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JANVIER 2008
6ème édition
2
AVANT- PROPOS
Le second souci de l’auteur est de présenter les différentes juridictions nationales (de
l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif, Cour des comptes, Cour constitutionnelle et
juridictions coutumières) et internationales dans un ouvrage unique en s’efforçant de dégager,
à travers les spécificités propres à chaque juridiction, une vision globale d’organisation et
compétences judiciaires et les principes qui la régissent.
L’auteur a consacré quelques pages aux juridictions internationales étant donné que
de nos jours, celles-ci prennent une place importante grandissante à mesure que se
développent les normes du procès équitable. Le juriste voire chaque citoyen (futur justiciable)
se doit d’en connaître l’existence.
Cet ouvrage est destiné d’abord aux étudiants de la faculté de droit des universités de
la République Démocratique du Congo ainsi qu’aux magistrats, avocats, défenseurs
judiciaires, officiers de police judiciaire, inspecteurs judiciaires, personnel judiciaire des
Cours et tribunaux, de la police nationale et de la gendarmerie, conseillers juridiques des
entreprises et tout justiciable. Enfin, les défenseurs des droits de l’homme et l’homme
politique trouveront intérêt à consulter cet ouvrage dans la mesure où il donne quelques pistes
de réforme de la justice congolaise et des différentes juridictions nationales et internationales.
Dans la vie quotidienne, en effet, les notions les plus élémentaires d’organisation et
compétence judiciaires ne cessent d’intervenir ; à plusieurs reprises, le juriste voire chaque
citoyen sera sollicité à éclairer des profanes au sujet des compétences des Cours et tribunaux.
De même, il se peut qu’un jour les circonstances amènent chaque citoyen à avoir un
problème avec la justice ! En effet, qui peut dire qu’il n’aura jamais de problème avec la
justice ? Que jamais il ne connaîtra pas les turbulences d’un procès, que jamais il ne devra
répondre à la convocation d’un OPJ, d’un IPJ , d’un magistrat, solliciter le talent d’un avocat
ou d’un défenseur judiciaire ou être victime d’une infraction ou d’une violation des droits de
3
Cet ouvrage a l’avantage de rendre plus pratique les différentes notions d’organisation
et compétence judiciaires en les conciliant avec la pratique, la doctrine, la jurisprudence, les
lois existantes en la matière, le droit comparé ainsi que certaines réflexions scientifiques.
Puisse cet ouvrage, faciliter à ceux qui l’utiliseront la compréhension des règles
d’organisation et compétence judiciaires.
INTRODUCTION GENERALE
1. Définition
D’autres auteurs définissent le droit judiciaire comme étant l’ensemble des règles
relatives à l’organisation juridictionnelle, à la compétence juridictionnelle et aux procédures
juridictionnelles2. Cette définition est proche de l’organisation et compétence judiciaires mais
elle garde également la procédure alors que celle-ci est une branche autonome. C’est
pourquoi, nous retenons la définition suivante qui nous semble simple et pratique :
l’organisation et compétence judiciaires est l’ensemble des règles, des lois relatives à
l’organisation, au fonctionnement de la justice et aux compétences des juridictions
judiciaires (juridictionnelles).
1
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Ed. Maison Ferd. Larcier,
1970, p. 37.
2
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5 ème éd. Litec, 2006, n° 7, p. 4.
5
a) La vengeance privée
Elle consistait à ce que la victime outragée, lésée, puisse elle-même se rendre justice.
On constatera que celui qui se rendait justice dépassait même la proportion du préjudice qui
lui a été causé. A titre d’illustration, la victime du vol pouvait même tuer, assassiner le voleur,
la victime d’adultère pouvait tuer celui qui a commis l’adultère avec son épouse. Bref, tout le
monde se rendait justice à sa manière, selon son vouloir. Autrement dit, c’est la loi du plus
fort qui s’imposait au plus faible. Mais cette « justice privée » qui n’est pas une justice est
contraire à l’Etat de droit4. C’est ainsi que suite à ce désordre public, les hommes ont eu l’idée
de proportionner la vengeance à l’agression. C’est ce qu’on appelle la loi du Talion, « œil
pour œil, dent pour dent ».
b) La loi du Talion
La loi du Talion consistait à ce que celui qui a tué soit également tué d’où : « œil pour
œil, dent pour dent ». C’est qu’avec la loi du Talion, la vengeance a été proportionnée à
l’attaque. On trouve également la loi du Talion dans le Code d’Hammourabi (Chaldée), la loi
de Moïse (Israël) et la loi de 12 Tables (Rome). C’est dans le même ordre d’idées qu’on a
institué « L’abandon Noxal » qui consistait dans le fait d’abandonner l’auteur de l’infraction
entre les mains de la famille de la victime, qui est libre d’en faire ce qu’elle veut : le vendre,
en faire un esclave, etc.5 Dans la loi de 12 Tables de Rome, avec le temps (en 450 avant
Jésus-Christ), la vengeance a été remplacée par un procès dirigé par le roi, aussi bien en
matière civile que pénale. Le roi protégeait souvent la partie susceptible de faire l’objet d’une
vengeance mais pouvait aussi autoriser une vengeance mesurée6.
3
A. RUBBENS, Idem.
4
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006, n° 4, p.2.
5
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit Pénal Général Zaïrois, Kinshasa, Ed. Droit et Société « DES »,
1989, p. 13.
6
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 33, p. 46.
6
D’autres mécanismes verront le jour pour limiter la vengeance privée, tels que la
composition qui permet aux familles en conflit de s’asseoir autour d’une table et de négocier
la nature et le montant des indemnités du fait du préjudice causé.
Lorsque les conflits opposaient les individus des clans différents, si les litiges ne
prenaient pas encore la dimension d’une guerre clanique, « les sages » s’employaient par la
persuasion à lui trouver, en accord avec l’ensemble de la collectivité, une issue pacifique10.
Ainsi, dans une tribu du Soudan, lorsque survenait un grave différend interne tel un meurtre, il
était possible de dédommager la famille de la victime en lui offrant du bétail. Le chef de la
tribu approchait les deux familles, accomplissait des rites de purification et de réconciliation,
faisait admettre à la famille victime un certain nombre de bêtes en compensation du dommage
7
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-La-
Neuve, 25 juin 2005, pp. 610-611 ; K. MBAYE et Y. NDIAYE (sous direction), Encyclopédie juridique de
l’Afrique, vol. IV, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, Paris, éd. Les nouvelles éditions
africaines, 1982, pp. 42-44 ; A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires,
Bruxelles, Kinshasa, éd. Larcier et Université Lovanium, 1970, pp. 11-12 ; S. KOWOUVIH, « La Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept spécificité
africaine en matière de droits de l’homme », in RTDH, 2004, pp. 762-763 ; BALANDA MIKUIN LELIEL,
« Les tribunaux de paix au Zaïre – fonctionnement – procédure et compétence », in Revue juridique du Zaïre,
janvier à décembre 1984, n° 1-3, p. 44.
8
A. MOYRAND, « Destruction et reconstruction d’un appareil judiciaire : le cas du Tchad », in J. DU BOIS
DE GAUDUSSON et G. CONAC (sous-direction), La justice en Afrique, Paris, la Documentation française,
1990, p. 46.
9
P.F. GONDEC, Les droits africains-Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1968, p. 195.
10
L.A. DEGUENON et B. HOUNDEKANDJI, La participation des juges populaires à l’administration de la
justice en République populaire du Bénin, mémoire de fin de formation des cadres supérieurs A1 de la
magistrature, Centre de formation administrative et de perfectionnement de Cotonou, Université nationale du
Bénin, 1982-1984, p. 7.
7
et évitait ainsi les représailles11. Comme on peut le remarquer, le chef ne tranchait pas le litige
mais il facilitait une réconciliation entre parties.
Bref, dans l’Afrique traditionnelle, il n’y avait pas de juridictions légalement instituées
et organisées comme celles d’aujourd’hui car ce sont les autorités coutumières12 qui
organisaient le fonctionnement de la justice. Celles-ci ne se référaient pas à une loi préétablie
pour trouver le tribunal compétent selon la matière ou pour trouver les éléments de solution,
mais se basant sur la coutume ancestrale, elles cherchaient avant tout à rapprocher les
positions des parties en litige. Leur rôle était plus de préserver les équilibres sociaux que de
donner raison l’un contre l’autre. Ces « juges » saisis se comportaient alors en véritables
conciliateurs, remplissant une fonction maïeutique, aidant les parties à trouver une solution du
litige13.
Avec la loi du Talion, la personne lésée n’était pas satisfaite complètement en ce sens
que celle-ci n’obtenait pas toute la réparation dont elle avait besoin. Il a fallu qu’une autorité
supérieure aux différentes familles et groupes ethniques existe pour que naisse l’idée de
procès. L’autorité supérieure, un roi, tranchait le litige en usant de son autorité et en se
présentant comme le représentant de Dieu sur la terre. Il faut, en effet, noter qu’à l’origine la
procédure était ritualiste et mêlée au religieux. On trouve cette situation en Mésopotamie
(actuel Irak) et aux origines du droit hébreux, grec et romain. Il semble aussi que le droit soit
en grande partie né de ces procès14. L’origine du droit n’est pas la loi mais plutôt le jugement.
Les lois sont précisément intervenues pour codifier les solutions dégagées par les juges. Le
processus était le suivant : le juge tranchait un litige puis était confronté à une affaire
similaire ; il décidait alors d’apporter la même solution ; est née alors une règle générale selon
laquelle à chaque fois que l’on se trouvait dans telle situation, le juge prenait telle décision. A
noter aussi qu’aucune distinction n’était encore faite entre procédure pénale, civile et
administrative.
Dans les sociétés primitives, le droit s’apparente au sacré. En effet, le droit hébraïque
n’a jamais été détaché de la religion, c’est d’ailleurs par la Bible et le Talmud (du mot
hébreux signifie étude, c’est la forme écrite de la loi orale reçue selon la tradition par Moïse)
qu’il est connu. Selon la tradition hébraïque, le premier commandement que Dieu a donné à
Noé, a été d’établir la justice en créant des tribunaux15. Au départ, les patriarches étaient les
juges de leur propre groupe et l’on recourrait à la vengeance entre tribus. Lorsque la royauté
11
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 27, p. 42.
12
Le Mwami, le Roi ou Empereur.
13
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-
Neuve, 25 juin 2005, pp. 611-612.
14
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 28, p. 42.
15
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 29, p. 43.
8
fut instaurée vers l’an mille avant Jésus-Christ, le roi se mit à assurer la justice en déléguant
ce pouvoir à une Cour composée de prêtres et de juges royaux16. Cette Cour traitait aussi bien
les affaires civiles, criminelles que religieuses. Elle cherchait à interpréter la volonté de Dieu
et rendait, en ce sens, des jugements de Dieu. Il existait également des juridictions inférieures
nommées Conseils des anciens qui étaient une survivance de l’organisation tribale de la
justice17. Comme on peut le remarquer, selon le droit hébraïque, les premières juridictions
avaient vocation d’appliquer la volonté de Dieu, c’est pourquoi, les premiers juges sont des
prêtres18.
En Grèce, la vengeance privée fut remplacée par les procès à partir du moment où il
exista une autorité assez forte pour imposer cette solution aux parties19. Puis le roi a délégué
ses pouvoirs à des juges. A l’époque de la démocratie athénienne, l’organisation des tribunaux
est devenue très complexe en raison des réformes successives. La juridiction la plus
importante était le tribunal de l’Héliée crée pour servir de Cour d’appel. Il s’agissait d’un
tribunal entièrement composé de citoyens tirés au sort au nombre de 6.000 répartis dans 10
Cours de 501 personnes (les 1.000 citoyens restants sont des suppléants). Les affaires
criminelles et civiles n’étaient pas distinguées. Ce tribunal était à la justice ce qu’est la
démocratie directe à la politique : le peuple devient juge des citoyens à partir du moment où il
n’y a plus de roi. L’instruction est cependant confiée à un magistrat spécialisé mais il n’y
avait pas de ministère public. L’arrêt était rendu sans délibéré et par vote général20. On voit là
l’origine des jurys populaires qui continuent d’exister de manière générale dans les
procédures de Commun law et particulièrement devant la Cour d’assises en France, en
Belgique et dans plusieurs pays de l’Afrique francophone. Puis la justice a été
progressivement rendue par des fonctionnaires et des possibilités d’appel ont été reconnues
aux parties. Enfin, devant l’Assemblée qui est un organe politique, tout citoyen pouvait
intenter une action dite publique, lorsqu’il considérait qu’un décret émis par l’Assemblée était
illégal21. On peut voir là l’ancêtre du recours pour excès de pouvoir devant les juridictions de
l’ordre administratif (tribunal administratif, Cour administrative d’appel et Conseil d’Etat).
En Afrique, les juridictions modernes ont été instituées par le biais de la colonisation.
Celle-ci a transposé les règles du droit judiciaire appliquées dans la métropole (Belgique et
16
E. JEULAND, op.cit, p. 43.
17
E. JEULAND, op.cit., p. 43.
18
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ième éd. Sirey, 2005, p. 3.
19
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. LG.D.J., 2007, n° 31, p. 44.
20
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n°31, p. 45.
21
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 31, p. 45.
9
France selon le cas). Certes, avant la colonisation, il y avait les institutions judiciaires
traditionnelles mais qui étaient différentes de celles d’aujourd’hui.
De 1885 à 1908, l’Etat Indépendant du Congo du Roi Léopold II de Belgique est créé ;
l’organisation et la compétence judiciaires étaient discriminatoires selon qu’il s’agissait des
indigènes ou des non indigènes. A côté des tribunaux de première instance et du tribunal
d’appel de Boma, il y avait des conseils de guerres institués dès la création de la Force
Publique en 1888 sous le décret du 22 décembre 1888.
De 1908 à 1960, l’Etat Indépendant du Congo est devenu Congo Belge. Pendant cette
période, le pouvoir colonial avait crée une organisation judiciaire en instituant des juridictions
nouvelles. C’est ainsi que furent crées les tribunaux de police, de district, de première instance
et les Cours d’appel. La Cour de cassation et le Conseil d’Etat étaient ceux de la Belgique.
Les limites de juridiction correspondaient aux limites administratives de la colonie. Cette
période est caractérisée aussi par la reconnaissance en 1926, par le pouvoir colonial, des
juridictions coutumières ; la simplification de la procédure civile ; la réglementation de la
procédure pénale depuis la police judiciaire jusqu’à l’exécution de jugement. Le Barreau a vu
le jour le 7 novembre 1930, puis soumis à des modifications par les trois autres décrets en
1932, 1947 et 1950. Il était caractérisé par l’absence d’autonomie, car son organisation
dépendait des Cours et tribunaux.
Toutes ces juridictions nationales et internationales créées donneront sans doute une
nouvelle impulsion à l’organisation et compétence judiciaires en République Démocratique
du Congo.
Bref, nous pouvons dire que les notions d’organisation et compétences judiciaires sont
importantes pour la vie de tout homme car tout le monde devrait se sentir concerné de son
contenu étant donné qu’il est le carrefour même de tout l’appareil judiciaire.
Le mot « source » n’a pas été défini par la loi. Nous retenons une définition simple et
pratique. Dans le cadre du présent ouvrage, par source, nous entendons la base, la référence,
le soubassement, le fondement, en d’autres termes par où reposent les règles d’organisation et
compétence judiciaires. Ces sources sont subdivisées en deux : les sources internes et les
sources internationales.
- La Constitution
C’est la loi suprême d’un pays qui détermine le mode d’exercice des pouvoirs.
Elle constitue une source d’organisation et compétence judiciaires dans la mesure où
elle définit notamment la mission du pouvoir judiciaire et l’indépendance de celui-ci, le droit
12
de défense ainsi que l’inamovibilité des juges (articles 149-169 de la Constitution approuvée
par le référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006).
- La loi
Nous pouvons définir la loi comme étant l’expression de la volonté populaire coulée
dans des textes juridiques, élaborée par un organe compétent et prévoyant des sanctions en cas
de sa violation. L’expression de la volonté populaire se manifeste par les élus du peuple, et
l’organe compétent dont il est question c’est le parlement (Assemblée Nationale ou le Sénat).
La loi constitue une source d’organisation et compétence judiciaires car c’est par la loi
que les Cours et tribunaux sont constitués ; le Statut des magistrats, la compétence des Cours
et tribunaux, les règles de procédure, la composition ; l’organisation et le fonctionnement du
pouvoir judiciaire relèvent du domaine de la loi (article 153 alinéa 5 de la Constitution du 18
février 2006).
- La coutume
C’est l’ensemble des usages, des pratiques qui à force d’être répétés, dans une société
bien déterminée ont acquis une force obligatoire.
Sa force, son fondement juridique repose sur les dispositions de l’article 153 de la
Constitution du 18 février 2006, les articles 108 et 116 alinéa 1 du Code de l’organisation et
compétence judiciaires. En effet, l’article 153 alinéa 4 de la Constitution déclare : « Les Cours
et Tribunaux, civils et militaires (…) appliquent les lois et la coutume pour autant que celle-ci
soit conforme à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». Et l’article 108 du Code d’OCJ
stipule : « Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la
défense de leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de
l’action publique prononcent d’office les dommages intérêts et réparations, qui peuvent être
dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux ». Aussi, l’article 116 alinéa 1 du
Code d’OCJ affirme : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et
tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle soit conforme aux lois et à l’ordre public ».
22
A ce sujet voyez KAVUNDJA N. MANENO, L’obstacle juridique à l’extradition en droit zaïrois, mémoire de
licence, Faculté de Droit, UNIKIN, 1989, p.5 et s.
13
De même, le règlement d’ordre intérieur de la Cour Suprême de justice23 prévoit des experts
en coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Il en est de même de l’article 86
de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats24 qui prévoit
les juges assesseurs auprès des tribunaux de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci
font application de la coutume.
Il ressort de l’esprit de ces textes, pour que la coutume soit appliquée par tribunaux :
- Elle croit être conforme aux lois, c’est-à-dire si une coutume est à l’encontre de la loi, elle
ne sera applicable par les cours et tribunaux ;
- Elle doit être conforme aux bonnes mœurs ;
- Elle doit être conforme à l’ordre public, c’est-à-dire elle ne peut permettre ce que la loi
interdit. Exemple : La coutume qui permet de soumettre des sévices à une femme qui vient
de perdre son mari ; cette coutume n’est pas conforme à l’ordre public car la torture, les
sévices sont des infractions prévues et punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du Code
pénal congolais, livre II).
La coutume constitue une source d’OCJ car les juridictions peuvent s’y référer à
condition qu’elle soit conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
- La jurisprudence
C’est l’ensemble des décisions, jugements ou arrêts rendus par les Cours et tribunaux.
Il s’agit simplement de l’ensemble des solutions apportées par les décisions constantes de
justice dans l’application du droit (lorsqu’il ya lieu à interprétation de loi, lorsqu’il ya
ambiguïté ou obscurité, etc.) ou même dans la création du droit lui-même (quand il faut
compléter la loi, suppléer une règle qui fait défaut)26.
C’est par la voie de la jurisprudence que les usages, les principes généraux du droit et
les solutions d’équité ont été admis d’une manière stable et précise en droit congolais. En
23
Article 19 de l’ordonnance 0166 du premier président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant le
règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in Journal officiel de la République du Zaïre, n° 14,
15 juillet 1976, p. 746 .
24
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p.21.
25
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp 188 et
189.
26
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°17, p.35.
14
effet, certaines juridictions, tels que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, eu égard à leur
prestige et leur notoriété jouissent d’une autorité reconnue. Aussi, lorsqu’elles définissent une
règle jurisprudentielle, les juridictions inférieures se trouvent « moralement dans
l’obligation » d’appliquer cette règle. Ce pouvoir qu’incarnent les hautes juridictions est le
garant et l’instrument de la démocratie s’il conserve une indépendance certaine, et s’il prend
soin de bien motiver ses décisions pour éviter tout risque d’arbitraire27.
- La doctrine
C’est l’ensemble des écrits, des savants de droit, des professeurs, des chercheurs et
praticiens de droit. Elle guide le législateur et le juge dans la formation du droit. Le plus
souvent la doctrine est par ses écrits une source d’inspiration indirecte. Par ses travaux, la
doctrine œuvre à la cohérence du droit judiciaire et facilite sa compréhension en analysant la
jurisprudence et en exposant les fondements et finalités des règles de droit. La doctrine peut
être aussi une source d’inspiration directe lorsque les juridictions s’y réfèrent ou lorsque le
législateur demande à des auteurs de participer à des commissions de réforme28.
Ex. : - La publication d’un ouvrage ayant comme titre : Droit judiciaire congolais, Tome I.
Organisation et compétences judiciaires.
- La thèse de doctorat en droit ayant comme titre : « L’indépendance et
l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone », Faculté
de Droit, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, juin 2005.
27
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 28, p.25.
28
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°20, p.12.
15
textes de lois régissant la matière29. Pour le professeur Matadi Nenga Gamanda, ce sont des
propositions premières non écrites, normatives et juridiques qui fondent, à côté d’autres
sources de droit l’unité du système juridique30. Toutes ces trois définitions expliquent
pratiquement la même chose.
On peut dans certaines mesures invoquer les dispositions du Code étranger par exemple en
droit congolais en tant que principes généraux de droit à condition qu’il y ait silence de la loi
congolaise et de la coutume ou celle-ci n’est pas conforme aux lois et à l’ordre public. Il
convient de préciser que les principes généraux du droit ont un caractère supplétif, ils ne
peuvent donc être invoqués ou n’être d’application qu’en l’absence d’une loi spécifique qui
régit la matière. En conséquence, lorsqu’un principe général du droit est coulé sous forme de
loi dans la suite, il n’est plus à considérer comme un principe général du droit33.
29
NKATA BAYOKO, De la violation des principes généraux du droit au moyen de cassation, Kinshasa, éd.
Kinsel, 2003, p. 20.
30
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°21, p.41.
31
A. RUBBENS, op. Cit. p. 41 ; Ordonnance de l’administrateur général du Congo, in Bulletin officiel, 1886, pp
188 et 189.
32
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°16, p.34.
33
Idem, n°22, p.43.
16
Pour plus de sécurité juridique, il serait mieux de ne retenir que les principes généraux
de droit approuvés par les juridictions internationales (la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la Cour Pénale
Internationale, la Cour Internationale de Justice de la Haye et le Comité des Droits de
l’Homme de l’ONU).
Les principes généraux du droit constituent une source d’OCJ car les juridictions
peuvent s’y inspirer.
- L’équité
L’on précisera que l’équité jouera un rôle purement supplétif, c’est-à-dire chaque fois
que législateur n’aura pris aucune disposition légale dans une matière36 et cette équité n’est
pas à confondre avec les normes du procès équitable. Mais le juge doit être prudent pour cette
source qui ne lui permet pas de faire ce que le législateur a entendu lui interdire car ce bon
sens, qui n’est pas la chose la mieux partagée du monde, échappe à une analyse qualitative et
quantitative ; il n’est pas observable comme le serait une loi, un principe général du droit,
préalablement énoncé et ayant son existence en dehors du juge. Comme on peut le constater,
la notion d’équité échappe donc au droit entendu comme science et dont l’objet, le droit,
relève nécessairement de l’observation et de l’objectivité37. C’est pourquoi, une décision
judiciaire qui se réfère uniquement à l’équité pour justifier une décision n’est pas motivée. Et
d’ailleurs, la Cour de cassation française avait affirmé que l’équité n’est pas une source de
34
B. QUIRINY, « Actualité du principe général d’impartialité administrative », in Revue du Droit Public et la
Science Politique en France et à l’étranger, 2006, pp. 376-389.
35
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 161.
36
Article 1er de l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886, in Bulletin Officiel, 1886,
pp.188 et 189.
37
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n °26, p.47.
17
- Les usages
Ce sont des pratiques applicables devant les juridictions bien déterminées. En effet,
l’on ne doit pas oublier l’importance de la pratique judiciaire qui crée des procédés que la loi
n’avait point prévus mais qui varient suivant les tribunaux établis dans les différents ressorts
des Cours d’appel. Mais les usages ne l’emporteront pas sur la règle légale s’ils sont en
contradiction avec elle, encore que la loi a souvent adopté certains usages qui s’étaient
imposés en les « coulant » dans des textes juridiques39.
38
Cassation française, ch. sociale, 4 décembre 1996, Bulletins des arrêts de la Cour de cassation en matière
civile, V, n° 421 ; JCP, 1997, I, 4064, n° 11, obs. CADIET, RTDciv., 1998, 221, obs. MOLFESSIS.
39
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena Ntambua, 1999,
p.2
18
De même, il est du pouvoir du ministre de la justice et garde des Sceaux de créer des
sièges secondaires des Cours, tribunaux et Parquets par voie d’arrêté. C’est dans cette logique,
que le ministre de la justice et garde des Sceaux avait créé les sièges secondaires du Tribunal
et du Parquet de Grande Instance d’Uvira à Kavumu et Mwenga dans la Province du Sud-
Kivu. Mais depuis la promulgation de loi 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, ce
pouvoir se fera en concertation avec le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Aussi, le ministre de la justice peut prendre des arrêtés portant modalités d’application
d’une loi qui a été votée au Parlement étant donné que la loi ne peut pas tout prévoir. Mais les
arrêtés pris par le Ministre ne doivent pas mettre en cause l’indépendance des magistrats telle
que prévue par la Constitution du 18 février 2006 et la loi du 10 octobre 2006 portant statut
des magistrats.
40
Notamment le Décret-loi du 18/12/1964 portant code provisoire de justice militaire ; Ordonnance-loi n°
72/060 du 25/091972 portant institution d’un Code de justice militaire.
41
Notamment le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 18 mai 1997 relatif à l’exercice du pouvoir en République
Démocratique du Congo ; Décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant création de la Cour d’ordre militaire.
42
NYABIRUNGU MWENE SONGA, op. cit., p. 335
19
Il est prohibé qu’une Chambre d’une juridiction s’attribue sans l’avis du chef de cette
juridiction une cause attribuée à une autre Chambre, étant donné que l’attribution des dossiers
aux juges est une prérogative exclusive du chef de cette juridiction44.
Elles sont constituées par des conventions internationales. Ces sources sont des
accords bilatéraux ou multilatéraux dont l’objet est le plus souvent de régler les problèmes de
compétence ou de la loi applicable aux litiges internationaux ou de faciliter la notification des
jugements ou leur exécution45. De même, la plupart des traités internationaux constituent une
source de droit judiciaire dans la mesure où tous les Etats parties aux traités s’engagent à
prendre , en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions desdits
traités, les arrangements devant permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou
autres, propres à donner effet aux droits reconnus qui ne seraient pas déjà en vigueur dans
leurs territoires46.
43
Ordonnance 0166 du premier président de la Cour Suprême de Justice modifiant et complétant le règlement
d’ordre intérieur de la Cour Suprême de Justice, in Journal officiel de la République du Zaïre, n° 14, 15 juillet
1976, p. 746 ; Les Codes Larcier République Démocratique du Congo, T.I Droit civil et judiciaire, Bruxelles,
éd. Larcier, 2003, pp. 332-336.
44
Tribunal de Paix de Kinshasa-Ndjili, 17 juin 1996, MP et M contre T. RP 23955/XIII, in RAJC, fascicule
unique, janvier à décembre 2000, p. 71.
45
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 15, p.10.
46
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°18, p.37.
20
- d’une part, le développement des relations internationales entre les sujets de droit qui
multiplie les causes de survenance de litiges internationaux ;
- d’autre part, les Etats acceptent, généralement par la conclusion de conventions
internationales multilatérales, de respecter, dans la conduite de procédures se déroulant au
sein de leur ordre juridique, certains principes ou standards, que l’on peut qualifier de
fondamentaux47 voire universels à tous les procès48. Ces principes constituent les normes
universelles du procès équitable.
La délinquance n’a pas de frontières ; aujourd’hui, l’on constate le crime organisé (la
fausse monnaie, le proxénétisme, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme et le
blanchiment d’argent). En même temps, il existe des recommandations internationales qui
touchent au fonctionnement de la justice des différents Etats.
47
S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges Jacques Van
Compernalle , Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 210 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et
droit comparé du procès équitable, Paris, 4ème éd. Dalloz, 2007, n° 46, p.83 ; F. FERRAND et T. MOUSSA, «
Le projet de l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure civile
transnationale : vers une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet.
La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp.199-228 ; E. JEULAND, Droit processuel,
Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p.173.
48
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 173.
49
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La charte, 2005, pp.1119-
1120 ; G. DEMANET, « Considérations sur l’entraide judiciaire en matière pénale », Revue de droit pénal et
criminologie, 1997, p.81.
50
Assemblée Générale de l’ONU, A/RES/40/32, du 29 novembre 1985 ; A/RES/40/146, 13 décembre 1985.
Dans le même sens E/CN.4/RES/1996/34 du 19 avril 1996 sur l’indépendance et l’impartialité du pouvoir
judiciaire des jurés et assesseurs et indépendance des avocats ; E/CN./1995/39 du 6 février 1995 ; Rapport du
Rapporteur spécial M. Param Cumaraswamy, soumis conformément à la résolution 1994/41 de la
Commission des droits de l’homme ; E/CN.4/1998/39/Add.3 du 16 février 1998 ; E/CN.4/sub.2/1993/25, 30
juillet 1993, Rapport sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des avocats dans l’exercice de
leur profession, établi par M. Louis Joinet, en application de la résolution 1992/38 de la Sous-Commission de
la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités, Commission des Droits de l’Homme,
Conseil Economique et Social des Nations Unies.
21
la magistrature51. Ces principes constituent une source d’OCJ étant donné que
l’Assemblée générale de l’ONU avait invité les gouvernements à en tenir compte dans
leur législation et leur pratique nationales, et à les accepter.
- Les principes de base relatifs au rôle du Barreau52 : ce sont des principes qui ont été fixés
par l’ONU afin que chaque Etat les intègre dans son arsenal juridique. C’est une source
d’OCJ étant donné qu’ils sont censés être incorporés dans les textes législatifs organisant
les différents barreaux du monde.
- La Déclaration Universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre 1948. C’est
la mère de tous les instruments internationaux de protection des droits de l’homme.
Ex : • l’article 8 prévoit le droit à un recours devant les juridictions nationales.
• l’article 10 prévoit le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial.
• l’article 7 est consacré à l’égalité devant la loi.
- La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, ratifiée par la
République Démocratique du Congo le 20 juillet 1987.
Ex : • l’article 3 prévoit l’égalité devant la loi.
• l’article 7 prévoit le droit de saisir les tribunaux compétents selon la matière, le
droit d’avoir un avocat de son choix, le droit d’être jugé par une juridiction
impartiale.
• l’article 26 oblige les Etats à garantir l’indépendance des tribunaux.
- Le protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant
création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 9 juin 1998, entré en
vigueur le 25 janvier 2004, ratifié par la République Démocratique du Congo le 9 septembre
1999.
- Le Statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet
2002, ratifié par la République Démocratique du Congo le 11 avril 2002.
Ces deux juridictions supranationales (la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples et la Cour Pénale Internationale) sont une source d’OCJ étant donné que dans
certaines circonstances, leur jurisprudence peut avoir une incidence en droit judiciaire
congolais et les congolais peuvent y être jugés.
- Le Pacte International des Droits Civils et Politiques de l’ONU du 19 décembre 1966,
ratifié par la République Démocratique du Congo le 1er novembre 1976.
Ex : • L’article 14 est consacré au droit à un procès équitable (égalité devant la justice,
le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, publicité des
audiences, présomption d’innocence, délai raisonnable du procès, droit de se
défendre par un défenseur de son choix, droit d’avoir un interprète, droit à un
recours, etc.).
- La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 dans sa
résolution 44/25, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par la République
51
Résolution 1989/60 du Conseil Economique et Social de l’ONU et approuvé par l’Assemblée Générale de
l’ONU dans sa résolution 44/ du 15 décembre 1989.
52
Résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU n° 45/121 du 14 décembre 1990 ; Résolution 45/166 du 18
décembre 1990 de l’Assemblée générale de l’ONU.
22
Cet instrument international peut être considéré comme source de droit judiciaire étant
donné que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a compétence notamment
pour connaître de toutes affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et
de tout instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats
concernés54. En effet, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples tend à compléter
et renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples55. Or,
celle-ci s’inspirait notamment de la jurisprudence relative à la convention européenne des
droits de l’homme rendue par la Cour européenne des droits de l’homme. Ce qui veut dire que
cette jurisprudence pourrait inspirer la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
qui pourrait à son tour, inspirer le droit judiciaire des différents Etats de l’Afrique. C’est pour
cette raison que cet instrument international peut être une source de droit judiciaire56.
C’est le pouvoir légal reconnu aux personnes de s’adresser à la justice pour obtenir le
respect de leurs droits et de leurs intérêts légitimes57. La notion d’action en justice traduit la
53
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1999 ; en Europe, on peut citer le Statut du juge en Europe adopté en 1992 et
amendé en 1996 ainsi que la Charte européenne sur le Statut des juges.
54
Art. 3 du Protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
55
Préambule dudit Protocole.
56
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 254-
255, 620-621, 623-624.
57
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ème éd. Sirey, 2005, p. 144 ; G. DE LEVAL,
Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, p. 15 ; R. PERROT, Institutions judiciaires,
Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 535, p. 432; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé,
Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 350, p. 217 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 69,
23
possibilité, commune à toutes les procédures, de transformer par un procès une situation
litigieuse ou plus largement une difficulté juridique58. La notion d’action en justice est
commune à tous les contentieux mais il existe autant de formes d’actions que de types de
litiges. C’est par l’action en justice que s’opère la demande en justice.
a) L’intérêt à agir
C’est le but recherché, poursuivi par le justiciable. C’est donc l’avantage ou l’utilité de
la prétention à la supposer fondée61. « L’intérêt est la mesure des actions. Pas d’intérêt, pas
d’action » ou encore « pas d’action sans intérêt ». Cet adage se justifie par la nécessité
d’éviter les contestations inutiles, par le souci de ne pas encombrer les juridictions, et éviter
que le tribunal ne devienne le siège des questions théoriques ou pour délibérer sur des
questions purement académiques. La personne doit justifier que la saisine de la juridiction est
faite en vue d’obtenir un avantage62. Si l’exercice de l’action n’est pas susceptible de procurer
un avantage à celui qui l’exerce, il est normal que la demande soit déclarée irrecevable et
rejetée sans qu’il soit nécessaire d’en apprécier le bien fondé63.
p.43 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 149, p.153 ; J. HERON et Th. LE BARTS,
Droit judiciaire privé, Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 56, p.57.
58
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 284, p.284.
59
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 71, p. 45 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 350, p. 217.
60
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 71, p.45 ; G. COUCHEZ, Procédure civile,
Paris, éd. Sirey, 2006, n° 151, p. 155 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd.
Litec, 2006, n° 350, p. 217 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Montchrestien,
2006, n° 58, p.58.
61
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°73, p.46 ; E. JEULAND, Droit processuel,
Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 309, p. 279.
62
M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, Paris, éd. Gualino, 2005, n° 122, p. 104 ; S. GUINCHARD (sous
direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n° 101.10, p. 3.
63
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 351, p. 218 ; E.JEULAND,
Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 309, p. 279.
24
C’est le pouvoir en vertu duquel une personne exerce l’action en justice. C’est le titre
juridique en vertu duquel une personne demanderesse ou défenderesse peut figurer
valablement dans un procès en vertu duquel elle est investie du pouvoir de faire juger le litige
par le juge. En d’autres termes, c’est le titre juridique conférant le droit d’agir, c’est-à-dire le
droit de solliciter du juge qu’il examine le bien fondé d’une prétention64. La qualité à agir
désigne le titulaire de l’action. La personne qui agit et qui a un intérêt personnel, né et actuel a
qualité pour agir65. La notion de qualité à agir sert donc à restreindre ou à élargir le champ des
personnes pouvant agir en justice. Cette qualité est reconnue au titulaire du droit litigieux, à
ses héritiers légaux ou testamentaires et à son conseil (avocat ou défenseur judiciaire).
c) La capacité
C’est l’aptitude reconnue à un individu d’ester en justice (voir articles 219 et 215 du
Code de la famille) ; c’est la faculté de poser valablement un acte juridique. L’on relève que
la capacité n’est pas une condition de l’action en justice, mais bien une condition de régularité
de l’exercice de celle-ci, donc une condition de régularité de l’instance66.
Il existe la capacité de jouissance et d’exercice.
• La capacité de jouissance consiste dans la jouissance de tous ses droits reconnus par
la Constitution de chaque pays à ses citoyens. C’est donc l’aptitude à être titulaire du
droit d’action, qui appartient, en principe, à toute personne physique ou morale67.
64
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 362, p. 224 ; S.
GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
102.10, p.11 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°82, p.50.
65
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 316, p.284.
66
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 151, p. 155.
67
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
103.10, p.23 ; L. CADIET et E. JEULAND, op.cit., n° 350, p. 217.
25
d) L’objet
Période impartie pour introduire une action en justice faute de quoi l’action sera
frappée de forclusion ou de prescription. L’accomplissement de la forclusion ou de la
prescription mettent fin à l’existence du droit d’action en justice, et sont sanctionnées, en
conséquence, par l’irrecevabilité de l’action, autrement dit une fin de non recevoir70. De
même, par définition, le déroulement du procès s’inscrit dans la durée. D’ailleurs les délais
sont nécessaires au bon déroulement des procédures et contribuent donc au procès équitable
dès lors qu’ils assurent la sécurité juridique, le respect du principe de la contradiction et du
délai raisonnable71.
Il convient de préciser même si nous avons cité la capacité, l’objet et le délai pour agir
comme moyen d’exercice de l’action en justice, mais presque toute la doctrine moderne72 ne
retient que deux conditions pour une action en justice, à savoir l’intérêt et la qualité.
68
L. CADIET et E. JEULAND, op.cit., n° 436, p. 272.
69
D. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 18, p. 35.
70
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
104.05, p. 28.
71
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 527, pp. 337-338.
72
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 6, p. 17 ; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 350, pp. 217-218.
26
Toutefois, la doctrine moderne la plus autorisée73 est d’avis que pour engager un procès, l’on
doit d’abord vérifier l’intérêt à agir, la qualité pour agir, la capacité d’ester en justice ainsi que
les délais pour agir.
73
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
10.00-104.62, pp. 2-34.
27
1ère PARTIE
L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Nous retiendrons ici les caractères généraux de l’organisation judiciaire, d’une part, et
les caractères techniques de l’organisation judiciaire, d’autre part.
Elle remonte à l’idée chère de Montesquieu dans son œuvre « L’esprit des lois » qui,
dans le but de prévenir le retour des abus de l’ancien régime, a inspiré l’organisation des
pouvoirs au sein des Etats actuels en instituant le principe de séparation des pouvoirs : « Tout
homme qui a le pouvoir est censé en abuser, pour qu’on ne puisse pas en abuser du pouvoir,
il faut que par les dispositions des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Il s’agit là du
principe de séparation des pouvoirs qui est ainsi posé. Ces pouvoirs sont : le pouvoir exécutif,
le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. D’après cette théorie, il n’existe pas de liberté si
et si le pouvoir judiciaire n’est pas séparé de l’exécutif, sinon il serait oppresseur, instrument
de l’exécutif et si le pouvoir judiciaire n’est pas séparé du pouvoir législatif sinon, il serait
arbitraire. Le principe de séparation des pouvoirs est une autre manière d’exprimer
l’indépendance des juges vis-à-vis des autres pouvoirs75.
74
Voyez T. KAVUNDJA N MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I, L’indépendance du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, U.C.L., juin 2005, pp. 11-256.
75
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 199, p. 198.
28
peut se définir comme étant la situation du juge auquel son statut (dispositions
constitutionnelles et légales) assure la possibilité de prendre ses décisions à l’abri de toutes les
influences, instructions et pressions76. Elle s’exprime généralement par rapport aux pressions
que peut subir le juge de la part d’autres pouvoirs comme l’exécutif, le législatif, mais aussi
d’autres pouvoirs de fait (partis politiques, groupes de pression, opinion publique, médias,
etc.). Dans ce contexte, est indépendant, le juge qui ne subit pas de pressions. Dans la
pratique, l’atteinte à l’indépendance du juge est l’œuvre surtout des pouvoirs exécutif et
législatif. C’est pourquoi, nous n’examinerons que l’indépendance du pouvoir judiciaire à
l’égard des pouvoirs exécutif (§1) et législatif (§2).
a) Principe
Il est interdit au pouvoir exécutif de juger, de dire le droit, de même il est interdit au
pouvoir judiciaire d’empiéter sur les matières réservées au pouvoir exécutif tel est le cas de
prendre des arrêtés, des ordonnances, des décrets, pouvoir reconnu à l’exécutif.
76
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd., Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, p. 37.
77
CEDH, 22 octobre 1984, Srameck, contre Autriche, Série A, n° 84 ; CEDH 5 décembre 2002, Dalkilic contre
Turquie, § 25 (rendu à l’unanimité).
78
CEDH, 10 mai 2001, Chypre contre Turquie, § 358 ; CEDH, 25 septembre 2001, Yalgin contre Turquie, §46.
79
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, décision 20 octobre 1993, Angel N. Olo Bohamande contre Guinée
équatoriale, Affaire n° 468/1991, A/49/40, p. 84, §435 ; Voyez aussi P. TAVERNIER, « Le droit où un procès
équitable dans la jurisprudence du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies », in R.T.D.H., 1996,
29
Tel est le cas du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux qui adresse à tous les chefs
de juridictions et offices, en les enjoignant qu’en matière d’évaluation des dommages et
intérêts consécutifs à la rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée, les
juridictions devraient se référer « à la jurisprudence constante de la Cour d’Appel de
Kinshasa Gombe qui a fixé la hauteur des dommages et intérêts à 36 mois de la dernière
rémunération du travailleur » 80.
Aussi, la Cour suprême de justice congolaise dit avec raison « viole les dispositions
constitutionnelles sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance du pouvoir judiciaire et
encoure annulation pour excès de pouvoir, la décision par laquelle, s’érigeant en censeur
d’un arrêt RTA 2937/2946 rendu par une Cour d’Appel et le critiquant comme ayant mal
apprécié les faits de la cause, le Ministre de la Justice qui ordonne la surséance à l’exécution
de cet arrêt, alors qu’aucun texte législatif ne prévoit pareille intervention »81.
Tel est le cas aussi de l’immixtion d’un gouverneur de province dans les actes de
justice par la tenue à l’intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d’une
causerie morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et
ceux de la Cour d’Appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de
statuer sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont déjà
posé des actes établissant que l’indépendance et l’impartialité de ceux de la Cour d’Appel
suspectée ne sont plus assurées83.
Par ailleurs, il est étonnant que le Ministre de la Justice donne parfois injonction à la
plus haute juridiction sur la manière de rendre les décisions judiciaires. Ainsi, dans une lettre
adressée au premier président de la Cour Suprême de Justice et au Procureur général de la
République, le Ministre de la Justice écrit : « (…) Je me vois contraint de vous donner
p. 13.
80
Circulaire n° 004/GAB/NIN/RIJ et GS/95 du 27 mai 1995.
81
C.S.J., 1er décembre 1997, Affaire Kato Kale contre République Démocratique du Congo, Arrêt RA 325, in
Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. 3, 3ème année, fascicule I, janvier à juin 1998, pp. 9-10.
82
C.S.J., 1er décembre 1997, Kato Kale contre République Démocratique du Congo, 1er décembre 1997, in Revue
analytique de jurisprudence du Congo, Vol. 3, fascicule I, janvier à juin 1998, pp. 10-12.
83
C.S.J., 16 mars 1990, Affaire BA et CA contre Cour d’Appel de Lubumbashi, in Revue juridique du Zaïre, n°
1-2, janvier à décembre 1992, pp. 46-47.
30
l’injonction de rendre vos décisions pour tous les pourvois qui ont été introduits jusqu’au 31
décembre 1996 au plus tard le 30 août 1997. A l’avenir je vous invite à ne plus dépasser un
délai qui ne pourra excéder quatre mois après la production des parties. Mon injonction ne
doit pas vous amener à rendre des avis ou des décisions contraires à la loi en excipant du
délai court. Je prendrai mon temps pour les examiner tous s’il le faut »84. Plus tard, en ce qui
concerne les délits de presse, le Ministre de la Justice ajoute : « les juges saisis de tels faits
prononcent souvent des peines fantaisistes et le plus souvent avec sursis permettant ainsi aux
infracteurs de ne pas s’amender et de tomber dans la récidive ». Ainsi, a-t-il donné des
instructions aux chefs de juridictions et offices de « répertorier toutes les plaintes y relatives
et rapport à me faire ; poursuivre pénalement tous les journalistes coupables de diffamation,
imputations, dénonciations calomnieuses, injures publiques ; appliquer en cette matière des
peines exemplaires en vue de décourager les éventuels criminels et diminuer ainsi le chiffre
noir de tels crimes »85.
b) Limites (exceptions)
Il existe une collaboration entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. C’est ainsi
que l’on peut relever sur la forme, la nomination et la promotion des magistrats par le pouvoir
exécutif (Président de la République, article 82 de la Constitution), Ministre de la Justice
selon les circonstances, sur proposition du Conseil Supérieur de la magistrature ainsi que la
présence des officiers du ministère public « agents du pouvoir exécutif » ??? auprès des
juridictions de droit commun et d’exception.
84
Lettre 0147/CAB.MIN/RIJ et GS/97 du 23 juillet1997, in Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol.
II, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 69/70.
85
Circulaire n° 002 CAB/MIN/RIJ et GS/98 relative à la répression des diffamations, imputations
dommageables, injures publiques commises par les journalistes à l’endroit des paisibles citoyens.
86
Article 15 alinéa 2 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats, Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p.6.
31
L’indépendance du pouvoir judiciaire est en droit congolais une règle clairement et,
formellement posée et organisée par la législation. Mais la pratique sur le terrain semble
difficile à suivre.
Nous espérons que la nouvelle Constitution adoptée par le peuple congolais lors du
référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 ainsi que la loi organique
du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats seront suivies par d’autres textes qui rendront
effective l’indépendance du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
- Prévoir pour toute nomination ou affectation ou promotion des magistrats l’avis conforme
du Conseil Supérieur de la Magistrature (cet avis doit lier l’organe de nomination).
- Supprimer la pratique de visa d’exécution des décisions judiciaires.
- Abolir expressément le pouvoir que s’octroie sans texte légal le ministre de la justice de
suspendre l’exécution de certaines décisions judiciaires.
- Fixer le traitement du magistrat par la loi (sur proposition conforme du Conseil supérieur
de la magistrature) qui devrait être au minimum pour le magistrat le moins gradé (comme
le juge de paix) de 1.500 $US par mois étant donné que les principes des Nations Unies
pour l’indépendance de la magistrature ainsi que le statut universel du juge soutiennent
que le magistrat doit avoir une rémunération suffisante afin d’assurer son indépendance
économique. Le traitement du premier président de la Cour de cassation et du procureur
général près cette Cour devrait être comparable à tout le moins à celui du président de
l’Assemblée Nationale. Pour les autres magistrats de la Cour de cassation, du Conseil
d’Etat et de la Cour constitutionnelle, ils devraient avoir les mêmes traitements et
avantages reconnus aux ministres.
- Prévoir le recours en matière disciplinaire au niveau du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
- Abroger toutes les dispositions qui prévoient un droit de regard sur les magistrats de la
part des autorités administratives et territoriales.
a) Principe
Il n’est pas admissible que le pouvoir judiciaire élabore des lois, ou au pouvoir
législatif de modifier les décisions du juge et ou s’opposer à leur exécution. En République
Démocratique du Congo, les articles 149 et suivants de la Constitution proclament que le
32
Cette indépendance se rapporte à l’idée selon laquelle la justice ne peut être qualifiée
telle, dans un Etat démocratique, que si elle est rendue d’une manière indépendance par ceux
qui sont investis de la charge de la rendre87.
b) Limites (exceptions)
Enfin, le pouvoir législatif intervient parfois dans le pouvoir judiciaire tantôt par des
commissions d’enquête parlementaires ou par des lois intervenant dans le fonctionnement de
la justice telles que notamment les lois d’amnistie, les lois interprétatives et les lois de
validation. Mais dans la plupart des cas, ces lois portent atteinte à l’indépendance du juge
lorsqu’elles sont élaborées dans le but de « forcer la main » du juge88. Dans tous les cas,
l’article 151, alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que toute loi dont l’objectif
est manifestement de fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet.
- Eviter de créer une commission d’enquête parlementaire pour les faits qui sont instruits
devant les instances judiciaires, et n’envisager la création d’une telle commission que dans
des cas très limités, notamment lorsque les tribunaux ont vidé leur saisine sur ces faits.
87
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 47.
88
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en Droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
juin 2005, p. 159-219.
33
91
Section 2 : L’impartialité du juge
Dans Deutéronome 16, 19, nous pouvons lire : « vous ne fausserez pas le cours de la
justice, vous ne ferez pas preuve de partialité envers les personnes et vous ne vous laisserez
pas corrompre par des cadeaux, car ceux-ci aveuglent même les sages et compromettent la
cause des innocents ».
