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UNIVERSITE DE TOULOUSE

2023-2024

INTRODUCTION AU DROIT PRIVE


INTRODUCTION

Objectif de ce cours : constituer une entrée en matière, préparer à la connaissance des différentes disciplines
du droit. Cela suppose de vous faire prendre conscience de l’existence du phénomène juridique et de vous
donner les outils et méthodes vous permettant d’identifier le phénomène juridique. Autrement dit, de vous
apprendre à identifier ce qui est du droit et ce qui n’en est pas.

Il est nécessaire pour cela de définir ce qu’est le Droit.

Le droit est un terme polysémique :


- Suivant une conception très générale, on peut dire que le droit est un phénomène social,
intrinsèquement lié à la société : il n’y a pas de droit sans société et il n’y a pas de société sans droit.
Il est d’ailleurs intimement lié à la société dans laquelle il prend place de sorte qu’il en est le miroir.
Il est également un phénomène normatif : le droit édicte des normes, des règles de conduites qui
s’imposent aux individus.

- Lorsque l’on cherche une définition plus précise, on trouve plusieurs sens :
- Le droit peut être défini comme « l’ensemble des règles de conduite qui, dans la société,
gouvernent les relations des individus entre eux et s’impose à eux, au besoin, par le moyen de
la contrainte étatique ». Cette définition désigne en réalité le droit qui organise la vie en société,
le droit objectif. Le Droit avec un grand D.
- Le droit peut également être défini comme « la prérogative reconnue à un sujet de droit et
dont il peut se prévaloir dans ses rapports avec les autres, sous la protection de l’autorité
publique ». Cette définition désigne le droit accordé à chaque individu par le droit objectif, le
droit subjectif.

Les deux sens sont complémentaires : le droit objectif désigne les règles de conduite organisant la vie en
société. Parmi ces règles, certaines prévoient des droits subjectifs. Ces droits subjectifs sont donc des règles
de droit objectif MAIS, nous le verrons, toutes les règles de droit objectif n’instituent pas des droits
subjectifs.

Carbonnier synthétisait les rapports entre Droit objectif et droits subjectifs de la manière suivante : « si le
droit (objectif) nous permet de faire quelque chose, nous avons le droit (subjectif) de le faire ».

Pour donner les premières vues de ce qu’est le droit privé, nous allons partir de ces deux sens les plus
communs du droit et traiter dans une première partie le droit objectif et dans une seconde partie les droits
subjectifs.
PREMIERE PARTIE : LE DROIT OBJECTIF

Droit objectif :
- a pour fonction l’organisation de la vie en société.
- se définit alors comme l’ensemble des règles de droit socialement édictées et
sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société. Ce sont des règles énoncées par
l’Etat en vue de régir les relations entre les membres de la société et de favoriser la paix sociale.

Pour bien saisir ce qu’est le droit objectif, il convient de s’intéresser à la règle de droit, qui en constitue
l’unité fondamentale : le droit objectif n’est que la somme de toutes les règles de droit.

Deux questions vont nous intéresser :


- Qu’est-ce qu’une règle de droit ? C’est la question à laquelle nous répondrons dans le titre 1er
relatif à l’identification de la règle de droit.
- D’où vient la règle de droit ? C’est la question à laquelle nous répondrons dans le titre 2nd relatif
à l’origine de la règle de droit.
TITRE PREMIER : L’IDENTIFICATION DE LA REGLE DE DROIT

La règle de droit est l’essence du droit objectif. Elle correspond à un « modèle de conduite, prescrit ou
défendu, afin que chaque justiciable puisse y conformer son comportement ».

Identifier la règle de droit, c’est bien sûr la distinguer des autres règles. Si le droit a ainsi pour fonction de
diriger les conduites humaines, il n’est en effet pas le seul : la morale, la religion, les règles de bienséance
poursuivent le même but de régulation de la vie en société et adoptent le même fonctionnement. C’est
pourquoi il nous faut évoquer, dans un Chapitre 1er, la spécificité de la règle de droit.

