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L’objectif général du cours est d’apporter des connaissances juridiques de base aux
apprenants pour les préparer à mieux gérer les difficultés juridiques auxquelles ils pourront
être confrontés au quotidien ou durant leur parcours académique.
Introduction générale
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Paragraphe 1 : les catégories d’incapables juridiques
Paragraphe 2 : la protection des incapables juridiques
Section 3 : l’état de la personne
Paragraphe 1 : les éléments d’identification de la personne
Paragraphe 2 : le régime de l’état de la personne
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INTRODUCTION GENERALE
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L’homme ne peut pas vivre seul. Par instinct ou par raison, il cherche la compagnie de ses
semblables pour vivre une vie en société. Mais Il y’a pas de société viable si chacun entend
agir à sa guise. La société suppose une organisation, elle implique une discipline. Autrement
dit, tout membre d’une société doit obéir à certaines règles de conduite qui indiquent ce qui
est défendu et ce qui est permis. L’observation de ces règles de conduite est nécessaire à
l’existence même de la société et par conséquent de chacun de ses membres. Il faut donc
pour la survie de la société, assurer l’observation des règles prescrites, au besoin par la
contrainte. C’est ce rôle qui est dévolu au droit. Le droit apparait donc comme l’instrument
et l’expression de la civilisation. C’est par le droit que toute civilisation s’édifie chaque jour,
que la justice, la liberté, la paix, la prospérité et l’épanouissement des hommes sont assurés.
Lorsque le droit n’existe pas, qu’il est méconnu ou violé, la civilisation se délite. C’est la
décadence, le régime des voyous, la dérive intellectuelle et morale, la misère et des grands
désastres. En vérité, le contraire du droit c’est la barbarie.
Mais le droit reste un univers inconnu. Une réalité diffuse qu’on ne peut percevoir qu’à
travers ses innombrables manifestations. Le droit nous accompagne en effet dans toute
notre vie en société. Dès notre naissance, il nous permet d’être rattaché à une famille à
travers les règles de la filiation. Nous rencontrons une jolie demoiselle et projetons de
former notre propre famille, les règles du mariage sont là pour organiser notre future vie de
couple. Notre couple entend créer une entreprise ou exploiter un fonds de commerce, le
droit commercial se charge d’organiser notre activité professionnelle. Notre entreprise est
cambriolée, le droit pénal vient à notre secours pour punir les auteurs de cette infraction.
Notre fille ainée est reçue au concours de l’ENAM et en sort magistrat, le droit de la fonction
publique règlemente son activité au sein de l’administration de la justice. Nous ne
souhaitons pas des disputes fratricides sur notre fortune après notre mort, le droit de
succession apporte une solution à notre problème, etc.
Tous ces exemples présentent le droit comme une réalité vivante. Mais ils ne nous
renseignent pas sur sa véritable nature ou sur les principes qui guident son déploiement. A
quoi renvoie exactement le mot « droit » ? Quelles sont les raisons qui justifient son autorité
dans la société ? Comment appréhende t-il les êtres humains ou les choses ?
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La réponse à ces différentes interrogations constitue le fil d’ariane du présent cours. Une
bonne démarche méthodologique nous impose cependant de commencer par une
présentation préalable des éléments qui constituent les systèmes et fondements du droit
(Première partie). Dès que ces bases essentielles pour une bonne compréhension de la
matière seront acquises, nous pourrions nous intéresser aux rapports que le droit entretient
avec les choses (Deuxième partie).
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PARTIE 1 : LES SYSTEMES ET FONDEMENT DU DROIT
Le droit n’existe qu’à l’intérieur d’une société. Il est le reflet du système politique, des
idéologies et de ses principes fondateurs. Chaque société organisée (Etat) a donc son droit.
C’est à travers ce droit que sont véhiculées les valeurs qu’elle promeut. Les droits des Etats
peuvent donc être divers. Mais malgré leur grande variété, on peut les regrouper en deux
grands systèmes : le système romano germanique et le système de la Common Law. La
famille romano germanique ou famille de droit civil tire son héritage du droit romain et
germanique. Elle a la législation comme base et ses règles sont méthodiquement classées
dans des catégories juridiques. Ce système a été adopté par la quasi-totalité des Etats
d’Europe occidentale, des Etats d’Amérique latine et des Etats africains d’expression
française. Le système de la Common Law est quant à lui marqué par le pragmatisme. Dans ce
système, le droit n’est pas forcement contenu dans des codes et des lois, il se forme peu à
peu à travers des affaires qui sont soumises et tranchées par les juges. Ce système est en
vigueur en Grande-Bretagne, aux USA et dans la quasi-totalité des Etats du Commonwealth.
Le système juridique camerounais apparait quant à lui comme un système mixte où il est
fait un savant dosage des systèmes romano germanique et de la Common Law (vestiges de
l’héritage colonial) auxquels on ajoute quelques règles issues de notre droit traditionnel.
Mais au-delà des divergences d’appréhension du droit liées au contexte de chaque Etat, ce
dernier présente des éléments invariables qui constituent son socle ou ses fondements. Il en
est notamment ainsi de son objet : la règle de droit (chapitre 1), des ses sujets : les
personnes (chapitre 2) et de sa réalisation : l’organisation judiciaire mise en place pour son
application (chapitre 3).
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CHAPITRE1 : L’OBJET DU DROIT : LA REGLE DE DROIT
Objectifs spécifiques
Lorsque vous aurez terminé l’étude du présent chapitre, vous devriez pouvoir :
1. Distinguer la règle de droit des autres règles d’organisation sociale ;
2. Expliquer les caractères d’une règle de droit ;
3. Ressortir la finalité ultime de la règle du droit ;
4. Identifier les sources formelles du droit ;
5. Etablir la hiérarchie entre les sources formelles du droit ;
6. Classifier les règles de droit par domaine.
Introduction
L’identification de la règle de droit nous oblige à la distinguer d’abord des autres règles
d’organisation sociale (paragraphe 1) avant de ressortir sa spécificité (paragraphe 2).
La règle de droit n’a pas seule vocation à régir les rapports sociaux. Elle est en concurrence
avec d’autres règles telles que les règles morale, religieuses ou de bienséance.
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I- la règle de droit et la morale
La morale est l’ensemble des règles de conduite considérée comme bonne de façon absolue
par la société ou l’individu lui-même. Elle est donc essentiellement subjective. La morale
diffère de la règle de droit à plus d’un titre. Tout d’abord, tandis que le droit prend sa source
dans le commandement de l’autorité publique régulièrement habilitée, la morale tire sa
source dans l’éthique sociale et dans la conscience individuelle. Ensuite, pendant que la règle
de droit poursuit le bien de la société tout entière et l’intérêt général, la morale s’intéresse
plutôt au perfectionnement de l’individu. En outre, le droit contient des droits et des devoirs
pour le sujet ; la morale ne connait que des devoirs. Enfin, le non-respect de la règle de droit
appelle une contrainte organisée par le corps social ; le non-respect de la morale n’appelle
qu’une sanction intérieure au sujet.
La bienséance est un vocable qui regroupe toutes les règles de civilité ou de courtoisie
(règles de convenances sociales, de courtoisie, d’honneur, de bienveillance etc.). Ces règles
trouvent essentiellement leurs sources dans le corps social et la conscience individuelle. Elle
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participe également à l’harmonie sociale et trouvent leurs sanctions dans la réprobation du
corps social ou dans des représailles des autres membres de son milieu sociale. Elles sont par
contre dépourvues de toute sanction de l’autorité étatique. Elles n’ont donc aucun caractère
juridique.
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peut être une condamnation à des dommages et intérêts ou une punition infligée au
contrevenant (emprisonnement, amende) etc.
Les sources formelles du droit ou supports du droit sont celles auxquelles on fait recourt
pour résoudre des problèmes concrets. Elles peuvent émaner directement de la règle de
droit (paragraphe 1), ou provenir indirectement de l’activité des praticiens du droit
(paragraphe 2).
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Paragraphe 1 : les sources directes
Il s’agit de la loi et de la coutume. Notons que la loi est très prégnante dans le système de
droit romano germanique mais subsidiaire dans le système de droit de la Common Law.
