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Rapport général
Reynald OTTENHOF *
Introduction
2. Cette vision ancienne n’a plus cours aujourd’hui. Les raisons de cette mutation
sont multiples. On se bornera à signaler, sans entrer dans les détails : l’intérêt
envers les questions relatives à l’enfance, l’essor démographique, la montée de
la délinquance juvénile, le développement des services sociaux, etc… D’abord
sensibles dans les systèmes juridiques nationaux, ces transformations ont
rencontré un écho au plan international, grâce aux Organisations non
gouvernementales dont l’action s’est trouvée relayée par les Organisations
internationales,. C’est ainsi qu’un large mouvement humanitaire en faveur de la
protection de l’enfance a conduit à l’adoption d’instruments internationaux plus ou
moins contraignants, qui ont à leur tour influencé l’évolution des droits nationaux.
4. Cela dit, le droit pénal des mineurs représente un domaine suffisamment vaste
pour nécessiter une délimitation rigoureuse du thème dans le questionnaire
correspondant 3. Compte tenu de la méthode traditionnellement suivie dans
l’organisation scientifique de nos Congrès internationaux, caractérisée par la
division en quatre sections correspondant aux divisions majeures de la science
pénale (partie générale, partie spéciale, procédure pénale, droit pénal
international), il a semblé utile de circonscrire le domaine à la question de la
responsabilité pénale des mineurs. Un tel choix mérite d’être justifié et précisé.
général, il est juste de remarquer que les questions posées débordent très
largement le strict domaine du droit pénal général pour s’étendre au domaine de
la procédure, voire aux aspects de droit pénal international.
6. A ce jour, 23 rapports nationaux ont été adressés au rapporteur général (dont près de la
moitié après le déroulement du colloque préparatoire !) : il s’agit des pays suivants :
Algérie, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Colombie, Croatie, Espagne, Etats Unis
d’Amérique, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Iran, Japon, Mexique, Pologne, Portugal,
République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède, Tunisie. En outre, le Centro Nazionale
di Prevenzione e Difesa Sociale de Milan (Italie) a adressé une contribution spéciale,
s’inspirant de la législation italienne.
28 International Review of Penal Law (Vol. 75)
11. Si, en vertu du principe de légalité, le principe trouve sa source dans la loi, il
est rarement exprimé de façon expresse. Il s’induit plutôt des conséquences que
le législateur a déduites d’un fondement implicite, reposant sur plusieurs
conceptions que l’on peut regrouper comme suit.
12. Dans une conception que l’on peut qualifier de classique, le fondement de la
responsabilité du mineur – ou, pour mieux dire, de son irresponsabilité - repose
sur le modèle de responsabilité des majeurs. Plus exactement, le point de départ
de la responsabilité pénale correspond, dans les législations qui appliquent ce
modèle, avec l’âge de la majorité pénale. En dessous de cet âge, le mineur est
réputé irresponsable. La doctrine considère qu’il s’agit d’une présomption
d’irresponsabilité. Cette présomption est tantôt absolue, tantôt relative 8. La
plupart du temps, la mesure de la peine (sa durée ou son quantum) dépend de la
force de la présomption, selon que celle-ci peut être écartée ou non, ce qui
revient à établir des degrés plus ou moins élevés de responsabilité/irresponsa-
bilité.
Un tel fondement repose sur une fiction : Le mineur, plus ou moins responsable
selon son âge, et, par conséquent plus ou moins punissable, voit la peine qui lui
est applicable constituer une fraction (en général la moitié) de la peine applicable
7. V. sur cette question des systèmes et des modèles de justice pénale : « Les systèmes
comparés de justice pénale : De la diversité au rapprochement, Nouvelles Etudes Pénales,
vol. 17, éd. Erès, 1998.
8. V. infra n°20 et s., la question des seuils d’âge.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 29
La lecture des rapports nationaux, sans être toujours éclairante sur ce point,
laisse supposer qu’un tel fondement demeure assez largement répandu dans bon
nombre de législations, même s’il n’est pas toujours affirmé expressément 9.
13. Dans une seconde conception, plus moderne, que l’on peut qualifier de
criminologique, l’aptitude du mineur à répondre de ses actes n’est plus fondée sur
le concept de responsabilité, mais sur celui de capacité pénale. On parle parfois,
en ce cas, de dangerosité sociale, par référence à la notion criminologique d’état
dangereux. On en vient ainsi à justifier l’intervention avant même la commission
d’un « fait qualifié infraction », rappelant ainsi la notion d’état dangereux
prédélictuel 10. Là encore, la notion n’est pas dépourvue d’ambiguïté, dans la
mesure où le « mineur dangereux » peut ainsi se révéler un « mineur en
danger », justifiant la mise en œuvre de mesures de protection 11.
14. En dehors de ces deux conceptions, on rencontre des fondements divers, soit
en vigueur dans certains pays, soit à l’état de projet de réforme. Certains pays,
tels la Suède, préfèrent parler de « punissabilité » (punishability), considérée
comme moins « métaphysique » que le concept de responsabilité, même si, en
pratique, la différence entre les deux concepts n’a guère de conséquences
substantives. Il faut reconnaître une certaine tendance à éviter la référence
expresse au concept de responsabilité, tel qu’il existe à l’égard des majeurs, en
raison des incertitudes doctrinales qui planent sur les notions de culpabilité,
d’imputabilité, ainsi que sur le régime des causes de non imputabilité.
15. Il faut cependant noter une tendance récente dans certaines législations, à
substituer au principe classique fondé sur la présomption d’irresponsabilité du
mineur le principe contraire de la responsabilité du mineur. Deux raisons
expliquent un tel renversement de tendance 12.
La première raison réside dans le souci de manifester à l’égard des mineurs une
plus grande sévérité. Devant l’aggravation de la délinquance juvénile,
l’augmentation du sentiment d’insécurité, attribuée, souvent à tort, aux
18. Ceci étant, il apparaît que dans la plupart des rapports nationaux l’âge de la
majorité pénale fixée par les législations se situe à dix huit ans. D’autres
législations nationales retiennent un âge inférieur : dix sept ans (Finlande, Grèce,
Pologne) ou seize ans (Portugal, Roumanie, Tunisie).
19. Bon nombre de rapports nationaux font état d’une tendance de l’opinion
publique, relayée par certains milieux politiques, à vouloir abaisser l’âge de la
majorité pénale 16. Si, comme il a été indiqué supra, une telle tendance peut
paraître justifiée en raison d’une maturité plus précoce de la jeunesse, elle
s’inspire bien souvent du souci, en présence d’un rajeunissement de l’âge moyen
de la délinquance des mineurs, de faire entrer plus tôt les jeunes délinquants
dans le système répressif applicable aux majeurs 17. Sans anticiper sur les
développements ultérieurs relatifs aux sanctions pénales applicables aux
mineurs18, il importe dès à présent de souligner le caractère funeste d’une telle
tendance qui conduit à exposer un enfant de moins de dix huit ans (ou moins
encore) à des sanctions pénales très graves : emprisonnement de longue durée,
voire peine capitale. C’est pourquoi le rapporteur général, conscient d’exprimer
les prises de position formulées par l’Association Internationale de Droit Pénal,
souhaite que cette Section recommande fermement à l’Assemblée Générale
d’adopter une résolution en faveur de l’âge de dix huit ans. Et s’il apparaît naturel
qu’un tel âge soit fixé par la loi, il est permis de souhaiter que cette loi ait valeur
constitutionnelle 19.
20. Il s’agit d’une question très controversée diversement traitée dans les
législations nationales. Les réponses apportées sur ce point dans les rapports
nationaux sont parfois difficiles à interpréter, en raison d’une confusion sur le
sens de la question posée. En effet, la question du seuil d’âge minimum revêt un
double aspect.
21. 1) Dans un premier sens, il s’agit de savoir s’il existe un seuil d’âge
minimum, fixé par la loi (ou la jurisprudence) à partir duquel l’autorité judiciaire est
compétente pour juger le mineur auteur d’un fait qualifié infraction 20 et prononcer,
à raison de ce fait, une mesure éducative prévue par la loi. A contrario, en
dessous de cet âge, aucune mesure n’est applicable à raison de ce fait. Seules,
le cas échéant, peuvent être ordonnées des mesures de nature civile ou
16. Le rapport des Etats Unis signale la tendance de divers états à s’aligner sur l’exemple
de l’Illinois, dont le modèle de justice juvénile s’applique aux mineurs de seize ans.
17. V. supra, n°15, spécialement note 13.
18. Comp. Infra n° 36 et s.
19. C’est le cas par exemple du Brésil.
20. Cette expression, empruntée à l’article 36, 4° de la loi belge du 8 avril 1965, rappelle
que le fait est objectivement punissable, mais ne peut être imputé au mineur à raison de
son âge.
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23. Compte tenu de la diversité des solutions adoptées par les législations
nationales, il apparaît difficile de déterminer un âge moyen permettant de situer
ce seuil d’âge minimum à partir duquel peut intervenir l’autorité judiciaire à raison
d’un fait qualifié infraction. En effet, s’agissant d’un critère subjectif, lié au
développement psychologique du sujet, cet âge varie en fonction de
considérations multiples : géographiques, physiologiques, économiques, sociales
etc… Il apparaît donc difficile de fixer de façon rigide un seuil d’âge uniforme,
applicable à l’ensemble des systèmes juridiques 23. Tout au plus est-il permis de
souhaiter que cet âge ne soit pas trop bas, si l’on veut bien considérer le
caractère psychologiquement traumatisant que représente, pour un enfant, une
comparution devant une instance judiciaire.
21. On citera, par exemple, les mesures applicables en France à l’égard des mineurs en
danger (art. 375 et s., C. Civ. français).
22. Cette définition est empruntée à un célèbre arrêt de la Cour de Cassation française
(Arrêt Laboube, Cass. Crim., 13 déc. 1956, Bull. Crim. n°840).
23. La question se pose dans des termes comparables à ceux que nous avons rencontrés
pour la détermination de l’âge de la majorité pénale (v. supra n°17 et s.).
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25. Sur ce point, les rapports nationaux, s’ils représentent des solutions variables
en fonction des considérations particulières ci-dessus évoquées, permettent de
situer aux alentours de quatorze ans la moyenne d’âge retenue pour ce seuil
minimum. La question de l’opportunité d’une part de retenir un seuil d’âge
identique et, d’autre part, de l’inscrire dans l’une de nos recommandations,
constitue certainement l’un des points essentiels des débats de la présente
Section du Congrès. Il appartient de mesurer pleinement la portée d’un tel débat,
dont les aspects sont loin d’être exclusivement théoriques, voire purement
symboliques. Car, par delà l’attachement de chaque pays à un âge minimum,
souvent hérité d’une tradition législative bien ancrée dans l’ensemble du système
juridique national, tout mouvement concernant l’abaissement ou l’élévation de cet
âge entraîne des conséquences pratiques importantes en ce qui concerne la
possibilité de faire entrer de manière plus ou moins prématurée le mineur dans le
système punitif. C’est donc toute l’économie du modèle de justice pénale
applicable aux mineurs qui s’en trouve affectée.
Sous l’influence des politiques criminelles répressives, inspirées par les courants
sécuritaires imputant à la jeunesse l’aggravation de la délinquance dans son
ensemble, l’idée est souvent répandue selon laquelle cette aggravation est due à
la trop grande indulgence dont feraient preuve les tribunaux à l’égard des
mineurs. Le modèle dit « de protection » est mis en accusation. L’opinion
publique réclame moins de mesures éducatives et davantage de sanctions
pénales, en particulier à l’égard des mineurs proches de l’âge de la majorité.
L’abaissement du seuil d’âge minimum à partir duquel une mesure répressive
peut être prononcée constitue le moyen le plus simple d’obtenir légalement un tel
résultat.
Mail il y a plus ! Si, de tout temps, il a paru évident qu’en dessous du seuil d’âge
minimum, seules les mesures éducatives d’assistance ou de protection étaient
susceptibles de s’appliquer, on voit émerger l’idée selon laquelle la sanction peut
revêtir un caractère éducatif, qu’il n’y aurait pas d’éducation sans contrainte, ce
qui permettrait de prononcer, à raison d’un fait qualifié infraction, des mesures
coercitives à un âge très précoce.
24. V. en particulier, sur ce point, les excellents développements contenus dans le rapport
de la Belgique (F. 1 et 2).
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 35
28. Cette élévation du seuil d’âge supérieur, au-delà de la majorité pénale, voire
de la majorité civile lorsque celle-ci est plus élevée, se retrouve dans la plupart
des rapports nationaux, même si les conséquences procédurales ou relatives aux
mesures applicables à cette catégorie de mineurs varient d’un pays à l’autre 26.
29. Une telle proposition peut paraître paradoxale, au regard de la tendance, ci-
dessus constatée, en faveur d’un abaissement des seuils d’âge, tant de la
majorité pénale, que du seuil minimum de l’intervention judiciaire et de
l’application de sanctions. Il est à craindre que les propositions en faveur de
25. Pour une analyse critique de la notion de « sanction éducative », v. également les
développements contenus dans le rapport de la Belgique, et spécialement la note 18.
26. Ces conséquences seront examinées ultérieurement tant au niveau procédural qu’au
niveau des mesures applicables.
36 International Review of Penal Law (Vol. 75)
Ces considérations montrent tout l’intérêt que revêt à l’égard des mineurs la
nécessité de procéder à des investigations relatives à leur personnalité avant
toute décision concernant le choix des mesures applicables, y compris au-delà de
l’âge de la majorité pénale 27, voire au moment même de la constatation judiciaire
de la responsabilité.
27. V. infra n° 34 et s.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 37
Dans cette hypothèse, il est même possible d’envisager deux degrés dans la
spécialisation.
38 International Review of Penal Law (Vol. 75)
1°) La nature des investigations varie selon qu’il s’agit d’une véritable expertise
ou d’investigations plus spécialisées. L’expertise est confiée par le juge à des
spécialistes, choisis sur une liste de professionnels spécialement désignés à cet
effet. La mission de l’expert portera, selon les cas, sur la détermination de la
responsabilité/irresponsabilité du mineur, ou sur le point de savoir si celui-ci a agi
avec discernement 30.
2°) Le moment auquel ces diverses interventions sont réalisées est extrêmement
variable selon les rapports nationaux. Certaines peuvent être effectuées à tout
moment de la procédure. D’autres sont exigées avant toute saisine au fond.
36. Afin d’assurer une meilleure protection des victimes, divers moyens sont
susceptibles d’être mis en œuvre.
1°) Une première solution consiste à ouvrir plus largement la possibilité, pour la
victime, de se constituer partie civile dès le début de la procédure, ce qui lui
permet d’être informée du déroulement de celle-ci, de faire valoir ses droits et
d’établir les éléments permettant d’évaluer le montant de son préjudice. Cette
solution présente toutefois l’inconvénient de retarder jusqu’au jugement sur le
fond, portant sur la responsabilité du mineur, la décision d’indemnisation.
36. Sur ce point les rapports nationaux dressent un panorama très complet et très
diversifié des sanctions et mesures applicables aux mineurs. La synthèse est
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 41
rendue difficile, en raison des grandes différences qui affectent cette partie du
droit pénal des mineurs.
D’une part, en effet, ce domaine reflète, plus que tout autre, le particularisme des
droits nationaux, plus ou moins sanctionnateurs et plus ou moins ouverts à
l’existence de mesures éducatives. D’autre part, les multiples réformes ayant
affecté ce domaine, moins stable que celui des majeurs, ont contribué à créer des
systèmes complexes, dont la compréhension est souvent malaisée. Enfin, il n’est
pas certain que l’examen du dispositif législatif permette de rendre compte des
pratiques effectives des juridictions en la matière, soumises aux aléas de la
politique criminelle du moment, aux phénomènes de mode, voire aux variations
des sensibilités personnelles des magistrats. Bien souvent, en matière de
sanctions, le droit pénal des mineurs constitue une sorte de laboratoire au sein
duquel sont expérimentées des solutions susceptibles d’être étendues, le cas
échéant, au domaine des majeurs.
1°. La première modalité concerne l’autorité ayant qualité pour l’ordonner. Dans
tous les cas, il s’agit d’un magistrat appartenant soit à l’autorité de poursuite, soit
à l’autorité d’instruction ou de jugement. Une attention particulière doit être
apportée aux garanties qui entourent le prononcé d’une mesure aussi grave,
susceptible de perturber gravement la personnalité du mineur, voire de le
conduire au suicide en raison du « choc carcéral ». C’est pourquoi il importe de
ne prononcer cette mesure qu’à la suite d’investigations préalables et lorsque l’on
s’est assuré qu’il n’y avait pas de solution alternative. Aussi, certaines législations
rendent-elles obligatoires de telles investigations, avant même toute saisine au
fond. Au surplus, s’agissant d’une mesure gravement attentatoire à la liberté,
l’existence d’un débat contradictoire et l’intervention d’un défenseur au moment
du prononcé de la mesure devraient toujours constituer la règle.
42 International Review of Penal Law (Vol. 75)
2°. La seconde modalité concerne la durée de la mesure. Celle-ci varie selon les
pays, certains ne mentionnant aucune durée légale. Plus souvent, la loi contient
des délais, parfois renouvelables, au-delà duquel la détention ne peut être
prolongée. La durée varie selon la gravité de l’infraction poursuivie. Ce type de
détention constitue une « sanction déguisée », anticipant sur la sanction finale, la
juridiction de jugement se voyant contrainte de prononcer une peine de durée
équivalente pour « couvrir » la détention déjà effectuée.
3°. La troisième modalité concerne le lieu dans lequel est accomplie la détention
avant jugement. S’il est précisé, comme cela apparaît évidemment souhaitable,
que celle-ci doit être exécutée dans des établissements distincts de ceux où sont
détenus des majeurs, la réalité est parfois bien différente. La promiscuité peut
aller jusqu’à l’enfermement en commun avec des majeurs. Qu’il soit permis à
votre rapporteur de suggérer que cette solution, souvent justifiée par la
surpopulation carcérale, soit fermement condamnée dans nos résolutions finales.
40. Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler une fois encore la nécessité de
respecter rigoureusement en la matière, au même titre que pour les majeurs, le
principe de légalité, non seulement pour la détermination de l’existence du « fait
qualifié infraction », condition préalable nécessaire à la décision sur la
responsabilité, mais encore le principe de légalité des sanctions et des autres
mesures applicables. Le choix de la nature de celles-ci ne peut être laissé à
l’appréciation personnelle du juge. Il en va de même de la légalité du jugement.
Celui-ci doit intervenir dans les formes et dans le respect des droits du mineur, de
sa famille et, le cas échéant, de la ou des victimes. Nullum crimen, nulla poena,
nullum judicium sine lege demeurent des principes cardinaux qui doivent
s’appliquer sans exception à la justice des mineurs.
