les mesures sollicitées ou à prescrire des
modalités et des conditions que le requérant devra respecter afin de garantir le caractère provisoire et
conservatoire des mesures autorisées. La Convention a tenu compte de ces nécessités en prévoyant
dans son article 24 que les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un Etat
contractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de la
Convention, une juridiction d'un autre Etat contractant est compétente pour connaître du fond».
Adde P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cil., n° 203, p. 115-116. Voy. au sujet d'une mesure de
séquestre ordonnée sur requête unilatérale, Civ. Luxembourg (Réf.). 17 juin 1981, Cah. Dr. Eur.,
1985, 477, n° 108. Sur la loi applicable au fond, infra, n° 158.
(1 97 ) Gand, 31mars1983, J.P.A., 1983-1984, 77.
48 TRAITÉ DES SAISIES

Au niveau des principes pourrait-on cependant décider que le


caractère exclusivement territorial du droit des saisies, règle d'ordre
public international, empêche l'exequatur d'une décision par laquelle
un juge étranger autorise une saisie conservatoire (art. 570, 1° C.
jud.) ? Non, sil'onadoptelasolution admise en droit communautaire.
Aux termes de l'article 16, 5° de la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968, «sont seuls compétents, sans considération de
domicile, en matière d'exécution des décisions, les tribunaux de l'Etat
contractant du lieu de l'exécution» (1 98 ) ; or, cette compétence
exclusive «ne semble pas concerner les procédures par lesquelles un
tribunal est requis d'autoriser une mesure d'exécution. Les juridic-
tions des Etats membres n'hésitent pas à autoriser des saisies
conservatoires de biens situés sur les territoires d'autres Etats
contractants, et ne s'embarrassent nullement de l'article 16, 5°»
(1 99). «Cette solution est justifiée, écrivent MM. GOTHOT et
HOLLEAUX, car le fait d'autoriser une mesure d'exécution sur des
biens situés à l'étranger n'implique pas plus d'immixtion dans l'action
des organes étrangers chargés de l'exercice de la coercition, que celui
de prononcer un jugement ordinaire de condamnation, devant lui être
exécuté hors de son pays d'origine. Dans les deux cas, la souveraineté
de l'Etat étranger est protégée par les règles d'exequatur et par la
soumission des formes d'exécution à la loi de ce pays» (2°0 ).
198
( ) Au niveau de la Convention C.E.E., l'article 28, alinéa 3 interdit en principe qu'il soit
procédé par le juge de la reconnaissance ou de l'exécution au contrôle de la compétence des
juridictions de l'Etat d'origine, les règles relatives à la compétence ne concernant pas l'ordre public
visé à l'article 27, l" mais il y a notamment exception si les dispositions de la section 5 (art. 16) ont été
méconnues (art. 28, al. Ier). (Sur cette question, voy. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La
convention entre les Etats membres de la Communauté économique européenne sur la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Clunct, 1971, p. 777 à 779).
99
(' ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968
concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
entre les Etats membres de la Communauté économique européenne, Editions Jupiter 1985, Coll.
Exporter, n° 158, al. 2, p. 91 et réf. cit. et n° 203, p. 115 ; A. HUET, note sous Trib. Gde Inst., Nice,
25 juillet 1980, Clunet, 1982, p. 167-168 et réf. cit. ; J. SACE, Chronique de jurisprudence, Rev. Dr.
lnt. Dr. Comp., 1987, p. 314. note 14; contra, Arr. Bruges, 26 juin 1981, J.T., 1981, 728 qui, dans
ses motifs, admet l'application de l'article 16, 5° à l'autorisation de saisie-arrêt conservatoire.
(200 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., N° 158, al. 3, p. 91; adde C.J.C.E., 2 juillet
1985, Rev. Crit. D.J.P .. 1986, 341 et obs. H. GAUDEMET-TALLON; Clunet, 1986, 469. Adde P.
SCHLOSSER, Rapport sur la Convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de
l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à la convention concernant la
compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au
protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, J.O.C.E .. 5 mars 1979, n" C 59. p.
131, n° 207 : «Le groupe a également renoncé à faire figurer dans la convention des dispositions sur
la saisie de créances internationales, bien qu'il ait eu conscience des problèmes posés lorsque le
débiteur et le tiers saisi ont leur domicile dans un Etat différent. Si. dans un Etat, le tribunal du
domicile du débiteur est compétent pour la saisie de ces créances. l'Etat du domicile du tiers saisi peut
considérer la signification de la décision de saisie au tiers saisi comme une atteinte à sa souveraineté
et refuser tout effet à cette signification. En pareille situation, le créancier peut néanmoins se tirer
d'affaire en faisant déclarer exécutoire le jugement dans l'Etat du domicile du tiers saisi et en faisant
saisir dans cet Etat la créance du débiteur sur le tiers saisi dans la mesure où ledit Etat s'attribue une
compétence internationale pour une telle mesure».
RÈGLES COMMUNES 49

On souligne enfin que la compétence reconnue au juge de


l'Etat du lieu d'exécution en vertu du seul article 16, 5° ne concerne
pas l'action au fond tendant à obtenir un titre exécutoire (2° 1).
C. - Incidence sur la compétence au fond.
Une fois la saisie conservatoire pratiquée, surgit une
question fondamentale : le juge du lieu de la saisie est-il compétent
pour statuer au fond ?
Un arrêt de la Cour de cassation de France du 6 novembre
1979 (2°2 ) consacre la compétence des tribunaux français pour
statuer au fond à partir de la simple présence en France d'un
débiteur du débiteur ou de l'existence en France d'un immeuble
appartenant au débiteur. Normalement, il pourrait être logique que
le juge autorisant une saisie conservatoire renvoie le demandeur à
se pourvoir devant la juridiction étrangère compétente pour statuer
sur le fond mais il est évident que la règle de compétence du
«forum arresti » fondant la compétence au fond sur le lieu de la
saisie et non sur l'origine ou la nature de la créance litigieuse ou sur
le domicile d'une partie est particulièrement commode ; « l'avan-
tage de la règle est clair : la présence de biens saisissables sur le
territoire de l'Etat de saisie, garantissant que la décision au fond
sera suivie d'effet, fournit un «Chef objectif» de juridiction. Le
droit allemand rejoint là-dessus les droits anglo-saxons» (2°3).
Cette solution française peut-elle être transposée en Belgique où
avant l'entrée en vigueur du Code judiciaire on admettait que le
tribunal compétent pour connaître de la demande en validité d'une

(2° 1) C.J.C.E., 4 juillet 1985, Rec. Crit. D.l.P., 1986, obs. E. MEZGER; comp. toutefois.
obs. A. HUET sous cet arrêt in Clunet 1986. 450 à 453.
(2°2 ) Bull., 1979, 1, n° 269 p. 217. Adde Cass. Fr., 18 novembre 1986, Gaz. Pal., 1987, Pan.,
23 (C'est justement que la Cour d'appel a estimé que les Tribunaux français. seuls compétents pour
statuer sur l'instance en validité d'une saisie conservatoire pratiquée en France, peuvent éventuelle-
ment statuer sur l'existence de la créance invoquée par le saisissant, de nationalité étrangère, à
l'encontre d'un autre étranger, cette question préalable ne relevant pas de la compétence exclusive
d'une autre juridiction). Cet arrêt laisse au juge une large liberté d'appréciation (procès déjà engagé
à l'étranger ; disproportion entre la valeur des biens saisis et l'importance du litige, etc.) (G.A.L.
DROZ, note sous Montpellier. 2 mai 1985, Rev. Crit. D.l.P., 1987, p. 120-121. n"s 11à13; adde. P.
JULIEN, obs. sous Paris, 22 septembre 1982, Dall .. 1983, l.R .. p. 148-149 qui conclut: «Compte
tenu de ces effets importants, on doit attirer l'attention sur la formule employée par la Cour de
cassation, dans l'arrêt Nassibian, pour l'hypothèse où c'est une saisie-arrêt qui a été pratiquée en
France : «les tribunaux français peuvent statuer éventuellement à cette occasion sur l'existence de la
créance invoquée par le saisissant». 11 est sans doute souhaitable que, suivant certains exemples
étrangers, les tribunaux n'exercent cette compétence que lorsque celle-ci est confortée par d'autres
éléments de rattachement que la présence en France d'un débiteur du débiteur allégué»).
1
('" ) Martine REMOND-GOUILLOUD, obs. sous Poitiers, 13 février 1980, Rcv. Crit.
D.1.P .. 1982, p. 365.
50 TRAITÉ DES SAISIES

saisie-arrêt, l'était aussi pour statuer sur la contestation connexe


relative à l'existence de la créance, c'est-à-dire gour connaître de la
demande au fond dirigée contre un étranger ( 04 ) ? Si la suppres-
sion par le Code judiciaire de la demande en validité (dont un
succédané réapparaît à l'article 1544 au stade de l'exécution) et la
distinction entre régularité de la saisie et instance au fond permet-
tent d'émettre un doute sur le maintien de la jurisprudence
antérieure, ne peut-on admettre que l'article 635, 5° et 6° du Code
judiciaire permet encore de justifier la compétence internationale
des juridictions belges pour connaître du fond d'un litiA\e lorsqu'une
saisie conservatoire a été pratiquée en Belgique? (2 ) (206) (2°7).
En définitive, la solution la plus logique ralentit et complique le
règlement du litige en obligeant les parties à aller plaider devant les
juridictions d'un pays autre que celui où l'exécution forcée doit
nécessairement avoir lieu (2°8 ).

27) Mobilité de l'objet à saisir.

La connexité autorise le regroupement non seulement en


cas de présence simultanée de biens dans plusieurs arrondissements

(204 ) Cass., 17 novembre 1898, Pas., 1899, !, 21; Cass., 22 avril 1965, Pas., 1965, !, 871;
comp. art. 7 de la Convention belgo-néerlandaise du 28 mars 1925 sur la compétence judiciaire
territoriale, sur la faillite, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences
arbitrales et des actes authentiques.
205
( ) L'art. 635, 5° permet au minimum l'assignation au fond en Belgique de l'étranger qui y
demande la mainlevée d'une mesure conservatoire. Voy. aussi R. VAN DER ELST et M. WESER,
op. cit., T. II, Bruylant, 1985, p. 352 et 435.
(206) On observera que l'arrêt de la Cour de cassation de France du 6 novembre 1979 ne lie
pas la compétence pour statuer sur l'instance au fond à une instance en validité en ce qui concerne
l'inscription provisoire d'hypothèques ; nous précisons que nous avions soutenu la thèse opposée
dans notre ouvrage sur la saisie-arrêt, p. 245, n° 160. Voy. aussi en matière de saisie de bateaux et
navires, Rép. Not., La saisie mobilière, n° 518.
(2°7 ) Au sujet de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dont l'article 3 excluait
l'application des articles 52, 52 bis et 53 de la loi du 25 mars 1876 sur la compétence devenus les
articles 636 à 638 du Code judiciaire, il faut signaler que dans le texte tel qu'il est modifié par la
Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du
Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et par la Convention du 25 octobre 1982
relative à l'adhésion de la République hellénique, l'article 3 est modifié en ce sens que ne peuvent
être invoqués en Belgique contre les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant
l'article 15 du Code civil et l'article 638 du Code judiciaire (Loi du 31juillet1986 portant approbation
des actes internationaux précités, M.B., 17 octobre 1986, 14282). Partant, la Convention ne fait donc
plus entrave à la compétence du juge du lieu de la saisie pour connaître du fond de la demande même
si l'article 24 opère la distinction entre ces deux aspects.
(2°8 ) G. COUCHEZ, obs. sous Cass. Fr., 6 novembre 1979, Rev. Crit. D.I.P., 1980, p. 596;
comp. au sujet de l'art. 16, 1°, Conv. C.E.E., A. HUET, obs. sous C.J.C.E., 15 janvier 1985, Clunet
1986, 444.
RÈGLES COMMUNES 51

mais aussi lorsque le même bien se déplace successivement dans


plusieurs arrondissements. Ainsi, la saisie mobilière ou la saisie-
revendication autorisée par le juge du lieu où se trouve un véhicule
peut être pratiquée dans tout autre arrondissement où celui-ci se
trouvera au moment de la saisie pour autant que cette faculté soit
expressément prévue. Une solution semblable est applicable en
matière de saisie de bateaux et navires. L'article 1467, alinéa 1er
dispose que «le juge peut permettre de saisir conservatoirement les
navires et bateaux qui se trouvent dans le ressort du tribunal». Ce
texte rend compétent le juge des saisies dans le ressort duquel se
trouve le bâtiment soit au moment où il statue soit au moment où
l'ordonnance est exécutée (209 ). De même, en ce qui concerne les
aéronefs, est territorialement compétent le juge des saisies du lieu
où se trouve l'avion au moment où il statue ou du lieu d'atterrissage
de l'appareil (2 10).

28) Absence de lieu de saisie.


On lit dans les travaux préparatoires, à propos du canton-
nement, que lorsqu'il n'y a eu ni saisie, ni permission de saisie, la
compétence du juge des saisies est déterminée par le ressort du juge
dont la décision doit être mise à exécution (211 ). Cette règle -
dont l'opportunité est contestable car il n'y a pas nécessairement un
lien entre le ressort du juge qui a statué au fond et un incident
d'exécution (2 12) - n'est cependant formulée par aucun texte de
telle sorte que s'il n'y a pas de lieu de saisie, même potentiel
(2 13 ),en l'absence de règle spéciale, il y a lieu d'appliquer le droit
commun de la compétence (art. 624 et s.) (2 14 ).

2119
( ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 495; C. SMEESTERS et
G. WlNKELMOLEN, Droit maritime et fluvial, T. Jll, 2è éd., Bruxelles, Larcier, 1938, p. 436, n"
1237 et notes; adde J. THEUNJS, Beslag en tenuitvoerlegging, Art. 1467/1 in Gerechtelijk recht,
Artikels gewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer rechtswetenschap-
pen et R. DUJARDIN, Bewarend en uitvoerend scheepsbeslag, Kluwer rechtswetenschappen, 1986,
p. 35, n° 131.
(2 1") P. JULIEN, Procédure civile et voies d'exécution Dall., 1984, I.R., 243, obs. sous Paris,
14è ch., 20 janvier 1983 («Est territorialement compétent le juge du lieu d'atterrissage de
l'appareil»). De manière plus générale, on ne peut perdre de vue la rapidité avec laquelle un bien
(avion, bateau ... ) peut traverser la Belgique. A nos yeux, il est même parfaitement admissible (voy.
art. 18, al. 2) d'obtenir une autorisation de saisir même si l'objet à saisir ne se trouve pas sur le
territoire belge au moment du dépôt de la requête.
(2 11 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, p. 501; D. CHABOT-LEONARD, Saisies
conservatoires et saisies-exécutions, Bruylant, 1979, 162 ; voy. aussi G. de LEVAL, Aspects actuels du
droit des saisies, J.T., 1980, p. 626, n" 6 cet Arr. Charleroi, 24 janvier 1984, R.P. 771, inédit.
212
( ) Comp. infra, n" 39 J.

(2 13 ) Voy. par exemple infra, n° 39 Let 202 B.


(2 14 ) Au sujet de l'élection de domicile, voy. infra, n" 285/2.
52 TRAITÉ DES SAISIES

SECTION III- Règles de procédure (2 15 ).

29) Principe.
Les demandes sont introduites et instruites selon les
formes du référé, sauf dans les cas où la loi prévoit qu'elles sont
formées par requête (art. 1395, al. 2). Ce sont les formes procédu-
rales qui sont empruntées au référé, mais non les conditions de la
compétence ou les effets de la décision.

30) Introduction de l'instance.


Si généralement, l'instance est introduite par voie de
citation dont le délai est d'au moins deux jours, la loi prévoit, dans
certaines hypothèses, le recours à la procédure sur requête unilaté-
rale ; tel est le cas lorsqu'il s'agit de demander au juge des saisies
l'autorisation de saisir conservatoirement (art. 1417, al. 1er), le
renouvellement d'une saisie (art.1426,1437 et 1459) etc. (2 16).
Mais en dehors des cas spécifiés par la loi, il y a lieu de
revenir à la règle générale qui impose la saisine du juge des saisies
par voie de citation (ex : art. 1421 C. jud. en matière de vente de
marchandises périssables) (217 ) sous cette réserve qu'en cas d'abso-
lue nécessité, le juge des saisies peut être saisi par requête
unilatérale (art. 584, al. 3 et 1395, al. 2 cbnés) (2 18 ).

215
( ) Au sujet de la permanence du domicile, voy. infra. n° 263.
(2 16) Hormis les exceptions prévues par l'article 115. § 1er de la loi du 8 juillet 1976, les
Centres publics d'aide sociale ne peuvent intenter une action en justice (notamment, sous peine
d'irrecevabilité solliciter une autorisation de saisir sur requête unilatérale pour garantir le recouvre-
ment de sommes autres que celles visées à l'art. 115, § Ier, al. 1 in fine précité) que moyennant
l'autorisation du collège des bourgmestre et échevins (Civ. Bruxelles, ch.s., 30 juin 1986. R.R. , n°
20.550) (l'article 115, § Ier précité dispose: «Aucune autorisation n'est nécessaire aux centres publics
d'aide sociale pour se défendre en justice, agir en référé ou intenter les actions possessoires, celles en
recouvrement de loyers, fermages ou autres revenus ou en récupération de frais d'assitance. Les
centres publics d'aide sociale ne peuvent intenter les autres actions que moyennant !"autorisation du
collège des bourgmestre et échevins de la commune, siège du centre»). Par contre. le collège des
bourgmestre et échevins peut faire «tous actes conservatoires» pour la Commune sans autorisation
préalable du conseil communal (art. 148, L. communale).
217
( ) Dans certaines hypothèses, la détermination du mode de saisine du juge des saisies est

controversée : tel est le cas de la demande de visa en matière de saisie-arrêt qui scion nous peut être
formulée sans citation ni requête (art. 1544; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not.. n° 464 et
réf. cil.) et de la demande de radiation de toutes inscriptions et transcriptions grevant !"immeuble
adjugé, soumise, en principe. au droit commun (art. 1647, al. 2 ; G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not.,
n" 135 et réf. cil.).
218
( ) Supra, n° 23 in fine, infra n° 39 k; comp. et contra; J. van COMPERNOLLE, Examen

de jurisprudence (1972 à 1985), Droit judiciaire privé, Saisies conservatoires et voies d'exécution.
R.C.J.B., 1987, p. 401 et 408, n"s 4 et 8. Sur la notion d'absolue nécessité, voy. Cass .. 13 juin 1975.
Pas .. 1975, 1, 984 et note 1; Bruxelles, 13 juin 1986, Ing. Cons., 1986, 311 et R.D.C., 1987, 212.
RÈGLES COMMUNES 53

31) Délai de citation.

Le délai de citation est de deux jours (art. 1395 et 1035, al.


2). Le jour de l'échéance étant compris dans le délai, la citation ne
peut être donnée pour une audience tenue à cette échéance (sous
peine de nullité absolue, art. 710 et 862, §1er, 1°, C. jud.) mais au
plus tôt pour le lendemain du jour de l'échéance éventuellement
reporté conformément à l'article 53 du Code judiciaire (2 19 ).

Toutefois, il est parfois soutenu que la citation qui intro-


duit une tierce-opposition contre une décision rendue sur requête
unilatérale, doit, à peine de nullité absolue (art. 862, § 1er, 1°)
respecter le délai de huitaine (art. 707 et 710). Cette solution est
justifiée par la considération qu'en droit commun cette procédure
est introduite conformément aux règles prévues aux articles 700 et
suivants du Code judiciaire et qu'il a été expressément précisé que
«le débiteur contre qui une saisie conservatoire a été autorisée peut
faire opposition à cette décision dans les formes et délais prévus aux
articles 1033 et 1034» (220 ). Bref, les formes du référé ne sont
applicables que si la loi n'a pas expressément déterminé le mode
d'introduction et d'instruction de l'affaire, or, l'article 1419, al. 1er
se réfère expressément aux articles 1031 à 1034.

Cette solution est, à notre avis, critiquable. Certes, les


recours, qui peuvent être exercés contre une ordonnance autori-
sant, sur requête unilatérale, une saisie conservatoire, sont ceux
qui sont prévus par les articles 1031 à 1034 du Code judiciaire
mais, pour le surplus, la règle générale contenue dans l'article
1395, alinéa 2 du Code judiciaire doit recevoir application ;
partant, «l'introduction et l'instruction d'un tel recours a lieu
dans les formes prévues pour la procédure en référé» (2 21 )

(2 19 ) Civ. Anvers, ch.s., 4 juin 1985, R.W., 1985-1986. 1171 et note; voy. aussi Cass., 3
décembre 1979, Pas., 1980, 1, 408 et Trav. Liège, 20 avril 1976, Pas., III, 27 et J. van
COMPERNOLLE, op. cit., R.C.J.B., 1987, p. 409, n° 9.
(W>) Bruxelles, 7 février 1975, Pas., 1975, li, 106 et réf. au rapport VAN REEPINGHEN,
Pasin., p. 460 et 497; Anvers, 3 janvier 1979, R.W., 1980-1981, 108; J. van COMPERNOLLE,
Examen de jurisprudence. Droit judiciaire privé, Les voies de recours 1972-1985, R.C.J.B., 1986, p.
200. n° 62 et Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 409, n° 9.
(221 ) Réponse du Ministre de la Justice à l'avis du Conseil d'Etat en date du 29 juin 1964,
Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, p. 892, col. 2. On constate que ce point de vue s'écarte
de l'opinion formulée de manière succincte par le Commissaire Royal lorsqu'il précise que «le
débiteur contre qui une saisie conservatoire a été autorisée peut donc faire opposition à cette décision
dans les formes et délais prévus aux articles 1033 et 1034» (Rapport p. 497).
54 TRAITÉ DES SAISIES

(222). Cette règle s'impose d'autant plus que le débiteur peut être
légitimement pressé d'obtenir la mainlevée d'une saisie qui peut
être ruineuse pour lui. Il serait, par exemple, inadmissible de lui
refuser en matière de saisie conservatoire d'un bateau ou d'un
navire le bénéfice de l'article 1037 du Code judiciaire qui prévoit
qu'en matière maritime et fluviale, la citation en référé peut être
donnée de jour à jour, ou d'heure à heure, sans ordonnance! De
même, il serait inadmissible de refuser au débiteur le bénéfice de
l'urgence alors gue le contenu de ses comptes serait en tout ou en
partie saisi ! (223 ).
La sécurité juridique exige enfin que le tiers-opposant
puisse introduire son recours en bénéficiant du même régime que
celui qui s'applique à toute demande bilatérale introduite par
citation devant le juge des saisies.

32) Communication pour avis au ministère public.

L'article 765 du Code judiciaire prévoyait dans sa version


originaire que : «en toutes matières déférées au tribunal de
première instance et à la cour d'appel, le juge appelé à siéger seul
ne statue, à peine de nullité, qu'après avoir entendu l'avis du
ministère public. Cette règle n'est pas applicable au juge des
référés, au juge des saisies et lorsque la loi en dispose autrement».
Sous l'empire de cette disposition on écrivait: «les causes ne sont
pas obligatoirement communicables pour avis au ministère public
(art. 765, al. 2. C. jud.) mais le juge des saisies a la faculté de
requérir à cette fin la présence du ministère public qui peut aussi
prendre une telle initiative (art. 764 in fine). Les contestations
suscitées par les saisies conservatoires et les voies d'exécution
peuvent présenter certains aspects qui les rattachent aux litiges

(2 22) Voy. en ce sens: D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécu-


tions, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 75-76; K. BAERT, Algemene beginselen van bewarend beslag,
T.P.R., 1980, p. 292, note 56 et réf. cit.; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T.,
1980, p. 628, n° 17 B et réf. cit. ; J. LAENENS, obs. sous Anvers, 3 janvier 1979, R.W., 1980-1981,
108; J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence (Du Code judiciaire à 1982), Larcier,
1984, p. 42, n° 95; F. TOP, Beslag en tenuitvoerlegging, art. l395n8 in Gerechtelijk recht,
Artikelsgewi jze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer Rechtwetenschap-
pen; Civ. Mons, 21octobre1974, Pas., 1976, III, 4; Civ. Dinant, 11octobre1977, J.L., 1977-1978,
147; Civ. Courtrai, ch.s., 26 janvier 1981, J.T., 1982, 379; Civ. Louvain, ch.s., 7 septembre 1982,
R.W., 1983-1984, 451; Civ. Bruxelles, ch.s., 25 novembre 1986, R.W., 1986-1987, 2867.
(223 ) Certes, la solution ici critiquée pourrait être contournée en sollicitant une abréviation du
délai de citation (art. 708 C. jud.) mais il ne s'agit que d'un remède tout à fait partiel dans la mesure
où des démarches supplémentaires sont exigées du saisi.
RÈGLES COMMUNES 55

énumérés par l'article 764 du Code judiciaire ; c'est spécialement


dans de telles hypothèses que la présence du parquet peut être
opportune» (224). La loi du 4 mai 1984 a remplacé l'article 765 par
la disposition suivante : «le tribunal de la jeunesse et la chambre de
la jeunesse de la cour d'appel ne statuent, à peine de nullité,
qu'après avoir entendu le ministère public en son avis ou en ses
réquisitions». L'unique objet de cette loi est de modifier l'article
765 en ce qu'il rendait obligatoire l'avis du ministère public devant
un juge unique (225 ). La situation du juge des saisies, qui n'était
pas concerné par cette règle, demeure donc inchangée ; il conserve,
tout comme le ministère public, la possibilité de rendre une cause
communicable (art. 764, dernier alinéa) mais en aucun cas le
législateur n'a eu l'intention de lui rendre applicable, ainsi qu'au
juge des référés, la règle générale de l'article 764, alinéa ter (226 )
qui ne concerne que les causes soumises au juge du fond. Ce n'est
donc que lorsque le juge des saisies statue comme juge ordinaire
qu'il est soumis à cette règle générale (227).

33) Instruction du litige.

A moins que la cause n'appelle que des débats succincts


(art. 741, C. jud.), des conclusions peuvent être déposées devant
toutes les juridictions y compris devant le juge des référés et le juge
des saisies. Si la nature du contentieux et les exigences de célérité
ne permettent pas le respect des délais prévus par l'article 748,
alinéas 1 à 3, l'article 748, alinéa 4 prévoit que ces délais peuvent
être modifiés amiablement ou, les parties entendues ou appelées,
par le juge.
Le cas échéant, des mesures d'instruction peuvent être
ordonnées ou autoris.ées (ex. enquête ou expertise dans le cadre
d'une action en distraction) mais une telle éventualité est excep-

(2 24 ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies


conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Bilan et
perspectives, Editions du Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, p. 27, n° 23.
(225 ) Projet de loi modifiant l'article 765 du Code judiciaire, Doc. Pari. Sénat, Sess., 1983-
1984, n° 420/2.
(2 26 ) A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n° 311, p. 242 et n° 449 E, p.
335; J. LAENENS, De rechterlijke macht in beweging, R.W., 1984-1985, 2540, n° 8 et De rechter in
kortgeding: vrijbuiter in faillissementszaken, R.D.C., 1986, p. 312, n° 3; comp. P. MAHILLON,
La loi du 17 juillet 1984 portant certaines mesures de nature à réduire l'arriéré judiciaire, J.T., 1984,
p. 577, note 4.
(2 27 ) Supra, n° 14 in fine.
56 TRAITÉ DES SAISIES

tionnelle car le litige est le plus souvent soumis au juge des saisies
avant ou après que le juge du fond se soit prononcé de telle sorte
qu'une mesure d'instruction peut être soit inadaptée (2 28 ) ou
prématurée soit non pertinente.

34) Exécution provisoire.

Rendues sur requête unilatérale (art. 1029, al. 2) ou dans


les formes du référé (art. 1039, al. 2 et 1395, al. 2), les décisions du
juge des saisies sont, de plein droit, exécutoires par provision (229).
Il est essentiel qu'elles soient immédiatement opérationnelles sous
peine de perdre tout ou partie de leur efficacité.
La règle est applicable à toutes les décisions rendues en
matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution et notam-
ment en matière d'action en distraction (art. 1514) (230). Cette
solution est toutefois contestée au motif essentiel que les formes du
référé cesseraient d'être applicables lorsque le juge des saisies est
appelé à statuer au fond (231 ). Certes, l'exécution provisoire
n'assortit pas de plein droit les décisions rendues par le juge des
saisies en sa qualité de membre à part entière du tribunal civil lui
permettant de connaître d'autres litiges que ceux suscités par les
mesures conservatoires ou d'exécution (art. 88, § 2 et 568 C. jud.)
(232 ) mais lorsque le litige est régi par la matière des saisies, la
décision est nécessairement de plein droit exécutoire par provision
sauf dérogation expresse ou tacite.
Il existe en effet des exceptions au principe suivant lequel
les décisions du juge des saisies bénéficient de plein droit de
l'exécution provisoire. Ainsi, le jugement rendu sur une opposition
à saisie-arrêt-exécution (art. 1541 C. jud.) n'est pas d'office
exécutoire par provision (art. 1543, al. 2, C. jud.) (2 33 ); de même,
la procédure de règlement judiciaire d'un incident de répartition est

228
( ) Voy. infra n" 165.
(229 ) G. de LEV AL, Aspects actuels du droit des saisies, J. T., 1980, p. 630, n° 26 ; G. de
LEV AL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., p. 28, n" 25 ; J .L. LEDOUX, Les saisies, Chronique
de jurisprudence (Du code judiciaire à 1982), Larcier, 1984, p. 27, n° 36.
(23-0) Civ. Anvers, ch.s., 30 décembre 1982, R.W., 1983-1984, 307; Civ. Bruxelles, ch.s., 19
juin 1986, R.G., n° 1778, inédit; contra Civ. Turnhout, ch.s., 25 mars 1982, R.W., 1983-1984, 304.
(2 3 ') J. LAENENS, Is de beschikking van de beslagrechter inzake revindicatie van rech-
tswege uitvoerbaar bij vooraad ?, R.W., 1983-1984, 306.
232
( ) Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1395, n° 5/5 ; supra, n° 14.
233
( ) Liège, 24 décembre 1981, Jur. Liège, 1982, 133; Rép. Not., La saisie mobilière, n° -166.
RÈGLES COMMUNES 57

organisée de manière telle que les décisions qui en résultent ne sont


pas de plein droit immédiatement opérationnelles (voy. les art.
1636, 1649, 1650 et 1670) (2 34 ) (235 ).
Le théoricien reproche parfois au praticien l'utilisation de
formules superfétatoires. Une telle critique ne peut être articulée à
l'égard du plaideur qui, échaudé par le caractère flexible de la
règle, termine ses conclusions en demandant «pour autant que de
besoin l'exécution provisoire du jugement à intervenir».
Il importe toutefois d'éviter l'effet pervers d'une telle
précaution en prétendant erronément qu'à défaut de mention
expresse de cette qualité, le titre ne serait pas, en règle, de plein
droit, exécutoire par provision (236) ou que de manière générale, le
juge pourrait lui-même déroger à cet effet qu'attache la loi à sa
décision {237 ).

35) Astreinte.
L'astreinte n'est pas directement une modalité de l'exécu-
tion forcée mais une condamnation accessoire et éventuelle s'il n'est
pas satisfait à la condamnation principale. Il s'agit donc d'un moyen
de pression destiné à contraindre le plaideur récalcitrant (238).
Le juge des saisies (239 ) peut recourir à !'astreinte, dont il
fixe souverainement le montant et les modalités (240 ), pour autant
que l'une des parties en ait fait la demande.

234
( ) Rép. Not., L'ordre, n" 115 ; Rép. Not., Distribution par contribution, n" 64.
(235 ) Voy. aussi dans le même sens l'art. 1405, al. 5 en matière de cantonnement effectué, à
l'intervention de l'huissier, à la Caisse des Dépôts et Consignations (infra, n° 202 A).
(236) Lorsqu'une décision est exécutoire de plein droit, le juge n'a pas à en ordonner
expressément l'exécution provisoire (Cass. Fr., 15 décembre 1976, J.C.P., 1978, II, n° 18.874,
impl.).
237
( ) E. GENIN, Traité des hypothèques et de la transcription, Mis à jour par R. PONCELET

et A. GENIN, Rép. Not., T. X, Bruxelles, Larcier, 1980, n" 714 se référant àJ.C. LORPHEVRE, Le
Code judiciaire et la loi hypothécaire, Bruylant, 1970, p. 53 ; «Le juge des saisies ferait oeuvre utile en
notre matière en dérogeant à la force exécutoire immédiate des ordonnances, comme la loi lui en donne
d'ailleurs le pouvoir». Cette affirmation est inexacte car l'article 1039, al. 2 C. jud. ne permet de
déroger qu'à la dispense de caution ! Une dérogation judiciaire à l'exécution provisoire de plein droit ne
peut résulter que d'un texte spécial (voy. art. 1029, C. jud. ; infra, n° 268 A.).
(2 38 ) G. de LEVAL, obs. sous Civ. Liège, Réf., 2 juillet 1980, Jur. Liège, 1980, 243; Cass.
Fr., 14 novembre 1979, Bull. Civ., li, n" 250; Dall., 1980, 1.R., 463, obs. P. JULIEN.
239
( ) «Le juge des référés et le juge des saisies sont expressément cités dans les travaux
préparatoires»(!. MOREAV-MARGREVE, L'astreinte, Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, 62 et réf. cil. ;
F. TOP, op. cil., Commentaar, Art. 1395/72).
(240 ) C.J. Benelux, 2 avril 1984, J.T., 1984, 614; R.W., 1983-1984, 2681 et concl. de M.
KRJNGS; 1. MOREAV-MARGREVE, op. cil., Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, p. 22; F. TOP, ib.
58 TRAITÉ DES SAISIES

L'astreinte ne peut être prononcée en cas de condamnation


au paiement d'une somme d'argent (art. 1385 bis C. jud.) (241 )
mais sous cette réserve, elle peut notamment assortir une décision
ordonnant la mainlevée d'une saisie (242 ) et même une «Condam-
nation principale à un «facere» ou à un «non facere» relatif à une
somme d'argent» (2 43 ) (244 ).

Le juge des saisies auquel la cause est valablement attri-


buée n'a pas le pouvoir de prononcer une astreinte pour contrain-
dre une partie récalcitrante à l'exécution d'une décision de justice
antérieurement prononcée sans astreinte par un autre juge (245 ).
De même, le juge des saisies qui n'a pas ordonné l'astreinte ne peut
en prononcer la suppression en cas d'impossibilité de satisfaire à la
condamnation principale (art. 1385 quinquies) (246).

(2 41 ) Bruxelles, 10 février 1984, J.T., 1984, (condamnation du tiers saisi comme débiteur pur
et simple des causes de la saisie) adde 1. MOREAU-MARGREVE, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1982,
p. 71 à 74. Au niveau des principes, il reste que la saisie ne rend pas sans objet J'astreinte qui
recherche le concours actif du débiteur en permettant d'éviter la procédure plus longue et plus
coûteuse de la saisie (I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 40).
242
( ) Anvers, 18 mai 1983, R.W., 1983-1984, 2693 (mainlevée d'une saisie-arrêt conservatoire
sur un compte en banque sous astreinte de 50.000 francs par jour de retard encourue 24 heures après
la signification du jugement - art. 1385 bis, al. 4 - sans que le montant ne puisse excéder 500.000
francs). Adde. Comm. Hasselt, 18 décembre 1986, Limb. Rechtsl., 1987, 99; comp. Civ. Bruxelles,
ch.s., 13 mars 1987, A.R., n° 19.625 (la condamnation accessoire n'est pas prononcée car la décision
garantit l'efficacité de la mainlevée en énonçant qu'elle en tiendra lieu à défaut d'exécution volontaire
dans les 48 heures de la signification).
(243 ) C. PANIER, Observations sous Civ. Huy, 23 février 1982, J.T., 1982, 467 qui cite
comme exemples : consignation, dépôt en compte bloqué, constitution de garantie, remise à un tiers
même au titre de paiement; Voy. aussi 1. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 72-74; G. de
LEVAL, Saisies et droit commercial in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant,
1983, 283-284; J.L. RENCHON, Le recours à !'astreinte dans les relations familiales, R.T.D.F.,
1986, p. 302, n° 10; C.J., Benelux, 9 juillet 1981, J.T., 1981, 536; R.W., 1981-1982, 303 et obs. M.
STORME ; C.T., Bruxelles, 4 janvier 1985, Jur. des Jur. du Tr. de Bruxelles, 1986, 8; Civ.
Bruxelles, Réf., 10 janvier 1986, Entr. et Dr., 1986, 166; V. POULEAU, Astreinte et droit familial,
J.T., 1987, p. 202, n° 8.
(244 ) Adde le cas où le juge condamne le saisi à une astreinte de 50.000 francs par refus
opposé aux candidats-acquéreurs ou au notaire de visiter l'immeuble saisi (Civ. Bruxelles, ch.s., 19
janvier 1987, R.G. n° 33857 inédit).
245
( ) 1. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 65 et note 176; Civ. Bruxelles, ch.s., 20 mai
1987, J.L.M.B., 1987, 1223; adde. art. 1385 bis al. 2 C. jud. et V. POULEAU, op. cit., J.T., 1987,
p. 201, n° 6 et réf. cit.
(246 ) C.J. Benelux, 25 septembre 1986, R.W.,1986-1987, 1333, et conclusions de M. !'Avocat
général E. KRINGS; G.L. BALLON, Dwangsom, A.P.R., n° 202, p. 72; 1. MOREAU-
MARGREVE, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1982, 83-84; comp. Bruxelles, 9 novembre 1983, J.T., 1984,
177; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 29 avril 1987, R.G. n° 20937 (lorsque pour justifier le non-respect
d'une condamnation principale et, partant, la non-débition de !'astreinte qui l'accompagnait, la partie
condamnée invoque des circonstances exceptionnelles ou des éléments de force majeure, il appartient
exclusivement au juge qui a ordonné )'astreinte d'en prononcer la suppression, en suspendre le cours
durant le délai qu'il indique ou la réduire, à la demande du condamné. Il n'appartient pas au juge des
saisies de se prononcer à cet égard).
RÈGLES COMMUNES 59

L'astreinte est définitive. Il n'y a pas de liquidation de


celle-ci et son recouvrement peut être effectué, pour autant que le
délai de prescription de six mois ne soit pas écoulé (art. 1385
octies), par les voies d'exécution ordinaires et en vertu du titre -
exécutoire à tout le moins par provision (2 47 ) - qui la prévoit
(248). Toute difficulté d'exécution relève également à ce stade de la
compétence du juge des saisies (2 49 ).

36) Voies de recours.


A. - Les décisions rendues sur requête unilatérale sont
passibles des recours prévus aux articles 1031 à 1034 ainsi qu'à
l'article 1419, alinéa 2 (changement de circonstances dont se
prévaut le saisi en dehors du délai pour formaliser une tierce-
opposition). Les décisions rendues dans les formes du référé sont
susceptibles d'opposition (en cas de défaut) (250 ) et d'appel sauf
lorsque la loi en dispose autrement singulièrement en matière de
saisie-exécution immobilière (art. 1624). Dans tous les cas, les
délais ne sont pas susceptibles de prolongation en raison des
vacances judiciaires (art. 50, al. 2 a contrario) ou de la signification
à l'étranger car les articles 1034 et 1039 ne prévoient pas l'augmen-
tation dont parle l'article 55.
Pour être utile, le recours, dirigé contre une décision
rendue en matière de saisies, doit prospérer avec célérité. Ainsi, en
degré d'appel, il y a lieu de suivre, sous peine de nullité relative, la
procédure accélérée (art. 1063, 1° et 4° ; art. 1057, 7°) (251 ) ; le
préjudice lié au non-respect de ces textes peut être plus aisément
réalisé qu'ailleurs compte tenu de l'influence directe que peut
exercer un recours, irrégulièrement diligenté, sur les intérêts
patrimoniaux du créancier ou du débiteur.

247
( ) Dans la mesure où l'astreinte garantit le respect d'une décision, sa mise en oeuvre est
subordonnée à l'efficacité exécutoire de celle-ci (C.J. Benelux, 5 juillet 1985, R.W., 1985-1986, 929 et
concl. E. KRINGS ; contra 1. MOREAU-MARGREVE, op. cit., p. 54 à 59).
(2 48 ) G. de LEVAL, note sous Civ. Liège, 2 juillet 1980, Jur. Liège, 1980, p. 244.
249
( ) Supra, n° 2 in fine et infra, n° 223 A e; Cass., 26 juin 1987, n" 5372; Civ. Liège, ch.s.,
28 octobre 1985, Jur. Liège, 1986, 79; V. POULEAU, op. cil., J.T., p. 203 n" Il et note 20.
(250 ) Le délai de citation est, en ce cas, de huitaine (Civ. Liège, Réf., 19 octobre 1984,
R.T.D.F., 1985, 65'et obs. G. de LEVAL; J. van COMPERNOLLE, op. cil., R.C.J.B., 1987, n" 9,
p.124; voy. toutefois, A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 377, n° 450;
Comp. supra, n° 31).
(251 ) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 519, n" 794 et s. Ce régime
est maintenu par le Projet de loi modifiant le Code judiciaire en matière d'instruction des demandes
et d'introduction des causes en degré d'appel, Doc. Pari., Sénat, Scss., 1982-1983, n" 365, art. 1066.
60 TRAITÉ DES SAISIES

Le contentieux des saisies peut être attribué à un conseiller


unique à moins que l'appelant, dans son acte d'appel principal ou
l'intimé par lettre adressée au greffier des rôles, au plus tard dans
les trente jours de la signification ou de la notification de l'acte
d'appel, ne sollicite l'attribution de la cause à une chambre
composée de trois conseillers (art. 109 bis, C. jud.) (252).
B. - Juge d'appel du juge des saisies, la Cour d'appel n'a
d'autre compétence ni pouvoir que le juge des saisies de telle sorte
qu'elle ne peut connaître d'une extension du contentieux qui
n'aurait pu être soumis au juge des saisies (253).
Inversément, ce n'est pas parce que le titre qui fonde la
poursuite est soumis à la juridiction d'appel, que celle-ci devien-
drait compétente, en raison de l'effet dévolutif, pour statuer sur
une contestation résultant d'une saisie conservatoire ou d'une voie
d'exécution. Il y a lieu de soumettre celle-ci au juge des saisies sauf
à exercer ensuite un recours contre la décision à intervenir.

C. - Lorsqu'un incident de compétence territoriale se poursuit


ou surgit en degré d'appel, il y a lieu d'appliquer les articles 643,
1068 et 1069 du Code judiciaire :
- en cas de réformation d'une décision du juge des saisies qui s'est
déclaré à tort territorialement iacompétent, il y a lieu à renvoi de
la cause devant le juge compétent siégeant en degré d'appel;
- en cas de confirmation d'une décision d'incompétence, il y a lieu
à renvoi devant le juge du premier degré compétent (art. 1069).
Dans les autres hypothèses, il y a lieu à effet dévolutif

252
( ) A. KEBERS, La loi du 19 juillet 1985, relative à la création de chambres à conseiller
unique au sein des Cours d'appel, J.T., 1985, p. 678, n°s 7 et 11.
(253 ) Mons, 5 mai 1978, J.T., 1978, 526; Mons, 18 juin 1985, !ère ch., R.G. n°s 7767, 7806 et
8003; comp. Gand, 12 janvier 1985, Rec. Gén., 1986, n° 23.267, p. 24; T. Not., 1985, 135;
T.V.B.R., 1985, 56; Rev. Not., 1986, 512; infra, n° 172 in fine; comp. en matière de référé G. de
LEVAL et A. KOHL, La demande reconventionnelle en degré d'appel, J.T., 1978, p. 506, n° 9.
(254 ) Sur tous ces points, voy. J. van COMPERNOLLE, op. cit., R.C.J.B., 1987, n° 44, p.
171 et réf. cit. (l'auteur présente tous les éléments d'une controverse dont le développement ne
trouve pas sa place dans les limites du présent traité) et Cass., 24 décembre 1987, R.G., n° 7739
(infirmation d'une décision par laquelle le premier juge s'est déclaré territorialement compétent -
renvoi de la cause devant le juge compétent siégeant en degré d'appel).
RÈGLES COMMUNES 61

CHAPITRE II-LES AGENTS DE L'EXECUTION.

37) La nécessité de recourir à des intermédiaires spécialisés.

Toute saisie nécessite la prise en considération de droits


opposés ou concurrents, la mise en oeuvre de formes précises et le
souci d'éviter toute brutalité inutile et de prévenir toute résistance
violente. Seuls des intermédiaires spécialisés peuvent avoir la
compétence et le tact nécessaires pour faire produire au titre, dans
le respect des droits en présence et de la légalité, ses effets
économiques (255 ).
Si le poursuivant ne peut procéder personnellement à des
saisies il peut prendre l'initiative de désigner (art. 1393) ou de faire
désigner (art. 1553, al. 1er et 1580) un officier public ou ministériel
afin que celui-ci accomplisse la mesure d'exécution. Généralement,
l'agent d'exécution est un huissier de justice ou un notaire.
Exceptionnellement, il s'agira du greffier chargé de la notification
de la saisie-arrêt conservatoire (art. 1449) ou du liquidateur chargé
de préparer la répartition du produit de vente d'un navire ou d'un
bateau (art. 1658).

38) Le mandat de l'agent d'exécution.

L'intermédiaire est un mandataire d'un type spécial. Ainsi,


le notaire désigné par le juge des saisies conformément à l'article
1580 du Code judiciaire n'est pas le mandataire du saisissant ou du
créancier ; ses fonctions sont celles d'un représentant judiciaire
d'un auxiliaire obligé du tribunal de première instance (256). De
même, l'huissier de justice n'exerce pas seulement ses fonctions en
qualité de mandataire ordinaire du poursuivant qui l'a chargé

(255 ) Ainsi E. GARSONNET et Ch. CEZAR-BRU (Traité théorique et pratique de


procédure civile et commerciale, 3ème éd., T. IV, Paris-Sirey, 1913, n° 5, p. 7-8), écrivent: «Le droit
de procéder à l'exécution forcée n'appartient qu'à des personnes investies d'un caractère public et
désignées à cet effet par la loi, par la justice ou par la partie poursuivante : il ne compète jamais à
cette partie qui pourrait l'exercer avec passion, provoquer le défendeur à des représailles, et fournir,
ainsi, un prétexte ou une excuse à des violences fâcheuses pour l'ordre public» (voy. aussi infra, note
262).
(256) Civ. Dinant, ch.s., 29 mai 1984, Jur. Liège, 1984, 483; J.T., 1985, 11 et obs. critiques D.
STERCK qui y voit un «auxiliaire obligé d'exécution»; voy. aussi R. BOURSEAU et P.
WATELET, Partage judiciaire. La commission des notaires en justice, Rev. Prat. Not., 1963, p. 81-
82. Dans un arrêt du 29 novembre 1984 (Rev. Not., 1985, 148), la Cour de cassation fait état de la
qualité de «fonctionnaire public» du notaire chargé de recevoir une contestation au cahier des
charges (art. 1582).
62 TRAITÉ DES SAISIES

d'instrumenter mais aussi comme agent des poursuites, soumis à


une discipline rigoureuse, agissant au nom de la collectivité des
créanciers (257).
L'agent d'exécution est un intermédiaire obligé dont la
tâche excède les limites de celle que lui confie son mandant ;
officier public ou ministériel, il a l'obligation comme auxiliaire de la
justice de tenir compte de tous les droits en concours et de
diligenter les procédures en se conformant strictement à la cin-
quième partie du Code judiciaire. Toute partie intéressée (créan-
cier ou débiteur) peut exiger de lui le respect de cette mission de
service public. Toute faute professionnelle engage sa responsabilité
qui peut être contractuelle envers son mandant et délictuelle vis-à-
vis des autres parties (258 ).
Ainsi, l'intermédiaire conserve son autonomie sous le
contrôle du juge des saisies ; les instructions d'un créancier ne sont
jamais suffisantes pour l'immuniser de toute responsabilité même si
les rapports entre l'agent et le requérant demeurent en principe
régis par les règles du mandat (259).

39) L'huissier de justice.


A. - Généralités.
L'huissier de justice réalise la mise en oeuvre effective des
droits du créancier. Si le but de son intervention est de recouvrer la
créance, il n'agit pas aveuglément ; agent qualifié, il est aussi un
relais humain entre le créancier et le débiteur (260) (2 61 ).

(257 ) J. LAENENS (Gerechtsdeurwaarders en debiteurs in crisistijd, R.W., 1985-1986, col.


1607, n° 11) estime qu'en ce cas, l'huissier intervient comme «administrateur légal». Adde.
Bruxelles, 21mars1985, Pas., 1985, II, 92, infra n° 286/2.
(258 ) R.O. DALCQ, Les Novelles, Droit civil, T. V, Vol. 1, Larcier, 1959, p. 318, n° 958; M.
MAHIEU, La responsabilité des professions libérales in Responsabilité et réparation des dommages,
Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1983, 292. Ainsi, si l'huissier engage sa responsabilité contractuelle
envers son mandant (créancier) au nom duquel il délivre une quittance pour solde de tout compte
(Civ. Bruxelles, ch.s., 2 février 1987, R.G. n" 7629, infra, note 272), il engage sa responsabilité
délictuelle ou quasi-délictuelle à l'égard de l'adjudicataire du bien vendu aux enchères publiques
(Cass. Fr., 13 janvier 1987, Bull., 1987, l.R., 19; comp. Bruxelles, 2 janvier 1986, R.D.C., 1987,
425).
(259 ) L'huissier de justice légalement requis pour procéder à l'exécution d'une décision
judiciaire ne saurait arguer pour s'exonérer de sa responsabilité qu'il s'est borné à exécuter des
instructions de son mandant. L'huissier procède à l'exécution litigieuse de manière imprudente et
abusive lorsqu'il ne suspend pas la procédure pour s'assurer de ce qu'en raison d'un paiement justifié
par pièces, l'exécution qu'il poursuit ne revêtirait pas un caractère démesurément onéreux, voire
abusif (Civ. Bruxelles, ch.s., 9 juin 1986, R.G., n° 14.466, Inédit et L'huissier de justice, 1987, 114).
Infra, n° 39 E.
(260) L'exécution des titres in La revue des huissiers de justice, Numéro spécial, Avril 1986, p.
93 à 95.
(261 ) Au sujet des délais de paiement, supra, n° 19.
RÈGLES COMMUNES 63

Techniquement, l'huissier de justice a le monopole (262 )


des actes conservatoires ou exécutoires reposant sur les significa-
tions d'exploits qui, lorsqu'ils sont remis à l'intéressé, ont une
efficacité que ne présente aucun autre mode de transmission d'acte
(263 ). En cas de saisie mobilière et de saisie-arrêt, sa tâche est plus
étendue : il diligente la procédure d'exécution et la procédure de
distribution par contribution (264 ) (265 ).

B. - Recours à la force publique.

Officier public et ministériel, l'huissier de justice tire de la


formule exécutoire le pouvoir de solliciter le concours de la force
publique ~A.R. du 27 mai 1971) (266). S'il se heurte au refus de
celle-ci (2 7 ) (268 ), il peut s'en plaindre auprès des procureurs

(262 ) Y compris dans les affaires fiscales sous réserve de la mesure transitoire prévue par
l'article 218, al. 1 de l'A.R. d'exécution C.l.R. aux termes duquel «les poursuites en matière de
contributions directes sont exercées par les huissiers de justice ou par les huissiers des contributions
directes en fonction le 1er mai 1967». Les huissiers des contributions sont des fonctionnaires du
Ministère des finances or, «il ne convient pas que les mesures d'exécution en matière d'impôts sur les
revenus soient confiées à des membres de l'Administration; ceux-ci sont partie en cause». C'est
pourquoi «toutes les significations d'exploit doivent être de la compétence exclusive des huissiers de
justice. Cette règle garantit /'impartialité de l'exécution, les huissiers de justice étant placés sous la
discipline de la chambre d'arrondissement et non de la partie pour le compte de laquelle ils
instrumentent, ce qui n'est pas le cas pour les huissiers des contributions» (Rapport Hermans, Pasin.,
1967, p. 946).
(263 ) Parfois, le législateur veille de manière spéciale à l'efficacité de la signification (voy. le
visa prévu en matière de saisie-arrêt par l'art. 1544, C. jud. ).
(264 ) Au sujet du rôle de l'huissier et des vérifications qui lui incombent en cas de distribution
par contribution, voy. G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n°s 12, 17 et 63.
(265 ) En cc qui concerne la vente des bateaux et navires, celle-ci peut être réalisée à
l'intervention d'un officier public ou ministériel désigné par le juge des saisies (art. 1553, C. jud.); il
peut s'agir d'un huissier ou d'un notaire (Rép. Not., La saisie mobilière, n° 548). L'intervention du
notaire se réalise surtout en matière de saisie-exécution immobilière : élaboration du cahier des
charges, adjudication des biens saisis et opérations d'ordre (art. 1580 et s., C. jud.).
(266) Infra, note 1807. L'article 38 de la loi du 2 décembre 1957 dispose que la gendarmerie
prête main-forte lorsqu'elle en est légalement requise.
(2 67 ) Deux conceptions de l'ordre public peuvent, le cas échéant, s'affronter : celle de
l'administration qui redoute que l'ordre public soit troublé par des scènes de violence et «celle du
juriste pour lequel, l'ordre public, est troublé, plus en amont, dès le moment où une décision de justice
ne peut être exécutée» (L'exécution des titres, op. cil., Rev. des Huissiers, n" spécial, 1986, 98).
(268 ) Un tel refus peut exceptionnellement se justifier en cas d'exécution d'une mesure
d'expulsion (M. LONS, P. WEIL et G. BRAIBANT, Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, 7ème éd., Sirey, 1978, obs. sous C.E., 30 novembre 1923, Aff. COUTEAS, p. 203,
n" 9) ou de reprise d'enfant (G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en
matière familiale in L'évolution du droit judiciaire, Xlès Journées d'études juridiques Jean DABIN,
Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 904, n° 37). Par contre, les nécessités du maintien de l'ordre public
entendu au sens strict sont généralement sans incidence sur le déroulement d'une saisie. Parfois des
règles spéciales doivent être suivies (voy. en matière de saisie-exécution mobilière, art. 1504, C. jud.
et Rép. Not., La saisie mobilière, n° 211 ; infra, n° 39 H).
64 TRAITÉ DES SAISIES

généraux et des procureurs du Roi (art. 139, C. jud.) (269 ), sans


préjudice d'une action en responsabilité contre l'auteur du refus ou
contre l'Etat responsable des actes commis par ses organes dans les
limites de leurs fonctions (270 ).
C. - Mandat d'exécuter et paiement volontaire.
L'huissier n'a pas à justifier d'un mandat exprès de la
partie poursuivante ; aux termes de l'article 1393 du Code judi-
ciaire, «la remise de l'expédition du jugement ou de l'acte à
l'huissier de justice vaut pouvoir pour toutes exécutions» mais cette
présomption, démonstrative de la volonté de la partie d'aller à
l'exécution forcée, peut être combattue par la voie du désaveu (art.
848 et s.). Cette remise, effectuée par le créancier ou l'avocat de
celui-ci (271 ), implique pour l'huissier le pouvoir de recevoir le
montant de la dette et d'en donner quittance (272 ) (273 ) sous
réserve de l'incidence que peut exercer dès ce moment le respect de
la loi du concours (274).
Est fautive, la procédure d'exécution entamée ou poursui-
vie après le paiement dont le créancier ou son mandataire a pu

(2 69 ) H. BEKAERT, La mission du ministère public en droit belge in Mélanges en l'honneur


de Jean DABIN, Bruxelles, Bruylant, Paris, Sirey, 1963, T. II, p. 425, n° 10.
270
( ) Ces responsabilités coexistent (Cass., 27 octobre 1982, Pas., 1983, I, 278; voy. aussi J.
DEMBOUR, Droit administratif, 3ème éd., Liège, 1978, p. 212, n° 153). Le titulaire d'un titre
exécutoire qui subit un préjudice en cas de refus même légitime de !'Administration qui entend éviter
de graves désordres conserve un recours devant le Conseil d'Etat en vue d'obtenir la réparation d'un
préjudice exceptionnel (art. 11 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ; voy. aussi R. PERROT,
Institutions judiciaires, Ed. Montchrestien, 1983, p. 572, n° 586; J. VINCENT et J. PREVAULT,
Voies d'exécution et procédures de distribution, 15è éd., Dalloz, 1984, p. 36, n° 49).
271
( ) En ce cas l'avocat représente son client pour conclure au nom de celui-ci le contrat de
mandat avec l'huissier instrumentant qui n'est donc pas un mandataire substitué de l'avocat (C.
PAULUS et R. BOES, De deurwaarder is niet de plaatsvervanger van de advocaat, Mélanges
RONSE, Story Scientia, 1986, sp. p. 648 à 653).
{272) Pandectes Belges, V° Commandement, n° 43; R.P.D.B., V0 Saisie-exécution, n° 243;
DE PAGE, T. III, n° 424. «Le débiteur est en droit de réclamer l'exhibition de la grosse dont
l'huissier doit être porteur ; il doit pouvoir vérifier si elle est revêtue de la formule exécutoire, sans
laquelle le titre ne peut servir de base à !'exécution dont il est menacé. Le débiteur peut même exiger
que l'huissier lui remette contre paiement de la somme due, non seulement une quittance mais encore
le titre en vertu duquel il instrumente. Il importe peut que le créancier ait ou non besoin du titre»
(R.P.D.B., V 0 Exécution des jugements et des actes en matière civile, n° 316). Si l'huissier
mandataire délivre une quittance pour solde de tout compte (même signée «par ordre» par un de ses
préposés) au débiteur de son mandant, celui-ci ne peut plus poursuivre l'exécution du titre sauf son
recours contre son mandataire (Civ. Bruxelles, ch.s., 2 février 1987, R.G. 7629, adde. Civ. Malines,
30 octobre 1979, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1393/1).
273
( ) Par contre, l'huissier des contributions ne peut, sous peine de destitution, recevoir
aucune somme des redevables soit pour leur salaire soit pour le paiement des impositions (art. 222
A.R. d'exécution, C.l.R. ; Comm. Adm., C.I.R., T. X, Titre VI, n° 683 à 685).
(274 ) G. de LEV AL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 275 et le caractère collectif de la saisie
mobilière, note sous Civ. Verviers, 19 décembre 1986, Ann. Dr. Liège, 1988 (à paraître).
RÈGLES COMMUNES 65

prendre connaissance {275 ) ; le créancier engage sa responsabilité


en n'informant pas l'huissier des paiements, même partiels, qu'il
reçoit directement {276).
L'huissier ne peut conserver plus d'un mois des sommes
remises en paiement par un débiteur pour compte d'un créancier
sauf si une saisie-arrêt est pratiquée avant l'expiration de ce délai
(art. 2, 2° de l'Arrêté royal du 30 novembre 1976 modifié par celui
du 27 décembre 1977 fixant le tarif des actes accomplis par les
huissiers de justice en matière civile et commerciale ainsi que celui
de certaines allocations) et sauf s'il y a lieu de suivre les règles de la
distribution par contribution (art. 1631) (2 77 ).
Il importe que l'huissier ne procède pas au paiement des
sommes ou valeurs résultant d'une condamnation ou d'une colloca-
tion, avant la délivrance par le receveur de l'enregistrement, d'un
certificat constatant qu'aucune somme ne reste exigible à titre de
droit d'enregistrement ou d'amende, du fait de cette condamnation
ou collocation (art. 184 bis C. Enr.) (2 78 ).
D. - Obligation d'agir de manière utile et responsable.
«L'huissier qui a pratiqué une procédure qui ne pouvait
produire aucun effet utile, alors qu'il lui était très facile de s'en
rendre compte avant d'agir, doit supporter les frais de cette
procédure et peut même être condamné à des dommages-intérêts
envers le créancier, lorsque celui-ci a donné mandat de recouvrer sa
créance en agissant au mieux de ses intérêts» (279).
De même l'huissier doit éviter de pratiquer une saisie
lorsque le même effet peut être produit en s'associant à une
procédure initiée à la demande d'un autre créancier et révélée par
la consultation du fichier des saisies (art. 1391) (280).

(2 75 ) L'huissier commet une faute s'il poursuit une procédure d'exécution malgré le paiement
du débiteur (Civ. Bruxelles, 23 février 1968, Bull. Ass., 1968, 781 ; voy. aussi G. de LEV AL, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 355, n°s 42-43 et infra n° 225).
(2 76 ) Voy. Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1494, n° 1/14.
277
( ) G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n° 57.

(278 ) M. BALTUS, Le nouveau régime du droit d'enregistrement des jugements et arrêts,


J.T., 1986, 661à665; G. de LEVAL. L'enregistrement en débet des arrêts et jugements, Ann. Dr.
Liège, 1986, 384 ; Circulaire de I' Administration, Ann. Dr. Liège, 1986, 579 à 584.
279 0
( ) R.P.D.B., V Huissier, n° 182; adde. J. van COMPERNOLLE, Examen de jurispru-
dence, Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 420 n° 16 in fine.
(280) Civ. Liège, 7 mars 1984, Jur. Liège, 1984, 200; Civ. Huy, 25 juin 1984, Jur. Liège, 1984,
485. Sur l'obligation pour l'huissier de consulter les avis de saisie, voy. infra, n°s 115 et 116.
66 TRAITÉ DES SAISIES

De même, l'huissier de justice qui procède à une saisie


nulle en la forme commet une faute. Il doit supporter le coût de
l'acte nul et des actes subséquents (art. 866, C. jud.) et réparer le
dommage causé au saisi (281 ).
De manière générale, l'huissier de justice, légalement
requis pour procéder à l'exécution d'une décision judiciaire, n'est
pas dispensé d'observer les normes de prudence que tout huissier
de justice avisé, placé dans les mêmes circonstances, est tenu de
respecter ; le juge qui, sur la base d'éléments de fait qu'il précise,
constate qu'un huissier de justice a procédé à une exécution
démesurément onéreuse qui était aussi téméraire que vexatoire,
déduit légalement de cette constatation que ledit huissier de justice
a commis une faute l'obligeant à réparer le dommage qui en résulte
(282).

E. - Examen de la validité des titres et moyens.


Sauf faute personnelle, l'huissier n'endosse pas la faute que
peut commettre son mandant dans l'appréciation de sa créance ou
de la régularité de son titre {283 ) mais, l'huissier qui n'est pas un
simple agent d'exécution ou un instrument aveugle aux mains d'un
plaideur, engage sa responsabilité s'il prête son ministère à l'accom-
plissement d'un acte vexatoire ou fondé sur un titre manifestement
illégal ou irrégulier (284). Les instructions r~ues même d'un avocat
ne sauraient le dispenser de tout contrôle ( ) .
F. - Obligation d'agir sans retard.
L'huissier invité à diligenter sans délai la procédure de
saisie doit veiller à le faire aussitôt. Si par sa négligence, il

(281 ) Civ. Tournai, ch.s., 1er mars 1985 (R.G., n° 20.207) qui précise que les saisissants,
mandants de l'huissier, sont tenus des dommages-intérêts dus au saisi lorsque la faute du mandataire
consiste en une exécution fautive du mandat (comp. Civ. Bruxelles, ch.s., 9 juin 1986, L'huissier de
justice, 1987, 114: la faute commise par le conseil des saisissants (perte de vue du versement
clôturant le compte débiteur) en sa qualité de mandataire de ces derniers lie ceux-ci qui doivent
réparation du préjudice qu'elle a pu causer aux saisis. En cas de fautes concurrentes du saisissant et
de l'huissier, ceux-ci sont tenus in solidum envers le saisi). Voy. l'art. 1998, al. 1er, C. civ.
(282 ) Cass., 14 mai 1981, Pas., 1981, 1, 1069.
(283 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 15 juin 1973, J.T., 1973, 732; Civ. Liège, ch.s., 16 octobre 1974,
Pas., 1974, III, 76; Jur. Liège, 1975-1976, 83; Civ. Verviers, ch.s., 27février1981, Jur. Liège, 1981,
202.
(284 ) Civ. Hasselt, 25 juillet 1923, Pas., 1923, III, 175; Civ. Arlon, 9 octobre 1973, J.L., 1973-
1974, 229; J.P. Gand (2ème canton), 3 janvier 1889, Pand. pér., 1889, 536.
(28 ') Trib. Gde Inst. Paris, 4 juillet 1984, Rev. Huissiers, 1987, 712; adde. Civ. Bruxelles,
ch.s., 9 juin 1986, L'huissier de justice, 1987, 114.
RÈGLES COMMUNES 67

compromet les chances du créancier d'obtenir le paiement total ou


partiel de sa créance (disparition de certains biens, survenance
d'autres créanciers, etc.), il engage envers lui sa responsabilité.
Ainsi, commet une faute engageant sa responsabilité, l'huissier qui,
chargé de signifier et d'exécuter sans désemparer un jugement par
défaut, laisse s'écouler un délai d'un an environ entre la date de la
signification du jugement et sa tentative d'exécution, après le
commandement de payer (286).
G. - Election de domicile.
C'est dans l'étude de l'huissier instrumentant, dont la
compétence territoriale coïncide avec celle du juge des saisies, que
se fait le plus souvent l'élection de domicile (obligatoire lorsque le
saisissant ne demeure pas dans l'arrondissement où siège le juge qui
doit le cas échéant connaître de la saisie) (art. 1389, 1°) ; «toutes
significations, même d'offre réelles, peuvent être faites au domicile
élu du saisissant» (art. 1392 et 1500 du C. jud.). L'élection de
domicile simplifie la procédure en permettant au débiteur de faire à
ce domicile élu toutes les significations d'acte se rattachant non
seulement à la saisie mais aussi à la dette qui donne lieu à la
poursuite (287 ) (288 ). En vertu de la règle de la spécialité de
l'élection de domicile, celle-ci ne produit ses effets que relativement
à la procédure pour laquelle elle est faite (289 ).
H. - Incidents (aspects civil et pénal).
Toute difficulté rencontrée par l'huissier à l'occasion d'une
saisie conservatoire ou d'une saisie-exécution relève de la compé-
tence du juge des saisies auquel une ~artie ou même l'huissier de
justice (art. 1396) peut s'adresser (29 ). L'incident n'est générale-
ment pas suspensif (art. 1498, al. 1er, C. jud.).

(2 86 ) Civ. Charleroi, 21 décembre 1983, J.T., 1984, 199; voy. aussi Trib. Gde Inst. Seine, 19
décembre 1963, J.C.P., 1964, Il, n°13.634; comp. au sujet de l'art. 1520, C. jud., G. de LEVAL, La
saisie mobilière, n° 244. Adde., n°391.
(2 87 ) Infra, n° 285/2.
288
( ) Le mandataire ne pouvant, en principe, se constituer contrepartie de son mandant pour
l'exécution de l'acte qu'il est chargé d'accomplir (art. 1596 C. civ.), l'huissier chez lequel une élection
de domicile a été faite, ne peut se signifier et se remettre à lui-même, comme mandataire de la partie
adverse, parlant à sa propre personne, copie des pièces qu'il est chargé de signifier (Civ. Dinant, lère
ch. bis, 3 décembre 1986, J.L.M.B., 1987, 996 et obs. E. CHEVALIER; à nos yeux, la sanction est
civile ou disciplinaire mais l'éventuelle faute de l'huissier ne peut entraîner la nullité de l'acte comme
le démontre l'annotateur).
(289 ) Cass., 14 novembre 1986, R.W., 1986-1987, 1712; voy. aussi obs. E.K. sous Cass., 10
décembre 1971, Pas., 1972, 1, 356.
(2''0 ) Supra, n° 23.
68 TRAITÉ DES SAISIES

L'intervention du juge des saisies a lieu sous réserve des


suites pénales que peut comporter un incident. Ainsi «l'huissier de
justice insulté dans l'exercice de ses fonctions ou qui se heurte à une
rébellion, dresse procès-verbal ; il est procédé suivant les règles
établies par le Code d'instruction criminelle» (art. 1394 ; voy. aussi
art. 269 C. pén.). De même, le non-respect par l'huissier de justice
des formalités édictées par l'article 1504, C. jud. l'expose à des
poursuites pénales du chef de violation de domicile par un agent de
l'autorité (291 ).

1. - Pouvoir de substitution.
La compétence territoriale de l'huissier de justice est
limitée à l'arrondissement judiciaire dans lequel il peut instrumen-
ter en vertu de son arrêté royal de nomination (art. 513). Partant,
lorsqu'il est territorialement incompétent pour signifier un acte, il
doit se substituer un confrère territorialement compétent. Le
contrat de mandat avenu entre le client et l'huissier de justice
emporte dès lors nécessairement la faculté et même l'obligation
pour l'huissier de se substituer un mandataire en choisissant un
autre huissier territorialement compétent ; en ce cas, le mandataire
ne répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion que si la
personne dont il a fait choix «était notoirement incapable ou
insolvable» (art. 1994, al. 1er, C. civ.) (2 92 ).
De manière générale, l'huissier chargé d'accomplir un acte
juridique dans un délai déterminé est tenu d'une obligation de
résultat. Chaque fois qu'il se substitue un mandataire, il engage sa
responsabilité s'il ne lui fournit pas les éléments et ne lui transmet
pas les instructions lui permettant d'agir efficacement dans le délai
requis (2 93 ).

J. - Emploi des langues.


L'article 37 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi
des langues en matière judiciaire dispose que les actes relatifs à
l'exécution des jugements et arrêts doivent être rédigés dans la
langue de la procédure.

(291 ) A. MARECHAL et J.P. JASPAR, Droit criminel, T. I, 3ème éd., Bruxelles, Larcier,
1975, p. 82, n° 228.
(292 ) J.F. JEUNEHOMME, Obs. sous Civ. Liège, 23 décembre 1975, Jur. Liège, 1981, 63.
(293 ) Gand, 17 mars 1983, R.G.A.R., 1984, n° 10.774 qui rappelle que la négligence d'un
huissier de justice ne peut être considérée comme un cas de force majeure pour son mandant (Cass.,
24 janvier 1974, J.T., 1974, 463).
RÈGLES COMMUNES 69

«Souvent des avocats rencontrent des difficultés avec des


huissiers de justice en Wallonie lors de la mise à exécution d'un
jugement rédigé en néerlandais.

La notification de jugements requérant le paiement d'une


somme ne pose pas de problème. Mais lorsqu'il s'agit de procéder à
la saisie de biens meubles et de fixer la date de vente, bon nombre
d'huissiers de justice se déclarent incapables de dresser une liste
comprenant la dénomination et la description des objets en néer-
landais. Il s'ensuit des retards considérables qui doivent être
considérés comme un préjudice supplémentaire pour le créancier».

A cette question parlementaire, le Ministre a répondu qu'il


examinerait la suggestion prévoyant que les actes relatifs à l'exécu-
tion des jugements et arrêts seront rédigés dans la langue de la
région où l'exécution est poursuivie et, dans l'a~,&lomération
bruxelloise dans la langue demandée par l'intéressé (2 ).

K. - Mission d'information.

L'huissier de justice peut-il être chargé par le juge des


saisies de réunir des informations sur la situation du débiteur ? De
manière générale, l'huissier de justice peut être commis pour
procéder à la constatation de certains faits matériels sans que les
éléments réunis n'aient une force probante spéciale (295 ). A ce
stade, il s'agit moins d'une mesure d'instruction qui ne se confond
pas avec une expertise au formalisme de laquelle elle n'est pas
soumise (296) que d'une mesure, préparatoire ou complémentaire à
la saisie, s'insérant cependant dans un véritable contentieux où sont
respectés les droits de la défense. Le système gagnerait en efficacité
en introduisant dans notre système juridique la déclaration de
patrimoine, c'est-à-dire /'obligation pour le saisi ou un tiers de

294
( ) Questions et Réponses, Ch. Repr., Sess., 1984, 294; adde Questions et Réponses, Ch.
Repr. Sess. 1985-1986, 3519; comp. supra, n° 28; adde Bruxelles, 26 février 1975, Pas., 1975, II,
118; Rec. Gén., 1976, p. 126 et L'emploi des langues en matière judiciaire pour les exploits de
l'exécution, L'huissier de justice, 1987, 110.
(295 ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 842; Civ. Hasselt (ch.s.), 16 décembre 1970, Jur.
Liège, 1970-1971, 149; Comm. Courtrai, Prés., juin 1983, R.D.C., 1983, 672; Trav. Bruxelles (Réf),
16 octobre 1986, Jur. des Jur. du Travail de Bruxelles, 1986, 400; voy. aussi Trib. civ. de la Seine, 22
octobre 1958, Dall. 1959, 147, note de M. GIVERDON et G. de LEVAL, L'instruction sans
obstructions in La Preuve, Louvain 1987, n° 6 C.
(2 96 ) Cass. Fr., 30 novembre 1955, Bull., 1955, Il, p. 334, n° 549 et G. de LEVAL lb.
70 TRAITÉ DES SAISIES

communiquer toutes informations utiles sur la situation patrimo-


niale du débiteur (297 ) (298).
De lege lata, une solution partielle est à nos yeux suscepti-
ble d'être obtenue dans le cadre d'une production de documents
(art. 877 et s. C. jud.). Aucun texte n'exclut que celle-ci soit
demandée à titre principal et exclusif, le cas échéant, sur requête
unilatérale (art. 584, al. 3 et 1395, al. 2 cbnés), l'extrême urgence se
définissant non seulement par le risque de disparition du document
mais aussi par l'insolvabilité plus ou moins radicale qu'il faut limiter
ou conjurer (299).

L. - Le moment de l'exécution.
En vertu de l'article 1387, «aucun acte d'exécution ne peut
avoir lieu entre neuf heures du soir et six heures du matin, ou un
samedi, un dimanche ou un jour férié légal, qu'en vertu de
l'autorisation du juge des saisies accordée sur requête pour raison
d'impérieuse nécessité». Ce texte «n'est que la traduction d'un
principe plus général qui tend à sauvegarder la liberté individuelle
et l'intimité de la vie privée contre l'immixtion intempestive d'un
agent dépositaire de la force publique» (3 00 ).
L'autorisation du juge des saisies permet de déroger tant à
la condition de jour qu'à la condition d'heure (3° 1). Cette autorisa-
tion n'est pas nécessaire lorsque la décision de justice qui sert de
base à l'exécution autorise expressément ou implicitement l'accom-

(297 ) G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 137, n° 10 et p. 139, n°


12/4; J. LAENENS, Gerechtsdeurwaarders en debiteurs in crisistijd, R.W., 1985-1986, col. 1607, n°
12. Voy. en France, Avant-projet de loi tendant à améliorer les procédures d'exécution en matière
civile, art. 35 à 37, Rev. Huissiers, 1987, p. 986 à 996. Sur ce qu'une saisie est nulle lorsqu'elle est
pratiquée à la faveur d'une violation du secret de la correspondance, voy. Civ. Bruxelles, ch.s., 7 avril
1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 314.
(298 ) Ce système existe spécialement en Suisse et en Allemagne, L'exécution des titres, in La
revue des huissiers de justice, n° spécial, Avril 1986, p. 85 à 87.
(299) Supra n° 30 in fine; Comp. et contra, Civ. Bruxelles, ch. s., 26 juin 1986, R.G., n"
8.303 (inédit) qui rejette une telle demande, relevant en principe de la compétence du Président du
tribunal statuant en référé ou sur requête unilatérale (sous réserve de l'application de l'art. 88, § 2, C.
jud.) car il n'y a pas d'urgence entendue au sens de voir disparaître les documents probants dont la
postulation est demandée. En ce cas, la demande de production ne pourrait être qu'incidente (argt
art. 879, al. 2, C. jud., selon nous trop textuel ! ).
(300) R. PERROT, Le constat d'huissier de justice, Chambre nationale des Huissiers de
Justice (France), 1986, p. 62, n" 45; voy. au sujet du constat d'adultère, l'article 1016 bis du Code
judiciaire.
(3° 1) L'article 47 du Code judiciaire ne permet de déroger qu'à la condition de jour.
RÈGLES COMMUNES 71

plissement de l'acte entre neuf heures du soir et six heures du


matin, ou un samedi, un dimanche ou un jour férié légal (3°2).
L'autorisation doit être demandée par requête au juge des
sa1s1es. Il est regrettable que l'article 1387 ne permette pas à
l'huissier de signer une requête unilatérale qui, dans l'état actuel
des textes, doit être signée par un avocat (art. 1026, 5°, C. jud.).
Le juge territorialement compétent est le juge du lieu où l'acte
d'exécution doit être accompli.
Une saisie commencée avant neuf heures du soir peut être
poursuivie, sauf opposition du débiteur saisi (3°3).
On relève enfin que l'article 1387 ne mentionne pas
l'éventualité d'une signification dans un lieu ouvert au public. Ce
texte spécial doit logiquement prévaloir sur l'article 47, 1° du Code
judiciaire de telle sorte que si l'acte d'exécution doit être signifié
dans un lieu ouvert au public, entre neuf heures du soir et six
heures du matin, ou un samedi, un dimanche ou un jour férié légal,
une autorisation doit préalablement être obtenue du juge des
saisies.

302
( ) Civ. Liège, Réf., 12 juin 1982, Jur. Liège, 1982, 370; Questions et Réponses, Sénat,
1983, p. 2225, Question n° 26 de M. VAN IN.
303
( ) Comm. Adm., C.l.R., T. X, Titre VI, n° 625.
TITRE II

L'OBJET DE LA SAISIE

40) Généralités et plan.


La saisie mobilière porte sur des meubles corporels, la
saisie-arrêt sur des meubles incorporels et la saisie immobilière sur
des immeubles. Des procédures spéciales sont ainsi mises en oeuvre
en fonction de la nature du bien appréhendé. Or, il n'est pas
toujours aisé de déterminer précisément la nature du bien à saisir et
dès lors la procédure applicable. Pourtant, des critères précis
doivent être dégagés pour n'importe quel bien afin de prévenir
toute erreur dans le choix d'une mesure qui, inadaptée, serait
dépourvue de toute efficacité et d'éviter qu'un débiteur puisse
exploiter une prétendue lacune de la loi ~our soustraire à toute
poursuite une partie de son patrimoine (3 4). Il importe donc de
définir le champ d'application de chaque saisie. On relèvera à cette
occasion l'absence de cloisonnement rigide entre les diverses saisies
et la flexibilité de la définition de certains biens (Chapitre 1).
La saisie n'est pas susceptible d'appréhender tous les
éléments du patrimoine. Certains d'entre eux sont soustraits aux
poursuites des créanciers en vertu de dispositions légales qui les
rendent insaisissables. L'examen de celles-ci permettra de fixer les
limites de la saisie (Chapitre II).

CHAPITRE 1 - LE CHAMP D'APPLICATION DES SAISIES


MOBILIERES.
SECTION 1- La saisie mobilière.
41) La saisie mobilière a pour objet les meubles corporels.
C'est-à-dire les biens énumérés fsar les articles 528 et 531
du Code civil et les titres au porteurs (3 5). Elle ne s'applique pas

(3°4 ) Paris, 12 octobre 1984, J.C.P., 1985, II, n° 20.367 et obs . .1. PREVAULT.
("") Infra, n° 50.
74 TRAITÉ DES SAISIES

aux meubles incorporels et spécialement aux créances appréhen-


dées par voie de saisie-arrêt.
Le choix entre la saisie mobilière et la saisie-arrêt peut
susciter des difficultés lorsqu'un meuble saisissable se trouve chez
un tiers : la saisie mobilière porte sur les meubles corporels qui sont
en la possession du débiteur, c'est-à-dire sur lesquels il exerce la
maîtrise même s'ils se trouvent en dehors de son domicile et chez
un tiers (art. 1503, C. jud.); la saisie-arrêt est utilisée lorsqu'ils se
trouvent légalement entre les mains d'un tiers tenu de les transférer
ou de les restituer au débiteur. Tout dépend donc de la nature du
lien juridique existant entre le tiers et le débiteur (3 06) ; si celui-ci a
actuellement la détention des meubles corporels, peu importe
l'endroit où ils se trouvent, il y a lieu de recourir à la saisie
mobilière; par contre, si des «sommes ou effets» (art. 1445, al. 1er
et 1539, al. 1er) sont dus par un tiers au débiteur - peu importe
l'objet ou la nature de cette dette - seule la saisie-arrêt peut les
frapper d'indisponibilité. Si le tiers a un rôle de pure complaisance
(on souligne le problème de preuve qui peut surgir), il ne peut
évidemment être considéré comme débiteur du saisi et la saisie
mobilière est praticable (3°7 ).
Alors que l'article 557 C.P.C. s'exprimait en termes
généraux en donnant au créancier le droit de «saisir-arrêter entre
les mains d'un tiers les sommes et effets appartenant à son débiteur
ou s'opposer à leur remise», les articles 1445, alinéa 1er et 1539 du

06
(' ) J. VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de distribution,
Dalloz, !5ème éd., 1984, p. 144, n" 194; G. COUCHEZ, Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985, p. 38,
n° 50. Pour M. VAN REEPINGHEN, «l'article 1503 permet la saisie au domicile d'un tiers dans la
mesure où il s'agit de biens individualisés et non de biens fongibles : en ce dernier cas, le tiers est
débiteur du saisi et les règles de la saisie-arrêt sont applicables» (Pasin., 1967, 518). Ce critère est
insuffisant car le tiers peut être débiteur de biens individualisés et le débiteur peut conserver la
maîtrise de choses fongibles en les entreposant en un lieu loué chez un tiers. Il reste que la saisie-arrêt
est indispensable lorsqu'il s'agit de meubles mêlés à ceux dont le possesseur est propriétaire (Lyon,
14 février 1985, Gaz. Pal., 19-21janvier1986, 12).
07
(' ) «Le débiteur se jouerait trop facilement de ses créanciers, s'il pouvait, en déposant son
mobilier chez un tiers complaisant, les forcer à prendre la voie compliquée et relativement coûteuse
de la saisie-arrêt» (Codes annotés, nouveau Code de procédure civile, Dalloz, 1913, T. III, n° 39; on
soulignera que la saisie-arrêt tout en étant plus compliquée que la saisie mobilière a été simplifiée par
le Code judiciaire). Ainsi, dès lors qu'il est établi que l'adresse à laquelle la saisie-exécution a été
faite n'était pas le domicile exclusif d'un tiers mais que le saisi exerçait aussi une activité et y
employait du personnel, que d'autre part, il est constant que la société «tiers» et la société saisie
appartiennent au même groupe de presse et sont étroitement liées, puisque la société saisie est
actionnaire à 99 % de l'autre, les deux sociétés possédant les mêmes commissaires aux comptes et les
mêmes références téléphoniques ou de télex, c'est à tort qu'il serait prétendu que la saisie-exécution a
été pratiquée au domicile du tiers et que le saisissant aurait dû procéder par voie de saisie-arrêt, les
premiers juges ayant à bon droit débouté l'appelant de sa demande de nullité de la saisie-exécution
pratiquée (Lyon, 14 février 1985, précité). Voy. infra, n° 140.
RÈGLES COMMUNES 75

Code judiciaire sont moins compréhensifs puisqu'ils limitent la


saisie-arrêt aux sommes et effets que le tiers doit à son débiteur;
cette restriction correspond à une délimitation plus rigoureuse du
champ d'application des saisies mobilières. Il reste que cette
distinction n 'est pas toujours aisée à faire par le saisissant qui, en
cas de doute, peut solliciter la mise en oeuvre d'une saisie l'une à
défaut de l'autre afin de prévenir tout incident.

42) Application au coffre-fort (3°8 ).

Pour éviter toute méprise ou pour prévenir toute erreur de


qualification, le débiteur peut cumuler les mesures conservatoires
afin de frapper sûrement le bien d'indisponibilité mais l'intensité de
celle-ci variera suivant la saisie efficacement mise en oeuvre.

Il est aujourd'hui hors de doute que les objets placés dans


un coffre-fort loué chez un tiers ne peuvent être saisis qu'au moyen
d'une saisie mobilière préalablement autorisée par le juge des
saisies (art. 1503, al. 1er et 2). Cette hypothèse est expressément
prévue par l'article 1505 (3°9) qui rend possible la saisie du contenu
du coffre après apposition éventuelle des scellés. Si le créancier du
locataire prétend agir par voie de saisie-arrêt entre les mains du
bailleur, celui-ci, même si en principe il n'a pas à se faire juge de la
validité d'une saisie, n'a pas à tenir compte d'une erreur manifeste;
en présence de l'article 1505, il doit «écarter la procédure - fût-
elle formellement ré~b"lière - lorsqu'elle est constitutive d'une voie
de fait évidente» (3 ). Partant, l'accès au coffre ne doit pas être
interdit et son existence ne doit pas être mentionnée dans la
déclaration du tiers saisi; certes, celui-ci doit assurer la sécurité du

(308 ) G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, n° 73; Saisies et droit commercial, in Les
créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 304 à 306.
09
(' ) Ch. VAN REEPINGHEN, Rapport sur la réforme judiciaire, Pasin., 1967, 518; comp.
en France où, en l'absence de texte semblable, la question demeure assez controversée (J.
PREVAULT, obs. sous Paris, 19 avril 1984, J.C.P., 1985, II, n" 20.367 et R. PERROT,
Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1985, p. 455, n" 16; adde.
obs. M. de la MARNIERE, Journ. Not., 1985, art. 58.109, p. 523, n° 12; F. DEKEUWER-
DEFOSSEZ, Droit bancaire, Memento, Dalloz, 1986, p. 127; M. VASSEUR, Droit bancaire, Dall.,
1985, I.R., 345; M. CABRILLAC et B. TEYSSIE, Crédit et titres de crédit, Rev. Trim. Dr. Corn.
et Dr. Econ., 1985, p. 545-546, n° li; Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET, Chronique de droit
bancaire, J.C.P., 1986, Doctr., n° 3265/157).
(3 10) A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banque, Chambre de commerce de Bruxelles,
1980, 27; adde. J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence. Saisies conservatoires et voies
d'exécution, R.C.J.B., 1987 (sous presse), n"s 58 et 72.
76 TRAITÉ DES SAISIES

coffre et de son contenu (3 11 ) mais il ne s'agit pas d'une obligation


donnant lieu à déclaration, le tiers n'étant pas dépositaire du
contenu du coffre demeuré en la possession du locataire.
Cette solution ne présente pas pour le créancier les
inconvénients décrits sous l'empire du Code de procédure civile car
le Code judiciaire organise la saisie mobilière conservatoire qui se
réalise instantanément sans commandement préalable (art. 1424,
1°, C. jud.) et impose au tiers l'obligation «d'indiquer à l'huissier
de justice l'endroit où se trouvent les objets à saisir ou, le cas
échéant, de faciliter ses recherches» ~art. 1503, al. 3, C. jud.).
L'existence d'une location conjointe (3 2 ) ne fait pas entrave à la
saisie sauf au colocataire non débiteur à faire valoir ses droits par
voie de distraction (art. 1514, C. jud.) et de cantonnement (art.
1407) (313 ).
Le raisonnement est le même pour une voiture ou du
mobilier occupant un emplacement ou un entrepôt loué. Par
contre, si le contrat s'analyse en un dépôt, seule la saisie-arrêt sera
efficace.

43) Le fonds de commerce.


Le fonds de commerce est un meuble incorporel «puisqu'il
ne comporte pas que des biens corporels et que, au demeurant,
c'est l'ensemble qui le définit et non ses composantes ut singuli»
(3 14 ) mais il n'existe pas de saisie spécifique susceptible de
l'atteindre dans son ensemble même lorsque le créancier gagiste sur
fonds de commerce diligente la procédure spéciale prévue par les
articles 11 et 12 de la loi du 25 octobre 1919 sur la mise en gage du
fonds de commerce. Contrairement à la faillite qui dès le départ
porte sur tous les biens du débiteur, le droit des saisies se diversifie
en fonction des biens qui en sont l'objet de telle sorte que le
créancier du propriétaire du fonds de commerce doit en principe

(3 11 ) L'obligation de surveillance à la charge de la banque est une obligation de résultat (Cass.


Fr., 15 janvier 1985, Banque 1985, 641, obs. J.L. RIVES-LANGE).
(3 12 ) «La location d'un coffre à plusieurs, qu'elle entraîne ou non solidarité entre les
titulaires, ne se présume pas : elle doit résulter clairement des pièces produites» (Trib. Gd. Inst.
Grenoble, 21octobre1985, Gaz. Pal., 7-8 février 1986, 12).
(3 13 ) Infra, n°s 52-53, 207 et 208.
(3 14 ) 1. MOREAU-MARGREVE, Heurs et malheurs du gage sur fonds de commerce, note
sous Cass., 8 avril 1976, R.C.J.B., 1980, p. 132, n° 4; voy. aussi J. VAN RYN et J. HEENEN,
Principes de droit commercial terrestre, !ère éd. Bruxelles, Bruylant, 1954, T. 1, n° 248, p. 174 et T.
IV, n° 2597, p. 175; VERCRUYSSE et LAUWERS, Le fonds de commerce, T. 1, Bruxelles,
Larcier, 1967, p. 29, n° 15.
RÈGLES COMMUNES 77

pratiquer sur chaque catégorie de biens composant celui-ci la saisie


mobilière ou immobilière adaptée; s'il s'agit de meubles corporels
(mobilier de magasin, outillage, marchandises en stock, etc.), ceux-
ci seront appréhendés au moyen d'une saisie mobilière, le cas
échéant, intégrée dans la procédure de réalisation du gage sur fonds
de commerce; s'il s'agit de créances, elles devront en principe être
saisies-arrêtées (3 15 ).
Bref, en règle, «le créancier du propriétaire du fonds de
commerce doit pratiquer sur chacun des biens colllJÇosant celui-ci la
forme de saisie convenant à son statut propre» (3 1 ).
Le seul fait de l'existence du gage n'empêche pas les autres
créanciers de saisir la chose donnée en gage (art. 9, al. 2, L. 25
octobre 1919) (317 ).

44) La demande de brevet et le brevet - La marque.

A. - Les droits de propriété industrielle, étant des meubles, ils


font partie du droit de gage des créanciers de leur titulaire. Quelle
procédure doivent-ils suivre pour saisir ces meubles incorporels?
Aux termes de l'article 47 de la loi du 28 mars 1984 sur les
brevets d'invention, «la saisie d'une demande de brevet ou d'un
brevet s'effectue selon la procédure prévue en matière de saisie
mobilière. Une copie certifiée conforme de l'exploit de saisie doit
être notifiée à !'Office (3 18 ) par le créancier saisissant; la saisie est
inscrite au Registre (des brevets d'invention). La saisie rend
inopposables au créancier saisissant les modifications ultérieures
apportées par le titulaire aux droits attachés à la demande de brevet
ou au brevet».

15
(' ) 1. MOREAU-MARGREVE, op. cit., R.C.J.B., 1980, p. 158, n° 27; G. de LEVAL,
Saisies et droit commercial, in Travaux CD.V.A., 1982, Bruxelles. Bruylant, 1983, p. 319-320 et réf.
cit. Tout au plus serait-il possible d'introduire une certaine souplesse en cas de réalisation du fonds de
commerce pour autant que la mission donnée au liquidateur (art. 4, al. Ier, L. 5 mai 1872) soit
suffisamment précise notamment pour pouvoir exiger le paiement des débiteurs du commerçant (G.
de LEVAL, Chronique de droit à l'usage du palais, T. 1., Liège, 1986, p. 234/3; eomp. infra. n° 131,
note 1036).
(3 10 ) J.P. NEMERY de BELLEVAUX, Le fonds de commerce constitue-t-il en droit belge,
une entité juridique propre spécialement au regard du droit de succession?. J .T .. 1976, p. 322, n° 6.
(3 17 ) G. de LEVAL, op. cil., p. 234/6; Comm. Adm., C.I.R., Tome X, Titre VI, n° 595;
Liège, 15 novembre 1984, J.T., 1985, 145.
(-1 18 ) li s'agit de l'Office de propriété industrielle auprès du Ministère des Affaires économi-
ques; adde. l'arrêté-royal du 18 décembre 1986 relatif à la délivrance et à la publication. par l'Office
de la propriété industrielle, de documents concernant les brevets d'invention et certaines marques,
dessins et modèles (M.B., 23 décembre 1986, p. 17.504).
78 TRAITÉ DES SAISIES

Ce texte est ainsi justifié : «La demande de brevet ou le


brevet peuvent faire l'objet d'une saisie de la part des créanciers du
demandeur du brevet ou du breveté. L'article 17 dispose que la
saisie - que l'on se gardera de confondre avec la saisie-description,
dont il est question aux articles 1481 et suivants du Code judiciaire
(3 19 ) - s'effectue selon la procédure prévue en matière de saisie
mobilière».
«La saisie du brevet au profit d'un créancier du breveté
n'avait pas été prévue par la loi de 1854 : sa légitimité ne fait
cependant aucun doute. Il convient de remarquer que la saisie ne
peut porter que sur le droit à la demande de brevet ou au brevet
délivré, mais non sur les pièces de la demande ou sur la minute du
brevet qui sont conservées par le ministre et dont il ne peut se
déposséder. Le créancier recourra donc à la procédure non de
saisie-arrêt mais de saisie-exécution qui lui assurera le moyen de
faire procéder à la vente forcée du droit saisi».
«Une copie certifiée conforme de l'exploit de saisie doit
être notifiée à l'Office par le créancier saisissant. Les tiers seront
informés par l'inscription de la saisie au Registre des brevets et par
la mention de l'inscription au Recueil des brevets (art. 25, §1er)».
«La saisie rend inopposable au créancier saisissant toute
modification ultérieure des droits attachés à la demande de brevet
ou au brevet (3 20 ) ».
«Il y a lieu de rappeler qu'en vertu de l'article 42, § 6 et 7,
il ne peut être renoncé, en totalité ou en partie, à un brevet saisi ou
à une demande de brevet saisie».

(3 19 ) Alors que la saisie dont il est ici question émane du créancier du titulaire du droit
intellectuel, la saisie-description émane du titulaire du droit intellectuel.
(320 ) L'alinéa 3 de l'article 47 a été adopté pour tenir compte des observations du Conseil
d'Etat : «Aux termes du dernier alinéa, la saisie a pour conséquence que toute modification
ultérieure apportée aux droits attachés à la demande de brevet ou au brevet est inopposable au
créancier saisissant. Les droits visés pouvant être modifiés non seulement par le titulaire du brevet,
mais également par un jugement, la formulation du texte du projet est trop large. La disposition ne
peut porter que sur les modifications apportées par le titulaire du brevet. On lira donc le dernier
alinéa comme suit : «La saisie rend inopposables au créancier saisissant les modifications ultérieures
apportées par le titulaire du brevet aux droits attachés à la demande de brevet ou au brevet» (Projet
de loi sur les brevets d'invention, Doc. Pari. Ch. Repr., Sess., 1980-1981, n" 919/1, p. 77). li ressort
de l'article 47 que l'inopposabilité prend effet à la date de la saisie et non à celle de la notification (A.
DELCORDE, La protection des inventions, Le droit de la concurrence, T. Il, Story-Scientia, p. 140,
n° 237 qui ajoute: «il n'en reste pas moins vrai qu'il eût mieux valu lui donner effet, à l'égard des
tiers, seulement à compter de la notification à !"Office. C'est en ce sens que le législateur a réglé
d'autres problèmes d'opposabilité, notamment dans les cas de cession, licence, usufruit, mise en
gage»). A note avis, cette solution peut se justifier si la publicité de la saisie a été réalisée par
l'établissement de l'avis de saisie (art. 1390, C. jud.; infra, n°116 E.; camp. art. 44, § 6, in fine de la
loi du 28 mars 1984).
RÈGLES COMMUNES 79

«Le transfert de propriété survenu à la suite de la vente sur


saisie devra bien entendu être notifié à !'Office» (321 ).

Ainsi, se trouve consacrée la thèse suivant laquelle ce


meuble incorporel doit être appréhendé par voie de saisie mobilière
(conservatoire ou exécutoire) (3 22 ) même si celle-ci ne s'applique
en principe qu'aux meubles corporels (art. 1422, al. 1er) mais une
procédure particulière est prévue : une copie certifiée conforme de
l'exploit de saisie doit être notifiée à !'Office de la propriété
industrielle auprès du Ministère des Affaires économiques et la
saisie est inscrite au registre des brevets d'invention. Certes, l'Etat
qui détient le brevet n'est pas débiteur du titulaire du brevet de
telle sorte qu'il peut difficilement tenir le rôle d'un tiers dans une
saisie-arrêt mais, la saisie et le transfert de propriété se réalisant
par son intermédiaire, il doit nécessairement être associé à la
poursuite. Bref, la procédure retenue n'empêche pas que cette
saisie se trouve nécessairement à mi-chemin entre la saisie mobi-
lière et la saisie-arrêt (3 23 ). Il est heureux que la controverse sur la
saisie du brevet et même de la demande de brevet soit définitive-
ment réglée en adaptant les règles de droit commun à la nature
particulière du bien (3 24 ) (3 25 ) (3 26).

(3 21 ) Doc. Pari. cité, p. 41.


322
( ) BORGINON, Les Noveltes, Droits intellectuels. De la contrefaçon et de l'exercice des
droits attachés aux brevets, n" 452 et réf. cil.; R.P.D.B., V" Brevet d'invention, n° 29; Comm.
Adm. C.I.R., T. X, Titre VI, n" 578; comp. et contra G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p.
88, note 109.
(3 23 ) Ainsi A. DELCORDE (op. cit., Story-Scientia, 1985, p. 140, n" 235) observe de
manière pertinente : «La loi renvoie aux dispositions relatives à la saisie mobilière, ajoutant qu'une
copie de l'exploit de saisie doit être notifié à l'Office par le saisissant, avec inscription au registre. A
juste titre, elle ne précise pas qu'il s'agit d'une saisie mobilière, mais seulement que l'on utilisera les
formes de cette procédure. En effet, aucune des catégories de saisies organisées par le Code
judiciaire n'est adéquate : la saisie mobilière doit normalement porter sur un bien meuble corporel;
la saisie-arrêt sur une créance existant entre les mains d'un tiers»; voy. aussi B. VAN REEPIN-
GHEN et M. DE BRABANTER, Les brevets d'invention, Larcicr 1987, qui regrettent que le
législateur n'ait pas choisi d'appliquer à cc meuble incorporel la procédure de saisie-arrêt, solution
adoptée par la loi française du 2 janvier 1968 (n" 213. p. 165).
(3 24 ) Pour un aperçu général de la loi. voy. A. DELCORDE, op. cit .. Story-Scientia, 1985;
B. VAN REEPINGHEN et M. DE BRABANTER, op. cil .. Larcier 1987; P. PEETERMANS, Le
brevet dans le monde de la propriété industrielle, lng. Cons .. 1984, p. 24 à 28; B. FRANCO,
Quelques traits de la nouvelle loi belge sur les brevets d'invention, Ing. Cons., 1984, 283 à 298; F.
DE VISSCHER, La nouvelle loi belge sur les brevets d'invention. J.T., 1984, 381 à 388, sp. p. 387,
n" 33.
325
( ) Sur la vente forcée, voy .. Rép. Not., La saisie mobilière, n° 250-1; adde infra, n" 52.

(3'") La loi du 28 mars 1984 est entièrement entrée en vigueur le Ier janvier 1987 (A.R. du 18
décembre 1986 relatif à l'entrée en vigueur de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention,
M.B., 23 décembre 1986, p. 17.503).
80 TRAITÉ DES SAISIES

B. - En ce qui concerne la marque, la saisie de ce meuble


incorporel ne faisant l'objet d'aucune règlementation particulière, il
y a lieu d'appliquer les règles de la saisie-arrêt; tant la compétence
territoriale que la loi compétente sont déterminées par le lieu de
dépôt de la marque où la mesure se concrétise. En Belgique, il
s'agit du Bureau Benelux des Marques (3 27 ).

45) Les immeubles par destination économique.


Sous l'empire de l'article 592, 1° du Code de procédure
civile, les immeubles par destination économique n'étaient suscepti-
bles que de saisie immobilière en même temps que le fonds auquel
ils étaient affectés. Cette disposition est aujourd'hui abrogée tandis
que l'article 1560, 1° du Code judiciaire énonce que «le créancier
peut poursuivre l'expropriation des biens immobiliers et de leurs
accessoires réputés immeubles, appartenant en propriété à son
débiteur». Il en résulte, selon nous, que si les immeubles par
destination peuvent faire l'objet d'une saisie immobilière en même
temps que le fonds auquel ils sont attachés, rien n'interdit d'appré-
hender isolément les immeubles par destination économique au
moyen d'une saisie mobilière (3 28 ). Cette solution est particulière-
ment avantageuse dans la mesure où une saisie mobilière plus
rapide et moins coûteuse qu'une saisie immobilière peut être
suffisante pour désintéresser les créanciers sans entraîner l'anéan-
tissement d'une exploitation. La question est susceptible de se
poser très fréquemment dans la mesure où un mobilier même
banalisé peut être immobilisé par destination lorsqu'il est affecté
par le propriétaire du fonds spécialement aménagé à cette fin, étant
indifférent qu'il soit nécessaire ou simplement utile à ladite exploi-
tation (3 29).
En cas de saisie immobilière subséquente du fonds, celle-ci
s'étend à dater de la transcription du commandement ou de la
saisie-exécution immobilière aux immeubles par destination préala-
blement saisis par voie mobilière.

327
( ) O. NOEL, obs. sous Comm. Paris (Réf.), 20 mars 1986, lng. Cons., 1986, 225 à 229 et
réf. cit.; l'auteur démontre que la cession de la marque seule étant maintenant expressément prévue
par la loi, la saisie de celle-ci devient parfaitement concevable; sur la compétence, voy. supra, n" 26
A; infra, n° 48.
(3 28 ) Au demeurant. cette solution n'est pas contestée lorsqu'il s'agit de saisir des immeubles
par destination qui font partie d'un fonds de commerce (Comm. Adm. C.l.R., T. X, Titre VI, n°
568.1).
(3 29 ) Cass .. JI septembre 1980, Pas., 1981, !, 36 et notes 1et2; R.C.J.B., 1981, 173 et note J.
HANSENNE; J.T., 1981, 221; Rev. Banque, 1981, 57.
RÈGLES COMMUNES 81

Dans tous les cas, le juge des saisies doit pouvoir décider
s'il y a lieu de saisir isolément (3 30 ) ou globalement notamment
lorsque la réalisation des biens ne peut se dérouler avantageuse-
ment qu'en vendant l'ensemble. Cette situation et son correctif ne
sont pas reçus par la jurisprudence qui reste attachée à la règle
suivant laquelle les immeubles par destination économique sont
seulement susceptibles de saisie immobilière (3 31 ).

46) Les immeubles par attache à perpétuelle demeure.

La solution est théoriquement la même que celle qui est


applicable aux immeubles par destination économique. En prati-
que, toutefois, les immeubles par attache à perpétuelle demeure
sont le plus souvent spécialement adaptés au contenant de telle
sorte qu'ils ne conservent aucune valeur vénale une fois séparés du
fonds. Ainsi, le mobilier doit être considéré comme incorporé à
l'immeuble dès l'instant où l'essentiel de sa valeur disparaîtrait s'il
était vendu séparément de cet immeuble ; il en est ainsi d'une
cuisine aux mesures de la pièce, mais pas nécessairement de
certains éléments (comme frigo, lave-vaisselle, cuisinière, etc.) qui
peuvent, dans certains cas, être retirés de l'ensemble et vendus
comme tels dans le cadre d'une saisie mobilière (3 32). De même,
est un objet mobilier le hangar démontable reposant sur le sol sans

(3 30 ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies. J.T., 1980, p. 648, n° 71: La saisie
des immeubles par destination économique, Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, 193 à 199; La saisie
immobilière. Rép. Not., T. XIII, Livre Il, n" 67: J. LINSMEAU. Le concours, les saisies multiples
et leurs solutions in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1982,
301 ; contra Cl. RENARD et J. HANSENNE, Les biens, Rép. Not., T. Il, p. 76, n° 64; K.
VANVEYLEN, Beslag op onroerende goederen door bcstemming. Kanttekeningen bij recente
rechtspraak, Tijds. Not., 1987, 122 à 127; J.L. LEDOUX, Les saisies. Chronique de jurisprudence
(Du Code judiciaire à 1982), Bruxelles. Larcier, 1984. p. 54. n° 137; cet auteur semble redouter dans
notre thèse les difficultés de répartition ; à notre avis. il n'y a pas de problème : si la saisie mobilière
est seule diligentée, il y aura lieu à distribution par contribution et, dans le cas contraire, à ordre en
tenant compte chaque fois de tous les droits en concours (G. de LEVAL, op. cit., Ann. Dr., 1982, p.
196 à 198).
(3 31 ) Civ. Bruges. 5 février 1985, T.V.B.R., 1985, 98: T. Not., 1987, 131; Civ. Bruges, 28
mai 1985, T. Not., 1986, 150: T.V.B.R., 1986, 30: Rec. Enr., 1987, n° 23.496, p. 325; Civ. Bruges,
23 janvier 1986, T. Not., 1986, 154; T.V.B.R., 1986, 32; Rec. Enr., 1987. n" 23.945, p. 323; un
jugement du juge des saisies de Huy du 20 mai 1985 (R.G., n" 12.446) ordonne la mainlevée de la
saisie mobilière portant sur des biens immobilisés soit par incorporation soit par destination, les
saisissants admettant le bien-fondé de l'argumentation des saisis. Adde. J. van COMPERNOLLE,
Examen de jurisprudence. Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 494, n°
88,: contra, à juste titre, scion nous. Civ. Courtrai, ch.s., 8 décembre 1986, Tijds. Not., 1987, 136.
("') Civ. Liège, ch.s., 24 octobre 1984, Jurisprudence du Code judiciaire, Ed. La Charte, art.
1560, 4 bis: voy. aussi Civ. Liège, ch.s., 27 mai 1981, Bull. Contr., 1984, 695; Mons, 13 juin 1986,
J.L.M.B .. 1987, 1175: G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., T. XIII. Livre Il, n" 67-1.
82 TRAITÉ DES SAISIES

aucune fondation (333 ) ou la caravane même fixée sur son


emplacement.

47) Les meubles par anticipation.


A. - Les fruits pendants par racine sont assimilés à des
meubles corporels (art. 1422) car «ils doivent devenir meubles par
la perception qui s'en fera» (3 34) ; ils sont soumis à des formes
particulières au stade de l'exécution : la saisie-brandon (art. 1529 à
1538) mais cette procédure exceptionnelle peut être rendue sans
objet en raison de la réalisation intervenue au stade conservatoire
(art. 1421) (3 35 ).
Toutefois, lorsque les fruits pendants par racine relèvent
d'un immeuble lui-même saisi, ils sont soumis aux règles de la saisie
immobilière (argt. 1572-1573). Bref, suivant les circonstances, les
règles de procédure varient ; il y a des interférences entre les
diverses saisies qui ne sont pas des entités fermées.
B. - Quid des matériaux provenant de la démolition d'un
bâtiment ? Si des constructions érigées par un preneur ou un
occupant sans droit sur le terrain d'autrui doivent être effective-
ment enlevées, on doit aussi les considérer, même avant leur
démolition, comme des meubles par anticipation (3 36 ).
Pratiquement, on ne conçoit pas qu'une saisie immobilière
puisse normalement prospérer dans un tel cas car la propriété de
l'immeuble sera nécessairement contestée au stade de la rédaction
du cahier des charges qui, dans ce système, devrait imposer à
l'adjudicataire la démolition de l'immeuble.

SECTION II - La saisie-arrêt.

48) La saisie-arrêt a pour objet les meubles incorporels.


La saisie-arrêt porte sur les créances qui font partie du
patrimoine du saisi ; peu importe que le tiers soit tenu de transférer

(3 33 ) J.H. ZWENDELAAR, Formulaire annoté de procédure, n° 733/50 cité par le Comm.


Adm., C.I.R., T. X, Titre VI, n" 556.
(3·14 ) R.J. POTHIER, Traité du droit français, T. VI, Bruxelles, 1832, 95; Cass. Fr., 10
janvier 1979, Bull., 1979, Il, n° 14, p. 11.
35
(' ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n" 301 ; supra, n" 5, note 40.

(3 36 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., T. XIII, Livre Il, n" 69; comp. et
contra, Cass. Fr., 10 juin 1981, Bull. 1981, Ill. n" 119. p. 87; J.C.P., 1981, IV, 310.
RÈGLES COMMUNES 83

au saisi la propriété d'une somme ou d'un objet ou qu'il soit tenu de


lui remettre des objets qui lui appartiennent déjà ; il suffit que le
tiers doive des sommes ou effets au débiteur (art. 1445). «La saisie-
arrêt est possible dès que le débiteur a sur les sommes ou objets
mobiliers qui se trouvent en mains du tiers un droit quelconque,
que ce fût un droit réel ou un droit de créance et peu importe que
l'exécution de l'obligation du tiers saisi soit actuellement exigible»
(3 37 ). Si le but final de la saisie-arrêt est d'appréhender des
meubles corporels (3 38 ), son objet immédiat est de paralyser
l'exercice des droits du débiteur envers le tiers. Cette particularité
la distingue de la saisie mobilière qui frappe directement le meuble
corporel. Elle explique pourquoi la frontière entre la saisie-arrêt et
la saisie mobilière pratiquée chez un tiers se détermine }jar la
nature des liens juridiques qui unissent celui-ci au débiteur ( 9).
La saisie-arrêt est avant tout une saisie des créances (340 )
41 42
(3 ) (3 ), mais celles-ci ne constituent qu'une catégorie de biens
incorporels. Appartiennent au même genre, les droits détachés de
tout support matériel et que la loi considère implicitement comme
des meubles ; ce sont les meubles par détermination de la loi tels
que les droits intellectuels (3 43 ) et les actions nominatives (3 44 ).

49) La créance-objet de la saisie-arrêt.


A. - La créance saisie-arrêtée doit exister au jour de la saisie.
La créance doit exister dans le patrimoine du saisi au jour
de la saisie, c'est-à-dire au jour de la notification ou de la

337
( Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 885.
)
338
( En ce sens mais de manière juridiquement inexacte on prétend parfois que la saisie-arrêt
)
porte indifféremment sur des meubles corporels ou incorporels (J. NEMER Y, Traité pratique de la
saisie-arrêt, extrait du R.P.D.B., T. XI, Bruxelles, Bruylant. 1940, n" 276; J. RADOUANT, Saisic-
arrêt dans D. Rép. Pr. Civ., T. Il, Paris, Dalloz, 1956. n" 107).
(3 39 ) Supra, n" 41.
(34<') Lorsqu'elle frappe une créance de somme d'argent (hypothèse la plus fréquente), la
saisie-arrêt présente l'avantage de permettre au saisissant de connaître d'avance le résultat
économique de la procédure ; au contraire, en cas de saisie mobilière, les meubles corporels ne
peuvent donner satisfaction au créancier qu'une fois convertis en numéraire alors qu'aucune certitude
n'existe au sujet du prix de la réalisation du mobilier. En outre, psychologiquement, la saisie-arrêt est
moins «Sanglante» pour le débiteur et lui assure généralement la conservation d'un minimum vital
(art. 1409 à 1412, C. jud.).
(341 ) En cc qui concerne les créances comprises dans un fonds de commerce, supra, n" 43.
42
(' ) En cas de saisie d'une créance dont l'obligation corrélative est une obligation de «dare»
portant sur un immeuble. la procédure doit se prolonger (immeuble incoporel). après phase
judiciaire éventuelle assortie des garanties prévues par l'article 3 de la loi hypothécaire, par voie de
saisie immobilière.
(3"') Supra. n" 44. (Le régime spécial de la saisie du brevet y est analysée).
('"') Infra, n" 50.
84 TRAITÉ DES SAISIES

signification de l'acte de saisie au tiers. La saisie-arrêt est dépour-


vue de tout effet si elle est pratiquée sur des créances n'appartenant
pas ou n'appartenant plus au saisi. Ainsi n'est pas régulière la saisie
pratiquée par le créancier d'un gérant de société sur le prix de vente
d'un immeuble de celle-ci (3 45 ).
1°) Créance n'appartenant plus au saisi.
La saisie-arrêt ne peut atteindre les valeurs sur lesquelles le
saisi n'a plus aucun droit au moment où elle est pratiquée. Ainsi les
créances cédées échappent, en principe (3 46), aux poursuites des
créanciers du cédant pour autant que la cession leur soit opposable.
Le patrimoine du débiteur dont les articles 7 et 8 de la loi
du 16 décembre 1851 font le gage commun des créanciers est donc
le patrimoine tel qu'il existe au moment où les créanciers exercent
sur lui leurs droits et non pas le patrimoine tel qu'il aurait existé si
le débiteur avait réalisé ou s'était abstenu de réaliser certaines
opérations (3 47 ). Toute autre solution mettrait en péril la sécurité
,des relations juridiques et sacrifierait aux intérêts du saisissant les
intérêts tout aussi respectables de ceux qui ont régulièrement acquis
des droits du saisi avant que celui-ci ne subisse la mesure. En cas de
cession frauduleuse, le saisissant pourra exercer l'action paulienne
contre le cédant et le cessionnaire (3 48 ).
2°) Créance n'appartenant pas au saisi.
En vertu des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire, le
débiteur est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens
présents et à venir, sur tout ce qui se trouve dans son patrimoine
non seulement au jour de la naissance de l'obligation, mais
également au jour de l'exécution. Les mots «à venir» ne signifient
pas que le créancier peut saisir des créances futures mais unique-
ment les éléments d'actif qui se trouvent dans le patrimoine du saisi
le jour de la saisie (3 49 ). La saisie-arrêt est sans objet ni effet si au
moment où elle est pratiquée, il n'existe pas de créance du saisi
contre le tiers même si ultérieurement celui-ci devient débiteur du

345
( Cass. Fr., 21novembre1984, Gaz. Pal., 1985, Pan., 94 et note M. VERON.
)
346
( Voy. cependant infra, n"s 99 A. 3 (art. 1412, C. jud.) et n° 103 B. (Loi du 3 janvier 1958
)
relative aux cessions et mises en gage des créances sur l'Etat du chef de travaux et de fournitures).
(347 ) Avis de M. le Procureur général CORNIL, préc. Cass., 23 mai 1946, Pas., 1946, 1, 211.
Voy. aussi infra, Annexe Ill/4.
(348 ) Sur les règles applicables, voy. G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T.,
1985, p. 137, n" 9/2.
149
( ) Voy. infra, n" 54; DE PAGE, T. VI, n" 725/1".
RÈGLES COMMUNES 85

saisi (350). En principe, le futur utilisé dans l'acte de saisie-arrêt ne


peut donc désigner les créances nées postérieurement à l'acte ou à
la notification mais celles dont le principe est acquis au jour de la
saisie (351 ).
L'article 1455 du Code judiciaire relatif à la déclaration
complémentaire n'infirme pas la portée du principe car il ne
concerne que /'accroissement de la créance préalablement saisie.
Toute créance ultérieurement acquise ne peut donc être appréhen-
dée qu'au moyen d'une nouvelle saisie.
3°) Indifférence de la qualité du débiteur de la créance saisie.
En principe, trois personnes sont en cause : le créancier
saisissant, son débiteur (le saisi) et le débiteur de ce dernier (le tiers
saisi) et deux liens de droit apparaissent : celui qui unit le créancier
saisissant au débiteur saisi c'est-à-dire la créance - cause de la
saisie et celui qui unit le débiteur saisi au tiers saisi c'est-à-dire la
créance - objet de la saisie, immobilisée par l'auteur de la mesure.
Il est toutefois possible que le saisissant soit à la fois le tiers
saisi lorsqu'il appréhende la créance dont il est débiteur envers le
saisi. Il s'agit de la saisie-arrêt sur soi-même dont la validité est
unanimement reconnue (3 52 ).
B. - Il suffit que la créance existe au jour de la saisie.
S'il n'est pas permis à un créancier de former une saisie-
arrêt entre les mains d'un tiers qui est sans aucun lien avec le
débiteur au jour de la saisie-arrêt, il n'est cependant pas requis que
la créance de celui-ci à charge du tiers soit certaine, exigible et
liquide. Le Code judiciaire distingue expressément la créance-cause
de la saisie qui doit satisfaire au stade conservatoire aux exigences
souple fixées par l'article 1415 (353 ) et au stade exécutoire aux
conditions sévères imposées, à juste titre, par l'article 1494 (354 ) de

(3"1) Ch. VAN REEPINGHEN, Rapport sur la Réforme judiciaire. Pasin., 1967, 511; Ch.
LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 31; R.P.D.B., V0 Saisie-arrêt, n" 313; J. HEENEN, La
cession des créances futures, R.C.J.B., 1961, p. 42-43 et réf. cil.; E. GUTI et A.M. STRANART-
THILLY, Examen de jurisprudence, Droit judiciaire privé, R.C.J.B., 1974, p. 682, n° 144.
351
( ) L'acte de saisie ne porte donc pas sur les créances nées ou à naître ou sur les sommes que
le tiers a ou aura, doit ou devra mais seulement sur tout cc dont le tiers saisi est ou sera redevable (E.
KRINGS, Les saisies conservatoires et les voies d'exécution, Etude du projet de Code judiciaire,
Fac. Dr. Liège, 1966, 145; M. VASSEUR, Jurisprudence en matière de droit bancaire, Dall., 1979,
1.R., 355 et 1980, I.R., 201).
(3 52 ) Sur cette question, voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 126 à 133 et La
saisie mobilière, Rép. Not., n°s 349 à 355.
(353 ) Infra, n°s 150 à 166.
(3 54 ) Infra, n° 222.
86 TRAITÉ DES SAISIES

la créance-objet de la saisie qui en vertu de l'article 1446 peut être


«à terme, conditionnelle ou litigieuse». Toute confusion entre
créance cause et créance objet doit donc être évitée (355 ).
Si les conditions de mise en oeuvre du droit du créancier
sur le patrimoine du débiteur doivent obéir à des critères précis afin
que l'atteinte portée aux biens de celui-ci soit contenue dans des
limites raisonnables et justifiées, il n'en va plus de même lorsqu'il
s'agit de définir l'objet de la saisie qui doit seulement exister
comme valeur, même fragile, dans le patrimoine du saisi au jour de
la saisie. D'un côté, il s'agit de limiter le droit d'action du créancier
sur les biens du débiteur, de l'autre, il s'agit seulement de définir la
consistance du patrimoine de celui-ci. Il importe donc uniquement
d'exclure les biens futurs parce qu'ils ne constituent pas le gage des
créanciers (356).
C'est pourquoi il est unanimement admis qu'une créance à
terme, litigieuse, conditionnelle ou même éventuelle (357 ) peut
être saisie-arrêtée si elle existe au moins en germe au moment de la
saisie (358). Il suffit qu'un principe suffisant de créance soit acquis.
En d'autres termes, «une créance peut faire l'objet d'une saisie-
arrêt, pourvu que soit tracé le cadre juridique nécessaire à la
réalisation du résultat escompté par le débiteur saisi» (359 ) (360).

(355 ) Comp. et contra, A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banques, Chambre de commerce


de Bruxelles, 1980, 71.
(356 ) «Si les biens futurs ne peuvent être saisis parce qu'ils ne font pas partie du patrimoine du
débiteur et ne constituent pas le gage des créanciers, il ne s'ensuit pas qu'ils ne peuvent être cédés,
puisque les choses futures peuvent être l'objet d'un engagement»; Cass., 5 décembre 1907, Pas.,
1908, 1, 59; art. 1130, C. civ. ; voy. aussi J. HEENEN, op. cit., R.C.J.B., 1961, 43.
(3 57 ) Comp. infra, n° 155.
(358 ) Cass. Fr., 3 mars 1971, J.C.P., Ed. A., 1971, IV, 5931 et obs. J.A.; Cass. Fr., 14
novembre 1973, J.C.P., 1974, IV, p. 62; Cass. Fr., 24 juin 1959, Gaz. Pal., 1959, 2, 238; Ch.
LEURQUIN, Code, n° 31, R.P.D.B., V0 Saisie-arrêt, n° 304; A.M. STRANART, Saisies-arrêts
en banques, Chambre de commerce de Bruxelles, 1980, p. 35 à 38; J. VINCENT et J. PREVAULT,
Voies d'exécution, Dalloz, !5ème éd., n° 267, p. 213; GLASSON, TISSIER et MOREL, T. IV, n°
1101. Il y a lieu d'excepter la saisie de droits éventuels ayant pour objet une succession non ouverte
(art. 1130, al. 2, C. civ. ; Ch. LEURQUIN, Code, n" 23).
359
( ) J. HEENEN, La cession de créances futures, R.C.J.B., 1%1, p. 35 et n° sp. p. 43 et
note 52.
(36()) Ainsi, est valable la saisie-arrêt faite par les créanciers personnels d'un associé d'une
société commerciale entre les mains du liquidateur, sur les sommes ou valeurs qui reviendront à leur
débiteur après le règlement du passif social (VAN RYN et HEENEN, T. II, n° 1048, p. 103). De
même, le créancier dont le débiteur bénéficie auprès d'une banque d'un crédit documentaire
irrévocable est fondé à pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la banque. Le bénéficiaire d'un
crédit de cette nature dispose en effet d'une créance conditionnelle sur le banquier jusqu'à la remise
des documents à ce dernier (Cass. Fr., 5 juillet 1983, Banque, 1984, 245 et obs. L. MARTIN; Bull.,
1983, IV, 177, n° 202; D., 1984, l.R., 267, obs. M. VASSEUR; M. CABRILLAC et B. TEYSSIE,
Crédit et titres de crédit, Rev. Trim. Dr. Corn. et Econ., 1984, p. 320, n° 13; voy. aussi G. de
LEV AL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant,
1983, 307-308 ; infra, Annexe, n°1).
RÈGLES COMMUNES 87

Peu importe selon nous que le cadre ne soit pas définitif. Toutefois,
il y a lieu de déjouer toute collusion frauduleuse ; l'effet de la saisie-
arrêt peut s'étendre aux opérations conclues postérieurement à
l'acte de saisie-arrêt, lorsque le tiers et le saisi, en relations
contractuelles suivies, modifient la nature de celles-ci pour frustrer
les droits du créancier saisissant (361 ).
On ne se dissimule pas qu'il peut être difficile de décider
s'il existe ou non un lien de droit suffisant entre le tiers et le saisi et
si des pourparlers sont assez avancés pour être assimilés à un accord
de principe. A notre avis, le juge des saisies doit retenir toute
créance qui présente des indices suffisants de concrétisation ac-
tuelle ou future. Cette solution indispensable à l'efficacité de la
mesure (362 ) s'impose d'autant plus que l'effet de la saisie sur une
créance en germe est nécessairement limité.
En saisissant une créance qui n'est qu'à ses balbutiements,
le saisissant prévient certes tout paiement effectué par le tiers à son
créancier personnel mais il doit subir la situation sans qu'en aucun
cas il ne puisse aggraver les obligations du tiers qui respecte la
procédure. Ce n'est que si la dette du tiers est liquide et exigible
(art. 1543, al. 2, C. jud.), qu'il pourra être tenu de payer le
saisissant de telle sorte que si la dette n'acquiert pas ces qualités, le
tiers ne peut être contraint de s'acquitter entre les mains du
saisissant et la saisie-arrêt devient sans objet (363 ).

361
( ) Tel serait le cas d'un nouveau contrat conclu entre un entrepreneur et un sous-traitant
(débiteur saisi) pour échapper aux effets d'une saisie-arrêt antérieurement pratiquée.
(362 ) Comp. en ce qui concerne la créance-cause au stade conservatoire, infra, n°s 150 à 166.
(363 ) «Aucune disposition légale n'interdit au créancier de saisir conservatoirement les biens
meubles dont son débiteur est devenu propriétaire par achat, bien que le débiteur n'en ait pas encore
payé le prix et qu'en application de l'article 1612 du Code civil, le vendeur refuse de les délivrer tant
que le prix n'en a pas été payé ; la saisie conservatoire n'a cependant pas pour effet que le vendeur
peut être contraint de délivrer les choses vendues tant que le prix n'en a pas été payé» (Cass., 24 avril
1987, R.G., n° 5210). Autres exemples: démission de fonction après qu'une saisie-arrêt ait été
pratiquée sur la rémunération ; non réalisation du risque couvert après qu'une saisie-arrêt ait été
pratiquée sur l'indemnité d'assurance ; non paiement d'une traite endossée, en vue de son
encaissement pour le compte du porteur, à l'ordre du banquier après saisie-arrêt sur le montant de
l'effet de commerce ; une saisie-arrêt pratiquée sur des loyers à échoir devient sans objet en cas de
résiliation du bail, de cessation de celui-ci ou d'aliénation de l'immeuble loué sous réserve d'actes
frauduleux que le saisissant serait en droit de faire annuler par application de l'article 1167 du Code
civil (LEURQUIN, Code, n° 321); une saisie-arrêt d'une créance litigieuse ne profite au saisissant
que si le litige est résolu en faveur de son débiteur ; en cas de saisie-arrêt d'une créance
conditionnelle, le tiers conserve le bénéfice de la condition (Ch. VAN REEPINGHEN, Rapport,
Pasin., 1967, 511). L'efficacité de la saisie d'un bien à charge de celui qui a des droits indivis dans une
succession n'est pas nécessairement subordonnée à l'attribution par le partage de ce bien au débiteur
du poursuivant (art. 883, C. civ.); si le bien est adjugé à un autre indivisaire ou à un tiers, les droits
du saisissant sont reportés sur la part revenant au débiteur dans le prix ; la règle est la même en cas de
partage avec soulte (infra, n"s 52 et 53; art. 1561, C. jud. et G. de LEVAL, La saisie immobilière,
Rép. Not., 1984, n°s 99 à 108).
88 TRAITÉ DES SAISIES

C. - Les accessoires de la créance saisie-arrêtée.

Si la saisie porte sur toutes les sommes actuellement dues ou


à échoir en vertu de la convention (supra B), il en va a fortiori de
même pour les créances qui se rattachent de manière accessoire aux
biens déjà saisis (ex. les intérêts produits par la créance saisie). Ces
deux hypothèses rentrent dans les prévisions de l'article 1455 (3 64 ).
L'accessoire s'entend de manière stricte. «On ne saurait
juridiquement qualifier ainsi que ce qui est le produit de la créance
saisie et ce qui s'y rattache comme une conséquence inséparable de
l'obligation primitive ou de son exécution. Par contre, on ne peut
considérer comme accessoire une créance distincte de la première
créée plus tard par une convention nouvelle des parties, lors même
que les conventions qui ont fait naître les deux créances auraient été
motivées l'une par l'autre et contractées dans une même prévision»
(365).

D. - Application aux opérations bancaires (compte, ouverture de


crédit, crédit documentaire, garantie à première demande).

L'importance et la particularité de cette matière justifient


un développement qui fait l'objet d'une annexe (3 66 ).

50) Les titres et les droits des actionnaires et des associés.

A. - Un titre au porteur (action ou obligation~ dont le droit


est incorporé dans le titre est un meuble corporel ( 67 ) susceptible
de faire l'objet d'une saisie mobilière à charge de son titulaire (3 68 )
ou d'une saisie-arrêt lorsqu'il se trouve chez un tiers détenteur tenu
à une obligation de restitution (3 69 ).

64
(' Sur ce texte, voy. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s 408-410.
)
65
(' Cass. Fr., 19 novembre 1884, Sirey, 1886, Jur. de la Cour de cassation, p. 265 qui décide
)
que la saisie-arrêt, formée par un créancier d'un officier ministériel sur le prix de cession de l'office de
son débiteur, ne frappe pas, en même temps, le prix moyennant lequel celui-ci a, par une convention
postérieure au traité de cession de l'office et à la saisie-arrêt dont s'agit, vendu à son successeur la
maison dans laquelle il exerçait son office et divers objets mobiliers qui s'y trouvaient.
66
(' ) Infra, Annexe, n" 1.

{367 ) C'est pourquoi la cession d'une action au porteur s'opère par la seule tradition du titre
(Mons, 30 mai 1983, Pas., 1983, II, 103).
(3 68 ) En cas de location de coffre-fort, supra, n° 42.
(360 ) Aix, 3ème ch., 16 juin 1966, J.C.P., 1966, IV, Ed. Avoués, p. 125, n° 4923.
RÈGLES COMMUNES 89

B. - Les obligations nominatives sont des créances de l'obliga-


taire susceptibles de saisie-arrêt entre les mains du débiteur du
capital et des intérêts.

C. - 1- L'action nominative confère à l'actionnaire un droit


de créance sur les dividendes éventuels dont la mise en distribution
a été décidée par la société ; ceux-ci peuvent faire l'objet d'une
saisie-arrêt de même que la part dans l'avoir social à la dissolution
de la société. Mais le saisissant peut désirer poursuivre son débiteur
non seulement sur ces créances mais aussi sur l'action proprement
dite dont il entend se faire attribuer le prix. Or, la propriété des
actions nominatives d'une société anonyme s'établit non par le
certificat d'inscription mais par l'inscription dans le registre prescrit
par la loi (art. 42 et 43, Lois coord. sur les Soc. corn.) (3 70 ), de telle
sorte que seule la saisie-arrêt permet d'appréhender les droits
attachés au titre. Certes, il est possible de saisir le titre matériel
(instrumentum) au moyen d'une saisie mobilière ou d'une saisie-
arrêt mais si utile que cela puisse être notamment pour empêcher le
titulaire de négocier le titre ou d'en percevoir les dividendes (371 ),
l'action elle-même, en tant que droit n'est atteinte que par la saisie-
arrêt. Pourrait-on objecter que l'actionnaire n'est pas le créancier
de la société ? Non, car le droit de l'actionnaire peut s'analyser en
un droit de créance de caractère mobilier en ce qui concerne le droit
aux bénéfices éventuels, au remboursement de la mise et au partage
de l'excédent de liquidation (372).

En outre, même si l'action ne se réduit pas à une créance, il


suffit de constater que l'action nominative est un meuble incorporel
pour que la saisie-arrêt soit applicable sinon elle deviendrait
insaisissable ce qui permettrait au débiteur d'échapper aux poursui-
tes de ses créanciers, alors pourtant que le législateur envisage
expressément la réalisation forcée des actions (art. 52 bis, § 4/3 et
120 quater, § 3, lois soc. comm.).

Au demeurant, la validité de la saisie-arrêt des actions


nominatives n'est contestée ni en doctrine ni en jurisprudence

(3 70 ) Bruxelles, 24 juin 1981, R.D.C., 1984, 113; Cass., 21avril1983, Rev. Prat. Soc., 1983,
233; Pas., 1983, 1, 938.
(3 71 ) J. VINCENTetJ. PREVAULT, op. cit., p. 329, n°384.
(3 72 ) Civ. Vervins, 9 février 1955, J.C.P., 1955, Il, n° 8858 et note BASTIAN.
90 TRAITÉ DES SAISIES

(373 ). Il importe toutefois de prec1ser que la saisie du titre


nominatif vise à paralyser les seuls droits pécuniaires de l'action-
naire en faisant interdiction à la société de lui payer toute somme
attachée à l'action, de transférer les actions à un nouveau titulaire
ou de les convertir en titres au porteur mais elle n'atteint pas les
prérogatives non pécuniaires de l'actionnaire qui continue d'avoir le
droit d'assister aux assemblées 9.énérales et d'y voter, ou de
contrôler la gestion de la société (3 4 ).
Une incessibilité conventionnelle ne peut rendre l'action
nominative insaisissable mais l'innégociabilité peut entraîner la
dissolution de la société à la demande du poursuivant. En aucun
cas, le créancier n'est donc obligé de patienter jusqu'à la liquidation
de la société (3 75 ).
2 - La même solution est applicable aux parts sociales d'une
société privée à responsabilité limitée. Le simple défaut de négocia-
bilité n'empêche pas la saisie mais la vente doit se réaliser

373
( ) D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies exécutions, p. 224;
R.P.D.B., V0 Saisie-arrêt, n" 92; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., T. XIII, Livre III,
n° 233; J. VAN RYN et J. HEENEN, T. 1, n° 362 et T. li, nu 1333; R.P.D.B., yu Sociétés
Anonymes, nus 502 et 2054; L. FREDERJCQ. Traité de droit commercial belge, T. IV, nu 344; C.
RESTEAU, Traité des sociétés anonymes, T. 1, n° 632; J.VINCENT et J. PREVAULT, op. cit.,
nu 383, p. 327 à 329 ; M. DONNIER, Bilan du droit de la saisie-arrêt face au nouveau Code de
procédure civile, in Etudes dédiées à A. WEILL, p. 205 ; J. RADOUANT, op. cit., nu 102,; L.
CREMIEU, yu Saisie exécution, Rép. Dalloz. Proc. civ., T. li, nu 35; Paris, Ier octobre 1954,
J.C.P., 1954, li, n° 8418 et note J.R.; Civ. Vervins, 9 février 1955, J.C.P., 1955, Il, 8858;
Bordeaux, 9 avril 1956. J.C.P., Il, 9645; Paris, 25 mai 1966, Dall., 1966, J., 685; Cass. Fr., 27
octobre 1971, J.C.P., 1972, II, 16999 et R.T.D.C., 1972, 447, obs. P. RAYNAUD; Cass. Fr., 2 mai
1985, J.C.P., 1985, IV, 244; Gaz. Pal., 1985, Pan. 351; Banque 1986, 88, obs. J.L. RlVES-
LANGE; Aix-en-Provence, 18 octobre 1973, Dall., 1974, J., 154 et obs. GUYON; Civ. Huy, 30
janvier 1984, Pas., 1984, III, 53. En matière d'impôts sur les revenus, l'article 215 A.R. d'exécution
C.I.R. est toutefois inapplicable aux titres nominatifs comme tels (P. COPPENS et A. BAILLEUX,
Droit fiscal, Les impôts sur les revenus, Bruxelles. Larcier, 1985, p. 657); seule la saisie-arrêt de
droit commun leur est dès lors applicable.
(3 74 ) R.P.D.B., yu Sociétés anonymes, nu 1.301; Ch. LEURQUJN, Code de la saisie-arrêt,
Bruxelles, Larcier 1906, nu 96, note 2; R.P.D.B., V0 Saisie-exécution, n° 7; comp. en matière de
séquestre, Cass. Fr., 26 novembre 1985, J.C.P., 1986, IV, 50 et de régimes matrimoniaux, D.
MOUGENOT, note sous Cass., 25 avril 1985, R.P.S., 1986, 126 et s. et Ph. DE PAGE, Les parts et
actions dans les sociétés et les régimes matrimoniaux de droit commun, Rev. Not., 1986, p. 566 à 581
et sp. p. 571 à 573.
(3 75 ) En cas d'actions déposées par un administrateur en garantie de ses actes de gestion, la
réalisation des titres ne peut cependant intervenir au mépris des droits de la société anonyme. Ainsi,
il a été jugé que la vente aux enchères ne saurait intervenir qu'après l'expiration du mandat de
l'administrateur et l'approbation des comptes du dernier exercice de sa gestion (Paris, 15 juin 1979,
Gaz. Pal., 18-20 janvier 1981, 10). Cette règle n'est plus susceptible d'application en droit belge
depuis l'abrogation de l'article 57 de la loi sur les sociétés par l'article 20 de la loi du 5 décembre 1984
modifiant les lois sur les sociétés commerciales (M. VAN DER HAEGEN et Cl. VERBRAEKEN,
Les sociétés commerciales. Commentaires des lois des 5 décembre 1984, 15 juillet 1985 et 25 juillet
1985, J.T., 1985, p. 562, n" 63).
RÈGLES COMMUNES 91

conformément aux statuts ; le cas échéant, il faudra dissoudre la


société lorsqu'abusivement les coassociés n'acceptent pas dans la
société l'adjudicataire de la part saisie (refus d'agrément) ou
refusent de reprendre les parts saisies en désintéressant, à due
concurrence, les créanciers (art. 126 et 127 bis, lois soc. comm.)
(376).
Les mêmes règles sont applicables mutatis mutandis lors-
que la société privée à responsabilité limitée est constituée par une
seule personne (loi du 14 juillet 1987, M.B., 30 juillet 1987), les
droits du créancier personnel étant reportés sur le produit de
l'éventuelle liquidation de la société à défaut de pouvoir s'exercer
sur la valeur des parts dont la cession n'a pu être réalisée. Alors
qu'au départ il était prévu de créer un sujet de droit entièrement
nouveau (l'entreprise d'une personne à responsabilité limitée), le
législateur a finalement opté pour l'admissibilité de la société privée
d'une personne à responsabilité limitée (377 ) (378 ). Si rien n'est
prévu au sujet de la société d'une personne constituée en vue de
mettre des biens propres hors de portée des créanciers personnels
(379 ) (380 ), il est clair que des biens saisis ne peuvent être apportés
à une S.P.R.L. et que tout apport effectué en fraude des droits des
créanciers dont la créance est née antérieurement à la publication et
la constitution de la S.P.R.L. est susceptible d'être rendu inopposa-
ble à ceux-ci (art. 1167, C. civ.) (3 81 ).

(3 76 ) J. VAN HOUITE, Les sociétés de personnes à responsabilité limitée, Rép. Not., L.


IV, n° 254, p. 133; J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, T. Il, Bruxelles,
Bruylant, 1957, n" 913, p. 22.
377
( ) Doc. Pari., Sénat, Sess. 1986-1987, Projet de loi relatif à la société d'une personne à
responsabilité limitée, n° 359 (1985-1986), 2, p. 2.
7
(' ') Sur le projet d'E.P.R.L. et le régime spécial d'insaisissabilité qui avait été envisagé, voy.
Projet de loi relatif à l'entreprise d'une personne à responsabilité limitée, Doc. Pari., Ch. Scss., 1984-
1985, n° !049/8 (l'art. Ier,§ 3, al. 2 énonçait:" Le droit sur l'entreprise est mobilier; il ne peut être
démembré. Il peut être cédé ou transmis à une autre personne physique ; il peut être saisi ou donné
en gage. Cependant, en cas de saisie ou de nantissement du droit sur l'entreprise, les créanciers du
propriétaire ne pourront procéder à aucune mesure d'exécution forcée aussi longtemps que la valeur
patrimoniale de ce droit ne se sera pas matérialisée sous la forme d'une contrepartie due par un
acquéreur» (art. Ier, § 3. al. 2) et P. VAN OMMESLAGHE, L'entreprise d'une personne à
responsabilité limitée : quels choix fondamentaux') in Liber Amicorum Jan RONSE, p. 392.
79
(' ) Par contre, l'art. 12 du projet d'E.P.R.L. réglait la question. Adde. Annexe, n°1/8.

("'°) Pour un premier commentaire de la S.P.R.L. comparée aux autres formes de société,
voy. J.P. BOURS, De l'entreprise individuelle à la société, Les raisons d'un choix, Ed. Jeune
Barreau, Liège, 1987 et Il. MICHEL. Aspects juridiques de la S.P.R.L. unipersonnclle, Rcv. Not.,
1987, 446 à 462.
('"') La fraude n'exige pas l'intention de nuire ; clic résulte de la connaissance qu'a le
débiteur du préjudice causé par l'acte litigieux au créancier (Cass. Fr., 17 juin 1986, J.C.P., 1987, Il,
20.816 et obs. Ph. SIMLER; voy. aussi Cass., 15 mars 1985, J.T., 1986, 291). Addc. et comp. art. 17
de la loi sur les A.S.B.L. (J. T'KINT, Associations sans but lucratif. Rép. Not., Bruxelles, Larcier,
1987, p. !03, n" 237).
92 TRAITÉ DES SAISIES

3 - En ce qui concerne les sociétés coopératives, il


importe de tenir compte des articles 154 et 157 des lois coordonnées
sur les sociétés commerciales ; le premier de ces textes dipose
qu' «en cas de décès, de faillite, de déconfiture ou d'interdiction
d'un associé, ses héritiers, créanciers ou représentants recouvrent
sa part de la manière déterminée par l'article 153 (c'est-à-dire telle
qu'elle résultera du bilan de l'année sociale pendant laquelle
l'événement s'est produit). Ils ne peuvent provoquer la liquidation
de la société» ; le second texte prévoit que «les créanciers person-
nels de l'associé d'une société coopérative ne peuvent saisir que les
intérêts et les dividendes lui revenant et la part qui lui sera attribuée
à la dissolution de la société». Le créancier ne devra pas nécessaire-
ment attendre la dissolution de la société pour recouvrer la part
actuellement saisissable de son débiteur ; il lui suffira d'attendre la
retraite volontaire (art. 153) ou forcée (art. 154) de l'associé (382 )
dont l'état de saisie peut révéler la déconfiture.
4 - Les droits des actionnaires et des associés ne sont pas
de simples créances «à terme ou conditionnelles» (art. 1446, C.
jud.) dont le poursuivant devrait subir l'évolution alors surtout que
les sociétés anonymes, les sociétés privées à responsabilité limitée
et les sociétés coopératives peuvent être constituées pour une durée
illimitée (art. 102, 139, 146, lois soc. comm.); ils constituent des
éléments actuels du patrimoine du débiteur qui comme tels doivent
être, en règle, susceptibles de réalisation immédiate.

SECTION III - Les biens indivis.

51) Apposition de scellés et saisie.


L'apposition de scellés est une mesure conservatoire frap-
pant d'indisponibilité temporaire les objets qui dépendent d'une
communauté, d'une succession ou d'une indivision ; elle se justifie
chaque fois qu'un intérêt sérieux de conservation est invoqué par le
re3uérant qui peut être le créancier personnel d'un prétendant droit
(38 ) ou le créancier de la succession, de la communauté ou de
l'indivision (art. 1148, C. jud.) pourvu qu'il dispose d'une créance
présentant des éléments suffisants de certitude.

(382 ) Ch. RESTEAU, Traité des sociétés coopératives, 3ème éd., Bruxelles, Larcier, 1936, p.
277-278, n°s 322 et 323; comp. et contra H. DU FAUX, Société coopérative, Rép. Not., T. XII,
Livre V/4, n° 104 (Ed. 1985).
(383 ) En ce cas, il n'intervient pas en vertu d'un droit propre mais il exerce conformément à
l'article 1166, C. civ. les droits de son débiteur (Rapport VAN REEPINGHEN, p. 476; Rapport DE
BAECK, p. 874).
RÈGLES COMMUNES 93

Généralement (3 84 ) elle prend fin par l'identification


précise (description et estimation) des biens lors de l'élaboration de
l'inventaire (art. 1156 et 1172, C. jud.) ; celui-ci peut être remplacé
(art. 1505, C. jud.) ou prolongé par un exploit de saisie qui
maintient l'effet d'indisponibilité.

Aux termes de l'article 1174 du Code judiciaire, dans les


cas où il a fait droit à une demande d'apposition de scellés (portant
sur des meubles corporels), le juge peut, par ordonnance rendue
sur requête, de quiconque avait qualité pour demander l'apposi-
tion, interdire à toute personne qui est débitrice envers la succes-
sion, de la communauté ou l'indivision, de titres, sommes ou
valeurs, en assume la garde (par exemple, en cas de location de
coffre-fort) ou les détient pour compte d'autrui, d'en opérer la
restitution, le paiement ou le transfert. La levée de cette interdic-
tion a lieu dans les formes et aux conditions prévues pour la levée
des scellés. On lit dans le rapport DE BAECK: «Ainsi donc un
héritier, un légataire, un conjoint et même un créancier de la
succession, de l'indivision ou de la communauté peut obtenir que
l'inventaire des biens indivis contienne le relevé des biens détenus
par des tiers non sur la simple déclaration de l'un des indivisaires,
mais sur la déclaration du tiers lui-même (comp. et contra, art.
1183, 6°). L'inventaire doit en effet être établi chez le tiers ou en sa
présence. Dans l'état actuel de nos lois, une telle obligation ne
pourrait être mise à charge du tiers, à l'intervention d'un créancier
notamment, à moins que celui-ci ne procède à une saisie-arrêt.
Mais cette procédure est plus coûteuse et ne se justifie pas
nécessairement, alors que l'inventaire suffit à la protection de ses
droits» (385 ). L'article 1174 du Code judiciaire offre l'avantage de
frapper d'indisponibilité les titres, sommes ou valeurs qui se
trouvent chez le tiers (banquier, agent de change, notaire) peu
importe le lien juridique unissant celui-ci aux propriétaires. Toute-
fois textuellement, ce texte ne peut être ar,pliqué par le juge que s'il
a fait droit à une apposition de scellés (38 ).

(384 ) J.P., 1er canton Liège, 26 mai 1986, R.G., n° 44.732/86 confirmé par Civ. Liège, 7
octobre 1987, R.G., n" 77.708/86; voy. toutefois, J.L. RENS, Précis de droit judiciaire, T. V,
Procédures particulières, Bruxelles, Larcier, 1979, p. 6: Rép. Not., Les scellés, n° 46 et art. 1184, C.
jud. en matière d'inventaire. Le tout sans préjudice d'une mise sous séquestre, infra, n° 144.
(3 85 ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, p. 876: voy. aussi sur cette disposition, J.L. RENS,
Précis de droit judiciaire, T. V, Procédures particulières, Bruxelles, Larcier, 1979, n" 28, p. 20 : Rép.
Not., De l'apposition et de la levée des scellés, n" 64.
(386 ) J.P. Anderlecht Il, 27 octobre 1984, J.J.P., 1986, 251: Cons. P. BODSON, compte-
rcndu du traité de G. MAHIEU sur l'apposition de scellés, J.T., 1985, 708.
94 TRAITÉ DES SAISIES

Si ce texte est incontestablement utile aux prétendants


droit justifiant d'un «intérêt sérieux» (art. 1148, C. jud.), il l'est
moins pour les créanciers qui peuvent agir plus efficacement en
diligentant immédiatement une saisie conservatoire (saisie mobi-
lière ou saisie-arrêt). On ne peut, en effet, perdre de vue que
l'indisponibilité est un effet inhérent de la saisie conservatoire
soumise à des conditions précises et non de l'apposition de scellés et
que le Code judiciaire a simplifié et généralisé les saisies conserva-
toires, aspect qui ne semble pas avoir été suffisamment retenu à
l'occasion des travaux préparatoires consacrés à l'apposition de
scellés ; partant, il est exceptionnel qu'une apposition de scellés soit
diligentée pour servir de préalable à une saisie, laquelle peut
directement frapper une indivision, une communauté ou une
succession sauf à respecter les divers droits en présence. Parfois,
l'apposition de scellés peut entraver les créanciers dans l'exercice
de leurs droits. C'est pourquoi l'article 1167 du Code judiciaire
permet aux créanciers possédant un titre exécutoire ou dont le titre,
tous droits saufs au fond, est reconnu par le ju9e de paix de
demander la levée des scellés (art. 1168, C. jud.) (38 ).

52) L'indivision n'empêche pas la saisie.

Le créancier d'un copropriétaire peut, pendant l'indivision,


faire saisir les biens indivis afin de prévenir la disparition du gage de
sa créance mais tant que dure l'indivision il ne peut faire procéder à
la vente des objets saisis ou exiger du tiers le déssaisissement des
sommes qu'il doit à l'indivision.
Une telle situation est expressément prévue par le Code
judiciaire en cas de saisie-exécution immobilière (art. 1561, C. jud.)
(388).
En matière mobilière, la question a été aperçue lors des
travaux préparatoires du Code de procédure civile. La section du
Tribunat avait proposé d'introduire le texte suivant: «Néanmoins,
les meubles indivis ne pourront être mis en vente par les créanciers
personnels d'un des copropriétaires avant le partage ou la licitation

(387 ) Ils peuvent aussi demander, par requête au juge de paix, l'autorisation de faire établir un
inventaire sans apposition préalable des scellés (art. 1177, C. jud.) (J.L. RENS, op. cit., n° 63, p.
52; Rép. Not., De l'inventaire, n° 48).
(3 88 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n°s 74 et s. et Jurisprudence du Code
judiciaire, La Charte, Art. 1561 ; N. JEANMART, Les effets civils de la vie commune en dehors du
mariage, 2° éd., Bruxelles, Larcier, 1986, p. 255, n"s 17 à 20.
RÈGLES COMMUNES 95

que les créanciers peuvent provoquer s'ils le jugent convenable. Le


tout sans préjudice de ce qui est porté dans les articles 826 et 882 du
Code civil». Cette proposition ne fut pas retenue car il fut précisé
que la saisie des meubles indivis était réglée par l'article 608 du
C.P.C. par l'emploi des termes «Ou de partie d'iceux» (389 )
devenus «OU partie des objets saisis» dans l'article 1514 du Code
judiciaire.

On peut donc sa1s1r des meubles indivis avant que le


partage ne soit effectué mais les copropriétaires non débiteurs du
créancier saisissant peuvent s'opposer à la vente, tant que dure
l'indivision, en formant une demande en distraction. Même si en
pratique cela peut se produire, les copropriétaires non débiteurs ne
peuvent, sauf décision contraire du juge des saisies compte tenu des
circonstances, être contraints d'abandonner leur part en nature des
meubles indivis et de se contenter du partage du prix provenant de
leur vente ; en ce cas, un partage préalable doit nécessairement
avoir lieu, soit sur la poursuite d'un des copropriétaires soit sur
celle du créancier saisissant nanti à ce niveau d'un droit propre sauf
pour lui l'obligation de respecter une convention d'indivision
opposable aux tiers (art. 815, C. civ.), dans le délai que le juge des
saisies doit impartir, en prononçant le sursis à la vente, laquelle est
ultérieurement restreinte aux seuls objets attribués au débiteur saisi
(390) (391) (392).

89
(' LOCRE. Esprit du Code de procédure civile, Paris, 1816, p. 28 à 30.
)
90
(' Cass. Fr., 29 mars 1887, Dai!., 1887, 1, 454 et notes l et 2; Liège, 6 janvier 1949,
)
R.G.A.R., 1950, n° 4575: Bruxelles, 8 janvier 1974, Pas., 1974, Il, 86: Civ. Liège, ch.s., 20
décembre 1978, Jur. Liège, 1978-1979, p. 363, n° 66: Civ. Liège, 16 juin 1982. in Jurisprudence du
Code judiciaire, Art. 1514, n° 7/4; Civ. Huy, ch.s., Ier octobre 1984, Jur. Liège, 1985, 7; Civ. Huy,
11 février 1985, Jur. Liège, 1985. 488; Civ. Liège, ch.s .. 17 juin 1985, R.G., n° 68.118/84; Civ.
Bruxelles, ch.s .. 11 septembre 1986, R.G., n" 18.420: Civ. Bruxelles, ch.s., 24 novembre 1986,
R.G., n° 13.538: Civ. Bruxelles, ch.s., 13 janvier 1987, AR, n° 27.096 (cette décision prévoit que la
moitié du produit de la vente sera attribuée à l'épouse coindivisaire revendiquante : adde. Civ.
Marche-en-Famenne, 30 septembre 1986, Bull. contr., 1987, 1171). Il ne s'agit donc pas pour le
créancier d'exercer une action oblique (G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 86 :
contra, Liège, 31janvier1972 cité par le Comm. Adm. C.l.R., T. X, Livre VI, n" 586).
(391 ) Pour l'application de ces principes aux époux séparés de biens et aux concubins, voy.
Rép. Not., La saisie mobilière, n°s 298 et 299 et N. JEANMART, op. cil., Larcier 1986, p. 256-257,
n°s 21 à 25.
(392 ) Ces principes sont applicables aux brevets d'invention. L'article 43, § 2, al. 3 de la loi du
28 mars 1984 sur les brevets d'invention dispose que «les quotes-parts indivises sont présumées
égales» (voy. toutefois, Cl. DELCORDE, op. cit., Story-Scientia, 1985, p. 201. n" 202).
96 TRAITÉ DES SAISIES

53) La saisie-arrêt d'une créance indivise de somme.

En cas de saisie-arrêt d'une créance indivise de sommes, la


situation est considérablement simplifiée ; il n'y a lieu ni à procé-
dure de liquidation-partage ni à vente, l'opération se dénouant par
le déssaisissement du tiers à concurrence des sommes dues au saisi.
Tel est le cas en matière de saisie-arrêt d'un compte collectif ou
d'un compte joint ; «en principe, la saisie ne doit affecter que la
part du solde revenant au débiteur saisi ; mais le plus souvent le
banquier ignore le montant de cette part et ne peut que bloquer le
compte dans sa totalité. Il appartient alors aux autres titulaires de
demander le cantonnement en établissant leurs droits» (3 93 )
éventuellement par le biais d'une action en distraction ou d'une
action en mainlevée. Il s'agit non du cantonnement de la dette du
saisi mais du cantonnement de la dette du tiers saisi (art. 1407, C.
jud.) ; il ne modifie pas les droits des créanciers sur la part revenant
au saisi (3 94 ) (3 95 ).

CHAPITRE II - DETERMINATION DES BIENS SAISISSA-


BLES.

54) En principe, tous les biens du débiteur sont saisissables.

Les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire accordent aux


créanciers un droit de gage général sur les biens de leurs débiteurs.
Ce droit de gage général confère au créancier le droit de disposer
des biens de son débiteur. L'exercice de ce droit se nomme saisie.
Elle porte sur tous les biens qui se trouvent dans le patrimoine du
débiteur non seulement le jour de la naissance de l'obligation mais
aussi au jour de la saisie. Les mots «à venir» de l'article 7 ne
signifient donc pas que le créancier peut saisir des biens futurs de
son débiteur ; seuls les éléments d'actif existant dans le patrimoine
du saisi le jour de la saisie peuvent être appréhendés même s'ils ne
s'y trouvaient pas le jour de la naissance de la dette.

(393 ) R. RODIERE et J.L., RIVES-LANGE, Droit bancaire, 2ème éd., Dalloz, 1980, p.
105, n° 97; G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite,
Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 299.
(3 94 ) Liège, 8 décembre 1983, Jur. Liège, 1984, 32; voy. infra, n°s 208 Cet 210.
(3 95 ) Sur le régime de la preuve. voy. Annexe 1 (saisie-arrêt bancaire, n° 6).
RÈGLES COMMUNES 97

«En vertu des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire du 16


décembre 1851, quiconque est obligé personnellement est tenu de
remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobi-
liers, présents ou à venir, les biens du débiteur étant le gage
commun de ses créanciers ; il s'ensuit que la saisissabilité des biens
du débiteur est la règle et que les exceptions doivent être étendues
restrictivement. A moins qu'il ne le soit par nature ou qu'il ne soit
attaché exclusivement à la personne du saisi, un bien n'est insaisis-
sable que s'il est déclaré tel par la loi» (3 96).

Cet important arrêt de la Cour de cassation rappelle de


manière claire et précise le principe de la saisissabilité qui constitue
le fondement du crédit accordé par le créancier au débiteur lorsque
celui-ci prend des engagements à son égard et la nécessité d'inter-
préter de manière restrictive les exceptions apportées au principe
par le Code judiciaire ou d'autres lois particulières (397 ). Si un
doute existe quant à l'exclusion d'un bien du gage commun des
créanciers, il y a lieu d'appliquer la règle générale de la saisissabi-
lité.

On verra que certains cas d'insaisissabilité ne s'appliquent


qu'aux meubles corporels ou incorporels mais non aux immeubles
(398).

55) Caractère en principe irrelevant de laffectation donnée à un


bien et des restrictions conventionnelles à la saisissabilité.

«Le patrimoine forme un tout, quelle que soit la destina-


tion des biens qui le composent et aucun d'entre eux n'échappe à
l'emprise des créanciers en raison de sa destination si ce n'est dans

(3 96 ) Cass., 27 janvier 1983, Pas., 1983, I, 622. ; R.W., 1983-1984, 1637; au sujet des
exceptions qu'il formule, voy. infra, n° 78.
(397 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 501.
(398 ) Voy. toutefois Proposition de loi relative à la réduction des droits d'enregistrement en
cas de rachat par le prêteur hypothécaire de son propre gage, Doc. Pari., Ch. Sess., 1984-1985, n°
25/3; au sujet de l'article 215, §Ier, al.!, C. civ., voy. G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép.
Not., n° 60 et J. DE GAVRE, Le mariage et le divorce: leurs conséquences sur la relation banque-
client, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1986, 133 ; comp. infra,
n" 69 B.
98 TRAITÉ DES SAISIES

les cas où la loi les déclare insaisissables» (399 ). C'est en vain qu'il
serait fait état de l'affectation d'un bien à une fin déterminée pour
prétendre le soustraire, en dehors des dispositions légales en
matière d'insaisissabilité, aux poursuites des créanciers. En règle,
l'assiette de la saisie n'est donc pas susceptible d'être réduite par la
destination donnée par la loi (400 ), la convention ou la volonté
d'une partie (401 ) à un bien.
Hormis l'article 1981 du Code civil qui énonce que «la
rente viagère ne peut être sti~ulée insaisissable que lorsqu'elle a été
constituée à titre gratuit» (4 2 ) ( 403 ) il n'est pas permis de déroger

(3 99) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,


1983, p. 601, n° 11. Cette règle n'est pas absolue (A. WEILL et F. TERRE, Droit civil, Introduction
générale, Dalloz, 4ème éd., 1979, n"s 366 à 372, p. 357 à 367). Ainsi la loi du 14juillet1987 relative à
la société d'une personne à responsabilité limitée organise une dualité de patrimoine pour un même
individu (supra, n° 50 C/2 ; en règle, une personne physique ne peut être associé unique que d'une
S.P.R.L., art. 123 bis, L.S., voy. H. MICHEL, op. cit., Rev. Not., 1987, 454-455; sur l'E.P.R.L.,
voy. J. VAN RYN, L'entreprise d'une personne à responsabilité limitée, J.T., 1985, p. 277-280 et P.
VAN OMMESLAGHE, L'entreprise d'une personne à responsabilité limitée : quels choix fonda-
mentaux? in Liber Amicorum Jan RONSE, Story-Scientia, p. 379 à 394). De même, la notion
d'affectation est utilisée en matière d'immunité d'exécution (infra, n°s 61, 62, 64). Enfin, aux termes
de l'article 27, al. 1 de la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité juridique aux associations sans
but lucratif et aux établissements d'utilité publique «toute personne peut, moyennant l'approbation
du gouvernement, affecter par acte authentique ou par testament olographe tout ou partie de ses
biens à la création d'un établissement d'utilité publique qui jouit de la personnalité civile». Il s'agit
d'un cas où un patrimoine d'affectation est constitué par le biais d'une personne morale dotée de la
personnalité juridique (J. VAN RYN, op. cit., p. 277, n° 2; au sujet des droits des créanciers, voy.
l'art. 37 et J. VAN RYN, op. cit., p. 279, n° 8).
400
( ) Cass. 27 janvier 1983, Pas., 1983, I, 622; R.W., 1983-1984, 1637 : «l'article 37 de la loi
du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, en vertu duquel
les subventions de fonctionnement et d'équipement doivent être affectées aux fins pour lesquelles
elles ont été accordées, s'il crée des obligations dans le chef des établissements d'enseignement
subventionnés, n'exclut pas le droit des créanciers de saisir ces biens dès lors qu'ils sont incorporés au
patrimoine <lesdits établissements»; voy. dans le même sens, Cass.Fr., 15 février 1983, Bull., 1983,
III, p. 37, n° 46; Gaz. Pal., 1983, Pan., 179 et note M.V.; obs. R. PERROT, R.T.D.C., 1983, p.
601, n° Il. Au sujet de /'article 215, §Ier, alinéa 2 du Code civil, voy. infra, n° 69 B.
401
( ) Ainsi une personne ne peut revendiquer que les revenus qu'elle tire d'une exploitation
commerciale soient exclusivement réservés à ses besoins personnels et à ceux de ses enfants sous
peine d'affecter en sa faveur une entité patrimoniale insaisissable au mépris des articles 7 et 8 de la loi
hypothécaire (Civ. Liège, ch.s., 15 juin 1984, R.G., n° 61.528/83). De même, un particulier ne
pourrait opposer à ses créanciers sa décision d'affecter de son propre chef, sans y être tenu par une
obligation claire et précise, ses biens au fonctionnement de la représentation diplomatique d'un Etat
étranger afin de bénéficier de l'immunité d'exécution (Trib. Féd., chambre des poursuites et des
faillites, 23 décembre 1982, J.T., 1985, II, 59) (infra, n° 64).
402
( ) Cette disposition peut se comprendre dans la mesure où les créanciers du créditrentier
ne pouvaient compter sur cet élément d'actif déclaré insaisissable par un donateur ou un testateur ;
toutefois, les effets de l'article 1981, C. civ. peuvent recevoir exception envers les créanciers lorsque,
pour contracter, le débiteur aura fait état d'une solvabilité apparente liée à cette rente viagère (voy.
aussi G. COUCHEZ, Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985, p. 24, n" 36).
403
( ) L'article 581, 3" de l'ancien C.P.C. aux termes duquel «Sont insaisissables les sommes et
objets disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur» ne figure plus dans le Code
judiciaire.
RÈGLES COMMUNES 99

à l'article 8 de la loi hypothécaire en rendant directement ou


indirectement un bien insaisissable. C'est pourquoi une clause
d'inaliénabilité ne Reut, en principe, empêcher la saisie du bien qui
en fait l'objet ( 4 4). Toutefois, entre parties, une convention
d'insaisissabilité (même implicite) limitée à un ou plusieurs objets
déterminés est valable (405 ).

56) Qui peut se prévaloir de l'insaisissabilité d'un bien?


Le débiteur a évidemment intérêt et qualité pour faire
valoir le caractère insaisissable d'un bien indûment compris dans
une saisie. Sauf texte spécial, l'insaisissabilité ne se transmet pas au
créancier subrogé ou au créancier cessionnaire de la créance
insaisissable car il s'agit d'une protection établie en considération
de la personne du titulaire initial de la créance (406 ).
Le tiers saisi pourrait-il malgré le silence du saisi soulever
la question de l'insaisissabilité d'un bien ? Par le mécanisme de la
saisie, le tiers paye au saisissant ce qu'il doit au saisi, et si sa dette
est incontestable, il quitterait son obligation de neutralité en
agissant dans l'intérêt du saisi alors qu'il n'a à redouter aucun
recours de celui-ci (407 ) ( 408 ).

(404 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 73; Anvers, 26 mars 1984, R.W.,
1985-1986, 1769 et note M. PUELINCKX-COENE, Maakt een clausule van onvervreemdbaarheid
de geschonken goedere ook onbeslagbaar ? Maakt elke vervreemding de herroeping van de schenking
mogelijk?; Civ. Furnes, 18 juin 1980, Rec. Enr., 1981, n° 22.615 et note; T. Not., 1981, 18; A.
WEILL et F. TERRE, (Droit civil des obligations, Dalloz 1980, p. 934, n° 844), écrivent à juste
titre : «Le droit de gage général est d'ailleurs d'ordre public ; il ne serait pas possible, par une
convention préalable, de décider que tel ou tel bien y échappera, ou que l'action des créanciers sera
réservée à telle ou telle partie des biens, à l'exclusion des autres». Comp. A. DELIEGE,
Inaliénabilité, Rép. Not., T. Il, 7, n" 7, l'auteur n'admettant l'inopposabilité de la clause que si «le
transfert de bien a lieu à titre onéreux puisque la contrepartie des valeurs aliénées échappe à l'action
des créanciers».
(4! 15 ) Infra, n" 136, D.
41
( "') Liège. 4 décembre 1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 59; G. de LEVAL, obs. sous Liège, 20
mars 1987, J.L.M.B., 1987, 844; une solution semblable s'applique en principe au créancier subrogé
qui récupère une avance imputable sur une créance d'aliments (infra, n°s 92, 97 et note 761). Mais les
deux situations sont différentes : d'un côté, il s'agit de l'insaisissabilité protégeant le créancier
originaire, de l'autre, il s'agit de la saisissabilité dont bénéficie le créancier originaire.
407
( ) Infra, n" 57 in fine. En cas de saisie mobilière, voy. infra, n" 75. Adde. au sujet de
l'intérêt du tiers pour agir, infra n" 186.
41 8
( ' ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1977, 635, n" 21; c'est à juste titre qu'il a été décidé que «le tiers saisi n'a pas intérêt à faire
opposition à une procédure d'exécution poursuivie par le créancier à charge du saisi en invoquant
l'insaisissabilité de la créance saisie-arrêtée car il devrait, en principe, lui être indifférent de payer les
sommes dues soit directement à son créancier, soit au créancier de celui-ci» (Bruxelles, 2 mai 1984,
R.G. n° 2110/81 ; cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 1987, J.T.,
141 mais sur le fondement d'un moyen étranger à ce principe, voy. infra n° 91 E); comp. Civ.
Bruxelles, ch.s., 10 juillet 1986, infra, n" 91 E; contra Civ. Dinant, 15 mars 1961, Jur. Liège, 1961-
1962, 133; Civ. Liège, ch.s., 23 mai 1984, Jur. Liège, 1986, 70.
100 TRAITÉ DES SAISIES

57) Extension de l'assiette de la saisie.

En édictant des règles d'insaisissabilité, le législateur a le


souci de l'intérêt général même lorsqu'au départ il s'agit d'assurer
au débiteur et à sa famille la conservation d'un minimum vital
compatible avec la dignité humaine. Le droit de l'exécution n'a pas
pour seul but de procurer au créancier le désintéressement le plus
complet possible ; il tient compte de la situation du débiteur qui ne
peut être entièrement dépouillé. L'assiette de la saisie ne peut donc
être conventionnellement étendue en y englobant des biens décla-
rés insaisissables par la loi ; le débiteur ne peut renoncer par avance
à invoquer le bénéfice des articles 1408 à 1412 du Code judiciaire ou
d'une autre cause d'insaisissabilité telle l'immunité d'exécution de
l'Etat belge (409 ). Si l'illégalité d'une clause extensive de la
saisissabilité des biens ne lie pas le débiteur, celui-ci peut cependant
consentir, au moment de la saisie, des efforts que la loi ne lui
impose pas. Ainsi, un paiement volontaire peut avoir lieu en même
temps que s'opère la retenue de la quotité saisissable d'une
rémunération ; de même, si le débiteur ne réclame pas, au moment
de la saisie, la soustraction des biens protégés y englobés, ceux-ci
seront vendus sans possibilité pour lui de les revendiquer ultérieu-
rement ou de se faire colloquer, lors de la distribution par
contribution, pour une somme correspondante.
Bref, le caractère d'ordre public de la règle ne supprime
pas pour le débiteur l'obligation de s'en prévaloir à temps et ne le
prive pas du droit de renoncer à l'insaisissabilité de la même
manière qu'il ~eut disposer librement du produit d'une créance
insaisissable (4 ).

58) Loi applicable en matière d'insaisissabilité.

La détermination du caractère saisissable ou insaisissable


d'un bien est faite par la loi du lieu de situation du bien qui en droit

(409 ) Ch. HUBERLANT et F. DELPEREE, Les personnes de droit public bénéficiaires de


l'immunité d'exécution in L'imminuté de juridiction et d'exécution des Etats, Ed. Institut de
sociologie, Bruxelles, 1971, p. 239; M. PAQUES, L'immunité d'exécution des personnes de droit
public, J.T., 1983, p. 434, n° IV; voy. aussi J. LEBRUN et D. DEOM, L'exécution des créances
contre les pouvoirs publics, J.T., 1983, p. 265, n° 17 in fine et n" 21 et note 79; comp. et contra au
sujet des Etats étrangers, infra n" 64.
410
) R.P.D.B., V Saisie-exécution, n° 142; voy. aussi supra, n° 55; infra, n"s 75, 79, 85 C
0
(
et 91 E.
RÈGLES COMMUNES 101

international est en même temps la loi du lieu de la saisie (411 ).


Cette règle s'applique nonobstant les dispositions différentes de la
loi régissant le bien. Ainsi «les insaisissabilités édictées par une loi
étrangère ne sont pas applicables au lieu de la saisie lorsque la loi
du lieu de la saisie ne prévoit pas le même cas d'insaisissabilité ou
ne permet pas une même convention d'insaisissabilité» (412 ).

SECTION l-L'immunité d'exécution.

59) Division.
Les biens situés en Belgique peuvent être insaisissables en
raison de la seule personnalité du débiteur. Tel est spécialement le
cas de l'insaisissabilité des biens appartenant aux personnes mora-
les de droit public belge (§ 1er) et des biens appartenant à des Etats
étrangers (§ 2).
Encore que la justification de l'immunité d'exécution varie
suivant qu'elle est invoquée par les pouvoirs publics belges ou par
les Etats étrangers, elle se caractérise dans l'un et l'autre cas par la
faculté de faire échec à la réalisation effective des droits reconnus à
l'encontre du bénéficiaire de cette immunité ; à l'égard d'un Etat
étranger, cette question ne se pose que si l'immunité de juridiction
a été préalablement écartée.
«The government started as a trader and must end as a
trader» ( 413 ). Au temps où l'activité de l'Etat se limitait à des actes
de puissance publique, l'immunité d'exécution était absolue. Ac-
tuellement, l'intrusion grandissante de l'Etat ou de ses émanations
dans le domaine économique modifie les données du problème ; la
sécurité des relations économiques tant nationales qu'internationa-
les exige une limitation de l'immunité à ce qui fait sa raison d'être.
Une évolution est ainsi perceptible tant au niveau national qu'au
niveau international. Il est remarquable de relever qu'à ces deux

411
( ) J. PATARIN, Saisies, D. Rép. Dr. lnt., n" 13; G. MERCIER, Saisie-arrêt, D. Rép.
Dr. Int., n° 36; BATTIFOL et LAGARDE, Droit international privé, n° 450; M.N. JOBARD-
BACHELLIER, obs. sous Paris, 26 mars 1986, Rev. crit. D.l.P., 1987, 363; Liège, 30 décembre
1911, Jur. Liège, 1912, 57; sur le lieu de la saisie en droit international, supra, n° 26; P. GOTHOT
et D. HOLLEAUX, op. cil., Ed. Jupiter, 1984, n° 364.
412
( ) J. PATARIN, op. cil., n° 15.
413
( ) Lord Denning, Court of Appeal, 1.10.1979 cité par J. PREVAULT et W. HELLMAN,
Immunités de juridiction et immunités d'exécution en droit français et en droit allemand, Ann. Dr.
Clermont, 1985-1986, 134.
102 TRAITÉ DES SAISIES

niveaux, le travail est avant tout jurisprudentiel, la législation à ce


sujet étant nettement insuffisante.

§ 1. - Les personnes de droit public.

60) Etendue de l'immunité d'exécution.


Il est admis que les biens d'une personne eublique ne
peuvent faire l'objet de mesures d'exécution forcée (4 4 ) ; partant,
aucune mesure de saisie (saisie-arrêt (415 ), saisie mobilière, saisie
immobilière), conservatoire ou exécutoire, ne peut être admise sur
les biens d'une personne morale de droit public (416 ) ( 417 ). Il est
également admis que cette interdiction, que ne consacre aucun
texte (comp. art. 1408 al. 1), concerne tant les biens du domaine
public que ceux du domaine privé (418 ).

414
( ) Cass., 26 juin 1980, Pas., 1980, 1, 1341 et conclusions de M. !'Avocat général VELU sp.
p. 1359 et réf. cil. ; J.T., 1980, 707; R.C.J.B., 1983, 173 et note F. DELPEREE, «La prévention et
la réparation des dommages causés par 1' administration». En l'espèce, la Cour de cassation décide
que méconnaît le principe général de la continuité du service public, en vertu duquel les biens d'une
personne publique ne peuvent faire l'objet de mesures d'exécution forcée, la décision·qui autorise la
victime d'un dommage résultant d'un acte illicite de l'autorité administrative, à défaut par celle-ci
d'exécuter dans un de ses immeubles et avant une date déterminée les travaux qu'elle est condamnée
à effectuer pour mettre fin à l'illégalité dommageable, à y procéder aux frais de cette autorité,
récupérables sur factures d'ouvrier». Il n'en reste pas moins que cet arrêt consacre le pouvoir des
tribunaux de l'ordre judiciaire de donner à !'Administration des injonctions nécessaires pour assurer
le respect des droits des particuliers (J.L. FAGNART et M. DENEVE. Chronique de jurisprudence,
La responsabilité civile, 1976-1984, J.T., 1986, p. 321, n" 82 et réf. cit.; addc. en matière d'astreinte,
!. MOREAU-MARGREVE, op. cit., Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, p. 75).
415
( ) «La saisie-arrêt donne lieu à certaines confusions. Si cette saisie est faite entre les mains
de tiers sur des fonds revenant à des autorités ou services publics. il n'y a aucune raison de la
soumettre à un autre régime que celui des autres saisies. Si, au contraire, il s'agit d'une saisie-arrêt
entre les mains de ces autorités ou services, de fonds ou autres biens revenant à un tiers (qui n'est pas
lui-même une telle autorité ou service), il n'y a aucune raison d'interdire cette saisie» (F. DUMON.
Le régime de l'immunité d'exécution en droit comparé in L'immunité de juridiction et d'exécution
des Etats, Ed. Institut de sociologie, U.L.B., 1971. p. 1853; voy. aussi les art. 88, 3° et 89 de la loi du
Ier août 1985 portant sur des mesures fiscales et autres, infra, n" 62 B).
(4 16 ) Cass., 21 avril 1966, Pas., 1966, 1, 1060; J. LEBRUN et D. DEOM, L'exécution des
créances contre les pouvoirs publics, J.T., 1983, p. 261-262, n" 4.
(4 17 ) En ce qui concerne la compensation et l'exception d'inexécution, voy. J. LEBRUN et D.
DEOM, op. cil., p. 262, n" 8 et p. 264, n° 14; Bruxelles, 25 avril 1985, J.T., 1986, 8; comp. art. 87 à
90 de la loi du Ier août 1985 portant des mesures fiscales et autres et infra, n" 62 B.
418
( ) J. LEBRUN et D. DEOM. op. cit., p. 262, n° 5 et réf. cit. (voy. aussi Gand, 14 octobre

1985, Jura Falconis, 1985-1986, 283 et Proposition de loi insérant un article 1412 bis dans le Code
judiciaire, Doc. Pari. Sénat. Sess., 1986-1987, n" 450/1 visant à permettre, sous certaines conditions,
la saisie des biens du domaine privé). Ces auteurs précisent: «Il n'existe qu'une exception à cette
règle. Elle porte sur les navires d'Etat affectés à des fins commerciales: une loi du 28 novembre 1928
a spécialement prévu, conformément à la Convention internationale du 10 avril 1926, que ces navires
sont soumis au droit commun pour les créances maritimes» (voy. infra, n" 66 et Rép. Not., La saisie
mobilière, n" 493) et ajoutent (n" 6, p. 262) : «même si les biens du domaine privé sont susceptibles
d'hypothèque, celle-ci ne peut déboucher sur une procédure de vente forcée» (voy. aussi E. GENIN,
Traité des hypothèques et de la transcription. Rép. Not., n" 1342).
RÈGLES COMMUNES 103

Si en principe, l'immunité opère également dans les rap-


ports entre personnes publiques (419 ), il existe plusieurs exceptions
à cette règle :

a) l'arrêté-royal n° 201 du 25 juillet 1983 instaurant des mesures en


vue d'assurer la perception correcte du précompte professionnel
permet au receveur des contributions chargé du recouvrement
du précompte professionnel dû par une personne morale de
droit public de procéder à une saisie-arrêt à sa charge, nonob-
stant la règle de l'immunité d'exécution, sur toute somme lui
revenant de la part de l'Etat. La procédure à suivre est celle des
articles 215 et 216 de l'arrêté-royal d'exécution du C.I.R. (420 )
(421) ;

b) l'arrêté-royal n° 286 du 31 mars 1984 portant des mesures en


vue d'améliorer la perception des cotisations de sécurité sociale
et de solidarité dues par des personnes morales de droit public
étend à ces cotisations le système mis au point pour le
précompte professionnel ;

c) l'arrêté-royal n° 208 du 23 septembre 1983 créant un Fonds


d'aide au redressement financier des communes prévoit un
système d'hypothèque légale notamment sur les biens immobi-
liers des communes bénéficiaires de l'intervention du Fonds
(art. 11 complétant l'art. 47 de la loi hyp.) ce qui pourrait
entraîner la saisie-exécution immobilière de ces immeubles à
tout le moins en ce qui concerne les biens du domaine privé des
communes (422 ).

Il existe un procédé propre au droit public qui permet au


créancier d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû : il s'agit de
l'inscription d'office de la dette en cause au budget de la personne
morale par l'autorité de tutelle (art. 88, 133 et 147 de la loi

419
( Civ. Bruxelles, ch.s., 30 juin 1980, J.T., 1980, 676; Bull. Contr., 1982, 481.
)
42
( M. DONNY, L'interdiction totale des voies d'exécution à l'égard des personnes
")
publiques est-clic justifiée? Adm. Publique, 1985, 91.
421
( ) Sur les résultats de cette «procédure nouvelle qui permet de récupérer de manière plus
efficace un impôt dû», voy. Ouest. et Rép., Ch. Sess., 1984-1985, p. 3907 et Bull. Contr., 1986, 192
(il s'agit notamment de prélèvements effectués sur le produit des taxes cl centimes additionnels que
!'Administration des contributions directes perçoit au profit des communes et des provinces).
422
( ) Réponse du Minstre de l'intérieur à une question de M. le Sénateur GRAMME du 18
octobre 1983, Bull. Ouest. et Rép., Sénat, 3 janvier 1984, 462; Rec. Enr., 1984, n" 23.083.
104 TRAITÉ DES SAISIES

communale (423 ) ; art. 69-13° et 87, al. 3 de la Loi Provinciale ; art.


88, § 4, 92 et 113 de la loi du 8 }uillet 1976 organique des centres
publics d'aide sociale) (424 ) ( 4 5). La procédure de tutelle de
substitution n'est toutefois pas applicable aux associations de
communes et à certains organismes d'intérêt public (426 ) ; elle ne
concerne ni l'Etat ni les Régions ni les Communautés.

61) Les bénéficiaires de l'immunité d'exécution.

La règle de l'immunité d'exécution s'applique aux pouvoirs


publics (Etats, Région, Communauté, Province, Commune) et aux
établissements publics ayant pour mission d'assurer un service
public et constituant organiquement une personne publique (427 ).
Elle ne s'applique pas aux entreprises publiques, c'est-à-dire aux
«entreprises auxquelles les pouvoirs publics apportent leur con-
cours financier sous forme de prise de participation, sans leur
assigner pour autant d'autre objectif que celui de l'activité écono-
mique considérée pour elle-même» ... «ces entreprises relèvent en

(4 23 ) Jugé qu'à l'égard d'une commune, les voies d'exécution administratives sont insuffisan-
tes ; en effet, l'inscription d'office de la créance au budget ne pourrait représenter un moyen de
contrainte efficace au bénéfice du créancier que si elle s'analysait en une mesure obligatoire,
imposant à l'autorité de tutelle de prendre la mesure qui s'impose, ce qui ne paraît pas le cas. Seules
les voies judiciaires sont de nature à assurer une protection efficace du créancier en ce compris les
voies de conservation et d'exécution prévues par la cinquième partie du Code judiciaire (Civ.
Bruxelles, ch.s., 5 juin 1986, Rev. Rég. Dr., 1986, 335; R.G.A.R., 1987, n° 11.262; comp. note
425).
424
( ) Adde. l'art. 121 bis qui permet au Crédit Communal de prélever d'office, sur l'avoir des
comptes qu'il a ouverts aux communes, le montant des dettes contractées par elles envers lui (J.
LEBRUN et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, p. 264, n° 12).
425
( ) «La procédure de l'inscription d'office est ici la contrepartie indispensable du privilège
qui exempte l'établissement public des voies d'exécution du droit commun. Il faut absolument régler
la situation vis-à-vis des créanciers ; si ceux-ci n'ont pas les voies d'exécution ordinaires, il faut qu'ils
aient la garantie de l'inscription d'office et de la dépense obligatoire ... » (HAURIOU, note sous
Cass. Fr., 20 novembre 1908, S., 1910, 3, 17; comp. note 10).
426
( ) J. LEBRUN et D. DEOM, op. cit., p. 263-264, n° 11 et réf. cit. et p. 270-271, n" 38;
J.J. STRYCKMANS, L'application des voies d'exécution forcée aux associations de communes,
J.T., 1964, 325.
427
( ) Tel semble être pour les organismes personnalisés d'intérêt public, le double critère qui
se dégage de l'arrêt de la Cour de cassation du 21avril1966 (Pas., 1966, 1, 1060; E. GUTT, Synthèse
de la discussion relative aux problèmes d'immunité et de responsabilité in Les créanciers et le droit de
la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 553-554; Ch. HUBERLANT et F. DELPEREE, Les
personnes de droit public bénéficiaires de l'immunité d'exécution in L'immunité de juridiction et
d'exécution des Etats, Ed. de l'Institut de sociologie, Bruxelles, 1971, p. 242; Civ. Gand, ch.s., 29
novembre 1976, Rec. Enr., 1977, p. 420, n° 22.191; R.W., 1976-1977, 2417; comp. et contra J.
LEBRUN et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, p. 265, n° 21 qui ne retiennent que le critère
organique).
RÈGLES COMMUNES 105

raison de leur forme juridique, de leur organisation, de leur activité


et de leur finalité, du domaine du droit privé» (428 ).
La doctrine considère que les biens que les personnes
pnvees concessionnaires de services publics affectent au service
sont insaisissables s'ils appartiennent au domaine public ; ils sont
saisissables s'ils appartiennent au concessionnaire mais ils ne
peuvent faire l'objet d'une vente forcée qu'avec l'accord du pouvoir
concédant (429 ).

62) Justification et adaptation du principe. Une matière en évolu-


tion.

A. - Plusieurs justifications de l'immunité d'exécution sont


proposées : application de l'article 537, alinéa 2 du Code civil aux
termes duquel «les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers,
sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et
selon les règles qui leur sont particulières» mais le texte ne
concerne pas les biens du domaine privé (430 ) ; contraintes du
régime budgétaire mais celles-ci qui sont moins l'expression d'une
exigence technique que du pouvoir discrétionnaire de l'administra-
tion en matière financière ne valent pas pour certaines institutions
431
( ) ; principe de la séparation des pouvoirs mais ce principe n'est
pas sans atténuations (432 ) ; principe de la continuité du service

(4 28 ) J. LEBRUN et D. DEOM, op. cil., J.T., 1983, p. 266, n° 22; voy. aussi Sénat France,
Quest. Réponse 21.210 du 27 décembre 1984 (LEXIS) : «pour ce qui est des entreprises publiques à
statut de société, le recours aux voies d'exécution du droit privé est admis tant par la jurisprudence
que par la doctrine, le d·'bitcur étant alors considéré, de ce point de vue, comme une personne
privée»; comp. au sujet du Crédit communal constitué sous la forme d'une société anonyme tout en
ayant le caractère d'autorité administrative, C.E., 29 juin 1984, J.T., 1985, 92; comp. infra, n°s 64 à
66.
429
( ) J. LEBRUN et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, p. 266, n° 24 et réf. cit. ; comp.
Versailles, 2 juin 1986, Dall., 1987, J. 86 et note J. PREY AULT.
430
( ) J. LEBRUN et D. DEOM. op. cit., J.T., 1983, p. 267, n°s 26 à 28. Adde. Gand, 14
octobre 1985, Jura Falconis, 1986, 283.
431
( ) lb., p. 268, n° 29; voy. aussi M. DONY, op. cit., Adm. Publique, 1985, p. 88-89.
432
( ) J. LEBRUN et D. DEOM, op. cit., p. 268, n° 31; F. DUMON («Le régime de
l'immunité d'exécution en droit comparé» in L'immunité de juridiction et d'exécution des Etats,
Institut de sociologie, U.L.B., 1971) précise au contraire «qu'une exécution forcée opérée sur les
biens de l'Etat en vertu d'une décision du pouvoir judiciaire ne viole pas plus ce principe que ne peut
le faire une condamnation de l'Etat par le Pouvoir judiciaire» (p. 197); adde. M. DONY, op. cil.,
Adm. Publique, 1985, 89.
106 TRAITÉ DES SAISIES

public retenu par la Cour de cassation (433 ) ( 434 ). Toutefois, la


question se pose si l'immunité d'exécution implique l'insaisissabilité
de tous les biens (immunité absolue) ou seulement l'insaisissabilité
des biens réellement affectés au service public (immunité res-
treinte) des pouvoirs publics (435 ). Une tendance se manifeste en
faveur de l'immunité restreinte. S'il est «impossible de dégager un
critère matériel abstrait et général permettant de distinguer les
biens et avoirs qu'ils faudrait continuer à protéger et ceux qui
pourraient faire l'objet de mesures d'exécution forcée» (436), on
suggère, à l'instar de ce que prévoit l'article 1er du protocole du 8
avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés
européennes (437 ), de ne plus laisser à l'autorité responsable du
service l'appréciation du moment et du montant de l'exécution avec
le risque d'arbitraire et de rupture d'égalité entre les créanciers que
ce pouvoir comporte mais de confier au juge le pouvoir de mesurer
si les nécessités du service s'opposent à l'exécution forcée. En bref,
«la nécessité de préserver la continuité du service public n'impose
nullement de placer tous les biens du débiteur ou certaines
catégories de ses biens en dehors de la saisie, mais conduit
uniquement à déclarer insaisissables ceux qui, dans chaque cas
d'espèce, constituent le support même du service public, c'est-à-
dire ceux à défaut desquels celui-ci cesserait de fonctionner» (438 ).
A une époque où le principe de l'immunité d'exécution est lui-

433
( ) Cass .• 21 avril 1966, Pas., 1966, 1, 1060 (cet arrêt invoquait aussi l'article 537, al. 2, C.
civ.); Cass., 26 juin 1980, Pas., 1980, 1, 1341 et concl. de M. l'Avocat Général VELU qui précise:
«Tant qu'ils considèrent un service public comme nécessaire à la satisfaction d'un besoin collectif, les
gouvernants ont le droit et l'obligation d'assurer le fonctionnement régulier et continu de ce service
conformément à sa nature et aux règles qui l'organisent. La nécessité d'assurer la poursuite et la
permanence, sans interruption, des services publics doit prévaloir qu'il y ait ou non urgence» (p.
1359); voy. aussi F. DUMON, op. cit., p. 197-198 et M. DONY, op. cit., p. 89 à 91; comp. infra, n°s
101 à 103.
(434 ) On a aussi invoqué que l'Etat qui a le monopole de la contrainte pour prêter main-forte
à l'exécution d'une décision de justice n'utilise pas ce pouvoir de contrainte contre lui-même ou ses
démembrements (R. DENOIX DE SAINT MARC, note sous Paris, 11juillet1984, Dall., 1985, J.,
p. 177; voy. J. LE BRUN et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, p. 267, n° 25 et M. DONY, op. eit.,
Adm. Publique, 1985, 86-87 qui souligne que la saisie-arrêt notamment n'implique pas le recours à la
contrainte contre l'administration).
435
( ) J. LEBRUN et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, p. 269, n"s 32 et 33; P.L'ECLUSE, De
absolute uitvoeringsimmuniteit van publiekrechterlijke rechtspersonen, Tijd voor correcties, Jura
Falconis, 1986, 285 à 287.
43
( ") J. LEBRUN et D. DEOM, op. cit., p. 270, n" 35.
437
( ) «Les biens et avoirs de la Communauté ne peuvent être l'objet d'aucune mesure de
contrainte administrative ou judiciaire sans une autorisation de la Cour» ; voy. Les Novelles, Droit
des Communautés européennes (sous la Direction de W.J. GANSHOF van der MEERSCH),
Bruxelles, Larcier, 1969, n°s 407 et 408 et réf. cit. ; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 5 juin 1986, Rev.
Rég. Dr., 1986, 335.
('-'") Paris, 18 mars 1986, Dall., 1987, Jur., 310 et note B. NICOD.
RÈGLES COMMUNES 107

même réduit par les pouvoirs publics (439 ), on ne peut que


souscrire à l'idée suivant laquelle la suggestion de confier au juge -
à notre avis dans le cadre d'une action en mainlevée exercée par la
personne de droit public - l'appréciation des exigences de la
continuité du service public, peut se réaliser «sans intervention du
législateur», une telle évolution ne faisant que «ramener l'argument
tiré de la continuité du service public à son aspect originel - celui
de la Erimauté de l'intérêt public sur l'intérêt privé» (440 ) ( 441 )
442 43
( ) ( ) et permettant ainsi d'assurer au mieux le respect des
droits subjectifs.

439
( Supra, n° 60.
)
440
( J. LEBRUN et D. DEOM, op. cil., J.T., 1983, p. 270, n"s 35 à 37 et réf. cil.; Ch.
)
HUBERLANT et Fr. DELPEREE (op. cil., p. 239, note 82) précisent que «la reconnaissance du
caractère d'ordre public de l'immunité d'exécution (supra, n" 57) n'empêche pas que l'on puisse
admettre une limitation de son champ d'application. Tous les biens d'une personne de droit public ne
sont pas toujours nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public qui lui est
confié»; voy. F. DUMON, op. cit., p. 197 et 210 et L'effectivité des décisions de justice, Rapport
général de droit public interne, in Travaux de !'Association Henri Capitan!, Tome XXXVI, 1985,
Economica, 1987. 529-530; M. PAQUES, L'immunité d'exécution des personnes de droit public,
J.T., 1983, p. 435, n° VIII; P. L'ECLUSE, op. cil. Jura Fakonis, 1986, 285 à 287. Comp. supra note
418 (Prop. de loi insérant un article 1412 bis dans le Code judiciaire).
441
( ) On a aussi souligné qu'un refus de paiement peut mettre en péril la continuité des
services publics (M. DONY, op. cil., Adm. Publique. 1985, 95 et note 123; infra, n°101).
(442 ) La loi de continuité du service public n'exclut pas non plus le sursis à exécution (M.
DONY, op. cit., Adm. Publique, 1985, 95; adde. G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE,
L'évolution du référé: mutation ou renouveau?, J.T., 1985, p. 522, n" 18).
443
( ) Une décision du juge des saisies de Bruxelles du 5 juin 1986 (Rev. Rég. Dr., 1986, 335;
R.G.A.R., 1987, n" 11.262; Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1494/5/6bis; J. LINSMEAU,
L'huissier de justice confronté aux immunités, Chambre Nationale des Huissiers de Justice, 1986, p.
90; adde. Paris, 18 mars 1986, Dall., 1987, Jur., 310 et note B. NICOD) fait une application très
nuancée de ces principes en limitant prudemment le rôle du juge des saisies qui doit : « - vérifier
concrètement si la mesure sollicitée est compatible avec les impératifs de la continuité du service
public ou, en d'autres termes, si le bien visé par la mesure est indispensable au fonctionnement du
service concerné ; - ensuite, comparer les intérêts en présence, en appréciant par exemple si, d'une
part, le créancier justifie de l'urgence ou du caractère vital à obtenir l'exécution ou la conservation
immédiate de sa créance et si, d'autre part, le pouvoir public débiteur justifie concrètement des
nécessités qui, tenant à la sauvegarde de la continuité de son action, font, selon lui, obstacle à l'octroi
ou au maintien de la mesure sollicitée ; - enfin. sauvegarder le résidu d'appréciation en opportunité
qui revient à l'administration quant au moment précis où elle exécutera en lui laissant pour ce faire un
délai raisonnable». Le contrôle du juge doit être prudent. Dans les cas douteux, il doit faire prévaloir
le respect de la loi de continuité afin d'éviter tout reproche d'immixtion dans les attributions du
pouvoir exécutif. Au stade de l'exécution, la célérité n'est pas requise, il suffit que la première
condition soit satisfaite pour que l'immunité d'exécution soit écartée (Civ. Bruxelles, ch. s., 8 janvier
1987, R.G. n" 31.700 inédit). En l'espèce, il est apparu, lors de la réouverture des débats, que tel
n'était pas le cas (l'assiette de la saisie devant recevoir une destination publique) de telle sorte que la
mainlevée de la saisie-arrêt conservatoire a été ordonnée (Civ. Bruxelles, ch. s., 27 octobre 1986,
R.G., n" 19.926; la décision relève surabondamment que la condition de célérité exigée par l'art.
1413 C. jud. n'est pas satisfaite vu le plan d'assainissement des finances de la Ville de Bruxelles dont
la mise en oeuvre trouve un appui substantiel dans la convention avec le Fonds d' Aide au
redressement financier des Communes); Adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 25 novembre 1987, J.T., 1987,
719. Pour une appréciation nuancée mais critique de cette décision, voy. J. van COMPERNOLLE,
Examen de jurisprudence (1972 à 1985). Droit judiciaire privé. Saisies conservatoires et voies
d'exécution, R.C.J.B., 1987, p 416, n" 15).
108 TRAITÉ DES SAISIES

De manière générale, sans méconnaître les nécessités du


service public dont le fonctionnement ne peut être bloqué par des
mesures individuelles conservatoires ou exécutoires, il importe de
ne pas oublier que l'intérêt général commande aussi le respect des
décisions judiciaires ; les personnes morales de droit<tRublic -
contre lesquelles une astreinte peut être prononcée (4 ) doivent
donc sauvegarder le crédibilité de l'institution judiciaire en s'incli-
nant devant l'autorité de la chose jugée et en se préoccupant de
traduire celle-ci dans les faits, ce qui correspond au droit tout à fait
respectable .. puisque consacré dans un titre public, de leurs créan-
ciers (445) (446).

Enfin, l'application conditionnelle des voies d'exécution du


droit commun aux personnes morales de droit public se justifie
d'autant plus qu'elles ne sont pas soumises au régime de la faillite.

B. - Une règlementation spéciale: la suspension de l'exigibilité des


dettes fiscales et sociales du créancier de certains pouvoirs
publics.

Les articles 87 à 90 de la loi du 1er août 1985 portant des


mesures fiscales et autres concernent, suivant l'intitulé du chapitre
VI qui les regroupe, la «protection des personnes créancières et
débitrices de certains pouvoirs publics et organismes d'intérêt
public».

Ces dispositions sont mises en oeuvre par l'arrêté-royal du


11 octobre 1985 «portant exécution du chapitre VI de la loi du 1er
août 1985 portant des mesures fiscales et autres, relatif à la
protection des personnes créancières et débitrices de certains
pouvoirs publics et organismes d'intérêt public» (M.B., 31 octobre
1985, p. 16.014 et S.).

444
( ) Voy. Annales Parlementaires, Ch. Repr., Sess. 1986-1987, p. 19 à 21 ; 1. MOREAU-
MARGREVE, !.'astreinte, Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, 21.
445
( ) Au sujet de la violation éventuelle de la Convention européenne des droits de l'homme
(art. 13 et art. 1er du Protocole additionnel), voy. Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1494/5/1 ;
M. PAQUES, op. cit., J.T., 1983, 435 et Civ. Bruxelles, ch.s., 5 juin 1986, Rev. Rég. Dr., 1986, 335
et P. LAMBERT, En bref de Strasbourg, J.T., 1987, 295.
446
( ) En s'abstenant d'exécuter une décision judiciaire, l'administration méconnaît l'autorité
de la chose jugée et commet une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat (C.E.Fr., 5
octobre 1984, Dai!., 1985, J., 9 et concl. de M. DELON). Voy. aussi sur le respect de la loi par
!'Administration fiscale, J.P. BOURS, Le mythe de Sisyphe en droit fiscal ou quelques réflexions sur
l'article 260 C.I.R., note sous Anvers, 26 septembre 1983, Ann. Dr. Liège, p. 473 à 478 et sp. p. 478.
RÈGLES COMMUNES 109

Les articles 87 à 90 de la loi du 1er août 1985 et l'arrêté-


royal du 11 octrobre 1985 sont entrés en vigueur le 1er janvier 1986
(art. 90 de la loi et art. 8 de l'A.R.).
Cette loi organise la procédure de suspension de l'exigibi-
lité des dettes d'impôts et de cotisations de sécurité sociale en
faveur de certains créanciers de l'Etat et de certains parastataux.
Cette mesure de suspension peut être suivie d'une saisie-arrêt
simplifiée pratiquée par le pouvoir public créancier entre les mains
d_u pouvoir public débiteur à charge du bénéficiaire de la suspen-
sion.
Cette règlementation compliquée et décevante fait l'objet
d'un commentaire spécial à l'annexe n° Il du présent ouvrage.

§ 2. - Les Etats étrangers.

63) Immunité de juridiction.


L'immunité de juridiction, fondée sur l'indépendance,
l'égalité et la souveraineté des Etats, permet à un Etat étranger de
décliner la juridiction des Tribunaux belges. Il s'agit d'une immu-
nité restreinte: «sans contester que de l'indépendance de l'Etat
étranger dérive le respect de sa souveraineté, et que celui-ci exige
une immunité de juridiction, les cours et tribunaux refusent de lui
reconnaître pareille immunité lorsque sa souveraineté n'est pas
engagée même si sa personne l'est. Dans la terminologie originaire,
devenue classique, la théorie distingue ainsi les actes accomplis
« iure gestionis » (gestion privée) des actes accomplis « iure imperii »
(puissance publique), l'Etat étranger ne bénéficiant de l'immunité
qu'à l'égard de ceux-ci. Autrement dit, seul l'Etat en tant que
pouvoir de commandement (imperium) est en droit de bénéficier
de l'immunité car sa souveraineté ne s'exerce qu'alors ; lorsqu'en
dehors de ses droits de puissance publique, il n'exerce que des
droits de gestion, en participant comme personne civile à des
rapports de droit privé, il n'est plus en droit d'en bénéficier» (447 ).
C'est à «la nature de l'acte que se sont attachés les tribunaux pour

447
( ) P. DE VISSCHER et J. VERHOEVEN, L'immunité de juridiction de l'Etat étranger
dans la jurisprudence belge et le projet de convention du Conseil de l'Europe in L'immunité de
juridiction et d'exécution des Etats, Ed. Institut de sociologie, Bruxelles, 1971, p. 46, n" 10; J.
LEBRUN et D. DEOM, op. cil., J.T., 1983. p. 265. n" 17. Cette distinction est également utilisée
pour définir le champ d'application de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (voy. P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cil., Ed. Jupiter, 1985. p. 8, n"s 8 et 9: addc. Cass. Fr.. 4 février
1986, J.C.P., 1986. IV, Hll).
110 TRAITÉ DES SAISIES

déterminer le caractère public ou pnve de l'acte étatique, sans


considération en principe de la finalité poursuivie par l'Etat
étranger» (448). La qualification de l'activité est faite conformé-
ment au droit du for.
Par ailleurs, un Etat étranger a la faculté de renoncer à
l'immunité de juridiction. L'exercice de cette faculté ne se conçoit
que lorsqu'il agit <<Îure imperii » ; en effet, lorsque la souveraineté
de l'Etat n'est pas en jeu, il ne peut être question de l'immunité de
telle sorte qu'une renonciation à celle-ci est superflue (449 ).
Il importe enfin de mentionner la loi du 19 juillet 1975
portant approbation de la Convention européenne sur l'immunité
des Etats, de l'Annexe et du Protocole additionnel, faits à Bâle le
16 mai 1972. Cette convention, ratifiée à ce jour par l'Autriche, la
Belgique, Chypre, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse,
entrée en vigueur le 11 juin 1976 (450), énumère une série de cas
dans lesquels l'Etat étranger ne jouit pas de l'immunité de
juridiction (art. 1 à 14) (451 ). Ainsi, l'article 12-1 énonce: «Si un

448
( ) P. DE VISSCHER et J. VERHOEVEN, op. cit., p. 47, n" 11; Cass., 11 juin 1903,
Pas., 1903, I, 294; E. SUY, L'immunité des Etats dans la jurisprudence belge, in L'immunité de
juridiction et d'exécution des Etats, Ed. Institut de sociologie, Bruxelles, 1971, p. 297 à 303, l'auteur
présentant un relevé et une classification des actes; H. SYNVET, note sous Cass. Fr., 1er octobre
1985, J.C.P., 1986, Il, n° 20.566, II B; J. PREVAULT et W. HELLMAN, Immunités de juridiction
et immunités d'exécution en droit français et en droit allemand, Ann. Dr. Clermont, 1985-1986, 129-
130; voy. aussi Trav. Bruxelles, Ier février 1980, J.T.T., 1980, 274; comp. en matière d'arbitrage,
Sent. Arbitrale, 18 novembre 1983, J. T., 1984, 230.
449
( ) E. SUY, op. cit., p. 304-305; voy. aussi P. DE VISSCHER et J. VERHOEVEN, op.
cit., p. 47, n° 12 et p. 58, n° 21; Cass. Fr., 4février1986, J.C.P., 1986, IV, 101.
(4"') Le protocole additionnel institue le Tribunal européen en matière d'immunité des Etats.
Celui-ci a pour fonction de régler, au moyen d'un arrêt définitif et obligatoire : 1) à la requête de l'un
des Etats concernés ou par accord spécial, les différends entre Etats sur l'interprétation et
l'application de la Convention ; 2) à la requête d'un particulier, les différends relatifs au point de
savoir si un Etat est tenu, en vertu de la Convention, de donner effet à un jugement rendu contre lui,
en faveur du requérant. Les Etats parties au Protocole peuvent déclarer qu'ils n'acceptent pas la
juridiction du Tribunal pour les différends de la seconde catégorie, Le Protocole, ratifié par
l'Autriche, la Belgique, Chypre, les Pays-Bas et la Suisse (aucun de ces Etats n'a déclaré qu'il
n'acceptait pas la juridiction du Tribunal européen pour les requêtes de particuliers), est entré en
vigueur le 22 mai 1985. Le Tribunal européen sera composé initialement des membres de la Cour
européenne des Droits de l'Homme, mais il y a lieu de noter que ses fonctions s'exerceront dans un
domaine entièrement différent. Si un Etat non membre du Conseil de l'Europe devait adhérer au
Protocole, la composition du Tribunal serait élargie afin qu'il comprenne une personnalité qualifiée,
désignée par l'Etat en question (Conseil de l'Europe, communiqué de Presse, C (85) 39 du 15 mai
1985).
451
( ) Il importe de préciser que la Belgique n'entend pas enserrer l'immunité de juridiction
dans les limites prévues par la Convention car elle a approuvé celle-ci en déclarant notamment: «Se
référant à l'article 24, le Gouvernement belge déclare qu'en dehors des cas relevant des articles 1à13
ses tribunaux pourront connaître de procédures engagées contre un autre Etat contractant dans la
mesure où ils peuvent en connaître contre les Etats qui ne sont pas parties à cette Convention. Cette
déclaration ne porte pas atteinte à l'immunité de juridiction dont jouissent les Etats étrangers pour
les actes accomplis dans l'exercice de la puissance publique (acta jure imperii)» (Pasin., 1975, 1280).
RÈGLES COMMUNES 111

Etat contractant a accepté par écrit de soumettre à l'arbitrage des


différends déjà nés ou qui pourraient naître en matière civile ou
commerciale, il ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant
un tribunal d'un autre Etat contractant sur le territoire ou selon la
loi duquel l'arbitrage doit avoir ou a eu lieu en ce qui concerne
toute action relative :
a) à la validité ou à l'interprétation de la convention d'arbitrage ;
b) à la procédure d'arbitrage;
c) à l'annulation de la sentence, à moms que la convention
d'arbitrage n'en dispose autrement».
L'ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale ne
constituant pas un acte d'exécution mais seulement un préalable
aux mesures d'exécution (452 ), l'exequatur peut être détaché de
l'institution de l'immunité d'exécution (453 ) mais la clause d'arbi-
trage ne peut valoir en soi acceptation d'exécuter la sentence à
intervenir (454 ).

64) Immunité d'exécution.


L'immunité d'exécution signifie qu'aucune mesure de con-
trainte ne peut être mise en oeuvre contre un Etat étranger qui ne
peut dès lors être l'objet d'aucune saisie conservatoire ou exécu-
toire. «L'immunité d'exécution doit être considérée comme une
notion séparée de l'immunité de juridiction. Partant, le fait de faire
abandon de l'immunité de juridiction ou de ne pas avoir invoqué ce
droit n'empêche nullement que dans la suite, on fasse appel à
l'immunité d'exécution» (455 ). Le domaine de l'immunité d'exécu-
tion est plus vaste que celui de l'immunité de juridiction - au point

452
( ) Paris, 26 juin 1981. Clunet, 1981, 843 et note B. OPPETIT; Rev. Crit. 0.1.P., 1982,
379; Rev. Arb., 1982, 204; voy. aussi M. SYNVET, obs. sous Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984,
Il, 20.205.
453
( ) Cass. Fr., 18 novembre 1986, Rev. Arb., 1987, 149 et note J.L. DELVOLVE; Clunet
1987, 120 et note B. OPPETIT; Rouen, 13 novembre 1984, Clunet 1985, 473 et note B. OPPETIT;
infra, n° 244/2 ; voy. cependant P. BOUREL, Arbitrage international et immunités des Etats
étrangers, Rev. Arb., 1982, 141-142 et Aspects récents de l'immunité d'exécution des Etats et
services publics étrangers, Droit international privé, Années 1983-1984, Ed. du C.N.R.S., Paris,
1986, p. 136 à 142. Addc. au sujet des rapports entre immunité de juridiction et immunité d'exécution
au stade conservatoire, P. MAYER, obs. sous Cass. Fr.. 4 février 1986, Rev. crit. 0.1.P. 1986, 718.
454
( ) M. GULPHE, Concl. préc. Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984, II, n° 20.205; adde.
P. MAYER, obs. sous Rouen, 13 novembre 1984, Rev. Crit. 0.1.P., 1985. 671.
455
( ) R. VENNEMAN, L'immunité d'exécution de l'Etat étranger in L'immunité de
juridiction et d'exécution des Etats, Ed. Institut de sociologie. Bruxelles, 1971, p. 136; E. SUY, op.
cit., p. 305-306; Cass. Fr.. 2 novembre 1971. Clunet, 1972. 266 et note PINTO.
112 TRAITÉ DES SAISIES

qu'on a parlé d'immunité absolue - parce que «l'utilisation des


voies d'exécution contre un Etat étranger affecte plus directement sa
souveraineté que la soumission de son comportement à l'apprécia-
tion des tribunaux (belges). Condamner l'Etat est une chose. Le
contraindre en est une autre, plus grave. Peu importe donc que
l'immunité de juridiction n'ait pas lieu de jouer, parce que l'activité
litigieuse est de nature privée ; l'Etat étranger conserve vocation à
opposer son immunité d'exécution» (456 ). D'une part, il s'agit de
juger une activité privée ; de l'autre, il s'agit d'appréhender des biens
de l'Etat. Au demeurant, la Convention européenne sur l'immunité
des Etats, approuvée par la loi du 19 juillet 1975 (457), renonce à
limiter, à l'instar de l'immunité de juridiction, l'immunité d'exécu-
tion; l'article 23 prévoit, en effet, qu'«il ne peut être procédé sur le
territoire d'un Etat contractant ni à l'exécution forcée, ni à une
mesure conservatoire sur les biens d'un autre Etat contractant, sauf
dans les cas et dans la mesure où celui-ci y a expressément consenti
par écrit». Mais cette interdiction s'explique par la mise à charge de
chaque Etat partie d'une obligation de donner effet aux jugements le
condamnant (art. 20) sans préjudice de l'installation du Tribunal
européen en matière d'immunité des Etats (458 ). En outre, une
renonciation à l'immunité d'exécution reste possible (459 ) ( 460 )
étant rappelé que la renonciation à l'immunité de juridiction
n'implique pas renonciation à l'immunité d'exécution (46 ).
De manière générale, on relève un large courant jurispru-
dentiel et doctrinal favorable à la limitation du principe de

456
( ) H. SYNVET, obs. sous Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984, JI, n° 20.205, !, A; M.
GULPHE, Concl. préc. Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984, JI, n° 20.205.
457
( ) Supra, n° 63.
458
( ) Supra note 450 ; M. SYNVET, Quelques réflexions sur l'immunité d'exécution de l'Etat
étranger, Clunet, 1985, p. 869. note 17: comp. infra, n° 252.
459
( ) Aux termes de l'article 26 de la Convention du 16 mai 1972: «Nonobstant les dipositions
de l'article 23, un jugement rendu contre un Etat Contractant dans une procédure relative à une
activité industrielle ou commerciale exercée par l'Etat de la même manière qu'une personne privée
peut être exécuté dans l'Etat du for sur des biens, utilisés exclusivement pour une telle activité (comp.
Cass. Fr., 14 mars 1984: infra, note 467), de l'Etat contre lequel le jugement a été rendu si: a) l'Etat
du for et l'Etat contre lequel le jugement a été rendu ont fait la déclaration prévue à l'article 24 (cette
déclaration a été faite par la Belgique, voy., n" 63): b) la procédure qui a donné lieu au jugement
relève des articles 1 à 13 ou a été engagée en conformité des dispositions de l'article 24, § 1et2 : etc)
le jugement remplit les conditions prévues à l'article 20, § 1, lettre (b)» (décision en principe
irrévocable).
460
( ) G. DELAUME, L'arbitrage CIRDI et le banquier, Banque 1983, p. 893-894 et Le
CIRDI et l'immunité des Etats, Rev. Arb., 1983, p. 157 à 160 (voy. au sujet du CIRDI, infra, n°
253); H. SYNVET, obs. sous Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984, Il, n° 20.205, II, B. et Quelques
réflexions sur l'immunité d'exécution de l'Etat étranger, Clunet, 1985, p. 879, n" 24; M. FALLON,
Compétence internationale, D.A.0.R., 1986, 45.
461
( ) M. GULPHE, Concl. préc. Cass. Fr., 14 mars 1984, J.C.P., 1984, II, n° 20.205.
RÈGLES COMMUNES 113

l'immunité d'exécution des Etats étrangers (462 ). Même si la


validité d'une décision de justice est indépendante des difficultés
que peut présenter sa mise à exécution (463 ), il n'en reste pas moins
que le créancier ne peut se contenter d'une satisfaction théorique et
qu'il entend obtenir une traduction concrète de la décision interve-
nue. «S'il est exact que l'exercice de la juridiction est permis
lorsque l'Etat n'agit pas en tant que souverain, on ne voit pas
pourquoi l'exécution serait interdite lorsqu'elle n'affecte pas non
plus la souveraineté de l'Etat étranger, c'est-à-dire, lorsqu'elle
porte sur des biens non nécessaires à l'exercice de la souveraineté.
Toute autre solution ne serait pas seulement illogique, elle affecte-
rait également le courant international des capitaux et des transac-
tions internationales. Cela ne signifie toutefois pas que, dans tous
les cas où l'immunité de juridiction ne joue pas, l'exécution forcée
doive être possible. Juridiction et exécution ne sont pas absolument
liées ... En matière de juridiction, il convient de tenir compte de la
nature de l'acte en ce sens que l'on doit se demander si l'Etat a agi
en tant que souverain : l'acte est-il une des expressions typiques du
pouvoir souverain de l'Etat? En revanche, en matière d'exécution,
c'est l'affectation des biens qu'il convient d'envisager» (464 ).
Cette évolution annoncée par un jugement du Tribunal
civil de Bruxelles du 30 avril 1951 (465 ) est confirmée par une
décision rendue par la même juridiction le 27 juillet 1971: à défaut
d'un règlement international, la solution à donner au problème de
l'immunité d'un Etat étranger en matière de saisie doit être
recherchée à la lumière de la destination que cet Etat, contre lequel
une saisie est dirigée, donne ou se propose de donner aux biens qui

462
( ) Pour un exposé de synthèse, voy. H. SYNVET, op. cit., Clunet, 1985, 865 à 887. Cet
exposé est riche en droit comparé (U.S.A. : R.F.A. : Royaume-Uni) dont l'étude est essentielle en
cette matière car le créancier potentiel d'un Etat contractera plus facilement avec celui qui ne peut se
soustraire au respect de ses obligations en brandissant l'immunité absolue d'exécution. On signale,
dans le même sens restrictif, la loi canadienne du 3 juin 1982 portant sur l'immunité des Etats
étrangers devant les tribunaux . voy. D. TURP, Commentaire relatif à cette loi in Revue Juridique
Thémis, 1982-1983, n° 17, p. 175 et s.; adde J. PREVAULT et W. HELLMAN, Immunités de
juridiction et immunités d'exécution en droit français et en droit allemand, Annales Clermont !,
Paris, Dalloz, 1985-1986, p. 107 à 135; D. GUYOT. Immunité des navires d'Etat: les thèses en
présence, Dr. Mar. Fr., 1987. 405 à 416 (l'auteur aborde notamment la théorie de «l'émanation») et
P. BOUREL. op. cit., Droit international privé, Années 1983-1984, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1986,
142 à 150. L'immunité peut être un handicap pour l'Etat cherchant à développer des relations
commerciales (voy. d'ailleurs, infra, n" 66).
463
( ) Cass. 11 juin 1903, Pas., 1903, 1, 294: voy. aussi P. DE VISSCHER et J. VERHOE-
VEN, op. cit., p. 44, n° 8.
(4"") E. SUY, op. cit., p. 311; voy. aussi M. SYNVET, op. cit., Clunet, 1985, p. 877, n° 21,
p. 881, n" 28 et p. 885, n° 33 et P. BOUREL, lb., p. 148-151.
465
( ) Civ. Bruxelles, 30 avril 1951, J.T .. 1951, 298; obs. COLLIARD, Rev. Crit. D.I.P.,
1952, 123-130.
114 TRAITÉ DES SAISIES

en font l'objet. Si ces biens sont destinés à un but qui concerne le


jus imperii, toute saisie, même conservatoire, est impossible parce
que, même en ce dernier cas, elle en empêche le libre usage et la
libre destination, ce qui s'oppose ou nuit au but que lui a donné cet
Etat (466 ).
Il reste que la preuve de l'affectation du bien saisi
(généralement il s'agit de fonds saisis-arrêtés) à une activité
commerciale peut s'avérer fort malaisée car l'Etat étranger pourra
contester une telle affectation ou prétendre qu'il n'y a pas de
ventilation entre les fonds qui tous sont utilisés à des fins publiques.
Deux arrêts de la Cour de cassation de France dépassent ce
cadre délicat de l'affectation et apportent une contribution impor-
tante à la construction jurisprudentielle de l'immunité d'exécution
restreinte de l'Etat étranger :
1) Le premier du 14 mars 1984 neutralise la difficulté précitée en
cas de connexité entre la cause et l'objet de la saisie : « L'immu-
nité d'exécution dont jouit l'Etat étranger est de principe ;
toutefois, elle peut être exceptionnellement écartée ; il en est
ainsi lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique ou
commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande
en justice» (467 ) ;

(466 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 27 juillet 1971, Pas., 1971. III, 80; voy. de même en Suisse, Trib.
Féd., 23 décembre 1982, J.d.T., 1985, Il, 59.
(467 ) Cass. Fr., 14 mars 1984, Dai!., 1984, J., 629 et note J. ROBERT; Rev. Crit. D.l.P., 1984,
644etobs. J.M. BISCHOFF; J.C.P., 1984, II, n°20.205 et obs. 1-1. SYNVET; Clunet 1984, 598et note
B. OPPETIT qui écrit:« Tout en maintenant le critère de l'affectation pour apprécier si les fonds en cause
revêtent un caractère public ou privé et sont donc à cc titre saisissables ou non, la Cour de cassation en
déplace la perspective; jusqu'ici, en effet, on ne pouvait guère comprendre cette exigence, comme
l'impose d'ailleurs une analyse sémantique, que comme une invitation par le juge, à rechercher quelle
utilisation l'Etat entendait faire de ces fonds (d'où d'ailleurs le risque d'abandonner le cantonnement de
l'immunité à une volonté purement potestative de l'Etat en cause et de restaurer par-là même le caractère
absolu de l'immunité) ; c'est à une analyse globale, et notamment rétrospective, qu'est convié le juge pour
déterminer l'objet de cette affectation: il devra désormais prendre en considération l'origine commune
tant de la créance saisie que de la créance qui sert de cause à cette saisie; autrement dit, il ne suffira pas au
juge de constater que les fonds saisis ont pourorigine une activité de nature privée, comme il aurait pus' en
contenter si la Cour de cassation s'était bornée à substituer la notion d'origine des fonds à celle de leur
destination comme critère du cantonnement de l'immunité: encore lui faudra-t-il également relever que
la cause de la demande en justice, tendant à une saisie, procède également de cette même activité. Avec ce
nouveau critère, la Cour de cassation a désormais aligné le droit français sur le droit des Etats-Unis qui,
depuis le Foreign Sovereign Immunities Act of 1976(voy. le texte de cette loi au Clunet, 1978, p. 429ets.
et le commentaire de G. DEI.AUME, ibid., p. 187 et s.), par une formule quasi identique, exclut du
bénéfice de l'immunité «les biens qui sont ou étaient affectés à l'activité commerciale qui donne lieu à la
demande» (Clunet, 1984, 602-603); voy. aussi J. PREY AULT et W. HELLMAN, op. cit., Annales
Clermont 1985-1986, p. 124: «Plus que l'immunité de juridiction, l'immunité d'exécution s'apparente à
l'ordre politique. Lorsqu 'clic est invoquée, les intérêts de l'Etat du for sont parfois en conflit avec ceux de
l'Etat étranger: or ces intérêts peuvent être considérables (l'affaire Eurodif, qui a nécessité l'intervention
de la Cour de cassation, le 14 mars 1984, en apporte un exemple). Il est évident que la solution de tels
conflits dépasse sinon la compétence, du moins les moyens dont disposent les tribunaux français. Seule la
voie diplomatique peut laisser espérer une véritable solution».
RÈGLES COMMUNES 115

2) Le second du 1er octobre 1985 rappelle la nette différence entre


les biens de l'Etat étranger et les biens des organismes publics,
personnalisés ou non, distincts de l'Etat étranger: «A la
différence des biens de l'Etat étranger, qui sont en principe
insaisissables, sauf exceptions notamment quand ces biens ont
été affectés à l'activité économique ou commerciale de droit
privé qui est à l'origine du titre du créancier saisissant, les biens
des organismes publics, personnalisés ou non, distincts de l'Etat
étranger, lorsqu'ils font partie d'un patrimoine que celui-ci a
affecté à une activité principale relevant du droit privé, peuvent
être saisis par tous les créanciers, quels qu'ils soient, de cet
organisme» (468 ). Il reste que «le fait pour un Etat d'avoir
affecté certains biens à une activité commerciale ne fait Bas de
ces biens le gage de tous les créanciers qu'il peut avoir» ( 69 ).

65) La Représentation commerciale de l'U.R.S.S. en Belgique.

Le commerce extérieur constitue d'après les lois de l'Union


des Républiques socialistes soviétiques un monopole d'Etat, or une
telle activité est étrangère au principe de souveraineté des Etats
470
( ). Aussi en reconnaissant au Gouvernement soviétique le droit
d'avoir en Belgique une Représentation commerciale destinée à
assurer l'exercice de ce monopole, il importait de préciser que la
Représentation commerciale de !'U.R.S.S. ne bénéficie pas de
l'immunité de juridiction devant les tribunaux belges et ne bénéficie
en Belgique que d'une immunité d'exécution restreinte.

468
( ) Cass. Fr., Ier octobre 1985, J.C.P., 1986, Il, n" 20.556. concl. de M. !'Avocat général

GULPHE et note H. SYNVET et réf. cit.; Rev. Crit. D.l.P., 1986, 527 et note B. AUDIT; Clunet.
1986, 170 et note B. OPPETIT; adde. P. BOUREL, op. cil., Droit international privé, Années 1983-
1984, Ed. du C.N.R.S., Paris, 1986, p. 148 à 151. En l'espèce, la société algérienne ayant pour objet
principal le transport et la commercialisation des hydrocarbures, activité relevant du droit privé, sa
créance sur Gaz de France, qui avait pour origine la fourniture de gaz, était saisissable par le
créancier demandeur, sauf si la société algérienne avait démontré qu'il n'en était pas ainsi, cc qu'elle
n'avait pas fait. selon l'appréciation souveraine des juge du fond ; voy. aussi infra. n"s 65 et 66.
469
( ) B. AUDIT, op. cit., Rev. Crit. D.l.P., 1986. 534 à 536. Adde. au sujet de la qualité de
débiteur auquel ne peut être appliquée la théorie de l'émanation, Cass. Fr., 21juillet1987. Gaz. Pal.,
1987, Pan .. 239.
(4"') Les organismes autonomes d'un Etat étranger qui se livrent à des activités commerciales
tout à fait étrangères au principe de la souveraineté des Etats ne sauraient, sauf traité ou accord
international contraire, bénéficier de l'immunité d'exécution (Cass. Fr., 19 février 1929, D.P .. 1929,
I. 73, note SAVATIER, à propos de la représentation commerciale de !'U.R.S.S.; voy. aussi J.
VINCENT et J. PREVAULT, op. cit.. p. 64, n" 81 et Cass. Fr., Ier octobre 1985. J.C.P., 1985, IV,
355, supra, n" 64). Au sujet de l'immunité de l'Etat étranger dans la doctrine soviétique, voy. D.
GUYOT. Immunité des navires d'Etat : les thèses en présence, Dr. Mar. Fr., 1987. p. 408 à 410.
116 TRAITÉ DES SAISIES

Ces principes, déjà énoncés par les articles 13 à 15 de la


Convention commerciale provisoire entre l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques et l'Union économi~ue belgo-luxembour-
geoise, signée à Paris, le 5 septembre 1935 ( 71 ), figurent actuelle-
ment dans le Protocole relatif au statut de la Représentation
commerciale de l'Union des Républiques Socialistes en Belgique
signé à Bruxelles le 14 juillet 1971 et approuvé par la loi du 14 août
1972 en même temps que le traité de commerce entre les Gouverne-
ments du Royaume de Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg
et du Royaume des Pays-Bas, Membres de l'Union Economique
Benelux, et le Gouvernement des Républiques Socialistes Soviéti-
ques (472 ).
L'article 2 dispose :
«La Représentation commerciale fait partie intégrante de la mis-
sion diplomatique de l'Union des Républiques Socialistes Soviéti-
ques en Belgique et bénéficie à ce titre de tous les privilèges et
immunités octroyés à celle-ci.
La Représentation commerciale a son siège à Bruxelles».
L'article 3 dispose :
«Le chef de la Représentation commerciale de l'Union des Répu-
bliques Socialistes Soviétiques en Belgique et ses deux adjoints
bénéficient de tous les droits et privilèges accordés aux membres du
personnel diplomatique de la mission diplomatique de l'Union des
Républiques Socialistes Soviétiques en Belgique».
L'article 6 dispose :
«La Représentation commerciale exerce ses fonctions au nom du
Gouvernement de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Elle pourra donner sa garantie aux contrats conclus entre l'une des
organisations économiques d'Etat de l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques, jouissant aux termes de la loi de l'Union
Soviétique d'une personnalité morale distincte, et une personne
physique ou morale belge ou luxembourgeoise selon le cas.

( 471 ) M.B. des 29-30 septembre 1935, Pasin., 1935, 715; R. VENNEMAN, L'immunité
d'exécution de l'Etat étranger in L"immunité de juridiction et d'exécution des Etats, Ed. Institut de
sociologie, Bruxelles, 1971, p. 158 à 161 : comp. en France J. PREVAULT et W. HELLMAN, op.
cit., Annales Clermont 1, 1985-1986, 125.
472
( ) M.B., 11mai1973, p. 5987. Ces actes sont entrés en vigueur le Ier juin 1972.
RÈGLES COMMUNES 117

Le Gouvernement de l'Union des Républiques Socialistes Soviéti-


ques n'assume la responsabilité que des transactions commerciales
qui auront été conclues ou garanties dans l'Union économique
belgo-luxembourgeoise au nom de la Représentation commerciale
et signées par les personnes autorisées à cet effet.

Les transactions commerciales conclues sans garantie de la Repré-


sentation commerciale par toute organisation visée au deuxième
alinéa du présent article, n'engagent que la dite organisation et
l'exécution n'en pourra être poursuivie que sur ses biens. La
responsabilité n'en incombe ni au Gouvernement de l'Union des
Républiques Soviétiques ni à sa Représentation commerciale en
Belgique, ni à toute autre organisation économique soviétique«.

L'article 7 dispose :

«La Représentation commerciale bénéficie des privilèges et immu-


nités qui découlent du présent Protocole sauf les exceptions
suivantes :

Toute contestation relative aux transactions commerciales que la


Représentation commerciale aura conclue ou garantie sur le terri-
toire belge ou luxembourgeois, sera soumise aux tribunaux belges
ou luxembourgeois selon le cas et résolue par ceux-ci conformé-
ment à leur législation nationale, à défaut de clause d'attribution de
juridiction ou de clause compromissoire prévue au contrat. Toute-
fois, il ne pourra être pris de mesures conservatoires à l'occasion
des actions intentées contre la Représentation commerciale.

L'exécution des décisions judiciaires coulées en force de chose


jugée relatives aux transactions commerciales conclues ou garanties
par le Représentation commerciale, peut être poursuivie sur tous
les biens de l'Etat de l'Union des Républiques Socialistes Soviéti-
ques, en particulier sur les biens, droits et intérêts ayant trait
auxdites transactions, à l'exception des biens appartenant aux
organisations visées au deuxième alinéa de l'article 6 du présent
Protocole.

Les biens et locaux exclusivement affectés à l'exercice en Belgique


et au Luxembourg, conformément à la pratique internationale, des
droits politiques et diplomatiques du Gouvernement de l'Union des
Républiques Socialistes Soviétiques, ainsi que les locaux occupés
par la Représentation commerciale et les biens mobiliers qui s'y
trouvent, seront soustraits à toute mesure d'exécution».
118 TRAITÉ DES SAISIES

66) Immunités (473) relatives aux navires et aux aéronefs.

En ce domaine, l'immunité d'exécution restreinte est


généralement admise (474 ). Si les navires de guerre et les aéronefs
militaires jouissent en règle de l'immunité, les autres bâtiments et
appareils peuvent être, le cas échéant, saisissables (475 ). On se
limitera à souligner :

en ce qui concerne les navires qu'en vertu de la Convention


internationale de Bruxelles du 10 avril 1926 pour l'unification de
certaines règles concernant les immunités des navires d'Etat
approuvée par la loi du 28 novembre 1928, les navires d'Etat
(belges ou étrangers) affectés à des fins commerciales sont
saisissables pour garantir le recouvrement des créances mariti-
mes. Pour bénéficier de l'immunité d'exécution, le navire doit
non seulement appartenir à un Etat ou être exploité par lui mais
en outre être affecté exclusivement, au moment de la naissance
de la créance à un service gouvernemental et non commercial
(art. 3) (476). Cette situation est entièrement justifiée car d'une
part, «aucun inconvénient réel ne s'oppose à ce que les créan-
ciers de l'Etat prennent un gage sur ses biens non affectés à

473
( ) Il n'est question ici que des saisies mises en oeuvre pour garantir le paiement des dettes
d'un Etat à l'exclusion de toute mesure d'immobilisation pratiquée dans un autre but (tel est le cas de
l'angarie ou «réquisition de navires étrangers, par un Etat, dans un port ou dans des eaux relevant de
son autorité» (G. CORNU, Vocabulaire juridique CAPITANT); voy., Aix-en-Provence, 10 juillet
1946, Dall., 1948, Jur., 155 et note Cl. A. COLLIARD; E. DAVID, obs. sous Cass., 3 décembre
1981, Clunet, 1984, 348).
474
( ) L'immunité d'exécution qui s'applique aux biens d'un Etat étranger n'est pas absolue et
peut être exceptionnellement écartée chaque fois que le bien saisi se trouve affecté par la volonté de
cet Etat à la réalisation d'une opération purement commerciale poursuivie par lui-même ou par un
organisme qu'il a créé à cet effet. Dès lors que les aéronefs objets des saisies litigieuses sont la
propriété d'une compagnie, qui aux termes de ses statuts, constitue une «entreprise publique à
caractère commercial» et que ces appareils sont affectés à des transports aériens par lignes régulières
exploitées dans les conditions de droit commun et notamment de la convention de Varsovie,
exclusives de tout exercice de la puissance publique, il n'y a pas lieu de reconnaître le bénéfice de
l'insaisissabilité. Les rapports de la compagnie et des membres de son personnel qui, comme les
pilotes de ligne, concourent exclusivement à cette exploitation commerciale ne sont pas couverts par
l'immunité de juridiction et il entre dans les pouvoirs du juge d'instance français de rechercher par
application de l'article 48 anc. C. pr. civ., si les créances invoquées paraissent fondées en leur
principe (Paris, 31janvier1984, Dall., 1984, l.R., 160). Cet arrêt est antérieur à la loin" 87.434 du 19
juin 1987 (note 481).
475
( ) Sur l'ensemble de ces questions, voy. R. VENNEMAN, op. cit., p. 161à171 et réf. cit. ;
voy. aussi Civ. Anvers, ch.s., 16 octobre 1979, cité in Dr. Mar. Fr., 1984, p. 250, n° 7 et J. LEBRUN
et D. DEOM, op. cit., J.T., 1983, 261.
476
( ) Un protocole additionnel, signé le 24 mai 1934, précise que les navires affretés par les
Etats (et les cargaisons transportées par ces navires) bénéficient de l'immunité à la même condition
(voy. aussi art. 1469, C. jud. et G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n"s 487 à 493).
RÈGLES COMMUNES 119

l'intérêt ou au service de la communauté» (477 ) et d'autre part,


«rien n'oblige les pouvoirs publics à s'occuper d'armement
commercial : s'ils le font, ils doivent se soumettre à la même loi que
leurs concurrents, armateurs privés ou compagnies de navigation»
478
( ) ; ce sont les mêmes principes qui dans les autres domaines
justifient la remise en question de l'immunité absolue (479 ).
en ce qui concerne les aéronefs, la Convention du 29 mai 1933
pour l'unification de certaines règles relatives à la saisie conser-
vatoire des aéronefs, approuvée par la loi du 11 septembre 1936
480
( ) édicte certaines règles d'insaisissabilité au stade conserva-
toire lorsque le saisissant ne peut «invoquer un jugement
exécutoire obtenu préalablement dans la procédure ordinaire, ou
un titre d'exécution équivalent» (art. 2, al. 1er in fine); il s'agit:
«a) des aéronefs affectés exclusivement à un service d'Etat,
poste comprise, commerce excepté ;
b) des aéronefs mis effectivement en service sur une ligne
régulière de transports publics et les aéronefs de réserve
indispensables (481 ) ;

477
( ) Exposé des motifs de la loi du 28 novembre 1928, Pas., 1928, 478.
478
( ) Rapport de la Commission de la Chambre, Pasin., 1928, 485.
(4 79 ) Sur le rapprochement entre immunités d'Etat et immunités de navires d'Etat, qui
jusqu'à un passé récent ne coïncidaient pas, voy. M. REMOND-GUILLOUD, note sous Aix-en-
Provcnce, 20 septembre 1984, Rev. Crit. D.l.P., 1985, p. 366 à 369. Cons. aussi M. REMOND-
GUILLOUD, «L'émanation maritime» ou comment faire céder l'écran de la personnalité morale
d"un armement d'Etat, Dr. Mar. Fr., 1986, 333 à 342 ; D. GUYOT, Immunité des navires d'Etat : les
thèses en présence, Dr. Mar. Fr., 1987, 411 à 415 et Aix-en-Provence, 25 novembre 1986, Dr. Mar.
Fr., 1987, 453.
480
( ) M.B., 14 février 1937; Pasin., 1937, 35; voy. E. VAN BOGAERT, Eléments de droit
aérien, Story-Scicntia, 1987, p. 243 à 245 et 398 à 401.
481
( ) lia été jugé à juste titre que la Convention de Rome du 29mai 1933approuvéeparlaloidu11
septembre 1936 ne vise aucunement les pièces de rechange des avions, la saisie de celles-ci ne constituant
pas« un acte par lequel un aéronef est arrêté» au sens de l'article 2 de la Convention ( Civ. Bruxelles, ch .s.,
27 août 1985, Inédit). Sur la saisie des aéronefs et la nécessité d'éviter des saisies abusives, voy. M.
REMOND-GUILLOUD, notesousCass. Fr., 13mars 1985, Rev. Crit. D.l.P., 1986, p. 512à520. Enfin
on ne perdra pas de vue la possibilité de saisir un aéronef en cas d'infraction du transporteur (art. 37 et 40
L. 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16novembre1919 relative à la règlementation de la navigation
aérienne; Art. 17 de la loi du 15 juillet 1987 apportant des modifications, en ce qui concerne notamment
les réfugiés, à la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers, (M.B., 18 juillet 1987). Comp. en France, la loi n° 87.424 du 19 juin 1987
relative à la saisie conservatoire des aéronefs (J.O., 20 juin, p. 6650): «Article unique-!- L'article L.
123-2 du Code de l'aviation civile est ainsi rédigé: «Art. L. 123-2 - Sans préjudice des procédures
spéciales prévues par le présent code, les aéronefs français et étrangers affectés à un service d'Etat ou à
des transports publics, ne peuvent faire l'objet d'une ordonnance de saisie conservatoire que si la créance
porte sur les sommes dues par le propriétaire à raison de l'acquisition de ces aéronefs ou de contrats de
formation ou de maintenance liés à leur exploitation». li-Après l'article L. 123-2 du Code de l'aviation
civile, il est inséré un article L. 123-3 ainsi rédigé:« Art. L. 123-3-En outre, l'autorité publique a le droit
de retenir tout aéronef français ou étranger qui ne remplit pas les conditions prévues par le présent livre
pour se livrer à la circulation aérienne ou dont le pilote a commis une infraction au sens du présent code».
120 TRAITÉ DES SAISIES

c) de tout autre aéronef affecté à des transports de personnes


ou de biens contre rémunération, lorsqu'il est prêt à partir
pour un tel transport, excepté dans le cas où il s'agit d'une
dette contractée pour le voyage qu'il va faire ou d'une
créance née au cours du voyage.
Ces dispositions ne s'appliquent pas à la saisie conservatoire
exercée par le propriétaire dépossédé de son aéronef par un acte
illicite» (art. 3).
De même, cette convention «ne s'applique ni aux mesures
conservatoires en matière de faillite, ni aux mesures conservatoires
effectuées en cas d'infraction aux règles de douane, pénales ou de
police» (art. 7).

67) Les immunités diplomatiques et consulaires (482 ).


a) Les immunités diplomatiques.
Les chefs d'Etat et les agents diplomatiques étrangers
bénéficient de l'immunité de juridiction et d'exécution. La Conven-
tion de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques,
approuvée par la loi du 30 mars 1968, accorde la double immunité à
l'agent diplomatique étranger même pour les actes accomplis en
dehors de l'exercice de sa fonction sauf lorsque l'agent est impliqué
à titre personnel dans une action concernant un immeuble privé
483
( ) (à moins que l'agent diplomatique ne le possède pour le
compte de l'Etat accréditant aux fins de la mission), une succession
(l'agent doit y figurer comme exécuteur testamentaire, administra-
teur, héritier ou légataire à titre privé et non pas au nom de l'Etat
accréditant) ou une profession libérale ou une activité commerciale
(art. 31). L'expression agent diplomatique s'entend du chef de la
mission ou d'un membre du personnel diplomatique de la mission,
c'est-à-dire d'un membre qui a qualité de diplomate (art. 1er d et e).

482
( ) Au sujet des immunités des organisations internationales (O.N.U., Communautés
européennes Benelux. OTAN, Conseil de douane international, Eurocontrol), voy. J. LINSMEAU,
L'huissier de Justice confronté aux immunités, Chambre Nationale des Huissiers de Justice, 1986, p.
56 à 77.
483
( ) La demande tendant à obtenir le paiement de loyers et de frais relatifs à un appartement
privé loué par un diplomate ne présente pas le caractère d'une demande relative à une action réelle au
sens de l'article 31, alinéa Ier, du Traité de Vienne du 18 avril 1961, de sorte que cc fonctionnaire
jouit de l'immunité de juridiction pour une demande de cette nature (Cass., 4 octobre 1984, Pas.,
1985, !, 176; J.T., 1985, 251; R.W., 1984-1985, 2776; comp. Civ. Bruxelles, 11mars1982, J.T.,
1982, 802). En pratique, un important contentieux existe en matière locative et de soins de santé. Le
service du Protocole du Ministère des Affaires Etrangères s'efforce d'inciter à l'exécution volontaire
hors de laquelle il n'y a pas de solution sauf à déclarer l'intéressé personna non grata.
RÈGLES COMMUNES 121

Le principe de l'inviolabilité de la m1ss10n diplomatique


consacré par l'article 22, § 1 de la Convention de Vienne de 1961
implique qu'elle se trouve protégée contre toutes mesures de saisie.
Aux termes de l'article 22, § 3, «les locaux de la mission (484 ), leur
ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les
moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet
d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution».
L'article 45, a) précise qu'«en cas de rupture des relations diploma-
tiques entre deux Etats, ou si une mission est rappelée définitive-
ment ou temporairement, l'Etat accréditaire est tenu, même en cas
de conflit armé, de respecter et de protéger les locaux de la mission,
ainsi que ses biens et ses archives» (485 ).

b) Les immunités consulaires.

La Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations


consulaires a été approuvée par la loi du 17 juillet 1970. Une
immunité restreinte de juridiction est organisée par l'article 43/1 en
faveur des fonctionnaires consulaires et des employés consulaires
pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires
486
( ) à moins qu'une renonciation à cette immunité n'intervienne
conformément à l'article 45.

L'article 31 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963


sur les relations consulaires prévoit que «les locaux consulaires sont

484
( ) «L'expression« locaux de la mission» s'entend des bâtiments ou des parties de bâtiments
et du terrain attenant qui. quel qu'en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la mission, y
compris la résidence du chef de la mission» (art. lcr/c).
485
( ) Sur tous ces points, voy. R. VENNEMAN, op. cit., p. 154 à 156 et J. LINSMEAU,
L'huissier de justice confronté aux immunités, Congrès de la Chambre Nationale des Huissiers de
Justice, 22 novembre 1986, p. 44 à 51 qui relève notamment que sous réserve de l'application de la
Convention européenne sur l'immunité des Etats du 16 mai 1972, «dans le silence de la jurisprudence
belge à cet égard, la doctrine considère généralement que la saisie-arrêt du compte en banque d'une
ambassade par exemple, est possible pour autant que les sommes à saisir ne soient pas destinées aux
services diplomatiques, en dehors de toute activité commerciale» (p. 45).
486
( ) L'article 43/2 précise : «Toutefois, les dispositions du § Ier du présent article ne
s'appliquent pas en cas d'action civile : a) résultant de la conclusion d'un contrat passé par un
fonctionnaire consulaire ou un employé consulaire qu'il n'a pas conclu expressément ou implicite-
ment en tant que mandataire de l'Etat d'envoi; ou b) intentée par un tiers pour un dommage
résultant d'un accident causé dans l'Etat de résidence par un véhicule, un navire ou un aéronef».
Adde. J. LINSMEAU. op. cit., p. 53 à 56.
122 TRAITÉ DES SAISIES

inviolables dans la mesure prévue par le présent article» ; or, ce


texte ne soustrait pas les locaux consulaires aux saisies (487 ).

SECTION II- Insaisissabilité de certains meubles corporels.

68) Idée générale. Moment auquel s'apprécie la saisissabilité du


bien.
L'article 1408 tente de réaliser «un juste équilibre entre la
fermeté dont peut faire preuve le créancier qui se heurte à la
carence, sinon à la malhonnêteté de son débiteur et la juste mesure
que l'humanité comporte» (488 ). Il s'agit essentiellement de
soustraire aux poursuites des créanciers un certain nombre d'objets
nécessaires à la vie quotidienne du saisi et de sa famille. Si l'esprit
de la loi est immuable, sa concrétisation varie avec les besoins et les
conceptions de l'époque ; l'accent est mis non seulement sur le
minimum vital mais aussi sur le minimum socio-vital (489 ) ; il n'est
donc pas étonnant que le texte originaire de l'article 1408 procédant
de l'article 592 du C.P.C. modifié par l'arrêté royal n° 300 du 30
mars 1936 se révèle insuffisant et inadapté (490).
C'est évidemment au moment de la saisie et non au stade
de l'enlèvement des meubles qu'il y a lieu d'appliquer l'article 1408.
«L'article 1408 du Code judiciaire ne vise pas l'interdiction d'«enle-
ver» mais seulement celle de «saisir» ; il n'est pas possible
d'ajouter à la loi en permettant aux huissiers de justice de «saisir»

487
( ) R. VENNEMAN, op. cit., p. 157-158 qui précise qu'« on admet généralement l'inviolabilité
absolue des archives consulaires et pour autant qu'il y ait un lien entre les locaux consulaires et cette
inviolabilité - mais c'est une question de pur fait - des mesures d'exécution ne pourraient pas
s'appliquer»; J. LINSMEAU, op. cit., p. 51 bis et 52; (adde. art. 61 de la Convention de Vienne du 24
avril 1963 et Tribunal Fédéral Suisse (chambre des poursuites et des faillites), 23 décembre 1982, J .T.,
1985, Il, 59: «Il n'est que de citer à cet égard l'art. 61 de cette convention qui garantit l'inviolabilité des
archives et documents consulaires, à condition qu'ils soient séparés des autres papiers et documents, en
particulier de la correspondance privée du chef de poste consulaire, ainsi que des biens, livres ou
documents se rapportant à sa profession ou à son commerce. Comme le relève justement l'autorité
cantonale, ce qui vaut pour les archives et documents vaut également pour la comptabilité et les fonds
nécessaires au fonctionnement du consulat. En l'espèce, ces fonds étant mélangés aux deniers personnels
du débiteur séquestré, il ne saurait être question d'accorder à celui-ci, sur la base de l'art. 61 précité, une
immunité d'exécution forcée indistinctement sur l'ensemble de ses biens»).
(488 ) Ch. VAN REEPINGHEN, Rapport sur la réforme judiciaire, Pasin., 1967, 501.
(489 ) Infra, n° 80, note 558.
490
( ) Au sujet des propositions de loi destinées à adapter notamment l'article 1408 aux
exigences actuelles de la société, voy. les références citées dans le Projet de loi modifiant les articles
1408 et 1409 du Code judiciaire ainsi que l'article 476 de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites,
banqueroutes et sursis, Doc. Pari. Ch. Sess., 1982-1983, n" 625/1.
RÈGLES COMMUNES 123

du mobilier sans respecter - dès ce moment - le prescrit de


l'article 1408 et en leur laissant (pratiquement sans possibilité de
recours en toute dernière minute) la latitude d'apprécier, lors du
chargement en vue de la vente, ce qui se trouve ou non protégé par
ledit article» (491 ).
La règle de l'article 1408 peut être complétée par celle de
l'abus de droit qui interdit, en principe, la saisie et la vente d'objets
même saisissables mais dont la valeur ne permet pas de couvrir les
frais de procédure (492 ).

69) Mobilier familial.

A. - L'article 1408, 1° dispose que ne ~euvent être saisis «le


coucher nécessaire du saisi et de sa famille (4 3), les vêtements et le
lin~e indispensables à leur propre usage, un appareil de chauffage
49
( ) ainsi que la vaisselle et les ustensiles de ménage indispensa-
bles à la famille, le tout à l'exclusion des meubles et objets de
luxe». Ces objets ne suffisant pas à garantir au débiteur saisi et à sa
famille un confort minimal, il est projeté d'en compléter la liste.
De lege ferenda, seraient insaisissables : «Le coucher
nécessaire du saisi et de sa famille, les vêtements et le linge
indispensables à leur propre usage, ainsi que les meubles nécessai-
res pour les abriter, les appareils nécessaires au chauffage du
logement familial, les table et chaises permettant à la famille de
prendre les repas en commun ainsi que la vaisselle et les ustensiles
de ménage indispensables à la famille, un meuble pour ranger la

491
( ) Civ. Liège, ch.s., 13 juin 1984, R.G., n° 60.368/83, Inédit; Civ. Bruxelles, ch.s., 17 juin
1987, J.L.M.B., 1987, 1013; adde. Civ. Bruxelles, 27 avril 1972, Pas., 1972, Ill, 56.
492
( ) Civ. Mons, 12 avril 1984, Rev. Rég. Dr., 1984, 197; Civ. Anvers, 11 octobre 1984,
R.W., 1985-1986, 1502; adde. Civ. Verviers, 10 janvier 1986, Jur. Liège, 1986, 157; voy. supra, n° 7
et infra note 498.
493
( ) Ainsi si le coucher nécessaire s'entend des sommiers et de la literie, il ne s'applique pas
aux bois de lit qui demeurent saisissables (Civ. Liège, ch.s., 13 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 486; voy.
aussi Civ. Huy, ch.s., 20 mai 1985, R.G. n" 12.446: légalité de la saisie d'une chambre à coucher en
acajou, l'huissier ayant pris la précaution de ne saisir que le cadre de lit à l'exclusion du sommier et
des autres éléments de literie; comp. et contra, Civ. Bruxelles, eh.s., 11 septembre 1986, R.G. n°
18.420: ne peuvent être saisis «deux bois de lit une personne stratifiés blanc et chrome, une armature
de lit métallique une personne, une table de nuit bois clair à une porte, ainsi qu'un bois de lit une
personne et une table de nuit bois clair à une porte» qui n'apparaissent pas luxueux et constituent
indiscutablement des éléments du coucher du saisi et des siens au sens de l'article 1408, 1° du Code
judiciaire.
494
( ) Si le foyer et la cuisinière sont des objets insaisissables au sens de l'article 1408 du Code
judiciaire, il n'en va pas de même pour le frigo (Civ. Liège, ch.s., 26 mars 1986, R.G. n° 73.778/85;
contra, Civ. Bruxelles, ch.s .. 17 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1013).
124 TRAITÉ DES SAISIES

vaisselle et les ustensiles de ménage, les objets d'enfants qui


habitent sous le même toit, les objets nécessaires aux membres
handicapés de la famille, les objets et produits nécessaires aux soins
corporels, et les petits animaux de maison» (495 ) ( 496 ) ( 497).
Peut-être pourrait-on redouter que l'allongement de la liste
du mobilier familial déclaré insaisissable réduise l'efficacité de la
saisie mobilière qui, rarement conduite à son terme, en raison
parfois de la valeur insuffisante du mobilier saisi (498), constitue un
bon moyen de pression pour obtenir du débiteur le règlement de
son passif par voie de paiements successifs (499 ). Cette préoccupa-
tion ne semble pas entièrement justifiée car il importe de tenir
compte du caractère prudent de l'adaptation des règles de l'insaisis-
sabilité aux conditions de vie actuelles (ainsi, il n'est question ni de
véhicule (sous réserve de l'article 1408, 2°), ni de radio, ni de
télévision, ni d'équipement ménager). La modification de l'article
1408 réalise un équilibre entre les prétentions légitimes du créancier

{495 ) Projet de loi modifiant les articles 1408 et 1409 du Code judiciaire ainsi que l'article 476
de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis (Doc. Pari., Ch., Sess., 1982-1983, n"
625/8). Au sujet de la faillite, infra, n° 74. Au sujet des prothèses, infra, n° 78 B.
496
( ) Le projet dans sa dernière version supprime à la fin de l'article 1408, 1° les mots <de tout
à l'exclusion des meubles et objets de luxe» en raison du caractère vague du critère qui place
l'huissier de justice devant un choix quasi impossible et qui ne garantit la sécurité juridique ni du
saisi, ni de l'huissier (Doc. Pari. Ch., Sess., 1984-1985, n° 625/6). A elle seule, cette justification
n'emporte pas la conviction ; à de multiples reprises, l'huissier instrumentant doit exercer un choix
sous le contrôle du juge des saisies (infra, n"s 69 C, 70, 72, etc.). La réserve contenue à l'article 1408,
1° nous paraît au contraire imposée par la philosophie de la loi. Elle ne présente aucune insécurité
dans la mesure où le juge des saisies peut trancher même à titre préventif (art. 1396) les incidents
qu'elle peut susciter. Par ailleurs, le même pouvoir d'appréciation s'exerce pour déterminer ce qui est
«indispensable» ou «nécessaire» à la famille. Une autre justification a été avancée lors des travaux
de la Commission de la Justice de la Chambre : la prise en considération d'objets et de meubles de
luxe ne se justifie pas car le critère ne doit pas être la valeur de l'objet ou du meuble mais son
caractère nécessaire ou indispensable (le fait qu'il s'agit de la seule vaisselle, du seul lit ... ), l'objectif
de l'article 1408 étant d'éviter le dénuement du saisi. Prudemment le vice-Premier Ministre a
cependant admis «que des cas limite existent» (Doc. Pari., Ch., Sess., 1982-1983/8, p. 3).
497
( ) Par «petits animaux de maison», «il y a lieu d'entendre les chiens, chats, oiseaux,
poissons ... qui vivent habituellement en compagnie de l'homme dans son habitation à l'exclusion des
animaux sauvages pouvant y être retenus» (Doc. Pari. Ch., Sess., 1982-1983, p. 4, n° 8) ; camp.
infra, n° 73.
498
( ) JI s'agit d'un aspect particulièrement délicat de la mission de l'huissier de justice qui, en
principe, doit s'abstenir de mettre sous la main de la justice le mobilier insusceptible de permettre le
règlement de la dette du saisi. Si grâce à l'effet de contrainte produit par la saisie, un paiement même
partiel est obtenu, il sera difficile de prétendre que la mesure était injustifiée. En définitive, un large
pouvoir d'appréciation est laissé à l'huissier de justice sous le contrôle final du juge des saisies (supra,
n°s 7 et 68).
499
( ) J. PREVAULT, (L'évolution du droit de l'exécution forcée depuis la codification
napoléonienne, Mélanges dédiés à M. Jean VINCENT, Dalloz, 1981, p. 315) relève à juste titre que
la saisie-exécution mobilière est "utilisée davantage comme procédé comminatoire que comme
moyen d'exécution»; voy. aussi J. VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures
de distribution, Dalloz, 1984, !5ème éd., p. 157, n" 211.
RÈGLES COMMUNES 125

et la conservation d'un cadre de vie plus ou moins décent pour le


débiteur et sa famille sous réserve des suites pénales que peut
comporter l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité (art. 490 bis,
C. pén.).
B. - L'affectation des biens à un usage déterminé ne se
confond pas avec l'insaisissabilité (500 ) ; il en résulte que tous les
meubles affectés aux besoins de la famille mais non compris dans
l'énumération de l'article 1408, 1° demeurent saisissables. C'est
pourquoi, l'article 215, § 1er, alinéa 2 du Code civil aux termes
duquel un époux ne peut, sans l'accord de l'autre, disposer entre
vifs à titre onéreux ou gratuit des meubles meublants qui garnissent
l'immeuble qui sert au logement de la famille, ni les donner en gage
est sans effet en matière de saisie mobilière pratiquée par un
créancier sur les biens de son débiteur en défaut de paiement (501 )
même s'il s'agit pour l'épouse, en instance de divorce, de réaliser
les meubles garnissant l'habitation familiale en vue d'obtenir le
paiement de la pension alimentaire qu'elle a contre son mari (5° 2).
Toute autre solution créerait un cas d'insaisissabilité non prévu par
la loi et assimilerait indûment l'exercice d'une prérogative légale
accordée au titulaire d'une créance, même chirographaire, à un acte
de disposition par un époux, au sens de l'article 215 du C. civ. (503 )
alors que le législateur organise en amont une protection de la
famille en prévoyant l'annulation de certains actes accomplis au
préjudice d'un époux (art. 224 et 1422, C. civ.). Le tout sous
réserve d'un concert frauduleux entre le débiteur et le créancier
(504).

C. - L'application de l'article 1408, 1° n'est pas subordonnée


à la présence des objets protégés au domicile ou à la résidence du
débiteur. S'ils sont appréhendés par voie de saisie mobilière ou de
saisie-arrêt chez un tiers, ils ne pourraient échapper à la saisie que

(scXl) Supra, n° 55.


(5° 1) Civ. Bruxelles, ch.s, 10 juillet 1986, Rev. Not., 1986, 591 ; La solution est la même en
matière de saisie de l'immeuble servant au logement principal de la famille (G. de LEV AL, La saisie
immobilière, Rép. Not., n° 60; voy. toutefois, J. DE GAVRE, Le mariage et le divorce: leurs
conséquences sur la relation banque-client in La banque dans la vie quotidienne, Ed. J.B. Bruxelles,
1986, 133 à 136). Adde. art. 553 du Code de commerce.
(5Cl2) E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence (1976 à 1983), Personnes, R.C.J.B., 1986, n°
97, p. 587-588 (l'auteur réserve à juste titre l'abus de droit). Contra, Civ. Bruges, ch.s., 13 novembre
1979, Rec. Gén., 1981, n° 22.675, p. 419; R.W., 1980-1981, col. 2048; R.T.D.F., 1982, 207; voy.
aussi J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence, J.T., 1983, p. 487, n" 60.
(5°3 ) Cass. Fr., 4 octobre 1983. Rép. Defrénois, 1983, 1593, obs. Champenois; Cass. Fr., 4
février 1986, Dall., 1986, I.R., 288.
(5°4) Cass. Fr., 5 février 1985, Gaz. Pal., 1985, Pan., 216 et note M. GRIMALDI.
126 TRAITÉ DES SAISIES

dans la mesure où, vises par le texte, ils sont «nécessaires» ou


«indispensables» au saisi ou à sa famille ; or, la preuve du contraire
résultera vraisemblablement de leur localisation (5°5 ). Toute con-
testation résultant de l'appréciation faite par l'huissier instrumen-
tant doit être soumise au juge des saisies.

70) L'équipement professionnel.