I- la loi
Au plan formel, la loi est toute disposition qui émane d’un organe étatique investi du pouvoir
de légiférer. Dans ce sens, la loi est une règle de droit qui est votée par le parlement. Elle ne
peut être applicable sur l’étendue du territoire national qu’à partir de son entrée en vigueur.
Cette formalité consiste en sa promulgation par le Président de la république et sa
publication au Journal officiel.
Au plan matériel, la loi comprend toutes les règles de droit qui émanent de l’Etat. Dans ce
sens beaucoup plus large, la loi comprend aussi bien la loi que les autres textes
administratifs à portée générale ou règlementaire émanant du pouvoir exécutif
(ordonnance, décret, arrêté). La force obligatoire de la loi cesse avec son abrogation
par l’autorité investie du pouvoir de l’éditer.
D’autres textes n’émanent pas directement de l’Etat mais des organisations supranationales.
Elles font partie des sources internationales de la règle de droit. Il s’agit principalement ici
des traités internationaux et des textes communautaires. Les traités internationaux ont une
autorité supérieure à la loi sous réserve de leur application par l’autre partie. En plus de ce
principe de réciprocité, pour être applicable sur l’étendue du territoire national, le traité doit
être ratifié par le parlement et publié au journal officiel.
Les textes communautaires sont des normes qui sont produites par des organisations
régionales telles que la CEMAC, la COBAC ou l’OAPI. Ces organisations produisent des textes
de loi qui prennent souvent la forme de règlements. Ces règlements s’appliquent de façon
identique à l’intérieur des pays membres de la communauté.
II- la coutume
La coutume se présente quant à elle comme une règle de droit qui s’établie, non par
la volonté étatique émise en un trait de temps, mais par une pratique répétée des
individus eux-mêmes. C’est une règle de droit que l’usage a établie et qui est conservée sans
écrit par une longue tradition. La coutume se forme donc à partir des usages. Mais tout
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usage n’est pas coutume. Pour constituer une coutume, l’usage doit être à la fois ancien
(résulté de la répétition d’un grand nombre d’actes semblables - une fois n’est pas
coutume), constant (régulièrement suivi pendant une période de temps donnée), notoire
(généralement connue de ceux qu’il intéresse) et général (suivi par la plupart des gens qu’il
concerne).
En plus de ces éléments matériels, l’usage doit se renforcer d’un élément psychologique. Il
doit en effet avoir chez ceux qui s’y conforment, la conviction d’agir en vertu d’une règle de
droit obligatoire.
I- la jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des décisions judiciaires d’où se dégage une règle de droit
constamment suivi par le juge dans le passé et sur laquelle il se référera dans le futur pour
des cas semblables. Le juge, même lorsqu’il se retrouve dans une situation qui n’a pas été
prévue par la loi, a l’obligation de trancher s’il ne veut pas être poursuivi pour déni de
justice. La décision qu’il prend dans ce cas d’espèce, lorsqu’elle est suivie.0 par ses paires
devient par la pratique répétée une règle de droit au même titre que la loi.
II- la doctrine
La doctrine est l’ensemble des opinions émises par les auteurs dans les ouvrages et revues
spécialisés. La doctrine permet de comprendre les règles de droit et offre des moyens aux
praticiens de découvrir des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent dans l’application du
droit. La doctrine n’est pas à proprement parlé une source de droit. Elle doit juste être
considérée comme une source inspiratrice de droit.
Section 3 : les divisions du droit
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Les premières subdivisions du droit sont dites traditionnelles parce qu’elles tirent leurs
origines lointaines du droit romain (paragraphe 1). Mais cet éclatement classique du droit
est de plus en plus remise en cause aujourd’hui par de nouvelles formes de division du droit
(paragraphe 2).
Dans la tradition juridique une distinction a toujours été faite entre droit public et droit privé
d’une part, et entre droit interne et droit international d’autre part.
La distinction entre le droit public et le droit privé est la « summa divisio » du droit. Elle
permet une séparation entre l’ensemble des règles de droit qui gouvernent l’activité de
l’Etat et ses démembrements ou celles des personnes agissant dans un intérêt général (droit
public) de celles qui organisent les rapports entre les particuliers ou les collectivités privées
agissant dans leurs intérêts personnels (droit privé).
Mais il existe des règles de droit qui sont difficiles à classer dans l’une ou l’autre de ces
branches du droit. Ces règles visent à la fois la préservation de l’intérêt général et des
intérêts particuliers. Elles seront classées dans la catégorie des droits mixtes. Il en est
notamment le cas des règles du droit pénal, du droit du travail, du droit processuel ou du
droit public des affaires etc.
L’autre distinction classique du droit réside dans la séparation qui est faite entre le droit
interne (ensemble des règles de droit qui s’appliquent à l’intérieur des frontières d’un Etat
et dont les sources, les organes et le régime des sanctions sont propres à cet Etat) et le
droit international (ensembles des règles de droit qui régissent les rapports entre deux ou
plusieurs Etats ou entre les individus ressortissants d’Etats différents).
L’époque contemporaine connait de plus en plus des regroupements d’Etats à caractère
régional. Ces regroupements régionaux (CEMAC, OAPI, CEDEAO, UE etc.) génèrent à côté du
droit international, un nouveau corps de règles que l’on rassemble aujourd’hui sous le
vocable de droit communautaire.
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Paragraphe 2 : les divisions contemporaines du droit
Des nouvelles branches de droit apparaissent au fur et à mesure que l’activité humaine se
développe et se diversifie. Elles permettent de nouveaux regroupements des règles de droit
par domaines ou par couches.
Dans cette catégorie, les règles de droit sont classées selon leur objet ou selon leur fonction
sociale. Il est donc tout d’abord admis que les règles de droit qui s’appliquent à un même
objet constituent potentiellement une branche de droit autonome. Nous aurons par
exemple à faire ici à un droit de la famille constitué de l’ensemble des règles de droit qui
portent sur la famille. De la même façon, les règles de droit ayant pour objet la
communication donneront naissance au droit de la communication ; celles se rapportant au
transport engendreront le droit des transports ; celles relatives à la banque créeront le droit
bancaire etc. Dans tous les cas, il y’aura autant de branches que d’objets saisis par les règles
de droit.
Egalement, des branches autonomes du droit vont naitre des règles de droit qui remplissent
la même fonction sociale. Il en est ainsi des règles qui permettent d’infliger une peine – droit
pénal, règles qui organisent la dévolution et le fonctionnement du pouvoir dans l’Etat – droit
constitutionnel, règles qui servent essentiellement les intérêts privés – droit civil).
Les divisions par couches permettent une distinction entre les règles qui sont applicables à
toutes les situations juridiques (droit commun) et celles qui sont spécifiques à certains types
d’activités (droits spéciaux).
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Objectifs spécifiques
Lorsque vous aurez terminé l’étude du présent chapitre, vous devriez pouvoir :
1. Déterminer les catégories de sujets de droit ;
2. Expliquer les conditions juridiques d’existence de la personne physique ;
3. Faire une typologie des droits subjectifs ;
4. Distinguer les types d’incapacités et les moyens de protection des incapables ;
5. Ressortir les éléments d’identification de la personne physique ;
6. Définir le régime de l’état des personnes.
Introduction
La personne au sens de l’individu a été conçue comme la notion centrale du droit. Il en est
certainement ainsi parce que la personne est seule titulaire de droits et sujets d’obligations
en raison de son intelligibilité, de sa faculté d’anticipation et de son autodétermination. Vu
sous cet angle, la personne ne peut être envisagée que comme une personne physique,
c’est-à-dire tout être humain sans égard à son âge, sexe, race ou son appartenance
religieuse. Peu importe que cette personne jouissent de ses facultés mentales et physiques
ou pas.
A côté des personnes physiques coexistent des personnes morales à qui le droit confère
aussi la personnalité juridique. Mais ces personnes morales ne peuvent agir que par le biais
de leurs représentants qui sont des personnes physiques. Nous ne nous attarderons pas ici à
l’étude de la personne morale qui fera certainement l’objet d’examen plus approfondi dans
le cadre d’autres enseignements de droit. Nous nous limiterons ici à l’étude de la personne
physique. Cette personne physique sera examinée, aussi bien sous l’angle de son existence
(section 1), de sa capacité ou non à exercer ses droits (section 2) et des règles qui
permettent son identification (section 3).