31. V. supra n° 30 et s.
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32. Il peut apparaître parfois nécessaire que ce défenseur soit différent de celui choisi par
les parents, lorsqu’il existe un conflit d’intérêt entre ceux-ci et le mineur.
33. V. supra n° 39 et s.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 45
Enfin, l’âge à partir duquel la privation de liberté peut être prononcée, à titre de
sanction comme à titre provisoire avant jugement 34 devrait figurer dans la loi. Il
s’agit là d’un seuil d’âge distinct de ceux dont il a été discuté plus haut à propos
de la fixation de l’âge de la majorité ou du seuil minimum de l’intervention
judiciaire 35. En effet, nous avons souligné la nécessité de dissocier ces seuils de
celui à partir duquel une sanction pénale peut être prononcée, afin d’éviter l’effet
pervers que pourrait entraîner l’abaissement de l’un quelconque de ces seuils.
S’agissant de la privation de liberté, celle-ci ne devrait, semble-t-il, intervenir
avant l’âge minimum de seize ans, et pour autant que les investigations
préalables ordonnées par le juge soient compatibles avec une telle décision.
45. Dans les mêmes conditions, et pour les mêmes raisons que celles
envisagées comme moyen d’éviter la détention avant jugement 36, des mesures
alternatives à la privation de liberté prononcée à titre de peine sont prévues par
certaines législations. Elles sont, le plus souvent, de même nature que celles-ci et
n’ont alors pour effet que de les prolonger au-delà du jugement, voire d’en
34. V. supra n° 37 et s.
35. V. supra n° 17 et s.
36. V. supra n° 38.
46 International Review of Penal Law (Vol. 75)
46. Sous ce terme générique, on rangera toutes les mesures susceptibles d’être
prononcées après décision sur la « responsabilité du mineur », et, d’une manière
générale, après reconnaissance de sa qualité d’auteur du « fait qualifié
infraction ». Sans entrer dans la liste de ces mesures, au contenu varié en
fonction de la spécificité des législations nationales et du modèle de justice
auxquelles celles-ci se réfèrent, plusieurs problèmes se posent.
2°) D’autres modèles, plus rares, ne font pas obstacle à la voie cumulative.
Sanctions et mesures éducatives peuvent alors faire l’objet d’une application
simultanée ou successive. On rappellera que sous l’influence des tendances
favorables à la « repénalisation » du droit des mineurs, certains pays jusqu’alors
favorables à la prévalence des mesures éducatives, s’orientent vers le choix de
« sanctions éducatives », au point de substituer au modèle alternatif un modèle
que l’on pourrait qualifier de « mixte ». Seul un examen attentif du contenu
concret de ce type de « sanction », de ses modalités d’exécution, du degré de
contrainte qu’elle comporte, permet de dire s’il s’agit véritablement d’une peine ou
d’une mesure éducative.
3°) Une attention particulière doit être accordée aux conditions dans lesquelles
est ordonnée la mesure éducative. Si son prononcé doit, dans tous les cas, être
réservé à une autorité judiciaire (de jugement), il faut être attentif au plus ou
moins grand degré de liberté laissé par le juge quant au contenu et à l’exécution
de la mesure.
Il faut rappeler avec force que le prononcé d’une telle mesure, dont le contenu
entraîne à l’égard de la personnalité du mineur, de sa liberté personnelle, de son
intimité, etc…, et des droits de ses parents des conséquences importantes, doit
être entouré des garanties procédurales identiques à celles qui entourent le
prononcé d’une sanction 38. Il faut, bien entendu, se référer également à ce qui a
été débattu au sujet de l’âge minimum et maximum du prononcé et de la durée de
ces mesures.
Il faut bien reconnaître que ces aspects n’ont pas toujours trouvé dans bon
nombre de rapports nationaux l’intérêt attendu. Il est permis de penser que
l’importance des questions précédentes, examinées au regard du droit interne, a
pu contribuer à conférer aux aspects internationaux un caractère subsidiaire.
Votre rapporteur s’est vu contraint d’en tirer les conséquences. Les débats
permettront de dire si le diagnostic peut être confirmé.
1°) Outre l’application quasi générale de la Convention des Nations Unies sur les
droits civils et politiques et de ses protocoles, une place éminente doit être faite à
la Convention Internationale des Droits de l’Enfant 39, qui avait été précédée par
l’adoption des Règles minima pour l’administration de la justice des mineurs, dites
« Règles de Beijing » 40. La principale question soulevée par les rapports
nationaux concerne la question de savoir si les règles édictées par cette
Convention sont d’application directe en droit interne ou si elles ne peuvent
s’appliquer qu’après transposition en droit interne. A cet égard, les réponses sont
variées et n’ont pas toujours été tranchées de façon claire et définitive par les
tribunaux. Bien souvent, la réponse à cette question dépend de l’autorité que la
Constitution accorde aux Traités internationaux par rapport à la loi interne.
2°) Le Traité de Rome instituant de Cour Pénale Internationale (CPI) fixe, dans
son article 26, à dix huit ans l’âge à partir duquel la Cour est compétente. On se
félicitera de la fixation de cet âge à un niveau aussi élevé, sachant qu’il n’est pas
rare que des mineurs d’un âge inférieur soient engagés ou enrôlés de force dans
des conflits armés. En vertu du principe de subsidiarité, c’est donc aux juridictions
nationales qu’il incombera de juger, le cas échéant, de tels mineurs.
39. Convention de New York adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 20
nov. 1989.
40. Résolution 40/33, Assemblée Générale des Nations Unies, 29 nov. 1985.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 49
49. Parmi les mineurs les plus vulnérables, une attention particulière doit être
portée aux mineurs étrangers. Sous l’effet de la mondialisation, de
l’accroissement des migrations de population, du développement de la traite des
êtres humains, cette catégorie de mineurs se retrouve en nombre croissant parmi
les mineurs délinquants. Les mineurs auteurs sont aussi, bien souvent, des
mineurs victimes. Livrés au vagabondage, à la mendicité, à la prostitution ; initiés
au chapardage, à l’usage et au trafic de stupéfiants, ils sont perçus bien souvent
comme des facteurs majeurs du sentiment d’insécurité et se trouvent ainsi
exposés aux rigueurs des politiques criminelles sécuritaires. L’expérience prouve
qu’ils font l’objet d’une plus grande sévérité de la part des tribunaux.
Conclusion
Ramdane ZERGUINE˚*
A l’instar de la plupart des législations des pays européens, le droit algérien, qui
s’inspire largement du droit français, ne retient la responsabilité pénale des
mineurs qu’à titre exceptionnel, faisant de l’irresponsabilité du mineur le principe
de base, et cela par référence à l’absence présumée de raison et de
discernement chez le mineur 1.
Cette irresponsabilité ne semble pas pour autant exclure toute mise en cause du
mineur, notamment par la partie civile ; ce sont les parents ou le répondant
(tuteur) du mineur qui supporteront la responsabilité civile du fait du mineur (art.
135 C. Civ.). L’action est dirigée contre le mineur représenté par son répondant
(art. 146 CPP 3), toutefois le mineur est obligé de réparer, même en l’absence de
discernement, s’il a un patrimoine et que la victime ne peut obtenir réparation du
répondant (art. 125 C. Civ.).
A propos de ce cas, il faut signaler l’utilisation parfois abusive de l’article 330/3
1. La notion de raison diffère de celle de discernement (la première est limitée à l’âge de
10/13 ans, tandis que la seconde concerne le mineur de 13/16 ans).
2. Ordonnance du 26 sept. 1975 portant Code Civil.
3. Code de procédure pénale, Ordonnance du 8 juin 1966.
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Code pénal 4 par les parquets qui peut aboutir, en pratique à une responsabilité
pénale des parents du fait de leurs enfants mineurs.
Il est en principe soumis au même régime que le mineur de treize ans parce que
l’âge de raison, par analogie avec le discernement, est fixé à seize ans comme
indiqué ci-dessus, mais en raison de la divergence entre le Code Civil et le Code
Pénal sur ce point, le mineur de treize à seize ans peut être soumis à des peines
atténuées, en bénéficiant de l’excuse de minorité (art. 445 C. P.P.) 5. L’absence
de discernement est en principe limitée au domaine civil (à noter qu’il y a
également divergence entre la majorité civile fixée à dix-neuf ans, art. 40 C.C.iv.)
et la majorité pénale fixée à dix-huit ans (art. 442 C. P.).
La loi laisse au juge une option entre sanction éducative (le principe) ou un peine
atténuée (exception). Le choix se fera en fonction du dossier psycho-social du
mineur, de sa personnalité, de ses antécédents, de la gravité de l’acte et du
préjudice causé par l’infraction. Cette solution, en apparence plus souple et mieux
adaptée, semble discutable, en raison de la finalité différente des deux types
d’intervention, éducatif et répressif (d’ailleurs, le cumul est rare en pratique). De
plus, le droit algérien ne prévoit pas le recours aux sanctions alternatives, comme
le droit français, notamment les T.U.C. 6, la privation de certains droits, la
réparation du préjudice etc…
Le mineur de seize à dix-huit ans est soumis au même régime que le mineur de
treize à seize ans, c’est à dire qu’il encourt une responsabilité pénale atténuée.
Cependant, certains mineurs de seize à dix-huit ans qui sont réfractaires aux
mesures éducatives ou récidivistes, et qui ont déjà fait l’objet d’une mesure de
rééducation sans résultat, peuvent être condamnés par le tribunal des mineurs à
une peine de prison, jusqu’à leur majorité (19 ans), par une décision
spécialement motivée (art. 486 Code pénal). Dans ce cas, il y a substitution d’une
peine à une mesure éducative comme il peut y avoir recours aux deux, mais ce
cumul est très rare. Cette solution est réservée aux marginaux à l’égard desquels
la méthode éducative s’est avérée inopérante.
Quoi qu’il en soit, les seuils d’âge de la responsabilité pénale varient d’un pays à
un autre, et cette différence ne manque pas de soulever certaines difficultés au
plan international et il en est de même dans la détermination de la majorité et de
la minorité pénale fixée de façon arbitraire. Ainsi, si la plupart des pays
européens fixent la majorité pénale à dix-huit ans, il n’en est pas de même pour la
minorité pénale, qui varie de 10 ans en Grande Bretagne à 14 ans en Allemage,
et 12 ans en Grèce. D’où la nécessité d’une harmonisation en ce domaine.
En définitive, il est admis que le mineur délinquant doit supporter une certaine
responsabilité pénale en tant qu’acteur social parce qu’il s’agit d’un sujet doué du
libre arbitre et parce que cette responsabilité a un rôle pédagogique certain dans
la socialisation du mineur.
Cependant, la mise en œuvre de cette responsabilité soulève de nombreuses
difficultés d’application liées spécialement à l’insuffisance de moyens humains et
matériels et les solutions consacrées varient dans le temps et dans l’espace. Il
demeure que la responsabilité pénale des mineurs présente un fonds commun à
la majorité des pays européens, dont le législateur algérien s’est largement
inspiré à travers la reprise de l’Ordonnance française du 2 février 1945 qu’il a
intégrée dans le Code pénal (art. 442 à 495) en lui apportant certaines
modifications et qui est relative au statut du mineur délinquant, tandis que le
Code pénal traite de la punissabilité du mineur (art. 49 à 51) c’est à dire,
indirectement, de la responsabilité pénale du mineur. Par conséquent, il n’y a pas
de texte spécifique à la responsabilité pénale stricto sensu. Il faut également
mentionner le Code pénitentiaire 9 dont les articles 124 à 142 traitent de la
réadaptation des mineurs condamnés à des peines d’emprisonnement.
Pour la mise en œuvre de cette responsabilité, le droit algérien, à l’instar des
autres législations, a prévu une procédure et une compétence spéciales aux
mineurs délinquants.
1. La compétence
La chambre est compétente pour statuer sur tous les appels formés contre les
ordonnances du juge des mineurs et contre les jugements du tribunal des
mineurs. Le conseiller délégué (président de la chambre) dispose des pouvoirs
attribués au juge des mineurs par la loi : mesures provisoires, examen de
personnalité, choix du conseil.
Les arrêts de la chambre des mineurs sont susceptibles de pourvoi en cassation
devant la Cour suprême.
2. La procédure
- Le rôle du parquet
Pour la poursuite des infractions commises par le mineur, l’action publique est
déclenchée par le parquet (procureur de la république près le tribunal). Le
parquet peut classer l’affaire pour divers motifs. La victime peut également
déclencher l’action publique en se constituant partie civile. La constitution de
partie civile peut intervenir devant le juge des mineurs, le tribunal des mineurs, ou
le juge d’instruction selon le cas. Elle est dirigée contre les mineurs avec mise en
cause de son représentant légal. Le dossier est transmis selon le cas au juge des
mineurs (contraventions, délits) ou au juge d’instruction (certains délits, crimes).
Le procureur donne son avis sur toutes les affaires des mineurs, soit sur
réquisition soit à l’audience du tribunal.
b ) L’enquête préalable
L’article 453 C.Code pénal traite de l’enquête qui doit être effectuée soit par le
juge des mineurs soit par le juge d’instruction en précisant ces différentes
composantes.
Il s’agit d’une part d’une véritable instruction pour parvenir à la manifestation de la
vérité. Il s’y ajoute ensuite une enquête sociale sur la situation matérielle et
morale de la famille – et celle du mineur – conditions de vie, comportement,
antécédents. Le dossier comporte un examen médical et psychologique, assorti
ou non de mesures d’observation. Enfin, un examen de personnalité pour
déterminer les moyens propres à assurer la rééducation du mineur. Le texte
susvisé précise que le juge peut, dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune de
ces mesures ou ne prescrire que l’une d’entre elles. Dans ce cas, il doit rendre
une ordonnance motivée. On déduit que l’enquête est obligatoire mais qu’elle
peut être écartée à titre exceptionnel.
Malheureusement, dans la réalité, cette enquête n’est pas toujours effectuée ou
bien elle est faite de façon sommaire et ne comporte pas tous les éléments
nécessaires, sauf lorsque le mineur est placé dans un service d’observation.
Dans le cadre de l’enquête préalable, le juge des mineurs/juge d’instruction est
habilité à prendre toute mesure provisoire à l’égard du mineur en avisant ses
parents ou son représentant légal. Ces mesures provisoires sont énoncées par
l’article 445 du Code pénal :
• remise du mineur à ses parents, tuteur, gardien ou à une personne digne
de confiance,
• placement dans un centre, institution, service spécialisé,
• placement dans un établissement d’éducation ou de formation,
• remise à un centre d’accueil,
• placement dans un centre d’observation.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 111
Il faut ajouter à cette liste la détention provisoire qui peut être ordonnée à titre
exceptionnel à l’encontre du mineur de treize à dix-huit ans. Sur ce point on
devrait déterminer la durée de la mesure.
c ) Le jugement
d ) Les sanctions
11. Art. 330/3 C.P. « … les pères et mères sont punis d’un emprisonnement de deux mois
à un an et d’une amende de cinq cents à cinq milles dinars lorsque par défaut de soins,
par manque de direction nécessaire, ils compromettent gravement la santé, la sécurité,
la moralité de leurs enfants.
12. A noter que dans le droit musulman, l’âge de raison est fixé à sept ans. Sur cette base
on peut distinguer l’âge de raison de l’âge de discernement.
13. Ce sont les critères consacrés par la Cour de cassation française (arrêt Tonapani) :
Crim. 1er février 1951, J.C.P. 1951 ? II, 6107, note Brouchot.
14. Dans ce cas la situation est comparable à celle de l’incapable majeur.
114 International Review of Penal Law (Vol. 75)
Dans cette conception, plus subjective, que l’on retrouve également en droit
algérien, le mineur peut encourir un responsabilité pénale atténuée, à titre
exceptionnel, en fonction de sa personnalité, révélée à la fois par l’âge et par les
circonstances de l’infraction, c’est-à-dire en tenant compte de la maturité réelle du
sujet. C’est la situation des mineurs de seize à dix-huit ans qui on un certain
discernement qu’il faut établir à travers l’examen de personnalité obligatoire et
préalable à toute décision. Cet examen complet permet de rechercher l’existence
d’une maturité suffisante, dans la conscience de l’illégalité de l’acte commis.
Dans cette situation, le mineur est accessible à des sanctions pénales atténuées
et appropriées à sa personnalité. Il s’agit d’une responsabilité pénale partielle en
fonction de la capacité pénale du mineur, qui bénéficie de l’excuse de minorité et
encourt des peines réduites de moitié par rapport à l’échelle normale des peines,
voir supra les sanctions. Exemple : pour une infraction passible de un à cinq ans
de prison, le mineur n’encourt qu’une peine de six mois à deux ans et demi.
L’appréciation de la personnalité du mineur et des circonstances de l’infraction
qui constituent les deux critères fondamentaux de la capacité pénale du mineur et
du degré de sa responsabilité, nécessitent pour leur mise en œuvre des moyens
matériels et humains très importants qui, hélas, font défaut, ce qui laisse place à
une application quasi automatique de la responsabilité pénale du mineur de treize
à dix-huit ans soumis à des peines de prison le plus souvent inappropriées et
inefficaces. D’ailleurs, sur ce point, les praticiens qui s’occupent des jeunes
délinquants, ont pu faire certaines constatations qui méritent d’être rappelées :
- qu’une personnalité délinquante se structure par la répétition d’infractions
auxquelles aucune réponse n’est donnée – ou est donnée dans un délai trop
long,
- que les séjours en prison permettent au jeune délinquant de s’adapter à une
population de jeunes marginaux pour qui le passage en prison est une
consécration (effet stigmatisant de la prison),
- que la prison n’a un effet dissuasif qu’à l’égard de ceux qui n’y sont pas allés,
et surtout ceux qui sont adaptés et ont intégré le principe de la loi pénale,
- qu’il y a un passage de la délinquance ludique à une délinquance plus
violente et plus organisée se situant le plus souvent de treize à seize ans,
alors que les études et recherches se sont attachées surtout à la tranche de
seize à dix huit ans.
Une attention particulière devrait être portée aux mineurs qui entrent dans le
circuit judiciaire entre douze et quinze ans, parce que parmi ces jeunes, une
proportion importante poursuivra une carrière délinquante jusqu’à la majorité et
au-delà (taux de récidive important).
En ce qui concerne l’impact des sanctions pénales, l’attitude dominante chez les
sujets qui ont subi ces sanctions paraît montrer qu’elles peuvent avoir pour effet,
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 115
On considère notamment,
- que les jeunes sont des êtres en devenir et que toutes les mesures prises à
leur égard doivent avoir un caractère éducatif,
- que les réactions sociales à la délinquance juvénile doivent tenir compte de la
personnalité et des besoins spécifiques du mineur,
- que le système pénal des mineurs doit continuer à se caractériser par un
objectif d’éducation et d’insertion sociale.
Cet effort d’unification nécessite la détermination des conditions de la prévention
et de la responsabilité pénale des mineurs, ce qui suppose au préalable, la
fixation d’un seuil d’âge identique en Europe 15.
