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LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURS

DANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Rapport général

Reynald OTTENHOF *

Introduction

1. Chacun connaît la formule célèbre : « Droit des mineurs, droit mineur ».


Nombreux sont en effet les auteurs qui considèrent avec une certaine
condescendance cette branche de la science pénale, jugée dérogatoire au droit
pénal commun, fortement marquée par des considérations plus sociales que
juridiques, s’appliquant à des sujets en état de dépendance, liée à leur état de
minorité, et mis en œuvre par une catégorie de professionnels spécialisés, assez
différents du personnel judiciaire habituel.

2. Cette vision ancienne n’a plus cours aujourd’hui. Les raisons de cette mutation
sont multiples. On se bornera à signaler, sans entrer dans les détails : l’intérêt
envers les questions relatives à l’enfance, l’essor démographique, la montée de
la délinquance juvénile, le développement des services sociaux, etc… D’abord
sensibles dans les systèmes juridiques nationaux, ces transformations ont
rencontré un écho au plan international, grâce aux Organisations non
gouvernementales dont l’action s’est trouvée relayée par les Organisations
internationales,. C’est ainsi qu’un large mouvement humanitaire en faveur de la
protection de l’enfance a conduit à l’adoption d’instruments internationaux plus ou
moins contraignants, qui ont à leur tour influencé l’évolution des droits nationaux.

3. L’Association Internationale de Droit Pénal n’est pas restée à l’écart de ce


mouvement. On en veut pour preuve les différentes manifestations organisées en
faveur de la Déclaration internationale, puis de la Convention internationale des

* Professeur émérite à l’Université de Nantes, Vice-Président de l’Association


Internationale de Droit Pénal, chargé de la Coordination Scientifique.
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Droits de l’Enfant 1. Cependant, c’est la première fois, à l’occasion de son XVIIè


Congrès international 2 que l’une des questions du Congrès est consacrée à cette
matière. La proposition a recueilli le plein assentiment du Conseil de Direction de
l’Association. Et toute notre reconnaissance doit aller au Groupe national de
l’Autriche pour avoir accepté avec enthousiasme d’organiser le présent Colloque
préparatoire de la Section 1 et d’en publier les Actes dans cette Revue.

4. Cela dit, le droit pénal des mineurs représente un domaine suffisamment vaste
pour nécessiter une délimitation rigoureuse du thème dans le questionnaire
correspondant 3. Compte tenu de la méthode traditionnellement suivie dans
l’organisation scientifique de nos Congrès internationaux, caractérisée par la
division en quatre sections correspondant aux divisions majeures de la science
pénale (partie générale, partie spéciale, procédure pénale, droit pénal
international), il a semblé utile de circonscrire le domaine à la question de la
responsabilité pénale des mineurs. Un tel choix mérite d’être justifié et précisé.

5. Le choix de la responsabilité pénale des mineurs comme question soumise à la


Section 1 du Congrès se justifie en premier lieu par l’objet même de cette
Section, traditionnellement consacrée à l’étude des problèmes relevant de la
partie générale du droit pénal. Mais ce choix repose avant tout sur l’actualité
même du sujet. Au moment où, comme on pourra le constater tout au long de nos
travaux, l’évolution du droit des mineurs conduit les législateurs nationaux à
réformer – souvent profondément – la législation en vigueur 4, la question de la
responsabilité, tant dans sa dimension théorique que pratique, est au centre des
débats, au point de remettre en cause l’ensemble des questions touchant à la
minorité pénale. 5

6. Ainsi s’explique la diversité des questions évoquées dans le questionnaire


soumis aux rapporteurs nationaux. Sans aborder ici la méthodologie ayant
présidé à l’élaboration puis au traitement des réponses par votre rapporteur

1. V. en particulier les volumes de la Revue Internationale de Droit Pénal consacrés à cette


question (vol. 50, 1979 n°3/4 ; vol. 62, 1991 n°3/4).
2. Beijing, 12-19 septembre 2004.
3. V. le texte du Questionnaire (français, anglais, espagnol), RIDP, vol. 72, 2001 n°3/4,
p.663 et s.
4. Donald J. Shoemaker (ed.), International Handbook on Juvenile Justice, Greenwood
Press, 1996.
5. V. Hugues L. Parent, A Comparative Study of the Principales Governing Responsability
in England, Canada, the United States and in France, R.I.D.P., vol. 71, 2000 n°3/4,
p. 325 et s.
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général, il est juste de remarquer que les questions posées débordent très
largement le strict domaine du droit pénal général pour s’étendre au domaine de
la procédure, voire aux aspects de droit pénal international.

7. A vrai dire, pouvait-il en être autrement ? Limiter la question de la


responsabilité à ses seuls aspects théoriques, qui concernent essentiellement
son fondement, aurait conduit à des débats dogmatiques peu propices à une
discussion générale engageant l’ensemble des rapporteurs nationaux. C’est
pourquoi il a semblé utile d’étendre l’étude de la responsabilité des mineurs aux
questions pratiques, concrètes, qui contribuent à faire vivre ce concept dans son
environnement juridique, à en expliciter la mise en œuvre par les organes
judiciaires spécialisés, bref, à mesurer la portée concrète des choix opérés par le
législateur.

8. Le tableau qui se dessine à l’examen des différents rapports nationaux est


évidemment contrasté. Comment pourrait-il en être autrement ? Chaque
législation reflète l’attitude adoptée à l’égard d’une réalité nationale marquée par
le contexte historique, social, culturel influençant la politique criminelle propre à
chaque Etat.

Pour mieux comprendre cet environnement, un bref aperçu de l’état de la


délinquance des mineurs était souhaité de la part des rapporteurs nationaux.
Dans l’ensemble, la plupart des contributions se sont bornées à souligner la très
nette augmentation de ce type de délinquance, entraînant d’importantes réformes
législatives, traduisant généralement un rapprochement du droit pénal des
mineurs vers celui des majeurs, et, par-là même, une aggravation de la
répression.

9. De l’ensemble des contributions reçues 6 se dégage une impression de très


grande diversité, voire de complexité, des solutions adoptées dans les
législations nationales.

Toutefois, par delà la diversité observée, il se dégage de l’ensemble des


contributions l’impression selon laquelle, au travers de cette question de la

6. A ce jour, 23 rapports nationaux ont été adressés au rapporteur général (dont près de la
moitié après le déroulement du colloque préparatoire !) : il s’agit des pays suivants :
Algérie, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Colombie, Croatie, Espagne, Etats Unis
d’Amérique, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Iran, Japon, Mexique, Pologne, Portugal,
République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède, Tunisie. En outre, le Centro Nazionale
di Prevenzione e Difesa Sociale de Milan (Italie) a adressé une contribution spéciale,
s’inspirant de la législation italienne.
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responsabilité pénale des mineurs, se développent de véritables systèmes de


justice pénale des mineurs, empruntant différents modèles, plus ou moins
homogènes, ou plus ou moins hybrides selon les cas 7.

Pour la commodité de la discussion générale, le présent rapport suivra l’ordre des


questions tel qu’il a été établi lors de la rédaction du questionnaire.

I. Fondements du principe de la responsabilité pénale du mineur

10. La question du fondement du principe de la responsabilité pénale du mineur


demeure l’une des questions les plus controversées du droit pénal des mineurs.
Elle est également l’une des plus complexes. La raison en est simple : c’est de la
réponse à cette question théorique que dépendent bon nombre de solutions
pratiques : fixation de l’âge de la majorité pénale, nature et quantum des mesures
éducatives ou sanctions pénales applicables, compétence des organes judiciaires
spécialisés, etc…

11. Si, en vertu du principe de légalité, le principe trouve sa source dans la loi, il
est rarement exprimé de façon expresse. Il s’induit plutôt des conséquences que
le législateur a déduites d’un fondement implicite, reposant sur plusieurs
conceptions que l’on peut regrouper comme suit.

12. Dans une conception que l’on peut qualifier de classique, le fondement de la
responsabilité du mineur – ou, pour mieux dire, de son irresponsabilité - repose
sur le modèle de responsabilité des majeurs. Plus exactement, le point de départ
de la responsabilité pénale correspond, dans les législations qui appliquent ce
modèle, avec l’âge de la majorité pénale. En dessous de cet âge, le mineur est
réputé irresponsable. La doctrine considère qu’il s’agit d’une présomption
d’irresponsabilité. Cette présomption est tantôt absolue, tantôt relative 8. La
plupart du temps, la mesure de la peine (sa durée ou son quantum) dépend de la
force de la présomption, selon que celle-ci peut être écartée ou non, ce qui
revient à établir des degrés plus ou moins élevés de responsabilité/irresponsa-
bilité.

Un tel fondement repose sur une fiction : Le mineur, plus ou moins responsable
selon son âge, et, par conséquent plus ou moins punissable, voit la peine qui lui
est applicable constituer une fraction (en général la moitié) de la peine applicable

7. V. sur cette question des systèmes et des modèles de justice pénale : « Les systèmes
comparés de justice pénale : De la diversité au rapprochement, Nouvelles Etudes Pénales,
vol. 17, éd. Erès, 1998.
8. V. infra n°20 et s., la question des seuils d’âge.
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à un majeur auteur de la même infraction. Le mineur est alors considéré comme


un adulte en réduction.

La lecture des rapports nationaux, sans être toujours éclairante sur ce point,
laisse supposer qu’un tel fondement demeure assez largement répandu dans bon
nombre de législations, même s’il n’est pas toujours affirmé expressément 9.

13. Dans une seconde conception, plus moderne, que l’on peut qualifier de
criminologique, l’aptitude du mineur à répondre de ses actes n’est plus fondée sur
le concept de responsabilité, mais sur celui de capacité pénale. On parle parfois,
en ce cas, de dangerosité sociale, par référence à la notion criminologique d’état
dangereux. On en vient ainsi à justifier l’intervention avant même la commission
d’un « fait qualifié infraction », rappelant ainsi la notion d’état dangereux
prédélictuel 10. Là encore, la notion n’est pas dépourvue d’ambiguïté, dans la
mesure où le « mineur dangereux » peut ainsi se révéler un « mineur en
danger », justifiant la mise en œuvre de mesures de protection 11.

14. En dehors de ces deux conceptions, on rencontre des fondements divers, soit
en vigueur dans certains pays, soit à l’état de projet de réforme. Certains pays,
tels la Suède, préfèrent parler de « punissabilité » (punishability), considérée
comme moins « métaphysique » que le concept de responsabilité, même si, en
pratique, la différence entre les deux concepts n’a guère de conséquences
substantives. Il faut reconnaître une certaine tendance à éviter la référence
expresse au concept de responsabilité, tel qu’il existe à l’égard des majeurs, en
raison des incertitudes doctrinales qui planent sur les notions de culpabilité,
d’imputabilité, ainsi que sur le régime des causes de non imputabilité.

15. Il faut cependant noter une tendance récente dans certaines législations, à
substituer au principe classique fondé sur la présomption d’irresponsabilité du
mineur le principe contraire de la responsabilité du mineur. Deux raisons
expliquent un tel renversement de tendance 12.

La première raison réside dans le souci de manifester à l’égard des mineurs une
plus grande sévérité. Devant l’aggravation de la délinquance juvénile,
l’augmentation du sentiment d’insécurité, attribuée, souvent à tort, aux

9. V. par exemple le rapport belge (§ 2A) et le rapport français (I).


10. Tel est, semble-t-il, le cas du Japon.
11. On citera, à cet égard, la législation française.
12. V. à cet égard les intéressantes réflexions contenues dans les rapports de la Colombie,
de la Belgique et de la France.
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comportements de jeunes proches de l’âge de la majorité, la tentation est grande


de substituer au modèle de protection, synonyme de laxisme pour certains, le
modèle punitif considéré comme davantage protecteur de la sécurité des
citoyens.

La seconde raison repose sur l’idée selon laquelle le concept d’irresponsabilité


des mineurs ne correspond plus à la réalité sociale de la jeunesse d’aujourd’hui.
Les jeunes ont acquis, dit-on, une plus grande autonomie ; ils font preuve, au
plan psychologique, d’une plus grande maturité 13. Considérer un jeune de quinze
à dix-huit ans comme un individu « irresponsable », au même titre qu’un enfant
est non seulement contraire à la réalité, mais se révèle dépourvu de sens au plan
éducatif. Il paraît, en effet, quelque peu paradoxal d’entendre un juge ordonner,
en vertu du principe d’irresponsabilité pénale, des mesures éducatives, alors que
la mission du service éducatif auquel il a été confié aura pour objet de faire appel
à son sens de la responsabilité. Même s’il ne s’agit pas d’une responsabilité de
même nature, il faut admettre que le même terme peut être source de confusion.

16. En définitive, il se dégage de la lecture des rapports une tendance à


considérer le mineur comme un sujet de droit doté de caractéristiques
spécifiques, disposant d’une certaine autonomie, plus ou moins développée en
fonction de son âge et de son développement physique et psychologique. Il
apparaît dès lors nécessaire, sur le fondement de cette autonomie, de concevoir
sa responsabilité de manière autonome, en s’affranchissant des conceptions sur
lesquelles est fondée la responsabilité pénale des majeurs.

Compte tenu du caractère évolutif de la personnalité du mineur, c’est donc une


conception dynamique de sa responsabilité qu’il convient d’adopter. On
comprend, dès lors, toute l’importance que revêt la question des seuils d’âge.

II. La question des seuils d’âge

A. La fixation de l’âge de la majorité pénale

17. L’âge de la majorité pénale constitue une question fondamentale, dans la


mesure où cet âge constitue le point de départ à partir duquel le sujet peut se voir
imposer des sanctions pénales de même nature et de même gravité que celles
prévues pour les majeurs. On nous pardonnera de rappeler ab initio une telle
évidence ! En effet, il ne faut pas perdre de vue l’effet pervers susceptible de
découler d’une terndance, telle qu’elle vient d’être constatée, à la reconnaissance

13. On parle volontiers, à ce sujet, de « précocité ». V. sur ce point : R. Ottenhof,


Délinquance et précocité, Rev. sc. crim., 1995, n°4.
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d’un principe de responsabilité pénale du mineur, substitué au principe


d’irresponsabilité.
D’un autre côté, la constatation souvent faite d’une plus grande précocité des
mineurs, jointe au souci légitime de reconnaître au mineur une plus grande
autonomie, risque de conduire, consciemment ou non, à une aggravation
dangereuse de la sévérité à l’égard des mineurs. Abaisser l’âge de la majorité,
c’est, répétons le, faire entrer plus tôt le mineur dans le système pénal des
majeurs. Telle est, hélas, la tendance des politiques criminelles sécuritaires
développées dans bon nombre de législations contemporaines imputant aux
comportements juvéniles l’aggravation de la délinquance et le développement du
sentiment d’insécurité.

C’est pourquoi, avant même de discuter la question de la fixation de l’âge de la


majorité pénale, il apparaît nécessaire de dissocier l’âge de la majorité pénale de
l’âge à partir duquel les sanctions pénales applicables aux majeurs s’appliquent
automatiquement, et sans la moindre mesure d’aménagement, à un individu
ayant atteint l’âge de la majorité pénale 14.

18. Ceci étant, il apparaît que dans la plupart des rapports nationaux l’âge de la
majorité pénale fixée par les législations se situe à dix huit ans. D’autres
législations nationales retiennent un âge inférieur : dix sept ans (Finlande, Grèce,
Pologne) ou seize ans (Portugal, Roumanie, Tunisie).

Il faut signaler le cas particulier de la législation iranienne, dont l’article 4 de la


Constitution énonce que toutes les dispositions législatives et réglementaires
doivent être régies conformément aux prescriptions islamiques. La majorité
pénale est donc déterminée selon les prescriptions du droit musulman. Sur ce
fondement, le Code pénal iranien ne fixe pas d’âge chronologique, mais fait
référence à la notion de « puberté religieuse ». Curieusement, c’est le Code civil
iranien qui fixe l’âge de la majorité pénale : quinze ans pour les garçons et neuf
ans pour les filles. Encore faut-il préciser que cet âge n’a valeur que de
présomption, compte tenu du caractère essentiellement subjectif d’un tel critère
fondé sur des considérations physiologiques. C’est pourquoi on relève parmi les
jurisconsultes et les universitaires iraniens une tendance contemporaine à
préconiser, sur le fondement de considérations psychologiques, de relever au
moins à treize ans le seuil d’âge des filles 15.

14. V. infra n°27, la question des jeunes majeurs.


15. Le rapport iranien est le seul rapport national d’un pays appliquant le droit islamique.
D’autres pays, comme l’Algérie et la Tunisie, disposent d’une législation pénale laïque,
ayant adopté une majorité pénale fixée à dix huit ans.
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19. Bon nombre de rapports nationaux font état d’une tendance de l’opinion
publique, relayée par certains milieux politiques, à vouloir abaisser l’âge de la
majorité pénale 16. Si, comme il a été indiqué supra, une telle tendance peut
paraître justifiée en raison d’une maturité plus précoce de la jeunesse, elle
s’inspire bien souvent du souci, en présence d’un rajeunissement de l’âge moyen
de la délinquance des mineurs, de faire entrer plus tôt les jeunes délinquants
dans le système répressif applicable aux majeurs 17. Sans anticiper sur les
développements ultérieurs relatifs aux sanctions pénales applicables aux
mineurs18, il importe dès à présent de souligner le caractère funeste d’une telle
tendance qui conduit à exposer un enfant de moins de dix huit ans (ou moins
encore) à des sanctions pénales très graves : emprisonnement de longue durée,
voire peine capitale. C’est pourquoi le rapporteur général, conscient d’exprimer
les prises de position formulées par l’Association Internationale de Droit Pénal,
souhaite que cette Section recommande fermement à l’Assemblée Générale
d’adopter une résolution en faveur de l’âge de dix huit ans. Et s’il apparaît naturel
qu’un tel âge soit fixé par la loi, il est permis de souhaiter que cette loi ait valeur
constitutionnelle 19.

B. La question du seuil d’âge minimum

20. Il s’agit d’une question très controversée diversement traitée dans les
législations nationales. Les réponses apportées sur ce point dans les rapports
nationaux sont parfois difficiles à interpréter, en raison d’une confusion sur le
sens de la question posée. En effet, la question du seuil d’âge minimum revêt un
double aspect.

21. 1) Dans un premier sens, il s’agit de savoir s’il existe un seuil d’âge
minimum, fixé par la loi (ou la jurisprudence) à partir duquel l’autorité judiciaire est
compétente pour juger le mineur auteur d’un fait qualifié infraction 20 et prononcer,
à raison de ce fait, une mesure éducative prévue par la loi. A contrario, en
dessous de cet âge, aucune mesure n’est applicable à raison de ce fait. Seules,
le cas échéant, peuvent être ordonnées des mesures de nature civile ou

16. Le rapport des Etats Unis signale la tendance de divers états à s’aligner sur l’exemple
de l’Illinois, dont le modèle de justice juvénile s’applique aux mineurs de seize ans.
17. V. supra, n°15, spécialement note 13.
18. Comp. Infra n° 36 et s.
19. C’est le cas par exemple du Brésil.
20. Cette expression, empruntée à l’article 36, 4° de la loi belge du 8 avril 1965, rappelle
que le fait est objectivement punissable, mais ne peut être imputé au mineur à raison de
son âge.
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administrative prévues par la législation applicable aux mineurs dont la situation


nécessite des mesures d’assistance ou de protection 21.

22. Très souvent, la question de la détermination du seuil d’âge minimum a été et


demeure soumise à la capacité de discernement du mineur, entendue comme
« la capacité de comprendre et de vouloir » 22. L’âge du discernement, critère
essentiellement subjectif, est laissé à l’appréciation des tribunaux, le plus souvent
à partir d’expertises. Il arrive cependant que ce soit la loi elle-même qui détermine
l’âge à partir duquel le mineur est considéré, voire simplement présumé, comme
susceptible de discernement.

23. Compte tenu de la diversité des solutions adoptées par les législations
nationales, il apparaît difficile de déterminer un âge moyen permettant de situer
ce seuil d’âge minimum à partir duquel peut intervenir l’autorité judiciaire à raison
d’un fait qualifié infraction. En effet, s’agissant d’un critère subjectif, lié au
développement psychologique du sujet, cet âge varie en fonction de
considérations multiples : géographiques, physiologiques, économiques, sociales
etc… Il apparaît donc difficile de fixer de façon rigide un seuil d’âge uniforme,
applicable à l’ensemble des systèmes juridiques 23. Tout au plus est-il permis de
souhaiter que cet âge ne soit pas trop bas, si l’on veut bien considérer le
caractère psychologiquement traumatisant que représente, pour un enfant, une
comparution devant une instance judiciaire.

24. 2) Dans un second sens, la question du seuil d’âge minimum concerne


l’âge à partir duquel une sanction de nature pénale peut être prononcée à
l’encontre d’un mineur. La question se pose ici dans des termes différents de
ceux que nous venons d’examiner précédemment. D’une part, en effet, le
principe de légalité des peines impose que ce soit la loi (au besoin
constitutionnelle) qui fixe cet âge. L’on ne saurait, en la matière, s’en remettre à
l’arbitraire du juge. D’autre part, le principe d’égalité devant la loi pénale impose
que cet âge soit le même pour tous les mineurs, étant entendu qu’un tel principe
ne fait pas obstacle à l’individualisation de la peine, en fonction de la personnalité
ou du développement psychologique du mineur.

21. On citera, par exemple, les mesures applicables en France à l’égard des mineurs en
danger (art. 375 et s., C. Civ. français).
22. Cette définition est empruntée à un célèbre arrêt de la Cour de Cassation française
(Arrêt Laboube, Cass. Crim., 13 déc. 1956, Bull. Crim. n°840).
23. La question se pose dans des termes comparables à ceux que nous avons rencontrés
pour la détermination de l’âge de la majorité pénale (v. supra n°17 et s.).
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25. Sur ce point, les rapports nationaux, s’ils représentent des solutions variables
en fonction des considérations particulières ci-dessus évoquées, permettent de
situer aux alentours de quatorze ans la moyenne d’âge retenue pour ce seuil
minimum. La question de l’opportunité d’une part de retenir un seuil d’âge
identique et, d’autre part, de l’inscrire dans l’une de nos recommandations,
constitue certainement l’un des points essentiels des débats de la présente
Section du Congrès. Il appartient de mesurer pleinement la portée d’un tel débat,
dont les aspects sont loin d’être exclusivement théoriques, voire purement
symboliques. Car, par delà l’attachement de chaque pays à un âge minimum,
souvent hérité d’une tradition législative bien ancrée dans l’ensemble du système
juridique national, tout mouvement concernant l’abaissement ou l’élévation de cet
âge entraîne des conséquences pratiques importantes en ce qui concerne la
possibilité de faire entrer de manière plus ou moins prématurée le mineur dans le
système punitif. C’est donc toute l’économie du modèle de justice pénale
applicable aux mineurs qui s’en trouve affectée.

26. La question connaît en effet un regain d’actualité en présence de la tendance


contemporaine signalée dans divers rapports nationaux, à la « repénalisation »
du système de justice pénale applicable aux mineurs 24.

Sous l’influence des politiques criminelles répressives, inspirées par les courants
sécuritaires imputant à la jeunesse l’aggravation de la délinquance dans son
ensemble, l’idée est souvent répandue selon laquelle cette aggravation est due à
la trop grande indulgence dont feraient preuve les tribunaux à l’égard des
mineurs. Le modèle dit « de protection » est mis en accusation. L’opinion
publique réclame moins de mesures éducatives et davantage de sanctions
pénales, en particulier à l’égard des mineurs proches de l’âge de la majorité.
L’abaissement du seuil d’âge minimum à partir duquel une mesure répressive
peut être prononcée constitue le moyen le plus simple d’obtenir légalement un tel
résultat.

Mail il y a plus ! Si, de tout temps, il a paru évident qu’en dessous du seuil d’âge
minimum, seules les mesures éducatives d’assistance ou de protection étaient
susceptibles de s’appliquer, on voit émerger l’idée selon laquelle la sanction peut
revêtir un caractère éducatif, qu’il n’y aurait pas d’éducation sans contrainte, ce
qui permettrait de prononcer, à raison d’un fait qualifié infraction, des mesures
coercitives à un âge très précoce.

24. V. en particulier, sur ce point, les excellents développements contenus dans le rapport
de la Belgique (F. 1 et 2).
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 35

La loi française du 9 septembre 2002, modifiant l’article 122-8 du Code pénal


constitue à cet égard un exemple typique. L’alinéa 2 énonce désormais que « La
loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à
l’égard des mineurs de dix à dix huit ans ». La sanction peut, le cas échéant,
consister en un « placement du mineur » en cas de non respect de la sanction
éducative initialement prononcée, constituant ainsi une « sanction de la
sanction » 25.

Tels sont, on le voit, les enjeux d’un nouveau modèle « éducatif-sanctionnateur »,


dont l’effet indirect consisterait à abaisser indirectement mais inexorablement
l’âge minimum d’application d’une sanction pénale.

C. L’élévation du seuil d’âge maximum

27. A l’opposé de la tendance inverse qui précède, on observe une tendance à


reporter au-delà de l’âge de la majorité pénale la possibilité d’appliquer au sujet la
législation spéciale applicable aux mineurs. Il existe en effet une catégorie de
délinquants, appelés « jeunes adultes » dont la personnalité révèle une
immaturité physique et psychologique ou des carences éducatives. Les
soumettre ainsi au régime pénal applicable aux majeurs aurait à leur égard un
effet négatif et ne pourrait qu’aggraver leur situation. Le modèle de justice
« protectionnel », inspiré par la doctrine de Défense sociale, a fortement
contribué à l’adoption de telles mesures, dont l’utilité n’est pas contestable.

28. Cette élévation du seuil d’âge supérieur, au-delà de la majorité pénale, voire
de la majorité civile lorsque celle-ci est plus élevée, se retrouve dans la plupart
des rapports nationaux, même si les conséquences procédurales ou relatives aux
mesures applicables à cette catégorie de mineurs varient d’un pays à l’autre 26.

Le seuil d’âge généralement retenu se situe, en général, autour de vingt ou vingt


et un ans. A cet égard, il est permis de s’interroger sur l’opportunité d’élever
encore ce seuil d’âge maximum, par exemple jusqu’à l’âge de vingt cinq ans.

29. Une telle proposition peut paraître paradoxale, au regard de la tendance, ci-
dessus constatée, en faveur d’un abaissement des seuils d’âge, tant de la
majorité pénale, que du seuil minimum de l’intervention judiciaire et de
l’application de sanctions. Il est à craindre que les propositions en faveur de

25. Pour une analyse critique de la notion de « sanction éducative », v. également les
développements contenus dans le rapport de la Belgique, et spécialement la note 18.
26. Ces conséquences seront examinées ultérieurement tant au niveau procédural qu’au
niveau des mesures applicables.
36 International Review of Penal Law (Vol. 75)

l’élévation du seuil maximum ne reçoivent un accueil favorable de l’opinion


publique et du législateur, plus sensibles de nos jours aux solutions sécuritaires à
l’encontre des mineurs, a fortiori lorsqu’il s’agit de jeunes adultes, de plus en plus
nombreux parmi les auteurs d’infractions.

Et pourtant, il est permis de se demander si le paradoxe initialement relevé n’est


pas en réalité qu’apparent. D’une part, s’il est vrai qu’on observe un
rajeunissement de l’âge à partir duquel les mineurs commettent des infractions
graves, justifiant une plus grande sévérité, cette catégorie n’est pas, fort
heureusement, la plus nombreuse. D’autre part, il ne fait aucun doute que bon
nombre de délinquants juvéniles, dont la délinquance est transitoire, sont en
réalité des individus immatures relevant davantage de mesures éducatives que
de mesures répressives. A ceux-là il faut ajouter tous ceux dont l’enracinement
dans la délinquance est le résultat d’une entrée prématurée dans le système
répressif, ayant pour conséquence inéluctable l’aggravation de la récidive.

Ces considérations montrent tout l’intérêt que revêt à l’égard des mineurs la
nécessité de procéder à des investigations relatives à leur personnalité avant
toute décision concernant le choix des mesures applicables, y compris au-delà de
l’âge de la majorité pénale 27, voire au moment même de la constatation judiciaire
de la responsabilité.

III. La constatation judiciaire de la responsabilité

30. L’examen de cette question a conduit une majorité de rapporteurs nationaux à


exposer l’ensemble du fonctionnement de la justice pénale des mineurs, son
organisation, sa compétence, l’examen de voies de recours, etc… On se gardera
d’envisager la question sous un angle aussi large pour se limiter aux aspects
évoqués dans le questionnaire soumis aux rapporteurs.

A. La spécialisation des juridictions pour mineurs

31. La spécialisation des juridictions pour mineurs constitue aujourd’hui un


principe général qui ne souffre que de très rares exceptions. L’ensemble des
rapports évoque, d’un point de vue historique, le cheminement législatif ayant
conduit à la spécialisation progressive de la justice des mineurs. Les rares
exceptions concernent des infractions de moindre gravité (par exemple en
matière d’infractions routières) ou quelques infractions très spéciales (infractions
militaires, infractions en matière de terrorisme, trafic de stupéfiants). La

27. V. infra n° 34 et s.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 37

spécialisation, toutefois, ne connaît pas partout la même forme et la même


importance.

1) La spécialisation des fonctions

31. La forme la plus répandue consiste en la spécialisation de la fonction de


jugement. D’une manière générale, le jugement des mineurs auteurs d’un fait
qualifié infraction est confié à un magistrat spécialisé, au sein de l’ordre judiciaire.
Tantôt, il s’agit d’un ou de plusieurs magistrats, spécialement désignés au sein de
la juridiction, et occupant cette fonction à temps plein ou à temps partiel. La
plupart du temps, ces magistrats ont reçu une formation professionnelle
spécialisée, qui peut se prolonger au cours de leur carrière (formation continue),
les destinant à se consacrer, de façon plus ou moins durable aux affaires
concernant les mineurs.

32. Il arrive également que la spécialisation des magistrats soit étendue à la


fonction de poursuite et/ou à la fonction d’instruction, lorsque ces fonctions sont
confiées à des magistrats distincts, n’exerçant pas la fonction de jugement. Tel
est le cas, en particulier, des magistrats chargés de l’instruction des affaires les
plus graves (en matière criminelle), ce qui impose parfois la disjonction des
fonctions, au sein d’une même affaire, lorsque celle-ci comporte à la fois des
majeurs et des mineurs. Dans ce dernier cas, on considère que l’intérêt du
mineur l’emporte sur la nécessité de l’unité de la justice. La spécialisation de
l’ensemble des fonctions au sein de la justice des mineurs constitue en effet le
meilleur moyen de faire prévaloir dès le début de la procédure, la protection de la
personne du mineur, l’application de règles spécifiques dès l’enquête de police.
En outre, l’existence de magistrats spécialisés, ayant l’habitude de collaborer au
sein d’une même juridiction, permet une meilleure coordination des mesures
susceptibles d’être prises à l’égard du mineur, notamment lorsque des services
sociaux sont susceptibles de se voir confier le mineur dès le début de l’affaire.

2) La spécialisation des juridictions

33. Il est possible de franchir un pas supplémentaire en étendant la spécialisation


au-delà des seuls magistrats, à l’organisation d’un ensemble de juridictions
spécialisé chargé des affaires de mineurs. Il s’agit, dans ce cas, de faire
bénéficier la justice des mineurs d’une organisation spécifique, en première
instance comme en appel.

Dans cette hypothèse, il est même possible d’envisager deux degrés dans la
spécialisation.
38 International Review of Penal Law (Vol. 75)

a) Le premier degré consiste à limiter la spécialisation au sein même de l’ordre


judiciaire, aux seules affaires pour lesquelles les juridictions sont saisies à raison
d’un fait qualifié infraction commis par un mineur. Ce type de spécialisation a
souvent pour effet de faire de la justice des mineurs une sorte de sous système,
au sein d’un ordre judiciaire conçu pour la justice des majeurs. La spécialisation
des fonctions ne fait pas obstacle à ce que les mêmes magistrats exercent
simultanément ou successivement des fonctions au sein de la justice des
majeurs.

b) Le second degré consiste à étendre la spécialisation à l’ensemble des affaires,


non seulement pénales mais aussi civiles, dans lesquelles la personne d’un
mineur est concernée. Cette solution permet de centrer l’intervention judiciaire
autour de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est entendue
dans la Convention internationale des droits de l’enfant 28. C’est celle qui assure
le mieux l’autonomie du droit des mineurs, fondée sur des concepts
spécifiques, indépendants des concepts élaborés pour le droit et la justice des
majeurs. C’est à ce prix que peut se forger une notion spécifique de responsa-
bilité des mineurs, dont nous avons souligné la laborieuse émergence 29. C’est
aussi à ce prix que l’unité de la protection de la personne du mineur peut être
assurée, en évitant la multiplication de comparutions devant des juridictions de
nature différente selon la nature du contentieux.

B. La nécessité d’investigations préalables à la constatation judiciaire de la


responsabilité

34. La grande majorité des rapports nationaux fait état de l’existence


d’investigations relatives à la personnalité du mineur prévues par la loi. En
revanche, on observe une très grande diversité quant à la nature de ces
investigations et au moment où celles-ci interviennent.

1°) La nature des investigations varie selon qu’il s’agit d’une véritable expertise
ou d’investigations plus spécialisées. L’expertise est confiée par le juge à des
spécialistes, choisis sur une liste de professionnels spécialement désignés à cet
effet. La mission de l’expert portera, selon les cas, sur la détermination de la
responsabilité/irresponsabilité du mineur, ou sur le point de savoir si celui-ci a agi
avec discernement 30.

28. V. infra n° 48.


29. V. supra n° 15 et 16.
30. Un autre type d’expertise peut porter sur la détermination de l’âge du mineur, lorsque
cet âge ne peut être établi par des moyens de preuve appropriés.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 39

D’autres types d’investigations ont pour objet l’évaluation de la personnalité du


mineur : examen médico-psychologique, enquête sociale, etc… Ces
investigations sont généralement confiées à des services spécialisés, agréés par
le tribunal. Elles sont de nature à éclairer la juridiction sur les mesures à prendre,
à titre provisoire, dans l’attente d’un jugement susceptible d’intervenir bien
longtemps après la saisine de la justice.

La nature de ces investigations spécialisées implique que celles-ci soient


confiées à des équipes pluridisciplinaires, spécialement formées à cet effet, et
contrôlées par l’autorité judiciaire. Il importe qu’au cours de ces investigations le
respect de la personne du mineur, de ses droits, de son intimité soient
rigoureusement assurés et que son défenseur y soit associé.

2°) Le moment auquel ces diverses interventions sont réalisées est extrêmement
variable selon les rapports nationaux. Certaines peuvent être effectuées à tout
moment de la procédure. D’autres sont exigées avant toute saisine au fond.

Compte tenu de la longueur de certaines investigations, il est souhaitable que


celles-ci interviennent le plus rapidement possible, afin de ne pas allonger les
délais de jugement. Cette nécessité se trouve renforcée lorsque, dans certaines
hypothèses, la loi prévoit la comparution du mineur dans des délais rapprochés.
Lorsque ces délais ne permettent pas la réalisation de telles investigations, la
juridiction de jugement sera amenée à statuer dans l’ignorance des éléments
relatifs à la personnalité du mineur. L’expérience prouve que les tribunaux ont
alors tendance à faire prévaloir les mesures répressives sur les mesures
éducatives. Tel est, bien souvent, l’effet recherché par les législations de type
sécuritaire, soucieuses d’apporter une riposte judiciaire rapide à la délinquance
des mineurs.

C. La protection des droits des victimes

35. L’un des reproches fréquemment formulés à l’encontre des règles


procédurales applicables aux affaires de mineur est d’assurer une protection
insuffisante des droits des victimes. Plus encore que dans les procédures à
l’égard des majeurs, la victime apparaît comme un élément de perturbation. C’est
pourquoi on observe, dans les législations nationales, une certaine réticence à
accorder des droits aux victimes d’infractions commises par des mineurs.

S’il arrive que certaines législations accordent à la victime le droit de mettre en


mouvement l’action publique, ce droit est en général réservé au Ministère public,
la victime pouvant alors obtenir réparation tantôt par voie d’intervention, tantôt en
s’adressant à la juridiction civile. Dans la mesure où la réparation dépend de la
40 International Review of Penal Law (Vol. 75)

reconnaissance préalable de la culpabilité du mineur, la victime est parfois


contrainte d’attendre l’achèvement d’une longue procédure pour obtenir
satisfaction.

36. Afin d’assurer une meilleure protection des victimes, divers moyens sont
susceptibles d’être mis en œuvre.

1°) Une première solution consiste à ouvrir plus largement la possibilité, pour la
victime, de se constituer partie civile dès le début de la procédure, ce qui lui
permet d’être informée du déroulement de celle-ci, de faire valoir ses droits et
d’établir les éléments permettant d’évaluer le montant de son préjudice. Cette
solution présente toutefois l’inconvénient de retarder jusqu’au jugement sur le
fond, portant sur la responsabilité du mineur, la décision d’indemnisation.

2°) Pour remédier à cet inconvénient, il est possible de scinder la procédure en


deux phases, en distinguant la phase d’établissement de la responsabilité de
celle du prononcé de la sentence, selon le schéma préconisé par l’Ecole de la
Défense sociale nouvelle.

Très souvent, en effet, la première phase ne soulève pas de difficultés juridiques


majeures et peut intervenir dans un délai relativement bref. Il peut alors être
statué immédiatement sur la demande de la victime. En revanche, le choix de la
mesure finale (mesure éducative ou sanction) peut attendre que soient terminées
les investigations relatives à la personnalité du mineur qui nécessitent un temps
d’observation plus ou moins long.

3°) Un moyen plus radical consiste à dissocier la réparation de la poursuite en


recourant à des procédures alternatives du type médiation-réparation. Pour les
affaires de faible importance, nombreuses en matière de délinquance juvénile, qui
ne soulèvent pas de contestation sérieuse, il apparaît préférable de renvoyer
l’affaire devant un médiateur, désigné par l’autorité de poursuite, afin de
rechercher un accord entre la victime, le mineur et ses parents. Outre l’intérêt que
présente un dialogue direct entre l’auteur et la victime, plus difficile à obtenir dans
le cadre plus solennel d’une audience judiciaire, la réparation ainsi négociée sous
l’autorité et le contrôle du médiateur peut revêtir un caractère éducatif (obligation
de présenter des excuses, réparation en nature du dommage, etc…) que ne
comporte pas la simple réparation pécuniaire ordonnée par la décision de justice.

IV. Sanctions et mesures applicables

36. Sur ce point les rapports nationaux dressent un panorama très complet et très
diversifié des sanctions et mesures applicables aux mineurs. La synthèse est
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 41

rendue difficile, en raison des grandes différences qui affectent cette partie du
droit pénal des mineurs.

D’une part, en effet, ce domaine reflète, plus que tout autre, le particularisme des
droits nationaux, plus ou moins sanctionnateurs et plus ou moins ouverts à
l’existence de mesures éducatives. D’autre part, les multiples réformes ayant
affecté ce domaine, moins stable que celui des majeurs, ont contribué à créer des
systèmes complexes, dont la compréhension est souvent malaisée. Enfin, il n’est
pas certain que l’examen du dispositif législatif permette de rendre compte des
pratiques effectives des juridictions en la matière, soumises aux aléas de la
politique criminelle du moment, aux phénomènes de mode, voire aux variations
des sensibilités personnelles des magistrats. Bien souvent, en matière de
sanctions, le droit pénal des mineurs constitue une sorte de laboratoire au sein
duquel sont expérimentées des solutions susceptibles d’être étendues, le cas
échéant, au domaine des majeurs.

Sans prétendre examiner, dans le cadre de ce rapport, l’ensemble des questions


soulevées, on distingue entre les mesures antérieures au jugement et celles qui
suivent la décision sur le fond.

A. Les mesures antérieures au jugement

37. La privation de liberté avant jugement constitue, évidemment, une mesure


grave à l’égard d’un mineur et ne peut avoir qu’un caractère exceptionnel. La
plupart des rapports nationaux en mentionnent l’existence dans leur législation
nationale. Toutefois, d’importantes différences apparaissent quant aux modalités
de son régime d’application.

1°. La première modalité concerne l’autorité ayant qualité pour l’ordonner. Dans
tous les cas, il s’agit d’un magistrat appartenant soit à l’autorité de poursuite, soit
à l’autorité d’instruction ou de jugement. Une attention particulière doit être
apportée aux garanties qui entourent le prononcé d’une mesure aussi grave,
susceptible de perturber gravement la personnalité du mineur, voire de le
conduire au suicide en raison du « choc carcéral ». C’est pourquoi il importe de
ne prononcer cette mesure qu’à la suite d’investigations préalables et lorsque l’on
s’est assuré qu’il n’y avait pas de solution alternative. Aussi, certaines législations
rendent-elles obligatoires de telles investigations, avant même toute saisine au
fond. Au surplus, s’agissant d’une mesure gravement attentatoire à la liberté,
l’existence d’un débat contradictoire et l’intervention d’un défenseur au moment
du prononcé de la mesure devraient toujours constituer la règle.
42 International Review of Penal Law (Vol. 75)

2°. La seconde modalité concerne la durée de la mesure. Celle-ci varie selon les
pays, certains ne mentionnant aucune durée légale. Plus souvent, la loi contient
des délais, parfois renouvelables, au-delà duquel la détention ne peut être
prolongée. La durée varie selon la gravité de l’infraction poursuivie. Ce type de
détention constitue une « sanction déguisée », anticipant sur la sanction finale, la
juridiction de jugement se voyant contrainte de prononcer une peine de durée
équivalente pour « couvrir » la détention déjà effectuée.

3°. La troisième modalité concerne le lieu dans lequel est accomplie la détention
avant jugement. S’il est précisé, comme cela apparaît évidemment souhaitable,
que celle-ci doit être exécutée dans des établissements distincts de ceux où sont
détenus des majeurs, la réalité est parfois bien différente. La promiscuité peut
aller jusqu’à l’enfermement en commun avec des majeurs. Qu’il soit permis à
votre rapporteur de suggérer que cette solution, souvent justifiée par la
surpopulation carcérale, soit fermement condamnée dans nos résolutions finales.

Il arrive, heureusement, que la détention soit exercée dans des établissements


distincts, réservés aux mineurs et bénéficiant d’un personnel spécialisé. La
détention peut être accompagnée, dans ce cas, de mesures éducatives qui
permettent d’anticiper sur la mise en œuvre d’un traitement, avant même la
décision définitive. Pour souhaitable qu’elle soit, cette solution se heurte souvent
à la réticence des services éducatifs qui considèrent comme incompatible
l’exercice de mesures éducatives dans un cadre aussi contraignant.

38. En raison des graves inconvénients que présente la détention avant


jugement, il arrive que la loi édicte des mesures alternatives, telles que le
placement placement dans une institution spécialisée, dite « ouverte », au sein de
laquelle le mineur est soumis à un traitement éducatif, et au cours duquel
pourront être accomplies les investigations ordonnées par le juge.

D’autres mesures moins contraignantes peuvent être ordonnées. Ce sera, par


exemple, la remise à un agent de probation, qui accompagnera le mineur, et, au
besoin, sa famille pendant la durée de la procédure, au prononcé de différentes
obligations : ne pas fréquenter certains lieux, se soumettre à un traitement
médical ou une cure de désintoxication en cas d’usage de stupéfiants, suivre une
formation professionnelle, etc…

Là encore, le prononcé de ces mesures doit être entouré de garanties


procédurales et de l’assistance d’un défenseur.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 43

B. Les sanctions et mesures prononcées après jugement sur le fond

1) Les conditions communes

39. Une fois intervenue la décision sur la responsabilité (ou l’irresponsabilité) du


mineur dans les conditions ci-dessus examinées 31, il incombe à la juridiction de
statuer sur la sanction ou sur les autres types de mesures applicables. Avant
même d’examiner les unes et les autres, il importe de rappeler diverses
conditions communes qui doivent entourer leur prononcé.

40. Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler une fois encore la nécessité de
respecter rigoureusement en la matière, au même titre que pour les majeurs, le
principe de légalité, non seulement pour la détermination de l’existence du « fait
qualifié infraction », condition préalable nécessaire à la décision sur la
responsabilité, mais encore le principe de légalité des sanctions et des autres
mesures applicables. Le choix de la nature de celles-ci ne peut être laissé à
l’appréciation personnelle du juge. Il en va de même de la légalité du jugement.
Celui-ci doit intervenir dans les formes et dans le respect des droits du mineur, de
sa famille et, le cas échéant, de la ou des victimes. Nullum crimen, nulla poena,
nullum judicium sine lege demeurent des principes cardinaux qui doivent
s’appliquer sans exception à la justice des mineurs.

41. A ce stade de la procédure, il faut une fois de plus rappeler la nécessité de


faire précéder le prononcé de toute décision sur le fond, des investigations
susceptibles d’éclairer la juridiction sur la personnalité du mineur, de manière à
pouvoir évaluer correctement les conséquences de la décision prise quant à la
peine ou les mesures éducatives. Ces investigations devront être d’autant plus
approfondies que la sanction encourue est grave. Pour les mesures éducatives,
l’avis d’un service éducatif compétent devrait être obligatoire, le juge conservant,
comme il se doit, sa liberté de décision.

42. Déjà mentionnée à plusieurs reprises, à propos de tel ou tel moment de la


procédure, la nécessité d’un débat contradictoire est à l’évidence tout autant
nécessaire au moment du prononcé de la peine, mais également du prononcé de
toute autre mesure contraignante ou revêtant un caractère éducatif. Seul un
débat de cette nature est susceptible d’assurer la prise en considération de
l’intérêt du mineur, qui doit demeurer l’objectif final de la décision.

La présence d’un défenseur constitue une garantie essentielle du respect du


principe contradictoire. Sa présence ne saurait être considérée comme superflue,

31. V. supra n° 30 et s.
44 International Review of Penal Law (Vol. 75)

au motif que les magistrats professionnels, informés de l’ensemble du dossier et


éclairés par les investigations ordonnées, seraient les meilleurs juges de cet
intérêt. De même, l’idée souvent répandue selon laquelle la législation s’inspirant
davantage du souci de protéger le mineur que de le punir, l’assistance d’un
défenseur serait superflue. Bien au contraire, la participation de l’avocat au débat
contradictoire, pour collaborer au choix de la mesure, ou faire bénéficier la
juridiction de ses informations et « faire entendre la voix de l’enfant » constitue un
élément indispensable à la qualité de la justice des mineurs 32.

Aussi, compte tenu du particularisme de cette branche du droit et de la spécificité


des connaissances qu’elle exige, il est souhaitable de promouvoir un corps de
défenseurs spécialisés, au même titre que le sont les magistrats amenés à
intervenir dans ce type d’affaires.

Bien entendu, si le mineur ou sa famille doivent avoir le libre choix de leur


défenseur, la loi doit prévoir la possibilité d’en désigner un d’office lorsque ce
choix n’a pas été ou n’a pu être exercé. Elle doit également prévoir, si nécessaire,
les moyens d’y pourvoir lorsque la situation économique du mineur ou de sa
famille ne le permet pas.