En vertu de l'article 1408, 2° ne peuvent être saisis, «les


livres, machines et instruments indispensables à la profession du
saisi, jusqu'à la valeur de dix mille francs au moment de la saisie, et
au choix du saisi». Pour apprécier la valeur des instruments rendus
insaisissables à concurrence de dix mille francs, il y a lieu de se
placer au moment de la saisie et de tenir compte non de la valeur
d'achat ou de remplacement, mais de la valeur de réalisation (5°6 ).
Dorénavant, l'article 1408, 2° devrait énoncer que ne
peuvent être saisis, «les livres et autres objets nécessaires à la
poursuite des études ou à la formation professionnelle, ainsi que les
livres, machines et instruments indispensables à la profession du
saisi». Toute référence à la valeur des biens protégés serait ainsi
supprimée (507 ). ·

Cette solution doit être approuvée si l'on veut réellement


que le débiteur saisi puisse rester en possession des objets nécessai-

51
( ") Comp. article 592-1, 1° C.P.C.Fr. (art. 2 du décret n" 77-273 du 24 mars 1977) qui
dispose que les objets énumérés à l'article 592 restent saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre
que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement. Voy. aussi J. LAENENS, Gerechtsdeur-
waarders en debiteurs in crisistijd, R.W., 1985-1986, 1616, n° 31 in fine.
51
( l6) Civ. Verviers, ch.s., 10 janvier 1986, Jur. Liège, 1986, 157. Si l'huissier n'a pas saisi une
partie de l'équipement professionnel, il doit être tenu compte de la valeur de celui-ci pour
déterminer, sur base de l'art. 1408, 2° C. jud., le caractère saisissable d'autres biens professionnels
compris dans la saisie (comp. et contra au sujet des chaises de la salle d'attente d'un médecin, Civ.
Bruxelles, ch. s., 2février1987, R.G. n° 5968).
507
( ) «Le Vice-Premier Ministre dépose un amendement tendant à ajouter à la fin du 2° les
mots : «jusqu'à la valeur de quinze mille francs au moment de la saisie et au choix du saisi». Il
réintroduit ainsi les termes supprimés au Sénat. En effet, si aucune limite n'est imposée, des
instruments ou machines d'une grande valeur peuvent être conservés. Plusieurs membres soulignent
le caractère dérisoire du montant prévu. Les livres et objets nécessaires à la poursuite des études ou à
la formation professionnelle, et les livres, machines et instruments indispensables à la profession du
saisi atteignent très vite cette somme. Si une limite est prévue, il faudrait au moins prévoir son
adaptation à l'évolution de l'indice des prix à la consommation. De plus, le critère à prendre en
considération doit être le caractère nécessaire ou indispensable des livres, objets, machines,
instruments qui doivent permettre la poursuite des études ou de la formation professionnelle, ou de
la profession du saisi. Il faut, en effet, permettre au saisi de construire un nouvel avenir. Dès lors, la
limite n'est pas opportune. Le Gouvernement retire par conséquent son amendement» (Doc. Pari.,
Ch., (1982-1983), n° 8, p. 4) (comp. infra, n" 118).
RÈGLES COMMUNES 127

res à la poursuite de ses activités professionnelles dont les revenus


doivent permettre de sauvegarder un minimum nécessaire à sa vie
matérielle et de désintéresser ses créanciers de manière plus
efficace que si ceux-ci devaient concourir sur le produit de réalisa-
tion de l'équipement professionnel. Il est donc préférable de
constituer ou de sauvegarder une source de revenus professionnels
permettant au bénéficiaire de faire face à son passif plutôt que
d'anéantir celle-ci en aggravant la situation du débiteur, voire en
l'humiliant sans pour autant désintéresser complètement ses créan-
ciers (5°8 ).
Une telle règle ne constituerait pas une innovation dans
notre droit puisque l'article 592, 6° de l'ancien C.P.C. déclarait
insaisissables, sans limitation de valeur, «les outils des artisans,
nécessaires à leurs occupations personnelles» (509 ) et que l'article
76, alinéa 2 de la loi du 5 juin 1928 portant règlementation du
contrat d'engagement maritime énonce que «sont insaisissables
pour quelque cause que ce soit : les effets, instruments et objets
quelconques appartenant au marin et servant à l'exercice de sa
profession».
Le projet du Sénat comportait cependant un tempérament
qui, bien qu'il s'appliquait à la totalité de l'article 1408, aurait pu
limiter considérablement la portée de l'article 1408, 2° : «toutefois,
les objets précités restent saisissables pour paiement des sommes
dues à leur fabricant ou vendeur ou à celui qui aura prêté pour les
acheter, fabriquer ou réparer» (5 10). Cette restriction aurait été
justifiée si l'article 1408/2° rendait insaisissable tout matériel
d'exploitation ; or, ce texte a un champ d'application beaucoup plus
limité ; il ne protège ni les personnes morales ni toutes les
entreprises ou toutes les activités du saisi mais uniquement le
travail personnel (manuel ou intellectuel) du saisi (511 ) qui ne peut

(508 ) Voy. par exemple, Questions et Réponses, Ch. 1982-1983, p. 1577-1578; Revue
T.V.A., 1983, 292-293.
(509 ) Une règle semblable figure dans l'article 592 C.P.C.Fr. modifié par le décret du 24 mars
1977 et dans l'article 92, 3" de la Loi fédérale suisse sur la poursuite pour dettes et la faillite.
510
( ) Cette suggestion adoptée à la Commission de la justice du Sénat par 4 voix contre 2 et 6
abstentions, figure déjà dans la proposition de loi modifiant l'article 1408 du Code judiciaire, Doc.
Pari., Sénat, 1981-1982, n" 63/1 ; elle s'inspire manifestement de l'article 593 de l'ancien C.P.C.. Elle
a été ensuite rejetée lors des travaux de la Commission de la Justice de la Chambre (Doc. Pari.,
Chambre 625 (1982-1983), n" 8, p. 5).
511
( ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n" 40 ; Aix-en-Provence, 19 février 1982,
J.C.P., 1984, II, n° 20.174 et obs. J. PREVAULT; l'article 592 C.P.C.Fr. est explicite à cet égard:
«ne pourront être saisis les instruments nécessaires à l'exercice personnel de l'activité profession-
nelle».
128 TRAITÉ DES SAISIES

conserver que les livres, machines et instruments indispensables à


sa profession (512 ). Toutefois, même si sa portée est limitée, on ne
peut perdre de vue qu'une telle disposition peut contrarier l'exer-
cice du privilège du vendeur d'effets mobiliers ou même du
conservateur de la chose (art. 20, 4° et 5°, L. hyp.).

Antérieurement, l'article 592, 6°, C.P.C. justifiait l'insai-


sissabilité «du cheval et de la charrette du voiturier, du meunier,
d'un messager». L'article 1408, 2° débarrassé de toute limitation de
la valeur vénale du bien permet de rendre insaisissable le véhicule
indispensable à la profession du saisi ; tel est généralement le cas de
la voiture utilisée par le représentant de commerce pour l'exercice
de sa profession. Il ne suffit pas que le véhicule soit utile à la
profession, il faut encore qu'il soit réellement indispensabl~ (513 ).

En aucun cas, cette protection ne peut être utilisée par le


débiteur de manière frauduleuse ; ainsi un représentant de com-
merce ne pourrait s'en prévaloir pour soustraire aux poursuites de
ses créanciers un véhicule neuf de valeur acquis au moment de
celles-ci (514 ).

De même, le débiteur ne peut détourner le texte de sa


finalité en cessant ses activités professionnelles et en réalisant au
préjudice de ses créanciers les outils ou ustensiles insaisissables
(515).

Toute contestation suscitée par l'application de ce texte


relève de la compétence du juge des saisies ; elle ne doit pas
nécessairement être formulée «in limine litis » mais elle doit être
soulevée avant l'adjudication (5 16) ( 517 ).

512
( ) Dans ce contexte étroit, l'article 1509, C. jud. conserve évidemment toute sa raison
d'être (contra, J. LAENENS, Gerechtsdeurwaarders en debiteurs in crisistijd, R.W., 1985-1986,
1616, n° 31).
513
( ) Comp. Trib. Fédéral Suisse, 28 octobre 1982, Arrêts du Trib. Féd. Suisse, 1982, III, 60
(«un véhicule automobile peut être indispensable à un invalide pour établir des contacts avec le
monde extérieur, faire ses emplettes et exercer une activité professionnelle restreinte. Si un invalide
peut satisfaire à ces besoins avec le véhicule d'un tiers. son automobile ne doit pas être distraite de la
masse en faillite comme bien insaisissable»).
(5 14 ) Riom, 26 mars 1979, Dall., 1979, J., 426.
(5 15 ) Il s'agirait au surplus d'un cas d'organisation frauduleuse d'insolvabilité (art. 490 bis, C.
pén.).
516
( ) Voy. p. ex. Civ. Liège, 25 avril 1980, J.T., 1980, p. 633, n° 55 in fine.
517
( ) En cas de litige, le juge des saisies pourra obtenir (même d'office, art. 1396, C. jud.) de
l'huissier de justice des informations déterminantes sur le respect de l'art. 1408, 2°, C. jud.
RÈGLES COMMUNES 129

71) Objets servant à l'exercice du culte.

En vertu de l'article 1408, 3°, «les objets servant à


l'exercice du culte sont insaisissables». Il s'agit d'un cas traditionnel
d'insaisissabilité (518 ) ~ue ne mentionnait pas expressément la
législation antérieure ( 9). Comme tout l'article 1408, cet alinéa,
figurant assez étrangement dans un texte consacré à la protection
du saisi et de sa famille, est de stricte interprétation ; seuls les
objets servant effectivement à l'exercice d'un véritable culte sont
protégés. «Il s'agit, en ordre principal, des objets du culte qui
appartiennent à ses ministres ; la règle est aussi applicable aux
objets du culte qui font partie du patrimoine de l'autorité reli-
gieuse» (520). Dès qu'ils ne servent Rlus à l'exercice du culte, de
tels objets deviennent saisissables (52 ).

72) Les moyens de subsistance.

Sont insaisissables, «les aliments et combustibles nécessai-


res au saisi et à sa famille pendant un mois» (art. 1408, 4°). Il
appartient au saisi, d'accord avec l'huissier de justice, de détermi-
ner la quantité insaisissable sauf à s'adresser au juge des saisies en
cas de difficulté persistante.
L'article 1408, 4° rend uniquement insaisissables des biens
en nature (522) ; il ne mentionne pas la somme d'argent nécessaire
pour faire face aux dépenses ménagères pendant un mois (5 23 ).
Même en ce qui concerne la quotité insaisissable du revenu perçu
par le saisi (art. 1409 à 1412, C. jud.), il est dès lors difficile de

(5 18 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 501.


519
( ) R.P.D.B., V 0 Saisie-exécution, n° 174.
520
( ) Réponse du Ministre à l'avis du Conseil d'Etat en date du 29 juin 1964, Pasin., 1967, p.
892.
521
( ) Comp. et contra Civ. Tournai, ch.s., 6 juin 1986, R.G. n° 19.645 qui applique l'art.
1408, 3° à «un Christ sous globe» saisi chez un particulier.
(5 22 ) Cet article ne vise manifestement pas les fournitures de gaz ou d'électricité qui ne sont
pas susceptibles d'être atteintes par voie de saisie au domicile du débiteur (comp. et contra E.
BALATE, note sous J.P. Marchienne-au-Pont, 9 novembre 1984, Rev. Rég. Dr., 1985, p. 206, note
8). Au demeurant, il a fallu légiférer pour garantir la mise à la disposition de l'usager d'un minimum
d'énergie électrique (Décret de !'Exécutif régional wallon du 4 juillet 1985, M.B., 7 septembre 1985;
voy. aussi Prop. loi relative à la fourniture de prestations en matière de distribution par réseau public
d'eau, de gaz et d'électricité à usages domestiques et artisanaux, Doc. Pari., Ch. Repr., Sess., 1985-
1986, n° 31/1 ; adde. Doc. Pari., Ch. Sess., 1986-1987, n" 998/1).
(5 23 ) P. DELNOY, Pour une vision nouvelle de l'action oblique, Ann. Fac. Dr., Liège, 1969,
p. 488, note 154.
130 TRAITÉ DES SAISIES

soutenir qu'«à défaut de provision de ce genre, on doit laisser au


saisi, sur ses autres biens, une somme suffisante pour assurer sa
subsistance et celle de sa famille pendant un mois» (5 24 ) sous peine
de donner une portée extensive à un texte de stricte interprétation.
Cette considération est toute théorique car rien n'est plus difficile à
saisir qu'une somme d'argent chez le débiteur ! Si tel est cependant
le cas, la somme saisie n'est pas laissée à la disposition du saisi (art.
1506, al. 2) (525 ).

73) Les animaux domestiques.


Sont insaisissables, «une vache, ou trois brebis, ou deux
chèvres, au choix du saisi, avec les pailles, fourrages et grains
nécessaires pour la litière et la nourriture <lesdits animaux pendant
un mois» (art. 1408, 5°). Ce texte qui remonte à l'ordonnance de
1667 (526 ) complète les moyens de subsistance laissés au saisi.
N'aurait-on pu le moderniser à l'instar de l'article 592 avant dernier
alinéa C.P.C. français qui rend insaisissables: «deux vaches, ou
douze chèvres ou brebis, au choix du saisi, ainsi qu'un porc et vingt-
quatre animaux de basse-cour, avec les paille, fourrage, grains et
autres denrées nécessaires à l'alimentation de ces animaux jusqu'à
la récole suivante» (527 ) ? Il ressort cependant des travaux parle-
mentaires que l'on a préféré conserver le texte d'origine sans
organiser une protection particulière de la basse-cour (5 28 ).

74) Incidence de la faillite.


Au niveau du minimum vital, il n'y a aucune différence
entre le saisi et le failli ; il est souhaitable d'uniformiser les règles de

(5 24 ) R.P.D.B., V0 cil., n°s 164 et 309; Comm. Adm. C.I.R., T. X, Titre V, n° 390; au
sujet de l'application de l'article 1408, 2°, C. jud., au secours fourni par le C.P.A.S., voy. Civ.
Bruxelles, ch.s., 20 décembre 1985, J.J.P., 1987, 82; Mouv. Corn., 1986, 91 et M. BODART et M.
van RUYMBEKE, note sous Civ. Bruxelles, ch.s., 16 janvier 1986, Rev. Rég. Dr., 1986, p. 73;
contrairement à ces auteurs, nous pensons que l'art. 1408, 2° ne vise pas l'aide financière versée par
un tiers; s'il s'agit d'une dette elle ne peut qu'être appréhendée au moyen d'une saisie-arrêt (voy.
d'ailleurs, Civ. Bruxelles, 20 décembre 1985 préc. ; infra, n° 91 D). Au sujet de la saisissabilité de la
somme protégée lorsqu'elle se trouve dans le patrimoine du créancier, voy. infra, n° 79 1.
525
( ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 228.

(526 ) R.J. POTHIER, Traités de droit français, T. VI, Bruxelles, 1832, p. 95.
527
( ) Texte repris dans le Proposition de loi visant à atténuer les effets néfastes de
l'endettement excessif des consommateurs (Doc. Pari. Sénat, Sess., 1981-1982, n° 124/1, Art. 4).
(5 28 ) Pari. Hand. Kamer, 1983-1984, 2549: «Wij hebben de basse-cour willen beschermen.
Wij hebben echter gemeend dat bepaalde katten en honden soms grole waarde vertegenwoordigen.
Zij kunnen bij verkoop belangrijk zijn voor de curator». Voy. cependant supra, n° 69 A.
RÈGLES COMMUNES 131

l'insaisissabilité. En effet, l'article 1408 est inapplicable au failli


(529 ) dont la situation est régie par l'article 476, alinéa 1er du C.
corn. («Les curateurs pourront, avec l'autorisation du juge-com-
missaire, délivrer au failli et à sa famille, des vêtements, hardes,
linges, meubles et effets nécessaires à leur propre usage. Les
curateurs rédigeront un état de ces objets») qui rend le failli
totalement tributaire de la bonne volonté et de la sensibilité sociale
du curateur ; celui-ci n'est pas tenu de respecter l'énumération de
l'article 1408 soit qu'il refuse de délivrer au failli un bien inclus dans
cette liste, soit qu'il lui remette des biens qui n'y figurent pas (5 30 ).
De lege ferenda, l'article 476, § 1er énoncerait : «Les biens visés à
l'article 1408 du Code judiciaire, à l'exception des livres, machines
et instruments visés au 2° de cet article, sont exclus de l'actif de la
faillite~ le failli en conserve la disposition ainsi que l'administra-
tion» ( 31 ).

75) Sanction de non-respect de l'article 1408.

Le moyen d'insaisissabilité est personnel à celui qu'elle


protège. On ne conçoit pas que ce moyen puisse être invoqué, en
lieu et place du saisi, à l'occasion de l'action en distraction prévue
par l'article 1514 du Code judiciaire (532 ).
Il appartient à la personne protégée de se prévaloir ou non
de la méconnaissance de l'article 1408. Certes, est sans valeur
l'engagement pris antérieurement à la saisie par lequel le saisi
renonce en tout ou partie à l'insaisissabilité mais si, avant l'adjudi-
cation, il s'abstient de faire soustraire de l'assiette de la saisie, les
biens indûment saisis, il ne dis~ose ultérieurement d'aucun recours
spécifique contre le saisissant ( 33 ) ou contre l'adjudicataire.
En cas de saisie de choses insaisissables, la décision du juge
des saisies emporte distraction des objets irrégulièrement saisis
mais pour le surplus la procédure demeure valable. Il y a donc
réduction des effets de la saisie aux objets saisissables. Des

529
( ) Infra, n° 79/11/c.
(5·"') Doc. Pari., Ch. Sess., 1982-1983, n" 625/1, p. 3.
531
( ) Doc. Pari., Ch. Sess. 1984-1985, n° 625/9; voy. aussi Doc. Pari., Sénat, Sess., 1983-
1984, n" 67111 (texte approuvé par la Chambre) et Doc. Pari. Ch. Sess., 1982-1983, n° 625/5 (texte
approuvé par le Sénat) ; Doc. Pari. Ch. Sess., 1982-1983, n" 625/8; infra, n° 78.
532
( ) Supra n° 56.

(5 33 ) Supra, n° 57 ; infra n° 79.


132 TRAITÉ DES SAISIES

dommages-intérêts peuvent être demandés au juge des saisies dans


la mesure du préjudice causé par la faute du saisissant ou de
l'huissier de justice. Une telle éventualité se produit rarement car
une erreur d'appréciation n'est pas nécessairement fautive et le
préjudice est difficile a établir lorsque le saisi n'a pas été privé de
l'utilisation des biens litigieux sauf toutefois si l'effet d'indisponibi-
lité a rendu impossible une aliénation avantageuse.

76) Application dans le temps d'une loi modificative de l'assiette de


la saisie.

Dans un arrêt du 18 février 1981, la Cour de cassation de


France rappelle le principe suivant : « Les lois nouvelles relatives à
la procédure et aux voies d'exécution, si elles sont immédiatement
applicables aux instances en cours, n'ont pas pour conséquence de
destituer de leurs effets les actes accomplis sous l'empire du texte
ancien. Notamment, les conditions de forme et de fond d'une saisie
sont régies par la loi en vigueur au moment où cette saisie a été
pratiquée». Suit l'application: «L'article 2092-2, 4° du Code civil,
dans sa rédaction postérieure à la loi du 5 juillet 1972, ne déclarant
insaisissables les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du
saisi que dans les limites fixées par le Code de procédure civile, a
légalement justifié sa décision déboutant un représentant de com-
merce de sa demande en nullité de la saisie, pratiquée le 26 février
1977, de sa voiture automobile, laquelle aurait été, selon lui,
insaisissable comme constituant un bien nécessaire à son travail, la
Cour d'appel qui a énoncé que l'intéressé qui n'était pas un artisan,
ne pouvait se prévaloir de l'insaisissabilité édictée par l'article 592
du Code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret
n° 77-273 du 24 mars 1977, au profit des seuls artisans» (534 ).
Cet arrêt doit être approuvé (5 35 ). Les dispositions nou-
velles en matière de saisie seraient rétroactives si elles frappaient
d'inefficacité les actes valablement accomplis sous l'empire de la loi
ancienne. C'est la raison pour laquelle l'article IV de la loi du 10
octobre 1967 (dispositions prises à titre transitoire) énonçait : «Les

(5 34 ) Cass. Fr. 18 février 1981. Gaz. Pal., 1981, 2ème sem., 248; J.C.P., 1981, IV, 159,
rejetant le pourvoi contre Riom, 26 mars 1979, Dall., 1979, J., 426 et note G.A.; voy. aussi Cass.
Fr., 23 mars 1965, Bull. Cass., !, n° 207, p. 152; Cass. Fr., 16 juillet 1969, Bull. Cass., II, n° 258, p.
185.
535
( ) J. NORMAND, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,

1981, p. 199-200; J. VIATIE, note sous Cass. Fr., 18février1981, Gaz. Pal., 24-25 juin 1981, 5.
RÈGLES COMMUNES 133

dispositions de procédure prévues par le Code judiciaire s'appli-


quent aux actes de l'instance, des voies de recours, des saisies
conservatoires et des voies d'exécution postérieurs à la date de
l'entrée en vigueur de ces dispositions ; les actes valablement
accomplis antérieurement restent valables, alors même qu'aux
termes de la loi nouvelle ils seraient irréguliers ou tardifs». Sauf les
exceptions prévues par une loi spéciale (art. 3 in fine C.J.), une loi
modificative de l'assiette de la saisie ne peut donc régir que les
renouvellements futurs des saisies antérieures (en ce sens, la loi est
immédiatement agt;?licable aux effets futurs de saisies pratiquées
antérieurement) ( ) et les saisies ultérieures.
En synthèse, c'est à la loi du jour où se réalise la mise sous
la main de la justice par voie de saisie conservatoire ou exécutoire
qu'il faut se référer pour connaître les biens saisissables (5 37).
«Même si elle inspire de façon latente certaines solutions particuliè-
res, la théorie des lois plus douces (ou plus favorables) n'est pas, en
tant que telle, reçue en droit judiciaire privé» (538).

77) Insaisissabilité de meubles corporels prévue par une loi particu-


lière : les créations de l'esprit ; le matériel de chemin de fer.

L'article 1408 réserve expressément les choses déclarées


insaisissables par des lois particulières.
A. - Tel est le cas de l'article 9 de la loi du 22 mars 1886 sur le
droit d'auteur aux termes duquel «sont toujours insaisissables, les
oeuvres littéraires ou musicales, tant qu'elles sont inédites et, du
vivant de l'auteur, les autres oeuvres d'art, tant qu'elles ne sont pas
prêtes pour la vente ou la publication». «Le législateur distingue,
d'une part, les oeuvres littéraires et musicales, insaisissables tant
qu'elles sont inédites, d'autre part, toutes autres oeuvres, telles les
oeuvres plastiques, insaisissables tant qu'elles ne sont pas prêtes
pour la vente ou la publication. La loi fait une distinction entre les
deux catégories d'oeuvres, suivant que l'auteur est vivant ou non.
Le texte adopté d'abord par la Chambre n'admettait l'insaisissabi-
lité des oeuvres que du vivant de l'auteur, mais le Sénat estima que

(5 36 ) Cette hypothèse est relative à la saisie-arrêt échelonnée, voy. les travaux préparatoires
de la loi du 16 juin 1978 modifiant l'article 1409 du Code judiciaire, Doc. Pari., Sénat, 1977-1978, n°
261/3, p. 4 et ch., 1977-1978, n" 349/2, p. 2. Infra, n° 80.
537
( ) G. CLOSSET-MARCHAL, L'application dans le temps des lois de droit judiciaire civil,
Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 239, n° 279.
(5 38 ) J. NORMAND, op. cit., R.T.D.C., 1981, p. 200.
134 TRAITÉ DES SAISIES

l'auteur et ses héritiers pouvaient avoir des raisons de ne pas


publier }'oeuvre littéraire ou musicale après sa mort. Il en est ainsi
des mémoires d'un écrivain. La loi ne distingue pas entre oeuvres
littéraires et oeuvres musicales qui sont également manuscrites :
elles sont toujours insaisissables. Par contre, les oeuvres plastiques
inédites ou inachevées cessent d'être insaisissables le jour de la
mort de l'auteur» (539 ).

Une oeuvre littéraire est généralement achevée quand


l'auteur a donné «le bon à tirer» ; en matière plastique, lorsque
l'auteur expose }'oeuvre dans son atelier ou dans un lieu public ou
invite le client à venir voir l'objet commandé on en conclut qu'il la
considère comme terminée (5 40 ). Toute contestation à ce sujet doit
être soumise au juge des saisies. La vente des objets d'art fait
l'objet d'une publicité spéciale (art. 1519) (541 ).

B. - Aux termes de l'article 56 § 3 de la convention


internationale concernant le transport des marchandises par chemin
de fer faite à Berne le 7 février 1970 et approuvée par la loi du 24
janvier 1973 et de l'article 52 § 3 de la convention internationale
concernant le transport des voyageurs et des bagages par chemin de
fer, faite à Berne le 7 février 1970 et approuvée par la loi du 24
janvier 1973 : «Le matériel roulant du chemin de fer, ainsi que les
objets de toute nature servant au transport et appartenant au
chemin de fer, tels que containers, agrès de chargement, bâches,
etc., ne peuvent faire l'objet d'une saisie, sur un territoire autre que
celui de l'Etat duquel relève le chemin de fer propriétaire, qu'en
vertu d'un jugement rendu par l'autorité judiciaire de ce dernier
Etat. Les wagons de particuliers, ainsi que les objets de toute
nature servant au transport, contenus dans ce matériel et apparte-
nant au propriétaire du wagon, ne peuvent faire l'objet d'une
saisie, sur un territoire autre que celui de l'Etat du domicile du
propriétaire, qu'en vertu d'un jugement rendu par l'autorité judi-
ciaire de ce dernier Etat» (542 ).

(539 ) P. POIRIER. Le droit d'auteur in Les Novcllcs, Droits intellectuels, T. II, n" 606, p.
965; voy. aussi R.P.D.B., V" Droit d'auteur, n" 43.
540
( ) R. POIRIER, op. cit., n° 608.
541
( ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not. n"s 238, 247 et 248.

(5 42 ) Voy. aussi infra n° 104 C.


RÈGLES COMMUNES 135

78) Insaisissabilité liée à la nature des choses ou aux droits de la


personne.
«A moins qu'il ne le soit en nature ou qu'il ne soit attaché
exclusivement à la personne du saisi, un bien n'est insaisissable que
s'il est déclaré tel par la loi» (5 43 ).
Il existe ainsi deux cas exceptionnels d'insaisissabilité non
prévus par la loi :
a) le bien est insaisissable en nature, c'est-à-dire qu'il n'est pas
susceptible d'être converti en argent à l'issue d'une procédure
de réalisation forcée dont le produit doit permettre le désinté-
ressement total ou partiel des créanciers. Il s'agit des objets qui
ont avant tout une valeur sentimentale et qui ne présentent
aucune valeur vénale particulière : décorations, photographies,
papiers ou souvenirs de famille, pièces constituant le dossier
d'une contestation, éventuellement portraits de famille, lettres
missives sauf si un envoi d'argent est annexé à la correspon-
dance etc. (544) ; il importe d'y insister, «il faut que la valeur
patrimoniale de ces biens soit faible ; dans le cas contraire, le
principe de la saisissabilité doit s'appliquer» (545 ).
b) le bien est insaisissable lorsqu'il est exclusivement attaché à la
personne du saisi car se confondant avec celle-ci, il cesse d'être
un objet patrimonial et est assimilé à la personne humaine qui
est hors du commerce juridique et dès lors insaisissable et
incessible.
On observera que si les objets nécessaires aux membres
handicapés de la famille devraient être englobés dans l'article 1408,
1° (546), il sont dès à présent insaisissables lorsqu'ils perdent leur
caractère de meuble corporel pour devenir un élément de la
personnalité (547 ).

543
( ) Cass., 27janvier1983, Pas., 1983, I, 622; R.W., 1983-1984, 1637; supra, n° 55.
(5 44 ) R.P.D.B., V" Saisie-exécution, n° 175 et 176; J. VINCENT et J. PREVAULT, op.
cit., p. 83, n° 107; R.P.D.B., V 0 Saisie-arrêt, n° 281à284.

(5 45 ) G. COUCHEZ, Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985, p. 24, n° 25 ; voy. aussi M.


DONNIER, op. cit., Litec, 1987, p. 66, n° 137. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de ne pas
rendre insaisissables comme tels les souvenirs de famille car «il peut s'agir non seulement d'objets
n'ayant qu'une valeur sentimentale (par exemple médailles), mais également d'objets de valeur (par
exemple bijoux, tableaux, écrits ... )» (Doc. Pari. Ch. 625, 1982-1983, n° 8, p. 4).
(5 46 ) Supra, n° 69 A.
(5 47 ) Plus généralement, «la plus élémentaire considération d'humanité n'a-t-elle pas toujours
fait obstacle, dans le silence des textes, à la saisie des béquilles, du fauteuil roulant, ou de tout
appareil orthopédique nécessaire à un handicapé ? » (Juris-classeur, Procédure civile, commentaire
de l'article 592 Ane. C.P.C.Fr.).
136 TRAITÉ DES SAISIES

«Une prothèse, qui a été adaptée à la personne, qui a été,


en conséquence «personnalisée», remplit les mêmes fonctions
qu'un membre et il n'y a pas lieu de distinguer les prothèses
indispensables ou non : cela n'a pas de sens. Priver quelqu'un d'une
prothèse équivaut à le priver d'un membre, et en conséquence d'un
élément de sa liberté. La prothèse personnalisée doit être protégée
au même titre que la personne et le recours à l'article 1408 devient
inopérant» (548 ).
«Les formidables progrès de la biologie moderne ont
abaissé le corps au niveau des simples choses (banque d'organes) et
ont élevé les choses, inversément au rang de la personne» (5 49 ), de
telle sorte que toujours plus nombreux seront les biens exclusive-
ment attachés à la personne du saisi qui, de manière absolue, ne
pourront être appréhendés par ses créanciers.
Une fois posée et adaptée, une prothèse même amovible
(membre artificiel, prothèse auditive ou dentaire, stimulateur
cardiaque, etc.) fait partie intégrante de la personne humaine, elle
ne peut donc être retirée et faire l'objet d'une saisie (550).

SECTION III - Insaisissabilité de certains meubles incorporels.


§ 1. - Les sommes payées en contrepartie des prestations de
travail.
79) Les montants insaisissables.
1. - Règle générale. Sanction.
L'article 1409 du Code judiciaire modifié par la loi du 16
juin 1978 et adapté, quant aux montants qui peuvent être saisis ou
cédés, par l'arrêté-royal du 18 décembre 1984, organise une
cessibilité et une saisissabilité partielles, fractionnées et progressi-
ves des sommes nettes (art. 1411, al. 2) payées en contrepartie des
prestations de travail :

548
( ) X. LABBEE, note sous Trib. Gde Inst. Lille (Réf.), 21 avril 1981, Gaz. Pal., 1983
(2ème sem.), Jurisprudence, 419.
549
( ) X. LABBEE, lb. 418 et obs. sous Douai, 14 octobre 1983, J.C.P., 1985, II, n" 20.365.
(cet arrêt a été cassé, voy. note 550).
55
( ") Cass. Fr., Il décembre 1985, Bull., 1985, 1, 313, n" 348; Dall., 1986, I.R., 180;
R.T.D.C., 1986, 427, n" 11, obs. R. PERROT; Gaz. Pal., 19-20 mars 1986, 7 et note Ph. BERTIN,
«Touche pas à mon dentier». Il a été aussi jugé que le dentiste ne dispose d'aucun droit de rétention
sur la prothèse qu'il s'est engagé à livrer (Cass. Fr., 9 octobre 1985, Gaz. Pal., 19-20 mars 1986, 7;
Dall., 1986, 1, 417 et note J. PENNEAU; R.T.D.C., 1986, 427, n° 11).
RÈGLES COMMUNES 137

- la part de la rémunération qui ne dépasse pas 19.000 francs par


mois civil ne peut être cédée ni saisie (art. 1409, al. 3) ;
- la part de la rémunération supérieure à 19.000 francs et n'excé-
dant pas 23.000 francs par mois civil ne peut être cédée ni saisie
pour plus d'un cinquième au total (art. 1409, al. 2 in fine) ;
- la part de la rémunération supérieure à 23.000 francs et n'excé-
dant pas 30.000 francs par mois civil ne peut être cédée ni saisie
pour plus de deux cinquièmes au total (art. 1409, al. 2 initio) ;
- la rémunération peut être saisie ou cédée sans limitation pour la
partie du montant qui dépasse 30.000 francs par mois civil (art.
1409, al. 1er in fine).

La protection n'opère en principe qu'au stade de la créance


originaire du bénéficiaire contre le débiteur. Elle ne s'applique pas
à la somme payée qui se retrouve dans le ~atrimoine du créancier
soit à l'état liquide soit à l'état de créance ( 51 ).
Ces dispositions tendent à réaliser un équilibre entre le
souci d'assurer un minimum vital au saisi et à sa famille sans le
priver de la possibilité d'obtenir des facilités de crédit consenties
par le créancier en considération du gage saisissable de son
débiteur. Une insaisissabilité totale aboutirait à faire refuser tout
crédit à celui que la loi entend protéger.
Une saisie-arrêt ne doit pas être annulée pour le tout parce
qu'elle comprendrait en partie des sommes insaisissables (552 ). Au
surplus, le saisi peut renoncer à la protection édictée en sa faveur
sans être tenu par une convention antérieure à la saisie (553 ).
Enfin, le débiteur est sans recours spécifique s'il conteste le
calcul des montants saisissables ou cessibles après que les retenues
aient été payées par le tiers-saisi sous réserve de la responsabilité
éventuelle de celui-ci ou du saisissant. En effet, le Code judiciaire
ne prévoit aucune sanction particulière en cas de contravention aux
dispositions de l'article 1409 ; seules les règles du droit commun de
la responsabilité sont applicables (5 54 ).

(551 ) Voy. supra, n" 72, infra n° 83 B in fine et n" 84.


(5 52 ) Civ. Liège, 20 janvier 1936, Jur. Liège, 1937, 36.
553
( ) Supra, n°s 57 et 75 ; infra, n"s 84, 85 Cet 91 E.
(5 54 ) F. HUISMAN et M. TROCLET, La rémunération: saisie ou cession, J.T.T., 1983, p.
53, n" 127 ; voy. aussi infra n° 80, note 563.
138 TRAITÉ DES SAISIES

II. -Règles spéciales.

a) La rémunération des enfants mineurs même émancipés, est


entièrement incessible et insaisissable du chef des ventes, prêts à
tempérament et prêts personnels à tempérament réglementés par la
loi du 9 juillet 1957 (art. 20 modifié par la loi du 21novembre1969).

Toutefois, si la saisie émane d'un autre créancier, il n'y a pas


d'obstacle, selon nous, à ce que le créancier sans qualité pour
entamer la saisie s'associe à la poursuite initiée par un autre
créancier.

b) La portion du produit du travail attribuée aux détenus est


totalement insaisissable. Aux termes de l'article 67 de l'arrêté-royal
du 21 mai 1965 portant règlement général des établissements
pénitentiaires modifié par l'arrêté-royal du 28 avril 1970 : «La
portion du produit du travail (six dixièmes) qui est versée à un fonds
de réserve conformément aux dispositions du second alinéa de
l'article 66 du présent règlement général, est insaisissable. La moitié
de cette portion est employée pour former au profit du détenu un
pécule qui lui sera remis à sa sortie ou à des époques déterminées
après sa sortie. L'autre moitié est destinée à lui procurer quelques
adoucissements durant sa privation de liberté, conformément aux
instructions en la matière (5 55 ). Il n'est pas constitué de pécule au
profit des détenus pour lesquels le travail est facultatif».

c) De lege lata les articles 1409 à 1412 du Code judiciaire ne


sont pas applicables au failli (556 ) ; de lege ferenda, l'article 476 § 2
C. Corn. pourrait disposer que : «Sont également exclus de l'actif
de la faillite, les montants, sommes et paiements que le failli
recueille à partir de la déclaration de faillite, pour autant qu'ils

(5 55 ) Des prélèvements peuvent être autorisés par le Ministre au profit des membres de sa
famille qui se trouvent dans le besoin (J. CONSTANT, Traité élémentaire de droit pénal, Liège,
1966, T. Il, n° 636, p. 701).
556
( ) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p.
364, n" 70: voy. aussi Mons, 26 juin 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 353 et note M.F. ANTOINE.
Toutefois, si le failli perçoit des revenus professionnels, ceux-ci, peuvent être affectés à son entretien
et à celui de sa famille sans mise en oeuvre préalable de l'article 476 C. corn. (Civ. Liège, Réf., 27 mai
1986. J.L.M.B., 1987, 930: comp. Cass .. 25 juin 1985, Pas., 1985, 1, 1363 qui précise que cette
rémunération qui n'est pas duc de plein droit à la masse des créanciers, n'est susceptible d'être saisie
même à la demande du curateur que dans les limites prévues par l'article 1409 du Code judiciaire :
voy. infra n° 124).
RÈGLES COMMUNES 139

soient insaisissables en vertu des articles 1409 à 1412 du Code


judiciaire ou en vertu de lois particulières» (557 ).

80) L'adaptation des montants.

L'article 1409, alinéa 4 (art. 2 de la loi du 16 juin 1978)


dispose : «Le Roi peut adapter tous les deux ans les montants
prévus ci-dessus, après avis du Conseil national du travail et en
tenant compte de la situation économique».

Alors que la première adaptation (les montants de 5.000


francs, 8.000 francs et 15.000 francs ont été portés à 13.000 francs,
18.000 francs et 25.000 francs) a du être réalisée par voie législative
(la loi du 16 juin 1978) (558 ) la deuxième adaptation (les montants
de 13.000 francs, 18.000 francs et 25.000 francs ont été portés à
19.000 francs, 23.000 francs et 30.000 francs) a été réalisée par voie
réglementaire conformément à l'article 1409, alinéa 4 parce que la
procédure parlementaire ne permettait pas d'aboutir assez rapide-
ment. Le rapport au Roi précédant l'arrêté-royal du 18 décembre
1984 adaptant les montants qui peuvent être cédés ou saisis par
application de l'article 1409 du Code judiciaire expose en effet :
«Ces derniers chiffres sont repris tels quels de l'article 2 du projet
de loi modifiant les articles 1408 et 1409 du Code judiciaire ainsi
que l'article 476 de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites,
banqueroutes et sursis (cfr. Doc. Chambre, 1982-1983, n° 625/1 du
21 avril 1983), tel qu'il a été amendé (cfr. Doc. Chambre, n°
625/5). Après que ce projet eut été adopté par la Chambre des

557
( ) Doc. Pari. Ch. Rcpr., 1982-1983, n° 625; supra, n" 74; voy. aussi infra, n°s 81 et 88 et
Prop. de loi modifiant l'article 444 de la loi sur les faillites (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1986-1987, n"
510/1).
(5 58 ) A l'origine, l'art. 1409, al. 4disposait: «Après avoir pris l'avis du Conseil national du travail,
le Roi peut adapter les montants prévus ci-dessus en liaison avec l'indice des prix de détail du royaume et
par tranche de 100 francs ou de multiples de HlO francs». Le Conseil national du travail fit observer dans
son avis n" 476 du 26 mars 1975 que s'il fallait modifier les niveaux relatifs des tranches de rémunération et
les adapter en tenant compte d'autres éléments que l'indice des prix à la consommation une modification
de la loi était indispensable. C'est effectivement ce qui se produisit ( voy. Projet de loi modifiant l'art. 1409
du Code judiciaire, Doc. Pari., Sénat, 1977-1978, n° 261). L'avis du n° 716 du 6 avril 1982 du Conseil
national du travail confirme les principes énoncés dans l'avis n° 476 du 26 mars 1975: «Dans cet avis, le
Conseilcstimait qu'il fallait rechcrcherune formule ne tenant pas uniquement compte de l'évolution des
prix à la consommation, mais également d'autres éléments tels que l'évolution des salaires réels, les
minima garantis en matière de salaires et de sécurité sociale et l'évolution des conceptions sociales» en
tenant compte du minimum socio-vital, ce concept mettant« l'accent sur le caractère évolutif des besoins
en fonction du développement culturel et économique général, ainsi que des exigences nouvelles, propres
à chaque société» (Avis n" 476, p. 3).
140 TRAITÉ DES SAISIES

Représentants, profondément modifié par le Sénat (559 ) et réexa-


miné par la Commission de la Justice de la Chambre, celle-ci a
décidé de replacer le problème dans un examen d'ensemble des
règles relatives aux biens qui ne peuvent être saisis, ce qui rend
improbable que le projet aboutisse bientôt. De ce fait, la Commis-
sion de la Justice de la Chambre des Représentants a demandé à
l'unanimité au Ministre de la Justice que la procédure d'adaptation
des montants cessibles et saisissables, prévue par l'article 1409,
alinéa 4, soit appliquée afin que cette adaptation puisse intervenir
immédiatement sans attendre l'aboutissement de l'examen appro-
fondi consacré à l'ensemble des règles qui gouvernent la matière
des biens insaisissables» (560).
Les montants de 19.000, 23.000 et 30.000 francs ont été
suggérés par le Conseil national du travail :
la limite de 19.000 francs tient compte de l'évolution de l'indice
des prix à la consommation et des rémunérations réglementées
ainsi que de l'évolution du revenu mensuel minimum garanti et
des minima garantis en matière de sécurité sociale ;
la limite de 23.000 francs correspond à l'évolution de l'indice des
prix à la consommation et des rémunérations réglementées des
travailleurs ;
la limite de 30.000 francs a été calculée sur base de l'évolution de
l'indice des prix à la consommation et des rémunérations régle-
mentées des travailleurs mais elle a été réduite pour tenir compte
de l'incidence économi~ue, plus particulièrement au niveau des
ventes à tempérament ( 61 ).

(5 59 ) Alors que le projet voté par la Chambre des Représentants (Doc. Pari. Sénat, Scss.,
1983-1984, n° 671) organise une indexation annuelle automatique en améliorant le système
originairement prévu par l'art. 1409 (supra note précédente et en supprimant l'avis du Conseil
national du travail), le projet voté par le Sénat (Doc. Pari. Ch., Sess., 1984-1985, n° 625 (1982-1983),
5) écarte ce type d'adaptation et maintient le texte actuel qui n'organise qu'une possibilité
d'augmentation; les arguments avancés par les organismes de crédit craignant «que l'adaptation
annuelle automatique ne progresse plus rapidement que les salaires nets, ce qui réduira la consistance
de la garantie» et les placera «dans l'obligation de majorer leurs primes de risques et/ou d'exiger des
garanties plus importantes» ont prévalu sur la préférence manifestée par les C.P.A.S. pour «cette
nouvelle forme d'adaptation annuelle» leur permettant d'«escompter une réduction de leurs
interventions» (Doc. Pari. Sénat, Sess., 1984-1985, n° 671 (1983-1984), 2); le maintien du texte
actuel avait également été suggéré à la Commission de la justice de la Chambre afin de tenir compte
de tous les éléments qui sont déterminants pour l'évolution économique et sociale du moment et
maintenir l'avis du Conseil national du travail (Doc. Pari., Ch., Sess., 1983-1984, n° 625 ( 1982-1983),
4). En réalité, il semble que si en 1975 la seule adaptation à l'évolution de l'indice des prix ait semblé
insuffisante (Doc. Pari. Ch., Sess., 1977-1978, n° 349/2), elle a été tenue pour excessive en 1984!
560
( ) M.B. du 22 décembre 1984, p. 16.024.

(561 ) Avis n° 763 du 25 octobre 1983; voy. aussi les avis n° 476 et 716 cités à la note 558. Au
départ, le projet proposait des montants plus avantageux pour les rémunérations élevées : 18.000
francs, 24.000 francs et 34.000 francs (Doc. Pari.. Ch., Scss., 1983-1984, n° 625 (1982-1983), 3 et 4).
RÈGLES COMMUNES 141

Il importait que l'arrêté-royal du 18 décembre 1984 soit


publié très rapidement pour que l'adaptation entre en vigueur en
1985 puisqu'aux termes de l'article 1409, alinéa 5 (art. 2 de la loi du
16 juin 1978), «cette adaptation entre en vigueur le 1er janvier de
l'année suivant la publication de l'arrêté d'adaptation».
Cette adaptation est immédiatement applicable non seule-
ment aux saisies et cessions pratiquées après le 1er janvier 1985
mais aussi aux effets produits dès cette date par des saisies ou des
cessions mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur de l'arrêté-royal
du 18 décembre 1984 (562 ) ( 563 ). Par contre, on ne pourrait exiger
le remboursement des sommes retenues antérieurement sur base
des chiffres en vigueur à l'époque sous peine de méconnaître
l'article 1409, alinéa 5 et de faire produire à cette réglementation
nouvelle un effet rétroactif (564 ).

81) Les revenus protégés - règle générale.

L'article 1409 concerne «les sommes payées en exécution


d'un contrat de louage de travail, d'un contrat d'apprentissage,
d'un statut, d'un abonnement ainsi que celles qui sont payées aux
personnes qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de louage de
travail, fournissent contre rémunération des prestations de travail
sous l'autorité d'une autre personne».
Ce texte s'applique aux revenus du travail en général,
même liquidés «post mortem» (5 65 ), c'est-à-dire aux sommes dues
en exécution d'un contrat de travail quel qu'il soit et singulièrement
ceux qui sont régis par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats

(5 62 ) Supra, n" 76 ; «Le fait que la nouvelle loi est applicable aux conséquences futures d'actes
juridiques antérieurs est conforme aux principes généraux du droit transitoire» (Doc. Pari., Ch.,
Sess., 1977-1978, n° 349/2; comp. et contra en ce qui concerne la cession, F. TOP, Loondclegatie na
loonoverdracht: aan wic de voorrang ?, R.W., 1985-1986, 261. n" 7).
6
(' ') Une circulaire administrative du 30 janvier 1985 (Bull. Cont.. 1985. p. 433) précise:
«Au cas où certains tiers détenteurs effectueraient encore des retenues. après le 01/01/1985. suivant
les modalités antérieures. la somme versée en trop pourra éventuellement faire l'objet d'une
régularisation lors des retenues ultérieures. S'il n'est pas possible au tiers détenteur de régulariser la
situation. le Receveur peut accorder la restitution au redevable si celui-ci le demande expressément»
(Comp. supra, n" 791).
564
( ) On notera que la loi du Hl juillet 1984 relative à l'application de l'article 1409 du Code
judiciaire aux traitements et allocations payés à certains agents des services prévoit expressément
qu'elle produit ses effets le 30 juin 1984, infra, n" 83 C.
65
(' ) Contra F. HUISMAN et M. TROCLET, op. cit.. p. 45. n" 28 et 29. Cc n'est que si la
rémunération est versée par l'employeur avant la saisie à la succession que l'actif successoral est
totalement saisissable (comp. infra. n" 84).
142 TRAITÉ DES SAISIES

de travail (566), ou par la loi du 5 juin 1928 portant réglementation


du contrat d'engagement maritime (567 ), aux sommes dues en
vertu d'un statut légal ou réglementaire (568 ) ainsi qu'à celles qui
sont dues «en exécution d'un abonnement ou d'un contrat pré-
voyant des prestations de travail régulières, même si celles-ci sont
fournies par un travailleur indépendant quel qu'il soit» (569 ). Un
lien de subordination n'est donc pas requis ; il suffit d'un état de
simple dépendance économique donnant lieu à des revenus profes-
sionnels successifs. Ce texte ne concerne donc pas les revenus
professionnels qui ne se renouvellent pas, ni les revenus non
professionnels tel un loyer même s'il constitue le seul revenu de son
bénéficiaire pour lequel il présente un caractère réellement alimen-
taire.

De lege lata, on ne peut en effet oublier que «le code


judiciaire soucieux de coordonner l'ensemble des règles éparses en
matière de saisie et de cession des avantages sociaux et des sommes
payées en contrepartie des prestations de travail, n'a pas entendu
ériger en règle absolue le maintien au profit du saisi d'un minimum
vital quels que soient l'origine et le caractère des sommes dont il

(5 66) L'article 1er, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail dispose
que la présente loi règle les contrats de travail d'ouvrier, d'employé, de représentant de commerce et
de domestique. L'article Ier. alinéa 2 précise qu'«clle s'applique aussi aux travailleurs visés à l'alinéa
Ier occupés par l'Etat, les provinces, les agglomérations, les fédérations de communes, les
établissements publics qui en dépendent, les organismes d'intérèt public et les établissements
d'enseignement libre subventionnés par l'Etat, qui ne sont pas régis par un statut».
{5 67 ) L'article 75 de la loi du 5 juin 1928 stipule que les dispositions en vigueur relatives à
l'incessibilité et à l'insaisissabilité des salaires des ouvriers et des appointements des employés sont
applicables aux marins. Les officiers et les capitaines sont assimilés aux employés pour l'application
de ces dispositions. En vertu de l'article 77 la saisie s'opère entre les mains du commissaire maritime
du port d'enrôlement en Belgique et du port d'Anvers en cas d'enrôlement à l'étranger.
68
(' ) C'est-à-dire les magistrats de l'ordre judiciaire, les membres du Conseil d'Etat et de la
Cour des Comptes. les militaires et les ministres du culte (Questions et Réponses. Chambre des
Représentants, Session 1972-1973, n" 20, Question n° 86 de M. DAMSEAUX du 29 mars 1973. p.
1147), les agents de l'Etat, au sens de l'arrêté-royal du 2 octobre 1937. les agents des provinces. des
communes, des institutions parastatales (Rapport. p. 503).
69
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin .. 1967, 503; Rapport DE BAECK. Pasin .. 1967,
882 ; M. VAN REEPINGHEN cite le cas de «médecins attachés par contrat à une association
mutualiste ou à une société d'assurance». Actuellement. le système de la perception centrale des
honoraires du médecin hospitalier permet de généraliser l'application de l'article 1409 (v. art. 34 et s.
AR n° 407 modifiant et complétant la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux. M.B. 6 mai 1986, p.
6464 et s. ). On peut encore citer le courtier d'assurances pour ses commissions, l'auteur pour les
droits qui lui sont dus par l'éditeur. De même. il y a lieu d'appliquer la mème règle aux émoluments
perçus par des gérants ou administrateurs qui ne sont pas sous contrat d'emploi (contra L.
HENRION, Le curateur et la rémunération des dirigeants de société, J.T., 1986, 277) et aux
honoraires perçus par un professeur de tennis en exécution d'un contrat de gestion pédagogique et
sportive (Bruxelles. 25 novembre 1986. J.L.M.B .. 1987. 50).
RÈGLES COMMUNES 143

dispose» (570) mais une telle situation peut être ressentie comme
une intolérable injustice par le débiteur dont il n'est p(!S tenu
1
compte des nécessités vitales.
Pour supprimer tout traitement inégalitaire entre les débi-
teurs dans le besoin et également dignes de considération, on
devrait rendre insaisissable ou incessible dans les limites prévues
par l'article 1409 toute créance non protégée dont le caractère
indispensable à la subsistance du débiteur est reconnu par le juge
des saisies tenant compte de tous les autres revenus de celui-ci
(571).

82) Revenus protégés en droit social.

En droit social, il n'existe pas de définition unique de la


rémunération ; ainsi la définition contenue dans l'article 2 de la loi
du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération des travail-
leurs (la rémunération est constituée par «le salaire en espèces et
les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à
charge de l'employeur en raison de son engagement») ne concerne
que cette loi particulière (572 ) ; il importe cependant de ne pas
perdre de vue que les articles 1409 et suivants procèdent des articles
24 à 26 de cette loi de telle sorte que l'on peut admettre que «les
sommes payées en exécution d'un contrat de travail» sont, lors-
qu'elles constituent un revenu du travail (573 ) celles qui sont visées
par l'article 2 précité (5 74 ) et que n'est pas seulement protégé le
salaire proprement dit alloué en contrepartie directe du travail
accompli mais aussi les avantages accordés à l'occasion de l'exécu-
tion, de la suspension ou de la fin de l'engagement chaque fois
qu'ils se présentent comme un revenu de remplacement ou de
complément. Dans tous les cas, il importe de soustraire dans les
revenus nés du travail, la somme permettant au débiteur de
disposer du minimum vital. S'il est incontestable que le salaire

570
( ) Doc. Pari. Ch. Repr.. Sess .. 1983-1984. n"625/2, p. 4-5.
571
( G. de LEVAL. L'inégalité entre les saisis. R.G.A.R .• 1984. n" 10822 et réf. à l'exemple
)
offert par l'article 2092-2. 2" C.c. Fr. tel qu'il est interprété en jurisprudence et en doctrine.
('72) M. MAGREZ et G. MAGREZ-SONG. L'évolution de la notion de rémunération en
droit de la sécurité sociale, R.C.J.B., 1979. p. 506 et s.
(m) Voy. n" 82, n" 1 et 82, n" VI.
574
( ) La protection de la rémunération. Publication de la F.E.B., 1979. 45: F. HUISMAN et
M. TROCLET. La rémunération: saisie ou cession, J.T.T.. 1983, p. 43, n" li : M. HENRARD, La
protection de la rémunération. J.T.T.. 1978, p. 314, n" 10: M. JAMOULLE. Le contrat de travail.
T. II. Fac. Dr. Liège. 1986. p. 108. n" 401.
144 TRAITÉ DES SAISIES

garanti, les indemnités pour perte de salaire due à une maladie ou


au manque de travail, le salaire payé en cas d'absence de courte
durée à l'occasion d'événements familiaux etc. constituent des
sommes payées en exécution d'un contrat de travail, des questions
surgissent pour d'autres revenus :

1. - Indemnité compensatoire de préavis.


De manière générale, la Cour de cassation définit la
rémunération comme étant la contrepartie du travail effectué en
exécution du contrat de travail et décide que l'indemnité de congé,
qui n'est pas la contrepartie d'un travail effectué n'est pas de la
rémunération au sens propre, mais elle doit être considérée comme
telle selon l'article 2 de la loi du 12 avril 1965 (575 ) et l'article 1409
du Code judiciaire : le paiement d'une indemnité de congé en cas
de licenciement sans motif grave et sans préavis constitue l'exécu-
tion du contrat de travail au sens de l'article 1409 alinéa 1er du
Code judiciaire. Si l'indemnité de congé est égale à la rémunération
en cours correspondant à la durée du préavis, la quotité de cette
indemnité pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une saisie doit,
pour l'application de l'article 1409 du Code judiciaire, être détermi-
née en prenant en considération, pour chaque mois civil, les
sommes cessibles ou saisissables en vertu de cette disposition légale
(576) (577).

La découverte d'un nouvel emploi avant l'échéance du


terme théorique fixé pour le préavis ne peut modifier la règle sous

575
( ) Cass., 9 octobre 1978, Pas., 1979, I, 174; Cass., 12 avril 1979, J.T.T., 1979, 251; M.
MAGREZ et G. MAGREZ-SONG, op. cit., R.C.J.B., 1979, p. 522-523, n"s 9 et 10. Adde. au sujet
de l'indemnité de fermeture (art. 6 L, 28 juin 1966). Cass., 13 octobre 1986, R.G. n° 5256.
(5 76) Cass., 3 mai 1982, Pas., 1982, !, 1000; J.T.T., 1983, 53; Rev. Dr. Soc., 1982, 601 ;
R.W., 1983-1984, 183; Bull. Contr., 1984, 685; Civ. Arlon, ch.s., 18 mai 1976, Jur. Liège, 1976-
1977, 15; Civ. Liège, ch.s., 14 février 1979, Jur. Liège, 1978-1979, 365; Civ. Liège, eh.s., 23
septembre 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, article 1409, n° 1-3: contra Bruxelles. 10 juin
1976, Pas., 1977, Il, 96 qui applique la définition étroite de la rémunération en estimant que «du
commentaire de l'article 1409 du Code judiciaire fait par Ch. V AN REEPINGHEN dans son rapport
(p. 310), il n'apparaît pas que cet article soit applicable aux indemnités de préavis : le commissaire
royal souligne du reste que cette disposition concerne uniquement »les sommes payées en
contrepartie des prestations de travail« et aucune prestation de travail n'est évidemment fournie par
celui qui bénéficie d'une indemnité de rupture».
577
( ) Le paiement échelonné de l'indemnité de préavis (art. 60 de la loi de redressement
contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, insérant un art. 39 bis dans la loi du 3 juillet
1978 relative au contrat de travail) est donc sans incidence au niveau de la saisissabilité ou de la
cessibilité (sur cette disposition voy. J. CLESSE, Le paiement échelonné de l'indemnité de préavis.
Orientations, 3 mars 1985, 71 à 73: M. HENRARD et S. de CALLATAY, Contrat de travail. droit
du travail, élections sociales. J.T., 1985, 248).
RÈGLES COMMUNES 145

cette réserve que les montants afférents au même mois sont


cumulés pour déterminer la quotité cessible ou saisissable (art.
1411, al. 1er) (578 ).

II. - Indemnité d'éviction du représentant de commerce.


L'indemnité d'éviction ne remplace pas la rémunération,
elle est une indemnité qui n'indemnise ni la perte d'un emploi ni la
perte de rémunération mais bien le préjudice subi en raison de la
perte de la clientèle apportée (579). Ne participant pas à la nature
d'un revenu du travail, elle n'est pas protégée rcar l'article 1409 et
est donc intégralement cessible ou saisissable (5 °).

III. - Les libéralités.


L'article 24 de la loi du 12 avril 1965 concernant la
protection de la rémunération des travailleurs énonçait que «pour
l'application du présent chapitre, les sommes que l'employeur
alloue au travailleur à titre de libéralité sont assimilées à la
rémunération». «Mais cette protection des libéralités disparut lors
de l'abrogation des articles 24 à 26 de la loi du 12 avril 1965 par la
loi du 10 octobre 1967 (article II, art. 35, 31°) sans qu'on puisse en
trouver d'explication dans les travaux préparatoires ; l'article 1409
du Code judiciaire omet de faire un sort aux libéralités ; il y a donc
lieu d'en déduire que celles-ci sont totalement cessibles et saisissa-
bles» (581 ).
Cependant, une libéralité n'est pas techniquement saisissa-
ble dans la mesure où le tiers ne pourrait être contraint d'effectuer
une donation (582 ). Il importe cependant de réserver l'hypothèse

("") Comp. et contra F. HUISMAN et M. TROCLET, J.T.T .. 1983. p. 44, n° 19.


('n) Cass .. 15 décembre 1980, J.T.T., 1981, 187: sur les commissions. voy. infra. n" 83 C.
('"") Liège, 19 octobre 1983, Pas .. 1984. Il, 22; Civ. Liège, ch.s .. 14 février 1979, Jur. Liège,
1978-1979, 365 ; Civ. Liège. ch.s .. 23 septembre 1981. Jurisprudence du Code judiciaire, Article
1409, n° 2; F. HUISMAN et M. TROCLET. op. cit .. J.T.T., 1983. p. 44, n" 20 et note 34: A. et M.
COLENS. Le contrat d'emploi, Larcier 1980, p. 277, n" 140; J. van COMPERNOLLE. Examen de
jurisprudence (1972 à 1985), Droit judiciaire privé. Saisies conservatoires et voies d'exécution,
R.C.J.B., 1987. p. 421. n" 18; contra P. CRAHAY et F. JADOT, L'indemnité d'éviction du
représentant de commerce, Bruxelles, Larcicr 1980, p. 147-148 (qui se fondent sur un arrêt de la
Cour de cassation du 5 décembre 1977, R.D.S., 1978, 163 d'après lequel l'indemnité d'éviction
constitue une rémunération au sens de la loi de 1965) et M. JAMOULLE. op. cit., T. II, p. 109, n"
101.
(5 81 ) M. MAGREZ et G. MAGREZ-SONG, op. cit., R.C.J.B .. 1979, p. 510. n° 3: J. VAN
HONSTE. Considérations sur la notion de rémunération, J.T.T., 1977. p. 2. note 13; La protection
de la rémunération. F.E.B., 1979, 46.
82
(' ) M. JAMOULLE, op. cit., T. IL p. 109, n" 101.
146 TRAITÉ DES SAISIES

où la qualification donnée à la donation est inexacte (583 ) et où


l'employeur est tenu, en dehors de toute intention libérale, en vertu
du contrat de travail ou d'un engagement par volonté unilatérale
(5 84 ) au paiement d'un revenu au travailleur (585 ). La question
s'est spécialement posée en matière de primes de fin d'année.

IV. - La rémunération en nature.


L'article 1409 s'applique aux «sommes payées en exécution
du contrat» et non à la partie de la rémunération (115 au maximum
de la rémunération totale brute) qui peut être payée en nature (art.
6 de la loi du 12 avril 1965). Théoriquement saisissables et cessibles,
les avantages en nature ne sont pas susceptibles de réalisation
forcée et échappent dès lors à toute mesure de saisie. Ils seraient
cependant indirectement saisissables et cessibles si la quotité
saisissable ou cessible de la rémunération était calculée sur une base
dans laquelle serait comprise la rémunération en nature convertie
en argent (586 ). Ce procédé permettant de retenir sur la rémunéra-
tion en espèces une part excédant le maximum saisissable (587 ) est,
en l'absence d'un texte spécial assimilant la rémunération en nature
à la rémunération en espèces pour calculer la quotité cessible ou
saisissable, illégal {5 88 ).

V. - Les pourboires.
Les pourboires ne sont pas susceptibles de saisie-arrêt
entre les mains de l'employeur car ils sont directement versés par le

(5 83 ) Comp. ci-dessous VI et F. HUISMAN et M. TROCLET. op. cit., J.T.T .. 1983, p. 44,


n" 16.
84
(' ) Cass., 18 décembre 1974, Pas., 1975, L 460 (en matière de primes de fin d'année); M.
MAGREZ et G. MAGREZ-SONG, op. cit.. R.C.J.B .. 1979, p. 516. n" 7.
(5 85 ) C'est à la même solution qu'aboutissait. sous l'empire de l'article 24 de la loi du 12 avril
1965. Mme FUNCKEN-SCHYNTS, Insaisissabilité et incessibilité des rémunérations. Ann. Fac. Dr.
Liège. 1966. p. 375 à 379.
(""') F. HUISMAN et M. TROCLET. op. cit.. J.T.T., 1983, p. 46, n" 47 et 48 qui précisent
que« le travailleur ne sera pas lésé dans les cas où il reçoit le logement et la nourriture puisqu'alors ne
devant supporter ces charges il ne sera exposé à aucun besoin vital» (F. llUISMAN et M.
TROCLET. op. cil., J.T.T .. 1983, p. 46, n" 48) mais est-cc réaliste alors que la rémunération en
nature ne peut excéder un cinquième de la rémunération totale brute? (Au sujet de l'art. 6 § Ier al. 2
de la loi du 12 avril 1965, voy. Cass .. 14 avril 1986. J.T.T .. 1987, 79 et Trav. Charleroi, 24 juin 1985,
Rcv. Dr. Soc., 1986, 162).
587
( ) Soit une rémunération nette en espèces de 30.000 francs et une rémunération en nature

évaluée à 5.000 francs. Si celle-ci n'est pas incorporée dans l'assiette de la saisie, une somme de 3.600
francs peut être retenue (1/5 de 19.000 à 23.000 francs et 2/5 de 23.tKXl à 30.tKXl francs). Dans le cas
contraire une somme de 8.600 francs peut être atteinte par la saisie.
('·") A. et M. COLENS. Le contrat d'emploi, 6ème éd., Larcicr, 1980. p. 278.
RÈGLES COMMUNES 147

client au travailleur et ne se trouvent à aucun moment entre les


mains de l'emRloyeur qui ne peut exercer ni contrôle, ni retenue sur
ces sommes (5 89 ) mais dans la mesure où il s'agit effectivement
d'un élément de la rémunération et non d'une gratification minime
ou exceptionnelle, leur montant peut-il être incorporé dans l'as-
siette sur laquelle se calcule la quotité saisissable ou cessible ? Une
réponse positive semble devoir prévaloir (5 90 ) même si l'article
1409 envisa~e avant tout les revenus régulièrement payés par un
employeur ( 91 ).

VI. - Le remboursement de frais et indemnités diverses.


Pour autant que l'intitulé du type «remboursement de
frais» ne masque pas un revenu du travail, auquel cas, l'article 1409
serait applicable sous le contrôle du juge des saisies (592), ces
indemnités quoique protégées par la loi du 12 avril 1965 sont
intégralement cessibles et saisissables car elles ne constituent pas un
revenu du travail (593 ). Peut-être déplorera-t-on cette solution
exigée par le texte même de la loi lorsque le travailleur est appelé à
faire l'avance de sommes parfois élevées au profit de son em-
ployeur ; pourtant, celles-ci n'ont pu être prélevées que sur une
rémunération déjà perçue c'est-à-dire non protégée alors que le
revenu à échoir est saisissable dans les limites de l'article 1409 de
telle sorte que le minimum vital est garanti.
Dans la mesure où les vêtements de travail ne constituent
pas un avantage accordé au travailleur en raison de son engagement
et ne font pas partie de la rémunération au sens de la loi du 12 avril
1965, les indemnités allouées par l'employeur pour les vêtements de

589
( ) Trib. lnst. Montmorency, 5 mars 1970, J.C.P .. 1970. II. n" 16373 et obs. M.A.
90
(' F. HUlSMAN et M. TROCLET, op. cil.. J.T.T., 1983, p. 46. n" 44 proposent en
)
l'absence de preuve exacte de la rémunération de retenir la base forfaitaire existant pour les retenues
de la sécurité sociale.
91
( ' ) H. FUNCKEN-SCHYNTS. op. cil.. Ann. Fac. Dr. Liège, 1966. p. 378.
92
(5 ) M. JAMOULLE, Le contrat de travail. T. 11, Liège. 1986. p. 82, n° 75 ; comp. en
matière fiscale. Gand, 15 juin 1984, F.J.F .. 1985. 163 (une indemnité forfaitaire payée au travailleur
pour frais propres à l'employeur, est une rémunération imposable dans le chef du travailleur, dans la
mesure où ni l'employeur, ni l'employé ne peut présenter le moindre document établissant des
dépenses d'une certaine importance). Adde. Cass., 14 octobre 1985, Pas., 1986. 1, 158; J.T.T., 1986,
161; C.T. Mons, 19 décembre 1985. J.T.T .. 1986, 451 : C. 13EVERNAGE et C. WILLEMS, Statut
social des indemnités allouées par l'employeur aux dirigeants et cadres étrangers, J.T.T., 1986, 458.
n° 2.
93
(' ) F. HUISMAN et M. TROCLET. op. cit.. J.T.T .. 1983. p. 45. n" 24 à 26 et réf; C.T.
Liège. 10 février 1986. Jur. Liège. 1986. 357: contra M. JAMOULLE, Le contrat de travail. T. li.
Fac. Dr. Liège, 1986, p. !09, n" Hll.
148 TRAITÉ DES SAISIES

travail sont intégralement saisissables et cessibles (5 94 ). La même


solution est applicable à l'indemnité compensatoire à laquelle est
notamment subordonnée la validité d'une clause de non concur-
rence (art. 65, § 2, al. 5, 4° de la loi du 3 juillet 1978), à l'indemnité
pour licenciement abusif et à l'indemnité due aux travailleurs
protégés contre le licenciement sauf pour ce qui concerne la partie
de l'indemnité correspondant à l'indemnité compensatoire de
préavis (5 95 ).

83) Détermination de la quotité saisissable.


A. - Cumul de revenus protégés.
La loi assure au saisi et à sa famille un minimum vital en
rendant insaisissable et incessible une partie de ses revenus. Cette
protection ne peut excéder la quotité soustraite aux poursuites des
créanciers ; elle est donc mise en oeuvre non sur chaque source de
revenus protégés mais sur les revenus cumulés. C'est pourquoi
l'article 1411, alinéa 1 dispose que «lorsqu'une personne bénéficie à
la fois de sommes prévues à l'article 1409 et de pensions, pécules,
allocations, indemnités, rentes ou majorations de rentes prévues à
l'article 1410, § 1er, les montants en sont cumulés pour déterminer
la quotité cessible ou saisissable» :
a) La mise en oeuvre de cette disposition est-elle subordonnée à la
saisie préalable chez des tiers différents de toutes les dettes dont
le montant doit être cumulé pour calculer la quotité saisissable
ou cessible ? Il a été jugé que le débiteur à charge duquel une
rente d'accident de travail est saisie ne peut prétendre que ses
indemnités de chômage devraient être préalablement saisies
pour être cumulées avec la rente saisie conformément à l'article
1411 du Code judiciaire. Un tel argument, fallacieux, procédu-
rier, aboutit à aggraver, à charge du débiteur saisi, une
procédure ~ue le Code judiciaire a, au contraire, entendu
simplifier (5 6). Cette solution serait évidemment insuffisante
s'il fallait non seulement tenir compte d'une créance non saisie
mais aussi imposer une retenue au débiteur de celle-ci.
b) L'article 1411, alinéa 1 envisage le cumul de sommes prévues à
l'article 1409 et de sommes prévues à l'article 1410, § 1er. Est-ce

(5 94 ) F. HUISMAN et M. TROCLET. op. cit., J.T.T., 1983. p. 45, n" 27 et réf.


(5 95 ) lb. p. 44. n" 21 à 23.
(5 96 ) Civ. Bruxelles. ch.s., 9 octobre 1985. R.G .. 146.633 inédit.
RÈGLES COMMUNES 149

à dire que la règle ne s'applique qu'en cas de cumul d'une


somme prévue à l'article 1409 et d'une somme prévue à l'article
1410, § 1er? Selon nous, elle concerne soit le cumul de sommes
prévues à l'article 1409, soit le cumul de sommes prévues à
l'article 1410, § 1er, soit le cumul de sommes prévues à l'article
1409 et à l'article 1410, § 1er mais non le cumul d'une somme
prévue par une de ces dispositions avec une somme étrangère à
celles-ci. L'unité de régime est conforme au but du législateur et
à la règle générale de l'article 1409 qui met sur le même pied les
revenus du travail et les revenus de remplacement ou de
complément (597 ).

c) Les sommes cumulées sont celles qui sont dues pour un même
mois à une seule et même personne ; «il n'y a donc pas lieu de
cumuler, en vertu de cette disposition, les sommes, pensions,
pécules, allocations, indemnités et rentes payées à des conjoints
pour déterminer la base de calcul de la quotité cessible ou
saisissable prévue par l'article 1409 » (5 98 ).

d) En pratique, il peut être difficile de respecter l'article 1411,


alinéa 1 lorsque les revenus protégés sont saisis chez des tiers
différents qui, chacun isolément, appliquent sur le montant dû
au saisi les règles énoncées à l'article 1409. Afin d'éviter ce
cloisonnement entre saisies qui permet au débiteur de conserver
une somme supérieure au montant incessible ou insaisissable, il
importe qu'une centralisation des informations soit effectuée
afin de rendre possible le cumul avant la détermination de la
quotité cessible ou saisissable (599).

Cette tâche peut être accomplie par l'huissier de justice


qui, en consultant les avis de saisie (art. 1391) obtient tous les
renseignements nécessaires pour globaliser les revenus, calculer la
quotité saisissable ou cessible sur cette base et communiquer aux
tiers le montant qui doit lui être mensuellement adressé aux fins de

97
(' ) Voy. Circ. Adm. Min. des Finances, Adm. des Cont. Directes, C.l.R. 14/368.803 du 19
mars 1986 suivant laquelle l'art. 1411 a une portée extensive de ce qui est déjà prévu pour les revenus
visés par l'art. 1409 ou par l'art. 1410 (Bull. Contr., 1986, 913 à 919). Au sujet du cumul des
rémunérations versées par plusieurs employeurs, voy. F. HUISMAN et M. TROCLET, La
rémunération: saisie et cession, J.T.T., 1983, p. 47, n°s 58 à 60. Adde. B. GRAULICH et P.
PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, Labor-Bruxelles, 192-193.
598
( ) Questions et Réponses, Sénat, 21mai1985, p. 158, Question n° 86.

(5 99 ) Infra, n° 89.
150 TRAITÉ DES SAISIES

répartition (600 ). Si la détermination du montant saisissable donne


lieu à des difficultés, en raison notamment du cumul de rémunéra-
tions, celles-ci pourront être résolues par le juge des saisies (601 ).

B. - L'assiette de la saisie est constituée par la rémunération nette


sans déduction préalable de retenues patronales.
Pour la détermination des quotités saisissables, les mon-
tants prévus aux articles 1409 et 1410, § 1er ne sont pris en
considération que déduction préalablement faite des retenues
effectuées en vertu des dispositions légales en matière d'impôt et de
sécurité sociale et en vertu des conventions particulières ou collecti-
ves concernant les avantages complémentaires de sécurité sociale
(art. 1411, al. 2). Ce texte s'applique aux primes d'assurances
pa~ables par le travailleur en vertu d'un contrat d'assurance groupe
60
( ). La saisie ne peut donc être pratiquée que sur la rémunéra-
tion nette (603 ).
L'article 1411, alinéa 2 remplace l'article 25, § 2 de la loi du
12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des
travailleurs qui énonçait : «pour la fixation de la rémunération en
vue de l'application du présent article, il est fait déduction des
sommes imputées conformément à l'article 23». L'article 23, non
abrogé, autorise l'imputation (donnant lieu à compensation légale)
604
( ), sur la rémunération du travailleur, des retenues sociales et
fiscales mais aussi des retenues patronales qui ne peuvent, en
principe (605 ), excéder le cinquième de la rémunération en espèces
due à chaque paie, déduction faite des retenues effectuées en vertu
de la législation fiscale, de la législation relative à la sécurité sociale
et en vertu des conventions particulières ou collectives concernant

6
( "') G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution. Bilan et
perspective, Ed. J.B., Bruxelles, 1982, p. 43, n" 44.
601
( ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 883.

( 602 ) A. et M. COLENS, Le contrat d'emploi, 6ème éd., Larcier, 1980, p. 277.


603
( ) Civ. Arlon, ch.s., 18 mai 1976, Jur. Liège, 1976-1977. 15; comp. au sujet de l'art. 301, §
4, C. civ., Cass., 11 juin 1987, Rev. Not., 1987, 465. Au sujet de la détermination de la quotité
cessible ou saisissable de l'indemnité d'incapacité de travail payée (sans qu'en principe une retenue ne
soit effectuée) en vertu de la législation sur l'assurance maladie-invalidité qui est cumulée ou non avec
une somme payée en exécution d'un contrat de travail, voy. Ouest. et Rép., Ch., Sess. 1986-1987, p.
2083 et Bull. Contr., 1987, 1964.
6114
( ) Cass., 10 mars 1980, Pas., 1980, !, 846; comp. infra. n° 93.

(""') L"article 23 in fine précise que «cette limitation n'est pas applicable lorsque le travailleur
a agi par dol ou a mis volontairement fin à son engagement avant la liquidation des indemnités et
dommages et intérêts visés à l'article 1er. 3"».
RÈGLES COMMUNES 151

les avantages complémentaires de sécurité sociale. Les articles 23 et


25, § 2 combinés, conféraient à l'employeur un véritable privilège
que, sans commentaire, le législateur de 1967 a supprimé. Actuelle-
ment, le montant de la quotité saisissable ou cessible est déterminé
sans déduction préalable des retenues patronales et l'employeur
doit, sous réserve des causes légales ou conventionnelles de
préférence, venir, à concurrence d'un cin~uième, en contribution
avec les autres créanciers du travailleur ( 06 ). Cette conséquence
est cependant susceptible d'être neutralisée par la compensation
légale que, dans les limites de la quotité saisissable (art. 1293, 3° C.
civ. et art. 1409 C. jud.), l'employeur peut invoquer, même après
une saisie d'un créancier du travailleur (607 ), entre sa créance
déterminée conformément à l'article 23 de la loi de 1965 (608 ) et sa
dette de rémunération. Au surplus, une fois payée, la rémunération
peut être utilisée en toute liberté par le salarié (609 ) y compris pour

606
( ) Soit un travailleur bénéficiant d'une rémunération nette de 30.(XJO francs sur laquelle
l'employeur peut pratiquer des retenues d'un montant de 5.()()() francs. Avant le Code judiciaire,
celles-ci étaient déduites de la rémunération et la quotité saisissable ou cessible se calculait sur la base
de 25.000 francs; après prélèvement d'un cinquième de 19.000 à 23.000 francs et de deux cinquièmes
de 23.000 à 25.000 francs soit 1.600 francs. le travailleur obtenait 23.4()() francs. Aujourd'hui la
quotité saisissable se calcule sur la base de 30.000 francs : le travailleur obtient 26.400 francs et
l'employeur vient en concours avec les autres créanciers sur la quotité saisissable de 3.600 francs.
Dans un autre système on propose de déduire de la rémunération, diminuée de la quotité saisissable,
la retenue patronale de 5.000 francs de telle sorte que le travailleur reçoit, en l'espèce, 21.400 francs
(La protection de la rémunération, Editions de la F.E.B., 1979, p. 53). Cette solution est critiquable
car non seulement clic maintient un privilège sur le fondement d'un texte abrogé mais aussi parce
qu'elle maintient cette situation privilégiée pour l'employeur en méconnaissant les limites prescrites
par l'article 1409 en ajoutant au prélèvement de la quotité saisissable le montant de la retenue
patronale et en ne limitant pas - en l'absence de concours - le montant de cette retenue à celui de la
quotité saisissable (voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 106, n" 69; M.
JAMOULLE, op. cit., Liège, 1986, p. 191, n" 105; M. HENRARD, La protection de la
rémunération, J.T.T., 1978. 314 relatant la réponse du Ministre de !'Emploi et du Travail à une
question parlementaire et F. HUJSMAN et M. TROCLET, op. cit., J.T.T., 1983, p. 47, n"s 55 à 57).
17
("' ) Il existe en effet entre les deux créances un lien de connexité permettant de déroger à
l'article 1298 C. civ. (G. de LEVAL. La saisie-arrêt, Liège, 1976, n" 123, p. 190; adde. J.
CAEYMAEX, Manuel des sûretés mobilières, Ed. Jeune Barreau Liège, 1985 (mise à jour août
1986) p. 99/3 n" B.4).
608
( ) Par contre l'employeur ne peut invoquer la compensation (ou même pratiquer une
saisie-arrêt entre ses propres mains, contra A. et M. CO LENS, op. cit., p. 282-283) pour garantir le
paiement de créances autres que celles qui sont énumérées par l'art. 23 de la loi de 1965 (par ex. :
répétition d'indu, Cass., 10 mars 1980, préc. ; M. JAMOULLE, op. cil., T. II, p. 105). Commet donc
une voie de fait, pénalement sanctionnée (art. 42, l" loi du 12 avril 1965), l'employeur qui retient
d'office la partie saisissable de la rémunération d'un employé (puis la totalité de celle-ci) en vue
d'obtenir le paiement de sommes qui seraient ducs par celui-ci en qualité d'associé non majoritaire
(Trav. Huy, 21 juin 1985, R.G. n" 23.779/85 inédit). Le législateur en énonçant limitativement les
catégories de retenues a entendu freiner la tentation que pourrait avoir un employeur de s'instituer
créancier du travailleur (Doc. Pari. Sénat, Scss., 1964-1965, Projet de loi concernant la protection de
la rémunération des travailleurs, n" 115, p. 76). Tout accord dérogeant à cette règle est inopposable
aux tiers créanciers.
19
("' ) M. JAMOULLE, op. cit., p. 102 n" 96 et p. 107 n" Hll.l.
152 TRAITÉ DES SAISIES

acquitter ses dettes éventuelles envers l'employeur même dans


l'hypothèse où celui-ci est sans droit d'action envers celui-là (610 ).

C. - Le calcul de la quotité saisissable ou cessible par mois civil.


Les quotités cessibles ou saisissables se calculent par mois
civil. Une difficulté surgit lorsqu'une somme liquidée en une fois
représente l'addition de plusieurs mensualités ou de plusieurs
éléments de mensualités ou inversément lorsque la rémunération
fait l'objet de plusieurs versements mensuels.
1. - La question s'est spécialement posée dans le cadre de
l'arrêté-royal n° 279 du 30 mars 1984 relatif au paiement à terme
échu des traitements de certains agents du secteur public (611 ).
L'article 2, alinéa 1er de cet arrêté dispose que : «le traitement des
membres du personnel visés à l'article 1er est payé à partir du mois
de juillet 1984 à terme échu, à savoir le dernier jour ouvrable du
mois, sauf le paiement du traitement du mois de décembre qui a lieu
le premier jour ouvrable du mois de janvier de l'année suivante».
Afin d'éviter toute hésitation sur le mode de calcul de la
quotité cessible ou saisissable et de prévenir toute conséquence
inéquitable pour le débiteur, le législateur a réglé le problème de
façon expresse : «pour l'application de l'article 1409 du Code
judiciaire, sont considérés comme se rapportant à des mois civils
différents le paiement du traitement du mois de janvier et le
paiement de celui du mois de décembre lorsque ce dernier a lieu le
premier jour ouvrable du mois de janvier de l'année suivante,
conformément à l'article 2 de l'arrêté-royal n° 279 du 30 mars 1984
relatif au paiement à terme échu des traitements de certains agents
du secteur public» (art. 1er de la loi du 10 juillet 1984 relative à
l'application de l'article 1409 du Code judiciaire aux traitements et
allocations payés à certains agents des services publics) (612 ).

610
( ) L'article 7 de la loi du 12 avril 1965 stipule que l'employeur et ses préposés ne peuvent,
sauf exceptions, intenter une action en paiement contre le travailleur pour fournitures faites ou
services prestés. Ce texte ne s'applique ni au prêt d'argent ni au bail (M. JAMOULLE, op. cit., p.
107, n" 99) auxquels le droit commun (procédure au fond et voies d'exécution sous réserve de l'art.
23 en ce qui concerne la rémunération) est applicable.
611
( ) M.B. 6 avril 1984, p. 4279.
612
( ) Un article 2 est devenu sans objet ; il s'agissait d'une disposition transitoire qui ne
s'appliquait qu'au mois de juillet 1984 : «Pour l'application de l'article 1409 du Code judiciaire, les
sommes payées au titre de traitement d'une part, les compléments et primes de décalage payés
conformément à l'article 5 de l'arrêté-royal n° 279 du 30 mars 1984 relatif au paiement à terme échu
des traitements de certains agents du secteur public ainsi que les allocations de fin d'année pour 1983
et 1984 visées par l'article 5, § 3, du même arrêté d'autre part, sont considérés comme se rapportant à
des mois civils différents».
RÈGLES COMMUNES 153

Il a été proposé de prévoir, de manière plus générale, que


le montant cessible ou saisissable se calcule par mois civil d'alloca-
tion et non par mois de liquidation : «La cession et la saisie, telles
qu'elles sont définies ci-dessus, ne peuvent s'opérer que sur les
montants liquidés par mois civil, pour autant que ceux-ci se
rapportent au même mois civil. Si en raison du versement d'arrié-
rés, de la modification du terme du paiement ou pour quelque
motif que ce soit, des versements qui se rapportent à d'autres mois
d'allocation sont effectués au cours du même mois civil, les
montants cessibles ou saisissables doivent être chaque fois détermi-
nés séparément, sans que ces différents traitements mensuels,
même liquidés dans le courant d'un même mois civil, puissent être
globalisés» (613 ).
Il a été décidé que cette proposition, dont le contenu est
plus large que le projet de loi qui devait aboutir d'urgence à la loi
du 10 juillet 1984 avec effet rétroactif au 30 juin 1984 (art. 3), ferait
l'objet d'une discussion ultérieure (614 ). Le choix devrait s'effec-
tuer entre les deux solutions ainsi résumées par le projet de loi :
«Une première solution consiste à dire que comme l'article 1409 du
Code judiciaire impose de tenir compte des rémunérations payées
pour le mois civil, les sommes allouées à titre de treizième mois,
primes, pécule de vacances etc. doivent être ajoutées à la rémuné-
ration de ce mois pour le calcul des quotités saisissables et cessibles.
Un second type de solution consiste à calculer toute la rémunéra-
tion sur un an et à procéder à une répartition de celle-ci par mois
civil pour calculer la quotité saisissable et cessible» (615 ).
2. - A notre avis, il ne fait pas de doute que de lege lata la
solution consiste à reconstituer chaque rémunération mensuelle sur
laquelle les retenues doivent être calculées conformément à l'article
1409, en tenant compte, le cas échéant, de la rémunération déjà
perçue (616 ).
Ainsi, après avoir relevé que l'article 1409 règle la saisie de
la rémunération en tenant compte des sommes dues par mois civil,

613
( ) Proposition de loi modifiant l'article 1409 du Code judiciaire concernant la saisie et la
cession de rémunération, Doc. Pari., Ch. Sess .• 1983-1984, n° 840/1.
614
( ) Projet de loi relatif à l'application de l'article 1409 du Code judiciaire aux traitements et
allocations payés à certains agents des services publics. Rapport fait au nom de la Commission de la
Justice par M. BELMANS, Doc. Pari., Ch. Sess., 1983-1984, n" 95412. p. 3-4.
(615) lb., p. 2-3.
616
( ) Liège, 19 octobre 1983. Pas .• 1984, II, 22 («Les arriérés de rémunération doivent être
répartis sur les mois auxquels ils se rapportent et le montant net mensuel ajouté à la rémunération
déjà perçue, pour déterminer le montant de hase auquel est appliqué le pourcentage défini par
l'article 1409 du Code judiciaire et connaître la quotité saisissable»; Infra, n° 83 C 4).
154 TRAITÉ DES SAISIES

la Cour de cassation décide que pour l'application de ce texte à


l'indemnité de congé «il y a lieu de prendre en considération les
sommes dues correspondant à chaque mois civil» (617 ). En
application du même principe, si plusieurs mensualités de pension
alimentaire sont versées en une fois, il y a lieu d'appliquer les règles
énoncées par les articles 1409 et 1410 à chaque mensualité envisa-
gée isolément (618 ). De même, les arriérés de rémunération
doivent être répartis sur chacun des mois auxquels ils se rapportent
(619).

De même, si un travailleur employé reçoit au cours d'un


même mois une rémunération nette d'un montant X et un pécule de
vacances ou un «treizième mois» du même montant, il y a lieu non
de cumuler ces montants mais de fractionner ces montants en
tranches mensuelles s'ajoutant à la rémunération habituelle (620 ).
Certes, le résultat est le même dans l'un et l'autre système·lorsque
la rémunération excède la somme de 30.000 francs par mois mais
non si elle est inférieure.
Exemple : une rémunération mensuelle nette de 24.000 francs et
une prime de fin d'année de 24.000 francs sont versées
au mois de décembre. Si les deux montants sont
intégralement cumulés, le montant saisissable se calcule
sur 48.000 francs et atteint 18.000 francs + 2.800 francs
+ 800 francs = 21.600 francs. Par contre, si la seconde
somme est fractionnée en douze tranches de 2.000
francs, la quotité saisissable sera de 12 X 2.000 francs X
215 = 9.600 francs (621 }.

617
( ) Cass., 3 mai 1982, Pas., 1983, !, 1000; J.T.T .. 1983, 53; Rev. Dr. Soc., 1982, 601 ;
R.W., 1983-1984, 183; Bull. Contr.. 1984. 685; Voy. dans le même sens Civ. Arlon, ch.s., 21
septembre 1976, Jur. Liège, 1976-1977, 43; Civ. Liège, ch.s .. 14 février 1979, Jur. Liège, 1978-1979,
365; La protection de la rémunération. F.E.B., p. 57-58; A. et M. COLENS, Le contrat d'emploi,
Vlème éd., Larcier, 1980, p. 278.
618
( ) Civ. Liège, ch.s., 6 mai 1981, Jur. Liège, 1981, 381.
619
( ) Bull. Q.R. Sénat, 16 mai 1978, p. 1546; M. HENRARD, La protection de la
rémunération. J.T.T., 1978. 314.
(""') Civ. Arlon. Juge des saisies, 21septembre1976. Jur. Liège, 1976-1977, p. 43 («c'est par
mois civil qu'il faut cumuler les rémunérations et les pécules de vacances afférents aux mêmes
rétributions»); Civ. Liège, Juge des saisies, 14 février 1979, Jur. Liège, 1978-1979, 365; Civ.
Bruxelles, ch.s., 6 février 1987, R.G., n" 31.155; infra. n" 89.
621
( ) H. FUNCKEN-SCHYNTS, op. cil., Ann. Fac. Dr. Liège, 1966, 383; comp. F.
HUISMAN et M. TROCLET, op. cit., J.T.T., 1983, p. 46, note 64; cc n'est que si une prime de fin
d'année n'est pas due prorata temporis (or, en règle, une prime de fin d'année est la contrepartie du
travail effectué en exécution du contrat de travail en sorte que le droit à cette rémunérations 'acquiert
en principe. au fur et à mesure de la fourniture du travail ; elle est donc divisible. Cass., 9 septembre
1985, J.T.T., 1986. 162 et obs. Cl. WANTIEZ; C.T. Liège, 24 octobre 1985, J.T.T., 1987, 83)
qu'une possibilité de cumul avec la rémunération du mois de liquidation peut subsister.
RÈGLES COMMUNES 155

Confondant liquidation des sommes (époque jusqu'à la-


quelle la saisie peut être valablement pratiquée) et détermination
du mois auquel elles se rapportent, certains auteurs, se fondant sur
ce que «la loi impose de tenir compte des rémunérations payées
pour le mois civil», concluent que «les sommes allouées à titre de
treizième mois, prime, etc. doivent être ajoutées à la rémunération
de ce mois pour le calcul des quotités saisissables et cessibles»
). Il s'agit en réalité des sommes proméritées ~ar mois civil et
622
(
non des sommes payées au cours d'un mois civil ( 23 ), solution qui
n'est pas contestée par les mêmes auteurs en matière d'indemnité
de congé (624 ).
Ne peut-on objecter qu'au cours des travaux préparatoires
du Code judiciaire, la Commission de la Justice du Sénat a estimé
en ce qui concerne les revenus variables, notamment les rémunéra-
tions d'un travailleur payé à la commission que «les intéressés
bénéficiant en toute hypothèse du minimum exonéré prévu à
l'article 1409, il a été admis que ce sont les rémunérations, rentes,
pensions ou allocations effectivement payées par mois civil qui
doivent être prises en considération» peu importe dès lors la
période à laquelle elles se rapportent (625 ). Cette solution se
justifie dans une telle éventualité car des paiements de commissions
s'effectuent avec régularité de telle sorte qu'il revient au même, au
niveau de la protection de la rémunération, de choisir le mois
d'allocation ou le mois de liquidation alors que le calcul de la
quotité saisissable s'effectue plus aisément sur cette base. Bref, le
critère des sommes «effectivement payées par mois civil» peut être
utilisé pour autant que le minimum mensuel vital soit assuré pour le
travailleur.
Ainsi en ce qui concerne les commissions dues après la
rupture du contrat, le ministre de l'Emploi et du Travail a précisé
que : «Les actes de cession ou de saisie s'appliquent donc sur toutes
les sommes payées par l'employeur à l'occasion de l'exécution, de

622
( ) La protection de la rémunération, F.E.B .. 1979. 57; F. HUJSMAN et M. TROCLET,
op. cit .. J.T.T., 1983, p. 46, n" 45, ces auteurs ajoutant (n° 46) qu'il en est de même pour le pécule
de vacances. C'est à ces deux auteurs que se réfèrent les travaux parlementaires pour étayer la
«première solution» (Doc. Pari., Ch., Sess .. 1983-1984, n" 954/1, p. 2).
623
( ) H. FUNCKEN-SCHYNTS, op. cit., Ann. Fac. Dr. Liège, 1966. p. 382.
624
( ) La protection de la rémunération. F.E.B .. 1979, p. 57-58; F. HUISMAN et M.
TROCLET, op. cit., J.T.T .. 1983, p. 44. n°s 17 et 18.
625
( ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 882; Avis C.N.T., n° 205, 21 janvier 1965; La
protection de la rémunération, F.E.B .. 1979, p. 54; F. HUISMAN et M. TROCLET, op. cit.,
J.T.T., 1983, p. 46, n° 39-40.
156 TRAITÉ DES SAISIES

la suspension ou de la cessation du contrat. Ce qui importe, ce n'est


pas tant le moment du paiement que la raison d'être de ce
paiement. Or, les commissions visées à l'article 13 de la loi du 30
juillet 1963 relative au statut des représentants de commerce
constituent incontestablement de la rémunération. Si celles-ci ne
sont payées qu'après la rupture du contrat, c'est en raison du
caractère particulier de l'activité de représentation commerciale et
des modalités de calcul et de débition des commissions. Il en résulte
que ces dernières sont soumises aux dispositions des articles 1409 et
suivants du Code judiciaire. Quant aux modalités d'application des
quotités cessibles ou saisissables, je vous signale que ni les travaux
préparatoires de la loi du 12 avril 1965 ni ceux du Code judiciaire
n'ont abordé cette question. J'estime cependant qu'il serait inéqui-
table de joindre ces commissions à la rémunération du dernier mois
de prestation pour déterminer la quotité cessible ou saisissable. Il y
a lieu d'appliquer, me semble-t-il, les mêmes règles que pour les
commissions payées en cours d'exécution du contrat, c'est-à-dire
diviser le montant global par le nombre de mois couverts par ces
commissions et appliquer les quotités cessibles et saisissables sur les
montants mensuels ainsi obtenus» (626 ). En réalité, le critère ainsi
défini n'est pas celui qui est appliqué aux commissions payées en
cours d'exécution mais celui du mois d'allocation car ce qui importe
ce n'est pas le moment du paiement mais sa raison d'être.

3. - On observera que le Code judiciaire s'est uniquement


préoccupé de l'insaisissabilité de certains revenus mensuels et non
des capitaux. Or, il arrive que des mensualités protégées soient
capitalisées (627 ). A notre avis, la somme globale doit être
fictivement décomposée en mensualités pour déterminer la quotité
saisissable (628 ).

4. - Enfin, lorsque la rémunération est payée plusieurs fois


par mois, les retenues provisoires doivent être effectuées à chaque
paie mais le montant définitif ne peut être fixé qu'à l'expiration du
mois lorsqu'est connue la rémunération mensuelle effective de son

626
( ) Bull. Q.R., Sénat. 16 mai 1978, p. 1546; Question et réponse reproduites dans «La
protection de la rémunération», J.T.T., 1978, 314.
627
( ) Capital remplaçant une pension alimentaire après divorce, art. 301, § 5 C. civ.; tiers en
capital dû en vertu de la loi sur les accidents du travail ; salaire différé dans l'agriculture et
l'horticulture qui constitue la contrepartie de prestations régulières accomplies dans l'exploitation (P.
DELNOY, Le salaire différé dans !"agriculture et l'horticulture, Ann. Fac. Dr. Liège, 1976, p. 61, n°
9). Voy. aussi infra , n°s 85 A, 86 B et 88 B.
628
( ) G. de LEVAL, L'inégalité entre les saisis, R.G.A.R., 1984, n° 10822, n° II et V.
RÈGLES COMMUNES 157

bénéficiaire (629 ). Il y a lieu alors sur base de la rémunération


mensuelle, de calculer la quotité saisissable avant de vérifier si un
solde reste dû au créancier.

84) Incidence du versement d'un revenu protégé à un compte.

Lorsqu'une des créances visées par les articles 1409 et 1410


du Code judiciaire est inscrite à un compte ouvert au nom du
bénéficiaire, la question se pose si le créancier peut saisir intégrale-
ment le solde créditeur disponible sans avoir à respecter les règles
de l'insaisissabilité partielle. Pour y répondre, il importe de
distinguer la rémunération des autres revenus :
A. - Rémunération.
L'article 5 § 6 de la loi du 12 avril 1965 concernant la
protection de la rémunération des travailleurs, remplacé par
l'article 1er de la loi du 27 juin 1985, dispose: «Lorsque la
rémunération des travailleurs ou le compte bancaire ou de chèques
postaux où est versée leur rémunération fait l'objet d'une saisie ou
d'une cession, le paiement de la partie non cessible ni saisissable de
la rémunération s'effectue d'office de la main à la main, par
assignation postale ou par un autre mode de paiement déterminé
par le Roi.
Le Roi détermine, après avoir pris l'avis du Conseil
national du Travail, la procédure par laquelle l'employeur est
informé de la cession ou de la saisie du compte du travailleur» (voy.
ci-dessous l' A.R. du 5 mars 1986).
Cette disposition trouve son origine dans l'article 22 de la
loi-programme du 2 juillet 1981 (630 ) qui, en imposant dans de
nombreux cas l'obligation du versement de la rémunération des
agents des services publics sur un compte-chèque postal, prévoyait
que «le paiement de la rémunération s'effectue d'office de la main à
la main ou par assignation postale en cas de saisie ou de cession du
compte de chèques postaux ouvert au nom du membre du person-
nel» (art. 22, § 5). Il s'agissait «d'éviter que l'effet novatoire du
compte ne permette aux créanciers de l'agent de tourner les règles

629
( ) La protection de la rémunération, F.E.B., 1979, p. 55; M. JAMOULLE, op. cit.,
Liège, 1986, p. 92, n° 83 et p. 109 n° 102; voy. aussi Liège, 19 octobre 1983, Pas., 1984. II. 22;
supra, note 616.
6
( ·'") M.B. du 8 juillet 1981.
158 TRAITÉ DES SAISIES

protégeant les quotités incessibles et insaisissables de la rémunéra-


tion» (631 ). A contrario le législateur admettait que les articles
1409 et 1410 cessent de s'appliquer lorsque la créance de rémunéra-
tion a été payée au travailleur (632 ) ; une fois réglée par versement
à un compte la créance se confond avec les autres éléments du
patrimoine de son bénéficiaire ; elle cesse d'être une créance de
rémunération pour devenir la créance d'un titulaire de compte
contre le banquier ou l'organisme détenteur du compte ; au surplus,
par l'effet novatoire, «les remises perdent leur individualité et leurs
caractéristiques propres lors de leur entrée en compte» (633 ) dont
le solde créditeur n'est pas mentionné par les articles 1408 à 1412 du
Code judiciaire.
L'article 22 de la loi du 2 juillet 1981 a été abrogé par la loi
du 12 avril 1983 (634 ) mais la règle prévue par ce texte a été reprise
par l'article 1er de la loi du 27 juin 1985 remplaçant l'article 5 de la
loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des
travailleurs. Dans la mesure où le paiement de la rémunération en
monnaie scripturale peut être aussi fréquent que le paiement
effectué de la main à la main (art. 5, § 2 à 4), il importe d'éviter la
saisissabilité ou la cessibilité totale de la rémunération versée à un
compte postal ou bancaire du travailleur (635 ).
En cas de saisie du compte auquel la rémunération est
versée, la règle énoncée par l'art. 5 § 6 alinéa 1 de la loi du 12 avril

631
( Doc. Pari. ch., sess. 1980-1981, n" 838/l p. 6.
)
6 2
( -' ) Voy. dans ce sens, G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège 1976, n" 64, p. 96: M.
HENRARD, La protection de la rémunération, J.T.T., 1978, p. 313, n" 2 (Réponse du Ministre de
!'Emploi et du Travail à une question parlementaire) : G. de LEV AL, Saisie-arrêt des arriérés de
pensions alimentaires versées au C.C.P. d'un avocat, Jur. Liège, 1981, 388-389; A.M. STRANART,
La saisie-arrêt, in Les voies conservatoires et d'exécution, Bilan et perspectives, Ed. J.B. Bruxelles,
1982, p. 133-135: A. WILLEMS, Saisissabilité d'un compte bancaire ou postal alimenté par des
salaires ou des pensions, Chron. Dr. Soc., 1983, p. 277-282: 1. BATAILLE et D. COECKEL-
BERGH, Beslag op niet of slechtsgedecltclijk voor beslag vatbare bedragen die voorwerp uitmaken
van een creditering op een bank of postrekening, R.W., 1984-1985, 616 à 612: M. JAMOULLE, Le
contrat de travail, T. Il, Liège 1985. p. 107, n" 100: Bruxelles, 9 mai 1984, Bull. Contr., 1985, 1944:
Civ. Bruxelles, ch.s., 24 mai 1982. Chron. Dr. Soc., 1983, 310. Comp. et contra: F. TOP.
Loonbeslag, loondelcgatie en loonoverdracht : problemen bij de evenredige verdeling, T.P.R., 1983,
370 n" 15; Civ. Bruxelles, ch.s., 13 janvier 1978, J.T.T., 1978, 206; Civ. Anvers, ch.s., 8 mars 1984,
R.W., 1984-1985, 615 et obs. critiques 1. BATAILLE et D. COECKELBERG; J.P. Fléron, 9
février 1982, Jur. Liège, 1982, 269.
6
( -'-') P. VAN OMMESLAGHE, Le droit et la comptabilité : réflexions sur les effets
juridiques des comptes, Jour. Prat. dr. fisc., 1977, 328 n° 8 : adde. C. GA VALDA et J.
STOUFFLET, Chronique de droit bancaire, J.C.P., 1986, Il, n" 3221/25.
(rn) M.B., 1983, p. 5302.
635
( ) Doc. Pari., Ch. Sess., 1983-1984, n" 98311, p. 2 et 3 et Sénat, Scss. 1984-1985, n° 769/2,
p. 6; M. JAMOULLE, op. cit., p. 108. n" 100: C.G. WINANDY, Les comptes en banque et les
intérêts in La banque dans la vie quotidienne, Ed. J.B., Bruxelles, 1986, p. 25 note 23.
RÈGLES COMMUNES 159

1965 ne concerne que la gartie de la rémunération qui n'est pas


cessible ou saisissable ( -6) à /'exclusion des mensualités déjà
versées au compte avant que l'employeur ne soit informé de la saisie
ou de la cession. L'information de l'employeur fait l'objet de
l'arrêté-royal du 5 mars 1986 déterminant les modalités relatives au
paiement de la rémunération en monnaie scripturale et à la cession
ou la saisie de l'avoir du compte bancaire ou de chèques postaux
auquel la rémunération du travailleur est virée (637 ). Aux termes
de l'article 3 de cet arrêté-royal :
« § 1. - Lorsque la rémunération du travailleur ou l'avoir de son
compte bancaire ou de chèques postaux auquel sa rémunération est
virée font l'objet d'une cession ou d'une saisie, l'employeur paie le
travailleur, au choix de ce dernier, soit de la main à la main, soit par
assignation postale ou par chèque circulaire.
§ 2. - En cas de cession ou de saisie de l'avoir de son compte
bancaire ou de chèques postaux auquel sa rémunération est virée,
le travailleur communique à l'employeur, par lettre recommandée à
la poste, au plus tard le quatrième jour ouvrable avant la date
habituelle de paiement de la rémunération :
1) en cas de cession, soit une copie de la signification du transport
faite au débiteur cédé, délivrée par ce dernier au travailleur et à
la demande de celui-ci, soit un document délivré, à sa demande,
au travailleur par le débiteur cédé attestant que l'avoir de son
compte bancaire ou de chèques postaux fait l'objet d'une
cession;
2) en cas de saisie, une copie de la dénonciation de la saisie».

636
( ) La règle ne s'applique impérativement. nonobstant tout accord ou décision en sens
contraire, qu'à la partie de la rémunération qui n'est pas cessible ou saisissable (Avis du Conseil
d'Etat, Doc. Pari., Ch. Sess., 1983-1984. n" 983/l p. 3) sans préjudice du droit pour le travailleur de
mettre fin au paiement par versement au compte (et partant aux effets de la saisie de celui-ci!)
lorsque les règles applicables aux "modalités et délais de changement du mode de paiement» le
permettent (art. 5, § 4, Loi du 12 avril 1965). On signale un projet de loi modifiant l'article 5, § 6 de la
loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs (Doc. Pari.. Ch.,
Sess., 1987-1988, n" 1010/1 - 87/88). Destiné à exclure des hypothèses visées par cc texte, celle où
seule la rémunération fait l'objet d'une saisie ou d"unc cession. le projet soustrait toute la
rémunération au versement à un compte : "lorsque l'avoir du compte bancaire ou de chèques postaux
auquel est versée la rémunération du travailleur fait l'objet d'une saisie ou d'une cession, le paiement
de la rémunération s"effectue d'office de la main à la main, par assignation postale ou par un autre
mode de paiement déterminé par le Roi». Adde note 641.
6 17
( · ) M.B., 21mars1986. p. 3771.
160 TRAITÉ DES SAISIES

Il ressort de cette disposition que le paiement direct au


travailleur de la partie non cessible ni saisissable (638 ) de la
rémunération normalement versée à un compte de celui-ci ne doit
s'effectuer à l'initiative de l'employeur que si la pièce justificative
lui a été communiquée «par lettre recommandée à la poste, au plus
tard le quatrième jour ouvrable avant la date habituelle de
paiement de la rémunération». Il ne s'agit pas d'un formalisme
prescrit à peine de nullité mais si le travailleur n'y satisfait pas, il lui
sera difficile, en l'absence d'accord de l'employeur sur un forma-
lisme allégé (639 ), de reprocher à celui-ci de ne pas avoir tenu
compte d'une saisie ou d'une cession car la sécurité juridique de
l'employeur (640 ) écartelé entre les prétentions du travailleur et des
créanciers de celui-ci exige qu'il dispose d'une information sûre
évitant toute contestation future.

En définitive on peut s'interroger sur l'utilité de cette


réglementation destinée à protéger pour l'avenir seulement la
quotité insaisissable ou incessible de la rémunération. Le poursui-
vant peut, dans ce contexte, avoir intérêt à saisir non seulement le
compte pour en appréhender son contenu mais aussi la rémunéra-
tion chez l'employeur qui ne pourra plus se dessaisir des sommes ou
effets faisant l'objet de la saisie (art. 1540 C. jud.). Ce procédé est
plus efficace pour le saisissant qui n'a pas à redouter l'arrêt de
l'alimentation du compte saisi et qui prévient le moyen de compen-
sation que pourrait opposer le banquier tiers saisi sur les mensuali-
tés (amputées de leur quotité insaisissable) à verser au compte
641
( ). Toutefois, la saisie chez l'employeur protège la quotité
insaisissable ou incessible dès l'acte de saisie et non à dater d'une
information ultérieurement fournie par le saisi. Peut-être eût-il été
plus sage de s'inspirer de la réglementation française qui s'applique
aux deux dernières mensualités versées au compte et permet le

638
( ) Le cas échéant dans cc calcul il importera de tenir compte des règles dérogatoires (voy.
art. 1412 C. jud. en ce qui concerne le créancier d'aliments).
639
( ) Lorsque la saisie se réalise sans dénonciation au débiteur saisi (saisie fiscale prévue par
l'art. 215 A.R. d'exécution C.I.R., voy. Rép. Not. La saisie mobilière n" 446) le saisi devra obtenir
du tiers voire du saisissant un document attestant que l'avoir du compte bancaire ou de chèques
postaux est saisi. La même difficulté peut surgir en cas de délégation (Rép. Not. La saisie mobilière
n° 444).
640
( ) Doc. Pari. Sénat, Sess., 1984-1985, n" 769 n° 2 p. 6.
641
( ) Infra, Annexe 1, n° 11 B lie. La saisie chez l'employeur serait seule efficace pour
l'avenir si le projet, dont il est question à la note 636, devait être voté tel quel.
RÈGLES COMMUNES 161

maintien du fonctionnement du compte sur lequel le saisi peut


prélever la quotité insaisissable (642 ).

B. -Autres revenus visés par les articles 1409 et 1410.

L'article 5, § 6 de la loi du 12 avril 1965 ne s'applique qu'à


la rémunération des travailleurs du secteur public ou privé. Au
demeurant, elle n'apporte aucune dérogation à la règle de la
saisissabilité ou la cessibilité totale du compte déjà alimenté par le
produit de créances visées aux articles 1409 et 1410. Bref, les règles
de l'insaisissabilité et de l'incessibilité cessent de s'appliquer une
fois que la créance protégée a été payée.
Confrontée à des problèmes parfois dramatiques, la juris-
prudence s'efforce parfois d'atténuer l'excessive rigueur des princi-
pes applicables en insistant sur l'esprit de la loi qui est incontesta-
blement d'assurer un minimum vital au débiteur d'autant que la
provenance des versements peut être identifiée à l'aide des extraits
de compte (643 ).
Si cette réaction se comprend, elle ne se justifie pas, de
lege la ta (644 ), compte tenu du paiement intervenu par inscription

642
( ) Comp. Le décret français du 9 avril 1981 portant application des dispositions de l'article
14-VI de la loi de finances du 20 décembre 1972: pour le passé, est protégée la portion insaisissable
des créances garanties versées au compte par virement ou par chèque dans les deux mois précédent
l'acte de saisie (sous déduction des sommes débitées sur le compte pendant la même période) ; pour
l'avenir, le tiers saisi laisse mensuellement à la disposition du débiteur saisi la portion insaisissable de
ses revenus (J.O. 17 avril 1981, p. 1087; ces principes applicables aux rémunérations du travail ont
été étendus aux prestations familiales par le décret n° 85-830 du 2 août 1985 portant diverses
dispositions d'application de la loi n" 85-17 du 4 janvier relative aux mesures en faveur des jeunes
familles et des familles nombreuses (J.O. 4 août 1985, art. 6 à 9). Adde. Décret n° 87-637 du 5 août
1987 pris pour l'application de l'article 1414 du Code civil (J.O., 7 août 1987, p. 8920) et J.O. -A.N.
(Q.E.), 16 mars 1987, 1565 (question parlementaire et réponse du Ministre, également reproduite
dans la Rcv. Huissiers, 1987, 635).
643
( ) Pour F. TOP, (op. cit., T.P.R., 1983. p. 370, n° 15) la rémunération demeure protégée
si le compte est exclusivement alimenté par celle-ci, ce qui peut être établi par des extraits de compte
(si des prélèvements ont déjà eu lieu, ils sont imputables sur la portion insaisissable); par contre, il
estime que si le compte est alimenté par d'autres revenus non protégés, il n'est plus possible de
déterminer quelle est la fraction insaisissable, une ventilation sur l'origine des fonds étant
impraticable. Voy. en cc sens Civ. Bruxelles, ch.s., 13 janvier 1978, J.T.T., 1978, 206 et Civ. Anvers,
ch.s., 8 mars 1984, R.W., 1984-1985, 615 et obs. critiques 1. BATAILLE et D. COECKELBERG
(cette dernière décision concerne des allocations familiales). Adde. en matière de pensions militaires,
Cass. Fr., 25 mai 1987, Gaz. Pal., 1987, Pan., 223.
644
( ) Voy. a contrario l'art. 5 § 6 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la
rémunération des travailleurs (Supra A).
162 TRAITÉ DES SAISIES

au crédit du compte (645 ), de la libre disposition par Je bénéficiaire


de la totalité du solde créditeur du compte qui peut être utilisé ou
cédé en totalité (646 ), des difficultés inextricables qui peuvent
surgir lorsqu'une ventilation entre créances protégées et non
protégées peut être rendue nécessaire ou lorsqu'il s'agit d'imputer
des prélèvements antérieurs ; enfin, on pourrait craindre qu'un
débiteur capitalise le produit de créances insaisissables en dépen-
sant ses autres revenus afin d'échapper aux poursuites de ses
créanciers alors que les mensualités protégées sont celles qui sont
destinées à faire face aux dépenses courantes du mois en cours
(647).
Certes, actuellement, sauf convention spéciale, aucun
créancier n'est tenu de continuer à percevoir les sommes qui lui
sont dues par le biais d'un compte saisi, mais ce fait ne solutionne ni
Je problème des sommes accumulées sur Je compte ni celui des
désagréments liés à l'obligation de recourir à un mode de paiement
peut-être moins commode.

§ 2. - Application des articles 1409 et 1411 aux revenus de


remplacement ou de complément prévus par l'article
1410.

85) Pensions alimentaires.


Les articles 1409 et 1411 sont applicables aux provisions et
aux pensions alimentaires adjugées par justice, ainsi qu'aux pen-
sions allouées après divorce à l'époux non coupable (art. 1410, §
1er, 2°).
A. - A juste titre, le Code judiciaire protège de manière
identique la provision alimentaire, c'est-à-dire la somme allouée en
justice «pour l'entretien d'une personne en attendant la fixation
d'une pension définitive à l'amiable ou par justice» et la pension
alimentaire «dont Je caractère propre est d'assurer la subsistance

("") Les sommes inscrites à un compte de chèque postaux constituent dès leur versement.
quelle que soit l'origine des fonds versés, une créance du titulaire du compte contre le centre de
chèques postaux, cette créance fait partie du patrimoine du titulaire du compte et peut, dès lors, être
saisie par ses créanciers (Cass. Fr .. 20 avril 1983. Bull., 1983. 1, n° 127. Voy. en matière d'indemnités
de mutuelle versées au compte du bénéficiaire, Civ. Bruxelles. ch. s.. 29 avril 1987, R.G. n° 20937).
646
( ) M. FUNCKEN-SCHYNTS. op. cil .. Ann. Fac. Dr. Liège. 1966, 377-378: M. JA-
MOULLE, op. cil .. T. Il. p. 107, n" 100.
7
("' ) 1. BATAILLE et D. COECKELBERG, op. cit .. R.W .. 1984-1985, 619.
RÈGLES COMMUNES 163

du créancier et de sa famille» ; elle présente «un aspect définitif,


sauf changement de fortune des parties» (648 ). L'article 1410, §
1er, 1° a été complété pour protéger de la même manière les
pensions allouées après divorce à l'époux non coupable (art. 301
C.c. et 307 bis C.c.). Sans cette précision, ces pensions envisagées
sous leur aspect indemnitaire auraient pu être saisies en totalité au
mépris de leur objectif réel qui est d'assurer la subsistance du
créancier dans des conditions équivalentes à celles de la vie
commune (649 ). On relève que si l'article 1410, § 1er, 1° n'envisage
pas l'hypothèse du capital remplaçant une pension alimentaire
après divorce (art. 301, § 5 C.c.), cette circonstance n'a pas gour
effet de rendre celui-ci intégralement saisissable ou cessible (65 ).
Seules sont visées les pensions adjugées par justice y
compris les délégations de sommes qui en simplifient le paiement
651
( ) ; l'article 1410, § 1er, 1° ne s'applique donc ni aux pensions
alimentaires allouées par testament ou par donation ni aux pensions
alimentaires faisant l'objet d'une convention préalable à divorce
par consentement mutuel. Toutefois, en ce qui concerne celles-ci,
elles sont protégées par l'article 1410, § 1er, 2° qui rend l'article
1409 applicable notamment aux pensions payées en vertu d'un
contrat (652 ).
B. - Les pensions alimentaires protégées ne sont pas totale-
ment insaisissables mais partiellement saisissables dans les limites
fixées par l'article 1409 (653 ) ; ces limites ne doivent pas être
respectées si le saisissant est lui-même un créancier d'aliments
protégé par l'article 1412 (654 ).

648
( ) Ch. VAN REEPHINGEN, Rapport sur la réforme judiciaire, Pasin., 1967, 504; voy.
toutefois au sujet des mesures provisoires en cas divorce, G. de LEVAL, L'examen du fond des
affaires par le juge des référés, J.T., 1982, p. 424, n" 13 et réf. cit.
649
( ) F. RIGAUX et M.Th. MEULDERS. Les Personnes. T. Ier, mise à jour, Bruxelles,
Larcier, 1978, p. 94, n" 157; voy. aussi Cass., 24 février 1984, J.T., 1985, 77 et R.W., 1984-1985,
1575; Comp. Cass. Fr.. 27 juin 1985. Bull. Civ .. 1985, 2e ch., p. 86, n" 130; Gaz. Pal., 1985, Pan ..
287 et note M. VERNON; Dall .. 1986, Jur.. 230 et note C. PHILIPPE.
6 1
( " ) Supra. n" 83 C 3.
051
( ) G. DEMEZ. L"cxécution des obligations alimentaires, Ann. Dr. Louvain. 1979, p. 277;
contra F. RlGAUX, note sous Cass .. 12 mars 1974. R.C.J.B .. 1976, p. 132. n" 23; comp. infra. n"
277 A.
052
( ) G. DEMEZ, op. cit., Ann. Dr. Louvain. 1979, p. 276-277; M.Th. MEULDERS-
KLEIN. note sous Cass .• 4 novembre 1976, R.C.J.B., 1979. 476 et note 39.
05
( -') J. GERLO. Ondcrhoudsgeldcn. Kluwer rechtswetenschappen (Rceks «Recht en
praktijk», n" li) p. 79. n" 101; X. RIJCKMANS et R. MEERT-VAN DE PUT, Les droits et les
obligations des médecins, T. Ier. Larcier, 2ème éd., p. 240, n" 310; Liège, 1er juin 1965, Pas., 1966,
II, 149; Civ. Furnes, ch.s .. 19 juin 1985. Bull. Contr., 1986. 2568.
654
( ) Infra. n" 97.
164 TRAITÉ DES SAISIES

Le rapport VAN REEPINGHEN consacre un long déve-


loppement à cette règle qui s'écarte de la législation antérieure où
les provisions alimentaires étaient intégralement insaisissables si ce
n'était par des créanciers ayant fourni au débiteur ou à sa famille de
quoi vivre (art. 581 et 582 C.P.C.): «La section de législation du
Tribunat s'exprimait à ce sujet en ces termes: «Le but serait
manqué si de telles provisions pouvaient être saisies». La disposi-
tion a en son principe un but charitable, mais il n'en reste pas moins
qu'un débiteur, richement «provisionné» - certaines provisions
alimentaires adjugées par justice sont, compte tenu de la situation
sociale des parties, fort élevées - peut aujourd'hui impunément
méconnaître le légitime intérêt des créanciers dont il a lésé les
droits ... Sans doute l'insaisissabilité ne profite pas uniquement au
débiteur dans le besoin mais aussi à celui sur qui repose l'obligation
alimentaire : permettre aux créanciers de saisir pensions et provi-
sions, c'est en définitive faire reposer, dans une certaine mesure,
sur le débiteur d'aliments le paiement de la dette. Mais les droits
des créanciers méritent aussi d'être pris en considération. Aussi le
système proposé tient-il compte à la fois des nécessités vitales du
débiteur et des intérêts des créanciers» (655 ). Dès lors, une saisie-
arrêt pratiquée sur la quotité saisissable de la provision ou de la
pension alimentaire peut faire renaître l'état de besoin et entraîner,
le cas échéant, une majoration des aliments dus par le débiteur.
Ce système n'a rien de choquant ; en effet, les dettes du
créancier d'aliments, si elles ne sont pas somptuaires, peuvent
entrer dans la détermination de l'état de besoin ; partant, le tiers
saisi n'est pas amené à payer deux fois car il ne doit payer que ce
qu'il doit normalement au créancier d'aliments compte tenu des
charges de celui-ci (656 ).
L'insaisissabilité se détermine-t-elle sur la base de la
pension alimentaire attribuée à chaque bénéficiaire (le conjoint, les
enfants ... ) même si le paiement a lieu en une seule fois entre les
mains de la même personne ou sur la base de la totalité des sommes
versées mensuellement à celle-ci ? A notre avis, il importe de
calculer la quotité saisissable sur le montant de la pension alimen-
taire due à chaque bénéficiaire car n'est saisissable que la créance
personnelle du débiteur et non celle d'un tiers (657 ).

655
( Pasin., 1967, 503.
)
656
( Liège, Ier juin 1965, Pas., 1966, Il, 149; E. VIEUJEAN. Examen de jurisprudence,
)
Les personnes, R.C.J.B., 1970, p. 559 à 564, n°s 44 et 45; adde. Liège, 21novembre1983, Pas.,
1984, II, 42.
657
( ) Infra, n" 91 B ; Civ. Tournai, ch.s .. 14 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 98.
RÈGLES COMMUNES 165

On rappelle enfin que la quotité saisissable se calcule sur


chaque mensualité et non sur la totalité des mensualités payées en
une fois (658 ).
C. - Une dette alimentaire ne peut être compensée avec des
sommes dues par le créancier d'aliments à son débiteur dans la
mesure où la pension alimentaire est insaisissable (art. 1293, 3°, C.
civ. et 1410, §1er, 1°, C. jud.) (659 ).
En effet, «si le débiteur d'une créance insaisissable pouvait
se payer de ce qu'il prétend lui être dû en ne payant pas ce qu'il
doit, ce serait comme s'il saisissait cette créance insaisissable qu!
existe contre lui-même : or l'insaisissabilité le lui interdit» (660). Il
y a donc priorité pour la créance protégée sauf au débiteur de celle-
ci d'agir suivant les règles du droit commun pour recouvrer sa
propre créance ou «demander une révision de la pension pour faits
nouveaux si l'importance des dettes acquittées le justifie» (661 ).

Il importe de préciser que :


ce n'est que dans la mesure où il existe une quotité saisissable sur
le montant individuellement attribué au créancier d'aliments que
celle-ci peut entrer en compensation avec la dette de celui-ci
envers le débiteur d'aliments (662 ) ( 663 ) ( 664 ) ;

658
( Supra, n° 83 C.
)
659
( Civ. Liège, ch.s., 14 décembre 1983, R.T.D.F., 1985, 337 et réf. cit.; E. VIEUJEAN,
)
Examen de jurisprudence (1976 à 1983), Personnes, R.C.J.B., 1986, 588 n" 97.
660
( ) H. RAMEAU, note sous Paris, 13 juillet 1978, Dall., 1980, J., 48.
661
( E. VIEUJEAN, op. cit., R.C.J.B., 1986, p. 588 note 12.
)
662
( G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale
)
in L'évolution du droit judiciaire au travers des contentieux économique. social et familial, Actes des
Xlès Journées d'études juridiques Jean DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 878 et réf. cit.;
Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, La Charte, Art. 1410, n°1 ; Civ. Liège, ch.s., 8 février 1984,
Jur. Liège, 1984, 487; comp. et contra Civ. Huy, ch.s., 22 octobre 1984, J.T., 1985, 152.
663
( ) Ainsi, la compensation ne peut donc être mise en oeuvre sur la quotité saisissable de la
pension alimentaire due à un enfant si celui-ci n'est pas débiteur du débiteur d'aliments (Civ.
Tournai, ch.s., 28 mars 1986, R.G. n° 22.226). De même, l'ex-mari ne peut invoquer la
compensation entre les astreintes postulées contre une ancienne épouse et la pension alimentaire due
à ses enfants (Liège, 1er mars 1984, R.T.D.F., 1986, 111). Mais, le moyen pris de la violation de l'art.
1289 C. civ. est étranger à toute disposition légale d'ordre public ou impérative (Cass., 19 février
1979, Pas., 1979, 1, 722; Cass., 26 mars 1987, n° 7590).
664
( ) Lorsque le juge des référés en condamnant le saisi à intervenir pour moitié dans le
remboursement de l'emprunt hypothécaire souscrit par les parties pour l'acquisition du domicile
conjugal où la saisissante est demeurée avec les deux enfants, a, de manière implicite mais certaine
conféré un caractère alimentaire à cette obligation toute compensation entre cette dette et une
quelconque autre créance non alimentaire dont le saisi justifierait, ne saurait être retenue. (Civ.
Bruxelles, ch.s., 15 décembre 1986, R.G. n" 28.701).
166 TRAITÉ DES SAISIES

la compensation conventionnelle peut avoir lieu lorsque celui


dont la créance est insaisissable, tel le créancier d'aliments,
consent à ce que les sommes qui lui sont dues se compensent avec
ce qu'il doit lui-même à son débiteur ; bref, si le créancier
d'aliments peut invoquer une créance pour éteindre des dettes
envers le débiteur d'aliments par compensation, ce dernier ne
peut lui opposer lui-même la compensation (665 ).
si la créance invoquée par le débiteur d'aliments est elle-même de
nature alimentaire au sens de l'article 1412 du Code judiciaire,
l'article 1410 § 1er, 1° C. jud. cesse de faire entrave à la
compensation (666 ) ;
si la compensation a été opérée par le débiteur d'aliments, au
mépris des règles édictées par l'article 1293, 3°, C. civ. et 1410, §
1er, 1°, C. jud., le créancier d'aliments trouve dans la décision
qui lui accorde sa pension alimentaire un titre exécutoire pour les
arrérages correspondant à la quotité insaisissable indûment
conservée par le débiteur d'aliments (667 ) ;
le débiteur d'aliments peut, lors du jugement, imputer sur le
montant des condamnations prononcées les versements réguliè-
rement effectués, avant le jugement ou sa modification, pour
valoir à titre d'aliments (668 ) pour autant qu'il y ait coïncidence
entre l'acompte versé et le mois pour lequel la pension est due.
D. -L'article 1410, §1er, 1° organise l'insaisissabilité partielle
de la créance d'aliments envers les créanciers du créancier d'ali-
ments. Par contre, l'article 1412 confère au créancier d'aliments, à
l'égard des créanciers du débiteur d'aliments, une priorité absolue
lorsqu'il exerce ses droits sur des créances énumérées aux articles

665
( ) Paris. 22 mai 1987, Dall., 1987. l.R .. 150; voy. aussi Cass. Fr., 30 novembre 1965. Dall.,
1966, 82 et note; Civ. Huy, ch.s., 26 mars 1984, J.T., 1985, 153; Civ. Bruxelles, ch.s., 13 octobre
1986, R.G. n° 25.517; Civ. Bruxelles, ch.s., 16 septembre 1987, R.G., n" 35.028; voy. toutefois Civ.
Bruxelles, ch.s., 8 décembre 1986, R.G. n" 16.210 (même si un accord est intervenu entre parties
pour déroger à la règle, il y a lieu de considérer que la volonté des parties n'est pas apte 3 tenir en
échec le principe et les modalités d'application, d'exigibilité et d'exécution d'une dette alimentaire.
qui, due au titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants, relève de l'ordre
public et n'est point de celles au sujet desquelles les parties pourraient être tenues comme ayant la
libre disposition de leurs droits; adde. les hypothèses énoncées à la note 663); comp. supra, n°s 57,
75 et 79.
( 666 ) Bruxelles. !6ème ch., 24 février 1987, A.R .. n° 1947/86; supra B; comp. infra, n° 91
D; comp. et contra, Civ. Liège, ch.s., 8 décembre 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. II, Art. 14!0 n° 1/4.
667
( ) Bruxelles, 3ème Ch., 17 septembre 1985. Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1410 n"
114 in fine.
668
( ) Civ. Liège, ch.s .. 14 décembre 1983, R.T.D.F., 1985, 337; J.P. Seraing, 3 décembre
1986, J.L.M.B .. 1987, 506 (dernier alinéa). Adde. Bruxelles, !6ème ch., 24 février 1987, A.R .. n"
1947/86.
RÈGLES COMMUNES 167

1409 et 1410 (669 ). Il n'est donc pas impossible que le créancier des
deux conjoints puisse obtenir à charge de l'ur. (créancier d'ali-
ments), ce qu'il ne peut obtenir à charge de l'autre (débiteur
d'aliments), en saisissant, entre les mains de celui-ci ou plus
efficacement encore entre les mains du tiers agissant en son nom et
pour son compte, la partie saisissable des sommes privilégiées qu'il
n'a pu appréhender à charge du débiteur d'aliments (670 ).

86) Pensions et avantages équivalents.


Les articles 1409 et 1411 sont applicables aux pensions,
indemnités d'adaptation, rentes, majorations de rente ou avantages
tenant lieu de pension, payées en vertu d'une loi, d'un statut ou
d'un contrat (art. 1410, §1er, 2°).
A. - Champ d'application.
Cette disposition uniformise les règles applicables aux
pensions de retraite et de survie des travailleurs indépendants et
des travailleurs du secteur privé ou public. Il n'existe plus de
législation spéciale en la matière (671 ) ; dans tous les cas, la quotité
cessible ou saisissable d'une pension se détermine conformément à
l'article 1409.
«Par la généralité de ses termes, cette disposition vise
également les pensions complémentaires dues en vertu d'un contrat
d'assurance de groupe ainsi que les pensions complémentaires qui
seraient directement payées par l'employeur en vertu d'un contrat.
On notera cependant que les pensions et rentes d'orphelins payées
en vertu d'une loi, d'un statut ou d'un contrat ne peuvent être
cédées ni saisies (art. 1410, § 2, 2°)» (672 ).

669
( Infra. n° 99.
)
670
( Voy. par exemple en matière d'impôts sur les revenus dus par les conjoints, Civ. Furnes,
)
ch.s., 19 juin 1985, Bull. Contr., 1986, 2568; contra mais selon nous à tort, Civ. Bruxelles, ch.s., 16
mars 1987, R.G. n° 31.628 «La rémunération du débiteur d'aliments est intégralement saisissable et
se trouve, à concurrence du montant de la délégation de sommes. mise à l'abri de toute poursuite
d'un quelconque créancier tant du débiteur alimentaire délégant que du créancier alimentaire
délégataire car la délégation a été ordonnée sur pied de l'article 221 du Code civil sans que naisse,
ensuite de ladite délégation, une créance propre du délégataire envers le débiteur de son conjoint»
(cette dernière considération vaut pour la saisie-arrêt de droit commun sous réserve du recours contre
le tiers saisi qui a manqué à ses obligations, art. 1540 et 1542, C. jud.).
71
(" ) Article 35, 1° à 14" des dispositions abrogatoires contenues dans l'article Il de la loi du

10 octobre 1967. Cet aspect est parfois méconnu (voy. par ex. A. WILMART. Esquisse de législation
sur les pensions des services publics, Bruxelles. Bruylant, 1976, p. 76, n" 80; Gand, 24 mars 1972,
R.W., 1972-1973, 908 repris sans commentaire par J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de
Jurisprudence, J.T., 1983, p. 487, n" 69). Voy. cependant. l'article 55 des lois coordonnées du 5
octobre 1948 sur les pensions de réparation.
672
( ) La protection de la rémunération, Edition de la Fédération des Entreprises de Belgique,
1979, p. 48. Voy. aussi art. 2, al. 3, 3" de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la
rémunération des travailleurs et infra n" 88 a, note 690.
168 TRAITÉ DES SAISIES

L'article 1410, § 1er, 2° est rédigé en termes tout à fait


généraux de telle sorte qu'il ne s'applique pas seulement aux
prestations sociales ou à des avantages liés à l'exécution d'un
contrat de travail mais aussi aux pensions alimentaires dues en
vertu d'une convention préalable au divorce par consentement
mutuel (673 ).

B. - Capital.
L'article 1410, § 1er, 2° organise l'insaisissabilité de
revenus mensuels et non des capitaux. Tel est le cas d'un capital
payable en vertu d'un contrat d'assurance-groupe. Selon nous, le
capital doit être décomposé en mensualités sur lesquelles il y a lieu
d'appliquer l'article 1409 ( 674 ). Peut-on appliquer la même règle à
un capital d'assurance-vie ? A notre avis oui s'il s'agit d'un
«avantage tenant de lieu de pension payé en vertu d'un contrat»
(art. 1410, § 1er, 2°). En cette matière, l'assureur n'a d'obligation
qu'envers le bénéficiaire et non le souscripteur (stipulation pour
autrui) sous réserve du droit des créanciers de celui-ci de se faire
déclarer inop~osable le contrat d'assurance conclu en fraude de
leurs droits ( 6 5).

C. - Incidence du divorce, de la séparation de corps ou de la


séparation de fait.
Il importe de tenir compte du régime de pension du secteur
privé (travailleurs salariés et travailleurs indépendants) (676 ) dont
il résulte que :

673
( Supra, n° 85 A.
)
674
( Supra, n° 83 C 3.
)
675
( ) A ce sujet, voy. CARTON de TOURNAI et van der MEERSCH, Assurances
terrestres, T. Il, n° 163 à 168 (Extrait du R.P.D.B.) et DORHOUT-MEES, Les créanciers du
preneur peuvent-ils saisir-arrêter l'assurance-vie qu'il a contractée? , Liber Amicorum Louis
FREDERICQ, T. Ier, Gand, 1965, p.357 à 363.
676
( ) «La matière est réglée par les deux arrêtés d'exécution de la loi du 15 mai 1984, tous
deux datés du 20 septembre 1984 (Mon., 6 oct.). Séparation de fait et de corps : - régime des
travailleurs salariés: article 40 remplaçant l'article 74 de l'arrêté-royal du 21 décembre 1967. -
régime des travailleurs indépendants : articles 48 et 49 remplaçant les articles 100 à 106 de l'arrêté-
royal du 22 décembre 1967. Divorce : - régime des travailleurs salariés : articles 41 à 44 adaptant les
articles 75, 76 et 78 de l'arrêté-royal du 21décembre1967. - régime des travailleurs indépendants:
article 46 qui modifie l'intitulé: «section 6 - prestations de nature spéciale - a) La pension de
conjoint divorcé» et l'article 47 remplaçant les articles 92 à 98» (J. VAN DROOGENBROECK,
Réformes et retouches dans les secteurs des prestations familiales et des pensions de retraite et de
survie, J.T.T., 1986, p. 55 n° 41). Sur l'égalité de traitement entre l'homme et la femme, voy. les n°s
7et8,p. 51.
RÈGLES COMMUNES 169

en cas de séparation de fait ou de corps, le conjoint séparé, peut,


sous certaines conditions, obtenir le paiement d'une quotité : en
principe, la moitié de la pension de retraite, calculée au taux
«ménage», attribuée à l'autre conjoint. Il s'agit d'un droit dérivé
qui ne peut être mis en oeuvre que si celui-ci remplit toutes les
conditions pour bénéficier d'une pension de retraite (677 ). Si
dans le même temps une pension alimentaire est due par un
conjoint à l'autre, elle peut être recouvrée, sans limitation (art.
1412 C. jud.), sur l'autre part de pension aussi longtemps que le
titre judiciaire qui fonde la mesure demeure efficace ; dès lors,
commet un excès de pouvoirs et peut être condamnée comme
débitrice pure et simple des causes de la saisie, la caisse de
pension qui persiste à verser à son affilié, pensionné, le montant
de la pension - même sous déduction de la quote-part revenant
à l'épouse - malgré la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains par
l'épouse séparée en vue d'obtenir le paiement des arriérés de
pension dorit le mari lui reste redevable (678 ) ;
en cas de divorce, le conjoint divorcé a, sous certaines condi-
tions, un droit propre à la pension de retraite (679 ) calculée au
taux isolé sur base de la durée de la vie commune pendant le
mariage au cours de laquelle l'ex-conjoint a travaillé comme
travailleur salarié ou indépendant (680 ) ; «les répercussions du
divorce se trouvent, dans une certaine mesure, transférées à
charge de la collectivité» (681 ) car dans ce système, il n'y a pas de
prélèvement sur la pension de l'autre ex-conjoint contre lequel
une saisie-arrêt peut cependant être mise en oeuvre afin d'assu-
rer le paiement de pensions alimentaires.
Par contre, le régime de pension du secteur public ne
connaît aucune règle de partage de la pension entre les époux

677
( ) D. DOCQUIR-VAN LINT, Divorce et séparation de corps ou de fait. Conséquences de
ces situations sur les droits de la femme en sécurité sociale, in Le contentieux conjugal. Ed. Jeune
Barreau Liège, 1984, p. 191 à 193; J. VAN DROOGHENBROECK, Réformes et retouches dans
les secteurs des prestations familiales et des pensions de retraite et de survie, J.T.T., 1986, p. 55, n° 42.
678
( ) Bruxelles, IO février 1984, J.T., 1984, 365 ; R.B.S.S., 1984. 275 et obs. N. DELPE-
REE; (un arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 1985, Pas., 1986, 1, 29 rejette le pourvoi
formé contre cet arrêt); Civ. Bruxelles, ch.s., 22 décembre 1979, R.B.S.S .. 1981, 272 et obs. N.
DELPEREE; D. DOCQUIR-VAN LINT, op. cit., p. 194-195; G. de LEVAL, La saisie mobilière,
Rép. Not., n° 398.
679
( ) Cass., 24 juin 1982, Pas., 1982, !, 1256 (divorce admis sur base de l'art. 232, C. civ.).
680
( ) La formule pour les salariés est 62,5/100 x 601100 x 1140 x salaire de l'ex-conjoint ; pour
les indépendants on applique : 62,5/100 x 1140 x montant de base (taux isolé). Voy. Doc. Pari. Sénat,
355 (1982-1983), n° 2, Projet de loi modifiant l'article 232 du Code civil et l'article 1270 bis du Code
judiciaire, Annexe, p. 9 et 10 ; D. DOCQUIR-VAN LINT, op. cit., p. 196-199.
681
( ) P. DENIS, Les conséquences du divorce dans le droit de la sécurité sociale belge, in
Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, VIII ès Journées Jean DABIN,
Bruylant, 1978, p. 375.
170 TRAITÉ DES SAISIES

séparés de fait qui doivent faire valoir leurs droits conformément au


droit commun ; de même, l'ex-conjoint n'a pas droit à une pension de
retraite du chef des activités de l'autre conjoint (682 ) ; il ne bénéficie
sous certaines conditions que de droits limités en matière de pension
de survie réduisant à due concurrence les droits du conjoint survivant
d'un mariage ultérieur (art. 6 à 8 de la loi du 15 mai 1984 portant
mesures d'harmonisation dans les régimes de pensions).

D. - Epargne-pension.
L'arrêté-royal du 22 décembre 1986 instaure un régime
d'épargne du troisième âge ou d'épargne-pension (683 ).
Le projet gouvernemental prévoyait l'insaisissabilité du
compte épargne ou de l'assurance-épargne. Le Conseil d'Etat a
relevé que «le pouvoir accordé au Roi par l'article 52 de la loi du 4
août 1986, portant des dispositions fiscales ne Lui permet pas
d'apporter une dérogation aux articles 1408 et suivants du Code
judiciaire, qui déterminent les biens qui ne peuvent être saisis». Il a
été tenu compte de cette observation du Conseil d'Etat de telle
sorte que, dans l'état actuel des textes, l'épargne-pension est
intégralement saisissable même si la mesure a pour effet de faire
perdre au bénéficiaire les avantages fiscaux du système sauf à
différer le moment du dessaisissement jusqu'à la liquidation de
l'épargne si les conditions prévues par l'art. 93 § 1er, 2° i et § 4
C.I.R. sont ou peuvent être satisfaites (684 ), tout en faisant
produire en tout état de cause à la saisie son effet d'indisponibilité.

87) Allocations de chômage - Détermination du tiers saisi.


Les articles 1409 et 1411 sont applicables «aux allocations
de chômage et aux allocations payées par les fonds de sécurité
d'existence» (art. 1410, §1er, 3°).
Cette disposition ne suscite ni difficulté ni contestation.
Dans la mesure où le montant des allocations de chômage dues au
débiteur n'excède pas la partie insaisissable du revenu protégé,
elles ne peuvent être utilement appréhendées que lorsque cette

0
( " ) «La pension de retraite du fonctionnaire est un droit individuel. C'est la raison pour
laquelle la solution ne peut être trouvée pour la femme séparée (ou divorcée), que dans le cadre
d'une rente alimentaire» (Doc. Pari.. Ch., 855 (1983-1984), n" 18, p. 23). Comp., n° 90.
(""') M.B., 1er janvier 1987, p. 41 à 59 (rapport au Roi, Avis du Conseil d'Etat et Arrêté-
royal).
("") Comp. M. VASSEUR, obs. sous Trib. lnst. de Noisy-Le-Sec, 2 juin 1981, Dall., 1982,
IR. 127 et M. DONNIER, op. cit., Litcc, 1987. p. 264, n" 638.
RÈGLES COMMUNES 171

limite est inapplicable c'est-à-dire en matière de pensions alimentai-


res (art. 1412).
Le seul problème qui s'est posé est celui de la détermina-
tion du tiers saisi. Il arrive fréquemment en matière de sécurité
sociale que les sommes dues par l'organisme débiteur soient payées
par un mandataire légal de celui-ci (685 ). En ce cas, la saisie-arrêt
peut être pratiquée indifféremment entre les mains du débiteur ou
entre celles de son mandataire chargé du paiement, l'un et l'autre
pouvant parfaitement tenir le rôle de tiers saisi. Ainsi, en matière
d'allocations de chômage, la saisie-arrêt peut être ~ratiquée soit
entre les mains de !'Office national de l'emploi ( 86) soit entre
celles de l'organisme de paiement mais en ce dernier cas la mesure
est limitée aux allocations dues par la caisse tierce-saisie à l'exclu-
sion des allocations dues par d'autres caisses (687 ). La saisie-arrêt
pratiquée à temps, au niveau central peut dès lors être plus efficace
d'autant que le poursuivant peut ne pas connaître l'organisme de
paiement choisi par le débiteur ou désirer obvier aux manoeuvres
de celui-ci qui pourrait changer d'or~anisme de paiement pour
rendre sans objet la mesure pratiquée ( 88 ).

88) Sommes dues en cas d'incapacité de travail, d'invalidité,


d'accident de travail ou de maladie professionnelle.
Les articles 1409 et 1411 sont applicables «aux indemnités
pour incapacité de travail et aux allocations d'invalidité payées en
vertu de la législation relative à l'assurance maladie-invalidité ou,
de la loi du 16 juin 1960 portant notamment garantie des presta-
tions sociales assurées en faveur des anciens employés du Congo
belge et du Ruanda Urundi et de la législation relative à la sécurité
sociale <l'outre-mer» (art. 1410, §1er, 4°).
Les articles 1409 et 1411 sont applicables «aux indemnités,
rentes et allocations payées en vertu de la législation sur la
réparation des dommages résultant des accidents du travail ou des
maladies professionnelles, de ladite loi du 16 juin 1960 ou de

685
( ) Voy. en matière de pensions de retraite ou de survie pour travailleurs indépendants.
Cass., 3 décembre 1979, Pas .. 1980. 1, 411 et Cass., 17 mars 1980, Pas., 1980, 1, 871.
686
( ) Pratique expressément admise dans une réponse parlementaire même si les retenues et
les versements qui en résultent sont effectués par l'organisme de paiement (Ouest. et Rép., Ch.
Repr. Sess., 1983-1984, 929).
687
( ) Bull. Ouest. et Rép .. Ch. Sess., 1976-1977, 753; adde. Civ. Verviers, ch.s., 12 décem.bre
1986, J.T., 1987, 180.
688
( ) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p.
367, n" 77. Adde. B. GRAULICll et P. PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, Ed.
LABOR, Bruxelles. 1987, 195.
172 TRAITÉ DES SAISIES

contrats d'assurance souscrits en application des dispositions de la


législation relative à la sécurité sociale <l'outre-mer, à l'exception de
la partie de l'allocation prévue au § 2, 4° du présent article» (art.
1410, §1er, 5°; infra n° 91 A).
a) Seuls les revenus de remplacement visés par ces dispositions
sont protégés par l'insaisissabilité ou l'incessibilité partielle. Dès lors,
de lege lata, on doit admettre la saisissabilité totale des indemnités ou
capitaux qui compensent, en tout ou en partie, la perte des revenus
professionnels, parce qu'ils ne tombent pas sous le coup de l'article
1410, § 1er, 4° et 5° du Code judiciaire qui applique la règle de
l'insaisissabilité partielle, fractionnée et progressive aux indemnités
dues essentiellement en vertu de la législation relative à l'assurance
maladie-invalidité et de la législation sur la réparation des dommages
résultant des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
Ainsi lorsque les dommages-intérêts alloués par une décision
judiciaire au failli à la suite d'un accident survenu avant la clôture de la
faillite consistent en la capitalisation de rentes, les indemnités
tombent intégralement dans l'actif de la masse sans qu'il y ait lieu
d'opérer une distinction entre les sommes allouées en réparation du
dommage matériel, du pretium doloris, du préjudice résultant des
incapacités temporaires dont le failli a été atteint pendant la faillite et
celles qui représenteraient l'indemnisation d'un préjudice postérieur
à la clôture de la faillite, à savoir, au moins pour partie, l'incapacité
permanente, le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique (689 )
(690) (691).

("'!9) Liège. 1er avril 1976. Pas .• 1977. Il, 66 et avis du Ministère public, qui suivi par la Cour,
précise que la situation ne serait pas différente s'il s'agissait des arrérages d'une rente qui après la
clôture de la faillite demeurent saisissables par les créanciers rentrés dans l'exercice de leurs droits
individuels de poursuite. Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté pour une raison de non
recevabilité (Cass., 26 mai 1977, Pas., 1977, 1, 985; J.T .. 1978. 610; adde R. ANDRE. La réparation
du préjudice corporel, Story-Scientia. 1986, p. 424 à 428; Mons. 26 juin 1985, R.D.C.. 1987, 101,
Rev. Reg. Dr., 1985, 353 et note M.F. ANTOINE. Pol. Charleroi. 11septembre1986, J.J.P., 1987,
29; voy. toutefois Corr. Tongres. 20 décembre 1984, R.W .. 1985-1986. 467 et J. RUTSAERT. De
l'effet de la faillite sur le sort de l'indemnité de réparation du dommage résultant de la lésion d'un
droit exclusivement attaché à la personne. Bull. Ass., 1982, p. 24, n" 8).
690
( ) En ce qui concerne les compléments patronaux visés à l'article 2, alinéa 3, 2" (en cas
d'accident de travail ou de maladie professionnelle) et 3° (complément des avantages accordés pour
les diverses branches de la sécurité sociale) de la loi du 12 avril 1965. <d'article 35. alinéa 2 de la loi du
12 avril 1965 les soumettait à l'application de l'article 8 de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant
la sécurité sociale de sorte que ces indemnités étaient incessibles et insaisissables. Or. l'arrêté-loi du
28 décembre 1944 a été abrogé et remplacé par la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28
décembre 1944 laquelle en son article 44. § 2 renvoie le sort de ces indemnités au Code judiciaire.
Etant donné que le Code judiciaire prévoit que certaines prestations de sécurité sociale sont cessibles
et saisissables (art. 1410, § Ier). on peut à mon sens en conclure que les indemnités complémentaires
visées à l'article 2, alinéa 3. 2° et 3° de la loi du 12 avril 1965 sont également soumises aux
dispositions des articles 1409 à 1412 du Code judiciaire dès lors qu'elles sont payées en exécution du
contrat de travail» (Ouest. et Rép. Sénat. 1978, 1236).
RÈGLES COMMUNES 173

b) Le tiers en capital représente l'adjonction des rentes dues à


la victime de l'accident de travail et résulte de la faculté offerte à la
victime de demander que le versement des rentes dont elle est le
bénéficiaire soit effectué en une fois pour le tiers (art. 45 de la loi
du 10 avril 1971 sur les accidents du travail). Cette fraction doit,
selon nous, subir quant à sa saisissabilité le même sort que celui
réservé aux rentes (692 ).
c) L'article 43 des lois relatives à la réparation des dommages
résultant des maladies professionnelles coordonnées par l'arrêté-
royal du 3 juin 1970 qui dispose que les indemnités dues en vertu
<lesdites lois ne sont cessibles ni saisissables que pour cause
d'obligation alimentaire légale est abrogé par l'article 1410, § 1er,
5° du Code judiciaire. Lorsqu'une loi nouvelle (l'art. 1410, § 1er,
5° a été modifié par la loi du 12 mai 1971), incompatible avec une
loi antérieure, enlève irréfutablement à celle-ci sa force obligatoire,
cette abrogation est, au sens de l'article 2 du Code judiciaire, une
abrogation expresse (693 ).

89) Pécules de vacances.

Les articles 1409 et 1411 sont applicables «aux pécules de


vacances payés en vertu de la lé,Rislation relative aux vacances
annuelles» (art. 1410, § 1er, 6°) (69 ).
Les pécules de vacances des travailleurs ouvriers sont
payés par !'Office national des vacances annuelles ou par les caisses
spéciales de vacances (art. 12 des lois relatives aux vacances
annuelles des travailleurs salariés coordonnées le 28 juin 1971). Les
pécules de vacances des autres travailleurs, singulièrement des

691
( ) Pour remédier à celte situation, il a été proposé d'exclure de l'actif de la faillite les
indemnités accordées au failli pour la réparation d'un préjudice futur causé par un acte illicite (Doc.
Pari. Ch. Sess., 1982-1983. n° 625/8, p. 6; voy. toutefois G. DE LEVAL, L'inégalité entre les saisis.
R.G.A.R., 1984, n" 10.822) mais cette suggestion a été ultérieurement écartée (Doc. Pari.. Ch.
Sess., 1984-1985. n" 625/9; voy. toutefois. Proposition de loi modifiant l'article 444 de la loi sur les
faillites, Doc. Pari.. Sénat, Sess .. 1986-1987. n" 510/1).
692
( ) Supra, n" 83 C/3.
693
( ) Cass., 2 février 1979, Pas., 1979, 1. 632; R. W. 1979-1980. 793; Rev. Not. belge. 1980.
210. Voy. aussi Bruxelles, 22 février 1980, J.T.T., 1980. 293; Civ. Bruxelles. 26 novembre 1975,
R.W., 1975-1976, 1828; Civ. Mons, 14 février 1979, Rcv. Dr. Soc .. 1979, 189; J.T.T .. 1979, 350 et
obs. Voy. aussi R. HENRION. Les lois oubliées. J.T .. 1987, p. 263, n" 6.
69
( ") Une disposition spéciale se justifiait spécialement dans la loi du 12 avril 1965 sur la
protection de la rémunération des travailleurs (art. 35) dans la mesure où l'article 2, dernier alinéa,
1° excluait le pécule de la notion de rémunération au sens de cette loi (voy. aussi en matière de
cession, C.T .. Liège, 12 juin 1984, Jur. Liège. 1984. 475) ; comp. supra. note 690.
174 TRAITÉ DES SAISIES

travailleurs employés, sont payés directement par l'employeur (art.


13 des mêmes lois). Ainsi, la saisie-arrêt doit être pratiquée suivant
les cas entre les mains de la caisse de vacances ou de son
mandataire (le cas échéant l'employeur) ou entre celles de l'em-
ployeur.
Les pécules« constituent un salaire différé qui s'acquiert au
fur et à mesure de l'accomplissement du travail ; seul, leur
paiement est différé, particularité que justifie le but dans lequel cet
avantage a été créé» (695 ). Il en résulte que la quotité saisissable se
calculant par mois d'allocation et non de liquidation, il y a lieu
d'additionner le prorata de pécule de vacances à la rémunération de
chaque mois de l'exercice écoulé auquel il se rapporte (696 ). Un tel
calcul peut être effectué par l'employeur débiteur de la rémunéra-
tion et du pécule mais lorsque ces montants sont appréhendés chez
des tiers différents (employeur et caisse de vacances), il importe de
fournir à ceux-ci les indications utiles pour le calcul de la quotité
saisissable et d'éviter que des calculs parallèles s'effectuent sur des
sommes qui doivent être globalisées avant prélèvement de la partie
saisissable (697 ).

90) Indemnités de milice.

Les articles 1409 et 1411 sont applicables «aux indemnités


de milice prévues par la loi du 9 juillet 1951» portant indemnité en
faveur des militaires soldés (art. 1410, § 1er, 7°). Ces indemnités
sont allouées à certains ayants droit des militaires appartenant à la
catégorie des soldés ou à ces militaires mêmes (art. 1er, Loi du 9
.iuillet 1951). Ainsi, l'article 4 de cette loi dispose: «L'indemnité de
milice est due à l'épouse du militaire (698 ).

095
( ) M. JAMOULLE. Contrat de travail et contrat d'emploi, R.P.D.B., Compl. Ill, n" 350:
voy. aussi R. BLANPAIN. Principes du droit du travail, La Charte, Bruges, p. 131, n" 211 et M.
JAMOULLE, Le contrat de travail, T. Il, Fac. Dr. Liège. 1986, p. 84-85.
("'"') Supra, n" 83 C.
697
( ) Supra. n" 83 A. d. Voy. aussi la Circulaire du 17 avril 1987 contenant les instructions
particulières pour la saisie fiscale en mains de la Caisse Nationale Patronale pour les congés payés
dans l'industrie du hütiment et des travaux puhlics, Bull. Contr.. 1987. 1139 à 1142.
("'") L'article 39 prévoit que le militaire peut s'opposer au paiement de l'indemnité de milice il
l'épouse en cas d'inconduite notoire de celle-ci. Toutefois, cette opposition n'est pas recevable si
l'épouse est hénéficiaire d'aliments. Le juge de paix statue sur l'opposition et, le cas échéant.
prononce la déchéance du droit à l'indemnité de milice. La procédure est réglée par l'A.R. du 17
janvier 1964 d'exécution de la loi portant indemnité en faveur des familles des militaires soldés (art.
37 :1 -13).
RÈGLES COMMUNES 175

L'épouse qui est séparée du militaire, de droit ou de fait,


n'a droit à l'indemnité de milice que si elle a un titre à des aliments.
La femme divorcée a également ce droit si elle bénéficie d'une
pension alimentaire.
Dans ces cas, l'indemnité lui revenant est limitée à la
somme fixée au titre d'aliments ou de pension alimentaire.
Le militaire est libéré de son obligation alimentaire à
concurrence de l'indemnité de milice ainsi calculée.
Pour l'application de la loi, est considérée notamment
comme un titre à des aliments, l'autorisation donnée (en vertu de
l'article 218 du Code civil), à la femme séparée de fait«.
La saisie est pratiquée à charge du bénéficiaire entre les
mains du Ministère de l'intérieur ou du mandataire de celui-ci
auquel incombe le paiement des indemnités. Le montant de celles-
ci n'excède pas la quotité insaisissable ou incessible fixée par
l'article 1409 (699 ) de telle sorte que, dans l'état actuel des textes,
l'article 1410, § 1er, 7° ne présente pas d'utilité pratique même en
faveur du conjoint compte tenu du régime spécial organisé par
l'article 4 de la loi du 9 juillet 1951 (comp. l'art. 1412, C. jud.).

§ 3. - Exceptions à l'application de l'article 1409 (7°0 ).


91) Exceptions restrictives à l'application de l'article 1409.

A. - Champ d'application.
En vertu de l'article 1410, § 2, «ne peuvent être cédées ni
saisies» mais sans préjudice de l'article 1410, § 4 (7°') et de l'article
1412:

19
('" ) Voy. l'A.R. du 15 juin 1987 modifiant l'arrêté-royal du 19 août 1985 portant le statut

pécuniaire du personnel des Forces armées qui hénélïcie d'une solde (M.B .. 19 juin 1987. 9344) et
l'A.R. du Ier avril 1981 modifiant l'arrêté-royal du 17 janvier 19(14 d'exécution de la loi portant
indemnité en faveur des familles des militaires soldés.
(7()0) En cc qui concerne la récupération de~ prestations sociales indûment vcr~écs, voy. infra
*4. n"s 93 et s.
0
(' ') L'article 31. 1" de la loi du 29 juin 1981 étahlissant les principes généraux de la sécurité

sociale des travailleurs salariés remplace cette phrase préliminaire par la phrase: «sans préjudice des
dispositions du* 4. ne peuvrnt être cédées ni saisies»: même si cette disposition n'a pas été rendue
applicable par le Roi. conformément ii la technique de mise en vigueur. article par article. prévue par
*
l'article 41 de ladite loi (L. PETIT. L'article 1-:110. 4 du Code judiciaire et la récupération dïndu en
*
sécurité sociale. Ann. Dr. Liège. 1984. p. 84. note 4). l'article 1410. 4. Jans sa version actuellement
*
en vigueur (infra. n" 93). précise qu'il déroge notamment ii l'article 1410. 2.
176 TRAITÉ DES SAISIES

«1°) les prestations familiales y compris celles payées en vertu


de la législation portant indemnité des militaires soldés ;
2°} les pensions et rentes d'orphelins payées en vertu d'une loi,
d'un statut ou d'un contrat ;
3°) les allocations au profit des handicapés (7°2 ) ;

4°) la partie de l'indemnité payée en vertu de la législation sur


la réparation des dommages résultant des accidents du travail, qui
dépasse 100 % et qui est accordée aux grands blessés dont l'état
nécessite absolument et normalement l'assistance d'une autre
personne (7°3) ;
5°) les sommes payées :
1. - à titre des prestations de santé à charge de l'assurance
maladie-invalidité ou en vertu de la loi du 16 juin 1960 et
de la législation en matière de sécurité sociale d'outre-
mer;
2. - à titre de frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et
hospitaliers causés par un accident du travail ou une
maladie professionnelle (7°4 ) ;
6°} les sommes payées à titre de revenu garanti aux personnes
âgées;
7°) les sommes payées à titre de minimum de moyens d'exis-
tence».

B. -Revenus des mineurs.


Toutes ces prestations permettent à leurs bénéficiaires de
faire face à des dépenses importantes et urgentes. Elles doivent être
affectées par priorité à ces dépenses sans entrer en ligne de compte
dans la détermination du montant net cessible ou saisissable.
Par identité de motifs, les revenus des mineurs ne peuvent
être saisis ou cédés que dans la mesure où il excèdent les besoins du

02
(' ) Bruxelles, 10 septembre 1979, Pas .. 1979. li, 137; adde. infra note 736.
('°') Adde. supra, n° 88.
04
(' ) Adde. art. 76 de la loi du 5 juin 1928 portant réglementation du contrat d'engagement
maritime qui déclare insaisissables pour quelque cause que ce soit «les sommes dues au marin pour
frais médicaux et pharmaceutiques et pour rapatriement».
RÈGLES COMMUNES 177

mineur (7°5). s 'il s'agit du montant de la contribution alimentaire


qui est due à un enfant, il est insaisissable à charge de celui-ci dans
les limites fixées par l'art. 1410 § 1er, 1°. De manière générale, le
revenu destiné à l'enfant n'est jamais saisissable à charge du parent
qui en a la garde (7°6 ) (7°7).

C. - Compensation.
Ces prestations ne peuvent entrer en compensation (7°8)
mais sont, de lege lata, saisissables lorsqu'elles se transforment en
créance du titulaire du compte, alimenté par celles-ci, à l'égard du
banquier (7°9).

D. - Obligations alimentaires
Les limitations prévues aux articles 1409 et 1410 ne sont
pas applicables lorsque la saisie ou la cession sont opérées en raison
des obligations alimentaires prévues à l'article 1412. Ainsi, des
sommes payées à titre de minimum de moyens d'existence (art.
1410, § 2, 7°) peuvent être intégralement saisies entre les mains du
C.P.A.S. par un créancier d'aliments, car l'article 1412 ne déroge

05 0
(' ) R.P.D.B., V Saisie-arrêt. n° 329-330 et réf. cit.: Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-
arrêt, n° 26 ; DE PAGE, Droit civil, T. VI, n" 330 et note 1. L'article 103 de la loi du 8 juillet 1976
organique des centres publics d'aide sociale applique le principe suivant lequel les revenus des
mineurs sont avant tout affectés à leur subsistance et à leur éducation en disposant que : «Les revenus
des biens et capitaux appartenant aux enfants confiés à un centre public d'aide sociale ou placés sous
sa tutelle, peuvent être perçus jusqu'au départ de ces enfants, au profit de ce centre à concurrence des
frais exposés». Adde. J. RUTSAERT, De l'effet de la faillite sur le sort de l'indemnité de réparation
du dommage résultant de la lésion d'un droit exclusivement attaché à la personne, Bull. Ass., 1982, 21.
06
(' ) Ainsi la contribution du père à l'éducation et à l'entretien des enfants constitue une
créance de ceux-ci et non de la mère débitrice d'impôts à charge de laquelle le fisc ne peut donc saisir-
arrêter la créance des enfants (Civ. Tournai, ch.s., 14 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 98: voy. aussi
R.P.D.B. Compl. III, V" Aliments, n" 20: adde. Doc. Pari. Sénat, 1986-1987, n" 372/1, Proposition
de loi modifiant l'art. 5, § 2 de la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens
d'existence). Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que lorsque le jugement prévoit que la
contribution alimentaire doit être versée au parent qui a la garde de l'enfant, le paiement fait
directement à celui-ci n'est pas libératoire (Bruxelles, !6ème ch., 28 octobre 1986, J.L.M.B., 1987,
985).
07
(' ) Au sujet de la saisie entre les mains du débiteur d'aliments, voy. supra, n" 85.
7118
( ) Voy. en matière d'allocations familiales, Trav. Anvers, 15 juin 1981, Rcv. Dr. Soc.,

1981, 524.
09
(' ) Des décisions maintiennent cependant le bénéfice de l'insaisissabilité sur le compte
exclusivement alimenté par de telles prestations singulièrement des allocations familiales (supra, n"
84 B et réf. cit.).
178 TRAITÉ DES SAISIES

pas seulement à l'article 1410, § 1 mais à toutes les limitations


énoncées par l'article 1410 (7 10 ) (7 11 ).
Il a été précisé que «l'on pourrait envisager que le
C.P.A.S. remplace l'octroi du minimum de moyens d'existence par
des interventions financières, sous la forme de secours ordinaires,
puisque celles-ci ne tombent pas, de l'avis du Ministre de la Justice,
sous l'apJ:lication des articles 1409, 1410 et 1412 du Code judi-
ciaire» ( 2 ). S'il s'agit dans ce système de modifier la qualification
juridique d'une dette du C.P.A.S. afin d'éviter une saisie-arrêt
entre les mains de celui-ci de ce qui est fondamentalement un
minimex, le procédé est inopposable au créancier d'aliments dont la
créance est superprivilégiée sur cette créance en vertu de l'article
1412. Mais puisque la saisie-arrêt alimentaire d'un minimex crée un
nouvel état de besoin pour le débiteur d'aliments, celui-ci peut
obtenir une aide supplémentaire «sous forme de secours ordinaire»
intégralement insaisissable y compris par un créancier d'aliments
car à ce stade il ne s'agit plus à proprement parler d'une dette du
C.P.A.S. (7 13 ). On a conscience de se trouver en présence de cas
extrêmes qui surgissent surtout lorsqu'il s'agit de sanctionner le
comportement fautif d'un débiteur d'aliments qui a laissé s'accumu-
ler des pensions alimentaires impayées en pensant peut-être bénéfi-
cier d'un revenu soustrait aux poursuites du créancier ; dans les
autres hypothèses en effet la pension alimentaire peut être modi-
fiée, voire supprimée si le débiteur d'aliments est lui-même dans le

(7 10 ) Civ. Gand ch. s., 26 septembre 1983, De Gemeente 1984, 188; Civ. Bruxelles ch.s .. 16
janvier 1986. Rev. Rég. Dr. 1986. 66 et note M. BODART et M. van RUYMBEKE; Ouest. et
Rép., ch., 1979. p. 1049-1050; Ouest. et Rép .. ch .. 1981-1982, 2213 et 2432; Ouest. et Rép., Sénat,
1982-1983, 1084 ; voy. aussi en matière d'allocations d'handicapé. Bruxelles. 10 septembre 1979. Pas ..
1979, li. 137 (a contrario). Contra Civ. Anvers. ch.s .. 28 novembre 1983. De Gemeentc, 1984. 345
(cette décision relève que l'art. 1412 envisage les «limitations prévues aux articles 1409 et 141()» et
non les articles 1409 et 1410 de telle sorte qu'il ne pourrait déroger qu'aux limitations organisées par
les art. 1409 et 1410. ~ 1 mais non ù l'art. 1410. ~ 2 qui établit des exclusions; comp. infra n" n).
Cette controverse est détaillée dans la« Proposition de loi modifiant les articles 1410 et 1412 du Code
judiciaire». Doc. Pari.. Sénat. 1985-1986. n" 270/1.
11
(' ) Sur les conditions d'octroi du minimex au débiteur d'aliments. voy. infra. n" 98 (note
763).
('") Ouest. et Rép .. Ch .. 1979. p. 1049-1050.
11
(' ) Comp. supra. n" 82 III. Non sans relever que l'art. 1408. 4" vise aussi la famille. M.
BODART et M. van RUYMBEKE estiment que «dans la mesure où ces «secours ordinaires»
représentent» les aliments et combustibles néce;saires au saisi et à sa famille pendant un mois« (art.
1408. 4". C. jud.). ils entrent dans la catégorie des biens qui. sans exception aucune - pas même
celle de l'actuel article 1412 -. ne peuvent faire l'objet d'une saisie» (R.R.D .. 1986. 73). Cc point de
vue est malaisément admissible (supra. n" 72).
RÈGLES COMMUNES 179

besoin (7 14 ) et le créancier d'aliments peut de son côté demander


l'octroi d'un minimex notamment s'il ne peut faire valoir ses droits
à l'égard des personnes qui lui doivent des aliments (art. 6, al. 2 de
la loi du 7 août 1974 instituant un droit à un minimum de moyens
d'existence) (7 15 ) (7 16 ) (7 17 ).

E. - Prestations de santé et système du tiers-payant.


L'article 1410, § 2, 5° rend incessibles et insaisissables
«Les sommes payées : 1° à titre des prestations de santé à charge
de l'assurance maladie-invalidité ou en vertu de la loi du 16 juin
1960 et de la législation en matière de sécurité sociale <l'outre-mer ;
2° à titre de frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et
hospitaliers causés par un accident du travail ou une maladie
professionnelle». Il s'agit de protéger le bénéficiaire des soins de
santé dans la limite des sommes versées en exécution de la
législation sociale et non l'établissement de soins de santé qui
pratique le système du tiers payant en vertu duquel le patient est
dispensé de faire l'avance des frais de traitement qui lui seront
ultérieurement remboursés par sa mutuelle, le montant des presta-
tions étant directement réglé par l'organisme assureur au presta-
taire de soins, au service ou à l'institution (7 18 ). Pourtant, une telle
distinction n'est généralement pas admise par la jurisprudence ftui
se fonde sur le caractère général de l'article 1410, § 2, 5° (7 1 ).

14
(' ) Or une telle modification est parfois susceptible d"être obtenue même avec un effet
rétroactif (Liège. 18 février 1986. Jur. Liège. 1986. 294).
('") Au sujet de la mi'e en oeuvre de cette disposition. voy. C.T. Mons. 5ème ch .. 12 avril
1985. Chron. Dr. Soc .. 1985. 147.
10
(' ) De lcge ferenda. voy. Doc. Pari.. Sénat. 1985-1986. n" 270/1. Adde M. BODART et M.
van RUYMBEKE. note sous Civ. Bruxelles. ch.s .. 16 janvier 1986. R.R.D .. 1986. p. 70 à 72 qui
préconisent qu'a !"insaisissabilité d'un revenu minimal au bénéfice du débiteur de pension alimentaire
corresponde l'octroi d'une allocation de remplacement au créancier impayé d'une pension alimen-
taire.
17
(' ) En accueillant la demande du créancier d'aliments. le C.P.A.S. doit en principe
poursuivre le remboursement de l'aide sociale cl du minimum de moyens d'existence à charge de ceux
qui doivent des aliments au bénéficiaire (art. 8 et 15 de l'A.R. n" 244 du 31décembre1983 modifiant
respectivement l'art. 28 de la loi du 8 juillet 1976 et 13 de la loi du 7 aoüt 1974). Mais cc principe est
atténué par l'A.R. du 9 mai 1984 (M.B. 27 février 1985) qui relève le montant minimal des revenus en
dessous duquel on ne peut recouvrer (voy. J. FIERENS. Familles et aide sociale. Ann. Dr. Louvain.
1985. p. 315 à 323: Bruxelles. 5 février 1986. R.G.D.C .. 1987. 45 et note J. GERLO). Adde. infra.
n° 92.
18
(' ) Voy. l'art. Ier de I' A.R. du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 34 quater.

alinéa 4 de la loi du 9 aoùt 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la
maladie et l'invalidité (M.B .. 28 octobre 1986. p. 14726). Cel arrêté-royal exclut en principe le tiers-
payant pour les soins ambulants.
1
(' '') Cass .. 26 janvier 1987 . .l.T.. 1987. 142: Liège. 20 mars 1987. J.L.M.B .. 1987. 841 et obs.

G. de LEVAL.
180 TRAITÉ DES SAISIES

Selon nous, cet aspect n'est pas déterminant car les articles 1409 et
1410 organisent non pas la protection abstraite d'une créance mais
la protection de la personne du bénéficiaire, de telle sorte que si le
remboursement des soins de santé est effectué au profit d'une
personne non protégée, celle-ci ne peut se prévaloir du caractère
incessible ou insaisissable de la créance (7 20). La controverse
entraîne d'importantes conséquences pratiques car si l'on déclare
incessibles et insaisissables les sommes payées à l'établissement
hospitalier à titre de remboursement de soins de santé, celui-ci ne
peut céder (7 21 ) ou mettre en gage de telles créances notamment
pour garantir les ouvertures de crédit et les prêts consentis par les
organismes financiers et une saisie-arrêt ne peut être pratiquée
entre les mains des organismes assureurs par le bailleur de fonds à
charge de l'établissement hospitalier.
Une telle interprétation de l'article 1410, § 2, 5° du Code
judiciaire va à l'encontre de l'esprit de la loi qui est d'assurer un
minimum vital au bénéficiaire de la sécurité sociale et à sa famille
(722). Si la Chambre des Représentants a adopté un texte interpré-
tant comme suit l'article 1410, § 2, 5°: «Les prestations de santé,
les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers
sont exclusivement ceux que reçoivent les personnes physiques,
bénéficiaires des législations visées au texte» (7 23 ), ce projet a
finalement été rejeté par le Sénat pour des raisons sociales (mise en
péril du système du tiers payant) et afin de préserver le secret
médical d'autant que «le risque de déficit pour ces hôpitaux n'est
plus aussi grand» (7 24 ). Le rejet du projet ne condamne donc pas
l'interprétation précitée de l'article 1410, § 2, 5° même si la
Commission de la justice du Sénat a souhaité éviter une cession par
les hôpitaux aux banques de leurs créances contre les organismes
assureurs. Dans le cas contraire, on en arriverait à organiser des cas

0
('' ) Doc. Pari.. Ch., Sess., 1980-1981, n" 594/2. Proposition de loi modifiant le 5° du§ 2 de
l'article 1410 du Code judiciaire, p. 4 et 5; Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin .. 1967, 502; voy.
aussi Comm. Bruxelles, 2 mars 1982, Rev. de la Banque, 1982, 675; comp. supra, n" 79 et infra, n"
97 in fine.
('") Comp. l'art. 3 de la loi du 3 janvier 1958 relative aux cessions et mises en gage de
créances sur l'Etat du chef de travaux et de fourniture. Infra, n" 103.
(' 22 ) Doc. Pari., Ch., Sess., 1979-1980, n" 59411, p. 2.
23
(' ) Doc. Pari., Sénat, Sess., 1980-1981, 712/1 (Projet de loi interprétative du 5° du§ 2 de
l'article 1410 du Code judiciaire) : on a souligné l'intérêt d'une telle loi interprétative qui
contrairement à une loi modificative qui ne serait valable que pour l'avenir (art. 3, C. jud.),
«permettrait de valider les cessions antérieures à la mise en vigueur de la loi, celles-ci étant
conformes au texte législatif» (Doc. Pari., Ch., Sess., 1980-1981. n" 594/2, p. 4).
(724 ) Doc. Pari., Sénat. ~css .. 1984-1985, n" 834/2.
RÈGLES COMMUNES 181

d'insaisissabilité non prévus par la loi (ainsi les honoraires versés


par les mutuelles aux médecins pratiquant le système du tiers
payant) (7 25 ). Il reste que les parties protégées peuvent renoncer à
l'insaisissabilité au plus tôt au moment de la saisie (726 ).

92) Exception extensive à l'application de l'article 1409.


Aux termes de l'article 1410, § 3: «Par dérogation au
paragraphe premier, les deux tiers des pensions et allocations
sociales auxquelles peuvent prétendre les personnes hospitalisées
aux frais des commissions d'assistance publique et du fonds spécial
d'assistance peuvent être cédées à ces institutions. La proportion
des deux tiers peut être modifiée par le Roi». Cette dérogation,
justifiée par le fait que les intéressés sont entièrement pris en
charge par l'établissement où il se trouvent( 727 ) ne concerne que
les «pensions et allocations» visées à l'article 1410, §1er et non les
sommes énumérées à l'article 1410, § 2.
Le cas échéant, il y a lieu de tenir compte de l'article 99 de
la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale
aux termes duquel : « § 1er : Lorsqu'une personne vient à disposer
de ressources en vertu des droits qu'elle possédait pendant la
période au cours de laquelle une aide lui a été accordée par le
centre public d'aide sociale, celui-ci peut récupérer auprès de cette
personne les frais de l'aide jusqu'à concurrence du montant des
ressources susvisées, en tenant compte des minima exonérés ; § 2 :
par dérogation à l'article 1410 du Code judiciaire, le Centre public
d'aide sociale qui consent une avance sur une pension ou sur une
autre allocation sociale, est subrogé de plein droit à concurrence du
montant de cette avance, dans les droits aux arriérés auxquels le
bénéficiaire peut prétendre».

(725 ) Civ. Liège, ch.s., 23 mai 1984, Jur. Liège, 1986, 70 confirmé par Liège, 4 décembre
1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 59; contra Cass., 26 janvier 1987, J.T., 1987, 142; Liège, 20 mars 1987,
J.L.M.B., 1987, 841 et obs. G. de LEVAL.
26
(' ) Supra, n"s 57 et 79; Civ. Bruxelles, ch.s., 10 juillet 1986, R.G. n°s 16.707 et 16.979,
Inédit (Les sommes dues par l'alliance nationale des mutualités chrétiennes à une S.P.R.L.
(laboratoires) sont insaisissables en vertu de l'article 1410, § 2, 5° du Code judiciaire (qui est une
disposition d'ordre public). Pareille disposition n'est toutefois établie que dans un but de protection
du débiteur saisi lequel est le seul propriétaire des indemnités qui lui reviennent. La règle
d'insaisissabilité étant d'ordre public, elle peut être opposée par tout tiers légitimement intéressé ; tel
n'est pas le cas du tiers saisi (mutualités chrétiennes) qui n'est rien autre chose que débitrice des
sommes au profit de la S.P.R.L. qui peut parfaitement renoncer à la protection instaurée par la loi
dans son seul intérêt. Ainsi, elle peut faire verser les sommes ducs sur un compte conjoint ouvert au
nom de deux avocats).
27
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 504.
182 TRAITÉ DES SAISIES

Une disposition semblable figure à l'article 12 de la loi du 7


août 1974 instituant un droit à un minimum de moyens d'existence
c2s).

§ 4. - La récupération des prestations sociales indûment


payées.

93) L'article 1410, § 4 dans sa formulation actuellement applicable.

L'article 1410, § 4 a été modifié par l'article 31 de la loi du


29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale
des travailleurs salariés mais tant que le Roi ne fixe pas la date
d'entrée en vigueur de ce texte (art. 41) (7 29 ), seul demeure
applicable l'article 1410, § 4 modifié par la loi du 12 mai 1971 et
dont la dernière phrase a été ajoutée par l'article 11 de la loi de
redressement du 31 juillet 1984 : «Par dérogation aux dispositions
des §§ 1er et 2, les prestations payées indûment soit à l'aide des
ressources de !'Office national de sécurité sociale, du Fonds
national de retraite des ouvriers mineurs, de la Caisse de secours et
de prévoyance en faveur des marins naviguant sous pavillon belge,
du Fonds des maladies professionnelles, du Fonds des accidents du
travail, des organismes publics ou privés chargés de l'application de
la législation relative au statut social des travailleurs indépendants
ou de !'Office de sécurité sociale <l'outre-mer, soit à l'aide des
ressources inscrites au budget du Ministère de la Prévoyance sociale
ou de celles inscrites au budjet des pensions en vue de l'octroi du
revenu ~aranti aux personnes âgées, peuvent être récupérées
d'office ( 30) à concurrence de dix pour cent de chaque prestation
ultérieure fournie en faveur des bénéficiaires ou leurs ayants droit.

28
{' ) «Lorsqu'une personne vient à disposer de ressources en vertu de droits qu'elle possédait
pendant la période pour laquelle un minimum de moyens d'existence lui a été payé, la Commission
d'assistance publique récupère les sommes payées par elle jusqu'à concurrence du montant des
ressources qui auraient dû être prises en considération pour le calcul du minimum de moyens
d'existence à payer si l'intéressé en avait déjà disposé à ce moment. Par dérogation à l'article 1410 du
Code judiciaire, la commission d'assistance publique est subrogée de plein droit, jusqu'à concurrence
des sommes visées à l'alinéa !cr, dans les droits que le bénéficiaire peut faire valoir aux ressources
susvisées». Sur ce type de subrogation, voy. J.P. NIJS et A.Ch. VAN GYSEL. Existe-t-il des
subrogations spécifiquement sociales?, J.T.T .. 1987, 361à365.
{7 29 ) Voy. sur le phénomène de la «carence normative», R. HENRION. Les lois oubliées,
J.T., 1987. p. 263-264, n"s 7 à IO.
('3°) L'article 1410 a été modifié par la loi du 12 mai 1971 qui a introduit l'expression
«d'office»; les travaux préparatoires ne contiennent aucune explication à ce sujet (Ch. Sess., 1970-
1971, Doc., 782. p. 1). S'il s'agissait d'appliquer le droit commun de la compensation légale, une telle
mention était superflue (voy. n" 94).
RÈGLES COMMUNES 183

Pour la détermination de ces dix pour cent, le montant de cette


prestation est augmenté, le cas échéant, de la prestation correspon-
dante accordée en vertu d'une ou de plusieurs réglementations
étrangères. Néanmoins, l'organisme ou le service payeur d'un
avantage prévu aux paragraphes précités et obtenu avec effet
rétroactif, peut déduire des sommes échues et non encore payées,
au profit de l'organisme ou du service qui a payé indûment, le
montant des prestations fournies antérieurement et qui ne 'peuvent
être cumulées avec lesdits avantages».
«Lorsque le paiement indu a été obtenu frauduleusement
la récupération peut porter sur l'intégralité des prestations fournies
ultérieurement».
«Lorsque les prestations familiales ont été obtenues indû-
ment suite à une négligence ou à une omission de l'attributaire ou
de l'allocataire, la récupération peut porter sur l'intégralité des
prestations familiales dues ultérieurement au même allocataire».
Cette disposition n'organise pas une saisie-arrêt-exécution
simplifiée dont le produit donnerait lieu à répartition mais une
compensation partielle au profit des organismes ou services débi-
teurs de prestations sociales (7 31 ) tout en évitant que l'intéressé
soit privé de la totalité de ses ressources jusqu'à la récupération
intégrale du montant qui lui a été payé indûment et tout en édictant
des règles protectrices des droits de la défense.

94) La récupération d'office.

En permettant une récupération d'office, l'article 1410, § 4


semble reconnaître aux organismes de sécurité sociale la faculté de
prendre une décision administrative de récupération qui revêt par
elle-même un caractère exécutoire (privilège du préalable) dont la
mise en oeuvre n'est pas susceptible d'être entravée par un incident
suspensif (7 32 ).
En pratique, la récupération n'obéit pas à ces principes.
Nonobstant l'article 1410, § 4, «la jurisprudence s'est rapidement
hérissée contre ce qu'elle considérait comme une voie de fait dans
l'hypothèse où l'assuré social a introduit un recours judiciaire

(731 ) Comp. supra, n" 83 B.


('-") Infra, n° 238.
184 TRAITÉ DES SAISIES

contre la décision de récupération». (7 33 ). On a suggéré de


distinguer la décision rectificative de l'organisme attributeur qui ne
doit plus être susceptible de recours ordinaires, de la décision de
récupération de l'organisme payeur contre laquelle un recours
introduit devant le tribunal du travail n'est pas suspensif de
l'exécution (7 34 ) mais cette distinction - que consacre de manière
générale l'article 1410, § 4 tel qu'il est modifié par la loi du 29 juin
1981 non entrée en vigueur à ce niveau (735 ) - n'est actuellement
praticable que dans le secteur des r,ensions et non dans les autres
secteurs de la sécurité sociale (73 ) de telle sorte que dans ces
autres secteurs en cas de contestation, un titre exécutoire doit être
obtenu en suivant la procédure de droit commun (737 ).
Tant que l'organisme payeur ne satisfait pas aux conditions
lui permettant de pratiquer les retenues sur les prestations ultérieu-
res en opérant une compensation partielle, il est sans droit pour

733
( ) L. PETIT, L'article 1410, § 4 du Code judiciaire et la récupération d'indu en sécurité
sociale, Ann. Dr. Liège, 1984, 84 et réf. cit.. Ainsi il a été jugé que l'art. 1410, § 4 signifie seulement
que, sur base d'un titre exécutoire obtenu en justice, les sommes à récupérer viennent automatique-
ment en déduction de celles qui seront dues dans l'avenir nonobstant le caractère insaisissable de
celles-ci (C.T. Mons, 25 juin 1976, Rev. Dr. Soc., 1976, 412).
(734 ) J. LECLERCQ, La répétition de l'indu dans le droit de la sécurité sociale, Rev. Dr.
Soc., 1975, p. 420 à 424: voy. aussi Cass., 23 juin 1980, Pas., 1980, 1, 1307.
(7 35 ) Le texte (art. 1410, § 4, al. 5 et s.) distingue la décision de rectification contre laquelle le
recours est suspensif de la décision de retenue contre laquelle le recours n "est pas suspensif : «Les
retenues visées par le présent paragraphe sont opérées d'office et sans qu'une procédure judiciaire soit
nécessaire. Une décision de retenue n'a toutefois d'effet qu'après notification à l'attributaire. à
l'allocataire ou à leurs ayants droit et à la condition que l'intéressé n'ait pas interjeté appel. Cette
notification est à peine de nullité envoyée au débiteur par lettre recommandée à la poste. La décision
séparée de répétition est à peine de nullité notifiée par la même lettre recommandée à la poste. A
peine de nullité, cette lettre mentionne : la constatation de l'indu ; le montant total de l'indu, ainsi
que le mode de calcul ; les dispositions en infraction desquelles les paiements ont été effectués ; le
délai de prescription pris en considération et sa justification ; la possibilité d'introduire un recours
auprès du tribunal du travail compétent dans les trente jours de la présentation du pli recommandé et
ce à peine de forclusion,,.
(736 ) L. PETIT, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1984, p. 85. Voy. cependant l'art. 16 de la loi du 27
février 1987 relative aux allocations aux handicapés dont le § 2 procède de l'art. 1410 § 4 tel que le
modifie l'art. 31, 2° de la loi du 29 juin 1981. JI semble utile de reproduire les§ 4 et 5 de l'art. 16:
«§ 4. La décision de récupération peut seulement être exécutée après l'expiration d'un délai d'un
mois. Lorsque le bénéficiaire a introduit une demande en renonciation avant l'expiration de ce délai,
la récupération est suspendue jusqu'à ce que le Ministre ait statué sur la demande. § 5. Nonobstant la
disposition du § 4, la récupération est opérée sur les montants échus non encore versés,
conformément à la disposition de l'article 1410, § 4, du Code judiciaire».
(7 37 ) Le tribunal invité à vérifier l'exactitude de l'indu en matière d'allocations de chômage
statue ultra petita en condamnant le chômeur, par ailleurs exclu du bénéfice des allocations de
chômage, au remboursement de l'indu (C.T. Liège, Sème Ch., 2 septembre 1986, R.G. n" 12.574/85:
cette décision méconnaît, selon nous, la portée réelle d'un titre exécutoire infra n° 223 ; en outre, on
ne voit pas pourquoi une demande expresse de condamnation n'aurait pu être reçue en degré
d'appel). Adde. B. GRAULICH et P. PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, Ed.
Labor, Bruxelles, 1987, p. 307.
RÈGLES COMMUNES 185

adopter une attitude d'attente en pratiquant sur celles-ci une


retenue provisoire ayant les effets d'une saisie-arrêt conservatoire
qui ne reW:ecterait pas les règles énoncées par les articles 1413 et
suivants ( 8).

95) L'assiette de la retenue.

Le remboursement de la prestation sociale indûment ver-


sée s'effectue par retenue «de dix pour cent de chaque prestation
ultérieure fournie en faveur des bénéficiaires ou leurs ayants
droit». Il s'agit de toute prestation ultérieure payée par le même
organisme ou service de telle sorte que le droit de retenue ne peut
s'exercer sur des prestations différentes fournies par d'autres
organismes (7 39 ). Ainsi, lorsqu'un travailleur pensionné bénéficie
d'une pension de retraite d'ouvrier mineur, de la contrevaleur de
fournitures de charbon, d'une quote-part de pension de retraite
d'ouvrier mineur payée en application de la loi allemande et
d'allocations payées par le Fonds des maladies professionnelles, et
que la Caisse nationale des pensions de retraite et de survie
récupère d'office, des prestations indûment payées par elle, la
retenue de 10 % prévue par l'article 1410, § 4 du Code judiciaire ne
peut être opérée que sur le montant des prestations de pension
belge ou étrangère, sans que ce montant soit augmenté des
allocations du chef de maladies professionnelles (7 40 ).

(738) C.T. Mons, 20janvier1982, J.T.T., 1982, 368; Civ. Huy, ch.s., 22 novembre 1982, J.T.,
1983, 720; Contra, Trav. Charleroi, 3 février 1977, Rev. Dr. Soc., 1977, 434; Voy. aussi
Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1410, n° 9/3.3. A défaut de texte semblable
à l'art. 217 bis A.R. d'exécution C.I.R. (G. de LEVAL, La saisie-arrêt, p. 190 note 6), il n'est pas
concevable de reconnaitre à l'oganisme un droit de rétention fondé sur la connexité.
{7 39 ) J. LECLERCQ, op. cit .. Rev. Dr. Soc., 1975, p. 420, n" 56; Bull. Ouest. et Rép., Ch.
Repr., 1975, p. 2641, n° 173 bis précisant que «ceci résulte entre autres de l'avis du Conseil d'Etat
constatant que «la seconde phase pourrait faire croire erronément que pour l'application de cette
disposition, toutes les allocations de sécurité sociale belges et étrangères, quelle qu'en soit la nature,
sont prises en considération, alors qu'en réalité, il s'agit uniquement des avantages étrangers de
même nature que la «prestation ultérieure» visée dans la première phrase, qui est récupérée» (Doc.
Pari., Ch. Repr., 782-1, Sess., 1970-1971, 29 octobre 1970). Auparavant, ce problème n'avait pas été
aperçu par le législateur singulièrement lors des travaux préparatoires du Code judiciaire.
(74! 1) Cass., 19 février 1979, Pas., 1979, 1, 722; R.W., 1980-1981, 601; Rev. Dr. Soc., 1980,
19. De même, la C.N.P.R.S. chargée de récupérer l'indu ne peut calculer la retenue que sur le
montant cumulé des prestations ducs par la C.N.P.R.S. et par !'Office de Sécurité Sociale d'outre-
mer (C.T. Bruxelles. 8ème Ch., 29 mai 1975, Inédit, R.G. n° 5239). De même un organisme payeur
ne peut procéder à des retenues sur une pension de survie en vue de récupérer des allocations
familiales indues (C. ANNOYE, La pension de retraite, la pension de survie et l'indemnité
d'adaptation dans le régime des travailleurs salariés, J.T.T., 1976, n" 87, p. 65). De même l'article
1410, 4° ne permet pas de prendre en considération les prestations dues au conjoint de l'intéressé
(Trav. Anvers, 21février1975, R.D.S .. 1975. 330); comp. et contra, L. PETIT, op. cit., Ann. Dr.
Liège, 1984, 87-88.
186 TRAITÉ DES SAISIES

Ainsi, «cette interprétation de l'article 1410, § 4 du Code


judiciaire (7 41 ) peut avoir pour effet que les organismes sociaux se
trouvent dans l'impossibilité pratique de récupérer complètement
l'indu en raison, d'une part, de la limitation jusqu'à 10 % (sauf en
cas de dol de la part de l'assuré, où aucune limite n'est prévue) et,
d'autre part, surtout en cas d'octroi injustifié d'avantages sociaux
pour une période de longue durée lorsque le paiement indu n'est
constaté qu'après la fin de la situation protégée (par exemple, la fin
d'une période de maladie ou de chômage) et que cette même
situation ne se présente plus ultérieurement dans le chef du même
bénéficiaire. C'est que cette réglementation est avant tout basée sur
des considérations d'ordre social : la garantie d'un minimum de
moyens d'existence» (7 42 ). Cette solution expressément prévue
lorsqu'il s'agit de cumuler des avantages en vertu d'une ou de
plusieurs réglementations étrangères (art. 1410, § 4, al. 1er, avant
dernière phrase) est nécessairement applicable lorsqu'il s'agit de
prestations perçues en vertu de la législation belge (743 ) de telle
sorte que l'article 1411 ne peut être invoqué dans cette hypothèse
(744 ). La créance non réglée par le biais de l'article 1410, § 4 peut
évidemment être recouvrée par une mesure d'exécution sur les
autres biens du débiteur.

96) Le montant de la retenue.

Le montant de la retenue est en princi~e de dix pour cent


de la prestation ultérieure due, en règle (74 ), par l'organisme
payeur concerné par l'indu. Dans ce système, la retenue de 10 %
est prélevée sur la prestation ultérieure même si elle est totalement
ou partiellement insaisissable sur base de l'article 1409 (746 ) mais
des délais de paiement ayant pour effet de réduire voire de
suspendre ces prélèvements peuvent être accordés par le juge du

(741 ) Expressément formulée par l'article 1410, § 4, alinéa Ier, in fine, tel qu'il est modifié par
la loi du 29 juin 1981.
42
(' ) Bull. Ouest. et Rép., Ch. Repr., 1975, p. 2641, n° 173 bis ; voy. aussi les exceptions,
infra n° 96.
(743 ) Solution implicitement admise par l'article 1410, § 4, al. 2, in fine, infra, n° 96 B.
44
(' ) C.T. Liège, 6ème ch., 4 octobre 1974, Inédit, R.G. n° 3001173. Au sujet de l'article
1411, alinéa!, voy. supra, n° 83 A.
(745 ) Voy. au sujet des avantages étrangers, n° 95.
(746 ) L'article 1410, § 4 tel qu'il est modifié par l'article 31 de la loi du 29 juin 1981 organise au
contraire une déduction «compte tenu des limitations prescrites par l'article 1409» à moins que
l'allocation indue ait été obtenue frauduleusement.
RÈGLES COMMUNES 187

fond (7 47 ) ou, lorsque le titre n'est pas constitué par un jugement


de condamnation, par le juge des saisies, moyennant le respect de
l'article 1334 du Code judiciaire.
L'article 1410, § 4 prévoit deux cas dans lesquels le
montant de la retenue peut excéder 10 % :
a) Lorsqu'un avantage, prévu par l'article 1410 et dû par un service
ou organisme visé au § 4, est obtenu avec effet rétroactif, les
sommes échues et non encore payées, qui ne peuvent être
cumulées avec des avantages précédemment obtenus, peuvent
être retenues, sans limitation au profit de l'organisme ou du
service qui les a payées indûment (art. 1410, § 4, al. 1er in fine)
(748). Cette règle stricte ne s'applique pas lorsque la prestation
est due par un organisme non visé à l'article 1410, § 4 (749 ) ; elle
organise une véritable saisie-arrêt de plein droit privilégiée en
faveur de l'organisme créancier à charge du bénéficiaire (750 ).
Lorsqu'un organisme ou un service a payé indûment des
prestations de pension, il peut récupérer le montant de celles-ci
sur les sommes échues et non encore payées au bénéficiaire ou à
son conjoint non séparé, par un organisme ou un service chargé
de payer d'autres prestations de sécurité sociale ; cette récupéra-
tion peut être opérée sans tenir compte des délais de prescrip-
tion prévus par l'article 21, § 3 de la loi du 13 juin 1966, quand le
cumul de la prestation payée indûment et des autres westations
de sécurité sociale échues et non payées est interdit ( 51 ).
b) Lorsque le paiement indu a été obtenu frauduleusement la
récupération peut porter sur l'intégralité des prestations four-
nies ultérieurement (art. 1410, § 4, al. 2). Dans ce cas, le délai

747
( ) C.T. Bruxelles, lüème ch., 23 janvier 1975, Inédit, R.G. n° 4842, cité, in J.T.T., 1976,
n° 89, p. 65; C.T. Bruxelles, 13 juin 1975, J.T.T., 1976, 56; C.T. Anvers, Ier mars 1979, J.T.T.,
1981, 37; Trav. Liège, 7 novembre 1972, J.T.T., 1974, 216; L. PETIT, op. cil., Ann. Dr. Liège,
1984, 86-87.
(748 ) L'article 1410, § 4, alinéa 3 modifié par l'article 31 de la loi du 29 juin 1981 dispose: «De
la même manière, l'organisme ou le service octroyant avec effet rétroactif des prestations sociales ne
pouvant être cumulées avec des prestations sociales déjà payées par un autre organisme ou service
peut, pour le compte de ce dernier, déduire des arriérés les prestations payées indûment».
(749 ) Tel est le cas d'une pension due par les pouvoirs publics ou d'une indemnité de milice,
Avis du Conseil d'Etat, Doc. Pari., Ch., Sess., 1970-1971, Doc. 782, p. 7.
(750 ) Comp. J. LECLERCQ, op. cil., Rev. Dr. Soc., 1975, p. 418-419, n" 49 à 51; (l'auteur y
voit «Un véritable droit de subrogation légale entre les organismes de sécurité sociale»; adde. Ouest.
et Rép., Ch., Sess., 1974-1975, n° 173 bis, p. 2642; comp. H. DE PAGE, T. III, n° 514). Comp.
Annexe II, n° 9.
(7 51 ) Cass., 12 octobre 1981, Pas., 1982, 1, 216; J.T.T., 1982, 92.
188 TRAITÉ DES SAISIES

de prescription est porté de six mois à cinq ans (752 ). La fraude,


ou déloyauté dans le but de réaliser un gain, doit être prouvée
par l'organisme assureur (753 ) ; en effet, la bonne foi est
toujours ~résumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la
prouver (754) lors de l'instance judiciaire. Toutefois, lorsque les
prestations familiales ont été obtenues indûment suite à une
négligence ou à une omission de l'attributaire ou de l'allocataire,
la récupération peut porter sur l'intégralité des prestations
familiales dues ultérieurement au même allocataire (art. 1410, §
4, al. 2 complété par l'article 11 de la loi de redressement du 31
juillet 1984). Cette règle est ainsi motivée : «Dans le régime des
allocations familiales, dans bon nombre de cas les prestations
familiales sont payées à titre provisoire, en vue d'éviter une
interruption dans le paiement régulier des prestations familia-
les ; en outre, contrairement à beaucoup d'autres prestations
sociales, l'octroi des prestations familiales se renouvelle chaque
mois et cet octroi et le paiement sont influencés par de
nombreuses variables. L'un et l'autre ont pour conséquence,
lorsque l'allocataire ou l'attributaire ne signale pas ou signale
tardivement une modification dans sa situation ou une circon-
stance qui peut modifier l'octroi ou le paiement des prestations
familiales, que des prestations familiales sont perçues indûment
par l'allocataire. La récupération par retenue à concurrence de
10 % dans des cas pareils - qui sont nombreux - est
financièrement très néfaste pour le régime des allocations
familiales. Vu le caractère spécial de la fixation du droit aux
allocations familiales d'une part, vu le fait que contrairement à
la plupart des autres prestations sociales, il s'agit d'un revenu de
complément et non d'un revenu de remplacement, et vu le fait
que ces prestations ont été touchées indûment à la suite d'une

(752 ) En matière de pensions, l'action en répétition d'indu se prescrit aussi par cinq ans
lorsque l'indu résulte de «l'abstention du débiteur de produire une déclaration prescrite par une
disposition légale ou réglementaire ou résultant d'un engagement souscrit antérieurement» (A.R. n°
205 du 29 août 1983, art. 3 et 4 modifiant l'art. 21 § 3 de la loi du 13 juin 1966).
(7 53 ) C.T. Bruxelles, 10 janvier 1973, C.T. Liège, 23 octobre 1972 et Trav. Bruxelles, 28 juin
1973, J.T.T., 1974, 213-214; Trav. Bruxelles, 17 avril 1986, Jur. des Jur. Trav. Bruxelles, 1986, 194;
J. LECLERCQ, op. cit., Rev. Dr. Soc., 1975, p. 423, n" 62; N. DELPEREE, La prescription des
prestations payées indûment en cas de dol ou de fraude, R.B.S.S., 1979, p. 197 ; au sujet du droit
pourle juge de suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, voy. N. DELPEREE, op. cit.,
R.B.S.S., 1979, p. 198-199 et C.T. Mons, 20 janvier 1982, J.T.T., 1982, 368. Voy. aussi Cass., 4
février 1985, Pas., 1985, !, 660, J.T.T., 1985, 308 (l'action en répétition d'une pension payée
indûment se prescrit par cinq ans en cas de dol ou de fraude (art. 21 § 3 loi du 13 juin 1966 mod. Loi
du 5 juin 1970). En vue de l'application de cette disposition, sont considérés comme fraude ou dol
tout acte ou toute négligence visant à obtenir ou à garder, par tromperie, des allocations indues).
(7 54 ) C.T. Liège, 17janvier1977, Jur. Liège, 1976-1977, 202.
RÈGLES COMMUNES 189

faute de l'allocataire ou de l'attributaire lui-même, il est justifié


de déroger à la règle fixée à l'article 1410, § 4, alinéa 1er selon
laquelle les prestations familiales octroyées indûment peuvent
être retenues à concurrence de 10 %. L'objectif de cet article est
dès lors de compléter ledit article 1410, § 4 par une disposition
selon laquelle les prestations familiales touchées indûment
peuvent être récupérées d'office intégralement par dérogation à
l'article 1410, § 4, alinéa 1er. Il est évident que dans les autres
cas, la récupération d'office reste limitée à 10 % » (755 ).

§ 5. - La protection du créancier d'aliments en cas de saisie ou


de cession de revenus prévus aux articles 1409 et 1410.

97) L'article 1412.

Les règles édictées par les articles 1409 et 1410 ont pour
but de garantir un revenu minimum à la personne endettée et à sa
famille ; si le débiteur n'assure pas la subsistance de celle-ci, «il est
logique qu'il ne bénéficie pas d'une protection légale qui s'oppose-
rait précisément à ce que la rémunération remplisse sa fonction
normale» (756). Dans sa version originale, l'article 1412 disposait
que: «Les limitations prévues aux articles 1409 et 1410 ne sont pas
applicables :
1° - lorsque la cession ou la saisie sont opérées en raison des
obligations alimentaires prévues par les articles 203, 205, 206,
207, 212, 268, alinéa 1er, 301, 303, 337, 340b, 340c, 342a, 351,
762, 1448, 1537 et 1575 du Code civil ;

(755 ) Projet de loi de redressement, Doc. Pari.. Ch. Sess., 1983-1984, n° 927/1, p. 6; voy.
aussi l'avis du Conseil d'Etat n° 927/1 (annexe), p. 3 qui relève: «On remarquera qu'il y aura
désormais, en ce qui concerne les prestations familiales, trois possibilités de récupération par
imputation sur les prestations ultérieures : - la récupération jusqu'à concurrence de 10 % ; - en cas
de fraude : la récupération sur l'intégralité ; - en cas de négligence ou d'omission dans le chef de
l'attributaire ou de l'allocataire : également la récupération sur l'intégralité. On constatera également
que la modification prévue par le projet aura pour effet de toucher l'allocataire dans ses revenus,
même si l'omission ou la négligence est exclusivement imputable à l'attributaire» ... «Pour être
complet, il convient d'attirer l'attention sur le fait que l'article 31 de la loi du 29 juin 1981 établissant
les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés prévoit un texte entièrement
nouveau pour l'article 1410, § 4 du Code judiciaire. Cet article 31 n'est pas encore entré en vigueur. Si
le présent projet entend conférer un caractère permanent à la modification qu'il prévoit, l'article 31
précité devra être adapté avant qu'il ne soit mis en vigueur». (Adde. à ce sujet, R. HENRION, Les
lois oubliées, J.T., 1987, p. 263-264, n°' 7 à 10).
('56 ) R.P.D.B., Cpt III, V° Contrat d'emploi et contrat de travail, n° 405; J. NORMAND,
Le contentieux social en droit judiciaire français in L'évolution du droit judiciaire, Xlès Journées
DABIN, Bruylant, 1984, p. 83, n° 81.
190 TRAITÉ DES SAISIES

2° - lorsque la rémunération, la pension ou l'allocation doit être


payée au conjoint du travailleur par application de l'article
218 ou de l'article 268, alinéa 2 du Code civil.
Lorsque tout ou partie des sommes dues au travailleur ne
peuvent lui être payées pour l'une des causes prévues à l'alinéa 1er,
ces sommes ne sont saisissables ou cessibles d'un autre chef qu'à
concurrence de la quotité déterminée conformément aux disposi-
tions du présent chapitre, diminuée des montants cédés, saisis ou
payés au conjoint en vertu des dispositions légales indiquées au
premier alinéa».
Ce texte a été modifié afin d'y supprimer certaines référen-
ces à des articles abrogés et de l'adapter au projet de loi modifiant
diverses dispositions légales relatives à la filiation (757 ). L'article 87
de cette loi remplace l'article 1412 par la disposition suivante: «Les
limitations prévues aux articles 1409 et 1410 ne sont pas applica-
bles:
1° - lorsque la cession ou la saisie sont opérées en raison des
obligations alimentaires prévues par les articles 203, 203bis,
205, 206, 207, 213, 223, 301, 303, 306, 307, 336 ou 364 du
Code civil, par l'article 1280, alinéa 1er, du présent Code ou
par une convention conclue en vertu de l'article 1288 (758 ) ou
de l'article 1306 du présent Code ;
2° - lorsque la rémunération, la pension ou l'allocation doit être
payée au conjoint ou à un autre créancier d'aliments en
application des articles 203ter, 221, 301bis du Code civil ou
1280, alinéa 5, du présent Code.
Lorsque tout ou partie des sommes dues au travailleur ne
peuvent lui être payées pour l'une des causes prévues à l'alinéa 1er,
ces sommes ne sont saisissables ou cessibles d'un autre chef qu'à
concurrence de la quotité déterminée conformément aux disposi-
tions du présent chapitre, diminuée des montants cédés, saisis ou
payés au conjoint ou au créancier d'aliments en vertu des disposi-
tions légales indiquées au premier alinéa».

(757 ) Doc. Pari. Sénat, Sess., 1985-1986, n° 338/1; comp. Proposition de loi modifiant les
articles 1410 et 1412 du Code judiciaire, Doc. Pari., Sénat, Sess., 1985-1986, n° 270/1.
(7 58 ) Au contraire, dans sa version originaire, l'article 1412 était inapplicable à la pension
alimentaire due entre époux ou ex-époux en matière de divorce par consentement mutuel (M. Th.
MEULDERS-KLEIN, op. cit., R.C.J.B., 1979, p. 476, n" 12; G. de LEVAL, La saisie-arrêt,
Liège, 1976, p. 107, note 191 ; Civ. Verviers, ch.s., 16 janvier 1987, R.G., n" 397/34). Par contre, une
telle créance a toujours été protégée par l'article 1410, § Ier, 2° (supra, n" 85 A).
RÈGLES COMMUNES 191

Texte de stricte interprétation, l'article 1412 est inapplica-


ble aux créances non énumérées au texte (759 ). Toutefois, l'appli-
cation de l'article 1412 n'est pas limité au principal de la créance ; la
créance protégée peut donc s'entendre du principal et des intérêts
(760).

Il s'agit d'un système de protection« intuitu personae ». En


principe (761 ), le créancier qui exerce un recours subrogatoire
contre le débiteur d'aliments ne bénéficie pas du régime organisé en
faveur du créancier originaire.

Deux règles sont énoncées dans ce texte : les règles de


l'insaisissabilité ne sont pas opposables au créancier d'aliments (n°
98) ; le créancier d'aliments bénéficie d'un traitement préférentiel ·
par rapport aux autres créanciers du débiteur (n° 99).

98) Saisissabilité totale.

«Les limitations prévues aux articles 1409 et 1410 ne sont


pas applicables» de telle sorte que les créances énumérées par ces
dispositions sont intégralement saisissables par le créancier d'ali-
ments auquel le débiteur d'aliments ne peut opposer la compensa-
tion que dans les limites de la saisissabilité de la pension alimentaire
(762).

L'article 1412 protège les créances d'aliments sans distin-


guer entre terme mensuel courant et termes échus ni entre saisie
conservatoire (voy. n° 227) et saisie-exécution. Sous réserve d'un
arrangement amiable entre parties, il est donc possible de priver le
débiteur de l'entièreté de ses ressources aussi longtemps que les

(7 59 ) Ainsi la protection organisée par l'article 1412 ne s'étend pas au recouvrement de la part
contributive prévue par l'article 71 de la loi sur la protection de la jeunesse.
(760 ) Comp. Civ. Bruxelles, ch.s., 27 janvier 1986, R.G. n" 14.096 (inédit) qui cite la règle
«l'accessoire suit le sort du principal» en matière de frais de saisie-arrêt-exécution exposés tant au
bénéfice de la saisissante que des autres créanciers. En cc qui concerne les frais de saisie, il y a lieu
d'appliquer le privilège des art. 19, 1° et 21 de la loi hypoth.
61
(' ) JI importe de réserver l'existence de textes spéciaux (supra. n° 92 et note 728). Adde.
supra, n° 56 et note 406.
{762 ) Supra, n° 85 C.
192 TRAITÉ DES SAISIES

arriérés n'ont Qas été payés (763 ) (764). Toutefois, lorsque des
termes échus (765 ) sont dus en raison de l'effet déclaratif du
jugement auquel il peut cependant être dérogé à la demande d'une
partie (766 ), des termes et délais peuvent être accordés pour leur
règlement (767 ).
Pour l'avenir, si du fait de la diminution de ses ressources
ou de toute autre circonstance, le débiteur estime ne plus être en
mesure de faire face à l'obligation alimentaire mise à sa charge, il
lui appartient d'exercer une action en réduction ou en suppression
de pension alimentaire (768).
Mais en toute hypothèse, le tiers doit respecter la saisie,
sans intervenir dans les contestations opposant le saisi au saisissant
(769).

(763 ) Cette situation n'ouvrira pas nécessairement un droit au « minimex » pour le saisi dans la
mesure où les ressources de celui-ci doivent être prises en compte indépendamment de toute saisie,
C.T. Liège (section de Namur), 4 mars 1985, J.T.T., 1986, 297; Chron. Dr. Soc., 1986, 49, Jur.
Liège, 1985, 569; Rev. Rég. Dr., 1985, 234; cet arrêt précise: «par ailleurs, il semble évident que les
sommes imputées sur les dettes font partie des ressources dont Mr. W.M. disposait, puisqu'elles lui
ont servi à payer ses dettes ; raisonner autrement aboutirait enfin à mettre à charge des finances
publiques les contributions alimentaires impayées et à réserver, en fait, à ceux qui ne respectent pas
leurs obligations alimentaires, une situation plus favorable qu'aux autres puisque ces derniers ne
pourraient en l'absence de dettes, opérer de déduction dans le calcul de leurs ressources». Voy. aussi
dans le même sens, Trav. Bruges, 10 décembre 1984, R.W., 1984-1985, 2153 et Chron. Dr. Soc.,
1985, 162; Comp. Bruxelles, 12 juin 1985, Bull. Contr., 1986, 332 («Attendu que la créance sur la
commune de Ternat ( ... F) fait cependant bien partie de la base imposable ; que la saisie conservatoire
entre les mains de la commune de Ternat reste étrangère à la validité de la facture»).
(7 64 ) Comp. et contra, la perspective purement prétorienne ouverte par un arrêt de la Cour de
cassation de France fondée sur l'idée qu'un minimum irréductible de survie doit être assuré au
débiteur d'aliments (Cass. Fr., 10 octobre 1984, R.T.D.C., 1985, p. 218, n° 12 et obs. R. PERROT).
(7 65 ) En matière de délégation, voy. toutefois Cass., 14 septembre 1973, Pas., 1974, 1, 33 et
obs. E.K. et les obs. critiques de E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence, Les personnes,
R.C.J.B., 1978, p. 313, n" 75; adde. F. RIGAUX, Les droits propres conférés par l'article 1412,
alinéa 2 du Code judiciaire à l'époux ayant obtenu une délégation de somme à l'encontre des
créanciers du conjoint en défaut de contribuer aux charges du mariage, R.C.J.B., 1976, p. 133, note
36.
(766 ) P. MATHIEU, note sous Civ. Namur (Réf.), 11octobre1976 et Civ. Namur (juge des
saisies), 17 septembre 1976, Rev. Rég. Dr., 1977, 231 ; E. POITEVIN et G. HIERNAUX,
Chronique de jurisprudence, Divorce et séparation de corps (1974-1976), J.T., 1977, p. 520-521, n°s
71 et 72; voy. aussi J.P. Etterbeek, Ier avril 1982, R.T.D.F., 1985, 41.
(767 ) G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale,
in L'évolution du droit judiciaire, Xles Journées d'études juridiques Jean DABIN, Bruxelles,
Bruylant, 1984, p. 886, n" 13; obs. sous Civ. Tournai, 28 juin 1984, J.T., 1985, 152; supra, n° 20.
(768 ) Au sujet de l'effet rétroactif de la décision modificative, voy. Liège, 18 février 1986, Jur.
Liège, 1986, 294 et J.P. Saint-Hubert, 17 octobre 1985, Jur. Liège, 1986, 173 et obs. J.M.D. ; adde.
J.P. Berchem, 27 décembre 1983, R.T.D.F., 1985, 343 et M. KRINGS, La répétition d'arrérages
payés à un créancier d'aliments, note sous Civ. Bruxelles, 6 mai 1980, R.T.D.F., 1980, p. 328-330.
(7 69 ) Voy. supra, n° 86 C.
RÈGLES COMMUNES 193

99) Le super-privilège du créancier d'aliments.

L'article 1412, alinéa 2 du Code judiciaire attribue au


créancier d'aliments un super-privilège sur les créances prévues aux
articles 1409 et 1410 en ce sens que:

une priorité absolue est reconnue au créancier d'aliments vis-à-


vis des autres créanciers du débiteur ;

les autres créanciers (cessionnaires ou saisissants) ne peuvent


faire valoir leurs droits que sur la quotité saisissable ou cessible
diminuée du montant attribué aux créanciers d'aliments.

Cette double protection doit être précisée.

a) La priorité absolue reconnue au créancier d'aliments.

1. - L'article 1412 assortit des mêmes garanties d'exécution la


pension alimentaire et la délégation de somme lorsqu'elles ont pour
objet les créances énumérées par les articles 1409 et 1410 (7 70 ) sur
lesquelles le créancier alimentaire et le délégataire ont un super-
privilège (771 ) leur permettant d'être préférés à tout autre créan-
cier. Ainsi, il résulte de l'article 1412, alinéa 2 que le régime du
«mandat de justice», plus défavorable que celui de la saisie
pratiquée par un créancier chirographaire car le délégataire doit
subir les saisies des créanciers du délégant, ne subsiste que lorsqu'il}
a lieu à délégation en vertu des articles 221 et 223 du Code civil (7 7 )

(7 70 ) Infra, n° 99 b in fine.
(7 71 ) L'expression «super-privilège» est techniquement inadéquate dans la mesure où le droit
du créancier d'aliments s'exerce sur la quotité insaisissable ou incessible (J. CAEYMAEX, Manuel
des sûretés mobilières, Ed. Jeune Barreau, Liège 75/6). Toutefois, eu égard à la règle énoncée par
l'article 1412, alinéa 2 (infra B), l'expression globale de «super-privilège» peut être maintenue
(comp. A. Ch. VAN GYSEL, Sur quelques idées reçues à propos des obligations alimentaires, J.T.,
1987, 341 ; l'auteur parle d'«un effet de privilège» en se référant à Mme CHABOT-LEONARD, op.
cit., p. 188-189 et à M. RIGAUX, Les personnes, T. 1, mise à jour 1978, n° 74, p. 50-51). En bref, on
se trouve en présence d'une voie d'exécution privilégiée.
(7 72 ) Voy. Cass., 15 novembre 1985, Pas., 1986, I, 314. La délégation qui assortit les
condamnations au paiement d'une pension alimentaire prévue par l'article 301 du C. civ. et l'article
1280 du C. jud. n'est pas un mandat de justice mais une mesure d'exécution simplifiée. Il en va de
même de la délégation prévue par l'article 203 ter du Code civil (art. 34 de la loi du 31 mars 1987
modifiant diverses dispositions légales relatives à la filiation) de telle sorte que la délégation de
somme assure désormais l'exécution de la plupart des dettes d'aliments (M.T. MEULDERS-
KLEIN, L'établissement et les effets personnels de la filiation selon la loi belge du 31mars1987,
Ann. Dr., 1987, p. 305 à 307, n°s 196 à 200; infra, note 1895). Au sujet de la délégation allouée dans
le cadre de l'art. 223, C. civ., voy. Cass., 28 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 211 et obs. C.
PANIER.
194 TRAITÉ DES SAISIES

sur des biens autres que ceux énumérés aux articles 1409 et 1410
(773).
2. - Toutes les créances d'aliments visées à l'article 1412,
alinéa 1er bénéficient du privilège prévu par l'article 1412, alinéa 2
même si cet alinéa ne fait état, dans sa version originaire, que «des
montants cédés, saisis ou payés au conjoint» ; il s'agit en effet de
protéger le créancier qui peut se prévaloir d'«une des causes
prévues à l'alinéa 1er», ainsi que l'énonce également l'article 1412,
alinéa 2. Au demeurant, on ne s'explique pas la raison pour
laquelle seul le conjoint bénéficierait du privilège organisé par
l'article 1412, alinéa 2 (774 ). Heureusement, toute équivoque est à
présent dissipée ; dans sa formulation nouvelle, l'article 1412,
alinéa 2 ajoute «OU au créancier d'aliments».
On a aussi soutenu que l'article 1412 ne s'applique pas à la
seule délégation assortissant la pension après divorce pour cause
déterminée (art. 301 et 301 bis du C. civ.) car il ressort des termes
«payés au conjoint» que seule la délégation dont profite l'époux,
bénéficie de la préférence prévue par l'article 1412, alinéa 2 ; par
contre, si la créance alimentaire prévue par l'article 301 du Code
civil est recouvrée par voie de saisie-arrêt-exécution, elle bénéficie
du régime organisé par l'article 1412 (775 ). Selon nous, le terme
conjoint (dissocié en l'espèce des mots «cédés, saisis») vise le quod
plerumque fit. Il est invraisemblable qu'une même créance soit
soumise à des régimes diamétralement opposés suivant le mode

(773 ) Sur cette question, voy. F. RIGAUX, Les droits propres conférés par l'article 1412,
alinéa 2 du Code judiciaire à l'époux ayant obtenu une délégation de somme à l'encontre des
créanciers du conjoint en défaut de contribuer aux charges du mariage, R.C.J.B., 1976, p. 133, n°
24; G. DEMEZ, L'exécution des obligations alimentaires, Ann. Dr., 1979, p. 271 ; G. de LEVAL,
Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 646, n° 61; comp. E. VIEUJEAN, Examen de
jurisprudence - Les personnes, R.C.J.B., 1978, p. 310, n° 74 pour lequel «en dépit de son
importance pratique, l'article 1412, alinéa 2 du Code judiciaire n'est qu'une exception et l'autorisa-
tion accordée par le juge de paix est, aujourd'hui comme hier, un mandat de justice» et F. TOP,
Loonbeslag, loondelegatie en loonoverdracht: problemen bij de evenredige verdeling, T.P.R., 1983,
p. 390, n°s 54 et 55 et p. 394, n° 59.
(7 74 ) Voy. cependant, avant la loi du 31mars1987, R. RIGAUX, op. cit., R.C.J.B., 1976, p.
131, n° 22 et J. CAEYMAEX, Manuel des sûretés mobilières, Ed. Jeune Barreau Liège, 75/5 qui
estime que «dans le silence des travaux préparatoires, le texte commande de limiter le droit de
préférence au seul conjoint créancier d'aliments ou délégataire. Sont exclus du privilège les autres
créanciers alimentaires et l'ex-conjoint délégataire». Dans ce système, le créancier d'aliments non
protégé par l'article 1412, alinéa 2 devait exercer son droit exclusif sur la partie insaisissable et venir
en concours sur la partie saisissable, ce qui aggravait la situation du saisi (infra B).
(775 ) F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 391-392, n° 56.
RÈGLES COMMUNES 195

d'exécution mis en oeuvre et que le bénéficiaire de la délégation


soit pénalisé en recourant à une mesure de saisie-arrêt simplifiée
destinée à lui permettre d'obtenir plus facilement le paiement de sa
créance. Certes, les exceptions à la loi du concours sont de stricte
interprétation mais il importe de donner à l'exception la portée qui
est la sienne et non point de la limiter indûment au nom de
l'interprétation stricte. Heureusement, il n'y a plus matière à
discussion depuis que l'article 1412, alinéa 2, tel qu'il est modifié
par l'article 87 de la loi du 31 mars 1987 modifiant diverses
dispositions légales relatives à la filiation, est entré en vigueur ; il
met expressément sur le même pied le conjoint et le créancier
d'aliments (776).
3. - La priorité reconnue au créancier d'aliments est absolue
non seulement en raison du super-privilège qui lui est attribué mais
aussi en raison de l'inopposabilité des actes accomplis par les autres
créanciers antérieurement à la mise en oeuvre des droits du
créancier d'aliments sur les créances qui se trouvent dans le
patrimoine du débiteur. Cette règle ne présente rien d'anormal
dans les rapports entre le créancier d'aliments et un saisissant
antérieur car celui-ci n'obtient aucune cause de préférence et ne fait
pas sortir la créance du patrimoine du débiteur en la mettant sous la
main de la justice (777 ). Par contre, elle est exceptionnelle dans la
mesure où antérieurement à la saisie alimentaire, une cession de
créance a été rendue opposable aux tiers. En effet, une cession de
créance fait en principe sortir la créance du patrimoine du cédant de
telle sorte qu'une saisie pratiquée ultérieurement sur la même
créance par un créancier du cédant est sans objet (7 78 ). En ne
faisant aucune distinction entre les cessions antérieures ou posté-
rieures à une saisie, délégation ou cession mise en oeuvre pour
obtenir le paiement des sommes dues pour une des causes prévues à
l'article 1412, alinéa 1er, le législateur déroge à la règle précitée
(779 ) afin qu'une priorité absolue soit reconnue au créancier

76
{' Supra, n° 97.
)
77
(' Comp. et contra en cas de délégation, F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 394, n° 59 pour
)
lequel le créancier délégataire viendrait en concours sur la quotité saisissable et absorberait
éventuellement la quotité insaisissable.
78
(' ) G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, n° 77, p. 120.
79
(' ) Voy. aussi infra, n° 103 B, l'article 3, alinéa 2 de la loi du 3 janvier 1958 relative aux
cessions et mises en gage de créances sur l'Etat du chef de travaux et fournitures.
196 TRAITÉ DES SAISIES

d'aliments sur les mensualités dues à dater de son intervention y


compris à l'égard d'un cessionnaire antérieur (780) (781 ).
4. - Un conflit peut se produire entre créanciers d'aliments
bénéficiant du même privilège. Tel est le cas lorsqu'une épouse
délégataire en vertu de l'article 221, C. civ. et une ex-épouse
créancière d'une pension alimentaire après divorce (art. 301 C.
civ.) concourent sur la rémunération du débiteur d'aliments (782).
Dans ce cas, il y a lieu, sauf texte spécial, selon nous d'appliquer
l'article 14 de la loi hypothécaire : «les créanciers privilégiés qui
sont dans le même rang sont payés par concurrence» ; or, cette
question est à présent tranchée à titre préventif par le juge du fond.
L'article 85 de la loi du 31mars1987 modifiant diverses dispositions
légales relatives à la filiation insère dans le Code judiciaire un
article 1390 ter rédigé comme suit : «Lorsqu'une délégation est
demandée en vertu des articles 203 ter, 221, 301 bis, du Code civil
ou 1280, cinquième alinéa, du présent Code, le greffier de la
juridiction saisie joint au dossier le relevé des avis prévus aux
articles 1390 et 1390 bis, s'il en existe. Si les revenus ou les sommes
sur lesquels porte la demande font déjà l'objet d'une délégation ou
d'une saisie pour cause d'aliments, le greffier notifie sous pli
judiciaire au bénéficiaire de la délégation ou au saisissant, pour le
mettre à la cause, une copie de la requête ou de la citation avec
invitation à comparaître. Le défendeur peut également mettre à la
cause les créanciers auxquels il a été condamné à payer des aliments

(7 80) Avis des Commissions réunies de l'Emploi et du Travail et de la Justice, Doc. Pari., Ch.,
1962-1963, n° 471/11, p. 21 (il s'agit des travaux préparatoires de la loi du 12 avril 1965 concernant la
protection de la rémunération des travailleurs et dont l'article 26 énonce les principes ultérieurement
repris par l'article 1412, C. jud.); Liège, 3 mars 1982, Jur. Liège, 1982, 258 confirmant Civ. Huy, 30
juin 1981, Jur. Liège, 1982, 259; C.T. Liège, 18 décembre 1987, R.G., n°13.632/86; Civ. Bruxelles,
ch.s., 25 mai 1987, J.L.M.B., 1987, 1001; G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions
judiciaires en matière familiale, in L'évolution du droit judiciaire, Xlès Journées d'études Jean
DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 889, n° 17; G. de LEVAL, Observations sur la procédure
relative à la cession de rémunération, J.L., 1982, p. 288; M. JAMOULLE, Le contrat de travail, T.
Il, Liège, 1986, p. 113, n° 105; E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence, Les Personnes (1976-
1983), R.C.J.B., 1986, p. 592, n° 98; J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence (1972 à
1985), Droit judiciaire privé. Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 424, n°
20; Versailles, 27 avril 1984, Rev. Trim. du Barreau de Versailles, 1986, 71 ; contra Civ. Courtrai,
ch.s., 25 février 1985, R.W., 1985-1986, 257 et obs. F. TOP (Loondelegatie na loonoverdracht: aan
wie de voorrang ?) ; F. TOP, op. cil., T.P.R., 1983, p. 369, n° 65 et p. 411, n° 99, l'auteur faisant
observer que l'opposabilité de la cession antérieure à une mesure alimentaire illimitée n'empêche pas
que celle-ci appréhende la partie incessible des sommes énoncées par les articles 1409 et 1410; comp.
Cass. Fr., 24 juin 1987, J.C.P., 1987, IV, 301.
(7 81 ) La matière de la cession de rémunération par acte sous seing privé étant fréquemment
sollicitée à l'occasion de l'application de l'article 1412, un bref commentaire lui est consacré dans une
annexe III.
(782 ) Voy. aussi G. DEMEZ, op. cit., Ann. Dr., 1979, p. 272-273 et M. Th. MEULDERS-
KLEIN, La réforme du droit de la filiation et de l'adoption, R.T.D.F . ., 1979, p. 55, n° 92.
RÈGLES COMMUNES 197

mais qui ne bénéficient pas d'une délégation et qui n'ont pas


pratiqué de saisie. Les parties entendues, le juge détermine, au
besoin, la répartition à opérer entre les créanciers d'aliments».
Ainsi grâce aux avis de saisie et aux avis de délégation
(783 ), la miseà la cause des autres créanciers d'aliments ayant
pratiqué une saisie-arrêt ou une délégation s'effectuera de manière
automatique (comp. art. 811, c. jud.) (784) (785 ).

b) Le solde affecté au paiement des autres créances.


Pour déterminer le solde éventuel revenant aux autres
créanciers, il importe de déduire de la quotité saisissable ou cessible
de la créance appréhendée le montant de la pension alimentaire
payée conformément à l'article 1412. Ainsi, si une pension alimen-
taire de 15.000 francs est prélevée sur une rémunération nette de
40.000 francs, la quotité cessible ou saisissable de 13.600 francs est
complètement épuisée de telle sorte que les autres créanciers ne
peuvent faire valoir aucun droit sur le solde de 25.000 francs (786).
Si par contre, on tient compte du solde de la rémunération, celle-ci
demeure saisissable à concurrence de 1/5è entre 19.000 et 23.000
francs et de 2/5è entre 23.000 et 25.000 francs, soit 1.600 francs. Si
cette solution, évidemment plus favorable pour les créanciers,
trouve un appui dans les travaux préparatoires du Code judiciaire

(7 83 ) Voy. infra, n°s 109 B et 112 A (nécessité d'adapter l'avis de saisie).


(7 84 ) Les pouvoirs du juge du fond sont étendus ; ils portent tant sur le montant des créances
que sur le règlement du concours : "La répartition incombe au juge saisi de la demande de délégation
et non au juge des saisies. En effet, celui-ci n'est pas compétent pour accorder une délégation, et l'on
compliquerait inutilement la procédure si l'on obligeait le demandeur à agir successivement devant le
juge compétent pour lui accorder une délégation et devant le juge des saisies. D'ailleurs, il ne s'agit
pas de répartir les sommes selon des privilèges, des droits de préférence fixés d'une manière générale
par la loi, suivant les règles légales du concours entre créanciers, mais bien de déterminer les droits de
chacun à la faveur d'une appréciation d'équité, variable au gré des espèces et semblables à celles que
font quotidiennement les juges auxquels la loi confie les demandes d'aliments, et il faudra, au besoin
et dans la mesure où la loi le permet, revoir à la lumière des éléments nouveaux les pensions ou les
délégations auxquelles le défendeur a été antérieurement condamné» (Doc. Pari., Ch., Sess. 1985-
1986, n° 37817, p. 3).
85
(' ) Sur certaines difficultés de mise en oeuvre de l'art. 1390 ter, voy. J. ROSSILLION, Des
avis de délégation, Ann. Dr. Liège, 1987, p. 453-454. ·
86
(' ) Parfois, on en déduit à juste titre qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des autres dettes du
débiteur d'aliments pour déterminer ses facultés contributives. Ainsi, il a été décidé que da charge
des dettes de la communauté s'opère après l'allocation d'une pension, fondée sur l'article 301, C. civ.
et qu'il n'y a (dès lors) pas lieu de tenir compte de l'intervention des créanciers du défendeur, autant
que celui-ci le souhaiterait» (J.P. Fexhe-Slins, 7 juin 1978, R.G., n° 3469) ou que même si le débiteur
est endetté à l'égard d'organismes de financement, «il n'en reste pas moins vrai que la première
obligation du défendeur sur reconvention, celle qui a priorité sur toutes les autres, est de nourrir ses
enfants ... » (J.P. Fosses-la-Ville, 27 octobre 1981, Rev. Rég. Dr., 1982, 22).
198 TRAITÉ DES SAISIES

(787 ), force est de constater qu'elle n'est pas retenue par l'article
1412, alinéa 2 qui, de manière tout à fait claire, déduit le montant
payé au créancier d'aliments «de la quotité déterminée conformé-
ment aux dispositions du présent chapitre» (788 ).
Il importe de préciser que les revenus et capitaux autres
que ceux qui sont visés par les articles 1409 et 1410 sont totalement
saisissables par les tiers et que le créancier d'aliments doit dans une
telle hypothèse (789 ) subir la loi du concours comme créancier
chirographaire. Enfin, on rappelle que les créances d'aliments
demeurent saisissables à charge du bénéficiaire dans les limites
prévues par l'article 1409 (790 ).

100) Les risques d'abus et leur sanction.

L'article 1412 peut encourager les ménages endettés à


recourir à une procédure de délégation ou de saisie de caractère
alimentaire afin de faire attribuer à un conjoint une partie de la
rémunération de l'autre et de diminuer, voire de supprimer les
effets d'une saisie ou d'une cession. Il importe évidemment de
prévenir ou de sanctionner les pratiques frauduleuses (791 ). Ainsi,
«l'autorisation de délégation peut être affectée de conditions dans
le chef du délégataire : obligation ... d'affectation prioritaire des
sommes déléguées à certaines charges du mariage» (792) mais en
cas de concours avec d'autres créanciers, une telle décision ne
pourrait exposer ceux-ci à un traitement inégalitaire que ne
justifierait pas une cause légale ou conventionnelle de préférence.
Si le fait pour un débiteur d'invoquer une décision judi-
ciaire et ses conséquences légales, en l'espèce une décision de
délégation de salaire, aux fins d'éviter la saisie de son salaire par un

(787 ) On lit dans le rapport DE BAECK (Pasin., 1967, 883): «en cas de saisie du chef d'une
obligation alimentaire, le solde de la rémunération, après paiement de la dette alimentaire, est seul
pris en considération pour déterminer la quotité saisissable ou cessible». Cette solution est admise
parF. TOP, op. cil., T.P.R., 1983, p. 389, n" 53.
(788 ) Voy. en ce sens, Bruxelles, 25 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 50. En matière de
revenus promérités par le failli, débiteur d'aliments, voy. supra n° 79, Il, Cet note 556.
(7 89 ) Exemples : produit de vente d'un immeuble (Civ. Liège, 4 mars 1983, Jurisprudence du
Code judiciaire, Article 1412, 2 ter) ; loyers ; indemnité réparatrice d'un préjudice corporel résultant
d'un accident de droit commun, etc.
(790 ) Supra, n° 85 B à D; F. RIGAUX, op. cit., R.C.J.B., 1976, p. 132, n° 23.
(7 91 ) Rapport HERMANS, Pasin., 1967, p. 989.
(792 ) R.P.D.B., Compl. VI, Régimes matrimoniaux (droit interne), n° 596; F. TOP, op. cit.,
T.P.R., 1983, p. 390-391, n° 55.
RÈGLES COMMUNES 199

créancier, ne peut à lui seul justifier une décision de condamnation


du chef du délit d'insolvabilité frauduleuse (art. 490 bis C. pénal)
(793 ), le créancier peut cependant demander la modification de la
décision (794). En d'autres termes, le tiers peut demander la
rétractation du jugement qui préjudicie à ses droits en formant une
tierce-opposition (795 ) notamment ouverte aux créanciers «en cas
de fraude de leur débiteur ou s'ils peuvent invoquer une hypothè-
que, un privilège ou tout autre droit distinct de leur droit de
créance» ; ainsi un créancier est recevable en dehors de toute
fraude de son débiteur à faire état du droit prowe (796 ) qu'il tient
de la mise en oeuvre antérieure d'une cession ( 97 ) ou d'une saisie
de telle sorte que les effets d'une délégation obtenue -suite à un
manquement même réel à l'obligation de contribution aux charges
du mariage sont susceptibles d'être rendus en tout ou en partie
inopposables au créancier. Il s'agit à notre avis d'une question qui
relève de l'appréciation souveraine du juge saisi du recours (comp.
art. 1390 ter C. jud., supra, n° 99 A, in fine).

§ 6. - Insaisissabilité et incessibilité des fonds dus par l'Etat


aux entrepreneurs de l'Etat et aux fournisseurs du
Ministère de la Défense nationale.

101) Le principe et les exceptions. Justification.


Aux termes de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1958
relative aux cessions et mises en gage de créances sur l'Etat du chef

(7 93 ) Cass., 12 mars 1974, Pas., 1974, 1, 713. Il faudrait qu'il soit constaté que les époux, ou
l'un d'eux, ont obtenu, par la production d'éléments inexacts ou d'une manière illicite, une décision
autorisant la perception pour un montant sans rapport avec les besoins réels du ménage ; comp. et
contra F. RIGAUX, op. cit., R.C.J.B., 1976, p. 134-135, n°s 25 à 27 pour lequel il y a bien fraude au
sens de l'article 490 bis du Code pénal lorsque des époux vivant en bonne intelligence feignent une
transgression de l'obligation de contribuer aux charges du ménage pour se placer sous la protection
de l'article 1412, alinéa 2; voy. aussi J.P. MASSON, Le délit d'organisation frauduleuse de
l'insolvabilité, Liber Amicorum Beckaert, Gent, 1977, p. 249.
(794 ) Cass., 12 mars 1974, précité: «sauf modification de la décision à la demande de ce
tiers».
(7 95 ) G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale,
in L'évolution du droit judiciaire, Xlès Journées d'études juridiques Jean DABIN, Bruxelles,
Bruylant, 1984, p. 890-891, n°s 19 et 20; F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 390, n° 55; adde. J.
MASSIP, obs. sous Cass. Fr., 15 juillet 1986, Dall., 1987, Jur., 193.
(796 ) J. DERUPPE, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits
réels et des droits de créance, Paris, Dalloz, 1952, n° 339, p. 385; contra J.P. Fléron, 19 décembre
1978, Jur. Liège, 1978-1979, p. 127.
(797 ) Au sujet de la date à laquelle la cession de rémunération devient opposable aux tiers,
voy. G. de LEVAL, «Observations sur la procédure relative à la cession de rémunération», Jur.
Liège, 1982, p. 287; J.P. Bruxelles, 8ème canton, 10 novembre 1983, Jur. Liège, 1984, 37 et obs. G.
de LEVAL ; Annexe III, n° 4 B.
200 TRAITÉ DES SAISIES

de travaux et fournitures, «les créanciers particuliers des entrepre-


neurs et adjudicataires des ouvrages faits ou à faire pour le compte
de l'Etat ou des fournitures faites ou à faire pour le compte du
ministère de la défense nationale, pour le service des forces armées,
ne peuvent faire aucune saisie-arrêt ou opposition sur les fonds
déposés dans les caisses des comptables de l'Etat pour être délivrés
auxdits entrepreneurs ou adjudicataires. Les créances dérivant de
semblables travaux ou fournitures ne peuvent être cédées ou mises
en gage».
Cette prohibition, établie dans un intérêt exclusivement
public a pour but d'empêcher que des entraves soient apportées à
l'exécution des travaux par des saisies, des cessions ou des mises en
gage des créances de l'entrepreneur envers l'Etat (798 ) (799).
La loi du 3 janvier 1958 apporte à cette règle deux
exceptions qui participent du même souci de l'intérêt public :
il importe que les collaborateurs de l'entreprise (travailleurs,
fournisseurs et sous-traitants aient l'assurance d'être payés, ce
qui les engagera à ne pas interrompre leur travail en cas de retard
de paiement de leur débiteur direct, l'entrepreneur général
800
( ) ; ils bénéficient dès lors sur les créances de celui-ci d'un
privilège qu'ils peuvent conserver en recourant notamment à une
saisie-arrêt (art. 2, 3 al. 2 et 5) ;

(798 ) Cass., 3 avril 1884, Pas., 1884, 1, 90; Cass., 11mai1905, Pas., 1907, 1, 216; R. DE
RIJKE, Observations sur la loi du 3 janvier 1958 relative aux cessions et mises en gage de créances
sur l'Etat du chef de travaux et fournitures, R.C.J.B., 1966, p. 38, n" 3; R. RASIR, Un arrêt de
cassation aux motifs douteux et aux conséquences incalculables, J.T., 1982, 72, n" 2; Bruxelles, 28
février 1985, R.D.C., 1986, 216.
(799 ) La loi du 3 janvier 1958 remplace le décret des 26 pluviôse - 28 ventôse an II, qui
interdit aux créanciers particuliers de faire des saisies-arrêts ou oppositions sur les fonds destinés aux
entrepreneurs pour le compte de l'Etat, ainsi que les décrets impériaux des 13 juin 1806 et 12
décembre 1806 (décret de Posen) sur la remise des pièces à l'appui des réclamations concernant le
service de guerre. «L'origine des mesures consignées dans le décret de Pluviôse remonte au temps de
Louis XIV. On rapporte qu'en 1680, Louvois, chargé du département de la Guerre, faisait exécuter à
Saint-Omer des travaux de fortification conçus par Vauban, lorsque des créanciers particuliers de
lentrepreneur firent opérer une saisie-arrêt dans les caisses du trésorier des fortifications et
assignèrent leur débiteur en validation de la saisie. Cet incident amena la suspension des travaux et
Louvois ordonna à M. de Breteuil, Intendant de Picardie, «de déssaisir le juge de Saint-Omer de
cette contestation, parce qu'il n'appartenait pas au Tribunal d'apporter des obstacles à l'exécution des
ouvrages publics ... ce qu'il (le tribunal) ferait, en permettant de saisir et arrêter des fonds du Trésor
essentiellement destinés à ces ouvrages et qui ne pouvaient pas être l'objet de procès entre
particuliers (Cotelle, Cours de droit administratif appliqué aux travaux publics, Ill, n" 341)» (Doc.
Pari., Ch. des Repr., Projet de loi relatif aux cessions et mises en gage des créances sur l'Etat du chef
de travaux et de fournitures, Sess., 1954-1955, n" 187/1, p. 1).
800
( ) R. DE RIJKE, op. cit., R.C.J.B., 1966, p. 49, n° 8.
RÈGLES COMMUNES 201

- il importe que les bailleurs de fonds qui financent les travaux


publics sous forme d'ouvertures de crédit ou d'avances de
sommes obtiennent des garanties pour le remboursement sans
quoi leur concours financier pourrait faire défaut et la bonne
marche des travaux pourrait être entravée ; ils bénéficient dès
lors d'un monopole légal des cessions de créances et des mises en
gage des créances de l'entrepreneur moyennant le respect de la
cause de préférence reconnue aux travailleurs, fournisseurs et
sous-traitants (art. 2 et 3) (801 ).
Une troisième exception résulte des articles 88, 3° et 89 de
la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres et de
l'A.R. d'exécution du 11octobre1985 qui permettent au créancier
d'impôts ou de cotisations sociales de pratiquer, dans le cadre de
cette réglementation, une saisie-arrêt par lettre recommandée à
charge de l'entrepreneur de l'Etat (802 ).

102) Le champ d'application de la loi du 3 janvier 1958.

A. - La loi du 3 janvier 1958 relative aux cessions et mises en


gage de créances sur l'Etat du chef de travaux et fournitures n'est
applicable qu'aux travaux et fournitures faits ou à faire pour le
compte de l'Etat (803 ) ; l'exécution de travaux pour d'autres
institutions publiques que celle de l'Etat, notamment pour les
communes et les provinces, ne peut être assimilée à l'exécution de
travaux pour compte de l'Etat lui-même, même si ces travaux sont
subsidiés par l'Etat, qui en s~porte en définitive la charge
financière en tout ou en partie (8 ). De même, la créance du chef
de travaux exécutés au nom du Fonds des routes n'est pas garantie
par le privilège établi par la loi du 3 janvier 1958 relative aux

801
( Infra, n" 103.
)
802
( Corn. Adm. Manuel du recouvrement, T. III, Titre III. n" 226.5-1 ; voy. à ce sujet infra
)
Annexe, n° II/10.
803
( ) Les fournitures ne sont prises en considération qu'en tant qu'elles sont faites ou à faire
pour le compte du Ministère de la défense nationale pour le service des forces armées (art. 1er et 2,
L. 3 janvier 1958).
804
( ) Cass., 23 avril 1981, Pas., 1981, I, 951; Rev. Banque, 1981, 511 et obs. A.M.
STRANART-THILLY; Bruxelles, 30 novembre 1979, R.W., 1979-1980, 2448; Rev. Banque, 1981,
197 et obs. A.M. STRANART-THILLY et réf. cit. à la note 5, p. 201 ; Liège, 9 avril 1986, J.L.M.B.,
1987, 403 et obs. J. CAEYMAEX; Comm. Bruxelles, 29 septembre 1982, R.D.C.B., 1983, 245;
Comm. Bruxelles, 16 novembre 1982, R.D.C.B., 1983, 248 ; J.L. LEDOUX, Les sûretés réelles
(1975-1980), Chronique de jurisprudence, J.T., 1981, p. 325, n" 71 ; M.A. FLAMME, Traité
théorique et pratique des marchés publics, T. II, Bruxelles, Bruylant, 1969, n°s 1107 et 1108; R. DE
RIJKE, op. cit., R.C.J.B., 1966, p. 45, n° 7.
202 TRAITÉ DES SAISIES

cessions et mises en gage des créances sur l'Etat du chef de travaux


et fournitures (805 ).
B. - La loi de 1958 a pour but d'éviter toute perturbation dans
les travaux effectués pour le compte de l'Etat. Il est donc normal
que la prohibition de saisir édictée par l'article 1er prenne fin à la
réception provisoire des travaux (806) ( 807 ).
Une fois la réception acquise, les créanciers particuliers
peuvent donc saisir même si les créanciers privilégiés n'ont pas
encore été payés. Les travaux étant achevés, l'immobilisation ou la
répartition des fonds dus à l'entrepreneur ne peut plus entraver
l'exécution du marché public ; le droit commun, selon lequel une
cause de préférence n'empêche pas un créancier chirographaire de
saisir-arrêter la créance affectée au privilège reprend son empire
808 809
( ) ( ) mais les créanciers particuliers ne peuvent venir en
contribution que sur le solde qui subsistera après paiement des

805
( ) Bruxelles, 9 novembre 1979, Pas., 1980, II, 7; le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été
rejeté par Cass., 22 janvier 1981, J.T., 1981, 517 et obs. critiques R. RASIR, J.T., 1982, 72-73 et 451.
Cet auteur estime que la loi s'applique au Fonds des routes qui agit «pour compte de l'Etat» (tantôt
comme mandataire, tantôt comme agent d'exécution), art. 1er de la loi du 3 janvier 1958 et art. 2 de
la loi du 9 août 1955 relative au Fonds des routes, mais ce moyen n'a pas été soumis à la Cour de
cassation qui précise cependant dans cet arrêt (non publié à la Pasicrisie): «L'article 2 n'est
applicable que lorsqu'il s'agit de travaux faits pour le compte de l'Etat et ne s'étend pas aux travaux
entrepris par d'autres pouvoirs publics ou par des organismes, fussent-ils d'intérêt public, ayant une
personnalité juridique distincte de celle de l'Etat». Ce moyen a été plaidé devant le Tribunal de
commerce de Verviers qui l'a jugé fondé : si le Fonds des routes doit être tenu pour une personne
juridique distincte de l'Etat, il agit néanmoins au nom et pour compte de l'Etat de telle sorte que les
créances relatives à des travaux effectués en sous-traitance par des firmes privées pour le Fonds des
routes mais pour le compte de l'Etat bénéficient du privilège établi par la loi du 3 janvier 1958 relative
aux cessions et mises en gage de créances sur l'Etat, du chef de travaux et de fournitures (Comm.
Verviers, 7janvier1985, J.T., 1985, 200). Ce jugement a été réformé en degré d'appel (Liège, 30 juin
1986, Jur. Liège, 1986, 642 : Le Fonds des routes est une administration distincte de l'Etat, agissant
en son nom et pour son compte. Les travaux réalisés à l'intervention du Fonds ne sont pas soumis au
régime particulier de la loi du 3 janvier 1958; adde dans le même sens, Bruxelles, 28 février 1986
(Intercommunale pour les Autoroutes), J.T., 1986, 348; R.D.C., 1986, 216; Liège, 23 mai 1986, Jur.
Liège, 1986, 640; J.T., 1987, 44 (fonds des routes) et Liège, 17 octobre 1986, 7ème ch., R.G. n°
16.236/85 (Régie des Postes) ; cette jurisprudence restrictive pour laquelle l'Etat doit être nommé-
ment désigné comme le maître de l'ouvrage est critiquée par R. RASIR, Jur. Liège, 1986, 644 à 646).
(8(16) R. DE RIJKE, op. cit., R.C.J.B., 1966, p. 41, n° 4; M.A. FLAMME, op. cit., n° 1106,
3° ; J .L. JASPAR, Questions pratiques posées par la liquidation pour cause de faillite des entreprises
de travaux publics, Jur. Comm. Belg., 1982, Il, 376; voy. aussi art. 3, al. 2; infra, n" 103 B, note
826.
807
( ) Il s'agit de la réception provisoire de l'ensemble des travaux à l'exclusion des éventuelles
réceptions partielles (Doc. Pari., Ch. Sess., 1954-1955, n" 18717, p. 3).
808
( ) En effet, un privilège s'exerce au moment où se produit le concours entre les créanciers
privilégiés et les créanciers chirographaires pour la répartition de la valeur des biens du débiteur
(Cass., 10 janvier 1935, Pas., 1935, 1, 101). Adde infra, n°s 119 et 135.
809
( ) Voy. par exemple, en matière de gage sur fonds de commerce, Liège, 15 novembre 1984,
J.T., 1985, 145 et G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 633, n° 40.
RÈGLES COMMUNES 203

dettes mentionnées aux articles 2 (collaborateurs de l'entreprise) et


3 (bailleurs de fonds) (art. 5, L. du 3 janvier 1958).

103) Mise en oeuvre des exceptions ( 810).

A. - Les travailleurs ouvriers ou em~loyés (811 ) ( 812 ) (8 13 ),


les fournisseurs (814 ) et les sous-traitants ( 15 ) des entrepreneurs
ont un privilège sur la créance de l'entrepreneur principal pour
autant que leur créance soit relative à des travaux ou fournitures
pour lesquels leur débiteur est lui-même créancier de l'Etat.
Si l'existence du privilège découlant de la loi du 3 janvier
1958 ne dépend d'aucune procédure particulière, sa conservation,
au-delà des limites habituelles, peut nécessiter une saisie-arrêt ou
une mesure équivalente (art. 2) (816 ). En effet, en conservant le
privilège sur une créance cédée, la saisie l'assortit, de manière

( 8 to) Au sujet de l'exception introduite par l'art. 88, 3° de la L. du 1er août 1985, voy.
Annexe 11/10.
811
( ) Il n'y a pas lieu de limiter le champ d'application de la loi au personnel du chantier à
l'exclusion du personnel travaillant au siège social mais il faut que les prestations de celui-ci aient été
indispensables à la poursuite des chantiers exécutés pour le compte de l'Etat (J.L. JASPAR, op. cil.,
Jur. Comm. Belg., 1982, Il, 379).
812
( ) Comme il s'agit seulement d'assurer la bonne exécution des travaux, seuls les arriérés de
rémunération à l'exclusion des indemnités de rupture sont protégés (J.L. JASPAR, op. cil., Jur.
Comm. Belg., 1982, II, 379).
813
( ) Ce privilège auquel ne s'appliquent pas les limitations de l'article 19, 3° bis de la loi
hypothécaire ne doit pas être confondu avec <d'action directe» accordée par l'article 1798 du Code
civil aux ouvriers de l'entrepreneur. Cette dernière, plus limitée quant à ses bénéficiaires, n'accorde
pas de privilège aux intéressés et ne fait pas obstacle à des paiements, saisies-arrêts ou cessions de
créances antérieurs à son intentement (L. SIMONT, Contribution à l'étude de l'article 1798 du Code
civil, R.C.J.B., 1964, n° 6, p. 39 et p. 40; M.A. FLAMME, op. cil., n° 1110).
814
( ) Bruxelles, 6 mai 1966, Pas., 1967, Il, 86 (cet arrêt inclut dans les frais de fourniture, les
frais de livraison et de transport).
815
( ) Bien que non mentionnés expressément par l'article 2, les sous-traitants de l'entrepre-
neur (mais non les fournisseurs ou les sous-traitants des sous-traitants, R.P.D.B., V" Saisie-arrêt, n°
377; Comm. Bruxelles, 16 novembre 1982, R.D.C.B., 1983, 248) bénéficient de ce privilège (Cass.,
23 avril 1981, Pas., 1981, !, 951; Rev. Banque, 1981, 511 et obs. A.M. STRANART-THILLY;
Bruxelles, 2 mars 1966, J.T., 1967, 79; A.M. STRANART-THILLY, Chronique de jurisprudence
- Les sûretés réelles, Rev. de la Banque, 1975, p. 311, n° 39; Doc. Pari., Ch. Sess., 1954-1955, n°
187/1, p. 3: «L'article 2 a pour objet de maintenir les droits et privilèges des ouvriers, fournisseurs et
sous-traitants. La doctrine et la jurisprudence décident que les ouvriers et fournisseurs des
entreprises, de même que les sous-traitants, disposent d'un véritable privilège, encore que ce terme
ne figure pas dans le décret du 26 pluviôse, An II (FREDERICQ, Traité de droit commercial belge,
VII, n° 394; DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, VI, n° 790; PLANIOL, 3ème éd.,
11, 3415; BAUDRY-LACANTINERIE, Priv. et Hyp., 1, n" 723; Cass., 3 novembre 1881, Pas.,
1881, !, 392; Liège, 13 novembre 1917, Pas., 1918, Il, 60; Gand, 19 mars 1925, Pas., 1925, II, 57;
Liège, 12février1936, Pas., 1936, Il, 159)».
816
( ) Comp. art. 315 C.l.R. et art. 37 in fine du Livre Il du Code de commerce en matière de
privilèges maritimes.
204 TRAITÉ DES SAISIES

exceptionnelle, d'un droit de suite à l'égard des cessionnaires


antérieurs. Ce résultat a été voulu par le législateur de 1958 (817 )
(818).

B. - Avant la loi du 3 janvier 1958, il était interdit à


l'entrepreneur de céder ou de mettre en gage sa créance.
«C'est pour les bailleurs de fonds essentiellement qu'on a
légiféré en 1958 (819) ou plutôt pour que, par l'amélioration de leur
position, le problème du financement des marchés de l'Etat reçoive
une solution satisfaisante» (820). L'article 3, alinéa 1er de la loi du
3 janvier 1958 autorise les cessions (821 ) ou mises en gage de la
créance de l'entrepreneur faites au profit de bailleurs de fonds et
affectées à la garantie d'ouvertures de crédit ou d'avances de
sommes en vue de l'exécution de ces travaux ou fournitures.
Mais le législateur a entendu concilier cette innovation
avec le maintien des privilèges accordés aux travailleurs, aux
fournisseurs et aux sous-traitants (822 ). En principe, le saisissant
appréhende le patrimoine de son débiteur dans l'état où il se
trouve ; si antérieurement à la saisie-arrêt de sa créance, le débiteur
a régulièrement cédé ou donné en gage celle-ci, la procédure de
saisie est sans objet dans la première hypothèse et dépourvue de
tout ou partie de son efficacité dans la seconde (823 ).
Pour éviter ce résultat, la loi de 1958 organise l'inopposabi-
lité aux créanciers privilégiés des cessions ou mises en gage des

817
( ) Certes, le privilège établi par les décrets ne comportait pas de droit de suite et si la loi de
1958 n'apporte pas de modification à cet égard (Doc. Pari., Ch. Sess., 1954-1955, n° 187/1, p. 4), c'est
sous réserve de la priorité des travailleurs, fournisseurs et sous-traitants à légard des cessionnaires.
818
( ) Au sujet du droit commun, voy. Annexe 11114.
819
( ) R. DE RIJKE, op. cit., p. 38, n° 3; M.A. FLAMME, op. cit., n° 1112; Doc. Pari., Ch.
Repr., Sess., 1954-1955, n° 187/1à8. L'intitulé de la loi est révélateur!
(82°) A.M. FLAMME, op. cit., n°1112.
821
( ) Au sujet de ce type de cession fiduciaire, voy. I. MOREAU-MARGREVE, Evolution
du droit et de la pratique en matière de sûretés, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles,
Bruylant, 1983, 189.
822
( ) A.M. FLAMME, ibidem ; DE RIJKE, op. cit., n° 3, p. 38.
823
( ) Une saisie-arrêt peut être pratiquée dans les mains du créancier gagiste par les créanciers
du constituant, c'est-à-dire de celui à qui appartient la chose donnée en gage. Mais en vertu de
l'article 2073 du Code civil, le créancier gagiste est payé par privilège et par préférence aux autres
créanciers. Si la valeur saisie ne dépasse pas le montant de la créance à la garantie de laquelle le gage
a été affecté, la saisie-arrêt est sans utilité pour le poursuivant ; dans le cas contraire, après paiement
intégral du créancier gagiste, le solde de la créance saisie peut être attribué au saisissant
(LEURQUIN, Code, n° 39; D. MARTIN, Des techniques d'affectation en garantie des soldes de
comptes bancaires, Dall., 1987, Chron. XLI, p. 232, n° 16).
RÈGLES COMMUNES 205

créances de l'entrepreneur sur l'Etat (824). Les créanciers visés à


l'article 2 conservent leur privilège aussi longtemps que l'objet de la
créance affectée au privilège subsiste ; tant que les fonds se
trouvent dans les caisses de l'Etat, ceux-ci peuvent être appréhen-
dés, au moyen d'une saisie-arrêt nonobstant une cession ou une
mise en gage antérieure. L'article 3, alinéa 2 leur accorde expressé-
ment une priorité en leur permettant d'agir «comme si la créance
de l'entrepreneur n'était pas cédée» (825 ) : «ces cessions ou mises
en gage ne sortiront leurs effets qu'après que les travailleurs et
sous-traitants ayant fait opposition auront été payés et les sommes à
en provenir ne pourront être imputées par le cessionnaire ou le
créancier gagiste à la couverture de créances contre l'entrepreneur
nées d'autres chefs, avant ou pendant la durée d'exécution des
travaux et fournitures financés, tant ~ue lesdits travaux et fournitu-
res n'auront pas été réceptionnés» (8 6).