Sur tous ces points le Droit algérien consacre des solutions empruntées au droit
français avec certaines particularités ; à cela, il convient d’ajouter les solutions
spécifiques résultant de l’existence de certaines conventions internationales ou
bilatérales qui peuvent avoir un influence sur la situation juridique (ou le statut) du
mineur délinquant, qu’il soit algérien ou étranger.
Par exemple, la fixation de l’âge de la majorité civile relève en principe de la loi
personnelle du mineur ; mais au regard de la loi pénale, le mineur sera soumis à
la loi algérienne en vertu du principe de territorialité.
15. C’est ce que préconise également la Convention des N.U. 1989 relative aux droits de
l’enfant (art. 40).
16. Ce principe est consacré par la constitution, Art. 67.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 117
17. Art. 522/C.P.P. qui équivaut à l’article 689 C.C.P.F. et article 583 C.C.P. pour les délits,
soumis à une condition supplémentaire qui est le dépôt de plainte par la victime.
18. Décret présidentiel n°2002/55 du 5 fév. 2002.
19. Principe de la hiérarchie des textes consacré par la Constitution, art. 132.
20. Voir art. 140 de la Constitution.
118 International Review of Penal Law (Vol. 75)
BIBLIOGRAPHIE
Thierry MOREAU *
§ 1 - L'évolution historique
répressifs2. Le mineur était soumis au même régime que les majeurs. Son âge
pouvait être pris en compte tantôt comme cause de justification, tantôt comme
cause d'excuse ou comme circonstance atténuante susceptible d'atténuer la
peine.
Le Code pénal français de 1791 a fixé la majorité pénale à seize ans : en
dessous de cet âge le mineur n'était pas pénalement responsable et il ne pouvait
être condamné. Ce régime reposait sur la conception qui veut que, si l'homme
naît potentiellement libre et intelligent, le développement de sa raison exige
l'écoulement du temps ce qui justifie le recours à la technique des seuils d'âge.
Néanmoins, le Code instaurait, mais uniquement en matière criminelle, une
obligation pour le juge de vérifier si le mineur de moins de seize ans jouissait ou
non du discernement. Dans l'affirmative, le mineur était condamné, mais la
minorité était une cause d'excuse légale. Dans la négative, il était acquitté mais il
pouvait faire l'objet d'une mesure de sûreté. Il était, selon les circonstances, soit
rendu à ses parents chargés de le corriger, soit placé dans une maison de
correction pour y être élevé et détenu pendant une période déterminée par le
jugement qui ne pouvait dépasser le moment où il avait atteint l'âge de vingt ans.
Le Code pénal français de 1810 a étendu l'obligation d'apprécier le discernement
à tous les délits.
Le Code pénal belge de 1867 s'est largement inspiré du code de 1810. L'âge de
la majorité pénale est resté fixé à seize ans. Au dessus de cet âge, l'enfant était
soumis au droit pénal commun. L'article 77 prévoyait cependant que la peine de
mort ne pouvait pas être prononcée à l'égard du jeune âgé de moins de dix-huit
ans accomplis au moment du crime et qu'elle était remplacée par la peine des
travaux forcés à perpétuité3. Pour les mineurs de moins de seize ans, l'article 72
du Code pénal disposait que le mineur âgé de moins de seize ans accomplis au
moment du fait, auteur d'un crime ou d'un délit, était acquitté s'il était décidé par
le juge ou le jury qu'il avait agi sans discernement. Dans ce cas, il pouvait être
mis à la disposition du Gouvernement pour un temps qui ne pouvait dépasser
l'âge de vingt et un ans en vue d'être placé dans un établissement de réforme ou
de charité. Cette mesure était toutefois facultative. Si le mineur avait commis le
crime ou le délit avec discernement, il était pénalement condamné mais il
bénéficiait de l'excuse générale de minorité qui entraînait une réduction de la
peine.
La pierre angulaire du système était donc le discernement. Cette notion n'était
pas définie par la loi et posait deux problèmes importants. D'une part, le statut
juridique du discernement n'était pas clair. S'agissait-il du libre arbitre, c'est-à-dire
conduire en prison, c'est le flétrir et, s'il est vicieux, en faire un vicieux incurable»8.
Si les nouvelles mesures sont de nature éducative, elles ont cependant pour
objectif prioritaire «une protection efficace de la société contre des malfaiteurs
précoces»9.
La loi de 1912 a produit un double effet. D'une part, en excluant l'enfant du
champ du droit pénal au motif que son état de faiblesse ne permet pas de lui
reconnaître le discernement, elle a renforcé la légitimité et la cohérence du droit
pénal classique et la conception politique de la liberté qu'il sous-tend. D'autre
part, en prévoyant un régime spécifique pour les mineurs délinquants, cette
même loi a étendu le champ du pénal et de la réaction sociale puisque,
dorénavant, tous les mineurs délinquants peuvent faire l'objet de mesures, et pas
seulement ceux qui jouissent du discernement.
12. Sur les critiques émises à l'égard de la loi du 8 avril 1965, voir F. TULKENS, «Bilan et
orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse», Délinquance
des jeunes. Politiques et interventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, pp. 3-20.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 157
ayant commis un fait qualifié infraction, de la détermination des mesures dont ils
peuvent faire l'objet, de l'organisation des tribunaux de la jeunesse, de leur
compétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions qui restent des
compétences de l'Etat fédéral. Ainsi, est mis en place un régime assez complexe
où l'Etat fédéral détermine qui sont les mineurs délinquants et les mesures que le
tribunal de la jeunesse peut prendre à leur égard, mais où les communautés sont
en charge de la création, du financement et de l'organisation des institutions et
des services nécessaires pour la mise en œuvre de ces mesures. Par contre, en
ce qui concerne les mineurs en danger («l'aide à la jeunesse» en Communauté
française et en Communauté germanophone et «l'assistance spéciale à la
jeunesse» en Communauté flamande), toute la matière est communautarisée13.
C'est donc un élément extérieur à la protection de la jeunesse – la fédéralisation
de l'Etat – qui a servi d'appui aux tenants de la logique de division entre les
mineurs en danger et les mineurs délinquants. Mais cette division a elle-même
servi d'appui à ceux qui étaient partisans d'une repénalisation de la réaction
sociale à l'égard des mineurs délinquants. La logique de division s'est donc
couplée avec une logique de bifurcation : l'aide pour les mineurs en danger, la
répression qualifiée d'éducative pour les mineurs délinquants. En divisant ainsi
les mineurs en deux catégories de jeunes distinctes et hermétiques, le risque est,
à terme, de réduire très nettement, voire de supprimer, pour les mineurs
délinquants les possibilités de bénéficier de l'aide à la jeunesse et d'empêcher la
prise en compte de la délinquance comme un processus global.
La loi du 8 avril 1965 a été adoptée à une époque où l'âge de la majorité civile
était fixé à 21 ans. Par conséquent, même si un mineur avait commis un fait
qualifié infraction à l'approche de sa majorité pénale fixée à 18 ans, il pouvait
encore faire l'objet de mesure de protection de la jeunesse durant une période
d'au moins trois ans puisque celles-ci peuvent se maintenir jusqu'à ce que le
jeune accède à l'âge de la majorité civile.
La loi du 19 janvier 1990 a abaissé l'âge de la majorité à 18 ans. Par conséquent,
s'est posé le problème de la réaction sociale à l'égard des mineurs qui
commettaient un fait qualifié infraction à un âge proche de celui de la majorité
pénale. Le risque était notamment de voir se multiplier les dessaisissements.
Pour éviter cet inconvénient, le législateur de 1990 a introduit la possibilité de
prolonger les mesures de protection de la jeunesse au-delà de l'âge de la
majorité civile (voir infra). Il faut relever le paradoxe qui consiste à, d'un côté, voir
le législateur motiver l'abaissement de l'âge de la majorité civile par la maturité
plus précoce des jeunes et de l'autre constater que, dans le même temps, il
institue un dispositif imposant à des majeurs d'être traités comme des mineurs.
14. Cf. les travaux parlementaires relatifs à la loi du 8 août 1980 relative aux réformes
institutionnelles et plus précisément Doc. Parl., Chambre, 1979-1980, Rapport, n° 627/10,
p. 66.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 159
Une des critiques formulées à l'égard de la loi du 8 avril 1965 est qu'elle
n'assurait pas de manière satisfaisante la reconnaissance des garanties
juridiques fondamentales au mineur, spécialement dans les procédures relatives
aux mesures provisoires et par rapport aux mesures restrictives ou privatives de
15. Doc. Parl., Chambre, session 1988-1989, rapport, n° 42/3, p. 37-38; Doc. Parl., Sénat,
session 1988-1989, n° 634/2, p. 12.
16. Cette pratique a toutefois été condamnée par la Cour européenne des droits de
l'homme dans son arrêt Bouamar c. Belgique du 29 février 1988.
17. Cass., 4 décembre 1944, Pas., 1945, p. 59.
18. Dans une étude critique, M. van de KERCHOVE rappelle les quatre fonctions que la
peine et la sanction sont toutes deux, pour autant qu'il s'agisse de réalités différentes et
non de synonymes, susceptibles d’exercer. L'une de celle-ci est la fonction éducative qui
ne peut donc à elle seule distinguer la sanction de la peine («Signification juridique de la
sanction en matière de délinquance juvénile», Délinquance des jeunes. Politiques et
interventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, p. 173-180).
160 International Review of Penal Law (Vol. 75)
19. Voir F. TULKENS, «Bilan et orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection
de la jeunesse», op. cit., p. 7; Th. MOREAU, «La réforme de la loi du 8 avril 1965 relative à
la protection de la jeunesse», J.D.J., 1994, n° 134, pp. 13 et s.
20. C.E.D.H., 29 février 1988, J.L.M.B., 1988, p. 457.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 161
21. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, pp. 10 à 13; Ann.
Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993, pp. 855,
857, 860; Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.
22. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.
23. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 26.
162 International Review of Penal Law (Vol. 75)
§ 2 - Le droit positif
L'examen du droit positif est divisé en quatre parties. La première est consacrée
au principe de l'irresponsabilité pénale du mineur délinquant (A). La deuxième
traite des mesures de protection ordinaires (B). La troisième a pour objet la
constatation judiciaire de la responsabilité pénale du mineur et les règles de
procédure (C). La quatrième concerne la place des parents.
1. La présomption de non-discernement
24. Ann. Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993,
pp. 866.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 163
28. Proposition de loi sur la protection de la jeunesse, Développements, Doc. parl., Ch.
repr., sess. 1959-1960, n° 567/1, p. 24.
29. Voir par exemple Mons (jeun.), 18 septembre 2000, J.D.J., 2000, n° 199, p. 40. Des
mineurs âgés de 8 et 9 ans étaient poursuivis sur la base de l'article 36,4° pour avoir
organisé le déraillement d'un train dans lequel le machiniste a trouvé la mort.
30. R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à
la compétence du juge des enfants», Ann. Dr. Louv., 1951, p. 151. Dans le même sens,
voir Pand., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 et 106; Bruxelles, 9
novembre 1938, R.D.P.C., 1939, p. 1521, Liège, 15 mars 1936, Belg. jud., 1938, col. 216,
observations A. Braas. C'est ce qui explique qu'il a été jugé que les majeurs qui
participent, dans les conditions prévues aux articles 66 et 67 du Code pénal, à un fait
qualifié crime ou délit commis par un mineur sont punissables (Cass., 23 février 1914,
Pas., I, p. 120) et qu'un fait commis par un mineur peut également servir de base à un
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 165
champ protectionnel où il peut faire l'objet d'une mesure de sûreté pour autant
que le fait qualifié infraction soit déclaré établi.
En droit pénal, l'existence d'une infraction est soumise à la réunion de trois
éléments : l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral. Qu'en est-il du
fait qualifié infraction en protection de la jeunesse ?
a) L’élément légal
En droit pénal, l’élément légal de l’infraction, qui est une conséquence du principe
de la légalité des délits et des peines, consiste dans la violation de la loi pénale et
l’existence d’une peine31. Seul le premier aspect pourrait trouver à s’appliquer en
l’espèce. Dans la mesure où le fait qualifié infraction est celui qui, s’il était commis
par un majeur, constituerait une infraction, la violation de la loi pénale paraît une
condition nécessaire à l’existence du fait qualifié infraction. Inversement, si le fait
ne constitue pas une violation de la loi pénale, il ne pourrait justifier une
intervention de la loi pénale.
Pour cette raison, la majorité des auteurs considèrent que le mineur bénéficie du
principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, qu'il peut soulever la prescription
et qu’il peut invoquer les causes de justification objectives que sont l'autorisation
de la loi et le commandement légal de l'autorité, la légitime défense et l'état de
nécessité32.
A ce jour, il n'existe pas en Belgique «d'infractions juvéniles», c'est-à-dire de
comportements qui ne pourraient être poursuivis qu'à l'égard des mineurs. Par
contre, sous l'empire de la loi du 15 mai 1912, le législateur avait incriminé des
comportements «prédélictueux» tels que le jeu, les trafics, la prostitution, la
mendicité, le vagabondage, la débauche. Au fil du temps, ces dispositions, dont
certaines avaient été reprises dans la loi du 8 avril 1965, ont été abrogées. En
pratique, les comportements visés ont été absorbés par la qualification de
«mineur en danger» qui est plus aisée puisqu'elle ne suppose pas d'établir un
fait. En revanche, par une note récente, le Ministre de la Justice et le Ministre de
la Santé Publique ont fait savoir qu'ils envisageaient de ne plus poursuivre
pénalement les majeurs pour la détention du cannabis tout en maintenant
recel dans le chef d'un majeur (Gand, 3 mai 1924, Belg. Jud.,, 1924, col. 489 cité in Pand.,
v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 bis).
31. F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal, Bruxelles, Story-
Scientia, 1998. pp. 272 et s.
32. Voir J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, A.P.R., Anvers, Kluwer, 1996, n° 813 et s. ;
Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1024, 1027; L. SLACHMUYLDER,
Législation protectrice de la jeunesse, op. cit., p. 225 ; Bruxelles (ch. jeun.), 1er octobre
1981, cité in J. MOENS, P., VERLYNDE, Les mesures à l'égard des mineurs. Les mesures
à l'égard des parents, Bruxelles, Bruylant, 1988. p. 257.
166 International Review of Penal Law (Vol. 75)
b) L’élément matériel
Pour pouvoir donner lieu à l'application d'une mesure, le fait infractionnel doit être
matériellement établi à charge du mineur et constituer une infraction s'il avait été
commis par un majeur. A plusieurs reprises, il a été rappelé que «l'acte de
l'enfant est le même que celui de l'adulte»33. Toutefois, au nom des finalités
préventives et éducatives du modèle protectionnel, une certaine jurisprudence a
interprété plus largement les qualifications légales du Code pénal qu'elle ne
l'aurait fait pour les majeurs, et ce dans le but d'étendre le champ d'intervention34.
c) L'élément moral
l'examen mental du mineur (art. 21), la loi a implicitement exigé que fût appréciée
l'imputabilité du délinquant ou, en d'autres termes, l'existence de l'élément
intentionnel ou culpeux de l'infraction. Il est unanimement admis que le mineur
peut se prévaloir d'une cause d'excuse ou de justification. Il s'ensuit que la
juridiction des enfants est vraiment une juridiction répressive, en tant qu'elle
statue à l'égard de ses justiciables sur le bien fondé des infractions qui lui sont
déférées»41. Toujours dans le même sens, un jugement du Tribunal des enfants
de Mons du 23 octobre 1934 décide que l'infraction d'outrages publics aux
bonnes mœurs ne peut être déclarée établie à charge d'une mineure âgée de
moins de seize ans au motif qu'elle n'avait pas pu vouloir les faits en raison de la
présomption légale d'absence de consentement dans son chef42.
Dans ces conditions, le mineur peut-il invoquer les autres causes de justification
subjectives admises en droit pénal ? Certains auteurs estiment que le mineur
peut ainsi invoquer la contrainte, qu'elle soit physique ou morale43, ainsi que
l'erreur invincible du moins dans les cas où elle serait retenue à l'égard d'un
majeur normalement prudent et raisonnable44. Il a été également jugé que le
mineur peut invoquer l'altération de ses facultés mentales pour contester la
qualification de «fait qualifié infraction»45.
Une question relative à l'exigence de l'élément moral dans le chef du mineur
délinquant n'a jusqu'ici pas ou peu été approfondie. Si la doctrine et la
jurisprudence majoritaires semblent admettre que l'élément moral doit être
constaté dans le chef du mineur et qu'il ne peut donc être déclaré coupable que
s'il a agi volontairement, aucune précision n'est apportée sur les critères par
rapport auxquels cette volonté doit être appréciée. Or, il est évident que le majeur
et le mineur sont différents tout en étant égaux et qu'ils n'ont pas nécessairement
le même rapport au monde et à la réalité. Un même fait ou un même événement
peut être vécu et ressenti de manière fort différente par un enfant et un adulte. La
règle qui veut qu'au pénal les fautes et les intentions sont appréciées in concreto,
et non in abstracto par rapport au critère abstrait de la personne raisonnable et
prudente placée dans les mêmes circonstances, ne devrait-elle pas conduire le
juge à prendre en considération les particularités de l'enfant, de son
développement, de sa psychologie, pour décider si l'état d'esprit requis par la loi
pénale est établi dans son chef ? Il s'agirait ainsi de respecter l'enfant en tant
qu'enfant. A cet égard la loi est muette et rien n'empêche le juge d'apprécier le
comportement du mineur comme s'il était un adulte miniature sans tenir compte
de ses spécificités d'enfant.
3. Les exceptions
La loi du 9 mai 1972 a introduit l’article 36 bis qui rend, dans certaines conditions,
les juridictions pénales ordinaires compétentes pour connaître des infractions de
roulage commises par des mineurs de plus seize ans.
Quatre raisons principales ont été avancées pour justifier cette exception à la
compétence du tribunal de la jeunesse. Premièrement, il est apparu, après
quelques années de pratique, que la loi du 8 avril 1965 semblait fort peu adaptée
aux infractions de roulage46. En effet, celles-ci consistent souvent en des
46. Suivant l'auteur des Novelles, Protection de la jeunesse, Bruxelles, op. cit., n° 1035
«La multiplication des infractions en cette matière, imputables à certains mineurs, a fini par
inquiéter l'opinion car, ce genre d'affaire aboutissait trop souvent à une simple
admonestation à l'initiative du parquet, suivie d'un classement pur et simple : c'était
assurer à certaines catégories de jeunes imprudents de la motorette notamment l'impunité
170 International Review of Penal Law (Vol. 75)
L’article 36 in fine de la loi du 8 avril 1965 prévoit que les dispositions de cet
article ne s'appliquent pas aux mineurs qui ont la qualité militaire au moment des
faits. Ceux-ci ne peuvent donc pas faire l'objet d'une intervention des juridictions
de la jeunesse. C’est la traduction du principe qui veut que «le père du soldat est
son colonel»48. La surveillance et la discipline militaire doivent donc suffire au
soutien des mineurs sous les armes49, et la menaces du renvoi devant les
juridictions répressives est nécessaire pour sauvegarder la discipline à laquelle
tous les soldats, en ce compris les mineurs, sont soumis50.