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Un individu ne peut être considéré comme une personne en droit que lorsqu’elle possède de
la personnalité juridique (paragraphe 1). L’acquisition et la perte de cette personnalité
juridique détermine son existence dans la société juridique (paragraphe 2).
La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droit et sujets d’obligations. Elle est
acquise de plein droit à tout individu. Plus précisément, la personnalité juridique est
l’aptitude reconnue aux êtres humains, à eux seuls mais à tous, de devenir titulaires des
droits et d’être tenus par les devoirs qu’impose la loi. Par conséquence, tous les autres êtres
vivants (animaux et plantes) ne possèdent pas de la personnalité juridique. Il en est
également de toutes les choses qui nous entourent.
L’on distingue deux catégories de personnes aptes à être titulaires de droits et sujets
d’obligations. La première catégorie concerne la personne physique, c’est-à-dire l’individu,
l’être de chair et de sang. Il suffit que cette personne physique soit pleine de vie, abstraction
faite de sa capacité réelle à exercer ses droits.
L’autre catégorie de personnes est constituée par des personnes morales. Ce sont en réalité
des personnes fictives constituées par un ensemble d’individus ou de biens (associations,
sociétés commerciales, ONG, Etat, collectivités territoriales décentralisées, établissements
publics etc.). Ces personnes morales sont distinctes des personnes physiques qui les
constituent.
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L’acquisition de la personnalité juridique marque le point de départ de la vie d’un individu
dans la société juridique tandis que la perte de cette personnalité sonne le glas de son
existence juridique en tant que personne.
I- l’acquisition de la personnalité
L’acquisition de la personnalité juridique peut se faire par voie normale ou par voie
exceptionnelle. L’acquisition par voie normale est la naissance, à condition que l’individu
naisse vivant et viable. Naitre vivant signifie que l’on puisse respirer à la naissance et
répondre à l’appel de la vie par le premier cri. L’enfant qui nait sans vie ou mort-né n’a pas
de personnalité juridique. Naitre viable suppose que l’on présente les caractéristiques d’un
être humain qui peut vivre. Un enfant né viable est donc un enfant qui nait avec les organes
nécessaires et suffisamment constitués pour lui permettre de vivre. Par conséquent, un
enfant qui nait trop prématurément et donc le décès est inévitable n’a pas la personnalité
juridique.
L’acquisition de la personnalité juridique par voie exceptionnelle concerne l’enfant qui n’est
pas encore né. Théoriquement, l’enfant qui n’est pas encore né ne peut pas être titulaire de
droit et obligations. Mais il peut être nécessaire de faire remonter la personnalité juridique à
la conception pour que l’enfant à naître puisse bénéficier de certains droits si cela est dans
son intérêt. Il en sera ainsi lorsqu’un individu décédera en laissant une femme enceinte. Il
faut bien que l’enfant à naître puisse bénéficier de l’héritage de son défunt père au même
titre que ses autres enfants. C’est ce que permet le principe de l’infans conceptus. Ce
principe signifie que « l’enfant simplement conçu est considéré comme né chaque fois qu’il
s’agit de ses intérêts ». Pour bénéficier du principe de l’infans conceptus, l’enfant doit
d’abord avoir été conçu au moment de la mort de son parent. Il suffit que l’enfant ait été
conçu un seul jour avant la mort de son parent pour bénéficier du principe de l’infans
conceptus. L’enfant est réputé avoir été conçu pendant la période qui s’étend du 300 ème au
180ème jour inclus avant la date de sa naissance. C’est la période légale de la conception qui
s’étend du 10ème au 6ème mois précédent la naissance. Cette présomption n’est pas
irréfragable. Ceci signifie qu’on peut démontrer le contraire en prouvant médicalement que
la conception a été faite en dehors de cette période. Il faudra également que l’enfant naisse
plus tard vivant et viable pour recueillir la succession.
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II- la perte de la personnalité juridique
La perte de la personnalité juridique peut être le fait d’une mort incertaine ou d’une mort
certaine. La mort incertaine rassemble les situations qui jettent un doute sur le point de
savoir si une personne est morte ou si elle est vivante. C’est le cas de l’absence et de la
disparition. L’absence est la situation d’une personne dont on est sans nouvelles depuis au
moins quatre ans. Dans ce cas, toute personne intéressée peut saisir le TPI afin que
l’absence soit déclarée et le jugement de déclaration d’absence du tribunal ayant ordonné
l’enquête ne peut intervenir qu’un an après l’ouverture de l’enquête. Le jugement déclaratif
de l’absence a pour effet de permettre aux héritiers de se faire envoyer en possession des
biens de l’absent dès son prononcé. Au cas où l’absent a désigné un administrateur des
biens ses héritiers ne pourront entrer en possession des biens que dix années révolus depuis
ses dernières nouvelles. Si le conjoint présent sollicite la continuation de la communauté,
elle s’oppose à l’envoie en possession des héritiers et conserve l’administration des biens.
Dans tous les cas, les héritiers présomptifs ne possèdent qu’à titre de dépositaire, c'est-à-
dire à charge d’administrer les biens de l’absent et de les lui rendre au cas où il
réapparaitrait pendant l’envoie en possession. En principe, la réapparition de l’absent ne
met pas d’office fin au mariage contracté par son conjoint pendant la durée de son absence,
mais il conserve la faculté d’attaquer ce nouveau mariage en nullité.
La disparition est quant à elle la situation d’une personne qui ne réapparait pas à la suite des
circonstances pouvant mettre sa vie en péril tel qu’on puisse penser qu’elle en est
probablement morte, sans pour autant que l’on ait pu constater sa mort (catastrophe
naturelle, opération de guerre, catastrophe aérienne, incendie, etc.). Lorsque le tribunal
constate que les circonstances sont suffisantes, il déclare le décès, il fixe la date au regard
des présomptions tirés de la cause ou seulement du jour de la disparation. La disparition est
du même régime que l’absence. Le conjoint de la personne ainsi déclarée judiciairement
décédée pourra contracter un nouveau mariage à l’expiration d’un délai d’un an à compter
du jugement déclaratif du décès. Si le disparu réapparait, il pourra attaquer le jugement de
déclaration de décès en nullité en fournissant la preuve de son existence. Il recouvra ses
biens dans l’état où ils se trouveront ainsi que le prix de ceux qui auront été vendus.
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La mort certaine désigne l’arrêt des fonctions vitales et/ou des fonctions cérébrales (elle
suppose l’arrêt du cœur et du cerveau). La mort doit être constatée par une autorité
médicale compétente au vue de l’aspect que présente le corps du décédé. A défaut de cette
constatation matérielle, il y’a simple présomption de décès qui produit les mêmes effets que
l’absence. La mort est la fin de la vie donc de la personnalité juridique. Toutefois, pour
certains aspects de la vie civile, la personnalité juridique du dé cujus va continuer avec les
héritiers pour les actions patrimoniales dont leurs auteurs étaient des titulaires. A l’inverse,
ils devront supporter le passif de son patrimoine.
L’incapacité juridique est la situation d’une personne qui ne peut exercer les droits donc elle
est titulaire bien que bénéficiant de la personnalité juridique. Elle vise des catégories de
personnes bien définies (paragraphe 1) pour lesquelles le législateur estime qu’il faut
accorder une certaine protection (paragraphe 2).
Au Cameroun, est considéré comme mineur toute personne âgée de moins de 21 ans. Avant
cet âge, la majorité de la personne peut être anticipée de plein droit par le mariage ou par
une décision du tribunal à la demande des parents. Le mineur émancipé peut pleinement
exercer les droits dont elle est titulaire et répondre des obligations corrélatives. Par contre,
le mineur non émancipé est présumé par le droit comme une personne n’ayant pas
l’intelligence nécessaire pour apprécier les actes qu’il pose à leur juste valeur. C’est la raison
pour laquelle on estime qu’il faut lui adjoindre une personne capable pour l’accompagner
dans l’exercice de ses droits.