2) Les sanctions pénales

a) La peine privative de liberté

43. Si la plupart des législations prévoient la possibilité de prononcer de telles


peines, celles-ci ne doivent avoir qu’un caractère exceptionnel. Par delà la
réaffirmation indispensable de ce principe, il apparaît nécessaire d’en entourer le
prononcé de conditions rigoureuses. Outre les conditions communes ci-dessus
examinées 33, certaines, plus spécifiques à ce type de sanctions, doivent être
évoquées.

S’agissant de la durée de la privation de liberté, il importe de rappeler


vigoureusement l’interdiction de la peine perpétuelle, même si celle-ci n’a, dans la
législation, qu’un caractère théorique. Lorsqu’il s’agit d’une peine à durée
déterminée, la durée de celle-ci doit être soigneusement limitée par la loi, et le
juge doit en indiquer le terme dans sa décision. Comme pour la privation de
liberté avant jugement, elle doit être exécutée dans un établissement spécialisé et

32. Il peut apparaître parfois nécessaire que ce défenseur soit différent de celui choisi par
les parents, lorsqu’il existe un conflit d’intérêt entre ceux-ci et le mineur.
33. V. supra n° 39 et s.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 45

être accompagnée d’une intervention éducative. Son régime doit tendre à la


resocialisation du mineur, en évitant toute contrainte ou vexation inutile.

Enfin, l’âge à partir duquel la privation de liberté peut être prononcée, à titre de
sanction comme à titre provisoire avant jugement 34 devrait figurer dans la loi. Il
s’agit là d’un seuil d’âge distinct de ceux dont il a été discuté plus haut à propos
de la fixation de l’âge de la majorité ou du seuil minimum de l’intervention
judiciaire 35. En effet, nous avons souligné la nécessité de dissocier ces seuils de
celui à partir duquel une sanction pénale peut être prononcée, afin d’éviter l’effet
pervers que pourrait entraîner l’abaissement de l’un quelconque de ces seuils.
S’agissant de la privation de liberté, celle-ci ne devrait, semble-t-il, intervenir
avant l’âge minimum de seize ans, et pour autant que les investigations
préalables ordonnées par le juge soient compatibles avec une telle décision.

b) La prohibition de la peine capitale

44. Si quelques législations, heureusement rares, prévoient la possibilité d’une


telle peine, parfois dès l’âge de seize ans, l’ensemble des rapporteurs formulent,
plus ou moins explicitement, leur opposition à une sanction aussi grave. Sans
qu’il soit besoin de s’attarder longuement sur les raisons d’un tel rejet, votre
rapporteur entend souligner la nécessité de rappeler de la manière la plus ferme
dans les résolutions finales, l’interdiction d’un tel châtiment, et ceci
indépendamment de l’âge du condamné. On comprendrait mal comment,
l’Association Internationale de Droit Pénal, dont les résolutions des Congrès
passés ont manifesté à plusieurs reprises la condamnation des traitements
cruels, inhumains et dégradants pourrait ne pas étendre cette condamnation à la
peine de mort, a fortiori lorsque cette peine est susceptible d’être prononcée à
l’encontre d’un mineur.

3) Les sanctions alternatives

45. Dans les mêmes conditions, et pour les mêmes raisons que celles
envisagées comme moyen d’éviter la détention avant jugement 36, des mesures
alternatives à la privation de liberté prononcée à titre de peine sont prévues par
certaines législations. Elles sont, le plus souvent, de même nature que celles-ci et
n’ont alors pour effet que de les prolonger au-delà du jugement, voire d’en

34. V. supra n° 37 et s.
35. V. supra n° 17 et s.
36. V. supra n° 38.
46 International Review of Penal Law (Vol. 75)

modifier le contenu en fonction des résultats observés au cours de la phase


d’observation.

L’intérêt du mineur constitue, certes, la raison primordiale de leur prescription.


Mais, là encore, l’intérêt des victimes doit être pris en considération. Il conviendra
alors de privilégier, parmi ces mesures, celles qui sont susceptibles d’apporter à
la victime la meilleure réparation, au sens plein du terme, c’est à dire à la fois sur
le plan matériel, mais aussi sur le plan moral.

De telles mesures sont alors très proches des mesures éducatives, et


s’apparentent, plus ou moins, avec les « sanctions éducatives » dont il a été déjà
question 37.

4) Les mesures éducatives

46. Sous ce terme générique, on rangera toutes les mesures susceptibles d’être
prononcées après décision sur la « responsabilité du mineur », et, d’une manière
générale, après reconnaissance de sa qualité d’auteur du « fait qualifié
infraction ». Sans entrer dans la liste de ces mesures, au contenu varié en
fonction de la spécificité des législations nationales et du modèle de justice
auxquelles celles-ci se réfèrent, plusieurs problèmes se posent.

1°) Certains modèles appliquent la voie alternative : soit la voie de la sanction,


soit la voie de la mesure éducative, le choix entre l’une ou l’autre de ces voies
reposant sur les conclusions tirées des investigations préalables relatives à la
personnalité du mineur. Ce modèle a la préférence des milieux éducatifs, qui
soulignent l’incompatibilité entre éducation et contrainte.

2°) D’autres modèles, plus rares, ne font pas obstacle à la voie cumulative.
Sanctions et mesures éducatives peuvent alors faire l’objet d’une application
simultanée ou successive. On rappellera que sous l’influence des tendances
favorables à la « repénalisation » du droit des mineurs, certains pays jusqu’alors
favorables à la prévalence des mesures éducatives, s’orientent vers le choix de
« sanctions éducatives », au point de substituer au modèle alternatif un modèle
que l’on pourrait qualifier de « mixte ». Seul un examen attentif du contenu
concret de ce type de « sanction », de ses modalités d’exécution, du degré de
contrainte qu’elle comporte, permet de dire s’il s’agit véritablement d’une peine ou
d’une mesure éducative.

37. V. supra n° 26.


Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 47

3°) Une attention particulière doit être accordée aux conditions dans lesquelles
est ordonnée la mesure éducative. Si son prononcé doit, dans tous les cas, être
réservé à une autorité judiciaire (de jugement), il faut être attentif au plus ou
moins grand degré de liberté laissé par le juge quant au contenu et à l’exécution
de la mesure.

Il faut rappeler avec force que le prononcé d’une telle mesure, dont le contenu
entraîne à l’égard de la personnalité du mineur, de sa liberté personnelle, de son
intimité, etc…, et des droits de ses parents des conséquences importantes, doit
être entouré des garanties procédurales identiques à celles qui entourent le
prononcé d’une sanction 38. Il faut, bien entendu, se référer également à ce qui a
été débattu au sujet de l’âge minimum et maximum du prononcé et de la durée de
ces mesures.

4°) Comme pour la peine privative de liberté, l’exécution de la mesure éducative,


les modifications qu’il convient d’y apporter, et toute décision relative à son terme,
doivent être confiées à un magistrat. A cet effet, la préférence doit être confiée à
celui qui a prononcé la mesure. Si cette dernière est exécutée en un lieu situé
hors de sa compétence territoriale (ratione loci), il est souhaitable que le juge
territorialement compétent soit un juge spécialisé dans les affaires de mineurs.

IV. Aspects internationaux

47. Le questionnaire soumis aux rapporteurs nationaux accorde à ces aspects


une place importante, conformément à l’intérêt que l’Association Internationale de
Droit Pénal porte à ces questions. D’autre part, la place de plus en plus
importante prise par les questions relatives à l’enfance en droit international, et
l’incidence que les dispositions en la matière sont susceptibles d’exercer en droit
interne ont semblé mériter une attention particulière.

Il faut bien reconnaître que ces aspects n’ont pas toujours trouvé dans bon
nombre de rapports nationaux l’intérêt attendu. Il est permis de penser que
l’importance des questions précédentes, examinées au regard du droit interne, a
pu contribuer à conférer aux aspects internationaux un caractère subsidiaire.
Votre rapporteur s’est vu contraint d’en tirer les conséquences. Les débats
permettront de dire si le diagnostic peut être confirmé.

48. Afin de mesurer l’influence des textes et documents internationaux en droit


interne, il aurait été souhaitable de disposer d’un inventaire aussi complet que

38. On se référera, par conséquent, aux conditions énoncées supra n° 34 et s.,


spécialement le n° 42.
48 International Review of Penal Law (Vol. 75)

possible de ceux-ci. Par delà la référence aux traités et conventions à vocation


universelle, les instruments à vocation régionale auraient pu faire l’objet d’un
examen plus approfondi.

1°) Outre l’application quasi générale de la Convention des Nations Unies sur les
droits civils et politiques et de ses protocoles, une place éminente doit être faite à
la Convention Internationale des Droits de l’Enfant 39, qui avait été précédée par
l’adoption des Règles minima pour l’administration de la justice des mineurs, dites
« Règles de Beijing » 40. La principale question soulevée par les rapports
nationaux concerne la question de savoir si les règles édictées par cette
Convention sont d’application directe en droit interne ou si elles ne peuvent
s’appliquer qu’après transposition en droit interne. A cet égard, les réponses sont
variées et n’ont pas toujours été tranchées de façon claire et définitive par les
tribunaux. Bien souvent, la réponse à cette question dépend de l’autorité que la
Constitution accorde aux Traités internationaux par rapport à la loi interne.

2°) Le Traité de Rome instituant de Cour Pénale Internationale (CPI) fixe, dans
son article 26, à dix huit ans l’âge à partir duquel la Cour est compétente. On se
félicitera de la fixation de cet âge à un niveau aussi élevé, sachant qu’il n’est pas
rare que des mineurs d’un âge inférieur soient engagés ou enrôlés de force dans
des conflits armés. En vertu du principe de subsidiarité, c’est donc aux juridictions
nationales qu’il incombera de juger, le cas échéant, de tels mineurs.

3°) Les instruments régionaux revêtent en la matière une grande importance. Il


en est ainsi spécialement en Europe. Les rapporteurs de cette région signalent
tous l’importance que joue la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’Homme sur la jurisprudence des juridictions pour mineurs, en étendant à
celles-ci les garanties qu’elle édicte. L’intérêt de ces dispositions est d’être
considérées comme d’application directe. Il n’en est pas de même d’autres
textes, tels la Charte européenne des Droits de l’enfant et des résolutions
diverses dont l’intérêt consiste essentiellement à inviter les Etats à mettre leur
législation en conformité avec les prescriptions qu’elles édictent. A cet égard, il
est certain que la mise en œuvre de ces instruments internationaux doit être
vivement encouragée, dans la mesure où leur influence sur l’évolution des
législations internes permet d’élever les standards de protection des droits des
mineurs. La référence à la notion d’intérêt supérieur de l’enfant en tant que
critère d’application des règles édictées est de nature à favoriser l’autonomie du

39. Convention de New York adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 20
nov. 1989.
40. Résolution 40/33, Assemblée Générale des Nations Unies, 29 nov. 1985.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 49

droit des mineurs, fondée sur la reconnaissance de la vulnérabilité et le besoin de


protection de cette catégorie de justiciables.

49. Parmi les mineurs les plus vulnérables, une attention particulière doit être
portée aux mineurs étrangers. Sous l’effet de la mondialisation, de
l’accroissement des migrations de population, du développement de la traite des
êtres humains, cette catégorie de mineurs se retrouve en nombre croissant parmi
les mineurs délinquants. Les mineurs auteurs sont aussi, bien souvent, des
mineurs victimes. Livrés au vagabondage, à la mendicité, à la prostitution ; initiés
au chapardage, à l’usage et au trafic de stupéfiants, ils sont perçus bien souvent
comme des facteurs majeurs du sentiment d’insécurité et se trouvent ainsi
exposés aux rigueurs des politiques criminelles sécuritaires. L’expérience prouve
qu’ils font l’objet d’une plus grande sévérité de la part des tribunaux.

En présence d’une telle situation, il importe de rappeler avec fermeté au respect


des dispositions du droit humanitaire, en énonçant clairement que les mineurs
étrangers doivent bénéficier des mêmes garanties que celles reconnues aux
mineurs nationaux. Il doit en être ainsi, spécialement, dans la mise en œuvre des
instruments de coopération internationale. Le critère du respect de l’intérêt
supérieur de l’enfant doit, ici encore, être scrupuleusement respecté. En matière
d’extradition notamment, le respect du droit à une vie familiale impose
d’empêcher que le mineur soit séparé de sa famille.

Conclusion

50. Comme nous l’avons signalé initialement, la complexité des problèmes


soulevés par la question de la responsabilité pénale des mineurs, tant dans
l’ordre interne que dans l’ordre international, rend la synthèse difficile. En raison
des particularismes nationaux, des traditions culturelles différentes et d’une plus
ou moins grande sensibilité des législations à ces problèmes, les modèles
législatifs et les systèmes de justice manquent d’homogénéité. En dépit de la
grande qualité des rapports nationaux, votre rapporteur a le sentiment de n’avoir
pu rendre compte, avec la fidélité qu’il aurait souhaitée, des spécificités, des
nuances et des richesses que ceux-ci contiennent.

De même, le petit nombre ou l’absence de réponses sur certains aspects du


questionnaire ont conduit à ne mettre l’accent que sur les questions d’intérêt
commun. Souhaitons seulement que notre travail, en dépit de ses insuffisances et
de ses imperfections, constitue un point de départ suffisant pour animer les
discussions et conduire à des résolutions bénéfiques pour la justice des mineurs.
.
ALGÉRIE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURS


DANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Ramdane ZERGUINE˚*

Il est rare d’aborder la responsabilité pénale des mineurs, car en général, la


situation du mineur est plutôt celle de la victime, ce qui justifie la mise en œuvre
de systèmes de prévention et de protection des mineurs délinquants ou en
danger, dans la plupart des pays.
Cependant, l’évolution récente, dans le sens d’une aggravation de la délinquance
juvénile, observée dans beaucoup de pays, ainsi que l’entrée de plus en plus
précoce dans la délinquance de jeunes dont l’âge ne dépasse pas treize ans,
tend à remettre en cause, dans l’opinion publique, le principe de l’irresponsabilité
des jeunes mineurs consacrée dans la majorité des pays.

Parallèlement, et sur le plan international, le mineur fait l’objet d’une meilleure


attention et bénéficie d’un renforcement de la protection, notamment dans le
cadre de la Convention des Nations Unies de 1989 sur les droits de l’enfant (art.
37 et 40 qui consacrent plusieurs principes, dont celui du seuil d’âge
d’irresponsabilité) ainsi que celui des droits de la défense reconnus au mineur
lorsqu’il est accusé, poursuivi ou traduit en Justice.
La Convention de 1989 consacre également le principe de la responsabilité
pénale des mineurs en permettant sa mise en cause en justice lorsqu’il commet
une infraction.

Il convient de remarquer que la responsabilité des mineurs se pose en termes


nouveaux et appelle une approche renouvelée en raison, principalement, des
limites pour ne pas dire de l’échec, des systèmes de prévention et de protection
qui se sont avérés insuffisants pour faire face aux situations liées aux nouvelles
formes de délinquance (actes de violence gratuite, incendies volontaires, bandes
organisées, etc…) et à l’aggravation de cette délinquance qui nécessite une
meilleure prise en charge aussi bien dans l’ordre interne qu’au plan international.

* Professeur, Faculté de Droit, Université de Batna (Algérie).


104 International Review of Penal Law (Vol. 75)

A. Dans l’ordre interne

I. Le principe de l’irresponsabilité du mineur

A l’instar de la plupart des législations des pays européens, le droit algérien, qui
s’inspire largement du droit français, ne retient la responsabilité pénale des
mineurs qu’à titre exceptionnel, faisant de l’irresponsabilité du mineur le principe
de base, et cela par référence à l’absence présumée de raison et de
discernement chez le mineur 1.

Le droit algérien, contrairement au droit français, distingue trois situations en


fonction de l’âge du mineur dont la responsabilité dépend directement de ces
seuils.

1. Le mineur de treize ans

Jusqu’à l’âge de treize ans le mineur est présumé irresponsable et cette


présomption est irréfragable parce que l’on considère qu’il n’a pas atteint l’âge de
raison, lequel n’est pas fixé par la loi 2 (l’art. 42 du C. Civ. concerne l’âge de
discernement fixé à seize ans ; par conséquent, le mineur de treize ans n’est pas
passible d’une sanction pénale, dans ce cas, il s’agit d’une irresponsabilité
absolue et le mineur ne peut comparaître devant le tribunal, ni faire l’objet d’une
peine quelconque mais le Juge des mineurs peut prendre des mesures
éducatives à son égard, notamment remise aux parents, à une personne habilité
(placement dans un centre) sous le régime de la liberté surveillée, le cas échéant
(suivi éducatif).

Cette irresponsabilité ne semble pas pour autant exclure toute mise en cause du
mineur, notamment par la partie civile ; ce sont les parents ou le répondant
(tuteur) du mineur qui supporteront la responsabilité civile du fait du mineur (art.
135 C. Civ.). L’action est dirigée contre le mineur représenté par son répondant
(art. 146 CPP 3), toutefois le mineur est obligé de réparer, même en l’absence de
discernement, s’il a un patrimoine et que la victime ne peut obtenir réparation du
répondant (art. 125 C. Civ.).
A propos de ce cas, il faut signaler l’utilisation parfois abusive de l’article 330/3

1. La notion de raison diffère de celle de discernement (la première est limitée à l’âge de
10/13 ans, tandis que la seconde concerne le mineur de 13/16 ans).
2. Ordonnance du 26 sept. 1975 portant Code Civil.
3. Code de procédure pénale, Ordonnance du 8 juin 1966.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 105

Code pénal 4 par les parquets qui peut aboutir, en pratique à une responsabilité
pénale des parents du fait de leurs enfants mineurs.

2. Le mineur de treize à seize ans

Il est en principe soumis au même régime que le mineur de treize ans parce que
l’âge de raison, par analogie avec le discernement, est fixé à seize ans comme
indiqué ci-dessus, mais en raison de la divergence entre le Code Civil et le Code
Pénal sur ce point, le mineur de treize à seize ans peut être soumis à des peines
atténuées, en bénéficiant de l’excuse de minorité (art. 445 C. P.P.) 5. L’absence
de discernement est en principe limitée au domaine civil (à noter qu’il y a
également divergence entre la majorité civile fixée à dix-neuf ans, art. 40 C.C.iv.)
et la majorité pénale fixée à dix-huit ans (art. 442 C. P.).
La loi laisse au juge une option entre sanction éducative (le principe) ou un peine
atténuée (exception). Le choix se fera en fonction du dossier psycho-social du
mineur, de sa personnalité, de ses antécédents, de la gravité de l’acte et du
préjudice causé par l’infraction. Cette solution, en apparence plus souple et mieux
adaptée, semble discutable, en raison de la finalité différente des deux types
d’intervention, éducatif et répressif (d’ailleurs, le cumul est rare en pratique). De
plus, le droit algérien ne prévoit pas le recours aux sanctions alternatives, comme
le droit français, notamment les T.U.C. 6, la privation de certains droits, la
réparation du préjudice etc…

3. Le mineur de seize à dix-huit ans

Le mineur de seize à dix-huit ans est soumis au même régime que le mineur de
treize à seize ans, c’est à dire qu’il encourt une responsabilité pénale atténuée.
Cependant, certains mineurs de seize à dix-huit ans qui sont réfractaires aux
mesures éducatives ou récidivistes, et qui ont déjà fait l’objet d’une mesure de
rééducation sans résultat, peuvent être condamnés par le tribunal des mineurs à
une peine de prison, jusqu’à leur majorité (19 ans), par une décision
spécialement motivée (art. 486 Code pénal). Dans ce cas, il y a substitution d’une
peine à une mesure éducative comme il peut y avoir recours aux deux, mais ce

4. Code pénal, Ordonnance du 2 juin 1966 : « sont passibles de deux mois à un an


d’emprisonnement les pères et mères qui par un manque de direction nécessaire,
compromettent gravement soit la santé, soit la sécurité, soit la moralité de leurs
enfants… ».
5. Le mineur bénéficie de l’excuse légale de minorité et encourt, en général, une peine
réduite de moitié (art. 50 C.P.). Il s’agit le plus souvent de peines assorties du sursis, ou de
sanctions éducatives, ce qui est conforme aux règles de Beijing.
6. Travaux d’utilité collective, et même privée, qui se sont avérés utiles et efficaces.
106 International Review of Penal Law (Vol. 75)

cumul est très rare. Cette solution est réservée aux marginaux à l’égard desquels
la méthode éducative s’est avérée inopérante.

Il convient de relever que le droit algérien, contrairement au droit français, ne


traite pas spécialement du jeune majeur délinquant dont l’âge se situe entre dix-
huit et dix-neuf ans, considéré comme majeur au regard de la loi pénale, la
majorité pénale étant fixée à dix-huit ans par référence à l’âge du mineur au
moment des faits. Par contre, dans le cadre de la protection des jeunes en
danger 7, le jeune majeur est pris en charge jusqu’à l’âge de vingt et un ans.

Quoi qu’il en soit, les seuils d’âge de la responsabilité pénale varient d’un pays à
un autre, et cette différence ne manque pas de soulever certaines difficultés au
plan international et il en est de même dans la détermination de la majorité et de
la minorité pénale fixée de façon arbitraire. Ainsi, si la plupart des pays
européens fixent la majorité pénale à dix-huit ans, il n’en est pas de même pour la
minorité pénale, qui varie de 10 ans en Grande Bretagne à 14 ans en Allemage,
et 12 ans en Grèce. D’où la nécessité d’une harmonisation en ce domaine.

Si la responsabilité pénale du mineur est traitée en général en fonction de l’âge,


elle dépend également dans une large mesure de la personnalité. Ces critères,
quoique essentiels, se sont avérés insuffisants et il convient à notre sens
d’objectiviser de plus en plus cette responsabilité en prenant en considération la
gravité et les circonstances de l’acte, ainsi que l’importance du préjudice qui en
résulte. Le droit en vigueur ne tient pas suffisamment compte de ces aspects qui
devraient être inclus dans la réforme des textes, comme fondement de la mise en
œuvre de la responsabilité du mineur qui doit s’adapter aux changements
culturels et sociaux. A cet égard, il convient de relever la maturité précoce des
jeunes mineurs, qui acquièrent, dès leur jeune âge (10/13 ans) des
comportements et des conduites délinquantes inadaptées à leur état
psychologique, notamment et des conduites délinquantes inadaptées à leur état
physiologique, notamment, en matière de délits de groupe 8 ou de délits sexuels
encouragés par un sentiment d’impunité, parce que cette tranche d’âge échappe
aux sanctions pénales. Cet élément mérite d’être pris en considération pour une
adaptation de la responsabilité pénale du mineur mieux pondérée à travers
l’examen de personnalité pour éviter que l’irresponsabilité ne soit synonyme
d’impunité, que réprouve la réaction sociale excédée par l’aggravation de la
délinquance des jeunes.

7. Ordonnance n° 72/3 du 10 fév. 1972 qui s’inspire de l’Ordonnance française du 23 déc.


1958 modifiée par la loi du 4 juin 1970 concernant l’enfance en danger.
8. Ordonnance n°72/3 du 10/2/72 qui s’inspire de l’Ordonnance Française du 23/12/58
modifiée par la loi du 4/6/70, concernant l’enfance en danger.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 107

En définitive, il est admis que le mineur délinquant doit supporter une certaine
responsabilité pénale en tant qu’acteur social parce qu’il s’agit d’un sujet doué du
libre arbitre et parce que cette responsabilité a un rôle pédagogique certain dans
la socialisation du mineur.
Cependant, la mise en œuvre de cette responsabilité soulève de nombreuses
difficultés d’application liées spécialement à l’insuffisance de moyens humains et
matériels et les solutions consacrées varient dans le temps et dans l’espace. Il
demeure que la responsabilité pénale des mineurs présente un fonds commun à
la majorité des pays européens, dont le législateur algérien s’est largement
inspiré à travers la reprise de l’Ordonnance française du 2 février 1945 qu’il a
intégrée dans le Code pénal (art. 442 à 495) en lui apportant certaines
modifications et qui est relative au statut du mineur délinquant, tandis que le
Code pénal traite de la punissabilité du mineur (art. 49 à 51) c’est à dire,
indirectement, de la responsabilité pénale du mineur. Par conséquent, il n’y a pas
de texte spécifique à la responsabilité pénale stricto sensu. Il faut également
mentionner le Code pénitentiaire 9 dont les articles 124 à 142 traitent de la
réadaptation des mineurs condamnés à des peines d’emprisonnement.
Pour la mise en œuvre de cette responsabilité, le droit algérien, à l’instar des
autres législations, a prévu une procédure et une compétence spéciales aux
mineurs délinquants.

II. La mise en œuvre de la responsabilité pénale des mineurs 10

1. La compétence

Outre l’excuse de minorité, le mineur bénéficie du privilège de juridiction, puisqu’il


est passible de juridictions spéciales qui sont le juge des mineurs, le tribunal des
mineurs et la chambre spéciale au niveau de la Cour. Il y a en outre, au niveau de
chaque tribunal, des juges d’instructions chargés spécialement des affaires des
mineurs.

a) Le juge des mineurs

Auprès de chaque tribunal, il y a un ou plusieurs juges des mineurs. Il est désigné


par arrêté du Ministre de la Justice pour une période de trois ans dans les chefs
lieux de Cour et par ordonnance du Président du tribunal, dans les autres

9. Ordonnance 72/2 du 10/2/72 portant Code pénitentiaire.


10. Voir notre article : « Aspects fondamentaux de la protection judiciaire des mineurs en
Algérie », Revue Algérienne des Sciences Juridiques, 1985, n°1.
108 International Review of Penal Law (Vol. 75)

tribunaux. Le juge des mineurs jouit de la plénitude de compétence, selon le


principe de la « concentration verticale ». Il peut ordonner un certain nombre de
mesures, notamment enquête, examen, décider d’un placement provisoire du
mineur ou toute autre mesure qu’il estime nécessaire et cela par voie
d’ordonnance.
Il peut jouer le rôle de juge d’instruction en matière de délits. Il préside le tribunal
des mineurs. En plus de ses compétences juridictionnelles, il exerce des
attributions administratives, notamment nomination de délégués, présidence du
comité de rééducation auprès des établissements, etc… Il peut prononcer des
condamnations à des amendes civiles de 100 à 500 dinars contre les parents, le
tuteur, gardien, en cas d’entrave à la mission du délégué à la liberté surveillée.
Par ailleurs, il a une compétence exclusive à l’égard des mineurs en danger.
Le juge des mineurs, dont la formation, la spécialisation et parfois la stabilité ne
sont pas assurées correctement, ne joue pas toujours pleinement son rôle ; cela
est dû également aux difficultés de tous ordres qu’il rencontre dans l’exercice de
ses fonctions.

b) Le tribunal des mineurs

L’organisations judiciaire algérienne consacre le principe de l’unité de juridiction


au niveau du tribunal. Il existe une « section » qui constitue le tribunal des
mineurs et qui se compose du juge des mineurs président et de deux assesseurs
choisis en raison de leur compétence, parmi les personnes qui manifestent de
l’intérêt aux questions de l’enfance (éducateurs, enseignants, agents du culte,
etc…)
Le tribunal est compétent pour juger les crimes et délits commis par les mineurs.
Cependant, seul le tribunal siégeant au chef lieu de la cour est compétent pour
juger les crimes et délits commis par les mineurs. Toutefois, seul le tribunal
siégeant au chef lieu de la cour est compétent en matière de crimes.
Le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de l’infraction, du lieu de
résidence du mineur.
Le tribunal des mineurs constitue la juridiction de droit commun à l’égard du
mineur. Il est seul compétent pour statuer sur les mesures éducatives, placement
ou pour prononcer des pénalités ou accorder le régime de la liberté surveillée.
Ses décisions sont soumises aux différentes voies de recours, notamment
l’opposition et l’appel.

c) La chambre des mineurs

Au niveau de chaque cour, il existe une chambre des mineurs composée de


conseillers, délégués à la protection des mineurs, désignés par arrêté du Ministre
de la justice.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 109

La chambre est compétente pour statuer sur tous les appels formés contre les
ordonnances du juge des mineurs et contre les jugements du tribunal des
mineurs. Le conseiller délégué (président de la chambre) dispose des pouvoirs
attribués au juge des mineurs par la loi : mesures provisoires, examen de
personnalité, choix du conseil.
Les arrêts de la chambre des mineurs sont susceptibles de pourvoi en cassation
devant la Cour suprême.

2. La procédure

Il ne s’agit pas d’étudier la procédure dans le détail mais seulement de faire


ressortir des éléments caractéristiques à travers les principales phases,
déclenchement de l’action publique, enquête préalable, jugement.

a) Le déclenchement de l’action publique

- Le rôle du parquet
Pour la poursuite des infractions commises par le mineur, l’action publique est
déclenchée par le parquet (procureur de la république près le tribunal). Le
parquet peut classer l’affaire pour divers motifs. La victime peut également
déclencher l’action publique en se constituant partie civile. La constitution de
partie civile peut intervenir devant le juge des mineurs, le tribunal des mineurs, ou
le juge d’instruction selon le cas. Elle est dirigée contre les mineurs avec mise en
cause de son représentant légal. Le dossier est transmis selon le cas au juge des
mineurs (contraventions, délits) ou au juge d’instruction (certains délits, crimes).
Le procureur donne son avis sur toutes les affaires des mineurs, soit sur
réquisition soit à l’audience du tribunal.

- Le rôle du juge des mineurs


En cas de délits, le juge des mineurs est saisi du dossier par le procureur de la
république. Il doit procéder à une enquête préalable, si c’est nécessaire, soit par
voie officieuse, soit dans les formes légales (instruction). Il peut recueillir tous les
renseignements nécessaires (enquête sociale, examens médicaux, antécédents,
situation, comportement, relatifs au mineur).
Il peut ordonner toute mesure provisoire à l’égard du mineur : placement, mise
en observation, liberté surveillée ou même détention provisoire.
Il doit aviser des poursuites les parents ou le représentant légal du mineur, faire
désigner le cas échéant un défenseur.
Lorsque la procédure est complète, le juge des mineurs communique le dossier
au procureur de la république qui doit lui adresser son réquisitoire dans les dix
jours. Si le juge des mineurs estime qu’il n’y a pas infraction ou que les charges
ne sont pas suffisantes, il rend une ordonnance de non lieu. Si les faits
110 International Review of Penal Law (Vol. 75)

constituent un délit ou une contravention, il rend une ordonnance de renvoi


devant la juridiction compétente (tribunal des mineurs).

- Le rôle du juge d’instruction


En cas de crime, l’instruction est obligatoire. Elle est confiée au juge d’instruction
spécialisé qui procèdera selon le droit commun. Dans ce cas, le juge d’instruction
exercera également certaines attributions du juge des mineurs, notamment en
matière de mesures provisoires et d’enquête sociale, examen de personnalité,
etc…
L’instruction terminée, le juge d’instruction, sur réquisition du parquet, rend selon
le cas, une ordonnance de non lieu ou de renvoi devant le tribunal des mineurs
compétent. Quand l’affaire met en cause des majeurs co-auteurs ou complices, le
cas du mineur est disjoint.

b ) L’enquête préalable

L’article 453 C.Code pénal traite de l’enquête qui doit être effectuée soit par le
juge des mineurs soit par le juge d’instruction en précisant ces différentes
composantes.
Il s’agit d’une part d’une véritable instruction pour parvenir à la manifestation de la
vérité. Il s’y ajoute ensuite une enquête sociale sur la situation matérielle et
morale de la famille – et celle du mineur – conditions de vie, comportement,
antécédents. Le dossier comporte un examen médical et psychologique, assorti
ou non de mesures d’observation. Enfin, un examen de personnalité pour
déterminer les moyens propres à assurer la rééducation du mineur. Le texte
susvisé précise que le juge peut, dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune de
ces mesures ou ne prescrire que l’une d’entre elles. Dans ce cas, il doit rendre
une ordonnance motivée. On déduit que l’enquête est obligatoire mais qu’elle
peut être écartée à titre exceptionnel.
Malheureusement, dans la réalité, cette enquête n’est pas toujours effectuée ou
bien elle est faite de façon sommaire et ne comporte pas tous les éléments
nécessaires, sauf lorsque le mineur est placé dans un service d’observation.
Dans le cadre de l’enquête préalable, le juge des mineurs/juge d’instruction est
habilité à prendre toute mesure provisoire à l’égard du mineur en avisant ses
parents ou son représentant légal. Ces mesures provisoires sont énoncées par
l’article 445 du Code pénal :
• remise du mineur à ses parents, tuteur, gardien ou à une personne digne
de confiance,
• placement dans un centre, institution, service spécialisé,
• placement dans un établissement d’éducation ou de formation,
• remise à un centre d’accueil,
• placement dans un centre d’observation.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 111

La garde provisoire peut être assortie du régime de la liberté surveillée.


La mesure de garde ou de placement provisoire est toujours révocable et sa
durée n’est pas précisée par les textes.

Il faut ajouter à cette liste la détention provisoire qui peut être ordonnée à titre
exceptionnel à l’encontre du mineur de treize à dix-huit ans. Sur ce point on
devrait déterminer la durée de la mesure.

En raison de la similitude qui existe entre mesures provisoires et mesures


définitives, le tribunal des mineurs a tendance à confirmer les mesures prises par
son président, le juge des mineurs, dans la plupart des cas.

c ) Le jugement

Le tribunal des mineurs, saisi du dossier par ordonnance de renvoi, statue en


chambre du conseil. Les débats ont lieu à huis clos et le mineur doit comparaître
en personne, assisté de son représentant légal et de son conseil. Le tribunal doit
les entendre ainsi que le représentant du parquet avant de statuer. Chaque
affaire est jugée séparément. Si les faits ne sont pas établis, le tribunal prononce
la relaxe. En cas de culpabilité, le tribunal doit prendre l’une des mesures de
protection ou de rééducation prévues par l’article 444 du Code pénal assorties ou
non du régime de liberté surveillée. Ces mesures doivent être prises pour une
durée déterminée qui ne peut dépasser la date à laquelle le mineur aura atteint la
majorité (dix-neuf ans). Cette limitation s’avère parfois gênante pour l’action
éducative ou la formation du mineur.
A titre exceptionnel, le tribunal peut, en motivant sa décision, infliger une peine
atténuée au mineur de treize à dix-huit ans. Il peut même cumuler une peine et
une mesure de rééducation quand il n’y a pas incompatibilité entre elles ; mais
cette dernière solution est en pratique relativement rare.
La décision du tribunal est rendue à huis clos et elle est susceptible d’exécution
provisoire nonobstant appel.
Les jugements du tribunal son soumis à toutes les voies de recours ordinaires
(opposition, appel).
Les mesures prises par le tribunal peuvent être modifiées ou révisées à tout
moment par le juge des mineurs soit à la requête du ministère public, sur rapport
du délégué à la liberté surveillée ou même d’office. Le juge des mineurs peut
même placer le mineur en détention provisoire en cas d’incident. Toutefois,
lorsqu’il s’agit de prendre une mesure de placement à l’égard d’un mineur qui
avait été confié initialement à la garde de ses parents ou d’une personne de
confiance, seul le tribunal est compétent.
112 International Review of Penal Law (Vol. 75)

La même juridiction peut également substituer aux mesures de rééducation des


peines et ordonner l’emprisonnement du mineur dangereux dans un
établissement pénitentiaire jusqu’à la majorité.
Une année après l’exécution de la mesure de placement, le mineur, sa famille, le
tuteur, les parents peuvent demander au juge des mineurs le retour du mineur
dans son milieu naturel.
Sa demande peut être renouvelée après un délai de trois mois. Son issue dépend
de l’amendement du mineur et des possibilités qui lui sont offertes par le milieu
naturel. Les décisions émanant des juridictions des mineurs sont inscrites sur un
registre spécial tenu par le greffier.
Les mesures de rééducation sont inscrites au casier judiciaire, mais ne sont
mentionnées que sur le bulletin n°2 destiné aux autorités judiciaires.
Lorsque le mineur est placé dans une famille d’accueil – mesure qui est d’usage
courant surtout pour les mineurs de treize ans et les filles –une part des frais
d’entretien peut être mise à la charge des parents. Il en est de même si le mineur
est placé dans un service de l’assistance.

d ) Les sanctions

Comme nous l’avons précédemment indiqué, le mineur de treize ans qui a


commis une infraction n’encourt aucune peine, mais fera l’objet d’une simple
admonestation. Il peut également se voir appliquer certaines mesures de
protection ou de rééducation (art. 49 Code pénal), notamment la remise à une
personne, le placement dans un centre, etc…
Le mineur de treize à dix-huit ans bénéficie également des mesures de
rééducation, mais il est passible de peines de prison atténuées sur la base de
l’excuse légale de minorité (Art. 50 C.P.). Dans ce cas les peines sont les
suivantes :
- s’il encourt la peine de mort ou la réclusion perpétuelle, il ne peut être
condamné qu’à une peine de dix à vingt ans,
- s’il encourt une peine de réclusion ou de prison à temps, il ne pourra être
condamné qu’à l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié de celui
auquel il aurait été condamné s’il eut été majeur, le minimum de la peine étant
laissé à l’appréciation du juge.
Même les mineurs récidivistes peuvent bénéficier de l’excuse légale de minorité.
Mais la peine qui leur sera infligée sera fixée compte tenu de leurs antécédents.

On regrettera également l’absence en droit algérien de peines de substitution aux


peines de prison dont l’effet stigmatisant est certain, alors que les sanctions
éducatives ont prouvé leur efficacité spécialement les T.U.C. (Travaux d’Utilité
Collective), la réparation du préjudice subi par la victime, la privation de certains
droits, etc…
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 113

A propos des sanctions, il convient de citer une disposition du Code pénal,


l’article 3330/3 qui permet de mettre en cause la responsabilité pénale des
parents (père et mère) lorsque le mineur commet une infraction qui a été facilitée
par la négligence grave des parents 11. Il s’agit d’une véritable responsabilité
pénale du fait d’autrui, utilisée par certains parquets, mais rarement à l’encontre
des parents défaillants.

III. Les fondements de la responsabilité pénale des mineurs

Le système algérien, qui s’apparente au système français, est mixte, c’est-à-dire


qu’il est à la fois éducatif et répressif. Au plan de la responsabilité pénale, le droit
algérien est basé sur l’élément moral de l’infraction, constitué par la faute, qui est
le fondement de la culpabilité de celui auquel elle est imputable. La responsabilité
pénale du mineur de treize ans ne peut être recherchée sur le plan de la faute, en
l’absence présumée de raison ou de discernement 12 ; mais cela n’empêche
nullement d’établir la matérialité des faits et leur imputabilité au mineur. Cet
aspect peut être distingué de celui de la responsabilité pénale stricto-sensu. Pour
le mineur de treize à seize ans, on peut se référer au degré de discernement que
révèle l’examen de personnalité, et les circonstances de l’acte pour retenir ou non
sa responsabilité pénale même atténuée. Il s’agit d’une appréciation in
concreto 13.

a) Le discernement fondement de la responsabilité pénale

Sur cette base et en considérant que le discernement est synonyme de raison, le


mineur de moins de treize ans, qui n’a pas atteint l’âge de raison ne peut être
déclaré responsable pénalement. Cette présomption est absolue. C’est la solution
de principe consacrée par le droit algérien. Mais ne faut-il pas distinguer entre la
responsabilité pénale objective, c’est-à-dire l’imputabilité matérielle des faits et la
punissabilité, cette dernière étant seule exclue ? Cette thèse offrirait des
avantages juridiques certains, notamment à la victime 14.

11. Art. 330/3 C.P. « … les pères et mères sont punis d’un emprisonnement de deux mois
à un an et d’une amende de cinq cents à cinq milles dinars lorsque par défaut de soins,
par manque de direction nécessaire, ils compromettent gravement la santé, la sécurité,
la moralité de leurs enfants.
12. A noter que dans le droit musulman, l’âge de raison est fixé à sept ans. Sur cette base
on peut distinguer l’âge de raison de l’âge de discernement.
13. Ce sont les critères consacrés par la Cour de cassation française (arrêt Tonapani) :
Crim. 1er février 1951, J.C.P. 1951 ? II, 6107, note Brouchot.
14. Dans ce cas la situation est comparable à celle de l’incapable majeur.
114 International Review of Penal Law (Vol. 75)

b) La personnalité comme critère de la responsabilité pénale du mineur

Dans cette conception, plus subjective, que l’on retrouve également en droit
algérien, le mineur peut encourir un responsabilité pénale atténuée, à titre
exceptionnel, en fonction de sa personnalité, révélée à la fois par l’âge et par les
circonstances de l’infraction, c’est-à-dire en tenant compte de la maturité réelle du
sujet. C’est la situation des mineurs de seize à dix-huit ans qui on un certain
discernement qu’il faut établir à travers l’examen de personnalité obligatoire et
préalable à toute décision. Cet examen complet permet de rechercher l’existence
d’une maturité suffisante, dans la conscience de l’illégalité de l’acte commis.
Dans cette situation, le mineur est accessible à des sanctions pénales atténuées
et appropriées à sa personnalité. Il s’agit d’une responsabilité pénale partielle en
fonction de la capacité pénale du mineur, qui bénéficie de l’excuse de minorité et
encourt des peines réduites de moitié par rapport à l’échelle normale des peines,
voir supra les sanctions. Exemple : pour une infraction passible de un à cinq ans
de prison, le mineur n’encourt qu’une peine de six mois à deux ans et demi.
L’appréciation de la personnalité du mineur et des circonstances de l’infraction
qui constituent les deux critères fondamentaux de la capacité pénale du mineur et
du degré de sa responsabilité, nécessitent pour leur mise en œuvre des moyens
matériels et humains très importants qui, hélas, font défaut, ce qui laisse place à
une application quasi automatique de la responsabilité pénale du mineur de treize
à dix-huit ans soumis à des peines de prison le plus souvent inappropriées et
inefficaces. D’ailleurs, sur ce point, les praticiens qui s’occupent des jeunes
délinquants, ont pu faire certaines constatations qui méritent d’être rappelées :
- qu’une personnalité délinquante se structure par la répétition d’infractions
auxquelles aucune réponse n’est donnée – ou est donnée dans un délai trop
long,
- que les séjours en prison permettent au jeune délinquant de s’adapter à une
population de jeunes marginaux pour qui le passage en prison est une
consécration (effet stigmatisant de la prison),
- que la prison n’a un effet dissuasif qu’à l’égard de ceux qui n’y sont pas allés,
et surtout ceux qui sont adaptés et ont intégré le principe de la loi pénale,
- qu’il y a un passage de la délinquance ludique à une délinquance plus
violente et plus organisée se situant le plus souvent de treize à seize ans,
alors que les études et recherches se sont attachées surtout à la tranche de
seize à dix huit ans.
Une attention particulière devrait être portée aux mineurs qui entrent dans le
circuit judiciaire entre douze et quinze ans, parce que parmi ces jeunes, une
proportion importante poursuivra une carrière délinquante jusqu’à la majorité et
au-delà (taux de récidive important).
En ce qui concerne l’impact des sanctions pénales, l’attitude dominante chez les
sujets qui ont subi ces sanctions paraît montrer qu’elles peuvent avoir pour effet,
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 115

au lieu de l’amendement attendu, un engagement plus prononcé dans la


délinquance et même une répétition des conduites délictueuses (récidive). Cette
évolution peut s’expliquer par l’effet du processus de stigmatisation consécutif au
passage dans le système judiciaire, et à l’identification négative qui en résulte
pour le sujet.

L’activité délinquante des mineurs renvoie à des facteurs multiples, d’ordre


personnel, familial, social, notamment la crise d’adolescence ou d’identité, les
carences familiales ou conflits, handicaps sociaux. Pour mettre en œuvre une
responsabilité pénale du mineur cohérente et efficace, il convient de tenir compte
de tous ces facteurs au stade de la prévention avant le recours à la répression
qui devrait avoir comme finalité la protection et la réinsertion du jeune délinquant
dans la société.
A l’égard du jeune mineur de treize à seize ans, il serait souhaitable, à notre avis,
de distinguer et de dissocier le problème de la responsabilité pénale, notion
morale, qui ne peut être retenue faute de discernement, de celui de l’imputabilité
matérielle de faits au mineur, ce qui permet de le déclarer « coupable » en tant
qu’auteur sans lui infliger de peines, mais en le soumettant à des sanctions
éducatives prises uniquement dans son intérêt.

La responsabilité pénale des mineurs n’intéresse pas uniquement l’ordre interne,


mais déborde largement par ses implications dans l’ordre international.

B. Dans l’ordre international

La responsabilité pénale soulève beaucoup de problèmes dans l’ordre


international tenant notamment à la différence des systèmes juridiques et des
législations (système préventif, répressif, mixte), mais également aux seuils
d’âges variables et à des majorités et minorités pénales différentes, sans compter
les conflits de lois.
Ces problèmes résultent également des fondements de cette responsabilité
qu’elle soit objective ou subjective ainsi que des conflits de compétence, du
principe de territorialité et des effets limités des jugements pénaux.
Toutes ces difficultés ont été soulevées par les études consacrées à cette
question, ce qui a donné lieu à un mouvement d’harmonisation des législations
notamment en Europe et a abouti à la conclusion de nombreuses conventions.
Ainsi, le droit pénal européen des mineurs a été ébauché par le Conseil de
l’Europe dans sa recommandation R 87/20 qui recèle certains points de repère
pour l’élaboration d’une responsabilité pénale des mineurs à l’échelle
européenne.
116 International Review of Penal Law (Vol. 75)

On considère notamment,
- que les jeunes sont des êtres en devenir et que toutes les mesures prises à
leur égard doivent avoir un caractère éducatif,
- que les réactions sociales à la délinquance juvénile doivent tenir compte de la
personnalité et des besoins spécifiques du mineur,
- que le système pénal des mineurs doit continuer à se caractériser par un
objectif d’éducation et d’insertion sociale.
Cet effort d’unification nécessite la détermination des conditions de la prévention
et de la responsabilité pénale des mineurs, ce qui suppose au préalable, la
fixation d’un seuil d’âge identique en Europe 15.
Sur tous ces points le Droit algérien consacre des solutions empruntées au droit
français avec certaines particularités ; à cela, il convient d’ajouter les solutions
spécifiques résultant de l’existence de certaines conventions internationales ou
bilatérales qui peuvent avoir un influence sur la situation juridique (ou le statut) du
mineur délinquant, qu’il soit algérien ou étranger.
Par exemple, la fixation de l’âge de la majorité civile relève en principe de la loi
personnelle du mineur ; mais au regard de la loi pénale, le mineur sera soumis à
la loi algérienne en vertu du principe de territorialité.