Ainsi, lorsqu’ils sont sous les armes au moment des faits litigieux, les mineurs
relèvent soit des juridictions militaires, soit des juridictions de droit commun51.
L'exception se justifie par la nécessité de voir le mineur être traité comme tous les
soldats en cas d'infraction à la discipline52.
c) Le dessaisissement
L'article 38 de la loi du 8 avril 1965 dispose que lorsqu'un jeune est déféré au
tribunal de la jeunesse en raison d'un fait qualifié infraction, qu'il était âgé de plus
de seize ans au moment de ce fait, et que le tribunal de la jeunesse estime
inadéquate une mesure de garde, de préservation ou d'éducation, il peut, par
décision motivée, se dessaisir et renvoyer l'affaire au ministère public aux fins de
poursuites devant la juridiction compétente en vertu du droit commun s'il y a lieu.
Cette disposition peut être appliquée même lorsque le jeune a atteint l'âge de dix-
huit ans au moment du jugement.
Le tribunal de la jeunesse doit apprécier l'inadéquation des mesures de protection
en fonction, non de la gravité des faits, mais de la personnalité du jeune. C'est la
raison pour laquelle la loi rend obligatoire, sauf dans certaines circonstances
exceptionnelles, la réalisation préalable d'une étude sociale et d'un examen
médico-psychologique. Depuis la réforme de 1994, ces investigations ne sont
plus obligatoires dans certaines hypothèses de délinquance grave, ce qui traduit
le mouvement de repénalisation de la protection de la jeunesse déjà évoqué ci-
dessus.
Le dessaisissement est une mesure extraordinaire. Il ne s'agit pas d'une mesure
de protection de la jeunesse mais d'une mesure qui traduit la volonté du
législateur de 1965 de faire contrepoids à l'élévation de l'âge de la majorité
pénale à dix-huit ans53, pour rencontrer des situations exceptionnelles où le
mineur est déjà figé dans des attitudes particulièrement antisociales54 et dans
lesquelles il ne faut pas que «le souci d’éduquer aille jusqu’à la duperie»55.
Le dessaisissement a bien pour effet de transformer le mineur pénalement
irresponsable en personne pénalement responsable56. Par le fait qu'il autorise le
juge pénal à condamner le mineur à une peine identique à celle qui serait
prononcée contre un majeur, le dessaisissement a pour effet de présumer
l'existence du discernement dans le chef du mineur, et ce de manière définitive
puisque, même si le juge pénal estime que le mineur manque de maturité, il lui
est impossible de le réorienter vers la justice des mineurs. Toutefois, le
dessaisissement doit uniquement être motivé par la constatation de l'inadéquation
des mesures de protection de la jeunesse, et non par l'existence d'un
«discernement pénal» dans le chef du mineur. Les effets de la mise en oeuvre de
ce mécanisme peuvent s'avérer paradoxaux. La pratique révèle, en effet, que,
régulièrement, les mineurs qui font l'objet d'un dessaisissement sont ceux qui
jouissent le moins du discernement car leur attitude démontre qu'ils ne
comprennent pas l'opportunité que peut constituer pour eux le bénéfice d'une
mesure protectionnelle et l'intérêt qu'ils ont à y collaborer. Il faut également
relever que le tribunal de la jeunesse ne doit pas non plus, lorsqu'il se dessaisit,
constater l'adéquation d'une sanction pénale. Sa décision peut donc avoir pour
conséquence de mettre le jeune dont il se dessaisit dans une situation plus
défavorable s'il s'avère qu'une peine est pour lui plus inadéquate encore que ne
l'aurait été une mesure de protection.
Depuis le début des années 1980, le recours à la mesure de dessaisissement
s'est très nettement intensifié. Dans certains arrondissements, le dessaisissement
est quasiment devenu une mesure automatique pour les faits criminels les plus
graves. Cette pratique a sans doute permis d'éviter un difficile débat sur la
question de la responsabilité pénale des mineurs. Par ailleurs, de nombreux
dessaisissements sont moins motivés réellement par l'inadéquation des mesures
protectionnelles que par le manque de place dans les institutions publiques, et
notamment celles à régime fermé. Une fois encore, par le recours au
dessaisissement, le débat relatif au nombre de places dans ces institutions et sur
le contenu du régime fermé a été escamoté.
Lors de la réforme du 2 février 1994, le législateur a introduit, à l’article 38 al. 3 de
la loi du 8 avril 1965, une disposition par laquelle tout mineur qui a fait l’objet
57. «Cette disposition doit permettre d'éviter des frais et pertes de temps inutiles tant pour
les magistrats que pour les avocats, les parents et jeunes concernés» (Doc. Parl.,
Chambre, session extr. 1991-1992, 532/1 -91/92, pp. 17-18).
58. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 46.
174 International Review of Penal Law (Vol. 75)
1. La réprimande
2. La surveillance
Le mineur poursuivi pour un fait qualifié infraction est déféré devant le tribunal de
la jeunesse. Ce tribunal est une des trois sections du tribunal de première
instance à côté du tribunal civil et du tribunal correctionnel. Il siège au niveau de
l'arrondissement judiciaire59. Le tribunal de la jeunesse est une juridiction à juge
unique. Le juge de la jeunesse qui la compose ne doit pas justifier d'une
formation particulière. Il doit seulement avoir exercé des fonctions judiciaires
effectives pendant un an au moins. En appel, la chambre de la jeunesse de la
cour d'appel est également une chambre à conseiller unique et celui-ci ne doit
pas avoir de formation particulière. Tant le parquet de première instance que le
parquet d'appel sont composés de magistrats du ministère public spécialement
désignés par leur hiérarchie pour exercer leurs fonctions auprès des juridictions
de la jeunesse. Toutefois, aucune formation particulière n'est exigée.
En vertu de l’article 62 de la loi du 8 avril 1965, la procédure est, sauf dérogation
explicite introduite par la loi du 8 avril 1965, réglée par les dispositions légales
applicables aux poursuites en matière correctionnelle.
La procédure est divisée en quatre étapes : la phase préparatoire, l’audience
publique, l’exécution et la révision des mesures, et la prolongation de celles-ci. La
phase préparatoire et l’audience publique ont justifié le recours au mécanisme de
la double saisine. Le ministère public saisit une première fois le tribunal de la
jeunesse pour qu’il soit procédé à des investigations relatives au milieu et à la
personnalité du jeune. Lorsque ces investigations sont terminées, le tribunal de la
jeunesse doit alors communiquer le dossier au ministère public qui, le cas
échéant, saisit cette fois le tribunal au fond. Parallèlement à ces deux saisines, le
tribunal de la jeunesse, tant qu’il n’a pas rendu sa décision au fond, dispose de la
faculté de prendre, à l’égard du mineur, des mesures provisoires. La phase de
révision se justifie par le caractère éducatif des mesures : il faut pouvoir, à tout
moment, adapter l’action éducative à l’évolution du jeune et de son milieu. La
prolongation des mesures est la phase la plus récente (voy. supra, § 1, E).
Le ministère public a le monopole de la saisine du tribunal de la jeunesse. Il est
présenté comme le gardien à la fois de l’intérêt général, de l’ordre des familles et
de l’intérêt du mineur, même si on peut s’interroger sur la compatibilité de ces
diverses missions. Pour garantir ces valeurs, il est nécessaire que le ministère
public dispose du pouvoir d’appréciation le plus large possible quant à
l’opportunité de saisir ou non le tribunal de la jeunesse. Par conséquent, la
victime ne peut pas mettre en mouvement l'action publique par les mécanismes
de la citation directe ou de la constitution de partie civile dans les mains du juge
d'instruction.
Depuis quelques années, le ministère public a utilisé son monopole de saisine
pour mettre en œuvre, dans certains arrondissements, des expériences de
mesures de diversion 60. De manière prétorienne, le parquet propose au mineur et
à ses parents, en cas de reconnaissance par le mineur de la matérialité des faits,
d'accomplir une prestation et/ou de s'impliquer dans un processus de médiation
avec l'aide d'un service d'encadrement. Si la mesure de diversion est
correctement exécutée, le parquet classe le dossier sans suite. Ces mesures font
actuellement l'objet de différentes critiques : elles ne sont pas prévues
expressément par la loi, elles sont de nature à violer la présomption d'innocence,
les droits de la défense ne sont pas garantis, un classement sans suite
n'empêche pas le ministère public d'entamer des poursuites en cas de récidive.
Le tribunal de la jeunesse territorialement compétent est celui du lieu de la
résidence des parents, tuteurs, ou personnes qui ont la garde du mineur. Si ceux-
ci n'ont pas de résidence ou qu'elle est inconnue, le tribunal de la jeunesse
compétent est soit celui du lieu où le mineur a commis le fait qualifié infraction,
soit celui du lieu où il est trouvé, soit celui du lieu où est situé le lieu du
placement. Si le jeune est majeur au moment de la saisine, le tribunal compétent
est celui du lieu de sa résidence.
1. La phase préparatoire
60. A propos de ces mesures, voir Fr. TULKENS et Th. MOREAU, Le droit de la jeunesse
en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., p. 970 et s.
178 International Review of Penal Law (Vol. 75)
ne devienne sans objet en raison du fait que le terme de la mesure aurait entre-
temps été atteint.
Le législateur a voulu limiter autant que possible l’intervention du juge
d’instruction car il craignait que son intervention strictement judiciaire ne nuise à
l’action de type éducatif du tribunal de la jeunesse. En conséquence, le juge
d’instruction ne peut être saisi que par réquisition du ministère public, dans des
circonstances exceptionnelles et en cas de nécessité absolue. Le juge peut
également se saisir d’office en cas de flagrant délit. Tout comme le parquet
lorsqu’il mène une information judiciaire en matière de protection de la jeunesse,
le juge d’instruction ne peut enquêter qu’à l’égard des faits. Il ne peut pas
procéder à des actes d’investigation relatifs à la personnalité du mineur, ce
domaine étant exclusivement réservé au tribunal de la jeunesse. S’il y a urgence,
le juge d’instruction peut prendre une mesure provisoire. Il doit cependant en
donner simultanément avis par écrit au tribunal de la jeunesse. Celui-ci doit alors,
dans les deux jours ouvrables, exercer ses attributions et statuer sur ces mesures
provisoires conformément à la procédure décrite ci-dessus. A la fin de
l’instruction, le juge d’instruction communique son dossier au ministère public afin
qu’il puisse prendre un réquisitoire de règlement de procédure. C’est le juge
d’instruction lui-même qui règle la procédure après un débat contradictoire en
présence du jeune, de ses père et mère et des parties civiles. Les parties doivent
pouvoir préalablement prendre connaissance du dossier relatif aux faits déposé
au greffe au moins 48 heures avant les débats. L’ordonnance du juge
d’instruction est soit une ordonnance de non lieu, soit une ordonnance de renvoi
devant le tribunal de la jeunesse. La loi autorise le ministère public à saisir le
tribunal de la jeunesse de réquisitions de dessaisissement avant même que le
juge d’instruction ait terminé son enquête et réglé la procédure. Le tribunal de la
jeunesse doit alors statuer en l’état de la procédure. Autrement dit, cela signifie
que le tribunal de la jeunesse doit statuer sur le dessaisissement, et donc sur
l'adéquation des mesures à prononcer, avant que l’enquête sur les faits ne soit
terminée.
Les parties et leur conseil peuvent consulter le dossier avant l’audience publique
dès le moment où la citation leur a été notifiée. Néanmoins, ni la partie civile, ni le
jeune ne peuvent consulter les pièces relatives à la personnalité du jeune et au
milieu où il vit. Ces pièces peuvent cependant être consultées par l’avocat du
jeune.
Le jeune et les civilement responsables doivent comparaître en personne. Seule
la partie civile peut se faire représenter par un avocat. Le tribunal de la jeunesse
peut, en tout temps, ordonner la comparution personnelle des parties dont la
présence à l’audience n’est pas obligatoire. De même, il peut convoquer toutes
les personnes qui ont la garde du mineur.
Le cas de chaque mineur est examiné séparément en l’absence de tout autre
mineur, sauf cependant le temps nécessaire à d’éventuelles confrontations.
Le tribunal de la jeunesse peut décider, à tout moment, de se retirer en chambre
du conseil pour siéger à huis clos. Cette mesure ne peut être ordonnée que pour
entendre, sur la personnalité du mineur, les experts, les témoins, les parents,
tuteurs ou personnes qui ont la garde du mineur. Le mineur n’assiste pas au
débat en chambre du conseil. Le tribunal peut cependant le faire appeler s’il
l’estime opportun. Afin de garantir les droits de la défense, les débats en chambre
du conseil ne peuvent cependant avoir lieu qu’en présence de l’avocat du mineur.
Le tribunal de la jeunesse statue sur les faits et, s'il déclare ceux-ci établis, il peut
ordonner une mesure. Il ne peut toutefois pas dissocier sa décision sur la
responsabilité et celle sur la mesure. Il doit statuer sur ces deux questions dans le
même jugement. Il doit également statuer sur les dommages et intérêts réclamés
par la partie civile, et sur les frais et les éventuelles confiscations. Le tribunal de
la jeunesse peut ordonner l’exécution provisoire de sa décision.
Les décisions que le tribunal de la jeunesse rend au fond sont susceptibles, dans
les délais légaux prévus par le Code d’instruction criminelle, d’appel et
d’opposition. La procédure suivie devant la cour d’appel est la même qu’à propos
du jugement rendu par le tribunal de la jeunesse. Les décisions de la cour d'appel
sont susceptibles d'un pourvoi en cassation.
Enfin, si la décision définitive ordonne une mesure, celle-ci fera l’objet d’une
mention au casier judiciaire du mineur. Ces mentions ne peuvent jamais être
portées à la connaissance des particuliers. Par contre, elles pourront être portées
à la connaissance des autorités judiciaires ainsi que de certaines autorités
administratives et de certains officiers publics que la loi précise. Ces mentions
pourront être rayées par décision du tribunal de la jeunesse sur requête de celui
qui en a fait l’objet lorsque cinq ans se sont écoulés à partir du moment où les
mesures ont pris fin.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 183
Lorsque leur enfant mineur est poursuivi pour un fait qualifié infraction, les
parents ne se voient reconnaître que peu de place par la loi du 8 avril 1965 dans
le cadre de la phase préparatoire. Ils peuvent être entendus par le juge de la
jeunesse, mais il s'agit d'une faculté laissée à l'entière discrétion du magistrat, et
ce même avant de prendre une mesure provisoire. En revanche, en cas d'appel
de la décision, la cour d'appel statuant en audience publique, les parents doivent
nécessairement être cités à comparaître.
Lors de l'examen au fond, les parents sont parties à la cause. Ils le sont
généralement à trois titres : en qualité de parents, en qualité de civilement
responsables et en leur qualité de débiteurs alimentaires. En leur qualité de
parents, les parents peuvent se défendre sur les faits et le choix de la mesure. En
leur qualité de civilement responsables, ils sont tenus solidairement avec leur
enfant des condamnations civiles dont celui-ci fait l'objet ainsi que des frais de la
procédure auxquels il serait condamné. Toutefois, les parents peuvent renverser
la présomption de responsabilité mise à leur charge par l'article 1384 du Code
civil s'ils démontrent qu'il n'ont commis aucun défaut de surveillance et
d'éducation.
En outre, en leur qualité de débiteurs d'aliments, les parents peuvent être tenus
de payer une part contributive à la Communauté qui organise la mise en œuvre
de la mesure protectionnelle dont fait l'objet leur enfant. En Communauté
française, cette décision n'est plus prise par le tribunal de la jeunesse, mais par le
directeur de l'aide à la jeunesse. Toutefois, sa décision peut faire l'objet d'une
contestation devant le tribunal de la jeunesse.
Enfin, l'article 84 de la loi du 8 avril 1965 dispose que «dans tous les cas où le
mineur a commis un fait qualifié infraction et quelle que soit la mesure prise à son
égard, si le fait a été facilité par un défaut de surveillance, la personne qui a la
garde du mineur peut être condamnée à un emprisonnement d'un à sept jours et
à une amende d'un à vingt-cinq francs ou à une de ces peines seulement, sans
préjudice des dispositions du Code pénal et des lois spéciales concernant la
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 185
87. Ibidem, p. 6.
88. Ibidem, p. 8.
89. Ibidem. p. 6.
90. Ibidem. p. 6 et 12.
91. Ibidem, p. 12.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 191
plus celui qui commet une faute en raison de laquelle il doit être rééduqué, voire
puni, mais celui qui cause un dommage qu'il doit réparer.
Toutefois le rapport n'est pas exempt d'ambiguïté. Deux exemples peuvent être
relevés. D'une part, les auteurs indiquent que dans le modèle restaurateur la
reconnaissance de la responsabilité n'entraîne aucune stigmatisation pour son
auteur puisqu'elle est exclusivement liée à l'acte et pas à sa personne. Mais cette
affirmation semble remise en question par les auteurs eux-mêmes lorsqu'ils
précisent que la réhabilitation peut être travaillée à travers le contenu des
prestations communautaires et par l'accompagnement dont elles font l'objet92.
D'autre part, les auteurs présentent le droit restaurateur comme une sorte de
modèle «neutre» en ce qu'il reposerait sur les notions de dommage et de
réparation qui seraient objectives. Mais qu'est-ce qu'un dommage ? Qu'est-ce
que la réparation ? Il est vraiment étonnant de constater qu'un modèle qui
prétend ne pas stigmatiser l'individu recourt au placement et à l'enfermement
dans le but avoué de convaincre le jeune qui refuse à effectuer une prestation93.
92. Ibidem. p. 8.
93. Ibidem, p. 14.
94. J.D.J., 2001, n° 209, p. 5 et s. Voy. également dans cette livraison, les différentes
contributions qui apportent un éclairage critique sur ce projet.
95. Il faut observer qu'à côté du projet de cette nouvelle loi portant réponse au
comportement délinquant des mineurs, la loi du 8 avril 1965 est maintenue mais toutes ses
dispositions sont remplacées. Cette dernière loi traite principalement du contrôle sur les
prestations familiales ou autres allocations sociales, de la déchéance de l'autorité
parentale et de la procédure applicable devant le tribunal de la jeunesse lorsqu'il intervient
dans le cadre des décrets communautaires.
96. Proposition de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse,
Doc. Parl., Chambre, sess. 2001-2002, n° 1964/1.
192 International Review of Penal Law (Vol. 75)
période de six mois maximum moyennant le respect de conditions qui sont fixées
par la loi pour chacune d'elles.