Identifier la règle de droit, c’est supposer de découvrir une identité, une unité. Cependant, l’unité ne doit
pas masquer la variété des règles de droits. La complexité croissante de la société a en effet conduit à une
spécialisation des règles de droit. C’est pourquoi nous évoquerons, dans un Chapitre 2ème, la spécialisation
de la règle de droit.

La règle de droit est donc à la fois unique, se distinguant des autres règles, et plurielle, conduisant à un droit
objectif fragmenté.

CHAPITRE 1 : LA SPECIFICITE DE LA REGLE DE DROIT

La règle de droit poursuit un but – celui de diriger les conduites humaines - qu’elle partage avec d’autres
règles : les normes religieuses, morales, de bienséance, de politesse, entre autres. Ces règles prennent
d’ailleurs parfois la place du droit.

C’est ce qu’évoque le doyen Carbonnier lorsqu’il évoque le non-droit. Il définit le non-droit comme
« l’absence de droit dans un certain nombre de rapports humains où le droit aurait eu vocation théorique à
être présent » et explique que l’existence d’autres règles de conduite en l’absence de droit constitue une
première rencontre du non-droit. Par exemple, il est des comportements qui ne constituent pas des
infractions pénales mais qui peuvent être moralement répréhensible. Exemple : l’adultère.

Ce qui rassemble règle de droit et autres règles est qu’elles constituent toutes des règles de conduite, ce qui
leur confère des caractères communs, ce que nous évoquerons dans une Section 1ère.
Ce qui distingue la règle de droit de ces autres règles est son caractère obligatoire, ce que nous évoquerons
dans une Section 2nde.

Section 1 : Une règle de conduite


La règle de conduite, qu’elle soit de droit ou non, présente un certain nombre de caractères. Si vous
comparez plusieurs manuels d’introduction au droit, vous constaterez que le vocabulaire utilisé n’est pas
toujours le même mais tous tendent à traduire la même idée : la règle de conduite concerne chacun et
ne désigne personne en particulier, et ce, en tout lieu et en tout temps.

Nous allons présenter les caractères généraux de la règle de droit, qu’elle partage avec les autres règles de
conduite (dans un grand A), avant d’évoquer les fondements de ces caractères, en droit (dans un grand B).

A. Les caractères communs de la règle de conduite

Dire que la règle de conduite concerne chacun et ne désigne personne en particulier, en tout lieu, c’est dire
qu’elle est générale, abstraite et impersonnel (1) ;
Dire qu’elle concerne chacun en tout temps, c’est dire qu’elle est permanente et stable (2).

1. Les caractères général, abstrait et impersonnel

La règle de droit est générale : elle est établie pour un nombre indéterminé de situations et non pour un
cas particulier. L’interdiction de voler, par exemple, concerne toutes les situations qui répondront à la
définition du vol : la soustraction frauduleuse d’une chose appartenant à autrui. La généralité de la règle de
droit implique également que la règle de droit s’applique indistinctement sur tout le territoire français, en
principe de la même manière. Il existe toutefois des exceptions : certaines dispositions législatives ne
s’appliquent pas ou pas de la même manière en Nouvelle Calédonie, à Mayotte ou encore en Corse que sur
le reste du territoire national.

La règle de droit est impersonnelle : elle s’adresse à tous les sujets de droit et ne désigne personne en
particulier. L’interdiction de voler, pour conserver le même exemple, concerne chacun d’entre nous.