I. Le principe de territorialité de la pénale 16

En matière de compétence, le droit algérien à l’instar de beaucoup de législations


consacre le principe de la territorialité de la loi pénale qui permet de reconnaître
la compétence des tribunaux algériens et l’application de la lex fori du seul fait
que l’un des éléments constitutifs de l’infraction se situe sur le territoire national.
Ce principe a été interprété par la jurisprudence pour la localisation de l’infraction,
que ce soit par référence au lieu de l’infraction ou du résultat.
Quant aux actes de complicité, leur soumission au principe de territorialité
suppose une double condition :
- que l’acte de complicité soit prévu et réprimé à la fois par la loi étrangère et la
loi algérienne,
- que l’acte principal soit définitivement jugé à l’étranger.
Par exception au principe de territorialité, la loi nationale s’applique aux
infractions commises à l’étranger dans certains cas, mais cette exception est
d’application très limitée parce que soumise à des conditions restrictives, et

15. C’est ce que préconise également la Convention des N.U. 1989 relative aux droits de
l’enfant (art. 40).
16. Ce principe est consacré par la constitution, Art. 67.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 117

concernant surtout les crimes 17 commis par un algérien à l’étranger ou par un


étranger à l’étranger mais qui lèse gravement les intérêts de l’Algérie ou son
crédit.
Il faut relever sur ce point que l’Algérie a ratifié récemment la Convention des
N.U. contre la criminalité transnationale, adoptée par l’Assemblée générale des
N.U. le 15 décembre 2000 18.
L’évolution du droit pénal des mineurs devrait permettre, à terme, de faire face
aux conséquences dommageables des infractions commises par les mineurs et
qui troublent plusieurs états notamment en ce qui concerne la poursuite, le
répression, la réparation du préjudice subi par les victimes et cela dans le respect
du principe Non bis In Idem et de l’autorité de la chose jugée positive ou négative.
Par exemple, en ce qui concerne certaines infractions comme le vol de voitures
dans un Etat pour être vendu dans un autre Etat, le trafic de drogue, l’immigration
clandestine, etc…

II. La coopération et l’entraide judiciaire internationale

Le droit algérien ne contient pas de dispositions relevant du droit international et


spécifiques à la détermination ou à l’application de la responsabilité pénale des
mineurs.
La responsabilité pénale des mineurs relève des mêmes dispositions applicables
aux majeurs et contenues pour l’essentiel dans le Code pénal avec les
particularités déjà mentionnées tenant à l’âge de délinquant (mineur) qu’il soit
algérien ou étranger : il bénéficie des mêmes dispositions et de la même
protection.
L’Algérie ayant ratifié la plupart des conventions des N.U., notamment celle
relative aux droits de l’enfant de 1989, les dispositions de ces conventions sont
applicables en Algérie et ont une valeur supérieure à la loi nationale en vertu de
la Constitution 19, notamment lorsqu’elles sont plus favorables au mineur.
Il n’existe dans la législation algérienne aucune disposition spécifique applicable
à la responsabilité pénale des étrangers car cela serait discriminatoire et contraire
à la Constitution qui interdit toute discrimination de cet ordre 20 et cela sous
réserve des dispositions du Code pénal évoquées supra.

17. Art. 522/C.P.P. qui équivaut à l’article 689 C.C.P.F. et article 583 C.C.P. pour les délits,
soumis à une condition supplémentaire qui est le dépôt de plainte par la victime.
18. Décret présidentiel n°2002/55 du 5 fév. 2002.
19. Principe de la hiérarchie des textes consacré par la Constitution, art. 132.
20. Voir art. 140 de la Constitution.
118 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Pour la détermination de l’âge du mineur étranger, on se réfère en principe aux


documents officiels d’identité du mineur et à sa loi nationale (en vertu de la règle
de renvoi).
Quant à la majorité pénale, elle sera déterminée par référence à la loi pénale
algérienne (dix-huit ans). En l’absence du document, il sera procédé à une
enquête et à un examen médical pour déterminer l’âge du mineur.
Toutes les dispositions spéciales relatives à l’entraide policière (Interpol)
judiciaire, pénitentiaire, résultant des conventions bilatérales ou internationales,
applicables aux majeurs sont également étendues aux mineurs délinquants selon
les mêmes modalités, mais cela dans un cadre plus large et avec une attention
particulière qui tient compte notamment des mesures éducatives prises en faveur
du mineur ainsi que des éléments de son dossier établi à l’étranger.
Par ailleurs, l’Algérie entretient avec beaucoup de pays arabes et européens, une
coopération judiciaire très active, sur la base de conventions bilatérales ainsi
qu’une coopération par l’intermédiaire d’Interpol et cela sur la base de la règle de
la réciprocité. Le domaine de cette coopération qui s’effectue dans les deux sens
est très vaste et porte en particulier sur les enquêtes pénales, l’exécution des
commissions rogatoires internationales, la notification et l’exécution des mandats
d’arrêts internationaux, l’extradition, l’exécution des jugements à caractère pénal.
Cette coopération s’effectue essentiellement sous la responsabilité des
procureurs généraux auprès des cours, soit directement, soit par la voie
diplomatique par l’intermédiaire du ministère de la justice.
Cette coopération judiciaire peut concerner les mineurs délinquants, mais ne
porte que sur la phase judiciaire à l’exclusion de la phase administrative (mesures
éducatives prises en faveur du mineur). Ce domaine échappe encore à la
coopération internationale.

En guise de conclusion, on se limitera à quelques constats et propositions. On


constate que les textes ne sont plus adaptés à l’évolution de la délinquance et
aux profils des jeunes délinquants, et qu’il convient de les actualiser, notamment
en ce qui concerne les seuils d’âge, la responsabilité, les sanctions.
Les seuils d’âge actuels, treize ans et treize/dix-huit ans, ne correspondent plus à
la situation réelle et ne permettent plus d’apporter une réponse appropriée et
efficace à la délinquance des jeunes.
A notre avis, les tranches d’âge à prendre en considération devraient être celles
de douze/quinze ans, quinze/dix-neuf ans, lesquelles seraient soumises à des
régimes différenciés, au plan de la responsabilité et des sanctions.
Jusqu’à l’âge de douze ans, l’irresponsabilité du jeune serait absolue, et il ferait
l’objet de mesures de protection exclusivement.
De quinze à dix-neuf ans, le responsabilité du jeune pourrait être retenue, mais il
bénéficierait du principe de l’excuse légale de minorité, avec application de
sanctions orientées vers la rééducation et la mise à l’épreuve.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 119

Le système devrait permettre d’établir une corrélation directe et objective entre


l’âge, la personnalité, la responsabilité, la sanction et cela pour assurer une
meilleure cohérence dans la réponse à la délinquance.

BIBLIOGRAPHIE

H. GIRAULT MONTERAY : L’application de l’Ordonnance de 1945, CFRES


France 1981.

Journées d’Etudes Internationales, Criminologie Juvénile. « Changement de


Société et Délinquance Juvénile », Louvain, 1987, Cahiers de Vaucresson,
France, 1982-1985.

Ramdane ZERGUINE, Approche de la délinquance des jeunes en Algérie,


Conférence UNICRI, Tunis, 1991.

Ramdane ZERGUINE, La protection pénale de mineurs, Colloque, Vaucresson,


France, 1985.

Christine LAZERGES, Seuils d’âge et responsabilité pénale en Europe, Cahiers


de Défense Sociale, 1990/1991.

Martine MERIGEAU, Le Droit pénal des mineurs et des jeunes adultes en


République Fédérale d’Allemagne, Pédone, 1987.
BELGIQUE

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DU MINEUR EN DROIT BELGE

Thierry MOREAU *

Le présent rapport a pour objet de présenter de manière succincte la question de


la responsabilité pénale des mineurs en droit belge. Pour aider à comprendre
l'état actuel de la question, il a paru opportun de commencer par exposer
brièvement l'évolution historique du droit et des pratiques concernant les mineurs
délinquants (§ 1). La deuxième partie de ce rapport est consacrée à l'exposé du
droit positif actuellement en vigueur (§ 2). La troisième partie a pour objet une
brève analyse des principaux projets de réforme qui sont en chantier depuis le
début des années 1990 (§ 3). La quatrième partie reprendra quelques
observations relatives aux règles de droit international (§ 4).

§ 1 - L'évolution historique

L'approche historique du droit et des pratiques touchant à la responsabilité pénale


des mineurs peut s'articuler autour de six thèmes1 : les systèmes qui ont précédé
la protection de l'enfance (A), la loi du 15 mai 1912 sur la protection de l'enfance
(B), la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse (C), la période de
réformes institutionnelles (D), l'abaissement de l'âge de la majorité civile (E) et la
repénalisation de la protection de la jeunesse (E). Il faut toutefois relever dès à
présent que, sur le plan chronologique, certains de ces thèmes chevauchent les
mêmes périodes.

A. Les systèmes qui ont précédé la protection de l'enfance

Sur le territoire de l'actuelle Belgique, jusqu'à l'avènement du Code pénal français


de 1791, la notion de majorité pénale n'avait pas cours dans les systèmes

* Avocat au Barreau de Nivelles, Maître de Conférences à l’Université Catholique de


Louvain (Belgique).
1. Pour une analyse plus approfondie, voir Fr. TULKENS et Th. MOREAU, Le droit de la
jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, Bruxelles, Larcier, 2000.
152 International Review of Penal Law (Vol. 75)

répressifs2. Le mineur était soumis au même régime que les majeurs. Son âge
pouvait être pris en compte tantôt comme cause de justification, tantôt comme
cause d'excuse ou comme circonstance atténuante susceptible d'atténuer la
peine.
Le Code pénal français de 1791 a fixé la majorité pénale à seize ans : en
dessous de cet âge le mineur n'était pas pénalement responsable et il ne pouvait
être condamné. Ce régime reposait sur la conception qui veut que, si l'homme
naît potentiellement libre et intelligent, le développement de sa raison exige
l'écoulement du temps ce qui justifie le recours à la technique des seuils d'âge.
Néanmoins, le Code instaurait, mais uniquement en matière criminelle, une
obligation pour le juge de vérifier si le mineur de moins de seize ans jouissait ou
non du discernement. Dans l'affirmative, le mineur était condamné, mais la
minorité était une cause d'excuse légale. Dans la négative, il était acquitté mais il
pouvait faire l'objet d'une mesure de sûreté. Il était, selon les circonstances, soit
rendu à ses parents chargés de le corriger, soit placé dans une maison de
correction pour y être élevé et détenu pendant une période déterminée par le
jugement qui ne pouvait dépasser le moment où il avait atteint l'âge de vingt ans.
Le Code pénal français de 1810 a étendu l'obligation d'apprécier le discernement
à tous les délits.
Le Code pénal belge de 1867 s'est largement inspiré du code de 1810. L'âge de
la majorité pénale est resté fixé à seize ans. Au dessus de cet âge, l'enfant était
soumis au droit pénal commun. L'article 77 prévoyait cependant que la peine de
mort ne pouvait pas être prononcée à l'égard du jeune âgé de moins de dix-huit
ans accomplis au moment du crime et qu'elle était remplacée par la peine des
travaux forcés à perpétuité3. Pour les mineurs de moins de seize ans, l'article 72
du Code pénal disposait que le mineur âgé de moins de seize ans accomplis au
moment du fait, auteur d'un crime ou d'un délit, était acquitté s'il était décidé par
le juge ou le jury qu'il avait agi sans discernement. Dans ce cas, il pouvait être
mis à la disposition du Gouvernement pour un temps qui ne pouvait dépasser
l'âge de vingt et un ans en vue d'être placé dans un établissement de réforme ou
de charité. Cette mesure était toutefois facultative. Si le mineur avait commis le
crime ou le délit avec discernement, il était pénalement condamné mais il
bénéficiait de l'excuse générale de minorité qui entraînait une réduction de la
peine.
La pierre angulaire du système était donc le discernement. Cette notion n'était
pas définie par la loi et posait deux problèmes importants. D'une part, le statut
juridique du discernement n'était pas clair. S'agissait-il du libre arbitre, c'est-à-dire

2. Pour rappel, l'indépendance de la Belgique a été proclamée en 1830. Auparavant, ce


sont principalement les textes de droit français qui étaient d'application.
3. L'article 77 du Code pénal a été abrogé par la loi du 10 juillet 1996 portant abolition de
la peine de mort et modifiant les peines criminelles.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 153

de la connaissance et de la volonté qui sont la condition première de l'imputabilité


morale en droit pénal ? Ou bien s'agissait-il d'un élément qui s'ajoute au libre
arbitre, que la Cour de cassation de Belgique décrira plus tard comme «la pleine
intelligence de la criminalité de l'acte»4. Dans cette seconde conception, la lecture
de la responsabilité pénale des mineurs se ferait donc à travers un double filtre :
celui de l'imputabilité, tout d'abord, principe que les tribunaux peuvent appliquer
même en l'absence d'un texte et qui empêche l'infraction de naître dans le chef
d'un infans qui n'a pas conscience de la portée de ses actes; celui du
discernement, ensuite, qui ouvre la voie soit à un acquittement, soit à une peine
atténuée. D'autre part, le contenu du discernement posait également question.
Pour la majorité des auteurs, il ne s'agissait pas du discernement au sens
commun, c'est-à-dire la faculté de distinguer le bien du mal de manière générale,
mais du discernement dans un sens juridique qui serait la faculté de l'auteur de
percevoir l'illégalité de l'acte selon la loi positive et de comprendre qu'il s'expose à
une peine en le commettant5. Le caractère flou du discernement et les
incertitudes qui entouraient la notion ont eu pour effet son instrumentalisation
dans la pratique judiciaire : il n'était pas rare de voir les juge faire dépendre la
reconnaissance du discernement de l'opportunité qu'il y avait à prononcer une
peine6.

B. La loi du 15 mai 1912 sur la protection de l'enfance

L'obligation d'apprécier l'existence du discernement dans le chef du mineur avait


pour effet de ne pas faire iuris et de iure du mineur un irresponsable sur le plan
pénal. C'est ici que se situe la rupture introduite par la loi du 15 mai 1912 sur la
protection de l'enfance, dont l'article 16 dispose que « si le mineur âgé de moins
de seize ans accomplis au moment du fait a commis un fait qualifié infraction, il
sera déféré au juge des enfants, et la peine sera remplacée par une mesure de
garde, d'éducation ou de préservation ». Cette nouvelle loi présume donc de
manière irréfragable que le mineur de moins de seize ans n'a pas le
discernement. Il est pénalement irresponsable et ne peut plus être condamné à
une peine.

4. Cass., 10 mars 1913, Pas., 1913, I, 140.


5. J.S.G. NYPELS, Le Code pénal belge interprété, nouvelle édition par J.Servais,
Bruxelles, 1896, p. 235, n° 4; A. PRINS, Science pénale et droit positif, Bruxelles, Bruylant,
1899, p. 206, n° 357; J.J. HAUS, Principes généraux du droit pénal belge, 3e éd., Gand,
1879, reprint, Bruxelles, E. Swinnen, 1979, t. 1er, p. 505 n° 654.
6. Cette pratique sera dénoncée lors des travaux préparatoires de la loi du 15 mai 1912
sur la protection de l'enfance. Voir l'intervention de Monsieur H. Carton de Wiart, Ministre
de la Justice, séance plénière de la Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 317.
154 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Les promoteurs de cette première loi de protection de l'enfance étaient des


partisans de la théorie de la défense sociale. Leur intention était, avant tout, de
substituer au droit pénal classique un modèle plus efficace pour répondre à la
délinquance juvénile7. Le modèle protectionnel était motivé par le constat de
faillite de la prison comme instrument de protection de la société : «Que fera ce
juge des enfants ? Il ne condamnera pas à la prison. Ce sera déjà un grand
progrès sur le régime actuel. La peine de prison prononcée contre un enfant de
moins de seize ans n'est pas seulement inefficace, mais encore nuisible : c'est
infliger à l'enfant une tare qui perdurera à travers toute son existence. De plus, le

7. Trois déclarations de Monsieur Carton de Wiart, Ministre de la Justice, sont éclairantes


à ce sujet. La première concerne la représentation de l'enfant délinquant qui sous-tend le
projet et, plus particulièrement le choix de recourir à une juridiction spéciale : « La punition
du méfait commis par un enfant doit revêtir un caractère plus subjectif qu'objectif, plus
éducatif que répressif : puisqu'il est encore susceptible d'amendement, on doit s'efforcer
de l'empêcher de retomber dans la violation de la loi. Il faut donc regarder cette violation
moins comme un fait punissable que comme un symptôme de son état moral et dès lors lui
appliquer un traitement qui puisse avoir effet sur son individualité encore imprécise et
malléable. Cette conception est logique et humaine : souvent, en effet, la responsabilité de
ce qu'est un enfant ou de ce qu'il fait incombe à d'autres qu'à lui. (…) La criminalité des
adultes se trouve en germe dans la criminalité des enfants » (Intervention à la séance
plénière de la Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 317). La deuxième est la critique
formulée à l'encontre de l'ancien système : «C'est la marée montante de la criminalité
infantile et sa répercussion sur la criminalité générale qui ont peu à peu imposé l'idée de la
juridiction spéciale (…). La situation dont nous sommes témoins condamne le régime des
articles 72 et suivants du Code pénal. Elle oblige le législateur attentif à s'efforcer de faire
ce que le Code pénal n'a pas fait : stériliser, dans l'intérêt de la société, ce germe morbide
révélé par le méfait de l'enfant. Le système, Messieurs, qui consiste à ramener toute la
justice et toute l'action sociale vis-à-vis des enfants à une appréciation combien fragile du
discernement ou du non-discernement est condamné, j'ose le dire, par la pratique même
de nos tribunaux (…). Aujourd'hui le juge ne prend pas telle décision parce qu'il a reconnu
ou non le discernement. Mais il reconnaît ou non le discernement afin de prendre telle
décision. Ce n'est plus qu'un prétexte, qu'une coloration. Ainsi s'expliquent des
acquittements d'enfants – injustifiés et pernicieux – ou des condamnations à de courtes
peines de prisons, qui font à l'enfant plus de mal que de bien. Messieurs, nous ne disons
nullement que nous considérons l'enfant comme incapable de discernement. Mais nous
disons que cette question ne doit pas se poser et que la solution qu'elle comporte ne peut
pas dominer le régime à appliquer à l'enfant traduit en justice. C'est ainsi, Messieurs, que
la juridiction spéciale et le traitement spécial se justifient» (Ibidem, pp. 317-318). La
troisième concerne la finalité de la loi : « Il s'agira, Messieurs, par cette juridiction nouvelle,
d'appliquer un traitement plutôt qu'un châtiment (…). Cela ne veut pas dire que sa
juridiction ne connaîtra que l'indulgence. Au contraire, le régime nouveau comportera dans
de nombreux cas une plus grande sévérité que le régime actuel du Code pénal. Mais cette
sévérité n'interviendra qu'à bon escient » (Ibidem, p. 317).
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 155

conduire en prison, c'est le flétrir et, s'il est vicieux, en faire un vicieux incurable»8.
Si les nouvelles mesures sont de nature éducative, elles ont cependant pour
objectif prioritaire «une protection efficace de la société contre des malfaiteurs
précoces»9.
La loi de 1912 a produit un double effet. D'une part, en excluant l'enfant du
champ du droit pénal au motif que son état de faiblesse ne permet pas de lui
reconnaître le discernement, elle a renforcé la légitimité et la cohérence du droit
pénal classique et la conception politique de la liberté qu'il sous-tend. D'autre
part, en prévoyant un régime spécifique pour les mineurs délinquants, cette
même loi a étendu le champ du pénal et de la réaction sociale puisque,
dorénavant, tous les mineurs délinquants peuvent faire l'objet de mesures, et pas
seulement ceux qui jouissent du discernement.

C. La loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse

La loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse est toujours le texte


qui s'applique à l'heure actuelle à l'égard des mineurs délinquants10. Elle ne remet
pas en question l'irresponsabilité pénale des mineurs, mais elle élève l'âge de la
majorité pénale de seize à dix-huit ans. Cette nouvelle loi permet également au
tribunal de la jeunesse d'intervenir, sur les réquisitions du ministère public, à
l'égard d'une nouvelle catégorie de mineurs dont «la santé, la sécurité ou la
moralité sont mises en danger, soit en raison du milieu où ils sont élevés, soit par
les activités auxquelles ils se livrent, ou dont les conditions d'éducation sont
compromises par le comportement des personnes qui en ont la garde».
Cette loi prévoit que des mesures identiques peuvent être ordonnées à l'égard du
mineur délinquant et du mineur en danger. L'intervention du tribunal n'est donc
plus soumise à la constatation préalable d'un fait délinquant ou prédélinquant,
mais seulement à celle d'un état de danger, ce qui revient à considérer que le
mineur délinquant n'est qu'une sous-catégorie des mineurs en danger où
l'inadaptation se traduit par la commission d'un fait qualifié infraction11. Par le
recours à la notion de mineur en danger, la loi du 8 avril 1965 a donc
considérablement étendu le champ d'application de la protection de la jeunesse.

8. Intervention de Monsieur Carton de Wiart, ministre de la Justice, séance plénière de la


Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 318.
9. Intervention de Monsieur Carton de Wiart, ministre de la Justice, séance plénière du
Sénat du 13 mai 1912, Pasin., 1912, p. 404.
10. Cette loi a toutefois fait l'objet d'une profonde réforme en 1994. Voir infra.
11. F. Lox dira du mineur délinquant «qu'on a l'impression qu'il gêne et qu'il est admis
comme un héritage ou plutôt comme un sous-groupe d'une catégorie plus générale que
forment les enfants en danger» (F. LOX, «Les mesures à l'égard des mineurs», Ann. Dr.
Louv., 1966, p. 176)
156 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Du champ de la délinquance à proprement parler, on a glissé vers le champ de la


dangerosité sociale que peut présenter le mineur. Si l'uniformité de traitement
traduit la conception du législateur de 1965 selon laquelle les mineurs délinquants
sont avant tout des mineurs en danger, elle exprime également la conception
inverse selon laquelle un mineur en danger est tout aussi dangereux pour la
société qu’un mineur délinquant. Par conséquent, avant que la matière des
mineurs en danger soit communautarisée, même si le fait qualifié infraction n'était
pas déclaré établi, le ministère public pouvait quand même déférer le mineur au
tribunal de la jeunesse en invoquant que le dossier démontrait une situation de
danger qui pouvait justifier une intervention protectionnelle. Dans ces conditions,
la loi du 8 avril 1965 a totalement stérilisé le débat sur la responsabilité pénale
des mineurs.
Toutefois, à partir de la loi de 1965, le modèle protectionnel ne se suffit plus à lui-
même pour les mineurs délinquants les plus dangereux. L'article 38 de la loi
prévoit la possibilité pour le tribunal de la jeunesse de se dessaisir des mineurs
délinquants âgés de 16 ans au moment des faits au profit des juridictions pénales
ordinaires qui peuvent prononcer à leur encontre les mêmes peines que celles
prévues pour les majeurs (voir infra). En outre, la loi du 8 avril 1965 dispose que
le mineur qui est sous les drapeaux relève de la compétence des juridictions
militaires ou des juridictions pénales ordinaires qui lui appliqueront le régime
pénal des majeurs. Enfin, la loi du 9 mai 1972 a introduit un article 36 bis dans la
loi du 8 avril 1965 qui soumet les mineurs de plus de 16 ans poursuivis pour des
infractions de roulage à la compétence des juridictions ordinaires (voir infra).

D. La communautarisation de la protection de la jeunesse

Très vite, l'assimilation du mineur délinquant et du mineur en danger, et


spécialement le placement des mineurs des deux catégories dans les mêmes
institutions, a fait l'objet de critiques en raison, notamment, du risque de
contagion criminogène12. En outre des voix se sont fait entendre exigeant des
traitements différents pour les mineurs délinquants et les mineurs en danger.
Ces critiques ont été formulées dès le début des années 1970, période à laquelle
la Belgique a entamé la réforme de ses institutions. D'un état unitaire elle est
devenue un état fédéral au sein duquel les compétences sont distribuées entre
différentes instances politiques : l'Etat fédéral, les trois Communautés (française,
flamande et germanophone), et les trois Régions (wallonne, flamande et
Bruxelles-Capitale). A partir de 1980, la protection de la jeunesse a été confiée
aux Communautés, à l'exception, notamment, en ce qui concerne les mineurs

12. Sur les critiques émises à l'égard de la loi du 8 avril 1965, voir F. TULKENS, «Bilan et
orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse», Délinquance
des jeunes. Politiques et interventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, pp. 3-20.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 157

ayant commis un fait qualifié infraction, de la détermination des mesures dont ils
peuvent faire l'objet, de l'organisation des tribunaux de la jeunesse, de leur
compétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions qui restent des
compétences de l'Etat fédéral. Ainsi, est mis en place un régime assez complexe
où l'Etat fédéral détermine qui sont les mineurs délinquants et les mesures que le
tribunal de la jeunesse peut prendre à leur égard, mais où les communautés sont
en charge de la création, du financement et de l'organisation des institutions et
des services nécessaires pour la mise en œuvre de ces mesures. Par contre, en
ce qui concerne les mineurs en danger («l'aide à la jeunesse» en Communauté
française et en Communauté germanophone et «l'assistance spéciale à la
jeunesse» en Communauté flamande), toute la matière est communautarisée13.
C'est donc un élément extérieur à la protection de la jeunesse – la fédéralisation
de l'Etat – qui a servi d'appui aux tenants de la logique de division entre les
mineurs en danger et les mineurs délinquants. Mais cette division a elle-même
servi d'appui à ceux qui étaient partisans d'une repénalisation de la réaction
sociale à l'égard des mineurs délinquants. La logique de division s'est donc
couplée avec une logique de bifurcation : l'aide pour les mineurs en danger, la
répression qualifiée d'éducative pour les mineurs délinquants. En divisant ainsi
les mineurs en deux catégories de jeunes distinctes et hermétiques, le risque est,
à terme, de réduire très nettement, voire de supprimer, pour les mineurs
délinquants les possibilités de bénéficier de l'aide à la jeunesse et d'empêcher la
prise en compte de la délinquance comme un processus global.

E. La loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majorité civile à 18 ans

La loi du 8 avril 1965 a été adoptée à une époque où l'âge de la majorité civile
était fixé à 21 ans. Par conséquent, même si un mineur avait commis un fait
qualifié infraction à l'approche de sa majorité pénale fixée à 18 ans, il pouvait
encore faire l'objet de mesure de protection de la jeunesse durant une période
d'au moins trois ans puisque celles-ci peuvent se maintenir jusqu'à ce que le
jeune accède à l'âge de la majorité civile.
La loi du 19 janvier 1990 a abaissé l'âge de la majorité à 18 ans. Par conséquent,
s'est posé le problème de la réaction sociale à l'égard des mineurs qui
commettaient un fait qualifié infraction à un âge proche de celui de la majorité
pénale. Le risque était notamment de voir se multiplier les dessaisissements.
Pour éviter cet inconvénient, le législateur de 1990 a introduit la possibilité de
prolonger les mesures de protection de la jeunesse au-delà de l'âge de la
majorité civile (voir infra). Il faut relever le paradoxe qui consiste à, d'un côté, voir
le législateur motiver l'abaissement de l'âge de la majorité civile par la maturité

13. A l'exception de la déchéance de l'autorité parentale et de la tutelle aux prestations


familiales qui restent des compétences fédérales.
158 International Review of Penal Law (Vol. 75)

plus précoce des jeunes et de l'autre constater que, dans le même temps, il
institue un dispositif imposant à des majeurs d'être traités comme des mineurs.

F. Le mouvement de repénalisation et la réforme de 1994

A la fin des années 1970, le contexte de crise économique et la montée du


sentiment d'insécurité qui y est lié, se sont avérés être un terrain propice pour le
développement d'une repénalisation de la protection de la jeunesse perceptible
tant dans la manière d'appliquer les mesures protectionnelles de la loi de 1965
que dans la réforme dont cette loi a fait l'objet en 1994. Les mesures à l'égard
des mineurs tendent à être avant tout envisagées comme une réponse à des faits
délinquants et ne sont plus centrées sur la personne de l'enfant. L'évolution de la
protection de la jeunesse est marquée par une tendance plus sécuritaire.

1. La repénalisation à travers la mise en oeuvre de la loi du 8 avril 1965

Lors des débats parlementaires relatifs à la fédéralisation de l'Etat, il a été à


plusieurs reprises affirmé que les mesures judiciaires prévues par la loi de 1965 à
l’égard des mineurs délinquants relevaient du droit pénal : «cette matière peut
être considérée comme ressortissant sui generis au droit pénal, étant donné
qu’elle prévoit certaines contraintes qui sont qualifiées de mesures, mais qui
constituent des sanctions qui ont été instaurées afin de réparer les atteintes à
l’ordre social»14. Cette interprétation a également été retenue dans l’avant-projet
de réforme de la loi sur la protection de la jeunesse de 1982 du Ministre de la
Justice Gol qui, après avoir fait couler beaucoup d'encre, n'a cependant jamais
été adopté : «La notion de peine considérée exclusivement comme punition est
aujourd’hui abandonnée. D’après les nouvelles théories du droit pénal, les
sanctions ont pour but d’amender et de rééduquer le délinquant et de protéger la
société à l’égard d’individus dangereux même s’ils ne sont pas responsables de
leurs actes... Les mesures prononcées par le tribunal de la jeunesse peuvent être
assimilées à des peines dans le sens que lui attribuent les tendances modernes
du droit pénal». Cette interprétation a été confirmée par l’avis rendu le 20 juin
1984 par le Conseil d’Etat sur ce projet qui confirme que «les mesures
individuelles que le tribunal de la jeunesse peut imposer au mineur ... relèvent, du
moins en partie, du souci de préserver la sécurité publique, au besoin par des
moyens de coercition qui, en cela, s’apparentent à ceux du droit pénal». Les
mesures de protection de la jeunesse à l'égard des mineurs délinquants ont
également été qualifiées de sanctions pénales ou quasi-pénales durant les

14. Cf. les travaux parlementaires relatifs à la loi du 8 août 1980 relative aux réformes
institutionnelles et plus précisément Doc. Parl., Chambre, 1979-1980, Rapport, n° 627/10,
p. 66.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 159

travaux parlementaires de la loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majorité


civile à dix-huit ans15.
Dans la droite ligne de ces interprétations, certains acteurs de la protection de la
jeunesse n'ont pas hésité, dans la pratique, principalement pour des raisons
d'efficacité, à clairement présenter et utiliser les mesures comme des sanctions.
A partir de la fin des années 1970, le recours au placement provisoire en maison
d'arrêt durant la phase préparatoire sur la base de l'article 53 de la loi du 8 avril
1965 est devenu beaucoup plus fréquent et a été utilisé comme une sanction
immédiate16. A la même époque ont été créées les institutions publiques de
placement à régime fermé. Le nombre de dessaisissement a sensiblement
augmenté. Renaissant de leurs cendres au milieu des années 1980, les mesures
de prestations et de travail d'intérêt général ont été utilisées de manière
sanctionnelle, les tribunaux déterminant le nombre d'heures à prester en fonction
de la gravité du fait commis. Cet état d’esprit des acteurs se traduit également par
l’utilisation très fréquente des termes «sanction éducative» pour remplacer celui
de «mesure». A ce sujet, il n’est pas inutile de rappeler que la Cour de cassation
de Belgique définit de manière générale la peine comme une sanction17. En
l’assortissant du qualificatif «éducatif», on ne manifeste que la volonté de
prononcer une «peine éducative», ce qui paraît une expression fort ambiguë18.

2. L'instrumentalisation des droits du mineur délinquant au service de la


repénalisation

Une des critiques formulées à l'égard de la loi du 8 avril 1965 est qu'elle
n'assurait pas de manière satisfaisante la reconnaissance des garanties
juridiques fondamentales au mineur, spécialement dans les procédures relatives
aux mesures provisoires et par rapport aux mesures restrictives ou privatives de

15. Doc. Parl., Chambre, session 1988-1989, rapport, n° 42/3, p. 37-38; Doc. Parl., Sénat,
session 1988-1989, n° 634/2, p. 12.
16. Cette pratique a toutefois été condamnée par la Cour européenne des droits de
l'homme dans son arrêt Bouamar c. Belgique du 29 février 1988.
17. Cass., 4 décembre 1944, Pas., 1945, p. 59.
18. Dans une étude critique, M. van de KERCHOVE rappelle les quatre fonctions que la
peine et la sanction sont toutes deux, pour autant qu'il s'agisse de réalités différentes et
non de synonymes, susceptibles d’exercer. L'une de celle-ci est la fonction éducative qui
ne peut donc à elle seule distinguer la sanction de la peine («Signification juridique de la
sanction en matière de délinquance juvénile», Délinquance des jeunes. Politiques et
interventions, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, p. 173-180).
160 International Review of Penal Law (Vol. 75)

liberté19. L'arrêt Bouamar de la Cour européenne des droits de l'homme qui a


condamné la Belgique, est, à cet égard, très révélateur20. D'une manière plus
générale, la philosophie de la loi du 8 avril 1965 a été remise en question en
raison du fait qu'elle abordait essentiellement l'enfant comme un objet de
protection sans réellement garantir sa qualité de sujet de droit consacrée,
notamment, par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En réaction à l'accroissement de l'enfermement des mineurs et des
dessaisissements, les barreaux ont réagi. Les avocats se sont inscrits dans un
rôle de défenseur plus affirmé. Ils se sont organisés en «permanence jeunesse»
en vue de défendre les mineurs dès le stade de la phase préparatoire où la loi du
8 avril 1965 ne prévoyait pas leur intervention. Ils ont réclamé le respect des
règles du procès équitable. Ils ont participé à la remise en question du modèle de
justice discrétionnaire fondé sur le concept flou qu'est l'intérêt du mineur. Ils ont, à
cet égard, fait valoir que l'intérêt de l'enfant passe par le respect de ses droits
fondamentaux. Paradoxalement, il faut constater que l'amélioration des droits de
la défense des mineurs, n'a pas permis de garantir le maintien de la philosophie
protectionnelle de la loi et semble, au contraire, avoir contribué, par un
phénomène de réaction, à la repénalisation de la protection de la jeunesse.
Progressivement, des droits ont été reconnus au mineur dans les textes. A
chaque fois, cependant, cette reconnaissance s'est accompagnée de
l'introduction, dans la législation, de mesures et de sanctions de nature plus
répressive.
Ainsi, le décret de la Communauté Française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la
jeunesse consacre tout son titre II aux droits des jeunes. Sa dernière partie traite
des droits du mineur délinquant faisant l'objet d'une mesure de placement en
institution publique de protection de la jeunesse. Si le décret reconnaît
notamment au mineur le droit de recevoir son avocat à tout moment, le droit à de
l'argent de poche, l'obligation pour l'institution d'envoyer à l'avocat les conclusions
des rapports établis par l'institution, le droit d'être informé du règlement de
l'institution, etc., le décret légalise également les pratiques «d'isolement dans des
locaux spécifiques» au sein des institutions publiques de protection de la
jeunesse, pratiques qui, jusqu'alors, ne reposaient sur aucune base légale et
étaient ainsi jugées inadmissibles. D'illégales, ces pratiques sont donc devenues
légales et respectueuses des droits du mineur en raison du fait que le texte
garanti des délais, des formes et des procédures.
La loi du 8 avril 1965 a fait l'objet d'une importante réforme par la loi du 2 février
1994 dont l'objet était, notamment, de mettre la législation relative aux mineurs

19. Voir F. TULKENS, «Bilan et orientations de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection
de la jeunesse», op. cit., p. 7; Th. MOREAU, «La réforme de la loi du 8 avril 1965 relative à
la protection de la jeunesse», J.D.J., 1994, n° 134, pp. 13 et s.
20. C.E.D.H., 29 février 1988, J.L.M.B., 1988, p. 457.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 161

délinquants en concordance avec certaines dispositions de la Convention


européenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 5) et de la Convention
internationale relative aux droits de l'enfant (art. 37 et 40). La loi du 2 février 1994
a effectivement renforcé les garanties juridiques du mineur, spécialement durant
la phase préparatoire. Mais, dans le même temps, elle a permis d'avoir plus
facilement recours au dessaisissement et lui a donné un effet plus définitif (voy.
infra). La tendance à la repénalisation est également manifeste dans l'obligation
qui est faite au tribunal de la jeunesse d'indiquer la durée de la mesure de
placement en institution publique ce qui tend à instaurer une proportionnalité
entre la mesure et la gravité du fait. Cette tendance peut encore être perçue dans
la possibilité qui est offerte au juge de placer le mineur, durant la phase
préparatoire, dans une institution publique à régime fermé pour des motifs
strictement sécuritaires. Enfin, tout en y ajoutant des conditions nouvelles
imposées par l'arrêt Bouamar de la Cour européenne des droits de l'homme, le
législateur de 1994 a maintenu la possibilité de placer un mineur en maison
d'arrêt pendant une durée de quinze jours durant la phase provisoire.
Durant les travaux parlementaires de la loi du 2 février 1994, plusieurs
parlementaires ont interpellé le ministre de la Justice sur la distorsion qui existait
entre l'intention de départ de renforcer les garanties juridiques et l'introduction de
mesures qui ne reposaient pratiquement plus sur la philosophie de la loi de
196521. Devant cet état de fait, certains ont même demandé de réfléchir à
l'élaboration d'un droit pénal spécial pour les jeunes22. Le ministre de la Justice a,
quant à lui, soutenu qu'il est paradoxal de vouloir d'un côté des garanties
procédurales pour les mineurs identiques à celles prévues pour les adultes
(interrogatoires, assistance d'un avocat, délais, ...) et d'un autre côté plus
d'indulgence dans le traitement des mineurs en raison de la présomption
d'irresponsabilité dont ils bénéficient23. Selon lui, de plus en plus de jeunes
d é lin q u a n t s d o iv e n t m e s u r e r l' a m p l e u r d e l e u r s a c t e s : « U n e r é a c ti o n
m o d ifi é e d e la s o c ié té s 'i m p o s e à le u r é g a r d . A p a r tir d e là , je n e p r o p o s e
p a s la p r i s o n p o u r to u t le m o n d e , d 'a b o r d p a r c e q u 'il n 'y a p a s d e p la c e e t
e n s u it e p a r c e q u e je s u is le p r e m i e r à s a v o ir q u e c e n 'e s t c e r ta in e m e n t p a s
le m il ie u in d i q u é p o u r q u e le je u n e p u is s e s o r tir d e s a p é r io d e d e s a n c tio n ,
m e ille u r q u 'il n 'e s t e n tr é . J e v e u x a u s s i q u e n o u s a y o n s , à c ô té d 'u n
s y s tè m e p r o te c tio n n e l p o u r le s m in e u r s e n d a n g e r o u le s d é lin q u a n t s lé g e r s

21. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, pp. 10 à 13; Ann.
Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993, pp. 855,
857, 860; Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.
22. Doc. Parl., Chambre, session extra. 1992-1993, rapport, 532/9-91/92, p. 11.
23. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 26.
162 International Review of Penal Law (Vol. 75)

o u p ri ma ir e s , u n s y s tè me s a n c t io n n e l a v e c mis s io n é d u c a tiv e » 24.


Ces éléments sont révélateurs d'une instrumentalisation des droits reconnus aux
mineurs. Tout en affirmant sa qualité de sujet de droits, la reconnaissance de
garanties juridiques au mineur délinquant sert à justifier la repénalisation de la
protection de la jeunesse.

§ 2 - Le droit positif

L'examen du droit positif est divisé en quatre parties. La première est consacrée
au principe de l'irresponsabilité pénale du mineur délinquant (A). La deuxième
traite des mesures de protection ordinaires (B). La troisième a pour objet la
constatation judiciaire de la responsabilité pénale du mineur et les règles de
procédure (C). La quatrième concerne la place des parents.

A. Le principe de l'irresponsabilité pénale du mineur

En droit belge, la majorité pénale est actuellement fixée à 18 ans. En-dessous de


cet âge, les mineurs ne peuvent, en règle générale, être condamnés à une peine.
Le principe de l'irresponsabilité pénale et la présomption d'absence de
discernement qui le sous-tend ne sont toutefois pas affirmés formellement dans
un texte de loi. L'article 36, 4° de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la
jeunesse précise seulement que «le tribunal de la jeunesse connaît des
réquisitions du ministère public relatives à l'égard des personnes poursuivies d'un
fait qualifié infraction, commis avant l'âge de 18 ans accomplis». L'article 37,
§ 1er dispose que «le tribunal de la jeunesse peut ordonner à l'égard des
personnes qui lui sont déférées, des mesures de garde, de préservation et
d'éducation».
Une des caractéristiques du modèle belge applicable au mineur délinquant est
son pragmatisme en vue d'assurer la défense sociale. Comme le révélera
l'analyse des exceptions au principe de l'irresponsabilité pénale, celles-ci sont
moins motivées par des caractéristiques liées à l'enfant, telle que la constatation
dans son chef de l'existence du discernement, que par des impératifs de sécurité
publique.

1. La présomption de non-discernement

L'expression «fait qualifié infraction» de l'article 36, 4° de la loi du 8 avril 1965


traduit la présomption d'absence de discernement qui est la pierre angulaire de

24. Ann. Parl., Chambre, session ord., 1992-1993, séance plénière du 28 janvier 1993,
pp. 866.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 163

tout le modèle protectionnel25. Il en résulte qu’en dessous de l’âge de la majorité


pénale, le mineur est soustrait à l’application de la loi pénale. Plus précisément,
tout fait commis par un mineur sera considéré comme ne lui étant pas
moralement imputable et, pour cette raison, comme ne constituant pas une
infraction pénalement punissable26.
S’il ne permet pas l’application d’une peine27, le “fait qualifié infraction ” permet en
revanche l'application d'une mesure de sûreté, en l'occurrence une mesure de
garde, de préservation ou d'éducation. C'est précisément la présomption
d’absence de discernement du mineur qui permet de justifier l’application de ces
mesures judiciaires contraignantes.
La présomption d'absence de discernement a plusieurs conséquences. Une de
celles-ci est l'absence d'un seuil d'âge en dessous duquel les mineurs ne peuvent
pas être poursuivis pour avoir commis un fait qualifié infraction, même si l'acte en
a toutes les apparences. Le principe selon lequel l'infans ne peut commettre un
fait qualifié infraction a toujours été admis. Il n'a cependant pas été reconnu
formellement dans les textes, pas plus qu'il n'est indiqué l'âge à partir duquel un
mineur n'était plus un infans. Tout est fonction du cas d'espèce, les travaux
préparatoires de la loi du 8 avril 1965 se contentant de préciser «qu'il est toujours
possible au ministère public de le déférer au tribunal de la jeunesse plutôt en
fonction de l'état de danger (…) qu'en fonction du fait qualifié infraction qu'il aurait

25. M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège,


Ed. du Jeune Barreau, 1989. p. 689, Les Novelles, Protection de la jeunesse, Bruxelles,
Larcier, 1978, n° 1020, b.
26. Certains auteurs ne partagent pas cette manière de voir et mettent en doute que
l'intention des législateurs de 1912 et 1965 était d'instaurer une présomption d'absence de
discernement dans le chef des mineurs délinquants (L. SLACHMUYLDER, Législation
protectrice de la jeunesse, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 1984, pp. 222-
223 et réf. citées). D'autres estiment que la présomption n'a pas pour fonction «de sortir
les mineurs du droit pénal», mais de «les arracher aux conséquences pénales de leurs
actes» (Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1020, b; F. LOX, «Les
réformes du droit des mineurs en Belgique», Rev. int. crim. pol. sc., 1/1966).
27. Telle est la raison pour laquelle la loi utilise l'expression générique de «fait qualifié
infraction», sans faire la distinction entre les crimes, les délits et les contraventions puisque
la classification tripartite des infractions repose sur la classification tripartite des peines.
Par ailleurs, cette classification a également pour objet de déterminer le juge compétent
(cour d'assise, tribunal correctionnel ou tribunal de police) alors que, lorsque le fait qualifié
infraction est commis par le mineur, il relève toujours de la même juridiction spéciale qu'est
le tribunal de la jeunesse. Aucune peine ne pouvant être prononcée à l'égard du mineur,
l'article 150 de la Constitution qui prévoit que le jury est établi en toutes matières
criminelles et pour les délits politiques et de presse, n'est pas d'application.
164 International Review of Penal Law (Vol. 75)

commis, ce qui donne à l'action du parquet le maximum de souplesse»28.


L'actualité récente démontre que plus le fait mis à charge du mineur est grave,
plus il se conçoit de poursuivre sur la base de l'article 36,4° des mineurs en très
bas-âge29. Une autre conséquence est la compétence générale du tribunal de la
jeunesse pour connaître de tout fait qualifié infraction commis durant la minorité
même si, au moment où il est déféré et jugé, le jeune est devenu majeur. C’est le
moment où l’acte est posé qui détermine la compétence du tribunal de la
jeunesse. Une troisième conséquence est l'impossibilité pour le mineur de
bénéficier des excuses légales qui, tout en laissant subsister l'infraction, ont pour
effet soit une diminution de la peine (excuses atténuantes), soit une exemption de
celle-ci (excuses absolutoires). Dans ce dernier cas, il est évidemment paradoxal
que le même comportement n'entraîne aucune réaction sociale à l'égard d'un
adulte mais qu'il peut justifier une action éducative à l'égard du mineur. Dans la
même logique, les dispositions relatives à «l'absorption» (application de l'article
65, al. 2 du Code pénal), à l'extradition, au sursis, à la suspension du prononcé, à
la probation, à la réhabilitation, à l'amnistie, et à la grâce ne s'appliquent pas au
mineur.