824
( ) Doc. Pari., Ch. Repr., Sess., 1954-1955, n° 2, p. 2: «le but poursuivi par le législateur
ne peut toutefois en aucune façon léser les droits et privilèges des ouvriers, fournisseurs et sous-
traitants. La cession de créance ou sa mise en gage resteront par conséquent inopposables aux
créanciers qui bénéficient des privilèges établis par les décrets» ; DE RIJCKE, op. cit., n° 3, p. 38.
825
( ) M.A. FLAMME, op. cit., n° 1121 ; voy. aussi correspondance, J.T., 1982, 451.
826
( ) Le texte voté au Sénat énonçait : «Ces cessions et mises en gage ne sortiront leurs effets
qu'après que les travailleurs et sous-traitants ayant fait opposition auront été payés et pour autant
que les sommes versées par les bailleurs de fonds aient effectivement servi à exécuter les travaux ou
fournitures» (Doc. pari., Ch. Sess., 1954-1955, n° 187/4, p. 2). Il a été remplacé par la disposition
actuelle compte tenu de l'impossibilité pratique d'appliquer une telle règle : «L'actuel article 3 du
projet transmis par le Sénat reflète certes d'une manière théoriquement parfaite l'esprit des décrets
de Pluviose et de Posen. Il ne déroge, en faveur des bailleurs de fonds, à l'interdiction générale de
l'article premier, que dans la mesure où lesdits bailleurs de fonds ont effectivement favorisé
l'exécution des travaux ou fournitures à l'Etat. Or, les avances de fonds consenties n'ont pu favoriser
l'exécution des travaux et fournitures que dans la mesure précisément où elles ont servi à cette
exécution. Il est cependant apparu au Gouvernement que le texte actuel comportait un inconvénient
majeur, savoir l'impossibilité pratique pour les bailleurs de fonds de rapporter la preuve, en cas de
contestation, que les sommes versées avaient «effectivement servi à exécuter les travaux ou
fournitures». Le Gouvernement estime que ce qu'il faut en fait empêcher, c'est que les deniers versés
par l'Etat au fur et à mesure de l'avancement des travaux ne puissent être imputés à la couverture
d'avances de fonds faites en vue de travaux pour des particuliers ou pour couvrir des avances ou
crédits antérieurs laissant ainsi l'entrepreneur sans moyens financiers suffisants pour poursuivre les
travaux ou fournitures pour compte de l'Etat. Une fois les travaux ou les fournitures réceptionnés,
l'intérêt de l'Etat est sauvegardé, le cessionnaire peut alors imputer librement les sommes qu'il reçoit
du débiteur cédé et les règles de la compensation légale ou conventionnelle retrouvent leur pleine
application» (Doc. Pari., Ch. Repr., Sess. 1954-1955, n° 187/6). Il a encore été précisé que: «jusqu'à
la réception provisoire les avances de fonds garanties par les cessions de créances sur l'Etat du chef de
travaux ou fournitures devront faire l'objet de comptes individualises pour chacune des entreprises
auxquelles se rapportent les créances cédées. A l'intérieur de ces comptes cependant, le bailleur de
fonds pourra faire jouer la compensation entre les sommes reçues en paiements partiels et les avances
de fonds faites par lui pour l'entreprise en cause ... Une fois la réception provisoire intervenue, les
sommes versées sont acquises sans réserve au cessionnaire qui peut librement faire jouer la
compensation pour toutes sommes lui dues par le cédant quelle que soit l'origine de la dette de ce
dernier» (Doc. Pari., Ch. Sess. 1954-1955, n° 18717, p. 3: voy. aussi J.L. JASPAR, op. cit., Jur.
Comm. Belg., 1982, Il, 379-380).
206 TRAITÉ DES SAISIES

Dans la mesure où le cessionnaire peut être primé par un


saisissant ultérieur, il est normal ~ue celui-là soit informé de la
procédure diligentée par celui-ci (82 ) afin que le bailleur de fonds,
mis au courant des prétentions des bénéficiaires des privilèges
établis par la loi de 1958, puisse prendre toute mesure utile pour
assurer la défense de ses intérêts.
C. - Généralement, les créanciers privilégiés pratiquent une
saisie-arrêt mais la loi met sur le même pied l'opposition et le
bordereau tenant lieu d'opposition (art. 3, al. 3). Dans la mesure
où il s'agit pour le créancier de manifester son intention de
conserver son privilège sur une créance nonobstant la cession ou la
mise en gage de celle-ci, il est normal que la loi abandonne au
créancier le choix de la forme, l'essentiel étant que le tiers soit
informé avant qu'un paiement n'intervienne au profit du cession-
naire ou du créancier gagiste. Par contre, s'il s'agit d'obtenir un
paiement forcé, celui-ci ne pourra avoir lieu qu'en pratiquant une
saisie-arrêt-exécution sur le fondement d'un titre exécutoire.
Lorsque la saisie ou l'opposition n'a d'autre portée que de
conserver le privilège prévu par la loi du 3 janvier 1958, elle peut
encore être appliquée après la survenance d'une procédure collec-
tive (828 ).

§ 7. - Cas spéciaux.

104) Cas spéciaux.

A. - L'action en justice.
«L'action est le pouvoir reconnu aux particuliers de
s'adresser à la justice pour obtenir le respect de leurs droits et de
leurs intérêts légitimes» (829) ; concrétisée par la demande, elle
crée le lien d'instance qui constitue le support procédural de la mise

827
( ) C'est pourquoi l'article 3, alinéa 3 de la loi du 3 janvier 1958 énonce que: «L'Etat fait
connaître aux cessionnaires de créances ou aux bénéficiaires du nantissement de celles-ci, par lettre
recommandée à la poste, les saisies-arrêts ou oppositions qui lui sont notifiées à la requête des
créanciers privilégiés ou toute présentation de bordereaux tenant lieu d'opposition» (voy. Doc. Pari.,
Ch. Repr., Sess., 1954-1955, n° 18711, p. 5 et n" 187/8, p. 1).
828
( ) Civ. Liège, ch.s., 10 mars 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II,
Annexes, p. 9-2; voy. aussi J.L. JASPAR, op. cit., Jur. Comm. Bclg., 1982, Il, 377 où l'auteur
précise que le curateur doit respecter le privilège même si le créancier n'a pas pris de mesure de
conservation de celui-ci (dans le même sens, voy. P. COPPENS et F. T'KINT, Examen de
jurisprudence, Faillites et concordats, 1979-1983, R.C.J.B., 1984, p. 593, n" 145).
829
( ) J. VINCENT et S. GUICHARD, Procédure civile, 20ème éd., Dalloz, 1981, p. 39. n"
18.
RÈGLES COMMUNES 207

en oeuvre du droit avec lequel elle ne se confond pas (830). Ainsi


l'action en justice est nécessairement insaisissable (831 ) ; même si
elle constitue un droit (832 ), celui-ci n'a pas de sujet passif qui
serait débiteur de sommes ou effets (art. 1445) ; par contre, le droit
litigieux est cessible (art. 1699 à 1701 C. civ.) et saisissable. Ainsi,
la créance résultant pour la Îartie civile de l'infraction dont elle a
été victime peut être saisie ( 33 ). La saisie ou la cession d'un droit
litigieux n'est pas sans conséquence sur le procès. En cas de
cession, le cessionnaire doit reprendre l'instance dans les conditions
prévues par les articles 815 et 816 du Code judiciaire. En cas de
saisie, si le saisissant redoute que les droits du saisi ne soient pas
suffisamment défendus, il peut formaliser une intervention conser-
vatoire sans préjudice de l'action oblique.

B. - Régimes matrimoniaux.
Les règles relatives au recouvrement des dettes propres ou
communes ne constituent pas des cas d'insaisissabilité mais elles
déterminent la mesure dans laquelle les patrimoines propres et
communs sont engagés compte tenu de la nature de la dette (834 ).
Par contre, il est admis que prises isolément les récompen-
ses sont incessibles, insaisissables et inexigibles et que seul le solde
éventuel peut être saisi ou cédé (835 ).

C. - Créance engendrée par un transport international de chemin


de fer.
Aux termes de l'article 56, § 2 de la Convention C.I.M. et
de l'article 52, § 2 de la Convention C.I.V. faites à Berne le 7
février 1970 et approuvées par la loi du 24 janvier 1973, «les
créances engendrées par un transport international, au profit d'un
chemin de fer sur un chemin de fer qui ne relève pas du même Etat
que le premier, ne peuvent être saisies qu'en vertu d'un jugement

830
( A. FETIWEIS. Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n" 20, p. 34.
)
831
( Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin .. 1967, 501.
)

("") J. GHESTIN et G. GOUBEAUX. Traité de droit civil. Introduction générale


L.G.D.J., 1977, p. 391, n"s 521 et s.: J. van COMPERNOLLE. Le droit d'action en justice des
groupements, Bruxelles, Larcier, 1972. p. 22.
( 8'-') R. VAN ROYE, Manuel de la partie civile, Librairie judiciaire Polydore Pée, Bruxelles-
Gand, 1945, p. 393, n° 381.
834
( ) Infra, n" 142.
8
( ·") R.P.D.B., Compl. VI, V" Régimes matrimoniaux (Droit interne). n" 1302. mais voy.
toutefois en cas de soldes débiteurs des deux époux, le n" 1304.
208 TRAITÉ DES SAISIES

rendu par l'autorité judiciaire de l'Etat duquel relève le chemin de


fer titulaire des créances saisies» (836 ). Il s'agit d'un cas d'insaisis-
sabilité d'origine procédurale qui à nos yeux ne peut empêcher le
respect de la loi du concours.

8 6
( .1 ) Voy. aussi supra, n° 77 B.
TITRE III

LA PUBLICITE DES SAISIES

CHAPITRE 1- GENERALITES.

105) Aspect collectif de la saisie.


Le principe d'égalité entre les créanciers est une règle
fondamentale de l'exécution forcée (837 ).
Le simple fait d'être premier saisissant ne confère aucun
privilège et les biens saisis demeurent le gage commun de tous les
créanciers aussi longtemps qu'un paiement n'est pas intervenu
838
( ). Ils peuvent donc s'associer à toute procédure de saisie et
ex~er, sauf cause légale de préférence, un traitement égalitaire
83
( ). C'est pourquoi les procédures de saisie et de répartition sont
des procédures collectives : «Les créanciers qui n'ont pas saisi ne
sont pas exclus de la distribution des deniers car ils conservent leurs
droits sur tous les biens du débiteur. Ils les exerceront par
l'opposition à la distribution du prix» (840) en déclarant intervenir
dans la procédure.
En cas d'action paulienne, lorsque celle-ci aboutit à la
réintégration du bien dans le patrimoine du débiteur puis à sa
saisie-exécution, on précise que l'action ne profite qu'au créancier
poursuivant qui ne subira le concours des autres créanciers du

837
( ) Cass., 2 mai 1985, Pas., 1985, 1, 1078; J.T., 1986, 289; Rev. Banque, 1986, 27 et obs. J.
HEENEN; R.D.C.B., 1985, 531 et concl. M. !'Avocat Général JANSSEN de BISTHOVEN; sur le
concours, infra, n° 119.
838
( ) Ainsi un arrêt de la Cour de cassation de France du 10 juillet 1984, (Bull., 1984, IV, p.
188, n° 225; Dall. 1985, I.R., 102) précise que «l'indisponibilité des biens saisis résultant de l'article
2093-3, al. Ier, C. civ. n'emporte pas privilège pour le premier saisissant»; voy. aussi J.
CAEYMAEX, obs. sous Liège, 5 novembre 1985, 7 mars 1986et14 mars 1986, Jur. Liège, 1986, 373,
in fine).
839
( ) A. SOULARD, L'exécution des titres, Rev. des Huissiers de Justice, Avril 1986, n°
spécial, p. 88.
840
( ) H. DE PAGE, Traité de droit civil, T. VI, n° 750 B.
210 TRAITÉ DES SAISIES

débiteur que si ceux-ci ont intenté personnellement une action


séparée ou se sont joints aux poursuites du créancier en intervenant
à l'instance (841 ).

106) Mise en oeuvre de l'aspect collectif par la publicité.


La mise en oeuvre du caractère collectif de la mesure
d'exécution est subordonnée à la possibilité pour le tiers intéressé
d'en être informé en temps utile. C'est pourquoi la publicité revêt
une importance essentielle. Elle est non seulement une source
d'information pour les tiers mais une source de protection pour le
créancier qui y fait procéder (842 ).
En matière immobilière, la publicité est organisée par voie
de transcription au bureau de la conservation des hypothèques.
Toute personne intéressée peut en prendre connaissance. A ce
stade, il n'est pas possible de faire transcrire plus d'une saisie-
exécution immobilière (art. 1571 C. jud.) (843 ).
En matière mobilière, le Code judiciaire a heureusement
innové. Antérieurement, il n'existait pas de publicité permettant
aux créanciers d'être informés des saisies pratiquées à charge de
leur débiteur commun. Ils pouvaient être tenus à l'écart des
procédures de répartition, ce qui les incitait à multiplier les actes
individuels d'exécution. En ce sens, on pouvait dire, en contradic-
tion avec la règle caractérisée par l'absence de cause de préférence
pour le premier saisissant, que s'instaurait une «course entre
créanciers dont le paiement est le prix» (844 ). Aujourd'hui, un
système de documentation est organisé au greffe du tribunal de
première instance et, le cas échéant, du tribunal de commerce. Il
permet de mettre fin à toute prolifération injustifiée mais onéreuse,
de commandements et d'actes de saisies et de diminuer (voire de
supprimer) les risques d'une rupture d'équilibre entre les créanciers
grâce à un règlement collectif du passif du débiteur.

841
( Liège, 29 mars 1984, J.L.. 1984, 281 et note; DE PAGE, T. III, n° 245.
)
842
( Ainsi, en cas de conflit entre inscription hypothécaire et transcription de saisie, voy. les
)
art. 1444 et 1577, C. jud.; G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n" 76. «Pour le titulaire d'un droit
réel, la sécurité provient de ce que son droit est opposable à tous. Pour le créancier chirographaire
saisissant, elle vient au contraire de ce que le droit des autres ne peuvent lui être opposés dans la
mesure où ils lui préjudicient» (P. THERY, note sous Cass. Fr., 2novembre1983, Rép. Defr., 1985,
art. 33450, p. 62). Adde. n° 112, in fine.
843
( ) La règle «Saisie sur saisie ne vaut» ne s'applique qu'à la saisie-exécution immobilière;
elle ne concerne pas la saisie immobilière conservatoire (art. 1435 C. jud.) (G. de LEVAL, La saisie
immobilière, Rép. Not.. n° 308).
844
( ) DE PAGE, T. VI, n° 750 c; G. de LEVAL, L"efficacité des saisies-exécutions. J.T.,
1975, p. 140, n° 12/9.
RÈGLES COMMUNES 211

Ainsi se trouve réalisée la réforme qu'appelait de ses voeux


dès 1910 A. TESSIER : «Le juge enfin ou un fonctionnaire public
sous sa direction devrait conduire la procédure d'exécution forcée,
organiser les mesures d'exécution les plus efficaces pour le créan-
cier poursuivant et éventuellement pour l'ensemble des créanciers,
empêcher les abus de poursuite, les saisies multipliées et exagérées,
les ventes inopportunes. Les poursuites d'exécution devraient être
. plus centralisées et non laissées autant à l'arbitraire des créanciers
qui agissent séparément et parallèlement en accumulant les frais de
poursuite. Il y a dans cette partie de notre procédure de grands
abus qui appellent des réformes vigoureuses» (845 ).

107) La publicité et la répartition donnent un cadre suffisant à la


déconfiture civile.
Le Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat a proposé
de régler la déconfiture, c'est-à-dire l'état d'un non-commerçant
dont les biens ne suffisent pas au paiement de ses dettes (846). Plus
tard, M. VAN REEPINGHEN, à la fin de son rapport sur la
Réforme judiciaire, ne retiendra pas l'idée en précisant : «On ne
dissimule pas que la réforme ainsi réalisée aurait présenté plus
d'ampleur si elle s'était accompagnée, comme le Centre d'études
pour la réforme de l'Etat l'avait au reste suggéré, de l'organisation
en Belgique du régime de la déconfiture. Les avantages d'une telle
organisation ont été déjà mis en lumière. Cependant, si grave soit
cette question, ouverte en Belgique et dont la solution est sans
aucun doute opportune, ce n'est point dans le cadre de la réforme
judiciaire qu'il paraissait permis de la suggérer. L'institution de la
déconfiture déborde singulièrement en effet par son objet et ses
applications la matière du présent rapport. Son étude ne peut être
accomplie sans que soient revues en même temps l'institution et les
règles de la faillite. Un tel dessein, quel que soit son intérêt, eût

845
( ) A. TISSJER, Le rôle social et économique des règles de la procédure civile, in Les
Méthodes juridiques, Leçons faites au Collège libre des Sciences sociales en 1910, Paris, V. GIARD
et E. BRIERE, 191 l, p. 124: comp. R. BORDEAUX. Philosophie de la procédure civile, Mémoire
sur la réformation de la justice. Evreux, Imprimerie MERISSEN, 1857 p. 564: «le plus grand vice
qu'on puisse reprocher à cette partie de notre législation, n'est point dans les formes ni dans ses
lenteurs, il est dans les énormes frais qui viennent accabler le débiteur et consommer sa ruine, et qui
enlèvent en même temps au créancier la portion la plus nette du produit de la saisie».
846
( ) Réforme de la procédure. II. p. 117 à 130. «La multiplication des procès-verbaux de
carence établis par les huissiers, un nombre croissant de saisies infructueuses, l'aveu même par le
débiteur de ses embarras. l'accumulation des frais d'exécution, ou plus simplement la répétition de
lettres de mise en demeure, sont autant de signes qui caractérisent cc que notre droit appelle la
déconfiture» (E. BALATE, note sous J.P. Marchienne-au-Pont, 9 novembre 1984, Rev. Rég. Dr.,
1985, 216).
212 TRAITÉ DES SAISIES

entraîné l'auteur de ce rapport bien au-delà de l'accomplissement


de sa mission» (847 ). A notre avis, cette appréciation doit être
nuancée.
En effet, même s'il n'y a pas de saisie globale du patri-
moine mais autant de saisies que de catégories de biens, la publicité
des saisies peut conférer à celles-ci une dimension réellement
collective qui se concrétise soit dans la procédure de distribution
par contribution en matière mobilière, soit dans la procédure
d'ordre en matière immobilière (848 ). Le droit des saisies peut ainsi
constituer un ensemble souple (certains éléments du patrimoine
peuvent être épargnés ; s'il n'y a pas en principe dessaisissement du
débiteur, il peut être organisé avec plus ou moins d'intensité
lorsque la situation l'exige, art. 1961 C. civ. art. 1407, 1421, 1443,
al. 2, 1506, 1509 et 1572, al. 2 C. jud.) (849) peu onéreux (850) et
tout à fait performant pour assurer le respect de la loi du concours.
Des aménagements sont certes souhaitables (notamment au niveau
du contenu de la publicité et du régime de l'opposition) (851 ) mais
dès à présent, il est permis de conclure que la déconfiture (852 )
(révélée par l'association des créanciers à la saisie ou par l'existence
de plusieurs saisies) n'est plus inorganisée dans notre droit (853 )
(854) (855).

847
( Pasin., 1967, 565.
)
848
( G. de LEVAL, Rép. Not., T. XIII, L. IV, Titre IV (Distribution par contribution) et L.
)
IV, Titre V (L'ordre). Supra, n° 5.
849
( ) G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite,
Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 315-316; voy. aussi la saisie-exécution mobilière, T.P.R., 1980, p. 338-
339 et Rép. Not. La saisie mobilière, n°s 225 et s. ; comp. infra, n° 114. Adde. infra, n° 212.
850
( ) Au sujet des frais de justice, ci-dessous n° 108 .
851
( ) Infra, n° 112. Adde. n° 118; voy. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s
268 à 282 et n° 472.
852
( ) La déconfiture peut entraîner déchéance du terme (infra n° 162).
853
( ) Au sujet de la désignation d'un liquidateur judiciaire, voy. infra, n° 131.
854
( ) Cet aspect n'est pas toujours aperçu en doctrine. Voy. M. WOLFCARIUS, Faillite et
déconfiture en droit comparé in Unité et diversité du droit privé, Ed. de l'Université de Bruxelles,
1983, p. 209 et s. L'auteur ignore, semble-t-il, la publicité en matière de saisies mobilières (p. 210, n"
7 ; p. 214 et p. 216, n° 5) ; si l'on en tient compte, il est inexact d'écrire : «L'instauration d'une
procédure collective d'exécution (avec dessaisissement, le cas échéant) serait nécessaire pour
appliquer l'article 8 de la loi hypothécaire de 1851, qui n'a jamais reçu qu'une exécution partielle
(»Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par
contribution«). La loi ne fait aucune distinction selon que le débiteur est commerçant ou non.
Pourquoi, dès lors, permettre au créancier d'un insolvable civil de poursuivre individuellement
l'exécution de ses droits, alors qu'il ne possède aucune cause légitime de préférence ?». Adde. E.
BALATE, L'action en obtention de termes et délais ou l'amorce d'un concordat pour le
consommateur, Rev. Rég. Dr., 1985, sp. p. 214 à 218 et P. COPPENS et A. BAILLEUX, Droit
Fiscal, Les impôts sur les revenus, Larcier, 1985, p. 662.
855
( ) Au sujet de certaines pratiques contraires à la loi, voy. G. de LEVAL, Aspects actuels
du droit des saisies, J.T., 1980, p. 651, n° 80 et L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 134,
n° 4 c.; Civ. Verviers, ch.s., 19 décembre 1986, R.G. n" 2811/34.
RÈGLES COMMUNES 213

108) Incidence de l'aspect collectif sur la détermination du carac-


tère privilégié des frais de justice et sur le préjudice éventuel
du saisissant.

A. - L'utilité commune des créanciers est la mesure du


privilège des frais de justice qui ne se justifient que par le profit
qu'ils retirent des frais faits par autrui pour la conservation, la
réalisation et la répartition de l'avoir commun en leur épargnant
des dépenses similaires. Les frais d'une saisie inutile ne sont donc
pas privilégiés (856).
Les frais relatifs à la procédure au fond, diligentée par le
créancier en vue d'obtenir un titre exécutoire, n'étant pas exposés
dans l'intérêt commun des créanciers ne sont pas privilégiés au sens
des articles 17 et 19, 1° de la loi hypothécaire (857).
B. - L'opposition fautive car purement dilatoire du saisi
n'entraîne pas de préjudice dans le chef du saisissant dans la mesure
où le produit de la vente aurait été absorbé par les créanciers
privilégiés. Le saisissant ne peut perdre de vue le caractère collectif
de toute exécution (858).

CHAPITRE II-L'AVIS DE SAISIE ET L'AVIS DE DELEGA-


TION.

109) Saisies mobilières donnant lieu à l'établissement d'un avis de


saisie ou de délégation.

A. - «En cas de saisie de biens meubles, l'huissier de justice


qui l'a pratiquée adresse dans les vingt-quatre heures de l'acte, sous
sa signature, au greffier du tribunal de première instance du lieu de

856
( ) Liège, 10 mars 1986, Jur. Liège, 1986, 373 et obs. J. CAEYMAEX; A.M. STRA-
NART-THILLY, Chronique de jurisprudence, Les sûretés réelles, Rev. Banque, 1975, p. 286, n°
18 ; G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n" 63 b et La saisie-exécution
mobilière, T.P.R., 1980, 336; J.L. LEDOUX, chronique de jurisprudence, Les sûretés réelles,
(1975-1980), J.T., 1981, 320. Adde. infra, n° 116 B.
857
( ) Bruxelles, 6 janvier 1972, Pas., 1972, Il, 66; Anvers, !3ème ch., 24 novembre 1986,
R.G. n° 3126/85 bis ; 1. MOREAU-MARGREVE, Les sûretés, Chronique de droit à l'usage du
Palais, T. II, 1987, p. 86 à 89; Adde. G. de LEVAL, L'enregistrement en débet des jugements et
arrêts, Ann. Dr. Liège, 1986, 384; J. CAEYMAEX, obs. sous Liège, 4 juin 1986, J.L.M.B., 1987,
148; comp. et contra Civ. Tournai, ch.s., 27 mars 1987, R.G. n° 23444 et réf. CLOQUET, Les
Novelles, Droit commercial, T. IV, n°s 1848 et 1849.
858
( ) Civ. Liège, ch.s., 18 mars 1987, R.G. n" 77090/86.
214 TRAITÉ DES SAISIES

la saisie et, le cas échéant, du domicile du saisi, un avis de saisie,


relatant l'identité et le domicile du saisissant et du débiteur saisi, la
date de la saisie, le lieu où elle a été pratiquée et, le cas échéant, la
date de sa signification au débiteur saisi lorsque la saisie n'a pas été
faite à son domicile» (art. 1390, al. 1er, C. jud.). Cette disposition
s'applique aux saisies mobilières y compris les saisies-arrêts (l'ex-
pression biens meubles recouvre tant les meubles corporels que les
meubles incorporels) (859 ) mais à la seule exclusion des saisies de
navires et bateaux (art. 1390 in fine) pour lesquelles il existe un
système spécial de publicité (art. 1472 et 1552, C. jud.) (860). Si la
saisie est pratiquée par un huissier de justice, c'est celui-ci qui
établit et adresse l'avis de saisie. Par contre, l'avis de saisie est
établi par le greffier lorsque la notification de l'acte de saisie a été
faite par ses soins (art. 1390, al. 2 et 1449, C. jud.) et par le
fonctionnaire chargé du recouvrement des impôts sur les revenus
(art. 215 de l'A.R. d'exécution du C.I.R. du 4 mars 1965) ou de la
taxe sur la valeur ajoutée (art. 85 bis inséré dans la Code T.V.A.
par l'art. 68 de la loi du 8 août 1980, M.B., 15 août 1980) lorsqu'il
pratique une saisie-arrêt fiscale (861 ).
Le délai de vingt-quatre heures n'est pas prescrit à peine de
nullité mais le juge des saisies peut veiller à son respect (art. 1396,
C. jud.) sans préjudice de toute action en dommages-intérêts à
l'initiative d'une partie lésée.
B. - On a regretté que le Code judiciaire n'organise pas la
publicité de la délégation de sommes pratiquée conformément aux
articles 221 et 301 C. civ. et 1280 al. 5, C. jud. (862 ). C'est
aujourd'hui chose faite. Dans le même temps où le procédé de la
délégation est généralisé en matière de pensions alimentaires (art.
203 ter, C. civ.) un article 1390 bis est inséré dans le Code
judiciaire : «Lorsqu'une délégation est accordée en vertu des
articles 203 ter, 221, 301 bis du Code civil ou 1280, cinquième
alinéa, du présent Code, un avis de délégation est établi par le
greffier ou par l'huissier de justice, suivant les cas et notifié au

859
( Cass. Fr., 17 avril 1961, Dall., 1961, J, 644 et obs. P. RAYNAUD.
)
860
( Il s'agit de l'inscription de l'exploit de saisie à la conservation des hypothèques maritimes
)
(G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s 502 et 541).
861
( ) Un avis de saisie d'un type spécial existe en cas de saisie d'un moyen de transport suite à
une infraction du transporteur (art. 65, § 3, Loi relative à la police de la circulation routière
coordonnée le 16 mars 1%8; adde. art. 74/3, Loi du 15 décembre 1980, sur l'accès au territoire, le
séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, L. 17 juillet 1987).
862
( ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982, 31 ; comp. en matière de cession de rémunération , Annexe III /5.
RÈGLES COMMUNES 215

greffier du tribunal de première instance du domicile du délégant


pour être joint, le cas échéant, aux avis de saisie prévus par l'article
1390.
L'avis de délégation (qui doit, semble-t-il, être établi non
au moment où la mesure est accordée mais au moment où elle est
mise en oeuvre par le greffier ou l'huissier) relate l'identité et le
domicile du délégant, du délégataire et du tiers délégué, ainsi que le
montant, les conditions, les limites et la cause de la délégation»
(863).

Ce type de publicité a un rôle spécial ; il doit permettre le


règlement préventif devant le juge du fond des situations de
concours entre créanciers d'aliments (864). A cette fin, des men-
tions précises sont prévues (tiers délégué, montant, conditions,
limites et cause de la délégation). Pour le surplus, cet avis étant
joint aux avis de saisie, il complétera l'information de l'huissier, de
l'avocat ou du notaire au sujet de la situation du débiteur et des
prétentions de ses autres créanciers.
On pourrait penser que la répartition établie par le juge de
paix entre les créanciers d'aliments permet au tiers (saisi ou
délégué) de payer directement les créances d'aliments et d'adresser
le solde éventuel à un huissier de justice aux fins de distribution par
contribution. A nos yeux, cette pratique doit être encouragée en
l'absence de contestation afin de ne pas retarder le paiement des
pensions alimentaires mais si une contestation surgit (quelle qu'en
soit l'origine), la totalité des sommes doit être répartie par un
huissier de justice conformément aux articles 1627 et suivants du
Code judiciaire (865 ).
Si l'avis de délégation est une innovation heureuse, il est
permis de déplorer son manque de synchronisation avec l'avis de
saisie (866) et le silence du législateur au sujet de l'utilisation
collective de la délégation.

110) Lieu de la publicité- Changement de domicile.


La publicité se réalise au greffe du tribunal .de première
instance du lieu de la saisie et, le cas échéant, du domicile du saisi.

863
( ) Art. 84 de la loi du 31 mars 1987 modifiant diverses dispositions légales en matière de
filiation. Au sujet de l'article 203 ter, C. civ., voy. supra, note 772.
864
( ) Supra, n° 99 A., 4 et note 784.
865
( ) Voy. G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n" 77.
8
( 61>) Infra, n°s 112 A et 113 in fine.
216 TRAITÉ DES SAISIES

Il y a dualité d'avis de saisie lorsque le lieu de saisie se situe dans un


arrondissement différent de celui où se trouve le domicile du saisi
867
( ) ; en ce cas, un avis doit être adressé au greffe du tribunal de
première instance du lieu de la saisie et un autre avis à celui du
domicile du débiteur saisi. Une telle situation peut se p,roduire en
matière de saisie mobilière chez un tiers (art. 1503) (86 ) ou en cas
de saisies pratiquées à charge du même débiteur dans plusieurs
arrondissements.
Le plus sûr pour le consultant des avis de saisie est donc de
s'adresser au greffe du domicile judiciaire (art. 36) du saisi où la
publicité de la saisie mobilière se réalise en toute hypothèse (869).
On a fait observer que cette documentation peut être insuffisante
lorsque, pour échapper aux poursuites de ses créanciers, le débiteur
effectue des changements successifs de domicile et déménage son
mobilier dans d'autres arrondissements. Pour neutraliser de telles
manoeuvres, il ne nous semble pas ~ue la loi devrait prévoir que
l'avis de saisie suit le débiteur ( 70). Il suffit que l'huissier
instrumentant interroge les greffes des divers arrondissements
auxquels des avis de saisies ont pu parvenir au cours des trois
dernières années (art. 1390, al. 4, C. jud.) ; la consultation des
pièces de la procédure et, le cas échéant, les informations obtenues
en interrogeant le registre national des personnes physiques (871 )
ou les services communaux de la population permettent l'aboutisse-
ment d'une telle recherche. Mutatis mutandis, il y a lieu d'appliquer
les mêmes règles lorsque le greffe doit être informé des avis de
saisie ou de délégation (art. 1390 ter, C. jud.).

867
( ) Cette règle a été suggérée antérieurement par le Centre d'Etudes pour la Réforme de
l'Etat, Réforme de la Procédure, T. Il., p. 30, art. 604 in fine.
868
( ) Ou en matière de saisie-arrêt lorsque le lieu de la saisie est celui où l'exploit de saisie-
arrêt est signifié au tiers saisi ou celui où la notification de la décision autorisant la saisie est reçue par
le tiers saisi (Cass., 26 novembre 1982, Pas., 1983, 1, 397 ; supra, n° 25). Par contre, en ce qui
concerne l'avis de délégation, la publicité ne se réalise qu'au greffe du domicile du délégant (art. 1390
bis, al. 1, C. jud.).
869
( ) Arr. Bruges, 26 juin 1981, J.T., 1981, 728.
870
( ) K. BAERT, Algemene beginselen van bewarcnd beslag, T.P.R., 1980, p. 300, n° 49.
Adde. G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 138, 12/3.
871
( ) Art. 5, L. 8 août 1983, organisant un registre national des personnes physiques et A.R.
du 16 mai 1986, M.B. 19 juin 1986, p. 9070. (Les changements successifs de domicile font partie des
informations transmises par la registre national à l'huissier consultant ; adde. au sujet des
déclarations de changement de résidence, Circ. Min. du 8 août 1987, M.B., 15 septembre 1987, p.
13.484). li est vrai qu'une centralisation des avis de saisie et de délégation (voire, de lege ferenda, des
avis de rémunération) au registre national constituerait la solution idéale (J. ROSSILLION, Des avis
de délégation, Ann. Dr. Liège, 1987, p. 453-454; adde. Annexe IV, projet d'art. 1390 ter).
RÈGLES COMMUNES 217

111) Le contenu de l'avis.


L'avis de saisie relate l'identité et le domicile du saisissant
et du débiteur saisi, la date de la saisie, le lieu où elle a été
pratiquée, et le cas échéant, la date de sa signification au débiteur
saisi lorsque la saisie n'a pas été faite à son domicile (872) (art.
1390, al. 1er in fine) ainsi que les procès-verbaux de récolement
(art. 1524, al. 3) (873 ). .

L'article 1390, alinéa 6 dispose que «le modèle des avis de


saisies est établi Rar le Roi» ; tel est l'objet de l'arrêté-royal du 5
octobre 1982 (87 ) qui prévoit d'autres mentions : l'identité et le
domicile du tiers saisi en cas de saisie-arrêt ; le type de saisie (saisie
mobilière, saisie-arrêt, saisie gagerie, saisie revendication, saisie en
matière de contrefaçon, saisie brandon) ; la nature (conservatoire
ou exécutoire) de la saisie et sa transformation ; le délai de validité
de la saisie, la date du renouvellement ou de la levée de celle-ci ;
l'indication de l'huissier, du receveur ou du greffier qui l'a établi.

112) Les insuffisances de l'avis.


A. - Généralités.
Les indications qui figurent sur l'avis de saisie ne fournis-
sent pas à celui qui le consulte une information complète ; ainsi,
l'avis ne mentionne ni les prétentions du saisissant (montant et
nature de sa créance, cause éventuelle de préférence) ni le contenu
de la saisie (biens effectivement saisis ; procès-verbal de carence,
etc.) ni les causes de retard suscitées par d'éventuels incidents
875
( ). Pour combler cette lacune, sans attendre une modification de
la loi (876 ), il importe de développer l'échange d'informations entre
les créanciers et leurs mandataires ; ce type de collaboration peut

872
( ) Voy. les articles 1424, 3° et 1512, al. 2, C. jud. ; voy. à ce sujet G. de LEVAL, La saisie
mobilière, Rép. Not., n°s 93, 215, 216 et 241.
873
( ) lb. n°s 279-280.
874
( ) M.B., 27 octobre 1982 et erratum du 10 novembre 1982.
875
( ) Comp. les propositions formulées en la matière par le Centre d'Etudes pour la Réforme
de l'Etat (Réforme de la Procédure, T. II, p. 29-31) qui prévoyait la remise au greffe d'une copie du
procès-verbal de saisie, de récolement ou de carence et le dépôt au dossier de saisie des actes
introductifs des incidents et des décisions rendues sur ceux-ci. Pour M. VAN REEPHINGEN
(Pasin., 1967, 496), il fallait éviter d'augmenter de manière considérable le volume des archives dans
les greffes alors que de nombreuses saisies restent sans suite.
876
( ) A cette occasion, il faudrait en outre prévoir que toute saisie immobilière (conservatoire
ou exécutoire) donne lieu à l'établissement d'un avis de saisie (G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-
exécutions, J .T., 1985, p. 138, n° 12/3 ; adde. n° 202 A).
218 TRAITÉ DES SAISIES

être difficile à réaliser car personne n'est empressé de divulguer des


renseignements susceptibles de profiter à l'interpellateur et de
réduire par voie de conséquence ses propres chances de désintéres-
sement.
L'article 1390 bis du Code judiciaire fournit une informa-
tion plus complète en matière d'avis de délégation qui «relate
l'identité et le domicile du délégant, du délégataire et du tiers
délégué, ainsi que le montant, les conditions, les limites et la cause
de la délégation». Il s'agit d'une innovation qui devrait être
étendue non seulement aux saisies pour cause d'aliments (il est vrai
raréfiées, art. 203 ter, C. civ.) - sans quoi le greffier ne pourra
appliquer l'article 1390 ter aux créanciers qui ont pratiqué une
saisie pour cause d'aliments, - mais à toute saisie donnant lieu à
l'établissement d'un avis.
B. -L'opposition.
L'avis de saisie ne mentionne pas non plus les oppositions
formées par d'autres créanciers (877 ) ~ certes, elles sont efficaces
indépendamment de toute publicité ( 78 ) mais celle-ci permettrait
de donner à tous les créanciers en concours la possibilité de
connaître l'ampleur de leurs créances et dès lors leurs chances de
paiement, de ne pas omettre de la procédure de distribution les
opposants repris sur l'avis, de reconnaître à ceux-ci la faculté d'être
associés à toute procédure amiable ou judiciaire de mainlevée, de
faire renouveler la durée de validité de la saisie, bref, de consacrer
de manière générale le principe de l'accroissement des causes de la
saisie de celles des oppositions (879 ) ( 880).

877
( Une telle suggestion figurait dans les propositions du C.E.R.E. (T. II, p. 19).
)
878
( Infra, n° 117.
)
879
( ) Si dès à présent ce résultat peut être obtenu en matière de saisie-exécution mobilière
(art. 1527) (G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 255; adde. infra n° 198), la question
est controversée en matière de saisie-arrêt-exécution (art. 1543), voy. Les créanciers et le droit de la
faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 338-339; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 472
et J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, Saisies conservatoires et voies d'exécution,
R.C.J.B., 1987, p. 490, n° 84.
880
( ) L'article 1390 devrait être complété entre l'alinéa 2 et l'alinéa 3 par la disposition
suivante : «Tout autre créancier dont la créance peut entrer en compte de répartition en vertu de
l'article 1628 peut manifester sa volonté de concourir à la répartition du prix en faisant porter, par le
greffier, sur l'avis de saisie ses nom, prénom, domicile, la nature et le montant de sa créance, la cause
de préférence éventuelle et la date de sa démarche au greffe. Cette intervention est dénoncée par
simple avis du greffe au débiteur saisi et, le cas échéant, au tiers saisi. Elle produit tous les effets
d'une saisie». Il y a lieu d'éviter toute intervention manifestement non justifiée d'un tiers se
prétendant créancier ; c'est pourquoi la créance invoquée doit satisfaire aux conditions très souples de
l'article 1628 ; une dénonciation par simple avis du greffe est toutefois suggérée afin de permettre au
saisi et éventuellement au tiers saisi de réagir en s'adressant au juge des saisies ; on ne doit cependant
pas perdre de vue que sauf manoeuvre abusive une contestation de ce genre doit être introduite
ultérieurement sous forme de contredit au projet de distribution par contribution (voy. Annexe IV).
RÈGLES COMMUNES 219

Dans ce système l'avis ne pourrait être rayé, sauf expira-


tion du délai de validité de la saisie dont le renouvellement pourrait
aussi être requis par l'opposant, que moyennant le consentement de
celui-ci ou décision de mainlevée lui déclarée commune.
De lege lata, il importe d'insister spécialement sur les
limites d'une opposition se greffant sur une saisie conservatoire.
L'opposant bénéficie certes des effets de la saisie conservatoire
c'est-à-dire de l'indisponibilité dans tous ses éléments (881 ) et de
l'interruption de la prescription (882 ). Toutefois, il importe de ne
pas perdre de vue que la mesure conservatoire peut ne pas dépasser
ce stade en raison de l'impossibilité pour le saisissant d'obtenir un
titre exécutoire ou se transformer tardivement en saisie-exécution à
l'issue d'une instance au fond. Enfin, en cas de mainlevée (amiable,
judiciaire ou automatique par écoulement du délai de validité), de
la saisie, l'opposition disparaîtra avec celle-ci (883 ) ( 884 ).
On le voit, l'aspect collectif de la saisie conservatoire peut
être sans efficacité réelle ; il arrivera que le créancier ait intérêt à
diligenter sa propre procédure que son titre lui permettra de
conduire plus efficacement, plus sûrement et plus rapidement au
stade de l'exécution. En définitive, l'huissier instrumentant appré-
ciera dans chaque espèce l'opportunité de faire naître le concours
soit par voie d'opposition soit par voie de saisie mais si celle-ci
développe ses effets jusqu'à son terme, elle profitera aussi au
saisissant à titre conservatoire dont les droits connus par la
consultation du fichier des saisies (art. 1390) doivent être sauvegar-
dés lors de la distribution par contribution (art. 1628, al. 2) (885 ).

113) L'adaptation de la suppression de l'avis - Durée de validité.


L'avis de saisie doit être adapté à l'évolution de la saisie
qu'il révèle. Ainsi, le renouvellement de la saisie conservatoire et la
transformation de la saisie conservatoire en saisie-exécution doi-
vent être mentionnés sur l'avis originaire (886).

881
( ) Infra, n° 117.
882
( Dans la mesure où la saisie peut devenir commune aux saisissants et aux opposants, elle
)
a selon nous virtuellement pour effet d'interrompre, à dater de l'opposition, la prescription courant
contre les opposants (voy. aussi infra, n° 214).
883
( ) En cas de mainlevée amiable le consentement de l'opposant est requis par les art. 1524,
al. 4 et 1584, al. 2 (n° 192 B).
884
( ) Au sujet de la durée de la saisie, voy. infra n° 196 A.
885
( Infra, n° 216, B.
)
886
( Supra, n° 111 ; infra, n° 196 A; au sujet du cantonnement sur saisie conservatoire, voy.
)
infra, n°s 206 A et 209 et du cantonnement sur saisie-exécution, voy. infra, n° 276 A.
220 TRAITÉ DES SAISIES

«L'avis de saisie est conservé au greffe pendant un délai de


trois ans à compter de la saisie, sans préjudice, s'il échet, de la
radiation de l'avis auparavant amiablement ou par décision du juge.
Il est périmé de plein droit à l'expiration de ce délai s'il n'a été
renouvelé auparavant» (art. 1390, al. 4, C. jud.). Cette règle aligne
de manière générale la durée de validité de l'avis sur celle de la
saisie conservatoire ; elle s'applique donc à la saisie-exécution
mobilière et à la saisie-arrêt-exécution dont la durée de validité est
indéterminée ; dans cette hypothèse, tout comme en cas de su~en­
sion due à l'instance au fond (art. 1493, al. 1er, C. jud.) (88 ), le
créancier devra veiller à faire procéder au renouvellement de l'avis
afin de ne pas être tenu à l'écart d'une éventuelle distribution
résultant d'une mesure d'exécution diligentée par un autre créan-
cier du même débiteur ou de ne pas mettre en péril les droits des
autres créanciers maintenus dans l'ignorance de sa poursuite (888).
Généralement, la radiation de l'avis résulte d'une démar-
che de l'huissier instrumentant lorsque la saisie a cessé de produire
ses effets (889) ou de la péremption automatique. Toutefois, pour
éviter que la publicité sous forme d'avis ne subsiste à des mainle-
vées en portant atteinte au crédit du saisi ou en induisant les
créanciers de celui-ci en erreur, toute décision de mainlevée doit
aussi entraîner la radiation de l'avis qui correspond à la saisie levée
890
( ) ; il importe donc que le jugement de mainlevée (qui peut
émaner du juge du fond dans l'hypothèse prévue par l'art. 1492, C.
jud.) ordonne en même temps la suppression de l'avis qui doit
demeurer le reflet fidèle de la situation du saisi (891 ). La décision
ordonnant une mainlevée peut être assortie d'une astreinte (892 ).
Si la décision est exécutoire par provision (celle-ci est de
droit si elle émane du juge des saisies mais non si elle émane du
juge du fond ordonnant la mainlevée conformément à l'article
1492) aucune attestation ne pourra être exigée du greffe (art. 1388,

887
( Infra, n°2l5, B.
)
888
( Certes, une telle saisie-exécution conserve son efficacité procédurale nonobstant la
)
péremption de l'avis (Comm. Adm. C.I.R .. T. X, Titre, VI, n° 719) mais le créancier poursuivant de
manière occulte s'expose à des dommages-intérêts voire même à une action paulienne des autres
créanciers (G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, p. 137, n° 9/2).
( 889 ) Ou du receveur des contributions lorsque la notification faite conformément à l'article
215, A.R. du C.l.R. cesse de produire ses effets (Comm. Adm. C.l.R., T. X, n°s 369-370, p. 89).
890
( ) La date de la levée de la saisie est expressément prévue par I' A.R. du 5 octobre 1982
établissant le modèle des avis de saisie.
91
(8 ) Infra, n°s 192 et 215 D.
892
( ) Supra, n° 35.
RÈGLES COMMUNES 221

al. 2) avant de faire disparaître l'avis. S'il appartient à la partie la


plus diligente d'y veiller, une telle initiative peut aussi émaner, à
notre avis, du juge des saisies qui exerce en la matière un pouvoir
général de surveillance (893).
On relève enfin que l'article 1390 bis, C. jud. ne prévoit
rien au sujet de la durée de validité de l'avis de délégation.
Pourtant les règles applicables à l'avis de saisie pour cause d'ali-
ments devraient être communes à l'avis de délégation.

114) Règle spéciale pour les commerçants.

«Lorsque la saisie est pratiquée à charge de sociétés ou de


personnes inscrites au registre du commerce d'un arrondissement,
copie de l'avis de saisie est en outre adressée, dans les vingt-quatre
heures, au greffier du tribunal de commerce de cet arrondissement
par l'huissier de justice dans le cas de l'alinéa 1er, ou par le greffier
du tribunal de première instance dans le cas de l'alinéa 2» (art.
1390, al. 3). En matière fiscale, cet avis doit être adressé par le
fonctionnaire chargé du recouvrement (art. 215, § 3, al. 2 A.R.
d'exécution C.I.R. et art. 85 bis,§ 1er, al. 3, Code T.V.A.).
L'article 1390, al. 3, précise que l'avis est adressé au greffe
du tribunal de commerce de l'arrondissement dans lequel la société
ou la personne est inscrite au registre du commerce. Il aurait fallu
ajouter que si le domicile de la personne physique ou le siège social
de la personne morale se trouve dans un arrondissement différent,
l'avis doit être également adressé au greffe du tribunal de com-
merce de cet arrondissement (comp. art. 443, al. 2, C. corn.) (894 ).
Cette disposition établit un lien entre les saisies mobilières
et les procédures collectives du droit commercial. L'avis de saisie
est un indicateur précieux pour les services des enquêtes commer-
ciales des tribunaux de commerce (895 ). Cette information révéla-
trice des difficultés qu'éprouve un commerçant pour faire face à son
passif ne doit pas nécessairement déboucher sur sa mise en faillite

893
( ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau, Bruxelles,
1982, p. 32, n° 31.
894
( ) Rien n'est dit sur l'envoi de l'avis de délégation (art. 1390 bis, C. jud.) au greffe du
tribunal de commerce. Il est vrai que la mesure de délégation est rarement susceptible d'être mise en
oeuvre à charge d'un commerçant (voy. toutefois le texte général des art. 203 ter et 221, al. 2, C.
civ.).
895
( ) J.L. DUPLAT et G. HORSMANS, Les services des enquêtes commerciales des
tribunaux de commerce. in L'entreprise en difficulté, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 45 à 58.
222 TRAITÉ DES SAISIES

lorsque la procédure de saisie (qui tend aussi par voie d'ordre ou de


distribution par contribution au règlement collectif du passif du
débiteur) limitée à certains biens, permet d'obtenir, parfois à
moindres frais, un résultat aussi satisfaisant pour les créanciers
sans, pour autant, provoquer la disparition de l'exploitation (896)
897
( ). La passerelle établie par l'avis de saisie entre les mesures
civiles et les mesures commerciales de conservation et de réalisation
du patrimoine du commerçant peut ainsi être extrêmement utile
pour éviter des mesures injustifiées par leur ampleur et dans leurs
conséquences.

115) Accès au fichier des saisies.


Aux termes de l'article 1391, «Les avocats et les huissiers
de justice chargés d'une procédure contre une personne déterminée
peuvent prendre connaissance au greffe, sans déplacement, des avis
de saisie établis au nom de celle-ci. Les notaires sont également
autorisés à consulter les avis de saisie établis au nom des personnes
dont les biens doivent faire l'objet d'un acte de leur ministère».
Dans le même temps, ils pourront prendre connaissance des avis de
délégation joints aux avis de saisie (art. 1390 bis, al. 1, C. jud.).
Le fichier des saisies est évidemment accessible au greffier
chargé de mettre à la cause les créanciers d'aliments (art. 1390 ter,
al. 2) et au juge des saisies qui exerce un pouvoir général de
surveillance en la matière (art. 1396). Ainsi, celui-ci peut s'assurer
que les avis de saisie sont effectivement adressés au greffe (898) et

896
( ) G. de LEV AL, Saisies et droit commercial in Les créanciers et le droit de la faillite,
Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 315-316. Ainsi, il a été, à juste titre, décidé qu'un créancier ne peut agir
en faillite contre son débiteur qui ne s'exécute pas dès lors qu'une procédure d'exécution forcée lui
aurait permis d'obtenir paiement de son dû (Mons, 30 octobre 1984, R.D.C.B., 1985, 482); de même
il a été jugé que si l'existence de biens saisissables permet de payer le solde litigieux, les conditions de
la faillite ne sont pas réunies (Liège, 9 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 422; infra, n°s 119, 120 et 123).
Signalons aussi un arrêt de la Cour de cassation de France du 15 avril 1986 (Gaz. Pal., 1986, Pan.,
170): «A légalement justifié sa décision ayant débouté une U.R.S.S.A.F. de sa demande tendant à la
mise en liquidation des biens de son débiteur, la Cour d'appel qui, après avoir retenu que ce débiteur
payait ses créanciers, à la seule exception de l'U.R.S.S.A.F. dont il se croyait fondé à contester la
créance, a fait ressortir à bon droit que l'ouverture d'une procédure collective ne pouvait être
substituée à une voie d'exécution au profit d'un créancier impayé».
897
( ) «Chacun sait aujourd'hui que, lorsqu'il est question de l'égalité entre créanciers, qui
constitue le fondement même de la procédure en matière de faillite, ce n'est en fait qu'un leurre. Les
créanciers privilégiés occupent une place tellement importante qu'il absorbent la presque totalité de
l'actif» (E. KRINGS, Le pouvoir judiciaire et la procédure de faillite, J.T., 1986, p. 471, n° 19;
adde. p. 465, n° 3 et p. 467 n° 7).
898
( ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau, 1982, p. 35, n°
34.
RÈGLES COMMUNES 223

adaptés à l'évolution de la saisie. De même, lorsqu'il est appelé à


autoriser une saisie conservatoire, il peut consulter le fichier des
saisies afin d'y recueillir des éléments d'information sur la situation
du prétendu débiteur ( 899).
Pour le surplus, il y a un monopole de consultation réservé
aux avocats, huissiers et notaires qui peuvent prendre connaissance
au greffe, sans déplacement, des avis de saisie établis au nom du
débiteur de leur mandant. L'accès au fichier des saisies est limité à
ces auxiliaires de la justice afin de ne pas exposer le saisi à des
investigations déplacées et inutilement préjudiciables ( 900 ). Il est
évident que leur responsabilité pourra être mise en cause au cas où
ils auraient omis de prendre connaissance des avis de saisies (901 ).
Même si la loi ne le prévoit pas, le greffe peut, à notre avis,
à la demande du juge des saisies, de l'huissier, de l'avocat ou du
notaire, délivrer un écrit établissant l'existence d'avis établis au
nom d'une personne sans assumer évidemment aucune responsabi-
lité quant au contenu des avis dont il est le dépositaire ( 902 ) ( 903 ).

116) Utilité de la consultation du fichier des saisies.

A. - L'avocat du créancier ne doit pas oublier de consulter les


avis de saisie avant même d'engager une procédure au fond qui
pourra être évitée si les renseignements obtenus permettent au

899
( ) Civ. Tournai, ch.s., 28 septembre 1983, R.G., n" 14.952, in Jurisprudence du Code
judiciaire, II, Art. 1390/2; infra, n° 177, A.
00
('' ) Comp. et contra Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat, Réforme de la Procédure,
T. II, p. 20-21 et p. 30 (projet de texte) qui tout en prévoyant que le dossier et le répertoire de saisie
n'étaient pas publics organisait la délivrance par le greffier d'extraits du répertoire aux créanciers
nantis d'un titre exécutoire à charge de la partie saisie et à tous les intéressés autorisés à cette fin par
ordonnance du président du tribunal de première instance. De lege ferenda, cette possibilité devrait
s'ajouter à celle qui est prévue par l'article 1391. Comp. en ce qui concerne les renseignements
relatifs au patrimoine immobilier, Rec. Enr., 1985, n° 23.143, p. 57.
101
(' ) Avis unanime de la Commission du Sénat lors de la discussion du projet de loi
complétant l'article 1391 du Code judiciaire afin de permettre également aux notaires de consulter les
avis de saisie (Doc. Pari. Sénat, Sess., 1976-1977, Doc. 950/1); Bruxelles, 19 mars 1985, Pas., 1985,
II, 89.
902
( ) Comp. et contra en ce qui concerne l'article 20, 5°, L. hypoth., la réponse du Ministre à
une question parlementaire; «si le greffier est tenu de transmettre une copie de l'acte déposé, il n'a
pas à délivrer d'attestation relative à la nature du dépôt de l'acte, délivrance qui serait de nature à
accroître les risques d'erreur» (Rev. Not., 1984, p. 611-612). En matière d'avis de saisie, cc risque
d'erreur est inexistant dans la mesure où il s'agit de documents établis par des professionnels
(huissiers, greffiers, receveurs des contributions) sur base d'un modèle établi par arrêté-royal.
903
( ) Ainsi le créancier qui entend éviter la sanction comminée par l'article 446 C. corn.
pourrait utilement demander une telle attestation (infra, n° 116).
224 TRAITÉ DES SAISIES

créancier de faire valoir ses droits sur le produit d'une saisie


préalable, le litige au fond prenant, le cas échéant, la forme d'un
contredit au projet de répartition (art. 1629) (904 ).

L'huissier de justice chargé de pratiquer une saisie doit


procéder à la consultation préalable des avis de saisie établis à
charge du débiteur (905 ) afin d'apprécier l'opportunité pour le
créancier soit d'entamer une nouvelle saisie soit de s'associer à une
précédente saisie par voie d'opposition sur le prix (906). En outre,
lors de la distribution, il doit encore consulter les avis de saisie afin
de ne pas omettre les créanciers qui auraient pratiqué une saisie
conservatoire ou exécutoire y compris par la voie hypothétique du
récolement (art. 1524, al. 3) (907 ). Enfin, la consultation du fichier
des saisies par l'huissier permet à celui-ci de calculer la 9Jtiotité
saisissable en cas de pluralité de saisies de revenus protégés ( 8).

Les articles 1396 (surveillance exercée par le juge des


saisies) et 866 du Code judiciaire et 1382 du Code civil permettent
de sauvegarder le caractère unique et collectif de la saisie en alliant
économie de frais et efficacité du droit des saisies même si dans
certaines situations les droits du créancier ne peuvent être protégés
qu'en diligentant une nouvelle saisie (909).

Plusieurs décisions rappellent à juste titre l'importance de


la consultation du fichier des saisies afin d'assurer au maximum le
respect du principe suivant lequel une seule saisie peut profiter à

904
( ) G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n°s 49 et s. ; R. RASIR, Un
inconnu dans la maison, Bull. du Barreau de Liège, 1981-1982, p. 17, n° 3; voy. en matière
immobilière, G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n"s 47 et s. et n° 114.
905
( ) Un droit fixe de 204 francs est alloué à l'huissier de justice pour l'envoi ou le dépôt d'un
avis de saisie (art. 13, 2° d de l'A.R. du 30 novembre 1976 fixant le tarif des actes accomplis par les
huissiers de justice en matière civile et commerciale, ainsi que celui de certaines allocations, modifié
par l'article 8 de 1' A.R. du 17 décembre 1977) et de 273 francs pour toute consultation du fichier des
saisies avant la répartition du produit d'une vente ou de la saisie du numéraire (art. 13, 3° e de I' A.R.
précité).
906
( ) Rapport VAN REEPHINGEN, Pasin., 1967, 496; Civ. Verviers, ch.s., 19 décembre
1986, R.G. n° 2811/34, Jurisprudence du Code judiciaire, art. 1390; J. BAUGNIET, Trav. Corn.
Et., 1974, Dossier, n° 1672, p. 201 ; Comm. Adm. C.I.R., T. X, Titre V, n° 373. Aucune limitation
ne pourrait être apportée à ces démarches, prolongées, le cas échéant, au niveau des échanges
d'informations entre huissiers, au nom des exigences du secret professionnel alors qu'il y a obligation
légale d'assurer l'égalité entre les créanciers (P. LAMBERT, Le secret professionnel, Bruxelles-
Nemesis, 1985, p. 242).
907
( ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 279-280.
908
( ) Supra, n°s 83 A, d et 89.
909
( ) Supra, n° 112 B et infra, n° 117.
RÈGLES COMMUNES 225

plusieurs créanciers ou suffire au recouvrement de plusieurs créan-


ces du même créancier (910).
B. - Il importe de ne pas engager de nouveaux frais dans la
mesure où une voie d'exécution (voire une saisie conservatoire) qui
peut profiter à tous les créanciers est en cours. Certes, sauf en
matière de saisie-exécution immobilière (art. 1571, C. jud.), la
règle «saisie sur saisie ne vaut» ne subsiste pas dans le Code
judiciaire ; la sanction de la réitération inutile d'un acte de saisie ne
réside pas dans la nullité de celle-ci mais dans l'impossibilité d'en
faire supporter le coût par les autres créanciers et le saisi : non
seulement de tels frais ne sauraient être privilégiés (911 ) mais aussi
ils peuvent être laissés à charge de celui qui les a exposés (y compris
l'huissier, art. 866, C. jud.) en rendant la procédure inutilement
onéreuse (912 ).
C. - En cas de saisie-arrêt conservatoire pratiquée par voie de
greffe ou de saisie-arrêt fiscale non suivie d'une saisie-arrêt-
exécution de droit commun, un autre créancier peut, grâce à l'avis,
apprécier s'il est opportun de poursuivre une procédure contre son
débiteur mais pour le surplus, il ne saurait s'associer à la poursuite
par voie d'opposition entre les mains du greffier ou du receveur. En
effet, le greffier ne réalise qu'une notification au stade conserva-
toire (art. 1449) alors que la répartition ne peut résulter que d'une
saisie-arrêt-exécution obligatoirement diligentée et achevée par un
huissier de justice (art. 1539 et 1543). Quant au receveur, celui-ci
n'a égard à une opposition et ne fait ensuite pratiquer une saisie-
arrêt-exécution que s'il y a opposition antérieure à la saisie fiscale
(art. 216, § 1er, A.R. d'exécution C.l.R. et art. 85 bis, § 3, Code
T.V.A.). Bref, si un concours se produit postérieurement à une
saisie fiscale revelée par la consultation du fichier des saisies, la

9
( w) Civ. Huy, ch.s., 25 juin 1984, J.T., 1985, 146; Jur. Liège, 1984; voy. aussi Civ. Liège,
ch.s., 7 mars 1984, Jur. Liège, 1984, 200. De même le créancier saisissant peut obtenir par la
consultation du fichier des saisies des renseignements dont il serait, le cas échéant, malvenu de
reprocher au tiers saisi le défaut de communication (Civ. Tournai, ch.s., 9 mai 1980, R.G. n° 7669,
Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1542/2). Adde., infra, n° 121.
(9") Supra, n° 108 A.
(9 12 ) Si l'on ne peut poser à titre de principe le caractère frustratoire de saisies subséquentes à
une première saisie eu égard à la nécessité de prendre en considération les circonstances de fait
propres à chaque cas, le caractère frustratoire d'une saisie subséquente est démontré lorsque l'utilité
des nouvelles saisies pratiquées après trois saisies antérieures n'apparaît pas du dossier et que les
nouveaux créanciers saisissants n'offrent pas de l'établir. Les créanciers saississants ne peuvent
exercer leur droit de poursuite de la façon la plus onéreuse pour le débiteur (Civ. Verviers, ch.s., 19
décembre 1986, R.G., n" 2811/34, à paraître dans les Ann. Dr. Liège, 1988, annoté par G. de
LEVAL).
226 TRAITÉ DES SAISIES

répartition doit être faite par l'huissier de justice ayant pratiqué la


procédure de droit commun après la saisie fiscale.
D. - S'il est vrai que la saisie-arrêt d'une créance hypothécaire
ne donne pas lieu à la mention marginale prévue par l'article 5 de la
loi du 16 décembre 1851 (913 ), la publicité organisée par l'article
1390 du Code judiciaire permet d'informer valablement le créancier
éventuel du créancier hypothécaire à charge duquel une saisie-arrêt
a été pratiquée.
E. - Nonobstant la publicité spéciale de la saisie du brevet
(notification à !'Office de la propriété industrielle auprès du
Ministère des Affaires économiques) (914), le dépôt de l'avis de
saisie avant cette notification permet aux créanciers et tiers intéres-
sés d'être informés de l'existence d'une telle saisie qui leur est en
principe opposable à sa date. Le créancier saisissant qui ne fait pas
réaliser cette publicité dans les 24 heures par l'huissier instrumen-
tant (art. 1390, C. jud.) encourt le risque de ne pouvoir opposer la
saisie aux tiers préjudiciés par ce défaut de publicité.
F. - Enfin l'avis de délégation et l'avis de saisie pour cause
d'aliments permettent de mettre à la cause les créanciers d'aliments
devant le juge du fond saisi d'une demande de délégation afin de
déterminer au besoin et à titre préventif une répartition entre les
créanciers d'aliments (art. 1390 ter, C. jud.) (915 ).

117) Publicité, indisponibilité et distribution par contribution.

Aux termes de l'article 1390, alinéa 5 du Code judiciaire,


«aucune remise ou distribution des deniers saisis ou provenant de
la vente de biens meubles saisis ne peut avoir lieu que conformé-
ment aux dispositions de l'article 1627 », c'est-à-dire qu'il doit être
tenu compte de tous les créanciers saisissants ou opposants et
même de «tout tiers se prétendant créancier» qui se seront signalés
à l'huissier instrumentant dont le nom figure sur l'avis de saisie
(916).

913
( ) E. GENIN, Mis à jour par R. PONCELET et A. GENIN, Traité des hypothèques et de
la transcription, Extrait du Répertoire Notarial, Larcier, 1980, T. 1, n° 64.
(9 14) Supra, n° 44.
915
( ) Supra, n°s 99 A et 109 B.

(9 16 ) G. de LEVAL, La distribution par contribution, Rép. Not., n° 17.


RÈGLES COMMUNES 227

Bref, ce n'est que si la première sa1s1e est irrégulière,


insuffisante, non diligentée ou, de manière générale, si les droits du
créancier sont en péril et non conservés par la première mesure
qu'une saisie subséquente peut se justifier (917). Même si la saisie a
un effet d'indisponibilité relative, il ressort du texte et de l'esprit de
la loi que l'opposition qui se greffe sur une saisie (conservatoire ou
exécutoire) bénéficie des effets de celle-ci de telle sorte que si elle
est antérieure (d'où l'importance de se ménager une preuve) à la
naissance d'un droit acquis par un tiers (par exemple cession de
créance postérieure à une saisie-arrêt), elle sera, à ce niveau, aussi
efficace qu'une saisie (918 ). De lege lata, le principe n'est applica-
ble qu'en matière mobilière et non en matière immobilière en
raison des dispositions s~éciales prévues par les articles 1444 et
1577 du Code judiciaire ( 19 ).
On insiste sur le principe suivant lequel, en matière
mobilière, il y a lieu à distribution par contribution même en
l'absence d'adjudication lorsqu'un paiement volontaire, total ou
partiel, est effectué généralement pour éviter l'aboutissement de la
mesure d'exécution (920).

118) Heurs et malheurs du saisi.

L'avis de saisie est établi au nom du saisi ; si la saisie est


pratiquée à charge de plusieurs personnes, un avis séparé doit être
dressé pour chacune d'elles (921 ).

La publicité de la saisie mobilière est certes avantageuse


pour les créanciers mais elle peut être extrêmement préjudiciable
pour le saisi : perte de confiance de ses créanciers associés à la
poursuite ; convocation, s'il est commerçant, par le service de
enquêtes commerciales du tribunal de commerce auquel l'avis de
saisie a été transmis ; indice d'insolvabilité utilisé pour justifier

(
917
) G. de LEVAL, Le caractère collectif de la saisie mobilière, Ann. Dr. Liège, 1988 (à
paraître).
) Infra, n"s 203 C et 211 à 213. Pour le surplus, l'opposition ne peut être, de lege lata,
918
(
assimilée à une saisie (voy. supra, n" 112 B).
) Ni en matière de saisie sur bateaux et navires (art. 1478, 1479 et 1552 ; G. de LEVAL,
919
(
La saisie mobilière, Rép. Not., n"s 512 et 513).
) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 275.
920
(

) Comm. Adm. C.l.R., T. X, Titre V, n" 359, p. 87.


921
(
228 TRAITÉ DES SAISIES

d'autres salSles (922 ) ; atteinte à son honorabilité ; perte de con-


fiance d'un employeur, etc. Dans la mesure où le saisi est
effectivement débiteur, le caractère pénible d'une telle situation
n'ôte rien à sa nécessité et à sa légalité. Par contre, si un tel
enchaînement est la conséquence de saisies téméraires et vexatoi-
res, le préjudice subi par le saisi sera beaucoup plus important que
si la mesure avait conservé un caractère occulte.
La publicité renforce l'efficacité de la saisie dans le respect
de la loi du concours. En contrepartie les conditions de mise en
oeuvre de la saisie doivent être scrupuleusement respectées et la
responsabilité du poursuivant qui diligente fautivement une procé-
dure de saisie peut l'exposer à l'obligation de payer des dommages-
intérêts élevés (923 ).
Enfin, tout en ne perdant pas de vue que la solution aux
problèmes de l'endettement réside avant tout au niveau des
conditions de celui-ci, il y a lieu de se demander si, de lege ferenda,
il ne serait pas opportun d'affranchir le débiteur dont tous les biens
saisissables ont été réalisés dans le respect de la loi du concours, de
son passif à l'égard de ses créanciers. Cette solution devrait
permettre au débiteur de se relever plutôt que de s'enfoncer dans la
marginalité sans jamais pouvoir offrir une nouvelle surface saisissa-
ble. Il est clair qu'une telle faveur ne devrait être accordée qu'aux
débiteurs malheureux et de bonne foi sans que les créanciers
d'aliments ne puissent pâtir de cette mesure. Il faut préciser qu'une
telle réforme ne pourrait à nos yeux limiter dans le temps les effets
d'une saisie-arrêt-exécution successive (924 ) et devrait comporter
certaines exceptions en cas de «retour à meilleure fortune».

922
( ) Ainsi une décision du juge des saisies de Bruxelles du 12 septembre 1986 (R.G., n°
23.381) relève, parmi d'autres indices permettant de considérer que les craintes du saisissant ne sont
pas dénuées de fondement, le fait que «plusieurs avis de saisies ont été établis à charge de la
demanderesse dans un passé récent».
923
( ) Infra, n°195; comp. Civ. Liège, li mars 1987, J.L.M.B., 1987, 549.
924
( ) Comp. A. ZENNER, Perspectives actuelles de réforme des procédures collectives,
Ann. Dr. Liège, 1986, p. 220, n° 18 ; infra n° 124, note 984 ; adde. art. 169 de la loi française du 25
janvier 1985 sur le redressement judiciaire. A ce sujet M. PEDAMON (Présentation générale de la
réforme des procédures collectives, Gaz. Pal., 20-21août1986, p. 2 à 6) écrit: «L'art. 169 de la loi de
1985 pose le principe que le jugement de clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif ne fait pas
recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. «Le passif est donc
«apuré» sans avoir été payé». Cette solution est choquante sur le plan de la moralité commerciale.
Elle a été justifiée par la nécessité de mettre fin à l'inégalité de traitement qui existait jadis entre les
exploitants individuels et les dirigeants sociaux : les premiers risquant d'être recherchés à nouveau
pour le paiement du solde de leurs dettes s'ils revenaient à meilleure fortune, les seconds étant
immédiatement et définitivement libérés après la clôture de la procédure collective. La solution
s'explique aussi vraisemblablement par le souci de favoriser la création de nouvelles entreprises ;
même par ceux qui ont enregistré un premier échec». Comp. supra, n° 70; adde. la solution partielle
offerte par l'art. 307, C.I.R.
TITRE IV

LES PROCEDURES COLLECTIVES


ET LES SAISIES

119) Les situations de concours.

«Le concours est la rencontre, due à l'initiative des


créanciers ou à la volonté du législateur, des prétentions contradic-
toires des créanciers sur un ou plusieurs biens du débiteur dont
celui-ci a perdu la libre disposition» (925 ). Il est aussi le cadre
procédural qui permet la répartition égalitaire entre les créanciers.
Il s'agit d'une application des art. 7 et 8 de la loi hypothécaire (926).

La saisie réalise une situation de concours non lorsqu'elle


est pratiquée par un créancier à charge d'un débiteur (927 ) mais
lorsque la mise en oeuvre des droits du saisissant est concurrencée

925
( ) L. VINCENT, «Les privilèges et hypothèques», Chronique de jurisprudence (1949-
1966), J.T., 1968, p. 757, n° 77; P. VAN OMMESLAGHE, La situation des créanciers d'une société
en liquidation : une construction jurisprudentielle de la Cour de cassation de Belgique, Zeitschrift für
Unternehmens - und Geselleschaftsrecht, 1978, 382; J. LINSMEAU, Le concours, les saisies
multiples et leurs solutions in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles,
1982, 287 ; Ph. GERARD, La règle de l'égalité entre les créanciers d'une société commerciale en
liquidation, R.C.J.B., 1977, p. 639, n" 5. Une définition plus précise est proposée par B. MAES et
R. BUTZLER (Le droit d'exécution individuelle des créanciers de la masse, note sous Cass., 26
novembre 1981, R.C.J.B., 1985, p. 457, n° 9): «le concours peut être défini comme l'opposition, soit
à l'initiative des créanciers eux-mêmes, soit de plein droit, de divers recours des créanciers -
dérivant soit de droits réels soit de droits de créance «mis en oeuvre» par la poursuite sur un ou
plusieurs biens du débiteur - sur une masse de biens, rendue en même temps indisponible pour le
débiteur».
(926 ) H. JANSSENS DE BISTHOVEN, concl. préc. Cass., 2 mai 1985, R.D.C., 1985, 537.
(9 27 ) Une situation de concours n'empêche évidemment pas Je créancier de faire établir
judiciairement sa créance (J. LINSMEAU, op. cit., Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, 291 ; Cass.,
24 mars 1977, Pas., 1977, 1, 792 et concl. de Monsieur le Procureur Général DELANGE; infra, n°
124 B).
230 TRAITÉ DES SAISIES

par des prétentions «cristallisées» (928 ) sur l'objet de la saisie, par


d'autres créanciers opposants ou saisissants ou par des tiers faisant
valoir un droit réel.
Dans d'autres hypothèses, la situation de concours n'est
pas liée à l'initiative des créanciers intervenant dans une saisie à
l'origine individuelle ; elle découle du déclenchement d'une procé-
dure qui, par la volonté du législateur, tend, dès le départ, à assurer
le règlement collectif du passif du débiteur. Il s'agit essentiellement
de la faillite, du concordat judiciaire, de la liquidation des sociétés
commerciales ou des associations sans but lucratif, des successions
sous bénéfice d'inventaire ou vacantes.
Le concours existe indépendamment de l'insuffisance des
biens du débiteur (929 ) même si généralement il survient en raison
de l'insolvabilité du débiteur. Si dans chaque cas le débiteur perd la
libre disposition de ses biens, ce n'est pas toujours avec la même
force ni la même soudaineté, ce qui explique que les effets du
concours présentent une intensité qui varie d'une procédure à
l'autre.
Il importe de préciser dans chacune des situations légales
de. concours le sort qui doit être réservé à une saisie (930 ) qui porte

(928 ) J. RENAULD et P. COPPENS, La notion de concours entre créanciers, son application


au régime des sociétés dissoutes et des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire, note sous
Cass., 31 janvier 1964, R.C.J.B., 1965, p. 109, qui précisent «qu'en droit commun, le fait que
plusieurs créanciers réclameraient paiement ou même, procéderaient à des mises en demeure, ne
suffit point pour créer concours». Un arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 1935 (Pas., 1935, I,
101) énonce «que le privilège s'exerce au moment où se produit le concours entre les créanciers
privilégiés et les créanciers chirographaires pour la répartition de la valeur des biens du débiteur ; que
le privilège ne s'exerce pas aussi longtemps que le créancier privilégié se trouve en présence du
débiteur seulement».
929
( ) J. LINSMEAU, op. cit., Jeune Barreau Bruxelles, 1982, 287; comp. B. MAES et R.
BUTZLER, R.C.J.B., 1985, p. 455, n° 7 et note 12, p. 456 et n° 8, in fine, p. 457; contra J.
RENAULD et P. COPPENS, op. cit., R.C.J.B., 1965, 109.
(9 30) Le concours suscite d'autres conséquences dont l'examen sort du cadre du présent
ouvrage. Ainsi en va-t-il : - de l'arrêt du cours des intérêts des créances chirographaires voire
garanties par un privilège général (Cass., 26 décembre 1985, Pas., 1986, I, 531 ; Cass., 7 avril 1986,
J.T., 1987, 5; adde. note 1028; voy. toutefois en cas de concordat par abandon d'actif, P. COPPENS
et F. T' KINT, Examen de jurisprudence. Faillites et concordats, 1979-1983, R.C.J.B., 1984, 600;
comp. art. 1637, 1650, al. 2 et 1668, C. jud.) ; - de l'interdiction de principe de la compensation
entre des dettes réciproques dont l'une est antérieure et l'autre postérieure au concours (Cass., 2
septembre 1982, J.T., 1982, 739; R.W., 1983-1984, 523; P. COPPENS et F. T' KINT, Examen de
jurisprudence. Faillites et concordats, R.C.J.B., 1984, p. 590, n° 142); - de l'exclusion de l'action
en résolution de la vente d'effets mobiliers postérieurement au concours ou de l'inopposabilité d'une
clause de réserve de propriété ou d'un pacte commissoire exprès mis en oeuvre après le concours (sur
tous ces points, voy. Ph. GERARD, op. cit., R.C.J.B., 1977, p. 642 à 647; P. VAN OMMESLA-
GHE, op. cit., Zeitschrift für Unternehmens - und Gesellschaftsrecht, 1978, p. 379 à 385 et Les
liquidations volontaires et les concordats, in L'entreprise en difficulté, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles,
1981, p. 435-436, n° 11).
RÈGLES COMMUNES 231

au moins partiellement sur les mêmes biens. Si de mamere


générale, la préférence doit être donnée à la proc~dure dont l'objet
englobe celui d'une procédure particulière de saisie car il s'agit de
faire prévaloir les règles qui assurent de manière optimale le
respect des droits de la collectivité des créanciers, ce principe n'a
pas une portée absolue ; en effet, indépendamment des droits de
préférence qui permettent à certains créanciers de ne pas être
tributaires d'une procédure collective, on ne doit pas perdre de vue
que, grâce à la publicité, une saisie peut produire à moindres frais
un résultat collectif (931 ) ( 932 ).

CHAPITRE 1- SAISIE ET FAILLITE (933 ).

120) Notion.
La faillite est une procédure de liquidation collective qui
emporte le dessaisissement du failli au profit de tous les créanciers
qui existent au jour de la faillite et qui se seront manifestés dans les
délais (art. 508 C. corn.). Le dessaisissement est une saisie générale
934
( ) ; il se produit à la première heure du jour où la faillite est
prononcée (935 ) ; il ne s'applique pas seulement aux biens qui
appartiennent au failli le jour où la faillite est prononcée mais il
s'étend à tous les biens qu'acquerra le failli jusqu'à la clôture de la
faillite (936 ) ; il prive le failli, représenté par le curateur, du
pouvoir d'utiliser ou de gérer son patrimoine (937). Par comparai-
son, on peut dire de la saisie qu'elle est susceptible de profiter à
tous les créanciers qui se sont manifestés avant l'envoi du projet de
répartition (art. 1629, C. jud.) (938 ) ; qu'elle ne porte que sur les

(9 31 ) Supra, n°s 106 et 114 à 117 ; infra, n° 131.


932
( Voy. aussi au sujet de la conservation d'un privilège, n° 103 C.
)
933
( Plusieurs emprunts sont faits à notre étude consacrée aux «saisies et droit commercial»
)
in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 317 à 323.
(9 34 ) Gand, 11juin1985, Rec. Gén., 1987, p. 38, n° 23405.
(935 ) Bruxelles, 1er octobre 1985, J.T., 1986, 344 et réf. cit.
936
( ) J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial terrestre, Bruxelles,
Bruylant, T. IV, n°s 2624 et 2627. Voy. toutefois infra, n° 124.
937
( ) Quoique privé de l'administration de ses biens, le failli peut accomplir des actes ayant
pour but la conservation de ses droits ; il peut notamment pratiquer des saisies-arrêts à charge de ses
débiteurs (R.P.D.B., V 0 Saisie-arrêt, n° 29). Au sujet de la poursuite des activités pendant la faillite
moyennant le respect des intérêts des créanciers, voy. J. WINDEY et D. TORBEYNS, La poursuite
provisoire des activités commerciales, J.T., 1986, p. 340 à 342 et réf. cit..
938
( ) G. de LEV AL, Distribution par contribution, Rép. Not., n° 21.
232 TRAITÉ DES SAISIES

biens déterminés faisant l'objet de la mesure ; sauf s'il s'agit d'une


saisie-arrêt ou d'une saisie sur bateau ou navire, que le saisi
conserve le droit de jouir en bon père de famille des biens saisis
jusqu'au jour de leur répartition à moins que par son comporte-
ment, il ne mette en péril le gage de ses créanciers (art. 1961 ; art.
1421et1509, C. jud.).
La publicité en matière de saisie rapproche cette procédure
de la faillite (939 ) (940) ( 941 ) dont on peut souvent regretter la
lourdeur et le coût que ne compense pas nécessairement son
efficacité. Parfois les deux procédures interfèrent (art. 453 al. 2, C.
corn.).

121) Saisie achevée au moment de la déclaration de faillite.

A. - En vertu de l'article 446 du Code de commerce, le juge


peut annuler les paiements (parmi lesquels il y a lieu de ranger le
cantonnement sur exécution provisoire, art. 1404, al. 2, C. jud.)
942
( ) faits par le débiteur, pour dettes échues, après la cessation de
ses paiements et avant le jugement déclaratif, si, de la part de ceux
qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils ont eu lieu
avec connaissance de la cessation de paiement. Cette disposition
concerne tant les paiements volontaires que les paiements obtenus
à la suite d'une saisie-exécution ; la règle ayant pour objet d'assurer
l'égalité entre les créanciers du failli, il n'est pas requis que le
créancier payé ait agi de mauvaise foi ou frauduleusement, il suffit
qu'il ait eu ou pu avoir connaissance (directement ou par l'intermé-
diaire de son mandataire) de la cessation des paiements du failli
(notamment en consultant les avis de saisie, art. 1390 et 1391 C.
jud.) (943 ) et que la masse soit préjudiciée ; toutefois, même
lorsque sont réunies les conditions auxquelles l'article 446 du Code
de commerce subordonne l'inopposabilité à la masse de paiements

939
( Supra, n° 114 et note 896.
)
940
( Au sujet de l'application des règles de l'insaisissabilité on rappelle que de lege ferenda, il
)
est envisagé de rendre les articles 1408 à 1412 C. jud. applicables au failli (supra, n°s 74 et 79 II C ;
voy. aussi G. de LEVAL, L'inégalité entre les saisis, R.G.A.R., 1984, n°10822 V).
941
( ) Il est devenu caricatural de prétendre que la faillite, «procédure momentanée de saisie
collective», ... « a pour but d'éviter les désordres qui résulteraient de saisies individuelles en
organisant une voie de réalisation et de règlement collective et pour fonction essentielle d'assurer le
paiement des créances en concours au marc le franc, sous réserve des privilèges» (A. ZENNER et L.
JANSSENS, Faillites et droit social, J.T.T., 1986, 229, n° 3).
942
( ) Infra, n° 275 A.
943
( ) Voy. toutefois Mons, 12 juillet 1985, J.T., 1986, 345.
RÈGLES COMMUNES 233

faits par le débiteur pour dettes échues, la loi s'en remet à


l'appréciation du juge pour décider si, eu égard aux circonstances
de la cause, il y a lieu de déclarer les paiements inopposables à la
masse (944) (945).
Dans la mesure où la publicité qui s'attache à la procédure
d'exécution forcée a effectivement permis, grâce à une consultation
du fichier des saisies (946), de supprimer les risques d'une rupture
d'équilibre entre les créanciers, «le problème devient sans objet
puisque, la masse n'étant pas préjudiciée, une des conditions
d'application de l'article 446 ferait défaut» (947 ).
B. - Lorsque la faillite survient après l'expropriation réalisée
par voie de saisie-exécution, l'ordre ou la distribution par contribu-
tion conserve sa raison d'être sous cette réserve que le notaire ou
l'huissier de justice s'adressera au curateur pour tout ce qui
concerne les créanciers chirographaires et privilégiés généraux
(948).

122) Saisie entamée ou poursume en période de faillite par les


créanciers du failli.
Il importe de distinguer suivant que le poursuivant est ou
non un créancier dans la masse :
A. -La saisie émane de créanciers dans la masse.
«Le jugement déclaratif de la faillite arrête toute sa1s1e
faite à la requête des créanciers chirographaires et non privilégiés

) Cass., 25 mai 1978, Pas., 1978, I, 1090 et les conclusions de M. !'Avocat Général
944
(
VELU; J.T., 1978, 523; Cass., 3septembre 1982, Pas., 1983, 1, 6; R.W. 1983-1984, 383; R.D.C.,
1984, 575; Mons, 21février1983, Pas., 1983, II, 31; Liège, 14 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 507;
Liège, 31janvier1986, J.L. 1986, 269; Comm. Verviers, 25 juin 1984, Jur. Liège, 1985, 278; Comm.
Namur, 24 janvier 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 193; P. COPPENS et F. T' KINT, Examen de
jurisprudence, Faillites et concordats (1979-1983), R.C.J.B., 1984, p. 549 à 552, n°101 et réf. cit.; A
CLOQUET, Les concordats et les faillites, Novelles, Ed. 1985, n°s 331 et 355 à 357. Comp. Liège,
7ème ch., 19 juin 1987, R.G., n" 17.496/85 (dation en paiement faite en période suspecte pour arrêter
une saisie; tombe sous le coup de l'art. 445, C. corn.).
) Il peut s'agir d'un paiement reçu par un créancier bénéficiant d'un privilège général car
945
(
celui-ci enracine ses droits dans les mêmes biens que ceux du gage commun (P. COPPENS et F. T'
KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, 550; Comm. Gand, 24 février 1984, T.G.R., 1985, p. 27, n° 21).
(946 ) Supra, n°s 115 et 116. Cet aspect semble perdu de vue par P. COPPENS et F. T' KINT,
op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 549.
(947 ) J. VELU, Conclusions précitées, Pas., 1978, I, 1098, n°14.
) G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n° 3-1 et Distribution par contribution, Rép. Not.,
948
(
n° 14 ; Voy. toutefois en matière de procédure de répartition du produit de vente d'un navire ou d'un
bateau, l'article 1671 C. jud. (Rapport VAN REEPHINGEN, Pasin., 1967, 530).
234 TRAITÉ DES SAISIES

sur les meubles et immeubles du failli» (art. 453, al. 1er, C. corn.)
949
( ). Aux créanciers chirographaires sont assimilés les créanciers
jouissant d'un privilège ~énéral, celui-ci étant évidemment respecté
lors de la répartition (95 ) .
Toutefois, «si antérieurement à ce jugement, le jour de la
vente forcée des meubles ou immeubles saisis a déjà été fixé et
publié par les affiches, cette vente aura lieu pour le compte de la
masse» (art. 453, al. 2, C. corn.). L'achèvement en vente publique
de la procédure de saisie arrivée à son stade final permet dans le
respect de la loi du concours de ne pas perdre le bénéfice d'actes
antérieurs d'exécution. «Néanmoins, si l'intérêt de la masse l'exige,
le tribunal pourra sur la demande des curateurs, autoriser la remise
de la vente à une autre époque» (art. 453, al. 3, C. corn.) (951 )
952
( ). «A la suite du dessaisissement qui produit les effets d'une
saisie globale et collective, le patrimoine du failli est pris en charge
par le curateur qui exerce d'emblée, c'est-à-dire sans avoir à
procéder à des saisies particulières sur ses biens, les droits patrimo-
niaux du failli pour le compte de la masse des créanciers» (953 ) ; à
cette occasion il peut juger préférable de ne pas dissocier les
éléments du patrimoine et de ne pas réaliser uniquement la partie
des biens antérieurement saisis.
Après la déclaration de faillite, aucune saisie, même
conservatoire, ne peut évidemment être pratiquée par les créan-
ciers regroupés dans la masse (954 ).

(949 ) Comp. et contra Proposition de loi relative aux faillites et concordats, Doc. Pari. Sénat,
Sess., 1984-1985, n° 859/1 p. 18 et art. 10, p. 31).
950
( ) Voy. avant la loi du 25 mars 1985 modifiant l'art. 453, al. 1, C. corn. : Cass., 17 avril
1980, J.T., 1980, p. 489; Cass., 19 septembre 1980, J.T., 1981, 156; Cass., 16 novembre 1981, J.C.
Belg., 1982, II, 22 et concl. de Mme LIEKENDAEL; Bruxelles, 28février1985, R.D.C., 1986, 216;
J. LINSMEAU, La réalisation du gage sur fonds de commerce en cas de faillite, J.T., 1979, 229, col 1
et réf. cil. ; comp. et contra infra, n° 127.
951
( ) A. CLOQUET, Novelles, T. IV, 1975, n°s 1426 à 1428; G. de LEVAL, Aspects actuels
du droit des saisies, J.T., 1980, p. 634, n° 43.
952
( ) La réalisation des meubles en cas de faillite peut s'effectuer de gré à gré (voy. E.
KRINGS, op. cit., J.T., 1986, p. 473, n° 25 et G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les
créanciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, p. 316, note 1).
953
( ) J. V AN R YN et J. HEENEN, T. IV, n° 2685. Ainsi le curateur a le droit d'exiger que la
partie saisissable du salaire du failli lui soit directement versée sans saisie-arrêt préalable entre les
mains de l'employeur (Corn. Liège, 19 juin 1979, J.L., 1978-1979, p. 364, n° 70).
(954 ) Bruxelles, 28 février 1985, J.T., 1986, 348; Civ. Huy, ch.s., 7 mai 1984, Jur. Liège, 1984,
365 et J.T., 1985, 146 qui constate que seule l'inertie du curateur (condamné à supporter les frais
d'exécution) explique la méprise du poursuivant. Au sujet du point de départ, des effets de
l'exequatur d'un jugement déclaratif de faillite, voy. Cass. Fr., 25 février 1986, J.C.P., 1987, II, n°
20.776 et obs. J.P. REMERY.
RÈGLES COMMUNES 235

B. - La saisie émane de créanciers qui, ne faisant pas partie de la


masse, peuvent exiger un paiement préférentiel.

1. - L'article 454 du Code de commerce régit la situation des


créanciers bénéficiant d'un privilège spécial ou d'une sûreté réelle
sur le mobilier dépendant de la faillite et qui à ce titre ne sont pas
représentés par le curateur ( 955 ). Sans préjudice de toute mesure
conservatoire, toutes voies d'exécution sur les biens affectés à la
garantie de leur créance sont suspendues jusqu'à la clôture du
procès-verbal de vérification des créances mais cette règle qui ne
fait que retarder légèrement les mesures d'exécution mobilière afin
de permettre éventuellement au curateur de contrôler les préten-
tions des créanciers ou de désintéresser le poursuivant et d'éviter
une réalisation intempestive, est inapplicable dans deux hypothè-
ses:

a) en vertu de l'article 454 lui-même, le bailleur qui a le droit de


reprendre possession des lieux loués (par suite de l'expiration
ou de la résiliation amiable ou judiciaire du bail), «peut
immédiatement exercer son privilège, pour les loyers qui lui
restent dus, soit sur les meubles qui garnissent le bien, soit sur le
produit de leur réalisation par le curateur» (956) ; toutefois le
bailleur commet une voie de fait lorsque, démuni de titre
exécutoire, il s'oppose à l'enlèvement par le curateur des biens
mobiliers garnissant les lieux loués alors que ses droits privilé-
giés se reportent sur le produit de la réalisation (957 ) ;

b) l'article 9 de la loi du 5 mai 1872 relative au gage commercial


dispose que «l'exercice des droits conférés au créancier gagiste
par les articles précédents n'est suspendu ni par la faillite, ni par
l'état de sursis ni par le décès du débiteur ou du tiers bailleur de
gage»; partant, l'exercice du droit qu'a le créancier gagiste de se
faire payer sur la chose engagée par privilège et préférence aux
autres créanciers ne peut être suspendu par la faillite du débiteur

(955 ) Cass., 8 avril 1976, Pas., 1976, 1, 881 : «le curateur ne peut, lorsqu'il agit en justice au
nom de la masse des créanciers, exercer que les droits qui sont communs à l'ensemble de ceux-ci et
non les droits de ceux-ci individuellement ou les droits qui compètent aux seuls créanciers jouissant
d'un privilège spécial» ; voy. aussi Cass., 7 mai 1980, Pas., 1980, 1, 1104 et Cass., 12 février 1981, J.C.
Belg., 1981, II, 154 et Cl. PARMENTIER, La responsabilité des dirigeants d'entreprises en cas de
faillite, R.D.C., 1986, p. 755, n° 21.
956
( ) J. VAN RYN et J. HEENEN, T. IV., n" 2763; A. CLOQUET, Les faillites et les
concordats, Novelles, T. IV., 1975, n° 1440.
(9 57 ) Comm. Bruxelles, 6 juin 1985, R.D.C., 1986, 307 et note J. LAENENS.
236 TRAITÉ DES SAISIES

gagiste lorsque le curateur n'a pas retiré ladite chose au Erofit de


la faillite en remboursant la dette (art. 543, C. corn.) (9 8).
Cette règle a été étendue au gage sur fonds de commerce
(art. 12 de la loi du 25 octobre 1919), au privilège du commission-
naire (art. 11 de la loi du 5 mai 1872) et au porteur d'un warrant
(art. 16 de la loi du 18 novembre 1862) (959).
2. - En ce qui concerne les créanciers hypothécaires, on se
limite ici (960 ) à préciser qu'il y a lieu de distinguer entre d'une part
le créancier hypothécaire premier inscrit «qui peut, en tout état de
cause, faire vendre le bien hypothéqué conformément aux disposi-
tions des articles 1560 à 1626 du Code judiciaire» (art. 564, al. 5 C.
corn.), c'est-à-dire qu'il a seul le droit de faire vendre non seulement
lorsque la transcription de la saisie est antérieure à l'autorisation de
vendre donnée conformément à l'article 1190 C. jud. au curateur
(art. 1621) mais aussi, en principe à tout le moins, c'est-à-dire sauf
abus de droit, lorsque l'autorisation de vendre a été donnée au
curateur avant la transcription de la saisie (art. 564 in fine C. corn.)
961
( ) et d'autre part, les autres créanciers hypothécaires qui
conservent la priorité pour faire vendre le bien s'ils ont fait transcrire
la saisie immobilière avant que ne soit obtenue par le curateur
l'autorisation de vendre prévue par l'article 1190 C. jud. (962 ). Le
moment auquel le notaire est désigné conformément à l'article 1580
du Code judiciaire est donc à cet égard irrelevant (963 ).
En dehors de ces hypothèses, le curateur peut solliciter le
sursis prévu à l'article 1621 C. jud. afin de diligenter ensuite sa
propre procédure (art. 564, al. 2 C. corn.) (964 ). Il importe de ne

958
( ) Cass .• 8 avril 1976, Pas., 1976, I, 881 ; R.C.J.B., 1980, 121 et note 1. MOREAU-
MARGREVE (Heurs et malheurs du gage sur fonds de commerce), spéc. n° 28, p. 159 à 162 où
l'auteur relève qu'en toute logique le créancier se voit reconnaître par la Cour de cassation le droit
d'obtenir la remise du produit de la vente du gage à concurrence du montant de la créance garantie.
Pour un examen de la jurisprudence, voy. Jurisprudence du Code judiciaire, Les saisies, Annexe I
(Gage sur fonds de commerce).
959
( ) J. LINSMEAU, op. cit., J.T., 1979, p. 229, col. 2 et réf. cil.
9
( 6()) Pour plus de détails, voy. G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not .. T. XIII. L.
II, n°s 526 à 533-1 et réf. cil. et J. van COMPERNOLLE, Considérations sur la réalisation des
immeubles du failli, Ann. Dr. Liège, 1987, p. 168 à 181.
961
( ) Cass., 21 septembre 1984, Pas., 1985, I, 105; J.T., 1985, 185; Rec. Gén., 1986, n°
23264, p. 12; R.D.C., 1985, 367; Rev. Not., 1985, 233; R.W., 1985-1986, 318; G. de LEVAL, op.
cit., Rép. Not., T. XIII, L. II, n° 533.
962
( ) G. de LEVAL, op. cit., Rép. Not., Y. XIII, L. II, n° 530; comp. et contra J.L.
LEDOUX, Curateur et créancier saisissant : la guerre des procédures n'aura plus lieu ? , Rev. Not.,
1984, p. 578.
963
( ) De lege ferenda, comp. et contra Proposition de loi relative aux faillites et concordats,
Doc. Pari. Sénat, 1984-1985, n° 859/1, art. 58 p. 42.
964
( ) Civ. Charleroi, 23 mars 1982, Jur. Liège, 1982, 309; contra, J.L. LEDOUX, Curateur
et créancier saisissant: la guerre des procédures n'aura plus lieu?, Rev. Not., 1984, 578.
RÈGLES COMMUNES 237

pas perdre de vue que, contrairement aux créanciers inscrits ou


privilégiés, le curateur ne peut poursuivre la vente de l'immeuble
avant le rejet ou l'annulation du concordat (965 ) (d'où l'intérêt
d'obtenir la renonciation du failli à demander un concordat en
dehors de l'assemblée concordataire) (966 ). Enfin, en vertu de
l'article 1193 ter, C. jud., le curateur peut demander au tribunal de
commerce l'autorisation de vendre de gré à gré un immeuble
dépendant de la masse faillie (967 ) (968 ).
123) Les créanciers de la masse.
Les créanciers de la masse (969 ) ne viennent pas en
concours avec les créanciers dans la masse ; «aucune disposition
légale ne soumet les créanciers de la masse au même régime que les
créanciers dont les créances font partie de la masse, et ne limite
leurs droits à l'égard de celle-ci» (970 ) ; ils conservent le droit de
faire procéder individuellement à des actes d'exécution contre le
curateur à la faillite (art. 452, C. corn.) (971 ) ( 972 ).

965
( ) Il est généralement admis que l'article 477 du Code de commerce ne s'applique qu'aux
biens meubles (P. COPPENS et F. T' KINT, Examen de jurisprudence, Faillites et concordats,
R.C.J.B., 1979, p. 317-318, n° 15 et réf. cit. ; J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ann. Dr. Liège,
1987, p. 169, n° 2).
(966 ) Bruxelles, 5 juin 1985, R.D.C., 1985, 781 et note; Comm. Bruxelles, 2 mai 1984,
R.D.C., 1984, 648 et note 1. VEROUGDTRAETE.
967
( ) J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1987, 171 à 173; voy. au sujet des
droits du créancier hypothécaire, Rép. Not., Saisie immobilière, n° 533-1 et comp. infra, n° 125
(note 986). Sur le rôle respectif du juge et du curateur, voy. Liège, 13 juin 1986, R.G., n° 18.087/86.
965
( ) Au sujet des honoraires du curateur, voy. infra, n° 134.
969
( ) Au sujet des critères de détermination des dettes de la masse, voy. B. MAES et R.
BUTZLER, op. cit., R.C.J.B., 1985, p. 460 et s., n°s 14 et 15; voy. aussi Ph. GERARD,
Observations sur la nature juridique des dettes et des créances de la masse des créanciers en cas de
faillite, R.C.J.B., 1986, 714 à 738.
970
( ) Cass., 26 novembre 1981, Pas., 1982, 1, 426; J.C. Belg., 1982, Il, 22 et les conclusions
du Ministère public; Rev. Prat. Soc., 1982, 74 et les conclusions du Ministère public; R.C.J.B.,
1985, 447 et note B. MAES et R. BUTZLER, «Le droit d'exécution individuelle des créanciers de la
masse». Cet arrêt a été rendu en matière de concordat par abandon d'actif; la solution dégagée vaut
en matière de liquidation et de faillite (F. T' KINT, Le droit d'exécution des créanciers d'une société
en liquidation, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau, 1982, n° 19, p. 349).
971
( ) Comp. Rennes, 9 mai 1986, Gaz. Pal., 13-14 juin 1986, 9 et note E.M. BEY: Engage sa
responsabilité personnelle, le syndic qui, en présence de la condamnation définitive de la masse des
créanciers dont il est le représentant légal, n'invoque aucune impossibilité d'ordre matériel ou d'ordre
juridique qui l'aurait empêché et l'empêcherait encore d'exécuter les causes de l'arrêt intervenu, et
alors que, d'une part, scion ses propres aveux, il disposait de sommes suffisantes pour faire face à la
dette, d'autre part, il n'allègue pas l'existence d'autres créanciers de la masse susceptibles d'entrer en
conflit avec la société créditrice pour la distribution des deniers disponibles. Son refus de
désintéresser le créancier procédant d'une mauvaise volonté délibérée, il convient de faire application
de l'art. 1382, C. civ. pour le condamner à réparer le préjudice subi par le créancier.
972
( ) Tant que dure l'état de faillite, ayant le curateur qualitate qua comme débiteur, les
créanciers de la masse ne peuvent exécuter le failli sur les biens qui échappent au déssaisissement (Ph.
GERARD, op. cil., R.C.J.B., 1986, p. 738, note 75). La créance de la masse devient une obligation
du failli lorsque la faillite prend fin (lb., n" 14, p. 727 et n°s 20 et s., p. 733).
238 TRAITÉ DES SAISIES

En revanche, les créanciers de la masse peuvent être en


concours entre eux sous réserve des causes légitimes de préférence
dont ils pourraient bénéficier (973). et sauf à respecter les droits des
autres créanciers hors masse (9 4). Afin d'éviter des poursuites
désordonnées et tout traitement inégalitaire entre les créanciers de
la masse on s'est demandé s'il ne faudrait pas décider que le droit
d'exécution de ces créanciers se trouverait suspendu dans la mesure
où l'actif est insuffisant pour assurer leur règlement (975 ). Mais de
lege lata, on a démontré l'illégalité d'une telle solution : «d'une
manière générale, lorsqu'aucune règle juridique ne vient restrein-
dre les droits du créancier, celui-ci est libre, non seulement de faire
établir judiciairement sa créance, mais aussi de procéder à l'exécu-
tion. Dans la vie des affaires, il est courant qu'un créancier,
apprenant que l'un de ses débiteurs est aux abois ou seulement en
difficulté, s'empresse de se procurer un titre exécutoire et de
l'exécuter, avant qu'une faillite ou une procédure concordataire ne
l'en empêche. Ce créancier obtiendra l'intégralité de sa créance,
alors que d'autres, moins diligents, subiront la loi du concours,
voire se heurteront à un procès-verbal de carence. Tant pis pour les
négligents ou les rêveurs ... » ( 976). Cette dernière appréciation
doit, à notre avis, être sérieusement nuancée car la saisie -
situation peu fréquente à l'égard d'un curateur ou d'un liquidateur
- ne conférant aucune cause de préférence au créancier premier
saisissant, peut parfaitement revêtir un caractère collectif lorsque
d'autres créanciers informés de l'existence de celle-ci par le cura-
teur ou la consultation des avis de saisie, s'y associent. Ils ne sont
donc pas privés de protection puisqu'une situation de concours peut
être organisée.
Il n'en demeure pas moins que la confirmation, l'insertion
ou le développement de saisies dans une procédure collective (977 )
peut compromettre le bon déroulement voire la raison d'être de
celle-ci en privant le curateur de tout moyen d'action (978 ) ( 979 ).

973
( ) Comm. Namur, 7 septembre 1978, Rev. Rég. Dr., 1978, 730 et note F. DAVREUX.
(974 ) Supra, n° 122 B et infra n° 124.
(9 75 ) F. T' KINT, op. cil., n°s 20 à 22, p. 350 à 352; voy. aussi P. COPPENS et F. T' KINT,
op. cil., R.C.J.B., 1984, p. 600, n° 152.
(976 ) E. LIEKENDAEL. Concl. précédant Cass., 26 novembre 1981 précité.
977
( ) Voy. aussi les hypothèses envisagées au n° 122 B.
978
( ) B. MAES et R. BUTZLER, op. cil., R.C.J.B., 1985, p. 465 à 469, n°s 19 à 21.
979
( ) Peut-on prétendre que les créanciers de la masse ne subiraient pas de préjudice en
attendant l'issue de la procédure collective car leurs droits seraient de toute manière respectés? La
réponse est nuancée car cc raisonnement ne tient pas compte du coût, des aléas et de la lenteur de la
procédure collective.
RÈGLES COMMUNES 239

De manière générale, faut-il en conséquence rendre plus


severes les conditions de mise en oeuvre des saisies en les
subordonnant à l'autorisation préalable du tribunal de commerce
ou éviter de déclarer des faillites qui renchérissent le coût de la
procédure sans améliorer la situation des créanciers ? A notre avis,
les deux solutions peuvent coexister mais alors que la première
exige une intervention législative, la seconde nécessite seulement
une adaptation de la pratique aux exigences nouvelles (980).

124) Activité nouvelle du failli. Après la faillite.

A. - Le dessaisissement ne frappe pas le failli d'incapacité ; il


peut se livrer à une activité nouvelle et exercer seul les actions en
justice et les mesures d'exécution qui s'y rattachent.

Si le failli a de nouveaux créanciers à la suite de ses


activités postérieures à sa mise en faillite, ceux-ci peuvent réclamer
paiement - y compris par voie de saisie (981 ) - sur le produit de
la nouvelle affaire sans attendre la clôture de la procédure. Certes,
le dessaisissement s'étend aux biens acquis par le failli jusqu'à la
clôture de la faillite (art. 444, C. corn.) mais «l'actif nouveau peut
être considéré comme un avoir brut qui ne revient au curateur que
sous déduction des dettes qui le grèvent» (982 ). Pour le surplus, la
dette née d'un commerce nouveau est «hors de la masse» et ne
peut être payée sur les autres biens composant l'actif de la faillite
(983).

B. - Lorsque la liquidation de la faillite est terminée ou


lorsque celle-ci est clôturée pour insuffisance d'actif, les créanciers
rentrent dans l'exercice de leurs actions individuelles contre les
biens du failli (art. 535 et 536, C. corn.).

(9"0 ) Supra, n" 114 et réf. cil.


(9"') Ainsi l' Administration fiscale peut pratiquer une saisie-arrêt-exécution mobilière sur les
revenus promérités par le failli après la déclaration de faillite pour les seuls impôts afférents à sa
nouvelle activité (Civ. Huy, ch.s., 14 février 1983, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte. T.
II., Annexe, p. 5-3, n° 8).
(9" 2) P. COPPENS et F. T' KINT, Examen de jurisprudence, Les faillites et les concordats,
R.C.J.B., 1979, p. 366-367, n° 51 et réf. cil.; comp. en cas de clôture de la faillite pour insuffisance
d'actif, Bruxelles, 25 mars 1986, R.D.C., 1986, 594 et L. CORNELIS, De heropening van het
faillissement. R.D.C., 1986, 573 à 593. Adde. supra, note 556.
(9" 3 ) Sur tous ces points, voy. J. CAEYMAEX, L'activité nouvelle du failli, note sous C.T.
Liège, 23 juin 1986, Ann. Dr. Liège, 1987. p. 38.
240 TRAITÉ DES SAISIES

«Lorsque la faillite s'est terminée par un concordat après


faillite, le débiteur ne devra toutefois pas payer au-delà de ce qui
dépasse les promesses concordataires».
«Les créanciers devront obtenir un titre pour assurer
l'exécution de leurs droits contre le débiteur : la déclaration de
créance et son admission ne sont que des actes intéressant la
faillite» (984) qui ne constituent pas une décision judiciaire.

CHAPITRE II - LE CONCORDAT JUDICIAIRE.

125) Concordat moratoire et concordat par abandon d'actif. Créan-


ces dans la masse et créances de la masse.
On distingue le concordat moratoire, c'est-à-dire «de
remise et de termes et délais» impliquant la poursuite de l'activité,
du concordat avec abandon d'actif lequel «constitue un substitut à
la liquidation des biens qui résulte de la faillite» et qui doit être
choisi «chaque fois que les conditions particulières prévues par la
loi sont réunies et que l'on souhaite en outre disposer le cas échéant
d'une souplesse toute particulière dans l'accomplissement par les
liquidateurs de cette mission de réalisation et de paiement des
créanciers» (985 ) spécialement en ce qui concerne les immeubles
(986).

En cas de concordat avec abandon d'actif, on distingue les


créanciers dans la masse des créanciers de la masse qui conservent

984
( ) I. VEROUGSTRAETE, Manuel du curateur de faillite, Bruxelles, Swinnen, 1979, p.
319, n° 731 (adde. A. CLOQUET, Les Novelles, Droit commercial, Tome IV, Les concordats et la
faillite, Larcier, 1985, n° 2754 et Gand, 13 mars 1987. R. W., 1986-1987, 2587 ; J.T., 1987, 561, som.).
L'admission d'une créance au passif d'une faillite, sans réserve ni contredit dans le délai imparti,
après vérification par le juge commissaire, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable faisant
obstacle à ce que la créance admise puisse encore être contestée ; toutefois, la créance admise peut
ultérieurement être contestée soit lorsque son admission résulte du dol ou de la fraude du produisant
ou a été faite sur la base d'actes viciés par le dol ou la fraude, soit lorsque de~ règles d'ordre public
ont été méconnues, soit encore lorsque la force majeure a empêché la manifestation de la vérité
(Cass., 13 juin 1985, Pas., 1985, 1, 1300 et concl. de M. l'avocat général J. VELU). Il est proposé
d'organiser, tout en évitant les abus, la décharge du failli déclaré excusable (Proposition de loi
relative aux faillites et concordats, Doc. Pari. Sénat, 1984-1985, n" 859/1, p. 26, 40 et 41); supra, n°
118 et note 924.
(9 85 ) P. VAN OMMESLAGHE, Les liquidations volontaires et les concordats, in L'entre-
prise en difficulté, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 444, n° 15.
986
( ) La vente de gré à gré est possible en cas de concordat judiciaire (art. 32 des lois sur le
concordat judiciaire coordonnées le 25 septembre 1946) alors que, sous réserve de l'article 1193 ter du
Code judiciaire, la vente publique est obligatoire en matière de faillite.
RÈGLES COMMUNES 241

leur droit individuel d'exécution (987 ). Par contre, ainsi que


l'observe M. VAN OMMESLAGHE: «Pour les concordats ne
comprenant pas d'abandon d'actif, il faut se rappeler que l'homolo-
gation du concordat replace le débiteur à la tête de ses affaires, sous
réserve des restrictions éventuellement contenues dans les proposi-
tions concordataires, et qu'il ne subsiste pas de »masse« et donc
pas de distinction entre les créances dans la masse ou de la masse.
Toutefois, les créanciers en question ne sont pas soumis aux
propositions et au traité concordataire. Si le concordat est finale-
ment refusé et que la faillite est déclarée, un nouveau concours
entre créanciers se produira à la date de la déclaration de faillite et
les cocontractants du débiteur, dont les droits sont nés pendant la
période concordataire, seront placés sur le même pied que les
autres créanciers. Il est donc prudent pour ceux-là de réclamer un
paiement immédiat ou en tout cas l'exécution des obligations du
concordataire avant l'homologation ou avant qu'un «accident» se
produise dans le cours de la procédure» (988).

126) Effets du dépôt de la requête en concordat.

Le dépôt de la requête en concordat fait naître un concours


entre tous les créanciers chirographaires et les créanciers bénéfi-
ciant d'un privilège général sur meubles (art. 5 et 11 des lois
coordonnées sur le concordat judiciaire) (989 ).

L'article 5, alinéa 1er énonce que «le dépôt de la requête


emporte de plein droit sursis provisoire au profit du débiteur à tous

(987 ) Cass., 26 novembre 1981, Pas., 1982, 1, 426 et concl. du M.P.; J.C. Belg., 1982, II, 22;
Rev. Prat. Soc., 1982, 74; supra. n° 123 et infra, n° 128.
(988 ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 462-463, n°
21 ; B. MAES et R. BUTZLER, op. cit., R.C.J.B., 1985, p. 462. n° 14; J. CASTILLE, Dépôt
d'une requête et concours des créanciers, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles,
Bruylant, 1983, p. 664; Anvers, 7 mai 1984, R.D.C., 1986, 116; Comm. Namur, 8 décembre 1983,
Rev. Rég. Dr., 1984, 56.
(989 ) Cass., 27 mars 1952, Pas., 1952, !, 475 et concl. de M. HAYOIT de TERMICOURT;
Cass., 14 septembre 1961, Pas., 1962, 1, 68 ; Cass., 18 novembre 1971, Pas., 1972, 1, p. 262 ; Cass., 19
septembre 1980, Pas., 1981, 1, 72; Cass., 17 octobre 1980, Pas., 1981, l, 208; Cass., 2 mai 1985,
R.D.C.B., 1985, 531 et les concl. de M. !'Avocat Général JANSSENS de BISTHOVEN et J.T.,
1986, 289; P. COPPENS et F. T' KINT, Examen de jurisprudence, Faillites et concordats, 1979-
1983, R.C.J.B., 1984, n°s 142 et 143, p. 590 à 592; P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p. 463, n°
22.
242 TRAITÉ DES SAISIES

actes ultérieurs d'exécution» (990 ) ( 991 ). Il n'est question à ce


stade que de surséance car il n'y a pas encore de liquidation. On
déduit de cette disposition que les saisies conservatoires restent
permises (992).
La condition de célérité (art. 1413, C. jud.), à laquelle doit
satisfaire toute saisie conservatoire, doit être appréciée en tenant
compte des particularités de la procédure. On ne doit pas perdre de
vue les effets produits par la procédure collective wâce auxquels les
droits des créanciers sont sauvegardés (art. 11) ( 3). «Sans doute,
le débiteur n'est-il point à strictement parler dessaisi de ses biens,
cependant la loi restreint sa liberté d'action en exigeant l'autorisa-
tion préalable du juge délégué pour tout engagement nouveau,
pour toute aliénation ou constitution d'hypothèque, et ceci vise
également les paiements. L'autorisation ne sera accordée que si
l'opération est faite dans l'intérêt de la masse, c'est-à-dire de tous
les créanciers» (994 ) ( 995 ). Les créances nées après le dépôt de la
requête qui ont pour origine des actes non autorisés alors qu'il
auraient dû l'être ne sont pas opposables aux créanciers en
concours (art. 38, al. 2) (996).

127) Effets du concordat moratoire.


L'homologation du concordat replace le débiteur à la tête
de ses affaires ; il ne se forme aucune masse de créanciers.

(990 ) Si le dénouement d'une mesure d'exécution (saisie-arrêt-exécution) n'a pu être empêché


par la survenance du concordat, le paiement reçu par le poursuivant au préjudice des autres
créanciers est à nos yeux inopposable à ceux-ci ; en effet le tiers saisi doit vider ses mains en celles de
l'huissier instrumentant qui peut tenir compte de la situation de concours dans sa dimension nouvelle
(Comm. Liège, 20 mai 1986, 3ème ch., R.G. n° 4178/84; adde. Liège 31 janvier 1986, J.L., 1986,
269).
991
( ) Ce sursis n'a pas seulement effet à l'égard des créanciers chirographaires (en ce sens, A.
CLOQUET, Les concordats et la faillite, Larcier, Ed. 1985, n° 688) mais aussi, selon nous, à l'égard
des créanciers privilégiés généraux (argt. infra, n° 128 mais comp. n° 127).
992
( ) A. CLOQUET, Les concordats et la faillite, Novelles, Ed. 1985, n" 690; J. VAN RYN
et J. HEENEN, Principes de droit commercial, T. IV, n" 2942, p. 425; P. VAN OMMESLAGHE,
op. cil., p. 460, n° 21 ; Civ. Bruxelles, ch.s., 4 avril 1980, Jur. Corn. Bclg., 1981, II, 48 (cette décision
ordonne toutefois la mainlevée de la saisie-arrêt conservatoire pour défaut d'urgence).
993
( ) P. COPPENS et F. T' KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 594, n" 145; adde. G. de
LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 14, n" 6.
994
( ) J. RENAULD et P. COPPENS, op. cit., R.C.J.B., 1965, p. 110; au sujet du paiement,
voy. Cass., 14 septembre 1961, Pas., 1962, 1, 68 et Mons, 26 juin 1984, Pas., 1984, II, 140.
995
( ) En revanche le débiteur peut accomplir sans autorisation les actes d'administration et de
conservation, ainsi recevoir un paiement (Comm. Bruxelles, 21 février 1985, R.D.C., 1986, 633 et réf.
cit.).
996
( ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p. 465, n" 21 : voy. aussi en ce qui concerne les
contrats en cours, 10., p. 468, n" 24.
RÈGLES COMMUNES 243

Toutefois, «l'homologation du concordat maintient en vue de


l'exécution correcte des propositions concordataires, les règles du
concours» (997 ) de telle sorte que la faillite ne peut être déclarée
pour les dettes comprises dans le concordat tant que le débiteur
respecte ses obligations sous le contrôle du juge-délégué (art. 37
des lois coordonnées sur le concordat judiciaire). Pour le surplus, il
n'existe plus ni procédure collective ni masse des créanciers. Les
créanciers privilégiés même généraux n'étant pas liés par les
propositions concordataires (art. 15 et 29, al. 2, 2° des lois
coordonnées sur le concordat judiciaire), ils conservent le droit de
procéder à des actes individuels d'exécution (998). De manière
générale tout créancier étranger au concordat conserve sa liberté
d'action sur les biens du débiteur concordataire.

Aux termes de l'article 29, alinéa 2, 1° des lois coordon-


nées sur le concordat judiciaire, celui-ci est sans effet relativement
«aux impôts et aux charges publique ainsi qu'aux contributions
pour les digues et polders» ; cette disposition n'a d'autre portée que
de maintenir ces créances dans leur intégralité, contrairement aux
créances privées qui sont susceptibles de réduction, de sorte que,
après l'exécution du concordat, le créancier d'impôts conserve le
droit, même en dehors du cas visé à l'article 34 <lesdites lois (999),
de réclamer le paiement intégral de sa créance (1 000 ) (1 001 ).

997
( P. COPPENS et F. T' KlNT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 595, n° 147.
)

( 998 ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 470, n° 25.
Comp. et contra n" 128 en matière de concordat avec abandon d'actif.
( 999 ) «Suivant l'article 34, le débiteur concordataire a l'obligation de payer la totalité des
créances en cas de retour à meilleure fortune contrairement à la règle applicable en cas de concordat
après faillite. L'obligation porte sur le principal et sur les intérêts dus en vertu de la convention ou de
la loi (VAN RYN et HENNEN, T. IV, n° 2953)» (P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p. 472, n°
27; voy. aussi Comm. Mons, 5 avril 1979, Rev. Rég. Dr., 1984, 39). Adde. Proposition de loi relative
aux faillites et concordats (Doc. Pari., Sénat, Sess. 1984-1985, 859/1) qui préconise l'abrogation de
l'art. 34 et supra, n" 124 B.
(1'"') Cass., 19 septembre 1980, Pas., 1981, 1, 72; J.T., 1981, 156; Journ. Dr. Fiscal, 1981,
264. Le concordat judiciaire est sans effet quant aux cotisations sociales ainsi qu'aux majorations de
cotisations et intérêts de retard dus sur celles-ci (Cass., 17 mai 1978, Pas .. 1978, 1, 1054).
(""') En ce qui concerne les titulaires de ces créances publiques (dont certaines sont
chirographaires, tels les majorations et intérêts de retard en matière de sécurité sociale, Comm.
Liège, 27 octobre 1982, R.D.C., 1984, 146), il faut, semble-t-il, admettre qu'ils ne retrouvent le droit
de diligenter une procédure de saisie pour le recouvrement de leurs créances chirographaires qu'à
l'issue du concordat (P. V AN OMMESLAGHE, op. cit., p. 471. n° 26 ; comp. P. COPPENS et F.
T'KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 596, n" 148).
244 TRAITÉ DES SAISIES

128) Effets du concordat avec abandon d'actif.

A. - Le concordat par abandon d'actif entraîne la «réalisation


collective des biens du débiteur abandonnés par ce dernier au profit
des créanciers» groupés en une masse ~art. 32, al. 5 des lois
coordonnées sur le concordat judiciaire) ( 002 ). Certes, les créan-
ciers titulaires d'une sûreté réelle ou bénéficiaires d'un privilège
spécial dont les droits s'exercent sur des biens déterminés, échap-
pent, en cette qualité, à la loi du concours (1 003 ) mais non les
créanciers privilégiés généraux appelés à exercer leurs droits sur
tous les biens compris dans le gage commun affecté au règlement
collectif du passif dans le respect des causes légales de préférence.
C'est donc à juste titre que la Cour de cassation décide qu'«en cas
de concordat judiciaire par abandon d'actif, les créances qui ne sont
garanties que par un privilège général sur les biens meubles ne
peuvent donner lieu à des actes d'exécution accomplis par le
créancier. Ces créances font partie de la masse et seul le liquidateur
désigné conformément à la loi, a qualité pour procéder à la vente
des biens meubles en vue du paiement de ces créances, en tenant
compte, lors de la répartition, des privilèges invoqués» (1 004 ).

La règle suivant laquelle les droits des créanciers qui


bénéficient d'un privilège général, subissent l'influence du concor-
dat, notamment quant à l'exécution de leurs créances s'applique
aux créanciers d'impôts et de charges publiques, l'article 29, alinéa

1002
( ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 473, n° 28.
Toutefois le concordat avec abandon d'actif (convention entre le commerçant et ses créanciers,
homologuée par le tribunal de commerce) n'entraîne pas un dessaisissement semblable à celui que
produit la faillite (FREDERICQ, Précis de droit commercial, Ed. 1970,, p. 541); le concordataire
aliène au profit de ses créanciers le produit de la réalisation de son patrimoine en acceptant que soit
confié à un liquidateur, le droit irrévocable de procéder à cette réalisation (FREDERICQ, T. VIII,
n" 778; VAN RYN et HEENEN, T. IV., n° 2963; CLOQUET, Novelles, n° 858). «Attendu que le
concordataire n'étant pas dessaisi de l'administration de ses biens, il reste théoriquement à la tête de
ses affaires, sans subir d'incapacité particulière ; Attendu qu'il en résulte que si le liquidateur a
incontestablement le droit d'encaisser les versements effectués par le débiteur du concordataire, il
n'en reste pas moins vrai que ce débiteur du concordataire se libère valablement, et ne commet pas de
faute, s'il effectue le versement directement au concordataire lui-même ; que celui qui paie n'est pas
responsable de l'attitude éventuellement fautive que pourrait adopter ensuite le concordataire par
rapport aux obligations découlant de l'abandon d'actif; qu'un concordataire qui ne respecte pas ses
engagements s'expose alors notamment à la résolution du concordat» (Mons, lère ch., 10 décembre
1985, R.G. n" 7386, Inédit publié en sommaire dans J.L.M.B., 1987, 825).
003
(' ) Mons, 15 février 1982, Pas., 1982, Il, 57 et Avis du Ministère Public; Civ. Huy, ch.s.,
17 octobre 1983, Jur. Liège, 1984, 137; P. COPPENS et F. T' KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 594,
n" 146.
004
(' ) Cass., 19 septembre 1980, Pas., 1981, !, 72; J.T., 1981, 156; P. COPPENS et F. T'
KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 597, n" 149.
RÈGLES COMMUNES 245

2, 1° des lois coordonnées sur le concordat judiciaire n'ayant


d'autre portée que de conserver intact le montant total exigible du
chef d'impôts et autres charges publiques, contrairement aux
créances privées qui sont susceptibles de réduction (1 005 ).
B. - On relève qu'aucun texte spécial ne régit le concours
entre le créancier qui poursuit la réalisation de l'immeuble (même
non hypothéqué) et le liquidateur chargé de vendre de gré à gré le
même bien (al. 32, L. coord. sur le concordat judiciaire (1 006 )
(1007).
C. - La loi du concours régit les créances, chirographaires ou
assorties d'un privilège général, nées d'engagements contractés
antérieurement à l'homologation du concordat (1 008 ). Aucune
disposition légale ne soumet les créanciers de la masse au même
régime que les créanciers dont les créances font partie de la masse
et ne limite leurs droits à l'égard de celle-ci. Aussi le créancier qui a
traité avec le liquidateur en cette qualité peut faire exécuter la
décision judiciaire reconnaissant et définissant sa créance et n'est
pas soumis à la procédure collective (1 009).

1005
( ) Bruxelles, 23 mars 1983, Rec. Gén., 1984, n° 23.023, p. 166; R.D.C.B., 1983, 578; P.
COPPENS et F. T' KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 598, n° 150; supra, n° 127.
16
("" } Comme tel l'art. 1621, C. jud. ne règle pas le conflit entre la vente publique et la vente
de gré à gré (G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n" 525-1 ; comp. n° 533-1). Selon
nous, il y a lieu en ce cas de décider que le créancier hypothécaire ou privilégié conserve à tout
moment son droit d'action sauf renonciation expresse ou tacite de sa part tandis que le créancier
chirographaire ou privilégié général sur meuble perd tout droit d'initiative, la règle valant tant en cas
de vente publique que de vente de gré à gré .
1007
( ) Au sujet du conflit réglé par l'art. 1621, C. jud., voy. supra, n° 122 B.
008
(' ) Suivant P. VAN OMMESLAGHE (op. cit., Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1981, p.
473, n° 28) la masse se constitue à la date du dépôt de la requête pour autant que le concordat soit
finalement voté et homologué (adde. p. 463, n" 22).
009
(' ) Cass., 26 novembre 1981, J.C. Belg., 1982, II, 22 et les conclusions du ministère
public; Rev. Prat. Soc., 1982, 74 et les conclusions du ministère public; Pas., 1982, 1, 426 et concl.
M.P. ; voy. supra n° 123.
246 TRAITÉ DES SAISIES

CHAPITRE III- LA LIQUIDATION.

129) Incidence de la liquidation d'une société commerciale sur les


poursuites individuelles des créanciers.

Après que la Cour de cassation, confirmant ce qu'elle avait


décidé dès 1939 (1° 10), ait énoncé dans son arrêt du 31 janvier 1964
que l'action des créanciers ne saurait aboutir à des actes d'exécution
51iui auraient pour effet de léser les droits des autres créanciers
011
( ), il a été soutenu que l'état de liquidation d'une société
commerciale ne ferait pas obstacle à l'exercice par les créanciers de
leur droit de poursuite individuelle mais que le liquidateur pourrait
arrêter la procédure d'exécution en remettant immédiatement au
saisissant le dividende définitif lui revenant à défaut de quoi il
n'aurait d'autre choix que de faire l'aveu de la faillite si la société
est commerciale. Cette interprétation, faisant une différence diffici-
lement acceptable parmi les sociétés dont le passif dépasse l'actif
suivant que le liquidateur se trouve ou non (ce qui est fréquent)
1012
( ) en situation de remettre aux créanciers poursuivants leur
dividende, n'est pas conforme à la règle générale rappelée par la
Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 1977 : s'il appartient à
un créancier chirographaire d'une société commerciale mise en
liquidation, dont la créance est née avant la mise en liquidation,
d'exercer une action individuelle contre la société, notamment afin
de faire établir judiciairement sa créance, cette action ne saurait
aboutir à des actes d'exécution qui auraient pour effet de léser les
droits des autres créanciers ; saisi de l'opposition de la société à de
tels actes d'exécution, le juge l'accueille dans la mesure où ceux-ci
auraient pour effet de léser les droits des autres créanciers ( 1013 ).
La construction est achevée par l'arrêt du 19 janvier 1984 qui

(1° 10 ) Dès son arrêt du 23 novembre 1939 (Pas., 1939, 1, 486), la Cour de cassation décide que
s'il appartient «à l'un des créanciers d'exercer une action individuelle contre la société, notamment
afin de faire établir judiciairement sa créance, cette action ne saurait aboutir à des actes d'exécution
qui auraient pour effet de porter atteinte aux droits des autres créanciers et que la loi, par le fait de la
mesure de mise en liquidation. a implicitement rendus sans objet».
1011
( ) Pas., 1964, 1, 573; R.C.J.B., 1965, 99 et note J. RENAULD et P. COPPENS.
1012
( ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 430 à 433,
n° 10; Ph. GERARD, La règle de l'égalité des créanciers d'une société commerciale en liquidation,
R.C.J.B., 1977, p. 650, n° 21.
1013
( ) Cass., 24 mars 1977, Pas., 1977, 1, 792, et concl. de Monsieur le Procureur Général
DELANGE; J.T., 1977, 654; Rev. Prat. Soc., 1977, 108; R.C.J.B., 1977, 628 et note Ph.
GERARD.
RÈGLES COMMUNES 247

soumet à la même règle les créanciers privilégiés generaux en


énonçant qu'en cas de liquidation d'une société commerciale, le
principe de l'égalité entre les créanciers, contenu dans l'article 184
des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, fait obstacle à
ce que les créanciers autres que ceux dont la créance est garantie
par un privilège spécial ou une sûreté réelle, procèdent individuel-
lement à des actes d'exécution qui auraient pour effet de léser les
droits d'autres créanciers ( 1014 ) 015 ). ct
Ces principes ne ré~issent que les créances nées avant la
mise en liquidation ( 1016 ) ( 017 ) et s'appli~uent tant aux saisies
conservatoires qu'aux saisies-exécutions (1 8). Enfin, il importe
d'insister sur ce que «la Cour de cassation n'a pas énoncé un
principe général au terme duquel l'état de liquidation ferait par lui-
même obstacle, comme la faillite ou le concordat judiciaire aux
voies d'exécution» ( 1019). Cette différence procède du fait que la
société en liquidation n'est point dessaisie de ses droits et biens
comme en matière de faillite (art. 444, al. 1er, C. corn) ni limitée
dans ses pouvoirs comme en matière de concordat judiciaire (art.
11 des lois coordonnées sur le concordat judiciaire). De manière
générale, «en cas de liquidation volontaire, les créanciers ne sont
pas protégés par le cadre légal rigoureux de la faillite ou du

(1° 14 ) Cass., 19 janvier 1984, Pas., 1984, 1, 546; J.T., 1984, 548; R.D.C., 1984, 614; Jur.
Liège, 1984, 133; Rev. Prat. Soc., 1985, 239, n° 6348 et obs. F. T' KINT; Rec. Enr., 1984, p. 281 n"
23204; Cass., 7 avril 1986, J.T., 1987, 5; voy aussi Civ. Liège, 15 juillet 1980, J.T., 1980, p. 634, n°
41 ; Civ. Liège, 28 mars 1984, J.T., 1984, 366; Rev. Prat. Soc., 1985, p. 297, n° 6357 et Civ. Mons, 4
décembre 1984, R.P.S., 1985, 214.
1015
( ) Au sujet du créancier saisissant un immeuble, voy. n" 128, in fine.
1016
( ) L'arrêt de la Cour de cassation du Z4 mars 1977 précise que : «en cas de mise en liquidation
d'une société commerciale, l'égalité doit, sans préjudice des droits des créanciers privilégiés, régner dans
les répartitions de l'avoir social entre les créanciers de la société dont la créance est née avant la mise en
liquidation (lois coordonnées sur les sociétés commerciales, art. 184). La mise en liquidation d'une
société commerciale fait naître un concours entre les créanciers chirographaires de la société dont la
créance est antérieure et détermine d'une manière irrévocable leurs droits réciproques».
(1 017 ) En ce qui concerne les créanciers de la masse qui conservent le droit d'accomplir des
actes individuels d'exécution, voy. supra, n°s 123 et 128.
1018
( ) Civ. Liège, ch.s., 24 septembre 1980, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T.
II, Annexe, p. Il, n° 7; Civ. Liège, ch.s., 13 avril 1983, Jur. Liège, 1983, 399; Rev. Prat. Soc., 1984,
110; Civ. Bruxelles, ch.s., 4 décembre 1986, R.G. 21.747 inédit. Un jugement du juge des saisies de
Bruxelles précise que la saisie conservatoire est neutralisée par la liquidation dans la mesure où elle
entraîne concrètement des conséquences soit équipollentes à des actes d'exécution sensu stricto, soit
susceptibles d'entraver la bonne marche de la liquidation, et par là même, d'énerver le respect de
l'égalité des créanciers (Civ. Bruxelles, ch.s., 8 janvier 1987, R.G. n° 139/19.259).
1019
( ) Ph. GERARD, op. cit., R.C.J.B., 1977, p. 653; adde. Civ. Anvers, ch.s., 10
septembre 1984, D.E.T., 1985, 248.
248 TRAITÉ DES SAISIES

concordat judiciaire et les garanties qu'il leur confère» (1°20 )


). C'est pourquoi il n'existe pas d'obstacle de princi~e à la
1021
(
mise en oeuvre d'une mesure individuelle de saisie (1 22 ) ; il
appartient au juge des saisies d'apprécier cas par cas s'il y a lieu
d'interdire des actes conservatoires ou d'exécution (émanant des
créanciers chirographaires ou privilégiés généraux sur meublesJi ~ui
auraient pour effet de léser les droits des autres créanciers ( 02 ).
«La solution est élégante : elle permet notamment l'exercice d'un
contrôle judiciaire sur la suspension des actes d'exécution et
prévient ainsi les abus qui pourraient résulter d'une suspension
généralisée du droit de poursuite individuelle des créanciers en cas

1020
( ) Avis du Ministère public préc. Comm. Namur, 14juin1984, Jur. Liège, 1984, 516. C'est la
raison pour laquelle une société mise en liquidation volontaire pourrait être déclarée en faillite si au jour
de la déclaration de celle-ci, elle est en état de cessation de paiement et si son crédit est ébranlé (P.
COPPENS et F. T' KINT, op. cit., R.C.J.B., 1984, p. 438 à 442, n° 14; L. MATRA Y, Le principe
d'égalité des créanciers dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation, in Les créanciers et le droit
de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 30 à 34, n°s 14à19; P. MARTENS, Ordre public et temps de
crise, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 417 à 420, n° 33; L.
DERMINE, De la mise en faillite d'une société en liquidation, note sous Comm. Namur, 14 juin 1984,
R.P.S., 1985, p. 206 à 214; Mons, 26 juin 1984, R.P.S., 1984, n° 6304, p. 292; R.D.C.B., 1984, 462;
Comm. Charleroi,25octobre 1983,R.P.S., 1984,467 ;Comm. Termonde,27mai 1983,R.D.C.B., 1984,
466; Comm. Liège, 7 février 1984, R.P.S., 1984, 124; J.L., 1984, 178; R.D.C.B., 1984, 469; Comm.
Namur, 6 novembre 1984, Rev. Rég. Dr., 1985, 190; Comm. Marche-en-Famenne, 2 décembre 1985,
Jur. Liège, 1986, 188,J.T., 1986, 351; Comm. Marche-en-Famenne, 3novembre 1986, J.T., 1987, 74ct2
mars 1987, J.T., 1987, 504. Suivant M. MERSCH (note sur la liquidation des sociétés commerciales,
R.D.C., 1985, 339 à 354), si la liquidation a été prononcée par l'assemblée générale à un moment où la
société n'était pas en état de faillite, les effets légaux de la liquidation, tels qu'ils se dégagent spécialement
de la jurisprudence de la Cour de cassation, n'imposent pas au liquidateur de déposer le bilan même s'il
apparaît que l'actif sera inférieur au passif. Selon l'auteur, cette solution conforme aux règles dégagées en
la matière lorsque la réalisation de l'actif ne permet pas le règlement de la totalité du passif ( n° 11, p. 350-
352) n'exclut pas nécessairement la faillite ou une mesure individuelle d'exécution; tout simplement la
procédure de liquidation sera poursuivie si les intérêts en présence ne peuvent être mieux sauvegardés
autrement ( adde. P. MIHAIL, Quand une société en liquidation doit-elle être déclarée en faillite?, J. T.,
1987, 65 à 69). La distinction proposée entre la liquidation survenant à un moment où les conditions de la
faillite sont réunies et celle se produisant à un moment où elles ne sont pas réunies est rejetée par L.
DERMINE, (op. cit., R.P.S., 1985, 211-213). Cet auteur estime qu'on ne pourrait que plaider l'absence
d'ébranlement du crédit à partir du moment où la généralité des créanciers, à l'exception d'un seul, se
montrerait satisfaite du régime de la liquidation volontaire (obs. sous Comm. Mons, 28 octobre 1985,
R.R.D., 1986, 175-176). Adde. I. VEROUGSTRAETE (Manuel du curateur de faillite, 5ème éd.,
Swinnen-Bruxelles, 1987, p. 25, n° 5): si la liquidation est déficitaire, le liquidateur doits 'assurer que tous
les créanciers acceptent le principe de la liquidation, faute de quoi il sera amené à faire l'aveu de la faillite.
021
(' ) En ce qui concerne l'absence de surveillance de la liquidation et la non-application à
celle-ci des règles de la période suspecte ou de l'action en comblement de passif, voy. aussi M.
MERSCH (op. cit., R.D.C.B., 1985, p. 351à353), qui relativise l'objection (adde. P. MIHAIL, op.
cit., J.T., 1987, p. 66, n° 16 et p. 67, n° 23).
1022
( ) Partant, il a été décidé que lorsque la saisie mobilière conservatoire justifiée dans son
principe n'est levée qu'en raison de la mise en liquidation de la débitrice, les dépens de la procédure
en mainlevée, incombent à celle-ci (Civ. Liège, ch.s., 24 septembre 1980, Jurisprudence du Code
judiciaire, T. II, Annexe, p. 11, n° 7).
1023
( ) Ainsi, il appartient au juge des saisies d'apprécier souverainement si une saisie-arrêt
pratiquée en vertu de l'article 325 C.I.R., aurait pour effet de léser les droits des autres créanciers
(Civ. Bruxelles, ch.s., 11 septembre 1986, R.P.S., 1987, p. 138, n° 6436 et obs. ; J.L.M.B., 1987,
277 ; adde. note 1018).
RÈGLES COMMUNES 249

de liquidation» ( 1024). La situation n'est pas fondamentalement


différente lorsqu'un créancier substitue sa propre saisie à celle
antérieurement pratiquée par un autre créancier.

130) Application analogique aux associations sans but lucratif.

Dans la mesure où les principes dégagés par les arrêts de la


Cour de cassation en matière de liquidation de sociétés commercia-
les «ont une valeur générale et doivent constituer le droit commun
de toute liquidation d'un patrimoine au profit des créanciers, sous
réserve naturellement des règles spécifiques que la loi peut imposer
pour telle ou telle liquidation particulière, en raison de ses
caractéristiques propres» ( 1025 ), il est normal qu'ils soient applica-
bles à la liquidation des associations sans but lucratif (art. 19 à 25 de
la loi du 27 juin 1921) et qu'il soit décidé que :

les créanciers d'une association sans but lucratif en liquidation


ont, dès la mise en liquidation, un droit acquis à ce que leurs
droits ne soient pas lésés par les actes d'exécution d'autres
créanciers de même rang ;

le liquidateur d'une association sans but lucratif qui a notamment


l'obligation de faire respecter le principe égalitaire (l'article 24 de
la loi de 1921 énonce qu' «il ne pourra être procédé à l'affectation
de l'actif qu'après l'acquittement du passif») (1°261iz~eut faire
ordonner par le juge des saisies la surséance ( 0 ) d'actes
d'exécution qui émanent de créanciers autres que ceux dont la

1024
( ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 435; voy.
aussi Ph. GERARD, op. cit., R.C.J.B., 1977, p. 653, n° 22: «L'intervention nécessaire du juge des
saisies paraît de nature à empêcher les abus. S'il apparaissait que les créanciers sociaux ne peuvent
recevoir aucun dividende ni obtenir le paiement du dividende fixé, que les liquidateurs n'accomplis-
sent pas leur mission avec la diligence normalement requise ou, a fortiori, se rendent coupables de
fraudes aux dépens des créanciers, le devoir du juge serait de laisser se dérouler les procédures
d·exécution. Les liquidateurs seraient alors acculés à déposer le bilan. Dans les mêmes éventualités,
la faillite pourrait naturellement être déclarée, soit d'office, soit sur assignation».
( 1025 ) P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1981, p. 436, n° 11
et La situation des créanciers d'une société en liquidation : une construction jurisprudentielle de la
Cour de cassation de Belgique, Zeitschrift für Unternehmens - und Gesellschaftsrecht, 1978, p.
390; voy. aussi infra, n° 134.
( 1026 ) Les travaux préparatoires de la loi de 1921 se limitent à préciser que «l'affectation de
l'actif ne se conçoit qu·après l'acquittement du passif», Pasin., 1921, 370.
1027
( ) Si l'on conçoit qu'il y ait lieu à surséance tant que la liquidation n'est pas en cours
(supra, n° 126), la liquidation peut rendre sans objet la mesure individuelle d'exécution qui doit alors
être levée purement et simplement (supra, n°s 128 et 129).
250 TRAITÉ DES SAISIES

créance est garantie par un privilège spécial ou une sûreté réelle,


et qui auraient pour effet de léser les droits d'autres créanciers
(102s).

131) Liquidation du patrimoine des personnes physiques par voie de


cession de biens ou de saisie.

Si, au niveau des textes, la fonction de liquidateur ne se


conçoit que pour les sociétés et non ~our les personnes physiques
ayant la qualité de commerçants ( 102 ) , «il n'est pas exclu que les
solutions dégagées par la Cour de cassation soient appliquées aux
particuliers, puisque l'égalité des créanciers peut être considérée
comme une »norme supérieure de justice distributive« applicable à
d'autres hypothèses que celles que la loi a expressément consa-
crées» ... «il est arrivé, en matière civile, que des présidents de
tribunal désignent un liquidateur pour réaliser le patrimoine d'une
personne en déconfiture. La situation est différente en matière
commerciale, puisque la loi a prévu un mode spécifique, ~ui est
d'ordre public, de liquidation du patrimoine du débiteur» (1° 0).
Que faut-il en penser ?
Il arrive en effet qu'une personne en déconfiture sollicite la
désignation par le président du tribunal de première instance
siégeant en référé d'un liquidateur judiciaire chargé d'établir les
masses active et passive, de procéder à la réalisation du patrimoine
et d'effectuer la répartition entre les créanciers. S'il s'agit d'une
cession de biens, par laquelle le débiteur abandonne ses biens à ses
créanciers en règlement de ce qui leur est dû ( 1031 ), elle est soit

(1°28 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 28 juin 1978, J.T., 1980, 263; Civ. Liège, ch.s., 3 juin 1981,
Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Annexe, p. 12, n° 2; D. MATRA Y, Les
A.S.B.L., Responsabilité des membres et des administrateurs, in Les A.S.B.L., Evaluation critique
d'un succès, Ed. Story-Scientia, 1985, p. 400, n° 27; J. T'KINT, Associations sans but lucratif,
Répertoire Notarial, Bruxelles, Larcier, 1987, p. 106, n° 243; adde. C.T. Bruxelles, 23 octobre 1986,
J.L.M.B., 1987, 164 et obs. P. FRANCOIS; Cass., 7 avril 1986, R.P.S., 1986, p. 126, n° 6432; J.T.,
1987, 5 (dans les rapports entre les créanciers autres que ceux dont la créance est garantie par un
privilège spécial ou une sûreté réelle, et pour la détermination de leurs droits réciproques, le cours
des intérêts de leurs créances est suspendu à la date de la mise en liquidation ; adde. supra, note 930).
Au sujet de la distinction entre dette dans la masse et dette de la masse appliquée à une A.S.B.L.,
voy. Civ. Bruxelles, 9 avril 1985, J.T., 1986, 352.
1029
( ) L. MATRA Y, op. cil., Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant,
1983, p. 32, n° 16.
1030
( ) P. MARTENS, op. cit., Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant,
1983, p. 419, n° 33.
1031
( ) J. LINSMEAU, op. cit., Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, p. 290.
RÈGLES COMMUNES 251

volontaire et ne lie que les créanciers qui l'acceptent (art. 1267, C.


civ.) soit judiciaire mais alors il s'agit d'un bénéfice que la loi
accorde au débiteur malheureux et de bonne foi (art. 1268, C. civ.),
ce qui veut dire que son insolvabilité ne doit pas provenir de sa
faute ou de son impéritie mais d'une cause qui ne lui soit pas
imr:utable, par exemple de la ruine imprévue d'un de ses débiteurs
10 2
( ). S'il ne semble pas contestable que la cession judiciaire de
biens permet d'éviter la saisie ou la continuation de celle-ci, à tout
le moins lorsqu'elle émane d'un créancier chirographaire ou d'un
créancier nanti d'un privilège général, il est par contre impossible
de priver le créancier chirographaire ou privilégié général du droit
de diligenter une procédure d'exécution individuelle lorsqu'il refuse
la cession volontaire des biens de son débiteur ( 1033 ).

Mais, en dehors de la cession de biens (1034) et sous


réserve de situations exceptionnelles où l'abandon d'un patrimoine,
spécialement en matière successorale, exige la désignation d'un
administrateur provisoire sur base de l'article 584, alinéa 4, 3° du
Code judiciaire ( 1035 ) (ou encore lorsqu'il s'agit de prévenir une
dissociation dommageable des éléments d'un patrimoine), on ne
conçoit pas que le président du tribunal désigne un liquidateur P,Our
réaliser un patrimoine d'une personne en déconfiture (1036)

1032
( A. LEBRUN, Cession de biens, Rép. Dall. Proc. Civ., 1955, n° 8.
)
1033
( Civ. Liège, ch.s., 24 octobre 1984, R.G., n° 66.525/84, Jurisprudence du Code
)
judiciaire, Annexe n° 2/F/2.
( 1034) A notre avis, l'abolition de la contrainte par corps n'a pas nécessairement pour
conséquence de rendre caduque la cession de biens qui avait pour effet de dispenser de la contrainte
par corps le débiteur qui l'obtenait (A. LEBRUN, Cession de biens, Rép. Dall. Proc. Civ., 1955, n°
13; contra A. WEILL et F. TERRE, Droit civil, Les obligations, 3ème éd. Dalloz, p. 931, n° 840,
note 1) encore que la procédure de saisie respectée dans sa vocation collective permet, de manière
plus générale, d'atteindre le même résultat.
1035
( ) Civ. Termonde (Réf.), 13 avril 1960, R.C.J.B., 1963, 130 et note W. VAN GERVEN,
«La gestion du patrimoine d'autrui en droit belge et en droit comparé»; J. DEMBLON, De la
nomination d'un administrateur judiciaire ou d'un gérant judiciaire, Rev. Not. belge, 1982, 510 et s.
spéc. n° 35, p. 517; n° 40, p. 518; n° 47, p. 520 et n° 50, p. 523; Civ. Marche, 21décembre1983,
Jur. Liège, 1984, 141 ; Civ. Dinant, 19 janvier 1984, Jur. Liège, 1984, 142 et obs; Civ. Gand (Prés.),
20 novembre 1984, Rec. Gén., 1985, n° 23216, p. 313; Civ. Dinant, 28 novembre 1984, Rev. Not.,
1985, 101 et note J. DEMBLON; Civ. Audenarde, Prés., 30 septembre 1985, Rev. Not., 1986, 218;
Civ. Marche-en-Famenne, 6 décembre 1985, Jur. Liège, 1986, 171. Adde. sur le parallèle entre le
curateur dans ses rapports avec le failli et le gérant d'un patrimoine, Ph. GERARD, observations sur
la nature juridique des dettes et des créances de la masse des créanciers en cas de faillite, R.C.J.B.,
1986, p. 734, n° 22.
(' 036 ) Evidemment une telle décision peut s'imposer en l'absence de recours ordinaires ou
extraordinaires (singulièrement la tierce-opposition lorsque la désignation du liquidateur intervient
dans une procédure introduite par requête unilatérale). Voy. aussi art. 140 ter, al. 3 des lois
coordonnées sur les sociétés commerciales, art. 13 de la loi du 14 juillet 1987 relative à la société
d'une personne à responsabilité limitée (M. MICHEL, op. cil., Rev. Not., 1987, p. 459).
252 TRAITÉ DES SAISIES

lorsque ce résultat peut être légalement obtenu, dans des conditions


optimales, dans le cadre d'une ou plusieurs saisies débouchant sur
la répartition du patrimoine du débiteur. Ce n'est donc qu'en
l'absence de règles suffisantes qu'il y a lieu à application analogique
des règles de la liquidation des sociétés commerciales. Evidem-
ment, il n'y a aucun obstacle à ce qu'en amont intervienne un plan
d'apurement collectif arrêté, de l'accord des parties au procès, par
le juge du fond ( 1037), mais en cas de défaillance permettant
l'intentement d'une poursuite ou en cas de saisie initiée par un
créancier non lié par ce traité, la saisie développera sa dimension
collective, même au stade des versements destinés à éviter la vente
1038
( ) et tous les créanciers y demeureront associés.

CHAPITRE IV - SUCCESSION BENEFICIAIRE OU VA-


CANTE.
132) Succession acceptée purement et simplement. Règles générales
- Séparation des patrimoines.
En cas d'acceptation pure et simple de la succession, les
créanciers du défunt ont le droit de saisir le patrimoine de l'héritier
tenu personnellement des dettes du défunt conformément aux
articles 870 et suivants du Code civil.
L'article 877 du Code civil précise que «les titres exécutoi-
res contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier
personnellement» et formule une règle propre à la matière de
l'exécution forcée en ajoutant : «néanmoins, les créanciers ne
pourront en poursuivre l'exécution que huit jours après la significa-
tion de ces titres à la personne ou au domicile de l'héritier». Ce
texte ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'une saisie
conservatoire ; il concerne seulement l'exécution entamée après le
décès (1039) ; il tend à informer l'héritier des dettes du défunt en lui
laissant un bref délai pour prendre attitude.

1037
( ) Voy. «Le concordat pour le consommateur» présenté par E. BALATE, («L'action en
obtention de termes et délais ou l'amorce d'un concordat pour le consommateur»), Rev. Rég. Dr.,
1985, p. 216 à 218.
1038
( ) Supra, n° 117.
1039
( ) Ce texte ne s'appliquerait pas aux exécutions commencées au moment du décès ; on
continue alors les poursuites contre les héritiers, suivant les anciens errements. L'article 1618 établit
cette règle en termes exprès en ce qui concerne la saisie immobilière (C.F. WAELBROECK, Saisie
immobilière, T. III, Bruxelles, Bruylant, 1876, p. 509). En tout cas le délai de huitaine ne doit pas
être respecté (G. de LEVAL, Saisie immobilière, Rép. Not., n° 388). Adde. infra, n° 220 A et note
1795.
RÈGLES COMMUNES 253

Toutefois, les créanciers du défunt peuvent redouter les


conséquences d'une confusion du patrimoine de leur débiteur avec
celui de l'héritier endetté dans la mesure où les créanciers de celui-
ci exerceraient leur droit de gage sur les biens du défunt. C'est
pourquoi les créanciers et les légataires du défunt peuvent deman-
der, en justice dans tous les cas, et contre tout créancier (1040), la
séparation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héri-
tier (art. 878, C. civ. et 39, L. hyp.) (1041 ). Le droit de requérir la
séparation des patrimoines doit être mis en oeuvre dans le délai
prescrit par l'article 880 du Code civil: «il se prescrit, relativement
aux meubles par le laps de temps de trois ans. A l'égard des
immeubles, l'action peut être exercée tant qu'ils existent dans la
main de l'héritier» mais en ce cas, le droit à séparation doit être
conservé par une inscription prise dans les six mois de l'ouverture
de la succession (art. 39, L. hyp.) (1042 ).

Sous réserve de la séparation des patrimoines, l'accepta-


tion pure et simple permet aux créanciers personnels de l'acce~tant
d'agir sur les biens qui composent la masse successorale ( 043 ).
Ainsi une saisie peut être pratiquée par le créancier de celui qui a
des droits indivis dans une succession (1 044 ) ; certes, l'article 882
du Code civil prévoit que les créanciers d'un copartageant, pour

040
(' ) On ajoute aux créanciers personnels de l'héritier les légataires et l'héritier lui-même
(DE PAGE, T. IX, n° 979; adde. art. 39, al. 1, L. hyp.). La demande peut être formée à titre
principal ou accessoire (y compris lors d'une procédure de répartition) ; la séparation de patrimoine
étant un droit n'impliquant en soi aucune contradiction, qui peut être mis en oeuvre même lorsque les
créanciers de l'héritier sont inconnus ou lorsque l'héritier n'a pas encore accepté, il est admis qu'elle
soit demandée par requête unilatérale (DE PAGE, T. IX, n° 976; voy. aussi E. GENIN, Traité des
hypothèques et de la transcription, Rép. Not., T. X, L. 1, n° 1124).
041
(' ) Par contre «les créanciers de l'héritier ne sont point admis à demander la séparation des
patrimoines contre les créanciers de la succession» (art. 881, C. civ.); «ces créanciers n'ont d'autre
recours que l'action paulienne, au cas où leur débiteur aurait accepté une succession onéreuse en
fraude de leurs droits» (DE PAGE, T. IX, n° 971 B/689; comp. au sujet de la renonciation à une
succession, Cass. Fr., 7 novembre 1984, Bull. Civ., 1984, I, n° 298, p. 254).
042
(' ) E. GENIN, op. cit., Rép. Not., T. X, L. l, n°s 1120 à 1122; cette disposition ne
confère au «séparatiste» aucun privilège envers les autres créanciers et légataires du défunt non
séparatistes (A.M. STRANART-THILLY, Les privilèges immobiliers et les hypothèques, 1967-
1979, chronique de jurisprudence, Les sûretés réelles, Rev. Banque, 1981, cab. 11, p. 16 à 18, n° 6;
DE PAGE, III, n° 380 et IX, n° 1000).
043
(' ) Lorsqu'un héritier est débiteur envers la succession de sommes supérieures à sa part
héréditaire, il ne peut lui être fait dans le partage aucune attribution et ses créanciers personnels,
agissant par l'action oblique, ne sauraient avoir plus de droits que lui (Cass. Fr., 14 décembre 1983,
Dall., 1984, J. 310 et note A. BRETON).
044
(' ) Supra, n°s 52 et 53 ; voy. en matière immobilière, l'article 1561 du Code judiciaire et
G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., T. XIII, L. II, n°s 74 et s. et en matière mobilière,
l'article 1514 du Code judiciaire et G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., T. XIII, L. III,
n°s 297 et s.
254 TRAITÉ DES SAISIES

éviter que le gartage ne soit fait en fraude de leurs droits, peuvent


s'opposer ( 10 ) à ce qu'il y soit procédé hors de leur présence mais
cette disposition est sans intérêt s'il n'y a pas de partage ou si la
procédure n'est pas normalement diligentée et inefficace dans la
mesure où elle ne produit pas l'effet d'indisponibilité d'une saisie
1046
( ), l'opposition ne servant qu'à surveiller la composition du lot
du débiteur ( 1047 ) sans empêcher celui-ci de disposer des biens
compris dans l'indivision; bref, «Si l'on ne veut pas faire dire à
l'article 882 plus qu'il ne dit, il faut se résoudre à reconnaître que
cet article ne protège les créanciers que contre les collusions entre
copartageants et qu'il laisse sous l'empire du droit commun (art.
1167 C. civ.J les fraudes commises entre l'un des copartageants et
des tiers» (1 48 ).

133) Succession acceptée sous bénéfice d'inventaire.


Dès avant la modification des articles 793 à 810 bis du Code
civil par les dispositions modificatives contenues dans la loi du 10
octobre 1967 il avait été suggéré d'étendre les principes dégagés par
la Cour de cassation en matière de liquidation de sociétés commer-
ciales (1049 ) à la liquidation des successions acceptées sous bénéfice
d'inventaire ( 1050). Cette solution est consacrée par la loi depuis la
réforme du bénéfice d'inventaire, directement issue des travaux du
Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat (1051 ).
L'article 802 du Code civil dispose que «le bénéfice
d'inventaire a pour effet d'empêcher la confusion des patrimoines,
tant à l'égard de l'héritier que des créanciers et légataires».
«L'héritier conserve contre la succession les droits qu'il
avait contre le défunt. Il n'est tenu des dettes et charges de la

(' 045 ) «L'on entend par opposition au partage, tout acte par lequel un créancier d'un
copartageant fait connaître, à tous les copartageants, son intention d'exercer ses droits sur les biens
qui seront attribués à son débiteur» (DE PAGE et DEKKERS, Traité de droit civil, T. IX, n° 1117).
(' 046) Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 1962 (J.T., 1962, 567; Pas., 1962, 1, 1089)
précise que l'article 882 ne donne pas à l'opposition les effets d'une saisie.
047
(' ) Ph. DE PAGE, Droits des créanciers, in Partage judiciaire, Fédération Royale des
Notaires de Belgique, Syll. 1986, 169-170.

048
(' ) DE PAGE et DEKKERS, op. cit., T. IX, n° 1122, p. 790; Cass., 25 mai 1962, préc.
1049
( Supra, n° 129.
)
1050
( ) J. RENAULD et P. COPPENS, op. cit., R.C.J.B., 1965, p. 114 à 119.

( 1051 ) Réforme de la Procédure, T. li, p. 248 à 264. Ce document est intégralement repris
dans les travaux préparatoires du Code judiciaire (Rapport VAN REEPHINGEN, M.B., 1964, p.
408 et 437 à 444).
RÈGLES COMMUNES 255

succession que sur les biens qu'il recueille. Les créanciers de la


succession et les légataires sont payés sur ces biens de préférence
aux créanciers personnels de l'héritier». Bref, le bénéfice d'inven-
taire fige un patrimoine ( 1052 ) affecté par préférence au règlement
des dettes et des charges dont il est grevé. Cette situation justifie,
en cas d'acceptation bénéficiaire volontaire et non obligatoire
(1°53 ), l'organisation par la loi d'une procédure collective assurant
l'unité de direction dans la liquidation et l'égalité entre les créan-
ciers ( 1054) dont le droit de poursuite individuelle est rendu sans
objet.
1. - Le liquidateur.
Aux termes de l'article 803, alinéa 1er du Code civil,
«l'héritier bénéficiaire est charcBé d'administrer les biens de la
succession et de les liquider (1 5). Il doit rendre compte de sa
gestion aux créanciers et aux légataires». Ceux-ci peuvent exiger de
lui une caution (art. 807, C. civ.) et même provoquer son
remplacement si leurs intérêts peuvent être compromis par sa
négligence ou sa situation de fortune (art. 804, C. civ.).
Ainsi, la succession bénéficiaire est prise en charge par un
liquidateur officiel agissant sous le contrôle des créanciers et des
légataires.
2. - La consistance du passif, la réalisation del' actif et le paiement.
En vertu de l'article 793, alinéa 2 du Code civil, «en cas
d'acceptation bénéficiaire volontaire, cette déclaration doit, dans
les quinze jours qui suivent, par les soins du greffier et aux frais de
l'héritier acceptant sous bénéfice d'inventaire, être publiée aux

1052
( ) Civ. Neufchâteau, 16 février 1981, Jur. Liège, 1981, 197, obs. G. de LEVAL. Un
créancier d'une succession bénéficiaire n'étant pas un créancier personnel de l'héritier personnel, il
ne peut pratiquer une saisie à charge de celui-ci (infra, n"s 135 et 220 A).

105
( ') «Dans 95 % des cas, en effet, l'acceptation bénéficiaire est obligatoire (par exemple: le
cas des successions échues à un mineur) et le bénéfice d'inventaire apparaît alors principalement
comme une niesure de protection en faveur de l'héritier et non des créanciers. Décréter pour cette
hypothèse la liquidation collective obligatoire serait instaurer un formalisme compliqué et le plus
souvent inutile. En conséquence, pour le cas d'acceptation bénéficiaire obligatoire, il échet de
maintenir les règles anciennes, sauf à concéder aux créanciers le droit de postuler la liquidation
collective et égalitaire» (Réforme de la Procédure, T. Il, p. 255; voy. l'art. 808, al. Ier, C. civ. mais
voy. cependant l'art. 793, al. 3, C. civ.).
1054
( ) Réforme de la Procédure, T. II, p. 253 et Rapport sur la Réforme judiciaire, M.B.,
1964, 440.
1055
( ) L'article 803 bis, C. civ. organise le remplacement de l'héritier bénéficiaire à sa
demande par un administrateur désigné sur requête par le président du tribunal de première instance.
256 TRAITÉ DES SAISIES

annexes du Moniteur belge, avec invitation aux créanciers et aux


légataires d'avoir à faire connaître, par avis recommandé, leurs
droits dans un délai de trois mois à compter de la date de
l'insertion». L'article 806, alinéa 1er prévoit que la vente de biens
meubles ou immeubles a lieu dans les formes prescrites par le Code
judiciaire (art. 1189 et 1194 C. jud.). L'article 808 dispose que:
«En cas d'acceptation bénéficiaire volontaire, l'héritier ne peut
payer aucun créancier chirographaire ni légataire avant l'expiration
du délai fixé par l'article 793, alinéa 2. Il peut toutefois payer les
créances énumérées à l'article 19 de la loi du 16 décembre 1851
suivant leur rang. Après l'expiration de ce délai, si tous les
créanciers connus ne sont pas d'accord pour procéder à un
règlement amiable, le paiement ne peut se faire que dans l'ordre et
de la manière déterminée par le juge».
Enfin, l'article 809, alinéa 1er du Code civil règle le sort
des déclarations de créance tardives en énonçant que : «Les
créanciers qui, inconnus à l'époque d'un premier paiement, se font
connaître ultérieurement, ont recours contre les légataires payés
pendant un laps de trois ans à compter du jour de l'apurement du
compte et du paiement du reliquat. Ils n'ont aucun recours contre
les créanciers déjà payés, mais ils ont le droit de prélever sur l'actif
non encore réparti les dividendes afférents à leurs créances dans les
premières répartitions» (1056).
De cette manière, la liquidation est collective et égalitaire ;
tous les créanciers sont placés sous le même pied grâce à laJ?ublicité
prévue par l'article 793, alinéa 2 du Code civil ( 10 ). Une
limitation dans le temps est fixée en conciliant au maximum les
intérêts en présence.
Tout comme en matière de liquidation de sociétés commer-
ciales ( 1058 ), la liquidation de la succession bénéficiaire fait
seulement obstacle aux saisies conservatoires et aux voies d'exécu-
tion mises en oeuvre par des créanciers chirographaires ou titulaires

(1°56 ) Comp. art. 508, C. corn. et art. 828, C. civ. (art. 73, L. 31 mars 1987 modifiant le droit
de la filiation; J. DALCQ, La réforme du droit de la filiation, J.T., 1987, p. 404, n° 61).
1057
( ) Contra DE PAGE, T. IX, n° 859, 6°, p. 638 qui écrit comme sous l'empire des textes
antérieurs que «chacun des créanciers et légataires peut essayer d'obtenir un paiement intégral, sans
se soucier des autres» !
1058
( ) Supra, n° 129.
RÈGLES COMMUNES 257

d'un privilège général (argt art. 808, al. 1er et 2 C. civ.) (1059). En
cas de concurrence entre une vente publique d'immeubles et une
saisie immobilière, il importe de tenir compte de la règle spéciale
prévue par l'article 1621 du Code judiciaire lorsque la saisie
immobilière d'un créancier hypothécaire (non soumis à la procé-
dure collective) serait transcrite après l'autorisation de vendre
accordée à l'héritier bénéficiaire par le tribunal de première
instance ; en ce cas, en effet, la suspension de la saisie peut être
sollicitée du juge des saisies afin de ~rmettre l'exécution de la
décision autorisant la vente publique (1 ) (1061 ).

1059
( ) Le Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat, dont les conclusions et les textes ont été
repris dans leur intégralité (Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 562), précisait: «Pendant
tout ce délai, aucun paiement ne pourra valablement être fait par l'héritier, et réciproquement,
jusqu'à la fin de la liquidation, le droit de poursuite individuelle des créanciers non pourvus de sûretés
réelles sera suspendu» (Réforme de la Procédure, T. II, p. 254 et Rapport sur la Réforme judiciaire,
M.B., 1964, p. 440; voy. aussi art. 810 bis, al. 1er, C. civ.). C'est donc à tort que DE PAGE écrit
après la révision des dispositions relatives au bénéfice d'inventaire : «La loi n'organise aucune
procédure de liquidation collective de la succession bénéficiaire ; elle n'érige pas l'héritier en
liquidateur pour le compte de la masse. Contrairement à ce qui se passe en matière de faillite (loi du
18 avril 1851, art. 452 et 454), le droit individuel de poursuite, qui appartient à tout créancier sur les
biens formant son gage, n'est nullement suspendu: c'est le droit commun de la déconfiture» (T. IX,
n° 858, p. 636). Un peu plus loin, il est cependant plus nuancé en exposant : «Chacun des créanciers
et légataires peut former saisie-arrêt entre les mains des débiteurs de la succession. L'on estime
toutefois que le droit individuel des créanciers et légataires cède au droit et même au devoir de
gestion de l'héritier bénéficiaire ; et l'on admet que les créanciers et légataires ne peuvent former
saisie-arrêt entre les mains des débiteurs de la succession que si l'héritier néglige de les poursuivre»
(T. IX, n° 859, 4°, p. 637; voy. aussi Civ. Bruxelles, 24 février 1972, Pas., 1972, III, 26 qui en
l'absence de négligence de l'héritier ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt conservatoire). Compte
tenu des règles spéciales qui peuvent être mises en oeuvre lorsque les intérêts des créanciers sont
compromis (caution, remplacement de l'héritier bénéficiaire), ce n'est que si ces procédés s'avèrent
insuffisants ou inefficaces qu'une saisie peut encore être mise en oeuvre. Les règles applicables aux
créanciers de la succession sont a fortiori applicables aux créanciers personnels de l'héritier qui sont
primés par les créanciers de la succession et les légataires (art. 802, al. 2, C. civ. ; contra DE PAGE,
T. IX, n° 863, p. 640). Mais dès qu'une saisie individuelle n'est plus susceptible de compromettre la
liquidation, le créancier peut y recourir. Ainsi, le créancier personnel d'un héritier bénéficiaire peut
saisir-arrêter entre les mains du préposé de la caisse des dépôts et consignations, détenteur des fonds
de la succession, les sommes qui peuvent revenir à son débiteur après paiement des dettes et des legs
de la succession (BELTJENS, II, n° 20, p. 82).
(1 060) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 524. Si le créancier diligente une
procédure de saisie de manière abusive parce que ses droits sont entièrement sauvegardés par la
procédure collective en cours, il s'expose à des dommages-intérêts (Civ. Bruxelles, ch.s., 20 mars
1987, A.R., n° 36.378). Enfin on ne perdra pas de vue la possibilité d'une vente de gré à gré aux
conditions prévues par l'art. 1193 bis, C. jud. (voy. G. de LEVAL, op. cit., n° 525-1 et l'Ordre, Rép.
Not., n° 26-2).
1061
( ) DE PAGE se demande «pourquoi le sursis ne serait-il pas prononcé, même si le
jugement autorisant la vente intervient, non pas avant la transcription de l'exploit de saisie, mais
après?» (T. IX, n° 889, p. 652). Cette interrogation ne se conçoit pas eu égard au texte clair de
l'article 1621, C. jud. En tout état de cause l'héritier bénéficiaire est associé à la poursuite en recevant
communication du cahier des charges (art. 1582, C. jud.).
258 TRAITÉ DES SAISIES

3. - Succession acceptée sous bénéfice d'inventaire par un ou


plusieurs héritiers et acceptée purement et simplement par un
ou plusieurs autres.
Afin de régler les difficultés inextricables nées d'une telle
situation (1 062 ), l'article 810 bis du Code civil énonce que : «si
parmi les héritiers les uns acceptent la succession purement et
simplement et les autres sous bénéfice d'inventaire, les règles du
bénéfice d'inventaire relatives, soit à la forme de liquidation soit au
droit de poursuite des créanciers, s'appliquent à la succession tout
entière jusqu'au partage. Dans ce cas, le tribunal peut confier la
liquidation de la succession tout entière à tel des héritiers qu'il lui
plaît de choisir, à charge par celui-ci de fournir les sûretés
déterminées par le jugement. Pendant la durée de la liquidation,
aucun des héritiers ne peut être poursuivi sur ses biens personnels.
Après le partage, les effets de l'acceptation bénéficiaire ne subsis-
tent qu'au regard des héritiers qui ont accepté dans cette forme».

134) Succession vacante.

Les r~les applicables à la liquidation de la succession


bénéficiaire (1 ) sont applicables à la liquidation de la succession
vacante (art. 813, C. civ. et 1230, C. jud.) (1 064 ).
Sauf cas exceptionnel, le créancier chirographaire ou privi-
légié général ne conserve pas un droit de poursuite individuelle qui
pourrait inutilement entraver la mission du curateur (1065 ).

(1 062) Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat, Réforme de la Procédure, T. II, p. 260 et
Rapport sur la Réforme judiciaire, M.B., 1964, p. 443: «Logiquement, si l'un des héritiers accepte
purement et simplement, sa part héréditaire se confond avec ses biens personnels ; il y a confusion
pour cette part et dès lors, on ne conçoit pas qu'il y ait séparation des patrimoines. A l'égard de celui
qui accepte sous bénéfice d'inventaire, il y a séparation de patrimoines et de plein droit, mais
seulement pour sa part héréditaire, part non individualisée avant le partage. Il y a donc là une
contradiction inconciliable».
(1 063 ) Supra, n° 133.
(1 064 ) Est dès lors trop peu nuancée la décision suivante : «en ce qui concerne la saisie· arrêt
conservatoire, s'il est vrai que chacun des créanciers du défunt conserve en principe le droit de veiller
lui-même à la défense de ses intérêts et peut à ce titre former une saisie-arrêt conservatoire entre les
mains des débiteurs de la succession, le droit individuel des créanciers cède au devoir de gestion du
curateur à la succession vacante et ceux-ci ne peuvent former saisie-arrêt conservatoire entre les
mains des débiteurs de la succession que si le curateur néglige de les poursuivre» ( Civ. Bruxelles,
ch.s., 24 septembre 1979, Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Annexe, p. 4-2, n° 2 A 2. Voy.
supra note 1059).
(1 065 ) Supra, n° 133.
RÈGLES COMMUNES 259

Le concours entre le créancier saisissant hypothécaire (non


soumis à la procédure collective) et le curateur, est réglé conformé-
ment à l'article 1621, C. jud. La créance d'honoraires du curateur
ne prime celle du créancier hypothécaire que si les devoirs
accomplis par celui-là ont été faits dans l'intérêt de celui-ci (1 066 ).
Il s'agit d'une question à la fois fréquente et controversée
qui est étroitement liée au conflit entre le créancier hypothécaire et
le curateur de faillite en matière de vente d'immeuble (1067 ).
Une telle contestation portant non sur le montant des
honoraires mais sur leur caractère privilégié, peut être formalisée
devant le juge des saisies par voie de contredit au projet de
répartition même si la clause y relative du cahier des charges n'a pas
été contestée (1068). Si le caractère privilégié de la créance du
curateur est reconnu (1°69), cette créance ne doit pas, sauf texte
spécial (voy. par exemple les art. 1673, al. 2 et 1675, al. 2, C. jud.)
et sauf renonciation par une partie à une cause de préférence
1070
( ), être répartie entre les créances au prorata des sommes
colloquées mais il importe après prélèvement des frais de justice
privilégiés (art. 17 et 19, 1°, L. hyp.) de répartir l'actif entre les
créanciers en respectant le rang des privilèges et hypothèques
(1071).

( 1066 ) Cass., JO octobre 1985, R.W., 1985-1986, 2000; en l'espèce, l'initiative de la vente
ayant été prise par le créancier hypothécaire, on ne pouvait admettre que celui-ci avait profité de
l'intervention du curateur.
('°"7 ) Supra, n" 122 B/2.
( 11l68 ) Rép. Not., L'ordre, n° 72-2 et réf. cit.; Civ. Namur, ch.s., 22 février 1985, Jur. Liège,
1986, 276; contra Comm. Charleroi, 23 février 1983, Pas., 1983, 111, 28; Bruxelles, 13 mars 1985,
Rev. Not., 1985, 318 (impl.); Arr. Charleroi, 11décembre1984 et 16 avril 1985, J.T., 1986, 349;
comp. J.L. LEDOUX, Curateur et créancier saisissant; la guerre des procédures n'aura plus lieu?,
Rev. Not., 1984, 583.
(°"
1 9
) Bruxelles, 13 mars 1985, Rev. not., 1985, 318.
1070
( ) Liège, 6 janvier 1986, Jur. Liège, 1986, 96.
1071
( ) Comm. Audenarde, 17 mai 1984, R.D.C., 1985, 66; Comm. Verviers, 27 janvier 1986,
Jur. Liège, 1986, 127; comp. et contra Comm. Charleroi, 21février1984, Rev. Rég. Dr., 1984, 293.
DEUXIEME PARTIE

REGLES COMMUNES
AUX SAISIES CONSERVATOIRES
L'efficacité de la protection juridique exige la mise à la
disposition du créancier de mesures provisoires permettant d'assurer
ensuite la réalisation du droit encore litigieux. La mesure provisoire
est une application à la créance de sommes d'argent de la mesure
équitable d'attente du référé. Elle n'a pas pour objet (sauf exception)
la réalisation actuelle du droit mais la préservation d'une réalisation
future de celui-ci.
TITRE I

LES PARTIES A LA SAISIE

CHAPITRE 1 - LA PERSONNE DU SAISISSANT.

135) Le droit de saisir. Règle générale.

La qualité de créancier (1072 ) confère le droit de saistr,


sans qu'il y ait à distinguer entre les créanciers chirographaires et
les créanciers hypothécaires ou privilégiés dont l'hypothèque ou le
privilège n'est une cause de préférence qu'au moment de la
répartition du produit de la saisie (1073 ) ( 1074).

072
(' ) Tel n'est pas le cas, relativement à sa part dans l'indivision, d'un héritier qui dispose de
mesures conservatoires spécifiques destinées à sauvegarder des droits propres : apposition de scellés,
inventaire, mise sous séquestre (Bruxelles, 2 novembre 1977, Rcv. Not., 1978, 178; Rec. Enr., 1978,
397 ; supra, n° 51 ; infra, n° 144 ; comp. entre époux, infra, n° 139 et Annexe 1, 4 B).
(1°73 ) La caution d'une société en règlement judiciaire ayant acquitté une somme que celle-ci
avait été condamnée à payer à son bailleur à titre de provision et ayant sollicité l'autorisation de
pratiquer une saisie-arrêt entre les mains du notaire détenteur du prix de vente de biens appartenant
à la débitrice, c'est à tort qu'un arrêt a rejeté sa demande au motif que sa prétendue créance ne
constituait pas un titre ouvrant droit à saisie-arrêt puisqu'il s'agissait d'un simple paiement
provisionnel et partiel laissant subsister les droits du créancier principal par préférence à la caution,
alors que les causes de préférence entre créanciers n'intéressant que la distribution des deniers et ne
faisant pas obstacle au droit du créancier de pratiquer une saisie-arrêt. il appartient à la Cour de
rechercher si la caution était, du fait de sa subrogation, créancière de la masse et disposait du droit
d'exercer une action individuelle (Cass. Fr., 8 mars 1977, Dall., 1977, l.R., 359 et 486; comp. infra,
n° 155). Exceptionnellement, la saisie a pour effet de conserver un privilège préexistant (supra n°
103).
1074
( ) Signalons cependant l'article 1561 du Code judiciaire qui favorise le créancier
hypothécaire dont l'inscription est antérieure à la transcription d'une convention d'indivision mais il
s'agit de règles propres à la saisie-exécution immobilière (G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép.
Not., n°s 82 et 86 et 110 à 117) et l'article 1563 du Code judiciaire qui prévoit que le créancier ne peut
commencer les poursuites en expropriation des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués, que dans
le cas d'insuffisance des biens qui lui sont hypothéqués (sur la possibilité pour les parties de déroger à
cc texte, voy. Cass., 3 mai 1985, Rec. Enr., 1985, n° 23.222, p. 329; T. Not., 1985, 133 et concl. de
M. le Procureur Général E. KRINGS; R.W., 1985-1986, 175 et concl. de M. le Procureur Général
E. KRJNGS).
266 TRAITÉ DES SAISIES

Le saisissant doit être le créancier personnel du débiteur


1075
( dès le début de la procédure qui ne saurait être régularisée
)
par l'acquisition de cette qualité en cours de procédure ( 1076 ).
Ainsi, le créancier d'une succession bénéficiaire n'étant pas le
créancier personnel de l'héritier bénéficiaire, il ne peut, sous
réserve de confusion entre les biens de celui-ci et ceux du défunt,
pratiquer une saisie-arrêt sur les créances personnelles de l'héritier
bénéficiaire ( 1077 ).
Les mesures conservatoires ne sont pas exclusives l'une de
l'autre ; il est loisible à un créancier d'en cumuler l'emploi, s'il
n'agit pas dans le but de nuire au crédit de son débiteur et si
chacune des mesures utilisées lui permet d'assurer la récupération
de sa créance. Dans ces limites, il choisit librement les biens qu'il
entend faire mettre sous la main de la justice pour autant que,
conscient de l'intensité variable de la saisie suivant la procédure
mise en oeuvre, il n'opère ~as ce choix de manière abusive et
dommageable pour le saisi ( 1 78 ). Même nanti d'un titre exécutoire
lui permettant de recourir immédiatement à un acte d'exécution, le
créancier peut pratiquer une saisie conservatoire moyennant le
respect des articles 1413 et suivants.

136) Règles spéciales.

A. - Les ayants cause du créancier.


La saisie peut être pratiquée par le créancier originaire, par
ses ayants cause universels, à titre universel ou à titre particulier
(cessionnaire, endossataire, créancier subrogé, etc.) sans que ceux-
ci aient à Justifier, au stade conservatoire, de leur qualité avant d'y
recourir ( 079 ). En cas de cession de créance, la signification de la

1075
( ) Il importe de réserver !"hypothèse de la poursuite du créancier hypothécaire ou
privilégié contre le tiers détenteur (G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cil., Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1982, p. 37, n" 36) mais les créanciers hypothécaires qui ne sont pas créanciers
personnels du tiers détenteur ne peuvent saisir-arrêter sur lui que les revenus produits par l'immeuble
hypothéqué, à partir du jour où il en devient comptable, c'est-à-dire après la sommation de payer ou
de délaisser (art. 104, L. hypoth. ; G. de LEVAL, Saisie immobilière, Rép. Not., 266 à 269).
107
( ") E. GARSONNET et Ch. CEZAR-BRU, Traité théorique et pratique de procédure
civile et commerciale, 3ème éd., Paris, 1925, T. IV, p. 119, n° 41.
077
(' ) Ch. RADOUANT. Saisie-arrêt, in Rép. Dall. Proc. Civ., n" 15; R.P.D.B., V" Saisie-
arrêt, n" 23 ; Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n" 70.
078
(' ) Supra, n"s 6 et 7; infra, n" 193.

(1°79 ) Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 69; E. GARSONNET et Ch. CEZAR-


BRU, T. IV, p. 124, n° 43.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 267

cession (art. 1690, C. civ.) peut être valablement faite par l'exploit
de saisie conservatoire.

B. -Le mandat.
Le créancier peut pratiquer une saisie par l'intermédiaire
d'un mandataire, sous réserve du respect des règles propres au
mandat ( 1080) ou d'un représentant légal ou judiciaire. Dans tous
les cas, les actes de procédure doivent mentionner l'identité de la
personne au nom de laquelle la saisie est diligentée ( 1081 ).

C. - La caution judicatum solvi.


Le créancier étranger a le droit de pratiquer une salS!e
conservatoire en Belgique et tant qu'il n'y a pas de débat, la caution
«judicatum solvi» (art. 851, C. jud.) ne peut être exigée. Sous
réserve des conventions internationales prévoyant la dispense de
cette caution ( 1082), celle-ci peut être exigée par le défendeur
belge, avant toute exce~tion (art. 851, C. jud.), soit lors de
l'instance en mainlevée (1 83 ), soit lors de l'instance au fond.
La caution est due pour garantir le paiement des frais et
dommages-intérêts résultant du procès (art. 851, C. jud.). Il s'agit
des dépens prévus par l'article 1018 du Code judiciaire et des

1080
( ) Ainsi, il importe de tenir compte de la règle suivant laquelle le mandat finit par la mort
soit du mandant, soit du mandataire (art. 2003, C. civ.; mais voy. aussi l'art. 1991, al. 2, C. civ.
suivant lequel le mandataire est tenu d'achever la chose commencée au décès du mandant s'il y a péril
en la demeure ; en outre, les parties peuvent déroger à la règle suivant laquelle le mandat prend fin
par la mort du mandant).
1081
( ) Application de la règle «nul ne plaide par procureur», A. FETIWEIS, Manuel de
procédure civile, Liège, 1985, p. 49, n" 39.
(w82 ) Voy. spéc. les art. 17 à 19 de la Convention internationale relative à la procédure civile,
conclue à La Haye le Ier mars 1954 ; art. 8 à 10 de l'accord du 25 avril 1959 entre le Gouvernement
belge et le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne en vue de faciliter l'application de
la Convention de La Haye du Ier mars 1954 et art. 8 à IO de la Convention du 15 octobre 1984 entre
le Royaume de Belgique et la République Socialiste Tchecoslovaque relative à l'entraide judiciaire en
matière civile, familiale et commerciale ; adde. Convention belgo-britannique du 4 novembre 1932 ;
Traité d'amitié, établissement et navigation conclu entre les U.S.A. et la Belgique le 21février1961.
Le demandeur étranger qui allègue être dispensé de fournir la caution judicatum solvi, doit prouver
qu'il satisfait aux conditions requises (Anvers, 12 décembre 1984, J.P.A., 1985, 212).
(w83 ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILLY, Examen de jurisprudence (1965 à 1970),
Droit judiciaire privé, R.C.J.B., 1974, 151 ; Bruxelles, 26 juin 1985, Pas., 1985, II, 166; Civ.
Bruxelles, ch.s., 26 octobre 1987, R.G., n°s 43.396 et 43.458. En ce sens, le saisi est défendeur au
fond à la procédure de mainlevée même s'il a pris l'initiative du recours. S'il est étranger, il ne doit
pas fournir la caution «judicatum solvi» (CARRE et CHAUVEAU, Les lois de procédure civile,
Bruxelles, 1840, T. Il, p. 109, n° 700; Liège, 26 avril 1893, Jur. Liège, 1893, 166; J. MAURY et P.
LAGARDE, Caution «judicatum solvi», Dall. Rép. Dr. !nt., T. !, n°s 22-27-28; Civ. Bruxelles,
ch.s., 13 mai 1976, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. Il, art. 1419/3, n° 5; infra, n°
188 A, note 1503).
268 TRAITÉ DES SAISIES

dommages-intérêts alloués pour procédure abusive (1°84 ). Le


jugement qui ordonne la caution fixe la somme jusqu'à concurrence
de laquelle elle est fournie. Il peut aussi remplacer la caution par
toute autre sûreté (art. 852, C. jud.) ( 1085 ).
La caution ne pouvant être exigée lorsque le risque de voir
l'étranger demandeur condamné aux frais est quasi inexistant
1086
( ), il a été justement décidé que la caution ne peut être exigée
lorsque le demandeur a contre le défendeur une créance certaine et
exigible consacrée par un titre et reconnue en conclusions par son
adversaire (1°87 ) ( 10s8 ).
D. - La renonciation au droit de saisir.
Le créancier est libre de stipuler soit en contractant, soit
postérieurement qu'il ne pourra recourir à une saisie conservatoire
sur un ou plusieurs biens déterminés ; en effet, si une renonciation
générale et absolue au droit d'agir en justice et à la faculté de saisir
ne peut être admise, une renonciation spéciale, limitée, restreinte à
l'exercice de telle ou telle prérogative déterminée est valable entre
parties (1°89) (1089). Une telle dérogation est de stricte interpréta-

(to84 ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILLY, op. cit., R.C.J.B., 1974, 152; Comm.
Anvers, 16 mai 1986, R.W., 1986-1987, 957; voy. toutefois, Bruxelles, 26 juin 1985, Pas., 1985, Il,
166 qui, à tort, vu l'art. 851, relève qu'en cas de demande de dommages-intérêts pour saisie téméraire
et vexatoire, le saisissant a la qualité de défendeur; adde. infra, n°s 193 à 195.
085
(' ) L'article 852 poursuit : «Le demandeur est dispensé de fournir la sûreté demandée s'il
consigne la somme fixée, s'il justifie que ses immeubles situés en Belgique sont suffisants pour en
répondre ou s'il fournit un gage conformément à l'article 2041 du Code civil. Au cours de l'instance, à
la demande d'une partie, le tribunal peut modifier l'importance de la somme ou la nature de la sûreté
fournie».
086
(' ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILLY, op. cit., R.C.J.B., 1974, p. 151; adde.
Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin .. 1967, 438: «La caution a pour but de garantir le paiement
des frais de justice que le défendeur devra exposer pour assurer sa défense. Elle ne peut pas être
ordonnée lorsque la procédure ne comporte pas de frais».
087
(' ) Civ. Huy, 22 mars 1967, Jur. Liège, 1967-1968, 213 qui ajoute: «que forcé par la
carence de son débiteur de recourir à la justice pour obtenir son dû, à suivre le défendeur, le
demandeur se verrait refuser l'accès au prétoire, ce qui paraît évidemment un moyen fort simple pour
s'éviter de jamais rien devoir payer».
1088
( ) De même, la caution n'est pas duc de l'étranger agissant en vertu d'un titre exécutoire
non contesté, car il s'agit alors d'un moyen d'exécution et non d'une véritable demande (J. MAURY
et P. LAGARDE, op. cit., n° 24). S'il s'agit d'un titre exécutoire judiciaire, celui-ci ne peut être en
aucun cas entravé par une demande nécessairement tardive de caution.
1089
( ) J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure civile, 20ème éd., Dalloz, 1981, p. 42,
n° 19; voy. en matière de compensation, supra, n° 85 C. Adde. Cass. Fr., 18 novembre 1986,
Clunct, 1987, 125 (infra, n° 253); Ph. OUAKRAT, La pratique du C.I.R.D.I., D.P.C.I., 1987,
Tome 13, n° 2, p. 298 à 303; G. FLECHEUX, note sous Rennes, 26 octobre 1984, Rev. Arb., 1985,
452 et E. GAILLARD, note sous Rennes, 26 octobre 1984, Clunet, 1985, p. 925 et s. et spéc. p. 944.
Une telle renonciation est inopposable aux tiers (supra, n" 55). Comp. en matière d'astreinte, 1.
MOREAU-MARGREVE, L'astreintc, Ann. Dr. Liège, 1982, p. 88-89.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 269

tion (1090). Elle est susceptible de s'appliquer au donneur d'ordre


qui, en matière de crédit documentaire ou de garantie à première
demande, ne peut faire état d'une créance pour entraver le
paiement des sommes dues par le garant au bénéficiaire ( 1091 ).

137) Saisie oblique - Simulation.

A. - Dans la mesure où un créancier peut exercer, par voie


oblique, les droits et actions de son débiteur (art. 1166, C. civ.)
(1°92 ) ( 1093 ), il a nécessairement qualité et intérêt pour pratiquer,
en faveur du patrimoine de celui-ci, une saisie conservatoire ou
exécutoire à charge du débiteur de son débiteur ( 1094 ) ( 1095 ).
Certes, il est plus expédient pour le créancier d'une somme
d'argent de pratiquer directement une saisie à charge de son
débiteur mais encore faut-il que celui-ci ait de la surface saisissable
(1096).

B. - La saisie-arrêt oblique est expressément autorisée par les


articles 1445, alinéa 2 et 1539, alinéa 3 du Code judiciaire : «en cas
d'inaction de son débiteur, le créancier peut, par application de

(10'!0) Ainsi une garantie bancaire ne constitue pas un obstacle à la saisie dans la mesure où le
créancier n'a pas renoncé à celle-ci moyennant celle-là (Anvers, 9 septembre 1981, R.G., n" 1451,
Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1415, p. 2, n" 9).
091
(' ) Voy. infra Annexe 1, n°s 13 et 14 et réf. cit.
(1 092 ) P. DELNOY, Pour une vision nouvelle de l'action oblique. Ann. Fac. Dr. Liège, 1969,
p. 479 à 495. L'auteur démontre que si la créance du demandeur doit être certaine (cc critère devant
être à notre avis apprécié avec la même souplesse que pour une saisie conservatoire), elle ne doit être
ni liquide, ni exigible (contra B. STARCK, Action oblique, Rép. Dall. Dr. Civ., n" 42).
1093
( ) Sur cc que l'action oblique peut consister dans l'exercice par le tiers créancier d'un droit
qui n'est pas directement pécuniaire, voy. J.L. AUBERT note sous Cass. Fr., 14 novembre 1985,
Dall .. 1986, Jur. 368.
094
(' ) G. COUCHEZ. Voies d'exécution, Sirey, 1985, p. 14. n° 15: M. DONNIER. op. cit..
Litec, 1987, p. 48, n" 92: J. CARBONNIER, note sous Cass. Fr .. 25 septembre 1940 et 21 janvier
1942, Dall., 1943, 134-135. Ainsi. le créancier peut signifier au nom de son débiteur un
commandement à charge du garant de celui-ci (Cass. Fr., 14 juin 1984, J.C.P., 1984, IV, 267). De
même. le droit de pratiquer une saisie mobilière appartient aux créanciers du créancier agissant à ses
lieu et place par la voie de l'action oblique de l'article 1166 du Code civil (L. CREMIEU, Saisie
exécution, Rép. Dall. Proc. Civ., n" 12): en matière de saisie immobilière. voy. G. de LEVAL, La
saisie immobilière. Rép. Not.. n" 392: Liège, 14 janvier 1961, Pas., 1961, Il, 238 et Civ. Bruxelles.
14 janvier 1971, Pas., 1971. II, 28 (cette dernière décision est critiquahlc en cc qu'elle exige une
subrogation judiciaire).
109
( ') De même le créancier personnel d'un prétendant droit peut requérir par voie oblique
l'apposition des scellés. art. 1148. 1°. C. jud. : supra, n" 51.
("m) D'autre part, la souplesse des critères de mise en oeuvre de l'action oblique peuvent
rendre celle-ci possible là où une saisie conservatoire ne peut être pratiquée (note 1092). Après
réalisation de la saisie ohlique en faveur du patrimoine du débiteur. le créancier doit éventuellement
mettre en oeuvre sa propre saisie pour le recouvrement de sa créance ( voy. B.).
270 TRAITÉ DES SAISIES

l'article 1166 du Code civil, former la même procédure» ( 1097 ).


Ainsi, sans avoir à obtenir préalablement en justice la subrogation
dans les droits de son débiteur, le créancier peut pratiquer aux lieu
et place de son débiteur négligent une saisie-arrêt que ce dernier
serait en droit de pratiquer entre les mains d'un tiers, débiteur de
son propre débiteur. Cette procédure met en présence quatre
personnes successivement créancières l'une de l'autre. C'est la
personne au nom de laquelle la saisie est pratiquée qui possède la
qualité de créancier saisissant et c'est dans son rcatrimoine que
rentrent les sommes payées par le tiers· saisi ( 098 ) ; en effet,
l'action oblique n'a d'autre effet que de faire rentrer la créance dans
le patrimoine du débiteur et de permettre alors seulement une
saisie du créancier ( 1099 ). Ainsi le créancier d'une société civile
immobilière peut pratiquer dans une banque une saisie-arrêt sur le
compte personnel du gérant de cette société dès lors que le gérant
est lui-même débiteur de la société ( 1100). De même, le créancier
d'un sous-traitant peut pratiquer une saisie-arrêt entre les mains du
maître de l'ouvrage débiteur de l'entrepreneur principal qui est
débiteur du sous-traitant.
Au sujet de la mise en cause du débiteur négligent au nom
duquel le créancier saisissant agit, il a été précisé : «strictement
parlant, dit DE PAGE, cette mise en cause n'est pas exigée. Le
créancier exerce un droit qui lui est propre. Il ne représente pas le
débiteur. Mais il peut avoir intérêt à le mettre en cause pour que les
actes de la procédure lui soient opposables. Ce sont donc les
principes généraux du droit qui règlent la question. Il n'y a pas de
lacune et il n'y a pas lieu, dès lors, d'y suppléer par une disposition
légale qui rendrait l'application de la disposition proposée moins
souple» (1 101 ). Mais si le débiteur n'a pas été mis à la cause, il est

097
(' ) Il s'agissait de mettre fin à une controverse car certains auteurs n'admettaient pas la
saisie-arrêt oblique (Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 511 et réf. cit. à la note 83; Avis
du Conseil d'Etat, Pasin., 1967, 773; adde. G. CARRE et A. CHAUVEAU, op. cit., T. Il,
Question 1929 bis; J. VAN DER GUCHT, La saisie-arrêt en matière de crédit documentaire
irrévocable, Rev. Banque, 1952, 183).
1098
( ) Avis précité du Conseil d'Etat, Pasin., Bruylant, 1967, p. 773; Rapport DE BAECK,
Bruylant, 1967, p. 885 ; Réponse du Ministre à !'Avis du Conseil d'Etat en date du 29 juin 1964,
Rapport, Bruylant, 1967, p. 893; J.J. SEVESTRE, obs. sous Cass. Fr., 23 novembre 1983, Rev.
Huissiers, 1987, 1018.
11
( 1'19) DE PAGE, T. III, n" 182; H. SOLUS, L'action directe et l'interprétation des articles
1753, 1798 et 1994 du Code civil. Thèse, Paris, 1914, n" 86, p. 112 ; P. DELNOY. op. cit.. Ann. Fac.
Dr. Liège, 1969, p. 448 à 452 et 496 à 501.
('"") Cass. Fr., 2ème ch. civ., 9 octobre 1974. Bull. 1974. Il. n" 263. p. 218.
1101
( ) Rapport VAN REEPINGHEN (Réponse du Ministre), Pasin .. 1967, p. 893; comp. en

cas d'action paulienne, Liège. 29 mars 1984, Jur. Liège. 1984, 281.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 271

recevable à former une tierce opposition contre la décision interve-


nue (1 102 ). Par ailleurs, si après que le créancier ait entamé une
saisie à sa place, le débiteur lui-même exerce pleinement ses droits
et reprend la saisie mise en oeuvre par le créancier, celui-ci ne peut
poursuivre la saisie oblique (1 103 ).
C. - En cas de simulation, le créancier peut, s'il y a intérêt, se
prévaloir de la convention secrète à l'encontre de l'acte ostensible
(1 104). Ainsi, en établissant ~ue le véritable titulaire du compte est
le mandant du prête-nom ( 105 ), Je créancier peut pratiquer une
saisie-arrêt sur ce compte à charge du mandant en vue de se faire
payer, sous réserve des droits des autres créanciers de celui-ci, sur
le produit de la saisie (1 106). Inversement, la contre-lettre ne
pouvant être opposée au tiers (art. 1321, C. civ.), celui-ci peut
pratiquer une saisie-arrêt à charge du commissionnaire sans que Je
commettant ait qualité envers lui pour solliciter la mainlevée de la
mesure ( 1107 ).
Lorsque l'opération juridique préjudiciable aux intérêts du
saisissant n'est pas simulée, celui-ci peut, le cas échéant, exercer
l'action paulienne (art. 1167, C. civ.) ( 1108).

1102
( ) B. STARCK, Action oblique, Rép. Dall. Dr. Civ., n" 56: comp. 1122, 4°, C. jud. et
A. LE PAIGE, Les voies de recours, p. 157 et en matière de faillite, Ph. GERARD. op. cit.,
R.C.J.B., 1986, p. 733 à 736, n"s 21et22.
1113
(' ) Cass., 26 juin 1984, Pas .. 1984, 1, 1296: J.T., 1985, 375 (en matière d'action en
justice): adde. R. VALENTIN, Le créancier d'un contribuable a-t-il, en matière d'impôt sur les
revenus, le droit de réclamer contre une imposition enrôlée à charge de son débiteur. et a-t-il un droit
de recours contre une décision directoriale rendue sur la réclamation de celui-ci?. J.P.D.F., 1986, 5 à
12.
1104
( ) «La formule de l'art. 1321 est intéressante: le texte ne dit pas que la contre-lettre n'a
pas d'effet à l'égard des tiers. mais bien contre les tiers. D'où l'interprétation a contrario très
classique : la simulation peut avoir effet en faveur des tiers. ceux-ci pouvant s'en prévaloir s'ils y
trouvent avantage (voy. par ex. CARBONNIER, Les obligations. n° 39: FLOUR et AUBERT. Les
obligations, vol. 1. n° 387)» (A. PIEDELIEVRE, Office du juge - Simulation - Tiers. note sous
Cass. Fr., 19 juin 1984. Gaz. Pal., 1985. Pan .. 87).
1105
( ) La simulation étant un fait à l'égard du tiers. celui-ci peut l'établir par tout moyen de
preuve et notamment par voie de présomptions graves. précises et concordantes.
("'"') Civ. Bruxelles, 18 mai 1978 et Bruxelles. 6 février 1980. Bull. Contr., 1983, 374: M.
AUBERT. J.P. KERNEN et M. SCHONLE. Le secret bancaire suisse. Ed. Staempfli et Cie S.A.
Berne. 1982, 2ème éd .. p. 145. note 480: B. KLEINER. Verarrestierung und Pfandung von
Gutthaben des schuldners. die auf den Namen von Drittpersonen lanten. Revue Suisse de
Jurisprudence, 1965. 38: Trib. Féd. Chambre des poursuites et des faillites. 17 décembre 1982.
J.d.T .. 1985. Il, 2 et note 1. p. 5 à 7.
('"") Civ. Bruxelles. ch.s., 14 février 1983. R.G .. n" 149.981. Jurisprudence du Code
judiciaire, T. Il, Art. 1445. p. 15. n" 8/2: adde. P. VAN OMMESLAGHE. Examen de
jurisprudence (1974 à 1982). Les obligations. R.C.J.B., 1986. p. 127 à 129. n" 50.
('"") Voy. notamment Liège. 29 mars 1984, Jur. Liège. 1984. 281 : Mons, 2 octobre 1985,
Rev. Not., 1986, 189 et note J. SACE.
272 TRAITÉ DES SAISIES

138) Capacité.

A. - Il est généralement admis que lorsque le créancier est


incapable, les règles applicables sont celles qui régissent les actes
d'administration ; dès lors, en cas d'incapacité absolue, la saisie
conservatoire ne peut être mise en oeuvre sans autorisation
préalable que par le représentant légal de l'incapable tandis que le
mineur émancipé a la capacité requise pour pratiquer une saisie
conservatoire ( 1109). Quant au prodigue, celui-ci peut certes
pratiquer une saisie conservatoire qui ne nécessite pas une instance
judiciaire (art. 1414, 1445 et 1461, C. jud.) mais dès qu'il s'agit de
plaider, il doit être assisté de son conseil judiciaire (art. 513, C.
civ.). De manière générale lorsque la saisie suscite un incident
judiciaire, la capacité requise est celle qui est exigée pour ester en
justice (ci-dessous B.).
A notre avis, ces principes doivent être nuancés lorsqu'il
s'agit de définir les conditions relatives à la capacité de saisir au
stade exclusivement conservatoire totalement dissocié par le Code
judiciaire du stade exécutoire. Il importe de ne pas perdre de vue
que tout retard apporté à la saisie conservatoire peut priver celle-ci
de tout effet, or, l'incapable peut ne pas disposer du temps suffisant
pour permettre à son représentant légal d'agir utilement en son
nom. C'est pour cette raison que le mineur émancipé ou non peut
agir en référé sans assistance ni rerirésentation tant comme deman-
deur que comme défendeur (1 1 0 ). De même, en matière de
scellés, l'article 1150 du Code judiciaire, après avoir précisé que «si
le requérant est mineur émancipé ou placé sous conseil judiciaire, il
peut introduire la requête sans l'assistance de son curateur»,
prévoit que «si le requérant est mineur non émancipé ou s'il est
interdit, la requête est introduite par son tuteur» ... mais, «en cas
d'extrême urgence, le mineur non émancipé peut introduire per-
sonnellement la requête». De manière générale, le mineur non

109
(' ) D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions. Bruxelles,
Bruylant. 1979. 84-85 : K. BAERT. Algcmcnc bcginsclcn van bewarcnd beslag. T.P.R .. 1980. p.
281, n" 4 et p. 283. n" 11 : addc. l'art. 487, C. civ.: «le mineur émancipé qui fait un commerce est
réputé majeur pour les faits relatifs à ce commerce».
10
(" ) A. MOREAU, De la juridiction des référés, Bruylant. 1890, n" 390, p. 258: G.P.
SElGNOLE. La juridiction du président du tribunal. T. 1., Des Référés. Paris. 1957. n° 65, p. 135:
Civ. Liège, Réf., 8 juillet 1986, Jur. Liège, 1986. 461 : J.P. Saint Gilles, 23 avril 1985, J.J.P., 1987. 21
et note J. GERLO.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 273

émancipé peut accomplir des actes conservatoires (1 111 ). Les


désagréments causés par une apposition de scellés étant parfois plus
graves que ceux qui résultent d'une saisie conservatoire ( 1112 ), on
ne comprendrait pas que les conditions de capacité soient plus
rigoureuses pour celle-ci que pour celle-là alors qu'un ensemble de
règles permet d'éviter sinon la mise en oeuvre ( 1113 ), à tout le
moins le maintien d'une saisie conservatoire injustifiée ou abusive
(1114) (1115).

B. - La capacité du mineur salarié fait l'objet de règles


spéciales (art. 43 à 46 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de
travail). «Le travailleur mineur âgé de dix-huit ans est capable de
conclure et de résilier seul un contrat de travail et d'ester lui-même
en justice comme demandeur ou défendeur dans les litiges relatifs à
ce contrat de travail» (art. 43, al. 1, L. 3 juillet 1978). Il est dès lors
réputé majeur pour la réception de son salaire ( 1116) et pour
prendre toutes les mesures de conservation ou d'exécution nécessi-
tées par son recouvrement.
En ce qui concerne le travailleur mineur âgé de moins de
dix-huit ans, celui-ci peut valablement recevoir son salaire sauf
opposition faite par le père, la mère ou le tuteur mineur (art. 44, L.
3 juillet 1978) (1 117 ). En l'absence d'opposition, le mineur est

(1 111 ) E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence (1976 à 1982), Personnes, R.C.J.B., 1985.


p. 535, n° 39 et obs. sous Civ. Liège (Réf.), 8 juillet 1986, J.T .. 1987. p. 147, n" 6; PLANIOL et
RIPERT, Traité pratique de droit civil, T. Ier, 2ème éd., par R. et J. SAVATIER, n" 273; voy. Civ.
Neufchâteau, ch.s., 23 février 1981, Jur. Liège, 1981, 201 qui reconnaît à un mineur d'âge le droit de
solliciter l'autorisation de pratiquer une saisie mobilière conservatoire, un tel acte ne compromettant
point son patrimoine ; la requête tendant aux mêmes fins du représentant légal, intervenu dans la
procédure, est cependant à tort déclarée non fondée (E. VIEUJEAN, lb., p. 535, note 3); voy. aussi
J. GERLO, De proccsbokwaamhcid van de minderjarige, note sous J.P. Saint Gilles, 23 avril 1985,
J.J.P., 1987, 26, n" 5 et M. PETIT. obs. sous Civ. Nivelles, 24 octobre 1985, Civ. Liège, 5 décembre
1985 et J.P. Liège, 23 mai 1986, J.L.M.B., 1987, 512-513.
1112
( ) Liège, 25 février 1859. précédant Cass., 7 janvier 1860, Pas., 1860, 1, 40.

(1 113 ) Ainsi, le juge des saisies appelé à autoriser, aux conditions énoncées par les articles
1413 et 1415, une saisie conservatoire doit être saisi par une requête unilatérale signée par un avocat.
l'art. 1026, 5" visant à garantir, grâce aux règles déontologiques auxquelles sont soumis les membres
du barreau, les intérêts des tiers dans le cas d'une procédure sur requête unilatérale (Cass., 29
octobre 1976, J.T., 1977, 267).
(1 114 ) Une demande de mainlevée assortie éventuellement de dommages-intérêts pour saisie
téméraire et vexatoire peut être introduite et instruite dans les formes du référé (art. 1395. al. 2 et
1420).
(1 115 ) «Pourvu qu "il ait le discernement nécessaire, le mineur non émancipé répond de son
délit ou quasi-délit, que la faute soit présumée ou prouvée» (E. VIEUJEAN, Examen de
jurisprudence, 1976 à 1982, Personnes, R.C.J.B., 1985, p. 534, n" 38).
1116
( ) M. JAMOULLE, Le contrat de travail, T. 1, Liège, 1982, p. 309. n" 240.

(1 117 ) lb .. p. 310. n" 242.


274 TRAITÉ DES SAISIES

tacitement autorisé à percevoir son salaire. Cependant, l'action en


justice (y compris au niveau d'une saisie conservatoire), dans
laquelle figure le mineur âgé de moins de dix-huit ans, reste régie
par le droit commun.
De manière générale, le défendeur à une action introduite
par un incapable dispose seulement d'une exception dilatoire pour
contraindre le demandeur à régulariser la procédure par l'interven-
tion du représentant légal alors que l'action intentée contre un
mineur d'âge est nulle (nullité au fond) mais il s'agit d'une nullité
relative que celui-ci peut seul invoquer ( 1118).

139) Personne mariée.


A. - Le mariage ne modifie pas la capacité juridique des
époux (art. 212, al. 3, C. civ.). Si la créance, cause de la saisie, est
propre, la saisie doit être mise en oeuvre par l'époux titulaire à
l'exclusion de son conjoint (art. 1425, C. civ. en régime de
communauté et art. 1466, c. civ. en régime de séparation de biens)
à moins que celui-ci n'ait qualité pour agir en mandataire (art. 219,
220, 1426, C. civ. et les règles du droit commun).
Le recouvrement d'une créance commune y compris par
voie judiciaire relève en principe du pouvoir concurrent de chacun
des époux ( 1119 ). Chaque époux a donc le droit de pratiquer seul
une saisie conservatoire (art. 1416, C. civ.). Il importe cependant
de réserver l'hypothèse où la perception des revenus qui, quoique
communs (art. 1405, 1° et 2°, C. civ.) ( 1120), relève de la gestion
exclusive du titulaire des revenus (art. 217 et 218, C. civ.) ; même si
la saisie conservatoire n'est pas assimilable à la perception, elle y
prépare de telle sorte que seul le bénéficiaire du revenu a, sous
réserve d'un mandat conféré à l'autre conjoint, qualité pour saisir
( 1121).
B. - Les époux ( 1122 ) peuvent être créancier et débiteur l'un
de l'autre. Rien ne s'oppose à ce que, dans ce cas, ils pratiquent des

1118
( ) A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège. 1985, p. 54, n" 47.
1119
( R.P.D.B .. Compl. VI, V" Régimes matrimoniaux (Droit interne), n° 1153: Cl.
)

RENARD, Le régime légal: la gestion in Sept leçons sur la réforme des régimes matrimoniaux,
Faculté de Droit, Liège, 1977, p. 67.
('"") R.P.D.B .. Compl. YI. V" cil .. n" !074.
1121
( Voy. aussi Annexe 1. n" 4 B.
)
122
(' A fortiori. des ex-époux notamment lorsqu'il s'agit de garantir leurs droits dans la
)
liquidation de la communauté (Civ. Bruxelles, ch.s .. 23 octobre 1986, R.G. n" 9576: comp. infra, n"
154).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 275

saisies conservatoires l'un à charge de l'autre. La mesure conserva-


toire mise en oeuvre est une saisie si elle garantit le recouvrement
d'une créance et porte sur un bien du conjoint débiteur; elle
constitue une opposition si elle garantit le respect des droits du
conjoint dans des biens communs ou indivis \voy. p. ex. l'art. 1174,
C. jud. et l'art. 1253 septies, al. 2, C. jud.) ( 123 ).

CHAPITRE II- LA PERSONNE DU SAISI.

140) Le saisi.
A. - Sauf lorsqu'il s'agit de saisir l'immeuble d'un tiers
détenteur ( 1124 ), la saisie ne peut être exercée que contre celui qui
est à la fois débiteur et propriétaire des biens saisis. Le saisi est
donc le débiteur même si dans certains cas, un tiers peut être
impliqué dans la procédure (le tiers-saisi en cas de saisie-arrêt ; le
tiers chez lequel la saisie mobilière est pratiquée en vertu de
l'article 1503, C. jud.). La saisie ne peut donc, en principe, être
pratiquée qu'à charge du débiteur et non d'un tiers même si celui-ci
a des liens économiques avec celui-là (1 125 ) ; la réalité juridique

1123
( ) G. DEMEZ, A propos de quelques problèmes de compétence et de procédure relatifs à
l'article 223 du Code civil, note sous J.P., 2ème canton Ixelles, 29 juin 1977, R.T.D.F., 1980, p. 106 à
108. Au sujet de l'utilité d'une mesure de blocage d'avoirs fondée sur l'art. 223, C. civ. nonobstant
une saisie-arrêt conservatoire aux effets plus précaires (durée de validité ; incidence d'une mainlevée
ou d'un cantonnement) d'autant qu'il importe peu pour l'application de l'article 223, C. civ. «que le
requérant ait ou non une créance sur son conjoint». voy. E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence
(1976 à 1983), Personnes, R.C.J.B., 1986, p. 645, note 19.
('m) Supra, n" 135, note 1075 et réf. cit.
1125
( ) Cass. Fr., 7 janvier 1981, Bull. civ., 1981, IV, p. 12, n" 16; J.C.P., 1981, IV, 100;
Cass. Fr., 21 novembre 1984, Gaz. Pal., 1985. Pan., 94 et obs. M. VERON («A violé l'art. 557 C.
proc. civ. la Cour d'appel qui. alors que la saisie-arrêt ne peut porter que sur les sommes et effets
appartenant au débiteur saisi. a validé la saisie-arrêt du prix de vente d'un immeuble appartenant à
une société civile immobilière, pratiquée par un créancier du gérant de cette société, tout en
constatant que celui-ci faisait observer qu'il n'était pas établi que les fonds provenant de la vente
fussent sa propriété»). Adde. Trib. Féd. (Suisse), 17 décembre 1982, J.d.T., 1985, Il. 2 (Le séquestre
d'avoirs que le créancier lui-même désigne comme étant la propriété d'un tiers est tout simplement
nul d'après la jurisprudence. Il est dérogé à cc principe lorsque ces avoirs appartiennent en réalité au
débiteur dont le tiers n'est que le prête-nom) et Civ. Bruxelles, ch.s., 27 janvier 1987, A.R. n"s
31.100 et 31.913 (Lorsque le juge des saisies doit, au stade de l'autorisation de saisir à titre
conservatoire. apprécier si les biens saisis sont la propriété des débiteurs, il ne statue pas par une
décision définitive au fond mais il vérifie si les éléments invoqués par les saisissants permettent de
justifier que les biens saisis demeurent frappés d'indisponibilité provisoire. Tel est le cas lorsque le
dossier répressif établit qu'il existe des présomptions précises et sérieuses pour considérer que le
débiteur depuis très longtemps se considérait comme le propriétaire de tous les biens saisis étant en
titre la propriété d'une société de droit luxembourgeois; voy. dans le même sens: Liège. 26 mai 1987,
l lème ch .. R.Rq. n" 1006/87 admettant que la saisie conservatoire peut être pratiquée à charge de
l'un et de l'autre).
276 TRAITÉ DES SAISIES

doit, en règle, prévaloir nonobstant une certaine identité économi-


que entre le débiteur poursuivi et un tiers ( 1126 ). Celui-ci ne
pourrait être tenu comme débiteur qu'en cas de simulation ( 1127),
de confusion ( 1128) ( 1129 ) et généralement d'attitude fautive
engageant sa responsabilité envers le poursuivant. Ainsi, le créan-
cier pourrait saisir les biens de celui qui a créé fautivement
l'apparence qu'il est débiteur rendant légitime dans le chef du
créancier l'ignorance de sa véritable qualité.
B. - Le saisi est le débiteur personnel (principal ou acces-
soire) du saisissant. Il peut s'agir du débiteur originaire ou de son
ayant cause universel ou à titre universel. A peine de rendre
inefficace la saisie conservatoire, l'article 877 du Code civil aux
termes duquel «les titres exécutoires contre le défunt sont pareille-
ment exécutoires contre l'héritier personnellement ; et néanmoins,
les créanciers ne pourront en poursuivre l'exécution que huit jours
après la signification de ces titres à la personne ou au domicile de
l'héritier», n'est pas applicable à cette procédure ; c'est une règle
propre à la saisie-exécution ( 1130).
C. - Exceptionnellement, le saisi peut être un tiers en cas de
saisie-revendication ou de saisie-description car dans l'un et l'autre
cas, il s'agit d'abord d'appréhender l'objet revendiqué ou contrefait

(1 126 ) En cc cas, il ne doit pas être tenu compte de la solvabilité du tiers pour établir l'absence
de célérité dans le chef du saisi.
(1 127) Supra, n° 137, C: voy. en matière d'extension de faillite, P. COPPENS et F. TKINT,
Examen de jurisprudence, Faillites et concordats, 1979-1983, R.C.J.B., 1984, p. 428, n" 7 et réf. cit. :
comp. au sujet de fonds affectés à une fondation restés à la seule disposition du propriétaire sa vie
durant, Cass. Fr., 4 février 1986, Bull., 1986, l, n" 8, p. 7.
(1 128 ) Ainsi, une mesure de séquestre a été ordonnée en référé en faveur d'une personne à la
fois créancière et débitrice de deux sociétés d'un même groupe entre lesquelles existait une évidente
transparence (Comm. Bruxelles, Réf., 27 mai 1986, Rev. Prat. Soc., 1986, 225: comp. Cass. Fr., 17
juin 1986, Gaz. Pal., 1986. Pan., 218) : cette décision est toutefois critiquable en cc qu'elle applique à
tort une mesure de séquestre (Cass., 16 avril 1984, Pas., 1984, l, 1036) là où une saisie conservatoire
s'imposait (infra, n° 144). Addc. M. REMOND-GOUILLOUD, «L'émanation maritime» ou
comment faire céder l'écran de la personnalité morale d'un armement d'Etat, Dr. Mar. Fr., 1986, 333
à 342; F. RIGAUX, Les créanciers et la faillite à l'intérieur d'un groupe transnational de sociétés, in
Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxellcs-Bruylant, 1983, 560 et s. : J. PARDON, La
responsabilité des groupes bancaires internationaux in Travaux de !'Association Henri Capitant, La
responsabilité du banquier: Aspects nouveaux, T. XXXV, 1984, 397 et s.
1129
( ) Est suffisamment certaine au stade conservatoire, la créance des héritiers réservataires
agissant en annulation de donations effectuées par le défunt qui avait écrit à la donataire qu'il «lui a
procuré un toit» et de quoi subsister jusqu'à la fin de ses jours. La saisie peut être valablement
pratiquée sur l'immeuble acquis par la donataire au nom de sa fille avec les sommes que le défunt lui a
remises (Bruxelles, !5ème ch., 20 juin 1986, Req. n" 49/86).
(1'"') Supra. n" 132: adde. infra. notes 1795, 2091et2222 (fusion de sociétés).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 277

là où il se trouve (1131 ) la saisie conservatoire n'ayant pas, en ces


hypothèses, pour objet immédiat, le recouvrement d'une somme
d'argent ( 113t).

141) Représentation du saisi.

«Normalement le débiteur est non seulement celui dont les


biens sont saisis mais aussi celui contre lequel la procédure est
dirigée» ( 1133 ). Toutefois, la procédure est dirigée contre une
autre personne que le débiteur lui-même en cas de représentation
légale ou conventionnelle de celui-ci.
A. - Ainsi, le débiteur peut être saisi par l'intermédiaire de
son mandataire, détenteur actuel ou futur des sommes ou effets lui
appartenant ( 1134). Tel est le cas du compte individualisé ouvert
par un notaire au nom de son client conformément à l'article 34 de
la loi du 25 ventôse au XI contenant organisation du notariat (1135 )
(1136).
B. - L'incapacité ne dispense pas de l'exécution des obliga-
tions et les sommes ou effets qui appartiennent aux incapables sont
susceptibles d'être saisis pour obtenir paiement d'une dette person-
nelle de ceux-ci ( 1137 ). A ce principe, l'article 20 de la loi du 9
juillet 1957 réglementant les ventes à tempérament et leur finance-
ment édicte une exception en disposant que «la rémunération des
enfants mineurs même émancipés, est incessible et insaisissable du
chef des ventes et prêts à tempérament réglementés par la présente
loi» (1138).

(1 131 ) Voy. en matière de contrefaçon, Cass., 29 novembre 1963, Pas., 1964, 1, 340.
(1 132) Voy. infra, n° 150 B.
1133
( G. COUCHEZ, op. cit., p. 15, n" 18.
)
1134
( Civ. Bruxelles, 30 avril 1951, J.T., 1951, 298.
)

(1 135 ) G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite,


Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 299-300; Liège, 6 novembre 1967, Jur. Liège, 1967-1968, 81 ; Paris,
14ème ch., 21juin1983, Dall., 1984, I.R., 47; Cass. Fr., 19février1985, Bull. Civ., 1985, 1, p. 64, n°
68. Adde. Annexe 1, n° 8.
1136
( ) En vertu du même principe, le créancier de l'endosseur de procuration peut pratiquer
une saisie-arrêt à charge de celui-ci représenté par l'endossataire entre les mains du débiteur de la
lettre de change (J. FONTAINE, De la lettre de change et du billet à ordre, Les Novelles, Droit
commercial, T. Il, Bruxelles, Larcier, 1934, n" 702, p. 200).
(1 137 ) «Les règles protectrices, les formalités habilitantes, édictées par la loi ne sont
applicables qu'aux actes volontaires faits par l'incapable ou son représentant. Elles ne sauraient faire
obstacle aux droits de créanciers qui peuvent, le cas échéant, faire vendre les biens de leur débiteur
incapable» (Obs. J.M. sous Cass. Fr., 18 décembre 1984, Gaz. Pal., 22-24/911985, p. 6).
1138
( ) Supra, n" 79 II, a.
278 TRAITÉ DES SAISIES

Si la procédure peut être dirigée contre le mineur émancipé


(art. 482, C. civ.) ( 1139 ), elle doit être menée contre le représen-
tant légal du mineur non émancipé ( 1140) ou de l'interdit. En cas
de nécessité, cette dernière règle peut être assouplie au stade de la
mise en oeuvre de la saisie conservatoire ( 1141 ) en formant celle-ci
directement à charge du mineur non représenté mais la signification
au représentant légal s'imposera immédiatement après, notamment
pour faire courir les délais de recours (art. 57, al. 3, C. jud.) dont la
tierce-opposition devant le juge des saisies.

142) Personne mariée.

A. - En régime de séparation de biens, le conjoint débiteur


peut être l'objet d'une saisie sur ses biens. Le cas échéant, le
conjoint non débiteur pourra être poursuivi sur base de l'article
222, C. civ. ( 1142 ) ( 1143 ).
En cas d'indivision et sauf le cas où les deux conjoints sont
engagés, une sortie d'indivision doit être diligentée avant l'exécu-
tion proprement dite (1144 ) mais en aucun cas la procédure de
saisie ne peut être poursuivie contre le conjoint non débiteur
(1145).

B. - En régime légal, la procédure de saisie peut être dirigée


contre chacun des époux dont les biens sont saisissables. Le
créancier saisira les biens du mari, de la femme ou des deux à la fois
suivant que le paiement de la dette peut être poursuivi, en tout ou
en partie, sur le patrimoine propre ou sur le patrimoine commun

1139
( ) En ce qui concerne le prodigue, il importe de tenir compte de l'article 513 qui de
manière générale lui interdit de plaider sans l'assistance de son conseil judiciaire (supra, n° 138 A).
En principe, dès lors la saisie doit être faite contre l'incapable assisté de son conseil judiciaire ; elle
sera donc signifiée à l'un et à l'autre.
(1 140 ) Il y a lieu d'assimiler à celui-ci la personne placée sous statut de minorité prolongée
(art. 487 bis et s., C. civ. ).
1141
( ) Comp. supra, n" 138.

(1 142 ) J. DE GAVRE, Le mariage et le divorce : leurs conséquences sur la relation banque-


client, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, 153-154.
1143
( ) L'article 222 du Code civil permet, sous certaines conditions, d'obtenir du juge du fond
une condamnation solidaire des deux époux pour une dette contractée par l'un d'eux. Toutefois, à
défaut de titre exécutoire contre l'autre époux. le créancier saisissant ne peut faire vendre les biens
indivis des deux époux (Civ. Liège, ch.s., 26 mars 1986, Jur. Liège. 1986, 502; adde. R.P.D.B.,
Compl. VI, n° 1582).
1144
( ) Supra, n° 52; comp. dans le régime légal, l'art. 1412, al. 2, C. civ.

{1 145 ) Gand., 12 janvier 1985, Tijds. Not., 1985, 135 et note.


RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 279

(art. 1409 à 1414 du C. civ. et art. 555, C. corn.) ( 1146) (1 147 ). Le


recouvrement d'une dette commune valablement contractée par un
seul conjoint peut s'effectuer à charge de celui-ci, généralement à la
suite d'une condamnation prononcée contre lui seul mais sous
réserve du droit de l'autre conjoint de faire valoir tout moyen
(1 148). Ainsi, le conjoint pourra agir en mainlevée de saisie soit en
établissant que la dette est propre à son conjoint auquel cas le
créancier devra établir que les objets saisis, ou certains d'entre eux,
sont propres au débiteur ou constituent des revenus ( 1149 ) de cet
époux ou encore que la dette a profité à la communauté (art. 1409 à
1412, C. civ.), soit en établissant que la dette commune est due
seulement par son conjoint et par le patrimoine commun (art. 1414,
C. civ.) auquel cas il ne pourra distraire que ses propres après avoir
fait la preuve conformément à l'article 1399, al. 2, C. civ. (1 150).
Lorsque le règlement du passif survient au stade de la
liquidation et du partage du patrimoine commun, il y a lieu de
respecter les règles spéciales prévues par les articles 1439 à 1441 du
Code civil ( 1151 ).

146
(' ) Sur l'application dans le temps de la loi du 14 juillet 1976, voy. R.P.D.B., Compl. VI,
n°s 149 à 224, p. 698 à 705 («thèse de la continuité»).
147
(' ) «Le créancier d'une dette commune contractée par l'un des époux peut saisir les revenus du
conjoint de son débiteur-ce sont des biens communs: art. 1405, 1°, C. civ. -en dépit de l'article217 et
quand bien même il lui serait interdit de saisir les propres du conjoint» (E. VIEUJEAN, «Principes
généraux des rapports partrimoniaux entre époux», in Sept leçons sur la réforme des régimes
matrimoniaux, Liège, 1977, p. 34); comp. et contra, l'art. 1414, C. civ. Fr.; infra, Annexe I, note 12. Au
sujet de la saisie du compte ouvert par un conjoint (art. 218, C. civ.). voy. infra, Annexe 1, n" 4 B.
148
(' ) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 364.
n"68; Civ. Bruges, 8 janvier 1985, Tijdschrift voor Brugse Rechtspraak, 1984, 156; Civ. Verviers, ch.s.,
25octobre1985, Jur. Liège, 1986, 77 et obs. G. de LEVAL; Civ. Charleroi, ch.s., 30 juin 1987, R.G., n"
60. 970: «en l'absence de texte légal prescrivant que la procédure soit engagée contre les deux époux, la
saisie n'est pas nulle pour n'avoir été signifiée qu'à l'un d'entre eux, la dénonciation de la procédure à
l'autre conjoint étant cependant exigée pour la poursuite de l'exécution»; comp. supra, n" 139. Le mari
ayant en sa qualité d'administrateur de la communauté, par application de l'art. 1421, C. civ., le pouvoir
de défendre seul aux actions concernant les biens communs, les décisions rendues à son encontre sont
opposables à la femme, dont la tierce opposition n'est pas dès lors recevable ( Cass. Fr., 24 juin 1986, Gaz.
Pal., 1986, Pan., 223; voy. l'art. 1122, 4°, C. jud.). Sur cc que l'article 815 du Code civil est inapplicable
aux biens communs, voy. Civ. Nivelles, 4 mars 1986, J.L.M.B., 1987, 1256.
149
(' ) Toutefois, «les revenus des époux sont communs dès leur attribution et ne peuvent plus
être saisis par les créanciers personnels dès qu'ils ont été confondus avec les biens communs» (Ph.
DE PAGE, Le régime matrimonial, son opposabilité et la fraude aux droits des tiers, in Mélanges
offerts à Raymond Vander Elst, Ed. Némésis, 1986, T. 1, p. 138, n° 9; pour un exemple de non-
confusion. voy. Anvers, 9 juin 1986, Rec. Enr., 1987, p. 393, n° 23.525).
150
(' ) R.P.D.B., Compl. VI, V" Régimes matrimoniaux (Droit interne), n"s 1126 et 1127;
adde. M. RAUCENT. obs. sous Comm. Bruxelles, 5 mars 1985, R.P.S., 1986, p. 65 et s.
151 0
(' ) R.P.D.B .. Compl. VI, V cit., n°s 1308 à 1326; adde. E. BEGUIN, L'indivision post-
communautaire, note sous Mons, IO janvier 1983, Rev. Not., 1986, 374à383et Ph. DE PAGE, Le régime
matrimonial, son opposabilité et la fraude aux droits des tiers in Mélanges offerts à Raymond Vander
Elst, Ed. Némésis, 1986, T. I, p. 133à146. Les dettes du chef de récompense sont primées par toutes les
autres dettes communes (Civ. Namur, ch.s .. 9 novembre 1984. Rev. Rég. Dr., 1984, 360).
280 TRAITÉ DES SAISIES

C. - En matière fiscale, il importe de tenir compte des articles


294 et 295, C.I.R. En régime de communauté, l'impôt sur les
revenus peut être recouvré sur les trois patrimoines. En régime de
séparation, les biens propres du conjoint non débiteur n'échappent
aux poursuites que si celui-ci établit leur caractère non suspect
conformément à l'article 295, § 1er, al. 2, C.I.R. ( 1152 ).

1152
( ) Sur cette question, voy. Circ. Adm. Bull. Contr., 1982, p. 846 à 899, sp. p. 868 à 888 et
Cl. BOLUS, La femme mariée : une contribuable à part entière, Bull. Contr., 1983, p. 189 à 255, sp.
p. 236 à 242, n°s 55 à 62; adde. Civ. Louvain, ch.s., 18 octobre 1983, Bull. Contr., 1985, 1941; Civ.
Bruxelles. ch.s., 8 octobre 1985, F.J.F., 1987, p. 28; Civ. Louvain. ch.s .. 19 novembre 1985, Bull.
Contr., 1986, 955 et 2580; Civ. Courtrai, ch.s., 17 mars 1986, Bull. Contr., 1986, 2421.
TITRE II

LES CONDITIONS
DE LA SAISIE CONSERVATOIRE

143) Considérations générales.

Le Code judiciaire a généralisé les saisies conservatoires.


Elles permettent au créancier de préserver son droit de gage
général en frappant d'indisponibilité tout ou partie du patrimoine
de son débiteur dont les biens sont mis à l'abri de détournements
possibles. Elles sauvegardent l'efficacité du titre exécutoire futur et
préparent le paiement ( 1153).
Puisque les mesures conservatoires interviennent pour
permettre au créancier de prendre des garanties en vue du
règlement ultérieur de sa créance, elles ne sont précédées d'aucun
commandement préalable (ordre de payer sous peine d'y être
contraint par toutes les voies de droit). Un tel acte pourrait
d'ailleurs avoir pour effet de compromettre l'efficacité de la saisie
en incitant le débiteur à faire disparaître les objets sur lesquels une
saisie pourrait être faite. Au surplus, le créancier ne disposant pas,
le plus souvent, de titre exécutoire à ce stade, se trouverait dans
l'impossibilité de faire signifier un commandement.
La saisie conservatoire est pratiquée sur base d'un juge-
ment même non exécutoire nonobstant opposition ou appel (art.
1414) ou en vertu d'une autorisation du juge des saisies rendue sur
requête unilatérale du saisissant (art. 1418). A cette règle, il existe
deux tempéraments : en matière de saisie-arrêt, le créancier peut
aussi saisir en vertu d'un titre privé (art. 1445) et en matière de
saisie-gagerie, le bailleur peut saisir« qu'il y ait bail écrit ou verbal,

1153
( ) Comp. en matière pénale, Bruxelles (ch. mis. ace.), 30 octobre 1986, J.T., 1987, 20 et
art. 65, Code de la Route (adde. Doc. Pari., Ch., Sess. 1986-1987, n° 689/1, p. 15 et 39-40).
L'objectif d'une saisie-revendication ou d'une saisie description peut être plus spécifique (supra, n°
1, notes 4 et 5 et infra, n° 150 B).
282 TRAITÉ DES SAISIES

sans permission du juge, un jour après le commandement» (art.


1461) (1 154 ). Ces conditions de forme sont examinées au chapitre
II.
Préalablement (Chapitre I), il importe d'analyser les con-
ditions de fond dont la réunion justifie la saisie conservatoire : il
faut qu'il y ait célérité et que la créance invoquée par le saisissant
soit certaine, exigible et liquide.

144) Saisie conservatoire et mise sous séqueste.


Une mesure de séquestre ne peut être autorisée à la seule
fin d'assurer le paiement d'une créance. Il ne suffit pas de disposer
d'un droit de gage général ; le juge ne peut ordonner le séquestre
d'un immeuble ou d'une chose mobilière que lorsque les personnes
qui demandent le séquestre ont ou prétendent avoir un droit sur ces
biens (1 155 ). Il importe toutefois de ne pas perdre de vue qu'un
séquestre peut être ordonné pour sauvegarder les effets d'une saisie
(art. 1961, 1°, C. civ.) ( 1156 ).

CHAPITRE 1-LES CONDITIONS DE FOND.

SECTION 1- La célérité.

145) Notion.
Aux termes de l'article 1413, «tout créancier peut, dans les
cas qui requièrent célérité, demander au juge l'autorisation de saisir
conservatoirement les biens saisissables qui appartiennent à son
débiteur». Il y a célérité lorsque le créancier peut sérieusement
redouter la mise en péril du recouvrement de sa créance en raison
de l'organisation ou la survenance (actuelle ou future) de l'insolva-

(!1 54 ) Il ne s'agit pas d'un commandement au sens strict du terme mais d'une simple
sommation de payer (G. de LEVAL. La saisie mobilière, Rép. Not., n" 146).
{1 155 ) Cass., 16 avril 1984, Pas., 1984, 1, 1036; Trav. Verviers, 22 décembre 1981, J.T.T.,
1982, 73 confirmé par C.T. Liège, 29 juin 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, Annexe, p. 21, n"
613, note 1 ; comp. supra, n" 140 B. On relève que le juge des référés plutôt que de mettre sous
séquestre une publication peut ordonner une mesure d'attente à portée plus limitée en ordonnant la
mise sous séquestre du produit de la publication (Paris, 11 juin 1986, Dall., 1987, Jur., 107; Gaz.
Pal., 18-19 juillet 1986, 16).
1156
( ) Liège, 16 janvier 1987 . .l.L.M.B., 1987, 574; adde. art. 1403, 1407, 1443 et 1572, C.
jud. et W. VAN CAUWELAERT, Bewaargeving en sekwcster, Kluwcr Rechtswctcnschappcn,
1982, n"s 284 et s.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 283

bilité de son débiteur ( 1157 ). La crainte éprouvée par le créancier


doit être sérieuse et il appartient à celui-ci de justifier du péril
auquel il convient de parer ( 1158 ) ; si un comportement fautif ne
doit pas être établi, le requérant ne .Reut se limiter à formuler de
pures affirmations d'insolvabilité (' 15 ). Il ne suffit donc pas qu'un
créancier ait besoin d'argent, qu'il soit pressé d'obtenir ce qui lui
est dû ou qu'il soit lassé par les atermoiements de son débiteur
(1 160), il doit établir qu'à défaut de prendre les précautions
voulues, il peut réellement craindre un préjudice, c'est-à-dire que
son débiteur ne ~uisse plus faire face au moyen de son actif à son
passif exigible (1 61 ). Certes, une saisie conservatoire peut favori-
ser un règlement immédiat mais ce moyen de pression ne peut être
que l'effet secondaire de la saisie et ne peut être invoqué comme
seul élément constitutif de l'urgence (1 162).

(1 157 ) S'il y a célérité caractérisée, la condition d'exigibilité est satisfaite (infra, n° 162).
1158
( ) E. GUTT et A.M. STRANART-THILL Y, op. cil., R.C.J.B., 1974, p. 661-662 et réf.
cil.; Bruxelles, 26 octobre 1971, Pas., 1972, Il, Il; T. Not .. 1971, 238; Rec. Enr., 1973, 114; Liège,
24 mars 1982, Jur. Liège, 1982. 365; Civ. Hasselt, 8 octobre 1973, Jur. Liège, 1973-1974, 30; Civ.
Bruxelles, 20 novembre 1975, J.T., 1976, 283.
1159
( ) Gand, 22 novembre 1985, T.G.R., 1986, p. 9, n" 86/6; voy. aussi infra, n" 163 B, note
1315.
('"'') R. PERROT, Chronique de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1974, p. 468, n° 17 et
1977, p. 834, n" 16 et Les mesures provisoires en droit français, in Les mesures provisoires en
procédure civile, Milan Giuffrc, 1985, 175, n" 33 qui précise: «si de toute manière, le débiteur ne
risque pas d'être insolvable, il n'y a pas lieu de procéder à une mesure conservatoire»; K. BAERT,
Algemene bcginselen van bcwarcnd beslag, T.P.R., 1980, p. 282, n" 8.
1161
( ) Civ. Courtrai, 25 juin 1973, Journ. Dr. Fiscal, 1976, 313; Rec. Enr., 1977, n° 21.200:
«il faut en d'autres termes qu'il existe des motifs graves justifiant la saisie conservatoire. Quand le
débiteur ne commet aucun acte permettant de croire qu'il pourrait soustraire son actif à son
créancier, la saisie conservatoire apparaît comme n'étant pas justifiée». De même, l'urgence n'est pas
satisfaite si le requérant a à sa disposition un mécanisme contractuel (droit de rétention, exception
d'inexécution, etc.) permettant de conjurer le péril redouté (Civ. Bruxelles, ch.s., 17 juin 1987,
R.G., n° 29.901).
1162
( ) Liège, 17 novembre 1986, 11ème ch., Req., n° 967/86: il s'impose de débouter le
poursuivant d'une demande de saisie conservatoire lorsque l'utilisation du moyen juridique choisi
paraît procéder davantage de la volonté d'obtenir un moyen de pression à l'encontre du prétendu
débiteur que de celle de sauvegarder l'efficacité d'un titre exécutoire ; Civ. Bruxelles. juge des saisies,
27 avril 1978, R.G., n" 86.862, Inédit: «Une mesure de saisie conservatoire ne peut être utilisée ni
comme moyen de pression dans le cadre d'un procès qui risque de se prolonger dans le temps, ni
comme moyen d'orienter d'éventuelles négociations»; Civ. Marche, juge des saisies, 26 octobre
1976, R.G., n° 611976, inédit: «vraiment il s'agissait d'une pression exercée pour obtenir l'exécution
volontaire immédiate de l'obligation du saisi, une telle saisie provoque un discrédit et est téméraire et
vexatoire»; Civ. Liège, ch.s., 7 janvier 1987, R.G. n° 80.881/86: une saisie-arrêt conservatoire
pratiquée sur base d'un titre privé (factures) en vue de garantir le paiement d'intérêts litigieux d'un
montant minime par rapport au principal qui a été réglé ne se justifie pas d'autant que l'urgence de
saisir n'est pas démontrée. Il est en un tel cas regrettable que le saisissant. motivé semble-t-il par le
souci de faire pression sur le saisi pour l'amener à s'incliner sans devoir plaider dans la procédure
pendante au fond, n'ait pas jugé opportun de se faire couvrir par une ordonnance préalable du juge
des saisies (infra, n° 172). Sa démarche dénature la saisie conservatoire et entraîne sa condamnation
au paiement de 15.000 francs de dommages et intérêts pour saisie abusive d'un compte bancaire.
Adde. Bruxelles, 26 juin 1985, Pas., 1985, Il, 166
284 TRAITÉ DES SAISIES

L'article 1413 utilise non le terme «urgence» mais le mot


«célérité» ( 1163 ) ; il est donc préférable d'utiliser ce dernier.

146) La célérité, condition essentielle et générale de toute saisie


conservatoire.

La célérité est la condition fondamentale de la sms1e


conservatoire ; elle peut entraîner l'exigibilité d'une dette non
échue (1164 ).

En principe (1 165 ), toute sms1e conservatoire qu'elle soit


pratiquée en vertu d'une autorisation du juge des saisies ou d'un
jugement tenant lieu d'autorisation de saisir (art. 1414) est subor-
donnée à la condition d'urgence. Dans la mesure où l'intérêt de
saisir, la responsabilité éventuelle du saisissant et les effets produits
par la saisie conservatoire sont les mêmes quel que soit le titre
(jugement, art. 1414; autorisation du juge des saisies, art. 1417;
titre authentique ou privé, art. 1445) en vertu duquel elle est
pratiquée, il est indispensable que les conditions de fond soient
identiques (1 166 ). De manière plus générale, l'idée même de
mesures conservatoires suppose qu'il y ait urgence. Les mesures
conservatoires sont en effet celles sans lesquelles la chose risquerait
de ne pas être conservée ( 1167). Cette solution (1 168) est contestée
de manière absolue par ceux qui prétendent que la condition de
célérité n'est pas requise lorsque la saisie est pratiquée en vertu de

( 1163 ) Le rapport VAN REEPINGHEN traitant de la compétence du juge des référés


précise: «L'ugence est plus pressante que la célérité qu'exige une affaire», Pasin., 1967, 395.
(1 164 ) Infra, n°s 162 et 163.
) Voy. toutefois, n° 147.
1165
(

( 1166 ) Comp. et contra en France, Cass., 18 octobre 1978, Dall., 1980, J. 51 et note H.
FENAUX (sp. p. 53, n°s 5à 7) ; R.T.D.C., 1979, 440, obs. R. PERROT mais voy. Cass. Fr., 13 mai
1986, Dall., 1986, Jur. 389 et note J. PREVAULT et obs. R. PERROT, R.T.D.C., 1987, 157 à 159,
n° 14.
) R. TENDIER note sous Cass Fr., 26 avril, 27 avril et 16 mai 1977, Dall., 1978, J., 669.
1167
(

) Voy. en ce sens, Anvers, Ier juin 1982, R.W., 1983-1984, 2691 ; Rec. Enr., 1984, n"
1168
(
23.102, p. 351; Anvers, 18 mai 1983, R.W., 1983-1984, 2693; Rec. Enr., 1984, n° 23.104, 355; Civ.
Liège, 14 décembre 1979, Jur. Liège, 1980, 179; Civ. Bruxelles, 4avril 1980, J.C.Belg., 1981, II, 48;
Civ. Bruxelles, 8 janvier 1981, J.T., 1981, 259 et obs. F. GLANSDORFF; Civ. Bruxelles, ch.s., 19
décembre 1983, J.T., 1985, 144; Civ. Bruxelles, ch.s., 12 mai 1986, R.G. n° 18.160.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 285

l'article 1414 ( 1169) et de manière relative par ceux qui se fondant


sur l'autorité de chose jugée de la décision (le jugement tient lieu
d'autorisation de saisir conservatoirement à moins qu'il n'en ait été
autrement décidé, art. 1414) estiment que le débiteur ne pourrait
s'opposer à la saisie qu'en invoquant des circonstances nouvelles
(1110).

La première thèse excluant la condition d'urgence est


rejetée par la Cour de cassation qui se fondant sur l'article 1420
(citation en mainlevée lorsque la saisie peut être faite sans ordon-
nance préalable du juge des saisies) énonce «que cette disposition
s'applique, notamment lorsque la saisie est pratiquée en vertu d'un
jugement ; qu'elle implique que la partie saisie peut citer le
saisissant devant le juge des saisies aux fins d'entendre ordonner la
levée de la saisie, au motif que le cas ne requiert pas célérité»
(1171).
La seconde thèse, suivant laquelle le juge des saisies serait
lié par l'autorité de la chose jugée au fond et ne pourrait ordonner
la mainlevée de la saisie conservatoire pour défaut de célérité que
sur le fondement de circonstances nouvelles invoquées par le
débiteur, ne peut être retenue. Certes, «le juge du fond examine
d'office s'il y a lieu ou non d'interdire la saisie conservatoire. S'il ne
dit rien à ce sujet, son jugement équivaut à une autorisation de

69
(" ) «Lorsqu'une saisie conservatoire a été pratiquée en vertu de l'article 1414 du Code
judiciaire, le débiteur saisi peut-il demander au juge des saisies de donner mainlevée au motif que le cas
ne requerrait pas célérité aux termes de l'article 1413? A mon avis, la réponse est négative, pour deux
motifs. Le premier motif est textuel et de peu de poids : il n ·y a pas d'autorisation demandée au juge,
matière que règle l'article 1413. Le second motif me paraît plus important: sous l'empire du Code de
procédure civile, le créancier qui avait obtenu un jugement de condamnation de sommes d'argent non
assorti de l'exécution provisoire pouvait entamer l'exécution (le plus souvent, soit un commandement
de payer suivi d'un exploit de saisie-exécution. soit un exploit de saisie-arrêt). Si le débiteur formait
alors opposition ou interjetait appel, l'effet suspensif jouait mais les biens restaient saisis. L'article 1495
du Code judiciaire a supprimé cette possibilité mais fait expressément référence à l'article 1414 qui
permet aux créanciers d'obtenir exactement le même résultat. L'équilibre nécessaire auquel il a été fait
allusion au début de cette conclusion commande, à mon avis, que pareille saisie conservatoire ne puisse
être énervée par une demande en mainlevée basée sur l'article 1413. étant bien entendu que le débiteur
peut à tout moment demander le cantonnement» (E. GUTT. Conclusions. n" 1, in Les voies
conservatoires et d'exécution- Bilan et perspectives. Ed. Jeune Barreau. Bruxelles, 1982; Adde. M.
STORME, Beschouwingen over de tussenkomst van de rechter in scheepszaken, R.D.C.B .. 1985, p.
421, n° 3; Anvers, 13avril 1983, R.W .. 1983-1984, 2692; Rec. Enr .. 1984,354, n"23.103;cetarrêta
été cassé par Cass., 14 septembre 1984, J.T .. 1985, 142).
1170
( ) Civ. Anvers, ch.s., 24 septembre 1981. Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1413, n"
1/lbis; Civ. Courtrai, 24 octobre 1983. R.W., 1983-1984, 1564; Rec. Enr .. 1984, p. 225, n" 23.053.
1171
( ) Cass., 14 septembre 1984, Pas., 1985, 1, 70; J.T., 1985, 142; Rec. Enr., 1985. p. 223,
n" 23.191; R.W., 1985-1986, 894; voy. aussi obs. sous Civ. Bruxelles. 8 janvier 1981, Rec. Enr.,
1981, n° 22.662, p. 392 ; le rapport VAN REEPINGHEN précise que le péril en la demeure est le
fondement de toutes les mesures conservatoires (Pasin., 1967. 507).
286 TRAITÉ DES SAISIES

saisie» (1 172 ) au sens de l'article 1413. Dès lors le silence du juge


du fond «ne saurait revêtir plus d'autorité que n'en possède
l'autorisation donnée par le juge au terme d'une procédure sur
requête unilatérale, susceptible d'être remise en cause par l'effet
des recours dont elle est susceptible» ( 1173 ). En outre, la décision
tenant lieu d'autorisation de saisir conservatoirement ne saurait
être revêtue de l'autorité de la chose jugée dans la mesure où la
question de célérité n'a pas été effectivement débattue devant le
juge du fond ( 1174). Partant, ce n'est que si la décision du juge du
fond tranche un débat contradictoire sur la condition de célérité
qu'une décision opposée du juge des saisies ne se justifierait qu'en
cas de circonstances nouvelles.
Généralement, vu l'effet automatique d'autorisation atta-
ché en principe à la décision, un tel débat n'aura lieu que lorsque le
débiteur, compte tenu de sa situation, invitera le juge du fond à
décider que son jugement ne peut tenir lieu d'autorisation de saisir
(1175) (1116).

147) Exceptions au principe.

Le principe suivant lequel toute saisie conservatoire est


subordonnée à la condition de célérité reçoit exception dans
certaines hypothèses :
a) en cas de saisie en matière de contrefaçon, la mise en oeuvre de
cette procédure conservatoire d'un type particulier (il s'agit de
permettre au saisissant d'obtenir une preuve de la contrefaçon)

(1 172 ) Rapport VAN REEPINGHEN. Pasin., 1967, 507.


1173
( ) A.M. STRANART, Les conditions générales des saisies conservatoires, R.D.C.B.,

1985, 749; F. GLANSDORFF, obs. sous Civ. Bruxelles, 8 janvier 1981, J.T., 1981, 260; Liège,
7ème ch., 27 juin 1985, R.G. n° 16.598/85 (impl.).
1174
( ) J. van COMPERNOLLE, Considérations sur la nature et l'étendue de l'autorité de la
chose jugée en matière civile, R.C.J.B., 1984, p. 268, n"s 39 à 42.
1175
( ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 883 {<<Même dans les cas où le jugement interdit la
saisie, la requête au juge des saisies sera néanmoins recevable si les modifications de circonstances
survenues après le jugement au fond rendent l'article 1413 applicable, c'est-à-dire si le cas requiert
célérité»); infra, n" 168; voy. aussi, La saisie mobilière, Rép. Not., n" 63; comp. infra, n" 163 B.
1176
( ) Un débat à ce sujet est assez rare devant le juge du fond singulièrement lorsque le
débiteur conteste sa dette. On peut toutefois citer une décision du juge des saisies de Bruxelles (Civ.
Bruxelles, 3 janvier 1983, R.G., n°s 73.668 et 125.101) relevant qu'«aucun péril n'est actuellement
établi dans le chef de la banque de sorte que toute saisie à sa charge lui causerait un dommage
certain» et que «Seules des circonstances pertinentes, exposées dans une requête en vue d'obtenir
l'autorisation du juge des saisies pourrait, le cas échéant, justifier une telle mesure».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 287

n'est pas soumise aux dispositions générales des articles 1413 et


1415 du Code judiciaire qui énoncent les conditions de la saisie
conservatoire destinées à sauvegarder les chances de paiement
du créancier ( 1177 ) ;
b) en vertu de l'article 39 de la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécu-
tion des décisions en matière civile et commerciale, «pendant le
délai (ce qui implique que celui-ci a commencé à courir) de
recours prévu à l'article 36 (c'est-à-dire la tierce-opposition
formalisée par le débiteur contre la décision d'exequatur rendue
sur requête unilatérale), et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur
celui-ci, il ne peut être procédé qu'à des mesures conservatoires
sur les biens de la partie contre laquelle l'exécution est deman-
dée. La décision qui accorde l'exécution emporte l'autorisation
de procéder à ces mesures». Cette autorisation, précise le
Rapport JENARD, est automatique. «Le demandeur n'aura
pas à établir, dans les Etats dont la législation impose cette
condition, que le cas requiert célérité ou qu'il y a péril en la
demeure. L'octroi des mesures conservatoires n'est pas davan-
tage soumis à l'appréciation du juge d'exequatur» (1 178 ). En
dehors de cette règle matérielle destinée à «assurer au stade de
l'exequatur un équilibre entre les droits et intérêts des parties
afin d'éviter qu'elles soient, l'une comme l'autre, exposées à
quelque préjudice par le jeu des règles de procédure» (1 179 ),
les mesures conservatoires ne peuvent être accomplies qu'aux
conditions prévues par la loi de l'Etat où elles doivent être

1177
( ) Bruxelles, 6 avril 1978, J.T., 1979, 675: L. VAN BUNNEN, Examen de jurisprudence
(1978 à 1981), Droit d'auteur. Dessins et modèles, R.C.J.B .. 1984. p. 352, n" 15: A. BEREN-
BOOM, Les droits d'auteur, Larcier, 1984. p. 209, n" 15 bis. Infra, n" 150, B.
(1 178) P. JENARD, Rapport sur la Convention, J.O.C.E., n" C 59. 5 mars 1979, 52: G.
DROZ, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le marché commun, Bibliothèque de
droit international privé, vol. XIII, Dalloz 1972, p. 364, n" 569: A. HUET, Chronique de
jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, Clunet 1985. p. 176-177 et 182:
P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Ed. Jupiter
1985, n" 366, p. 196-197: C.J.C.E., 3 octobre 1985. Rcv. Not., 1986, 160: Rev. Dr. lnt. Dr. Comp.,
1987, 321: Rev. Crit. D.1.P., 1987. 123: (« 1) Aux termes de l'article 39 de la Convention, la partie
qui a demandé et obtenu l'autorisation d'exécution peut. pendant le délai indiqué dans cet article,
faire procéder directement à des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle
l'exécution est demandée, sans être tenue d'obtenir une autorisation spécifique. 2) La partie ayant
obtenu l'exécution peut procéder aux mesures conservatoires visées par l'article 39 jusqu'à l'échéance
du délai de recours prévu à l'article 36 et, si un tel recours est formé, jusqu'à cc qu'il ait été statué sur
celui-ci. 3) La partie ayant procédé aux mesures conservatoires visées par l'article 39 de la
Convention ne doit pas obtenir, pour les mesures en question, un jugement de validation. tel que
prévu par le droit national du juge saisi») : infra, n" 250 B 5 et note 2245.
1179
( ) P. JENARD, lb.
288 TRAITÉ DES SAISIES

pratiquées c'est-à-dire en Belgique moyennant le respect des


articles 1413 et 1415 du Code judiciaire. Ainsi, le créancier qui
exerce un recours contre une décision de refus d'exequatur (art.
40 de la Convention) ne peut obtenir l'autorisation de pratiquer
une saisie conservatoire (art. 24 de la Convention) que confor-
mément aux règles nationales de procédure ( 1180 ).

Pour le surplus, il ne peut être tiré argument de ce qu'une


saisie conservatoire est prévue par une loi spéciale pour prétendre
qu'elle n'est pas soumise à la condition générale de célérité. Ainsi
aux termes de l'article 94 de la loi sur la lettre de change et le billet
à ordre, «indépendamment des formalités prescrites pour l'exercice
des droits de recours, le porteur d'une lettre de change protestée
faute de paiement peut, en obtenant la permission du juge des
saisies, saisir conservatoirement les effets mobiliers des tireurs,
accepteurs et endosseurs» ( 1181 ). Selon nous, une saisie conserva-
toire ne peut être pratiquée en vertu de ce texte sans que le
créancier n'invoque et n'établisse la célérité (1182 ). Si avant le
Code judiciaire, il était admis que« le président ne doit ni constater
ni mentionner l'urgence, celle-ci est censée exister» (1183 ), cette
solution ne peut être maintenue sous l'empire des règles générales
applicables aux saisies conservatoires (art. 2 et 1413).

148) Rôle du juge et des parties - Applications.

Il appartient au poursuivant de faire état des circonstances


spéciales établissant ou permettant de redouter l'insolvabilité invo-
lontaire ou organisée du débiteur. Il ne suffit pas de faire état de

1180
( ) A juste titre, M. HUET précise: «à notre avis, le requérant ne saurait se fonder sur le

jugement étranger pour se voir reconnaître le droit de procéder en France à une mesure
conservatoire puisque, par hypothèse, ce jugement a fait l'objet d'une décision de refus d'exequatur
et cesse donc d'être reconnu» (Clunet, 1985, p. 183 ; adde. infra, note 2277).
1181
( ) Cette disposition est rendue applicable au billet à ordre par l'article 77 ; une règle

semblable est prévue par l'article 25 de la loi du 2 mai 1956 sur le chèque postal. Ces textes ne se
justifient plus aujourd'hui compte tenu de la généralisation des saisies conservatoires (infra, n° 151).
1182
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 13 novembre 1986, R.G., n° 29.262, Inédit; contra Civ. Anvers,

ch.s., 5 mars 1981, R.G., n° 68.633.


1183
( ) L. FREDERICQ, Traité de droit commercial belge, Ed. Fecheyr-Gand, 1954, T. X, p.

456; voy. aussi R.P.D.B., V0 Traite, n° 718; A. RONSE, A.P.R., Tw. Wissel, n° 1295.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 289

circonstances légales liées aux lenteurs de la justice ( 1184) ou à des


difficultés économiques {1 185 ), il importe de produire les éléments
propres à la situation du débiteur dont il résulte qu'il se rend
délibérément insolvable, qu'il est objectivement insolvable ou qu'il
y a risque sérieux d'insolvabilité compte tenu des indices réunis
1186 187 1188
( ) (1 ). Le juge des saisies apprécie souverainement ( ) si
1189
tous les éléments de fait qui lui sont soumis ( ) (importance du
passif et consistance de l'actif, situation bilantaire ou économique
du débiteur ( 1190), insertion au journal des protêts, promesses de
paiement ou de garantie non tenues ( 1191 ), saisies antérieurement
pratiquées révélées par la consultation du registre de la conserva-
tion des hypothèques ou du fichier des saisies, situation et revenus
professionnels, retards de paiement malgré mises en demeure, etc.)

1184
( ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 626, n° 8 et réf. cit.
Ainsi il a été jugé que les seules atermoiements de la procédure ne sauraient justifier la célérité
requise, pas davantage que ne saurait être retenue la seule déclaration éventuelle du débiteur qu'il
userait de tous les moyens de procédure - estimée longue - pour combattre la prétention du
créancier (Civ. Bruxelles, ch.s., 28 avril 1986, R.G. n° 17.354; voy. dans le même sens, 16 juillet
1987, R.Rcq. 56187). Toutefois, la célérité pourrait exister si le débiteur profitait des délais de
procédure imposés au créancier pour se rendre insolvable.
185
(' ) G. de LEVAL, op. cit., p. 627, n° 9 et réf. cit.
186
(' ) A.M. STRANART, op. cit., R.D.C., 1985, p. 743 à 748; adde. G. de LEVAL, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 350, n° 14.
187
(' ) Ainsi, il a été jugé (Cass. Fr., 13 février 1980, Bull., 1980, II, p. 24, n° 34) qu'<<il suffit
pour justifier une saisie-arrêt qu'eu égard à l'importance de sa créance, le créancier éprouve des
craintes pour son recouvrement ultérieur, compte tenu des résultats défavorables de l'activité de son
débiteur». Par contre, il ne suffira pas de se limiter à faire état de l'importance de la somme due ou de
l'existence d'un revenu saisissable (Civ. Tournai, ch.s., 12 mars 1985, R.R n"s 17.742 et 17.761).
Enfin, le saisissant ne pourra se limiter à faire état d'une situation financière défavorable de son
débiteur lorsque celle-ci ne présente aucune détérioration et qu'elle a été expressément acceptée au
moment de la conclusion du contrat.
1188
( ) Voy. cependant supra, n° 146 in fine.
189
(' ) Si le juge, pour décider si le recouvrement de la créance semble en péril, apprécie

souverainement tous les éléments de fait qui lui sont soumis, il ne peut cependant refuser d'examiner
certains d'entre-eux (Cass. Fr., 15 décemhre 1975, Bull., 1975, Il, p. 280, n° 348).
1190
( ) Ex. : l'urgence peut se déduire notamment du fait que le passif exigible à court terme

est trop important par rapport à l'actif disponible ou encore de ce que les tiers saisis ont fait des
déclarations négatives. Est également indicative, la situation du débiteur vis-à-vis d'autres créanciers,
tels le fisc ou l'O.N.S.S. ou encore l'évolution peu favorable du bénéfice du dernier exercice par
rapport au chiffre d'affaires et aux sommes ducs (Civ. Bruxelles, ch.s., 5 juin 1986, R.G. n° 22.112).
1191
( ) Le cantonnement étant une faculté laissée au débiteur, le défaut de cantonnement par
celui-ci ne peut en soi être constitutif de célérité (Liège, 27 juin 1985, R.G. n° 16.598/85) ; par contre,
un indice d'insolvabilité peut résulter du refus de cantonnement de la part du débiteur saisi qui s'était,
au préalable, spontanément et formellement engagé à consigner une somme suffisante pour répondre
des causes de la saisie (Civ. Liège, 28 mars 1979, R.G. n" 36.246/79 cité par G. de LEVAL, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 349, n" 10).
290 TRAITÉ DES SAISIES

1192 1193
( ) suffisent, isolément ou globalement envisagés, pour
) (
établir que le cas requiert célérité, c'est-à-dire que le recouvrement
de la créance est mis en péril.
La célérité s'apprécie au jour où le juÎ.e statue, le cas
échéant, à la suite d'une instance en mainlevée (1 94). Le caractère
unilatéral de la procédure d'autorisation et la rapidité de celle-ci
peuvent rendre impossible une preuve complète des faits invoqués
mais, le saisi peut, lors de l'instance en rétractation, établir le
défaut de pertinence suffisante des indices retenus et démontrer
ainsi (le cas échéant en invoquant des circonstances nouvelles)
l'absence de célérité (art. 1419) (ll 95 ) (1 196).
Lorsque la saisie est pratiquée sans autorisation préalable
du juge des saisies (art. 1414, 1445 et 1461, C. jud.), il appartient
au saisissant de vérifier, sous sa responsabilité, si la condition de
célérité est satisfaite et, le cas échéant, d'en rapporter ultérieure-
ment la preuve devant le juge saisi d'une demande de mainlevée
(art. 1420).
De manière générale, il importe d'être extrêmement pru-
dent au niveau de l'appréciation des indices d'insolvabilité qui ne
doivent pas être confondus avec des difficultés de toute évidence
limitées ou passagères afin d'éviter qu'un état d'insolvabilité
irréversible, loin d'être la cause, soit la conséquence d'une saisie

92
(" ) Si le retard de paiement ne suffit pas à lui seul à établir la célérité (Liège, 24 mars 1982,
Jur. Liège, 1982, 365 et obs. G. de LEVAL; voy. aussi Bruxelles, 26 octobre 1971, Pas., 1972, II,
11 ; Rec. enr., 1973, 119; J.L. LEDOUX, Chronique de jurisprudence, Les saisies, J.T., 1983. 488),
le paiement d'un acompte de 250.000 francs sur un montant de 919.000 francs un mois et demi après
une sommation de payer dans les trois jours permet d'inférer de l'inaction du débiteur qu'il se trouve
en état d'insolvabilité (Bruxelles, 16è ch., 30 mai 1986, R. Rcq., n° 43/86).
93
(" ) L'existence d'une «saisie pénale» (arrêté royal du 24 mars 1936 sur la détention au
greffe et la procédure en restitution des choses saisies en matière répressive, voy. Liège, 13 janvier
1984, J.L., 1984, 107 et obs. G. de LEVAL) n"est pas élisive de célérité (Civ. Bruxelles, ch.s., 9
février 1987, R.G. n°s 12.725 et 12.726).
(1 194 ) G. de LEVAL. Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 627, n" 8; Bruxelles,
!6ème ch., 10 octobre 1986, R.G. n° 1687/86, Inédit; infra, n° 191 et réf. cit.
95
(" ) Pour un exposé complet de la jurisprudence, voy. Jurisprudence du Code judiciaire,
Ed. La Charte, Art. 1413, n°s 2 et 3, p. 2 à 8.
(""") Voy. E. GUTT et A.M. STRANART qui précisent que si le saisissant lors de
l'autorisation de saisir doit justifier du péril auquel il convient de parer, il appartient au débiteur saisi,
qui aurait attaqué l'ordonnance, de démontrer l'absence de péril (R.C.J.B., 1974, p. 662, n° 132).
Un certain renversement de contentieux se produit en effet au stade de la tierce-opposition (infra, n°
1880).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 291

conservatoire dont la publicité et l'effet d'indisponibilité peuvent


compromettre définitivement la situation du saisi ( 1197 ).