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Le majeur est une personne qui a atteint l’âge de 21 ans et qui est en principe capable
d’exercer tous les actes de la vie juridique. Le majeur est également seul responsable de ses
actes. Mais le majeur peut être atteint d’une déficience qui affecte considérablement ses
facultés intellectuelles et le priver de la seine appréciation de ses actes. Le droit considère
dès lors qu’une personne qui est dans un état habituel d’imbécilité, de démence ou de
fureur, doit être interdit d’exercer un certain nombre de droit, même lorsque cet état
présente des intervalles lucides. L’interdiction concerne l’exercice d’un certain nombre de
droit. Elle entraine la mise du majeur incapable sous un régime d’assistance sur décision du
tribunal. On parle alors de majeur en curatelle. Lorsque le majeur est dispendieux à la
démesure au risque de perdre l’essentiel de son patrimoine dans des libéralités au détriment
de ses ayants droits, il est mis sous conseil judiciaire.
Le régime de protection des incapables est différent selon que l’on est en face d’un mineur
non émancipé ou en présence d’un majeur incapable.
Deux organes ont été prévus pour la protection des mineurs non émancipés :
l’administrateur légal et le tuteur. Ces deux organes sont strictement surveillés par le
Président du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs missions.
L’administration légale est prévue pour l’enfant qui a encore ses deux parents ou l’un de ses
deux parents encore en vie. Lorsque les deux parents sont mariés, c’est en principe le père
qui exerce l’administration des biens du mineur. La mère ne peut se substituer à lui qu’en
cas de déchéance, ou de maladie le privant du plein usage de ses capacités. L’administration
légale d’un enfant naturel est exercée par le parent qui exerce la puissance paternelle sur ce
dernier et sous la surveillance du tribunal. Le tuteur est quant à lui désigné lorsque l’enfant
n’a plus ses deux parents. Il peut être désigné par le dernier parent mourant, à défaut de
cette désignation, la tutelle est exercée par le grand parent qui est du degré le plus
rapproché. En l’absence d’un grand parent rapproché, c’est le conseil de famille qui se
charge de la nomination d’un tuteur.
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L’administrateur des biens ou le tuteur désigné pourvoi à son confort matériel et intellectuel
(nutrition, éducation, soins etc.). Il pose les actes d’administration nécessaires à la
conservation du patrimoine du mineur. Pour poser des actes de disposition, il doit recueillir
l’autorisation du juge ou du conseil de famille.
L’organe principal de protection du majeur incapable est le tuteur. Si le majeur incapable est
marié, son conjoint est de droit son tuteur. Ce dernier conserve la tutelle tous le temps que
dure la situation du majeur devenu incapable. La protection du majeur incapable vise
d’abord au rétablissement de son état de santé. Ses ressources doivent en principe être
utilisées pour adoucir son sort et accélérer sa guérison. Le tuteur doit administrer les biens
du majeur incapable en bon père de famille. Il ne peut poser des actes de disposition que sur
autorisation du conseil de famille.
Le majeur sous conseil de famille doit être assisté pour tout acte qui implique la gestion de
son patrimoine et pour toute action judiciaire.
L’identification de la personne se fait à travers son nom, son sexe, son domicile et sa
nationalité.
I- le nom et le sexe
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aucun rapport avec sa famille. Le prénom est en principe ce qui permet de distinguer les
membres d’une même famille qui portent le même nom. En droit camerounais, le prénom se
place après le nom.
Certains éléments accessoires peuvent être rattachés au nom. Il s’agit tout d’abord du
surnom qui correspond à un trait de caractère de la personne. Il ne figure pas dans l’acte de
naissance. Il s’agit ensuite du pseudonyme qui est un faux nom qu’une personne se donne
pour les besoins d’une activité littéraire, artistique ou scientifique. L’usage d’un pseudonyme
est en principe soumis à une autorisation administrative. Il s’agit enfin des titres de noblesse
qui renseignent sur le rang social de l’individu (sa Majesté, son Excellence, son Honorable,
etc.) et des particules qui précèdent les noms dans un but de courtoisie (Docteur, Monsieur,
Madame, Maitre, etc.)
L’attribution du nom est en principe libre sous réserve que le nom choisi ne soit pas
manifestement ridicule, vexatoire ou humiliant en référence aux concepts auxquels il fait
allusion. La loi prévoit la possibilité de changer le nom dans ce cas et dans le cas où le nom à
une consonance qui gêne l’assimilation de l’individu dans sa communauté religieuse. En
dehors de ces cas particuliers, le nom reste inchangeable, incessible, insaisissable, et
obligatoire.
Le sexe est ce qui permet de différencier un homme d’une femme. Cette distinction peut
avoir des conséquences dans la vie juridique de la personne. Il y’a par exemple l’interdiction
du mariage de personne de même sexe. Egalement l’autorité parentale est généralement
exercée par l’homme. On peut aussi noter que la femme mariée peut porter le nom de son
époux et non l’inverse etc.
Le domicile d’une personne quant à l’exercice de ses droits est au lieu de son principal
établissement. Le domicile peut être confondu au lieu d’habitation de la personne, même si
ce n’est pas toujours le cas. Toute personne a nécessairement un domicile unique qui
demeure tant qu’il n’a pas été changé. En principe, le domicile de la femme mariée est celui
de son mari, celui du mineur non émancipé celui de ses père et mère ou celui de son tuteur
et celui du majeur incapable celui de son tuteur. Le domicile permet la localisation
juridictionnelle de l’individu. Il est le lieu où une personne est sensée se trouver pour
l’exercice de ses droits l’exécution de ses obligations.
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La nationalité permet le rattachement de l’individu à un Etat. La nationalité peut être
d’origine ou artificielle. La nationalité d’origine est celle qui est acquise à la naissance soit en
raison de la filiation à l’égard de ses parents (lien de sang - l’un des parents est au moins
camerounais), soit en raison de la naissance sur un territoire (lien de sol – lorsque ses
parents ou l’un de ses parents étrangers est né au Cameroun). La nationalité artificielle peut
être acquise par une femme de nationalité étrangère du fait de son mariage avec un
camerounais ou par la naturalisation. La nationalité camerounaise peut être perdue
volontairement ou à la suite d’une sanction (elle ne concerne que ceux qui ont acquis la
nationalité artificielle par suite de crimes ou délits contre la sûreté intérieure et extérieure
de l’Etat ou du fait de la Commission d’actes préjudiciables aux intérêts de l’Etat du
Cameroun).
L’immutabilité de l’état de la personne signifie que nul ne peut modifier l’un quelconque des
éléments de son état par sa seule volonté. Seules les modifications autorisées par la loi
peuvent être admises. Pour exister juridiquement et bénéficier pleinement de la qualité de
sujet de droit, chaque personne doit disposer d’actes d’état civil (acte de naissance, acte de
mariage, acte de décès etc.). Les éléments de l’état civil sont imposés à la personne sans que
ce dernier puisse les choisir initialement ou les modifier ultérieurement.
L’indisponibilité de l’état des personnes signifie que les éléments qui composent l’être
humain sont hors du commerce juridique. Une personne ne peut pas par exemple vendre
son nom ou sa nationalité. Elle ne peut non plus vendre son domicile qui doit être bien
distingué de sa maison d’habitation. Elle ne peut vendre son âge ou renoncer à sa filiation.
Pour que cette fonction soit pleinement remplie, tous les éléments de l’état des personnes
22
doivent être prouvés par les actes d’état civil. Ces éléments se manifestent dans divers
documents officiels (CNI, passeport, carte de résidence, carte d’électeur etc.).
23
Objectifs spécifiques
Lorsque vous aurez terminé l’étude du présent chapitre, vous devriez pouvoir :
1. Faire une typologie des juridictions camerounaises ;
2. Donner la composition du corps judiciaire ;
3. Décrire les principes de fonctionnement des juridictions camerounaises ;
4. Donner une classification des décisions de justice ;
5. Enumérer les différentes les voies de recours contre les décisions de justice ;
6. Expliquer l’application du droit dans le temps et dans l’espace.
Introduction
Les droits subjectifs sont faits pour être réalisés, c’est-à-dire, pour procurer à leurs titulaires
toutes les jouissances potentielles qu’ils contiennent. Mais la réalisation des droits subjectifs
va présenter un aspect différent suivant qu’elle se heurte ou non à la contestation d’autrui.