Proverbe 24, 23 nous enseigne : « voici encore les proverbes émanant des sages : la
partialité en justice est une mauvaise chose ». Lévitique 19, 15 dit : « vous ne commettrez pas
89
Vocabulaire juridique (sous direction de G CORN), Paris, PUF, V° Validation.
90
CEDH, 23 octobre 1997, National et provincial Building society et alii c/ Royaume Uni, in R.G.D.P., 1998,
241, obs. Flauss ; RFDA, 1998, p.990, note L. Sermet ; CEDH, 28 octobre 1998, Zielinski, Prodel et autres
contre France, Unanimité, AJDA, 2000, 533 ; RTD civ., 2000, R.T.D.H., 2000, 787, obs. E. Mella.
91
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en Droit, Faculté de
Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 257-631 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure
pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, 796 pages ; D. ROETS, L’impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas,
1997, 494 pages, ; S. JOSSERAND, L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, 651
pages ; C. TOURNIER, « De l’impartialité objective et subjective », in Revue de la recherche juridique Droit
prospectif, 2005-1, pp. 233-247 ; J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du
juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, 336 pages.
34
Exode 23, versets 3, 6 et 8 disent : «Ne favorise pas un pauvre dans un procès(…).Ne
fausse pas le cours de la justice aux dépens du pauvre dans un procès(…).Tu n’accepteras
lepot-de-vin, car les présents aveuglent même des hommes lucides et compromettent la cause
des justes ».
S’agissant des textes internationaux, ils soulignent aussi la nécessité du juge impartial.
En effet, l’art. 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de l’ONU dit que toute
personne a droit, en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial93.
Les articles 1, 5 et 7 du Statut Universel du juge96 ont mis l’accent sur la nécessité de
l’impartialité du juge. Son article 5 affirme : « Le juge doit être et apparaître impartial dans
l’exercice de son activité juridictionnelle. Il doit accomplir sa tâche avec modération et
dignité au regard de sa fonction et de toute personne concernée ». Cette formule a été reprise
par l’article 3 du Statut du juge en Europe97.
Aussi, les points 1.1 et 4.2 de la Charte européenne sur le statut des juges tendent à
assurer l’impartialité que toute personne attend légitimement des juridictions et chacun des
juges auxquels est confiée la protection de ses droits98.
92
Bible version du Semeur 2000 ; D’autres versets vont dans le même sens ; Exode 23, 3 à 8 ; Esaïe 33, 15.
93
Préambules des Constitutions sénégalaise, ivoirienne, béninoise et congolaise (Constitution approuvée par
référendum du 18/12/2005 et promulguée le 18 février 2006).
94
Adoptés par le cinquième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et traitement des délinquants,
Milan 26 août au 6 septembre 1985 et confirmés par l’Assemblée Générale dans ses résolutions 40/32 du 29
novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985.
95
Communication n° 3/1991, 24 mars 1994, Narrainen contre Norvège, CERD/C/44/D/3/1991, §1-10.
96
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1989.
97
Approuvé par l’Association Européenne des Magistrats en 1992 et amendé le 20 avril 1996 au cours de
réunion de Bratislava.
98
Réunion multilatérale sur le statut des juges en Europe, organisée par le Conseil de l’Europe les 8-10
juillet1998.
99
Adopté par le Comité des Ministres le 13 octobre 1994 lors de la 518ème réunion des délégués des ministres.
35
de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, font de l’impartialité une
obligation des Etats membres.
Ces versets bibliques et textes internationaux ainsi relevés montrent à suffisance que
l’impartialité est la clef du procès équitable. Dès lors, il convient de la définir, préciser ses
sortes et montrer sa différence avec l’indépendance du juge ainsi que l’importance de
l’indépendance et l’impartialité du juge.
a) Définition de l’impartialité
Il existe plusieurs définitions de l’impartialité100. Nous n’allons pas nous lancer dans
une controverse doctrinale, et nous avons retenu une définition qui nous semble claire et
pratique.
L’impartialité est un état d’esprit de celui qui est guidé par le souci de la justice en se
référant au droit ; elle implique que le juge soit sans opinion préconçue, sans parti pris, sans
préjugés et sans préjugement101. L’opinion préconçue du juge veut dire que celui-ci s’est
exprimé avant jugement en dévoilant sa conviction personnelle sur une affaire qu’il doit juger
ou montrant son opinion négative ou positive sur l’une des parties au procès. Le parti pris
exprime que le juge est favorable à l’égard de l’une des parties ; d’où il a un parti pris. Le
préjugé consiste en toute opinion préconçue par le juge sur la base de certaines orientations
qui imprègnent tout son être et dépendent le plus souvent de ses valeurs, de l’influence de son
milieu social ou intellectuel, de son époque, de son éducation, de sa culture, de ses
convictions religieuses ou philosophiques, de ses conceptions politiques, de son expérience,
de ses sentiments ou encore de ses émotions, indépendamment des éléments concrets et
objectifs de l’affaire qu’il est appelé à juger.
Le préjugé tout comme le parti pris est donc attaché à la personne du juge et ne dépend
pas d’une intervention précédente. Le préjugement quant à lui est relatif à la formation d’une
opinion anticipée sur l’issue d’une procédure. Il signifie concrètement que le juge a soit
100
S. JOSSERAND, L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, éd. L.G.D.J., 1998, n° 5, p. 590 ; D.
ROETS, Impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, n° 9, p. 18 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en
procédure pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, pp. 21-23 ; M.A. FRISON-ROCHE, « L’impartialité du
juge », in Dalloz, chroniques, 1999, n° 6, 11 février 1999, p. 54 ; J. PRADEL, « La notion européenne de
tribunal indépendant et impartial selon le droit français », in Rev. Sc. Crim., n° 4, octobre-décembre 1990, p.
693 ; F. MATCHER, « La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’homme », in
Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 35 et 36 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd.
Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, p. 37 ; J.P. GRIDEL, « L’impartialité du juge
dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation » , in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure
en tous ses états, Paris, éd. Montchestien, 2004, p.243.
101
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 262-263.
36
tranché provisoirement une affaire où il est intervenu dans la connaissance d’une affaire, et
cette intervention montre que ledit juge a une conviction profonde qu’il pourra certainement
prendre lorsqu’il jugera une affaire donnée. D’où le mot préjugement étant donné qu’il risque
de confirmer son « jugement » antérieur.
b) Sortes de l’impartialité
Il s’agit de vérifier que le juge n’a manifesté aucun parti pris, aucun préjugé personnel,
aucune opinion préconçue, aucune amitié, inimitié ou malveillance quelconque, qu’il n’a
exercé aucune influence injuste sur l’issue de la procédure ou n’a fait montre de faveur ou de
défaveur à l’égard d’une partie102. Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU a considéré à
juste titre que « l’impartialité du tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées préconçues
au sujet de l’affaire dont ils sont saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à favoriser les
intérêts de l’une des parties »103.
102
CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou contre Chypre, unanimité, §32 ; CEDH, 17 juin 2003,
Pescador Valero contre Espagne, §23 ; CEDH, 10 octobre 2000, Daktaras contre Lituanie, unanimité, §30 ;
CEDH, 6 mai 2003, Kleyn contre Pays-Bas, § 195 ; CEDH, 15 novembre 2001, Papon contre France,
unanimité, n° 54210, §6 ; CEDH, 26 octobre 1984, De Cubber contre Belgique, unanimité, §24 ; CEDH, 1er
octobre 1982, Piersack contre Belgique, unanimité, § 30 ; CEDH, 22 février 1996, Bulut contre Autriche, §32 ;
CEDH, 15 novembre 2001, Werner contre Pologne, unanimité, §39 ; CEDH 28 octobre 1998, Castillo Algar
contre Espagne, unanimité, §43 ; CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt contre Danemark, §46 ; CEDH, 6 juin 2000,
Morel contre France, unanimité, §42 ; CEDH, 22 avril 1994, Saraiva de Carvalho contre Portugal, unanimité,
§35 ; CEDH, 5 septembre 2002, Strivay et Simon contre Belgique, n° 44559 ; CEDH, 25 juillet 2000, Tierce et
crts contre Saint-Martin, unanimité, §76 ; CEDH, 24 février 1993, Fey contre Autriche, §30 ; CEDH, 25
septembre 2001, Yalgin et crsts contre Turquie ; CEDH, 7 août 1996, Ferrantelli et Santagelo contre Italie,
§56 ; CEDH, 10 juin 1996, Thoman contre Suisse, unanimité, §30 ; CEDH, 16 décembre 2003, Cooper contre
Royaume Uni, unanimité, §104 ; Voyez T. KAVUNDJA, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en
droit, U.C.L. Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 270-331 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure
pénale, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 47-48.
103
Décision du 23 octobre 1992, Arvo Karttunen c/ Finlande, Affaire n° 387/ 1989, A/ 48/ 40, Partie I, p. 201 et
Partie II, P. 134.
37
En effet, l’indépendance s’exprime généralement par rapport aux pressions que peut
subir le juge de la part d’autres pouvoirs comme l’exécutif, le législatif, mais aussi d’autres
pouvoirs de fait (partis politiques, groupes de pression, opinion publique, médias, etc.). Elle
relève donc d’un statut plus ou moins protecteur.
L’impartialité quant elle se perçoit comme une sorte d’indépendance par rapport à soi-
même c’est-à-dire une attitude qu’un juge peut avoir dans un processus juridictionnel. Elle est
donc liée à l’organisation et au fonctionnement interne des juridictions, aux qualités
personnelles du juge ; c’est donc une vertu.
Même si ces deux notions se distinguent, elles sont cependant très complémentaires ;
l’on ne peut revendiquer l’une et négliger l’autre. L’indépendance constitue le fondement, la
racine même de l’impartialité du juge et légitimise seule la force obligatoire des décisions
judiciaires, une fois les délais et voies de recours épuisés, et l’impartialité constitue le verrou
du procès équitable. Nous pouvons aussi dire que l’indépendance est la sauvegarde et le
bouclier de l’impartialité. L’indépendance constitue, par conséquent, la condition sine qua
non de l’impartialité du juge en ce sens qu’un juge qui manque d’indépendance ne peut guère
être considéré comme impartial en raison de ses relations avec l’une des parties ou l’activité
104
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit composé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
25 juin 2005, pp. 332-622 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2005,
pp. 251-666.
105
S. GUINCHAARD et alii, Droit processuel.. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, 3ème éd.
Dalloz, 2005, n° 340, pp. 613 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de
droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3.
106
Le Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg et le Comité des Droits de l’homme de l’ONU les
utilisent souvent ensemble.
38
107
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, p. 2.
108
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, op. Cit, pp. 4 - 7
109
Ibidem ; J. VAN COMPERNOLE, « L’indépendance et l’impartialité du juge », in P. LEMMENS et M.
STORME, confiance dans la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 17 ; J. VAN COMPERNOLLE, « crise
du juge et contentieux judiciaire civil en droit belge », in J. LENOBLE, la crise du juge, Paris, éd. LGDJ,
1990, p. 29 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et loyauté procédurale : une double exigence
du procès équitable », in Revue du Droit Public et des Sciences Administratives, 1/2006, pp. 33-37 ; S .
GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3 ; E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.G., 2007, n°
162, p. 173.
110
Résolution 1993 / 44 du 5 mars 1993 de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU.
111
R. KOERING – JOULIN, « Le juge impartial », justices, 10 / 1998, p.1.
112
Communication n° 263 / 1987, Affaire Miguel Gonzalez del Rio c/ Perou, décision du 28 octobre 1992, A /
48/ 40, Partie I, p. 200 et Partie II, p. 20 ; CCPR / C / 46 / D. / 263 / 1987, § 5. 2.
113
Cass. Belge (2è ch.), 11 décembre 1996, 14 octobre 1996, JLMB, 1997, p. 175, note M. Uyttendaele et R.
witmeur, pp. 117 – 201, Rev. Dr. Pén. et crim., 1997, p. 470, note A. Jacobs, pp. 472 à 491.
39
Ni les pressions exercées (en rapport avec son indépendance), ni les préjugés dont il
peut être porteur ou les « préjugements » qu’il a pu formuler déjà (en rapport avec son
impartialité), ne doivent avoir de place dans la formulation de son jugement. La garantie doit
être donnée au justiciable que le juge a l’esprit totalement libre dans l’exercice de sa fonction.
Indépendance, impartialité, principe de la contradiction sont en définitive, les trois piliers de
l’activité juridictionnelle car lorsque ces principes font défaut pour un tribunal, il n’existe
qu’un simulacre de justice114.
§1. Principe
Ce principe a été énoncé pour la première fois dans la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen élaborée en 1789, confirmée par la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme de 1948 (article 1er), ensuite par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples (article 3) ; enfin par la Constitution congolaise qui déclare que « tous les
Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois » (article 12).
Aussi, l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques confirme ce
principe.
114
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 174.
115
CEDH, 4 décembre 2003, Duran c/ Turquie, §§ 15 et 16 ; CEDH, 13 novembre 2003, Al c/ Turquie, § 25 ;
CEDH, 9 octobre 2003, Fadime Ozkan c/ Turquie, § 24 ; CEDH, 10 juillet 2003, Yurtdas c/ Turquie, § 23 ;
CEDH, 19 juin 2003, Hulki Gunes c/ Turquie ; § 84 ; CEDH, 30 janvier 2003, NK c/ Turquie, § 33 ; CEDH,
10 novembre 2004, Canevi et autres c/ Turquie ; CEDH, 9 juin 1998, Incal c/ Turquie ; CEDH, 28 octobre
1998, Ciraklar c/ Turquie ; CEDH, 12 mai 2005, A. Ocalan c/ Turquie.
40
L’égalité devant la justice signifie que toute personne a une égale vocation à être jugée
par les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de procédure sans la moindre
discrimination116. Ce principe vise donc à permettre à toute personne de pouvoir accéder
facilement à la justice, quelle que soit sa condition sociale, son sexe, son origine ethnique ou
raciale. Cela signifie que chaque citoyen doit être jugé par les mêmes tribunaux au regard des
mêmes droits. En conséquence, nul ne peut être jugé par une juridiction spécialement crée
pour des circonstances extraordinaires, ou être victime de discriminations fondées sur la
qualité de sa personne117.
Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU avait rappelé que l’art. 14, §1er du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques garantit l’égalité en matière de procédure,
mais ne saurait être interprété comme garantissant l’égalité dans les résultats de cette
procédure en l’absence d’erreur de la part du tribunal compétent118.
On peut noter ici les bénéficiaires des privilèges de juridiction qui peuvent être
poursuivis pénalement que par des juridictions de rang élevé compte tenu des fonctions dues à
leur rang. Il s’agit notamment des membres de l’Assemblée Nationale, les membres du
Gouvernement, les magistrats de la Cour Suprême de Justice et du Parquet Général de la
République, les Gouverneurs des provinces, les présidents des Assemblées provinciales ou
Conseils provinciaux et le président de la Cour des Comptes (article 98 du Code d’OCJ).
Ceux-ci sont justiciables devant la CSJ.
116
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd., Montchrestien, 2006, n° 66, p. 62.
117
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.18.
118
Déc. Du 30 mars 1989, Affaire B de B et alii contre Pays-Bas, n° 273/1989,A/44/40, p. 298.
41
d’appel et les Procureurs près ces Cours ; les Gouverneurs, les Vice-gouverneurs de province
et les Ministres provinciaux ainsi que les présidents des Assemblées provinciales. De même,
le Président de la République et le Premier Ministre sont justiciables devant la Cour
Constitutionnelle (article 163 de la Constitution).
119
Ordonnance- loi 84 – 023 du 30 mars 1984 relative au privilège de juridiction et aux immunités des
poursuites des membres des assemblées régionales, des conseillers urbains, des conseillers des zones urbaines
et rurales et des conseillers de collectivité, in Journal officiel de la République du Zaïre, n°8, 15 avril 1984, p.
8.
120
Article 83 alinéa 8 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats, in Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p.22.
121
Tribunal de Paix de Kinshasa-Gombe, 19 décembre 1989, MP et Mu contre Ka, RP 11463/III, Revue
juridique du Zaïre, janvier à août 1993, n° 1 et 2, pp. 24-25.
122
Articles 153 et 163 de la Constitution du 18 février 2006 et 98 du Code d’organisation et compétence
judiciaires concernant les justiciables de la Cour de cassation et de la Cour Constitutionnelle.
42
Adau lorsqu’il souligne : « Les forces maffieuses constituées en véritables pouvoirs parallèles
et informels s’octroient des privilèges de juridiction détournés de leur finalité organique »123.
Cette situation crée une « immunité de poursuite déguisée » étant donné qu’avant toute
poursuite pénale à l’égard des bénéficiaires du privilège de juridiction, le magistrat du Parquet
doit obtenir l’autorisation préalable. Ne faut-il pas limiter au minimum les bénéficiaires dudit
privilège de juridiction tel qu’il ressort également des enseignements de droit comparé?
Nous pensons que l’on devrait limiter les bénéficiaires du privilège de juridiction afin
d’éviter dans la société congolaise l’existence d’une « caste d’intouchables déguisés »
pouvant créer une inégalité devant la justice. Nous estimons que pourraient être bénéficiaires
du privilège de juridiction et être justiciables de la Cour de cassation en premier et dernier
ressort, le Président de la République et les membres du Gouvernement, les membres du
Bureau de l’Assemblée Nationale et du Sénat, les magistrats de la Cour constitutionnelle, de
la Cour de cassation et du parquet près cette Cour, les magistrats du Conseil d’Etat et du
parquet près ce Conseil, les premiers présidents des Cours d’appel et procureurs généraux
près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel et procureurs près
ces Cours.
123
P. AKELE ADAU, « Le droit est mort, vive le droit », in Congo-Afrique, n° 331, janvier 1999, p. 23.
124
Articles 479 et 483 du Code d’instruction criminelle belge ; articles 103 et 125 de la Constitution belge ;
voyez H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La Charte, 2005,
pp.157-158 ; 1231-1235.
125
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, op.cit., p.1232.
43
§1. Principe
Autrefois, les justiciables rémunéraient les juges des services rendus par leurs
décisions. En effet, dans l’Ancien Droit, les plaideurs rémunéraient leurs juges par les
« épices » provenant du fait qu’au départ la rémunération se faisait par des cadeaux en nature
portant sur des produits rares et chers avant que cette rémunération se soit traduite librement
en argent, puis taxée à des sommes fixes126. Ce système a été abandonné étant donné qu’il
introduisait dans l’administration de la justice un esprit de lucre assez peu compatible avec la
dignité et l’indépendance du juge127.
Ces juges n’étaient pas comme de nos jours les salariés. C’est que rendre la justice
était une charge faisant partie du patrimoine privé des magistrats et à ce titre susceptible d’être
transmis à ses héritiers. Mais avec le droit moderne, ce système a été abandonné en raison de
nombreux inconvénients qu’il comporte. Désormais le souci du droit judiciaire actuel sera de
permettre à tous les plaideurs (justiciables) l’accès libre aux juridictions sans devoir payer
directement ou indirectement leurs juges.
En effet, tout procès entraîne des frais dont les plaideurs ont la charge, car s’ils ne
payent pas leurs juges, ils doivent payer les honoraires et émoluments des auxiliaires de la
justice qui ont apporté leurs concours comme les avocats et défenseurs judiciaires. Il est donc
126
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, P.U.F., 1996, p. 72 ; R. PERROT, Institutions judiciaires,
Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 68, p. 64 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris,
éd. Gualino, 2005, p.18.
127
R. PERROT, Ibidem.
44
normal que ces derniers qui offrent leur temps et leur talent aux plaideurs qui se confient à
eux soient rémunérés. Mais il est certain que toutes ces dépenses additionnées les unes aux
autres, représentent parfois des sommes importantes, surtout si le procès est complexe.
Mais l’on peut dispenser les indigents (personnes sans revenus) au paiement de frais
d’instance s’ils ont une attestation d’indigence délivrée par le bourgmestre de Commune ou
administrateur du territoire. Ces indigents sont donc pro deo. En Belgique et en France, les
justiciables au revenu bas bénéficient de l’aide juridique (les frais d’instance, les honoraires
de l’avocat sont pris en charge par l’Etat). Les Comité des droits de l’homme de l’ONU, se
fondant à l’article 14 § 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, s’est
prononcé dans le même sens en soulignant : « Il s’ensuit que si un condamné (…) ne dispose
pas de moyens suffisants pour faire face aux dépenses qu’implique une procédure et, si
l’intérêt de la justice l’exige, l’Etat devrait lui fournir une assistance judiciaire »130.
Nous estimons que le seul moyen de faire face aux abus de la gratuité de la justice
consiste à octroyer aux magistrats et aux fonctionnaires auxiliaires de la justice un salaire
décent. Nous avons souligné que le salaire de 1.500 $US par mois pour le magistrat le moins
gradé était un minimum.
128
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo,
contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et Idées nouvelles, 2001, p. 407.
129
Ibidem, p. 410.
130
Comité DH, Affaire Antony Currie c/ Jamaïque, n° 377/ 1989, A/ 49 / 40, in Rapport du Comité des Droits de
l’Homme pour 1994, A/ 49/ 40, vol. I , pp. 83-84.
45
permettant à chaque citoyen de bénéficier d’une aide juridictionnelle raisonnable que l’égalité
devant la justice et l’accès au juge serait une réalité évidente en République Démocratique du
Congo.
§ 1. Principe
Seuls les Cours et tribunaux légalement institués sont chargés de dire le droit ; ils
connaissent du contentieux civil, commercial, social, criminel, fiscal, administratif et
constitutionnel.
L’alinéa 4 de cet article précise qu’il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou
d’exception sous quelque dénomination que ce soit. Les Cours et tribunaux judiciaires
connaissent du contentieux civil et criminel (pénal). La Constitution elle-même a cependant
prévu de exceptions à cette règle en faisant état des Cours et tribunaux militaires, en
instaurant une Cour constitutionnelle, le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et
les tribunaux administratifs, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail, une Cour
des comptes et un Conseil supérieur de la magistrature.
Au regard de la loi, seuls les Cours et tribunaux légalement institués ont pour mission
de dire le droit, de juger. D’où le monopole des fonctions judiciaires des Cours et tribunaux
institués à cette fin.
L’un des maux traditionnels de la justice est son engorgement qui provoque des délais
anormaux pour le règlement judiciaire des litiges. Or, il est certain qu’un grand nombre
d’actions en matière civile, commerciale, du travail, de la famille, et parfois administrative est
le fruit de la conjonction d’une mauvaise information du public et d’une vindicte instinctive
qu’un peu de réflexion pourrait apaiser. Un certain volume contentieux pourrait donc être
évité par constat direct des plaideurs potentiels mené sous la houlette d’une personne digne de
confiance qui pourrait rechercher avec eux les termes d’un accord : c’est donc la procédure de
conciliation qu’on devrait encourager dans les différentes matières citées. C’est un mode de
règlement des différends grâce auquel les parties en présence s’entendent directement pour
mettre fin à leur litige, au besoin avec l’aide d’un tiers, le conciliateur.
46
Nous pensons que dans les matières citées et pour les « petites » infractions pénales
(tapage nocturne, adultère, violation de domicile, etc.), le législateur pourrait en charger un
non magistrat ou les anciens juges coutumiers (après avoir suivi une formation appropriée) du
pouvoir d’y procéder. La conciliation présente de nombreux avantages : elle coûte moins cher
qu’un procès, elle ne laisse pas de rancœurs et la décision est exécutée plus facilement parce
qu’elle est acceptée par toutes les parties.
§ 1. Principe
131
KEBA MBAYE et Youssoupha NDIAYE, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, in
Encyclopédie juridique de l’Afrique, Vol. IV, Paris, éd. Les Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 43.
132
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 98, p. 216; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 78,
p. 75 ; J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n°78, p.57.
47
Belgique et en France en cas d’urgence, il est toujours possible de saisir le juge des référés,
même le dimanche, au besoin à son domicile personnel133.
A cet égard, nous estimons qu’il serait nécessaire d’introduire au Congo la procédure
des référés qui permet de saisir le juge lorsque pour une affaire il y a urgence, un préjudice
grave et imminent, et la réparation serait difficile en cas de retard136. Cette procédure
traduirait réellement la continuité et la permanence des juridictions et favorisait le progrès
économique dans la perspective d’une paix durable et où les activités économiques seraient
florissantes.
Il est donc évident que cette procédure soit prévue lorsque les moyens financiers
suffisants (notamment un salaire décent et un équipement adéquat) seront mis à la disposition
de juges ; au cas contraire il y aurait abus à cause de la corruption ou de trafic d’influence.
Nous pensons que lorsque les moyens suffisants seront mis à la disposition de juges ; cela
renforcerait leur indépendance dès lors qu’ils seront en principe à l’abri des besoins
élémentaires (nourriture, logement notamment).
Section 7 : Le jury
D’origine anglo-saxonne, le jury est en droit judiciaire constitué des citoyens non
juristes qui sont pour un temps investis du pouvoir de juger certaines causes avec des juges
professionnels ou magistrats.
133
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 98, p. 216; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 78,
p. 75 ; J. P. SCARANO, op.cit., n° 79, p.57.
134
Ordonnance 0166 du Premier Président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant le règlement
d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in J.O.Z, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746 .
135
Art. 22 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/ 79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours,
tribunaux et parquets.
136
Voy. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4 e éd. Litec, 2006, n° 629-651, pp. 408-420.
48
Les membres de ce jury s’appellent les jurés ayant traditionnellement pour rôle de ne
statuer que sur les questions de fait. Ce jury est souvent amené à se prononcer sur les
infractions pénales et non sur les affaires civiles. Ainsi, en Belgique, la Cour d’assises est
compétente en matières criminelles et pour les délits politiques et de la presse. En France, la
Cour d’assises est compétente des infractions telles que l’assassinat, le meurtre, le trafic de
stupéfiants, la séquestration, etc. Elle peut prononcer les peines allant jusqu’à la réclusion à
perpétuité137.
Le fonctionnement d’un jury est déterminé de façon telle que la justice rendue reflète
l’opinion populaire par le fait que notamment la majorité des membres du siège est constituée
des jurés. Ses initiateurs s’étaient inspirés de la tradition britannique et de l’œuvre législative
de la révolution française. Ses partisans sont d’avis que la Cour d’assises est le symbole de la
souveraineté nationale, symbole d’une justice qui exprime le sentiment d’un peuple, symbole
de la lutte contre l’arbitraire, symbole de l’indépendance139. Et puis, il y a aussi l’idée
romantique selon laquelle, dans les affaires criminelles, la vérité sortira de la bouche de
l’homme du peuple (verdict vient de verdictum)140.
137
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 341-1, pp. 546-547; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006,
n° 195, pp ; 160-161 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 148, p.
110 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp.56-57 ; B. BOULOC,
Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, n°497, p.463 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,
Paris, éd. Litec, 2005, n°159-160, pp. 153-155.
138
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 201, pp. 164-165 ; J.P.
SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 42, p.107 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.59 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris,
20ème éd. Dalloz, 2006, n° 487, p.453 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec,
2005, n° 166, pp.158-159.
139
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, éd. PUF, 1996, p. 140 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires,
Liège, Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, n° 140, p. 173 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 195, p. 161.
140
M. PREUMONT, « La participation des citoyens au jugement des affaires pénales dans divers systèmes
juridiques- Approche de droit comparé », in Journal des procès, n° 466, 17 octobre 2003, p. 7.
49
a) Avantages du jury
- Le jury est absolument indépendant à l’égard des autorités publiques car les jurés
témoignent d’une grande conscience dans le jugement des infractions.
- Les jurés sont plus proches des justiciables et de la réalité, ils sont mieux placés que les
juristes pour statuer sur les faits alors que l’application du droit étant l’obligation de
magistrat.
- Il est en harmonie avec l’opinion publique dont il tire son origine et par ce fait ses
décisions peuvent être acceptées par le peuple.
- Le jury constitue une institution qui réalise une parfaite harmonie entre la répression et
l’opinion publique car il représente l’opinion publique de par ses modalités de
recrutement et de par son origine, le jury représente, aux yeux de ses partisans, la
conscience populaire.
b) Inconvénients du jury
- Le jury rend souvent une justice inégale, incohérente et même parfois arbitraire, variable
selon les périodes et les lieux où ce jury siège.
- Il est incompétent à l’égard des questions de droit et son inaptitude à résoudre les
problèmes d’ordre scientifique que pourrait comporter un procès pénal comme ceux à
caractère psychologique, médical ou sociologique, apprécier notamment les preuves.
- Le caractère d’impressionnabilité et la sensibilité excessive de ses membres car ses
décisions sont parfois influencées par les facteurs incompatibles avec une bonne
administration de la justice. Exemple : Le jury composé essentiellement des paysans ou
des pasteurs ne réagira pas comme un jury composé d’intellectuels.
- Le danger des décisions car elles sont prises par la majorité des jurés, ce qui pourrait
entraîner la prise de décisions illégales.
- Le jury tranche les litiges en tenant compte des données sociologiques tout en ignorant
les données criminologiques et juridiques.
- La présence d’un élément non professionnel dans la distribution de la justice.
- Il est difficile de faire une différence entre le fait et le droit, car le jury ne s’occupe que
du 1er et non du second partant du fait que les deux éléments sont intimement liés, que
l’examen de l’un appelle nécessairement celui de l’autre par le juge.
- Il est difficile de rendre des décisions qui sont en accord avec la conscience populaire.
- Les jurés ne peuvent pas participer d’une manière permanente au jugement des procès
civils car l’absentéisme serait fort à craindre et la paralysie du système judiciaire s’en
suivrait.
- Coût excessif à charge des justiciables.
c) Notre position
Nous estimons que l’organisation du jury n’est pas de nature à assurer une bonne
distribution de la justice étant donné la présence des citoyens non juristes dans le siège.
Cette présence, loin de contribuer de rendre une justice juste serait à amener le jury à prendre
des décisions injustes étant donné l’absence de technicité de la majorité de ses membres dans
la mission de juger. Il suffit de se rendre compte des décisions des tribunaux coutumiers
congolais ou parfois de certaines décisions des Cours et tribunaux militaires pour s’en
convaincre. A ce sujet, nous avons montré que les juridictions militaires congolaises
fonctionnent comme des Cours d’assises. Cela crée parfois des problèmes dans la pratique. En
50
effet, les Cours d’assises ont une procédure qui leur est propre qui est différente des
juridictions pénales ordinaires alors que les juridictions militaires congolaises appliquent la
procédure pénale ordinaire.
Enfin beaucoup de pays ont abandonné le jury d’assises notamment les Pays-Bas, le
Luxembourg, la Turquie, l’Israël, le Japon etc. et n’ont jamais exprimé le moindre regret141.
C’est pourquoi, nous pensons qu’il échet de supprimer le jury partant de leurs inconvénients
qui pèsent lourdement sur l’appareil judiciaire.
141
N. JORG, « Le jury populaire aux Pays –Bas », in R.D.P.C, 1998, pp. 673-688 ; J.F NIJBOER, « Le jury
populaire aux Pays-Bas et le devoir de motiver », in Quel avenir pour le jury populaire en Belgique,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, pp. 115-117 ; A. SPIELMANN et D. SPIELMANN, Droit pénal général
luxembourgeois, Bruxelles, éd. Bruylant, 2002, pp. 32-36 ; M. PREUMONT, « La participation des citoyens
au jugement des affaires pénales dans divers systèmes juridiques- Approche de droit comparé », in Journal des
procès, n° 466, 17 octobre 2003, p. 7 ; M. PREUMONT, « La participation du citoyen à l’administration de la
justice pénale », in La justice du citoyen à l’administration de la justice, Actes du Colloque organisé le 25
novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.93 ; A. SPIELMANN, « De l’abolition du jury à la suppression de la Cour
d’assises », in R.D.P.C., 1987, pp. 719-733 ; D. SPIELMAN, « La répression des crimes au Grand-Duché de
Luxembourg. De la Cour d’assises à la chambre criminelles », in Quel avenir pour le jury populaire en
Belgique, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, pp. 119-138.
51
Le double degré de juridiction est un principe par lequel la partie s’estimant lésée
(défavorisée par le 1er jugement) s’adresse à une juridiction supérieure (juridiction d’appel)
pour obtenir gain de cause une seule fois. En réalité, ce principe est corollaire à l’appel. Il
consiste à saisir la juridiction supérieure en cas de besoin une seule fois.
Correctement, le double degré de juridiction est un principe par lequel, on ne peut pas
exercer le droit d’appel plus d’une fois dans un même procès. En effet, lorsqu’une affaire est
devant le tribunal, on dit qu’il est saisi au premier degré, et lorsque la décision du tribunal ne
satisfait pas l’une des parties, celle-ci dispose du droit de saisir la juridiction supérieure c’est-
à-dire l’appel. Et si elle n’est pas toujours satisfaite, elle ne peut aller en appel à une
juridiction plus supérieure (de l’appel en appel), mais elle peut se pourvoir à la cassation
devant la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice de justice) ou le Conseil d’Etat selon
que l’affaire concerne les juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif.
142
Voy. L. CADIET. Et S. GUINCHARD, « Le double degré de juridiction », in Justice et double degré de
juridiction, Justices, 1996, n° 4, pp. 1-8.
143
J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 41, p. 38.
52
juridiction n’a pas de limite étant donné que la Constitution (loi suprême du pays) a réglé la
question.
Il convient cependant de relever qu’au niveau de la Cour de Sûreté de l’Etat, ses arrêts
n’étaient pas susceptibles d’appel (ancien article 97 du code d’OCJ). Nous estimons que cet
article était inconstitutionnel car il énervait les dispositions de l’article 21 et 156 de la
Constitution qui reconnaissent l’existence de droit d’appel. Nous pensons qu’il était temps de
supprimer cet article qui violait un droit constitutionnel garanti aux individus et d’ailleurs
même l’existence de la Cour de Sûreté de l’Etat ne se justifiait plus aujourd’hui du fait de la
démocratie. De même, les décisions de la Cour militaire opérationnelle ne sont pas
susceptibles d’appel. Nous pensons qu’on devrait garantir ce droit aux justiciables étant donné
qu’il est prévu par la Constitution.
membres présents à l’audience procèdent à un échange de vue entre eux pour garantir
l’uniformité et la cohérence de leurs décisions.
- La difficulté de corrompre un collège qu’un individu.
- L’impartialité des magistrats étant donné que la collégialité a le mérite de brosser et de
neutraliser les préjugés éventuels de chaque juge144.
- L’imparité qui permet le dégagement de la majorité.
- Elle sauvegarde l’indépendance du magistrat contre les éventuelles pressions
extérieures, la décision étant anonyme, étant donné que la collégialité ne se sentirait pas
directement exposée à la rancœur du plaideur condamné. Cet anonymat favorise la
critique doctrinale des décisions de justice car les auteurs sont en effet libres d’émettre
des critiques lorsqu’elles visent « le tribunal » et non point un juge déterminé qui
pourrait se sentir personnellement atteint145. En Italie, le sens de vote de chacun est
consigné dans un coffre146.
- Elle permet la formation des jeunes magistrats au contact de leurs aînés « juge unique,
juge inique » dit-on.
- La décision rendue présente aussi un caractère plus prestigieux et empreinte d’une plus
grande autorité147.
- Elle est conforme à la mentalité de l’Afrique traditionnelle qui veut que le siège soit
composé des notables rodés dans la coutume.
144
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 219, p.212.
145
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 498, p. 399.
146
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. , Dalloz, 2005, n° 87-27, p. 188 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit
comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz, 2005, n° 338, p. 610.
147
J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 47, p.41.
54
§1. Avantages
- Il confère au juge un plus sens de responsabilité et ce juge en statuant seul sur un procès,
il est tenu d’administrer la meilleure preuve de toute sa technique juridique et toute son
expérience et ne peut plus se retrancher derrière l’anonymat de la sentence.
- La connaissance du juge par le public en tant qu’auteur de la décision intervenue sans
possibilité de s’en décharger lâchement sur d’autres magistrats.
- Indépendance de juge seul.
- Ce système permet de répondre en partie à la crise actuelle des effectifs et de mieux
rémunérer le magistrat.
- La relation directe entre les parties (délinquant) et le juge (ce qui est nécessaire en
matière de divorce) permettant la facilité de communication (réinsertion sociale du
délinquant en matière pénale).
- La nécessité de faire face à l’augmentation considérable de la « masse contentieuse »
d’autant plus qu’il y a augmentation inquiétante du nombre d’affaires ; et cela dans tous
les contentieux148.
§2. Inconvénients
Le système à juge unique ne peut fonctionner correctement que si, au moment de son
entrée en fonction, le juge a déjà une formation professionnelle consommée et une maturité
d’esprit suffisante pour être en mesure de statuer seul sur des problèmes complexes. En
Angleterre et au Canada, la justice à juge unique ne soulève pas de difficulté parce que le juge
est recruté vers l’âge de 45-50 ans parmi les praticiens ayant déjà une solide expérience de la
vie judiciaire149. Mais, dans des pays où le juge entre en fonction très jeune, peu de temps
après avoir quitté l’université, on peut se demander si la collégialité n’est pas finalement le
seul moyen de parfaire sa formation et lui permettre d’acquérir l’expérience nécessaire.
De même, le système à juge unique implique de la part des citoyens un grand respect
pour la justice et pour les juges, beaucoup plus que dans un système de collégialité qui dilue
les responsabilités de chaque magistrat. Tel est le cas précisément en Angleterre où la
148
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 499, p.399 ; E. JEULAND,
Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p. 213.
149
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 500, p. 400 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 34 ; S. GUINCHARD, et alii, Droit processuel. Droit
commun et droit comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz, 2005, n° 338, p. 610.
55
personnalité du juge est entourée d’un respect quasi-mystique. Mais dans les pays où les
passions sont vives et où l’esprit frondeur porte facilement à la critique, voire même à une
certaine suspicion à l’égard de tout détenteur d’une autorité, le système de la collégialité offre
au juge une plus grande sérénité.
Nous pensons qu’il faut se garder de vouloir puiser à des sources étrangères des
modèles qui ne sont pas transposables. Il est donc prudent de ne pas en faire une règle
générale et de prévoir le système à juge unique que dans certains cas et limités.
Sur ce point, l’on soulignera que les sociétés traditionnelles africaines, le siège était
collégial étant donné qu’il était composé de notables rodés dans la coutume. C’est surtout le
législateur colonial qui avait nourri quelque répugnance envers la collégialité. Il estimait en
effet que non seulement elle était onéreuse (les magistrats étaient expatriés et les traitements
élevés) mais inutile aussi étant donné l’absence de relations sociales entre le juge colonial
européen et le justiciable indigène. C’est pourquoi la composition de trois juges n’était prévue
qu’au degré d’appel lorsqu’il était question de juger de non indigènes156.
150
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchestien, 2006, n° 501, pp. 400-404 ; L. CADIET,
« Le juge unique en question », in L. CADIET et alii, Les juges uniques dispersion ou réorganisation du
contentieux ? Paris, éd. Dalloz, 1996, pp. 16 et suivantes ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions
judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 16-17.
151
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p. 213.
152
E.JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p.213.
153
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 209, pp. 300-301 ; article
109 bis du Code juridique belge.
154
G. PEISER, « Le juge unique, l’appel supprimé, l’avocat obligatoire », in AJDA , 17 avril 2006, p. 785.
155
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, éd. Dalloz,
2005, n° 339, p. 611 ; R. PERROT, op. cit., pp. 400-404 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2005, n° 87-29, p. 190 ;
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, pp. 37-40.
156
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et idées nouvelles, 2001, p. 142.
56
Nous sommes d’avis que le système actuel en République Démocratique du Congo est
très intéressant dans la mesure où il prévoit en général le système de collégialité (toutes les
matières au second degré, au 1er degré en matière pénale) alors que le système à juge unique
est appliqué dans les cas précis et limités (au premier degré en matière civile devant le
Tribunal de grande instance et au premier degré devant le Tribunal de Paix en matière
pénale). La pratique montre par contre que devant les tribunaux de paix, le siège est collégial
lorsque la matière soumise au tribunal doit se référer à la coutume. Dans ces conditions, le
juge professionnel siège avec deux juges assesseurs connaissant la coutume locale.
La doctrine moderne la plus avisée est d’avis qu’il existe un modèle universel de
procès équitable159 étant donné qu’il est construit et même façonné par la jurisprudence du
Comité des Droits de l’homme de l’ONU (appliquant l’art. 14, §1er du Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg (article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’homme).
157
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel Droit commun et Droit comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz,
2005, n° 225, pp. 374-375.
158
CEDH, 11 janvier 2005, Blucher c/ Tchéquie, § 65.
159
S.GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, Paris, éd.
Dalloz, 2007, n° 223, p. 407-1176 ; S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p. 210 ; F. FERRAND et
MOUSSA, « le projet de l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure
civile transnationale : vers une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean
Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp. 199-228 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p.173.
57
Véritable socle de standards d’une bonne justice, le procès équitable contribue déjà à
un modèle des procès, quel que soit d’ailleurs le type de contentieux (notamment civil,
administratif, constitutionnel, pénal et disciplinaire) et quel que soit le pays160.
Ce droit implique le droit à un juge au sens strict, le droit d’un recours et le droit à un
bon juge. La doctrine définit ce droit comme étant le droit pour toute personne physique ou
morale ou étrangère, d’accéder à la justice pour y faire valoir ses droits161. Il s’agit d’un
principe fondamental dans le sens où il comporte une valeur qui est celle de toujours pouvoir
s’adresser à un tribunal pour trancher une contestation juridique et empêcher ainsi le recours à
la vengeance. C’est aussi un principe essentiel au fonctionnement de l’Etat de droit. L’Etat de
droit est un Etat qui doit respecter la loi et ne commettre aucun abus vis-vis de ses habitants
et des étrangers se trouvant sur son territoire. Concernant le tribunal, 3 conditions doivent être
réunies pour qu’une institution soit qualifiée de tribunal : le tribunal doit être crée par la loi, le
tribunal doit être indépendant et impartial et respecter les principes fondamentaux de
procédure, le tribunal doit trancher prétention selon les règles de droit162. Le droit d’accès à un
tribunal est prévu par l’article 19 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, l’article 7
de la Charte Africaine de Droits de l’Homme et des Peuples et par l’article 14, § 1 du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Dans une affaire examinée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, un
condamné à mort souhaitait que la Cour constitutionnelle de son pays puisse examiner les
irrégularités qu’il prétendait avoir été commises au cours de son procès pénal ; or, il ne
disposait pas de moyens financiers suffisants lui permettant de faire face aux dépenses à
engager devant l’organe constitutionnel ; le Comité juge successivement que l’article 2, §3 du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques oblige l’Etat partie à faire en sorte
que le recours à la Cour constitutionnelle soit disponible et efficace en matière de violation
des droits fondamentaux et que ce droit à un recours soit conforme aux garanties énoncées
dans l’article 14, §1er, ce qui, en l’espèce, obligeait l’Etat à fournir au requérant une assistance
160
S. GUINCHARD et alii, op. cit., n° 224, p. 408.
161
M. BANDRAC, « L’action en justice, droit fondamental l, Mélanges Roger PERROT, Paris, Dalloz, 1995,
1 ; L. FAVOREU et Th. RENOUX, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Paris, éd. Sirey,
1992, spéc. p. 90 et suivantes.
162
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 66, p.67 ; S. GUINCHARD (sous direction),
Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n° 211.04, p.447.
58
C’est la garantie la plus importante d’une bonne justice164. En effet, le juge doit être
impartial, les parties doivent se défendre et prouver ce qu’elles avancent. Il y va de la notion
même de tribunal et lorsque ce minimum n’est pas réuni, il n’existe qu’un simulacre de
justice165. Ainsi, l’art. 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et
l’art. 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme disent que : « Toute
personne a droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». Cette garantie est
aussi affinée à l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10
décembre 1948 et par les articles 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.
Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (se fondant à l’art. 14, §1 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques) a affirmé, haut et fort que « le droit à être
jugé par un tribunal indépendant et impartial est un droit absolu qui ne souffre d’aucune
exception »166. La Cour Européenne des Droits de l’Homme se fondant à l’article 6, § 1er de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme, estime que pour établir si un tribunal peut
passer pour indépendant, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation des
juges, la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions
extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance167. En conséquence,
la juridiction contestée doit apparaître indépendante des pouvoirs exécutif ou législatif dans
chacune des trois phases de la procédure, à savoir l’instruction, le procès et le verdict168.
Nous renvoyons pour l’essentiel à ce que nous avons écrit concernant l’indépendance
du juge ainsi que l’impartialité du juge.
163
Déc. Du 3 novembre 1989, affaire n° 286/1987, M.G.P. et S.P. contre Trinité et Tobago, A/45/40, Vol. 2., p.
177 ; 26 mars 1990, affaire n° 275/1988, S.E.C. contre Argentine, A/45/40, vol. II, p. 179.
164 S. GUINCHARD et alii, op. cit. n° 332, p. 600.
165
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 174.
166 Déc. Du 28 octobre 1992, Affaire Miguel Gonzalez del Rico contre Pérou, n° 263/1987, Rapport du Comité
A/48/40, partie 1, p. 200 et partie 2, p. 20.
167
CEDH, 1 er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 38 ; CEDH, 9 novembre 2006, Scilor-Lormines
contre France, § 59.
168
CEDH, 12 mai 2005, Ocalan c/ Turquie, § 114.
169
Décision du 23 octobre 1992, Affaire n° 387 / 1989, Arvo Karttunen c/ Finlande, A / 48 / 40, Partie I, p. 201
et Partie II, p. 134.
59
Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU (art. 14 du Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966) a considéré que l’obligation de rédiger les
actes de procédure en français n’enfreint pas la garantie d’un procès équitable dans la mesure
où le requérant connaissait cette langue, pour une requête devant le tribunal administratif
rédigée en breton170.
Ce droit signifie que le procès doit être public. En effet, il est une exigence qui est
essentielle à la vie de la démocratie par l’existence d’une justice transparente, c’est le
caractère public des débats, des audiences171. L’oralité renforce la publicité. D’où l’adage :
« La justice ne doit pas seulement être rendue, il faut aussi que chacun puisse voir qu’elle est
rendue ». Ce droit est prévu à l’article 20 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
170
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, 8 novembre 1989, RUDH, 1991, 167.
171 P. KAYSER, « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile », Mélanges Hébraud, Paris,
éd. Dalloz, 1981, p. 515.
172 Comité des droits de l’homme de l’ONU, 23 octobre 1992, affaire n° 387/ 1989, Arvo Kartturnen c/
Finlande, A / 48/ 40, Partie I, p. 201 et Partie II, p. 134.
173
CEDH, 15 décembre 2005, Hurter c/ Suisse, Unanimité, § 26.
174 CEDH, 15 mars 2005, Yakovlev c/ Russie, Unanimité, § 22.
60
présentaient la double particularité, loin des standards d’une véritable démocratie, d’avoir été
rendus à la suite d’un procès s’étant déroulés à huis clos et de ne pas être écrits175.
Les articles 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et 6, §1
de la Convention Européenne des Droits de l’homme stipulent que la durée des procédures
doit s’inscrire dans « un délai raisonnable ». L’art. 7, 1.d. de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples va dans le même sens. Il en est de même de l’article 19 alinéa 2 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006.
Selon une règle connue par la plupart des systèmes juridiques, si la justice est retardée,
il n’y a pas de justice : « justice delayed, justice denied ». Le principe de célérité est surtout
pris en considération en procédure pénale. Dans cette matière, il est en effet nécessaire
d’indemniser rapidement les victimes, sans, le cas échéant, laisser le suspect en détention
provisoire trop longtemps. Par ailleurs, plus le temps passe, plus il est difficile d’apporter les
preuves et plus la défense peut être difficile.
175 Constations du 31 mars 1981, aff., n° 32/1978, Lucia Sala de Touron (jugement non écrit), Sélection de
décisions, Vol. 1, p. 61 ; constatations du 29 mars 1983, aff. N° 74/1980, Miguel Angel Estrella (huis clos),
sélection de décisions, Vol. 2, p. 80.
176 A. VALERY, « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’homme ? », in Le procès équitable et la protection jurisprudentielle du citoyen, Colloque de
Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 91 et suivantes.
177
CEDH, 15 juillet 2005, Lerov c/ Belgique, Unanimité, § 27.
178
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, Unanimité, § 51.
179
Tribunal civil de Bruxelles (4 ème chambre), 23 mars 2007, S.A.I contre Etat belge, ministre de l’Intérieur.
61
Une affaire est complexe lorsque les charges portent sur des infractions
économiques d’une grande ampleur ayant touché plusieurs milliers de personnes, que
l’examen de l’affaire nécessitait la réalisation de nombreux actes d’investigation et que des
dizaines de témoins et d’experts avaient été entendus par le tribunal184. C’est aussi lorsqu’il
renferme de nombreux documents qui doivent être étudiés et nécessite l’examen d’un
montage financier à degrés multiples élaborés sur une période de plusieurs années185. La
portée et la complexité d’une affaire de droit pénal fiscal, qui est souvent compliquée par
l’implication de plusieurs suspects, peut justifier une durée de procédure importante,
notamment lorsque les charges portées contre le prévenu, requalifiées dans l’intervalle, étaient
liées à sa fonction de président de plusieurs sociétés186.
180
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
181
Ibidem, § 53.