2. Les conditions d'existence du fait qualifié infraction

La doctrine et la jurisprudence majoritaires considèrent que la principale


conséquence de la présomption d'absence de discernement est le fait que le
mineur auteur d'un fait infractionnel ne peut plus faire l'objet d'une peine. Comme
le souligne R. Declercq, «cet aspect particulier de leur acte n'est supprimé qu'en
raison de leur personnalité insuffisamment développée, donc de facteurs
purement subjectifs. Il en résulte que le fait restera objectivement une
infraction»30. Rejeté du champ du pénal au sens strict, le mineur entre dans le

28. Proposition de loi sur la protection de la jeunesse, Développements, Doc. parl., Ch.
repr., sess. 1959-1960, n° 567/1, p. 24.
29. Voir par exemple Mons (jeun.), 18 septembre 2000, J.D.J., 2000, n° 199, p. 40. Des
mineurs âgés de 8 et 9 ans étaient poursuivis sur la base de l'article 36,4° pour avoir
organisé le déraillement d'un train dans lequel le machiniste a trouvé la mort.
30. R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à
la compétence du juge des enfants», Ann. Dr. Louv., 1951, p. 151. Dans le même sens,
voir Pand., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 et 106; Bruxelles, 9
novembre 1938, R.D.P.C., 1939, p. 1521, Liège, 15 mars 1936, Belg. jud., 1938, col. 216,
observations A. Braas. C'est ce qui explique qu'il a été jugé que les majeurs qui
participent, dans les conditions prévues aux articles 66 et 67 du Code pénal, à un fait
qualifié crime ou délit commis par un mineur sont punissables (Cass., 23 février 1914,
Pas., I, p. 120) et qu'un fait commis par un mineur peut également servir de base à un
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 165

champ protectionnel où il peut faire l'objet d'une mesure de sûreté pour autant
que le fait qualifié infraction soit déclaré établi.
En droit pénal, l'existence d'une infraction est soumise à la réunion de trois
éléments : l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral. Qu'en est-il du
fait qualifié infraction en protection de la jeunesse ?

a) L’élément légal

En droit pénal, l’élément légal de l’infraction, qui est une conséquence du principe
de la légalité des délits et des peines, consiste dans la violation de la loi pénale et
l’existence d’une peine31. Seul le premier aspect pourrait trouver à s’appliquer en
l’espèce. Dans la mesure où le fait qualifié infraction est celui qui, s’il était commis
par un majeur, constituerait une infraction, la violation de la loi pénale paraît une
condition nécessaire à l’existence du fait qualifié infraction. Inversement, si le fait
ne constitue pas une violation de la loi pénale, il ne pourrait justifier une
intervention de la loi pénale.
Pour cette raison, la majorité des auteurs considèrent que le mineur bénéficie du
principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, qu'il peut soulever la prescription
et qu’il peut invoquer les causes de justification objectives que sont l'autorisation
de la loi et le commandement légal de l'autorité, la légitime défense et l'état de
nécessité32.
A ce jour, il n'existe pas en Belgique «d'infractions juvéniles», c'est-à-dire de
comportements qui ne pourraient être poursuivis qu'à l'égard des mineurs. Par
contre, sous l'empire de la loi du 15 mai 1912, le législateur avait incriminé des
comportements «prédélictueux» tels que le jeu, les trafics, la prostitution, la
mendicité, le vagabondage, la débauche. Au fil du temps, ces dispositions, dont
certaines avaient été reprises dans la loi du 8 avril 1965, ont été abrogées. En
pratique, les comportements visés ont été absorbés par la qualification de
«mineur en danger» qui est plus aisée puisqu'elle ne suppose pas d'établir un
fait. En revanche, par une note récente, le Ministre de la Justice et le Ministre de
la Santé Publique ont fait savoir qu'ils envisageaient de ne plus poursuivre
pénalement les majeurs pour la détention du cannabis tout en maintenant

recel dans le chef d'un majeur (Gand, 3 mai 1924, Belg. Jud.,, 1924, col. 489 cité in Pand.,
v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 350, n° 104 bis).
31. F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal, Bruxelles, Story-
Scientia, 1998. pp. 272 et s.
32. Voir J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, A.P.R., Anvers, Kluwer, 1996, n° 813 et s. ;
Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1024, 1027; L. SLACHMUYLDER,
Législation protectrice de la jeunesse, op. cit., p. 225 ; Bruxelles (ch. jeun.), 1er octobre
1981, cité in J. MOENS, P., VERLYNDE, Les mesures à l'égard des mineurs. Les mesures
à l'égard des parents, Bruxelles, Bruylant, 1988. p. 257.
166 International Review of Penal Law (Vol. 75)

l'incrimination à l'égard des mineurs. Il s'agirait d'une première manifestation


d'une infraction qui existerait uniquement dans le chef de ces derniers.

b) L’élément matériel

Pour pouvoir donner lieu à l'application d'une mesure, le fait infractionnel doit être
matériellement établi à charge du mineur et constituer une infraction s'il avait été
commis par un majeur. A plusieurs reprises, il a été rappelé que «l'acte de
l'enfant est le même que celui de l'adulte»33. Toutefois, au nom des finalités
préventives et éducatives du modèle protectionnel, une certaine jurisprudence a
interprété plus largement les qualifications légales du Code pénal qu'elle ne
l'aurait fait pour les majeurs, et ce dans le but d'étendre le champ d'intervention34.

c) L'élément moral

En droit pénal, l'élément moral présente deux composantes : l'imputabilité morale


commune à toute infraction pénale et l'état d'esprit avec lequel a agi l'auteur (dol
ou défaut de prévoyance et de précaution), variable selon les différents types
d'infractions35. L'imputabilité morale est la possibilité de rattacher les faits
matériels commis en violation de la loi pénale à la conscience et à la volonté de
leur auteur. L'état d'esprit détermine l'attitude intellectuelle qui doit, selon la loi,
avoir animé l'agent pour que l'acte accompli puisse justifier une sanction pénale.
Peut-on toutefois soutenir, au motif que la minorité est une cause de non-
imputabilité pénale, que la seule constatation de l'élément matériel permet de
considérer que le fait est établi dans le chef du mineur ? Une telle conception
aurait pour effet de rendre non intentionnels tous les “faits qualifiés infractions ” à
charge des mineurs36 et, comme le soulignait R. Declercq, “cela reviendrait à

33. R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à


la compétence du juge des enfants», op. cit., p. 153. Dans le même sens, P.E. TROUSSE,
Les principes généraux du droit pénal positif belge, op. cit., n° 1256. Voy. également
Cass., 4 novembre 1942, Pas., 1942, I, p. 269; Bruxelles, 9 novembre 1938, Rev. dr. pén.
crim., 1939, p. 1521.
34. Voir les exemples cités par R. DECLERCQ, «L'interprétation des articles 13 à 16 de la
loi du 15 mai 1912 relatifs à la compétence du juge des enfants», op. cit., p. 153. Dans le
même sens, voy. Pand., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., col. 357, n° 125 et 126;
R.P.D.B., v° Tribunaux pour enfants, op. cit., n° 157.
35. Sur cette distinction, voir F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit
pénal, op. cit., pp. 317 et s.
36. Cette thèse semble notamment être celle qu'a soutenu le Professeur Verhaegen. Voir
J. VERHAEGEN, “ Le fait qualifié infraction ”, Mélanges offerts à Robert Legros, Bruxelles,
1985, pp. 757 et s.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 167

considérer l’enfant comme un jeune animal privé de raison et livré à ses


instincts»37. Pour la doctrine majoritaire, il faut, au contraire, qu'un lien moral
existe entre l'acte et le mineur qui en est l'auteur38. Si ce lien moral est absent,
l’acte peut éventuellement être considéré comme inadéquat ou inadapté mais pas
comme un “fait qualifié infraction”. C'est ce qui justifie qu'un infans ne peut pas
être poursuivi sur la base de l’article 36, 4 de la loi puisqu'il n'a pas la volonté
requise. Il ne peut faire l'objet que d'une intervention fondée sur son état de
danger39.
La jurisprudence a confirmé que l'élément moral devait être constaté dans le chef
du mineur. Dès le 10 mars 1913, la Cour de cassation a jugé «qu'en supprimant
la recherche spéciale du discernement et la responsabilité pénale pour les
mineurs de seize ans, la loi nouvelle a simplement remplacé les peines du Code
pénal par des mesures de garde, d'éducation et de préservation; que tout
jugement ordonnant ces mesures implique la constatation judiciaire de la
culpabilité du chef d'un acte conscient et volontaire qualifié crime ou délit par la loi
pénale»40. Dans un arrêt du 9 novembre 1938, la Cour d'appel de Bruxelles a
réformé une décision qui affirmait que, pour justifier une intervention du juge des
enfants, le fait devait seulement être physiquement imputable au mineur sans
référence aucune à l'élément moral. La Cour d'appel a confirmé l'enseignement
de la Cour de cassation tout en le motivant de manière plus détaillée : «le juge
des enfants doit se préoccuper de ce dernier en recherchant si tous les éléments
légaux – tant matériels qu'intentionnels – de l'infraction soumise à son examen,
sont réunis et partant, si le fait délictueux est imputable au mineur. Le régime
instauré par la loi du 15 mai 1912 n'a modifié en rien la nature de l'infraction, telle
qu'elle est prévue par la loi pénale (…) Ainsi, le juge des enfants ne peut prendre
les mesures autorisées à l'égard du jeune délinquant que si se trouvent réunies,
dans son chef, les conditions qui s'avéreraient nécessaires pour conclure à la
culpabilité du délinquant adulte eu égard à la même infraction (…). La loi a même
prévu la coopération à la même infraction d'un majeur et d'un mineur (art. 44, 45,
46). Elle a ainsi marqué sa volonté de voir le fait répréhensible considéré comme
une infraction. En autorisant, d'autre part, le juge des enfants à faire procéder à

37. R. DECLERCQ, “ L’interprétation des articles 13 à 16 de la loi du 15 mai 1912 relatifs à


la compétence du juge des enfants ”, Ann. dr., 1951, p. 152.
38. En ce sens, voir notamment P.E. TROUSSE, Les principes généraux du droit pénal
positif belge, Les Novelles, Droit pénal, t. I, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 1956, n° 1263;
R.P.D.B., v° Tribunaux pour enfants, n° 162 ; Les Novelles, Protection de la jeunesse, op.
cit., n° 1023 ; M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure
pénale, op. cit., p. 689 ; J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 813.
39. Voir Cass., 9 février 1982, Pas., 1982, I, p. 728. Cet arrêt confirme implicitement cette
interprétation.
40. Cass., 10 mars 1913, Pas., I, p. 140.
168 International Review of Penal Law (Vol. 75)

l'examen mental du mineur (art. 21), la loi a implicitement exigé que fût appréciée
l'imputabilité du délinquant ou, en d'autres termes, l'existence de l'élément
intentionnel ou culpeux de l'infraction. Il est unanimement admis que le mineur
peut se prévaloir d'une cause d'excuse ou de justification. Il s'ensuit que la
juridiction des enfants est vraiment une juridiction répressive, en tant qu'elle
statue à l'égard de ses justiciables sur le bien fondé des infractions qui lui sont
déférées»41. Toujours dans le même sens, un jugement du Tribunal des enfants
de Mons du 23 octobre 1934 décide que l'infraction d'outrages publics aux
bonnes mœurs ne peut être déclarée établie à charge d'une mineure âgée de
moins de seize ans au motif qu'elle n'avait pas pu vouloir les faits en raison de la
présomption légale d'absence de consentement dans son chef42.
Dans ces conditions, le mineur peut-il invoquer les autres causes de justification
subjectives admises en droit pénal ? Certains auteurs estiment que le mineur
peut ainsi invoquer la contrainte, qu'elle soit physique ou morale43, ainsi que
l'erreur invincible du moins dans les cas où elle serait retenue à l'égard d'un
majeur normalement prudent et raisonnable44. Il a été également jugé que le
mineur peut invoquer l'altération de ses facultés mentales pour contester la
qualification de «fait qualifié infraction»45.
Une question relative à l'exigence de l'élément moral dans le chef du mineur
délinquant n'a jusqu'ici pas ou peu été approfondie. Si la doctrine et la
jurisprudence majoritaires semblent admettre que l'élément moral doit être
constaté dans le chef du mineur et qu'il ne peut donc être déclaré coupable que
s'il a agi volontairement, aucune précision n'est apportée sur les critères par
rapport auxquels cette volonté doit être appréciée. Or, il est évident que le majeur
et le mineur sont différents tout en étant égaux et qu'ils n'ont pas nécessairement
le même rapport au monde et à la réalité. Un même fait ou un même événement
peut être vécu et ressenti de manière fort différente par un enfant et un adulte. La
règle qui veut qu'au pénal les fautes et les intentions sont appréciées in concreto,
et non in abstracto par rapport au critère abstrait de la personne raisonnable et
prudente placée dans les mêmes circonstances, ne devrait-elle pas conduire le
juge à prendre en considération les particularités de l'enfant, de son
développement, de sa psychologie, pour décider si l'état d'esprit requis par la loi
pénale est établi dans son chef ? Il s'agirait ainsi de respecter l'enfant en tant
qu'enfant. A cet égard la loi est muette et rien n'empêche le juge d'apprécier le

41. Bruxelles, 9 novembre 1938, R.D.P.C., 1939, p. 1521.


42. Trib. enf. Mons, 23 octobre 1934, R.D.P.C., 1935, p. 1207.
43 Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1026; J. SMETS,
Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 816 et 817.
44. J. SMETS, Jeugdbeschermingsrecht, op. cit., n° 819.
45. Bruxelles (ch. jeun.), 18 mai 1998, J.D.J., 1999, n° 184, p. 59.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 169

comportement du mineur comme s'il était un adulte miniature sans tenir compte
de ses spécificités d'enfant.

3. Les exceptions

Il existe plusieurs exceptions à l'irresponsabilité pénale du mineur qui ont pour


effet de l'empêcher de faire l'objet d'une mesure protectionnelle. Ces exceptions
peuvent être rangées dans deux catégories. La première réunit les exceptions où
la loi dispose, de manière générale, que certains mineurs sont soumis aux
juridictions pénales ordinaires en fonction de l'infraction pour laquelle ils sont
poursuivis ou de conditions particulières dans lesquelles ils se trouvent. Sont à
ranger dans cette catégorie l'article 36 bis de la loi du 8 avril 1965 (a) et
l'hypothèse du mineur militaire (b). La seconde regroupe les mesures dites
«extraordinaires» par lesquelles le mineur peut être soustrait au modèle
protectionnel pour être renvoyé devant les juridictions des majeurs. Il s'agit de la
mesure de dessaisissement (c) et de la mesure qui peut être ordonnée à l'égard
du mineur malade mental (d).

Ces diverses exceptions confirment le caractère pragmatique du modèle


protectionnel belge et démontrent que son objectif prioritaire est la défense
sociale. Au-delà de la protection du jeune, il apparaît que c'est avant tout la
protection de la société qui est privilégiée. Cette caractéristique du modèle
protectionnel transparaît notamment à travers le fait que, dans aucune de ces
exceptions qui peut aboutir à voir le mineur être condamné à une peine, la loi
n'exige la constatation formelle dans son chef de l'existence du discernement.

a) L'article 36 bis de la loi du 8 avril 1965 relatif aux infractions de roulage

La loi du 9 mai 1972 a introduit l’article 36 bis qui rend, dans certaines conditions,
les juridictions pénales ordinaires compétentes pour connaître des infractions de
roulage commises par des mineurs de plus seize ans.
Quatre raisons principales ont été avancées pour justifier cette exception à la
compétence du tribunal de la jeunesse. Premièrement, il est apparu, après
quelques années de pratique, que la loi du 8 avril 1965 semblait fort peu adaptée
aux infractions de roulage46. En effet, celles-ci consistent souvent en des

46. Suivant l'auteur des Novelles, Protection de la jeunesse, Bruxelles, op. cit., n° 1035
«La multiplication des infractions en cette matière, imputables à certains mineurs, a fini par
inquiéter l'opinion car, ce genre d'affaire aboutissait trop souvent à une simple
admonestation à l'initiative du parquet, suivie d'un classement pur et simple : c'était
assurer à certaines catégories de jeunes imprudents de la motorette notamment l'impunité
170 International Review of Penal Law (Vol. 75)

contraventions ou des délits non intentionnels. La question de la personnalité du


mineur n’est donc que subsidiaire. Deuxièmement, les investigations qui
d’habitude justifient l’intervention du tribunal de la jeunesse (audition des
personnes composant le milieu, enquête sociale, examen médico-psychologique)
n’étaient que très rarement utilisées dans le cadre de ces dossiers.
Troisièmement, à l'inverse du régime applicable aux adultes, certaines mesures
ne pouvaient pas être ordonnées à l'égard du mineur, tel le retrait du permis de
conduire. Cette situation était nuisible pour l'ordre public47. Quatrièmement, les
investigations nécessaires pour permettre le dessaisissement prévu à l'article 38
alourdissaient inutilement la procédure. Le législateur a donc préféré rendre les
juridictions de droit commun directement compétentes à l'égard des mineurs en
âge de circuler avec des véhicules automoteurs sur la voie publique. Comme on
peut le constater, ce n'est donc pas la reconnaissance du discernement dans le
chef du mineur qui a justifié l'écart du modèle protectionnel et le recours au droit
commun, mais plutôt l'inadéquation du système protectionnel et une volonté
d'efficacité.
La compétence des juridictions de droit commun prévue par l'article 36 bis est
cependant assortie de deux réserves. Tout d'abord, en cas de connexité des
infractions visées à l'article 36 avec des poursuites du chef d’autres infractions, le
tribunal de la jeunesse reste compétent pour connaître de l’ensemble des
préventions. Ensuite, si les débats devant les juridictions de droit commun font
apparaître qu’une mesure de garde, de préservation, d’éducation serait plus
adéquate en la cause, le juge saisi peut, par décision motivée, se dessaisir et
renvoyer l’affaire au ministère public aux fins de réquisition devant le tribunal de
la jeunesse s’il y a lieu.
Devant les juridictions de droit commun, les mineurs sont soumis au droit pénal
applicable aux adultes. La seule exception concerne la loi sur la détention
préventive qui ne peut pas être appliquée au mineur, sauf s’il y a délit de fuite.

b) Les mineurs militaires

L’article 36 in fine de la loi du 8 avril 1965 prévoit que les dispositions de cet
article ne s'appliquent pas aux mineurs qui ont la qualité militaire au moment des
faits. Ceux-ci ne peuvent donc pas faire l'objet d'une intervention des juridictions
de la jeunesse. C’est la traduction du principe qui veut que «le père du soldat est
son colonel»48. La surveillance et la discipline militaire doivent donc suffire au

: ce système décourageait les autorités de police, risquait de préjudicier gravement aux


intérêts des victimes innocentes, et encourageait à la récidive».
47. Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 1035.
48. Voir H. BOSLY, «L'armée et la protection de la jeunesse», Ann. Dr. Louv., 1971,
p. 157-158; voy. également F. LOX, op. cit., P. 167.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 171

soutien des mineurs sous les armes49, et la menaces du renvoi devant les
juridictions répressives est nécessaire pour sauvegarder la discipline à laquelle
tous les soldats, en ce compris les mineurs, sont soumis50.
Ainsi, lorsqu’ils sont sous les armes au moment des faits litigieux, les mineurs
relèvent soit des juridictions militaires, soit des juridictions de droit commun51.
L'exception se justifie par la nécessité de voir le mineur être traité comme tous les
soldats en cas d'infraction à la discipline52.

c) Le dessaisissement

L'article 38 de la loi du 8 avril 1965 dispose que lorsqu'un jeune est déféré au
tribunal de la jeunesse en raison d'un fait qualifié infraction, qu'il était âgé de plus
de seize ans au moment de ce fait, et que le tribunal de la jeunesse estime
inadéquate une mesure de garde, de préservation ou d'éducation, il peut, par
décision motivée, se dessaisir et renvoyer l'affaire au ministère public aux fins de
poursuites devant la juridiction compétente en vertu du droit commun s'il y a lieu.
Cette disposition peut être appliquée même lorsque le jeune a atteint l'âge de dix-
huit ans au moment du jugement.
Le tribunal de la jeunesse doit apprécier l'inadéquation des mesures de protection
en fonction, non de la gravité des faits, mais de la personnalité du jeune. C'est la
raison pour laquelle la loi rend obligatoire, sauf dans certaines circonstances
exceptionnelles, la réalisation préalable d'une étude sociale et d'un examen
médico-psychologique. Depuis la réforme de 1994, ces investigations ne sont
plus obligatoires dans certaines hypothèses de délinquance grave, ce qui traduit
le mouvement de repénalisation de la protection de la jeunesse déjà évoqué ci-
dessus.
Le dessaisissement est une mesure extraordinaire. Il ne s'agit pas d'une mesure
de protection de la jeunesse mais d'une mesure qui traduit la volonté du
législateur de 1965 de faire contrepoids à l'élévation de l'âge de la majorité
pénale à dix-huit ans53, pour rencontrer des situations exceptionnelles où le

49. Les Novelles, Protection de la jeunesse, op. cit., n° 995.


50. H. BOSLY, «L'armée et la protection de la jeunesse», op. cit., p. 158.
51. Corr. Tongres, 18 octobre 1979, Limb. Rechtsl., 1980, p. 36.
52. Voir les conclusions de l'avocat général Velu avant Cass., 30 novembre 1983, Pas.,
1984, p. 347.
53. Doc. Parl., Chambre, session, 1962-1963, n° 637-1, p. 8 et 24. Voy. également F.
LOX, «Les mesures à l'égard des mineurs», Ann. Dr. Louv., 1966, p. 178; H. BOSLY «Le
dessaisissement du tribunal de la jeunesse», note sous Cass. 20 mai 1981, R.T.D.F.,
1982, p. 345; N. DE VROEDE, «Les habits neufs de la loi du 8 avril 1965 relatifs à la
protection de la jeunesse», Jour. Proc., 1995, p. 12.
172 International Review of Penal Law (Vol. 75)

mineur est déjà figé dans des attitudes particulièrement antisociales54 et dans
lesquelles il ne faut pas que «le souci d’éduquer aille jusqu’à la duperie»55.
Le dessaisissement a bien pour effet de transformer le mineur pénalement
irresponsable en personne pénalement responsable56. Par le fait qu'il autorise le
juge pénal à condamner le mineur à une peine identique à celle qui serait
prononcée contre un majeur, le dessaisissement a pour effet de présumer
l'existence du discernement dans le chef du mineur, et ce de manière définitive
puisque, même si le juge pénal estime que le mineur manque de maturité, il lui
est impossible de le réorienter vers la justice des mineurs. Toutefois, le
dessaisissement doit uniquement être motivé par la constatation de l'inadéquation
des mesures de protection de la jeunesse, et non par l'existence d'un
«discernement pénal» dans le chef du mineur. Les effets de la mise en oeuvre de
ce mécanisme peuvent s'avérer paradoxaux. La pratique révèle, en effet, que,
régulièrement, les mineurs qui font l'objet d'un dessaisissement sont ceux qui
jouissent le moins du discernement car leur attitude démontre qu'ils ne
comprennent pas l'opportunité que peut constituer pour eux le bénéfice d'une
mesure protectionnelle et l'intérêt qu'ils ont à y collaborer. Il faut également
relever que le tribunal de la jeunesse ne doit pas non plus, lorsqu'il se dessaisit,
constater l'adéquation d'une sanction pénale. Sa décision peut donc avoir pour
conséquence de mettre le jeune dont il se dessaisit dans une situation plus
défavorable s'il s'avère qu'une peine est pour lui plus inadéquate encore que ne
l'aurait été une mesure de protection.
Depuis le début des années 1980, le recours à la mesure de dessaisissement
s'est très nettement intensifié. Dans certains arrondissements, le dessaisissement
est quasiment devenu une mesure automatique pour les faits criminels les plus
graves. Cette pratique a sans doute permis d'éviter un difficile débat sur la
question de la responsabilité pénale des mineurs. Par ailleurs, de nombreux
dessaisissements sont moins motivés réellement par l'inadéquation des mesures
protectionnelles que par le manque de place dans les institutions publiques, et
notamment celles à régime fermé. Une fois encore, par le recours au
dessaisissement, le débat relatif au nombre de places dans ces institutions et sur
le contenu du régime fermé a été escamoté.
Lors de la réforme du 2 février 1994, le législateur a introduit, à l’article 38 al. 3 de
la loi du 8 avril 1965, une disposition par laquelle tout mineur qui a fait l’objet

54. Doc. Parl., Chambre, session, 1962-1963, n° 637-1, p. 24.


55. J. CONSTANT, «La protection sociale et judiciaire de la jeunesse», R.D.P.C., 1965-
1966, p. 427. Voir également, J. MOENS, P. VERLYNDE, Les mesures à l'égard des
mineurs. Les mesures à l'égard des parents, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 213; J. SMETS,
Jeugdbeschermingsrecht, A.P.R., Anvers, kluwer, 1996, n° 1042 et s. et références citées.
56. J. MOENS, P. VERLYNDE, Les mesures à l'égard des mineurs. Les mesures à l'égard
des parents, op. cit., p. 216.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 173

d’une décision de dessaisissement suivie d’une condamnation définitive par une


juridiction de droit commun devient justiciable des juridictions ordinaires pour les
poursuites relatives aux faits commis à partir du lendemain du jour de la
condamnation pénale définitive. En vertu de cette nouvelle règle, le
dessaisissement qui auparavant s’effectuait in rem (c’est-à-dire dossier par
dossier) tend à devenir in personam (on se dessaisit du jeune en le faisant
irrémédiablement entrer dans le champ du droit pénal). La raison de cette
nouvelle disposition repose moins sur la constatation du discernement dans le
chef du jeune qui récidive que sur un souci d'efficacité. Il ressort, en effet, des
travaux préparatoires de la loi du 2 février 1994 que l'intention du législateur a été
de supprimer la lourdeur de dessaisissements consécutifs57, en invoquant que la
récidive du mineur constitue la démonstration qu'il n'évolue pas dans le bon sens
et qu'un nouveau dessaisissement est donc nécessaire58.

d) Les mesures à l'égard du mineur délinquant malade mental

L’article 43 de la loi du 8 avril 1965 renvoie à la loi du 26 janvier 1990 relative à


la protection de la personne des malades mentaux en général.
Sur base de cette disposition, c'est le juge de paix qui est compétent à l'instar des
majeurs. Il peut être saisi par le tribunal de la jeunesse, par le ministère public ou
par toute personne intéressée. Il peut ordonner, la mise en observation dans un
service psychiatrique fermé ou des soins en famille à l’égard d’un mineur malade
mental, pour autant qu'une telle mesure s'impose, et à défaut de tout autre
traitement approprié, en raison de l’état du mineur le requiert, soit qu’il mette
gravement en péril sa santé et sa sécurité, soit qu’il constitue une menace grave
pour la vie ou l’intégrité d’autrui. L’inadaptation aux valeurs morales, sociales,
religieuses, politiques ou autres ne peut être en soi considérée comme une
maladie mentale.

B. Les mesures de protection ordinaires

L’article 37 § 1er de la loi du 8 avril 1965 prévoit que le tribunal de la jeunesse


peut ordonner, à l’égard des mineurs délinquants, des mesures de garde, de
préservation et d’éducation.
Ces mesures sont facultatives. Même s’il déclare les faits établis, le tribunal de la
jeunesse peut décider de ne prononcer aucune mesure à l’égard du mineur
délinquant.

57. «Cette disposition doit permettre d'éviter des frais et pertes de temps inutiles tant pour
les magistrats que pour les avocats, les parents et jeunes concernés» (Doc. Parl.,
Chambre, session extr. 1991-1992, 532/1 -91/92, pp. 17-18).
58. Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, rapport, 633/2-92/93, p. 46.
174 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Les mesures doivent être légales. Le tribunal de la jeunesse ne peut donc


ordonner à l’égard des mineurs délinquants que les mesures prévues par la loi.
Néanmoins, les textes sont rédigés de manière très large, ce qui autorise une
grande souplesse d’interprétation en vue notamment de s’adapter aux nouvelles
méthodes éducatives et pédagogiques.
Normalement, les mesures sont prononcées pour une durée indéterminée.
Néanmoins, depuis la réforme de 1994, ce principe connaît des exceptions.
Dorénavant le tribunal de la jeunesse doit indiquer la durée précise de certaines
mesures privatives de liberté. Tout placement quel qu'il soit ne peut avoir une
durée supérieure à un an, mais il peut être renouvelé.
La loi prévoit que les mesures prennent fin lorsque le mineur atteint l’âge de 18
ans, c’est-à-dire l’âge de la majorité civile. Les mesures peuvent cependant
prendre fin avant cet âge par décision du tribunal de la jeunesse. En raison de
l’abaissement de l’âge de la majorité civile de 21 à 18 ans par la loi du 19 janvier
1990, le législateur a prévu des hypothèses de prolongation des mesures au-delà
de l'âge de dix-huit ans (voir infra).

1. La réprimande

La réprimande est une admonestation solennelle coulée dans la forme d’un


jugement.
Cette mesure est instantanée. Elle peut être ordonnée aussi bien à l'égard d'un
mineur qu'à l'égard d'un jeune qui a déjà atteint l'âge de dix-huit ans lorsqu'il
comparaît devant le tribunal de la jeunesse.
Elle s’accompagne nécessairement du maintien ou, si le mineur avait fait l’objet
d’une mesure de garde provisoire, du retour chez les personnes qui ont sa garde.
En outre, le tribunal de la jeunesse peut faire injonction aux personnes qui ont la
garde du mineur de mieux le surveiller à l’avenir.

2. La surveillance

Le tribunal de la jeunesse peut soumettre le jeune délinquant à la surveillance du


service social compétent qui sera chargé de vérifier le respect des conditions
fixées par le tribunal. Le service social compétent est celui qui est mis à la
disposition du tribunal de la jeunesse par la Communauté.
La mesure de surveillance comprend deux aspects : un accompagnement du
jeune dans son milieu et l’observation du respect des conditions éventuellement
fixées par le tribunal.
La loi donne une liste exemplative des conditions dont le tribunal de la jeunesse
peut assortir la surveillance. La première est la fréquentation régulière d’un
établissement scolaire d’enseignement ordinaire ou d’enseignement spécial. L a
deuxième est la réalisation d'une prestation éducative ou philanthropique. La
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 175

troisième condition est la fréquentation d’un centre d’orientation éducative ou


d’hygiène mentale.
Depuis le milieu des années 1980, le recours aux prestations éducatives ou
philanthropiques s'est sensiblement accru. Cette utilisation massive des
prestations doit être mise en rapport avec le mouvement de repénalisation qui
s'est développé à la même époque. La mesure a parfois permis de renouer avec
certains principes du droit pénal, notamment par la pratique de la tarification du
nombre d'heures de prestations en fonction de la gravité de l'acte.
Depuis le début des années 1990, les services d'encadrement des prestations ont
développé, à titre d'expériences, des projets de médiation entre le jeune
délinquant et la victime sur demande du parquet ou du tribunal de la jeunesse. La
médiation a pour objet de permettre aux deux parties, soit par une rencontre
directe, soit de manière indirecte, de trouver un règlement satisfaisant au
différend qui les oppose. Le but recherché n’est donc pas de faire correspondre
une peine ou une sanction avec un délit ni d’adapter la sentence à la personnalité
du délinquant, mais de viser à l’annulation des torts causés par l’infraction. Il est
proposé au jeune de réparer plutôt que de se faire infliger un mal ou de subir un
traitement. La pratique de la médiation participe de l’idée que l’ordre public est
davantage assuré par la réconciliation du délinquant et de sa victime que par leur
affrontement mutuel au cours d’un procès contradictoire.

3. Le placement chez un particulier ou dans une institution privée

Le tribunal de la jeunesse peut placer les jeunes délinquants sous la surveillance


du service social compétent, chez une personne digne de confiance ou dans un
établissement approprié. Ce placement doit avoir pour objectif l’hébergement du
jeune, son traitement, son éducation, son instruction ou sa formation
professionnelle.
Depuis la réforme de 1994, les mesures de placement ordonnées par jugement
sont limitées dans le temps à une période d’un an, renouvelable.

4. Le placement dans une institution publique de protection de la jeunesse à


régime ouvert ou fermé

Le tribunal de la jeunesse peut confier un mineur délinquant à une institution


publique d’observation et d’éducation sous surveillance. Ces institutions sont,
sauf circonstances très exceptionnelles, réservées aux jeunes de plus de 12 ans.
Lorsque le tribunal de la jeunesse place un jeune délinquant en I.P.P.J., il doit
indiquer dans sa décision la durée du placement qui, comme tout placement, ne
peut jamais être supérieure à un an, mais est renouvelable. Le tribunal de la
jeunesse doit également indiquer dans sa décision s'il confie le mineur à une
institution à régime ouvert ou fermé.
176 International Review of Penal Law (Vol. 75)

La réglementation des différents régimes en vigueur dans les I.P.P.J. est de la


compétence des communautés.

C. La constatation judiciaire de la responsabilité pénale du mineur et les


règles de procédure

Le mineur poursuivi pour un fait qualifié infraction est déféré devant le tribunal de
la jeunesse. Ce tribunal est une des trois sections du tribunal de première
instance à côté du tribunal civil et du tribunal correctionnel. Il siège au niveau de
l'arrondissement judiciaire59. Le tribunal de la jeunesse est une juridiction à juge
unique. Le juge de la jeunesse qui la compose ne doit pas justifier d'une
formation particulière. Il doit seulement avoir exercé des fonctions judiciaires
effectives pendant un an au moins. En appel, la chambre de la jeunesse de la
cour d'appel est également une chambre à conseiller unique et celui-ci ne doit
pas avoir de formation particulière. Tant le parquet de première instance que le
parquet d'appel sont composés de magistrats du ministère public spécialement
désignés par leur hiérarchie pour exercer leurs fonctions auprès des juridictions
de la jeunesse. Toutefois, aucune formation particulière n'est exigée.
En vertu de l’article 62 de la loi du 8 avril 1965, la procédure est, sauf dérogation
explicite introduite par la loi du 8 avril 1965, réglée par les dispositions légales
applicables aux poursuites en matière correctionnelle.
La procédure est divisée en quatre étapes : la phase préparatoire, l’audience
publique, l’exécution et la révision des mesures, et la prolongation de celles-ci. La
phase préparatoire et l’audience publique ont justifié le recours au mécanisme de
la double saisine. Le ministère public saisit une première fois le tribunal de la
jeunesse pour qu’il soit procédé à des investigations relatives au milieu et à la
personnalité du jeune. Lorsque ces investigations sont terminées, le tribunal de la
jeunesse doit alors communiquer le dossier au ministère public qui, le cas
échéant, saisit cette fois le tribunal au fond. Parallèlement à ces deux saisines, le
tribunal de la jeunesse, tant qu’il n’a pas rendu sa décision au fond, dispose de la
faculté de prendre, à l’égard du mineur, des mesures provisoires. La phase de
révision se justifie par le caractère éducatif des mesures : il faut pouvoir, à tout
moment, adapter l’action éducative à l’évolution du jeune et de son milieu. La
prolongation des mesures est la phase la plus récente (voy. supra, § 1, E).
Le ministère public a le monopole de la saisine du tribunal de la jeunesse. Il est
présenté comme le gardien à la fois de l’intérêt général, de l’ordre des familles et
de l’intérêt du mineur, même si on peut s’interroger sur la compatibilité de ces
diverses missions. Pour garantir ces valeurs, il est nécessaire que le ministère
public dispose du pouvoir d’appréciation le plus large possible quant à
l’opportunité de saisir ou non le tribunal de la jeunesse. Par conséquent, la

59. Il y en a vingt-six en Belgique.


Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 177

victime ne peut pas mettre en mouvement l'action publique par les mécanismes
de la citation directe ou de la constitution de partie civile dans les mains du juge
d'instruction.
Depuis quelques années, le ministère public a utilisé son monopole de saisine
pour mettre en œuvre, dans certains arrondissements, des expériences de
mesures de diversion 60. De manière prétorienne, le parquet propose au mineur et
à ses parents, en cas de reconnaissance par le mineur de la matérialité des faits,
d'accomplir une prestation et/ou de s'impliquer dans un processus de médiation
avec l'aide d'un service d'encadrement. Si la mesure de diversion est
correctement exécutée, le parquet classe le dossier sans suite. Ces mesures font
actuellement l'objet de différentes critiques : elles ne sont pas prévues
expressément par la loi, elles sont de nature à violer la présomption d'innocence,
les droits de la défense ne sont pas garantis, un classement sans suite
n'empêche pas le ministère public d'entamer des poursuites en cas de récidive.
Le tribunal de la jeunesse territorialement compétent est celui du lieu de la
résidence des parents, tuteurs, ou personnes qui ont la garde du mineur. Si ceux-
ci n'ont pas de résidence ou qu'elle est inconnue, le tribunal de la jeunesse
compétent est soit celui du lieu où le mineur a commis le fait qualifié infraction,
soit celui du lieu où il est trouvé, soit celui du lieu où est situé le lieu du
placement. Si le jeune est majeur au moment de la saisine, le tribunal compétent
est celui du lieu de sa résidence.

1. La phase préparatoire

Par une première saisine, le ministère public demande au tribunal de la jeunesse


de procéder à des investigations relatives au milieu et à la personnalité du jeune
et de prendre éventuellement une mesure de garde provisoire.
Dès l'instant où il est partie à la cause dans une procédure devant le tribunal de la
jeunesse, le mineur doit être assisté d’un avocat. S’il n’en a pas, il lui en est
désigné un d’office. Cette assistance obligatoire par un avocat se justifie en
raison de l’état de faiblesse et de l’inexpérience du mineur. Aux fins de procéder
à cette désignation, le ministère public doit, lorsqu’il saisit le tribunal de la
jeunesse, en aviser le bâtonnier de l’ordre des avocats.
La tâche du tribunal de la jeunesse n’est pas d’enquêter sur les faits. Cette
mission est réservée au ministère public dans le cadre de l’information judiciaire
ou au juge d’instruction si l'affaire a fait l’objet d’une mise à l’instruction. Durant
l’enquête, le ministère public peut, bien entendu, verser au dossier du tribunal de
la jeunesse tout élément qu’il jugerait utile à propos des faits. Néanmoins, tant
que l’affaire n’est pas portée à l’audience publique, le tribunal de la jeunesse ne

60. A propos de ces mesures, voir Fr. TULKENS et Th. MOREAU, Le droit de la jeunesse
en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., p. 970 et s.
178 International Review of Penal Law (Vol. 75)

peut pas se prononcer sur la culpabilité. Ce n’est qu’au moment de la saisine au


fond que le parquet réunit les deux dossiers, - enquête sur les faits et
investigations sur la personnalité et le milieu du jeune - et qu’il soumet le tout au
tribunal de la jeunesse.
La durée de la procédure préparatoire est normalement limitée à six mois.
Le tribunal de la jeunesse, une fois saisi, effectue toute diligence et fait procéder
à toute investigation utile pour connaître la personnalité du jeune, le milieu où il
est élevé, pour déterminer son intérêt et les moyens appropriés à son éducation
ou à son traitement. Il peut notamment faire procéder à une étude sociale par
l’intermédiaire du service social compétent ou soumettre le jeune à un examen
médico-psychologique lorsque le dossier ne lui paraît pas suffisant. Lorsque le
tribunal de la jeunesse fait procéder à une étude sociale, il doit, lorsqu’il prend ou
modifie une décision, demander l’avis du service social compétent.
Le tribunal de la jeunesse peut en tout temps convoquer le jeune, ses parents,
tuteurs ou personnes qui ont sa garde ainsi que toute autre personne. Ces
auditions ne sont en réalité qu’une forme particulière d’investigation.
Pendant la durée d’une procédure tendant à l’application d’une des mesures de
protection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse peut prendre à l’égard du
mineur les mesures nécessaires de garde provisoire. Lorsque le jeune a commis
un fait qualifié infraction avant l’âge de 18 ans mais a dépassé cet âge au cours
de la procédure, le tribunal de la jeunesse peut ordonner ou maintenir des
mesures provisoires jusqu’à ce que ce jeune ait atteint l’âge de 20 ans.
Différentes mesures provisoires peuvent être ordonnées par le tribunal de la
jeunesse. Il s'agit en réalité, pour la plupart, des mêmes mesures que celles qui
peuvent être prononcées par la décision au fond (voy. supra, § 2, B). D'une part,
celui-ci peut laisser le jeune chez les personnes qui en ont la garde et le
soumettre, le cas échéant, à une mesure de surveillance qui peut être assortie de
conditions. Sur cette base, s’est développée, pendant de plusieurs années, une
pratique qui consistait à ordonner des prestations éducatives ou philanthropiques
à titre de mesures provisoires. Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du
4 mars 1997, a jugé que de telles prestations n’étaient ni des mesures
d’investigation, ni des mesures de garde provisoire, mais des mesures
d’éducation à caractère sanctionnel qui ne peuvent être ordonnées qu’une fois la
culpabilité légalement établie61. En conséquence, les prestations ordonnées à
titre de mesures provisoires sont illégales au motif qu'elles violent la présomption
d'innocence. D'autre part, le tribunal de la jeunesse peut également prendre une
mesure de garde provisoire en confiant le jeune soit à une personne digne de
confiance ou une institution privée, soit à une institution publique de protection
de la jeunesse à régime ouvert ou fermé. Dans ce dernier cas, le tribunal de la
jeunesse peut, pour les nécessités de l’information ou de l’instruction et pour un

61. Cass., 4 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1379.


Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 179

délai renouvelable de 30 jours au plus, interdire au jeune, par décision motivée,


de communiquer librement avec les personnes nommément désignées par le
tribunal, autres que son avocat. Le placement en institutions à régime fermé ne
peut être ordonné que dans trois hypothèses : en cas de mauvaise conduite
persistante du jeune, en cas de comportement dangereux de sa part, ou lorsque
l’instruction judiciaire le requiert. Ce placement est limité à une durée maximum
de trois mois. Il peut être renouvelé une fois pour une période qui ne peut
excéder trois mois. Par la suite, il peut faire l'objet d'un renouvellement mensuel
qui, tant par ses objectifs que par sa procédure, rappelle la détention préventive
des majeurs. Lorsque le tribunal de la jeunesse ordonne une mesure provisoire
de placement en I.P.P.J. à régime éducatif fermé, il peut interdire au jeune toute
sortie de l’établissement durant la durée de la mesure.
Jusqu'au 31 décembre 2001, à titre exceptionnel, le mineur pouvait faire l'objet
d'un placement en maison d'arrêt lorsqu'il était matériellement impossible de
trouver un particulier ou une institution susceptible de recueillir le mineur sur le
champ. La durée de cet enfermement ne pouvait dépasser quinze jours. Le
mineur devait être gardé dans la maison d’arrêt en étant isolé des adultes qui y
sont détenus. Progressivement, la condition de «l'impossibilité matérielle» a été
interprétée de manière moins rigide, témoignant de la volonté des magistrats de
recourir plus souvent aux mesures d'enfermement. A partir des années quatre-
vingt, «l'impossibilité matérielle» s'est limitée à l'impossibilité de trouver une
institution à régime fermé. Les places dans de telles institutions étant très
limitées, le nombre de placement en maison d'arrêt a augmenté de manière très
importante. En outre, certains magistrats ne se sont pas cachés d'utiliser le
placement en maison d'arrêt comme une sanction immédiate, n'hésitant pas à
renvoyer le mineur en famille après l'expiration du délai de quinze jours ou à
placer en maison d'arrêt un mineur récidiviste pendant qu'il faisait l'objet d'une
mesure de placement en institution. Ce sont notamment ces pratiques, ainsi que
l'absence de la présence d'un avocat lors de l'audience de cabinet et l'absence
de recours effectif contre l'ordonnance de placement qui ont entraîné la
condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l'homme dans
son arrêt du 29 février 1988, en cause Bouamar c. Belgique. Suite à cet arrêt,
l'article 53 a été abrogé lors de la réforme de 1994. La date d'entrée en vigueur
de cette abrogation devait être fixée ultérieurement par le Gouvernement, ce qui
n'a jamais été fait. Par conséquent, le législateur fédéral a, par une loi du 4 mai
1999, décidé que l'entrée en vigueur de l'abrogation interviendrait au plus tard le
1er janvier 2002.
A peine l'article 53 était-il abrogé, que, sous la pression de certains acteurs de
terrain et de l'opinion publique, le législateur a adopté, deux mois plus tard, la loi
du 1er mars 2002 qui permet, durant la phase préparatoire, de placer
provisoirement le mineur dans un centre de détention pour mineurs pour une
durée maximum de deux mois et cinq jours. Cette mesure est qualifiée par la loi
180 International Review of Penal Law (Vol. 75)

de «mesure de protection sociétale», signifiant par là que la sécurité publique


prime sur l'intérêt du jeune. L'accès au centre est limité aux garçons et quatre
conditions cumulatives doivent être remplies. Le jeune doit avoir atteint l'âge de
14 ans au moment des faits et il doit exister à son égard des indices sérieux de
culpabilité. Le fait doit être punissable par la loi pénale d'une peine d'au moins
cinq à dix ans de réclusion. Toutefois, la peine est réduite à un an
d'emprisonnement si, antérieurement, le jeune a fait l'objet d'une mesure
définitive du tribunal de la jeunesse alors qu'il était poursuivi pour un fait qualifié
infraction puni de la même peine. La mesure de protection sociétale ne peut être
ordonnée que s'il existe des circonstances impérieuses, graves et exceptionnelles
se rattachant aux exigences de la protection de la sécurité publique. Enfin,
l'admission, à titre provisoire, de la personne dans une institution publique de
protection de la jeunesse doit être impossible en raison du manque de place. Des
règles de procédure particulières sont prévues qui sont très proches de celles
applicables en matière de détention préventive.
Sauf les exceptions du placement en institution publique de protection de la
jeunesse et dans le centre de détention, les mesures provisoires ont une durée
indéterminée. Le tribunal peut en tout temps les modifier ou les rapporter. Elles
prennent également fin en cas de classement sans suite par le ministère public
lorsque le dossier lui est retourné après investigation, ou par la décision au fond
du tribunal de la jeunesse lorsqu’elle est devenue exécutoire.
La plupart du temps, les mesures provisoires sont ordonnées par le juge de la
jeunesse statuant en cabinet. Ces audiences ont toujours lieu à huis clos. Ne
peuvent donc y assister que les personnes convoquées par le juge de la
jeunesse.
Lors de la réforme de 1994, plusieurs garanties ont été reconnues au mineur dont
il ne bénéficiait pas auparavant. Avant d’ordonner une mesure provisoire, le
tribunal de la jeunesse doit entendre personnellement le mineur âgé de douze
ans au moins, sauf s’il n’a pu être trouvé, si son état de santé s’y oppose ou s’il
refuse de comparaître. Le mineur qui comparaît devant le juge a droit à
l’assistance d’un avocat. Le jeune et son avocat ont le droit de prendre
connaissance du dossier. L'ordonnance doit être motivée de manière spéciale, en
résumant les éléments touchant à la personnalité du jeune ou à son milieu. Le
cas échéant, elle doit également contenir un résumé des faits reprochés. Enfin,
elle doit mentionner l’audition du jeune ou les raisons pour lesquelles il n’a pu être
entendu. L’ordonnance doit être communiquée au jeune ainsi qu’à ses père et
mère, tuteur ou personnes qui ont sa garde. L’ordonnance peut faire l’objet d’un
appel. Elle n’est, par contre, pas susceptible d’opposition. La cour d’appel doit
rendre son arrêt dans les deux mois à dater de l’acte d’appel. Les délais d'appel
et ceux dans lesquels la cour d'appel doit se prononcer sont réduits en cas de
placement en régime fermé ou en maison d'arrêt de manière à éviter que l'appel
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 181

ne devienne sans objet en raison du fait que le terme de la mesure aurait entre-
temps été atteint.
Le législateur a voulu limiter autant que possible l’intervention du juge
d’instruction car il craignait que son intervention strictement judiciaire ne nuise à
l’action de type éducatif du tribunal de la jeunesse. En conséquence, le juge
d’instruction ne peut être saisi que par réquisition du ministère public, dans des
circonstances exceptionnelles et en cas de nécessité absolue. Le juge peut
également se saisir d’office en cas de flagrant délit. Tout comme le parquet
lorsqu’il mène une information judiciaire en matière de protection de la jeunesse,
le juge d’instruction ne peut enquêter qu’à l’égard des faits. Il ne peut pas
procéder à des actes d’investigation relatifs à la personnalité du mineur, ce
domaine étant exclusivement réservé au tribunal de la jeunesse. S’il y a urgence,
le juge d’instruction peut prendre une mesure provisoire. Il doit cependant en
donner simultanément avis par écrit au tribunal de la jeunesse. Celui-ci doit alors,
dans les deux jours ouvrables, exercer ses attributions et statuer sur ces mesures
provisoires conformément à la procédure décrite ci-dessus. A la fin de
l’instruction, le juge d’instruction communique son dossier au ministère public afin
qu’il puisse prendre un réquisitoire de règlement de procédure. C’est le juge
d’instruction lui-même qui règle la procédure après un débat contradictoire en
présence du jeune, de ses père et mère et des parties civiles. Les parties doivent
pouvoir préalablement prendre connaissance du dossier relatif aux faits déposé
au greffe au moins 48 heures avant les débats. L’ordonnance du juge
d’instruction est soit une ordonnance de non lieu, soit une ordonnance de renvoi
devant le tribunal de la jeunesse. La loi autorise le ministère public à saisir le
tribunal de la jeunesse de réquisitions de dessaisissement avant même que le
juge d’instruction ait terminé son enquête et réglé la procédure. Le tribunal de la
jeunesse doit alors statuer en l’état de la procédure. Autrement dit, cela signifie
que le tribunal de la jeunesse doit statuer sur le dessaisissement, et donc sur
l'adéquation des mesures à prononcer, avant que l’enquête sur les faits ne soit
terminée.