En l’absence de toute contestation, le droit peut se réaliser sans l’intervention d’un tribunal
(réalisation extrajudiciaire). Ce mode de réalisation du droit est essentiellement pacifique.
Ici, le titulaire d’un droit peut, en toute liberté, jouir personnellement de tous les avantages
que lui procure son droit, le transmettre ou y renoncer volontairement.
Mais lorsqu’un droit est contesté et qu’un litige se noue, la réalisation du droit nécessite
presque toujours l’intervention d’un tribunal (réalisation judiciaire). Il en est ainsi parce que
rendre la justice demeure avant tout une fonction de l’Etat par application du principe « nul
n’est sensé se rendre justice lui-même ». Pour assurer pleinement cette fonction, l’Etat a
créé un service public de la justice.
Le service public de la justice utilise un ensemble d’institutions judiciaires comme bras
séculier (section 1) pour assurer une saine application du droit sur l’étendue du territoire
national (section 2).
24
(paragraphe 2) et dont l’activité aboutie le plus souvent à des décisions de justices
(paragraphe 3).
Les juridictions camerounaises peuvent être classées en deux catégories : les juridictions à
compétence générale et les juridictions à compétence exceptionnelle.
Elles sont de deux types : les juridictions de droit moderne et les juridictions traditionnelles.
25
est notamment compétent pour connaître des demandes de paiement de sommes d’argent
supérieures à 10 millions FCFA. Il connait également de tout litige en matière d’état des
personnes (filiation, mariage, divorce etc.).
Elles sont essentiellement constituées des cours d’appel. Le ressort territorial de la cour
d’appel est la région. Elle est le plus souvent saisie par la partie déboutée devant les
tribunaux d’instance. En application du principe de double degré de juridiction, la cour
d’appel doit examiner à nouveau l’affaire en fait et en droit. Elle peut confirmer ou infirmer
la décision du tribunal d’instance.
Elles sont constituées par les tribunaux de premier degré (TPD) et les tribunaux coutumiers
(TC). Il convient de préciser que pour qu’une affaire soit jugée par une juridiction
traditionnelle, il faut que toutes les parties en présence acceptent la compétence de cette
juridiction. Dans le cas contraire, la juridiction moderne devient compétente. Des règles
particulières applicables à ces juridictions sont prévues. Ainsi s’agissant des questions de
mariage, divorce, puissance paternelle, garde des enfants, il est statué d’après la coutume
sous le régime de laquelle le mariage a été contracté. En cas d’incertitude, les principes
26
généraux du droit moderne s’appliquent. Sur les questions relatives aux successions et aux
testaments, c’est la coutume du défunt qui devra être appliquée.
Elles sont de trois ordres : le Tribunal militaire, la Cour de sureté de l’Etat et la Haute cour de
justice.
a- le Tribunal militaire
Au Cameroun, les Tribunaux militaires siègent dans les villes de Yaoundé, Douala,
Bafoussam, Buea et Garoua. Le Tribunal militaire est compétent pour connaître :
Son ressort de compétence s’étend sur tout le territoire de la république. Elle est seule
compétente pour connaître des crimes et délits contre la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat et les infractions connexes. Elle ne juge pas les mineurs de 14 ans.
27
- Les actes de haute trahison, commis par le président de la république
- Les complots contre la sûreté de l’Etat commis par les ministres et secrétaires d’Etat.
Les tribunaux sont des structures qui ne vivent que grâce à l’activité de certaines personnes.
Ces personnes peuvent être regroupées en deux catégories : le personnel des juridictions et
les auxiliaires de justice.
Le personnel des juridictions est constitué de magistrats et de greffiers. Les magistrats sont
des fonctionnaires relevant du ministère de la justice. On distingue les magistrats du siège (le
siège d’une juridiction est le lieu où elle fonctionne et tient ses audiences) et les magistrats
du parquet. Les magistrats du siège sont à la différence de leurs collègues du parquet
investis de la délicate mission de juger. Ils sont en principe indépendants et inamovibles. Les
magistrats du parquet encore appelé Ministère Public sont un corps de magistrats placés
auprès des juridictions de droit écrit pour soutenir les actions publiques et parfois civiles et
veiller à l’application des lois et règlements. Contrairement aux magistrats du siège, ceux du
parquet restent subordonnés à la hiérarchie (le ministre de la justice).
Les greffiers sont des fonctionnaires qui animent les services administratifs du siège. Ils ont
pour attributions d’assister le tribunal et de signer les jugements et certains actes du juge ;
ils assurent la garde et la conservation des décisions rendues et délivrent copies aux
principaux intéressés et à toute personne qui en fait la demande. Le greffier tient le casier
judiciaire et est de ce fait chargé de délivrer aux personnes, le bulletin n°3 du casier
judiciaire. Le greffier peut jouer le rôle d’huissier de justice dans les localités non pourvues
par cet officier ministériel. Il est soumis à un devoir de discrétion (il doit garder le secret de
toute délibération à laquelle il assiste), il a aussi un devoir de probité (il ne doit pas percevoir
des parties une autre rétribution que celle prévue par la loi).
Certains auxiliaires relèvent d’une administration tandis que d’autres ne sont pas des
fonctionnaires. Parmi les auxiliaires relevant d’une administration nous avons la police
28
judiciaire. La police judiciaire est placée sous la direction du Procureur de la République et
sous la surveillance du Procureur Général. La police judiciaire désigne l’ensemble des
fonctionnaires de la gendarmerie, de la police nationale et certaines administrations
spécialisées ayant pour mission de constater les infractions, d’en établir la preuve, d’en
identifier les auteurs et d’exécuter toutes les instructions du magistrat instructeur. Nous
avons également le personnel de prison. Encore appelé personnel de surveillance, il a pour
fonction de faire exécuter les peines de prison prononcées par les juridictions, de garder les
détenus, de maintenir l’ordre et la discipline à l’intérieur de l’établissement et de surveiller
la bonne exécution du travail en prison. Nous avons enfin le personnel de l’éducation
surveillée. Ce personnel a pour mission d’aider les personnes en situation difficile à
retrouver leur place au sein de la société qui les rejette. Exemple : services départementaux
des affaires sociales.
Les auxiliaires de justice ne relevant pas d’une administration comprennent tout d’abord
les personnes exerçant une fonction libérale. Il s’agit entre autre :
- Des avocats qui sont des spécialistes du droit qui aident ceux qui entrent en relation
avec la justice à mieux cerner les règles du jeu. Ainsi l’avocat représente son client,
l’assiste, le défend et le conseille.
- Des huissiers de justice dont le rôle est de signer les exploits (acte d’huissier) et
exécuter les décisions de justice. Ils sont également chargés de procéder aux saisies
des biens des débiteurs récalcitrants, de faire des sommations, significations et des
constats judiciaires.
- Des notaires qui sont des officiers ministériels ayant pour rôle d’authentifier les
actes, c’est-à-dire leur donner une valeur probatoire plus grande. Ex ; contrat de
mariage, les testaments, la vente d’immeuble.
D’autres auxiliaires de justice interviennent de manière occasionnelle dans le cadre des
procédures judiciaires. C’est le cas de l’expert judiciaire et de l’interprète.
Les décisions de justice doivent être classifiées pour être bien comprise. Elles peuvent
également faire l’objet de voies de recours tant qu’elles ne sont pas définitives.
29
I- La classification des décisions de justice
Le procès aboutit prend fin avec la décision du juge. En première instance (TPI et TGI), cette
décision est appelée jugement. Devant la cour d’appel et la cour suprême, la décision du
juge est appelée arrêt.