182
Ibidem.
183
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 214.
184
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyolkov c/ Bulgarie, Unanimité, § 89.
185
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 26.
186
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
187
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, Unanimité, § 50.
188
Ibidem
189
CEDH, 8 févier 2005, Panchenko c/ Russie, Unanimité, § 135.
190
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
191
CEDH, 8 novembre 2005, Authouart c/ France, Unanimité, § 45.
192
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyalkov c/ Bulgarie, Unanimité, §92.
62
instance inférieure en vue de son réexamen ordonnés en raison d’illégalités commises par les
juridictions inférieures dans le cadre d’une même procédure193 ou lorsque le tribunal saisi du
jugement de la cause est contraint de la renvoyer à diverses reprises aux enquêteurs enfin de
leur permettre de remédier aux violations de droits des prévenus qui l’empêcheraient d’en
connaître194.
L’Etat est encore responsable de la durée anormale d’une remise qui avait fait
quinze mois195, du délai mis par le parquet à rédiger le réquisitoire196ou encore de la période
d’inactivité entre l’introduction d’un pourvoi en cassation jusqu'à l’adoption de la décision
définitive par la cour suprême pour une durée de deux ans et demi197.
Ce droit a un lien avec l’égalité devant la loi que nous avons analysée antérieurement.
Le lien entre les deux a d’ailleurs été fait par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU,
dans plusieurs constatations198.
Ce principe peut être défini comme étant l’obligation d’offrir à chaque partie une
possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans
une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Il signifie que le justiciable doit
disposer des mêmes armes juridiques, des mêmes moyens (arguments) à présenter devant le
juge que la partie adverse ou l’organe de la loi. D’où le mot « égalité des armes » autrement
dit, on doit avoir les armes égales. Ainsi, le droit à un procès équitable implique
nécessairement l’égalité de moyens entre l’accusation et la défense199. En effet, la détention
de témoins est une mesure exceptionnelle, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur qui, de
surcroît, était le fils de l’auteur de la communication. Cela laisse supposer l’éventualité d’une
intimidation et d’un témoignage extorqué et amène le Comité des droits de l’homme à
conclure qu’il y a en violation du droit à un procès équitable.
193
CEDH, 8 novembre 2005, Smirnova c/ Ukraine, Unanimité, § 70 ; CEDH, 8 novembre 2005, Baglay c/
Ukraine, Unanimité, § 31.
194
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 216.
195
CEDH, 28 avril 2005, Robyns de Schneidaver c/ Belgique, Unanimité, §20.
196
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
197
CEDH, 8 novembre 2005, Wojda c/ Pologne, Unanimité, §16.
198
Constatations du 30 mars 1989, affaire B. de B. contre Pays-Bas, A/44/40, p. 298 et affaire n° 223/1987,
Robinson contre Jamaïque, A/44/40, p. 250.
199 Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 24 mars 1993, affaire n° 307/1988, John
Campbell contre Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 49.
200
Constations du 30 mars 1989, affaire 223/1987, Robinson contre Jamaïque, A/44/40, partie I, p. 250.
63
L’égalité des armes et des moyens c’est aussi d’avoir le temps et les facilités
nécessaires pour préparer sa défense, temps et facilités qui sont un corollaire du principe de
l’égalité des moyens. Et concrètement, ce temps et ces facilités ne sont pas effectivement
accordés lorsque l’avocat de l’accusé qui encourait la peine de mort, n’a disposé que de quatre
heures pour étudier le dossier201.
Le principe du contradictoire est le cœur des principes de l’égalité des armes et des
droits de la défense. Il devrait exister dans toutes les procédures (civile, pénale,
administrative, disciplinaire et constitutionnel). En procédure civile, ce principe signifie au
201
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 31 mars 1993, affaire n° 282/1988, Leaford Smith
contre Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 33.
202
CEDH, 23 juin 1993, Ruez Mateos contre Espagne, série A, n° 262, §63 ; CEDH, 24 novembre 1997,
Werner contre Autriche, série A, n° 262, §63.
203
CEDH, 24 février 1995, Mc Michaël contre Royaume Uni, série A, n° 307-B, Dalloz, 1995, p. 449, note
Huyette ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner contre Autriche, série A, n° 282, Rec. 1997-VII, Vol. 56, p.
2496 ; E. BARADUC, « Le juge civil de cassation, le moyen relevé d’office et le principe de la
contradiction », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd.
Montchrestien, 2004, p.6, §5 ; CEDH, 31 octobre 2006, Aksoy contre Turquie, §21 ; CEDH, 31 otobre
2006, Gunez Curum contre Turquie, Unanimité, §21.
204
CEDH, 22 février 1996, Bulut contre Autriche, Rec. 1996, II, n° 5, p. 346 ; AJDA 1996, 1013, obs. Flauss ;
JCP 1997, I, 4000, n° 10, obs. Sudre ; CEDH, 20 octobre 2005, Ozata c/ Turquie, Unanimité, §§ 38-42.
205
F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2006 », in JLMB,
2007, p. 261.
206
CEDH, 30 octobre 1991, Borgers contre Belgique, série A, n° 214-A ; CEDH, 20 février 1996, Vermeulen
contre Belgique et Lobo Machado contre Portugal, Rec. 1996-I, Vol. 3, 210 ; AJDA, 1996, 1013, obs.
Flauss ; RTD civ. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, D. 2001, p. 2611
et note R. Drago, p. 2619 ; CEDH, 10 octobre 2002, Theraube contre France ; Procédures, février 2003, n°
50, obs. S. Deygas ; CEDH, 14 novembre 2006, Assad contre France, unanimité, § 35 ; Voy. F. KUTY, «
Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2005 », in J.L.M.B, 2006, pp.
417 - 418
64
minimum que toute personne doit avoir été appelée, c’est-à-dire mise en mesure de se
défendre. Chacune des parties doit connaître les pièces du dossier et les discuter207. Il s’agit de
protéger les parties et aussi de s’orienter vers une solution du litige. En matière pénale, la
présence des parties est nécessaire lors de la recherche des preuves et si un détenu refuse de
comparaître, le procès verbal concernant la recherche des preuves lui sera lu. En matière
administrative, le juge doit communiquer toutes les pièces aux parties.
Ce droit est garanti par l’article 14, §2 du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques, l’article 6, §2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’article 48,
§1 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, l’article 7, 1.b de la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, l’article 11 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme de l’ONU et par l’article 17 alinéa 9 de la Constitution congolaise du 18
février 2006.
La répartition des rôles en matière de preuve est dominée par cette idée que la
personne attaquée est présumée innocente et que c’est celui qui attaque d’apporter la preuve.
Cette idée peut être traduite par le principe de la présomption d’innocence qui ne s’applique a
priori qu’en matière pénale-car il est question de la présomption d’innocence. On peut
cependant considérer qu’il s’agit, comme l’expression du droit de la défense, d’une notion qui
peut être étendue à toutes les procédures208. Le principe de la présomption d’innocence se
traduit dans les autres procédures par un adage latin actori incumbit probatio, « la preuve
incombe à celui qui agit ». Celui qui reproche quelque chose à quelqu’un doit prouver car les
hommes sont en principe honnêtes et respectueux des lois. En réalité, dans tous les
contentieux, le juge peut compléter les preuves apportées par le demandeur lorsqu’elles sont
insuffisantes209.
207
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 239, p. 229.
208
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 258, p. 240.
209
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 258, p. 241.
210
Voy. P. TAVERNIER, « Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence du Comité des Droits de
l’Homme des Nations Unies », in RTDH, 1996, p. 12.
65
préalablement établie. Tel est le cas lorsqu’une autorité judiciaire constate, sans réserve et en
des termes particulièrement absolus et imprécis, qu’un justiciable a commis des actes
d’escroquerie ou d’assassinat alors que l’une des affaires d’escroquerie ou d’assassinat est
pendante devant les juridictions pénales211. De même, le fait d’exiger d’une personne qu’elle
apporte la preuve de son innocence apparaît déraisonnable en ce qu’elle donne à penser que la
juridiction considère l’intéressé comme coupable et révèle une atteinte à la présomption
d’innocence.
Tous les éléments relevés montrent que le droit à un procès équitable est le cœur et le
poumon de tout procès. Etant donné qu’ils constituent un modèle universel de procès
équitable, ils devraient donc être intégrés dans l’arsenal juridique de tous les Etats du monde
aspirant à l’Etat de droit et l’Etat démocratique.
C’est le système par lequel un juge achète sa charge soit à un monarque soit à un
particulier précédemment investi de cette fonction et à ce titre propriétaire de celle-ci. Dans ce
système, la charge judiciaire constitue un élément du patrimoine de son titulaire susceptible
d’être cédé à sa mort à ses héritiers ou à ses ayant-droit.
a) Avantages
211
CEDH, 19 mai 2005, Diamantides c/ Grèce, Unanimité, § 48 ; CEDH, 21 septembre 2006, Pandy contre
Belgique, unanimité, § 42.
212
André POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, Masson, 1985, p. 54.
213
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 331, p. 276-277.
66
b) Inconvénients
- Les valeurs techniques (juridiques) sont sacrifiées au profit des valeurs matérielles. Ce
système rend la justice onéreuse et elle devient plus familiale que publique.
- Il favorise les préjugés de classe ou de caste parmi les citoyens et les justiciables.
D’après ce système, c’est le peuple souverain qui choisit le juge parmi les citoyens
dignes d’être investis de la charge judiciaire. Ici, l’exécutif (gouvernement) n’intervient pas à
la désignation des juges. Exemples : Suisse et Etats-Unis214 dans les Etats fédérés alors que
dans l’Etat fédéral, on applique le système de nomination.
a) Avantages
b) Inconvénients
- Dépendance des juges à l’égard des justiciables dont les suffrages peuvent assurer la
réélection au tour suivant. C’est l’intrusion de la politique aux prétoires ;
- Il y a un risque que les tribunaux ne deviennent une tribune pour les idéologies
diverses ;
- Absentéisme des électeurs et aussi parfois des élus. Ce genre d’élection ne mobilise
pas les foules ; de telle sorte que, bien souvent, le juge est l’élu d’une minorité de
faveur influente ;
- Difficulté de s’assurer des connaissances juridiques suffisantes dans le cas des
candidats magistrats et en particulier dans le cas de candidats juges. Ceux-ci ont
tendance à juger en équité plutôt qu’en droit ce qui est source d’arbitraire.
214
Il en est de même en France pour les juges des tribunaux de commerce, des conseils de prud’homme, les
assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux et les membres des juridictions disciplinaires de la
fonction publique (André Pouille, op. cit., p. 55).
215
A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, Masson, 1985, p. 56.
67
tenu de leur assurer une meilleure situation matérielle afin de les attirer dans la magistrature et
de les y conserver. Leurs salaire est d’environ 6.000 $US216. C’est pourquoi les juges n’y sont
pas nombreux, ils sont environ 500 en Grande- Bretagne.
a) Avantages
- Grande indépendance et une grande impartialité dans l’exercice des fonctions des
juges du fait de leurs expériences et connaissances. L’indépendance des juges anglais
est sauvegardée par le fait qu’il n’y a, en principe, aucun avancement et aucune
mobilité ; l’entrée dans le corps judiciaire n’est pas un début de carrière, mais le
couronnement des mérites reconnus.
- Le juge jouit à la fois de considération de prestige et d’autorité.
b) Inconvénients
En France, les magistrats sont recrutés parmi les Licenciés en Droit qui ont réussi au
concours d’entrée à l’école nationale de la magistrature où leur est donnée une formation
théorique et pratique d’une durée de 24 mois pendant laquelle ils sont auditeurs de justice. Il y
a plus de 6.000 magistrats en France pour une population de 62.000.000 d’habitants.
a) Avantage
b) Inconvénient
Cette mesure ne concerne que les magistrats de carrière et ne s’appliquent pas donc
aux jurés (membres du jury).
216
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge et de
l’Afrique francophone, vol. I. L’indépendance du juge, thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L ; Louvain-
la – Neuve, 2005, p.
68
En Belgique, les magistrats sont nommés par le Roi sur présentation motivée du
Conseil Supérieur de la Justice après évaluation de la compétence et d’aptitude218.
a) Avantage
b) Inconvénient
En République Démocratique du Congo, les conditions ci-après sont exigées pour être
nommé magistrat220 :
217
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Vol. I, L’indépendance du juge, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 96-100 ; F. RIGAUX, « Le statut de la magistrature belge », in Annales
de Droit de Louvain, 2005/1-2, pp. 11 et suivantes.
218
Article 151, §4, alinéa 1 à 4 de la Constitution belge.
219
Article 259, §1er à 8 du Code judiciaire belge.
220
Article 1er de loi organique n° 06/020 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, pp.6-7.
69
a) Avantages
- Objectivité dans la nomination des magistrats car tous les candidats doivent avoir le titre
académique requis (Licence ou Doctorat) ;
- Indépendance des juges à l’égard des justiciables étant donné que ceux-ci
n’interviennent pas dans sa nomination ;
- Possibilité de s’assurer de la présomption des connaissances juridiques par le diplôme ;
- Mise à l’écart des candidats non juristes à la profession des magistrats (juges) ;
b) Inconvénients
2. Le maintien dans le Statut des magistrats d’une disposition relative aux conditions
de nomination à titre exceptionnel étant donné que parmi les professeurs de droit et les
avocats, il y a des gens parfaitement avertis des problèmes du droit et qui, par conséquent,
peuvent apporter leur expérience dans la magistrature. Aussi, la carence numérique des
magistrats persiste. Cette carence est d’autant plus évidente avec la création de la Cour
constitutionnelle, Cour de cassation (13 autres Cours d’appel devraient être créées dans les
nouvelles provinces) et Conseil d’Etat (43 nouveaux tribunaux administratifs à créer, 27
70
Nous pensons que l’ancienneté de 15 ans pour ces hautes juridictions (Cour
constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’Etat) serait suffisante mais assortie de
quelques aménagements :
- Les nominations à titre exceptionnel devraient permettre aux juristes de renon ou spécialisés,
principalement les détenteurs de titre de docteur en droit (en plus de leur licence en droit),
de prendre le sommet de la haute magistrature : premiers présidents de la Cour de
cassation, de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat, premiers présidents de Cours
d’appel et des Cours administratives d’appel et des procureurs généraux près des Cours et
Conseil afin de donner une nouvelle impulsion du droit étant donné que ces nouvelles
hautes juridictions nécessitent des compétences techniques énormes. Il y va de la qualité
de leur jurisprudence compte tenu du rôle que ces juridictions sont censées jouer dans
l’édification de l’Etat de droit et la garantie du procès équitable à tous les justiciables ;
- La dispense d’âge ;
- Prévoir les référendaires au niveau de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour
constitutionnelle (qui peuvent être magistrats mais ayant moins de 15 ans d’ancienneté ou
avocats ou professeurs ou assistants dans des universités qui ont fait preuve de compétence
scientifique par des publications. Leur tâche serait d’assister les magistrats de la Cour de
cassation , de la Cour constitutionnelle et du Conseil d’Etat à l’accomplissement de leur
mission).
221
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I L’indépendance du juge thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain – la – Neuve, juin 2005, p. 250.
71
De ce fait, il doit avoir des qualités morales tels que l’honnêteté, la dignité, le prestige,
l’impartialité et l’intégrité car il représente la conscience juridique moyenne de la société, à
l’instar de tout juriste. La Cour suprême de justice a jugé qu’outre la compétence technique, la
fonction du magistrat exige de nombreuses qualités morales, notamment l’indépendance,
l’impartialité, l’honneur et la probité222.
Le magistrat mène sa vie dans la société dont il a pour mission de sauvegarder la paix
pour sa survie. Il doit être sociable, mais cela n’est pas synonyme de vulgaire ou mondain. Il
doit trancher les litiges ce qui veut dire qu’il rétablit l’entente entre les personnes de la
société. A cet égard, il est exigé de lui la droiture, la sociabilité et l’humanisme car la société
est faite pour l’homme et non l’homme pour la société.
Il est exigé du magistrat des qualités intellectuelles énormes car un magistrat qui fait
preuve de manière habituelle dans l’exercice de ses fonctions, d’une incompétence notoire ou
d’une grave ignorance caractérisée du droit pourra être révoqué de ses fonctions sur
proposition d’une commission technique instituée à cet effet (article 43 du statut des
magistrats).
222
C.S.J., 5 juillet 1994, RPP30, SPRL Art et Décor contre Magistrats Lwamba Bindu, Mbie Morwa et Chimatu
Kamena, in RAJC, Volume II, janvier à décembre 1997, pp. 15-21.
72
Le magistrat doit avoir des compétences intellectuelles requises pour lui permettre de
s’acquitter de sa mission. Il s’agit non seulement pour le magistrat de disposer des
connaissances juridique-techniques et de l’intérêt social nécessaires, mais également de
remplir convenablement les obligations et missions de sa charge. La compétence est
constituée d’un ensemble de comportement de base devant assurer le bon fonctionnement de
la justice223.
a) Les incompatibilités
- La fonction des magistrats est incompatible avec l’exercice d’un mandat politique
quelconque car le magistrat risque d’abuser de sa fonction et de son autorité pour
satisfaire un intérêt purement électoral au dépend de son indépendance à l’égard de ses
électeurs. L’article 65 du Statut des magistrats interdit aux magistrats d’exercer toute
activité professionnelle salariée ou non dans le secteur public ou privé.
223
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du
magistrat, Bruxelles, La Charte, 2000, p. 329.
73
Le devoir de réserve est une notion construite sur la conception que certaines fonctions
sont assurées par des personnes dont il faut préserver l’image d’impartialité et de neutralité en
raison de la confiance qu’elle doive inspirer au public224.
La Cour de cassation belge attend par le devoir de réserve que les juges ne peuvent
faire aucun commentaire ou tenir aucun propos concernant une affaire qu’ils sont appelés à
juger225. Le juge a donc l’obligation de s’abstenir de tout acte ou comportement de nature à
donner l’impression qu’il ne serait plus impartial226.
Pour que ses décisions soient dignes de respect, il importe qu’il ne génère lui-même
aucune circonstance susceptible de fragiliser l’image de la justice227. La Cour Européenne des
Droits de l’homme a souligné que la nation est en effet en droit d’attendre des fonctionnaires
de l’ordre judiciaire qu’ils usent de leur liberté d’expression avec retenue chaque fois que
l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont susceptibles d’être mises en cause228.
L’exigence d’impartialité ne permet pas au juge de commenter les dossiers dont il a à
connaître229. La réserve favorise l’attitude d’écoute du juge230.
La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que le magistrat qui fait
connaître son opinion sur un élément soumis à son appréciation avant l’ouverture des débats
224
P. LAMBERT, « Le devoir de réserve et les notions voisines » in Le devoir de réserve : l’expression
censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’Etudes sur la Justice du 17 octobre 2003,
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 9-19, spéc. p. 15 ; M. VERDUSSEN, « Le devoir de réserve au regard de la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme », in Le devoir de réserve : l’expression
censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’études sur la justice du 17 octobre 2003,
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 21-31, spéc. p. 22.
225
Cassation belge, 18 février 2003, inédit, RGP. 02 913N.
226
Cassation belge, 9 septembre 1999, Pasicrisie belge, 1999, I, p. 1102.
227
P. de FONTBRESSIN, « Le militantisme politique du juge. Un danger pour les libertés ? », R.T.D.H., 2004,
pp. 423-424.
228
CEDH, 28 octobre 1999, Wille contre Liechtenstein, §64.
229
X. DE RIEMAECKER et G. GONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du
magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 351.
230
P. MANDOUX et D. VANDERMEERSCH, « Le point de vue du magistrat », in Le devoir de réserve :
l’expression censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’études sur la justice le 7 octobre
2003, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 40.
74
b) Les interdictions
Il est imposé au magistrat une neutralité politique de nature à lui éviter des soupçons de
partialité et de dépendance dans l’élaboration des décisions. Le juge doit être au-dessus de
tout soupçon. C’est dans ce but qu’il lui est généralement interdit de se livrer à des
manifestations d’hostilité contre le Gouvernement ou à la participation à des réunions des
partis politiques232 ou à des manifestations de soutien à un Gouvernement ( PPRD, UMP,
PALU, UDPS, MPR, RCD, MLC, etc.). Toutefois, dans le respect d’un Etat de droit qui
garantit la liberté d’expression et le droit de grève, le magistrat peut participer à une
manifestation dans le cadre de son syndicat des magistrats ou autre organisation de magistrats
pour dénoncer un dysfonctionnement (intimidation ou arrestation de la part du service des
renseignements ou grève pour réclamer un salaire décent) qui pourrait porter atteinte au
fonctionnement normal de la justice.
Elle est prévue par les articles 46 à 64 de la loi n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant
statut des magistrats. L’article 48 de la loi précitée prévoit les peines disciplinaires réservées
aux magistrats :
- le blâme ;
- la retenue d’un tiers du traitement pour une durée d’un mois ;
- la suspension de trois mois au maximum avec privation du traitement ;
- la révocation.
Les chefs de juridictions et les chefs d’offices de Parquet constatent toute faute
disciplinaire commise par les magistrats placés sous leur autorité. Les magistrats membres de
l’inspectorat général peuvent constater toute faute disciplinaire commise par tout magistrat
égal ou inférieur à celui du magistrat instrumentant.
231
CEDH, 7 novembre 2000, Kingley contre Royaume-Uni, unanimité, §49-50, CEDH, 29 mars 2001, D.N.
contre Suisse, §54 ; CEDH, 15 décembre 2005, Kiprianou c/ chypre, Unanimité, § 120.
232
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., pp 597-600.
75
Lorsque l’enquête est complète et qu’il ya lieu de poursuivre, le magistrat est cité de
comparaître devant le Conseil Supérieur de la Magistrature à la requête de chef de juridiction
ou de l’office ayant initié l’action disciplinaire.
Dans tous les cas, les droits du magistrat incriminé pourraient être sauvegardés dans la
mesure où l’article 54 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats, obligent pour cette interdiction que tous les chefs hiérarchiques ainsi que le
Secrétariat Permanent du Conseil Supérieur de la Magistrature soient informés. Aussi, le chef
hiérarchique immédiatement supérieur à celui qui a pris la décision d’interdiction peut, à tout
moment, dans l’intérêt du service, lever la mesure d’interdiction prise par les chefs de
juridiction et les chefs d’offices des parquets.
Le principe de l’inamovibilité du juge est une notion qui signifie que celui-ci (le juge)
une fois nommé à ses fonctions ne peut plus être révoqué, suspendu ou retraité en dehors des
conditions légales. Il implique particulièrement que le déplacement de ce magistrat ne peut
intervenir qu’avec son consentement même si une nouvelle affectation ou une nomination est
76
assortie d’une promotion. Aux Etats-Unis et en Suisse, le juge ne peut pas être révoqué avant
l’expiration de son mandat. Le juge fédéral américain est même investi d’une charge à vie,
perpétuelle.
Un juge qui ne serait pas inamovible ne serait pas véritablement indépendant. Si pour
sa décision, le magistrat doit craindre une révocation, une suspension, ou une mutation, il
serait loin d’être indépendant, impartial et dans ce cas, la justice serait perdue pour le
justiciable et pour la justice elle-même.
L’inamovibilité des juges repose sur le souci de sauvegarder les intérêts des
justiciables et d’assurer une saine administration de la justice. Elle est loin de constituer un
privilège du magistrat du siège qui n’est chargé que de veiller à la sécurité des droits et des
libertés de ses concitoyens et des autres justiciables. Elle n’est pas destinée à protéger la
dignité ou l’intérêt personnel de ce magistrat. Ce principe a pour but fondamental de préserver
l’indépendance du magistrat assis afin de l’aider à avoir le courage de résister aux pressions
de divers ordres, aux sollicitations ainsi qu’aux menaces éventuellement graves d’une partie
puissante.
Cette garantie d’indépendance de juge peut seul lui permettre de rendre sa décision
même à l’encontre d’un justiciable apparemment ou réellement puissant. Le véritable guide
du juge est en effet dans chaque cas la voix de sa conscience qui est la seule qu’il puisse
écouter pour mieux servir le droit et la justice. L’article 150 alinéa 4 de la Constitution
congolaise du 18 février 2006 déclare : « Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être
déplacé que par une nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée
par le Conseil supérieur de la magistrature ». L’inamovibilité est aussi soulignée à l’article
14 alinéa 2 du Statut des magistrats congolais qui déclare :« Le juge ne peut être déplacé que
sur sa demande dûment motivée et acceptée ou suite à une promotion ou encore pour des
raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le Conseil
Supérieur de la Magistrature»233.
L’inamovibilité du juge est un élément essentiel de l’indépendance car un juge qui est
nommé et qui peut être déplacé unilatéralement par le pouvoir de nomination serait
difficilement indépendant. En principe, la nomination à vie (jusqu’à l’âge de la retraite)
garantit le mieux l’indépendance. Mais, dans la pratique, il y a beaucoup d’exemples de
magistrats dont les mandats sont limités à un certain nombre d’années, et la Cour Européenne
des Droits de l’Homme les a néanmoins tenus pour indépendants234, à condition qu’ils soient
inamovibles pendant la durée de leurs mandats, ce qui constitue l’une des garanties
233
Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la
République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p. 6.
234
CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c/Royaume Uni ; CEDH, 16 décembre 2003, Cooper c/Royaume-
Uni, § 118 (rendu à l’unanimité) ; CEDH, 26 février 2002, Morris c/Royaume-Uni.
77
A. Contenu du principe
235
CEDH, 22 octobre 1984, Strameck c/Autriche, précité ; CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De
Meyere c/Belgique, série A, n° 43, §57 ; CEDH, 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, série A, n° 117 ; CEDH, 26
février 2002, Moris c/Royaume Uni, § 68 (rendu à l’unanimité).
236
J. VELU et R. ERGEC, La Convention européenne des droits de l’homme. Extrait du Répertoire pratique
du droit belge, complément tome VII, Bruxelles, éd. Bruylant, 1990, p. 455.
237
P. LAVIGNE, « Les personnes inamovibles dans les services publics français », in Mélanges Charlier,
Paris, éd. Paul, 1980, p. 58.
238
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 362 p. 301 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, PUF, 1996, p. 49 ; J.A. MAST, « L’indépendance des magistrats », in Journal
des tribunaux, 1946, p. 181.
239
R. WARLOMONT, Le magistrat, son statut et sa fonction, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1950, p. 94 ; n° 398 ;
A. VAN OELEVEN, « L’indépendance et la responsabilité civile, ainsi que l’indépendance du pouvoir
judiciaire et la responsabilité de l’Etat du fait des fautes professionnelles des juges en droit belge », in Rôle
et organisation des magistrats et avocats dans les sociétés contemporaines, IXe Congrès mondial de droit
judiciaire, Anvers, éd. Kluwer, 1992, p. 268 ; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, « Les garanties de
l’indépendance du juge en droit belge », in Revue de droit international et de droit comparé, extrait du
numéro spécial de 1954 consacré au IVe Congrès de l’académie internationale de droit comparé, Bruxelles,
éd. Bruylant, p. 163 ; A. FETTWEIS, Introduction au droit judiciaire, les Institutions, Liège, 7e éd., 1983, p.
60 ; A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, pp. 76-77 ; J. VINCENT,
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, La justice et les institutions, Paris, 4e éd. Dalloz,
1996, p. 484, n° 497 ; TH. RENOUX, Le conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, l’élaboration d’un
droit constitutionnel juridictionnel, éd. Economica, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, p. 115 ; A.
LAGNEAU DEVILLE, « Influence du pouvoir exécutif sur les prérogatives du juge en France, sous la Ve
République », in PH. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCKHOVE (sous direction), Fonction de juger
et pouvoir judiciaire, Transformations et déplacements, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1983,
p. 482 ; F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, Paris, éd. Litec, 1994, p. 44 ; L. CADIET, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 1991, p. 166 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, pp.
78
pouvoir exécutif, il est nécessaire qu’il ait, le cas échéant, et pour fortifier la résolution de son
caractère et les aspirations de sa conscience, le moyen, en droit et en fait, de résister sans
avoir à craindre pour sa situation aux pressions du pouvoir exécutif ou de plaideurs puissants,
de même qu’aux influences politiques dont il pourrait être l’objet. Ce moyen est précisément
l’inamovibilité. Par conséquent, c’est donc la protection du juge contre toute révocation
arbitraire (a) d’une part et le refus que le juge soit déplacé contre son gré (b) d’autre part.
Il s’agit, en effet, de l’inamovibilité des fonctions qui s’oppose à ce que le juge puisse
être révoqué, suspendu et destitué de façon arbitraire, c’est-à-dire en dehors des garanties de
formes expressément prévues par la loi. Ainsi, une fois son pouvoir de nomination épuisé, le
gouvernement n’a plus d’action sur le juge car ce dernier ne peut être désinvesti que par la
mort ou la renonciation volontaire240. Ainsi, ne peuvent être considérés comme inamovibles le
président et son vice-président qui nommés et révoqués par le ministre de la justice, et qu’il
existe entre eux et le ministre un lien de subordination hiérarchique de sorte que la juridiction
ne peut être considérée comme un tribunal indépendant241. Dès lors, il convient d’examiner ce
principe en tenant compte de l’apport du droit comparé avant d’envisager les propositions
pour une réforme en République Démocratique du Congo.
En effet, en Belgique, dès l’instant où un juge est investi, il échappe au pouvoir dont
il tient sa nomination. Cela vient de l’article 152, alinéa 1er de la Constitution qui dit :
« Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement ». C’est donc
l’irrévocabilité du juge qui est garantie par cette disposition, car la déchéance de ses
fonctions ne peut être prononcée que par la Cour de cassation statuant comme autorité
disciplinaire242. Le constituant a ainsi prévu que le juge soit nommé à vie et ne peut être
démis de sa fonction avant l’âge de la retraite243. Il résulte des travaux parlementaires de la
40-41 ; D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique. L’accès aux fonctions judiciaires et la carrière
du juge », in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe,
1997, p. 130 ; G. MANGIN, « De l’autorité judiciaire », in F. LUCHAIRE et G. CONAC (sous direction),
Constitution de la République française. Analyses et commentaires, Paris, éd. Economica, 1987, pp. 1142-
1144 ; J.L. BODIGUEL, Les magistrats un corps sans âme, Paris, éd. Presses universitaires de France,
1991, pp. 224, 266 et 271 ; Syndicat de la magistrature, Justice sous influence, Paris, éd. François Maspero,
1981, pp. 193-195 ; P. LYON-CAEN, « L’expérience du syndicat de la magistrature », in Pouvoirs, n° 16,
1981, p. 60 ; M. WALINE, « Pouvoir exécutif et justice », in Justice, Paris, PUF, 1961, pp. 100-101 ; M.
BLEOU, « Carrière du magistrat », in L’Etat de droit et l’indépendance de la magistrature, Séminaire, Saly
Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, p. 10 ; ST. DE CLERCK, Les arbres de la forêt. Réformer
la justice, Bruxelles, Ministère de la justice, 1997, pp. 38-39 ; SOLON, Raison pour la justice, Paris, éd.
Dalloz, 1986, p. 146 ; H. SOLUS et R.PERROT, Droit judiciaire privé, Tome 1, Paris, éd. Sirey, 1961, n°
776, p. 663; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 362, p. 301.
240
TH. RENOUX, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire. L’élaboration d’un droit constitutionnel
juridictionnel, éd. Economica, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, p. 116.
241
CEDH, 1er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 41.
242
Article 409 du Code judiciaire belge ; Cassation, 29 juin 1972, Pasicrisie belge, I, p. 1026 ; Cassation, 9
octobre 1987, Pasicrisie belge, 1988, I, p. 171.
243
Article 152 alinéa 1er de la Constitution belge ; cependant, le Conseil d’Etat peut suspendre l’exécution d’un
arrêté royal portant nomination d’un juge lorsqu’il estime que cette suspension est compatible avec cette
79
loi belge du 25 juillet 1867, que celle-ci en instituant la limite d'âge des magistrats, voulait
parer à l'inconvénient de voir demeurer à leur siège des juges devenus incapables
physiquement d'exercer adéquatement leurs fonctions244.
Au Sénégal tout comme en Côte d'Ivoire et au Bénin, le juge est protégé contre
toute révocation arbitraire même si la réalité pratique est différente.
disposition (notamment Conseil d’Etat belge, section d’adm., 7e ch., 18 juin 1991, in Journal des Tribunaux,
1991, p. 718 ; Conseil d’Etat, 29 octobre 1992, Journal des procès, n° 226 du 13 novembre 1992, p. 30).
244
R. WARLOMONT, Le magistrat, son statut et sa fonction, Bruxelles, éd. Ferdinand Larcier, 1950, p.94.
245
P. PIRON, L’indépendance de la magistrature et le statut des magistrats, Gembloux (Belgique), éd. J.
Duculot, 1956, pp. 59-69.
246
Loi fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960, in Moniteur belge du vendredi 27 et
samedi 28 mai 1960, pp. 3988-4012.
247
Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er août 1964, Moniteur congolais, numéro
spécial, 5 octobre 1965. Cette Constitution a été suspendue par le coup d'état de M. MOBUTU le
24/11/1965. Son article 129 proclame le principe.
248
Moniteur congolais, n° 14, du 15 juillet 1967. L'article 63 posait le principe.
249
Il convient de citer notamment les révisions constitutionnelles de 1970, 1974, 1978, 1980, 1982, 1990 et
1992.
250
Rapport de la commission juridique, Conférence Nationale Souveraine, Kinshasa, Palais du peuple, 1992, p.
24.
251
Ibidem, p. 61.
252
Le Palmarès n° 1236, p. 6.
253
BALANDA MIKWIN LELIEL, « Droits de l'homme et administration de la justice », in Droits de l'homme
et droit international humanitaire, séminaire de formation du cinquantenaire de la DUDH, 18 novembre au
10 décembre 1998, Presses de l'Université de Kinshasa, 1999, p. 258 ; Rapport sur la situation des droits de
l'homme dans la République Démocratique du Congo, présenté par le Rapporteur spécial Roberto Garreton,
80
Il s'agit ici de l'inamovibilité de résidence qui s'oppose à ce que le juge soit déplacé
par le Gouvernement d'une juridiction à l'autre ou d'une juridiction au parquet sans son
consentement. Nous analyserons l’application de ce principe en République Démocratique du
Congo avant de tirer les enseignements à travers le droit comparé.
En comparant ces trois textes, nous pouvons retenir les observations suivantes :
- Les constituants de 1960 et de 1964 garantissaient mieux ce principe étant donné qu'ils
prévoyaient qu' « une nomination nouvelle » était conditionnée par le consentement du juge
lui-même.
− Le constituant de 1967 ne garantissait pas ce principe de manière suffisante, car même
s'il était proclamé dans la Constitution, le pouvoir exécutif pouvait toujours déplacer le
juge par une autre « nomination nouvelle », ou le nommer au grade supérieur, ce qui vide
de sa substance le contenu de l'inamovibilité.
255
J.Cl. MAGENDIE et J.J. GOMEZ, Justices, éd. Economica, 1986, p. 24.
256
Depuis 1970 à 2005. La Constitution votée par référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18
février 2006 a inscrit ce principe en son art. 150 al. 4.
257
Ordonnance-loi n° 88-056 du 29 septembre 1988 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la
République du Zaïre, n° spécial, septembre 1988.
258
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, Ed. Droit et Idées nouvelles, 2001, p. 270.
259
K. NTUMBA, « De l’indépendance des magistrats au Zaïre », in Spécial Colloque de l’association zaïroise
de défense des droits de l’homme AZADHO, 16 juillet 1996, Kinshasa, pp. 6-7.
260
D. GOMIEN, D. HARRIS et L. ZWAAK, Convention européenne des droits de l’homme et Charte
européenne : droit et pratique, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1997, p. 184.
82
C’est à partir de la démocratisation que l’inamovibilité du juge a pris une part assez
significative dans les textes. Ainsi, l’article 150 alinéa 4 de la Constitution de la République
Démocratique du Congo approuvée par référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18
février 2006 dit : « Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être déplacé que par une
nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature ». De même, l’article 14 de la loi organique n° 06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats déclare : « Le juge est inamovible. Il ne peut être
déplacé que sur sa demande dûment motivée et acceptée ou suite à une promotion ou encore
pour des raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le
Conseil Supérieur de la Magistrature ».
Il ressort de deux textes que les conditions alternatives suivantes doivent être réunies
pour qu’un juge soit déplacé de son poste :
− Une nomination nouvelle sur sa demande dûment motivée et acceptée;
− Une promotion ;
− Raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le Conseil
Supérieur de la Magistrature et que celui-ci l’approuve.
En dehors de ces conditions, le déplacement du juge par le pouvoir exécutif voire par le
Conseil Supérieur de la Magistrature serait illégal voire inconstitutionnel. En cas d’illégalité,
le juge lésé pourrait saisir le Conseil d’Etat en annulation ou en suspension en se fondant à
l’article 14 de la loi n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, et en cas
d’inconstitutionnalité, il saisirait la Cour constitutionnelle pour prouver en quoi les termes de
l’article 150 alinéa 4 de la Constitution on été violés.
Certes, c’est une grande avancée dans la garantie de l’indépendance du juge, mais la
prudence doit être de mise étant donné que par « rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature » ou par « nomination nouvelle » insérée dans l’article 150 de la
Constitution du 18 février 2006, et par « suite à une promotion ou encore pour des raisons
liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie » prévu à l’article 14 alinéa 2 du
statut des magistrats du 10 octobre 2006, le pouvoir politique, à travers le Conseil Supérieur
de la Magistrature risque de noyer le principe de l’inamovibilité comme nous allons le
souligner dans certains pays de l’Afrique francophone qui ont prévu le mécanisme de
« nécessités du service » ou « nomination nouvelle ».
affectation nouvelle, même en avancement ». Cette règle empêche ainsi, l'autorité investie de
pouvoir de nomination du juge, d'intervenir par le biais d'une mutation « déguisée » en
promotion, dans le jugement d’une affaire en cours261.
Mais la statistique montre que pratiquement tous les juges ne sont pas inamovibles.
Ainsi, un magistrat sur trois peut être considéré comme très mobile et un peu moins d'un sur
dix comme inamovible. Cependant cette mesure de mobilité est très frustre en ce qu'elle
intègre le changement de tribunal à égalité de fonction ou le changement de fonction dans le
même tribunal. En effet, au niveau des Cours d'appel, 360 magistrats sont mobiles et ont
changé de six à dix fois de Cour d’appel, et 387 immobiles qui ont parcouru leur carrière en
changeant le moins possible ont occupé de quatre à dix fonctions seulement, une à trois Cours
d'appe1262.
Mais nous pensons qu'en dépit des vicissitudes qu'a connues et des discussions
auxquelles donne lieu le principe de l’inamovibilité, il nous paraît aussi dangereux qu'inexact
de prétendre que le terme inamovibilité s'est vidé de toute substance et de parler de valeur
mythique, de sa « dégénérescence ». Nous persistons à penser que le principe de
l'inamovibilité doit être préservé comme étant l'une des garanties majeures et le fer de lance
de l'indépendance du juge.
261
D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique. L’accès aux fonctions judiciaires et la carruère du
juge », in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Réunion multilatérale organisée par le
Conseil de l’Europe et la Cour Suprême de Hongrie, Budapest, 25-27 octobre 1995, Strasbourg, éd.
Conseil de l’Europe, p.130.
262
J.L. BODIGUEL, Les magistrats un corps sans âme, Paris, PUF, 1991, pp. 224-225.
263
Journal Officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
264
Cité par J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, La justice et ses institutions,
Paris, 4e éd., Dalloz, 1996, n° 497, p. 484 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, éd. PUF, 2e éd., 1996, p;
50; PERROT, R., Institutions judiciaires, 11e éd., Montchrestien, 2004, p. 301 ; HEBRAUD, Les garanties
de l’indépendance des juges, Travaux de l’Institut de droit comparé de Paris, 1959 ; Justice, 1957.I,
« L’autorité judiciaire », D.1959, Chron., p. 81 ; HOLLEAUX, « L’administration des magistrats et leur
dépendance », Rev. Franc. Sc. Pol., 1963, p. 44.
84
En Afrique francophone, excepté le Bénin, les autres pays ont tendance à noyer ce
principe au nom de « nécessités du service ». Ainsi, au Sénégal, l'article 5, alinéa 2 et 3 de la
loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 portant statut des magistrats dit : «Les juges ne
peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d'avancement, sans leur
consentement préalable. Toutefois, lorsque les nécessités du service l'exigent, les magistrats
du siège peuvent être provisoirement déplacés par l'autorité de nomination, sur l'avis
conforme et motivé du Conseil Supérieur de la magistrature qui indiquera la durée
maximale pour laquelle le déplacement est prévu ».
Dans la pratique cependant, les gouvernants en abusent et affectent les juges selon leur
vouloir au nom « des nécessités de service »265 étant donné que c'est une notion vague,
franchement fourre-tout que les pouvoirs publics utilisent pour faire échec à l'inamovibilité
du juge. Ils y arrivent avec d'autant plus d'aisance qu'ils n'ont pas besoin de dire en quoi le
service nécessite l'affectation du magistrat266. C'est ainsi que certains juges sont promus au
grade supérieur sans leur consentement, et d'autres, ce qui est fréquent, font la navette entre
le siège et le parquet d’autant plus qu’il est facile alors de sanctionner un juge « dans
l’intérêt du service »267. Tel est le cas du Doyen des juges d’instruction du Tribunal régional
de Dakar (correspondant au Tribunal de grande instance), Demba Kandji qui avait été muté
au parquet général alors qu’il était saisit de l’instruction judiciaire à charge de l’ancien Chef
d’Etat tchadien Hissène Habré268. D'où, aucune raison ne peut justifier à l'heure actuelle le
maintien de « nécessités de service » dans la magistrature269.
Une autre pratique contestable est la situation d'intérim. En effet, le caractère réduit
des effectifs et la jeunesse du corps de la magistrature conduisent les magistrats à occuper
très souvent des postes supérieurs à leur grade. Ainsi, y sont-ils affectés par intérim.
L'exécutif favorise lui-même la situation d'intérim par le jeu d'une fiction car le magistrat
est titularisé dans une juridiction mais n'y exercera jamais. Il s'agit là d'une véritable
préméditation, d'une méfiance a priori à l'égard du magistrat qui est toujours tenu éloigné
sans que le service le nécessite, du poste où il est titulaire et où il aurait bénéficié du
principe de l'inamovibilité270.
265
SY DEMBA, « Le statut du magistrat au Sénégal », in Revue de l’association sénégalaise de droit pénal, n°
2, juillet-décembre 1995, pp. 63-64.
266
M. BLEOU, « Carrière du magistrat », in L’Etat de droit et l’indépendance de la magistrature, séminaire
Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, pp. 9-13, 17 et 65 ; BA AMADY, Droits et
responsabilités des juges, discours de rentrée des cours et tribunaux du Sénégal, Cour de cassation, audience
solennelle, jeudi 5 novembre 1992, Dakar, éd. Jurisen-Sarl, pp. 5-6.
267
J.L. BODIGUEL, op. cit., p. 267.
268
ALIOUNE TINE, « Les agissements déplorables du Sénégal. Un panel présidentiel mute des juges-Les
poursuites contre l’ex. dictateur tchadien sont abandonnées-Les victimes iront en appel », in
httt :www.hrw.org/french/press/2000/habres0705-fr.htm, 2 mai 2001, 14 h 32’, pp. 1-3.
269
L’indépendance de la magistrature, Séminaire régional de Cotonou du 1er au 3 juin 1993, p. 94.
270
Séminaire, Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, p. 11 ; Etat de droit et indépendance de la
magistrature, M. JEOL, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, éd. A. Pedone, 1963,
p. 99.
85
Enfin, une pratique inquiétante résulte du décret n° 92/920 du 17 juin 1992 portant
titularisation et détachement des magistrats271. Ce décret, en son article 5, décide de manière
autoritaire de placer certains magistrats dont ceux du siège en « position de détachement
auprès de la primature ». Dans le milieu judiciaire sénégalais, on considère ce décret comme
un moyen de mettre à l'écart certains magistrats jugés indociles à l'égard du pouvoir
exécutif272.
271
Journal officiel de la République du Sénégal n° 5475 du 5 juillet 1992, p. 314.
272
L. MENDY, « L’indépendance des magistrats au Sénégal : Etude critique », mémoire de maîtrise, Faculté
des Sciences juridiques et politiques, département de droit privé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar,
année universitaire 1994-1995, p. 37.
273
F. DJESSA, « Mme OBLE à l’assaut des magistrats », in Notre temps n° 128 du 13 octobre 1993,
pp. 6-7.
274
I. KONE, « Le statut du magistrat en Côte d’Ivoire », in J.B. De GAUDUSSON et G. CONAC (sous
direction), La justice en Afrique, Afrique contemporaine n° 156 (spécial), 4ème trimestre, 1990, p. 122.
275
Commission nationale de réflexion sur les conditions d'amélioration du système judiciaire et pénitentiaire
ivoirien, 4-27 juin 1995, Rapport final, p. 10.
276
Ibidem, p. 26.
86
Par contre au Bénin, l’application du principe de l’inamovibilité du juge est une réalité
évidente du fait du degré de l’Etat de droit et de la maturité démocratique. En effet, un
nouveau statut des magistrats277 compatible avec la Constitution du 11 décembre 1990 vient
d’avoir le jour. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle essaie de lui donner un contenu
en veillant scrupuleusement à l'application de la règle de l'inamovibilité, principalement en ce
qui concerne les affectations de juges avec leur consentement278, à tel point que sa violation
est sanctionnée par ladite Cour279. Cela montre le respect strict de ce principe au Bénin étant
donné qu'avant chaque affectation, le juge est invité à donner son accord préalable et si
celui-ci n'est pas suivi, il peut saisir la Cour constitutionnelle280. Aussi, ce qui est frappant
au Bénin est que lorsque la Cour constitutionnelle annule une décision prise par le pouvoir
277
L'ancien statut de la magistrature béninoise issu de la loi n° 83-005 du 17 mai 1983 qui ne contenait aucune
disposition sur l'inamovibilité ne s'adaptait plus au paysage politique actuel, car il avait été élaboré pendant
la période de la révolution marxiste. Actuellement, le nouveau statut de la magistrature béninoise a été voté
par le parlement et à été promulgué. Son chapitre 2 est consacré à l'inamovibilité des magistrats du siège et
comporte deux articles. L'article 25 du Statut prévoit que le juge ne peut recevoir sans son consentement une
affectation nouvelle même en avancement et l'article 26 du même texte prévoit que l'affectation du juge est
subordonnée à sa consultation à la fois sur la nouvelle fonction qui lui est proposée et le lieu où il est appelé
à l'exercer. L'article 4 de la loi portant statut des magistrats de la Cour suprême du Bénin va dans le même
sens que l'article 25 du texte cité ci-haut. Ce texte qui a été voté, est donc en conforme avec la Constitution
actuelle du Bénin du 11décembre 1990.
278
Dans sa décision DCC 98-077 (requérant KUKODOKO), la Cour constitutionnelle du Bénin a estimé que la
nomination du magistrat nécessite une procédure minimale consistant en une consultation préalable dudit
magistrat aussi bien sur les nouvelles fonctions qui lui sont proposées que sur les lieux où elles seront
exercées (motivation de la décision, deuxième « considérant », décision publiée dans le recueil des
décisions et avis de la Cour constitutionnelle du Bénin).
279
Il existe plusieurs décisions de la Cour constitutionnelle béninoise ayant déclaré inconstitutionnels les actes
de l'exécutif, pris au mépris du principe de l'inamovibilité du juge. Citons notamment :
- Décision DCC 95-011 du 2 mars 1995 (requérants AMOUSSOU Georges Constant et ADJOVI C.
Honorat), la Cour a ordonné le sursis à exécution du décret n° 95-19 du 25 janvier 1995;
- Décision DCC 95-021 du 12 mai 1995 (requérant TOBOULA Josaphat), la Cour a ordonné le sursis à
exécution du décret n° 95-19 du 25 janvier 1995, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle,
République du Bénin, 1995, pp. 117 et s.;
- Décision DCC 95-036 du 25 septembre 1995 (requérants HOUNMENOU-H. AKOWE Michel, Honoré
GBODOGBE ALOAKINNOU, Michée S.A. DEVOEDO et Lino Louis HADONOU, AMOUSSOU
Georges Constant, ADJOVIC c. Honorat et TOBOULA Josaphat, tous magistrats du siège, la Cour a déclaré
les décrets n° 95-18 et 95-19 du 25 janvier 1995 non conformes à l'article 126, alinéa 2 de la Constitution
(inamovibilité) car les décrets ci-haut ont procédé à l'affectation des juges sans qu'ils aient sollicité et obtenu
des avis des concernés;
- Décision DCC 96-021 du 26 avril 1996 (requérants AMOUSSOU Georges Constant et Consorts). La Cour
a déclaré que la décision du Conseil Supérieur de la magistrature du 13 mars 1995 interdisant les magistrats
AMOUSSOU Georges Constant, Michel Akowé HOUNEMENOU H. et Michée A.S. DOVOEDO non
conforme à la Constitution, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République du Bénin,
1996, pp. 107-110;
- Décision DCC 96-045 du 30 juillet 1996 (requérants HADONOU LINO Louis et HODE Francis Aimé), la
Cour a déclaré la décision du Conseil Supérieur de la magistrature du 14 août 1995 interdisant les concernés
non conforme à la Constitution, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République du
Bénin, 1996, pp. 205-207;
- Décision DCC 97-033 du 10 juin 1997 (requérants DAKO Fortuné et KAPKO Damien), la Cour
constitutionnelle a déclaré les décrets n° 97-77 et 97-80 du 28 février 1997 non conformes à la Constitution
au motif que les concernés ont été affectés respectivement juges au Tribunal de première instance de
NATITINGOU et au Tribunal de première instance de KANDI sans qu'ils aient choisi ces lieux alors qu'ils
souhaitaient rester tous au Tribunal de première instance de Porto-NOVO, in Recueil des décisions et avis,
Cour constitutionnelle, République du Bénin, 1997, pp. 137-141.