Dire que la règle de droit est impersonnelle c’est dire qu’elle ne s’applique pas à une personne déterminée ;
par exemple, une loi validant un permis de construire accordé à la Fondation Louis Vuitton présente une
dimension individuelle qui a été vivement critiquée, cela parce qu’une loi qui n’a vocation à s’appliquer qu’à
un cas particulier n’est pas une véritable règle de droit. De ce point, on peut regretter le phénomène des lois
adoptées sous le coup de l’émotion provoquée par un fait divers : par exemple, vous avez peut-être entendu
parler de l’affaire Halimi, dans laquelle une femme de confession juive a été tuée par un individu ayant
consommé du cannabis. Cette consommation de cannabis a été à l’origine d’une abolition du discernement
de l’individu, ce qui constitue une cause d’exonération de la responsabilité pénale. Autrement dit, dans cette
affaire, l’individu n’a pas été condamné pénalement pour le meurtre de cette femme parce qu’il n’avait pas
conscience de ce qu’il était en train de faire. Cette décision a provoqué l’indignation dans l’opinion publique,
car la solution de l’affaire était résumée de la manière suivante : si vous consommez des stupéfiants avant
de tuer quelqu’un, vous n’irez pas en prison. Ce qui est complètement faux. C’est l’abolition du
discernement, quelle que soit sa cause, qui était à l’origine de l’absence de condamnation. Et toute
consommation de stupéfiants ne conduit pas à une abolition du discernement. La décision était parfaitement
justifiée sur le plan juridique : les juges n’ont fait qu’appliquer la loi. Une loi a été adoptée moins d’un an
après la décision de la Cour de cassation et comporte l’incrimination de la consommation de stupéfiants
lorsqu’elle a provoqué l’abolition du discernement et la commission d’un meurtre. Pour revenir au caractère
impersonnel de la règle de droit, cette incrimination répond à cette exigence. Mais le législateur raisonne à
l’envers en partant d’un cas particulier afin de prévoir une règle générale.

Dire que la règle de droit est générale et impersonnelle ne signifie pas cependant qu’elle est universelle. Elle
peut en effet s’adresser parfois à certaines catégories de personnes (ce qui évoque le phénomène de
spécialisation du droit que nous évoquerons plus tard). Les père et mère, par exemple, sont destinataires de
règles propres que nous évoquerons lors du second semestre. Seuls les pères et mère, certes, mais tous les
père et mère. Elle n’a pas vocation par ailleurs à s’appliquer sur le territoire d’autres Etats (même si nous
verrons plus tard que la loi française peut jouer un rôle dans un Etat étranger).

Pour recouvrir ces deux caractères, général et impersonnel, la règle de droit doit être formulée de manière
abstraite. Pareille formulation permet d’assurer l’absence d’arbitraire et plus généralement l’égalité entre
les personnes dont nous parlerons un peu plus tard.
Pour cela, le législateur a recours à des pronoms ou adjectifs indéfinis. Par exemple, l’article 9 du code civil
dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’abstraction est ici totale. Comme je l’évoquais,
lorsque la règle de droit a un champ d’application déterminé, elle doit recourir à des catégories plus précises
englobant l’ensemble des situations qu’elle veut régir. Par exemple, l’art. 372 du Cciv prévoit que « les père
et mère exercent en commun l'autorité parentale ».
Cette abstraction de la règle de droit impose de recourir à un raisonnement particulier à l’heure d’appliquer
celle-ci : le syllogisme juridique, dont nous parlerons plus tard et que vous travaillerez lors des séances de
travaux dirigés.

La règle, générale et impersonnelle, est complétée par des principes et se concrétise par des normes
individuelles dont elle se distingue :

- Elle se distingue des principes car ils présentent une très grande généralité de sorte qu’ils ne
peuvent fournir un modèle de comportement précis. Ils incarnent cependant certaines valeurs
inspirant le droit ; nous verrons qu’ils peuvent alors être à la source de règles de droit ou encore
guider l’interprétation de certaines d’entre elles. C’est le cas par exemple du principe d’égalité.
- Elle se distingue des normes individuelles qui sont créées pour s’appliquer à une seule
situation. Si les règles de droit posent des prévisions générales, les normes individuelles les
réalisent dans des situations particulières, concrètes, en prenant la forme de décisions (émanant
de l’administration ou du juge) ou encore de contrats. Les décisions et les contrats concernent
quelques personnes déterminées, expressément visées, contrairement à la règle de droit. Par
exemple, l’article 221-1 du code pénal qui incrimine le meurtre est une règle de droit car elle a
vocation à s’appliquer à quiconque, en raison de la généralité de sa formulation. Au contraire,
la décision de la Cour d’assises de Haute-Garonne qui condamne Patrice Alègre notamment
pour des faits de meurtre n’est pas une règle de droit mais une norme individuelle.