149) Y a-t-il célérité lorsque le débiteur ne conserve pas de surface


saisissable en Belgique ?
Une saisie conservatoire se justifie-t-elle lorsque le créancier
entend frapper d'indisponibilité en Belgique les biens que le débiteur
entend transférer, le cas échéant après réalisation, à l'étranger où
celui-ci prétend conserver une surface saisissable suffisante de telle
sorte que le recouvrement de la créance ne pourrait, selon lui, être en
péril? Faut-il, en d'autres termes, pour apprécier la solvabilité d'un
débiteur tenir compte des biens qu'il a à l'étranger? Loin d'exclure la
mise en péril du recouvrement de la créance, la présence de biens à
l'étranger peut être révélatrice de l'insolvabilité du débiteur dans ses
rapports avec le saisissant soit parce que d'autres créanciers privilégiés
suivant le droit étranger peuvent absorber la totalité de la valeur
saisissable des biens du débiteur, soit parce que les fonds transférés à
l'étranger peuvent y faire l'objet de placements occultes insuscepti-
bles d'être atteints par voie de saisie, soit parce quel' exécution forcée
dans un état étranger est subordonnée à la mise en oeuvre d'une
procédure d'exequatur nécessitant l'exposition de frais supplémentai-
res et le respect de délais plus ou moins longs ( 1198 ), soit parce que
l'éloignement des biens empêche le créancier d'exercer sur ceux-ci
une surveillance efficace ( 1199 ) ( 1200), soit parce que les règles
applicables à la saisie conservatoire, à l'exécution, à la répartition des

1197
( ) J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence, J.T., 1983, p. 488, n° 75;
voy. aussi infra, n" 150, note 1210; voy. aussi R. PERROT, Jurisprudence française en matière de
droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1987, p. 158 «il ne faut pas non plus perdre de vue la gravité de
certaines mesures conservatoires qui, lorsqu'elles portent notamment sur des crédits bancaires,
peuvent conduire à l'étouffement d'un prétendu débiteur et constituer l'amorce d'un moyen de
pression. De là, cette condition fondamentale qui oblige le créancier potentiel à faire la preuve du
risque encouru sur lequel, en cas de contestation, le juge a le devoir de s'expliquer. Le péril dans le
recouvrement de la créance apparaît en quelque sorte comme la justification de cette faveur
exceptionnelle dont bénéficie un créancier qui, malgré l'absence de titre exécutoire, peut néanmoins
s'assurer des garanties sur le patrimoine d'autrui avant même d'avoir fait la preuve que sa prétention
est fondée».
1198
( ) Anvers, !cr juin 1982, Rec. enr., 1984, n° 23.102; Civ. Bruxelles, ch.s., 25 novembre
1980, R.G. n"s 119.123, 119.124, 119.416, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1413, n" 2/6.7.
199
(' ) Voir d'ailleurs l'article 2019, al. 2 du Code civil qui dispose que pour apprécier la

solvabilité d'une caution «on n'a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la discussion
deviendrait trop difficile par l'éloignement de leur situation». Adde. art. 852, C. jud.
200
(' ) Un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 14 juillet 1955 (J.P.A., 1955, 408) énonce:
«Attendu, concernant l'opportunité de la saisie conservatoire sur le navire amarré à Anvers, qu'il est
de peu d'intérêt d'apprendre de l'appelant que Zegluga Polska disposerait encore d'avoirs importants
en Pologne, parce que, si cette circonstance se révélait justifiée, ces avoirs se trouveraient tout à fait
hors de portée des intimés».
292 TRAITÉ DES SAISIES

fonds et au transfert (1 201 ) de ceux-ci minorent les chances de


paiement du créancier qui ~ourrait diligenter avec plus de succès sa
procédure en Belgique (1 20 ), soit parce que la réalisation précipitée
d'un patrimoine en Belgique peut constituer un indice d'organisation
d'insolvabilité ou de difficultés sérieuses du débiteur (1 203 ). En bref,
le critère essentiel sera celui de l'inaccessibilité juridique.
Généralement, c'est de la réunion de plusieurs de ces
circonstances que procédera la célérité justifiant la saisie conserva-
toire. Si les tentatives d'évasion et l'aggravation sérieuse du risque de
non-paiement doivent être neutralisées par des saisies conservatoires,
il importe cependant d'éviter que toute installation à l'étranger ou tout
rapatriement dans le pays d'origine (1 204 ), le cas échéant, justifié par
les nécessités du commerce international, entraîne automatiquement
une saisie conservatoire spécialement lorsque l'Etat étranger fait
partie de la Communauté économique européenne au sein de laquelle
la procédure d'exécution est simplifiée g_ar la Convention de Bruxelles
du 27 septembre 1968 (art. 31 et s.) ( 05 ) (1 206).

201
(' ) Ainsi, une saisie-arrêt a été maintenue car au cas où le saisissant obtiendrait un
jugement, il éprouverait de sérieuses difficultés d'exécution au Zaïre où la législation sur le change
interdit le transfert des fonds à l'étranger (Civ. Bruxelles, Juge des saisies, R.G. n" 62.166, inédit,
Jurisprudence du Code judiciaire, art. 1413, n° 2/6.3). De manière générale, il importe d'insister sur
ce que l'article VIII, 2 b des statuts du Fonds monétaire international impose à tout Etat membre le
respect de la réglementation des changes d'un autre Etat membre (J .L. RIVES-LANGE, Chronique
de jurisprudence bancaire, Banque, 1985, 523-524).
1202
( ) Une décision du juge des saisies de Bruxelles du Il septembre 1986 (R.G. n° 22.332,
Inédit) fait état d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 28 décembre 1984 qui: «justifiait la
célérité requise par la seule considération que nonobstant la puissance industrielle de la société
actuellement demanderesse (société de droit allemand), les créances saisies conservatoirement
constituent les seuls avoirs sur lesquels l'actuelle défenderesse peut raisonnablement espérer pouvoir
exécuter» (adde. Bruxelles, !6ème ch., 16 juillet 1986, R.Req. n" 56/86: <dl y a urgence lorsque la
plupart des biens meubles garnissant les bureaux loués par la firme débitrice font l'objet de contrats
de leasing et ne sont dès lors pas propriété de celle-ci et lorsqu'il paraît vraisemblable que la société
débitrice mette fin à ses activités en Belgique et se rende insolvable)».
1203
( ) Ainsi, le cas requiert célérité lorsque la cessation des activités en Belgique d'une société
allemande peut constituer un péril pour la créance du requérant (ancien employé) (Liège, 7ème ch., 5
mars 1985, R. Req., n° 839/85 ; voy. aussi Civ. Liège, ch.s., 25 avril 1979, cité par G. de LEVAL, op.
cit., Jur. Liège, 1978-1979, p. 349, n" 9).
(1 204 ) Voire un simple projet de rapatriement ou d'installation à l'étranger.
1205
( ) A.M. STRANART, op. cit., R.D.C., 1985, 744-745; voy. aussi Civ. Bruxelles, ch.s.,
27 avril 1972, R.G. n" 86.862, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1413, n° 2/6.2; Civ. Bruxelles,
ch.s., 22 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1014.
206
(' ) Les arrêts précités de la Cour d'appel d'Anvers, de Bruxelles et de Liège concernaient
cependant un créancier belge et une société allemande. Force est de reconnaître que si la procédure
d'exécution est simplifiée (procédure sur requête, art. 31 et 32), la décision d'exequatur n'est pas
susceptible d'exécution immédiate (art. 38 et 39; voy. toutefois, supra, n° 147 b) et que des
contestations importantes peuvent surgir notamment à l'occasion d'une tierce-opposition du débiteur
(art. 34, 36 et 37, combinés ; infra, n° 250 c). On précise qu'en droit allemand, !'Arrest est en principe
autorisé lorsque le jugement à intervenir doit être exécuté à l'étranger,§ 917, al. 2, ZPO; de même
l'art. 271 de la loi suisse sur la poursuite pour dettes permet le séquestre lorsque le débiteurn'habite pas
la Suisse (W .J. HABSCHEID, Les mesures provisoires en procédure civile : droits allemand et suisse,
in Les mesures provisoires en procédure civile, Milan Ed. Giuffré, 1985, p. 36 et 41).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 293

SECTION II- Créance certaine, exigible et liquide.

150) L'article 1415 énonce des conditions générales.

A. - Aux termes de l'article 1415, «la saisie conservatoire ne


peut être autorisée que pour une créance certaine, exigible, liquide
ou susceptible d'une estimation provisoire. La saisie conservatoire
peut avoir lieu pour sûreté d'une créance de revenus périodiques à
échoir, lorsque le règlement de ceux-ci est en péril». Si cette
disposition définit la créance certaine, exigible et liquide qui doit
être invoquée par le requérant lorsqu'il sollicite l'autorisation de
saisir conservatoirement, il va de soi que la créance du saisissant
doit présenter les mêmes caractères lorsqu'il pratique une saisie
conservatoire en vertu d'un jugement (art. 1414) ou d'un titre
authentique ou privé (art. 1445) (1 207).

On relève que si en matière de saisie même conservatoire


la créance doit exister au jour de la mesure, il est au contraire admis
qu'une sûreté soit constituée pour garantir une créance future qui
doit exister non au moment de la constitution de la sûreté mais au
moment de la mise en oeuvre de celle-ci (1 208 ).

On verra que les conditions générales prévues par l'article


1415 doivent être appréciées avec une certaine souplesse à laquelle
correspond la possibilité pour le débiteur de les contester dans le
cadre du débat contradictoire qui suit la saisie ( 1209). Un équilibre
doit être établi, parfois à l'issue d'une procédure en mainlevée,
entre la nécessité de garantir le recouvrement d'une créance même
si elle ne présente pas encore une configuration définitive et le
danger de mettre en péril le crédit d'une partie pour la garantie de

1207
( Voy. aussi infra, n" 172.
)
208
(' Il suffit que la créance garantie soit déterminée ou déterminable au moment de la
)
constitution de la sûreté. Voy. J. van COMPERNOLLE, Les sûretés réelles en droit belge, in Les
sûretés, Colloque de Bruxelles, 20-21 octobre 1983, FEDUCI, p. 81-82, n°s 34-35 et réf. cit. et p.
116-117, n° 85 et réf. cit. ; en ce qui concerne l'hypothèque, voy. cependant les objections élevées par
Mme MOREAU-MARGREVE, Heurs et malheurs du gage sur fonds de commerce. R.C.J.B.,
1980, p. 153-155, n° 21. Adde. en matière de cautionnement, Civ. Bruxelles, 28 mai 1984, R.D.C.,
1986, 599.
209
(' ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1982, p. 48, n° 54.
294 TRAITÉ DES SAISIES

droits trop incertains (1 210). «L'économie des textes du Code


judiciaire relatifs aux «saisies conservatoires et voies d'exécution»
démontre une recherche constante de l'équilibre à obtenir entre le
respect des droits du créancier et la nécessaire protection du
débiteur face aux abus possibles du premier» (1 211 ).

Le rôle du juge des saisies est fondamental. Il lui appar-


tient chaque fois de porter, cas par cas, une appréciation provisoire
sur le fond du litige sans évidemment que sa décision soit revêtue
de l'autorité de chose jugée envers le juge du fond.

En ce qui concerne le moment auquel les conditions de


certitude et d'exigibilité doivent être appréciées, il importe de
distinguer suivant que la saisie est pratiquée sans autorisation
préalable du juge des saisies ou en vertu de celle-ci ; dans le
premier cas, ces conditions doivent être satisfaites au jour où la
saisie est pratiquée et dans le second au jour où le juge statue
(1212).

B. - La créance constatée dans le titre qui fonde la saisie


conservatoire est une créance de somme et non une créance
correspondant, dans le chef du débiteur, à une obligation de facere,
de non facere ou de dare portant sur autre chose que de l'argent
(1 213 ). Il importe cependant de tenir compte des hypothèses où la
saisie n'a pas pour objet immédiat le recouvrement d'une somme.
Ainsi, en matière de saisie-revendication, si la mesure tend à
obtenir une restitution en nature (ex. art. 2279, al. 2, C. civ. ;
revendication), le requérant devra démontrer qu'il a intérêt et

210
(' ) P. RAYNAUD, note sous Cass. Fr.. 17 avril 1961, Dall., 1961, J., 646: «une mesure

conservatoire risque d'être extrêmement lourde pour celui qu'elle frappe et il en est ainsi en
particulier de la saisie des créances qui peut, dans certains cas, détruire le crédit d'un saisi
parfaitement solvable et paralyser complètement son activité commerciale au nom d'une créance très
hypothétique».
211
(' ) Liège, 2 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 484.
212
(' ) Infra, n°s 152 et 160: voy. aussi au sujet de l'urgence, supra, n° 148; A.M.
STRANART, op. cil., R.D.C., 1985, 762. En cas de saisie-gagerie, K. BAERT estime que cette
appréciation doit être faite lors du commandement (Algemene beginselen van bewarcnd beslag,
T.P.R., 1980, p. 285, n° 15).
213
(' ) Ainsi le bail qui impose au locataire l'obligation de constituer une garantie locative
n'est pas un titre privé (art. 1445) constatant une créance certaine, exigible et liquide dans le chef du
bailleur (Civ. Bruxelles, ch.s., 2 juin 1986, R.G. n° 22.845, Inédit). Une telle obligation constitue un
«faccrc» et non un «<lare» (Civ. Bruxelles, ch.s., 27 novembre 1986, R.G. n°28.057, Inédit).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 295

qualité pour formuler une telle demande (1 214 ) ; si la mesure tend


à assurer le paiement préférentiel d'une créance (ex. art. 20, 1°, al.
5, L. hyp. ; art. 11, II, L. 25 oct. 1919), le requérant devra
démontrer que sa créance satisfait aux conditions énoncées par
l'article 1415 (il peut y avoir cumul de la saisie-revendication et de
la saisie conservatoire de droit commun). Toutefois, lorsqu'il s'agit
uniquement de prévenir la disparition ou de récupérer l'assiette
d'une sûreté réelle, il suffit d'établir l'existence suffisamment
certaine de la créance garantie par celle-ci voire même d'établir que
la sûreté garantit une créance future. De manière générale (sous
réserve de cas exceptionnels, art. 20, 5°, al. 6, L. hyp. et art. 568,
C. corn. }1 la saisie-revendication ne fait qu'immobiliser le bien chez
le saisi (1L1 5).
De même, tant la saisie conservatoire des deniers, prévue
par la disposition finale de l'alinéa 2 de l'article 1481 que la saisie-
description, prévue par l'alinéa 1er, et le séquestre, prévu par
l'alinéa 2, qui en est la conséquence, sont pratiqués en vertu, non
d'une créance, comme visé par l'article 1415, mais d'un droit
intellectuel ; certes, le juge appelé à autoriser la mesure, doit
apprécier si le demandeur a qualité et intérêt pour pratiquer celle-
ci ; mais, il s'agit ici de l'application d'un principe général (cfr art.
171 et non, comme tels, des articles 1413 et 1415 du Code judiciaire
(1l16).

§ 1. - Certitude.

151) Du Code de procédure civile au Code judiciaire.

La législation antérieure connaissait certaines saisies con-


servatoires mais aucune disposition légale, propre aux saisies
conservatoires, n'énonçait les conditions de fond que devait réunir
la créance du saisissant. En matière d'exécution des jugements,

1214
( ) La cause de la saisie-revendication étant le droit réel dont le créancier saisissant entend
protéger l'existence à son bénéfice, l'énonciation du titre, des causes, du montant ou de l'évaluation
de la créance, ne s'impose pas en cas de saisie-revendication (Civ. Bruxelles, ch.s., 2 février 1987,
R.G. n" 21.138 et A.M. STRANART, op. cit., R.D.C., 1985, 766).
(1 215 ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s 115 et 161 ; M. DONNIER, op.
cit., Litec, 1987, p. 157, n° 410; voy. aussi supra n°1.
(1 216) Voy. aussi supra n°s 1, 140 Cet 147 A. Dans l'hypothèse prévue par l'art. 1481, al. 2, la
saisie ne peut porter que sur les deniers provenant soit de l'activité, soit de l'objet prétendument
contrefait (Civ. Bruxelles, ch.s., 17 novembre 1986, R.G. n" 17.859).
296 TRAITÉ DES SAISIES

l'article 551 du Code de procédure civile disposait qu' «il ne sera


procédé à aucune saisie mobilière ou immobilière que pour choses
liquides et certaines». Doctrine et jurisprudence décidaient généra-
lement que ce texte «s'appliquait aux saisies conservatoires mais
d'une manière propre à, et dans une mesure compatible avec, la
nature, la fonction et le but d'efficacité de ces institutions». En
d'autres termes, les conditions de l'article 551 du Code de procé-
dure civile appliquées aux saisies conservatoires étaient « assou-
plies», «tempérées» et interprétées de manière «large» ou « libé-
rale » (1211).
Il résulte de la dissociation complète des saisies conserva-
toires par rapport aux saisies-exécutions et de leur généralisation
par le Code judiciaire que la souplesse admise antérieurement pour
apprécier le caractère certain de la créance doit être, a fortiori et
sans restriction, retenue pour interpréter l'article 1415 (1 218 ).
Enfin, cette réglementation nouvelle rend sans fondement l'utilisa-
tion des voies d'exécution à des fins conservatoires (1 219 ).

152) Principes applicables.

A. - La créance du saisissant doit être certaine au jour de la


saisie s'il n'y a pas d'autorisation préalable du juge des saisies. En
cas d'autorisation, la créance doit être certaine au jour où le juge
statue (1 220). Lorsque la saisie conservatoire repose sur un
jugement de condamnation (art. 1414), celui-ci constate nécessaire-
ment l'existence d'une créance certaine et le juge des saisies est lié
par l'autorité de chose jugée qui s'y attache (art. 26, C. jud.)
(1 221 ). Par contre, lorsque la saisie conservatoire est autorisée par
le juge des saisies, celui-ci doit apprécier le caractère certain de la
créance. A ce niveau, la créance est certaine lorsqu'elle se présente
de manière apparente avec des éléments suffisants de certitude

1217
( ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILLY, op. cit. R.C.J.B., 1974, n° 133, p. 663-664
et réf. cit. ; Ch. VAN REEPINGHEN, obs. sous Cass., 5 juillet 1957, J.T., 1957, 755.
1218
( ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILLY, lb.; contra D. CHABOT-LEONARD,
Saisies conservatoires et saisies-exécutions, Bruylant, 1979, p. 92; K. BAERT, op. cit., T.P.R.,
1980, p. 284, n° 13 (ces auteurs estiment que l'interprétation antérieurement admise ne subsisterait
pas dans Je Code judiciaire).
219
(' ) Infra, n°s 222 et 239 B.
220
(' ) Liège, 17 janvier 1920, Jur. Liège, 1922, 52; voy. toutefois, infra n°s 174 et 191.
1221
( ) Civ. Anvers, 8 juin 1978, Rec. enr., 1980, p. 238, n° 22.507; Civ. Liège, 14 décembre
1979, Jur. Liège, 1980, 179; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 627,
n°13.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 297

(1 222); il suffit que justifiée sommairement dans la requête


unilatérale, la créance paraisse réelle (1 223 ). Cette règle générale
vaut pour toutes les saisies conservatoires mises en oeuvre pour
garantir le recouvrement d'une créance {1 224 ). Le prétendu débi-
teur, qui n'a pu s'expliquer sur l'apparence de fondement de la
créance invoquée, peut immédiatement former tierce-opposition
contre l'ordonnance rendue sur requête unilatérale et solliciter la
rétractation de celle-ci en contestant le caractère certain de la
créance. Toutefois, ce n'est pas parce que la créance est contestée
qu'elle perd son caractère certain. N'importe quelle contestation ne
fait pas obstacle au maintien de la saisie ; si on admettait le
contraire, le sort de la saisie serait laissé à la discrétion du débiteur
qui, en l'absence de tout motif, invoquerait à chaque coup le défaut
de certitude {1 225 ). Aussi, une simple contestation, même appa-
remment sérieuse peut ne pas suffire pour conférer à une créance,
justifiée dans son principe, un caractère incertain (1 226 ) (1 227 ). En
effet, une obligation sérieusement contestée peut être considérée
comme incontestable par le juge ; en ce sens, celui-ci «vérifie non
seulement si la réplique du saisi est sérieuse mais également si elle
est fondée» (1 228 ). Bref, ce n'est que si le saisi établit le caractère
suffisamment contestable de la créance au point d'en ébranler le

(1 222 ) Civ. Liège. 23 décembre 1963, Pas., 1964, Ill. 136; Jur. Liège, 1963-1964, 140; comp.
l'art. 7 de la loi du 24 juillet 1921 relative à la dépossession involontaire des titres au porteur aux
termes duquel l'opposant doit démontrer la vraisemblance de la dépossession alléguée pour que son
opposition soit homologuée (Liège, 7 mai 1985, Req. n" 846/85).
223
(' ) Ou encore que les éléments de fait et de droit invoqués traduisent par l'apparence de
leur réalité le bien-fondé en son principe de la créance cause de la saisie.
1224
( ) Y compris en cas de saisie conservatoire d'un navire ou d'un bateau (Cass., 26 mars
1982, Pas., 1982, I, 886; voy. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 482 et réf. cil.)
(' 225 ) Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 58; Bruxelles, 2 avril 1962, Pas., 1963, II,
74 ; Cass. Fr., 20 mai 1890, Dall., 1891, I, 204.
1226
( ) Ainsi un arrêt de la Cour de cassation de France du 18 octobre 1978 (Bull., 1978, III, p.
245, n° 318) énonce: «qu'une saisie-arrêt ou une saisie-gagerie se trouve justifiée par la constatation
d'un principe certain de créance et qu'une simple contestation ne suffit pas pour conférer à une
créance, justifiée dans son principe, un caractère incertain». En France, la certitude de la créance
existe au stade conservatoire dès que le créancier a «Un principe certain de créance» ou «une créance
certaine dans son principe» (M. DONNIER, Bilan du droit de la saisie-arrêt face au nouveau Code
de procédure civile, in Etudes dédiées à A. WEILL, Dalloz, 1983, 206; voy. aussi Cass. Fr., 13
février 1980, Bull., 1980, II, p. 24, n° 34) voire même une «créance paraissant fondée en son
principe» (Cass. Fr.. 12 décembre 1984, J.C.P., 1985, IV, 72).
227
(' ) Ainsi lorsque du matériel a été réceptionné, les contestations formulées par l'acheteur
faisant état de réclamations par téléphone et d'un rapport unilatéral d'expertise demeurent
problématiques face à une créance apparemment certaine de la venderesse du matériel litigieux
(Gand, 30 mars 1979, R.W., 1979-1980, 2113).
(1 228 ) K. BAERT et B. DECONINCK, Les saisies immobilières conservatoires et l'exécu-
tion, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, 217 ; infra, n°
153.
298 TRAITÉ DES SAISIES

fondement que la sais1e conservatoire ne sera pas maintenue


(1229).

On le voit, il y a place pour un très large pouvoir


d'appréciation du juge des saisies qui, eu égard aux données de
l'espèce et sans porter préjudice au principal, doit tenir compte
d'une créance qui sans être absolument certaine demeure suffisam-
ment certaine à l'issue du débat contradictoire engagé par le saisi.
En définitive, il conviendra souvent de peser entre deux apparences
antagonistes : celle du fondement de la créance et celle du caractère
sérieusement contestable de l'obligation corrélative (1 230 ). A
égalité de vraisemblance, le juge des saisies refusera la saisie ou son
maintien {1 231 ).
B. - Quel est le régime de la preuve applicable devant le juge
des saisies ? «Si le juge des référés n'est pas tenu, dans l'application
des droits des parties, de suivre les modes de preuve imposés par le
Code civil dès lors qu'il n'a pas à se prononcer quant à un droit dont
une partie réclamerait la reconnaissance, ces modes de preuve ne
sont pas dénués d'importance dès le moment où le juge des référés
doit supputer quel sera le système d'administration de la preuve
auquel le juge du fond devra vraisemblablement se référer en
raison de la nature de la contestation et de la qualité des parties
litigantes» (1 232 ).
Ces principes sont, à notre avis, transposables au juge des
saisies qui ne peut ignorer les modes de preuve applicables au fond
du droit dans la mesure où il s'agit d'en sauvegarder l'efficacité ;
toutefois, si ces règles de preuve exercent une influence sur la

(1 229 ) Civ. Namur, ch.s., 18 septembre 1981, Rev. Rég. Dr., 1982, 53 (la contestation élevée
contre la créance doit revêtir un sérieux suffisant) ; voy. aussi Gand, 9 juin 1983, Pas., 1983, II, 115 et
Civ. Bruxelles, ch.s., 25 septembre 1986, R.G. n" 25.121 (inédit). Comp. en matière de référé,
Cass., 21mars1985, Pas., 1985, 1, 908 et concl. de M. !'Avocat général VELU, p. 915, n" 13.
123
( ") Comp. E. GUTI et A.M. STRANART, op. cit., R.C.J.B., 1974, p. 669, n" 133; J.L.
LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 489, n" 77; Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1975, J.T., 1976, p.
283.
(12.1 1) Ainsi, dès lors que la clause contractuelle servant de base à une saisie-arrêt peut être
comprise de deux façons totalement opposées en raison de son ambiguïté et qu'un examen. même
superficiel, révèle que la validité du contrat devra être appréciée par la juridiction du fond et qu'il
existe des éléments sérieux de contestation, le titre dont se prévaut le saisissant n·apparaît pas certain
(Bordeaux, Ier mars 1979, Gaz. Pal., 1979, 2ème sem., 446). Voy. au stade de l'ordonnance sur
requête, infra, n° 177.
(1n 2) Bruxelles, 3 janvier 1985, J.T.. 1985, 73; Rcv. Prat. Soc., 1985, 109.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 299

définition de la créance certaine (1 233 ), on sait que /'étendue de ce


qui doit être prouvé au stade conservatoire peut être nettement
moindre que ce qui doit être établi lors de l'instance au fond ( 1234 ).
En ce sens, on peut dire que devant le juge des saisies, «une
créance même non établie peut servir de base à une saisie
conservatoire pourvu que la démonstration puisse s'en faire prom-
ptement. La preuve ne doit pas en être formelle et il ne convient
pas de pousser l'analyse au-delà des apparences» ( 1235 ).
On ne peut donc assimiler le contenu de la créance certaine
invoquée devant le juge des saisies pour justifier une saisie
conservatoire à celui de la créance certaine soumise au juge des
référés saisi d'une demande de provision (1 236). D'un côté, une
simple vocation à devenir créancier peut suffire ; de l'autre, une
créance incontestable doit être établie à charge du débiteur. D'un
côté, il suffit d'une créance paraissant fondée dans son principe, de
l'autre, il faut une créance certaine dans son existence. Le seul
point commun réside dans l'examen de questions de fond (1 237 )
sans jamais porter préjudice au principal (art. 1039, al. 1er et 1489,
al. l) (1238).

153) La créance litigieuse ou contentieuse.

Qu'il y ait instance ou non, il ne suffit pas que la créance


soit contestée pour qu'elle cesse d'être certaine. En cas de procès,

233
(' ) Le juge des saisies «devra tenir compte du droit des preuves auquel le juge du fond

devra également se soumettre. On en peut concevoir qu'une saisie se pratique en vertu d'une créance
qu'on ne pourra réaliser en droit» (K. BAERT et B. DECONINCK, Les saisies immobilières
conservatoires et l'exécution in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau,
Bruxelles, 1982, p. 218; comp. Civ. Bruges, ch.s., 25 janvier 1982, J.T., 1983, 397, suivant cette
décision le droit des saisies connaîtrait un mécanisme propre des preuves mais il n'est pas exclu que cc
principe soit énoncé non au niveau du mode de preuve mais à celui de son contenu).
(1 234 ) A.M. STRANART, Conditions générales des saisies conservatoires, R.D.C., 1985,
752; adde. infra, n" 177 A.
('m) lb., p. 751. Jugé «que s'agissant d'une créance entre parents et fille s'inscrivant dans un
climat - rural - détérioré, elle ne peut être niée pour le seul motif que les requérants ne jouissent
pas d'un écrit» (Liège. llème ch., 12 décembre 1986, R.Rcq. n° 968/86).
1236
( ) G. de LEVAL, L'examen du fond des affaires par le juge des référés, J.T., 1982. p.
424, n° 19; contra B. FERON et M. SCHOLASSE, Actualités du référé commercial à travers les
conditions d'intervention du Président du Tribunal de commerce, Ann. Dr. Louvain, 1985, p. 285-
286.
1237
( ) Voy. p. ex., Cass., 26 mars 1982, Pas., 1982, 1, 886; R.W., 1981-1982, 2887; Dr. Eur.
Tr., 1982. 529; J.P.A., 1983-1984, 121 (Appréciation de la limitation de responsabilité du
propriétaire d'un navire saisi).
1238
( ) Cass., 26 mars 1982, préc.
300 TRAITÉ DES SAISIES

la saisie peut être pratiquée non seulement sur le fondement d'une


créance reconnue dans une décision de justice ayant ordonné une
mesure d'instruction en vue d'en fixer le montant (1 239 ) mais aussi
en vertu d'une créance au sujet de laquelle aucune décision n'est
encore intervenue (1 240 ). En ce dernier cas, le juge des saisies
apprécie, d'après les éléments qui lui sont soumis, si la créance
quoique contestée, présente une apparence suffisante de fonde-
ment ; ce n'est que s'il a des doutes sérieux quant aux chances
d'aboutissement de la procédure au fond qu'il refusera d'autoriser
la saisie. Toute autre solution pénaliserait injustement le créancier
diligent qui aurait pris l'initiative d'une instance au fond avant de
pratiquer une saisie conservatoire et aboutirait à la conséquence
absurde qu'une fois l'instance engagée, la créance cesserait d'être
certaine. Il ne suffit certes pas d'assigner pour donner à une créance
une coloration de certitude qui lui fait défaut (1 241 ) mais le seul fait
de rendre une créance litigieuse par voie d'assignation ne permet
pas de la faire considérer comme non certaine (1 242). Enfin, ce
n'est pas parce que le défendeur conteste le bien-fondé de la
demande au fond que la créance invoquée par le demandeur pour
saisir conservatoirement perdrait automatiquement son caractère
certain. C'est donc à juste titre qu'il a été décidé à l'occasion d'une
instance en mainlevée de saisie-arrêt conservatoire : «il ne suffit pas
comme voudrait le faire admettre la demanderesse que la dette soit
contestée pour qu'elle perde le caractère de certitude quant à son
existence ; il faut que la contestation soit sérieuse et se présente
avec une apparence suffisante de fondement ; elle ne peut être
simplement dilatoire» ... «la mesure d'expertise sollicitée ... et qui
doit certes être obtenue et exécutée dans le plus bref délai,
n'implique pas l'aveu dans le chef du saisissant du caractère
incertain de la créance litigieuse. Cette mesure a pour objet
d'établir l'étendue et la hauteur de cette créance ; elle n'implique

(1 239 ) R.P.D.B., V" Saisie-arrêt, n"s 108 et 111 ; Civ. Anvers, 8 juin 1978, Rec. enr., 1980,
n° 22.507, p. 238; R.W., 1979-1980, 256.
(1 240) Civ. Liège, 27 juin 1979, R.G. n° 36.758179 et Civ. Liège, 28 mars 1979, R.G. n°
36.246179 cités par G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979,
p. 351. n°s 23 et 24.
1241
( ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1977, p. 834, n° 16.
242
(' ) Cass. Fr., 3 janvier 1979, J.C.P., 1979, IV, 81: «ayant constaté qu'une société s'était
reconnue débitrice d'une autre, n'a pas légalement justifié sa décision la Cour d'appel qui a donné
mainlevée d'une saisie-arrêt pratiquée par la créancière en se bornant à énoncer qu'une instance
opposait les parties sur le fond et que la créancière ne pouvait dès lors soutenir qu'elle possédait dans
l'instant contre sa débitrice une créance certaine et exigible»; voy. aussi Bruxelles, 5 juin 1974,
J.C.Belg., 1975, 1, 307.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 301

nullement que celle-ci serait inexistante et devrait d'abord être


démontrée ; les éléments p,roduits dès maintenant excluent sembla-
ble hypothèse» (1 243 ) (1 2 4 ) (1 245 ). Toute autre interprétation de
la condition de certitude empêcherait, le plus souvent l'utilisation
de la saisie conservatoire qui «constitue une véritable anticipation
sur le règlement d'un différend actuel. Elle assortit de sûretés des
créances qui sans être certaines, présentent des présomptions
sérieuses d'existence lorsque le créancier redoute que son débiteur
ne fasse dis~araître les biens sur lesquels porte son droit de gage
général» (1 2 6).

154) La créance conditionnelle.

La condition affectant la créance ne rend pas celle-ci


inopérante pour justifier une saisie conservatoire. La règle est
évidente (art. 1183, C. civ.) si la condition est résolutoire puisque
«le droit affecté de celle-ci naît et peut s'exercer immédiatement,
comme s'il était un droit pur et simple. Ce n'est que son anéantisse-
ment qui dépend de la réalisation de la condition» ( 1247 ). Si le
droit affecté d'une condition suspensive n'existe pas tant que la
condition ne s'est pas réalisée, il n'en demeure pas moins qu'il

1243
( ) Civ. Bruxelles. ch.s .• 31 juillet 1974. inédit, R.G., n" 45.589. Voy. dans le même sens,
Bruxelles, 27 juin 1985, J.T., 1985. 685; Civ. Bruges. ch.s., 25 janvier 1982, J.T., 1983, 398 et Civ.
Huy. ch.s., 9 octobre 1972, R.G. n° 1657, Inédit: «Attendu qu'il est vrai que la créance est litigieuse
puisque le défendeur a assigné devant le juge du fond en vue d'obtenir un titre consacrant ses droits ;
Attendu cependant que les caractères certain, liquide et exigible de la créance ne font pas
nécessairement défaut par le seul fait que la créance est contestée ; Attendu que nous n'avons pas à
nous substituer au juge du fond pour trancher le point de savoir si la créance est ou non pas due et
qu'il nous suffit d'examiner si ladite créance se présente de manière apparente avec des éléments
suffisants de certitude pour quïl soit fait droit à la requête du défendeur». Au sujet des principes
voy. supra, n" 152 A.
1244
( ) Contra, mais à tort, Civ. Dinant, ch.s., 11 octobre 1977, Jur. Liège, 1977-1978, 147:
«Attendu qu'une créance dont le caractère certain peut dépendre d'une expertise, n'est pas certaine
dans son principe, car une créance dépendant d'une condamnation non encore prononcée est
simplement éventuelle». Au sujet de la créance éventuelle, voy. n° 155, note 1253.
1245
( ) Ce n'est pas parce qu'un rapport d'expertise serait annulé pour vice de forme qu'il ne
pourrait être utilisé, par le juge des saisies, à titre de simple renseignement avec les autres éléments
en sa possession (Comp. Bruxelles, 3ème ch., 3 février 1960, R.W., 1960-1961, 783; Civ. Namur. 15
octobre 1979, Rev. Rég. Dr., 1980, 150; Cass. Fr., 30 juin 1971. D., 1971. l.R .. 134 et note). Une
saisie peut être maintenue sur le fondement d'un rapport d'expertise établi en vertu d'une
ordonnance de référé (Civ. Huy, ch.s., 11 avril 1983, Jur. Liège, 1983, 309; J. van COMPER-
NOLLE, Examen de jurisprudence (1972-1985) Saisies conservatoires et voies d'exécution,
R.C.J.B., 1987, p. 438, n" 31). Voy. aussi note 1375.
1246
( ) Ch. VAN REEPINGHEN, L'action préventive en droit belge, Rev. Dr. Int. et Dr.
Comp., 1958, 180. Le mot «Sûreté» ne doit pas être pris ici dans son sens technique.
1247
( ) L. GRAULICH, Théorie générale des obligations, P.U.Liège, Syll. Fasc. Ill. n" 468.
302 TRAITÉ DES SAISIES

constitue un élément du patrimoine du créancier qui, en vertu de


l'article 1180 du Code civil, peut, avant que la condition soit
accomplie, exercer tous les actes conservatoires de son droit, y
compris des saisies conservatoires (1 248 ) pour autant que les
conditions prévues par l'article 1415 du Code judiciaire soient
réunies. A ce niveau, ce droit d'attente sera considéré comme
certain pour servir de base à une saisie conservatoire si la
réalisation de la condition apparaît comme suffisamment probable.
Ainsi, un conjoint peut diligenter dès le début de la
procédure de divorce (art. 1278, al. 2 et 1282, C. jud.), de
séparation de corps (art. 1306, C. jud.) ou de séparation de biens
(art. 1313, C. jud.), une procédure de saisie conservatoire en
garantie de ses droits dans la liquidation du régime matrimonial
(1249) (1250).

De même, !'astreinte étant une condamnation accessoire,


conditionnelle et arbitraire du débiteur à payer une somme d'argent
à défaut pour celui-ci d'exécuter une condamnation principale, il
n'est pas exclu qu'avant qu'elle ne soit encourue mais compte tenu
d'une réalisation prévisible de la condition, le bénéficiaire dispose
d'une créance suffisamment certaine pour pratiquer une saisie
conservatoire ( 1251 ).

155) La créance éventuelle.


«Le droit éventuel diffère du droit conditionnel en ce sens
que son sort dépend d'un événement futur sans lequel son existence

248
(' ) A.M. STRANART, op. cit., R.D.C., 1985, 751; J. van COMPERNOLLE, Examen
de jurisprudence (1972-1985) Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987. p. 438, n°
31; contra Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, p. 510, col. 2 («il est interdit de recourir à
la saisie-arrêt lorsque la créance du saisissant est affectée ... d'une condition suspensive» mais voy. p.
511: «l'article 1180 du Code civil admet, en effet, que le créancier conditionnel peut, avant que la
condition soit accomplie, exercer tous les actes conservatoires de son droit» ; il est vrai que cette
considération est formulée (de manière inadéquate) à propos de la créance objet de la saisie-arrêt,
supra, n" 49, note 363); D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 94. Avant le Code judiciaire, cette
solution était rejetée pour la saisie-arrêt compte tenu de son caractère mixte où prévalait l'aspect
exécutoire (Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 67; Y. HANNEQUART, La condition,
Les Novelles, Droit civil, T. IV, 2, n° 215, p. 417). La saisie conservatoire étant à présent
indépendante de la saisie-exécution, la solution antérieure ne peut plus être admise.
1249
( ) R.P.D.B., Compl. 1, Divorce et séparation de corps, n"s 241, 242 et 245; Civ. Liège,
ch.s., 24 juin 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte. II. Art. 1415, n° 2/6 et Art. 1494,
n" 2/19 ; comp. infra, n° 267 B.
1250
( ) Au sujet de l'exigibilité, infra, n" 162. Dès la transcription du divorce, il y a exigibilité
indépendamment de toute insolvabilité actuellement établie.
1251
( ) Comp. G.L. BALLON, Dwangsom, A.P.R .. 1980, p. 42, n"s 113-114. Voy. aussi
Cass. Fr., 13 mai 1987, Gaz. Pal., 4-5 novembre 1987, Sommaires annotés de la Cour de cassation, p.
14 et note M. VERON.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 303

serait inconcevable. L'événement ne se superpose pas au droit,


comme la condition, mais constitue un de ses éléments intrinsè-
ques, essentiels» (1 252 ). On peut initier une saisie conservatoire
sur le fondement d'une créance éventuelle pour autant que les
chances de réalisation de l'événement qui la rendra actuelle soient
suffisamment sérieuses ( 1253 ).
Ainsi, moyennant le respect des articles 1413 et 1415
(1 254), même avant d'avoir payé, la caution peut garantir le
recouvrement de sa créance éventuelle contre le débiteur principal
ou les autres cautions en sollicitant du ju~e des saisies l'autorisation
de pratiquer une saisie conservatoire (1 55 ) (1 256 ). De même, une
créance d'aliments portant sur des échéances lointaines dont la
débition est liée à l'évolution de la situation des parties peut être à
la fois éventuelle et suffisamment certaine pour pratiquer une saisie
conservatoire. De même, le donneur d'ordre pourrait saisir-arrêter
à charge du bénéficiaire la garantie à première demande pour
sûreté de la créance qu'il acquerrait envers le bénéficiaire à la suite
du paiement de la garantie appelée abusivement (' 257 ).

1252
( ) H. DE PAGE, Traité de droit civil. T. I. n" 171.
(1 253 )
A.M. STRANART, op. cit.. R.D.C., 1985, 751. L'auteur cite comme exemple
l'obtention de la condamnation du débiteur par le juge du fond. A notre avis, cet exemple n'est pas
judicieux car une créance rendue contentieuse en vue d'obtenir un titre exécutoire peut être
incontestable ou peu sérieusement contestable dès avant le jugement de condamnation qui revêt un
caractère déclaratif alors qu'un droit éventuel opère sans rétroactivité (DE PAGE. T. Ln" 171 :
supra. n" 153 et note 1244 : infra, note 1283).
(1 254 ) Au sujet de l'exigibilité, infra, n"s 159 à 163 (à cc niveau. on précise que l'insolvabilité
actuelle établit à la fois la célérité et l'exigibilité).
1255
( ) Ph. SIMLER, Le cautionnement, Librairies techniques. Paris. 1982. p. 409, n" 412 et
p. 419, n° 420: Civ. Liège, ch.s .. 22 mai 1987, J.L.M.B., 1987. 1000 (cette décision admet une
dérogation à la condition d'exigibilité en vertu de l'art. 2032. C. civ. - réf. DE PAGE, T. VI. n" 934
- et relève que la saisie conservatoire du mobilier du débiteur ne met pas en danger les facultés
contributives de celui-ci): contra Civ. Bruxelles, ch.s., 31 octobre 1977, Jurisprudence du Code
judiciaire, Art. 1415, n" 3/9 et Civ. Neufchâteau. ch.s., 17 novembre 1981. Jurisprudence du Code
judiciaire, Art. 1415, n" 3/11.
('"") C'est à tort qu'il a été décidé que la créance d'une personne à l'égard de la caution non
solidaire, n'est ni exigible, ni certaine, ni liquide avant discussion du débiteur principal (Anvers. 17
mai 1977. Rec. enr., 1978, 317: R.W .. 1977-1978. 1571) car dès l'instant où le débiteur principal ne
s'exécute pas à l'échéance, l'obligation de la caution correspond à une créance certaine exigible et
liquide du créancier. le bénéfice de discussion soumis à certaines conditions (art. 2022 et s .. C. civ.)
· impliquant la licéité des poursuites (DE PAGE, T. VI, n" 878: Ph. SIMLER. op. cit.. p. 279, n° 274
et p. 287, n" 282; Bordeaux, 29 mai 1840. 2, 358).
1257
( ) Contra L. SIMONT. Les garanties indépendantes, Rev. Banque, 1983. 604 qui estime
que la créance du donneur d'ordre ne naît que par le paiement de la garantie au bénéficiaire : même si
l'injonction de ne pas payer ordonnée par le juge des référés semble mieux adaptée à une telle
situation (G. de LEVAL, Saisies et droit commercial. in Les créanciers et le droit de la faillite.
Bruxelles. Bruylant. 1983, 313) le donneur d'ordre informé de l'imminence d'une demande de
réalisation de la garantie est dès cc moment titulaire d'un principe certain de créance (voy. Annexe 1,
n" 14).
304 TRAITÉ DES SAISIES

Par contre, une simple expectative (1 258 ) n'étant pas


juridiquement protégée, elle ne peut justifier aucune saisie conser-
vatoire.

156) Le moyen de compensation invoqué comme mode d'extinction


totale ou partielle de la créance du saisissant.

Lors de l'instance contradictoire en mainlevée, le saisi peut


invoquer contre le saisissant une créance susceptible d'éteindre par
compensation la créance cause de la saisie ( 1259 ). Le caractère
certain de la créance doit être apprécié de la même manière pour le
saisissant et pour le saisi ; dans un cas comme dans l'autre, la
créance doit, quoique contestée, conserver une apparence de
fondement. Ce n'est que si le moyen de compensation (légale ou
judiciaire) se présente comme étant suffisamment sérieux que, sans
pr~udice au principal, la saisie conservatoire ne sera pas maintenue
(1 2 ). Tel n'est généralement pas le cas ; face à une créance
difficilement contestable du saisissant, le saisi se prévaut souvent,
pour les seuls besoins de la cause, d'une créance insuffisamment
consistante pour enlever le caractère de certitude suffisante à la
créance du saisissant ( 1261 ). Toutefois, il est intéressant de signaler
l'hypothèse où la saisie étant pour l'essentiel abusivement prati-
quée, le juge des saisies accorde au saisi des dommages-intérêts

(1 258) DE PAGE (T. I, n" 172) «appelle ainsi les conséquences favorables qu'un individu
peut escompter d'une situation de droit, dont il ne s'est pas réservé le bénéfice par un acte formel et
précis, ou que la loi interdit de se réserver dès ores : ainsi, la vocation héréditaire d'un parent encore
en vie».
(1 259 ) De même, le saisi peut invoquer l'existence d'une créance en vue d'entraver la voie
d'exécution dirigée contre lui (G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège,
1978-1979, p. 356-357, n"s 49 et 50; voy. aussi infra, n"s 229 A et 232 B et 278).
121 0
( ' ) Il ne s'agit donc pas nécessairement à ce stade de constater l'extinction d'un droit par
voie de compensation mais d'interdire la mesure conservatoire en faveur de cc droit qui pourrait être
éteint par compensation et dès lors ne plus présenter le caractère suffisamment certain exigé par
l'article 1415 ; ainsi, il ressort d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 15 octobre 1985 (R.G. n"
220/83) que la créance n'est pas certaine lorsque le caractère douteux de celle-ci ne résulte pas d'une
simple dénégation ou contestation du débiteur mais prend appui sur une compensation éventuelle
étayée par de la correspondance produite par l'intimé (au sujet de la créance certaine en matière de
compensation, voy. 1. MOREAU-MARGREVE, La clause de suspension de garantie en matière
d'assurance, Nouvel épisode, R.G.A.R., 1986, n" 11088 B).
1261
( ) Bruxelles, JO juin 1976, Pas., 1977, Il, 96; Liège, IO octobre 1984, Jur. Liège, 1985, 4
et note 1 ; Civ. Liège, 26 avril 1978 et 27 juin 1979 cités par G. de LEVAL, Saisies conservatoires et
voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 351, n°s 22 et 23; Toulouse, 29 juin 1960, J.C.P.,
Avoués, IV, 1961, 11 ; voy. aussi Civ. Tournai, ch.s., 12 septembre 1986, R.G. n° 22.800 (le saisi
produit une facture dont il ne s'est pas prévalu lors de l'instance au fond tandis que le saisissant
conteste énergiquement une prétendue dette ; à défaut de certitude suffisante la créance invoquée ne
peut être compensée avec celle du poursuivant).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 305

d'un montant égal à la somme effectivement due par celui-ci au


saisissant de telle sorte que la saisie conservatoire peut être levée
(1262).

157) Inapplication de la règle «le criminel tient le civil en état».

La règle «le criminel tient le civil en état» (art. 4, C.I.Cr.)


dont la mise en oeuvre exige que l'action publique soit effective-
ment intentée (1 263) et que l'action civile soit relative à des points
qui sont communs à l'action publique n'est pas applicable lorsqu'il
s'agit d'ordonner des mesures avant dire droit, provisoires ou
conservatoires. En effet, cette règle vise seulement à éviter une
contrariété entre la décision au fond rendue par la juridiction civile
et la décision rendue sur l'action publique ; or, les mesures
précitées ne portent pas préjudice au principal de telle sorte que le
risque redouté de contrariété est, à ce niveau, inexistant (1 264 ).
La créance de dommages-intérêts de la victime d'une
infraction peut donc justifier une saisie conservatoire pour autant
qu'elle satisfasse aux conditions de l'article 1415 du Code judiciaire,
sans qu'en soi l'intentement de l'action publique ne puisse y faire
obstacle (1 265 ). Il n'est toutefois pas impossible que dans les cas

(1 262 ) Cass. Fr., 11janvier1978. Bull., 1978, V, p. 21. n° 31: «Lorsque après règlement par
le redevable du montant d'une contrainte afférente à des cotisations de sécurité sociale, une saisie-
arrêt a été pratiquée pour ce montant, augmenté des frais restant dus, lesquels non indiqués au
cotisant, avaient été abusivement majorés par l'huissier, le comportement de la Caisse, dont la liaison
avec son huissier a été inexistante, est constitutif d'une faute grossière justifiant sa condamnation à
des dommages-intérêts envers le redevable. Et le montant de ces dommages-intérêts, dont
l'évaluation échappe au contrôle de la Cour de cassation, étant égal à celui de la somme restant duc
pour les frais, les deux dettes se compensent, de telle sorte que les juges du fond peuvent donner
mainlevée de la saisie-arrêt» (sommaire).
263
(' ) C'est-à-dire que le magistrat instructeur ou la juridiction répressive soit effectivement
saisi ; une plainte suivie d'une simple information du parquet, en dehors d'une mise à l'instruction. ne
peut donc imposer la suspension d'une instance civile (A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile,
Liège, 1985, p. 438. n° 635).
1264
( ) Par contre. l'adage reçoit application lorsque le juge des saisies statue au fond ; tel est le
cas en matière d'action en revendication (art. 1514, C. jud., Civ. Anvers, ch.s., 28 mars 1986, R.W.,
1986-1987, 613).
(1 265 ) Anvers, 6 novembre 1984, R.W., 1985-1986, 689; Bruxelles, 2 septembre 1986, 16ème
ch., R.Req., n° 77/86, Inédit (cet arrêt fait référence aux préventions retenues par la chambre du
Conseil); Mons, 7ème ch., 29 juin 1987, R.G., n° 10.785 (en l'espèce, le moyen était soulevé par le
saisissant assigné en mainlevée par le saisi); Civ. Tongres, ch.s., 19 janvier 1978, R.G., n" 128/78 et
Civ. Liège, ch.s., 13 février 1980. R.G. n° 39.039/79 cités par G. de LEVAL, Aspects actuels du
droit des saisies, J.T., 1980, p. 627, n° 14; Civ. Namur, ch.s., 18 septembre 1981, Rev. Rég. Dr.,
1982, 53; Civ. Liège, 18 avril 1984, Jur. Liège, 1986, 68; Civ. Bruxelles, ch.s., 10 juillet 1986, R.G.
n" 19.521; voy. aussi Cass. Fr., 12 décembre 1984, Gaz. Pal., 16-18 juin 1985, Pan., 126 et R.
PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1985, p. 453, n°
1411; Cass. Fr., 15 décembre 1986, Bull., 1986, II, p. 130, n" 191.
306 TRAITÉ DES SAISIES

délicats le juge des saisies apprécie plus sévèrement la certitude de


la créance (ce qui implique l'examen sommaire de la matérialité des
faits et de la culpabilité du saisi) avant d'autoriser une saisie
conservatoire car il n'est pas exclu que lorsque l'action publique est
en cours, une décision défavorable à la défense, même si elle ne
porte pas préjudice au fond, puisse affaiblir la présomption
d'innocence (1 266 ) (' 267 ).

158) Créance certaine et décision étrangère.

A. - Indépendamment de la question si une décision étran-


gère peut constituer en soi une décision de justice au sens de
l'article 1414 permettant, sans contrôle préalable des Juridictions
nationales, de pratiquer une saisie conservatoire (1 26 ), il arrive
que le bénéficiaire d'une telle décision invoque celle-ci devant le
juge des saisies afin d'obtenir l'autorisation de pratiquer une saisie
conservatoire. Dans la mesure où un jugement de condamnation
(1 269) a, sans exequatur, autorité de chose jugée en Belgique (tel
est le cas spécialement du jugement rendu dans un Etat membre de
la Communauté économique européenne auquel s'applique la
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968), Je juge des saisies
est nécessairement lié par ce qui a été décidé en ce iui concerne Je
caractère certain, exigible et liquide de la créance (' 0).

Indépendamment de sa régularité internationale et sans


contrôle préalable, un jugement étranger peut encore être pris en
considération non pas en tant que tel mais pour sa force probante

1266
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 5 mai 1986, R.G. n" 21.246, Jurisprudence du Code judiciaire,
Art. 1415. n° 1/4 ter; voy. aussi Civ. Bruges. 4 mars 1986, T.Not., 1986, 152. Cc risque est plus réel
en cas de référé-provision où le juge doit constater l'existence d'une obligation à cc point certaine
qu'elle n'est pas susceptible d'être différemment appréciée par le juge du fond (supra, n" 152, in
fine).
1267
( ) A fortiori, le simple fait de l'existence d'une inculpation répressive ne peut, à peine de
méconnaître la présomption d'innocence, entraîner ipso facto. la réunion des conditions exigées par
les articles 1413 et 1415 du Code judiciaire (Civ. Bruxelles, ch.s., 15 juin 1987. R.G .. n" 33.995) mais
les éléments du dossier répressif peuvent établir, in concreto, la réunion de ces conditions (Civ.
Bruxelles, ch.s., 27 janvier 1987, A.R., n"s 31.100 et 31.913).
1268
( ) Infra, n" 170.
269
(' Il doit s'agir d'une condamnation au fond et non d'une simple autorisation de saisir
)
(Bruxelles, 24 juin 1977, Pas., 1978. IL 27).
12711
( ) P. GOTHOT, L'exécution des décisions judiciaires et actes étrangers selon le Traité de
Bruxelles du 27 septembre 1968, in Les voies conservatoires et d'exécution. Bilan et perspective. Ed.
Jeune Barreau Bruxelles. 1982, 276-277.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 307
1271
( ) de telle sorte que le juge des saisies pourra y trouver une
preuve suffisante de la créance du saisissant (1 272 ). Ainsi, il a été
décidé que la production d'une décision étrangère qui ne constitue
ni un titre exécutoire en Belgique ni même un titre, permet de faire
la preuve d'une créance certaine, exigible et liquide au sens de
l'article 1415 du Code judiciaire, sans qu'il faille avoir égard à
l'issue de la procédure en~a~ée en vue de la reconnaissance et de
l'exécution de la décision ( 2 ) (1 274 ).
B. - De manière générale, lorsqu'il apprécie au stade
conservatoire les caractères de la créance du saisissant, le juge a
égard aux règles de droit positif applicables au fond du litige pour
autant qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public du for
(1275).
Au stade de l'autorisation de saisir, une telle approche sera
nécessairement sommaire ; c'est spécialement au niveau du recours
éventuel du saisi que le prise en considération du droit étranger
peut avoir lieu. En toute hypothèse, le contenu de celui-ci ne peut
que sous-tendre les conditions de fond (célérité, caractères de la
créance) et de forme de la saisie qui sont celles du droit belge.
Enfin, rien ne s'opposerait à ce qu'il soit fait application au
stade conservatoire de la théorie de la «suppléance de la lex fori » :
«lorsque le juge doit appliquer la loi étrangère, cette application ne
s'impose toutefois que sous la réserve, non seulement de l'ordre
public international, mais aussi de la suppléance de la lex fori,

271
(' ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Ed. Jupiter, 1985, p. 143, n° 252 (le jugement est envisagé non comme acte juridictionnel mais
comme« instrument qui peut comme tel faire foi des circonstances ou des opérations personnellement
constatées ou accomplies par l'autorité étrangère (aveu, serment, résultats d'enquêtes, d'expertises,
de descentes sur les lieux, etc.) en vue de rendre la décision»).
1272
( ) «La force probante d'une décision étrangère est laissée à l'appréciation souveraine du
juge belge» (R. VANDER ELST, Les aspects internationaux du droit de l'exécution scion le Code
judiciaire et les traités bilatéraux conclus par la Belgique in Les voies conservatoires et d'exécution,
Ed. Jeune Barreau Bruxelles. 1982. p. 250 ; voy. aussi M. FALLON, La preuve en droit international
privé belge, Revue juridique et politique, 1985, p. 513-514 qui écrit notamment: «La force probante
intrinsèque touche aux faits matériels et à la teneur des pièces personnellement constatées par
l'auteur de la décision ou de l'acte public étranger. l'autorité de l'Etat requis en apprécie la portée en
fait et peut refuser de tenir compte des faits matériels rapportés sur la base d'autres éléments qui lui
sont soumis et ont fait l'objet d'un débat contradictoire. Un tel refus sera assez rare» (n" 7, p. 513).
Voy. aussi Cass. Fr., 19 juin 1963, Rcv. Crit. D.l.P., 1965, 366 et J. VELU, concl. préc. Cass., 14
avril 1983, Pas., 1983, 1, 892, note 130.
1273
( ) Liège, 6 mai 1976, Jur. Liège, 1976-1977, 41 ; adde. Bruxelles, 14 juillet 1955, J.P.A.,
1955, 408.
1274
( ) lnversément, une mainlevée pourrait reposer sur des éléments de fait énoncés dans une
décision étrangère (M. REMOND-GOUILLOUD, note sous Cass. Fr., 13 mars 1985, Rev. crit.
D.1.P., 1986, 517-519).
1275
( ) Trib. Gde Inst. Paris, Réf. 29 novembre 1972, Clunet 1973, 227 et note KAHN, sp. p.
236-238; Versailles, 13 mai 1986, Dall., 1987. Sommaires commentés, 348, obs. B. AUDIT.
308 TRAITÉ DES SAISIES

notamment en raison de l'urgence, dans la mesure où la loi


étrangère ne peut s'appliquer immédiatement et pour autant que la
lex fori ne s1Wplée que provisoirement à la loi normalement
applicable» (1 2 ) .

§ 2. - Exigibilité.

159) La difficile justification du principe.


«Si le créancier à terme ne peut faire d'actes d'exécution,
on lui reconnaît, par une application analogique de l'article 1180,
C. civ., édicté pour les obligations conditionnelles, le droit de faire
des actes conservatoires avant l'échéance» {1 277 ). Pourtant, alors
que ce texte envisage «tous les actes conservatoires», le Code
judiciaire déroge à la règle en posant comme principe que la saisie
conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance exigible
(1 278). Un tel principe se justifierait si la saisie, à l'instar de la
saisie-arrêt telle qu'elle était réglementée par l'ancien C.P.C.,
présentait un caractère mixte en ce sens que conservatoire à ses
débuts elle se transformerait en fin de procédure en voie d'exécu-
tion, c'est-à-dire en paiement forcé or «ce qui n'est dû qu'à terme,
ne peut être exigé avant l'échéance du terme» (art. 1186, C. civ.).
Aujourd'hui, il y a dissociation com~lète entre les saisies conserva-
toires et les saisies-exécutions (1 2 ) ; la saisie conservatoire ne
tend qu'à la sauvegarde des biens qui forment le gage du créancier,
c'est-à-dire à l'immobilisation de tout ou partie du patrimoine du
débiteur et non au paiement immédiat de ce qui n'est dû à terme.
Ce n'est pas parce qu'une mesure conservatoire produit un effet
d'indisponibilité plus ou moins intense {1 280 ) que la saisie perdrait
son caractère conservatoire puisque le paiement n'a pas lieu ( 1281 ).

(1 276 ) Cass., 12 décembre 1985, Rev. Not .. 1986, 353 et note R. VANDER ELST,
Observations sur la suppléance de la lex fori.
{1 277 ) M. VANWIJCK-ALEXANDRE, Aspects nouveaux de la protection du créancier à
terme, Coll. Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1982, p. 231, n° 111.
1278
( ) lb., p. 233.
(1 279 ) Une saisie-exécution peut être pratiquée sans saisie conservatoire préalable et la
transformation de celle-ci en mesure d'exécution ne présente aucun automatisme.
1280
( ) Cet aspect est le seul retenu par le Rapport VAN REEPINGHEN pour justifier la
condition d'exigibilité en cas de saisie-arrêt conservatoire (Pasin., 1967, 510). La même intensité ne
se retrouve pas en cas de saisie mobilière ou immobilière conservatoire (lb., p. 1002).
1281
( ) Il est juridiquement inexact d'affirmer qu'en empêchant le saisi de disposer de ce qui lui

revient (ce qui ne vaut généralement que pour la saisie-arrêt de sommes). le poursuivant le contraint
indirectement à payer tout de suite ce qu'il ne doit qu'à terme (E. GLASSON, R. MOREL, A.
TISSIER. T. IV, n° 1091, p. 195). Non seulement le saisi peut neutraliser cet effet en cantonnant
mais aussi le paiement ne se produit qu'au moment de la répartition après l'exécution.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 309

Il est d'autant moins justifiable d'imposer l'exigibilité de la


créance que si la condition est un événement de réalisation
incertaine (1 282), il y a, en cas de dette à terme, certitude sur
l'événement futur.
Après avoir défini la créance exigible (n° 160), il importera
de vérifier si le débat ne devient pas purement académique dans la
mesure où la rigueur du principe est fortement atténuée par des
exceptions de droit civil (art. 1187 et 1188, C. civ.) et de droit
judiciaire (art. 1415, al. 2 et 1416, C. jud.) (n°s 161à163).

160) La créance exigible.

Une créance est exigible lorsqu'elle est actuellement due,


lorsqu'elle permet au créancier d'exiger le paiement immédiat, geu
imp,orte le moment auquel il disposera d'un titre exécutoire ( 83 )
12 4
( ). Le fait qu'un terme de grâce soit susceptible d'être octroyé
par le juge du fond (1 285 ), n'empêche pas le juge des saisies de
constater le caractère exigible de la dette (1 286).
En principe, la totalité de la créance doit être exigible au
jour de l'autorisation et en l'absence d'autorisation au jour de l'acte
de saisie (1 287 ) de telle sorte que si un créancier saisit conservatoi-
rement pour une créance exigible et pour une créance dont le terme
n'est pas échu, la procédure est partiellement valable dans la
mesure où elle a pour cause la créance exigible (1 288 ).

282
(' ) Or une créance conditionnelle (supra, n° 154) peut être suffisamment certaine pour
saisir conservatoirement.
283
(' ) Une dette échue n'est pas nécessairement susceptible d'exécution forcée immédiate car
entre la date de léchéance et celle de lexécution peut prendre place une procédure diligentée en vue
d'obtenir un titre exécutoire. Bref, une créance peut être exigible sans être exécutoire et dès avant
une mise en demeure ou l'introduction d'une procédure au fond (Civ. Huy, ch.s., 11avril1983. Jur.
Liège, 1983, 309; au sujet de l'échéance de la dette en cours d'instance, voy. M. VANWIJCK-
ALEXANDRE, op. cit., p. 217, n" 108).
1284
( ) Ainsi, le remboursement du solde débiteur résultant d'un dépassement en compte né
d'une simple tolérance du banquier doit être tenu pour exigible à tout moment (Civ. Bruxelles, ch.s.,
25 septembre 1986, R.G., n" 25.121 ; adde. Bruxelles, 16 avril 1987, J.T., 1987, 575).
1285
( ) Infra, n° 163 B et note 1313.
1286
( ) Voy. au sujet de l'art. 1900, C. civ., Civ. Liège, ch.s., 19 avril 1978, J.L., 1978-1979, p.
352, n° 26.
1287
( ) K. BAERT, Algemene beginselen van bewarend beslag, T.P.R., 1980, p. 285, n° 15;
comp. et contra D. CHABOT-LEONARD, op. cil., p. 98.
1288
( ) E. VIEUJEAN, Terme de droit suspensif, Les Novelles, Droit civil, T. IV, n"s 259,
272 et 273.
310 TRAITÉ DES SAISIES

A notre avis, ces principes doivent être nuancés dans


l'hypothèse où la créance devient exigible en cours d'instance de
mainlevée car de même que la demande au fond est recevable si la
dette vient à échéance en cours d'instance ( 1289 ), de même doit-on
admettre que la saisie conservatoire peut être maintenue, à sa date
(1 290), si la condition d'exigibilité est satisfaite au moment où le
juge des saisies statue sur une demande de mainlevée.
La règle de l'exigibilité ne concerne pas les intérêts à échoir
car ils constituent des revenus périodiques au sens de l'article 1415,
alinéa 2 (1 291 ).
Il est admis en jurisprudence que la clause prévoyant que
les paiements se font trente jours fin de mois à la réception de la
facture n'établit pas un terme de droit soumis à la règle énoncée à
l'article 1186 du Code civil, mais seulement des facilités de
paiement en cas d'exécution volontaire (' 292 ), c'est-à-dire une
simple tolérance.
Enfin, la condition d'exigibilité est satisfaite lorsque le
débiteur a expressément ou implicitement renoncé au bénéfice du
terme ( 1293 ).

161) Terme en faveur du créancier.

«Le terme est toujours présumé stipulé en faveur du


débiteur, à moins qu'il ne résulte de la stipulation, ou des
circonstances, qu'il a été aussi convenu en faveur du créancier»
(art. 1187, C. civ.). Cette présomption fait application du principe

289
(' ) M. VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cil., p. 217, n" 108 et réf. cit.
290
(' ) Comp. lorsqu'il s'agit d'une autorisation suppléant aux indigences du titre, infra, n°s
174 et 191.
291
(' Infra, n°s 163 et 166.
)
1292
( Civ. Liège, Réf., 2 janvier 1970, Jur. Liège, 1969-1970, 235; Civ. Liège, ch.s., 8
)

décembre 1982, Jurisprudence du Code judiciaire. La Charte, T. Il, Art. 1415, n" 512. Encore que
cette jurisprudence soit contestée par Mme STRANART (op. cit.. R.D.C., 1985, 757) qui voit dans
cette clause un terme exprès, ne peut-on, même dans cette thèse, avancer. eu égard au contexte
particulier dans lequel s'insère une telle clause (comp. art. 1415, al. 2. infra. n" 163) que le terme
ayant comme justification la confiance que le créancier a accordé à son débiteur, la bonne foi dans les
relations contractuelles met à charge de celui-ci une obligation, exigible à tout moment, de ne pas
porter atteinte à la confiance du créancier de telle sorte qu'en cas de manquement prévisible du
débiteur, le créancier peut agir immédiatement à tout le moins au stade conservatoire (voy. M.
VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cit., p. 529-530, n" 255; voy. aussi infra, n" 162).
1293
( ) Ch. LEURQUIN, Code, n" 62; E. VIEUJEAN, op. cit., n" 271.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 311

contenu dans l'article 1162 du Code civil ( 1294 ). Des exceptions


peuvent y être apportées par le législateur, en matière de dépôt par
exemple (' 295 ), ou par la volonté expresse ou tacite des parties.
Dans ce cas, le créancier peut renoncer au terme, exiger un
paiement immédiat et pratiquer, le cas échéant, une saisie conser-
vatoire. Il n'en va pas de même si le terme est stipulé à la fois en
faveur du créancier et du débiteur (' 296).

162) La déchéance du terme et la déconfiture.

La déchéance du terme encourue par le débiteur «lorsqu'il


a fait faillite, ou lorsque par son fait, il a diminué les sûretés qu'il
avait données par le contrat à son créancier» (art. 1188, C. civ.)
297
(' ), permet au créancier de pratiquer, immédiatement et sans
devoir faire prononcer la déchéance du terme, une saisie conserva-
toire.
La jurisprudence applique également l'article 1188 du
Code civil à la non constitution des sûretés promises et à la
déconfiture du débiteur. Toutefois, en ce cas, la déchéance n'est gas
encourue de plein droit ; elle doit être demandée en justice (' 2 8).
Si on ne peut déduire de cette extension une «généralisation de la
déchéance du terme à toutes les hypothèses où le créancier
établirait, même avec certitude, qu'il y aura inexécution du débi-

294
(' E. VIEUJEAN, op. cit., n" 154.
)
295
(' «Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame, lors même que le
)
contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution» (art. 1944, initio. C. civ.).
1296
( ) H. DE PAGE, T. V, n° 1.
1297
( ) Il doit s'agir de sûretés données par le contrat; il n'y a pas déchéance du terme lorsque
le débiteur d'une créance à terme compromet par son fait le droit de gage général qui appartient à son
créancier sur tous ses biens ou lorsqu'il diminue par son fait une sûreté purement légale (ex.
privilèges généraux). Par contre. l'article 1188 du Code civil s'applique aux privilèges qui s'expliquent
par une convention tacite intervenue entre le créancier et le débiteur. Tel est le cas du privilège du
vendeur (art. 20, 5° de la loi hypothécaire) qui a accepté de mettre une valeur dans le patrimoine du
débiteur à condition d'obtenir un paiement préférentiel sur la valeur de la chose vendue. C'est
pourquoi le vendeur de meubles non payés peut, en cas de revente, saisir-arrêter le prix dû à son
acheteur même si le délai de paiement consenti à celui-ci n'est pas arrivé à échéance (E. VIEUJEAN,
op. cil., n"s 286 à 288; Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 64, note 5, p. 100; E.
GLASSON, R. MOREL et A. TJSSIER, op. cit., T. IV, p. 196, n° 1091).
298
(' ) M. VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cit., n" 147, p. 317-318 et réf. cil.; l'auteur
précisant que l'assimilation de la déconfiture à la faillite trouve une base décisive dans les travaux
préparatoires et dans d'autres dispositions du Code civil (art. 1613, 1913, 2032, 2°, C. civ.; voy. aussi
l'art. 1337, C. jud.). Au demeurant, on assimile aussi à ce stade le concordat judiciaire et le sursis de
paiement à la faillite (P. VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence, Les obligations,
R.C.J.B., 1975, p. 650, n" 86; Mons, 20 mai 1975, Pas., 1976, Il, 53).
312 TRAITÉ DES SAISIES

teur à l'échéance» (1 299 ), il importe de souligner qu'en matière de


saisie conservatoire, cette extension jurisprudentielle supprime la
condition d'exigibilité chaque fois que le créancier aura établi
devant le juge des saisies que le débiteur est insolvable ou
notoirement hors d'état de faire face à ses échéances présentes ou
futures (1300), bref, qu'il y a une célérité caractérisée en ce sens
qu'il ne suffit pas d'établir qu'il y a risque d'insolvabilité mais que
celle-ci (volontaire ou non) est dès à présent réalisée ( 1301 ).
Ainsi, se trouve considérablement tempérée, ~ar une
exception d'ordre général, la condition d'exigibilité (1 2). La °
déconfiture n'est plus seulement la constatation de la situation du
débiteur non commerçant dont les biens ne suffisent pas au
paiement de ses dettes mais surtout la réglementation des effets
produits par une telle situation tant au niveau de la mise en oeuvre
de la saisie conservatoire qu'à celui du respect de la loi du concours
(1303).

163) Créance de revenus périodiques à échoir.

A. - Règle générale.
L'article 1415, alinéa 2 permet de pratiquer une saisie
conservatoire «pour sûreté d'une créance de revenus périodiques à
échoir lorsque le règlement de ceux-ci est en péril», c'est-à-dire sur
le fondement d'une créance non exigible. Cette exception à l'article
1415, alinéa 1er, introduite dans le Code judiciaire pour protéger
davantage les créanciers d'aliments ( 1304), s'applique à toutes les

1299
( ) M. VANWIJCK-ALEXANDRE. op. cit.. p. 318.
(1 31") G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1982, n° 57, p. 50-51 ; M. VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cit., p. 324, note 4.
1301
( ) Comp. art. 304, C.l.R. (infra n" 222 A. note 1819) rendant immédiatement exigibles,
au stade de l'exécution, les impôts lorsque les droits du Trésor sont en péril.
(1 3112 ) Mme STRANART aboutit à une conclusion semblable mais en estimant que l'atténua-
tion parfaitement légale de cette condition résulte de l'interprétation extensive qu'il est permis de
donner à l'exigence de certitude (Les conditions générales des saisies conservatoires, R.D.C., 1985,
758-759).
(1 303 ) Supra, n° 107.
(1 3114 ) Civ. Tournai, ch.s.. 13 septembre 1985, R.G. n° 21.221 : «L'article 1415, al. 2 du Code
judiciaire applique expressément aux saisies conservatoires le principe de l'action préventive défini à
l'article 18, al. 2 du même Code en permettant de saisir conservatoirement pour sûreté d'une créance
de revenus périodiques à échoir lorsque le règlement de ceux-ci est en péril».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 313

autres créances de revenus périodiques à échoir tels les intérêts, les


loyers, les commissions périodiques ( 1305 ) (1 306).

Il est normal que la protection du créancier soit renforcée


lorsque sa créance se renouvelle à intervalles réguliers car il est
beaucoup plus tributaire de la solvabilité et de la bonne foi de son
débiteur lorsqu'il se trouve dans une relation juridique prolongée
que lorsque celle-ci se dénoue de manière instantanée par un seul
paiement. La crainte de l'avenir exige, à juste titre, le renforcement
de la protection du créancier qui établit que le cas requière célérité.
Certes, il ne s'agit pas d'exiger le paiement immédiat de termes à
échoir mais il s'agit d'en §arantir le règlement au fur et à mesure de
leur échéance future ( 13 7). Cette règle conserve sa raison d'être
nonobstant la déchéance du terme en cas de déconfiture du
débiteur car, il arrive qu'en l'absence de déconfiture actuelle, le cas
requière dès à présent célérité ( 1308 ). Bref, ici le seul risque
d'insolvabilité joint à la nature de la créance suffit pour justifier la
mesure conservatoire.

B. - Règle spéciale en ce qui concerne le délai de grâce.

Le délai de grâce ( 1309), accordé par décision de justice


1310
( ) nonobstant toute clause contraire et, le cas échéant, d'office
1311
( ), ne peut empêcher une saisie conservatoire ; il n'est point un
obstacle à la compensation (art. 1292, C. civ.), mais, le plus
souvent, il contraint, en matière d'obligations de sommes, le
créancier à subir le paiement fractionné d'une dette alors que son

1305
( ) Rapport VAN REEPINGHEN. 1967, 507; M. VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cit.,
p. 324, n° 149 et p. 423, n° 188 ; sur la rédaction de l'acte de saisie, voy. infra, n° 180, 3°.
(1 306) A notre avis, cette règle générale vaut aussi en cas de saisie-gagerie même si celle-ci a
lieu pour garantir le paiement des loyers et fermages échus (art. 1461, C. jud. ; voy. G. de LEVAL,
La saisie mobilière, Rép. Not., n° 143).
1307
( ) En ce cas, il sera possible de combiner la saisie conservatoire destinée à garantir les
termes à échoir avec la saisie-exécution permettant d'obtenir le paiement des termes échus (infra, n°s
226 et 227).
(1 308 ) Supra. n° 162.
1309
( ) Nonobstant l'expression «terme de grâce» utilisée dans l'article 1416 (mais non dans les
articles 1063, 3° et 1333 à 1337, C. jud.), il n'est pas possible d'assimiler le délai de grâce au terme de
droit (!. MOREAU-MARGREVE, Contribution à la théorie de l'effet du délai de grâce sur
l'obligation du débiteur, R.C.J.B., 1966, sp. p. 421à427, 429, 432 et 458; comp. art. 1342, al. 2. C.
jud. modifié par la loi du 29 juillet 1987).
1310
( ) En ce qui concerne les délais de grâce accordés par le juge des saisies, voy. supra, n"s
19 et 20.
(1 311 ) !. MOREAU-MARGREVE, op. cit., R.C.J.B., 1966, 442.
314 TRAITÉ DES SAISIES

titre lui permettait d'exiger un paiement total et immédiat (1312) en


sorte que sa créance devient une créance de revenus périodiques à
échoir.

Toutefois, l'application du droit commun peut produire


des effets incompatibles avec l'octroi d'un délai de grâce car
l'indisponibilité produite par une saisie conservatoire peut enlever
au débiteur toute possibilité de redresser sa situation. C'est
pourquoi de manière générale une décision de justice qui accorde un
délai de grâce ne peut fonder une saisie conservatoire que si le
créancier est expressément autorisé à la pratiquer ( 1313). Tel est
l'objet de l'article 1416 qui ne concerne pas l'exigibilité mais précise
l'exigence de célérité lorsqu'un délai de grâce a été accordé (1314) :
«l'octroi du terme de grâce ne fait pas obstacle à ce que les saisies
conservatoires soient autorisées dans le jugement ou même ulté-
rieurement, sur requête, par le juge des saisies si des circonstances
nouvelles ( 1315 ) justifient le péril en la demeure». Les travaux
préparatoires sont à cet égard très éclairants : «Le terme de grâce a
pour but de donner au débiteur le moyen de revenir à meilleure
fortune. Or, la saisie conservatoire pratiquée sur ses effets, sur ses
comptes et marchandises peut ruiner l'intérêt de la mesure dont il a
bénéficié. En revanche, s'il y a lieu de craindre que le débiteur
n'abuse du délai qui lui est accordé et ne se rende insolvable, le
juge peut subordonner l'octroi de délais à la dation de garanties ou
autoriser une mesure conservatoire ( 1316). On a admis également
que si le juge qui a accordé les délais n'avait pas autorisé une
mesure conservatoire, mais qu'ultérieurement des circonstances
nouvelles fissent apparaître que le débiteur cherche à se rendre
insolvable ou mette le gage de ses créanciers en péril, le juge des
saisies pourrait autoriser une saisie conservatoire. C'est donc le

(rn 2) M. VANWIJCK-ALEXANDRE, op. cil., p. 288, n" 136. C'est pourquoi la demande
de termes et délais est une demande reconventionnelle (G. de LEVAL, observations sur la procédure
relative à la cession de la rémunération, Jur. Liège, 1982, 286; Cass., 10 novembre 1983, J.T., 1985.
143; Pas., 1983, 1, 267 et conclusions de M. le Procureur général E. KRINGS).
1313
( ) En cc sens, l'article 1416 déroge à la situation prévue à l'article 1414 (supra, n" 146).
Toutefois, si antérieurement au jugement, une saisie conservatoire a été autorisée et demeure
efficace, elle ne disparaît pas avec le jugement au fond qui se limite à accorder des délais de grâce
mais, le saisi peut introduire un recours fondé sur l'article 1419, alinéa 2.
114
(L ) G. de LEVAL, obs. sous Civ. Bruxelles, ch.s., 21septembre1981, J.T., 1981, 692.
1315
( ) A.M. STRANART, op. cit., R.D.C., 1985, 758 précise à juste titre que ces
circonstances nouvelles ne doivent pas nécessairement consister en des agissements du débiteur ; la
survenance d'une situation objectivement difficile et nouvelle par rapport à celle prévalant lors de
l'octroi du terme suffit (adde. supra, n° 145).
(1 316 ) C.T. Liège. 17 janvier 1977, Jur. Liège, 1976-1977, 202.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 315

critère général du péril en la demeure, fondement de toutes les


mesures conservatoires, qui, en l'espèce aussi, détermine cette
intervention du juge des saisies. Son autorisation est en pareille
éventualité nécessaire, quelle que soit la saisie même s'il s'agit
d'une saisie-gagerie (1317 ) ou d'une saisie-arrêt (1 318 ) » ( 1319).

§ 3. - Liquidité.

164) Notion et justification.

La créance est liquide lorsque son montant est déterminé


1320
( La saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une
).
créance liquide ou susceptible d'une estimation provisoire (art.
1415). L'assimilation de la créance susceptible d'estimation provi-
soire à la créance liquide a pour conséquence que la condition de
liquidité peut toujours être satisfaite au stade conservatoire. Il
s'agit d'une liquidité en argent ; dans tous les cas, il importe que
soit fixée la somme à concurrence de laquelle la saisie est permise
afin que le débiteur puisse faire obstacle à la saisie ou libérer les
avoirs sur lesquels elle porte en payant ou en cantonnant (art. 1403)
1321
( ) et que le créancier puisse participer à concurrence des causes
de sa saisie à la procédure de répartition (distribution par contribu-
tion, art. 1628 ou ordre, art. 1643 in fine) ( 1322 ). Si le montant de
la dette n'était pas liquidé en monnaie nationale, la suffisance du
versement ou des sommes consignées par le débiteur pourrait être
contestée par le créancier et les prétentions du créancier pourraient
être l'objet de contredits de la part du débiteur ou des autres
créanciers de celui-ci. Il est donc essentiel que dans tous les cas, le

1317
( Art. 1461.
)
1318
( Art. 1445.
)
110
(' ) Rapport Van Reepinghcn, Pasin., 1967, 507; comp. supra, n° 146; voy. en matière de
saisie immobilière conservatoire, Civ. Tournai, ch.s., 8 novembre 1983, J.T., 1985, 144.
13211
( ) Une créance (et inversémcnt une dette) est liquide quand son existence est certaine et
son objet déterminé ; toute dette dont, soit l'existence est incertaine ou dont le montant n'est pas
définitivement fixé, ne présente pas le caractère de liquidité : il faut qu'il soit constant, qu'il est dû et
combien il est dû ; une créance peut être certaine sans être liquide, quand sa quotité n'est pas
déterminée, tandis qu'une créance liquide est nécessairement certaine (R.P.D.B., V" Obligations,
n° 1723, V" Exécution des jugements et des actes en matière civile, n" 92; DE PAGE, T. III, n"
634).
1321
( ) Infra, n° 180. 3".

( 1322 ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982, p. 49, n" 56; J.L. LEDOUX. op. cit., J.T., 1983, p. 489. n" 79; G. de LEVAL, Distribution
par contribution, Rép. Not.. n"s 43, 69, 70 et 76 et Ordre, Rép. Not., n°s 47, 78 et 155.
316 TRAITÉ DES SAISIES

juge fixe la somme à concurrence de laquelle la saisie conservatoire


est permise (art. 1418, al. 2) sans que cette liquidation n'ait pour
effet de réduire l'indisponibilité totale produite par la saisie
conservatoire.
Lorsque le créancier dispose d'un titre ou d'une décision de
justice qui constate l'existence d'une créance à son profit sans que
celle-ci soit liquidée, l'autorisation du juge des saisies est indispen-
sable ( 1323 ). Il importe que la partie saisie soit protégée contre les
abus possibles du poursuivant.

165) Règles d'évaluation du principal.

Au stade conservatoire, le montant de la créance ne peut,


le plus souvent, être déterminé que de manière approximative
spécialement lorsqu'en l'absence de liquidité (1324 ), le juge des
saisies doit procéder à l'estimation provisoire d'une créance indé-
terminée dans son montant. Une telle évaluation est faite par le
juge au vu des éléments et des pièces produits unilatéralement par
le créancier. Si, en principe, le juge peut réduire l'évaluation
proposée par le saisissant ( 1325 ), il arrive souvent qu'à défaut de
pouvoir ordonner à ce niveau une mesure d'instruction, sous peine
de rendre illusoire la protection du créancier ( 1326) et de mécon-
naître le délai de huit jours prévu par l'article 1418, alinéa Ier, le
juge ne dispose pas d'éléments pour retenir un montant différent de
celui qui est suggéré par le requérant. En se bornant à adopter
l'évaluation provisoire de celui-ci, le juge ne supprime pas le
caractère essentiellement précaire d'une telle évaluation ; non
seulement, elle ne lie jamais le juge du fond (art. 1489, al. 2) qui
peut même débouter le créancier de sa demande mais encore elle
est toujours susceptible d'être contestée par le débiteur devant le
juge des saisies qui pourra, dans le cadre d'un débat contradictoire,

1323
( Infra, n°s 169, 172 et 177 A.
)
1324
( La liquidité d'une créance peut toujours être appréciée par le juge des saisies. Ainsi, il a
)
été jugé que dans la liquidation d'une créance justifiée par des factures impayées, le juge peut tenir
compte de l'attitude du saisissant qui, par son fait, a laissé de façon inconsidérée s'accroître sa
créance (Liège, 10 octobre 1984, J.L., 1985, 4). Au sujet d'une créance de revenus périodiques à
échoir, voy. n" 180/3° in fine.
325
(' ) Civ. Neufchâteau, ch.s., 27 février 1981, Jur. Liège, 1981, 205.

( 1326 ) Il y a lieu d'éviter que le mauvais débiteur, dont la dette est certaine sans que le chiffre
soit arrêté ne puisse disposer du temps suffisant pour organiser son insolvabilité (E. GARSONNET
et Ch. CEZAR-BRU, op. cil., T. IV, p. 390, n" 179). L'évaluation provisoire ne peut donc dépendre
d'une mesure d'instruction complémentaire (contra, Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1975, J.T.,
1976, 283).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 317

réviser sa première évaluation. Certes, la réduction des causes de la


saisie ne peut entraîner une mainlevée ~artielle de celle-ci en raison
de son effet d'indisponibilité totale ( 327 ) mais elle permet plus
aisément au débiteur de neutraliser cet effet et d'obtenir la
mainlevée moyennant paiement ou cantonnement ( 1328) ; au sur-
plus, elle assure davantage le respect des droits des créanciers en
concours en limitant une première évaluation exagérée~

166) Les intérêts et les dépens.

Si l'article 1418, alinéa 2 énonce de manière générale que le


juge fixe la somme à concurrence de laquelle la saisie conservatoire
est permise, les articles 1423, 1431, 1° et 1448 prévoient que
l'ordonnance énonce, à peine de nullité ( 1329), les sommes pour
lesquelles la saisie a lieu, c'est-à-dire la somme en principal, les
intérêts et les frais. Les causes de la saisie ne sont donc pas limitées
en principal ; elles s'étendent aux intérêts et aux frais. Il faut
ajouter aux intérêts échus les intérêts à échoir, le cas échéant, en
limitant ceux-ci à une durée limitée dans le temps (1330) ( 1331 ). En
ce qui concerne les frais, il s'af:it en principe des frais ordinaires de
la saisie à mettre en oeuvre ( 332). Ainsi, il est admis que lorsque
la saisie-arrêt est faite en vertu de la permission du juge dont
l'ordonnance énonce la somme pour laquelle la saisie est pratiquée,
le créancier saisissant peut ajouter à l'évaluation provisoire de la
créance ainsi faite par le juge, les frais ordinaires de saisie qui
constituent l'accessoire de la dette ( 1333 ). Lorsque la saisie est
autorisée par le juge des saisies, l'indemnité de procédure ne peut
être doublée car la demande ne tend pas au prononcé d'une
condamnation (art. 3, al. 2 de l'A.R. du 30 novembre 1970 fixant,

1327
( ) Ph. BERTIN, Les pouvoirs actuels du juge des référés en matière de saisie-arrêt, Gaz.

Pal., 26-28 juillet 1981, p. 4, n° 12; Civ. Tournai, ch.s., 28 février 1986, R.G., n" 21.886.
1328
( ) Voy. p. ex. Comm. Liège, 10 novembre 1975, Jur. Liège, 1976-1977, 150; adde. infra,

n" 195 in fine.


(1 329 ) Voy. note 1422.
1330
( ) Supra, n° 160 et infra n° 180, 3° ; voy. aussi l'art. 1403 en matière de cantonnement.
1331
( ) Cette durée ne peut dépasser celle de la saisie conservatoire qui ne peut excéder, sauf
renouvellement ou suspension, trois années.
1332
( ) Il importe cependant de réserver l'hypothèse exceptionnelle (aujourd'hui l'enregistre-
ment des jugements et arrêts a lieu en débet, L. du 19 juin 1986 modifiant le Code des droits
d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe) où par une stipulation expresse le juge liquide la
créance en y incluant des frais relatifs à la procédure au fond.
13
( ·") Cass. Fr., 5 février 1975, Bull., 1975, Il, 29; J.C.P., 1975, IV, 99 et 330; Dall., 1975,
J., 200; Rev. Huiss., 1977, III, 91 et obs. J.J. DAIGRE.
318 TRAITÉ DES SAISIES

pour l'exécution de l'article 1022 du Code )udiciaire, le tarif des


dépens recouvrables alloués par le juge) ( 133 ) •
Dans tous les cas, le paiement du principal, des intérêts et
des frais ne peut être obtenu que sur base de la décision au fond qui
en arrêtera le montant.

CHAPITRE II - LES CONDITIONS DE FORME OU LE


TITRE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE.

167) Observation d'ordre général.


Le titre en vertu duquel la saisie conservatoire peut être
pratiquée consiste soit dans une décision de justice au sens de
l'article 1414 du Code judiciaire (Section I) soit dans une autorisa-
tion du juge des saisies rendue sur requête unilatérale du créancier
(Section II).
Des règles spéciales sont prévues en matière de saisie-arrêt
et de saisie-gagerie. On se limite à signaler ici que la saisie-arrêt
conservatoire peut ~alement être pratiquée en vertu d'un titre
privé (art. 1445) (133 ) et que la saisie-gagerie peut aussi être mise
en oeuvre sans aucun titre un jour après le commandement (art.
1461).
Quel que soit le procédé utilisé, les conditions de fond
touchant à la mise en péril du recouvrement de la créance et aux
caractères de celle-ci doivent toujours être respectées ( 1336).

SECTION I - La décision de justice.

168) Le jugement tenant lieu d'autorisation de saisir.


«Tout jugement, même non exécutoire nonobstant opposi-
tion ou appel, tient lieu d'autorisation de saisir conservatoirement

{1 334 ) Liège, 10 octobre 1984, Jur. Liège, 1985, 4. Cet arrêt décide que «les dépens de la
présente saisie suivront le sort des dépens à attribuer par le juge du fond» ; à notre avis, cette
décision sur les dépens est illégale dans la mesure où elle anticipe sur ce qui sera décidé au fond (art.
1489, al. 2) ; au surplus, elle viole l'article 1423 (il s'agissait d'une saisie mobilière conservatoire) si
elle entend exclure les dépens ainsi limités des causes de la saisie. Comp. infra, note 1582.
1335
( ) Voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège 1986, n°s 90 à 93 et la saisie mobilière, Rép.
Not. n°s 364 à 367.
{1 336) Supra, n°s 143 à 166.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 319

pour les condamnations prononcées à moins qu'il n'en ait été


autrement décidé» ~art. 1414). Le jugement ne doit pas être signifié
avant la saisie ( 133 ). La signification intervient en même temps
que celle-ci (art. 1424, 2° et 1432, 1°) ou, en cas de saisie-arrêt, lors
de la dénonciation (art. 1457).
L'article 1414 concerne toute décision de justice~ compris
une ordonnance de référé, un jugement d'accord ( 133 ), ou un
jugement rendu par une juridiction répressive en tant qu'elle statue
sur les intérêts civils.
En toute hypothèse, la créancier doit disposer d'un titre
régulier non périmé (art. 806, C. jud.) (1 339) portant condamna-
tion de la partie saisie au profit de la partie saisissante. En outre, il
faut que le cas requiert célérité.
En règle, si le jugement de condamnation ne contient
aucune énonciation à ce sujet, il équivaut à une autorisation de
saisir mais sous réserve du droit pour le saisi d'établir l'absence
d'urgence ; à cet égard, il peut faire état des circonstances qui
existaient au jour de la saisie. Par contre, si le jugement interdit la
saisie conservatoire (1 340 ), une requête en saisie conservatoire
peut être recevable «si les modifications de circonstances survenues
après le jugement au fond rendent l'article 1413 ag1~licable, c'est-à-
dire si le cas requiert célérité» ( 1341 ) ( 1342) ( 13 ). Toutefois, si
un délai de grâce est accordé, le silence du juge du fond équivaut à
une interdiction de saisir sauf à solliciter du juge des saisies une
autorisation de saisir conservatoirement si des circonstances nou-

1337
( ) A.M. STRANART. Les conditions générales des saisies conservatoires, R.D.C., 1985,
764.
1338
( Infra, n° 243.
)
1339
( Anvers. !3ème ch., 16 janvier 1987. A.R., 432/87; A. FETTWEIS. Manuel de
)
procédure civile, Liège 1985, n" 402, p 300.
340
('- ) L'interdiction doit à notre avis être justifiée par l'absence de mise en péril du
recouvrement. On lit cependant dans le rapport DE BAECK (Pasin., 1967. 883): «Un membre a
demandé quels sont les motifs qui peuvent amener le juge à interdire la saisie. Le commissaire royal a
répondu que ces motifs pouvaient être très divers : le tribunal peut n'avoir statué qu'à la majorité et
être d'avis que, jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel, les choses doivent rester en état. Les conséquences
d'une saisie conservatoire peuvent. en effet, être extrêmement désagréables pour le débiteur».
341
(' ) Rapport DE BAECK. Pasin., 1967, 883; K. BAERT, op. cit .. T.P.R., 1980. p. 288.
n° 22.
1342
( ) Supra, n" 146.
1343
( ) Civ. Bruxelles. ch. s., 3 janvier 1983, Jurisprudence du Code judiciaire, T. li, Art.
1414, n° 3/2: aucun péril n'est actuellement établi dans le chef du débiteur et seules les circonstances
exposées dans une requête en vue d'obtenir l'autorisation du juge des saisies pourraient, le cas
échéant, justifier une saisie conservatoire.
320 TRAITÉ DES SAISIES

velles justifient le péril en la demeure (art. 1416) ( 1344). Chaque


fois qu'il est question de circonstances nouvelles, il doit s'agir de
circonstances qui se sont révélées postérieurement à la décision et
qui n'avaient pu être soumises au juge du fond.
En énonçant que tout jugement, même non exécutoire
nonobstant opposition ou appel, tient lieu d'autorisation de saisir
conservatoirement, l'article 1414 circonscrit exactement la règle de
l'effet suspensif des voies de recours ordinaires suivant laquelle
l'acte d'appel ou d'opposition ne supprime pas ce qui a été jugé
(art. 26) mais, sauf le cas de l'exécution provisoire, suspend
seulement l'exécution du jugement attaqué, sans faire obstacle à
des actes conservatoires. Il serait en plus illogique de permettre à
un créancier de saisir conservatoirement en vertu d'une ordonnance
rendue sur une requête unilatérale et de refuser cette faculté à un
créancier muni d'un jugement rendu à l'issue d'un débat contradic-
toire.
L'exercice d'une voie de recours extraordinaire n'ayant pas
en principe (1345 ) d'effet suspensif de l'exécution, les décisions
susceptibles d'un tel recours peuvent a fortiori fonder une saisie
conservatoire.
L'article 1414 n'exclut pas du bénéfice de la saisie conser-
vatoire le créancier nanti d'un titre exécutoire, il énonce seulement
les exigences minimales. Tout titre apte à justifier une saisie-
exécution (jugement exécutoire ; acte authentique (1346 ) ; con-
trainte), peut, a fortiori, être utilisé pour saisir conservatoirement
1347
( ). En effet, le titre qui permet l'exécution constate nécessaire-
ment l'existence d'une créance certaine, exigible et liquide ; il suffit
dès lors que le cas requière célérité.

344
(' Supra, n° 163 B.
)
1345
( Voy. toutefois l'article 1127 ; supra, n° 21.
)
1346
( ) En ce cas, sous réserve de l'art. 1445, l'acte authentique doit, à notre avis, être revêtu
de la formule exécutoire mais il n'y a pas lieu à signification préalable de celui-ci (infra, n°s 235 et
259). Le régime est le même pour le procès-verbal de conciliation (infra, n° 242). Toutefois, compte
tenu de leur statut particulier (supra, n° 150 b), la saisie-revendication (D. CHABOT-LEONARD,
op. cit., p. 43) et la saisie description ne peuvent être pratiquées qu'en vertu d'une autorisation du
juge des saisies.
347
(' ) D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 108-109; G. de LEVAL et J. van COMPER-
NOLLE, op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 47, n° 49; J. VINCENT et J.
PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de distribution, 15ème éd., Dalloz 1984, p. 94, n°
121 ; M. DONNIER, Voies d'exécution et procédures de distribution, Litec, 1987, n°s 209-210, p.
92; voy. aussi K. BAERT, op. cit., T.P.R., 1980, p. 288, n° 23 (en matière de saisie-revendication)
et p. 294, n° 37 (en ce qui concerne l'acte notarié). Comp. en droit français la possibilité pour le
créancier nanti d'un titre exécutoire de prendre une inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire
(P. JULIEN, Le point sur l'hypothèque conservatoire, Mélanges Raynaud, p 319 et réf. et note 6).
Infra, n° 216 A.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 321

169) Le jugement n'empêche pas une requête en autorisation de


saisir.

Si la saisie a lieu sans autorisation préalable du juge des


saisies, il appartient au créancier d'apprécier, sous sa responsabi-
lité, si les conditions de forme (régularité du titre) et de fond
(célérité, créance certaine, exigible et liquide) sont réunies. Rien ne
s'oppose à ce qu'il demande au juge des saisies d'autoriser la saisie
conservatoire alors qu'il dispose déjà d'un jugement (1 348 ). Cette
faculté peut devenir une nécessité s'il entend saisir pour des causes
excédant celles qui figurent au titre ; ainsi, le créancier qui possède
un titre lui allouant une indemnité provisionnelle, ne peut pratiquer
une saisie conservatoire pour un montant supérieur qu'avec l'auto-
risation du juge des saisies (1 349). Il arrive aussi que le jugement
soit en tant que tel inapte à fonder une saisie conservatoire soit
parce qu'aucune décision au fond n'est intervenue, soit parce ~ue la
créance n'est pas, ne fût-ce que partiellement, liquidée ( 350) ;
dans ces hypothèses, l'intervention du juge des saisies constitue un
préalable obligé dans le respect de la chose jugée au fond. Le
procédé a dès lors des limites car il va de soi que si le demandeur a
été débouté de sa demande au fond, l'autorité de chose jugée qui
s'attache à cette décision même entreprise interdit d'invoquer la
même créance à l'appui d'une requête en saisie conservatoire
présentée au juge des saisies ( 1351 ). De manière générale, même si
elle constitue une garantie pour le débiteur et peut révéler les
précautions prises par le créancier, l'intervention du juge des saisies
ne peut exonérer le créancier de toute responsabilité s'il devait
agoaraître ultérieurement que la saisie a un caractère vexatoire
( 3)2).

170) Le jugement étranger.

Il est parfois admis qu'un jugement étranger portant


obligation ou condamnation peut, sans être revêtu de l'exequatur,

348
(' ) Bruxelles, 21 mai 1975, R.W., 1975-1976, 1772; Civ. Liège, ch.s., 23 décembre 1985,
R.G., n° 71.772/85; infra, n° 172.
1349
( ) Mons, 20 avril 1978, Pas., 1978, II, 79.
350
(' ) Supra, n° 164.
1351
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 25 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1004; voy. aussi infra, n° 172.
1352
( ) Infra, n° 193.
322 TRAITÉ DES SAISIES

justifier une saisie conservatoire au même titre qu'un jugement


rendu par une juridiction belge. En d'autres termes, le jugement
dont il est question à l'article 1414 peut être indifféremment belge
ou non belge car «c'est la force authentique et probante du
jugement qui confère à son bénéficiaire le droit de grocéder à une
saisie conservatoire sans autorisation préalable» ( 13 ) •
S'il est vrai que l'exequatur n'est un préliminaire indispen-
sable qu'en ce ~ui concerne l'exécution forcée prise dans son sens le
plus étroit (1 35 ), la règle précitée est, croyons-nous, formulée de
manière trop générale. En effet, si la décision étrangère peut
indépendamment de sa régularité internationale valoir au moins
titre privé en raison de la force probante attachée aux faits ou actes
qu'elle constate (par exemple une reconnaissance de dette) (1355 ),
et dès lors servir de titre aux fins de former une saisie-arrêt
conservatoire compte tenu de la rè&le spéciale de l'article 1445,
alinéa 1er du Code judiciaire ( 135 ), il n'en va plus de même
lorsqu'il s'agit de l'envisager sous l'angle de l'article 1414 car en ce
cas c'est de l'effet propre de la décision, de sa reconnaissance qu'il
s'agit, c'est-à-dire de l'admission de l'efficacité substantielle de la
décision dont l'autorité de chose jugée est un attribut (1 357 ), or à
cet égard, «lorsqu'il ne s'agit ni de l'état ni de la capacité des
personnes et qu'il n'existe aucun traité entre la Belgique et le pays
dont une juridiction a rendu la décision, un jugement étranger ne
peut en aucun cas acquérir autorité de chose jugée sans que le juge
belge compétent n'ait constaté qu'il satisfait à toutes les conditions
requises par l'article 570 du Code judiciaire pour son exequatur en

1353
( ) D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 108-109; K. BAERT, op. cil., T.P.R., 1980, p.
287, n° 20; A.M. STRANART, op. cit., R.D.C.B., 1985, 764 et note 187 qui confond, semble-t-il,
la décision étrangère valant comme titre privé avec la décision étrangère valant comme jugement en
renvoyant notamment à son étude , La saisie-arrêt, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed.
Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 95.
(1 354 ) P. GOTHOT, Des conditions auxquelles une décision étrangère peut fonder, en
Belgique, une exception de chose jugée, note sous Cass., 29 mars 1973, R.C.J.B., 1975, p. 557-558;
A. FETIWEIS, A. KOHL, G. de LEVAL, Eléments de la compétence civile, P.U. Liège, 1983, p.
126, n° 234. Adde infra, n° 244.
( 1355 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Jupiter 1985, n° 252; voy. aussi J. VELU, Concl. préc. Cass., 14 avril 1983, Pas., 1983, I, 892, note
130; A. FETIWEIS, L'effet obligatoire du jugement, Ann. Dr. Liège, 1987, p. 222-223, n° 9; H.
BORN et M. FALLON, Chronique de jurisprudence, Droit judiciaire international (1983-1985),
J.T., 1987, p. 498, n° 133.
1356
( ) A.M. STRANART, op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 95. Par contre, ne
constitue pas un tel instrument de preuve une décision étrangère autorisant une saisie conservatoire
(Bruxelles, 24 juin 1977, Pas., 1978, II, 27; J.T., 1977, 747 et obs. A. KOHL).
1357
( ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Coll. Exporter Jupiter 1985, p. 140-141, n" 247.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 323

Belgique ; en vertu de cette disposition légale, le juge belge est


tenu, d'une part, d'examiner le fond du litige et, d'autre part, de
vérifier si la décision répond aux conditions mentionnées aux 1° à
5° du second alinéa de cette disposition légale» ( 1358).

Ce n'est donc que s'il y a un traité entre la Belgique et le


pays où la décision a été rendue que celle-ci, si elle est régulière,
c'est-à-dire si elle satisfait aux conditions de reconnaissance prévues
par ce traité (1359) (une contestation pouvant être élevée à ce sujet
par le saisi lors de l'instance en mainlevée), peut, en principe
1360
( ), être assimilée à un Jugement au sens de l'article 1414 et
justifier, s'il y a célérité (13 1) et sans contrôle préalable d'un juge

{1 358 ) Cass., 23 janvier 1981, Pas., 1981, 1, 547 et note 1; F. RIGAUX, Droit international
privé. T. Il, Bruxelles, Larcier, 1979, p. 194, n" 815; Comp. P. GOTHOT, op. cit., R.C.J.B., 1975,
p. 574-575 pour lequel toute décision étrangère régulière quelle que soit la matière en cause aurait
autorité de chose jugée sans déclaration d'exequatur laquelle serait ainsi réduite à sa portée étroite
d'autorisation de procéder à l'exécution forcée. Voy. aussi H. GAUDEMET-TALLON, La
reconnaissance des jugements étrangers portant sur une somme d'argent en matière civile et
commerciale. R.l.D.C., 1986, 495, 498 et s. Adde infra, n" 248.
(1 359) Il importe au premier chef de citer la Convention entre les Etats membres de la
Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale (art. 26 à 30 ; P. GOTHOT, L'exécution des décisions
judiciaires et actes étrangers selon le traité de Bruxelles du 27 septembre 1968, in Les voies
conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau Bruxelles. 1982, 276). Les conventions bilatérales
qui continuent à produire leurs effets dans les matières où la Convention C.E.E. n'est pas applicable
(art. 56) sont les suivantes : - la Convention entre la Belgique et la France sur la compétence
judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes
authentiques, signée à Paris le 8 juillet 1899 (art. 11) ; - la Convention entre la Belgique et les Pays-
Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite ainsi que sur l'autorité et l'exécution des
décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Bruxelles, le 28 mars
1925 (art. 11); - la Convention entre la République Fédérale d'Allemagne et le Royaume de
Belgique concernant la reconnaissance et l'exécution réciproques en matière civile et commerciale,
des décisions judiciaires, sentences arbitrales et actes authentiques, signée à Bonn, le 30 juin 1958
(art. 1 à 5) ; - la Convention entre le Royaume de Belgique et la République Italienne concernant la
reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires et d'autres titres exécutoires en matière civile
et commerciale, signée à Rome, le 6 avril 1962 (art. 1er); - la Convention conclue à Bruxelles, le 2
mai 1934. entre la Belgique et la Grande-Bretagne sur l'exécution réciproque des jugements (art. 2 à
4). Continuent à sortir tous leurs effets : - la Convention entre la Belgique et la Suisse sur la
reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, signée à Berne, le 29
avril 1959 (art. 1er) ; -la Convention entre le Royaume de Belgique et la République d'Autriche sur
la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires, sentences arbitrales et actes
authentiques en matière civile et commerciale, signée à Vienne, le 16 juin 1959 (art. 2).
(1"'") Voy. cependant l'art. 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines
règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, approuvée par la loi du 24 mars 1961: «Un
navire ne peut être saisi qu'avec l'autorisation d'un Tribunal ou de toute autre Autorité judiciaire
compétente de l'Etat Contractant dans lequel la saisie est pratiquée». Adde. supra, n° 147 et note
1180.
1361
( ) Voy. toutefois, supra, n" 147 b (art. 39 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968 et C.J.C.E .. 3 octobre 1985. Rev. Not., 1986, 160; adde., infra, n° 250, B, 5).
324 TRAITÉ DES SAISIES

belge, une saisie conservatoire ( 1362 ). Dans les autres cas, le


jugement étranger pourra être invoqué à l'appui d'une requête en
autorisation de saisir ( 1363 ) ou servir de titre privé pour pratiquer
une saisie-arrêt conservatoire (art. 1445).

171) La sentence arbitrale.

La loi du 4 juillet 1972 qui a introduit dans le Code


judiciaire une sixième partie intitulée «L'arbitrage» (art. 1676 à
1723), consacre formellement la nature juridictionnelle de la
sentence arbitrale ( 1364 ). Celle-ci a donc autorité de chose jugée
moyennant le respect de l'article 1703 du Code judiciaire mais
indépendamment de tout exequatur ( 1365 ). La sentence revêtue de
l'autorité de la chose jugée et non annulée est un jugement au sens
de l'article 1414 ( 1366 ), elle produit les effets de celui-ci (à la seule
exception du caractère exécutoire qu'elle n'acquiert qu'à la suite de
la procédure d'exequatur, art. 1710, al. 1er, C. jud.), et peut servir
de fondement à toute saisie conservatoire, indépendamment de
l'autorisation du juge des saisies ( 1367 ).
En ce qui concerne les sentences arbitrales étrangères,
c'est-à-dire celles qui ont été prononcées à l'étranger, la nationalité
de la sentence étant déterminée par le lieu de l'arbitrage ( 1368 ),

(1 362) En cette hypothèse seulement le jugement étranger non exequaturé mais reconnu peut,
en tant que tel, avoir effet même en matière d'obligation de sommes (H. GAUDENET-TALLON,
op. cit., R.I.D.C. 1986, 499; adde., Civ. Bruxelles, ch.s., 26 juin 1986, R.T.D.F., 1986, 403; infra,
n° 232, C).
(u 63 ) Supra, n° 158; adde. J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 445, n° 35.
1364
( ) J. LINSMEAU et J. VAN GELDER, La nouvelle loi sur l'arbitrage volontaire, J.T.,
1973, p. 213-214; C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, T. !, Larcier, 1974, 226; E. KRINGS,
L'exécution des sentences arbitrales, Rev. Dr. !nt. et Dr. Comp., 1976, p. 190, n° 6; Comp. M.
HUYS et G. KEUTGEN, L'arbitrage en droit belge et international, Bruxelles, Bruylant, 1981, n°
31, p. 32 et s. et L. DERMINE, L'arbitrage commercial en Belgique, Bruxelles, Larcier, 1975, p. 9,
n° 13.
1365
( ) G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 148, n° 97.

(!366 ) Certes, la sentence ne peut être assimilée complètement à un jugement puisque celui-ci
a autorité de chose jugée dès son prononcé (art. 24) alors que la sentence n'en bénéficie qu'aux
conditions énoncées par l'article 1703 (L. DERMINE, L'interprétation des sentences arbitrales, Rev.
Dr. !nt. et Dr. Comp., 1976, p. 207, n° 3) mais dès que ces conditions sont réalisées et pour autant
que la sentence ne soit pas annulée (art. 1704 et s.) elle constitue un titre équivalent au jugement dont
il est question à l'article 1414. La demande d'annulation n'a pas en soi pour effet d'enlever à la
sentence son efficacité conservatoire (voy. aussi infra, n" 246, B et C).
(!367) Infra, n° 246, B; voy. aussi Trib. Gde Inst. Paris (Réf), 30 janvier 1985, Rev. Arb.,
1985, 292 et note P. BELLET.
1368
( ) M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 395, n° 577.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 325

elles peuvent, au moins, être assimilées à un jugement au sens de


l'article 1414 s'il existe un traité entre la Belgique et le pays où la
décision a été rendue ( 1369 ) assujettissant, sans contrôle judiciaire
préalable, la reconnaissance de la sentence aux mêmes conditions
que la reconnaissance du jugement ( 1370) (1 371 ).
Dans les autres cas, la sentence tant nationale qu'étrangère
pourra être invoquée à l'appui d'une demande d'autorisation de
saisir dont peut connaître le juge des saisies (art. 1679/2) (1 372) ou
même valoir comme titre privé justifiant la mise en oeuvre d'une
saisie-arrêt conservatoire (art. 1445, al. 1er, C. jud.).

SECTION II- L'autorisation du juge des saisies.

172) Intervention obligatoire ou facultative du juge des saisies.

Le créancier peut ne pas disposer d'un jugement de


condamnation au sens de l'article 1414 tout en étant titulaire d'une
créance présentant les caractéristiques de l'article 1415. En ce cas,

( 1369) Voy. à ce sujet, L. DERMINE, L'arbitrage commercial en Belgique, Larcier, 1975, p.


85 à 93; M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 399 à 416.
1370
( ) Tel est à notre avis le cas pour la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 (art. li et 15
cbnés), la Convention belgo-néerlandaise du 28 mars 1925 (art. li et 15 cnbés) et la Convention
bel go-suisse du 29 avril 1959 (art. ter et 9 cbnés).
1371
( ) Adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 12 février 1987, R.G., n" 34.589: L'absence d'exequatur
par les tribunaux de l'ordre judiciaire belge d'une sentence arbitrale rendue dans un ordre juridique
étranger, ne saurait faire obstacle à la pratique d'une saisie conservatoire qui se fonderait sur ladite
sentence arbitrale ; il en va du reste de même en ce qui concerne un jugement étranger dont le
créancier saisissant entendrait faire la base d'une saisie purement conservatoire. Il doit être admis
que pour pouvoir servir de base à la pratique d'une saisie conservatoire, la sentence arbitrale sera
considérée comme un acte juridictionnel et, dès lors assimilée à un jugement, dès le moment où elle
est légalement susceptible de produire des effets analogues à ceux d'un acte juridictionnel émanant
des juridictions étatiques ; lorsqu'il s'agit d'une sentence rendue en Belgique, il y a naturellement
matière à application des articles 1702 et 1703 du Code judiciaire, en sorte que l'autorité de la chose
jugée ne s'attache à ladite sentence que pour autant qu'elle ait été notifiée aux parties ; s'agissant
d'une sentence arbitrale rendue à /'étranger et sur base de laquelle une mesure conservatoire est
pratiquée en Belgique, il y a normalement lieu, quant à la détermination des conditions et du moment
auquel ladite sentence acquiert l'autorité de la chose jugée, d'avoir égard au droit applicable à la
matière de l'arbitrage dans le pays où la sentence a été rendue, sous réserve de l'existence éventuelle
de dispositions particulières résultant du droit conventionnel international. Une seconde décision
(Civ. Bruxelles, ch.s., 30 avril 1987, R.G., n" 34.589) rendue dans la même espèce nuance le principe
en décidant que même si la sentence a autorité de chose jugée dans le pays où elle a été rendue, en
l'absence de notification à personne (art. 1702 et 1703, C. jud.), elle ne peut valoir en Belgique
jugement au sens de l'article 1414, C. jud. mais bien titre privé suffisant pour pratiquer une saisie-
arrêt conservatoire (art. 1445, al. ter, C. jud.); voy. aussi supra, n° 170.
1372
( ) M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 143 et Civ. Bruxelles, ch.s., 27 décembre
1982, Jurisprudence du Code judiciaire. La Charte, T. Il, Art. 1395. p. 9, n° 2 bis ; supra, n"s 11 et
158.
326 TRAITÉ DES SAISIES

si le créancier redoute l'organisation de l'insolvabilité de son


débiteur, il devra demander au juge des saisies territorialement
compétent (1373 ) l'autorisation de saisir.
Mais en toute hypothèse, qu'il y ait titre (jugement au sens
de l'article 1414 ou titre authentique ou privé au sens de l'article
1445) ou non, le créancier peut solliciter l'autorisation du juge des
saisies. Le créancier peut ne pas apprécier avec la compétence, la
sérénité ou l'objectivité requises l'existence des conditions de mise
en oeuvre d'une saisie ; par contre, le contrôle préalable d'un
magistrat spécialisé dans la mesure où le saisissant l'informe de
manière juste et complète, permet de prévenir ou de réduire les
conséquences d'une mesure de conservation dépourvue d'intérêt
pour le créancier mais gravement préjudiciable pour le débiteur.
On rappelle que le juge des saisies est lié par l'autorité de
chose jugée s'attachant à la décision rendue au fond même frappée
d'une voie de recours ( 1374 ). L'interpellation du juge des saisies est
utile voire indispensable :
- soit parce que le juge du fond n'a pas abordé le fond ( 1375), tel
est le cas lorsqu'il s'est borné à ordonner une mesure d'instruc-
tion;
- soit parce que nonobstant un jugement de condamnation, il
importe de vérifier si le cas requiert célérité ( 1376 ) ;
- soit parce qu'une réponse partielle et insuffisante a été fournie en
ce qui concerne la créance, singulièrement lors~ue celle-ci n'est
pas liquidée ou ne l'est que provisionnellement ( 377 ).
Le contentieux porté devant le juge des saisies est distinct
de celui qui divise les parties sur le fond ; il obéit aux règles qui lui
sont propres. Partant, l'effet dévolutif de l'appel de la décision
rendue au fond n'est pas applicable à la requête ayant pour objet

373
(' ) Supra, n°s 24 à 28.
(1 374 ) Supra, n°s 16 et 169.
1375
( ) Il n'appartient pas au juge des saisies, chargé d'examiner. dans le cadre des procédures
sur opposition à saisie conservatoire, l'apparence des droits des parties, de substituer son
appréciation à celle d'un juge du fond qui, en ordonnant une mesure d'instruction, a constaté le
caractère profondément litigieux de la créance entre parties (Civ. Bruxelles, ch.s., 14 octobre 1987,
R.G., n°s 27.799, 29.418 et 30.331). Par contre, la décision d'incompétence du juge de répression
pour connaître d'une contestation civile ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'une saisie
conservatoire (Bruxelles, 27 juin 1985, R.G. n° 1790/83, Inédit; voy. aussi infra, n° 190 A).
376
(' ) Supra. n° 146.

('m) Supra, n° 169.


RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 327

l'autorisation de saisir. Il s'agit d'un nouveau contentieux qui relève


de la compétence du Juge des saisies et non immédiatement de la
juridiction d'appel ( 13 8).

173) En principe, l'autorisation est sollicitée sur requête unilatérale


du créancier. Raison d'être et nature de la procédure.

Devant le juge des saisies, les demandes sont introduites et


instruites comme en matière de référé sauf dans les cas où la loi
prévoit qu'elles sont formées par requête (art. 1395, al. 2). Tel est
le cas de la demande tendant à obtenir une autorisation de saisir
conservatoirement ; elle est régie par la procédure sur requête
unilatérale (art. 1025 à 1034, 1417 à 1419, 1422, 1430, 1447, C.
jud.).
Une procédure sans débat contradictoire peut être indis-
pensable au début de la saisie afin de ne pas donner l'éveil au
débiteur saisi qui, informé des projets de son créancier, pourrait
faire disparaître les biens sur lesquels la saisie doit porter ( 1379 ).
L'article 1029 permet d'éviter que l'alerte soit inopportunément
donnée au débiteur avant la saisie en disposant que l'ordonnance
est délivrée en chambre du conseil, c'est-à-dire que le prononcé de
l'ordonnance n'a pas lieu en audience publique ; «il ne serait point
permis de divulguer celle-ci sans mettre son objet même en péril»
(1 380). En bref, il importe de ne pas aviser le débiteur de
l'imminence d'une mesure à laquelle il pourrait faire échec.
La procédure introduite par requête unilatérale devant le
juge des saisies n'est pas une procédure gracieuse. «C'est une

(1 378 ) Trib. Gde Instance Nanterre, Réf., 2 décembre 1977, J.C.P., 1978, Il, n" 18.867 et
R.T.D.C., 1978, 201, obs. R. PERROT; supra, n° 36.
1379
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 507; E. KRINGS, Les saisies conserva-
toires et les voies d'exécution, in Etudes du projet de Code judiciaire, Faculté de Droit de Liège et
Martinus Nijhoff, La Haye, 1966, 138; Bruxelles, 7 février 1975, Pas., 1975, Il, 106; Civ. Bruxelles,
Réf., 12 mars 1967, J.T., 1967, 297 ; comp. art. 584, al. 3, C. jud. et Cass., 13 juin 1975, Pas., 1975, I,
984 et note 1. Comp. art. 1016 bis, C. jud. (art. 3, L. 20 mai 1987 abrogeant les art. 387 et 390 du
Code pénal en matière d'adultère) et art. 34 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et
P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., Ed. Jupiter, 1985, n"s 355-356. Par contre, une action en
déclaration de faillite ne peut être introduite par requête unilatérale en l'absence de disposition
expresse en cc sens (E. KRINGS, Concl. avant Cass., 31janvier1986, R.D.C., 1986, 289; Cass., 6
février 1987, R.D.C., 1987, 274 et note l.V.; sur le respect des droits de la défense en cas de faillite
déclarée d'office, voy. E. KRINGS, Le pouvoir judiciaire et la procédure de faillite, J.T., 1987, p.
468 à 471, n"s 12 à 18 et p. 475, n" 33 et 1. VEROUGSTRAETE, Manuel du curateur de faillite, Ed.
Swinnen-Bruxelles, 1987, p. 31à33, n" 15).
(1 380 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 459; comp. art. 1342, C. jud.
328 TRAITÉ DES SAISIES

procédure, dont l'aspect contentieux n'apparaît sans doute pas


d'emblée, mais dont le caractère contradictoire n'est en réalité que
remis à plus tard, au cas où le jugement fait l'objet d'une
contestation (d'une voie de recours)» ( 1381 ). La mission du juge
des saisies est donc juridictionnelle dès le stade de l'autorisation de
saisir compte tenu de l'existence «d'un contentieux sous-jacent»
1382
( ), peu importe que l'autorité de chose jugée de sa décision soit
limitée rebus sic standibus (art. 1032 et 1419, al. 2) et qu'en aucun
cas, elle ne puisse porter préjudice au fond du litige (art. 1489, al.
2) (1383).
Bref, il n'y a qu'un «renversement de contentieux», en ce
sens que la mesure est prise d'abord à l'insu de celui contre qui elle
est dirigée afin qu'il ne puisse en prévenir l'exécution, sauf, ensuite
à être discutée contradictoirement si elle soulève une contestation
de la part de celui qui la subit ( 1384). Une fois l'effet de surprise,
indispensable à l'efficacité de la mesure, atteint, le respect des
droits de la défense commande que le débat se poursuive de
manière contradictoire (il s'agit d'un contradictoire différé~, la
charge de la preuve incombant à celui qui exerce le recours ( 13 5).

174) Exceptions au principe.

La procédure sur requête unilatérale existe dans l'intérêt


exclusif du saisissant qui peut toujours y renoncer.
D'abord le poursuivant peut, même involontairement,
empêcher le maintien du caractère unilatéral de la procédure en
permettant que le dépôt de la requête soit dévoilé au futur saisi qui
peut se porter intervenant volontaire (art. 812 et 1028, al. 2) et

(1 381 ) E. KRINGS, Conclusions précédant Cass., 19 novembre 1981, Pas., 1982, I, 379-380.
Voy. aussi Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 458: le Code judiciaire ne consacre pas une
théorie de la juridiction gracieuse mais il détermine «les règles propres à l'accomplissement des actes
dont le juge est saisi et aux recours que comportent ses décisions».
1382
( ) E. KRINGS, lb., Voy. dans le même sens, Ph. BERTIN, Le grand Noël du
procédurier, Gaz. Pal., 1976, 1, Doctr., 116, n" 70; J. VIATIE, Matière gracieuse et ordonnance sur
requête, Gaz. Pal., 1976, 2, Doctr., 622; R. MARTIN, Précisions sur l'appel des ordonnances
contentieuses, J.C.P., 1976, 1, 2809, n° 6.
1383
( ) Au sujet de l'ordonnance, voy. infra, n° 177.

( 1384 ) R. PERROT, Chronique de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1974, p. 674-675, n° 13;
comp. en matière d'injonction de payer, R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit
judiciaire privé, R.T.D.C., 1977, p. 196-197, n° 16 et art. 1343, § 3, C. jud. (Doc. Pari., Ch., 598
(1982-1983), n° 2, p. 6.
1385
( ) Infra, n° 188 D.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 329

donner, dès le départ, au débat un aspect contradictoire. Certes, le


juge ne peut ordonner d'office la mise en cause du débiteur (art.
811) mais celui-ci peut parfaitement décider de devenir partie à la
cause (art. 15, al. 1er) et d'exercer les voies de recours ouvertes à
toute partie (art. 1031et1032) (1386).
Ensuite, si le saisi poursuit la mainlevée d'une saisie
conservatoire dont il conteste les conditions de fond ou de forme, le
poursuivant peut introduire par voie de conclusions une demande
reconventionnelle d'autorisation afin d'obtenir une ordonnance
suppléant aux indigences du titre primitivement mis en oeuvre
(1:187) ou complétant les causes de la saisie (1388) ( 1389 ). Mais en
ce cas, le juge des saisies pourra, suivant les circonstances,
notamment lorsque le saisissant a volontairement pratiqué une
saisie irrégulière décider, sans préjudice de dommages-intérêts
pour saisie téméraire et vexatoire, que la saisie nouvelle ne
développera ses effets que pour l'avenir et frapgera le patrimoine
du saisi dans l'état où il se trouve à ce moment ( 390).

175) Le contenu de la requête unilatérale. Généralités.

Toute requête en saisie conservatoire doit contenir les


mentions prévues par l'article 1026 du Code judiciaire. On se limite
ici aux règles communes exigées par ce texte en précisant que les
règles propres à chaque saisie imposent de détailler les causes de la

1386
( ) M. STORME, La procédure sur requête dans le Code judiciaire, in Etudes du projet
de Code judiciaire, Faculté de Droit de Liège et Martinus Nijhoff, La Haye, 1966, p. 117-118; P.
ROUARD, Traité élémentaire de droit judiciaire privé, Bruxelles, Bruylant, T. Ill, 1977, n° 350;
voy. aussi Bruxelles, 27 novembre 1985, Pas., 1986, II, 19.
1387
( ) J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence (1972 à 1985), Saisies conservatoi-
res et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, p. 449, n° 40. Adde. infra, n° 184. La même solution est
admise lorsqu'il s'agit de désigner le notaire sur base de l'article 1580 (Civ. Liège, 20septembre1972,
Rec. Enr., 1973, p. 437; Civ. Liège, ch.s., 12 septembre 1984, Jur. Liège, 1985, 16; Civ. Bruxelles,
ch.s., 10 avril 1986, Rev. Not., 1986, 383).
1388
( ) Infra, n° 191.
1389
( ) Aucune disposition ne s'oppose à ce que des demandes qui, d'ordinaire, sont à
introduire sur requête unilatérale, le soient dans le cadre d'un débat contradictoire par voie de
conclusion à titre reconventionnel. Ainsi, une saisie immobilière conservatoire peut être autorisée sur
la demande reconventionnelle du créancier (Civ. Bruxelles, ch.s., 7 octobre 1987, R.G., n° 37.906;
comp. et contra, Civ. Bruxelles, ch.s., 22décembre1986, R.G., n° 32.307 et Civ. Bruxelles, ch.s., 23
décembre 1986, A.R., n° 29.184).
1390
( ) De cette manière peut être sanctionnée une manoeuvre incorrecte du créancier misant
sur l'effet d'une saisie irrégulière pour constituer son dossier (K. BAERT et B. DECONINCK, Les
saisies immobilières conservatoires et l'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed.
Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 220; comp. supra, n° 160).
330 TRAITÉ DES SAISIES

saisie ( 1391 ) et de fournir toutes les indications relatives aux


protagonistes ( 1392 ).
La requête contient obligatoirement :
1) l'indication des jour, mois et an;
2) les nom, prénom, profession et domicile du requérant ainsi que,
le cas échéant, les nom, prénom, domicile et qualité de ses
représentants légaux. Par les termes représentants légaux, l'arti-
cle 1026, 2° ne vise pas les «représentants» c'est-à-dire les
organes des personnes morales mais bien les représentants des
incapables. A défaut d'une disposition légale particulière rela-
tive à la relation de l'identité des personnes morales qui agissent
en qualité de requérants dans une action sur requête unilatérale,
il échet d'appliquer la prescription consacrée par l'article 703,
alinéa 2 (identité relatée par l'indication de leur dénomination,
de leur nature juridique et de leur siège social) sous réserve de
l'article 703, alinéa 3 qui permet à la partie contre laquelle est
invoquée cette requête unilatérale d'exiger en tout état de cause
que la personne morale lui indi~ue l'identité des personnes
physiques qui sont ses organes ( 139 ) ;
3) l'objet et l'indication sommaire des motifs de la demande.
C'est principalement en cas de saisie que la motivation est
importante, singulièrement pour établir les conditions de fond
de la saisie, car le juge, unilatéralement informé, «ne peut
statuer qu'en appréciant les motifs qui justifient la requête et en
statuant, il doit donner les motifs de sa décision. Les motifs
permettront d'exercer les voies de recours et de rétractation qui
s'imposeraient» {' 394 ). La mention exigée par l'art. 1026, 3°
recoupe évidemment celle qui est imposée par les art. 1422, 1°,
1430, 1° et 1447, 2° du Code judiciaire (causes de la saisie);
4) La désignation du juge qui doit en connaître ( 1395 ) ; les articles
639 et suivants s'appliquent «mutatis mutandis» aux procédures

1391
( ) L'objet de la saisie doit être précisé en cas de saisie immobilière conservatoire (art.
1430), de saisie mobilière chez un tiers (art. 1503) et de saisie revendication (art. 1464).
1392
( ) Sur le détail de la requête en matière de saisie immobilière. voy. l'art. 1430 (adde. G.
de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n"s 164 à 167), en matière de saisie-arrêt, voy. l'art.
1447 (adde. G. de LEVAL. La saisie-arrêt. Liège. 1976, p. 153-154) et en matière de saisie mobilière,
voy. l'art. 1422 (adde. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not.. n"s 66 et s.).
1393
( ) Cass., 20 décembre 1974, Pas., 1975, 1, 435 et note 1 ; J.T., 1975, 312.

(1 394 ) E. KRINGS, Conclusions précédant Cass., 19 novembre 1981, Pas., 1982, 1, 380.
1395
( ) A1,1 sujet de la compétence territoriale. supra n"s 24 et s.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 331

sur requête unilatérale ( 1396), de telle sorte que le juge des


saisies doit soulever, indéPcendamment de toute considération
relative à l'ordre public (1- 97 ), puisque le saisi est absent de la
procédure ( 1398), tout déclinatoire de compétence que lui
révèle l'examen des pièces et en confier le règlement au tribunal
d'arrondissement (art. 640) ( 1399 ).

5) Sauf lorsque la loi en dispose autrement, la signature de l'avocat


de la partie. Ce texte ne crée pas la représentation légale
obligatoire de la partie mais tend seulement à garantir grâce aux
règles de déontologie auxquelles sont soumis les membres du
barreau, les intérêts des tiers et tout spécialement ceux du saisi
qui pour des raisons d'efficacité ne peut figurer à l'instance
d'autorisation (1 400 ). L'article 1026, 5° n'est pas applicable au
curateur de la faillite, mandataire de justice qui en cette qualité
ne doit pas être assisté par un avocat pour présenter une requête
unilatérale ( 1401 ).

Contrairement aux mentions particulières prévues par les


articles 1422, 1430 ou 1447, ces mentions son prescrites à peine de
nullité (art. 1026). L'indication du juge qui doit connaître de la
cause (art. 862, § 1er 5°), la signature de la requête par un avocat
(art. 862, § 1er, 2°) ( 1402 ) et la langue utilisée en matière judiciaire
(art. 862, § 1er, 10°) sont seules prescrites à peine de nullité

1396
( ) A. FETTWEIS, Précis de droit judiciaire, T. II. La compétence, Bruxelles, Larcier,
1971, p. 16, n°16; Civ. Liège, 19 décembre 1973, Jur. Liège, 1973-1974, 245.
1397
( ) On rappelle que la règle de compétence territoriale prévue par l'article 633 est d'ordre
public (supra, n° 24; voy. aussi J. LAENENS, Overzicht van Rechtspraak (1970-1978), Bevoegheid,
T.P.R., 1979, 253, n°s 3 et 262, n° 21).
(1 398) Il s'agit d'un parallèle avec la situation du défendeur défaillant (A. FETTWEIS, A.
KOHL et G. de LEVAL, Eléments de la compétence civile, P.U. Liège, 1983, p. 8, n° 22 et p. 65, n"
315 ; comp. et contra G. CLOSSET-MARCHAL, Le tribunal d'arrondissement : saisine, pouvoirs et
décision. Commentaire doctrinal et jurisprudentiel, J.T., 1985, p. 5 et réf. cit.).
1399
( ) Pour éviter toute perte de temps, le juge pourrait-il inviter le requérant à solliciter
directement le renvoi devant le juge territorialement compétent ? A notre avis, une réponse
affirmative ne pourrait se justifier qu'en cas de méconnaissance d'une règle de compétence d'ordre
public, ce qui est généralement le cas en l'espèce (voy. K. BAERT, op. cit., T.P.R., 1980, p. 290, n°
26 et A. FETTWEIS, A. KOHL et G. de LEVAL, op. cit., p. 8, n° 21).
(14l'") Voy. aussi, infra, n° 194, note 1574.
(1 4" 1) Cass., 29 octobre 1976, Pas., 1977, 1, 252; voy. aussi Cass., 19 novembre 1981, Pas.,
1982, !, 378. De même, lorsqu'il introduit une procédure sur requête, le ministère public signe lui-
même ce document (Civ. Audenarde, 25 juin 1968, J.T., 1969, 178; adde. art. 3 de la loi du Ier août
1985 portant approbation de la Convention européenne sur la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, faite à
Luxembourg, le 20 mai 1980).
1402
( ) G. de LEVAL, La requête devant les tribunaux du travail, J.T., 1973, 420.
332 TRAITÉ DES SAISIES

absolue. Les autres formalités sont prescrites à fceine de nullité


relative y compris l'indication des jour, mois, an (1 3). °
En l'absence du défendeur, le juge des saisies peut soule-
ver d'office tout moyen de nullité même étranger à l'ordre public
(1 404 ), mais il ne prononcera une nullité relative que s'il constate
que l'irrégularité ou la formalité omise nuit aux intérêts du débiteur
(art. 861).
La requête est déposée en double exemplaire au greffe et
visée à sa date ou adressée sous pli postal mais en ce cas aux risques
du requérant (1 405 ). Elle est inscrite dans le registre des requêtes
et versée au dossier de la procédure (art. 1027).
Le requérant joint à sa requête les pièces justificatives,
inventoriées à la suite du texte de la requête (art. 1027, al. 3)
(1 406), le plus souvent indispensables pour permettre au juge des
saisies de vérifier l'existence de la créance et le montant de celle-ci
ou d'entériner - ou non - l'évaluation provisoire suggérée par le
requérant (1407 ). Si les informations fournies sont insuffisantes ou
si la requête présente des lacunes qui ne doivent pas entraîner la
nullité, le juge des saisies ne doit pas nécessairement rejeter la
demande ; le cas échéant, il peut convoquer le requérant en
chambre du conseil (art. 1028) et obtenir toute précision supplé-
mentaire qui lui permettra de délivrer son ordonnance en meilleure
connaissance de cause et avec «toute la circonsÎiection que com-
mande le caractère de la procédure à ce stade» (1 8). °
Indépendamment des mentions obligatoires, le requérant
peut faire figurer des mentions facultatives adaptées à l'espèce afin
d'assurer l'efficacité maximale de la mesure sollicitée (dési5nation
d'un séquestre ; autorisation de saisir en tous lieux, etc.) (1 4 9).

(1 403 ) Mons, 28 mai 1975, Pas., 1976, II, 61. Cet arrêt précise à juste titre «qu'il convient de
considérer que la mention de la date que le requérant aurait faite sur la requête serait sans valeur
probante, puisque la saisine de la juridiction compétente ne se réalise que par le dépôt de la requête
et qu' ainsi seule la date de ce dépôt, rendue authentique et certaine par le greffier, notamment par
inscription dans un registre ad hoc, fait foi de la date à laquelle elle est introduite»; voy. aussi A.
FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n° 771, p. 507.
1404
( ) Voy. en cas de défaut, A. FETIWEIS, op. cit., Liège, 1985, n° 155, p. 137; adde. G.
de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 315.
1405
( ) A. FETIWEIS, op. cit., Liège, 1985, n° 762, p. 504.
406
(' ) Ce texte n'est pas prescrit à peine de nullité (comp. Bruxelles, 17 février 1975, Pas.,

1975, II, 108).


1407
( ) Supra, n° 165.
1408
( ) E. GUTI et A.M. STRANART-THILL Y, op. cit., R.C.J.B., 1974, 658; voy. aussi K.
BAERT, op. cil., T.P.R., 1980, p. 289, n" 25.
1409
( ) Infra, n° 177 C.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 333

176) Regroupement du chef de connexité.

Une saisie peut être demandée conjointement par plu-


sieurs requérants à charge d'un même débiteur lorsqu'il y a
connexité, c'est-à-dire lorsque les causes de la saisie reposent sur
les mêmes bases (1 410 ). Il peut même y avoir connexité lorsque des
créanciers invoquent des créances ayant des causes juridiques
différentes et n'étant reliées par aucun lien de connexité autre que
l'identité du débiteur (1 411 ).
De même, l'autorisation, sollicitée par un créancier, de
pratiquer plusieurs saisies à char§e du même débiteur peut être
sollicitée par une seule requête (1 12 ), peu importe que les biens à
saisir se trouvent dans des arrondissements différents (1 413 ). Si
plusieurs requêtes ont été déposées, le ju?e des saisies peut joindre
les demandes pour cause de connexité (1 4 4).
Enfin, il est concevable qu'un seul acte de procédure soit
dirigé contre plusieurs débiteurs qui sont engagés de la même
manière envers le poursuivant ; en une telle hypothèse, en effet, les
demandes sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il peut y
avoir intérêt à les instruire et à les juger en même temps (art. 30, C.
jud.) spécialement si le cas requiert la même célérité envers les
débiteurs.
S'il y a pluralité de demandes non connexes, le juge des
saisies soulève d'office son incompétence en ce qui concerne les
demandes pour lesquelles il n'est pas compétent territorialement
1415
( ). Pour les autres demandes qui quoique non connexes
relèvent de sa compétence, il peut, s'il estime que l'irrégularité
porte préjudice au débiteur déclarer la requête nulle (art. 1026, 3°

1410
( ) Bruxelles, 14 juillet 1955, J.P.A., 1955, 408; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit
des saisies, J.T., 1980, p. 628, n° 15. Toutefois, lorsqu'une saisie mobilière conservatoire est
autorisée au profit de plusieurs créanciers (sans lien de solidarité entre eux) et que la saisie est
pratiquée au nom d'un seul, les sommes payées par le saisi doivent être imputées de préférence sur la
créance du saisissant (art. 1256, C. civ.). Si le paiement excède celle-ci, il y a lieu à mainlevée. (Civ.
Bruxelles, ch.s., 15 décembre 1986, R.G., n° 26.427, Inédit). Adde. infra, n° 286/2 et réf. cit.
(1 411 ) Civ. Liège, 23 janvier 1895, Jur. Liège, 1895, 36 ; contra Grenoble, 16 octobre 1961,
J.C.P., 1962, IV, Avoués, p. 14, n° 3986.
1412
( ) Voy. supra, n°s 41 et 42; J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, 1972 à
1985. Droit judiciaire privé. Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J .B., 1987, p. 443, n° 34.
1413
( Supra, n° 24.
)
1414
( Civ. Huy, ch.s., 30 septembre 1985, Jur. Liège, 1986, 73.
)

(1 415 ) A. FETTWEIS, A. KOHL et G. de LEVAL, Eléments de la compétence civile, Liège,


1983, p. 69, n° 128.
334 TRAITÉ DES SAISIES

qui envisage «la demande», 860 et 861 cbnés); en l'absence de


préjudice, il statuera en l'état sous réserve des moyens qui
pourraient être invoqués par le saisi dans le cadre d'une tierce-
opposition.

177) L'ordonnance.
A. - Le juge des saisies apprécie souverainement, mais sans
préjudice au fond, la situation présentée par le requérant ( 1416) ; le
cas échéant, la consultation au fichier des saisies lui permet de
compléter son information ( 1417) ; toutefois, dans la recherche et la
détermination des conditions de fond de la saisie le juge des saisies
ne doit pas se livrer à un examen exhaustif ou de longue durée
(1418).

L'ordonnance est rendue au plus tard dans les huit jours


1419
( du dépôt de la requête (art. 1418, al. 1er) en chambre du
)
conseil (art. 1029) ( 1420). Elle est motivée ( 1421 ) en ce sens qu'elle
précise si les conditions imposées par le Code judiciaire pour
justifier une saisie conservatoire sont ou non réunies. Elle énonce
la somme à concurrence de laquelle la saisie est permise ( 1422).
B. - De manière générale, l'opportunité de l'autorisation est
liée à la préservation de l'efficacité économique d'un jugement de
condamnation dont les chances d'obtention paraissent sérieuses.
L'arbitrage à opérer peut être extrêmement délicat notamment
lorsqu'il s'agit d'apprécier, sans mesure d'instruction et sur base de
quelques indices, la solvabilité d'une entreprise ( 1423 ).

416
(' ) Cass., 16 novembre 1984, lng. Cons. 1985, 164 et obs. F. de VISSCHER, J.T., 1986,
439; R.W., 1985-1986, 1030.
417
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 404 («ce fichier constitue un instrument
de documentation parfaitement utile pour le juge des saisies»); Civ. Tournai, 28 septembre 1983,
Jurisprudence du Code judiciaire, T. Il, Art. 1390/2 ; supra, n" 115.
1418
( ) M. STORME, Beschouwingen over de tussenkomst van de rechter in scheepszaken,
R.D.C.B., 1985, 422; supra, n"s 152 B et 165.
419
(' ) Il convient de noter que le non-respect de cc délai n'entraîne pas de nullité ; cette
sanction ne se justifie que lorsqu'elle s'applique à l'acte de procédure irrégulièrement accompli par
une partie (G. de LEVAL, L'accueil du justiciable et le Code judiciaire, Ann. Dr. Liège, 1981, p.
230-231, n° 9; comp. art. 1253 quater b et 1342, C. jud.).
(1 420 ) Supra, n" 173.
421
(' ) Supra, n" 175/3.
422
(' ) Cette mention (sur le contenu de celle-ci, voy. supra, n"s 164 à 166) est prescrite à
peine de nullité par les articles 1423, 1431 et 1448. Il s'agit d'une nullité qui n'est susceptible d'être
mise en oeuvre que par l'exercice d'une voie de recours (art. 20, C. jud.) à l'occasion de laquelle une
régularisation peut être obtenue. Il s'agira généralement d'un préalable obligé à la rédaction de l'acte
de saisie (infra, n" 180, 3").
1413
( ) G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège. 1976, p. 155, note !03.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 335

Le magistrat doit refuser l'autorisation si, au vu des


documents produits et des moyens développés par le requérant, la
créance alléguée lui apparaît sérieusement contestable (1 424 ), le
cas échéant non exigible (1425 ) ou insusceptible d'évaluation
provisoire ou s'il y a absence de célérité ou défaut d'intérêt pour le
requérant (1 426 ).

Par contre, lorsque les conditions de fond sont réunies, le


juge peut soit accorder purement et simplement l'autorisation
sollicitée, soit ne l'accorder que pour partie par exemp,le pour une
somme inférieure à celle invoquée dans la requête ( 427 ) ou sous
certaines modalités ou conditions. Ainsi, le juge peut limiter dans
le temps la durée de la validité de la saisie à moins que le saisissant
n'assigne au fond avant l'échéance fixée (argt art. 1425, al. 2)
(1 428). Il ne peut cependant imposer des conditions incompatibles
avec le régime légal des saisies et susceptibles d'aggraver la
situation du poursuivant. Ainsi sauf texte spécial (1 429 ) il ne peut
au stade conservatoire subordonner l'autorisation de saisir à la
constitution d'une garantie par le requérant ; de même il ne peut
exiger une mise en demeure préalable (1 430 ) (1 431 ) (1 432 ) dans la
mesure où elle inciterait le débiteur à soustraire ses biens aux
poursuites de ses créanciers ; de même, il ne peut, sauf si une telle

424
(' ) Paris, 2 février 1967, J.C.P., 1967, Il, n" 15.181 et obs. H. MOTULSKY; voy. supra,
n° 152.
425
(' Supra, n°s 159 à 163.
)
1426
( ) Au su jet de l'abus de droit, voy. supra, n" 7.
427
(' ) J. VJNCENTetJ. PREVAULT, op. cil., p. 210, n" 264; supra, n" 165.
1428
( ) K. BAERT, op. cil., T.P.R .. 1980, p. 291, n" 29; Civ. Tournai, ch.s., 13 mai 1977,
R.G., n" 7822 confirmé par Mons, 7 décembre 1978, R.G .. n° 2825, Jurisprudence du Code
judiciaire, La Charte. II, Art. 1493/2. Adde. infra, n" 196 A/2.
1429
( ) Art. 1467, al. 2 en matière de saisie conservatoire sur navires et bateaux (G. de
LEVAL, Saisie mobilière, Rép. Not., n" 486); comp. en droit allemand. le § 921, al. 2 ZPO qui
donne au juge, lorsque le demandeur ne peut rendre vraisemblable la cause dans le bref délai qui est
à sa disposition, le droit d'ordonner !'Arrest si le demandeur fournit des sûretés (W.J. HAB-
SCHEID, Les mesures provisoires en procédure civile ; droits allemand et suisse. in Les mesures
provisoires en procédure civile, Universita dcgli studi di Milano. Pubblicazioni dell' istituto di diritto
processuale civile, 1985, n" 10, p. 37).
(1 430 ) Une mise en demeure ne se conçoit pas si la condition d'exigibilité ne s'impose pas
(supra, n"s 160 à 163).
1431
( ) Voy. toutefois l'art. 11. 1 de la loi du 25 octobre 1919 sur la mise en gage du fonds de
commerce qui exige une mise en demeure au moins concomittante à racle de saisie mais ici il s'agit du
début d'une mesure d'exécution, G. de LEVAL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le
droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 319-320. et réf. cit.
432
(' ) La production par le requérant d'une mise en demeure (ou de la copie d'une citation au
fond) peut toutefois permettre au juge d'évaluer le bien-fondé de la demande en saisie conservatoire
(Bruxelles, !5ème ch., 28 mars 1986. R.Req .. n" 22/86).
336 TRAITÉ DES SAISIES

limitation procède de la requête, faire porter la saisie sur certains


biens à l'exclusion d'autres biens du débiteur sous ~eine de
méconnaître l'effet d'indisponibilité totale de la saisie ( 433 ) ; de
même, en autorisant une saisie-arrêt conservatoire le juge des
saisies ne doit pas s'immiscer dans les rapports entre le tiers saisi et
le saisi (1434).
C. - L'ordonnance peut ne pas se limiter à autoriser une
saisie. Elle peut, à la demande du requérant, prescrire des mesures
complémentaires destinées à assurer l'efficacité de la mesure.
Ainsi, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire peut être
assortie de la désignation d'un séquestre (art. 1961, 1°, C. civ.)
(1 435 ) ou de la faculté de saisir «en tous lieux où les meubles
peuvent se trouver» (1 436 ) ou entre les mains de tous tiers.
D. - Tout comme la décision du juge des référés, l'ordon-
nance du juge des saisies est de plein droit exécutoire par provision
(art. 1029, al. 2) ; elle ne peut souffrir aucun 'retard ni aucune
lenteur dans son exécution précédée de sa signification. Au
demeurant, l'article 1030, alinéa 2 prévoit que «l'expédition de
l'ordonnance peut être délivrée au bas d'un exemplaire de la
requête».
Le créancier ne peut aller au-delà de ce qui est autorisé.
Ainsi, il ne peut pratiquer une saisie-arrêt conservatoire en vertu
d'une ordonnance du juge des saisies autorisant seulement une

(1 433 ) Voy. spécialement en matière de saisie-arrêt où la règle n'est pas toujours respectée, G.
de LEVAL, op. cil., Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 294; comp. et contra K. BAERT, op. cit.,
T.P.R., 1980, p. 291, n° 28 ; infra, n° 180, 4°.
(1 434) Civ. Anvers, ch.s., 16 février 1987, R.G., n° 4285.
(1 435 ) Il importe en ce cas de spécifier les objets à mettre sous séquestre et les modalités de la
mesure. Un arrêt de la 1lème ch. de la Cour d'appel de Liège du 16 janvier 1987 (J.L.M.B., 1987,
574) ordonne à la demande du saisissant la mise à la chaîne d'une caravane (crainte d'une réalisation
éventuelle du seul élément d'actif du saisi). Sur le séquestre, voy. W. VAN CAUWELAERT,
Bewaargeving en sekwester, Kluwer Rechtswetenschappen, 1982, n°s 303 et s., p. 113 et s. ; K.
BAERT, op. cit., T.P.R., 1980, 296, n° 42; J.L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 489, n° 80. Cette
mesure qui déroge au principe du libre usage des biens saisis par le débiteur, ne peut être autorisée
que s'il existe de très sérieuses raisons de craindre que le saisi ne tente, entre le moment de la saisie et
celui de la vente, de soustraire le bien à l'action de son créancier. L'application la plus fréquente de
cette règle est faite en matière de véhicules saisis lorsque le juge des saisies autorise leur mise à la
chaîne (c'est à tort qu'il est parfois décidé que l'huissier pourrait, sans autorisation spéciale,
immobiliser sur place le véhicule au moment de la saisie, Civ. Neufchâteau, 18 février 1982,
Jurisprudence du Code judiciaire, art. 1423/2 et Civ. Bruxelles, 13 août 1985, R.Req., n° 11.759,
Inédit; comp. art. 1470, al. 2, C. jud.). Enfin, la mise sous séquestre est le complément indispensable
de la saisie d'un aéronef pour autant que celui-ci soit saisissable (supra, n° 66).
(1 436) Une telle décision dispense le saisissant de solliciter ultérieurement l'autorisation
prévue par l'article 1503 (G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 207).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 337

saisie mobilière conservatoire (1 437). De même si l'ordonnance ne


porte permission de saisir-arrêter qu'entre les mains d'un tiers
nominativement désigné, le créancier ne peut pas saisir-arrêter
entre les mains d'une autre personne (1 438).
E. - Aucun droit d'enregistrement n'est dû sur l'ordonnance
autorisant une saisie conservatoire car il ne s'agit pas d'une décision
portant condamnation (1 439).

1437
( ) Bruxelles, 9 février 1972, Pas., 1972, li, 83; Trib. Gde Inst. Nanterre, Réf., 17 juin
1976, J.C.P., 1976, IV, n° 6642, p. 322 et obs. J.A.
1438
( ) Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 137; voy. aussi Civ. Anvers, ch.s., 10
septembre 1984, Dr. Eur. Tr., 1985, 248.
439
(' ) Civ. Anvers, ch.s., 25 juin 1981, Rec. Enr., 1983, n° 22878, p. 161.
TITRE III

LA SAISIE CONSERVATOIRE ET LES RECOURS

178) Plan.

Un premier chapitre est consacré à l'acte de saisie conser-


vatoire qui se réalise généralement par la signification d'un exploit
dont il importe de préciser le contenu. Un second chapitre traite
des recours du créancier (Section 1), du débiteur ou du tiers
(Section II). La mission du juge des saisies et la responsabilité
éventuelle du saisissant clôturent cet examen (Section III).

CHAPITRE l-L'ACTE DE SAISIE.

179) L'acte de saisie, règles générales.

L'acte de saisie réalise le but de la saisie conservatoire qui


est de maintenir les biens saisis dans le patrimoine du débiteur
(1440).

Il n'est précédé d'aucun commandement (art. 1424, 1°,


art. 1432, al. 1er), c'est-à-dire d'un ordre de payer sous menace de
saisie signifié par exploit d'huissier sur base d'un titre exécutoire.
Un tel acte ne se justifie qu'au stade de la saisie-exécution et non à
celui de la conservation du patrimoine du débiteur (1 441 ).
En règle générale, la saisie est faite par exploit d'huissier
(1 442). L'acte de saisie est signifié au débiteur mais il existe des

44
(' Cass., 8 avril 1983, Pas .. 1983, Il, 841.
")
1441
( Supra. n° 143 : infra, n"s 282 et s.
)
1442
( ) li existe des règles spéciales en matière de saisie-arrêt. art. 1449 et 1450 (G. de
LEVAL. La saisie-arrêt, Liège, 1976, n°s 108 à Ill. p. 166 à 170 et La saisie mobilière, Rép. Not.,
n" 406).
340 TRAITÉ DES SAISIES

exceptions à ce principe chaque fois que l'assiette de la saisie est


atteinte chez un tiers avant que la mesure ne soit dénoncée au
débiteur (tel est le cas en matière de saisie-arrêt ou de saisie
mobilière chez un tiers) (1 443 ). Sauf dans l'hypothèse prévue par
l'article 1433 prescrivant que la saisie immobilière conservatoire
intervienne dans le mois de la date d'autorisation (1 444), la loi
n'impose pas au poursuivant de signifier l'acte de saisie dans un
délai déterminé ; toutefois, l'écoulement injustifié d'une période
plus ou moins longue entre l'autorisation de saisir et l'acte de saisie
peut constituer un indice révélant l'absence de célérité.

180) Mentions communes à tous les exploits de saisie conservatoire.

Aux termes de l'article 1389, «à peine de nullité, l'exploit


de saisie contient, outre les mentions prévues par l'article 43 :
1 - l'élection de domicile du saisissant dans l'arrondissement où
siège le juge qui doit, le cas échéant, connaître de la saisie à
moins que le saisissant n'y demeure ;
2 - les nom, prénom et domicile du débiteur saisi ;
3 - l'indication de la somme réclamée et du titre en vertu duquel la
saisie est faite ;
4 - la description sommaire des biens saisis».
Il importe de préciser le contenu de chacune de ces
mentions dont l'ensemble permet d'aviser correctement le saisi de
la poursuite dirigée contre lui :
1 - l'élection de domicile du saisissant : elle est obligatoirement
faite dans l'arrondissement et non dans la commune (1 445 ) où
siège le juge territorialement compétent à moins que le
saisissant n'y demeure, c'est-à-dire n'y ait son domicile au sens
de l'article 36 du Code judiciaire mais rien n'empêche le
saisissant d'effectuer même en ce cas une élection de domicile.
Le domicile élu est un domicile fictif imposé par la loi

(1 443 ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s 93, 207 et 425 et s. ; voy. aussi
supra, n° 140 A et C.
(1 444 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n°179.
( 1445 ) Voy. aussi l'art. 1500, al. Ier (G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 198
C) ; contra, art. 1482 qui maintient, en matière de saisie-description l'élection de domicile dans la
commune où doit avoir lieu la description. Adde. infra n° 285/2.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 341

permettant au saisi ou à tout tiers intéressé d'y faire «toutes


significations même d'offres réelles» (art. 1392), c'est-à-dire
de signifier ou de notifier au saisissant tout acte relatif à la
saisie (paiement, assignation en mainlevée, signification ou
notification d'un recours contre une décision du juge des
saisies ou du juge du fond, etc.) (1 446 ). On sait que l'élection
de domicile produit généralement un second effet : celui
d'attribuer compétence territoriale au juge du domicile élu
(art. 111, C. civ.) ; en cas de saisie, la règle est inversée, c'est
dans l'arrondissement du lieu de la saisie, c'est-à-dire du juge
territorialement compétent pour en connaître que l'élection de
domicile doit être faite. Bref, en matière de saisie, l'élection de
domicile constitue spécialement pour le saisi un heureux
contrepoids au pouvoir du saisissant qui peut être rapidement
atteint dans l'arrondissement du lieu de la saisie, ce qui permet
d'éviter les lenteurs et les complications inhérentes à des
significations faites en des lieux éloignés ou à l'étranger auquel
cas, le délai de citation doit être augmenté conformément à
l'article 55 (art. 1035, al. 2) (1 447 ).
Le défaut d'élection de domicile est prescrit à peine de nullité
relative (art. 1389, 1° et 861) (1 448 ). L'élection de domicile
faite sans désignation de mandataire équivaut à l'absence
d'élection de domicile si cette omission rend impossible une
signification en ce lieu (1 449 ). Sauf lorsqu'il s'agit d'éviter une
sipification à parquet ou à l'étranger (art. 40, al. 4, C. jud.)
(1 50), l'élection de domicile ne crée qu'un mode concurrent
de signification avec les modes de droit commun, notamment
la signification au domicile réel du saisissant.
La signification à domicile élu doit être effectuée au domicile
choisi par le saisissant dans l'arrondissement où siège le juge

446
(' Cass., 9janvier1981, J.T., 1982, 277. Adde. infra n° 285/2.
)
447
(' Infra, n° 189.
)
448
(' ) Civ. Liège, ch.s., 8 avril 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, II, Art.
1389, 1; Cass. Fr., 10 novembre 1982, Gaz. Pal., 1983, Pan., 152.
(1 449 ) Argt. art. 39, C. jud. Par contre, il est admis qu'est suffisante l'élection de domicile
faite à l'administration communale sans désignation de personne car les significations pourront être
faites aux risques et périls du saisissant à tout fonctionnaire ou employé rencontré en ce lieu (Ch.
LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 175, p. 211; J.H. ZWENDELAAR, Formulaire annoté de
procédure civile, Larcier, 1937, T. III, p. 71, n° 9). De manière générale, la question se pose si une
telle mission peut être imposée à un tiers. Voy. au sujet de l'élection de domicile au Procureur du
Roi, «Election de domicile», L'huissier de Justice, 1987. 105 à 107.
450
(' ) Cass., 10 décembre 1971, Pas., 1972, 1, 356; Cass., 28 juin 1979, J.T., 1979, 625; E.
KRINGS, L'exécution des sentences arbitrales, Rcv. Dr. !nt. et Dr. Comp., 1976, p. 199, n° 16.
342 TRAITÉ DES SAISIES

qui doit connaître de la sa1s1e. Toute erreur à ce sujet est


susceptible d'entraîner la nullité absolue de la citation (art.
862, §1er, 9°, C. jud.) (1 451 ).
2 - les nom, prénom et domicile du débiteur saisi. Cette mention
prescrite à peine de nullité relative (art. 1389, 2° et 861 cbnés)
(1 452) ne suscite généralement pas de difficulté. On observera
que la même exigence assortie de la même sanction existe en ce
qui concerne le saisissant (art. 43, 2°) (1 453 ).
Toutefois, il importe de savoir s'il est permis à l'huissier
instrumentant de se fier au domicile indiqué par le saisi comme
étant le sien au cours de la procédure qui a précédé la saisie
conservatoire ou si une nouvelle vérification de ce domicile
doit être faite au seuil de la procédure de saisie. Si la partie qui
change de domicile au cours de la procédure doit prendre
l'initiative d'en avertir son adversaire à peine de ne pouvoir se
plaindre qu'un acte ait été signifié à son ancien domicile
(1 454 ), force est de constater qu'il s'agit en l'espèce non de la
seule signification d'un jugement mais d'une procédure nou-
velle, indépendante d'une éventuelle instance antérieure. Cer-
tes, l'huissier contrôlera la réalité du domicile lorsqu'il s'agira
de pratiquer une saisie sur du mobilier se trouvant au domicile
du saisi mais dans les autres hypothèses lorsqu'il s'agit de saisir
chez un tiers ou de pratiquer une saisie immobilière conserva-
toire qui se fait abstraitement par référence à la matrice
cadastrale, il importe que l'officier ministériel vérifie préala-
blement l'exactitude du domicile du saisi ( 1455 ) afin d'éviter
toute signification irrégulière empêchant le saisi d'être immé-
diatement informé de la mesure.
Si l'article 1389 ne mentionne pas les nom, prénom et domicile
du tiers chez lequel une saisie mobilière ou une saisie-arrêt doit

1451
( ) Civ. Anvers, ch.s., 18 avril 1983, Bull. Contr., 1985, 286 (signification en l'étude de
l'huissier de justice instrumentant, cc qui est le cas le plus fréquent, alors que le receveur chargé du
recouvrement faisait uniquement élection de domicile en son propre bureau). Adde. infra, n" 181.
1452
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 18 décembre 1986, R.G. n" 23.249 qui précise qu'une telle
irrégularité n'est pas visée par l'art. 862, § Ier, 9°, C. jud.
453
(' ) Liège, 15 novembre 1984, Jur. Liège, 1985, 410.
454
(' ) Cass., Ier février 1982, Pas., 1982, 1, 688; Rev. Not., 1982, 72; J.T., 1983, 309
(«lorsqu'une société défenderesse a, au cours de la procédure, transféré son siège social sans en
avertir le demandeur, la signification du jugement faite au siège social qui était le sien au moment de
la citation et qu'elle a indiqué dans ses conclusions est régulière»); A. FETIWEIS, Manuel de
procédure civile, Liège, 1985, n° 222, p. 185-186 et obs. sous Civ. Bruxelles, 16 mars 1977, J.T.,
1977, 626, n°1; comp. J.P. DECHAMPS, Eloge de la simplicité, Ann. Dr. Liège, 1983. p. 269-270.
455
(' ) Voy. aussi infra, n" 263.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 343

être pratiquée, une telle mention est exigée à peine de nullité


relative par l'article 43, 3° qui impose l'indication «des nom,
prénom, domicile ou à défaut de domicile, résidence et, le cas
échéant, qualité du destinataire de l'exploit».
3 - l'indication de la somme réclamée et du titre en vertu duquel la
saisie est faite. Si l'article 1389, 3° exige seulement l'indication
du titre en vertu duquel la saisie est faite, la reproduction de
celui-ci peut être imposée par les dispositions propres à chaque
saisie. En effet, lorsque la saisie est pratiquée en vertu d'une
autorisation du juge des saisies ou en vertu d'un jugement
tenant lieu de celle-ci, l'exploit de saisie doit contenir, à peine
de nullité relative (1 456 ), soit la signification de la requête et
de l'ordonnance qui a autorisé la saisie, soit la signification du
jugement qui tient lieu d'autorisation de saisir (art. 1424, 2°,
1432, 1°, 1463). Bref, ce n'est que lorsque le titre a déjà été
signifié au débiteur (hypothèse expressément envisagée par
l'art. 1432, 1°) ou lorsque la loi n'impose pas la signification du
titre (acte authentique voire acte privé en cas de saisie-arrêt)
que la simple indication de celui-ci peut suffire.
L'indication de la somme réclamée en principal, intérêts et
frais est indispensable au saisi qui, informé des causes exactes
de la saisie, pourra les contester en tout ou en partie ou
recourir au cantonnement à concurrence de la somme indiquée
(art. 1403, al. 1er). La saisie pratiquée pour un montant
indéterminé est susceptible d'être annulée (art. 1389, 3° et
861). Si un exploit de saisie énonce une somme liquide et se
fonde en même temps sur d'autres créances dont le chiffre
n'est pas indiqué, la saisie est seulement valable pour la somme
énoncée et un cantonnement à concurrence de celle-ci permet
de libérer tous les avoirs sur lesquels la saisie a été pratiquée.
En cas de créances de revenus périodiques à échoir (y compris
les intérêts), le montant de la créance correspond au nombre
de termes indiqués dans l'acte de saisie. A défaut d'une telle
indication, les causes de la saisie conservatoire ne peuvent
s'étendre aux termes à échoir ( 1457 ).

456
(' ) On relève toutefois qu'une telle sanction n'est pas prévue pour la saisie-arrêt (art. 1445,
1449, 1450) et pour la saisie sur navires et bateaux (art. 1470). La véritable sanction se situe au niveau
de l'exercice du recours (infra. n° 182).
457
(' ) Comp. en cas de saisie-exécution échelonnée, infra 11° 226. Le tiers-saisi peut invoquer
l'art. 1389, 3° lorsque le saisissant formule des exigences qui excèdent le montant indiqué dans l'acte
(voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 165, n" 107).
344 TRAITÉ DES SAISIES

4 - La description sommaire des biens saisis. La loi n'impose pas


une description précise et détaillée de l'objet de la saisie mais
une telle exigence peut être formulée par une règle spéciale
(art. 1506, al. 1er) (1 458 ). Il importe que les biens saisis soient
relatés dans l'exploit de saisie de manière suffisante afin qu'ils
puissent être reconnus comme réellement compris dans la
saisie. Ainsi, la saisie mobilière peut être annulée à la
demande du tiers revendiquant si l'objet saisi est à ce point
rudimentairement décrit qu'il ne lui permet pas de faire valoir
utilement ses droits (1 459 ).
La saisie ne s'étend qu'aux objets que l'acte énumère. Ainsi, si
l'acte de saisie-arrêt appréhende toutes les créances du saisi, le
tiers saisi ne peut plus exécuter aucune obligation envers le
saisi (1 460 ) mais, si l'acte de saisie énumère limitativement
l'objet saisi (un compte déterminé), il ne peut frapper les
autres créances du saisi et notamment les autres comptes de
celui-ci (1 461 ). Si la saisie est pratiquée en vertu d'une
autorisation du juge des saisies, les limites fixées par celui-ci
doivent être resEectées aussi longtemps que la décision n'est
pas modifiée (1 4 ).

181) Mode de signification de l'exploit de saisie.

L'exploit de saisie est signifié conformément aux articles 32


et suivants du Code judiciaire. Il n'y a pas, sauf règle spéciale
1463
( ), d'obligation de recourir, à peine de nullité, à la signification

1458
( ) En l'absence de dispositions légales plus exigeantes, l'exploit de saisie-arrêt ne doit pas
contenir davantage qu'une description sommaire des biens saisis, l'article 1506 du Code judiciaire
étant propre à la saisie mobilière (Civ. Bruxelles, ch.s., 27 août 1985, Inédit). Au sujet de l'art. 1506,
al. 1er, C. jud., voy. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 214/1.
(1 459) Civ. Tournai, ch.s., 9 novembre 1984, J.T., 1985, 146 et obs. G. de LEVAL.
(1 460) Ne sont pas entachées d'abus de droit, les saisies-arrêts pratiquées par un vendeur, avec
la permission du juge, sur l'ensemble des comptes bancaires de l'acheteur, en vue d'obtenir le
paiement du prix de la marchandise qui n'avait pas été effectué à la date convenue (Cass. Fr., 17 mai
1983, J.C.P., 1983, IV, 236).
(1 461 ) Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET, Chronique de droit bancaire, J.C.P., 1976, D.,
2801, n°s 15 et 22, in fine.
(1 462 ) Voy. supra, n° 177 B.
(1 463 ) Voy. en matière de saisie-arrêt, l'art. 1544 (G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép.
Not., n° 464).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 345

à personne (1 464 ) encore que celle-ci constitue le mode idéal


d'information puisqu'elle garantit la prise de connaissance effective
et immédiate de l'exploit par son destinataire.

La loi décide à juste titre que l'indication du mode de


signification utilisé, qui permettra au magistrat de vérifier si le
destinataire de l'exploit a été effectivement touché, revêt la plus
grande importance ; elle prescrit à peine de nullité absolue «la
mention de la signification des exploits et des actes d'exécution à
personne ou au lieu fixé par la loi» (art. 862, § 1er, 9°) (1 465 ).

C'est sur le fondement de l'indication du mode de remise


de l'exploit que le juge peut apprécier si le destinataire de l'acte de
saisie (tiers ou saisi) a pu méconnaître de bonne foi l'effet
d'indisponibilité avant d'être réellement atteint par la saisie. En
effet, si la signification est faite à domicile \art. 35), par dépôt d'une
copie de l'exploit au domicile (art. 38) ( 466 ), à l'étranger ou au
Procureur du Roi (art. 40), le destinataire n'en prend connaissance
qu'après le moment de la signification (1 467 ). Ainsi, la responsabi-
lité de l'huissier de justice pourrait être engagée à défaut pour
celui-ci de donner la prééminence à la signification à personne
avant de recourir à un autre mode de signification (1 468 ) ou en ne
respectant pas l'ordre prévu par l'article 35 du Code judiciaire.

(1 464) C.T. Liège, 5 octobre 1983, Jur. Liège, 1984, 36. De même, une signification effectuée
à résidence sans respecter le caractère de subsidiarité de l'article 35 du Code judiciaire ne peut
entraîner, en l'absence de texte la comminant, la nullité (A. KOHL, note sous Trav. Dinant, 13 mars
1986, Ann. Dr. Liège, 1987, p. 258; Adde. C.T. Bruxelles, 24 juin 1986, Jur. des Jur. du Trav. de
Bruxelles, 1986, 248).
(1 465 ) Cette disposition ne sanctionne que l'indication du mode de signification utilisé et non
son contenu (voy. A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 172, n° 203 et Liège,
28 octobre 1983, Jur. Liège, 1983, 565).
(1 466) Loi du 24 mai 1985 modifiant les articles 37, 38, 40 et 46 du Code judiciaire (G. de
LEVAL, Du nouveau dans les significations et les notifications, J.T., 1985, 725 à 728). Adde. infra,
n" 262.
1467
( ) Comp. la saisie à un siège central d'une banque (infra, Annexe I, 5 A).

(1 468) «Plus que jamais les huissiers de justice doivent comprendre que la signification à
personne est devenue une nécessité, non seulement dans les textes, mais aussi dans les faits et par
conséquent, l'efficacité est désormais la règle. Les Pouvoirs Publics de même que les tribunaux,
n'attachent maintenant une importance à la signification que si elle est remise à l'intéressé en
personne et toute autre modalité ne devrait plus être que l'exception. C'est en tout cas, à cette
condition que nous pourrons espérer le maintien des notifications en forme de signification» (R.
SOULARD, «La signification à personne devient une nécessité», Revue des Huissiers de justice,
1975, p. 64).
346 TRAITÉ DES SAISIES

182) L'effet de la signification sur l'exercice des recours {1 469 ).


La signification de l'exploit de saisie ou sa dénonciation au
saisi fait courir les délais pour l'exercice des voies de recours
lorsqu'il reproduit le titre en vertu duquel la saisie est pratiquée
(1470).

a) Si la mesure résulte d'un jugement de condamnation tenant


lieu d'autorisation de saisir conservatoirement (art. 1414), la
signification du jugement dans l'acte de saisie conservatoire, fait
courir le délai pour l'exercice de la voie de recours ordinaire (art.
1048 et 1051). Une seconde signification effectuée ultérieurement
de manière isolée ne pourrait faire courir à nouveau le délai d'appel
ou d'opposition {1 471 ).

b) Si la mesure résulte d'une autorisation du juge des saisies, la


signification de celle-ci dans l'acte de saisie conservatoire fait courir
le délai d'un mois endéans lequel la tierce-opposition doit, en
principe {1 472 ), être formalisée (art. 1419, al. 1er et 1034).

CHAPITRE II - RECOURS EN MATIERE DE SAISIE CON-


SERVATOIRE.

SECTION 1 - Recours du requérant ou de l'intervenant.

183) Recours du requérant en l'absence de circonstances nouvelles


(appel)

Lorsque l'ordonnance du juge des saisies refuse l'autorisa-


tion de pratiquer une saisie conservatoire ou ne fait droit que
partiellement à la requête, le requérant (ou la partie intervenante)
qui estime que la situation a été mal appréciée en fait ou en droit
par le juge des saisies, peut uniquement (art. 1032 a contrario)

1469
( ) En ce qui concerne l'effet de la signification sur l'interruption de la prescription et
l'introduction de l'instance au fond (infra, n"s 214 et 215).
470
(' ) Supra, n" 180, 3°.
471
(' ) Liège, 19 mars 1985, Jur. Liège. 1985, 387.
1472
( ) Voy. toutefois, l'article 1419, al. 2; infra, n° 187.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 347

(1 473 ) interjeter appel de l'ordonnance dans le mois à partir de la


notification qui lui a été faite par le greffier (art. 1030, 1031et1419,
cbnés) (1 474 ).
En degré d'appel, la procédure introduite par une requête
conforme aux dispositions de l'article 1026 (art. 1031) demeure
nécessairement unilatérale (1 475 ). A moins que l'appelant ne
demande dans son acte d'appel que la cause soit attribuée à une
chambre composée de trois conseillers, le recours est porté devant
une chambre à conseiller unique (art. 109 bis, C. jud.) (1 476 ).
Encore qu'aucune disposition ne fixe, à l'instar de l'article 1418, un
délai endéans lequel le juge d'appel doit statuer, il importe que, vu
l'urgence, celui-ci statue dès que possible.
La procédure d'appel ne peut être utilisée pour faire valoir
à ce degré des éléments nouveaux concernant l'objet ou la cause de
la demande, l'article 807 du Code judiciaire étant inapplicable à une
procédure unilatérale (1 477 ), mais l'article 1032 permet en ce cas la
réintroduction de la demande devant le premier juge.

184) Recours du requérant en cas de changement de circonstances.

Aux termes de l'article 1032, rendu expressément applica-


ble aux saisies conservatoires par l'article 1419, alinéa 1er, «le
requérant ou l'intervenant peut lorsque les circonstances ont
changé et sous réserve des droits acquis par des tiers, demander par
requête la modification ou la rétractation de l'ordonnance au juge
qui l'a rendue».

473
(' ) «Le rejet de la requête peut causer un grief au requérant et comme en l'absence d'un
fait nouveau, il serait illusoire d'espérer du juge qui a statué qu'il accorde demain, ce qu'il a refusé
hier, le seul recours efficace est un appel devant la Cour» (R. PERROT, Jurisprudence française en
matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1977, p. 829, n° 11). Adde. en matière de saisie-
exécution immobilière (désignation du notaire en vertu de l'article 1580, C. jud.), Cass., 29 juin 1987,
R.G., n" 7714.
474
(' ) A. LE PAIGE, Précis de droit judiciaire, Les voies de recours, T. IV, Bruxelles,
Larcier, 1973, p. 81, n" 92.
(1 475 ) A. FETTWElS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 312; Bruxelles, li février
1977, J. T., 1977, 529 ; le législateur prévoit cependant dans certaines hypothèses que la procédure
unilatérale est, en instance d'appel, bilatérale (art. 1711, C. jud. en matière d'arbitrage et art. 40,
Conv. Bruxelles du 27 septembre 1968).
1476
( ) Vu le caractère unilatéral de la procédure, l'art. 109 bis, § 2, al. 3 est évidemment
inapplicable.
(1 477 ) Liège, 25 novembre 1980, Jur. Liège, 1981, 77 et obs. G. de LEVAL.
348 TRAITÉ DES SAISIES

La réitération de la demande devant le juge des saisies


n'est recevable que si les circonstances ont changé (1 478), sinon
l'autorité de chose jugée attachée à la première décision ferait
entrave à la réintroduction de la requête. Des éléments nouveaux
ou des pièces nouvelles sont ainsi susceptibles d'établir qu'il y a
célérité ou que la créance a acquis les qualités qui lui faisaient
précédemment défaut (1 479 ). De toute manière, il y a lieu de
réserver les droits acquis par le tiers sur l'objet de la saisie
(extinction de la dette du tiers saisi par voie de compensation ou de
paiement ; cession de créance ; aliénation de meubles corporels,
etc.).
Il arrive que le saisissant fasse l'économie de ce recours
lorsqu'au cours de l'instance en mainlevée introduite par le saisi, il
formule une demande reconventionnelle fondée sur des circonstan-
ces nouvelles ~ustifiant une saisie conservatoire ou la majoration de
ses causes ( 14 ).

SECTION II - Recours du saisi.

185) Généralités.

Le saisi peu contester le principe de la mesure qui le frappe


et demander la mainlevée de la saisie conservatoire. Les règles de
procédure varient suivant que la saisie conservatoire a été autorisée
par le juge des saisies ou qu'elle a été pratiquée en vertu d'un autre
titre. Dans le premier cas, le saisi exerce une tierce-opposition (§
1er) en vue d'obtenir la rétractation de l'ordonnance qui vaudra
mainlevée (art. 1419) ; dans le second, le saisi introduit, par
citation, une instance aux fins de faire ordonner la levée de la saisie
(art. 1420) (§ 2).
Dans l'un et l'autre cas, le but du saisi est le même : obtenir
une décision de mainlevée assortie éventuellement d'une condam-
nation du saisissant au paiement de dommages-intérêts du chef de
saisie téméraire et vexatoire (§ 3). Au droit du créancier de

478
(' ) Il n'y a pas de changement de circonstances si le requérant fait état de circonstances
qu'il connaissait lors de la première procédure (Civ. Neufchâteau, ch.s., 7 mars 1980, Jurisprudence
du Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1419, n° 9/1). Voy. aussi supra, n° 168 et infra, n° 187.
1479
( ) Liège, 30 juin 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1419,
n° 9/4.
( 1480 ) Supra, n° 174 et infra, n° 191.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 349

recevoir une protection urgente de son droit prétendu, succède le


droit du saisi de faire valoir complètement tous ses mo,J;ens et
d'obtenir, le cas échéant, réparation du préjudice causé (1 1). Un
équilibre est ainsi réalisé entre les positions antagonistes. Cette
situation est particulièrement caractéristique au droit des saisies.

De nombreux moyens sont généralement soumis au juge


des saisies par l'auteur du recours : irrégularité formelle dans le
titre ou dans l'acte de saisie ; défaut d'une ou de plusieurs
conditions de fond. Ils ne doivent être successivement rencontrés
que dans la mesure où la réponse donnée à l'un d'eux ne peut
suffire pour justifier le résultat recherché (1 482 ).

§ 1. - Tierce-opposition.

186) La tierce-opposition du saisi ou d'un tiers.

«Une ordonnance sur requête, obtenue rapidement et sur


information unilatérale (qui peut être tendancieuse ou simplement
incomplète), ne respecte les droits de la défense que si elle
s'accompagne d'un moyen propre à permettre la vérification au
cours d'un débat contradictoire, des conditions qui ont déclenché
son mécanisme» {1 483 ).

C'est pourquoi l'ordonnance accordant l'autorisation de


pratiquer une saisie conservatoire est soumise au recours prévu aux
articles 1033 et 1034 du Code judiciaire (art. 1419, al. 1er). Il s'agit

481
(' ) On ne peut transposer à la matière des saisies la considération propre à la faillite
suivant laquelle cette voie de recours ne permet que très rarement de réparer le préjudice subi par
celui qui a été déclaré à tort failli (1. VEROUGSTRAETE, note sous Cass. 7 novembre 1986,
R.D.C., 1986, 516; adde. E. KRINGS, Le pouvoir judiciaire et la procédure de faillite, J.T., 1986,
p. 429, n°s 14 et 15 ; voy. supra, n" 120).
1482
( ) Jugé à juste titre que «le seul constat soit de l'absence de célérité requise pour autoriser
et maintenir la saisie conservatoire (art. 1413, C. jud.), soit du défaut de fondement (certitude,
liquidité, exigibilité) prima facie, de la créance qui constitue la cause de la saisie, suffit à justifier la
mainlevée de celle-ci sans qu'il soit besoin d'examiner, en présence du constat de l'une de ces
carences, si l'autre est également avérée en l'espèce, et sans qu'il soit davantage besoin d'examiner un
autre moyen qui ne saurait entraîner un dispositif différent» (Civ. Bruxelles, ch.s., 26 mai 1986, R.G.
n" 19 280, Inédit ; infra, note 1534).
483
(' ) H. MOTULSKY, obs. sous Paris, 2 février 1967 et Trib. Gde lnst. Seine, 13 avril 1967,
J.C.P., 1967, Il, n° 15.181.
350 TRAITÉ DES SAISIES

de la tierce-opposition (1 484 ) ouverte au débiteur saisi et à tout tiers


intéressé (tiers saisi (1 485 ), créancier opposant, tiers propriétaire
(1 486), etc.). Elle donne lieu à un débat contradictoire au cours
duquel la régularité de la procédure et les conditions de fond sont
examinées, le cas échéant, à la lumière d'éléments nouveaux (1 487 )
invoqués par le saisissant, le saisi ou tout autre intéressé et à l'issue
duquel le magistrat, mieux informé, décide de maintenir ou de
rétracter sa décision.
Dans la mesure où le saisi n'est pas intervenu (ce qui est
généralement le cas, l'existence de la requête lui étant normalement
cachée) (1 488 ) à la cause dont procède l'ordonnance qui autorise la
saisie, il est sans qualité pour interjeter appel de celle-ci (1 489 ) ; la
seule voie de recours qui lui est ouverte est la tierce-opposition
devant le juge qui a rendu la décision attaquée (art. 1125, al. 1er)
(1 490), c'est-à-dire le juge des saisies ou la Cour d'appel lorsque
celle-ci a infirmé l'ordonnance du juge des saisies refusant l'autori-
sation de pratiquer une saisie conservatoire (1 491 ).

1484
( ) Bien que le législateur n'utilise pas les termes «tierce-opposition», il est incontestable
et aujourd'hui incontesté que l'article 1033 ne concerne pas l'opposition régie par les articles 1047 à
1049 mais la tierce-opposition réglée par les articles 1122 et suivants, l'article 1034 se référant
expressément à l'article 1125 (Bruxelles, 5 janvier 1971, Pas., 1971, IL 90; Rev. Not. Belge, 1973,
400; Bruxelles, 17 octobre 1973, Rec. enr., 1974. n" 21.805, p. 245; R.W., 1973-1974, 726; Liège, 19
février 1974, Jur. Liège, 1973-1974, 217; Bruxelles. 26 février 1974, Pas., 1974, Il, 121 ; Bruxelles, 7
février 1975, Pas., 1975, II, 106; Mons, 20 avril 1978, Pas., 1978. IL 79; F. de VISSCHER, obs. sous
Cass., 16 novembre 1984, lng. Cons., 1985, 167 et note 1.
485
(' ) Le tiers peut être soucieux de ne pas laisser subsister l'apparence d'un engagement
envers le saisi (Civ. Bruges, 4 mars 1986, Tijds. voor Brugse Rechts., 1986, 34) ou au contraire de ne
pas être entravé dans l'exécution de son engagement mais il est irrecevable à faire valoir des moyens
qui ne concernent que le saisi ou le saisissant (Civ. Bruxelles, ch.s., 22 décembre 1986. R.G. n°
32.307 ; supra, n° 56). Voy. en matière de crédit documentaire, Cass. Fr., 14 mars 1984, Bull. Civ.,
1984, IV, p. 86, n°102; Dall., 1985, l.R., 245; Aix-en-Provence, 14 mai 1982, Dall., 1983, l.R., 412
et note M. VASSEUR et en matière de garantie à première demande. Trib. Gde Inst. Paris, 13 mai
1980, Dall., 1980, J., 488; Rev. Banque, 1980, 663.
486
(' ) Mons, 20 avril 1978, Pas., 1978, Il, 79; adde. Anvers, 27 avril 1983, Jur. Anvers, 1983-
1984, 72 et J. van COMPERNOLLE, op. cit., R.C.J.B., 1987. n° 61, p. 469; comp. et contra, Civ.
Liège, 20 janvier 1960, Jur. Liège, 1960-1961. 124; Civ. Anvers, ch.s., 9 mars 1987, A.R. n° 20.517,
in Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1503. Il reste que le tiers propriétaire a intérêt à situer le
débat sur le plan du droit de propriété en diligentant l'action en distraction (G. de LEVAL, Aspects
actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 635, n° 46).
487
{' ) Infra, n" 191.
488
(' ) A. LE PAIGE, Les voies de recours, Précis de droit judiciaire, T. IV, Larcier, 1973, p.
17, n° 22; voy. toutefois supra, n° 174.
1489
( ) K. BAERT, op. cil., T.P.R., 1980, p. 291, n° 31. Toute voie de recours ordinaire
(appel ou opposition) est donc irrecevable (Bruxelles, 5 janvier 1971, Pas., 1971, Il, 90; Bruxelles, 2
février 1971, Pas., 1971, Il, 157; Civ. Bruxelles, 23 mai 1978, Rec. enr., 1978, n° 22.372).
1490
( ) Cass., 2 mars 1972, Pas., 1972, !, 599; J.T., 1972, 518; Civ. Bruxelles, ch.s., 29 juillet
1970, Rec. enr., 1972, 72 ; voy. aussi R. PERROT. Jurisprudence française en matière de droit
judiciaire privé, R.T.D.C., 1987, p. 410, n° 13.
1491
( ) Supra. n° 183.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 351

La tierce-opposition n'appartient gas nécessairement au


juge qui a rendu la décision attaquée (1 2 ). Non seulement la
tierce-opposition incidente peut être portée devant un juge de
degré sugérieur à celui qui a rendu la décision attaquée (art. 1125,
al. 2) (1 3) mais aussi, en cas de connexité, le regroupement peut
s'opérer devant un seul juge alors que les décisions frappées du
recours émanent de juges des saisies différents (1 494 ).

187) Le délai pour former la tierce-opposition.

La tierce-opposition doit être formée dans le mois de la


signification de la décision à l'opposant (art. 1034) (1 495 ). Ce bref
délai, destiné «à éviter l'inconvénient d'une longue incertitude»
(1 496 ) est prescrit à peine de déchéance (art. 860, al. 2) (1 497 ) ; il
n'est pas susceptible d'être allongé en raison d'une signification
effectuée à l'étranger (art. 55 et 1034, cbnés) (1 498 ~ ou pendant les
vacances judiciaires (art. 50 al. 2 et 1034 cbnés) (1 4 9 ).
Il est vite apparu que ce bref délai pouvait être à la base de
discriminations injustifiées. En effet, alors que le requérant ou
l'intervenant pouvait en cas de changement de circonstances et sous
réserve des droits acquis par des tiers, demander par requête la
modification ou la rétractation de l'ordonnance au juge qui l'avait
rendue (art. 1032), toute personne qui n'était pas intervenue à la
cause, c'est-à-dire le plus souvent, le débiteur saisi, qui ne pouvait
certes être censé défendre, en ce domaine, des intérêts de moindre

492
(' ) A. FETIWEIS, La compétence, Bruxelles, Larcier, 1971, n° 83 ter, p. 64; comp. et
contra A. LE PAIGE, Les voies de recours, Bruxelles, Larcier, 1973, n° 186, p. 172, note 1.
493
(' ) Infra, n" 188.
494
(' ) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p.
371, n° 87.
495
(' ) Supra. n" 182.
496
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 459.
497
(' ) Il y a lieu de réserver la force majeure justifiant une prorogation de délai pendant la
durée de l'impossibilité absolue d'agir de la partie qui doit accomplir l'acte (Cass., 24 janvier 1974,
Pas., 1974, 1, 533 et note W.G.).
1498
( ) Civ. Bruxelles, 25 juin 1973, Pas., 1975, 1, 1. L'article 40 du Code judiciaire prévoit
qu'à l'égard des étrangers, la signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de
la poste contre le récépissé de l'envoi recommandé et le délai pour former un recours s'écoule non à
dater de la réception mais bien de l'expédition. En contrepartie, l'article 55 proroge le délai lorsque la
loi le prévoit. En l'espèce, le législateur n'a pas jugé opportune une telle prolongation et a voulu
contraindre le tiers à prendre parti dans un très bref délai même si en définitive moins d'un mois peut
subsister à dater de la réception pour former utilement une tierce-opposition.
('""') G. de LEVAL, L'accélération de la procédure. Ann. Fac. Dr. Liège, 1978, p. 43, note
122.
352 TRAITÉ DES SAISIES

importance, ne pouvait plus agir si un changement de circonstances


qui lui était favorable survenait après l'écoulement du délai d'un
mois. C'est pour remédier à cette situation que la loi du 6 juillet
1979 a inséré entre le premier et le deuxième alinéa de l'article 1419
le texte suivant : «le saisi peut, en cas de changement de circonstan-
ces, requérir la modification ou la rétractation de l'ordonnance en
citant à cette fin toutes les parties devant le juge des saisies». Cette
disposition permet en cas de changement de circonstances, d'exer-
cer une tierce-opposition en dehors du délai prévu à l'article 1034
(1 500) ; il doit s'agir d'éléments dont le saisi ne pouvait avoir
connaissance durant le délai normal de tierce-opposition et qui sont
susceptibles d'établir que les conditions pour saisir à titre conserva-
toire ne sont plus réunies (1 501 ).
Bref, la condition de recevabilité liée au respect du délai
d'un mois est remplacée par la condition de recevabilité liée à
l'instar de ce que prévoit l'article 1032 (1 502 ), à la survenance de
circonstances nouvelles.
En cas d'application de l'article 1419, alinéa 2, le saisissant
ne pourra, vu le changement de circonstances, opposer au saisi
l'autorité de chose jugée d'une décision précédente du juge des
saisies rejetant une demande de rétractation formalisée dans le
délai d'un mois.

188) Règles de procédure applicables à la tierce-opposition.


Aux termes de l'article 1125, «la tierce-opposition est
portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a
rendu la décision attaquée.
«Elle peut être formée à titre incident, par conclusions
écrites, devant le juge saisi de la contestation, s'il est égal ou
supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée, pour autant que
toutes les parties en présence lors de celle-ci soient en cause.

(1 500) G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p.


352-353, n° 30.
501
(' ) Civ. Liège, 10 mars 1982 et 16 juin 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte,
T. II, Art. 1419, n°s 9/2 et 9/3; Mons, 2 février 1984, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte,
T. II, Art. 1419, n° 915; Civ. Bruxelles, ch.s., 18 décembre 1986, R.G., n° 23.249. Camp. supra, n°
168.
(1 502 ) Supra, n° 184. La recevabilité ne concerne que l'existence des circonstances nouvelles
(qui doivent être récentes par rapport au moment de l'introduction de la demande, Civ. Bruxelles,
ch.s., 18 décembre 1986, R.G., n° 23.249) aptes à justifier la mainlevée. La confrontation de celles-ci
aux règles des art. 1413 et 1415 relève plutôt du fondement de la demande (voy. infra, n° 191).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 353

«En cas d'inobservation des règles énoncées au présent


article, la tierce-opposition ne sera pas admise».
Ce texte est expressément rendu applicable à la tierce-
opposition formée en vertu de l'article 1033 (art. 1034).
A) Le plus souvent, la tierce-opposition est introduite à l'initiative
du saisi par citation donnée au saisissant (1 503 ) devant le juge
qui a rendu la décision attaquée (c'est-à-dire le juge des saisies
ou la Cour d'appel) (1 504 ). Il importe toutefois de concilier
l'article 1125 avec l'article 1395, alinéa 2 qui prévoit que devant
le juge des saisies les demandes sont introduites selon les
formes du référé de telle sorte que le délai de citation est de
deux jours (art. 1035, al. 2) (1 505 ). Quant à la tierce-opposition
incidente, elle est spécialement susceptible, moyennant le
respect des conditions énoncées par l'article 1125, alinéa 2,
d'être mise en oeuvregar un tiers (tiers saisi, tiers propriétaire,
créancier opposant (1 6 ), etc.) alors que le saisi et le saisissant
sont déjà à la cause devant le juge des saisies ou devant la Cour
d'appel.
B) L'article 1125 exige, sous peine d'irrecevabilité (al. 3) et
indépendamment de toute considération relative à l'indivisibi-
lité du litige (1 507 ) la mise à la cause de toutes les parties à
l'instance dont procède la décision attaquée. Par parties, il faut
entendre celles qui étaient en f résence devant le juge qui a
rendu la décision attaquée (1 50 ). Si plusieurs saisissants ont
sollicité, par un même acte, l'autorisation de saisir, ils doivent
obligatoirement être cités par le saisi. Par contre, s'il y a
plusieurs saisis, la tierce-opposition formalisée par un seul est

503
(' ) En cc qui concerne la caution judicatum solvi, supra, n° 136 C, note 1083. Le saisi est
fondamentalement défendeur au fond (voy. toutefois d). Il ne peut se voir opposer la fin de non
recevoir déduite du défaut d'immatriculation au registre du commerce (Comm. Bruxelles, Réf., 18
novembre 1965, Jur. Comm. Bruxelles, 1966, 43 en matière de cantonnement; comp. et contra, Civ.
Bruxelles, ch.s., 4 mars 1985, R.G. n° 181.581 qui relève que le saisi n'étant pas commerçant ne
devait pas être immatriculé) ; addc. R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit
judiciaire privé, R.T.D.C., 1987, p. 411, n" 14.
(1 504 ) Supra, n° 186, in fine.
(1 505 ) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, n° 426. La question est cependant
controversée (voy. supra, n° 31) ; voy. aussi infra, n° 189.
(1 506 ) Infra, n° 198. in fine.
1507
( ) Cette notion n'opère qu'au niveau des effets de l'annulation (art. 1130, al. 2; voy. aussi
A. LE PAIGE, op. cil. n° 176 et A. FETTWEIS, op. cit., n° 888).
1508
( ) Civ. Tournai, ch.s., 14 septembre 1984, J.T., 1985, 151 ; Rapport VAN REEPIN-
GHEN. Pasin., 1967, 472.
354 TRAITÉ DES SAISIES

recevable (1 509 ). Il importe donc d'insister sur ce que les


parties impliquées dans la procédure de saisie peuvent ne pas
avoir été présentes dans l'instance ayant abouti à la décision
attaquée ; tel est encore le cas du tiers saisi (1 510) ou du saisi
lorsque la tierce-opposition émane d'un tiers se prétendant
propriétaire (1 511 ).
C) Si la tierce-opposition n'a pas, en principe, d'effet suspensif
alors que la décision attaquée est de droit exécutoire par
provision, l'article 1127 organise une dérogation à cette règle en
permettant au juge des saisies de suspendre, à titre provisoire,
en tout ou en partie, l'exécution de la décision attaquée (1 512 ).
D) Il se produit en cas de procédure sur requête unilatérale, un
renversement du contentieux en ce qui concerne la charge de la
preuve au seul stade conservatoire. Certes, au stade de la
requête, le saisissant a la charge de la preuve mais elle est
assouplie puisqu'il n'y a pas de débat contradictoire et qu'une
preuve complète de la créance n'est pas exigée ( 1513 ). Au stade
de la tierce-opposition, la charge de la preuve incombe cette fois
dans le cadre d'un débat contradictoire, au débiteur saisi qui
doit démontrer que les apparences retenues ne sont pas
suffisantes pour justifier une saisie conservatoire (1 514). Il
importe d'insister sur ce que cette interversion limitée des rôles
ne concerne en aucune manière le fond du droit ni la qualité
processuelle des parties (1 515 ). Ces considérations sont évi-

( 1509) Civ. Dinant, ch.s., 11octobre1977, Jur. Liège, 1977-1978, 147.


15
( !0) Liège, 6 mai 1976, Jur. Liège, 1976-1977, 41 ; Civ. Liège (Réf.), 14 janvier 1964, Jur.
Liège, 1963-1964, 171 ; contra Bruxelles, 17 octobre 1973, R.G.E.N., 1974, n° 21.805, p. 245; R.W.,
1973-1974, 726 (le juge des saisies accorde l'autorisation de procéder à une saisie-arrêt conservatoire
entre les mains de trois personnes ; par la suite, le saisi forme tierce-opposition pour entendre donner
mainlevée de la saisie pratiquée en mains du deuxième tiers saisi. Celui-ci est mis à la cause (cc qui
n'était pas obligatoire) tandis que le premier et le troisième tiers ne sont pas cités. La Cour d'appel de
Bruxelles estime, à tort, qu'elle ne peut accueillir l'action parce que la citation n'a pas été donnée à
toutes les parties).
1511
( ) Civ. Liège, ch.s., 23 avril 1986, R.G., n° 73.558/85; voy. aussi Cass., 24 avril 1987,
R.G., n" 5125: «Le demandeur en tierce-opposition qui n'est pas intervenu dans le procédure sur
requête unilatérale, à la suite de laquelle le juge a accordé à un créancier l'autorisation de pratiquer
une saisie conservatoire sur certains biens meubles de son débiteur et qui prétend que la décision a
préjudicié à ses droits, n'est pas tenu de citer la partie saisie, si celle-ci n'est pas intervenue à la cause
pendant la procédure sur requête unilatérale (art. 1025, 1033, 1034, 1122, 1125 et 1419, C. jud.)».
(1s12) Supra, n" 21.
1513
( ) Il doit présenter au juge des saisies des informations suffisantes sur l'existence de sa
créance (Gand, 22 novembre 1985, T.G.R., 1986, n" 86/6, p. 9; supra, n" 152).
1514
( ) Supra, n°s 148 et 152 ; en cas de citation en mainlevée, comp. et contra, infra, n° 190.
1515
( ) Voy. supra, note 1503.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 355

demment théoriques lorsque le bénéficiaire de la mesure prend


naturellement l'initiative de faire valoir les moyens justifiant le
maintien de celle-ci.
E) La décision rendue sur tierce-opposition est de plein droit
exécutoire par provision (1 516 ). Les voies de recours peuvent
être exercées contre la décision rendue sur la tierce-opposition
soit qu'elle accorde la rétractation auquel cas elle vaut mainle-
vée (art. 1419, al. 3) (1 517 ), soit qu'elle la refuse, l'appel
excepté si la décision attaquée a été rendue elle-même en degré
d'appel (art. 1131). L'appel d'une décision rendue par le juge
des saisies sur tierce-opposition est, à notre avis, soumis au
délai de comparution de deux jours (art. 1395, al. 2 et 1040,
cbnés) (1 518 ).

§ 2. - La demande de mainlevée.

189) Règles de procédure.

L'article 1420 stipule que dans les cas où la saisie peut être
faite sans ordonnance préalable du juge, la partie saisie peut citer le
saisissant devant le juge des saisies aux fins de faire ordonner la
levée de la saisie. Les parties peuvent aussi convenir de comparaître
volontairement (art. 706). Le texte de l'article 1420 envisage le cas
le plus fréquent en mentionnant seulement le saisi. Mais, de même
que tout tiers intéressé peut agir par voie de tierce-opposition, de
même toute personne lésée par la saisie pratiquée sans autorisation
préalable peut agir en mainlevée par voie de citation.
La demande est introduite et instruite dans les formes du
référé (art. 1395, al. 2) (1 519). La citation étant obligatoirement
faite à domicile élu lorsque le défendeur est domicilié à l'étranger,
le délai de citation de deux jours ne doit pas être augmenté

516
(' Supra. n" 34; G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n" 175-1.
)
517
(' Un tel recours peut présenter une utilité réduite en raison du caractère exécutoire par
)
provision de la décision de mainlevée (infra, n° 192).
(1 518 ) La question est cependant controversée (supra, n° 31 ; voy. aussi Anvers, 9 septembre
1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1420/3).
(1 519 ) La demande de mainlevée d'une saisie-arrêt conservatoire qualifiée «Opposition» n'est
pas irrecevable car la qualification juridique donnée par le demandeur à une action fondée sur
l'article 1420 du Code judiciaire ne lie pas le juge qui est tenu d'appliquer aux demandes dont il est
saisi la qualification juridique adéquate (Civ. Bruxelles, ch.s., 22 décembre 1986, R.G., n° 22.908).
356 TRAITÉ DES SAISIES

conformément à l'article 55 (art. 1035, al. 2) (1 520) (1 521 ). Aucun


délai n'est prévu pour l'introduction de la demande devant le juge
des saisies (1 522 ), mais si le titre en vertu duquel la saisie
conservatoire a été pratiquée constitue un tu~ement qui a été
signifié, le cas échéant dans l'acte de saisie (1 2 ), l'expiration des
délais pour l'exercice d'une voie de recours ordinaire contre ce titre
peut rendre sans objet une demande de mainlevée.
La décision rendue par le juge des saisies est exécutoire par
provision (1 524 ). Elle est, comme toute décision de référé, suscep-
tible de faire l'objet de voies de recours, l'appel étant régi par
l'article 1040 (art. 1395, al. 2).
En cas de changement de circonstances, l'autorité de chose
jugée attachée à une première décision rendue sur une demande de
mainlevée ne fait pas obstacle à la réintroduction d'une nouvelle
demande de mainlevée (1 525 ).

190) Le rôle du juge des saisies en matière de mainlevée de saisie


conservatoire.
A. - Le rôle du juge des saisies est très différent selon que la
saisie conservatoire est pratiquée en vertu d'une autorisation
préalable ou en vertu d'une décision de justice tenant lieu d'autori-
sation de saisir.
En cas de tierce-opposition, le magistrat doit se livrer, à
l'issue de débats contradictoires, à un nouvel examen de la situation
constitutive de célérité et des caractères de la créance invoquée et
rétracter son ordonnance si, mieux informé, il estime que les
conditions de la saisie conservatoire ne sont pas ou plus réunies. En

520
(' ) Supra, n° 180/1. Par contre, en l'absence d'élection de domicile et sous réserve de la
nullité qui peut en résulter (art. 1389). l'article 1035, alinéa 2 doit être respecté (Civ. Mons, ch.s., 21
octobre 1974, Pas., 1976, III, 4).
(1 521 ) Exceptionnellement, la demande peut être introduite par requête unilatérale (art. 1395,
al. 2 et 584, al. 3; voy. p. ex. Civ. Liège, ch.s., 4 avril 1984, cité par Liège, 27 juin 1985, R.G., n°
16.598/85 ; supra n° 30).
(1 522 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1975, J.T., 1976, 283; comp. et contra en matière de
tierce-opposition, supra, n° 187.
(1 523 ) Supra, n° 182 et infra, n° 261.
(1 524 ) Supra, n° 34.
525
(' ) Liège, 7ème ch., 27 juin 1985, R.G., n° 16.598/85 qui relève que le saisissant n'a pas
soulevé l'exception de chose jugée attachée à une première décision du juge des saisies déboutant le
saisi de sa demande de mainlevée mais ajoute que l'existence de circonstances nouvelles rend
recevable une nouvelle demande de mainlevée. Comp. art. 1419, al. 2 ; supra, n° 187.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 357

d'autres termes, le juge des saisies «intervient dans le processus


d'élaboration d'un titre dont il est le maître» (1 526).
En cas de demande de mainlevée d'une saisie conservatoire
pratiquée en vertu d'une décision de justice portant condamnation
à des choses certaines, exigibles et liquides (art. 1414), la situation
est différente car le titre s'impose au juge des saisies comme «une
vérité légale contre laquelle il ne peut rien» (1 527 ). Il est tenu de
respecter la chose jugée au fond, laquelle subsiste tant que la
décision n'a pas été infirmée (art. 26) (1 528 ) (1 529). La contesta-
tion qui lui est déférée par le saisi ne peut donc porter que sur
l'urgence (1 530), la régularité de la procédure et la saisissabilité des
biens à l'exclusion de l'examen des trois caractéristiques de la
créance, cause de la saisie, reconnues par une décision, éventuelle-
ment entreprise ou frappée d'opposition, du juge du fond (1 531 ).
Toutefois, le juge des saisies peut retrouver un certain
pouvoir d'appréciation lié à l'évolution de la matière litigieuse.
Ainsi, lorsque le jugement au fond qui a servi de base à la saisie
conservatoire est réformé en appel par la Cour qui se dit sans
juridiction en raison de la compétence d'une juridiction étrangère,
le juge des saisies peut décider que l'arrêt de réformation s'étant
borné à examiner un déclinatoire de juridiction et à l'accueillir sans
aborder le fond, la créance du saisissant conserve nonobstant son
caractère litigieux une apparence de fondement suffisante pour
justifier le maintien de la saisie (1532).
B. - Lorsque la saisie conservatoire est pratiquée sans
autorisation préalable du juge des saisies en vertu d'un titre autre
qu'une décision de justice, (saisie-arrêt pratiquée en vertu d'un
titre privé, art. 1445 al. 1 ou saisie gagerie, art. 1461), il n'y a plus
·de limite, déduite de l'autorité de chose jugée, à la compétence du

(1 526) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,


1978, p. 937, n° 15.
(1 527) lb., p. 938.
(1 528) Supra, n° 16.
529
(' ) Nonobstant l'art. 27, al. 2 du Code judiciaire, il s'agit, à notre avis, d'une hypothèse où
l'exception de chose jugée peut être soulevée d'office par le juge (comp. aussi R.P.D.B., Compl.,
VI, V° Chose jugée, n° 40, p. 129 et contra J. van COMPERNOLLE, Considérations sur la nature
et l'étendue de l'autorité de chose jugée en matière civile, R.C.J.B., 1984, p. 255, n° 20).
530
(' ) Supra, n° 148.
531
(' ) Liège, 7ème ch., 27 juin 1985, R.G., n° 16.598/85; Civ. Liège, ch.s., 14 décembre
1979, Jur. Liège, 1980, 179.
532
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 27 août 1985, Inédit. Comp. supra, n° 172; adde. infra, n° 191.
358 TRAITÉ DES SAISIES

juge des saisies. Le renversement de contentieux décrit en cas


d'autorisation de saisir (1 533 ) ne se retrouve pas dans la procédure
de mainlevée où le saisissant conserve la charge complète de la
preuve. Le saisi pourrait ne présenter aucun moyen de défense à
l'appui de sa demande en mainlevée, le saisissant ayant l'obligation
de faire la preuve des conditions de forme (1 534 ) et de fond aptes à
justifier sa saisie.

§ 3. - La décision du juge des saisies et la responsabilité du


saisissant.

191) Le juge des saisies et l'évolution de la matière litigieuse.

Moyennant le respect de l'autorité de la chose jugée au


fond (1 535 ), le juge saisi, par voie de tierce-opposition ou de
citation, d'une demande de mainlevée dispose de tous les pouvoirs
d'appréciation (1 536) pour maintenir la saisie conservatoire, le cas
échéant, en réduisant les causes de la saisie (1 537 ) ou la durée de
ses effets ou, pour ordonner la levée de la saisie conservatoire
éventuellement sous astreinte (1 538). En toute hypothèse, la
décision du juge des saisies ne lie pas le juge du fond qui en rejetant
la demande au fond prononce la mainlevée de la saisie (art. 1492,
C. jud.) (1539).
Il y a lieu de préciser que pour décider si les conditions de
la saisie sont réunies, le juge doit se placer au moment où il statue,
de telle sorte qu'il doit tenir compte de l'évolution de la matière
litigieuse sans limiter celle-ci au seul changement de circonstances
dont il est question aux articles 1032 (1 540) et 1419, alinéa 2 (1 541 )

1533
( Supra, n° 188 d.
)
1534
( L'examen du juge des saisies s'arrête dès qu'il constate qu'une condition de forme
)
(singulièrement en cas d'irrégularité du titre invoqué; Civ. Bruxelles, ch.s., 24 octobre 1985, R.G.,
n° 11.532, Inédit) ou de fond fait défaut (supra, n° 185).
1535
( ) Supra, n° 190 A.
1536
( ) Au sujet de la prise en considération d'un jugement étranger, voy. supra, n° 158 A et
réf. cil.
1537
( ) Supra, n° 165. Une telle décision qui ne contient pas une condamnation de sommes
n'est pas assujettie au droit d'enregistrement, Déc. Enr., 26 mars 1971, R.G.E.N., 1971, n° 21.480;
voy. aussi supra, n° 177 E.
1538
( ) Supra, n° 35. Le tout sans préjudice d'une demande de cantonnement (infra n° 200).
539
(' ) Infra, n° 215 D.
1540
( ) Supra, n° 184.
1541
( ) Supra, n" 187.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 359
54 543
(1 ). «On n'imaginerait pas le maintien d'une saisie pour
2) (1
sûreté d'une créance éteinte, payée ou prescrite en cours d'in-
stance, ou - chose plus rare sans doute - si la situation du
débiteur s'est manifestement redressée depuis la mesure» (1 544 ).
Inversément, lors de l'inst;mce en mainlevée, le saisissant peut
invoquer des faits nouveaux (indices supplémentaires d'insolvabi-
lité, nouvelles causes de créance, oppositions d'autres créanciers,
etc.) «pour riposter à un adversaire dont la liberté est entière»
(1545').

Il importe de concilier le principe de l'évolution de la


matière litigieuse avec la nécessaire appréciation de la régularité de
la saisie au jour de son accomplissement. En d'autres termes,
lorsqu'au jour de la saisie, celle-ci satisfait à toutes les conditions de
mise en oeuvre qui se sont ensuite modifiées, il n'y a certes pas lieu
de maintenir la saisie mais sa régularité initiale ne permet pas au
saisi d'obtenir la condamnation du saisissant aux dépens et, le cas
échéant, à des dommages-intérêts pour saisie téméraire et vexatoire
546
(1 ). En sens inverse, si les conditions de la saisie ne sont réunies
qu'après son accomplissement, elle ne peut en principe faire l'objet
d'une régularisation pour le passé ; tel est le cas si le saisissant ne
disposait pas d'une créance certaine au moment de la saisie (1 547 ) ;
par contre si des causes complémentaires sont invoquées ultérieu-
rement (1 548 ) ou si l'exigibilité est acquise en cours d'instance

(1 542 ) Il importe de ne pas confondre le changement de circonstances permettant de


neutraliser une fin de non-recevoir et la prise en considération, au niveau du fond, d'éléments
nouveaux.
1543
( ) Comp. art. 1414 et art. 1416, supra, n° 163 b et n° 168.
1544
( ) A.M. STRANART, Conditions générales des saisies conservatoires, R.D.C., 1985,
762; Bruxelles, !6ème ch., 10 octobre 1986, R.G., n" 1687/86. De même, en matière de référé, le
juge doit, tant en première instance qu'en appel, se placer pour apprécier l'urgence, à la date à
laquelle il prononce sa décision (Cass., 4 novembre 1976, Pas., 1977, 1, 260: Mons, 21janvier1976,
Pas., 1976, II, 199; Cass. Fr., 10 mai 1977, Dall., 1977, I.R., 455).
(1 545 ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1984, p. 367, n° 6; Y. DESDEVISES, note sous Rennes, 5 juillet 1984, Dall., 1985, J., p. 341, n° II
B; D. LE NINIVIN, obs. sous Paris, 16 décembre 1983, J.C.P., 1984, Il, n° 20.290 (cet arrêt décide
au contraire que seules doivent être prises en considération pour l'évaluation de la créance les causes
de la créance dont la requête initiale faisait état et non celles qui auraient été révélées par la suite).
1546
( ) Ce n'est que s'il avait procédé à tort à la saisie ou s'il résistait indûment à la demande de
mainlevée, (par exemple après avoir été désintéressé) qu'il s'exposerait à une condamnation aux frais
de l'instance en mainlevée et à des dommages-intérêts (note 1 sous Douai, 21mars1907, D., 1908, II,
372). Infra, n" 193.
1547
( ) Supra, n°s 152 et 174.

(1 548 ) R. PERROT, op. cit., R.T.D.C., 1984, p. 367. n° 6; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 25
septembre 1986, R.G., n° 25.121 qui majore les causes de la saisie d'une somme représentant les
accessoires de la créance en principal.
360 TRAITÉ DES SAISIES

(1 549), la validité de la procédure originaire ne peut être contestée


mais ses effets peuvent être étendus.

192) La mainlevée.

A. - Mainlevée judiciaire.
A défaut d'exécution volontaire par le saisissant, le saisi ne
peut contraindre celui-ci à libérer les avoirs saisis qu'après significa-
tion de la décision de mainlevée au poursuivant originaire (art.
1495, al. 1er) (1 550). Vu le caractère exécutoire par ~rovision de la
décision, le titre est immédiatement opérationnel ( 551 ). Les frais
d'exécution incombent à la partie contre laquelle l'exécution est
poursuivie (art. 1024) (1 552).
L'exécution rapide de la décision peut être mieux assurée si
elle est assortie d'une astreinte (1 553 ).
Il importe que la décision de mainlevée ordonne la radia-
tion de l'avis de saisie (1 554) (1 555 ).
La mainlevée de la saisie emporte mainlevée des opposi-
tions greffées sur la mesure conservatoire (1 556).

1549
( ) Supra, n° 160.
(1 550) Le tout sous réserve d'une résistance abusive et sans possibilité d'application du
principe de la signification préalable au tiers (infra, n° 259). Ainsi : «C'est exactement qu'une Cour
d'appel a énoncé que du jour où la rétractation de l'autorisation de saisir-arrêter avait été prononcée
par un arrêt non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, toutes les conséquences de la saisie
pratiquée en vertu de cette autorisation avaient disparu nécessairement et qu'ainsi le notaire pouvait,
conformément aux dispositions de l'art. 506 nouv. C. pr. civ., disposer des fonds précédemment saisis
au vu de la production par tout intéressé d'une expédition, d'une copie certifiée conforme ou d'un
extrait de jugement et de la justification de son caractère exécutoire qui peut résulter d'un certificat
établi par l'avocat ou l'avoué» (Cass. Fr., 2ème civ., 26 février 1986, Gaz. Pal., 1986, Pan., 110;
Bull. Civ., 1986, Il, p. 18, n° 27; Dall., 1986, Jur. 435 et note J. PREVAULT).
(1 551 ) Par contre, tel n'est pas nécessairement le cas lorsque la mainlevée est ordonnée par le
juge du fond (supra, n°113 et infra, n° 215 D.).
(1 552 ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 629, n° 19; voy.
aussi Cass. Fr., 20 mai 1980, J.C.P., 1980, IV, 289: «Ne donne pas une base légale à sa décision une
Cour d'appel qui condamne un créancier à des dommages-intérêts au motif qu'il avait tardé de
nombreux mois à rendre effective la mainlevée des mesures conservatoires qu'il avait lui-même
reconnu superflues alors qu'une ordonnance de référé avait donné mainlevée de ces mesures et qu'il
appartient au débiteur de faire exécuter cette ordonnance».
(1 553 ) Supra, n° 35.
1554
( ) Supra, n° 113.
1555
( ) Voy. en matière de saisie immobilière, Civ. Tournai, ch.s., 7 juin 1985, R.G., n°
18.162 qui prononce la mainlevée de la saisie et ordonne en conséquence la radiation de la
transcription.
(1 556 ) Supra, n° 112 et infra, n" 198, in fine.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 361

Enfin, si la mainlevée pure et simple n'est pas ordonnée, la


décision peut, à la demande du saisi, fixer les modalités d'un
cantonnement (1 557 ).
B. - Mainlevée amiable.
Indépendamment de toute intervention du juge des saisies,
les parties peuvent convenir de mettre fin à la saisie conservatoire
en s'accordant sur le principe et les modalités (y compris les frais)
de la mainlevée. La mainlevée amiable emporte radiation de l'avis
de saisie (art. 1390, al. 4, C. jud.) (1 558 ). En matière de saisie
immobilière, la transcription peut être levée sur la signification au
conservateur des hypothèques d'un acte de mainlevée signé par le
saisissant (art. 1441) (1 559).
Dans l'état actuel des textes, l'accord des opposants à une
mainlevée volontaire n'est exigé qu'en cas de saisie-exécution
mobilière (art. 1524, al. 4, C. jud.) (1 560) et de saisie-exécution
immobilière à dater de la mention en marge de la transcription de la
saisie de la sommation de prendre communication du cahier des
charges (art. 1584, C. jud.) (1 561 ) ( 1562 ).

193) La responsabilité du saisissant - Principes.


«Une saisie qui aurait un caractère vexatoire expose le
saisissant à des dommages-intérêts. Sa responsabilité répond aux
critères de la responsabilité quasi-délictuelle ; sa bonne foi ne suffit
pas à l'exonérer de toute faute» (1 563 ). L'autorisation du juge des
saisies ne donne pas à la créance du saisissant les qualités qui
peuvent lui manquer ; «l'intervention du juge constitue une garan-
tie pour le débiteur, mais elle n'exonère pas le créancier de toute
responsabilité, s'il devait a~paraître ultérieurement que la saisie a
un caractère vexatoire» (1 5 4).

(1 557 ) Infra, n°s 200 et s.


1558
( ) Supra, n° 113.
(1 559 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n°s 208 et 209.
(1 560) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 275. Il semble bien que cette règle
ne soit pas applicable au stade conservatoire (voy. toutefois, l'art. 1424, al. 1, C. jud. qui à nos yeux
ne vise que les règles relatives à la saisie sensu stricto et non le règlement des effets de l'opposition).
(1 561 ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n°s 309-2 et 380.
(1 562 ) Voy. toutefois au sujet d'un «arrangement» entre saisissant et saisi, infra, n° 206 B.
(1 563 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 506; Gand, 22 novembre 1985, T.G.R.,
1986, p. 9, n° 86/2.
1564
( ) Rapport, op. cit., p. 507.
362 TRAITÉ DES SAISIES

De manière générale, lorsque la saisie est levée soit par le


juge des saisies à l'issue d'une tierce-opposition (art. 1419) ou d'une
demande de mainlevée (art. 1420), soit par le juge du fond (art.
1492), le saisi peut solliciter de l'un ou l'autre magistrat la
condamnation du saisissant au paiement de dommages-intérêts
pour saisie téméraire et vexatoire (1 565 ). Toutefois, la mainlevée
n'entraîne pas automatiquement la responsabilité du saisissant
1566 567
( ) (1 ), pour que celle-ci soit engagée, il ne suffit pas de
constater que la saisie conservatoire était ou est devenue injustifiée
et préjudiciable (1 568 ), il faut encore que le dommage ait été causé
par une faute du saisissant, c'est-à-dire que le saisi établisse que la
saisie a été pratiquée de manière abusive ou indûment et sans
précautions suffisantes peu importe qu'il y ait ou non intention de
nuire ( 1569 ). La moindre faute suffit pour engager la responsabilité
du saisissant mais encore faut-il qu'elle existe et qu'elle soit établie.
Ce principe (applicable mutatis mutandis à la menace de
saisie) (' 570), conforme aux règles de l'article 1382 du Code civil, doit
d'autant plus être retenu sous l'empire du Code judiciaire que celui-ci
a généralisé les saisies conservatoires et facilité leur mise en oeuvre en
permettant de les fonder sur une décision de condamnation non
exécutoire. On ne peut exiger du créancier« quant à l'appréciation du
bien-fondé de son droit et des mesures de sécurité que requiert sa
conservation, plus de sévérité que n'en eut montré le juge des saisies
ou le juge du fond, magistrats expressément et légalement qualifiés
pour apprécier concrètement les situations» (1 571 ).

1565
( En ce qui concerne la réduction des causes de la saisie, voy. n° 195, in fine.
)
1566
( Contrairement à ce que prévoit l'article 1398, alinéa 2 en cas d'exécution provisoire, le
)
Code judiciaire ne contient pas de règle énonçant que la saisie conservatoire a lieu aux risques et périls
du saisissant. C'est à tort que cette expression est utilisée dans les travaux préparatoires après qu'il ait
été précisé que «Sa responsabilité répond aux critères de la responsabilité quasi délictuelle» (Pasin.,
1967, 507 ; comp. Liège, 15 décembre 1976, Jur. Liège, 1976-1977, 151 : «Le saisissant agit à ses risques
et périls et la moindre faute suffit à entraîner sa responsabilité même s'il est de bonne foi»).
1567
( ) Anvers, 25 juin 1980, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 141917/2; Civ. Bruxelles,
25 novembre 1980, Jurisprudence du Code judiciaire, Art. 1419-1420/8; Cass. Fr., 19 juillet 1977,
Bull. 1977, 1, 274; Cass. Fr., 26 janvier 1981, Dr. Eur. Tr., 1984. 351; contra, Bruxelles, 10
novembre 1955, Pas., 1956, li, 133.
1568
( ) Le fait de se livrer à une activité de nature à causer, voire même le fait de causer un
dommage à autrui, ne constitue pas nécessairement une faute au sens des articles 1382 et 1383 du
Code civil (Cass., 4 octobre 1974, Pas., 1975, 1, 124 et réf. cit., note 3; adde.supra, n" 191).
1569
( ) A. FETTWEIS, Précis de droit judiciaire, T. 11, La compétence, Larcier, 1971, p. 98,
n° 144; R.O. DALCQ, Responsabilité civile, Novelles, Droit civil, T. V,!, n° 635; G. de LEVAL,
La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 55-56; Civ. Liège, ch.s., 7 octobre 1981, Jurisprudence du Code
judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1419-1420/2; infra, n" 194.
1570
( ) Voy. au sujet d'un navire, Aix-en-Provence, 24 mai 1985, Dr. Mar. Fr., 1986, 681.
1571
( ) R. LIENARD, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Ann. Dr. Louvain, 1968,
465-466.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 363

Les intérêts du débiteur n'en sont pas pour autant sacrifiés.


A la généralisation des saisies, correspond la possibilité pour le saisi
de solliciter dans tous les cas la mainlevée de la saisie conservatoire
(art. 1419 et 1420) et s'il n'en conteste pas le principe, il peut y faire
obstacle ou en limiter les effets par voie de cantonnement (art. 1403
et 1405) (1 572 ).

194) Appréciation de la faute.

A. - Si, au stade du débat contradictoire, s'instaurant lors de


l'instance en mainlevée, il apparaît que le saisissant a profité du
caractère unilatéral de l'instance d'autorisation pour surprendre la
religion du magistrat en lui présentant une information tendan-
cieuse, inexacte ou incomplète (1 573 ) et que cette attitude a permis
de pratiquer une saisie qui n'aurait pas été autorisée ou aurait été
autorisée en garantie d'une créance moins élevée si le saisissant de
bonne ou de mauvaise foi avait agi avec moins d'insouciance ou de
témérité, il y a faute dans le chef de celui-ci justifiant l'octroi de
domma?,es-intérêts dans la mesure du préjudice subi et établi par le
saisi (1 4 ) (1574) (1 575 ) (1 576 ). De même, la responsabilité du
saisissant peut être engagée en cas de saisie abusive (1 577 ), c'est-à-
dire lorsqu'elle est - en tout ou en partie - dénuée d'intérêt
suffisant pour le poursuivant tout en causant un préjudice au saisi

1572
( ) Infra, n°s 200 et s.
573
(' Voy. p. ex. Gand, 22 novembre 1985, T.G.R., 1986/9, n° 86/6 et Bruxelles, 26 juin
)
1985, Pas., 1985, Il, 166.
(1 574 ) L'intervention de l'avocat qui doit obligatoirement signer la requête introductive tend à
éviter de telles situations (Rapport HERMANS, Bruxelles, Bruylant, 1967, p. 989). «Le client du
civil, «c'est presque toujours un(e) passionné(e) qui, bien entendu, a toujours raison contre l'autre et
qui, menteur par excès plutôt que par dissimulation, présente sa vérité plutôt que la vérité. JI faut en
imposer, au contact par sa compétence, ... s'entendre ... sur une présentation objective et plaidable
de l'affaire» (Roland DUMAS, Les avocats, Grasset, 1977, p. 126; supra, n° 175, 5).
(1 575 ) Ainsi, peut être condamné à des dommages-intérêts le créancier qui, pour obtenir
l'autorisation de pratiquer une saisie-arrêt d'un montant disproportionné par rapport à l'objet du
litige, a omis de soumettre au juge un élément d'information essentiel et qui a aussitôt bloqué les
comptes bancaires du saisi, en dépit de la demande de mainlevée de celui-ci dont le saisissant ne
pouvait ignorer la solvabilité, de telles circonstances révélant l'intention de nuire ( Cass. Fr., 20
janvier 1976, Bull. 1976, IV, p. 22, n° 26; Gaz. Pal., 1976, 1er sem., p. 314).
1576
( ) En ce qui concerne des erreurs d'appréciation du créancier quant au montant de sa
créance, voy. Comm. Liège, 10 novembre 1975, J.L., 1976-1977, 150 et Civ. Dinant, ch.s., 11 octobre
1977, J.L., 1977-1978, 147.
1577
( ) Supra, n° 7.
364 TRAITÉ DES SAISIES

(1 578 ). Enfin, la faute peut consister dans le maintien injustifié de


la saisie (1 579).

Par contre, le caractère complexe et délicat d'une affaire


ou son aspect controversé en droit pourra conduire le magistrat, à
l'issue d'un débat contradictoire alimenté par les moyens des deux
plaideurs, à revenir sur une première appréciation des droits des
parties ; dans un tel contexte, la responsabilité du saisissant qui n'a
manqué ni de prudence ni de précaution n'est pas engagée. De
même, si les circonstances qui ont justifié la saisie ont disparu en
raison d'un changement de circonstances (ex. paiement par le
saisi), il n'y a pas de faute dans le chef du saisissant (1 580).
Le juge du fond qui rejette la demande et prononce, le cas
échéant, la mainlevée de la saisie n'est pas lié par les appréciations
portées par le juge des saisies sur la créance du saisissant (1 581 )
(1582).

B. - Lorsque la saisie est pratiquée en vertu d'une décision de


justice (art. 1414), la responsabilité du saisissant peut être engagée
si la procédure a été diligentée de manière irrégulière, au delà de ce
que permettait le titre, de façon abusive ou en l'absence d'urgence.

578
(' ) Ainsi, c'est à bon droit que les juges du fond condamnent à des dommages-intérêts le
créancier qui, au lieu de pratiquer une seule saisie-arrêt sur un des comptes en banque de son
débiteur pour garantir la créance dont le montant était d'ailleurs contesté, avait fait pratiquer saisie-
arrêt dans quatre banques alors que le compte de ce débiteur dans chacun des établissements
bancaires était plusieurs fois supérieur à la créance, dès lors qu'ils constatent que, ces saisies-arrêts
pratiquées à la veille d'une grosse échéance étant de nature à mettre le saisi dans un réel embarras et
étant susceptibles de porter lourdement atteinte à son crédit, le créancier avait agi avec légèreté et
commis une imprudence génératrice d'un dommage (Cass. Fr., 2 février 1956, Bull., 1956, II, p. 65,
n° 107; voy. aussi Cass. Fr., 13 mai 1958, Bull., 1958, III, p. 153, n° 187; Cass. Fr., 3 février 1982,
Gaz. Pal., 1982, Pan., 204; Cass. Fr., 27 avril 1983, Bull., 1983, Il, p. 71, n° 105; Dall., 1983, l.R.,
295; J.C.P., 1983, IV, 208; voy. aussi Comm. Liège, 4 décembre 1972 et 10 novembre 1975, Jur.
Corn. Belg., 1977, 259).
1579
( ) Jugé que la faute du saisissant peut consister à maintenir sans droit, coûte que coûte,
même limitée, une saisie-arrêt conservatoire (Liège, 7ème ch., 27 juin 1985, R.G., n° 16.598/85).
1580
( ) Supra, n" 191.
581
(' ) Infra, n° 215 D. Ainsi, le créancier qui sollicite et pratique une saisie conservatoire
pour une créance insignifiante commet une faute et ne peut se justifier en opposant des décisions du
juge des saisies qui deviennent sans intérêt lorsque la base juridique de leur motivation est ébranlée
par une décision au fond (Comm. Liège, 10 novembre 1975, Jur. Liège, 1976-1977, 150; adde. Cass.
Fr., 18 mai 1981, Bull., 1981, IV, n° 235, p. 184).
(1 582 ) Comp. Civ. Liège, 21mars1979, Jur. Liège, 1978-1979, p. 353, n° 33 et Civ. Bruxelles,
ch.s., 19 octobre 1987, R.G., n" 27.799, 29.418 et 30.331 où le juge des saisies sursoit à statuer sur la
demande de dommages-intérêts dans l'attente d'une décision éventuelle du juge du fond et Civ.
Bruxelles, ch.s., 22 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1014 où le juge des saisies dit n'y avoir lieu d'accorder
des dommages-intérêts car seul un examen approfondi des rapports litigieux (lequel ne relève pas de
la compétence du juge des saisies) permettrait d'établir une faute dans le chef du saisissant.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 365

Toutefois, si la condamnation qui a permis de pratiquer la saisie


conservatoire est ultérieurement reconnue indûment prononcée par
une décision de réformation ou de rétractation, ce seul fait ne peut
à Lui seul exposer le saisissant à des dommages-intérêts car le
recours à une voie que la loi donne au créancier ne peut comme tel
constituer une faute.

195) L'évaluation du préjudice.

Sauf abus de droit, le créancier choisit librement les biens à


saisir mais, le préjudice causé par une saisie peut varier avec
l'intensité de l'indisponibilité de la saisie (1 583 ). Ainsi lorsque le
saisi conserve la jouissance des biens saisis (saisie mobilière ; saisie
immobilière) son préjudice est moins important que lorsque la
saisie le prive du droit d'utiliser les biens compris dans la saisie
(saisie-arrêt, saisie sur bateau ou navire).

Dans cette dernière hypothèse, les dommages-intérêts


doivent indemniser le préjudice subi par le défaut de jouissance des
biens saisis et les conséquences qui en résultent. Ainsi, en cas de
saisie-arrêt, la réparation peut consister en une indemnité égale aux
intérêts légaux sur la somme saisie depuis la date de la saisie jusqu'à
celle de la mainlevée (1 584 ), mais le dommage résultant de
l'indisponibilité du capital peut ne pas être complètement indem-
nisé par l'allocation d'intérêts de retard lorsque le saisi établit soit
qu'il aurait pu effectuer un placement plus rentable ou utiliser les
sommes immobilisées à des fins professionnelles (1 585 ), soit qu'il
s'est trouvé dans l'obligation de recourir à un financement.

Le dommage ne se réduit pas à la perte éventuelle de la


jouissance des biens saisis. Il y a aussi l'atteinte portée à la
réputation et/ou au crédit du saisi que renforce considérablement la
publicité de la saisie (1 586) ; un préjudice matériel et moral peut en

(1 583 ) Supra, n°s 6 et 7 ; infra, n° 196 A 1.


1584
( ) Bruxelles, 9 février 1972, Pas., 1972, II, 83.
1585
( Cass. Fr., 3 novembre 1972, Bull., 1972, Il, 221; Bruxelles, 26 juin 1985, Pas., 1985, Il,
)
166; voy. aussi Mons, 30 septembre 1975, Pas., 1976, Il, 106.
1586
( ) Supra, n° 118. Ainsi, le préjudice né de l'immobilisation pendant plus d'un an d'une
somme de 656.000 FF., de la gêne de trésorerie que le saisi a subi de cc fait et de l'atteinte qui a été
portée à son crédit commercial a été évalué à la somme de 100.000 FF. (Versailles, 8 mars 1983, Gaz.
Pal., 29 avril-1er mai 1984, 23; adde. Bruxelles, 26 juin 1985, Pas., 1985, II, 166).
366 TRAITÉ DES SAISIES

résulter (1 587 ) (1 588 ). Il y a encore l'atteinte à la personne du saisi


qui ressentira de manière d'autant plus douloureuse une mainmise
sur ses biens qu'elle est fautive. Il y a enfin les frais occasionnés par
la procédure et la nécessité de vaincre la résistance du poursuivant.
Il reste à envisager l'hypothèse où la saisie quoique
maintenue, l'évaluation de la créance cause de la saisie est réduite
par le juge des saisies. La réduction des causes de la saisie
n'emportant pas mainlevée (1 589 ), le débiteur ne peut, à première
vue, établir un préjudice. Toutefois, il subit un dommage lorsqu'il
apparaît qu'en définitive la saisie a été pratiquée en garantie d'une
créance fixée à un montant à ce point exagéré qu'il en résulte que la
saisie est abusive ou que le créancier s'est trouvé dans l'impossibi-
lité d'empêcher la saisie ou de cantonner en raison du montant
exorbitant pour lequel la saisie a été pratiquée ( 1590).

587
(' ) Ainsi, il a été jugé que la saisie-arrêt conservatoire d'un compte faisant l'objet
quotidiennement de nombreuses opérations entraîne un dommage moral pour son titulaire commer-
çant (Liège. 7ème ch., 27 juin 1985, R.G., n" 16.598/85: voy. aussi Gand. 22 novembre 1985,
T.G.R., 1986, p. 9, n" 86/6).
1588
( ) Voy. toutefois Civ. Bruxelles. ch.s .. 7 mars 1985, R.G., n" 1940. Inédit : «L'atteinte à
la réputation peut être contrebalancée par la production du jugement aux fonctionnaires compétents.
Le juge des saisies ne peut prendre en compte un préjudice simplement potentiel (ex. possibilité
d'investigation du service des enquêtes commerciales)». A nos yeux, une contre-information est en
elle-même insuffisante dans la mesure où un préjudice s'est effectivement produit ; clic sauvegarde
l'avenir mais non le passé et ses prolongements éventuels dans le temps.
589
(' ) Supra. n° 165.

('''"') Voy. aussi Aix-en-Provence, 28 novembre 1985, Dr. Mar. Fr .. 1986. 694; infra, n" 200.
TITRE IV

LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVATOIRE

196) Aperçu d'ensemble.

A. - L'indisponibilité est plus ou moins intense, temporaire, totale


et relative.
1) L'effet principal de la saisie conservatoire est d'immobiliser,
dans le patrimoine du saisi, les biens qui font l'objet de la mesure.
Il s'agit de l'indisponibilité de la saisie qui, sans enlever au saisi la
propriété des objets appréhendés (1 591 ), l'empêche d'en disposer
au préjudice du saisissant. Cette limitation des droits du saisi revêt
une intensité qui varie d'une saisie à l'autre ; ainsi, sous réserve de
dispositions spéciales, le désagrément infligé au débiteur saisi par
une saisie-arrêt conservatoire qui l'empêche de recevoir ce que lui
doit le tiers saisi (art. 1451) ou par une saisie conservatoire sur
navire ou bateau qui immobilise le bateau en prévenant sa fuite
(art. 1470 et 1471), est sans commune mesure avec celui qui résulte
d'une saisie mobilière ou immobilière conservatoire où le débiteur
reste, en principe, en possession des biens saisis (1 592 ).
2) En principe, la saisie conservatoire est valable pendant trois
années. Cette assez longue durée ne peut causer un préjudice au
saisi qui a la faculté d'en demander la mainlevée ou la limitation des
effets par voie de cantonnement. Du côté du créancier, ce délai lui
permet de sauvegarder ses chances de paiement volontaire (en

(1 591 ) C'est donc à juste titre qu'il a été jugé qu'«unc saisie conservatoire entre les mains du
débiteur est sans incidence sur la validité de la facture : le montant de celle-ci est donc imposable»
(Bruxelles, 12 juin 1985, Bull. Contr., 1986. 332). Par contre, il est inexact de prétendre que «la saisie
conservatoire est, en clic-même. en dépit de son qualificatif. une mesure d'exécution forcée, dès lors
qu'elle se traduit par une indisponibilité de la chose saisie. De cc fait, clic porte atteinte au droit de la
propriété, voire au droit de libre usage ou de libre exploitation de cette dernière par le saisi,, (N.
GULPHE, Concl. préc. Cass. Fr., 13 mars 1985. J.C.P., 1986. II, n" 20.525).
(1 592 ) Voy. G. de LEVAL. La saisie mobilière. Rép. Not., n"s 99. 221, 225 à 228-1, 396. 498 à
501 et 540 et La saisie immobilière. Rép. Not.. n" 192: voy. aussi supra, n" 107.
368 TRAITÉ DES SAISIES

consentant éventuellement des délais de paiement au débiteur) ou


forcé après avoir obtenu un titre exécutoire. On se limite ici à
l'énoncé des principes :
le délai de trois ans prend cours en matière de saisie mobilière
conservatoire et de saisie-arrêt conservatoire à la date de
l'ordonnance, ou s'il n'y a pas d'ordonnance, à la date de l'exploit
(art. 1425, al. 1er et 1458, al. 1er) ; en matière de saisie immobilière
conservatoire à la date de la transcription (art. 1436, al. 1er) et en
matière de saisie conservatoire sur navires et bateaux à la date de
l'inscription (art. 1474, al. 1er) ; à l'expiration de ce délai, la saisie
cesse de plein droit de produire ses effets et les mesures de publicité
sont automatiquement périmées (art. 1425, al. 3, art. 1458, al. 2 et
art. 1390, al. 4; art. 1436, al. 2 et art. 1474, al 2);
exception restrictive : il est permis au juge qui autorise la saisie de
réduire la durée du délai de trois ans (art. 1425, al. 2) ; bien que
formulée pour la seule saisie mobilière conservatoire, cette règle,
vaut à nos yeux, pour toute saisie conservatoire (1 593 ) ;
exceptions extensives (1 594 ) : d'une part, la saisie conservatoire
est susceptible d'être maintenue au-delà de son terme moyennant
renouvellement demandé par le saisissant (1 595 ) et réalisé avant
l'expiration du délai de validité (art. 1426 et s. ; art. 1437 et s. ;
art. 1459 et s. ; art. 1475 et s.) ; ce renouvellement, d'une durée
égale au premier terme, est lui-même susceptible de renouvelle-
ment que si les circonstances spéciales de l'espèce l'exigent
(1596) (1 97) (1
5 598
). D'autre part, la durée de validité de la

(' 593 ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 96; voy. aussi supra, n° 177 B. ; adde.
la règle spéciale prévue par l'article 1488 en matière de saisie-description (G. de LEVAL, La saisie
mobilière, Rép. Not., n° 161-3 et infra, n° 215, note 1747).
594
(' ) Au sujet de l'incidence de la transformation de la saisie conservatoire en saisie-
exécution, voy. note 1763.
595
(' ) Et non de lege tata par l'opposant (supra, n" 112 B).

( 1596) Voy. sur tous ces points, G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n°s 106 à 115 ;
433 à 438 et 507 à 509; La saisie immobilière, Rép. Not., n"s 197 à 205. La saisie renouvelée est la
saisie originaire développant ses effets au-delà du terme normal, l'appel de la décision autorisant
celle-ci est recevable même si la décision de renouvellement n'est pas entreprise (Liège, 7ème ch., 3
avril 1987, R.G., n° 15.741/87; voy. aussi Cass., 30 octobre 1981, Pas., 1982, 1, 308).
597
(' ) Au sujet de la publicité sur l'avis de saisie, voy. supra, n° 113. Au sujet de la saisie
immobilière, voy. l'art. 1439 et au sujet de la saisie sur navires et bateaux, voy. l'art. 1477.
598
(' ) Si le renouvellement a été refusé (il n'y a pas d'appel possible, art. 1426, al. 4; art.
1437, al. 4 ; art. 1459, al. 5 ; art. 1475, al. 4), s'il a été renoncé à une première saisie ou si la durée de
validité de la saisie originaire est expirée, aucune disposition légale ne s'oppose à ce que le créancier
entame, conformément au droit commun, c'est-à-dire sans avoir à satisfaire à d'autres conditions,
une nouvelle procédure de saisie conservatoire mais, si elle aboutit elle n'aura effet qu'au jour de la
saisie, tout acte de disposition accompli entre le jour de l'expiration du délai de validité de la saisie
antérieure et celui de la nouvelle saisie étant opposable au poursuivant (Cass., 30 octobre 1981, Pas.,
1982, 1, 308; J.T., 1983, 311 ; Tijds. Not., 1983, 219).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 369

saisie est suspendue en cas de procédure au fond (art. 1493)


(1 599). Si les biens ont été consignés (art. 1421 et 1506, al. 2),
mis sous séquestre (art. 1961, 1°, C. civ. et 1407, C. jud.) ou
confiés à un gérant (art. 1509), il importera que le saisissant
prévienne une mainlevée automatique en informant le tiers
intéressé de l'existence d'une cause de suspension ou de la
décision de renouvellement de la saisie. De même le tiers pourra
s'assurer de la cessation effective des effets de la saisie en raison
de la survenance du terme avant de restituer les objets saisis ;
ainsi il a le droit d'exiger la preuve ~'il n'y a pas de cause de
suspension au sens de l'article 1493 (1 ).
3) L'indisponibilité n'est pas limitée aux causes de la saisie ;
elle est totale mais cet effet ne profite qu'au créancier qui a fait
valoir ses droits à temps de telle sorte qu'elle est relative. C'est à
l'étude de ces caractéristiques générales de l'indisponibilité qu'est
consacré le premier chapitre. Cet examen comporte nécessairement
celui du cantonnement sur saisie conservatoire.

B. -Effets procéduraux.
Un second chapitre traite de manière générale des effets
plus spécifiquement procéduraux de toute saisie conservatoire :
interruption de la prescription et procédure de transformation.

CHAPITRE I - L'INDISPONIBILITE TOTALE ET RELA-


TIVE.

SECTION I - L'indisponibilité totale et le cantonnement.

§ 1. - Indisponibilité totale.

197) L'indisponibilité est totale et non partielle.

L'indisponibilité est totale si la saisie conservatoire immo-


bilise l'intégralité du bien saisi même si la valeur de celui-ci excède
le montant de la créance du saisissant. L'indisponibilité est partielle

5
(' "") G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n"s 97, 432-505 et La saisie immobilière,
Rép. Not., n" 189 ; infra, n° 215 B.
600
(' ) Infra, n° 215 B et note 1751.
370 TRAITÉ DES SAISIES

si la saisie conservatoire ne frappe le bien saisi d'indisponibilité que


dans la mesure des causes de la saisie.
Si le Code judiciaire impose en toute circonstance que la
somme pour laquelle la saisie est pratiquée soit précisée (art. 1389,
3°; art. 1418, al. 2; art. 1423; art. 1431, 1° et art. 1448) (1 601 ), il
n'est nulle part exigé que l'objet ne soit saisi qu'à due concurrence.
Il n'y a pas de corrélation imposée entre la cause et l'objet de la
saisie. Au contraire, il ressort des règles applicables que l'indisponi-
bilité est nécessairement totale en ce sens qu'elle s'étend à tous les
biens effectivement immobilisés dans le patrimoine du débiteur. Le
principe est aujourd'hui unanimement admis (1 602 ).

198) Justification.

L'indisponibilité totale est imposée par la règle suivant


laaiuelle une saisie ne confère aucun privilège au premier saisissant
(1 6 3) ; jusqu'au jour du paiement sur le produit de la saisie, celui-
ci peut voir apparaître d'autres créanciers de telle sorte qu'il n'est
pas possible de savoir, au moment de la saisie, quel sera le montant

(1 6" 1) Supra, n°s 164, 166 et 177.


2
(""' ) Voy. de manière générale: G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE. Aperçu des
règles communes aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et
d'exécution - Bilan et perspectives, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, p. 58-59, n° 70. Voy. en
matière de saisie-arrêt: Ch. LEURQUlN, Code de la saisie-arrêt. n"s 306 et s. ; R.P.D.B., V" Saisie-
arrêt, n"s 689 et s. ; DE PAGE, Traité de droit civil, T. Ill, n" 440; Rapport VAN REEPINGHEN,
Pasin., 1967, 511-512 ; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., T. XIII, Livre III, n"s 396-397 ;
D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, Bruxelles, Bruylant, 1979, p.
272-273; A.M. STRANART, La saisie-arrêt, Questions récentes, in Les voies conservatoires et
d'exécution - Bilan et perspectives, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 105 à 107 et réf. cit. ; F.
TOP, Loonbeslag, loondelcgatic en loonoverdracht: problemen bij de evenredige vcrdcling, T.P.R.,
1983, p. 370, n" 16; Gand, 4 décembre 1837, Pas., 1814-1840, II, 259; Bruxelles, 24mars1969, Pas.,
1969, Il, 142 (impl.); Bruxelles, 7ème ch., JO septembre 1987, Rev. Not., 1987, 612 réformant Civ.
Bruxelles, 18 avril 1985, Pas., 1985, III, 53 ; Civ. Bruxelles (Réf.), 21février1950, Pas., 1950, III, 41 et
note ; Civ. Bruxelles (Réf.), 13 novembre 1951, Pas., 1952, III, 60 : Civ. Bruxelles. 5février1957, J.T.,
1957, 503; Civ. Bruxelles, 30 octobre 1980. Jurisprudence du Code judiciaire, T. Il, La Charte, Art.
1451/l ; Civ. Liège, 7 octobre 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 145112:
voy. toutefois, Civ. Bruxelles, ch.s., 18 avril 1985, Pas .. 1985, III, 53; Rev. Not., 1985, 450 (décision
réformée par Bruxelles, 10 septembre 1987, précité). En France, Cass., 24 janvier 1973, Dall., 1973. J.,
421 et note J. PREVAULT; Cass., 12 mai 1975, Bull., 1975, II, Il ; J.C.P .. 1976, IV, p. 218 ; Banque,
1976, p. 326-328; R.T.D.C.. 1976, p. 639-640. obs. R. PERROT; Cass., 16février 1978, Bull., 1978,
II, p. 36, n" 44; J.C.P., 1978, IV, p. 127; Rép. Defren., 1979, Art. 32128; Cass., 14 janvier 1984,
J.C.P., 1984. IV, 271 ; Gaz. Pal., 1984, Pan., 316 et note M. VERON; Dall., 1985, l.R., 162; M.
DONNIER, Bilan du droit de la saisie-arrêt face au nouveau Code de procédure civile, Etudes dédiées
à Alex WEILL, p. 202-203; J. VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de
distribution, Précis Dalloz, !5ème éd., 1984, p. 224, n" 276.
("'"') Cass. Fr., 10 juillet 1984, Bull., 1984, IV, p. 188, n" 225; supra. n" 105. Au sujet de la
conservation éventuelle du privilège, voy. supra, n" 103.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 371

du passif à régler à l'aide de l'actif saisi. Partant, si le premier


saisissant ne pouvait appréhender qu'une valeur égale aux causes
de la saisie alors qu'il ne bénéficie en cette qualité d'aucun droit
exclusif sur l'assiette saisie, la saisie conservatoire risquerait de
perdre pour lui tout ou partie de son utilité. Il importe donc que la
saisie conservatoire frappe d'indisponibilité l'entièreté du bien saisi
afin de permettre le respect de la loi du concours, c'est-à-dire le
désintéressement optimal du saisissant et des autres créanciers
associés à la poursuite.
Ainsi, si une saisie-arrêt est pratiquée en garantie d'une
créance chirographaire d'un montant de 100.000 francs sur une
créance d'un montant de 200.000 francs et si le tiers paie au saisi
l'excédent de 100.000 francs avant que ne survienne une nouvelle
saisie mise en oeuvre pour une créance de 100.000 francs, le
premier saisissant obtiendra lors de la distribution par contribution
une somme de 50.000 francs si la créance du second saisissant est
également chirographaire mais il n'obtiendra aucun dividende si
cette créance est privilégiée. Par contre, il sera complètement
désintéressé si le tiers saisi n'effectue aucun paiement ainsi que
l'impose l'article 1451 du Code judiciaire qui interdit au tiers de se
dessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la saisie.
Il en résulte que le seul fait de la disproportion de la
somme due et de la somme bloquée ne saurait engager la responsa-
bilité du saisissant (1 604 ) et que la réduction des causes de la saisie
n'entraîne par elle-même aucune mainlevée partielle de celle-ci
(1 605 ) mais elle peut rendre possible un cantonnement.
La question de l'indisponibilité totale de la saisie surgit
spécialement en cas de saisie-arrêt d'une créance de somme
d'argent parce qu'il est possible de faire coïncider exactement
l'objet et la cause de la saisie consistant l'un et l'autre en unités
monétaires et parce que l'intensité de l'indisponibilité est surtout
ressentie par le saisi qui peut être privé de la disposition d'une
somme importante immobilisée pour garantir le paiement d'une
dette peu élevée (1 606 ). Il importe cependant d'insister sur ce que
toute saisie conservatoire produit naturellement un effet d'indispo-

{1 604 ) Supra, n"s 193 à 195.


(1"' 15 ) Supra, n" 165; contra R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit
judiciaire privé, R.T.D.C., 1976, p. 411, n° 16.
(1 606 ) Cette dernière considération vaut aussi en cas de saisie de bateau ou de navire (supra,
n" 196 A).
372 TRAITÉ DES SAISIES

nibilité totale. Il serait, en effet, pratiquement impossible de faire


fonctionner l'indisponibilité partielle lorsque la saisie porte sur des
biens autres que des créances de sommes soit parce qu'il n'y a pas
de concordance immédiate entre le bien saisi et la créance du
saisissant qui, sauf abus de droit, peut faire vendre des choses de
valeur considérable pour obtenir le paiement d'une créance peu
importante, soit parce que la valeur de réalisation du bien saisi est
incertaine de telle sorte que ce n'est qu'au moment de la vente qu'il
est possible de limiter les effets de la saisie à la somme nécessaire
pour le paiement des créances et frais du saisissant et des opposants
(art. 1527) (1 607 ).
S'il est incontestable que la règle de l'indisponibilité totale
peut entraîner une déperdition économique et paralyser le crédit du
débiteur, il existe des correctifs (spécialement le cantonnement)
(1 608) qui justifient le principe en permettant d'en tempérer les
inconvénients excessifs.
La décision de mainlevée (1 609 ) rendue contre le saisissant
fait nécessairement perdre aux autres parties, associées à la
procédure par voie de simple opposition, le bénéfice de l'indisponi-
bilité (1610) (1611).

199) Atténuation du principe en raison de l'attitude du saisissant.

La règle de l'indisponibilité totale n'opère que sur les biens


effectivement saisis de telle sorte que si le saisissant décide de
limiter l'objet de la saisie en fonction du montant de sa créance, il
ne pourra reprocher au saisi d'avoir disposé de ses autres biens et il
subira les effets de la loi du concours sur les seuls biens appréhen-
dés devenus insuffisants pour permettre de désintéresser tous les
créanciers (1 612 ).

(1 607 ) G. de LEVAL etJ. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p.
58-59, n° 70; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 255 et n°s 270 à 277.
(1 608 ) Infra, n° 200.
(1 609 ) Supra, n° 192.
1610
( ) Cet aspect est aperçu in Civ. Bruxelles, ch.s., 18 avril 1985, Rev. Not., 1985, 451 ;
Pas., 1985, III, 53.
(1 611 ) Sans préjudice du droit pour les tiers de former une intervention ou une tierce-
opposition même incidente (supra, n°188 b).
(1 612) La situation est comparable lorsque le' saisissant décide de saisir-arrêter chez un seul
tiers ou de ne mettre en oeuvre qu'un seul type de saisie.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 373

Par contre, le juge des saisies en fixant la somme à


concurrence de laquelle la saisie conservatoire est permise ne peut
décider que l'objet de la saisie n'excèdera pas le montant de la
créance du saisissant {1 613 ) ou autoriser une seule saisie conserva-
toire alors que le requérant sollicite l'autorisation d'en pratiquer
plusieurs sauf évidemment si la décision est justifiée par d'autres
raisons que celles qui reposent sur le principe de l'indisponibilité.
De même, le saisi ne peut, en l'absence de tout cantonnement,
exiger une mainlevée ~artielle de la saisie sur tout ce qui dépasse les
causes de la saisie ( 614 ). En effet, s'il appartient au saisissant
d'apprécier et de supporter les conséquences de ses initiatives, ni le
juge des saisies, ni le saisi ne Eeuvent lui imposer, en dehors des
exceptions prévues par la loi ( 615 ), une limitation des effets de la
saisie susceptible de compromettre ses chances de paiement.

§ 2. - Le cantonnement des causes de la saisie.

200) Le cantonnement sur saisie conservatoire. Principe.

Le saisi peut soit contester le principe de la saisie conserva-


toire en vue d'en obtenir la mainlevée pure et simple, soit en limiter
les effets en recourant au cantonnement, c'est-à-dire à la libération
des avoirs sur lesquels elle porte en consignant un montant suffisant
pour répondre de la créance en principal, intérêts et frais (art. 1403,
al. 1er). Les deux moyens de défense peuvent être utilisés successi-
vement (' 616 ).
Le cantonnement est ainsi le moyen légal par lequel le saisi
peut supprimer l'effet d'indisponibilité totale de la saisie conserva-
toire moyennant le dépôt préalable d'une valeur atteignant les
causes de la saisie (' 617 ).

(1 613 ) Voy. supra, n° 177 B mais aussi n° 180/4.


(1 614 ) F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 371, n° 17.
(1 615 ) Voy. en matière de saisie immobilière, l'art. 1565, al. 2 (G. de LEVAL, la saisie
immobilière, Rép. Not., n°s 125, 247 à 250). Adde. infra, Annexe I, 5 B.
{1 616 ) Ainsi, le saisi peut solliciter à titre principal, la mainlevée de la saisie et à titre
accessoire, la fixation des modalités d'un cantonnement (Civ. Bruxelles (Réf.), 16 octobre 1968, J.T.,
1969, 242) de la cause (art. 1403) ou de l'objet (art. 1407) de la saisie. De même, la cantonnement ne
l'empêche pas d'agir en mainlevée (voy. n° 201).
(1 617 ) Au sujet de l'incidence du cantonnement sur l'avis de saisie, voy. infra, n" 206 A. JI ne
peut s'agir que d'une saisie diligentée en vue d'obtenir le paiement d'une somme d'argent. Le
cantonnement des effets d'une saisie ne se conçoit dès lors pas en cas de saisie-description et, le
cas échéant, en cas de saisie-revendication (supra n° 150 B ; infra n° 274).
374 TRAITÉ DES SAISIES

Le cantonnement sur saisie conservatoire se conçoit spécia-


lement en matière de saisie-arrêt ou de saisie de navire car le
débiteur est privé de l'utilisation de ses biens ; elle est moins
fréquente en matière de saisie mobilière ou immobilière sauf
lorsqu'il s'agit de libérer les biens saisis pour en disposer ( 1618 ) ou
de mettre fin à un séquestre ou à une publicité portant atteinte au
crédit du saisi. S'il offre au saisi la possibilité de mettre fin à la
paralysie de tout ou partie de son patrimoine en substituant une
valeur d'un montant déterminé à une valeur d'un montant indéter-
miné, encore faut-il que le saisi dispose des fonds suffisants pour y
recourir (' 619 ) (' 620 ). S'il y parvient, il impose au saisissant une
indisponibilité partielle sans exclusion de la loi du concours. Bref, il
s'agit d'un procédé qui tend à réaliser un équilibre entre des
positions antagonistes mais qui peut être inaccessible en fait au saisi
ou trop rigoureux dans ses effets pour le saisissant. Il imPtortera de
rechercher s'il est possible d'atténuer ces inconvénients ( 621 ).
Il importe enfin de distinguer le cantonnement des causes
de la saisie, qui seul neutralise l'indisponibilité totale, du cantonne-
ment de l'objet de la saisie tel qu'il est prévu par l'article 1407
622
(' ). D'un côté il y a changement et réduction de l'objet de la
saisie à la demande du saisi ; de l'autre, il y a seulement déplace-
ment de l'objet de la saisie à la demande de toute personne
intéressée. Les effets du premier sont plus étendus que les effets du
second ( 1623 ).

201) Le cantonnement sur saisie conservatoire est un droit absolu


pour le débiteur saisi qui ne renonce à aucun droit.

Contrairement au cantonnement sur exécution provisoire


où dans certains cas, il est interdit au débiteur d'y recourir (' 624),
le cantonnement sur saisie conservatoire est un droit absolu pour le

(1 618) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p.
54, n° 63.
(1 619 ) La difficulté peut résulter d'une évaluation excessive de la créance qui limitée à son
montant exact aurait permis au saisi de cantonner sans difficulté (voy. aussi supra, n° 165). Une telle
situation peut engager la responsabilité du saisissant (supra, n" 195).
(1 620) Au sujet du rapport à établir entre la célérité et le cantonnement, voy. supra, n" 148,
note 1191.
(1 621 ) Infra, n°s 203 et 206.
(1 622 ) Infra, n°s 207 à 210.
623
(' ) Infra, n°s 206 et 210.
624
(' ) Art. 1404 initio et 1406, C. jud. ; art. 1752 bis, al. 4, C. civ. ; infra, n" 277.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 375

débiteur saisi (1 625 ) (1 626 ) ; sa mise en oeuvre n'est assortie


d'aucune exception et n'est assujettie à aucune condition préalable
telle une autorisation du juge des saisies. C'est «en tout état de
cause» - même si la saisie conservatoire est initiée en vertu d'un
titre exécutoire disant qu'il n'y a pas lieu à cantonnement (1 627 ) -
que le débiteur peut «libérer les avoirs sur lesquels elle porte ou
faire obstacle à la saisie» (art. 1403, al. 1er). Le débiteur peut donc
recourir au cantonnement quel que soit le titre utilisé ou l'état
d'avancement de la procédure et même avant la saisie pour y faire
obstacle. Ainsi, le débiteur peut éviter que la saisie n'ait lieu en
consignant la somme réclamée entre les mains de l'huissier instru-
mentant se présentant pour saisir ~ 1628 ) ; ce procédé préventif
empêche la publicité de la saisie (1 62 ). S'il conteste la dette pour
laquelle la saisie conservatoire était mise en oeuvre, il peut ensuite
agir en mainlevée du cantonnement auquel il a été contraint pour
prévenir la saisie.
De manière générale, le cantonnement ne constitue jamais
de la part du débiteur une reconnaissance de la créance du
saisissant ; après avoir limité quantitativement l'effet d'indisponibi-
lité totale par voie de cantonnement, le débiteur conserve intérêt et
qualité pour agir en mainlevée, c'est-à-dire pour contester le
principe même de la saisie (1 630 ).
Le cantonnement est un droit propre au saisi ; il ne peut lui
être imposé par le créancier ( 1631 ).