Le tribunal de la jeunesse élargi, composé de trois juges spécialisés, est saisi par
un jugement particulièrement motivé du tribunal de la jeunesse. Il ne connaît que
des cas de mineurs âgés de plus de 16 ans au moment des faits qui ont commis
un fait grave visé par la loi. Il peut prononcer les mêmes mesures au fond et
sanctions que le tribunal de la jeunesse, mais il peut également prononcer
l'internement, une peine ou le dessaisissement si l'action publique a été introduite
après que le mineur ait atteint l'âge de 18 ans. Les peines peuvent être assorties
du sursis conformément à la loi du 24 juin 1964 à la condition que l'intéressé
s'engage à exécuter un travail au service de la communauté.
Enfin, des mesures sont également prévues à l'encontre des parents des mineurs
délinquants. Lorsque le tribunal de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse élargi
le juge opportun, il peut : «1° les charger de se présenter aux structures d'aide
organisées par les Communautés sur une base volontaire en vue de suivre des
directives pédagogiques, médicales et/ou psychologiques, des projets
éducationnels ou un accompagnement familial et d'apporter la preuve qu'elles ont
donné suite à cette charge; 2° les obliger à suivre les directives pédagogiques,
médicales et/ou psychologiques, les projets éducationnels ou d’accompagnement
familial qu'il détermine lorsqu'il appert qu'elles refusent l'aide offerte par les
structures organisées par les Communautés ou qu'elles ne collaborent pas; 3° les
suspendre en tout ou partie dans l'exercice de l'autorité parentale jusqu'à ce qu'il
soit satisfait à l'obligation prévue sous 2°. Dans ce cas, l'autorité parentale est
assurée par un gérant provisoire»106.
Le mineur peut également faire l'objet de mesures avant jugement qui sont
prononcées par le juge de la jeunesse. Ce dernier peut ordonner le renvoi
d'urgence aux structures communautaires d'aide à la jeunesse, le placement
résidentiel dans un centre fédéral d'observation et d'orientation moyennant le
107. Le placement en C.F.O.O. ne peut être ordonné qu'à l'égard d'un mineur âgé de plus
de 12 ans, lorsque la mesure est absolument nécessaire pour préserver la sécurité
publique, que le fait pour lequel le mineur est poursuivi est de nature à entraîner au moins
une réclusion de cinq à dix ans et qu'il existe de sérieuses raisons de craindre que le jeune
ne commette de nouveaux faits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire
disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers. L'assistant de justice-J doit
toujours être préalablement consulté (art. 33). La mesure ne peut être ordonnée qu'une
seule fois au cours d'une même procédure sauf si de nouveaux faits qualifiés infractions
justifient encore une nouvelle fois cette mesure ou si le jeune n'a pas respecté les
conditions de sa mise en liberté (art. 34). La mesure doit s'exécuter dans le C.F.O.O. le
plus proche possible du domicile des parents et chaque centre ne peut pas avoir une
capacité de plus de quinze unités et doit offrir des soins et un encadrement adaptés
(art. 35).
196 International Review of Penal Law (Vol. 75)
mesure provisoire. Dans les cinq jours, le juge de la jeunesse statue en chambre
du conseil sur le maintien, la modification ou la levée de la mesure. Le procureur
du Roi, et le cas échéant le juge d'instruction, sont entendus l'un en son
réquisitoire, l'autre en son rapport. Le jeune peut comparaître en personne, se
faire représenter par son avocat ou comparaître par vidéoconférence. Le juge doit
disposer d'un rapport succinct sur le jeune transmis par l'établissement qui
l'héberge. Le juge de la jeunesse doit examiner la situation tous les mois tant
qu'une mesure est maintenue. Il peut également revoir la mesure à tout moment
soit d'office, soit à la demande du ministère public, soit à la demande d'une des
parties concernées. Toutefois, la loi fixe un terme aux mesures provisoires. Le
placement en C.F.O.O. ne peut dépasser quatre mois, sauf si le mineur est
poursuivi pour un des faits visés par la loi auquel cas il peut être placé durant huit
mois. Les mesures de placement en centre thérapeutique ou pédopsychiatrique
ne peuvent dépasser trois mois. A l'expiration de ces délais, le juge de la
jeunesse peut encore prendre une ordonnance de prolongation des mesures
provisoires de placement valable jusqu'au jugement au fond. Cette prolongation
ne peut toutefois intervenir qu'après le dépôt d'un avis motivé de la direction de
l'établissement et de l'assistant de justice-J et un débat contradictoire. Si une telle
prolongation est ordonnée, le ministère public doit faire fixer l'affaire au fond dans
un délai de 15 jours à moins que, au motif que l'affaire n'est pas en état, il ne
demande un délai supplémentaire au tribunal de la jeunesse qui ne peut
dépasser six mois108. A partir de l'ordonnance de prolongation, le juge de la
jeunesse examine mensuellement le maintien de la mesure. Il peut, à tout
moment, la modifier, la supprimer, la suspendre ou accorder la liberté provisoire.
Par l'action du juge de la jeunesse de l'application, en charge de l'exécution des
jugements du tribunal de la jeunesse, du tribunal de la jeunesse élargi et du
tribunal de police, les mesures au fond, sanctions ou peines dont fait l'objet le
mineur peuvent être supprimées, modifiées, maintenues ou suspendues après
leur prononcé109. Par contre, le juge de la jeunesse de l'application ne peut pas
108. Cette disposition est applicable même s'il n'y a pas de prolongation de la mesure de
placement. Le tribunal de la jeunesse statue sur les réquisitions du ministère public sans
entendre les parties et l'ordonnance n'est susceptible d'aucun recours.
109. La suspension des mesures ou des sanctions ne peut être ordonnée que dans les
cas limitativement énoncés par l'article 95 : 1° lorsque pendant l'exécution de la mesure ou
de la sanction le jeune a commis un nouveau fait qualifié infraction qui entraîne
l’application d'une des mesures provisoires qui entrave l'exécution de la mesure ou de la
sanction prononcée; 2° lorsque le jeune ne respecte pas les conditions liées à la mesure
ou à la sanction; 3° pour des motifs humanitaires ou médicaux, pour une durée qu'il
détermine; 4° pour la période pour laquelle le jeune se soustrait à l'exécution des mesures
au fond ou de la sanction; 5° lorsqu'il apparaît que l'aide fournie par les Communautés est
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 197
L'article 2, § 1er qui ouvre la loi indique sa finalité : «L’action de la justice en tant
que réponse à un fait qualifié infraction commis par une personne n’ayant pas
atteint l’âge de dix-huit ans doit être rapide et appropriée et tendre vers : a)
l’établissement de la preuve du fait commis et de la responsabilité pour celui-ci; b)
la référence explicite à la norme en vigueur et à l’explication de celle-ci ainsi qu’à
la confrontation avec les conséquences concrètes du fait commis; c) la réparation
de tout dommage causé par le fait commis; d) la sauvegarde de la vie en
communauté en toute sécurité et en paix». Il est donc affirmé dans la loi que
l'objectif premier de la justice des mineurs n'est donc plus la personne du mineur
et son avenir, mais sa responsabilisation et la gestion du phénomène de la
délinquance juvénile pour diminuer les risques d'atteinte à la sécurité publique.
L'exposé des motifs est, lui aussi, très clair quant à la finalité de l'intervention :
«L’approche n’a plus toujours, comme auparavant dans la loi relative à la
protection de la jeunesse, - c’est du moins ce qu’elle prétendait -, une finalité
essentiellement pédagogique et d’aide et d’assistance. Même si la méthode
employée aura un caractère pédagogique et devra être utilisée d’une manière
constructive, positive et humaine, la finalité consistera, lors de la sanction que l’on
imposera et/ou lorsqu’on voudra protéger la société, principalement à confirmer la
norme, à protéger le citoyen contre toute récidive et à maintenir l’ordre public»110.
La Belgique admet l'effet direct des traités internationaux pour autant que trois
conditions soient réunies. Premièrement, le traité doit avoir fait l’objet d’une
réception dans l’ordre juridique interne par la technique de la ratification.
Deuxièmement, il faut qu’au moment de la conclusion de la convention, les Etats
contractants aient manifesté leur volonté de considérer le texte comme étant
directement applicable114. Troisièmement, pour qu’une disposition d'un texte de
droit international soit directement applicable, il faut qu'elle soit rédigée d’une
manière à la fois complète et précise. Au regard de cette dernière condition, il se
peut donc qu'un même traité contienne des dispositions directement applicables
et d'autres qui ne le sont pas. Dans le même sens, une partie d'une disposition
peut s'avérer directement applicable et une autre pas.
En cas de conflit entre une norme internationale ayant effet direct dans l'ordre
interne et une norme de droit interne, le juge doit accorder la primauté à la
disposition de droit international115.
En règle générale les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont jugées directement
applicables en droit interne. Par contre, la question est plus controversée pour
plusieurs dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Toutefois,
une tendance se dégage pour reconnaître un effet direct aux articles 37 et 40 qui
concernent tout particulièrement le mineur délinquant. Mais il est généralement
admis que ces dispositions n'imposent pas à l'Etat à de recourir à un modèle
particulier de réaction sociale à la délinquance juvénile. Ils introduisent plutôt des
garanties au bénéfice du mineur qui doivent être respectées quel que soit le
modèle adopté. Enfin, les recommandations des Nations-Unies et du Conseil de
l'Europe ne se voient reconnaître aucun effet direct. Elles servent toutefois
régulièrement de textes de référence, spécialement dans les projets de réforme.
Conclusion
116. Voir F. TULKENS, «Des influences réciproques du droit pénal et du droit des mineurs.
De bonnes et de mauvaises influences ? », Travail d’intérêt général et médiation pénale.
Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 222.
117. CHAMBOREDON , «La délinquance juvénile. Essai de construction d'objet», Revue
française de sociologie, 1971, p. 338 et s.
FRANCE
Christine COURTIN *
Le droit pénal des mineurs est actuellement l’une des préoccupations essentielles
des pouvoirs publics français qui entendent apporter des réponses encore plus
efficaces aux problèmes de la jeunesse. En effet, les dernières consultations
électorales ont mis clairement en évidence le souci des français de voir l’Etat
assurer la protection de leurs droits, particulièrement menacés dans un contexte
de progression de la délinquance, et de relever le défi essentiel que constitue
pour l’avenir de la société la lutte contre la délinquance des mineurs. Ainsi,
l’évolution actuelle de la délinquance juvénile pose la question de l’efficacité de la
prévention et de la répression de la délinquance des mineurs dans notre pays (V.
C. Lazerges et J.P. Balduick, Réponses à la délinquance des mineurs, La
documentation française, 1998).
Concernant les mineurs délinquants, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que de
véritables règles procédurales spécifiques apparaissent, laissant présager les
grandes idées d’un droit procédural moderne. L’ordonnance du 2 février 1945,
dénommée charte de l’enfance délinquante, constitue l’aboutissement de la prise
en compte progressive de la nécessité d’attribuer un statut spécifique à l’enfance
délinquante (Cf. not. C. Courtin et J.F. Renucci, Le droit pénal des mineurs, PUF,
coll. « Que sais-je ? » 2001 ; J.F. Renucci, La justice pénale des mineurs, Revue
Justice 1998, p. 116). Ce texte repose sur trois principes essentiels qui n’ont
jamais été remis en cause : la primauté de l’action éducative sur la répression, la
spécialisation des juridictions et l’excuse atténuante de minorité.
Cependant, le constat de l’explosion de la délinquance juvénile a conduit à
s’interroger sur l’efficacité du dispositif mis en place par ce texte (Cf. not. J.F.
Renucci, Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir, RSC 2000 p.
79). Il est incontestable que la délinquance des jeunes a changé de nature depuis
1945. Et schématiquement, on note trois caractéristiques principales de son
évolution ces vingt dernières années. En premier lieu, les mineurs délinquants
sont de plus en plus nombreux. En effet, le nombre de mineurs mis en cause par
(D. 2001.IR.1774), est venue clairement énoncer que le simple fait causal du
mineur suffit à activer la responsabilité parentale et, dans un arrêt du 19 février
1997 (D. 1997.265 note Jourdain), que la responsabilité des parents était une
responsabilité de plein droit et qu’ils ne pouvaient s’exonérer de cette dernière
qu’en prouvant un cas de force majeure ou la faute de la victime. En matière
pénale, le législateur contemporain a entendu mettre l’accent sur la
responsabilisation des parents des mineurs délinquants. En effet, l’implication des
parents dans les mesures prononcées à l’égard du mineur délinquant est
essentielle pour la prévention de la récidive. Il est donc apparu nécessaire,
parallèlement aux mesures de soutien dont ces parents peuvent bénéficier, de
renforcer cette implication en sanctionnant par une amende civile les civilement
responsables défaillants qui ne défèrent pas aux convocations de l’autorité
judiciaire. Ainsi, l’article 10-1 de l’ordonnance de 1945 inséré par la loi du 9
septembre 2002 prévoit que lorsqu’ils sont convoqués devant le juge des enfants,
le juge d’instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs, les
représentants légaux du mineur poursuivi qui ne défèrent pas à cette convocation
peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat ou
la juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3750
euros. Cette amende peut être rapportée si les parents comparaissent
ultérieurement, ce qui donne à cette disposition un caractère essentiellement
dissuasif. Les personnes condamnées à l’amende peuvent former opposition
devant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de la notification de
la décision de condamnation.
En droit français, les juridictions compétentes pour juger les mineurs délinquants
ont fait l’objet d’une spécialisation. Celle-ci permet d’apporter une réponse plus
adaptée aux réalités tout en permettant une certaine continuité de l’action à
l’égard des jeunes délinquants. En effet, l’ordonnance de 1945 et les textes
postérieurs ont tenté d’aménager les juridictions intervenant à tous les stades de
la procédure dans le cadre de la minorité. Cependant, si pour certaines de ces
juridictions, la spécialisation a été poussée avec l’application de règles
véritablement originales, pour d’autres, l’organisation et la compétence restent
sensiblement les mêmes qu’en droit commun.
En ce qui concerne les juridictions d’instruction, le Code de l’organisation
judiciaire prévoit que chaque tribunal de grande instance dans le ressort duquel
un tribunal pour enfants a son siège doit avoir un ou plusieurs juges d’instruction
spécialement chargés des affaires de mineurs. Conformément au droit commun,
le juge d’instruction peut être saisi par le procureur de la République ou par la
victime qui se constitue partie civile. Cependant, la saisine du juge d’instruction
présente des particularités en matière de minorité. En effet, le juge d’instruction
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 343
peut également être saisi par un renvoi opéré par le juge des enfants lorsque
celui-ci se rend compte de la gravité de l’affaire dont il a été chargé. Le juge
d’instruction est exclusivement compétent pour instruire en matière criminelle.
Pour les délits, le juge d’instruction aura une compétence concurrente avec le
juge des enfants en fonction de la gravité de l'affaire. Le juge chargé de
l’instruction peut ordonner diverses mesures d’observations afin de connaître le
mieux possible la personnalité du jeune délinquant. On trouve ainsi les enquêtes
judiciaires demandées à la police, à la gendarmerie ou aux organismes sociaux
et qui visent à recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale
de la famille, sur le caractère du mineur ou encore sur ses antécédents. Le
magistrat instructeur peut, en outre, soumettre le mineur à différents examens
(psychologiques, médicaux, neuro-psychiatriques ou encore professionnels)
destinés à le renseigner sur son état de santé et sur ses aptitudes intellectuelles
ou professionnelles. Le juge instructeur peut également procéder à une
observation du comportement du mineur et notamment avoir recours à la liberté
surveillée provisoire. Enfin, il convient de noter que lorsque que le juge des
enfants intervient en qualité de magistrat instructeur, l’ordonnance de 1945
prévoit qu’il peut procéder à une enquête par « voie officieuse ». Cela permet une
réduction importante du formalisme puisque dans cette hypothèse, il n’est pas
tenu de respecter les formes prévues par le Code de procédure pénale. Depuis la
loi du 15 juin 2000, c’est un magistrat distinct, le juge des libertés et de la
détention qui est un magistrat du siège appartenant au tribunal de grande
instance, qui a seul compétence pour placer un mineur de plus de 13 ans en
détention provisoire à la demande soit du juge d’instruction, soit du juge des
enfants. Au sein de la Cour d’appel, la chambre de l’instruction, dans les affaires
de mineurs, intervient dans des conditions à peu près similaires à celles de droit
commun. Cependant, lorsque cette juridiction statue sur une affaire où un mineur
est en cause, un conseiller délégué à la protection de l’enfance doit siéger.
En ce qui concerne les juridictions de jugement, la spécialisation est plus
importante. L’ordonnance de 1945 a institué le juge des enfants. La spécificité de
ce magistrat réside dans le fait qu’il intervient aux divers stades de la procédure
et n’est pas cantonné au seul stade du jugement. Au stade de l’instruction, le juge
des enfants effectue toutes les diligences et investigations utiles pour parvenir à
la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur
lorsque le jeune délinquant a commis une contravention de la cinquième classe
ou un délit. Mais, pour ces infractions, le juge des enfants partage sa compétence
avec le juge d’instruction. Au stade du jugement, après l’instruction de l’affaire, le
juge des enfants décide s’il doit juger le mineur en chambre du conseil ou s’il doit
le renvoyer devant le tribunal pour enfants. S’il statue en chambre du conseil, il
pourra prononcer une admonestation, une remise à la famille ou à la personne
qui avait la garde du mineur, une mesure de liberté surveillée, la mise sous
contrôle judiciaire ou une mesure de placement. Mais en aucun cas, le juge des
344 International Review of Penal Law (Vol. 75)
Avant le jugement, les mineurs comme les majeurs peuvent faire l’objet d’un
placement en garde à vue, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire.
Cependant, en la matière, les règles dérogatoires au droit commun sont assez
nombreuses.
L’article 4 de l’ordonnance de 1945 a mis en place un régime spécifique de la
garde à vue applicable au mineur. Cet article définit les conditions du recours à la
garde à vue pour les mineurs en fonction de leur âge. Le principe est que le
mineur de 13 ans ne peut être placé en garde à vue. Cependant, il est possible
de retenir un enfant entre 10 et 13 ans. Sur ce point, la loi du 9 septembre 2002
est venue modifier l’article 4 en vue de faciliter cette retenue. En effet, la
délinquance des mineurs de 10 à 13 ans ayant progressé ces dernières années
dans des proportions inquiétantes, le législateur français a jugé indispensable de
faciliter les conditions de l’enquête en augmentant la durée de la retenue et en
diminuant le seuil des sanctions la permettant. Désormais, un mineur de 10 à 13
ans pourra, si les nécessités de l’enquête l’exigent, être retenu pour une durée ne
pouvant dépasser 12 heures (au lieu de 10), renouvelable une fois, lorsqu’il existe
des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de
commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement (au
lieu de 7). Pour que cette retenue soit possible, il faut avoir préalablement
recueilli l’accord d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction ou
d’un juge des enfants. Le renouvellement de la retenue est possible s’il est décidé
par le magistrat après une présentation du mineur devant lui. Pour les mineurs de
13 à 18 ans, la garde à vue est possible pour les mêmes durées que pour les
adultes. En outre, la loi du 15 juin 2000 est venue compléter l’ordonnance de
1945 (Art. 4-VI). En vertu de cette disposition, le mineur délinquant bénéficie de
l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires. L’enregistrement original est
placé sous scellés et sa copie est versée au dossier. Il ne peut être visionné
qu’avant l’audience de jugement, en cas de contestation du contenu du procès-
verbal d’interrogatoire, sur décision du juge d’instruction ou du juge des enfants.