2. Le caractères permanent

Dire que la règle de droit est permanente, stable, signifie qu’elle a vocation à régir l’avenir et de manière
prolongée. Il n’empêche cependant pas de revenir sur la règle de droit, de la modifier ou de la supprimer
(on parle d’abrogation, nous en parlerons plus tard) par une autre règle de même rang ou de rang supérieur.

La succession des réformes relativise ce caractère permanent et stable de la règle de droit. Il peut même
arriver qu’une loi soit réformée, modifiée, avant même d’être entrée en vigueur.

Par exemple, vous avez peut-être entendu parler de l’affaire d’Outreau, qui a été qualifié de fiasco judiciaire,
imputé à un seul homme, que je ne nommerai pas, qui était le juge d’instruction dans cette affaire. La loi du
5 mars 2007 instaure, en conséquence de cette affaire, la collégialité de l’instruction. Mais cette loi était
inapplicable notamment en raison de difficultés budgétaires. L’entrée en vigueur de cette loi a été reportée
à plusieurs reprises. Aujourd’hui, la collégialité de l’instruction n’existe toujours pas.
D’autres lois dites expérimentales confirment l’abandon du caractère permanent de la règle de droit. Ces
lois sont votées à l’essai pour une durée déterminée à l’avance. Par exemple, les lois de bioéthiques sont des
lois temporaires qui prévoient l’adoption de nouvelles lois plusieurs années après.

B. Le fondement des caractères communs de la règle de conduite en droit

Les caractères abstraits, généraux et impersonnel sont partagés par toutes les règles de conduite. Mais, en
droit, ces caractères trouvent leur justification dans deux fondements juridiques :
- L’égalité devant la loi
- La sécurité juridique
Ces deux principes fondamentaux de l’ordre juridique imposent l’exigence de généralité de la règle de droit
et, dans une moindre mesure, celle de permanence de celle-ci.
1. L’égalité devant la loi

Le principe d’égalité devant la loi a été consacrée à la Révolution dans la Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen. L’article 6 de ce texte prévoit que la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit
qu’elle punisse et que tous les citoyens sont égaux aux yeux de la loi.

La loi doit être la même pour tous : ce principe s’oppose ainsi à la dimension personnelle, individuelle de la
loi et impose son caractère général.

Mais ce principe impose cependant seulement que des situations identiques soient régies de la même façon.
Il n’interdit pas, à l’inverse, que les règles de droit puissent prendre en compte la particularité de certaines
situations (par exemple, le fait d’être parent) pour créer des règles spécifiques (par exemple, l’obligation de
subvenir aux besoins alimentaires de ses enfants). Je l’ai déjà dit, dans une telle hypothèse, la règle de droit
demeure générale et impersonnelle, car elle régit de la même manière toutes les situations auxquelles elle
s’applique.

Le Conseil constitutionnel, organe dont nous parlerons davantage plus tard et qui opère vérification de la
conformité de la loi à la Constitution, affirme avec constance depuis une décision du 9 avril 1996 que « le
principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ».

2. La sécurité juridique

La sécurité juridique peut être définie comme la « qualité d’un ordre juridique qui assure au citoyen lisibilité et confiance
dans ce qui constitue le droit à un moment donné et qui, selon toute probabilité, sera le droit de l’avenir ».

Pour garantir que le Droit va bien être respecté, la sécurité juridique impose d’appliquer la règle de droit
indépendamment des circonstances particulières affectant l’individu ou la situation considérée. Ce principe
vient conforter l’exigence de généralité de la règle de droit et justifie par ailleurs son caractère permanent,
afin que la règle de droit applicable soit prévisible.