2. La phase de jugement au fond

Lorsque la phase d’investigation est clôturée, le juge de la jeunesse renvoie


l’affaire au parquet à toute fin utile. Le parquet dispose d’un délai de 2 mois pour
citer les parties à l’audience publique. A ce stade, il peut décider de classer le
dossier sans suite, ce qui met fin aux poursuites et, notamment, aux mesures
provisoires. Il peut également décider de renvoyer l’affaire devant le tribunal de la
jeunesse sur base d’une autre qualification légale.
Les règles qui président à la tenue de l’audience publique et au jugement sont
celles du droit commun de la procédure correctionnelle, sous réserve des
quelques dérogations prévues par la loi du 8 avril 1965.
182 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Les parties et leur conseil peuvent consulter le dossier avant l’audience publique
dès le moment où la citation leur a été notifiée. Néanmoins, ni la partie civile, ni le
jeune ne peuvent consulter les pièces relatives à la personnalité du jeune et au
milieu où il vit. Ces pièces peuvent cependant être consultées par l’avocat du
jeune.
Le jeune et les civilement responsables doivent comparaître en personne. Seule
la partie civile peut se faire représenter par un avocat. Le tribunal de la jeunesse
peut, en tout temps, ordonner la comparution personnelle des parties dont la
présence à l’audience n’est pas obligatoire. De même, il peut convoquer toutes
les personnes qui ont la garde du mineur.
Le cas de chaque mineur est examiné séparément en l’absence de tout autre
mineur, sauf cependant le temps nécessaire à d’éventuelles confrontations.
Le tribunal de la jeunesse peut décider, à tout moment, de se retirer en chambre
du conseil pour siéger à huis clos. Cette mesure ne peut être ordonnée que pour
entendre, sur la personnalité du mineur, les experts, les témoins, les parents,
tuteurs ou personnes qui ont la garde du mineur. Le mineur n’assiste pas au
débat en chambre du conseil. Le tribunal peut cependant le faire appeler s’il
l’estime opportun. Afin de garantir les droits de la défense, les débats en chambre
du conseil ne peuvent cependant avoir lieu qu’en présence de l’avocat du mineur.
Le tribunal de la jeunesse statue sur les faits et, s'il déclare ceux-ci établis, il peut
ordonner une mesure. Il ne peut toutefois pas dissocier sa décision sur la
responsabilité et celle sur la mesure. Il doit statuer sur ces deux questions dans le
même jugement. Il doit également statuer sur les dommages et intérêts réclamés
par la partie civile, et sur les frais et les éventuelles confiscations. Le tribunal de
la jeunesse peut ordonner l’exécution provisoire de sa décision.
Les décisions que le tribunal de la jeunesse rend au fond sont susceptibles, dans
les délais légaux prévus par le Code d’instruction criminelle, d’appel et
d’opposition. La procédure suivie devant la cour d’appel est la même qu’à propos
du jugement rendu par le tribunal de la jeunesse. Les décisions de la cour d'appel
sont susceptibles d'un pourvoi en cassation.
Enfin, si la décision définitive ordonne une mesure, celle-ci fera l’objet d’une
mention au casier judiciaire du mineur. Ces mentions ne peuvent jamais être
portées à la connaissance des particuliers. Par contre, elles pourront être portées
à la connaissance des autorités judiciaires ainsi que de certaines autorités
administratives et de certains officiers publics que la loi précise. Ces mentions
pourront être rayées par décision du tribunal de la jeunesse sur requête de celui
qui en a fait l’objet lorsque cinq ans se sont écoulés à partir du moment où les
mesures ont pris fin.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 183

3. L’exécution et la révision des mesures

Lorsque le tribunal de la jeunesse prend une mesure, provisoire ou par jugement,


à l'égard d'un mineur délinquant, il conserve le suivi du dossier, tandis que le
parquet est chargé de l'exécution matérielle des mesures.
Le tribunal de la jeunesse peut, en tout temps, soit d'office soit à la demande du
ministère public, rapporter ou modifier les mesures prises au mieux des intérêts
du mineur. Le tribunal de la jeunesse peut être saisi aux mêmes fins de révision
par requête des père, mère, tuteur ou personne qui ont la garde du mineur ainsi
que du mineur qui a fait l'objet de la mesure, après l'expiration d'un délai d'un an
à compter du jour où la décision ordonnant la mesure est devenue définitive. Si
cette requête est rejetée, elle ne peut être renouvelée avant l'expiration d'un an
depuis la date à laquelle la décision de rejet est devenue définitive. Depuis 1994,
les instances communautaires ayant en charge un jeune placé en régime éducatif
fermé peuvent également solliciter à tout moment la révision de la mesure.
La révision des mesures ne remet pas en cause l'existence du fait ou de la
situation imputée au mineur ou à ses parents; elle adapte la mesure à l'évolution
de la situation. Il s'agit d'une véritable exception à la procédure pénale.
Depuis la réforme de 1994, toute mesure de placement décidée par jugement doit
être réexaminée avant un an. Lors de ce réexamen, la mesure peut être
confirmée, rapportée ou modifiée.
La procédure à suivre pour la révision est la même que celle qui a été suivie pour
prendre la mesure à réviser.

4. La prolongation des mesures

La prolongation des mesures a été rendue nécessaire par l'abaissement de l'âge


de la majorité civile en 1990. En effet, auparavant l’âge de la majorité pénale
étant fixé à dix-huit ans, mais l’âge de la majorité civile à vingt et un ans, il était
encore possible, lorsqu’un mineur avait commis un fait qualifié infraction peu
avant l’âge de sa majorité pénale, de prononcer une mesure éducative qui se
maintenait jusqu’à l’âge de vingt et un ans accomplis. En raison de l'alignement
de l'âge des deux majorités à celui de dix-huit ans, plus aucune mesure éducative
impliquant une certaine durée ne pouvait être ordonnée à l’égard du jeune qui
commettait des faits peu avant sa majorité. Le législateur a donc été prévu la
possibilité de prolonger les mesures au-delà de l’âge de la majorité. A défaut, une
omission sur ce point aurait conduit à l’abaissement de facto de l’âge de la
majorité pénale puisque les dessaisissements se seraient multipliés.
Il existe deux hypothèses de prolongation des mesures. La première est celle où
le jeune a commis les faits avant l’âge de dix-sept ans. Dans ce cas, la
prolongation peut être demandée au tribunal de la jeunesse soit par le jeune lui-
même, soit par le ministère public qui doit alors cependant établir la mauvaise
184 International Review of Penal Law (Vol. 75)

conduite persistante du mineur ou son comportement dangereux. Dans les deux


cas le tribunal de la jeunesse doit être saisi de la demande dans les trois mois qui
précèdent le jour de la majorité du jeune. La mesure peut être prolongée pour
une durée que le tribunal de la jeunesse doit déterminer mais qui ne peut pas
dépasser le jour où le jeune atteindra l'âge de vingt ans. La seconde hypothèse
est celle où le jeune a commis les faits après l'âge de dix-sept ans. Dans ce cas,
le tribunal de la jeunesse peut prononcer d’office une mesure au-delà de l'âge de
la majorité pour la durée qu'il détermine et pour un pour un terme qui ne peut pas
dépasser le jour où le jeune atteindra l'âge de vingt ans.

D. La place des parents

Lorsque leur enfant mineur est poursuivi pour un fait qualifié infraction, les
parents ne se voient reconnaître que peu de place par la loi du 8 avril 1965 dans
le cadre de la phase préparatoire. Ils peuvent être entendus par le juge de la
jeunesse, mais il s'agit d'une faculté laissée à l'entière discrétion du magistrat, et
ce même avant de prendre une mesure provisoire. En revanche, en cas d'appel
de la décision, la cour d'appel statuant en audience publique, les parents doivent
nécessairement être cités à comparaître.
Lors de l'examen au fond, les parents sont parties à la cause. Ils le sont
généralement à trois titres : en qualité de parents, en qualité de civilement
responsables et en leur qualité de débiteurs alimentaires. En leur qualité de
parents, les parents peuvent se défendre sur les faits et le choix de la mesure. En
leur qualité de civilement responsables, ils sont tenus solidairement avec leur
enfant des condamnations civiles dont celui-ci fait l'objet ainsi que des frais de la
procédure auxquels il serait condamné. Toutefois, les parents peuvent renverser
la présomption de responsabilité mise à leur charge par l'article 1384 du Code
civil s'ils démontrent qu'il n'ont commis aucun défaut de surveillance et
d'éducation.
En outre, en leur qualité de débiteurs d'aliments, les parents peuvent être tenus
de payer une part contributive à la Communauté qui organise la mise en œuvre
de la mesure protectionnelle dont fait l'objet leur enfant. En Communauté
française, cette décision n'est plus prise par le tribunal de la jeunesse, mais par le
directeur de l'aide à la jeunesse. Toutefois, sa décision peut faire l'objet d'une
contestation devant le tribunal de la jeunesse.
Enfin, l'article 84 de la loi du 8 avril 1965 dispose que «dans tous les cas où le
mineur a commis un fait qualifié infraction et quelle que soit la mesure prise à son
égard, si le fait a été facilité par un défaut de surveillance, la personne qui a la
garde du mineur peut être condamnée à un emprisonnement d'un à sept jours et
à une amende d'un à vingt-cinq francs ou à une de ces peines seulement, sans
préjudice des dispositions du Code pénal et des lois spéciales concernant la
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 185

participation». Toutefois, en pratique, cette disposition ne semble pas être


appliquée.

§ 3 - Les projets de réforme de la loi du 8 avril 1965 en ce qui concerne les


mineurs délinquants

Depuis le début des années 1990, la question de la réforme de la loi du 8 avril


1965 est à l'ordre du jour. La réforme de 1994 a été présentée comme des
modifications urgentes qui s'imposaient dans l'attente d'une réforme plus
fondamentale. A ce jour, trois projets importants ont vu le jour qui seront abordés
successivement : Le projet de la Commission Commission nationale pour la
réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse (A), le projet du
Professeur Walgrave relatif au «droit sanctionnel restaurateur» (B) et l'avant-
projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs (C).

A. Le projet de la Commission nationale pour la réforme de la législation


relative à la protection de la jeunesse

Le 9 octobre 1991, le Ministre de la Justice a institué la Commission nationale


pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse, plus
connue sous le nom de «Commission CORNELIS» du nom de son président.
Cette Commission a eu pour mission de formuler, en vue de l’instauration d’une
politique adéquate, des propositions concernant la réforme de la législation
relative à la protection de la jeunesse. Elle est notamment chargée de faire des
propositions concernant la modification éventuelle des mesures de protection et
le cas échéant concernant l’instauration des mesures pénales spécifiques, qui
peuvent être prises à l’égard de jeunes ayant commis un fait qualifié infraction. La
Commission a déposé son rapport final en date du 20 janvier 1996.
La Commission propose de remplacer le modèle protectionnel par un modèle
sanctionnel, c’est-à-dire, un système où le fait commis est à la fois la condition et
la limite de l’intervention du juge et où la sanction est définie comme «étant la
réaction sociale à la violation par un mineur d’une règle de droit pénal, qui permet
l’exercice d’une contrainte, en vue d’éduquer à l‘intégration des normes de la vie
sociale62 . Il s’agit d’un modèle présenté comme étant un modèle judiciaire, par
opposition au modèle protecteur qui ne le serait donc pas. Le modèle sanctionnel
restituerait «l'intervention du juge dans le cadre du fait pénal, donc d'une notion
précise et permet l'introduction du principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'il
limite cette intervention à ce qui est nécessaire au rétablissement de la norme».
La Commission réintroduit ainsi le principe de proportionnalité entre la durée et la

62. Rapport final de la Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la


protection de la jeunesse, p. 17.
186 International Review of Penal Law (Vol. 75)

gravité de la sanction et la gravité du «fait pénal»63, ce qui rend nécessaire de


classer les mesures par ordre de gravité64. Enfin, elle insiste sur le caractère
éducatif de l'intervention judiciaire65 et la finalité éducative de la sanction66,
précisant que celle-ci «ne consiste pas en un mal qui est infligé comme tel à
l'auteur d'une infraction, c'est-à-dire qu'elle n'a pas de vocation répressive. Sa
légitimité se situe dans la nécessité de remédier aux carences dans l'intégration
des normes, mises en évidence par l'infraction»67.
D'une manière générale, la Commission confirme, sans les remettre en
question68, les pratiques plus répressives qui, comme nous l'avons vu, se sont
progressivement imposées dans l'application de la loi de 1965 à l’égard des
mineurs délinquants. Le projet innove moins qu'il ne tente de théoriser et justifier
la repénalisation actuelle de la protection de la jeunesse. Cette option peut
probablement en partie s'expliquer par la composition de la Commission. Celle-ci
réunissait principalement des magistrats de la jeunesse qui sont parmi les
promoteurs et les acteurs des pratiques actuelles.
La Commission déclare ne pas remettre en question le principe de la majorité
pénale et la maintient à l'âge de dix-huit ans : «l'âge de dix-huit ans actuellement
retenu correspond à l'âge de la capacité civile et électorale, à celui de la nubilité,
du service militaire et de la limite de l'obligation scolaire. Cette convergence
indique de manière claire que la personne est considéré à ce moment comme
adulte par la société, du point de vue de son développement physique et de ses
capacités volitives et cognitives. Il serait anormal de considérer que, pour

63. L'expression est de la Commission, Ibidem p. 38.


64. Ibidem, p. 38.
65. Ibidem, p. 14. Pour une critique de la confusion que la Commission fait entre la finalité
éducative et le caractère éducatif de l'intervention, voir L. WALGRAVE, H. GEUDENS, W.
SCHELKENS, «A la recherche d’un droit sanctionnel restaurateur», J.D.J., 1998, n° 173,
pp. 9 et s.
66. Ibidem.
67. Ibidem, p. 19.
68. A ce propos il faut souligner l'absence d'évaluation des pratiques et de la législation
actuelle ainsi que de recherches scientifiques sur la question de la délinquance juvénile.
Cette carence a été soulignée par la Commission à la fin de son rapport : «La commission
a constaté la faiblesse des données statistiques disponibles en matière de protection de la
jeunesse. Celles-ci ne permettent pas, au stade actuel, une appréciation globale du
phénomène de la délinquance juvénile et une appréciation de l’efficacité tant de l’action
sociale que de l’action judiciaire. Elle suggère qu’une recherche universitaire pose les
bases d’un nouveau recensement des données en vue de leur présentation, dans un délai
qui permette une adaptation de la politique d’intervention» (Ibidem, p. 67).
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 187

l'exercice de l'action répressive seulement, la présomption légale d'immaturité soit


différente»69.
Le projet maintient la mesure de dessaisissement qui est «un correctif nécessaire
à la fixation d'un seuil d'âge pour l'accès à la majorité pénale fixé de manière
uniforme. Il serait contraire à tout réalisme de considérer que l'action éducative
est possible et doit être obligatoirement exercée jusqu'à dix-huit ans dans tous les
cas»70. A quelques détails près, les conditions dans lesquelles peut intervenir le
dessaisissement prévu sont identiques à celles actuellement en vigueur dans la
loi du 8 avril 1965.
La compétence du tribunal de police pour les infractions de roulage commises par
les mineurs de plus de seize ans est maintenue. La Commission étend la
compétence de cette juridiction à l'égard des mineurs en matière de petite
criminalité qui n'est cependant pas définie71. A l'égard des mineurs âgés de
douze à quatorze ans, le tribunal de police ne peut que prononcer une
réprimande. A l'égard des mineurs âgés de plus de quatorze ans, il peut
prononcer d'autres sanctions légères telle la contribution à un fond ou une
prestation à durée limitée.
La Commission introduit un âge minimum en dessous duquel le modèle
sanctionnel ne peut pas s'appliquer. Cet âge est fixé à douze ans. En dessous de
celui-ci, les enfants sont présumés «n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi
pénale»72. «Le fait pénal commis par un enfant qui n'a pas atteint ce seuil ne
pourra dès lors pas donner lieu à sanction. Il donnera éventuellement lieu à des
réparations civiles sur base des articles 1382 à 1384 du Code civil. Il pourra
justifier la mise en œuvre de mesures éducatives, dans le cadre des procédures
prévues par les Communautés»73.
Ces éléments démontrent une certaine confusion dans l'approche que la
Commission fait de la responsabilité pénale. Elle maintient formellement le
principe de l'irresponsabilité pénale du mineur, mais tout le système proposé est
articulé autour d'une conception selon laquelle le jeune jouit du discernement et
doit répondre de ses actes. Dans la mesure où rien ne permet de
fondamentalement distinguer la sanction de la peine74, pas même la fonction

69. Ibidem, p. 24.


70. Ibidem, p. 25.
71. Ibidem, p. 59.
72. Ibidem, p. 28.
73. Ibidem.
74. A ce propos, voy. Th. MOREAU, «Regard critique sur le rapport de la Commission
nationale pour la réforme de la protection de la jeunesse», in Travail d’intérêt général et
médiation pénale. Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant,
1997, pp. 185 et s.
188 International Review of Penal Law (Vol. 75)

éducative, on peut légitimement se demander si le système sanctionnel n'est pas


un droit pénal des mineurs qui ne dit pas son nom. Sur un plan formel, la
Commission rejette le modèle pénal au motif «qu'un tel modèle suppose de la
part de l'auteur des faits le discernement, c'est-à-dire la connaissance de ses
obligations sociales et la juste appréciation de la portée de ses actes. Il postule
également la liberté d'agir»75. Mais d'un autre côté elle justifie la réforme
notamment par «un besoin d'émancipation et un changement des conceptions de
la société en ce qui concerne la participation des jeunes à la vie sociale»76 ainsi
que par un «besoin d'autonomie des jeunes»77, deux expressions qui traduisent
la vision d'un enfant capable et libre qui doit rendre compte de ses actes.
Outre ce qui a déjà été observé à propos de la majorité pénale et du seuil d'âge
plancher, la Commission a fréquemment recours à la notion de «responsabilité»
dans son rapport. Ainsi, pour justifier la nécessité de la réforme, elle souligne que
«de nombreuses dispositions législatives nouvelles accroissent les
responsabilités et les droits des jeunes»78. Cette évolution «traduit un besoin
d'émancipation et un changement des conceptions de la société en ce qui
concerne la participation des jeunes à la vie sociale»79. Le modèle protecteur est
critiqué au motif «qu'il ne prend pas en compte le besoin des jeunes d'être
reconnus comme acteurs dans la vie sociale, ni le rôle que la conscience des
responsabilités joue dans l'éducation à l'autonomie»80. Un des critères de qualité
auquel doit répondre le nouveau modèle est «l'éducation du jeune à la
responsabilité»81. Ce critère est notamment déterminé sur base de l'article 29.d)
de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et des articles 10 et
18 des principes directeurs de Ryad. Ce critère est également utilisé comme un
des objectifs de l'intervention : «la nécessité d'éduquer l'enfant à la responsabilité,
impose un système où le fait commis soit à la fois la condition et la limite de
l'intervention du juge»82. Pour la Commission, l'intervention judiciaire doit

75. Ibidem, p. 18.


76. Ibidem, p. 10.
77. Ibidem, p. 14.
78. Ibidem, p. 10. Le rapport cite notamment la loi du 31 mars 1987 sur la filiation, la loi du
19 janvier 1990 sur l'abaissement de l'âge de la majorité civile, la loi du 9 juin 1982
modifiant la loi électorale et la révision du 7 juillet 1988 de l'article 47 de la Constitution, la
loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, la loi du 30 juin 1994 modifiant l'article 931
du Code judiciaire.
79. Ibidem.
80. Ibidem, p. 14.
81. Ibidem, p. 15.
82. Ibidem, p. 17.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 189

participer à une «pédagogie de la responsabilité pour des jeunes citoyens


considérés comme des acteurs sociaux»83.

B. Le projet du Pr. Walgrave relatif au «droit sanctionnel restaurateur»

Par la suite, le Ministre de la Justice suivant a demandé au professeur Walgrave


de la Katholiek Universiteit van Leuven de proposer un projet fondé sur la justice
réparatrice tout en prenant en compte le rapport final de la Commission nationale
pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse. Le
Professeur Walgrave et son équipe ont ainsi déposé un projet de «droit
sanctionnel restaurateur».
Les auteurs relèvent que leur rapport ne concerne qu'un aspect de la politique
générale à l'égard du phénomène de la délinquance juvénile. Ils rappellent que
les mineurs qui commettent des délits sont «sociétalement vulnérables» et qu'ils
peuvent être considérés comme des victimes du fonctionnement de la société84.
Après avoir insisté sur l'importance des politiques de prévention pour rencontrer
ce problème, les auteurs estiment cependant que la question qui leur est soumise
est de savoir «quelle doit être la réaction de la justice lorsqu'un mineur,
socialement vulnérable ou non, a commis un délit qui a fait des victimes et peut
avoir causé des dommages à la communauté. La justice n'a pas pour mission
première de faire de la prévention ou d'améliorer la position sociale des
personnes vulnérables»85. Ils précisent cependant que l'intervention judiciaire doit
autant que possible éviter de rendre encore plus difficile la position sociale des
mineurs délinquants. Selon eux, la justice réparatrice rencontre cette
préoccupation86.
Les auteurs proposent de remplacer le droit de la protection de la jeunesse par
un droit sanctionnel restaurateur, c'est-à-dire un modèle où le but premier de la
sanction n'est ni de punir (droit pénal) ni de rééduquer ou de traiter (droit
protectionnel) mais de réparer ou compenser les souffrances et dommages subis
par la victime et par la société. La réparation est atteinte soit au moyen d'une
médiation auteur-victime, soit par une prestation communautaire, soit par les
deux.
Les auteurs distinguent les notions de culpabilité et de responsabilité. La
culpabilité est présentée comme le lien moral entre l'acte et l'auteur : celui-ci
savait qu'il ne pouvait pas le commettre et il a commis une faute en le posant. Si

83. Ibidem, p. 28.


84. L. WALGRAVE, H. GEUDENS, W. SCHELKENS, «A la recherche d’un droit
sanctionnel restaurateur», op. cit., p. 4.
85. Ibidem.
86. Ibidem.
190 International Review of Penal Law (Vol. 75)

la culpabilité sert de base à la réaction, celle-ci est nécessairement dirigée vers la


personne. A l'inverse, la responsabilité est présentée comme strictement attachée
à l'acte : elle disparaît avec la réparation. Il n'y a donc pas de risque de
stigmatisation de la personne. En réparant, l'auteur est maintenu en tant que
membre responsable de la société87. Pour les auteurs, tenir les mineurs pour
responsables n'implique pas nécessairement qu'ils doivent admettre la nécessité
de la réparation. Mais les reconnaître responsables suppose qu'on ne les tienne
pas dans une position de dépendance dans les autres domaines de la vie en
société. Il faut développer pour eux une position juridique et citoyenne adaptée.
La responsabilité permet d'avoir recours au principe de proportionnalité entre la
gravité de l'infraction et la sanction : «en droit restaurateur, une proportionnalité
claire peut être établie étant donné que le modèle restaurateur fonctionne
prioritairement de manière rétrospective, en référence au dommage à réparer. La
mesure de la sanction peut donc être évaluée selon une mesure disponible,
contrôlable et déterminable»88.
Le rapport n'aborde pas en tant que telle la question de la responsabilité pénale.
En fait, les auteurs estiment que le droit restaurateur peut s'appliquer aussi bien
aux mineurs qu'aux jeunes majeurs et même aux adultes89. Pour eux, il ne
s'impose pas de retenir un âge en-dessous duquel l'enfant ne peut être tenu pour
responsable, mais ils ne sont pas opposés à la fixation d'un tel seuil à l'âge de
douze ans90. Ils proposent d'abandonner l'expression «fait qualifié infraction»,
qualifiée de pompeuse, pour retenir celle «d'infraction» qui, selon eux, est déjà
utilisée à l'égard des jeunes91. Dans cette même perspective, les auteurs rendent
le tribunal de la jeunesse compétent pour toutes les infractions, et suppriment le
dessaisissement. Pour les décisions relatives à la détention des mineurs dans
des centres de détention pour jeunes, les auteurs proposent d'instaurer un
tribunal de la jeunesse élargi composé du juge de la jeunesse et de deux
assesseurs désignés par le ministre de la Justice sur une liste d'experts
volontaires.
Dans le modèle proposé, la reconnaissance de la responsabilité du mineur est
centrale. On ne peut cependant pas parler de responsabilité pénale puisque le
modèle restaurateur est présenté comme une alternative au modèle pénal dans
son ensemble. Ce qui a changé, c'est la vision du mineur délinquant. Le
changement de modèle n'en est qu'une conséquence. Le mineur délinquant n'est

87. Ibidem, p. 6.
88. Ibidem, p. 8.
89. Ibidem. p. 6.
90. Ibidem. p. 6 et 12.
91. Ibidem, p. 12.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 191

plus celui qui commet une faute en raison de laquelle il doit être rééduqué, voire
puni, mais celui qui cause un dommage qu'il doit réparer.
Toutefois le rapport n'est pas exempt d'ambiguïté. Deux exemples peuvent être
relevés. D'une part, les auteurs indiquent que dans le modèle restaurateur la
reconnaissance de la responsabilité n'entraîne aucune stigmatisation pour son
auteur puisqu'elle est exclusivement liée à l'acte et pas à sa personne. Mais cette
affirmation semble remise en question par les auteurs eux-mêmes lorsqu'ils
précisent que la réhabilitation peut être travaillée à travers le contenu des
prestations communautaires et par l'accompagnement dont elles font l'objet92.
D'autre part, les auteurs présentent le droit restaurateur comme une sorte de
modèle «neutre» en ce qu'il reposerait sur les notions de dommage et de
réparation qui seraient objectives. Mais qu'est-ce qu'un dommage ? Qu'est-ce
que la réparation ? Il est vraiment étonnant de constater qu'un modèle qui
prétend ne pas stigmatiser l'individu recourt au placement et à l'enfermement
dans le but avoué de convaincre le jeune qui refuse à effectuer une prestation93.

C. L'avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de


mineurs et la proposition modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la
protection de la jeunesse

Le texte de cet avant-projet a été élaboré par le cabinet l'actuel Ministre de la


Justice, Monsieur Verwilghen. Il a fait l'objet d'une première présentation en mars
2001, lors d'une journée d'étude consacrée à la réforme de la protection de la
jeunesse. Le texte du projet n'a toutefois pas été rendu public. Par la suite, le
texte a quand même circulé et a même, en partie, été publié dans le Journal du
droit des jeunes94. Ce texte comprend un exposé des motifs, un commentaire des
articles et l'avant-projet de loi en lui-même95.
Tout récemment, le texte de l'avant-projet a été coulé dans une proposition de loi
déposée à la Chambre par deux députés le 18 juillet 200296. En revanche, cette

92. Ibidem. p. 8.
93. Ibidem, p. 14.
94. J.D.J., 2001, n° 209, p. 5 et s. Voy. également dans cette livraison, les différentes
contributions qui apportent un éclairage critique sur ce projet.
95. Il faut observer qu'à côté du projet de cette nouvelle loi portant réponse au
comportement délinquant des mineurs, la loi du 8 avril 1965 est maintenue mais toutes ses
dispositions sont remplacées. Cette dernière loi traite principalement du contrôle sur les
prestations familiales ou autres allocations sociales, de la déchéance de l'autorité
parentale et de la procédure applicable devant le tribunal de la jeunesse lorsqu'il intervient
dans le cadre des décrets communautaires.
96. Proposition de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse,
Doc. Parl., Chambre, sess. 2001-2002, n° 1964/1.
192 International Review of Penal Law (Vol. 75)

proposition ne reprend pas l'exposé des motifs et le commentaire des articles.


Ces deux derniers textes étant particulièrement significatifs, la présentation qui
suit se référera plutôt à l'avant-projet qu'à la proposition de loi.
L'avant-projet de loi se caractérise par son côté pragmatique et son approche
gestionnaire de la délinquance juvénile. Le pouvoir des magistrats du parquet et
du siège est encore étendu dans la mesure où c'est à eux qu'il appartient de fixer
le but que doit permettre d'atteindre l'intervention, celui-ci pouvant être, suivant
les cas, l'aide, la protection, la sanction ou la répression. Le mineur n'a plus
aucune garantie que la réaction sociale soit guidée par l'épanouissement de sa
personne, son éducation et la recherche de son intégration sociale. L'intervention
peut être prioritairement sécuritaire si nécessaire.
L'exposé des motifs s'ouvre par une critique de l'approche fondée sur les
modèles : «Cela fait bientôt un siècle que l’on s’efforce de rechercher le
«modèle» le plus approprié pour l’approche des mineurs qui présentent un
comportement s’écartant de la norme. En réalité, lesdits modèles ne sont que
des dénominateurs philosophiques et criminologiques auxquels sont ramenées
les évolutions dans le contrôle social réalisé sur un segment de la population
créant par ce fait une simplification sécurisante et auxquels sont réduits les
mouvements pendulaires dans l’approche de la délinquance chez les jeunes»97.
Tour à tour, l'avant-projet critique les modèles protectionnel, sanctionnel et
réparateur pour conclure : «Quel que soit le modèle auquel on se rattache, tous
partent de paradigmes philosophico-criminologiques et non du vécu concret du
mineur, de ses parents, de la victime et de la communauté de la situation
engendrée par l’interférence de l’infraction dans leur existence et d’un équilibre
dans leurs besoins. Les modèles offrent des menus, alors que chaque situation
concrète devrait idéalement faire l’objet d’une approche à la carte» 98. En outre,
«tous ces modèles contiennent en eux la contradiction de ce qu’ils affirment et
aucun d’entre eux ne cesse d’exister dans le temps là où le modèle suivant est
supposé débuter»99. Selon l'auteur, «en réalité, pour la plupart du temps,
l’approche est actuellement déjà un mélange de réponses. En fonction du cas
concret, l’accent est mis sur une ou plusieurs des réponses précitées, à savoir les
réponses axées partiellement sur la protection, l’assistance, le traitement curatif,
la guidance et la pédagogie, la réparation, la défense sociale ainsi que sur la
sanction et la responsabilisation»100.

97. Avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé


des motifs, ronéo, p. 1.
98. Ibidem, p. 10.
99. Ibidem, p. 11.
100. Ibidem.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 193

Pour l'auteur de l'avant-projet, il faut «une nouvelle approche plus pragmatique du


comportement délinquant des mineurs et des jeunes» et «offrir un éventail de
réponses appropriées aussi vaste que possible» 101. Il faut «viser un équilibre
entre toutes ces finalités. Les accents dans les finalités seront évidemment
différents en fonction de la personne et du contexte dans lequel se trouve le
mineur, de la gravité des faits qualifiés infraction, des dommages individuels ou
sociaux qu’ils ont engendrés, ainsi que du moment dans le parcours de
l’intervention»102.

A. Des interventions les plus diversifiées possible

L'avant-projet prévoit de nombreuses formes de réaction sociale à la délinquance


juvénile.
Le parquet peut décider d'un classement sans suite avec ou sans avertissement.
Il peut également, en cas de reconnaissance des faits, classer sans suite
moyennant le respect de conditions.
Suivant les cas, le tribunal de la jeunesse peut décider d'une simple
condamnation civile sans aucune mesure, prendre des mesures au fond103,
ordonner une sanction104 et prononcer des sanctions spécifiques dans les cas
fixés par la loi105. Les sanctions peuvent être assorties d'un sursis pour une

101. Ibidem, p. 10.


102. Ibidem, p. 11.
103. Les mesures sont la réprimande, la suspension du prononcé probatoire dont les
conditions sont déterminées par la loi avec délai d'épreuve de six mois, le placement pour
une durée maximum de trois mois dans un service thérapeutique si le fait qualifié infraction
a été commis principalement pour entretenir une dépendance à la drogue, le placement
pour une durée maximum de trois mois dans un service pédopsychiatrique si le mineur
souffre d'un trouble mental en lien avec la commission du fait.
104. Par ordre de gravité, les sanctions sont le travail au profit de la communauté, le
payement d'une amende, le séjour limité obligatoire dans un établissement fédéral fermé
(durée de 1 à 3 ans suivant l'âge) et le séjour permanent dans un établissement fédéral
fermé (durée de 2 à 4 ans suivant l'âge). Chacune de ces sanctions ne peut toutefois être
prononcée que moyennant le respect de nombreuses conditions fixées par les articles 64 à
67.
105. Ces sanctions spécifiques sont la confiscation spéciale visée aux articles 42 et 43 à
43 ter du Code pénal, l'interdiction d'accéder à certains lieux ou d'entrer en contact avec
des personnes nommément désignées pendant une période qui ne peut excéder six mois,
le sursis à la délivrance de la licence d'apprentissage ou du permis de conduire pendant
une période qui ne peut excéder six mois, le sursis à la délivrance d'un permis de chasse
ou de la détention d'une arme pendant une période qui ne peut excéder deux ans,
l'interdiction de participer à la direction et aux activités d’un organisme, d’un groupement
194 International Review of Penal Law (Vol. 75)

période de six mois maximum moyennant le respect de conditions qui sont fixées
par la loi pour chacune d'elles.
Le tribunal de la jeunesse élargi, composé de trois juges spécialisés, est saisi par
un jugement particulièrement motivé du tribunal de la jeunesse. Il ne connaît que
des cas de mineurs âgés de plus de 16 ans au moment des faits qui ont commis
un fait grave visé par la loi. Il peut prononcer les mêmes mesures au fond et
sanctions que le tribunal de la jeunesse, mais il peut également prononcer
l'internement, une peine ou le dessaisissement si l'action publique a été introduite
après que le mineur ait atteint l'âge de 18 ans. Les peines peuvent être assorties
du sursis conformément à la loi du 24 juin 1964 à la condition que l'intéressé
s'engage à exécuter un travail au service de la communauté.
Enfin, des mesures sont également prévues à l'encontre des parents des mineurs
délinquants. Lorsque le tribunal de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse élargi
le juge opportun, il peut : «1° les charger de se présenter aux structures d'aide
organisées par les Communautés sur une base volontaire en vue de suivre des
directives pédagogiques, médicales et/ou psychologiques, des projets
éducationnels ou un accompagnement familial et d'apporter la preuve qu'elles ont
donné suite à cette charge; 2° les obliger à suivre les directives pédagogiques,
médicales et/ou psychologiques, les projets éducationnels ou d’accompagnement
familial qu'il détermine lorsqu'il appert qu'elles refusent l'aide offerte par les
structures organisées par les Communautés ou qu'elles ne collaborent pas; 3° les
suspendre en tout ou partie dans l'exercice de l'autorité parentale jusqu'à ce qu'il
soit satisfait à l'obligation prévue sous 2°. Dans ce cas, l'autorité parentale est
assurée par un gérant provisoire»106.
Le mineur peut également faire l'objet de mesures avant jugement qui sont
prononcées par le juge de la jeunesse. Ce dernier peut ordonner le renvoi
d'urgence aux structures communautaires d'aide à la jeunesse, le placement
résidentiel dans un centre fédéral d'observation et d'orientation moyennant le

ou d’une association qui vise l’épanouissement physique, mental et pédagogique de


mineurs.
106. «L’influence du premier milieu de socialisation, les parents, n’est pas oubliée dans la
loi. L’intervention des autorités à l’égard de l’enfant ne peut pas être isolée du système à
partir duquel ses actes peuvent, du moins en partie, être expliqués. Les mesures à l’égard
des parents ne sont pas inscrites dans la loi dans un but répressif, mais comme des
incitations indéniables à ré-assumer leur responsabilité» (Avant-projet de loi portant
réponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé des motifs, p. 23). Par contre,
la déchéance de l’autorité parentale est considérée comme une sanction qui, en tant que
mesure de protection du mineur, retrouve résolument sa place dans la loi relative à la
protection de la jeunesse (ibidem).
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 195

respect de nombreuses conditions107, et la mise en observation résidentielle dans


une entité thérapeutique reconnue en matière de drogue ou dans un service
pédopsychiatrique. Les mesures provisoires ne peuvent être prises que pour une
durée aussi brève que possible lorsqu’il existe suffisamment d’indices sérieux de
culpabilité et que la finalité de la mesure provisoire ne peut être atteinte d’une
autre manière. Elles ne peuvent être prises en vue d’exercer une répression
immédiate ou toute autre forme de contrainte. Pour les nécessités de l'information
ou de l'instruction, le juge peut également imposer au mineur, d'un côté, des
interdictions de communiquer avec les personnes qu'il désigne, à l'exception de
l'avocat, et, de l'autre, des interdictions de quitter le C.F.O.O. L'article 45 indique
que, même lorsqu'une mesure provisoire de placement peut se justifier, le juge de
la jeunesse doit, de préférence, ordonner la liberté provisoire sous conditions
dont la durée ne peut dépasser deux mois. La liberté sous conditions peut être
renouvelée de deux mois en deux mois sans que la durée totale ne puisse
excéder celle prévue pour la mesure de placement qu'elle remplace. Les parents
«sont priés d'effectuer une surveillance renforcée sur le respect des conditions»
(art. 46, § 2). Si le milieu n'offre pas suffisamment de garanties, le jeune peut être
confié à une personne de confiance, à un internat ou à une institution à régime
ouvert ou semi-ouvert des Communautés qui s'engage à exercer la surveillance
renforcée. Le juge de la jeunesse peut à tout moment supprimer ou modifier les
mesures provisoires, la liberté provisoire sous conditions ou aménager ces
dernières. Il peut également suspendre les mesures provisoires pour des raisons
humanitaires ou médicales.
La procédure relative aux mesures provisoires est profondément modifiée. Elle
est le résultat d'un subtil mélange entre la souplesse de la procédure de la loi du
8 avril 1965 telle que réformée en 1994 et la rigueur de la procédure applicable
en matière de détention préventive, cela dans le but manifeste d'encore renforcer
les possibilités d'adaptation au cas par cas. Dès que le jeune lui est déféré, le
juge de la jeunesse l'interroge en présence de son conseil et peut prononcer une

107. Le placement en C.F.O.O. ne peut être ordonné qu'à l'égard d'un mineur âgé de plus
de 12 ans, lorsque la mesure est absolument nécessaire pour préserver la sécurité
publique, que le fait pour lequel le mineur est poursuivi est de nature à entraîner au moins
une réclusion de cinq à dix ans et qu'il existe de sérieuses raisons de craindre que le jeune
ne commette de nouveaux faits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire
disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers. L'assistant de justice-J doit
toujours être préalablement consulté (art. 33). La mesure ne peut être ordonnée qu'une
seule fois au cours d'une même procédure sauf si de nouveaux faits qualifiés infractions
justifient encore une nouvelle fois cette mesure ou si le jeune n'a pas respecté les
conditions de sa mise en liberté (art. 34). La mesure doit s'exécuter dans le C.F.O.O. le
plus proche possible du domicile des parents et chaque centre ne peut pas avoir une
capacité de plus de quinze unités et doit offrir des soins et un encadrement adaptés
(art. 35).
196 International Review of Penal Law (Vol. 75)

mesure provisoire. Dans les cinq jours, le juge de la jeunesse statue en chambre
du conseil sur le maintien, la modification ou la levée de la mesure. Le procureur
du Roi, et le cas échéant le juge d'instruction, sont entendus l'un en son
réquisitoire, l'autre en son rapport. Le jeune peut comparaître en personne, se
faire représenter par son avocat ou comparaître par vidéoconférence. Le juge doit
disposer d'un rapport succinct sur le jeune transmis par l'établissement qui
l'héberge. Le juge de la jeunesse doit examiner la situation tous les mois tant
qu'une mesure est maintenue. Il peut également revoir la mesure à tout moment
soit d'office, soit à la demande du ministère public, soit à la demande d'une des
parties concernées. Toutefois, la loi fixe un terme aux mesures provisoires. Le
placement en C.F.O.O. ne peut dépasser quatre mois, sauf si le mineur est
poursuivi pour un des faits visés par la loi auquel cas il peut être placé durant huit
mois. Les mesures de placement en centre thérapeutique ou pédopsychiatrique
ne peuvent dépasser trois mois. A l'expiration de ces délais, le juge de la
jeunesse peut encore prendre une ordonnance de prolongation des mesures
provisoires de placement valable jusqu'au jugement au fond. Cette prolongation
ne peut toutefois intervenir qu'après le dépôt d'un avis motivé de la direction de
l'établissement et de l'assistant de justice-J et un débat contradictoire. Si une telle
prolongation est ordonnée, le ministère public doit faire fixer l'affaire au fond dans
un délai de 15 jours à moins que, au motif que l'affaire n'est pas en état, il ne
demande un délai supplémentaire au tribunal de la jeunesse qui ne peut
dépasser six mois108. A partir de l'ordonnance de prolongation, le juge de la
jeunesse examine mensuellement le maintien de la mesure. Il peut, à tout
moment, la modifier, la supprimer, la suspendre ou accorder la liberté provisoire.
Par l'action du juge de la jeunesse de l'application, en charge de l'exécution des
jugements du tribunal de la jeunesse, du tribunal de la jeunesse élargi et du
tribunal de police, les mesures au fond, sanctions ou peines dont fait l'objet le
mineur peuvent être supprimées, modifiées, maintenues ou suspendues après
leur prononcé109. Par contre, le juge de la jeunesse de l'application ne peut pas

108. Cette disposition est applicable même s'il n'y a pas de prolongation de la mesure de
placement. Le tribunal de la jeunesse statue sur les réquisitions du ministère public sans
entendre les parties et l'ordonnance n'est susceptible d'aucun recours.
109. La suspension des mesures ou des sanctions ne peut être ordonnée que dans les
cas limitativement énoncés par l'article 95 : 1° lorsque pendant l'exécution de la mesure ou
de la sanction le jeune a commis un nouveau fait qualifié infraction qui entraîne
l’application d'une des mesures provisoires qui entrave l'exécution de la mesure ou de la
sanction prononcée; 2° lorsque le jeune ne respecte pas les conditions liées à la mesure
ou à la sanction; 3° pour des motifs humanitaires ou médicaux, pour une durée qu'il
détermine; 4° pour la période pour laquelle le jeune se soustrait à l'exécution des mesures
au fond ou de la sanction; 5° lorsqu'il apparaît que l'aide fournie par les Communautés est
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 197

les prolonger, à l'exception des mesures de placement en institution


thérapeutique. Dans ce cas, la prolongation ne peut être décidée qu'après un avis
spécialisé et pour des périodes d'une durée maximum de trois mois. Le juge de la
jeunesse de l'application peut également accorder une libération sous condition
au mineur sans que la durée de celle-ci ne puisse dépasser le terme de la
sanction ou de la mesure initialement prononcée.
Enfin, la médiation en réparation peut intervenir aux différents stades de la
procédure et être proposée par le parquet, par le juge de la jeunesse, par le
tribunal de la jeunesse, par le tribunal de la jeunesse élargi et par le juge de la
jeunesse de l'application. Il s'agit d'une médiation auteur/victime assurée par un
service ou une personne agréée qui se déroule sous le contrôle du procureur du
Roi et dont l'accord final doit être homologué, suivant les cas, par le tribunal de la
jeunesse, le tribunal de la jeunesse élargi ou le juge de la jeunesse de
l'application.

B. La sécurité publique comme finalité première

L'article 2, § 1er qui ouvre la loi indique sa finalité : «L’action de la justice en tant
que réponse à un fait qualifié infraction commis par une personne n’ayant pas
atteint l’âge de dix-huit ans doit être rapide et appropriée et tendre vers : a)
l’établissement de la preuve du fait commis et de la responsabilité pour celui-ci; b)
la référence explicite à la norme en vigueur et à l’explication de celle-ci ainsi qu’à
la confrontation avec les conséquences concrètes du fait commis; c) la réparation
de tout dommage causé par le fait commis; d) la sauvegarde de la vie en
communauté en toute sécurité et en paix». Il est donc affirmé dans la loi que
l'objectif premier de la justice des mineurs n'est donc plus la personne du mineur
et son avenir, mais sa responsabilisation et la gestion du phénomène de la
délinquance juvénile pour diminuer les risques d'atteinte à la sécurité publique.
L'exposé des motifs est, lui aussi, très clair quant à la finalité de l'intervention :
«L’approche n’a plus toujours, comme auparavant dans la loi relative à la
protection de la jeunesse, - c’est du moins ce qu’elle prétendait -, une finalité
essentiellement pédagogique et d’aide et d’assistance. Même si la méthode
employée aura un caractère pédagogique et devra être utilisée d’une manière
constructive, positive et humaine, la finalité consistera, lors de la sanction que l’on
imposera et/ou lorsqu’on voudra protéger la société, principalement à confirmer la
norme, à protéger le citoyen contre toute récidive et à maintenir l’ordre public»110.

menacée par ou est inconciliable avec la poursuite de l'exécution de la mesure au fond ou


de la sanction.
110. Avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs, Exposé
des motifs, p. 19.
198 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Toutefois, l'auteur prend la précaution de préciser que «le dosage et le degré


élevé d’humanisation d’une intervention sanctionnelle ou de protection sociétale à
l’égard du mineur ou du jeune doivent caractériser cette possible réponse à la
délinquance (…)»111. Pour lui, «l’exemple type d’une telle intervention
sanctionnelle, étant à la fois constructive et confirmative de la norme, est le travail
au service de la communauté», ce qui a pour effet que «les mesures privatives de
liberté et la sanction de placement dans une institution fermée ne pourront être
appliquées qu’en dernier recours, compte tenu de la gravité des faits, de l'âge et
de la situation du jeune, lorsque la sécurité publique ne peut être garantie
d’aucune autre manière et lorsqu'il n'y a aucune autre solution adaptée en vue de
l’insertion sociale. En outre, leur durée doit être aussi courte que possible tant à
l’égard d’un suspect qu’à l’égard d’un condamné»112. Pour justifier cette
approche, l'auteur n'hésite pas à utiliser les textes internationaux relatifs aux
droits des mineurs : «Ni les textes normatifs de droit international (…), ni les
résolutions non normatives des Nations Unies (…) et les recommandations du
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe n’excluent les placements privatifs
de liberté, mais ils insistent sur le fait que cette mesure doit avoir un caractère
exceptionnel»113. Il faut, mais il suffit selon l'auteur, de respecter les conditions
auxquelles la détention de mineurs doit satisfaire selon ces textes pour l'autoriser
si elle ne peut être évitée.