A l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la date de l’extinction de l’action
publique, l’enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d’un
mois.
La loi du 9 septembre 2002 a inséré dans l’ordonnance de 1945 un nouvel article
10-2 concernant le contrôle judiciaire des mineurs dont il est indiqué qu’il peut
être ordonné dans les conditions générales, applicables aux majeurs, prévues par
le Code de procédure pénale, sous réserve des règles spécifiques applicables
précisées par les II et III de cet article. En ce qui concerne le contrôle judiciaire
des mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière
délictuelle, l’article 10-2 prévoit que le prononcé du placement sous contrôle
348 International Review of Penal Law (Vol. 75)
détention. Ce contrôle judiciaire ne peut être ordonné que pour une durée de six
mois, renouvelable une seule fois.
L’article 11 de l’ordonnance de 1945, modifiée par la loi du 9 septembre 2002,
énonce les conditions du placement en détention provisoire d’un mineur. Il est
prévu que la détention provisoire doit être indispensable ou qu’il doit être
impossible de prendre toute autre disposition. Elle ne peut être prononcée que si
les obligations du contrôle judiciaire s’avèrent insuffisantes. En ce qui concerne
les mineurs de 16 à 18 ans, la détention provisoire peut être décidée s’ils
encourent une peine criminelle, une peine correctionnelle d’une durée égale ou
supérieure à 3 ans ou s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’un
contrôle judiciaire. S’agissant des mineurs de 13 à 16 ans, le placement en
détention provisoire est possible s’ils encourent une peine criminelle et, depuis la
loi du 9 septembre 2002, en matière délictuelle en cas de révocation du contrôle
judiciaire comportant l’obligation de respecter les conditions d’un placement dans
un centre éducatif fermé. La durée de la détention provisoire est alors fixée à 15
jours, renouvelable une fois s’il s’agit d’un délit puni de moins de 10 ans
d’emprisonnement et à un mois, renouvelable une fois, s’il s’agit d’un délit puni de
10 ans d’emprisonnement. Lorsqu’interviennent plusieurs révocations du contrôle
judiciaire, il est prévu que la durée cumulée de la détention ne peut excéder une
durée totale d’un mois dans la première hypothèse et de deux mois dans la
seconde. En outre, l’ordonnance de 1945 prévoit depuis septembre 2002 que
lorsque les mineurs ayant fait l’objet d’un placement en détention provisoire sont
remis en liberté en cours de procédure, ils font l’objet, dès leur libération, de
mesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées par leur situation et
déterminées par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et
de la détention. Si le magistrat estime qu’aucune de ces mesures n’est
nécessaire, il doit statuer par décision motivée. Enfin, l’article 11 de l’ordonnance,
réformé par la loi du 9 septembre 2002, prévoit que les mineurs âgés de 13 à 16
ans ne peuvent être placés en détention provisoire que dans les seuls
établissements garantissant un isolement complet d’avec les détenus majeurs
ainsi que la présence en détention d’éducateurs.
efficace aux actes commis par ces derniers, notamment lorsqu’ils ont déjà fait
l’objet d’une admonestation, d’une remise aux parents et qu’il est nécessaire
d’apporter une réponse judiciaire plus ferme. Ces sanctions éducatives
apparaissent en réalité comme des sanctions que les parents du mineur
pourraient être amenés à mettre eux-mêmes en œuvre, mais qui sont
prononcées par l’autorité judiciaire se substituant à une autorité parentale
défaillante. Ces sanctions peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants
ou par la cour d’assises des mineurs. C’est le nouvel article 15-1 de l’ordonnance
de 1945 qui énumère ces sanctions. Il s’agit : de la confiscation de l’objet détenu
ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en
est le produit ; de l’interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéder
un an, dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise et qui sont
désignés par la juridiction, à l’exception des lieux dans lesquels le mineur réside
habituellement ; de l’interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de
rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l’infraction, le ou les coauteurs ou
complices éventuels, désignés par la juridiction ou d’entrer en relation avec eux ;
de la mesure d’aide ou de réparation mentionnée à l’article 12-1 de l’ordonnance ;
de l’obligation de suivre un stage de formation civique, d’une durée qui ne peut
excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant
de la loi. La juridiction désigne le service de la protection judiciaire de la jeunesse
ou le service habilité chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Ce
service fera rapport au juge de l’exécution de la sanction. En cas de non respect
par le mineur de ces sanctions éducatives, le tribunal pour enfants pourra
prononcer son placement dans une institution d’éducation, dans un établissement
médico-pédagogique ou dans un internat approprié aux mineurs délinquants.
Deux conditions doivent être remplies pour que la juridiction de jugement puisse
décider de prononcer une peine. En premier lieu, le mineur doit être âgé de treize
ans révolus au jour de la commission de l’infraction. En second lieu, il faut que les
circonstances de l’infraction et la personnalité de l’auteur semblent exiger le
prononcé d’une peine. Cette question ressort alors du pouvoir d’appréciation des
juges du fond. Dans un arrêt du 1er février 1951 (JCP 1951-II-6107 note J.
Brouchot), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser que
la question de l’opportunité de la condamnation pénale devait porter « non sur les
éléments constitutifs de l’infraction, mais sur l’individu lui-même ». Les peines
pouvant être prononcées sont l’emprisonnement, assorti éventuellement d’un
sursis simple ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, l’amende et le travail d’intérêt
général. Cette dernière peine, qui consiste en un travail non rémunéré d’une
durée comprise entre 40 et 240 heures au profit d’une personne morale de droit
public ou d’une association habilitée, ne peut être prononcée qu’à l’égard des
mineurs de 16 à 18 ans.
Lorsque le juge opte pour la voie répressive, des précautions sont prises en
raison de la personnalité encore fragile du mineur. Ainsi, l’article 20-2 de
352 International Review of Penal Law (Vol. 75)
Ainsi, le droit français a entendu se doter des moyens pour faire face à
l’augmentation et au rajeunissement de la délinquance juvénile en prenant en
compte les préoccupations sécuritaires de l’opinion publique. Il est vrai que la
responsabilisation de l’enfant s’avère essentielle et doit passer par l’abandon de
l’idée erronée de l’irresponsabilité pénale du mineur et par la nécessité d’apporter
une réponse aux actes commis par les jeunes délinquants.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’enfant étant un être en voie de
structuration, la responsabilité retenue contre lui ne peut être la même que celle
d’un adulte. C’est pourquoi, la responsabilisation du mineur doit s’accompagner
de mesures de resocialisation destinées à lutter contre l’exclusion, l’un des
facteurs essentiels de la délinquance juvénile.
IRAN
Introduction
I - Fondement du principe
L’article 4 de la Constitution iranienne énonce que toutes les lois et tous les
réglements civil, pénal, financier, économique, administratif, culturel, militaire,
politique, …. adoptés en Iran, doivent être régis par les prescriptions islamiques.
Ainsi, le fondement de l’institution de la responsabilité pénale doit être recherché
et puisé dans le droit musulman.
C’est bien à partir de ce principe religieux que le législateur iranien a prescrit
dans l’ article 49 du code pénal que “les enfants, en cas de la commission d’une
infraction, ne sont pas pénalement responsables”. La note 1 du dit article définit l’
enfant comme quiconque n’ ayant pas atteint l’âge de “la puberté religieuse”
(Bolug – é – sharii). Au vu du droit musulman chiite, la pubérté se manifeste par
l’activité des glandes reproductrices et la manifestation des caractères sexuels
secondaires.
Ainsi, pour les jurisconsultes chiites, la pubérté, qui est essentiellement de nature
physique, coïncide avec l’intelligence de l’individu et, de ce fait, il est considéré
pénalement responsable. Cependant, l’âge de la responsabilité pénale, basé sur
la pubérté, diffère suivant le sexe de la personne, dans la mesure où la pubérté
chez les garçons et chez les filles ne se manifeste pas à la même période de la
croissance physique.
Certains doctrinaires, aussi bien universitaires qu’islamiques4, se sont prononcés,
ces dernières années, pour un nouveau fondement de la responsabilité en
matière pénale. Il s’agit, pour eux, de prendre en compte également la maturité
psychologique de la personne.
4. Cf. Ardebili (M.-A.) Droit pénal général (Hogoug – é – Jaz ay – é – Oumoumi), Vol. II,
4ème édition, Ed. Misan, Téhéran 2002, pp. 108 – 110; Marashi (S.M.-H.), Quelques
considérations sur l’âge de la pubérté (Tahghighi darbare –é- sén – é – boloug), in
Didghay Now dar Hougough kayfari Éslam. Ed. Mizan, 1994 (1373 H.S.), PP.13-33.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 403
En droit pénal iranien actuel et chez les jurisconsultes chiites qui l’inspirent, l’âge
est animé par deux conceptions. La première considère l’âge comme une
présomption de maturité et, par conséquent, l’âge n’a pas en soi une valeur
intrinsèque; la deuxième conçoit l’âge comme une présomption juridique; de ce
fait, l’âge représente le critère sur lequel le tribunal doit se baser pour évaluer la
responsabilité du délinquant.
L’âge de la majorité pénale n’est pas fixé par le code pénal. En revanche c’est le
code civil iranien, dans son article 1210, note 1, modifiée en 1982, qui le fixe à 15
ans Hégire lunaire pour les garçons et à 9 ans Hégire lunaire pour les filles. Ainsi,
le seuil de la puberté religieuse (la majorité en droit iranien) indiqué à l’article 49,
note 1, du code pénal est en fait fixé par le code civil.
Cependant il existe de nos jours une tendance aussi bien chez les universitaires
que chez les jurisconsultes chiites à élever ce seuil d’âge à un niveau pouvant
correspondre au développement psychologique de l’individu. C’est dans ce sens
qu’ils préconisent d’élever, au moins le seuil d’âge chez les filles, à 13 ans. En
5. Dans le cas présent il s’agit de payer une somme d’argent ou de donner un bien, en
tant que “diyé” (Composition pécuniaire), égal à la gravité de la lésion corporelle, à la
victime ou à ses ayants droit.
6. Suivant l’article 307 du code pénal “Aghélé” est tout parent mâle dans la ligne paternelle
et maternelle ou paternelle qui seraient appelés à hériter, si le coupable venait à décéder.
404 International Review of Penal Law (Vol. 75)
effet, ils cosidérent que l’âge n’est qu’un indice de la majorité, et ce qui est plus
important, c est le developpement de la faculté de discernement de la personne.
Quoique l’article 49 du code pénal stipule, en terme général, que les mineurs
(impubères), en cas de commission d’une infraction, ne sont pas pénalement
responsbles et que leur rééducation est confiée à leurs parents et, le cas
échéant, au Centre de Correction et de Rééducation, nonobstant par la pratique
jurisprudentielle, les juridictions se voient interdire d’intervenir à l’égard des
mineurs de moins de six ans. Cette pratique s’inspire, en fait, de l’ancienne loi de
1959 relative à « la création du tribunal pour enfants délinquants » où le
législateur avait expressément exclu les enfants de moins de six ans du droit
pénal des mineurs. D’autre part, le législateur iranien n’a prévu aucune catégorie
spécifique, en deça de la minorité ou au – delà de la mjorité, bénéficiant d’un
régime pénal particulier.
7. Les jeunes délinquants de moins de 18 ans relèvent également de ces chambres. Dans
ce cas, ces chambres appliquent la procédure pénale de droit commun.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 405
Néanmoins, par une pratique prétorienne toute récente, certains magistrats font
appel, à l’égard des mineurs, à des mesures éducatives, telles que
l’apprentissage d’un métier, l’alphabétisation, le travail d’interêt général, la
406 International Review of Penal Law (Vol. 75)
V - Aspects internationaux
8. Pour plus de détails Cf. NADJAFI (A.H.), les mineurs délinquants en droit iranien, In
Revue Pénitentiaire et de droit pénal, no 1, 2003.
9. C’est le cas où une personne contraint une autre de commettre un homicide.
10. C’est le cas où une personne donne l’ordre à une autre personne de tuer quelqu’un.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 407
Conclusion
On assiste depuis 1999 à une certaine évolution du droit pénal des mineurs en
Iran. En effet, une commision - au sein du pouvoir judiciaire - composée
d’universitaires, magistrats et experts locaux de l’Unicef vient d’achever, après
plus de deux ans d’études et de réunions, un projet de loi relatif à la « Création
d’un tribunal pour enfants et adolescents délinquants ». Les promoteurs de ce
projet de loi se sont largement inspirés à la fois de l’esprit de l’ancienne loi de
1959, des instruments de l’ONU et des apports du droit pénal des mineurs
comparé. Ce projet va incessement être soumis à la Commision des lois du
gouvernement.
Ainsi, on peut espérer qu’ avec l’adoption de ce projet de loi par le Parlement, le
droit pénal des mineurs iranien serait restauré, après son abrogation en deux
temps, c’ est-à-dire en 1980 puis en 1982.
POLOGNE
1 - Historique
Les règles de la responsabilité pénale des mineurs en Pologne ont leur source dans
les régulations adoptées dans les années 1920 et 1930. Les actes publiés à cette
époque, les premiers en Pologne qui se référaient à cette question, notamment le
Code de procédure pénale de 1928 et le Code pénal de 1932, ont créé un ensemble
de règles sur la responsabilité pénale des mineurs, les séparant des règles sur la
responsabilité pénale des adultes.
On a prévu deux seuils d'âge : 13 ans, limite absolue de l'irresponsabilité pénale, et 17
ans, limite de la responsabilité pleine, c'est-à-dire une responsabilité comme chez un
adulte. Comme cela a été exprimé en 1934 par l'un de plus grands auteurs du droit
pénal polonais, Wladyslaw Wolter, vu le seuil de 18 ans pour une majorité juridique
totale, déterminé par le droit civil, l'abaissement de la limite d'âge à 17 ans traduit le
fait que les exigences du droit pénal ne sont pas tellement compliquées et que même
une personne de 17 ans est capable de les comprendre. Cette notion s'est avérée très
résistante et est toujours valable en Pologne. Malgré de nombreuses propositions
d'égaler l'âge de responsabilité pénale pleine à l'âge de majorité civile (18 ans), le
présent Code pénal de 1997, entré en vigueur le 1er septembre 1998, a maintenu le
principe, édicté en 1932, de la majorité pénale avancée. Des solutions identiques ont
été prises dans le Code pénal de l'époque socialiste, datant de 1969, en vigueur
depuis 1970, avant le présent Code (respectivement l'article 69 du Code pénal de
1932, l'article 9 § 1 du Code pénal de 1969, I'article 10 § 1 du Code pénal de 1997).
Il faut noter tout de suite que la loi actuellement en vigueur adoucit cette limite avec
des dispositions qui permettent l'application des mesures éducatives et
correctionnelles prévues pour les mineurs auteurs de délits (et non pas de crimes,
c'est-à-dire les actes punissables de trois ans d’emprisonnement au moins) qui
avaient moins de 18 ans au moment de la commission de l'acte (art. 10 § 4 du C.P. de
1997).
La régulation adoptée en 1932 portant sur la responsabilité pénale de l'auteur d'un
acte criminel âgé de 13 à 17 ans, est basée sur le principe de substitution aux peines
prévues par le Code pénal d’une mesure correctionnelle spécifique appelée
« placement dans un établissement correctionnel » et sur le principe de substitution au
tribunal pénal du tribunal des mineurs, qui, depuis les années 70, est le tribunal de la
famille. Le principe de substitution s'étend également à la procédure et prévoit une
substitution à la procédure pénale générale d'une procédure autonome, introduite par
le Code de procédure pénale de 1928 et modifiée et développée par la loi sur la
procédure dans les affaires des mineurs de 1982.
Néanmoins, les possibilités de juger un mineur devant un tribunal pénal n'ont pas été
totalement exclues du droit polonais. C'est possible dans certains cas en vertu de la
loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, notamment si la procédure a été
instituée dans le cas d'un ex-mineur, ayant déjà 18 ans. Alors le tribunal pénal peut
prononcer: une peine prévue par le Code pénal, mais obligatoirement atténuée, ou
une mesure prévue dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs. Dans
d'autres cas, quand le mineur est jugé en même temps qu’un adulte et que la jonction
de leurs affaires est nécessaire, il peut être jugé par le tribunal pénal qui appliquera
les mesures pour les mineurs.
Devant le tribunal pénal, quand il est accusé d'avoir commis un acte criminel et peut
être condamné à un placement dans un établissement correctionnel, dans le cadre
d'une procédure appelée par la loi 'correctionnelle', un mineur jouit de tous les droits
d'une partie, en particulier du droit à la défense. La participation de son défenseur
devant le tribunal est obligatoire.
Pour pouvoir condamner un mineur à une peine prévue par le Code pénal, il est
nécessaire de constater qu’il est capable d'avoir la volonté de commettre un acte
punissable, volonté déterminée par les critères de développement et des signes
importants de sa dangerosité. Le Code Pénal en vigueur mentionne ainsi (art. 10 § 2):
les circonstances de l'affaire, le niveau de développement de l'auteur, ses qualités et
conditions personnelles justifiant cette décision, en particulier le fait que les mesures
éducatives ou correctionnelles appliquées précédemment se sont avérées inefficaces.
La loi sur la procédure dans les affaires des mineurs dispose qu'un placement dans
un établissement correctionnel peut être imposé au mineur si un niveau élevé de
dangerosité, ainsi que les circonstances et caractère de l'acte le justifient, en
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 439
2 - Le droit en vigueur
délits les plus graves, au lieu de les énumérer comme aujourd'hui, aussi bien que
l’abolissement, au moins partiel, des adoucissements prévus par le droit pour les
auteurs mineurs.
Il semble cependant que cette réforme ait plus un caractère politique que dogmatique
sensu stricto. On n'a pas formulé de justification importante et acceptable de rejet du
principe fondamental en droit pénal polonais de l’atténuation de l’élément moral chez
le mineur, ce qui doit influer sur l'application des peines. Au contraire, la doctrine
considère souvent la capacité seulement partielle de mineur d'avoir la volonté de
commettre un acte punissable ou bien l’absence de volonté, alors que pleine capacité
et volonté justifient en général l'application de la sanction pénale.