Attention, il ne s’agit que de prévisibilité : peu importe si le citoyen ne connaissait pas effectivement le
contenu de la loi applicable. La sécurité juridique demeure assurée dès lors que l’ordre juridique offre au
citoyen les moyens de connaitre la loi applicable, peu important que celui-ci ne s’en soit pas saisi. Cette idée
se retrouve dans l’adage nul n’est censé ignorer la loi, complété par l’adage dura lex sed lex (la loi est
dure mais c’est la loi). Ce premier adage conduit à appliquer la loi même si le justiciable n’avait pas la volonté
de l’enfreindre ou n’en connaissait pas le contenu. Même si en réalité personne, pas même les juristes, ne
connait l’ensemble des règles de droit, cet adage est nécessaire pour l’effectivité du droit. Il connaît
cependant des tempéraments : l’erreur de droit (càd la mauvaise représentation de la règle de droit) est en
effet parfois prise en compte et conduit à priver d’effet juridique l’acte accompli sous son emprise.

Nous verrons d’ailleurs un peu plus tard que lorsque la règle de droit est modifiée, les règles d’application
de la loi dans le temps ou l’édiction de dispositions transitoires permettent d’assurer la sécurité juridique
malgré cette modification.

Section 2 : Une règle « de droit »

Nous avons commencé à effleurer ce qu’est le Droit, le droit objectif, en évoquant la règle de droit, qui en
constitue l’élément fondamental, mais nous avons seulement décrit les caractères que partagent la règle de
droit avec d’autres règles sociales. Il nous faut maintenant saisir la spécificité de la règle de droit, ce qui n’est
pas une mince affaire.

Il s’agit de répondre à la question suivante : qu’est-ce qui distingue la règle de droit des autres règles sociales ?
Qu’est-ce qui fait que le droit est tout à fait singulier ?

Ce critère a été discuté.


L’un des critères que nous allons évoquer tout de suite très rapidement est un critère substantiel : suivant
cette conception, les règles seraient juridiques par nature. J’évoque rapidement ce critère car il n’est pas
convaincant : la juridicité est relative dans le temps et dans l’espace = un comportement n’est pas
nécessairement et immuablement appréhendé par un système juridique. Par exemple, le mariage était, dans
ses premières formes, régi par des règles religieuses et non juridiques. Par ailleurs, un même comportement
peut être, selon les lieux, appréhendé ou non juridiquement. Par exemple, l’interdiction de fumer est
appréhendé par le droit dans certains lieux seulement.

Le contenu de la règle de droit peut coïncider avec le contenu d’une autre règle, morale ou religieuse.
- Avec une règle religieuse : (je précise que je parle de notre système juridique actuel : dans
d’autres systèmes juridiques, les règles religieuses fondent les règles de droit de sorte qu’il n’est
pas question d’identifier ce qui les distingue : par exemple, le droit du mariage en France a
longtemps été le droit canonique ; dans les États musulmans, la charria est la règle de droit.)
Dans notre système actuel, par exemple, certains commandements du Décalogue sont des
règles juridiques (par ex, tu ne tueras point).
- Avec une règle morale : précisons que la morale peut revêtir deux sens : Le sens individuel : la
morale individuelle n’engage que l’individu, au regard de sa propre conscience. Le sens collectif :
la morale sociale ou collective tend à répondre aux besoins du groupe dans lequel l’individu vit.
Elle correspond aux valeurs communes à un groupe social donné. La règle de droit peut alors
reposer sur des préceptes moraux, relevant de la morale collective :
o par exemple, dans le code civil, certaines dispositions impose le respect des bonnes
mœurs dans la conclusion de contrat. En application de ces dispositions, ont été
annulées la donation faite à la concubine adultérine ou encore la convention de mère
porteuse.
o autre exemple, on exige que les parties au contrat fassent preuve de bonne foi au
moment de la formation et de l’exécution du contrat.
o loyauté de la preuve, principe suivant lequel une preuve obtenue de manière illicite ne
sera pas valable dans un procès civil. Nous le verrons plus tard dans ce cours.

Le critère substantiel ne peut donc fonctionner : ce n’est pas le contenu de la règle de droit qui peut la
distinguer des autres règles.

Deux autres critères doivent être évoqués plus longuement : le critère formel de la règle de droit, suivant
lequel la règle de droit se caractérise par sa dimension obligatoire, coercitive, sanctionnée, ce que nous
verrons dans un premier paragraphe.
Puis le critère finaliste, suivant lequel la spécificité de la règle de droit tiendrait à sa finalité sociale, ce que
nous évoquerons dans un second paragraphe.