202) Procédure de cantonnement et rôle du juge des saisies.


A. - Le cantonnement peut être effectué sans contrôle
judiciaire préalable ; il suffit pour le débiteur de remettre directe-

625
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 499; Mons, 28 juin 1983, Pas., 1983, II,
132; Civ. Anvers, 12 décembre 1956, J.T., 1957, 26; Civ. Bruges (Réf.), 10 mai 1962, R.W., 1961-
1962, 2019 et note; O. CHABOT-LEONARD, op. cit., 159.
626
(' ) En matière de saisie immobilière, une initiative semblable peut être prise par un tiers
acquéreur ou un créancier hypothécaire conformément à l'article 1444, alinéa 3 (G. de LEVAL, La
saisie immobilière, Rép. Not.. n" 193).
627
(' ) K. BAERT, Algemene beginselen van bewarend beslag, T.P.R., 1980, p. 306-307, n° 46.
628
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 500; voy. aussi avant le Code judiciaire,
Bruxelles, 20 février 1963. Pas., 1963, II, 271 ; infra, n° 202.
629
(' ) Adde. infra, n° 206 A.
630
(' ) Camp. Civ. Bruxelles, ch.s., 2 octobre 1986, R.G. n"s 18.655 et 18.656 qui maintient le
cantonnement volontairement effectué par le saisi alors que, si la créance présente des caractères
suffisants de certitude, d'exigibilité et de liquidité, le juge relève que la condition de célérité n'apparaît
plus suffisamment établie au moment où il statue !
631
(' ) Camp. Trav. Bruxelles (Réf.), 5 juin 1984, Jurisprudence des juridictions du travail de
Bruxelles, 1985, 82.
376 TRAITÉ DES SAISIES

ment à l'huissier instrumentant «une somme suffisante pour répon-


dre des causes de la saisie en principal, intérêts et frais» (art. 1405,
al. 1er) (1 632 ). En ce cas, «l'huissier dresse procès-verbal du dépôt
des fonds entre ses mains et en remet une copie au débiteur. Il est
tenu de verser ces fonds dans les trois jours à un compte qu'il se fait
ouvrir à la Caisse des dépôts et consignations et portant le nom de
la partie saisie. Mention de ce versement est faite par l'agent de la
Caisse des dépôts et consignations sur l'original de l'exploit
contenant le procès-verbal du dépôt des fonds dont l'huissier garde
la minute. Le retrait des fonds ne peut être fait par l'huissier que de
l'accord du débiteur saisi ou en vertu d'une décision qui n'est plus
susceptible de recours ordinaire» (art. 1405, al. 2 et 5) (1 633 ). Si les
justifications produites sont irrégulières ou incomplètes ou si la
Caisse a en main des oppositions au paiement, elle en avise les
intéressés au plus tard dans les dix jours de la demande ou de
l'autorisation de remboursement (1 63 ), mais sans préjudice de la
force exécutoire d'une éventuelle décision de justice.
Pour que ce cantonnement automatique produise les effets
attachés aux articles 1403 et 1404, il importe de respecter les
exigences strictes imposées par l'article 1405 qui nécessite l'inter-
vention d'un huissier de justice (1 635 ) :
la consignation doit consister en une somme suffisante pour
répondre des causes de la saisie ; l'huissier de justice ne peut être
obligé de recevoir un chèque si celui-ci n'offre par une garantie
absolue de paiement {1 636 ) ;

1632
( ) Cette possibilité est ignorée par F. MOEYKENS, Kantonnement, L'avocat, Omnia
Fraterne, 1985, n° 6, p. 14; l'auteur estime dès lors mais à tort qu'un cantonnement conventionnel
demeure passible (voy. infra. n° 275 B).
633
(' ) A notre avis, il peut s'agir d'une décision expressément déclarée exécutoire par
provision par le juge (adde. art. 1388).
(1 634 ) Art. 11, al. 2 de l'A.R. du 18 mars 1935 coordonnant les lois relatives à l'organisation et
au fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations et y apportant des modifications en vertu
de la loi du 31 juillet 1934.
1635
( ) La remise directe de fonds à la Caisse sans intervention d'un huissier ne réalise pas un
cantonnement au sens des art. 1403 à 1405 (Civ. Bruxelles, ch.s., 8janvier1987, R.G., n° 24.992). Il
a cependant été jugé qu'en mentionnant <d'huissier instrumentant», l'art. 1405 vise le «quod
plerumque fit» (Civ. Bruxelles, ch.s., 27 février 1987, A.R., n° 32.143).
636
(' ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 625, note 4; comp.
en matière de surenchère, G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 431. Il en résulte que
l'huissier engage sa responsabilité envers son mandant si la somme acceptée n'atteint pas les
causes de la saisie (comp. supra, n° 39 C et note 272), c'est donc à tort qu'il a été décidé que le
cantonnement réalisé dans les mains de l'huissier (mandataire du poursuivant) conformément à l'art.
1405 n'implique aucune acceptation qui lierait son mandant (Civ. Courtrai, ch.s., 30 janvier 1984,
R.G., n°25.871, Inédit).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 377

les fonds doivent être versés par l'huissier sur un compte ouvert
au nom du débiteur à la Caisse des dépôts et consignations.

B. - Si une contestation surgit au sujet de l'exercice du droit


de cantonner ou s'il importe de fixer les modalités d'un cantonne-
ment autrement que par le dépôt d'une somme suffisante à la
Caisse des dépôts et consignations (cantonnement en nature ou par
prélèvement, vente de biens saisis (art. 1403, al. 3), choix d'un
dépositaire autre que la Caisse des dépôts et consignations afin
d'éviter le formalisme de celle-ci ou d'obtenir des intérêts plus
élevés) (1637 ) (1 638 ) (1 639 }, l'intervention du juge des saisies peut
devenir indispensable (1 640 ) (1 641 ). Il n'appartient pas au juge
d'apprécier l'opportunité pour le saisi de recourir au cantonnement
sur saisie conservatoire puisqu'il s'agit pour celui-ci d'un droit
absolu, mais uniquement de vérifier si les conditions d'exercice de
ce droit sont réunies ou d'en organiser la mise en oeuvre (1 642 ).

Le juge des saisies territorialement compétent est celui du


lieu de la saisie. Lorsqu'il s'agit de faire obstacle à la saisie, il y a
lieu de retenir le lieu où celle-ci est évitée. Si le débiteur prend
l'initiative de cantonner à titre préventif avant même qu'une saisie
ne soit tentée, il y a lieu à notre avis de retenir le domicile du
débiteur qui, en cantonnant, réalise «une saisie spontanée» (1 643 )

(1 637 ) Le taux des intérêts à bonifier aux consignations, aux dépôts volontaires et aux
cautionnements de toutes catégories confiés à la Caisse des dépôts et consignations est fixé par
arrêté ministériel. Il suit les fluctuations du taux d'escompte de la Banque Nationale.
(1 638) Ainsi, le juge des saisies peut autoriser l'ouverture au nom des deux parties d'un
compte à terme renouvelable tacitement de mois en mois (Civ. Bruxelles, ch.s., 17janvier1977, J.T.,
1977, 210).
639
(' ) Au sujet du formalisme de la Caisse des dépôts et consignations, voy. Proposition de
loi relative aux faillites et concordats, Doc. Pari., Sénat, Sess. 1984-1985, n° 859/1, p. 25.
640
(' ) E. KRINGS, Avis du ministère public précédant Bruxelles, 30 mars 1962, J.T., 1962,
424; K. BAERT, op. cit., T.P.R., 1980, p. 307, n° 65; voy. aussi Civ. Gand, 28 mars 1974, R.W.,
1974-1975, 1512. Le défaut d'immatriculation du défendeur au registre du commerce ne peut faire
échec à son droit d'action devant le juge des saisies appelé à régler une difficulté de cantonnement
(Comm. Bruxelles, réf., 18 novembre 1965, Jur. Corn. Bruxelles, 1966, 43; comp. supra, n° 188,
note 1503).
11 11
( '" ) Il est donc inexact d'ériger en condition générale du cantonnement le règlement
préalable par le juge des saisies des modalités et conditions du dépôt (comp. et contra, Mons, 28 juin
1983, Pas., 1983, II, 132).
(1 642 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 24 novembre 1980, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte,
T. II, Art. 1403/3.
(1 643 ) Supra, n° 28; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 626,
n° 6 et réf. cit.; comp. D. CHABOT-LEONARD, op. cil., p. 162 et Rapport VAN REEPIN-
GHEN, Pasin., 1967, 501 qui précise: «Lorsqu'il n'y a eu ni saisie, ni permission de saisie, cette
compétence est déterminée par le ressort du juge dont la décision doit être mise à exécution».
378 TRAITÉ DES SAISIES

à effet nécessairement limité {1 644 ). Le critère du juge qui serait


compétent pour autoriser la saisie est irrelevant car ce lieu est
fonction de la situation du bien appréhendé or, cet élément n'est
pas déterminé à ce stade.
La procédure est introduite et instruite selon les formes du
référé (art. 1395, al. 2) ; la demande est donc formalisée par
citation de deux jours signifiée au saisissant ou au saisissant
potentiel (1 645 ) ; il ne peut être dérogé à cette règle qu'en cas
d'absolue nécessité (art. 584, al. 3).

203) Le montant du cantonnement et les situations de concours.

A. - Le montant doit être suffisant pour répondre de la


créance en principal, intérêts et frais (art. 1403, al. 1er). En tout
état de cause, le montant du cantonnement doit être déterminé en
considération des causes de la saisie telles qu'elles résultent du titre
sur base duquel la saisie a été pratiquée ou maintenue à l'issue
d'une instance en mainlevée. Il ne peut être question de cantonner
à une somme moindre que celle portée au titre ( 1646). Toute autre
solution, contraire à l'article 1403, alinéa 1er, offrirait un moyen
détourné pour obtenir une réduction illégale des causes de la saisie
(1 647 ). Seule une disposition spéciale permettrait de déroger à
cette règle {1 648 ).
Si la fixation des causes principales et accessoires de la
créance suscite une difficulté, celle-ci doit être tranchée par le juge
des saisies {1 649 ).

(1 644) Infra, n° 206 A.


(1 645 ) Civ. Gand, ch.s., 29 juillet 1974, R.W., 1974-1975, 1513; G. de LEVAL, La saisie
immobilière, Rép. Not., n° 143.
(' 646 ) Sauf extension des causes de la saisie par voie d'opposition (voy. C), il importe peu
que la somme due par le saisi au saisissant soit supérieure à celle pour laquelle celui-ci a pratiqué la
saisie conservatoire ; il ne doit être tenu compte que des causes de la saisie : Cass. Fr., 28 janvier
1982, Bull., 1982, II, p. 10, n" 15; Gaz. Pal., 1982, Pan., 203 et note M.V.; J.C.P., 1982, IV, 135;
voy. aussi Paris, 27 juin 1977, J.C.P., 1978, II, n" 18.876.
1647
( ) On ne saurait dès lors admettre qu'un cantonnement soit autorisé à concurrence des
soldes créditeurs des comptes au jour de la saisie alors que ce montant est inférieur à la créance du
saisissant (camp. et contra, Trib. Gde Inst. Le Mans, Réf., 4 mars 1983, J.C.P., 1984, II, n° 20.128 et
obs. J. PREVAULT).
1648
( ) Voy. l'art. 4 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives à la saisie
conservatoire des aéronefs (le montant du cantonnement peut être limité à la valeur de l'aéronef si
celle-ci est inférieure au montant de la dette et des frais) ; camp. infra, note 1660.
649
(' ) Tel peut être spécialement le cas pour le calcul des intérêts échus ou à échoir et pour la
détermination des frais. Voy. supra, n"s 166 et 180/3.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 379

B. - Le cantonnement opère le remplacement des biens saisis


par un montant suffisant pour répondre de la créance en principal,
intérêts et frais. Si le montant consigné n'atteint pas celui de la
créance cause de la saisie, les biens saisis ne peuvent être libérés. La
proposition du débiteur de procéder à un cantonnement partiel, le cas
échéant, par versements successifs, ne satisfait pas aux conditions de
fond du cantonnement. C'est donc à juste titre qu'il a été décidé que
le cantonnement ne peut s'effectuer progressivement au fur et à
mesure des retenues pratiquées sur la rémunération du saisi mais
uniquement à concurrence d'un montant suffisant pour répondre de
la créance en principal, intérêts et frais (1 650 ). Dans la mesure où la
saisie conservatoire n'est pas abusive, il n'est guère concevable que le
refus de cantonnement partiel puisse être abusif dans le chef du
saisissant qui peut légitimement redouter la libération des biens
saisis dans des conditions désavantageuses pour lui (1 651 ).
C. - S'il y a plusieurs saisissants sur les mêmes biens, la
libération de ceux-ci ne peut avoir lieu que si le montant consigné
atteint celui de toutes les créances additionnées. Le même principe
est, eu égard à la vocation collective de toute saisi, applicable aux
opposants ; dès lors si un ou plusieurs créanciers se sont associés à la
saisie conservatoire en formant opposition ( 1652 ) avant la réalisation
du cantonnement, le montant de celui-ci doit correspondre au total
des créances du saisissant et des opposants (1 653 ) qui n'acquièrent
pas pour autant un privilège sur les sommes cantonnées.

204) L'objet du cantonnement.


A. - Le cantonnement par prélèvement.
Le cantonnement par prélèvement est un type de consigna-
tion qui est surtout (1 65 ) propre à la saisie-arrêt : le montant

651
(' ') Liège, 2 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 484 confirmant Civ. Liège, ch.s., 14 septembre
1983, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1403/12.
651
(' ) Par contre, il pourrait y avoir refus abusif lorsque le cantonnement peut être effectué à
l'initiative du tiers acquéreur ou du créancier hypothécaire (c'est-à-dire un non débiteur) lorsqu'il est
démontré que l'opération, qui ne libère aucun bien en faveur du débiteur ne cause pas de préjudice
au saisissant (voy. art. 1444, al. 3).
(' 652 ) Une opposition peut aussi émaner du saisissant originaire qui invoque une autre
créance.
(' 653 ) Supra, n° 117 (cette règle ne vaut que pour la saisie mobilière et la saisie-arrêt); G. de
LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 55, n° 64; comp.
Civ. Bruxelles, ch.s., 18 avril 1985, Rev. Not., 1985, 450; infra, n°s 211à213.
654
(' ) li peut y avoir aussi cantonnement par prélèvement lorsque les fonds sont saisis dans
le cadre d'une saisie mobilière (art. 1506; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 228).
380 TRAITÉ DES SAISIES

déposé par le saisi est prélevé sur la dette du tiers saisi envers lui.
Cette modalité de cantonnement, expressément prévue par l'article
1403, alinéa 2 («dépôt... fait au moyen des fonds saisis»), offre
l'avantage de ne pas imposer au saisi l'obligation de rassembler les
fonds nécessaires mais sa mise en oeuvre est subordonnée à
l'existence d'une dette certaine, exigible et liquide du tiers envers le
saisi d'un montant au moins égal à celui de la dette du saisi envers le
saisissant et à l'accord des parties (1 655 ), c'est-à-dire du tiers qui ne
peut être contraint de procurer les disponibilités exigées en l'ab-
sence d'un titre exécutoire à son égard et du saisissant qui, par la
saisie-arrêt, a fait défense au tiers de se dessaisir des sommes ou
effets qui font l'objet de la saisie (1 656). Le juge des saisies est
compétent pour régler les contestations suscitées par ce type de
cantonnement ; au besoin, si la dette du tiers n'est pas contestée
1657
( ), il peut fixer les modalités du cantonnement en imposant au
tiers le dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ou aux mains
d'un séquestre agréé ou commis d'une somme suffisante pour
répondre des causes de la saisie et en autorisant le saisi à toucher le
solde éventuel (1 658 ). Il s'agit en définitive d'utiliser le cantonne-
ment de l'objet de la saisie (art. 1407) pour en cantonner les causes.
Il peut arriver que les sommes sur lesquelles la saisie est
reportée demeurent consignées chez le tiers en qualité de « séques-
tre agréé ou commis» (art. 1403, al. 1er) (1 659 ).
Si le cantonnement est utilisé pour faire obstacle à la saisie,
si la créance du saisi n'est pas certaine, exigible ou liquide, si la
dette du tiers est moins élevée que celle du saisi (sauf à combiner
cantonnement par prélèvement et cantonnement sur fonds pro-
pres), ou si l'objet de la dette du tiers saisi ne consiste pas en une
somme d'argent alors que le cantonnement doit se réaliser en
espèces, celui-ci ne peut avoir lieu par prélèvement sur la dette du
tiers saisi. Dans ces hypothèses, sans que la mise à la cause du tiers
saisi ne s'impose, le débiteur saisi doit cantonner à l'aide de ses
propres fonds.

655
(' ) Un tel accord permet d'éviter toute contestation sur la débition du droit d'enregistre-
ment (voy. infra, n° 209, in fine).
1656
( ) De manière générale, le tiers peut se refuser de libérer les avoirs sur lesquels la saisie
a été pratiquée s'il n'est pas assuré qu'en remettant ceux-ci au saisi, il sera valablement déchargé
(voy. p. ex. supra, n° 196, A 2, in fine).
657
(' ) Cass. Fr., 17 avril 1975, Rev. Huissiers, 1977, III, 82 (le cantonnement par prélèvement
ne saurait avoir pour effet de contraindre le tiers saisi avant qu'il ait été statué sur sa déclaration
affirmative à consigner une somme supérieure à celle dont il se reconnaît débiteur).
1658
( ) Comp. infra, n° 266.
659
(' ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 626, note 5.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 381

B. -Le cantonnement par équivalent.

L'article 1403 du Code judiciaire n'envisage que le canton-


nement en espèces qui se réalise par le dépôt «d'un montant
suffisant pour répondre de la créance en principal, intérêts et frais»
de telle sorte que «quand la saisie porte sur des sommes, ce dépôt
peut être fait au moyen des fonds saisis» mais «quand elle porte sur
d'autres biens, il peut avoir lieu au moyen du produit de la vente de
tout ou partie de ceux-ci» (art. 1403, al. 2). Dans la mesure où il
évite des difficultés d'évaluation d'objets susceptibles de déprécia-
tion voire malaisément réalisables, le cantonnement en espèces (le
cas échéant, après réalisation de tout ou partie des biens saisis
suivant le mode et les conditions réglés par le juge des saisies (art.
1403, al. 3) qui ne doit donc pas imposer une vente publique)
(1 660), constitue généralement la seule façon de libérer les biens
saisis en conciliant les intérêts en présence (1 661 ). Mais en visant le
«quod plerumque fit», le législateur n'a pas formulé une règle
absolue. Le cantonnement sur saisie conservatoire ne réalisant
aucune affectation spéciale en faveur du saisissant (il ne confère pas
de privilège au saisissant et ne vaut pas paiement comme le prévoit
l'article 1404, alinéa 2 en cas de cantonnement sur saisie-exécu-
tion), il n'y a, selon nous, aucun obstacle à ce que le juge des saisies
autorise un cantonnement par équivalent lorsque des circonstances
spéciales le justifient (singulièrement, le souci de soulager les
ennuis de trésorerie du débiteur et de lui éviter une réalisation de
biens dans un marché déprimé alors que la créance du saisissant
n'est pas encore établie par un titre exécutoire) pour autant que la
subrogation réalisée offre au saisissant une satisfaction au moins
égale à celle que lui procure un cantonnement en est8èces. Rien ne
s'oppose dès lors à ce qu'au stade conservatoire (1 6 2), le débiteur
saisi soit autorisé à cantonner, c'est-à-dire à déposer aux mains d'un
séquestre agréé ou commis (en toute hypothèse, le saisi ne peut
demeurer en possession de l'objet du cantonnement) des marchan-
dises, des objets d'art, des bijoux ou des titres ayant une valeur

(1 660) Comp. art. 1421, C. jud. ; il s'agit d'un type particulier de cantonnement automatique
limité au seul objet de la saisie, c'est-à-dire le produit de la vente des marchandises périssables (voy.
Cass., 8 avril 1983, Pas., 1983, 1, 841).
{1 661 ) C'est manifestement la seule modalité envisagée par les travaux préparatoires (voy.
infra, n° 206 B).
(1 662 ) Au stade de l'exécution, le cantonnement valant paiement (art. 1404, al. 2), l'article
1243, C. civ. empêche que la consignation s'effectue autrement qu'en espèces (infra, n°s 274 et
275).
382 TRAITÉ DES SAISIES

suffisante pour répondre des causes de la saisie ( 1663 ). Même si


l'opportunité d'un tel cantonnement peut spécialement se présenter
en cas de corrélation entre l'objet de la saisie et l'objet proposé
pour la cons~ation, il ne s'agit pas d'un préalable obligé à sa mise
en oeuvre (' ) ; l'essentiel est que la matière du cantonnement se
présente de manière telle qu'au jour de l'exécution, le produit de
réalisation atteigne sûrement les causes de la saisie ; si la conjon-
cture ne permet pas de prévoir un tel résultat, le cantonnement
«matière» ne peut être imposé au saisissant qui ne soit pas être
victime des aléas commerciaux.
Il va de soi que si le créancier saisissant et le débiteur sont
d'accord pour cantonner en valeurs ou en marchandises, leur
convention ne nécessite aucune intervention du juge des saisies
mais si plusieurs créanciers sont associés à la poursuite, leur accord
doit également être obtenu (comp. art. 1506, al. 2) (1665 ).

C. - La caution substituée à la consignation.


L'article 1403 exige une consignation. Le débiteur pour-
rait-il se contenter de fournir une caution bancaire ? Sauf accord de
toutes les parties, le juge des saisies ne pourrait imposer une telle
solution, qui pourrait s'avérer plus favorable pour le saisissant
qu'un cantonnement qui ne lui confère aucun privilège, que si la
sûreté personnelle offerte est suffisamment sûre (' 666 ).

1663
( D. CHABOT-LEONARD. op. cit.. p. 163. note 4.
)
664
(' Comp. en France où la consignation en marchandises (malgré le texte de l'art. 567, al. 3
)
C.P.C. qui confère un privilège sur le dépôt au saisissant, infra, n° 206 B) est souvent admise (Paris,
14 mars 1964, Dall., 1965, J., 55 et note; Trib. Gde Inst. de Grenoble, 30 juin 1983, Dall., 1984,
1.R., 300; adde. J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cil., p. 241, n" 303; contra Cass., 16 juillet
1976, Dall., 1976, J., 576; Bull., 1976, li, 197; R.T.D.C.. 1977. p. 195-196, n° 15 qui casse un arrêt
de la Cour d'appel de Paris qui, alors que la saisie-arrêt portait sur des crédits bancaires avait imposé
au créancier saisissant une consignation portant sur un stock d'ouvrages de librairie en cours de
diffusion, Paris, 13 décembre 1974, Dall., 1976, J., 182 et concl. de M. le Substitut général POIROT;
R.T.D.C., 1976, p. 640-642, n° 19 et obs. R. PERROT).
1665
( ) Supra, n" 203 C.
1666
( ) Comp. en France où le juge ne peut imposer au créancier saisissant l'adoption d'une
sûreté moins efficace et d'un maniement plus difficile (Trib. Gde lnst. Toulouse, Réf., 19 octobre
1976, J.C.P., 1977, li, n° 18.643 et obs. J.A. ; Rev. Huissiers. 1977, lll. 160; J. VINCENT et J.
PREVAULT, op. cil.. p. 239, n" 300; Ph. BERTIN, Le boeing du Pharaon ou variations sur le
problème du cantonnement de la saisie conservatoire, Gaz. Pal., 12-13 janvier 1983, 9; comp. M.
DONNIER, Voies d'exécution et procédures de distribution, Litec, 1987. n" 766, p. 312). On signale
que l'art. 59, al. 2 de l'avant-projet de loi (français) tendant à améliorer les procédures d'exécution en
matière civile énonce : «à la demande du débiteur, il (le juge) peut substituer à la mesure initialement
ordonnée toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 383

205) Les frais de la procédure de cantonnement.

Le cantonnement se réalise à l'initiative et dans l'intérêt


exclusif du saisi. Il est dès lors normal que les frais occasionnés par
la mise en oeuvre du cantonnement (frais de séquestre, dépens,
etc.) soient mis à charge du saisi. Toutefois, les frais rendus
nécessaires par le refus injustifié ou les prétentions excessives du
saisissant pourront être mis à charge de celui-ci. Enfin, en cas de
mainlevée ultérieure de la saisie, les frais du cantonnement pour-
ront être mis définitivement à charge du saisissant dans la mesure
où la procédure diligentée par celui-ci était dès le départ irrégulière
ou non fondée. Il arrive encore que les frais du cantonnement
soient réservés dans l'attente d'une décision au fond (1 667 ).

206) Les effets du cantonnement sur saisie conservatoire.

A. - Envers Le saisi.
Le cantonnement sur saisie conservatoire libère les avoirs
sur lesquels la saisie porte ou fait obstacle à celle-ci (art. 1403, al.
1er). Il s'agit d'une subrogation réelle (1 668 ) par laquelle l'objet du
cantonnement prend la place de l'objet de la saisie dont le débiteur
retrouve l'entière disposition. Il y a donc cessation de l'indisponibi-
lité totale. Les biens consignés demeurent la propriété du saisi
(ainsi le compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations porte
le nom de la partie saisie, art. 1405, al. 3). Les intérêts produits par
les sommes consignées sont nécessairement dus au saisi. En
principe, celui-ci peut en exiger le paiement lors~ue le capital
couvre les causes de la créance (intérêts compris) (1 6 9 ). Tout acte
de disposition du saisi sur ce qui fait l'objet du cantonnement est
inopposable aux créanciers dont les droits ont été pris en compte
pour en déterminer le montant (1 670 ).

1667
( ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p.
56, n° 66.
1668
( ) Liège, 8 décembre 1983, Jur. Liège, 1984, 32.
1669
( Le débiteur ne pourrait prétendre compenser les intérêts qui lui sont dus avec les
)
intérêts qu'il doit à son créancier (Jurisprudence du Code judiciaire, T. Il, Art. 1403, n" 7).
1670
( ) C'est pourquoi «lorsque le jugement condamne le débiteur à consigner un montant
déterminé et à défaut de cc faire au paiement de la somme entre les mains du créancier, le débiteur
ne satisfait pas à la faculté de consignation en réalisant celle-ci au moyen de sommes déjà
cantonnées pour une autre cause alors qu'il ne peut en disposer unilatéralement.» (Civ. Bruxelles,
ch.s., 28 avril 1986, R.G. n" 19.757, Inédit).
384 TRAITÉ DES SAISIES

La libération des avoirs saisis entraîne nécessairement une


modification au niveau de l'avis de saisie, c'est-à-dire d'une
publicité susceptible de porter atteinte au crédit du saisi. Il ne peut
cependant s'agir d'une suppression pure et simple dans la mesure
où le principe de la saisie subsiste (c'est pourquoi, il serait inexact
de parler de mainlevée consécutive au cantonnement) et où l'objet
du cantonnement demeure le gage de tous ses créanciers qui
peuvent s'associer à la poursuite originaire ou même le saisir-
arrêter chez le tiers. Selon nous, même si la loi ne prévoit rien à ce
sujet, il y a lieu d'adapter l'avis de saisie en indi8uant ~récisément
le type et le lieu du cantonnement opéré (1 6 1) (1 2). Si une
contestation surgit, elle doit être soumise au juge des saisies.
B. - Envers le saisissant et les opposants.
Le code judiciaire ne reproduit pas la règle contenue dans
l'article 553 de l'ancien Code de procédure civile (art. 25 de l'A.R.
n° 300 du 30 mars 1936) d'après laquelle le débiteur qui verse une
somme suffisante pour répondre des causes de la saisie doit affecter
cette somme spécialement à l'extinction de la créance du saisissant,
à la condition que les droits de ce dernier soient ultérieurement
reconnus ; ce versement vaut paiement dans la mesure où le saisi
se reconnaît ou est reconnu débiteur (1 673).
M. VAN REEPINGHEN s'en est longuement expliqué :
cette «règle paraît d'autant plus difficile à justifier en matière
conservatoire qu'au moment où le versement s'accomplit, le débi-
teur conteste le titre du créancier et qu'il refuse le paiement. Si l'on
admet, comme le fait la loi française, qu'il s'agit, au profit du
créancier d'un privilège, celui-ci naîtrait de la demande unilatérale
de cantonnement formée par le débiteur, au profit du créancier

671
(' ) Supra n° 113; comp. Mons, 28 juin 1983 (Pas., 1983, Il, 132) : «le cantonnement
permet d'éviter la publicité d'une saisie avec l'atteinte au crédit que celle-ci implique»; cette
observation ne vaut que si le cantonnement fait obstacle à la saisie (cantonnement préventif) (supra
n° 201).
672
(' ) Cette solution ne semble cependant pas applicable à la matière de la saisie immobilière
où la libération de l'immeuble saisi entraîne la radiation de la transcription. Par contre, si la saisie
immobilière donnait lieu à l'établissement d'un avis de saisie (supra, n° 112 et note 876), celui-ci
serait adapté en conséquence.
673
(' ) Cette disposition inspirée de l'article 567, C.P.C.Fr. en renforçait l'efficacité dans la
mesure où le législateur belge avait préféré la notion de paiement conditionnel (que l'on retrouve à
l'article 1404) à celle de privilège exclusif, pour éviter, en cas de faillite du saisi, la nullité qui
résulterait de l'application de l'article 445, alinéa 4 de la loi du 18 avril 1851 sur la faillite (Rapport
VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 500; Rapport au Roi précédant l'A.R. n° 300 du 30 mars 1936,
Pasin., 1936, 6ème série, T. III, p. 223). Par contre cette règle est applicable au cantonnement sur
exécution provisoire (infra, n° 276 B).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 385

poursuivant, fût-il chirographaire, et, le cas échéant, au détriment


d'autres créanciers fussent-ils privilégiés. Sans doute, s'il y a
collusion entre le saisissant et le saisi, celle-ci pourrait-elle donner
ouverture à nullité et même à poursuites pénales. Mais la preuve de
pareille collusion est difficile. La règle adoptée par le législateur de
1936 paraît d'autant moins pouvoir être retenue dans le système du
Code en projet que le cantonnement peut être réalisé même si la
saisie conservatoire n'est pas faite. Il suffit que celle-ci soit permise.
Pourquoi créer en raison du cantonnement un privilège, alors que
la saisie elle-même n'a pas un tel effet ? C'est pourquoi le Code en
projet ne prévoit pas d'affectation spéciale du montant versé à la
Caisse des dépôts et consignations ou entre les mains d'un séques-
tre au profit du créancier saisissant ou en droit de saisir à titre
conservatoire. La somme versée subira le sort de la distribution par
contribution, si celle-ci a lieu» (1674 ). Il ajoute en note : «Nous
n'ignorons pas que, dans ce système, le créancier diligent souffrira
la répartition des deniers provenant de l'exécution, en concours
avec d'autres créanciers. Mais entreprendre sur ce principe eût
mené loin» {' 675 ).
Le code de 1967 permet donc au débiteur de se soustraire
aux conséquences fâcheuses de l'indisponibilité totale, imRosée par
l'absence de privilège au profit du premier saisissant ( 676), sans
que le créancier n'obtienne l'assurance d'être complètement désin-
téressé au moyen des sommes consignées (' 677 ).
Logiquement, la limitation des effets de la saisie, à la
demande du saisi et en sa faveur, doit avoir pour contrepartie la
conservation d'une garantie suffisante pour le créancier saisissant et
les créanciers opposants (1678 ). En effet, l'équilibre entre des
intérêts opposés ne peut être maintenu que si la modification d'un
élément entraîne l'adaptation de l'autre à la situation nouvelle. Or
tel n'est pas le cas sous l'empire de l'article 1403 puisque la
réduction de l'assiette de la saisie aux causes de la saisie et des

1674
( Pasin., 1967, 500.
)
1675
( Pasin., 1967, 500, note 32.
)
676
(' ) Supra, n° 198.
1677
( ) Une précision s'impose. En soi, le cantonnement sur saisie conservatoire (pas plus
que la saisie elle-même) ne confère aucun traitement préférentiel au saisissant. Toutefois, si celui-ci
bénéficie d'une sûreté réelle sur l'objet libéré par le cantonnement, il y a lieu, à notre avis, d'admettre
qu'il y a subrogation réelle pour la sûreté.
678
(' ) Même en cas de procédure collective, le moment auquel un créancier s'est manifesté
peut être déterminant pour la prise en considération de ses droits (art. 508, C. corn. ; art. 809, al. Ier,
C. jud. (supra, n° 133) ; art. 1671, C. jud., Rép. Not. La saisie mobilière, n° 604).
386 TRAITÉ DES SAISIES

oppositions connues (1 679 ) n'empêche pas d'autres créanciers de


faire valoir leurs droits de telle sorte que le cantonnement compro-
met le désintéressement des créanciers auxquels il peut toujours
être imposé.

Pour éviter les conséquences préjudiciables du cantonne-


ment organisé par l'article 1403, le créancier pourrait être tenté de
proposer au saisi un «cantonnement conventionnel» (1 680 ) par
lequel de l'accord des ~arties se réaliserait une cession, une
délégation imparfaite ( 1 1) ou un gage conditionnel ( 1682), la
condition étant que les droits du saisissant soient ultérieurement
reconnus. Ce système fait disparaître les inconvénients de l'indispo-
nibilité totale et le créancier saisissant, cessionnaire, délégataire ou
gagiste n'a pas à craindre le concours de saisissants postérieurs,
l'avènement de la condition, l'investissant rétroactivement à la suite
du contrat, de la somme sur laquelle porte la cession, la délégation
ou le gage (1 683 ). Cette opération - connue aussi sous le nom
d'affectation spéciale - ne crée pas un privilège au profit du
premier saisissant même s'il peut en retirer des avantages équiva-
lents. Si entre parties, cet expédient, que la pratique avait forgé
avant que législateur n'organise le cantonnement est inattaquable,
il n'en est pas nécessairement de même à l'égard des tiers, c'est-à-
dire des autres créanciers du débiteur ayant qualité ( 1684 ) pour
faire annuler pour cause illicite la convention ayant pour but
d'éluder le principe de l'égalité des créanciers ( 1685 ) ou pour
exercer l'action paulienne afin que de tels actes leur soient déclarés

679
(' ) Supra, n° 203 C.
1680
( P. LEFLON, Le cantonnement de la saisie-arrêt, Thèse, Paris, 1933, p. 19 à 23; voy.
)
aussi Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n°s 306 et 307.
1681
( ) Il n'y a pas de formalisme spécial pour rendre opposable la délégation aux tiers (Liège,
23 mai 1982, R.D.C., 1983, 373).
682
(' ) Voire même un paiement conditionnel.
1683
( Le gage demeure saisissable par les autres créanciers du constituant mais le créancier
)
gagiste pourra faire valoir son droit de préférence lors de la distribution par contribution (supra, note
823; au sujet du droit de rétention du créancier gagiste, voy. G. de LEVAL, op. cit., J.T., 1981, 633,
n° 40).
1684
( ) La créance de celui qui exerce l'action paulienne doit. en principe être antérieure à
l'acte attaqué (Liège, 29 mars 1984, J.L., 1984, 281).
1685
( ) D. DEVOS, Propos sur la répression de la fraude en droit privé, R.D.C., 1985, 283-301
et sp. p. 287 n" 8; p. 289 n" IO; p. 295 n" 15. Voy. aussi Bruxelles, 8 septembre 1984, R.D.C.,
1985, 277. Comp. en matière de faillite, F. T'KlNT, La résolution conventionnelle du contrat de vente
en période suspecte au regard de l'article 445, alinéa 3 de la loi sur les faillites, R.C.J.B., 1985, p. 199
à 204, n°s 27 à 34; comp. et contra, F. MOEYKENS, Kantonnement, L'Avocat (Omnia fraterne),
1985, n" 6, p. 13-15; comp. en cas d'exécution provisoire, Civ. Courtrai, ch.s., 16 octobre 1984,
R.W .. 1985-1986, 544.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 387

inopposables (art. 1167, C. civ.) (1686). La fraude peut être établie


dans le chef du débiteur et la complicité dans le chef de son
contractant si ceux-ci avaient ou devaient avoir conscience du
préjudice causé aux autres créanciers par l'acte litigieux qui,
indépendamment d'une intention de nuire, a pu illégalement
favoriser le saisissant originaire au détriment des autres créanciers
(1687) (1688).

C. - Envers le tiers dépositaire.

Les fonds sont déposés soit à la Caisse des dépôts et


consignations soit aux mains d'un séquestre agréé ou commis (art.
1403, al. 1er). Ils sont détenus par le dépositaire au nom et pour le
compte du saisi. Le dépositaire se trouve dans une situation
semblable mais non identique à celle du tiers saisi (1 689). Les effets
de la saisie sont reportés de plein droit sur les biens cantonnés qui
ne peuvent être libérés que de l'accord des ftarties ou en vertu
d'une décision de justice (art. 1405, in fine) ( 690 ) dans le respect
de tous les droits en concours.

D. - Durée de validité.
La durée de validité du cantonnement n'est pas nécessaire-
ment illimitée. Si l'objet du cantonnement remplace celui de la
saisie, les règles relatives à la durée de validité de celle-ci (en

686
(' ) Sans préjudice d'une poursuite pénale fondée sur l'organisation frauduleuse de
l'insolvabilité (art. 490 bis,§ 1er, 5° et§ 2, C. pén.).
(''"'7) Le paiement(et a fortiori une mesure qui le prépare) peut tomber sous le coup de
l'action paulienne (Mons, 2 octobre 1985, Rev. Not., 1986, 189 et note J. SACE). Adde. Cass., 15
mars 1985, J.T.T., 1986, 291 ; Pas., 1985, 1, 875: «l'article 448 de la loi sur les faillites dispose que
tous actes ou paiements faits en fraude des droits des créanciers sont nuls, quelle que soit la date à
laquelle ils ont eu lieu. Cette disposition est une application de la règle contenue dans /'article 1167
du Code civil. Pour établir dans le chef du débiteur un acte ou un paiement fait en fraude des droits
des créanciers, il suffit au curateur qui invoque l'article 448 de la loi sur les faillites, de prouver que
lacte ou le paiement avait un caractère anormal et que le débiteur a agi sachant que les créanciers
seraient préjudiciés ».
1688
( ) Tel serait certainement le cas si les autres créanciers avaient pratiqué une saisie ou
formalisé une opposition avant la conclusion de l'acte attaqué ; comp. en ce qui concerne l'application
de l'art. 448, C. Corn., Comm. Liège, 29 janvier 1986, Jur. Liège, 1986, 193 qui retient la complicité
du créancier qui de son propre aveu avait inscrit son débiteur dont il connaissait la situation sur une
liste noire !
689
(' ) Les articles 1452 et 1455 ne sont pas applicables . De même le tiers dépositaire ne
peut, en l'absence de texte en ce sens, être poursuivi comme débiteur pur et simple des causes de la
saisie. Il n'est cependant pas interdit à un créancier de pratiquer une saisie-arrêt entre les mains du
tiers dépositaire.
16911
( ) Supra, n° 202 A.
388 TRAITÉ DES SAISIES

principe trois ans avec possibilité de renouvellement) (1 691 ) de-


meurent, selon nous, applicables malgré la subrogation intervenue.

§ 3. - Le cantonnement de l'objet.

207) Le cantonnement de l'objet de la saisie (art 1407).

Lorsque la saisie porte sur des biens qui se trouvent chez


un tiers (saisie-arrêt ; saisie mobilière chez un tiers ; le cas échéant,
saisie-revendication), la concrétisation des effets de la saisie chez ce
tiers peut provoquer des désagréments ou susciter des craintes
nécessitant le cantonnement de l'objet saisi (1 692 ). Il ne s'agit pas
de libérer les avoirs sur lesquels la saisie porte pour mettre fin à
l'indisponibilité totale moyennant cantonnement des causes de la
saisie par le débiteur, il s'agit seulement de déplacer les objets saisis
en un autre lieu où tous les effets de la saisie continuent à se
déployer (1 693 ).
Aux termes de l'article 1407 qui reprend, sauf quelques
modifications de forme, l'article 554 bis introduit dans le C.P.C.
par l'A.R. n° 300 du 30 mars 1939 (1 694 ), «dans tous les cas où une
saisie, à titre conservatoire ou à titre exécutoire, frappe des fonds
ou effets mobiliers qui se trouvent entre les mains d'une autre
personne que le débiteur, celui-ci, le tiers qui les détient et le
créancier qui les a saisis peuvent se pourvoir devant le juge des
saisies, pour faire ordonner soit le dépôt des fonds ou effets
mobiliers aux mains d'un séquestre agréé ou commis, soit, s'il s'agit
d'espèces liquides ou à échoir, leur dépôt à la Caisse des dépôts et
consignations».
Le droit de cantonner l'objet de la saisie est, sauf accord
unanime des parties, soumis à l'appréciation préalable du juge des
saisies qui peut, suivant les circonstances et les droits des parties,

(1 691 ) Supra, n° 196 A.


(1 692 ) La protection du patrimoine saisi détenu par le débiteur relève d'autres dispositions
(art. 1961, 1°, C. Civ. ; art. 1421, 1443, 1506, al. 2, 1509, 1572, C. jud. ; adde. supra, n° 196 A).
693
(' ) Liège, 8 décembre 1983, Jur. Liège, 1984, 32; Bruxelles, 7ème ch., 10 septembre
1987, Rev. Not., 1987, 612; Civ. Anvers, 25 juin 1981, Rec. enr., 1983, n° 22878, sp. p. 165. Il n'y a
donc pas à ce stade de cantonnement des causes de la saisie avec libération du solde. En agissant
ainsi le tiers pourrait engager sa responsabilité envers le saisissant entré ultérieurement en concours
avec d'autres créanciers ou lui-même pour d'autres créances (infra, n° 212).
(1 694 ) Rapport V AN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 501.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 389

ordonner en tout ou en partie ou refuser le cantonnement (1 695 ).


Ainsi, le tiers (Etat belge) s'est vu refuser le droit de cantonner des
sommes arrêtées entre ses mains par un créancier d'aliments
1696
( ). Dans la mesure où une charge est imposée au tiers qui,
contre son gré, conserve la garde et la surveillance d'objets saisis, il
doit être indemnisé des frais qui en résultent pour lui.

208) Qui peut demander le cantonnement de l'objet de la saisie?


Alors que seul le débiteur saisi a qualité et intérêt pour
cantonner les causes de la saisie en vue de retrouver la libre
disposition de ses biens, toutes les parties à la saisie ont qualité et
intérêt pour en cantonner l'objet :
A. - Le tiers.
La situation dans laquelle se trouve le tiers peut l'exposer à
de graves inconvénients dans la mesure où l'effet d'indisponibilité
totale l'empêche de se dessaisir des biens immobilisés.
1. - De manière générale, la conservation des biens saisis peut
être difficile et onéreuse pour lui spécialement lorsqu'il s'agit
d'objets encombrants, d'objets de valeur ou d'objets nécessitant
des soins particuliers. Afin d'éviter la responsabilité de la conserva-
tion des effets litigieux, le tiers a le droit d'en faire ordonner le
dépôt aux mains d'un séquestre agréé ou commis (1 697 ). Ce droit

1695
( ) Il importe cependant qu·un cantonnement partiel n'intervienne pas au mépris des
règles de la distribution par contribution ( obs. G. de LEVAL sous Civ. Liège, ch.s., 20 février 1985.
Jur. Liège, 1985, 429). Au sujet du respect des droits du tiers, voy. n° 209.
(1 696) Bruxelles, 21 mars 1984, Rev. Not., 1984, 360; en l'espèce, la Cour se fonde sur le
caractère alimentaire de la créance du saisissant qui ne pourrait faire l'objet d'un cantonnement à
l'initiative du saisi (art. 1404, al. Ier). Cette solution peut se justifier s'il s'agit d'éviter, sans préjudice
pour le tiers, un préjudice pour le créancier d'aliments (voy. G. de LEV AL, L'exécution et la sanction
des décisions judiciaires en matière familiale, in L'évolution du droit judiciaire, Xlèmes Journées Jean
DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 894, n° 25) mais une interdiction de cantonner la cause de la
saisie n'implique pas nécessairement celle de cantonner l'objet de la saisie (G. de LEVAL, Résumés
de décisions récentes de M. le Juge des saisies de Liège, Jur. Liège, 1984, 487, note 2). Adde. infra,
n° 208 A, in fine et note 1703.
(1 697 ) Voy. p. ex. Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, p. 326, n° 325 (marchandises
saisies-arrêtées dans les mains du transporteur (voy. aussi Cass., 8 avril 1983, Pas., 1983, l, 841) qui
peut exiger la consignation ou même la vente conformément aux articles 8, 21 et 33 de la loi du 25
août 1891 sur le contrat de transport); Civ. Bruxelles, ch.s., 13 janvier 1977, R.G., n° 67.841, in
Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Art. 1407/5 (dépôt de tapis aux mains d'un séquestre, les frais
étant mis provisoirement à charge du saisi). La même règle est énoncée par l'art. 5, al. 2 de l'Arrêté-
royal n° 260 du 24 mars 1936 sur la détention au greffe et la procédure en restitution des choses
saisies en matière répressives (Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Art. 1407/8). En réalité, ce
type de consignation a toujours été admis même avant d'être expressément réglementé (A. BRAAS,
Procédures d'ouverture des successions. Voies d'exécution - Procédures de distribution, 2ème éd.,
Bruxelles, Bruylant et Liège, Vaillant-Carmanne, 1953, p. 263, n° 406).
390 TRAITÉ DES SAISIES

n'est pas ouvert uniquement à un tiers-saisi entre les mains duquel


une saisie-arrêt a été pratiquée ; il existe au profit de tout tiers qui
détient les effets saisis.
2. - En cas de saisie-arrêt, le tiers saisi peut légitimement désirer
ne pas assumer ce rôle dans la mesure où sa responsabilité est
susceptible d'être lourdement engagée (art. 1451à1456). Il éprouvera
surtout la nécessité de consigner lorsqu'il se trouvera placé au centre
des prétentions contradictoires du saisissant et du saisi et que sa dette
sera elle-même productive d'intérêts envers le saisi (1 698 ) qui, muni
d'un titre exécutoire, pourrait entamer ou avoir déjà initié une
procédure d'exécution envers son propre débiteur (le tiers) (1 699 ) ; le
saisissant (saisi originaire) ne peut certes pas poursuivre sa procédure
1700
( ) mais il pourrait aussi exir,er la consignation de l'objet de la
saisie-arrêt par le tiers saisi (1 70 ).
3. - Il arrive que le tiers saisi auquel est illégalement imposée
la tâche de procéder à la distribution par contribution qui doit être
diligentée par l'huissier de justice, se trouve dans l'obligation de
procéder au cantonnement des fonds qui demeurent saisis entre ses
mains (1 702 ).

698
(' ) Il ne peut se prétendre libéré des intérêts moratoires par le seul fait que les fonds sont
bloqués au profit du saisissant (G. de LEVAL, Saisies et droit commercial in Les créanciers et le droit
de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, 280; Bruxelles, 7ème ch., 10 septembre 1987, Rev. Not.,
1987, 612). Si la dette quoiqu'exigible ne porte pas d'intérêts, le saisi a le droit de faire courir ceux-ci.
1699
( ) Ainsi le tiers, obligé de payer à son créancier une somme déterminée à peine
d'exécution forcée, peut être placé devant une saisie-arrêt qui l'empêche de payer ce qu'il doit à son
créancier (Cass., 23 janvier 1896, Pas., 1896, I, 75) ; de même un débiteur peut jouer le rôle de saisi
dans la saisie mobilière pratiquée par son créancier et celui de tiers saisi dans la saisie-arrêt pratiquée
par le créancier de celui-ci (HEBRAUD et RAYNAUD, Jurisprudence française en matière de
procédure civile, Rev. Trim. Dr. Civ., 1960, n° 12, p. 728; adde. G. de LEVAL, Distribution par
contribution, Rép. Not., n° 78).
1700
( ) Cass. Fr., 17 novembre 1983, Gaz. Pal., 1984, Pan., 125; J.C.P., 1984, IV, 29; Trib.
Gde Inst. Nice, Réf., 7 janvier 1986, Rev. Huissiers 1986, 1647; comp. avant l'article 554 bis, C.P.C.,
Pandectes belges, V" Saisie-exécution, T. 95, Larcier 1909, n"s 927 à 929.
1701
( ) Lorsque le paiement peut être exigé par le créancier (débiteur saisi), le tiers saisi, entre
les mains duquel une saisie-arrêt a été pratiquée, peut encore recourir à la procédure d'offres réelles
assorties de la condition pour le créancier de rapporter la mainlevée de la saisie soit en payant le
saisissant, soit en cantonnant, soit en faisant déclarer la saisie nulle. Si le créancier ne veut pas ou ne
peut pas souscrire à cette condition, la consignation peut être faite sous la charge des saisies-arrêts qui
auraient été faites entre les mains du débiteur (art. 1354 et 1357) (Rapport VAN REEPINGHEN, p.
492; Liège, 12 mars 1904, Jur. Liège, 1904, 163; Ch. LEURQUIN, Code, n° 293). Cette procédure
qui suppose que le tiers ne conteste pas sa dette est plus lourde et plus onéreuse que celle de l'article
1407 et offre dès lors peu d'intérêt (comp. infra, n° 288).
1702
( ) F. TOP,, Loonbeslag, loondelegatie en loonoverdracht: problemen bij de evenredige
verdeling, T.P.R., 1983, p. 407, n° 92 et p. 408, n° 95; F. HUISMAN et M. TROCLET, La
rémunération: saisie et cession, J.T.T., 1983, p. 50, n° 102; G. de LEVAL, La saisie immobilière,
Rép. Not., 1985, p. 102, n° 136; Civ. Liège, 20 février 1985, Jur. Liège, 1985, 429 et obs G. de
LEVAL. Plus simplement, le tiers, sans avoir à prendre l'initiative d'une procédure, peut se limiter à
requérir de l'huissier l'ouverture de la procédure de distribution par contribution (Cass. Fr., 25 mars
1987, J.C.P., 1987, IV, 192).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 391

Enfin, le tiers dont la dette est due en une fois peut


souhaiter éviter le fractionnement de l'exécution de son obligation
au profit du créancier de son créancier. Il lui suffit de cantonner la
totalité de sa dette conformément à l'article 1407 (1703 ).

B. - Le saisi et le saisissant.
«Les sommes ou objets saisis entre les mains d'un tiers y
sont parfois aussi peu en sûreté qu'entre les mains du débiteur
saisi » (1 704).

Le saisi et le saisissant sont également intéressés à la


conservation de l'objet de la saisie. Ils feront procéder à la
consignation lorsqu'ils redouteront que par son attitude, le tiers
compromette l'objet de la saisie.

Ainsi, le saisi peut neutraliser par ce procédé toute saisie-


arrêt sur soi-même abusive ou toute saisie-arrêt de complaisance
par laquelle le tiers, peu désireux de payer ses dettes, s'arranfüe
pour faire pratiquer une saisie-arrêt entre ses propres mains ( 17 )
1706
( ). Même en l'absence de toute manoeuvre frauduleuse ou de
collusion entre le saisissant et le tiers saisi, le saisi peut redouter de
laisser des sommes immobilisées entre les mains d'un tiers dont la

1703
( ) Mutatis mutantis, le procédé est applicable en matière de délégation moyennant
autorisation préalable du juge qui autorise la délégation voire même du juge des saisies (voy. G. de
LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 311, note 13; voy. toutefois en cas de mesure de blocage sur
le fondement de l'art. 223, E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence (1976-1983) Personnes,
R.C.J.B., 1986, p. 645, note 19).
1704
( ) Rapport V AN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 501.
(1 705 ) Ch. VAN REEPINGHEN, Le nouveau Code de procédure civile, Bruxelles, Larcier,
1936, 159, n" 17; J.H. ZWENDELAAR, Ch. VAN REEPINGHEN et P. REYNTENS,
Formulaire annoté de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 1939, T. V, n° 1573, p. 297.
706
(' ) Relevons que le saisi peut aussi choisir le cantonnement prévu par l'article 1403 pour
libérer les avoirs sur lesquels la saisie porte et retrouver son entière liberté d'action. Ainsi, dans une
instance où la partie, à l'encontre de laquelle est poursuivie une saisie-exécution, a pratiqué une
«Saisie-arrêt sur soi-même», le litige, indépendamment de tout examen du fond de l'affaire, se
ramène à un strict problème d'exécution. L'effet normal de la saisie-arrêt qui est d'entraîner le «gel»
de la créance saisie-arrêtée, ainsi suspendue dans sa vie juridique, doit être transposé en matière de
«saisie-arrêt sur soi-même», et empêche que la créance saisie-arrêtée puisse faire l'objet d'un
paiement volontaire ou forcé par le tiers-saisi, dont le rôle se confond en l'espèce avec celui du
créancier saisissant. Cependant, les conséquences d'une telle saisie-arrêt n'excluent pas que son
effet soit cantonné à une somme suffisante pour garantir la créance ayant motivé la saisie-arrêt, de
sorte que, pour le surplus de la créance justifiant la saisie-exécution, celle-ci peut être poursuivie
(Trib. Gde. lnst. Nice, 28 mai 1985, Gaz. Pal., 28-29 août 1985, 10).
392 TRAITÉ DES SAISIES

solvabilité n'est pas certaine (1 707). Il peut également craindre la


mise en péril d'objets laissés sous la garde du tiers. Quant au
saisissant, il peut aussi redouter la disparition des objets saisis
(1 708 ), l'insolvabilité du tiers, l'improductivité de la dette entre les
mains du tiers voire même une entente frauduleuse entre le tiers et
le saisi spécialement lorsque celui-ci est l'organe de la personne
morale chez laquelle la saisie a été faite.
Dans tous les cas, la consignation permet d'éviter que le
tiers saisi ne tire parti de l'interdiction qui lui est faite de se
dessaisir en s'octroyant en fait un délai non prévu par le titre de la
créance et en compromettant le paiement du principal et des
intérêts.
S'il s'agit d'une saisie portant sur des effets mobiliers, la
mise sous sé~uestre de ceux-ci permet généralement de les mettre
en sûreté (1 7 ).
C. - Les autres tiers.
En permettant au tiers qui détient les effets saisis de
recourir au cantonnement, l'article 1407 vise le quod plerumque fit.
Tout tiers intéressé au cantonnement de l'objet total de la dette du
tiers envers le seul saisi peut solliciter la mesure. Tel est le cas du
cotitulaire d'un compte saisi-arrêté (1 710) ou du colocataire d'un
coffre (1 711 ).

209) La procédure et les frais.


L'article 1407 prévoit que le débiteur, le tiers et le
créancier «peuvent se pourvoir devant le juge des saisies». Le mot
«peuvent» signifie que l'initiative de cantonner constitue une

1707
( ) Ainsi, lorsqu'une saisie-arrêt fiscale ne peut développer son effet exécutoire (art. 216,
A.R. d'exécution C.I.R.), le juge des saisies peut imposer au tiers (locataire) à la demande du saisi, la
consignation des sommes réclamées par le fisc (Civ. Louvain, ch.s., 11septembre1984, Bull. Contr.,
1985, 2706).
(1 708) Par exemple, en cas de saisie de titres au porteur au siège d'une société contrôlée par
le saisi (Civ. Liège, 19 avril 1978, Jur. Liège, 1978-1979, 367, n° 76).
1709
( ) Cependant, lorsqu'il s'agit de titres, la consignation de ceux-ci peut s'avérer insuffi-
samment protectrice des intérêts en présence ; en ce cas, une mesure plus énergique peut être
envisagée telle la désignation d'un expert-gardien chargé de faire rapport sur des transferts d'actifs
d'une société filiale à sa société mère située à l'étranger (Bruxelles, 8 décembre 1978, Rev. Prat.
Soc., 1979, 246; adde. infra n° 209, note 1713).
1710
( ) Supra, n° 53.

(1 711 ) Supra, n° 42.


RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 393

faculté mais dès que la décision d'y recourir est prise, l'intervention
préalable du juge des saisies est, sauf accord unanime des parties
1712
( ), indispensable afin de prévenir toute contestation ultérieure
sur la régularité ou la validité de la consignation ( 1713 ). La
demande est introduite et instruite dans les formes du référé (art.
1395, al. 2) (1 714 ).

Il est demandé au juge des saisies d'ordonner «soit le


dépôt des fonds ou effets mobiliers aux mains d'un séquestre agréé
ou commis, soit, s'il s'agit d'espèces liquides ou à échoir, leur dépôt
à la Caisse des dépôts et consignations». Peut-être l'article 544 bis
que «reprend sauf quelques modifications de forme» ( 1715 ) l'arti-
cle 1407 était-il plus clair en envisageant «la remise des meubles en
mains d'un séquestre, et le versement des espèces liquides ou à
échoir soit en mains d'un séquestre, soit à la Caisse de dépôts et
consignations».

Si l'initiative de la procédure émane du tiers, il n'y a pas


d'obstacle au cantonnement de l'objet de la saisie puisqu'il offre de
le consigner. Par contre, si la demande est introduite par le
saisissant ou le saisi, le tiers ne peut être contraint de déposer des
espèces soit en mains d'un séquestre agréé ou commis, soit à la
Caisse des dépôts et consignations que si sa dette certaine, exigible et
liquide n'est pas contestée ( 1716).

(1 712 ) Tel est le cas d'un cantonnement effectué par le tiers saisi entre les mains d'un
séquestre (son avocat) dont on peut admettre qu'il a été agréé par la saisissante, le tiers saisi et le
débiteur (Civ. Liège, ch.s., 15 décembre 1986, R.G. n" 77.676/86).
(1 713 ) Supra, n" 207; voy. toutefois Civ. Liège, ch.s., 19 avril 1978, Jur. Liège, 1978-1979,
367, n° 76 (l'huissier instrumentant emporte les titres au porteur saisis-arrêtés chez le tiers et les
dépose dans un établissement bancaire. Cette mesure a été jugée fondée car il fallait empêcher le
saisi - qui contrôlait la société tierce saisie - de disposer des biens saisis au détriment de son
créancier. A notre avis, la meilleure solution aurait consisté pour le saisissant à solliciter du juge des
saisies l'autorisation d'une mise sous séquestre le cas échéant en même temps qu'il demandait
l'autorisation de saisir; supra, n° 175, in fine et n" 177 C).
1714
( ) Rien n'interdit au saisi de solliciter un tel cantonnement lors de l'instance en mainlevée
(ex. Civ. Anvers, 25 juin 1981, Ree. enr., 1983, n" 22.878). Mais sous réserve de l'hypothèse où le
juge des saisies peut être saisi en cas d'absolue nécessité par requête unilatérale (art. 584, al. 3, C.
jud.) la demande ne peut être admise contre le tiers qui n'est pas présent à l'instance (Civ. Bruxelles,
ch.s., 31décembre1986, R.G., n" 28.488; comp. et contra, Civ. Louvain, 11septembre1984, Bull.
Contr., 1985, 2706). De manière générale, le caractère indivisible de la procédure exige en principe la
mise à a cause de toutes les parties.
171
( ') Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 501.
1716
( ) Voy. aussi supra, n" 204 A; comp. Civ. Louvain, ch.s., 11septembre1984, Bull. Contr.
1985, 2706 (cantonnement des l'lyers saisis-arrêtés à la demande du bailleur saisi sans que le tiers
saisi ne soit à la cause ; supra, note 1714).
394 TRAITÉ DES SAISIES

Cette solution est exigée par la nécessité de ne pas aggraver


la situation du tiers qui ne peut être tenu de consigner «des espèces
à échoir» qu'au fur et à mesure de leur échéance.

En cas de cantonnement de l'objet saisi, la saisie subsis-


tant, l'avis de saisie ne disparaît pas. Il est cependant utile que le
juge des saisies ordonne l'adaptation de l'avis de saisie (1 717 ).
Sauf si le tiers renchérit inutilement par une attitude
injustifiée le coût de la procédure, il ne doit pas supporter les frais
de celle-ci. Les frais peuvent être mis à charge soit du saisi, soit du
saisissant sous réserve du recours de celui-ci contre le saisi, soit du
saisi et du saisissant car ils sont tous deux intéressés par une mesure
de conservation efficace de l'objet saisi dont ils doivent dès lors
assumer les conséquences ; certes, le tiers peut désirer se dégager
de toute responsabilité consécutive au maintien de la saisie entre
ses mains mais cette faculté permet uniquement de mettre fin à des
désagréments sans lui procurer aucun avantage. En toute hypo-
thèse, il importe d'éviter que le tiers ne soit confronté à un débiteur
insolvable de telle sorte qu'en pratique la condamnation du
saisissant aux dépens exposés par le tiers s'imposera (comp. art.
1454). Enfin, les dépens peuvent être réservés notamment lorsque
la personne du saisissant se confond avec celle du tiers (saisie-arrêt
sur soi-même).
Il a été jugé que la décision du juge des saisies portant
cantonnement de sommes faisant l'objet d'une saisie-arrêt conser-
vatoire n'est pas assujettie au droit d'enregistrement, tant en vertu
de l'article 143, 1° du Code des droits d'enregistrement qui
exempte du droit d'enregistrement les ordonnances de référé,
qu'en vertu de l'article 142 du même Code qui ne vise que les
jugements portant condamnation ce que n'est pas la décision
organisant une consignation qui ne crée aucun droit ni ne forme
aucun titre pour quelque partie que ce soit (1 718 ). A notre avis,
cette décision est peut-être trop générale car si le juge des saisie
sanctionne la résistance du tiers en délivrant un titre permettant de
le contraindre au paiement de ce qu'il doit au saisi, il prononce

717
(' ) La nécessité d'une telle adaptation est évidemment plus pressante lorsqu'il s'agit de
cantonner les causes de la saisie (supra, n" 206 A ; adde. supra. n" 113). En cas de cantonnement
de l'objet, il n'y a pas de modification de la base saisissable.
1718
( ) Civ. Anvers, ch.s., 25 juin 1981, Rcc. enr., 1983, n" 22.878, p. 161; Pas., 1982, lll,
71 ; R.W., 1982-1983, 1585; adde. Rép. Not.. T. XI, L.X, Droits d'enregistrement, d'hypothèque et
de greffe, n" 493-1.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 395

nécessairement une condamnation (1 719 ) et si les demandes sont en


règle introduites et instruites devant le juge des saisies, selon les
formes du référé (art. 1395, al. 2), l'assimilation n'existe qu'au
niveau des formes et non des décisions rendues.
Les parties peuvent éviter toute contestation à ce sujet en
réglant le cantonnement à l'amiable et en faisant éventuellement
acter/' accord intervenu par le juge des saisies ( 1720 ) ( 1721 ).

210) Les effets du cantonnement de l'objet de la saisie.

En principe, le cantonnement de l'objet de la saisie réalise


seulement un déplacement matériel des biens déjà saisis 722). Il \1
ne confère aucun droit supplémentaire au saisissant ( 172·) et ne
libère pas au profit du saisi les avoirs sur lesquels la saisie porte.
L'indisponibilité totale n'est pas supprimée ; ses effets sont mainte-
nus chez un autre tiers ( 1724 ).
Le déplacement des biens d'un lieu à l'autre peut toutefois
produire une conséquence juridique lorsque le tiers se dessaisit,
volontairement ou par voie de contrainte, de sommes ou effets dus
au saisi. Dans cette hypothèse, l'objet de la saisie cesse de faire
partie du patrimoine du tiers et n'est plus susceptible d'être
appréhendé par les créanciers de celui-ci.
En synthèse, la saisie ne subit aucun changement si ce n'est
que son avenir est mieux assuré pour le saisi et le saisissant qui
n'ont plus à redouter un concours des créanciers du tiers ou une

1719
( ) Comp. la décision administrative du 29 novembre 1978 (Rec enr., 1979, n° 221.416):
«lorsque dans une procédure de saisie-arrêt conservatoire, le juge des saisies, sur requête du
débiteur ou du créancier, ordonne au tiers saisi, conformément à l'article 1407, de déposer une
somme d'argent en consignation après avoir rejeté les arguments de celui-ci contre cette
consignation, cette ordonnance renferme une condamnation au sens de l'article 142, C. Enr. ».
1720
( ) Dans ce cas, l'article 142, C. Enr. n'est certainement pas applicable (M. DONNAY,
Droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, Rép. Not., T. XV, L.X, n° 483).
1721
( ) L'acuité du débat est moins vive depuis que les jugements et arrêts sont enregistrés en
debet (G. de LEVAL, L'enregistrement en débat des jugements et arrêts, Ann. Dr. Liège, 1986, 384-
386) mais en aucun cas le droit ne saurait être dû lorsque le tiers offre de payer à qui justice dira. En
ce cas en effet, il n'y a pas de condamnation.
1722
( ) Civ. Anvers, ch.s., 25 juin 1981, Rec. Gén. Enr. Not., 1983, n" 22.878; Pas., 1982, III,
71; R.W., 1982-1983, 1585.
(1 723 ) Il n'opère donc pas paiement sous condition suspensive au sens de l'article 1404,
alinéa 2 (Liège, 8 décembre 1983, Jur. Liège, 1984, 32 ; Civ. Liège, ch.s., 15 décembre 1986, R.G.,
n° 77.676/86; contra D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 164-165).
(1 724 ) Si la dette du tiers donne lieu à cantonnement par prélèvement, il y a lieu d'appliquer
les règles du cantonnement sur saisie conservatoire (supra. n"s 204 et 206).
396 TRAITÉ DES SAISIES

défaillance de celui-ci qui, de son côté, n'a plus à supporter les


désagréments et la responsabilité d'une immobilisation plus ou
moins longue des objets saisis. Tout acte de procédure qui devrait
être accompli chez le tiers originaire sera formalisé chez le
dépositaire, les actes accomplis antérieurement demeurant vala-
bles.

SECTION II- Indisponibilité relative.

211) L'indisponibilité est relative et non absolue.

L'indisponibilité est relative en ce sens que seul le créan-


cier qui a saisi ou accompli un acte aux effets identiques avant que
le saisi ou le tiers chez lequel la saisie a été pratiquée n'accomplisse
un acte de disposition même partiel des biens frappés d'indisponibi-
lité, peut invoquer l'inopposabilité de celui-ci à son é.flard et être
désintéressé sur base de l'assiette globale de la saisie (1 5 ).
L'indisponibilité serait absolue si on reconnaissait à tout
créancier (saisissant ou opposant) le droit de se prévaloir de
l'indisponibilité totale et d'incriminer l'acte de disposition accompli
même avant qu'il n'ait régulièrement fait valoir ses droits sur le
patrimoine de son débiteur. Si l'indisponibilité absolue constitue à
première vue la solution la plus logique et la plus compatible avec
les droits des créanciers, elle est juridiquement inconcevable en
raison des effets limités de la saisie.

212) Justification de l'indisponibilité relative.

La saisie ne dépouille pas le débiteur saisi de son droit de


propriété sur les biens. Sans le frapper d'incapacité, elle lui interdit
seulement de disposer de ceux-ci au seul préjudice des saisissants et
opposants. Il peut, dans cette mesure et sous réserve d'une
éventuelle fraude paulienne (art. 1167, C. civ.), exercer ses droits
sur les biens saisis, recevoir un paiement ou souscrire de nouveaux
engagements. La saisie ne produisant pas un effet de dessaisisse-

1725
( ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982. p. 59, n° 71 ; voy. aussi F. TOP, op. cil., T.P.R., 1983, p. 371, n" 16; M. DONNIER. Bilan du
droit de la saisie-arrêt face au nouveau Code de procédure civile, in Etudes dédiées à Alex Weill, p.
207. Adde. supra, n°s 117 et 203 C.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 397

ment semblable à celui que suscite la faillite ( 1726), la sécurité


juridique exige que les tiers puissent opposer aux créanciers, qui se
manifestent ultérieurement, les opérations juridiques régulière-
ment et directement accomplies sur les biens saisis. L'indisponibi-
lité relative n'est donc pas une mesure de faveur pour le saisi mais
uniquement une mesure de protection du tiers auquel la loi permet
de poursuivre des relations juridiques avec le saisi.

La règle de l'indisponibilité relative peut être invoquée par


le tiers de manière négative ou de manière positive.

A. - Le tiers peut d'abord invoquer l'indisponibilité relative


pour résister en tout ou en partie à une demande d'un créancier lui
reprochant la disparition d'objets saisis.

Ainsi, X a une créance de 200.000 francs contre Y. Il


pratique une saisie-arrêt sur une créance de 400.000 francs de Y
contre Z. Z, tiers saisi paie 200.000 francs à Y. Survient alors un
nouveau créancier W qui pratique une saisie-arrêt sur le solde de la
créance (soit 200.000) pour obtenir le paiement d'une somme de
200.000 francs. Chaque saisissant obtiendra 100.000 francs mais si
Z n'avait pas versé à Y la somme de 200.000 francs, chaque
saisissant aurait été intégralement payé. Vu l'effet d'indisponibilité
relative, seul X aura un recours contre Z à concurrence de 100.000
francs ( 1727 ).
B. - Le tiers saisi peut ensuite se prévaloir de l'indisponibilité
relative pour rendre opposables à un créancier les droits acquis sur
les objets saisis.
Soit une saisie immobilière transcrite sur un immeuble
pour garantir le paiement d'une créance de 1.000.000 francs. En
vertu de l'article 1444, l'acte de constitution d'hypothèque inscrit
ultérieurement sur le même immeuble à concurrence du même
montant n'est pas opposable au premier saisissant mais l'inscription
est opposable à un créancier qui se manifesterait par la suite en
faisant état d'une créance de 2.000.000 francs.

1726
( ) Supra, n" 120.
1727
( On pourrait concevoir que le même créancier pratique une saisie-arrêt avant le
)
paiement définitif de sa créance et une autre saisie-arrêt après cc paiement. Il n'y aurait pas de raison
de ne pas appliquer la même solution (comp. et contra Civ. Bruxelles, ch.s., 18 avril 1985, Rcv. Not.,
1985, 450 réformé par Bruxelles, 10 septembre 1987, R.G., n" 1306/85).
398 TRAITÉ DES SAISIES

Dès lors, si l'immeuble est vendu pour le prix d'un million,


le créancier qui a fait transcrire la saisie avant l'inscription hypothé-
caire est colloqué comme si l'hypothèque n'existait pas et obtient
250.000 francs. La créance garantie est alors remboursée (eu
l'espèce, 750.000 francs) par préférence au créancier ordinaire non
protégé (1728) (1729).

213) L'indisponibilité relative, l'aspect collectif de la saisie et le


cantonnement.

L'indisponibilité relative tient compte de la vocation collec-


tive de toute saisie. L'indisponibilité ne profite pas seulement au
saisissant qui s'est manifesté à temps. Elle profite à tout créancier
saisissant et, en matière mobilière ( 1730), à tout créancier qui s'est
associé à la poursuite avant que l'assiette de la saisie ne soit réduite
voire annihilée par un acte de disposition du débiteur ou d'un tiers.
Si l'indisponibilité relative était exactement définie avant le Code
judiciaire en énonçant que 51iuel qu'en soit l'objet, elle ne profite
qu'au créancier saisissant ( 731 ), il n'en va pas de même au-
jourd'hui dans la mesure où la publicité en matière de saisies
mobilières réalise effectivement le traitement égalitaire des créan-
ciers. Au demeurant, le cantonnement des causes de la saisie obéit
à la même règle ( 1732). Ainsi, si l'indisponibilité totale est relative,
elle n'est pas individuelle. Cette considération est à nos yeux
essentielle car elle permet à la loi du concours de déployer ses effets
et d'éviter dès lors la multiplicité de saisies singulièrement lorsque
la première saisie qui absorbe la totalité des biens saisissables n'est
pas contestée et est normalement diligentée (1 733 ). Si les créanciers
protégés par l'indisponibilité se voient imposer le cantonnement des
causes de la saisie, ils seront sans droit pour critiquer la libération

(1 728) E. VAN HOVE. Beslag op onroerend goed en rangregeling, T.P.R., 1980, p. 348, n"
20; Gand, 15 juin 1974, Rcc. enr .. 1975. n" 21.940; Civ. Neufchâteau, 16 février 1981, Jur. Liège,
1981, 196 et obs. G. de LEVAL; Civ. Liège, ch.s., 24 juin 1981, Jur. Liège. 1983. 99; G. de LEVAL,
La saisie immobilière, Rép. Not., n" 195-1 et L'ordre, Rép. Not., n"s 76 et 77.
1729
( ) Le même principe inspire le règlement du problème suscité par une cession de
créance intercalée entre deux saisies-arrêts (infra, Annexe III. 4 A).
(17" 1) Voy. supra, n" 117.
1711
( ) GLASSON, TISSIER, MOREL. T. IV, n" 1124.
17 2
( J ) Supra, n" 203 C.
1733
( ) F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983. p. 371, n" 18; supra. n"s 116 et 117. li est vrai que

runicité de saisie se justifie spécialement en matière de saisie-exécution mais elle ne saurait être
perdue systématiquement de vue au stade conservatoire (supra, n" 112 B).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 399

des avoirs saisis même s'ils doivent en principe concourir avec des
créanciers qui n'avaient ni saisi ni formé opposition avant la
consignation. Il s'agit d'une conséquence, voulue par le législateur,
du cantonnement sur saisie conservatoire puisque cette institution
permet au saisi de mettre fin à l'indisponibilité totale sans conférer
une situation privilégiée aux créanciers dont les droits sont pris en
compte au nom de l'indisponibilité relative qui continue toutefois à
les protéger contre tout acte de disposition du saisi sur l'objet du
cantonnement ( 1734 ).

CHAPITRE II - EFFETS PROCEDURAUX DE LA SAISIE


CONSERVATOIRE.

214) Interruption de la prescription.

Aux termes de l'article 2244 du Code civil,« une citation en


justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on
veut empêcher de prescrire forment l'interruption civile».
Le créancier qui pratique une saisie conservatoire mani-
feste la volonté formelle de se faire payer. L'article 2244 du Code
civil est dès lors applicable à la saisie conservatoire ( 1735 ).
Toutefois, pour être interruptif de la prescription, l'acte de saisie
doit être signifié par exploit d'huissier à celui qu'on veut empêcher
de prescrire ( 1736). Dans la mesure où l'acte de saisie est d'abord
signifié chez un tiers (c'est singulièrement le cas en matière de
saisie-arrêt) ( 1737 ) et où l'exploit de saisie interrompt la prescrip-

734
(' Sur tous ces points, supra, n° 206.
)
735
(' En aucun cas l'effet interruptif n'est attaché au dépôt de la requête en saisie
)
conservatoire (Liège. 26 juin 1986, Jur. Liège. 1986, 494) car elle ne peut être assimilée à une
citation au fond. Au sujet de l'opposition, supra. note 882.
1736
( ) En énonçant qu'«une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à
celui qu'on veut empêcher de prescrire forment l'interruption civile"• l'art. 2244, C. civ. exige non
que l'acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de la prescription mais
entend seulement préciser qu"un tel acte doit s'adresser à celui qu'on veut empêcher de prescrire et
non pas à un tiers (DE PAGE. VII, n" 1175; Cass. Fr., Il décembre 1985, Gaz. Pal.. 1986, Pan., 76;
J.C.P., 1986, II, n° 20677 et ohs. J.J. TAlSNE; obs. R. PERROT. R.T.D.C., 1987. 142; voy. aussi
M. BORN et M. FALLON. Droit judiciaire international (1983-1985), J.T., 1987, p. 462, n" 19;
addc. infra, n" 231 B).
737
(' ) Voy. par ex., Bruxelles, 7ème ch .. 12 mai 1987, J.L.M.B., 1987, 920. Cette situation est
certes la plus fréquente mais elle se présente parfois en matière de saisie mobilière (art. 1503). de
saisie-revendication et de saisie-description.
400 TRAITÉ DES SAISIES

tion de la dette du tiers saisi envers le saisi, seule la dénonciation de


la saisie signifiée au débiteur (1 738 ) peut interrompre la prescrip-
tion de la dette de celui-ci à l'égard du saisissant.

L'annulation de l'exploit ne fait pas obstacle au renouvelle-


ment de l'acte interruptif mais celui-ci ne sera efficace que s'il est
signifié à un moment où le délai de prescription n'est pas écoulé.

L'effet interruptif de la prescription se prolonge en prin-


ci~e pendant tout le cours de la procédure de saisie conservatoire
(1 39 ) soit jusqu'à la mainlevée volontaire, judiciaire ou automati-
que de celle-ci soit, après transformation, jus3iu'à la clôture de
l'ordre ou de la distribution par contribution (1 74 ). Un incident de
saisie n'exerce donc aucune influence sur le cours de la prescription
(1741).

Cet effet, pour essentiel qu'il soit, sera rarement attaché à


la seule signification d'un exploit de saisie conservatoire car celui-ci
s'insère le plus souvent dans un ensemble d'actes de procédure
formant également interruption civile (assignation au fond, com-
mandement, etc.). De toute manière, l'effet interruptif se renou-
velle à chacun des actes de procédure ultérieurs.

215) Assignation au fond et jugement rejetant la demande.

A. - Assignation au fond.
La saisie conservatoire n'apporte pas en soi une solution
définitive ; si le saisissant entend se faire payer sur l'élément d'actif
immobilisé, il doit obtenir un titre exécutoire qui lui permettra de
passer de la saisie conservatoire à la saisie-exécution. En règle
générale, ce titre est une décision judiciaire revêtue de la formule

(1 738) Une dénonciation effectuée sous une autre forme (voy. par ex. la lettre recommandée
en matière de saisie-arrêt. art. 1457) ne produit pas d'effet interruptif (G. de LEVAL, La saisie-arrêt,
Liège, 1976, n" 114, p. 172).
1739
( ) Il importe de réserver l'application de certaines règles propres au droit fiscal (art. 217,
1°, C. Dr. Enr. ; art. 140, J'', C. Dr. Suce. ; art 83, C. TVA; art. 194, A.R. du 4 mars 1965, C.I.R. ;
adde. au sujet du privilège du Trésor, art. 314 et 315, C.I.R.).
(1 740 ) H. DE PAGE, T. VIL n" 1210, R.P.D.B., V0 Prescription en matière civile, n" 300; infra.
n" 231 B et note 1943.
(1 741 ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 631, n" 29.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 401

exécutoire (' 742 ) ; d'où la nécessité pour le saisissant d'assigner son


débiteur au fond devant le juge compétent.

«Le créancier qui fait saisir conservatoirement peut, dans


le même exploit ou, s'il s'agit d'une saisie-arrêt, dans l'exploit
dénonçant la saisie au débiteur saisi, faire citer ce dernier pour
entendre statuer sur le fond de la demande» (art. 1490).

Sous réserve de l'application des art. 88, § 2 et 568, C. jud.,


le juge des saisies est incompétent pour connaître de la demande au
fond ; celle-ci est portée devant le juge compétent selon le droit
commun des articles 556 et suivants du Code judiciaire ( 1743 ).
L'assignation ne saurait être donnée dans l'exploit de saisie-arrêt
puisque celui-ci s'adresse à un tiers ; le cas échéant, elle sera
donnée dans l'exploit de dénonciation pour autant que celle-ci se
réalise par exploit d'huissier (art. 1457).

L'article 1490 n'énonce qu'une faculté pour le saisissant


744
(' Non seulement il n'y a pas lieu à assignation au fond
).
lorsqu'il dispose déjà d'un jugement (art. 1414) en vertu du~uel il a
pu valablement pratiquer une saisie conservatoire (1 745 ) ( 1746 )
mais aussi il peut ne pas assigner au fond en même temps qu'il fait
signifier un acte de saisie conservatoire notamment parce qu'il
entend ne pas exposer prématurément d'autres frais sans être
assuré de l'utilité d'une procédure au fond ou parce que les parties
ont convenu d'introduire la demande par comparution volontaire.

1742
( ) Voy. cependant infra. n"s 233 et 239.
1743
( ) Voy. en cc qui concerne la compétence d'attribution en droit international privé, supra,
n" 26 C.
744
(' ) Une inaction prolongée du saisissant contrairement à l'intention initialement exprimée
peut toutefois constituer un changement de circonstances au sens de l'article 1419, alinéa 2
permettant au saisi d'agir en mainlevée (Civ. Liège, ch.s., 10 mars 1982, Jurisprudence du Code
judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1419, n" 9/2: supra. n" 187).
745
(' ) Certes, le créancier pourrait éventuellement exercer un recours ordinaire contre le
jugement dont il se prévaut pour saisir conservatoiremcnt. Toutefois, l'appel est le plus souvent
formalisé par requête (voy. cependant. Liège, 14 mars 1985, Jur. Liège, 1985, 412 et obs. G. de
LEVAL).
1
( ""') La saisie conservatoire peut être pratiquée même en vertu d'un titre exécutoire (supra,
n" 168 et infra. n" 216 A).
402 TRAITÉ DES SAISIES

B. - Effet de /'assignation au fond sur la durée de la saisie.

Si l'instance au fond ne doit pas, en principe ( 1747 ) être


introduite dans un délai déterminé, initiée avant l'expiration du
délai de validité de la saisie conservatoire (trois ans, sauf renouvel-
lement) (1 748 ), elle a un effet suspensif sur la durée de validité de
la saisie conservatoire. Aux termes de l'article 1493, alinéa 1er, «la
demande au fond suspend, jusqu'au jour où la décision définitive
du juge ne sera plus susceptible de recours ordinaires, les délais
prévus aux articles 1425, 1458 et 1459 » (1 749 ) en matière de saisie
mobilière et de saisie-arrêt. Cette règle vaut tant pour le terme
initial de trois années que pour la période de renouvellement, tant
pour la première instance que pour l'instance d'appel. Elle s'appli-
que automatiquement mais il y a un manque de coordination entre
l'article 1493, alinéa 1er et l'article 1390, alinéa 4 qui ne prévoit rien
au niveau de la conservation de l'avis de saisie pendant cette

( 1747 ) Voy. toutefois en matière de saisie-description, la règle spéciale prévue par l'article
1488, aux termes duquel «si dans le mois de la date de l'envoi du rapport d'expertise constaté par le
timbre de la poste, ou de la saisie conservatoire des recettes, la description n'est pas suivie d'une
citation au fond devant le tribunal dans le ressort duquel elle a été faite, l'ordonnance rendue
conformément à l'article 1481 cesse de plein droit ses effets, et le requérant ne peut faire usage de
son contenu ou le rendre public, le tout sans préjudice de dommages-intérêts». La loi sur les brevets
d'invention du 28 mars 1984 prévoit, compte tenu de la complexité de la matière des brevets et dès
lors de la nécessaire spécialisation des avocats et des juges qu'«est seul compétent pour connaître
de la demande en matière de contrefaçon de brevets ou de fixation de l'indemnité visée à l'article 29
le tribunal établi au siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la contrefaçon ou l'exploitation
a eu lieu ou, au choix du demandeur, le tribunal établi au siège de la cour d'appel dans le ressort de
laquelle le défendeur ou un des défendeurs a son domicile ou sa résidence» (art. 73, § 2). C'est
pourquoi l'article 1488 est complété par la disposition suivante: «en matière de brevets d'invention,
la citation au fond est donnée devant le tribunal qui tient séance au siège de la cour d'appel dans le
ressort de laquelle la contrefaçon ou l'exploitation a eu lieu ou, au choix du demandeur devant le
tribunal qui tient séance au siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le défendeur ou un des
défendeurs a son domicile ou sa résidence» (Adde. G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not.,
161-3). On précise que la citation au fond est signifiée au contrefacteur et non nécessairement au
saisi (voy. n° 137 C) et que l'article 1488 ne fait pas obstacle à la demande de mainlevée suivant le
droit commun. On insiste sur cc que l'article 1488 vise le quod plcrumque fit mais n'interdit pas la
procédure de saisie description au cours de l'instance au fond singulièrement si les éléments, sur
base desquels la mesure est sollicitée, étaient antérieurement inconnus (comp. et contra Civ. Liège,
ch.s., li février 1986, Jur. Liège, 1986, 288 et obs. G. de LEVAL). Enfin, il y a lieu d'adapter l'article
1488 à la dimension internationale du litige lorsque la mesure conservatoire ayant été pratiquée en
Belgique, la procédure au fond doit être introduite devant une juridiction d'un autre Etat. Cette
situation est expressément prévue par l'article 24 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968 sur la compétence judiciaire et les effets des jugements dans le Marché Commun. Il suffira dans
ce cas que le juge des saisies autorisant la mesure. prescrive au saisissant de citer au fond devant le
juge étranger compétent dans le délai d'un mois à compter de la date de l'envoi prévu à l'article 1487
ou de la saisie conservatoire des recettes (Bruxelles, 11février1977, Pas., 1977. Il, 176: J.T., 1977,
529: obs. J. DASSESSE, R.C.J.B., 1978, p. 511 à 516: Civ. Turnhout. 12 novembre 1981, lng.
Cons., 1982. 30).
74
(' ") Supra, n° 196 A.
749
(' ) Bruxelles. 9 novembre 1981. Pas .. 1982, Il, 37.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 403

suspension. Malgré ce silence de la loi, le créancier peut évidem-


ment avoir intérêt de faire mentionner la suspension de la durée de
validité de la saisie sur l'avis de saisie (1 750 ) et en cas de saisie-arrêt
d'alerter le tiers saisi ( 1751 ). Cette mauvaise synergie entre les
textes ne se retrouve pas en matière de saisie immobilière conserva-
toire et en matière de saisie conservatoire sur bateaux et navires car
en ce cas «la suspension n'a lieu que si la demande au fond a été
inscrite, avant l'expiration du délai de validité de la saisie. Cette
suspension prend fin à l'expiration d'un délai de trois ans à compter
de l'inscription de la demande, à moins qu'avant l'expiration de ce
délai ladite inscription n'ait été renouvelée pour un nouveau terme
de trois ans» (art. 1493, al. 2) ( 1752 ). La réglementation différente
d'une saisie à l'autre a pour conséquence que la durée de la cause
de suspension est indéterminée en cas de saisie mobilière et limitée
à trois ans sauf renouvellement en cas de saisie immobilière ou de
saisie sur bateaux et navires.
L'article 1493 n'a pas une portée absolue en ce sens que
toute demande au fond serait suspensive du délai de validité de la
saisie conservatoire. Ce n'est que si la demande au fond suit la
saisie que le délai de validité de celle-ci est suspendu ; au contraire,
si la demande au fond précède la saisie conservatoire, la durée de
celle-ci n'est pas influencée par celle-là. Il faut et il suffit qu'il y ait
antériorité de la saisie par rapport à la demande au fond ; pour le
surplus, peu importe le mode introductif de la demande ou
l'instance qu'elle introduit ; ainsi l'exercice d'une voie de recours
introduite par le saisissant ou le saisi contre un jugement en vertu
duquel une saisie conservatoire a été pratiquée est, à nos yeux
compris dans les termes «la demande au fond».

1750
( Supra, n°113.
)
1751
( L'article 1458 réserve le «cas de suspension prévu à !"article 1493» mais le législateur
)
n'organise pas à charge du saisissant et au profit du tiers un système de publicité relatif à cet incident
suspensif. Partant, le tiers qui libère les fonds dans !"ignorance de celui-ci ne peut en principe voir sa
responsabilité engagée (Civ. Anvers, 28 septembre 1980, J.T., 1981. 478) mais il a le droit d'exiger,
spécialement lorsque les circonstances de la cause incitent à la prudence, la preuve qu'il n'y a pas de
suspension au sens de l'article 1493 avant de remettre les avoirs saisis à la disposition du saisi
(supra, n" 196 A). Par ailleurs, lorsque le tiers saisi a conservé entre ses mains les fonds saisis au-
dclà de la première période de validité de trois ans, il y a lieu. en l'absence de toute obligation légale
faite au saisissant d'aviser le tiers saisi de l'existence d'une instance au fond, de considérer que les
fonds saisis sont encore valablement frappés par l'effet de la saisie litigieuse dont l'écoulement de la
durée de validité a été valablement suspendu par l'intcntcment de l'instance au fond (Civ. Bruxelles,
ch.s., 24 septembre 1987, R.G., n" 34.591).
(1 752 ) E. GENJN. Traité des hypothèques et de la transcription (mis à jour par R. PONCELET
et A. GENJN), Rép. Not.. T. X, L Ier. n"s 703 à 705.
404 TRAITÉ DES SAISIES

L'article 1493 est entièrement justifié car les retards


apportés à statuer sur la demande ne sont pas nécessairement
imputables au saisissant qui, au contraire, entend généralement
obtenir le plus rapidement possible son titre alors que le droit
commun de l'instance offre suffisamment de ressources au saisi
pour pallier toute négligence éventuelle ou toute manoeuvre
dilatoire du saisissant, le tout sans préjudice des conséquences qui
peuvent être déduites de l'attitude de celui-ci au niveau du maintien
de la saisie conservatoire (1 753 ).
L'effet de la suspension étant de prolonger le délai de
validité d'une durée égale à la cause de la suspension, le temps
écoulé avant la suspension sera additionné au temps qui courra
quand la décision ne sera plus susceptible de voies de recours
ordinaires.
C. - Indépendance du juge du fond.
L'ordonnance du juge des saisies qui ne connaît du fond
que de manière sommaire dans le cadre limité de l'accomplissement
de sa mission, ne porte pas préjudice au principal (art. 1489, al. 2) ;
elle n'a pas autorité de chose jugée à l'égard du juge du principal
qui n'est donc pas lié par l'ordonnance du juge des saisies.
L'appréciation du juge du fond est souveraine. Dès lors si la
mainlevée de la saisie ordonnée par le juge des saisies ne fait pas
obstacle à une demande au fond qui, déclarée fondée, justifiera une
saisie-exécution, inversément, une saisie autorisée ou maintenue
par le juge des saisies n'empêche pas le juge du fond de déclarer le
créancier saisissant sans droit envers le débiteur saisi et même de
condamner celui-là envers celui-ci à des dommages-intérets (1 754 ).

D. -Jugement rejetant la demande - Mainlevée de la saisie.


Aux termes de l'article 1492, «le jugement sur le fond du
litige qui rejette la demande prononce la mainlevée de la saisie».
«Le bon sens s'insurge contre le maintien d'une mesure de saisie
dont la cause a disparu» (1 755 ). La contestation par le saisi de la
créance du saisissant implique la contestation du droit de saisir. Dès
lors le juge du fond- même d'exception - qui rejette la demande,

1753
( ) Supra. n°s 185 et s.
(1 754 ) Supra, n° 194 B et note 1581 ; voy. ci-dessous D.
(1 755 ) R. PERROT. Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1975, 163.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 405

réforme ou rétracte la décision qui a servi de base à la saisie ( 1756 ),


prononce obligatoirement et dans le même temps la mainlevée de la
saisie. Il doit s'agir d'une décision de débouté au fond ( 1757 ). Mais,
il n'y pas de mainlevée automatique ; elle doit être prononcée de
manière expresse par le juge du fond ; en cas d'omission d'une telle
mention dans le jugement et en l'absence de mainlevée volontaire,
la partie intéressée doit demander au juge des saisies de prononcer
la mainlevée de la saisie (1 758 ).

La décision qui ordonne, le cas échéant sous astreinte, la


mainlevée de la saisie conservatoire et la suppression de la publicité
1759
( ) n'a d'efficacité immédiate que si elle est exécutoire par
provision le tout sans préjudice d'une décision de mainlevée,
exécutoire par provision, du juge des saisies.

On rappelle que du seul fait que la saisie conservatoire est


considérée comme injustifiée, on ne peut automatiquement con-
clure que celui qui a fait saisir a commis une faute ou a agi de
manière téméraire ( 1760). Inversément, ce n'est pas parce que le
juge des saisies n'aurait pas accordé des dommages-intérêts en
ordonnant avant le jugement au fond la mainlevée de la saisie
conservatoire (et nécessairement en maintenant celle-ci) que le juge
du fond ne pourrait accorder des dommages-intérêts pour saisie
téméraire et vexatoire (art. 1395 et 1039, al. 1 C. jud. ; art. 1489, al.
2) (1761).

756
(' ) Il en va de même en cas d'annulation d'une sentence arbitrale ayant servi de base à
une saisie conservatoire (supra, n" 171).
(1 757 ) Tel n'est pas le cas d'une décision par laquelle le tribunal se déclare sans juridiction
même si formellement le dispositif utilise le verbe «débouter» (Civ. Bruxelles, ch.s., 11 septembre
1986, R.G., n° 22.332, Inédit).
758
(' ) «Il a été précisé que le juge qui rejette la demande doit également prononcer, de
manière expresse, la mainlevée de la saisie. S'il ne le fait pas, la partie devra demander mainlevée au
juge des saisies. Il n'y a donc pas mainlevée d'office, comme pouvait le faire croire le texte initial»
(Rapport HERMANS, Pasin., 1967, 993) qui énonçait: <de jugement refusant la validation emporte
mainlevée de la saisie». Voy. aussi Civ. Bruges, 4 mars 1986, Tijds voor Brugse Rechts, 1986, 37 et
Civ. Bruxelles, ch.s., 25 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1004 qui précise que le jugement de débouté au
fond constitue une circonstance nouvelle au sens de l'article 1419, alinéa 2, C. jud. (à cc sujet, voy.
n° 187).
(1 759 ) Supra, n° 113.
('m') Civ. Courtrai, 25 juin 1973, Journ. Dr. Fiscal, 1976, 313; supra, n" 193.
(1 761 ) Cass. Fr., 18 mai 1981, Bull., 1981, IV, n° 235, p. 184; E. KRINGS, Les saisies
conservatoires et les voies d'exécution, Etude du projet de Code judiciaire, Faculté de Droit de Liège,
1966, 148; A.M. STRANART, op. cit., R.D.C.. 1985, 763; supra, n° 194 B et note 1581.
406 TRAITÉ DES SAISIES

216) De la phase conservatoire à la phase exécutoire.

A. - Généralement la saisie conservatoire est une salSle


d'attente. Sans être le préalable obligé de la saisie-exécution, elle est
susceptible d'être transformée en saisie-exécution lorsque le créan-
cier est muni d'un titre exécutoire qui peut résulter d'une instance
au fond susceptible d'être introduite au moyen de l'exploit de saisie
ou de dénonciation de celle-ci (art. 1490) ( 1762 ). Le passage de la
phase conservatoire à la phase exécutoire est réglé de manière telle
que la saisie accomplie au stade conservatoire ne doit pas être
renouvelée à celui de l'exécution. Il en résulte que l'effet d'indispo-
nibilité de la saisie conservatoire se prolonge dans la saisie-
exécution où un nouvel acte de mainmise sur les biens du débiteur
ne doit pas être accompli. C'est ce que prévoit expressément
l'article 1497, alinéa 1er en disposant qu'«en cas de saisie conserva-
toire, il n'y a pas lieu à saisie nouvelle préalablement à l'exécution.
Il est, le cas échéant, procédé à celle-ci au moyen du titre
exécutoire, dont le saisissant est ou sera nanti et après commande-
ment en vertu de ce titre» (1 763 ).
Il arrive même que le saisissant disposant d'un titre apte à
fonder une saisie-exécution mobilière puisse avoir intérêt à diligen-
ter au préalable une saisie mobilière conservatoire ensuite transfor-
mée en saisie-exécution mobilière en raison de l'effet d'indisponibi-
lité immédiat produit par la mesure conservatoire alors que la
mesure d'exécution neJ,ermet la saisie qu'un jour après le comman-
dement (art. 1499) ( 17 ).
B. - La saisie conservatoire confère au saisissant intérêt et
qualité pour participer à une procédure de répartition du produit de
la saisie. En effet, si la saisie-exécution est pratiquée par un autre
créancier sur les mêmes biens, les droits du saisissant à titre
conservatoire doivent être pris en considération lors de la distribu-
tion par contribution et de l'ordre (art. 1628, alinéa 2 et 1643 in
fine). Ainsi, le créancier qui ne peut ou ne veut faire progresser la

1762
( Supra, n" 215 A.
)
1763
( Infra, n°s 280 et 281. Dès la transformation, la saisie-arrêt-exécution ou la saisie
)
exécution mobilière a une durée de validité indéterminée (supra, n" 113). En matière de saisie-
exécution immobilière, la transcription du commandement, tenant lieu de transcription de l'exploit de
saisie, a une durée de validité de trois années sauf renouvellement (G. de LEVAL, La saisie
immobilière, Rép. Not., n° 246-2; infra, n° 281 D 2).
1764
( ) G. de LEVAL, Saisie mobilière, Rép. Not., n" 133 et G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 81 n° 105/2; infra, n"s 281 D et
284.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES 407

saisie conservatoire pour la transformer en saisie-exécution a


cependant la certitude d'être complètement associé à la réalisation
forcée initiée par un autre créancier. On peut dire que s'opère ainsi
une transformation indirecte de la saisie conservatoire en saisie-
exécution. Une situation semblable dans ses effets se produit
lorsque le créancier obtient de son débiteur un paiement volontaire
- éventuellement fractionné et échelonné - sous la pression d'une
saisie conservatoire.
TROISIEME PARTIE

REGLES COMMUNES
AUX SAISIES-EXECUTIONS
TITRE INTRODUCTIF

L'EXECUTION FORCEE
ET LES PARTIES A LA PROCEDURE

217) Définition - Considérations générales.

A. - Définition - Caractère d'ordre public-


Conséquences pour le perdant.

«Les voies d'exécution consistent à la lettre à assurer par la


contrainte l'accomplissement de l'obligation du débiteur» ( 1765 ).
L'idée d'exécution présente ainsi deux aspects : la réalisation du
droit et la contrainte par laquelle on obtient l'exécution ( 1766). Les
formalités prévues par le Code judiciaire sont indispensables au
respect des droits des parties et des tiers ; elles revêtent un
caractère d'ordre public ( 767 ). .

Le refus d'exécution volontaire expose la partie perdante à


tous les frais ( 1768 ) et inconvénients de l'exécution forcée et
entraîne pour elle l'obligation de réparer le préjudice que son
attitude passive cause à la partie gagnante ( 1769 ).

765
(' Rapport VAN REEPINGHEN. Pasin .. 1967, 516.
)
766
(' P. HEBRAUD, L'exécution des jugements civils, Rev. !nt. Dr. Comp., 1957, 173; D.
)
HOLLEAUX définit l'exécution forcée comme étant la réalisation du contenu de la décision grâce à
une contrainte sur les biens ou la personne d'un particulier auquel la décision fait grief (J. Cl. Dr.
lnt., Fasc. 584-B, 1er cahier, n" 56).
767
(' ) Supra, n" 4. Au sujet de la non-application de !'astreinte aux condamnations de
sommes (art. 1385 bis, C. jud.), voy. 1. MOREAU-MARGREVE, L'astreinte, Ann. Dr. Liège,
1982, p. 40 et supra, note 241.
1768
( ) Voy. infra, n" 228 B.
1769
( ) Sur ce que le refus pour le travailleur (membre du comité de sécurité et d'hygiène)
d'exécuter volontairement une décision de justice (ordonnant la cessation de l'occupation de
l'entreprise), ne constitue pas un motif grave justifiant la rupture du contrat, voy. Trav. Liège, 13
janvier 1984, Jur. Liège, 1986, 600. Si l'exécution forcée permet de neutraliser à charge de la partie
condamnée l'attitude négative de celle-ci, le gagnant ne peut invoquer un préjudice qu'il aurait pu
éviter.
412 TRAITÉ DES SAISIES

B. - Condition de mise en oeuvre: le titre exécutoire.


La mise en oeuvre d'une voie d'exécution n'est pas
subordonnée à l'exercice d'une nouvelle action ( 1770) ou à l'inter-
vention du juge des saisies devant lequel toute partie intéressée
peut cependant se pourvoir en cas de difficulté d'exécution sans que
l'exercice d'une telle action ait, sauf disposition spéciale en théorie
à tout le moins (1 771 ), un effet suspensif (art. 1498) ( 17 72 ). Elle est
seulement conditionnée par la détention d'un titre exécutoire
portant obligation ou condamnation à des choses certaines, exigibles
et liquides (1 773 ). C'est à l'étude du titre exécutoire qu'est
essentiellement consacrée cette troisième partie. Le titre exécutoire
ne se confond pas avec la procédure d'exécution forcée ; il en est
seulement le préalable (1 774).
L'exécution est donc la suite procédurale directe du titre
exécutoire (généralement le jugement) ; elle n'est pas conduite par
le juge ; elle repose sur l'initiative du créancier qui décide de la
mettre en mouvement sous la conduite d'un huissier de justice
(1775).

C. - La saisie-exécution entre la saisie conservatoire et la


procédure de répartition.
Si le créancier redoute que son débiteur n'organise son
insolvabilité durant le déroulement de la procédure nécessaire à
l'obtention du titre ou au début de l'exécution, il peut pratiquer une
saisie conservatoire moyennant le respect des conditions imposées
par le Code judiciaire en cette matière étant rappelé que la partie
saisissante peut avoir à ce stade une créance suffisamment certaine
même si une instance au fond oppose les parties ( 1776 ).

1770
( Infra, n°s 218 A et 231 B.
)
1771
( En pratique, il sera sursis à l'exécution dans l'attente d'une décision du juge des saisies
)
lorsque l'huissier instrumentant redoutera d'engager sa responsabilité en poursuivant de manière
implacable une procédure d'exécution alors que le moyen invoqué par le saisi pourrait être reconnu
fondé.
1772
( ) Supra, n° 13.
773
(' ) On relève qu'en droit suisse, le titre exécutoire ne constitue pas un préalable obligé à la
mise en oeuvre de la procédure d'exécution forcée ayant pour objet une somme d'argent mais les
droits du débiteur sont protégés au cours de la procédure qui s'ensuit (art. 38, 67, 69, 78, 79 à 83 de la
Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite).
1774
( ) Infra, n°s 238 B et 244.
775
(' ) P. HEBRAUD, op. cit., Rev. !nt. Dr. Comp., 1957, 172.
1770
( ) Supra, n°s 153, 168, 169 et 215.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 413

En cas de concours, la saisie-exécution doit être suivie


d'une procédure de répartition du produit obtenu. En matière de
saisies mobilières, il s'agit de la distribution par contribution (art.
1627 et s. ). A notre avis, l'huissier instrumentant doit ouvrir
systématiquement cette procédure à l'issue d'une saisie-exécution
mobilière ou d'une saisie-arrêt-exécution de telle sorte que l'achè-
vement de la voie d'exécution ne met pas fin à la tâche de l'officier
ministériel qui doit tenir compte des prétentions que peuvent
formuler tous les créanciers du saisis sur le résultat de la saisie
1777
( ). En matière de saisie immobilière, des principes semblables
sont applicables en ce qui concerne le notaire investi conformément
à l'article 1580 du Code judiciaire (' 778 ).

218) Le créancier saisissant.

Le créancier saisissant doit être muni d'un titre exécutoire


portant condamnation ou obligation à des choses certaines, exi~i­
bles et liquides. Le premier titre y est entièrement consacré (' 77 ).
Au préalable, il importe de situer rapidement le créancier saisis-
sant.

A. - Capacité.
La saisie-exécution est un acte d'administration ayant pour
objet le recouvrement d'une créance (' 780). Le mineur non
émancipé et l'interdit agissent par l'intermédiaire de leur représen-
tant légal qui peut poursuivre l'exécution sans avoir à obtenir une
quelconque autorisation ( 1781 ). Il en va de même pour le curateur
d'une faillite, le liquidateur d'une société commerciale, l'envoyé en
possession provisoire chargé de l'administration des biens d'un
absent, l'exécuteur testamentaire à qui la saisine du mobilier a été
donnée, l'héritier bénéficiaire chargé d'administrer les biens de la
succession, le curateur à une succession vacante.

777
(' ) Voy. G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., sp. n"s 15 et 28 et s. ;
adde. en matière de saisie de bateaux et navires, La saisie mobilière, Rép. Not., n"s 586 et s.
1778
( ) G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n"s 19-2; 47 à 55-1.
779
(' ) Infra, n"s 221 et s.
780
(' ) Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n" 91 ; R.P.D.B., V" Distribution par
contribution, n" 56; J. VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de
distribution, Dalloz, 1983, !5ème éd., n" 71.
1781
( ) Les atténuations admises en matière de capacité au stade conservatoire (supra, n" 138),
ne se justifient pas à celui de l'exécution.
414 TRAITÉ DES SAISIES

La saisie-exécution ne peut être assimilée à une action en


justice ; une saisie-exécution peut en effet se dérouler sans inter-
vention du pouvoir judiciaire auquel les parties ne s'adressent que
lorsqu'un incident surgit. La capacité requise pour agir en justice ne
s'impose que lorsque la procédure devient judiciaire. Si le mineur
émancipé peut saisir et plaider sans l'assistance de son curateur, par
contre, l'individu pourvu d'un conseil judiciaire doit être assisté de
son conseil pour plaider. Mais dès lors qu'il s'agit de recevoir et de
donner décharge d'un capital mobilier, le mineur émancipé et
l'individu pourvu d'un conseil judiciaire doivent être assistés (art.
482 et 513, C. civ.) (1 782).

B. - Qualité.

En règle générale, la saisie-exécution émane de celui dont le


nom figure au titre exécutoire. Il est dérogé à ce principe lorsque le
bénéficiaire du titre change de titulaire ; en ce cas, l'ayant cause a
qualité pour poursuivre l'exécution ( 1783 ) mais il doit préalable-
ment administrer la preuve de son droit à exécuter à la place du
créancier originaire. Cette exigence qui ne se rencontre pas au
stade conservatoire en raison de l'effet de surprise nécessaire à
l'efficacité de la saisie et du caractère provisoire de celle-ci (1 784 ) se
justifie par les effets définitifs que produit la saisie-exécution sur le
patrimoine du débiteur saisi. Celui-ci a le droit de connaître l'acte
en vertu duquel les droits du créancier originaire sont exercés.

Ainsi, l'héritier notifiera l'acte de décès de son auteur et


l'acte de notoriété qui lui reconnaît sa qualité d'héritier ; de même,
le cessionnaire exercera les droits du cédant moyennant significa-
tion préalable de la cession de créance au débiteur cédé (art. 1690) ;
de même, le créancier subrogé veillera à faire connaître sa qualité
avant d'entamer une procédure d'exécution.

Il importe d'insister sur ce que le titre exécutoire mis en


oeuvre est celui du créancier originaire et que ni l'héritier, ni le
cessionnaire, ni le subrogé ne doit solliciter un nouveau titre même
si la cession ou la subrogation résulte d'un acte sous seing privé

(1 782 ) R.P.D.B., V" Saisie-exécution, n"s 32 et 33.


1781
( ) Y compris pour solliciter l'exequatur (P. GOTJ-IOT et D. HOLLEAUX, op. cit.. Ed.
Jupiter, 1985, p. 188, n" 343).
1784
( ) Supra, n° 136 A.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 415

(
17 5
8 ) (
1786
) (1 787 ). De même, l'acquéreur d'un immeuble pour
lequel le précédent propriétaire avait obtenu un jugement d'expul-
sion contre un occupant sans droit peut se prévaloir du titre pour en
réclamer l'exécution (1 788 ).

Enfin, il arrive exceptionnellement que le législateur per-


mette à un créancier de bénéficier automatiquement d'un titre
exécutoire procédant d'une instance à laquelle il est demeuré
totalement étranger.

Ainsi, le juge qui prononce une sanction pénale à l'égard


de l'employeur, de ses préposés ou de ses mandataires doit
condamner d'office l'employeur au paiement des pécules de vacan-
ces non payés (art. 55, al. 1er des lois coordonnées du 28 juin 1971).
Une telle décision forme pour le tiers lésé un titre exécutoire même
s'il ne s'est pas constitué partie civile (' 789 ).

C. - La caution judicatum solvi.

La caution judicatum solvi n'est pas due de l'étranger


agissant en vertu d'un titre exécutoire non contesté car il s'agit alors

1785 0
( ) R.P.D.B., V Exécution des jugements et des actes en matière civile, n" 119; Civ.
Liège, ch.s., 11 mai 1979, Jur. Liège, 1979. p. 358-359, n" 54; G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE. op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles. 1982, p. 75. n" 97; J. van COMPER-
NOLLE, Saisies conservatoires et voies d'exécution. Examen de jurisprudence, R.C.J.B., 1987. p.
458, n" 49 : adde. infra, n" 250, note 2222 et n" 286/4.
7
(' "") «La première condition fondamentale qui est requise pour saisir est d'être créancier du
saisi. Le créancier qui a été désintéressé par son assureur cesse d'avoir qualité et intérêt pour
diligenter une mesure d'exécution à charge de son débiteur, la créance du créancier primitif étant
éteinte et transmise à l'assureur subrogé» (Civ. Tournai. ch.s., 29 novembre 1985. R.G., n"
150.099).
1787
( ) Au sujet de l'actio judiciati, infra, n" 231 B. Adde. infra, n" 231 C 4.

('""') Ch. DEBOUY et G. PAISANT, obs. sous Trib. Adm. Caen, 8 avril 1980 et Cons.
D'Etat, 30 septembre 1983. J.C.P .. 1984. 11. n" 20.258/l qui précisent : «Il est constant en effet que
l'identité de parties exigée de l'article 1351 du Code civil (art. 23. C. jud.) n'est pas une identité
physique mais une identité juridique de parties agissant en la même qualité et que l'ayant cause à titre
particulier est représenté par son auteur pour les actes accomplis sur le bien avant la naissance de son
droit. Il en résulte que la chose jugée à l'égard de l'auteur profite - ou nuit - à l'ayant cause à titre
particulier dès lors qu'elle est antérieure à son acquisition et relative au bien transmis» ; adde. Cass.,
7 avril 1983. Pas., 1983, 1, 822 et con!. de Mme !'Avocat général LIEKENDAEL et Cass .. 30 mai
1983, Pas., 1983, 1, 1087.
789
(' ) Liège, 22 juin 1983, Jur. Liège. 1983. 564 et obs. G. de LEVAL; Civ. Gand, ch.s .. 19
février 1973, J.T.T .• 1973. 286; R.W .. 1972-1973. 1482: adde. Liège. 27 mars 1985. Jur. Liège, 1985,
442 ; voy. en ce qui concerne les dommages-intérêts requis par le ministère public au nom de
l'administration forestière, Cass .. 22 février 1984. Pas .. 1984. 1. 724 et les dommages-intérêts dus par
la partie civile à l'inculpé sur le fondement de l'art. 136, C. Jnst. Crim .. Cass .. 7 avril 1981. Pas ..
1981, 1, 863 et R.P.D.B .. V" Procédure pénale, n" 447.
416 TRAITÉ DES SAISIES

d'un moyen d'exécution et non d'une véritable demande ( 1790). On


notera que l'article 45 de la Convention du 27 septembre 1968 sur la
compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile
et commerciale dispose qu'«aucune caution ni aucun dépôt, sous
quelque dénomination que ce soit, ne peut être imposé en raison,
soit de la qualité d'étranger, soit du défaut de domicile ou de
résidence dans le pays, à la partie qui demande l'exécution dans un
Etat contractant d'une décision rendue dans un autre Etat contrac-
tant».

D. - Pour le surplus, (renonciation au droit de saisu, saisie


oblique, personnes mariées), les règles dégagées en matière de
saisies conservatoires sont transposables aux voies d'exécution
791
(' ), ce qui est tout à fait compréhensible car en toute hypothèse,
c'est la qualité de créancier qui est déterminante (' 792 ).

219) Le débiteur saisi.

La situation du débiteur saisi au stade de l'exécution n'est


pas différente de celle qui a été décrite lors de la conservation du
gage (1 793 ). En effet, dans chaque cas, il s'agit d'agir sur le
patrimoine de la même personne parfois en se faisant succéder les
deux mesures. Il suffit que celle-ci soit débitrice d'une autre (1 794 )
pour qu'une saisie (conservatoire ou exécutoire) puisse être diligen-
tée sur base d'un titre exécutoire en principe établi à sa charge
(voy. toutefois, n° 220).

Toutefois, la saisie-exécution ayant un effet beaucoup plus


énergique que la saisie conservatoire puisqu'elle réalise une expro-
priation forcée, il est normal que les conditions de fond et de forme
soient plus rigoureuses au stade de l'exécution. Le saisi peut exiger
à ce moment le respect de règles auparavant inapplicables.

7
(' "°) Supra, n° 136 C.
1791
( ) Supra, n°s 136 à 139.
(1 792) Voy. ci-dessous, n° 219.
(1 793 ) Supra, n°s 140 à 142.
(1 794 ) Voy. toutefois en ce qui concerne le tiers non débiteur (art. 99, L. hyp.), supra, n" 140 A.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 417

220) L'exécution à charge de parties non expressément identifiées.

A. - Exceptionnellement, il est possible que l'exécution soit


poursuivie contre une personne autre que celle qui est mentionnée
dans le titre exécutoire. Tel est le cas lorsque le titre exécutoire
contre le défunt est mis en oeuvre contre l'héritier personnellement
mais en ce cas, les créanciers ne pourront en poursuivre l'exécution
que huit jours après la signification de ce titre à la personne ou au
domicile de l'héritier (art. 877, C. civ.) ( 1795 ). Il importe de
préciser que le délai pour faire inventaire et délibérer n'empêche ni
de continuer les poursuites entamées du vivant du débiteur, ni d'en
commencer de nouvelles contre sa succession (1796) mais, si
l'héritier accepte la succession sous bénéfice d'inventaire ou re-
nonce à celle-ci, la procédure individuelle diligentée contre lui
devient sans objet (1 7 '17) (1 798 ).
B. - L'efficacité exécutoire de certaines décisions peut être
inconciliable avec la désignation expresse des personnes auxquelles
elle s'applique. Le problème surgit spécialement devant le juge des
référés, en matière d'expulsion de lieux occupés sans droit, lorsque
la mesure, assortie éventuellement d'une astreinte, s'étend à des
personnes non identifiées. Dans la mesure où la procédure peut être
contradictoire parce que la personne intéressée est connue, celle-ci
doit être assignée mais si sa mise en cause nominativement s'avère
impossible, le magistrat ne pourra être saisi que par requête (art.
584, al. 3, C. jud.) et sa décision sera susceptible de tierce-
opposition de telle sorte qu'en tout état de cause, «le tiers» pourra

(1 795 ) Supra, n° 132; Cass., 30 avril 1970, Pas., 1970, l, 749: «Attendu que l'exécution parée sur
les biens d'un débiteur suppose un titre, rendu exécutoire, qui soit établi à charge de ce débiteur; que
l'article 877 du Code civil ne déroge à cette règle qu'en ce qui concerne le successeurunivcrsel du défunt,
qui est réputé continuer la personnalité de ce dernier» (voy. cependant infra, note 2091 au sujet des
fusions de sociétés); Ph. BERTIN, Les pouvoirs actuels du juge des référés en matière de saisie-arrêt,
Gaz. Pal., 1981, 2ème sem., Doel., p. 359. Signalons un intéressant arrêt de la Cour de cassation de
France du 18 mars 1987 (J.C.P., 1987, IV, 184): «Lorsque deux époux ayant contracté un emprunt, le
créancier de l'épouse a fait saisir un immeuble à la fois sur le mari survivant et sur les deux enfants
communs en tant qu'héritiers de leur mère et que le conjoint survivant est à son tour décédé, l'article 877
susvisé n'est pas respecté si le créancier omet de faire procéder à une nouvelle notification de ses titres
auxdits enfants pris en leur qualité d'héritiers de leur père, malgré la notification précédemment faite à
ces enfants en leur précédente qualité».
1796 0
( ) R.P.D.B., V Saisie-exécution. n° 55. Mais voy. aussi supra, n° 133/2, in fine. Au sujet du
tiers détenteur, voy. infra, n° 286 et note 2721.
1797
( ) Supra, n°s 133 et 134.
1798
( ) L'héritier qui, à l'expiration des délais pour faire inventaire et délibérer, n'a pas exercé son
droit d'option concernant la succession, peut, en cas de poursuite dirigée contre lui, demander au tribunal
un nouveau délai; à défaut d'avoir demandé ou obtenu celui-ci, il est considéré comme héritier pur et
simple (Cass., 31janvier1984, Pas., 1984, 1, 614).
418 TRAITÉ DES SAISIES

faire valoir ses droits en sollicitant, le cas échéant, la sus~ension de


l'exécution de la décision attaquée (art. 1127, C. jud.) (1 99).
En pratique, il importe que le titre soit suffisamment précis
(1 800) pour qu'aucun doute ne surgisse en ce qui concerne les
personnes auxquelles il s'applique. Dans le cas contraire, il serait à
nos yeux sans effet (1 801 ).
Même si la matière de l'exécution collective est peu
réglementée, il est ainsi permis de constater que le juriste n'est pas
dépourvu de moyens pour y faire face.
C. - Un titre exécutoire établi à charge d'un conjoint peut être
mis en oeuvre à charge de l'autre conjoint lorsqu'il s'agit de
procéder au recouvrement de dettes communes mais il importe que
celui-ci soit informé de la procédure diligentée (1 802 ). En matière
fiscale, l'impôt est enrôlé en principe au nom des deux conjoints
(art. 73 et 74, C.I.R. mais voy. l'art. 75 et 156, C.I.R.) (1 803 ).

799
(' ) Voy. supra, n° 21; comp. en France, J. NORMAND, Le contentieux social en droit
judiciaire français, in L'évolution du droit judiciaire, Xlès Journées d'études juridiques Jean DABIN,
Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 54et réf. cit.; Trib. Gde Inst. Nice, Réf., 24 juillet 1981, J.C.P., 1981, II, n"
19.638 et obs. Cl. GIVERDON. Cette situation peut, le cas échéant et à première vue, se heurter à la
règle, envisagée sous son aspect passif, suivant laquelle« Nul ne plaide par procureur»; cette objection
est contournable car il s'agit d'une règle de forme sanctionnée seulement de nullité relative (A.
FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n°s 39-40, p. 49; Cass., 28 septembre 1984, Pas.,
1985, I, 141; adde. F. CABALLERO, Plaidons par procureur' De l'archaïsme procédural à l'action de
groupe, R.T.D.C., 1985, p. 247 à 276et sp. p. 251à261). De manière générale parla force des choses, la
disposition de l'art. 4 du décret du 6 fructidor an II ne peut interdire que le Ministre public ou un
demandeur privé obtienne un jugement contre un défendeur dont l'identité n'est pas vérifiée, pour autant
que cette carence soit constatée dans la procédure. Sinon le cel de l'identité constituerait un moyen de se
soustraire à l'exécution des lois civiles et pénales» (Civ. Liège, Réf., 4 juin 1986, R.Réf., n"s 24.616/85,
24.667/86, 24.727/86, 24.767/86, 24.768/86, 24.978/86, 24.982/86, 24.999/86, 25.086/86).
00
('" ) En matière de baux à loyer, il n'est pas rare que le jugement prononçant la résiliation
du bail autorise l'expulsion du locataire «des siens et de tous ceux qui se trouveront dans les lieux
loués de son chef». Ainsi, le juge des saisies ne pourrait autoriser le sursis à exécution à la demande
d'une de ces personnes ayant fait tierce-opposition que si celle-ci présente des chances raisonnables
de succès et s'il y a urgence, c'est-à-dire risque d'un dommage difficilement réparable en cas de mise à
néant du titre (Civ. Bruxelles, ch.s., 18 avril 1985, R.G., n° 427). Il s'agit en fait des critères
traditionnels du sursis à exécution (supra, n" 21).
1801
( ) Il faut qu'il ressorte de la décision qu'elle s'applique effectivement à telle catégorie de
personnes (voy. J. RUTSAERT, Chose jugée, R.P.D.B., Cpt. VI, n° 63 et réf. cil.). Ainsi, en cas
d'expulsion d'une habitation, il faudra préciser que le titre s'applique à l'occupant ou au locataire et à
toute personne se trouvant dans les lieux de son chef (Civ. Liège, ch.s., 23 décembre 1981, R.G. n"
50.487/81) et en cas d'occupation de terrain ou d'usine, il y aura lieu d'ordonner l'expulsion des
personnes assignées ainsi que de celles qui pourraient être rencontrées en état d'occupation illégale
(Trib. Gde Inst. Saint-Etienne, Réf., 18février1983, Gaz. Pal., 5-7 juin 1983, 12; adde. Liège, 7ème
ch., 12 novembre 1986, Jur. Liège, 1986, 705; Trav. Liège (Réf.), li juin 1982, Jur. Liège, 1986, 595
et Civ. Liège (Réf.), 3 janvier 1984, Jur. Liège, 1986, 598).
1
( 8ll2) Supra, n°142; G. de LEVAL, Saisie immobilière, Rép. Not., n" 58.
8
(' °') Voy. supra, n" 142 C et infra, n" 239 B et Cl. BOLLUS, La femme mariée: un
contribuable à part entière, Bull. Contr., 1983, p. 189 à 255, sp. n"s 28 à 30, p. 214-215 et n"s 42 à 62,
p. 228 à 243.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 419

D. - Si le titre exécutoire est obtenu à charge d'un mandataire


(singulièrement, le syndic d'immeuble) apte à représenter les
mandants (copropriétaires), les suites de l'action se produisent
exclusivement dans le chef de ces derniers même si leur identité
précise ne figure pas dans le jugement (1 804 ). De même, lorsque le
capitaine agit en justice pour le navire, le jugement est directement
exécutoire sur les biens de l'armateur même si celui-ci n'a pas été
nommé dans la procédure ; il ne peut être exécuté contre le
capitaine lui-même (1 805 ). De même, lorsqu'un jugement interpré-
tatif énonce que le liquidateur d'une société commerciale a été
condamné «ès qualité», il n'existe pas de titre exécutoire contre
celui-ci personnellement (1 806 ).

(1 804 ) A ce sujet. voy. J. LINSMEAU, Droit judiciaire, Quelques questions d'actualité, in La


copropriété, Faculté de Droit, Licence en Notariat, Ed. U.L.B., Bruylant, 1985, p. 276-277; adde.
Cass., 6 septembre 1984, Pas., 1985, 1, 25.
15
('"' ) W.G. note sous Cass., 5 avril 1963, Pas., 1963, I. 850; S. FREDERICQ, La
représentation en justice de l'armement par le capitaine. R.C.J.B., 1965, p. 412, n" 7; J. VAN RYN
et J. HEENEN, Examen de jurisprudence (1958 à 1965), Le droit maritime, R.C.J.B., 1967, p. 85,
n° 1; H. LIBERT, De kapitein: bocgbeeld van het zeerecht, spilfiguur in koopvaardij, R.W., 1985-
1986, 2675, n" 10.
181
( '6) Liège. 28 juin 1985. Jurisprudence du Code judiciaire (Saisies), Annexe, Liquidation,
n" 6; adde. en cc qui concerne le curateur agissant quahtate qua au nom et pour le compte des
créanciers, Ph. GERARD. op. cil., R.C.J.B., 1986, p. 730, n" 18.
TITRE 1

REGLES COMMUNES
A TOUS LES TITRES EXECUTOIRES:
CONDITIONS DE FOND
ET ACTUALITE EXECUTOIRE

221) Notion - Enumération - Unicité - Plan.

Le titre exécutoire est l'acte qui, revêtu de la formule


exécutoire déterminée par l'arrêté royal du 27 mai 1971 (1 807 )
permet l'expropriation immédiate du débiteur. Il s'agit des déci-
sions de justice, des procès-verbaux de conciliation constatant
l'accord des parties, des jugements d'accord, des décisions d'exe-
quatur des jugements et actes étrangers et des sentences arbitrales
rendues en Belgique et à l'étranger, des actes notariés délivrés en
grosse et des actes authentiques administratifs auxquels la loi donne
force exécutoire (1 808 ).

Un seul titre exécutoire suffit contre le même débiteur. Ainsi


celui qui est porteur d'un titre exécutoire ou qui peut s'en faire
délivrer une expédition est non recevable à recourir à la juridiction
contentieuse pour obtenir à charge de la même partie un nouveau
titre ayant le même objet, à moins que son action ne soit justifiée

807
(' ) «Mandons et ordonnons à tous huissiers de justice à ce requis de mettre le présent
arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte à exécution ; à Nos procureurs généraux et à Nos
procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, d'y tenir la main et à tous commandants et
officiers de la force publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis». Il n'y a pas
lieu pour le juge d'autoriser un éventuel recours à la force publique puisque cette possibilité est de
droit en ce qu'elle dérive de la formule exécutoire dont le titre est revêtu (Liège, 7ème ch., 12
novembre 1986, Jur. Liège, 1986, 705). Au sujet des arrêts de la Cour d'arbitrage, voy. note 2458.
808
(' ) Pour l'examen détaillé de ces titres, voy. infra, Titres Il et III.
422 TRAITÉ DES SAISIES

par un moven déduit de l'inefficacité totale ou partielle du titre


existant (1 809 ).
Par contre, le créancier est recevable à agir contre un
débiteur alors qu'il est déjà nanti d'un titre exécutoire à charge d'un
autre débiteur ; seul le /tiaiement obtenu sur base d'un titre rend
inefficace l'autre titre (1 °).
Le plus souvent, le titre exécutoire résulte d'une décision
de 1ustice. Celle-ci doit être distinguée des autres titres exécutoires
181
( ) car elle est soumise à des règles spéciales destinées à
atténuer l'effet suspensif des voies de recours ordinaires (l'exécu-
tion provisoire et le cantonnement) (1 812 ). En contrepartie,
l'octroi de délais de grâce et la contestation du titre peuvent
neutraliser l'immédiateté des titres exécutoires autres que la déci-
sion de justice (1 813 ). En toute hypothèse cependant, le titre
exécutoire quel qu'il soit doit constater l'existence d'une créance
certaine, exigible et liquide (Chapitre I) et conserver son actualité
exécutoire au moment de la mise en oeuvre (Chapitre II).

CHAPITRE 1- LES CONDITIONS DE FOND.

222) Créance rigoureusement certaine, exigible et liquide.


L'interdiction d'exécuter à des fins conservatoires.
A. - «Il ne sera procédé à aucune saisie-exécution mobilière
ou immobilière qu'en vertu d'un titre exécutoire et pour choses

( 181'") Pandectes belges, V


0
Titre exécutoire, n° 4; DE PAGE, T. Ill, n° 88; P.
WATELET, La rédaction des actes notariés, Bruxelles, Larcier, 1980, p. 36; E. VIEUJEAN,
Examen de jurisprudence, Les personnes, R.C.J.B., 1970, p. 607, n° 57; C. REMON, La force
exécutoire de l'acte notarié et son exécution directe, Rev. Not., 1978, 313; G. de LEVAL, obs. sous
Liège, 22 juin 1983, Jur. Liège, 1983, 564; G. BAX, De uitvoerbare kracht van de notariSle akte,
Limb. Rechtsl. 1985, 8; Bruxelles, 1er juillet 1957, Rev. Dr. Fam., T. I, 1955-1959, 253; Liège, 27
octobre 1982, Jur. Liège, 1983, 408; Civ. Bruges (Réf.), 22 janvier 1969, R.W., 1968-1969, 1472;
Civ. Bruxelles, 8 février 1977, J.T., 1977, 313; Civ. Hasselt, 30 juin 1981, Limb. Rechtsl., 1981, 184;
Civ. Huy, 20 novembre 1985, Jur. Liège, 1986, 153; voy. cependant en matière de contrainte, Cass.,
14 septembre 1976, Pas., 1977, l, 40; infra, n°s 233-234. Adde. infra, n° 233 B et note 1998, n° 250 et
note 2221.
(' 8 to) Cass., 30 mai 1969, Pas., 1969, 1, 884; Cass., 13 octobre 1977, Pas., 1978, 1, 192;
R.G.A.R., 1980, n° 10.217 (L'action de la personne lésée contre l'assureur ne peut être déclarée
irrecevable pour le seul motif qu'elle a déjà obtenu un jugement exécutoire contre l'assuré, s'il n'est
pas établi que la personne lésée a été effectivement indemnisée par l'assuré responsable). Adde.
infra, n° 231 B.
1811
( ) Titre Il, n°s 233 et s.
812
(' ) Titre III, n°s 240 et s.
1813
( ) Supra, n°s 18 à 20 ; infra, n° 236.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 423

liquides et certaines» (art. 1494). Plus précisément, «l'exécution


n'est permise que pour dettes liquides, certaines et exigibles», la
condition d'exigibilité étant imposée par l'article 1186 du Code civil
et même comprise dans la condition de liquidité dans la mesure où
«la dette est liquide lorsqu'il est constant qu'il est dû et combien il
est dû» (1 814 ). L'amputation du patrimoine du débiteur doit
reposer sur une base solide. C'est pourquoi les conditions de
certitude, d'exigibilité et de liquidité s'apprécient, au jour du
premier acte d'exécution (1 815 ), de manière beaucoup plus rigou-
reuse qu'au stade conservatoire ; là il est possible de s'en tenir aux
apparences même si la créance est litigieuse (1 816 ), ici la dette doit
être incontestable ; là des tempéraments importants peuvent être
apportés aux conditions d'exigibilité et de liquidité (1 817), ici
l'expropriation forcée ne permet aucune exception. Il importe de
préciser que si une créance ne présente pas les conditions requises
pour fonder une exécution à concurrence de l'intégralité des
sommes réclamées, elle peut satisfaire à ces conditions pour un
montant inférieur pour lequel la mesure demeure justifiée (1 818).

La notion d'urgence est irrelevante à ce niveau ; ou bien la


créance ne satisfait pas aux conditions de fond et dans ce cas
l'exécution est impraticable sous réserve de la mise en oeuvre d'une
saisie conservatoire ou bien la créance y satisfait et l'exécution peut
être diligentée sans délai (1 819 ).

B. - La mesure d'exécution ne peut être pratiquée que pour


obtenir le paiement de sommes dues en vertu d'un titre exécutoire.

1814
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 517. «Lorsque les chiffres composant le
montant d'une condamnation ont fait l'objet d'une modification à la main, en surcharge, sans que ces
modifications aient été approuvées, les mentions ainsi modifiées et non approuvées sont réputées non
avenues» (Cass., 19 décembre 1986, Rev. Not., 1987, 356, som.).
815
(' ) «C'est évidemment à la date de la saisie qu'il convient de se placer pour apprécier si le
débiteur est ou non en règle en principal, intérêts et frais et dès lors si cette saisie était justifiée ou
non» (Civ. Liège, ch.s., 23 décembre 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, II, Art.
1494/1/21). Adde. infra, n° 285/3.
816
(' ) Supra, n°s 151 à 158.
817
(' ) Supra, n°s 162 à 166.
818
(' ) Infra, n° 285/3.
819
(' ) Voy. toutefois, l'art. 304, al. 2, 2°, C.l.R., qui rend immédiatement exigibles les
impôts directs qui ne sont pas dus à la source lorsque les droits du Trésor sont en péril (en règle, ils
sont payables dans les deux mois de l'envoi de l'avertissement-extrait de rôle). L'art. 304, al. 2 précise
que «Si le redevable conteste que les droits du Trésor sont en péril, il est statué sur la contestation,
suivant les formes du référé, par le juge des saisies du lieu du bureau où la perception doit être faite».
La charge de la preuve incombe en cc cas au Trésor (Civ. Liège, ch.s., 8 septembre 1986, R.G., n°
71.040/85).
424 TRAITÉ DES SAISIES

Une saisie-exécution doit être tenue pour nulle en tant


qu'elle repose sur des sommes, sans doute dues par le débiteur,
mais qui ne peuvent donner lieu à exécution sur base du seul titre
exécutoire visé dans l'acte de saisie (1 820).
Toutefois, si la procédure débouche sur une mesure de
répartition, le saisissant pourra se prévaloir d'autres créances,
même non constatées dans un titre exécutoire, pour autant qu'elles
satisfassent au prescrit de l'article 1628, C. jud. (1 821 ).
C. - La dissociation complète entre les phases conservatoire
et exécutoire n'a pas toujours existé ; à une époque où les saisies
conservatoires n'étaient pas généralisées, il advenait que la procé-
dure d'exécution soit entamée alors que la dette n'était pas liquide
(ainsi, une dette de dommages-intérêts n'était pas encore détermi-
née dans son montant alors que le principe de la responsabilité
n'était plus en discussion) mais elle ne pouvait êtregoursuivie avant
que l'appréciation de la dette n'ait été faite (1 2) (1 823 ). Cette
utilisation de la première phase de l'exécution à des fins conserva-
toires est actuellement et, sauf texte spécial, interdite puisque les
saisies conservatoires généralisées sont régies par des règles pro-
pres permettant au créancier de conserver le patrimoine du débi-
teur dans l'attente de l'obtention d'un titre exécutoire. En d'autres
termes, une saisie-exécution irrégulière à ses débuts ne :Eeut être
disqualifiée et être assimilée à une saisie conservatoire (1 8 4).
Inversément, une saisie conservatoire irrégulière pour
défaut d'urgence ne peut être tenue pour régulière comme mesure
d'exécution forcée lorsque le jugement en vertu duquel elle a été
pratiquée passe en force de chose jugée.

223) Conditions de fond non formellement exprimées.

La sévérité avec laquelle les conditions de certitude,


d'exigibilité et de liquidité doivent être appréciées ne signifie pas

820
(' Civ. Huy, ch.s., 23 décembre 1985, Pas. 1986, III, 18, Jur. Liège, 1986, 155.
)
821
(' G. de LEVAL, Distribution par contribution, Rép. Not., n° 25.
)
822
(' ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 517; supra, n" 146, note 1169.
1823
( ) La rédaction de l'article 300, C.I.R. demeure influencée par cette pratique, infra, n"
239 B et note 2102.
1824
( ) Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, La Charte, Art. 1494, n° 1110; Civ. Charleroi,
ch.s., 17 juin 1986, J.T., 1987, 181; Rev. Rég. Dr., 1986, 456; voy. aussi Bruxelles, 29 avril 1983,
Pas., 1983, II, 92 prohibant à juste titre une saisie «à titre provisionnel».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 425

que le titre doive énoncer formellement le montant actuellement


dû. Il suffit qu'il fournisse tous les éléments nécessaires pour
déterminer exactement le montant de la créance du poursuivant.
Bref, il s'agit plus d'une condition de fond que de forme (1 825 ).

Pourtant, un maximum de prec1s1ons est indispensable


(d'où l'importance pour les parties d'établir un dispositif très
complet dans leurs conclusions ou de formuler des clauses très
précises dans leurs conventions) car si la déduction ne peut se faire
sans aucun doute, le titre peut s'avérer inefficace, soit que l'huissier
«qui doit faire exactement mais seulement ce qui est prescrit par le
titre qu'il est chargé d'exécuter» (1 826 ) l'estime insuffisant, soit
que la partie poursuivie conteste devant le juge des saisies (1 827 ) la
validité du titre, ce qui retarde et renchérit la procédure.

A. - En pratique, il est très fréquent que le titre qui justifie la


poursuite ne formule que les principes qui, appliqués à la situation
présente des parties, permettent de chiffrer le montant exact de la
créance cause de la saisie. Dans nombre de cas, la décision
judiciaire tout en ne prononçant pas une condamnation positive à
des choses certaines, exigibles et liquides, peut cependant consti-
tuer, envisagée parfois isolément, parfois avec d'autres titres, une
décision susceptible d'exécution forcée :

a) Un arrêt de cassation entraîne, malgré l'éventualité d'une


décision nouvelle semblable à celle cassée, pour la partie

825
(' ) Il n'est pas requis que le mot «Condamner» figure expressément dans le titre exécutoire
(Civ. Bruxelles, ch.s., 30 octobre 1986, R.G., n" 17.570). Il y a beaucoup d'incertitudes dans la
jurisprudence. Alors que certains jugements attribuent une portée excessive à certains titres (voy.
p.ex., Civ. Liège, ch.s., 9 janvier 1985, J.L., 1985, 255 et Il juin 1985, Rev. Not., 1985, 421 au sujet
de la portée de la décision d'investiture du notaire (art. 1580. C. jud.) sur le règlement des difficultés
d'accès à l'immeuble saisi), d'autres décisions n'admettent pas qu'un titre exécutoire est complet
lorsqu'il formule les principes dont se déduisent de manière certaine les conséquences au niveau de
l'exécution (voy. p. ex. en cas de renouvellement de bail commercial, Liège, 6 mai 1982, Jur. Liège,
1983, 253 et obs. G. de LEVAL et de répétition d'indu en matière d'allocations de chômage, C.T.
Liège, 2 septembre 1986, supra. n" 94. note 737).
82
(' ") A. LESCAILLON, De l'ambiguité de certaines décisions de justice, Droit et pratique
judiciaire, 1978, 564.
827
(' ) Sur la compétence du juge des saisies singulièrement lorsque la difficulté d'exécution
est liée à une difficulté d'interprétation, voy. supra, n° 15 B.
426 TRAITÉ DES SAISIES

défenderesse, voire même demanderesse (1 828 ), l'obligation de


restituer ce qui a été perçu en exécution de la décision annulée
même si l'arrêt ne prononce rien à cet égard ( 1829 ) ; de même,
une décision de réformation ou de rétractation d'un titre, le cas
échéant exécutoire par provision, emporte condamnation à
restituer ce qui a été perçu en exécution de celui-ci même si
cette conséquence n'est pas formellement exprimée ( 1830 )
1 31 832
( 8 ) (' ). A l'obligation de restituer Le principal s'ajoute
celle de payer des intérêts moratoires sur la somme à restituer ;
en principe, ils courent à dater du grononcé ; si la règle est
incontestable en cas de cassation (' 8· ), elle l'est moins en cas
d'anéantissement d'un titre exécutoire par provision dont la
mise en oeuvre effective n'a lieu qu'aux risques et périls du
poursuivant ( 1834 ) de telle sorte que l'on pourrait soutenir

828
(' ) Le demandeur qui obtient la cassation ne peut conserver le bénéfice à son profit de
l'arrêt cassé, alors qu'il a obtenu par la cassation tout l'effet que ce recours pouvait produire (A.
MEEUS, L'étendue de la cassation en matière civile, R.C.J.B., 1986, 266, n" 9 et réf.). Adde. Cass.,
7 janvier 1987, R.G .• n" 5157: «La cassation, prononcée sur un chef de la décision rendue sur
l'action civile exercée devant la juridiction pénale, a pour effet de replacer les parties dans la même
situation que celle dans laquelle elles se trouvaient lors de la comparution devant le juge qui a rendu
cette décision, sans que le demandeur qui a obtenu la cassation puisse conserver le bénéfice de
certaines dispositions qui ont conduit le juge à la décision rendue sur cc chef de la demande, alors
qu'il a obtenu, par la cassation, tout l'effet que ce recours pouvait produire».
829
(' ) Cass., 10 août 1849, Pas., 1849. 1, 384; Cass., 15 février 1973, Pas., 1973, !, 570; Civ.
Liège, 4ème ch., 19 novembre 1986, R.G., n" 71.063/85; J.P. Neufchâteau, 15 juin 1973, J.J.P.,
1976, 170; Pandectes belges, V" Cassation civile. n" 232; Versailles, 5 décembre 1984, Dall., 1985,
l.R., 117; A. MAYER-JACK, Les conséquences de l'exécution d'un arrêt ultérieurement cassé,
J.C.P., 1968, Doctr., n" 2.20217 et 16; A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p.
560, n" 874; J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence. Droit judiciaire privé. Les voies
de recours, 1972-1985, R.C.J.B., 1987, p. 193, n" 57. Le principe s'applique aussi en cas de cassation
d'une décision confirmative d'un jugement exécuté par provision car celui-ci a nécessairement été
absorbé par la décision d'appel.
8 11
(' • ') Cass., 16 novembre 1973, Pas., 1974, 1, 295; J.T., 1974, 209; Bruxelles, 21mars1985,
Pas., 1985, II, 92; Bruxelles, 17septembre1985, 7ème ch. bis-partiellement reproduit, J.T., 1986,
Ill, Inédit, p. 77; Civ. Huy, ch.s., 20 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 491; Trib. Gde Inst.
Fontainebleau, 5 novembre 1986, Gaz. Pal., 17-18 avril 1987, 14; P. HEBRAUD, op. cit., Rev. lnt.
Dr. Comp., 1957, 175; A. VAN OEVELEN et D. LINDEMANS, Het kort geding: herstel van
schade bij andersluidende beslissing van de bodemrechtcr, T.P.R., 1985, p. 1060, n° 14 et réf. cit.
Ces auteurs excluent cette règle lorsque le juge du fond statue en sens contraire du juge des référés
(infra, n° 228 et note 1908). Voy. aussi infra, n° 231C4 et n" 267 A, note 2398.
1831
( ) II n'y a donc pas lieu dans ces diverses hypothèses d'agir préalablement en restitution
de sommes indûment payées ; au sujet du cantonnement, infra, n" 277 B.
1832
( ) Au sujet de l'incidence de la réformation sur !'astreinte. voy. infra, n° 228.
833
(' ) Cass., 15 septembre 1983, Pas., 1984, 1, 42; J. van COMPERNOLLE, Examen de
jurisprudence (1971à1985), Droit judiciaire privé. Voies de recours, R.C.J.B., 1987, p. 193, n" 57 :.
infra, n° 267 ; les intérêts moratoires ne se calculent donc ni à dater du paiement effectué sur base du
titre cassé (A. FETTWEIS, op. cit., p. 560, n" 874) ni à dater de la sommation de payer (Cass. Fr., 9
novembre 1983, Dall., 1985, J., 318 et note G. BOLARD; R. PERROT, Jurisprudence française en
matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1983, 797, n" 13) ; voy. infra Cet n° 224.
834
(' ) Infra, n" 279.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 427

qu'en ce cas, le point de départ des intérêts moratoires se situe


au jour de l'encaissement des sommes à restituer ( 1835 ). A notre
avis, la solution doit être nuancée ; il importe que la décision qui
anéantit le jugement exécutoire par provision, énonce expressé-
ment que le préjudice subi par le débiteur déclaré exempt peut
être réparé - en tout ou en partie - gar l'octroi d'intérêts
compensatoires dès la date du paiement (1 36).
La mise à néant du titre met fin à toutes les suites même
indirectes qu'il comportait (1 837 ).
b) La décision du juge d'appel qui confirme la décision entreprise
s'approprie le dispositif de celle-ci dont le contenu doit être pris
en considération pour déterminer la portée exécutoire de la
décision confirmative (1 838 ). Lorsque l'opposition est déclarée
non fondée, le jugement rendu par défaut acquiert dès ce
moment un caractère contradictoire mais pour le surplus, il
conserve sa force exécutoire (1 839 ), peu importe dès lors que la
décision rendue sur l'opposition ne répète pas qu'il est exécu-
toire par provision (1 840 ) ;

(1 835 ) Cass., Fr.. 28 octobre 1981, J.C.P., 1982, IV, 25; C.T. Anvers, 21mars1983, J.T.T.,
1983, 296.
836
(' ) Dans le cas contraire, on ne voit pas comment le débiteur pourrait faire courir des
intérêts moratoires sur sa créance de restitution à partir d'une date où celle-ci n'est pas exigible (voy.
Cass., 15 septembre 1983, J.T., 1985, 185, Pas., 1984, 1, 42 et concl. Mme LIEKENDAEL; infra,
n"s 267 Cet 279 C; G. BOLARD, note sous Cass. Fr., 9 novembre 1983, Dall., 1985. J., 320).
Ainsi. un arrêt de la Cour de cassation du 26 octobre 1849, Pas., 1851, 1, 124 énonce: «Quand une
partie a poursuivi à ses risques et périls l'exécution d'un jugement qui plus tard est réformé, les
intérêts alloués à la partie qui obtient restitution de la somme payée comme contrainte et forcée sont
des intérêts compensatoires. En pareil cas, l'article 1153 du C. civ. est sans application». Adde.
Cass., 24 mai 1878, Pas., 1878, 1, 274: «En cas de réformation d'un jugement qui a reçu son
exécution provisoire, restitution est duc à l'appelant de toutes les sommes qu'il a été contraint de
payer. Les intérêts que le juge d'appel y ajoute, à titre de réparation du dommage, trouvent leur
principe non dans l'article 1153 mais dans l'article 1382 du Code civil»; on signale enfin un arrêt de la
Cour d'appel de Liège (7ème ch., IO juin 1987, R.G., n" 12.73li82) en matière d'expropriation pour
cause d'utilité publique: «Attendu qu'à tort le premier juge a alloué à l'expropriant des intérêts
compensatoires sur la somme à lui restituable, dont les appelants se sont emparés en vertu de titres
judiciaires, ce qui ne permet pas de les traiter comme l'accipiens de mauvaise foi au sens des articles
1376 et 1378 du Code civil, dispositions de droit commun applicables dès lors que les lois spéciales en
matière d'expropriation n'y ont point dérogé (cfr C.A. Liège, 7ème ch., Henry-Collard ci Fonds des
Routes, 29 x 1982 et Etat ci Dubois, Ier juin 1984. Inédits). Attendu que les seuls intérêts exigibles
sont judiciaires et ne commencent à courir, au taux légal, qu'à partir de la date de la présente décision
qui fixe définitivement le montant de l'indemnisation». Adde. infra, n" 279 C.
1837
( ) Ainsi, le saisissant perd qualité pour poursuivre un tiers comme débiteur pur et simple
des causes de la saisie-arrêt (infra, n" 231C2, in fine).
1838
( ) Voy. infra, n" 264 in fine (intérêts moratoires) et n° 267, note 2395 (opposition
déclarée recevable ou irrecevable).
1839
( ) E. KRINGS. Le défaut et l'opposition, Rev. Dr. Int. et Dr. Comp., 1986, p. 234;
Cass., 8 novembre 1979, Pas., 1980, 1, 310 et concl. de M. !'Avocat général KRINGS; J.C.Belg.,
1980, L 63; voy. aussi Liège, 16 mars 1983, Jur. Liège, 1983, 237 et obs. G. de LEVAL.
1840
( ) Civ. Tournai, ch.s., 12 avril 1985, R.G .. n° 20.285, Inédit.
428 TRAITÉ DES SAISIES

c) Effets d'une décision de rétractation à la suite d'un arrêt d' annu-


lation rendu par la Cour d'arbitrage. L'annulation d'une norme
législative par la Cour d'arbitrage ne produit, par elle-même,
aucun effet d'inexistence sur les décisions juridictionnelles
fondées sur la norme annulée. Pour que l'effet rétroactif de
l'arrêt d'annulation atteigne la décision, celle-ci doit être rétrac-
tée (1 841 ). La rétractation intégrale d'une condamnation pénale
à la suite d'un arrêt d'annulation rendu par la Cour d'arbitra~e
«annihile la base de la condamnation sur le plan civil» (1 84 ) .
Toutefois, «si, par suite de la rétractation, le juge a cessé d'être
compétent pour statuer sur l'action civile, il renvoie celle-ci
devant le juge compétent. Les articles 660 à 663 et 1147 bis, §
1er et 2 du Code judiciaire sont applicables à ce renvoi» (art. 5,
§ 5 de la loi du 10 mai 1985 relative aux effets des arrêts
d'annulation rendus par la Cour d'arbitrage). En ce cas, «si le
juge civil décide qu'il n'y a pas faute, il devra condamner la
partie civile au remboursement des sommes qu'elle a déjà
perçues», majorées des intérêts judiciaires à partir de la
prononciation du jugement (1 843 ). La rétractation de la déci-
sion rendue en matière civile entraîne l'annulation de la décision
originaire ; elle opère ex tune de telle sorte que la partie
condamnée originairement doit être remise dans la situation qui
était la sienne avant la décision rétractée. Toutefois le créancier
qui a reçu un paiement qui ne présente le caractère d'indu qu'en
raison du ju~ement de rétractation ne doit les intérêts qu'à dater
de celui-ci ( 844 ). Ce n'est que lorsque la décision de rétracta-
tion (susceptible d'opposition et d'appel) ( 1845 ) est exécutoire
qu'elle peut être mise en oeuvre pour obtenir la restitution
forcée de l'indu.
d) Le titre qui justifie l'exécution forcée constitue une base
suffisante pour récupérer les frais d'exécution, ceux-ci incom-
bant à la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie (art.
1024, C. jud.). C'est pourquoi, le jugement de condamnation au

(1 841 ) Ph. QUERTAlNMONT et M. UYTTENDAELE, Chronique de jurisprudence. Une


année de fonctionnement de la Cour d'arbitrage, Adm. Pub!., 1986, p. 52, n" 14.
12
("' ) E. KRINGS, Propos sur les effets des arrêts rendus par la Cour d'arbitrage, J.T., 1985,
p. 584, n° 33.
843
(' ) E. KRINGS, op. cit., p. 584, n" 33 et note 51. Dans cette optique, la décision de
rétractation au pénal suivie d'un renvoi devant le juge civil ne constitue pas un titre pour obtenir la
restitution des sommes perçues par la partie civile.
144
(" ) E. KRINGS. op. cit., p. 585, n"s 47 et 48; adde. infra, n" 267 B.
1845
( ) lb., n° 45.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 429

principal - y compris une décision de référé (1 846 ) - contient,


à tout le moins implicitement, une condamnation aux frais
d'exécution c'est-à-dire aux frais inhérents et nécessaires à la
procédure d'exécution forcée (1 847 ).
e) Le recouvrement de /'astreinte n'est pas subordonné à une
procédure préalable de liquidation ; il peut s'effectuer directe-
ment en vertu de la décision qui énonce les bases de calcul de la
somme due, sauf à soumettre au juge des saisies toute contesta-
tion sur le maintien de la force exécutoire du titre ou la
détermination du montant réellement dû (1 848 ).
f) Le jugement qui accorde une pension alimentaire en prévoyant
l'adaptation de son montant aux fluctuations de l'indice des prix
à la consommation, constitue un titre suffisant pour exiger le
paiement du montant réajusté (1 849) mais afin d'éviter toute
précipitation abusive, il importe que le créancier fasse connaître
sa nouvelle wétention avant de recourir à une mesure d'exécu-
tion forcée ( 850).
g) Un jugement qui condamne une partie à effectuer une presta-
tion déterminée et qui fixe les moyens mis à la disposition du
créancier pour faire exécuter les travaux à charge du débiteur
inactif constitue un titre suffisant pour récupérer contre lui le
coût des travaux effectués (1 851 ). L'exécution d'une obligation
de faire ou de ne pas faire peut donner lieu à des difficultés qui
ne se rencontrent pas en matière d'obligations de sommes dans
la mesure où, en principe (1 852 ), leur exécution n'est pas
réglementée à l'instar de la matière des saisies. Il importe dès

846
(' ) Contra. Civ. Tournai. ch.s .• 21 décembre 1984, R.G .. n° 19.888. Inédit (la décision
repose sur l'exigence d"une condamnation aux dépens que ne comporte pas une décision de référé. A
notre avis. le lien n'est pas automatique entre les articles 1018 et 1024; en outre. si une décision de
référé légitime une mesure d"exécution. il importe que l'accessoire puisse être récupéré au même titre
que le principal).
847
(' ) Sur ce que les frais de cautionnement (art. 1400) ne constituent pas des frais
d'exécution, voy. Cass .. 14 juin 1984. Pas., 1984. I. 1260. infra. n" 271.
848
(' ) J. VAN MULLEN. Vers une légalisation de !'astreinte en droit belge. J.T .. 1977. p. 41.
n° 26; G. de LEVAL. obs. sous Civ. Liège (Réf.), 2 juillet 1980. Jur. Liège. 1980, 244; supra n" 35.
849
(' ) J.L. LEDOUX, Les saisies. Chronique de Jurisprudence, Bruxelles. Larcier. 1984. p.
42, n° 97.
850
(' ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé. R.T.D.C..
1981. 911.
851
(' ) G. de LEVAL. Aspects actuels du droit des saisies. J.T.. 1980, p. 632. n" 33 et réf.
cit. ; adde. en matière de frais de publication. Civ. Liège. 11 mars 1987. J.L.M.B .. 1987, 549: voy.
supra, n° 2.
852
(' ) Voy. cependant, l'art. 65. § 2 de la loi organique de l'aménagement du territoire et de
l'urbanisme (supra. note 14).
430 TRAITÉ DES SAISIES

lors que, pour ces obligations, le titre soit clair non seulement au
niveau des conditions de fond mais aussi à celui des modalités
principales et subsidiaires d'exécution (1 853 ).
h) Un jugement condamnant le débiteur au paiement d'une somme
convertie en francs belges au cours de change qu'il détermine
est immédiatement opérationnel (1 854 ).
i) Un jugement qui supplante une décision antérieure permet dès
le moment où il est exécutoire de récugérer ce qui a été versé
indûment en vertu du titre précédent (1 5).
j) Un procès-verbal de conciliation ou un jugement d'accord
constatant l'existence de certaines obligations ne doit pas
nécessairement contenir une condamnation à défaut du respect
par le débiteur de ses engagements (' 856 ). Il en va de même en
ce qui concerne une sentence arbitrale exequaturée (1 857 ).
k) La condamnation énoncée dans un motif décisoire permet de
fonder une mesure d'exécution forcée (voy. toutefois, n° 256).
l) La décision qui condamne le débiteur d'aliments au paiement
d'une somme de 4.000 francs plus les allocations familiales,
implique clairement la condamnation de celui-ci au paiement,
outre de la contribution fixée, des allocations perçues par lui. La
circonstance que le montant de ces allocations ne soit pas
indiquée dans le titre est irrelevante dès lors que celui-ci est

853
(' ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit.. Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982,
p. 71-72, n" 91. Ainsi, le dispositif d'un jugement du tribunal correctionnel de Nivelles du 23 décembre
1983 énonce: «Dit pour droit que la partie civile pourra dans les années à venir obtenir par trois fois le
remboursement d'une prothèse dentaire à son coût réel par le prévenu sur simple présentation de
documents médicaux probants, le présent jugement valant titre exécutoire quant à CC».
1854
( ) Civ. Tournai. ch.s .. 18 janvier 1980, R.G.A.R .. 1981, n" 10.283: infra, note 1877.
855
(' ) Infra, n" 231 Cil.
1856
( ) Liège. llème ch., 16 janvier 1987, J.L.M.B., 1987. 574: G. de LEVAL, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 353, n" 34: G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE. op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982. p. 62. n" 77: Civ. Liège, ch.s., 28
janvier 1987, R.G. n" 81.125/87 (le procès-verbal de conciliation est un titre exécutoire (art. 733. C.
jud. ). li est à cet égard indifférent que le procès-verbal ne prononce pas formellement de
condamnation. li suffit pour s'en convaincre de rappeler qu'il n'est pas contestable qu'un acte notarié
soit un titre exécutoire alors qu'il ne prononce aucune condamnation. Dès l'instant où il résulte avec
certitude de la lecture du procès-verbal de conciliation que l'intention des parties et du juge était de
voir la demanderesse condamnée à payer les sommes reprises au procès-verbal, celui-ci est exécutoire
même si la mention expresse de la condamnation n'y figure pas). Civ. Bruxelles. 2 avril 1987.
J.L.M.B., 1987, 701; Civ. Bruxelles. ch.s., 6 avril 1987. R.G. n" 35.183 (le jugement d'accord qui
constate un engagement d'une partie au sujet de son intervention mensuelle dans le remboursement
des mensualités d'un prêt hypothécaire est susceptible d'exécution forcée). Une telle formulation
permet d'éviter le droit d'enregistrement (infra. n" 241 et note 2120).
857
(' ) Contra mais à tort. Civ. Namur. ch.s .. 21février1986, Rcv. Rég. Dr., 1986, 189: Rec.
enr .. 1987, p. 327. n° 23.497.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 431

déterminé et aisément déterminable à tout moment par simple


référence à la législation de sécurité sociale (' 858).
B. - Des problèmes semblables peuvent surgir lorsque le titre
exécutoire résulte d'un acte notarié fixant les obligations des
parties. Ainsi, le montant dû en vertu d'un contrat de prêt sera
fonction des sommes remboursées, des intérêts échus, des clauses
de déchéance du terme, etc. (1 859). De même, si un acte notarié
porte ouverture de crédit, le créditeur peut diligenter une mesure
d'exécution à charge du crédité sans être muni d'un autre titre
exécutoire que l'acte d'ouverture de crédit et sans que les remises
faites en exécution de cette ouverture de crédit soient constatées
dans un acte authentique (1 860).
Il importe cependant de ne pas donner une portée exces-
sive aux potentialités de l'acte notarié qui «intervient au moment
de la conclusion du contrat alors que le jugement est postérieur à la
survenance du litige» (1 861 ). Ainsi, il a été jugé que lorsque
l'exécution dépend de la réalisation d'une hypothèse prévue dans
une clause introduisant une notion subjective - déchéance du
terme pour non paiement dans le délai prévu à dater de la mise en
demeure - l'acte notarié en cas de contestation ne peut servir de
titre exécutoire de telle sorte qu'il appartient au créancier de
solliciter un titre judiciaire prononçant la déchéance du terme ou la
résolution du contrat (' 862 ).

224) Le jugement et les intérêts moratoires.


Le régime des intérêts moratoires octroyés en justice est
particulièrement complexe ( 1863 ). Ainsi, en matière aquilienne, le

1858
( ) Civ. Bruxelles. ch.s .. li décembre 1986, R.G .. n" 19.187: adde. Jurisprudence du
Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1494/2/11.
859
(' ) Sous réserve en ce cas de la mise en oeuvre de l'article 1334. C. jud. (supra. n" 19: Civ.
Liège, 27 mai 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte. T. II. Art. 1395, n° 3/5: adde.
Cass. Fr., 7 novembre 1979, Dall .. 1980. I.R .. 190).
1861
( ') Voy. Cass. Fr., 10 février 1977, Bull .. 1977, II. p. 24, n" 32; comp. infra, n" 234.
861
(' Civ. Liège. ch.s .. 24 juin 1985, J.L .. 1985. 562 et Rev. Not.. 1986. 42: infra, n" 235.
)
1862
( Civ. Liège. ch.s., 24 juin 1985, J.L., 1985, 562 et Rev. Not., 1986. 42: Civ. Bruxelles.
)
ch.s., 29 juin 1987, R.G., n" 32.863 (charges exceptionnelles touchant les dépenses importantes
nécessitées par les activités éducatives et culturelles des enfants dont le partage est prévu par les
conventions préalables au divorce par consentement mutuel) : infra. n"s 234 et 236.
863
(' ) Pour un exposé d'ensemble. voy. R. VIGNERON. Le nouveau taux d'intérêt légal et
le régime des intérêts octroyés en justice, Ann. Fac. Dr. Liège. 1971, p. 49 à 103. On rappelle que les
intérêts judiciaires peuvent être soit des intérêts compensatoires. soit des intérêts moratoires (Cass ..
4 novembre 1985, Pas .. 1986. 1. 254: Bruxelles. 4 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1029). Adde. Y.
CHARTIER. La réparation du préjudice dans la responsabilité civile, Dalloz, 1983. p. 518 et s .. n"s
412cts ..
432 TRAITÉ DES SAISIES

juge ne peut faire courir les intérêts moratoires sur le montant


d'une créance de dommages-intérêts avant la décision qui alloue ces
derniers (1 864 ). Par contre, en matière contractuelle, les intérêts
courent à dater de la sommation (art. 1153, C. civ.), s'il s'agit
d'obligations ayant originairement pour objet des sommes d'argent
(1 865 ) ; en outre, lorsque l'exécution d'une obligation de faire est
devenue matériellement impossible, une mise en demeure préala-
ble n'est pas exigée pour permettre l'exécution forcée de celle-ci
par le créancier et les intérêts moratoires courent du jour où cette
impossibilité existe (art. 1146, C. civ.) (1 866 ).
Ces difficultés sont réglées par le juge (1 867 ). On se limite
ici à préciser l'étendue exécutoire du jugement en ce qui concerne
les intérêts moratoires.
Dans la mesure où la décision de justice formule une
condamnation, il y a nécessairement eu mise en demeure par l'acte
introductif d'instance (1 868 ). Partant, le jugement qui alloue des
intérêts moratoires ne doit pas être signifié pour que ceux-ci
prennent cours ; à moins qu'il ne fixe une date différente, et sauf
texte spécial fixant de plein droit la date de prise de cours des
intérêts (1 869 ), le jugement fait courir les intérêts moratoires à

1864
( ) Cass., 22 juin 1983, Pas., 1983, !, 1191; R. VIGNERON, op. cit., Ann. Fac. Dr.
Liège, 1971, p. 53 à 68; adde. en matière d'expropriation, Cass., 12janvier1984, Pas., 1984, !, 497.
Voy. toutefois la note 1870 au sujet des intérêts compensatoires qui peuvent être dus pour la période
antérieure.
865
(' ) L'art. 1153, C. civ. est aussi applicable en matière de prestations sociales, Cass., 26 juin
1978, Pas., 1978, !, 1221; Cass., 3 décembre 1979, Pas., 1980, 1, 411; Trav. Tournai, 27 janvier 1987,
J.L.M.B., 1987, 428 et obs.
806
(' ) Cass., 29 novembre 1984, Pas., 1985, !, 399; adde. Cass., 25 novembre 1976, Pas.,
1977, !, 333; H. DE PAGE, T.111, 3ème éd., p. 100, n°75.
1867
( ) Au sujet de l'anatocisme mis en oeuvre par conclusions et appliqué aux intérêts
judiciaires, voy. Cass., 18 juin 1981, J.T., 1981, 672; Trav. Bruxelles, 15 octobre 1986, Jurisp. Jur.
Bruxelles, 1986, 396; Cl. VERBRAECKEN, obs. sous C.T. Bruxelles, 12 février 1986, J.T., 1987,
11. La capitalisation des intérêts n'est pas subordonnée à la condition que la dette principale soit
liquide (Cass., 30 janvier 1896, Pas., 1896, 1, 79 et concl. de M. MELOT). L'article 1154 du Code
civil n'est pas applicable aux obligations nées de délits ou de quasi-délits (Cass., 7 novembre 1986,
J.T., 1987, 422; Rev. Not., 1987, 360). Adde. note 1868.
808
(' ) Pour permettre la réclamation de dommages-intérêts et d'intérêts sur ceux-ci, la mise en
demeure ne doit pas contenir plus que l'expression claire et non équivoque de la volonté du créancier
de voir exécuter l'obligation principale; n'est dès lors pas légalement justifié l'arrêt qui décide que les
intérêts judiciaires dus sur les dommages-intérêts résultant de manquements à des obligations
contractuelles ne sont dus qu'à dater des conclusions chiffrant ces dommages-intérêts et non depuis la
citation constituant mise en demeure (Cass., 18 décembre 1986, R.G. n" 7529).
1869
( ) Voy. p. ex. en matière de rémunération, l'art. 10 de la loi du 12 avril 1965 concernant la

protection de la rémunération des travailleurs ; en matière de compte de récompenses et de créances


entre époux mariés sous le régime légal, les art. 1436, al. 2 et 1450, al. 2, C. civ. ; en matière de
répétition de l'indu, l'art. 1378, C. civ. et en matière de vente, l'art. 1652, al. 3, C. civ. (Cass .. 15
septembre 1978, Pas., 1979, !, 59).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 433

dater de son prononcé ; il peut prévoir que ceux-ci seront dus non
seulement sur le montant de la condamnation principale mais aussi
sur le montant des condamnations accessoires tels les intérêts
compensatoires (' 870) et les dépens (' 871 ).
Une question délicate surgit lorsque le jugement tout en
prononçant à titre principal une condamnation de somme ne
comporte aucune décision au sujet des intérêts moratoires. En ce
cas, le créancier ne semble Ras disposer d'un titre pour recouvrer
des intérêts moratoires (1 87 ) ; ceux-ci sont dus conformément au
droit commun et sauf texte spécial, moyennant mise en demeure
préalable le cas échéant par voie de signification du jugement
(1 873 ). Si le débiteur ne s'exécute pas volontairement, le créancier
devra diligenter une nouvelle procédure pour obtenir un titre en
vertu duquel il pourra pratiquer une mesure d'exécution forcée
(1874).

Ces conséquences, que le créancier peut prévenir en


déposant des conclusions précises sur les intérêts, ne s'imposent
certainement pas en toute circonstance. Il importe de vérifier si le
titre tout en ne prononçant pas formellement une condamnation ne
constitue pas un titre exécutoire parfaitement efficace y compris
pour les intérêts moratoires. Tel est le cas, à notre avis, de l'arrêt
de cassation ou de la décision de réformation ou de rétractation
pour les condamnations exécutées en vertu du titre anéanti ; les
prétentions du créancier des sommes à restituer portent nécessaire-
ment sur le principal et les intérêts moratoires que revendique la
partie contrainte de payer alors qu'elle poursuit la mise à néant du
titre exécutoire {' 875 ).

870
(' ) R. VIGNERON, op. cit., Ann. Fac. Dr. Liège, 1971. p. 66, n" 21 et C.E.Fr., 16
janvier 1987, Dall., 1987, l.R., 24. Rappelons que les intérêts compensatoires ne peuvent être alloués
pour des périodes précédant la naissance du dommage (Cass., 13 juin 1983, Pas., 1983, !, 1150;
Cass., 29 octobre 1986, J.T., 1987. 214). Sous cette réserve, le juge fixe souverainement le taux des
intérêts compensatoires et le point de départ de leur calcul (Liège, 27 novembre 1985, J.L.M.B.,
1987, 435 et obs. J.H.; adde. Cass., 4 novembre 1985, Pas .. 1986, 1, 254).
(1 871 ) Cass., 24 septembre 1953, Pas., 1954, 1, 36 (les dépens ne sont dus qu'à partir de la
condamnation et ne sont pas, comme tels, productifs d'intérêts avant cette date) ; C.T. Bruxelles, 14
avril 1981, J.T.T., 1981, 230; contra C.T. Bruxelles, 12 février 1986, J.T., 1987, Il.
1872
( ) Voy. p. ex., Pandectes belges, V" Jugement, n" 965.
873
(' ) Voy. p. ex. Liège, 26 novembre 1986. Rev. Rég. Dr., 1987, 25. Infra, n" 259.
874
(' ) C.T. Liège, 5ème ch., 16 juin 1987, R.G., n" 12.973/86 et J.L.M.B., 1987, 1013 (cet
arrêt précise que le moyen tiré de l'autorité de chose jugée ne peut être invoqué dans la mesure où la
décision antérieure n'a pas statué sur une demande d'intérêts légaux) ; Trav. Tournai, 27 janvier
1987, J.L.M.B., 1987, 428 et obs.
1875
( ) Supra, n" 223 A a et C.
434 TRAITÉ DES SAISIES

225) Paiement volontaire et exécution forcée.


Le paiement libératoire (1 876 ) ( 1877 ) rend sans objet la mise
à exécution du titre en vertu duquel il est effectué. Cette règle évidente
suscite cependant de nombreuses contestations en pratique :
a) Pour que le paiement antérieur au premier acte d'exécution
prive celui-ci de tout effet ( 1878), il ne suffit pas, en l'absence
d'accord des parties, qu'un virement ait été effectué ou qu'un
chèque ait été remis, il faut que les fonds soient mis à la
disposition du créancier ou de son mandataire ( 1879 ). Certes,
un paiement ultérieur au premier acte d'exécution empêche la
poursuite de la procédure mais en ce cas la régularité de sa mise
en oeuvre ne pourra en principe (' 880 ) être contestée ( 1881 ).

876
(' ) Lorsqu'il ressort des pièces produites que le créancier hypothécaire a mandaté un tiers
pour encaisser les sommes ducs par le débiteur, les paiements effectués par celui-ci au tiers déclaré en
faillite, sont libératoires à l'égard du créancier hypothécaire qui ne peut donc entamer une procédure
de saisie-exécution immobilière (le cahier des charges prévoyait que le paiement devrait être effectué
au siège de la compagnie prêteuse ou en tout autre endroit à indiquer par clic) (Civ. Huy, ch.s., 23
juin 1986, R.G. n" 9669).
1877
( ) En principe, une condamnation émanant d'une juridiction belge est toujours libellée en
francs belges (art. 3, L. 30 décembre 1885). Lorsque le dommage est exprimé en monnaie étrangère,
le débiteur est condamné à la contre-valeur en francs belges de la dette en devises, la conversion
s'effectuant au taux de change le plus élevé au jour du paiement, c'est-à-dire au jour où le créancier
peut disposer des fonds destinés au paiement (Bruxelles, 31janvier1987, Ann. Dr. Liège, 1988, n" 1
et note M. FALLON, «La monnaie du jugement en matière de contrats»; Liège, 25 janvier 1984,
Jur. Liège, 1984, 113; A. MEERSSEMAN, note sur le taux de conversion des monnaies étrangères à
appliquer par le juge, J.C.Belg., 1980, 1, 525 à 528; obs. J.H. sous Liège, 27 mars 1985, J.L.M.B.,
1987, 439 et réf. cit.), le tout sans préjudice de l'éventuelle responsabilité du débiteur en retard de
paiement en cas de dépréciation de la monnaie de la dette par rapport au franc belge (B.
HANOTIAU et M. FALLON, Chronique de jurisprudence. Les conflits de lois en matière
d'obligations contractuelles et non contractuelles, J.T., 1987, p. 110, n" 61 et réf. cit.; Cass., 4
septembre 1975, Pas., 1976, 1, 16; Cass., 26 novembre 1976, Pas., 1977, 1, 339; adde. Civ. Bruxelles.
ch.s., 15 juin 1987, R.G., n" 26.882 : «le débiteur en défaut de régler une dette de dommages-intérêts
fixée en monnaie étrangère doit subir les suites de la chute de la valeur de la monnaie de la dette, si
cette monnaie s'est dépréciée par rapport au franc belge»).
1878
( ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 631, n" 30 et réf. cit.
1879
( ) Cass., 21 novembre 1975, Pas., 1976, 1, 366; Cass., 23 septembre 1982, Pas., 1983, l,
118; Cass., 2 mai 1986, T. Not., 1986, 279; J.T., 1987, lHl; Liège, 22 décembre 1982, Jur. Liège,
1983, 65; J.T., 1983, 347; Mons, 3 septembre 1986, J.T., 1987, 9; Mons. 12 novembre 1986, J.T.,
1987, 112; Trav. Verviers, 27 janvier 1975, Pas., 1976, Ill, 6; Civ. Marche-en-Famenne, 22 avril
1976, Jur. Liège, 1975-1976, 285; Comm. Liège, 13 mai 1981, Jur. Liège, 1982, 56; Comm.
Bruxelles, 25 mai 1981, J.T., 1983, 346; Trav. Bruxelles. 24 mai 1985, J.T. 1985, 670; P. DELNOY,
La qualification de la donation par virement, note sous Mons, 20 novembre 1979, R.C.J.B., 1984, p.
212, n" 6 et note 75; Au sujet du virement, voy. A. BRUYNEEL, Le virement, in La banque dans la
vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, 377 à 403 et M. DASSESSE, note sous Civ.
Anvers, 19 mai 1982, Rev. Not .. 1987, 427 à 438; adde. Comm. Liège, 19 mars 1986, Jur. Liège,
1986, 379 et infra Annexe 1, n" 11.
18811
( ) Voy. toutefois ci-dessous d.
881
(' ) G. de LEVAL, op. cit., J.T., 1980, p. 632, n" 31; G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE, op. cit. Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 73 n" 93; Anvers, 3ème ch., 6
janvier 1987, R.G. n° 1346/85 (saisie régulière au jour où elle est pratiquée mais dont les causes sont
ensuite réglées par l'effet d'autres saisies antérieurement mises en oeuvre).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 435

b) Le créancier qui reçoit un paiement après avoir chargé l'huissier


de justice de diligenter la procédure d'exécution engage sa
responsabilité envers le saisi s'il ne transmet pas sans délai à
l'officier les instructions nécessaires à la prise en considération
des sommes ainsi versées (1 882 ) ; de manière plus générale, la
procédure d'exécution entamée ou poursuivie après le paie-
ment, dont le créancier ou son mandataire ont pu prendre
connaissance, est irrégulière ; la date du paiement est donc
déterminante pour apprécier le caractère téméraire ou vexatoire
de l'exécution.

c) En cas de paiements successifs soit parce qu'il s'agit d'obligations


qui se renouvellent périodiquement, soit parce qu'un plan
d'apurement est en cours, les parties s'opposent fréquemment
sur la détermination du solde réellement dû en débattant des
règles d'imputation, de prescription, du calcul des intérêts de
retard, de l'application des clauses d'indexation, etc .. Si le
créancier ne peut présenter une évaluation exacte de sa créance,
celle-ci ne satisfait pas aux conditions prévues par l'article 1494
(1 883 ) mais il ne suffit pas que le débiteur soulève une
contestation pour que la créance invoquée cesse de présenter les
qualités requises pour fonder une saisie-exécution.

d) Malgré l'existence d'une dette certaine, exigible et liquide mais,


eu égard aux conventions intervenues entre les parties (1 884 ) ou
aux circonstances de la cause ( 1885 ), la mesure d'exécution peut

882
{' ) Supra, n" 39 A.
883
(' ) Bruxelles, 29 avril 1983. Pas., 1983, li. 92; infra, n" 229 A.
884
(' Supra, n" 136 D.
)
1885
( G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
)
1982, p. 73, n" 93; voy. par ex. Liège. 9 mars 1983. Jur. Liège, 1983, 255 (précipitation fautive pour
récupérer le solde d'une dette); adde. Cass. Fr. 5 novembre 1986, J.C.P., 1987. IV, p. 20; Gaz. Pal.,
1986, Pan., 286 (solde suffisant demeuré disponible en faveur d'un créancier devenu insuffisant pour
couvrir le montant de la créance augmenté des intérêts conventionnels à la suite d'un retard
exclusivement imputable audit créancier); Civ. Bruxelles, ch.s .. 30 avril 1987, R.G. n" 38.108 (une
saisie-arrêt exécution est abusive lorsque par son acceptation répétée de paiements légèrement
tardifs, le créancier a renoncé. de manière implicite mais certaine. à la faculté d'exécuter la décision
qui sert de titre à la saisie litigieuse. en cas de non-respect ponctuel de cc titre. et pour autant que le
débiteur continue de s'acquitter dans le cours du mois de l'échéance, du remboursement auquel il
s"était engagé. Il ne faut point, quand un débiteur fait les derniers efforts pour échapper à une ruine
complète. autoriser le gaspillage des dernières parcelles de son patrimoine. par la validation de
mesures d'exécution qui s'avèrent. dans les circonstances de l'espèce. injustifiées).
436 TRAITÉ DES SAISIES

être jugée abusive {1 886 ) de telle sorte que le poursuivant peut


être condamné aux dépens voire même à des dommages-intérêts
envers le saisi.
e) Si un paiement a eu lieu avant le jugement de condamnation qui
(même implicitement) n'en tient pas compte, l'autorité de chose
jugée ne peut être invoquée pour refuser l'imputation du
montant payé sur celui de la condamnation (1 887 ).

226) Créance de revenus périodiques à échoir : la saisie-exécution


échelonnée.

Le créancier, nanti d'un titre exécutoire portant engage-


ment ou condamnation au paiement de dettes à échoir ( 1888) - on
envisage avant tout les créances d'aliments qui se renouvellent
périodiquement - doit-il ou non réitérer la procédure d'exécution
à chaque nouvelle échéance ?
Avant le Code judiciaire, il était admis que «le créancier
d'une pension alimentaire dont le chiffre a été fixé soit par
convention, soit par décision de justice, ne peut former saisie-arrêt
que pour avoir paiement des termes échus. Sa créance, quant aux
termes à échoir, est subordonnée à différentes conditions, notam-
ment à la condition de survie, et dès lors, elle ne peut donner lieu à
des mesures d'exécution» (1 889). Dans ce contexte, le créancier
était contraint de pratiquer une saisie nouvelle lors de chaque
échéance, ce qui entraînait des frais élevés, en réalité sans utilité
puisque l'existence et les modalités de la créance avaient été
reconnues antérieurement (1 890 ). Indépendamment de son inutilité
et de ses graves conséquences sur la mise en oeuvre effective des
droits du créancier, cette solution n'est pas justifiée ; en effet, «si le

886
(' ) Supra. n" 7; Civ. Malines, 20 octobre 1978. Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. II. Art. 1494/1/12: Civ. Liège. 2 décembre 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. II, Art. 1494/1/13.
887
(' ) Infra n" 229 A: comp. et contra, Civ. Liège, ch.s .. 24 mars 1986, R.G. n" 74.275/85
(de manière absolue, cc jugement refuse de tenir compte d'un versement antérieur au jugement de
condamnation).
888
(' ) A ce sujet, voy. M. VANWIJCK-ALEXANDRE, Aspects nouveaux de la protection
du créancier à terme, Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège. 1982, p. 422, n" 188.
1889
( ) Ch. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, p. 104. n" 68: A. PASQUIER, Le divorce
et la séparation de corps. Novelles, Droit civil, T. II, n" 1128, p. 262, Civ. Arlon, 5 décembre 1963,
Jur. Liège, 1963-1964, 222.
18
( '"') Centre d'Etudes pour la Réforme de l'Etat. Réforme de la procédure, T. Il, p. 13-14.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 437

créancier dispose d'un titre, une convention ou un jugement qui lui


permet de réclamer une pension alimentaire, il ne peut être tenu
d'apporter une preuve formelle ou supplémentaire pour exécuter
son titre. C'est au contraire au débiteur qu'il appartient de prouver
que le créancier a cessé d'être dans le besoin et de solliciter la
réduction ou la suppression de la pension» (1 891 ) (1 892 ) ; en
d'autres termes, y compris en matière pénale (art. 391 bis C. pén.),
le titre conserve en principe son efficacité exécutoire pour les termes
à échoir; certes, il ne peut être utilisé pour obtenir le paiement
immédiat de ce qui n'est dû qu'à terme mais il s'agit exclusivement
de permettre au créancier de bénéficier des effets de la saisie au fur
et à mesure des échéances de la créance ; la condition d'exigibilité
est donc respectée ; il y a seulement dispense de pratiquer une
nouvelle saisie chaque fois qu'un nouveau terme est échu. Bref,
aucune condition de fond n'est méconnue ; il s'agit d'une pure
facilité procédurale {1 893 ), toujours susceptible d'être contestée par
le débiteur (1 894 ), évitant le renouvellement aussi inutile qu'oné-
reux d'une mesure d'exécution aussi longtemps que subsiste la
créance qui la fonde.
L'application automatique de la saisie-exécution aux ter-
mes à venir à mesure de leur échéance est actuellement générale-
ment admise non seulement en matière de délégation de sommes
(art. 203 ter, 221 et 301 bis, C. civ. ; art. 1280, C. jud.) ce qui n'a

891
(' ) J.L. RENCHON. L'adage «Aliments ne s'arrèragent pas», R.T.D.F .. 1979, 82; Civ.
Liège, 12 septembre 1984, J.L., 1985, 16; infra, n" 232 A.
89
(' 2) On précise que l'exequatur (infra n" 244) des décisions judiciaires en matière
d'obligations alimentaires peut être accordé tant pour les paiements échus que pour les paiements à
échoir (art. 7 de la Convention de La Haye concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions
en matière d'obligations alimentaires envers les enfants ; art. 8/1 de la Convention belgo-yougoslave
sur la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires en matière d'obligations alimentaires ;
art. 8 de la Convention bclgo-roumaine sur la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires
en matière d'obligations alimentaires; voy. Codes La Charte, Code judiciaire, Législation internatio-
nale, Illème partie).
893
(' ) Elle a été admise dès avant le Code judiciaire en matière de saisie-gagerie (J.
VANKERCKHOVE, Louage de choses, Novelles, Droit civil, T. VI, A, n" 778, p. 319; M.
DONNIER, op. cit., Litec, 1987, n" 334, p. 131). Elle est spécialement organisée par l'article 1978
du Code civil en matière de rente constituée ; ce texte reconnaît au créditrentier le droit de saisir et de
faire vendre les biens de son débiteur er de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente,
l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages. (Il s'agit d'une façon simplifiée de
cumuler saisie conservatoire et exécution échelonnée, infra n" 227). Voy. aussi Bruxelles, 7ème ch.,
12 mai 1987, J.L.M.B., 1987, 920.
894
{' ) Infra, n" 232.
438 TRAITÉ DES SAISIES

jamais été contesté (1 895 ) mais aussi en matière de saisie-arrêt-


exécution de droit commun (1 896 ).
Certes, toute saisie-exécution est théoriquement suscepti-
ble de déployer ses effets au fur et à mesure des échéances d'une
créance de revenus périodiques, mais, pratiquement on observe
que le terrain d'élection de l'exécution échelonnée est celui de la
saisie-arrêt-exécution portant elle-même sur des créances de reve-
nus périodiques à échoir. En d'autres termes, le procédé est

895
(' ) Il est spécialement fait état de l'article 221, alinéa 3 C. civ. (ou de l'art. 203 ter. al. 2. C.
civ. ; adde. art. 1280, al. 5. C. jud.) qui énonce que« le jugement est opposable à tous tiers débiteurs
actuels ou futurs sur la notification que leur a faite le greffier à la requête du demandeur». Cette
disposition se justifie surtout pour permettre à son bénéficiaire d'utiliser une procédure simplifiée
mais elle ne formule une règle qu'en ce qui concerne l'objet de la délégation chez le délégué et non la
cause de la délégation (y compris les termes à échoir) dans le chef de son bénéficiaire. Cette
remarque est à nos yeux essentielle car le texte précité ne peut être invoqué pour prétendre qu'il
s'agit d'une règle exceptionnelle permettant le renouvellement automatique de la procédure à chaque
nouvelle échéance de la créance garantie. La délégation est devenue avec l'art. 203 ter la procédure de
droit commun en matière d'aliments dus aux enfants et aux ascendants. voy. supra, note 772 et J.
DALCQ, La réforme du droit de la filiation, J.T .. 1987, p. 402, n" 48; seules les pensions prévues
par les articles 1288, 4°, C. jud., 205 bis, 206, 308, 364, C. civ. restent exclues de cc système ; suivant
J. DALCQ, il en irait de même pour la pension due à l'époux qui a obtenu le divorce sur base de
l'article 232, C. civ. ; à nos yeux, l'art. 301 bis, C. civ. est applicable à une telle hypothèse (voy. J.
JONGMANS, La pension après divorce. in Le contentieux conjugal, Jeune Barreau Liège, 1984,
186). Adde. infra, note 1998.
8
(' %) Bruxelles, 21mars1984, Rev. Not., 1984, 360; Liège, 15 janvier 1987, llème ch., J.T.,
1987, p. 287; Bruxelles, 7 mai 1987, J.L.M.B .. 1987, 1421; Civ. Liège, ch.s., 29 décembre 1979, Jur.
Liège, 1980, 117, obs. G. de LEVAL; Civ. Liège, 8 décembre 1982, Jurisprudence du Code
judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1494/2/8; Civ. Bruxelles. ch.s .. 27 mai 1982, Inédit, R.G., n"
135.067 qui énonce «que le créancier de revenus périodiques à échoir peut exercer le droit de son
débiteur de toucher la part saisie de son salaire à chaque échéance sans qu'il soit nécessaire de
renouveler la procédure de saisie-arrêt-exécution et de dénonciation à chaque échéance, la créance
étant à chacune de celles-ci et au fur et à mesure qu'elles surviennent parfaitement certaine, liquide et
exigible et ne souffrant aucun retard dans son règlement»; Civ. Liège, ch.s., 5 janvier 1983,
Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1494/2/9; Civ. Liège, ch.s., 12 septembre
1984, Jur. Liège, 1985, 16; Civ. Tournai, ch.s., 18 janvier 1985, Inédit, R.G. n" 20.151 ; Civ. Huy,
ch.s., 23 décembre 1985, Pas., 1986, III, 18, Jur. Liège. 1986, 155; Civ. Tournai, ch.s., 28 février
1986, R.G. n° 21.886; Civ. Bruxelles, ch.s., 24 avril 1986, R.G. n" 21245; Civ. Bruxelles, ch.s., 1er
octobre 1987, R.G., n" 36.892; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980. p.
646, n° 60 ; G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit. Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982,
p. 63, n" 79; F. TOP, Loonbeslag, loondelegatie en loonoverdracht; problcmen bij de evenredige
verdeling, T.P.R., 1983, p. 372; n° 19; G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions
judiciaires en matière familiale, in L'évolution du droit judiciaire, XIès Journées Jean DABIN,
Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 882 à 884, n" 10; J.L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de
jurisprudence (Du Code judiciaire à 1982), Bruxelles, Larcier, 1984, p. 48, n° 111; R.P.D.B.,
Compl. VI, Régimes matrimoniaux (Droit interne), n" 615; J. GERLO, Onderhoudsgelden, Kluwer
rechtswctenschappcn, «Rechts en praktijk», p. 79 n" 101; E. VIEUJEAN, Examen de jurispru-
dence (1978-1983), Personnes, R.C.J .B., 1986, n" 97 p. 588 ; contra mais à tort, Civ. Bruxelles, eh.s.,
10 novembre 1983, Pas., 1984, III, 32 qui se fonde sur le fait que le législateur n'a pas prévu en
matière d'exécution une disposition analogue à l'article 1415, alinéa 2 du Code judiciaire or ici il ne
s'agit pas de saisir en garantie de termes à échoir mais il s'agit d'appréhender les termes échus au fur
et à mesure de leur échéance; voy. aussi dans ce sens Civ. Charleroi, ch.s., 17 juin 1986, J.T., 1987,
181, Rcv. Reg. Dr., 1986, 456.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 439

totalement efficace lorsqu'il y a simultanéité entre l'échéance de la


créance cause de la saisie (généralement des aliments) et celle de la
créance objet de la saisie (généralement un revenu sur lequel le
créancier saisissant jouit du privilège prévu par l'article 1412)
(1897).

Une saisie échelonnée peut être mise en oeuvre même si


des termes échus ne sont pas impayés lorsque le créancier Reut
redouter le défaut de paiement régulier des termes à échoir ( 98 ).
Il importe cependant d'éviter le recours à ce mécanisme lorsque les
circonstances de la cause ne permettent pas de penser que le
débiteur ne s'acquitterait pas volontairement et ponctuellement des
sommes dues. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une matière
où des manquements apparemment anodins ou mineurs deviennent
vite intolérables lorsqu'ils se renouvellent.

227) Le cumul de la saisie conservatoire et de la saisie-exécution


échelonnée.
Une saisie-exécution ne peut être accomplie que pour
obtenir le paiement d'une créance certaine, exigible et liquide. La
saisie-exécution échelonnée ne se concrétise donc qu'à chaque
nouvelle échéance mais elle est impuissante par elle-même à
garantir le recouvrement futur des termes à échoir. Dans la mesure
où ceux-ci peuvent être réglés prioritairement à leur échéance sur
une créance qui présente la même périodicité, on l'a vu, le procédé
est à lui seul totalement performant (1 899). Mais si l'objet
saisissable ne se retrouve pas dans le patrimoine du saisi à chaque
nouvelle échéance, le saisi conservant la libre disposition de ses
biens, la saisie-exécution échelonnée perdra toute utilité. Pour
prévenir cet échec, le saisissant peut avoir intérêt de cumuler la
saisie conservatoire qui peut être mise en oeuvre pour garantir le
recouvrement d'une créance de revenus périodiques à échoir (art.
1415, al. 2) ( 1900 ) et la saisie-exécution échelonnée qui à chaque
nouvelle échéance transformera automatiquement la mesure con-
servatoire en mesure exécutoire dans la limite des sommes exigi-
bles.

(1 897 ) Supra, n° 99 : infra, n° 227.


(1 898 ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 646, n" 60; Civ.
Liège, ch.s .. 17 septembre 1980, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 14941215.
(1 899 ) Supra, n° 226.
1900
( ) Supra. n° 163 A.
440 TRAITÉ DES SAISIES

Le cumul des saisies n'est permis que si le recouvrement


des termes à échoir est en péril (art. 1413). Une telle situation peut
se présenter si le débiteur cesse d'être créancier de revenus
périodiques à échoir (notamment en cas de perte d'emploi, la saisie
conservatoire peut être pratiquée sur l'indemnité pour défaut de
préavis) ou de manière générale si un risque sérieux d'insolvabilité
existe (retrait de fonds déposés en banque, etc.) (1 901 ). On ne peut
cependant perdre de vue qu'une saisie-arrêt conservatoire peut être
extrêmement préjudiciable pour le saisi, spécialement en matière de
créances alimentaires eu égard à la saisissabilité totale prévue par
l'article 1412 (1 902 ) ; elle ne peut donc être utilisée que si elle
s'avère indispensable pour garantir le paiement des termes à échoir.

CHAPITRE II - L'ACTUALITE ET L'EFFICACITE EXECU-


TOIRES.

228) Le titre doit conserver sa force exécutoire au moment de


l'exécution. Le rôle du juge des saisies. Distinction entre mise
à néant du titre et perte d'efficacité de celui-ci.

A. - Le titre conserve son actualité lorsqu'il demeure efficace


au jour de sa mise en oeuvre. En effet, «un titre n'est pas
indéfiniment valable. Il perd ses effets si la créance est éteinte par
un paiement, par une compensation ou par tout autre mode
d'extinction des obligations» (1 903 ). La force exécutoire n'est donc
pas indépendante du fond du droit ; «tout jugement est rendu avec
la clause sous-entendue 5bu'aucune règle de droit ne viendra en
empêcher l'exécution» (1 4 ). Afin de prévenir des procédures de
restitution, il faut enlever toute efficacité au titre qui n'en conserve
que l'apparence si les mentions de celui-ci sont devenues, totale-
ment ou partiellement, sans objet en raison d'événements survenus
depuis sa conclusion ou son obtention de sorte que son exécution
cesse d'être régulière. Les contestations suscitées par le maintien de

901
(' Voy. aussi l'art. 1978, C. civ. ; supra, n" 226, note 1893.
)
1902
( Supra, n° 98.
)
1 3
( 9<' ) Ph. BERTIN, Les pouvoirs actuels du juge des référés en matière de saisie-arrêt, Gaz.
Pal., 26-28 juillet 1981, 2; adde. Paris, 14 mai 1986, Dall .. 1987, Jur., 29 et note J. PREVAULT (il
convient de rechercher si des éléments extérieurs au titre exécutoire ne sont pas de nature à mettre en
évidence l'inexistence des créances dont se prévalent les saisissants ... ).
1
( 9(l4) A. CLOQUET, Les concordats et la faillite, Novelles, Ed., 1985. n" 355; voy.
toutefois, infra, n° 231 C 1.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 441

la force exécutoire du titre forment un contentieux important -


parfois artificiellement gonflé par l'ardeur processive du débiteur
qui ne dispose plus d'autre recours - qui relève de la compétence
du juge des saisies souvent appelé à connaître d'importantes
questions de fond (1 905 ) (1 906 ) pour déterminer si le titre dont se
prévaut le créancier demeure apte à légitimer une mesure d'exécu-
tion forcée. Cette compétence repose spécialement sur l'article 1498
aux termes duquel «en cas de difficulté d'exécution, toute partie
intéressée peut se pourvoir devant le juge des saisies, sans cepen-
dant que l'exercice de cette action ait un effet suspensif. Le juge des
saisies prononce, s'il y a lieu, la mainlevée de la saisie». En
principe, le caractère non suspensif du recours n'empêche pas la
poursuite de l'exécution mais généralement l'expropriation propre-
ment dite est retardée jusqu'à la solution du litige. Cette solution
est d'ailleurs expressément imposée par la loi en matière de saisie-
arrêt-exécution (art. 1541 et 1543, al. 2). Enfin et de manière
générale, dans le respect de la chose jugée au fond et des règles
applicables à l'exécution provisoire ou définitive, le juge des saisies
peut suspendre la mesure d'exécution dans l'attente d'une décision
ultérieure.
Il importe de préciser que le jugement qui lève l'obstacle
mis par le débiteur à l'exécution du titre exécutoire dont est nanti le
créancier n'est pas assujetti au droit d'enregistrement s'il n'ajoute
rien au titre que possédait déjà le créancier (1 907 ).
B. - La perte d'efficacité exécutoire du titre ne se confond pas
avec la mise à néant de celui-ci et la disparition de l'autorité de
chose jugée suite à l'exercice d'une voie de recours. L'anéantisse-
ment du titre, après réexamen du litige, fait disparaître ab initio la
décision et provoque la restitution de ce qui a été obtenu sur son
fondement. Par contre, la perte d'efficacité n'atteint pas le titre en
lui-même qui ne donne lieu, comme tel, à aucune contestation ni à
un nouvel examen ; ce n'est que la mise à exécution de celui-ci qui
est entravée par des faits nouveaux ayant une incidence sur le droit
issu du jugement ou de l'arrêt. Aucune erreur n'étant à redresser,

905
(' ) Supra, n° 14; voy. aussi E. LIEKENDAEL, concl. préc. Cass., 7 avril 1983, Pas.,
1983, 1, 822.
1906
( ) Toutefois, il n'appartient pas au juge des saisies en présence d'un titre exécutoire
régulier, actuel et efficace, de s'ériger en juge d'appel ou, s'agissant d'une sentence arbitrale, en juge
d'annulation (Civ. Bruxelles, ch.s., 14 août 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 372; supra, n° 16).
1907
( ) M. DONNAY, Droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, Rép. Not., T. V,
Livre X, n" 491.
442 TRAITÉ DES SAISIES

la perte d'efficacité du titre n'entraîne donc pas le retour au statu


quo ante ; elle n'autorise la restitution que de ce qui a été payé à
dater de la perte d'efficacité ( 1908 ).
Lorsque le débiteur n'a pas volontairement respecté les
obligations énoncées au titre ultérieurement privé d'efficacité, des
mesures d'exécution ont pu être diligentées contre lui et des
astreintes sont susceptibles d'être dues. Ces frais et sanctions
demeurent à la charge du débiteur (voy. au sujet de l'astreinte, art.
1385 quinquies, al. 2, C. jud. a contrario) malgré la perte ultérieure
d'efficacité du titre ( 1909 ) (1 910 ).

229) Extinction de l'obligation.

A. - Généralités.
Lorsque le créancier a prouvé l'existence de sa créance, il
incombe au débiteur de faire la preuve du fait (paiement, dation en
paiement, compensation, novation, transaction, remise de dette,
prescription, etc.) qui a entraîné l'extinction de son obligation (art.

908
(' ) La décision du juge des référés peut être privée d'efficacité à dater de la décision au
fond statuant en sens contraire. Mais, rien n'interdit que celui-ci fixe la date de la cessation des effets
de l'ordonnance de référé à une époque antérieure au jugement au fond. Il s'agit non seulement
d'une règle de bon sens mais d'une exigence procédant de l'art. 1039, al. 2, C. jud. car dans le cas
contraire, le juge du fond serait lié par l'autorité de chose jugée de la décision du juge des référés ; or,
la défense de porter préjudice au principal ne s'adresse pas au président siégeant en référé mais au
juge du fond qui ne peut attribuer une quelconque valeur obligatoire pour lui à l'ordonnance (Gand,
26 septembre 1985, J.T.T., 1986, 307; comp. et contra R.H. note sous Cass., 7 juillet 1941, Pas.,
1942, 1, 280; Bruxelles, 18 avril 1985, J.T., 1985, 651 ; Bruxelles, 24 septembre 1985, Pas., 1985, II,
180; G. CLOSSET-MARCHAL. Le référé aujourd'hui, Ann. Dr. Liège, 1986, 316-317; A. VAN
OEVELEN et D. LINDEMANS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 1078, n° 37 et p. 1079, n° 39 mais voy.
l'application du principe en cc qui concerne le principal lorsqu'il s'agit de paiement d'une somme
d'argent ou de la délivrance d'une chose, p. 1088, n"s 47 et 48 et la réserve générale de la
responsabilité à base de faute du bénéficiaire du titre, p. 1088, n° 49 et p. 1093, n° 54). Lorsqu'il
s'agit d'un référé anticipation (R. PERROT, Les mesures provisoires en droit français, in Les
mesures provisoires en procédure civile, Milano Giuffré, 1985, p. 153 et 161 à 170) (tel le référé-
provision), il n'y a plus de différence avec les règles applicables à la réformation d'une décision de
fond car sinon on reconnaîtrait au juge des référés plus de pouvoirs qu'au juge du fond.
1909
( ) A. VAN OEVELEN et D. LINDEMANS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 1085-1090, n° 50
mais comp. p. 1069, n" 24; adde. E. KRINGS, Concl. préc. C.J. Benelux, 5 juin 1985, R.W., 1985-
1986, 932, note 6 ; la même règle s'applique, selon nous, aux prestations dues en vertu d'un titre
ultérieurement réformé ou rétracté car elles sanctionnent le défaut d'obéissance au titre, (M.
STORME, Les pratiques du commerce et les problèmes de procédure, Ann. Droit Louvain, 1986, p.
108/3; voy. cependant au sujet de la mise à exécution après réformation, C.J. Benelux, 14 avril 1983,
R.W., 1983-1984, 223 et conclusions de M. !'Avocat général KRINGS).
910
(' ) En cas d'exécution fondée sur un jugement exécutoire par provision, celui qui s'en
prévaut le fait à ses risques et périls c'est-à-dire en prenant le risque de devoir indemniser le débiteur
des conséquences préjudiciables résultant de l'exécution forcée d'un tel titre (infra, n° 279).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 443

1315, al. 2, C. civ.) (1 911 ), la chose jugée sur l'existence et la cause


d'une dette étant sans effet sur l'extinction de celle-ci dans la
mesure où cet aspect est demeuré étranger au débat (1 912 ).

Le mode de libération le plus fréquent est le paiement


(1 913 ) (1 914 ) de la somme due. Aussi longtemps que la totalité de la
dette en principal, intérêts et frais n'a pas été réglée, la saisie-
exécution demeure en principe justifiée (1 915 ). Fréquemment, le
débiteur se prétend intégralement libéré alors que le créancier
estime qu'un solde reste dû, chaque partie produisant au juge des
saisies son décompte en fonction de son interprétation des règles
relatives à l'indexation, au calcul des intérêts, à l'imputation des
paiements (art. 1253 et s., C. civ.) ou à la prescription ( 1916)
(1 917 ). Tantôt, le créancier exagère, tantôt le débiteur résiste de
manière injustifiée ; rarement les deux parties sont dans le même
temps de totale bonne foi (1 918 ).

B. - Délivrance d'une seconde expédition.

La remise volontaire de la grosse du titre par le créancier


au débiteur fait présumer la remise de la dette ou le paiement, sans
préjudice de la preuve contraire (art. 1283, C. civ.). Il s'agit d'une

(1 911 ) Cass., 26 novembre 1982, Pas., 1983, 1, 396; Cass., 14 février 1986, J.T., 1987, 164;
Liège, 12 novembre 1982, Jur. Liège, 1983, 90; Bruxelles, 8è ch., 4 décembre 1985, A.R. n"
1934/84; Mons. 19 mars 1986, Rev. Not.. 1986, 598; Civ. Tournai, ch.s., 18 octobre 1985. R.G., n"
20.335; Civ. Verviers, ch.s., 12 décembre 1986, J.L.M.B., 1987, 581; Civ. Bruxelles, ch.s., 13
janvier 1987, R.G., n° 33.084; Civ. Dinant, 14 janvier 1987, Rev. Not., 1987, 367. Bref, «la
naissance du droit étant, par hypothèse, démontrée, c'est à l'adversaire qu'il incombe d'établir le fait
nouveau qui aurait entraîné le changement de cette situation juridique» (J. GHESTIN et G.
GOUBEAUX, Traité de droit civil, Introduction générale, L.G.D.J., 1977, p. 459, n° 583; adde. N.
VERHEYDEN-JEANMART, La charge de la preuve, in La preuve, Fac. Droit, U.C.L., 1987, n"
25, p. 18; n°s 60 et s. p. 52 et s. et n° 73, p. 58). Au sujet d'une quittance pour solde de compte
délivrée par l'huissier en qualité de mandataire du saisissant, voy. supra, n" 39 Cet note 272.
1912
( ) R.P.D.B., Compl. VI. V" Chose jugée, n" 43 et réf. cit.
913
(' ) Au sujet des termes et délais, supra, n"s 19 et s.
1914
( ) Sur le moment du paiement, voy. supra, n" 225 a.
1915
( ) Civ. Liège, ch.s., 3 novembre 1982, Jur. Liège, 1983, 17; Rev. Not., 1983, 151. Adde.
Cass. Fr., 22 mai 1984, Rev. Huissiers, 1987, 1067 et obs. C. DELAGE («L'acceptation de paiement
sans la majoration résultant d'une clause d'indexation convenue entre les parties ne suffit pas à
caractériser la novation»).
1916
( ) Au sujet de la prescription, supra, n" 214 et infra, n"s 231 B et 232 A.
1917
( ) Sur les modes de preuve, voy. G. de LEV AL, L'instruction sans obstructions, in La
preuve, Fac. Droit, U.C.L., 12-13 mars 1987, n° 6 A et note 39.
1918
( ) Supra, n" 225 c.
444 TRAITÉ DES SAISIES

présomption légale juristantum de libération


loi à la remise volontaire du titre exécutoire (1
r20
919

).
) attachée par la

Pour éviter que le débiteur ne soit contraint au paiement


d'une dette éteinte, la loi n'accorde de force exécutoire qu'à la
première expédition.
Lorsque, en l'absence de toute libération par remise de
dette (1 921 ), paiement ou tout autre mode d'extinction, le créan-
cier se trouve dans l'impossibilité de se servir de son titre primitif
(pièce égarée, volée, etc.) une procédure de délivrance de seconde
expédition exécutoire du jugement, de l'arrêt ou de l'acte notarié
doit être diligentée devant le grésident du tribunal de première
instance (art. 1377 et 1379) (1 9 ). Si la créance a été acquittée ou
cédée pour partie, la seconde expédition fait mention de la somme
pour laquelle on pourra exécuter (art. 1377, al. 3) (1 923 ). L'ordon-
nance, rendue sur requête unilatérale est exécutoire par provision
aux risques et périls du requérant (1 924 ) et susceptible des recours
prévus aux articles 1031 à 1034 (art. 1378) de telle sorte que le
débiteur, sommé d'assister à la délivrance de la seconde expédition
(art. 1377, al. 2), peut exercer une tierce-opposition et solliciter au
besoin le sursis à exécution (art. 1127).

919
(' ) Par contre, l'article 1282 édicte en matière de remise volontaire du titre original sous
signature privée, une présomption juris et de jure de libération (voy. cependant en matière
commerciale, X. DIEUX, La preuve en droit commercial, in La preuve, Fac. Droit, U.C.L., 1987, p.
10, n" 3). «Tandis que la privation de l'original sous seing privé désarme le créancier, celle de la
grosse ne lui enlève que son titre exécutoire et la faculté de saisir les biens du débiteur. La grosse
donnée, la minute subsiste et le créancier pourra encore se faire délivrer une nouvelle expédition et
même exceptionnellement, une nouvelle grosse» (L. GRAULICH, Théorie générale des obligations,
Syll., P.U.L., Fasc. III, n" 432, p. 57). Sur ce que l'article 1282 du Code civil ne s'applique pas en cas
de destruction du titre par le créancier, voy. Cass., 14 février 1986, Pas., 1986, 1, 737.
920
(' ) On souligne que la remise de la grosse d'un jugement peut être exigée lorsque le
paiement éteint les droits qu'il reconnaît.
921
(' ) Si la remise de dette est généralement faite à titre gratuit, il arrive que l'intention
libérale soit absente notamment lorsqu'un rabattement de la dette est uniquement consenti pour être
mieux assuré d'obtenir paiement (Mons, 21juin1983, Pas., 1983, Il, 125 et réf. cit.).
922
(' ) Ex. Civ. Liège, 6 novembre 1981, Rev. Not., 1984, 197 (la première grosse d'un acte
d'emprunt hypothécaire se trouvait en la possession des débiteurs sans qu'il y ait eu remise volontaire
par le créancier).
923
(' ) Toutefois, ce n'est pas parce qu'un nouveau titre exécutoire aura été établi pour la
totalité de la créance, alors qu'un remboursement partiel est intervenu, que le créancier pourra exiger
de son débiteur plus qu'il ne reste dû (M. VION, La procédure de délivrance d'une seconde copie
exécutoire dans le nouveau Code de procédure civile, Répertoire du Notariat Defrenois, 1981, n°
32.719, p. 1046).
924
(' ) R. DE VALKENEER, note sous Civ. Liège, 6 novembre 1981, Rev. Not., 1984, 204 et
Rapport présenté au Comité d'Etudes et de Législation, Dossier, n° 1852, C. Et. Lég., 1983, p. 436.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 445

Le créancier qui réclame une seconde grosse du jugement


portant condamnation à son profit n'est pas obligé de prouver
l'accident par lequel la première s'est égarée ; c'est, au contraire, au
débiteur à démontrer l'inutilité de la seconde grosse que réclame le
créancier, en rapportant la preuve du paiement effectué depuis le
jugement (1 925 ).

230) Incidence d'une loi nouvelle, d'une convention postérieure au


jugement ou d'un manquement du bénéficiaire ou de la partie
condamnée.

A. - Sauf si elle est rétroactive, une loi ne peut supprimer la


force exécutoire du titre en ce qui concerne les sommes échues.
Le titre exécutoire peut cependant être privé, pour l'ave-
nir, temporairement ou définitivement de son efficacité en raison
de la survenance d'une loi nouvelle (1 926 ).
Si une contestation surgit quant à l'application de la loi
nouvelle, une mesure de surséance peut être ordonnée (1 927 ).
B. - Si les parties concluent un accord destiné à éviter
l'exécution forcée, le juge des saisies est compétent pour régler
toutes contestations relatives à l'existence, la validité ou l'exécution
de la convention et déterminer la mesure dans la~uelle le titre est
définitivement ou provisoirement privé d'effet (1 92 ).
C. - Le manquement du bénéficiaire du titre exécutoire à ses
obligations rend sans objet le titre exécutoire lorsque l'obligation

925
(' R.P.D.B., V" Exécution des jugements et des actes en matière civile, n" 76.
)
1926
( La question s'est spécialement posée en matière de baux (Civ. Liège, ch.s., 7 mars
)
1979, Jur. Liège, 1978-1979, p. 358, n° 53; J. VANKERCKHOVE, Loyers et revenus immobiliers
en 1979, J.T., 1979, 158 et 159). Adde. et comp. Paris, 14 mai 1986, Dall., 1987, Jur., 29 et obs. J.
PREY AULT. Pour un exemple de rétroactivité, voy. Projet de loi modifiant la loi du 3 novembre
1967 sur le pilotage des bâtiments de mer (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1985-1986, n" 369, 1 et E.
KRJNGS, Concl. préc. Cass., 19 février 1987, Rev. Not., 1987, 472).
1927
( ) Civ. Anvers, 20 février 1981, Pas., 1982, III, 43.
928
(' ) Voy. p. ex. au sujet des arrérages échus d'une pension alimentaire, Liège, 19 janvier
1987, J .T., 1987, 251. Comp. Bruxelles, 6 octobre 1982, Rec. enr., 1985, p. 221, n" 23.190 qui décide
«que si les appelants estimaient qu'ils pouvaient faire valoir une contestation en matière d'obligations
contractuelles et de rapports contractuels modifiés entre parties, il leur incombait de soumettre cette
contestation au juge compétent, cc qu'ils n'ont manifestement pas fait ; qu'au vu des éléments
produits, il n'y avait pas lieu, pour le juge des saisies, de suspendre la saisie-exécution». Adde. infra,
note 1975.
446 TRAITÉ DES SAISIES

du débiteur est la contrepartie des obligations non respectées du


créancier (1 929 ).

La partie condamnée qui par son fait se met dans l'impossi-


bilité d'exécuter une obligation en nature ne peut se prévaloir de
cette situation ~our être déchargée de l'obligation de s'exécuter par
équivalent (1 93 ).

231) Règles de procédure privant la décision de justice de son


actualité et de son efficacité.

Une décision de justice portant condamnation du débiteur


au paiement d'une somme déterminée à son créancier peut être
privée de toute efficacité pour des raisons exclusivement procédu-
rales.

A. - La péremption du titre (art. 806).

Aux termes de l'article 806 du Code judiciaire, «tout


jugement par défaut doit être signifié dans l'année, sinon il est
réputé non avenu». Cette disposition a une portée tout à fait
générale ; elle s'applique à tout lu:fiement par défaut y compris au
jugement réputé contradictoire ( 9 ).

L'exception de péremption n'est pas d'ordre public; il n'y a


aucun automatisme dans l'application de l'article 806 dont peut seul
se prévaloir le défaillant qui doit être protégé contre une exécution

929
(' ) Voy. p. ex., en matière de jugement exécutoire par provision ordonnant la passation
d'un acte authentique, Mons, 21 juin 1984, R.G., n" 7539, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. II, Art. 1398, n° 5, p. 1398/6. Adde. Cass. Fr., 5 novembre 1986, J.C.P., 1987, IV, 20,
supra, note 1885.
(1 930 ) Comp. en matière d'astreinte, C.J. Benelux, 25 septembre 1986, R.W., 1986-1987,
1333 et concl. de M. l'Avocat général E. KRINGS. En matière d'astreinte, lc juge des saisies qui n'a
pas prononcé l'astreinte est cependant sans compétence pour apprécier l'impossibilité prévue par
l'art. 1385 quinquies du Code judiciaire (supra, n" 35 et note 246).
(1 931 ) G. de LEVAL, J.N. CLOTUCHE et A. KOHL, L'article 751 du Code judiciaire.
Analyse critique et projet de réforme, J.T., 1977, p. 2; J.P. DECHAMPS, Eloge de la simplicité ou
De l'application régulière des articles 751, 752 et 753 du Code judiciaire, aux divers degrés de
juridictions de fond, Annales de Droit de Liège, 1983, p. 253-254 ; Civ. Liège, ch.s., 24 décembre
1980, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1494, 1, 4; contra Civ. Bruxelles,
ch.s., 23 janvier 1987, lb., 4 bis (cette décision lie la péremption à la limitation dans le temps du droit
de faire opposition tout en s'appuyant sur l'emplacement des textes).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 447

adroitement retardée (' 932 ), à moins qu'il y ait renoncé en


acquiesçant expressément ou tacitement au jugement par défaut
(19:13).
L'incident de péremption peut cependant être prévenu par
le bénéficiaire du titre périmé en faisant ramener la cause par voie
de simple fixation (art. 803) devant le juge qui a statué par défaut
934
(1 ) afin d'obtenir un titre réactualisé à l'issue d'une instance au
cours de laquelle la partie défenderesse peut faire valoir tous
moyens de forme ou de fond ou solliciter des délais de grâce (' 935 ).
La sanction de péremption ne porte donc que sur le jugement ; la
procédure antérieure demeure valable et un nouveau titre peut être
obtenu sur cette base (' 936).
Si l'incident n'a pas été évité l'exception de péremption
peut être soulevée à tout moment (' 937 ) et à toute époque par le
défaillant soit en exerçant une voie de recours ordinaire contre le
titre périmé, soit en dehors de l'exercice d'une voie de recours
ordinaire en contestant l'actualité exécutoire du titre devant le juge
des saisies (1 938 ), peu importe, dans l'hypothèse où le jugement

1932
( ) Il s'agit d'éviter que la partie défaillante soit «prise au dépourvu» (Rapport VAN
REEPINGHEN, Pasin., 1967, 429) par un demandeur peu scrupuleux qui retarderait la signification
et l'exécution du jugement qu'il a obtenu jusqu'au moment où le défendeur n'aurait peut-être plus les
moyens de prouver son bon droit (documents perdus ou détruits: témoins décédés, etc.). En
pratique, l'omission de signifier, dans l'année, un jugement par défaut peut heureusement s'expliquer
non pas par la mauvaise foi procédurière d'un créancier mais par une attitude qui échappe à la
critique : prise en considération de la situation du débiteur, de ses promesses de paiement ou des
efforts accomplis : méconnaissance de l'article 806 ou oubli d'en prévenir les conséquences, etc.
(' 933 ) Par exemple, en cas de paiement total ou partiel, de promesse de paiement,
d'opposition à une saisie sans que la régularité du titre ne soit contestée (Civ. ch.s., 28 février 1979,
Jur. Liège, 1978-1979, 355, n° 45 : cc jugement a été réformé par un arrêt de la Cour d'appel de Liège
du 16 juin 1982, Jur. Liège, 1982, 457 et obs. G. de LEVAL: voy. aussi Civ. Tournai, ch.s., 14 avril
1984, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1494, !, 5 et J.P. Anderlecht, 2ème
canton, 15 novembre 1984, J.J.P., 1985, 135). Voy. cependant, note 1937.
934
(' ) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 300, n" 402: G. de
LEV AL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies conservatoires et aux
voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p.
74, n° 94; Civ. Liège, 8 janvier 1982, Jur. Liège, 1982, 299 et obs. : Civ. Verviers, Réf., 7 octobre
1982, Jur. Liège, 1983, 122: J.P. 1er canton Bruxelles, 20 janvier 1983, J.J.P., 1983, 257: contra
Trav. Gand, 8ème ch., 29 janvier 1985, T.G.R., 1986, 36: J.L.M.B., 1987, 833: Trib. Trav. Liège, 2
février 1976, Jur. Liège, 1978-1979, 30 et obs. et Trib. Trav. Namur, 11février1987, J.L.M.B., 1987,
p. 693.
1935
( ) Liège, 19 janvier 1987, J.T., 1987, 251 et réf. R.P.D.B., V" Demande reconvention-
nelle n° 26. Comp. et contra, Anvers, 8 mai 1984, R.W., 1985-1986, 1491.
1936
( ) Civ. Bruxelles, 11 février 1983, J.T., 1983, 415 et Avis du Ministère public.
937
(' ) «Le délai d'un an, prévu par l'article 806 du Code judiciaire pour la signification d'un
jugement par défaut, étant prévu à peine de déchéance, cette déchéance n'est pas couverte lorsqu'elle
n'est pas soulevée avant tout autre moyen» (Cass., 10 janvier 1986, Pas., 1986, !, 579 et R.W., 1986-
1987, 105.
1938
( ) Voire même devant le tribunal correctionnel par exemple en cas de poursuites du chef
d'abandon de famille alors que le titre était périmé au moment de sa signification (Bruxelles, 27 juin
1984, J.T., 1984, 639).
448 TRAITÉ DES SAISIES

était périmé avant sa signification, iue le délai légal pour l'exercice


d'une voie de recours soit écoulé (1 9).

B. - La prescription des condamnations judiciaires.


«Tout jugement de condamnation donne naissance à une
action ayant pour objet l'exécution de la condamnation ; cette
action, appelée actio judicati, ne se prescrit que par trente ans à
dater du jugement, encore qu'il s'agisse d'une condamnation pro-
noncée en vertu d'une créance soumise à une prescription plus
courte» (1 940). Ainsi, le jugement transforme les courtes prescrip-
tions en prescriptions trentenaires sauf lorsque le jugement or-
donne l'exécution successive d'une obligation soumise à la prescrip-
tion quinquennale de l'article 2277 du Code civil (arrérages de
pensions alimentaires, intérêts judiciaires, etc.) (1 941 ) mais en ce
cas, le point de départ de la prescription doit être fixé séparément
pour chaque prestation (1 942 ). En toute hypothèse, ces délais sont
susceptibles d'interruption en vertu des articles 2244 et 2248 du
Code civil (1 943 ) et de suspension en vertu des articl~s 2251 et
suivants du Code civil (1 944).

939
(' G. de LEVAL, note sous Trav. Dinant, 3 octobre 1983, Rev. Rég. Dr., 1983, 357.
)
940
(' Cass., 21 février 1985, Jur. Liège, 1985, 369: J.T., 1985, 488, Pas., 1985, !, 765:
)
R.P.D.B., V0 Exécution des jugements et arrêts en matière civile, n°s 6 et 7. Le créancier ayant le
droit d'agir dès le prononcé du jugement, il est normal que le point de départ de la prescription soit
fixé à la date du jugement. Sur la possibilité de renoncer au temps déjà écoulé d'une prescription en
cours, voy. Cass., 23 octobre 1986, Rev. Not., 1987, 39et obs. J.E.
941
(' ) DE PAGE, T. VII, n° 1320: Liège, 23 février 1973, J.L., 1973-1974, 105; Civ.
Bruxelles, 13janvier1972, Pas., 1972, III, 23: Civ. Liège, ch.s., 16 décembre 1981, Jurisprudence du
Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1494/II/2: Civ. Arlon, 10 octobre 1983, Jur. Liège, 1984, 101 :
Civ. Namur, ch.s., 8 novembre 1985, Rev. Rég. Dr., 1986, 45. Toutefois, il a été jugé que l'exécution
de la décision est ouverte pendant trente ans pour les arrérages qui existaient au jour de la
condamnation (Liège, 7ème ch., 24 avril 1986, R.G., n° 15.267/84, Inédit). Infra, note 1973.
942
(' ) J. CARBONNIER, Droit civil, P.U.F., 6ème éd., 1969, p. 507, n° 138.
943
(' ) A cet égard, il importe d'insister sur cc qu'en matière civile, sauf disposition légale
dérogatoire, l'interruption, par une citation en justice enrôlée (sur ce que l'assignation caduque
pour défaut d'enrôlement ne laisse subsister aucun effet interruptif de prescription, voy. Cass. Fr., 3
avril 1987, J.C.P., 1987, II, 20.792 et R.T.D.C., 1987, 401 et obs. R. PERROT) de la prescription
d'une action se prolonge jusqu'à la clôture de l'instance, l'instance n'étant pas clôturée aussi
longtemps que, par l'effet d'un pourvoi en cassation dirigé contre la décision rendue sur l'action mue
par la citation, se prolonge la contestation judiciaire du droit sur lequel se fonde cette action (Cass.,
16 juin 1969, Pas., 1969, I, 695 au sujet de la notion «d'instance en justice» figurant dans l'art. 78.
A.R. du 22 septembre 1937 devenu l'art. 194, A.R. d'exécution C.I.R.; voy. aussi Cass., 11 janvier
1957, Pas., 1957, I, 523 et Cass., 24 janvier 1964, Pas., 1964, L 552: addc. Liège, 17 juin 1986, Jur.
Liège, 1986, 492 et J.L.M.B., 1987, 105 qui relève que la prescription se prolonge jusqu'à cc
qu'intervienne une décision judiciaire définitive). On rappelle enfin qu'il n'est pas nécessaire que
l'acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de prescription (supra n° 214).
944
(' ) Tel est le cas de l'art. 2253, C. civ. aux termes duquel la prescription ne court pas aussi
longtemps que le mariage n'est pas dissout (Liège, 3 juin 1985, J.L.M.B., 1987, p. 561: Civ.
Bruxelles, ch.s., 30 juin 1986, R.G., n° 10.(l93, Inédit et 23 octobre 1986, R.G., n° 24.757, Inédit).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 449

La règle suivant laquelle l'exécution d'un jugement se


prescrit par trente ans quand bien même les droits litigieux seraient
soumis à une prescription plus courte reçoit notamment application
à l'occasion du recours subrogatoire exercé par celui qui a désinté-
ressé la victime d'une infraction contre l'auteur ou un des coauteurs
de celle-ci. Si la victime disposait d'un titre judiciaire contre
l'auteur ou les coauteurs, l'action que pourra exercer le créancier
subrogé ne sera plus l'action en réparation du dommage subi par la
victime, action soumise à la prescription abrégée des actions en
réparation du dommage né d'une infraction (1 945 ), mais l'actio
judicati soumise à la prescription trentenaire (1 946). Il reste que le
créancier subrogé ne doit pas nécessairement obtenir un nouveau
titre ; il succède alors aux droits du créancier désintéressé qu'il peut
exercer pendant trente ans à dater du jugement obtenu par celui-ci
sans avoir à exercer une nouvelle action (1 947).

C. - La contradiction entre des décisions successives (1 948 ).


1. - Une décision judiciaire peut être remplacée par une autre
obtenue à l'issue d'une instance nouvelle motivée par un change-
ment de circonstances. Ainsi, le jugement de condamnation au
paiement d'une pension alimentaire peut être remplacé par un
autre jugement qui majore, réduit ou supprime celle-ci.
Pour déterminer le moment à partir duquel le titre origi-
naire est supplanté dans sa force exécutoire par le titre modificatif,
il est généralement décidé qu'il faut avoir égard non à l'autorité de

945
(' ) L'action civile exercée par une personne subrogée à la victime d'un dommage,
notamment par l'organisme assureur qui a octroyé à cette victime des prestations de l'assurance
maladie-invalidité, n'est pas une action civile distincte de celle de ladite victime ; elle est l'action
même de celle-ci (Cass., 24 septembre 1986, n" 5074).
946
(' ) R.O. DALCQ, Fondement du droit de celui qui a réparé seul le dommage causé par une
faute aquilienne d'obtenir de tout autre auteur du même dommage sa contribution à la réparation, note
sous Cass., 21octobre1965, R.C.J.B., 1966, p. 134, n" 7. Sur la prescription de l'action civile (quelle
que soit sa base juridique) résultant d'une infraction, voy. Cass., 6 décembre 1979, Pas., 1980, I, 430;
Cass., 31janvier1980, Pas., 1, 623 et concl. de M. le Procureur général DUMON ; Cass., 24 décembre
1981, Pas., 1982, 1, 557: Cass., 22 février 1983, Pas., 1983, 1, 709: Cass., 25 avril 1983, Pas., 1983, 1,
958; Cass., 1er juin 1984, J.T., 1985, 256; voy. au sujet de l'assureur-loi subrogé à la victime d'un
accident du travail, Liège, 5 novembre 1985, Jur. Liège, 1985, 649.
(1 947 ) Supra, n" 218 B. En cc cas, l'actio judicati ne se justifie que si le créancier peut obtenir
un titre aux effets plus étendus (p. ex. en matière d'intérêts) que ceux attachés au titre du subrogeant
(Cass., 4 mars 1985, R.G.A.R., 1987, n° 11.174): adde. infra, n° 231/C/4.
948
(' ) Voy. aussi supra, n" 223. Au sujet de l'incidence d'un arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme sur un acte juridictionnel passé en force de chose jugée et déclaré incompatible
avec la Convention, voy. J. VELU, Concl. préc. Cass., 27 janvier 1987, J.T., 1987. 441: voy. aussi
infra, n" 252.
450 TRAITÉ DES SAISIES

chose jugée de celui-ci {1 949 ) mais à son efficacité exécutoire. En


d'autres termes, si une décision exécutoire est remplacée par une
décision non exécutoire, celle-là conserve son actualité exécutoire
aussi longtemps que celle-ci n'est pas exécutoire (1 950). Evidem-
ment, l'exécution du premier titre peut exposer le poursuivant à
une obligation de restitution lorsque le nouveau titre devenu
exécutoire produit ses effets sur la période Rendant laquelle
l'ancien titre conservait son actualité exécutoire ( 51 ).
Une telle situation n'est pas confortable pour les parties. Il
importe de l'éviter en n'omettant pas de solliciter - y compris en
degré d'appel (art. 1401) - l'exécution provisoire pour le nouveau
titre lorsgu'il n'est pas assorti de plein droit de l'exécution provi-
soire (1 95 ). Si le titre nouveau n'est pas immédiatement opéra-
tionnel pour l'exécution, il peut, le cas échéant, justifier une saisie
conservatoire (art. 1414) mais une telle mesure qui ne peut être
mise en oeuvre que s'il y a urgence ( 1953 ) peut se heurter aux règles
de l'insaisissabilité (1 954 ).
2. - Une décision judiciaire peut être modifiée à la suite de
l'exercice de voies de recours. Un problème de «cohabitation»
surgit lorsque les parties aux instances successives ne sont pas les
mêmes.
Tel est le cas lorsque sur le seul appel de l'assureur,
l'assuré n'exerçant aucune voie de recours par ignorance ou par

1949
( ) Pourtant, on pourrait soutenir que l'autorité de chose jugée subsistant tant que le titre
nouveau n'est pas infirmé ou rétracté (art. 24 et 26, C. jud.), celui-ci, même s'il n'est pas exécutoire,
prive d'effet le titre ancien dans les limites du changement opéré (G. de LEVAL, Saisies
conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1978-1979, p. 356, n° 48). A nos yeux, il suffit donc
qu'un titre nouveau ait autorité de chose jugée pour entraver l'exécution d'un titre antérieur mais il
doit être exécutoire pour justifier une mesure d'exécution, notamment la restitution de sommes
indûment versées (adde. infra n° 232/C/3).
1950
( ) Bruxelles, 9 juin 1982, R.T.D.F., 1983, 297; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit
des saisies, J.T., 1980, p. 632, n° 32 B; voy. en matière d'abandon de famille, Cass., 27 avril 1970,
Pas., 1970, I, 739.
1951
( ) Supra, n° 223, i ; A. KOHL, Compétence du juge des référés pour statuer sur une
demande de remboursement d'un trop perçu de provision alimentaire, note sous Anvers, 11 février
1986, R.T.D.F., 1986, 196-197.
952
(' ) Les décisions rendues par le juge de paix en vertu des art. 221 et 223, C. civ. et par le
Président du Tribunal de première instance en vertu de l'art. 1280, C. jud., sont de plein droit
exécutoires par provision. li importe d'ajouter aujourd'hui l'article 203 ter du Code civil (art. 203 ter,
al. 2, C. civ., 1253 bis et 1029, al. 2, C. jud., cbnés). Par contre le jugement condamnant au paiement
d'une pension alimentaire après divorce (art. 301, C. civ.) n'est pas de plein droit exécutoire par
provision. Dans tous les cas, l'exécution provisoire ne peut être suspendue par un cantonnement (art.
1404, al. Ier, initio ; infra, n° 277 A).
953
(' ) Supra, n° 146.
954
(' ) Voy. notamment en matière de pensions alimentaires, supra, n° 85. Infra, n° 278.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 451

crainte d'un appel du ministère public (art. 205, C.l.Cr.) (1 955 ), la


décision rendue par la juridiction répressive sur les intérêts civils est
réformée dans les rapports entre l'assureur et la partie civile alors
que la décision rendue en première instance subsiste dans les
rapports entre l'assuré et la partie civile. Opérant un revirement de
jurisprudence, un arrêt de la Cour de cassation du 17 février 1983
décide que lorsque l'assureur de la responsabilité civile en matière
de véhicules automoteurs a seul interjeté appel du jugement du
premier juge, la décision du juge d'appel mettant cet assureur hors
de cause a pour effet de faire perdre son autorité de chose jugée au
jugement du premier juge en tant qu'il concerne cet assureur et
dans ses rapports avec les parties civiles et l'assuré, pour autant que
cet appel n'ait pas été limité et que l'assuré ait été appelé à
l'instance ou ait comparu volontairement, de sorte qu'il ait eu
l'occasion de faire valoir ses moyens au cours des débats devant le
juge d'appel (1 956 ). Dans cette hypothèse, l'assuré reste tenu vis-à-
vis de la partie civile par la condamnation prononcée en première
instance, ce qui permet à celle-ci d'exécuter son titre contre le seul
assuré (1957) (195!!).
Par contre, lorsque l'obligation d'un tiers (civilement
responsable, caution, assureur, etc.) dépend de l'existence d'une
dette principale d'un débiteur, la décision qui exempte celui-ci de
toute responsabilité rend sans objet la condamnation du tiers même
non partie à l'instance dont procède cette décision. C'est pourquoi,
la partie civilement responsable, condamnée solidairement avec le
prévenu en première instance, profite de l'acquittement de celui-ci
en degré d'appel alors même qu'elle n'était plus partie à ce second

955
(' ) E. KRINGS, Concl. précédant Cass., 17février1983, Pas., 1983, !, 687.
(1 956 ) Cass., 17 février 1983. Pas., 1983, !, 680 et les concl. de M. le Procureur général E.
KRINGS; R.G.A.R., 1985, n°10.954 et obs. P.H. DELVAUX (L'appel interjeté par l'assureur de
la responsabilité civile automobile contre un jugement répressif condamnant son assuré); Cass., 9
février 1985, J .T., 1985, 374 ; contra, Cass., 9 décembre 1977, J.T., 1978, 1, 747 ; Pas., 1978, !, 411 et
note E.K. ; Cass., 22 juin 1978 (deux espèces), J.T., 1978, p. 744 et 746; R.C.J.B., 1980, 329 et note
P.H. DELVAUX, ces arrêts décidaient que l'infirmation du jugement sur l'appel de l'assureur lui
faisait perdre, dans la mesure de cette infirmation, l'autorité de chose jugée qui lui était attachée
entre l'assureur et les parties civiles, mais non celle qu'il revêtait entre les parties civiles et l'assuré et
entre l'assuré et l'assureur.
1957
( ) Ce n'est que si l'assuré n'a pas interjeté appel à la suite d'une faute contractuelle de
l'assureur que celui-ci ne pourra pas opposer à son assuré la décision rendue sur son appel de telle
sorte qu'il devra le dédommager de ce que l'assuré a dû payer en vertu du jugement de première
instance à la partie civile (E. KRINGS, Concl. préc., Cass., 17 février 1983, Pas., 1983, 1, 687).
058
(' ) Sur l'irrecevabilité d'une requête civile formalisée par l'assuré sur base de l'art. 1133,
5°, C. jud., voy. G. de LEVAL, Quelques questions de procédure en matière d'assurance R.C.
automobile, in Garanties et réparation des risques de circuiation, Ed. Jeune Barreau Liège, 1985, p.
66-67 et réf. cit.
452 TRAITÉ DES SAISIES

degré de juridiction (1 959 ) (1 960 ). De même, la cassation de la


condamnation du prévenu entraîne l'annulation de la condamna-
tion de la partie civilement responsable si celle-ci s'est régulière-
ment pourvue mais si elle ne s'est pas pourvue ou si son pourvoi est
irrégulier, sa condamnation est considérée comme devenue sans
objet (1 961 ), c'est-à-dire comme étant dépourvue de toute effica-
cité exécutoire compte tenu de l'évolution de la situation litigieuse.
De manière générale, lorsqu'une décision (ex. tiers saisi
condamné comme débiteur pur et simple des causes de la saisie)
n'est que l'application d'une autre décision (condamnation du saisi
envers le saisissant) ultérieurement rétractée, la décision de rétrac-
tation entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute
décision qui est la suite ou l'application du jugement rétracté
(1962).

3. - La décision du juge du fond statuant en sens contraire par


rapport à la décision de référé peut prévoir que le bénéficiaire de
celle-ci sera tenu à restitution de la même manière que s'il y avait
eu réformation ou rétractation (1 963 ).
4. - L'autorité de la chose jugée en matière civile s'imposant
non seulement aux parties à la décision judiciaire mais aussi à ceux
qui sont subrogés dans leurs droits, il en résulte que la décision
exonérant le prétendu responsable de toute responsabilité sera
opposable à la personne subrogée dans les droits de la victime. La
règle est applicable même si le subrogé a obtenu en cette qualité

959
(' ) Cass., 5 mars 1928, Pas., 1928, 1, 98; Cass., 22 avril 1929, Pas., 1929, 1, 165; Cass., 4
novembre 1929, Pas., 1930, 1, 18; Cass., 5 mai 1930, Pas., 1930, 1, 200; Cass., 27janvier1936, Pas.,
1936, 1, 131 cités par P .H. DEL VAUX, Intervention devant les juridictions répressives de l'assureur
de la responsabilité civile automobile et contradictions de jugements, R.C.J.B., 1980, 351, note 59;
adde. en ce qui concerne le prévenu, Cass., 14 novembre 1984, Pas., 1985, 1, 325.
960
(' ) La même solution vaut pour l'assureur de la responsabilité civile non appelant (Cass.,
28 octobre 1975, Pas., 1976, 1, 260).
961
(' ) Note 5 sous Cass., 4 mai 1983, Pas., 1983, 1, 995 et réf. cil.; Cass., 10 janvier 1977,
Pas., 1977, 1, 515 ; Cass., 21 février 1984, Pas., 1984, 1, 713 (au sujet de l'assureur de la responsabilité
civile en matière de véhicule automobiles) ; Cass., 23 janvier 1985, Pas., 1985, 1, 590; adde. Cass., 31
janvier 1984, Pas., 1984, 1, 605; Cass., 2 octobre 1984, Pas., 1985, 1, 159; Cass., 20 novembre 1984,
Pas., 1985, 1, 349 et Cass., 24 septembre 1986, R.G., n" 5074 (extension de la cassation de la décision
rendue sur l'action civile exercée par la victime à la décision rendue sur l'action civile exercée contre
le même prévenu par une autre partie civile subrogée à la première); A. MEEUS, L'étendue de la
cassation en matière civile, note sous Cass., 18 mars 1983, R.C.J.B., 1986, 272 et 277, n°s 16 à 24 sp.
n°s 19 et 24 et J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, Droit judiciaire privé, Les voies
de recours (1972-1985), R.C.J.B., 1987, p. 193, n" 57.
962
(' ) Cass. Fr., 27 juin 1984, Dall .. 1985, Chron., 199 et concl. de M. !'Avocat général
CHARBONNIER.
(1 963 ) Supra, n" 228 B et note 1908.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 453

une décision favorable à charge du défendeur originaire et n'a pas


été maintenu à la cause à l'occasion du recours ayant abouti à une
décision exonérant celui-ci de toute responsabilité. Certes, l'appli-
cation des règles de l'indivisibilité, entendue dans un sens extensif
et partant critiquable, permet de prévenir un tel incident (1 964 )
mais si ce dispositif n'a pas fonctionné, le juge des saisies devrait à
notre avis déclarer que la première décision favorable au créancier
subrogé a perdu son actualité exécutoire.

D. - Les limites de la règle «le criminel tient le civil en état».


L'article 4 du Code d'instruction criminelle ne reçoit
application que si la décision à intervenir sur l'action publique est
susceptible d'influer sur celle qui sera rendue par la juridiction
civile. La règle «le criminel tient le civil en état» ne s'applique donc
qu'aux actions civiles non irrévocablement jugées au moment où la
poursuite pénale est invoquée et non à la poursuite d'une voie
d'exécution en vertu d'un titre exécutoire qui, s'il s'agit d'un
jugement, ne saurait être privé de ses effets que sur des recours
spécifiques prévus par la loi (1 965). Cette situation n'empêche pas
le débiteur poursuivi de solliciter l'autorisation de pratiquer une
saisie conservatoire sur les sommes dues en vertu du titre exécu-
toire pour autant que les éléments contenus dans sa plainte soient
suffisants pour satisfaire à toutes les conditions de fond de la saisie
conservatoire (1 966 ) qui ne peut non glus être entravée par la règle
«le criminel tient le civil en état» ( 19 ) .

232) L'actualité exécutoire et les pensions alimentaires.

Quoiqu'il s'agisse d'une règle générale, il est bon de


rappeler qu'il n'est nullement interdit de tenter de récupérer une

964
(' ) Cass., 7 avril 1983, Pas., 1983, 1, 822 et les concl. de Mme !'Avocat général
LIEKENDAEL; au sujet de l'indivisibilité, voy. J. van COMPERNOLLE, op. cit., R.C.J.B., 1987,
n° 51, p. 184; adde. Cass., 24 septembre 1986, R.G., n° 5074 et Cass., 12 décembre 1986, R.G., n°
4962.
965
(' ) Cass. Fr., 31janvier1979, Bull., 1979, Il, n° 34, p. 24; Liège, 12 novembre 1982, Jur.
Liège, 1983, 90; Civ. Liège, 22 mars 1978, Jur. Liège, 1978-1979, p. 354, n" 36; Civ. Liège, ch.s., 11
mars 1987, R.G., n° 81.771/87; R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire
privé, R.T.D.C., 1985, p. 452, n° 14 («Le droit est dit; le titre exécutoire se suffit à lui-même;
l'information pénale ne peut avoir aucune incidence sur Je titre qui sert de fondement à l'exécution»).
(1 966 ) Civ. Liège, ch.s., 26 juillet 1979, Jur. Liège, 1978-1979, p. 357, n° 49 ; G. de LEVAL et
J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 75, n° 95 ; infra n° 278.
(1 967 ) Supra, n° 157.
454 TRAITÉ DES SAISIES

créance d'aliments sur l'ensemble du patrimoine du débiteur et


notamment sur ses deux sources de revenus (1 968 ).

Indépendamment des contestations que peuvent susciter


les procédures d'exécution forcée diligentées pour obtenir le
paiement d'obligations successives lorsque les parties divergent sur
la détermination du montant réellement dû compte tenu des
versements délà effectués (1 969 ) ou de l'application des règles de la
prescription ( 970), le recouvrement des pensions alimentaires
entraîne d'autres incidents qui doivent être mentionnés :

A. - Modification de la situation des parties.

Aussi longtemps que le titre exécutoire n'est pas modifié,


le débiteur ne peut faire état de circonstances nouvelles (enfant
subvenant à ses propres besoins ; modification de revenus) pour se
soustraire à l'exécution de son obligation (1 971 ). Le titre non
modifié (1 972 ), quelle que soit son ancienneté et sauf prescription
(1 973 ), conserve son efficacité exécutoire sous réserve du droit

968
(' ) Civ. Liège, 8 février 1984, Jur. Liège, 1984, 487 ; supra, n° 6.
969
(' ) Supra, n°s 225 et 229.
970
(' Supra, n°231 B.
)
971
(' Ch. PANIER, Le devoir de contribution aux charges du mariage, in Cinq années
)
d'application de la réforme des régime matrimoniaux, Bruxelles et Louvain-La-Neuve, Bruylant et
Cabay, 2ème éd., 1982, n" 83; Civ. Liège, 21mars1979, Jur. Liège, 1978-1979, p. 356, n° 47. Il en
irait de même en cas de changement de résidence (art. 1281) aussi longtemps que la pension
alimentaire n'a pas été supprimée ou revisée en vertu de ce texte (G. de LEVAL, Jurisprudence du
Code judiciaire, La Charte, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Art. 1494, n" 2/7 ; Civ.
Bruxelles, ch.s., 4 septembre 1986, R.G., n° 21.830 et 15 septembre 1986, R.G., n° 19.185; Civ.
Bruxelles, 2 octobre 1986, ch.s., R.G., n° 20.409; Civ. Bruxelles, 31 décembre 1986, R.G., n"
30.764); voy. aussi au sujet de l'exception de réconciliation, Civ. Huy, ch.s., 25 avril 1983,
Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Art. 1494, n° 20. Si l'exception de réconciliation n'est pas
contestable, le juge des saisies peut à nos yeux décider que ce moyen prive le titre de son efficacité
exécutoire (comp. et contra, Civ. Huy, ch.s., Ier décembre 1986, R.G., n° 14.291; comp. V.
POULEAU, Obs. sous J.P. Seraing, 26 septembre 1986, J.T., 1987, p. 667, n" 4).
1972
( ) Sur la compétence du juge des référés, malgré l'effet dévolutif de l'appel, pour
supprimer la pension alimentaire allouée dans le cadre des mesures provisoires d'un divorce pour
cause déterminée, voy. Civ. Liège, Réf., 19 septembre 1986, J.L.M.B., 1987, 500.
973
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 30 juin 1986, R.G., n° 19.093; Civ. Bruxelles, ch.s., 2 octobre
1986, R.G., n" 9117: «Attendu que la seule passivité de l'actuelle défenderesse ne saurait être
considérée, en l'absence de tout acte précis, de tout document explicite ou de tout fait non susceptible
d'une autre interprétation, comme ayant constitué dans son chef une renonciation certaine au
bénéfice de la pension alimentaire qui lui était due en vertu des conventions préalables au divorce par
consentement mutuel ; Attendu que la seule sanction de la passivité du titulaire du droit à en exiger
l'exécution réside dans la règle de la prescription quinquennale en matière alimentaire (art. 2277, C.
civ.)» (supra, n° 231 B).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 455

pour le débiteur de réclamer ultérieurement le remboursement des


arrérages qui auraient été indûment payés (1 974 ).
Les parties ne peuvent transiger sur l'obligation alimen-
taire, relative à un enfant, fixée dans une décision de justice. Seule
la décision de justice qui sert de titre à la saisie litigieuse détermine
les droits et obligations respectifs des parties qui ne ~euvent être
modifiés que par une nouvelle décision au fond (1 975 ) ( 976).

B. - Compensation.
Fréquemment, les débiteurs d'aliments prétendent déduire
des sommes dues au titre de pension alimentaire, des versements
effectués en faveur du créancier d'aliments. Or, sauf accord des
parties, une dette alimentaire ne peut être compensée avec des
sommes dues par le créancier d'aliments au débiteur dans la mesure
où la pension alimentaire est soit insaisissable \art. 1293, 3°, C. civ.
et 1410, §1er, 1°, C. jud.) soit due à un tiers ( 977 ).

C. - Procédure de divorce pour cause déterminée.


La procédure de divorce pour cause déterminée peut
exercer une influence sur l'actualité exécutoire du titre en vertu
duquel une pension alimentaire est due :
1 - lorsque la décision fixant les mesures provisoires (art. 1280)
suspend celles-ci à défaut de citation au fond à dater de

974
(' ) M. KRINGS, note sous Civ. Bruxelles, 6 mai 1980, R.T.D.F., 1980, 323; Ch.
PANIER, Les délégations de sommes, in Les voies conservatoires et d'exécution, Bilan et
perspectives, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, 190-192; Civ. Bruxelles, ch.s., 23 octobre 1986,
R.G., n° 24.757; Civ. Bruxelles, ch.s., 1er octobre 1987, R.G., n° 43.087; au sujet de la force
exécutoire des titres successifs, voy. supra, n" 231/C/l.
975
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 23 juin 1986, R.G., n° 20.765, Inédit; Civ. Bruxelles, ch.s., 28
avril 1986, R.G., n" 8431 ; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 23 juin 1986, R.G., n° 20.744 (la matière
étant d'ordre public, un accord entre parties sur la modification de leurs obligations envers les enfants
est inefficace à produire quelqu'effet juridique tant qu'il n'a pas été approuvé et consacré par
justice) ; adde. art. 1258, al. 3, C. jud. et Civ. Bruxelles, ch.s., 25 juin 1987, R.G., n° 36.832. On ne
peut perdre de vue que même si le paiement n'est pas libératoire lorsqu'il est fait directement à
l'enfant alors que le titre prévoit le paiement en mains du parent gardien (Bruxelles, 28 octobre 1986,
J.L.M.B., 1987, 985 et Civ. Bruxelles, ch.s., 29 juin 1987, R.G., n° 29.156), le créancier n'est point
le parent investi de la garde de l'enfant mais l'enfant lui-même (Civ. Bruxelles, ch.s., 25 juin 1987,
R.G., n° 36.832; supra, n° 91 B). A nos yeux, une transaction sur les termes échus et non payés ne
peut être refusée lorsque la question concerne en réalité la contribution à la dette entre parents.
1976
( ) Le juge peut donner acte aux parties de leur accord pour que l'impact de la saisie soit
limité à un montant mensuel raisonnable destiné à assurer tant le paiement des termes à échoir que
l'apurement des arriérés impayés (Civ. Bruxelles, ch.s., 26 juin 1986, R.G. n° 23.075).
1977
( ) Voy. pour un exposé complet, supra, n° 85.
456 TRAITÉ DES SAISIES

l'expiration du délai de suspension du permis de citer (1 978), le


titre exécutoire perd son efficacité pour les pensions échues
pendant la suspension (1 979 ) (1 980 ) ;
2- dès la transcription du divorce (1 981 ), la pension alimentaire
\1
accordée au conjoint 982 ) en vertu de l'article 213 du Code
civil cesse d'être due ( 983 ), même si une demande (principale
ou reconventionnelle en divorce) est encore pendante devant
le juge du fond. Le titre ne produit donc plus aucun effet pour
l'avenir notamment au niveau de l'exécution (1 984). Toutefois,
l'ordonnance du président du tribunal de première instance
statuant en référé sur les mesures provisoires en matière de
divorce, conformément à l'article 1280 du Code judiciaire,
forme un titre exécutoire qui donne lieu à exécution forcée en
vue d'obtenir le paiement des termes échus, même à l'issue de
la procédure en divorce peu importe que la ~rocédure s'achève
par l'admission ou le rejet de la demande ( 85 ) ;

978
(' ) Cass., 11 juin 1976, Pas., 1976, !, 1104; Bruxelles, 2 mars 1971, Pas., 1971, II, 175;
Bruxelles, 5 octobre 1982, Pas., 1982, JI, 109; adde. Proposition de loi insérant un article 1280 bis
dans le Code judiciaire, Doc. Pari., Ch. Repr., Sess., 1986-1987 n° 849/1 - 86/87.
979
(' ) E. POITEVIN et G. HIERNAUX, Divorce et séparation de corps (1980 à 1983), J.T.,
1984, p. 99, n°122; Civ. Bruxelles, ch.s., 19 décembre 1986, A.R., n° 26.421, Inédit.
980
(' ) Par contre, la décision conserve son efficacité malgré l'abandon de la procédure de
séparation de corps immédiatement remplacée par une procédure de divorce pour cause déterminée
(Civ. Liège, ch.s., 28 janvier 1985, Jur. Liège, 1985, 426).
981
(' ) Par contre, le titre conserve son actualité exécutoire lorsque son bénéficiaire a interjeté
appel du jugement autorisant le divorce à ses torts (Civ. Tournai, ch.s., 23 mai 1986, R.G., n°
22.300) sous réserve de l'octroi de dommages-intérêts par la Cour d'appel constatant que l'appel a été
introduit en vue uniquement de prolonger le paiement de la pension (Bruxelles, 25 juin 1974, Pas.,
1975, Il, 49).
(1 982) Par contre, l'ordonnance de référé qui, au cours de la procédure de divorce, a fixé la
part contributive aux frais d'éducation et d'entretien des enfants, demeure efficace après la
transcription (Cass., 28 juin 1971, Pas., 1971, !, 1063; Bruxelles, 2 avril 1974, Pas., 1975, II, 3; Civ.
Liège, Réf., 17 mai 1974, J.L., 1974-1975, 261; Civ. Bruxelles, ch.s., 29 janvier 1987, R.G., n°
29.927). Il a même été jugé que la règle vaut nonobstant les termes de l'ordonnance de référé qui
limiterait à la durée de la procédure l'obligation alimentaire (Civ. Bruxelles, ch.s., 8avril1987, R.G.
n° 36.017). A nos yeux, il y a lieu de distinguer la portée exécutoire du titre des obligations qui en
constituent l'objet. Si le titre exécutoire est limité dans le temps nonobstant la durée illimitée des
obligations, il y a lieu de solliciter soit la réformation du titre, soit, le cas échéant, d'entreprendre une
nouvelle procédure.
(1 983) Cass., 30 avril 1964, Pas., 1964, !, 922 et concl. de M. le Procureur général HAYOIT
de TERMJCOURT; Cass., 10 juin 1977, Pas., 1977, !, 1036; Mons, 29 mars 1976, Pas., 1977, II, 59;
Bruxelles, 24 octobre 1984, Pas., 1985, II, 6.
(1 984) Civ. Liège, ch.s., 18 octobre 1978, Jur. Liège, 1978-1979, 145. A nos yeux, dès la
transcription du divorce, la décision qui fonde celui-ci constitue un titre suffisant pour récupérer
l'indu (comp. Liège, 16 octobre 1985, Jur. Liège, 1986, 85; adde. supra, n° 223).
985
(' ) Cass., 4 novembre 1983, Pas., 1984, 1, 242; J.T., 1985, 76; Gand, 14 juin 1984, R.W.,
1984-1985, 2397 et note M. BAX; Civ. Liège, ch.s., 5 février 1986, Jur. Liège, 1986, 322; voy.
toutefois, Cass., 7 novembre 1946, Pas., 1946, 1, 407 et E. VIEU JEAN, Procès en divorce et mesures
provisoires, R.C.J.B., 1982, p. 453, note 87.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 457

3 - il suffit que les décisions étrangères en matière d'état des


personnes remplissent les conditions auxquelles elles produi-
sent leurs effets dans l'ordre juridique dont elles émanent,
pour qu'elles soient reconnues de plein droit dans l'ordre
juridique interne belge au regard duquel elles jouissent de
l'autorité de la chose jugée même à l'égard des tiers, dès lors
qu'elles satisfont aux conditions énoncées à l'article 570 du
Code judiciaire, sans toutefois qu'il soit besoin de les soumet-
tre à cette fin à la procédure d'exequatur laquelle n'est requise
que lorsque la partie qui s'en prévaut entend, sur sa base,
poursuivre des actes d'exécution sur les biens ou de coercition
sur les personnes, ce qui n'est manifestement pas le cas du saisi
qui se prévaut de la décision étrangère, non pour fonder sur
elle des mesures d'exécution forcée mais bien plutôt pour
s'opposer à pareilles mesures mises en oeuvre par le saisissant
à sa charge.
Une décision belge de reconnaissance d'un jugement étranger
en matière d'état des personnes ne constitue donc pas un
préalable obligatoire à la reconnaissance du titre ; il ne s'agit
(qu'il s'agisse d'une procédure de reconnaissance et d'exequa-
tur) que d'un expédient destiné à faciliter le constat de la force
obligatoire du jugement étranger ; un jugement de reconnais-
sance n'est pas une décision relative à l'état des personnes, il
est revêtu dès son prononcé de l'autorité de chose jugée ;
partant, le juge des saisies ne peut remettre en question la
force obligatoire reconnue par cette décision au jugement
étranger rendu en matière d'état des personnes et qui entraîne
la cessation des effets de l'ordonnance accordant une pension
alimentaire {1 986 ).
D. - Procédure de divorce par consentement mutuel.
1 - La convention préalable à divorce par consentement mutuel
constatée par acte authentique constitue un titre exécutoire
ayant de ce point de vue une force équipollente à jugement et
permettant de pratiquer une saisie-arrêt-exécution en vue
d'obtenir le paiement des pensions alimentaires dues en vertu
de cet acte. Elle n'en demeure pas moins qu'une convention et
non une reconnaissance judiciaire du droit à des aliments ; les

(1 986 ) Civ. Bruxelles. ch.s .. 26 juin 1986, R.T.D.F.. 1986, 403 et obs. M. FALLON
(Actualité du divorce international dans la jurisprudence belge, p. 437-438); Ann. Dr. Liège, 1988,
n" 1 et note Cl. LOVENS; voy. Cass., 29 mars 1973, Pas .. 1973, 1, 725 et concl. de M. le Procureur
général GANSHOF van der MEERSCH. R.C.J.B., 1975, 544. note P. GOTHOT; supra n" 170.
458 TRAITÉ DES SAISIES

pensions qui y sont stipulées constituent des obligations


conventionnelles qui se bornent au paiement d'une certaine
somme en manière telle qu'à défaut, dans une loi particulière
ou dans la convention elle-même, de stipulation relative aux
intérêts moratoires et à leur éventuelle exigibilité de plein
droit, ceux-ci ne sont dus, au taux légal, qu'à dater de la mise
en demeure (art. 1153, C. civ.) (1 987 ) ;
2 - la renonciation unilatérale à la procédure de divorce par
consentement mutuel anéantit l'accord relatif aux droits des
époux après la transcription mais n'opère que pour l'avenir en
ce qui concerne les mesures arrêtées pour le temps des
épreuves. Dès lors, une convention préalable effectivement
mise en vigueur et constatée par un acte authentique, constitue
un titre exécutoire permettant de pratiquer une saisie-arrêt-
exécution en vue d'obtenir le paiement des pensions alimentai-
res dues en vertu de cet acte jusqu'au moment où le créancier a
eu connaissance de l'abandon de la procédure par le débiteur
(1988) ;

3 - un acte modificatif de la convention préalable relative à la


pension alimentaire à payer par l'un des époux à l'autre,
effectivement exécuté après la transcription du divorce, doit
être pris en considération pour déterminer l'actualité exécu-
toire du titre de base (1 989) ;
4 - une saisie-arrêt-exécution pratiquée en vue d'obtenir le paie-
ment d'arriérés de pensions alimentaires même peu élevés est
régulière et son maintien se justifie non seulement pour un tel
arriéré mais aussi, le cas échéant, pour les mensualités à
échoir, compte tenu spécialement des carences antérieures du
débiteur des pensions (1990) ;
5 - lorsqu'une convention préalable à divorce par consentement
mutuel prévoit que la pension mensuelle ne sera pas due
durant le mois pendant lequel le débiteur aura l'enfant chez

987
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 16 juin 1986, R.G., n° 15.883, Inédit; infra, n° 233. Au sujet des
intérêts moratoires, comp. supra n° 224.
988
(' ) Civ. Huy, ch.s., 22 juin 1981, Jur. Liège, 1982, 246 et obs. G. de LEVAL.
989
(' ) Civ. Liège, ch.s., 13 avril 1983, Jur. Liège, 1983, 279 confirmé par Liège, 2 février 1984,
R.T.D.F., 1986, 350 et Avis du ministère public; E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence,
R.C.J.B., 1966, p. 197 n" 37; C. MALMENDIER, Personnes et régimes matrimoniaux, Chronique
de droit à l'usage du notariat, Volume VII (26 mars 1987) p. 136-137, n° 55; comp. et contra Civ.
Bruxelles, 5 juin 1985, J.J.P., 1986, 236.
1991
( ') Civ. Bruxelles, ch.s., 3 juillet 1986, R.G., n" 23.377; supra, n"s 226-227.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 459

lui, et que celui-ci n'a pas honoré son obligation liée au droit
de visite 7_ la pension alimentaire afférente à ce mois est due à la
mère (1 9" 1).