280
S. DOSSOUMON, « Jurisprudence sur le pouvoir judiciaire : balises et perspectives », in Bulletin
d'information, Cour suprême, République du Bénin, n° 001, 1997, p. 9.
87
281
Le cas des juges AMOUSSOU Georges Constant et ADJOVI C. Constant est plein d'enseignements. En
effet, ils étaient tous juges au Tribunal de première instance de Cotonou, le Président de la République, par
décret n° 95-19 du 25 janvier 1995 les a promus au grade de conseiller à la Cour d’appel de Cotonou sur
avis du Conseil Supérieur de la magistrature mais sans les avoir consultés. Ils ont saisi la Cour
constitutionnelle. Celle-ci a dans sa décision n° DCC-036 du 25 septembre 1995 déclaré le décret ci-dessus
non conforme à la Constitution, en ce qu'il a violé le principe de l'inamovibilité du juge. En conséquence, le
président de la République s'y est conformé en signant le décret n° 96-32 du 31 janvier 1996 réintégrant les
concernés dans leur situation antérieure.
282
Article 3 de l'ordonnance n° 91-50 Près du 26 août 1991 portant statut du corps de la magistrature, in
Journal officiel du Burkina Faso, du 29 août 1991, pp. 1015-1019.
283
Allocution du Secrétaire général de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme
(RADDHO), in L'État de droit et l'indépendance de la magistrature, Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26
novembre 1994, p. 3.
284
Séminaire international organisé par l'Association syndicale de la magistrature de Côte d'Ivoire ayant pour
thème : « Théorie et pratique judiciaire en Afrique francophone : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire,
Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo », du 9 au 19 septembre 1997 à Abidjan (Côte d'Ivoire), in Nouvelle
justice, n° 1, août 1998, pp. 18-19; Justice (Revue du syndicat français de la magistrature), n° 154,
novembre 1997, p. 33.
285
L'indépendance de la magistrature, Séminaire régional de Cotonou regroupant le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Togo et le Bénin, du 1er au 3 juin 1993,
Rapport général, p. 97.
88
B. Champ d’application
Nous examinerons les juges concernés par ce principe (a) ainsi que la question du
mandat des chefs de juridictions (b).
286
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 69, p. 48 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, 2e éd., PUF, 1996, p. 49 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, 12e éd.,
Montchrestien, 2006, n° 364, p.302 ; H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome 1, Paris, éd.
Sirey, 1961, p. 669, n° 784 ; A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985,
pp. 76-77 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, pp. 40-41.
287
Le septième congrès de l'ONU pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Milan
(Italie) du 26 août au 6 septembre 1985, adopta par consensus les principes fondamentaux sur
l'indépendance de la magistrature. Les documents du Congrès furent « endossés » par l'assemblée générale
de l'ONU (A/RES/40/32, 29 novembre 1985) qui, plus tard, les accueilli avec satisfaction particulière,
invitant les gouvernements « à en tenir compte dans leur législation et leur pratique nationales et à les
respecter (A/RES/40/146, 13 décembre 1985), in L'indépendance de la magistrature et du barreau : Une
compilation de normes internationales, Bulletin du Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats
CIMA, n° 25-26, 1990, p. 18.
288
Il s’agit de la Déclaration de SINGHVI.
289
Connu sous l’appellation de Principes de SYRACUSE.
290
Adoptées par le Conseil économique et social dans sa résolution 1989/60 et approuvé par l’assemblée
générale dans sa résolution 44/162 du 15 décembre 1989, in Ibidem, p. 21.
291
Recommandation n° R(94)12 du Comité des ministres aux États membres sur l'indépendance, l'efficacité et
le rôle des juges, adoptée par le Comité des ministres le 13 octobre 1994, lors de la 518e réunion des
délégués des ministres, Conseil de l'Europe, pp. 2-3. Il dit exactement ceci : « Les juges, qu'ils soient
nommés ou élus sont inamovibles tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge obligatoire de la retraite ou la fin de leur
mandat ».
89
jouissent d'un statut légal ou constitutionnel propre à les prémunir contre les pressions
extérieures292. Ceci montre donc que le juge non professionnel est aussi inamovible durant
son mandat.
292
CEDH, 1er octobre 1982, Arrêt Piersack c/ Belgique, série A, n° 53, § 27, p. 13 ; CEDH, 22 octobre 1984,
Arrêt Srameck c/ Autriche, série A/84, § 39 et 40 ; CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
série A/80, § 80 et 32.
293
Article 32 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
294
Article 56 de la Constitution française de 1958.
295
Article 3 de la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel au Sénégal ; article 89
de la Constitution du Sénégal.
296
Articles 2, 4 et 5 de la loi n° 94-439 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les
attributions et les règles de fonctionnement du conseil constitutionnel modifiée par la loi n° 95-523 du 6
juillet 1995 ; et article 9 du règlement du Conseil constitutionnel de Côte d'Ivoire.
297
Article 11de la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990.
298
Cour constitutionnelle, Recueil des textes fondamentaux, République du Bénin, 1995 p. 23 ; L'article 115
alinéa 3 de la Constitution du Bénin le déclare de la même manière.
299
Article 71 de la Constitution Centrafricaine, 165 de la Constitution du Tchad.
300
Article 70, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ; J. SALMON, Le Conseil d’Etat, Bruxelles, éd.
Bruylant, 1994, p. 45.
301
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e édition Montchrestien, 2006, n° 366 ,p.302 ; S.
GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé au procès, Paris, 3e éd. Dalloz,
2005, n° 353, pp. 631-632 ; M. COMBARNOUS, « Le nouveau statut des membres des tribunaux
administratifs, une évolution inachevée », in Actualité juridique (droit administratif), 1975, p. 165 ; D.
BASTID, Convention européenne des droits de l’homme et contentieux administratif français, éd.
Economica, 1996, p. 216 ; O. DUPEYROUX, « L’indépendance du Conseil d’Etat statuant au
contentieux », in Revue de droit public et de la science politique, 1983, p. 579.
90
de la magistrature (...) » qui s'applique au juge administratif302. C'est ainsi que l'article 1 er
alinéa 2 de la loi n° 86/14 du 6 janvier 1986 dit que les membres du corps des tribunaux
administratifs : « Lorsqu'ils exercent leurs fonctions de magistrats dans une juridiction
administrative, ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle,
même en avancement ».
En Côte d’Ivoire et au Sénégal, les membres du Conseil d'État font partie du pouvoir
judiciaire303, ce qui fait que l'inamovibilité du juge judiciaire leur est applicable. Au
Bénin304, les chambres administratives de la Cour suprême jouent le même rôle que le
Conseil d'État305. Étant donné qu'il s'agit du juge judiciaire, leur inamovibilité ne pose donc
aucun doute. Au Tchad également, il n'existe pas de Conseil d'État ; l'inamovibilité des
membres de la Chambre administrative comme ceux de la Cour Suprême est garantie par la
Constitution306.
302
B. PACTEAU, « L’indépendance des juges des tribunaux administratifs, commentaire de la loi du 6 janvier
1986 », in Revue française de droit administratif, septembre-octobre 1986, p. 787.
303
L'article 88 de la Constitution sénégalaise dit : « Le pouvoir judiciaire (...) est exercé par le Conseil
constitutionnel, le Conseil d'Etat, (...) ».
304
Article 131 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
305
Mais la Constitution approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 prévoit le Conseil d’Etat et les
tribunaux administratifs, la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation. Ils font partie du pouvoir
judiciaire.
306
Article 159 de la Constitution du Tchad.
307
CEDH, 22 octobre 1984, Arrêt Srameck c/ Autriche, série A/84, § 26 et 38 ; CEDH, 28 juin 1984, Campbell
et Fell c/ Royaume-Uni, série A/80, § 32 et 80 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborger c/ Suède, série A/155, §
22 et 32 ; CEDH, Le Compte, Van Leuven et de Meyere c/Belgique, série A, n° 43, § 57 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « L’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’administration
de la justice, le droit à un procès équitable », in La mise en œuvre interne de la Convention européenne des
droits de l’homme, Bruxelles, éd. Jeune barreau, 1994, p. 69 ; J. VELU et R. ERGEC, La Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, éd. Bruylant, 1990, p. 455 ; F. QUILLERE-MAJZOUB, La
défense du droit à un procès équitable, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 48.
308
CEDH, 23 avril 1987, Arrêt Ettl c/ Autriche, série A, n° 117, § 41. Dans cet arrêt, le mandat des membres de
la Commission de réforme agraire était de 5 ans, mais assorti d'une quasi-inamovibilité des membres
pendant cette période. De même, dans l'arrêt Srameck c/ Autriche, le mandat était de 3 ans renouvelable
pour les membres de l'autorité régionale, mais les possibilités de révocation étaient limitées.
309
Arrêt Campbell, Ibidem ; A. GROTRIAN, L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et
le droit à un procès équitable, éd. Conseil de l’Europe, 1994, p. 31 ; R. KOERING-JOULIN, « La notion
européenne du tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6, § 1 de la Convention européenne des
droits de l’homme », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n° 4, octobre-décembre
1990, pp. 768-769.
91
En Belgique, que le mandat soit limité ou non, que le juge soit professionnel ou non,
celui-ci doit être inamovible tout au moins durant son mandat pour être indépendant à
l'égard de l'organe de nomination. Il en est ainsi des juges d'instruction, des juges des
tribunaux de la jeunesse, des saisies318 et des titulaires des mandats adjoints319.
D'ailleurs concernant le juge d'instruction, le professeur Henry Bosly et le juge Damien
Vandermeersch affirment : « Le caractère temporaire de la fonction de juge d'instruction est,
à notre sens, souhaitable car elle permet une réévaluation périodique : la routine de remise
en question ou l'indifférence face aux situations individuelles guettent le juge, ancré dans la
répétitivité du quotidien »320. Ce qui est évité, c'est qu'un juge ayant exercé des fonctions
310
Article 23, 1° de la Convention européenne des droits de l’homme.
311
H. DONELIUS, « L’indépendance et l’impartialité de la justice à la lumière de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme », Discours de la Conférence de la commission internationale des
juristes à Strasbourg, les 23 et 24 avril 1992, p. 4.
312
Articles 15, 19 et 20 du protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant
création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
313
Articles 5 et 8 du statut de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
314
N. VALTICOS, « Quels juges pour la prochaine Cour européenne des droits de l’homme », in Liber
amoricum Marc André Eisen, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 428.
315
Article 13 du statut de la Cour internationale de justice.
316
SUZANNE et Y. OSCHINSKY, « La création de Cour pénale internationale par les Nations-Unies », in
Journal des tribunaux, 1999, p. 267.
317
E.K.M. YAKPO, « The Right to a fair Trial and the Independance of the Judges and Lawyers in Africa », in
Le droit à un procès équitable en Afrique, Séminaire international de Dakar du 09 au 11 septembre 1999,
pp. 6-7.
318
En Belgique, ils sont désignés pour une période d’un an renouvelable après évaluation, la première fois pour
une période de deux ans, puis chaque fois pour une période de cinq ans ; les juges d'appel de la jeunesse sont
désignés pour une période de trois ans qui, après évaluation, peut être renouvelée chaque fois pour une
période de cinq ans ; les magistrats d'assistance et les magistrats fédéraux sont désignés pour une période de
cinq ans, laquelle peut, après évaluation, être renouvelée deux fois. En France, l'article 5 de la loi organique
n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au conseil supérieur de la magistrature
prévoit que les fonctions de juge d'instruction, de juge de l'application des peines, de juges aux affaires
familiales et le juge des enfants, sont limitées à 10 ans.
319
Il s'agit du président et des présidents de section à la Cour de Cassation, les présidents de Chambre à la Cour
d’appel et à la Cour du travail et vice-président du Tribunal de première instance ; du Tribunal du travail et
du Tribunal de commerce dont leur mandat est de 3 ans, renouvelable après évaluation (article 259
quinquies § 1er du Code judiciaire belge).
320
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 4e éd., La Charte, 2005, p.
333.
92
d'autorité impliquant de lourdes responsabilités puisse le demeurer sa vie durant au sein d'une
même juridiction. Le Conseil constitutionnel français a estimé que cela n'était pas contraire
au principe de l'inamovibilité321.
La question qui nous préoccupe est celle de savoir si les chefs de juridictions doivent
jouir de l'inamovibilité en tant que premier président ou président (chef de corps) jusqu'à la
fin de leur vie. En Belgique, depuis longtemps, l'inamovibilité était définitivement acquise
au titulaire des fonctions de chefs de corps en ce sens qu'il pouvait bénéficier à vie de cette
nomination. Mais depuis la loi du 22 décembre 1998322, le législateur a mis fin à cette
situation en limitant désormais leur mandat. Ainsi, le nouvel article 259 quater, § 1er du Code
judiciaire déclare : « Les chefs de corps (…) sont désignés par le Roi pour un mandat de sept
ans non immédiatement renouvelable au sein de la même juridiction (…) ». A ce sujet, le
législateur belge a considéré que le système des mandats de chef de corps ne porte pas
atteinte à la nomination à vie et à l'inamovibilité du magistrat323. Le choix ainsi opéré fut
motivé de la manière suivante : « On peut attendre d'un chef de corps qu'il fasse fonctionner
de manière optimale une juridiction ou un parquet. On a souvent constaté dans le passé que
les bons juges ou magistrats de parquet ne devenaient pas nécessairement de bons chefs de
corps parce qu'ils n'avaient notamment pas les talents d'organisation requis ni la
connaissance nécessaire pour traiter les dysfonctionnements. Etant donné leur nomination
à vie, cette situation peut actuellement hypothéquer pendant des années le fonctionnement
d'une juridiction ou d'un parquet, ce qui a des répercussions néfastes pour le climat de
travail, la motivation, le traitement des dossiers et les justiciables. En conférant à la
fonction de chef de corps un caractère temporaire, ce risque peut être limité et une nouvelle
définition des fonctions peut mettre l'accent sur les missions organisationnelles »324.
321
Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, in J.O. 26 juin 2001.
322
Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil
Supérieur de la justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation
pour les magistrats (Moniteur belge, 02 février 1999, p. 2922).
323
K. GERARD, « Le Conseil Supérieur de la justice et le statut des chefs de corps », in M. VERDUSSEN
(sous direction), Le Conseil supérieur de la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999,
p. 160.
324
Documents parlementaires, Chambre des représentants, 1997-1998, 1677/I, p. 72.
325
F. DELPEREE, « Quelques propos sur la justice et la politique », in Journal des tribunaux, n° 5829, 1er
février 1997, p. 72 ; F. TULKENS, « Les Etats généraux de la magistrature organisés par la commission
nationale de la magistrature », in Journal des Tribunaux, 1998, p. 293.
93
Au Bénin, les états généraux de la justice avaient constaté que les présidents des Cours
d'Appel et des tribunaux restaient indéfiniment à leurs postes au nom de l'inamovibilité.
C'est ainsi qu'ils ont proposé que le temps de commandement ne puisse pas dépasser 3 ans.
Cela signifie que durant ce laps de temps, pour la sécurité judiciaire, le président serait
inamovible ; passé ce temps, si le juge s'est montré à la hauteur de sa tâche, apprécié non
seulement par ses collaborateurs mais aussi par les justiciables qui l'auront approché et
pourront témoigner de ses qualités de bon juge, on pourrait prolonger son temps de
326
J. VAN COMPERNOLLE, « Conseil supérieur de la justice et la carrière des magistrats », in M.
VERDUSSEN (sous direction), Le Conseil supérieur de la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999,
p. 127 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La nomination et la désignation des magistrats : un nouveau statut »,
in Dans l’encre d’octopus, Antwerpen, Bruxelles, éd. Kluwer, Bruylant, 2000, p. 55.
327
Association syndicale des magistrats (ASM), « Le mandat temporaire des chefs de corps », in Journal des
tribunaux, 1997, p. 350.
328
SOLON, Raison pour la justice, Paris, éd. Dalloz, 1986, p. 149 ; D. DE BRUYN, « Le Conseil supérieur de
la justice », in Journal des tribunaux, 29 mai 1999, n° 5929, p. 406 ; M. UYTTENDAELE, « La haute
magistrature a démontré l'urgence de réforme », Carte blanche, Le Soir, 19 octobre 1998.
329
P. ESTOUP, « Indépendance et inamovibilité », in Gazette du palais, doctrine, 6 janvier 1990, p. 22.
330
Journal officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
94
Précisons toutefois que l'inamovibilité du juge peut conduire aux abus si elle n'est
pas assortie de quelques limites.
C. Limites de l’inamovibilité
En général, ces limites sont les mêmes en Belgique et en France ainsi qu'en Afrique
francophone même si nous pouvons trouver quelques particularités. Ainsi, en Belgique,
l'article 100 du Code judiciaire dit : « Les juges aux tribunaux de première instance (...)
peuvent être nommés simultanément dans (...) différents tribunaux de première instance du
ressort de la Cour d’appel. L'alinéa premier est également d'application dans les tribunaux
du travail, ainsi que dans les tribunaux de commerce, aux juges ».
331
Etats généraux de la justice, Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, Cotonou
(Bénin), du 4 au 7 novembre 1996, p. 38.
332
La délégation de magistrat est l'acte par lequel le premier président commet, en raison de besoins de service,
un juge d'une juridiction du premier degré pour exercer temporairement des fonctions judiciaires dans une
même juridiction du ressort (G. CORNU, vocabulaire juridique, V° Délégation).
333
Article 65 et 98 du Code judiciaire belge.
334
Charte européenne sur le statut des juges, adoptée à la réunion multilatérale sur le statut des juges en
Europe, à Lisbonne les 8-10 avril 1999, in Justice n° 160 - juin 1999, p. 22. Cette réunion a regroupé 40
pays à l'initiative du Conseil de l'Europe avec le soutien du syndicat des juges portugais.
335
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome 1, Fonction et organisation judiciaires, Bruxelles, éd. Ferdinand
Larcier, 1974, p. 558.
95
C’est dans ce contexte qu’en France, la loi du 29 octobre 1980 avait permis la
création de juges auprès des premiers présidents des Cours d'Appel, qui seraient chargés de
remplacer dans les tribunaux du ressort leurs collègues « absents » ou de pourvoir les postes
temporairement vacants. Saisi de cette modification du statut de la magistrature, le Conseil
constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'institution des magistrats
remplaçants339. Le Conseil s'était exprimé dans sa motivation de la manière suivante : « (...)
en déterminant limitativement les cas dans lesquels, à l'intérieur du ressort d'une Cour les
magistrats du siège peuvent être appelés à effectuer un remplacement (..) et, en
subordonnant celui-ci à une ordonnance du premier président précisant le motif et la durée
du remplacement et en en fixant le terme, la loi organique a institué des garanties de nature
à satisfaire aux exigences de la Constitution »340. Cette décision fut unanimement critiquée
par la doctrine qui a estimé que l'exception constituée par le régime des juges
« remplaçants » était en contradiction radicale avec le principe de l'inamovibilité et que les
restrictions dont on prétendait l'entourer étaient à la fois arbitraires et fragiles341.
336
L'indépendance de la magistrature et du barreau : une compilation de normes internationales, in Bulletin du
Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats (CIMA), n° 25-26, avril-octobre 1990, p. 63.
337
V. PAULUS de CHATELET, « Une nouvelle formule pour l’administration judiciaire », in Journal des
tribunaux, 1992, pp. 522-523 ; CH. JASSOGNE, « La spécialisation et la mobilité des magistrats », in Journal
des tribunaux, n° 5951, 1er janvier 2000, pp. 16-17.
338
Article 80 du Code judiciaire belge.
339
Décision n. 80-123 DC du 24 octobre 1980, in Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, p. 24 ; Revue
de droit public et de la science politique, 1981, p. 636.
340
Ibidem.
341
F. HARMON, « Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 24 octobre 1980 « magistrats
remplaçants », in Actualité juridique (droit administratif), 1981, p. 148.
96
y conservaient leur plein exercice des attributions attachées à leur poste d'affectation ;
qu'ainsi leur désignation pour siéger au tribunal des armées n'avait pas pour effet de leur
donner une affectation nouvelle au sens de l'article 4 de la loi organique du 22 décembre
1958 relative au statut de la magistrature et ne porterait pas atteinte au principe de
l'inamovibilité des magistrats du siège inscrit à l'article 64 de la Constitution »342.
342
Conseil d’Etat, 29 juin 1983, Arrêt Pacaud et autres, in Revue française de droit administratif, 1985,
p. 108
343
Article 3- 1 de l’ordonnance n° 58 – 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature française ; pour plus de détails, Voy. D. GUIHAL, « L’inamovibilité des juges à l’épreuve des
contraintes de gestion », in Revue française de droit constitutionnel, 1995, pp. 799-801.
344
Journal officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
97
Enfin le Bénin a prévu les limites raisonnables de l’inamovibilité du juge mais qui
ne remettent pas en cause l’indépendance de celui-ci. En effet, ce principe n'est pas violé
lorsque le président d'une juridiction permute les juges au sein de sa juridiction d'une
chambre à l'autre ou lorsqu'un juge va suppléer à la vacance d'un poste dans une juridiction de
même rang ou supérieur ; dans tous les cas, vu l'intervention de la Cour constitutionnelle, le
consentement de l'intéressé s'impose. De même, l'inamovibilité du juge ne concerne pas la
nomination à un premier poste de juge (pour l’ancien auditeur de justice ou un autre
fonctionnaire nouvellement intégré dans le corps de la magistrature) car il n’y a aucune
obligation de consulter le nouveau magistrat. En conséquence, le juge qui va être nommé ne
peut exciper d’aucune qualité pour invoquer une quelconque inamovibilité345.
345
A.M. LOKOSSOU, « Le principe de l’inamovibilité du magistrat dans le contexte du Bénin », Mémoire de
maîtrise en sciences juridiques, Faculté des sciences juridiques économiques et politiques (FASJEP),
Université nationale du Bénin, Cotonou, Année universitaire 1998-1999, p. 36.
346
D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique, l’accès aux fonctions judiciaires et carrière du juge »,
in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Réunion multilatérale, Conseil de l’Europe et Cour
Suprême de Hongrie, Budapest, 25-27 octobre 1995, Conseil de l’Europe, 1997, p. 131.
347
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, p. 305 ; D. LUDET , « Le juge dans
une société démocratique, l’accès aux fonctions judiciaires et la carrière du juge », in Les systèmes judiciaires
dans une période de transition, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1997, pp. 130-131 ; N. VALTICOS,
« Quels juges pour la prochaine Cour européenne des droits de l’homme », in Liber Amicorum, Marc-André
EISSEN, Bruxelles-Paris, éd. Bruylant, 1995, pp. 428-431 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER et A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4e éd., Dalloz, 1996, p. 108-110 ; J.
ROBERT (avec collaboration J. DUFFAR), Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, 6e éd.,
Montchrestien, 1996, p. 274-278 ; L. SERMET, Convention européenne des droits de l’homme et contentieux
administratif français, éd. Economica, 1996, pp. 215-216 ; SOLON, raison pour la justice, Paris, éd. Dalloz,
1986, pp. 16-149 ; F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, Paris, éd. Litec, 1994, pp. 42-43 ; A.L.
98
l’article 8 du Statut Universel du juge348 permet que ce dernier soit déplacé, suspendu ou
démis de ses fonctions dans les cas prévus par la loi en matière disciplinaire et sur décision
de l’organe indépendant et représentatif des juges comme le Conseil supérieur de la
magistrature.
Par cette pratique, les régimes militaires ou autoritaires en abusent en affectant les
juges selon leur bon vouloir étant donné que c'est une notion vague, qu'ils utilisent pour
faire échec à l'inamovibilité du juge. Ils y arrivent avec d'autant plus d'aisance qu'ils n'ont
pas besoin de dire en quoi il y a « nécessités de service ». Donc, il s'agit là de manœuvres
du pouvoir exécutif pour déplacer les juges peu dociles à son égard. De même, par la notion
d'intérim appliquée au Sénégal, le pouvoir exécutif affecte le juge à une juridiction supérieure
pendant une période qu'il sera seul à fixer et qui prive celui-ci du bénéfice de l'inamovibilité.
DEVILLE, « Influences du pouvoir exécutif sur les prérogatives du juge en France sous la Ve République », in
PH. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE (sous direction), Fonction de juger et pouvoir judiciaire,
Faculté universitaire St Louis, Bruxelles, 1983, p. 482 ; N. QUESTIAUX, « Statut, carrière et indépendance
du magistrat français », in Justice et politique, actes du colloque tenu à l’I.E.P. de Strasbourg les 5, 7 et 8 avril
1973, éd. PUF, 1974, pp. 21-22 ; RENOUX, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, éd. Economica,
Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, pp. 101, 166, 267-268 ; J.L. BODIGUEL, Les magistrats, un
corps sans âme ?, Paris, éd. PUF, 1991, pp. 224, 266, 271 ; Syndicat de la magistrature, Justice sous influence,
Paris, éd. Maspero, 1981, pp. 193-1995 ; J. DROIN, « La garantie de l’indépendance des juges en Europe
occidentale », in Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1995,
p. 155 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, éd. PUF, 1996, p. 50 ; A. POUILLE, Le pouvoir
judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, p. 57-62 ; P. DEVEDJIAN, Le temps des juges, Paris, éd.
Flammarion, 1996, p. 211-214 ; C. GUARNIERI et P. PEDERZOLI, La puissance de juger, Paris, éd.
Michalon, 1996, pp. 55-56 ; A. MARTIN, « Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance des
juges », in Revue de droit public et de la science politique de l’étranger, n° 3, 1997, pp. 741-781 ; G.
d’ARBOUSSIER, « La primauté du droit », in Justice au Sénégal, Dakar, éd. Rufisque, 1961, p. 8.
348
Approuvé à l’unanimité par le conseil central de l’union internationale des magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1999.
99
Étant donné que par « les nécessités de service » ou la « notion d'intérim » le pouvoir
exécutif peut déplacer selon son bon vouloir le juge d'une juridiction, cela est en
contradiction avec les critères d'indépendance du juge vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Il convient aussi de souligner que le droit englobe plusieurs notions trop techniques
qui nécessitent qu'elles soient appréciées par un « juge spécialisé ». Il ne serait donc pas
mauvais qu'il puisse être sollicité pendant un temps déterminé afin de contribuer à rendre
une justice de qualité. Aussi, si dans un tribunal, plusieurs juges sont empêchés pour
diverses raisons (maladie, décès...), l'on pourrait solliciter le concours du juge d'un tribunal
voisin.
349
Cour constitutionnelle, 2 mars 1995, Amoussou Gerges Constant et Adjovi C., DCC 95-011 ; Cour
constitutionnelle, 12 mai 1995, Toboula Josephat, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions
et avis, République du Bénin, Cotonou, 1995, pp. 117 et s. ; Cour constitutionnelle, 26 avril 1996,
Amoussou Gerges Constant et Crst, DCC 96-021, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions
et avis, République du Bénin, Cotonou, 1996, pp. 107-110 ; Cour constitutionnelle, 30 juillet 1996, Hadonou
Lino Louis et Hode Francis Aimé, DCC 96-045, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et
avis, République du Bénin, Cotonou, 1996, pp. 205-207 ; Cour constitutionnelle, 10 juin 1997, Dako
Fortuné et Kapko Damien, DCC 97-033, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et avis,
République du Bénin, Cotonou, 1997, pp. 137-141.
350
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I., L’indépendance du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 64-94.
351
J. ROBERT (avec collaboration J. DUFFAR), Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, 6ème éd.,
Montchrestien, 1996, pp. 274-278 ; Th.S. RENOUX, « Le Président de la République garant de
l’indépendance de l’autorité judiciaire », in Justices, n° 3, janvier-juin 1996, pp. 100-103 ; 108-112 ; D.
SALAS, Le tiers pouvoir vers une autre justice, Paris, Hachettes littératures, 1998, pp. 48-49 ; G.
GALLON, « Une bataille européenne en faveur de l’autonomie et de l’indépendance des juges », in La
formation des magistrats en Europe et le rôle des syndicats et des associations professionnelles, Paris, éd.
Cédam, 1992, pp. 214-216 ; F. GERBER, Justice indépendance, justice sur commande, Paris, PUF, 1990,
pp. 231-234 ; J. BEAUME, « L’administration du corps judiciaire : Rôle du Conseil Supérieur et/ou du
Ministère de la justice en France », in Rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Actes de réunion
multilatérale organisée par le Conseil de l’Europe en collaboration avec le Conseil général du pouvoir
judiciaire d’Espagne tenu à Madrid du 9-11 novembre 1993, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1995, pp.
159-164 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, PUF, 1996, p. 50 ; A. POUILLE, Le pouvoir
judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, pp. 57-62 ; P. DEVEDJIAN, Le temps des juges, Paris,
éd. Flammarion, 1996, pp. 211-214 ; COLCOMBET, « Faire carrière », in Pouvoirs, n° 74, p. 111 ; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4ème
éd., Dalloz, 1996, pp. 108-110 ; J.Cl. MAGENDIE et J.J. GOMEZ, Justices, Paris, Atlas-Economica, 1986,
pp. 23-24 ; J. GEOGEL et A.M. THOREL, La justice sous la Ve République, Paris, éd. Apogée, 1997, pp.
99-110 ; SOLON, op. cit., pp. 152-157 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 11e éd.,
Montchrestien, 2004, p. 40, n° 45.
101
352
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, 3e éd. Dalloz,
2005, n° 354, p. 635.
353
C’est l’un des derniers pays d’Europe d’avoir pourvu la justice d’un tel organe de contrôle, réclamé pourtant
depuis plus de vingt ans avec insistance par de nombreux magistrats (voir Revue juger, n° 5, « Les structures
de l’indépendance », Bruxelles, 1993). c’est donc les manifestations d’une population indignée par les
dysfonctionnements de la justice et par l’inertie du pouvoir qui ont notamment contraint le gouvernement à
approuver en juillet 1997 un projet de loi instaurant le Conseil supérieur de la justice (F. RINGELHEIM,
Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor, 1998, p. 31).
354
Institué par la loi du 20 novembre 1998 portant modification de l’article 151 de la Constitution (Moniteur
belge du 24 novembre 1998, pp. 37679-37681) et loi du 22 décembre 1998 modifiant certaines dispositions de
la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la justice, la nomination et la
désignation de magistrats et instaurant un système d’évaluation pour les magistrats (Moniteur belge du 02
février 1999, pp. 2928-2935).
355
Chr. MATRAY, « Les magistrats et le Conseil supérieur de la justice », in Le Conseil supérieur de la justice
(sous direction de M.VERDUSSEN), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 78. Il s’agissait de la proposition de
l’Association syndicale des magistrats (Chr. MATRAY, « Justice et transparence », in La République des
juges. Actes du colloque organisé par Conférence libre du jeune barreau de Liège le 7 février 1997, Liège, éd.
du jeune Barreau, 1997, p. 46).
356
Chr. MATRAY, Le chagrin des juges, éd. Complexe, Bruxelles, 1997, p. 89.
357
D. de BRUYN, « Le Conseil supérieur de la justice », in Journal des tribunaux, 1999, p. 402 ; X. DE
RIEMAECKER, « La place du pouvoir judiciaire dans l’Etat et son corollaire, l’indépendance des
magistrats », in X. DE RIEMAECKER et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte,
2000, p. 15.
102
Il est prévu à l’article 151 § 2 alinéa 1er, de la Constitution358 que : « Il y a pour toute
la Belgique un Conseil supérieur de la justice ». Ce Conseil est composé de quarante-quatre
membres dont vingt-deux d’expression française qui forment le collège francophone et vingt-
deux d’expression néerlandaise qui forment le collège néerlandophone359. Chaque collège
compte onze magistrats et onze non-magistrats. Le groupe des magistrats compte par collège
au moins : un membre d’une Cour ou du ministère public près une Cour, un membre du siège,
un membre du ministère public et un membre par ressort de Cour d’appel. Le groupe des
non-magistrats compte, par collège au moins quatre membres de chaque sexe et est composé
d’au moins : quatre avocats possédant une expérience d’au moins dix années au barreau, trois
professeurs d’une université ou d’une école supérieure possédant une expérience
professionnelle utile pour la mission du Conseil supérieur d’au moins dix années, quatre
membres porteurs d’au moins un diplôme d’une école supérieure et possédant une expérience
professionnelle utile pour la mission du Conseil supérieur d’au moins dix années dans le
domaine juridique, économique, administratif, social ou scientifique. En clair, le Conseil
supérieur de la justice belge comprend quarante-quatre membres : vingt-deux sont magistrats
et vingt-deux autres non-magistrats.
358
Loi du 20 novembre 1998, in Moniteur belge du 24 novembre 1998, pp. 37679-37681.
359
Article 259 bis-1, § 1er du Code judiciaire belge.
360
F. RINGELHEIM, Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor,
1998, p. 32 ; Chr. MATRAY, « Justice et transparence », in La République des juges, Actes du colloque
organisé par la Conférence libre du jeune Barreau de Liège, le 7 février 1997, Liège, éd. du jeune barreau,
1997, p. 50.
361
St. DE CLERCK, Les arbres et la forêt. Réformer la justice, Tielt (Belgique), éd. Lannoo, 1997, p. 163.
362
D. ROBERT, La justice ou le chaos, Paris, éd. Stock, 1996, p. 41.
363
B. FRYDMAN, « La participation citoyenne au Conseil supérieur de la justice : le pari de protagonistes », in
Le Conseil supérieur de la justice (sous direction de VERDUSSEN, M.), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 97.
364
Doc. parl., Ch. 1677/I-97/98, p. 6.
365
Chr. MATRAY, « Le Conseil supérieur de la justice : de quelques perplexités », in Une justice en crise :
premières réponses, Actes de la journée d’études du 16 mai 2002, sur « Les dysfonctionnements de la justice
plus de 5 ans après la Marche blanche », Les cahiers de l’institut d’études sur la justice, n° 3, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2002, p. 188.
366
D. ROBERT, La justice ou le chaos, éd. Stock, Paris, 1996, p. 41.
103
En créant en son sein deux formations spécialisées, les parlementaires ont opté pour
une solution originale garantissant le respect de la spécificité du parquet dont l’indépendance
vis-à-vis de l’exécutif ne peut être totale en raison de sa fonction de mise en œuvre de la
politique pénale du gouvernement. Ce qui contribue directement au renforcement de
l’indépendance de la magistrature, dans la mesure où l’adoption d’une structure dédoublée a
permis l’extension des compétences du conseil à l’égard du parquet sans effacer les liens que
ce dernier doit conserver avec l’exécutif en raison de la particularité de sa mission368. Même
si aucune assemblée plénière n’est prévue par le constituant pour les deux formations, le
nouveau Conseil supérieur de la magistrature a pris l’habitude de se réunir une fois par mois
en session commune aux deux formations sous la présidence du Président de la République369.
367
Un, issu de la Cour de Cassation, un chef de Cour (premier président), un chef de tribunal de grande instance
et trois magistrats des cours et tribunaux.
368
M. ARNAUD, « Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance du juge », in Revue de droit public
et de la science politique en France et à l’étranger, n° 3, mai-juin 1997, pp. 755-756.
369
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, et A. VARINARD, op. cit., n° 84-1, p. 109.
370
Articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal, telle que modifiée par la loi organique n°
92-26 du 30 mai 1992.
104
Au Burkina Faso, il est composé des membres de droit qui sont le chef de l’État, le
ministre de la justice, les premiers présidents et les procureurs généraux des Cours et 13
magistrats élus par leurs pairs, représentant différents grades ainsi qu’un représentant du
syndicat des magistrats, élu également par ses pairs373.
En Guinée, il comprend neuf membres dont quatre de droit et cinq nommés par le
Président de la République. Les membres de droit sont le Président de la République, le
ministre de la justice (qui est le vice-président), le premier président de la Cour Suprême, le
plus ancien des premiers présidents des Cours d’appel. Les cinq autres sont : deux présidents
371
Article 105 de la Constitution de la Côte d’Ivoire.
372
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
Précisons que cette loi était en déphasage total avec les principes constitutionnels actuels. C’est ainsi que le
Parlement a voté la nouvelle loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature qui a été
promulguée par le Président de la République.
373
Articles 2 et 4 de l’ordonnance n° 91-53 PRES du 26 août 1991, portant création, organisation et
fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature.
374
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise, n° 8, 6 mars 1997, p. 1.
105
375
Articles 1 à 4 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
376
Article 71 de la Constitution du Gabon.
377
Cour constitutionnelle du Gabon, décision n° 6/CC du 4 mars 1993, in Penant, n° 816, 1994, pp. 201-203.
378
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
379
W. MBILAMPINDO, « L’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue
juridique et politique Indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 306 ; articles 1 à 7 de
la loi n° 024 du 20 août 1992 modifiée par la loi n° 29/94 du 18 octobre 1994 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
380
Décision n° 002/CS/96 du 2 août 1996, in Penant, n° 825, 1997, pp. 332-334, avec note de J.D.
BOUKONGOU, « Indépendance du pouvoir judiciaire et protection des droits de l’homme au Congo à la
lumière des deux décisions de la Cour Suprême du 2 août 1996 », même revue, pp. 310-329.
381
Article 152 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, numéro spécial, p. 14.
106
auditeurs supérieurs, deux magistrats de siège et deux magistrats du parquet élus par
l’ensemble des magistrats du ressort pour un mandat de 3 ans, un magistrat de siège et un du
parquet par ressort de Cour militaire.
– Une section pour les magistrats militaires, qui s’occupera entre autres de la nomination de
nouveaux magistrats militaires et de la promotion aux fonctions judiciaires et aux grades
militaires des anciens magistrats ;
– Une section pour les magistrats civils, laquelle comprendra deux sous-sections, dont l’une
consacrée aux magistrats de la Cour Suprême de justice et du parquet général de la
République et l’autre consacrée aux autres magistrats.
Nous pensons que cette subdivision chargeait ce Conseil et le rendrait plus lourd dans
son fonctionnement. Il serait souhaitable que ce Conseil reste en formation unique pour tous
les magistrats (du siège et du parquet), ce qui consolidera son unité et son indépendance.
382
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, Palais du Peuple, Kinshasa, 1992,
p. 63.
107
Commission d’avis et d’enquête, à commencer par le plus âgé383. Comme nous pouvons le
remarquer, ni le Roi, ni le premier ministre, ni le ministre de la justice ne préside cet organe et
n’y siège pas, ce qui renforce son indépendance, contrairement au Conseil supérieur de la
magistrature française dont l’indépendance pourrait être compromise par la présence en son
sein du chef de l’État et du garde des sceaux qui y exercent une influence déterminante sur les
nominations de hauts magistrats384.
383
Article 259 bis-4, § 1er à § 3 du Code judiciaire belge.
384
F. RINGELHEIM, Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor, 1998,
p. 32.
385
N. MERLEY, « Le chef de l’État et l’autorité judiciaire sous la Ve République », in Revue de droit public et
de la science politique en France et à l’étranger, n° 3, mi-juin 1997, p. 716 ; Th. S. RENOUX, , « Le
Président de la République garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », in Justices, n° 3, 1996, p. 100.
386
P. LYON-CAEN, « L’expérience du syndicat de la magistrature, Témoignage », in Pouvoirs, n° 16, 1981, p.
59.
387
Le Président Chirac a néanmoins rappelé que le garde des sceaux et lui-même, membres à part entière du
Conseil supérieur de la magistrature, disposent d’un droit de vote (Le Monde, 10 juillet 1996, p. 26). Ils
pourraient fort bien l’utiliser en cas de désaccord avec les autres membres du Conseil.
388
N. MERLEY, op. cit., p. 729.
389
Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.
390
M. ARNAUD, op. cit., p. 756. Le fait que le Conseil supérieur de la magistrature soit chargé « d’assister » le
Président de la République dans sa tâche de garant de l’indépendance de la magistrature, cela traduit la
soumission de cet organe à l’influence de l’exécutif (Le Monde n° 17102, jeudi 20 janvier 2000, p. 7).
108
République, ce qui pour être symbolique, n’en est pas moins significatif, mais siège à l’Elysée
chaque fois que le Président le préside391. En principe, cela devrait être évité afin d’assurer
l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature vis-à-vis du Président de la
République. C’est pourquoi, estime Edouard Balladur : « sa présidence doit être retirée au
Président de la République pour être confiée à une personnalité élue en son sein par ledit
Conseil »392 .
La plupart des pays africains ont suivi le modèle français. Ainsi au Sénégal393 tout
comme en Côte d’Ivoire394, à Djibouti395, au Gabon396, au Tchad397 et au Bénin398, le Conseil
Supérieur de la Magistrature est présidé par le Président de la République. D’ailleurs au
Bénin, la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature399 prévoit en son
article 1er que le Président de la République reste le Président du Conseil supérieur de la
magistrature en sa qualité de garant de l’indépendance de la magistrature, et le Président de la
Cour Suprême sera le vice-président de ce Conseil. Nous pensons qu’en plaçant ce dernier en
seconde position par rapport au Président de la République au sein du Conseil, c’est admettre
que le Président de la République puisse lui donner des instructions (son vice-président) pour
la bonne marche de l’institution en cas de son empêchement, ce qui revient à diminuer le plus
haut magistrat de la République du Bénin de son indépendance vis-à-vis du Président de la
République, qui lui est pourtant affirmée par la Constitution.
391
P. DEVEDJEAN, Le temps des juges, Paris, éd. Flammarion, 1996, p. 213 ; Le Conseil se réunit en moyenne
au moins une fois par trimestre en Assemblée plénière au Palais de l’Elysée (Voy. N. MERLEY, op. cit., p.
725) ; Article 34 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 pris pour application de la loi organique n° 94-100 du 5
février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.
392
E. BALLADUR, Dictionnaire de la réforme, Paris, Fayard, 1992, p. 169.
393
Article 1er de l’ordonnance n° 60 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal.
394
Article 1er de la loi n° 61-202 du 2 juin 1961, déterminant la composition, l’organisation et le fonctionnement
du Conseil supérieur de la magistrature modifiée par la loi n° 94-441 du 16 août 1994 ; article 104 de la
Constitution de la Côte d’Ivoire de 2000.
395
Article 73 alinéa 1 de la Constitution de Djibouti.
396
Article 71 de la Constitution de la République gabonaise.
397
Article 151 de la Constitution du Tchad.
398
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1960 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
399
Délibéré et adopté par l’Assemblée nationale en sa séance du 20 décembre 1994, puis le 1er juillet 1996 et
déjà promulgué.
400
Article 2 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
401
Article 132 de la Constitution du Burkina Faso ; article 3 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du 26 août 1991
portant création, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
402
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature modifiée par la loi n °89/16 du 28 juillet 1989.
403
M. MBILAMPINDO, « L’institution du Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue juridique
et politique indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 306.
404
Article 97 de l’ordonnance n° 92/043/P.CTSP du 5 juin 1992 portant statut de la magistrature au Mali.
109
De même, au Togo406, cet organe est présidé par le président de la Cour Suprême, et, ce
qui est frappant le Président de la République n’en est même pas membre, d’où l’apparence
de la consolidation de son indépendance. En pratique, cela pourrait être difficile à se vérifier
dans la mesure où le Togo est un régime militaire, et on comprendrait difficilement que ledit
régime se soucie de l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature. Enfin, l’on sait
surtout qu’en Afrique, on peut élaborer des bons textes juridiques mais son application
pratique sur terrain qui pose problème. Dans tous les cas, le fait de prévoir un texte comme
celui du Togo c’est une grande avancée, certainement lorsque le Togo et la République
Démocratique du Congo seront des véritables Etats démocratiques répondant aux critères
d’un Etat de droit, l’application du texte sur terrain ne posera plus problème.
Il arrive que le ministre de la justice et garde des sceaux soit membre, et souvent vice-
président du Conseil supérieur de la magistrature, on peut se demander si cela ne peut pas
remettre en cause l’indépendance de cet organe. Les exemples du droit comparé nous
permettraient de vérifier cette hypothèse. En Belgique, le ministre de la justice ne siège pas au
Conseil supérieur de la justice.
405
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, République du Zaïre, Kinshasa, Palais
du Peuple, 1992, p. 62.
406
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature du Togo.
110
Les législations des Etas de l’Afrique francophone ont été influencées par la France.
En effet, au Sénégal410, au Burkina Faso411, en Guinée412, au Bénin413, au Cameroun414, au
Gabon415 et au Tchad416, le ministre de la justice et garde des sceaux est le vice-président du
Conseil supérieur de la magistrature ; au Congo-Brazzaville417, il est simple membre du
Conseil alors qu’au Togo418, en Côte d’Ivoire419et au Rwanda420, le ministre de la justice ne
fait même pas partie dudit Conseil, ce qui pourrait rassurer son indépendance. En République
Démocratique du Congo, depuis la Constitution du 18 février 2006, le ministre de la justice
n’est plus membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Nous pensons que la présence du ministre de la justice et garde des sceaux au sein du
Conseil Supérieur de la Magistrature surtout en tant que vice-président ne facilite pas
407
M. ARNAUD, op. cit., p. 756.
408
Ibidem, p. 759.
409
M. ZAVARO, « La protection de l’indépendance de la magistrature en France », in Les pouvoirs du judiciaire
(F. RINGELHEIM et Chr. PANIER), Bruxelles, éd. Labor, 1987, p. 85.
410
Article 1er de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, in Ch.T. THIAN, Droit public du Sénégal, vol. I :
L’État et le citoyen, Dakar, Ed. du Credila, Faculté des Sciences juridiques et économiques, Université Cheikh
Anta Diop, 1993, p. 191.
411
Article 132 alinéa 2 de la Constitution du Burkina Faso et article 3 de l’ordonnance portant création et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
412
Article 2 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature de Guinée.
413
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature
au Bénin. Précisons que la nouvelle loi organique relatif au Conseil supérieur de la magistrature prévoit en
son article 1er, 1 que le premier vice-président du Conseil est le président de la Cour Suprême et le point 3
prévoit que le garde des sceaux est le deuxième vice-président.
414
Article 1er de la loi n°82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
415
Article 71 de la Constitution du Gabon.
416
Article 151 de la Constitution du Tchad.
417
W. MBILAMPINDO, « L’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue
juridique et politique indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 307.
418
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise n° 8, 6 mars 1997, p. 1.
419
Article 105 de la Constitution du 1er août 2000.
420
Article 1er de la loi organique n° 3/96 portant organisation, fonctionnement et compétences du Conseil
supérieur de la magistrature, in Codes et lois usuelles du Rwanda, Vol. I, 1998, p. 161.
111
L’intervention du Sénat pour les membres de la société civile consiste à donner à ces
derniers qui participent aux activités du Conseil une légitimité politique incontestable, et il
s’agit, via la majorité des deux tiers, de procéder au choix de membres qui disposeront de la
confiance de la majorité et de l’opposition, sans compter qu’ils devront être acceptés par l’un
et l’autre groupe linguistique du Sénat424. Mais cette intervention du Sénat avait suscité de
vives critiques. Selon le bâtonnier bruxellois François Glansdorff, il s’agit d’une
repolitisation larvée, alors qu’une désignation, ou plutôt une élection par ses pairs serait
hautement préférable425. D’où comme le souligne le procureur général près la Cour de
Cassation Jean-Marie Piret : « (…) l’exigence d’une majorité de deux tiers n’est pas
nécessairement une garantie de « dépolitisation », puisque, traditionnellement, chaque parti
choisit en fonction des considérations qui lui sont propres les candidats auxquels le système
proportionnel lui donne droit (…) »426.
421
F. LUCHAIRE et G. CONAC (sous direction), La Constitution de la République française. Analyses et
commentaires, Paris, 2e éd., Economica, 1987, p. 1150 ; Chr. STRECKER, « Les ciseaux dans la tête. La
menace informelle de l’indépendance malgré les garanties formelles », in Etre juge demain, Presses
universitaires de Lille, 1983, p. 223.
422
Article 259 bis – 2, § 1er du Code judiciaire belge.
423
Article 259 bis – 2, § 3 du Code judiciaire belge.
424
F. DELPÉRÉE, « Le statut et la composition du Conseil supérieur de la justice », in Le du Conseil supérieur
de la justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 48.
425
F. TULKENS, « Les états généraux de la magistrature organisés par la Commission nationale de la
magistrature », in Journal des tribunaux, 1998, p. 293 ; Pour plus de détails à ce sujet, lire Les États-généraux
de la magistrature, in Le Journal des procès, n° 436, vendredi 3 avril 1998, pp. 11-12.