§ 4 - Quelques observations à propos du droit international

La Belgique admet l'effet direct des traités internationaux pour autant que trois
conditions soient réunies. Premièrement, le traité doit avoir fait l’objet d’une
réception dans l’ordre juridique interne par la technique de la ratification.
Deuxièmement, il faut qu’au moment de la conclusion de la convention, les Etats
contractants aient manifesté leur volonté de considérer le texte comme étant
directement applicable114. Troisièmement, pour qu’une disposition d'un texte de
droit international soit directement applicable, il faut qu'elle soit rédigée d’une
manière à la fois complète et précise. Au regard de cette dernière condition, il se
peut donc qu'un même traité contienne des dispositions directement applicables

111. Ibidem, p. 20.


112. Ibidem.
113. Ibidem.
114. La plupart du temps l'intention des Etats contractants n'est pas clairement exprimée.
Actuellement, la jurisprudence et la doctrine laissent transparaître une tendance à
présumer que la volonté des Etats est de conférer un effet direct à la norme. Ce n'est donc
que si les Etats manifestent expressément la volonté de renoncer à l'effet direct que cette
condition n'est pas remplie.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 199

et d'autres qui ne le sont pas. Dans le même sens, une partie d'une disposition
peut s'avérer directement applicable et une autre pas.
En cas de conflit entre une norme internationale ayant effet direct dans l'ordre
interne et une norme de droit interne, le juge doit accorder la primauté à la
disposition de droit international115.
En règle générale les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont jugées directement
applicables en droit interne. Par contre, la question est plus controversée pour
plusieurs dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Toutefois,
une tendance se dégage pour reconnaître un effet direct aux articles 37 et 40 qui
concernent tout particulièrement le mineur délinquant. Mais il est généralement
admis que ces dispositions n'imposent pas à l'Etat à de recourir à un modèle
particulier de réaction sociale à la délinquance juvénile. Ils introduisent plutôt des
garanties au bénéfice du mineur qui doivent être respectées quel que soit le
modèle adopté. Enfin, les recommandations des Nations-Unies et du Conseil de
l'Europe ne se voient reconnaître aucun effet direct. Elles servent toutefois
régulièrement de textes de référence, spécialement dans les projets de réforme.

Conclusion

En Belgique, la fédéralisation de l'Etat a eu pour effet de diviser la protection de la


jeunesse en deux dispositifs distincts : d'un côté celui qui concerne les mineurs
délinquants, de l'autre, celui qui a pour objet les mineurs en difficulté ou en
danger. A cette logique de division, s'est progressivement superposée, tant dans
la pratique que dans les projets de réforme législative, une logique de bifurcation.
Le mineur délinquant n'est plus réellement perçu comme étant également un
mineur en difficulté ou en danger, mais comme un jeune responsable qu'il faut
sanctionner. La réaction sociale s'est, plus qu'avant, focalisée sur le fait commis.
La politique à l'égard des mineurs délinquants est devenue plus sécuritaire.
L'intégration sociale du mineur n'est plus prioritaire et les formes plus sévères
que prend la réaction sociale à la délinquance juvénile ont pour effet concret de
priver les jeunes qui en font l'objet de l'accès à l'aide sociale et éducative
spécialisée.
Par conséquent, la tendance à la repénalisation et le retour de la responsabilité
pénale du mineur invitent à réfléchir à trois questions.
La première concerne l'entrée dans le champ du pénal. Il faut remettre sur le
métier le thème de la criminalisation des comportements. Quels sont ceux qu'il
faut punir ou sanctionner ? Quel consensus social existe-t-il encore aujourd'hui
sur nombres d'infractions pénales ? Ne faut-il pas aborder cette question de

115. Cass., 27 mai 1971, Pas., I, p. 886.


200 International Review of Penal Law (Vol. 75)

manière spécifique pour les mineurs ? La toxicomanie est un exemple parlant.


Savons-nous réellement ce qu'elle représente pour les jeunes.
La deuxième concerne la fin du processus. Il faut travailler le sens de la réaction
sociale à la délinquance juvénile. Quelle doit être la fonction de cette réaction ?
Vise-t-elle à sanctionner la responsabilité que le mineur a déjà ou, au contraire, a-
t-elle pour objet d'aider ce dernier à l'acquérir (le responsabiliser) ? La réponse
est tributaire de plusieurs éléments. Parmi ceux-ci figure la définition de la
responsabilité. La responsabilité est un concept qui peut avoir des sens différents
suivant les disciplines (droit, psychologie, sciences sociales, pédagogie)
concernées par l'intervention à l'égard du mineur délinquant. En outre, au sein
d'une même discipline, telle que le droit, le terme peut être utilisé avec des sens
différents. De quoi est-il réellement question lorsqu'on parle de responsabilité
pénale du mineur ? Par ailleurs, il s'impose aussi d'interroger le paradoxe qui
consiste à voir le droit des mineurs se retourner vers la peine au moment où le
droit pénal des adultes s'ouvre sur le champ des «sanctions alternatives»116.
Enfin, le thème de la responsabilité pénale du mineur renvoie à la question du
statut juridique du mineur. Est-il concevable de tenir le mineur pour pénalement
responsable s'il est maintenu dans un statut d'incapacité dans les autres
domaines de l'existence ? Comment peut-on justifier une repénalisation du droit
applicable aux mineurs délinquants alors que la délinquance juvénile s'explique
souvent par des conditions d'existence où les droits de l'homme, spécialement les
droits économiques et sociaux, sont bafoués ? Chamborédon rappelle que les
ratés de la socialisation sont indissociables des conditions de la socialisation117.
Croire que la délinquance juvénile pourra un jour être éradiquée est sans doute
une utopie. En revanche, la manière dont une société aborde la délinquance
témoigne de la vision de l'homme et du monde sur laquelle elle repose. Que nous
disent nos enfants à travers la délinquance et que voulons nous leur répondre ?
C'est ces questions qu'il apparaît aujourd'hui primordial de traiter de manière
responsable. Les jeunes attendent de notre part des réponses crédibles. A
défaut, nous aurons la délinquance que nous méritons.

116. Voir F. TULKENS, «Des influences réciproques du droit pénal et du droit des mineurs.
De bonnes et de mauvaises influences ? », Travail d’intérêt général et médiation pénale.
Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 222.
117. CHAMBOREDON , «La délinquance juvénile. Essai de construction d'objet», Revue
française de sociologie, 1971, p. 338 et s.
FRANCE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURS


DANS L’ORDRE INTERNE ET INTERNATIONAL

Christine COURTIN *

Le droit pénal des mineurs est actuellement l’une des préoccupations essentielles
des pouvoirs publics français qui entendent apporter des réponses encore plus
efficaces aux problèmes de la jeunesse. En effet, les dernières consultations
électorales ont mis clairement en évidence le souci des français de voir l’Etat
assurer la protection de leurs droits, particulièrement menacés dans un contexte
de progression de la délinquance, et de relever le défi essentiel que constitue
pour l’avenir de la société la lutte contre la délinquance des mineurs. Ainsi,
l’évolution actuelle de la délinquance juvénile pose la question de l’efficacité de la
prévention et de la répression de la délinquance des mineurs dans notre pays (V.
C. Lazerges et J.P. Balduick, Réponses à la délinquance des mineurs, La
documentation française, 1998).
Concernant les mineurs délinquants, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que de
véritables règles procédurales spécifiques apparaissent, laissant présager les
grandes idées d’un droit procédural moderne. L’ordonnance du 2 février 1945,
dénommée charte de l’enfance délinquante, constitue l’aboutissement de la prise
en compte progressive de la nécessité d’attribuer un statut spécifique à l’enfance
délinquante (Cf. not. C. Courtin et J.F. Renucci, Le droit pénal des mineurs, PUF,
coll. « Que sais-je ? » 2001 ; J.F. Renucci, La justice pénale des mineurs, Revue
Justice 1998, p. 116). Ce texte repose sur trois principes essentiels qui n’ont
jamais été remis en cause : la primauté de l’action éducative sur la répression, la
spécialisation des juridictions et l’excuse atténuante de minorité.
Cependant, le constat de l’explosion de la délinquance juvénile a conduit à
s’interroger sur l’efficacité du dispositif mis en place par ce texte (Cf. not. J.F.
Renucci, Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir, RSC 2000 p.
79). Il est incontestable que la délinquance des jeunes a changé de nature depuis
1945. Et schématiquement, on note trois caractéristiques principales de son
évolution ces vingt dernières années. En premier lieu, les mineurs délinquants
sont de plus en plus nombreux. En effet, le nombre de mineurs mis en cause par

* Maître de Conférences à l’Université de Nice-Sophia Antipolis (France).


338 International Review of Penal Law (Vol. 75)

les services de police et de gendarmerie n’a cessé d’augmenter. C’est ainsi


qu’entre 1990 et 2000, le nombre de mineurs mis en cause est passé de 98.284 à
175.256. Et d’après les statistiques relatives aux crimes et délits constatés en
2001, publiées par le ministère de l’Intérieur, ce nombre a encore augmenté pour
atteindre 177.087 personnes. La part des mineurs dans le total des mis en cause
représente 21,18 %. Cette évolution apparaît d’autant plus inquiétante que ces
statistiques ne reflètent que partiellement l’évolution réelle des faits délictueux et
ne prennent pas en considération la majorité des incivilités nourrissant le
sentiment d’insécurité. En second lieu, les mineurs entrant dans la délinquance
sont de plus en plus jeunes. En dernier lieu, l’accroissement et le rajeunissement
de la délinquance juvénile se sont accompagnés d’une augmentation significative
de la gravité des infractions commises. Il convient de noter que cette aggravation
de la violence va de pair avec une augmentation importante des délits commis
par des mineurs multirécidivistes. Ces derniers, trouvant dans le regroupement
un substitut identitaire, se confrontent aux bandes d’autres quartiers mais
également aux forces de l’ordre perçues comme une bande rivale.
C’est dans ce contexte qu’ont vu le jour un certain nombre de propositions
tendant à modifier l’ordonnance du 2 février 1945 (Proposition de loi AN n° 2895,
30 janv. 2001 tendant à l’abaissement de l’âge de la majorité pénale à 16 ans et
de l’âge de la responsabilité pénale à 10 ans ; Proposition de loi AN relative aux
droits et devoirs des mineurs et de leurs parents, n° 3638, 20 fév. 2002). Déjà en
1990, lors de l’élaboration du nouveau Code pénal, le gouvernement avait
élaboré un avant projet de loi réformant complètement le droit applicable aux
mineurs et abrogeant purement et simplement l’ordonnance de 1945. Il prévoyait
notamment que le mineur de moins de dix ans ne pouvait faire l’objet de
poursuites pénales. Mais ce projet ne vit jamais le jour. Seul un article du Code
pénal adopté en 1992 est relatif à la responsabilité pénale des mineurs . En effet,
l’article 122-8 se borne à rappeler deux principes fondamentaux : d’une part, les
mineurs reconnus coupables d’infractions doivent normalement faire l’objet de
mesures éducatives, d’autre part, seuls les mineurs de plus de treize ans peuvent
être condamnés à une peine. Pour le reste, cet article renvoie à une loi
particulière le soin de fixer les règles applicables aux mineurs délinquants qui est
l’ordonnance de 1945. Mais, plus récemment, face aux caractéristiques de
l’évolution actuelle de la délinquance juvénile, le constat s’est imposé d’une
nécessaire refonte de l’ordonnance de 1945 en ce qui concerne tant les règles de
droit pénal de fond que celles de procédure applicables aux mineurs. Dans cette
optique, le 12 février 2002, était créée au Sénat, une commission d’enquête sur
les moyens de répondre à la délinquance des mineurs et en particulier sur les
mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation auxquelles
les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de
réinsertion de ces mineurs. Le rapport du Sénat de juin 2002 « La République en
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 339

quête de respect » dresse un constat alarmant sur le sujet (Rapport de la


commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, n° 340 de
MM. J.P. Schosteck, Président et J.C. Carle, Rapporteur). Il apparaît que la lutte
contre la délinquance des mineurs ne relève pas de la seule compétence de la
justice et le rapport de la commission d’enquête place en première ligne la famille
et l’école. Cependant, la justice a un rôle non négligeable à jouer dans cette lutte.
Or, elle paraît n’être qu’imparfaitement en mesure de faire face à l’évolution
actuelle de la délinquance des mineurs. En effet, bien des failles peuvent être
déplorées dans la réponse qu’offre aujourd’hui la justice au traitement des
mineurs délinquants : insuffisance des moyens matériels et humains des
parquets des mineurs, insuffisance du nombre des juges des enfants, manque de
visibilité d’une réponse judiciaire qui intervient trop longtemps après l’infraction,
difficultés de mise en œuvre des peines qui désorientent les mineurs ou créent
chez eux un sentiment d’impunité.
La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice
(L. n° 2002-1138, 9 sept. 2002, JO 10 sept. 2002 p. 14934 ; D. 2002, Act.
Législative p. 2479 ; F. Le Gunehec, JCP G 2002, Act. 450) contient des
dispositions modifiant de façon substantielle l’ordonnance du 2 février 1945 sur
l’enfance délinquante, directement inspirées, pour certaines d’entre elles, du
rapport du Sénat. En effet, le législateur contemporain a entendu adapter
l’ordonnance de 1945 à la nouvelle délinquance des mineurs dans le respect de
ses principes directeurs que sont la spécialisation des magistrats et la primauté
de l’action éducative. Les nouvelles dispositions ont pour but de permettre aux
juridictions d’apporter des réponses plus efficaces, plus adaptées et plus
progressives à cette délinquance et qui puissent intervenir en temps utile afin
d’éviter qu’un mineur ne soit conduit à commettre des faits de plus en plus graves
en raison d’une réaction trop tardive des autorités judiciaires. Plus précisément,
l’accent est mis sur le traitement des mineurs récidivistes et violents ainsi que sur
la lutte contre la récidive. Pour répondre plus fermement à la délinquance des
mineurs et mettre en place des actions pour éviter la récidive, les dispositions
nouvelles visent à : consolider les moyens destinés à la protection des mineurs
délinquants ; développer la gamme des réponses pénales et réaffirmer la valeur
de la sanction ; adapter la procédure pénale aux nouvelles formes de la
délinquance juvénile ; diversifier les structures de prise en charge des mineurs.
Ce rapport tentera de présenter, de manière aussi synthétique que possible, les
principes gouvernant la responsabilité pénale du mineur, la poursuite et le
jugement des mineurs délinquants et l’application des sanctions à ces derniers
tels qu’ils résultent de l’ordonnance de 1945 modifiée par la loi du 9 septembre
2002.
340 International Review of Penal Law (Vol. 75)

I - Les principes gouvernant la responsabilité pénale des mineurs

L’efficacité du régime mis en place par l’ordonnance de 1945 souffre de


l’équivoque entretenue autour du principe même de la responsabilité pénale des
mineurs délinquants. En effet, avant la réforme du 9 septembre 2002, l’article
122-8 du Code pénal disposait simplement que les mineurs reconnus coupables
d’infractions pénales font l’objet de mesures de protection, d’assistance, de
surveillance et d’éducation fixées par une loi particulière, l’ordonnance du 2
février 1945, qui détermine également les peines applicables aux mineurs de plus
de 13 ans. L’article 1e r de l’ordonnance de 1945 précise que les mineurs
délinquants ne sont justiciables que des juridictions pour mineurs lorsqu’une
infraction peut leur être imputée et l’article 2 prévoit que les juridictions pour
mineurs prononceront, à titre principal, des mesures éducatives et à titre
subsidiaire, une condamnation pénale lorsque les circonstances et la personnalité
du mineur paraîtront l’exiger et uniquement à l’encontre des mineurs de plus de
13 ans. Ainsi, d’après ces textes, aucune sanction pénale ne peut être prononcée
contre le mineur de moins de 13 ans. C’est en se fondant sur cette constatation
qu’une partie de la doctrine en a déduit une présomption d’irresponsabilité pénale
absolue en faveur du mineur de moins de 13 ans et relative en faveur des
mineurs de 13 à 18 ans.
Or, l’affirmation de l’irresponsabilité pénale des mineurs résulte d’une mauvaise
interprétation de l’ordonnance (C. Lazerges, De l’irresponsabilité pénale à la
responsabilité pénale des mineurs délinquants ou relecture des articles 1 et 2 de
l’ordonnance du 2 février 1945, RSC 1995 p. 149). En effet, pour soustraire le
mineur à la responsabilité pénale, il faudrait que la loi présume qu’il n’a pu être
animé d’une volonté libre et consciente au moment de l’acte. Or, tel n’est pas le
cas puisque le principe de l’imputabilité de l’infraction à l’ensemble des mineurs
délinquants, sans distinction d’âge, est inscrit dans la loi. S’il est vrai que le
mineur de moins de 13 ans ne peut se voir appliquer une sanction pénale, il peut
être assujetti à des mesures éducatives lorsque l’infraction peut lui être imputée.
C’est la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, avec l’arrêt Laboube du
13 décembre 1956 (D. 1957 p. 349), a dégagé la notion de discernement afin de
fonder le départ de la responsabilité pénale du mineur : « conformément aux
principes généraux du droit, il faut que le mineur dont la participation à l’acte
matériel à lui reprochée est établie, ait compris et voulu cet acte. Toute infraction,
même non intentionnelle, suppose en effet que son auteur ait agi avec
intelligence et volonté». En conséquence, toute infraction peut être imputée à tout
mineur si le juge décide que l’acte commis résulte d’une volonté libre et
consciente et sans qu’il ait a priori à distinguer en fonction de l’âge du mineur.
Dès lors, même si la loi ne fixe pas l’âge en dessous duquel les mineurs ne
peuvent être reconnus coupables d’infractions pénales (âge de la minorité
pénale), il ne peut être imputé une infraction au très jeune enfant, dépourvu d’un
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 341

minimum de raison. Ainsi, même si la vieille question du discernement avait été


officiellement abandonnée depuis une loi du 22 juillet 1912, elle apparaissait
toujours en filigrane. Le législateur contemporain a entendu battre en brèche
l’idée fausse mais assez répandue selon laquelle les mineurs de moins de treize
ans bénéficieraient d’une présomption d’irresponsabilité pénale qui ne correspond
ni au dispositif de l’ordonnance de 1945, ni à la jurisprudence de la Cour de
cassation. La nouvelle rédaction de l’article 122-8 du Code pénal clarifie donc la
notion de responsabilité pénale des mineurs en consacrant le principe, résultant
de l’arrêt Laboube, selon lequel les mineurs capables de discernement sont
pénalement responsables. En effet, cet article dispose désormais dans son
premier alinéa que « les mineurs capables de discernement sont pénalement
responsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnus
coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière, qui détermine les
mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils
peuvent faire l’objet » et dans son deuxième alinéa que « cette loi détermine
également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des
mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être
condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l’atténuation
de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». Cette nouvelle
rédaction vise à supprimer l’ambiguïté résultant des textes antérieurs selon
laquelle les mineurs de treize ans parce qu’ils ne pouvaient être condamnés à
une peine étaient parfois considérés comme pénalement irresponsables. De plus,
l’article 122-8 du Code pénal réaffirme les principes de la primauté de l’action
éducative et d’une procédure pénale spécifique aux mineurs et consacre
expressément le principe de l’atténuation de responsabilité pénale résultant de la
minorité.
Sur le plan civil, les solutions retenues par la jurisprudence sont très différentes
puisque l’enfant ainsi que ses parents peuvent être déclarés responsables du
dommage causé. En effet, le 9 mai 1984, la Cour de cassation réunie en
assemblée plénière a admis par deux arrêts la responsabilité personnelle
d’enfants en bas âge (arrêts Derguini et Lemaire, D. 1984 p. 525). A cette
occasion, la Cour de cassation est venue préciser que pour retenir une faute
civile à l’encontre d’un mineur, les juges du fond « ne sont pas tenus de vérifier si
le mineur était capable de discerner les conséquences de ses actes ». Cette
jurisprudence, qui n’a jamais été remise en cause, consacre une disparition
généralisée de la condition d’imputabilité morale du droit de la responsabilité
civile. En outre, l’article 1384 alinéa 4 du Code civil prévoit que les parents
peuvent être déclarés solidairement responsables du dommage causé par leurs
enfants mineurs. Cette responsabilité vise à inciter les responsables potentiels à
prendre les mesures utiles à la prévention des dommages et à offrir à la victime
un autre débiteur généralement plus solvable et mieux assuré que l’auteur direct
du dommage. De plus, la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 mai 2001
342 International Review of Penal Law (Vol. 75)

(D. 2001.IR.1774), est venue clairement énoncer que le simple fait causal du
mineur suffit à activer la responsabilité parentale et, dans un arrêt du 19 février
1997 (D. 1997.265 note Jourdain), que la responsabilité des parents était une
responsabilité de plein droit et qu’ils ne pouvaient s’exonérer de cette dernière
qu’en prouvant un cas de force majeure ou la faute de la victime. En matière
pénale, le législateur contemporain a entendu mettre l’accent sur la
responsabilisation des parents des mineurs délinquants. En effet, l’implication des
parents dans les mesures prononcées à l’égard du mineur délinquant est
essentielle pour la prévention de la récidive. Il est donc apparu nécessaire,
parallèlement aux mesures de soutien dont ces parents peuvent bénéficier, de
renforcer cette implication en sanctionnant par une amende civile les civilement
responsables défaillants qui ne défèrent pas aux convocations de l’autorité
judiciaire. Ainsi, l’article 10-1 de l’ordonnance de 1945 inséré par la loi du 9
septembre 2002 prévoit que lorsqu’ils sont convoqués devant le juge des enfants,
le juge d’instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs, les
représentants légaux du mineur poursuivi qui ne défèrent pas à cette convocation
peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat ou
la juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3750
euros. Cette amende peut être rapportée si les parents comparaissent
ultérieurement, ce qui donne à cette disposition un caractère essentiellement
dissuasif. Les personnes condamnées à l’amende peuvent former opposition
devant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de la notification de
la décision de condamnation.

II - Les principes gouvernant la poursuite et le jugement des mineurs

En droit français, les juridictions compétentes pour juger les mineurs délinquants
ont fait l’objet d’une spécialisation. Celle-ci permet d’apporter une réponse plus
adaptée aux réalités tout en permettant une certaine continuité de l’action à
l’égard des jeunes délinquants. En effet, l’ordonnance de 1945 et les textes
postérieurs ont tenté d’aménager les juridictions intervenant à tous les stades de
la procédure dans le cadre de la minorité. Cependant, si pour certaines de ces
juridictions, la spécialisation a été poussée avec l’application de règles
véritablement originales, pour d’autres, l’organisation et la compétence restent
sensiblement les mêmes qu’en droit commun.
En ce qui concerne les juridictions d’instruction, le Code de l’organisation
judiciaire prévoit que chaque tribunal de grande instance dans le ressort duquel
un tribunal pour enfants a son siège doit avoir un ou plusieurs juges d’instruction
spécialement chargés des affaires de mineurs. Conformément au droit commun,
le juge d’instruction peut être saisi par le procureur de la République ou par la
victime qui se constitue partie civile. Cependant, la saisine du juge d’instruction
présente des particularités en matière de minorité. En effet, le juge d’instruction
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 343

peut également être saisi par un renvoi opéré par le juge des enfants lorsque
celui-ci se rend compte de la gravité de l’affaire dont il a été chargé. Le juge
d’instruction est exclusivement compétent pour instruire en matière criminelle.
Pour les délits, le juge d’instruction aura une compétence concurrente avec le
juge des enfants en fonction de la gravité de l'affaire. Le juge chargé de
l’instruction peut ordonner diverses mesures d’observations afin de connaître le
mieux possible la personnalité du jeune délinquant. On trouve ainsi les enquêtes
judiciaires demandées à la police, à la gendarmerie ou aux organismes sociaux
et qui visent à recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale
de la famille, sur le caractère du mineur ou encore sur ses antécédents. Le
magistrat instructeur peut, en outre, soumettre le mineur à différents examens
(psychologiques, médicaux, neuro-psychiatriques ou encore professionnels)
destinés à le renseigner sur son état de santé et sur ses aptitudes intellectuelles
ou professionnelles. Le juge instructeur peut également procéder à une
observation du comportement du mineur et notamment avoir recours à la liberté
surveillée provisoire. Enfin, il convient de noter que lorsque que le juge des
enfants intervient en qualité de magistrat instructeur, l’ordonnance de 1945
prévoit qu’il peut procéder à une enquête par « voie officieuse ». Cela permet une
réduction importante du formalisme puisque dans cette hypothèse, il n’est pas
tenu de respecter les formes prévues par le Code de procédure pénale. Depuis la
loi du 15 juin 2000, c’est un magistrat distinct, le juge des libertés et de la
détention qui est un magistrat du siège appartenant au tribunal de grande
instance, qui a seul compétence pour placer un mineur de plus de 13 ans en
détention provisoire à la demande soit du juge d’instruction, soit du juge des
enfants. Au sein de la Cour d’appel, la chambre de l’instruction, dans les affaires
de mineurs, intervient dans des conditions à peu près similaires à celles de droit
commun. Cependant, lorsque cette juridiction statue sur une affaire où un mineur
est en cause, un conseiller délégué à la protection de l’enfance doit siéger.
En ce qui concerne les juridictions de jugement, la spécialisation est plus
importante. L’ordonnance de 1945 a institué le juge des enfants. La spécificité de
ce magistrat réside dans le fait qu’il intervient aux divers stades de la procédure
et n’est pas cantonné au seul stade du jugement. Au stade de l’instruction, le juge
des enfants effectue toutes les diligences et investigations utiles pour parvenir à
la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur
lorsque le jeune délinquant a commis une contravention de la cinquième classe
ou un délit. Mais, pour ces infractions, le juge des enfants partage sa compétence
avec le juge d’instruction. Au stade du jugement, après l’instruction de l’affaire, le
juge des enfants décide s’il doit juger le mineur en chambre du conseil ou s’il doit
le renvoyer devant le tribunal pour enfants. S’il statue en chambre du conseil, il
pourra prononcer une admonestation, une remise à la famille ou à la personne
qui avait la garde du mineur, une mesure de liberté surveillée, la mise sous
contrôle judiciaire ou une mesure de placement. Mais en aucun cas, le juge des
344 International Review of Penal Law (Vol. 75)

enfants ne pourra prononcer une condamnation pénale puisque cette sanction


relève exclusivement de la compétence du tribunal pour enfants.
L’ordonnance du 2 février 1945 a créé, à côté du juge des enfants, une juridiction
collégiale spécialisée en matière de minorité : le tribunal pour enfants. Cette
juridiction est présidée par le juge des enfants. Ce dernier est assisté de deux
assesseurs non magistrats qui sont choisis en fonction de l’intérêt qu’ils portent
aux questions de l’enfance et de leurs compétences. Ils sont âgés de plus de
trente ans et sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre de la justice. Le
tribunal pour enfants est compétent pour juger les délits et les contraventions de
la cinquième classe commis par les mineurs. Il a donc ici une compétence
concurrente avec le juge des enfants. La répartition des affaires entre ces deux
juridictions se fera en fonction de la gravité de la sanction encourue puisque si
elles peuvent toutes deux prononcer des mesures éducatives, seul le tribunal
pour enfants peut prononcer une sanction pénale. Le tribunal pour enfants est
également compétent pour juger des crimes commis par des mineurs de seize
ans.
La nécessité d’une spécialisation des juridictions existantes a conduit le
législateur à modifier les règles de droit commun de la Cour d’assises en
instituant une Cour d’assises des mineurs (Loi du 24 mai 1951). Mais cette
juridiction ne diverge pas profondément de la Cour d’assises des majeurs. En
effet, si sa composition a été quelque peu aménagée de manière à spécialiser les
magistrats qui en font partie, les règles de compétence n’ont subi que de simples
remaniements. Comme la Cour d’assises des majeurs, la Cour d’assises des
mineurs est composée d’un jury, formé de neuf jurés en première instance et de
douze en appel, qui ne présente aucune spécificité en fonction de l’âge des
personnes poursuivies. Les fonctions du ministère public sont remplies par le
procureur général ou par un magistrat du parquet spécialement chargé des
affaires de mineurs. En outre, les assesseurs sont, en principe, des juges des
enfants. Cette juridiction est exclusivement compétente pour juger les crimes
commis par les mineurs de seize à dix-huit ans. Cette juridiction peut encore
juger les majeurs coauteurs ou complices de crimes commis par des mineurs de
plus de seize ans. L’originalité de la procédure devant la Cour d’assises des
mineurs n’est pas très importante, d’autant plus que l’ordonnance de 1945
renvoie aux dispositions du Code de procédure pénale. Cependant, si le
président de la Cour doit poser les questions habituelles, deux questions
spécifiques doivent aussi être posées sous peine de nullité : « y a-t-il lieu
d’appliquer à l’accusé une condamnation pénale ? » et « y a-t-il lieu d’exclure
l’accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue à l’article 20-2 ? ». Si la
cour répond « oui » à la première question, la décision, en ce qu’elle est
défavorable à l’accusé, doit être prise à la majorité de huit voix au moins. Ensuite,
la cour et le jury sont interrogés sur la question de l’éventuelle diminution de
peine.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 345

La loi du 9 septembre 2002 donne compétence au juge de proximité pour le


jugement des mineurs en matière contraventionnelle. En effet, il sera compétent
pour les contraventions de police des quatre premières classes relevant de
l’article 706-52 du Code de procédure pénale. Il se voit donc investi des
compétences qui étaient jusqu’alors dévolues au tribunal de police. Il pourra
prononcer une admonestation ou une amende en ce qui concerne les mineurs de
13 à 18 ans. En outre, s’il estime qu’une mesure éducative s’avère nécessaire, il
pourra transmettre le dossier au juge des enfants. Cette nouvelle compétence est
subordonnée à la promulgation de la loi organique relative au statut des juges de
proximité puis à la publication du décret d’application fixant la liste des
contraventions de police.
Au stade de l’appel, la chambre spéciale de la Cour d’appel comprend un
conseiller délégué à la protection de l’enfance qui exerce les fonctions de
président ou de rapporteur.
A côté de la procédure classique, la loi du 9 septembre 2002 a créé une
procédure nouvelle dite de jugement à délai rapproché. En effet, de la rapidité de
l’intervention du juge dépend souvent l’efficacité répressive et préventive de sa
décision. C’est pourquoi, sans étendre aux mineurs la procédure de comparution
immédiate, le législateur a institué une procédure permettant au procureur de la
République de saisir lui-même le tribunal pour enfants dans un délai relativement
bref, sans passer par la voie de l’information préalable. L’article 14-2 de
l’ordonnance de 1945 prévoit donc désormais que les mineurs de 16 à 18 ans,
déférés devant le procureur de la République, et qui encourent une peine
d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans en cas de flagrance ou
supérieure ou égale à cinq ans dans les autres cas, ainsi que les mineurs de 13 à
16 ans, à condition que la peine encourue soit d’au moins cinq ans
d’emprisonnement, sans qu’elle puisse excéder sept ans, peuvent être traduits
devant le tribunal pour enfants, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours
ni supérieur à un mois pour les mineurs de 16 à 18 ans et dans un délai de dix
jours à deux mois pour les mineurs de 13 à 16 ans. Le procureur de la
République doit requérir du juge des enfants le placement sous contrôle judiciaire
ou en détention provisoire des premiers ainsi que la mise sous contrôle judiciaire
avec placement dans un centre éducatif fermé des seconds jusqu’à leur
comparution devant le tribunal. Cette procédure ne peut être engagée que si des
investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations
sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l’occasion
d’une procédure antérieure de moins d’un an. .
La victime d’une infraction commise par un mineur peut indirectement mettre en
mouvement la poursuite en se constituant partie civile, soit devant le juge des
enfants, soit devant le juge d’instruction. En outre, l’action civile peut également
être portée devant le tribunal pour enfants ou la Cour d’assises des mineurs.
L’action civile est alors exercée conformément au droit commun, et pour obtenir
346 International Review of Penal Law (Vol. 75)

réparation, la victime doit pouvoir invoquer un préjudice direct et personnel. De


plus, l’ordonnance de 1945 prévoit que lorsqu’un ou plusieurs mineurs sont
impliqués dans la même affaire qu’un ou plusieurs majeurs, l’action civile contre
tous les responsables peut être portée devant le tribunal correctionnel ou devant
la cour d’assises compétente à l’égard des majeurs. Dans cette hypothèse, seuls
les représentants légaux des mineurs comparaissent à l’audience. Il convient de
noter que la loi du 9 septembre 2002 a modifié l’article 14 de l’ordonnance de
1945 afin de prévoir dorénavant la possibilité pour la victime d’assister aux débats
du tribunal pour enfants, qu’elle se soit ou non constituée partie civile. Il ne s’agit
pas d’une véritable innovation mais de la consécration législative d’une pratique
qui avait été autorisée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un
arrêt du 15 décembre 1993 (Bull. crim. n° 393). La loi du 4 janvier 1993 a introduit
dans l’ordonnance de 1945 la mesure de médiation-réparation. Celle-ci peut être
proposée au mineur délinquant soit par le parquet, soit, lorsque les poursuites ont
été engagées, par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. Cette mesure
est tantôt une alternative aux poursuites, tantôt une mesure préjudicielle, tantôt
une sanction dans le cadre d’un jugement. Ainsi, cette mesure permet d’ordonner
à l’égard du mineur une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard
de la victime qui y consent, ou dans l’intérêt de la collectivité. Cette mesure
présente de nombreux avantages. En effet, elle contient une dimension de
sanction, elle permet la réparation des dommages causés et elle permet surtout
un travail sur le sentiment de culpabilité avec le mineur mis en cause. C’est
pourquoi, le rapport de la commission d’enquête au Sénat insistait sur la
nécessité de développer cette justice dite « restaurative ». En effet, « cette
conversion d’un acte négatif en une action positive précédée et suivie d’entretiens
éducatifs est très certainement la mesure la plus pédagogique à l’égard du
mineur, lorsqu’il y est accessible. Il s’agit aussi d’une mesure visible et
compréhensible par la victime et la société ». Il est vrai que dans le cadre de
cette mesure, les jeunes délinquants comprendront mieux la portée de leurs
actes et seront conduits à réparer eux-mêmes le tort causé à la victime. En outre,
les victimes ne sont pas marginalisées, et trouvent même une réponse rapide et
adaptée aux dommages subis. Lorsque cette mesure aura été ordonnée par le
parquet, celui-ci pourra, en cas de réussite, classer l’affaire. La mise en oeuvre
d’une mesure de réparation implique l’accord préalable du mineur et des titulaires
de l’exercice de l’autorité parentale. Mais, la victime n’est pas oubliée. En effet,
elle doit également donner son consentement, tant sur le principe de la mise en
œuvre de la réparation que sur le contenu de la prestation envisagée. En outre,
malgré la mise en œuvre de la réparation, la victime peut intenter une action en
recouvrement de dommages civils, et reste toujours libre de revenir sur son
accord.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 347

III - Les principes gouvernant les sanctions et mesures applicables au


mineur délinquant

Avant le jugement, les mineurs comme les majeurs peuvent faire l’objet d’un
placement en garde à vue, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire.
Cependant, en la matière, les règles dérogatoires au droit commun sont assez
nombreuses.
L’article 4 de l’ordonnance de 1945 a mis en place un régime spécifique de la
garde à vue applicable au mineur. Cet article définit les conditions du recours à la
garde à vue pour les mineurs en fonction de leur âge. Le principe est que le
mineur de 13 ans ne peut être placé en garde à vue. Cependant, il est possible
de retenir un enfant entre 10 et 13 ans. Sur ce point, la loi du 9 septembre 2002
est venue modifier l’article 4 en vue de faciliter cette retenue. En effet, la
délinquance des mineurs de 10 à 13 ans ayant progressé ces dernières années
dans des proportions inquiétantes, le législateur français a jugé indispensable de
faciliter les conditions de l’enquête en augmentant la durée de la retenue et en
diminuant le seuil des sanctions la permettant. Désormais, un mineur de 10 à 13
ans pourra, si les nécessités de l’enquête l’exigent, être retenu pour une durée ne
pouvant dépasser 12 heures (au lieu de 10), renouvelable une fois, lorsqu’il existe
des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de
commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement (au
lieu de 7). Pour que cette retenue soit possible, il faut avoir préalablement
recueilli l’accord d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction ou
d’un juge des enfants. Le renouvellement de la retenue est possible s’il est décidé
par le magistrat après une présentation du mineur devant lui. Pour les mineurs de
13 à 18 ans, la garde à vue est possible pour les mêmes durées que pour les
adultes. En outre, la loi du 15 juin 2000 est venue compléter l’ordonnance de
1945 (Art. 4-VI). En vertu de cette disposition, le mineur délinquant bénéficie de
l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires. L’enregistrement original est
placé sous scellés et sa copie est versée au dossier. Il ne peut être visionné
qu’avant l’audience de jugement, en cas de contestation du contenu du procès-
verbal d’interrogatoire, sur décision du juge d’instruction ou du juge des enfants.
A l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la date de l’extinction de l’action
publique, l’enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d’un
mois.
La loi du 9 septembre 2002 a inséré dans l’ordonnance de 1945 un nouvel article
10-2 concernant le contrôle judiciaire des mineurs dont il est indiqué qu’il peut
être ordonné dans les conditions générales, applicables aux majeurs, prévues par
le Code de procédure pénale, sous réserve des règles spécifiques applicables
précisées par les II et III de cet article. En ce qui concerne le contrôle judiciaire
des mineurs de 13 à 18 ans en matière criminelle et de 16 à 18 ans en matière
délictuelle, l’article 10-2 prévoit que le prononcé du placement sous contrôle
348 International Review of Penal Law (Vol. 75)

judiciaire du mineur doit s’accompagner d’un certain formalisme permettant au


mineur de prendre conscience de l’importance des obligations qui lui sont
imposées et des éventuelles conséquences en cas de non respect de ces
obligations. Ainsi, le contrôle judiciaire est décidé par une ordonnance motivée et
le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention
doit notifier oralement au mineur les obligations qui lui sont imposées et doit
l’informer qu’en cas de non respect de ces obligations, il pourra être placé en
détention provisoire. Ces notifications doivent intervenir en présence de l’avocat
et des représentants légaux ou ceux-ci dûment convoqués et ces formalités sont
mentionnées par procès-verbal signé par le magistrat et le mineur. Il est apparu
nécessaire de créer de façon expresse dans l’ordonnance de 1945 des
obligations du contrôle judiciaire spécifiquement applicables aux mineurs. Le
contrôle judiciaire dont fait l’objet un mineur peut donc comporter, outre les
obligations pouvant être prononcées en application de l’article 138 du Code de
procédure pénale pour les majeurs, deux obligations spécifiques. Il s’agit de
l’obligation de se soumettre aux mesures de protection, d’assistance, de
surveillance et d’éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la
jeunesse ou à un service habilité, mandaté à cette fin par le magistrat et de
l’obligation de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif de
la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d’un service habilité auquel le
mineur a été confié par le magistrat et notamment dans un centre éducatif fermé.
S’agissant de l’obligation particulière de respecter une mesure de placement,
l’article 10-2 a prévu qu’elle ne peut être ordonnée que pour une durée de six
mois. A l’issue du délai de six mois, le juge peut décider de prolonger le contrôle
pour une durée qui ne peut excéder six mois. La loi du 9 septembre 2002 a prévu
la possibilité de placer sous contrôle judiciaire les mineurs de 13 à 16 ans en
matière délictuelle dans certaines conditions strictes. Ainsi, l’article 10-2 de
l’ordonnance énonce aujourd’hui qu’en matière correctionnelle, les mineurs de
moins de 16 ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que lorsque la
peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans. En outre,
le mineur doit déjà avoir fait l’objet d’une ou de plusieurs mesures éducatives ou
d’une condamnation à une sanction éducative ou à une peine. Enfin, le contrôle
judiciaire auquel peuvent être astreints en matière correctionnelle les mineurs de
moins de 16 ans doit nécessairement comporter l’obligation de respecter les
conditions d’un placement dans un centre éducatif fermé et ne peut comporter
que cette seule obligation. La sanction du non respect du contrôle judiciaire étant
le placement en détention provisoire, la potentialité de privation de liberté du
mineur de 13 à 16 ans en matière délictuelle doit avoir comme contrepartie le fait
que ce mineur a été préalablement soumis dans le cadre d’un placement dans un
centre éducatif fermé à des mesures éducatives particulièrement renforcées et
adaptées à sa personnalité, qui diminuent le risque d'échec et donc le risque de
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 349

détention. Ce contrôle judiciaire ne peut être ordonné que pour une durée de six
mois, renouvelable une seule fois.
L’article 11 de l’ordonnance de 1945, modifiée par la loi du 9 septembre 2002,
énonce les conditions du placement en détention provisoire d’un mineur. Il est
prévu que la détention provisoire doit être indispensable ou qu’il doit être
impossible de prendre toute autre disposition. Elle ne peut être prononcée que si
les obligations du contrôle judiciaire s’avèrent insuffisantes. En ce qui concerne
les mineurs de 16 à 18 ans, la détention provisoire peut être décidée s’ils
encourent une peine criminelle, une peine correctionnelle d’une durée égale ou
supérieure à 3 ans ou s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’un
contrôle judiciaire. S’agissant des mineurs de 13 à 16 ans, le placement en
détention provisoire est possible s’ils encourent une peine criminelle et, depuis la
loi du 9 septembre 2002, en matière délictuelle en cas de révocation du contrôle
judiciaire comportant l’obligation de respecter les conditions d’un placement dans
un centre éducatif fermé. La durée de la détention provisoire est alors fixée à 15
jours, renouvelable une fois s’il s’agit d’un délit puni de moins de 10 ans
d’emprisonnement et à un mois, renouvelable une fois, s’il s’agit d’un délit puni de
10 ans d’emprisonnement. Lorsqu’interviennent plusieurs révocations du contrôle
judiciaire, il est prévu que la durée cumulée de la détention ne peut excéder une
durée totale d’un mois dans la première hypothèse et de deux mois dans la
seconde. En outre, l’ordonnance de 1945 prévoit depuis septembre 2002 que
lorsque les mineurs ayant fait l’objet d’un placement en détention provisoire sont
remis en liberté en cours de procédure, ils font l’objet, dès leur libération, de
mesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées par leur situation et
déterminées par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et
de la détention. Si le magistrat estime qu’aucune de ces mesures n’est
nécessaire, il doit statuer par décision motivée. Enfin, l’article 11 de l’ordonnance,
réformé par la loi du 9 septembre 2002, prévoit que les mineurs âgés de 13 à 16
ans ne peuvent être placés en détention provisoire que dans les seuls
établissements garantissant un isolement complet d’avec les détenus majeurs
ainsi que la présence en détention d’éducateurs.