§1 : La sanction, critère distinctif de la règle de droit ?

Il nous faut évoquer ce critère de la sanction (A) avant de préciser les formes diverses qu’elle peut prendre
(B).

A. Critère de la sanction

Je vais dans un 1. vous présenter le critère et dans un 2. les raisons pour lesquelles il est remis en cause.

1. Présentation du critère

Suivant ce critère formel, la règle de droit se caractériserait par la contrainte étatique.

Deux caractères sont souvent présentés comme spécifiques à la règle de droit : la règle de droit est
obligatoire et son inobservation est sanctionnée.
C’est parce que la règle de droit est prescriptive, càd qu’elle dit ce qui doit être, et non descriptive, qu’elle
peut recouvrir un caractère obligatoire. Cette prescription peut prendre différentes formes : la loi « permet
ou elle défend ; elle ordonne, elle établit, elle corrige, elle punit ou elle récompense » disait Portalis, l’un des
rédacteurs du Code civil.
En un mot, la règle de droit est coercitive càd qu’elle contraint les sujets de droit à la respecter, à adopter le
comportement qu’elle édicte. Si une personne refuse de respecter la règle de droit, elle pourra y être
contrainte par l’autorité publique.

La sanction est présentée comme étant LE critère de cette dernière, par des auteurs juridiques mais
également non juridiques. Durkheim, en particulier, estime que la sanction permet de distinguer le droit de
ce qu’il appelle la morale sociale. Précisons immédiatement qu’il ne s’agit pas de dire que les règles de droit
sont celles qui sont sanctionnées mais celles qui sont susceptibles d’être sanctionnées. Peut-être allez-vous me dire que
d’autres règles sociales sont elles aussi assorties de sanction, et vous auriez raison : l’excommunication dans
la religion catholique par exemple constitue une sanction de l’inobservation de certaines règles religieuses.
Mais, en droit, il ne s’agit pas de n’importe quelle sanction : il s’agit d’une sanction assurée par le juge institué
par l’Etat. La règle de droit se distingue par l’autorité qui l’impose et la sanctionne.

Ainsi, la spécificité de la règle de droit s’énoncerait de la manière suivante : seule la violation d’une règle de
droit est assortie d’une sanction assurée par le juge institué par l’Etat.

2. Remise en cause du critère

⬧ Lois non contraignantes :


- lois supplétives
- lois imparfaites
- lois non normatives

⬧ Soft law.

B. Formes de la sanction

- les sanctions ayant le caractère d’une punition.


- les sanctions ayant pour effet l’anéantissement de l’acte contraire au droit (les nullités) : nullité
relative, nullité absolue.
- les sanctions ayant pour objet la réparation du préjudice causé par l’acte ou le fait contraire au
droit.
- les sanctions ayant pour objet l’exécution forcée de la règle de droit.

§2 La finalité, critère distinctif de la règle de droit ?


La Justice :
- justice commutative et justice distributive

Autres finalités

Conclusion du chapitre : la règle de droit est une règle de conduite générale sanctionnée à des fins de
justice, qui se distingue des règles sociales non juridiques telles que les règles religieuses ou encore morales.
CHAPITRE 2 : LA SPECIALISATION DE LA REGLE DE DROIT

Section 1 : Les rapports du tout avec les parties

Paragraphe 1 : Les divisions par domaine

A. Les branches du droit

1. Le contenu de la distinction droit privé/droit public

a. Le droit privé

Le droit privé : « ensemble des règles qui régissent les rapports entre les particuliers ou les collectivités privées telles que les
sociétés ou encore les associations ». Sa finalité est la protection des intérêts particuliers, privé. Il est libéral, c’est-
à-dire qu’une place importante est dévolue à la volonté des individus, et égalitaire car les sujets de droit sont
placés sur un pied d’égalité. C’est pour cette raison que les règles supplétives y sont plus nombreuses.