991
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 16 juin 1986, R.G., n" 15.883, Inédit. La délégation ne peut, le
cas échéant, assortir que les obligations relatives à la contribution aux frais d'éducation et d'entretien
des enfants (art. 203, ter al., 1, C. civ. et 1288, 3°, C. jud; supra, note 1895 et infra, note 1998. Sur
l'application des articles 1410, §Ier, 2" et 1412, voy. supra, n"s 85 A et 97).
TITRE II

LE TITRE EXECUTOIRE NON JUDICIAIRE

CHAPITRE 1- L'ACTE NOTARIE.

233) La force exécutoire de l'acte notarié. Généralités. Les conven-


tions préalables au divorce par consentement mutuel. Le
bordereau de collocation.
A. - Indépendamment de son caractère probatoire authenti-
que, l'acte notarié permet à celui ~ui détient l'expédition revêtue de
la formule exécutoire (grosse) (1 9 2) d'assurer, sans autre formalité
habilitante, l'exécution forcée des obligations qu'il constate (1 993 ).
«Chacune des parties en approuvant l'instrumentum dressé par le
notaire signe par avance sa propre condamnation pour le cas où elle
ne remplirait pas ses engagements» (1 994 ) (1 995 ). En tenant lieu
de jugement, l'acte authentique revêtu de la formule exécutoire
présente ainsi une utilité de loin supérieure à l'acte sous seing privé
qui, en cas de défaillance éventuelle du débiteur, ne permet au
créancier d'entamer une procédure d'exécution forcée qu'après
avoir obtenu un jugement exécutoire.
Le rôle du notaire ne se limite pas à donner la forme
authentique à un acte sous seing privé même négocié et conclu en

992
(' ) Seule la grosse à l'exclusion de la minute peut être revêtue de la formule exécutoire,
infra, n" 258, note 2303.
1993
( ) P. WATELET. La rédaction des actes notariés, 3ème éd., Bruxelles, Larcier, 1980,
33: C. REMON, La force exécutoire de racle notarié et son exécution directe. Rev. Not., 1978, 304:
voy. aussi P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Jupiter. 1985, Coll. Exporter, n° 404.
1994
( ) P. GALOPIN, Cours de droit notarial cité par G. BAX. De uitvoerbare krach! van de
notariële akte, Limb. Rechts, 1985, 9: voy. aussi P. WATELET. lb., D. CHABOT-LEONARD,
op. cit., p. 41 et C. REMON, op. cit., Rev. Not.. 1978. 312.
1995
( ) Cette solution est justifiée par l'idée que "le notaire étant un officier public, son
ministère offre des garanties particulières de sécurité et d'exactitude : dès lors, s'il a constaté
personnellement l"existencc et le montant d'une créance, il est inutile d'obliger le créancier à faire
vérifier celle-ci en justice» (G. COUCHEZ. Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985, p. 30, n" 45).
462 TRAITÉ DES SAISIES

dehors de lui. Il doit éclairer les parties sur l'efficacité exécutoire du


titre (1 996).

B. - L'intérêt pour le créancier de disposer d'un acte notarié


se vérifie notamment en matière de conventions préalables au
divorce par consentement mutuel. Celles-ci peuvent être établies
par acte sous seing privé sans ~u'il n'y ait obligation de recourir à
l'intervention d'un notaire (1 99 ). Il n'en demeure pas moins qu'il
est généralement souhaitable de donner une forme authentique aux
engagements souscrits afin que le créancier puisse contraindre, sans
nouvelle procédure ( 1998 ), l'époux ou l'ex-époux récalcitrant à
l'exécution de ses obligations (1 999 ) (2000 ). Par contre, la conven-
tion préalable au divorce par consentement mutuel rédigée sous
seing privé ne constitue jamais - même lorsqu'elle est reproduite à
la suite du jugement admettant le divorce (2001 ) - un titre
exécutoire. Le porteur d'une telle convention peut, le cas échéant,
pratiquer une saisie-arrêt conservatoire (art. 1445) (2002), mais, il
ne peut aborder la phase de l'exécution qu'agrès avoir obtenu du
juge compétent - en règle, le juge de paix ( 003 ) - un jugement
de condamnation, ce qui retarde le moment du paiement et
entraîne des frais supplémentaires (2004 ).

C. - On signale enfin un type spécial d'acte notarié : le


bordereau de collocation ou extrait du procès-verbal de règlement
définitif d'un ordre ; il s'agit d'un titre authentique et exécutoire

1996
( ) Voy. pour un examen d'ensemble du devoir de conseil du notaire, P. HARMEL,
Organisation et déontologie du notariat, Rép. Not., T. XI, Livre V, n°s 34 à 38 ; addc. Bruxelles, 17
février 1987, J.T., 1987, 648; J.L.M.B., 1987, 537; Cass. Fr., 30 juin 1987, Gaz. Pal., 1987, Pan., 237
et 1. MOREAU-MARGREVE, Obligations, in Chronique de droit à l'usage du notariat, Vol. VII
(26 mars 1987) p. 27 à 34 n°s 11 à 12 et p. 40 à 42 n° 15.
997
(' ) J.L. RENS, Précis de droit judiciaire, T. V, Procédures particulières, Bruxelles,
Larcier, 1979, n° 181, p. 184.
1998
( ) En principe, clic serait irrecevable (supra, n" 221). Voy. toutefois au sujet des
obligations alimentaires envers les enfants, l'article 203 ter, C. civ. et 1390 ter, C. jud. (Doc Pari.,
Sénat, Sess., 1984-1985, 904 (1984-1985) n" 2, p. 35). On ne perdra cependant pas de vue l'efficacité
équivalente d'une saisie-arrêt-exécution échelonnée (supra, n° 226) et son régime plus contraignant
envers le tiers (G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 444).
999
(' ) Au sujet de l'efficacité exécutoire des conventions préalables, voy. supra, n" 232 D.

(2000 ) J.L. RENS, op. cit., p. 185, in fine et réf. cit.


(w01 ) Bruxelles, 16 avril 1981, R.T.D.F., 1981, 277; Civ. Liège, ch.s., 8 décembre 1982, Jur.
Liège, 1983, 258 et ohs. G. de LEVAL.
(2'l02) Civ. Liège, ch.s., 12 juillet 1978, Jur. Liège, 1978-1979, p. 366. n° 74.
(2003 ) Civ. Bruxelles, 16 décembre 1980, R.T.D.F., 1981, 288 et note Ch. PANIER.
('r""') J. DE GAVRE, Le divorce et la séparation de corps, Tijds. voor Priv., 1975, p. 245 et
247 à 249.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 463

contre l'acquéreur de l'immeuble saisi ~2005 ) et, pour le solde


restant éventuellement dû, contre le saisi ( 006 ).

234) La créance doit être constatée dans l'acte authentique.


Dès le moment où l'acte notarié constate l'accord des parties
au sujet d'une créance certaine, exigible et liquide, il est exécutoire
même s'il ne renferme pas l'engagement exprès de payer une somme
d'argent (2007 ) (2 008). Les intérêts, à défaut de stipulation conven-
tionnelle ou légale relative à leur exigibilité de plein droit, ne sont dus
qu'à dater d'une mise en demeure (art. 1153, C. civ.) (2 009 ).
Par contre, il ne suffit pas que l'acte authentique ne concerne
que l'acte d'affectation hypothécaire garantissant une créance
constatée dans un acte sous seing privé (ouverture de crédit ; contrat
de leasing, etc.). En aucun cas, le contrat de garantie, accessoire de
l'obligation principale ne peut être mis à exécution avant que
l'obligation principale ne puisse l'être en vertu d'un titre ayant force
exécutoire. A défaut d'un tel titre, qui ne bénéficie pas de
l'authenticité exclusivement attachée au contrat accessoire, aucune
procédure d'exécution ne peut être valablement engagée (2010).

(2"") G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n°s 102 et 144.


(2006 ) Cass. Fr., 24 janvier 1898, Dall., 1903, I, 607 et note L.S; M. DONNIER, Voies
d'exécution et procédures de distribution, Litec, 1987, p. 60, n" 126.
(2°07 ) Voy. supra, n° 223 B. Comp. en matière de procès-verbal de conciliation, supra, n"223 jet
infra n°s 241 à 243. Jugé que la convention préalable à divorce par consentement mutuel maintenant
temporairement un immeuble en indivision et mettant à charge d'une partie le remboursement du solde
du prêt hypothécaire ne constitue pas au profit de l'autre partie un titre exécutoire lui permettant de saisir
entre les mains du notaire la moitié du prix de la vente de l'immeuble ; en effet, si un désaccord subsiste sur
la part revenant à chaque partie. il y a lieu de suivre les règles applicables au partage judiciaire (Civ.
Tournai, ch.s., 18 avril 1986, R.G., n" 21.326; comp. supra n° 223, j. note 1856).
(w08 ) En cas de discordance entre le contenu d'un acte sous seing privé ou d'un document
préalable à l'acte et le contenu de l'acte authentique ultérieur. il y a lieu en principe de se référer à cc
dernier qui tient compte de la situation existante au moment où il intervient (voy. p. ex. Comm.
Bruxelles,4février1987, Rev. Not., 1987 ,414 ;adde. ctcomp. Liège, 1ljuin1987, Rev. Not., 1987, 277).
(2<l09) Civ. Bruxelles, ch.s., 16 juin 1986. R.G., n° 15.883, Inédit (supra, n° 232 D 1); comp.
supra n° 224.
(2° 10 ) Mons, 28 juin 1984. J.T .. 1985. 147 et obs. G. de LEVAL (adde. erratum, p. 171) ;
Gand, 24 août 1984. Tijds. voor Not., 1984. 354 et obs. T.H.D. ; Civ. Tournai. ch.s., 7 juin 1985,
R.G., n" 18.162 qui constate qu'il ne suffit pas que l'acte d'affectation hypothécaire se réfère dans un
exposé préliminaire à l'acte sous seing privé d'ouverture de crédit ; en effet. les actes ou documents
de référence conservent leur valeur propre (authentique ou sous seing privé) eu égard à l'opération
juridique dont ils sont porteurs (M. RENARD-DECLAIRFA YT. Force probante et force
exécutoire des actes notariés, Rép. Not., T. XI. L. VI. n"s 141 et 142); Civ. Tournai, ch.s., 4
octobre 1985, R.G., n" 20.323 et Civ. Tournai. ch.s., 15 avril 1986, R.Req .. n" 19.595; voy. aussi
Civ. Liège (Réf.), 11 mars 1983, Jur. Liège. 1983. 201. Comp. Civ. Bruxelles, ch.s .. 27 avril 1987,
R.G. n° 34.482 (On ne peut confondre l'acte d'affectation hypothécaire qui porte seulement
référence à un acte sous seing privé avec l'acte d'affectation hypothécaire, établi après dénonciation
de l'ouverture de crédit, qui reprend et contient de façon précise la créance qu'il garantit à titre
principal). Voy. encore Civ. Bruxelles. 6 avril 1987, J.L.M.B .. 1987. 854.
464 TRAITÉ DES SAISIES

235) L'étendue exécutoire de l'acte notarié.


Si, en principe (2° 11 ), l'acte notarié est plus rapidement
exécutoire que la décision de justice qui, sauf exécution provisoire,
doit être passée en force de chose jugée, il est moins complètement
exécutoire en ce sens qu'il n'est susceptible d'exécution forcée que
par voie de saisie. Seuls les actes notariés qui constatent (même
implicitement) une obligation portant sur une somme d'argent
justifient la délivrance d'une grosse (2° 12). L'acte notarié qui
constate une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner portant
sur autre chose qu'une somme d'argent est dès lors insusceptible
d'exécution forcée. Ainsi, si le vendeur refuse la délivrance de la
chose vendue, l'acte notarié ne constitue pas à lui seul un titre
suffisant pour permettre à l'acquéreur de l'expulser (2° 13 ) (2° 14).
Cette solution n'est pas unanimement admise. Elle est
rejetée par ceux qui, se fondant sur l'article 19, alinéa Ier («Tous
actes notariés feront foi en justice et seront exécutoires dans toute
l'étendue du Royaume») et l'article 25 («Les grosses seules seront
délivrées en forme exécutoire : elles seront intitulées et terminées
dans les mêmes termes que les jugements des tribunaux») de la loi
contenant organisation du notariat, estiment que l'étendue exécu-
toire de l'acte notarié doit être définie par cette loi qui l'assimile
entièrement à un jugement et non par la cinquième partie du Code
judiciaire relative aux saisies conservatoires et aux voies d'exécu-
tion qui peuvent être mises en oeuvre sur base d'un acte notarié
portant obligation de somme (art. 1386 et 1564, al. 2) (2° 15 ). Ainsi,

(2° 11 ) Infra, n° 236.


(2'112 ) F. DUMON, Avis du ministère public précédant Gand, 2 décembre 1953, J.T., 1954,
189 et réf. cit. ; SCHICKS et VANISTERBEECK, Traité formulaire de la pratique notariale, 1924,
Droit notarial, T. I, p. 418 et s.
2013
( ) Gand, 2 décembre 1953, J.T., 1954, 189 et concl. de M. !'Avocat général DUMON;
Bruxelles, 14 juin 1924, Rev. Not., 1924, 405.
21 14
( ' ) En ce qui concerne l'expulsion du saisi à l'issue de la saisie-exécution immobilière, voy.
G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n"s 328 et 461 ; Aspects actuels du droit des saisies,
J.T., 1980, p. 650, n° 78; Civ. Arlon, 4 septembre 1984, J.L., 1984, 553 et J.P. Alost, 9 août 1984,
R.W., 1986-1987, 814.
(2015 ) H. DE PAGE, T. III. n°s 89 et suiv.; G. GALOPIN, Eléments de droit notarial, Liège,
Vaillant-Carmann, 1905, n"280; C. HAUCHAMPS, Droit notarial, Bruxelles, Bruylant, 1936, p. 63, n°
511 ;C. REMON,op. cit., Rev. Not., 1978,sp. p. 309à314 ;G. BAX, op. cit., Limb. Rechtsl., 1985,p. 5,
Set 9; voy. aussiJ. DE BRABANDERE, Rapport préc., C.E., 10juillet1984, Rev. Not., 1985,p. 371,
n° 3/9, p. 381, n°11.10, p. 394, n° 17.1; J. DEMBLON, L'acte notarié (notes de cours), U.C.L. Cabay,
1982, 205 à 208; J. DEMBLON, L'exécution de l'acte notarié peut-elle intervenir directement et peut-
elle être suspendue? Note sous Civ. Bruxelles, 29 juin 1987, Ann. Dr. Liège, 1988, n° 2; comp. D.
CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 39 à 45 qui expose les deux thèses sans prendre position; adde. la
formulation prudente de J. DEMBLON, Synthèse et conclusions, Rev. Not., 1986, 304: «Ainsi, encore
l'acte notarié bénéficierait-il (s'il n'en bénéficie déjà) de la même force exécutoire que le jugement en
principe du moins car les deux situations ne sont pas totalement équivalentes».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 465

la convention préalable au divorce par consentement mutuel


constitue, lorsqu'elle est passée en forme authentique, un titre
suffisant pour exercer une mesure de coercition sur la personne en
vue d'assurer le respect du droit de garde ou du droit de visite
(2016).
Il est symptomatique de constater que l'exécution de l'acte
notarié n'est envisagée que dans le cadre des saisies qui est le type
d'exécution le plus complètement réglementé. Il serait paradoxal,
dans le silence de la loi, qu'il soit susceptible d'exécution directe
alors que cette matière ne fait l'objet d'aucune réglementation
précise et que les modalités d'exécution, qui sont exclusivement
liées aux circonstances de la cause telles qu'elles se présentent au
moment où naît le contentieux, ne se conçoivent pas sans le
concours du juge, au surplus seul compétent pour assortir d'une
astreinte la condamnation ayant pour objet une obligation de faire,
de ne pas faire ou de donner portant sur autre chose qu'une somme
d'argent (2° 17) (2° 18 ) (2° 19 ). Il faut ajouter que même dans la
thèse de l'assimilation de l'étendue exécutoire de l'acte notarié à
celle du jugement, les contestations suscitées par la mise en oeuvre
des clauses de celui-là, en cas de défaillance du débiteur, le privent
généralement de toute force exécutoire (2° 20 ). Ainsi, en pratique,
la seule modalité d'exécution possible pour l'acte notarié est la
procédure de saisie.
Si «dans la pratique, ce ne sont guère que les actes notariés
contenant une constitution d'hypothèque qui servent de base à une
procédure d'exécution forcée par saisie des biens du débiteur»
(2°21 ), il va de soi que l'acte notarié exécutoire peut justifier toute

2016
( ) Gand, 14 juillet 1951, Tijds. Not., 1952, p. 7; Corr. Anvers, 21juin1968, R.W .. 1968-
1969, 898. Adde. la loi du 31mars1987 modifiant l'article 369 bis du Code pénal (M.B., 24 avril 1987,
6156).
(2° 17) P. WATELET. op. cit.. Ed .. 1980, p. 35. L'argument invoqué par cet auteur suivant
lequel le recours à l'exécution directe sur base de l'acte notarié pourrait empêcher le débiteur de
solliciter des termes et délais - l'article 1244 étant applicable à toute espèce de dette. C. REMON.
op. cil., p. 316, note 43 et réf. cil. ; supra n" 19 note 131 ; - nous paraît toutefois non pertinent car le
débiteur ne peut renoncer, à l'avance, à demander des termes et délais (voy., n" 236/2"). On relève
cependant que l'article 1334 envisage «l'exécution ou la saisie».
2018
( ) Cette considération peut être nuancée en matière de divorce par consentement mutuel
compte tenu du rôle essentiel tenu par le notaire dans cette procédure minitieusement réglementée
(supra, note 2016).
21 9
( " ) Sur les modalités d'exécution forcée autrement que par voie de saisie, voy. G. de
LEVAL, obs. sous Civ. Huy, 27 avril 1981. Jur. Liège, 1982, 461.
21120
( ) C. REMON, op. cit., Rev. Not., 1978, 315; infra, n" 236.

(w21 ) D. CHABOT-LEONARD. op. cit., p. 45.


466 TRAITÉ DES SAISIES

procédure de saisie ayant pour objet le paiement d'une somme


d'argent (2°22 ) quelle que soit la qualité de la créance cause de la
saisie.
Enfin, il importe de rappeler que l'acte notarié exécutoire
permet a fortiori la mise en oeuvre d'une saisie conservatoire grâce
à laquelle le créancier se prémunit contre l'insolvabilité de son
débiteur (2°23).

236) Immédiateté exécutoire et suspension de la force exécutoire de


l'acte notarié.

L'acte notarié est immédiatement exécutoire en ce sens


que dès que la partie ne respecte pas son engagement, elle est
passible d'une mesure d'exécution qui n'est soumise à aucune
formalité préalable, pas même la signification du titre. «Un acte
authentique qui relate l'engagement pris par une partie et qui a été
signé par elle ne doit évidemment plus être porté à sa connaissance.
A l'opposé de ce qui est admis pour le jugement, la partie qui a
signé un acte authentique est supposé en connaître le contenu»
(20'24).
Indépendamment de la prohibition de toute mesure d'exé-
cution abusive (2°25 ), le principe de l'immédiateté exécutoire est
assorti d'importantes exceptions :
1- en cas d'inscription de faux. «En cas de plaintes en faux
principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue
par la mise en accusation ; et, en cas d'inscription de faux, les
tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provi-
soirement l'exécution de l'acte» (art. 1319, al. 2, C. civ. ; voy.
aussi art. 19, al. 2 de la loi contenant organisation du notariat).

(2° 22 ) Ainsi, le créancier peut entamer une procédure d'exécution sur la rémunération du
débiteur sans diligenter au préalable une procédure de saisie-exécution immobilière sur le bien
affecté à la garantie hypothécaire (Civ. Bruxelles, ch.s., 6 février 1987, R.G., n" 31.155).
(2°23 ) Supra, n" 168 et note 1346.
(2°24) Réponse du Ministre à !'Avis du Conseil d'Etat en date du 29 juin 1964, Pasin., 1967,
895 (adde. dans le même sens, Civ. Liège, ch.s., 22 juin 1987, R.G .. n" 83.816/87 et réf. D.
CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 120 et note 165: G. de LEVAL, La saisie-arrêt, 1976, p. 263, n"
171): l'article 1564, alinéa 2 applique cc principe (Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 889). Pour la
même raison, l'acte notarié qui fonde une saisie conservatoire (supra, n" 168), ne doit pas être
signifié à l'instar de cc qui est prévu pour le jugement dans les cas prévus par les articles 1424 et 1432
(D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 329: contra, K. BAERT, op. cit., T.P.R., 1980, p. 294, n"
37). Il importe de réserver l'application de l'article 877, C. civ .. Voy. aussi infra, n°s 259 D et 285/l.
2025
( ) Supra. n" 7.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 467

Alors qu'au pénal, l'exécution est suspendue par l'arrêt de la


chambre des mises en accusation, au civil, le tribunal saisi de la
demande principale ou incidente en faux civil (2° 26), apprécie
s'il y a lieu de suspendre provisoirement l'exécution de l'acte
dans l'attente d'une décision sur la demande. La règle est
entièrement justifiée car si la force probante de l'acte authenti-
que est ébranlée, sa force exécutoire qui en résulte est
nécessairement atteinte (2°27 ) ;
2 - en cas de demande de délais de grâce formée, à peine de
déchéance, dans les quinze jours à partir du commandement ou
s'il n'y a pas lieu à commandement, à partir du premier acte de
saisie signifié au débiteur (art. 1334) (2°28 ). L'effet interruptif
peut être attaché à la demande puisqu'aux termes de l'article
1335, «l'interruption volontaire ou forcée des poursuites par le
créancier au cours d'une demande principale en obtention de
délais de grâce, n'entraîne pour lui aucune déchéance ; il jouira
lors de la reprise de ces poursuites, d'un nouveau délai égal à
tout le délai dont il disposait initialement pour les diligenter»
(adde. art. 1567, al. 2, C. jud.). C'est spécialement lorsque la
demande est manifestement irrecevable parce que formalisée en
dehors du délai prescrit à peine de déchéance (2°29 ) ou
manifestement non fondée que le créancier pourra refuser de
suspendre la procédure qu'il diligente (2°30 ). Il importe enfin

6
(,." ) Jugé que «le demandeur en faux civil ne doit pas démontrer l'intention frauduleuse,
mais il doit prouver l'altération de la vérité. Si l'une des parties, après qu'elles eurent signé les
exemplaires d'une convention, a modifié ceux-ci en y portant un ajout, le demandeur en faux civil
doit rapporter la preuve que la mention ainsi ajoutée n'est pas conforme à cc dont les parties étaient
convenues» (Bruxelles, 20 avril 1980, J.T., 1980, 176).
027
(' ) «Les deux vertus nécessaires de l'authenticité résident dans sa force probante et sa
force exécutoire. Les deux vont de pair et sont indissociables. Toutes deux trouvent leur fondement
profond dans l'authenticité de l'acte et les garanties qu'elle confère» (C. REMON, op. cit., Rev.
Not., 1978, p. 303; adde. R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé,
R.T.D.C., 1985, p. 453, n° 14, Il; comp. supra, n°s 157 et 231 D).
(2°28) A ce sujet, voy. supra, n°s 18 à 20 et les réf. cit.
029
(' ) Le demandeur ne pourrait échapper à la forclusion qu'en établissant l'existence d'un
cas de force majeure, c'est-à-dire un événement insurmontable et imprévisible (Civ. Huy, 29 octobre
1979, J.T., 1980, p. 630, n° 25). Il importe toutefois de préciser que la forclusion ne concerne que les
sommes réclamées dans le commandement (Civ. Liège, ch.s., 9 mars 1987, R.G., n° 81.520/87).
(""") G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n° 141C.L'art.1335, C. jud. reproduit
l'ancien article 1244, al. 5, C. civ. (art. !cr, L. 30 juillet 1938). Au sujet de cette disposition, on lit dans les
travaux préparatoires (Pasin., 1938, 221): «Le projet ne déroge en aucun cas aux principes généraux qui
sont à la base de la procédure civile et qui s'opposent à cc qu'une demande dont le fondement n'est pas
encore établi, entraîne de plein droit sursis aux poursuites, de même qu'ils s'opposent à cc que l'octroi de
délais relève rétroactivement des déchéances encourues avant la demande. Les cas où le créancier
continue les poursuites nonobstant une demande de délai sont extrêmement rares, à cause du risque
auquel s'expose le créancier de voir annuler, en cas d'octroi de délais, les actes de poursuite faits depuis la
demande. Le débiteur trouve d'ailleurs dans le droit commun le moyen d'arrêter les poursuites en
demandant un sursis provisoire qui peut être accordé jusqu'à cc que le rejet soit définitif».
468 TRAITÉ DES SAISIES

d'insister sur ce que l'existence d'une clause conventionnelle de


déchéance du terme contenue dans un acte notarié ne fait pas
obstacle à une mesure de surséance ordonnée par le ju~e des
saisies conformément à l'article 1334 du Code judiciaire ( 031 ) ;
3 - en cas de contestation portant sur la régularité, les conditions de
fond ou l'actualité exécutoire du titre. Dès qu'un moyen sérieux
de forme (2°32 ) ou de fond est susceptible de priver le titre de
sa force exécutoire, le juge des saisies peut ordonner la
suspension voire même la mainlevée de la procédure d'exécu-
tion forcée. Cette hypothèse étrangère à l'inscription de faux
est expressément prévue à l'article 1567, alinéa 2 et générale-
ment admise en doctrine et en jurisprudence ; il importe
d'éviter une mesure d'exécution injustifiée en prévenant les
conséquences extrêmement graves qui en résultent (réalisation
de biens dans de mauvaises conditions ; préjudice moral ;
difficultés de restitution, etc.).
Les limites de l'authentification (date, origine de l'écriture,
comparution et déclaration des parties mais non validité et sincérité
du nogotium ni réalité des faits non constatés par le notaire) (2°33 ),
l'absence de voies de recours suspensives contre l'acte notarié et la
survenance d'éléments nouveaux entre la conclusion d'un accord et
la naissance du litige (2034 ), expliquent la fréquence d'incidents -

2031
( ) Mons, 13 octobre 1987, R.G., n° 8458; Civ. Liège, ch.s., 3 mars 1982, Jur. Liège,

1982, 261 ; Civ. Liège, ch.s., 9 mars 1987, R.G., n° 81520/87; G. de LEVAL, Obs. sous Liège. 4 mai
1984, Jur. Liège, 1984, 380, n" 2, in fine; adde. Liège, 7ème ch., 12 juin 1986 (R.G., n" 16.930/85)
qui, en matière de prêt à tempérament (art. 19, Ier, L. 9 juillet 1957), décide à juste titre «que la
déchéance du terme, même pour les cas où elle est autorisée, ne peut avoir d'effet automatique, à
peine d'aller à l'encontre des dispositions de l'article 1244 du Code civil qui est d'ordre public».
2032
( ) Voy. p. ex. au sujet d'une procuration hypothécaire irrévocable non signée par
l'épouse, Gand, 12 janvier 1985, T. Not., 1985, 135 et Rec. Enr., 1986, n° 23.267, p. 24. Sur la
conséquence du défaut de constatation ou d'approbation des ratures (art. 16 de la loi du 25 ventôse an
XI), voy. Cass., 12 novembre 1982, Pas., 1983, 1, 324: J.T., 1984, 412: adde. Cass .. 19 décembre
1986, Rev. Not., 1987, 356 (les ratures ou les corrections non approuvées portées sur une décision de
justice sont réputées non avenues).
2 33
( " ) M. RENARD-DECLAIRFAYT, Force probante et force exécutoire des actes nota-
riés, Rép. Not., T XI, Livre VI, première partie. n"s 21, 76 à 78: J. GHESTIN et G. GOUBEAUX,
Traité de droit civil, Introduction générale. L.G.D.J., 1977. p. 496, n" 617; M. HANOTIAU, Vers
une autre authentification, in Société Notariat Université, Cabay, Bruylant, 1986, 152-153:
Bruxelles, 10 septembre 1986, Turn. Rechtsl., 1987, p. 9 (recevabilité de l'aveu judiciaire contre le
contenu de l'acte authentique). Sur les obligations du notaire, voy. P. HARMEL et R. BOUR-
SEAU, Les sources et la nature de la responsabilité civile des notaires, Faculté de Droit de Liège, 184
à 210. Une décision du juge des saisies de Tournai du 16 mai 1986 (R.G .. n" 19.460) rappelle que le
notaire ne vérifie pas la sincérité des déclarations auxquelles ne s'attache dès lors qu'une force
probante réduite. Voy. aussi infra. n° 237 (actes notariés reçus à l'étranger).
034
(' ) Civ. Liège, ch.s., 24 juin 1985, Jur. Liège, 1986, 562 et Rcv. Not., 1986, 42: Civ. Liège.
22 décembre 1986. R.G .. n° 72795/85.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 469

en principe non suspensifs (2°35 ) en tant que tels mettant en


question l'efficacité exécutoire de l'acte notarié. Tel est le cas
«lorsque la convention relatée à l'intérieur de l'acte est attaquée
comme nulle soit au fond, soit en la forme ou inexistante pour
absence de consentement» (2°36). De même, à l'occasion de la
mise en oeuvre d'une clause de déchéance du terme rendant
exigible la totalité du capital, le juge des saisies peut, indépendam-
ment de l'octroi éventuel de délais de grâce, vérifier si les
conditions de mise en oeuvre de la clause litigieuse sont effective-
ment réunies ou si la poursuite du créancier n'est pas abusive
(2°37 ). Il va de soi cependant que pour que le juge puisse
suspendre l'exécution d'un acte authentique à raison de l'attaque
dirigée contre la validité de la convention qu'il renferme ou contre
l'applicabilité au cas d'espèce d'une stipulation conventionnelle, il
faut que cette attaque soit sérieuse ; le juge appréciera la valeur des
moyens invoqués pour faire déclarer la convention nulle ou
inexistante et ne prononcera la suspension ou la mainlevée que si
les moyens sont suffisamment fondés pour priver l'acte notarié de
sa force exécutoire (2°38 ) (2°39 ).

(2°35 ) Supra, n° 228 A; adde. G. de LEVAL, obs. sous Liège, 4 mai 1984, J.L., 1984, 379,
n° !. Toutefois, l'opposition au commandement préalable à la saisie-exécution immobilière suspend
la durée de validité de celui-ci (art. 1567, al. 2 et Civ. Bruxelles, ch.s., 15 juin 1987, R.G., n°s
146.830 et 22.156) et l'opposition à saisie-arrêt-exécution (art. 1541) empêche le déssaisissemcnt du
tiers saisi sans pour autant mettre fin à l'effet d'indisponibilité.
(2°36) C. REMON, op. cit., Rev. Not., 1978, 308-309; P. WATELET, op. cit., p. 35; G.
BAX, op. cit., Limb. Rechtsl., 1985, 7; voy. au sujet d'une convention organisant par acte
authentique une séparation de fait, J.P. Namur (premier canton), 14 mars 1985, Rev. Rég. Dr., 1986,
164 et note J.D.
(2°37 ) G. de LEVAL, obs. sous Liège, 4 mai 1984, J.L., 1984, 377.
(2°38 ) Pandectes belges, V0 Acte authentique, n°s 521 et 522 auxquels se réfèrent Civ. Liège,
ch.s., 9 février 1983, R.G., n" 52.733/82 et Civ. Liège, ch.s., 6 mars 1985, R.G., n° 63.080/84; Civ.
Liège, 9 décembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, 139.
2039
( ) Il a été jugé (Civ. Liège, ch.s., 24 juin 1985, Rev. Not., 1986, 42; J.L., 1985, 562)
qu'une clause de déchéance du terme pour défaut de paiement de l'emprunteur ne peut, en cas de
contestation du débiteur, être mise en oeuvre que sur base d'une décision du juge du fond prononçant
la déchéance du terme ou la résolution de la convention de prêt. Cette exigence ne se justifie que si
les moyens invoqués paraissent suffisamment fondés. De manière plus nuancée, il a été jugé (Civ.
Liège, ch.s., 20 octobre 1986, R.G., n° 65.468/84) que «dans l'hypothèse d'une contestation sérieuse
résultant d'une procédure pendante devant le juge du fond, le juge des saisies peut considérer que la
créance n'apparaît plus certaine au sens de l'article 1494 du Code judiciaire et ordonner la suspension
de la procédure d'exécution jusqu'au jugement au fond». Adde. Civ. Liège, ch.s., 22 décembre 1986,
R.G., n° 72.795/85 (en présence d'une contestation sérieuse sur !'imputabilité d'une accumulation
d'arriérés, la créance en capital n'est pas exigible; il appartient au créancier de se pourvoir au
préalable devant le juge du fond) et Civ. Bruxelles, ch.s., 29 juin 1987, Ann. Dr. Liège, 1988, n° 2 et
note J. DEMBLON (l'acte notarié ne saurait donner lieu à exécution forcée en cas de contestation du
contenu de la clause (des conventions préalables au divorce par consentement mutuel) relative aux
fins de contribution et d'entretien des enfants ou de l'étendue de son applicabilité à une hypothèse
précise).
470 TRAITÉ DES SAISIES

Ainsi, l'acte notarié qui renferme une convention de


cession de fonds de commerce conserve son efficacité exécutoire
dès lors que le débiteur a été débouté par un jugement ~même
entrepris, art. 26, C. jud.) de sa demande de résolution (2°4 ). Par
contre, lorsque l'acte notarié contenant ouverture de crédit est
attaqué en nullité devant le juge du fond, le juge des saisies peut,
compte tenu de l'urgence et du sérieux de la contestation (violation
art. 215, § 1er, C. civ.) suspendre la vente publique de l'immeuble
(2041).
En synthèse, «l'acte authentique peut, dans son exécution,
donner naissance à des difficultés. Il peut être conçu en termes
ambigus, le débiteur peut opposer une quittance, la compensation
ou autres moyens de droit ; les tribunaux doivent nécessairement
interposer leur autorité et interpréter l'acte» (2°42 ).

En pratique, le juge des saisies peut décider :


- que l'opposition est non fondée et que la voie d'exécution
entreprise est régulière car les moyens invoqués ne présentent
pas un sérieux suffisant ;
- que l'opposition est fondée et qu'il y a lieu d'ordonner la
mainlevée de la saisie-exécution (qui ne peut être disqualifiée et
rétrogradée en saisie conservatoire) car les moyens invoqués
permettent de conclure que les conditions strictes (de forme et de
fond, art. 1494, C. jud.) qui constituent le préalable obligé à une
voie d'exécution ne sont pas réunies ;
- que les moyens invoqués ne permettent pas en l'état de statuer
dans un sens ou dans un autre et qu'une suspension de la voie
d'exécution doit être ordonnée dans l'attente d'explications ou
d'informations complémentaires (production d'un jugement au
fond à intervenir ; résultat d'une mesure d'instruction, etc.)
(2043).

(2040) Civ. Liège, ch.s., 6 mars 1985, R.G., n" 63.080/84.


(2°41 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 20 mai 1985, R.G., n" 6058, confirmé par Bruxelles, 5 mai 1987,
J.L.M.B., 1987, 1210; J. DE GAVRE, Le mariage et le divorce: leurs conséquences sur la relation
banque-client, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, 133 à 136.
(2°42 ) FUZIER HERMAN, Répertoire, V0 Acte authentique, n" 419 cité par F. DUMON,
op. cit., J.T., 1954, 190; voy. aussi C. REMON, op. cit., p. 315. De lcge ferenda, voy. M.
HANOTIAU, Vers une autre authentification, in Société Notariat Université Cabay, Bruylant, 1986,
p. 154 à 161 qui suggère que l'acte authentique ait une force équipollente à celle d'un jugement rendu
en dernier ressort; adde. J. DEMBLON, Synthèse et conclusions, Rev. Not., 1986, 303-304.
(2043 ) Civ. Bruxelles, 27 avril 1972, Pas., 1972, III, 56.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 471

En tout état de cause, la partie intéressée conserve la


faculté d'agir au fond pour obtenir un titre exécutoire judiciaire.
Certes, si le juge des saisies a constaté l'extinction ou l'inexistence
de la dette, on ne conçoit pas que la même contestation puisse être
à nouveau plaidée devant le juge du fond mais une telle éventualité
est exceptionnelle car l'examen de la régularité et de la validité de
la mesure d'exécution par le juge des saisies (2°44 ) qui doit
seulement vérifier s'il y a concordance entre les prétentions de la
partie poursuivante et le titre invoqué laisse entière la question si le
bénéficiaire du titre est ou non effectivement créancier (2 045 ).

237) Actes notariés reçus à l'étranger.


L'acte notarié reçu et exécutoire à l'étranger est dépourvu
de force exécutoire en Belgique. Il peut être revêtu de celle-ci en
vertu d'une décision de justice dans les cas prévus par l'article 586
qui énonce:
«Le président du tribunal de première instance, saisi par voie de
requête, statue sur les demandes d'exequatur ou de visa:
10
2° des actes authentiques passés en pays étranger, par lesquels
des hypothèques ont été consenties sur des biens situés en Belgique
ou qui contiennent consentement à radiation ou réduction de telles
hypothèques. Le juge vérifie si les actes et procurations qui en sont
le complément réunissent toutes les conditions nécessaires pour
leur authenticité dans le pays où ils ont été reçus.
3° de tous autres actes authentiques que ceux énumérés au 2° ci-
dessus, passés en pays étranger, pour autant qu'il existe avec ces
pays un traité réglant l'exequatur de ces actes» (2°46 ).

(2''44) Cass., 29 septembre 1986, J.T.T., 1987, 245.


(2045 ) Comp. Civ. Liège (Prés.), 19 décembre 1986, R.G., n° 73.242/85: «Lorsque les
moyens invoqués par l'opposant ne lui semblent pas sérieux, le juge des saisies déclare, par une
décision définitive, que la voie d'exécution pratiquée est régulière. Au contraire, s'il décide que
manifestement la dette n'est pas liquide et certaine, il annule la saisie pratiquée. Enfin, lorsque les
moyens invoqués de part et d'autre par les parties révèlent une contestation sérieuse, il peut prendre,
avant dire droit, une mesure de sursis provisoire jusqu'à sa décision définitive, dite ordonnance en
discontinuation des poursuites (art. 19, C. jud.). Même dans cc dernier cas, le juge des saisies ne
soulève pas une question à vider par un autre juge. Il se limite à demander aux parties de l'informer
plus amplement sur le caractère certain et liquide de la dette. En conclusion, lorsque le juge des
saisies est chargé de vider une opposition formée par le débiteur saisi, il n'y a jamais lieu à renvoi de
cette demande devant une chambre de fond du tribunal civil».
(2 046 ) Voy. B. INDEKEU, Bclgische notariële akten in het buitenland en buitenlandse
notariële aktcn in Belgïe, Notarius 1985, 253 à 256.
472 TRAITÉ DES SAISIES

Le texte distingue les actes authentiques en matière hypo-


thécaire des autres actes authentiques en raison des articles 77 et 93
de la loi hypothécaire qui «prévoient que les actes hypothécaires
passés à l'étranger peuvent être déclarés exécutoires en Belgique,
moyennant visa du président du tribunal civil de la situation des
biens, même s'il n'y a pas de traité consacré à cette matière avec le
pays où l'acte est passé. Les autres actes authentiques ne peuvent
recevoir exécution dans notre pays que pour autant qu'il ait un 1
traité» (2°47 ). Indépendamment des traités bilatéraux ( 048 ), il
importe de relever l'article 50, alinéa 1 de la Convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968 (2 049 ) qui dispose que «Les actes
authentiques reçus et exécutoires dans un Etat Contractant sont,
sur requête, revêtus de la formule exécutoire dans un autre Etat
contractant, conformément à la procédure prévue aux articles 31 et
suivants. La requête ne peut être rejetée que si l'exécution de l'acte
authentique est contraire à l'ordre public de l'Etat requis» (2°50).
Mais cet article «n'exige en aucune manière que l'acte juridique
(negotium) instrumenté soit valable. Pas plus que pour les instru-
ments publics du pays requis, l'octroi de la force exécutoire à
l'instrument public étranger ne dépend donc d'un contrôle a priori
de la validité du negotium (qui serait à vérifier selon les lois
applicables en vertu du droit international privé du pays requis).

(2°47 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 398.


(2048) Traité franco-belge du 8 juillet 1899 approuvé par la loi du 31 mars 1900 (art. 16) ; traité
nécrlando-belge du 28 mars 1925 approuvé par la loi du 16 août 1926 (art. 16); traité germano-bclge
du 30 juin 1958 approuvé par la loi du 10 août 1960 (art. 14); traité bclgo-autrichien du 16 juin 1959
approuvé par la loi du 10 août 1960 (art. 7) ; traité italo-belge du 6 avril 1962 approuvé par la loi du 24
juillet 1963 (art. 13). En matière d'aliments, voy. l'art. 6 de la Convention belgo-autrichienne du 25
octobre 1957 approuvée par la loi du 22 avril 1960; l'art. 9 de la Convention belgo-yougoslave du 12
décembre 1973 approuvée par la loi du 3 juin 1975 et l'art. 10 de la Convention belgo-roumaine du 23
mars 1983 approuvée par la loi du 23 mars 1983.
(2°49) La convention s'applique en matière civile et commerciale. Sont exclus de son champ
d'application : - l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les
testaments et les successions ; - les faillites, concordats et autres procédures analogues ; - la
sécurité sociale ; - l'arbitrage (art. 1er ; infra, n" 250). Elle n'est applicable qu'aux actes
authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur (art. 54, alinéa 1). «L'acte authentique
reçu le 5 avril 1972 par un notaire allemand qui prévoyait expressément que la clause exécutoire devra
être délivrée à la créancière sur sa demande unilatérale, a été rendu exécutoire par un notaire le 8
février 1982. Cet acte ayant été reçu avant le Ier février 1973, ne pouvait, bien que déclaré exécutoire
postérieurement à cette date, être revêtu de la formule exécutoire en France, selon les règles de
compétence et de fond édictées par la Convention de Bruxelles non applicables en l'espèce» (Colmar,
4 juin 1986, Gaz Pal., 3-4 septembre 1986, 17) ; voy. aussi J. BAUGNIET, L'exécution des actes
authentiques dans les pays de la C.E.E., Miscellanea W.J. GANSHOF van der MEERSCH,
Bruxelles, Bruylant, 1972, T. Il, p. 711 à 716.
(2°50) L'alinéa 2 précise que <d'acte produit doit réunir les conditions nécessaires à son
authenticité dans l'état d'origine» (il s'agit d'une règle également prévue à l'art. 586, 2" et par les
traités bilatéraux). L'alinéa 3 prévoit que «les dispositions de la section 3 du titre III sont, en tant que
de besoin, applicables».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 473

Bien évidemment, la force exécutoire de l'instrument ne peut se


développer qu'au profit d'un acte juridique valable et la validité de
l'acte est, le cas échéant, exposée à être contestée (elle le reste une
fois l'exequatur accordé). Mais ce n'est pas au juge de l'exequatur
de vérifier cette validité ... Toutefois, comme il ne sert à rien de
donner la force exécutoire à un instrument contenant un acte nul, la
partie contre laquelle l'exécution est demandée devrait être admise,
au stade des recours des articles 36 et 40, à se prévaloir d'un
éventuel jugement de nullité ou à obtenir du juge requis un sursis à
statuer et un délai pour saisir le juge compétent du problème de
validité» (2°51 ).
Il ressort encore de l'article 50 que l'exequatur est subor-
donné à la condition que l'acte authentique reçu dans l'Etat
d'origine ait été préalablement déclaré exécutoire dans cet Etat
(2052).

Ces règles sont transposables à toute demande d'exequatur


d'un acte notarié, qui tout comme dans le cadre de la Convention
de Bruxelles, est introduite par requête unilatérale (2053 ).
Mais alors que la compétence territoriale est déterminée
dans la Convention de Bruxelles par le domicile de la partie contre
laquelle l'exécution est demandée (ce n'est que si cette partie n'est
pas domiciliée sur le territoire de l'Etat requis que la compétence
est déterminée par le lieu de l'exécution ; art. 32, in fine, Conv. 27
septembre 1968), dans les autres cas, elle est généralement détermi-
née par le lieu de la situation des biens ~art. 77 et 93, loi hyp.) ou
par le lieu où l'exécution est demandée ( 054 ).
Enfin, il est intéressant de relever que la vérification des
conditions. nécessaires à l'authenticité de l'acte dans l'Etat d'origine
n'est pas subordonnée à la légalisation de l'acte produit dans la

(2°51 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,


Ed. Jupiter, Coll. Exporter, 1985, p. 211, n° 410: voy. aussi P. GRAULICH, Introduction à l'étude
du droit international privé, Liège, 1978, n" 93/5, p. 143: E. VAN HOVE, Het europees
executieverdrag en het notariat, T. Not., 1985, 262 à 264 et E. GENIN, Traité des hypothèques et de
la transcription, Rép. Not., n" 1510.
2052
( ) La même règle est expressément prévue par les conventions citées à la note 2048.
2053
( ) Au niveau des recours, la Convention de Bruxelles déroge au droit commun en rendant
bilatérale la procédure d'appel de l'ordonnance refusant l'exequatur. D'autre part, l'article 36 exclut
tout recours de la part des tiers intéressés contre la décision accordant l'exequatur, même lorsque le
droit interne de l'Etat où l'exequatur est accordé ouvre à ces tiers une voie de recours (C.J.C.E., 2
juillet 1985, Aff. 148/84- Deutsche Gcnossenschaftsbank c/ Brasserie du Pêcheur; voy. aussi infra,
n° 244 C 1, note 2135 et n° 250 C 1, note 2248).
(2° 54 ) Voy. les dispositions citées à la note 2048.
474 TRAITÉ DES SAISIES

mesure où l'exigence de celle-ci est supprimée par une convention


multilatérale (c'est le cas de l'art. 49 de la Convention de Bruxelles
combiné avec l'art. 50, alinéa 3) (2°55 ) ou bilatérale (2056 ).

CHAPITRE II- LE TITRE ADMINISTRATIF EXECUTOIRE.

238) Le régime de la décision exécutoire.

Sont authentiques non seulement les actes notariés mais


aussi les actes de l'autorité publique (art. 1er, al. 1 de la loi du 25
ventôse) (2°57 ). La force exécutoire n'est cependant pas une
conséquence indispensable de l'authenticité (2°58).
«La décision exécutoire est tout acte juridique qui, éma-
nant d'un agent de l'administration qualifié et agissant en tant que
tel, est susceptible de produire, par lui-même et unilatéralement
des effets de droit et est exécutoire sans intervention de l'autorité
J,.
judiciaire» (2°59 L'exécutoire des actes administratifs est orga-
nisé par la loi (2 60 ).
Le privilège du préalable et le privilège de l'exécution
d'office caractérisent à cet égard les pouvoirs des autorités adminis-
tratives.

(2!155 ) Adde. la loi du 5 juin 1975 portant approbation de la Convention supprimant l'exigence
de la légalisation des actes publics étrangers et de l'Annexe, faites à La Haye le 5 octobre 1961 (Codes
La Charte, Code judiciaire, Législation internationale, li, p. 67). Cette convention maintient
cependant l'exigence de /'apostille alors que l'art. 49 de la Convention de Bruxelles n'exige ni
légalisation, ni formalité analogue (art. 49).
6
("" ) Accord entre le Royaume de Belgique et la République fédérale d'Allemagne sur la
suppression de la légalisation des actes publics, signé à Bruxelles, le 13 mai 1975 (Codes La Charte,
op. cit., l, 9/1-31) et Convention sur la suppression de la légalisation des actes publics entre le
Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement de la République française, signée à
Paris, le 9 novembre 1981 (Codes La Charte, op. cit., 1, p. 9/1-36). Ces deux conventions devraient
être ratifiées par le Parlement pour avoir force obligatoire (voy. Ouest. Pari. Sénat 1982-1983, p.
705). Voy. aussi art. 49 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968; infra, n° 250.
2057
( ) Cass., 17 janvier 1901, Pas., 1901, 1, 106 et concl. M.P.; C.E., 10 juillet 1984, Rev.
Not., 1985, 367 et s. et rapport de M. !'Auditeur J. DE BRABANDERE; A GIRON, Droit
administratif, 2ème éd., Bruxelles-Bruylant, 1885, p. 237, n" 213.
(2°58 ) M. VAN SCHOOR Concl. Prée. Cass., 17janvier1901, Pas., 1901, 1, 108.
2059
( ) A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, 3ème éd., T. 1., n° 376.

e'J61') E. DE FAYS, Le notariat d'Etat. Authenticité et force exécutoire des actes administra-
tifs de gestion économique, Rec. enr., 1942, n" 18324, p. 358; J. DE BRABANDERE, op. cit.,
Rev. Not., 1985, 381n"11.10; infra n" 239.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 475

A. - Le privilège du préalable et ses limites.

«Le privilège du préalable consiste dans le pouvoir qu'a


l'autorité administrative de se donner à elle-même un titre exécu-
toire. L'administration est ainsi dispensée de ce «<préalable»
s'imposant généralement à un particulier : l'obtention de pareil titre
sur recours à la justice. La puissance publique fait l'économie de ce
détour» (2061 ). Il peut s'agir d'une simple faculté pour elle (2°62 ).

Si l'administré conteste les prétentions de l'administration,


il lui appartient de prendre l'initiative d'un recours '1oui, s'il
n'entraîne pas un renversement de la charge de la preuve ( 63 ), ne
suspend pas la force exécutoire de l'acte attaqué.

Ces principes sont assortis d'exceptions. Dans certains cas,


l'intervention préalable du juge est requise (expropriation pour
cause d'utilité publique ; application de sanctions pénales). Dans
d'autres cas, le recours exercé par l'administré produit soit de plein
droit en vertu de la loi (2°64), soit en vertu d'une décision de justice

(2"'") C. CAMBIER, Droit administratif, Bruxelles, Larcicr, 1968, p. 250 qui précise qu'«il
ne faut pas trop généraliser l'incapacité du particulier d'agir par décision exécutoire. Cc pouvoir lui
revient à travers certains vestiges de ce que l'on appelle la justice privée. Ainsi, par le recours à
l'exceptio non adimpleti contractus, par le droit de rétention ... , le particulier se donne-t-il à lui-
même un titre contraignant à l'égard d'autrui». L'auteur ajoute: «Si l'on peut, s'agissant d'une
action mue par la puissance publique, parler du recours au juge pour en obtenir un titre exécutoire,
comme d'un détour, c'est que les jugements des cours et tribunaux tiennent leur force exécutoire non
du juge lui-même, mais du Roi. C'est par la voie de la formule exécutoire apposée sur les décisions de
justice par le greffier - agent de la puissance publique». Il va de soi que «les actes qui émanent
directement du pouvoir exécutif sont exécutoires par eux-mêmes, indépendamment de toute formule,
du moment qu'ils sont légalement portés à la connaissance du public ou des intéressés» (A. GIRON,
op. cit., p. 244, n° 213).
(2062) La délivrance d'une contrainte par laquelle l'Etat et les organismes d'Etat se procurent
à eux-mêmes un titre exécutoire conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi domaniale du
22 décembre 1949, est facultative; au lieu de décerner une contrainte, ils peuvent saisir la justice de
leur demande (Cass., 14 septembre 1976, Pas., 1977, 1, 40; infra, n° 239 A).
(2063 ) C. CAMBIER, lb., p. 250, note 2; D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 47, note
79; contra A. BUTTGENBACH, op. cit., p. 345, n" 377; J. DEMBOUR, Droit administratif,
3ème éd., Liège, 1978, p. 307, n° 221 ; A. MAST, Précis de droit administratif belge, Story-Scientia,
1976, p. 7, n° 8.
(2°64 ) B. JADOT, Le sursis à exécution face aux prérogatives de l'administration, Adm.
Publique, 1982, p. 250 à 253, n"s 26 à 44; J. SAROT, Le caractère suspensif ou non suspensif des
recours juridictionnels dirigés contre les autorités administratives in Rapports belges au Xlème
Congrès de l'Académie internationale de droit comparé, Bruylant 1982, p. 695 à 702; D.
VANDERMEERSCH, L'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étran-
gers, Chronique de jurisprudence, J.T., 1987, p. 593-594, n°s 77 à 82. Voy. aussi supra, n° 94 et
infra, n" 239.
476 TRAITÉ DES SAISIES

ordonnant le sursis à exécution (2065 ), un effet suspensif de


l'exécution.
L'Etat disposant du droit exorbitant de se créer à lui-même
des titres exécutoires, ce droit doit être exercé avec la plus grande
prudence. Il est tenu de régarer le préjudice causé par la délivrance
fautive d'un tel titre (2 66). Au lieu de se délivrer un titre
exécutoire dans des conditions délicates, il peut toujours choisir la
voie judiciaire (2°67 ) notamment pour prévenir tout incident
suspensif.
Toute mesure d'exécution mise en oeuvre sans titre exécu-
toire régulier (contrainte ou décision de justice) peut être constitu-
tive de voie de fait (2068).
B. - Le privilège de /'exécution d'office et son inadéquation au
droit des saisies.
Le titre exécutoire ne se confond pas avec sa mise en
oeuvre, c'est-à-dire l'exécution proprement dite. «Il ne faut pas
perdre de vue, en effet, que le caractère exécutoire d'un acte ne lui
confère qu'une vocation spéciale et protégée à être exécuté par la
contrainte. Cette exécution appelle la réunion de conditions supplé-
mentaires. Dans certains cas, l' Administration ne doit pas les
remplir. C'est là que se trouve le privilège : /'Administration peut
d'office et d'emblée, exécuter son titre exécutoire» (2°69 ). Tel est le

(2°65 ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, L'évolution du référé: renouveau ou


mutation? J .T., 1985, p. 521-522, n°s 17et18 et réf. cit. ; B. JADOT, op. cit., Adm. Publique, 1982. p.
254 et s., sp. n°s 95 à 114; D. VANDERMEERSCH, op. cit., J.T., 1987, p. 594-595, n°s 83 à 88. Voy.
toutefois Doc. Pari. Ch. session 1986-1987, n° 689/l (Projet de loi apportant des modifications, en ce
qui concerne notamment les réfugiés, à la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour,
l'établissement et l'éloignement des étrangers) p. 2, 4, JO et 21à23 (avis du Conseil d'Etat) et art. 63, L.
15 décembre 1980, modifiée par L. 15 juillet 1987. Voy. aussi: proposition de loi insérant dans les lois
coordonnées sur le Conseil d'Etat un article 14 bis prévoyant une procédure de référé en matière
administrative, Doc. Pari. Ch. Sess. 1985-1986, n° 570/l et Sess. 1986-1987, n° 570/2-85-86 (avis du
Conseil d'Etat); J. SAROT, op. cit., Bruylant 1982, p. 703 à 706; P. LEWALLE, Une adjonction
nécessaire aux compétences du Conseil d'Etat : le pouvoir d'ordonner le sursis à exéèUtion? Ann. Dr.
Liège, 1975, p. 289 à 311 et J. van COMPERNOLLE et G. de LEVAL: le référé en matière
administrative: une institution en sursis, Ed. Jeune Barreau Liège, 1987, p. 189 et s..
(2066 ) Bruxelles, 26 janvier 1977, Pas., 1977, Il, 158; J.T., 1977, 589; Civ. Bruxelles, 9 mai
1984, F.J.F., 1985, p. 79.
(2067 ) Cass., 14 septembre 1976, préc.; Cass., 18 février 1986, Pas., 1986, !, 749; E. DE
FA YS, Le notariat d'Etat. Authenticité et force exécutoire des actes administratifs de gestion
économique, Rec. enr., 1942, n° 18324, p. 360 n° 17; obs. A.C. sous Cass., 26 janvier 1983, Rec.
enr., 1985, p. 305, n° 23212; infra n° 239 A.
(2065 ) Infra n° 239 A, note 2080.
(2069 ) C. CAMBIER, op. cit., p. 251 ; Trav. Charleroi, 18 septembre 1975, Rev. Dr. Soc.,
1976, 231.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 477

cas lorsqu'il s'agit de la mise à exécution d'un ordre de police


concernant la démolition d'un immeuble menaçant ruine (2070 ).
Par contre, le privilège de l'exécution d'office est difficilement
applicable lorsqu'il s'agit de contraindre un administré au paiement
d'une somme d'argent. D'une part, le juge des saisies peut accorder
des termes et délais dans l'hypothèse prévue par l'article 1334 du
Code judiciaire lorsque l'exécution a lieu en vertu d'un acte
authentique autre qu'un jugement (2° 71 ) de telle sorte que cette
disposition s'applique aussi aux titres exécutoires de l'administra-
tion notamment en matière fiscale (2°72 ). D'autre part, entre l'acte
exécutoire et la réalisation des biens du débiteur, s'intercale tout le
mécanisme des saisies conservatoires et des voies d'exécution réglé
par le Code judiciaire (2°73 ) lequel régit, sauf texte spécial
oi;Banisant une procédure particulière et généralement simplifiée
(2 4), la traduction concrète des décisions administratives portant
obligation de somme (2° 75 ).

239) Le titre exécutoire en matière fiscale.

A. - Droit commun.
En matière de droits d'enregistrement, la contrainte consti-
tue à la fois le titre exécutoire que l'Etat peut se décerner à lui-

(2070 ) J. DEMBOUR. op. cit.. p. 309 qui précise les conditions d'exercice de cette exécution
d'office.
2071
( ) Cass., 13janvier1972, Pas., 1972. 1, 469.
(2°72 ) Civ. Liège, ch.s., 5 mai 1982, R.G., n" 48.112/81, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. Il, Art. 1395, n° 3/6, p. 10; Civ. Tongres. 17 mars 1983, Bull. Contr., 1985, 284; G. de
LEVAL, Saisies conservatoires et voies d"exécution, Jur. Liège. 1978-1979. p. 354, n" 38; contra
avant le Code judiciaire. Bruxelles, 24 juin 1964. Pas., 1965. Il. 191. Une décision du juge des saisies
de Bruxelles du Ier décembre 1986 (R.G. n° 102.557) s'y réfère en ces termes: «Attendu que les
tribunaux - et en !"occurrence le juge des saisies - ne peuvent substituer un terme de grâce à un
terme de droit établi par une disposition d'ordre public, comme c'est le cas en matière de poursuite
intentée en vue du recouvrement d'une dette d"impôts (Bruxelles, 24 juin 1964, Pas .. 1965, II, 191);
qu'en tout état de cause, le juge des saisies n'a pas compétence pour accorder des termes et délais en
dehors des cas limitativement prévus par la loi (art. 1334 et 1621 du Code judiciaire). lesdits délais ne
pouvant éventuellement être accordés en !"espèce qu'au niveau administratif et sous réserve de la
responsabilité personnelle du comptable chargé du recouvrement des capitaux, revenus, payagcs,
droits et impôts, conformément à !"article 10 de la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de !"Etat
(Civ. Liège, ch.s., li octobre 1978, Bull. Contr.. 1987, 805)». Adde. Civ. Verviers, 6 novembre
1981, Bull. Contr., 1987, 1876; Civ. Bruxelles, ch.s .. 12 janvier 1987. J.L.M.B .. 1987, 288; comp.
Civ. Courtrai, ch.s., 18 novembre 1985. Bull. Contr., 1987. 76.
21
( m) C. CAMBIER. op. cit.. p. 251, note 2.
2 74
( " ) Art. 1410, § 4 (supra. n" 94); art. 195 à 227 de l'A.R. d'exécution du C.I.R. qui pour le
surplus se réfèrent au Code judiciaire.
21175
( ) Infra, n° 239.
478 TRAITÉ DES SAISIES

même (2°76 ) par application du privilège du préalable et le premier


acte de la procédure signifié au débiteur par exploit d'huissier.
Aux termes de l'article 220 du Code des droits d'enregis-
trement : «Le premier acte de poursuite pour le recouvrement des
droits ou amendes fiscales et des accessoires est une contrainte.
Elle est décernée par le receveur chargé du recouvrement ; elle est
visée et rendue exécutoire par le directeur de l'enregistrement et
des domaines et signifiée par exploit d'huissier de justice».
La procédure par voie de contrainte est facultative pour
l'administration ; elle n'exclut pas le recours à l'assignation directe
(2077).
L'exécution de la contrainte a lieu conformément aux
dispositions du Code judiciaire, en matière de voies d'exécution
(2018).
Le titre exécutoire peut faire l'objet d'une opposition
suspensive du débiteur : «l'exécution de la contrainte ne peut être
interrompue que par une opposition formée par le redevable et
motivée, avec assignation en justice. Cette opposition est faite par
un exploit signifié à l'Etat en la personne du receveur qui a décerné
la contrainte» (art. 221, C. Enr.). Le tribunal territorialement
compétent est celui dans le ressort duquel est situé le bureau d'où
émane la contrainte. Pour la détermination de la compétence
matérielle et du degré de juridiction, il y a lieu d'avoir égard au
montant cumulé des sommes dont le paiement est poursuivi par la
contrainte (art. 224, C. Enr.). Si ce montant n'excède pas 50.000
francs, le juge de paix est compétent ; dans le cas contraire, le
tribunal civil est compétent (2°79 ).
La contrainte étant un titre exécutoire, en l'absence duquel
l'administration commettrait une voie de fait en exigeant de
manière directe ou indirecte (par exemple en menaçant de suspen-

2076
( ) Cass., 14 septembre 1976, Pas .. 1977, 1, 40.
(2°77 ) Rapport au Roi précédant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de
greffe, Pasin., 1939, 701 ; Cass., 14 septembre 1976, Pas., 1977, 1, 40; Cass., 18 février 1986, Pas.,
1986, 1, 749; Bruxelles, 22 décembre 1986, J.L.M.B .. 1987, 833; supra. n" 238 A.
( 2078 ) Art. 314, § 5 de la loi générale des douanes et accises; voy. aussi D. CHABOT-
LEONARD, op. cil., p. 46 et réf. cil. Sur l'absence de force exécutoire d'une contrainte non signée,
voy. Civ. Malines, 21mai1985, F.J.F., 1986, p. 368, n" 225.
2079
( ) Voy. Rép. Not., T. XV. L.X, Droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, n"s
951, et 958 à 963. «Il convient de remarquer qu'aucun délai n'est prévu pour former opposition. Le
redevable pourra s'opposer à la contrainte aussi longtemps que l'exécution n'est pas consommée» ( D.
CHABOT-LEONARD. op. cit.. p. 47).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 479

dre ou d'interrompre un service) le paiement (2°80 ), le juge qui


rejette l'opposition n'a pas à prononcer la condamnation de
l'opposant (2°81 ).
Si ce n'est pas le titre exécutoire lui-même qui est contesté
mais la régularité d'un acte d'exécution, tel le commandement
même signifié en même temps que la contrainte, ou le mode
d'exécution, c'est le juge des saisies qui est compétent en vertu de
l'article 1395 (2°82 ). Il en va de même s'il s'agit de solliciter des
délais de grâce (art. 1334) (2083 ). Enfin, indépendamment de
l'application des articles 88, § 2 et 568, C. jud., le juge des saisies
est également compétent pour connaître de toutes les contestations
même sérieuses liées à une procédure de saisie.
La procédure de recouvrement organisée par le Code des
droits d'enregistrement peut être mise en oeuvre pour récupérer
par voie de contrainte toute somme due à l'Etat ou à des or~anismes
d'Etat (art. 3 de la loi domaniale du 22 décembre 1949) (2 84 ) ; elle
est également applicable en matière d'impôts autres que les impôts
sur les revenus (art. 142 du Code des droits de succession ; art. 85 et
88 du Code T.V.A. (2°85 ) ; art. 75 et 76 du Code des droits de

(2'l80) Civ. Liège (Réf.), 10 décembre 1984, R.Req., n"s 21.751/84 et 21.804/84, Inédits; Civ.
Liège (Réf.), 13 février 1984, J.T., 1984, 178; Jur. Liège. 1984. 144; Civ. Liège. Réf., 21 octobre
1985, J.T., 1986, 145; G. de LEVAL cl J. van COMPERNOLLE, op. cit.. J.T., 1985, n" 21. p. 523.
(w81 ) Liège, 6février1985. Rcc. enr .. 1985, n" 23.197. p. 247.
(2°82 ) Note sous Civ. Bruxelles, ch.s., 22 avril 1971. Pas .. 1971. lll, 46 et réf. cil.; addc. Arr.
Bruxelles. 16 mai 1983, Bull. Contr.. 1986. 2084.
(21183) Supra. n° 238 B et note 2072.
(2!184 ) Il s'agit pour eux d'une faculté; au lieu de décerner une contrainte, ils peuvent saisir la
justice de leur demande (Cass .• 14 septembre 1976, Pas., 1977, I. 40; voy. aussi Cass .. 27 novembre
1984. Pas., 1985, 1, 379). Ainsi, l'art. 40. al. 1 de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28
décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs modifiée par l'art. 67 de la loi du 4 août
1978 énonce que «Sans préjudice de son droit de citer devant le juge. !'Office national de sécurité
sociale peut aussi procéder au recouvrement des sommes qui lui sont ducs. par voie de contrainte». Il
a été jugé que l' Administration des domaines ne peut cependant recouvrer les sommes ducs à un titre
quelconque tant à l'Etat qu'à des organismes d'Etat autonomes que si clic y est habilitée par un texte
spécial (art. 211 de l'A.R. du 20 décembre 1963 relatif à l'emploi et au chômage; B. GRAULICH et
P. PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, p. 305-306; art. 71 de la loi du 8 avril 1965
relative à la protection de la jeunesse ; art. 37 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des
entreprises d'assurance, etc.). De telles dispositions seraient dans le cas contraire superflues (Civ.
Huy, ch.s., 3 décembre 1984, Pas., 1985, lll, 30; contra Civ. Bruxelles. 29 mai 1975, R.G., n"
21.974). A notre avis, les dispositions spéciales peuvent se justifier pour compléter l'art. 3 de la loi
domaniale de telle sorte que la règle formulée par cc texte peut conserver une portée tout à fait
générale.
(2°85 ) L'art. 92 du Code T.V.A. énonce cependant des règles spéciales visant à garantir le
recouvrement des sommes ducs; voy. aussi Liège, 17 mars 1982. R.G., n" 11.046/80, Jurisprudence
du Code judiciaire. La Charte, T. 1, Art. 1395. n" 217, p. 7 et Liège. 7ème ch .. 20 février 1987, R.G.
n" 11.878/81. Inédit.
480 TRAITÉ DES SAISIES

timbres ; art. 314 de la loi générale des douanes et accises (2°86) )


ainsi qu'en matière d'assistance judiciaire (art. 695, al. 1, C. jud.).

B. -Impôts sur les revenus.

1. - En matière d'impôts sur les revenus, le rôle est le titre


légal de perception rendu exécutoire par le directeur des contribu-
tions ou le fonctionnaire délégué par lui. Il s'agit d'un acte
authentique par lequel l'administration se crée un titre contre le
contribuable et manifeste sa volonté d'exiger le paiement de
l'impôt : l'exécutoire, donné au rôle, est un ordre pour le redevable
(généralement le contribuable) (2087 ) de paver l'impôt réclamé
sous peine d'y être contraint (2°88 ) (2°89 ) (2°<1°). Si la créance de
l'administration fiscale procède d'une cause différente (ainsi en cas
de recours contre le tiers saisi), elle ne peut se décerner à elle-
même un titre exécutoire qui ne peut résulter que d'une instance
judiciaire (2°91 ).

Le titre exécutoire est parfois établi au nom de plusieurs


redevables (les contribuables mariés sauf dans les hypothèses

2086
( ) A l'instar de l'art. 92, al. 2 du Code T.V.A., l'art. 314, § 4 de la loi générale des

douanes et accises dispose qu' «aucun recours contre le jugement statuant sur l'opposition ne sera
reçu que moyennant consignation préalable du montant des condamnations».
(2°87 ) Sur la distinction entre contribuable et redevable, voy. Cl. BOLUS, La femme mariée :
un contribuable à part entière, Bull. Contr. 1983, p. 197. n" 10.
21188
( ) Cass., 17 juin 1929, Pas., 1929, !, 246.
21189
( ) Le rôle se présente matériellement sous la forme d'une liste de cotisations reprises au
nom d'un ou de plusieurs redevables. Chaque cotisation fait l'objet d'un numéro, l'article de rôle.
C'est cet ensemble qui est rendu exécutoire par le fonctionnaire compétent soit le directeur régional,
soit le fonctionnaire délégué à cet effet.
2090
( ) Au sujet de l'exigibilité, voy. l'art. 304, C.I.R. et la règle de compétence spéciale en

faveur du juge des saisies (supra n" 222 A, note 1819).


091
(' ) Cass., 30 avril 1970, Pas., 1970, !, 749 (fusion de sociétés; cette solution doit cependant
être revue à la lumière de l'art. 19 de la 3ème directive du Conseil C.E.E. concernant les fusions des
sociétés anonymes : «La fusion entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants : a) la
transmission universelle, tant entre la société absorbée et la société absorbante qu'à l'égard des tiers,
de l'ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorhée à la société absorbante» ; de même
l'art. 10, § 1er, 3° du projet de loi relative aux fusions et aux scissions de sociétés énonce : «La fusion
entraîne de plein droit et simultanément les effets suivants : ... l'intégralité du patrimoine, activement
et passivement, de la ou des sociétés absorbées est transférée à la société absorbante, y compris à
l'égard des tiers»; adde. supra, n°s 219-220 et infra, note 2222); voy. en cc qui concerne l'art. 215, §
5 A.R. d'exécution C.I.R., Liège, 8ème ch., 21 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 253 et obs. G. de
LEVAL, Rev. Gén. Dr., 1987, 73 et note B. ROLAND; Civ. Namur, ch.s., 4 mai 1984, R.G., n"
79/84, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Annexe IV, B. n" 3 quater; Civ. Liège,
ch.s., 6 mai 1987, R.G., n" 76.494/86; comp. et contra Liège, 27 février 1986, Bull. Contr., 1987,
1475; J.L., 1986, 318 et obs. G. de LEVAL (la solution contraire semble implicitement admise mais
la question ne fut pas débattue).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 481

prévues par l'art. 75, C.l.R. (2° 92 ) ; le précompte immobilier


enrôlé au nom de copropriétaires). En outre, il arrive que le
recouvrement de l'impôt soit effectué, sur base du titre exécutoire
établi au nom du redevable de l'impôt, à charge de tiers (art. 95,
295, 297, 299 bis, 348, C.l.R.) c'est-à-dire dans l'ordre de ces
articles :
- à charge de la société de personnes qui a fait usage de l'option
prévue par l'art. 95, C.l.R. ;
- à charge du conjoint séparé de biens sur «les biens suspects»
(art. 295, C.l.R.) {2093 ) ;
- à charge du nouveau propriétaire de l'immeuble au 1er janvier de
l'exercice d'imposition (art. 297, C.1.R.);
- à charge de celui qui a fait appel à un contractant non enregistré
comme entrepreneur (art. 299 bis, C.I.R. et 30 bis, L. 27 juin
1969 révisant l'A.L. du 28 décembre 1944 concernant la sécurité
sociale des travailleurs) ;
- à charge des auteurs et complices des infractions fiscales (art.
348, C.l.R.).
2. - Aux termes de l'article 196 de l'A.R. d'exécution C.l.R.,
«les poursuites sont directes ou indirectes : les premières visent les
redevables dénommés au rôle ou leur représentant ; les secondes
sont dirigées contre les tiers en vertu du recours autorisé par la loi.
Les unes et les autres s'exercent en suite de contraintes individuel-
les ou collectives décernées par les receveurs détenteurs des rôles
ou par ceux qui sont chargés d'opérer les recouvrements pour le
compte de leurs collègues précités». Selon les instructions adminis-
tratives, la contrainte est l'acte par lequel le receveur des contribu-
tions enjoint à l'huissier d'avoir à lui prêter son ministère en vue de
l'exercice de poursuites judiciaires (2°94 ) ; cette injonction ne
serait pas adressée au redevable à l'égard duquel le commandement
constitue le premier acte d'exécution forcée. Si l'on peut admettre
cette règle en cas de poursuite directe commençant par un comman-

(w92 ) Voy. l'art. 294, C.I.R. et Circ. Adm. Bull. Contr., 1982, p. 868 à 875.
(2°93 ) Voy. Cl. BOLUS. op. cit., Bull. Contr., 1983, p. 229, n° 46 et p. 239-240, n°s 60-61 ;
adde. supra n°s 142 et 220 B. A l'égard des ayants-droit d'un redevable décédé, voy. art. 182, A.R.
d'exécution C.I.R. (Circ. Adm. Bull. Contr., 1982, p. 871, n" III, 61) et supra n° 220 A.
2094
( ) Manuel du Recouvrement, Contributions directes, T. X, Titre III. n" 95.
482 TRAITÉ DES SAISIES

dement (2095 ), car il contient la contrainte dans la mesure où il


porte en tête un extrait de l'article du rôle concernant le redevable
et une copie de l'exécutoire (art. 198, al. 2, A.R. d'exécution
C.I.R.), il est, selon nous, impossible d'admettre qu'une poursuite
indirecte (au départ la saisie-arrêt simplifiée prévue par l'art. 215,
A.R. d'exécution C.I.R.) qui n'est précédée d'aucun commande-
ment puisse être mise en oeuvre sans que le titre exécutoire (2096)
soit préalablement notifié au redevable ; en d'autres termes, la
contrainte qui constitue avec le rôle la base des poursuites (2°97 )
doit en ce cas être préalablement notifiée au redevable de la même
manière qu'une saisie-arrêt-exécution ne peut être prati~uée sans
signification préalable du titre exécutoire au débiteur (20 8). C'est
dès lors à juste titre, selon nous, qu'il a été jugé que la notification
fiscale prévue par l'article 215 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. est
sans cause lorsqu'elle n'est pas précédée de la notification d'une
contrainte (art. 196 du même arrêté) (2°99).
3. - La réclamation du contribuable (art. 272, C.I.R.) produit
un effet suspensif de l'exécution (2 100) sauf si l'impôt correspond
au montant des revenus déclarés ou, lorsqu'il a été établi d'office à
défaut de déclaration, dans la mesure où il n'excède pas le dernier
impôt définitivement établi à charge du redevable un exercice Rour
d'imposition antérieur (art. 301, al. 1, C.I.R.) (2 10 ).
Cet effet suspensif doit être combiné avec la règle énoncée
par l'article 300 du Code des impôts sur les revenus: «l'introduc-

(2''") Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 946: adde. Arr. Bruxelles, 16 mai 1983,
Bull. Contr., 1986,2084et Mons, 11octobre1984,J.T., 1984, 679.
(2'196 ) La procédure prévue par l'art. 215 ne peut évidemment être mise en oeuvre sans titre
exécutoire de !'Administration contre k débiteur (Ouest. et Rép., Sénat, Sess. 1985-1986, 890).
("ml Manuel du Recouvrement, Contributions directes, T. X, Titre VI, n° 480.
(2°98) Le fait que la «sommation contrainte» ait été supprimée par J'A.R. du 4 novembre
1957 et que le contribuable soit informé de sa dette par l'envoi d'un avertissement extrait de rôle qui
en cas de non-paiement de l'impôt est suivi d'un dernier rappel, purement administratif, appelé
«sommation» ne rend pas sans objet, selon nous, la notification préalable de la contrainte imposée
par l'art. 196, A.R. d'exécution C.I.R.
(2099 ) Liège, 13 janvier 1984, Jur. Liège, 1984, 107 et obs. G. de LEVAL: Mons, 7 février
1985, R.G .. n° 6681, Inédit; Civ. Liège, ch.s., 21octobre1985, Jur. Liège 1986, 74: voy. Bruxelles,
9 mai 1984, Bull. Contr. 1985, 1944 qui relève l'existence de contraintes préalablement signifiées au
redevable.
(2 100) Il existe des règles spéciales de prescription (supra, n° 214, note 1739).
2101
( ) Certes, le Directeur des contributions peut faire surseoir, dans des cas spéciaux, au
recouvrement dans la mesure et aux conditions qu'il détermine (art. 301, al. 3) mais cette faculté,
pour l'exercice de laquelle aucun délai n'est fixé par la loi, n'entraîne pas pour le juge celle de pouvoir
lui-même ordonner la surséance au recouvrement durant la période d'examen d'une telle demande
par Je Directeur des contributions (Liège, 7ème ch .. 19 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 252). Adde.
J. SAROT, op. cit .. Rapports belges au XIème Congrès de l'Académie internationale de droit
comparé, Bruylant, 1982, 707.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 483

tion d'une réclamation ou d'un recours ne fait obstacle ni à la saisie,


nonobstant les dispositions de l'article 1494 du Code judiciaire, ni
aux autres mesures destinées à garantir le recouvrement du
montant intégral de l'impôt contesté en principal, additionnels et
accroissements, des intérêts et des frais». Il en résulte que l'effet
suspensif de la réclamation n'empêche pas la mise en oeuvre d'une
saisie conservatoire. La référence faite par l'article 300 précité à
l'article 1494 est cependant non pertinente car en adaptant le Code
des impôts sur les revenus au Code judiciaire, l'article 20 de la loi
du 30 mai 1972 modifiant l'article 300, C.I.R. n'a pas tenu compte
de la généralisation des saisies conservatoires, ce qui rendait
illégale la pratique antérieure consistant à entamer à des fins
conservatoires une mesure d'exécution ensuite suspendue jusqu'à
ce que le litige soit définitivement tranché (2 102 ). Bref, la mesure
exécutoire n'est admissible que s'il y a incontestablement dû au sens
de l'art. 301, C.I.R. qui limite la portée de l'art. 300, C.l.R ..
De manière générale, une saisie conservatoire peut être
pratiquée, dans les cas qui requièrent célérité ~art. 1413) (2 103 ) en
vertu d'une autorisation du juge des saisies (2 1 i 4 ). Il n'y a pas de
raison, sauf disposition spéciale (2 105 ), de déroger à cette règle en

2102
( ) Supra n° 222 C ; D. LINDEMANS. Concordance et discordance en matière de
recouvrement d'impôts directs entre les dispositions des articles 300 et 301 du C.J.R., R.G.F., 1983,
p. 16, n° 8; G. de LEVAL, Remarques sur certaines saisies en droit fiscal, Jur. Liège, 1984, 110; P.
VAN ORSHOVEN, Behoorlijke rechtsbedeling bij geschillen over directe rijksbclastingen, Anvers,
Kluwer, rechtswetenschappen, 1987, 455-458; Civ. Nivelles, ch.s., 10 avril 1973, Bull. Contr., 1973,
p. 2565 ; Civ. Liège, ch.s., 21octobre1985, préc. ; Civ. Bruxelles. ch.s., 3 décembre 1986, J.L.M.B.,
1987, 280 et obs. G. de LEVAL. La question est cependant très controversée; on relève de
nombreuses décisions qui admettent encore la saisie-exécution à des fins conservatoires (Civ. Liège,
ch.s., 3 janvier 1980, Bull. Contr., 1983, p. 2389; Civ. Anvers, ch.s., 28 novembre 1983, R.G.F.,
1984, 120 et note G. MAERTENS ; Civ. Courtrai, ch.s., 29 octobre 1984, Bull. Contr. 1985, 2229;
Civ. Liège, ch.s., 15 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, 220; Civ. Anvers, ch.s., 8 septembre 1987, Le
courrier fiscal, 1987, 379 et obs. D. LINDEMANS; J. SAROT, op. cit., Bruylant, 1982, 695 à 697;
addc. Bull. Quest. et Rép., Sénat, Sess. 1980-1981, p. 1735); voy. aussi Bruxelles, 9 mai 1984, Bull.
Contr. 1985, 1944 qui admet en se référant notamment à l'art. 300 C.J.R. qu'une saisie-arrêt puisse
être pratiquée sur le fondement des art. 215 et 216, A.R. d'exécution C.J.R. malgré une réclamation
contre les cotisations. Comp. supra, n" 146, note 1169.
(""') Voy. toutefois de lege fcrenda, D. LINDEMANS, op. cit., R.G.F., p. 17, n° 9.
21
( '") Ce n'est que si le titre exécutoire autre qu'un jugement est apte à fonder une saisie-
cxécution qu'il peut a fortiori justifier une saisie conservatoire (supra, n" 168 ; comp. et contra D.
LINDEMANS, obs. sous Civ. Anvers, 8 septembre 1987, Le courrier fiscal, 1987, 382).
("'") Tel est le cas de l'article 217 bis, A.R. d'exécution C.l.R. et de l'article 302, C.J.R .. En
vertu de cc texte, lorsqu'une mesure d'exécution est mise en oeuvre pour obtenir le recouvrement de
«I'incontcstablement dû», elle conserve automatiquement des effets conservatoires pour garantir le
recouvrement futur de la dette suspendu par la réclamation (Manuel du Recouvrement, Contribu-
tions Directes, T. X, Titre V, n° 457; Civ. Anvers, ch.s., 29 mars 1982, Bull. Contr. 1982, 2072). Ce
texte est de stricte interprétation. S'il n'y a pas d'incontestablement dû la mesure d'exécution ne
produit pas, scion nous, un effet conservatoire (comp. et contra Civ. Courtrai, ch.s., 29 octobre 1984,
Bull. Contr. 1985, 2229 et s., sp. p. 2232 n" 6). Voy. aussi l'art. 315, C.l.R. mais ce texte ne peut
justifier la mise en oeuvre des art. 215 et 216, A.R. en l'absence d'un titre exécutoire.
484 TRAITÉ DES SAISIES

matière fiscale (2 10 Ji.


107
Une telle saisie maintient elle aussi le
privilège du Trésor ( ).

4. - La contestation qui porte sur l'octroi de délais de grâce


(2 108) ou sur la procédure d'exécution relève de la compétence du
juge des saisies. A cet égard, l'article 202, alinéa 2 de l'arrêté
d'exécution du C.I.R. fait produire à «l'opposition quant à la forme
des actes» un effet suspensif «en ce sens qu'il ne peut être procédé
à la vente des objets saisis qu'après décision judiciaire laquelle doit
être rendue dans le plus bref délai possible». Une telle disposition
déroge au droit commun où l'opposition ne produit pas, en soi, un
effet suspensif (art. 1498 et 1513, C. jud).
5. - On signale enfin la loi du 23 décembre 1986 relative au
recouvrement et au contentieux en matière de taxes provinciales et
locales (2 109). En principe (2 110), les impôts sont recouvrés par
voie de rôle. Le redevable peut introduire une réclamation auprès
de la députation permanente du conseil provincial dont la décision
peut faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel pour autant
que la valeur de la demande atteigne au moins 10.000 francs (art. 5
et 6). L'article 10, alinéa 2 rend applicables les règles dégagées ci-
dessus en matière d'impôts sur les revenus au recouvrement des
taxes provinciales et locales : «Les règles relatives au recouvre-
ment, aux intérêts de retard et moratoires, aux poursuites, aux
privilèges, à l'hypothèque légale et à la prescription en matière
d'impôts d'Etat sur le revenu, sont rendues applicables aux imposi-
tions provinciales, communales, d'agglomération et de fédération».

C. -Assistance en matière de recouvrement.


Cette matière est réglée par des conventions internationa-
les : tel est notamment le cas de la convention du 5 septembre 1952
entre la Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et les Pays-Bas
relative à l'assistance réciproque en matière de recouvrement de

(2 106 ) Voy. d'ailleurs, Manuel du Recouvrement, Contributions Directes, T. X, Titre V, n"s


417-422-423.
2107
( ) D. LINDEMANS, op. cit., R.G.F., 1983, p. 17. n" 8; art. 314 et 315, C.I.R.
(2 108 ) Supra n° 238 B et note 2072.
21
( '") M.B., 12 février 1987, 1993; voy. H. DUBOIS, Taxes provinciales et communales -
Contentieux - Recouvrement - Législation. Le courrier fiscal, 1987, 374 à 379; P. VAN
ORSHOVEN, De lokale bclastingen in een nieuw kleedje, R.W., 1987-1988, 417 à 432.
(2 110 ) Aux termes de l'article 8, «Les impositions qui ne sont pas perçues par voie de rôles
sont recouvrées au comptant, contre remise d'une quittance, d'une plaque. d'un signe distinctif ou
d'une vignette» (H. DUBOIS. op. cit., 378).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 485

créances fiscales, signée à Bruxelles, approuvée par la loi du 4


juillet 1953 et de la convention du 10 mars 1964 conclue à Bruxelles
entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative et
juridique réciproques en matière d'impôts sur les revenus, approu-
vée par la loi du 14 avril 1965 (art. 21). Les titres exécutoires de
l'Etat requérant peuvent être mis en oeuvre, sans exequatur
préalable et sans préjudice de mesures conservatoires (2 111 ) (2 112 )
suivant le droit de l'Etat requis.

(2 111 ) En matière de droits d'enregistrement, voy. R. LUDWIG, Le droit conventionnel


franco-étranger d'assistance au recouvrement des créances publiques sur des particuliers à l'étranger,
Annales Toulouse, T. XXXII, 1984, sp. p. 59 à 62.
(2 112 ) Civ. Courtrai, 29 octobre 1984, Bull. Contr. 1985, 2229. Pour plus de détails, voy. Ch.
CARDYN et H.R. DEPRET, Procédure fiscale contentieuse, T. Ier, Apsects internationaux,
Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 43 à 60.
TITRE III

LE TITRE EXECUTOIRE JUDICIAIRE

240) Généralités et plan.


Le titre exécutoire le plus complet et le plus usuel demeure
le titre judiciaire (2 113).
Le titre exécutoire est judiciaire lorsque sa mise à exécu-
tion repose sur un acte judiciaire. Généralement il s'agit d'une
décision juridictionnelle, c'est-à-dire d'un jugement tranchant une
contestation et prononçant une condamnation ; toutefois, dans
certains cas l'intervention du juge se limite à accepter ou à refuser
de conférer la force exécutoire à un accord intervenu entre parties
ou l'exequatur à une sentence arbitrale ou à une décision étrangère.
Il importe dès lors d'examiner le régime du jugement d'accord
(Chapitre 1) et celui de l'exequatur (Chapitre II) avant d'analyser
celui de la décision de justice proprement dite (Chapitre 111).

CHAPITRE 1 - L'ACCORD DES PARTIES REVETU DE LA


FORCE EXECUTOIRE.

241) Procès-verbal de conciliation et jugement d'accord.


Les parties peuvent s'accorder avant tout procès ou dans le
cours d'un procès. Si l'accord intervient sur conciliation avant le

(2 113 ) Le caractère non contestable de la créance doit permettre à son titulaire d'obtenir
rapidement et à moindres frais un titre exécutoire. Dans ce but, le Code judiciaire organise la
procédure sommaire d'injonction de payer (art. 1388 à 1344) pour toute demande, de la compétence
du juge de paix, tendant au paiement d'une dette liquide qui, justifiée par un écrit émanant du
débiteur, a pour objet une somme d'argent et dont le montant n'excède pas cinquante mille francs (la
loi du 29 juillet 1987 modifiant les articles 1338, 1340, 1342, 1343 et 1399 du Code judiciaire tend à
améliorer l'efficacité de la procédure). De même le référé-provision repose sur une idée semblable,
lorsqu'il y a urgence, en permettant au créancier d'obtenir rapidement un titre exécutoire. Comp.
aussi en matière de caution, art. 1348, C. jud.
488 TRAITÉ DES SAISIES

procès, c'est-à-dire avant que la prétention ne soit soumise au juge,


il est entériné dans la forme d'un procès-verbal qui est «Un acte
authentique revêtu de la formule exécutoire» (2 114) (art. 679, 733,
972, al. 4et1345, C. jud., art. 319, § 3, al. 3, C. civ.). Si l'accord est
conclu dans le cours du procès (art. 1043, C. jud.) (2 115 ), les
parties peuvent demander au juge «qu'il reproduise les termes de
l'accord intervenu dans la forme d'un jugement» (2 116). Dans le
premier cas, il s'agit d'un procès-verbal de conciliation qui n'ac-
quiert pas la valeur d'un jugement ; dans le second, il s'agit d'un
jugement d'accord ou <l'expédient, «il y a jugement, mais il est
restreint à une intervention de contrôle et il ne donnera pas lieu
comme tel à recours» (2 117 ) (2 118).
En toute hypothèse, le juge devra vérifier si, indépendam-
ment de ce que prévoit l'article 731, le litige qui lui est soumis pour
conciliation est un litige véritable, c'est-à-dire s'il y a réellement
conflit d'intérêts ou si le procès, au cours duquel surgit l'accord,
n'est pas un procès fictif. Il importe en effet que les parties ne
puissent pas se dispenser de recourir à l'office des notaires tout en
assurant à leur convention la force exécutoire en simulant un litige
ou un procès. Le juge commettrait un excès de pouvoir s'il
acceptait, en dehors de tout litige de procurer l'authenticité à des
actes privés (2119 ).
Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'un procès-verbal de
conciliation ou d'un jugement <l'expédient qui se borne à donner

2114
( ) C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, T. 1., Fonction et organisation judiciaires,
Bruxelles, Larder, 1974, p. 179.
(2 115 ) Adde. art. 972, al. 5, C. jud. lorsqu'un accord intervient dans le cours de l'expertise
(note 2118) et art. 1258, C. jud. lorsqu'un accord intervient lors de la tentative de conciliation en
matière de divorce pour cause déterminée mais en ce cas, il y a lieu à entérinement par le juge (infra,
note 2130).
2 6
( " ) C. CAMBIER, op. cit., p. 162; comp. art. 1715 et 1716, C. jud. ; infra, n° 246 D
2117
( ) C. CAMBIER, op. cit., p. 163; Civ. Bruxelles, ch.s., 3 avril 1986, R.G. n° 14334 (art.
1258, C. jud.); infra, n° 243.
(2" 8) «En reconnaissant aux parties le choix entre le procès-verbal de conciliation et le
jugement d'accord, le législateur a, à l'article 972 du Code judiciaire, indiqué de manière explicite
que ces deux actes ne peuvent être assimilés» (G. DEMEZ, La recevabilité de l'appel principal et de
l'appel incident, Rapport présenté lors de la journée d'étude au Centre Intcruniversitaire de Droit
judiciaire, Louvain, 1986, n" 14).
(2" 9 ) C. CAMBIER, op. cit., p. 163, note 44 et p. 177, note 80; A. FETTWEIS, Manuel de
procédure civile, Liège, 1985, p. 470, n" 693. Cette exclusion ne vise pas les matières d'ordre public;
voy. par exemple au sujet du «pacte» conclu entre époux séparés de fait, E. VIEUJEAN, Examen
de jurisprudence (1976-1983) Personnes, R.C.J.B., 1986, n" 107, p. 635 à 637 et note 56; adde. J.P.
Namur, 14 mars 1985, Rev. Rég. Dr. 1986, 164 et note J.O. Plus généralement, les accords qui ne
sont susceptibles de produire tous leurs effets que moyennant contrôle judiciaire ne sont pas touchés
par cette prohibition (voy. en matière de cantonnement, supra, n" 209, in fine).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 489

acte aux parties d'un accord intervenu entre elles, il ne s'agit pas
d'un jugement assujetti au droit d'enregistrement car la perception
du droit de 2,5 % est limitée aux décisions du pouvoir judiciaire par
lesquelles le tribunal ou la cour tranche une contestation entre
parties (art. 142, C. Enr.) (2 120).

242) Régime exécutoire du procès-verbal de conciliation.


Le procès-verbal n'intervient que pour enrichir de la force
exécutoire un accord qui puise son fondement exclusif dans la
volonté des parties (2 121 ). Il ne s'agit pas d'un jugement; «le juge,
légalement autorisé à le faire, se substitue au notaire pour dresser
un acte authentique qui, même en la forme, n'a aucun caractère
juridictionnel. Dès lors, le procès-verbal de conciliation est, comme
un acte notarié, susceptible d'être attaqué par une action en
nullité ; l'article 20 du Code judiciaire n'est pas applicable» (2 122 ).
Il en résulte qu'il n'y a pas lieu à signification préalable et
que la force exécutoire du procès-verbal de conciliation peut être
suspendue par le juge des saisies en cas de contestation portant sur
les conditions de validité de la convention que constate le procès-
verbal (2 123 ). De même, le procès-verbal de conciliation n'étant
rien d'autre qu'un acte authentique assimilable à un acte notarié,
des termes et délais peuvent être sollicités conformément à l'article
1334 (2 124 ). Quant à l'étendue exécutoire du titre, elle est
nécessairement définie par les mentions du procès-verbal élaboré
pour mettre fin au litige. Il est indifférent que le ~rocès-verbal ne
prononce pas formellement une condamnation (2 1 ).

243) Régime exécutoire du jugement d'accord.


Le jugement d'accord est dans la forme un jugement : «il
n'est susceptible d'aucun recours de la part des parties litigantes, à

120
(' ) M. DONNA Y, Droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, Rép. Not., T. XV,
Livre X, n°s 470 et 483 ; l'auteur précise cependant que le droit est dû si le juge prononce une
condamnation en termes exprès ou équivalents même si cette condamnation n'a pas été demandée
par l'autre partie. A notre avis, une telle mention est superfétatoire (supra, n" 223, j).
(2 1") R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1979, p. 199, n° 9.
2122
( ) A. FETTWEIS, op. cit., n" 696, p. 472; C. CAMBIER, op. cit. p. 164, note 45; addc.
Civ. Bruxelles, ch.s., 6 avril 1987, L'huissier de justice, 1987, 115.
('m) Supra, n" 236.
24
(" ) Civ. Tournai, ch.s., 18janvier1985, R.G., n" 20.151.

("") Supra, n° 223, jet note 1856.


490 TRAITÉ DES SAISIES

moins que l'accord n'ait point été légalement formé et sauf les voies
d'interprétation et de rectification prévues aux articles 793 à 801 s'il
y a lieu» (art. 1043, al. 2). Le tribunal ne fait qu'entériner la
volonté concordante des parties (2 126), à moins que l'une de celles-
ci n'ait pas la capacité requise ou que la convention ne soit en tout
ou en partie contraire à l'ordre public (2 127 ).
En cas de vice du contrat (capacité, consentement, objet),
la nullité de l'accord ne peut être demandée qu'en exerçant une
voie de recours ordinaire, c'est-à-dire en suivant la forme de l'appel
(2 128). Celui-ci pouvant en règle être exercé dans le mois de la
signification du jugement (art. 1051), la signification préalable de
celui-ci s'impose pour consolider le titre. Enfin, le jugement
d'accord est un jugement au sens des articles 1333 et 1334 en
matière de délais de grâce.
La décision puise sa force moins dans l'impérium du juge
que dans la volonté des parties (2 129 ). Aussi l'exécution de
l'accord, fût-il imparfaitement entériné par le juge, ne saurait de ce
seul fait constituer un abus dans le chef du créancier. C'est aux
termes de l'accord lui-même que s'attache par le truchement du
jugement «en la forme» le caractère exécutoire qui autorise le
recours à la saisie (2130).

CHAPITRE II- L'EXEQUATUR.

244) L'exequatur en général.

1. - Seule la décision émanant du service public belge de la


justice est revêtue de la formule exécutoire. Une décision rendue
par une juridiction étrangère ou une sentence rendue par un juge

(2 126 ) Pandectes belges. V" Contrat judiciaire, n" 7.


127
(' ) Pandectes belges, V" Jugement d"expédient, n" 56.
(2 128 ) A. FETIWEIS. op. cit., n" 694. p. 471 ; C. CAMBIER. op. cil., p. 164 et note 45.
Sauf si le jugement est déclaré exécutoire par provision, l'appel produit un effet suspensif de
l'exécution.
(2 129 ) R. PERROT, P. HARDOUIN et A. FISSELIER, Les interdictions du droit d'appel,
Gaz. Pal., 17-18 septembre 1986, 8.
2130
( ) Pandectes belges, Jugement <l'expédient n° 7 («Ce n'est pas le prononcé du jugement
qui oblige les parties. mais le lien contractuel dans lequel elles sont engagées»); Liège, 10 juin 1986.
J.L.M.B. 1987, 500 et la réserve formulée à la note 41 au sujet de l'art. 1258, C. jud.; Civ. Bruxelles,
ch.s., 3 avril 1986. R.G. n" 14334.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 491

privé ne peut être exécutée en Belgique que moyennant exequatur,


c'est-à-dire contrôle judiciaire préalable à l'issue duquel la force
exécutoire peut être conférée sur le territoire national au jugement
étranger ou à la sentence arbitrale. Le titre exécutoire en Belgique
est, non seulement la décision étrangère ou la sentence arbitrale
introduite en tant que telle dans l'ordre du for (2 131 ) mais aussi
l'expédition du jugement belge accordant l'exequatur revêtue du
mandement national (2 132) encore que le contenu du titre exécu-
toire soit défini par le titre exequaturé (2 133 ). C'est pourquoi la
disposition relative à !'astreinte contenue dans une décision étran-
gère ne peut prendre effet tant que celle-ci n'est pas exequaturée
(2134).
2. - Les vérifications préalables - dont l'étendue varie en
fonction du titre, de son origine et des conventions internationales
- sont nécessaires. En effet, l'indépendance de l'Etat et le respect
de sa souveraineté font obstacle à ce que sa force publique soit mise
au service du bénéficiaire d'un titre sans qu'une juridiction natio-
nale ait apprécié la compatibilité de celui-ci avec les principes
essentiels de notre système juridique. Un tel contrôle, qui permet
de prévenir un acte d'exécution injustifié, renforce la sécurité
juridique. Une décision exequaturée se trouve, en principe, sur le
même pied qu'une décision rendue par une juridiction nationale.
L'exequatur n'est qu'un acte préalable à une mesure d'exécution

2131
( ) P. GRAULICH, op. cit., p. 142, n" 93/4 précise que «même l'exequatur ne naturalise

pas le jugement étranger; il l'introduit simplement en tant que tel et restant tel dans l'ordre du for».
(2 132 ) A. FEITWEIS, A. KOHL et G. de LEVAL, Eléments de la compétence civile, P.U.
Liège, 1983, p. 126, n" 233 ; Civ. Huy, 3 décembre 1979, J.L. 1980, 116 et Rcv. Not., 1980, 552.
2133
( ) Voy. p. ex. l'art. 148, C. Enr. en matière de droits d'enregistrement et l'art. 1714/2°,

C. jud. On précise que l'article 31 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ne prend pas
position entre les théories suivant lesquelles cc serait soit le jugement rendu dans l'Etat d'origine, soit
la décision autorisant l'apposition de la formule exécutoire qui serait exécutoire dans l'Etat requis. A
nos yeux, il faut décider que les deux décisions constituent de manière indissociable le titre exécutoire
ou encore que celui-ci est constitué par la décision revêtue de l'exequatur (Paris, 4 mars 1987, Gaz.
Pal., 7-8 août 1987, 8). «Le jugement ne devrait pas produire dans le pays requis plus d'effets qu'il
n'en a dans son Etat d'origine sans pouvoir non plus en comporter davantage que n'en auraient les
jugements locaux du même type» (Conclusions de M. !'Avocat général DARMON dans l'affaire
145/86, C.J.C.E., audience du 9 juillet 1987, n" 20). Adde. infra, n" 250 C 4, in fine.
(2 134 ) G. de LEV AL, L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale,
in L'évolution du droit judiciaire, Xlèmes Journées Jean Dabin, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 907 n"
39; voy. aussi Rennes, 26 septembre 1984, Rev. Arb., 1986, 441. En droit belge, les arbitres n'ont
pas le pouvoir de prononcer des astreintes et le juge judiciaire ne peut assortir la sentence arbitrale
d'une astreinte (1. MOREAU-MARGREVE. L'astreinte, Ann. Dr. Liège, 1982, 60; Civ. Liège, 6
mars 1984, Jur. Liège, 1984, 197 et obs. G. de LEVAL). Il reste qu'un excès de pouvoir du tribunal
arbitral peut être couvert à défaut d'annulation de la sentence (art. 1704, 2" d, 1704, 4" et 1707, 1",
C. jud.).
492 TRAITÉ DES SAISIES

qui ne se confond pas avec celle-ci (2135 ) et qui n'empêche pas la


contestation ultérieure de l'actualité ou de l'efficacité du titre
exécutoire. Ainsi, l'exequatur pur et simple n'aboutit pas à accor-
der au créancier un titre lui permettant de percevoir une seconde
fois la partie de la dette que le débiteur justifierait avoir déjà
acquittée (2136 ). Bref, le titre exequaturé n'acquiert pas une
efficacité et une actualité exécutoires supérieures à un titre natio-
nal !
3. - On rappelle que l'exequatur n'est un préliminaire
indispensable qu'en ce qui concerne l'exécution forcée prise dans
son sens le plus étroit, c'est-à-dire de mesure d'exécution sur les
biens ou de coercition sur la personne (2 137 ). L'intérêt de former
une demande d'exequatur n'est pas subordonné à la détermination
préalable des biens situés dans l'Etat où la procédure est introduite
(2138).
Il importe de préciser qu'une demande d'exequatur peut
cependant se justifier en dehors de ce cadre strict dans la mesure où

35
(" ) Paris. 26 juin 1981, Clunet 1981, 842 et note B. OPPETIT; Rev. Crit. D.l.P .. 1982.
379; Rev. Arb., 1982, 204. Ainsi, un arrêt de la C.J.C.E. du 2 juillet 1985 (Rev. Crit. D.l.P. 1986,
341 et obs. Il. GAUDEMET-TALLON; Clunet 1986. 469-470, obs. A. HUET) précise que <da
Convention du 27 septembre 1968 se bornant à régler la procédure d'exequatur des titres exécutoires
étrangers et ne touchant pas à l'exécution proprement dite qui reste soumise au droit national du juge
saisi, les tiers intéressés pourront intenter contre les mesures d'exécution forcée les recours qui leur
sont ouverts par le droit de l'Etat où l'exécution forcée à lieu» (recours devant le juge des saisies,
telle l'action en distraction ; action en inopposabilité de la décision étrangère, association à une
procédure de répartition, contestation de la validité ou des effets du negotium constaté par acte
authentique). M. DARMON, Concl. préc., n"s 18 à 33 (il conclut que si un motif de non-
reconnaissance tiré de l'article 27 de la Convention C.E.E. ne peut être invoqué hors du cadre défini
par les articles 36 et suivants, cette irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, ne fait pas obstacle à
ce que le fait ou la situation qui aurait pu être qualifié au regard dudit moyen soit invoqué à l'appui de
toute autre voie de recours ouverte contre l'exécution par le droit national). Adde. infra, n" 250 C !.
136
( ) Liège, 17 mai 1984, Jur. Liège, 1984, 381 ; M. DARMON, op. cit., n" 21 ; camp. Cass.
Fr., 2 juin 1987, Gaz. Pal., 1987, Pan., 202 (a contrario); voy. aussi supra, n"s 228 et s.
2137
( ) Ainsi le saisi peut se prévaloir d'un jugement étranger non exequaturé en matière d'état
des personnes pour s'opposer à une mesure d'exécution fondée sur un titre ayant perdu par voie de
conséquence son efficacité (Civ. Bruxelles, ch.s., 26 juin 1986. R.T.D.F., 1986, 403; supra, n" 232
C 3). Au sujet de la transcription dans les registres de l'état civil en Belgique d'une décision étrangère
constitutive ou modificative de l'état du belge, voy. M. BORN et M. FALLON, Droit judiciaire
international, Chronique de jurisprudence, J.T., 1987, p. 498, n" 132; F. RIGAUX, Droit
international privé, Tome 1. Théorie générale. Bruxelles, Larcier, 1987, p. 153-154, n"s 227 et 228 et
CI. LOVENS, Efficacité des jugements de divorce prononcés à l'étranger, Ann. Dr. Liège, 1988,
n° 1.
2138
( ) «Les chances de présence future dans ce pays de biens de la partie condamnée et
récalcitrante» constituent un intérêt suffisant (P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968. Jupiter, 1985. n" 343. Adde. Bruxelles, 8 novembre 1984, Pas.,
1985, Il, 29 (la demande d'exequatur d'un jugement étranger est recevable dès lors que le demandeur
poursuit des avantages matériels et moraux légitimes et qu'il invoque un intérêt né et actuel; H.
BORN et M. FALLON, op. cit., J.T .. 1987, p. 496, n" 126). Adde. n" 250, note 2222.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 493

la régularité internationale de la décision ne peut être assurée qu'à


l'issue d'une procédure d'exequatur (2139 ).

4. - «Le tribunal auquel l'exequatur est demandé ne peut


modifier la décision de la juridiction étrangère car il n'est pas saisi
de la contestation jugée à l'étranger. Le juge belge homologue la
décision étrangère en tout ou en partie ou refuse de l'homologuer,
mais il ne peut substituer sa décision à celle d'un ma~istrat d'un
autre pays, ni prononcer une nouvelle condamnation» ( 140).

Le principe doit être nuancé en vue d'assurer l'efficacité de


l'exécution projetée. Le juge saisi d'une demande d'exequatur est
évidemment compétent pour sanctionner le comportement fautif
d'une partie dans le cadre de la procédure d'exequatur (2 141 ) ou
pour assortir sa décision des modalités indispensables à la traduc-
tion concrète du titre. Ainsi, il a le pouvoir de procéder à la
conversion en francs belges d'une condamnation prononcée en
monnaie étrangère (2 142 ). De manière générale, il peut procéder
aux adaptations indispensables à la mise à exécution du titre dans
l'état requis (2 143 ) sans qu'il ne dispose des attributions relevant du
juge du fond en sorte qu'il ne peut, par exemple, interdire le
cantonnement (21 44 ) ou assortir la décision exequaturée d'une
astreinte.

2139
( ) Supra, n" 170; voy. G. DROZ, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le
marché commun, Dalloz, 1972, p. 352, n" 549 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n" 393 :
H. GAUDEMET-TALLON, La reconnaissance des jugements étrangers portant sur une somme
d'argent, en matière civile et commerciale, R.l.D.C., 1986, 501 : adde. en matière de faillite, Cass.
Fr., 25 février 1986, J.C.P., 1987, IL 20776 et obs. J.P. REMERY et Rev. Crit. D.l.P., 1987, 589 et
obs. H. SYNVET.
(2 140) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985. n" 235; Cass. Fr., 14
décembre 1983, Rev. Arb., 1986. 483. Pour un exemple d'exequatur à objet partiel, voy. Cass. Fr.,
18 mars 1986 et Cass. Fr., 28 octobre 1986, Dall., 1987. Sommaires commentés, 1987, 352. obs. B.
AUDIT; addc. infra, n" 250 B/2 et note 2238.
(1 141 ) En ce cas le préjudice résulte de l'existence du contentieux lui-même et non du litige
déjà jugé (voy. M.C. RONDEAU-RIVIER, obs. sous Cass. Fr., 14 décembre 1983, Rev. Arb.,
1986, 491).
(1 142 ) Liège, 25 janvier 1984, Jur. Liège, 1984, 113 et obs. G. de LEVAL: voy. supra, n" 225,
note 1877.
(2 141 ) Voy. en matière de saisie immobilière, Trib. Gdc Inst. d'Avesnes-sur-Helpe, 7 mai
1981, Rev. Crit. D.l.P., 1982. 368 et obs. M. DEFOSSEZ: au sujet de la date de cessation de
paiements en matière de faillite, Cass. Fr., 25 février 1986, Rev. Crit. D.l.P., 1987, 589 et obs. H.
SYNVET et au sujet des parties à la procédure, D. HOLLEAUX, Effets en France des décisions
étrangères. Juriscl. dr. int., fasc. 584 B, 2ème cahier, n"s 31 à 35: adde. infra, note 2222.
2144
( ) Voy. infra, n" 250 C 5; adde. supra, n" 35.
494 TRAITÉ DES SAISIES

5. - On signale enfin que l'action en inopposabilité (2 145 ),


dont la recevabilité «résulte des effets de plein droit de la décision
étrangère» (2 146 ), peut prévenir une action en exequatur : «Cette
action en inopposabilité, comme l'action en exequatur, est une
action en déclaration de régularité et d'efficacité d'une décision
étrangère qui peut être exercée, à toutes fins utiles, par toute
personne justifiant d'un intérêt à agir. Elle est de même nature et
présente le même objet que l'action en exequatur, bien qu'elle soit
exercée dans un but directement contraire dès lors qu'elle tend à
dénier au jugement étranger tout effet dans l'Etat requis» (2 147 ).

§1er - L'exequatur des sentences arbitrales.

245) Sentence nationale ou étrangère - Sentence internationale.


Tierce décision obligatoire.

1. - La nationalité de la sentence arbitrale se détermine par le


lieu où elle est rendue. Une sentence arbitrale rendue en Belgique
est belge ; une sentence arbitrale rendue à l'étranger est étrangère
(art. 1719, al. 1er) (2 148 ). Même si le lieu de l'arbitrage peut être
un élément accessoire voire accidentel puisqu'il n'y a pas nécessai-
rement coïncidence entre celui-ci et les règles de forme ou de fond
applicables (2 149 ), il s'agit d'un critère extrêmement commode qui
se concrétise sans difficulté (2 150 ).
Il importe de ne pas confondre sentence étrangère et
sentence internationale. Alors que la sentence étrangère se définit
par le lieu de l'arbitrage, la sentence internationale se définit par le

2145
( ) Voy. aussi P. GOTHOT et D. HOLLEAUX. op. cit.. p. 207. n" 402 et A. HUET,
obs. sous C.J.C.E., 2 juillet 1985. Clunet, 1986, 470.
(2 146) D. HOLLEAUX, Effet en France des décisions étrangères. Juriscl. dr. int., fasc. 584
B, 2ème cahier, n° 105.
(2 147 ) Trib. Gde Inst. Paris, Réf., 7 février 1986, Gaz. Pal.. 13-14 juin 1986, 16; Rev. Crit.
D.I.P. 1986, 537 et note H. GAUDEMET-TALLON.
(2 148 ) L. DERMINE. L'arbitrage commercial en Belgique. Bruxelles, Larcier 1975, p. 80, n"
165; E. KRINGS, L'exécution des sentences arbitrales, Rev. Dr. !nt. Dr. Comp., 1976, p. 198, n"
14; M. HUYS et G. KEUTGEN, L'arbitrage en droit belge et international, Bruxelles, Bruylant
198L p. 599, n" 815; F. RIGAUX, Droit international privé. Tome 1. Théorie générale, 2ème éd.,
Bruxelles, Larcier, 1987. p. 161, n" 246.
149
(' ) Cela ne présente rien d'exceptionnel ; si le juge national applique les règles de
procédure de son Etat, il peut aussi appliquer une loi étrangère.
150
(' ) J. EL-HAKIM. L'exécution des sentences arbitrales, Etudes dédiées à Alex Weill.
Dalloz, 1983, p. 228-229.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 495

caractère international du litige dont les éléments ne se rattachent


pas à un seul Etat (2 151 ).
Le Code judiciaire (art. 1676 à 1723) énonce des règles
applicables aux sentences nationales et aux sentences étrangères
(art. 1719 à 1723). Une seule règle concerne l'arbitrage internatio-
nal; l'article 1717/4 (art. 1er de la loi du 27 mars 1985 relative à
l'annulation des sentences arbitrales) énonce que «les tribunaux
belges ne peuvent connaître d'une demande en annulation que
lorsqu'au moins une partie au différend tranché par la sentence
arbitrale est soit une personne physique ayant la nationalité belge
ou une résidence en Belgique, soit une personne morale constituée
en Belgique ou ~ ayant une succursale ou un siège quelconque
d'opération» (2 1 ). Il s'agit d'exclure le contrôle judiciaire des
sentences arbitrales rendues en Belgique mais ne présentant pas
d'attaches suffisantes avec notre pays. Cette réforme permet
d'éviter des recours dilatoires en Belgique alors que la sentence
doit normalement être exécutée à l'étranger à l'issue d'une procé-
dure d'exequatur au cours de laquelle le défendeur peut faire valoir
ses moyens. Son objectif final est de faire de la Belgique un siège
important des arbitrages internationaux (2 153 ).
Même si au niveau de l'exequatur «de nombreux pays ont
adhéré aux conventions multilatérales - notamment celles de New
York de 1958 et de Genève de 1961- qui pratiquement assimilent

(2 15 ') M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., n"s 623 et s. et n" 816: Ph. KAHN, note sous
Cass. Fr., 9 octobre 1984, Clunet 1985, 683. Un intéressant arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26
avril 1985 décide qu'«est international l'arbitrage qui met en cause les intérêts du commerce
international et il suffit que l'opération économique à l'occasion de laquelle l'arbitrage est intervenu
implique un mouvement de biens, de services, ou un paiement à travers les frontières, les
circonstances telles que le lieu de l'arbitrage, la procédure suivie et la nationalité des parties étant en
revanche inopérantes» (Clunct, 1986, 175 et note J.M. JACQUET sp. p. 190 à 194: au sujet de la
nationalité, voy. toutefois l'art. 1717/4, C. jud.).
2152
( ) Cette disposition n'est - en vertu de l'article second de la loi du 27 mars 1985 -
applicable qu'aux sentences arbitrales rendues après son entrée en vigueur. c'est-à-dire après le 23
avril 1985 (la loi du 27 mars 1985 a été publiée au Moniteur du 13 avril 1985).
(2"-') «Arbitrage - Une modification du droit belge concernant l'annulation des sentences
arbitrales», Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., 1985, 228-229: voy. aussi Doc. Pari.. Ch. Repr., Scss. 1984-
1985, n" 1037/2 (Projet de loi relatif à l'annulation des sentences arbitrales) : H. VAN HOUTTE, La
loi belge du 27 mars 1985 sur l'arbitrage international, Rcv. Arb., 1986, 29 à 42 : F. DE L Y, De
libcralisering van de internationale arbitrage, T.P.R .. 1985. 1025 à 1048: L. MATRA Y, La loi belge
du 27 mars 1985 et ses répercussions sur l'arbitrage commercial international, Rev. Dr. lnt. Dr.
Comp., 1987, 243 à 262. On signale qu'aux Pays-Bas. la loi du 2 juillet 1986 contenant un livre 4
nouveau du Code de procédure civile portant réglementation de l'arbitrage ne reconnaît pas comme
tel l'arbitrage international mais se borne à distinguer les arbitrages qui ont lieu aux Pays-Bas de ceux
qui ont lieu hors des Pays-Bas (art. 1074 et 1076).
496 TRAITÉ DES SAISIES

la sentence étrangère à une sentence nationale» (2 154 ), la distinc-


tion entre celles-ci doit être maintenue car les règles à smvre ne
sont pas les mêmes (2 155 ).
2. - Il importe au niveau de l'exécution de ne pas confondre la
sentence arbitrale et la tierce-décision obligatoire (2 156 ) ; en effet,
alors que la sentence arbitrale constitue un titre exécutoire après
l'exequatur, l'avis obligatoire relève non du droit de la procédure
mais du droit matériel ; il n'est qu'un titre privé insusceptible
comme tel de fonder une mesure d'exécution forcée (2 157 ).
3. - On souligne enfin que l'exequatur fait passer le litige de la
procédure arbitrale à la procédure judiciaire, lesquelles sont
devenues complémentaires. En ce cas, l'arbitrage ne se réduit plus
à un «cadre informel de pacification en marge des ordres judiciai-
res» (2158).

246) L'exequatur des sentences arbitrales rendues en Belgique


(2159).

A. - La demande d'exequatur.
La procédure est introduite par requête unilatérale devant
le président du tribunal de première instance (art. 1710/1) (2 160) ;
le tribunal territorialement compétent est celui qui est désigné dans
la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure con-

2154
( ) F. EISEMAN, Le phénomène de l'arbitrage, son utilité, ses avantages et son rôle, Rev.
Dr. !nt. Dr. Comp., 1976, p. 114, n° 17. L'article III de la convention de New York exige que
l'exequatur des sentences étrangères ne soit pas soumis à des conditions ou à des frais sensiblement
plus rigoureux que ceux qui sont imposés pour la reconnaissance ou l'exécution des sentences
arbitrales nationales.
(2 155 ) M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 601, n" 816.
156
(' ) M. STORME, La tierce décision obligatoire ou l'avis obligatoire comme moyen de
prévention des litiges. Une étude comparative des limites entre le droit des contrats et le droit de la
procédure, Rev. Dr. !nt. Dr. Comp., 1985, 285 à 319.
(2 157 ) lb. p. 311, 314 et 315.
(2 158) B. OPPETIT, note sous Cass. Fr., 18 novembre 1986, Clunet, 1987, 122.
(2 159) Au sujet de la saisie conservatoire pratiquée en vertu d'une sentence arbitrale, voy.
supra, n° 171.
(2 160 ) L'article 1710/1 parle de «requête présentée par la partie intéressée, sans que la partie
contre laquelle l'exécution est demandée puisse, en cet état de la procédure, prétendre présenter des
observations». Les articles 1025 à 1034 sont donc applicables (ainsi la requête doit être signée par un
avocat) sous cette réserve qu'à notre avis la partie adverse ne peut - eu égard à l'art. 1710/l in fine
précité-intervenir à la cause (contra E. KRINGS, op. cil., Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., p. 192, n" 7c:
voy. aussi infra, n" 250 A).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 497

due avant la désignation du lieu de l'arbitrage (2 161 ) ; en l'absence


de convention des parties, est compétent le tribunal du lieu de
l'arbitrage (art. 1710, 1et2) (2 162 ).
La demande d'exequatur n'est recevable que si :
- l'original de la sentence arbitrale a été déposé au greffe du
tribunal de première instance (art. 1702), aucun délai n'étant fixé
pour le dépôt qui peut être effectué soit d'office Rar le président
du tribunal arbitral, soit par l'une des parties (2 16 ) ;
- la sentence ne peut plus être attaquée devant les arbitres ou si les
arbitres en ont ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel
(art. 1710/2). Si les parties n'ont pas prévu que la sentence serait
susceptible d'appel devant un tribunal arbitral, la sentence est
définitive (art. 1699). L'exécution provisoire ne se conçoit donc
que si la convention d'arbitrage réserve la possibilité d'interjeter
appel.
Aux termes de l'article 1709, «les arbitres peuvent ordon-
ner l'exécution provisoire de leurs sentences nonobstant appel et
sans préjudice des règles du cantonnement. Ils peuvent aussi
subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie
conformément aux règles du présent Code». Les articles 1400 à
1402 et 1404 à 1406 sont dès lors applicables à l'exécution provisoire
de la sentence arbitrale (2 164 ) qui ne présente cependant pas
l'efficacité immédiate du jugement exécutoire par provision dans la
mesure où la sentence n'est opérationnelle qu'à l'issue de la
procédure d'exequatur.
B. - La décision présidentielle.
«Le président rejette la requête si la sentence ou son
exécution est contraire à l'ordre public ou si le litige n'était pas
susceptible d'être réglé par la voie de l'arbitrage» (art. 1710/3). Ces

(2 161 ) Toutefois, est nulle de plein droit, toute convention attributive de juridiction contraire
aux dispositions des articles 627, 628 et 629 et antérieure à la naissance du litige (art. 630 et 1717/3,
cbnés).
(2 162) La dernière phrase du second alinéa de l'article 1717 n'est pas d'application dans la
mesure où la règle subsidiaire qu'il énonce ne se conçoit que si l'arbitrage n'a pas encore eu lieu (E.
KRINGS, op. cit., note 7, p. 185).
(2' 63 ) E. KRINGS, op. cit., Rev. Dr. Int. Dr. Comp., 1976, n" 2, p. 180-181; n" 3, p. 183;
n" 7 b, p. 192.
2164
( ) Ainsi l'arbitre peut décider qu'il n'y a pas lieu à cantonnement (Civ. Bruxelles, ch.s., 14
août 1985, Rev. Rég. Dr., 1985. 372) mais en ce cas la sentence doit être spécialement motivée (infra
n" 277 B 3; addc. art. 1704/2 i, C. jud.).
498 TRAITÉ DES SAISIES

causes sont aussi susceptibles d'entraîner l'annulation de la sen-


tence (art. 1704/2, a et b).
L'«ordre public» englobe tant les dispositions d'ordre
public que les dispositions impératives ; toutefois, en ce qui
concerne celles-ci les parties peuvent y déroger en permettant aux
arbitres de statuer sans en tenir compte après la naissance du litige
(2 165 ). Il ne suffit pas que la sentence fasse application d'une
disposition d'ordre public pour être susceptible d'annulation ou
pour empêcher l'exequatur, il faut qu'elle y contrevienne.
Le litige n'est pas susceptible d'être réglé par la voie de
l'arbitrage lorsque les parties n'ont pas la capacité ou le pouvoir de
transiger et lorsqu'il n'est pas permis de transiger sur l'objet du
litige. De même, en principe, un litige auquel est partie une
personne morale de droit public n'est pas susceptible d'être réglé
par la voie de l'arbitrage (art. 1676).
La décision du président est exécutoire, nonobstant tout
recours, sans préjudice de l'application de l'article 1714 (art. 1710/2,
in fine ; adde. art. 1029, al. 2) (2 166 ) dont le premier alinéa énonce
que «le juge saisi d'un recours contre une décision par laquelle la
sentence a été revêtue de la formule exécutoire ou d'une demande en
annulation de la sentence, peut ordonner, à la demande d'une partie,
qu'il sera sursis à l'exécution de la sentence ou que l'exécution sera
subordonnée à la constitution d'une garantie». Cette disposition ne
déroge pas à l'article 1402 (2 167) qui défend aux juges d'appel
d'interdire l'exécution des jugements ou d'y faire surseoir ; c'est le
premier juge, saisi d'une tierce-opposition dirigée contre l'ordon-
nance d'exequatur ou d'une demande d'annulation dont l'issue
conditionne le maintien de la décision d'exequatur (art. 1714/2) qui
peut, à la demande d'une partie, surseoir à l'exécution ; il s'a~it
d'une règle semblable à celle qui est prévue par l'article 1127 (2 16 ).
L'article 1714/1 permet aussi de ne pas suspendre l'exécution en la
subordonnant à la constitution d'une garantie (2 169 ) ( 2170).

2165
( ) E. KRINGS. op. cit.. Rev. Dr. lnt. Dr. Comp .. 1976. p. 186.
(2 166 ) Contra l'art. 39 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (infra. n" 250 B 5).
(2 167 ) Contra E. KRINGS, op. cit.. Rev. Dr. Int. Dr. Comp .. 1976. p. 196. n" 9; M. HUYS
et G. KEUTGEN, op. cil., n" 559; infra. n" 271 B.
16
(' ") Supra, n" 21.

(2 169 ) L'art. 38. al. 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septcmhre 1968 énonce une règle
semblable (infra n" 250 C 4).
(2 170 ) De même on doit admettre que la décision d'exequatur contre laquelle un recours est
exercé constitue, avec la sentence. un titre permettant. de pratiquer une saisie conservatoire (supra,
n" 171 ; comp. art. 39. al. 2 Conv. de Bruxelles; infra. n" 250 B 5).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 499

Dans les cinq jours de la prononciation, la décision est


notifiée, sous pli judiciaire, par le greffier au requérant (art.
1710/4). Cette notification lui permet soit d'interjeter appel de la
décision si elle lui est défavorable, soit de poursuivre la procédure à
charge de la partie adverse si la décision a été revêtue de la formule
exécutoire.

C. - Les recours.

Le déroulement de la procédure est à ce niveau susceptible


d'être influencé par une demande d'annulation de la sentence
arbitrale, ce qui est tout à fait normal puisqu'une sentence annulée
enlève toute force exécutoire à la décision d'exequatur (art.
1714/2).

1. - Le recours émane du requérant originaire.

«Si la requête est rejetée, le requérant peut interjeter


appel, dans le mois de la notification devant la Cour d'appel. Cet
appel est formé par exploit d'huissier de justice signifié à la partie
contre laquelle l'exécution a été demandée et contenant citation à
comparaître devant la cour.
Si cette partie prétend obtenir l'annulation de la sentence
sans avoir précédemment introduit une demande à cet effet, elle
doit former sa demande devant le tribunal de première instance à
peine de déchéance, dans le délai d'un mois à partir de la
signification de l'acte d'appel. La cour d'appel surseoit à statuer
jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur la demande
d'annulation» (art. 1711).

Il importe de relever :

- que contrairement au droit commun de la procédure sur requête


unilatérale, la procédure revêt un caractère contradictoire en
degré d'appel (tl 71 ) ;

- que si l'exploit d'huissier ne s'impose pas à peine de nullité, il est


souhaitable d'utiliser ce mode introductif de l'appel qui seul fait
courir Je délai d'un mois endéans lequel une demande en

(2 171 ) Voy. aussi l'art. 40 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968; infra, n" 250
D 2.
500 TRAITÉ DES SAISIES

annulation doit à peine de déchéance, et sous réserve de ce que


prévoit l'article 1713 (2 172 ), être introduite (2 173 ) ;
- que la demande d'annulation est introduite devant le tribunal de
première instance et qu'elle entraîne la surséance de la procédure
d'appel «jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur
la demande d'annulation».
La décision rendue par le tribunal sur la demande d'annu-
lation est elle-même susceptible d'appel. En ce cas les deux appels
peuvent être joints et examinés simultanément (2 174). Ce n'est que
si la demande d'annulation est définitivement rejetée que la
demande d'exequatur peut prospérer en instance d'appel (art.
1714/2 a contrario).
2. - Le recours émane de la partie adverse.
«La décision par laquelle la sentence a été revêtue de la
formule exécutoire doit être signifiée par la partie qui l'a requise à
l'autre partie. Elle est susceptible d'opposition devant le tribunal de
première instance dans le délai d'un mois à partir de la significa-
tion.
La partie qui fait opposition et qui prétend obtenir l'annu-
lation de la sentence sans avoir précédemment introduit une
demande à cet effet, doit former sa demande d'annulation, à peine
de déchéance, dans la même procédure et dans le même délai prévu
à l'alinéa 1er. La partie qui, sans faire opposition conformément à
l'alinéa 1er, prétend obtenir l'annulation de la sentence doit, à
peine de déchéance, former sa demande d'annulation dans le délai
prévu à l'alinéa 1er» (art. 1712).
Il importe de relever :
- que la demande d'annulation doit également satisfaire aux
conditions de délai énoncées par !'article 1713 ;
- que l'opposition à la décision d'exequatur est une tierce-opposi-
tion introduite par la seule partie contre laquelle l'exécution a été

(2 172 ) Si la demande d'annulation est fondée sur une des causes prévues à l'article 1704, alinéa
2, lettres d à j (et non a à c), elle doit au surplus être intentée dans les trois mois de la notification de
la sentence aux parties (art. 1707, 1et1713, 1, cbnés). Par contre, le respect du délai d'un mois prévu
par l'art. 1711/2 ne s'impose pas dans l'hypothèse prévue à l'art. 1713/2 lorsqu'il s'agit d'une cause
d'annulation prévue à l'article 1704/3.
(2 173 ) E. KRINGS, op. cit., Rev. Dr. Int. Dr. Comp., 1976, p. 193-194.
(2 174 ) E. KRINGS, op. cit., Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., 1976, p. 196, n" 8.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 501

demandée ( 2175 ), non devant le président qui a rendu la décision


attaquée, mais devant le tribunal de première instance (2 176 ) ; le
délai d'un mois n'est pas susceptible de prorogation en raison des
vacances judiciaires ou de la signification à l'étranger (art. 50, al.
2 a contrario ; art. 55 et 1034, cbnés) ;
- que la demande d'annulation peut être introduite ou poursuivie
indépendamment de la tierce-opposition tout en produisant le
même effet sur la suspension (qui n'a pas lieu de plein droit ; art.
171411) ou l'anéantissement (art. 1714/2) de la décision d'exequa-
tur.

D. -Règles spéciales.
1. - Les articles 1715 et 1716 régissent l'exequatur de la
transaction intervenue devant le tribunal arbitral. Les règles à suivre
correspondent à celles qui sont prévues pour l'exequatur de la
sentence arbitrale. Le concours entre la procédure d'exequatur et la
procédure d'annulation de la transaction, dans les cas prévus par les
articles 2052 à 2058 du Code civil, n'étant pas réglé, il y a lieu,
semble-t-il, de soumettre la procédure d'annulation de la transac-
tion aux dispositions qui ont trait à l'annulation de la sentence
arbitrale même si la procédure d'annulation repose sur des causes
différentes à invoquer dans des délais qui varient suivant la nature
du moyen (art. 1707 et 1713, cbnés) (2 177). Cette solution est
conforme au but du législateur qui donne à l'acte transactionnel la
forme d'une véritable sentence arbitrale revêtue, par l'exequatur,
de la force exécutoire.
2. - L'article 1718 concerne l'exequatur de la sentence
arbitrale lorsqu'il a été compromis sur l'appel d'un jugement du
tribunal de première instance ou du tribunal de commerce. En ce
cas, la sentence ne peut faire l'objet d'une exécution forcée
qu'après avoir été revêtue de la formule exécutoire par la Cour
d'appel, la partie contre laquelle l'exécution est demandée étant

2175
( ) La tierce-opposition ne peut pas être formalisée par n'importe quel tiers comme le
prévoit l'art. 1033; voy. dans le même sens l'art. 36 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968 et CJ.CE., 2 juillet 1985, Rev. Crit. D.I.P., 1986, 341. Mais il va de soi que tout tiers intéressé
peut agir devant le juge des saisies pour contester les mesures d'exécution ultérieures (supra n" 244/2
et note 2135).
2176
( ) E. KRINGS, op. cit., p. 193, n" 7 g (comp. art. 4 et 5 de la loi du 5 mai 1872 sur le gage
commercial).
2177
( ) E. KRINGS, op. cit.. Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., 1976, p. 196, n° 10: «la loi n'ayant pas
déterminé la procédure à suivre pour l'annulation de la trans.1etion, il faut appliquer les dispositions
qui ont trait à l'annulation de la sentence arbitrale». Comp. supra. n" 228.
502 TRAITÉ DES SAISIES

citée à comparaître (art. 1718/1); il ne s'agit donc pas d'une


procédure sur requête unilatérale comme semble l'indiquer l'article
606, 1° mais d'une procédure introduite par citation devant la Cour
d'appel sié§eant en chambre à conseiller unique (art. 109 bis,§ 1er,
C. jud.) (2 78). Si la partie contre laquelle l'exécution est deman-
dée prétend obtenir l'annulation de la sentence sans avoir préala-
blement introduit une demande à cet effet, elle doit former sa
demande d'annulation, à peine de déchéance, dans la même
procédure, sous réserve des dispositions de l'article 1713 (art.
1718/2). Les décisions de la Cour d'appel ne sont pas susceptibles
d'opposition (art. 1718/3).

247) L'exequatur des sentences arbitrales rendues à l'étranger.


A. - Le droit commun.
Les articles 1719 à 1723 du Code judiciaire régissent, à titre
supplétif, en l'absence de traité applicable, l'exécution des senten-
ces arbitrales rendues à l'étranger :
1. - La demande d'exequatur est formée par voie de requête
unilatérale (2179 ) (2 180) devant le président du tribunal de pre-
mière instance dans le ressort duquel la personne contre laquelle
l'exécution est demandée a son domicile et, à défaut de domicile, sa
résidence. Si cette personne n'a ni domicile, ni résidence en
Belgique, la demande est portée devant le président du tribunal de
première instance du lieu où la sentence doit être exécutée (art.
1719, 1 et 2) (2 181 ). On souligne qu'il n'est pas requis que la
sentence ait été préalablement déclarée exécutoire dans le pays
d'origine (2 182).
2. - Le juge refuse l'exequatur (art. 1723):
- si la sentence peut encore être attaquée devant les arbitres et si
les arbitres n'en ont pas ordonné l'exécution provisoire nonob-
stant appel ;

2178
( ) Loi du 19 juillet 1985 relative à la création de chambres à conseiller unique au sein des
cours d'appel (M.B., 15 août 1985).
2179
( ) Le requérant fait élection de domicile dans l'arrondissement du tribunal à moins qu'il
n'y ait son domicile au sens de l'article 36. Il joint à la requête l'original de la sentence et de la
convention d'arbitrage ou une copie réunissant les conditions nécessaires à leur authenticité (art.
1719, 3 et 4) (L. DERMINE, op. cit., p. 85, n" 173).
(2 180 ) Le président peut toutefois décider de convoquer la partie contre laquelle l'exécution a
été demandée (art. 1719/5).
(2 181 ) L. DERMINE, op. cit., p. 84, n" 173; voy. aussi infra, n" 250 A et note 2223.
(2 182 ) E. KRINGS. op. cit., Rev. Dr. !nt. Dr. Comp., 1976, p. 198, n" 16; L. DERMINE,
op. cit., p. 81, n" 167.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 503

- si la sentence ou son exécution est contraire à l'ordre public


(2 183 ) ou si le litige n'était pas susceptible d'être réglé par la voie
d'arbitrage ;
s'il est établi qu'il existe une cause d'annulation prévue à l'article
1704 (2 184 ) sans cependant gu'une demande d'annulation puisse
être formée en Belgique (2 18 ).
3. - Si la requête est rejetée, le requérant peut interjeter
appel, dans le mois de la notification de la décision (art. 1720),
devant la Cour d'appel ; la procédure y est contradictoire (art.
1721) (2186).
La décision exécutoire par provision accordant l'exequatur
doit être signifiée par la partie requérante à la personne contre
laquelle l'exequatur est demandé. Cette décision est susceptible de
tierce-opposition devant le tribunal de première instance dans le
délai d'un mois à partir de la signification (art. 1722). Il en est ainsi
même dans l'hypothèse où la partie contre laquelle l'exécution est
demandée a été convoquée conformément à l'article 1719, alinéa 5;
c'est pourquoi même en cette hypothèse la procédure demeure
fondamentalement une -Rrocédure non contradictoire devant le
président du tribunal (2 18 ).
B. - Les conventions internationales.
L'arbitrage est écarté de la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 (art. 1er, al. 2, 4°) car «bien que l'article 220 du
Traité de Rome ait mentionné la reconnaissance et l'exécution des
sentences arbitrales parmi les objets des négociations devant être
engagées entre les Etats de la Communauté, les rédacteurs de la
Convention ont préféré ne r,as s'interposer dans un réseau de
conventions déjà denses» (2 18 ).

183
(' ) Il s'agit de l'ordre puhlic international entendu de manière plus étroite que l'ordre
public interne (E. KRINGS. op. cit., Rcv. Dr. lnt. Dr. Comp., 1976, p. 199, n° 18; L. DERMINE,
op. cit., p. 81, n° 168; J. EL-HAKIM, op. cit., Etudes dédiées à A. WEILL, Dalloz 1983, 237).
(2 184 ) Un tel examen ne peut se faire qu'à la demande de l'une des parties (E. KRINGS. op.
cit., Rev. Dr. Int. Dr. Comp., 1976, p. 199, n" 19; L. DERMINE, op. cit., p. 84, n" 171 et réf. aux
trav. pari.).
(2 185 ) Si l'exequatur est refusé en raison de l'existence d'une cause d'annulation, il n'y a pas à
nos yeux d'ohstacle à ce que le bénéficiaire de la sentence inefficace en Belgique, entame une
procédure au fond devant les tribunaux étatiques (contra, L. DERMINE, op. cil., p. 84, n" 172).
186
(' ) Comp. art. 1711/1, supra, n" 246 C/l.

(2 187 ) E. KRINGS, op. cit., Rev. Dr. lnt. Dr. Comp., 1976, p. 199, n" 20; contra J.
THIEFFRY, L'exécution des sentences arhitrales, Eléments de droit comparé, Rcv. Arb., 1983, 426.
188
(' ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Jupiter 1985, p. 14, n" 26 et p. 133, n" 233. Adde. infra, n" 250.
504 TRAITÉ DES SAISIES

Ces conventions sont soit bilatérales, soit multilatérales.


Elles excluent l'application de l'article 1723. Lorsque plusieurs
conventions s'appliquent concurremment, le bénéficiaire de la
sentence peut opter ~our le régime de la convention qui lui apparaît
le plus favorable (2 1 ).
Les conventions bilatérales : sont la convention belgo-
française du 8 juillet 1899 (art. 11, 1° à 4°, 15 et 18) (2 190 ) ; la
convention belgo-néerlandaise du 28 mars 1925 (art. 11, 1° à 4°, 15
et 18} ~2191 ) ; la convention belgo-allemande du 30 juin 1958 (art.
13) (2 1 2 ) ; la convention belgo-suisse du 29 avril 1959 (art. 9)
(2 193 ) ; la convention belgo-autrichienne du 26 juin 1959 ~ui se
réfère à la convention de New York du 10 juin 1958 (art. 6) ( 194 ).
Les conventions multilatérales sont : la Convention de
New York du 10 juin 1958 relative à la reconnaissance et à
l'exécution des sentences arbitrales étrangères ratifiée par la loi du
5 juin 1975 (2 195 ) (2 196) et la Convention européenne sur

(2 189) M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 403, n" 588; adde. note 2195.
(2 190 ) Il n'y a pas d'exigence d'un double exequatur en cc sens que celui-ci devrait d'abord
être obtenu dans le pays où la sentence a été rendue (M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cil., p. 400,
n° 583; contra L. DERMINE. p. 90, n° 183). L'exequatur est accordé sur requête (M. HUYS et G.
KEUTGEN, op. cit., p. 404, n" 589) par le président du tribunal civil de l'arrondissement dans lequel
l'exécution est poursuivie (art. 15. al. 2, Conv. ; comp. et contra. art. 1719. al. 2, C. jud.). Enfin, la
seule voie de recours possible est l'appel (art. 18, Conv.).
2191
( ) Les règles applicables sont identiques à celles qui sont mentionnées à la note 2190.
(2 192 )En exigeant que la sentence soit exécutoire dans l'Etat où elle a été rendue, l'article 13
de cette convention rend obligatoire la formalité du double exequatur (M. HUYS et G. KEUTGEN,
op. cit., p. 401, n" 585; L. DERMINE, op. cit., p. 91, n° 186). La convention ne contient pas de
dispositions procédurales particulières mais précise que <da procédure d'exequatur sera régie par la
loi de l'Etat où l'exequatur est demandé» (art. 15, al. 4), c'est-à-dire les articles 1719 à 1722 du Code
judiciaire (supra, n" 247 A).
(2 193 ) Il n'y a pas lieu à double exequatur. La procédure est celle des articles 1719 à 1722.
2194
( ) M. HUYS et G. KEUTGEN, op. cit., p. 402, n" 587.
(2 19') E. KRINGS, op. cit., Rcv. Dr. lnt. Dr. Comp., 1976, p. 200 à 202, n"s 22 à 27. La
procédure est celle qui est prévue par les articles 1719 à 1722. Le juge refusera l'exequatur si le différend
n'est pas susceptible d'arbitrage ou si la sentence est contraire à l'ordre public (art. V-2). Pour le surplus,
il incombe au défendeur, s'il veut s'opposer à l'exequatur, conformément à l'art. 1722, d'établir
l'existence d'une des causes de refus prévues par l'article V-1 de la Convention. Sur la conciliation entre
l'art. V-1 e et l'art. VII-1, voy. Cass. Fr., 9octobre 1984, Clunet 1985,679ct note Ph. KAHN et Rev. Crit.
D.1.P .. 1985, 555 etobs. B. DUTOIT: «Les dispositions de la Convention de New York du 10 juin 1958
pour la reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères ne privant aucune partie intéressée du
droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise
par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée, le juge ne peut refuser l'exequatur
lorsque son droit national l'autorise et le juge français par application de l'article 12du Nouveau Code de
Procédure doit, même d'office, se livrer à cette recherche». Addc Trib. Féd. Suisse, 14 mars 1984. Rec.
Crit. D.l.P., 1985, 551: «En cas de concurrence entre les dispositions du Traité franco-suisse de 1869 et
de la Convention multilatérale de New York. la partie qui demande l'exécution d'une sentence arbitrale
peut se fonder, en vertu de la règle de! 'efficacité maximale, sur la disposition qui lui est la plus favorable».
(2 196) La liste des Etats liés est reproduite dans le Code judiciaire, La Charte, Législation
internationale, T. II, p. 62/1.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 505

l'arbitrage commercial international faite à Genève le 21 avril 1961


et ratifiée par la loi du 11 juillet 1975 (2 197 ) (2 198 ) (2 199).

§ 2. - L'exequatur des décisions étrangères. (2200)


248) Il n'y a pas lieu à application d'un traité.
La procédure d'exequatur est introduite par citation de-
vant le tribunal de première instance du domicile du défendeur ou
du lieu où l'exécution de l'obli§ation doit être poursuivie (art. 624,
1° et 2°; adde. art. 635, 7°) (2 2 1).
Aux termes de l'article 570 du Code judiciaire, «le tribunal
de première instance statue, quelle que soit la valeur du litige, sur
la demande d'exequatur des décisions rendues par les juges
étrangers en matière civile.
A moins qu'il n'y ait lieu à application d'un traité entre la
Belgique et le pays où la décision a été rendue, le juge vérifie outre
le fond du litige :
1° - si la décision ne contient rien de contraire aux principes
d'ordre public (2 202 ) ni aux règles du droit public belge ;
2° si les droits de la défense ont été respectés (2203 ) ;

3° si le juge étranger n'est pas uniquement compétent à raison


de la nationalité du demandeur ;

(2 197 ) E. KRINGS, op. cit., Rev. Dr. Int. Dr. Comp., 1976, p. 202 à 204, n°s 28 à 30.
L'article IX détermine les cas d'annulation qui sont susceptibles de constituer des causes de refus de
reconnaissance et d'exécution.
(2 198 ) La liste des Etats liés est reproduite dans le Code judiciaire, La Charte, Législation
internationale, T. Il, p. 115. La confidentialité et l'existence de ces conventions internationales
limitant les chefs de contrôle des sentences arbitrales au stade de l'exequatur, expliquent qu'il est
beaucoup plus facile d'exécuter une sentence arbitrale dans le monde qu'il ne l'est d'exécuter à
l'étranger une décision émanant d'une juridiction étatique (E. GAILLARD, Le principe de
confidentialité de l'arbitrage commercial international, Dalloz, 1987, Chronique, p. 153 et note 2).
2199
( ) Voy. aussi infra, n° 253.
(2 200 ) Au sujet de la saisie conservatoire pratiquée sur base d'un jugement étranger non
exequaturé, voy. supra n" 170.
2201
( ) Comp. supra n° 247 A (art. 1719, C. jud.) et infra n° 250 A 1 et note 2223 (art. 32,
Convention de Bruxelles).
2202
( ) Il s'agit de l'ordre public international (Cass., 4 mai 1950, Pas., 1950, 1, 624; Cass., 27
février 1986, Rev. Not. 1986, 474 et obs. R. VANDER ELST et J.T., 1987, 52 et obs. N. WATTE;
R.W., 1986-1987, 1388). Adde. note 2236.
203
(' ) H. BORN et M. FALLON, Droit judiciaire international (1978-1982), J.T., 1983, p.
234, n° 221 et J.T., 1987, p. 498, n° 131.
506 TRAITÉ DES SAISIES

4° si d'après la loi du pays où la décision a été rendue, elle est


passée en force de chose jugée ;
5° - si d'après la même loi, l'expédition qui en est produite réunit
les conditions nécessaires à son authenticité».
L'examen concerne donc tant la forme que le fond. Il s'agit
du pouvoir de révision par le juge belge du jugement étranger. Le
juge belge ne peut substituer une décision nouvelle au jugement
étranger ; il se limite à accorder (2204 ) ou à refuser l'exequatur
(2205 ). Le juge de l'exequatur peut accorder l'exécution provisoire.

249) Les conventions internationales.


Il importe de mentionner d'abord les traités doubles
régissant «la compétence directe du juge saisi du grocès originaire
et la reconnaissance et l'exécution des décisions» ( 206 ) ; il s'agit de
la convention franco-belge du 8 juillet 1899 et de la convention
belgo-néerlandaise du 28 mars 1925. Un accord sur la compétence
facilite évidemment la mise en oeuvre d'un accord sur l'effet des
jugements dans la mesure où l'examen des règles de compétence ne
se pose généralement plus à ce stade. Viennent ensuite les traités
simples qui ne concernent que la reconnaissance et l'exécution des
décisions : la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et
la Grande-Bretagne ; la convention belgo-allemande du 30 juin
1958 ; la convention belgo-suisse du 29 avril 1959 ; la convention
belgo-autrichienne du 16 juin 1959 ; la convention belgo-italienne
du 6 avril 1962. Ces conventions énoncent des règles indirectes de
compétence en ce sens que le juge de l'Etat requis refusera
l'exequatur si le juge de l'Etat d'origine s'est prononcé dans un

2204
( ) Le cas échéant. partiellement pour autant que les éléments du dispositif ne constituent
pas un ensemble indissociable (infra, n° 250 B). Au sujet de l'autorité de chose jugée, voy. H.
BORN et M. FALLON, op. cit., J.T., 1987, p. 496, n" 123. Adde. supra, note 2133. Au sujet de la
révision au fond en matière d'état et de capacité lorsque la demande tend non seulement à la
reconnaissance mais à la force exécutoire de la décision, voy. les mêmes auteurs, J.T., 1987, p. 497,
n" 127 (ceux-ci font ressortir le contenu de l'état et de la capacité qui n'englobe pas, par exemple, les
pensions alimentaires).
2205
( ) R. VANDER ELST, Les aspects internationaux du droit de l'exécution selon le Code
judiciaire et les traités bilatéraux conclus par la Belgique, in Les voies conservatoires et d'exécution,
Bilan et Perspectives, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 252-253; l'auteur précise que puisqu'il
s'agit non de juger le procès dans son entier mais le jugement étranger, les demandes nouvelles sont
irrecevables et la charge de la preuve du «mal jugé» incombe au défendeur à l'exequatur.
2206
( ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., p. 3, n" 3. Sur la distinction entre traités
simples et traités doubles et la plus grande efficacité de ceux-ci au niveau de l'exécution, voy. aussi R.
YANDER ELST et M. WESER, Droit international privé belge et droit conventionnel internatio-
nal. T. Il, Conflits de juridiction, par M. WESER et P. JENARD, Bruylant, Bruxelles, 1985, p. 10 à
20, n"s 87 à 89.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 507

litige qui, en vertu de la convention, ne relevait pas de sa


compétence. Il y a donc contrôle a posteriori de celle-ci s'effectuant
sur le jugement rendu.
Les conditions auxquelles sont déclarées exécutoires les
décisions sont fixées par chacune de ces conventions qui offrent
l'avantage d'exclure la révision au fond (2 207 ). La compétence
territoriale du tribunal civil est définie conformément au droit
commun sauf si une règle spéciale de compétence territoriale est
prévue par la convention applicable (2 208). Sauf texte dérogatoire
(2209), la procédure est régie par la loi de l'Etat dans lequel
l'exécution est requise.
Les traités conclus entre les Etats membres de la Commu-
nauté économique européenne ne continuent à produire leurs effets
que dans les matières auxquelles la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 n'est pas applicable (art. 55 et 56 de cette
convention) {2 210).
Enfin, il y a lieu de signaler l'existence de conventions
bilatérales ou multilatérales (auxquelles la Convention du 27
septembre 1968 ne déroge pas, art. 57), réglant la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière alimentaire : la Convention de
La Haye du 15 avril 1958 concernant la reconnaissance et l'exécu-
tion des décisions en matière d'obligations alimentaires envers les
enfants {2 211 ) ; les conventions bilatérales réglant la reconnais-

(2 207 ) R. V ANDER ELST. op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 256.
(2 208 ) Ainsi, la Convention franco-belge (art. 12) et la Convention belgo-néerlandaise (art.
12). retiennent le tribunal civil de l'arrondissement où l'exécution doit être poursuivie (comp. supra,
note 2190).
( 2209 ) Il importe spécialement de tenir compte des règles spéciales limitant l'exercice des
recours (voy. spécialement l'art. 14 de la Convention franco-belge ; l'art. 14/3 de la Convention
belgo-néerlandaise; l'art. 8/1 de la Convention bclgo-suisse).
2210
( ) Sur cette convention. voy. n° 250.
(2211 ) Code judiciaire, La Charte, Législation internationale, T. III, 1, p. 7 et s. (voy. p.! lia liste
des pays liés). La Convention de New York du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l'étranger
(Code judiciaire, La Charte, Législation internationale, T. Ill, 1, p. 12; voy. p. l 7laliste des pays liés), ne
traite pas de la reconnaissance et del' exécution mais facilite celle-ci en fournissant une aide aux créanciers
d'aliments représentés par des mandataires tant dans le pays d'origine que dans le pays où se trouve le
débiteur pour prendre toutes les mesures propres à assurer le recouvrement des aliments (G. de LEV AL,
L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale. in L'évolution du droit judiciaire
au travers des contentieux économique, social et familial, Xlès Journées Jean DABIN, Bruxelles,
Bruylant, 1984, p. 899, n" 30 et réf. cit.). Adde. la Convention européenne sur la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, faite
à Luxembourg, lc20mai 1980etapprouvéeparlaloidu Ier août 1985 (M.B., li décembre 1985, p.18173;
S. OSCHINSKY, L'enlèvement international d'enfants, J. T., 1986, 433-435 et L. CHA TIN, Les conflits
relatifs à la garde des enfants et au droit de visite en droit international privé. Droit international privé,
1981-1982, C.N.R.S., Paris, 1985, 107 à 138).
508 TRAITÉ DES SAISIES

sance et l'exécution des décisions en matière d'obligations alimen-


taires (avec l'Autriche, Convention du 25 octobre 1957; avec la
Yougoslavie, Convention du 12 décembre 1973 ; avec la Roumanie,
Convention du 30 octobre 1979 ; avec la Tchécoslovaquie, Conven-
tion du 15 décembre 1984) (2212 ).

250) La Convention entre les Etats membres de la Communauté


économique européenne concernant la compétence judiciaire
et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 (2213).

Il s'agit d'un traité double (2 214 ).


«La Convention s'applique en matière civile et commer-
ciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Elle ne recouvre
notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.
Sont exclus de son application :
1° - l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes
matrimoniaux, les testaments et les successions ;
2° - les faillites, concordats et autres procédures analogues ;
3° - la sécurité sociale ;
4° - l'arbitrage» (art. 1er) (2 215 ).
Le titre III de la Convention est relatif à la reconnaissance
et à l'exécution. Dans l'un et l'autre cas, les conditions de régularité
sont les mêmes (art. 27, 28 et 34, al. 2) mais alors que la
reconnaissance a lieu sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune
procédure (art. 26, al. 1er ; mais en cas de contestation un contrôle
à fin de reconnaissance est prévu par l'art. 26, al. 2 et 3), la mise à
exécution dans un Etat membre (Etat requis) de la décision

(2212) Voy. Code judiciaire, La Charte, Législation internationale, T. III, 1, p. 1à6/3).


(2 213 ) Il s'agit du texte adapté par les Conventions relatives à l'adhésion du Danemark, de
l'Irlande, du Royaume-Uni et de la Grèce à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (Doc.
Pari. Sénat, Sess., 1984-1985, n° 874/1 et Loi d'approbation du 31juillet1986, M.B. 17 octobre 1986,
p. 14.282); voy. G.A.L. DROZ, Entrée en vigueur de la Convention de Bruxelles révisée sur la
compétence judiciaire et l'exécution des jugements, Rev. Crit. D.l.P., 1987, 251à303.
(2 214 ) Supra, n° 249.
(2215 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., Jupiter, 1985, n"s 15 à 31 et n° 234; il
importe d'insister sur ce que la Convention est applicable aux obligations alimentaires (lb. n° 22).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 509

prononcée dans un autre Etat membre (Etat d'origine~ est toujours


subordonnée à une procédure préalable d'exequatur ( 216).
En raison des garanties accordées au défendeur dans la
procédure d'origine, la Convention, en son titre III, se montre très
libérale quant à la reconnaissance et l'exécution (2217 ). «L'objet
principal de la Convention est de simRlifier les procédures dans
l'Etat où l'exécution est demandée» (2 2 ).
On se limite ici à un ex~osé général des règles applicables à
la procédure d'exequatur (2 21 ), préalable obligé à une mesure
d'exécution forcée sur les biens du débiteur.
Aux termes de l'article 31, alinéa 1er,« les décisions rendues
dans un Etat Contractant et qui y sont exécutoires sont mises à
exécution dans un autre Etat Contractant après y avoir été revêtues
de la formule exécutoire sur requête de toute partie intéressée»
(2220) (2221 ), c'est-à-dire de toute personne qui peut revendiquer la
traduction dans les faits de la décision à exequaturer (2 222 ).

(2 216 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX. op. cit.. Jupiter, 1985, n"s 245-246.


(2 217 ) C.J.C.E., 21 mai 1980. Rec .. 1980, 1553; Rapport JENARD, J.O.C.E .. 5.3.79, n°s
59/47; voy. cependant P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n"s 236 et 356.
(2218 ) C.J.C.E., 27 novemhrc 1984, Aff. 258/83; C.J.C.E., 2 juillet 1985, Clunct. 1986, 469 et
obs. A. HUET.
(2219) Au Royaume-Uni, il s'agit de la procédure d'enregistrement (art. 31. al. 2; P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n"s 341 et 342).
222
( ") Les décisions judiciaires autorisant des mesures provisoires ou conservatoires rendues
sans que la partie contre laquelle elles sont dirigées ait été appelée à comparaître et destinées à être
exécutées sans avoir été préalahlemcnt signifiées ne bénéficient pas du régime de reconnaissance et
d'exécution prévu par le titre 111 de la Convention (C.J.C.E., 21 mai 1980, Rcc., 1980, 1553; P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n" 241 ; supra, n° 26 B). lnversément la décision rendue à
l'égard d'un défendeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat contractant en appliquant les
règles de compétence internationale de l'Etat d'origine (art. 4 mais voy. l'art. 59) est reconnue et
exécutée conformément à la Convention (P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit.. n°s 301, 302.
314).
(2221 ) Le bénéficiaire d'une décision susceptible d'être revêtue de la formule exécutoire en
vertu de l'article 31 ne peut demander à une juridiction d'un autre Etat contractant de condamner
l'autre partie à ce à quoi clic a été condamnée dans le premier Etat (C.J.C.E., 30 novembre 1976.
Rec., 1976, 1759; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n"s 250 et 251; comp. supra, n° 221).
(2222 ) «La formule «toute partie intéressée» implique d'abord l'exigence d'un intérêt à
poursuivre l'exécution forcée de la décision dans le pays requis, par exemple en raison de la présence
actuelle ou des chances de présence future dans cc pays de biens de la partie condamnée et
récalcitrante. Cette formule implique aussi que la partie intéressée et recevable à présenter la
requête, n'est pas forcément celle qui a obtenu la décision. Cc peut être toute personne en droit de
requérir la réalisation forcée du dispositif de la décision (héritiers, cessionnaires, suhrogés) » (P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 343; voy. aussi supra, n° 218 B). «Réciproquement,
l'action en exequatur à fin d'exécution forcée est exerçablc soit contre la personne même que la
décision étrangère a condamnée, soit contre ceux qui sont tenus avec elle de l'exécuter ou qui lui ont
succédé dans cette obligation» (D. llOLLEAUX, Effets en France des décisions étrangères, Juriscl.
dr. int., Fasc. 584-B, 2ème cahier, n" 32; adde. en cas de fusion, ih .. n" 35; P. Y. GAUTIER. note
sous Cass. Fr.. 3février1987, Rcv. Crit. D.J.P., 1987. 630-631 ; supra. note 2091).
510 TRAITÉ DES SAISIES

A. - Procédure sur requête unilatérale.


1. - La requête est présentée en Belgique au tribunal de
première instance (art. 32, al. 1er). La compétence territoriale de
celui-ci est déterminée par le domicile de la partie contre laquelle
l'exécution est demandée. Si cette partie n'est pas domiciliée sur le
territoire de l'Etat requis, la compétence est déterminée par le lieu
de l'exécution (art. 32, al. 2) ; si le débiteur possède des biens en
des endroits situés dans plusieurs arrondissements, la procédure
sera introduite devant le tribunal de première instance d'un de ces
arrondissements {2223 ). Si l'article 32, alinéa 2 est inapplicable
parce qu'aucune des conditions de la compétence territoriale n'est
satisfaite, «le requérant devra pouvoir saisir le juge de son choix à
condition d'exercer ce choix conformément aux exigences de la
bonne administration de la justice» (2224).
2. - «Les modalités du dépôt de la requête sont déterminées
par la loi de l'Etat requis» (art. 33, al. 1er) ; partant en Belgique, il
y a lieu de respecter les articles 1025 à 1027 du Code judiciaire. La
requête doit donc être obligatoirement signée par un avocat (art.
1026, 50) (2225).
«Le requérant doit faire élection de domicile dans le
ressort de la juridiction saisie. Toutefois, si la loi de l'Etat requis ne
connaît pas l'élection de domicile, le requérant désigne un manda-
taire ad litem» (art. 33, al. 2) {2226). Il s'agit spécialement de
faciliter la signification éventuelle de l'acte introductif d'une tierce-
opposition (art. 37).

2223
( ) La compétence du juge du lieu de l'exécution est pour cette raison subsidiaire. Il
importe d'éviter au maximum que le demandeur débouté devant une juridiction, au lieu d'exercer les
voies de recours prévues par la convention, saisisse une autre juridiction, qui ne statuera pas
nécessairement dans le même sens que la première et ce, à l'insu de la première, la procédure étant
unilatérale (Rapport JENARD, J.O.C.E., 5.3.79, n" 59/49).
2224
( ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n" 354.

(2225) La solution est la même en France (Trib. Gde. lnst. Paris, 17 janvier 1983, Gaz. Pal.,
15-16 juin 1983, 15).
(2226) «L'obligation d'élire domicile doit être accomplie selon les modalités définies par la loi
de l'Etat requis, et dans le silence de cette loi quant au moment où cette formalité doit être
accomplie, au plus tard lors de la signification du jugement accordant l'exequatur. Les conséquences
qui résultent de la violation des modalités relatives à l'élection de domicile sont, en vertu de l'article
33 de la Convention, définies par la loi de l'Etat requis, sous réserve du respect des objectifs visés par
la Convention». (C.J.C.E., 10 juillet 1986, J.T., 1986, 665 et obs. M. EKELMANS; Rev. Crit.
D.J.P., 1987, 144 et obs. H. GAUDEMET-TALLON qui fait observer, en l'approuvant car il
appartient au requérant de s'enquérir de la suite réservée à sa demande, qu'ainsi la Cour ne retient
pas le premier objectif généralement assigné à l'art. 33 al. 2, à savoir faciliter la communication de la
décision d'exequatur au plaideur qui l'a sollicitée (infra, B/4). Voy. cependant les obs. critiques
signées A.H., in Clunet, 1987, p. 475 à 477. Adde. Cass., 14 juin 1985, Pas., 1985, I, 1323).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 511

«Les documents mentionnés aux articles 46 et 47 sont


joints à la requête» (art. 33, al. 3), c'est-à-dire:

l'expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à


son authenticité (art. 46/1) (2 227 ) et tout document de nature à
établir que selon la loi de l'Etat d'origine la décision est
exécutoire (2 228 ) et a été signifiée (art. 47, 1) (2 229 ) ;

s'il s'agit d'une décision par défaut (2230 ), l'original ou une copie
certifiée conforme du document établissant que l'acte introductif
d'instance ou un acte équivalent a été signifié ou notifié à la
partie défaillante (art. 46, 2) et s'il y a lieu (art. 44) un document
justifiant que le requérant bénéficie de l'assistance judiciaire
dans l'Etat d'origine (art. 47, 2) (2 231 ).

3. - Le souci d'éviter tout formalisme excessif et de limiter au


maximum les frais de procédure est présent dans certaines disposi-
tions:

- .en ce qui concerne les documents mentionnés aux articles 46 et


47, il est produit une traduction des documents si l'autorité
judiciaire l'exige, la traduction étant certifiée par une personne
habilitée à cet effet dans l'un quelconque des Etats contractants

(2 227 ) L'authenticité du jugement est établie conformément à la règle «locus regit actum,, ;
c'est la loi du lieu où le jugement a été rendu qui prescrit les conditions d'après lesquelles l'expédition
sera valable (Rapport JENARD, J.O.C.E., 5 mars 1979, n° C 59/55).
2228
( ) Le caractère exécutoire d'une décision étrangère relève de la loi de procédure du pays
d'origine. La production d'un document séparé n'est pas requise lorsque le caractère exécutoire
résulte des mentions contenues dans la décision ; tel est le cas si l'exécution provisoire est
judiciairement ordonnée ou légalement prévue (Rapport JENARD, J.O.C.E., 5.3.79, n" C 59155;
Versailles, 15 juin 1983, Gaz. Pal., 29 avril-Ier mai 1984, 17; Liège, 25janvier1984, Jur. Liège, 1984,
113 et obs. G. de LEVAL). «Mais le caractère exécutoire des autres décisions ne pourra résulter que
d'une confrontation entre leur date, celle de leur signification et les délais accordés aux parties pour
faire appel ou opposition» (Rapport JENARD, lb.).
2229
( ) La signification doit en toute hypothèse précéder une demande d'exequatur (C.J.C.E.,
21 mai 1980, Rec., 1980, 1553) afin que la partie condamnée ait eu connaissance du jugement rendu
contre elle et ait ainsi l'occasion de l'exécuter volontairement (Rapport JENARD, lb.). En
définitive, une double signification précède l'exécution : la signification de la décision de l'Etat
d'origine avant l'exequatur et la signification de la décision d'exequatur (art. 1495; Civ. Huy, 3
décembre 1979, Jur. Liège, 1980, 116).
(2 230) Tel est le cas d'un jugement réputé contradictoire (supra, n° 231 A ; Civ. Charleroi, lü
octobre 1979, Rev. Rég. Dr., 1980, 177 et note H. BORN).
2231
( ) A défaut de production de ces documents, l'autorité judiciaire peut impartir un délai
pour les produire ou accepter des documents équivalents ou si clic s'estime suffisamment éclairée en
dispenser (art. 48, al. Ier).
512 TRAITÉ DES SAISIES

(art. 48, al. 2) ; aucune légalisation ni formalité analogue (2232 )


n'est exigée (art. 49) ;
- l'article 44 étend automatiquement le bénéfice de l'assistance
judiciaire obtenue dans l'Etat d'origine à la procédure relative à
l'octroi de la formule exécutoire à l'exclusion cependant de
l'exercice des voies de recours (2233 ) ;
- l'article 45 prohibe la caution judicatum solvi (2234 ) ;

- l'article III du Protocole dispose qu' «aucun impôt, droit ou taxe,


proportionnel à la valeur du litige, n'est perçu dans l'Etat requis
à l'occasion de la procédure tendant à l'octroi de la formule
exécutoire» de telle sorte que l'article 148 du Code des droits
d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe n'est pas applicable.
4. - La partie contre laquelle l'exécution est demandée ne
peut en cet état de la procédure, présenter d'observation (art. 34,
al. 1er) ; la procédure est donc exclusivement unilatérale à ce niveau
puisque la partie adverse ne peut intervenir à la cause (2235 ) mais
les droits de la défense sont respectés car elle a la possibilité de
provoquer un débat contradictoire en formant tierce-opposition
contre la décision - non exécutoire par provision - accordant
l'exécution.

B. -L'ordonnance.
1. - La juridiction saisie de la requête statue à bref délai. La
requête ne peut être rejetée que pour l'un des motifs prévus aux

(2 232 ) Notamment l'apostille prévue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961


supprimant la légalisation des actes publics étrangers, approuvée par la loi du 5 juin 1975 (supra, n°
237 et note 2055).
2233
( ) Rapport JENARD, J.O.C.E., 5/3179, n° C 59154; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX,
op. cit., n°s 349 à 351.
2234
( ) Supra, n° 218 C.
2235
( ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 356 et la critique pertinente du Rapport
SCHLOSSER (J.O.C.E., 5.3.79, n° C 591134, n° 219); comp. art. 1710, C. jud., supra, n° 246 et
note 2160.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 513

articles 27 et 28. En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire


l'objet d'une révision au fond (art. 34) (2 236).

La requête peut aussi être rejetée s'il n'est pas satisfait aux
exigences énoncées par les articles 32 et 33 (règles de compétence
- sauf à appliquer dans l'ordre interne l'article 640 du Code
judiciaire - et de procédure) ou si la décision n'est pas exécutoire
conformément à l'article 31. «Peu importe que la décision ne soit
exécutoire que par provision, mais l'exequatur sera refusé si la

2236
( ) «Article 27 : Les décisions ne sont pas reconnues : 1° si la reconnaissance est contraire
à l'ordre public de l'Etat requis ; 2° si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n"a pas été
signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se
défendre ; 3° si la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans
l'Etat requis ; 4° si le tribunal de l'Etat d'origine, pour rendre sa décision, a, en tranchant une
question relative à l'état ou à la capacité des personnes physiques, aux régimes matrimoniaux, aux
testaments et aux successions, méconnu une règle de droit international privé de l'Etat requis, à
moins que sa décision n'aboutisse au même résultat que s'il avait fait application des règles du droit
international privé de l'Etat requis ; 5° si la décision est inconciliable avec une décision rendue
antérieurement dans un Etat non contractant entre les mêmes parties dans un litige ayant le même
objet et la même cause, lorsque cette dernière décision réunit les conditions nécessaires à sa
reconnaissance dans l'Etat requis».«Article 28: De même, les décisions ne sont pas reconnues si les
dispositions des sections 3, 4 et 5 du titre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l'article
59. Lors de l'appréciation des compétences mentionnées à l'alinéa précédent, l'autorité requise est
liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'Etat d'origine a fondé sa compétence.
Sans préjudice des dispositions du premier alinéa, il ne peut être procédé au contrôle de la
compétence des juridictions de l'Etat d'origine ; les règles relatives à la compétence ne concernent
pas l'ordre public visé à l'article 27, l"». Sur ces dispositions, voy. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX,
op. cil., n"s 254 à 322 (adde. supra, note 2135). On se limite ici à préciser que l'ordre public visé par
l'article 27, l" est l'ordre public international de l'Etat requis (Cass., 14 juin 1985, Pas., 1985, 1,
1323; Rev. Dr. Int. Dr. Comp., 1987, 310; adde. supra, notes 2183 et 2202) et à insister sur
l'application fréquente de l'article 27. 2° aux termes duquel «la décision n'est pas reconnue si l'acte
introductif d'instance ou un acte équivalent n·a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant.
régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre» (comp. art. 9 § 1 de la Convention
européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants faite à
Luxembourg. le 20 mai 1980 et approuvée par la loi du 1er août 1985). Le contrôle de la régularité se
fait conformément aux règles du pays d'origine. Le contrôle du délai se détermine, en règle générale,
à compter de la date à laquelle la signification ou la notification a été faite régulièrement (comp. et
contra, Milan, 27 mars 1981, Cah. Dr. Eur., 1985, 477. n° 106); toutefois, il appartient au juge
requis (qui n'est pas lié par les appréciations du juge d'origine) d'apprécier si, dans un cas d'espèce, il
existe des circonstances exceptionnelles telles que la signification ou la notification, bien que
régulière, n'a toutefois pas suffi pour ouvrirun tel délai (C.J.C.E., 16 juin 1981. Rcc., 1981, 1593; P.
GOTHOT et D. IIOLLEAUX. op. cil., n°s 261 à 270). A l'occasion de cet examen, le juge requis
peut également tenir compte de faits ou de circonstances exceptionnels intervenus après la
notification régulière (C.J.C.E., 11 juin 1985, J.T., 1986, 158 et obs. M. EKELMANS, "L'article 27,
2" de la Convention de Bruxelles et la loyauté de la procédure par défaut» ; H. BORN et M.
FALLON, op. cil., J.T., 1987, p. 494, n° 111 ; Trib. Gdc Inst. Paris, 2 novembre 1984, Gaz. Pal., 20-
22 janvier 1985, 10). Afin de prévenir un irritant contentieux mettant en péril l'efficacité de la
Convention, il est donc fondamental de veiller (y compris à l'égard du défendeur domicilié hors
communauté. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cil., n" 261, supra, note 2220) à tout mettre en
oeuvre pour que l'acte introductif de l'instance au fond devant le juge d'origine soit effectivement
porté à la connaissance du défendeur (G.A.L. DROZ, obs. sous Paris, 4 janvier 1983, Rcv. Crit. .
D.I.P., 1984, 134; sur le droit applicable aux significations à l'étranger, voy. infra, C note 2250).
Adde infra, n" 250 D, in fine.
514 TRAITÉ DES SAISIES

décision a perdu le caractère exécutoire en raison d'une prescrip-


tion ou d'une péremption. Quant l'exécution de la décision est
seulement suspendue à la suite d'un recours formé dans le pays
d'origine, le juge doit surseoir. En revanche, quand le recours
formé à l'étranger n'est pas suspensif, le juge requis ne doit ni ne
peut surseoir, puisque l'article 38 ne donne la faculté de sursis qu'à
la juridiction saisie du recours contre l'ordonnance d'exequatur.
Les intérêts de la personne condamnée à l'étranger ne sont pas
pour autant sacrifiés, car ce dernier recours et son délai sont eux-
mêmes suspensifs (art. 39) » (2237).
2. - En énonçant que «lorsque la décision étrangère a statué
sur plusieurs chefs de la demande et que l'exécution ne peut être
autorisée pour le tout, l'autorité judiciaire accorde l'exécution pour
un ou plusieurs d'entre eux», l'article 42, premier alinéa ~ermet au
juge requis d'accorder un «exequatur partiel sélectif» ( 238 ) dans
les cas où les différents chefs de la décision sont séparables (2 239 ).
L'article 42, deuxième alinéa permet au demandeur de requérir une
exécution partielle notamment à la suite d'une exécution volontaire
partielle par le débiteur. De toute manière, la personne condamnée
contre laquelle la décision est exequaturée peut toujours se préva-
loir dans le pays re~is de l'absence d'efficacité ou d'actualité
exécutoire du titre (22 ).
3. - L'article 43 stipule que les décisions étrangères condam-
nant à une astreinte ne sont exécutoires dans l'Etat requis que si le
montant en a été définitivement fixé par les tribunaux de l'Etat
d'origine. Il importe de préciser que dans le système de la
Convention Benelux portant loi uniforme relative à !'astreinte,
celle-ci, une fois encourue, reste intégralement acquise à la partie
qui a obtenu la condamnation (art. 1385 quater, C. jud.) ; il n'est
donc «pas question d'obliger le créancier à revenir devant un juge

(2237 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 358 ; infra B 5.


(2238) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 359; par contre, serait prohibé
«l'exequatur partiel réductif» consistant à accorder l'exequatur en cc qui concerne un chef du
dispositif de la décision tout en modifiant la décision de ce chef, par exemple, en réduisant le montant
d'une condamnation que le juge trouverait excessif. Il s'agirait en ce cas d'une révision au fond
prohibée (Lyon, 7 avril 1981, J.C.P., 1984, II, 20.253, obs. G. PEYRARD; Comp. et contra, E.
MEZGER, obs. sous Cass. Fr., 28 février 1984, Rev. Crit. D.l.P., 1985, 139). Adde. supra, n°
244/4.
2239
( ) Rapport JENARD, J.O.C.E., 513179, n° C 59153.

(22'°) Liège, 17 mai 1984, Jur. Liège, 1984, 381 ; P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit.,
n° 362 ; supra, n° 244/2.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 515

pour lui demander de liquider }'astreinte, c'est-à-dire d'en fixer le


montant définitif» (2 241 ).
4. - «La décision rendue sur requête est aussitôt portée à la
connaissance du requérant, à la diligence du greffier, suivant les
modalités déterminées par la loi de l'Etat requis» (art. 35).
La notification est faite, le cas échéant, au domicile élu. En
cas de rejet de la requête, l'appel doit être interjeté par le
requérant dans le mois de cette notification (voy. ci-dessous D, 1).
5. - La décision d'exequatur n'est pas et ne peut être assortie de
l'exécution provisoire {2242 ). Non seulement le recours mais aussi
le délai pour l'exercice de celui-ci est suspensif de l'exécution ; en
effet, l'article 39 stipule que «pendant le délai du recours prévu à
l'article 36 et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celui-ci, il ne peut
être procédé qu'à des mesures conservatoires sur les biens de la
partie contre laquelle l'exécution est demandée. La décision qui
accorde l'exécution emporte l'autorisation de procéder à ces mesu-
res» (2243 ). La Convention se limite à poser le principe que la
partie ayant demandé l'exécution peut procéder, pendant le temps
indiqué dans cet article, à des mesures conservatoires ; elle laisse
par contre au droit procédural du juge saisi la tâche de régler toute
question qui ne fait pas l'objet de dispositions spécifiques de la
Convention : «Il est néanmoins à préciser que l'application des
prescriptions du droit procédural interne du juge saisi ne saurait en
aucun cas avoir pour effet de faire échec aux principes posés en la
matière, que ce soit de façon expresse ou implicite, Jl.ar la
Convention elle-même et notamment par son article 39» ( 44 ). Il

2241
( ) !. MOREAU-MARGREVE, L'astreinte, Ann. Fac. Dr. Liège, 1982, p. 82; supra, n°
35; voy. aussi Rapport SCHLOSSER, J.O.C.E., 513179, n° C 59/132.
242
(' ) C.J.C.E., 27 novembre 1984, (ait., n° Il), Rcc. 1984, 3971; Clunet 1985, 173; Civ.
Huy, 3 décembre 1979, Jur. Liège, 1980, 116 et obs. G. de LEVAL.
2243
( ) La suspension des mesures d"exécution prévue par l'article 39 de la Convention de
Bruxelles ne vise que les mesures pratiquées dans le pays devant les juridictions duquel l'exequatur a
été obtenue et fait l'objet du recours prévu à l'article 36. Cette compréhension de l'article 39 de la
Convention se déduit de ses termes mêmes, qui sont clairs à cet égard et ne sauraient dès lors donner
lieu à renvoi préjudiciel en interprétation devant la Cour de Justice des Communautés européennes.
Partant, l'existence d'un recours fondé sur l'article 36 de la Convention de Bruxelles devant une
juridiction française n'empêche pas qu'une mesure d'exécution forcée soit diligentée en Belgique
(Civ. Bruxelles, ch.s., 23 novembre 1987, R.G., n° 42.097). Au sujet des mesures conservatoires
autorisées par l'article 39, voy. supra, n° 147 b.
244
(' ) C.J.C.E., 3 octobre 1985, Rev. Crit. D.l.P .. 1987, 123 et note H. GAUDENET-
TALLON qui relève que «La Cour dégage ici une directive de portée générale qui devrait servir de
guide pour résoudre toute question de répartition des questions de procédure entre le droit national
et la Convention» (p. 131) (comp. supra. note 2226).
516 TRAITÉ DES SAISIES

importe dès lors d'examiner cas par cas si les dispositions nationales
sont compatibles avec la portée de l'article 39. Ainsi aucune
autorisation préalable n'est requise et un jugement de validation
prévu par le droit national du juge saisi ne doit pas être obtenu
(2245).

Selon nous, la solution qui consiste à faire produire un


effet exclusivement conservatoire à la décision d'exequatur, suscep-
tible de recours ou frappée de tierce-opposition, aussi longtemps
que la juridiction saisie du recours n'a pas encore statué n'est pas
satisfaisante, singulièrement lorsque le créancier a un besoin
immédiat des sommes qui lui sont dues. Le système de l'article 39
établit une inégalité entre les titres exécutoires de l'Etat requis et la
décision d'exequatur ; lorsqu'on sait les précautions qui sont prises
au niveau du procès dans l'Etat d'origine dont le titre est nécessai-
rement exécutoire (art. 31) et la volonté qui en résulte d'accorder
rapidement l'exequatur pour que des mesures d'exécution puissent
être efficacement prises, on ne peut s'empêcher de relever une
contradiction entre le but poursuivi par la Convention C.E.E. et le
texte de l'article 39 qui constitue une régression par rapport au
droit commun de l'exequatur (2 246 ).

C. - Recours contre la décision d'exequatur.


«Si l'exécution est autorisée, la partie contre laquelle
l'exécution est demandée peut former un recours contre la décision
dans le mois de sa signification.

(2245 ) Un tel contrôle a posteriori se justifie compte tenu du caractère normalement sommaire
de la procédure qui précède l'adoption d'une décision autorisant une mesure conservatoire ; or, en
l'espèce, les mesures conservatoires ne sont pas accordées sur la base d'une procédure d'autorisation
sommaire, mais sur la base de l'effet juridique que la Convention confère à une décision intervenue
dans un autre Etat contractant (Att. 33 et 34) (voy. les obs. critiques sur la motivation mais non sur la
solution retenue de H. GAUDENET-TALLON, Rcv. Crit. D.l.P., 1987, 134-135). L'article 39 ne
s'oppose cependant pas à ce que la partie qui a subi l'exécution des mesures conservatoires puisse agir
en justice pour obtenir, à travers les procédures appropriées prévues par le droit national du juge
saisi, une protection adéquate de ses droits qu'elle prétend avoir été lésés par les mesures en question
(att. n° 36). Ainsi le saisi peut contester la régularité de la saisie et demander la mainlevée de celle-ci
(H. GAUDENET-TALLON, op. cit., Rev. Crit. D.l.P., 1987, 135). A notre avis dès que le
créancier est nanti d'un titre exécutoire, il peut se prévaloir des règles relatives à la transformation de
la saisie conservatoire en saisie-exécution.
(2 246 ) Même en l'absence de convention, le juge de l'exequatur peut assortir sa décision de
!"exécution provisoire (supra, n° 248; voy. aussi P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 366).
Si la décision est rendue sur requête unilatérale -- comme en l'espèce - l'exécution provisoire peut
être suspendue conformément à l'article 1127 (infra, C 4). Voy. aussi en matière d'arbitrage, supra,
n° 246 B.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 517

Si cette partie est domiciliée dans un Etat contractant autre


que celui où la décision qui autorise l'exécution a été rendue, le
délai est de deux mois et court du jour où la notification a été faite à
personne ou à domicile. Ce délai ne comporte pas de prorogation à
raison de la distance» (art. 36).

«Le recours est porté, selon les règles de la procédure


contradictoire : en Belgique, devant le tribunal de première in-
stance» ; la décision rendue par celui-ci ne peut faire l'objet que
d'un pourvoi en cassation (art. 37).

1. - Le recours est porté devant le tribunal de prem1ere


instance qui a autorisé l'exécution ; il s'agit d'une tierce-opposition
réservée à la partie contre laquelle l'exécution est demandée
(2247 ) ; l'article 36 de la Convention du 27 septembre 1968
concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en
matière civile et commerciale exclut tout recours de la part des tiers
intéressés contre la décision accordant l'exequatur, même lorsque
le droit interne de l'Etat où l'exequatur est accordé ouvre à ces tiers
une voie de recours» (2 248 ). La signification de la citation à
l'étranger est non avenue lorsque le cité a élu domicile en Belgique
conformément à l'article 33, alinéa 2 de la Convention (art. 40 in
fine C. jud.) {2249).

2. - En ce qui concerne le délai et son point de départ, il y a


lieu de distinguer entre les deux hypothèses suivantes :

si la partie contre laquelle l'exécution est demandée est domici-


liée dans l'Etat requis ou dans un Etat non contractant, le délai

(2 247 ) L'appel est en ce cas irrecevable (Liège, 2octobre 1986, 7ème ch., R.G. n°18386/86).
(2 248 ) C.J.C.E., 2 juillet 1985, Rev. Crit. D.l.P., 1986, 341 et obs. H. GAUDENET-
TALLON; Clunet 1986, 469 et obs. A. HUET. L'arrêt précise: «En vue de la réalisation de cet
objectif (simplifier les procédures dans l'Etat où l'exécution est demandée), la Convention acréé une
procédure d'exequatur qui constitue un système autonome et complet, ycompris dans le domaine des
voies de recours. Il en résulte que l'article 36 de la Convention exclut les recours que le droit interne
ouvre aux tiers intéressés à l'encontre d'une décision d'exequatur. La Convention se bornant à régler
la procédure d'exequatur des titres exécutoires étrangers et ne touchant pas à l'exécution proprement
dite qui reste soumise au droit national du juge saisi, les tiers intéressés pourront intenter contre les
mesures d'exécution forcée les recours qui leur sont ouverts par le droit de l'Etat où l'exécution
forcée a lieu» (voy. obs. A. HUET, Clunet, 1986, 469-470; supra n° 244 et note 2135).
(2 249 ) Cass., IO décembre 1971, Pas., 1972, 1, 356 et note E.K.; Cass., 28 juin 1979, Pas.,
1979, 1, 1260; Cass., 24 juin 1983, Pas., 1983, 1, 1212. Sur l'article 33, al. 2, voy. supra, note 2226;
infra, n° 285/2.
518 TRAITÉ DES SAISIES

est d'un mois à dater de la signification (2250 ) (2 251 ) ; ce délai


n'est pas susceptible d'être prorogé en raison d'une signification
à l'étranger ou d'une signification effectuée pendant les vacances
judiciaires (2252 ) ;
si la partie contre laquelle l'exécution est demandée est domici-
liée dans un autre Etat contractant, le délai qui n'est pas
susceptible de prorogation en raison de la distance, est de deux
mois à dater de la signification à personne ou à domicile. Il a été
précisé que «la signification à domicile comprend la remise de
l'acte à une personne présente habilitée par la loi à recevoir copie
de l'exploit ou, à défaut, à une autorité compétente» (2253 ) mais
que ne peuvent être prises en considération «en Belgique la date
de remise aux services de la poste (article 40 du Code judiciaire)
ni celle à laquelle l'acte a été envoyé par le Consul de Belgique à
l'autorité étrangère» (2 254 ). Pour que le délai (suspensif de

(2250 ) Dans l'ordre interne, lorsque la signification n'est pas faite à personne, elle est réputée
accomplie au moment de la signification à domicile (art. 35), du dépôt au domicile ou, à défaut de
domicile, à la résidence du destinataire, d'une copie de l'exploit (art. 38 remplacé par l'art. 2 de la loi
du 24 mai 1985 modifiant les articles 37, 38, 43 et 46 du Code judiciaire) ou de la remise de la copie de
l'acte au procureur du roi (art. 40, al. 2). Dans l'ordre international et en l'absence de convention
applicable (Liège, 16 décembre 1981, Jur. Liège, 1982, 129; Civ. Neufchâteau, 7 janvier 1981, Jur.
Liège, 1982, 136), la signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste
contre le récépissé de l'envoi (art. 40, al. Ier). En cc qui concerne les conventions sur les
significations internationales, il importe de mentionner spécialement : - la convention de La Haye
du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et
extra-judiciaires en matière civile et commerciale (voy. le Manuel pratique sur le fonctionnement de
cette convention, Maarten Kluwer's) ; - l'article IV du Protocole annexé à la Convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968 (l'alinéa Ier se réfère aux conventions ou accords conclus entre les
Etats contractants : l'alinéa 2 organise une transmission entre officiers ministériels avec remise au
destinataire par l'officier ministériel de l'Etat requis) ; - les accords bilatéraux avec la Grande-
Bretagne (Convention du 21 juin 1922 approuvée par la loi du 30 janvier 1924), les Pays-Bas
(arrangement des 30 décembre 1937-7 février 1938), la France (art. 1er de la Convention du Ier mars
1956), la République Fédérale d'Allemagne (accord du 25 avril 1959) et le Luxembourg (Bruxelles,
11 et 19 mars 1974). Dans ces diverses hypothèses, le moment de la signification est généralement
celui de la remise de l'acte à l'autorité désignée par l'Etat requis (tel est le cas en principe dans le
système de la Convention de La Haye de 1965 lorsque la signification se réalise à l'intervention de
l'autorité centrale de l'Etat requis, voy. A. FETIWEIS, op. cit., Liège, 1985, n° 235 et réf. cit. et
dans celui de l'accord belgo-allemand du 25 avril 1959, voy. A. FETIWEIS. op. cit., n° 237 et réf.
cit. ; Cass., 3 octobre 1979, Pas., 1980, 1, 150; H. BORN et M. FALLON, Droit judiciaire
international, Chronique de jurisprudence, J.T., 1983, p. 187, n° 30 et J.T., 1987, p. 463, n° 21 et
infra, n° 259, note 2329) : comp. M. FALLON, ohs. sous Comm. Liège, 31 mars 1983, J.T., 1984,
26-27) voire même celui de la remise au destinataire conformément au droit de l'Etat requis (tel est le
cas dans le système de l'article IV du Protocole annexé à la Convention de Bruxelles, infra, notes
2256 et 2257).
(2 251 ) Rien n'empêche l'utilisation simultanée de plusieurs modes de signification (Cass., 30
septembre 1985, Pas., 1986, l, 89, Jur. Liège, 1986, 62, impl.).
(2 252 ) Art. 1034 ; art. 55 et 50, al. 2 a contrario.
(22 53 ) Rapport JENARD, J.O.C.E., 513179, n" C 59151, note 1.
(2 254 ) lb. Allusion à la Convention de La Haye du Ier mars 1954 relative à la procédure civile.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 519

l'exécution, art. 39), prenne cours, il importe donc que la


signification soit faite non pas en suivant n'importe quel mode
prévu par le droit commun ou le droit conventionnel de l'Etat
requis mais en procédant à une signification à personne ou à
domicile. Cette exigence doit favoriser la signification organisée
par l'article IV, alinéa 2 du Protocole qui énonce que «sauf si
l'Etat de destination s'y oppose par déclaration faite au Secré-
taire général du Conseil des Communautés Européennes (2 255 ),
ces actes peuvent aussi être envoyés directement par les officiers
ministériels de l'Etat où les actes sont dressés aux officiers
ministériels de l'Etat sur le territoire duquel se trouve le
destinataire de l'acte. Dans ce cas, l'officier ministériel de l'Etat
d'origine transmet une copie de l'acte à l'officier ministériel de
l'Etat requis, qui est compétent pour la remettre au destinataire.
Cette remise est faite dans les formes prévues par la loi de l'Etat
requis. Elle est constatée par une attestation envoyée directe-
ment à l'officier ministériel de l'Etat d'origine» (2 256 ) (2 257 ).

3. - La tierce-opposition «peut reposer, entre autres, sur


l'allégation que la décision n'entre pas dans le champ d'application
de la convention, qu'elle n'est pas encore exécutoire ou que la
créance a déjà été réglée (2 258). Toutefois, le contrôle de la teneur
de la décision à exécuter ou de la procédure sur la base de laquelle
la décision a été rendue n'est possible que dans les limites prévues
aux articles 27 et 28 » (2259 ).

2255
( ) La République Fédérale d'Allemagne a fait une déclaration en cc sens (Code judiciaire,
La Charte, Législation internationale, T. II, p. 37). Il y a lieu d'appliquer en ce cas l'accord belgo-
allemand du 25 avril 1959 et, dans la mesure compatible avec celui-ci, la Convention de La Haye du
15 novembre 1965 entrée en vigueur en Allemagne le 26 juin 1979 (voy. sp. l'art. 6 relatif à
l'attestation renvoyée par l'autorité requise; H. BORN et M. FALLON, op. cit., J.T., 1983, p. 186,
n" 23; M. FALLON, obs. sous Comm. Liège, 31 mars 1983, J.T., 1984, 26 et Manuel pratique,
Maarten Kluwer's, p. 46 à 48).
2256
( ) Le délai de signification court en c_c cas à dater de la remise de l'acte au destinataire ou
à dater du moment auquel la remise est considérée par la loi du for comme accomplie (Liège, 16
décembre 1981, Jur. Liège, 1982, 129 et obs. G. de LEVAL; Civ. Neufchâteau, 7 janvier 1981, Jur.
Liège, 1982, 136; J.P. Verviers, 23 février 1979, Jur. Liège, 1981. 314 et obs. G. de LEVAL; M.
FALLON et M. BORN, op. cit., J.T., 1983, p. 187, n"s 28 et 29; A. FETTWEIS, op. cit., n° 236 et
réf. cit.).
(2257 ) Ce mode de transmission est également prévu par la Convention de La Haye du 15
novembre 1965, art. 10 b (Manuel des Conventions de La Haye, Kluwer, p. 40).
(2258 ) Sans préjudice du droit pour la partie condamnée de contester ultérieurement
l'actualité ou l'efficacité exécutoire du titre exequaturé (supra, n"s 244 et 250 b 2).
2259
( ) Rapport SCHLOSSER, J.O.C.E., 5/3/79, n" C 591134, n° 220; voy. aussi P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n"s 373 et 374.
520 TRAITÉ DES SAISIES

4. -L'article 38 permet au juge saisi de surseoir à statuer: «La


juridiction saisie du recours peut, à la requête de la partie qui l'a
formé, surseoir à statuer, si la décision étrangère fait, dans l'Etat
d'origine, l'objet d'un recours ordinaire ou si le délai pour le former
n'est pas expiré ; dans ce dernier cas, la juridiction peut impartir le
délai pour former ce recours (2 260). Cette juridiction peut égale-
ment subordonner l'exécution à la constitution d'une garantie
qu'elle détermine».
Il y a lieu de remarquer que l'article 38 n'est susceptible
d'être mis en oeuvre que si le délai pour exercer le recours
ordinaire ou l'exercice de celui-ci dans l'Etat d'origine n'a pas un
effet suspensif de l'exécution «car interviennent alors les articles 31
et 47, 1°, qui subordonnent l'exequatur au caractère exécutoire de
la décision là où elle a été rendue» (2261 ).
La Cour de justice définit le recours ordinaire non par
référence à une loi étatique mais de manière autonome : «En raison
de la diversité des conceptions juridiques des Etats parties à la
Convention du 27 septembre 1968 quant à la distinction entre
recours «ordinaires» et «extraordinaires», la signification de la
notion de «recours ordinaire» ne saurait être déterminée par
renvoi à un système juridique national qu'il s'agisse de celui de
l'Etat d'origine ou de celui de l'Etat de la reconnaissance ou de
l'exécution. Cette notion ne peut dès lors être définie que dans le
cadre de la Convention même.
Compte tenu de l'économie des articles 30 (2262) et 38 et
de leur fonction dans le système de la Convention, constitue, au
sens de ces dispositions, un «recours ordinaire», formé ou suscepti-
ble d'être formé contre une décision étrangère, tout recours qui est
de nature à pouvoir entraîner l'annulation ou la modification de la
décision faisant l'objet de la procédure de reconnaissance ou
d'exécution selon la Convention et dont l'introduction est liée, dans
l'Etat d'origine, à un délai déterminé par la loi et prenant cours en
vertu de cette décision même» (2263 ). Le recours ordinaire au sens

2260
( ) L'article 18 de la Convention d'adhésion de 1978 (loi du 31 juillet 1986) ajoute un
deuxième aliéna à l'article 38 : «Lorsque la décision a été rendue en Irlande ou au Royaume-Uni,
toute voie de recours prévue dans l'Etat d'origine est considérée comme un recours ordinaire pour
l'application du premier alinéa» (voy. P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 338).
2261
( ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n° 335.

(2262) L'article 30 est relatif à la surséance en matière de reconnaissance ; il n'envisage que


l'hypothèse où un recours est formé (P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n°s 328 et s.).
2263
( ) C.J.C.E., 22 novembre 1977, Rec., 1977, 2175 ; J.T., 1978, 225.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 521

de l'article 38 englobe dès lors l'opposition, l'appel et le pourvoi en


cassation (2264 ).
Il n'y a aucun automatisme dans la décision de surseoir à
statuer sur le recours du tiers-opposant ; plusieurs possibilités
s'offrent à la juridiction saisie du recours contre la décision
d'exequatur ; elle peut (2 265 ) :
a) soit surseoir à statuer à la requête de la partie qui l'a saisie mais il
s'agit d'une faculté qui ne doit être utilisée que dans la mesure
où il existe des éléments suffisants permettant de penser que la
décision faisant l'objet de la procédure d'exécution est suscepti-
ble d'être annulée ou modifiée à l'issue d'un recours ordinaire
formalisé ou non, dans l'Etat d'origine (2 266 ).
Partant, le juge saisi refusera de retarder la mise à exécution du
titre lorsque la demande de sursis ne repose ~as sur des moyens
sérieux ou est formulée à des fins dilatoires ( 267 ) ;
b) soit impartir un délai au défendeur pour former un recours, s'il
existe des chances suffisantes de réformation ou de rétracta-
tion ;
c) soit rejeter la demande de surséance en subordonnant l'exécution
à la constitution d'une garantie étant précisé que l'article 38,
alinéa 2 doit être interprété en ce sens qu'une juridiction saisie
d'un recours contre l'autorisation d'exécution ne peut subordon-
ner l'exécution à la constitution d'une garantie qu'au moment où
elle statue sur le recours (2 268 ) ;

(22f"') Mais non, selon nous, la tierce-opposition ou la requête civile car l'arrêt précité précise
que ne sont pas ordinaires «les recours dépendant soit d'événements imprévisibles au moment de la
décision originaire, soit de l'action de personnes étrangères à l'instance, dans le cas où les délais de
recours déclenchés par la décision originaire ne lui sont pas opposables» (motif 39 cité par P.
GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit.. n" 331). De même, le pourvoi dans l'intérêt de la loi n'est
pas un recours ordinaire (lb., n" 333). De même, le pourvoi en cassation prévu à l'article 37 est un
recours interne qui en Belgique n'a pas d'effet suspensif (Civ. Liège, ch.s., 19 octobre 1987, R.G., n"
86.312/87; infra, n° 250/C/5).
(2 265 ) Sans préjudice du droit pour le bénéficiaire de la décision d'exequatur de mettre en
oeuvre des mesures conservatoires (supra, n° 250 B 5).
(2 21"') Voy. p. ex. Civ. Bruxelles, 28 février 1978, J.T., 1978, 283 qui assortit la mesure de
surséance d'une mesure de consignation à charge du tiers-opposant qui, semblc-t-il, l'a lui même
suggérée. Il s'agit à nos yeux d'un cantonnement préventif à la saisie conservatoire autorisée par
l'article 39 qui est applicable en cas de surséance.
2267
( ) Douai, 19 avril 1984, Gaz. Pal., 12-13 octobre 1984, 18; Liège, 17 mai 1984, Jur. Liège,
1984, 381.
2268
( ) C.J.C.E., 27 novembre 1984. Aff. n" 258/83, Clunet, 1985, 173 et obs. A. HUET;
Rec. 1984. 3971 et conclusions de M. !'Avocat Général Sir Gordon Slynn. ; H. BORN et M.
FALLON. op. cit.. J.T., 1987. p. 495. n" 119.
522 TRAITÉ DES SAISIES

d) soit rejeter purement et simplement la demande de surséance et


maintenir l'autorisation d'exécution accordée sur requête unila-
térale.
Le juge de l'Etat requis a donc la faculté de prononcer une
mesure de surséance d'une décision exécutoire dans l'Etat d'origine
alors que dans l'ordre interne, l'article 1402 interdit une telle
mesure de surséance pour les jugements exécutoires par provision.
Cette particularité tient non seulement à la nature du recours
(tierce-opposition, art. 1127, C. jud.) (2 269 ), mais aussi à la nature
du titre exécutoire (2 270 ) constitué par la décision d'exe~uatur et le
titre de base susceptible d'être réformé ou rétracté (2 2 ). Il s'agit
«de protéger le débiteur contre les dommages~ qui pourraient
résulter de l'exécution de décisions non encore coulées en force de
chose jugée et qui viendraient à être modifiées» (2 272 ) (2 273 ).
5. - La décision rendue sur le recours n'est pas susceptible
d'appel (contra, art. 1131, C. jud.) ; elle peut seulement faire
l'objet d'un pourvoi en cassation (art. 37, al. 2) qui n'est pas
suspensif de l'exécution (il n'y a pas lieu à interprétation analogique
de l'art. 38, al. 1).
Dans la mesure où le juge saisi de la tierce-opposition
statue en dernier ressort, il est indispensable qu'il ait le pouvoir de
demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une
question d'interprétation (art. 2 in fine du Protocole concernant
l'interprétation par la Cour de justice de la Convention du 27
septembre 1968) (2 274 ).

2269
( ) Supra, n° 21 et n° 246 B.
(2270) Supra, n° 244/1.
(2 271 ) Un cantonnement est toutefois possible (art. 1404, C. jud.) sauf si la loi l'interdit (art.
1404 initio, C. jud. et 1752 bis, C. civ.) ou si le juge du fond a interdit le cantonnement (Civ.
Bruxelles, ch.s., 14 août 1985, Rcv. Rég. Dr., 1985, 372; supra, n° 244/4).
(2 272) Rapport JENARD. J.O.C.E., 5 mars 1979, n° C 59152.
(2273 ) Dans l'ordre interne, la décision de fond et la décision exécutoire se confondent de telle
sorte que le régime exécutoire ne s'applique qu'à un titre ; au contraire, dans l'ordre communautaire
ou international, la dissociation entre les deux titres émanant d'ordres juridiques différents justifie
cette précaution supplémentaire.
(2274 ) Ce protocole est en retrait par rapport à l'article 177 C.E.E. dans la mesure où «il ne
fait obligation de saisir la Cour de justice qu·aux juridictions suprêmes des Etats (voy. Cass., 8 avril
1983, Pas., 1983, I. 829; si la question a déjà fait l'objet d'une décision d'interprétation, voy. Cass.,
13 novembre 1981, Pas., 1982, !, 363) et n'en donne la faculté qu'aux juridictions statuant en appel ou
sur le recours de l'article 36» (P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n" 5; adde. R. JOLIET,
Le droit institutionnel des Communautés européennes, Le contentieux, Liège, Faculté de Droit,
1981, p. 193). L'art. 4 du même Protocole organise un type de question préjudicielle «dans l'intérêt
de la loi», procédure non utilisée à cc jour.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 523

D. - Recours contre la décision refusant /'exequatur.


«Si la requête est rejetée, le requérant peut former un
recours : en Belgique, devant la Cour d'appel».
«La partie contre laquelle l'exécution est demandée est
appelée à comparaître devant la juridiction saisie du recours. En
cas de défaut, les dispositions de l'article 20 deuxième et troisième
alinéas sont applicables alors même que cette partie n'est pas
domiciliée sur le territoire d'un des Etats contractants» (art. 40).
«La décision rendue sur le recours prévu à l'article 40 ne
peut faire l'objet (en Belgique) que d'un pourvoi en Cassation»
(art. 41).
1. - Si l'article 40 ne fixe aucun délai pour l'introduction du
recours, celui-ci est déterminé par l'article 1031 du Code judiciaire
qui prévoit que l'appel de l'ordonnance sur requête doit être formé
dans le mois de la notification (2 275 ), prévue, en l'espèce, par
l'article 35 de la Convention.
2. - Si en règle, une procédure sur requête unilatérale
demeure unilatérale en degré d'appel (art. 1031, C. jud.), en
l'espèce, la procédure devient, à ce niveau, contradictoire (2 270).
Cette particularité est ainsi justifiée par M. JENARD : «La
procédure en appel devient contradictoire, la partie contre laquelle
l'exécution est poursuivie étant appelée à comparaître. Le caractère
contradictoire de la procédure s'imposait pour éviter la multiplicité
des voies de recours. Si la procédure d'appel était restée unilatérale,
il aurait été indispensable de prévoir une instance supplémentaire
pour permettre au défendeur de faire valoir ses moyens dans le cas
où la juridiction d'appel, infirmant la décision du premier juge,
aurait accordé l'exécution. Le comité a voulu éviter cette cascade de
recours. En outre, le rejet de la rem1ête renverse la présomption de
validité du jugement étranger» (2 2 ).

(2 275 ) P. GOTHOT et D. HOLLEAUX, op. cit., n" 381; si le requérant a fait à temps son
élection de domicile (supra note 2226 et B 4), il y a lieu de prévenir toute contestation (spécialement
si le requérant a son domicile ou sa résidence à l'étranger, comp. art. 40 in fine, C. jud. et supra, n"
250 C 1) en effectuant la notification à ce domicile élu.
2276
( ) Voy. aussi supra, n" 246 Cet l'art. 1711, C. jud.

(2277 ) J.O.C.E., 513179, n" C 59153; voy. aussi G. DROZ, Compétence judiciaire et effets
des jugements dans le Marché commun, Etude de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Dalloz, 1972, p. 371, n° 582 qui insiste sur ce que la présomption de régularité du jugement étranger
étant détruite par le rejet de la requête, il est normal que toute précaution soit prise pour que le
défendeur puisse soutenir ce rejet devant la juridiction d'appel (adde. supra, note 1180). Même
rendu par défaut, l'arrêt n'est donc susceptible que d'un pourvoi en cassation (art. 41).
524 TRAITÉ DES SAISIES

La partie contre laquelle l'exécution est demandée doit


être invitée à comparaître même lorsque la demande d'apposition
de la formule exécutoire a été rejetée en première instance pour la
seule raison que des documents n'avaient pas été produits en temps
utile et que ladite apposition est demandée pour un Etat qui n'est
pas l'Etat de séjour de la partie contre laquelle l'exécution est
demandée (2278 ). Cette précision de la Cour de justice répond à la
juridiction nationale qui se demandait si dans un tel cas la partie
contre laquelle l'exécution est demandée ne pourrait, en règle
générale, connaître quelle partie de ses biens doit faire l'objet d'une
exécution dans l'Etat tiers et serait ainsi en mesure de disposer de
cette partie de ses biens avant que n'intervienne une saisie.
Indépendamment du fait que des mesures conservatoires peuvent
être sollicitées dans l'Etat requis (2 279 ), la Cour énonce «que la
Convention exige formellement que la procédure soit contradic-
toire au niveau de l'appel, sans distinguer selon la portée de la
décision prise en première instance. Cette disposition est conforme
à l'esprit général de la Convention qui est de concilier l'effet de
surprise nécessaire dans les procédures de ce genre avec le respect
des droits de la défense. C'est pour cette raison qu'en première
instance le défendeur ne peut pas s'expliquer, alors qu'en appel, la
procédure devient nécessairement contradictoire».

L'appel peut être interjeté par requête (art. 1031) (2 280 )


qui, eu égard au caractère contradictoire de l'instance qu'il intro-
duit, sera notifiée par le greffier conformément à l'article 1056, 2°
moyennant le respect des délais ordinaires de citation. L'appel peut
aussi être formé par acte d'huissier signifié à la partie contre
laquelle l'exécution est demandée ; ce mode introductif plus con-
forme à l'esprit de la loi (comp. art. 1056, 1°, al. 2 non sanctionné à
peine de nullité), permet de prévenir toute difficulté ultérieure en
cas de défaut. En effet, l'article 40 in fine prévoit qu'en ce cas, «les
dispositions de l'article 20, deuxième et troisième alinéas sont
applicables alors même que la partie contre laquelle l'exécution est
demandée n'est pas domiciliée sur le territoire d'un des Etats
contractants». En d'autres termes, si le défendeur est défaillant, le
juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas

2278
( ) C.J.C.E .. 12 juillet 1984, J.T .. 1984, 583; Clunet, 1985. 178 et obs. A. HUET; Rcv.

Crit. Dr. lnt. Pr., 1985, 566 et obs. P.L.; Rcv. Dr. [nt. Dr. Comp .. 1985, 183, Chronique J. SACE;
addc., Liège 25 janvier 1984, Jur. Liège. 1984, 113.
('279 ) Voy. cependant supra. n" 145. note 1162; comp. art. 147 b et note 1180.
28
(' ") Comp. et contra, art. 1711. alinéa Ier ; supra. n" 246 Cil.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 525

établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte


introductif d'instance ou un acte équivalent en temps utile pour se
défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin (art. 20, al.
2) ; si l'acte a dû être transmis en exécution de la Convention de La
Haye du 15 novembre 1965, il y a lieu d'appliquer l'article 15 de
cette Convention (art. 20, al. 3) qui organise un système de
protection semblable mais plus nuancé dans ses modalités d'appli-
cation (2281) (2282).
En définitive, on se trouve en présence d'un recours
hybride : il relève du second degré à l'égard du requérant originaire
et du premier degré à l'égard de la partie adverse qui doit bénéficier
d'un contrôle strict de la loyauté de l'acte introductif d'instance tant
dans le procès d'origine (art. 27, 2 et 34 cbnés) que dans le procès
d'exequatur (art. 40, al. 2) (2 283 ).

§ 3. - Décisions dispensées de l'exequatur (2284 ).


251) Arrêts et décisions des Communautés européennes.

En vertu de l'article 187 du Traité instituant la Commu-


nauté économique européenne, les arrêts de la Cour de justice des
Communautés européennes ont force exécutoire dans les condi-
tions fixées à l'article 192; ce texte dispose: «Les décisions du
Conseil ou de la Commission qui comportent, à la charge des
personnes autres que les Etats, une obligation pécuniaire, forment
titre exécutoire. L'exécution forcée est régie par les règles de la
procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a
lieu. La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que
celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité
nationale que le gouvernement de chacun des Etats membres
désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Commis-
sion et à la Cour de justice. Après l'accomplissement de ces
formalités à la demande de l'intéressé, celui-ci peut poursuivre
l'exécution forcée en saisissant directement l'organe compétent,

2281
( ) Voy. au sujet de l'art. 15 de la Convention de La Haye. Manuel pratique de la
Convention de La Haye. Maarten Kluwer"s, p. 41-42; addc. H. BORN et M. FALLON, Droit
judiciaire international (1983-1985). J.T .• 1987. p. 463. n° 23.
(2 282 ) Hormis l'Irlande tous les Etats membres de la C.E.E. ont adhéré à cette Convention de
La Haye (P. GOTHOT et O. HOLLEAUX. op. cit., n° 213).
(2 283 ) Voy. supra note 2236.
(2284 ) En ce qui concerne l'assistance en matière de recouvrement, voy. supra. n" 239 C.
526 TRAITÉ DES SAISIES

suivant la législation nationale. L'exécution forcée ne peut être


suspendue qu'en vertu d'une décision de la Cour de justice.
Toutefois, le contrôle de la régularité des mesures d'exécution
relève de la compétence des juridictions nationales» (2 285 ) (2 286).
Il n'y a donc pas lieu de recourir à une procédure préalable
d'exequatur.
En Belgique, le Ministre des affaires étrangères est chargé
de vérifier l'authenticité des documents produits en vue de leur
exécution sur le territoire national. Les documents authentifiés sont
transmis à l'intervention du Ministre de la justice, au greffier en
chef de la Cour d'appel de Bruxelles qui appose la formule
exécutoire (art. 1 et 2 de la loi du 6 août 1967 relative à l'exécution
des arrêts et des décisions des Communautés européennes).

252) Arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'Etat mis en cause a l'obligation d'exécuter l'arrêt qui


constate que cet Etat a violé la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'y a pas
d'exequatur préalable mais il n'existe pas à proprement parler
d'exécution forcée. L'Etat est certes tenu d'exécuter les décisions
qui lui imposent des obligations (art. 53, Conv., 4 novembre 1950)
mais il ne s'agit que d'une exécution volontaire soumise cependant
à la surveillance du Comité des Ministres (art. 54, Conv., 4
novembre 1950) (2 287).
«Si l'arrêt de la Cour européenne qui constate une viola-
tion de la Convention n'est pas en mesure de provoquer directe-
ment l'annulation ou la modification de l'acte constitutif de la
violation, l'Etat défendeur a cependant, en vertu des articles 53 et
54 de la Convention, l'obligation, vis-à-vis de la partie lésée,

2285
( ) Des règles semblables sont prévues par les art. 44 et 92 du Traité instituant la
Communauté européenne du charbon et de l'acier et par les art. 159 et 164 du Traité instituant la
Communauté européenne de l'Energie Atomique.
(2 286) En cc qui concerne les Etats, l'article 171 du Traité de Rome dispose que «si la Cour de
justice reconnaît qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du
présent Traité, cet Etat est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la
Cour de justice»; voy. à cc sujet, R. JOLIET, Le droit institutionnel des Communautés
européennes, Le contentieux, Liège, 1981, p. 42 à 47; comp. supra, n" 64.
2287
( ) Voy. p. ex. les Résolutions D.H. (85), 13 et 14 adoptées le 18 juin 1985 (Aff. LE

COMPTE) et D.H. (85), adoptée le 25 octobre 1985 (Aff. SPORRONG et LÔNNROTH); comp.
supra, n" 64.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 527

d'exécuter cet arrêt déclaratoire. L'Etat, dans le chef duquel la


violation a été constatée, est tenu de prendre à l'égard de la partie
lésée les mesures que l'exécution de l'arrêt comporte, mais il reste
maître de cette exécution. Toutefois, l'article 50 de la Convention
limite le pouvoir discrétionnaire de l'Etat défendeur en détermi-
nant implicitement les principes auxquels ces mesures doivent se
conformer: l'exécution de l'arrêt impose non seulement qu'à
l'égard de la partie lésée il soit mis fin à la violation pour l'avenir,
mais aussi qu'à l'égard de cette même partie, les conséquences de
l'acte constitutif de violation soient parfaitement effacées. Et si le
droit interne ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquen-
ces de cet acte, il appartient à la Cour européenne de décider s'il y a
lieu d'accorder à la partie lésée une satisfaction équitable confor-
mément à l'article 50 de la Convention» (2 288 ) (2 289).

253) Sentence arbitrale du Centre international pour le règlement


des différends relatifs aux investissements.

Aux termes de l'article 54 de la Convention de Washington


du 18 mars 1965 pour le règlement des différends relatifs aux
investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats :
« 1° Chaque Etat contractant reconnaît toute sentence rendue
dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire
et assure l'exécution sur son territoire des obligations pécu-
niaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un
jugement définitif d'un Tribunal fonctionnant sur le territoire
dudit Etat. .. (le reste du texte concerne les Etats fédéraux) ;
2° Pour obtenir la reconnaissance et l'exécution d'une sentence
sur le territoire d'un Etat contractant, la partie intéressée doit
en présenter copie certifiée conforme par le Secrétaire général
au Tribunal national compétent ou à toute autre autorité que
ledit Etat contractant aura désigné à cet effet. Chaque Etat
contractant fait savoir au Secrétaire général le Tribunal

(2288 ) J. VELU, Conclusions, préc. Cass., 14 avril 1983, Pas., 1983. 1. 891 et J.T., 1983, 616;
voy. aussi J. VELU, Conclusions préc. Cass., 27 janvier 1987. J.T .. 1987, 440.
(2 289 ) L'article 50 est ainsi libellé: «Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou
une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie contractante se
trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente
Convention. et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les
conséquences de cette décision ou de cette mesure. la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu. à la
partie lésée une satisfaction équitable».
528 TRAITÉ DES SAISIES

compétent ou les autorités qu'il désigne à cet effet et le tient


informé des changements éventuels ;
3° L'exécution est régie par la législation concernant l'exécution
des jugements en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel
on cherche à y procéder».
En Belgique, l'article 3 de la loi d'approbation du 17 juillet
1970 dispose que le Ministre des Affaires étrangères, ou le
fonctionnaire qu'il désigne à cet effet, vérifie l'authenticité des
pièces qui lui ont été remises par la partie intéressée et qui ont été
signées pour copie conforme par le Secrétaire général du Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux investis-
sements.
Le Ministre adresse ensuite les pièces au greffier en chef de
la Cour d'appel de Bruxelles qui y appose la formule exécutoire.
«La sentence est à partir de ce moment exécutoire comme
tout acte judiciaire national» (2 290 ) sans qu'une procédure d'exe-
quatur n'ait été diligentée.
On signale enfin un arrêt de la Cour de cassation de France
du 18 novembre 1986 qui énonce : le pouvoir du juge étatique
d'ordonner des mesures conservatoires, qui n'est pas écarté par
l'article 26 de la Convention de Washington du 18 mars 1965, ne
peut l'être que par une convention expresse des parties ou par une
convention implicite résultant de l'adoption d'un règlement d'arbi-
trage qui comporterait une telle renonciation (2 291 ).

254) Jugement rendu par un consul.

Aux termes de l'article 20 de la loi du 31 décembre 1851 sur


les consulats et la juridiction consulaire : «Les actes passés ou reçus
par les consuls ou leurs chanceliers et les jugements rendus par les
consuls ou par les tribunaux consulaires et les actes passés par les
consuls ou leurs chanceliers dans les pays hors de chrétienté dans

(2 2"°) E. KRINGS, L'exécution des sentences arbitrales, Rev. Dr. lot. Dr. Camp., 1976, p.
204-205, n°s 31à33; voy. aussi Ph. OUAKRAT, La pratique du C.I.R.D.I., D.P.C.I., 1987, Tome
13, n° 2, p. 296-297 et 303 à 310 (l'auteur examine également les décisions rendues sur le fondement
de l'article 52 de la Convention qui organise une voie de recours interne devant un «Comité ad hoc»).
2291
( ) Rev. Arb., 1987, 315 et note G. FLECHEUX; Clunet, 1987, 125, note E. GAIL-
LARD et réf. cit. notamment à une décision en sens contraire du juge des saisies d'Anvers du 27
septembre 1985 (III. p. 131; voy. R.W., 1987-1988, 290 et note F. DE LY); Ph. OUAKRAT, op.
cit., D.P.C.I., 1987, Tome 13, n° 2. p. 298 à 303; voy. aussi supra, n° 136 D.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 529

les limites de leur compétence et de leur juridiction, seront


exécutoires tant dans le pays où ils ont été rendus ou passés qu'en
Belgique sans visa ni pareatis, en vertu d'expéditions dûment
délivrées et légalisées».

CHAPITRE III- LA DECISION DE JUSTICE.

255) Généralités et plan.


Une décision qui prononce une condamnation à des choses
certaines, exigibles et liquides (2 292 ) (2 293 ) (2 294 ) ne peut être
exécutée que si deux conditions sont réunies :
1 - la décision doit avoir été préalablement signifiée (section I) ;
2 - la décision doit être passée en force de chose jugée sauf si le
jugement est exécutoire par provision. Le caractère immédia-
tement opérationnel du jugement exécutoire par provision
peut cependant être subordonné à la constitution d'une caution
ou être entravé par le recours au cantonnement sur exécution
provisoire (section II).
Le chapitre s'achève par l'examen de la transformation de
la saisie conservatoire en saisie-exécution (section III).

SECTION I - La forme de la décision exécutoire et la signification


préalable.

256) La force exécutoire ne s'attache pas au seul dispositif


du jugement.
On a prétendu que «seul ce qui est exprimé en termes
d'ordre, d'injonction ou de commandement dans le dispositif du

2292
( ) Supra, n"s 22 l et s.
(2 293 ) Il y a lieu de préciser que l'exécution des condamnations civiles (restitutions,
dommages-intérêts, frais, dépens) au profit de la partie civile se fait, à la diligence de celle-ci, selon
les modes de saisies indiqués par le Code judiciaire, comme pour le recouvrement d'une dette
quelconque (art. 165 et 197, al. l, C.I.Cr.; Chev. BRAAS, Précis d'instruction criminelle, Liège,
Bruxelles, 1932, p. 311 ; supra, n° 10 et infra, n" 262).
2294
( ) Le Conseil d'Etat est incompétent pour statuer sur des droits civils ou pour ordonner la
réparation d'un préjudice causé par un acte administratif illégal. L'étude de la force exécutoire d'un
arrêt d'annulation est donc étrangère à la matière des saisies conservatoires et des voies d'exécution
(voy. à ce sujet, J. SALMON, Conseil d'Etat, contentieux de l'indemnité et contentieux de
l'annulation, Bruxelles, Bruylant, 1987. p. 300 à 335 ; plus spécialement au sujet de !'astreinte, voy.
p. 328-329, réf. cit. et C.E .. 12 janvier 1987, J.L.M.B., 1987, 327; voy. aussi en France, G.
BRAIBANT, L'exécution des décisions du juge administratif. Adm. Pub!., 1987. 136 à 141).
530 TRAITÉ DES SAISIES

jugement peut acquenr une efficacité contraignante. Celle-ci ne


peut revenir aux questions qui ne sont résolues que dans les motifs»
(2295 ). Cette conception est à nos yeux inconciliable avec celle qui
admet le «motif décisoire» (2 296). Si elle devait prévaloir elle
contraindrait le bénéficiaire du titre à faire rectifier ce vice de
rédaction ; en principe (il peut, en effet, y avoir divergence de vues
sur l'existence même d'un motif décisoire), un tel formalisme est
excessif lorsqu'on sait que les conditions de fond ne doivent pas être
formellement exprimées (2 297 ). Bref, «sans considérer l'exécution
comme essentielle à la notion de juridiction, il faut, du moins, la
maintenir dans son cadre et sous sa dépendance» (2 298).

257) Un jugement de débouté peut constituer un titre exécutoire.

De manière générale, le rejet d'une demande peut corres-


pondre à la naissance d'un droit dans le chef d'une partie. Il est
donc parfaitement concevable d'assortir une telle décision de
l'exécution provisoire (2 299 ).

258) Expédition ou minute revêtue de la formule exécutoire.

A. - L'expédition contient à peine de nullité la copie intégrale


du jugement, précédée de l'intitulé et suivie de la formule exécu-
toire (art. 790, C. jud.) (2 300). Le jugement ne peut être mis à
exécution que sur production de l'expédition préalablement signi-
fiée (art. 1386 et 1495, al. 1, C. jud.). Toutefois, dans les cas
urgents, le jugement peut être mis à exécution sur production de la
minute, c'est-à-dire de l'original de la décision. Ainsi, si l'article
1041, alinéa 1er du Code judiciaire énonce que «les minutes des

(2 295 ) J. van COMPERNOLLE, Considérations sur la nature et l'étendue de l'autorité de la


chose jugée en matière civile. note sous Cass., IO septcmhre 1981. R.C.J.B .. 1984. p. 264, n° 33.
(2 296) lb. p. 261. n" 31.
2297
( ) Supra, n° 223. Voy. aussi Cass .. 18 décembre 1986. R.G .. n" 7563: «Toute décision du
juge sur une contestation est un dispositif, quelle que soit la place de cette décision dans le texte du
jugement ou de l'arrêt et quelle que soit la forme dans laquelle elle est exprimée». La voie de la
rectification est heureusement et logiquement plus accessible que celle de l'interprétation (voy. les
art. 798 et 799, C. jud. et le commentaire de M. VAN REEPINGHEN. Rapport sur la Réforme
judiciaire, Pasin., 1967. 428-429; Civ. Liège, 23 octobre 1987. J.L.M.B .. 1987, 1475 et obs.; addc.
A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985. p. 262, n" 353 et Cass., 25 février 1974,
Pas., 1974, 1, 654 et note P.M.).
2298
( ) P. HEBRAUD, L'exécution des jugements civils, Rcv. lnt. Dr. Comp., 1957. 173.
2299
( ) 1nfra, n" 267 E.

(2 3"') Au sujet de la formule exécutoire. voy. supra, n" 221 et note 1807.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 531

ordonnances et des arrêts sur référé sont déposés au greffe»,


l'alinéa 2 déroge à la règle en prévoyant que «dans les cas d'absolue
nécessité, le juge des référés ou la cour peut ordonner l'exécution
de l'ordonnance ou de l'arrêt sur la minute» (2 301 ). Cette disposi-
tion est également applicable au juge des saisies (art. 1395, al. 2)
(2302) ; de manière générale, tout comme sous l'empire de l'article
811 de l'ancien C.P.C., les tribunaux peuvent, dans les cas
d'absolue nécessité, ordonner l'exécution de leurs jugements sur
minute (2303 ).
Avant le Code judiciaire, l'exécution forcée sur minute
était possible même si l'ordonnance n'était pas revêtue de la
formule exécutoire (2 304 ). En d'autres termes, la minute rendue
exécutoire par le président tenait lieu d'expédition revêtue par le
greffier de la formule exécutoire. Actuellement, même si la
pratique ne semble pas toujours adaptée au texte nouveau (2 305 ),
l'article 1386 exige que tant l'expédition que la minute soit revêtue
de la formule exécutoire : «Nul jugement, ni acte ne peuvent être
mis à exécution que sur production de l'expédition ou de la minute
revêtue de la formule exécutoire déterminée par le Roi» (2 306 ).
Dans cette mesure, le magistrat qui décide que l'original de sa
décision possède la force exécutoire est nécessairement apte à la
revêtir de la formule exécutoire. Cette dérogation au principe de la
séparation des pouvoirs (art. 30, al. 2, Const.), est imposée par
l'urgence de la situation. A une époque où les greffes sont équipés

23
( °') Voy. p. ex. une ordonnance rendue sur requête unilatérale ordonnant à la banque de
suspendre temporairement la dénonciation du crédit et le blocage du compte de son débiteur (Comm.
Namur (Réf.), Il décembre 1985, R.R.D., 1986, 60; adde. Liège, 7è ch., 12 novembre 1986, Jur.
Liège, 1986, 705, accès à un magasin d'expédition).
(2·1112 ) A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 339, n" 451 ; voy. aussi en
matière d'assistance judiciaire, l'art. 683, C. jud. et en matière d'expertise, l'art. 984, al. 1. C. jud.
2303
( ) A. BRAAS, Précis de procédure civile, 3ème éd .. T. II, p. 765, n" 1535; G.

BELTJENS, Encyclopédie de droit civil belge, Deuxième partie, Code de procédure civile, 2ème
éd., T. II, Bruxelles-Paris, 1908, p. 300, n" 13 bis; D. CHABOT-LEONARD, op. cit., p. 50 qui
précise que malgré les termes de l'article 1386, l'acte notarié ne peut être mis à exécution sur minute ;
contra, D. LINDEMANS, Kort geding. Kluwcr, Antwerpen, 1985, p. 162, note 300.
2304
( ) P. RAYNAUD. Jurisprudence française en matière de procédure civile, R.T.D.C.,
1958, p. 687, n° 12 et réf. cit. ; P. HEBRAUD. Jurisprudence française en matière de procédure
civile, R.T.D.C., 1959, p. 159, n° 10.
2
( 3(") D. LINDEMANS, op. cit.. p. 217, note 2.

(2 306 ) Cc texte a été proposé par le Conseil d'Etat dans son deuxième avis complémentaire,
Pasin., 1967 (Rapport sur la Réforme judiciaire), p. 768-769 (voy. p. ex., Liège, 12 novembre 1986,
Jur. Liège, 1986, 705). Le Conseil d'Etat ne s'explique cependant pas sur la nécessité de revêtir la
minute de la formule exécutoire. Au demeurant. il ressort des articles 173, 790 et 791 combinés du C.
jud., qu'en dehors de l'article 1386. la formule exécutoire n'est apposée par le greffier que sur
l'expédition de la décision.
532 TRAITÉ DES SAISIES

de photocopieuses, «les cas d'absolue de nécessité» dont il est


question à l'article 1041, alinéa 2 doivent normalement se raréfier
(2307).

Lorsqu'une partie a été autorisée de faire signifier le titre


sur le fondement de la minute, celle-ci doit être restituée au greffe
après signification (2308 ).
B. - En principe, il ne peut être délivré d'un arrêt ou
jugement qu'une expédition ou minute en forme exécutoire. Ce
que le législateur entend éviter, c'est qu'il y ait plusieurs titres
exécutoires identiques en la même main (2309 ) mais s'il y a
plusieurs parties ayant obtenu gain de cause et ayant qualité pour
diligenter une mesure d'exécution, chacune d'elle est en droit
d'exiger un titre exécutoire (2310).

259) Le préalable de la signification et la sanction du défaut de


signification.

A. - «Toute décision qui prononce une condamnation ne peut


être exécutée qu'après avoir été signifiée à la partie» (art. 1495, al.
1). Cette disposition est prescrite à peine de nullité des actes
d'exécution (art. 1495, al. 3).
La signification est un acte d'information. «Il faut que le
débiteur puisse prendre connaissance du titre invoqué contre lui et
puisse éventuellement faire valoir ses moyens de défense» (2311 ).
B. - Si les avocats ont l'obligation déontologique de se tenir
informés de toute initiative en matière de signification de décision
afin que les conseils ne soient pas laissés dans l'ignorance de

23117
( ) Depuis la loi du 19 juin 1986 modifiant le Code des droits d"enregistrement.
d'hypothèque et de greffe (M.B., 24 juillet 1986: G. de LEVAL, L'enregistrement en debet des
arrêts et jugements, Ann. Dr. Liège, 1986, 384 à 386; M. BALTUS, Le nouveau régime du droit
d'enregistrement des jugements et arrêts, J.T., 1986, 661 à 665), l'art. 173, 4°. C. Enr. (permettant
l'exécution sur minute avant enregistrement), présente moins d'intérêt pour le bénéficiaire du
jugement de condamnation (voy. cependant R.O.D. A propos des droits d'enregistrement, J.T.,
1985, 597).
(2308 ) D. LINDEMANS, op. cit., p. 217, n" 408.
(2309 ) Au sujet de la délivrance d'une seconde expédition, voy. supra, n° 229 B.
(23 !0) A. BRAAS, op. cit., p. 764, note 2 : la solution est la même en cc qui concerne l'acte
notarié, voy. art. 26 de la loi contenant organisation du notariat (adde. C. Et. Lég., 1983, Dossier, n°
1852, p. 430 à 438).
(2 311 ) E. KRINGS, op. cit., Etude du projet de Code judiciaire, Liège, La Haye, 1966, 150:
Y. LOBIN, La notification des jugements et ses sanctions. Mélanges Pierre RAYNAUD, Dalloz,
1985, 381.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 533

l'écoulement des délais de recours, la transgression de cette règle


ne saurait être sanctionnée que sur le plan disciplinaire. Par
ailleurs, cette obligation ne peut être étendue à celle d'informer le
conseil du débiteur de la décision de mettre le titre à exécution.
C. - La signification doit porter sur la totalité du titre. Ainsi,
la citation en exequatur d'une décision de référé fixant les mesures
provisoires en matière de divorce pour cause déterminée, ne peut
valoir comme signification de l'ordonnance rendue alors que la
citation ne reproduit qu'une partie de l'ordonnance (2 312 ).
A fortiori, la simple référence, dans un exploit, à un
jugement n'a pas la portée d'une signification (2313 ). Est cepen-
dant régulière, la procédure d'exécution fondée sur un jugement
exécutoire par provision régulièrement signifié dans la mesure où la
décision d'appel n'a que partiellement réformé le jugement entre-
pris tout en laissant incontestablement subsister une dette pour
laquelle la mesure d'exécution peut être poursuivie sans que la
décision d'appel ne doive nécessairement être signifiée (2 314 ).
D. - La signification n'est pas toujours le préalable absolu à la
production des effets du jugement :
- elle n'est pas une condition de l'autorité de chose jugée ~ui
s'attache à la décision dès son prononcé (art. 24, C. jud.) (2 31 ) ;
de même, pour les créances dont le montant est fixé par la
décision judiciaire, le point de départ des intérêts alloués se situe
en règle au jour non de la signification mais de la décision
(2316) ;

- elle n'est qu'une condition de l'efficacité exécutoire de la «déci-


sion qui prononce une condamnation» (art. 1495, al. 1, C. jud.
- ainsi, le délai fixé par un jugement de condamnation ne court
qu'à dater de la signification de celui-ci (2 317 ) - mais non des
actes notariés (2 318 ) ;

(2312 ) Mons, 24 octobre 1985. Inédit (mentionné dans la J.L.M.B., 1987, 500).
2313
( ) Liège, 10 mars 1983, Jur. Liège. 1983. 256; Mons, 28 janvier 1987, infra note 2328.
(2314 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 15 janvier 1987, R.G., n° 15.141.
2315
( ) Cass. Fr., 25 mars 1985, J.C.P., 1987, Il, n" 20.823 et obs. A. BLAISSE; Cass. Fr., 20
novembre 1985, J.C.P., 1986, IV, 49 et Bull., 1985, II, p. 118, n" 177; adde. au sujet du
déssaisissement, Cass. Fr., 21juillet1986, J.C.P., 1986, IV, 300.
2316
( ) Voy. supra, n"s 223 Ac et 224 ; infra, n" 267 B. De même, une clause de déchéance du
terme en cas de non respect des délais de grâce ne doit pas être subordonnée à une signification
préalable.
2317
( ) 1. MOREAU-MARGREVE, note sous Corr. Dinant. 27 février 1985, Aménagement,
1986, p. 155 ; infra, n" 261.
(2·118 ) En ce cas. le débiteur. partie à l'acte relatant son engagement, est présumé en connaître
le contenu ; il n'y a donc pas lieu de l'informer (supra, n" 236 ; voy. aussi infra, n" 285).
534 TRAITÉ DES SAISIES

dans certains cas, le législateur permet de remplacer la significa-


tion du jugement de condamnation au sens large par la notifica-
tion de celui-ci{2 319 ) (2 320) {2321 ) ou même la production d'une
copie conforme de l'expédition {2322 ). Si en principe, la signifi-
cation est un préalable à l'exécution, il suffit qu'il y ait concomi-
tance entre la signification et l'acte de procédure lorsqu'il s'agit
de p,ratiquer une saisie conservatoire en vertu d'un jugement
(232 ) ou d'entamer une voie d'exécution sur le fondement d'un
titre exécutoire par provision (art. 1499, C. jud.) ;

la partie perdante Eeut dispenser son adversaire de la significa-


tion du jugement ( 24 ) ;

la signification ne doit ~as être faite au tiers même si une


prestation lui incombe (23 5), en ce cas, il y a lieu de se référer à
l'article 1388 du Code judiciaire (2 326).

2319
( ) Le jugement qui ordonne une mesure d'instruction, n'étant pas un jugement de
condamnation, il ne doit pas, en principe, être préalablement signifié (voy. art. 880, 919, 996 et
1008) ; de même, l'ordonnance rendue sur requête unilatérale est seulement notifiée au requérant
(art. 1030). En matière d'expertise, il existe seulement une règle spéciale à l'égard de l'expert (art.
965). Adde. en matière d'ordre, G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n"s 138 et 139 et en matière de
cession de rémunération, l'art. 31, al. 2 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération.
2321
( ') Voy. p. ex. : art. 203 ter et 221, C. civ. (délégation) et 1253 quater C. jud. (texte plus

général en matière de contentieux familial) (G. de LEVAL, L'exécution et la sanction des décisions
judiciaires en matière familiale, in l'Evolution du droit judiciaire au travers des contentieux
économique, social et familial, Xlès Journées Jean DABIN, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 881, note
20). Adde. en matière disciplinaire, Cass., 14 février 1985, Pas., 1985, I, 730.
(2 321 ) Les frais d'une signification inutile doivent demeurer à charge de celui qui les a
exposés.
(2322 ) Voy. en matière de garantie locative, l'art. 1752 bis,§ Ier, al. 4, C. civ., l'attestation de
conformité étant faite par l'administration communale (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1982-1983, 556, n"
1/9) ; infra, n° 277 A 2.
(2323 ) Supra, n° 168.
(2 324 ) R.P.D.B., V" Exécution des jugements et des actes en matière civile, n" 160; comp.
art. 798, al. 1, C. jud. («sauf de l'accord ... ») et Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 428.
2325
( ) Cass. Fr., 26 février 1986, Bull., 1986, Il, p. 18, n° 27; Dall., 1986, Jur., 435 et note J.

PREVAULT; voy. aussi l'art. 93, L. hyp., il suffit de produire au conservateur l'expédition du
jugement ordonnant la radiation ou la réduction de l'inscription. Par contre, si l'instance en radiation
a dû être dirigée contre le conservateur en raison d'un grief susceptible d'être articulé contre lui, il
devient partie ; les articles 93, L. hyp. et 1388, C. jud. cessent de s'appliquer et le jugement doit lui
être préalablement signifié, art. 1495, al. 1, C. jud. (E. GENIN, Traité des hypothèques et de la
transcription, Rép. Not., n°s 2181, 2190, 2191 et 2685). Comp. infra, note 2391. Au sujet du tiers
détenteur, infra, n" 286, note 2721.
(2326 ) Supra, n° 192. Infra, n° 266.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 535

E. - Indégendamment de la nullité relative (art. 1495, al. 3 et


861, C. jud.) ( 327 ) (2 328 ) de l'exploit de saisie en tant qu'acte de
procédure au sens de l'article 860 du Code judiciaire, l'absence de
signification doit entraîner le défaut d'efficacité de la mesure
d'exécution diligentée sur base d'un titre non signifié alors qu'il
devait l'être ; en effet, tant qu'elle n'a pas été signifiée, une décision
de justice, même assortie de l'exécution provisoire, n'est pas un
titre exécutoire (2329 ) {2330).

Lorsque la signification est une condition préalable ou


concomitante du premier acte d'exécution (2331 ), une signification

(2327 ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune
Barreau, Bruxelles, 1982, p. 64, n" 80; contra, Civ. Bruges, ch.s., 5 août 1977. R.W., 1977-1978,
1207; voy. sous l'empire de l'article 551, C.P.C., Civ. Bruges, 5 juin 1933, Pas., 1934, III, 69. Il n'en
reste pas moins que la situation est anormale car une signification entâchée d'omissions ou
d'irrégularités prévues à l'art. 862 entraîne la nullité absolue (voy. p. ex., en cc qui concerne la
mention illisible du jour de la signific.Hion d'une décision judiciaire, Cass., 15 juin 1984, Pas., 1984, 1,
1266). Comp. au sujet de l'art. 1481, C. jud., Civ. Bruxelles, Il octobre 1980, J.T., 1980, 710.
2328
( ) «Si en vertu de l'article 45 du Code judiciaire, la copie de l'exploit doit, à peine de
nullité, contenir toutes les mentions de l'original, la nullité du chef de l'irrégularité résultant du
défaut de concordance entre la copie et l'original de l'exploit de signification ne peut cependant être
déclarée que si cette irrégularité a nui aux intérêts de la partie qui l'invoque, conformément à l'article
861 du Code judiciaire ; l'art. 862 du Code judiciaire ne s'applique pas à cette irrégularité. Ne
démontre pas ce caractère préjudiciable de l'irrégularité, la partie se prévalant de la nullité de la
signification du jugement au motif que la copie de la décision remise par l'huissier comprend un
feuillet en moins que l'original qu'elle a visé conformément à l'article 43, dernier alinéa du Code
judiciaire alors qu'elle a pu prendre connaissance de l'intégralité du jugement en sa langue puisque la
signification était accompagnée d'une traduction en néerlandais du jugement» (Mons, 28 janvier
1987, R.G., n" 89.25; Cass., 23 janvier 1978, Pas., 1978, 1, 596 et Cass., 4 septembre 1979, Pas.,
1980, 1, 1).
(2329) R. PERROT, Droit judiciaire privé, Fasc. Il, Les cours de droit, Paris, 1981, p. 652 et
674 ; G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J .T., 1980, p. 629, n" 19 et p. 632, n" 32
B.; Civ. Bruxelles, ch.s., 24 avril 1986, R.G., n" 15.666; Civ. Bruxelles, ch.s., 11septembre1986,
R.G., n° 23.928 ;Civ. Bruxelles, ch.s., 16 octobre 1986, R.G., n" 25.168; Civ. Bruxelles, ch.s., 16
juillet 1987, R.G., n" 36.462 (cette décision précise dans le cadre de l'application de la Convention de
La Haye du 15 novembre 1965, que l'absence de production de l'attestation prévue par l'article 6 de
cette convention qui produit un effet de surséance lorsqu'il s'agit de l'acte introductif d'instance,
aurait un effet beaucoup plus énergique au stade de l'exécution car à défaut pour la partie
poursuivant l'exécution de rapporter la preuve de l'accomplissement de l'ensemble des formalités
prévues par la convention, l'exécution poursuivie serait irrégulièrement entamée. A nos yeux, dans la
mesure où la signification est réputée accomplie comme le reconnaît le même jugement au moment
de la remise à l'autorité centrale, cette solution est anormalement sévère). Voy. aussi supra, n" 250,
note 2250 ; adde. art. 1115, C. jud. et en matière de non représentation d'enfant, Corr. Nivelles, 8
octobre 1986, J.T., 1987, 448.
23
( "') Ainsi, lorsque le créancier bénéficie de plusieurs titres exécutoires, le juge des saisies
ne peut prendre en considération, pour déterminer le montant dû par le saisi, que les décisions
signifiées (Civ. Huy. ch.s., 23 décembre 1985, Pas., 1986, III, 18, Jur. Liège, 1986, 155; il importe
cependant de tenir compte de l'extension de la saisie par voie d'opposition).
2331
( ) Comp. au sujet du cautionnement prévu par l'art. 1400, Cass., 14 juin 1984, Pas., 1984,
1. 1260 ; infra, n° 271.
536 TRAITÉ DES SAISIES

tardive ne peut régulariser avec effet rétroactif une procédure


entamée au mépris de l'article 1495, alinéa 1 du Code judiciaire
(2332).

260) Les parties à l'acte de signification.

«Celui qui signifie et celui qui reçoit doivent avoir qualité


et pouvoir d'agir, donc avoir été parties à l'instance et en cas
d'incapacité, être représentés par leur représentant légal» (2333 ).
Ainsi, la signification d'un jugement à la requête de l'Etat belge,
représenté par un autre ministre que celui qui était à la cause en
première instance est non avenue pour défaut de qualité de la
personne à la requête de laquelle elle a été faite (2 334 ).

A. - En ce qui concerne l'auteur de la signification, il importe


de préciser que :
a) s'il y a plusieurs bénéficiaires d'un même jugement, ceux-ci
peuvent faire signifier ce dernier par un seul et même exploit
335
(2 ) mais un bénéficiaire ne peut se prévaloir de la significa-
tion faite par un autre bénéficiaire ;
b) les délais peuvent courir non seulement contre la partie à qui est
faite la signification mais aussi contre celle qui l'a effectuée
(2336) dans ses rapports avec le signifié (2337 ) ; c'est pourquoi la
signification d'un !ugement, même sans réserve, n'emporte pas
acquiescement (2 3 8), celui qui signifie se réservant toujours le
droit de former lui-même une voie de recours (2 339 ) sauf s'il
fait signifier sans réserve le jugement ou sans exercice simultané

2332
( ) Cass. Fr., 11avril1986, Dall., 1986, I.R., 248; Gaz. Pal., 1986, Pan., 159; contra Civ.
Bruxelles, ch.s., 6 février 1987, A.R., n" 26.183 (le jugement situe le problème au seul niveau de la
nullité relative).
2333
( ) Y. LOBIN, op. cit., Mélanges P. RAYNAUD, p. 389. Voy. cependant, en cas de
cession, de subrogation, etc., supra, n° 218 B.
(2 334 ) Bruxelles, 9 janvier 1985, J.T., 1985, 490.
2335
( ) Mons, 29 avril 1985, Inédit, R.G., n" 8478; adde. Bruxelles, 21mars1985, Pas., 1985,
Il, 92 ; infra, n" 286/2.
(2 336 ) Voy. l'art. 1051, al. 2, C. jud.; toutefois, la règle «nul ne se forclôt soi-même»
demeure applicable devant la Cour de cassation (Cass., 17 mai 1976, Pas., 1976, 1, 990).
2337
( ) II n'y a pas nécessairement un délai uniforme d'appel pour l'auteur de la signification; cc
délai varie en fonction de la date de la signification à chaque adversaire (voy. aussi ci-dessous B, b).
(2338 ) Cass. Fr.. 27 février 1980. Bull., 1980, Il, n" 42.
2339
( ) A. FETTWEIS. Manuel de procédure civile, p. 477, n" 704 ; contra Civ. Malines, 30
novembre 1982, R.W., 1983-1984, 1691.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 537

d'une voie de recours et exécute ou fait exécuter celui-ci (2 340),


le tout sans préjudice d'un appel incident (art. 1054, al. 1)
(2341) ;

c) si en règle, un jugement peut être signifié pendant trente ans


342
(2 ), il importe de réserver l'hypothèse du jugement par
défaut qui est périmé à défaut de signification dans l'année
(2343) ;

d) si le titre a été signifié par le perdant, le gagnant ne doit pas


procéder à une nouvelle signification, ayant le même objet,
avant de diligenter une procédure de saisie à charge de celui-là
(2344).

B. - En ce qui concerne le destinataire de la signification, il


importe de tenir compte des règles spéciales en cas de décès (art.
56, C. jud.) ou d'incapacité (art. 57, al. 3, C. jud.) et de préciser
que:
a) l'expression «signification à la partie» (art. 1495, al. 1) (2345 )
remonte à l'époque où le ju~ement devait être signifié à la fois à
l'avoué et à la partie ( 34 ). Actuellement, seule subsiste la
signification qui s'effectue conformément aux divers modes
prévus par les articles 33 et suivants du Code judiciaire (2 347 ) ;
b) en toute hypothèse, il importe de vérifier le moment auquel la
signification est effectuée à l'égard de chaque partie. Ainsi,
lorsque la partie qui signifie fait procéder simultanément à cette

2340
( ) Le gagnant peut parfaitement faire signifier le jugement et faire exécuter le dispositif
qui lui est favorable tout en interjetant appel pour obtenir une condamnation d'un montant plus élevé
à charge du perdant qui pourra interjeter un appel incident (au sujet de la conciliation des art. 1054,
1397 et 1495, al. 2, voy. infra, n° 265). Adde. A. KOHL, Appel en matière civile et commerciale,
R.P.D.B., VI, n" 173; comp. en matière de divorce, Cass., 1er mars 1985, R.W., 1985-1986, 1842;
infra, n° 267 D et n° 274/2/C.
341
(' ) Tel est le cas de l'appel incident du créancier (ou du débiteur) sur l'appel principal du
débiteur (ou du créancier) auquel il a fait signifier le jugement (sur l'appel incident, voy. G. de
LEVAL, La reconstitution du litige par voie d'appel incident, Ann. Dr. Liège, 1986, p. 353 à 359).
342
(' ) Supra, n° 231 B.
2343
( ) Supra, n" 231 A.
344
(' ) Le but de la signification étant d'être certain que le jugement est parvenu, de manière
officielle, à la connaissance de la partie condamnée, cc but est nécessairement atteint lorsqu'elle
prend l'initiative de faire signifier le jugement ; voy. cependant, l'art. 1564, al. 2, C. jud.
2345
( ) Voy. aussi l'art. 1115 et l'art. 1625, al. 1, C. jud.
2346
( ) ZWENDELAAR, Formulaire annoté de procédure civile, Larcier, 1939, T. V, p. 262,
n" 1492 ; la signification à avoué était imposée afin d'éviter que le plaideur ignorant des règles de la
procédure ne tarde à réagir et se trouve forclos (comp. supra, n° 259 B).
347
) R.P.D.B., V cit., n° 205 ; infra, n° 262. Au sujet de la signification du jugement au
0
('
mandataire judiciaire (supra, n° 220 D), voy. Ph. BOSSARD, L'action en justice d'un tiers contre
une copropriété, J.T. 1988, p. 23, n°' 23 et 24.
538 TRAITÉ DES SAISIES

formalité, conformément aux différents modes entre lesquels


elle avait le choix, et que, pour chacun de ces modes, la durée
du délai accordé à la partie signifiée pour se pourvoir en
cassation est différente, le pourvoi peut être valablement
interjeté dans le délai le plus long prévu par la loi (2348). De
même, lorsque le premier juge ayant rejeté la demande formée
par un demandeur contre plusieurs défendeurs, un seul de ceux-
ci a fait signifier le jugement audit demandeur, cette significa-
tion n'a, en règle, pas pour effet de faire courir le délai d'appel
du demandeur contre les autres défendeurs qui n'ont pas fait
signifier le jugement (2349 ). De manière générale, «en cas de
signification à différents intéressés, à des dates différentes, le
délai d'appel doit être calculé séparément pour chaque partie
intéressée» (2350).

261) Effets de la signification.

La signification de la décision rend possible l'exécution


forcée dès que le titre est exécutoire (art. 1495). Il est indifférent
que nanti d'un titre exécutoire efficace (2351 ), son bénéficiaire
attende plusieurs mois avant de le faire signifier.
Le simple fait de l'ignorance de la signification régulière-
ment accomplie ne constitue pas en soi un cas de force majeure
(2352). Une mesure d'exécution peut ainsi se développer valable-
ment sur le fondement d'un titre régulièrement signifié dont le
destinataire peut, en fait, ignorer l'existence (2 353 ).
La signification produit d'autres effets : la signification
dans l'année évite la péremption du jugement par défaut (art. 806,

(2 348 ) Cass., 23 juin 1983, Pas., 1983, I, 1199; voy. aussi Cass., 30 septembre 1985, Jur.
Liège, 1986, 62.
2349
( ) Cass., 10 décembre 1981, Pas., 1981, 1, 492.
2350
( ) G. DEMEZ, La recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident, Colloque
L.L.N., 24/10/1986, p. 19, n° 50b; adde. Cass., 2 février 1987, R.W., 1987-1988, 81 et en cas de
dénonciation de saisie-arrêt, Liège, 26 janvier 1938, J.L., 1938, 133; comp. Cass. Fr., 14 janvier
1987, Dall., 1987, I.R., 19 cassant Rouen, 22 janvier 1985, Dall., 1985, J., 291 et Dall., 1987,
Sommaires commentés, 361, obs. P. JULLIEN.
2351
( ) Au sujet de la prescription, voy. supra, n° 231 B.

(2 352 ) Sur cette question, voy. W.G., notes sous Cass., 24 janvier 1974, Pas., 1974, 1, 553 et
réf. cit. ; adde. Cass., 9 octobre 1986, n° 7516/4: «la force majeure ne peut résulter que d'un
événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n'a pu ni prévoir ni conjurer».
(2 353 ) Comp. en matière d'abandon de famille, Paris, 4 janvier 1985, Gaz. Pal., 7-8 janvier
1987 et note J.P.D.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 539

C. jud.) ; }'astreinte ne peut être encourue avant la signification du


jugement qui l'a prononcée (art. 1385 bis, al. 3, C. jud.) ; la date de
la signification constitue en principe le point de départ des délais de
voies de recours (art. 1048 ; art. 1051 ; art. 1073 ; art. 1129) ; la
signification par le requérant de l'ordonnance d'injonction de payer
faisant partiellement droit à sa demande le rend irrecevable à
introduire la demande pour le tout par la voie ordinaire (art. 1343,
§ 4, al. 2, C. jud.).

Entre les mêmes parties, une seule signification peut


produire plusieurs effets. Ainsi, un exploit de saisie conservatoire
qui contient la signification du jugement visé par l'article 1414 fait
courir le délai pour interjeter appel contre celui-ci (2354). De
même, un jugement par défaut, signifié dans l'année, au début
d'une procédure d'exécution, dont la régularité est contestée, peut
être ultérieurement utilisé pour pratiquer une saisie conservatoire
(2355 ). De même, la signification du jugement de condamnation
par le créancier qui entend mettre son titre à exécution fait courir le
délai d'appel contre lui (art. 1051, al. 2, C. jud.) s'il entend
solliciter une majoration de la condamnation en degré d'appel.

Dans la mesure où la signification fait courir les délais de


recours prescrits à peine de déchéance, exception qui doit être
soulevée même d'office par le juge (art. 860, al. 2; 862, §1er, 1° et
§ 2) sans qu'elle ne soit possible d'être couverte (art. 865), le
signifiant ne peut renoncer aux effets que la loi y attache (2356 ).

262) Remarque sur le mode de signification.

Le droit de l'exécution forcée régit la mise en oeuvre des


décisions des juridictions répressives statuant sur les intérêts civils.
Le mode de signification à utiliser est-il celui qui est prévu par
l'article 37, C. jud. en matière pénale ou celui qui est prévu par
l'art. 38, C. jud. en matière civile ? Cette disposition concernerait
les actes d'exécution postérieurs à la signification du jugement

2354
( ) Liège, 19 mars 1985, Jur. Liège, 1985, 387.
(2355 ) Anvers, 13è ch., 16 février 1987, A.R., n" 432/87.
2356
( ) C.T. Liège, 22 juillet 1986, Ch. vac., R.G., n" 12.225/85, Inédit. Adde. infra, note 2384.
540 TRAITÉ DES SAISIES

répressif et accomplis à la requête de la seule partie civile (2 357 )


mais non la signification du ju~ement à la requête de celle-ci,
l'article 37 étant seul applicable ( 358 ).
A nos yeux, l'erreur portant sur le champ d'application des
articles 37 et 38 du Code judiciaire n'est cependant pas sanctionnée
de nullité (2 359 ).
Si en principe les significations sont faites suivant les
modes prévus par le Code judiciaire (2 360), il y a lieu de tenir
compte des règles spéciales qui peuvent y déroger (2 361 ).

263) Permanence du domicile et significations ultérieures.

S'il est de règle que le changement de domicile ou de siège


social est sans incidence sur le procès en cours aussi longtemps que
la partie qui a modifié son domicile ou son siège social néglige d'en
avertir le greffe et son adversaire (2 362 ), ce principe n'existe pas
comme tel en matière de saisie. Il semble, en effet, difficile de
généraliser le principe précité et d'imposer à la partie saisie de
notifier ses changements de domicile au saisissant et à l'huissier
(2363). Il importe de ne pas perdre de vue les conséquences graves
qu'un acte d'exécution peut avoir pour le saisi. Il est donc normal
que l'huissier vérifie à nouveau au début de l'exécution (à nos yeux,
dès la signification compte tenu de son importance pour l'exercice
d'un recours), la concordance entre le domicile du saisi et l'adresse

(2 357) Lettre du 29 avril 1986 (7C3/61/855/D.P.R.)/MQ/ICBB5 du Ministre de la Justice au


Président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, De Gerechtsdeurwaarder - L'huissier
de justice, 1987, p. 21-22. Partant, dans ce système, la signification à la requête de la partie civile d'un
jugement se fera selon les règles de la procédure en matière répressive, ces règles ne comportant pas
l'interdiction de signifier un samedi, un dimanche ou un jour férié légal (Lettre du Chef de Cabinet
du Ministre de la Justice du 15 septembre 1986, De Gerechtsdeurwaarder - L'huissier de justice,
1987, 25 et réf. à Cass., 12 novembre 1928, Pas., 1929, 1, 12; Cass., 25 avril 1939, Pas., 1939, 1, 212;
Cass., 27 mars 1984, Pas., 1984, 1, 892).
(2358 ) Comp. Cass., 24 mars 1975, Pas., 1975, 1, 750 et Cass., 3 octobre 1979, Pas., 1980, 1, 149.
(2359) Voy. aussi supra, n° 181 ; comp. et contra Cass., 14 octobre 1986, R.G., n° 431 qui en
matière pénale décide qu'il y a irrecevabilité du recours.
(2360) Au sujet de l'élection de domicile, voy. infra, n° 285/2.
(2361 ) On songe spécialement à l'article 83, al. 3 de la L. hyp. (voy. E. GENIN, Traité des
hypothèques et de la transcription, Rép. Not., n°s 2065 à 2072).
(2362 ) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n" 222, p. 185-186; supra,
n° 180, 2°.
2363
( ) Sur le thème du domicile des plus démunis (précarité et inexistence du domicile ;
changements fréquents, etc.), voy. G. de KERCKOVE et J. FIERENS, La décentralisation du
bureau de consultation et de défense. Pour qui? Pourquoi? J.T., 1986, 64-65.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 541

indiquée sur l'exploit (2 364). Au demeurant, c'est spécialement


dans le domaine de l'exécution que l'huissier instrumentant doit
tout mettre en oeuvre pour réaliser des significations à personne
afin que le destinataire puisse faire valoir à temps ses droits (2 365 ).
Par contre, si le changement de domicile peut être légiti-
mement i~noré du créancier, celui-ci ne peut encourir aucun
reproche ( 366). A fortiori ne peut-il subir les conséquences d'une
confusion entretenue par le débiteur au sujet de son domicile
(2367).

SECTION II - La décision doit être passée en force de chose jugée,


sauf si elle est exécutoire par provision.

§ 1. - Décision passée en force de chose jugée.

264) Le principe : la décision passée en force de chose jugée.

En règle générale, l'effet suspensif est attaché non à


l'écoulement du délai pour formaliser une voie de recours ordinaire
mais à l'intentement de celle-ci (2 368) ; c'est ce qu'exprime l'article
1397 en énonçant que : «sauf les exceptions prévues par la loi et
sans préjudice de la règle énoncée à l'article 1414, l'opposition
formée contre le jugement définitif et l'appel de celui-ci en
suspendent l'exécution» (2369 ). Ainsi, il n'y a pas lieu d'attendre
l'écoulement du délai d'appel pour procéder à l'expulsion d'un
occupant sans droit ou d'un locataire qui n'exerce pas un recours
(appel ou opposition) contre la décision qui lui a été signifiée

364
(' ) On ne perdra pas de vue que cette tâche lui est facilitée par l'accès au registre national
des personnes physiques (A.R., 16 mai 1986, M.B., 19 juin 1986. 9070; voy. G. de LEVAL, obs.
sous Trav. Bruxelles, 2 février 1987, J.L.M.B .. 1987, 589).
2365
( ) S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Responsabilité de l'huissier dans la significiation
des actes de procédure, Gaz. Pal., 1985, Pan., 359, note sous Cass. Fr., 2ème ch .. 31mai1985.
366
(' ) Ainsi, la signification d'une décision de référé, fixant les mesures provisoires dans le
cadre d'une procédure de divorce pour cause déterminée, n'est pas nulle à défaut d'avoir été
effectuée au nouveau domicile du saisi dont n'avait point connaissance le saisissant et que ne
mentionnait pas le débiteur dans sa requête d'appel (Civ. Bruxelles. ch.s .. 24 avril 1986, R.G., n°
21.245, Inédit).
2367
( ) Civ. Bruxelles, ch.s .. 15 janvier 1987. R.G .. n" 29.432, Inédit; adde. et comp. Cass., 9
octobre 1985, Pas., 1986, I. 138 et Bruxelles, 18 mars 1987. J.T., 1987, 425. Adde. supra, note 1799.
368
(' ) P. MAHAUX, La chose jugée et le Code judiciaire, J.T., 1981, 583.
2369
( ) Il n'appartient pas au juge des saisies d'apprécier la recevabilité ou le fondement du
recours ordinaire (voy. p. ex., Civ. Liège. ch.s., 30 mars 1983, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. Il, Art. 1397/3).
542 TRAITÉ DES SAISIES

(2370). De même, !'astreinte peut être encourue entre la date de la


signification du jugement (non exécutoire par provision) et celle de
l'introduction du recours suspensif de l'exécution (2371 ).
Toutefois, dans certains cas (n°s 265 et 266), le législateur
renforce l'effet suspensif du recours en interdisant la mise à
exécution du titre aussi longtemps qu'il est susceptible d'appel ou
d'opposition de telle sorte que l'écoulement du délai est suspensif
de l'exécution qui ne peut être conduite que sur base d'une décision
passée en force de chose jugée (art. 28, C. jud.).
Lorsque le recours est limité à certains chefs de la décision,
celle-ci est exécutoire pour les autres chefs devenus définitifs s'ils
sont dissociables de ceux qui demeurent en litige (2372 ).
L'effet suspensif empêche le développement de la force
exécutoire de la décision attaquée mais il ne porte aucune atteinte
aux droits de l'intimé pour le cas où cette décision serait maintenue.
Ainsi, les intérêts moratoires éventuels seront, en cas de confirma-
tion pure et simple, dus à compter de la date du jugement confirmé
ou de celle fixée par ce jugement (2373 ).
Enfin, on rappelle que le juge des saisies est lié par la chose
jugée au fond (2374) de telle sorte que la décision au fond devenue
irrévocable faute de recours doit être exécutée alors même qu'elle
aurait été prononcée en violation de la loi.