Au stade du jugement, l’article 2 de l’ordonnance de 1945, dans sa rédaction


issue de la réforme du 9 septembre 2002, prévoit en son premier alinéa que les
juridictions pour mineurs « prononceront, suivant les cas, les mesures de
protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui sembleront
appropriées ». Cependant, l’article prévoit dans son alinéa 2 que lorsque les
circonstances et la personnalité des mineurs l’exigent, elles pourront, « soit
prononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit
ans…, soit prononcer une peine à l’encontre des mineurs de treize à dix-huit ans
en tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale… ». Ainsi,
l’ordonnance de 1945 semble avoir opté pour la notion de capacité pénale, c’est à
350 International Review of Penal Law (Vol. 75)

dire l’aptitude du délinquant à bénéficier de la sanction après jugement


puisqu’elle laisse aux magistrats le soin de prononcer la mesure éducative la plus
appropriée et leur permet d’opter entre une mesure éducative, une sanction
éducative ou une sanction pénale en fonction de la personnalité du délinquant et
des circonstances de l’infraction. En outre, pour le choix de la sanction,
l’ordonnance opère une distinction fondée sur l’âge des mineurs délinquants. En
effet, la primauté de la mesure éducative concerne tous les mineurs sans
distinction d’âge. En revanche, seuls les mineurs de plus de dix ans peuvent être
soumis à une sanction éducative et seuls les mineurs de plus de treize ans
peuvent se voir infliger une peine.
L’ordonnance de 1945 pose le principe de la primauté des mesures éducatives
sur les mesures répressives et offre un éventail très large de ces mesures aux
magistrats. L’admonestation est un blâme verbal prononcé par le juge des
enfants ou désormais par le juge de proximité. En outre, l’enfant peut être remis à
ses parents, à son tuteur, à la personne à qui il a été confié ou encore à une
personne digne de confiance. Une autre mesure consiste dans le placement du
mineur. Ainsi, le jeune délinquant peut être placé quelque soit son âge dans une
institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation
professionnelle habilité ou dans un établissement médical ou médico-
pédagogique habilité. S’il a moins de treize ans, il peut être confié à l’aide sociale
à l’enfance ou placé dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge
scolaire. En outre, la liberté surveillée permet d’imposer au mineur,
éventuellement jusqu’à sa majorité, certaines obligations tout en le laissant en
liberté. Cette mesure peut être jointe à n’importe quelle autre mesure à
l’exception de l’admonestation. La mise sous protection judiciaire peut être
ordonnée contre tout mineur par le tribunal pour enfants ou par la cour d’assises
des mineurs pour une durée maximale de cinq ans. Dans le cadre de cette
mesure, la juridiction peut décider d’un placement dans une institution ou dans un
établissement ou prendre une mesure de protection en milieu ouvert dont
l’exécution est confiée à un service ou à un établissement de la protection
judiciaire de la jeunesse. L’ordonnance de 1945 prévoit que les mesures
éducatives ordonnées contre un mineur peuvent être révisées à tout moment.
Considérant que la justice des mineurs se doit d’apporter une contribution
majeure à la prévention de la récidive et de la réitération des infractions
commises par les mineurs, le législateur contemporain a estimé qu’il était
nécessaire de créer pour les très jeunes délinquants une réponse pénale
originale à vocation éducative et préventive, le cas échéant, plus ferme et
dissuasive qu’une simple mesure éducative. C’est ainsi que la loi du 9 septembre
2002 est venue prévoir la possibilité de prononcer des sanctions qualifiées
d’éducatives à l’encontre des mineurs âgés d’au moins dix ans. S’agissant des
mineurs de 10 à 13 ans qui ne pouvaient jusqu’à la loi nouvelle faire l’objet que
de mesures éducatives, ces sanctions ont vocation à répondre de manière plus
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 351

efficace aux actes commis par ces derniers, notamment lorsqu’ils ont déjà fait
l’objet d’une admonestation, d’une remise aux parents et qu’il est nécessaire
d’apporter une réponse judiciaire plus ferme. Ces sanctions éducatives
apparaissent en réalité comme des sanctions que les parents du mineur
pourraient être amenés à mettre eux-mêmes en œuvre, mais qui sont
prononcées par l’autorité judiciaire se substituant à une autorité parentale
défaillante. Ces sanctions peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants
ou par la cour d’assises des mineurs. C’est le nouvel article 15-1 de l’ordonnance
de 1945 qui énumère ces sanctions. Il s’agit : de la confiscation de l’objet détenu
ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en
est le produit ; de l’interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéder
un an, dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise et qui sont
désignés par la juridiction, à l’exception des lieux dans lesquels le mineur réside
habituellement ; de l’interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de
rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l’infraction, le ou les coauteurs ou
complices éventuels, désignés par la juridiction ou d’entrer en relation avec eux ;
de la mesure d’aide ou de réparation mentionnée à l’article 12-1 de l’ordonnance ;
de l’obligation de suivre un stage de formation civique, d’une durée qui ne peut
excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant
de la loi. La juridiction désigne le service de la protection judiciaire de la jeunesse
ou le service habilité chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Ce
service fera rapport au juge de l’exécution de la sanction. En cas de non respect
par le mineur de ces sanctions éducatives, le tribunal pour enfants pourra
prononcer son placement dans une institution d’éducation, dans un établissement
médico-pédagogique ou dans un internat approprié aux mineurs délinquants.
Deux conditions doivent être remplies pour que la juridiction de jugement puisse
décider de prononcer une peine. En premier lieu, le mineur doit être âgé de treize
ans révolus au jour de la commission de l’infraction. En second lieu, il faut que les
circonstances de l’infraction et la personnalité de l’auteur semblent exiger le
prononcé d’une peine. Cette question ressort alors du pouvoir d’appréciation des
juges du fond. Dans un arrêt du 1er février 1951 (JCP 1951-II-6107 note J.
Brouchot), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser que
la question de l’opportunité de la condamnation pénale devait porter « non sur les
éléments constitutifs de l’infraction, mais sur l’individu lui-même ». Les peines
pouvant être prononcées sont l’emprisonnement, assorti éventuellement d’un
sursis simple ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, l’amende et le travail d’intérêt
général. Cette dernière peine, qui consiste en un travail non rémunéré d’une
durée comprise entre 40 et 240 heures au profit d’une personne morale de droit
public ou d’une association habilitée, ne peut être prononcée qu’à l’égard des
mineurs de 16 à 18 ans.
Lorsque le juge opte pour la voie répressive, des précautions sont prises en
raison de la personnalité encore fragile du mineur. Ainsi, l’article 20-2 de
352 International Review of Penal Law (Vol. 75)

l’ordonnance de 1945 précise qu’aucune interdiction, déchéance ou incapacité ne


peut résulter de plein droit d’une condamnation pénale prononcée à l’encontre du
mineur. De même, l’article 20-4 énonce que les peines d’interdiction du territoire
français ainsi que les peines prévues aux articles 131-25 à 131-35 du Code pénal
ne peuvent être prononcées à l’encontre d’un mineur. En outre, aux termes de
l’article 20-2 alinéa 3, l’application des dispositions de l’article 132-23 du Code
pénal sur la période de sûreté est écartée.
D’une manière générale, le droit français consacre le principe d’une diminution de
la peine normalement encourue. En effet, les juridictions pour mineurs ne peuvent
prononcer à l’encontre des mineurs de plus de 13 ans une peine privative de
liberté supérieure à la moitié de la peine normalement encourue et si celle-ci est
la réclusion criminelle à perpétuité, elles ne peuvent prononcer une peine
supérieure à 20 ans de réclusion criminelle (art. 20-2 al. 1). En ce qui concerne
les peines d’amende, l’article 20-3 de l’ordonnance précise que le tribunal pour
enfants et la Cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer à l’encontre d’un
mineur âgé de plus de 13 ans une peine d’amende d’un montant supérieur à la
moitié de l’amende encourue, ou excédant 7500 euros. Néanmoins, en présence
d’un mineur de plus de 16 ans, les juges peuvent écarter le principe de la
diminution de la peine en raison des circonstances de l’espèce et de la
personnalité du délinquant. Cette mesure doit toutefois être exceptionnelle et la
décision spécialement motivée (art. 20-2 al. 2).
En ce qui concerne le placement et l’emprisonnement des mineurs délinquants, la
loi du 9 septembre 2002 a créé de nouveaux établissements. En premier lieu, la
loi du 9 septembre 2002 a entendu renforcer le dispositif du traitement des
mineurs multirécidivistes ou violents. C’est ainsi qu’elle est venue instituer de
nouveaux centres de placement : les centres éducatifs fermés. Peuvent être
placés dans ces centres, les mineurs de 13 à 18 ans qui font l’objet d’un contrôle
judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. L’article 33 de l’ordonnance de
1945 prévoit donc désormais que les centres d’éducation fermés sont des
établissements publics ou des établissements privés habilités, dans lesquels les
mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec
mise à l’épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l’objet de mesures de
surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique
renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le
mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le
centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou
l’emprisonnement du mineur. Le placement au sein de ces centres éducatifs
fermés répondra ainsi à la nécessité d’une prise en charge renforcée des mineurs
multiréitérants. Parallèlement, une prise en charge éducative, fondée sur
l’enseignement et l’insertion professionnelle, sera mise en œuvre sur la base d’un
programme rigoureux élaboré en étroite collaboration avec les autres
départements ministériels concernés, notamment le ministère de l’éducation
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 353

nationale. A l’issue du placement en centre éducatif fermé ou, en cas de


révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve , à la fin de la
mise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer
la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion
durable dans la société. Enfin, lorsque le placement dans un centre éducatif
fermé est l’une des obligations imposées au mineur dans le cadre du contrôle
judiciaire, il ne peut être ordonné que pour une durée de six mois et ne peut être
renouvelé qu’une seule fois pour la même durée. L’article 34 de l’ordonnance
prévoit que lorsque le mineur est placé dans un tel centre, les allocations
familiales qui concernent la part représentée par l’enfant délinquant dans le calcul
des attributions des allocations sont suspendues. Toutefois, le juge des enfants
peut les maintenir lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou
matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.
En second lieu, la loi du 9 septembre 2002 prévoit, en vue d’éviter la promiscuité
criminogène avec les majeurs et d’assurer une véritable action éducative à
l’égard des mineurs, l’institution d’établissements pénitentiaires spécialisés pour
mineurs dans lesquels seront détenus non seulement les mineurs placés en
détention provisoire mais également ceux exécutant une peine privative de
liberté.

Ainsi, le droit français a entendu se doter des moyens pour faire face à
l’augmentation et au rajeunissement de la délinquance juvénile en prenant en
compte les préoccupations sécuritaires de l’opinion publique. Il est vrai que la
responsabilisation de l’enfant s’avère essentielle et doit passer par l’abandon de
l’idée erronée de l’irresponsabilité pénale du mineur et par la nécessité d’apporter
une réponse aux actes commis par les jeunes délinquants.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’enfant étant un être en voie de
structuration, la responsabilité retenue contre lui ne peut être la même que celle
d’un adulte. C’est pourquoi, la responsabilisation du mineur doit s’accompagner
de mesures de resocialisation destinées à lutter contre l’exclusion, l’un des
facteurs essentiels de la délinquance juvénile.
IRAN

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURS


EN DROIT IRANIEN

Mohammad-Ali ARDEBILI* et Ali-Hossein NADJAFI **

Introduction

Le premier Code pénal iranien, adopté en 1925, avait réservé quelques


dispositions sommaires aux mineurs délinquants, sans qu’ il prévoit, à cette fin,
des dispositions particulières de forme. Le vrai mouvement de différenciation du
traitement pénal des mineurs en Iran date de l’adoption d’une loi d’ensemble, en
décembre 1959, relative à “la création du tribunal pour enfants délinquants”.1
A la suite de l’avènement de la révolution dite islamique de février 1979, qui
amena au pouvoir un régime républicain de nature islamique cléricale, le
fondement juridique du système pénal iranien, et notamment celui de l’institution
de la responsabilité pénale, se sont amplement islamisés.
Ce changement politique radical et, par conséquent, législatif entraîna
l’abaissement de l’âge de la responsabilité aussi bien en droit pénal qu’en droit
civil.
De ce fait et compte tenu de l’accroissement de la population iranienne depuis
1979,2 les sujets de droit pénal des mineurs sont devenus statistiquement plus
importants que par le passé. En effet, selon le dernier recensement de 1996, il y
avait 60.055.000 habitants dont 39.51% avaient moins de 15 ans et 56.12% entre
15-64 ans. Selon les estimations officielles, le nombre d’habitants atteindra en
2006 le chiffre de 71.000.000.3

* Professeur à la Faculté de Droit de l’Université Shahid Béhéshti, Téhéran (Iran).


** Professeur à la Faculté de Droit de l’Université Shahid Béhéshti, Téhéran (Iran).
1. Pour plus de détails Cf. Ardebili (M.-A.), La délinquance juvénile en Iran, Thèse de
Doctorat, Lille, 1978; Mehra (N.), Establishment and remodelling of the Iranian juvenile
penal system in the light of political events, Ph. D., Dissertation, Faculty of Law of
University of London, Queen Mary and Westfield College, 2001.
2. La population iranienne en 1976 était de 33 708 744 habitants.
3. Cf. Statistical Center of Iran, Iran statistical year book, Tehran, 2001.
402 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Par ailleurs, suivant les statistiques fournies par l’Administration pénitentiaire


iranienne, la moyenne de la population pénale – entre mars et décembre 2002 –
était de 161 377 prisonniers dont 1,58% étaient constitués d’enfants et
d’adolescents de moins de 19 ans.
L’importance croissante de la délinquance et de l’inadaptation juvéniles
inquiètent, en effet, depuis quelque temps les pouvoirs publics qui songent à
réaménager une nouvelle politique criminelle en la matière, où le principe de la
reponsabilité pénale constituera, bien évidemment, un chapitre important.
Il s’agit précisément d’apporter, dans les pages qui suivent, des élèments de
réponse aux questions formulées par la Section I, regroupées en cinq points,
relatives à la responsabilité pénale des mineurs en droit iranien.

I - Fondement du principe

L’article 4 de la Constitution iranienne énonce que toutes les lois et tous les
réglements civil, pénal, financier, économique, administratif, culturel, militaire,
politique, …. adoptés en Iran, doivent être régis par les prescriptions islamiques.
Ainsi, le fondement de l’institution de la responsabilité pénale doit être recherché
et puisé dans le droit musulman.
C’est bien à partir de ce principe religieux que le législateur iranien a prescrit
dans l’ article 49 du code pénal que “les enfants, en cas de la commission d’une
infraction, ne sont pas pénalement responsables”. La note 1 du dit article définit l’
enfant comme quiconque n’ ayant pas atteint l’âge de “la puberté religieuse”
(Bolug – é – sharii). Au vu du droit musulman chiite, la pubérté se manifeste par
l’activité des glandes reproductrices et la manifestation des caractères sexuels
secondaires.
Ainsi, pour les jurisconsultes chiites, la pubérté, qui est essentiellement de nature
physique, coïncide avec l’intelligence de l’individu et, de ce fait, il est considéré
pénalement responsable. Cependant, l’âge de la responsabilité pénale, basé sur
la pubérté, diffère suivant le sexe de la personne, dans la mesure où la pubérté
chez les garçons et chez les filles ne se manifeste pas à la même période de la
croissance physique.
Certains doctrinaires, aussi bien universitaires qu’islamiques4, se sont prononcés,
ces dernières années, pour un nouveau fondement de la responsabilité en
matière pénale. Il s’agit, pour eux, de prendre en compte également la maturité
psychologique de la personne.

4. Cf. Ardebili (M.-A.) Droit pénal général (Hogoug – é – Jaz ay – é – Oumoumi), Vol. II,
4ème édition, Ed. Misan, Téhéran 2002, pp. 108 – 110; Marashi (S.M.-H.), Quelques
considérations sur l’âge de la pubérté (Tahghighi darbare –é- sén – é – boloug), in
Didghay Now dar Hougough kayfari Éslam. Ed. Mizan, 1994 (1373 H.S.), PP.13-33.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 403

Le droit pénal iranien des mineurs, basé sur ce critère islamique de


responsabilité, ne contient pas cependant des infractions dites “juvéniles” et
n’exclut pas les mineurs délinquants, pour quelque raison que ce soit, du
bénéfice de ses dispositions particulières.
Quant à la responsabilité des parents du fait des agissements délictueux de leurs
enfants, les législations iraniennes prévoient plusieurs dispositions:
- D’une part, la loi sur la responsabilité civile de 1960, dans son article 7, dispose
que « quiconque, ayant la garde ou la surveillance des aliénés ou des mineurs,
est responsable des dommages causés par ces derniers dans les cas où il a failli
à sa charge de surveillance et de garde ».
- D’autre part, le Réglement de 1945 relatif aux contraventions dans son article
11, préscrit que « ceux qui, ayant la charge de la garde et de la surveillance des
enfants impubères, faillissent à leurs devoirs, et de ce fait … ces derniers
commettent des infractions, seront pénalement poursuivis….
- Et enfin pour les mineurs auteurs des « crimes de sang », l’article 306, note 1 du
code pénal iranien prévoit que les homicides volontaires et quasi – volontaires,
commis par les impubères et les aliénés, sont considérés comme purement
involontaires, et leurs conséquences5 incombent à “Aghélé”.6

II - La question des seuils d’âge

En droit pénal iranien actuel et chez les jurisconsultes chiites qui l’inspirent, l’âge
est animé par deux conceptions. La première considère l’âge comme une
présomption de maturité et, par conséquent, l’âge n’a pas en soi une valeur
intrinsèque; la deuxième conçoit l’âge comme une présomption juridique; de ce
fait, l’âge représente le critère sur lequel le tribunal doit se baser pour évaluer la
responsabilité du délinquant.
L’âge de la majorité pénale n’est pas fixé par le code pénal. En revanche c’est le
code civil iranien, dans son article 1210, note 1, modifiée en 1982, qui le fixe à 15
ans Hégire lunaire pour les garçons et à 9 ans Hégire lunaire pour les filles. Ainsi,
le seuil de la puberté religieuse (la majorité en droit iranien) indiqué à l’article 49,
note 1, du code pénal est en fait fixé par le code civil.
Cependant il existe de nos jours une tendance aussi bien chez les universitaires
que chez les jurisconsultes chiites à élever ce seuil d’âge à un niveau pouvant
correspondre au développement psychologique de l’individu. C’est dans ce sens
qu’ils préconisent d’élever, au moins le seuil d’âge chez les filles, à 13 ans. En

5. Dans le cas présent il s’agit de payer une somme d’argent ou de donner un bien, en
tant que “diyé” (Composition pécuniaire), égal à la gravité de la lésion corporelle, à la
victime ou à ses ayants droit.
6. Suivant l’article 307 du code pénal “Aghélé” est tout parent mâle dans la ligne paternelle
et maternelle ou paternelle qui seraient appelés à hériter, si le coupable venait à décéder.
404 International Review of Penal Law (Vol. 75)

effet, ils cosidérent que l’âge n’est qu’un indice de la majorité, et ce qui est plus
important, c est le developpement de la faculté de discernement de la personne.
Quoique l’article 49 du code pénal stipule, en terme général, que les mineurs
(impubères), en cas de commission d’une infraction, ne sont pas pénalement
responsbles et que leur rééducation est confiée à leurs parents et, le cas
échéant, au Centre de Correction et de Rééducation, nonobstant par la pratique
jurisprudentielle, les juridictions se voient interdire d’intervenir à l’égard des
mineurs de moins de six ans. Cette pratique s’inspire, en fait, de l’ancienne loi de
1959 relative à « la création du tribunal pour enfants délinquants » où le
législateur avait expressément exclu les enfants de moins de six ans du droit
pénal des mineurs. D’autre part, le législateur iranien n’a prévu aucune catégorie
spécifique, en deça de la minorité ou au – delà de la mjorité, bénéficiant d’un
régime pénal particulier.

III - Constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

En matière de délinquance juvénile, il n’y a pas à proprement parler, une


juridiction spécialisée en Iran. Néanmoins, l’article 219 du Code de procédure
pénale prévoit que, dans chaque ressort judiciaire, une ou , au besoin, plusieurs
chambres des tribunaux de droit commun soient reservées aux mineurs
(impubères) délinquants où une procédure particulière doit être appliquée7.
La particularité de ces chambres pour enfants délinquants réside dans le fait qu’
elles peuvent être amenées à connaître également des affaires pénales de droit
commun (article 231 du code de procédure pénale). Les chambres reservées aux
mineurs sont composées, par ailleurs, d’un seul magistrat professionnel
appartenant au corps judiciaire.
La constatation judiciaire de la responsabilité du mineur releve de la seule
compétence du juge. Cependant, suivant l’article 222 du code de procédure
pénale, si le juge l’estime opportun, il pourra ordonner une enquête sur l’état
psychologique, le milieu familial ou sur les fréquentations du mineur ou demander
l’avis des experts appropriés le concernant.
C’est à patir des différents élèments et des résultats obtenus aussi bien du
dossier juridique du mineur que de l’enquête psycho – sociale, que le magistrat
constate la culpabilité puis se prononce sur la mesure qui s’impose à l’égard de
l’enfant.
Quant à la place de la victime dans le procés pénal relatif aux mineurs, le droit
iranien lui donne la même place que celle qu’il prévoit pour la victime d’une
infraction dont l’auteur est un majeur.

7. Les jeunes délinquants de moins de 18 ans relèvent également de ces chambres. Dans
ce cas, ces chambres appliquent la procédure pénale de droit commun.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 405

La victime peut mettre en mouvement l’action publique contre le mineur


délinquant et demander réparation devant la juridiction statuant sur la
responsabilité des mineurs. Ainsi, elle peut obtenir réparation, même si le mineur
est considéré comme pénalement irrésponsable, aussi bien devant une juridiction
civile que devant une juridiction pénale.
Enfin, il n’existe pas en droit iranien des mineurs, de procédures alternatives à la
poursuite pénale.

IV - Sanctions et mesures applicables

Selon l’article 224 du code de procédure pénale, si, au cours de l’instruction


préparatoire, la détention du mineur ne s’avère pas indispensable, l’une des
mesures suivantes sera alors prise à son égard:
- L’engagement des parents ou des tuteurs à présenter le mineur à la Justice,
chaque fois cela paraît nécessaire,
- La remise d’une caution par les parents ou les tuteurs ou par toute autre
personne, en contrepartie de la liberté du mineur. Suivant cependant la note 1
dudit article, au cas où la détention du mineur pour l’instruction paraît
indispensable pour empêcher toute entente du mineur avec autrui, et compte
tenu de la gravité du fait délictueux ou si le mineur n’a pas de parent ou de tuteur
ou si ces derniers refusent de s engager ou de remettre la caution requise ou s’il
n’y a pas d’autres personnes se disant prêtes à s’engager ou à remettre la
caution, le mineur serait alors provisoirement détenu dans le « Centre de
Correction et de Rééducation ».
Pour ce qui est du choix des mesures, le législateur iranien met à la disposition
du tribunal quatre sortes de mesures :
- La remise du mineur délinquant aux parents (article 49 du code pénal),
- Le placement du mineur délinquant au “Centre de Correction et de
Rééducation” (article 49),
- La punition corporelle, si le tribunal l’estime nécessaire pour le
redressement du mineur (article 49 note 2),
- 74 coups de fouet, pour la sodomie commise entre mineurs
consentants (articles 112 et 113 du code pénal),
- La correction ou le redressement à l’égard de l’impubère doté de
discernement auteur d’un acte calomnieux -Gazf (article 147 du code
pénal).

Néanmoins, par une pratique prétorienne toute récente, certains magistrats font
appel, à l’égard des mineurs, à des mesures éducatives, telles que
l’apprentissage d’un métier, l’alphabétisation, le travail d’interêt général, la
406 International Review of Penal Law (Vol. 75)

réparation des dommages causés, ….8


Aux termes de l’article 229 du code de procédure pénale, le magistrat peut, en
fonction des rapports qu’il reçoit sur l’état général de l’enfant, sur l’évolution de sa
personnalité et de sa rééducation, réviser, et ce pour une seule fois, la décision
déjà rendue; il peut dans ce sens commuer à un quart le délai de placement au
Centre.
Suivant les différentes dispositions du Réglement intérieur du Centre de
Correction et de Rééducation, l’éxécution de la sanction imposée au mineur fait
l’objet de la surveillance et du suivi particulier de la part du magistrat qui a rendu
la décision.
Quant à la dépénalisation eventuelle du droit pénal des mineurs, il faut
mentionner qu’ un projet de loi est actuellement en cours de préparation, lequel
entend dépénaliser le droit pénal des mineurs de moins de 15 ans.
L’application de la peine de mort peut être envisagée en droit pénal iranien à
l’égard des mineurs qui atteignent l’âge de la puberté religieuse (sharii) pour tous
les crimes passibles de cette peine.
L’emprisonnerment à perpétuité en droit iranien se limite à quelques rares cas
particuliers comme celui de du vol qualifié (Had) commis pour la troisème fois
(article 201 du code pénal) ou celui de l’homicide par contrainte9 ou celui de
l’homicide par ordre10 (article 211 du code pénal).

V - Aspects internationaux

L’Iran a adhéré en 1993 à la Convention internationale des droits de l’enfant de


1989, tout en émettant une réserve d’ordre général selon laquelle « les
disposition de la présente convention sont applicables tant qu’elles ne sont pas
contraires aux prescriptions du droit musulman et aux lois internes ». Cette
réserve est cependant en contradiction manifeste avec l’article 51, al. 2, de la
Convention qui dispose qu’ « aucune réserve incompatible avec l’objet et le but
de la présente convention n’est autorisée ».
Selon l’article 9 du code civil iranien les normes internationales, ratifiées par le
parlement, sont assimilées aux lois internes et répresentent, sur le plan
hiérarchique, la même valeur que les lois. Par conséquent, il n’y a point
d’application directe des conventions internationales en droit interne.

8. Pour plus de détails Cf. NADJAFI (A.H.), les mineurs délinquants en droit iranien, In
Revue Pénitentiaire et de droit pénal, no 1, 2003.
9. C’est le cas où une personne contraint une autre de commettre un homicide.
10. C’est le cas où une personne donne l’ordre à une autre personne de tuer quelqu’un.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 407

La détermination de l’âge du mineur, en l’absence de documents offiiciels


permettant d’attester l’exactitude de l’âge allégué, se fait par une expertise
médico - légale.
Il faut souligner qu’à l’heure actuelle, les dispositions législatives internes
relatives aux mineurs ne correspondent pas, sur tous les plans, aux normes
internationales adoptées aussi bien par la convention de 1989 que par les
recommandations onusiennes.

Conclusion

On assiste depuis 1999 à une certaine évolution du droit pénal des mineurs en
Iran. En effet, une commision - au sein du pouvoir judiciaire - composée
d’universitaires, magistrats et experts locaux de l’Unicef vient d’achever, après
plus de deux ans d’études et de réunions, un projet de loi relatif à la « Création
d’un tribunal pour enfants et adolescents délinquants ». Les promoteurs de ce
projet de loi se sont largement inspirés à la fois de l’esprit de l’ancienne loi de
1959, des instruments de l’ONU et des apports du droit pénal des mineurs
comparé. Ce projet va incessement être soumis à la Commision des lois du
gouvernement.
Ainsi, on peut espérer qu’ avec l’adoption de ce projet de loi par le Parlement, le
droit pénal des mineurs iranien serait restauré, après son abrogation en deux
temps, c’ est-à-dire en 1980 puis en 1982.
POLOGNE

LA RESPONSABILITE PENALE DES MINEURS EN POLOGNE

Marek J. LUBELSKI * et Anna WALCZAK-ZOCHOWSKA **

1 - Historique

Les règles de la responsabilité pénale des mineurs en Pologne ont leur source dans
les régulations adoptées dans les années 1920 et 1930. Les actes publiés à cette
époque, les premiers en Pologne qui se référaient à cette question, notamment le
Code de procédure pénale de 1928 et le Code pénal de 1932, ont créé un ensemble
de règles sur la responsabilité pénale des mineurs, les séparant des règles sur la
responsabilité pénale des adultes.
On a prévu deux seuils d'âge : 13 ans, limite absolue de l'irresponsabilité pénale, et 17
ans, limite de la responsabilité pleine, c'est-à-dire une responsabilité comme chez un
adulte. Comme cela a été exprimé en 1934 par l'un de plus grands auteurs du droit
pénal polonais, Wladyslaw Wolter, vu le seuil de 18 ans pour une majorité juridique
totale, déterminé par le droit civil, l'abaissement de la limite d'âge à 17 ans traduit le
fait que les exigences du droit pénal ne sont pas tellement compliquées et que même
une personne de 17 ans est capable de les comprendre. Cette notion s'est avérée très
résistante et est toujours valable en Pologne. Malgré de nombreuses propositions
d'égaler l'âge de responsabilité pénale pleine à l'âge de majorité civile (18 ans), le
présent Code pénal de 1997, entré en vigueur le 1er septembre 1998, a maintenu le
principe, édicté en 1932, de la majorité pénale avancée. Des solutions identiques ont
été prises dans le Code pénal de l'époque socialiste, datant de 1969, en vigueur
depuis 1970, avant le présent Code (respectivement l'article 69 du Code pénal de
1932, l'article 9 § 1 du Code pénal de 1969, I'article 10 § 1 du Code pénal de 1997).
Il faut noter tout de suite que la loi actuellement en vigueur adoucit cette limite avec
des dispositions qui permettent l'application des mesures éducatives et

* Université de Silésie, Katowice (Pologne).


** Université de Varsovie, Institut de Droit Pénal (Pologne).
438 International Review of Penal Law (Vol. 75)

correctionnelles prévues pour les mineurs auteurs de délits (et non pas de crimes,
c'est-à-dire les actes punissables de trois ans d’emprisonnement au moins) qui
avaient moins de 18 ans au moment de la commission de l'acte (art. 10 § 4 du C.P. de
1997).
La régulation adoptée en 1932 portant sur la responsabilité pénale de l'auteur d'un
acte criminel âgé de 13 à 17 ans, est basée sur le principe de substitution aux peines
prévues par le Code pénal d’une mesure correctionnelle spécifique appelée
« placement dans un établissement correctionnel » et sur le principe de substitution au
tribunal pénal du tribunal des mineurs, qui, depuis les années 70, est le tribunal de la
famille. Le principe de substitution s'étend également à la procédure et prévoit une
substitution à la procédure pénale générale d'une procédure autonome, introduite par
le Code de procédure pénale de 1928 et modifiée et développée par la loi sur la
procédure dans les affaires des mineurs de 1982.
Néanmoins, les possibilités de juger un mineur devant un tribunal pénal n'ont pas été
totalement exclues du droit polonais. C'est possible dans certains cas en vertu de la
loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, notamment si la procédure a été
instituée dans le cas d'un ex-mineur, ayant déjà 18 ans. Alors le tribunal pénal peut
prononcer: une peine prévue par le Code pénal, mais obligatoirement atténuée, ou
une mesure prévue dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs. Dans
d'autres cas, quand le mineur est jugé en même temps qu’un adulte et que la jonction
de leurs affaires est nécessaire, il peut être jugé par le tribunal pénal qui appliquera
les mesures pour les mineurs.
Devant le tribunal pénal, quand il est accusé d'avoir commis un acte criminel et peut
être condamné à un placement dans un établissement correctionnel, dans le cadre
d'une procédure appelée par la loi 'correctionnelle', un mineur jouit de tous les droits
d'une partie, en particulier du droit à la défense. La participation de son défenseur
devant le tribunal est obligatoire.
Pour pouvoir condamner un mineur à une peine prévue par le Code pénal, il est
nécessaire de constater qu’il est capable d'avoir la volonté de commettre un acte
punissable, volonté déterminée par les critères de développement et des signes
importants de sa dangerosité. Le Code Pénal en vigueur mentionne ainsi (art. 10 § 2):
les circonstances de l'affaire, le niveau de développement de l'auteur, ses qualités et
conditions personnelles justifiant cette décision, en particulier le fait que les mesures
éducatives ou correctionnelles appliquées précédemment se sont avérées inefficaces.
La loi sur la procédure dans les affaires des mineurs dispose qu'un placement dans
un établissement correctionnel peut être imposé au mineur si un niveau élevé de
dangerosité, ainsi que les circonstances et caractère de l'acte le justifient, en
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 439

particulier si les mesures éducatives appliquées précédemment se sont avérées


inefficaces et ne promettent pas la réhabilitation du mineur (art. 10 de la loi sur la
procédure dans les affaires des mineurs).
Il faut souligner que le placement dans un établissement correctionnel ne constitue
pas une peine mais une mesure de réhabilitation. Le séjour ne peut durer au
maximum que jusqu'à l'âge de 21 ans. L'exécution de cette mesure peut être
conditionnellement suspendue. Cependant, il existe la possibilité d’y substituer une
peine. Notamment, si un mineur a atteint l'âge de 18 ans avant le commencement de
l'exécution du jugement, le tribunal décide s’il fait exécuter la mesure prononcée ou s’il
l'abandonne et prononce une peine, en appliquant obligatoirement une atténuation
extraordinaire de cette peine (art. 94 de la loi sur la procédure dans les affaires des
mineurs).
Le placement dans un établissement correctionnel peut être aussi prononcé si le
mineur n'était l'auteur que d'une contravention, et non pas d'une infraction plus grave
(art. 10 et 1 § 2 p. 2a de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs).
Le système ainsi formé est alors assez compliqué. Il y manque une claire délimitation
de l'âge et des critères de responsabilité. Il parait fort arbitraire. Ses éléments sont
dispersés parmi des lois différentes qui exigent une application cumulative. Pourtant, il
a plus d'avantages que d'inconvénients : le système de délimitation de l'âge, ainsi que
les différents régimes de responsabilité sont formulés d'une façon flexible et
permettent une grande individualisation de la responsabilité, dépendant des besoins
du traitement pour un mineur particulier. Ce système en principe admet aussi une
liberté du juge pour la considération de la gravité de l'acte punissable (infraction ou
contravention). Il est alors fondé sur le principe de prévention individualisée,
complétée en outre par le critère très important du 'bien de l'enfant', compris comme
une recherche de changement avantageux dans la personnalité et le comportement
du mineur (art. 3 § 1 de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs).
Malheureusement, certains changements importants ont été faits dans le système de
règles indépendantes de responsabilité des mineurs. En plus, ce système est
compliqué par quelques importantes dispositions introduites dans les Codes pénaux
de 1969 et 1997, mentionnés ci-dessus.
Le Code pénal de 1969 prévoyait comme facultative la possibilité de punir les mineurs
auteurs des crimes ou délits les plus graves, énumérés dans un catalogue fermé, ou
qui sont en état de danger et pour lesquels des raisons de prévention individuelle
justifiaient l'application d'une peine (art. 9 du Code pénal de 1969). Le Code pénal de
1997, en vigueur, a maintenu cette disposition, en abaissant en plus l'âge de la
responsabilité pénale de mineurs à 15 ans, en cas de certaines infractions graves (art.
440 International Review of Penal Law (Vol. 75)

10 § du C.P. de 1997). Pour punir le mineur, il est cependant nécessaire de constater


qu’il est capable d'avoir la volonté de commettre un acte, conditionnée par son
développement et sa dangerosité, dont on a parlé ci-dessus.

2 - Le droit en vigueur

Le droit pénal polonais en vigueur prévoit alors un système très complexe et


développé de seuils d’âge, qui déterminent la responsabilité pénale d'un mineur, dont
les traits caractéristiques semblent stabilisés et sont appliqués depuis les années 70.
Les limites sont les suivants: l'âge de 13 ans comme une limite de responsabilité
pénale conditionnelle, selon les règles spécifiques, prévues dans le système du droit
des mineurs, et l'âge de 17 ans comme une limite de responsabilité pénale pleine,
selon les règles prévues pour les adultes.
L'abaissement d'âge de la responsabilité des auteurs d'infractions les plus graves,
comme le meurtre, le viol, l’acte terroriste, qui entraînent une responsabilité pénale
pleine, constitue une question très controversée.
Malgré de nombreux opinions contraires, le législateur polonais étend d'une manière
conséquente le champs de la responsabilité pénale des mineurs. Il manifeste de cette
façon une attitude rigoureuse envers les mineurs, sentiment dominant dans la société
polonaise, étant sans doute le résultat de rares crimes atroces et gratuits commis par
des mineurs.
La limite d'âge de 15 ans, fixée par le Code pénal, comme une limite de responsabilité
pénale pleine, s’agissant des auteurs d'actes les plus graves, énumérés dans le Code,
est complétée par de dispositions accessoires, portant sur le statut de la
responsabilité pénale des mineurs selon les règles du Code pénal.
La possibilité de prononcer une peine de 25 ans de privation de liberté à l'encontre de
ces personnes semble la question la plus controversée, car en Pologne c'est une des
peines les plus sévères, à côté de la peine d'emprisonnement à perpétuité. La
possibilité de prononcer la peine la plus sévère, d'emprisonnement à perpétuité, à
l'encontre des personnes qui n'ont atteint l'âge de 18 ans au moment de la
commission de l'acte, est expressément exclue par une disposition de Code pénal en
vigueur (art. 53 § 3 du C.P). En fin de compte, après de longues considérations,
l’opinion a prévalu, confirmée ensuite par la Cour suprême, que l'application de la
peine de 25 ans de privation de liberté n’était pas exclue à l'encontre des mineurs.
Cependant, les mineurs sont responsables pénalement suivant des règles adoucies.
Une peine prononcée ne peut pas excéder 2/3 du maximum de la peine prévue pour
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 441

l'infraction commise. En plus, la cour peut toujours appliquer l'atténuation


extraordinaire de la peine (art. 10 § 3 du CP de 1997).
Il est particulièrement important que, à l'encontre des mineurs et juvéniles (dont on va
parler plus tard), la cour applique les peines et mesures pénales surtout pour éduquer
l'auteur (art. 54 § I du CP). Cette directive permet aux nombreux commentateurs du
droit pénal de déduire que l'application des peines d'emprisonnement longues ne
devraient pas être prononcées dans le cas de mineurs. On a mentionné qu’une
opinion contraire a prévalu, qui accepte le prononcé de peines d'emprisonnement
longues, mais le problème n'est pas résolu. Tout le monde s’accorde à dire que le
prononcé d'une peine en général, et d’une peine d'emprisonnement longue en
particulier, devrait avoir lieu le plus rarement à l’encontre d’un mineur.
La loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, adoptée en 1982, a enrichi le
système des limites d'âge. Elle énonce qu'il est possible d'appliquer à l'encontre d'un
mineur qui n'a pas atteint l'âge de 18 ans des mesures éducatives, protectrices ou
thérapeutiques, prévues dans la loi, s'il y a des signes de dangerosité. Cette question
ne touche pourtant pas le champs de la responsabilité.
La notion du mineur en droit polonais a plusieurs significations différentes. Elle varie
selon les dispositions sur la responsabilité sensu stricto, ainsi que selon les
possibilités d'ingérence juridique envers les mineurs en danger de commettre des
infractions.
Une attention particulière s’attache à la question de la limite de base de l'âge de la
responsabilité pénale des mineurs, fixée il y a cent ans par le droit pénal à 13 ans au
moment de la commission de l'acte. L'accélération du développement des mineurs,
les actes de plus en plus dangereux qu'ils commettent aussi très jeunes, ainsi qu'une
cruauté absurde de ces actes, même sans signes précédents de dangerosité,
imposent de réfléchir à la baisse de la limite basse d'âge permettant le lancement de
poursuites pénales. Il n'existe cependant pas de propositions décidées dans cette
matière et on peut supposer que la limite d'âge de base d'application des formes
modifiées de responsabilité pénale en Pologne envers les mineurs va demeurer de 13
ans.
Les dispositions en vigueur relatives à la responsabilité pénale des mineurs sont
critiquées, dans la perspective de l'élargissement du champs de la responsabilité des
auteurs des actes les plus graves, les plus atroces et suscitant une réprobation
commune, et probablement aussi de la peur. De nombreux projets de réforme du
Code pénal, ou bien même sa substitution par une loi plus répressive, prévoient un
élargissement du catalogue des actes pour la commission desquels les mineurs
peuvent être jugés par la cour pénale, de façon à inclure tous les crimes et tous les
442 International Review of Penal Law (Vol. 75)

délits les plus graves, au lieu de les énumérer comme aujourd'hui, aussi bien que
l’abolissement, au moins partiel, des adoucissements prévus par le droit pour les
auteurs mineurs.
Il semble cependant que cette réforme ait plus un caractère politique que dogmatique
sensu stricto. On n'a pas formulé de justification importante et acceptable de rejet du
principe fondamental en droit pénal polonais de l’atténuation de l’élément moral chez
le mineur, ce qui doit influer sur l'application des peines. Au contraire, la doctrine
considère souvent la capacité seulement partielle de mineur d'avoir la volonté de
commettre un acte punissable ou bien l’absence de volonté, alors que pleine capacité
et volonté justifient en général l'application de la sanction pénale.
Sans doute, le maintien de la limite d'âge de 17 ans au moment de la commission de
l'acte comme une limite de responsabilité pénale prévue pour les adultes est très
important pour le droit polonais. Il semble difficile de la justifier autrement que par la
tradition du droit polonais et les opinions de la société polonaise sur ses exigences
envers la jeunesse. La possibilité facultative d'appliquer les mesures éducatives,
thérapeutiques et correctionnelles envers les auteurs des délits qui n'ont pas atteint
l'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte est rarement utilisée.
L'élargissement du champ de punissabilité réelle, non substitutive, des mineurs, doit
être reconnu comme une tendance stable du droit pénal polonais. Malgré les opinions
qui s'y opposent et qui soulèvent les arguments différents, relatifs par exemple à la
responsabilité de la société dans les actes des mineurs, le droit pénal polonais corrige
le système des limites d'âge, établi il y a longtemps, par des exceptions qui impliquent
- au lieu de perspective éducative et protectrice, ou bien éventuellement perspective
de réhabilitation (correctionnelle), déterminée par la possibilité d'appliquer de mesures
différentes d'influence, le placement dans un établissement correctionnel, comme une
mesure la plus sévère inclus - une perspective de punissabilité littérale.
Le caractère marginal de ces cas semble un autre problème. Les affaires des mineurs
jugées par les cours pour adultes ne constituent que quelques centaines sur chaque
cent mille des affaires jugées chaque années par les cours des mineurs, tandis que
les condamnations des mineurs aux peines prévues par le Code pénal depuis l'entrée
en vigueur de cette possibilité, c'est-à-dire depuis 1970, ne sont que quelques cas en
moyenne par an.
Il faut alors reconnaître que la détermination de la limite de base d'âge pour avoir une
volonté de commettre un acte punissable qui justifierait le recours à la sanction
pénale, constitue une question toujours ouverte et controversée dans le droit pénal
polonais. Le législateur souhaite continuellement baisser et élargir le champ de
punissabilité littérale des mineurs. La majorité de la doctrine du droit pénal en principe
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 443

ne s'y oppose pas, mais la dispersion des arguments et points de vue est grande.
Cependant, il est permis d’affirmer que ces auteurs, spécialistes dans les questions de
la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs, sont en général opposés à toutes
les formes de punition littérale des personnes non adultes.
Il est alors facile à comprendre que les propositions d’élever l'âge de la responsabilité
pénale pleine à l'âge de la responsabilité civile, c'est-à-dire à 18 ans, ne sont pas
particulièrement populaires et n'ont guère de répercussions dans les cercles
législatifs.
On peut ajouter que les peines de privation de liberté prononcées à l'encontre des
mineurs sont subies dans des établissements pour juvéniles (voir infra) et personne
ne soulève de réserves envers le régime d'exécution en vigueur.
On peut cependant se poser la question de savoir si l’abaissement de l'âge de la
responsabilité pénale pleine des auteurs d'actes les plus graves à 15 ans va changer
d'une façon importante le modèle polonais de responsabilité pénale des mineurs,
adopté dans les années 1930. La réponse n'est pas facile. D'une part, la procédure
pour les mineurs est définie par la loi de 1982, qui développe et affermit les idées
fondamentales formulées précédemment ; d'autre part, ce modèle est attaqué et
l’opinion s’étend de la nécessité de construire un modèle plus exigeant, ce qui veut
dire plus répressif. Une limite accessoire de responsabilité pénale à 15 ans prend de
l'importance de cette perspective.

3 - Le problème de la responsabilité des délinquants juvéniles

Le droit pénal polonais appelle juvéniles les personnes qui n'ont pas atteint l'âge de 21
ans au moment de la commission de l'acte mais qui ne sont pas mineures, c'est-à-dire
sont responsables pénalement suivant les règles pour les adultes.
La même règle de punissabilité - la primauté des raisons éducatives - s'applique aux
juvéniles aussi bien qu'aux mineurs. En même temps, les juvéniles jouissent de façon
limitée d’adoucissements législatifs de responsabilité pénale similaires à ceux des
mineurs. En principe, le Code pénal ne prévoit qu'une correction importante dans
cette matière, notamment si un juvénile n'a pas atteint l'âge de 18 ans au moment de
la commission de l'acte, il ne peut pas faire objet d'une peine d'emprisonnement à
perpétuité.
La loi permet aussi qu'au lieu d'appliquer les peines prévues dans le Code pénal, la
cour applique les mesures prévues pour les mineurs à l'encontre d'un juvénile qui n'a
pas atteint l'âge de 18 ans au moment de la commission de l'acte et est accusé d'avoir
commis un délit.
444 International Review of Penal Law (Vol. 75)

La catégorie de juvéniles est élargie dans le procès devant la cour. Selon le droit
pénal polonais, dans le cadre d’un procès devant le tribunal, est juvénile toute
personne qui n'a pas atteint l'âge de 21 ans au moment de la commission de l'acte et
en même temps l'âge de 24 ans au moment de la prise de décision par le tribunal
(article 115 § 10 du CP).
Un juvénile peut jouir de l'atténuation extraordinaire de la peine (article 60 § 1 du CP),
si elle est justifiée par les raisons éducatives. Les tribunaux ne sont pourtant pas très
pressés d'utiliser cette possibilité. Une opinion prévaut que les juvéniles ne doivent
pas être traités avec indulgence dans le procès devant la cour pénale, ce qui de facto
signifie un certain effacement du statut séparé des juvéniles dans la pratique
judiciaire.
Un juvénile subit la peine d'emprisonnement dans un type spécial d'établissements
pénitentiaires - un établissement pour juvéniles.
La doctrine du droit pénal polonais interprète avec précaution le statut spécifique des
juvéniles au regard de la responsabilité pénale. Néanmoins, la même règle de
punissabilité, prévue par l'article 54 § 1 du Code pénal, mentionnée ci-dessus,
s'applique aux mineurs aussi bien qu'aux juvéniles. Cela est très important dans le cas
de tous les troubles de la personnalité, ainsi que des retards mentaux ou situation
personnelle difficile d'un auteur jeune. Si l'acte commis est peu grave, la cour peut
appliquer un grand choix de mesures de probation, prévues par la loi, dont la première
est la suspension conditionnelle de l'exécution de la peine.
Cet ensemble de règles différentes de responsabilité pénale particulières et clairement
séparées, appliquées à l'encontre des juvéniles, dont l'élément le plus important est le
droit de l’exécution des peine d'emprisonnement, semble stable et n'est pas remis en
question. Il élargit les règles particulières de responsabilité pénale appliquées à
l'encontre des juvéniles.

4 - Appréciation générale

Le droit pénal polonais prévoit un modèle de procédure utilisé à l'encontre des auteurs
mineurs, fondé sur le renoncement à la punition et l’application d'un ensemble riche
de mesures d'influence non-pénale : éducatives, protectrices, thérapeutiques, ou si
c'est nécessaire, aussi de réhabilitation, sous la forme de placement dans un
établissement correctionnel. Il existe aussi une possibilité, qui n'a pas encore été
mentionnée, d'appliquer la procédure de médiation au lieu de procès devant la cour.
Répondant à la question du document préparatoire, il faut constater que la formule de
responsabilité pénale des mineurs est très claire mais inscrite d'une façon assez
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 445

compliquée dans le droit pénal polonais en vigueur. Si un mineur est tenu responsable
pénalement, ce qui est très rare, il est confronté aux règles de responsabilité
générales appliquées aux adultes. Certaines opinions non dominantes évoquent la
possibilité de donner un caractère totalement autonome aux règles de responsabilité
des mineurs. On parle alors du droit des mineurs et d'un besoin d'autonomie de ce
droit, séparé des règles de responsabilité des adultes. Le niveau de la perversité du
mineur, compris comme l'état de dangerosité de l'auteur, devient donc un critère
décisif pour cette approche.
Cette tendance ne trouve pourtant pas son développement dans la création du
concept d'un délit séparé et spécifique commis par un mineur. Une telle approche du
droit des mineurs semble étrangère au droit pénal polonais.
Un régime indépendant de responsabilité pénale des mineurs pour des actes
punissables, créé par la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs de 1982,
mais ayant ses sources dans les dispositions pénales de la première moitié du XXème
siècle, peut être exclu seulement en cas d'infractions d'importance particulière, et si
les mesures correctionnelles et éducatives appliquées précédemment se sont avérées
inefficaces. Les parents des mineurs ne sont pas tenus pénalement responsables
avec le mineur, mais ils peuvent être obligés par la cour à réparer les dommages
causés par le mineur, en partie ou pour le tout. Le tribunal peut aussi leur imposer
d'autres obligations, comme par exemple l'amélioration des conditions de vie du
mineur, le fait de lier des relations avec l'école, un établissement de réhabilitation ou
un médecin (article 7 de la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs). La non-
observation des obligations imposées donne le droit à la cour d’imposer une peine
pécuniaire.
Les deux seuils d'âge ont une importance décisive pour le droit pénal polonais pour ce
qui est du statut de mineur et du statut de juvénile, qui le suit, notamment les âges de
17 et 21 ans. Le premier détermine l'âge de la responsabilité pénale pleine, la même
que pour les adultes. Le second est un statut privilégié, s'expliquant surtout par le
renoncement au principe général de punissabilité, qui accentue les besoins de justice,
déterminées par la gravité de l'acte, et sa substitution au principe de primauté des
influences éducatives à l'encontre de l'auteur. C'est l'âge de l'auteur au moment de la
commission de l'acte qui a une importance décisive. Les remaniements de ces seuils
généraux ne les modifient pas. L'âge de base de la responsabilité pénale du mineur,
selon les règles prévues dans la loi sur la procédure dans les affaires des mineurs,
s'élève depuis des décennies à 13 ans. Le droit pénal polonais édicte la responsabilité
du mineur pour la commission d'un acte punissable sur un critère de développement,
de maturité. Un auteur qui n'a pas atteint l'âge de 17 ans au moment de la
446 International Review of Penal Law (Vol. 75)

commission d'un acte ne sera pas puni pour son acte mais au maximum, sera placé
dans un établissement correctionnel. Un auteur jeune, juvénile, peut espérer une
atténuation de la peine. Alors, on peut constater que le droit polonais suit le principe
de la faute qui semble demander une maturité totale de l'auteur. En plus, on applique
le critère du bien de l'enfant envers les mineurs. Le processus d'évolution du droit qui
se déroule en Pologne d'une façon très intense, semble prendre la direction de
l’élargissement des possibilités de punir littéralement les mineurs. On ne peut pourtant
pas craindre que cette punissabilité touche autrui que les auteurs des actes les plus
dangereux, très pervers et remplissant les critères de développement mental, c'est-à-
dire permettant de leur attribuer la faute. Il faut aussi souligner une attitude très
prudente de la doctrine du droit pénal polonais envers cette tendance d'élargissement
de la punissabilité des mineurs, déterminée par les propositions d'une grande partie
de la société et relayée par les politiciens.