De manière classique, une distinction est faite entre le jugement contradictoire, le jugement
réputé contradictoire et le jugement par défaut. Il y a jugement contradictoire lorsque
toutes les parties au procès ont fait valoir leurs prétentions et leurs moyens de défense. Il y a
jugement réputé contradictoire lorsqu’il ressort des éléments du dossier que le défendeur
non présent à l’instance a personnellement reçu l’assignation à comparaitre, mais n’a pas
jugé utile de se présenter devant le juge. Il en est de même si le défendeur a d’abord
comparu et ne s’est plus présenté par la suite. La décision réputée contradictoire peut
également faire l’objet d’un appel. Il y a jugement par défaut lorsque la décision a été
rendue alors que le juge n’a entendu que l’une des parties, l’autre non informée étant
absente. Ce jugement fait l’objet d’une opposition.
La justice est rendue par des hommes qui peuvent évidemment se tromper. Les juges
peuvent subir des pressions politiques et sociales et mêmes économiques qui peuvent
altérer leur jugement. Afin d’assurer la paix et l’harmonie au sein de la société le législateur
a institué le principe de double degré de juridiction. Ce principe permet à la partie lésée par
une décision de justice demander que l’affaire puisse être rejugée par des magistrats plus
expérimentées et plus compétents. Lorsque la partie lésée exerce cette option, on dit qu’elle
exerce une voie de recours.
La voie de recours normale qui permet à la partie ayant perdu en instance de refaire juger
son affaire devant la Cour d’Appel est l’appel. La partie qui saisit la Cour d’Appel est
désignée sous le nom d’appelant : on dit qu’elle interjette appel du jugement. La partie
contre laquelle l’appel est interjeté s’appelle l’intimée. L’opposition c’est la voie de recours
ouverte pour les jugements rendus par défaut. La personne jugée par défaut doit donc saisir
le même tribunal afin que l’affaire soit à nouveau jugée en fait et en droit.
Les voies de recours extraordinaires sont quant à elles au nombre de trois : la tierce
opposition, la requête civile et le pourvoi en cassation. La tierce opposition est la voie de
30
recours ouverte à toute personne qui éprouve un préjudice par l’effet d’une décision à
laquelle elle n’a été ni partie, ni représentée, on parle de tierce opposition dans la mesure
où la personne qui use de cette voie est un tiers par rapport à la décision rendue. La tierce
opposition est portée par requête devant la juridiction qui a rendu le jugement. En principe,
elle ne suspend pas l’exécution de ce jugement. Toutefois les juges peuvent ordonner une
telle suspension. Le pourvoi en cassation est une voie de recours tendant à faire sanctionner
par la cour suprême du Cameroun la non-conformité aux règles de droit d’une décision
rendue en dernier ressort. Le pourvoi en cassation permet aux magistrats de la cour
suprême de vérifier que les juges du fond ont bien appliqué la règle de droit au cas qui leur a
été soumis. Si tel est le cas, la Cour Suprême rejette le pourvoi. Mais dans le cas contraire, la
Cour Suprême casse et annule la décision attaquée et le plus souvent renvoie cette affaire
devant un autre juge du fond qui devra à nouveau statuer en fait et en droit.
Le droit ne peut pas être appliqué de manière uniforme partout. Son contenu peut varier en
fonction des époques ou des civilisations. L’application du droit est donc forcement limitée
dans l’espace (paragraphe 1) et dans le temps (paragraphe 2).
L’application du droit dans l’espace combine deux systèmes : le système de territorialité des
lois et le système de personnalité des lois.
Le système de territorialité a été consacré par le législateur national. Pour ce dernier, toutes
les lois qui intéressent l’ordre public (lois de police et de sureté) obligent tous ceux qui
habitent le territoire national. En d’autres termes, les lois de police et de sureté s’appliquent
sur tous ceux qui se trouvent sur le territoire camerounais à un moment donné
indépendamment de leurs nationalités. Ainsi, un étranger qui commet une infraction sur le
territoire national sera puni par la loi pénale camerounaise au même titre qu’un
31
camerounais. De toute façon, toute personne (citoyen camerounais, étranger ou apatride)
qui mettrait en danger la stabilité de l’état ou qui porterait atteinte à la sécurité intérieur du
Cameroun sera poursuivie et sanctionnée conformément à la législation camerounaise.
Le système de territorialité des lois permet également l’application de la loi camerounaise
aux immeubles situés sur le territoire national, mais appartenant aux étrangers.
Le système de personnalité des lois permet l’application de la loi camerounaise aux citoyens
camerounais qui résident sur un territoire étranger. Mais la loi camerounaise ne se saisit des
situations juridiques concernant ces citoyens camerounais que pour ce qui est de l’état des
personnes (filiation, mariage, état-civil, etc.) et de la capacité. Ainsi, les questions relatives à
la reconnaissance de paternité ou à la capacité à contracter un mariage pour un
camerounais résident en France seront réglées selon le droit camerounais.
L’application du droit dans le temps est guidée par le principe de non rétroactivité de la loi.
Ce principe admet néanmoins quelques exceptions.
Le principe de non rétroactivité de la loi signifie que la loi ne doit pas être appliquée à des
actes ou à des faits qui sont passés avant son entrée en vigueur. La loi ne dispose que pour
l’avenir. Cela veut dire que les situations juridiques acquises sous la loi ancienne demeurent
régies par la loi ancienne. Le principe de non rétroactivité de la loi est guidé par un souci de
sécurité juridique. En effet, il permet aux citoyens d’être sûrs qu’une nouvelle loi ne
viendrait pas modifier ou effacer les effets juridiques produits sous l’empire d’une loi
ancienne. Si tel est le cas, la loi perdrait toute sa force et les citoyens n’auraient jamais
l’assurance qu’une nouvelle loi ne viendrait pas remettre en cause les avantages qu’ils
auraient obtenus avec l’ancienne loi.
32
II- les exceptions au principe de non rétroactivité de la loi
33
Deuxième partie : le droit et les biens
Pour tenter de définir la notion de bien, le droit l’a tout d’abord articulé avec celle des
choses. Le bien serait donc à l’origine l’appellation juridique des choses du monde physique.
Mais si en principe les biens sont le décalque des choses, la coïncidence n’est pas toujours
entière, car toutes les choses ne sont pas des biens. Une chose ne peut en effet être
considérée comme un bien, au sens du droit, que lorsque celle-ci peut faire l’objet d’une
appropriation privée par une personne. La notion de bien aurait donc une composante
matérielle (la chose) et une composante juridique (l’appropriation privée). La chose étant
tout élément qui se trouve sous l’emprise matérielle ou physique d’un individu. Le critère
d’appropriation privée permet d’écarter de la qualification de bien, les choses qui
n’appartiennent à personne et donc l’usage est commun à tous (les cours d’eau, la pluie, l’air
etc.). Ce même critère permet également d’écarter de la qualification de bien, les choses
considérées comme étant hors du commerce. Le droit estime que ces choses sont non
monnayables et refuse par conséquent qu’elles reçoivent de la valeur pour faire l’objet
d’échanges marchands. C’est notamment le cas du corps humain et des éléments qui
pourraient s’en détacher (organes, cellules, etc.). C’est également le cas des sépultures et
des souvenirs de famille etc. Inversement tous les biens ne sont pas des choses, car on
rencontre des biens qui n’ont pas de matérialité (fond de commerce, brevet, licences,
créances etc.). Le droit ne considère pas tant ces derniers d’après leurs caractères physiques
que d’après leur utilisation pour les besoins des hommes.
La relation entre le droit et les biens reste donc une relation très complexe qui ne peut être
totalement cernée si l’on s’en tient seulement à l’étude de quelques généralités sur la notion
de bien (chapitre 1). Il importe donc d’aller au-delà et de chercher également à comprendre
les rapports qu’entretiendraient les personnes avec les biens (chapitre 2).
34
Chapitre 1 : Généralités sur les biens
Objectifs spécifiques
Lorsque vous aurez terminé l’étude du présent chapitre, vous devriez pouvoir :
1. Définir clairement la notion de bien ;
2. Expliquer le lien entre les biens et le patrimoine d’une personne ;
3. Identifier les différentes composantes du patrimoine ;
4. Expliquer les caractères du patrimoine ;
5. Ressortir les diverses fonctions du patrimoine ;
6. Etablir une classification des biens.
Introduction
Les choses ont, aux yeux du juriste, un double aspect : tantôt maléfique, parce qu’elles
peuvent être source de dommage et, partant, de responsabilité, tantôt bénéfique, parce
qu’elles sont pour l’individu sources d’avantages et qu’elles peuvent, dès lors, faire l’objet de
droits individuels. C’est pour ce dernier aspect que les choses méritent le nom de biens. Les
inconvénients qui peuvent grever une chose et les avantages qui peuvent en être tirés sont
généralement indissociables.