265) Condamnation au paiement d'une somme d'argent (art. 1495,


al. 2, C. jud.)

Un supplément de protection se justifie lorsque l'expro-


priation de tout ou partie du patrimoine du débiteur est envisagée.
Une mesure d'exécution forcée destinée à obtenir le paiement

(2370) Rapport HERMANS, Pasin., 1967, 994-995 (infra, note 2375) ; Civ. Liège, ch.s., 2
juillet 1984, Jur. Liège, 1984, 486. Ainsi, il a été justement décidé qu'«un jugement déclaré
exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement «en ce qui
concerne les paiements des arriérés de loyers et de précomptes immobiliers», ne produit pas cet effet
en ce qui concerne l'expulsion des lieux laquelle est suspendue par l'appel interjeté contre le
jugement qui l'ordonne» (Civ. Bruxelles, ch.s., 23 juin 1986, R.G., n° 20.052, Inédit).
2371
( ) E. KRINGS, Conclusions précédant C.J. Benelux, 5 juillet 1985, R.W., 1985-1986, 936
(seul un appel immédiat de la partie condamnée évitera !'astreinte mais voy. note 2497).
(2372 ) Comp. infra, n° 274/2 c.
(2373 ) Voy. supra, n° 223 Ab.
(2374) Supra, n° 16; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 23 février 1987, Rev. Rég. Dr., 1987, 300.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 543

d'une somme d'argent «ne peut être admise lorsque les délais
accordés pour exercer une voie de recours ne sont pas encore
écoulés et que le débiteur n'a même pas eu le temps de prendre les
mesures requises en vue de l'introduction d'un recours» (2 375 ).
C'est pourquoi, l'article 1495, al. 2 dispose que «sans préjudice de
la saisie conservatoire prévue à l'article 1414, la condamnation au
paiement d'une somme d'argent, qui fait l'objet d'une décision
encore susceptible de recours ordinaires, ne peut être exécutée
avant l'échéance d'un mois (2376) suivant la signification de la
décision, à moins que l'exécution provisoire de celle-ci n'ait été
ordonnée».

Il importe de relever que :


l'article 1495, alinéa 2 n'étend l'effet suspensif de l'appel qu'au
délai pour interjeter un appel principal à l'exclusion du délai
illimité («à tout moment», art. 1054) pour formaliser un appel
incident, lequel n'aura un effet suspensif (art. 1397, C. jud.) qu'à
dater de son exercice ;
en principe (2377 ), ni le délai pour l'exercice d'une voie de
recours extraordinaire, ni l'exercice effectif de celle-ci ne suspen-
dent l'exécution ; ainsi, le pourvoi en cassation n'est pas suspen-
sif de l'exécution (2378 ). «En pratique, il peut en résulter des
inconvénients manifestes lorsque l'exécution de la décision atta-
quée est de nature à causer au demandeur en cassation un

(2375 ) Rapport HERMANS, Pasin., 1967, 995 qui précise que c'est spécialement pour les
affaires qui portent sur des condamnations pécuniaires que ces considérations se justifient et relève
que lorsqu'en matière locative, le jugement a ordonné l'expulsion, «il est souhaitable que l'exécution
puisse avoir lieu au plus tôt, afin d'éviter que n'augmente encore la dette de loyers échus du locataire.
En ce cas, l'exécution devrait pouvoir se faire dans le plus bref délai».
(2376) Ce délai devra, Je cas échéant, être allongé en cas de signification pendant les vacances
judiciaires (art. 50, al. 2) et en cas de signification à l'étranger (art. 55, 1048, al. 2 et 1051, al. 3).
2377
( ) Voy. toutefois l'art. 477, al. 4 (sentence du conseil de discipline d'appel, infra, note
2470), l'art. 1127 (tierce-opposition; supra, n° 21), l'art. 1274, al. 2 (pourvoi contre un arrêt
autorisant le divorce) et l'art. 23, § 7 du Code de la Nationalité belge (effet suspensif du pourvoi).
(2 378 ) «Le pourvoi en cassation n'ayant point d'effet suspensif de la force exécutoire de la
décision attaquée (C. jud., art. 1118), celle-ci constitue un titre actuel et efficace autorisant une
mesure d'exécution, dès lors qu'il n'y est pas satisfait par le débiteur d'aliments ; il n'appartient pas
au juge des saisies d'autoriser pour Je seul motif de l'existence d'un pourvoi en cassation, la surséance
à l'exécution d'un titre efficace ni d'accorder, de manière indirecte, des termes et délais de paiement
dès lors qu'il existe un titre judiciaire n'en prévoyant aucun (C. jud., art. 1333, al. 2)» (Civ.
Bruxelles, ch.s., 16 octobre 1986, R.G., n° 15.988; Civ. Bruxelles, ch.s., 23 février 1987, Rev. Rég.
Dr., 1987, 300).
544 TRAITÉ DES SAISIES

préjudice irrémédiable en rendant pratiquement inopérante la


cassation intervenue sur ce recours» (2379 ) (2380 ) ;
si une demande d'interprétation n'a pas en soi un effet suspensif
de l'exécution, l'incident peut entraîner une surséance (le cas
échéant ordonnée par le ju~e des saisies) de l'exécution en raison
des insuffisances du titre (2- 81 ) ;
l'article 1495, alinéa 2 prévoit expressément que le titre est
immédiatement opérationnel lorsque l'exécution provisoire a été
ordonnée (2382 ).
Dans la mesure où une saisie-exécution a toujours pour
objet le paiement d'une somme d'argent, l'article 1495, alinéa 2
constitue une règle générale en matière de saisies. Celle-ci est
prescrite à peine de nullité (art. 1495, al. 3) ; plus fondamentale-
ment, son non respect enlève toute efficacité exécutoire à la
décision (2383 ).

266) Prestation imposée à un tiers.

A. - L'article 1388, alinéa 1 dispose que «les décisions qui


ordonnent ou imposent à un tiers une mainlevée, une radiation
d'inscription hypothécaire, un paiement, ou quelque prestation ne
sont exécutoires par ou contre lui que sur l'attestation du greffier de
la juridiction qui a rendu la décision, qu'à sa connaissance il n'a été
formé contre la décision ni opposition ni appel dans les délais
légaux».
Cette règle a pour but d'assurer l'efficacité de la décision
judiciaire et de mettre à l'abri de toute contestation le tiers qui ne
peut être contraint d'exécuter une prestation en vertu d'une

2379
( ) L. SIMONT. Des pourvois en cassation en matière civile, Bruylant, 1933, p. 108, n° 104.
(2 380 ) Le débiteur a cependant la possibilité de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire entre
ses propres mains en faisant état d'une créance étrangère au titre exécutoire (Liège, 15 décembre
1986, llème ch., J.T., 1987, 282; Civ. Liège, 26 juillet 1979, J.L., 1978-1979, 357, n° 49; comp.
infra, n° 267 B) sans préjudice de l'application de l'art. 1407 (supra, n° 208 B). Pour un examen
d'ensemble de cette question, voy. infra, n" 278.
(2381 ) Supra, n° 228 A ; infra, n" 274/3.
2382
( ) li y a lieu d'assimiler à cette hypothèse, celle où le jugement est de plein droit
exécutoire par provision ou insusceptiblc de recours ordinaire (voy. p. ex. l'art. 31, al. 2, L. 12 avril
1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs ; Cass., 10 novembre 1983, Pas.,
1983, I, 207 et concl. E. KRlNGS ; adde. au sujet des arrêts de la Cour d'abitrage, infra, n" 269 F,
note 2458.
(2 383 ) Supra, n" 259 E.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 545

décision encore susceptible d'être réformée ou rétractée (2384 ).


Elle n'est cependant pas absolue :
il y a exception en cas d'exécution provisoire (2 385 ) qui a
toujours lieu aux risques et périls de la partie qui la poursuit (art.
1398, al. 2) ;
en cas de force majeure, la partie contre laquelle la décision a été
exécutée peut être relevée de la forclusion résultant de l'expira-
tion d'un délai d'opposition ou d'appel (2386) ;
le tiers peut se satisfaire de la preuve de l'acquiescement émanant
de la partie condamnée (2 387 ) ;
le décès de la partie suspend le cours du délai qui lui était imparti
pour faire opposition, interjeter appel ou se pourvoir en cassa-
tion (art. 56, al. 1).
C'est pourquoi le greffier ne peut assumer, lors de la
délivrance de l'attestation, une obligation de résultat. Il délivre le
certificat au vu du re~istre d'appel (art. 1059, al. 3) ou d'opposition
(art. 1047, al. 5) (23 ) et après avoir vérifié si un avis d'appel ne
lui a pas été adressé par le greffier de la juridiction saisie de cette
voie de recours (art. 723) ou si une opposition n'est pas inscrite au
rôle général de sa juridiction (art. 716). «Son intervention n'a pas
d'autre portée. Il atteste qu'à sa connaissance, la décision n'a été
frappée ni d'appel, ni d'opposition. On ne lui demande donc pas
d'attester, comme sous l'empire du texte adopté par la loi du 10
octobre 1967, que les délais d'opposition ou d'appel étant exgirés,
la décision n'a fait l'objet d'aucune de ces voies de recours» ( 389 ).

2384
( ) Si l'article 50, alinéa 1, interdit que les délais établis à peine de déchéance soient
abrégés ou prorogés même de l'accord des parties, c'est afin de garantir la sécurité juridique et plus
spécialement de sauvegarder les droits des tiers lorsqu'il s'agit de délais impartis pour l'exercice d"une
voie de recours (Rapport HERMANS, Pasin., 1967, 911; voy. aussi l'art. 865, C. jud. et supra n°
261 in fine).
2385
( ) Infra, n" 269 E.

(2386 ) Supra, n" 261 et note 2352.


2387
( ) Voy. E. GENIN, Traité des hypothèques et de la transcription, Rép. Not., n" 2708.
2388
( L'appelant ou l'opposant a la faculté d'accomplir une formalité supplémentaire afin que
)
le greffier soit informé de l'existence de l'appel ou de l'opposition dès le moment de la formation de la
voie de recours et non après l'expiration des délais à une époque où il aurait déjà pu délivrer un
certificat de non opposition et de non appel. En vertu des articles 1047, alinéa 5 (opposition) et 1059,
alinéa 3 (appel) le recours peut être inscrit par la partie, son conseil ou l'huissier de justice qui
instrumente pour la partie, dans un registre tenu à cet effet au greffe de la juridiction qui a rendu la
décision. L'inscription énonce les noms des parties. de leurs conseils et les dates de la décision et de
l'opposition ou de l'appel. La partie qui exécute la décision ne pourrait invoquer le défaut
d'inscription lorsqu'il est établi qu'elle savait que la décision faisait l'objet d'une voie de recours. Par
contre, un tiers pourrait reprocher à l'auteur du recours de ne pas l'avoir fait inscrire (Doc. Pari.,
Sénat, Scss., 1969-1970, n" 11, p. IO).
89
(" ) Doc. Pari. cité, p. 10 et 11.
546 TRAITÉ DES SAISIES

L'article 1388, alinéa 1 est une disposition générale protec-


trice des intérêts du tiers mêlé à n'importe quel type d'exécution
alors que l'article 1495, alinéa 2 ne s'applique qu'aux parties à une
saisie-exécution. La règle énoncée par l'article 1388, alinéa 1 ne fait
pas donc double emploi avec celle qui figure à l'article 1495, al. 2. ;
lorsqu'un paiement est imposé à un tiers (tiers saisi), celui-ci peut
exiger la production préalable d'un certificat de non recours ; même
si la prestation imposée au tiers ne consiste pas en une somme
d'argent, il peut se prévaloir à l'article 1388, alinéa 1.
B. - On constate ainsi que le rayonnement exécutoire du titre
n'est pas limité aux parties. Cette solution déduite de l'effet
obligatoire du jugement (contre lequel le tiers peut toujours
exercer une tierce-opposition et solliciter du juge des saisies un
sursis à exécution, art. 1127), suppose que la décision «ordonne»
ou «impose» au tiers une prestation positive de manière précise ou
formelle (argument, art. 1388, C. jud.) (2390). Il reste que sous
peine de méconnaître l'effet relatif de l'autorité de chose jugée, le
tiers dont il est ici question est celui qui, par sa situation, est
appelé, en vertu de la loi ~officier de l'état civil ; conservateur des
hypothèques, tiers saisi (23 1) ) ou d'une convention, à collaborer à
la réalisation du droit d'une ou de plusieurs parties sans que cette
participation ne puisse donner lieu à contestation. Bref, «l'article
1388 n'a trait - comme l'article 548 du Code de procédure civile,
dont il est inspiré - qu'à des personnes désintéressées qui sont
tenues par leur qualité ou par leur fonction à concourir à l'exécu-
tion d'un jugement» (2392 ). C'est la raison pour laquelle le titre ne
doit pas leur être préalablement signifié (2393 ). Sauf si leur
responsabilité est engagée, ils ne doivent pas être mis à la cause
(23cf4).

(2 390) Civ. Bruxelles, ch.s., 29 mai 1986, R.G., n° 18.034; infra, note 2592; voy. A.
FETIWEIS, L'effet obligatoire du jugement, Ann. Dr. Liège, 1987, 217 à 224.
(2391 ) Le tiers saisi se trouve en situation hybride. S'il s'agit de réaliser la mainlevée d'une
saisie ou de se déssaisir conformément à l'art. 1543, il est assurément un tiers au sens de l'art. 1388
(voy. Cass., 12 septembre 1985, Pas., 1986, I, 29). Par contre, s'il s'agit de le contraindre (de vaincre
sa résistance), de le sanctionner (débiteur des causes de la saisie, art. 1451, 1456, 1540 et 1542, C.
jud.) ou de mettre sa responsabilité à couvert, il est clair qu'il doit être mis à la cause (voy. p. ex.
supra, n°s 204 A et 209 en matière de cantonnement). Comp. supra, note 2325.
(2392 ) E. VIEUJEAN, op. cit., R.C.J.B., 1986, p. 645, note 19 et réf. à BELTJENS, Code
de procédure civile, T. II, articles 548-550, n" 18; adde. E. GENIN, Traité des hypothèques et de la
transcription, Rép. Not., n° 2189.
2393
( ) Supra, n° 259 D.
(2394 ) Voy. p. ex. au sujet du conservateur des hypothèques (E. GENIN, Traité des
hypothèques et de la transcription, n°s 2184, 2185 et 2190 et supra, note 2325) et au sujet du tiers
saisi, note 2391.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 547

§ 2. - L'exécution provisoire.

267) L'exception : l'exécution provisoire. Généralités.

A. -Raison d'être.
L'exécution provisoire permet au gagnant d'exécuter le
jugement malgré l'effet suspensif des voies de recours ordinaires
(appel ou opposition) (2395 ). Elle a lieu à titre provisoire, «c'est-à-
dire sans préjuger du sort qui sera réservé au recours s'il doit être
exercé par la partie qui a succombé» (2396). Elle se fait aux risques
et périls de la partie qui la poursuit (art. 1398, al. 2, C. jud.) qui
sera tenue à restitution si elle perd son procès à la suite de l'exercice
de la voie de recours. Il va de soi que même risquée, l'exécution
provisoire n'opère 9zue dans les limites et conditions éventuellement
fixées par le titre ( 397 ) et ce jusqu'à réformation ou rétractation
de celui-ci {2398).
L'exécution provisoire est destinée à faire échec aux
manoeuvres dilatoires des débiteurs qui seraient tentés de faire
systématiquement appel ou opposition à seule fin d'échapper à
l'exécution du jugement ; mais, compte tenu des lenteurs de la
justice, elle est aussi un moyen pour le créancier d'obtenir rapide-
ment ce qui lui est dû {2399 ).

L'exécution provisoire réalise son but si elle protège les


intérêts du créancier contre le mauvais vouloir du débiteur con-
damné. Par contre, elle devient une arme aux effets pervers si elle

(2 395 ) Une opposition déclarée recevable, contre un jugement par défaut, exécutoire par
provision, n'entrave pas l'immédiateté exécutoire du titre (G. de LEVAL, obs. sous Arr. Liège, 10
février 1983, Jur. Liège, 1983, 397, note 4; J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence,
Droit judiciaire privé. Les voies de recours, 1972-1985, R.C.J.B., 1987, n" 11, p. 126). A fortiori, la
disposition du jugement sur opposition déclarant irrecevable l'opposition n'affecte pas les effets du
jugement par défaut (Bruxelles. 29 avril 1986, J.T., 1986, 583).
(2 396) R. PERROT, Droit judiciaire privé, Fasc. Il, 1981, p. 679.
(2 397 ) Voy. p. ex. en ce qui concerne la réserve de référé sur l'exécution provisoire, R.
PERROT, Le constat d'huissier de justice, p. 66-67, n" 49. Infra, n° 268 B.
(2 398 ) Un titre nouveau doit anéantir l'ancien lequel subsiste malgré une décision avant dire
droit de la juridiction saisie du recours dans la mesure où le fond n'est pas abordé par celle-ci. Infra,
n° 279 B.
2399
( ) A. BALISE, Arrêt et aménagement de l'exécution provisoire par le Premier Président,
J.C.P., 1985, Doctr., n° 3183/1 ; P. BAUGAS, L'exécution provisoire, Etude pratique de
Jurisprudence, Editions CUJAS, 1958, 7; P. MARTENS, L'exécution provisoire en matière
patrimoniale, Ann. Dr. Liège, 1983, 180.
548 TRAITÉ DES SAISIES

est utilisée «à tout propos et hors de propos» (2400 ). Comme


souvent en cette matière, il importe de réaliser un équilibre entre
des prétentions opposées. Les articles 1397 à 1407 du Code
judiciaire permettent souvent d'y parvenir sans cependant limiter le
droit pour le créancier muni de ce titre précaire de mettre en
oeuvre, sauf abus de droit, n'importe quel type de saisie (2401 ).
B. - La double condition - Répétition d'indu.
L'obligation de paiement du débiteur condamné en vertu
d'un titre exécutoire par provision est affectée d'une condition
résolutoire (celle-ci ne suspend pas l'exécution de l'obligation, art.
1183, al. 2, C. civ.) à savoir la réformation du titre par la juridiction
d'appel (2 402 ).
L'obligation de remboursement du créancier est subordon-
née à la condition suspensive que le jugement, en exécution
provisoire duquel le paiement a été effectué, soit réfÇ>rmé par la
juridiction d'appel.
Lorsqu'un paiement a été effectué en exécution provisoire
d'un jugement frappé d'appel, la décision du juge d'appel qui
réforme ce jugement fait apparaître le caractère indu dudit paie-
ment et rend exigible la répétition de son montant (2 403 ).
L'effet rétroactif de la condition fait que le paiement est
sans cause et donc indu dès l'instant où il est effectué et que
l'obligation de remboursement existe dès cet instant aussi mais elle
n'est exigible qu'après l'accomplissement de la condition suspensive
(art. 1181, al. 2, C. civ.) (2 404 ).

(2400) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,


1977. p. 192, n° li et 1984, p. 370, n° 8.
(2401 ) Sur ce que l'exécution forcée n'est pas subordonnée à la consécration définitive du droit
subjectif qui la sous-tend, voy. X. DIEUX. La formation, l'exécution et la dissolution des contrats
devant le juge des référés, R.C.J.B., 1987, 260 à 262; comp. et contra. l'art. 2215 C. civ. fr. en vertu
duquel une saisie immobilière peut être pratiquée en vertu d'un jugement assorti de l'exécution
provisoire mais la vente de l'immeuble saisi doit être différée jusqu'à ce que le créancier soit nanti
d'un titre définitivement exécutoire; adde. en matière de saisie-arrêt, Cass. Fr., 21juillet1986, Bull.,
1986, II, n° 134, p. 91 ; Dall., 1987, J., 68 et obs. J. PREVAULTet R. PERROT. Jurisprudence
française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1987, p. 155 à 157, n° 12.
(2402 ) Par contre, le cantonnement sur exécution provisoire réalise un paiement sous
condition suspensive de confirmation (art. 1404, al. 2 ; infra, n" 276 B).
2403
( ) li y a une différence essentielle entre le droit commun de la répétition de l'indu et celui
de l'exécution provisoire dans la mesure où la bonne ou la mauvaise foi du poursuivant n'exerce
aucune influence sur l'étendue de l'obligation de restitution (art. 1398, al. 2, C. jud. ; A. VAN
OEVELEN et D. LINDEMANS, Hel kort geding : herstel van schadc bij andersluidende bcslissing
van de bodemrcchter, T.P.R., 1985, p. 1070, n° 25; voy. infra, n° 279 C).
(2404 ) Sur tous ces points, voy. Cass., 15 septembre 1983, Pas., 1984, !, 42 et concl. de Mme
l'Avocat Général LIEKENDAEL; J.T., 1985, 185. Adde. supra, n°s 223 A a et 224.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 549

Les mêmes principes sont applicables en cas d'opposition.


On ne peut en déduire que le créancier de restitution sous
condition suspensive pourrait pratiquer une saisie-arrêt conserva-
toire entre ses propres mains (2405 ) pour garantir le rembourse-
ment (2406 ). En effet, une telle créance ne présente pas un
caractère suffisamment certain puisqu'elle se heurte à la chose
jugée au fond ; en outre, elle n'est pas exigible ; enfin, des
mécanismes spécialement adaptés à cette situation (art. 1400 et
1404) organisent un équilibre suffisant entre les droits en présence.
C. - Application des lois dans le temps.
Les règles relatives à l'exécution provisoire ont trait aux
effets du jugement. Ceux-ci sont déterminés par la loi applicable au
moment où le juge statue. Partant, pour savoir si une décision est
ou n'est pas immédiatement exécutoire, il imQorte de prendre en
considération la loi du jour où elle est rendue (2 407 ).
D. -Acquiescement.
L'exécution même spontanée d'un jugement assorti de
l'exécution provisoire ne vaut pas acquiescement tacite à ce
jugement. En effet, tout acquiescement implique une adhésion
volontaire à la décision, laquelle fait nécessairement défaut lorsque
la partie condamnée est tenue d'exécuter un titre immédiatement
opérationnel (2408 ). Il faudrait que d'autres circonstances établis-

2405
( ) Liège, 17 novembre 1986, 11ème ch., J.T., 1987, 282; infra, n° 278; comp. supra. n"
265 et note 2380.
(2406) Supra, n° 154.
2407
( ) R. ROUBIER, Droit transitoire, n° 105, p. 564, note 2 ; G. CLOSSET-MARCHAL,
L'application dans le temps des lois de droit judiciaire civil, Bruxelles, Bruylant, 1983, n° 276; J.
NORMAND, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1985, p. 434-
435, n° 1.
2408
( ) E. KRINGS, Concl. préc. C.J.Benclux, 5 juillet 1985, R.W., 1985-1986, 934; Cass.,

Ier décembre 1983, Pas., 1984, 1, 359; Cass., 26 mars 1984, Pas., 1984, l, 870; Cass., 13février1985,
Pas., 1985, 1, 721 ; J.T., 1985, 303; Bruxelles, 24 mars 1980, J.T., 1981, 244; Mons, 10 juin 1981,
Pas., 1981, Il, 117; Bruxelles, 9 février 1982, R.W., 1982-1983, 2625; R. PERROT, Jurisprudence
française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1984, p. 368, n° 7; Cass. Fr., 28 avril 1986,
J.C.P., 1986, IV, 187, a contrario («Ayant retenu que bien qu'un jugement ne soit pas exécutoire en
ce qui concerne les intérêts de la dette et la condamnation à des dommages-intérêts, comme au
remboursement d'une somme non comprise dans les dépens, le débiteur avait, après avoir relevé
appel, payé sans réserve l'ensemble des condamnations, une Cour d'appel a pu estimer que le
comportement de ce débiteur emportait acquiescement au jugement») ; G. de LEV AL, L'instruction
sans obstructions, in La Preuve, Louvain, 12-13 mars 1987, p. 18; note 47 (au sujet des mesures
d'instruction). La situation est semblable lorsqu'il s'agit d'une décision prononcée en dernier ressort
encore susceptible de pourvoi en cassation (Cass., 27 juin 1980, Pas., 1980, 1, 1365 ; Cass., 23
novembre 1981, Pas., 1982, 1, 399; Cass. Fr., 4 janvier 1984, J.C.P., 1984, IV, 75; E. JANSSEN,
L'acquiescement, Rép. Not., T. XV, L. Il, n° 26).
550 TRAITÉ DES SAISIES

sent que la partie a adhéré de manière certaine à la décision (art.


1045, C. jud.).
Quant au bénéficiaire du titre exécutoire par provision, il
n'acquiesce à celui-ci que s'il le fait signifier et exécuter sans réserve
(2409). Il est, en effet, parfaitement possible d'exiger le respect du
titre obtenu tout en soulignant son caractère insuffisant et sa
volonté d'exercer un recours non pour contredire le résultat déjà
obtenu mais uniquement pour l'améliorer, l'appel ne portant que
sur «le manquant». En d'autres termes, si l'attitude ici décrite doit
valoir acquiescement, ce n'est que dans la mesure où le créancier
s'efforce d'obtenir l'exécution du jugement alors que son appel
porte sur un autre segment de litige pour lequel aucune renoncia-
tion n'est intervenue.
E. - Exécution provisoire et décision de débouté.
L'expression «jugement exécutoire par provision» signifie
que sont ouvertes aux parties les voies d'exécution, c'est-à-dire les
moyens légaux d'assurer l'accomplissement des obligations de
donner, de faire ou de ne pas faire. On en déduit que la décision qui
déboute le demandeur des fins de sa demande ne se prête rias à une
exécution provisoire sauf en ce qui concerne les dépens (2 10).
Cette définition de l'exécution provisoire est à nos yeux
anormalement restrictive car il faut tenir compte du contexte dans
lequel survient la décision ; il arrive, en effet, que le rejet d'une
demande, même si elle ne peut par elle-même fonder une saisie
sauf en ce qui concerne les dépens, fasse naître dans le chef du
demandeur débouté une obligation de donner, de faire ou de ne pas
faire (2 411 ). Ainsi, le rejet d'une demande en distraction permet au
saisissant de faire procéder à l'adjudication des meubles saisis ; de

(2 409 ) Supra, n° 260, A b. ; comp. Cass. Fr., 10 décembre 1986, Gaz. Pal., 1987, Pan. 65:
«Le gardien dont la responsabilité partielle a été retenue sur le fondement de l'art. 1384, al. Ier, C.
civ. à la suite d'un accident de la circulation par un jugement allouant à la victime une provision et
ordonnant une expertise, est mal fondé à reprocher à la Cour d'appel saisie de l'appel par la victime
du jugement sur la responsabilité, d'avoir rejeté la fin de non-recevoir qu'il tirait de l'encaissement
sans réserve de la provision par la victime et d'avoir statué au fond, dès lors que l'encaissement de la
provision par son bénéficiaire ne peut en aucun cas emporter acquiescement».
(2410) Bruxelles, 18 avril 1985, J.T., 1985, 651 ; sur les dépens, voy. infra, n° 269 D.
(2411 ) Ou encore, «la situation juridique du défendeur est confortée., améliorée dans la
mesure où la demande dirigée contre lui a été dite irrecevable ou non fondée» (A. FETTWEJS,
Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n" 385, p. 287). Voy. aussi Rép. Dall. Proc. Civ., 1955, V"
Exécution provisoire, n° 36 : «Un jugement de débouté peut être soumis à exécution provisoire
lorsqu'il y a urgence et qu'il est destiné à produire un effet positif en écartant un obstacle qui arrêtait
une autre procédure ; sa natu1<! ne s'y oppose pas» . Adde art. 319, § 4 in fine, C. civ.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 551

même, le rejet de l'opposition à saisie-arrêt-exécution légitime le


dessaisissement du tiers saisi en faveur du saisissant ; de même, le
non fondement d'une demande de garde d'enfant oblige le deman-
deur à restituer l'enfant au gardien ; de même, le défaut de
prorogation de bail oblige le locataire à quitter les lieux ; de même,
une décision infirmative peut constituer un titre exécutoire permet-
tant de poursuivre la restitution de ce qui a été versé en exécution
du titre anéanti (2412 ). Bref, la décision de débouté peut avoir une
efficacité exécutoire immédiate si elle est exécutoire par provision
(2413).

F. - Exécution provisoire conventionnellement prévue.


Les parties contractantes peuvent-elles convenir qu'en cas
de litige le jugement à intervenir sera exécutoire par provision le
cas échéant sans caution ni cantonnement ? Si une telle stipulation
constitue certainement un élément d'appréciation pour le juge,
celui-ci ne peut être lié par une telle clause puisque l'exécution
provisoire ne peut être ~ue légale ou judiciaire et qu'il s'agit d'une
matière d'ordre public ( 414 ).

G. - Compétence du juge des saisies.


L'exécution provisoire ne peut être entravée par l'écoule-
ment du délai de recours ordinaire ou l'exercice de celui-ci. L'effet
dévolutif de l'appel ne peut être invoqué pour soustraire à la
connaissance du juge des saisies les incidents suscités par la mise en
oeuvre du titre exécutoire.

268) Cas dans lesquels la décision est exécutoire par provision.

Il importe de distinguer l'exécution provisoire légale (A)


de l'exécution provisoire judiciaire (B).

A. - Exécution provisoire légale.


Dans certains cas, le législateur accorde l'exécution provi-
soire de plein droit de telle sorte que la partie ne doit pas la

(2412 ) Supra, n° 223 A a.


(2413 ) Comp. et contra, J. van COMPERNOLLE. Considérations sur la nature et l'étendue
de l'autorité de la chose jugée en matière civile, note sous Cass .. 10 septembre 1981, R.C.J.B., 1984,
p. 249, n° 13.
(2414 ) Voy. n° 268 B.
552 TRAITÉ DES SAISIES

solliciter et que le juge n'a pas à l'ordonner expressément (2415 )


(2415). Il s'agit d'un effet attaché par la loi à la décision de justice ;
le !uge ne peut y déroger que si une disposition spéciale l'y autorise
(24 6). Le fait de demander au juge d'ordonner l'exécution
provisoire alors qu'elle est de droit ne modifie pas la nature de cette
exécution provisoire.
Le Code judiciaire prévoit plusieurs cas d'exécution provi-
soire légale : essentiellement les ordonnances sur requête unilaté-
rale (art. 1029, al. 2) (2417 ), les décisions du ju~e des référés et du
juge des saisies (art. 1039, al. 2 et 1395, al. 2) ( 418 ), les jugements
prescrivant une mesure d'instruction (art. 1496) (2 19) (2 420 ).
L'exécution provisoire de plein droit assortit également les déci-
sions rendues en matière d'assistance judiciaire (art. 683), de
scellés (art. 1163, al. 3), de réception de caution (art. 1350) (2421 ),

(2415 ) Il n'en reste pas moins qu'en pratique le juge des saisies ordonne fréquemment à la
demande de la partie que pour autant que de besoin, sa décision sera exécutoire par provision. Cette
précaution se justifie lorsqu'une règle spéciale déroge au caractère exécutoire de plein droit de
l'ordonnance du juge des saisies (art. 1543, al. 2; adde. en matière de procédures de répartition, G.
de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n° 115 et Distribution par contribution, Rép. Not., n" 64) ou
lorsqu'il s'agit de prévenir toute discussion dans une hypothèse controversée notamment en matière
d'action en distraction (art. 1514, C. jud. ; supra, n° 34). Par ailleurs, des modalités spéciales en ce
qui touche la garantie (infra, n° 271) ou le cautionnement (infra, n°s 274 et 277 B) peuvent être
sollicitées en vue d'en assortir le titre exécutoire de plein droit.
2416
( ) Tel est le cas de l'article 1029, alinéa 2, C. jud. qui déclare l'ordonnance sur requête
unilatérale «exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution, à moins que le juge
n'en ait décidé autrement» (Cass., 22 septembre 1981, Pas., 1982, 1, 106; A. TIHON, obs. sous J.P.
Seraing, 11septembre1985, J.L., 1986, p. 568, n° 3). Tel est aussi le cas de l'art. 1237 bis,§ 7 du C.
jud. (art. 2, L. 20 mai 1987, relative à l'abandon d'enfants mineurs) : «sauf si le tribunal ou la cour en
décide autrement, le jugement ou l'arrêt est exécutoire en cc qui concerne le transfert de l'autorité
parentale, y compris le droit de jouissance légale des biens de l'enfant, mais à l'exception de celui de
consentir à l'adoption». Par contre, le juge des référés ou le juge des saisies ne peut décider que sa
décision ne sera pas exécutoire par provision ; il peut seulement ordonner que le gagnant fournisse
une caution (art. 1039, al. 2, C. jud. ; G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n" 175-1; J.
van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence. Saisies conservatoires et voies d'exécution,
R.C.J.B., 1987, p. 427, n" 23; comp. et contra, Civ. Charleroi, !ère ch., 2 octobre 1980, Inédit,
jugement ordonnant notamment une enquête et écartant au mépris de l'article 1496, C. jud. toute
exécution provisoire.
(2417) Y compris les décisions rendues en matière de droit familial dans les hypothèses
prévues par l'article 1253 bis (voy. Cass., 22 septembre 1981, Pas., 1982, 1, 106); voy. cependant en
matière de filiation, l'art. 319, § 4, al. 6 et 332 quater, al. 2, C. civ.
(2418 ) Supra, n° 34.
(2419 ) Civ. Arlon, 12 décembre 1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 179. Sur ce que l'article 1072, C.
jud. ne déroge en rien à l'article 1496, voy. C. CAMBIER, op. cil., T. II, p. 704 à 706.
(2420 ) S'il s'agit d'un jugement mixte, l'exécution provisoire de plein droit vaut «pour ce qui
concerne» la mesure d'instruction (art. 1496); voy. G. de LEVAL, L'instruction sans obstructions
in La preuve, Colloque U.C.L., 12-13 mars 1987, p. 18, n° 7; adde. Rennes, Ord. Prem. Prés., 22
avril 1986, J.C.P., 1987, II, n° 20.820.
(2421 ) Il s'agit d'une hypothèse où le jugement est exécutoire nonobstant appel ; en effet, il est
inconcevable qu'une décision soit, en l'espèce, rendue par défaut (art. 1348 et 1349).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 553

de droit de passage (art. 1371 bis in fine) et d'exequatur d'une


sentence arbitrale (art. 1710/2 in fine) (2 422 ). Il y a lieu d'assimiler
aux décisions de plein droit exécutoires par provision celles qui ne
sont pas susceptibles de faire l'objet d'une voie de recours ordinaire
(art. 880, al. 2 en matière de production de documents ; art. 996, al.
1er en matière de comparution personnelle, art. 1008, al. 1er en
matière de descente sur les lieux) (2 423 ).

Des dispositions étrangères au Code judiciaire prévoient


l'exécution provisoire dans certaines hypothèses : l'article 1752 bis
du Code civil en matière de garantie locative; les articles 7, al. 5, 8,
al. 3 et 31, al. 2 de la loi du 30 avril 1951 relative aux taux
commerciaux (2424 ) ; en matière sociale, l'exécution provisoire de
plein droit est notamment prévue par l'article 67 de la loi du 10 avril
1971 sur les accidents du travail et l'art. 54, al. 1er des lois relatives
à la réparation des dommages résultant des maladies professionnel-
les, coordonnées le 3 juin 1970 ; elle l'est aussi en matière de faillite
(art. 465, C. corn.) et de concordat judiciaire (art. 27, al. 2 des lois
coordonnées du 15 septembre 1946), en matière de pratiques du
commerce (art. 59, al. 3 de la loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques
du commerce) (2 425 ), en matière de gage commercial (art. 7 de la
loi du 5 mai 1872 sur le gage commercial (2426 ), en matière d'envoi
en possession de navire (art. 24 ter, L. 4 septembre 1908 relative à
la saisie et à la surenchère sur aliénation volontaire des navires et
des bateaux ainsi qu'à la compétence en matière maritime et
fluviale), en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique
(art. 17 de la loi du 17 avril 1835 sur l'expropriation pour cause

(2422 ) Supra, n" 246 B.


(2423 ) li est vrai que de telles décisions sont aussi exécutoires par provision en vertu de
l'article 1496.
(2424 ) Au sujet de cc dernier texte, compte tenu de la volonté (Doc. Pari., Ch. Repr., Sess.
1950-1951, n° 207. p. 1 et 11), clairement exprimée par le législateur, il est impossible - hormis les
deux exceptions limitativement prévues par lui - de ne pas admettre le caractère absolument général
de l'exécution provisoire en la matière (Civ. Liège, ch.s., 20 mai 1981, R.G., n" 47.402/81 ; Civ.
Liège, ch.s., 4 novembre 1985, Jur. Liège, 1986, 320; comp. et contra: LAHAYE et VANKER-
CKHOVE. Les novelles, Droit civil, T. VI, vol. Il, Les baux commerciaux, p. 297, n" 1968; T'KINT
et GODHAIR, Le bail commercial, Rép. Not., T. VIII, L. IV. n" 460, p. 197, Bruxelles, Larcier,
1981, n" 460, p. 197, pour lesquels les jugements définitifs restent soumis au droit commun; comp.
note 2427).
2425
( ) Infra, n° 269 C.
426
(' Voy. aussi l'art. 11 de la même loi en cc qui concerne le privilège légal du
)
commissionnaire, l'art. 12 de la loi du 25 octobre 1919 sur la mise en gage du fonds de commerce et
l'art. 14, § 3 de la loi du 18 novembre 1862 portant institution du système des warrants.
554 TRAITÉ DES SAISIES

.d'utilité publique (2 427 ) et art. 15 de la loi du 26 juillet 1962 relative


à la procédure d'extrême ur~ence en matière d'expropriation pour
cause d'utilité publique) (242 ) .

B. - Exécution provisoire judiciaire.

Il y a un second type d'exécution provisoire : l'exécution


provisoire judiciaire facultative régie par les articles 1398 et 1400 à
1402 du Code judiciaire.

Elle estJudiciaire parce qu'elle est accordée, à la demande


de la partie (2 42 ), par le juge du fond. Elle est facultative parce
que «sauf les exceptions prévues par la loi» (2430), elle peut être
accordée par le juge qui dispose du plus large pouvoir d'apprécia-
tion : l'exécution provisoire peut être pure et simple ; partielle dans
son montant ou limitée à un ou plusieurs chefs de la demande
(2431 ) ; subordonnée, même d'office, à la constitution d'une
garantie (art. 1400) ; non susceptible de cantonnement (art. 1406).
En degré d'appel, il n'est pas possible d'obtenir la réformation de
l'exécution provisoire (art. 1402; adde. art. 1063, 9°) mais elle peut
être sollicitée pour la première fois à ce niveau (art. 1401l. Ces
éléments contribuent à former un ensemble cohérent (24 2) de
l'exécution provisoire qui est détaillé dans les numéros suivants.

Il importe de préciser qu'une demande d'exécution provi-


soire est sans objet lorsque la décision est de droit exécutoire soit

(2427 ) Bien que ce texte parle du caractère exécutoire par provision des «jugements qui
interviendront dans l'instruction de la procédure», «il est admis que la règle s'applique aux
jugements définitifs aussi bien qu'aux jugements incidcntiels» (L. BELVA, A. COENRAETS et G.
BELVA, L'expropriation pour cause d'utilité publique, Les Novelles, Droit administratif, T. VII,
Bruxelles, Larcier, 1980, n" 292, 63; comp. note 2424).
(2428) Même si ce texte ne prévoit pas expressément que le jugement est exécutoire par
provision, il ne peut être interprété autrement (J.P. COPPEE, Les règles spéèiales de la procédure
d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, Rev. Rég. Dr., 1985, p.
147, n° 34).
(2429) «Le juge ne saurait l'accorder d'office sans statuer ultra petita » (E. KRINGS, op. cit.,
in Etude du Projet de Code judiciaire, Fac. Dr. Liège, 1966, p. 134) mais ce n'est pas parce que le
bénéfice de l'exécution provisoire demandé dans la citation n'est pas, à nouveau, sollicité dans les
conclusions que la partie demanderesse y aurait renoncé (G. de LEVAL, obs. sous Liège, 28 juin
1984, Jur. Liège, 1984, 546).
(2430) Art. 1399 ; infra, n° 269.
(2431 ) Cass., 26 octobre 1849, Pas., 1851, !, 124. On ne perdra pas de vue que le dispositif de
la décision doit être interprété à la lumière de ses motifs (Cass., 15 décembre 1986, R.G., n" 7.626).
Infra, n° 270.
(2432 ) Comp. P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1983, p. 185, n° 3 mais voy. p. 202, n" 8.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 555

parce qu'elle est de plein droit exécutoire par provision (2 433 ), soit
parce que s'agissant d'une décision rendue contradictoirement en
degré d'appel {2 434), celle-ci n'est plus susceEtible de faire l'objet
d'un recours suspensif (art. 1118, C. jud.) (24 5) (2436 ).
Généralement, l'exécution provisoire est accordée «no-
nobstant tout recours» ; il s'agit des voies de recours ordinaires
(appel et opposition). Il n'est même pas requis que la décision
précise en ce cas qu'elle est exécutoire par provision «nonobstant
tout recours», une telle précision constituant une tautologie (2437 ).
Il est cependant concevable, spécialement dans les matières où seul
l'exercice du recours est suspensif (2 438), de décider que l'exécu-
tion provisoire est autorisée nonobstant appel mais non en cas
d'opposition {2 439 ) {2 440 ) ; en une telle hypothèse, il est indispen-
sable que le titre mentionne la restriction apportée à l'exécution
provisoire.
La saisie-exécution pratiquée en vertu d'une décision qui
n'est pas de plein droit exécutoire par provision et qui ne comporte
aucune mention relative à une exécution provisoire judiciaire
repose sur un titre dépourvu de toute efficacité exécutoire. Elle
doit être levée sans préjudice des dommages-intérêts dus par le
saisissant au saisi.

2433
( ) Supra A. ; Cass. Fr., 15 décembre 1976, J.C.P., 1978, II, n" 18.874 (impl.). Toutefois,
des modalités spéciales en ce qui touche le cantonnement ou la caution peuvent être sollicitées (supra,
note 2415).
(2434) Il en va de même si l'arrêt est réputé contradictoire (Liège. 7ème ch., 2 mars 1983,
Jurisprudence du Code judiciaire, T. II, Art. 1398, n° 1/lbis).
435
(' ) Ainsi, un arrêt de la Cour d'appel de Liège du 14 novembre 1985 (R.G.,n° 16.272/85,
inédit) énonce: «Attendu que l'intimé postule, en degré d'appel comme dans l'exploit introductif
d'instance, l'exécution provisoire de la décision nonobstant tout recours et sans caution ; Que de
surcroît, il demande, en degré d'appel, que ce soit «sans cantonnement» ; Attendu qu'il échet de
rejeter cette demande, l'arrêt en cause étant exécutoire de droit (art. 1118, C. jud.) et le
cantonnement ne pouvant plus être demandé par le débiteur (a contrario de l'art. 1404, C. jud.) (voir
Civ. Liège, Juge des saisies, 13 avril 1983, J.L., 1983, 310)».
2436
( ) Rentrent aussi dans cette catégorie les décisions rendues en premier et dernier ressort.
2437
( ) Bruxelles, 24 juin 1986, J.T., 1986, 653.
2438
( ) Supra, n° 264.
439
(' ) Civ. Liège, ch.s., 2 juillet 1984, Jur. Liège, 1984, 486; voy. aussi E. GENIN, Traité des
hypothèques et de la transcription, Rép. Not., n" 2727.
(2 440 ) On rappelle qu'en matière civile, le jugement rendu par défaut garde sa force
exécutoire lorsque le juge saisi de l'opposition le confirme (Cass., 8 novembre 1979, Pas., 1980, 1, 310
et concl. de M. !'Avocat Général KRINGS; Civ. Tournai, ch.s., 12 avril 1985, Jurisprudence du
Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 1398/16; supra, n° 223 Ab).
556 TRAITÉ DES SAISIES

269) Exclusion ou inefficacité de l'exécution provisoire.

A. - Etat des personnes.


L'article 1399, alinéa 1 du Code judiciaire stipule que
«l'exécution provisoire du jugement définitif ne peut être autorisée
dans les matières de divorce, de séparation de corps, d'opposition à
mariage ou de nullité de mariage». A notre avis, l'exécution
provisoire est également inconcevable en matière de rectification
des actes de l'état civil (art. 1383 à 1385, C. jud.).
De manière générale, l'exécution provisoire ne peut être
autorisée en matière d'état des personnes au sens restreint de la
situation qu'un individu occupe dans sa famille (2 441 ) (voy. en
matière de filiation, l'art. 333, C. civ. et d'adoption, l'art. 354, C.
civ.). Il importe, en effet, d'éviter les conséquences d'une réforma-
tion ou d'une rétractation sur la modification d'une situation
familiale intervenue sur le fondement d'un titre exécutoire. Il en
résulterait une insécurité et une instabilité incompatibles avec l'état
des personnes (2 442 ).

B. -Injonction de payer.
Aux termes de l'article 1399, alinéa 2 du Code judiciaire,
«l'exécution provisoire ne peut, de même, être autorisée lorsque
l'ordonnance prévue à l'article 1342 accueille, en tout ou en gartie,
une requête déposée conformément à l'article 1340» (2 43 ). Il
s'agit de mettre le débiteur à l'abri de toute mesure d'exécution
forcée tant qu'il n'aura pas été statué sur la pertinence des moyens
9iu'il pourrait invoquer par la voie de l'opposition ou de l'appel
444
( ). Si on peut comprendre que contrairement au droit commun
(art. 1029, al. 2, C. jud.), l'ordonnance ne soit pas de plein droit
exécutoire par provision, il est à nos yeux difficilement admissible
que le juge ne puisse ordonner, à la demande du créancier,

(2+1 1) A. KEBERS, La loi du 19 juillet 1985 relative à la création des chambres à conseiller
unique au sein des cours d'appel, J.T .. 1985, p. 680-681, n°s 25 et 30.
(2442 ) Cette exigence est telle qu'elle justifie. en matière de divorce pour cause déterminée,
une dérogation à !"effet non suspensif du pourvoi en cassation (art. 1274, al. 2, C. jud. ; G. de
LEVAL, Droit judiciaire privé et divorce pour cause déterminée, Ann. Dr. Liège, 1977, p. 354, n°
47 B.
2443
( ) Loi du 29 juillet 1987 modifiant les articles 1338, 1340, 1342, 1343 et 1399 du Code
judiciaire, M.B .. 15 août 1987, p. 12.253 (voy. D. STERCKX, Vers un régain de la procédure
sommaire d'injonction de payer?, J.T.. 1987. 608-609 et G. de LEVAL, Procédure sommaire
d'injonction de payer, Rép. Not., T. XIII, L. IV/2. Larcier, 1988).
444
(' ) Projet de loi modifiant les articles 1338. 1340, 1341 et 1342 du Code judiciaire, Doc.
Pari., Ch. Repr., Sess. 1982-1983, n° 598/2, p. 7.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 557

l'exécution provisoire de sa décision alors qu'il s'agit de statuer sur


une créance de somme d'un montant peu élevé (au maximum
50.000 francs) et présentant les apparences de l'incontestabilité.
C. - Pratiques du commerce.
Si, en principe, le jugement rendu par le président du
tribunal de commerce sur l'action en cessation est exécutoire par
provision nonobstant tout recours et sans caution (art. 59, al. 3 de
la loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce), l'affichage
de sa décision ne peut être exécuté qu'au moment où celle-ci n'est
plus susceptible d'appel (art. 58, al. 3) (2 445 ). Il s'agit de ne pas
prendre le risque de causer un préjudice qui serait difficilement
réparable en cas de réformation du titre permettant immédiatement
la cessation.
De lege ferenda, cette disposition devrait être supprimée
car la publication d'une décision risque d'être privée d'effet s'il faut
attendre l'échéance du délai d'appel ou l'issue de la procédure
d'appel. Bref, l'efficacité commande de favoriser la partie qui a
obtenu un premier jugement en sa faveur plutôt que celle qui a fait
l'objet d'une condamnation (2 446 ). Au demeurant, dès à présent,
une décision de référé, ayant le même objet, est exécutoire par
provision (2447 ).
D. - Le problème des dépens.
L'article 137 du Code de procédure civile interdisait
l'exécution provisoire pour les dépens. Cette exception n'étant pas
maintenue par le Code judiciaire, il en résulte que lorsqu'une
décision est assortie, sans limitation ni restriction de l'exécution
provisoire, le bénéfice de celle-ci s'étend aux intérêts et aux dépens
(2448).
Toutefois, l'interdiction de l'exécution provisoire pour les
dépens subsiste dans l'article 58, alinéa 3 de la loi du 8 avril 1965

(2445 ) Comm. Verviers (Prés.), IO avril 1979, Jur. Liège. 1981, 141 (dispositif). Comm.
Courtrai (Prés.), 2 octobre 1986. J.T., 1987, 650.
(2446 ) Doc. Pari., Sénat, 464 (1986-1987), n" 2 (Projet de loi sur les pratiques du commerce et
sur l'information et la protection du consommateur : Rapport fait au nom de la Commission de
!'Economie), p. 261.
(2 447 ) M. STORME, Les pratiques du commerce et les problèmes de la procédure, Ann. Dr.,
1986, 105, n° 2.
2448
( ) D. CHABOT-LEONARD, op. cit., Bruxelles, Bruylant. 1979, p. 143: J.L. LE-
DOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence (Du Code judiciaire à 1982), Bruxelles, Larcier,
1984, p. 27, n° 38: Civ. Mons, ch.s .. 4 octobre 1979. J.T .. 1980, 228.
558 TRAITÉ DES SAISIES

relative à la protection de la jeunesse : «Le tribunal de la jeunesse


peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions sauf quant
aux dépens» (2 449). Certes, les dépens n'ont jamais présenté un
caractère d'urgence particulier mais il est plus cohérent d'assujettir
l'accessoire au sort du principal comme le permet aujourd'hui
l'article 1398, alinéa 1 du Code judiciaire (2 450).

E. - Le tiers et l'opposabilité du titre exécutoire par provision.


Le Code judiciaire met fin à une controverse. Sous
l'empire de l'article 548 du Code de procédure civile, dont procède
l'article 1388, alinéa 1 (2 451 ), il était admis que cette disposition
devait être appliquée même lorsque le jugement était exécutoire
nonobstant tout recours de telle sorte qu'il ne y,ouvait jamais y
avoir d'exécution provisoire contre les tiers (2 45 ). A juste titre,
une telle neutralisation de l'exécution provisoire a été critiquée
(2453). Aussi l'article 1388, alinéa 2 prévoit expressément que la
règle de l'alinéa 1 n'est pas applicable lorsque la décision est
exécutoire par provision : «Cette attestation n'est pas requise
lorsque la décision, préalablement signifiée ou notifiée si la loi
l'impose, est exécutoire nonobstant appel et, si elle a été rendue
par défaut, nonobstant opposition, sauf la justification, s'il échet,
de l'accomplissement des formalités qu'elle ordonne ou que la loi
prescrit».
Ce texte, applicable indistinctement à toutes les décisions a
pour résultat de dégager le tiers (conservateur des hypothèques
(2 454), notaire (2455 ), tiers saisi, etc.) de toute responsabilité au

(2449) Liège, 12 juin 1981, Jur. Liège, 1981, 298; voy. aussi Cass., 20 mai 1981, Jur. Liège,
1981, 293.
450
(' ) Comp. et contra en France, art. 515, al. 2 nouv. C. Pr. Civ., et S. GUINCHARD, note
sous Cass. Fr., 23janvier1983, Gaz. Pal., 1985, Pan., 124 qui écrit: «L'argument de précarité valant
aussi pour les autres condamnations du jugement de première instance pour lesquelles l'exécution
provisoire est autorisée, on ajoutera à cet argument que le refus (légal) de l'exécution provisoire pour
les dépens et celui (jurisprudentiel) pour les sommes allouées au titre de l'art. 700, procédent aussi de
cette idée que l'exécution provisoire étant d'un maniement délicat, il est logique d'en réduire son
domaine à ce qui constitue l'objet essentiel du procès et de ne pas l'étendre à tout cc qui vient
s'ajouter à la condamnation principale».
451
(' ) Supra, n° 266.

(2 452 ) R.P.D.B., V" Exécution des jugements et des actes en matière civile, n°s 234, 405, 406
et 420.
(2453 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 495.
454
(' ) Civ. Liège, ch.s., 28 décembre 1977. Rec. enr., 1978, p. 280 et obs.

(2455 ) C. Et. Lég., dossier, n" 6058 reproduit dans Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, T. li, Art. 1398, n° 3.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 559

cas où il a été exécuté un jugement ultérieurement rétracté ou


réformé (2456).
L'efficacité exécutoire d'une décision directement opéra-
tionnelle peut cependant être tenue en échec lorsque le tiers qui a
formé tierce-opposition obtient du juge des saisies une décision
ordonnant la suspension de la décision attaquée (art. 1127, C. jud.)
(2457).
F. - Incidence d'une question préjudicielle posée à la Cour
d'arbitrage.
L'exécution des jugements exécutoires par provision (de
même que celle des arrêts qui ont acquis force de chose jugée) n'est
pas suspendue par les questions ~réjudicielles posées par une
juridiction à la Cour d'arbitrage (2 45 ).
G. -Article 39 de la Convention C.E.E.
La décision d'exe~uatur n'est pas et ne peut être assortie
de l'exécution provisoire (2 59).

270) Motivation de l'exécution provisoire.


Le juge du fond (2460) «apprécie avec circonspection, mais
souverainement, les circonstances de la cause qui justifient l'exécu-
tion provisoire» (2461 ). Il peut ordonner l'exécution provisoire

2456
( Deuxième Avis complémentaire du Conseil d'Etat, Pasin., 1967, 769.
)
2457
( Supra, n° 2112.
)

(2458 ) E. KRINGS, Propos sur les effets des arrêts rendus par la Cour d'arbitrage, J.T., 1985,
p. 589, n° 67. L'arrêt de la Cour d'arbitrage est définitif et sans recours (art. 99 de la loi du 28 juin
1983 portant l'organisation, la compétence et le fonctionnement de la Cour d'arbitrage; adde. art.
100 et 101). En vertu de l'article 98: «Les arrêts sont exécutoires de plein droit. Le Roi en assure
l'exécution. Le greffier appose sur les expéditions, à la suite du dispositif, la formule exécutoire
(«Les Ministres, les membres des Exécutifs régionaux et de Communauté et les autorités
administratives pour cc qui les concerne, sont tenus de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Les
huissiers de justice à ce requis ont à y concourir en cc qui concerne les voies de droit commun»). Les
expéditions sont délivrées par le greffier qui les signe et les revêt du sceau de la Cour, dont le Roi
détermine la forme (voy. à cc sujet l'arrêté royal du 28 septembre 1983, M.B., 23 février 1984) (Ph.
QUERTAIMONT et M. UYTTENDAELE, Chronique de jurisprudence, Une année de fonction-
nement de la Cour d'Arbitragc, Administration Publique, 1986, p. 60, n° 32; voy. aussi E. GILLET,
Recours et questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage, Ed. Nemesis, 1985, p. 128-129).
(2 459 ) Supra, n° 250/B/5.
24 1
( "' ) La mesure nécessitant un examen de l'ensemble des circonstances de la cause, le juge
des saisies n'est pas compétent pour connaître d'une demande d'exécution provisoire (Civ. Hasselt,
Saisies, 20 novembre 1974, J.L., 1974-1975, p. 141) relative à un jugement de condamnation qu'il n'a
pas prononcé.
24 1
( • ) Rapport VAN REEPINGllEN, Pasin., 1967, p. 498.
560 TRAITÉ DES SAISIES

partielle ou totale (2 462 ) en tenant compte des intérêts en présence


et notamment de :
l'urgence du besoin que la condamnation doit satisfaire ,
le risque d'insolvabilité du débiteur qui peut cegendant être
neutralisé par le biais d'une saisie conservatoire (2 63 ) ;
l'incontestabilité de la dette (2 464 ) ;
l'ancienneté (2 465 ) et/ou importance de la dette ,
les réticences, les atermoiements, la résistance injustifiée du
plaideur de mauvaise foi et généralement les moyens dilatoires
utilisés par le débiteur (2466 ).
Alors qu'en droit judiciaire, la décision du juge ne doit pas
être spécialement et expressément motivée à ce sujet (2 467 ), l'article
203, § 3 du C. I. Cr. prévoit notamment que« les jugements sur l'action
civile peuvent être déclarés exécutoires provisoirement nonobstant
appel, par une disposition spécialement motivée» (2 468 ) (2 469 ).

(2462 ) Exemples: l'exécution provisoire est accordée en raison de l'ancienneté des sommes
dues mais compte tenu des contestations élevées par le débiteur sur certaines postes. elle peut être
limitée à un montant déterminé (Riom (Réf.), 18 septembre 1974, Gaz. Pal., 22 au 24 décembre
1974, p. li); l'exécution provisoire est accordée pour la réparation du préjudice physique, en raison
du besoin qu'a le créancier d'obtenir rapidement le règlement de cc qui lui est dû, mais non pour la
réparation du préjudice moral. Adde. F. FERRAND, L'exécution provisoire des décisions rendues
par les juridictions civiles en France et en République Fédérale d'Allemagne, Gaz. Pal. (Droit
communautaire), 15-16 mai 1987, 8, n° 10.
(2463 ) Voy. aussi Comm. Liège, 25 octobre 1983, Jur. Liège, 1984. 612 (sommes versées à un
compte bloqué).
(2 464 ) Anvers, li février 1987, R. W., 1986-1987, 2640.
(2465 ) Civ. Arlon, 17 novembre 1977, Jur. Liège, 1977-1978, 189.
(2466) Sur les critères jurisprudentiels français et belges, voy. P. MARTENS, L'exécution
provisoire en matière patrimoniale, Ann. Dr. Liège, 1983, p. 195 à 202.
(2467 ) Au contraire de l'interdiction de cantonner (art. 1406) qui doit être spécialement motivée
en vue de son contrôle par la Cour d'appel (Liège, 28 juin 1985, Jur. Liège, 1985, 486 et obs. G. de
LEVAL ; Bruxelles, 14 novembre 1986, J.T., 1987, 111 ), l'autorisation d'exécution provisoire relève
de la seule conscience du juge du premier degré dont, à cc niveau, la décision n'est pas susceptible d'être
interdite ou suspendue en degré d'appel (art. 1402). voy. cependant R. PERROT (Jurisprudence
française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1984. n° 15, p. 567): «L'argument ne
convainc pas : la motivation n'a pas pour seule fonction d'éclairer la juridiction supérieure ; elle a aussi
et surtout pour rôle - et pour rôle essentiel - d'éviter les décisions arbitraires, systématiques ou
irraisonnées. La motivation, si brève soit-elle, provoque la réflexion et tamise le raisonnement : quel
est le juriste qui, au moment de se justifier la plume à la main, n'est jamais revenu sur son opinion
première? C'est par cet aspect que la motivation est une garantie de bonne justice»; adde. obs. J .A.
sous Paris, 21janvier1966, J.C.P., 1966, Ed. Av., IV. p. 109, n° 4906.
(2468) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1983. p. 187; R.P.D.B., Cpt 1, Appel en
matière répressive, n°s 245 à 247.
(2469 ) Voy. aussi l'art. 5, al. 3 de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse aux termes
duquel le tribunal peut, par une disposition spécialement motivée, déclarer que la partie du jugement
ordonnant l'insertion sera exécutoire provisoirement nonobstant opposition ou appel (Ex. Civ.
Liège, 20 mars 1980, J .T., 1980, 437).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 561

D'un côté, sous réserve de la nécessité de répondre aux


moyens invoqués par les parties (2 470 ), une motivation implicite
reposant sur les faits de la cause est suffisante ; de l'autre, une
motivation spéciale et expresse est exigée. La différence réside
surtout dans la formulation. S'il est souhaitable qu'en quelques
lignes le juge fasse connaître les raisons pour lesquelles il a estimé
nécessaire de déroger à l'effet suspensif de l'appel (2 471 ), force est
de reconnaître qu'un débat contradictoire susceptible d'alimenter la
motivation a rarement lieu : «parce qu'elle suppose acquise une
défaite qu'on s'efforce d'éviter, l'exécution provisoire est un sujet
tabou : le défendeur craint, en l'abordant, de trahir la méfiance que
lui inspirent les arguments qu'il invoque à titre principal» (2472 ).

271) Garantie.

L'article 1400, § 1er dispose que le juge qui prononce


l'exécution provisoire pour tout ou partie de la condamnation peut
la subordonner à la constitution d'une garantie qu'il détermine et
dont il fixe s'il y a lieu les modalités.
Le juge (y compris en appel, art. 1401) (2473 ) Reut en tout
état de cause exercer ce pouvoir d'office (2474 ) (2475 ) même
lorsque l'exécution provisoire est de droit (voy. notamment en
matière de référé, l'art. 1039, al. 2, C. jud.) (2476 ).

(2 470) Comp. au sujet de la condamnation aux dépens: Cass., 22 octobre 1971, Pas, 1972, 1,
182 (La condamnation aux dépens étant une conséquence juridique de la décision sur le fond du
litige, ne doit pas, en principe, être spécialement motivée ; il en est toutefois autrement en cas de
conclusions des parties ou de l'une d'elles sur cc point). Voy. aussi au sujet de l'art. 477, al. 4, C.
jud., Cass., 31 janvier 1980, Pas., 1980. 1, 619 ; J.T .. 1980, 280: à défaut de conclusions sur ce point.
le conseil de discipline d'appel de !'Ordre des avocats n'est pas tenu de préciser les motifs pour
lesquels il décide, par application de l'article 477, alinéa 4 du Code judiciaire, que sa sentence est
exécutoire nonobstant pourvoi en cassation.
(2471 ) R. PERROT. Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1984, p. 775, n" 8.
472
(' ) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1983. 182.

(2 473 ) Jugé cependant mais à tort selon nous que la Cour d'appel est sans pouvoir pour
subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie (Liège, 7ème ch., 27 juin 1986,
R.G., n° 17.979/86, Inédit: comp. infra, n" 277 B/2).
474
(' ) On lit dans le Rapport VAN REEPINGHEN : «Le juge peut l'ordonner même
d'office. sauf lorsqu'il y a titre ou reconnaissance authentique ou privée» (Pasin., 1967, 498). Cette
restriction qui figurait à l'art. 1400, § 2, 1" du projet n'a pas été maintenue dans le texte définitif.
2475
( ) Le même pouvoir appartient aux arbitres qui peuvent subordonner l'exécution
provisoire à la constitution d'une garantie conformément aux règles du Code judiciaire (art. 1709, in
fine ; supra. n" 246 A).
(2 476 ) G. de LEVAL, L'examen du fond des affaires par le juge des référés, J.T .. 1982. p.
425. n" 20; A. VAN OEVELEN et D. LINDEMANS. op. cit .. T.P.R., 1985, p. 1095. n" 56.
562 TRAITÉ DES SAISIES

A. - Garantie ou cantonnement.
La garantie est destinée à assurer au débiteur la certitude
d'obtenir réparation du préjudice au cas où le jugement serait
infirmé ou rétracté par la suite. Elle doit être suffisante pour
couvrir, outre la restitution des prestations fournies en vertu de
l'exécution provisoire, la réparation du préjudice causé par celle-ci.
Le critère essentiel de l'octroi de la garantie réside dans le
risque de mise à néant du titre exécutoire pour des raisons de forme
(irrecevabilité) ou de fond (caractère contestable de la dette). Elle
«n'est pas l'accessoire nécessaire de l'exécution grovisoire» mais
seulement une condition préalable de l'exécution ( 477 ).
Le parallèle doit être établi entre la garantie et le canton-
nement sur exécution provisoire qui, par des procédés différents,
tendent au même but : protéger le débiteur, ultérieurement déclaré
exempt, contre l'insolvabilité du créancier dont le titre a été
réformé ou rétracté. Mais alors que la garantie impose un effort au
créancier qui dispose ensuite de la faculté de diligenter une
procédure d'exécution forcée, le cantonnement suppose un paie-
ment conditionnel du débiteur ~art. 1404, al. 2, C. jud.) qui fait
obstacle à la saisie-exécution (2 4 8 ). C'est pourquoi, l'article 1400,
§ 2 prévoit que la garantie est libérée de plein droit lorsque la partie
condamnée a fait la consignation, conformément à l'article 1404
(2479).

Ainsi, le cantonnement peut rendre sans objet la garantie


mais la réciproque n'est pas vraie (2 480 ).
Pourtant, le créancier qui a un besoin urgent des sommes
dues a évidemment intérêt à obtenir un titre dont l'exécution est
subordonnée à la constitution d'une garantie plutôt qu'un titre dont
l'exécution peut être paralysée par le cantonnement.

(2477 ) Rapport VAN REEPINGHEN, lb.: Cass., 14 juin 1984, Pas., 1984, 1, 1260 et R.W.,
1985-1986, 892 : infra C.
2478
( ) Alors que dans certains cas, le cantonnement est légalement ou judiciairement interdit
(art. 1404 initio et 1406, C. jud. ; art. 1752 bis, C. civ.), la garantie peut toujours être imposée sauf
dans le seul cas prévu par l'article 1752 bis, C ; civ. : infra, n° 277 A 2.
(2479 ) J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 20ème éd., 1981,
p. 752, n° 823 et note 2, p. 753.
2480
( ) Cette solution se justifie dans la mesure où la cantonnement qui empêche la poursuite
de l'exécution protège davantage les intérêts du débiteur (comp. M. STORME, L'accélération de la
procédure, J.T., 1979, 332 qui propose que le gagnant puisse offrir une garantie en lieu et place du
cantonnement fait par le perdant). Voy. aussi, note 2523.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 563

Dans l'état actuel des textes, lorsqu'il redoute le cantonne-


ment, il peut toujours solliciter du juge du fond que celui-ci
interdise au débiteur de recourir en tout ou en partie au cantonne-
ment (art. 1406) quitte à ce que cette interdiction soit assortie de
l'obligation pour le gagnant de fournir une garantie (2481 ). Il est
cependant des situations où la gêne pécuniaire du demandeur ne
permet pas la constitution d'une garantie alors que le besoin urgent
des sommes qui lui reviennent (2 482 ) peut exiger que lui soit
accordé un titre exécutoire par provision sans caution ni cantonne-
ment.
On souligne enfin que si le cantonnement sur exécution
provisoire ne se conçoit qu'en matière de condamnation de som-
mes, la constitution d'une garantie peut être imposée en toute
matière (2483 ).
B. - Objet et fixation des modalités de la garantie.
«Le mot «garantie» a une portée plus large que le mot
«caution» qui n'est qu'un des modes de fournir une garantie»
(2484) ; il peut s'agir d'une caution personnelle, d'un nantissement
ou d'un transfert d'espèces à titre de garantie (2 485 ) etc. dont
l'exigibilité est liée au caractère exécutoire de l'obligation de
restitution (2486 ).
Le juge fixe s'il y a lieu, les modalités de la garantie (art.
1400, § 1er in fine) (2487 ). En accordant l'exécution provisoire avec

2481
( ) G. de LEVAL, L'examen du fond des affaires par le juge des référés, J.T., 1982, p.
425, n° 20 ; G. de LEV AL et J. van COMPERNOLLE, Aperçu des règles communes aux saisies
conservatoires et aux voies d'exécution, in Les voies conservatoires et d'exécution. Bilan et
perspectives, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 67, n° 84; P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr.
Liège, 1983, 204, n° 10; adde. infra, n° 277 B 4.
(2482 ) L'article 1400, § 2, 2° du projet prévoyait que «la garantie ne peut être exigée lorsque
l'exécution provisoire a été accordée à la condition que le demandeur consigne les sommes à provenir
de ladite exécution». Une telle disposition ne pouvait satisfaire les intérêts du créancier qui devait
pouvoir obtenir immédiatement les sommes qui lui revenaient. Elle n'est pas maintenue dans le Code
judiciaire.
2483
( ) Par exemple en matière de radiation d'inscription hypothécaire (E. GENIN, Traité des
hypothèques et de la transcription, Rép. Not., n° 2728).
(2 484 ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, 881.
2485
( ) I. MOREAU-MARGREVE, Evolution du droit et de la pratique en matière de
sûretés, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, 180 à 182.
2486
( ) Supra, n° 267 B. On ne concevrait donc pas que la garantie soit une garantie à première
demande.
(2 487 ) li n'est pas requis qu'un recours soit exercé par le débiteur pour que la garantie soit due
(comp. en matière de cantonnement, art. 1404, al. 1 ; infra, n° 274). li reste que si le recours n'est pas
exercé, le titre passe en force de chose jugée, la garantie devient sans objet et peut être supprimée.
564 TRAITÉ DES SAISIES

garantie, le tribunal peut ordonner la réouverture des débats pour


que les parties s'exRliauent à une audience ultérieure sur les
modalités de celle-ci (2 48 ) .
Si le )u~ement ordonne la fourniture d'une caution propre-
ment dite ( 48 ), il y a lieu, à défaut de modalités spéciales
énoncées au titre, de suivre la procédure organisée par les articles
1346 à 1351 du Code judiciaire devant le juge du fond (2 490 ) : le
jugement fixe le délai dans lequel elle est présentée dans les formes
prévues par l'article 1347 et celui dans lequel elle est acceptée ou
contestée conformément aux articles 1348 à 1351 (2 491 ). A ce
niveau, il importera surtout de vérifier la solvabilité de la caution
(2492).

Lorsqu'une mesure d'exécution est diligentée en ne respec-


tant les modalités prescrites pour la constitution de la garantie, la
saisie, irrégulière, doit être levée par le juge des saisies sans
préjudice de tous dommages-intérêts dus par le poursuivant (2 493 ).

C. -Les frais.
En ce qui concerne les frais occasionnés par la constitution
de la garantie, le Conseil d'Etat avait estimé «que la partie, qui
dans les cas prévus à l'article 1400, exige la constitution d'une
garantie et qui est ultérieurement déboutée de son opposition ou de
son appel, devrait être condamnée aux frais nécessités par la
constitution de cette garantie». «On n'a pas cru devoir donner suite
à cette suggestion. Si le créancier souhaite exécuter un jugement
qui fait l'objet d'une voie de recours et bénéficie ainsi des avantages
que lui procure cette exécution, il est normal qu'il en supporte les

(2488 ) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1983, p. 205, n" 11.
(2489 ) Avis du Conseil d'Etat et Réponse du Ministre. Pasin., 1967. p. 769 et 892.
2490
( ) Supra, n" 15 B: P. MARTENS, op. cit., p. 186: comp. E. KRINGS, L'exécution des
sentences arbitrales, Rcv. Dr. Int. dr. Comp., 1976, 184, n" 42 qui écrit : "Les contestations
éventuelles au sujet de l'exécution de la constitution de la garantie seront portées devant le juge des
saisies».
2491
( ) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr. Liège, 1983, p. 206 à 208, n" 12.
249
( 2) Evidemment, le problème ne se poserait plus en cas de création d'un Fonds de garantie
ayant pour mission de restituer les sommes payées si le jugement exécutoire par provision est réformé
ou rétracté (Doc. Pari.. Ch. Sess., 1984-1985, Projet de loi relatif à la création de chambres à
conseiller unique au sein des cours d'appel, n° 1008/8, p. 9: P. MARTENS. op. cit., Ann. Dr. Liège,
1983, p. 208 à 212).
(2493 ) Civ. Anvers. ch.s., Ier février 1974, J.P.A., 1973, 345: Dr. Eur. Tr., 1974, 277: Civ.
Bruxelles, ch.s., 23 avril 1982. Pas., 1982, Ill, 76: R.W., 1983-1984. 453: voy. aussi Comm. Gand.
30 juin 1982, Inédit cité par P. MARTENS. op. cit., Ann. Dr. Liège. 1983, p. 206-207.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 565

charges» (2 494 ). Les frais de constitution de garantie (générale-


ment la commission due à la banque garante) n'étant pas des frais
d'exécution au sens de l'article 1024 du Code judiciaire (2 495 ), ils
n'incombent pas à la partie contre laquelle l'exécution est poursui-
vie. Le créancier prétendrait en vain que sans le recours ordinaire
du débiteur, l'exécution aurait été définitive et qu'en ce cas, il
n'aurait pas été obligé de fournir des garanties car en recourant à
l'appel ou à l'opposition, le perdant ne fait qu'user de son droit de
telle sorte que, sous réserve de recours téméraire et vexatoire, sa
responsabilité ne peut être engagée envers le gagnant (2496 ).

272) L'exécution provisoire en degré d'appel.

A. - Exécution provisoire demandée en degré d'appel.


«Soit que la partie ait négligé de solliciter l'exécution
provisoire devant les premiers juges, soit que ceux-ci aient omis de
statuer sur la demande faite ou qu'ils l'aient rejetée, elle peut
toujours être demandée lors de l'appel» (art. 1401, C. jud.).
En vertu de ce texte de portée générale (2497 ), le juge
d'appel peut, dans les trois hypothèses énoncées, «avant même de
se prononcer sur le fond du litige» (2498 ) ou sur la recevabilité de
l'appel (2499 ), accorder l'exécution provisoire de la décision à la

(2 404 ) Avis du Conseil d'Etat et Réponse du Ministre à cet avis. Pasin., 1967, p. 769 et 892.
(2495 ) Cass .. 14 juin 1984. R.W .. 1985-1986, 892; Pas .. 1984, 1. 1260: («Attendu que cette
garantie n'est pas l'accessoire nécessaire de l'exécution provisoire, mais seulement lorsque le juge
ordonne de la constituer, une condition préalable à ladite exécution; que les frais qu'entraîne
éventuellement la constitution de garantie ne peuvent être considérés comme des frais d'exécution au
sens de l'article 1024 du Code judiciaire»).
(2496 ) Notes 1 et 2 sous Paris. 21 juin 1893, Dall .. 1894, II. 500; comp. et contra. P.
MARTENS, op. cil., Ann. Dr. Liège, 1983, p. 208, n" 12.
(2497 ) Il ne s'applique pas seulement aux condamnations de sommes ; il peut être extrême-
ment utile pour permettre à l'intimé qui bénéficie d'une condamnation sous astreinte de faire courir
celle-ci grâce à l'exécution provisoire (voy. E. KRlNGS, concl. préc. C.J. Benelux. 5 juillet 1985,
R.W .. 1985-1986. 936).
(2 4'!8) Rapport VAN REEPINGHEN. Pasin .. 1967, 498; Gand, 15 janvier 1985, T.G.R ..
1985. 118, n° 85179; Bruxelles. 2ème ch., 27 septembre 1985, Inédit, R.G .. n" 546/85 (sinon, est-il à
juste titre précisé, l'art. 1401 perdrait l'essentiel de son utilité).
2499
( ) Mons, 7 octobre 1985. Inédit; Civ. Bruxelles. llème ch. A. 26 juin 1986, R.G. n"
23186; contra, Bruxelles, 19 mars 1980, J.T .. 1981, 384 qui décide qu'«avant de pouvoir statuer au
sujet d'une requête, basée sur l'article 1401 du Code judiciaire. qui tend à faire ordonner l'exécution
provisoire du jugement entrepris par le juge d'appel. celui-ci doit préalablement décider si le recours
dont il est saisi est recevable» ; une telle solution ne peut être retenue car le but de la loi est de
neutraliser sans délai le désir du débiteur de retarder le moment du paiement or, cc but ne serait pas
atteint si la Cour devait au préalable statuer sur une fin de non-recevoir après instruction
contradictoire du moyen.
566 TRAITÉ DES SAISIES

partie gagnante en première instance. La disposition trouve surtout


à s'appliquer lorsque« l'exécution provisoire est devenue nécessaire
en raison même de l'appel et de la perte du temps qui en résulte. Il
s'entend que le juge d'appel a le même pouvoir d'appréciation que
le juge du premier degré» (2500) encore qu'en pratique le juge
d'appel qui statue avant d'aborder le fond peut être «moins
audacieux» que le juge du premier degré qui assortit sa décision au
fond de l'exécution provisoire. Les critères retenus sont essentielle-
ment:
l'urgence du besoin à satisfaire notamment lorsqu'il s'agit d'une
décision allouant un secours alimentaire (2501 ) ; s'il s'agit seule-
ment de se prémunir contre l'insolvabilité du débiteur, on ne
peut perdre de vue l'article 1414 qui permet de pratiquer une
saisie conservatoire sur base du jugement entrepris (voy. toute-
fois, art. 1404, al. 2, C. jud.) ;
le caractère incontestable de la dette singulièrement si celle-ci
n'est pas contestée (2502 ) ;
le caractère dilatoire du recours et ~lus généralement le retard de
procédure imputable à l'appelant ( 503 ).
Souvent ces critères (surtout l'ur&,ence et l'incontestabilité)
sont envisagés de manière cumulative (25 4 ).

(25ooi Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 499.


(2501 ) Bruxelles, 18 juin 1979, Pas., 1979, II, 129; J.T., 1980, 45; Liège, 24 décembre 1981,
Jur. Liège, 1982, 133; voy. aussi Bruxelles, 10 novembre 1981, Pas., 1982, II, 28; J.T., 1982, 378. On
notera que les décisions rendues par le juge de paix en vertu des art. 221 et 223, C. civ. et par le
président du tribunal de première instance en vertu de l'art. 1280, C. jud. sont de plein droit
exécutoires par provision. Adde. le nouvel article 203 ter du Code civil qui généralise la délégation en
matière d'aliments (supra, note 1895).
2502
( ) Liège, 6 novembre 1981, Jur. Liège, 1982, 45; Liège, 10 février 1983, Jurisprudence du
Code judiciaire, La Charte, T. Il, Art. 140117 ; Liège, 21 mars 1985, Jurisprudence du Code
judiciaire. La Charte, T. Il, Art. 1401/14; Civ. Nivelles, 9 mars 1983, J.T., 1983, 689.
(2503 ) Liège, 19 mai 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1401/6 et
Ann. Dr. Liège, 1983, 200-201 ; adde. Bruxelles, 9ème ch., 6 mai 1987, R.G., n° 1650/85: «l'intimé
qui sollicite le bénéfice de l'article 1401 du Code judiciaire peut invoquer valablement les retards pris
par la procédure en degré d'appel (en l'espèce, la cause a été fixée à deux reprises par application de
l'article 751 du Code judiciaire une fois à charge de la partie appelante. une seconde fois à charge
d'une autre partie intimée) pour obtenir l'exécution provisoire du jugement entrepris».
2504
( ) Liège, 23 février 1984, Jur. Liège, 1984, 357 et Liège, 6 février 1985, Jur. Liège, 1985,
215; Adde. Civ. Bruxelles, llème ch. A, 26 juin 1986, R.G., n" 23.186, Inédit: «Une somme
incontestablement due à une personne dont le budget est mis en péril par le défaut de perception du
loyer pendant un temps prolongé, alors que le risque d'insolvabilité (s'accroissant au fil du temps,
spécialement lorsque des moyens dilatoires sont utilisés) du débiteur apparaît comme plausible,
justifie que l'exécution provisoire soit accordée en degré d'appel».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 567

L'octroi de l'exécution provisoire est lié aux circonstances


propres de la cause, au jour où le juge d'appel statue ; elle ne
pourrait être accordée en fonction de considérations d'ordre
général touchant à la situation économique ou aux lenteurs de la
justice (2505 ).
Le créancier - qui est nécessairement intimé - peut
solliciter l'exécution provisoire soit à l'audience d'introduction, soit
à une audience fixée à cette seule fin sur simple demande adressée
au greffe (2506}.
L'exécution provisoire prend effet au jour de la décision
d'appel qui l'accorde mais si des sommes sont dues pour la période
antérieure (p. ex. des arriérés de pension alimentaire), celles-ci
bénéficieront de la mesure (2507 ).
Il va de soi que la demande d'exécution provisoire devient
sans objet lorsque la juridiction d'appel statue par une seule et
même décision sur l'ensemble du litige (2508 ).
L'exécution provisoire ordonnée en detfüré d'appel, le cas
échéant avec interdiction de cantonnement (25 ) ' ne fait pas en
principe, obstacle à l'octroi de délais de grâce au débiteur (2510)
car des paiements réguliers et successifs peuvent être compatibles
avec les besoins auxquels l'exécution provisoire permet de pour-
vmr.
Enfin, il importe de relever que l'article 1401 ne vise que
l'appel et non l'opposition de telle sorte que la question si le
créancier peut demander, avant qu'il ne soit statué au fond au
premier degré, l'exécution provisoire à charge de l'opposant n'est
pas réglée. Même si l'opposition ne fait pas tomber, en matière

(2 505 ) Liège, 19 mai 1982, préc.


(2506) «C'est par la voie de la sollicitation d'une fixation d'urgence qu'il sera, le cas échéant,
pourvu à l'opportunité d'une prompte décision au niveau de l'appel» (Rapport VAN REEPIN-
GHEN, Pasin., 1967, 499).
2507
( ) Comp. R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé,
R.T.D.C., 1978, p. 932, n°11.
(2508 ) Bruxelles, 20 janvier 1982, Pas., 1982, Il, 53; Liège, 7ème ch., 27 juin 1986, R.G., n°
17.948/86, Inédit; Bruxelles, 8ème ch., 6 janvier 1987, J.T., 1987, 285. Adde. infra, n° 277 B 3 et
note 2628.
(2 509) Infra, n° 277 B. Ou encore moyennant caution fournie par le gagnant (supra, n° 271).
(2 510) Liège, 21 mars 1985, Jur. Liège, 1985, 483 qui réserve, bien entendu, l'hypothèse où la
loi interdit l'octroi de termes et délais. Comp. et contra Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin.,
1967, 499: le juge d'appel «ne peut en aucun cas accorder des délais».
568 TRAITÉ DES SAISIES

civile, le jugement rendu par défaut (2511 ), il y a lieu selon nous de


s'en tenir au texte strict de l'article 1401 d'autant que l'instance
d'opposition ne connaît généralement pas les temps d'arrêt de la
procédure d'appel (2512 ).
B. - Irrévocabilité de /'exécution provisoire ordonnée par le
premier juge ou imposée par la loi.
La règle est énoncée à l'article 1402: «Les juges d'appel ne
peuvent en aucun cas, à peine de nullité, interdire l'exécution des
jugements ou y faire surseoir (2513 ) ». Cette disposition confère
une redoutable efficacité à l'exécution provisoire qui ne peut être
suspendue par le juge d'appel dans l'attente d'une décision au fond.
Elle signifie aussi qu'un arrêt contradictoire étant exécutoire de
plein droit, il est interdit aux juges d'appel de ne rendre leurs
décisions exécutoires qu'après une certaine date (2514 ).
Se fondant sur les termes «en aucun cas», une décision a
reconnu à la règle une portée absolue au point d'interdire une
mesure de surséance même si l'exécution provisoire a été irréguliè-
rement accordée: en aucun cas (art. 1402 C. jud.), quand bien
même la décision querellée aurait statué ultra petita en ordonnant
l'exécution provisoire d'office, le juge d'appel ne peut, avant tout
examen au fond, anéantir cette décision même en ce qu'elle
ordonne l'exécution provisoire (2515 ). Cette solution est trop
rigoureuse ; une illégalité procédurale manifeste (tel l'excès de
pouvoir du juge qui accorde d'office l'exécution provisoire) ne peut
être tolérée spécialement au stade exécutoire. Il peut~ être mis fin
soit par le juge d'appel dès le début de l'instance (2 51 ), soit par le

2511
( ) E. KRINGS, concl. avant Cass., 8 novembre 1979, Pas., 1980, 1, 316: supra n" 267 A
note note 2395.
2512
( ) Voy. aussi note 2520.
513
(' ) Comp. en cas de tierce-opposition, art. 1127: supra. n" 21: art. 1714, al. 1, supra, n"
241 B et art. 38 Conv., C.E.E., supra, n° 245/C/4.
514
(' ) Bruxelles, 20janvier1982, Pas., 1982, Il, 53.

(2515) Liège, 28 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 546 et obs. G. de LEVAL.
(2516 ) A. FETIWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 606: Bruxelles, 24 juin
1986, J.T., 1986, 653 (dernier attendu): Aix-en Provence, ord. réf., 28 février 1983, Dall., 1984,
I.R., 241 et note P. JULIEN; voy. aussi R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit
judiciaire privé, R.T.D.C., 1985, p. 568, n° 9 et R. PERROT, P. HARDOUIN et A. FISSELIER,
Les interdictions au droit d'appel, Gaz. Pal., 17-18 septembre 1986, IO qui, au sujet de l'appel-nullité,
écrivent: «en présence d'un jugement entaché d'un vice grave. il est possible de saisir la cour pour le
faire censurer, sans se laisser impressionner par une disposition légale qui prohiberait tout recours»
(adde. R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1986. p.
643, n° 9 et R.T.D.C., 1987, p. 152, n" 9 b). Idéalement, on ne se dissimule pas que la réponse la
plus conforme aux textes se trouve dans l'art. 1138, 2°, C. jud. (E. KRINGS, L'office du juge dans la
direction du procès, J.T., 1983, p. 515, n" 12) mais en pratique. la procédure de cassation est peu
adaptée pour fournir une réponse immédiate, la seule qui puisse être, en l'espèce, utile.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 569

juge des saisies ou même des référés spécialement avant l'exercice


du recours ordinaire. De même les limites exactes dans lesquelles
l'exécution provisoire est autorisée peuvent être vérifiées (2 517 ).
Hormis ces hypothèses exceptionnelles, ce qui est interdit au juge
d'appel l'est a fortiori au juge des référés (2518 ) et au juge des
saisies (2519 ) ; ainsi, il ne pourrait être tenu compte des moyens
sérieux invoqués par l'appelant en vue d'obtenir une réformation.
Le maintien de l'efficacité exécutoire de la décision entre-
prise (2520) doit être précisé :
1 - il importe que l'appelant puisse diligenter dans les meilleurs
délais la procédure au fond ; c'est pourquoi l'article 1063, 9°
du Code judiciaire autorise le recours à la procédure d'appel
accélérée «moyennant la permission donnée par le juge
d'appel, suivant l'exigence des cas, si le jugement est exécu-
toire nonobstant appel».
L'idéal est de hâter tellement la décision au fond de la cause
(voy. l'art. 1066) que l'exécution provisoire ne puisse être
consommée auparavant (2521 ). Il est projeté d'introduire à
jour fixe toutes les procédures d'appel mais certaines affaires
devront être «retenues et plaidées lors de leur introduction,
sinon dans les trois mois au plus et, s'il échet, à une audience
de relevée» ; tel serait notamment le cas du recours contre une
décision exécutoire par provision sans caution, ni cantonne-
ment (2522 ) ;
2 - si le juge d'appel ne peut interdire l'exécution provisoire, il
peut par contre, infirmer, in limine litis, la partie du jugement
décidant qu'il n'y a pas lieu à cantonnement (art. 1406) et

2517
( ) Supra. n° 268 B.
(2518 ) Mons, 7 octobre 1985, Inédit.
(2519) Liège, 28 juin 1984, Jur. Liège, 1984, 473.
(2520 ) Aucune disposition ne règle le cas de l'opposition dirigée contre un jugement par défaut
exécutoire par provision. Certes, celui-ci conserve son efficacité tant qu'il n'est pas rétracté, mais il
semble difficile d'appliquer analogiquement un texte de stricte interprétation (Comp. Civ. Liège,
ch.s., 10 mars 1982 (impl.), Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T. II, Art. 1397, 1). Voy.
supra, n° 272 A, in fine. Mais en aucun cas, la suspension de l'exécution provisoire du jugement par
défaut ne peut être demandée au juge des saisies (Civ. Charleroi, ch.s., 25 novembre 1986, R.G., n°
61.009; argt. art. 1333, al. 2, C. jud.).
(2521 ) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr., 1983, p. 202, n" 9 et réf. à une mercuriale du
Procureur général RAIKEM, in Pand., V" Exécution provisoire, p. 367, note 2.
(2 522) Texte proposé par le groupe de travail «procédure civile et arriéré judiciaire». A cette
occasion, il sera possible de reproduire par référence les extraits encore pertinents des conclusions
d'instance (Cass., 4 octobre 1985, R.W., 1986-1987, 194, a contrario; Cass., 26 novembre 1986,
R.G., n° 5152).
570 TRAITÉ DES SAISIES

restituer à l'appelant le droit de cantonner sur exécution


provisoire qui a lieu «sans firéjudice des règles du cantonne-
ment» (art. 1398, al. 2) (252 ), sans que ne puissent être remis
en question les actes d'exécution régulièrement accomplis
antérieurement (2524 ) ;
3 - si l'appelant ne peut faire état d'une créance certaine, exigible
et liquide uniquement basée sur son éventuel droit à restitution
en cas de réformation pour Rratiquer une saisie-arrêt conserva-
toire entre ses mains (252 ), il peut cependant rappeler au
gagnant que l'exécution provisoire a lieu aux risques et périls
de celui-ci (art. 1398, al. 2, C. jud.).
Ce système équilibré doit être sauvegardé. Il ne faudrait en
aucun cas modifier l'article 1402, C. jud. en organisant en degré
d'appel la suspension de l'exécution provisoire, source d'un conten-
tieux ~arasite aux effets anormalement paralysants pour le créan-
cier ( 526) alors que le cantonnement permet, en principe, au
débiteur de sauvegarder ses droits.

§ 3. - Le cantonnement.

273) Le cantonnement sur exécution provisoire - Généralités.


A. - Principe.
De manière générale, le cantonnement est un mécanisme
permettant au débiteur, sur qui une saisie est pratiquée ou

2523
( ) Liège, 28 juin 1985, Jur. Liège, 1985, 486 et obs. G. de LEVAL et réf. à Mons, 14 mai
1985, R.G., n" 8975, Inédit; Bruxelles, 14 novembre 1986, J.T., 1987, 111 (cet arrêt relève à juste
titre qu'en sollicitant d'être rétabli dans son droit au cantonnement, l'appelant ne critique pas
l'exécution provisoire mais vise à conserver intacte l'utilité de son recours qui n'aurait plus aucune
utilité en cas d'insolvabilité de l'intimé. Par le cantonnement, le débiteur prouve sa capacité à
exécuter la décision rendue. L'exécution provisoire et l'exclusion du cantonnement (qui doit être
motivée compte tenu de l'exigence énoncée par l'article 1406) sont des notions distinctes dont les
domaines respectifs ne se recouvrent pas. La mise en oeuvre du cantonnement ne sursoit pas à
l'exécution mais rend celle-ci sans objet en raison du paiement conditionnel que réalise le
cantonnement sur exécution provisoire); Liège, 17 mars 1987, llème ch., R.G., n° 18.885/86,
Inédit; Bruxelles, Ier octobre 1987, J.T., 1987, 647; Bruxelles, 21juin1957, Pas., 1957, II, 181;
contra C.T. Anvers, 28 mars 1983, J.T.T., 1983, 268. Infra n° 277 B.
(2 524 ) Civ. Tournai, ch.s., 21 mai 1985, Jurisprudence du code judiciaire, La Charte, T. II,
Art. 1402/8.
2525
( ) Supra, n° 267 B. Par contre, le débiteur peut, le cas échéant, pratiquer entre ses
propres mains une saisie-arrêt conservatoire en faisant état d'une créance étrangère au titre
exécutoire (G. de LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Jur. Liège, 1979, p. 356-357,
n° 49 ; infra, n° 278).
(2526) Voy. A.D. TJOUEN, L'exécution provisoire des décisions judiciaires en matière non
répressive en droit africain: l'exemple du Cameroun (Etude de droit comparé), R.l.D.C., 1987, p.
ll1à134.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 571

susceptible de l'être, de libérer les avoirs sur lesquels elle porte ou


de faire obstacle à la saisie, en déposant soit à la Caisse des dépôts
et consignations, soit aux mains d'un séquestre agréé ou commis,
un montant suffisant pour répondre de la créance en principal,
intérêts et frais.
Mis en oeuvre lors de la saisie conservatoire, il permet au
débiteur de neutraliser l'effet d'indisponibilité totale de la saisie
(2527 ) ; utilisé par le débiteur condamné à payer une somme
d'argent (2528 ) en vertu d'un jugement exécutoire par provision, il
constitue, avant tout, pour lui un moyen d'éviter l'exécution en
consignant l'intégralité des sommes dues (2529 ).
Si l'exécution provisoire a été obtenue, à titre de garantie
d'exécution, pour pallier le risque d'insolvabilité du débiteur au
cours de la procédure d'appel ou d'opposition (2530 ), le cantonne-
ment de la saisie-exécution sauvegarde les intérêts du saisissant
mieux protégés que ~ar le cantonnement de la saisie conservatoire
(art. 1404, al. 2) (253 ) .
Par contre, si l'exécution provisoire a été demandée et
obtenue pour remédier au plus tôt à la gêne pécuniaire du
créancier, le cantonnement, en privant le créancier des sommes qui
lui sont accordées et dont il a un besoin immédiat, peut lui causer
un préjudice considérable (2532). C'est pourquoi, contrairement à
ce qui se passe en matière conservatoire, en cas d'exécution
provisoire, il existe certaines exceptions à la règle du droit au
cantonnement (2533 ).
B. - Avantages et inconvénients.
Au stade de l'exécution, le cantonnement permet ainsi au
débiteur de prévenir le risque d'insolvabilité du créancier dont le
titre serait réformé en degré d'appel ou rétracté à la suite d'une

(2527 ) Supra, n°s 200 et s.


2528
( ) Le cantonnement n'est applicable qu'aux décisions condamnant au paiement d'une

somme d'argent (condamnation principale ou condamnation par équivalent) ; voy. note 2542.
2529
( ) La neutralisation de l'effet d'indisponibilité peut être aussi rcycherchée en cas de
surséance de la mesure d'exécution (voy. B). •
(2530 ) R. BACCARA, Le cantonnement sur exécution provisoire, J.T., 1949, 177; Civ.
Anvers, 12 décembre 1956, J.T., 1957, 26.
(2531 ) Supra, n° 206; infra, n" 276 B et note 2587.
2532
( ) P. BAUGAS, L'exécution provisoire. Etude pratique de jurisprudence, Cujas, 1958,
75; Civ. Bruxelles (Réf.), 16 octobre 1957, J.T., 1957, 645.
(2'·") Infra, n° 277.
572 TRAITÉ DES SAISIES

opposition (2534), «d'éviter la publicité d'une saisie avec l'atteinte


au crédit que cette dernière implique» (2535 ) et, spécialement en
cas de surséance aux poursuites (art. 1404, al. 1, in fine), de mettre
fin à l'indisponibilité des biens saisis.
On a fait observer que «la consignation est une demi-
mesure qui préserve l'avenir tout en ne donnant vraiment satisfac-
tion à aucune des parties : le créancier ne perçoit rien, alors que le
débiteur est obligé de débourser. Il est seulement garanti contre le
risque de disparition des fonds en cas de réformation. La consigna-
tion n'est opportune, que si les ressources du créancier font
craindre une défaillance de saJ;art et si la décision a quelque chance
d'être réformée en appel» (25 ).
Cette appréciation doit être nuancée en ce sens que le
cantonnement sur exécution provisoire garantit le créancier contre
l'insolvabilité du débiteur puisqu'il vaut paiement dans la mesure
où le saisi se reconnaît ou est reconnu débiteur (art. 1404, al. 2)
537
(2 ). En outre, on ne peut perdre de vue que sa mise en oeuvre
présuppose que le débiteur dispose des fonds suffisants pour y
recourir en respectant scrupuleusement les règles applicables
(2538).

Tout bien pesé, il nous semble excessif de considérer qu'il


s'agit d'une institution archaïque (2539 ) même si le mécanisme de la
garantie du gagnant moyennant paiement volontaire par le perdant
(2540) est généralement mieux adapté.

274) Les conditions de mise en oeuvre du cantonnement par le


débiteur.

Le cantonnement existe à l'encontre de toute décision y


compris en ce qui concerne les décisions exécutoires de plein droit

(2534) La garantie constituée par le gagnant répond au même but (supra, n° 271 A) mais celle-
ci n'empêche pas la saisie et la publicité qui en résulte. Voy. aussi Civ. Anvers, ch.s., 26 décembre
1983, Dr. Eur. Tr., 1983, 793.
(2535 ) Mons, 28 juin 1983, Pas., 1983, II, 132.
(2536) Ch. LOYER-LARHER, L'exécution provisoire, Analyse de la jurisprudence des
Cours d'appel d'Angers et de Rennes, Gaz. Pal., 21-23 mars 1982, p. 5.
(2537 ) Infra, n° 276 B.
2538
( ) Infra, n°s 274 et 275.

(2 539 ) P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr., 1983, p. 203, n° 10.


(2540 ) Supra, n° 271 A.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 573

ou les décisions des juridictions répressives statuant sur les intérêts


civils (2541 ). «Sauf s'il s'agit d'une créance de caractère alimen-
taire, la même faculté de libération est, selon les mêmes modes,
conditions et procédure réservée au débiteur condamné en vertu
d'une décision judiciaire exécutoire frappée d'opposition ou d'ap-
pel, comme aussi lorsqu'une surséance aux poursuites a été
ordonnée» (art. 1404, al. 1).

Le droit de cantonner appartient donc au débiteur con-


damné au paiement d'une somme d'argent (2542 ) en vertu d'une
décision judiciaire exécutoire frappée d'opposition ou d'appel ou
lorsqu'une surséance aux poursuites a été ordonnée. Cette rgèle doit
être précisée :

1. - L'initiative ne peut provenir 9zue du débiteur ; elle ne peut


543
lui être imposée Rar le créancier ( ) ; une simple menace
544
d'exécution suffit (2 ). A moins que le cantonnement ne soit
interdit par la loi (art. 1404, initio, C. jud. et art. 1752 bis, C. civ.)
ou par la décision de condamnation (art. 1406), le débiteur a le
droit de recourir au cantonnement sans autorisation préalable du
juge des saisies qui n'a pas à apprécier l'opportunité du cantonne-
ment (2545 ) ; son intervention éventuelle est limitée à la vérifica-
tion des conditions de mise en oeuvre de la mesure et à la fixation
de ses modalités (2546).

2. - Pour pouvoir cantonner, le débiteur doit au préalable


avoir effectivement exercé la voie de recours ordinaire contre la
décision dont il entend cantonner l'objet :

2541
( ) C. CAENEPEEL. Over het kantonnement, R.W .. 1964-1965, 1855: R. ANDRE. La

réparation du préjudice corporel. Story Scientia, 1986, p. 437 à 440; voy. aussi Civ. Bruxelles, Réf..
16 octobre 1957, J.T .• 1957. 645.
(2542 ) Le cantonnement ne se conçoit pas en dehors d'une telle hypothèse : le caractère
inéluctable de l'exécution provisoire est dès lors beaucoup plus accusé lorsque l'obligation n'a pas
pour objet le paiement d'une somme d'argent (adde supra, n" 200, note 1617). Comp. et contra en
cas de garantie, supra, n" 271, in fine.
(2543 ) Mons, 28 juin 1983. Pas., 1983, Il, 132: Liège, 8 décembre 1983, Jur. Liège, 1984, 32.
2544
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 8 janvier 1987, R.G., n" 24.992: art. 1403 et 1404, cbnés (supra,

n" 201).
(2545 ) Liège, 20 mars 1985, Jur. Liège, 1985, 481 : Civ. Bruxelles, 17 janvier 1977, Pas., 1977,
III, 8; J.T., 1977, 210: Civ. Termonde, ch.s., 27 juillet 1977. R.W .. 1977-1978, 1390.
(2546 ) Adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 28 avril 1987 (Groep JOSI c/ BOUYE et DESMUL): seul
le juge du fond peut exclure le cantonnement. L'opportunité du cantonnement ne peut être appréciée
par le juge des saisies puisqu'il s'agit d'un droit pour le débiteur. Le juge des saisies peut cependant
contrôler s'il n'y a pas abus du droit de cantonner en prenant notamment en considération l'attitude
du débiteur lors de la procédure au fond.
574 TRAITÉ DES SAISIES

a) L'article 1404, alinéa 1 ne peut être invoqué pour faire


obstacle à l'exécution d'une décision insusceptible comme telle de
recours ordinaire (2547 ) ou faisant l'objet d'une voie de recours
extraordinaire. Ainsi, le pourvoi en cassation ne limite pas la force
exécutoire de la décision rendue en dernier ressort à laquelle le
cantonnement est inapplicable (2548 ) (2549) (2550 ). En cas de
tierce-opposition un régime spécial est prévu par l'article 1127 du
Code judiciaire (2551 ).
b) L'appel ou l'opposition doit être formalisé par le débiteur
avant que celui-ci ne revendique le droit de cantonner (2552 ) ; il ne
suffit pas pour lui d'avoir manifesté l'intention d'exercer une voie
de recours ordinaire qu'il pourrait ne pas concrétiser ; cette
exigence permet de protéger le gagnant contre la mauvaise foi et les
manoeuvres dilatoires du perdant. Pour le surplus, le cantonne-
ment peut être imposé même si la procédure d'exécution forcée est
en cours.
c) Le cantonnement ne peut porter que sur les sommes pour
lesquelles la voie de recours ordinaire est exercée ; ainsi, lorsqu'une
partie seulement de la décision de condamnation, exécutoire par
provision, est contestée en degré d'appel, le cantonnement est
uniquement praticable à concurrence de ce montant, l'autre partie
non contestée devant être payée au créancier (2553 ) ; de même, il

(2547 ) Tel est le cas du jugement d'accord (supra, n° 243) (Liège, llème ch., 16 janvier 1987,
J.L.M.B., 1987, 574).
(2548 ) Civ. Hasselt, ch.s., 12 février 1975, R.W., 1975-1976, 183; Civ. Liège, ch.s., 13 avril
1983, Jur. Liège, 1983, 310; Rev. Not. belge, 1983, 545; C. CAENEPEEL, Over het kantonnement,
R.W., 1964-1965, 1855, n° 24; G. de LEVAL, et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1982, p. 67, n° 85; contra R. ANDRE, La réparation du préjudice corporel,
Story Scientia, 1986, p. 434-435.
(2549 ) «Tandis que le plaideur qui fait procéder à l'exécution provisoire d'un jugement frappé
d'appel le fait à ses risques et périls, celui qui exécute un arrêt frappé de pourvoi est indemne de toute
responsabilité. La différence tient à ce que l'exécution provisoire est une dérogation grave et
importante à l'effet suspensif des voies de recours ordinaires, tandis que l'exécution immédiate d'un
arrêt d'appel est la conséquence normale de la décision intervenue ; et cela, malgré l'existence d'un
pourvoi en cassation qui, en tant que voie de recours extraordinaire, est dépourvu de tout effet
suspensif» (R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1977, p. 834, n° 15). Infra, n° 279 A.
(255 °) Au sujet d'une saisie-arrêt sur soi-même, voy. infra, n° 278.
(2551 ) Supra, n°s 21, 246 B et 250 C 4.
(2552 ) Liège, 20 mars 1985, Jur. Liège, 1985, 481 ; Civ. Liège, ch.s., 27 mars 1985, Jur. Liège,
1985, 490; R. ANDRE, La réparation du préjudice corporel, Story Scientia, 1986, 430.
(2553 ) Civ. Courtrai, ch.s., 25 mai 1981, R.W., 1981-1982, 2181 ; Liège, 20 mars 1985, Jur.
Liège, 1985, 481 ; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 28 avril 1987 (Groep JOSI ci BOUYE et DESMUL):
le juge des saisies peut exclure du cantonnement le montant des sommes, qu'en ordre subsidiaire
devant la cour d'appel, le débiteur reconnaîtrait devoir de même que des montants qui seraient
estimés nécessaires pour l'entretien et les besoins immédiats des créanciers.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 575

ne suffit pas que la décision mise à exécution ne soit pas passée en


force de chose jugée, par suite, notamment, de l'appel interjeté par
le créancier qui ne peut être privé du bénéfice de l'exécution
provisoire alors que le débiteur n'a pas, actuellement, contesté les
condamnations prononcées à sa charge. L'intention du débiteur de
former appel incident n'est pas suffisante car il peut toujours
l'abandonner (2554).
Des contestations peuvent surgir lorsqu'il s'agit de déter-
miner l'étendue exacte du recours formé par le débiteur. Le juge
des saisies est compétent pour régler de tels incidents (2555 ).
En cas de doute, le juge des saisies aura tendance à
envisager de manière compréhensive la portée du recours afin de ne
pas prendre le risque de réduire l'étendue du cantonnement et
partant de sauvegarder la situation du débiteur en cas de réforma-
tion.
Lorsque le juge des saisies est appelé à statuer sur un
incident alors que la décision est passée en force de chose jugée, il
lui suffit de constater que le débiteur a perdu tout droit à cantonner
sur exécution provisoire (2556).
3. - Il importe de ne pas perdre de vue que quel que soit le
titre exécutoire qui fonde la saisie (décision judiciaire ou titre non
judiciaire ; décision exécutoire par provision, passée en force de
chose jugée ou irrévocable), l'article 1404, al. 1, in fine prévoit un
second cas d'ouverture de cantonnement : «lorsqu'une surséance
aux poursuites a été ordonnée», par le juge ~apRlication de l'art.
1334 du C. jud. ; demande d'interprétation ( 5 ) ) ou par l'effet
d'une disposition légale (art. 1514, 1541, 1613, etc.) (2558 ).

275) L'objet du cantonnement, les modalités de dépôt et les frais.


A. - Objet et montant du cantonnement.
Le cantonnement sur exécution provisoire valant paiement
(art. 1404, al. 2), la consignation ne peut s'effectuer autrement

(2554 ) Civ. Tournai, ch.s., 23 novembre 1984, Ann. Dr. Liège, 1986, 145 et obs. E.
PARIDAENS; J.T., 1986, 50.
(2 555 ) Liège, 20 mars 1985. Jur. Liège, 1985, 481.
(2 556 ) Bruxelles, 9 décembre 1968, Pas., 1969, Il, 39; Mons, 28 juin 1983, Pas., 1983, Il, 132;
Liège, 2 mai 1985, Jur. Liège. 1985, 484.
2557
( ) Supra, n° 265.
2558
( ) Infra, n° 277 C 3.
576 TRAITÉ DES SAISIES

qu'en espèces (2559) ; en effet, le créancier ne peut être contraint


de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la
valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande (art.
1243, C. civ.).
La somme consignée doit être d'un montant suffisant pour
répondre de la créance en principal, intérêts et frais (art. 1403, al.
1, in fine et art. 1404, al. 1 cbnés) (2560 ) (2561 ). Il n'est donc pas
possible de réaliser un cantonnement partiel ou un cantonnement
total par versements successifs sous peine, en ce dernier cas, de
consentir des termes et délais illégaux (art. 1333, al. 2, C. jud.)
(2562 ). Tout au plus, pour des raisons pratiques évidentes, le juge
des saisies pourra-t-il accorder au débiteur un bref délai pour lui
permettre de réunir la somme nécessaire (2563 ) ; si la procédure
d'exécution est en cours, il peut prévoir que la consignation devra
être faite avant le jour fixé pour la vente ou le dessaisissement du
tiers (2564).
En ce qui concerne les intérêts, il y a lieu de tenir compte
uniquement des intérêts échus au jour du cantonnement car il s'agit
d'un paiement sous condition suspensive (2565 ).
S'il y a plusieurs saisissants ou opposants sur les mêmes
biens, le montant consigné ne peut être inférieur à l'addition des
sommes dues aux poursuivants et à ceux qui se sont associés à la
poursuite (2566 ). Toute autre solution entraînerait une rupture du
principe d'égalité entre les créanciers en concours.

(2·" 9 ) Un chèque ne peut être accepté que s'il offre une garantie absolue de paiement (supra,
n" 202, A). Si la décision a été rendue à l'étranger le cantonnement doit se réaliser en francs belges
(supra, n" 225, note 1877).
(2 56()) Mons, 28 juin 1983, Pas., 1983, JI, 132: Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1986, R.G.,
n" 31028.
2561
( ) Au sujet du cantonnement par prélèvement, voy. supra, n° 204 A.

(2562 ) Liège, 2 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 484: supra, n" 203.
(2563 ) Civ. Liège, ch.s., 27 décembre 1983, Inédit (dix jours): Civ. Liège, ch.s., 20 juin 1984,
Jur. Liège, 1984, 487 (un mois): Civ. Bruxelles, ch.s., 27 février 1987, A.R., n°s 21.268, 28.575,
30.007 et 31.068 (quatorze jours) ; adde. note 2569.
2564
( ) Ainsi une décision énonce: «Ordonnons au demandeur d'opérer le dit versement à la
Caisse des Dépôts et Consignations avant les jour et heure fixés pour la vente en suite de la saisie-
exécution ;» (Civ. Bruxelles, Réf., 16 octobre 1957, J.T., 1957, 645): voy. supra, n" 225, a.
2565
( ) Infra, n" 276 B. Il n'y a donc pas lieu de cantonner en cas d'exécution provisoire, une
provision pour intérêts futurs compte tenu de la durée probable de la procédure d'appel (Civ.
Bruges, ch.s., 23 février 1982, Rec. Gén., 1984, n" 23.011 et R.W., 1983-1984, 516; contra Civ.
Anvers, ch.s., 26 décembre 1983, Dr. Eur. Tr., 1983, 793; comp. et contra au stade conservatoire,
supra, n° 203 A et B).
2566
( ) Supra, n" 203 C.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 577

B. - Les modalités du dépôt. Danger de la consignation amiable.

Le dépôt se réalise soit à la Caisse des dépôts et consigna-


tions (modalité obligatoire en cas de consi5nation directe entre les
mains de l'huissier de justice, art. 1405) (~ 67 ) soit aux mains d'un
séquestre agréé ou commis par le juge des saisies (2568 ) (2569 ). Il
peut avoir lieu à tout moment aussi longtemps que la mesure
d'exécution n'est pas accomplie sans préjudice des frais et domma-
ges-intérêts susceptibles d'être dus par le débiteur en cas de
consignation tardive (2570 ).

Il importe de respecter les formes imposées car si le


cantonnement ne répond pas aux exigences légales, il ne peut en
produire les effets. Ainsi, le cantonnement de sommes effectué de
commun accord, à un compte commun aux conseils des parties ne
réalise pas le paiement conditionnel prévu par l'article 1404,
alinéa 2 (2571 ) ; en ce cas, les fonds consignés demeurent la
propriété du débiteur qui profite des intérêts produits par la somme
consignée (2572 ). Cette sévérité se justifie car une consignation
amiable sans contrôle préalable du juge des saisies ne permet pas
de sauvegarder les droits éventuels des autres créanciers ; par

(2 567 ) Supra, n° 202 A.


(2 568 ) Supra, n" 202 B (y compris en ce qui concerne la compétence territoriale du juge des
saisies).
2569
( ) Ainsi, le juge des saisies peut autoriser le débiteur à déposer dans le délai qu'il fixe à
une banque déterminée, la somme due en principal majorée des intérêts et des dépens, sur un compte
ouvert au nom des deux parties, et à terme d'un mois renouvelable tacitement de mois en mois
jusqu'au jour où les obligations de la partie perdante en première instance seront définitivement
déterminées par la juridiction d'appel et affecter cette somme à l'extinction de la créance du gagnant
dans la mesure prévue par l'article 1404, al. 2 (Civ. Bruxelles, ch.s., 17 janvier 1977, Pas., 1977, III, 8
et J.T., 1977, 210). Dans la mesure où le cours des intérêts est arrêté à dater du cantonnement (n°
276 B), le créancier peut être très intéressé par les conditons de la consignation.
(2 570 ) Le juge des saisies qui constate qu'un cantonnement sur exécution provisoire est
régulièrement intervenu au cours de l'opposition à saisie-exécution mobilière diligentée devant lui
peut toutefois condamner le débiteur au paiement de dommages et intérêts pour opposition téméraire
et vexatoire à la saisie-exécution mobilière alors que le titre était exécutoire depuis plus d'une année
(Civ. Bruxelles, ch.s., 27 février 1987, A.R., n" 32.143).
(2571 ) Bruxelles, 7ème ch., 10 février 1987, J.L.M.B., 1987, p. 534; Civ. Anvers, 17 mars
1965, R.W., 1966-1967, 1824; Civ. Courtrai, ch.s., 16 octobre 1984, R.W., 1985-1986, 544; Civ.
Bruxelles, ch.s., 8janvier1987, R.G., n" 24.992; P. MARTENS, op. cit., Ann. Dr., 1983, p. 203, n°
10; E. GUTT et A.M. STRANART-THlLLY. op. cit., R.C.J.B., 1974, p. 653, n° 128; R.
ANDRE, La réparation du préjudice corporel, Story Scicntia 1986. p. 436; comp. et contra, Civ.
Gand, ch.s., 27 février 1985, T.G.R., 1985. n" 61, p. 88 qui décide qu'une consignation amiable
produit les effets d'un cantonnement judiciaire et F. MOEYKENS, Kantonnement, L'avocat 1985,
n" 6, p. 13 à 15.
{2 572 ) Bruxelles, 7ème ch., 10 février 1987, J.L.M.B., 1987, 534; Civ. Bruxelles, ch.s., 18 mai
1987, R.G., n° 33.480.
578 TRAITÉ DES SAISIES

ailleurs, il ne peut être question de créer un privilège en faveur d'un


créancier en dehors des conditions légales prévues par l'article 1404
(2573).

C. - Les frais.
Les frais du cantonnement sont limités aux frais de la
procédure diligentée devant le juge des saisies.

L'initiative du cantonnement émanant du perdant qui se


prémunit contre les conséquences préjudiciables de l'exécution
provisoire, il est normal que celui-ci supporte les frais suscités par
la procédure (2574) même s'ils ne constituent pas des frais
d'exécution au sens de l'article 1024 du Code judiciaire (2575 ).
Toutefois, si les frais ont été rendus nécessaires par le comporte-
ment injustifié du gagnant (2576), le juge peut condamner celui-ci à
tout ou partie des dépens.

Il arrive enfin que les dépens soient réservés dans l'attente


d'une décision au fond (2 577 ). Dans la mesure où celle-ci déclare la
demande originaire non fondée ou irrégulière, la charge finale des
dépens y compris ceux du cantonnement, sans préjudice de tous
autres dommages-intérêts, incombe à celui qui à ses risques et
périls a procédé ou menacé de procéder à une saisie sur le
fondement d'un titre exécutoire par provision (art. 1398, al. 2)
578
(2 ). Dans la mesure toutefois où le perdant cantonne en dehors
de toute menace d'exécution, les frais exposés ne peuvent être mis à
charge du gagnant dont le titre est ultérieurement mis à néant.

(2573 ) Bruxelles, 7ème ch., 10 février 1987, J.L.M.B., 1987, 534; cet arrêt admet cependant
que le cantonnement amiable pourrait avoir un effet de paiement si les créanciers étaient d'accord de
considérer le tiers détenteur comme leur mandataire, en manière telle que le versement entre les
mains de celui-ci vaudrait paiement aux créanciers eux-mêmes. Il importe encore que tous les droits
des créanciers en concours soient sauvegardés (comp. supra, n" 206 B).
(2 574) Civ. Bruxelles, Réf., 16 octobre 1957, J.T., 1957, 645.
2575
( ) Comp. Civ. Liège, ch.s., 24 juin 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, II,
Art. 1404, 3: «les frais de la procédure de cantonnement de l'exécution provisoire incombent à la
partie contre laquelle l'exécution est poursuivie car il s'agit d'un incident de la procédure d'exécution
(art. 1024, C. jud.)». En réalité, il s'agit non d'une modalité d'exécution mais d'un procédé rendant
celle-ci sans objet. Il ne s'agit pas d'une condition préalable à l'exécution ( comp. et contra en cas de
garantie, supra, n° 271 et Cass., 14 juin 1984, Pas., 1984, 1, 1260) mais d'un évènement qui empêche
celle-ci (supra, n° 272, note 2523).
(2576) Par exemple en cas de refus de comparaître volontairement devant le juge des saisies.
(2577 ) Civ. Termonde, ch.s., 27 juillet 1977, R.W., 1977-1978, 1390 (qui relève que le perdant
n'a jamais reconnu sa dette).
(2578 ) Infra, n° 276 A et n" 279 C.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 579

276) Les effets du cantonnement sur exécution provisoire.

A. - Envers le perdant.

Le cantonnement protège le perdant contre toute difficulté


de restitution en cas de réformation ou de rétractation du jugement
exécutoire par provision. Il libère les avoirs sur lesquels la saisie
porte (2579 ) ou fait obstacle à celle-ci. Enfin, il entraîne la
suppression de l'avis de saisie (2580) car il réalise un paiement
conditionnel (art. 1404, al. 2). La suppression de l'avis peut être
ordonnée par le jugement qui fixe les modalités du cantonnement
(2581).

En cas de réformation ou de rétractation du titre exécu-


toire, la défaillance de la condition suspensive permet au déposant
d'exiger la libération immédiate des sommes consignées majorées
des intérêts produits par celles-ci, le tout sans préjudice de toute
autre somme destinée à réparer le préjudice subi par l'exécution
provisoire qui a lieu aux risques et périls de celui qui la poursuit
(art. 1398, al. 2) (2582 ). Toute obstruction de la partie qui ne
consent pas volontairement à la cessation des effets du cantonne-
ment peut constituer une voie de fait que peut faire cesser le juge
des référés (2583 ) ou le juge des saisies.

Toutefois, si le poursuivant réunit les conditions pour


pratiquer une saisie-arrêt conservatoire (aucun élément tiré de
l'autorité de chose jugée au fond ne peut être opposé lorsque le
titre est réformé et qu'une mesure d'instruction est ordonnée avant
dire droit) il peut envisager d'y recourir afin que les fonds
demeurent immobilisés à l'endroit où ils ont été consignés. A cette
fin, il doit solliciter l'autorisation du juge des saisies s'il ne dispose
pas d'un titre au sens de l'article 1414 du Code judiciaire.

(2579 ) L'article 554 de l'ancien Code de procédure civile prévoyait qu'il libérait «ce qui excède
les causes de la saisie» ; appliqués à la lettre, ces termes signifiaient que la saisie subsistait sur les
choses d'une valeur égale à ses causes malgré la consignation d'un montant équivalent ! (BAC-
CARA, op. cit., p. 178). Solution absurde écartée par la jurisprudence (Bruxelles, 3 juin 1966, Pas.,
1966, Il, 103) mais fondée sur une erreur formelle que la rédaction nouvelle de l'article 1403 corrige
(Rapport VAN REEPINGHEN, p. 500).
25
( 8<') Comp. supra, n° 206 A.

(2581 ) Supra, n° 113.


(2 582) Bruxelles, 8 juin 1966, R.W., 1966-1967, 1182 et Bruxelles, 22 juin 1966, R.W., 1966-
1967, 1430; infra, n° 279 C. Adde au sujet des frais exposés par le perdant, supra, n" 275 C.
(2 583 ) Gand, 13 juillet 1984, T.G.R., 1985, p. 17.
580 TRAITÉ DES SAISIES

B. - Envers le gagnant.
1. - «Le versement est fait avec affectation spéciale de la somme
à l'extinction de la créance du saisissant et vaut paiement dans la
mesure où le saisi se reconnaît ou est reconnu débiteur» (art. 1404, al.
2). Ce texte ne crée pas un privilège pour le saisissant. Il réalise un
paiement conditionnel afin d'éviter l'écueil de l'article 445 de la loi du
18 avril 1851 sur les faillites. En effet, on a prévu le cas où le débiteur
saisi serait déclaré en faillite et où la consignation ne serait pas
antérieure de plus de dix jours à la date fixée pour la cessation des
paiements. Dans cette hypothèse, en donnant à la consignation le
caractère d'un gage, ce gage eût été de ceux que la lettre de l'article 445
de la loi sur les faillites déclare nuls de plein droit. Aussi en décidant
que la consignation vaut paiement, on évite l'application de l'article
445 et, de même que les autres paiements en espèces effectués par le
failli pendant la période suspecte, la consignation ne devra être
annulée au regard de la masse que si elle a été faite en fraude des droits
des créanciers (art. 448) ou si celui qui en a bénéficié avait
connaissance de la cessation des paiements (art. 446) (2584) (2585 ).
2. - Le cantonnement réalise ainsi un transfert de propriété au
profit du saisissant avec effet rétroactif au jour du versement (2586).
Cet effet permet au saisissant d'éviter Je concours des créanciers
ultérieurs (2 587 ), mais il entraîne aussi pour consécwence ~e les
intérêts cessent de courir à dater de la consignation ( 588 ) (25 ) .

2584
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 500; la règle avait été introduite dans

l'ancien C.P.C. par l'arrêté-royal n" 300 du 30 mars 1936, (Doc. Pari. Ch. Sess., 1933-1934, n° 95, p.
17-18). Au sujet de l'art. 448, C. corn., voy. supra, n" 206 B, note 1687; au sujet de l'art. 446, C.
corn., voy. supra, n" 121.
(2 585 ) Comp. M. VAN DER HAEGEN et Cl. VERBRAECKEN, Les sociétés commerciales
- Commentaire des lois des 5 décembre 1984, 15 juillet et 25 juillet 1985, J.T., 1985. p. 556, n" 48.
(2586) E. KRINGS, op. cit., Etude du projet de Code judiciaire, Fac. Dr. Liège, 1966, p.
236; Civ. Anvers, 18 mars 1966, R.W., 1967-1968, 90; Comp. et contra en droit français, Paris, 27
mai 1981, Gaz. Pal., 1981, 2ème Sém., Jur. 752 et concl. de M. !'Avocat général LECANTE.
2587
( ) Contra en cas de cantonnement sur saisie conservatoire, supra, n" 206 B. C'est
pourquoi le créancier muni d'un titre exécutoire par provision peut avoir intérêt, même à titre de
garantie de paiement, à entamer une procédure d'exécution que le cantonnement stoppera
éventuellement mais sans lui faire subir la loi du concours.
2588
( ) Rapport DE BAECK, Pasin .. 1967. 881 et Doc. Pari., Sénat, Sess., 1964-1965, n° 170,
p. 185; Civ. Anvers, 18 mars 1966, R.W., 1967-1968, 90; Civ. Bruges, ch.s., 23 février 1982, Rec.
enr., 1984, n" 23.011 et R.W., 1983-1984, 516; G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit.,
Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 69, n" 86/2; J. LAENENS, Kroniek van het gerechtelijk recht
(1984-1985), R.W., 1985-1986, p. 2538, n" 46; comp. R. ANDRE, La réparation du préjudice
corporel, Story Seicntia 1986, p. 436 n" 5; contra, Civ. Anvers, ch.s., 26 décembre 1983, Dr. Eur.
Tr., 1983, 793. Adde. en matière de cantonnement conventionnel (selon nous illégal n° 275 B), F.
MOEYKENS. Het kantonnement, L'avocat, 1985, n" 6, p. 13-15.
80
(" ) Si par son comportement, le débiteur rend les conditions du cantonnement désavanta-
geuses pour le créancier, celui-ci peut soumettre l'incident au juge des saisies (voy. aussi supra. n"
275 B et note 2569).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 581

3. - Le jugement qui déclare l'opposition non fondée est en


principe susceptible d'appel. Ce n'est donc que la décision d'appel
contradictoirement rendue, qui met fin aux effets du cantonnement
(2590 ) et permet au créancier d'exiger l'attribution des sommes
consignées et des intérêts produits par celles-ci. Le créancier doit
veiller à ce que le titre confirmatif règle ces modalités (2591 ) afin
qu'aucune contestation ne puisse surgir au niveau des obligations
du tiers dépositaire. Dans le cas contraire, le juge des saisies est
compétent pour ré§ler les difficultés liées à la cessation des effets
du cantonnement ( 592 ). .

4. - Le paiement sous condition suspensive vaut à due


concurrence de la dette du saisi alors même que la saisie serait
nulle, s'il est établi que le saisissant est créancier du saisi (2593 ),
c'est pourquoi, l'article 1404 ne parle pas de régularité de la saisie
dont connaît le juge des saisies mais utilise l'expression «dans la
mesure où le saisi se reconnaît ou est reconnu débiteur» par le juge
du fond, c'est-à-dire par le juge qui connaît de la voie de recours
ordinaire (2594).
L'expression «vaut paiement» interdit aux créanciers du
débiteur de contester le cantonnement régulièrement opéré (2595 ).
Elle empêche aussi le créancier bénéficiaire de la mesure d'exiger le
paiement d'un montant excédant celui qui a été consigné pour
autant que la condamnation n'ait pas été modifiée par la juridiction
saisie du recours (2596).

2590
( ) Bruxelles, 9 décembre 1968, Pas., 1969, II, 39; J.T., 1969, 320 (cet arrêt précise, à
juste titre, qu'un pourvoi en cassation ne peut avoir pour conséquence de prolonger les effets du
cantonnement ; supra n° 274 2 a). Si l'opposition est déclarée irrecevable et que le jugement par
défaut n'est plus susceptible d'appel, celui-ci acquiert immédiatement une force exécutoire définitive
(comp. Bruxelles, 29 avril 1986, J.T., 1986, 583).
(2591 ) Voy. par exemple, C.T. Liège, 6 mai 1982, Jurisprudence du Code judiciaire, La
Charte, Il, Art. 1404/13.
(2592 ) Voy., p. ex., Civ. Bruxelles, ch.s., 29 mai 1986, R.G., n° 18034: les tiers ne sont tenus
d'une prestation positive que dans la mesure où la décision invoquée à laquelle ils ne sont point
parties leur ordonne ou leur impose une telle prestation de manière précise et formelle à moins que la
prestation ne découle elle-même de la loi (voy. par ex. art. 1405, C. jud.). Voy. supra, n ° 266 B et
infra C.
(2593 ) Doc. Pari., Ch. Sess., 1933-1934, n° 95, p. 18.
(2594 ) VAN REEPINGHEN, Le nouveau code de procédure civile, Texte coordonné et
annoté, Larder, 1936, p. 159, n° 13.
(2595 ) II importe cependant de réserver l'application des articles 446 et 448, C. corn. en cas de
faillite du débiteur (supra B 1).
(2596) Le cantonnement n'implique évidemment pas pour le créancier renonciation à se
prévaloir de tous éléments propres à accroître le montant de sa créance. Il peut par exemple
introduire une demande nouvelle en degré d'appel.
582 TRAITÉ DES SAISIES

C. - Envers le tiers dépositaire (2597).


Le dépositaire doit conserver les fonds dans l'attente du
titre exécutoire qui lui indiquera la personne à laquelle ils doivent
être versés (2598). Cette restitution peut toutefois être entravée
soit par une saisie-arrêt émanant du créancier de celui auquel les
fonds déposés sont attribués, soit par une contestation d'un
créancier du saisi qui invoquerait l'irrégularité d'un cantonnement
opéré au mépris d'une saisie ou d'une opposition formalisée avant
la consignation (2599).
Si le tiers est soumis à des pressions contradictoires, il
n'engage pas sa responsabilité en attendant qu'une solution judi-
ciaire soit arrEortée au conflit entre créanciers ou entre débiteur et
créancier (2 ).

277) Cas dans lesquels le cantonnement est interdit.

Il ne peut être dérogé au droit de cantonner que dans les


cas expressément prévus par la loi (2601 ).
L'interdiction de cantonner est soit légale (A), soit judi-
ciaire (B). Des observations communes à tous les cas d'interdiction
peuvent être faites (C).
A. - Interdiction légale de cantonner.
Dans deux cas, la loi empêche le débiteur de recourir au
cantonnement :
1. - Créance de caractère alimentaire.
Une créance de caractère alimentaire ne peut être canton-
née par le débiteur condamné par un jugemnet exécutoire par
provision (2602 ).
La raison d'être de cette interdiction légale (il importe peu
que la décision n'en fasse pas mention) est évidente : le créancier

(2597 ) Au sujet du cantonnement organisé par l'article 1407, voy. supra, n°s 207 à 209.
(2598 ) Supra A et B ; l'article 1388 est applicable (supra, n° 266).
(2 599) Supra, n° 275 A.
(2600) Liège, 2 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 484.
21
( "") Ainsi le recouvrement de !'astreinte peut être entravé par un cantonnement sur
exécution provisoire (Civ. Bruxelles, ch.s., 20 novembre 1986, R.G. n° 31028).
21 02
( ' ) Bruxelles, 21 man, 1984, Rev. Not., 1984, 360.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 583

d'aliments doit pouvoir disposer immédiatement des sommes qui


lui sont indispensables pour subsister ; une consignation ne remé-
dierait pas à l'état de besoin auquel il y a lieu de mettre fin. Bref,
«le secours alimentaire a un caractère éminemment urgent et l'on
ne pourrait permettre un cantonnement qui priverait le créancier
d'aliments du secours actuel que son titre lui accorde» (2603 ).
«La créance de caractère alimentaire» peut être entendue
au sens strict de créance alimentaire prévue par le Code civil {2604)
et mentionnée à l'article 1412, 1° du Code judiciaire ou au sens
large de créance dont l'exécution ne peut être différée parce qu'elle
est destinée à permettre la subsistance immédiate de son bénéfi-
ciaire (2605 ). A notre avis, il y a lieu de définir la créance de
caractère alimentaire en fonction non de son but mais de sa nature ;
en effet:
le cantonnement étant un droit pour le débiteur, toute exception
à ce droit est de stricte interprétation ;
l'article 1406, qui organise (y compris en degré d'appel, voy. B.
2) un régime souple d'interdiction judiciaire facultative de
cantonner, perdrait toute raison d'être s'il suffisait d'invoquer la
gêne pécuniaire du créancier, à défaut de paiement immédiat,
pour bénéficier du ré~ime de l'interdiction légale et automatique
du cantonnement (260 ).

(2603 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 499.


(2604 ) Y compris la pension allouée sur la base de l'article 301 du C. civ. (Bruxelles, 12
décembre 1979, Pas., !980, II, 32; comp. art. 1410, §Ier, 2°; supra, n" 85). Lorsqu'au cours d'une
procédure de divorce la condamnation du mari à mettre à la disposition de son épouse, en sa double
qualité d'épouse et de gardienne un véhicule est remplacée par une condamnation au paiement d'une
somme destinée à l'acquisition d'un véhicule indispensable à l'accomplissement des obligations
maternelles, il a été jugé qu'il s'agit d'une modalité du devoir de secours à quoi est tenu un mari à
l'égard de sa femme (voy. les art. 203 et 213, C. civ.). En conséquence, il ne saurait y avoir matière à
cantonnement d'une telle somme (Civ. Bruxelles, ch.s., 19 février 1987, R.G. n°s 16.673 et 29.436
confirmé sur ce point par Bruxelles, !5ème ch., 9 avril 1987, R.G., n° 870/87).
(2605 ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J .T., 1980, p. 631 n° 28 et réf. à
Civ. Liège, ch.s., 15 juillet 1980 qui retient l'interprétation extensive et l'applique à une provision
accordée par le juge des référés aux parents d'un accidenté de la route (Civ. Liège, réf., 2 avril 1980,
J.T., 1982, 430). Adde. R. ANDRE, La réparation du préjudice corporel, Story Scientia, 1986, 432;
voy. aussi en matière de rémunération due en vertu de la loi du 12 avril 1965 relative à la protection
de la rémunération, C.T. Bruxelles, 12 mars 1987, J.T.T., 1987, 283.
(2606) Ainsi, « lon ne peut étendre la notion de créance alimentaire aux suites de la rupture
d'un contrat; en parlant de «pension alimentaire» et de «secours alimentaire», le Commissaire
Royal VAN REEPINGHEN a clairement induqé que le législateur n'avait pas visé autre chose que
les créances alimentaires au sens usuel du terme» (Bruxelles, 7ème ch., 1er octobre 1987, J.T., 1987,
647). De même une décision accordant une provision en référé ne fait pas en soi (sous réserve de
l'application de l'article 1406 par le juge qui accorde la provision) obstacle au cantonnement (Civ.
Bruxelles, ch.s., 4 juin 1987, R.G., n° 40.776); voy. aussi J. van COMPERNOLLE, Examen de
jurisprudence, Saisies conservatoires et voies d'exéctution, R.C.J.B., 1987, n° 26, p. 433.
584 TRAITÉ DES SAISIES

Toute difficulté d'exécution suscitée par la détermination


du champ d'application de l'article 1404 initio, C. jud. relève de la
compétence du juge des saisies sans qu'en principe l'exercice d'une
telle action ait un effet suspensif (art. 1498, al. 2, C. jud.) (2607).
2. - Libération de la garantie locative.
Lorsque la garantie consiste en une somme d'argent placée
sur le compte individualisé ouvert au nom du locataire, l'article
1752 bis, § 1er, alinéa 4, C. civ. prévoit qu' «il ne peut être disposé
du compte de garantie, tant en principal qu'en intérêts, qu'au profit
de l'une ou de l'autre des parties, moyennant production soit d'un
accord écrit, établi postérieurement à la conclusion du bail, soit
d'une copie conforme de l'expédition d'une décision judiciaire.
Cette décision est exécutoire par provision, nonobstant opposition
ou appel, et sans caution ni cantonnement». En d'autres termes, la
garantie locative est libérée sur production d'une copie conforme
de l'expédition de la décision sans que le tiers ne doive exiger
d'autre justification (art. 1388, al. 2, C. jud.) (2608 ). Cette
disposition confère au jugement un effet exécutoire absolu puisque
sa mise en oeuvre ne peut être subordonnée à une garantie
constituée par le gagnant ni paralysée par un cantonnement du
perdant ; le bénéficiaire du jugement est donc assuré d'entrer
immédiatement en possession des fonds (2609 ).
Cette disposition exceptionnelle ne concerne évidemment
que le jugement ou la partie du !ufüement qui a pour objet la
disposition du compte de garantie ( 6 ) ; elle se comprend dans la
mesure où il s'agit d'améliorer la protection du preneur dont la
garantie est bloquée et celle du bailleur qui a un besoin urgent des
sommes notamment pour la remise en état des lieux. Bref, la loi
réalise dans un cas précis un compromis entre les intérêts respectifs
des deux parties.
B. - Interdiction judiciaire de cantonner.
1. - «Le juge qui statue sur le fond de la demande peut
décider qu'il n'y a pas lieu à cantonnement pour tout ou partie des
condamnations qu'il prononce, si le retard apporté au règlement
expose le créancier à un préjudice grave» (art. 1406).
(2607 ) Supra, n° 228 A ; adde. supra n" 267 G ; infra, C 1.
(2608) Supra, n°s 259 D et 266.
(2609) O. GUTI, Garantie locative: l'article 1752 bis du Code civil, J.T., 1984, 132. Cette
solution a été critiquée lors des travaux parlementaires (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1983-1984, 556
(1982-1983), n° 2, p. 71 à 73 et Ch. Sess., 1983-1984, 807, n° 9, p. 44 à 47); supra, n° 271 et note
2478. Voy. aussi infra, Annexe 1, n° 9.
(2610) Comp. et contra, D. PHILIPPE et M. TA VERNE, Bref aperçu de la nouvelle loi
relative aux contrats de louage des biens immeubles, Rev. Not., 1984, 62.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 585

Le créancier doit solliciter du juge du fond l'interdiction


pour le débiteur de recourir au cantonnement. A défaut de cette
demande, quel que soit le préjudice qui en résulte pour le
créancier, le débiteur a le droit de cantonner (2611 ) sauf s'il se
heurte à une interdiction légale (2 612 ). Une exclusion du recours au
cantonnement ne peut être tirée d'une disposition légale ou du
jugement stipulant que la décision est exécutoire par provision,
nonobstant opposition ou appel et sans caution (2 613 ).
En aucun cas, sauf en ce qui concerne les condamnations
qu'il prononce, le juge des saisies n'est donc compétent pour
refuser le cantonnement sous prétexte du préjudice que subirait le
créancier saisissant (2614 ) ; sa compétence se limite au règlement
des modalités du cantonnement et à la vérification d'une cause
d'exclusion (2615 ) ; il n'a pas à contrôler l'opportunité de celui-ci.
2. - L'interdiction de cantonner doit être décidée par le juge
de fond. Il peut s'agir du juge des référés ou du juge des saisies
lorsqu'il condamne au paiement d'une somme d'argent (2616 ). Il
peut s'agir du juge statuant au premier degré ou du juge statuant
sur un recours ordinaire. Une telle interdiction peut-elle être
sollicitée du juge d'appel avant qu'il ne statue au fond ? Si le juge
d'appel peut dès ce stade restituer au perdant la faculté de
cantonner (2617), on doit logiquement décider qu'il est apte à
priver celui-ci de cette faculté avant l'examen du fond singulière-
ment lorsqu'il accorde l'exécution provisoire (2618 ).

(2 611 ) Bruxelles, 30 mars 1962, J.T., 1962. 424; Civ. Bruxelles, 13 avril 1950, Pas .. 1950, III,
46; Comm. Mons, 3 novembre 1958, Pas., 1959, III, 64.
(2612 ) Supra A.
(2613 ) Art. 1039, al. 2, C. jud.; Comm. Bruxelles (Réf.), 18 novembre 1965, Jur. Comm.
Bruxelles, 1966, 43; Civ. Charleroi, ch.s., 27 juin 1986. R.G. n" 53.674.
(2614 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 14 août 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 372; Civ. Bruxelles, ch.s., 23
février 1987, Rev. Rég. Dr., 1987, 300; contra, mais à tort, Civ. Arlon, ch.s., 27 janvier 1976, Jur.
Liège, 1975-1976, 284.
(2615) Infra C.
616
(' ) G. de LEVAL, L'examen du fond des affaires par le juge des référés, J.T., 1982. p.
424, n" 20; A. VAN OEVELEN et D. L!NDEMANS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 1094, n° 54.
2617
( ) Liège, 28 juin 1985, Jur. Liège, 1985, 486; voy. ci-dessous 3.
618
(' ) J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, Saisies conservatoires et voies

d'exécution, R.C.J.B. 1987, n" 26, p. 433; Bruxelles, 27 septembre 1985, R.G., n" 546/85, Inédit;
Bruxelles, 7ème ch., 1er octobre 1987, J.T., 1987, 647, impl.: Civ. Bruxelles, llème ch. A., 26 juin
1986, R.G., n" 23.186, Inédit (Le juge d'appel qui accorde l'exécution provisoire en degré d'appel,
conformément à l'article 1401 (avant l'examen du fond) peut exclure à la demande du créancier, la
possibilité pour le débiteur de procéder au cantonnement lorsque le retard apporté au règlement
exposerait le requérant à un préjudice grave; art. 1406, C. jud.). Comp. et contra, Liège, 28
novembre 1985, Jur. Liège, 1986, 313.
586 TRAITÉ DES SAISIES

Le même pouvoir appartient à l'arbitre qui peut ordonner


l'exécution provisoire de sa sentence nonobstant af~el et sans
préjudice des règles du cantonnement (art. 1709) (2 6 ) ; mais, le
juge des saisies ne peut suspendre l'exécution forcée d'une sentence
arbitrale exécutoire par provision sans cantonnement (2620).
3. - En formulant une demande expresse d'interdiction de
cantonnement, le créancier rend possible un débat contradictoire
permettant au débiteur de faire valoir ses moyens (2621 ). Le
premier doit exposer sa situation personnelle et justifier l'urgence
des besoins auxquels les condamnations prononcées (dette de
salaire ; indemnité réparatrice d'un préjudice corporel, etc.) doi-
i
vent pourvoir l'idée est celle de sauvegarder les besoins vitaux du
créancier (262 ). Le second peut contester les allégations du
créancier ou invoquer les conséquences graves que peut entraîner
pour lui l'interdiction de cantonner en cas d'insolvabilité du
créancier devenu à la suite d'une réformation, débiteur de restitu-
tion.
Dans la mesure où le cantonnement ne peut être écarté que
«si le retard apporté au règlement expose le créancier à un
préjudice grave» (il n'est pas exigé que le préjudice soit irrépara-
ble), le juge doit motiver une telle interdiction afin que le juge
d'appel puisse en contrôler la pertinence (2623 ) en tenant compte
éventuellement de l'évolution de la situation litigieuse, par exemEle
le caractère purement dilatoire du recours du perdant (26 4).
L'interdiction pour le juge d'appel de suspendre l'exécution ne le
prive pas de la possibilité de restituer au perdant le bénéfice du

(2 619 ) E. KRINGS, L·exécution des sentences arbitrales, Rev. Dr. Int. Dr., Comp., 1976, p.
184, n° 4.
(2620 ) Civ. Bruxelles, ch.s., 14 août 1985, Rev. Rég. Dr., 1985, 372; supra n° 244.
(2621 ) Sur les difficultés pratiques d'un débat contradictoire au stade de l'exécution provisoire,
voy. supra, n° 270.
(2622) C'est pourquoi, est irrelevant, au niveau de la démonstration du préjudice grave auquel
serait exposé le créancier, le moyen invoqué par celui-ci selon lequel la privation du cantonnement
n'entraînerait aucun risque pour le débiteur (en cas de restitution) en raison de la solvabilité
manifeste du créancier, laquelle démontre au contraire que celui-ci n'a pas à redouter un préjudice
grave en raison d'un cantonnement sur exécution provisoire. (Liège, llème ch., 17 mars 1987,
J.L.M.B., 1987, 838; voy. aussi Anvers, li février 1987, R.W., 1986-1987, 2640). JI a été jugé qu'il
ne suffit pas de faire état d'un emprunt contracté pour provisionner l'expert (Bruxelles, 7ème ch., Ier
octobre 1987, J.T., 1987, 647).
(2623 ) Liège, 28 juin 1985, Jur. Liège, 1985, 486 et obs. G. de LEVAL; Liège, 27 juin 1986,
7ème ch .. R.G., n° 17989/86, Inédit; Bruxelles, 14 novembre 1986, J.T., 1987, Ill; Le juge des
saisies est sans pouvoir pour réformer la décision du juge du fond en ce qu'il a interdit le
cantonnement sans motiver sa décision (Civ. Liège, ch.s., 12 janvier 1987, R.G., n° 80.816/86).
(2 624 ) Bruxelles, 21juin1957, Pas., 1957, Il, 181.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 587

cantonnement (2625 ). Ainsi il n'y a pas lieu de supprimer le droit


du débiteur de cantonner lorsqu'aucun élément sérieux n'est
invoqué qui puisse faire craindre que le retard a~porté au règle-
ment expose le créancier à un préjudice grave (262 ). Par contre, la
faculté de cantonner sur exécution provisoire peut être retirée
lorsque le gagnant doit utiliser le paiement pour s'exécuter à l'égard
de ses propres créanciers alors qu'il n'est pas établi que sa situation
financière serait à ce point obérée qu'en cas de réformation,
l'appelant ne pourrait être remboursé du montant des condamna-
tions prononcées par le premier juge (2627 ).
Lorsque le juge d'appel statue directement sur le fond, la
décision du J.?remier juge sur l'interdiction de cantonner devient
sans objet (2 8).
4. - L'interdiction de cantonner n'est pas nécessairement
totale et absolue. Non seulement, elle peut être limitée à une partie
des sommes dues mais aussi elle ~eut être subordonnée à une
garantie constituée par le gagnant ( 629 ) et si cet effort n'est pas à
la mesure des moyens de celui-ci rien n'empêche le juge du fond,
qui condamne au versement d'un capital, de décider que celui-ci
sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement au
bénéficiaire la part qu'il détermine (2 630 ).
5. - L'interdiction de cantonner ne vaut que pour l'objet de la
condamnation auquel il s'applique. Ainsi, si une partie obtient un
jugement par défaut exécutoire par provision sans cantonnement
elle peut exiger le paiement du perdant malgré l'opposition formali-
sée par celui-ci ; par contre, si l'opposant obtient la rétraction de la
décision avec le bénéfice de l'exécution provisoire mais sans
interdiction de cantonnement, il ne peut empêcher que son adver-
saire, qui a interjeté appel, cantonne les sommes qu'il doit restituer
(2631).

(2625 ) Supra, n" 272 B.


(2626) Liège, 28 juin 1985, préc.
(2627 ) Bruxelles, 14 novembre 1986, J.T., 1987, Ill.
(2628 ) Comp. et contra, Liège, 27 février 1987, lOème ch., R.G. n° 18373/86 qui confirme, par
arrêt contradictoire, le jugement entrepris «Sous la seule émendation que l'appelante a le droit de
recourir à la procédure du cantonnement sur l'exécution provisoire à poursuivre par l'intimée». Or,
un arrêt contradictoire est nécessairement coulé en force de chose jugée (supra, n° 268 B) !. Adde.
supra, n° 272 A et note 2508.
(2629 ) Supra, n° 271 A.
(2630) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cil., Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982, p. 69, note 30; voy. aussi E. VIEUJEAN, Examen de jurisprudence (1965-1969), Les
personnes, R.C.J.B., 1970, p. 448, n° 29.
(2631 ) Civ. Courtrai, ch.s., 30 janvier 1984, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, T.
II, Art. 1404/17.
588 TRAITÉ DES SAISIES

C. - Observations communes à tous les cas d'interdiction de


cantonner.

1. - Le juge des sa1s1es est compétent pour vérifier si le


débiteur se trouve ou ne se trouve pas dans une situation excluant
le cantonnement. S'il constate que le titre est exécutoire par
provision sans caution ni cantonnement, il ne peut surseoir à
l'exécution (2632 ). .

2. - Lorsqu'un cantonnement a été pratiqué au mépris d'une


cause judiciaire ou légale d'exclusion, aucune disposition légale
n'attribue directement les sommes consignées au créancier. Par-
tant, si le débiteur ne consent pas à un tel versement, le créancier
doit suivre la procédure normale d'exécution forcée (2633 ), c'est-à-
dire pratiquer une saisie-arrêt-exécution entre les mains du déposi-
taire. Il ne peut en ce cas bénéficier de l'effet de paiement prévu
par l'article 1404, alinéa 2 (2634 ) puisque le cantonnement est nul et
non avenu ; le cas échéant, il doit subir les effets du concours entre
créanciers.
3. - Le cantonnement est avant tout réglé en fonction de
l'exercice normal d'une voie de recours ordinaire contre un titre
exécutoire par provision.

Toutefois, lorsqu'une mesure d'exécution forcée a lieu en


vertu d'un titre (même non judiciaire) interdisant ou empêchant
tout cantonnement, celui-ci demeure possible, à nos yeux, lor-
s~u'une surséance aux poursuites est ordonnée (art. 1404, al. 1)
35
( ). Une telle situation entraînant par elle-même un retard dans
le règlement des sommes dues au créancier, l'interdiction de
cantonner perd toute raison d'être. Au contraire, un cantonnement
assorti de l'effet prévu par l'article 1404, alinéa 2 ne peut qu'être
favorable au créancier.

(2632 ) Comp. et contra. Civ. Bruges. ch.s .• 12 juillet 1985, Tijds. voor Brugse Rechts., 1985,
135 (en l'espèce, la mesure d'exécution étant toutefois suspendue par une action en distraction, art.
1514, il n'y avait aucune raison d'ordonner une mesure limitée de surséance suite au versement d'un
important acompte).
(2633 ) Civ. Courtrai, 25 octobre 1980, R.W., 1984-1985, 2222.
{2634 ) Supra, n° 276 B.
(2635 ) C'est ainsi qu'une décision du juge des saisies de Liège du 8 décembre 1982
(Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, Il, Art. 1406/2) énonce: «Le débiteur contre lequel
une décision exécutoire par provision nonobstant tout recours, sans caution ni cantonnement a été
rendue, ne peut faire surseoir par le juge des saisies à l'exécution du titre frappé d'appel sauf si cette
demande est fondée sur l'irrégularité de la procédure d'appel».
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 589

4. - Lorsque l'exécution provisoire ne peut être arrêtée par le


cantonnement, le débiteur peut bénéficier de la procédure accélé-
rée en degré d'appel moyennant la permission donnée par le juge
d'appel (art. 1063, 9°) (2636). Compte tenu du peu de portée
pratique de la règle inscrite dans l'article 1066, cette dernière
garantie peut être illusoire.

278) Cantonnement et saisie-arrêt sur soi-même.

Le débiteur condamné au paiement d'une somme en vertu


d'un titre exécutoire par provision peut redouter de devoir subir les
effets d'une saisie-exécution alors qu'il est convaincu qu'ultérieure-
ment il sera à son tour nanti d'un titre exécutoire à charge de son
adversaire contre lequel il se prétend titulaire d'une créance
actuelle mais insusceptible de compensation légale et non encore
revêtue de son efficacité exécutoire.
Deux procédés s'offrent à lui pour tenter de neutraliser la
procédure d'exécution :
- soit cantonner les causes de la saisie-exécution pour autant que le
cantonnement sur exécution provisoire soit légalement admissi-
ble ou ne soit pas interdit (sous réserve toutefois de la possibilité
de solliciter en degré d'appel la restitution de la faculté de
cantonner dont il aurait été illégalement privé par le premier
juge) mais une telle mesure est subordonnée à la possibilité pour
le saisi de consigner les sommes suffisantes ;
- soit pratiquer une saisie-arrêt conservatoire entre ses propres
mains en invoquant comme créance-cause de la saisie sa créance
contre son adversaire déjà pourvu d'un titre exécutoire et en
sollicitant l'autorisation de saisir entre ses propres mains (comme
tiers saisi) les sommes dues en vertu de ce titre.
La licéité du procédé n'est plus contestée mais sa mise en oeuvre
exige le respect des articles 1413 et 1415 du Code judiciaire
(célérité ou risque sérieux de se heurter à l'insolvabilité du
débiteur qui pourrait faire disparaître les sommes aujourd'hui
perçues ; créance certaine, exigible et liquide). Une saisie-arrêt
conservatoire entre ses propres mains ne peut entraver l'exécu-
tion forcée de l'adversaire que si la créance invoquée ne se heurte

(2636) Supra, n" 272 B.


590 TRAITÉ DES SAISIES

pas à l'autorité de chose jugée au fond, c'est-à-dire repose sur


des éléments de fait et de droit non démentis par le titre existant
(2637) (2638).
L'entrave produite par une telle saisie ne met cependant pas
le saisissant conservatoire à l'abri de toute difficulté car rien
n'empêche le saisi soit de cantonner les causes de cette saisie (droit
absolu, art. 1403., C. jud.) et de poursuivre son exécution à ses
risques et périls (art. 1398, al. 2, C. jud.) soit d'exiger du saisissant à
la fois tiers saisi, le cantonnement de l'objet saisi-arrêté (art. 1407).
A défaut de pouvoir mettre en oeuvre une saisie-arrêt sur soi-
même ou un cantonnement, le débiteur ne pourrait (sauf abus de droit
du saisissant ou octroi volontaire de termes et délais par celui-ci)
obtenir un sursis à exécution par voie d'opposition à saisie-exécution
(art. 1513) en invoquant par exemple l'existence d'une demande
reconventionnelle dirigée contre le bénéficiaire du titre exécutoire qui
la conteste vigoureusement, une telle opposition étant au surplus
irrecevable en ce qu'elle tend à obtenir un sursis à exécution pour un
titre inéluctablement exécutoire (art. 1333, C. jud.) (2639). A fortiori
ne pourrait-il prétendre qu'il y a compensation (2640 ).

§ 4. - Responsabilité du gagnant provisoire.

279) L'exécution provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de la


partie qui la poursuit.

A. - Mise à néant du titre exécutoire par provision et cassation


d'une décision passée en force de chose jugée.
L'exécution provisoire (autorisée par le juge ou assortie de
plein droit au titre) n'est qu'une faculté pour le gagnant ; elle doit

637
(' ) Liège, 11ème ch., 17 novembre 1986 et 15 décembre 1982, J.T., 1987, 282 et obs. G. de
LEVAL; Civ. Liège, ch.s .. 26 juillet 1979, Jur. Liège, 1978-1979, p. 357, n" 49; Trib. Gde Instance
Nice, 7 janvier 1986, Rev. Huissiers, 1986, 1547 et obs. M. BOURGEOIS. Sur la saisie-arrêt sur soi-
même, voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, n"s 81à85; adde. J.F. JEUNEHOMME,
obs. Civ. Tournai, Il mars 1987, J.L.M.B., 1987, 893; comp. supra. n" 156.
('638) Certes, le débiteur condamné en vertu d'un titre exécutoire par provision est créancier
de restitution sous la condition suspensive de la réformation du jugement entrepris (Cass., 15
septembre 1983, Pas., 1984, 1, 42 et concl. E. LIEKENDAEL) ; mais une telle créance n'est pas
suffisamment certaine pour saisir à titre conservatoire et même le serait-elle qu'elle se heurterait à
l'autorité de chose jugée au fond (supra, n° 287 B).
639
(' ) Civ. Bruxelles, ch.s., 12 janvier 1987, J.T .. 1987, 290; supra, n" 19.
640
(2 ) Civ. Liège, ch.s., 12 janvier 1987, J.T., 1987, 291 (en l'espèce il n'y avait même pas eu
de demande reconventionnelle introduite devant le juge du fond).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 591

être utilisée avec précaution car elle a toujours lieu aux risques et périls
de la partie qui la poursuit (art. 1398, al. 2), c'est-à-dire qu'indépen-
damment de toute faute de celle-ci et bien qu'il ne soit démontré à sa
charge aucune malignité et aucune mauvaise foi (responsabilité
objective), elle est exposée non seulement à devoir restituer ce qu'elle
a perçu mais aussi à devoir payer des dommages-intérêts à l'autre
partie si le jugement qui lui sert de titre vient à être rétracté ou infirmé
(2641 ). Le créancier doit donc être informé des conséquences
éventuelles attachées à l'anéantissement du titre exécutoire par
provision. Il n'en résulte pas que le débiteur (sous réserve des moyens
légaux qu'il peut mettre en oeuvre en raison del' exécution provisoire)
pourrait plus impunément méconnaître la force exécutoire du titre
exécutoire par provision que celle d'une décision passée en force de
chose jugée. La seule différence se manifeste au niveau du bénéficiaire
du titre exécutoire qui a posteriori peut voir sa responsabilité
lourdement engagée envers le débiteur déchargé d'une condamnation
qu'il a été contraint d'exécuter (2642 ).

L'article 1398, alinéa 2 du Code judiciaire, n'est pas


applicable en cas de cassation de la décision qui a été préalablement
exécutée par une partie. Certes, il y a lieu à restitution avec intérêts
de retard mais l'octroi de dommages-intérêts supplémentaires sera
subordonné non seulement à la preuve d'un préjudice mais aussi à
celle d'une faute différente du seul fait de l'exécution (par exemple,
en cas d'abus de droit). Ainsi on ne retrouve pas ici la responsabilité
à base de risque de l'exécution provisoire, ce qui est logique car la
voie de recours ordinaire est normalement suspensive de l'exécution
contrairement au pourvoi en cassation ; en outre, la décision coulée
en force de chose jugée qui intervient alors que deux juridictions ont
examiné et tranché le litige est revêtue d'une autorité que ne possède
pas la décision rendue en premier ressort (2643 ).

('"'") A. VAN OEVELEN et D. LINDEMANS, Het kort geding: kerstel van schade bij
andersluidende beslissing van de bodemrechter, T.P.R., 1985, p. 1059 à 1071, n° 12 à 27: E.
KRINGS, concl. préc. C.J. Benelux, 5 juillet 1985, R.W., 1985-1986, 934: G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE. op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 66, n" 83: Cass. Fr., 28 octobre
1981, J.C.P., 1982, IV, 25: Cass. Fr., 14 novembre 1985, Gaz. Pal., 9-10 juillet 1986, Sommaires
annotés de la Cour de cassation, note de S. GUINCHARD et T. MOUSSA : Trib. Gde Inst. de la
Seine, 11juin1964, R.T.D.C., 1965, 188 et obs. P. RAYNAUD: PLANIOL et RIPERT, T. VI par
ESMEIN, Traité de droit civil, p. 813, n" 583: A. TOULEMON, La responsabilité du plaideur
triomphant et téméraire, J.C.P., 1968, Doctr., n" 2182.
642
(' ) Supra, n°s 228 B et 267 A et note 2401.
643
(' ) A. MAYER-JACK, Les conséquences de l'exécution d'un arrêt ultérieurement cassé,
J.C.P., 1968, Doctr., n" 2202: supra, note 2549: en cc qui concerne les intérêts de retard, voy.
supra, n"s 223 a et 224.
592 TRAITÉ DES SAISIES

B. - Mainlevée des saisies.


Dès que le titre exécutoire est anéanti, la saisie (conserva-
toire ou exécutoire) pratiquée en vertu du titre périmé devient sans
objet (2644 ) (2645 ). Partant, le poursuivant a l'obligation de
donner immédiatement mainlevée de cette saisie. Afin de prévenir
toute difficulté, il importe que le titre nouveau ordonne, éventuel-
lement sous astreinte, la mainlevée de la saisie et la suppression de
toute publicité (2646 ) (2647 ).
Cette situation est comparable à celle qui est prévue à
l'article 1492 du Code judiciaire lorsque le jugement sur le fond du
litige qui rejette la demande prononce mainlevée de la saisie
conservatoire pratiquée en vertu d'un titre non exécutoire (2648 ).
Même si l'exécution n'a pas été conduite à son terme, le
bénéficiaire du titre exécutoire par provision doit réparation du
préjudice causé au débiteur déclaré exempt (2649 ).
C. - Restitution et réparation.
Le titre réformé ou rétracté emporte condamnation à
restituer ce qui a été perçu en exécution de celui-ci même s'il ne
l'énonce pas formellement (2650 ) ; toutefois, si l'appelant ou
l'opposant entend obtenir outre la restitution des sommes indû-
ment versées, la réparation de «tous dommages qui résulteraient de
l'exécution que la réformation de la décision révélerait injustifiée»
(2651 ), il importe que la décision nouvelle énonce, à sa demande,
les sommes accessoires qui lui sont dues. Une mesure d'exécution
forcée en vue d'obtenir le paiement doit évidemment reposer sur un
titre exécutoire (2652 ).

(2644 ) Bruxelles, 3 novembre 1976, Pas., 1977, II, 136.


(2 645 ) Voy. supra, n° 231C1, note 1949 et n" 267, note 2398.
(2 646) Au sujet de l'avis de saisie, supra, n" 113.
(2647) Le cas échéant, il peut être prévu qu'à défaut de mainlevée volontaire dans un bref
délai, le titre tiendra lieu de mainlevée. A notre avis, cet effet ne peut être imposé qu'après la
signification de la décision au saisi (Civ. Bruxelles, ch.s., 19 octobre 1987, R.G., n" 42.978; supra,
n" 192).
(2648) Supra, n° 215 D.
(2 649 ) Bruxelles, 3 novembre 1976, Pas., 1977, Il, 136. Cet arrêt souligne la gravité des fautes
commises.
(2650 ) Supra, n° 223 A et réf. cil.
(2651 ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, 498; voy. cependant, l'art. 1371 bis, al. 6
in fine, C. jud. qui limite le montant des dommages-intérêts à ceux qui sont visés à l'article 682 du
Code civil.
(2 652 ) Si le titre nouveau est encore susceptible de recours ordinaire (jugement statuant sur
l'opposition ou arrêt par défaut). il y a éventuellement lieu de solliciter l'exécution provisoire
éventuellement sans garantie ni cantonnement ( voy. n" 277 B 5).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 593

En ce qui concerne les intérêts moratoires, ceux-ci sont dus


à dater du moment où l'obligation de remboursement est judiciaire-
ment reconnue (2653 ). La dette de remboursement n'étant pas
exigible pendant la période qui s'écoule entre le paiement et
l'obtention du titre permettant d'exiger la restitution, le préjudice
ne peut pas être réparé par des intérêts moratoires mais éventuelle-
ment par des intérêts compensatoires (2654 ) sans préjudice de tout
autre mode de réparation compte tenu du dommage effectivement
subi par le débiteur tenu de respecter le jugement exécutoire par
provision (frais d'emprunts ; investissement productif sacrifié,
etc.). Le fondement d'une telle responsabilité se trouve non dans
l'article 1378 C. civ. car il est contradictoire d'autoriser une partie à
exécuter un titre et à prétendre dans le même temps qu'elle serait
de mauvaise foi. Le fondement du droit à réparation du créancier
de restitution réside dans l'article 1382 du Code civil (2655 )
combiné avec l'article 1398, alinéa 2 du Code judiciaire qui n'exige
pas la preuve d'une faute (2656 ) ; mais, pour le surplus le droit
commun est applicable (2657 ).
De manière générale, la réparation pourra encore être
sollicitée à l'occasion d'une instance nouvelle introduite devant le
tribunal civil dont fait partie le juge des saisies (2658 ).
D. - Confirmation du titre. Efficacité limitée au solde restant dû.
Droit d'enregistrement.
1. -En cas d'exécution totale ou partielle, volontaire ou forcée
du titre exécutoire par provision, la décision rendue sur opposition ou
sur appel qui constate le paiement intervenu en confirmant l'obliga-
tion du débiteur consolide la situation du créancier. Dès qu'il dispose
d'un titre passé en force de chose jugée, il est en droit d'exiger le
règlement immédiat du solde restant dû sans que le débiteur ne puisse
recourir au cantonnement à moins qu'une surséance aux poursuites
n'ait été ordonnée (art. 1404, alinéa 1er in fine) (2659 ).

653
(' ) Supra, n°s 224 et 276 A.
(2654 ) Supra, n°s 223 A a et 267 B; Cass., 26 octobre 1819; Pas., 1851, !, 124; D.
LINDEMANS et R. VAN OEVELEN, op. cil., T.P.R., 1985, p. 1069, n" 24 et réf. cil.
(2655 ) Cass., 24 mai 1878, Pas., 1878, 1, 274. Supra, n" 223, note 1836 et n" 267 B. note 2403.
(2656 ) Supra, n° 279 A ; sur les principes applicables dans un cas de responsabilité pour fait
non fautif, voy. H. BOCKEN, La responsabilité sans faute en droit belge, in Mémoriam Jean
LIMPENS, Kluwer, 1987, p. 91, n" 15.
2657
( ) A. VAN OEVELEN et D. LINDEMANS, op. cit., T.P.R., 1985, p. 1068, n" 24.

(2658 ) Bruxelles, 3 novembre 1976, Pas., 1977, Il, 136.


(2 659 ) Supra, n°s 274, 3 et 277, C 3. Au sujet de la cessation des effets du cantonnement, voy.
supra, n° 276 B 3.
594 TRAITÉ DES SAISIES

2. - Il va de soi que lorsqu'une condamnation prononcée en


premier ressort a été exécutée partiellement avant qu'intervienne la
décision rendue sur appel du jugement, il n'y a pas mise à néant, au
sens de l'article 210 du Code des droits d'enregistrement, dans la
mesure où la décision d'appel réduit le montant de la condamnation
prononcée par le premier juge pour le motif que celle-ci a déjà été
exécutée en partie (2660 ).
3. - De manière générale, le juge des saisies peut se fonder
sur la circonstance que la décision exécutoire par provision est
passée en force de chose jugée pour décider que tout incident lié à
l'exécution provisoire est devenu sans objet ; un pourvoi en
cassation contre cette décision ne peut maintenir le régime de
l'exécution provisoire (2661 ).

CHAPITRE IV - TRANSFORMATION DE LA SAISIE CON-


SERVATOIRE EN SAISIE-EXECUTION.

280) Le principe: l'économie de formes inutiles.

La saisie conservatoire n'est pas le prolégomène obligé de


la saisie-exécution mais elle peut être l'antichambre de celle-ci
lorsque le créancier, redoutant l'organisation de l'insolvabilité de
son débiteur, ne dispose pas d'un titre apte à fonder l'expropriation
de celui-ci ; or, une fois le titre acquis, il est inutile d'exiger le
renouvellement d'actes onéreux accomplis lors de la saisie conser-
vatoire et toujours efficaces, le cas échéant, après renouvellement
(art. 1425 et s. ; art. 1436 et s. ; art. 1457 et s. ; art. 1474 et s.), lors
de l'exécution. Très logiquement, la transformation de la saisie
conservatoire en saisie-exécution permet au saisissant de faire
l'économie de ces formalités qui n'ajouteraient rien au résultat déjà
obtenu. Il n'est pas exigé que le juge du fond le précise ; la
transformation produit cet effet ipso jure (2 662 ).

660
(' ) Déc. Enr., 3 décembre 1958, Rec. Enr., 1960, n" 20.332, p. 217; Liège, 24 mars 1975,
Rec. Enr., 1975, p. 225, n° 21.931 ; J.P., Ier canton Charleroi, JO mai 1984, Rec. Enr., 1985, p. 296,
n° 23.209. L'article 210, al. 1 C. Enr. dispose qu'«en cas d'infirmation totale ou partielle d'un
jugement ou arrêt par une décision judiciaire passée en force de chose jugée, les droits proportion-
nels perçus sur la décision infirmée sont su jets à restitution en tout ou en partie».
661
(' ) Bruxelles, 9 décembre 1968, Pas., 1969, II, 39; adde. supra, n° 272 A et note 2508 et
n° 277 B 3 et note 2628.
662
(' ) Bruxelles, 11décembre1984. Ann. Dr., 1986, p. 128.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 595

Ainsi, une formalité (commune à la saisie conservatoire et


à la saisie exécution) valablement réalisée, par le saisissant au stade
conservatoire (sur base soit d'une autorisation du juge des saisies,
soit d'une décision de fond) ne doit pas être réitérée à celui de
l'exécution ; il suffit d'accomplir les formalités propres à la saisie-
exécution (2663 ).

281) La mise en oeuvre du principe.

A. -Règles générales.
Aux termes de l'article 1491, alinéa 1er, «le jugement sur
le fond de la demande constitue, le cas échéant, à concurrence des
condamnations prononcées, le titre exécutoire qui, par sa seule
signification, opère la transformation de la saisie conservatoire en
saisie-exécution». Aux termes de l'article 1497, alinéa 1 : «En cas
de saisie conservatoire, il n'y a pas lieu à saisie nouvelle préalable-
ment à l'exécution. Il est, le cas échéant, procédé à celle-ci au
moyen du titre exécutoire, dont le saisissant est ou sera nanti et
après commandement en vertu de ce titre».
Ces deux textes doivent être appliqués simultanément ; la
seule signification du jugement est insuffisante pour entamer la
phase exécutoire ; dès que ce titre est exécutoire, le saisissant doit
aussi faire signifier un commandement en vue d'obtenir le paiement
de choses certaines, exigibles {2664 ) et liquides. Il importe de
distinguer :
- si le jugement est exécutoire par provision, la transformation se
réalise par la signification en un seul acte du jugement et du
commandement ;
- si le jugement n' est pas exécutoire par provision, sa force
exécutoire est suspendue pendant l'écoulement des délais pour
former une voie de recours ordinaire et par l'exercice de celle-ci
(art. 1491, al. 2 et 1495, al. 2) {2665 ). En ce cas, il importe
d'abord de signifier le jugement ; ce n'est que lorsque celui-ci est

663
(' ) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles
1982, p. 78 à 82.
(2"64 ) Si une saisie conservatoire a été pratiquée malgré l'octroi d'un terme de grâce (art.
1416, supra, n° 163 b), le titre exécutoire qui maintient le bénéfice des termes et délais ne rend pas
sans objet la saisie conservatoire dont la transformation en saisie-exécution est cependant subordon-
née à l'existence d'une dette devenue exigible.
('""') Supra. n° 265.
596 TRAITÉ DES SAISIES

passé en force de chose jugée que le titre, devenu exécutoire,


permet effectivement la transformation de la saisie conservatoire
(le cas échéant pratiquée en même temps que la signification du
jugement non exécutoire} en saisie-exécution par la signification
d'un commandement (2666 ).
La rapidité de la transformation est donc naturellement
fonction du caractère immédiatement opérationnel ou non du
jugement. Pratiquement, la transformation a pour effet de dispen-
ser de l'accomplissement de l'acte de saisie-exécution :
- l'effet d'indisponibilité produit par l'acte de saisie conservatoire,
toujours en vigueur, se prolonge au stade exécutoire ;
- les effets propres à l'exécution forcée produits par l'exploit de
saisie-exécution sont attachés au commandement (art. 1497, al.
2) (2667).

Ainsi, alors que dans la procédure ordinaire de saisie-


exécution, le commandement précède la saisie-exécution mobilière
(art. 1499) ou immobilière (art. 1564), en cas de transformation,
l'exploit de saisie conservatoire précède le commandement qui ne
doit pas être suivi d'un nouvel exploit de saisie (2668 ) (2669 ).

B. - Le commandement, préalable absolu.


Le commandement est-il un préalable absolu à toute
transformation de saisie y compris lorsque la loi n'impose pas dans
la procédure ordinaire cette sommation sur le fondement d'un titre
exécutoire (2670 ) ? Tel est le cas en matière de saisie-arrêt-
exécution.
Si l'esprit de la règle est de signifier le commandement
uniquement· lorsque la loi l'impose spécialement, force est de
relever que le texte général de l'article 1497, alinéa 1, ne contient

(2666) Rapport DE BAECK, Pasin, 1967, p. 887, col. 1, n° 3 b.


(2667 ) Infra D.
(2668) E. VAN HOVE, La saisie immobilière dans le nouveau Code judiciaire, Annales du
Notariat, 1969, p. 262, n" 14.
(2669 ) L'art. 1491, al. 2, in fine précise que ce mécanisme «ne porte pas préjudice aux droits
qui appartiennent au propriétaire en cas de saisie-revendication». En ce cas, en effet, la
transformation aboutit à l'exécution en nature et non à la vente de l'objet saisi (Rapport VAN
REEPINGHEN, Pasin., 1967, 16).
(2670) Infra, n" 282.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 597

aucune dérogation (2671 ). En définitive, il suffit que le saisissant,


muni d'un titre exécutoire, fasse signifier au saisi «un exploit
d'information-commandement» correspondant à la dénonciation
de la saisie-arrêt-exécution (art. 1539, al. 5) (2672 ) (2673 ). Cette
dernière formalité ne se confond avec la dénonciation au stade
conservatoire ; en effet, la dénonciation de la saisie-arrêt exécution
se réalise par exploit d'huissier, ouvre un droit spécial d'opposition
au saisi (art.1541, C. jud-) et sert de base au dessaisissement du
tiers (art. 1543, C. jud.) (2 74).

C. - Retard éventuel dans la transformation de la saisie.


Le passage de la saisie conservatoire à la saisie-exécution
peut ne pas se produire, hormis l'effet suspensif des voies de
recours, avec toute la célérité voulue. «Si la saisie fait l'objet d'une
contestation portée devant le juge des saisies au moment de la
signification de la décision définitive sur le fond du litige, la
transformation de la saisie conservatoire en saisie-exécution n'a lieu
que par la signification de la décision du juge des saisies qui
reconnaît la régularité de la saisie» (art. 1491, al. 3). En effet, en
vertu de l'article 1489, alinéa 1, le juge des saisies est seul
compétent pour vider les contestations sur la régularité de la
procédure de saisie conservatoire. Dès lors «le jugement sur le
fond du litige n'opère pas transformation de la saisie conservatoire
en titre exécutoire tant que le juge des saisies n'a point constaté la
régularité de la mesure conservatoire, contestée devant lui avant le
jugement au fond» (2675 ). Les termes «régularité de la saisie» ne
concernent que l'accomplissement des formalités à l'exclusion de

(2671 ) A.M. STRANART, Transformation d'une saisie-arrêt conservatoire en saisie-arrêt-


exécution, obs. sous Civ. Anvers, 29 novembre 1979, J.T., 1981. 504.
(2672 ) Sous réserve de cette qualification purement formelle propre à faire régner la paix
doctrinale et surtout la sécurité juridique, le système que nous avons proposé en 1976 (La saisie-
arrêt, p. 249, n° 163), conserve toute son actualité : «li suffit pour le créancier saisissant de signifier
le titre au débiteur saisi en l'informant par exploit d'huissier (art. 1539, al. 5), dès que la décision
permet l'exécution, de son intention de se faire payer par le tiers saisi ; de la sorte, le débiteur saisi
peut critiquer le dessaisissement projeté (art. 1541) et cette information peut être «Contre-
dénoncée», moyennant le respect de l'article 1388, au tiers saisi, conformément à l'article 1543. Le
maintien des effets de la saisie conservatoire antérieurement pratiquée exonère les parties de toute
autre formalité» ; voy. aussi G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cil., Ed. Jeune Barreau
Bruxelles, 1982, p. 80, note 77 et infra Annexe IV, 2.
(2673 ) Ce mécanisme est parfois mal utilisé (voy. p. ex. Comm. Verviers, 25 juin 1984, Jur.
Liège 1985, 278 confirmé par Liège, 31janvier1986, Jur. Liège, 1986. 269).
(2674 ) De lege ferenda, voy. G. de LEVAL. L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p.
139-140, n° 7.
(2675 ) Rapport DE BAECK, Pasin., 1967, p. 887, col. 1, n" 3 a.
598 TRAITÉ DES SAISIES

toute contestation relative aux caractères de la créance, cause de la


saisie. Il serait en effet absurde de retarder la transformation de la
saisie jusqu'au moment où le juge des saisies aurait tranché une
contestation devenue sans objet suite au jugement au fond qui a
déjà transformé en certitude la présomption dégagée par le juge des
saisies, lors de l'autorisation de saisir. Au demeurant celui-ci est lié
par l'autorité de chose jugée au fond (2676 )_
La règle énoncée par l'article 1491, alinéa 3 est incontour-
nable : on ne peut greffer une mesure d'exécution sur une saisie
conservatoire contestée devant le juge des saisies tant que la
décision, exécutoire par provision, par laquelle la régularité de la
saisie a été reconnue, n'a pas été signifiée. En pratique, il en résulte
des retards que ne compense pas l'économie de formes. La
procédure de transformation n'est qu'une faculté pour le poursui-
vant qui peut parfaitement ignorer l'acquis procédural de la saisie
conservatoire et entreprendre purement et simplement une procé-
dure complète d'exécution. La seule sanction pourrait résider dans
la mise à charge du créancier de frais de procédure inutiles or, tel
n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de constater le manque d'efficacité de
la procédure de transformation en raison d'une contestation du
saisi !

D. -Règles spéciales.
1. - En matière de saisie mobilière.
Le créancier nanti d'un titre immédiatement exécutoire
peut avoir intérêt à pratiquer une saisie conservatoire lorsqu'il
redoute la disparition du gage de son débiteur. Ce risque surgit en
matière de saisie mobilière (2677 ) en raison du délai d'un jour qui
doit s'écouler entre le commandement (auquel n'est attaché aucun
effet d'indisponibilité) et l'exploit de saisie. En cette hypothèse

(2676 ) Toutefois. lorsqu'il apparaît que l'urgence au sens de l'article 1413 du Code judiciaire
n'existait pas et n'existe pas, le juge des saisies doit prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire
ce qui entraîne la mainlevée de la saisie-exécution mobilière résultant de la transformation de la saisie
conservatoire. La mainlevée d'une saisie conservatoire et de la saisie conservatoire transformée en
saisie-exécution, n'empêche nullement compte tenu du jugement de condamnation qu'il soit fait droit
à une offre de cantonnement puisque toutes les conditions sont présentes pour permettre la
procédure d'exécution sur base d'un jugement au fond (Civ. Bruxelles, ch.s., 27 février 1987, A.R.,
n°s 21.268, 28.575, 30.007 et 31.068).
(2677 ) Voy. en droit français, M. DONNJER, op. cil., Litec, 1987, n° 326, p. 129, n° 351, p.
138 et n° 432, p. 179. La question ne se pose pas en matière de saisie-arrêt-exécution qui ne nécessite
pas un commandement préalable sauf en cas de transformation (supra B) ni en matière de saisie
immobilière où la transcription facultative du commandement produit l'effet d'indisponibilité attaché
à la transcription de l'exploit de saisie (art. 1575 et 1577, C. jud.).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 599

exceptionnelle commandée par la célérité (art. 1413), le procès-


verbal de saisie conservatoire se signifie en même temps que le titre
exécutoire et le commandement (2678 ) à dater duquel s'écoule le
délai de huit jours pour la vente (art. 1520 al. 2).
2. - En matière de saisie immobilière.
La conversion de la saisie conservatoire en saisie-exécution
s'opère par la signification du jugement au fond et, dès que celui-ci
est exécutoire, par celle du commandement. Il n'y a pas lieu à
nouvelle saisie mais en matière immobilière, la transcription du
commandement dans les quinze jours tient lieu de transcription de
l'exploit de saisie (art. 1497, al. 2). En cette hypothèse, le régime
du commandement est celui de la saisie : délai de quinze jours pour
la transcription prescrit à peine de nullité (art. 1569 et 1622)
(2679) ; durée de validité du commandement de trois ans sauf
renouvellement (art. 1569) (2680 ) (2681 ).

CHAPITRE V - LE COMMANDEMENT.

282) Définition du commandement.

L'exécution est essentiellement ordre, expression d'une


volonté (2682 ). Le commandement explicite celle-ci avant la réali-
sation matérielle de l'exécution.
Le commandement est un dernier avertissement officiel
adressé au débiteur par exploit d'huissier et par lequel l'ordre lui
est donné de payer sous peine d'y être contraint par toutes voies de
droit. C'est plus qu'une simple sommation de se conformer au titre

(2678) G. de LEVAL et J. van COMPERNOLLE, op. cit.. Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982, 79-80 ; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n" 133 ; si une mesure de séquestre doit
être mise en oeuvre, l'autorisation préalable du juge des saisies doit être obtenue, Liège, 16 janvier
1987, J.L.M.B., 1987, 574 et note l.
2679
( ) Civ. Huy, ch.s., 6 février 1984, J.T., 1985, 144.
2680
( ) G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not., n" 246-2. Par contre, la saisie-arrêt
conservatoire et la saisie mobilière conservatoire acquièrent une durée indéterminée en cas de
transformation en saisie-exécution (supra, n" 216 et note 1763).
(2681 ) Par contre, en matière de saisie de navires et bateaux, on peut douter de l'utilité de
l'inscription du commandement prévue par l'article 1497, al. 2 (G. de LEVAL, La saisie mobilière,
Rép. Not., n°s 532, 533, 541 et 545).
2682
( ) P. HEBRAUD, L'exécution des jugements civils, Rev. Int. Dr. Comp., p. 173.
600 TRAITÉ DES SAISIES

(mise en demeure) {2683 ) car le commandement repose sur un titre


exécutoire et annonce l'inte,ntion de saisir-exécuter (2684 ).
Il n'est toutefois pas nécessaire qu'il contienne textuelle-
ment la menace d'une saisie-exécution déterminée mais s'il
n'énonce que l'intention expresse du poursuivant de n'adopter
qu'un mode déterminé de saisie il ne pourra servir d'exploit
préalable à une autre saisie (2 685 ) (2686 ). Il n'y a pas lieu à
commandement préalable en cas de saisie-arrêt-exécution (2687 ).

283) Le commandement est un acte d'exécution - Opposition


au commandement.
Avant le Code judiciaire, il était unanimement admis que
le commandement ne constituait pas un acte d'exécution mais un
simple acte préparatoire de celle-ci. Il en résultait qu'il pouvait être
signifié avant que le titre ne soit devenu exécutoire en même temps
que le jugement non exécutoire par provision et qu'il était insuffi-
sant pour justifier une demande de cessation d'une. poursuite
annoncée mais non commencée (2 688 ).

2683
( ) Celle-ci consiste en une interpellation du débiteur l'invitant, en termes impératifs. à
exécuter ses obligations mais clic ne doit pas annoncer les sanctions ou les remèdes auxquels le
créancier entend avoir recours s'il n'est pas donné suite à son invitation (Cass., 16 septembre 1983
cité par P. VAN OMMESLAGHE, La sanction de l'inexécution du contrat in Les obligations
contractuelles, J.B. Bruxelles, 1984, p. 226, n" 31).
684
(' ) «Le seul usage du terme impropre de «sommation», c'est-à-dire de mise en demeure
ne comportant pas en principe la menace d'une voie d'exécution indépendante du recours au juge, au
lieu du terme «commandement», variété de sommation impliquant une telle menace, telle que saisie,
clause résolutoire ... ne saurait priver d'effet un tel acte, par lequel le propriétaire a clairement
manifesté la volonté de se prévaloir de la clause résolutoire» (Trib. Inst. Le Mans, 30 septembre
1983, Gaz. Pal., 1-3, IV, 1984, 15). Inversément, le commandement prévu en matière de saisie-
gagerie par l'art. 1461 n'est qu'une sommation signifiée en dehors de tout titre exécutoire (J.
VINCENT et J. PREVAULT, Voies d'exécution et procédures de distribution, 15ème éd., Dalloz,
1984, p. 114, n" 156; G. COUCHEZ, Voies d'exécution, Ed. Sirey, 1985. p. 64, n° 29) susceptible
de ruiner l'effet de la mesure projetée en donnant l'éveil au locataire qui pourrait mettre à profit le
délai précédant la saisie pour déménager à la cloche de bois (G. de LEVAL, La saisie mobilière,
Rép. Not.. n° 146).
685
(' ) Pour que le commandement ait un caractère polyvalent, il doit contenir les mentions
imposées pour chaque type de saisie (cfr l'art. 1564 en matière de saisie-exécution immobilière).
(2 6"") La formule traditionnelle en cas de saisie-exécution mobilière est la suivante :
«lui déclarant que, faute de satisfaire dans les vingt-quatre heures au présent commandement, il y
sera contraint par toutes voies de droit, notamment par la saisie-exécution de ses meubles et effets»
(ZWENDELAAR, T. III, formule n" 732, p. 130-131).
(2 687) G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, n" 177, p. 279: voy. cependant en cas de
transformation, supra n° 281 B.
{2688) A. BRAAS, Procédures d'ouverture des successions et des voies d'exécution. Procédu-
res de distribution, 2ème éd., Bruxelles-Liège, 1953. n" 347, p. 231 et n° 349, p. 232; Pandectes
belges, V" Saisie-exécution n" 366 et V" Commandement, n"s 54 et 56; R.P.D.B., V0 Saisie-
exécution n°s 210 à 212 et n" 294.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 601

Depuis le Code judiciaire, les travaux préparatoires sont


formels à cet égard (2689), le commandement ne peut être signifié
que sur le fondement d'un titre exécutoire, c'est-à-dire, s'il s'agit
d'une décision de justice, que celle-ci, à moins qu'elle ne soit assortie
de l'exécution provisoire, doit être préalablement passée en force de
chose jugée suite au non exercice d'une voie de recours ordinaire
dans le mois suivant la signification du jugement. Certes, le
commandement «précède» (art. 1499, C. jud.), en règle (2690), la
saisie mais il constitue le premier acte de la procédure d'exécution
(2691 ). Est donc recevable, une opposition à commandement c'est-
à-dire à un acte d'exécution, devant le juge des saisies3ui connaît des
difficultés d'exécution (art. 1498, al. 1er, C. jud.) (2 6 ). L'opposant
peut établir l'absence d'efficacité du titre, contester tout ou partie
des prétentions du poursuivant et éviter la publicité de la saisie (art.
1390) dont les conséquences peuvent lui être très préjudiciables.
Il importe cependant de relever qu'en soi, aussi longtemps
qu'une décision n'est pas intervenue, l'opposition au commande-
ment n'a pas d'effet suspensif sur la poursuite (art. 1498, al. 1er et
1513, C. jud.); c'est ce qu'exprime l'article 202, alinéa 1er, A.R.
d'exécution C.l.R. en disposant que : «Il est procédé à la saisie-
exécution mobilière, nonobstant toute opposition à commande-
ment, à moins que l'huissier instrumentant ne juge utile d'en
référer au receveur qui ordonne, selon le cas, de surseoir ou de
passer outre aux poursuites ultérieures».
Si l'opposition comme telle au commandement n'est pas
suspensive de l'exécution, le commandement peut cependant don-
ner ouverture à une demande suspensive de termes et délais (2693 ).

(2689 ) Avis du Conseil d'Etat (Pasin., 1967, 766, col. 1) et réponse du Ministre de la Justice
(Pasin., p. 895, col.!); voy. aussi G. de LEVAL, La saisie-exécution mobilière, T.P.R., 1980, p. 310.
(2690 ) Voy. toutefois, en cas de transformation de la saisie conservatoire en saisie-exécution,
supra, n° 281.
(2 691 ) Liège, 2 avril 1981, Bull. Contr., 1985, 302; Civ. Bruxelles, 22 avril 1971, Pas., 1971,
III, 46; Civ. Liège, ch.s., 5 mars 1980 et 26 mars 1980 cités dans «Aspects actuels du droit des
saisies», J.T., 1980, n° 20, p. 629; Civ. Liège, 24 décembre 1980, R.G., n° 42.713/80; Civ. Liège,
ch.s.,8avril 1981, Bull. Contr., 1985, 303; G. de LEVAL, La saisie immobilière, Rép. Not.,n°243
et La saisie mobilière, Rép. Not., n° 195; J. van COMPERNOLLE, Examen de jurisprudence,
Saisies conservatoires et voies d'exécution, R.C.J.B., 1987, n° 55, p. 462, qui souligne que dans cette
thèse, une double signification s'impose lorsque le titre n'est pas exécutoire par provision ; contra
Mons, 20 juin 1979, J.T., 1980, 261 (en matière de saisie-exécution immobilière); Civ. Tournai,
ch.s., 29 mars 1978, Bull. Contr., 1981, 243; Civ. Nivelles, 16 janvier 1979, Bull. Contr., 1985, 301
(qui déclare cependant recevable une opposition sur base de l'art. 18 du C. jud.); D. CHABOT-
LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 122-123 mais
comp. toutefois, p. 59.
(2 692 ) Cass., 24 mars 1977, Pas., 1977, 1, 792; adde. art. 1564, al. 3, C. jud.
(2693 ) Supra, n°s 19 et 236/2. Voy. aussi au sujet de l'art. 1567, al. 2, supra, note 2035.
602 TRAITÉ DES SAISIES

284) Effets et utilité du commandement.

Sauf lorsqu'il s'agit de transformer une saisie conservatoire


en saisie-exécution (2694 ), les effets attachés au commandement
sont limités. Le commandement interrompt le cours de la prescrip-
tion (puisqu'il s'agit d'un acte d'exécution, l'effet interruptif dure
jusqu'à la clôture de la procédure) (2695 ) et fait courir les intérêts
moratoires mais ces effets sont produits par des actes antérieurs
(citation au fond ; exploit de saisie conservatoire) et ultérieur
(exploit de saisie-exécution). Premier acte de la procédure de
saisie-exécution, il ne frappe pas d'indisponibilité les biens du
débiteur au point que même nanti d'un titre exécutoire, le créancier
peut avoir intérêt de pratiquer une saisie mobilière conservatoire
immédiatement transformée en saisie-exécution mobilière en raison
du risque de disparition de son objet entre le commandement et la
saisie (2 696).
De lege ferenda, il serait souhaitable d'alléger, singulière-
ment en matière mobilière, le régime de cette formalité, parfois
sans importance réelle pour le débiteur {2697 ) mais souvent
périlleuse pour le créancier lorsque le débiteur profite du délai
entre le commandement et la saisie pour dissimuler ses meubles
(2698 ). Ainsi, il y aurait lieu de généraliser l'article 1549 alinéa 1 du
Code judiciaire qui, en matière de saisie-exécution sur navires et
bateaux, permet de procéder à la saisie immédiatement après
l'accomplissement des formalités du commandement (2699 ).

285) Contenu du commandement.

Ordre de payer sous menace de voir la mesure d'exécution


prospérer jusqu'à l'expropriation, le commandement doit contenir,

694
(' ) Supra. n" 281.
(2695 ) Supra, n° 214.
696
(' Supra, n" 281 D.
)
697
(' On souligne toutefois que le commandement peut efficacement inciter au paiement en
)
raison de la menace qu'il comporte et qu'un débiteur de bonne foi peut oublier une dette qui lui sera
rappelée par voie de commandement (J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cit., p. 145, n° 197; J.
PREVAULT, Le temps en matière de voies d'exécution, Ann. Fac. Dr. de Clermont, 1983, p. 69).
(2 698) J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cit., p. 145 n" 197; ; G. COUCHEZ, op. cit.,
Ed. Sirey, 1985, p. 39, n° 51.
699
(' ) G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 530; voy. dans le même sens l'article
203 de l'arrêté-royal d'exécution du C.I.R. (Comm. Adm. C.I.R., Tome X, Titre VI, n° 484). Adde.
G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions. J.T., 1985, p. 140, n" 7.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 603

outre les mentions ordinaires des exploits (art. 43), toutes les
indications qui permettent au débiteur de s'exécuter volontaire-
ment:
1) Le titre exécutoire.
Dans tous les cas, le titre qui justifie la poursuite doit être
connu du débiteur. S'il s'agit d'une décision de justice, celle-ci doit
être exécutoire lors du commandement ; en d'autre termes, si elle
est exécutoire (jugement exécutoire par provision, arrêt contradic-
toire), elle peut se signifier en même temps que le commandement;
dans le cas contraire, elle doit être préalablement signifiée et elle ne
peut être suivie d'un commandement que lorsqu'elle est devenue
exécutoire par l'écoulement du délai pour l'exercice d'une voie de
recours ordinaire.
Sous réserve de la règle spéciale énoncée par l'article 1564
en matière de saisie immobilière (2 700 ) une décision de justice
préalablement signifiée (voy. art. 1499, C. jud.) et un acte notarié,
connu du débiteur qui l'a signé (2701 ) ne doivent pas être
reproduits avec le commandement ; il suffit d'énoncer le titre par sa
date et son contenu en rappelant la nature et le quantum de la
créance et, pour la décision de justice, en faisant mention de la
signification qui en a été précédemment faite.
Bref, le commandement ne reproduit intégralement (en
copie ou en photocopie) l'expédition de la décision exécutoire par
provision ou de la décision contradictoirement rendue en degré
d'appel que lorsque celle-ci se signifie dans le même temps.

2) Election de domicile.
a) Aux termes de l'article 1500, alinéa 1er du Code judiciaire,
«le commandement contient l'élection de domicile dans le lieu où
siège le juge qui devra, le cas échéant, connaître de la saisie». Dans
le projet de Code judiciaire, l'article 1389, 1° prévoyait. que
l'exploit de saisie contient « l'élection de domicile du saisissant dans
le lieu où siège le juge qui doit, le cas échéant, connaître de la

2700
( ) Aux termes de l'article 1564, alinéa 2 : "En tête de cc commandement, il est donné
copie entière du titre, sauf si la signification en a été faite au débiteur dans les trois années qui
précèdent le commandement ou s'il s'agit d'un acte authentique contenant une constitution
d'hypothèque» (voy. P. WATELET, La rédaction des actes notariés, Ed. 1980, p. 36).
27 1
( " ) Rappelons que, sauf dans l'hypothèse prévue par l'article 877 du Code civil, l'acte
notarié ne doit pas être préalablement signifié (supra, n"s 236 (note 2024) et 259 D). Voy. Pasin.,
1967, p. 889 et 895.
604 TRAITÉ DES SAISIES

saisie». Dans son deuxième avis complémentaire, le Conseil d'Etat


a fait observer que le texte devrait prévoir que l'élection de
domicile n'est évidemment pas requise lorsque le saisissant de-
meure dans ce lieu et qu'il faudrait r,réciser la signification des mots
«dans le lieu où siège le juge» (2 70 ). Dans sa réponse, le Ministre
de la Justice s'est limité à indiquer que «l'amendement fcrésenté
tient compte des observations du Conseil d'Etat» (2 3). En °
conséquence, l'article 1389, 1° énonce que l'exploit de saisie
contient «l'élection de domicile du saisissant dans l'arrondissement
où siège le juge qui doit le cas échéant connaître de la saisie à moins
que le saisissant n'y demeure». Cette règle est expressément
prévue par l'article 1564 alinéa 3 en matière de saisie-exécution
mobilière.

Il ressort des travaux préparatoires que l'article 1500,


alinéa 1er du Code judiciaire a la même signification que l'article
1389, 1° ; au demeurant, toute autre solution ne serait pas
satisfaisante pour l'esprit et serait à la base de difficultés pratiques.
Les mots «dans le lieu où siège le juge» signifient donc l'arrondisse-
ment judiciaire et non la commune où siège le tribunal (2704 ).
Enfin, l'élection de domicile n'est évidemment pas requise lorsque
le saisissant a son domicile judiciaire dans cet arrondissement.

b) L'élection de domicile est imposée dans l'intérêt du débi-


teur ; il doit pouvoir réagir efficacement à la mesure sans subir les
conséquences éventuelles d'un retard lié à la nécessité de procéder
à une signification ou à une notification dans un lieu plus éloigné.
«Le débiteur peut faire à ce domicile élu toutes significations,
même d'offres réelles et d'appel» (art. 1500, al. 2 et 1564, al. 3). Il
ne s'agit donc pas seulement des significations relatives à des
incidents de saisie (l'art. 1564, al. 3, prévoit expressément l'opposi-
tion au commandement) mais aussi aux recours qui peuvent être
formés contre la décision de ~ustice en vertu de laquelle le
commandement a été signifié \ 2 5). Enfin le paiement volontaire
peut être fait au domicile élu (2 6). °

(2702) Pasin., 1967, p. 769.


2703
( ) Pasin., 1967, p. 892.
(2704 ) II n'y a que l'article 1482 en matière de saisie-description qui impose encore une
élection de domicile dans la commune où doit avoir lieu la description.
(2705 ) Cass., 16 octobre 1980, J.T., 1981, 192.
(2706) Infra, n°s 285/3 et 288/2. Au sujet des «offres réelles», voy. n° 288/2 et note 2737.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 605

En principe, l'élection de domicile est également attribu-


tive de compétence territoriale (art. 111, C. civ. et 624, 3°, C.
jud.). Cet effet peut se produire en l'espèce car la règle de
compétence territoriale, fixée au lieu de la saisie par l'article 633 du
Code judiciaire, ne peut être mise en oeuvre en l'absence de saisie
(2707). •

c) Le principe de la relativité de l'élection de domicile implique


que la faculté - et non l'obligation sauf s'il s'agit d'éviter une
signification à l'étranger ou au procureur du Roi, art. 40, al. 4, C.
jud. (2708) - de faire procéder à des significations au domicile élu
par le créancier n'appartient qu'au débiteur dans l'intérêt duquel
elle est faite et doit être, en principe, refusée au tiers (2 709l.
Cependant, partant de l'idée que le législateur entend
concentrer toutes les significations au lieu de la saisie et en insistant
sur les avantages pratiques de la solution spécialement lorsque le
domicile réel du saisissant se trouve à l'étranger et sur l'injustice de
traiter moins favorablement les tiers que le saisi, il est admis que le
saisissant puisse être valablement assigné par un tiers au domicile
élu dans le commandement (2710).
d) L'élection de domicile vaut jusqu'à la fin de la poursuite
ainsi que le prévoliait déjà l'article 584 de l'ancien Code de
procédure civile (27 1) mais non, vu la spécialité de l'élection de
domicile, pour une procédure ultérieure (art. 111, C. civ.) (2 712 ).
e) En matière de saisie mobilière, le défaut d'élection de
domicile, vu l'absence de disposition expresse en ce sens (art. 860 et

2707
( Supra, n° 28.
)
2708
( Cass., 10 décembre 1971, Pas., 1972, 1, 356 et note E.K. ; Cass., 28 juin 1979, Pas.,
)
1979, 1, 1260 et concl. de M. !'Avocat général KRINGS; Cass., 16 octobre 1980, J.T., 1981, 192;
Cass., 18 septembre 1980, J.T., 1981, 192 et obs. M. REGOUT-MASSON; Cass., 24 juin 1983,
Pas., 1983, !, 1212; Cass., 21juin1984, Pas., 1984, 1, 1286. Voy. aussi Poitiers, 25 mars 1907, Dall ..
1908, II, 378 et notes.
(2709 ) R.P.D.B., V" Domicile élu, n° 23 (qui réserve l'élection de domicile faite dans l'intérêt
d'un tiers et valant comme stipulation pour autrui).
2710
( ) CARRE par CHAUVEAU, Les lois de procédure civile, Société typographique belge,
A. Wahlen, 1844, T. V, Question 2009, p. 14-15; J.H. ZWENDELAAR, Ch. VAN REEPIN-
GHEN, P. REYNTENS, III, n" Il, p. 132; comp. E. GLASSON. R. MOREL et A. TISSIER,
Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, Paris,
Sirey, 1932, T. IV, n° 1062, p. 142 qui exposent les deux thèses en soulignant les avantages de la
seconde que justifie l'esprit du texte; contra R.P.D.B .. V" Saisie-exécution, n° 236 qui reconnaît
cependant au tiers revendiquant la possibilité d'assigner au domicile élu or, il s'agit du cas le plus
fréquent (Ex. Civ. Liège, ch.s., 20 avril 1983, R.G., n° 57.056/83).
(2 711 ) Voy. aussi Cass .. 28 juin 1979, Pas .• 1979, 1, 1260.
2712
( ) Cass., 14 novembre 1986, R.W .. 1986-1987, 1712; J.T., 1987, 430.
606 TRAITÉ DES SAISIES

1500), n'entraîne pas la nullité du commandement préalable


(2713 ) ; cette omission peut d'ailleurs être couverte par l'élection de
d~n_iicile, requise à peine de nullité (art. 1389, 1°), dans l'exploit de
sa1s1e.
Par contre, en matière de saisie immobilière, l'art. 1564 est
prescrit à peine de nullité à faire valoir, moyennant démonstration
d'un préjudice, conformément à l'article 1622 (2714).

3) L'énonciation de la somme due et l'ordre de payer.


L'énonciation de la somme à payer (exigence expressément
énoncée par l'article 1546) porte sur le principal, les intérêts et les
frais ; le commandement n'est pas nul ou sans effet en cas de plus
petition mais le montant réclamé est le cas échéant réduit par le
juge des saisies ; dans tous les cas ses effets et l'exécution qui
s'ensuit sont limités au montant effectivement dû (2715 ).
Lorsque le demandeur a signifié une décision avec com-
mandement de payer «sous toutes réserves, notamment sous
réserve quant au pourvoi en cassation», ces réserves sont inopéran-
tes si elles sont inconciliables avec cette signification (2716).
Le paiement peut avoir lieu au domicile élu (2717) spécia-
lement lorsque celui-ci est fixé, comme c'est généralement le cas, à
l'étude de l'huissier instrumentant qui chargé du recouvrement
d'une créance a nécessairement qualité comme mandataire (art.
1239, C. civ.) pour en recevoir le paiement volontaire à tous les
stades de la poursuite (2718 ) (2719 ).

2713
( ) Cette solution était déjà admise sous l'empire du Code de procédure civile, R.P.D.B.,
V" Saisie-exécution, n° 233.
) Voy. La saisie immobilière, Rép. Not., n° 235.
2714
(

) Supra, n° 222; voy. Paris, 22 juin 1983, Da11. 1983, I.R., 492: Civ. Nice, 26 octobre
2715
(
1905, Da11., 1908, II, 374. La responsabilité du poursuivant peut être engagée s'il est démontré que
celui-ci a maintenu et poursuivi la procédure malgré le paiement des sommes exigibles.
) Cass., 3février 1971, Pas., 1971, 1, 513; comp. supra, n° 260 Ab.
2716
(

(2717 ) «Le législateur a voulu mettre le débiteur à portée de se soustraire à des poursuites
imminentes en faisant ses offres au lieu même où va s'accomplir l'exécution. La faculté ainsi accordée
au débiteur d'échapper à une saisie menaçante serait presque toujours illusoire s'il lui fa11ait offrir le
paiement en un lieu éloigné ; elle doit donc être maintenue même si la convention fixe expressément
un autre lieu de paiement» (H. VIZIOZ, Etudes de procédure, Bière-Bordeaux, 1956, p. 621).
(2718 ) Comp. sous l'empire de l'article 584, C.P.C., R.P.D.B., V" cil., n°s 238 et 239. Voy.
aussi supra, n° 39 Cet n" 202, note 1636.
2719
( ) Serait aussi valable, en cas de faute du mandant dans la création de l'apparence, le
paiement fait à un mandataire apparent (obs. J.L. JEUNEHOMME sous Civ. Liège, 18 janvier 1983,
J.L., 1983, 342).
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 607

Le refus ou l'impossibilité de payer débouche, en principe


(2720), sur la réalisation forcée.

286) Signification du commandement.

Le commandement ne s'adresse nécessairement qu'au


débiteur y compris lorsqu'en matière immobilière la saisie porte sur
un bien d'un tiers débiteur (art. 99, C. hyp.) (2721 ).

1) En principe, le commandement est s~nifié au débiteur selon


les règles du droit commun (art. 33 et s.) ( 22 ). Cette signification
n'est pas limitée dans ses effets à ceux qui sont inhérents à la
signification d'un commandement (2723 ).
Si le débiteur a fait une élection de domicile pour l'exécu-
tion de l'acte en vertu duquel la saisie est pratiquée, l'huissier peut
valablement signifier le commandement à ce domicile élu (2724 ).
2) Lorsqu'un créancier pratique en même temps plusieurs
saisies sur les biens de son débiteur, un seul commandement suffit
(2725).
De même, toutes les parties ayant les mêmes intérêts
peuvent, au moyen d'une seule expédition, confier une m1ss1on
commune à l'huissier de justice et faire procéder à un commande-
ment par un seul exploit. Il suffit que cette mission résulte des
mentions de l'acte de signification qui indi~ue à la requête de
quelles parties la signification est effectuée (27 <').

2720
( Infra, n" 288.
)
2721
( G. de LEVAL. La saisie immobilière, Rép. Not., n" 268. Le créancier a le droit de
)
faire vendre l'immeuble du tiers détenteur (s'il s'agit d'une caution réelle, la purge lui est refusée)
sans devoir obtenir préalablement un titre exécutoire contre celui-ci (G. de LEVAL et J. van
COMPERNOLLE, op. cit. Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 37. n° 36; Civ. Tournai, ch.s., 29
mai 1987, R.G .. n" 23.159).
(2 722 ) Malgré la formulation de l'article 1564, le droit commun s'applique aussi à la
signification du commandement en cas de saisie-exécution immobilière (Rép. Not.. La saisie
immobilière, n° 234-1 ). Par contre, des règles spéciales sont édictées par les articles 1547 et 1548 en
cas de saisie de navires et bateaux (Rép. Not. La saisie mobilière, n"s 526 à 528).
2723
( ) Supra, n" 261 et réf. cil.
2724
( ) Rapport VAN REEPJNGHEN, Bruylant. 1967, p. 518; Rép. Dall. Proc. Civ., V"
Saisie-exécution, n° 91.
(2 725 ) R.P.D.B .. V" cit., n" 207.
2726
( ) Bruxelles, 21mars1985, Pas .. 1985, II, 92; adde. et comp. Civ. Liège, 23 janvier 1895,
Jur. Liège, 1895, 36.
608 TRAITÉ DES SAISIES

3) Quand les biens saisis appartiennent par indivis à plusieurs


débiteurs de la même obligation, le créancier doit signifier un
commandement à chacun d'eux. S'ils sont la copropriété du
débiteur et d'un tiers, il suffit qu'un commandement soit signifié au
débiteur, le tiers copropriétaire ou le créancier ayant le droit de
former une demande de sortie d'indivision (art. 1561, C. jud.). En
cas de saisie-exécution mobilière, une telle demande peut être
formulée dans le cadre d'une action en distraction (2727 ).
4) La cession faite par le poursuivant de sa créance postérieure-
ment au commandement a pour effet de subroger le cessionnaire
dans les droits et actions du cédant. Aussi le cessionnaire n'est-il
pas tenu de signifier un nouveau commandement au débiteur
auquel la cession aura été rendue opposable (art. 1690, C. civ.)
(272'8).
De même, en cas de paiement avec subrogation, la créance
payée est réputée subsister au profit du subrogé, qui, complète-
ment mis aux lieu et place du créancier qu'il a désintéressé, peut
exercer les droits et actions appartenant à ce dernier, notamment
reprendre sur les derniers errements une poursuite de saisie-
exécution régulièrement commencée contre le débiteur (2729 ).

287) Durée de validité.


A. - Le commandement, en matière mobilière, ne se périme
pas. Il vaut pendant trente ans. Rien ne s'oppose à ce que le
créancier laisse s'écouler un très long délai, même celui d'une ou de
plusieurs années, entre le commandement et la saisie. Le comman-
dement n'en subsistera pas moins et permettra au créancier de
pratiquer la saisie, à moins qu'il n'ait fait un acte impliquant de sa
part renonciation aux poursuites {2730 ). En principe, il importe
donc d'éviter le renouvellement de commandements («itératif
commandement»), formalité qui n'est pas maintenue par le Code
judiciaire {2731 ).

2727
( ) Supra, n"s 52 et 53.
(2 728) Rép. Dall., Proc. civ., V cit., n° 77; voy. aussi supra, n" 218 B.
0

(2729) Civ. Fontainebleau, 6 février 1908, Dall., 1908, II, 369 et réf. cil. à la note 8; Civ.
Liège, ch.s., 14 septembre 1983, Jurisprudence du Code judiciaire, T. li, Art. 1494/I, n° 17 bis et réf.
cil.; Cass. Fr., 7 décembre 1983, Dall., 1984, l.R., 247. Voy. aussi supra, n" 218 B.
2730
( ) E. GLASSON, R. MOREL, A. TISSIER, op. cit., n" 1060, p. 138; R.P.D.B., V"
cil., n° 205; J. VINCENT, Les voies d'exécution et procédures de distribution, Dalloz, 1981, 14ème
éd., n° 54, p. 85 ; Rép. Dall. Proc. civ. V0 cil., n"s 74 et 96.
(2731 ) Voy. toutefois, infra, n" 288/3; par contre. l'itératif commandement était prévu par
l'art. 686 de l'ancien C.P.C.
RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXÉCUTIONS 609

L'absence de péremption à bref délai ne peut inciter


l'huissier à la passivité. Celui-ci commet une faute engageant sa
responsabilité s'il ne diligente pas normalement la procédure
compte tenu des instructions ou de l'attitude de son mandant et des
prétentions d'éventuels créanciers (2732).
B. - Par contre, en matière de saisie immobilière, la durée de
validité tant du commandement que de sa transcription est en
principe limitée à six mois (art. 1566, 1567 et 1622, C. jud.) (2733 ).
Enfin en cas de saisie sur navires et bateaux, «si le
créancier laisse s'écouler plus d'un an après le commandement, il
est tenu de le renouveler avant de pratiquer la saisie» (art. 1549, al.
2, C. jud.).

288) Attitudes du débiteur auquel est signifié le commandement.

Le débiteur auquel est signifié un commandement de payer


peut adopter une des attitudes suivantes :
1. - Exercer un recours en principe non suspensif ( le titre est, f:ar
définition, exécutoire) contre la décision de justice (2 34 )
mise en oeuvre par le créancier sauf à cantonner s'il s'agit
d'une exécution provisoire (art. 1404) ou former (ce qui est
fréquent), devant le juge des saisies, une opposition égale-
ment dépourvue par elle-même d'effet suspensif. Une telle
réaction peut toutefois inciter le créancier à temporiser.
L'article 1499 du Code judiciaire n'édicte aucune forclusion à
l'encontre du débiteur qui entend contester la validité du
commandement {2735 ).

2732
( ) Comp. Civ. Charleroi, 2ème ch., 21décembre1983, J.T.T., 1984, 199; Civ. Nivelles, 2
octobre 1985, R.G.A.R., 1987, n° 11209; Cass. Fr .. 9 juillet 1985, Dall. 1986, Jur. p. 118 et note J.
PREVAULT; G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 244.
(2733 ) Voy. La saisie immobilière, Rép. Not.. n"s 238, 239, 246 et 246-2. On précise ici que la
durée de validité du commandement peut être suspendue dans les hypothèses prévues à l'art. 1567,
al. 2, auxquels cas la transcription peut être renouvelée (supra, note 2035). En cas de transformation,
voy. supra n° 281 D 2.
(2 734) Au sujet de l'acte notarié, supra, n° 236.
2735
( ) Cass. Fr., 7 mars 1985, Dall., 1985, Jur. 345; Versailles, 21 juin 1985, I.R., 502. Par
contre en matière de saisie immobilière la nullité des actes accomplis avant l'adjudication
(notamment du commandement) doit être proposée, à peine de déchéance, au plus tard dans les huit
jours de la sommation de prendre communication du cahier des charges (art. 1622 al. 1 et 2, C. jud. ).
Au sujet de la saisie-exécution sur navires et bateaux, voy. les art. 1546, 1556, al. 2 et 1557 al. 3 (G.
de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not., n° 573).
610 TRAITÉ DES SAISIES

2. - Répondre à l'ordre de payer sous menace de contrainte en


procédant au paiement de sa dette éventuellement sous forme
d'acomptes mensuels ou en sollicitant des termes et délais
(2736). Des offres réelles au domicile élu (art. 1500, al. 2, C.
jud. ; art. 1257 à 1264, C. civ. et 1352 à 1357, C. jud.)
pourraient arrêter les poursuites mais il s'agit d'un cas d'école
puisque le débiteur y recours devant le refus du créancier de
recevoir le paiement intéWal or, en saisissant, celui-ci entend
précisément être payé (2 7 ) .
3. - Subir la saisie qui suivra son cours émaillé, spécialement en
cas de saisie mobilière (2738), de nombreuses interruptions
suite à de nouveaux paiements partiels effectués en dernière
minute sous l'effet d'un nouvel acte de procédure et singuliè-
rement «d'un itératif commandement» dont les frais de-
vraient pouvoir être économisés encore qu'ils soient souvent
suscités par le comportement du débiteur.

2736
( ) Voy. supra, n"s 19 et 20.
(2737 ) Pour que les offres réelles soient valables, il faut notamment qu'elles soient de la
totalité de la somme exigible, des arrérages ou intérêts dus, des frais liquidés et d'une somme pour les
frais non liquidés, sauf à la parfaire (art. 1258, 3°, C. civ. ; Civ. Arlon, 19 décembre 1889, J.L., 1890,
45). Certes, les prétentions du créancier pourraient être déclarées abusives lors de l'instance en
validité (art. 1355) mais alors une telle contestation peut être plus simplement soumise au juge des
saisies dans le cadre d'une opposition au commandement ou à la saisie. Voy. aussi, Cass. Fr., 26 mai
1983, Gaz. Pal., 18-19 novembre 1983, Pan., 291 et obs. J.O. et J.C.P. 1983, IV, 242: «les offres
réelles de paiement ne sont valables que lorsqu'elles comprennent la totalité de la somme exigible,
des intérêts et des frais ; néanmoins. il est permis au débiteur qui se trouve dans l'impossibilité
autrement que par son fait, de connaître à combien s'élève exactement sa dette de ne consigner que le
montant déterminé par lui, en se soumettant dans ses propositions à réparer toute erreur qu'il aurait
pu commettre dans son évaluation». La Cour énonce aussi que les offres sont valablement faites, bien
que contenant des conditions et réserves (qui peuvent aussi accompagner un paiement), si ces
conditions et réserves, sans détruire les droits du créancier, impliquent seulement l'intention du
débiteur de maintenir ses droits intacts. Camp. supra, n° 208 A note 1701.
(2 738 ) En matière de saisie immobilière, des exigences de délais rendent moins fréquentes les
périodes de suspension (art. 1587, C. jud. ; G. de LEVAL, La saisie immobilière, n"s 383 et 384/2).
Ces exigences ne se retrouvent pas en matière de saisie de bateaux et navires (art. 1554) ; La saisie
mobilière, Rép. Not., n" 563).
CONCLUSION

Au niveau des principes, la matière du présent ouvrage, se


résume à quelques propositions :
Le droit des saisies constitue la mise en oeuvre procédurale
du droit de poursuite du créancier sur le patrimoine saisissable de
son débiteur ;
Si la saisie ne rend pas le débiteur solvable, elle permet, au
stade conservatoire, de prévenir l'insolvabilité de celui-ci ;
Le but de la mesure est le paiement. A défaut d'exécution
volontaire du débiteur, les biens de celui-ci peuvent être saisis-
exécutés sur le fondement d'un titre exécutoire actuel et efficace ;
Si la saisie repose sur une initiative du créancier, celui-ci ne
peut en revendiquer le profit exclusif. Il n'y a pas de privilège pour
le créancier premier saisissant. La saisie devient une procédure
collective lorsqu'un autre créancier fait valoir ses droits sur le
patrimoine saisi.
Le Code judiciaire réalise la traduction concrète de ces
règles avec une remarquable efficacité. Si des adaptations peuvent
être rendues nécessaires (tel est le cas en matière d'insaisissabilité
ou de compétence territoriale en cas de saisie-arrêt) ou s'il peut être
souhaitable de régler de manière plus précise les situations de
concours (avis de saisie et avis de délégation ; effet de l'opposition
sur la saisie-arrêt ; répartitions successives) (1) on ne peut perdre
de vue l'essentiel : la Belgique est dotée d'une excellente législation
de mieux en mieux connue, de plus en plus appliquée, parfaitement
adaptée aux nécessités de l'époque. Cette réussite est à porter à
l'actif non seulement des auteurs du Code judiciaire mais aussi des
juges des saisies qui ont attaché le grelot en dissipant la plupart des
difficultés d'interprétation et en indiquant de manière étonnam-
ment convergente, malgré certaines résistances motivées par les
pratiques antérieures, les solutions commandées par des textes
particulièrement modernes.

1
( ) Pour une présentation d'ensemble des adaptations qui pourraient être apportées aux règles
générales et spéciales du droit des saisies, voy. l" Annexe n° IV.
ANNEXE N°1

LA SAISIE-ARRET BANCAIRE (1)

1) Définition du compte.
Le compte est à la fois un document comptable et une
convention. «L'ouverture d'un compte traduit l'existence d'une
convention sur le règlement des créances et des dettes qui pourront
naître entre correspondants. Dans le compte de dépôt de fonds, cette
convention est souvent inaperçue, les opérations qu'enregistrent de
tels comptes se traduisent par des augmentations ou des diminutions
du dépôt initial ; il n'y a pas moins règlement des créances et tout se
passe comme si les fonds étaient joints ou retranchés du dépôt initial.
Dans le compte courant qui enregistre des opérations très variées, la
convention de règlement a depuis longtemps été reconnue. A cette
convention sur le règlement des créances réciproques, s'ajoute
parfois un accord sur les intérêts, sur la constitution d'une sûreté
pour garantir le solde débiteur du compte. Ensuite, l'ouverture d'un
compte (compte de dépôt ou compte courant) implique l'engage-
ment du banquier de fournir à son client certaines prestations
relevant du service de caisse ... Remarquons qu'en lui-même, le
compte n'est qu'un cadre vide ; il ne prend vie et ne produit ses effets
que par les opérations qu'il enregistre et dont il assure le règlement
convenu : les comptes bancaires sont des contrats-cadres» (2) .
Le Code judiciaire ne contient aucune réglementation sur la
saisie des comptes ; il y a donc lieu à application du droit commun.

(') Cette matière a été traitée par Madame STRANART dans une étude intitulée «Saisies-
arrêts en banques», brochure de 87 pages publiée par la Chambre de commerce de Bruxelles («Au
service des intermédiaires financiers») en 1980 (sp. p. 42 à 70); voy. aussi A.M. STRANART, La
saisie-arrêt, in Les voies conservatoires et d'exécution, Editions du Jeune Barreau, Bruxelles, 1982,
p. 125 à 133 où l'auteur présente une synthèse de l'étude précitée. Le même thème a fait l'objet d'une
étude de Monsieur J.M. NELISSEN-GRADE, Derdenbeslag op bankrekeningen, in Mélanges
DUMON, Kluwer, Rechtswetenschappen, Antwerpen, p. 677 à 698. Enfin, nous avons également
examiné la question dans notre étude «saisies et droit commercial», in «Les créanciers et le droit de
la faillite», Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 286 à 300.
(2) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, Droit bancaire, Dalloz, 1980, 3ème éd., p. 92-93,
n° 88; adde. J.L. RIVES-LANGE, Chronique de jurisprudence bancaire, Rev. Banque, 1986, 713.
614 TRAITÉ DES SAISIES

2) L'objet de la saisie : la créance du saisi contre le banquier ou le


compte lui-même.
Synthétisant ce qui est généralement admis, Madame
STRANART écrit: «Dans la relation de compte, ce qui constitue
l'actif saisissable de l'ayant compte de la banque, ce n'est pas «le
compte» comme tel, ni les créances qui l'alimentent, mais le solde
créditeur existant au jour de la saisie» (3) de telle sorte que le
compte peut continuer à enregistrer des opérations nouvelles (le cas
échéant sous forme d'un «compte bis») pour autant qu'elles ne
portent pas atteinte au solde saisi (4 ).
Il ne nous est pas possible d'admettre cette règle sans nuance.
En effet, dans la mesure où le compte est un acte juridique générateur
d'obligations ~ui substitue une obligation unique à un ensemble
d'obligations ( ), il représente un cadre juridique suffisant pour être
saisi en tant que tel (concurremment avec les créances dues en vertu du
contrat originaire) dès lors que les effets de la saisie s'étendent non
seulement aux créances entrées en compte avant la saisie mais aussi
aux montants ultérieurs se rattachant à des liens contractuels sur base
desquels le compte a été ouvert ou alimenté (6). Dans cette hypothèse,
il n'est pas concevable que la créance du débiteur ne puisse être saisie
qu'entre les mains du débiteur originaire tant qu'elle n'a pas fait
l'objet d'un versement au compte bancaire (7). Ainsi, la saisie sur un
compte bancaire n'opérerait pas seulement le blocage du solde de ce
compte au jour où elle est pratiquée mais pourrait affecter les salaires
venant alimenter le compte postérieurement à la saisie. Une telle
solution est implicitement admise par l'article 5, § 6 de la loi du 12 avril
1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs (art.
Ier de la loi du 27 juin 1985) aux termes duquel : «Lorsque la
rémunération des travailleurs ou le compte bancaire ou de chèques
postaux où est versée leur rémunération fait l'objet d'une saisie ou
d'une cession, le paiement de la partie non cessible ni saisissable de la
rémunération s'effectue d'office de la main à la main, par assignation
postale ou par un autre mode de paiement déterminé par le Roi».
Cette règle a pour but d'éviter que la rémunération ne soit versée
automatiquement sur le compte saisi sur lequel la rémunération serait

(3) La saisie-arrêt, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1982, 127.
4
( ) G. de LEV AL, Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite,
Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 286-287 et réf. cit.
(5) A.M. STRANART, op.ci!., p. 125-126.
6
( ) Supra, n" 49.

(7) Comp. et contra, Rouen, 14 novembre 1979, D., 1980, J., 128 et note Ch. GAVALDA;
D., 1980, I.R., 201, obs. M. VASSEUR; Banque, 1980, 375, obs. L. MARTIN.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 615

intégralement saisissable (8). Le même principe est énoncé au su jet de


l'article 1455 du Code judiciaire dans le Rapport DE BAECK : «Les
Commissions constatent que notamment en cas de saisie sur salaires
ou d'un compte courant, on ne peut contraindre le tiers saisi à une
nouvelle déclaration à cha9J1e paie ou chaque fois que le compte a
enregistré une opération» ( ) .
Une autre illustration est fournie en cas de saisie-arrêt
fiscale (art. 215, A.R. d'exécution C.I.R.), entre les mains de la
banque ; la mesure frappe les fonds détenus par le tiers pour
compte du saisi au moment de la réception de la notification fiscale,
majorés des intérêts produits par ces fonds, «ainsi que les sommes
que ledit tiers recevrait ultérieurement pour compte du saisi pourvu
qu'elles proviennent d'opérations ou de liens contractuels anté-
rieurs à la demande du receveur». «Par contre, cette demande est
inopérante relativement aux nouveaux dépôts et aux sommes que
recevrait le tiers en exécution d'opérations postérieures à ladite
demande». Cette prise de position rigoureuse de l'administration
centrale des contributions concerne non seulement les banques
mais tout tiers détenteur quel qu:il soit ( 10 ).
L'obligation pour le tiers saisi de déclarer le solde débiteur
du compte (1 1) participe notamment à l'idée que le compte «dans
son évolution» peut être saisi-arrêté.
A défaut de disposition légale en sens contraire \règle
propre au droit bancaire ou règle spéciale d'insaisissabilité) ( 2), il
nous semble impossible d'interdire aux créanciers du client de la
banque d'appréhender dans toute leur dimension les relations
juridiques établies par les correspondants et dont ceux-ci ne

8
( ) Supra n° 84.
(9) Rapport sur la Réforme judiciaire, Pasin., 1967, 886.
10
( ) Questions et Réponses, Ch., 24 décembre 1979, p. 824-825 (Question n° 53 de M.
BERTOUILLE du 29 novembre 1979); Bruxelles, 28 avril 1983, Pas., 1983, Il, 87 («Attendu que ce
solde provisoire doit être liquidé en tenant compte du montant des créances cédées mais non encore
payées à la Banque au moment de la notification de saisie ou des créances payées mais non encore
portées en compte à ce moment ; que l'assiette de la saisie ne peut être déterminée qu'en tenant
compte des opérations en cours») ; voy. aussi en cc qui concerne un contrat à exécution successive
entre deux sociétés, G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 647, n° 68;
voy. aussi Annexe I, n° 11 A, 2°.
(1 1) Infra, n° 5 C; adde. au sujet de l'ouverture de crédit, infra, n° 12.
12
( ) Ainsi, voy. le nouvel article 1414 du C. civ. Fr.: «Les gains et salaires d'un époux ne
peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l'obligation a été contractée pour
l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, conformément à l'article 220. Lorsque les gains et
salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les
conditions définies par décret» (Décret, n° 87-637 du 5 août 1987 pris pour l'application de l'article
1414 du Code civil, J.O., 7 août 1987, p. 8920; Dall., 1987, Législation, p. 355; adde. R. PERROT,
Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1986, 645, n° 10).
616 TRAITÉ DES SAISIES

manquent pas de se prévaloir (13 ). Il s'ensuit que seuls les fonds


remis à la banque postérieurement à la saisie-arrêt et ne provenant
pas d'opérations antérieures ou ne résultant pas de celles-ci ne
tombent pas sous le coup de la saisie (1 4). Au demeurant, la
pratique révèle que le plus grand nombre d'organismes bancaires
bloquent tout le fonctionnement du compte dès qu'ils reçoivent une
saisie-arrêt pratiquée sur celui-ci (1 5 ).

3) Le compte de dépôt et le compte courant.

La question de la similitude ou de la différence entre


compte de dépôt et compte courant est discutée en doctrine (1 6).
A. - La saisie-arrêt du solde créditeur du compte de dépôt
ordinaire (et à nos yeux du compte lui-même) ne souffre aucune

13
( Infra, Annexe 1, n° 11 B 1 c.
)
14
( P. GOETZ, La saisie-arrêt des créances futures est-elle possible en droit local, Revue
)
juridique d'Alsace et de Lorraine, 1972, 56; voy. aussi R. MARTIN, La saisie-arrêt sur un compte
en banque, Rev. Huissiers, 1986, p. 1133 qui compare les loyers à échoir au dépôt postérieur qui n'est
pas plus éventuel que le loyer ; contra J .M. NELISSEN-GRADE, Derdenbeslag op bankrekeningen,
Liber amicorum F. DUMON, T. II, Kluwer, p. 682, n° 8 et note 20, p. 683; voy. aussi Cass. Fr., 13
mai 1987 (J.C.P., 1987, IV, 244): «Une saisie-arrêt ne peut porter que sur une créance du débiteur
saisi, même conditionnelle ou éventuelle, existant au jour de la saisie. Lorsqu'un créancier a fait une
saisie-arrêt dans une banque sur le compte d'un débiteur et que ce compte n'a été crédité
qu'ultérieurement, a violé le texte susvisé la Cour d'appel qui a condamné la banque à payer au
créancier la somme pour laquelle il avait fait la saisie-arrêt. en retenant que les versements dont le
compte avait été crédité par la suite (A.S.S.E.D.1.C.) constituaient des créances en germe au jour de
la saisie en raison de leur périodicité mensuelle alors que si le débiteur saisi avait bien une créance
éventuelle contre son propre débiteur, l'obligation de restitution de la banque, simple dépositaire, ne
pouvait préexister au virement effectif de fonds« (adde. les obs. de M. VERON sous cet arrêt, in
Gaz Pal., 4-5 nov. 1987, Sommaires annotés de la Cour de cassation, p. 14).
5
(' ) A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banques, Chambre de commerce de Bruxelles,
1980, p. 57.
(1 6 ) Pour l'assimilation, voy. A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banques, Chambre de
commerce de Bruxelles, 1980, p. 45 et réf. cit. ; J.M. NELISSEN-GRADE, Derdenbeslag op
bankrekeningen, Liber amicorum F. DUMON, T. Il, Kluwer, p. 688, n° 15 (pour ces auteurs, les
règles de fonctionnement seraient globalement les mêmes sous réserve de «l'unité processuelle » du
compte courant excluant le traitement isolé d'opérations affectées au compte); voy. aussi C.G.
WINANDY, Les comptes en banque et les intérêts, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1986, p. 19 à 31 (assimilation du compte à vue au compte courant suivant la
conception classique et R. MARTIN, La saisie-arrêt sur un compte en banque, Rev. Huissiers, 1986,
p. 1131). Pour la distinction, voy. J. HEENEN, Les comptes de dépôt à vue et les comptes courants.
Une comparaison juridique, in Le droit économique et financier en 1985. Hommage à Robert
HENRION, Bruxelles, Bruylant, 1985, p. 407 à 416 qui conclut que le but économique des deux
contrats est différent (le compte courant sert à réaliser une ou plusieurs opérations de crédit ; le
compte à vue procure à bon compte des ressources à la banque, chargée d'assurer la garde des fonds
du client et de lui faciliter l'usage de la monnaie scripturale, le crédit automatique ne jouant qu'un
rôle accessoire et éphémère) et qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes règles, l'auteur défendant la
théorie dite classique du compte courant.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 617

contestation (1 7 ). Il s'agit de l'application pure et simple du droit


commun.
«La question de la compensation des dettes de la banque
envers le saisi avec une créance du banquier se pose rarement, car
le compte à vue est le plus souvent créditeur ; tout au plus peut-il
être devenu débiteur, en raison du «crédit automatique», pour un
montant limité» (1 8 ).
B. - La saisissabilité du compte courant est déterminée par le
régime juridique de celui-ci or, plusieurs théories s'affrontent en
tout ou en partie. On se limite ici à de brèves indications dans la
stricte mesure où elles sont indispensables pour répondre à la
question si une saisie-arrêt peut être pratiquée sur le compte
courant.
Un arrêt de la Cour de cassation de France du 24 juin 1903
(1 9) définit le fonctionnement du compte courant en ces termes :
«Les opérations d'un compte courant, se succédant les unes aux
autres jusqu'au règlement définitif, forment un tout indivisible qu'il
n'est pas permis de décomposer et de scinder. Tant que le compte
courant reste ouvert, il n'y a ni créance, ni dette, mais seulement
des articles de débit et de crédit et c'est par la balance finale seule
que se détermine le solde à charge de l'un ou de l'autre des
contractants et par conséquent les qualités de créancier et de
débiteur jusque là en suspens». Dans le cadre de la théorie dite
classique, caractérisée Rar l'effet novatoire (la créance est novée en
un article de compte) (2°) et par l'indivisibilité du compte (l'article
du compte fait partie d'un tout indivisible et c'est seulement à la

17
( ) J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, T. III, Bruxelles, Bruylant,
1960, n° 2054, p. 294; A.M. STRANART, op. cit., p. 46; J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cit.,
n° 267, p. 214. Ainsi, un jugement du juge des saisies de Bruxelles du 2 mars 1987 (R.G. n° 27.890)
décide : «le droit pour un créancier de pratiquer une saisie-arrêt sur un carnet de dépôt est
unanimement reconnu et admis. Les seules formalités prévues par le Code judiciaire pour qu'une
saisie-arrêt-exécution sorte ses pleins et entiers effets sont outre la nécessité d'un exploit de saisie et
d'un exploit de dénonciation, celle d'un exploit de sommation au tiers-saisi. Celui-ci ne peut refuser
de vider ses mains tant que ne lui est pas produit le livret de dépôt du débiteur. La situation n'est pas
comparable à celle d'un débiteur cambiaire qui n'accepterait de se libérer que moyennant remise
effective de la lettre de change car en ce cas la créance s'incorpore totalement au titre qui devient un
meuble corporel ce qui n'est point le cas d'un livret de dépôt».
8
(' ) J. HEENEN, op. cit., p. 413, n° 9; voy. toutefois A.M. STRANART, op. cit., p. 64 qui
écrit que «dans certaines situations très fréquentes en pratique, une créance incertaine du banquier
peut être affectée au compte de dépôt «notamment lorsque le client a remis un chèque à
l'encaissement ou à l'escompte».
9
(' ) Dall., 1903, !, 472.

(2°) Voy. par ex., supra n° 84 A et Comm. Liège, 8 mai 1985, Jur. Liège, 1985, 514; adde.
C.G. WINANDY, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 25, note 23.
618 TRAITÉ DES SAISIES

clôture du compte que s'opère la balance des articles de crédit et de


débit pour dégager un solde), la saisie-arrêt, qui n'entraîne pas la
clôture du compte, ne peut être pratiquée que sur la créance qui
naîtra à la clôture du compte car auparavant, il n'existe pas d'actif
saisissable (2 1) (22 ). ,

Il existe d'autres théories - compensation successive (23) ;


compensation continue (2 4) ; fusion instantanée (25) - qui admet-
tent que le créancier d'un des correspondants puisse saisir-arrêter le
solde créditeur actuel du compte courant ; ce solde, reliquat de la
compensation ou de la fusion est, même avant la clôture, une
créance parfaitement saisissable.
Cette controverse repose, pour partie à tout le moins, sur
la recherche d'une solution permettant au banquier de ne pas subir
l'effet de la saisie-arrêt avant d'avoir pu invoquer contre son client
les créances qu'il détient à sa charge. Dans la théorie classique, le
solde constitutif de la créance ne peut apparaître qu'au jour de la
clôture du compte après prise en considération de toutes les
créances nées des relations d'affaires normales entre les contrac-
tants (principe de l'affectation générale) (26). Dans la théorie de la

(2 1) L. FREDERICQ. Traité de droit commercial, T. IX, n° 146; J. VAN RYN et J.


HEENEN, op. cit., T. III, n° 2107; Les Novelles, Droit bancaire, Compte courant, n° 158; P. VAN
OMMESLAGHE, Le droit de la comptabilité : réflexions sur les effets juridiques du compte, Journ.
Prat. Dr. Fisc., 1977, p. 321, sp. p. 328.
(2 2) Pour éviter cet inconvénient, divers stratagèmes «guère défendables» (J. VAN RYN et J.
HEENEN, lb.) ont été envisagés : permettre au saisissant de demander la clôture du compte en
exerçant une action oblique ; décider qu'un arrêté trimestriel doit être assimilé à une clôture de
compte dont la clôture ne peut être indéfiniment retardée ou même que la saisie entraîne la clôture à
sa date (PREAUX, Les saisies chez les banques, J.C.Br., 1961, p. 66 à 72, sp. p. 68; J. VINCENT et
J. PREVAULT, op. cit., n° 267, p. 215).
(2 3 ) R. PIRET, Le compte-courant, Paris, Bruxelles, Larcier, 1932, p. 250 et s.
(24 ) J.M. NELISSEN-GRADE, De rekening courant, Antwerpen, 1976, n° 119; A.M.
STRANART, op. eit., p. 45 à 48; Bruxelles, 16 avril 1987, J.T .. 1987, 575.
(2 5 ) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGES, op. cit., n° 112, p. 131 et n° 135, p. 150. Ces
auteurs proposent la définition suivante du compte-courant : convention par laquelle deux personnes
affectent toutes leurs créances réciproques à un mécanisme de règlement instantané par fusion en un
solde immédiatement disponible (p. 133).
(26) Suivant la «théorie classique» sont valables les sûretés constituées en période suspecte
pour garantir le paiement de la dette du solde car suite à l'indivisibilité du compte, la dette pour
laquelle la sûreté a été constituée est toujours postérieure à l'établissement de celle-ci (L.
FREDERICQ, op. cit., n° 159 ; Les Novellcs, Droit bancaire, compte-courant, n° 158). Or
précisément la Cour de cassation (18 mai 1973, Pas., 1973, !, 873; R.W., 1973-1974, 353; F.
T'KINT, L'application de l'article 445, alinéa 4 de la loi sur les faillites aux sûretés constituées en
période suspecte en garantie du solde d'un compte-courant, R.C.J.B., 1975, p. 62 et s. ; M.
DASSESSE, Sûretés constituées en période suspecte pour garantir le solde d'un compte-courant,
Rev. Banque, 1976, 57; A.M. STRANART, Aspects du contrat de gage dans la jurisprudence
récente, in Bijzondere overeenkomsten, Kluwer, Antwerpen, 1980, p. 406 à 408 et rée. cil.) a écarté
le principe de l'indivisibilité du compte-courant en matière de sûreté constituée en période suspecte
pour garantir le solde débiteur éventuel.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 619

compensation continue ou de la fusion instantanée, on invoque la


possibilité d'éluder l'article 1298, C. civ. ; les créances qui ne
peuvent entrer en compensation sont portées au «différé» du
compte et sont inscrites au disponible du compte lorsque l'obstacle
à la compensation a disparu ; si avant cette disparition, une saisie-
arrêt est pratiquée les créances non encore compensables échap-
pent au saisissant (27).
On peut se demander, spécialement lorsque le principe de
la saisie portant sur le compte est admis, s'il ne serait pas plus
simple de faire application du principe suivant lequel la compensa-
tion redevient possible nonobstant un concours lorsqu'il existe
réellement entre les créances nées d'un même rapport synallagmati-
que un lien de connexité qui commande entre elles un règlement
unique (28).
Au niveau de la saisie-arrêt, quelle que soit la théorie
retenue, il est aujourd'hui admis que le principe de l'indivisibilité
absolue du compte courant ne peut faire entrave à une telle mesure
avant la clôture du compte.
La Cour de cassation de France a décidé que le solde
provisoire du compte courant ne peut être soustrait du gage général
du créancier saisissant et qu'il appartient aux juges de rechercher
quelles sont les disponibilités du compte au jour de la saisie (2 9 ).

27
( ) J.L. RIVES-LANGE, La saisissabilité du compte courant, D., 1974, Chr., 101 ;
RODIERE et RIVES-LANGE, op. cit., n°s 129 à 133; J.M. NELISSEN-GRADE, De rekening
courant, n°s 85 et 99 et «Derdenbeslag op bankrekeningen», n° 16 dans Liber amicorum F.
DUMON, p. 688; A.M. STRANART, Saisies-arrêts en Banque, p. 63, 64 et 68; J. HEENEN, op.
cil., p. 414 signale que la Cour de cassation de France condamne cette théorie en décidant que le
produit d'effets encaissés par la banque mandataire après la faillite du remettant ne peut être compris
dans le compte courant.
(28) Bruxelles, 28 avril 1983, Pas., 1983, Il, 87 (infra, Annexe, Il B 1 c; voy. aussi P. VAN
OMMESLAGHE, Chronique de Jurisprudence, Les obligations, R.C.J.B., 1975, p. 700, n° 114 bis;
F. T'KINT, obs. sous Cass., 28 février 1985, J.T., 1986, 580 à 582 et 1. MOREAU-MARGREVE,
Les sûretés in Chroniques de droit à l'usage du Palais, T. III, 1987, p. 151à157).
(2 9 ) Cass. Fr., 13 novembre 1973, Dall., 1974, Chr. XXI, p. 101 et la note J.L. RIVES-
LANGE (La saisissabilité du compte courant) ; Gaz. Pal., 1er et 2 mars 1974, 23 et la note
BLANCHER; Rev. Banque, 1974, 311 et obs. L.M. MARTIN; obs. M. CABRILLAC et J.L.
RIVES-LANGE, in Chronique de jurisprudence, Rev. Trim. Dr. Corn., 1974, p. 137, n° 4; obs. R.
PERROT, in Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1974, n° 14, p.
675-677 ; M. DONNIER, Bilan du droit de la saisie-arrêt face au nouveau C.P.C., in Etudes dédiées
à A. WEILL, p. 202 (pour lequel il s'agit d'une règle essentielle qui, en dépit du silence de la loi, ne
sera jamais remise en cause); J. VINCENT et J. PREVAULT, op. cil., p. 215, n" 267; R.
RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., p. 155, n° 139. Adde Cass. Fr., 27 juin 1984, Dall.,
1985, I.R. 334 qui décide que l'exercice de l'action en paiement du solde d'un compte courant contre
le titulaire de ce compte n'implique pas nécessairement la clôture de celui-ci et qu'une action en
paiement du solde provisoire est possible quand elle a été stipulée par les parties (comp. et contra, J.
HEENEN, op. cil., p. 412, n" 8).
620 TRAITÉ DES SAISIES

Dès l'instant où le solde provisoire constitue réellement une


créance (3°), ce solde est effectivement saisissable dans l'état où il
se trouve au moment où la saisie est pratiquée.
Dans la mesure où la Cour de cassation de Belgique écarte
(au profit d'une partie à la relation) le principe de l'indivisibilité du
compte courant en matière de sûreté constituée en période suspecte
pour garantir le solde débiteur éventuel (3 1), il y a lieu, a fortiori,
d'écarter le même principe pour rendre saisissable le solde provi-
soire du compte-courant (3 2). Ainsi, un arrêt de la Cour d'appel de
Bruxelles du 1er mars 1982 a justement décidé que le «solde
provisoire créditeur au moment de la réception de l'acte contenant
saisie-arrêt ne peut être distrait du gage général du créancier
saisissant» (3 3).
En conclusion, le solde créditeur de tout compte bancaire
constitue une dette de la banque envers le titulaire du compte et
est, par conséquent, susceptible de saisie-arrêt (3 4 ).

4) Information du créancier.
A. - En général
Le créancier saisissant éprouve parfois des difficultés pour
connaître les comptes bancaires de son débiteur. Certes, il ne doit
pas oublier de consulter les avis de saisie (art. 1390 et 1391, C. jud.)
qui lui révéleront peut-être l'existence de saisies-arrêts déjà prati-
quées par d'autres créanciers auxquels il lui suffira de s'associer mais
les renseignements obtenus peuvent être négatifs (absence de saisie)
ou dépourvus, en tout ou en partie, d'intérêt lorsque les biens saisis
ne permettent pas de désintéresser tous les créanciers (3 5).

(3°) F. T'KINT, op. cit., R.C.J.B., 1975, p. 75, n° 7: A.M. STRANART-THILLY,


Opposabilité à la masse du gage constitué en période suspecte pour sûreté du solde débiteur éventuel
d'un compte courant, J.T., 1975, p. 359 et note 19.
(3 1) Cass., 16 mai 1973, préc.
32
( ) A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banques, Chambre de commerce de Bruxelles,
1980, p. 48 et 49.
33
( ) Arrêt repris dans un autre arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles, 28 avril 1983, Pas., 1983,
II, 87. Voy. aussi Bruxelles, 16 avril 1987, J.T., 1987, 575: «le compte bancaire est un instrument
d'opérations effectuées entre le banquier et son client qui traduit leur volonté commune de régler les
créances et les dettes par une compensation continue et automatique en manière telle que le titulaire
du compte ou son créancier ne possède contre la banque que la créance relative au solde créditeur
existant au jour où soit le client en exige la remise soit le créancier de ce dernier pratique une saisie
sur le compte».
34
( ) Bruxelles, 9 mai 1984, Bull. Contr., 1985, 1944.
35
( ) Supra, n"s 105 à 118.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 621

B. - Ouverture d'un compte par un conjoint.

Dans un cas particulier, entre conjoints, la loi tente


d'améliorer la situation du créancier. Aux termes de l'article 218,
al. 3, C. civ., «le dépositaire et le bailleur sont tenus d'informer le
conjoint de l'ouverture du compte ou de la location du coffre».
Cette information donnée par simple lettre, en principe, au
domicile du déposant (36), ne porte que sur l'ouverture du comRte
et non sur le numéro attribué ou les opérations enregistrées (3 7)
(38). Il est permis de se demander si cette disposition qui n'est
assortie d'aucune sanction spécifique (39), est réellement efficace
car dès que la méfiance s'instaure dans le couple, il est facile pour
chaque conjoint de faire échapper ses biens aux poursuites de
l'autre en vidant les comptes connus de leur contenu et si une saisie-
arrêt est pratiquée à ce moment, des frais auront été exposés en
pure perte pour obtenir une déclaration négative.

Une saisie-arrêt ne saurait être pratiquée à charge d'un


époux non titulaire du compte puisque l'époux qui a fait ouvrir le
compte est réputé à l'égard du dépositaire en avoir seul la gestion
(art. 218, al. 2, C. civ.) ; le banquier est le tiers débiteur du seul
titulaire et le but du deuxième alinéa de l'article 218 du Code civil
«est d'assurer la sécurité du dépositaire, en le dispensant de toute
recherche, quant au caractère propre ou commun ou encore
professionnel des sommes ou titres déposés» (40 ). Toutefois, les
créanciers du conjoint non titulaire peuvent faire valoir les droits de
celui-ci sur le contenu du compte (singulièrement s'il fait partie du
patrimoine commun) et solliciter au besoin sa mise sous séquestre

(3 6 ) R.P.D.B., Compl. VI, V Régimes matrimoniaux (Droit interne), n"s 497 à 500.
0

(3 7 ) Rapport BAERT, Ch. des Repr., Sess., 1975-1976, Doc. 869/3, p. 8 et Rapport
HAMBYE, Sénat, Sess., 1975-1976. Doc. 683/2, p. 14-15; R.P.D.B., Compl. VI, V0 cit., n° 495.
(38 ) Au sujet du compte professionnel rubriqué, infra, Annexe I, n° 8, note 71.
(39 ) «Les dommages et intérêts ne pourraient être dus qu'en cas de faute de la part de
l'institution et de preuve du dommage. En cas de force majeure par exemple lorsque l'autre conjoint
est parti sans laisser d'adresse, cette obligation ne pourra et par conséquent ne devra pas être
observée» (Rapport DE BAECK, précité; Ouest. et Rép., Sénat, 1977-1978, 6 juin 1978, p. 1325;
L. SIMONT et E. BRUYNEEL, Chronique de droit bancaire privé. Les opérations de banque
(1978-1979), Rev. Banque, 1979, 676 et réf. cit. à la note 4 bis; voy. aussiJ. DE GAVRE, op. cit., in
La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 145-146 et Gand, 11
octobre 1985, Rec. enr., 1987, p. 404, n° 23.529.
40
( ) Doc. Pari., Sénat, Sess., 1975-1976, n° 683/2, p. 14. Ce texte demeure applicable durant
la procédure de divorce (J. DE GAVRE, op. cit., Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 181, n" 40).
622 TRAITÉ DES SAISIES

jusqu'à ce qu'intervienne une décision au fond (41 ). Inversément


en cas de saisie fondée sur la dette propre d'un des conjoints, son
époux (non titulaire du compte) pourra opposer au saisissant
l'exception du caractère commun des biens déposés (42 ). La mise
en oeuvre des droits du conjoint se réalisera, en ce cas, en suivant
les règles de l'action en distraction avec en sus dénonciation du
recours suspensif du banquier (43 ).

C. - Registre du commerce.
Eventuellement, des informations peuvent être recueillies
au registre du commerce auquel le commerçant doit déclarer la
domiciliation et le numéro d'au moins un compte dont il doit être
titulaire (art. 1er de l'A.R. du 10 novembre 1967 et art. 8, 12° et 9,
11° des lois coordonnées relatives au registre du commerce).

D. - Injonctions du juge des saisies.


A la demande du créancier, le juge des saisies peut
contraindre, le cas échéant, sous astreinte, le débiteur ou un tiers
(art. 877 et s., C. jud.) à fournir des éléments précis sur la
consistance d'un compte à appréhender. A cette fin, il peut aussi
charger un huissier de justice de réunir les éléments d'information
sur la situation du débiteur et notamment de vérifier les modalités
de fonctionnement et les mouvements sur ses comptes bancaires
44
( ). De même, le saisissant peut demander au banquier de lui
fournir un relevé du compte saisi ; en cas de refus du tiers, il peut
en faire ordonner la production par le juge des saisies.

41
( ) G. de LEVAL. Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite,
CD.V.A., Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 297, note 5; comp. en cas de décès d'un conjoint, H.
CASMAN, Le décès, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p.
101, n° 10 et de faillite d'un conjoint, H. CASMAN, Le conjoint du failli, R.T.D.F., 1986, p. 18 qui
écrit : «La présomption de l'article 218 n'empêchera pas le curateur de prendre d'autres mesures
conservatoires en invoquant la présomption de communauté qui s'attache à cet avoir ; la règle de
l'article 218 est en effet étrangère à la question du caractère propre ou commun des fonds».
42
( ) J. DE GAVRE, op. cit., La banque dans la vie quotidienne, p. 140.
43
( ) Pour le surplus, on ne peut qu'être d'accord avec J. DE GAVRE pour lequel sauf
décision judiciaire contraire et sans avoir à tenir compte d'une simple opposition non-judiciaire le
banquier doit continuer à considérer son client comme ayant le pouvoir de gestion exclusive sur les
valeurs déposées (p. 140 et 141 ; sous réserve du décès ou du divorce, ib., p. 184-185).
(4 4 ) G. de LEVAL. L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 135, n" 8/4 et réf. cil. à
la note 28 et p. 139, n° 12/4 ; Th. LEGER, la portée de l'obligation de renseignement prévue par
l'article 559 de l'ancien Code de procédure civile, Rev. Huissiers, 1987, 1418-1419 et supra, n" 39 K.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 623

En dehors d'une injonction judiciaire, il n'est pas actuelle-


ment possible d'exiger que le banquier déclare avant toute saisie si
un compte est ouvert au nom du débiteur (45 ).

5) Obligations du banquier tiers-saisi.


A. - Difficulté de donner à la saisie un effet immédiat et généralisé.
Le créancier a intérêt à pratiquer la saisie au siège central
afin d'atteindre plus rapidement tous les comptes du débiteur (46 ).
Que se passe-t-il si la saisie-arrêt est pratiquée au siège d'une
banque et que le débiteur saisi parvient à effectuer des retraits en se
présentant au même moment ou le jour suivant à une agence ou à
une succursale ? «On peut imaginer le cas des établissements à
succursales multiples qui, nonobstant les diligences qu'ils accom-
plissent ne sont pas toujours en mesure d'opérer la diffusion
simultanée et également rapide des saisies qui leur sont notifiées»
47
( ). Dès lors, si la banque n'a pu disposer du temps nécessaire
pour aviser ses agences et succursales de l'existence de la saisie-
arrêt, elle n'a pas commis de faute et ne saurait être condamnée
comme débitrice pure et simple conformément aux articles 1451 et
1540 du Code judiciaire. Le saisissant doit subir les conséquences
d'une mesure qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du
tiers, n'atteint pas, en tout ou en partie, son but.
B. - Principe de l'indisponibilité totale.
Dès réception de l'acte contenant saisie-arrêt, le tiers saisi
ne peut plus se dessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la

45
( ) Voy. toutefois S. DEGROODT, L'arrêté du 31 janvier 1945 ou la protection de
l'insolvabilité volontaire, J.T., 1945, 315. «Les banques ont peur de se voir réclamer des dommages-
intérêts par leurs déposants, crainte bien illusoire parce que l'on voit fort mal les débiteurs qui se sont
fait passer pour insolvables demander à un tribunal de condamner une banquer parce que celle-ci a
permis aux créanciers de démasquer la fraude. Il ne s'agit évidemment pas de donner à n'importe qui
des renseignements sur les comptes ouverts, pourquoi la banque ne subordonnerait-elle pas sa
réponse à la justification du titre du créancier?» (comp. en matière d'informations sur le patrimoine
immobilier, Ouest. et Rép., Sénat, 23 octobre 1984, Rcc. cnr., 1985, p. 57. n° 23.143).
46
( ) Seul un texte spécial pourrait imposer la saisie au lieu où le compte a été ouvert (voy. par ex.
A.L. du 31janvier1945 complétant celui du 6 octobre 1944 relatif aux billets de la Banque Nationale de
Belgique et aux dépôts d'argent en monnaie nationale, M.B .. 8 février 1945, p. 609; S. DEGROODT,
L'arrêté du 31janvier1945 ou la protection de l'insolvabilité volontaire, J.T., 1945, 315).
47
( ) Rapport VAN REEPINGHEN, Pasin., 1967, p. 511, note 87; voy. d'ailleurs, les art. 13
et 14 de la loi du 24 juillet 1921 relative à la dépossession involontaire des titres au porteur; comp.
supra, n° 181. Cette solution est cependant susceptible d'être remise en question par les progrès
informatiques ; «il suffit d'interroger le terminal de la banque pour savoir instantanément quels sont
les comptes ouverts dans toutes les agences de la banque au nom de telle personne» (R. MARTIN,
La saisie-arrêt sur un compte en banque, Rev. Huissiers. 1986, 1132).
624 TRAITÉ DES SAISIES

saisie (art. 1451, C. jud.). L'indisponibilité est totale en ce sens que


la saisie-arrêt peut, sans limitation, porter sur tout ce dont le tiers
saisi est ou sera redevable envers le débiteur saisi et dès lors,
frapper l'entièreté du solde créditeur au jour de la saisie de tous les
comptes saisis.
Le banquier n'a aucun pouvoir d'appréciation et sa respon-
sabilité n'est pas engagée parce qu'il a, à la suite d'une saisie,
bloqué un ou plusieurs comptes dont le solde est considérablement
supérieur à la créance du saisissant (48 ). Il appartient au saisi de
réagir soit en demandant la mainlevée de la saisie en faisant, le cas
échéant, sanctionner l'exercice abusif de la saisie-arrêt, soit en
limitant l'effet d'indisponibilité par voie de cantonnement. L'indis-
ponibilité produite par la saisie-arrêt d'un compte est particulière-
ment intense (49 ) ; c'est donc spécialement à cette occasion que le
saisi s'efforce de mettre fin à cette situation fort embarrassante
pour lui. Il importe toutefois de rappeler que c'est à la date de la
saisie qu'il convient de se placer pour apprécier si la saisie était
justifiée mais son maintien reut devenir abusif en cas de régularisa-
tion de la part du débiteur (50).
Toutefois, si l'acte de saisie restreint l'objet de celle-ci à un
ou plusieurs comptes déterminés ou aux causes de la saisie (la
pratique révèle en effet que certains juges des saisies limitent
parfois l'objet de la saisie au montant de la créance cause de celle-
ci ; ce procédé qui entrave le bon déroulement de la saisie
lorsqu'elle devient collective n'est pas conforme à la loi), le tiers
doit limiter, dans cette mesure, l'effet d'indisponibilité (5 1).

C. - Faut-il déclarer le solde débiteur?


Un arrêt de la Cour de cassation de France du 6 mai 1981
décide que la banque est tenue de fournir, à la date d'une saisie-

48
( ) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., p. 116, note 1 et réf. cit.; Cass. Fr.. 24
janvier1973, D., 1973,421, noteJ. PREVAULT; Paris, 15c ch.,26juillet1985, Rev. Banque, 1985,857.
49
( ) Supra, n° 195. Des dommages et intérêts peuvent être obtenus devant le juge du fond qui
en rejetant la demande prononce mainlevée de la saisie (art. 1492, C. jud.), une ordonnance
antérieure du juge des saisies n'ayant pas autorité de chose jugée (art. 1489, al. 2, C. jud.) (supra, n°
215, D). Ainsi, lorsqu'il apparaît devant le juge du fond que la procédure de saisie de quatre comptes
bancaires n'était pas exempte de légèreté, celui-ci peut condamner le saisissant au paiement de
dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la saisie-arrêt des comptes bancaires
(Cass. Fr., 18 mai 1981, Bull., 1981, IV, n° 235, p. 184).
(5°) Supra, n° 191.
51
( ) Supra, n° 180/4.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 625

arrêt pratiquée sur le compte d'un client, le montant du solde qu'il


soit débiteur ou créditeur (5 2 ).
Cette solution est conforme à l'article 1452, alinéa 2 du
Code judiciaire (auquel se réfère l'art. 1539, al. 4) qui par le mot
«spécialement» n'exclut pas la communication d'autres éléments
que ceux qui sont prévus par les points 1°, 2° et 3° ; ce qui importe
c'est d'établir une déclaration complète. Or, le saisissant peut être
très intéressé de connaître le chiffre exact du passif de son
débiteur; l'importance du découvert et l'existence d'opérations en
cours susceRtibles de transformer le solde débiteur en solde
créditeur (5 ), lui permettant d'apprécier l'utilité de continuer les
poursuites compte tenu d'une éventuelle situation de concours ou
d'entamer, sans délai, des poursuites sur d'autres biens.
Si une telle solution peut entraîner des abus (saisies de
curiosité diligentées pour connaître la crédibilité financière d'un
partenaire ou d'un concurrent), ils peuvent être évités par un
examen sévère des conditions de mise en oeuvre de la saisie et
sanctionnés par l'octroi de dommages-intérêts. Si le tiers saisi
écartelé entre les exigences du saisissant et la protection de son
client, hésite sur l'étendue des renseignements à communiquer, il
peut s'adresser au juge des saisies afin d'être éclairé sur la conduite
à tenir (54).
La jurisprudence belge est quasi inexistante à ce sujet. On
signale cependant un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 28
avril 1983 qui déclare justifié le silence gardé par la banque au sujet
d'un compte qui ne présentait pas de solde créditeur au moment de
la dénonciation de la saisie-arrêt (55 ).