5 - La constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

Selon l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs, les affaires concernant
les mineurs sont de la compétence du tribunal de la famille, sauf dispositions
spéciales.
Conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi précitée, nous considérons
comme tribunaux de la famille (des affaires familiales) les sections familiales et des
mineurs des tribunaux de district, créées par le règlement du ministre de la justice (art.
12§ 1 p. 3 de la loi du 27 juillet 2001 sur l'organisation des tribunaux généraux, J.O.
No 98, pos.1070).
Les tribunaux de la famille sont compétents pour les affaires du champ de la loi sur la
famille et la tutelle concernant les mineurs, en matière de dangerosité et de faits
punissables des mineurs, en matière de traitement des personnes dépendant de
l'alcool et des drogues, ainsi que des affaires relevant selon d'autres lois de la
compétence du tribunal des tutelles.
La solution adoptée par l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs est
conforme à l'article. 40 de la Convention sur les droits de l'enfant, ratifiée par la
Pologne (J.O. de 1991 No 120, pos. 526).
Aux articles 16 §2, 18 et 42 §3, nous trouvons les exceptions à la règle déterminée à
l'article 15 de la loi sur la procédure envers les mineurs selon laquelle les affaires
concernant les mineurs sont jugées par les tribunaux de la famille.
L’article 16 §2 permet, dans des cas spécialement justifiés, de commencer à mener
l'enquête par un procureur, si le fait punissable du mineur présente en lien direct avec
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 447

l'acte d'un adulte et si l'intérêt du mineur n'empêche pas de juger l'affaire


conjointement. Après avoir clôturé l'enquête dans une telle affaire le procureur
dispose de trois possibilités :
- prononcer le non-lieu de l'enquête ;
- décider de la transmission de l'affaire du mineur au tribunal de la famille ;
- si l'examen conjoint de l'affaire (avec un adulte) est nécessaire, décider de la
transmission de l'affaire avec l'acte d'accusation au tribunal compétent selon les
dispositions du code de procédure pénale, qui jugera l'affaire du mineur en
respectant les normes de la loi sur la procédure envers les mineurs.

L'article 18 de la loi sur la procédure envers les mineurs constitue une norme spéciale.
Il exclut la compétence du tribunal de la famille. Selon cet article « Le tribunal
compétent selon les dispositions du Code de procédure pénale statue sur l'affaire
dans des cas suivants:
1. lorsque le prononcé d'une peine envers le mineur est justifiée selon l'article 10 §2
du code pénal ;
2. lorsque la poursuite a été intentée envers un mineur, qui a commis un fait
punissable visé à l'article 1 §2 p. 2 ( ), alors qu’il a dépassé 18 ans.
Selon l'article 42 §3, le juge des affaires familiales est obligé de transmettre l'affaire au
procureur si au cours de la procédure d’enquête, des circonstances justifiant le
prononcé envers le mineur de la peine prévue à l'article 10 §2 du CP se sont révélées.
De même, s'il apparaît des circonstances nouvelles, montrant qu'il n'a pas besoin de
requérir la peine, le procureur n'établit pas d'acte d'accusation et transmet l'affaire au
juge des affaires familiales.

Dans la procédure envers les mineurs (qui est réglée par les dispositions de la loi sur
la procédure envers les mineurs) nous pouvons différencier deux stades. Ce sont: :
a) la phase de la procédure devant le tribunal dont le déroulement est réglé par les
dispositions de la section III (art. 15-63)
b) la phase de la procédure d'exécution qui est décrite par les dispositions de la
section IV (art. 64-95).
c)
Vu la diversité des organes devant lesquels la procédure est menée (au stade de la
procédure devant un tribunal) nous devons remarquer deux sous-phases suivantes:
a) la procédure devant le tribunal de la famille (art. 15-57)
b) la procédure devant le tribunal d'appel, qui est toujours le tribunal régional (art.
58).
448 International Review of Penal Law (Vol. 75)

La sous-phase devant le tribunal de la famille consiste en les stades suivants:


a) stade de la procédure avant de statuer sur l'affaire, ici selon les dispositions de la
loi sur la procédure envers les mineurs, que nous devons décrire en deux étapes:
- procédure in rem commencée par l'arrêt du juge sur l'ouverture de la procédure
(art. 21 §1)
- procédure explicative, c'est à dire procédure in personam qui commence par
l'arrêt du juge sur l'ouverture de la procédure explicative (art. 34 §1)
b) stade de la connaissance de l'affaire pour lequel le législateur a prévu deux formes
homologues de procédure aux modalités différentes.
- la procédure de tutelle et d'éducation (art. 44-47)
- la procédure de correction (art. 48-55).
Conformément aux dispositions de la loi sur la procédure envers les mineurs, la
dangerosité d'un mineur (à côté de la commission d'un acte punissable ) constitue le
fondement de l'ouverture de la procédure envers un mineur. Selon l'article 1 § 2 de la
loi sur la procédure envers les mineurs, un mineur est la personne envers laquelle est
menée la procédure prévue par cette loi. En ce qui concerne la prévention et la
répression de la dangerosité, un mineur est la personne qui n'a pas atteint l'âge de 18
ans et dans la procédure en matière des faits punissables, le mineur est la personne
qui a commis un tel acte et qui a entre 13 et 17 ans. En ce qui concerne les mesures
pouvant être prononcées selon les dispositions de ladite loi, un mineur est la personne
qui n'a pas dépassé 21 ans 1.
Le juge des affaires familiales ouvre la procédure dans une affaire de mineur si les
circonstances prouvant sa dangerosité apparaissent 2 ou si l'on présume qu'un acte
punissable (une infraction), une infraction financière ou l'une des contraventions
énumérées a été commise.
La procédure dans des affaires envers les mineurs est menée par un juge des affaires
familiales.

1. Une telle définition du mineur a été jugée par la doctrine comme imprécise. L’absence de
limite minimale d'age au-dessous duquel on pourrait mener une procédure envers un enfant
pour dangerosité a été critiquée.
2. La loi sur la procédure envers les mineurs ne contient pas de définition de la notion de
« dangerosité ». L'art. 4 § 1 énumère les circonstances prouvant la dangerosité d'un mineur. On
distingue parmi elles entre autres la soustraction à l’obligation scolaire, I'usage de l'alcool ou
des stupéfiants, la prostitution, le vagabondage, la participation à des groupes criminels.
L'utilisation dudit terme dans la loi a été aussi critiqué par la doctrine car il est imprécis et peut
suggérer la faute de l'enfant en matière de dangerosité.
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 449

Les compétences de la police dans des affaires des mineurs sont restreintes. Dans
les cas urgents, la police rassemble et garde les preuves d'un acte punissable
commis, et si nécessaire les fonctionnaires de la police arrêtent le mineur ou
accomplissent d'autres actes sur l'ordre du juge des affaires familiales.
La procédure explicative peut être entamée seulement si l'on connaît le mineur contre
lequel le procès va se dérouler. En pratique, le juge des affaires familiales commence
à la fois la procédure dans l'affaire envers un mineur et la procédure d'explication.
Dans la procédure envers un mineur nous distinguons les parties au procès suivantes:
1. Ie mineur
2. Ies parents ou le tuteur
3. le procureur.

La procédure d'explication dans les affaires de dangerosité a pour but de révéler s'il
existe les circonstances prouvant la dangerosité du mineur. La procédure dans
l'affaire d'un fait punissable vise à établir si le mineur a vraiment commis le fait
reproché. Dans ces deux cas la procédure d'explication a pour but de déterminer s'il
faut utiliser envers le mineur les mesures prévues par la loi. Pendant la procédure
d'explication les renseignements sur le mineur et sur ses conditions éducatives,
médicales et de vie sont réunis et les preuves sont rassemblées. Le juge des affaires
familiales interroge le mineur, ses parents ou son tuteur et le cas échéant d'autres
personnes. Si besoin est, il ordonne la fouille, la perquisition, la vision oculaire ou
accomplit d'autres actes de procédure afin d'éclaircir l'affaire à tous points de vue.
Dans la procédure d'explication, on utilise les dispositions du code de la procédure
civile- voie non contentieuse. En ce qui concerne le rassemblement et la protection
des preuves par la police ainsi que l’octroi d’un avocat, on utilise les dispositions du
code de procédure pénale avec des modifications prévues par la loi (art. 20).
Les organes menant la procédure dans une affaire de mineur sont obligés avant tout
d'établir des critères et conditions d'application des mesures spécifiées par la loi sur la
procédure envers les mineurs.
Selon l'article 24 §1, dans chaque affaire concernant un mineur, il faut mener une
enquête sociale afin d'établir les données concernant ledit mineur et son entourage.
Plus précisément ces données concernent: le comportement du mineur, les conditions
dans lesquelles il a été élevé, la situation financière de sa famille, son attitude envers
l'école et son progrès scolaire, ses activités de temps libre, les personnes qu'il côtoie,
l'attitude des parents ou tuteurs envers le mineur, les méthodes éducatives
employées, l'état de santé et les habitudes ou dépendances du mineur. Une telle
450 International Review of Penal Law (Vol. 75)

enquête sociale est d'habitude menée à la demande de l'organe responsable du


procès (juge des affaires familiales, tribunal de la famille, procureur ou tribunal pénal)
par un curateur.
Exceptionnellement, l'enquête sociale peut être menée par les pédagogues employés
dans des centres familiaux de consultation et de diagnostic ainsi que par ceux qui
travaillent dans des asiles pour mineurs, par des organisations sociales, et même par
les organes de la police.
S’il est besoin d'établir une opinion complète sur la personnalité du mineur exigeant
des connaissances en matière de pédagogie, psychologie ou médecine afin de fixer
les méthodes de traitement du mineur, le tribunal de la famille appelle le centre familial
de consultation et de diagnostic pour qu'il s'en charge.
L'examen du mineur est obligatoire si le tribunal considère nécessaire l’utilisation
d'une des mesures suivantes: placement dans un établissement de resocialisation,
dans un établissement d'éducation, dans un établissement public de soins, dans un
établissement d'aide sociale ou dans un asile pour mineurs.
Si le besoin d'opinion sur l'état mental du mineur apparaît, le tribunal de la famille
ordonne l’examen du mineur par deux médecins psychiatres. A la demande des
psychiatres, le tribunal peut soumettre le mineur à une observation qui ne peut durer
plus de six semaines.
Durant la procédure envers un mineur, c'est à dire à partir du moment de l'ouverture
jusqu’au prononcé de la décision finale dans l'affaire, on peut recourir à des mesures
provisoires. Ces mesures ont pour but de prévenir l’accroissement de la dangerosité
du mineur ou la commission de nouveaux faits punissables. Parmi les mesures
provisoires, nous distinguons les mesures à caractère de liberté, c'est-à-dire
effectuées dans le milieu du mineur, et les mesures d'isolation.
Selon l'article 26, les mesures provisoires à caractère de liberté sont: la surveillance
par une organisation des jeunes ou une autre organisation sociale, la surveillance par
I'employeur, par un curateur ou par une autre personne de confiance. Les mesures
d'isolation qui exigent l'envoi d'un mineur dans un établissement sont: le placement
dans un établissement d'éducation ou dans un centre scolaire d'éducation. Si l'on
constate la faiblesse d'esprit, une maladie mentale ou l'usage invétéré de l'alcool ou
d'autres moyens d’abrutissement, le placement dans un hôpital psychiatrique, dans un
autre centre de soins ou dans un établissement d'aide sociale est ordonné.
Le placement dans un asile pour mineurs est une autre mesure provisoire d'isolation,
pouvant être employée seulement envers une catégorie spéciale de mineurs. L'asile
pour mineurs constitue l'équivalent d'une détention provisoire (utilisée dans la
procédure pénale envers les adultes présumés avoir commis une infraction). L'article 27
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 451

de la loi sur la procédure envers les mineurs énumère les cas de placement d'un
mineur dans l'asile pour mineurs. Cette mesure peut être prononcée seulement s'il
apparaît que les circonstances prouvent l'utilité du placement et aussi si l’on peut
craindre que le mineur aille se cacher ou dissimuler les traces de l'acte commis, ou
encore si l'on ne peut pas établir la personnalité du mineur. Le placement du mineur
peut prendre place aussi dans le cas où il est présumé avoir commis l'un des actes
énumérés dans l'article 27§ 2 de la loi sur la procédure envers les mineurs. La durée
du placement dans un asile pour mineurs doit être déterminée dans l'arrêt de
placement. Le temps de séjour du mineur dans l'asile, avant que l'affaire ne passe à
l'audience, est de trois mois au plus 3. Si le mineur n'a pas de défendeur, le tribunal
rendant l'arrêt de placement désigne un avocat d'office. Le placement dans l'asile pour
mineurs constitue un de cas où la présence de l’avocat est obligatoire.
Le placement dans un centre policier d'enfants est une autre mesure provisoire
utilisée envers une catégorie spéciale des mineurs. Ce placement peut être ordonné
seulement par la police. L'article 40 de la loi sur la procédure envers les mineurs
dispose que le placement dans le centre policier d'enfants peut prendre place
seulement si cela est nécessaire, vu les circonstances de l'affaire. Il s'agit du mineur
qui a probablement commis une infraction et dont on peut craindre qu'il n’aille se
cacher ou dissimuler les traces de l'acte commis ou encore dont on ne peut établir
l’identité. Le tribunal de la famille compétent doit être informé le plus vite possible (au
plus dans les 24 heures) de l'arrestation d'un mineur.
Le mineur doit être tout de suite libéré et remis aux parents ou tuteur si :
- la cause de l’arrestation n'existe plus ;
- le tribunal de la famille le décide ;
- on a excédé la durée de 24 heures pour prévenir le tribunal de la famille ;
- le mineur n'a pas été informé durant 72 heures (à partir du moment de
l’arrestation) de la décision du tribunal sur le placement dans l'asile pour mineurs
ou sur le placement provisoire dans un établissement d'éducation ou
établissement de soins.
Le mineur qui s'est volontairement absenté de l'asile pour mineurs ou de la maison de
correction peut être placé dans le centre policier d'enfants (au maximum cinq jours)
pour le temps qui est nécessaire à son transfert vers l’établissement approprié.
Une fois la procédure d'explication finie, le juge des affaires familiales peut: :

3. Si des circonstances spécifiques apparaissent nécessitant de prolonger la durée du


placement du mineur dans l'asile, le tribunal de la famille, composé d'un juge et de deux
assesseurs, peut prolonger la durée du placement de trois mois supplémentaires.
452 International Review of Penal Law (Vol. 75)

1. prononcer le non-lieu de la procédure s'il considère que les circonstances de


l'affaire ne sont pas suffisantes pour mener le procès ou si le prononcé de
mesures éducatives ou de correction est inutile, surtout au vu des mesures déjà
prononcées dans l'affaire ;
2. transmettre l'affaire du mineur à l'école fréquentée par le mineur ou à une
organisation sociale dont il est membre. Il peut le faire seulement s'il considère
que l'influence éducative de ladite école ou organisation sera suffisante. Le juge
des affaires familiales qui prend une telle décision doit mentionner les mesures
éducatives qui doivent être employées envers le mineur. De l'autre côté, l'école ou
l'organisation sociale est obligée d'informer le tribunal de famille de l'efficacité des
mesures employées. Dans ce cas, le juge des affaires familiales peut indiquer
d'autres mesures à utiliser ou ouvrir la procédure.
3. rendre une décision d'examiner l'affaire selon la procédure de tutelle-éducation. Il
fait cela si en considérant les preuves réunies, il estime que vu les circonstances,
le caractère de l'affaire et la personnalité du mineur, il est souhaitable d'utiliser les
mesures éducatives ou thérapeutiques.
4. rendre une décision d'examiner l'affaire selon la procédure de correction, s'il
considère que les conditions pour le placement dans une maison de correction
sont remplies ;
5. rendre une décision de transfert de l'affaire à un procureur. C’est le cas si,
pendant la procédure d'explication, apparaissent des circonstances permettant
d’envisager envers le mineur une peine selon l'article 10 §2 du Code pénal.
La procédure de tutelle-éducation et la procédure de correction se déroulent devant le
tribunal de la famille. La différence principale entre ces deux types de procédure
ressortit au type de dispositions légales employées. Le premier type est fondé sur le
code de procédure civile; pendant que le second l’est sur le code de procédure
pénale. Dans la procédure de correction le tribunal est composé d'un juge et deux
assesseurs. La décision de placement dans une maison de correction prend toujours
la forme d'un jugement. Le mineur doit toujours être assisté d'un défenseur.
La loi sur la procédure envers les mineurs prévoit la possibilité d'envoyer l'affaire du
mineur à la médiation. L'institution ou la personne de confiance établit un rapport sur
le déroulement et le résultat de la médiation. Le tribunal de la famille prend ce rapport
en considération en rendant la décision dans l'affaire du mineur.
La situation de la victime dans la procédure envers les mineurs doit être présentée
séparément.
La loi sur la procédure envers les mineurs ne prévoit aucune disposition faisant de la
victime une partie au procès. La victime n'est pas mentionnée dans l'article 30 §1 de
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 453

la loi sur la procédure envers les mineurs. Cet article énumère les personnes étant
parties au procès. Malgré l'absence de la victime dans l'énumération dudit article, il
faut lui accorder le caractère d'une partie dans la procédure d'explication. Selon
l'article 21 §2, les dispositions appropriées du Code de procédure pénale doivent être
utilisées pour la victime. Selon la doctrine, la victime est une partie dans la procédure
préparatoire. Vu quand même les fonctions de ce stade du procès, les droits de la
victime sont assez restreints.
La loi sur la procédure envers les mineurs accorde à la victime au cours de la
procédure d'explication certains droits. Ainsi la victime a le droit de déposer un recours
contre la décision du juge des affaires familiales de refus d'ouverture de la procédure
ou contre la décision de non-lieu (art. 21 § 2 et 3). La victime peut aussi déposer un
recours contre la décision de ne pas intenter une procédure ou contre une décision de
non-lieu dans une affaire où le fait est poursuivi sur sa demande ou sur accusation
privée (art. 22 § 3). En dehors de tout cela, la victime a les mêmes droits que les
autres parties, entre autres elle a le droit d'être informée de l'ouverture de la
procédure (art. 31 §3), le droit de faire la demande d'administration de preuve (art. 35
§3), le droit de consulter le dossier de l'affaire et d'en faire les copies si le juge des
affaires familiales ne s'y s'oppose pas (sauf pour les enquêtes sociales et l'opinion sur
le mineur - art. 36 §3). L'article 43 §3 accorde à la victime le droit d'être informée de la
décision de l'examen de l'affaire. Cette disposition a pour but d'assurer à la victime
l'information sur le procès à chaque stade. En plus, elle a le droit de déposer des
recours contre les actes pouvant violer ses droits.
En ce qui concerne la procédure de jugement et la procédure d'exécution, les droits
de la victime dépendent du type de procédure et des dispositions employées. Dans la
procédure devant le tribunal de la famille on utilise les dispositions de la loi sur la
procédure envers les mineurs et du Code de procédure civile, et les dispositions du
Code de procédure pénale seulement en ce qui concerne les mesures de correction.
Pourtant, selon l’article 48, les dispositions concernant la procédure menée dans les
affaires sur accusation privée, l'action civile ou l'accusateur subsidiaire, ne seront pas
utilisées. Par conséquent, indépendamment du caractère de la procédure (tutelle-
éducative ou correction) la participation de la victime en tant que partie au procès
n'est pas prévue. La victime peut quand même être présente à l'audience (art. 30 § 6)
et elle peut témoigner. Elle a aussi le droit d'être informée du contenu de la décision
finale dans le procès. Le fait que la victime soit dépourvue du statut de partie au
procès souligne le rôle éducatif du procès. La participation de la victime provoque la
nécessite d'examiner le dommage qui lui a été causé et engage l'action civile.
454 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Pourtant la procédure réglée par la loi en question n'a pas pour but d'accuser le
mineur mais de lui appliquer (si besoin est) des mesures nécessaires.
Cela se passe autrement au cas de procédure pour le fait punissable commis par un
mineur, qui se déroule selon les dispositions du Code de procédure pénale (c'est-à-
dire quand la procédure a été entamée quand l’intéressé a dépassé 18 ans ou quand
le mineur est jugé conformément aux dispositions du CP pour un acte défini par l'art.
10 § 2 du CP). Dans ce cas, la victime peut participer au procès en tant que partie
civile ou accusateur subsidiaire.
La loi sur la procédure envers les mineurs contient aussi d'autres dispositions qui
peuvent être utiles à la victime. Il s'agit ici des mesures qui peuvent être prononcées à
son profit, par exemple I'obligation du mineur d'accomplir certains travaux ou
prestations au profit de la victime, I'obligation du mineur de s'excuser auprès de la
victime, ou encore l'obligation du mineur de réparer le dommage causé. La loi en
parlant de l'obligation de la réparation du dommage ne mentionne pas qu'il s'agit du
dommage causé par un fait punissable. Alors il faut croire qu'il est possible d'obliger le
mineur à réparer le dommage causé par son comportement résultant de la
dangerosité. Dans ce cas, la possibilité de médiation est assez importante pour la
victime.

6 - Sanctions et mesures applicables

L'article 5 de la loi sur la procédure envers les mineurs contient la règle suivante: la
prévention et la lutte contre la dangerosité et la criminalité des mineurs doivent être
réalisées par le biais des mesures éducatives et de correction. La peine peut être
prononcée envers les mineurs exceptionnellement, seulement dans des cas prévus
par la loi, quand d'autres mesures ne garantissent pas la resocialisation.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi sur la procédure envers les
mineurs, nous considérons en tant que mesures éducatives:
- I'avertissement ;
- l'obligation d'un comportement spécifique, surtout la réparation du dommage
causé, l'accomplissement des certains travaux ou prestations au profit de la
victime ou de la société locale, l'obligation de s'excuser auprès de la victime, de
reprendre l'éducation ou le travail, de suivre les cours à caractère éducatif,
thérapeutique ou de formation, le fait de s'abstenir de côtoyer des milieux ou des
endroits spécifiés, le fait de s'abstenir de consommer de l'alcool ou des drogues ;
- la surveillance des parents ou du tuteur ;
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 455

- la surveillance d'une organisation pour jeunes ou d'une autre organisation sociale,


de I’employeur ou d'une personne de confiance ;
la surveillance d'un curateur ;
- l'envoi dans un établissement de curateurs ou dans une organisation sociale ou
un établissement spécialisé dans le travail sur les mineurs à caractère éducatif,
thérapeutique ou de formation, après avoir consulté cette organisation ou
établissement ;
- l'interdiction de conduire des véhicules ;
- la confiscation des biens acquis au moyen d’un acte punissable ;
- le placement dans une famille de substitution, dans un établissement de tutelle-
éducation ou dans un centre scolaire d'éducation.
L’article 6 §11 donne au tribunal de la famille le droit d'utiliser envers le mineur les
mesures prévues par le code de la famille et des tutelles.
Hors les mesures éducatives, la loi prévoit aussi des mesures thérapeutiques. Selon
l'article 12, elles peuvent être utilisées envers les mineurs atteints des troubles
mentaux, d'une maladie mentale ou dépendant des drogues ou de l'alcool. On peut
alors placer le mineur dans un hôpital psychiatrique ou dans un autre établissement
de soins. Dans la situation où il faut seulement apporter au mineur une aide au niveau
de son instruction, on peut le placer dans un établissement d'aide sociale ou dans un
établissement de tutelle-éducation.
La loi sur la procédure envers les mineurs prévoit une mesure de correction : le
placement du mineur dans une maison de correction. Le tribunal peut utiliser cette
mesure seulement envers le mineur qui a commis un fait punissable (infraction ou
infraction financière). Selon l’article 10 de la loi sur la procédure envers les mineurs,
cette mesure peut être utilisée si, en plus, le taux de la dangerosité du mineur est
élevé et d'autres mesures se sont avérées insuffisantes ou ne garantissent pas la
resocialisation du mineur. Le placement dans une maison de correction peut être
définitif ou conditionnel.
La suspension conditionnelle du placement du mineur dans une maison de correction
est utilisée conformément aux dispositions de l'article 11 §1. Les conditions
personnelles et sociales de l'auteur ainsi que les circonstances et le caractère de
l'acte doivent laisser présumer que les buts éducatifs seront atteints même sans le
placement dans la maison de correction. On peut suspendre le placement du mineur
dans une maison de correction pour une période d'essai (la durée de cette période est
d'un à trois ans). Pendant la période d'essai le tribunal utilise envers le mineur les
mesures éducatives. Si pendant la période d'essai, le mineur n'accomplit pas les
456 International Review of Penal Law (Vol. 75)

obligations qui lui étaient imposées, le tribunal de la famille peut annuler la suspension
et ordonner le placement du mineur dans une maison de correction.
Cela dit, si le mineur commet l’un des actes énumérés par l'article 11 §3 et si l'on ne
peut pas examiner l'affaire selon les dispositions du Code de procédure pénale,
I'annulation de la suspension conditionnelle est obligatoire.
Les mesures éducatives, thérapeutiques et de correction, prononcées envers un
mineur sont exécutées par le tribunal de la famille selon les dispositions de la loi sur la
procédure envers les mineurs. Dans la procédure d'exécution, le juge des affaires
familiales joue un rôle essentiel.
Selon l'article 77 de la loi sur la procédure envers les mineurs, il surveille l'exécution
des décisions suivantes: I'envoi du mineur dans un centre de curateurs, le placement
dans un établissement de tutelle-éducation, dans un centre d'aide sociale, un centre
scolaire d'éducation, un établissement public d'aide médicale, un asile pour mineurs et
une maison de correction ainsi que la décision de placement dans un centre policier
d'enfants. Lorsqu'il exerce la surveillance, le juge des affaires familiales est muni des
nombreuses compétences. Il a le droit d'entrer sur le terrain de l'établissement
surveillé et dans des lieux où séjournent les mineurs, le droit de consulter les
documents et de demander des éclaircissements de la part de l'administration de
l'établissement, de discuter en privé avec les mineurs, d'examiner leurs demandes et
plaintes. Le juge surveille aussi la légalité du placement d'un mineur et veille à ce que
l'exécution de la décision (surtout en ce qui concerne les méthodes et mesures
utilisés, les conditions de séjour du mineur, de respect des droits et obligations
imposées aux mineurs) soit correcte.
L'exécution des mesures thérapeutiques et de la plupart des mesures éducatives
s'arrête au moment ou le mineur atteint l'âge de 18 ans (art. 73 §1 de la loi).
L'exécution des mesures suivantes s'arrête au moment où il atteint 18 ans: I'obligation
d'un certain comportement, la surveillance des parents ou du tuteur, le placement
dans une famille de substitution, le placement dans un établissement de tutelle
éducation, ou dans un centre scolaire d'éducation. L'exécution d'autres mesures et de
la mesure de correction s'arrête au moment ou il atteint l'âge de 21 ans.
Les dispositions de la loi sur la procédure envers les mineurs donnent au juge des
affaires familiales beaucoup de liberté lors de l'exécution des mesures prononcées.
Grâce à tout cela, la règle d'individualisation est bien respectée dans cette procédure.
Conformément aux dispositions de l'article 79 de la loi sur la procédure envers les
mineurs, le juge des affaires familiales a le droit de:
1. changer ou annuler les mesures éducatives,
2. changer ou annuler les mesures éducatives pour une période d'essai,
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 457

3. renoncer à l'exécution d'une mesure éducative prononcée,


4. annuler l'interdiction de conduire des véhicules,
5. utiliser des mesures thérapeutiques.
Le changement ou l'annulation des mesures éducatives doit être motivée par les buts
éducatifs.
7 - Aspects internationaux
Les standards européens en matière de droits de l'homme résultent de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
ratifiée par la Pologne en 1992 (J.O. No 85, pos.427) et des Pactes internationaux
relatifs aux droits de l'homme, ratifiés par la Pologne en 1977.
En ce qui concerne les standards européens en matière de la protection des droits de
l'enfant, nous pouvons mentionner la Convention sur les droits de l’enfant du 20
novembre 1989 (ratifiée par la Pologne en 1991, J.O.No 120, pos. 526), les Règles
minimales de l'ONU (les règles de Beijing) et les Recommandations du Comité des
ministres du Conseil de l'Europe concernant la réaction sociale envers la délinquance
des mineurs.
Le tableau présenté ci-après permettra de réaliser si les dispositions de la loi sur la
procédure envers les mineurs sont conformes aux standards internationaux et avec la
Constitution de la République de Pologne 4.
des droits de

sur les droits


Les droits et

européenne

Règles min.

Constitution
internaional
Convention

Convention

République
de Pologne
de l’enfant

envers les
procédure
relatif aux

de l’ONU

Loi sur la
droits de
l’homme

l’homme
garantis

mineurs
libertés

Pacte

de la

Droit à un Art. 6.1 Art. 14.1 - Règle 14.1 Art. 45.1 -


procès
équitable, droit
à la liberté
Droit au - Art. 10.1 Art. 37 p. c. Règle 10.1 Art. 41.4 -
traitement et 10.3
humanitaire et
digne lors du
procès

4. Tableau publie par M. Korcyl-Wolska, M. Korcyl-Wolska : « Procédure envers les mineurs en


Pologne, Zakamycze 2001 ».
458 International Review of Penal Law (Vol. 75)

Droit à un Art. 5.3 et Art. 9.3 et Art. 37 p d Règle 10.2 Art. 41.2 Art. 40 §2,
contrôle 5.4 9.4 art. 29,
judiciaire lors art. 27
de l’arrestation
(privation de
liberté)
Droit au - - Art. 40.1 Règle 10.3 Art. 30 -
respect de la
dignité
humaine lors
du procès
Présomption Art. 6.1 Art. 14.2 Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 42.3 -
d’innocence p.b I
Droit à Art. 6.3 p a - Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 41.3 -
l’information p b II
sur les charges
Droits de la Art. 6.3 Art. 14.3 Art. 40.2 Règles 7.1 Art. 42.2 Art. 36 §2
défense p b et c p. b III et 15.1 Art. 59
(matériels) Art. 44
Droits de la Art. 6.3 p, b, Art. 14.3 Art. 40.2 Règle 7.1 et Art. 42.2 Art. 36 §1
défense c, d p, b p b II 15.1 Art. 59
(formels) Art. 44
Droit à un Art. 6.3 p.e Art. 14.3 Art. 40.2 - - -
interprète p. bIV
gratuit
Droit au Art. 8.1 Art. 17.1 Art. 40.2 Règle 8.1 Art. 47 Art. 53 §1
respect de la p.b VII Art. 50 Art. 45 §1
vie privée et
familiale
Droit à la Art. 6.1 Art. 14.3 p.c Art. 40.02 Règle 20.1 Art. 45.1 -
rapidité du p. b III
procès (la
reconnaissance
de l’affaire
dans un délai
raisonnable)
Nullum crimen Art. 7 Art. 15 Art. 40.2 p.a Règle 3.1 Art. 42.1 Art. 2§1
sine lege
Droit de Art. 7 p.1 Art. 14.5 Art. 40.2 Règle 7.1 Art. 78 Art. 58
recours Protocole 7 p.bV
Etablissement - - Art. 40.3 Règle 14.1 - Art. 15
d’organes
séparés
spécialement
pour enfants
w
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 459

Etablissement - - Art. 40.3 Règle 6.1, - Art. 20


de droits et 6.2, 6.3
procédures
spéciaux pour
enfants
Etablissement - - Art. 40.3 p.a Règle 4.1 - Art. 1 §1
du seuil d’âge p.2
minimal de
responsabilité
des enfants
(mineurs)
Règle d’agir - - Pramble, Règle 17.1 - Art. 3
lors du procès art. 40.1 p.d.
pour le bien de
l’enfant
Présence des - - Art. 40.2 Règle 7.1 et - Art. 39
parents p.bIII 15.1 Art. 51§1
pendant les
actes
Différentes - - Art. 40.4 Règle 18.1 - Art. 6
mesures Art. 7
pouvant être
utilisées
Droit à la liberté Art. 5.1 Art. 9.1 Art. 37 p. b Règle 13.1 Ar. 41.1, Art. 27
et 17.1 b.c Art. 31.1-3 Art. 4
Art. 102

Comme il s’évince du tableau présenté ci-avant, les standards européens suivants ne


sont pas mentionnés expressis verbis dans la loi sur la procédure envers les mineurs:
1. droit à un procès équitable
2. droit à un traitement humain lors de l'arrestation
3. droit au respect lors du procès
4. présomption d'innocence
5. droit a l'interprète gratuit
6. reconnaissance de l'affaire dans un délai raisonnable

Pourtant, comme la Constitution de la République de Pologne détermine l'ordre


juridique en Pologne en tant qu'entité, il faut en déduire qu’on doit utiliser les
dispositions de la Constitution directement dans la procédure envers les mineurs.
Il faut souligner que conformément aux dispositions de l'article 9 de la Constitution de
la République de Pologne: « La République de Pologne respecte les normes du droit
international en vigueur ». Selon l'article 87, les accords internationaux ratifiés
460 International Review of Penal Law (Vol. 75)

constituent une de sources de droit en vigueur. L'article 91.1 dispose que l'accord
international ratifié et publié dans le Journal Officiel de la République de Pologne fait
partie de l'ordre juridique et peut être appliqué directement sauf si son application
dépend de la promulgation d'une loi. Selon l'article 91.2, l'accord international ratifié
grâce au consentement exprimé dans une loi, prime la loi dans des situations où la loi
n'est pas conforme à l'accord. Selon l’article 91.3, cela vaut d'un accord international
ratifie par la Pologne, la loi établit par cet accord est appliquée directement, ayant la
primauté au cas de non-conformité avec les lois internes.
TUNISIE

LA RESPONSABILITE PENALE DU MINEUR EN DROIT TUNISIEN

Sassi BEN HALIMA *

1- Le principe de l'irresponsabilité pénale du mineur figure en droit tunisien dans


l'article 43 qui dispose « Tombent sous la loi pénale, les délinquants âgés de plus de
13 ans révolus et de moins de 18 ans révolus.
Toutefois, lorsque la peine encourue est la peine de mort ou l'emprisonnement à vie,
elle est remplacée par un emprisonnement de 10 ans.
Si la peine encourue est celle de l'emprisonnement à temps, elle est réduite de
moitié ».

Tout d'abord le seuil du discernement était fixé à 7 ans et le seuil de la majorité pénale
à 15 ans, ensuite on a remonté l'âge de la majorité pénale à 18 ans.
Le seuil de la majorité pénale a subi deux transformations:
D'abord, on a considéré que le seuil de 18 ans était tellement élevé qu'il privait de
sanctionner des personnes qui ont acquis par l'effet des mass-media, les séries
policières, la capacité de commettre des actes tellement graves qu'il était injuste de ne
pas les soumettre à la rigueur du droit pénal, et c'est en 1968 que l'âge de la majorité
pénale a été abaissé à 16 ans à l'occasion d'un meurtre horrible commis par deux
mineurs âgés de plus de 16 ans et de moins de 18 ans, leur jeune âge étant un
obstacle pour l'application de la peine de mort.
Cette affaire a tellement choqué le Président de la république qu'il a donné des
instructions pour abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans.
Mais la rédaction de l'article 43 du code pénal a subi une deuxième modification:
La modification du 4 juin 1982 :à l'occasion d'une affaire horrible dans laquelle un
mineur a commis un meurtre, la peine encourue était la peine de mort, or le mineur

* Professeur des Facultés de Droit, Président de l’Association Tunisienne de Droit Privé et de


l’Association Tunisienne de Droit Pénal.
528 International Review of Penal Law (Vol. 75)

était le fils d'une personnalité haut placée, des instructions présidentielles furent
données pour relever l'âge de la majorité pénale.
On a conforté ce seuil de 18 ans par l'article 71 du Code de la protection de l'enfant
« Les enfants âgés de 13 à 18 ans révolus auxquels est imputée une infraction
qualifiée contravention délit ou crime ne sont pas déférés aux juridictions pénales de
droit commun. Ils ne sont justiciables que du juge des enfants ou du tribunal pour
enfants ».
Donc le texte sur la responsabilité pénale existe et il est clarifié par d'autres textes
législatifs, ce qui fait que l'intervention de la jurisprudence est inutile car le texte existe
et il n'est en aucun point ambigu.
En revanche, la jurisprudence est intervenue avant l'entrée en vigueur du Code de la
protection de l'enfant pour affirmer que l'âge à prendre en considération est l'âge de
l'enfant lors de la commission du crime, mais ce principe jurisprudentiel figure à
l'heure actuelle dans le code de la protection de l'enfant.

2ème question:

La notion de culpabilité suppose la commission d'une faute au sens large, soit


intentionnelle soit d'imprudence ou de négligence. Cette faute constitue l'élément
moral de l'infraction et s'il n'y a pas une faute il n'y a pas de culpabilité et il n'y a pas
d'infraction au sens classique du terme. Dans ce cas le problème de la responsabilité
n'est pas concevable.
Quant à l'imputabilité qui est définie dans le code pénal Italien de 1930 dans son
article 85 comme étant la capacité de comprendre et de vouloir, elle suppose une
conscience et une volonté libre ce qui exclut les cas de troubles psychiques ou de
contrainte. Dès lors, la responsabilité pénale de l'auteur est envisageable.
Donc pour qu'il y ait responsabilité pénale au sens strict, il faut que le délinquant ait
commis une faute (culpabilité) et que cette faute puisse lui être imputée (imputabilité).
Une seconde distinction s'impose entre la responsabilité pénale au sens juridique et la
responsabilité criminologique .
La responsabilité pénale au sens juridique, comme on vient de le voir, n'est pas
envisageable lorsqu'il n'y a pas une faute imputable à l'auteur de l'infraction commise.
En revanche la responsabilité criminologique est fondée sur le risque que l'individu fait
courir à la collectivité.
On constate que le principe repose en droit tunisien sur un fondement classique de
« imputabilité-culpabilité » car le mineur de moins de 13 ans bénéficie d'une
présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale, alors que le mineur de plus de 13
Revue Internationale de Droit Pénal (Vol. 75) 529

ans bénéficie d'une présomption simple ce qui signifie que si l’on prouve l'intention de
nuire et de porter préjudice à autrui, ce mineur peut se voir infligé des peines.

3ème question :

Non, il n'y a aucune tendance doctrinale ou législative actuelle visant à attribuer à la


responsabilité pénale du mineur un fondement spécifique.
L'analyse de la responsabilité du mineur reste classique.

4ème question:

Non, il n'y a pas de concept spécifique d’ « d'infraction juvénile » indépendant de la


responsabilité pénale. Les infractions commises par les mineurs peuvent être
commises par des majeurs, seules les peines ne sont pas les mêmes.

5ème question:

Il n'y a aucune tendance à exclure du bénéfice du droit pénal des mineurs en vue de
les soumettre à un régime identique à celui des majeurs, certaines infractions
particulièrement graves. Toutes les infractions, quelle que soit leur gravité, sont
soumises pour les mineurs au même régime.

6ème question:

Il n'existe aucune disposition visant à mettre en oeuvre la responsabilité des parents


du fait des agissements délictueux de leurs enfants mineurs sur le fondement d'une
responsabilité objective.
Le principe de la personnalité des délits et des peines reste la règle.

II- La question des seuils d’âges

1- L'âge de la majorité pénale a été indiqué plus haut. Il a été signalé aussi le va et
vient législatif entre le seuil de 18 ans et celui de 16 ans à la suite de deux affaires
criminelles dans lesquelles, pour l’une il a semblé regrettable que la peine de mort ne
soit pas encourue, ce qui a entraîné l'abaissement de la majorité pénale de 18 à 16
ans et pour l’autre la peine de mort était encourue ce qui a entraîné le relèvement de
l'âge de la majorité de 16 à 18 ans.
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Il n'y a donc pas de tendances générales en vue d'élever ou d'abaisser le seuil de la


majorité pénale .

2- Au-dessous de 13 ans le mineur n'est susceptible, à raison de l'infraction qu'il a


commise, d'aucune sanction pénale et/ou mesure éducative.

3- Aucune sanction, aucune mesure n'est applicable à l'infans.

4- Il n'y a donc aucun régime spécial pour de « jeunes adultes ».

III: Constatation judiciaire de la responsabilité pénale des mineurs

1- La juridiction spécialisée compétente pour juger les mineurs auteurs d'infractions


est le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. Selon l’article 71 du Code de la
protection de l'enfant « les enfants âgés de 13 à 18 ans révolus auxquels est imputée
une infraction qualifiée, contravention, délit ou crime ne sont pas déférés aux
juridictions pénales de droit commun. Ils ne sont justiciables que du juge des enfants
ou du tribunal pour enfants ».
Le juge des enfants compétent en matière de contraventions ou de délits est un
magistrat du deuxième rang. Le juge des enfants statue après avoir consulté deux
membres spécialisés dans le domaine de l'enfance qui donnent leur avis par écrit. Ces
deux conseillers sont choisis sur une liste établie par arrêté conjoint des ministères de
la justice, de la jeunesse et de l'enfance et des affaires sociales (art 82).
Le tribunal pour enfants compétent en matière de crimes est composée de 5 membres
qui sont:
- Le président ayant le grade d'un président de chambre à la cour d'appel.
- Deux magistrats conseillers dont l'un est chargé des fonctions de rapporteur
coordonnateur.
- Deux membres conseillers choisis parmi les personnes spécialisées dans le
domaine de l'enfance nommés sur une liste.

En matière de délits, le tribunal pour enfants est composé d'un président de chambre
et de deux membres conseillers spécialisés dans le domaine de l'enfance.
La chambre d'accusation compétente en matière d'affaires des enfants est composée
d'un président de chambre à la cour d'appel et de deux conseillers spécialisés.
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2- On traite d'abord de la question de l'âge, si l'enfant est âgé de moins de 13 ans il


n'est pas responsable par principe. S'il dépasse ce seuil, on procède aux recherches
nécessaires afin de prouver sa responsabilité, ou son irresponsabilité.

3- Le tribunal a recours toujours aux investigations préalables comme s'il s'agit d'un
majeur et selon les dispositions du Code de procédure pénale à la condition que ces
dernières soient en harmonie avec le Code de la protection de l'enfant.
Le juge des enfants effectue en outre par lui-même ou charge des personnes
habilitées à cet effet, toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la
manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité de l'enfant (art 87).

4 - Non

5- La constitution de la partie civile n'est pas admise devant les juridictions pour
enfants, mais elle peut mettre en mouvement l'action publique.
La procédure alternative majeure est la procédure de la médiation qui consiste selon
l'art 113 du Code pénal en un mécanisme qui vise à conclure une conciliation entre
l'enfant auteur d'une infraction ou de son représentant légal avec la victime, son
représentant ou ses ayants droit. Elle a pour objet d'arrêter les effets des poursuites
pénales, du jugement et de l’exécution.

IV – Sanctions et mesures applicables

1- Le juge de la famille reçoit les informations et les rapports, assure la collecte des
données et convoque toute personne qu'il jugera utile pour s'assurer de la situation
réelle de l'enfant. Il peut se faire aider dans ses tâches par les agents de l'action
sociale de la région. Ce juge peut, avant de statuer, autoriser une mesure provisoire
suite à un rapport émanant du délégué à la protection de l'enfance concernant la
nécessité d'éloigner l'enfant de sa famille pour sauvegarder son intérêt. Cette mesure
provisoire est révisée mensuellement. II peut également autoriser à soumettre l'enfant
à un examen médical ou pycho-clinique ou de procéder à toutes mesures ou examens
qu'il jugera nécessaires (art 55). Il peut également prendre la décision provisoire
d'éloigner l'enfant de sa famille et autoriser à le soumettre au régime de la tutelle, tout
en obligeant ses parents à participer au recouvrement de ses dépenses et à
l'exécution de sa décision.
L'article 79 ajoute que le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononceront
suivant les cas les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation
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qui semblent appropriées. L'article 87 affirme que le juge des enfants peut, dans
l'intérêt de l'enfant, ordonner l'une des mesures citées et rendre une décision motivée.

Même les enfants placés sous le régime de la liberté surveillée sont surveillés par des
délégués permanents rémunérés et par des délégués bénévoles à la liberté surveillée.

2- La réponse à cette question réside dans l'article 99 : « Si les faits sont établis à
l'égard de l'enfant, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononce, par
décision motivée, I'une des mesures suivantes :
1- la remise de l'enfant à ses parents, à son tuteur à la personne qui en a la
garde ou à une personne de confiance.
2- la remise de l'enfant au juge de la famille.
3- le placement de l'enfant dans un établissement public ou privé destiné à l'éducation
et à la formation professionnelle habilitée.
4- le placement de l'enfant dans un centre médical ou médico-éducatif habilité.
5- le placement de l'enfant dans un centre de rééducation ».

Une condamnation pénale peut être infligée à l'enfant s'il s'avère que sa rééducation
est nécessaire, tout en considérant les dispositions du présent code.
Dans ce cas, la rééducation se fait dans un établissement spécialisé et à défaut dans
un pavillon de la prison réservé aux enfants.
L'article 100 ajoute que ces mesures (ci-dessus indiquées) ne peuvent jamais excéder
la période où l'enfant aura atteint l'âge de 18 ans.

3- II n'y a pas d'emprisonnement désigné dans la loi.


3- L'article 43 du Code pénal dispose : « Tombent sous la loi pénale, les délinquants
âgés de plus de 13 ans révolus et de moins de 18 ans révolus.
Toutefois, lorsque la peine encourue est la peine de mort ou l'emprisonnement à vie,
elle est remplacée par un emprisonnement de 10 ans.
Si la peine encourue est celle de l'emprisonnement à temps, elle est réduite de
moitié ».

4- L'excuse de minorité existe en droit tunisien et permet de modérer la peine.

5- Pour la liberté surveillée l'article 107 dispose : « La surveillance des enfants placés
sous le régime de la liberté surveillée est assurée par des délégués permanents
rémunérés et des délégués bénévoles à la liberté surveillée.
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Le délégué à la liberté surveillée fait rapport au juge saisi de l'affaire en cas de


mauvaise conduite de l'enfant, de son péril moral, d'entraves systématiques à
l'exercice de la surveillance, ainsi que dans le cas ou une modification de placement
ou de garde lui paraît utile.

6- Non, cette tendance à la dépénalisation du droit pénal des mineurs n'existe pas en
droit tunisien car la sanction reste le plus efficace moyen de rééducation, mais ce
moyen doit tenir compte la jeunesse de l'enfant ; la sanction doit être souple.

7- Non, elle est remplacée d'une peine de 10 ans.

8- Non, la peine maximum est de 10 ans de prison.

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