Les droits et les obligations qui peuvent naître d’un bien peuvent revêtir un caractère
pécuniaire, c’est-à-dire être susceptibles d’une évaluation en argent. Ils constituent le
patrimoine (section 1). Le patrimoine a donc pour vocation d’accueillir des biens de toute
nature que le droit a pris le soin de regrouper en catégories (section 2).
Section 1 : le patrimoine
Le patrimoine est l’ensemble des biens et des obligations d’une personne envisagée comme
formant une universalité de droit. Il présente des particularités qui permettent son
identification (paragraphe 1) et qui lui assigne des fonctions spécifiques (paragraphe 2).
35
Paragraphe 1 : l’identification du patrimoine
Le patrimoine est identifiable grâce aux éléments qui le composent et aux caractères qui lui
sont propres.
Le patrimoine d’une personne se présente sous une forme comptable, sous la forme d’avoirs
et de devoirs. Il est donc en même temps actif et passif, droits et obligations. L’actif du
patrimoine est constitué de tous les biens appréciables en argent. Juridiquement l’actif du
patrimoine comprend les droits qui ont une signification économique et susceptibles d’être
évalués en argent. Il s’agit des droits réels (droit de propriété, usufruit etc.). Au plan
économique, l’actif du patrimoine est constitué par le capital (immeuble, titres de valeurs
mobilières, stock de marchandises etc.). L’actif du patrimoine peut également être constitué
des revenus (loyers d’un immeuble, intérêt des placements financiers, salaires etc.).
Le passif du patrimoine est constitué par toutes les obligations appréciables en argent.
Juridiquement, le passif du patrimoine comprend les obligations qui ont une signification
économique et susceptibles d’être évalués en argent. Au plan économique, le passif du
patrimoine est constitué par toutes les dettes de la personne. La présence du passif fait du
patrimoine une universalité de droit et non une simple collection d’objets (universalité de
fait). Recueillir un patrimoine n’est donc pas seulement devenir propriétaire des biens qui le
constitue mais aussi devenir débiteur des dettes qui le grèvent. Un héritier ne peut donc
prétendre à l’actif du patrimoine qu’à la seule condition d’assumer son passif.
Le patrimoine d’une personne est par conséquent distinct des éléments qui le composent à
un moment donné. Il est un réceptacle indifférent de son contenu. Le patrimoine apparait
donc comme un contenant. La première conséquence est que le patrimoine demeure
identique à lui-même malgré les fluctuations de ses éléments. Un bien peut être aliéné, un
autre bien est acquis, mais le patrimoine demeure. L’autre conséquence est que le
patrimoine, par-delà les biens présents, s’étend également aux biens à venir.
Au plan comptable, l’actif et le passif du patrimoine peuvent être constamment mis en
balance et c’est le solde seul qui forme le patrimoine. Si le passif est supérieur à l’actif, on ne
peut pas dire que le patrimoine n’existe plus. Il existe bel et bien, mais il est simplement
négatif.
36
II- les caractères du patrimoine
37
Paragraphe 2 : les fonctions du patrimoine
Les biens d’une personne constituent le droit de gage général de tous ses créanciers. La loi
dispose en effet que quiconque s’est obligé est tenu de remplir son engagement sur tous ses
biens mobiliers et immobiliers et sur tous ses biens présents et à venir. Ceci signifie
concrètement que l’actif et le passif du patrimoine de la personne se répondent. Tout acte
juridique qu’une personne pose l’engage dans l’ensemble de ses biens présents et à venir.
Cette garantie peut éventuellement se concrétiser par une saisie sur ses biens lorsqu’elle ne
satisfait pas à ses engagements ou lorsqu’elle est débitrice d’une obligation évaluable en
argent.
La classification des biens a été organisée à l’origine autour de leur nature et de leur
corporalité. Cette classification ancienne constitue jusqu'à nos jours les principales
distinctions des biens (paragraphe 1). A côté de ces distinctions principales, des distinctions
dites secondaires fondés plus sur la fonction des biens gagnent de plus en plus en
importance (paragraphe 2).
38
Paragraphe 1 : les distinctions principales des biens
De manière fondamentale, l’on distingue les biens meubles des biens immeubles et les biens
corporels des biens incorporels.
La distinction des biens en meubles et immeubles est la plus ancienne division des biens. Le
bien est meuble ou immeuble selon qu’il est mobile ou non. Les immeubles se caractérisent
par leur fixité au sol. La loi précise toutefois que les biens peuvent être immeubles, aussi
bien par leur nature, que par leur destination ou par l’objet auquel il s’applique. Les
immeubles par nature répondent tous au critère de fixité (terrains nus, bâtiment
d’habitation etc.). Les immeubles par destination sont constitués des animaux et des objets
placés par le propriétaire sur son fonds pour le service et l’exploitation de celui-ci (biens
d’équipement et de production affectés à l’exploitation du fonds). Ils peuvent également
être constitués par des effets mobiliers attachés au fonds à perpétuelle demeure (tableau,
statut, portrait etc.). Les immeubles par l’objet auquel ils s’attachent sont essentiellement
constitués des droits réels immobiliers (hypothèque, usufruit etc.).
Les meubles sont généralement caractérisés par leur mobilité. On y distingue, les meubles
par nature (animaux, voitures, navires etc.) et les meubles par anticipation (biens encore
attachés au sol mais qui sont appelés à être détachés inéluctablement (fruits avant récolte).
La distinction entre biens corporels et biens incorporels est fondée sur la matérialité ou non
du bien. Les biens corporels sont des biens matériels, des biens qui peuvent être touchés.
C’est donc par leur nature qu’ils seront soient meubles, soit immeubles.
Les biens incorporels sont des biens immatériels, des biens qui ne peuvent pas être touchés.
Ils ne sont pas pour autant imaginaires, car ils représentent une valeur économique certaine
dans le patrimoine (brevets, parts sociales, actions, licence d’exploitation etc.).
39
Paragraphe 2 : les distinctions secondaires des biens
Les nouveaux regroupements se fondent sur le caractère consomptible ou non des biens et
sur le caractère fongible ou non des biens.
Les biens consomptibles sont des biens qui se détruisent par le premier usage qu’on en fait
(les biens alimentaires, le charbon, l’essence, le parfum etc.). Le droit ajoute à côté de la
consommation physique, la consommation juridique, c’est-à-dire l’aliénation. Ainsi l’argent
est un bien consomptible parce qu’on ne peut l’utiliser qu’en les dépensant, en l’aliénant.
Les biens non consomptibles sont des biens qui résistent à une utilisation répétée
(immeubles, véhicules, appareils électroniques etc.), même si cette utilisation leur fait
perdre progressivement de leur valeur. Lorsqu’une personne acquiert par prêt le droit d’user
ou de jouir temporairement d’un bien non consomptible à charge de restitution, à la fin du
prêt elle devra restituée le bien qui lui avait été donné en prêt. Par contre, si une personne
acquiert par prêt le droit d’user ou de jouir temporairement d’un bien consomptible, elle ne
sera tenue qu’à la restitution de l’équivalent.
Les biens fongibles sont des biens interchangeables, ceux qui peuvent se remplacer
indifféremment les uns les autres. Le débiteur d’un bien fongible est en droit de
désintéresser le créancier en lui remettant tout autre chose de même genre. Les biens non
fongibles sont ceux que l’on considère dans leur individualité et qui ne saurait être
remplacés les uns par les autres. La compensation est opérationnelle entre les biens
fongibles mais elle est impossible pour les biens non fongibles.