426
J.M. PIRET, « Le Conseil supérieur de la justice et la Cour de Cassation », in Le Conseil supérieur de la
justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 216.
112
427
Le chef de l’État et le ministre de la justice font partie de ce chiffre qui regroupe les membres compétents à
l’égard du siège et du parquet.
428
Articles 1, 2 et 4 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.
Parmi ces 13 magistrats, il y a un membre du Conseil d’État qui est élu par l’Assemblée générale de celui-ci et
qui siège dans les deux formations du Conseil supérieur de la magistrature (article 5 de la loi organique n° 94-
100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature).
429
Article 65 alinéas 3 et 4 de la Constitution française.
430
N. MERLEY, op. cit., p. 729 ; M. ARNAUD, op. cit., p. 763.
431
JO, CR Sénat, 27 mai 1993, p. 453, cité par ARNAUD, M., op. cit., p. 763.
432
Article 1er, 2 et 3 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, in D. NDOYE, Les magistrats au Sénégal, Dakar, éd.
juridiques africaines, mars 1993, pp. 59-60.
113
Au Bénin, parmi les 9 membres qui composent ce Conseil, deux magistrats sont élus
par leurs pairs et une personnalité étrangère à la magistrature est nommée par le Président de
la République435. Les 6 autres membres sont le Président de la République, le ministre de la
justice, le président de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême, le président de la Chambre
administrative de la Cour Suprême, le président de la Chambre des comptes et le président de
Cour d’appel. Précisons que lorsque les membres du Conseil siègent alors que leur mandat a
expiré, la composition de celui-ci devient irrégulière et donc susceptible d’être attaquée
devant la Cour constitutionnelle. C’est ce qui s’est passé dans la décision DCC 98-086 où la
Cour a déclaré les décisions numéros 001/96/CSM et 002/96/CSM du 12 février 1996 du
Conseil supérieur de la magistrature contraires à la Constitution au motif que quatre membres
dudit Conseil n’avaient pas qualité pour siéger.
Au Burkina Faso, 13 magistrats sont élus par leurs pairs dont 12 représentent
différents grades de la magistrature et un représente le syndicat des magistrats. Il convient
433
Notons qu’un projet de loi était préparé au cabinet du Président KONAN BÉDIÉ et prévoyait en son article
1er que ce dernier nommerait 6 personnalités extérieures à la magistrature et 4 magistrats du siège dont 2
titulaires et 2 suppléants. Certainement qu’il ne passera plus au Parlement car le coup d’État du 23 décembre
1999 organisé par le général GUEIT a dissout le Parlement. Aussi, un nouveau Parlement a été élu en
décembre 2000 à la suite de l’arrivée au pouvoir du Président Laurent Gbabo.
434
Commission nationale de réflexion sur les conditions d’amélioration du système judiciaire et pénitentiaire
ivoirien, Rapport final, juin 1995, p. 26.
435
Articles 3 et 4 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi 65-3 du
20 avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature du Bénin. Précisons que la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature (voté
par l’Assemblée nationale le 1er juillet 1996 déjà promulgué) prévoit en ses articles 1er, 8 et 2 alinéa 3 une
personnalité extérieure mais il ne dit rien en ce qui concerne le pouvoir de sa nomination.
114
d’ajouter les autres membres de droit tels que le Chef de l’État, le ministre de la justice, les
premiers présidents et les procureurs généraux des Cours436.
Au Cameroun, les 3 magistrats du siège sont désignés par la Cour Suprême, une
personnalité extérieure est désignée par le Président de la République437 et celui-ci nomme ces
personnalités membres titulaires par décret.
436
Articles 2 à 5 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du 26 août 1991, portant création, organisation et
fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature, in Journal officiel du Burkina Faso du 29 août
1991, p. 1019.
437
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
438
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
439
Article 4 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
440
W. MBILAMPINDO, op. cit., p. 306.
441
Article 1 à 5 de la loi organique n° 3/96 du 29 mars 1996 portant organisation, fonctionnement et
compétences du Conseil supérieur de la magistrature ; article 152 de la Constitution du 26 mai 2003.
442
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature.
115
Comme nous pouvons le constater, cet article ouvre la voie au contrôle externe du
pouvoir judiciaire par le Conseil Supérieur de la Justice. La crainte d’une violation de
l’indépendance du pouvoir judiciaire ne sera pas fondée si les dispositions constitutionnelles
et législatives sont correctement appliquées – dans leur lettre comme dans leur esprit – par les
membres du Conseil443. Contrairement au Conseil Supérieur de la Magistrature d’autres pays,
le Conseil Supérieur de la Justice belge n’exerce pas de compétences en matière
disciplinaire444.
443
H.-D. BOSLY, « Le Conseil supérieur de la justice et le contrôle externe de la justice », in Le Conseil
supérieur de la justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 157.
444
Article 151, § 3, n° 8 de la Constitution.
445
Article 65 alinéas 5 et 9 de la Constitution française.
446
Article 65 alinéa 8.
116
S’agissant des propositions pour les nominations des magistrats du siège, la première
formation émet des propositions pour les emplois de cassation, pour la première présidence
des Cours et pour la présidence des tribunaux de grande instance ; la nomination des autres
magistrats du siège se fait sur avis conforme. Mais l’influence du Président de la République
dans les nominations des magistrats du siège au sommet de l’ordre judiciaire est toujours
prépondérante. A titre d’exemple, entre 1994, date de son installation et le 30 juin 1995, le
Conseil Supérieur de la Magistrature a proposé la nomination de 8 conseillers à la Cour de
Cassation, de 6 premiers présidents et de 45 présidents de tribunal de grande instance ; toutes
ces propositions ont été agréées par le Président de la République447 et aucune des 1445
déclarations du Conseil n’a été remise en cause par le chef de l’Etat ou le garde des sceaux.
En 1995, l’avis conforme n’a été refusé que dans 2,8 % des cas448 alors qu’en 1996, l’exécutif
est passé outre dans 46 % des cas aux propositions de nomination du Conseil supérieur de la
magistrature449. Concernant les autres juges, leur nomination par le Président de la
République requiert l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Dans ce cas, le
garde des sceaux a le pouvoir de proposition mais en accord avec le Conseil Supérieur de la
Magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège qui étudie les dossiers des
magistrats proposés450. C’est donc le garde des sceaux de façon plus ou moins conflictuelle
selon les configurations partisanes au sein de l’Exécutif plutôt que le Conseil supérieur de la
magistrature qui guide le pouvoir de nomination présidentiel. A ce sujet, Edouard Balladur
raconte que sous la cohabitation, ses plus vifs désaccords avec François Mitterrand portaient
sur les nominations dans la magistrature451.
447
Rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature, 1995, p. 14.
448
Ibidem, pp. 2 et 43.
449
Rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature, 1996, cité par D. SALAS, Le tiers pouvoir – vers
une autre justice, Paris, éd. Hachette littérature, 1998, p. 271, note 13.
450
Article 38, alinéa 1 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
451
E. BALLADUR, Deux ans à Matignon, Paris, éd. Plon, 1995, p. 80.
452
Article 65, alinéa 6 de la Constitution française.
453
Article 44, alinéa 1 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
454
Article 50-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature.
455
J. BEAUNE, « L’administration du corps judiciaire : Rôle du Conseil supérieur de la magistrature et/ou du
ministère de la justice », in Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Actes de réunion multilatérale
organisée par le Conseil de l’Europe en collaboration avec le Conseil général du pouvoir judiciaire d’Espagne,
Madrid du 9-11 novembre 1993, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe 1995, p. 163.
117
456
Loi n° 86-14 du 6 janvier 1986, modifiée par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987.
457
Article 14 de la loi ci-haut.
458
Article 17 de la même loi.
459
R. PERROT, op. cit., p. 54.
460
Articles 10, 11, 12, 13, 22 et 23 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur
l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal.
461
G. d’ARBOUSSIER, « Primauté du droit », in La justice au Sénégal », Congrès africain de Lagos, Dakar, éd.
Rufisque, 1961, p. 8.
462
ASSANE BASSIROU DIOUF, « Le pouvoir judiciaire face aux autres pouvoirs », Allocution du Premier
président de la Cour Suprême du Sénégal, Audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, 6 novembre
1991, p. 9.
463
Article 14 de l’ordonnance précitée.
118
Président de la République prend le décret en matière de grâce après avis dudit Conseil, sur
proposition du ministre de la justice et garde des sceaux464.
Comme on peut le remarquer, au Sénégal, les compétences du Conseil supérieur de la
magistrature s’étendent tant aux magistrats du siège qu’aux magistrats du parquet465, mais
contrairement à la solution française, cette institution siège en formation unique.
464
Articles 22 à 25 de l’ordonnance précitée.
465
AMADY BA, « Droits et responsabilités des juges », audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux,
Cour de Cassation, jeudi 5 novembre 1992, Dakar, édition Jurisen, 1992, p. 7.
466
Article 106 de la Constitution de la Côte d’Ivoire.
467
Journal officiel de la République du Dahomey n° 11 du 29 avril 1965, pp. 1-2.
468
Toutes les décisions de la Cour constitutionnelle sont unanimes sur ce point, citons notamment :
– Décision DCC 95-027 du 2 août 1995, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République
du Bénin, 1995, pp. 136-145.
– Décision DCC 96-028 du 25 juillet et 6 août 1996.
– Décision DCC 96-081 du 13 novembre 1996.
– Décision DCC 97-008 du 19 février 1997, in Recueil du 19 février 1997, Cour constitutionnelle,
République du Bénin, 1997, pp. 35-39.
– Décision DCC 98-075 du 30 septembre 1998 ;
On lira également le commentaire de S. DOSSOUMON, « Jurisprudence sur le pouvoir judiciaire :
Balises et perspectives », in Bulletin d’information, Cour Suprême, République du Bénin, n° 001, 1997,
pp. 6-11.
469
Voté par le Parlement le 1er juillet 1996 déjà promulgué.
119
470
A. ZINZINDOHOUE, « Argumentaire en faveur de la loi organique sur le Conseil supérieur de la
magistrature », déposé au Parlement lors de la discussion de la loi.
471
Article 70 de la Constitution du Gabon.
472
Article 152 de la Constitution du Tchad.
473
Article 77 de la Constitution Centrafricaine.
474
Article 73 de la Constitution de Djibouti.
475
Article 82 de la Constitution du Mali.
476
« Indépendance de la magistrature en Guinée », Communication de la délégation guinéenne lors du Séminaire
régional autour du thème « L’indépendance de la magistrature », Cotonou, du 1er au 3 juin 1993, Rapport
général, p. 46 ; Article 15 de la loi organique n° 91/10/CTRN portant création du conseil supérieur de la
magistrature de Guinée.
477
Article 133 de la Constitution du Burkina Faso du 27 janvier 1997.
478
Article 134 alinéa 1 de la Constitution précitée.
479
Articles 133 et 134 de la Constitution du Burkina Faso ; articles 13 à 17 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du
26 août 1991, portant, organisation et fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature, in Journal
officiel du Burkina Faso du 29 août 1991, pp. 1019-1020.
120
480
Article 21 à 27 de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise, n° 8, 6 mars 1997, p. 3.
481
Article 70 de la Constitution du Gabon.
482
Cour constitutionnelle du Gabon, Décision n° 6/CC du 4 mars 1993, in Penant, n° 816, 1994, pp. 201-203.
483
Articles 11 à 13 de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
484
Codes et lois usuels du Rwanda, Vol. I, Faculté de droit, Université nationale du Rwanda, 1998, pp. 163-164 ;
article 152 de la Constitution du 26 mai 2003.
121
Bref, les attributions telles que décrites ci-dessus montrent que presque tous les pays
de l’Afrique francophone ont suivi le modèle français du Conseil supérieur de la magistrature
en ce que celui-ci fait des propositions pour les nominations des magistrats et qu’il est leur
organe disciplinaire. Nous déplorons que l’initiative de saisir le Conseil en cette matière soit
confiée au ministre de la justice en France tout comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Togo,
au Burkina Faso, au Tchad ; au Cameroun, au Djibouti, au Gabon, en Guinée, en République
Démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, contrairement à la nouvelle loi du Bénin où
le ministre de la justice et garde des sceaux n’exerce pas ce pouvoir.
485
Article 135 de la Constitution.
486
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
487
Revue juridique du Zaïre, Droit écrit et droit coutumier, n° 1-2 et 3, janvier à décembre 1985, pp. 26-27.
488
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, République du Zaïre, Palais du
Peuple, Kinshasa, 1992, p. 64.
122
Il est déplorable que dans la plupart des pays de l’Afrique francophone, les décisions
du Conseil Supérieur de la Magistrature ne soient pas susceptibles de recours, ce qui prive les
magistrats lésés du principe du double degré de juridiction ; heureusement qu’en France on
peut attaquer ces décisions devant le Conseil d’État comme juridiction de cassation ; au
Bénin, on peut saisir la Cour constitutionnelle lorsque le Conseil a pris une sanction envers un
magistrat au mépris de la Constitution. La nouvelle loi organique relative au Conseil
supérieur de la magistrature du Bénin renforce davantage les pouvoirs de cet organe car il
pourra gérer la carrière du juge, ce qui est un atout pour son indépendance. Il s’inscrit dans
les recommandations de la Déclaration d’Abidjan489 qui ont préconisé l’institution d’un
Conseil supérieur de la magistrature indépendant du pouvoir exécutif qui gèrerait, à
l’exclusion de toute autre institution, la carrière des magistrats du siège et du parquet dont ils
assureraient la discipline.
Nous pensons que l’on devrait renforcer l’indépendance dudit Conseil en prévoyant
que celui-ci puisse élire seul son bureau pour un mandat de cinq ans non renouvelable. Il
serait souhaitable que sa présidence soit confiée au premier président de la Cour de cassation
en tant qu’ordonnateur de crédit du budget du Conseil Supérieur de la Magistrature (article
149 alinéa 6 de la Constitution du 18 février 2006), mais les autres membres du bureau
devraient être obligatoirement élus.
489
Séminaire international organisé par l’Association syndicale de magistrature de Côte d’Ivoire du 8 au 10
septembre 1997 autour du thème « Théorie juridique et pratique judiciaire en Afrique », in Nouvelle justice, n°
1, août 1998, p. 19.
490
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
123
De même, dans le but d’assurer les garanties du juge impartial, l’autorité disciplinaire
qui est à la base de la saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature ne devrait pas faire
partie de la composition de ce Conseil lorsqu’elle pourrait être appelée à « juger » les fautes
éventuelles du magistrat incriminé étant donné qu’il y aurait dans son chef un « préjugement »
qu’elle chercherait à confirmer au fond. Il en est de même du magistrat désigné par la
formation disciplinaire chargé d’une enquête, entendre ou faire entendre le magistrat
incriminé, accomplir les actes d’investigation utiles ; à ce titre, il ne devrait pas pouvoir
exercer la fonction juridictionnelle en matière disciplinaire étant donné qu’il avait déjà perdu
toute l’impartialité requise492.
Allant dans le même sens que nous, un haut magistrat de la Cour de cassation belge et
membre du Conseil Supérieur de la Justice a souligné qu’ « il y a à ce stade, confusion
491
Articles 21 et 156 de la Constitution du 18 février 2006 et par les textes internationaux des droits
fondamentaux de l’homme.
492
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 512 et s. ; S. GUINCHARD, Droit processuel. Droit commun et Droit comparé
du procès équitable, Paris, 4e éd. Dalloz, 2007, n° 377, pp. 732-734.
124
complète entre les fonctions d’accusateur, d’instruction et de juge »493. Autrement dit, au nom
du principe d’impartialité, l’autorité disciplinaire ne devrait pas cumuler les fonctions de
saisine et de l’instruction (enquête), saisine et présence au délibéré de l’instance disciplinaire
(jugement), instruction (enquête) et présence au délibéré de l’instance disciplinaire
(jugement), présence au délibéré de la première instance et présence au degré d’appel.
§1. La récusation
Cette procédure préventive vise ainsi à empêcher qu’une cause ne soit jugée par une
juridiction ou instruite par un juge ne présentant pas les garanties nécessaires d’impartialité,
objectivité et sérénité496. C’est donc un moyen préventif pour contrôler la partialité du juge497.
493
Chr. MATRAY, « Le nouveau régime disciplinaire des magistrats. Arcades et dédales de procédure », in J.T.,
2000, p. 140 ; Chr. MATRAY, « La sanction des manquements dans l’ordre judiciaire », in Le devoir de
réserve : l’expression censurée ? Actes de la table ronde du 17 octobre 2003 tenue à la Maison du barreau de
Bruxelles, Bruxelles, éd. Bruylant, 2005, p. 145.
494
Cass. Belge, 18 novembre 1997, Pas., 1997, I, p. 1215 ; Cassation belge, 2 octobre 2002, R.G.P.02.934 ;
Cassation belge, 10 décembre 2003, J.T., p. 883 ; Dans le même sens, S. GUINCHARD, Méga Nouveau Code
de procédure civile, Paris, 2ème éd. Dalloz, 1998, n° 1123, p. 413 ; A.VITU, La « récusation en matière
pénale », Mélanges dédiées à Jean Vincent, Paris, éd. Cujas, 1981, p. 427 ; D. ROETS, Impartialité et justice
pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, p. 1999 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles,
Larcier, 2005, pp. 177-178.
495
T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 532-533.
496
J. VAN COMPERNOLLE, G. GLOSSET MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2001)
Droit juridiction privé », R.G.J.B., 4ème trim. 2002, n° 609, p. 692.
497
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 215, p. 210.
125
La récusation est dirigée contre un juge pris individuellement498, ce qui la distingue du renvoi
(dessaisissement) pour cause de suspicion légitime, qui vise la juridiction dans son ensemble.
Elle se distingue aussi du déport qui est le fait que le juge appelé à instruire ou à juger une
affaire, estime de par sa conscience se retirer de connaître cette affaire afin de sauvegarder
son impartialité499. Elle est réglée par les articles 71 à 77 du Code d’organisation et
compétence judiciaires.
498
M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection de l’Université de Liège, éd. Jeune
Barreau de Liège, 1989, p. 997 ; X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE
RIEMAECKER et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 341.
499
Tribunal d’Arrondissement de Liège, 30 avril 1998, JLMB, 1998, p. 1691.
500
S. GUNCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
353.22, p. 804.
126
Au terme de l’article 71 du Code d’OCJ : « Tout juge peut être récusé pour l’une des
causes énumérées limitativement ci-après :
Ces conditions doivent être expressément prévues par la loi (article 71 du code d’OCJ)
sinon son utilisation risquerait autrement d’être abusive, vexatoire et dilatoire. La demande de
récusation doit désigner individuellement et non collectivement le magistrat récusé.
Ce cas exprime de la façon la plus haute le principe selon lequel on ne peut être à la
fois juge et partie. La raison de cette cause de récusation est évidente : dès lors que le juge a
un intérêt personnel à la contestation, il est mal placé pour trancher celle-ci.
127
L’intérêt personnel du juge ne se limite pas uniquement au seul cas où il serait partie
au procès ; il peut s’étendre à toute situation où le juge aurait un intérêt privé à la solution du
procès, car dans pareille hypothèse, il est permis d’avoir quelque doute sur l’impartialité que
le justiciable est en droit d’attendre du juge501. Le juge concerné doit s’abstenir chaque fois
que l’issue de l’affaire peut lui procurer (ou son conjoint) un intérêt direct et personnel. L’on
peut aussi assimiler dans cette hypothèse lorsque le conjoint a un intérêt personnel à la
contestation. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt soit de nature matérielle ou financière mais
l’essentiel est qu’il repose sur des éléments objectifs, des faits véritables, autorisant à
suspecter la partialité du juge concernée502.
Cette cause de récusation constitue également un principe général du droit selon lequel
nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même cause, de sorte que le justiciable
convaincu de ce qu’un membre de la juridiction appelée à le juger a un intérêt propre et
personnel à la décision qui doit intervenir peut le récuser506. Ainsi, peut constituer une cause
de récusation lorsque le conjoint du magistrat est l’un des associés du barreau qui défend les
intérêts d’une partie ou lorsque le litige se rapporte à des faits dont l’une des parties s’est
entretenue avec le juge, fut-ce par hasard. De même, peut créer la partialité lorsque des juges
abonnés d’une société qui fournit l’éclairage ou de l’eau d’une ville et plaident contre celle-ci
au sujet des contrats d’abonnement507 ou le fait qu’une juridiction juge elle-même un contrat
501
T. KAVUNDJA N. NAMENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 537.
502
CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt contre Danemark, série A, n° 154 ; CEDH, 23 juin 1994, De Moor contre
Belgique, série A, n° 292, 58 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborder contre Suède, série A, n° 155, §35, CEDH,
25 mars 1983, Silver et autres contre Royaume-Uni, §116, Unanimité ; CEDH, 17 juin 2003, Pescador Valero
contre Espagne, §27, Unanimité ; CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou contre Chypre, §§ 34-37,
Unanimité ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson contre Islande ; CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre
Suisse ; CEDH, 6 novembre 2003, Zennari contre Italie.
503
F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », Dalloz, 2004, pp. 1745-1753.
504
Cour d’appel de Kinshasa, 24 janvier 1996, in RAJC, V° II, janvier-décembre 1997, p. 46.
505
Cour de cassation belge, 19 décembre 2002, Journal des tribunaux, 2003, p. 211 ; X. DE RIEMAECKER et
G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte,
2000, p. 310.
506
Cour de cassation belge, 6 mai 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481 ; Cass. Belge 20 septembre 1979,
Pasicrisie belge, 1980, I, p. 93 ; Cassation belge 20 juin 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 1215 ; Cassation
belge, 15 juin, 1979, I, p. 1193 ; Cass. Belge, 17 décembre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481.
507
Cour d’Appel de Grenoble, 21 février 1922, Gazette du Palais, 1922, I, p. 641.
128
conclu avec l’une des parties au litige pour la mise à disposition d’un service minitel de
renseignements pratiques sur la juridiction concernée508ou le cas d’un tribunal de commerce
composé d’un juge, qui dans le passé, avait formulé une offre d’acquisition d’une société
conjointement avec une autre personne, dès lors que ses intérêts dans cette société font planer
le doute sur son impartialité509.
Aussi, la récusation est admise pour l’intérêt personnel lorsque le juge du travail a pris
nettement fait et cause en faveur d’une partie de sorte que son appartenance syndicale ne lui
permet pas de statuer en toute sérénité et impartialité510 ou lorsqu’il a apporté son soutien à
une des parties par l’assistance d’un piquet de grève511 ou lorsque l’un des plaideurs était
délégué du même syndicat d’autant plus que ce dernier était en conflit ouvert et public avec
l’autre plaideur, l’employeur512.
Mais l’intérêt personnel doit être prouvé516. C’est pourquoi, il ne peut être établi
lorsque le juge n’a mené aucune démarche pour siéger dans une affaire et qu’en outre sa
désignation dans la composition du siège a été décidée d’une manière discrétionnaire par le
président de la juridiction517.
508
Cassation française, Premier président, ordonnance 6 juillet1992, Juris-Data, n° 002812.
509
C.A Montpellier, 8 juillet 1992, Sté Le Viompte c/ Rey, juris-data n° 003404.
510
Cour d’Appel de Versailles, 18 mai 1982, Cahier prud’homme, 1982, 7, p. 122.
511
Cour d’Appel de Douai, 18 décembre 1986, Gazette du Palais, 1987, 1, p. 277, note M. Rayroux.
512
Cassation française, chambre sociale, 19 décembre 2003, Bull. civ., V, n° 321 ; D., 2004, n° 24, p. 1688.
513
CEDH, 7 juin 2005, Chmelir contre République tchèque, n° 64935/01, in note d’information n° 76 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juin 2005, p. 16 ; CEDH, 15 juillet 2005,
Meznaric contre Croatie, n° 71615/01, unanimité.
514
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha contre Ukraine, n° 33949/02, unanimité, in Note d’information n° 91 sur
la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, novembre 2006, p. 16.
515
Cassation belge, 1ère chambre, 10 décembre 1992, Journal des Tribunaux, 1993, p.203.
516
T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba Ndalemba contre juge Mukendi Mulumba, R.R..004, inédit.
517
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B contre juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du Zaïre, n° 1, 2
et 3, janvier à décembre 1995, p. 64 ; T.G.I. Bukavu, 2 décembre 1992, in R. J. Z., 1992, p. 64.
129
procès, le défaut du récusé de notifier au récusant, en tant que prévenu une nouvelle date
d’audience ou de lui demander de comparaître volontairement518.
2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne
collatérale jusqu’au 3ème degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou
de son mandataire
Le terme parenté doit s’entendre au sens large, il implique aussi le lien découlant de
l’adoption519. Cette parenté ou alliance concerne également le conjoint du juge. Ainsi, le
magistrat dont le conjoint est membre du ministère public qui est personnellement intervenu
dans le cadre des poursuites doit être déclaré comme allié de l’une des parties, sa récusation
doit être admise520. De même, le tribunal manque d’impartialité s’il est composé d’un juge qui
s’occupe d’une affaire concernant son époux d’autant plus que celui-ci a une dette avec la
banque, partie à la procédure521 ou lorsque le salarié demandeur devant la juridiction
prud’homale vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’hommes qui avait refusé de
s’abstenir de siéger à l’audience522 ou la circonstance qu’un des juges du tribunal cohabite
avec un dirigeant d’une société et que ce dernier et ledit juge sont inculpés de faux et usage de
faux dans une lettre rédigée au nom de cette société523. Cette approche est partagée par les
juridictions de l’ordre administratif. Ainsi, le Conseil d’Etat français a estimé que manquait
d’impartialité, le magistrat qui était la fille d’un conseiller municipal de la commune dont
l’arrêté était examiné524.
Les liens d’alliance visés doivent exister entre l’une des parties et le juge ou son
conjoint ou son proche parent. Ne constituent pas une cause de récusation, la partialité du juge
ou les liens de parenté entre le juge et une personne qui n’est pas partie au procès525.
Cette cause de récusation vise à éviter que l’affection née de la parenté ou de l’alliance
ne porte pas atteinte à l’impartialité des magistrats. En évitant au juge de devoir connaître de
la cause d’un parent ou d’un allié ou d’une personne avec laquelle il entretient certaines
relations déterminées, l’esprit de la loi semble favoriser le sentiment de confiance dans
l’impartialité du juge dès lors qu’il y a crainte à ce que le juge puisse favoriser ses parents et
alliés.
518
C.S.J., 27 avril 1995, Benjamin et consorts contre Ba, Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. IV,
janvier-décembre 2001, p. 13.
519
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMACKER et alii, Statut et déontologie
du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 320.
520
Bruxelles, (4ème ch.), 10 janvier 2000, J.L.M.B, 2000, p. 334 ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson contre Islande.
521
CEDH, 10 avril 2003, Sigurdsson c/ Islande, n° 39731/ 98, Unanimité.
522
Cass. Française, sociale, 18 novembre 1998, SA Alpibois-François Favrat c/ Piovesa, La Semaine Juridique,
6 janvier 1999, p. 52, n° 1032 ; D., 1999, IR, 13 ; RGDP, 1999, 650, obs. Desdevises.
523
Cass. Belge (1ère ch.), 15 mai 1998, Larc. Cass. , 1998, p. 200 ; Cass. Belge (1ère ch.), 13 mars 1988, J.T. ,
1998, p. 536.
524
Conseil d’Etat français, 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, Recueil, p. 1101.
525
C.S.J., 21 décembre 1983, RPA 88, inédit.
130
Cette cause de récusation tombe sous le coup de l’évidence. Mais son appréciation est,
en pratique, fort délicate sur le fait même de l’amitié. L’amitié notoire était, ou moins
implicitement, comme des textes français antérieurs qui envisageraient le cas où le juge avait
« depuis le commencement du procès, bu ou mangé avec l’une des parties dans leur maison,
ou reçu d’elles des présents »526. Le législateur français du Nouveau Code de procédure civile
a supprimé cette formulation en retenant seulement l’amitié notoire527.
Il est donc souhaitable que le juge s’abstienne d’examiner une affaire de l’une des
parties lorsqu’il y existe une relation particulièrement intime avec elle ou lorsqu’il entretient
avec une partie des contacts réguliers à l’occasion de certaines activités de sa vie privée. Il en
sera de même lorsque l’une des parties ou son représentant a une relation particulièrement
intime avec le juge ou celui-ci est un actionnaire important d’une société partie à l’affaire ou
l’une des parties était client important du cabinet au sein duquel le juge exerçait la profession
d’avocat ou le juge a conclu dans le cadre de sa vie privée un contrat avec l’une des
parties529.
La Cour de cassation belge a estimé (dans une affaire qui avait suscité une émotion
dans tout le pays) que le seul fait de la réception du juge par une partie ou l’agréation du
présent en l’occurrence un stylo au cours d’un dîner privé organisé par les responsables d’une
association, même s’il est établi qu’au cours de cette fête le juge a payé son repas, met le juge
dans l’impossibilité d’encore connaître la cause sans susciter chez les autres parties une
suspicion quant à son aptitude à remplir sa mission d’une manière objective et impartiale530
car l’amitié prise en compte se manifeste par la révélation d’une accointance personnelle entre
le juge et la partie considérée.
526
Ancien article 378, §9, du Code de procédure civile français.
527
Article 341, al. 2, 8e NCPC français.
528
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, 2006-2007, Paris, éd. Dalloz,
2006, n° 353.67, p. 808.
529
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 317.
530
Cassation belge, 14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.LMB, 1997, p. 175.
531
Cassation belge, 11 décembre 1996, Affaire Russo et Benaïssa, JLMB, 1997, pp. 177 et186 ; Cassation belge,
14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.L.M.B., 1997, p. 175.
131
boisson en compagnie de tierces personnes lors d’une descente sur les lieux532. Le juge
prudent et consciencieux veillera à s’abstenir s’il a été reçu ou s’est vu offrir un cadeau par
une partie peu avant la saisine du tribunal dès lors qu’il fait partie de la Chambre appelée à
juger une affaire, d’autant plus que pareil comportement n’était jamais survenu précédemment
ou n’était justifié par aucun motif spécifique non professionnel. Mais une jurisprudence
française a considéré que le fait pour un magistrat de déjeuner avec diverses personnes, dont
l’une des parties, ne peut caractériser l’amitié notoire533. Par contre, pourrait être une cause de
récusation pour l’expert, le fait d’entretenir des relations familiales dans une affaire où
l’expert et un des copropriétaires, membre du syndicat partie au litige, avaient des enfants
mariés l’un avec l’autre534. De même, est de nature à faire naître un doute légitime quant à
l’aptitude du juge à statuer de manière impartiale, le fait dans la chef d’un membre du siège
d’une juridiction de travail d’arborer un insigne d’appartenance à une organisation
représentative535.
La Cour Suprême de Justice congolaise a estimé que les relations d’amitié entre un
juge et une des parties qui n’est pas partie au procès ne peuvent constituer une cause de
récusation536. De même, n’est pas de nature à créer, même en apparence, un doute légitime sur
son impartialité, la seule circonstance que le plaideur et son juge aient été élèves de la même
école, fût-ce polytechnique537.
Ces liens de dépendance doivent exister entre le juge et l’une des parties ou de celles-
ci vis-à-vis du juge. Ce lien peut être aussi d’un contrat de travail, soit des rapports
hiérarchiques, soit enfin de la combinaison de deux. Cette cause de récusation tend à éviter
que le juge ne soit tenté d’accorder un traitement de faveur à l’une de parties afin de ménager
le patrimoine de celui-ci dans son propre intérêt. Aussi, si le juge dépend d’une façon ou
d’une autre de l’une des parties, l’on peut toujours redouter qu’il se montre favorable à celle-
ci afin de s’en tirer les faveurs.
La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que le simple fait qu’un tribunal
compte parmi ses membres une personne se trouvant ou pouvant se trouver dans un état de
subordination par rapport à l’une des parties est de nature à mettre gravement en cause la
confiance que les juridictions se doivent d’inspirer dans une société démocratique538. Il en est
532
Cassation belge, 4 avril 1986, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 945.
533
Grenoble, 31 mai 1990, Gazette du Palais, 1991, 1.189, note Renard.
534
C.A. Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, p. 636, note P. Petit.
535
Cour du travail de Mons (1 ère chambre), 23 mars, 2007, ASBL X contre D., in JLMB, 2007, pp. 1057 et s.
536
C.S.J. 12 décembre 1983, R.P.A. 88, inédit.
537
Cass. Française (2e civ.), 13 juillet 2005, Recueil Dalloz, 2005, n° 38, Jurisprudence, pp. 2658-2659 ; R.
KESSOUS, « Récusation : les limites de l’apparence », même revue, pp. 2656-2658 ; Bulletin des arrêts de la
Cour de cassation française en matière civile, II, n° 206 ; Droit et procédure, 2006, p.40, note Fricero.
538
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek contre Autriche, §42 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique,
unanimité, §30 ; CEDH, 26 février 2002, Morris contre Royaume-Uni.
132
de même lorsque les juges ont été précédemment les salariés des personnes mises en cause
dans l’instance. Ainsi, un tribunal manque d’impartialité lorsqu’un de ses membres préside la
formation du jugement alors qu’il exerce les fonctions de professeur d’une université, partie à
l’instance. En effet, professeur associé à l’université, le magistrat entretenait des liens
professionnels réguliers et étroits avec l’université depuis plusieurs années. Par ailleurs, au
titre de son enseignement, il percevait de l’université des émoluments périodiques qui ne
sauraient être qualifiés de négligeables (7.200 euros annuels). Il y a donc eu concomitance de
deux instances impliquant le juge J.B.L., qui exerçait la double fonction de juge auprès du
tribunal, d’une part, et de professeur associé percevant des émoluments de la partie adverse,
d’autre part. De l’avis de la Cour, cette situation peut avoir fait naître chez le requérant des
craintes légitimes que le juge J.B.L. n’aborde pas son affaire avec l’impartialité requise539.
C’est pourquoi, le Code du travail français540 prévoit que les Conseillers prud’hommes
peuvent être récusés s’ils sont employeurs, cadres, ouvriers ou employés de l’une des parties
en cause, c’est-à-dire s’ils sont liés à l’une d’elles par un contrat de travail. Mais dans la
conception africaine, le contrat de travail peut être oral ou écrit.
L’inimitié grave n’est pas à proprement parler, un fait mais un état d’esprit et un
sentiment déterminé. Son appréciation est aussi délicate. Elle doit en effet, présenter un
539
CEDH, 17 juin 2003, n° 62435/00, Pescador Valero contre Espagne, in Revue du Droit Public et des Sciences
Administratives, T 1/2006, pp. 33-34, note Jacques Van Compernolle : « Impartialité du juge et loyauté
procédurale : une exigence du procès équitable ».
540
Article L.158-1-5° du Code du travail français.
541
Article 341, 8e du nouveau Code de procédure civile français.
542
Article 828, 12e du Code judiciaire belge.
133
caractère suffisant de gravité pour avoir laissé subsister dans l’esprit du juge un ressentiment
durable de nature à affecter son impartialité543. En effet, il est légitimement permis de
considérer que s’il existe des liens d’inimitié entre des parties et le juge, ce dernier risque de
ne pas être impartial, ou il lui sera en tout cas difficile de l’être, quel que soit d’ailleurs le sens
qu’il peut avoir de ses devoirs professionnels.
Elle suppose en effet des faits qui révèlent avec netteté et avec un caractère suffisant
de la gravité qu’il existe chez le juge une véritable haine ou tout au moins une animosité telle
que son jugement serait oblitéré ou faussé545. C’est surtout lorsqu’il ressort de façon
suffisamment sérieuse et certaine des faits que le juge cultive de véritables sentiments de
haine ou tout le moins une hostilité telle que ses facultés de jugement s’en voient occultées ou
influencées546. Il s’agit parfois d’une ambiance très tendue et une situation conflictuelle grave
donnant lieu à une vive animosité, de sorte que le traitement serein et objectif de la cause s’en
trouve compromise, tantôt des sentiments tellement violents et haineux qu’ils feraient perdre
au juge toute la notion d’équité, d’impartialité et de dignité.
Ainsi, lorsque les récusants ont le sentiment d’une apparence d’hostilité directe ou
indirecte du président du siège à leur égard créant en eux un doute quant au caractère
équitable de la suite du procès, pareil sentiment peut troubler la sérénité des débats ultérieurs
et constituer une raison suffisante de récuser le président547. Aussi, l’interruption du conseil
du prévenu à de multiples reprises pour lui enjoindre d’abréger sa plaidoirie et l’empêcher de
donner lecture d’un témoignage à décharge révèle encore une inimitié capitale548. De même
un juge manque d’impartialité lorsqu’il utilise dans son jugement les termes injurieux à
l’égard d’une partie à l’instance tels que notamment « piètre dimension de la défenderesse
qui voulait rivaliser avec les plus grands escrocs, personnage pétri de malhonnêteté, dotée
d’un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, sa cupidité
de dispute à la fourberie, elle acculait ainsi sans état d’âmes et avec l’expérience de
543
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 544.
544
Cassation belge, 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169 ; Cassation belge, 23 décembre 2002, R.G.
CO2.0615.F, Larc. Cassation, 2003, p. 22.
545
Bruxelles, 25 août 1994, Journal des tribunaux, p. 717 ; Cour Travail de Liège, 24 avril 2002, JJT, 2002, p.
505 ; JLMB, 2002, p. 1542.
546
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01 ; Liège, 25 septembre 2002, RG 1358/02 ; Bruxelles, 19 janvier 2000,
J.T., 2001, p. 682 ; C. Travail de Liège, 29 mars, 2002, JLMB. 2002, p. 1542.
547
Cassation belge, 26 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ; Bruxelles, 24 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ;
Journal des procès, 1993, n° 250, p. 26, note R. Ergec « La récusation d’un magistrat : partialité ou apparence
de préjugé ? ».
548
Cassation belge 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169.
134
l’impunité de ses futurs locataires, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle
nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement »549.
Aussi, ne constituent pas une inimitié capitale, un défaut de motivation ou une erreur
de procédure553, la sévérité de la motivation d’une décision de condamnation par un examen
détaillé des éléments à charge et à décharge dans le respect du droit de toute personne à un
procès équitable554, l’utilisation dans une décision avant dire droit d’expressions telles que
« mauvaise foi, scandaleux, manœuvre dilatoire, propos hallucinantes ; esprit de chicane »555,
la qualification de l’argumentation du justiciable, de « pléthorique et emphatique »556, une
certaine impatience, voire un mouvement d’humeur557, un sourire mal interprété, une parole
prononcée dans un moment de tension inhérente à l’instruction de la cause et une décision
peut être contestable mais sujette à recours558, la décision de joindre plusieurs incidents au
fond, de limiter l’accès de la salle d’audience à la presse et aux avocats ou encore l’omission
de répondre à un moyen de défense559.
Ne constitue pas aussi une inimitié capitale, le fait que les magistrats ont décidé, en
vue d’assurer la sérénité des débats, de limiter l’accès à la salle d’audience aux seuls
journalistes et avocats, ni de ce qu’ils ont rejeté certaines exceptions proposées par les
prévenus et joint d’autres exceptions au fond, ni de ce qu’ils auraient, le cas échéant omis de
répondre à un moyen dans un jugement avant dire droit, ni de ce qu’ils ont fermement appelé
549
Cassation française, 2ème chambre civile, 14 septembre 2006, in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2346-2347 ;
Procédures, novembre 2006, p. 14.
550
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 294.
551
Bruxelles, 22 octobre 1980, J.T., 1981, P. 520.
552
CEDH, 22 septembre 1994, Debled c/ Belgique, J.T., 1994, p. 755, J.L.M.B, 1995, p. 345 ; P. LAMBERT, «
Les récusations conjointes dans les procédures disciplinaires », J.T., 1994, p. 756.
553
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01, inédit.
554
Cassation belge, 19 novembre 1998, 1999, JLMB, p. 1500.
555
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248, 21 décembre 2001, RG.1594/01, inédit.
556
Ibidem.
557
Liège, 25 septembre 2002, R.G.1358/02, inédit ; C. Travail Liège, 29 mars 2002, JLMB, 2002, p. 1542 ; Civ.
Charleroi, 30 mars, 1987, JLMB, 1988, p. 539.
558
Liège, 25 septembre 2002, RG.1358/02, inédit.
559
Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
135
à l’ordre l’avocat d’un des prévenus qui refusait de se taire alors que la parole ne lui avait pas
été donnée, ni de ce qu’ils ont refusé de faire entendre certains témoins ou d’ordonner la
production de certains documents en estimant que ces mesures n’étaient pas essentielles à la
manifestation de la vérité560. Cette décision se justifie dans la mesure où les requérants
n’avaient pas apporté de preuves pour faire asseoir leurs griefs, et il est du devoir du tribunal
d’assurer la police d’audience tout en respectant le droit de la défense.
Par conséquent, le fait que le juge se soit montré très réservé quant à la défense
personnelle par une partie ne suffit pas à établir que ce juge se soit montré partial ou qu’il ait
préjugé quant au fond et qu’il existe une inimitié capitale entre lui et la requérante561. Tout
comme un langage quelque peu inapproprié dans un jugement peut former une indication que
la sérénité des débats a été mise en péril, mais ne démontre pas nécessairement la présence
d’inimitié capitale562.
La jurisprudence belge va aussi parfois très loin dans cette conception restrictive de la
notion « d’inimitié capitale ». Ainsi, la Cour d’appel de Bruxelles, a en effet décidé qu’un
degré élevé d’inimitié ne peut se déduire du choix de vocabulaire populaire du juge (qui traita
le conseil d’une partie de « scie » ou de « sciant » étant donné qu’il appartient au juge de
gérer efficacement son temps d’audience par l’intérêt d’un traitement correct de toutes les
affaires565. L’on peut s’interroger avec le professeur Jacques Van Compernolle si de tels
propos ne sont pas de nature à créer, dans le chef du justiciable, un doute légitime quant à
l’aptitude du juge à traiter de manière sereine566 et impartiale.
560
Cour d’Appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, R. D’Orazio et crsts contre M. Zenner et Leplat, Région
Wallonne et autres, JLMB, 2000, pp. 334-339.
561
Bruxelles, 25 août 1994, JT, 1994, P. 717.
562
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248.
563
Cassation française, 24 juin 2004, Association Front National contre Goucin, Juris-Data, n° 2004-024271,
J.P.C.-La Semaine Juridique Edition générale, n° 37, 8 septembre 2004, 2750, p. 1551 ; Recueil Dalloz, 2004,
n° 29, IR, P. 2083, Bull. civ. Juin 2004, n° 325, p. 274.
564
Cour d’Appel de Rennes, 30 septembre 1992, Juris-Data, n° 050472.
565
Bruxelles ( ch.vac.), 29 juillet 1999, A.J.T., 1999-2000,p. 183.
566
J.VAN COMPERNOLLE et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2002) du droit judiciaire privé », in
R.C.J.B., 4ème trim. 2002, p. 701.
136
Cet avis doit montrer que le juge a perdu sa neutralité qui lui recommande de juger en
toute impartialité. C’est surtout lorsque ledit avis « a anticipé » sur la solution que le juge
pourrait prendre ultérieurement lorsqu’il serait appelé à juger l’affaire.
A cet égard, ne peut être considéré comme cause de récusation, le fait pour un juge
d’avertir les parties des moyens qui paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir
être soulevé d’office et des les inviter à présenter leurs observations soit immédiatement soit
dans le délai qu’il fixe567. Aussi, la Cour Suprême de Justice a estimé que l’avis dont il est
question doit être extra-juridictionnel568. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné
que l’avis peut être extra-juridictionnel ou pas ; et la partialité pourrait être établie lorsque
l’avis que le juge avait donné antérieurement a anticipé sur la solution du fond que le juge
pourrait prendre ultérieurement dans l’affaire.
Tel est le cas du juge qui s’est exprimé avant jugement dès lors que cette expression
sous-entende un jugement défavorable à l’égard d’un justiciable ou qu’elle montre la
conviction de la culpabilité de celui-ci569. Par conséquent, le juge qui s’est exprimé
publiquement sur le rejet ou le fondement des moyens présentés par l’une des parties peut être
légitimement considéré comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles570. C’est donc ce
préjugé qui rendrait le juge partial étant donné qu’il doit s’abstenir de tout acte ou agissement
de nature à ébranler la confiance du justiciable ou à donner l’impression qu’il n’est plus
impartial. Ainsi, fait montre de partialité, le juge qui, lors de l’instruction d’audience, adopte
un comportement de nature à susciter, dans l’esprit d’une des parties ou du prévenu un doute
légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il comparaît à juger la cause de
manière impartiale. Tel est le cas du juge qui laisse entendre par ses propos que la culpabilité
du prévenu est établie ou dont le comportement suscite la crainte d’une perte de neutralité571.
Il s’ensuit que le juge qui s’est prononcé sur la solution du litige dès avant l’ouverture des
débats a perdu l’aptitude à juger la cause.
567
CSJ, 23 juillet1985, RP 785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la CSJ 1969-1985, V°
récusations, n° 2, p. 198.
568
CSJ, 18 mai 1995, RR 03, in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 40-42.
569
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi contre Italie, n° 29569-95, Recueil Dalloz, 2000, somm., p. 184, obs.
Fricero ; RTDH, 2000, pp.542-543 ; RTDciv., 2000, 622, obs. Normand, V. MAGNIER, « La notion de
justice impartiale », J.C.P., 2000, I, n° 252, p. 1596.
570
CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, § 81 ; CEDH, 25 juin 1992, Thorgeisson contre Islande ; Trib. Civil
Bruxelles, 18 juin 1993, Revue de droit pénal et criminologie, 1994, pp. 1225-1226.
571
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042 ; Cassation belge, 30mai 1986, JLMB, 1987,
1245, Cassation belge, 8 mai 1996, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 447 ; Bruxelles, 24 novembre 1993,
Journal des Tribunaux, 1993, p. 809.
137
L’on peut exclure à juste raison de la formation de jugement le juge qui, avant la
prononciation de sa décision, a pris position en la cause, a exprimé son opinion quant à la
décision à prendre sur la culpabilité, a pris une quelconque position sur le fond ou s’est formé
déjà une opinion sur les faits de la cause. Quand un juge prend position quant à la solution à
réserver à la question qu’il est appelé à résoudre, il peut y avoir dans ses conditions préjugé
qui l’empêcherait de garder son impartialité. Il y aura ainsi partialité lorsque la position du
juge est acquise indépendamment des faits, des arguments et des interprétations que les
parties peuvent faire valoir en instance572. Tel est le cas d’un juge qui a participé à la décision
défend les intérêts de l’une des parties à la cause, mais surtout lorsque, avant la décision, il a
été chargé de l’instruction de l’affaire, et adopté publiquement certaines positions à ce
sujet573. Il en est ainsi du juge qui, lors de son témoignage devant la Commission d’enquête
parlementaire, présente les inculpés dont l’instruction judiciaire lui est confiée, comme
coupables en les qualifiant de « truands »574.
Le juge devra éviter tout au long du procès, des propos, des attitudes ou des
comportements qui ne puissent susciter dans l’esprit du prévenu ou des parties de la cause, un
doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il est appelé à juger la cause
de manière impartiale. Tel est le cas d’une juridiction appelée à juger des personnes de
nationalité ou d’origine étrangère lorsqu’elle comprend un juré qui a affiché publiquement,
avant l’audience, des sentiments racistes. En effet, l’un des jurés avait déclaré en dehors de la
salle d’audience en ces termes « en plus je suis raciste ». La Cour Européenne des Droits de
l’Homme a conclu que ce juré avait déjà un préjugé sur la personne qu’il doit juger, en
conséquence, cette juridiction manquait d’impartialité575. Le préjugé ici se justifie par
l’attitude du juge qui se déclare « raciste » alors qu’il doit juger une personne d’origine
étrangère ; c’est cela qui démontre l’absence d’impartialité.
572
F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant et impartial à la lumière de la jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2004, p. 751.
573
Conseil d’Etat belge, 7ème chambre, 2 juin 1988, R.A.C.E., 1988, n° 30.214.
574
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, 2005, p. 280 ; Cassation belge, 2ème chambre, 7 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 541-
542.
575
CEDH, 23 avril 1996, Remli contre France , §§ 35, 45-48 et 59, Rec. 1996-II, n° 8, p. 559 ; Justices, 1997,
2007, 207, obs. Cohen-Jonathan et Flauss, JCP 1997, I, 400, 26, obs. Sudre ; Rev. Sc. Crim. , 1996, 930,
obs. Pettiti et 1997, 473, obs. R. Koering-Joulin.
576
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042.
138
L’impartialité suppose que le juge qui siège au fond n’a pas déjà pris parti ou n’a pas
donné un avis dans l’affaire, en dehors de tout débat contradictoire car, si les circonstances
dans lesquelles le tribunal siège démontent objectivement que le juge avait déjà préjugé au
fond, l’impartialité ferait défaut. Le juge devra enfin contrôler toutes ses déclarations lorsqu’il
s’adresse à l’une des parties afin de conserver sa totale neutralité aux yeux des justiciables, et
paraître impartial car, il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux
justiciables dans une société démocratique.
Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si un juge d’une juridiction de
l’ordre administratif (tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’Etat)
et d’une certaine manière de la Cour des comptes, peut connaître d’une affaire pour laquelle il
a déjà émis préalablement un avis sans empiéter au principe d’impartialité. En effet, la
juridiction administrative est chargée d’une part de rendre des avis sur les projets de textes des
autorités soumises à leur compétence dans une première formation (consultative ou d’avis), et
d’autre part, de statuer en tant que juridiction administrative (jugement) sur le recours en
annulation introduite contre les actes et règlements des autorités administratives concernées.
On peut se demander si ce cumul de fonctions d’avis et de jugement ne va pas à l’encontre du
principe d’impartialité.
En effet, un juge administratif (formation de jugement) ne peut siéger dans une affaire
si auparavant il avait déjà donné un avis (formation consultative ou d’avis) pour les mêmes
faits, mêmes parties et mêmes problèmes juridiques. La double participation, consultative
(formation consultative ou d’avis) et contentieuse (formation de jugement), à une même
décision pourrait déboucher sur une présomption très forte d’atteinte à l’impartialité. Cela se
justifie par le fait que le juge qui avait préalablement donné l’avis (formation consultative)
s’était déjà forgé une opinion avant de participer au jugement prononçant l’annulation
(formation de jugement), ce qui pourrait être regardé comme « préjugement »577.
Cette position est partagée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg qui avait condamné la composition du Conseil d’Etat luxembourgeois en
soulignant « le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des
mêmes décisions, les fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles, est de nature à
mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution »578. Cette décision a eu des
577
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, p.423.
578
CEDH, 28 septembre 1995, Procola contre Luxembourg, RTDH, 1996, pp. 271-299 ; JLMB, 1996, p. 889 ; D.
1996, p. 301, note Benoît Rohmer F. ; JCP, éd. Gén. , 1996, I, 3910, n° 23, obs. F. Sudre ; Gazette du
Palais, 18 novembre 1995, Flasch, note L. Pettiti ; JDI, 1996, 253, obs. O. de F. ; AJDA, 1996, 383, chon.
J.Fr. Flauss ; RFDA ; 1996, 777, note J. L. Autin et F. Sudre ; D. SPIELEMANN, « Le Conseil d’Etat
luxembourgeois après l’arrêt Procola de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », in RTDH, 1996, p.
297 ; J. P. COSTA, «Le tribunal indépendant et impartial en matière administrative. Le principe vu par la
Cour Européenne des Droits de l’Homme », in A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 517 ; S. GUINCHARD, «
139
répercussions dans les juridictions administratives à tel point qu’aucun membre de la Cour
administrative ne peut siéger dans les affaires relatives à l’application de dispositions au sujet
desquelles il aurait dû participer à des délibérations du Conseil d’Etat579.
Tel est le cas de la Cour administrative de Paris qui a sanctionné le cumul des
fonctions administratives et de jugement en considérant que les magistrats qui ont eu à se
prononcer sur une question, dans le cadre des attributions consultatives du tribunal
administratif ne peuvent ensuite en connaître au contentieux et ne peuvent donc siéger dans la
même affaire580. Comme c’est le même juge qui a donné un avis (formation consultative ou
d’avis) et connu en annulation (formation de jugement) la même affaire pour les mêmes
parties ; il y avait donc un « préjugement », autrement dit, l’impartialité avait été violée. Il en
est de même de l’arrêt Syndicat des avocats de France par lequel le Conseil d’Etat avait
affirmé que le membre de la juridiction qui a émis un avis sur un projet de texte ou une action
administrative ne pouvait pas siéger dans la formation de jugement appelée à se prononcer sur
ce texte ou cette action581.
Il en est ainsi de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait affirmé que le
tribunal administratif ne peut statuer régulièrement sur un litige lié à l’attribution d’un marché
public, alors que l’un de ses membres faisait partie de la formation collégiale consultée
antérieurement par le préfet pour donner un avis à propos du marché projeté, et plus
précisément du problème de droit déterminant la solution du contentieux582. Dans cette
affaire, la composition du jugement statuant au contentieux (formation de jugement)
comprenait des magistrats ayant fait partie de la formation collégiale consultée quelques mois
auparavant (formation consultative ou d’avis) sur la même question de droit ayant causé
difficulté, c’est pourquoi, l’impartialité a fait défaut.
doivent apprécier en tant que juges de la Cour constitutionnelle d’une norme à laquelle ils
avaient déjà émis des avis lorsqu’ils étaient parlementaires ? La réponse semble nuancée.
Par contre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, se fondant sur
la théorie des apparences, a conclu à la violation du principe d’impartialité le fait, pour le
Bailif de l’île de Guernesey, d’avoir donné un avis à l’Assemblée délibérante ayant adopté un
plan d’aménagement du sol, et d’avoir ensuite présidé la juridiction qui avait eu à connaître
d’une question d’interprétation de ce plan. Selon la Cour, toute implication directe dans
l’adoption d’une législation ou réglementation administrative peut suffire à faire naître des
doutes sur l’impartialité judiciaire d’une personne appelée par la suite à statuer sur un litige
relatif à l’existence de raisons permettant de s’écarter de la lettre de cette législation ou
réglementation585.
Au regard de tous ces exemples, nous estimons qu’en vue de garantir l’image du juge
impartial en République Démocratique du Congo, le juge de la juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) voire
même de la Cour des comptes, qui a émis un avis dans la formation consultative, ne devrait
583
Cour d’Arbitrage belge, 10 mai 1994, n °35/94 et 36/94, 10 mai 1994, Journal des Tribunaux, 1994, p.532 ;
JLMB, 1994, p. 874 ; Arr. C.A. ; 1994, pp.461-469 ; Journal des procès, 1994, n° 263, p.29. Sur cette
question et débats autour de cet arrêt, Voy. M. VERDUSSEN, Le juge constitutionnel face à l’article 6 de
la Convention Européenne des Droits de l’Homme, RTDH, 1994, p.142 ; O. DE SCHUTTER et D. VAN
DROOGHENBROECK , Droit international des Droits de l’ homme devant le juge national, Bruxelles,
1999, p. 548, note 20 ; J. SOHIER, « L’impartialité du juge constitutionnel en question, Justice must not
only be done, it must also be seen to be done », IDJ, 1994-7, pp. 579-581 ; P. MASSON, « Faut-il récuser
la Cour d’Arbitrage ? », Journal des procès, 1994, p. 31.
584
B. BEELDENS, « L’impartialité et la problématique du cumul de fonctions judiciaires », in Annales de Droit
de Louvain, 2001/2-3, p.290.
585
CEDH, 8 février 2000, Mc Gonnel contre Royaume Uni.
141
Cette cause de récusation est également l’expression du principe général du droit selon
lequel nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même chose.
586
Tribunal civil de Bruxelles (71 ème chambre), 14 décembre 2006, SA C contre X, Y, P. et C., in JLMB,
2007, pp. 834 et s.
587
Ibidem.
142
Aussi, il doit s’agir de la même affaire actuelle, une affaire purement potentielle ne
suffit pas. Ainsi, un magistrat du siège ayant instruit et jugé la cause avant poursuite judiciaire
sur le plan disciplinaire, doit se récuser étant donné qu’il avait déjà connu de cette affaire
devant une autre juridiction588. Il en est de même de l’arrêt d’une Cour d’Appel auquel a
participé un conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire quand il était juge au premier
degré et que, dans ses conditions, il ne s’est pas déporté589.
Il va de soi que le juge ayant connu d’une affaire en première instance ne pourra pas
en connaître par après en degré d’appel ou en cassation. Ainsi, un magistrat qui a déjà porté
un jugement dans une affaire ne peut la juger car il risque, la seconde fois, de ne pas pouvoir
se déjuger. Aussi, un même juge ne peut connaître d’une voie de recours contre une décision
qu’il a lui-même rendue, même si c’est la conséquence de changements législatifs590. On ne
s’intéresse plus à ce qu’a pu penser le juge, l’on suppose qu’une telle situation le conduit
objectivement à être partial dès lors qu’il existe une apparence de partialité qui suffit à
condamner une telle situation.
Mais, ne peut fonder une cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les
parties des moyens qui paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé
d’office et des les inviter à présenter leurs observations soit immédiatement soit dans le délai
qu’il fixe591. Il en est de même d’une décision rendue par le juge sur les défenses à exécuter,
laquelle ne touche pas le fond du litige puisqu’elle est une procédure d’urgence d’autant plus
que le rapprochement de date d’audience sollicitée par une des parties ne peut interdire au
juge qui l’a accordée de poursuivre l’instance sous prétexte que ce faisant, il a manifesté sa
partialité592. Dans ce contexte, ce juge est intervenu en urgence et ses interventions montrent
un caractère conservatoire ou préparatoire. Ces interventions ne montrent pas la solution que
prendrait un juge au fond. Dans cette optique, l’impartialité du juge ne serait pas violée593. Tel
588
C.S.J., 23 décembre 1976, R.P.A. 38, Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1977, p. 108 ; Revue
juridique du Zaïre, 1978, p. 94.
589
C.S.J., 2 février 1972, Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1973, p. 16 ; 18 mai 1995, RR 03, in
Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 42.
590
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 208, p. 204.
591
C.S.J., 23 juillet 1985, R.P.785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, 1969-1985, éd. C.P.D.2, Kinshasa, 1990, V° récusation, n° 2, p. 198.
592
C.A. Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts) ; Shamamba Ny contre Premier Président Munoma N. ; R.R.011 ;
Shamamba NY contre Conseiller Makonga n° R.R.012 ; Shamamba contre Conseiller Kadiebwe N. n° R.013,
inédits.
593
J. VAN COMPERNOLLE, « Le cumul du provisoire et du fond au regard du principe de l’impartialité « , in J.
VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), les mesures provisoires en droit belge, français et
italien, Bruxelles, éd. Bruylant, 1998, p. 242 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de
fonctions au fond et du provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les droits de l’homme au seuil du
troisième millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 937 – 938 ; J.
VAN COMPERNOLLE, « Le droit à un tribunal impartial en droit belge au regard de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne.
Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, éd. P. MAHONEY, F. Matscher, H. Petzold, L. wildhaber, 1999, p.
1491 – 1492 ; J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET – MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985 –
1996) – Droit judiciaire privé, RCJB, 1997, pp. 495 – 625, n°90 ; R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul
des fonctions », RTD Civ., 1999, p. 195 ; B. BEELDENS, « Impartialité et fonctions judiciaires », in Annales
de droit de Louvain, 2001 / 2 – 3, p. 302 ; G. CLOSSET – MARCHAL, « La récusation en droit belge »,
143
Par contre lorsqu’en urgence le juge a pris les mesures qui impliquent une prise de
position sur le fond, son impartialité serait voilée594. Il s’agit des mesures ou décisions
anticipatoires qui anticipent les solutions du litige595. C’est donc cette anticipation qui montre
ce que le juge prendrait comme solution lorsqu’il pourrait intervenir au fond de l’affaire. En
d’autres termes, le juge qui s’est prononcé au provisoire (en urgence), doit avoir exprimé une
pré-appréciation du fond de manière telle qu’elle puisse être de nature à convaincre un
justiciable normalement avisé qu’il existe un doute que ce juge puisse encore juger au fond de
manière impartiale. Tel est le cas du juge des référés français qui statue sur une demande
tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement contestable
d’une obligation, et qui est appelé par la suite à statuer sur le fond du litige afférent à cette
obligation596. En effet, le juge en statuant en référé sur l’attribution d’une provision, a exprimé
une prise de position sur le fond, et partant, cette appréciation sur les circonstances de la
cause, pouvait l’empêcher de juger au fond du litige de cette obligation. En d’autres termes,
ce juge a effectivement préjugé de la qualité de cette obligation, il est donc devenu
techniquement partial.
De la sorte, tout laisse croire que ce que le juge des référés a tenu pour évident au
provisoire, il le tiendra encore comme tel lorsque l’affaire lui sera soumise au fond. Dès lors
que les faits envisagés sont les mêmes, que leur examen par le juge du provisoire n’a rien eu
du superficiel mais que, tout au contraire, il s’est prononcé, au terme d’un examen attentif, sur
RGDC, 2003, pp. 605 – 610 ; Y STRICKLER, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Université
Robert Schuman, Strasbourg, 1993, p. 591 ; H. BOULARBAH, « Le dessaisissement et récusation en matière
civile », in le point sur les procédures (2 ème partie). Formation permanente CUP, décembre 2000, Vol. 43, pp.
199 – 200 ; O. MIGNOLET, « Observations sur la mise en cause de l’impartialité du juge lorsque celui – ci
cumule les fonctions du juge du provisoire et du fond, au regard des principes et des sanctions », in RDJP,
2001 – 2, n°48, p. 51 ; T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté
de droit, UCL, Louvain – la – Neuve, 2005, pp. 453 – 465.
594
Ibidem
595
Voy. J. NORMAND, « Les mesures provisoires en droit comparé », in Annales de droit de Louvain, 2005 / 3
– 4, pp. 266 – 268 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J.VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 77.
596
Cass. Française (ass. Pleinière), 6 novembre 1998, JCP La semaine juridique, 2 décembre 1998, p. 2122 ;
Recueil Dalloz, 1999, p. 6 ; Gaz. Pal., 13 – 15 décembre 1998, p. 12 ; CE français, 9 février 2004, Billerach,
AJDA, 2004, p. 1150 ; CE français, 2 novembre 2005, M. et M me Fayant, n°279660, AJDA, 13 février 2006, p.
327 – 328 et note de P. CASSIA, « Méconnaissance du principe d’impartialité par le juge des référés » ; CAA
Marseille, 9 mars 2006, M me D., n°04 MA 01886, AJDA, 1 er mai 2006, pp. 888 et conclusion du commissaire
du gouvernement Thiery Trottier, « Le juge du référé provision peut – il participer à la formation de jugement
au fond ?, in Procédures, mai 2006, p.26 ; P. CASSIA, « Le juge administratif des référés et le principe
d’impartialité », in Recueil Dalloz, 5 mai 2005, n°18, chronique, pp. 1183 – 1184, 1189 – 1191.
144
L’on peut ainsi considérer que le juge des référés a anticipé sur la solution au
fond lorsqu’il s’est prononcé de manière évidente sur le caractère sérieusement contestable ou
non d’une obligation alléguée, ou lorsqu’il s’est prononcé sur la cessation d’un trouble
manifestement illicite en estimant notamment que l’illicéité du trouble était manifeste599. Il y
aurait ainsi méconnaissance de l’impartialité s’il s’avère que dans l’exercice des fonctions
antérieures, le juge s’est déjà forgé une opinion sur les points de fait et de droit qu’il lui
appartient de trancher. En pareille situation, le débat poursuivi devant lui apparait comme
fondamentalement faussé600.
Il en sera de même pour les juridictions de l’ordre administratif. Tel est le cas du
juge des référés qui dans sa première intervention a pris une ordonnance qui a anticipé sur
l’issue à donner à une éventuelle seconde demande fondée sur les mêmes éléments que la
597
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, p. 186 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au provisoire : réflexions sur
des arrêts récents », in Les droits de l’Homme eu seuil du troisième millénaire. Mélanges en hommage à
Pierre Lambert, Bruxelles, éd. Bruylant, 2000, p.941.
598
Cassation française, Assemblée plénière, 6 novembre 1998, Sté Bord Na Mona contre Norsk Hydro Azote ;
Guillotel contre Castel et Fromaget, in Recueil Dalloz, 7 janvier 1999, n° 1, p.5 ; M.-A. FRISON-
ROCHE, « L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz, Chronique, 11 février 1999, n° 23, p. 56 ; J.-F.
BURGELIN, « Quand le juge des référés prend parti », Recueil Dalloz, 1999, p.5.
599
R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des fonctions », in RTDCiv., janvier-mars 1999, p.195.
600
J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité et cumul du fond et du provisoire devant le Conseil d’Etat : une
heureuse clarification », in RTDH, 2001, pp.1156 et s.
601
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, janvier-mars 1999, n° 1, p.
187 ; J. NORMAND, «L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.77.
145
Cette position a été suivie par plusieurs juridictions administratives. Tel est le cas
de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a considéré qu’un juge des référés ayant eu
l’occasion d’apprécier les moyens de légalité développés par le requérant dans le cadre d’une
demande de suspension ne peut disposer de l’impartialité pour statuer au fond au sein de la
formation de jugement604. Ce qui justifie l’anticipation est le fait pour le juge des référés
d’avoir pris position sur la validité des moyens susceptibles de justifier une telle mesure (à
l’égard du requérant), et cette prise de position devrait l’empêcher de se pencher sur l’affaire.
Il en est de même de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a estimé que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a examiné l’affaire comme juge du
référé provision participe à la formation de jugement au fond605. La Cour administrative
d’appel de paris a nettement confirmé cette position en affirmant que le principe d’impartialité
faisait obstacle à ce que le magistrat qui a rendu une ordonnance sur le fondement des
dispositions précitées siège à nouveau lors du jugement au fond de cette affaire par le tribunal
administratif606.
602
Conseil d’Etat français, 20 novembre 2005, M. et Mme Fayat, AJDA, 2006, p. 327, note CASSIA.
603
Conseil d’Etat, 14 décembre 2000, ASBL Ecole Notre Dame de la Sainte Espérance contre Communauté
française, JLMB, 2001, p. 169 ; RTDH, 2001, p. 1149 ; Journal des Tribunaux, 2001, p.235.
604
C.A.A. Bordeaux (plén.), 18 novembre 2003, arrêt M.B., AJDA, 2004, p.98, concl. J.-L. Rey.
605
C.A.A. Marseille (3ème ch.), 9 mars 2006, Mme D., Recueil Dalloz, 6 avril 2006, IR, p. 949 ; AJDA, 2006, p.
887.
606
C.A.A. Paris, 6 février 2007, Société Swisslog France , n° 04PA03147, in AJDA, 21 mai 2007, p. 1039.
146
arguments des parties même si c’est uniquement sur le plan des apparences ; dès ce moment,
il y a préjugé, si peu que ce soit, qui lui interdit de rejuger une seconde fois la même cause, à
peine de porter atteinte au principe d’impartialité607.
Une autre hypothèse qui peut se présenter concerne le juge qui, au cours d’une
affaire civile, principalement en matière de divorce a tenté une conciliation en « chambre du
conseil » avant de connaître de la même affaire au fond. Peut – il être récusé sous prétexte
qu’il connaît de la même affaire au fond alors qu’il avait tenté la conciliation des parties ? A
cet égard, l’on devrait distinguer deux situations. La première est celle où le juge s’emploie à
rechercher un terrain d’entente avec les parties sans proposer une solution, et la seconde
concerne le juge qui propose une solution aux parties ou prend position sur la solution. Pour la
première situation, l’impartialité n’est pas violée étant donné que le juge ne s’était pas dévoilé
car il n’avait pas montré qui a tort ou raison, il ne faisait qu’aider les parties à trouver un
terrain d’entente. En ce qui concerna la deuxième situation, en principe l’impartialité est
violée étant donné que le juge avait pris position en montrant la solution qui est la sienne lors
de la connaissance de l’affaire au fond car les parties pourront à juste titre évoquer l’existence
d’un « préjugement » dans son chef de nature à créer un doute légitime quant à son aptitude à
siéger ultérieurement en toute impartialité608.
Pour que la récusation soit admise, les faits connus par le juge doivent être les
mêmes et pour les mêmes parties étant donné que le même juge ne peut pas juger deux fois
les mêmes faits et pour les mêmes parties parce qu’il peut y avoir préjugement, qui lui ôterait
son impartialité. Relevons toutefois deux hypothèses qui permettent au juge de connaître les
mêmes faits et pour les mêmes parties à la même instance de jugement, c’est
607
D.LAGASSE, « Peut-on récuser un conseiller d’Etat ? Qu’est-ce qu’un conseiller d’Etat impartial ? », in
J.T., 1998, p.154.
608
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain –
la – Neuve, 2005, pp. 41 ; B. BEELDENS, « Médiation – conciliation : quel rôle pour le juge ? », in JJPP,
avril – mai 2005, pp. 211 – 215 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation judiciaire », in Le
contentieux interdisciplinaire, Antwerpen, Kluwer, 1996, p. 49 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La justice
familiale et les principes fondamentaux du droit judiciaire », in M. Th. MEULDERS – KLEIN (sous
direction), Familles et justice, justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruxelles,
Bruylant, 1997, p. 391 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge », in
Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, pp. 528 et
533 ; I. BRANDON, « L’office du juge dans la conciliation », JT, 1995, p. 513 ; J. VAN COMPERNOLLE,
« L’indépendance et l’impartialité du juge », in Confiance dans la justice, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 24,
n°19 ; G. DE LEVAL, « L’exercice par le même juge de fonctions conciliatrices et juridictionnelles dans le
même litige », in Droit du contentieux, CUP, 13 octobre 1995, p. 101.
147
Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si, un même juge peut
statuer sur le recours en opposition ou tierce opposition ou requête civile formé contre une
décision au prononcé de laquelle il a participé sans violer le principe d’impartialité. Peut-il
dans ces circonstances être récusé ?
S’il faut éviter qu’un juge qui a déjà statué sur une affaire ait à en connaître de
nouveau, c’est essentiellement pour faire en sorte que celui-ci se soit déjà forgé une opinion
sur les points de fait et droit qui lui sont soumis, pour qu’il puisse examiner le litige dont il
est saisi « d’un œil neuf ». En effet, les juges qui statuent sur un recours en opposition, à la
différence des juges d’appel, ne sont pas appelés à se prononcer sur les éléments qui ont déjà
fait l’objet devant eux d’un débat, ce qui serait de nature à remettre en cause leur impartialité.
Ils doivent connaître le cas échéant de la recevabilité de l’opposition qui, par hypothèse,
n’avait encore jamais été discutée de même que les arguments présentés par la partie
défaillante qui, par hypothèse eux aussi, sont nouveaux et n’ont pas été examinés lors des
débats auxquels la décision, objet de l’opposition, a donné lieu. Cet argument montre que ce
juge ne serait pas récusé.
Cela s’explique par la fait que là où le juge d’appel a tous les motifs de répugner à
revenir au jugement initial, le juge qui statue sur opposition voit apparaître de nouvelles
données objectives qui justifient éventuellement qu’il rende une décision différente voire
inverse de celle qu’il déjà rendue sur l’affaire car, la comparution d’une partie qui jusqu’alors
était absente de la procédure et n’avait pas été en mesure de produire ses propres éléments de
défense justifie suffisamment son revirement. Ainsi, la Cour Européenne des Droits de
l’Homme de Strasbourg611 tout comme la jurisprudence belge612 et française613 admet au juge
609
Le juge qui rendu une décision obscure ou ambigüe peut l’interpréter, sans cependant étendre, restreindre ou
modifier les droits qu’elle a consacrés.
610
Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui
rendue sans cependant que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits qu’elle a consacrés.
611
CEDH, 10 juin 1996, Thomann contre Suisse ; CEDH, 26 août 1997, De Haan contre Pays-Bas, AJDA, 1997,
p.987, obs. Flauss ; JCP, 1998, I, p.107, n° 26, obs. Sudre.
612
Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, 102 ; Cassation belge, 3 février 1987, RG 684,
Pasicrisie belge, 1987, I, n° 323 ; Cassation belge, 16 janvier 2002, RG.P.01.1325.F ; Cassation belge, 5
mai 1999, Pasicrisie belge, 1999, I, p.636, Cassation belge, 2 ème chambre, 19 novembre 1998, JLMB,
1999, p.1500 ; Pasicrisie belge, 1998, I, 1145 ; Cassation belge, 2 novembre 1993, Pasicrisie belge, 1993,
I, p.916.
613
Cassation française (Ch. Crim.), 25 juillet 1989, Bull. crim. , n° 296 ; D. 1990, 226, comm. J. Pradel ;
Cassation française (2èm ch. Civ.), 5 février 1997, Recueil Dalloz, n° 2, 14 janvier 1999, pp.24-25, note S.
Denoit de Saint Marc ; Bull. II, n° 33 ; RTDCiv., 1997, 513, obs. Perrot ; Cassation française (ch. Crim.),
23 octobre 1996, pourvoi n° 095-85.585 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les
148
de connaître une seconde fois de l’affaire en matière d’opposition sans porter atteinte au
principe d’impartialité. En d’autres termes, il n’y a pas « préjugement » dans le chef dudit
juge.
Au regard des éléments que nous venons de développer ; un juge qui a statué sur
opposition après avoir connu de la même affaire par défaut de l’une des parties, son
impartialité n’est pas ébranlée pour des raisons suivantes :
- L’opposition, voie de rétractation, suppose que l’affaire revienne devant la
juridiction qui a rendu la première décision, à l’inverse de l’appel qui, voie de
réformation, conduit à la connaissance du litige par une juridiction supérieure. Il
n’y a donc rien d’anormal à ce que l’opposition soit connue de juges qui ont rendu
le jugement, objet du recours, et le principe d’impartialité reste sauvegardé.
- L’opposition met la décision attaquée à néant, le prévenu se retrouve donc à la
case de du départ. Le fait d’avoir été jugé deux fois par les mêmes juges, le
prévenu ne perd d’ailleurs rien car rien ne lui interdit de faire appel ensuite. On
peut même soutenir qu’il n’est pas vraiment jugé deux fois car la première
décision rendue par hypothèse en son absence apparaît comme une fausse
décision, rendue par de juges qui souvent n’auront pas hésité à frapper très fort,
pour inciter le prévenu ou la partie défaillante à faire opposition.
- Le nombre de magistrats ne peut pas permettre à ce qu’il ait de juges « neufs »
pour juger toutes les affaires venues sur opposition d’autant plus que celles-ci sont
souvent nombreuses dans la pratique judiciaire614.
Toutes ces raisons nous permettent de dire que le juge n’est donc pas partial quand,
sur opposition, il juge une seconde fois la même affaire et surtout qu’après décision sur
opposition, le justiciable bénéficie du droit de faire appel. Autrement dit, dans ces
circonstances, le juge ne peut pas être récusé.
S’agissant de la tierce opposition, elle peut aussi être jugée par les mêmes magistrats615
qui ont connu de cette même affaire faisant l’objet de tierce opposition. Les raisons que nous
avons développées en matière d’opposition s’y appliquent mutatis mutandis. Il en est de
même de la requête civile étant donné que le juge qui a statué antérieurement dans l’affaire
avait été induit en erreur par l’une des parties au procès, et en conséquence, rien ne lui
empêcherait de statuer de nouveau sur l’affaire sur requête civile.
Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si le même juge peut siéger sur
renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il a participé. Peut-il dans ce cas être récusé ?
Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une
cause sur laquelle il s’est déjà prononcé car il y aurait dans son chef un « préjugement » qui
enlèverait son impartialité. En d’autres termes, dans ces conditions, le juge peut être récusé.
Cette position est partagée par la jurisprudence belge616 et française617.
Enfin, un même juge peut-il connaître des mêmes faits pour les mêmes parties après
révision ? Peut-il dans ces conditions être récusé ? Il convient à cet égard de distinguer deux
situations : la connaissance de l’affaire après révision ainsi que la connaissance de la révision
elle-même. En ce qui concerne la connaissance de l’affaire après révision, comme nous
l’avons montré concernant l’opposition et la tierce opposition ; il est donc normal de revenir
devant la juridiction qui a été trompée en raison de la nature de rétractation. Dans ce cas,
même si le juge connaissait de la même affaire, il ne serait pas récusé. En ce qui concerne la
connaissance de la révision elle-même par le même juge qui a participé au jugement de la
même affaire en première instance ou au degré d’appel, elle pourrait être traitée de la même
manière que l’appel ; en conséquence, le juge pourrait être récusé partant du fait qu’on ne
pourrait pas juger le recours de sa propre décision via l’instance en révision. Cette position est
partagée par la jurisprudence française618.
S’agissant de l’intervention antérieure du juge comme témoin ; seul le juge qui est
réellement intervenu en qualité de témoin peut être récusé. En principe, le juge dont l’une des
parties prétend qu’il pourrait être témoin n’est donc pas visé en l’espèce. A cet égard, il
importe peu que le juge ait déposé en tant que témoin dans le cadre d’une enquête ordonnée
616
Cassation belge, 19 octobre 1983, Pasicrisie belge, 1984, P.175. Cassation belge, 15 mars 2000, Pasicrisie
belge, 2000, I, p. 582.
617
Cassation française, 20 octobre 1999, D., 2000, IR, 25 ; Droit pénal, mars 2000, n° 38, obs. A. Maron ;
Cassation française, crim., 30 octobre 1996, Rapport de la Cour de cassation 1996, Paris, éd. La
Documentation française, 1997, p. 129 ; Conseil d’Etat, 27 mars 2000, SARL Maurel et fils, RFDAdm.,
2001-6, 1267 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 13, p. 71.
618
Cassation française, 2ème ch. civ., 3 novembre 1993, Bull. II, 307, p. 171 ; D. 1994, IR.32 ; Cassation
française, 2ème civ., 5 mai 1993, RTDCiv., 1993, 876, obs. J. Normand ; JCP, 1994, II.22.227, note du
Rusquec ; Cassation française, 2ème ch.civ., 12 juillet 2001, Droit et procédures, 2002, p.36, obs. Fricero ;
D. 2001, 2639 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit
fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p. 52.
150
par un tribunal ou par une Cour ou dans le cadre d’une information ou d’une instruction, ou
encore volontairement ou à la requête d’une partie619.
Cette cause de récusation se justifie par le fait que le juge qui dépose en qualité de
témoin dans la cause qu’il est appelé à juger est présumé de manière irréfragable ne pouvoir
en connaître au fond. Il existe en effet une incompatibilité absolue entre les fonctions de juge
et la qualité de témoin à laquelle ne pourrait contrevenir un magistrat sans méconnaître les
règles fondamentales de composition des juridictions.
Une autre question nous semble préoccupante. Celle qui consiste à se demander
lorsqu’un professeur d’université ou un doctrinaire a écrit ou donné des conférences sur un
point de droit, peut-il être récusé s’il intervient comme juge pour juger une affaire qui
s’inspirerait du point de vue écrit d’un livre du même juge ? A cet égard, la doctrine moderne
exclut en principe que les conceptions doctrinales développées par un juge dans d’autres
affaires ou émise à l’occasion d’exposés ou de publications scientifiques puissent former une
cause de récusation621. L’on ne pourrait donc retenir à ce titre le fait qu’un juge aurait donné,
dans un écrit quelconque (traité, manuel…) son opinion sur la question de droit que présente à
juger le procès. La solution inverse conduirait, on en conviendra, à limiter singulièrement sa
liberté d’expression. La prudence serait de mise car un point de vue de droit peut revêtir un
caractère tellement spécifique qu’il sera tout de suite évident que la même problématique a été
visée dans un article, fut-il scientifique622.
619
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La
Charte, 2000, p. 325.
620
Cassation belge, 14 février 1977, Pasicrisie belge, 1977, I, p. 634 ; JT., 1977, P. 745, note E. Brewaeys.
621
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMAECKER et alii, Statut
et déontologie du magistrat, Bruxelles,, éd. La Charte, 2000, p. 323.
622
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005,
p. 540.
151
s’apprête à juger. Cette relation peut créer un parti pris, entraînant la partialité623. En effet, la
personne qui a assisté ou conseillé l’une des parties à l’occasion d’un litige serait partiale si
elle est ultérieurement amenée à se prononcer sur celui-ci en tant que juge. Cette partialité
serait manifeste puisqu’il a pris parti avant même d’être saisi, et aura vraisemblablement à
cœur de montrer que les conseils qu’il a prodigués étaient pertinents, ou enfin, à adopté un
point de vue relativement au fond de l’affaire.
Cette cause de récusation est valable quels que soient le mode (oral ou écrit) et la
forme (lettre, conclusions, article d’un journal, d’une revue) utilisés, et la qualité dans laquelle
le juge est intervenu. Ainsi, il n’est pas nécessaire que le juge ait déjà eu la qualité de juge, au
moment où il a donné conseil, plaidé sur l’affaire. Le juge devra s’abstenir s’il a donné un
avis en la matière en tant qu’avocat ou défenseur judiciaire, qu’il ait été à l’époque conseil de
l’une des parties.
La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé qu’il y a partialité dans le fait
que l’avocat de la partie adverse a siégé comme juge dans des procédures concomitantes
auxquelles le requérant est partie624. De même, lorsque le juge a participé antérieurement dans
la procédure principale en qualité d’avocat des demandeurs, puis en qualité de magistrat au
stade de l’examen de recours constitutionnel formé par le requérant ; cette dualité de fonctions
exercées dans une même procédure, à laquelle s’ajoute le fait que la fille du juge mise en
cause avait elle aussi représenté les adversaires de l’intéressé, peut créer une situation propre à
susciter des doutes légitimes quant à l’impartialité de ce magistrat625. Enfin, la Cour de
cassation française a souligné que le conseiller prud’hommes qui a assisté l’une des parties
dans la préparation de son dossier ne peut siéger dans la formation qui statue sur le litige626
C’est surtout au sujet de la signification exacte des termes « conseil » que naissent la
plupart des contestations. La cause de récusation doit sans aucun doute être appliquée lorsque
le juge a effectivement assuré la défense d’une partie ou donné une consultation. C’est le cas
lorsque le juge contribue à élaborer la demande ou la défense d’une partie, prête sa
collaboration à la rédaction ou la correction de conclusions, assiste à une consultation ayant
lieu chez un avocat et donne son opinion à cette occasion, ou encore quand il tente de
persuader la partie adverse qu’elle a tort. Il importe peu à cet égard que le juge ait procédé de
623
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 318-321.
624
CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre Suisse ; CEDH, 1er juin 2004, Puolitaival et Pirttiaho contre
Finlande, n° 54837/00, Décision de recevabilité.
625
CEDH, 15 juillet 2005, Meźnarić contre Croatie, n° 71615/01, in Note d’information n° 77 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juillet-août 2005, pp. 21-22 ; dans le même sens
C.A. Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 2, 465, abs. A.D.
626
Cassation française, ch. soc., 18 juillet 2001, n° 99-45.583 et 2 juillet 2002, n° 00-41.324, voyez T.P.
GRIDEL, « L’impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation », in Mélanges en
l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 246.
152
sa propre initiative ou à la demande d’une partie, ou qu’il ait donné son opinion plus par
hasard que consciemment627.
Mais lorsque le juge donne dans certains cas non des conseils, mais des indications, la
récusation ne sera pas admise. Tel est le cas de conseiller de consulter un avocat, d’orienter
l’attention d’une personne sur les conséquences défavorables éventuelles d’une procédure, de
l’inciter à trouver un règlement amiable ou de déconseiller une procédure. C’est pourquoi, la
Cour de cassation belge a estimé que ne peut constituer une cause de récusation, le fait que
lors d’une tentative de conciliation en matière divorce, le juge ait donné à l’une des parties,
non un « conseil », mais une information concernant ses droits628.
Du point de vue purement formel, ces exemples cités ne peuvent pas être considérés
comme causes de récusation. Il n’est toutefois pas exclu qu’ils compromettent dans certaines
circonstances l’impartialité du juge. Nous estimons que les juges devraient s’abstenir
d’intervenir de la sorte, même si une telle abstention s’avère délicate pour le juge consulté par
des membres de sa famille et par ses amis, qui n’apprécieront vraisemblablement pas le refus
de donner ne fut-ce que des indications.
Bref, nous pensons qu’un juge qui a été précédemment (même dans une autre affaire)
conseil de l’une des parties, aura difficile à transcender les relations avocat (défenseur
judiciaire)-client ou conseil-partie qui s’étaient tissées et peut être approfondies à une période
donnée. L’ancien conseil qui avait déjà l’idée de la personnalité de son client (appréciation
positive ou négative) ne pourrait être que partiale partant de leurs relations qui avaient
existé629.
627
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
628
Cassation belge, 24 juin 1993, Pasicrisie belge, I, p. 615 ; JJP, 1993, p. 307.
629
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 320.
153
La partialité du juge devient encore plus manifeste lorsque celui-ci est intervenu
antérieurement comme officier du ministère public. Cette qualité fait d’elle la partie
poursuivante en matière pénale, ce qui l’empêcherait de participer au jugement étant donné
qu’il ne peut pas être juge et partie. C’est cela qui constituerait sa partialité630.
C’est pourquoi, nous pensons que le ministère public ne pourrait pas présenter les
garanties d’impartialité lorsqu’il intervient ultérieurement comme juge car il lui serait difficile
de tenir la balance égale entre l’accusation et la défense, ou de ne pas être influencé, fut-ce
inconsciemment, par l’opinion nourrie à l’endroit de l’inculpé.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que le juge ne devait pas être intervenu
antérieurement dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier du
ministère public.
Il convient toutefois de préciser que cette cause de récusation ne concerne pas les
juges des tribunaux de paix. En effet, le juge de paix congolais cumule les fonctions de juge et
celles du ministère public631. Cela est à dire qu’il pose tous les actes d’instruction préparatoire
630
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 338 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique, série A,
n° 53, §309 ; CEDH, 25 février 1997, Findlay contre Royaume-Uni.
631
Articles 17 et 71 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaire ; article 180 de l’arrêté
d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours, Tribunaux et
Parquets.
154
On voit mal comment un tel juge pourrait présenter les garanties d’impartialité dès lors
qu’il a cumulé les différentes fonctions judiciaires qui montrent qu’il avait déjà une
conviction de culpabilité préalable à l’égard du justiciable, autrement dit le « préjugement ».
C’est pourquoi, nous pensons qu’en vue de garantir l’image du juge impartial, le
même juge de paix ne devrait pas au cours de la même affaire, poser les actes d’instruction
préparatoire, siéger en chambre du conseil pour régulariser ou non la détention préventive,
siéger en audience dans la même affaire et prononcer le jugement, et exécuter lui-même le
jugement qu’il a rendu.
L’article 72 du Code d’OCJ stipule que le demandeur de récusation devra le faire sous
peine d’irrecevabilité dès qu’il a connaissance de la cause et au plus tard avant la clôture des
débats par une déclaration motivée et actée au greffe de la juridiction dont le juge mis en
cause fait partie.
155
B. La procédure de récusation
a) Introduction de la demande
La récusation d'un juge est un acte grave qui ne peut être entrepris que si sa légitimité
en apparaît clairement et notoirement. Tel n'est pas le cas des déclarations d'un plaideur qui
procèdent plutôt de l'imprudence, de légèreté et de l'imprécision632. Il en est de même du
demandeur qui ne présente pas devant le tribunal un quelconque avis donné dans l'affaire par
le juge récusé633 ou lorsque le mandataire qui a formé la récusation ne justifie pas d’une
procuration spéciale pour agir en lieu et place du récusant634. En conséquence, doit être
écartée des débats, une lettre de récusation déposée à l’audience par le récusant en violation
de l’article 72 du Code d’OCJ ; par contre, est admise une requête en récusation déposée au
greffe et communiquée au magistrat mis en cause qui a pu faire la déclaration écrite exigée
ledit article635.
632
C.A. Dakar, 11 mars 1983, Revue Éditions juridiques africaines, novembre 1987, p. 23, note Doudou NDOYE
; T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba N. c/Juge Mukendi M., R.R.004 ; C.A. Bukavu, 29 octobre 1985
(3 arrêts), R.R.011, Mme Shamamba N. c/Premier président Munona N. ; R.R.012, Mme Shamamba N.
c/Conseiller Makonga N. ; R.013, Mme Shamamba N. c/Conseiller Kadiebwe N., inédits.
633
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B c/Juges K, M et MU, Revue juridique du Zaïre, n° 1-2 et 3, janvier à décembre
1995, p. 64.
634
C.S.J. 17 février 1994, Sh. contre G., RRA 10/001, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3,
p. 34.
635
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR1, Revue juridique du Zaïre, Janvier à décembre 1995, n° 1-3,
pp. 35-36.
636
Article 226 du Code sénégalais de procédure civile.
637
Article 131 du Code ivoirien de procédure civile.
638
Article 169 de la loi n° 11004 du 14 janvier 1987 portant réforme de l'organisation et de la compétence
judiciaires.
639
Article 72 de l'ordonnance-loi précitée.
640
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995,
pp. 35-36.
156
Cela devient encore plus manifeste lorsqu'une juridiction doit se prononcer sur la
récusation de son chef de corps ou le chef du ressort. Tel est le cas de la Cour d’appel de
Bukavu (République démocratique du Congo) qui a rejeté une demande de récusation à
l'encontre de son premier président649. Cette Cour d’appel ne se prononcerait pas en toute
impartialité dans l'affaire en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de
641
Article 231 du Code sénégalais de procédure civile.
642
Article 653 alinéa 2 du Code sénégalais de procédure pénale.
643
Qui correspond respectivement au tribunal de paix ou de grande instance.
644
Articles 236 du Code sénégalais de procédure civile et 651 du Code de procédure pénale.
645
Articles 129 et 130 du Code ivoirien de procédure civile ; articles 640 et 641 du Code ivoirien de procédure
pénale.
646
Articles 539 à 541 du Code béninois de procédure pénale ; articles 428 et 430 du projet du Code béninois de
procédure civile ; articles 567 et 568 du projet du Code béninois de procédure pénale.
647
Articles 168 ; 171 et 172 de la loi n° 1/004 du 14 juin 1987 portant réforme du Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires.
648
Articles 72, 74, 75 et 76 de l'ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982 portant Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires.
649
C.A. Bukavu, 5 novembre 1985, en cause Mme Shamamba N. c/premier président Munona N., R.R.011,
inédit.
157
Il est indéniable qu’une requête en récusation bien fondée rétablit la partie qui l’a
introduite dans son droit au juge impartial tout en renforçant la foi due à l’institution
judiciaire elle-même. A cet égard, le Code congolais de l’organisation et compétence
judiciaires (article 76 du Code d’OCJ) a prévu qu’en cas d’infirmation du jugement rejetant
la récusation c’est-à-dire lorsque la décision est admise après épuisement d’appel, la
juridiction qui a admis la récusation doit annuler les actes accomplis par le juge récusé, et
renvoiyer les parties devant le même tribunal pour y être jugées par un autre juge ou devant
un tribunal voisin du même degré, sans préjudices de l’action disciplinaire. Nous estimons
que tels actes accomplis par le juge qui ne présente pas les garantie d’impartialité sont
irréguliers, n’ont pas de valeur juridique et doivent être écartés des débats, lesquels sont,
après récusation, repris ab initio par le nouveau siège. En conséquence, tout acte posé par un
650
Cass. belge (lère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Pas., 2001, p. 1587 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
651
Cass. française (2 ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6.
652
Cour suprême de justice, 27 avril 1995, R.R.02/CR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp.
36-40 ; C.S.J., 18 mai 1995, BA et crts c/ B., Bo, Ti et N., RR.03, Ibidem, pp. 40-42.
653
Ibidem, pp. 36-40.
654
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, pp. 35-
36.
655
Article 75 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaires.
656
D'après l'article 75 du Code congolais de l'organisation et compétence judiciaires, elles varient entre
l'équivalent de 50 $ US à 1000 $ US.
158
juge après qu’il s’est vu notifié la requête en récusation ou après le prononcé de la décision
de récusation est nul657.
C. Le déport
Lorsqu’un magistrat est conscient qu’il a un intérêt dans une affaire, le magistrat a
l’obligation de s’abstenir de siéger. Il doit se récuser ou mieux se déporter. Le déport se
définit comme le fait pour le juge, avant même d’être récusé, de s’abstenir dans une affaire
pour motif de conscience, ou parce qu’il suppose en sa personne une cause d’incompatibilité
ou de récusation658.
Les causes du déport sont prévues à l’article 78 du Code d’OCJ. Cet article prévoit que
le juge se trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 71 (et non par erreur de frappe
l’article 73) est tenu de se déporter, sous peine de poursuites disciplinaires. Or, l’article 71 du
Code d’OCJ énumère les causes de récusation. Autrement dit, les causes du déport sont les
mêmes que les causes de récusation. Dans ces circonstances, lorsque le juge estime lui-même
qu’il se trouve dans les conditions prévues à l’article 71 du Code d’OCJ, il doit se récuser ou
se déporter. De même, les autres causes du déport non énumérées à l’article 71 du Code
d’OCJ sont laissées à la discrétion du magistrat lorsqu’il estime qu’il existe un doute dans
son chef ou des tiers quant à sa stricte impartialité. Autrement dit, le magistrat estime de par
sa conscience qu’il n’est plus en mesure de juger l’affaire en toute impartialité. Il concède
qu’il ne se croit pas placé dans des conditions d’impartialité suffisantes pour rassurer sa
conscience et inspirer confiance aux tiers ; bref, il ne présente par les garanties d’impartialité
auxquelles tout accusé a droit659.
De la sorte, dès que ses relations avec un partie ou toutes autres circonstances risquent
d’altérer, si peu que ce soit, son indépendance et son impartialité de jugement, le magistrat a
l’obligation déontologique de refuser de siéger, c’est-à-dire se déporter. Ainsi, constitue une
cause de déport toute circonstance dans laquelle le justiciable peut légitimement redouter que
le juge n’offre pas toutes les garanties d’impartialité660.
Enfin, doit être cassé l’arrêt d’une Cour d’appel signé par un conseiller qui avait déjà
siégé dans la même affaire quand il était juge au premier degré et que, dans ces conditions, il
ne s’est pas déporté en application de l’article 71 du Code d’OCJ661 étant donné qu’il s’agit là
d’un devoir professionnel et même de conscience pour lui.
657
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.522
658
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, n° 205.
659
Cass. Belge, 21 février 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 750.
660
Liège, 17 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1033.
661
CSJ, 2 février 1972, RP60 Bull. 1973, p. 16.
159
Le renvoi est un moyen par lequel une partie suspecte la partialité de tous les
magistrats d’une juridiction, saisit une juridiction supérieure pour que sa cause puisse être
renvoyée, connue, tranchée par une autre juridiction du même ordre et de la même catégorie
que la juridiction suspectée. Il est prévu pour les articles 82 à 83 du code d’OCJ. Nous
aborderons le renvoi pour cause de suspicion légitime et le renvoi pour cause de sûreté
publique.
a) Principe
Le renvoi pour cause de suspicion légitime est le moyen par lequel une partie suspecte
la partialité de tous les juges d’une juridiction, s’adresse à une juridiction supérieure pour que
sa cause puisse être renvoyée, connue, tranchée, par une autre juridiction que celle suspectée.
Il s’agit donc d’une mesure collective en ce sens que lorsque la demande aboutit, l’affaire est
retirée à une juridiction dans sons ensemble parce que l’une des parties a des raisons légitimes
de craindre que cette juridiction ne traitera pas sa cause avec l’impartialité et l’objectivité
nécessaires662.
La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « suspicion légitime ». Mais nous
pensons qu’il y a « suspicion » du juge saisi d’un litige, lorsqu’une partie n’a pas confiance de
la juridiction dans son impartialité. Cette suspicion n’est « légitime » que si elle est fondée sur
des raisons sérieuses663.
662
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 310.
663
M. DELANGE, De l’intervention de la Cour de cassation dans le dessaisissement du juge et dans le renvoi
d’un tribunal à un autre, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée judiciaire le 2 septembre 1974,
Bruxelles, Bruylant, p. 9.
160
Les causes de suspicion légitime ne sont en général ni énumérées par la loi ni définies
par la même loi. Mais il est requis que ces causes soient sérieuses et à la fois graves. Ne
peuvent constituer une cause de suspicion légitime des allégations vagues de haine ou
d’inimitié entre les juges et une partie au procès. Il appartient donc au juge de renvoi
d’apprécier souverainement la cause de suspicion légitime.
664
C.S.J., 30 novembre 1983, R.R.28, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour
suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. renvoi pour cause de suspicion légitime, n°
29, p. 202.
665
C.S.J., 3 mars 1982, R.R.13, in DIBUNDA K., Ibidem, p. 201 ; Cass. Belge (1ère Ch.), 30 avril 2004,
C.04.0183.F, Larc. Cass., 2004, p. 126.
666
TH. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 2e éd. Montchrestien, 2002, p. 859 ; J.M. PIRET, « Impartialité
du juge et suspicion légitime », in Présence du droit public et des droits de l’homme. Mélanges offerts à
Jacques Velu, Tome II, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 861.
667
Cassation belge, 8 juin 2001, Pasicrisie belge, 2001, p. 1083 ; Cassation belge, 10 septembre 2003, R.G.P
03.1239.F.
668
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 227, p. 216.
669
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection
scientifique, 1989, p. 996 ; J.M. PIRET, « Impartialité du juge et suspicion légitime », in Présence du droit
public et des droits de l’homme, Mélanges à Jacques Velu, t. 2, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 862 ;
M.A.BEERNAERT, « De la suspicion légitime et des juges d’instruction », IDJ, 1997, n° 3,
p. 55.
670
Articles 82 et 83 du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires.
161
sérieuses, à la fois graves et précises pour faire craindre que la juridiction dont le
dessaisissement a été demandé ne décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt
personnel relatif à un ou plusieurs membres671.
Tel est le cas d'une requête fondée sur la crainte du demandeur au sujet du manque
d'impartialité et d'indépendance de la juridiction incriminée qui est basée sur l'acharnement
d'un juge à instruire des causes opposant le demandeur à un défendeur qui serait membre de
sa famille672 ou lorsqu'une juridiction comprenant quatre magistrats, deux d'entre eux ne
peuvent plus connaître de l'affaire, pour y avoir déjà siégé avant la cassation, et qu'il est dès
lors impossible à cette juridiction de composer valablement le siège673 ou lorsque toute la
juridiction est suspectée de ne pouvoir juger avec la sérénité requise674.