(5 2) Bull., 1981, IV, n° 212, p. 168 ; Dall., 1982, J., 33 et note C. GA VALDA ; J.C.P., 1982,
II, 19.708 et obs. M. VASSEUR; R.T.D.Com., 1981, p. 806, obs. M. CABRILLAC et B.
TEYSSIE; R.T.D.C., 1982, 217, obs. R. PERROT; adde. M. DONNIER, Voies d'exécution et
procédures de distribution, Litec, 1987, p. 272, n° 655.
(5 3) Infra, n°s 9, 1112 et 12 en cas d'ouverture de crédit. Il est donc inexact de prétendre que le
saisissant n'aurait aucun intérêt juridique à une telle communication et que la saisie serait sans objet
(J.M. NELISSEN, Derdenbeslag op bankrekeningen, Liber amicorum, F. DUMON, Kluwer,
Rechtswetenschappen, Antwerpen, T. II, p. 686, n" 13).
(54 ) Comp. J.M. NELISSEN, lb. qui après avoir affirmé qu'en déclarant le solde débiteur, le
banquier manquerait à son devoir de discrétion et engagerait sa responsabilité n'écarte pas des
réserves faites par la banque au sujet d'un renversement de position et l'hypothèse d'une contestation
entre la banque et le saisissant qui serait soumise par la partie la plus diligente au juge des saisies.
55
( ) Pas., 1983, II, 87 et sp. p. 90 (voy. cependant, Civ. Bruxelles, ch.s., 10 avril 1986,
J.L.M.B., 1987, 194). On ne voit pas la raison de ne pas retenir la date de l'acte de saisie.
626 TRAITÉ DES SAISIES

D. - Sommes déposées dans une succursale étrangère.


La saisie-arrêt s'exerçant sur l'ensemble des sommes dont
le tiers saisi est débiteur envers le saisi, la déclaration affirmative
d'une saisie-arrêt pratiquée entre les mains d'une banque, tiers
saisi, doit inclure les sommes déposées par le saisi dans une
succursale étrangère de celle-ci (56).
E. - Sanction.
La méconnaissance par le tiers des obligations de non-
déssaisissement et de déclaration telles qu'énoncées par les articles
1451et1456, 1540 et 1542 du Code judiciaire peut l'exposer (même
s'il est de bonne foi) à une condamnation en qualité de débiteur pur
et simple des causes de la saisie (5 7 ). Si une opposition à saisie-
arrêt-exécution (art. 1541, C. jud.) retarde le paiement (art. 1543,
C. jud. ), elle ne suspend pas le respect des obligations précitées
(58).

6) Comptes ouverts au nom de plusieurs titulaires.

1. - On distingue le compte collectif ou indivis (compte unique


de plusieurs personnes qui ne peut fonctionner que sous la
signature de tous les titulaires) du compte-joint dont le principe est
de faire des cotitulaires les créanciers solidaires du banquier
dépositaire (art. 1197, C. civ.) (5 9). L'ouverture d'un compte à

6
(' ) Civ. Liège. 26 mars 1892. Jur. Liège, 1892, 134; Cass. Fr., 30 mai 1985, Rcv. Crit. D.l.P ..
1986, 329 et obs. H. BATIFFOL qui précise que sur base de cette seule saisie et compte tenu de la
territorialité du droit des saisies, le tiers ne peut être obligé de respecter à l'étranger l'obligation
d'indisponibilité ni de payer au saisissant les fonds déposés dans la succursale étrangère (supra, n° 26).
57
( ) G. de LEVAL. La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 191à194, n" 124; p. 232 à 236, n" 155 et
p. 291 à 293, n°s 186 et 187; Rép. Not., La saisie mobilière. Larcier, 1986, n" 421 et réf. cit. ;
Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, Les saisies, art. 1451, 1456, 1540 et 1542. On signale ici
une illustration jurisprudentielle particulièrement intéressante : «Dans le cadre de la sanction prévue
par l'article 1456 du Code judiciaire, il peut être tenu compte de la qualité du tiers saisi (p. ex.
important opérateur financier accoutumé aux mécanismes des saisies et particulièrement équipé et
conseillé à cette fin), pour déduire de la seule tardiveté ou du seul caractère incomplet de sa
déclaration qui sont des indices de sa négligence, l'applicabilité de la sanction prévue en cas de
déclaration tardive ou incomplète. ou revêtant ces deux caractères à la fois ; c'est du reste à titre
exceptionnel que le juge peut tempérer la rigueur de la sanction. Il y a lieu en présence d'un
organisme public de crédit fort important et, partant. en mesure de répondre aux exigences légales en
la matière, de retenir sa seule négligence, déduite de la tardiveté de sa déclaration, pour le déclarer
débiteur pur et simple des causes de la saisie» (Civ. Bruxelles. ch.s., 10 avril 1986, R.G., n" 161.791 ;
adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 10 avril 1986, J.L.M.B., 1987, 194).
58
( ) Bruxelles.!() juin 1986. J.T., 1986, 595.

(5°) Voy. sur le compte-joint. Ph. DEGROOF, Le compte-joint en matière successorale,


Notarius, 1986, n" 2. p. 61 à 63.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 627

plusieurs personnes ne se présume pas ; elle doit résulter clairement


des pièces produites (60).
La saisie-arrêt d'un compte collectif ou d'un compte-joint
pratiquée par un créancier d'un des titulaires ne doit affecter que la
part du solde revenant au débiteur saisi (61 ). La totalité du compte
est frappée par la saisie si tous les cotitulaires sont les débiteurs du
saisissant.
Tout comme en matière d'action en revendication (art.
1514, C. jud. ), il appartient au tiers qui se prétend propriétaire des
fonds saisis-arrêtés d'en rapporter la preuve sans que celle-ci ne
doive être certaine au sens de l'article 1328 du Code civil. Ainsi, il a
été jugé que : «renverse la charge de la preuve et viole ainsi l'article
9 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui, pour accueillir la
demande de mainlevée d'une saisie-arrêt faite sur des comptes-
joints retient que la saisie ne peut être faite que sous la condition de
la preuve certaine que les fonds saisis étaient la propriété du
débiteur saisi et que cette preuve n'était pas rapportée en l'espèce,
alors qu'il appartient au demandeur à la mainlevée de rapporter la
preuve que les fonds saisis sont sa propriété ou celle de tiers» (62 )
(63).

2. - Si des avoirs figurent sur un compte bancaire au nom d'un


prête-nom, la saisie peut être valablement pratiquée à charge du
véritable créancier du banquier. La preuve de la simulation peut
être faite par toute voie de droit.

7) Compte appartenant à la fois à l'usufruitier et au


nu-propriétaire. Epargne du mineur.
A. - Si la saisie-arrêt est pratiquée sur un compte-espèces par
un créancier de l'usufruitier investi du droit de disposer, à l'exclu-

61
( ') Comp. en matière de coffre, trib. Gde lnst. Grenoble, 21 octobre 1985, Gaz. Pal., 7-8
février 1985, 12 ; voy. supra, n° 42.
61
( ) Supra, n° 53 et réf. cit. ; J.P. DESCHANEL, La convention de compte-joint, Banque,
1982, p. 1348, qui précise à juste titre : «La banque ne pourrait, fut-ce à la demande d'un cotitulaire,
reporter les effets de la saisie à la liquidation du compte. Un tel report aurait pour effet de créer une
indivisibilité que rien ne justifie».
62
( ) Cass. Fr., 24 avril 1985, Bull. Civ., 1985, II, n" 87, p. 59; R.T.D.C., 1986, 645 et obs. R.
PERROT qui écrit : «Tant pis pour celui qui associe son compte en banque à un cotitulaire qui
s'endette : il doit savoir qu'il le fait à ses risques et périls, pour le meilleur et pour le pire, et qu'il ne
pourra rien dégager du compte-joint s'il n'administre pas la preuve - extrêmement difficile, pour ne
pas dire impossible en raison de la fongibilité des deniers - que les sommes saisies ou une fraction
d'entre-elles lui appartiennent».
( 63 ) Adde. art. 1938, C. civ.; Bruxelles, 29 juin 1982, J.T., 1982, 685: la seule qualité de
déposant suffit à conférer à celui-ci le droit d'exiger la restitution de ses avoirs.
628 TRAITÉ DES SAISIES

sion du nu-propriétaire, des capitaux, la mesure sera pleinement


efficace sans préjudice du droit du nu-propriétaire d'obtenir, en fin
d'usufruit, la restitution des capitaux. Si la saisie du créancier de
l'usufruitier porte sur des titres, elle n'atteint que les revenus de
ceux-ci.
Si la saisie-arrêt est pratiquée par un créancier du nu-
propriétaire, le créancier saisissant doit respecter les droits de
l'usufruitier qui peut disposer des capitaux tant que dure l'usufruit
ainsi que des intérêts et dividendes des titres saisis (64 ).
B. - Les sommes versées sur un compte, un livret ou un carnet
de dépôt dont le mineur est titulaire dans les limites prévues par la
loi sur la capacité du mineur pour certaines opérations liées à
l'épargne (65 ) doivent être considérées comme sa propriété (66 ),
sous réserve d'une fraude paulienne établie notamment par le
créancier d'un ou des parents du titulaire (67 ).

8) Le compte-client. Le compte spécial lors de la constitution d'une


société.

A. - En principe, toute somme versée à un compte est


saisissable à charge du titulaire de celui-ci. Ainsi, les sommes
inscrites à un compte de chèques postaux constituent, dès leur
versement, quelle que soit l'origine des fonds versés - eussent-ils
été encaissés par le titulaire du compte en qualité de mandataire et
pour le compte d'un tiers - une créance du titulaire du compte
contre le centre de chèques postaux (68 ). Cette créance fait partie

64
( ) M. VASSEUR et M. MARIN, Les comptes en banque, Paris, Sirey, 1966, p. 338, n" 200.
Le cas échéant, ces règles peuvent être neutralisées, en tout ou en partie, par les articles 601 à 604,
618 et 745 ter du Code civil. Sur les obligations du dépositaire, voy. Bruxelles, 23 juin 1980, J.T.,
1980, 640.
65
( ) Loi du 30 avril 1958 modifiée par la loi du 4 juillet 1985 (voy. à ce sujet, H. CASMAN, La
minorité, in La banque dans la vie quotidienne, Jeune Barreau Bruxelles, 1986, 71à85).
66
( ) Mons, 16 juin 1982, Rev. Not., 1982, 478.
67
( ) Au sujet des autres revenus du mineur dont les parents peuvent avoir la jouissance (art.
384 à 387, C. civ.), voy. supra, n° 91 B.
68
( ) Cass. Fr., 20 avril 1983, Dall., 1984, I.R., 78 et obs. M. VASSEUR; Rép. Défrenois,
1983, 1141 et note Ch. LARROUMET; il en est de même en matière de compte-courant (Bruxelles,
16 avril 1987, J.T., 1987, 575) ; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 8 octobre 1985, F.J.F., 1987, p. 28, n" 21 :
«Lorsqu'un compte est propriété d'une personne physique, il y a lieu de considérer que tout
accroissement de ce compte lui appartient, même si le titulaire du compte prétend intervenir en tant
que mandataire d'un syndicat, association de fait lorsqu'il ne fournit aucune précision quant à
l'existence de cette association».
SAISIE-ARRET BANCAIRE 629

du patrimoine du titulaire du compte et peut, dès lors, être saisie


par ses créanciers nonobstant ses obligations envers ses autres
créanciers (69 ).
Par contre, les fonds déposés par le titulaire sur un compte
spécial exclusivement affecté à la réception des fonds provenant des
clients sont détenus à titre précaire par le titulaire du compte et ne
font pas partie de son patrimoine de telle sorte que les créanciers
personnels de ce titulaire ne sont pas en droit de saisir les sommes
inscrites sur un compte professionnel (7°) (7 1).
B. - Cette règle est notamment applicable au notaire qui ne
peut conserver plus de trois mois une somme reçue pour le compte
d'autrui à l'occasion d'un acte ou d'une opération de son ministère.
«Si avant l'expiration de ce délai, la somme reçue n'a pu recevoir sa
destination, elle doit être versée, pour le compte de la personne à
qui la somme est due, sous une rubrique distincte, à un compte
spécial ouvert dans un établissement public ou privé, conformé-
ment aux dispositions arrêtées par le Roi» (art. 34, al. 2 de la loi du
25 ventôse au XI, contenant organisation du notariat). Les fonds
versés à un tel compte ne font plus partie du patrimoine du notaire ;
ils appartiennent au client (7 2) ; ils sont donc seulement saisissables

69
( ) G. de LEVAL, Aspects actuels du droit des saisies, J.T., 1980, p. 646, n° 63 et réf. cit.;
Bruxelles, 16 avril 1987, préc.; la solution est la même en cas de fiducie, voy. P.A. FORIERS, La
fiducie en droit belge, in Les opérations fiduciaires, FEDUCI-L.G.D.J., 1985, p. 293-294 et Cl.
REYMOND et J. REVACLIER, Les opérations fiduciaires en droit suisse, même ouvrage, p. 424;
par contre, en droit luxembourgeois, l'article 3, §1er du règlement grand-ducal du 19juillet1983 relatif
aux contrats fiduciaires des établissements de crédit soustrait l'actif fiduciaire à lemprise des créanciers
personnels du fiduciaire: «L'actif fiduciaire ne fait pas partie de la masse en cas de liquidation collective
du fiduciaire. Il ne peut être saisi que par les créanciers dont les droits seraient nés à l'occasion du
patrimoine fiduciaire, à l'exclusion des créanciers personnels du fiduciaire. Le fiduciaire doit
comptabiliser lactif et le passif fiduciaire séparément des autres éléments de son patrimoine» (voy. La
fiducie des établissements de crédit en droit luxembourgeois, même ouvrage, p. 359).
(7°) Cass. Fr., 19 février 1985, Bull. Civ., 1985, 1, p. 64, n° 68; Gaz. Pal., 1985, Pan., 218 et
note M. VERON; Dall., 1985, l.R., 319; Dall., 1986, l.R., 316 et obs. M. VASSEUR; Rev. Trim.
Dr. Corn. et Dr. Econ., 1985, p. 797, n° 11; Paris, 21juin1983, Dall., 1984, l.R., 47; Bruxelles, 16
avril 1987, préc. (a contrario). Toutefois, il ne suffit pas qu'une somme soit placée à «Un compte
bloqué» pour déduire de ce seul fait qu'il y a individualisation même si le blocage a lieu en vue
d'affecter la somme à un but déterminé (Cass., 9 mai 1947, Pas., 1947, 1, 192; voy. aussi Mons, 26
juin 1984, Pas., 1984, Il, 140 et C.T. Liège, 5è ch., 18 avril 1986, R.G. n° 11.840/85).
{7 1) C'est pourquoi l'information prévue par l'article 218, al. 3, C. civ. (supra annexe n° 4 B)
ne doit pas être donnée au conjoint de celui qui ouvre un compte professionnel rubriqué (J. DE
GAVRE, Le mariage et le divorce : leurs conséquences sur la relation banque-client, in La banque
dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 146, n° 19).
(72 ) Liège, 6 novembre 1967, Jur. Lièg, 1967-1968, 81 ; Mons, 12juillet1985, Banque, 1985/8,
p. 73 et Rev. Not., 1986, 45; P. JAMAR, Comptabilité notariale, Rép. Not., T. XI, L. III, n°13; P.
WATELET, La comptabilité notariale, Larder 1982, p. 71 à 73 et 81 à 91; J. DEMBLON, Des
incidences des ouvertures de crédit sur les dépôts-client et leur individualisation, Rev. NOt., 1984, p.
166 à 187.
630 TRAITÉ DES SAISIES

par le créancier du client du notaire à charge de celui-ci en sa


qualité de gérant pour compte de la personne à qui la somme est
due (73).

Une saisie-arrêt pratiquée sur ce compte spécial par un


créancier du notaire serait sans effet ; le juge des saisies pourrait
ordonner la mainlevée ou la distraction des sommes appartenant au
client du notaire.

Ces règles sont applicables non seulement aux comptes


rubriqués individualisés mais aussi aux comptes rubriqués collectifs
exclusivement affectés à la réception des fonds provenant de la
clientèle (7 4). A nos yeux, elles ré~issent le maniement par
n'importe quel professionnel (avocat ( 5) (76), huissier de justice
(77), expert comptable, etc.) de fonds appartenant à des tiers. Si
par ce procédé le client peut être protégé à l'égard du titulaire du
compte, il ne l'est pas vis-à-vis du ban~uier à l'égard duquel il ne
dispose d'aucune cause de préférence C).

C. - Faut-il appliquer les mêmes principes au dépôt de fonds à


un compte spécial lors de la constitution d'une société (art. 29 bis et
120 bis des lois coordonnées sur les sociétés commerciales) ? Faut-il
décider qu'une saisie-arrêt pratiquée par le créancier du déposant
devient sans objet en cas de constitution de la société dans les trois
mois de l'ouverture du compte spécial {79 )? En l'espèce, le
déposant demeure propriétaire des fonds. Il semble plus normal de
décider qu'une saisie-arrêt à charge de celui-ci rend impossible la

(73) Les comptes rubriqués échappant à toute possibilité d'unicité du compte entre le notaire
et son banquier, il ne peut y avoir matière à compensation entre une dette du notaire envers la
banque et les sommes inscrites sur les comptes rubriqués (Mons, 12 juillet 1985, préc.).
(74 ) Cass. Fr., 19 février 1985, préc. ; Paris, 21juin1983, préc. ; J. DEMBLON, op. cit., Rev.
Not., 1984, p. 177, n° 43 et p. 186, n° 80.
(75 ) Voy. notamment le règlement du Conseil de l'Ordre de Bruxelles du 5 décembre 1978 sur
le maniement par les avocats de fonds appartenant à des tiers (Notarius, 1982/8, p. 302-303).
(76 ) Bruxelles, 16 avril 1987, J.T., 1987, 575.
{77) Voy. par exemple, l'article 1405, alinéa 3 en cas de cantonnement réalisé sur un compte
ouvert à la Caisse des dépôts et consignations (supra, n° 202 A).
{7 8) J. DEMBLON, op. cit., Rev. Not., 1984, p. 171, n° 17.
{79) Voy. en ce sens, L. SIMONT, La loi du 6 mars 1973 modifiant la législation relative aux
sociétés commerciales, Rev. Prat. Soc., 1974, p. 8-9, n° Il.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 631

constitution de la société (80). Cette solution plus respectueuse des


lois du concours permet d'éviter que le principe de l'unité du
patrimoine «ne sombre devant l'astuce de certains débiteurs qui
feraient éclore des sociétés éphémères pour brouiller les pistes et
entraîner la confusion» (81 ).

9) Le compte individualisé ouvert au nom du locataire.

Aux termes de l'article 1752 bis, § 1er, al. 1 à 3 du Code


civil : «Si un logement constituant l'habitation principale du pre-
neur, lui est donné à bail pour une durée maximale de 9 ans et si,
indépendamment des sûretés prévues à l'article 1752, le preneur
donne pour assurer le respect de ses obligations, une garantie
consistant en une somme d'argent, celle-ci doit être placée par les
parties sur un compte individualisé ouvert au nom du locataire, soit
auprès d'une institution publique de crédit, soit auprès d'une
banque, soit auprès d'une caisse d'épargne (82 ). Les intérêts
produits par la somme ainsi placée sont capitalisés. Par le seul fait
du placement, le bailleur acquiert privilège sur l'actif du compte
pour toute créance résultant de l'inexécution totale ou partielle des
obligations du preneur». ·
Le locataire est à la fois titulaire et propriétaire de la
somme placée sur le compte individualisé, lequel est exclusivement
affecté à la garantie locative.

80
( ) «Un membre aimerait savoir si un tiers qui est le créancier de celui qui a déposé les fonds
peut saisir-arrêter ceux-ci. Il a fait observer que, dans l'affirmative, les fonds ne pourraient plus être
disponibles au moment de la constitution de la société. Le Ministre a estimé que les fonds peuvent
bien faire l'objet d'une saisie-arrêt ; en effet, ils ne sont pas soustraits au patrimoine de celui qui les a
versés ou virés. Le notaire instrumentant aura cependant le devoir de vérifier si les fonds sont encore
disponibles au moment de la passation de l'acte et sera, le cas échéant, responsable de toute
négligence. La situation est similaire à celle qui se présente lors de la vente d'un bien immobilier pour
franc et quitte ; dans cc cas, le notaire doit également vérifier si aucune inscription hypothécaire n'a
été prise sur le bien. Dans la pratique, l'organisme dépositaire des fonds devrait prévenir le notaire
lorsqu'une saisie-arrêt a été pratiquée. Le Ministre a fait observer que les notaires doivent prendre
leurs responsabilités en ce domaine» (Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc.
Pari, Sess., 1970-1971, n" 700-1, p. 18).
81
( ) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,
1981, p. 704, n° 16.
82
( ) Les règles particulières applicables aux baux des habitations appartenant à la Société
nationale du logement et aux sociétés agréées par elle relèvent de la compténce des exécutifs
régionaux. A défaut d'un décret émanant de l'un des exécutifs régionaux et dérogeant à l'article 1752
bis du Code civil pour les baux qui les concerne, cet article s'applique également aux habitations
appartenant à la Société nationale du logement et aux sociétés agréées par elle (Ouest. et Rép.,
Chambre, 1984-1985, p. 2263).
632 TRAITÉ DES SAISIES

Le bailleur a un privilège sur l'actif du compte qu'il peut


saisir-arrêter sans forme spéciale conformément à l'article 1752 bis,
§ 1er, al. 4 du Code civil : «Il ne peut être disposé du compte de
garantie, tant en principal qu'en intérêts, qu'au profit de l'une ou
de l'autre des parties, moyennant production soit d'un accord écrit,
établi postérieurement à la conclusion du bail, soit d'une copie
conforme de l'expédition d'une décision judiciaire. Cette décision
est exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel, et
sans caution ni cantonnement».
L'hypothèse du concours entre le bailleur et les autres
créanciers du preneur n'a pas été évoquée par le législateur ; il est
donc difficile d'admettre que le privilège du bailleur sur le compte
bénéficierait d'une priorité absolue (83 ). Partant, si une saisie-arrêt
de droit commun a été pratiquée par un autre créancier du preneur
avant qu'il n'ait été disposé du compte conformément à l'article
1752 bis, § 1er, al. 4, le tiers saisi, en l'absence d'accord entre les
parties, ne pourra se libérer que sur base du tableau de répartition,
le cas échéant, arrêté par le juge des saisies à l'issue de la procédure
de distribution par contribution (art. 1634, C. JUd.).

10) Immunité d'exécution de l'Etat étranger.

On se réfère à ce qui est exposé dans la partie générale (84 )


en insistant sur l'extrême fréquence du problème en cas de saisie-
arrêt des comptes dont l'Etat étranger ou une émanation de celui-ci
est titulaire dans un autre pays et sur les im~ortantes limites
apportées au principe de l'immunité d'exécution ( 5).

83
( ) O. GUTT, Garantie locative: l'article 1752 bis du Code civil, J.T., 1984. 132-133; contra
J. VANKERCKHOVE, Petite réforme du louage de loyer en 1984, J.T., 1984, 158, n° 161. Au sujet
de l'art. 1752 bis,§ 1er, al. 4, in fine, voy. supra, n° 277 A 2.
(84) no 64.
85
( ) Pour un remarquable exposé d'ensemble, voy. M. SYNVET, Quelques réflexions sur
l'immunité d'exécution de l'Etat étranger, Clunet, 1985, 865 à 887. Au sujet des diverses conceptions
en matière de comptes, il écrit : «la concurrence incite à ne pas lever trop facilement la barrière de
l'immunité d'exécution, parce que les Etats disposent évidemment d'une marge de liberté dans la
localisation de leurs placements financiers à l'étranger - et l'on sait que c'est la saisie des comptes
bancaires qui provoque le contentieux le plus fréquent. Un droit national concéderait-il une place
trop réduite à l'immunité d'exécution? Les banques locales pourraient craindre que les capitaux
publics étrangers ne s'investissent de préférence ailleurs. Mais, inversément, la concurrence est
susceptible de jouer dans le sens d'un assouplissement de l'immunité. C'est également en matière
financière qu'on l'a constaté : le souci des milieux d'affaires londoniens d'éviter une fuite vers New
York des crédits consentis aux gouvernements étrangers, après l'entrée en vigueur des dispositions du
Foreign Sovereign Immunities Act favorables aux prêteurs, a contribué à l'adoption par le Parlement
britannique de la loi de 1978» (p. 868, n" 4).
SAISIE-ARRET BANCAIRE 633

11) Détermination du solde créditeur saisi-arrêté.

La créance saisie-arrêtée est représentée par le solde


créditeur existant au jour de la saisie tel qu'il se présente après
liquidation des opérations en cours. Si l'assiette de la saisie ne peut
être augmentée ou diminuée par l'effet d'opérations nouvelles dont
le processus a pris naissance après l'accomplissement de la mesure,
la détermination du solde créditeur saisi peut être influencée par les
opérations en cours qui existaient «en germe» au moment de la
saisie et dont le résultat peut, éventuellement, être retranché ou
ajouté au solde saisi (86).

Il importe de développer ce principe.

A. - Les opérations nouvelles.

Les opérations nouvelles «ne peuvent en aucune façon


modifier le solde du compte tel qu'il apparaît au jour de la saisie»
87
( ) ; il en résulte que :

1 - Le saisi ne peut effectuer aucun retrait de fonds. De même, il


ne peut pratiquement émettre un chèque sur le compte frappé
d'indisponibilité par la saisie même si, en théorie, on peut
soutenir que, sauf collusion entre le tireur et le porteur,
l'émission d'un tel chèque demeure valable seul le privilège du
porteur étant inopposable au saisissant (88 ), le tout sans
préjudice des suites pénales attachées à l'émission d'un chèque
sans provision suffisante et disponible (art. 509 bis, C. pén. ). Il
faut enfin préciser que s'il s'agit d'un chèque émis sous le
couvert d'une garantie bancaire, la banque doit exécuter son
engagement personnel indépendamment des droits et obliga-
tions réciproques du tireur et du tiré et du fait que la provision

86
( R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n° 142, p. 158-160.
)
87
( R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n°102-2, p. 116.
)
88
( ) En une telle éventualité, le porteur aura uniquement la qualité de créancier chirogra-
phaire habilité à concourir à la distribution par contribution. Suivant M. O. GUTI (Saisie-arrêt d'un
compte en banque, J.T., 1983, 112), Je porteur du chèque ne dispose d'aucun privilège car la créance
du tireur sur le tiré n'est plus exigible, et ne peut dès lors être grevée d'un privilège.
634 TRAITÉ DES SAISIES

soit ou non suffisante et disponible lors de l'émission et de la


présentation du chèque (89) ( 90 ) ;

2 - Le saisi peut disposer des sommes remises en vertu des


opérations dont le processus a pris naissance postérieurement
à l'acte de saisie. Il importe d'éviter à ce niveau toute
généralisation excessive. La saisie-arrêt ne porte certes pas sur
toutes les sommes susceptibles d'être versées sur le compte en
banque du débiteur après la saisie mais les effets de la saisie
peuvent, le cas échéant, s'étendre aux entrées en compte à
venir lorsqu'existe, à la date où elle est formée, un principe de
créance tenant à une cause autre que la remise de nouvelles
sommes entre les mains du banquier (91 ). Ainsi, il peut être
tenu compte dans l'assiette de la saisie du montant de créances
cédées au client avant la saisie mais payées et portées au crédit
du compte après la saisie (92 ). Il s'agit chaque fois de
déterminer si la créance résulte exclusivement de la remise
effective des fonds postérieure à la saisie (93 ) ou si elle
n'existait pas au moins en germe au moment de la saisie. Il
reste que le titulaire d'un compte de dépôt est toujours libre de
ne plus l'alimenter après celle-ci.

9
(" ) A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banque, p. 54, note 135 et La saisie-arrêt, in Les
voies conservatoires et d'exécution, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1982, p. 128, note 229 ; Mons, 29
juin 1984, Pas., 1984, II, 144; Comm. Charleroi, 3 avril 1985, R.D.C., 1986, 237; O. GUTT, Saisie-
arrêt d'un compte en banque, J.T., 1983, 123 qui précise à juste titre que «le montant des chèques
émis après le jour de la saisie et payés par la banque en raison de son engagement, ne pourra être
déduit du solde saisi, puisque la cause du paiement n'est pas le privilège du porteur du chèque»;
adde. G.A. DAL, L'eurochèque, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau
Bruxelles, 1986, p. 316, n° 11.
90
( ) Comp. en cas d'ordre de virement électronique suivi d'une saisie-arrêt avant que le
compte du donneur d'ordre ne soit débité, J.P. BUYLE, La carte de paiement électronique, in La
banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 465. Au demeurant, la
solution en ce cas se justifie aussi par le mécanisme de la délégation imparfaite (lb., p. 463-464).
91
( ) Cass. Fr.. 24 juin 1959, Gaz. Pal., 1959, 2è sem., 238: si une saisie-arrêt peut frapper une
créance conditionnelle ou même éventuelle, encore faut-il que celle-ci existe, au moins en germe, au
moment de la saisie. Le juge ne peut, par suite, décider que la saisie-arrêt pratiquée par le créancier
sur le compte en banque de son débiteur doit porter non seulement sur les sommes détenues par la
banque à la date de l'opposition, mais encore sur toutes celles susceptibles de lui être versées par la
suite, sans préciser en vertu de quelles créances le compte pourrait être éventuellement crédité.
92
( ) Supra, Annexe I, 2 et réf. cit. ; voy. aussi B 1 c.

(93 ) Ce n'est que pour ces créances que l'on peut admettre que «les huissiers ont bien tort de
semer le trouble dans les esprits en prétendant par leurs actes saisir les créances nées ou à naître ou
encore toutes les sommes que la banque doit ou devra » (obs. M. VASSEUR, Dall., 1980, I.R.,
201). En effet, le futur utilisé dans les exploits de saisie ne peut désigner les créances nées
postérieurement à la signification de l'exploit mais uniquement celles dont le principe est acquis au
jour de la saisie.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 635

B. - Les opérations en cours.

Les opérations en cours peuvent modifier de mamere


négative ou positive le solde du compte tel qu'il apparaît au jour de
la saisie.

1) Eléments négatifs.

a) Le chèque.
«Le banquier doit payer sur le solde provisoire créditeur
les chèques émis avant la saisie» (94 ) et présentés à l'encaissement
après celle-ci. En droit belge, la remise du chèque n'opère pas, à
l'instar du droit français, transfert de la propriété de la provision au
profit du porteur mais, en vertu de l'article 39 bis, alinéa 1er de la
loi du 1er mars 1961 sur le chèque, «le porteur d'un chèque a, vis-à-
vis des créanciers du tireur, une créance privilégiée sur les fonds
dont le tiré était débiteur lors de la présentation du chèque, sans
préjudice de l'application de l'article 445 du Code de commerce»
95
( ). «Une saisie-arrêt pratiquée après l'émission du chèque ne
saurait, à elle seule, faire obstacle au privilège» (96 ) puisqu'elle ne
confère ni ne retire aucun privilège et frappe le patrimoine du saisi
dans l'état où il se trouve le jour où elle est pratiquée ; c'est
pourquoi, il arrive qu'en pratique, postérieurement à la saisie-arrêt,
de tels chèques soient payés au porteur, leur montant venant en
déduction du solde saisi, alors qu'en règle, le privilège ne produit ses
effets qu'au moment de la distribution du prix (97 ) ( 98). Des
difficultés de preuve peuvent surgir : le chèque est antidaté ; la date

94
( R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n° 102-2, p. 117.
)
95
( «li faut comprendre, malgré la mauvaise rédaction de l'article 39 bis de la loi uniforme sur
)
le chèque, que le privilège porte sur «les fonds dont le tiré était débiteur lors de la création
(entendez: l'émission) du chèque» (O. GUIT, Saisie-arrêt d'un compte en banque, J.T., 1983, 122).
96
( ) J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, T. III, 2è éd., 1981, note 1,
p. 430.
97
( ) Comm. Verviers, 19 mars 1984, Jur. Liège, 1984, 362 ; comp. Comm. Mons, 18 décembre
1978, J.C.Belg., 1981, II, 237: «L'ouverture de la faillite entraîne instantanément une fixation des
actifs et notamment une immobilisation des comptes en banque (avec de rares exceptions telles que la
contre-passation en matière de compte courant). Le paiement de chèques par le banquier après cette
date, alors que les chèques n'ont aucune date certaine opposable au curateur n'est pas conforme aux
règles applicables en matière de faillite (Novelles, Faillites et concordats, Ed. 1975, n°s 275 et 278) » ;
voy. aussi G.A. DAL, L'eurochèque, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau
Bruxelles, 1986, p. 325 à 327.
98
( ) On insiste sur le caractère illégal de cette pratique ; le banquier peut seulement espérer
que celui qui la dénonce ne puisse invoquer un préjudice (voy. notes 57 et 100).
636 TRAITÉ DES SAISIES

de création ne coïncide pas avec celle de l'émission du chèque (99 ) ;


la saisie-arrêt et l'émission du chèque ont lieu le même jour sans
que l'acte de saisie ne mentionne l'heure de celle-ci, etc. En cas de
contestation sérieuse au sujet de l'antériorité du chèque, le ban-
quier doit absolument refuser le paiement de celui-ci et inviter le
porteur à s'associer à la poursuite pour faire valoir son droit de
préférence lors de la distribution par contribution (1 00 ).
b) Ordres de virement et domiciliation d'effets
de commerce.
Une saisie-arrêt pratiquée à charge d'un donneur d'ordre
entre les mains de la banque de celui-ci à un moment où le compte
n'a pas été débité empêche que le virement ait lieu.
A défaut de concordance entre le moment où le compte du
donneur d'ordre est débité et celui où les fonds sont perçus par le
banquier du bénéficiaire, la saisie peut encore être pratiquée à
charge du donneur d'ordre entre les mains du banquier du
bénéficiaire (mandataire substitué du premier banquier, celui-ci
agissant comme mandataire du donneur d'ordre); ce qui importe
c'est que les sommes ne soient pas en la possession du banquier du
bénéficiaire à la date de la saisie (101 ).
Les ordres de virement, même permanents, donnés par le
titulaire du compte avant la saisie ne peuvent être exécutés par le

99
( ) Voy. à ce sujet, A.M. STRANART, op. cit., p. 61 qui rappelle qu'en droit belge on
estime généralement que la date de création du chèque (signature par le tireur) fait foi de sa date
d'émission (remise au bénéficiaire), sauf preuve contraire de cet élément de fait (adde. P. MIHAIL,
Le paiement d'un chèque par le banquier après la faillite du tireur, Rev. Banque, 1987, p. 40, n° 6).
De manière plus nuancée, R. MARTIN (op. cit., Rev. Huissiers, 1986, 1133) écrit: «La difficulté
réside dans la preuve de l'antériorité du chèque. La date portée sur le chèque ne saurait faire foi sans
permettre toutes les fraudes. La charge de cette preuve incombe au porteur du chèque. Elle résultera
pratiquement dans la majorité des cas d'un endos de banque ou d'un cachet de compensation. D'où
l'intérêt pour le porteur de ne pas laisser traîner des chèques en portefeuille».
(1 00) Cette attitude est entièrement justifiée puisqu'il est de principe que «le tiers auquel il a
été fait défense de s'acquitter de sa dette ne saurait, sans engager sa responsabilité envers le
saisissant, passer outre à cette défense tant qu'il ne lui aura pas été justifié que mainlevée régulière de
la saisie a été accordée» (Paris, 15è ch., 26 juillet 1985, Rev. Banque, 1985, 857 et obs. J.L. RIVES-
LANGE; Rev. Trim. Dr. Corn. et Dr. Econ., 1985, p. 802, n° 17; G.A. DAL, lb. ; adde note 145).
101
( ) Voy. M. DASSESSE, Le moment d'exécution du virement entre deux banques. Vers
une remise en cause de la conception traditionnelle?, Rev. Not., 1987, p. 427 à 438 et sp. p. 434-435.
Comp., la solution (inconciliable avec la solution admise en cas de saisie-arrêt à charge du
bénéficiaire, infra, n° 1112 et note 115) reposant aussi sur J'analyse du virement qui comporte
notamment un mandat substitué entre les deux banques intervenant dans la réalisation de l'opération
et suivant laquelle le virement peut être révoqué tant que le compte du bénéficiaire n'est pas crédité
(A. BRUYNEEL, Le virement, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles,
1986, p. 377 à 403; adde. Comm. Liège, 19 mars 1986, J.L., 1986, 379 et M. CABRILLAC et B.
TEYSSIE, Crédit et titres de crédit, R.T.D.C. et Dr. Econ., 1986, p. 418, n° 8). La même idée de
mandat substitué se retrouve en matière de crédit documentaire dans les rapports entre le banquier
émetteur et le banquier notificateur (M. EKELMANS, obs. sous Bruxelles, 6 novembre 1985, Rev.
Banque, 1986, 48 et s. et réf. cit.).
SAISIE-ARRET BANCAIRE 637

banquier après celle-ci ( 102 ) ; de même, les effets de commerce


domiciliés sur le compte avant la saisie ne doivent pas être payés sur
le solde saisi (103 ). Il s'agit certes d'opérations en cours au jour de
la saisie mais dans l'un et l'autre cas, il ne s'agit que d'un mandat de
payer donné au banquier qui, faute de conférer au bénéficiaire un
droit propre sur la provision, ne peut entraîner une diminution de
la créance saisie-arrêtée (104).
c) Les prétentions du banquier tiers saisi.
Parmi les opérations en cours figurent certaines opérations
au profit du banquier, tiers saisi. «Ainsi, ce dernier a pu accepter de
réaliser une opération d'escompte ( 105 ) encore en cours en consi-
dérant que le solde provisoire du compte lui offrait une garantie
suffisante en cas de non-paiement de l'effet et de contre-passation.
On considère généralement que la saisie ne peut le priver de cette
garantie et que, nonobstant cette mesure, le banquier peut porter le
montant de l'effet impayé au débit du client en l'imputant sur le
solde bloqué» (106 ).
De manière plus générale, «la prohibition de compensation
(art. 1298, C. civ.), reçoit exception lorsqu'il existe entre les deux
créances, un lien de connexité qui justifie la compensation nonob-
stant le concours entre le saisissant et le tiers saisi» (107 ) ( 108 ).

102
( ) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n° 169, p. 202; A.M. STRANART,
op. cit., p. 63.
03
(' ) J.L. RIVES-LANGE, note sous Trib. Gde Inst. Rouen, 21mai1974, D., 1975, J., 19;
A.M. STRANART, op. cit., p. 63.
04
(' ) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n° 102-2, p. 117; Mons. 25 septembre
1984, Rev. Banque, 1985/6, p. 35; comp. l'analyse fouillée de P. DELNOY, La qualification de la
donation par virement, note sous Mons, 20 novembre 1979, R.C.J.B., 1984, p. 199 à 202, n° 2 qui
présente le virement comme une opération complexe. En aucun cas, il ne peut s'agir d'une délégation.
(w 5 ) Cette opération se réalise par l'inscription du montant de l'effet au crédit du compte
courant du client remettant (Cass. Fr., 9 juillet 1985, Rev. Banque, 1986, 86).
106
( ) A.M. STRANART, La saisie-arrêt, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed.
Jeune Barreau Bruxelles, 1982, 132. Sur l'extinction de la créance cambiaire, à la suite de la contre
passation, voy. J.L. RIVES-LANGE, Chronique de jurisprudence bancaire, Rev. Banque, 1985,
1071 et réf. cit. et 1987, 519; R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit.,n° 284.
07
(' ) Bruxelles, 28 avril 1983, Pas., 1983, II, 87; voy. 1. MOREAU-MARGREVE, Les
sûretés, Chronique de droit à l'usage du Palais, T. III, 1987, p. 151à155 (qui relève la jurisprudence
faisant application du critère de la connexité non seulement au contrat synallagmatique mais aussi à
l'opération économique unique; voy. sur les limites du principes, Cass. Fr., 22 avril 1986, Clunet,
1987, 104 et note M.A. HERMITTE; Paris, li juillet 1984, Clunet, 1985, 646 et note M.A.
HERMITTE); Comm. Mons, 25 avril 1985, R.D.C., 1986, 387 et R.R.D., 1986, 47; Comm.
Namur, 6 novembre 1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 287 (connexité entre des créances résultant de
contrats distincts) ; adde. M. DONNIER, Voies d'exécution et procédures de distribution, Litec,
1987, p. 277, n° 664; Cass. Fr., 18 février 1986, Gaz. Pal., 1986, Pan., 106; Cass. Fr., 18 décembre
1986, Gaz. Pal., 1987, Pan., 58 (obligations réciproques nées d'un même contrat).
08
(' ) Au sujet de l'application de la règle aux comptes de succession, de tutelle, de reprises et
récompenses, d'associations sans personnalité juridique, voy. F. T'KINT, obs. sous Cass., 28 février
1985, J.T., 1986, p. 582, n° 17 et réf. cit.
638 TRAITÉ DES SAISIES

Il importe de préciser que le lien de connexité doit exister


réellement entre les créances nées d'un même rapport synallagmati-
que et non résulter d'une extension conventionnelle du lien de
connexité (1 09 ). Ainsi, n'est pas opposable aux tiers la convention
de fusion ou de compensation par laquelle les correspondants
conviennent d'affecter à la garantie du solde débiteur d'un compte
le solde créditeur d'un ou de plusieurs autres comptes (110). En
principe, en effet, les divers comptes ouverts à une même personne

09
(' ) La Cour de cassation n'admet pas l'opposabilité aux tiers de l'extension conventionnelle
du lien de connexité (Cass., 7 octobre 1976, Pas., 1977, 1, 156 et les concl. de M. !'Avocat général
KRINGS; voy. aussi Cass., 28février1985, R.D.C., 1985, 377; Pas., 1985, 1, 795, J.T., 1986, 578 et
obs. F. T'KINT; 1. MOREAU-MARGREVE, Heurs et malheurs du gage sur fonds de commerce,
R.C.J.B., 1980, p. 133, n° 5 et note 15 et Les sûretés, Chronique de droit à l'usage du Palais, T. III,
1987, p. 154; J.L. JASPAR, Questions pratiques posées par la liquidation pour cause de faillite des
entreprises de travaux publics, J.C.B., 1982, II, p. 379-380; D. MARTIN, Des techniques
d'affectation en garantie des soldes de comptes bancaires, Dall., 1987, Chron., XLI, p. 231; comp. et
contra, P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., R.C.J.B., 1975, n° 117, p. 704; J.L. FAGNART, note
sous Cass., 7 octobre 1976, R.C.J.B., 1979, n° 23, p. 34-35; J. VAN RYN, Les grands courants du
droit commercial contemporain, J.T., 1982, p. 161; A.M. STRANART, Opposabilité aux tiers des
conventions d'indivisibilité, de compensation et d'unicité de comptes, Carrefour juridique CIEAU,
24 février 1983, 28 ; P. VAN OMMESLAGHE, Sûretés issues de la pratique et autonomie de la
volonté, in Les sûretés, 1983, FEDUCI, sp. p. 379 à 385; C.G. WINANDY, Les comptes en banque
et les intérêts, in La banque dans la vie quotidienne, Ed. Jeune Barreau Bruxelles, 1986, p. 54 à 57,
n°s 50 à 53.
110
( ) Civ. Marche, ch.s., JO mai 1983, Rcv. T.V.A., 1984, 299; Tijds. Not., 1985, 49. Les
deux attendus essentiels doivent être reproduits car ils dégagent clairement la solution de droit
commun applicable : «Attendu qu'à défaut d'unicité bien établie des comptes, il faut admettre que
chaque compte conserve son individualité et fonctionne indépendamment des autres comptes du
même client de la banque, sans possibilité de compensation entre les soldes de ces divers comptes
(Novelles, Droit commercial, t. IV, n°1780); Attendu que la convention d'unicité de compte du 15
octobre 1975 n'est pas opposable au tiers ; qu'il n'est pas permis de se créer l'équivalent d'un
privilège, par une convention, même si cette convention date d'avant la période suspecte (Novelles,
op. id., n° 1782)». Cette solution est vivement combattue par A.M. STRANART, op. cit., CIEAU,
24 février 1983, p. 20 à 30 (l'auteur reconnaît cependant que les perspectives d'accueil par les
juridictions belges de ce système sont problématiques, p. 33) ; Les sûretés commerciales, Syllabus,
1982, p. 64 à 73 et par P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., FEDUCI, qui estime: «Nous croyons
pouvoir déduire de ces considérations que les règles sur le concours (et leurs corollaires concernant
l'égalité entre les créanciers et le principe »pas de privilège sans texte«) ont pour seule restriction
d'interdire les conventions ou les actes juridiques unilatéraux dont l'objet serait d'assurer au
créancier bénéficiaire un paiement sur les avoirs du débiteur, éventuellement après réalisation de
manière préférentielle, en rompant l'égalité des créanciers hors le cas de privilèges ou d'hypothèques.
En revanche, toutes les institutions qui aboutissent, par un mécanisme dicté par l'autonomie de la
volonté, a d'autres conséquences que celle-là doivent sortir leurs effets, même en cas de concours et
même si elles aboutissent à avantager un créancier» (p. 379); voy. plus spécialement sur les comptes,
p. 384. Voy. encore A.M. STRANART, Rapport de synthèse, FEDUCI, p. 560 et M. SIMONT
(auquel se réfère M. VAN OMMESLAGHE. p. 375) «Essai de classification des sûretés issues de la
pratique et problèmes juridiques qu'elles posent», FEDUCI,p. 317 qui estime que la convention
établissant une connexité juridique ne présenterait pas le caractère de sûreté réelle, que l'on pourrait
reconnaître au droit de rétention ! Pour un exposé d'ensemble de cette position doctrinale que ne
consacre pas l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1985, voy. F. T'KINT, obs. sous cet arrêt,
J.T., 1986, 580 à 582.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 639

sont indépendants l'un de l'autre (111 ) de telle sorte que la saisie-


arrêt frappe le solde créditeur du compte du client en dehors de
toute prise en considération du solde débiteur de tel autre compte
ouvert à son nom (112 ). Ces principes ne préjudicient pas au
mécanisme de la compensation légale survenue avant la situation de
concours ( 113).

2) Eléments positifs.
D'abord, il importe de tenir compte des créances qui,
entrées en compte avant la saisie, n'y sont pas encore inscrites au
jour de la saisie ; en effet, «une créance entre en compte lorsqu'elle
subit les effets de la convention de compte ou l'un d'entre eux.
L'inscription n'est que la régularisation comptable d'une entrée en
compte antérieure» ( 114 ). Ainsi, en va-t-il des chèques ou effets
remis à l'encaissement et dont le montant n'est porté au crédit du
compte qu'après la saisie (115).
Ensuite, il y a lieu à notre avis de tenir compte des remises
ultérieures qui se rattachent aux liens contractuels sur base des-
quels le compte a été ouvert ou alimenté (contrats à exécution
successive ou contrat à exécution instantanée dont seul le principe

111
( ) Il importe de réserver l'hypothèse de l'unicité de compte qui se présente lorsque client et
banquier déclarent mettre en place deux ou plusieurs comptes, matériellement séparés, pour des
facilités comptables, mais ne formant juridiquement qu'un compte unique (R. RODIERE et J.L.
RIVES-LANGE, op. cit., n° 96, p. 104). Voy. à ce sujet, D. MARTIN, Des techniques d'affectation
en garantie des soldes de comptes bancaires, Dall., 1987, Chron., XLI, p. 229 à 233 et sp. p. 230 (le
critère déduit du calcul des intérêts débiteurs sur le solde global est à juste titre mis en évidence par
l'auteur) ; L. SIMONT et A. BRUYNEEL, Chronique de droit bancaire privé. Les opérations de
banque (1978-1979), Rev. Banque, 1979, p. 681-682, n° 9 et réf. cil. ; A. BRUYNEEL, Le droit
bancaire, J.T., 1982, p. 353, n° 13; J.M. NELISSEN, De rekening courant, Kluwer, n° 168, p. 377
et s. ; F. T'KINT, Obs. sous Cass., 28 février 1985, J.T., 1986, p. 582, n" 16; Comm. Namur, 6
novembre 1986, Rev. Rég. Dr., 1987, 287 et note M.F. ANTOINE.
112
( ) M. VASSEUR et X. MARIN, op. cit., n° 286, p. 492; F. T'KINT, op. cit., J.T., 1986,
p. 582, n° 15 ; de même, il résulte du principe de l'indépendance des comptes que la provision d'un
chèque n'est appréciée que par rapport à la position du compte sur lequel il est assigné (R.
RODIERE et J.L.RIVES-LANGE, op. cit., n° 95; M. CABRILLAC, Chron. de lég. et de jur.
françaises. Crédits et titres de crédit, R.T.D., Comm., 1980, n° 10, p. 125).
13
(' ) Liège, 28 septembre 1984, Jur. Liège, 1985, 17; Bruxelles, 26 novembre 1985, J.T.,
1986, 345.
14
(' ) R. RODIERE et J.L. RIVES-LANGE, op. cit., n" 100, p. 107; L. MARTIN,
Chronique de jurisprudence bancaire, Rev. Banque, 1984, p. 855.
1
(' ') Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET, Chronique de droit bancaire, J.C.P., 1976, D., n°
2801/22; Ch. GAVALDA, note sous Rouen, 14 novembre 1979, D., 1980, J., 130; A.M.
STRANART, Saisies-arrêts en banque, p. 65 (l'auteur cite aussi le cas du virement reçu par la
banque au profit du client avant la saisie et non encore porté au crédit du compte au moment de cclle-
ci; voy. aussi M. DASSESSE, op. cit., Rev. Not., 1987, p. 436).
640 TRAITÉ DES SAISIES

existe avant la saisie) ou à des créances entrées en compte avant la


saisie (intérêt, etc.) ( 116 ).

12) La saisissabilité de l'ouverture de crédit.


A. - Deux motifs sont souvent invoqués pour contester la
saisissabilité de l'ouverture de crédit :
1 - le crédité ne serait titulaire d'aucune créance à l'égard de sa
banque ; or une saisie-arrêt devant porter sur une créance
appartenant au débiteur, aussi longtemps que le crédit n'a pas
été utilisé, les sommes stipulées ne font point partie du
patrimoine du crédité ;
2 - le droit qu'a le client de se faire remettre les fonds est
exclusivement attaché à sa personne ; lui seul peut transformer
l'ouverture de crédit (qui ne peut être cédée ni mobilisée à
l'initiative d'un tiers agissant par la voie oblique) en un
véritable prêt. Dans ce système la saisie ne pourrait appréhen-
der que le solde apparaissant en faveur du crédité à la clôture
du compte ( 117 ).
B. - Ces motifs ne sont pas totalement convaincants:
1 - Créance du crédité.
Il est inexact de prétendre que la banque n'est pas débitrice
de son client dans la mesure où elle a l'obligation incontestable de

( 116) Supra, Annexe I, n° 2. Adde. R. MARTIN, La saisie-arrêt sur un compte en banque,


Rev. Huissiers, 1986, 1136: «Il ne faut pas perdre de vue qu'avec l'émasculation de la saisie-
exécution et la banalisation du compte en banque, la saisie-arrêt entre les mains du banquier tend à
devenir la voie d'exécution la plus commune. Il convient donc de maintenir et même d'accroîfre son
efficacité dans l'intérêt des créanciers, et plus généralement de l'exécution des décisions de justice.
On pourrait envisager, dans cette perspective, que la saisie bloque le fonctionnement même du
compte, avec déclaration à la Banque de France et interdiction au saisi d'ouvrir un nouveau compte
dans un autre établissement bancaire. Cette mesure paraît possible avec le développement de
l'informatique ; elle serait très dissuasive et donnerait à l'huissier un redoutable moyen d'exécution.
Seuls les salaires resteraient épargnés, dans la mesure de leur insaisissabilité»; mais voy. Cass. Fr.,
13 mai 1987, supra, note 14.
117
( ) L. FREDERICQ, T. IX, n° 170, p. 276 (adde. en cas de saisie-arrêt pratiquée par les
créanciers de l'acheteur bénéficiaire de l'ouverture de crédit documentaire, n° 202/3, p. 334 et J.
VAN DER GUCHT, La saisie-arrêt en matière de crédit documentaire irrévocable, Rev. Banque,
1952, p. 175) ; voy. dans le même sens, A.M. STRANART, Saisies-arrêts en banque, p. 51 ; Ch.
LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, n° 35 bis; R.P.D.B., V0 Saisie-arrêt, n° 318; DE PAGE, T.
VI, n° 727; Y. RANSCELOT, Peut-on saisir-arrêter entre les mains du banquier les sommes à
verser au bénéficiaire d'une ouverture de crédit, Rev. Banque, 1952, p. 311 à 317; E. PREAUX, Les
saisies chez les banques, J.C.Br., 1961, p. 66-67; J.M. NELISSEN, De rekening-courant,
Antwerpen, 1976, 264 et réf. note 157; J. NELISSEN, Derdenbeslag op bankrekeningen, Liber
amicorum F. DUMON, Kluwer, rechtswetenschappen, Antwerpen, p. 684, n°12.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 641

remettre au crédité les fonds qu'elle s'est engagée à lui fournir sur
sa demande. Certes, tant que le prêt n'est pas réalisé, la banque n'a
qu'une obligation de faire envers son client ; comme telle, elle est
insusceptible de donner lieu à un paiement du créditeur mais elle
représente, au moins dans le p,atrimoine du crédité, une créance en
germe de somme d'argent ( 11 ).

C'est donc à juste titre que le Rapport VAN REEPIN-


GHEN énonce que «la saisie-arrêt peut être formée en raison
d'une ouverture de crédit consentie par une banque à son client»
(119).

2 - Limites au caractère exclusivement personnel du droit du


crédité.

En principe, il n'est pas contestable que le droit pour le


crédité de demander la mise à disposition des fonds est une
prérogative exclusivement attachée à sa personne ; «il ne viendrait
à l'idée de personne de prétendre qu'un créancier peut obliger son
débiteur à user de la faculté qui lui appartient de se procurer des

8
(" ) M. VASSEUR, Droit bancaire, obs. sous Paris, 16 novembre 1983, Dall., 1985, l.R. 339
qui précise : «Cette promesse de crédit est constitutive d'un droit pour le client, un droit si réel
qu'elle entraîne pour lui l'obligation de payer la commission de confirmation, même s'il ne se prévaut
pas de la promesse qui lui a été consentie». Au surplus, si l'ouverture de crédit ne constituait pas une
créance du crédité contre le banquier, on ne pourrait admettre que la provision du chèque est
valablement constituée par la créance née de l'ouverture de crédit (Cass., 24janvier1977, R.C.J.B.,
1978, 55 et note G.A. DAL («Ouvertures de crédit, facilités de caisse et chèques sans provision»);
Cass., 28 novembre 1977, Pas., 1978, 1, 118; J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit
commercial. T. III, 2ème éd., p. 401, n° 527). Par contre, les facilités de caisse ne peuvent être
confondues avec l'ouverture de crédit. La tolérance de facilités de caisse non contractuelles au
bénéfice du client d'une banque doit être tenue pour constituant une pratique bancaire présentant un
caractère essentiellement précaire et révocable, permettant au banquier d'y mettre fin sans préavis ;
une telle pratique n'instaure pas entre parties des relations juridiques susceptibles de rentrer dans le
cadre d'un contrat d'ouverture de crédit, en sorte que le remboursement du solde débiteur résultant
d'un dépassement en compte né de pareilles tolérance, doit être tenu pour exigible à tout moment
(Civ. Bruxelles, ch.s., 25 septembre 1986, R.G., n° 25.121; adde. Bruxelles, 16 avril 1987, J.T.,
1987' 575).
9
(" ) Pasin., 1967, 511. Il s'agit d'une «Obligation actuelle et irrévocable du banquier qui fait
naître, à l'instant même, l'obligation réciproque du crédité d'indemniser le créditeur de toutes les
suites de l'engagement contracté par ce dernier»; c'est pourquoi dans l'esprit du législateur de 1851,
dès la conclusion de l'ouverture de crédit, le remboursement des sommes utilisées par le crédité
pouvait être garanti par une hypothèque (art. 80, al. 3, L. hyp. et Rapport de la Commission de la
Chambre in Nouvelle loi sur le Régime hypothécaire accompagnée de tous les documents officiels,
Session législative de 1850-1851, Recueil PARENT, 1851, p. 145 à 147; adde. Cass., 12 décembre
1844, Pas., 1845, !, 78; Cass., 27 décembre 1849, Pas., 1850, I, 53 et 1. MOREAU-MARGREVE,
Heurs et malheurs du gage sur fonds de commerce, R.C.J.B., 1980, p. 153, note 84).
642 TRAITÉ DES SAISIES

fonds pour le payer» (1 20) de telle sorte que la saisie-arrêt peut


être dépourvue de tout intérêt pour le saisissant car tant que le saisi
ne demande pas personnellement la réalisation du crédit, la créance
en germe ne peut se transformer en une créance certaine, exigible
et liquide à charge du banquier (1 21 ).
Cependant, lorsque postérieurement à la saisie-arrêt, la
convention de découvert fonctionne effectivement (1 22), le ban-
quier devient débiteur de sommes d'argent à l'égard de son client et
doit dès lors respecter la saisie (1 23 ). Ainsi, la saisie conserve tous
ses effets lorsque malgré celle-ci, le client continue à profiter des
droits de créance résultant de l'ouverture de crédit (1 24), parce que
le banquier, disposant peut-être d'autres garanties, lui maintient sa
confiance et renonce à révoquer l'ouverture de crédit en compen-
sant les obligations réciproques (1 25 ) (1 26). Les huissiers de justice
s'en aperçoivent lorsque le débiteur paye tout ou partie de sa dette
au moyen d'un chèque tiré sur une banque au moment même où
celle-ci leur adresse une déclaration négative de tiers saisi. Une
telle déclaration est inexacte ; ce procédé qui permet au débiteur de
continuer à disposer de certains éléments de son patrimoine au
mépris d'une saisie-arrêt parfaitement valable ruine l'efficacité de

(1 20) R. PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C.,


1985, p. 221, n° 14 et réf. cit.; adde. Civ. Bruxelles, ch.s., 10 avril 1986, J.L.M.B., 1987, 194 et Ph.
DESPREZ, note sous Cass. Fr., 29 mai 1984, Dall., 1987, Jur., 227.
121
( ) On peut ajouter qu'en cas de saisie-arrêt, le banquier, dont l'engagement est causé par la
confiance qu'il porte au client peut éventuellement révoquer !"ouverture de crédit et liquider
l'opération en cours pour déterminer l'assiette de la saisie.
122
( ) Rien n'interdit aux parties de convenir que le contrat d'ouverture de crédit, au lieu
d'être résilié d'office, ne prendra fin que moyennant une manifestation expresse de volonté du
banquier (Comm. Bruxelles, 21février1985, R.D.C., 1986, 633).
123
( ) Cass. Fr., 29 mai 1984, Dall., 1984, l.R. 447 et note J.M.R. et 1987, Jur., 226 et note Ph.
DESPREZ; Banque, 1984, 1202 et obs. J.L. RIVES-LANGE; R.T.D.C., 1985, p. 221-222, obs. R.
PERROT; voy. aussi Cass. Fr., 5 juillet 1983, Bull., 1983, IV, 177, n° 202; Civ. Bruxelles, ch.s., 10
avril 1986, J.L.M.B., 1987, 194; M. DONNIER, Voies d'exécution et procédures de distribution,
Litec, 1987, p. 266, n° 642; contra mais à tort, L. FREDERICQ, T. IX, n° 170, p. 276 qui écrit: «en
délivrant les fonds, le créditeur fait une avance et ne «paie» pas une dette dans le sens du Code»
(voy. aussi A.M. STRANART, Saisies-arrêts en Banque, p. 51) ; autant dire «carpe, je te baptise
lapin».
124
( ) Y.M. BAECHLER, La saisie et le séquestre des droits de l'ouverture de crédit auprès
du banquier, Revue suisse de jurisprudence, 1981, 41.
(1 25 ) Il arrive que le saisi établisse le défaut de célérité (art. 1413, C. jud.) en faisant état des
importantes ouvertures de crédit dont il bénéficie (Civ. Bruxelles, ch. s., 8 janvier 1981, Rec. enr.,
1981, n° 22.662, p. 391).
126
( ) On ajoutera que le tiers doit conserver une absolue neutralité et qu'il ne lui appartient
pas d'opérer un tri entre les créanciers du titulaire de l'ouverture de crédit en payant certains et en ne
payant pas d'autres au moyen de celle-ci (infra, C).
SAISIE-ARRET BANCAIRE 643

celle-ci et engage par voie de conséquence la resEonsabilité du tiers


saisi (art. 1451et1456, 1540 et 1542, C. jud.) (1 ).
Enfin, la saisie-arrêt doit être étendue à toute ouverture de
crédit destinée à se substituer à la précédente en vue de déjouer les
effets de la saisie-arrêt (1 28 ).
C. - La reconnaissance des effets de la saisie-arrêt ne pourrait
être limitée au profit de certains créanciers (par exemple la créance
de l'entrepreneur bénéficiaire final de l'ouverture de crédit consen-
tie au maître de l'ouvrage) (1 29 ) à l'exclusion d'autres créanciers
sous peine de conférer à ceux-là un privilège sans texte, de rompre
le traitement égalitaire entre les créanciers et de méconnaître les
obligations tout à fait générales de tiers saisi.
Certes, d'autres procédés peuvent être mis en oeuvre
(cession de créance, mise en gage ou délégation (130) antérieure à
la saisie), mais sous réserve dans tous les cas d'une collusion
frauduleuse entre cédant et cessionnaire, débiteur gagiste et créan-
cier gagiste, délégant et délégataire.

13) Saisie-arrêt et crédit documentaire.

A. - Le bénéficiaire d'un crédit documentaire dispose d'une


créance conditionnelle sur le banquier jusqu'à la remise des

127
( ) Voy. aussi Civ. Bruxelles, ch.s., 10 avril 1986 préc. : la seule affirmation du tiers saisi de
cc que lié au débiteur saisi par un compte courant unique le saisi n'aurait aucun solde provisoire
créditeur à faire valoir ne suffit pas à satisfaire à l'obligation d'exactitude que lui impose la loi dès lors
que le tiers pouvait et devait savoir que la convention d'ouverture de crédit demeurerait en vigueur
après la saisie rendant ainsi possible la formation à brève échéance d'un rapport obligationnel entre le
tiers saisi et le saisi. Pareille précision devait permettre au saisissant de solliciter des déclarations
complémentaires ou de pratiquer de nouvelles saisies. Partant, la seule mention de l'existence d'un
solde provisoire débiteur en compte courant - de surcroît sans indication du montant de ce solde -
accompagnée de l'affirmation que la saisie est «sans objet» ne répond pas à l'exigence d'exactitude
prescrite par le législateur.
(1 28 ) Supra, n° 49.
129
( ) Douai, 4 juin 1963, J.C.P., 1963, IV, 153; comp. Bruxelles, 14 mars 1985, R.D.C.,
1986, 624.
(IJ0 ) Voy. en matière de délégation, Cass. Fr., 9 décembre 1981, Dall., 1982, J., 446 et note J.
MESTRE; Paris, 31mai1979, Dall., 1980, J., 426 et note G. PARLEANI; Bruxelles, 28 avril 1983,
Pas., 1983, Il, 87, sp. p. 89; voy. aussi en matière de carte de crédit, Civ. Liège, 23 avril 1985, Jur.
Liège, 1985, 359; R.D.C., 1986, 540 et P. KILESTE, Le titulaire d'une carte de crédit est-il engagé
par déclaration unilatérale de volonté?, R.D.C., 1986, 495 à 502; J.P. BUYLE, op. cit., Ed. Jeune
Barreau Bruxelles, 1986, p. 463-464.
644 TRAITÉ DES SAISIES

documents à ce dernier ; une telle créance peut donc être saisie-


arrêtée par un créancier du bénéficiaire (art. 1446, C. jud.) (131 )
(132).

En cas de crédit documentaire irrévocable confirmé, le


créancier du bénéficiaire peut saisir-arrêter entre les mains de la
banque émettrice ou de la banque confirmatrice (1 33 ) mais l'effica-
cité de la mesure exige qu'elle soit pratiquée entre les mains de la
banque confirmatrice car si elle a déjà payé, celle-ci (et non le
bénéficiaire) est seule créancière de la banque émettrice (134)
(135).

L'efficacité de la saisie, subordonnée à la remise des


documents au tiers saisi, est généralement réduite car le saisi,
informé de l'existence de la saisie-arrêt par la dénonciation de celle-
ci, peut la rendre sans ob1et en ne présentant pas les documents
réguliers dans les délais (1 6), «sauf ensuite à régler ses rapports,
en tant que vendeur avec l'acheteur, dans toute la mesure où le
contrat de vente sera resté effectivement inexécuté» ( 137). Toute-
fois, la situation peut être différente en cas de crédit à paiement

31
(' } Cass. Fr., 5 juillet 1983, Bull., 1983, IV, p. 177, n° 202; Banque, 1984, 245; sur l'art.
1446, C. jud., voy. supra, n° 49.
132
( ) Une saisie-arrêt peut aussi être pratiquée par le créancier du bénéficiaire entre les mains
du donneur d'ordre dans la mesure où il s'agit d'appréhender une créance née du contrat de base (L.
FREDERICQ, T. IX, n° 203, p. 335) mais suivant une décision du juge des saisies de Bruxelles du
15 janvier 1981 (R.G. n°s 120.590 et 121.405), le donneur d'ordre (tiers saisi) n'a pas à révéler aux
créanciers du vendeur l'identité de la banque émettrice. Cette solution n'est pas, selon nous,
satisfaisante car la déclaration doit être complète or, en l'absence de cet élément, l'exportateur (saisi)
peut impunément continuer à recevoir le prix de ses marchandises.
133
( ) L. FREDERICQ, T. IX, n° 203, p. 335; J. STOUFFLET, obs. sous Cass. Fr., 6 février
1967, J.C.P., 1968, Jur., n°15.364, II, c.
{1 34 ) L. MARTIN, Chronique de jurisprudence bancaire, Banque, 1984, 245; J. PUECH, La
saisie-arrêt dans les crédits documentaires et les garanties bancaires, Dr. Eur. Tr., 1983, 125 ; Y.
POULLET, La saisie-arrêt par le donneur d'ordre de la créance née d'un crédit documentaire ou
d'une garantie à première demande, Faculté des Sciences économiques et sociales de Namur, Syll., p.
19, n° 17.
135
( ) Si la banque n'intervient qu'en qualité de notificatrice, c'est-à-dire de mandataire du
banquier émetteur, le saisissant peut avoir intérêt à saisir chez l'émetteur et le notificateur compte
tenu des difficultés de transmission qui peuvent exister entre eux (comp. supra Annexe I 5 A).
136
( ) J. VAN DER GUCHT, La saisie-arrêt en matière de crédit documentaire irrévocable,
Rev. Banque, 1952, p. 170 à 173; L. FREDERICQ, Traité de droit commercial belge, T. IX, n° 203,
p. 332; J. VAN RYN et J. HEENEN, T. Ill (!ère éd.), n° 2197; J. STOUFFLET, obs. sous Cass.
Fr., 6 février 1967, J.C.P., 1968, J., n° 15.364; Ch. GA VALDA et J. STOUFFLET, Droit de la
banque, Thémis, 1974, n° 539 ; F. EISEMANN et Ch. BONTOUX, Le crédit documentaire dans le
commerce extérieur, Coll. Exporter, Ed. Jupiter et de Navarre, 1981, n° 173.
137
( ) M. VASSEUR, obs. sous Paris, 23 janvier 1981, Dai!., 1981, J., 633.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 645

différé (138) car alors un certain délai s'écoule entre la levée des
documents et la date à laquelle le paiement intervient (139).

B. - Il n'en va pas de même lorsque l'initiative provient du


donneur d'ordre qui peut obtenir les informations voulues pour agir
à point nommé et compromettre la situation du vendeur. Dans la
mesure où l'acheteur dispose, en raison de la mauvaise exécution
de la commande, d'une créance certaine, exigible et liquide (art.
1415, C. jud.) contre son vendeur, on ne voit pas, à première vue,
pourquoi sa situation devrait être différente de celle de tout autre
créancier (1 40 ).

Un arrêt de la Cour de cassation de France du 14 octobre


1981 refuse cependant au donneur d'ordre le droit de saisir-arrêter,
en vertu d'une créance fondée sur la non-conformité de la marchan-
dise, les sommes dues par la banque au bénéficiaire à l'égard
duquel la banque s'est engagée directement et irrévocablement à
effectuer le paiement après avoir reçu les documents conformes
(141).

Cette situation spéciale est justifiée parce qu'à la différence


des autres créanciers du vendeur, le donneur d'ordre s'est engagé à
ne pas faire échec à l'assurance donnée au vendeur de recevoir son

(1 38) A ce sujet, voy. J. STOUFFLET, note sous Paris, 30 avril et 28 mai 1985, J.C.P., 1986,
1., 198 et J.L. RIVES-LANGE, Chronique de jurisprudence bancaire, Banque, 1987, 625-626 (note
sous Cass. Fr., 7 avril 1987 rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt précité du 30 avril 1985); adde. J.
MAHAUX, L'acception dite de «fraude» dans le crédit documentaire irrévocable et l'incidence de
l'identité de l'auteur de la fraude, R.D.C., 1986, 347-348.
139
( ) Fréquemment, la banque confirmatrice met par anticipation les fonds à la disposition du
bénéficiaire mais seul le paiement à l'échéance consomme l'exécution de la convention de crédit (J.
MAHAUX, lb. ; Comm. Mons, 25 avril 1985, R .. R.Dr., 1986, 47 et R.D.C., 1986, 387 et Cass. Fr.,
7 avril 1987, Banque, 1987, 625; Rev. Banque, 1987, n° 7, p. 65).
(1 40 ) Paris, 16 juin 1950, J.C.P., 1950, II, 5910 et concl. de M. l'Avocat général CUNEO; Ch.
del MARMOL, Saisie-arrêt sur la créance du bénéficiaire d'un crédit irrévocable, Rev. Banque,
1951, p. 489-492; L. FREDERICQ, T. IX, n° 203, p. 333-334; J. VAN DER GUCHT, op. cit., p.
185 à 189; L. SIMONT, Les garanties indépendantes, Rev. Banque, 1983, 607; J. VAN RYN et J.
HEENEN, T. III, n° 2197; G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, n° 28; Y. POULLET, Les
garanties contractuelles dans le commerce international, D.P.C.I., 1979, p. 428-429, n° 31.
(1 41 ) Cass., Fr., 14 octobre 1981, Dall., 1982, J., 301 et note M. VASSEUR; J.C.P., 1982, J.,
n° 19.815 et obs. Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET; Banque, 1982, 595 et obs. L. MARTIN;
Rev. Banque, 1982, 681 ; voy. aussi Civ. Bruxelles, ch.s., 31octobre1985, J.T., 1986, 481; Comm.
Bruxelles (réf.), 4 décembre 1979, J.T., 1980, 513; Comm. Bruxelles (réf.), 12 juin 1980, Rev.
Banque, 1980, 661; Cass. Fr., 24 juin 1986, Dall., 1987, l.R., 218, obs. M. VASSEUR; Cass. Fr., 7
octobre 1987, Dall., 1987, 1.R., 203 et Aix-en-Provence, 14 mai 1982, Dall., 1983, l.R., 412.
646 TRAITÉ DES SAISIES

prix (1 42 ) ; il s'agit d'une renonciation à ne pas saisir dans un cas


particulier (1 43 ). Peut-on à tout le moins permettre au donneur
d'ordre d'invoquer une créance étrangère aux droits invoqués par le
bénéficiaire à l'appui de la remise des documents conformes
(créance étrangère au contrat de base ou créance procédant de
celui-ci tout en étant distincte de la créance du bénéficiaire) ? Non
répond un autre arrêt de la Cour de cassation de France du 18 mars
1986 (1 44 ) : «La stipulation d'irrévocabilité d'un crédit documen-
taire, convenue entre un vendeur et un acheteur de marchandises, a
pour effet d'affecter les sommes, que la banque s'engage à verser
directement au bénéficiaire (le vendeur), au seul paiement des
marchandises vendues. Cette créance se trouve ainsi frappée d'une
indisponibilité qui résulte de la convention des parties et ne peut
être levée que par leur volonté commune. Elle ne peut faire l'objet
d'une saisie-arrêt, au profit de l'acheteur, pratiquée par lui pour
garantie d'une créance de dommages-intérêts, et ce, sans qu'il y ait
lieu de tenir compte de l'existence ou de l'absence d'un lien entre le
contrat de base du crédit documentaire et la cause de la créance
fondant la saisie-arrêt». C'est non seulement !'irrévocabilité pro-
mise par le donneur d'ordre dans le contrat de base qui est source
de cette insaisissabilité relative fondée sur la force obligatoire de la
convention mais aussi !'irrévocabilité de l'engagement bancaire
(145).

Cette interdiction conventionnelle de saisir est à nos yeux


limitée à l'initiative de la procédure ; elle ne peut priver le donneur
d'ordre du droit de former opposition en s'associant à une saisie-
arrêt déjà pratiquée par un autre créancier du bénéficiaire du crédit
documentaire.

42
(' ) L. MARTIN, Chronique de jurisprudence bancaire, Rev. Banque, 1982, 525; voy. aussi
Y. POULLET, op. cit., Syll., sp. n°s 12 à 17, p. 13 à 19 et P.A. JANSSENS, Het bewarend beslag op
verzoek van de opdrachtgever op een onherroepelijk dokumentair krediet, in de handen van de
openende bank, Rev. Banque, 1986, 48 à 50.
43
(' ) Supra, n° 136, D; J. PUECH, op. cit., Dr. Eur. Tr., 1983, 133; comp. L. SIMONT,
Les garanties indépendantes, Rev. Banque, 1983, 608.
44
(' ) Cass. Fr., 18 mars 1986, J.C.P., 1986, IV, 154; Rev. Banque. 1986, 610, obs. J.L.
RIVES-LANGE; J.C.P., 1986, II, n° 20.624 et obs. critiques J. STOUFFLET; Dall., 1986, J., 374
et obs. approbatives M. VASSEUR; Rev. Trim. Dr. Corn. et Dr. Econ., 1986, p. 421, n° 12, obs.
M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; 1. MOREAU-MARGREVE (avec la collaboration de Jean
CATTARUZZA), Les sûretés, Chronique de droit à l'usage du Palais, T. III, 1987, p. 38; contra,
Paris, 26 mars 1986, Dall., 1986, J., 374.
(1 45 ) Voy. Cass. Fr., 7 octobre 1987, Dall., 1987. l.R., 203, Gaz. Pal., 1987, Pan., 259 (en
raison de !'autonomie du contrat de crédit documentaire par rapport au contrat de base, la saisie-
arrêt pratiquée par le donneur d'ordre ne pouvait empêcher la banque de remplir l'engagement direct
et irrévocable qu'elle avait contracté à l'égard du bénéficiaire); J. STOUFFLET, J.C.P., 1986, Il, n°
20.264; comp. J.L. RIVES-LANGE, Jurisprudence bancaire, Rev. Banque, 1986, 611.
SAISIE-ARRET BANCAIRE 647

D'autre part, en cas de fraude manifeste commise par le


vendeur, le donneur d'ordre peut solliciter du ju§e des référés qu'il
interdise au banquier de payer le bénéficiaire (1 4 ). L'injonction du
juge des référés (appelé le cas échéant à statuer sur requête
unilatérale, art. 584, al. 3, C. jud.) est tout autant adaptée à une
telle situation que la saisie-arrêt (qui n'est pas pour autant exclue)
(147 ) car il s'agit aussi de faire cesser une voie de fait, c'est-à-dire
une utilisation abusive du crédit. La protection du donneur d'ordre
contre une fraude du bénéficiaire est améliorée en cas de crédit à
paiement différé (1 48 ).

14) Saisie-arrêt et garantie à première demande.

A. - La garantie à première demande est semblable au crédit


documentaire. Dans les deux cas, il y a engagement du banquier
indépendamment du contrat de base et des relations entre le
banquier et le donneur d'ordre ; il s'agit, en matière de commerce
international (encore que ces mécanismes ne soient pas exclus dans
l'ordre interne) de procurer une sûreté à l'exportateur dans le cas
du crédit irrévocable, à l'importateur dans le cas de la garantie
autonome. «La différence principale réside finalement dans le fait
que l'engagement du banquier doit normalement être exécuté dans
le cas du crédit documentaire alors qu'il ne le sera qu'exceptionnel-
lement dans les cas de la garantie autonome» (1 49 ).
Il est donc permis de transposer à la garantie à première
demande les règles dégagées ci-dessus (n° 13) en matière de crédit
documentaire en refusant au donneur d'ordre le droit de pratiquer
une saisie-arrêt en se fondant sur une créance qui trouve son

146
( ) J. MAHAUX, op. cil., R.D.C., 1986, 334 à 344; Cass. Fr., 7 avril 1987, Banque, 1987,
625 et obs. J.L. RIVES-LANGE et Rev. Banque, 1987, n° 7, p. 65.
(1 47 ) P.A. JANSSENS, op. cit., Rev. Banque, 1986, p. 50.
(1 48 ) J. STOUFFLET, note sous Paris, 30 avril et 28 mai 1985, J.C.P., 1986, J., 199, n° 8;
voy. cependant M. VASSEUR, Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé, à la suite
des arrêts de la Cour de Paris des 30 avril et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse,
allemande et italienne, Dall., 1987, Chron., XII, 59 à 65 (sauf convention expresse, le crédit avec
paiement différé n'aurait qu'une double fonction de crédit, crédit à l'acheteur et crédit possible au
vendeur, mais ne donnerait pas à l'acheteur la possibilité de faire entrave au paiement après contrôle
de la marchandise).
(1 49 ) L. SIMONT, Essai de classification des sûretés issues de la pratique et problèmes
juridiques qu'elles posent, in Les sûretés, Colloque Bruxelles 20 et 21octobre1983, FEDUCI, p. 296
et Association belge des Banques, La garantie à première demande, p. 23 ; adde. au sujet de
l'exception de fraude, J. STOUFFLET, obs. sous Cass. Fr., 11 décembre 1985, J.C.P., 1986, n°
20.593/5 et La garantie à première demande, Clunet, 1987, p. 282, n" 34.
648 TRAITÉ DES SAISIES

principe dans la contestation qu'il oppose aux droits invoqués par le


bénéficiaire à l'appui de son appel à la garantie (1 50) ou même,
semble-t-il, dans une créance même étrangère au contrat de base
151 52
( ). Il est vrai que les risques d'appel abusif ou frauduleux (1 ) à
la garantie étant plus fréquents qu'en matière de crédit documen-
taire, c'est spécialement l'injonction de référé qui sera utilisée ( 153)
(154).

La procédure de saisie-arrêt peut cependant offrir au


saisissant des avantages (conditions de mise en oeuvre ; effets à
l'égard du tiers saisi, etc.) que ne comporte pas la procédure de
référé.
Si on estime que le donneur d'ordre ne pourrait saisir-
arrêter la garantie pour sûreté de la créance qu'il acquerrait envers
le bénéficiaire à la suite du paiement de la garantie appelée
abusivement car la créance ne naîtrait que par le paiement de la
garantie, la voie du référé est la seule possibilité qui s'offre au

50
(' ) A. JACQUEMONT, note sous Cass. Fr., 20 décembre 1982, Rev. Crit. D.1.P., 1983,
826 et réf. cit. ; adde. Comm. Bruxelles, 8 octobre 1985, Dall., 1986, l.R., 162 et G. de LEVAL,
Saisies et droit commercial, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, Bruylant, 1983, p.
311à313.
151
( ) J.L. RIVES-LANGE, obs. sous Cass. Fr., 16 mars 1986, Banque, 1986, 611.

(1 52) A. JACQUEMONT, lb., p. 823 qui cite : décision juridictionnelle annulant le contrat de
base ; absence certaine de droit du bénéficiaire, démontrant une fraude, en cas d'exécution complète
et correcte du contrat de base ; contrat de base portant gravement atteinte à l'ordre public et aux
bonnes moeurs; voy. aussi J. STOUFFLET, La garantie bancaire à première demande, Clunet,
1987, n°s 23 à 40, p. 277 et s.
53
(' ) Bruxelles, 18 décembre 1981, J.T., 1982, 358; Rev. Banque, 1982, 99; voy. aussi
Bruxelles, 11mars1981, J.C.Belg., 1981, 1, 361; Bruxelles, 25 février 1982, J.C.Belg., 1982, 1, 349;
Comm. Bruxelles (réf.), 15 janvier 1980, J.C.Belg., 1980, 1, 147; Comm. Bruxelles (réf.), 6 avril
1982, Rev. Banque, 1982, 683; Comm. Bruxelles (réf.), 8 octobre 1985, R.D.C., 1986, 648; Comm.
Gand (réf.), 27 décembre 1983, R.D.C., 1986, 298 et note E. WYMEERSCH; Comm. Bruxelles
(réf.), 21octobre1986, R.D.C., 1987, 706.
(1 54 ) Un arrêt de la Cour de cassation de France du 10 juin 1986 (Gaz. Pal., 13-14 février
1987, 8 et note S. PIEDELIEVRE ; Dall., 1987, Jur. 17 et note M. VASSEUR ; Banque 1986, 711)
énonce que «Si la garantie à première demande est autonome par rapport au contrat de base, en
revanche, l'interdiction d'opposer les exceptions tenant à l'inexécution du contrat cède en cas de
fraude manifeste» ou encore d'appel manifestement abusif de la garantie (Cass. Fr., 20 janvier 1987,
J.C.P., 1987, Il, 20.764 et obs. J. STOUFFLET; J. STOUFFLET, La garantie bancaire à première
demande, Clunet, 1987, p. 279, n° 27; p. 280: «en se plaçant sur le terrain de la fraude, le donneur
d'ordre établit quelles sont les véritables raisons qui inspirent le bénéficiaire, à savoir lui nuire.
L'appel à l'abus manifeste implique la preuve directe de l'absence de droit dont la garantie bancaire
doit assurer l'exécution»). En de telles hypothèses, l'appel à la garantie en méconnaissance flagrante
des termes du contrat de base peut-être assimilé à une tentative de spoliation qu'une injonction
judiciaire adressée au garant permet d'empêcher (adde. A. PRUM, Application de l'adage «fraus
omnia corrompit», à propos des garanties à première demande, D.P.C.I., 1987, p. 127 qui précise
que «l'impératif de l'évidence ne tolère aucun doute»; le donneur d'ordre ne peut solliciter une
mesure d'instruction ; il doit être établi de manière irréfutable que la prétention du bénéficiaire ne
trouve aucun fondement dans le contrat de base ; partant, le garant ne peut être tenu d'effectuer un
examen approfondi des droits des parties, Bruxelles, 3 avril 1987, J.L.M.B., 1987, 810).
SAISIE-ARRET BANCAIRE 649

donneur d'ordre (1 55 ). Si un tel obstacle est franchi, en admettant


qu'un moyen n'exclut pas l'autre et en retenant une créance
éventuelle (1 56 ) suffisamment certaine pour pratiquer une saisie-
arrêt conservatoire, pour ne pas se mettre en contradiction avec lui-
même, le donneur d'ordre doit préciser qu'il sollicite l'autorisation
de saisir-arrêter à toutes fins utiles pour le cas où il serait jugé que
le banquier doit exécuter la garantie. La saisie-arrêt peut en effet
porter sur des créances à terme, conditionnelles ou litigieuses (art.
1446, C. jud.) (1 57 ).
B. - En cas de contregarantie (qui est indépendante de la
garantie de premier rang), c'est-à-dire de garantie donnée par une
banque du pays du bénéficiaire elle-même garantie par une banque
contregarante du pays du donneur d'ordre, le contregarant n'est
pas débiteur du bénéficiaire mais du garant de telle sorte qu'une
saisie-arrêt ne pourrait être pratiquée par un créancier du bénéfi-
ciaire entre les mains de la banque contregarante (1 58). Il n'en
serait autrement que si ce créancier pouvait invoquer une créance à
l'encontre du garant (banquier émetteur) (1 59 ). Enfin, le donneur

155
( ) C'est le seul procédé que semble retenir L. SIMONT (Les garanties indépendantes, Rev.
Banque, 1983, p. 604, 609 à 611 en affirmant qu' «en matière de garantie indépendante, comme en
matière de crédit documentaire, la saisie-arrêt n'est pas pratiquée pour sûreté de la créance du donneur
d'ordre sur le bénéficiaire mais uniquement pour obtenir, par une voie détournée, qu'une interdiction
judiciaire de payer soit faite à la banque»); voy. aussi Association belge des banquiers, op. cit., p. 54;
F. CHARTIER, Evolution de la jurisprudence en matière de garanties à première demande, Banque,
1987, 16 (le bénéficiaire doit être débiteur d'un prix); comp. et contra Ch. GA VALDA et J.
STOUFFLET, La lettre de garantie internationale, R.T.D.Com., 1980, p. 16, n° 18.
(1 56 ) Au sujet de la créance éventuelle, voy. supra, n° 155 ; le caractère purement
conservatoire de la mesure justifie aussi cette solution ( comp. et contra en matière de rétention, R.
PERROT, Jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé, R.T.D.C., 1986, 427, n° 11
et Ph. BERTIN, «Touche pas à mon dentier», note sous Cass. Fr., 9 octobre 1985, Gaz. Pal., 19-20
mars 1986, 7).
57
(' ) L. SIMONT, op. cit., Rev. Banque, 1983, 605. L'hypothèse peut être originale car la
saisie ne profitera réellement au saisissant que si le tiers ne doit pas payer le saisi, la créance cause de
la saisie disparaissant avec la créance objet. Doit-on voir dans ce mécanisme un détournement de
procédure (L. SIMONT, op. cit., Rev. Banque, 1983, 609-610)? Non, car le sort de la saisie est
toujours tributaire des obligations du tiers envers le saisi et sa mise en oeuvre n'est jamais
subordonnée à la démonstration préalable de son efficacité finale laquelle n'exclut pas que le
saisissant profite des effets exclusivement conservatoires de la mesure. Au demeurant, nul ne
conteste la légalité d'une saisie-arrêt conservatoire sur soi-même destinée à faire obstacle à
l'exécution d'un jugement en raison d'un élément non couvert par l'autorité de chose jugée qui
justifierait à l'avenir la restitution (supra, n° 278).
158
( ) J. STOUFFLET, obs. sous Paris, 25 mars 1982, J.C.P., 1982, Il, n" 19.876; F.
CHARTIER, Evolution de la jurisprudence en matière de garantie à première demande, Banque,
1987' 16.
159
( ) L. SIMONT, Les garanties indépendantes, Rev. Banque, 1983, 606. Envisageant la
situation du donneur d'ordre, l'auteur écrit: «une telle créance qui ne pourrait en principe avoir
qu'un fondement aquilien, n'aura normalement pas le caractère de certitude requis par l'article 1415
du Code judiciaire». Cette dernière considération n'est pas exacte. Il suffit au stade conservatoire
d'un principe certain de créance (supra, n° 152).
650 TRAITÉ DES SAISIES

d'ordre, notamment en cas de collusion frauduleuse entre le garant


et le bénéficiaire, peut se prémunir contre le paiement indu de la
contregarantie en faisant déclarer inopposable à la banque contre-
garante et au donneur d'ordre le paiement prétendument effectué
par la banque garante au bénéficiaire (1 60).

(1 60) Cass. Fr., 11 décembre 1985, Dall., 1986, J ., 213 et obs. M. VASSEUR et J.C.P., 1986,
II, 20.593 et obs. J. STOUFFLET; adde. J.L. RIVES-LANGE (Banque, 1986, 711) qui démontre
que la collusion frauduleuse entre la banque garante de premier rang et le bénéficiaire (voire même la
connaissance de la fraude commise par le bénéficiaire; voy. aussi J. STOUFFLET, La garantie
bancaire à première demande, Clunct, 1987, p. 282, n° 33) ne doit être établie pour paralyser
l'engagement de la banque contregarante que si le paiement a déjà été effectué par la banque garante
de premier rang (voy. aussi A. PRUM, op. cit., D.I.P., 1987, 126-127 qui insiste sur le devoir de la
banque garante de premier rang d'informer le contre-garant qui lui-même doit immédiatement
transmettre l'information au donneur d'ordre et ajoute que «le paiement automatique par la banque
d'une demande manifestement frauduleuse constitue une négligence lourde, qui devrait la priver de
toute couverture par le donneur d'ordre»).
ANNEXE N°11

LA PROTECTION DE CERTAINES PERSONNES


A LA FOIS CREANCIERES ET DEBITRICES
DE CERTAINS POUVOIRS PUBLICS.
(art. 87 à 89 de la loi du 1er août 1985
portant des mesures fiscales et autres) (1).

1) La volonté du législateur.

Cette loi nouvelle apporte un début de solution au pro-


blème de certains créanciers de l'Etat ou de certains organismes
d'intérêt public qui sont à la fois débiteurs d'impôts ou de
cotisations de sécurité sociale en organisant non une compensation
pure et simple mais la suspension de l'exigibilité de ces dettes.
Jusqu'à présent, ils devaient exécuter leurs obligations sans pouvoir
exiger, au besoin par voie de saisie ou de compensation (2), le
respect par l'Etat de ses propres obligations envers eux (3).
Outre le but initial d'éviter à une entreprise d'être mise en
difficulté (charges financières d'une ouverture de crédit ; épuise-
ment de trésorerie, etc.) par l'obligation de payer une dette à un
pouvoir public sans être payée de ce qui est dû par un autre pouvoir

1
( ) Supra, n° 62 B.
(2) La compensation a cependant été admise lorsque le particulier est créancier et débiteur
d'un seul département y compris en matière fiscale (P. VAN OMMESLAGHE, Examen de
jurisprudence, Les obligations, R.C.J.B., 1975, p. 696 et 697; voy. toutefois l'art. 217 bis, § 1er,
A.R. d'exécution C.I.R.); adde. Civ. Liège, ch.s., 27 octobre 1986, R.G., n° 76.290/86: «Attendu
qu'indépendamment du principe de la continuité des services publics qui s'opposerait à une
compensation vis-à-vis de l'Etat, une telle compensation est certainement impossible dès lors qu'il
s'agit de ministères différents ; que les règles budgétaires s'opposent à ce que le ministère des
Finances s'appauvrisse par la non-récupération de la T.V.A., alors que le ministère des Travaux
Publics s'enrichirait par le non-paiement d'honoraires ; Attendu que c'est d'ailleurs en raison de ce
principe que le législateur (loi du 1er août 1985 et arrêté royal du 11octobre1985) n'a pas autorisé la
compensation, mais institué un système de suspension de l'exigibilité de certaines créances
publiques».
(') Voy. toutefois supra, n° 62 A.
652 TRAITÉ DES SAISIES

public, le chapitre VI de la loi du 1er août 1985 permet au pouvoir


public créancier de réaliser à charge du particulier une saisie-arrêt
simplifiée entre les mains du pouvoir public débiteur, ce qui doit
accélérer le paiement des impôts et cotisations sociales.

2) Le demandeur, bénéficiaire de la protection.


La suspension de l'exigibilité peut être demandée par la
personne physique ou morale de droit privé qui possède une ou des
créances, satisfaisant à des conditions qui seront précisées ci-
dessous, «dont lui sont redevables, en raison de travaux, de
fournitures ou de services, certains pouvoirs ou organismes pu-
blics» (art. 87, §1er).
La personne protégée, c'est-à-dire le demandeur (personne
physique ou morale de droit privé demandant la suspension de
l'exigibilité d'une dette en application des articles 87 à 89 de la loi,
art. 1er, 2°, A.R., 11 octobre 1985), doit donc être créancière des
pouvoirs publics pour travaux, fournitures, services «y compris les
prestations intellectuelles, notamment celles des professions libéra-
les et à l'exclusion de celles effectuées sous lien de subordination»
(4).
La loi n'exige pas que la créance du demandeur soit visée à
l'arrêté-royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de
travaux, de fournitures et de services (5). Elle s'applique de
manière générale aux indépendants et entreprises qui sont créan-
ciers des pouvoirs publics pour travaux, fournitures et services (6)
(ex. huissiers de justice, architectes, avocats, etc.).

3) Le débiteur du demandeur.
Le débiteur est le contractant de la personne physique ou
de la personne morale de droit privé à laquelle il doit le coût des
travaux, des fournitures ou des services.

4
( ) Rapport au Roi précédant l'arrêté-royal du 11 octobre 1985, M.B., 1985, 16.014. Il est clair
que «l'octroi de subsides ne donne naissance dans le chef du bénéficiaire à aucune créance sur l'Etat
en raison de travaux, de fournitures ou de services au sens de l'article 87, § Ier de ladite loi et de
l'article 2, alinéa 1er, 1° de l'arrêté royal du li octobre 1985, portant exécution du chapitre VI de la
loi du 1er août 1985» (Ouest. et Rép., Ch. Sess., 1985-1986, 649; adde. obs. J.T.K. sous Civ. Liège,
11décembre1985, Rev. Prat. Soc., 1986, n" 6.373, p. 72).
5
( ) Corn. Adm. Manuel du recouvrement, n° 223-1 ; adde. Avis du Conseil d'Etat, M.B., 31
octobre 1985, 16.017.
6
( ) Doc. Pari., Sénat, Sess., 1984-1985, 873, n° 2/5, p. 37.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 653

L'article 87, § 1er de la loi définit le débiteur comme étant


«l'Etat ou les organismes d'intérêt public visés par la loi du 16 mars
1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public,
que le Roi désigne par arrêté délibéré en Conseil des Ministres».
Aux termes de l'article 1er, 4° de l'arrêté-royal du 11octobre1985,
est débiteur : «l'Etat, le Fonds des Routes, !'Office de renseigne-
ments et d'aide aux familles des militaires, !'Office régulateur de la
Navigation intérieure, la Régie des bâtiments, la Régie des postes,
la Régie des services frigorifiques de l'Etat belge, la Régie des
télégraphes et des téléphones, la Régie des transports maritimes, la
Régie des voies aériennes, le Fonds général des bâtiments scolaires,
à l'égard desquels, le demandeur est titulaire d'une ou de plusieurs
créances visées à l'article 87 de la loi et répondant aux conditions de
l'article 2». Cette liste est ainsi justifiée dans le Rapport au Roi
précédant l'arrêté-royal : «Les organismes d'intérêt public cités
dans le présent arrêté sont tous rangés sous la rubrique A par
l'article 1er de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains
organismes d'intérêt public. Les organismes retenus se caractéri-
sent par un volume important de travaux, fournitures et services de
la part d'entreprises privées ou de professions libérales. Les critères
pris en considération pour la désignation des organismes concernés
sont, d'une part, l'importance des investissements qu'ils réalisent
et, d'autre part, l'interconnexion de leur budget avec le budget de
l'Etat. Le présent arrêté veut réaliser une première étape dans
l'application du système prévu par les articles 87 à 90 de la loi aux
organismes d'intérêt public. Par la suite, la question de l'extension
à d'autres organismes d'intérêt public devra être posée» (7).
Il importe d'insister sur ce que les Communautés, les
Régions, les Provinces, les Communes (8) et les Associations de
Communes sont exclues de l'application de cette loi. De telles
restrictions privent la loi de 1985 d'une grande partie de son
efficacité (9 ).

4) Le créancier du demandeur.
1. - Le créancier est celui dont l'exigibilité de la créance peut
être suspendue, c'est-à-dire «l'Etat, !'Office national de sécurité

(7) M.B., 31octobre1985, p. 16.015. Ces considérations rejoignent le Rapport fait au nom de
la Commission des Finances du Sénat: «Ce sera donc progressivement, par arrêté royal, que
l'application du principe sera étendue aux organismes d'intérêt public, en commençant par ceux dont
les dépenses sont ordonnancées par le ministre responsable» (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1984-1985,
873, n° 215°, p. 35).
8
( ) Civ. Bruxelles, ch.s., 5 mai 1986, R.G. n° 8468 (inédit).

(9) Ph. MATHEI, Les retards de paiement, La construction n° 2 du JO janvier 1986, p. 8/8.
654 TRAITÉ DES SAISIES

sociale, l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs


indépendants, la Caisse nationale auxiliaire d'assurances sociales
pour travailleurs indépendants, les caisses libres d'assurances socia-
les pour travailleurs indépendants agréées dans le cadre de l'arrêté
royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des
travailleurs indépendants, qui sont titulaires, à l'égard du deman-
deur, d'une créance visée à l'article 87 de la loi» (art. 1er, 3°, A.R.
du 11octobre1985).
2. - Alors que les créances fiscales sont limitativement
énumérées par l'article 87, § 1er de la loi (impôt des personnes
physiques, impôt des sociétés, impôt des non-résidents et taxe sur
la valeur a joutée), les cotisations sociales sont globalement envisa-
gées sans précision ni restriction ( 10).
La suspension de l'exigibilité s'applique-t-elle aux précom-
ptes (professionnel, mobilier, immobilier) ? Dans la mesure où «le
précompte mobilier et le précompte professionnel ne sont pas des
impôts, mais seulement des modes de perception de l'impôt global
dû sur l'ensemble des revenus, impôt sur lequel ils doivent être
imputés» ( 11 ), il semble que les précomptes ne figurent pas dans
l'énumération de l'article 87, § 1er précité {1 2). Une telle interpré-
tation réduit évidemment la portée effective de la loi !
3. - La loi ne «règle pas et n'habilite pas non plus le Roi à
régler la question de savoir, en cas de pluralité de dettes envers

10
( ) Y compris dès lors les retenues sociales, le travailleur ne subissant en aucun cas les
conséquences de la suspension de l'exigibilité d'une telle dette (H. FUNCK, Brut, net et intérêt. A
propos de l'arrêt rendu, le 10 mars 1986, par la Cour de cassation, Chron. Dr. Soc., 1986, 94-96).
(") Cass., 20novembre1985, Pas., 1986, 1, 521 et réf. cit.; P. COPPENS et A. BAILLEUX,
Droit fiscal, Les impôts sur les revenus, Bruxelles, Larcier, 1985, 528.
2
(' ) «La possibilité de suspension de l'exigibilité, instaurée par l'art. 87, §1er, Loi du 1er août
1985, porte sur les créances de l'Etat constituées par: - l'impôt des personnes physiques ; - l'impôt
des sociétés ; - l'impôt des non-résidents ; - la taxe sur la valeur ajoutée. Etant donné que cette
disposition légale, bien qu'elle ne soit pas reprise dans le C.I.R. a cependant un impact fiscal, elle
doit être interprétée restrictivement. C'est ainsi qu'il faut constater que la possibilité de suspension
de l'exigibilité ne vaut pas pour les précomptes enrôlés ou non» (Corn. Adm. Manuel du
recouvrement, C.l.R., 14/332.344, n°s 221.1et222.2). «Eu égard aux termes mêmes dudit article 87,
ces créances fiscales doivent toutefois être constituées par l'impôt des personnes physiques, l'impôt
des sociétés, l'impôt des non-résidents ou la taxe sur la valeur ajoutée de sorte que la possibilité de
suspension de l'exigibilité ne vaut notamment pas pour le précompte professionnel enrôlé ou non. Eu
égard à la circonstance que ce précompte, qui fait partie intégrante des revenus auxquels il s'applique,
revient de droit au Trésor, quelles que soient les circonstances, dès qu'il a été prélevé sur ces revenus,
il n'est pas possible d'envisager une modification des dispositions légales ou réglementaires
concernées, ni dans le sens souhaité par l'honorable Membre, ni de manière à ce que l'article 87
susvisé soit également applicable audit précompte» (Ouest. et Rép., Ch. Sess., 1986-1987, 1444;
Bull. Contr., 1987, 2061). Le contraire a cependant été soutenu lors des travaux parlementaires (Doc.
Pari., Sénat, Sess., 1984-1985, 873, n° 2/5°, p. 36). Adde. Fiscologue, 1986, n° 139, p. 5-6.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 655

l'Etat et l'O.N.S.S. à l'égard de laquelle ou desquelles de ces dettes


la personne de droit privé pourra revendiquer la suspension de
l'exigibilité. On peut concevoir qu'un ordre soit institué entre ces
diverses dettes» (13 ). A cette remarque du Conseil d'Etat, il a été
répondu que «la personne concernée doit avoir le choix du
créancier (fisc, O.N.S.S., l.N.A.S.T.I.) auquel elle demandera la
suspension de l'exigibilité de sa dette. Il ne convient donc pas
d'établir un ordre de priorité : différents motifs (les montants dus,
les sanctions éventuelles, les dates d'échéances, les délais de
paiement) peuvent guider le choix de la personne concernée» (' 4 ).

5) La créance du demandeur.

Le demandeur doit posséder contre le débiteur «une ou


des créances certaines, exigibles et libres de tout engagement à
l'égard des tiers» (art. 87, § 1er). Il appartenait au Roi de
déterminer, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, «les
conditions dans lesquelles une créance visée à l'article 87 peut être
réputée certaine, exigible et libre de tout engagement à l'égard des
tiers». Tel est l'objet de l'article 2 de l'arrêté-royal du 11 octobre
1985 : «La créance du demandeur est, au sens de la loi, réputée
certaine, exigible et libre de tout engagement à l'égard des tiers
lorsque les conditions suivantes sont réunies: 1) la créance doit
porter sur des prestations faites qui ont été acceptées par le
débiteur ; 2) la créance ne fait pas l'objet, au moment de l'introduc-
tion de la demande de suspension, d'un terme ou d'une condition
suspensive (' 5 ) ; 3) la créance ne fait pas l'objet d'une saisie, d'une
cession ou d'une mise en gage dûment notifiées ou signifiées au
débiteur, sauf si la saisie avait été signifiée à la requête du créancier
pour la créance qui fait l'objet de la demande. Toutefois, la partie
de la créance du demandeur qui excède le montant sur lequel porte
la saisie pourra notamment être réputée libre de tout engagement,
moyennant l'accord du saisissant ou suite à un jugement».

13
( ) Avis du Conseil d'Etat, Doc. Pari., Sénat, Scss., 1984-1985, 873/1, p. 84.
(1 4 ) Doc. Pari., Sénat, Sess., 1984-1985, 873/1, p. 36.
5
(' ) En matière de marchés publics, l'exigibilité est déterminée par l'article 15 du cahier
général des charges (voy. pour une critique de cette exigence, Ph. MATHEl, op. cit., Revue «La
construction», n° 2 du 10 janvier 1986, p. 8 D/2°).
656 TRAITÉ DES SAISIES

A. - Cette disposition tient compte des observations faites par


le Conseil d'Etat :
1 - le débiteur qui doit vérifier si la créance répond aux conditions
fixées (art. 4, § 1er de l'A.R. du 11 octobre 1985) n'a pas de
pouvoir d'appréciation ; la créance est réputée - et non peut
être réputée - certaine, exigible et libre de tout engagement à
l'égard des tiers dès que les conditions énoncées sont satisfai-
tes;
2 - il y aurait méconnaissance de la volonté du législateur si le
caractère certain et exigible de la créance était tributaire du
non dépassement des crédits ouverts de telle sorte que toute
référence à la comptabilité de l'Etat et/ou à la comptabilité des
organismes concernés doit être écartée. Par contre, «il con-
viendra de vérifier au premier chef - sinon exclusivement -
si les prestations pour lesquelles la créance a été introduite
satisfont aux prescriptions de la législation et de la réglementa-
tion sur les marchés publics et aux conditions fixées dans le
cahier général des charges et dans le cahier spécial des charges
relatif au marché dont il s'agit» (1 6).
B. - La créance «libre de tout engagement à l'égard des tiers»
est la créance qui n'a été ni saisie, ni cédée, ni mise en gage par un
acte opposable au débiteur (1 7 ) avant que celui-ci ne constate si la
créance est certaine et exigible.
Il importe de préciser que les créances sur l'Etat du chef de
travaux et fournitures ne peuvent être cédées, mises en gage ou
saisies-arrêtées que dans les limites de la loi du 3 janvier 1958
relative aux cessions et mises en gage de créances sur l'Etat du chef
de travaux et fournitures (1 8).
La règle n'a pas une portée absolue :
1 - le demandeur peut diligenter la procédure de suspension
lorsque la saisie émane du créancier d'impôts ou de cotisations
sociales ; cette exception semble aller de soi puisqu'une saisie-
arrêt spéciale se substituera à la saisie originaire ; il est
cependant permis de se demander si la saisie pratiquée par le

{1 6 ) Avis du Conseil d'Etat précédant l'A.R. du 11octobre1985, M.B., 31octobre1985, p.


16017.
(1 7) Et non au demandeur comme l'indique le Rapport au Roi précédant l'arrêté-royal.
{1 8 ) Voy. supra, n°s 101 à 103 ; infra, n° 10 A 2.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 657

créancier ne doit pas conserver son effet d'indisponibilité


propre à entraver tout paiement par le débiteur (voy. art. 4, §
1er, al. 3 in fine, A.R. du 11octobre1985) ;
2 - la partie de la créance du demandeur qui excède le montant sur
lequel porte la saisie pourra notamment être réputée libre de
tout engagement, moyennant l'accord du saisissant ou suite à
un jugement {1 9) (2°).
En d'autres termes, il est possible d'invoquer ce qui excède
les causes d'une saisie à l'appui d'une demande de suspension de
l'exigibilité. Cette exception méconnaît le principe de l'indisponibi-
lité totale de la saisie qui découle de l'absence de privilège pour le
premier saisissant. Une mainlevée partielle de ce qui excède les
causes de la saisie ne donne au saisissant aucune garantie de
paiement de la créance pour laquelle la saisie a été pratiquée.
Partant, l'accord du saisissant ou le jugement ne peut avoir pour
seul objet de fixer le montant sur lequel porte la saisie ; le principe
de la mainlevée partielle peut être refusé dans la mesure où il
compromet le recouvrement total ou partiel de la créance du
poursuivant. Tel ne serait pas le cas si la mainlevée était précédée
d'un cantonnement sur exécution provisoire (art. 1404, al. 2) (2 1).
Une observation commune aux deux exceptions doit encore
être faite : il est uniquement tenu compte de la saisie individuelle
d'un créancier du demandeur alors que celle-ci peut se transformer
en procédure collective lorsque d'autres créanciers s'associent à la
poursuite par voie d'opposition. A notre avis, il importe de prendre
en considération de telles interventions sous peine de contraindre les
opposants à diligenter leur propre saisie susceptible de compromet-
tre le mécanisme de suspension (infra, n° 10 A/2).

6) La demande de suspension : formes et effet.


A. - L'article 3 de l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 déter-
mine, en vertu de l'article 88, 2° de la loi du 1er août 1985, les

9
(' ) On lit dans le Rapport au Roi: «Toutefois, afin d'éviter qu'une saisie portant sur une
partie de la créance n'empêche la mise en oeuvre de la suspension, il va de soi que la partie de la
créance du demandeur qui excède le montant sur lequel porte la saisie, pourra être réputée, libre de
tout engagement lorsque le montant sur lequel porte cette saisie sera connu avec certitude, c'est-à-
dire notamment en cas d'accord du saisissant ou suite à un jugement» (M.B., 31 octobre 1985, p.
16.015).
20
( ) Adde. infra, n° 7 B in fine et art. 4, §Ier in fine de l'A.R. du Il octobre 1985.
21
( ) Voy. aussi les obs. de Ph. MATHEI, op. cit., La construction, n" 2 du 10 janvier 1986, p.
8/D/3°.
658 TRAITÉ DES SAISIES

formes qui doivent être suivies par le demandeur : « § 1er. Pour


bénéficier de l'application de la loi, le demandeur formule sa
demande par lettre recommandée à la poste ou par exploit
d'huissier de justice en adressant, simultanément à son créancier et
à son débiteur, le document dont le modèle est annexé au présent
arrêté. Il y joint tout document utile à l'appui de sa demande. § 2.
En cas de notification de la demande par lettre recommandée,
l'original du récépissé du dépôt à la poste de la lettre adressée au
débiteur est joint à la lettre recommandée adressée au créancier. §
3. En cas de signification de la demande par exploit d'huissier,
l'exploit signifié au créancier comgorte en annexe une copie de
l'exploit signifié au débiteur» (2 2) ( ).

Le modèle annexé à l'arrêté-royal prévoit que le deman-


deur doit indiquer son identité, l'identité du créancier (y compris le
montant dû par le demandeur avec référence au titre), l'identité du
débiteur (en annexant la facture, la note d'honoraires ou la
déclaration de créance justifiant la créance du demandeur contre le
débiteur) et le montant de la suspension demandée.

«Les conditions qui peuvent être exigées du demandeur en


matière d'honorabilité quant à ses obligations financières» (art. 88,
2° de la loi) sont fixées par l'article 5 de l'arrêté-royal : état de
faillite ou de concordat judiciaire ; interdictions professionnelles ;
condamnations pénales à la suite d'infractions aux lois fiscales ou
sociales. La demande de suspension de créance (volet I de
l'annexe) se termine dès lors par une déclaration sur l'honneur du
demandeur qui déclare que lui-même ou la société ou personne
morale qu'il représente ne se trouve dans aucun cas d'exclusion.

B. - «L'introduction de la demande de suspension auprès du


créancier et du débiteur devrait avoir d'emblée un effet suspensif
provisoire. L'arrêté en projet devrait régler ce point de façon claire

22
( ) Même si les formes prévues par l'article 3 de l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 ne sont pas
prescrites à peine de nullité, le demandeur doit les respecter car toute omission ou irrégularité de sa
part peut entraîner un retard dans l'instruction de la demande. Toutefois, dans la mesure où, en cas
de signification de la demande par exploit d'huissier, le demandeur doit joindre au document qu'il
adresse au créancier la copie de l'exploit signifié au débiteur, il peut être impossible d'adresser
«simultanément» sa demande au créancier et au débiteur !
(") Cc texte est mal adapté à l'article 15 du cahier général des charges de l'Etat (Ph.
MATHEI, op. cit., La construction, n" 2, 10 janvier 1986, p. 9/E).
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 659

et nette» (24)- Même si cette dernière suggestion du Conseil d'Etat


n'a, hélas (2 ), pas été suivie, il faut admettre, selon nous, qu'il y a
suspension momentanée de la force exécutoire du titre du créancier
dans les limites de la créance invoquée par le demandeur ; cet effet
résulte nécessairement de l'information qui est donnée au créancier
tant de l'introduction de la demande que de la réponse du débiteur
et de la possibilité qui lui est offerte de faire opposition à la
demande de suspension parce que le demandeur se trouverait dans
un cas d'exclusion prévu par l'article 5 de l'arrêté-royal du 11
octobre 1985 (26 ) ; plus fondamentalement, le maintien de la force
exécutoire du titre du créancier méconnaîtrait l'objet même de la
loi qui est de rendre possible la suspension de l'exigibilité des
sommes dues au créancier lequel dispose en contrepartie d'un mode
simplifié de recouvrement.

A notre avis, toute mesure d'exécution (27 ) diligentée ou


poursuivie au mépris de l'introduction de la demande de suspension
régulièrement adressée au créancier constituerait de la part de celui-
ci une voie de fait à laquelle il pourrait être mis fin, le cas échéant
sous astreinte, par le juge des saisies ou même par le juge des
référés (28).

7) La réponse par le débiteur à la demande de suspension : forme,


contenu, opposabilité au créancier.

«Le débiteur dispose d'un délai de 45 jours pour faire


connaître si la créance du demandeur répond ou non aux conditions
fixées par l'article 2.

24
( ) Avis du Conseil d'Etat précédant l'A.R. du Il octobre 1985, M.B., du 31octobre1985,
16.018 ; comp. Proposition de loi suspendant l'exigibilité de l'impôt jusqu'au paiement effectif des
créances dont le contribuable est lui-même titulaire contre l'Etat, Doc. Pari., Ch. Sess., 1984-1985,
737 (1983-1984), n° 3.
(2 5 ) Ph. MATHEI, op. cit., La construction, n° 2 du 10janvier1986, p. 9/F.
(26 ) Volet III du Modèle annexé à l'arrêté-royal du 11 octobre 1985, M.B., 31 octobre 1985,
16.023 ; infra, n° 7 c.
(2 7) Par contre, rien n'empêche le créancier de prendre les mesures nécessaires à la
conservation de ses droits. Adde. n° 8 in fine.
(2") Comp. Ministère des Finances, Adm. des Contributions directes, Direction IV/5, C.I.R.
14/332.334, Manuel du recouvrement, T. III, Titre III. n°s 221 à 229 bis et sp. n" 228-8: «Il se peut
que la demande de suspension de l'exigibilité soit introduite après que le Receveur ait déjà pris des
mesures de recouvrement, lesquelles peuvent même faire déjà l'objet de procédures judiciaires en
cours. S'il y a incompatibilité, il va de soi que ces mesures et procédures doivent être suspendues pour
la partie de l'impôt pour laquelle la suspension de l'exigibilité a été obtenue».
660 TRAITÉ DES SAISIES

S'il estime que tel n'est pas le cas, sa réponse doit être
motivée. S'il conteste le montant indiqué par le demandeur, il
renseigne le montant non contesté de la créance.
Il indique, le cas échéant, le montant des retenues qui
s'effectueront en application de l'article 299 bis du Code des impôts
sur les revenus et de l'article 30 bis de la loi du 27 juin 1969 révisant
l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des
travailleurs ainsi que l'extinction de la dette si son règlement est
intervenu avant l'expiration du délai visé à l'alinéa 1er» (art. 4, §
1er A.R. du 11 octobre 1985).
A. - Le délai de 45 jours prend cours à la date du dépôt à la
poste de la lettre recommandée ou à la date de la signification de
l'exploit d'huissier de justice (art. 4, § 3; supra, n° 6). Ce délai
n'est pas prescrit à peine de nullité ou de déchéance, ce qui est
compréhensible car outre qu'une telle sanction peut être trop
rigoureuse compte tenu des recherches et vérifications à accomplir,
elle serait totalement inadaptée dans la mesure où elle ferait
supporter par le demandeur les conséquences de la négligence de
l'organisme débiteur. Il en résulte qu'il y aura lieu de «tenir compte
de la réponse du débiteur qui parviendrait au créancier après
l'expiration des 45 jours susvisés» (29). Ce non-respect du délai de
45 jours par le débiteur ne peut entraîner des conséquences
préjudiciables pour le demandeur (3°). Partant, la suspension de la
force exécutoire du titre détenu par le créancier se prolonge jusqu'à
ce que la réponse du débiteur ait été notifiée (3 1) conformément à

(29 ) Avis du Conseil d'Etat préc. A.R. du 11octobre1985, M.B., 31octobre1985, p. 16.0I8.
L'Union des Classes Moyennes «avait réclamé que l'absence de réponse soit considérée comme
réponse favorable» (La voix de l'Union du I4 décembre 1985, I5).
30
( ) Après avoir relevé que «malheureusement, l'obligation de répondre dans les 45 jours
n'est pas sanctionnée», un parlementaire formule cette question: «j'aimerais que l'honorable
ministre me dise si la suspension intervient de toute manière dès l'instant où le délai de 45 jours est
expiré. Il serait en effet tout à fait anormal que l'organisme public débiteur puisse empêcher la
suspension de jouer en commettant une faute, c'est-à-dire en ne répondant pas dans le délai voulu.
Sïl en était autrement d'ailleurs, l'ensemble de la mesure législative et de ses dispositions d'exécution
pourraient être tenues en échec. Il suffirait pour cela qu'il n'y ait pas de réponse dans les 45 jours». Il
y est répondu : «Je suis conscient du fait que la question soulevée par l'honorable membre pose un
problème réel et que le défaut de sanction, en cas d'omission de réponse dans le délai réglementaire,
stipulé à l'article 4, § Ier, de l'arrêté royal du 11 octobre I985, risque de compromettre
considérablement pour les créanciers visés, la portée effective de l'article 87 de la loi du 1er août
1985. Je vais dès lors, sans tarder, examiner ce problème en concertation avec mes collègues des
Finances et des Affaires sociales, chargés avec le ministre des Classes moyennes et le secrétaire d'Etat
aux Classes moyennes, de l'exécution de l'article 87 de la loi du Ier août 1985. Les premiers mois
d'application de la loi devraient nous donner des éléments d'appréciation intéressants pour la solution
du problème soulevé» (Quest. et Rép., Sénat, 7 janvier I986, n° I); adde. n° 8.
(3') En ce qui concerne les intérêts et les pénalités de retard, voy. infra, n° 8.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 661

l'article 4, § 2 de l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 : «Le débiteur


porte sa réponse ainsi que les éléments visés au § 1er au document
visé à l'article 3, § 1er. Ce document ainsi complété est adressé au
créancier et au demandeur par lettre recommandée à la poste».

B. - La réponse du débiteur est portée sur le volet II du


document dont le modèle est annexé à l'arrêté-royal du 11 octobre
1985 {32).

Une contestation même partielle de la créance invoquée


par le demandeur doit être justifiée par le débiteur. Dans la mesure
où celui-ci doit procéder à un contrôle des conditions fixées par
l'article 2 de l'arrêté-royal sans possibilité pour lui de porter
d'autres appréciations sur la créance (supra, n° 5 A) (33), il est
probable que le demandeur s'inclinera généralement devant une
réponse négative motivée. Dans le cas contraire, on ne pourrait
cependant tolérer qu'il soit désarmé face à une décision qu'il ne
peut admettre (3 4) ; en d'autres termes, il ne peut être privé de la
possibilité de soumettre à un contrôle judiciaire la réponse dont il
conteste la légalité. La demande relève de la compétence du
tribunal de première instance ; en cas d'urgence (35), cette de-
mande peut être soumise au juge des référés afin qu'il ordonne la
prolongation de la suspension de la force exécutoire dans l'attente
d'une décision au fond pour autant que la demande présente «une

32
( ) «Réponse du débiteur :
1. Montant de la créance ;
2. Montant non contesté de la créance ;
3. Montant contesté de la créance - justifications ;
4. Montant des retenues à effectuer en application des articles 299 bis du Code des impôts sur les
revenus et 30 bis de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la
sécurité sociale des travailleurs ;
5. La créance répond-elle aux conditions de l'article 2 de l'arrêté-royal du 11 octobre 1985?
oui non (justifications)
A concurrence de quel montant ?
6. Montant disponible :
7. Extinction éventuelle de la créance du demandeur :
paiement en date du ........................... .
8. Article et année budgétaire :
Signature du débiteur».
33
( ) Mais, le débiteur doit aussi vérifier, le cas échéant, à la demande du créancier (infra c) si
le demandeur ne se trouve pas dans un cas d'exclusion prévu à l'article 5 de l'A.R. du 11 octobre
1985.
(34 ) On verra qu'elle ne lie pas non plus la Cour des Comptes (art. 6, 3°, A.R., 11 octobre
1985 et infra, n° 10/A/3).
35
( ) L'urgence sera difficilement contestable dans la mesure où la réponse négative permet au
créancier de reprendre ou d'entamer les poursuites à charge du demandeur.
662 TRAITÉ DES SAISIES

apparence de droit suffisante» (3 6). En toute hypothèse, la mise à


la cause de toutes les parties intéressées est indispensable.
Le cas échéant, le débiteur doit mentionner les retenues
effectuées en application des articles 299 bis du Code des impôts sur
les revenus et 30 bis de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du
28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Il
en résulte que la procédure de suspension ne peut être mise en
oeuvre pour les montants dus au fisc ou à l'O.N.S.S. par l'entrepre-
neur non enregistré et qui doivent être prélevés par le débiteur de
celui-ci. En d'autres termes, cette «saisie-arrêt légale» (37) conti-
nue à produire ses effets malgré la procédure de suspension, ce qui
est conforme à l'article 2, 3° de l'arrêté-royal sans cependant qu'à
ce stade, il ne soit fait de distinction suivant que le bénéficiaire des
retenues est ou non créancier au sens de l'arrêté-royal du 11
octobre 1985.
C. - Le créancier peut provoquer une réponse négative en
formant «l'opposition» prévue par le volet III du document annexé
à l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 (3 8). Cette opposition ne lie pas
le débiteur mais si celui-ci lui adresse une réponse positive, le
créancier doit pouvoir soumettre toute contestation fondée sur une
cause d'exclusion aux cours et tribunaux (infra, n° 10/A).

8) Les effets de la suspension.

La suspension de l'exigibilité prend cours à la date de la


notification de la réponse positive du débiteur ; elle ne peut
intervenir qu'à concurrence du montant non contesté de la ou des

36
( ) J. VELU, Conclusions précédant Cass., 21 mars 1985, J.T., 1985, 699, n" 13. Si le droit
du demandeur est incontestable, le juge des référés peut directement rectifier la décision administra-
tive «sans porter préjudice au principal» (art. 1039, al. Ier, C. jud.).
(3 7) P. COPPENS et F. T'KINT, Examen de jurisprudence, Faillites et concordats (1979-
1983), Rev. Crit. Jur. Belge, 1984, p. 450 à 454, n° 22. Voy. aussi Cass., 11juin1987, J.L.M.B.,
1987, 1204 et J.T., 1987, 644 et obs. J.L. LEDOUX et E. MATHELART.
38
( ) «Le créancier déclare faire opposition à la demande de suspension de sa créance, le
demandeur étant dans une des situations visées à l'article 5 de l'arrêté-royal du 11octobre1985». On
lit dans !'Avis du Conseil d'Etat: «En exécution de l'article 88, 2° de la loi du 1er août 1985, cet
article détermine les cas dans lesquels le demandeur est censé ne pas satisfaire aux conditions «en
matière d'honorabilité quant à ses obligations financières». Ainsi qu'il se déduit de l'annexe de
l'arrêté en projet (volet III), le créancier doit, si le demandeur se trouve dans l'un de ces cas «faire
opposition (auprès du débiteur, avec notification au demandeur?) à la demande de suspension de sa
créance». Cette matière devrait être réglée de manière expresse dans le dispositif de l'arrêté en
projet» (M.B., 31 octobre 1985, 16.019). Cette suggestion n'a pas été suivie (Corn. Adm. Manuel du
recouvrement, n° 222.6).
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 663

créances de la personne physique ou morale débitrice (art. 87, §


1er, al. 2 de la loi du 1er août 1985 et art. 4, § 5 de l'arrêté-royal du
11 octobre 1985 combinés) de telle sorte que la partie de la dette
qui excède ce montant est immédiatement exigible.
Les intérêts moratoires continuent à courir mais leur exigi-
bilité est suspendue pendant le même temps que celle du principal.
Par contre, les amendes et pénalités qui sont les sanctions de retard
de paiement (39 ) ne seront pas dues (art. 87, § 2, Loi du 1er août
1985). Enfin, l'article 87, § 3 de la loi du 1er août 1985 prévoit la
suspension de la prescription de la créance du pouvoir~ublic aussi
longtemps que l'exigibilité de celle-ci est suspendue ( ) mais rien
n'est prévu en ce qui concerne la créance du demandeur.
La suspension de l'exigibilité de la créance en principal et
intérêts constitue une innovation en droit «se situant en quelque
sorte, en ce qui concerne ses effets, entre celui de force majeure
(~ui justifierait un retard de paiement) et celui du délai de grâce»
4
( ). Dans la mesure où il ne s'agissait pas de déroger à la règle qui
empêche la compensation entre des pouvoirs publics différents, il
était nécessaire de recourir à cette solution qui couplée avec une
saisie-arrêt simplifiée (infra, n° 9), permet cependant de réaliser un
«double paiement abrégé» sauf si un incident surgit (infra, n°s 9/6
et 10 C).

(39 ) L'avis du Conseil d'Etat sur la proposition de loi tendant à protéger les créanciers des
pouvoirs publics (Doc. Pari., Ch. Repr., Sess., 1984-1985, 267 (1981-1982), n° 3) précise le contenu
de la règle en ce qui concerne les amendes et pénalités : «Il conviendrait de préciser que les
majorations et pénalités dont la proposition prévoit que le cours est suspendu sont celles qui sont
dues à la suite d'un retard de paiement. Certaines majorations et pénalités peuvent, en effet, avoir
d'autres causes, telles l'absence de certaines déclarations ou des déclarations inexactes ou tardives
(voy. p. ex. les art. 221 et s. de la loi générale sur les douanes et les art. 334 et 335 du Code des impôts
sur les revenus)». Il n'y a pas d'amendes ou de pénalités sanctionnant un retard de paiement en
matière de contributions directes. Comp. la possibilité donnée à l'O.N.S.S. de dispenser de
majoration les cotisations de sécurité sociale et des intérêts de retard notamment lorsque l'employeur
possède une créance certaine et exigible à l'égard de l'Etat, d'une province ou d'un établissement
public communal ou intercommunal, d'un organisme visé par la loi du 16 mars 1954 ou d'une société
agréée de logement ou lorsqu'il y a une raison impérieuse d'équité ou d'intérêt économique national
ou régional (loi du 27 juin 1%9, art. 28, § 2 et A.R., 28 novembre 1969, art. 55).
40
( ) En l'absence d'une telle règle, suggérée par le Conseil d'Etat (Doc. Pari., Sénat,,Sess.,
1984-1985, 873, n° 1, p. 83), la prescription aurait continué à courir malgré la suspension de
l'exigibilité de la créance; voy. cependant Manuel du recouvrement, C. Adm., n° 228.2-3 qui
précise: «L'attention est spécialement attirée sur le fait que la suspension du délai de prescription qui
était en train de s'accomplir ne vaut que pour le principal pour lequel la suspension de l'exigibilité a
été accordée et non pas pour les intérêts de retard y relatifs (art. 87, § 3, Loi du Ier août 1985 ne fait
état que des créances visées au § Ier du même article et non pas des intérêts de retard dont il est
question au§ 2)». Cet argument, excessivement textuel n'est pas convaincant; ne peut-on dire que
l'accessoire suit nécessairement le sort du principal ?
41
( ) 1. MOREAU-MARGREVE, Garanties du crédit, in Chronique de droit à l'usage du
notariat, Vol. V, Faculté de Droit de Liège, 1985, 42.
664 TRAITÉ DES SAISIES

Pour déterminer l'étendue de la suspension, il y aura lieu,


selon nous, de comparer, à la date de la notification de la réponse
du débiteur, le montant incontestablement dû (principal, intérêts
échus, pénalités encourues) au demandeur et le montant incontes-
tablement dû (principal, intérêts échus et pénalités encourues) par
celui-ci au créancier. Dans cette mesure, les intérêts échus et les
pénalités encourues pendant la procédure de suspension avant la
notification de la réponse positive entrent en ligne de compte pour
déterminer le montant de la dette du demandeur qui pourrait avoir
intérêt à solliciter le bénéfice de la suspension 45 jours au moins
avant l'échéance de sa dette pour autant que sa créance soit exigible
(art. 2, 2° de l'arrêté-royal) (42 ). A notre avis, la suspension de
l'exigibilité des intérêts prend cours à l'expiration de ce délai et les
pénalités pour retard de paiement encourues après l'échéance de
celui-ci ne sont pas dues lorsque la réponse positive intervient
tardivement en raison de l'inertie ou d'une négligence de l'adminis-
tration.
Si le montant dû au demandeur est égal ou excède ce qu'il
doit au créancier, il y a suspension totale mais pour l'avenir les
intérêts débiteurs continuent à courir pour lui ; il devra veiller à ce
que sa propre créance produise des intérêts créditeurs, ce qui, en
cas de taux distincts, nécessitera l'établissement d'un décompte
final. Les amendes et pénalités encourues pour non paiement après
la date de la notification ne sont pas dues au créancier mais rien
n'est prévu en ce qui concerne les pénalités qui seraient dues par le
débiteur au demandeur (43 ). Bref, il y a un manque d'harmonisa-
tion entre les situations respectives du créancier public et du
créancier privé qui ne devra pas se désintéresser de sa propre dette.
La suspension de l'exigibilité n'empêche pas le créancier de
prendre des garanties pour le recouvrement de la créance qui en fait
l'objet. Tel est le cas de l'hypothèque légale prévue par l'article
316, C.I.R. ou même de la saisie conservatoire destinée à conserver
le privilège du Trésor (art. 314 et 315, C.I.R.) (44 ).

42
( ) Ph. MATHEI (op. cit., La construction, n° 2, 10 janvier 1986, p. 8/D/2°) se demande à
juste titre si une demande de suspension introduite avant l'échéance de la créance ne pourrait être
déclarée irrecevable.
43
( ) Au demeurant, l'art. 88, 3° in fine de la loi du 1er août 1985 vise expressément le
paiement ... des pénalités de la dette due en raison de travàux, de fournitures ou de services.
44
( ) Corn. Adm. Manuel du recouvrement, n°s 228.5-2 et 228.5-3.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 665

Enfin, le débiteur ne doit pas régler au demandeur le


montant total ou partiel de la dette qui provoque la suspension
aussi longtemps que le créancier se trouve dans le délai pour la
saisir-arrêter (~5 ).

9) Un nouveau type de saisie-arrêt.

Le pouvoir public créancier qui possède une créance dont


l'exigibilité est suspendue peut réclamer directement au pouvoir
public débiteur le paiement en principal, intérêts, amendes et
pénalités de la dette due en raison de travaux, de fournitures ou de
services. Cette réclamation vaut saisie-arrêt (art. 88, 3° et 89, Loi
du 1er août 1985). la procédure est réglée par l'article 4, § 5, al. 1 de
l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 : «En vue de l'application des
articles 88, 3° et 89 de la loi et du paiement par les soins des
services de trésorerie du débiteur, le créancier dispose d'un délai de
30 jours, prenant cours le lendemain de la notification visée au § 4,
pour réclamer directement aux services de trésorerie du débiteur le
paiement de la dette visée à l'article 87 de la loi, à due concurrence
de la créance dont le demandeur est titulaire. La réclamation
établie suivant le modèle annexé au présent arrêté (46 ), doit être
notifiée au débiteur et au demandeur simultanément par lettre
recommandée à la poste ou signifiée par exploit d'huissier. Cette
réclamation vaut saisie-arrêt sur la créance ; les services de trésore-
rie du débiteur payent le créancier conformément aux dispositions
relatives à la comptabilité de l'Etat et ou à la comptabilité des
organismes concernés».
L'objet de la saisie se définit comme en droit commun : il
s'agit de la créance et de ses accessoires y com~ris les intérêts venus
à échéance après la demande de suspension (4 ).

45
( ) Avis du Conseil d'Etat, M.B., 31octobre1985, 16.018. Voy. infra, la note 49.
46
( Il s'agit du volet IV intitulé «demande de paiement adressée par le créancier au débiteur»
)
qui, après s'être référé de manière particulièrement confuse aux dispositions applicables, énonce :
«j'ai l'honneur de vous informer que je procède à la saisie-arrêt sur la somme que vous devez à ...
(demandeur), du chef de ... (objet de la créance du demandeur). Sous peine d'être déclaré débiteur
pur et simple des causes de la saisie, vous ne pouvez plus vous dessaisir de cette somme. Cette saisie-
arrêt est pratiquée pour obtenir paiement des sommes pour lesquelles il est fait application de l'article
87 de la loi susvisée et mentionnées par le demandeur dans sa requête ... (référence de la dette,
principale et accessoires). Le paiement sera valablement effectué par virement au C.C.P. n° ... sous
la réf .... ».
47
( ) Voy. supra, n° 49; comp. et contra Ph. MATHEI, op. cil., La construction, n° 2, 10
janvier 1986, p. 9/J.
666 TRAITÉ DES SAISIES

On observera :
1. - Nulle part, il n'est exigé que le créancier soit nanti d'un
titre exécutoire (art. 1494, C. jud.) alors qu'à ses débuts, à tout le
moins, la mesure est une saisie-arrêt-exécution simplifiée (infra, n°
10 in fine). Même si« l'esprit de la compensation» peut justifier une
telle dérogation, il est regrettable qu'elle n'ait pas été explicitée et
réglementée. De toute manière, en cas de contestation sur les
causes de la saisie (48) (notamment si le créancier fait état d'un
montant dû plus élevé que celui qui est admis par le demandeur
dans la demande de suspension), et plus généralement en cas
d'opposition au paiement adressée par le demandeur à son débi-
teur, nous pensons que la saisie ne pourra aboutir tant que le litige
n'aura pas été réglé par le juge des saisies (comp. art. 1541, C.
jud.).
2. - Le délai de trente jours n'est pas prescrit à peine de
nullité ou de déchéance ; une saisie-arrêt pratiquée après /'expira-
tion de ce délai peut encore être efficace pour autant que le
débiteur ne se soit pas acquitté de sa dette en payant directement le
demandeur (49 ).
3. - Afin de permettre la prise en considération immédiate de
la réclamation, le créancier a intérêt à adresser celle-ci au débiteur
en mentionnant qu'elle est destinée au service de trésorerie de
celui-ci ( 50).
4. - S'il est évident que le paiement interviendra «à due
concurrence de la créance dont le demandeur est titulaire» lorsque
la dette de celui-ci est au moins égale à celle-là, il est tout aussi
évident que lorsque la créance du demandeur excède sa dette, le
paiement interviendra à due concurrence de la créance du saisis-
sant, le solde revenant au demandeur (51 ).

48
( ) En ce qui concerne la créance-objet de la saisie : supra, n° 7 B.
(49 ) L' Avis du Conseil d'Etat est en ce sens: «il convient d'observer, d'une part, qu'il ne s'agit
pas d'un délai de forclusion et, d'autre part, que le fait de fixer ce délai implique que durant cette
période, le débiteur ne peut acquitter sa dette directement au demandeur. Ces précisions devraient
être inscrites expressément dans le texte du projet» ce qui n'a pas été réalisé !
(5°) Le Rapport au Roi précise que «la demande est adressée aux services de Trésorerie
compétents» (M.B., 31octobre1985, 16.015) alors que l'article 4, § 5 de l'arrêté-royal énonce certes
que le paiement est directement réclamé aux services de trésorerie du débiteur mais il ajoute que la
réclamation doit être notifiée au débiteur. En pratique, il suffira d'adresser la lettre recommandée à
l'adresse du débiteur en précisant que cet envoi est destiné aux services de trésorerie du destinataire.
(5 1) Comp. et contra, Corn. Adm., Manuel du Recouvrement, n° 227-1 qui retient-à tort-
l'hypothèse d'un versement excédant le solde restant dû des cotisations ; l'art. 217 bis de l' A.R.
d'exécution du C.I.R. (qui vise «les sommes provenant de dégrèvements d'impôts directs à restituer
à des redevables») est inapplicable à une telle hypothèse (voy. Fiscologue, 1986, n° 139, p. 6).
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 667

5. - L'article 4, § 5, al. 1er de l'A.R. du 11 octobre 1985 ne


rend pas expressément applicables les règles du Code judiciaire à la
saisie-arrêt qu'il institue. Pourtant, la volonté de son auteur de se
référer aux textes du Code judiciaire dans la mesure où il n'y est
pas dérogé par des règles spéciales (art. 2, C. jud.), résulte,
indépendamment de ce qui est prévu à l'article 4, § 5, al. 3 (infra,
n° 10 B), de l'application de la sanction de droit commun au tiers
saisi (débiteur pur et simple des causes de la saisie, art. 1540) qui se
dessaisirait des sommes au mépris de la saisie (volet IV du modèle
annexé sur base duquel la réclamation, valant saisie-arrêt, doit être
établie). Certes, il n'y a pas lieu à dénonciation au débiteur saisi
puisque «la réclamation» est adressée à celui-ci en même temps
qu'au tiers, ni à déclaration de tiers saisi puisque celle-ci est fournie
anticipativement par la réponse positive du débiteur, ni à dessaisis-
sement conformément à l'article 1543 puisqu'il s'agit d'un paiement
direct (5 2) mais, pour le surplus, les dispositions du Code judiciaire
s'imposent notamment, selon nous, en ce qui concerne l'avis de
saisie qui permet d'éviter que le premier saisissant ne s'attribue en
fait une position privilégiée en obtenant à l'insu des autres
créanciers du saisi le bénéfice exclusif de la procédure d'exécution
(53).
Force est de relever que la publicité ainsi réalisée peut
porter atteinte aux intérêts du demandeur alors que cette réglemen-
tation tend à le protéger !

6. - Il importe de ne pas perdre de vue que la situation du


créancier saisissant n'est pas identique à celle du créancier qui
invoquerait la compensation car la survenance ultérieure d'une
situation de concours empêche le paiement et entraîne la disqualifi-
cation de la saisie-arrêt-exécution en saisie-arrêt conservatoire (art.
4, § 5, al. 3, A.R. du 11 octobre 1985 ; infra, n° 10 C).

7. - Le créancier peut saisir-arrêter malgré l'interdiction


formulée par l'article 1er de la loi du 3 janvier 1958 relative aux
cessions et mises en gage de créances sur l'Etat du chef de travaux
et de fournitures (infra, n° 10 A 2).

52
( ) Aucune disposition ne prévoit que la date de ce paiement est communiquée au
demandeur qui peut être intéressé de la connaître pour déterminer le montant des intérêts produits
par sa créance.
53
( ) Cet avis de saisie sauvegarde aussi les intérêts du créancier lorsque sa saisie produit les
effets d'une saisie conservatoire (infra, n° 10 C).
668 TRAITÉ DES SAISIES

10) Cessation de plein droit de la suspension de l'exigibilité et


conséquences au niveau de la saisie-arrêt simplifiée.

A. - L'article 6 de l'arrêté-royal du 11 octobre 1985 prévoit


que la suspension de l'exigibilité de la créance cesse de plein droit
dans trois circonstances :
1 - lorsque survient un cas d'exclusion visé à l'article 5 (supra, n° 6
A et 7 C) qui porté à la connaissance du débiteur avant la
réponse de celui-ci aurait empêché la suspension de l'exigibi-
lité ;
2 - lorsque les conditions de l'article 2 ne sont plus réunies (supra,
n° 5), c'est-à-dire «lorsque la créance ne peut plus être réputée
certaine, exigible et libre de tout engagement à l'égard des
tiers» (5 4 ) ; il en résulte que la saisie-arrêt simplifiée ne confère
aucun privilège au créancier saisissant. Aussi longtemps que le
tiers saisi ne s'est pas dessaisi des sommes dues en faveur du
saisissant, d'autres créanciers du demandeur peuvent empê-
cher ce paiement en pratiquant une saisie-arrêt (conservatoire
ou exécutoire) ou en signifiant une cession de créance ou une
mise en gage. Ainsi, les garanties offertes aux travailleurs,
fournisseurs, sous-traitants, et bailleurs de fond (55 ) par la loi
du 3 janvier 1958 relative aux cessions et mises en gage de
créances sur l'Etat du chef de travaux et de fournitures ne sont
pas, à première vue, mises en péril par le seul fait de la saisie-
arrêt organisée par l'article 4, § 5 de l'arrêté-royal du 11
octobre 1985. Toutefois, les articles 88, 3° et 89 de la loi du 1er
août 1985 apportent une exception à l'article 1er de la loi du 3
janvier 1958 relative aux cessions et mises en gage de créances
sur l'Etat du chef de travaux et de fournitures en permettant
au créancier (fisc, O.N.S.S., etc.) de pratiquer, avant la
réception provisoire, une saisie-arrêt sur les fonds destinés à
des entrepreneurs en raison de travaux ou de fournitures pour
le compte de l'Etat (56 ). Or, cette dérogation peut avoir des
conséquences importantes ; en effet, l'interdiction pour les
créanciers autres que ceux qui sont énumérés à l'article 2 de la

(5 4 ) Rapport au Roi, M.B., 31octobre1985, 16.016.


55
( ) Tant que les fonds se trouvent dans les caisses de l'Etat, ceux-ci peuvent être valablement
appréhendés par les créanciers privilégiés (travailleurs, fournisseurs, sous-traitants) au moyen d'une
saisie-arrêt ou d'une opposition nonobstant une cession de créance ou une mise en gage antérieure-
ment signifiée par le bailleur de fonds (supra, n°s 101 à 103).
56
( ) Corn. Adm., Manuel du Recouvrement, T. III, Titre III, n° 226.5.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 669

loi du 3 janvier 1958 de saisir-arrêter, sauvegarde l'efficacité


du privilège de ceux-ci ; par contre, en permettant au pouvoir
public créancier de saisir-arrêter et d'être payé avant que ne se
manifeste un créancier protégé (5 7), la loi de 1985 rend
possible la disparition de l'assiette du privilège créé par la loi
de 1958 (58 ) ;

3 - «à concurrence des montants pour lesquels la Cour des


Comptes a refusé son visa préalable, prévu à l'article 14 de la
loi du 19 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des
Comptes, en ce qui concerne le montant non contesté, fixé
conformément à l'article 4, § 1er». L'Avis du Conseil d'Etat
porte «qu'il paraît difficilement conciliable avec la volonté du
législateur de mettre fin à la suspension de l'exigibilité lorsque
la Cour des Comptes refuserait son visa pour des raisons
purement budgétaires (dépassement du crédit bud§étaire,
imputation sur un poste budgétaire inadéquat, etc.)» ( 9). Il a
donc été tenu compte des remarques du Conseil d'Etat car
l'article 6, 3° ne concerne que l'hypothèse où la Cour des
Comptes conteste le montant de la créance, tel que fixé par le
débiteur conformément à l'article 4 (60 ).

«Dans ces hypothèses, le débiteur avertit le créancier et le


demandeur par lettre recommandée à la poste» (art. 6, al. 2).
Toute contestation relative à la pertinence ou à la légalité du moyen
invoqué relève, selon nous, de l'appréciation du juge des saisies.

(5 7 ) D'où l'intérêt de l'avis de saisie et de sa consultation par le créancier intéressé à l'initiative


d'une des personnes énumérées à l'art. 1391, C. jud. (supra, n° 9/5).
58
( ) J. CAEYMAEX, Manuel des sûretés mobilières, Ed. Jeune Barreau Liège, 1985 (mise à
jour, février 1986), n" 1718.
59
( ) M.B., 31octobre1985, 16.019. «En effet, les travaux préparatoires des articles 87 à 90 de
la loi montrent que l'objectif du législateur était précisément d'éliminer «les nombreux obstacles
(pour les entreprises) qui peuvent se produire entre autres par des paiements tardifs émanant des
pouvoirs publics» (Doc. Sénat, 1984-1985, n° 873/5°, p. 34), paiements tardifs qui sont notamment
imputables à des dépassements budgétaires» (p. 16.017); voy. aussi supra, n" 5 A 2.
60
( ) Rapport au Roi, M.B., 31octobre1985, 16.016. Voy. toutefois, Ph. MATHEI, op. cit.,
La construction, 1986, n° 2 (10 janvier 1986), p. 9/1. Adde. Bruxelles, 23 mai 1985, Pas., 1985, II,
139: « 1°) La réalité de la créance, à charge de l'Etat belge, de l'adjudicataire d'un marché public est
indépendante du contrôle administratif de la Cour des comptes, qui s'exerce au moment de la
liquidation du paiement. 2°) Le refus du visa de la Cour des comptes ne constitue qu'un acte
administratif interne créant, il est vrai, un conflit entre la Cour des comptes et le département dont le
titre émane mais il s'agit d'un conflit d'ordre purement administratif, auquel le bénéficiaire de ce titre
reste tout à fait étranger. Après que l'Etat a approuvé sans aucune réserve le décompte final introduit
par un entrepreneur de travaux publics, il n'est pas fondé à remettre en question l'accord intervenu et
à contester les montants acceptés par lui, sous le prétexte que la Cour des comptes a refusé
d'accorder son visa».
670 TRAITÉ DES SAISIES

B. - Il est prétendu que «la suspension de l'exigibilité cesse


également par la force des choses en cas d'opposition du receveur
ou lorsque le receveur souhaite faire application de l'article 304, 2è
al., C.I.R. » (61 ). Il ne nous est pas possible d'admettre cette
solution :

- l'opposition ne peut concerner que la demande de suspension


(volet III du modèle annexé) et non la suspension elle-même ; au
surplus, l'opposition n'a pas d'effet automatique ; à nos yeux,
elle ne lie pas le débiteur (supra, n° 7 C) ;

- on ne voit pas comment les droits du Trésor seraient en péril


alors que le bénéfice de la suspension maintient ses effets ; la
mise en oeuvre de l'article 304, al. 2, C.I.R. ruinerait le but
poursuivi par la loi ; si une contestation surgissait à ce sujet,
l'article 304 prévoit expressément la possibilité pour le redevable
de s'adresser au juge des saisies.

Enfin, une observation commune à ces prétendus cas de


cessation doit être formulée : ils ne sont ni l'un ni l'autre prévus par
l'article 6 de l'arrêté-royal d'exécution du 11 octobre 1985 (62).

On relève aussi que l'article 6 ne cite pas comme hypothèse


mettant fin à la suspension le paiement fait par le débiteur au
demandeur. En réalité, si cette situation rend sans objet la
procédure, elle peut être prévenue par le créancier qui recourt à la
saisie-arrêt spéciale prévue à l'article 4, § 5 de l'A.R. du 11 octobre
1985 (63 ).

C. - «Si postérieurement au renvoi par le débiteur du


document visé à l'article 4, § 2, les conditions fixées par la loi et par
le présent arrêté pour obtenir la suspension de l'exigibilité ne sont
plus réunies, le créancier peut procéder à une saisie-arrêt-exécu-
tion, conformément aux articles 1539 et 1544 du Code judiciaire».

«Dans ce cas, la réclamation garde ses effets de saisie


conservatoire conformément aux dispositions du Code judiciaire»

61
( ) Corn. Adm., Manuel du Recouvrement, n° 227/2-3 et n° 228-4.
62
( ) Fiscologue, 1986, n° 139, p. 7.
63
( ) Comp. et contra, Ph. MATHEI, op. cit., La construction, n" 2 du 10janvier1986, p. 9/J.
CRÉANCIERS DE POUVOIRS PUBLICS 671

(art. 4, § 5, al. 2 et 3, A.R. du 11 octobre 1985) (64). Ce mécanisme


est semblable à celui qui est prévu par l'article 216 de l'arrêté-royal
d'exécution du C.l.R. et l'article 85 bis du Code T.V.A. ; aucun
délai n'est prévu pour pratiquer la saisie-arrêt-exécution (65 ) ; la
mesure antérieure produit son effet conservatoire, sous réserve de
renouvellement autorisé par le juge des saisies, pendant trois
années prenant cours à la date de la lettre recommandée prévue par
l'article 4, § 5, al. 1er de l'A.R. du 11 octobre 1985. Il est, à nos
yeux, incontestable que la saisie-arrêt-exécution de droit commun
doit dans tous les cas reposer sur un titre exécutoire.

11) Conclusion.

Le législateur a voulu définir «des règles simples et


juridiquement sûres» et «assurer des moyens simples et efficaces»
au créancier du demandeur (66). A notre avis, il a créé un ensemble
fragile qui à la moindre difficulté risquera sinon de s'effondrer à
tout le moins de ne pas fournir une réponse sûre et efficace. Il y a,
singulièrement dans l'arrêté-royal, un abus de réglementation à
peine synchronisée avec les autres procédures susceptibles d'attein-
dre la même créance. Plutôt que de décourager l'entreprise par un
tel salmigondis, le législateur aurait peut-être été mieux inspiré, à
défaut de déroger à l'interdiction de compensation, d'aménager
sous le contrôle du juge des saisies, la suspension de l'exigibilité de
la créance en se référant pour le surplus au droit commun.

Rarement, une initiative heureuse dans ses intentions aura


abouti à un ensemble aussi incohérent suscitant à juste titre une
critique fort nourrie (67 ).

64
( ) «Relativement au dernier alinéa du paragraphe 5, il y a lieu de signaler qu'en ce qui
concerne les effets de la saisie conservatoire, l'arrêté en projet ne peut déroger aux règles du Code
judiciaire applicables en la matière et que l'article 1459 de ce Code prévoit la possibilité de renouveler
la saisie à l'expiration du délai de trois mois (lire trois ans). Il convient dès lors de rédiger ce dernier
alinéa comme suit : «Dans ce cas, la réclamation garde ses effets de saisie conservatoire conformé-
ment aux dispositions du Code judiciaire» (Avis du Conseil d'Etat, M.B., 31octobre1985, 16.018).
65
( ) Par contre, l'article 216, § 2, A.R. d'exécution C.l.R. prévoit un délai d'un mois à dater
de la déclaration du tiers.
66
( ) Doc. Pari., Sénat, 873 (1984-1985), n" 2/5°, p. 35.
67
( ) Ouest. Pari., Sénat, 7 janvier 1986, n" 1 ; Le fiscologue, 139/01-02-1986, p. 7; Ph.
MATHEI, Les retards de paiement, La construction, n° 2 du 10 janvier 1986, p. 9 Gin fine et K.
ANNEXE N°III

CESSION DE REMUNERATION PAR ACTE


SOUS SEING PRIVE (1)

1) Généralités.

Cette procédure est réglée par les articles 27 à 35 de la loi


du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération des travail-
leurs. Elle doit être prise en considération en matière de saisies
dans la mesure où les règles de l'insaisissabilité des créances sont
applicables à l'incessibilité de celles-ci (2) (3) et dans la mesure où
des conflits avec des saisies-arrêts surgissent fréquemment.

2) L'opposition.

Le délai d'opposition du cédant (art. 29) n'est pas prescrit


à peine de nullité ; dès lors une opposition tardive suspend encore,
à dater de sa formalisation «par lettre recommandée à la poste ou
par exploit d'huissier dont les frais restent à charge de celui qui les a
exposés» (art. 30), les effets de la cession de telle sorte que la
totalité de la rémunération doit à nouveau être versée par l'em-
ployeur au travailleur aussi longtemps qu'une décision sur l'opposi-
tion n'est pas intervenue (4 ).

(1) Au sujet de la cession constatée par acte authentique, voy. art. 34, L. 12 avril 1965 et
supra, n" 236.
(2) Supra, n°s 79 à 104.
(3) Toutefois, si un bien futur ne peut être saisi, une créance future peut être cédée (Cass., 5
décembre 1907, Pas., 1908, 1, 59).
(4) Cass., 29 novembre 1979, Pas., 1980, 1, 406; Cass., 22 novembre 1984, Pas., 1985, 1, 372;
Trav. Liège, 8 janvier 1982, Jur. Liège, 1982, 260; Comm. Liège, 24 février 1983, Jur. Liège, 1983,
264 ; Civ. Mons, Ier avril 1987, J.L.M.B., 1987, 1555 ; G. de LEVAL, observations sur la procédure
relative à la cession de rémunération, Jur. Liège, 1982, p. 288-289; F. TOP, op. cil., T.P.R., 1983, p.
366, note 5 et p. 384, n° 44 b ; comp. en matière de saisie-arrêt G. de LEVAL, La saisie mobilière,
Rép. Not., n" 456.
674 TRAITÉ DES SAISIES

Toute contestation relative aux retenues opérées indûment


par l'employeur relève de la compétence du tribunal du travail (5)
voire du juge des référés (président du tribunal de première
instance ou du travail du travail) appelé à faire cesser une voie de
fait manifestement illicite (6). L'effet suspensif de l'opposition
même tardive voire dilatoire peut éventuellement être neutralisé au
moyen d'une saisie-arrêt conservatoire pratiquée par le cession-
naire (7) mais, à notre avis, le titre frappé d'opposition ne peut plus
constituer un titre privé au sens de l'article 1445 du Code judiciaire
pe.r':11ettant de saisir-arrêter sans autorisation préalable du juge des
saisies.
L'autorité de chose jugée s'attachant à la décision de
validation empêche évidemment le renouvellement de l'opposition.
Le cessionnaire est tenu de garantir l'employeur des
condamnations qui seraient prononcées contre lui à la suite de
retenues irré~ulièrement retenues puis versées par le cédé au
cessionnaire ( ) .

3) Procédure de validation.
Celle-ci est introduite par le cessionnaire (lettre recom-
mandée adressée par l'huissier de justice) devant le juge de paix
statuant en dernier ressort (9).
Dans les limites de l'article 31 de la loi du 12 avril 1965, le
juge de paix tranche toutes contestations soulevées devant lui
concernant la forme et le fond de la cession et de la créance
principale ; le cédant peut mettre à profit l'action en validation de la
cession de rémunération pour introduire une demande reconven-
tionnelle tendant à l'octroi de délais de grâce pour le rembourse-
ment du prêt dont la cession de rémunération est l'accessoire (1°).

(5) Arr. Charleroi, Ier mars 1983, Rev. Rég. Dr., 1983, 242; J.T.T., 1985, 56.
6
( ) Civ. Liège, réf., 19 mars 1984, Jur. Liège, 1984, 206 ; C.T. Liège, 12 juin 1984, Jur. Liège,
1984, 475; voy. aussi F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 384, n° 44 qui retient la compétence du juge
des saisies.
(7) F. TOP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 385, n° 44 C.
8
( ) Trav. Charleroi, 30 avril 1984, Rev. Dr. Soc., 1984, 337; J.T.T., 1985, 55; Chron. Dr.
Soc., 1984, 618.
9
( ) Au sujet de la compétence du tribunal civil pour connaître à la fois d'une demande de
condamnation au fond et d'une demande de validation, voy. Civ. Liège, 23 mai 1984, Jur. Liège,
1984, 370 et obs. G. de LEVAL.
0
(' ) Cass., 10 novembre 1983, Pas., 1984, 1, 287 et concl. de M. le Procureur général E.
KRINGS ; Jur. Liège, 1984, 29 et obs. G. de LEV AL.
CESSION DE RÉMUNÉRATION 675

Le droit d'enregistrement de 2,5 % n'est pas dû sur le


jugement de validation qui ne contient pas de condamnation de
sommes ou valeurs mobilières au sens de l'article 142 du Code des
droits d'enregistrement (11 ) ( 12).
Toute contestation relative à l'exécution du jugement de
validation relève de la compétence du tribunal de première instance
(art. 569, 5°, C. jud.) ; la compétence territoriale est en ce cas
déterminée non par l'article 633 du Code judiciaire mais par
l'article 624 du Code judiciaire (1 3).

4) Conflit de cessions et/ou de saisies.


A. - De manière générale, le conflit entre saisie-arrêt et
cession de créance se règle de la manière suivante (1 4 ) :
a) si la saisie-arrêt est antérieure à la cession de créance, celle-ci est
inopposable comme telle au saisissant mais elle produit à son
égard les effets d'une saisie-arrêt ;
b) si la saisie-arrêt est postérieure à la cession de créance, celle-ci
rend sans objet la saisie pratiquée à charge du cédant sauf si la
cession est frauduleuse (art. 1167, C. civ.) et sous réserve
d'exceptions prévues par la loi (15 ) ;
c) si une cession de créance est intercalée entre deux saisies-arrêts,
la cession est comme telle inopposable au saisissant antérieur
(supra a) mais elle est, sauf exceptions, opposable au saisissant
ultérieur (supra b ).
En droit commun, l'opposabilité de la cession au tiers
(notamment un autre cessionnaire ou un saisissant) est subordon-

(1 1) Déc. Enr. du 24 juin 1983, Rec. enr., 1984, 225. Adde. en ce qui concerne l'enregistre-
ment en débet des jugements, art. 35, C. Enr. modifié par l'art. 2, L., 19 juin 1986.
12
( ) Voy. cependant E. KRINGS, op. cil., Pas., 1984, I, 270 qui écrit: «L'engagement
principal et la cession forment un tout indissociable ... lorsque le juge de paix valide la cession, sa
décision a inéluctablement pour effet de conférer un titre au créancier cessionnaire pour la créance
principale. La situation de ce dernier est, à partir de cette validation, comparable à celle du créancier
muni d'un titre authentique. Celui-ci exécute aussi non seulement la cession, mais aussi le titre
principal, dont la cession n'est qu'une modalité d'exécution».
13
( ) Arr. Liège, 26 septembre 1985, Jur. Liège, 1985, 631.
4
(' ) Pour un exposé plus détaillé, voy. G. de LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 120 à
126 et Conflit entre créancier d'aliments et créanciers et cessionnaires du débiteur d'aliments, J.T.,
1987, 288 à 290.
5
(' ) Comp. en matière de compensation, Civ. Arlon, 3 juin 1914, J.L., 1914, 347; au sujet des
exceptions, voy. supra, n° 99 (art. 1412, C. jud.) et n° 103 (L. 3 janvier 1958 relative aux cessions et
mises en gage des créances sur l'Etat du chef de travaux et de fournitures).
676 TRAITÉ DES SAISIES

née au respect de l'article 1690 du Code civil (1 6 ). En cas de saisie


de rémunération régie par la loi du 12 avril 1965, des règles
spéciales doivent être dégagées.
B. - La cession de rémunération est en principe opposable au
débiteur cédé et aux autres tiers (saisissant, cessionnaire, etc.) dès
la réception par le débiteur cédé de la copie de la notification de la
mise en demeure adressée au cédant (art. 28, 2° de la loi du 12 avril
1965) (1 7) mais elle ne produit ses effets qu'à dater soit de la
réception par le débiteur cédé de la copie certifiée conforme de
l'acte de cession (art. 28, 3° de la même loi), soit, s'il y a
opposition, de la réception par le débiteur cédé du jugement de
validation de la cession (1 8). Entre la date de prise de rang et la
date de prise d'effet d'une cession de rémunération, des retenues
peuvent être effectuées au profit d'un cessionnaire ou d'un saisis-
sant ultérieur sans que le cessionnaire originaire dont la cession est
ultérieurement validée puisse prétendre exercer des droits sur ces
retenues ; en effet, la cession n'est effective sans effet rétroactif
qu'à dater de la réception du jugement de validation par le débiteur
cédé (1 9).
Si une cession de rémunération maintenue chez l'em-
ployeur est suspendue, suite à la fixation de modalités amiables de
règlement, dans ses effets sous réserve du rang et de la priorité de
la cession par rapport à toute autre cession ou saisie, la première
cession a priorité sur la saisie-arrêt ultérieure pratiquée par un
saisissant du cédant (2°).

(1 6 ) Paris, 26 mars 1986, Dall., 1986, J., 374 et note M. VASSEUR (application, en droit
international privé, de la loi du domicile du débiteur cédé) ; Comm. Bruxelles, 4 juin 1985, J.T.,
1986, 271; R.D.C., 1986, 393; comp. en cas de subrogation, Paris, 3mai1985, Dall., 1986, I.R., 317.
(1 7 ) Comp. F. TOP, qui retient la date d'envoi de la copie de l'acte de cession; cet envoi
pourrait avoir lieu, selon lui, après une opposition du cédant afin de préserver les droits du
cessionnaire, T.P.R., 1983, p. 386, n° 46 b; voy. dans le même sens, Civ. Bruxelles, ch.s., 22 janvier
1987, J.T., 1987, 291.
(1 8) G. de LEVAL, op. cit., Jur. Liège, 1982, p. 287-288.
(1 9 ) J.P. Saint-Gilles, 3 février 1983, J.T.T., 1983, 324; J.P. Bruxelles (8ème canton), 10
novembre 1983, Jur. Liège, 1984, 37; Civ. Bruxelles, ch.s., 22janvier1987, J.T., 1987, 291 ; comp. et
contra F. TOP qui estime qu'entre l'opposition et la validation, l'employeur peut payer un
cessionnaire ultérieur dont la cession est opérationnelle mais aux risques de celui-ci qui peut
s'exposer à un recours du bénéficiaire de la cession validée (T.P.R., 1983, p. 385-386, n° 46 A) ou
payer un saisissant mais à ses risques et périls envers le cessionnaire originaire (p. 396, n° 63). Cette
opinion méconnaît, selon nous, l'effet suspensif de l'opposition.
(2°) Civ. Bruxelles, ch.s., 28 novembre 1985, Ann. Dr. Liège, 1986, p. 155. Cette décision a
été réformée pour défaut de renouvellement de la procédure à la suite du changement d'employeur
du cédant alors que la cession n'avait pas fait l'objet d'une validation par le juge de paix (art. 32)
(Bruxelles, 29 septembre 1987, R.G., n" 515/86).
CESSION DE RÉMUNÉRATION 677

5) Incertitude quant à l'étendue exacte des informations qui doivent


être transmises par le débiteur cédé au cessionnaire.

La loi sur la protection de la rémunération n'impose pas au


débiteur cédé une déclaration semblable à celle qui est imposée au
tiers saisi (art. 1452, C. jud.). Cependant, dès que la procédure est
mise en oeuvre chez l'employeur, il est, selon nous, évident que le
cessionnaire a le droit d'obtenir les informations et justifications
relatives au succès total ou partiel ou à l'échec temporaire ou
définitif de la cession.

Plus généralement, il serait souhaitable qu'un avis de


cession soit organisé à l'instar de ce qui est prévu en matière de
saisie ou de délégation (2 1).

6) Sanction du non-respect des obligations du cédé envers


le cessionnaire.

Le débiteur cédé qui n'effectue pas les retenues à dater de


la prise d'effet de la cession engage sa responsabilité envers le
cessionnaire auquel n'est pas opposable le paiement de la quotité
cessible au cédant (2 2 ).

Le cédé est créancier du cédant de ce qu'il lui a payé


indûment (tout comme, en sens inverse, le cessionnaire doit
restituer au cédé ce que celui-ci lui a indûment payé) (23). Si en
règle, sauf accord entre les parties, la répétition de l'indu ne peut se
réaliser par voie de prélèvement sur la rémunération du cédant
(24), il y a lieu de tenir compte du fait que le cédé peut se prétendre
subrogé dans les droits du cessionnaire envers le cédant (25).

(2 1) Supra, n°s 109 et s. et infra, Annexe IV, n° 5 B.


(22) Civ. Arlon, 14 novembre 1957, J.L., 1957-1958, 77; Civ. Bruxelles, 6ème ch., 13
décembre 1985, R.G. n° 168-725, Inédit.
23
( ) Trav. Charleroi, 30 avril 1984, J.T.T., 1985, 55.
(24) Supra, n° 83 B.
25
( ) Voy. Cass. Fr., 2 octobre 1985, J.C.P., 1986, II, n° 20.687; Gaz. Pal., 1986, Pan., 17
(notaire, responsable du remboursement d'un prêt à la suite d'un manquement à son devoir de
conseil, réunissant les conditions requises par l'art. 1251, 3°, C. civ. pour bénéficier de la subrogation
légale dans les droits des prêteurs contre l'emprunteuse après avoir personnellement désintéressé les
prêteurs); adde. Cass. Fr., 3 mars 1987, J.C.P., 1987, IV, 165; Dall., 1987, I.R., 64et I. MOREAU-
MARGREVE, Obligations, in Chronique de droit à l'usage du Notariat, Vol. VII, 26 mars 1987, p.
22 à 26, n° 10.
ANNEXE N°IV

PROPOSITIONS D' ADAPTA TION DES TEXTES


RELATIFS AUX SAISIES CONSERVATOIRES ET
AUX VOIES D'EXECUTION

La Vème partie du Code judiciaire régit de mamere


efficace et moderne la matière des saisies (généralisation des saisies
conservatoires, remarquable réglementation de l'exécution provi-
soire qui, en principe, ne peut être remise en question de degré
d'appel (1), traduction concrète du caractère collectif de la saisie
grâce à l'avis de saisie et aux procédures de répartition). Avant de
réformer ou de compléter la loi, il importe d'appliquer effective-
ment celle-ci ; certes, il a fallu une période d'assimilation et on se
rend compte que la matière est de mieux en mieux connue et de
mieux en mieux appliquée. C'est dire combien il importe d'abord
d'utiliser les textes sans se réfugier dans des projets de réforme qui
peuvent, même inconsciemment, servir d'alibi pour ne pas exploi-
ter toutes les virtualités du «de lege la ta» (2).

1. - Projets en cours.

- le projet de loi visant à modifier les articles 1408 et 1409 du Code


judiciaire ainsi que l'article 476 de la loi du 18 avril 1851 sur les
faillites, banqueroutes et sursis (Doc. Pari., Sénat, Sess., 1983-
1984, n° 671) (3) ;

1
( ) Voy. toutefois la proposition de généraliser l'exécution provisoire avec mise en place par
les pouvoirs publics d'un système d'assurance visant à indemniser la victime de l'exécution provisoire
en cas de réformation (P. MARTENS, L'exécution provisoire en matière patrimoniale, Ann. Dr.
Liège, 1983, 208 à 212).
(2) Dans les «Considérations critiques pour un anniversaire» (J.T., 1987, 545 à 557), M. le
Procureur général KRINGS écrit au sujet des mesures conservatoires et des voies d'exécution :
«quoique certains points de détails puissent être améliorés, je pense que cette cinquième partie du
Code judiciaire n'a pas suscité de difficultés importantes et est restée très actuelle» (p. 557, n° 44).
(3) Supra n°s 68 et s.
680 TRAITÉ DES SAISIES

- le projet de loi visant à compléter l'article 633 du Code judiciaire


par l'alinéa suivant : «Pour l'application de l'alinéa 1er en
matière de saisie-arrêt, le lieu de la saisie est le domicile du
débiteur saisi» (Doc. Pari., Ch., Sess., 1984-1985, n° 1035). Il
est vraiment souhaitable que la loi soit ainsi modifiée le plus
rapidement possible (4 ).
2. - Publicité.
La publicité des saisies peut être améliorée.
A. - En matière d'aliments, le droit des saisies est
considérablement amélioré par la loi du 31 mars 1987 modifiant
diverses dispositions relatives à la filiation. Ainsi, l'article 1390 bis
du Code judiciaire (art. 84, L. précitée) organise un avis de
délégation qui est plus complet que l'avis de saisie puisqu'il
mentionne «le montant, les conditions, les limites et la cause de la
délégation».
De lege ferenda, l'article 1390 du Code judiciaire devrait
être adapté en vue de compléter les mentions figurant sur l'avis et
de permettre à l'opposant de figurer sur l'avis de saisie afin
qu'aucune contestation ne surgisse quant à son admission à la
procédure de répartition et qu'en aucun cas, il ne subisse la
radiation de l'avis de saisie sans avoir été associé à cette mesure.
Voici un projet de texte (5) :
«En cas de saisie de biens meubles ou immeubles, l'huissier de
justice qui l'a pratiquée adresse dans les vingt-quatre heures de
l'acte, sous sa signature, au greffier du tribunal de première
instance du lieu de la saisie et, le cas échéant, du domicile du
saisi, un avis de saisie, relatant l'identité et le domicile du
saisissant, du débiteur saisi et le cas échéant, du tiers saisi, la
date de la saisie, la nature, le montant de la créance du
saisissant, les causes de préférence éventuelles et l'objet précis
de la saisie (6).
L'avis de saisie est établi par le greffier, lorsque la notification
de l'acte de saisie a été faite par ses soins.

4
( )Supra, n° 25.
5
( )Pour un exposé complet de la matière, voy. supra, n°s 105 à 118.
6
( ) Au sujet de la mention de l'immeuble, voy. G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-
exécutions, J.T., 1985, p. 138, n° 12/3. Au sujet de la suppression de la distinction en cas de saisie-
exécution mobilière entre signification faite au domicile du saisi ou hors du domicile de celui-ci, voy.
le nouvel article 1512, al. 1er du Code judiciaire et G. de LEVAL, La saisie mobilière, Rép. Not.,
n°s 215-216 et 241.
PROPOSITIONS D'ADAPTATION DE CERTAINS TEXTES 681

Tout autre créancier dont la créance peut entrer en compte de


répartition en vertu de l'article 1628 peut manifester sa volonté
de concourir à la répartition du prix, en faisant porter, par le
greffier, sur l'avis de saisie son nom, prénom, domicile, la
nature et le montant de sa créance, la cause de préférence
éventuelle et la date de sa démarche au greffe. Cette interven-
tion est dénoncée par simple avis du greffe au débiteur saisi et,
le cas échéant, au tiers saisi.
Lorsque la saisie est pratiquée à charge de sociétés ou
personnes inscrites au registre du commerce d'un arrondisse-
ment, copie de l'avis de saisie est en outre adressée, dans les
vingt-quatre heures au greffier du tribunal de commerce de cet
arrondissement et, le cas échéant, du domicile ou du siège
social de l'intéressé, par l'huissier de justice dans le cas de
l'alinéa 1er ou par le greffier du tribunal de première instance
dans le cas de l'alinéa 2.
L'avis de saisie est conservé au greffe pendant un délai de trois
ans à compter de la saisie, sans préjudice, s'il échet, de la
radiation de l'avis auparavant, amiablement ou par décision du
juge. Il est périmé de plein droit à l'expiration de ce délai s'il
n'a été renouvelé auparavant.
Lorsque l'avis de saisie mentionne l'intervention d'un autre
créancier, sauf jugement de radiation rendu contre l'opposant,
le consentement de celui-ci doit être obtenu avant de rayer
l'avis de saisie. Il peut aussi en demander le renouvellement.
Aucune remise ou distribution des deniers saisis ou provenant
de la vente de biens meubles saisis ne peut avoir lieu que
conformément aux dispositions de l'article 1627.
Le modèle des avis de saisie est établi par le Roi.
Cette disposition n'est pas applicable aux saisies de navires et
bateaux».
B. - Un article 1390 ter devrait organiser l'avis de cession de
rémunération ; ce texte pourrait être ainsi libellé :
«En cas de cession de rémunération, le cessionnaire qui a
envoyé au débiteur cédé la copie de la mise en demeure visée à
l'article 28, 1° de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la
rémunération des travailleurs, adresse dans les vingt-quatre
heures de cet envoi, sous sa signature, au greffier du tribunal
de première instance du domicile du cédant, un avis relatant
682 TRAITÉ DES SAISIES

l'identité et le domicile du cessionnaire du cédant et du


débiteur cédé ainsi que la nature et le montant de la créance du
cessionnaire.
Lorsque la cession de créance est réalisée en vertu de l'article
1690 du Code civil, l'huissier instrumentant en cas de significa-
tion ou le cessionnaire en cas d'acceptation du transport faite
par le débiteur dans un acte authentique adresse dans les vingt-
quatre heures de la signification ou de l'acceptation, sous sa
signature, au greffier du tribunal de première instance du
domicile du cédant un avis relatant l'identité et le domicile du
cessionnaire, du cédant et du débiteur cédé ainsi que la nature
et le montant de la créance tant du cessionnaire que du
cédant» (7).
3. - Saisie-arrêt-exécution.
Le toilettage des textes en matière de saisie-arrêt-exécu-
tion devrait être effectué :
- ajouter à l'article 1497, al. 1er : «En cas de saisie-arrêt-exécu-
tion, le commandement produit les effets de la dénonciation
prévue à l'article 1539, alinéa 5 » ;
- remplacer l'article 1539, al. 4 par le texte suivant : «Les articles
1452 à 1455 sont applicables à la saisie-arrêt-exécution; le texte
de ces articles ainsi que celui des articles 1540, 1542 et 1543 est
reproduit dans l'acte de saisie» ;
- modifier le début de l'article 1543 de la manière suivante : «Deux
jours, au plus tôt, après l'expiration du délai de quinze jours, à
dater de la dénonciation de la saisie à la personne, au domicile
réel ou élu du débiteur saisi ou par dépôt de la copie, le tiers saisi
dont la dette est liquide et exigible est tenu sur la production, par
l'huissier, de l'exploit de dénonciation, et conformément à sa
déclaration, de vider ses mains en celles de l'huissier de justice, à
concurrence du montant de la saisie et des oppositions, à défaut
de quoi, il y sera condamné sur la citation à lui donnée par le
saisissant devant le juge des saisies» ;
- modifier l'article 1544 comme suit :
«Si la dénonciation de la saisie n'a pu être faite à personne, au
domicile réel ou élu du débiteur saisi ou par dépôt de la copie, le

(7) Ce texte devrait également organiser la durée de validité de l'avis de cession. Par la même
occasion, l'article 1390 bis devrait également être complété en ce sens (supra, n° 113, in fine).
PROPOSITIONS D'ADAPTATION DE CERTAINS TEXTES 683

tiers saisi n'est tenu de vider ses mains que pour autant que le
créancier saisissant ait préalablement obtenu le visa du juge.
Celui-ci peut, le cas échéant, commettre un huissier de justice
pour procéder à une nouvelle dénonciation».
Ajouter un alinéa 2:
«Le visa est obtenu sans forme spéciale à la demande écrite ou
verbale du saisissant, de son avocat ou de l'huissier de justice
instrumentant» (8).

4. - Saisie mobilière.
En matière de saisie mobilière conservatoire, l'article 1424,
3°, devrait être libellé comme suit : «Le procès-verbal de saisie est,
à peine de nullité, signifié dans la huitaine, au débiteur, si la saisie a
eu lieu hors du domicile ou du siège social et que la copie n'a pu lui
être remise lors de la saisie» (9 ).

5. - Procédures de répartition.
La distribution par contribution et l'ordre traduisent dans
les faits le respect de la loi du concours.
A. - En matière d'ordre, afin de mettre fin à des
controverses surtout doctrinales, il serait utile :
- de compléter l'article 1639 par un alinéa énonçant:
«Moyennant le respect des dispositions du J'résent chapitre, la
purge est opposable à tous les créanciers» (1 ) ;
- d'adapter l'article 1642 en y incluant les créanciers visés par
l'article 1628 du Code judiciaire (11 ) ;
- de préciser que l'adjudicataire peut à tout moment et sur requête
unilatérale solliciter la radiation judiciaire des inscriptions et
transcriptions (art. 1647, al. 2) (1 2) ;

8
( ) Sur la justification de ces textes, voy. G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions,
J.T., 1985, p. 139-140, n"s 7 et 8. Au sujet de l'art. 1497, voy. aussi supra, n° 281 B et note 2672.
9
( ) Texte suggéré par Monsieur l'Huissier PILMEYER. Adde. G. de LEVAL, La saisie
mobilière, Rép. Not., n° 93. Adde. au sujet du commandement, supra, n° 284.
10
( ) G. de LEVAL, L'ordre, Rép. Not., n°s 162 à 164-1.
11
( ) lb., n°s 47 à 55-1 ; comp. et contra F. WERDEFROY, Toelaat baarheid toi de

rangregeling van de chirografaire schuldeisers niet in het bezit van een uitvoerbare titel, Tijds. Not.,
1986, 266 à 273.
12
( ) lb., n°s 131 à 135.
684 TRAITÉ DES SAISIES

- de libeller ainsi l'article 1653, alinéa 3 :


«Sur production de ce certificat, toutes inscriptions et transcrip-
tions existantes à charge du saisi, sur le bien adjugé, sont, en tout
état de cause, rayées d'office» ( 13 ).

B. - La distribution par contribution revêt une importance


capitale en matière de saisies mobilières.

«Afin d'organiser expressément les distributions successi-


ves lorsque la réception du produit de la saisie est étalé dans le
temps, on pourrait compléter l'article 1630 par la disposition
suivante : «Lorsque la saisie se renouvelle périodiquement, si des
distributions successives doivent être effectuées, moyennant adap-
tation éventuelle du tableau de répartition, il n'est procédé à celles-
ci que si les sommes réunies représentent 30 % du montant des
créances sans pouvoir dépasser le délai de six mois depuis le
premier encaissement. Cette règle n'est pas applicable aux créan-
ciers protégés par l'article 1412».

La règle proposée s'inspire du droit français en matière de


saisie-arrêt des rémunérations ; elle réserve toutefois l'hypothèse
des créances d'aliments qui, privilégiées en vertu de l'article 1412 et
destinées à faire face aux besoins immédiats du créancier, doivent
être exécutées sans délai.

Il importe de prévoir l'adaptation du tableau de répartition


car certains créanciers peuvent être désintéressés et d'autres créan-
ciers peuvent s'être associés, depuis lors, à la poursuite (1 4 ).

***
On le voit, il ne faut pas faire une grande réforme ; elle a
eu lieu ; elle demande à être appliquée ; elle ne le sera pleinement
qu'avec le temps ; on ne résout pas les problèmes en légiférant sans
arrêt ; il faut permettre l'assimilation des lois ; le Code judiciaire est
à peine majeur. On se méfiera des remaniements successifs qui ne
permettent aucune construction durable et exigent de l'interprète
des efforts d'assimilation et de synchronisation toujours recommen-
cés dans un climat d'insécurité.

13
( ) lb., n°s 162 à 164-1.
(1 4 ) G. de LEVAL, L'efficacité des saisies-exécutions, J.T., 1985, p. 140, n° 9 c. Au sujet de
l'article 1412, voy. supra, n°s 97 à 100.
INDEX ALPHABETIQUE
Les chiffres renvoient aux numéros. Le chiffre suivi de la
lettre (n) indique que la matière est traitée en note.

A
Abonnement: 81
Abus de droit: 2, 6, 7, 19, 68, 203 B, 225 D
Accessoires de la créance saisie : 49 C
Accident du travail: 88, 268 A
Acomptes : 6, 18, 19
Acquiescement: 260 A, 266, 267 D
Acte authentique: 168, 223 B, 233 à 237, 258, 259, 285
Acte de notoriété: 218 B
Acte de saisie : 179 à 182
Actio judicati: 218 B (n), 231 B
Action (titre) : 50
Action en cessation : 269 C
Action civile: 231 Cet D, 255 (n), 262, 270, 274
Action directe : 103 A ( n)
Action en distraction : voy. distraction
Action en inopposabilité : 244
Action en justice : 104 A
Action oblique: 51 (n), 52 (n), 104 A, 132 (n), 137, Annexe I/3 (n)
Action paulienne: 1, 3, 49 A, 105, 107, 132, 137 C, 206 B, Annexe
I/4 et 7
Actualité exécutoire : 228 à 232
Administrateur : 81 ( n)
Adoption : 269
Aéronef: 27, 66, 203 A (n)
Affectation d'un bien: 55, 64, 69 B, 206 B.
Agent de change : 51
Agent diplomatique : 67
686 TRAITÉ DES SAISIES

Agent d'exécution: 37 à 39
Agent du secteur public: 81 (n), 83 C
Aliments: 97 à 100, 155, 163, 223 E, 226, 231 Cil, 232, 249 ;
voy. aussi délégation, pension alimentaire
Allocations de chômage : 87, 223 (n)
Allocations familiales : voy. prestations familiales
Amende: 19 (n)
Anatocisme : 224 (n)
Angarie : 66 (n)
Animaux: 73
Annulation (sentence): 246
Apparence : 140
Appel:36, 168, 172, 183,223, 160
Arbitrage: 11, 63, 171, 183 (n), 244 à 247, 277 B
Armateur : 220
Arrérages: 226, 231 B, 232
Assignation au fond: 215
Assistance judiciaire : 250 A/2, 258 (n), 268 A (n)
Association de communes : 60
Association sans but lucratif : 55 (n), 119 et 130
Assurance : 49 B (n)
- de groupe: 83 B, 86 A
- roulage : 221 (n), 231 B et C/2
-vie: 86 B
Astreinte: 2, 8, 15 B, 35, 62 A, 113, 154, 191, 223 D, 228 B, 230
(n), 244, 250 B 13, 261, 264, 277 (n)
Autorisation de saisir : 30
Autorité de chose jugée: voy. chose jugée
Avantages en nature : 82 IV
Avis de délégation: 99 A, 109 B, 110, 112, 113, 114, 116
Avis du ministère public : voy. Ministère public
Avis de saisie: 1, 39 D, 44, 99 A, 105 à 118, 120, 121, 148, 192, 195,
196, 206 A, 209, 273 B, 276 A
Avocat : Annexe 1/8
Avoué: 260 B
Ayant cause: 136, 140
INDEX ALPHABETIQUE 687

B
Bail: 42, 49 B (n), 81, 122 B, 163, 220, 223 (n), 230, 258 D (n), 264,
265 (n), 268 A, 277 A/2, Annexe 1/9
Banque : Annexe 1
Banquier: 51, Annexe 1
Bateaux et navires: 27, 31, 37, 60 (n), 109, 152 (n), 281, 284, 286
(n), 287, 288; voy. aussi navires
Bénéfice d'inventaire : 133
Biens
- fongible : 41
- individualisés : 41
- saisissables : voy. saisissabilité
- situés à l'étranger: 149
Bilan: 148
Billet à ordre : 146
Bordereau de collocation : 233 C
Brevet: 44, 52 (n), 116 E

c
Caisse des Dépôts et consignations: 202, 206, 207, 209, 273, 275
Cantonnement: 25, 34, 121, 148 (n), 165, 180/3, 193, 244, 246 A
- aliments : 277 A
- avis de saisie : 206, 276
- compétence territoriale : 202 B
- conventionnel : 206 B, 275 B, 276 B
- de l'objet saisi : 42, 53, 207 à 210
- garantie locative : 277 A
- interdiction de ... : 277
- juge des saisies : 277 B et C
- par équivalent : 204 B
- par prélèvement : 204 A, 275 A (n)
- partiel : 275 A
- sur exécution provisoire : 268 B, 271 A, 272 B, 273 à 279
- sur saisie conservatoire : 200 à 206, 276 A
Capacité : 138
Capitaine : 220 C
Capitalisation: 83 C, 85, 86 B, 88 B
Caravane : 46
Carte de crédit : Annexe 1112
688 TRAITÉ DES SAISIES

Cassation: 223 A/a, 265, 274/2, 279 A


Caution: 15 B, 49 B (n), 135 (n), 155, 204 C, 240 (n), 268 A, 271
Cautionjudicatum solvi: 136 C, 188 a (n), 218 C, 250 A/3
Célérité: 125, 140 (n), 145 à 149, 162, 163 B, 222
Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements : 253
Centre public d'aide sociale: 30 (n), 72 (n), 91 D, 92.
Certificat de non appel et de non opposition : 266
Cessation de paiement : 121
Cessibilité : 79 à 104
Cession de biens : 131
Cession de créance: 49 A, 101à103, 117, 136, 206 B, 218 B, 286/4
Cession de rémunération: 15 A, 99, 265 (n), Annexe III
Changement de circonstances: 146, 163 B, 187, 189, 191, 232 A
Chauffage : 69
Chef d'Etat: 67
Chemin de fer : 77 B, 104 C
Chèque: 146 (n), 202, 225 A, 275 A (n), Annexe 1/3, 11, 12
Choix de la mesure : 6
Chômage : voy. allocations de chômage
Chose jugée: 16, 168, 169, 184, 190, 191, 229, 231 C/1et4, 259 D,
264
Civilement responsable : 231 C/2
Clause d'inaliénabilité : 55
Coffre-fort: 42, 51, 208 C
Commandement: 39 F, 42, 143, 179, 214, 239, 280 à 288
- acte d'exécution : 283
- contenu : 285
- définition : 282
- durée de validité : 287
- effets : 284
- élection de domicile : 285/2, 286, 288
- huissier : 287
- inconvénients : 284
- inscription : 281 (n)
- nullité : 288
- opposition : 283
- reproduction du titre : 285/1
- signification : 286
INDEX ALPHABETIQUE 689

- somme due : 285/3


- transcription : 281
Commerçant : 114
Commissaire : 122 B, 268 A ( n)
Commission : 83 C
Communautés : 60, 61
Communautés européennes: 251
Commune: 30 (n), 60, 61, 102
Comparution personnelle : 268 A
Compensation: 60 (n), 79, 83 b, 85 C, 93, 94, 119 (n), 156, 162 B,
229, 232, Annexe I/3, 11, Annexe Il/l
Compétence
- matérielle : 10 à 17, 25, 35, 36 B
- territoriale: 24 à 28, 36 C, 202 B, 237, 246 A, 250 A
Compte : 49 D (n), 53, 84, 180/4, 194 (n), 202 A, 208 C, 277 A/2,
Annexe 1
- avis de saisie : Annexe 1/4
- avocat : Annexe 1/8
- carte de crédit : Annexe 1/12
- chèque : Annexe I/11, 12
- clôture du : Annexe I/3
- collectif : Annexe I/6
- compensation : Annexe I/3 et 11 Bic
- conjoint : Annexe I/4
- constitution de société : Annexe I/8
- contre-passation : Annexe 1111
- déclaration de tiers saisi : Annexe 1/2, 5 C D E
- définition : Annexe Ill
- différé : Annexe I/3
- distribution par contribution : Annexe I/9
- effet de commerce : Annexe 1/11
- escompte : Annexe I/11
- expert : Annexe 1/8
- fusion : Annexe 1/11 B 1
- garantie bancaire : Annexe 1/11
- garantie locative : Annexe 1/9
- huissier : Annexe 114, 8
- immunité d'exécution : Annexe 1/10
- indisponibilité : Annexe I/5 B
- individualisé : 103 B (n), 141 B
- indivisibilité : Annexe I/3
- joint: Annexe I/6
690 TRAITÉ DES SAISIES

- lieu de la saisie : Annexe 115 A


- liquidateur : Annexe 1111
- mineur d'âge: Annexe 117
- notaire : Annexe 118
- novation : Annexe 113
- ouverture de crédit : Annexe 1112
- registre du commerce : Annexe 114
- rubriqué : Annexe 118
- saisissabilité : Annexe 112, 3
- solde créditeur : Annexe 1111
- unicité : Annexe 1/11 B 1
- usufruit : Annexe 117
- virement : Annexe 1111
Conciliation : voy. procès-verbal
Conclusions: 33, 174, 272 B (n)
Concordat judiciaire : 119, 125 à 128, 268 A
Concours: 1, 4, 18, 39 C, 105, 118, 119 à 134, 203 C, 275 A, 276 B
Concubins : 52 ( n)
Condition: 49 B (n), 154, 267 B
Confiscation : 5
Conflit de juridiction : 26
Conjoints : voy. époux
Connexité : 24, 26 C, 27, 176, 186
Conseil d'Etat : 255 (n)
Conseiller unique: 36, 183
Conservateur des hypothèques: 259 D (n), 266, 269 E
Consul (jugement rendu par un ... ) : 254
Continuité : voy. service public
Contrainte: 168, 238 A, 239 A
Contrat de travail: 81, 141 B
Contre-garantie : Annexe 1114
Convention de Bruxelles du 27septembre1968: 26 B, 147, 149, 158,
170, 183 (n), 215, 218 C, 244, 247, 249, 250, 269 F.
Convention de La Haye relative à la signification et à la notification
à l'étranger: 250 C
Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques
et consulaires : 67
Convention européenne sur l'immunité des Etats: 63, 64
Conventions internationales sur l'exécution: 170, 239 C, 247 B,
249, 250, 253.
INDEX ALPHABETIQUE 691

Coucher: 69
Cour d'arbitrage: 223 Ale, C, 266 (n), 269 F
Cour européenne des droits de l'homme : 252
Cour de justice des communautés européennes : 250, 251
Courtier d'assurances: 81 (n)
Créance
- exécution forcée : 222 à 226
- objet de la saisie-arrêt : 49, 116 D
- saisie conservatoire : 150 à 166
- certaine : 151 à 158
- exigible : 159 à 163
- liquide : 164 à 166
Crédit documentaire: 49 b (n), D, 136 D, 186 (n), Annexe 1122
«Criminel tient le civil en Etat» : 157, 231 D
Cuisine équipée : 46
Culte (objets servant à l'exercice du) : 71
Curateur
- faillite : 120 à 124, 175, 218 A
- succession vacante : 134

D
Dation en paiement : 229
Décision: voy. jugement
Déclaration de patrimoine : 39 K
Déclaration de tiers saisi : 42, Annexe 1/5
Déconfiture civile: 107, 131, 162
Décorations : 78 A
Définition (saisie) : 1
Délai
- de citation: 30, 31, 250 B (n)
- de grâce: 3, 15, 18 à 20, 98, 221, Annexe 111/3
- de recours : 36, 250 C
Délégation imparfaite : 206 B
Délégation de sommes: 15 B, 26 A, 84 A (n), 85, 97 à 100, 109 B,
110, 112, 113, 114, 116, 208 A (n), 226
Délivrance de seconde grosse : 229 B
Demande de brevet : 44
Demande nouvelle : 183
692 TRAITÉ DES SAISIES

Demande reconventionnelle : 174, 184


Démission de fonctions : 49 B ( n)
Démolition d'immeuble : 238 B
Dénonciation (saisie-arrêt) : 168, 236/2, Annexe 1/13
Dentier : 78 B
Dépens: 166, 191, 203 (n), 205, 209, 269 D, 270 (n), 275
Dépôt: 42, 208 A (n), Annexe 1/6 (n)
Désaveu : 39 C
Désaveu de paternité : 269 A
Descente sur les lieux : 268 A
Détenu : 79 II
Dispositif : 256
Distraction: 14, 34, 42, 52, 53, 186
Distribution par contribution: 4, 34, 39 A et C, 105 à 197, 121, 162
B, 206 B, 208 A, 216, 222, 231 A, 236/2, 238 B, 239 A, 242,
243, 272 A, 280 (n), Annexe 1/9 ; voy. aussi répartition
Dividende : 50
Divorce : 85 A, 86, 97 à 100, 154, 232, 233, 235, 269
Domaine
-privé: 62 A
- public : 62 A
Domicile: 39 G, H, 110, 180 /1, 263 ; voy. aussi élection de domicile
Dommages-intérêts: 88 A, 191, 193 à 195
Droit d'enregistrement: 39 C, 177 E, 191 (n), 209, 228, 239 A, 244
(n), 250 A/3, 258 (n), 279 D
Droit éventuel : 155
Droit indivis : voy. indivision
Droit litigieux : 104 A
Droit transitoire: 76, 80, 267 C
Durée (de la saisie) : 196 A

E
Effet de commerce : Annexe 1111
Effet dévolutif de l'appel : 36, 172, 267 G
Effet suspensif de l'incident devant le juge des saisies : 13, 39 H, 228
Effet suspensif du recours: 21, 168, 188 C, 238 A, 239, 265, 274 2
Efficacité des saisies : 3, 8, 39 K
Egalité entre les créanciers : 4, 18, 105
INDEX ALPHABETIQUE 693

Election de domicile: 39 G, 180/1, 250 A/2, 285/2, 286


Emploi des langues : voy. langues en matière judiciaire
Endossement : 136
Energie électrique : 72
Enquête : 268 A (n)
Enregistrement: voy. droit d'enregistrement et entrepreneur enre-
gistré
Enseignement (subventions) : 55 (n)
Entrepôt : 42
Entrepreneurs
- enregistré : 62 B/7
- travaux publics : 101 à 103
Entreprise d'une personne à responsabilité limitée: voy. société
Entreprise publique: 61
Envoyé en possession: 218 A
Epargne-pension : 86 D
Epoux
- compte : Annexe I/4
- cumul des revenus : 83/1
- saisi : 141
- saisissant : 139
- séparés de biens : 52 (n), 139, 142
Equipement professionnel : 70
Etablissement public: 61
Etablissement d'utilité publique : 55 (n)
Etat : 61, 62, 101 à 103
Etat étranger : 63 à 67
Exécuteur testamentaire : 218 A
Exécution collective : 220
Exécution par équivalent : 2
Exécution forcée
- à but conservatoire : 222 C
- à charge d'un tiers : 266
- commandement : 282 à 288
- échelonnée : 226-227
- transformation de la saisie : 280, 281
Exécution en nature : 2, 8
Exécution provisoire: 34, 192, 231 Cil, 250 A/2 et B/1, 267 à 279
- accident du travail : 268 A
- acquiescement : 267 D
694 TRAITÉ DES SAISIES

- action civile : 270


- aliments : 277 A
- appel: 272
- arbitrage : 277 B
-baux: 268 A
- cautionnement : 271 A, 273 à 279
- caution : 271 B
- concordat : 268 A
- convention C.E.E. : 269 G
- conventionnelle : 267 F
- débouté : 267 E
- dépens : 269 D
- droit de réponse : 270 (n)
- droit transitoire : 267 C
- état des personnes : 269 A
- exclusion de l' : 269
- expertise : 268 A (n)
- expropriation : 268 A
- faillite : 268 A
- gage commercial : 268 A
- garantie : 268 B, 271 A, 271 B
- garantie locative : 277 A
- intérêts : 223, 224, 269 D
- irrévocabilité : 272 B
- judiciaire : 268 B
- juge des saisies : 270 (n), 277 B
- légale : 268 A
- maladie professionnelle : 268 A
- mesures d'instruction : 268 A
- motivation : 270
- nonobstant appel : 268 B
- nonobstant opposition : 268 B
- opposition : 272
- pratiques du commerce : 268 A
- question préjudicielle : 269 F
- réparation : 279 B
~ responsabilité : 279 A
- restitution : 279 C
- saisie : 268 A (n)
- saisie-arrêt sur soi-même : 267 B
- tiers : 269 E
Exécution par suite d'instance : 15 B
Exécution volontaire : 15 A
INDEX ALPHABETIQUE 695

Exequatur: 26 B, 63, 158, 170, 171, 218 B, 226 (n), 237, 244 à 253,
268A
Exigibilité : 62 B, 159 à 163, 222, 223, 226, 227, 285 3
Expectative : 155
Expédition: 229 B, 250 A/2, 258
Expert : Annexe 1/8
Expertise: 153, 241, 258 (n), 268 A (n)
Expropriation : 238 A, 268 A
Expulsion: 218 B, 220, 235, 264, 265 (n)

F
Faillite: 57 (n), 74, 79 Il, 88 A, 114, 119 à 124, 140 A (n), 173 (n),
185 (n)
Faux civil : 236/1
Fichier des saisies : voy. avis de saisie
Fiducie: Annexe 1/8 A (n).
Fonds de commerce: 15 A, 21, 43, 45, 177 (n), 268 A (n)
Fonds des routes: 102
Force majeure: 187 (n), 261 (n)
Force publique : 39 B
Formule exécutoire: 221 (n), 233, 244, 251, 253, 269 F (n)
Forum arresti : 26 C
Fournisseur (travaux publics): 101à193
Frais d'exécution : 223 C, 271 C
Frais de justice: 108, 116, 134, 205, 209, 268 A, 275 C, 285/3 ; voy.
aussi dépens
Frais professionnels (remboursement de): 82 VI
Fruits: 47

G
Gage: 103 B (n), 206 B
Gage commercial: 15 A, 122 B, 268 A
Gage sur fonds de commerce: 15 A, 21, 122 B, 268 A (n)
Gage général (droit de): 54, 55
Garantie : voy. exécution provisoire
Garantie à première demande: 49 D, 136 D, 155, 186 (n), 271 B
(n), Annexe 1/14
696 TRAITÉ DES SAISIES

Garantie locative: 258 D (n), 268 A, 277 A, Annexe I/9


Gérant : 81 (n)
Greffier : 37, 116 C, 266
Grosse : 229 B, 233, 258
Groupe de sociétés : 41, 140

H
Handicapé: 78 B, 91, 122 B, 128, 133
Hangar: 46
Héritier: 218 B, 220
Héritier bénéficiaire : 218 A
Honoraires (curateur) : 134
Huissier des contributions : 39 A et C
Huissier de justice: 19, 23, 34, 37 à 39, 109 à 118, 179 à 182, 202,
208 A, 217, 221, 225 B, 263, 287, Annexe 1/4, 8 et 12
Hypothèque: 60, 116, 122 B, 212, 234, 237, 262, 266, 271 B

1
Immeuble : 40
- incorporel : 48 (n)
- par attache à perpétuelle demeure : 46
- par destination économique : 45
Immunité
- de juridiction : 59, 63, 64, 65, 67
- d'exécution: 55 (n), 57, 59 à 62, 64, 65, 67, 251, 252,
Annexe I/10
- diplomatique et consulaire : 67
Impôts sur les revenus: 15 A, 19, 24, 50 C (n), 62 B, 103, 109, 142,
220 B, 239
Inaliénabilité : voy. clause d'inaliénabilité
Incapacité de travail : 88
Incessibilité : voy. cessibilité
Incessibilité conventionnelle : 50 C
Indemnité de congé : 82 I et 82 VI
Indemnité de milice : 90
Indice des prix à la consommation: 80, 223 A/f, 225
INDEX ALPHABETIQUE 697

Indisponibilité : 126 A
- opposition : 117
- relative : 211 à 213
- temporaire : 196 A
- totale: 164, 165, 177 B, 197 à 210, Annexe I/5 B
Indivisibilité : 231 C/3
- du compte courant : Annexe 111/3
Indivision: 49 B (n), 51, 52, 53, 286
Indu : 83 b (n), 93 à 96, 223, 267 B
Injonction de payer: 240 (n), 261, 269 B
Insaisissabilité : voy. saisissabilité
Inscription de faux : 236/1
Insolvabilité frauduleuse: voy. organisation frauduleuse d'insolva-
bilité
Instruments : voy. équipement professionnel
Interdit: 138, 141, 218 A
Intérêts
- acte authentique : 234
- caisse des dépôts et consignations : 202 B
- calcul des intérêts : 224
- cantonnement sur exécution provisoire : 275 A, 276 B
- cantonnement sur saisie conservatoire : 203
- commandement : 285/3
- compensatoires (exécution provisoire) : 223 A, 279 C
- concours : 119 (n)
- exécution provisoire : 269 D
- judiciaires : 259 D
- moratoires: 223 A, 264, 279 C
- prescription : 231 B
- saisie conservatoire : 163, 166
- tiers saisi : 208 A ( n)
Interprétation du jugement: 15 B, 16, 265, 274/3
Interruption de la prescription : voy. prescription
Intervention: 104 A, 174, 183
Invalidité : 88
Inventaire : 135 (n)
698 TRAITÉ DES SAISIES

J
Jugement
- d'accord : 168, 223 A/j, 241à243
- débouté : 257, 267 E
- défaut : 231
- étranger: 158, 170, 244 à 250
- exequatur : 248 à 250
- force probante : 158
- intérêts : 224
-péremption: 231 A
- prescription: 231 B
- procès-verbal de conciliation: 168, 241à243
- réformation : 223
- rétractation : 223
- réputé contradictoire : 231 A, 250 A/2
- sentence arbitrale : 171
- succession de jugements : 231 C
- sur intérêts civils : 231 C/12, 255 (n), 262, 270, 274
- tenant lieu d'autorisation de saisir conservatoirement : 168,
169
Juges des saisies: 8, 9 à 36, 39 H, 115, 116, 152, 169, 172 à 177, 185,
186, 190 à 195, 202, 207, 209, 228, 270 (n), 272 B, 275 B, 277 B
et C
Juridiction
- contentieuse : 17, 173
- gracieuse : 17, 173

L
Langues en matière judiciaire : 39 J
Leasing : 234
Légalisation : 237, 250 A/3
Lettre de change : 146, 148
Lettre missive: 78 A
Lex fori : 158
Libéralités : 82 III
Lieu de la saisie : voy. compétence territoriale
Liquidateur
- concordat : 128
- déconfiture : 131
- succession : 133
INDEX ALPHABETIQUE 699

Liquidation (sociétés commerciales) : 37, 49 B (n), 119, 129 à 131,


218 A, 220 D ; voy. aussi société
Liquidité : 164 à 166, 222
Litige: 153
Livres: 70
Locaux
- consulaires : 67 B
- diplomatiques : 67 A
Loi nouvelle: 76, 80, 230 A
Loyer : voy. bail

M
Machines : voy. équipement professionnel
Magistrats: 81 (n)
Mainlevée: 53, 112, 113, 188 à 192, 215 D, 228, 266, 279 B
Maintien abusif d'une saisie: 7
Maladie professionnelle : 88, 268 A
Mandat (pour l'exécution): 38, 39 C, 39 1
Mandat (saisissant): 136 B, 141
Mandat modalisé : 4
Marchandises périssables: 30, 204 B (n)
Marchés publics : 101 à 103
Marin: 70, 81, 91 (n)
Marque: 44
Masse
- concordat : 125, 127 à 131
- faillite : 122, 123
Matériaux de démolition: 47
Matériel roulant de chemin de fer : 77 B
Médecin hospitalier : 81 (n)
Menace de saisie : 193
Mesure d'instruction : 33
Meuble
- corporel: 40, 41, 50 A, 68 à 78
- incorporel : 40, 41, 43, 44, 50 C, D, 79 à 104
- meublant : 69 B
- par anticipation : 47
Militaire : 81 (n), 90
700 TRAITÉ DES SAISIES

Mineur d'âge: 79 II, 91 B, 138, 141, 218 A, Annexe I/7


Minimum de moyens d'existence: 91, 92, 98 (n)
Ministère du culte : 81 (n)
Ministère public : 17, 32
Minute: 258
Mise en demeure : 177 B
Mobilier familial : 68
Mobilité de l'objet à saisir : 27
Moment de l'exécution: 39 L
Monnaie (conversion) : 223 A/h, 225 (n), 244, 275 A (n)
Montant saisissable : 79, 80
Moyens de subsistance : 72

N
Nationalité : 265 ( n)
Navire: 66, 152 (n) ; voy. aussi bateaux et navires
Notaire: 23, 37 à 39, 51, 115, 217, 223 (n), 233 à 237, 241, 242, 269
E, Annexe I/8
Notification : 259 D
Novation: 229, 230, Annexe I/13
Nullité: 4, 175, 259 E, 262, 288/1 (n)

0
Objet de la saisie : 40 à 104
Obligation
- de <lare: 2, 48 (n), 150 B, 235, 267 E
- de facere ou non facere : 2, 8, 15 B, 35, 150 B, 223 A/g, 224,
235
- de résultat : 42
-de somme: 224, 265
Obligation (titre) : 50
Occupant sans droit : 218
Oeuvres
-d'art: 77 A
- littéraires : 77 A
- musicales : 77 A
Officier de l'Etat civil : 266
INDEX ALPHABETIQUE 701

Officier ministériel : 22-23


Offres réelles : 208 A (n), 288
Opposition (recours ordinaire) : 36, 168, 223, 272 à 274, 276, 279
Opposition
- à commandement : 283
- à saisie-arrêt : 34
- tenant lieu de saisie: 4, 103 C, 112 B, 116, 117, 119, 132, 188
b, 191, 192, 196 A, 203 C, 206, 211, 213
Ordre: 34, 105 à 118, 121, 216, 217; voy. aussi répartition
Ordre public: 4, 25
Ordre public international : 26 B
Organisation frauduleuse d'insolvabilité : 3, 100, 107
Organisme d'intérêt public : 60
Ouverture de crédit: 49 D, 223 B, 234, 236, Annexe I/12

p
Paiement: 39 C, 225, 229, 276, 285/3
Partage : 49 B (n), 132
Partie civile : 231 C/2, 255 (n), 262, 274
Pécule de vacances: 83 C, 89, 218 B
Pension alimentaire : 85, 97 à 1OO, 223 A/f, 226 Cil, 277 A
Pension de retraite et de survie : 86
Péremption : 231 A
Photographie : 78 A
Portraits de famille : 78 A
Pourboires : 82 V
Pourvoi en cassation : 265, 274
Pratiques du commerce : 268 A, 269 C
Préavis : 82 I
Précompte professionnel : 60
Prescription: 96, 112, 196 B, 214, 225, 229, 231 B
Prestations familiales: 91, 93, 96, 223 L
Prestations de santé: 91 A, 91 E
Prêt, prêt personnel à tempérament : 79 II, 141 B
Prête-nom : 137 C, 140 (n)
Preuve (des causes de la saisie conservatoire) : 152 B
Prime : 82 III, 83 C
702 TRAITÉ DES SAISIES

Privilège: 103 (n), 105, 122 à 131, 162 (n), 198, 206, 276 B
Privilège de l'exécution d'office : 238 B
Privilège du préalable : 238 A
Procédures de répartition : voy. répartition
Procédure devant le juge des saisies : 28 à 36
Procès: 153
Procès-verbal
- de carence: 7, 107 (n), 112
- de conciliation : 168, 223 A/j, 241à243
Prodigue: 138 (n), 141 (n), 218 A
Production de documents : 39 K, 268 A
Projet de réforme : Annexe IV
Prolongation de délai : 36
Propriété industrielle : 44
Prorogation de compétence: 14, 15
Province : 61, 62
Publicité des saisies : 105 à 118

Q
Question préjudicielle: 250 C/5, 269 F
Quotité saisissable : 83

R
Radiation des inscriptions et transcriptions : 30
Rébellion : 39 H
Réception de caution: 268 A (n) ; voy. aussi caution
Réception provisoire : 102
Receveur : 109, 116 C
Recolement: 111, 116
Récompenses : 104 B
Recours : voy. voies de recours
Recouvrement : 239
Rectification
- des actes de l'état civil : 269 A
- du jugement : 15 B
INDEX ALPHABETIQUE 703

Référés: 12, 29, 152 B, 157, 228 B, 231C/3,240 (n),


Annexe Il 13, 14
Régimes matrimoniaux : 104 B
Régions : 60, 61
Registre du commerce: 188 a (n), 202 b (n)
Registre national des personnes physiques: 110, 263
Remise de dette : 229
Remise du titre exécutoire : 229 B
Rémunération : 79 à 100
Renonciation
- à la saisissabilité : 55, 136 D
- à l'insaisissabilité : 57
Renouvellement de la saisie: 30, 196 A
Rente: 55, 226 (n)
Répartition : 13, 14, 18, 34, 105 à 118, 121
Représentant de commerce : 82 II, 83 C
Représentation commerciale de l'U.R.S.S. : 65
Reprise d'instance: 104 A
Requête civile : 231 C/2 ( n)
Requête unilatérale: 30, 173, 174, 175, 183 à 188, 246 A et C/1
Responsabilité
- administration : 39 B
- avocat : 115, 116
- exécution provisoire : 279
- huissier: 39, 115, 116, 181
- saisissant: 7, 118, 169, 193 à 195
Retenues patronales : 83 b
Rétractation (suite à un arrêt d'annulation) : 223 Ale
Revendication : voy. distraction
Revenu garanti aux personnes âgées : 91
Revenus périodiques à échoir : voy. exigibilité
Rôle (titre exécutoire) : 239 B

s
Saisi
- conjoint : 142, 218 C, 220
- débiteur: 140, 219, 220
- décès : 219
704 TRAITÉ DES SAISIES

- mandat: 141, 220 C


- responsabilité : 193 à 195
- tiers : 140, 219 (n)
Saisie
- définition : 1
- téméraire et vexatoire : 118
Saisie-arrêt: 6, 12, 25, 30, 41, 44, 48 à 53, 60, 76 (n), 96, 99, 101 à
103, 116, 126 (n) 133 (n), 135, 163 B, 167, 168, 196, 204, 208,
228, 265, 281, 282 ; voy. aussi compte, visa
Saisie-arrêt fiscale : 84 A ( n), 109, 116 C
Saisie-arrêt sur soi-même: 25, 83 b (n), 208 B, 265, 267 B, 278,
Annexe 1/2
Saisie-brandon: 5 (n), 47, 163 B, 167, 226 (n), 282 (n)
Saisie conservatoire : 5, 135 à 216
- acte de saisie : 179 à 182
- concordat : 125
- conditions de fond : 143 à 166
- dommages-intérêts : 192 à 195
- effets : 196 à 216
- parties à la saisie : 135 à 137
- recours : 183 à 191
- titre: 167 à 177
Saisie-description: 1, 44, 140, 147, 150 (n), 180/1° (n), 196 A (n),
215 B (n), 235 (n), 285 2 (n)
Saisie de bâteaux et navires : 27
Saisie-exécution : 5, 217 à 288
- échelonnée : 226, 227 ; voy. cantonnement, exécution forcée,
exécution provisoire, jugement, titre exécutoire
Saisie gagerie: 5 (n), 143, 150 (n), 163 A (n)
Saisie immobilière: 5, 6, 38, 122 B, 128, 133, 135 (n), 196, 212, 235,
281, 285 à 288
Saisie mobilière: 27, 41à47, 52, 196, 281, 285 à 288
- chez un tiers : 41, 42
Saisie oblique : 137 A et B
Saisie revendication: 1, 27, 140, 151 (n), 235 (n), 281 (n)
Saisissabilité : 54 à 103
- adaptation des montants saisissables : 80
- action en justice : 104 A
- administrateur : 81 (n)
- aéronef : 66
- affectation : 54
- agent d'Etat : 81 (n)
INDEX ALPHABETIQUE 705

- accident de travail : 88 et 91
- aliments: 85, 97 à 100
- allocation de chômage : 87
- assurance groupe : 83 b
- avantage en nature : 82 IV
- auteur : 81 (n)
- bien attaché à la personne : 78 B
- capital: 83 C/3, 85, 86 B, 88 B
- centre public d'aide sociale: 91, 92
- cessabilité : 79 à 104
- chemin de fer : 77 B, 104 C
- clause d'inaliénabilité : 55
- clause extensive des biens saisissable : 57
- commission : 83 C
- compensation : 83 D et 85 C
- compte: 84, Annexe 1/2
- contrat de travail : 81
- courtier : 81 (n)
- créance : 79 à 104
- dommages-intérêts : 88 A
- droit de gage général : 54
- droit litigieux : 104 A
- droit transitoire : 76, 80
- entrepreneur de l'Etat : 101 à 103
- époux (cumul des revenus): 83 A
- fournisseur de l'Etat : 101 à 103
- frais professionnels : 82 VI
- gérant : 81 (n)
- handicapé : 78 B, 91
- immunités : 59 à 67
- incapacité de travail : 88
- indemnité de milice : 90
- indemnité de préavis : 82 I
- indemnité d'éviction : 82 II
- indemnité pour licenciement abusif : 82 VI
- insaisissabilité en nature : 78 A
- invalidité : 88
- libéralités : 82 III
- loi applicable : 58
- magistrat : 81 (n)
- maladie : 82 1
- maladie professionnelle : 88 et 91
- marchés de l'Etat : 101 à 103
- marin : 70, 81, 91 (n)
706 TRAITÉ DES SAISIES

- médecin hospitalier : 81 (n)


- meuble corporel : 68 à 78
- militaire : 81 (n)
- mineur d'âge : 79 II et 91 B
- minimum de moyens d'existence: 91, 92, 98 (n)
- ministre du culte : 81 (n)
- mois civil : 83 C
- navires : 66
- non respect (renonciation, sanction): 56, 57, 75, 79, 91 E
- oeuvres d'art: 77
- orphelins : 91
- pécule de vacances : 83 C, 89
- pension alimentaire : 85, 97 à 100
- pension de retraite et de survie : 86
- pourboires: 81 V
- préjudice corporel : 88 A
- prestations familiales : 91, 93
- prestations de santé : 91
- primes : 82 III, 83 C
- prothèse : 78 B
- quotité saisissable : 83, 116
- récompenses : 104 B
- régimes matrimoniaux : 104 B
- représentant de commerce : 82 II et 83 C
- retenues patronales : 83 b
- revenu garanti aux personnes âgées : 91
- saisi: 56
- sécurité sociale (répétition indue) : 93 à 96
- statut: 81
- tiers saisi : 56
- vêtements de travail : 82 VI
Saisissant: 135 à 139, 193 à 195, 218
- action paulienne : 137 C
- ayant cause : 136, 218 b
- capacité: 138, 141, 218 A
- caution : 135 (n)
- caution judicatum solvi : 136
- conjoint: 139
- créancier : 135
- héritier : 135 (n), 218 B
- mandat : 136
- renonciation au droit de saisir : 136, 218 C
- saisie oblique : 137 A et B, 218 C
- simulation : 137 C
INDEX ALPHABETIQUE 707

Salaire garanti : 82 1
Scellés: 42, 51, 135 (n), 137 (n), 138, 268 A (n)
Secret professionnel : 116 (n)
Sécurité sociale: 60, 62 B, 93 à 96
Sentence arbitrale: 171, 244, 245 à 247, 253, 268 A, 277 B
Séparation (de fait, de corps, de biens) : 86 C, 154
Séparation
- de patrimoines : 132
- des pouvoirs : 62 A
Séquestre: 135 (n), 140 (n), 144, 175, 177 C, 204 A, 208, 209, 275
B, 277 B/4, Annexe 1/4 B
Service public : 60, 61
Simulation: 137 C, 140
Signification : 39, 181, 182
- acte notarié : 168 (n)
- à l'étranger: 36, 180/1, 187, 250
- à parquet: 180/1
- avocat : 259
- commandement : 286
- contrainte : 239 A
- domicile élu : 180 A
- jour et heure : 39 K
- jugement: 39 F, 192, 250 A/2, 258 à 263
Société: voy. aussi groupe de sociétés
- action en justice : 175
- anonyme : 50 C
- compte spécial (constitution): Annexe 1/8
- coopérative : 50 C
- entreprise d'une personne à responsabilité limitée : 50 D,
55 (n)
- fusion : 220 (n), 239 B (n) et 250 A (n)
- liquidation : 49 B (n), 50 C, 119, 129 à 131, 220 D
- privée à responsabilité limitée : 50 C
Solidarité : 219 (n)
Sous-traitant: 49 B (n), 101à103
Souvenirs de famille: 78 a (n)
Statut: 81
Subvention : voy. enseignement
Succession
- acceptée purement et simplement : 132
- sous bénéfice d'inventaire : 119, 132, 133, 135, 218 A, 220
- vacante : 119, 134, 218 A, 220
708 TRAITÉ DES SAISIES

Subrogation: 136, 218 B, 231 B et C/4, 286/4


Succursale : Annexe 1/4 B
Sursis
- à exécution: 3, 62 A (n), 220 (n)
- à statuer : 250 C/4
Suspension
- de la durée de la saisie : 196 A, 215
- de la prescription : 231 B
- de l'exigibilité : 62 B, 102, Annexe II
Syndic d'immeuble: 220

T
Taxe provinciale et locale : 239 B 5
Taxe sur la valeur ajoutée : 109
Terme échu : 98, 160
Termes et délais : voy. délai de grâce
Tierce-décision : 245
Tierce-opposition: 15, 21, 31, 100, 186 à 188, 220, 231 C/1, 250 C,
265
Tiers détenteur: 135 (n), 286
Tiers payant: 91 E
Tiers saisi: 25, 266, 269 E
- allocations de chomage : 97
- banque : Annexe 1
- centre public d'aide sociale : 91 D
- commissaire maritime : 81 (n)
- donateur : 82
- indemnité de milice : 90
- insaisissabilité : 56
- pécule de vacances : 89
- pension alimentaire : 91 B
- pension de retraite : 86
- prescription : 214
- prestation imposée au ... : 266
- tierce-opposition : 186
Titre exécutoire : 10, 39 E, 217 à 288
- acte administratif: 238-239
- acte notarié : 233 à 237
- actualité et efficacité : 228 à 232
- commandement : 285/1
INDEX ALPHABETIQUE 709

- créance : 222 à 225


- décision de justice : 255 à 288
- dispositif : 256
- exequatur : 244 à 250
- jugement d'accord: 240, 241
- jugement de débouté : 257
- minute : 258 A
- parties : 218 à 220
- procès-verbal de conciliation : 240 à 243
- unicité : 221, 258 B
Titre au porteur : 50
Titre privé : 167 à 170
Traite : 49 B (n) ; voy. aussi lettre de change
Traité
- double : 249
- simple : 249
Transaction: 229, 232 C, 246 D
Transcription : 1
Transformation de la saisie: 196 B, 216, 280, 281
Transport international :
- contrat de transport : 208 A (n) ; voy. aussi chemin de fer
Travaux publics : 101 à 103
Tribunal européen en matière d'immunité des Etats: 63 (n) et 64
Tutelle administrative: 60, 61

u
Urbanisme: 2 (n)
Urgence : voy. célérité
Usufruit : Annexe 117

V
Vacances judiciaires: 36, 187
Vente
- à tempérament: 79 Il, 141 B
- de gré à gré : 122, 125 (n)
- publique : 122, 125 (n)
Vêtement de travail : 82 VI
Violation de domicile : 39 H
710 TRAITÉ DES SAISIES

Virement : 225 A, Annexe 1111


Visa (saisie-arrêt) : 25, 30
Voie de fait : 4, 12, 42, 83 b (n), 122 B, 276 A, Annexe 1114
Voie de recours : 36, 168, 182, 183 à 190, 261
- effet suspensif: 168
- recours ordinaire : 250 C/4
- restitution : 223
Voiture: 42

w
Wagon: 77 B
Warrant : 122 B, 268 A (n)
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TABLE DES MATIERES

pages
AVANT-PROPOS
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE 3
1 - Définition de la saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2 - Mesu~e~ d'exécution forcées étrangères au droit
des sa1s1es . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
3 - Efficacité et inefficacité des saisies . . . . . . . . . . . . . . 6
4 - Règles d'ordre public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
5 - Distinction entre saisie conservatoire et saisie-
exécution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
6 - Choix de la mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
7 - Abus de droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
8 - Lerôledujugedansl'exécution . . . . . . . . . . . . . . . . 16

***
PREMIERE PARTIE
REGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES
ET AUX VOIES D'EXECUTION

TITRE 1 - REGLES D'ORGANISATION JUDICIAIRE


DE COMPETENCE ET DE PROCEDURE . . 21

CHAPITRE! - LEJUGEDESSAISIES.................. 21
9 - Généralités ................................ 21

SECTION 1 - Les attributions du juge des saisies .......... 22

10 - Compétence exclusive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
11 - Incidence d'une convention d'arbitrage . . . . . . . . . . 23
12 - Compétence du juge des référés . . . . . . . . . . . . . . . . 23
13 - Synthèse des attributions du juge des saisies . . . . . . 24
758 TRAITÉ DES SAISIES

§1er - La forme et le fond 26


14 - La connaissance du fond de la demande . . . . . . . . . . 26
15 - Le juge des saisies et le juge de l'exécution . . . . . . . . 27
16 - Respect de la chose jugée au fond . . . . . . . . . . . . . . 30
17 - Nature de la mission du juge des saisies . . . . . . . . . . 31

§ 2 - Opportunité des poursuites ........................ 32


18 - L'intérêt de surseoir aux poursuites . . . . . . . . . . . . 32
19 - Le juge des saisies et les délais de grâce . . . . . . . . . . 33
20 - Les modalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
21 - L'effet suspensif facultatif de la tierce-opposition 37

§3 - Mission d'encadrement et de surveillance 39


22 - Caractère général de la mission . . . . . . . . . . . . . . . . 39
23 - Modalités et nature de l'intervention du juge des
saisies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

SECTION II - La compétence territoriale en matière de


saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

24 - Le juge du lieu de la saisie - Incidence de la


connexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
25 - Le lieu de la saisie en cas de saisie-arrêt . . . . . . . . . . 43
26 - Le lieu de la saisie-arrêt au niveau international . . 45
A. - Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
B. - Utilitéetlégalitédel'exequatur . . . . . . . . . . 47
C. - Incidence sur la compétence au fond 49
27 - Mobilité de l'objet à saisir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
28 - Absence de lieu de saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

SECTION III - Règles de procédure 52

29 - Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
30 - Introduction de l'instance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
31 - Délai de citation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
32 - Communication pour avis au ministère public . . . . 54
33 - Instruction du litige . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
34 - Exécution provisoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
35 - Astreinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
36 - Voies de recours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
TABLE DES MATIERES 759

CHAPITRE Il - LES AGENTS DE L'EXECUTION . . . . . . . . 61

37 - La nécessité de recourir à des intermédiaires


spécialisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
38 - Le mandat de l'agent d'exécution . . . . . . . . . . . . . . 61
39 - L'huissier de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
A. - Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
B. - Recours à la force publique . . . . . . . . . . . . . . 63
C. - Mandat d'exécuter et paiement volontaire . . 64
D. - Obligation d'agir de manière utile et respon-
sable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
E. - Examen de la validité des titres et moyens . . 66
F. - Obligationd'agirsansretard.............. 66
G. - Election de domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
H. - Incidents(aspectsciviletpénal) . . . . . . . . . . 67
1. - Pouvoir de substitution . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
J. - Emploi des langues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
K. - Mission d'information . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
L. - Le moment de l'exécution . . . . . . . . . . . . . . . . 70

TITRE II - L'OBJET DE LA SAISIE .................. 73

40 - Généralités et plan .......................... 73


CHAPITRE 1 - LE CHAMP D'APPLICATION DES SAI-
SIES MOBILIERES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
SECTIONI - Lasaisiemobilière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
41 - La saisie mobilière a pour objet les meubles
corporels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
42 - Application au coffre-fort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
43 - Le fonds de commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
44 - La demande de brevet et le brevet - La marque 77
45 - Les immeubles par destination économique . . . . . . 80
46 - Les immeubles par attache à perpétuelle demeure 81
47 - Les meubles par anticipation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

SECTION Il - La saisie-arrêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

48 - La saisie-arrêt a pour objet les meubles incorpo-


rels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
760 TRAITÉ DES SAISIES

49 - La créance-objet de la saisie-arrêt ............. . 83


A. - La créance saisie-arrêtée doit exister au jour
de la saisie ........................... . 83
1) Créance n'appartenant plus au saisi ... . 84
2) Créance n'appartenant pas au saisi ..... . 84
3) Indi~férence. ~e la qualité du débiteur de
la creance saisie ..................... . 85
B. - Il .s~ffit que la créance existe au jour de la
sa1s1e ............................... . 85
C. - Les accessoires de la créance saisie-arrêtée 86
D. - Application aux opérations bancaires (com-
pte, ouverture de crédit, crédit documen-
taire, garantie à première demande) 88
50 - Les titres et les droits des actionnaires et des
associés ................................... . 88

SECTION III - Les biens indivis ....................... . 92


51 - Apposition de scellés et saisie ................. . 92
52 - L'indivision n'empêche pas la saisie ........... . 94
53 - La saisie-arrêt d'une créance indivise de somme .. 96

CHAPITRE II - DETERMINATION DES BIENS SAISIS-


SABLES ........................... . 96
54 - En principe, tous les biens du débiteur sont saisis-
sables ..................................... . 96
55 - Caractère en principe irrelevant de l'affectation
donnée à un bien et des restrictions conventionnel-
les à la saisissabilité ......................... . 97
56 - Qui peut se prévaloir de l'insaisissabilité d'un
bien? ..................................... . 99
57 - Extension de l'assiette de la saisie ............. . 100
58 - Loi applicable en matière d'insaisissabilité 100

SECTION I - L'immunité d'exécution 101


59 - Division . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

§1er - Les personnes de droit public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102


60 - Etendue de l'immunité d'exécution . . . . . . . . . . . . 102
61 - Les bénéficiaires de l'immunité d'exécution . . . . . . 104
TABLE DES MATIERES 761

62 - J_~stifica!ion e_t adaptation du principe. Une ma-


tlere en evolutton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

§ 2 - Les Etats étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109


63 - Immunité de juridiction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
64 - Immunité d'exécution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
65 - La Représentation commerciale de l'U.R.S.S. en
Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
66 - Immunités relatives aux navires et aux aéronefs . . 118
67 - Les immunités diplomatiques et consulaires . . . . . . 120
a) Les immunités diplomatiques . . . . . . . . . . . . . . 120
b) Les immunités consulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

SECTION II - Insaisissabilité de certains meubles corporels 122


68 - Idée générale. Montant auquel s'apprécie la saisis-
sabilité du bien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
69 - Mobilier familial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
70 - L'équipement professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
71 - Objets servant à l'exercice du culte . . . . . . . . . . . . . . 129
72 - Les moyens de subsistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
73 - Les animaux domestiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
74 - Incidence de la faillite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
75 - Sanction de non-respect de l'article 1408 . . . . . . . . 131
76 - Application dans le temps d'une loi modificative
de l'assiette de la saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
77 - Insaisissabilité de meubles corporels prévue par
une loi particulière : les créations de l'esprit ; le
matériel de chemin de fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
78 - Insaisissabilité liée à la nature des choses ou aux
droits de la personne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

SECTION III - Insaisissabilité de certains meubles incorpo-


rels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

§ 1er - Les sommes payées en contrepartie des prestations de


travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
79 - Les montants insaisissables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
I . Règle générale. Sanction . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
II. Règles spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
80 - L'adaptation des montants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
81 - Les revenus protégés - règle générale . . . . . . . . . . 141
762 TRAITÉ DES SAISIES

82 - Revenus protégés en droit social . . . . . . . . . . . . . . . . 143


I . Indemnité compensatoire de préavis . . . . . . . . 144
II . Indemnité d'éviction du représentant de com-
merce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
III. Les libéralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
IV. La rémunération en nature . . . . . . . . . . . . . . . . 146
V . Les pourboires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
VI. Le remboursement de frais et indemnités
diverses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
83 - Détermination de la quotité saisissable . . . . . . . . . . 148
a) Cumul de revenus protégés . . . . . . . . . . . . . . . . 148
b) L'assiette de la saisie est constituée par la
rémunération nette sans déduction préalable
de retenues patronales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
c) Le calcul de la quotité saisissable ou cessible
par mois civil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
84 - Incidence du versement d'un revenu protégé à un
comp~e . : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
a) Remuneratlon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
b) Autres revenus visés par les articles 1409 et
1410 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

§ 2 - Application des articles 1409 et 1411 aux revenus de


remplacement ou de complément prévus par /'article
1410 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

85 - Pensions alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162


86 - Pensions et avantages équivalents . . . . . . . . . . . . . . 167
a) Champ d'application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
b) Capital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
c) Incidence du divorce, de la séparation de corps
ou de la séparation de fait . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
d) Epargne-pension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
87 - Allocations de chômage - Détermination du tiers
saisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
88 - Sommes dues en cas d'incapacité de travail, d'inva-
lidité, d'accident de travail ou de maladie profes-
sionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
89 - Pécules de vacances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
90 - Indemnités de milice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
TABLE DES MATIERES 763

§ 3 - Exceptions à/' application de/' article 1409 175


91 - Exceptions restrictives à l'application de l'article
1409(art.1410,§2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
a) Champd'application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
b) Revenus des mineurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
c) Compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
d) Obligations alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
e) Prestations de santé et système du tiers-payant 179
92 - Exception extensive à l'application de l'article 1409
(art. 1410, § 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
§ 4 - La récupération des prestations sociales indûment
payées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
93 - L'article 1410, § 4 dans sa formulation actuelle-
ment applicable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
94 - La récupération d'office . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
95 - L'assiette de la retenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
96 - Le montant de la retenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
§ 5 - La protection du créancier d'aliments en cas de saisie ou
de cession de revenus prévus aux articles 1409et1410 . . . . 189
97 - L'article 1412 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
98 - Saisissabilité totale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
99 - Le super-privilège du créancier d'aliments 193
a) La priorité absolue reconnue au créancier d'ali-
ments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
b) Le solde affecté au paiement des autres créan-
ces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
100 - Les risques d'abus et leur sanction . . . . . . . . . . . . . . 198
§ 6 - Insaisissabilité et incessibilité des fonds dus par /'Etat
aux entrepreneurs de /'Etat et aux fournisseurs du
Ministère de la Défense nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
101 - Le principe et les exceptions - Justification . . . . . . 199
102 - Le champ d'application de la loi du 3 janvier 1958 201
103 - Mise en oeuvre des exceptions . . . . . . . . . . . . . . . . 203
§ 7 - Cas spéciaux .................................... 206
104 - Cas spéciaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
A. - L'action en justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
B. - Régimes matrimoniaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
C. - Créance engendrée par un transport interna-
tional de chemin defer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
764 TRAITÉ DES SAISIES

TITREill - LAPUBLICITEDESSAISIES 209

CHAPITRE! - GENERALITES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209


105 - Aspect collectif de la saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
106 - Mise en oeuvre de l'aspect collectif par la publicité 210
107 - La publicité et la répartition donnent un cadre
suffisant à la déconfiture civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
108 - Incidence de l'aspect collectif sur la détermination
du caractère privilégié des frais de justice et sur le
préjudice éventuel du saisissant . . . . . . . . . . . . . . . . 213

CHAPITRE Il - L'AVIS DE SAISIE ET L'A VIS DE DELE-


GATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

109 - Saisies mobilières donnant lieu à l'établissement


d'un avis de saisie ou de délégation . . . . . . . . . . . . . . 213
110 - Lieu de la publicité - Changement de domicile . . 215
111 - Lecontenudel'avis .......................... 217
112 - Les insuffisances de l'avis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
A. - Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
B. - L'opposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
113 - L'adaptation de la suppression de l'avis - Durée
de validité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
114 - Règles spéciales pour les commerçants . . . . . . . . . . 221
115 - Accès au fichier des saisies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
116 - Utilité de la consultation du fichier des saisies . . . . 223
117 - Publicité, indisponibilité et distribution par contri-
bution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
118 - Heurs et malheurs du saisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

TITRE IV - LES PROCEDURES COLLECTIVES ET


LES SAISIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

119 - Les situations de concours .................... 229

CHAPITRE! - SAISIEETFAILLITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

120 - Notion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231


121 - Saisie achevée au moment de la déclaration de
faillite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
TABLE DES MATIERES 765

122 - Saisie entamée ou poursuivie en période de faillite


parles créanciers du failli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
A. - La saisie émane de créanciers dans la masse 233
B. - La saisie émane de créanciers qui, ne faisant
pas partie de la masse, peuvent exiger un
paiement préférentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
123 - Les créanciers de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237
124 - Activité nouvelle du failli. Après la faillite . . . . . . . . 239

CHAPITRE II - LE CONCORDAT JUDICIAIRE 240


125 - Concordat moratoire et concordat par abandon
d'actif. Créances dans la masse et créances de la
masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
126 - Effets du dépôt de la requête en concordat 241
127 - Effets du concordat moratoire . . . . . . . . . . . . . . . . 242
128 - Effets du concordat avec abandon d'actif . . . . . . . . 244

CHAPITREIII - LA LIQUIDATION . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . 246


129 - Incidence de la liquidation d'une société commer-
ciale sur les poursuites individuelles des créanciers 246
130 - Application analogique aux associations sans but
lucratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
131 - Liquidation du patrimoine des personnes physi-
ques par voie de cession de biens ou de saisie . . . . . . 250

CHAPITRE IV - SUCCESSION BENEFICIAIRE OU VA-


CANTE ............................ 252
132 - Succession acceptée purement et simplement. Rè-
gles générales. Séparation des patrimoines . . . . . . 252
133 - Succession acceptée sous bénéfice d'inventaire . . . . 254
1. - Le liquidateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
2. - La consistance du passif, la réalisation de
l'actif et le paiement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
3. - Succession acceptée sous bénéfice d'inven-
taire par un ou plusieurs héritiers et acceptée
purement et simplement par un ou plusieurs
autres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
134 - Succession vacante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258

***
766 TRAITÉ DES SAISIES

DEUXIEME PARTIE
REGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES

TITREI - LESPARTIESALASAISIE ................ 265

CHAPITRE I - LA PERSONNE DU SAISISSANT ........ 265

135 - Le droit de saisir. Règle générale . . . . . . . . . . . . . . 265


136 - Règles spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266
A. - Les ayants cause du créancier . . . . . . . . . . . . 266
B. - Le mandat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267
C. - La caution judicatum solvi . . . . . . . . . . . . . . 267
D. - La renonciation au droit de saisir . . . . . . . . . . 268
137 - Saisie oblique - Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
138 - Capacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
139 - Personne mariée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274

CHAPITRE II - LA PERSONNE DU SAISI . . . . . . . . . . . . . . 275

140 - Le saisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275


141 - Représentation du saisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277
142 - Personne mariée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278

TITRE II - LES CONDITIONS DE LA SAISIE CON-


SERVATOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

143 - Considérations générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281


144 - Saisie conservatoire et mise sous séquestre 282

CHAPITRE I - LES CONDITIONS DE FOND . . . . . . . . . . . . 282

SECTIONI - Célérité ................................ 282

145 - Notion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282


146 - La célérité, condition essentielle et générale de
toute saisie conservatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
147 - Exceptions au principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
148 - Rôle du juge et des parties - Applications . . . . . . 288
149 - Y a-t-il célérité lorsque le débiteur ne conserve pas
de surface saisissable en Belgique ? . . . . . . . . . . . . 291
TABLE DES MATIERES 767

SECTION II - Créance certaine, exigible et liquide 293


150 - L'article 1415 énonce des conditions générales . . . . 293
§1er - Certitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
151 Du Code de procédure civile au Code judiciaire . .
- 295
152 Principes applicables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- 296
153 La créance litigieuse ou contentieuse . . . . . . . . . . . .
- 299
154 La créance conditionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- 301
155 La créance éventuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- 302
156 Le moyen de compensation invoqué comme mode
-
d'extinction totale ou partielle de la créance du
saisissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
157 - Inapplication de la règle «le criminel tient le civil
en état» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
158 - Créance certaine et décision étrangère . . . . . . . . . . 306
§ 2 - Exigibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308
159 - La difficile justification du principe . . . . . . . . . . . . 308
160 - La créance exigible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309
161 - Termeenfaveurducréancier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
162 - La déchéance du terme et la déconfiture . . . . . . . . 311
163 - Créance de revenus périodiques à échoir . . . . . . . . 312
A. - Règle générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312
B. - Règle spéciale en ce qui concerne le délai de
grâce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
§3 - Liquidité........................................ 315
164 - Notion et justification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
165 - Règlesd'évaluationduprincipal ................ 316
166 - Les intérêts et les dépens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317

CHAPITRE II - LES CONDITIONS DE FORME OU LE


TITRE DE LA SAISIE CONSERVA-
TOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318
167 - Observation d'ordre général 318

SECTIONI - Ladécisiondejustice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318


168 - Le jugement tenant lieu d'autorisation de saisir 318
169 - Le jugement n'empêche pas une requête en auto-
risation de saisir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
768 TRAITÉ DES SAISIES

170 - Le jugement étranger 321


171 - La sentence arbitrale 324

SECTION II - L'autorisation du juge des saisies 325

172 - Intervention obligatoire ou facultative du juge des


saisies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
173 - En principe, l'autorisation est sollicitée sur re-
quête unilatérale du créancier. Raison d'être et
nature de la procédure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327
174 - Exceptions au principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 328
175 - Le contenu de la requête unilatérale. Généralités 329
176 - Regroupement du chef de connexité . . . . . . . . . . . . 333
177 - L'ordonnance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334

TITRE III - LA SAISIE CONSERVATOIRE ET LES


RECOURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
178 - Plan 339

CHAPITRE I - L'ACTE DE SAISIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339

179 - L'acte de saisie, règles générales . . . . . . . . . . . . . . . . 339


180 - Mentions communes à tous les exploits de saisie
conservatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340
181 - Mode de signification de l'exploit de saisie . . . . . . . . 344
182 - L'effet de la signification sur l'exercice des recours 346

CHAPITRE II - RECOURS EN MATIERE DE SAISIE


CONSERVATOIRE .................. 346

SECTION I - Recours du requérant ou de l'intervenant . . . . 346


183 - Recours du requérant en l'absence de circonstan-
ces nouvelles (appel) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346
184 - Recours du requérant en cas de changement de
circonstances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347

SECTION II - Recours du saisi 348

185 - Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348


TABLE DES MATIERES 769

§1er - Tierce-opposition 349


186 - La tierce-opposition du saisi ou d'un tiers . . . . . . . . 349
187 - Le délai pour former la tierce-opposition . . . . . . . . 351
188 - Règles de procédure applicables à la tierce-opposi-
tion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352

§ 2 - La demande de mainlevée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355


189 - Règles de procédure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355
190 - Le rôle du juge des saisies en matière de mainlevée
de saisie conservatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356

§ 3 - La décision du juge des saisies et la responsabilité du


saisissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 358
191 - 1:-~ juge des saisies et l'évolution de la matière
httg1euse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 358
192 - La mainlevée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
A. - Mainlevée judiciaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
B. - Mainlevée amiable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361
193 - La responsabilité du saisissant - Principes . . . . . . 361
194 - Appréciation de la faute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363
195 - L'évaluation du préjudice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365

TITRE IV - LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVA-


TOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367

196 - Aperçu d'ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367


A. - L'indisponibilité est plus ou moins intense,
temporaire, totale et relative . . . . . . . . . . . . 367
B. - Effets procéduraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369

CHAPITRE 1 - L'INDISPONIBILITE TOTALE ET RELA-


TIVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369

SECTION 1 - L'indisponibilité totale et le cantonnement . . . . 369

§1er - Indisponibilité totale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369


197 - L'indisponibilité est totale et non partielle . . . . . . . . 369
198 - Justification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
199 - Atténuation du principe en raison de l'attitude du
saisissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
770 TRAITÉ DES SAISIES

§2 - Le cantonnement des causes de la saisie 373


200 - Le cantonnement sur saisie conservatoire. Principe 373
201 - Le cantonnement sur saisie conservatoire est un
droit absolu pour le débiteur saisi qui ne renonce à
aucun droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374
202 - Procédure de cantonnement et rôle du juge des
saisies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375
203 - Le montant du cantonnement et les situations de
concours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378
204 - L'objet du cantonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 379
A. - Le cantonnement par prélèvement . . . . . . . . 379
B. - Le cantonnement par équivalent . . . . . . . . . . 381
C. - La caution substituée à la consignation 382
205 - Les frais de la procédure de cantonnement 383
206 - Les effets du cantonnement sur saisie conserva-
toire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
A. - Envers le saisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
B. - Envers le saisissant et les opposants . . . . . . . . 384
C. - Envers le tiers dépositaire . . . . . . . . . . . . . . . . 387
D. - Duréedevalidité . .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. 387
§ 3 - Le cantonnement del' objet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
207 - Le cantonnement de l'objet de la saisie -. . . . . . . . . . 388
208 - Qui peut demander le cantonnement de l'objet de
la saisie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
A. - Le tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
B. - Le saisi et le saisissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
C. - Les autres tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
209 - La procédure et les frais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
210 - Les effets du cantonnement de l'objet de la saisie 395

SECTION II - Indisponibilité relative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396

211 - L'indisponibilité est relative et non absolue . . . . . . 396


212 - Justification de l'indisponibilité relative . . . . . . . . . . 396
213 - L'indisponibilité relative, l'aspect collectif de la
saisie et le cantonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398

CHAPITRE II - EFFETS PROCEDURAUX DE LA SAISIE


CONSERVATOIRE.................... 399

214 - Interruption de la prescription 399


TABLE DES MATIERES 771

215 - Assignation au fond et jugement rejetant la de-


mande...................................... 400
A. - Assignation au fond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400
B. - Effet de l'assignation au fond sur la durée de
la saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402
C. - Indépendance du juge du fond . . . . . . . . . . . . 404
D. - Jugement rejetant la demande - Mainlevée
de la saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 404
216 - De la phase conservatoire à la phase exécutoire 406

***
TROISIEME PARTIE
REGLES COMMUNES AUX SAISIES-EXECUTIONS

TITRE INTRODUCTIF - L'EXECUTION FORCEE ET


LES PARTIES A LA PROCE-
DURE ...................... 411
217 - Définition - Considérations générales.......... 411
A. - Définition - Caractère d'ordre public -
Conséquences pour le perdant . . . . . . . . . . . . 411
B. - Condition de mise en oeuvre : le titre exécu-
toire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 412
C. - La saisie-exécution entre la saisie conserva-
toire et la procédure de répartition . . . . . . . . 412
218 - Lecréanciersaisissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413
A. - Capacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413
B. - Qualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414
C. - La caution judicatum solvi . . . . . . . . . . . . . . 415
219 - Ledébiteursaisi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416
220 - ~'ex~c~tion à charge de parties non expressément
1dentifiees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417

TITRE I - REGLES COMMUNES A TOUS LES TITRES


EXECUTOIRES: CONDITIONS DE FOND
ET ACTUALITE EXECUTOIRE . . . . . . . . . . . . 421
221 - Notion - Enumération - Unicité - Plan . . . . . . 421

CHAPITREI - LES CONDITIONS DE FOND . . . . . . . . . . . . 422


222 - Créance rigoureusement certaine, exigible et li-
quide. L'interdiction d'exécuter à des fins conser-
vatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422
772 TRAITÉ DES SAISIES

223 -
Conditions de fond non formellement exprimées 424
224 -
Le jugement et les intérêts moratoires . . . . . . . . . . 431
225 -
Paiement volontaire et exécution forcée . . . . . . . . 434
226 Créance de revenus périodiques à échoir : la saisie-
-
exécution échelonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436
227 - Le cumul de la saisie conservatoire et de la saisie-
exécution échelonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439

CHAPITRE II - L'ACTUALITE ET L'EFFICACITE EXE-


CUTOIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 440
228 - Le titre doit conserver sa force exécutoire au
moment de l'exécution. Le rôle du juge des
saisies. Distinction entre mise à néant du titre et
perte d'efficacité de celui-ci . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 440
229 - Extinction de l'obligation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442
A. - Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442
B. - Délivrance d'une seconde expédition . . . . . . 443
230 - Incidence d'une loi nouvelle, d'une convention
postérieure au jugement ou d'un manquement du
bénéficiaire ou de la partie condamnée . . . . . . . . . . 445
231 - Règles de procédure privant la décision de justice
de son actualité et de son efficacité . . . . . . . . . . . . . . 446
A. - La péremption du titre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446
B. - La prescription des condamnations judiciai-
res.................................... 448
C. - La contradiction entre des décisions succes-
sives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449
D. - Les limites de la règle «le criminel tient le
civil en état» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453
232 - L'actualité exécutoire et les pensions alimentaires 453
A. - Modification de la situation des parties . . . . 454
B. - Compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455
C. - Procédure de divorce pour cause déterminée 455
D. - Procédure de divorce par consentement mu-
tuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 457

TITRE II - LE TITRE EXECUTOIRE NON JUDICIAIRE 461


CHAPITREI - L'ACTENOTARIE 461
233 - La force exécutoire de l'acte notarié. Généralités.
Les conventions préalables au divorce par consen-
tement mutuel. Le bordereau de collocation . . . . . . 461
TABLE DES MATIERES 773

234 - La créance doit être constatée dans l'acte authenti-


que . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463
235 - L'étendue exécutoire de l'acte notarié . . . . . . . . . . 464
236 - Immédiateté exécutoire et suspension de la force
exécutoire de l'acte notarié . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466
237 - Actes notariés reçus à l'étranger . . . . . . . . . . . . . . . . 471

CHAPITRE II - LE TITRE ADMINISTRATIF EXECU-


TOIRE .............................. 474
238 - Le régime de la décision exécutoire . . . . . . . . . . . . 474
A. - Le privilège du préalable et ses limites . . . . . . 475
B. - Le privilège de l'exécution d'office et son
inadéquation au droit des saisies . . . . . . . . . . 476
239 - Le titre exécutoire en matière fiscale . . . . . . . . . . . . 477
A. - Droit commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477
B. - Impôtssurlesrevenus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 480
C. - Assistance en matière de recouvrement 484

TITREIII - LETITREEXECUTOIREJUDICIAIRE 487

240 - Généralités et plan .......................... 487

CHAPITRE 1 - L'ACCORD DES PARTIES REVETU DE


LA FORCE EXECUTOIRE . . . . . . . . . . . . . . 487
241 - Procès-verbal de conciliation et jugement d'accord 487
242 - Régime exécutoire du procès-verbal de concilia-
tion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489
243 - Régime exécutoire du jugement d'accord . . . . . . . . 489

CHAPITREII - L'EXEQUATUR 490

244 - L'exequatur en général 490


§1er - L'exequatur des sentences arbitrales . . . . . . . . . . . . . . . . 494
245 - Sentence nationale ou étrangère - Sentence inter-
nationale - Tierce décision obligatoire . . . . . . . . 494
246 - L'exequatur des sentences arbitrales rendues en
Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496
A. - Lademanded'exequatur ................ 496
B. - La décision présidentielle . . . . . . . . . . . . . . . . 497
774 TRAITÉ DES SAISIES

C. - Les recours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 499


1) Le recours émane du requérant origi-
naire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 499
2) Le recours émane de la partie adverse 500
D. - Règles spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 501
247 - L'exequatur des sentences arbitrales rendues à
l'étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
A. - Le droit commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
B. - Les conventions internationales . . . . . . . . . . 503
§2 - L'exequatur des décisions étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . 505
248 - Il n'y a pas lieu à application d'un traité . . . . . . . . . . 505
249 - Les conventions internationales . . . . . . . . . . . . . . . . 506
250 - La convention entre les Etats membres de la
Communauté économique européenne concernant
la compétence judiciaire et l'exécution des déci-
sions en matière civile et commerciale, signée à
Bruxelles le 27septembre1968 . . . . . . . . . . . . . . . . 508
A. - Procédure sur requête unilatérale . . . . . . . . 510
B. - L'ordonnance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
C. - Recourscontreladécisiond'exequatur .... 516
D. - Recours contre la décision refusant l'exe-
quatur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523
§ 3 - Décisions dispensées del' exequatur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525
251 - Arrêts et décisions des Communautés européen-
nes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525
252 - Arrêts de la Cour européenne des droits de
l'homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526
253 - Sentence arbitrale du Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux investisse-
ments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 527
254 - Jugement rendu par un consul . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528

CHAPITRE III - LA DECISION DE JUSTICE . . . . . . . . . . . . 529


255 - Généralités et plan 529

SECTION 1 - La forme de la décision exécutoire et la


signification préalable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529
256 - La force exécutoire ne s'attache pas au seul dispo-
sitif du jugement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529
TABLE DES MATIERES 775

257 - Un jugement de débouté peut constituer un titre


exécutoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 530
258 - Expédition ou minute revêtue de la formule exécu-
toire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 530
259 - Le préalable de la signification et la sanction du
défaut de signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532
260 - Les parties à l'acte de signification . . . . . . . . . . . . . . 536
261 - Effets de la signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 538
262 - Remarque sur le mode de signification . . . . . . . . . . 539
263 - Permanence du domicile et significations ultérieu-
res . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 540

SECTION II - La décision doit être passée en force de chose


jugée, sauf si elle est exécutoire par provision 541
§1er - Décision passée en force de chose jugée . . . . . . . . . . . . 541
264 - Le principe : la décision passée en force de chose
jugée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 541
265 - Condamnation au paiement d'une somme d'argent
(art.1495, al. 2, C. jud.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 542
266 - Prestation imposée à un tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544
§2 - L'exécutionprovisoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547
267 - L'exception : l'exécution provisoire. Généralités 547
A. - Raison d'être . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547
B. - La double condition - Répétition d'indu . . 548
C. - Application des lois dans le temps . . . . . . . . 549
D. - Acquiescement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 549
E. - Exécution provisoire et décision de débouté 550
F. - Exécution provisoire conventionnellement
prévue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551
G. - Compétence du juge des saisies . . . . . . . . . . 551
268 - Cas ?~ns lesquels la décision est exécutoire par
provision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551
A. - Exécution provisoire légale . . . . . . . . . . . . . . 551
B. - Exécution provisoire judiciaire . . . . . . . . . . 554
269 - Exclusion ou inefficacité de l'exécution provisoire 556
A. - Etat des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 556
B. - Injonction de payer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 556
C. - Pratiques du commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . 557
D. - Le problème des dépens . . . . . . . . . . . . . . . . 557
E. - Le tiers et l'opposabilité du titre exécutoire
par provision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 558
776 TRAITÉ DES SAISIES

F. - Incidence d'une question préjudicielle posée


à la Cour d'arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 559
G. - Article39delaConventionC.E.E . . . . . . . . 559
270 - Motivation de l'exécution provisoire . . . . . . . . . . . . 559
271 - Garantie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 561
A. - Garantie ou cantonnement . . . . . . . . . . . . . . 562
B. - Objet et fixation des modalités de la garantie 563
C. - Les frais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 564
272 - L'exécution provisoire en degré d'appel . . . . . . . . 565
A. - Exécution provisoire demandée en degré
d'appel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565
B. - Irrévocabilité de l'exécution provisoire or-
donnée par le premier juge ou imposée par
la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 568

§ 3 - Le cantonnement ................................ 570

273 - Le cantonnement sur exécution provisoire - Gé-


néralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 570
A. - Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 570
B. - Avantages et inconvénients . . . . . . . . . . . . . . 571
274 - Les conditions de mise en oeuvre du cantonne-
ment par le débiteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572
275 - L'objet du cantonnement, les modalités de dépôt
et les frais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575
A. - Objet et montant du cantonnement . . . . . . . . 575
B. - Les modalités du dépôt. Danger de la consi-
gnation amiable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 577
C. - Les frais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578
276 - Les effets du cantonnement sur exécution provi-
soire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579
A. - Envers le perdant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579
B. - Envers le gagnant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580
C. - Envers le tiers dépositaire . . . . . . . . . . . . . . . . 582
277 - Cas dans lesquels le cantonnement est interdit . . . . 582
A. - Interdiction légale de cantonner . . . . . . . . . . 582
1) Créance de caractère alimentaire . . . . . . 582
2) Libération de la garantie locative . . . . . . 584
B. - Interdiction judiciaire de cantonner . . . . . . . . 584
C. - Observations communes à tous les cas d'in-
terdiction de cantonner . . . . . . . . . . . . . . . . . . 588
278 - Cantonnement et saisie-arrêt sur soi-même . . . . . . 589
TABLE DES MATIERES 777

§ 4 - Responsabilité du gagnant provisoire 590

279 - L'exécution provisoire n'a lieu qu'aux risques et


périls de la partie qui la poursuit . . . . . . . . . . . . . . . . 590
A. - Mise à néant du titre exécutoire par provi-
sion et cassation d'une décision passée en
force de chose jugée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590
B. - Mainlevée des saisies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592
C. - Restitution et réparation . . . . . . . . . . . . . . . . 592
D. - Confirmation du titre. Efficacité limitée au
solde restant dû. Droit d'enregistrement . . . . 593

CHAPITRE IV - TRANSFORMATION DE LA SAISIE


CONSERVATOIRE EN SAISIE-EXE-
CUTION ............................ 594

280 - Le principe : l'économie de formes inutiles . . . . . . 594


281 - La mise en oeuvre du principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
A. - Règles générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
B. - Le commandement, préalable absolu . . . . . . 596
C. - Retard éventuel dans la transformation de la
saisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 597
D. - Règles spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 598
1) En matière de saisie mobilière . . . . . . . . . . 598
2) En matière de saisie immobilière 599

CHAPITRE V - LE COMMANDEMENT 599

282 - Définition du commandement . . . . . . . . . . . . . . . . 599


283 - Le commandement est un acte d'exécution -Oppo-
sition au commandement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 600
284 - Effets et utilité du commandement . . . . . . . . . . . . . . 602
285 - Contenu du commandement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 602
1) Le titre exécutoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603
2) Election de domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603
3) L'énonciation de la somme due et l'ordre de
payer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 606
286 - Signification du commandement . . . . . . . . . . . . . . . . 607
287 - Durée de validité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 608
288 - Attitudes du débiteur auquel est signifié le com-
mandement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 609
778 TRAITÉ DES SAISIES

CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611

ANNEXE I - LA SAISIE-ARRET BANCAIRE 613

1 - Définition du compte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613


2 - L'objet de la saisie : la créance du saisi contre le
banquier ou le compte lui-même . . . . . . . . . . . . . . . . 614
3 - Le compte de dépôt et le compte courant . . . . . . . . 616
4 - Information du créancier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7620
A. - En général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 620
B. - Ouverture d'un compte par un conjoint . . . . 621
C. - Registre du commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . 622
D. - Injonctions du juge des saisies . . . . . . . . . . . . 622
5 - Obligations du banquier tiers-saisi . . . . . . . . . . . . . . 623
A. - Difficulté de donner à la saisie un effet
immédiat et généralisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 623
B. - Principe de l'indisponibilité totale . . . . . . . . 623
C. - Faut-il déclarer le solde débiteur? . . . . . . . . 624
D. - Sommes déposées dans une succursale
étrangère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 626
E. - Sanction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 626
6 - Comptes ouverts au nom de plusieurs titulaires . . . . 626
7 - Compte appartenant à la fois à l'usufruitier et au
nu-propriétaire. Epargne du mineur . . . . . . . . . . . . 627
8 - Le compte-client. Le compte spécial lors de la
constitution d'une société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 628
9 - Le compte individualisé ouvert au nom du loca-
taire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631
10 - Immunité d'exécution de l'Etat étranger . . . . . . . . 632
11 - Détermination du solde créditeur saisi-arrêté . . . . 633
A. - Les opérations nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . 633
B. - Les opérations en cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
1) Eléments négatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
a) lechèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
b) ordres de virement et domiciliation d'ef-
fets de commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 636
c) les prétentions du banquier tiers saisi 637
2) Eléments positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 639
12 - La saisissabilité de l'ouverture de crédit . . . . . . . . . . 640
1) Créance du crédité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 640
2) Limites au caractère exclusivement personnel
du droit du crédité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 641
13 - Saisie-arrêt et crédit documentaire . . . . . . . . . . . . . . 643
14 - Saisie-arrêt et garantie à première demande . . . . . . 647
TABLE DES MATIERES 779

ANNEXE II - LA PROTECTION DE CERTAINES PER-


SONNES A LA FOIS CREANCIERES ET
DEBITRICES DE CERTAINS POUVOIRS
PUBLICS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 651
1 - La volonté du législateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 651
2 - Le demandeur, bénéficiaire de la protection . . . . . . 652
3 - Le débiteur du demandeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 652
4 - Le créancier du demandeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653
5 - La créance du demandeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655
6 - La demande de suspension : formes et effet . . . . . . 657
7 - La réponse par le débiteur à la demande de
suspension : forme, contenu, opposabilité au
créancier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 659
8 - Les effets de la suspension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 662
9 - Un nouveau type de saisie-arrêt . . . . . . . . . . . . . . . . 665
10 - Cessation de plein droit de la suspension de
l'ex5gi?ilit~ ~!conséquences au niveau de la saisie-
arret s1mphf1ee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 668
11 - Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 671

ANNEXE III - CESSION DE REMUNERATION PAR


ACTE SOUS SEING PRIVE . . . . . . . . . . . . 673
1 -
Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673
2 -
L'opposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673
3 -
Procédure de validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674
4 -
Conflit de cessions et/ou de saisies . . . . . . . . . . . . . . 675
5 - Incertitude quant à l'étendue exacte des informa-
tions qui doivent être transmises par le débiteur
cédé au cessionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677
6 - Sanction du non-respect des obligations du cédé
envers le cessionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677

ANNEXE IV - PROPOSITIONS D'ADAPTATION DES


TEXTES RELATIFS AUX SAISIES CON-
SERVATOIRES ET AUX VOIES D'EXE-
CUTION .............................. 679
1 -
Projets en cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679
2 -
Publicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 680
3 -
Saisie-arrêt-exécution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 682
4 -
Saisie mobilière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 683
5 - Procédures de répartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 683
780 TRAITÉ DES SAISIES

INDEX ALPHABETIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 685


BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711
TABLEDESMATIERES .............................. 757

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