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LA TENTATIVE
La tentative est une action coupable destinée à la réalisation dune infraction, mais qui
naccomplit pas la totalité de ses éléments constitutifs. Elle se situe sur la trajectoire « Iter
criminis » de linfraction. Toute la difficulté réside dans lappréciation du moment qui va
rendre la tentative punissable. Sur ce point deux visions sopposent. Selon une conception
objective défendue par la doctrine allemande du XIXème siècle, la répression de la tentative
étant subordonnée à la production dun trouble social et proportionnée à sa gravité, la
tentative doit devenir punissable chaque fois quun tel trouble a été constaté et quun acte
matériel dexécution tendant à le réaliser a été commis.
Selon une conception subjective défendue par les positivistes italiens, et nettement
plus répressive, subordonnant la répression à limmoralité et à la dangerosité du sujet et non
plus au résultat de ces actes, la sanction doit pouvoir intervenir dès que lactivité délictueuse
sest manifestée de quelque manière que ce soit. Le législateur n a pas fait sienne lune de ses
théories dans sa globalité. Il a plutôt opté pour une solution de compromis. Semblant se
référer à la conception objective quand il sagit dapprécier les éléments de la tentative
punissable (I), il adopte la conception subjective pour mesurer sa répression (II).
Selon larticle 121-5 du nouveau code pénal, la tentative est constituée « dès lors que
manifestée par un commencement dexécution, elle na pas été suspendue ou na manqué son
effet quen raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». La tentative
suppose donc la réunion de deux conditions : un élément matériel, le commencement
dexécution (A) et élément psychologique, linterruption involontaire dans lexécution (ou
désistement volontaire) (B).
A. Le commencement dexécution
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Les actes préparatoires (à la commission dune infraction) nautorisent pas davantage
la répression. Ils constituent le stade auquel lagent commence à réunir les moyens quil a
préparé pour passer à laction et consommer linfraction. De tels actes préparatoires ne
suffisent pas à établir un commencement dexécution qui ne peut être certain quà partir du
moment où lagent met en uvre les différents moyens quil a réuni pour passer à laction
délictueuse proprement dite. Par exemple, la remise dargent pour « lexécution dun contrat »
à un tueur à gages constitue de simples actes préparatoires non punissables (Affaire Laceur,
Chambre criminelle du 2 octobre 1962 ), ce comportement peut toutefois, sil est suivi
deffets, permettre de caractériser un cas de complicité par instigation).
Le commencement dexécution constitue donc sur l« Iter criminis » une étape
intermédiaire, entre la pensée ou la résolution criminelle et la consommation de linfraction.
Ce concept est difficile à saisir, dans le sens où le législateur ne la pas lui-même défini.
Schématiquement, on peut dire quil englobe lensemble des actes matériels par lesquels le
délinquant extériorise sa volonté de commettre linfraction. Il ne peut être certain, que lorsque
lactivité délictueuse, tout en nétant pas parvenue à son terme, est néanmoins entrée dans sa
phase dexécution. Cest la Cour de cassation, exerçant un contrôle sur lappréciation
judiciaire du commencement dexécution qui a, peu à peu, défini les contours de cette notion.
Selon la chambre criminelle, il y a commencement dexécution dès lors quest constaté par les
juridictions du fond « un acte qui tend directement au délit avec lintention de le commettre »,
« un acte ayant pour conséquence directe la préparation dun crime ou un délit » ou « un acte
ayant pour conséquence directe la consommation dune infraction ».
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volonté bien arrêtée de commettre linfraction, quils constituent des actes univoques
susceptibles de recevoir quune seule interprétation, par opposition aux actes équivoques
susceptibles dinterprétations diverses, comme cest le cas des actes préparatoires. Cette
conception, donnant une place centrale à des considérations subjectives, est critiquée par de
nombreux auteurs dans la mesure où elle donne lieu à des appréciations fluctuantes pour des
actes identiques. A cet égard, on ne manquera de regretter, en cas dhésitation, à limportance
accordée aux antécédents judiciaires de lagent (ainsi un acte qualifié de préparatoire parce
quil est considéré comme équivoque lorsquil est commis par un délinquant primaire, pourra
être qualifié dunivoque et permettre de caractériser un commencement dexécution sil a été
commis par un multirécidiviste).