Il a été jugé que milite en faveur du renvoi de la cause pour suspicion légitime
devant une autre juridiction, l'immixtion d'un gouverneur de province dans les actes de
justice par la tenue à l'intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d'une
causerie morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et
ceux de la Cour d’appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de
statuer sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont
déjà posé des actes établissant que l'impartialité de ceux de la Cour d’appel suspectée n'est
plus assurée675. Il en est de même lorsque le gouverneur de province a pris une part active
dans l’organisation des poursuites et dans l’instruction d’une affaire en décidant
notamment la réincarcération du requérant mis pourtant en liberté provisoire par un juge de
paix et en organisant une campagne de sensibilisation par voie de presse676.
671
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
672
C.A. Kinshasa-Matete, 24 janvier 1996, Booto N. c/Mpayi K., R.R.034, Revue analytique de jurisprudence du
Congo, janvier à décembre 1997, p. 46.
673
Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la
Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 30, p. 202.
674
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R . R . 13, in DIBUNDA K., op. cit., n° 20, p. 201.
675
Cour suprême de justice, 16 mars 1990, R.R.148, affaire Ba et Ka c/Cour d’appel de Lubumbashi, in Revue
juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1, 2 et 3, pp. 46-47.
676
C.S.J., 10 février 1987, M. contre Cour d’appel de Lubumbashi, RR 83, Revue juridique du Zaïre, 1987, p.
107, note Dibunda.
162
De même, la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime devient sans objet
lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du litige avec
l'examen de 1a requête par la Cour suprême de justice678 ou si les juges mis en cause sont
décédés entre-temps et remplacés par d'autres et que la partialité de ceux-ci n'est pas
démontrée679 ou si les membres de la composition du siège ont été mutés680 ou lorsque le
tribunal mis en cause n'est pas encore saisi681 ou si la demande s'appuie sur une erreur
matérielle de la juridiction mise en cause682 ou lorsque la demande de suspicion légitime ne
concerne pas tous les juges composant la juridiction683.
Comme pour la récusation, la requête aux fins de suspicion légitime doit s'appuyer
sur des faits précis et probants. Mais, il est regrettable de constater que la Cour suprême de
justice congolaise accueille une telle demande alors que les faits dénoncés à l'encontre des
magistrats du siège ne sont pas établis, au motif qu'étant donné que ceux-ci devraient se
déporter et qu'en tenant compte du nombre restreint des magistrats et de multiples causes
d'indisponibilité qui peuvent affecter ceux des juges contre lesquels le requérant n'a pas
articulé de griefs ou bien le siège risque de ne pas être facilement composé dans un délai
raisonnable, ou bien, il ne pourrait pas statuer en toute sérénité684.
Nous pensons que lorsque les faits ne sont pas établis, l'on ne peut pas accepter la
demande de suspicion légitime car cela risque de perturber inutilement l'administration de
la justice. Il est étonnant de trouver un tel raisonnement à la Cour suprême d'autant plus
677
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-
1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve
Thomba Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29
novembre 1988, Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de
justice, 24 février 1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ;
C.S.J., 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
678
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R 32 ; in
DIBUNDA K. MP., op. cit., p. 201.
679
Cour suprême de justice, 9 mars 1990, R.R.147, Affaire F et Trabeza c/Cour d’appel de Lubumbashi, in
Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1-2 et 3, pp. 46-47.
680
Cour suprême de justice, 24 février 1989, R.R.140, MB c/Mr et Mme C, in Revue juridique du Zaïre, n° 1-2
et 3, 1989, p. 40 ; Cour d’appel de Bukavu, 1er décembre 1987, R.S.L.034, Les Etablissements Kima-SPRL c/
le tribunal de grande instance de Kindu, inédit.
681
Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, R.R. 163, MW c/ H, in Revue juridique du Zaïre, janvier à août
1993, n° 1 et 2, p. 22 ; Cour d’appel de Bukavu, 18 novembre 1988, R.S.L.039, affaire Bwindwa Mukunda c/
le tribunal de grande instance de Bukavu, inédit.
682
Cour d’appel de Bukavu, 26 janvier 1982, R.C.R.001, affaire Mayele Ukumu c/Kayigi Petit et tribunal de
grande instance de Goma, inédit.
683
Cour suprême de justice, 12 septembre 1997, R.R.247, L.M. Lopes Lima c/Sté Copra-Congo Mr Frenando et
Sté Tomemar, Revue analytique de jurisprudence du Congo, janvier à décembre 1997, vol. II, fascicule
unique, p. 31 ; Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11, in DIBUNDA M., op. cit., n° 27, p. 201.
684
Cour suprême de justice, 18 février 1982, R.R.9, in DIBUNDA, K. MP., op. cit., p. 201, n° 25.
163
qu'en cette matière la loi exige des parties qui l'invoquent d'en produire la preuve. Aussi,
étant donné que la suspicion légitime vise toute la juridiction, il est incompréhensif que l'on
accepte le renvoi alors que tous les juges de la composition ne sont pas mis en cause685.
De même en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas énumérées par
la loi. Celles-ci sont laissées à l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être
diverses. En principe elles ont pour but de garantir l'impartialité de la juridiction
suspectée.
Par contre en France, les causes de suspicion légitime sont les mêmes que celles
de la récusation686. Lorsque ces causes ne sont pas déterminées, l'hypothèse qui conduit
généralement au dessaisissement pour cause de suspicion légitime quant à l'aptitude à
juger de manière objective et impartiale résulte des sentiments favorables ou défavorables
qui pourraient animer un tribunal chargé de connaître d'une affaire lorsque la personnalité
des parties en cause est particulière en raison de liens professionnels ou de liens de famille
ou de toutes autres considérations. Aussi, les motifs invoqués doivent être précis, sérieux
et de haute gravité. Nous allons valider cette hypothèse.
685
Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA,
K. MP., op. cit., pp. 201-202.
686
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
687
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, R.G.C.01.0571.N., Larc. cass., 2002, n° 793, p. 149 ; Cass.. belge (1ère
ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
688
Cass. belge, 1er avril 1998, Pas., 1998, I, p. 424 ; Cass. belge, 13 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 336 ; Cass. belge
(1ère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
689
Cass. française, crim., 3 novembre 1995, Bull. inf. cour cass., 1er mars 1995, n° 240 ; Dr. pénal,1995, comm.
27, obs. A. Maron.
690
Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Larc. cass., 2001, p. 317, Pas., 2001, p. 1587 ; Cass.
française (2e ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas.., 2000, 1473.
691
Cass. belge (2e ch.), 10 octobre 2001, P.01.1321.F., Pas.., 2001, 1615 ; Larc. cass., 2001, p. 318 ; Dans le
même sens Cass. belge (2e ch.), 22 juin 1999, P.99.0899.N., Pas., 1999, I, 956 (le juge s'était constitué partie
civile au tribunal correctionnel) ; Cass. belge (ch. vac.), 27 juillet 1999, Larc. cass., 1999, p. 234 ; Cass. belge
(2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771.F, Larc. Cass, 2003, p. 150 (le requérant avait harcelé deux juges
d'instruction près le tribunal de première instance) ; Cass. belge (2e ch.), 22 novembre 2000, P.00.1355.F.,
Pas., 2000, 1788 (aucun membre effectif de cette juridiction n'avait estimé pouvoir siéger en la cause et que la
partie civile y était conseiller suppléant) ; Cass. française, 16 mai 2000, Bull. crim., mai 2000, n° 191, pp. 564-
565 (le requérant avait déposé plainte avec constitution de partie civile contre le juge d'instruction) ; Cass.
164
De même, constitue une cause de suspicion légitime, les relations tendues qui
s’observent entre, d’une part, les membres d’une association dont font partie le requérant
ainsi que d’autres membres qui siègent au Conseil ou sont appelés à y siéger et, d’autre part,
plusieurs autres membres du Conseil693 ou l'un des juges est la partie demanderesse dans
deux causes pendantes devant le même tribunal694, le fait que deux juges d’instruction du
même tribunal soient victimes de harcèlement695, le fait que l'épouse du requérant soit juge
d'une juridiction saisie696 ou le fait que les personnes lésées par les faits imputés au prévenu
soient la fille, le mari et le fils de l'auditeur du travail du même arrondissement judiciaire697
ou la victime soit le substitut du procureur du Roi dans un arrondissement judiciaire
limitrophe et fils du procureur du Roi compétent698 ou aussi la victime soit le fils du
Procureur général près la Cour d’appel d'autant que la juridiction saisie est le tribunal de
première instance du même ressort où ledit magistrat occupe les plus importantes
fonctions699 et la circonstance que le requérant a introduit ou avait introduit des procédures
contre les organes du conseil provincial compétent en matière disciplinaire700.
Tel est le cas d'une requête qui se fonde sur des griefs critiquant l'interprétation des
règles de droit par le juge de fond704 au motif que les juges auraient commis des erreurs de
belge (3e ch.), 3 décembre 2001, C.01.0517.F., Larc. cass., 2002, p. 111 (l'une des partie litigantes exerçait les
fonctions de conseiller à la Cour d’appel).
692
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, C.01.0571.N, Pasicrisie belge, 2002, 189.
693
Cass. belge (1ère ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F, Pasicrisie belge, 2002, 205.
694
Cass. belge (1ère ch.), 4 mai 2000, C.00.0131.N., Pas., 2000, I, 842.
695
Cass. belge (2e ch.), 28 mai 2003, P.03.0771.F., Rev. dr. pénal et criminologie, 2003, pp. 1312-1313 ; Cass.
belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771, J.L.M.B., 2004, p. 333, note F. Kuty, pp. 334-336.
696
Cass. belge (2e ch.), 5 novembre 1996, Pas.., 1996, I, 1081.
697
Cass. belge (2e ch.), 23 janvier 2001, P.01.1625.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
698
Cass. belge (2e ch..), 10 octobre 2000, P.00.1352.N., Pas.., 2000, 1516 ; Larc. cass., 2000, p. 343.
699
Cass., belge (2è ch.), 19 juin 2002, Journal des procès, 28 juin 2002, n° 440, p. 9.
700
Cass. belge (lère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
701
Cass. belge (1ère ch.), 8 juin 2001, C.01.039.N., Pas., 2001, 1083 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001,
P.01.0048.F., Larc. cass., 2001, p. 68, Pas., 2001, 161 ; Cass. belge (lere ch.), 9 novembre 2000 ; C.00.0592.F.,
Larc. cass., 2000, p. 342 ; Pas., 2000, 1720.
702
Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98 ; Cass. belge (2e ch.), 12 décembre 2001, P.01.1587.F.,
Larc. cass., 2002, p. 111 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001, P.01.0048.F., Pas., 2001, 161 ; Cass. belge
(1ère ch.), 9 novembre 2000, C.00.0592.F., Pas., 2000, 1720 ; Cass. belge (ch. vac.), 18 juillet 2000,
C.00.0333.F., Larc. cass., 2000, p. 246 ; Cass. belge (2e ch.), 24 mai 2000, P.00.0799.F., Larc. cass., 2000, p.
220 ; Cass. belge (2e ch.), 14 avril 1999, P.99.0444.F., Pas., 1999, I, 511 ; Cass. belge (1e ch.), 10 mai 2001,
C.01.0190.F., Pas., 2001, 819.
703
Cass. belge (2e ch.), 6 mai 1998, Pas., 1998, I, 522 ; Larc. cass, 1998, p. 200.
704
Cass. belge (2e ch.), 1er avril 1998, Pas., 1998, I, 424 ; Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98.
165
procédure ou des applications erronées des règles de droit705 car de telles erreurs pourraient
donner lieu à l'exercice des voies de recours et ne sauraient établir leur partialité, non plus que
faire peser sur eux un doute sur leur impartialité. De même, la seule circonstance qu'un arrêt de
la Cour Européenne des Droits de l'Homme a précédemment constaté la violation de l'article 6
de la CEDH en raison de la durée excessive d'une procédure opposant les mêmes parties devant
diverses juridictions, parmi lesquelles celle saisie, ne constitue pas un motif légitime de
suspecter l'impartialité d'une juridiction706.
705
Cass. française (2e ch. civ.) 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 258, pp. 217-218.
706
Cass. française (2ème ch. civ.), 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 259, pp. 218-219.
707
Cass. belge, 31 mai 2000, RGP.00.829.F.
708
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 693.
709
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
710
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
711
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., I, 693.
712
Cass. belge (lere ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F., Larc. cass., 2002, p. 193.
713
Cass. belge (2e ch.), 10 septembre 2003, P.03.1239.F., Larc. cass., 2003, p. 180.
714
Cass. belge (ch. vac.), 13 juillet 2004, C.04.0258.N., Larc. cass., 2004, p. 240.
715
Ibidem.
716
Cass. belge (1ère ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F, Pasicrisie belge, 2002, 739.
717
Cass. française (2e ch. civ.), 31 janvier 1958, J.C.P., 1958, éd. G, IV, 34 ; Cass. française (2e ch.), 24 janvier
2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6. Dans le même sens Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F.,
166
Le doute manifesté par un plaideur au sujet de l'impartialité des juges composant une
juridiction constitue une manifestation très grave que seuls peuvent justifier des motifs
particulièrement sérieux et pertinents, à l'exclusion de l'injuste rancœur ou des soupçons
imprécis de suspicion légitime. Il s'ensuit que la requête est rejetée si le demandeur indique
qu'il ne met pas en doute l'impartialité des juges718. Il en est ainsi de la simple allégation,
imprécise et non justifiée d'un prétendu climat défavorable au requérant, lequel se plaint de
décisions d'expulsion intervenues à son encontre, du refus d'octroi du bénéfice de l'assistance
judiciaire719, la simple allégation d'une animosité dont le demandeur serait victime de la part des
magistrats d'une Cour d’appel dès lors qu'aucune preuve n'est rapportée720, d'appréhension sans
fondement sérieux721, d'un climat favorable à l'adversaire régnant dans la ville et dont les
magistrats de cette ville pourraient difficilement se dégager722, les vantardises de l'adversaire au
sujet de son influence auprès des membres du tribunal723, le rejet, des réclamations
injustifiées724, l'octroi réitéré de remises sollicitées par l'adversaire725.
Comme nous l’avons souligné, en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas
énumérées par la loi, par contre en France, ce sont les mêmes causes de récusation qui
constituent les causes de renvoi pour suspicion légitime. En conséquence, la suspicion légitime
suppose, en principe, l’existence d’une cause de récusation à l’encontre de tous les membres de
la juridiction concernée726.
La jurisprudence s'est révélée parfois surprenante. Tel est le cas de soutenir qu'est
insuffisante pour entraîner une suspicion légitime un climat défavorable à la sérénité des
juges727, le ressentiment que pourrait éprouver une partie à l'égard du tribunal dont il a dénoncé
certains agissements au garde des sceaux et à la presse728, la requête présentée par un homme
d'affaires dont l'inscription sur la liste des conseils juridiques a été refusée, faisant état de ce
que plusieurs personnes, ayant eu recours à ses conseils auraient perdu leur procès et de ce que
les juges d'appel auraient souligné dans un arrêt son manque de connaissance juridique729.
Nous pensons que ces éléments pourraient à ce jour mettre en doute l'impartialité des
membres du tribunal. En effet, lorsque la sérénité des juges fait défaut, on voit mal comment
Pas., 2001, p. 1587 ; Larc. cass., 2001, p. 317 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000,
1473.
718
Cass. française (2e civ.), 3 juillet 1977, Bull. civ., II, n° 145.
719
Cass. française (2e civ.), 7 mai 1965, Bull. civ., II, n° 414.
720
Cass. française (2e civ), 19 mars 1980, Gaz. Pal., 1980, 2, p. 548, note Viatte.
721
Cass. française (2e civ.), 26 novembre 1964, Bull. civ., II, n° 768.
722
Cass. française (2e civ.), 17 juin 1970, Bull. civ., II, n° 214.
723
C.A. Paris, 11 mai 1938, Gaz. Pal., 1938, 2, p. 130.
724
Cass. française com., 26 janvier 1948, J.C.P., 1948, éd. G. IV, 46.
725
Cass. française (2e civ.), 28 janvier 1954, Bull. civ., II, n° 34.
726
Cour d’appel Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 465, obs. A.D. ; Cour d’appel Versailles, 28 mai
1991, Cahier prud’homal, 1992, 4, p. 61.
727
Cass. française (2e civ.), 14 mars 1963, Bull. civ., II, n° 256.
728
C.A. Aix, 14 mars 1965, J.C.P., 1965, éd. A, IV, 2518.
729
Cass. française (2e civ.), 4 juin 1973, Bull. civ., II, n° 189 ; Dans la même affaire Cass. française (2e civ.), 23
janvier 1974, Bull. civ., II, n° 39 ; Cass. française (2e civ.), 12 avril 1976, Bull. civ., II, n° 118.
167
une juridiction peut juger en toute indépendance et impartialité. Il en est de même de celui qui a
dénoncé les agissements des membres du tribunal au garde des sceaux et à la presse dès lors que
ces derniers risqueraient d'être juge et partie. Enfin, il nous semble qu'une juridiction qui a
souligné dans son arrêt que le requérant n'avait pas de connaissance juridique dans sa
profession de conseil juridique, aurait une opinion négative sur l'une des parties. Dans tous les
cas, ces éléments seraient en violation de l'impartialité subjective ou personnelle. Ceci montre
que la suspicion légitime en droit interne est restrictive que l’impartialité subjective ou
personnelle telle que prônée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg.
Il y a renvoi pour cause de sûreté publique lorsque les juges d’une juridiction sont loin
d’un procès serein et se sentent gravement menacés dans leur sécurité personnelle et dans leur
indépendance et afin de sauvegarder leur impartialité, la juridiction supérieure les dessaisit au
profit d’une autre de la même nature et du même degré.
Le cas de renvoi pour cause de sûreté publique n’est pas indiqué ou défini par la loi,
c’est au juge saisi de la requête de renvoi qu’appartient de décider souverainement pour
chaque cas d’espèce. Mais cette requête est souvent consécutive aux réactions vives, violentes
et parfois passionnées de l’opinion publique à propos d’un procès engagé devant une
juridiction au point de perturber l’ordre public.
Le renvoi pour cause de sûreté publique est sollicité lorsqu’il y a lieu de craindre que
la tranquillité publique puisse être compromise si la cause devait être jugée par la juridiction
qui en est saisie. Elle s’étend également à la menace qui pèse sur l’indépendance de la
juridiction saisie730 et par voie de conséquence, sur son impartialité.
Cette procédure a pour but d’éviter que le contenu de la décision judiciaire prononcée
dans un climat de trouble et d’atteinte à la tranquillité et à la sécurité publique ne puisse pas
être influencé par des considérations étrangères à une administration impartiale et sereine de
la justice. Les nécessités de la sûreté publique se font sentir lorsque l’indépendance et
l’impartialité des juges sont menacées de manière directe ou indirecte.
Les circonstances de renvoi pour cause de sûreté publique se fondent notamment sur la
nécessité de maintenir la sûreté ou de préserver les magistrats de l’état de guerre ou de risque
d’émeute, de violences, de désordre, de troubles et d’intimidation. C’est lorsque notamment la
chambre du conseil avait été envahie, des débats interrompus, les juges contraints de se
réfugier dans un autre local, les serrures avaient été brisées, le président avait été outragé ; de
nouveaux troubles étaient à craindre731.
730
W. DUJARDIN, « Des règlements de juges et de renvois d’un tribunal à un autre », Les novelles, Procédure
pénale, t. II, vol. II, Bruxelles, Larcier, 1949, n° 155.
731
Cass. française, requête, 17 décembre 1946, JCPA 1947, IV, 672.
168
C. La décision de renvoi
Le renvoi d’une affaire de l’une à l’autre juridiction est une importante décision sur le
plan des règles de compétence et d’organisation judiciaires. Il a en effet pour résultat de
provoquer une prorogation (dérogation, exception) de la compétence de la juridiction de
renvoi et de soustraire une partie à son juge naturel.
a) La juridiction compétente
Une décision de renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique est en
général l’œuvre d’une juridiction supérieure à celle suspectée de partialité. Il est en effet
difficile d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction
saisie du litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.
b) La procédure de renvoi
demande (1), la juridiction compétente et voies de recours (2) ainsi que les sanctions
applicables (3).
1. L’introduction de la demande
La requête en renvoi pour cause de suspicion légitime est considérée sans objet
lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du litige avant l’examen
de la requête par la Cour suprême de justice735ou avant même que la Cour suprême de justice
n’ait examiné le bien-fondé de la demande, la Cour d’appel suspectée a statué dans la cause
en déclarant l’appel irrecevable736.
De même, peut être irrecevable pour défaut de qualité, une requête en renvoi de
juridiction pour une cause de suspicion légitime portant la signature illisible d’un avocat non
identifié et non muni de procuration spéciale pouvant établir qu’il a été mandaté pour ce
faire737.
732
Article 83 du Code congolais de l’organisation et de la compétence judiciaires.
733
Cour suprême de justice, 2 février 1982, R.R.15 ; Cour suprême de justice, 15 février 1982, R.R.16, in
DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa,
Ed. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime, n° 26, p. 201 ; C.S.J., 7 septembre 2003, B.
contre Cour d’appel de Kin/Gombe, RR 393, RAJC, vol. VIII, janvier à décembre 2003, fascicule unique, pp.
9-10, note Dibunda ; T.G.I. Mbujimayi, 9 avril 2001, N. c/ M., RPA 362/TGI, RAJC, janvier à décembre 2001,
vol. IV, pp. 43-44.
734
Cour d’appel de Kinshasa, 3 avril 1987, RCA 13.128 ; KATUALA K K., Code judiciaire zaïrois annoté,
Kinshasa, éd. Asyst S.P.R.L., 1995, p. 34; C.S.J., 16 juin 1982, RC 545, in DIBUNDA M., op. cit., n° 23, p.
201.
735
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in
DIBUNDA M., op. cit., n° 18, p. 201 ; C.S.J., 17 juillet 1992, Mw c/H, RR 163, Revue juridique du Zaïre, p.
22.
736
Cour suprême de justice, 13 mai 1981, R.R.10, in DIBUNDA M., op. cit., n° 19, p. 201.
737
C.S.J., 27 février 1987, Op. contre Christian et Cour d’appel de Kinshasa, RR 109, Revue juridique du Zaïre,
1987, p. 107.
738
Articles 231 et 236 du Code sénégalais de procédure civile.
739
Article 61 de la loi n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation sénégalaise.
170
Contrairement au Sénégal, les parties sont invitées à présenter chacune leurs moyens,
la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime n’est susceptible ni d’opposition ni
d’appel747. Relevons qu’aucune cause de suspicion légitime ne peut être soulevée contre la
Cour suprême de justice, Cour de cassation et Cour constitutionnelle compte tenu du fait
qu’aucune juridiction supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une demande éventuelle de
renvoi.
740
Ibidem.
741
Article 653 du Code sénégalais de procédure pénale.
742
Article 236 du Code sénégalais de procédure civile.
743
Article 34 de la loi n° 94-440 du 16 août 1994, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et
le fonctionnement de la Cour suprême modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ; article 631
du Code ivoirien de procédure pénale.
744
Article 106 de l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition,
l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ; article 437 du projet de loi portant
Code de procédure civile au Bénin.
745
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977,
p. 5.
746
Cour suprême de justice, 19 août 1983, R.R.29, in DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de
la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 28, p. 201.
747
Articles 82 et 83 de l’ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982 portant Code de l’organisation et de la
compétence judiciaires, in Journal officiel de la République du Zaïre n° 7 du 1er avril 1982, p. 39 ; Journal
officiel de la République du Zaïre n° 7 du 1er avril 1983, p. 9.
171
Les législations africaines n’ont pas prévu les sanctions à l’encontre du demandeur
d’une requête téméraire et vexatoire en matière de suspicion légitime. D’ailleurs, la Cour
suprême de justice congolaise s’est déclarée incompétente pour statuer sur les mérites d’une
demande en réparation du préjudice causé par une requête en renvoi pour cause de suspicion
légitime introduite à la légère et pour des fins purement dilatoires748. Les mêmes raisons que
nous avons soulevées concernant la nécessité de renforcer des sanctions civiles en matière de
récusation s’y appliquent mutatis mutandis. Elles auront pour but de décourager ceux qui
voudraient inutilement salir l’image des juges par des demandes de suspicion légitime
dilatoires et vexatoires susceptibles de retarder l’issue du procès. Comme pour la récusation,
les actes accomplis par une juridiction ne présentant pas les garanties d’impartialité doivent
être considérés irréguliers et écartés des débats, lesquels sont, après suspicion légitime repris
ab initio par la juridiction désignée.
Les voies de recours sont des procédures ouvertes aux parties ou aux tiers en vue
d’obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé en tout ou en partie749. Le législateur a
prévu plusieurs mécanismes pour protéger les justiciables contre les abus et l’arbitraire de la
justice, à savoir : les voies de recours ordinaires (§1) et les voies de recours extraordinaires
(§2).
Il s’agit des voies de recours ouvertes aux parties dans tous les cas et permettent
d’attaquer en tous points la décision. Elles produisent un effet suspensif de l’exécution. L’on
distingue l’appel et l’opposition.
A. L’appel
Ce recours vise la réformation d’un jugement ou arrêt par une juridiction supérieure
pour mal jugé. La juridiction d’appel statue en fait et en droit c’est-à-dire sur la forme et sur le
fond (articles 96 à 108 du Code de procédure pénale, articles 66 à 79 Code procédure civile).
En matière pénale, le délai est de 10 jours francs. Ce délai est augmenté des délais de distance
de 1 jour pour 100 km et ne peut dépasser 45 jours. En matière civile, le délai est de 30 jours.
Celui qui exerce cette action s’appelle l’appelant. Ce recours ouvre un second degré de
juridiction aux fins d’un réexamen complet du litige.
748
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R.R.13, in DIBUNDA M, ibidem, n° 22, p. 201.
749
G. DELEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2005, n° 188, p. 279.
172
Pour pouvoir faire l’appel d’une décision judiciaire, l’on doit justifier d’un intérêt. En
conséquence, viole le principe général du droit, le jugement qui a reçu l’appel alors que
l’appelant avait obtenu tout ce qu’il avait demandé devant le premier juge750.
En principe, le même juge qui a siégé au premier degré ne peut plus siégé en appel car
sa décision peut faire l’objet du pourvoi en cassation étant donné qu’il y a violation de la loi.
De même, le principe d’impartialité du juge exige que le même juge n’agisse pas aux
différents degrés de juridiction, au sujet de la même affaire et mêmes parties étant donné qu’il
y aurait dans son chef un « préjugement » qu’il chercherait à confirmer en appel. Cette
absence d’impartialité est ainsi évidente en matière pénale751, civile752, administrative et en
matière disciplinaire753.
B. L’opposition
750
C.S.J., 29 août 1979, Bull., 1984, p. 251.
751
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de droit, U. C. L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 385 – 389.
752
Ibidem, pp. 480 - 484
753
Ibidem, pp. 520 -522.
754
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 495, p. 421.
755
T. G. I. Ndjili / appel, 25 juillet 1988, RPA 956 / 685, inédit.
756
E. JEULAND, op.cit, n° 495, p.421.
173
Il s’agit des voies de recours ouvertes dans les cas spécifiés par la loi et qui, en règle,
ne peuvent être exercées que dans la mesure où les voies de recours ordinaires ont été
épuisées759. L’exercice de ces recours n’est pas suspensif de l’exécution, à moins qu’un texte
légal dispose autrement. Il convient de les parcourir rapidement.
A. La tierce opposition
Ce recours est porté devant la juridiction qui a rendu la décision querellée par une
personne lésée par le dispositif du jugement, alors qu’elle n’a pas été partie au procès, n’en
étant pas informée ni représentée conventionnellement ou suivant les présomptions légales de
représentation en justice (articles 80 à 84 du Code de procédure civile et article 84 du Code de
procédure devant la CSJ). Cette procédure n’existe en principe qu’en matière civile et
administrative mais non en matière pénale et constitutionnelle. En matière administrative, elle
suppose que le tiers ait un droit lésé alors qu’il ne s’agit que d’intérêt en procédure civile760.
Celui qui exerce cette action est appelé tiers opposant.
La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire qui confère le droit à un tiers
non appelé à la cause, de s’opposer à une décision qui préjudicie ses droits. En d’autres
termes, c’est la voie de recours ouverte aux tiers pour rejuger en fait et en droit un jugement
qui affecte leurs intérêts761. Comme on peut le constater, pour former opposition, il faut être
tiers à la décision attaquée. Est tiers, la personne qui n’est ni partie, ni représentée. Dès lors,
ne peut être qualifié tiers opposant mais opposant, celui, qui, étant déjà partie volontaire,
intervenante au premier degré, fit recours contre la décision du Tribunal de sous-région
statuant en annulation alors qu’il n’avait pas été à cette instance762.
757
T. KAVUNDJA N. MANENO, Op. Cit, thèse de doctorat en droit, pp. 399 – 403.
758
Ibidem, pp. 489 – 492.
759
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, n° 189, pp. 279-280.
760
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 493, p. 418.
761
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ; S. GUINCHARD (sous
direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 5ème éd. Dalloz, 2006-2007, n° 551.11, pp.1154-
1172 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n° 440, pp.455 et s ; L. CADIET et
E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006,n° 852, p. 533 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., n° 493, p.418.
762
CSJ, RC47/8/5/1974, Bull. 1975, p. 137.
174
Par contre est tiers celui qui n’a pas été appelé ou qui n’est pas intervenu à la cause,
en la même qualité que celle dont il entend se prévaloir pour justifier l’intentement
(l’introduction) du recours. L’existence de cette voie de recours est liée au fait que l’autorité
de chose jugée n’a d’effet qu’entre les parties : un tiers, auquel le contenu d’une décision
porte préjudice – par exemple en ce qu’elle va le déforcer dans un procès qu’il doit lui –
même soutenir contre l’une des parties au litige originaire – peut donc solliciter la rétractation
de cette décision en ce qu’elle lui fait grief.
B. L’intervention
C’est le fait pour quelqu’un de se présenter à l’audience pour défendre ses intérêts qui
risquent d’être compromis par le procès, dès lors qu’il en a été informé et n’était pas partie à
l’instance (article 83 du Code de procédure devant la Cour Suprême de Justice).
L’intervention est la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès déjà engagé
entre d’autres personnes766. Elle tend donc soit à la sauvegarde des intérêts de l’intervenant ou
de l’une des parties soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie.
Concrètement, elle consiste à une personne, tiers par rapport au procès à l’origine, s’associe
ou soit associé à celui-ci au cours de l’instance. Le Code de procédure civile est muet à son
égard. C’est pourquoi, en dehors de la Cour de cassation (Cour suprême de justice) où elle est
réglementée, dans les autres juridictions, la faculté d’intervention repose sur une nécessité non
seulement de la pratique judiciaire mais encore d’équité ; elle est fondée sur une tradition
constante. Celui qui exerce cette action s’appelle l’intervenant.
C. L’annulation
En principe, ce recours ne concerne pas les juridictions de l’ordre judicaire mais plutôt
les juridictions de l’ordre administratif. Concernant les juridictions de l’ordre administratif,
ce recours vise à mettre à néant les décisions des autorités administratives locales ou
provinciales ou nationales pour violation de la loi (articles 146 à 149 du Code d’organisation
763
T. KAVUNDJA N. MANENO, Op. Cit, thèse de doctorat en droit, p. 403.
764
Ibidem, pp. 491 – 492.
765
Conseil d’Etat français, 10 décembre 2004, Sté Resotim, AJDA 2005, 782.
766
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006, n° 459, p.282 ; S.
GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 5ème éd. Dalloz, 2006-2007,
n° 312.04, p.552 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n ° 165, p. 98 ; J.HERON et
Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112, p. 98.
175
D. La prise à partie
Cette procédure est complexe et rare dans la pratique. C’est un recours porté par un
justiciable devant la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice) contre un magistrat pour
dol, concussion commis soit dans le cours d’instruction, soit lors de la décision rendue ou
pour déni de justice (articles 58 à 67 du Code de procédure devant la CSJ). C’est donc une
action qui tend essentiellement à sanctionner la responsabilité civile du magistrat et à réparer
le préjudice causé à un plaideur par une faute professionnelle767. Comme on peut le
remarquer, les causes principales de la prise à partie sont le dol, la concussion et le déni de
justice. Il convient de les expliquer brièvement.
Le dol est un comportement malhonnête ; c’est la mauvaise foi. Elle se traduit par des
manœuvres frauduleuses, notamment la suppression du dossier d’une pièce décisive,
l’altération d’une pièce ou du jugement lui-même ou la collusion avec une partie768. Le dol
peut consister notamment dans le fait pour un magistrat d’avoir omis de signaler certaines
stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé tronqué des autres en
les escamotant ou le fait de donner une version erronée des faits, sciemment conçue comme
artifice pour rendre vraisemblable l’interprétation de la loi et la décision prise769.
Le dol est caractérisé par les artifices et les manœuvres auxquelles les magistrats pris à
partie ont recouru pour donner à leur décision les apparences d’un arrêt juridiquement valable
alors que les griefs relevés dénotent clairement qu’en réalité ils étaient résolus à favoriser une
partie par l’adoption facile de sa thèse pourtant battue en brèche tel qu’il résulte du jugement
du premier degré770. Le dol requis pour la prise à partie d’un magistrat est celui prévu en droit
767
CSJ, 5 juillet 1994, RAJC, 1997, p. 15 avec note de Dibunda.
768
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
769
KATUALA KABA KASHALA ET YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes
annotés de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p.125.
770
CSJ, 5 juillet 1997, RPP 30, Ibidem, CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, Vol. II, fascicule unique,
janvier à décembre 1997, pp. 21-27 ; CSJ, 13, mars 1997, P.C. contre juges, Ordonnance RPP 57 ; CSJ, 24
176
civil, constitué par une manœuvre frauduleuse, une machination destinée à tromper un
plaideur dans le cours de l’instruction ou lors de la décision rendue, mais non celui prévu en
droit pénal, consistant notamment dans l’intention frauduleuse ou intention de nuire et
constituant l’élément moral de l’infraction771. Le dol suppose la mauvaise foi et consiste soit
en manœuvres frauduleuses ayant l’objet de tromper l’une des parties à un acte juridique, soit
en une faute professionnelle lourde. Tel est le cas du juge qui fait état d’une décision
antérieure inexistante pour justifier les mesures conservatoires772 ou du magistrat qui a adopté
au cours de l’instruction de la cause ou lors de la décision, un comportement coupable d’où il
résulterait un acte de malice ou l’intention de nuire773. De même, la faute professionnelle du
magistrat mis en cause peut constituer un dol, notamment s’il ya des négligences sciemment
entretenues afin d’aboutir à une conclusion erronée774 ou le fait d’avoir omis de signaler
certaines stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé tronqué des
autres en les escamotant775.
Pour que le dol soit retenu, le requérant doit prouver par toute voie de droit le dol
imputé au magistrat. Ainsi, est dès lors injustifiée et partant non fondée, la requête en prise à
partie fondée sur le dol alors que le requérant ne parvient pas à établir un fait fautif justifiant
avril 1997, UZB contre juge M. Ordonnance RPP 058, in RAJC, fascicule unique, janvier à décembre 1997,
pp. 27-30.
771
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, in RAJC, 1997, p. 22.
772
C.S.J., 14 mars 2003, RRP 130, Plantation Lever au Congo contre Mwingi Iyalo et la R.D. C., in Bulletins des
arrêts de la Cour suprême de justice, 2004, pp. 235-242.
773
C.S.J., 30 novembre 1993, RPP 4, inédit.
774
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
775
CSJ, 5 juillet 1994, RPP 30,in RAJC, 1997, p.16.
776
Ibidem.
777
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, p.28 ; CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit ; CSJ, 18 avril 2003,
RPP 148, inédit.
778
CSJ, 13 mars 1997, ordonnance RPP 57, in RAJC, 1997, p.28.
177
En ce qui concerne la concussion, elle n’est pas encore définie par la jurisprudence de
la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice), sans doute parce qu’elle n’a jamais été
exploitée par les justiciables à cause de la difficulté de la prouver dans le chef du magistrat
suspecté782. Faute de définition du Code d’OCJ ou du Code de la procédure devant la Cour
suprême de justice, nous pensons qu’on pourrait retenir la définition de l’article 146 du Code
pénal congolais. Au terme de cet article, la concussion est le fait pour un fonctionnaire ou un
agent public et en l’occurrence un magistrat d’exiger, de recevoir ou de faire percevoir
sciemment à un titre de droits, taxes ou salaires, de sommes non dues.
Concernant le déni de justice, il existe lorsque les magistrats refusent de procéder aux
devoirs de leur charge ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées (article 59 du
Code de procédure devant la Cour Suprême de Justice). La Cour suprême de justice considère
que sont coupables de déni de justice, les juges qui, en dépit de deux sommations, d’une part,
n’ont accompli aucune démarche soit pour faire refixer la cause qui était pendante devant
leur siège en passant par le greffe, soit pour faire savoir aux parties qu’il leur incombait de
contacter le greffier de leur juridiction pour faire revenir l’affaire ainsi que l’exige l’article 69
du Code de procédure civile, et d’autre part, après avoir décidé d’office la surséance en vertu
du principe le criminel tient le civil en état, n’ont rien fait pour s’enquérir auprès des autorités
du ministère public afin de connaître l’issue de l’action répressive qui avait justifié la
surséance783. Comme on peut le constater, l’ouverture de la prise à partie pour cause de déni
de justice demeure rarement exploitée784.
En principe, la prise à partie ne fait pas de distinction entre les magistrats du siège et du
parquet étant donné que la loi dit seulement « tout magistrat peut être pris à partie »785. Cette
position est affirmée par la Cour suprême de justice786 qui a condamné pour dol deux
magistrats du parquet pris à partie et a mis à néant la requête aux fins de fixation d’audience.
Il s’agissait en l’espèce du magistrat du parquet qui avait fait la proposition des poursuites et
779
CSJ, 29 août 1973, RPP 3, Bulletins des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1984, p. 233.
780
CSJ, 30 novembre 1983, RPP 4, in Répertoire général de la jurisprudence de la Cour Suprême de Justice
1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, n° 10, p. 183.
781
CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit.
782
DIPUNDA NTITA, La jurisprudence de la Cour suprême de justice en matière de prise à partie de 1979 à
2003, in RAJC, Fascicule I, Janvier à juin 2004, p. 49.
783
Voyez KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes
annotés de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p. 128 ; MATADI NENGA GAMANDA,
Droit judiciaire privé, 2006, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées
Nouvelles, 2006, n° 606, p. 538-539.
784
DIPUMBA NTITA, La jurisprudence de la Cour Suprême de justice en matière de prise à partie de 1979 à
2003, in RAJC, Fascicule I, janvier à juin 2004, p. 49.
785
Article 58 de l’ordonnance – loi n° 82 – 017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la cour suprême
de justice, in journal officiel de la République du Zaïre, 1 er avril 1982, p. 11.
786
C. S. J., 22 avril 1997, RPP 055, in RAJC, 1997, p. 40, note Dibunda.
178
de son chef hiérarchique qui l’avait approuvée. De même la doctrine787 estime que l’on
pourrait retenir la prise à partie à l’égard du magistrat du parquet lorsque celui-ci au cours
d’un procès civil, sans raison bien motivée, n’a pas donné son avis endéans quinze jours à
dater de communication du dossier au ministère public.
Nous estimons toutefois que les causes de la prise à partie sont très limitées alors
qu’on peut trouver en pratique des situations regrettables qui peuvent conduire au
dysfonctionnement de la justice, telle que la faute professionnelle du magistrat. En effet, en
dehors du dol, de la concussion et du déni de justice, la prise à partie ne peut être retenue. Et
pourtant, il arrive souvent que le magistrat dans l’exercice de ses fonctions commette une
faute professionnelle qui aujourd’hui n’est pas une cause de la prise à partie. Le droit comparé
nous donne quelques pistes. En effet en France, la procédure de la prise à partie a été
supprimée par la loi n° 79-43 du 18 janvier 1979790 car désormais le magistrat français n’est
responsable que ses fautes personnelles. Mais les juges des tribunaux de commerce et du
Conseil de prud’hommes français sont toujours soumis à la procédure de la prise à partie791.
En Belgique, certes la prise à partie existe (article 1140 à 1147 du Code judiciaire belge) mais
ses conditions sont assez larges : dol ou fraude, si la prise à partie est expressément prononcée
par la loi, lorsque le juge est déclaré responsable à peine des dommages et intérêts. Pour la
République Démocratique du Congo, l’on devrait maintenir la prise à partie en retenant les
causes suivantes : dol, concussion, déni de justice et faute professionnelle du magistrat. Cette
faute professionnelle du magistrat en tant que cause de la prise à partie pourrait d’une
certaine manière rendre le magistrat plus attentif de ses actes en vue de contribuer à une
bonne distribution de la justice. Il appartiendra ainsi à la jurisprudence de déterminer son
contenu. Afin de permettre à tous les justiciables de saisir la justice en cas de nécessité, la
prise à partie devrait être de la compétence de la Cour d’appel d’autant plus que cela
rapprochera la justice des justiciables. En effet, il serait difficile à un justiciable se trouvant
par exemple à Kalémie de se déplacer à Kinshasa afin de saisir la Cour de cassation pour une
prise à partie d’un magistrat car cela lui couterait trop cher lorsqu’on doit tenir compte des
frais de transport, de logement, les honoraires d’un avocat inscrit au Barreau près la Cour de
cassation, de l’état des routes, du désordre des compagnies aériennes. C’est pourquoi, tenant
compte de ces réalités et au vu de l’étendue continentale de la République Démocratique du
787
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Op. Cit, p. 102.
788
R. KAMIDI OFIT, Le système judiciaire congolais: organisation et compétence, Kinshasa, 1999, p. 162.
789
MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Académia-Bruylant,
2002, p. 49.
790
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5èm éd. Litec, 2006, n° 72, p. 51 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14ème éd. Sirey, n° 120, p. 120.
791
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 404, p. 351.
179
Congo, la prise à partie devrait être de la compétence de la Cour d’appel ou si c’est possible,
l’on devrait prévoir des chambres de la Cour de cassation dans toutes les 25 provinces qui
connaitraient cette procédure.
E. La requête civile
a) Notion
Les causes d’ouverture de ce recours sont très étroitement délimitées par la loi792 :
- S’il y a eu dol personnel ;
- Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ;
- S’il y a contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les
mêmes moyens, dans les mêmes Cours et tribunaux ;
- Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues
par le fait de la partie.
Le dol donnant ouverture à la requête civile est celui qui motiverait la nullité d’un
contrat. Il s’agit du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Il comprend toutes
les fraudes et surprises employées pour tromper un juge. Il doit être l’œuvre de l’une des
parties au procès ou de l’avocat représentant la partie concernée ayant pour but d’obtenir un
jugement favorable. L’on doit prouver que le juge a été induit en erreur par une manœuvre
frauduleuse, par exemple, la subordination de témoins. Il s’ensuit que le simple fait d’avoir
affirmé en conclusions ce que l’un savait être faux ou d’avoir donné des réponses
mensongères lors d’une comparution personnelle ne suffit pas à donner ouverture à la requête
civile793. Le délai pour former une requête civile est de 3 mois à dater du jour de la découverte
du fait justifiant le recours. Ce délai étant expiré au moment de la demande, celle-ci n’est plus
recevable794.
792
Article 85 du Code de procédure civile.
793
C. A. Lubumbashi, 6 août 1986, RCA 6968, in RJZ, 1987, n°1, 2 et 3, p. 110.
794
Kin, 28 janvier 1969, RJC, 1969, n°2, p. 192.
180
La requête civile ne peut être formée qu’après consultation de trois avocats exerçant
depuis 5 ans au moins près un des tribunaux du ressort de la Cour d’appel dans lequel a été
rendu795. Or, ce n’est point partout qu’on trouve autant d’avocats répondant à autant de
conditions. C’est pourquoi nous pensons qu’on devrait prévoir des dispositions
exceptionnelles pour les ressorts juridictionnels n’ayant pas de barreau ou ne disposant pas de
trois avocats qui remplissent les conditions.
F. La révision
a) Notion
795
Art. 88 du Code de procédure civile.
796
Art. 70 de l’ordonnance – Loi n°82 – 017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de
justice, in journal officiel de la République du Zaïre, n°7, 1 er avril 1982, p. 11.
797
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
552.05, p. 1173.
798
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 387, p. 237.
181
La question qui nous préoccupe consiste à savoir si le même juge peut connaître les
mêmes faits pour les mêmes parties après révision de la Cour de cassation (Cour suprême de
justice) alors qu’il avait fait partie de la composition du siège avant révision. Il importe de
distinguer la connaissance de l’affaire après révision ainsi que la connaissance de la révision
elle-même.
799
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, L.G.D.J., 2007, n° 496, p.422.
182
le juge était mal informé lors de sa première « connaissance ». C’est pourquoi le principe
d’impartialité n’est pas violé.
G. Le pourvoi en cassation
a) Notion
800
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat en droit, Faculté de droit, UCL,
Louvain – la – Neuve, juin 2005, pp. 493 – 495.
801
CSJ, RC 47, 8/5/1974, Bull. 1975, p. 137 et voir CSJ, RP 131, 13/5/1980, inédit.
183
Dans ces conditions, le droit à un procès équitable, particulièrement l’égalité des armes serait
respectée. En matière civile, le délai est de 3 mois.
Le recours en cassation ne permet pas l’examen par la Cour de cassation (en attendant
c’est l’actuelle cour suprême de justice) du fond des affaires. En effet, lorsqu’un recours est
introduit contre une décision de dernier ressort, la Cour examine si la loi ou la coutume a été
violée par le juge. Dans l’affirmative, la Cour casse la décision et renvoie pour juger au fond
devant une autre juridiction de même degré ou devant la même juridiction mais autrement
composée. Celle-ci rejugera le fond du procès en tenant compte des points de droit déterminés
par la Cour (selon le cas, soit après le premier pourvoi soit après le deuxième pourvoi en
cassation). Dans la négative, la Cour rejette le recours et la décision attaquée en cassation est
définitivement passée en force de chose jugée. En principe, en dehors des bénéficiaires du
privilège de juridiction en matière pénale802, la Cour de cassation jugera des arrêts et
jugements (s’il y a violation de la loi ou de la coutume par la juridiction du second degré) et
non des faits.
Le pourvoi en cassation existe lorsque les juridictions du second degré (appel) ou les
juridictions du premier degré dont les décisions ne sont susceptibles de recours, ont
principalement violé la loi (ou mal appliqué la loi) soit dans sa forme soit au fond. Le terme
« loi » devrait être pris dans son sens large possible. Ainsi, pourrait entrer dans cette catégorie
toute norme formulée par une autorité investie du pouvoir d’exprimer des règles obligatoires
sans que soient déterminantes la forme de l’acte ou son origine. Il s’agit notamment
- Des dispositions normatives élaborées par les pouvoirs établis, tels que
les lois, les ordonnances, les décrets, les arrêtés ministériels de portée
réglementaire, les édits provinciaux et les décisions des autorités
communales, territoriales, de chefferies à caractère réglementaire ;
- Des dispositions normatives reçues et accréditées par le pouvoir telles
que les Conventions internationales de caractère normatif approuvées
par la loi, les Conventions collectives approuvées par arrêté
ministériel ;
- Des principes généraux de droit approuvés par les juridictions
internationales.
Il convient aussi de préciser que le Conseil d’Etat sera une juridiction de cassation
pour les juridictions de l’ordre administratif. Concrètement, lorsqu’un administré est lésé par
une décision administrative rendue par une autorité communale ou de territoire ou de
chefferie ou de secteur ou de localité, il peut saisir le tribunal administratif (prévu dans
chaque ressort du tribunal de grande instance) pour la suspension ou l’annulation de la
décision querellée. Si l’administré n’est pas satisfait, il peut interjeter appel à la Cour
administrative d’appel (prévue dans chaque chef-lieu de province). Si l’administré n’est
toujours pas satisfait et qu’il estime que cette Cour administrative d’appel a violé la loi soit
sur la forme soit sur le fond, il peut dans ces conditions se pourvoir en cassation devant le
802
Article 153 al 2 de la Constitution du 18 février 2006.
184
Conseil d’Etat. Celui-ci peut soit casser la décision rendue par la Cour administrative d’appel
et renvoyer la cause devant une autre juridiction de l’ordre administratif qu’il désigne ou soit
la même juridiction administrative mais autrement composée, soit le Conseil d’Etat peut juger
lui-même le fond de l’affaire et vider complètement ce contentieux.