40
Chapitre 2 : les rapports entre les personnes et les biens
Objectifs spécifiques
Lorsque vous aurez terminé l’étude du présent chapitre, vous devriez pouvoir :
1. Distinguer le droit de propriété de la possession ;
2. Identifier les attributs du droit de propriété ;
3. Expliquer les caractères du droit de propriété ;
4. Ressortir les différentes modalités d’acquisition du droit de propriété ;
5. Enumérer les éléments constitutifs de la possession ;
6. Déterminer les effets de la possession.
Introduction
Les biens n’ont de sens que par rapport à l’homme. Ils ne peuvent être envisagés que par
l’usage ou par l’utilité qu’ils peuvent avoir pour une personne. En dehors de son usage ou de
son utilité pour la personne, le bien reste une chose sans intérêt pour le droit. Les personnes
entretiennent deux types de relations avec les biens. En premier lieu, le lien qui unit la
personne à un bien peut être un lien de droit. Ce lien de droit se traduit concrètement par
l’appropriation du bien par la personne. La personne en devient alors propriétaire ; on dit
qu’il a un droit de propriété sur le bien.
En second lieu, il peut exister des contacts de fait entre la personne et un bien. Bien que ce
contact puisse produire des conséquences juridiques, il ne fait pas en principe de la
personne, le véritable propriétaire du bien. Ce dernier est juste considéré comme simple
possesseur du bien. Le droit de propriété (section 1) et la possession (section 2) caractérisent
donc en définitive, les deux types de rapports qui peuvent exister entre les personnes et les
biens.
Le droit de propriété est le lien de droit qui relie la personne à une chose. Le droit de
propriété a une nature particulière (paragraphe 1) et des modes d’acquisition qui lui sont
propres (paragraphe 2).
41
Paragraphe 1 : la nature du droit de propriété
Le droit de propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus
absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements. Cette
définition permet de ressortir les attributs et les caractères du droit de propriété.
Le droit de propriété réunit trois pouvoirs propres à assurer à son titulaire la maitrise totale
du bien : le pouvoir de l’utiliser (l’usus), le pouvoir d’en jouir (le fructus) et le pouvoir d’en
disposer (abusus).
Le pouvoir d’utiliser le bien ou usus permet à la personne de retirer pleinement l’utilité ou le
plaisir que peut procurer un bien (habiter sa maison, porter ses bijoux, regarder un film à
partir de son ordinateur portable etc.).
Le pouvoir de jouir du bien ou fructus donne le droit à la personne d’en percevoir les fruits.
Le fruit est tout bien accessoire qui sort périodiquement d’un bien principal sans que la
substance de celui-ci s’en trouve diminuée (récolte d’un champ de maïs, loyers d’un
immeuble, intérêt d’un placement financier etc.). Le pouvoir de jouir du bien peut
également être compris comme le droit de laisser le bien inexploité ou de conserver le bien.
Enfin le droit de propriété confère à son titulaire le pouvoir de disposer du bien ou abusus,
soit par des actes matériels en la consommant ou en la détruisant totalement ou
progressivement lorsqu’il s’agit d’un produit, soit par actes juridiques (vente, legs, donations
etc.). Le pouvoir de disposer du bien peut aussi être perçu comme le pouvoir de refuser
d’aliéner son bien.
42
Le caractère perpétuel signifie que le droit de propriété s’exerce sur la chose tant que celle-
ci existe. Le droit de propriété est imprescriptible, il ne se perd pas même si le propriétaire
n’use pas de sa chose. Le droit de propriété subsiste même lorsque son titulaire change, par
exemple lorsque la propriété passe entre les mains d’un héritier ou d’une personne ayant
acquise la chose par contrat. Le caractère perpétuel du droit de propriété ne disparait que
lorsque la chose est perdue ou en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Le caractère exclusif du droit de propriété signifie que personne d’autre que son titulaire ne
peut user, jouir ou disposer de la chose. Le caractère exclusif du droit de propriété connait
cependant des limites avec la propriété collective. C’est notamment le cas de l’indivision où
plusieurs personnes ont le même droit de propriété sur un même bien. C’est également le
cas de la mitoyenneté qui est la copropriété des clôtures ou des murs construits à la limite
de deux fonds et appartenant à deux propriétaires voisins. Chaque copropriétaire peut
librement utiliser le mur mitoyen pour son usage personnel à condition de ne pas nuire à son
voisin. C’est aussi le cas de la copropriété immobilière où la propriété d’un immeuble est
répartie entre plusieurs personnes. C’est enfin le cas de l’usufruit qui est un droit réel
d’usage et de jouissance sur la chose d’autrui.
Le droit de propriété peut être acquis par accord entre les parties (convention) ou en vertu
d’une disposition de la loi.
La propriété d’un bien n’est pas fixée une fois pour toute dans un patrimoine. Il peut se
produire des changements de propriétaires et des mutations de propriété. Ces changements
ou ces mutations du droit de propriété résultent dans la plupart des cas d’une convention.
Plusieurs conventions ont pour but de transférer la propriété d’un bien d’une partie à une
autre. Il en est ainsi de la vente, de l’échange, de la donation, du legs etc. Toutes ces
conventions permettent un transfert volontaire de la propriété par échange de
consentements entre l’ancien et le nouveau propriétaire.
Le principe de la libre transmissibilité de la propriété par convention n’est pas absolu. Ce
principe est notamment limité par les pactes de préférence par lesquels le propriétaire de la
43
chose s’engage auprès d’une autre personne à lui proposer en priorité son bien s’il se
décidait à le vendre. Il est également limité par des clauses d’inaliénabilité qui ont pour objet
d’interdire à l’acquéreur d’un bien de le transférer à son tour. Ces clauses d’inaliénabilité
peuvent se rencontrer dans des donations ou dans un testament.
La possession se définit comme la maitrise de fait, le pouvoir physique exercé sur une chose.
Cette maitrise de fait ne doit pas être confondue avec la propriété qui est un pouvoir de
droit. La possession se distingue de la propriété par ses éléments constitutifs (paragraphe 1)
et ses effets (paragraphe 1).
44
I- l’élément matériel
L’élément matériel de la possession ou corpus consiste dans les actes matériels accomplis
sur la chose. Les actes matériels propres à constituer le corpus de la possession peuvent
être, soit des actes de détention, soit des actes de jouissance. Les actes de détention sont
des actes par lesquels une personne tient une chose en son pouvoir physique (occuper un
immeuble, construire un enclos autour de la ferme, revêtir un meuble avec de la peinture à
huile etc.). Les actes de jouissance permettent quant à eux l’utilisation économique ou
l’exploitation de la chose (percevoir les loyers, vendre les fruits d’une récolte etc.).
La possession fait présumer le droit de propriété sur la chose pour le possesseur. Elle peut
également se transformer en droit de propriété si certaines conditions sont réunies.
I- la présomption de propriété
Toute possession fait présumer, jusqu'à preuve de contraire, le droit de propriété dont elle a
l’apparence. Le possesseur est généralement considéré comme le propriétaire du bien. Cette
présomption de propriété impose la charge de la preuve du droit de propriété à celui qui
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conteste le droit du propriétaire. En d’autres termes, lors d’un procès, ce sera à celui qui
réclame la propriété du bien entre les mains du possesseur de prouver son droit de
propriété sur ledit bien. Si ce dernier ne rapporte pas la preuve de son droit de propriété sur
ledit bien, dans le doute, le bien reviendra au possesseur.
La possession d’un bien peut aboutir à son acquisition. En effet, une possession exempte de
vice peut faire acquérir la propriété à la personne qui a la maitrise matérielle de la chose. La
possession fait immédiatement acquérir la propriété en ce qui concerne les meubles (en fait
de meuble, possession vaut titre) et en ce qui concerne les fruits et les revenus des
immeubles, à condition que cette possession soit de bonne foi (le propriétaire doit s’être
comporté comme propriétaire par ignorance du vice qui grève son droit de propriété).
Par ailleurs, la possession prolongée et ininterrompue d’un immeuble pendant 30 ans quel
que soit la bonne ou mauvaise foi du possesseur lui confère un droit de propriété sur
l’immeuble. Egalement, celui qui acquiert de bonne foi par juste titre un immeuble en
devient propriétaire au bout de 10 ans de possession si le véritable propriétaire est domicilié
dans le ressort de la Cour d’appel de situation de l’immeuble ou au bout de 20 ans de
possession si ce dernier est domicilié hors dudit ressort.
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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
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