- Le droit civil, qui était à l’origine la seule composante du droit privé, correspond à l’ensemble
des règles relatives à la personne, envisagée en elle-même ou dans ses rapports avec les autres
au sein de la famille ou en dehors. Le droit civil se compose de différentes subdivisions : le droit
des personnes, le droit de la famille, le droit des biens, le droit des obligations, le droit des
sûretés

- Le droit des affaires s’intéresse aux activités économiques exercées à titre professionnel.
Initialement, on parlait seulement de droit commercial : détermine les règles applicables aux
commerçants et aux actes de commerce. D’autres branches se sont développées : le droit des
sociétés, droit des transports, droit bancaire, droit boursier, droit de la concurrence, droit des
entreprises en difficulté, droit fiscal.

- Le droit social détermine les règles relatives aux relations de travail ainsi que les règles relatives
à la protection contre les risques. Deux branches : droit du travail (ensemble des règles ayant
pour objet dans le secteur privé les relations de travail entre employeur et salariés et régissant
les rapports d’emploi et les rapports professionnels qui présentent une dimension collective) et
droit de la protection sociale.

Autres matières qui relèvent du droit privé sans que l’on sache de laquelle de ces trois matières elles relèvent :
droit rural, droit international privé, droit des assurances, droit de la propriété intellectuelle, droit de la
consommation, droit de la construction, droit immobilier.
b. Le droit public

Ensemble des règles qui gouvernent l’organisation de l’Etat et ses démembrements et les rapports entre
l’Etat et les particuliers. Sa finalité est la satisfaction de l’intérêt général. Il s’agit d’un droit impératif, qui
laisse peu de place donc à la volonté des individus, et inégalitaire puisqu’il place les pouvoirs publics en
position favorable en leur conférant des prérogatives exorbitantes du droit commun.

Le droit public se subdivise en droit constitutionnel, droit administratif et finances publiques.

2. La relativité de la distinction droit privé/droit public

B. L’organisation juridictionnelle

1. Les juridictions nationales


- Dualité juridictionnelle
- Tribunal des conflits :
⇒ Le conflit positif : les deux ordres juridictionnels s’estiment compétents pour se prononcer
sur le litige qui leur est soumis/
⇒ Le conflit négatif : aucun des deux ordres juridictionnels ne s’estime compétent pour se
prononcer sur le litige qui leur est soumis. Ils déclinent leur compétence.
⇒ Le conflit de décisions (ou contrariété de jugement) : deux décisions contraires ont été
rendues par des juridictions appartenant à chacun des ordres dans un même litige. Le TC peut
trancher le litige au fond dans ce cas.
⇒ Le conflit de procédure : depuis la loi du 16 février 2015, le TC peut statuer sur la
responsabilité de l’État lorsqu’elle est engagée du fait de la lenteur des procédures afférentes à
un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en
raison des règles de compétence applicables ou devant lui. Autrement dit, il s’agit pour le
justiciable d’engager la responsabilité de l’État pour la lenteur de la procédure qu’il subit du fait
de la répartition des compétences qui impose de porter l’affaire devant les deux ordres de
juridictions

a. Juridictions de l’ordre judiciaire


- Juridictions du premier degré (juridictions civiles et commerciales : juridiction de droit
commun/juridictions d’exception ; juridictions répressives)
- Juridictions du second degré
- Cour de cassation

Premier Jugement – Juridiction du premier degré – 1ère instance


Juridictions civiles Juridictions spécialisées Juridictions pénales
Tribunal judiciaire Conseil de Cour d'assises
prud'hommes Crimes (infractions les plus
Litiges entre salariés ou graves) passibles de la
apprentis et employeurs réclusion jusqu'à la
portant sur le respect perpétuité
des contrats de travail
ou d'apprentissage Cour criminelle
départementale
Crimes passibles de 15 ou 20
ans de réclusion criminelle
Tribunal de Tribunal correctionnel
commerce Délits passibles
Litiges entre d'emprisonnement jusqu'à
commerçants ou 10 ans et d'autres peines
sociétés commerciales (amendes, peines
complémentaires, travail
d'intérêt général)
Tribunal paritaire des Tribunal de police
baux ruraux
Litiges entre
propriétaires et Contraventions de
exploitants de terre ou cinquième classe passible
de bâtiments agricoles d'amendes. Il statue à un juge
unique et siège au tribunal
d'instance.
À compter du 1er juillet
2017, les contraventions
seront jugées par le tribunal
de police, transféré au
tribunal de grande instance.