Sans doute, le maintien de la limite d'âge de 17 ans au moment de la commission de
l'acte comme une limite de responsabilité pénale prévue pour les adultes est très
important pour le droit polonais. Il semble difficile de la justifier autrement que par la
tradition du droit polonais et les opinions de la société polonaise sur ses exigences
envers la jeunesse. La possibilité facultative d'appliquer les mesures éducatives,
thérapeutiques et correctionnelles envers les auteurs des délits qui n'ont pas atteint
l'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte est rarement utilisée.
L'élargissement du champ de punissabilité réelle, non substitutive, des mineurs, doit
être reconnu comme une tendance stable du droit pénal polonais. Malgré les opinions
qui s'y opposent et qui soulèvent les arguments différents, relatifs par exemple à la
responsabilité de la société dans les actes des mineurs, le droit pénal polonais corrige
le système des limites d'âge, établi il y a longtemps, par des exceptions qui impliquent
- au lieu de perspective éducative et protectrice, ou bien éventuellement perspective
de réhabilitation (correctionnelle), déterminée par la possibilité d'appliquer de mesures
différentes d'influence, le placement dans un établissement correctionnel, comme une
mesure la plus sévère inclus - une perspective de punissabilité littérale.
Le caractère marginal de ces cas semble un autre problème. Les affaires des mineurs
jugées par les cours pour adultes ne constituent que quelques centaines sur chaque
cent mille des affaires jugées chaque années par les cours des mineurs, tandis que
les condamnations des mineurs aux peines prévues par le Code pénal depuis l'entrée
en vigueur de cette possibilité, c'est-à-dire depuis 1970, ne sont que quelques cas en
moyenne par an.
Il faut alors reconnaître que la détermination de la limite de base d'âge pour avoir une
volonté de commettre un acte punissable qui justifierait le recours à la sanction
pénale, constitue une question toujours ouverte et controversée dans le droit pénal
polonais. Le législateur souhaite continuellement baisser et élargir le champ de
punissabilité littérale des mineurs. La majorité de la doctrine du droit pénal en principe
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 443
ne s'y oppose pas, mais la dispersion des arguments et points de vue est grande.
Cependant, il est permis d’affirmer que ces auteurs, spécialistes dans les questions de
la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, sont en général opposés à toutes
les formes de punition littérale des personnes non adultes.
Il est alors facile à comprendre que les propositions d’élever l'âge de la responsabilité
pénale pleine à l'âge de la responsabilité civile, c'est-à-dire à 18 ans, ne sont pas
particulièrement populaires et n'ont guère de répercussions dans les cercles
législatifs.
On peut ajouter que les peines de privation de liberté prononcées à l'encontre des
mineurs sont subies dans des établissements pour juvéniles (voir infra) et personne
ne soulève de réserves envers le régime d'exécution en vigueur.
On peut cependant se poser la question de savoir si l’abaissement de l'âge de la
responsabilité pénale pleine des auteurs d'actes les plus graves à 15 ans va changer
d'une façon importante le modèle polonais de responsabilité pénale des mineurs,
adopté dans les années 1930. La réponse n'est pas facile. D'une part, la procédure
pour les mineurs est définie par la loi de 1982, qui développe et affermit les idées
fondamentales formulées précédemment ; d'autre part, ce modèle est attaqué et
l’opinion s’étend de la nécessité de construire un modèle plus exigeant, ce qui veut
dire plus répressif. Une limite accessoire de responsabilité pénale à 15 ans prend de
l'importance de cette perspective.
Le droit pénal polonais appelle juvéniles les personnes qui n'ont pas atteint l'âge de 21
ans au moment de la commission de l'acte mais qui ne sont pas mineures, c'est-à-dire
sont responsables pénalement suivant les règles pour les adultes.
La même règle de punissabilité - la primauté des raisons éducatives - s'applique aux
juvéniles aussi bien qu'aux mineurs. En même temps, les juvéniles jouissent de façon
limitée d’adoucissements législatifs de responsabilité pénale similaires à ceux des
mineurs. En principe, le Code pénal ne prévoit qu'une correction importante dans
cette matière, notamment si un juvénile n'a pas atteint l'âge de 18 ans au moment de
la commission de l'acte, il ne peut pas faire objet d'une peine d'emprisonnement à
perpétuité.
La loi permet aussi qu'au lieu d'appliquer les peines prévues dans le Code pénal, la
cour applique les mesures prévues pour les mineurs à l'encontre d'un juvénile qui n'a
pas atteint l'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte et est accusé d'avoir
commis un délit.
444 International Review of Penal Law (Vol. 75)
La catégorie de juvéniles est élargie dans le procès devant la cour. Selon le droit
pénal polonais, dans le cadre d’un procès devant le tribunal, est juvénile toute
personne qui n'a pas atteint l'âge de 21 ans au moment de la commission de l'acte et
en même temps l'âge de 24 ans au moment de la prise de décision par le tribunal
(article 115 § 10 du CP).
Un juvénile peut jouir de l'atténuation extraordinaire de la peine (article 60 § 1 du CP),
si elle est justifiée par les raisons éducatives. Les tribunaux ne sont pourtant pas très
pressés d'utiliser cette possibilité. Une opinion prévaut que les juvéniles ne doivent
pas être traités avec indulgence dans le procès devant la cour pénale, ce qui de facto
signifie un certain effacement du statut séparé des juvéniles dans la pratique
judiciaire.
Un juvénile subit la peine d'emprisonnement dans un type spécial d'établissements
pénitentiaires - un établissement pour juvéniles.
La doctrine du droit pénal polonais interprète avec précaution le statut spécifique des
juvéniles au regard de la responsabilité pénale. Néanmoins, la même règle de
punissabilité, prévue par l'article 54 § 1 du Code pénal, mentionnée ci-dessus,
s'applique aux mineurs aussi bien qu'aux juvéniles. Cela est très important dans le cas
de tous les troubles de la personnalité, ainsi que des retards mentaux ou situation
personnelle difficile d'un auteur jeune. Si l'acte commis est peu grave, la cour peut
appliquer un grand choix de mesures de probation, prévues par la loi, dont la première
est la suspension conditionnelle de l'exécution de la peine.
Cet ensemble de règles différentes de responsabilité pénale particulières et clairement
séparées, appliquées à l'encontre des juvéniles, dont l'élément le plus important est le
droit de l’exécution des peine d'emprisonnement, semble stable et n'est pas remis en
question. Il élargit les règles particulières de responsabilité pénale appliquées à
l'encontre des juvéniles.
4 - Appréciation générale
Le droit pénal polonais prévoit un modèle de procédure utilisé à l'encontre des auteurs
mineurs, fondé sur le renoncement à la punition et l’application d'un ensemble riche
de mesures d'influence non-pénale : éducatives, protectrices, thérapeutiques, ou si
c'est nécessaire, aussi de réhabilitation, sous la forme de placement dans un
établissement correctionnel. Il existe aussi une possibilité, qui n'a pas encore été
mentionnée, d'appliquer la procédure de médiation au lieu de procès devant la cour.
Répondant à la question du document préparatoire, il faut constater que la formule de
responsabilité pénale des mineurs est très claire mais inscrite d'une façon assez
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 445
compliquée dans le droit pénal polonais en vigueur. Si un mineur est tenu responsable
pénalement, ce qui est très rare, il est confronté aux règles de responsabilité
générales appliquées aux adultes. Certaines opinions non dominantes évoquent la
possibilité de donner un caractère totalement autonome aux règles de responsabilité
des mineurs. On parle alors du droit des mineurs et d'un besoin d'autonomie de ce
droit, séparé des règles de responsabilité des adultes. Le niveau de la perversité du
mineur, compris comme l'état de dangerosité de l'auteur, devient donc un critère
décisif pour cette approche.
Cette tendance ne trouve pourtant pas son développement dans la création du
concept d'un délit séparé et spécifique commis par un mineur. Une telle approche du
droit des mineurs semble étrangère au droit pénal polonais.
Un régime indépendant de responsabilité pénale des mineurs pour des actes
punissables, créé par la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs de 1982,
mais ayant ses sources dans les dispositions pénales de la première moitié du XXème
siècle, peut être exclu seulement en cas d'infractions d'importance particulière, et si
les mesures correctionnelles et éducatives appliquées précédemment se sont avérées
inefficaces. Les parents des mineurs ne sont pas tenus pénalement responsables
avec le mineur, mais ils peuvent être obligés par la cour à réparer les dommages
causés par le mineur, en partie ou pour le tout. Le tribunal peut aussi leur imposer
d'autres obligations, comme par exemple l'amélioration des conditions de vie du
mineur, le fait de lier des relations avec l'école, un établissement de réhabilitation ou
un médecin (article 7 de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs). La non-
observation des obligations imposées donne le droit à la cour d’imposer une peine
pécuniaire.
Les deux seuils d'âge ont une importance décisive pour le droit pénal polonais pour ce
qui est du statut de mineur et du statut de juvénile, qui le suit, notamment les âges de
17 et 21 ans. Le premier détermine l'âge de la responsabilité pénale pleine, la même
que pour les adultes. Le second est un statut privilégié, s'expliquant surtout par le
renoncement au principe général de punissabilité, qui accentue les besoins de justice,
déterminées par la gravité de l'acte, et sa substitution au principe de primauté des
influences éducatives à l'encontre de l'auteur. C'est l'âge de l'auteur au moment de la
commission de l'acte qui a une importance décisive. Les remaniements de ces seuils
généraux ne les modifient pas. L'âge de base de la responsabilité pénale du mineur,
selon les règles prévues dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs,
s'élève depuis des décennies à 13 ans. Le droit pénal polonais édicte la responsabilité
du mineur pour la commission d'un acte punissable sur un critère de développement,
de maturité. Un auteur qui n'a pas atteint l'âge de 17 ans au moment de la
446 International Review of Penal Law (Vol. 75)
commission d'un acte ne sera pas puni pour son acte mais au maximum, sera placé
dans un établissement correctionnel. Un auteur jeune, juvénile, peut espérer une
atténuation de la peine. Alors, on peut constater que le droit polonais suit le principe
de la faute qui semble demander une maturité totale de l'auteur. En plus, on applique
le critère du bien de l'enfant envers les mineurs. Le processus d'évolution du droit qui
se déroule en Pologne d'une façon très intense, semble prendre la direction de
l’élargissement des possibilités de punir littéralement les mineurs. On ne peut pourtant
pas craindre que cette punissabilité touche autrui que les auteurs des actes les plus
dangereux, très pervers et remplissant les critères de développement mental, c'est-à-
dire permettant de leur attribuer la faute. Il faut aussi souligner une attitude très
prudente de la doctrine du droit pénal polonais envers cette tendance d'élargissement
de la punissabilité des mineurs, déterminée par les propositions d'une grande partie
de la société et relayée par les politiciens.
Selon l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs, les affaires concernant
les mineurs sont de la compétence du tribunal de la famille, sauf dispositions
spéciales.
Conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi précitée, nous considérons
comme tribunaux de la famille (des affaires familiales) les sections familiales et des
mineurs des tribunaux de district, créées par le règlement du ministre de la justice (art.
12§ 1 p. 3 de la loi du 27 juillet 2001 sur l'organisation des tribunaux généraux, J.O.
No 98, pos.1070).
Les tribunaux de la famille sont compétents pour les affaires du champ de la loi sur la
famille et la tutelle concernant les mineurs, en matière de dangerosité et de faits
punissables des mineurs, en matière de traitement des personnes dépendant de
l'alcool et des drogues, ainsi que des affaires relevant selon d'autres lois de la
compétence du tribunal des tutelles.
La solution adoptée par l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs est
conforme à l'article. 40 de la Convention sur les droits de l'enfant, ratifiée par la
Pologne (J.O. de 1991 No 120, pos. 526).
Aux articles 16 §2, 18 et 42 §3, nous trouvons les exceptions à la règle déterminée à
l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs selon laquelle les affaires
concernant les mineurs sont jugées par les tribunaux de la famille.
L’article 16 §2 permet, dans des cas spécialement justifiés, de commencer à mener
l'enquête par un procureur, si le fait punissable du mineur présente en lien direct avec
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 447
L'article 18 de la loi sur la procédure envers les mineurs constitue une norme spéciale.
Il exclut la compétence du tribunal de la famille. Selon cet article « Le tribunal
compétent selon les dispositions du Code de procédure pénale statue sur l'affaire
dans des cas suivants:
1. lorsque le prononcé d'une peine envers le mineur est justifiée selon l'article 10 §2
du code pénal ;
2. lorsque la poursuite a été intentée envers un mineur, qui a commis un fait
punissable visé à l'article 1 §2 p. 2 ( ), alors qu’il a dépassé 18 ans.
Selon l'article 42 §3, le juge des affaires familiales est obligé de transmettre l'affaire au
procureur si au cours de la procédure d’enquête, des circonstances justifiant le
prononcé envers le mineur de la peine prévue à l'article 10 §2 du CP se sont révélées.
De même, s'il apparaît des circonstances nouvelles, montrant qu'il n'a pas besoin de
requérir la peine, le procureur n'établit pas d'acte d'accusation et transmet l'affaire au
juge des affaires familiales.
Dans la procédure envers les mineurs (qui est réglée par les dispositions de la loi sur
la procédure envers les mineurs) nous pouvons différencier deux stades. Ce sont: :
a) la phase de la procédure devant le tribunal dont le déroulement est réglé par les
dispositions de la section III (art. 15-63)
b) la phase de la procédure d'exécution qui est décrite par les dispositions de la
section IV (art. 64-95).
c)
Vu la diversité des organes devant lesquels la procédure est menée (au stade de la
procédure devant un tribunal) nous devons remarquer deux sous-phases suivantes:
a) la procédure devant le tribunal de la famille (art. 15-57)
b) la procédure devant le tribunal d'appel, qui est toujours le tribunal régional (art.
58).
448 International Review of Penal Law (Vol. 75)
1. Une telle définition du mineur a été jugée par la doctrine comme imprécise. L’absence de
limite minimale d'age au-dessous duquel on pourrait mener une procédure envers un enfant
pour dangerosité a été critiquée.
2. La loi sur la procédure envers les mineurs ne contient pas de définition de la notion de
« dangerosité ». L'art. 4 § 1 énumère les circonstances prouvant la dangerosité d'un mineur. On
distingue parmi elles entre autres la soustraction à l’obligation scolaire, I'usage de l'alcool ou
des stupéfiants, la prostitution, le vagabondage, la participation à des groupes criminels.
L'utilisation dudit terme dans la loi a été aussi critiqué par la doctrine car il est imprécis et peut
suggérer la faute de l'enfant en matière de dangerosité.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 449
Les compétences de la police dans des affaires des mineurs sont restreintes. Dans
les cas urgents, la police rassemble et garde les preuves d'un acte punissable
commis, et si nécessaire les fonctionnaires de la police arrêtent le mineur ou
accomplissent d'autres actes sur l'ordre du juge des affaires familiales.
La procédure explicative peut être entamée seulement si l'on connaît le mineur contre
lequel le procès va se dérouler. En pratique, le juge des affaires familiales commence
à la fois la procédure dans l'affaire envers un mineur et la procédure d'explication.
Dans la procédure envers un mineur nous distinguons les parties au procès suivantes:
1. Ie mineur
2. Ies parents ou le tuteur
3. le procureur.
La procédure d'explication dans les affaires de dangerosité a pour but de révéler s'il
existe les circonstances prouvant la dangerosité du mineur. La procédure dans
l'affaire d'un fait punissable vise à établir si le mineur a vraiment commis le fait
reproché. Dans ces deux cas la procédure d'explication a pour but de déterminer s'il
faut utiliser envers le mineur les mesures prévues par la loi. Pendant la procédure
d'explication les renseignements sur le mineur et sur ses conditions éducatives,
médicales et de vie sont réunis et les preuves sont rassemblées. Le juge des affaires
familiales interroge le mineur, ses parents ou son tuteur et le cas échéant d'autres
personnes. Si besoin est, il ordonne la fouille, la perquisition, la vision oculaire ou
accomplit d'autres actes de procédure afin d'éclaircir l'affaire à tous points de vue.
Dans la procédure d'explication, on utilise les dispositions du code de la procédure
civile- voie non contentieuse. En ce qui concerne le rassemblement et la protection
des preuves par la police ainsi que l’octroi d’un avocat, on utilise les dispositions du
code de procédure pénale avec des modifications prévues par la loi (art. 20).
Les organes menant la procédure dans une affaire de mineur sont obligés avant tout
d'établir des critères et conditions d'application des mesures spécifiées par la loi sur la
procédure envers les mineurs.
Selon l'article 24 §1, dans chaque affaire concernant un mineur, il faut mener une
enquête sociale afin d'établir les données concernant ledit mineur et son entourage.
Plus précisément ces données concernent: le comportement du mineur, les conditions
dans lesquelles il a été élevé, la situation financière de sa famille, son attitude envers
l'école et son progrès scolaire, ses activités de temps libre, les personnes qu'il côtoie,
l'attitude des parents ou tuteurs envers le mineur, les méthodes éducatives
employées, l'état de santé et les habitudes ou dépendances du mineur. Une telle
450 International Review of Penal Law (Vol. 75)
de la loi sur la procédure envers les mineurs énumère les cas de placement d'un
mineur dans l'asile pour mineurs. Cette mesure peut être prononcée seulement s'il
apparaît que les circonstances prouvent l'utilité du placement et aussi si l’on peut
craindre que le mineur aille se cacher ou dissimuler les traces de l'acte commis, ou
encore si l'on ne peut pas établir la personnalité du mineur. Le placement du mineur
peut prendre place aussi dans le cas où il est présumé avoir commis l'un des actes
énumérés dans l'article 27§ 2 de la loi sur la procédure envers les mineurs. La durée
du placement dans un asile pour mineurs doit être déterminée dans l'arrêt de
placement. Le temps de séjour du mineur dans l'asile, avant que l'affaire ne passe à
l'audience, est de trois mois au plus 3. Si le mineur n'a pas de défendeur, le tribunal
rendant l'arrêt de placement désigne un avocat d'office. Le placement dans l'asile pour
mineurs constitue un de cas où la présence de l’avocat est obligatoire.
Le placement dans un centre policier d'enfants est une autre mesure provisoire
utilisée envers une catégorie spéciale des mineurs. Ce placement peut être ordonné
seulement par la police. L'article 40 de la loi sur la procédure envers les mineurs
dispose que le placement dans le centre policier d'enfants peut prendre place
seulement si cela est nécessaire, vu les circonstances de l'affaire. Il s'agit du mineur
qui a probablement commis une infraction et dont on peut craindre qu'il n’aille se
cacher ou dissimuler les traces de l'acte commis ou encore dont on ne peut établir
l’identité. Le tribunal de la famille compétent doit être informé le plus vite possible (au
plus dans les 24 heures) de l'arrestation d'un mineur.