Le désistement est sans doute volontaire lorsquil est spontané, cest-à-dire, lorsquil
nest déterminé par aucune cause extérieure à lagent, mais par la seule décision de celui-ci,
quel quen ait été le motif (pitié, remords, crainte du châtiment). En outre, pour que ce
désistement volontaire autorise limpunité de son auteur, il doit être antérieur à la
consommation de linfraction. En effet, sil intervient après, il sanalyse en un repentir actif
sans effet sur la responsabilité pénale de son auteur, car le résultat prohibé par la loi aura bien
été atteint. Deux exemples permettront de distinguer cette situation entre désistement
volontaire antérieur à la consommation de linfraction et repentir postérieur inopérant. Un
individu sintroduit dans une maison pour tenter dy commettre un cambriolage : si une fois
sur place, il quitte les lieux et renonce à dérober les objets, il y a désistement volontaire ; si
après sêtre emparé des objets, il revient les rapporter, il y a repentir actif et la tentative de vol
reste punissable.
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II. La répression de la tentative
Selon larticle 121-4 du NCP, la tentative de crime est toujours punissable, sauf texte
contraire. La tentative de complicité nest pas punissable, à la différence de la complicité de la
tentative.
- Soit parce que leur répression exige un résultat (cest le cas des atteintes à lintégrité
physique : leur répression étant subordonnée à la gravité du préjudice subi, il semble guère
concevable quune quelconque répression puisse sappliquer si aucun résultat nest intervenu).
-Soit parce que par nature, leur tentative est inconcevable (cest le cas par exemple,
des infractions de négligence ou dimprudence, la tentative étant toujours intentionnelle ou
des infractions domission, car il semble difficile de tenter de sabstenir).
- Soit parce que leur tentative est érigée par la loi en infractions autonomes (par
exemple, la corruption est consommée par une offre même non acceptée). Pour ces dernières
infractions que lon qualifie de formelles, la loi laisse parfois une place à la tentative. Ainsi en
est-il de lempoisonnement.
Il y a infraction manquée, lorsque lagent na obtenu aucun résultat par suite de sa
maladresse, de son étourderie ou dune cause fortuite (meurtrier ne sachant pas tirer, qui
manque sa victime). Au regard de sa dangerosité, ce délinquant ne mérite aucune indulgence,
et larticle 121-5 du NCP assimilant totalement la tentative qui a été suspendue à celle qui a
manqué son effet, lagent peut être puni, toutes les fois que la tentative de linfraction quil a
manqué est incriminée.
Plus complexe est la question de linfraction impossible, ici, le résultat voulu par
lagent et prohibé par la loi na pas été atteint en raison dune impossibilité matérielle ignorée
de lui. Quoique, sans conséquence dommageable pour la société, linfraction impossible doit
être réprimée car elle révèle la dangerosité de son auteur. Dans une première approche, elle se
rapproche du délit tenté. Mais, si dans le délit tenté, le résultat pouvait matériellement se
produire, ce nest pas le cas du délit impossible. Dès lors la question de son éventuelle
répression na pas manqué de se poser. Nétant que très rarement réglée par la loi, linfraction
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impossible a donné lieu à de nombreuses constructions doctrinales bâties autour de la
possibilité de lassimilation de délit impossible au délit tenté.
Dautres ont proposé des solutions de compromis. Certains ont proposé de distinguer
limpossibilité absolue, autorisant limpunité car elle est liée à linexistence de lobjet de
linfraction (pickpocket qui plonge sa main dans une poche vide) ou de linefficacité totale
des moyens employés (coups de feu tirés à blanc) et limpossibilité relative liée à lexistence
de moyens, mais momentanément inefficaces nexcluant pas la répression.
Dautres ont proposé de distinguer limpossibilité de droit à limpunité car elle est liée
à labsence dun des éléments constitutifs de linfraction (décès antérieur de la victime dans le
cas dun meurtre) et limpossibilité de fait tenant à linefficacité des moyens potentiellement
efficaces (manuvres abortives pratiquées à laide de substances anodines) ne faisant pas
obstacle à la sanction. Toutes ces solutions présentent linconvénient dêtre transactionnelles
et de ne tenir aucun compte de lindividu qui parfois peut rester impuni alors quil a commis
un acte nuisible par la société.
Ainsi, la chambre criminelle a jugé dans un arrêt du 18 janvier 1986 quétait coupable
dhomicide volontaire une personne « qui croyant sa victime encore en vie, avait exercé sur
elle des violences dans lintention de lui donner la mort, alors que le décès de la victime,
antérieur aux violences, était une circonstance indépendante de la volonté de son auteur ».
Le droit français puni aussi sévèrement lauteur dune tentative que lauteur dune
infraction. Cette solution repose sur lidée que ce premier a eu un comportement aussi
répréhensible que le second puisquil na vu son acte interrompu quen raison dune
circonstance extérieure.