Juridictions pour mineurs


Juge des enfants Tribunal pour enfants Cour d'assises des
Prend des mesures Délits commis par les mineurs
de protection à mineurs. Crimes Crimes commis par des
l'égard des mineurs commis par les mineurs mineurs de plus de 16 ans
en danger. Juge les de moins de 16 ans
infractions
commises par des
mineurs

Appel – 2ème degré de juridiction


Cour d'appel
Lorsqu'une ou plusieurs personnes ne sont pas satisfaites du premier jugement, elles peuvent
faire appel. La Cour d'appel réexamine alors l'affaire.
Depuis le 1er janvier 2001, les verdicts des cours d'assises peuvent faire l'objet d'un appel devant
une nouvelle cour d'assises composée de 3 juges professionnels et de 12 jurés.

Contrôle (Pourvoi)
Cour de cassation
Cette juridiction ne juge pas l'affaire une troisième fois. Elle vérifie que les lois ont été
correctement appliquées par les tribunaux et les cours d'appel. Il y a une Cour de cassation pour
toute la République car son rôle est de faire en sorte que la loi soit appliquée de la même manière
sur tout le territoire.
b. Juridictions administratives

2. Les juridictions supranationales


a. Juridictions européennes
- CJUE et TUE (Union européenne)
- CEDH (Conseil de l’Europe)

b. Juridictions internationales
- CIJ
- Juridictions pénales internationales : CPI, TPIY, TPIR.

Paragraphe 2 : Les divisions par couches

Section 2 : Les rapports des parties entre elles


TITRE SECOND : L’ORIGINE DE LA REGLE DE DROIT

SOUS-TITRE 1 : LE FONDEMENT DE LA REGLE DE DROIT

CHAPITRE 1 : UNE AUTORITE SUPERIEURE ET EXTERIEURE A L’HOMME

- Jusnaturalisme et positivisme
- Volontarisme et normativisme
- Sociologie et utilitarisme

CHAPITRE 2 : L’HOMME

SOUS-TITRE 2 : LA SOURCE DE LA REGLE DE DROIT

CHAPITRE 1 : LES SOURCES FORMELLES DU DROIT : LES TEXTES

Section 1 : L’identification des textes

Paragraphe 1 : Les catégories de textes

A- Les textes d’origine interne

1. La Constitution
2. La loi
a. Présentation
b. Importance

3. Les règlements
- Les ordonnances
- Les règlements autonomes
- Les règlements d’application

B- Les textes d’origine supranationale


- Les conventions internationales
- Les textes du droit européen des droits de l’homme
- Les textes du droit de l’Union européenne

Paragraphe 2 : La vigueur des textes

A- L’entrée en vigueur des textes


B- La sortie de vigueur des textes
Section 2 : Les conflits des textes

Paragraphe 1 : Les conflits entre textes de l’ordre juridique interne

A- Les conflits entre normes hiérarchisées du droit étatique


1. Le conflit entre loi et Constitution : le contrôle de constitutionnalité
2. Le conflit entre loi et règlement : le contrôle de légalité

B- Les conflits entre normes de même valeur : les conflits de lois dans le temps

Paragraphe 2 : Les conflits entre textes d’ordres juridiques différents

A- Les conflits de lois dans l’espace

B- Les conflits entre droit étatique et droit supranational


1. Le conflit entre loi et droit supranational : le contrôle de conventionnalité
2. Le conflit entre Constitution et droit supranational :
- Constitution et droit international
- Constitution et droit de l’Union européenne

CHAPITRE 2 : LES SOURCES MATERIELLES DU DROIT

Section 1 : L’interprétation

Section 2 : La pratique
SECONDE PARTIE : LES DROITS SUBJECTIFS
TITRE PREMIER : LA NOTION DE DROIT SUBJECTIF

TITRE SECOND : LA REALISATION DES DROITS SUBJECTIFS

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