Le mineur doit être tout de suite libéré et remis aux parents ou tuteur si :
- la cause de l’arrestation n'existe plus ;
- le tribunal de la famille le décide ;
- on a excédé la durée de 24 heures pour prévenir le tribunal de la famille ;
- le mineur n'a pas été informé durant 72 heures (à partir du moment de
l’arrestation) de la décision du tribunal sur le placement dans l'asile pour mineurs
ou sur le placement provisoire dans un établissement d'éducation ou
établissement de soins.
Le mineur qui s'est volontairement absenté de l'asile pour mineurs ou de la maison de
correction peut être placé dans le centre policier d'enfants (au maximum cinq jours)
pour le temps qui est nécessaire à son transfert vers l’établissement approprié.
Une fois la procédure d'explication finie, le juge des affaires familiales peut: :
la loi sur la procédure envers les mineurs. Cet article énumère les personnes étant
parties au procès. Malgré l'absence de la victime dans l'énumération dudit article, il
faut lui accorder le caractère d'une partie dans la procédure d'explication. Selon
l'article 21 §2, les dispositions appropriées du Code de procédure pénale doivent être
utilisées pour la victime. Selon la doctrine, la victime est une partie dans la procédure
préparatoire. Vu quand même les fonctions de ce stade du procès, les droits de la
victime sont assez restreints.
La loi sur la procédure envers les mineurs accorde à la victime au cours de la
procédure d'explication certains droits. Ainsi la victime a le droit de déposer un recours
contre la décision du juge des affaires familiales de refus d'ouverture de la procédure
ou contre la décision de non-lieu (art. 21 § 2 et 3). La victime peut aussi déposer un
recours contre la décision de ne pas intenter une procédure ou contre une décision de
non-lieu dans une affaire où le fait est poursuivi sur sa demande ou sur accusation
privée (art. 22 § 3). En dehors de tout cela, la victime a les mêmes droits que les
autres parties, entre autres elle a le droit d'être informée de l'ouverture de la
procédure (art. 31 §3), le droit de faire la demande d'administration de preuve (art. 35
§3), le droit de consulter le dossier de l'affaire et d'en faire les copies si le juge des
affaires familiales ne s'y s'oppose pas (sauf pour les enquêtes sociales et l'opinion sur
le mineur - art. 36 §3). L'article 43 §3 accorde à la victime le droit d'être informée de la
décision de l'examen de l'affaire. Cette disposition a pour but d'assurer à la victime
l'information sur le procès à chaque stade. En plus, elle a le droit de déposer des
recours contre les actes pouvant violer ses droits.
En ce qui concerne la procédure de jugement et la procédure d'exécution, les droits
de la victime dépendent du type de procédure et des dispositions employées. Dans la
procédure devant le tribunal de la famille on utilise les dispositions de la loi sur la
procédure envers les mineurs et du Code de procédure civile, et les dispositions du
Code de procédure pénale seulement en ce qui concerne les mesures de correction.
Pourtant, selon l’article 48, les dispositions concernant la procédure menée dans les
affaires sur accusation privée, l'action civile ou l'accusateur subsidiaire, ne seront pas
utilisées. Par conséquent, indépendamment du caractère de la procédure (tutelle-
éducative ou correction) la participation de la victime en tant que partie au procès
n'est pas prévue. La victime peut quand même être présente à l'audience (art. 30 § 6)
et elle peut témoigner. Elle a aussi le droit d'être informée du contenu de la décision
finale dans le procès. Le fait que la victime soit dépourvue du statut de partie au
procès souligne le rôle éducatif du procès. La participation de la victime provoque la
nécessite d'examiner le dommage qui lui a été causé et engage l'action civile.
454 International Review of Penal Law (Vol. 75)
Pourtant la procédure réglée par la loi en question n'a pas pour but d'accuser le
mineur mais de lui appliquer (si besoin est) des mesures nécessaires.
Cela se passe autrement au cas de procédure pour le fait punissable commis par un
mineur, qui se déroule selon les dispositions du Code de procédure pénale (c'est-à-
dire quand la procédure a été entamée quand l’intéressé a dépassé 18 ans ou quand
le mineur est jugé conformément aux dispositions du CP pour un acte défini par l'art.
10 § 2 du CP). Dans ce cas, la victime peut participer au procès en tant que partie
civile ou accusateur subsidiaire.
La loi sur la procédure envers les mineurs contient aussi d'autres dispositions qui
peuvent être utiles à la victime. Il s'agit ici des mesures qui peuvent être prononcées à
son profit, par exemple I'obligation du mineur d'accomplir certains travaux ou
prestations au profit de la victime, I'obligation du mineur de s'excuser auprès de la
victime, ou encore l'obligation du mineur de réparer le dommage causé. La loi en
parlant de l'obligation de la réparation du dommage ne mentionne pas qu'il s'agit du
dommage causé par un fait punissable. Alors il faut croire qu'il est possible d'obliger le
mineur à réparer le dommage causé par son comportement résultant de la
dangerosité. Dans ce cas, la possibilité de médiation est assez importante pour la
victime.
L'article 5 de la loi sur la procédure envers les mineurs contient la règle suivante: la
prévention et la lutte contre la dangerosité et la criminalité des mineurs doivent être
réalisées par le biais des mesures éducatives et de correction. La peine peut être
prononcée envers les mineurs exceptionnellement, seulement dans des cas prévus
par la loi, quand d'autres mesures ne garantissent pas la resocialisation.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi sur la procédure envers les
mineurs, nous considérons en tant que mesures éducatives:
- I'avertissement ;
- l'obligation d'un comportement spécifique, surtout la réparation du dommage
causé, l'accomplissement des certains travaux ou prestations au profit de la
victime ou de la société locale, l'obligation de s'excuser auprès de la victime, de
reprendre l'éducation ou le travail, de suivre les cours à caractère éducatif,
thérapeutique ou de formation, le fait de s'abstenir de côtoyer des milieux ou des
endroits spécifiés, le fait de s'abstenir de consommer de l'alcool ou des drogues ;
- la surveillance des parents ou du tuteur ;
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 455
obligations qui lui étaient imposées, le tribunal de la famille peut annuler la suspension
et ordonner le placement du mineur dans une maison de correction.
Cela dit, si le mineur commet l’un des actes énumérés par l'article 11 §3 et si l'on ne
peut pas examiner l'affaire selon les dispositions du Code de procédure pénale,
I'annulation de la suspension conditionnelle est obligatoire.
Les mesures éducatives, thérapeutiques et de correction, prononcées envers un
mineur sont exécutées par le tribunal de la famille selon les dispositions de la loi sur la
procédure envers les mineurs. Dans la procédure d'exécution, le juge des affaires
familiales joue un rôle essentiel.
Selon l'article 77 de la loi sur la procédure envers les mineurs, il surveille l'exécution
des décisions suivantes: I'envoi du mineur dans un centre de curateurs, le placement
dans un établissement de tutelle-éducation, dans un centre d'aide sociale, un centre
scolaire d'éducation, un établissement public d'aide médicale, un asile pour mineurs et
une maison de correction ainsi que la décision de placement dans un centre policier
d'enfants. Lorsqu'il exerce la surveillance, le juge des affaires familiales est muni des
nombreuses compétences. Il a le droit d'entrer sur le terrain de l'établissement
surveillé et dans des lieux où séjournent les mineurs, le droit de consulter les
documents et de demander des éclaircissements de la part de l'administration de
l'établissement, de discuter en privé avec les mineurs, d'examiner leurs demandes et
plaintes. Le juge surveille aussi la légalité du placement d'un mineur et veille à ce que
l'exécution de la décision (surtout en ce qui concerne les méthodes et mesures
utilisés, les conditions de séjour du mineur, de respect des droits et obligations
imposées aux mineurs) soit correcte.
L'exécution des mesures thérapeutiques et de la plupart des mesures éducatives
s'arrête au moment ou le mineur atteint l'âge de 18 ans (art. 73 §1 de la loi).
L'exécution des mesures suivantes s'arrête au moment où il atteint 18 ans: I'obligation
d'un certain comportement, la surveillance des parents ou du tuteur, le placement
dans une famille de substitution, le placement dans un établissement de tutelle
éducation, ou dans un centre scolaire d'éducation. L'exécution d'autres mesures et de
la mesure de correction s'arrête au moment ou il atteint l'âge de 21 ans.
Les dispositions de la loi sur la procédure envers les mineurs donnent au juge des
affaires familiales beaucoup de liberté lors de l'exécution des mesures prononcées.
Grâce à tout cela, la règle d'individualisation est bien respectée dans cette procédure.
Conformément aux dispositions de l'article 79 de la loi sur la procédure envers les
mineurs, le juge des affaires familiales a le droit de:
1. changer ou annuler les mesures éducatives,
2. changer ou annuler les mesures éducatives pour une période d'essai,
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 457
européenne
Règles min.
Constitution
internaional
Convention
Convention
République
de Pologne
de l’enfant
envers les
procédure
relatif aux
de l’ONU
Loi sur la
droits de
l’homme
l’homme
garantis
mineurs
libertés
Pacte
de la
Droit à un Art. 5.3 et Art. 9.3 et Art. 37 p d Règle 10.2 Art. 41.2 Art. 40 §2,
contrôle 5.4 9.4 art. 29,
judiciaire lors art. 27
de l’arrestation
(privation de
liberté)
Droit au - - Art. 40.1 Règle 10.3 Art. 30 -
respect de la
dignité
humaine lors
du procès
Présomption Art. 6.1 Art. 14.2 Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 42.3 -
d’innocence p.b I
Droit à Art. 6.3 p a - Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 41.3 -
l’information p b II
sur les charges
Droits de la Art. 6.3 Art. 14.3 Art. 40.2 Règles 7.1 Art. 42.2 Art. 36 §2
défense p b et c p. b III et 15.1 Art. 59
(matériels) Art. 44
Droits de la Art. 6.3 p, b, Art. 14.3 Art. 40.2 Règle 7.1 et Art. 42.2 Art. 36 §1
défense c, d p, b p b II 15.1 Art. 59
(formels) Art. 44
Droit à un Art. 6.3 p.e Art. 14.3 Art. 40.2 - - -
interprète p. bIV
gratuit
Droit au Art. 8.1 Art. 17.1 Art. 40.2 Règle 8.1 Art. 47 Art. 53 §1
respect de la p.b VII Art. 50 Art. 45 §1
vie privée et
familiale
Droit à la Art. 6.1 Art. 14.3 p.c Art. 40.02 Règle 20.1 Art. 45.1 -
rapidité du p. b III
procès (la
reconnaissance
de l’affaire
dans un délai
raisonnable)
Nullum crimen Art. 7 Art. 15 Art. 40.2 p.a Règle 3.1 Art. 42.1 Art. 2§1
sine lege
Droit de Art. 7 p.1 Art. 14.5 Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 78 Art. 58
recours Protocole 7 p.bV
Etablissement - - Art. 40.3 Règle 14.1 - Art. 15
d’organes
séparés
spécialement
pour enfants
w
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 459
constituent une de sources de droit en vigueur. L'article 91.1 dispose que l'accord
international ratifié et publié dans le Journal Officiel de la République de Pologne fait
partie de l'ordre juridique et peut être appliqué directement sauf si son application
dépend de la promulgation d'une loi. Selon l'article 91.2, l'accord international ratifié
grâce au consentement exprimé dans une loi, prime la loi dans des situations où la loi
n'est pas conforme à l'accord. Selon l’article 91.3, cela vaut d'un accord international
ratifie par la Pologne, la loi établit par cet accord est appliquée directement, ayant la
primauté au cas de non-conformité avec les lois internes.
TUNISIE
Tout d'abord le seuil du discernement était fixé à 7 ans et le seuil de la majorité pénale
à 15 ans, ensuite on a remonté l'âge de la majorité pénale à 18 ans.
Le seuil de la majorité pénale a subi deux transformations:
D'abord, on a considéré que le seuil de 18 ans était tellement élevé qu'il privait de
sanctionner des personnes qui ont acquis par l'effet des mass-media, les séries
policières, la capacité de commettre des actes tellement graves qu'il était injuste de ne
pas les soumettre à la rigueur du droit pénal, et c'est en 1968 que l'âge de la majorité
pénale a été abaissé à 16 ans à l'occasion d'un meurtre horrible commis par deux
mineurs âgés de plus de 16 ans et de moins de 18 ans, leur jeune âge étant un
obstacle pour l'application de la peine de mort.
Cette affaire a tellement choqué le Président de la république qu'il a donné des
instructions pour abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans.
Mais la rédaction de l'article 43 du code pénal a subi une deuxième modification:
La modification du 4 juin 1982 :à l'occasion d'une affaire horrible dans laquelle un
mineur a commis un meurtre, la peine encourue était la peine de mort, or le mineur
était le fils d'une personnalité haut placée, des instructions présidentielles furent
données pour relever l'âge de la majorité pénale.
On a conforté ce seuil de 18 ans par l'article 71 du Code de la protection de l'enfant
« Les enfants âgés de 13 à 18 ans révolus auxquels est imputée une infraction
qualifiée contravention délit ou crime ne sont pas déférés aux juridictions pénales de
droit commun. Ils ne sont justiciables que du juge des enfants ou du tribunal pour
enfants ».
Donc le texte sur la responsabilité pénale existe et il est clarifié par d'autres textes
législatifs, ce qui fait que l'intervention de la jurisprudence est inutile car le texte existe
et il n'est en aucun point ambigu.
En revanche, la jurisprudence est intervenue avant l'entrée en vigueur du Code de la
protection de l'enfant pour affirmer que l'âge à prendre en considération est l'âge de
l'enfant lors de la commission du crime, mais ce principe jurisprudentiel figure à
l'heure actuelle dans le code de la protection de l'enfant.
2ème question:
ans bénéficie d'une présomption simple ce qui signifie que si l’on prouve l'intention de
nuire et de porter préjudice à autrui, ce mineur peut se voir infligé des peines.
3ème question :
4ème question:
5ème question:
Il n'y a aucune tendance à exclure du bénéfice du droit pénal des mineurs en vue de
les soumettre à un régime identique à celui des majeurs, certaines infractions
particulièrement graves. Toutes les infractions, quelle que soit leur gravité, sont
soumises pour les mineurs au même régime.
6ème question:
1- L'âge de la majorité pénale a été indiqué plus haut. Il a été signalé aussi le va et
vient législatif entre le seuil de 18 ans et celui de 16 ans à la suite de deux affaires
criminelles dans lesquelles, pour l’une il a semblé regrettable que la peine de mort ne
soit pas encourue, ce qui a entraîné l'abaissement de la majorité pénale de 18 à 16
ans et pour l’autre la peine de mort était encourue ce qui a entraîné le relèvement de
l'âge de la majorité de 16 à 18 ans.
530 International Review of Penal Law (Vol. 75)
En matière de délits, le tribunal pour enfants est composé d'un président de chambre
et de deux membres conseillers spécialisés dans le domaine de l'enfance.
La chambre d'accusation compétente en matière d'affaires des enfants est composée
d'un président de chambre à la cour d'appel et de deux conseillers spécialisés.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 531
3- Le tribunal a recours toujours aux investigations préalables comme s'il s'agit d'un
majeur et selon les dispositions du Code de procédure pénale à la condition que ces
dernières soient en harmonie avec le Code de la protection de l'enfant.
Le juge des enfants effectue en outre par lui-même ou charge des personnes
habilitées à cet effet, toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la
manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité de l'enfant (art 87).
4 - Non
5- La constitution de la partie civile n'est pas admise devant les juridictions pour
enfants, mais elle peut mettre en mouvement l'action publique.
La procédure alternative majeure est la procédure de la médiation qui consiste selon
l'art 113 du Code pénal en un mécanisme qui vise à conclure une conciliation entre
l'enfant auteur d'une infraction ou de son représentant légal avec la victime, son
représentant ou ses ayants droit. Elle a pour objet d'arrêter les effets des poursuites
pénales, du jugement et de l’exécution.
1- Le juge de la famille reçoit les informations et les rapports, assure la collecte des
données et convoque toute personne qu'il jugera utile pour s'assurer de la situation
réelle de l'enfant. Il peut se faire aider dans ses tâches par les agents de l'action
sociale de la région. Ce juge peut, avant de statuer, autoriser une mesure provisoire
suite à un rapport émanant du délégué à la protection de l'enfance concernant la
nécessité d'éloigner l'enfant de sa famille pour sauvegarder son intérêt. Cette mesure
provisoire est révisée mensuellement. II peut également autoriser à soumettre l'enfant
à un examen médical ou pycho-clinique ou de procéder à toutes mesures ou examens
qu'il jugera nécessaires (art 55). Il peut également prendre la décision provisoire
d'éloigner l'enfant de sa famille et autoriser à le soumettre au régime de la tutelle, tout
en obligeant ses parents à participer au recouvrement de ses dépenses et à
l'exécution de sa décision.
L'article 79 ajoute que le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononceront
suivant les cas les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation
532 International Review of Penal Law (Vol. 75)
qui semblent appropriées. L'article 87 affirme que le juge des enfants peut, dans
l'intérêt de l'enfant, ordonner l'une des mesures citées et rendre une décision motivée.
Même les enfants placés sous le régime de la liberté surveillée sont surveillés par des
délégués permanents rémunérés et par des délégués bénévoles à la liberté surveillée.
2- La réponse à cette question réside dans l'article 99 : « Si les faits sont établis à
l'égard de l'enfant, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononce, par
décision motivée, I'une des mesures suivantes :
1- la remise de l'enfant à ses parents, à son tuteur à la personne qui en a la
garde ou à une personne de confiance.
2- la remise de l'enfant au juge de la famille.
3- le placement de l'enfant dans un établissement public ou privé destiné à l'éducation
et à la formation professionnelle habilitée.
4- le placement de l'enfant dans un centre médical ou médico-éducatif habilité.
5- le placement de l'enfant dans un centre de rééducation ».
Une condamnation pénale peut être infligée à l'enfant s'il s'avère que sa rééducation
est nécessaire, tout en considérant les dispositions du présent code.
Dans ce cas, la rééducation se fait dans un établissement spécialisé et à défaut dans
un pavillon de la prison réservé aux enfants.
L'article 100 ajoute que ces mesures (ci-dessus indiquées) ne peuvent jamais excéder
la période où l'enfant aura atteint l'âge de 18 ans.
5- Pour la liberté surveillée l'article 107 dispose : « La surveillance des enfants placés
sous le régime de la liberté surveillée est assurée par des délégués permanents
rémunérés et des délégués bénévoles à la liberté surveillée.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 533
6- Non, cette tendance à la dépénalisation du droit pénal des mineurs n'existe pas en
droit tunisien car la sanction reste le plus efficace moyen de rééducation, mais ce
moyen doit tenir compte la jeunesse de l'enfant ; la sanction doit être souple.