La question qui se pose ici est celle de savoir si le juge peut connaître des mêmes faits
des mêmes parties après cassation dès lors qu’il avait déjà siégé dans la formation de
jugement dont l’arrêt a été cassé sans empiéter le principe d’impartialité du juge. Nous
pensons qu’il nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une cause sur
laquelle il s’était déjà prononcé car il y aurait dans son chef un préjugement qui enlèverait son
impartialité. Cette position est applicable en matière pénale803, civile, administrative804 et
disciplinaire805. De même, au nom du principe d’impartialité, le juge qui avait déjà connu de
la même affaire et pour les mêmes parties soit en première instance soit en appel, ne de devait
pas faire partie de la composition du siège (s’il devenait plus tard membre de la Cour de
cassation ou du Conseil d’Etat) appelée à se prononcer sur le pourvoi en cassation. Cela se
justifie par le fait que le juge ne peut pas apprécier lui-même son propre jugement en instance
de cassation. En définitive, il risque d’être juge et partie.
Après avoir abordé l’organisation judiciaire, il convient d’examiner dans les pages qui
suivent la compétence judiciaire.
803
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 404-410.
804
Ibidem, pp. 492-493.
805
Ibidem, pp. 522-525.
185
2ème PARTIE
LA COMPETENCE JUDICIAIRE
La compétence est la portion de juridiction attribuée par la loi à chacun des Cours et
tribunaux de l’ordre judiciaire ou administratif ou autre. Il s’agit donc de la capacité d’une
juridiction de connaître d’une matière bien déterminée d’un procès ; autrement dit c’est la
détermination de la répartition du pouvoir de juger entre les divers organes de l’appareil
juridictionnel (juridictions de l’ordre judiciaire, administratif, Cour constitutionnel et autres).
En un mot, la compétence est l’étendue du pouvoir de juger appartenant à une juridiction806.
En somme, quand on l’applique aux juridictions, le mot compétence se réfère à la
détermination et à l’étendue de leurs pouvoirs juridictionnels. On parle de compétence
juridictionnelle.
Concrètement lorsqu’une affaire est soumise à un tribunal ou une Cour, il faut d’abord
et en tout premier lieu, se demander quel ordre de juridiction qui doit connaître telle affaire,
s’agit-il des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ou de la Cour des
comptes ou de la Cour constitutionnelle ? Et s’il s’agit des juridictions de l’ordre judiciaire :
cette affaire doit-elle être portée devant un tribunal de paix, un tribunal de grande instance, un
tribunal de commerce, un tribunal du travail, une Cour d’appel ou une Cour de cassation ?
S’agirait-il du tribunal militaire de police, du tribunal militaire de garnison, de la Cour
militaire, de la Cour militaire opérationnelle ou de la Haute Cour militaire ? Au cas où il
s’agirait des juridictions de l’ordre administratif : l’affaire serait-elle portée devant le tribunal
administratif, la Cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat ? Ces questions obligent à
délimiter ce que l’on appelle traditionnellement, la « compétence matérielle » ou ratione
806
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 1, p. 5 ; E.
JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 365, p. 323.
807
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 48, p.45.
186
Une autre question qui peut se poser, est celle de savoir parmi toutes les juridictions,
laquelle est territorialement compétente. En effet, les règles de compétence territoriale sont
destinées à permettre d’isoler au sein de la catégorie retenue la juridiction précisément
compétente eu égard à son ressort géographique et à la localisation de l’affaire. Si, par
exemple, la compétence matérielle appartient à un tribunal de grande instance, il faut savoir si
le tribunal territorialement compétent est celui de Kinshasa/Gombe, de Kinshasa/Kalamu, de
Kinshasa/Matete, de Kinshasa/Ndjili, de Kisangani, de Lubumbashi, de Bukavu, de Kananga,
de Mbuji-Mayi, de Bandundu, de Matadi, ou de Mbandaka. En un mot, il faut localiser le
litige ou l’affaire dans l’espace, afin de déterminer compte tenu du ressort territorial de
chaque juridiction, laquelle est compétente. C’est cela la « compétence territoriale ou
ratione loci ». En matière de droit privé (civile, commerciale, du travail, etc.), dans certaines
circonstances, les parties peuvent convenir quel serait le tribunal territorialement compétent.
En ce sens, les règles de compétence d’intérêt privé sont édictées dans l’intérêt des
justiciables, dans un souci de commodité des plaideurs808.
Si la personne qui est accusée pour une infraction est soit le Président de la
République, le Premier Ministre, un ministre, un député ou sénateur, un magistrat ; eu égard à
la considération de sa personne de rang assez élevé dans la société, il s’agira de la compétence
personnelle ou ratione personae. De même, lorsque l’auteur de l’infraction est mineur ou
militaire ; en raison de la qualité personnelle du délinquant, il s’agira donc de la compétence
personnelle ou « ratione personae ».
En principe, les règles de compétence matérielle sont d’ordre public parce qu’elles
sont fondées sur des considérations d’intérêt général de sorte que, pour le juge, l’examen de
cette compétence doit précéder celui de sa compétence territoriale et personnelle, de la
recevabilité et du fondement de la demande.
808
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 131, p. 73.
187
A la différence des règles de compétence en matière civile qui n’ont pas toutes un
caractère d’ordre public, en matière pénale (répressive) et administrative, toutes les règles de
compétence sont d’ordre public, car elles ont été instituées dans un intérêt public, celui de la
bonne administration de la justice pénale et administrative. Il en résulte que les parties au
procès pénal ou administratif ne peuvent jamais, par accord, déroger aux règles de
compétence. La prorogation conventionnelle de compétence est interdite809. De plus, puisque
l’ordre public est en jeu, l’incompétence peut être opposée par les parties en tout état de
cause, en appel, si elle n’a pas été en première instance ou en cassation. Enfin, du caractère
d’ordre public des règles de compétence dont la violation entraine la nullité de procédure et la
décision rendue, il résulte que toute juridiction pénale (répressive) ou administrative doit
vérifier sa compétence, et que même si aucune des parties (ministère public, prévenu, partie
civile) n’a soulevé l’exception d’incompétence, elle doit la relever d’office et se déclarer
incompétent810.
L’on retiendra dans cette partie, les organes de la justice du droit moderne, d’une part,
et les organes de la justice traditionnelle, d’autre part.
809
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 517, p. 478 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 366, p. 324.
810
Ibidem.
188
- Les juridictions ;
- Le ministère public ;
- Les auxiliaires de la justice.
- Le mot « Conseil » revient assez souvent pour désigner le Conseil d’Etat. Dans les
juridictions de l’ordre administratif, l’expression « Conseil » est la survivance du temps où la
justice était retenue par le Souverain et où, de ce fait, la juridiction saisie se bornerait à donner
des « conseils » au ministre et au chef d’Etat812.
811
Le mot « tribunal » est un mot dérivé du latin « tribunus » qui désignait le tribun, c’est-à-dire, un magistrat
chargé de défendre les intérêts de la plèbe. A partir de là, l’expression s’est généralisée pour désigner
l’organe devant lequel on débat d’intérêts contradictoires.
812
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, éd. Montchrestien, 2006, n° 91, p.89 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 43, p. 59.
189
pas de juridictions d’exception. Font partie de la présente thèse, les Professeurs Nicolas
Bayona Bameya Muna Kinvimba813 et Périclès Luzolo Bambi Lesa.
D’autres, par contre, estiment qu’il faut différencier les juridictions de droit commun
et d’exception car les juridictions d’exception sont celles qui sont compétentes pour une
catégorie de justiciables tels que les militaires ( Cours et tribunaux militaires) et des
infractions particulières telles que les infractions politiques (Cour de sûreté de l’Etat) ou des
matières spécialisées (tribunaux de commerce et tribunaux du travail) alors que les
juridictions de droit commun sont compétentes pour connaître les infractions ordinaires (vol,
abus de confiance, adultère, etc.) ainsi que les autres compétences en matière civile. Ce sont
donc les juridictions que l’homme de la rue appelle « Tribunaux des Civils ». Cette dernière
thèse est soutenue par les Professeurs Kisaka Kia Ngoy, Télesphore Kavundja Maneno814et
Antoine Rubbens815. Il convient de préciser que c’est pour des raisons académiques,
doctrinales que l’on distingue ces deux sortes de juridictions.
Tenant compte de ces raisons, nous appelons « juridictions de droit commun », celles
qui ont une compétence de principe pour connaître de tous les litiges, sans qu’il soit besoin
d’une loi spéciale pour les investir du pouvoir de juger telle ou telle affaire816. On dira par
exemple, que les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance, en matière civile, et les
tribunaux administratifs dans les juridictions de l’ordre administratif, sont des juridictions de
droit commun, parce qu’elles sont compétentes, dans leurs domaines respectifs, pour juger
tous les litiges, aussi longtemps qu’un texte particulier ne leur a pas retiré la connaissance de
telle ou telle catégorie d’affaires déterminée pour en confier la compétence à une autre
juridiction.
813
BAYONA BAMEYA MUNA KIMVIMBA, procédure pénale, notes des cours polycopiées, 2e graduat ;
Faculté de droit, UNIKIN, 1984-1985.
814
T. KAVUNDJA MANENO, Organisation et compétence judiciaires, Cours polycopié, 1e graduat, Faculté de
Droit, Université Catholique de Bukavu, Bukavu, année académique 2007-2008, p. 173.
815
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, pp. 169 et s.
816
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 521, p. 421.
190
second degré sauf lorsqu’elle doit juger au premier degré certains bénéficiaires du privilège de
juridiction. La Cour de cassation juge exceptionnellement au premier et dernier degré les
bénéficiaires du privilège de juridiction énumérés par l’article 153 de la Constitution, au
second degré les bénéficiaires du privilège prévus aux Cours d’appel qui ont interjeté appel
contre les arrêts rendus par les Cours d’appel au premier degré. La Cour de cassation est enfin
le juge des jugements et arrêts rendus par les juridictions inférieures (apprécier si les juges ont
correctement appliqué la loi).
En matière administrative, les juridictions de droit commun sont selon la matière, les
tribunaux administratifs, les Cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat.
En ce qui concerne les juridictions d’exception, ce sont celles qui ne connaissent que
de certaines affaires limitativement énumérées, pour lesquelles un texte spécial leur a reconnu
compétence, parce que leur compétence a un caractère exceptionnel et en quelque sorte
dérogatoire au droit commun. Ainsi, les juridictions militaires, l’ancienne Cour de sûreté de
l’Etat, les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail sont des juridictions d’exception
parce que leur compétence se limite respectivement aux seules infractions militaires, aux
infractions politiques, aux matières commerciales, aux matières du travail et de la sécurité
sociale, prévues par la loi qui a institué et organisé ces juridictions. Et si le mot « juridictions
d’exception » chagrine certains, comme le souligne la doctrine la plus autorisée en droit
judiciaire, ce n’est là, après tout, qu’une question de vocabulaire. Tant il est vrai que le
langage judiciaire a lui aussi ses modes817.
La Cour des comptes nous semble proche des juridictions d’exception parce que ses
compétences sont spéciales, particulières ou exceptionnelles, mais aussi elle est très proche
des juridictions de l’ordre administratif dès lors que ses décisions devraient êtres soumises au
pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. La Cour constitutionnelle a sa nature propre,
elle n’est pas une juridiction de droit commun ni d’exception, elle ne fait pas partie ni des
juridictions de l’ordre judiciaire ni des juridictions de l’ordre administratif.
Ces précisions étant soulignées, nous aborderons les juridictions de droit commun (§ 1)
les juridictions d’exception (§2), la Cour des comptes (§3) et la Cour constitutionnelle (§4).
817
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 521, p.422.
191
Elles comprennent les tribunaux de paix, les tribunaux de grande instance, les Cours
d’appel et la Cour de cassation (Cour suprême de justice). Il est attaché à chaque juridiction
un Parquet sauf au niveau du Tribunal de Paix auquel la compétence du Parquet de Grande
instance s’étend et où le juge peut remplir les fonctions du ministère public si l’officier du
ministère public n’est pas désigné à cette fin. Il s’agit du Parquet de Grande instance, Parquet
général près la Cour d’appel et du Parquet général près la Cour de cassation (Parquet général
de la République). Le Parquet sera examiné dans la deuxième section consacrée au ministère
public.
818
Voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, « Les tribunaux de Paix au Zaïre – fonctionnement – Procédure et
compétence », in RJZ, janvier à décembre 1984, n° 1-3, pp. 43-49.
819
Ibidem.
820
G. CLOSSET- MARCHAL et J.F VAN DROOGHENBROECK, Droit judiciaire, Fascicule I, cours
polycopié, Faculté de Droit, U.C.L, Louvain- la- Neuve, 2005-2006, p. 83.
821
Voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, Op. cit , p. 43.
192
Le Tribunal de Paix siège au nombre d’un seul juge. Toutefois, il siège au nombre de
trois juges dont deux assesseurs lorsqu’il y a lieu de faire application de la coutume.
Concrètement, en matière répressive (pénale) le juge de paix siège seul avec l’assistance du
greffier. En matière civile et de la famille, le juge de paix siège seul car il s’agit de la matière
du droit écrit. Cependant dans la pratique, en matière de divorce, le juge de paix est assisté par
deux juges assesseurs car il recourt à la coutume invoquée par les parties au procès. En
d’autres termes, le Code de la famille a intégré l’esprit des différentes coutumes en son sein,
ce qui fait que de rares fois, on applique la coutume dont la matière n’est pas prévue par le
Code de la famille.
Le siège ordinaire et ressort dans les Tribunaux de Paix sont fixés par le Président de
la République et le ministère de la justice peut créer le siège secondaire du tribunal de paix.
Le Tribunal de Paix est composé d’un président, d’un ou de plusieurs juges et de deux
juges assesseurs au moins. En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par
le juge le plus ancien d’après l’ordre de nomination. La composition du siège ne peut être
rendue irrégulière par la présence de plus d’un juge assumé, aucune disposition légale ne
l’interdisant822.
Il existe également au sein du Tribunal de Paix un greffier qui peut être assisté d’un ou
de plusieurs adjoints. Le Tribunal de Paix siège avec l’assistance du greffier éventuellement
avec le concours du ministère public ou d’un O.P.J. en cas de désignation par le procureur de
la République (articles 17 et 28 du Code d’organisation et compétence judiciaires).
En cas de non désignation d’un OPJ ou d’un ministère public par le procureur de la
République, les juges des Tribunaux de Paix siégeant en matière répressive remplissent eux-
mêmes auprès des Tribunaux de Paix les fonctions de ministère public, sous la surveillance et
la direction de l’officier du ministère public (article 17 du Code d’organisation et compétence
judiciaires).
822
T.G.I. Kinshasa/Kalamu, Appel, 19/7/1989, Aff. Mvukulu c/Ntumba et consort, inédit.
193
Ils connaissent également de l’exécution des actes authentiques. Ils sont compétents
pour connaître des expulsions ou des déguerpissements des personnes824. Les présidents du
Tribunal de Paix peuvent autoriser les saisies-arrêts et les saisies-conservatoires.
• Ville de Kinshasa :
Matete, Lemba, Ngaliema, Gombe, Ndjili, Pont Kasa-Vubu, Assossa et Kinkole, soit 8
Tribunaux de Paix.
823
C.S.J., 23 février 1971, N. Marie contre A. Joseph, in R.J.Z., 1972, p. 34 ; C.S.J., 5 avril 1972, R.C.32, in
Bull., 1973, p. 33 ; R.J.Z., 1973, p. 35 et R.J.Z., 1979, p. 36.
824
Tripaix Gombe, 13/12/1985, RC 1/1451/I. Inédit.
194
● Province du Bas-Congo :
Matadi, Tshela, Boma, Inkisi, Luozi, Songololo, Kasangulu, Kimvula, Lukula,
Sekebanza (Kinzau-Mvete), Moanda, Gungu, Mbanza-Ngungu et Madimba, soit 14
tribunaux de Paix.
• Province de Bandundu :
Kikwit, Masimanimba, Kenge, Popokabaka, Bulungu, Kenge II, Kutu, Bagata, Kibi,
Idiofa, Feshi, Kahemba, Gungu, Kasongo-Lunda, Bolobo, Inongo, Kiri, Mushie et
Oshwe, soit 19 tribunaux de Paix.
• Province de l’Equateur :
Bumba, Zongo, Basankusu, Bikoro, Bolomba, Bomongo, Ingende, Lukolela,
Makanza, Bongandanga, Lisala, Basobolo, Mobayimbongo, Yakoma, Budjala,
Businga, Gemena, Kungu, Libenge, Befale, Boende, Bokungu, Djolu, Ikela et
Monkoto, soit 25 tribunaux de Paix.
• Province orientale :
Poko, Buta, Bondo, Bambesa, Ango, Aketi, Aru, Rungu, Dungu, Niangara, Faradje,
Kisangani/Makiso, Kisangani/Kabondo, Monkoto, Ubundu, Opala, Isangi, Basoko,
Banalia, Bafwasende, Mambasa, Mahagi, Irumu, Djugu, Wamba, Watsa et Yahuma,
soit 27 tribunaux de Paix.
• Province du Katanga :
Rwashi – Kampemba (Lubumbashi), Lubumbashi-Kamalondo, Kenya-Katuba
(Lubumbashi), Likasi, Kolwezi, Lubudi, Mutshatsha, Bukama, Kabongo, Kamina,
Kaniama, Malemba-Nkulu, Kambove, Kasenga, Kipushi, Pweto, Sakania, Dilolo,
Kapanga, Sandoa, Kabalo, Kalemie, Kongolo, Manono, Moba, et Nyunzu, soit 26
Tribunaux de Paix.
• Province du Sud-Kivu
Kalehe, Mwenga, Shabunda, Walikale, Fizi, Idjwi, Kabare, Uvira et Walungu, soit 9
tribunaux de Paix.
195
• Province du Nord-Kivu :
Butembo, Beni, Lubero, Masisi, Rutshuru et Walikale soit 6 Tribunaux de Paix.
• Province du Maniema :
Kambambare, Kasongo, Kibombo, Lubutu, Pangi et Punia, soit 6 tribunaux de paix.
communication (poste, fax, internet, etc.) et de transport (pas de transport en commun comme
de bus, pas de train, pas de tram, état de route dérisoire).
Dans le souci d’une justice plus équitable, plus rapide, plus régulière et plus proche
des justiciables ; nous pensons que l’on devrait à court terme, accélérer le programme
d’installation de tous les tribunaux de paix dans chaque territoire rural et commune urbaine et
créer les sièges secondaires de ces tribunaux dans chaque collectivité (Secteur) et Localité. A
long terme, l’on pourrait prévoir un tribunal de paix dans chaque localité du territoire rural
national et dans chaque commune urbaine et de la ville de Kinshasa.
Les jugements des Tribunaux de Paix sont susceptibles d’appel devant les Tribunaux
de grande instance.
825
Art. 17 et 71 du Code d’OCJ et art. 180 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299 du 20 août 1979 portant
règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets.
826
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, op.cit., p. 338; Voy. aussi les conditions de fond de récusation du point
8, § 1 la récusation, section 8 les garanties de l’impartialité du juge.
197
2. Les Tribunaux de grande instance (art. 31 à 35, 91 à 93, 11 à 114, 118 Code d’OCJ)
a) Ressort et siège
Le Tribunal de grande instance est composé d’un président et des juges. Il siège au
nombre de trois juges en matière pénale. Toutefois, il siège au nombre d’un seul juge au
premier degré en matière de droit privé (droit civil, commercial, du travail..). Notons qu’en
appel en matière civile, le Tribunal de grande instance siège à 3 membres. Doit être annulé en
toutes dispositions pour composition irrégulière du siège, un jugement rendu en violation de
la composition du siège par un tribunal siégeant à juge unique au degré d’appel en matières
civile et commerciales828. En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par
le juge le plus ancien d’après l’ordre des nominations.
Dans le cas où l’effectif des juges du Tribunal de grande instance présent au lieu où le
Tribunal tient une audience ne permet pas de composer le siège, le président du tribunal peut
assumer au titre de juge assesseur, sur réquisition motivée du procureur de la République, un
magistrat du parquet près le Tribunal de grande instance, un avocat ou un défendeur judiciaire
résidant en ce lieu. L’avocat ou le défenseur judiciaire assumé au titre de juge assesseur
prêtera entre les mains du président le serment suivant : « Je jure fidélité au président de la
République, obéissance à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du
Congo ». Ce serment dirait être adapté au processus actuel de démocratisation du pays. En
827
KIWOBO BAMAR, Cours d’organisation et compétence judiciaires, Faculté de droit, Ie Gr. UNILU,
Lubumbashi, 1992-1993, notes de cours.
828 re
I instance Kananga, 17 juillet 1975, in RJZ, 1988, n° 1-3, p. 59.
198
Est régulière au point de vue de la composition du siège, la cause qui a été instruite et
jugée par les mêmes juges lorsque les autres audiences composées d’un siège différent étaient
des audiences de remise. Lorsque le siège d’une juridiction a été modifié entre celui qui a pris
l’affaire en délibéré et celui qui a rendu la sentence, il y a lieu de casser d’office pour
composition irrégulière du siège829.
829
CSJ, 21/8/1974, RP 213, Bull. 1975, p. 265, RJZ, 1975, p. 31
830
L’shi, 12/7/1966, RJC, n° 4, p. 337.
831
TGI-Bukavu, 03/01/1999, RP 8583 ; affaire M.P. et P.C. Bulambo Kahindo c/ Kalani Nakimba, inédit.
199
Les Tribunaux de grande instance connaissent des infractions punissables d’une peine
supérieure à 5 ans de S.P.P. (prison) ou de travaux forcés et des infractions punissables de la
peine de mort. Ils connaissent de l’appel les jugements rendus en premier ressort par les
Tribunaux de Paix.
Est incompétent matériellement, le tribunal pénal saisi des faits revêtant un caractère
832
civil . Les jugements rendus par les Tribunaux de grande instance sont susceptibles
d’opposition et d’appel. L’appel est porté devant la Cour d’appel.
Les Tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations qui ne sont
pas de la compétence des Tribunaux de Paix. Ils connaissent de l’appel des jugements rendus
en premier ressort par les Tribunaux de paix. Ils connaissent de l’exécution de toutes
décisions de justice, à l’exception de celles de jugements des Tribunaux de Paix qui est la
compétence de ces derniers. Ils connaissent l’exécution de toutes les décisions des juridictions
étrangères en République Démocratique du Congo dès qu’elles remplissent les conditions
fixées à l’article 117 du Code d’organisation et compétence judiciaires.
832
TGI-Bukavu, 05/09/1995, RP 8479, affaire M.P. et P.C. Bahizire Kanywege c/Buchekabiri Mwikiza, inédit.
200
dont la valeur dépasse le montant de 100 000 francs congolais (articles 792, 795, 807 et 808
du Code de la famille). S’agissant de la compétence reconnue au Tribunal de grande instance
en matière des successions dont la valeur dépasse 100 000 francs congolais, il s’agit d’une loi
spéciale (Code de la famille) qui déroge à la loi générale (Code d’OCJ) et c’est la loi spéciale
qui trouve application en cas de conflit de compétence en vertu du principe : « in toto jure,
generis per speciem derogatur et illud potissinim hobetin quod ad speciem directum est ». En
effet, les dispositions du Code d’OCJ sont d’une portée générale sur la compétence tandis que
celle du Code de la famille présentent une portée spéciale sur cette notion de compétence
matérielle, puisque portant sur une branche précise.
Si l’action civile a été introduite alors que le tribunal répressif était saisi et compétent
pour connaître de l’action publique, ce tribunal reste compétent pour vider de l’action civile
d’autant plus que le tribunal ne pourrait plus condamner du fait de la péremption, de
l’abrogation de la loi pénale, du décès du prévenu ou de l’amnistie833. Le tribunal de grande
instance de Cataracte-Mbanza-Ngungu s’est déclaré compétent pour connaître d’un conflit
collectif de terres coutumières834. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné que les
prescrits de l’article 110 alinéa 1er du Code d’OCJ prévoit que les conflits fonciers collectifs
ou individuels régis par la coutume sont de la compétence du tribunal de paix.
- Là où les Tribunaux de Paix ne sont pas encore installés, les Tribunaux de grande
instance sont compétents pour connaître en premier ressort les contestations qui relèvent
normalement de la compétence des Tribunaux de Paix.
- Il convient de signaler que les Tribunaux de grande instance créés et/ou déjà installés en
République Démocratique du Congo sont :
• Ville de Kinshasa :
Matete, Ndjili, Gombe, Kalamu, soit 4 Tribunaux de grande instance.
• Province du Bas-Congo :
Matadi, Mbaza-Ngungu, Boma, Tshela, Lukaya, soit 5 Tribunaux de grande instance.
• Bandundu :
Bandundu, Kikwit, Bulungu, Kenge, Inongo, soit 5 Tribunaux de grande instance.
● Equateur :
Mbandaka, Boende, Gemena, Gbadolite, Lisala, Basankusu, soit 6 Tribunaux de
grande instance.
833
1ère Inst. 5/7/1949, RJ, 1950, p. 183 ; Léo, 7/12/1950, RJ, p. 63 ; 1ère Inst. Kasaï 3/6/1953, RJ, p. 305; Elis,
9/1/1954, RJ, p. 85 cités par Rubbens, op. cit., t. 1, n° 228, p. 262.
834
TGI des Cataractes-Mbanza-Ngungu, 16 août 1996, R.C.2327, M. et K. contre N., in RAJC, janvier à
décembre 2002, fascicule unique, Vol. II, pp. 30-31.
201
• Kasaï oriental :
Mbuji-Mayi, Kabinda, Lusambo, Tshilenge, soit 4 Tribunaux de grande instance.
• Kasaï occidental :
Kananga, Luebo, Tshimbulu, soit 3 Tribunaux de grande instance.
• Province du Katanga :
Lubumbashi, Kipushi, Kamina, Kolwezi, Likasi, Kalemie, Lualaba, soit 7 Tribunaux
de grande instance.
• Province orientale :
Kisangani, Bunia, Buta, Isiro, Tshopo, soit 5 Tribunaux de grande instance.
• Sud-Kivu :
Bukavu et Uvira, soit 2 Tribunaux de grande instance.
• Nord-Kivu :
Goma soit 1 Tribunal de grande instance.
• Maniema :
Kindu soit 1 Tribunal de grande instance.
Les jugements des Tribunaux de grande instance sont susceptibles d’appel à la Cour
d’appel. Saisis d’une action de la compétence des Tribunaux de Paix, les Tribunaux de grande
instance statuent au fond et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par
le greffier, lorsque les Tribunaux de Paix sont déjà installés (article 111 du Code d’OCJ).
3. Les Cours d’appel (articles 36, 43, 94, 95, 146, 149, 152 du code d’OCJ)
Avec la création des provinces du Nord-Kivu et Maniema en 1989, la RDC regorge les
Cours d’appel suivantes: Kinshasa/Gombe, Kinshasa/Matete, Matadi, Bandundu, Mbandaka,
Mbuji-Mayi, Kananga, Kisangani, Lubumbashi, Goma, Bukavu et Kindu.
Au total : 12 Cours d’appel.
202
a) Ressort et siège
Il existe une seule Cour d’appel dans chaque province et deux Cours d’appel pour la
ville de Kinshasa. Elle siège au nombre de trois membres. Le siège ordinaire est établi dans le
chef-lieu de la province et dans la ville de Kinshasa.
b) Composition
La Cour d’appel est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs présidents
et des conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, sont remplacés d’après l’ordre des
nominations : le premier président par le président, le président par le conseiller le plus
ancien. La Cour d’appel siège au nombre de trois membres avec l’assistance du greffier et le
concours du ministère public.
Comme nous pouvons le constater, seuls les dignitaires cités ont le privilège de
juridiction. L’on ne peut donc faire un raisonnement par analogie pour assimiler d’autres
dignitaires comme bénéficiaires du privilège de juridiction. C’est pourquoi, la Cour suprême
de justice congolaise a dit avec raison que commet un excès de pouvoir et sa décision sera
annulée sans évocation, une Cour d’appel qui, par une fausse interprétation et une fausse
application de l’article 94 alinéa 2 du Code d’OCJ, suite à un raisonnement par analogie, se
déclare compétente pour connaître d’une infraction de la compétence du tribunal de paix
203
commise par un dignitaire de l’Ordre national du Zaïre835. En effet, les dignitaires de l’Ordre
national du Zaïre ne sont nullement concernés et ne bénéficient donc pas du privilège de
juridiction prévu à l’article 94 alinéa 2 du Code d’OCJ, qui est de stricte interprétation.
Par transposition des grades, celui qui exerce les fonctions de commissaire sous-
régional, par nomination ou par commissionnement régulier, est directeur et relève de la
compétence de la Cour d’appel car la loi ne distingue entre un directeur nommé et un
directeur commissionné836. De même, un prévenu titulaire intérimaire du grade conférant
privilège de juridiction a droit au privilège de juridiction accordé aux agents revêtus par voie
d’ordonnance du grade dont il exerce également les fonctions étant donné que c’est la
fonction qui est protégée837. De même, la Cour d’appel en vertu de l’article 94 du Code
d’O.C.J., est compétente pour juger un ancien magistrat si les faits reprochés à ce dernier ont
été commis dans l’exercice ou a l’occasion de l’exercice de sa fonction, pendant qu’il était
encore magistrat et sont en relation avec son ancienne fonction838.
835
C.S.J., 30 juillet 1993, H. et A. contre R., RPA 181, in RAJC, juillet à décembre 2004, fascicule II, pp. 5-9.
836
CSJ, 11/6/1981, RPA 68, in DIBUNDA, op. cit., p. 38
837
TriPaix, Kin, 19/12/1989, RP 11.643/III, RJZ, n° 1 et 2, 1993, p. 25.
838
CSJ, 28/8/1981, RPA 67.
839
CSJ, 3/2/1971, RJZ, 1972, p. 113.
840
Léo, 20/12/1962, RJC, 1963, p. 47.
204
Elles connaissent au premier degré les infractions commises par les magistrats
jusqu’au grade du président de la Cour d’appel et les autres bénéficiaires des privilèges des
juridictions ci-haut cités. Lorsque le magistrat inculpé est un membre d’une Cour d’appel ou
d’un parquet général, les infractions sont poursuivies devant la Cour dont le siège est le plus
proche de celui de la Cour au sein de laquelle il exerce ses fonctions.
Les arrêts rendus au 1er degré par les Cours d’appel sont susceptibles d’opposition et
d’appel. L’appel est porté devant la Cour de cassation (Cour suprême de justice).
Les Cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus en premier ressort par
les Tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et du travail. Il en est de même
des ordonnances ou toutes les autres décisions rendues en premier ressort par les Tribunaux
de grande instance ou les tribunaux de commerce et du travail.
Les Cours d’appel connaissent en premier ressort des recours en annulation pour
violation de la loi formés contre les actes ou décisions des autorités administratives
provinciales, locales et des organismes décentralisés sous la tutelle de ces autorités.
Ex. : arrêtés ou décisions du gouverneur de province, décisions de toutes les autorités de la
territoriale, décisions des chefs de division, décisions des organes délibérants (assemblée
provinciale, conseil urbain, de commune et de collectivité, etc.).
L’article 146 du Code d’OCJ concerne les décisions administratives (acte administratif
ou règlement) et non un contrat avec une autorité administrative. Ainsi, constitue une fausse
application de l’article 146 du Code d’OCJ, le fait pour la section administrative d’une Cour
d’appel de statuer sur une demande tendant à l’annulation d’un procès-verbal de non
conciliation établi par un inspecteur du travail, alors qu’elle aurait pu se déclarer
incompétente toute, ce procès-verbal constituant une simple attestation mais non un acte
841
Article 224 de la Constitution congolaise approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18
décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006.
205
comportant une décision842. De même, le contrat d’emphytéose n’est pas une décision d’une
autorité administrative. Bien que passé entre l’administration publique et un particulier, il
demeure un contrat civil. En conséquence, viole donc l’article 146 du Code d’OCJ, l’arrêt
d’une Cour d’appel, section administrative, saisie en annulation d’un bail emphytéotique par
lequel cette Cour se déclare compétente pour examiner le litige en premier ressort sur base de
la disposition légale sus-indiquée843.
- En matière fiscale
Il serait souhaitable qu’à l’instar de la ville de Kinshasa, d’autres Cours d’appel soient
créées dans les 25 provinces qui viennent d’être créées par la nouvelle Constitution du 18
février 2006846. En effet, beaucoup de justiciables lésés dans leurs droits n’usent pas de
recours, compte tenu de longues distances à parcourir pour joindre une Cour d’appel dans le
chef-lieu de leur province. Tel est le cas d’un justiciable se trouvant à Bunia pour joindre
Kisangani ou d’un justiciable se trouvant à Kalemie pour joindre Lubumbashi, il doit
parcourir environs 1200 kilomètres. Les moyens de transport pour y arriver sont très
dérisoires.
842
CSJ, 5/2/1982, RAA, RJZ, 1983, p. 18 avec note.
843
CSJ 15/5/1981, RAA, inédit.
844
CSJ, 15/5/1981, RA 67, inédit.
845
CSJ, 5/2/1982, RA 58, inédit.
846
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, pp. 2-79.
206
Nous n’exagérons pas d’affirmer que le Congo est le champion en toutes catégories au
nombre élevé des bénéficiaires du privilège de juridiction. En effet, nous avons montré qu’il
existe les bénéficiaires du privilège de juridiction au niveau du tribunal de grande instance, de
la Cour d’appel, de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle. Comme on le voit, ils
sont très nombreux et cette situation crée une « immunité déguisée » étant donné qu’il
n’existe pas la possibilité de citation directe, aussi avant toute poursuite pénale à leur endroit,
le magistrat instructeur doit solliciter l’autorisation de son chef hiérarchique. Ce qui parait
compliqué dans la pratique et cela risque de créer une « caste d’intouchables » dans la société
congolaise.
Dans la perspective d’un Etat de droit, l’on devrait à tout le moins, diminuer le nombre
de bénéficiaires du privilège de juridiction. Ainsi, on pourrait retenir comme bénéficiaires du
privilège de juridiction au niveau de la Cour d’appel, les Gouverneurs et les vice-gouverneurs
de province, les membres du Bureau des Assemblées provinciales, les ministres provinciaux,
les magistrats de la Cour des comptes et du parquet près cette Cour ainsi que différents
magistrats. La Cour d’appel se prononcerait ainsi en premier ressort, l’appel devrait être
adressé à la Cour de cassation. Les autres bénéficiaires du privilège de juridiction notamment
les magistrats honoraires, les PDG des sociétés publiques ou paraétatiques ou privées, les
fonctionnaires revêtus au moins du grade de directeur, les dignitaires de l’ordre national de
léopard, ainsi que les bénéficiaires du privilège de juridiction prévus au niveau du tribunal de
grande instance (maires, bourgmestres, administrateurs de territoire, conseillers de communes,
de territoires et de collectivités) devraient être supprimés.
847
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20 ème éd. Dalloz, 2006, n° 513-514 et 530-531, pp. 475-476, 490-
491.
207
Lorsque la Cour d’appel a été saisie au premier degré, ses arrêts sont susceptibles
d’appel devant la Cour suprême de justice.
4. La Cour suprême de justice (articles 51 à 57, 147 à 149, 155 à 156, 158 à 160 du Code
d’OCJ)
a) Ressort et siège
b) Composition
La Cour suprême de justice est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs
présidents et de conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, sont remplacés, d’après
l’ordre des nominations : le premier président par le président, le président par le conseiller le
plus ancien.
La Cour suprême de justice comporte trois sections : une section judiciaire, une
section administrative et une section de législation. Chaque section comprend une ou
plusieurs chambres. Excepté la section législation, chaque chambre siège au nombre de trois
membres au moins. Chaque section, toutes chambres réunies, siège au nombre de cinq
membres au moins. Lorsqu’elle statue, toutes sections réunies, la Cour suprême de justice
848
Article 223 de la Constitution du 18 février 2006.
208
siège au nombre de sept membres au moins. En toutes affaires, la Cour suprême de justice
siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Le premier Président
préside les audiences lorsque la Cour suprême de justice siège toutes sections réunies.
c) Compétences
1. La section judiciaire
Elle connaît des pouvoirs en cassation pour violation de la loi ou de la coutume formés
contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux :
Il convient de préciser que les termes violation de la loi ou de la coutume utilisés dans
l’article 155 du Code d’OCJ comprend notamment :
849
Art. 223 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
209
- après une condamnation, un nouvel arrêt ou jugement aura condamné pour les
mêmes faits un autre prévenu et que les deux condamnations ne pouvant se
concilier, leur contradiction sera la preuve de l’innocence de l’un ou de l’autre
condamné ;
- postérieurement à la condamnation, un des témoins entendus aura été poursuivi et
condamné pour faux témoignage contre le prévenu, le témoin ainsi condamné ne
pourra plus être entendu lors des nouveaux débats ;
- après une condamnation pour homicide, il existera des indices suffisants propres à
faire croire à l’existence de la prétention victime à l’homicide ;
- après une condamnation, un fait viendra à se révéler ou des pièces inconnues lors
de débats seront présentées et que ce fait ou ces pièces seront de nature à établir
l’innocence du condamné.
Elle connaît l’appel des décisions rendues par les sections administratives des Cours
d’Appel. Elle connaît en premier et dernier ressort des recours en annulation pour violation de
la loi formés contre les actes, règlements et décisions des autorités centrales et des organismes
décentralisés sous la tutelle de ces autorités. Il convient de préciser que la section
administrative de la Cour suprême de justice joue pratiquement le rôle du Conseil d’Etat850.
Elle donne des avis consultatifs sur les projets ou propositions des lois ou d’actes
réglementaires qui lui sont soumis ainsi que sur des difficultés d’interprétation des textes. La
section de législation est donc compétente pour statuer sur une demande en interprétation des
dispositions constitutionnelles. Lorsqu’elle est saisie en interprétation de dispositions
constitutionnelles, la Cour suprême de justice entend au préalable l’avis de l’Assemblée
mixte. L’avis consultatif de la Cour suprême de justice saisie en interprétation de dispositions
constitutionnelles est signé par son premier président, le procureur général de la République et
le greffier de séance852.
850
Pour plus de détails, voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, « Procédure et compétence administratives de la
Cour suprême de justice du Zaïre », in RJZ, 1990-1991, n° 1-3, pp. 1-3.
851
CSJ, RAI, 1, 16/1/1974, Bull. 1975, p. 9.
852
CSJ, 20 janvier 2004, R.L.09 in RAJC, janvier à juin 2004, fascicule unique, pp. 11-16, note Wasenda
N’Songo et Dibunda.
211
- les recours en appréciation de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force
des lois ainsi que des recours en interprétation de la Constitution ;
- des conflits d’attribution ;
- des contestations nées des élections et du référendum ;
- des pourvois en cassation formés sur injonction du ministre de la Justice et Garde
des Sceaux ;
- des renvois ordonnés après cassation en matière d’infractions flagrantes
intentionnelles.
L’appréciation de la constitutionnalité d’un texte législatif doit être faite par référence
à la constitution en vigueur au moment où ce texte a été écrit. En conséquence, ne peut dès
lors être en considération, une exception d’inconstitutionnalité reposant sur un texte de loi qui
serait contraire à une disposition de la Constitution actuellement en vigueur alors que ledit
texte de loi avait été pris sous l’empire d’une Constitution antérieure abrogée853.
Il convient de noter que le service d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice est réglé
par ordonnance du premier président de cette Cour. La Cour suprême de justice et, dans leur
ressort, les Cours et tribunaux, ont droit de surveillance et d’inspection sur les juridictions
inférieures. La surveillance est exercée par le chef de juridiction ou son remplaçant.
853
CSJ, RA5 et 33, 4/6/1973, Bull. 1974, p. 109.
212
a) Origine
La Cour de cassation a pour origine lointaine, une institution qui existait sous l’ancien
régime français et que l’on appelait le Conseil des parties, lequel était alors une section du
Conseil du Roi, spécialement chargée d’examiner les recours formés contre les arrêts des
Parlements. Après avoir disparu pendant la Révolution française, ce Conseil est devenu
Tribunal de cassation le 27 novembre 1790854 qui deviendra par la suite la Cour de cassation.
L’idée fondamentale qui inspira cette création fut d’abord le souci d’éviter que le juge ne
s’immisce dans la fonction du législateur en dénaturant sa pensée. Mais sur cette
préoccupation initiale s’en greffa une seconde, à savoir le souci d’unifier l’interprétation de la
règle de droit855. De là, la création d’une juridiction suprême investie d’une mission
régulatrice afin d’éviter que la même règle de droit ne soit interprétée de façon différente pour
les différentes juridictions. Ce modèle français a été exporté dans de nombreux pays dont la
Belgique856. En République Démocratique du Congo, la Cour de cassation a été créée par la
Constitution du 18 février 2006.
b) Ressort et siège
c) Compétence matérielle
d) Compétence personnelle
854
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 404, p. 603 ; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey-
Dalloz, 2004, p. 67 ; G. DELEVAL, Institutions judiciaires, Liège, éd. Collection Scientifique de la Faculté
de Droit de Liège, 1993, n° 149, p. 179.
855
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 216, p. 176; J.P.SCARANO,
Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 177, p. 129; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.68.
856
G. DELEVAL, op. cit., n° 149, p. 179.
213
magistrats de la Cour de cassation ainsi que du parquet près cette Cour, les membres du
Conseil d’Etat et du parquet près ce Conseil, les membres de la Cour des comptes et du
parquet près cette Cour, les premiers présidents des Cours d’appel ainsi que les procureurs
généraux près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel et les
procureurs près ces Cours, les gouverneurs, les vice-gouverneurs de province et les ministres
provinciaux, les présidents des Assemblées provinciales.
e. 1. Composition
La Cour de cassation devrait être composée d’un premier président, des présidents et
des conseillers. Elle devrait être composée de six chambres au moins : civile (Procédure civile
droit des personnes, de la famille, bien, obligations et responsabilité civile et contractuelle,
assurance, et sûretés), commerciale (droit commercial, économique, financier, etc.), sociale
(droit du travail et sécurité sociale), pénale (droit pénal général, droit pénal spécial, procédure
pénal etc.) et une chambre coutumière (en cas de violation ou non de la coutume). Dans la
mesure du possible, chacune des chambres devrait être composée des spécialistes dans le
domaine concerné, et subdivisée en sections ; cela afin de permettre une spécialisation plus
poussée et, de ce fait, un gain de temps dans l’examen des pourvois. La Cour de cassation
devrait disposer aussi les chambres réunies et une Assemblée plénière pour des affaires
complexes. L’organisation et le fonctionnement des chambres devraient être fixés par le
premier président de la Cour de cassation. Les fonctions du ministère public devraient être
assumées par le procureur général près la Cour de cassation, les premiers avocats généraux et
avocats généraux près cette Cour. Le greffe devrait y être organisé comme celui de la Cour
suprême de justice, sous l’autorité d’un greffier en chef.
857
J. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 178, p.129 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 221, p. 179.
214
pour mission de veiller à l’interprétation et à l’application exactes de la loi et, par là, d’assurer
l’unité de la jurisprudence. C’est une garantie fondamentale, d’une part, du maintien de l’Etat
de droit et, d’autre part, de l’égalité des citoyens devant la loi, éléments essentiels d’une
véritable démocratie. C’est aussi le gage de la sécurité juridique.
Pour la République Démocratique du Congo, nous pensons qu’à tout le moins, l’on
devrait diminuer le nombre des bénéficiaires du privilège de juridiction858. Nous estimons que
pourraient être justiciables de la Cour de cassation en premier et dernier ressort, le Président
de la République et les membres du Gouvernement, les membres du Bureau de l’Assemblée
Nationale et du Sénat, les magistrats de la Cour constitutionnelle et du parquet près cette
Cour, les magistrats de la Cour de cassation et du parquet près cette Cour, les magistrats du
Conseil d’Etat et du parquet près ce Conseil, les premiers présidents des Cours d’appel et
procureurs généraux près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel
et procureurs généraux près Cours.
858
Voy. A cet égard 1e partie, chap I, section 3 l’égalité devant la justice, § 3. Propositions pour une réforme.
859
F. LUXEMBOURG, « La Cour de cassation, juge du fond », in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2358-2362.
215
Ces juridictions sont prévues par les articles 154 et 155 de la Constitution approuvée
par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février
2006860. Elles remplaceront les sections administratives des Cours d’appel ou de la Cour
Suprême de Justice selon le cas.
Comme nous pouvons le constater, les juridictions administratives peuvent, d’une part,
juger l’illégalité d’un acte administratif pris par une autorité administrative à l’égard d’un
administré, d’autre part, elles peuvent donner un avis sur un projet d’une ordonnance, d’un
décret ou d’un arrêté ou d’une décision administrative provinciale ou communale ou locale
860
Journal de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, pp. 3 et s.
861
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 éd. Montchrestien, 2006, n° 251, p. 203.
216
afin de vérifier si un tel projet serait conforme à la loi. Ce sont ces particularités ainsi relevées
des juridictions de l’ordre administratif qui les distingue des juridictions de l’ordre judiciaire.
En effet, la solidité d’un Etat de droit dépend de la qualité des règles et des principes qui
le fondent et surtout de la fiabilité des institutions juridictionnelles appelées à les faire
respecter863. Dans cette optique, les juridictions administratives auront un grand rôle à jouer
dans l’édification de l’Etat de droit en République Démocratique du Congo car elles seront
l’incarnation de l’Etat et permettront que toute personne dont les droits seraient méconnus ou
menacés par l’administration puisse disposer d’un droit absolu de recours devant une
juridiction administrative (tribunal administratif, Cour administratives d’appel et Conseil
d’Etat) afin qu’elle soit protégée contre les conséquences de tout acte administratif reconnu
par le tribunal illégal ou arbitraire. Les caractères de la procédure administrative sont marqués
par la procédure inquisitoire, semi-secrète et écrite Le juge administratif a des pouvoirs
comparables à celui de l’administration. Aussi, paradoxalement, le caractère inquisitoire est
plutôt favorable aux administrés, qui peuvent être secondés par le juge, face à la puissance
publique. En particulier, le juge administratif peut enjoindre l’administration de communiquer
des documents. C’est pourquoi, eu égard à cette vision, il sied de faire une projection de la
manière d’organiser le fonctionnement des juridictions administratives en République
Démocratique du Congo. Nous aborderons sommairement les tribunaux administratifs (1), les
Cours administratives d’appel (2) et le Conseil d’Etat (3).
Ils devraient être au premier degré, les juridictions de droit commun en matière
administrative. Lors de leur installation, ces tribunaux seront les homologues de ce que sont
les tribunaux de grande instance en matière judiciaire.
a) Origine
Ils sont d’inspiration française. Leur origine remonte en 1799864. Dans l’ancienne
France, on les trouverait dans les Conseils d’intendance qui, dans des provinces, auprès de
862
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 79-82.
863
M.V. LESSAY, « Plaidoyer pour la création des juridictions administratives autonomes au zaïre », in Revue
de droit africain, avril 1997, n° 2, p. 39.
864
A. HERAUD et A. MAURIN, Institution judiciaires, Paris, éd. Sirey- Dalloz, 2004, p. 72.
217
chaque intendant, étaient composés d’hommes de lois chargés d’aider celui-ci dans les
décisions qu’il était appelé à prendre, notamment pour trancher le contentieux qui lui était
soumis865. En République Démocratique du Congo, ils ont été créés par la Constitution du 18
février 2006. L’article 154 de cette Constitution dit : « Il est institué un ordre de juridictions
administratives composé (…) des tribunaux administratifs ».
b) Ressort et siège
Les tribunaux administratifs devraient avoir les mêmes ressorts et siège que les
tribunaux de grande instance. Ils devraient aussi siéger au nombre de trois membres au moins.
c) Composition
d) Compétences
Le tribunal administratif compétent sera celui dans le ressort duquel aura légalement
son siège l’autorité administrative qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation
aura pris la décision administrative attaquée.
Les tribunaux administratifs devraient donner leur avis sur les questions qui devraient
leur être soumises par les autorités des villes urbaines ou les autorités communales ou de
territoires ou de collectivités, de secteurs et de localités.
- Attributions juridictionnelles :
865
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 271, p.221 ; J. VINCENT, S.
GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005,
n° 449, P. 654.
218
Les tribunaux administratifs devraient être les juges de droit commun en premier
ressort du contentieux administratif des actes des autorités administratives susmentionnées
tant en annulation qu’en suspension. Ils devraient connaître aussi du contentieux fiscal
(décharge ou réduction en matière de contributions directes, opposition à contrainte), du
contentieux électoral au niveau de son ressort (élections municipales ou dans des
établissements publics et privés), contentieux relatifs aux marchés publics, et aux travaux
publics, expropriation pour cause d’utilité publique, réquisitions, octroi ou refus de permis de
conduire, litiges relatifs à l’organisation et au fonctionnement des villes, commune (territoire),
collectivités, secteurs et localités etc. Ils pourraient exercer, dans le cadre de leur compétence
juridictionnelle, une mission de conciliation. Leurs jugements rendus devraient être
susceptibles d’appel, en principe dans un délai de trois mois devant les Cours administratives
d’appel.
a) Origine
Elles avaient été créées en France en 1987 dans le but d’éviter l’engorgement du
Conseil d’Etat866et elles ont été introduites en République Démocratique du Congo par la
Constitution du 18 février 2006867.
b) Ressort et siège
Elles devraient avoir les mêmes ressorts et siège que les Cours d’appel et devraient
aussi siéger au nombre de trois membres au moins.
c) Composition
Elles devraient être composées des premiers présidents, des présidents et des
conseillers de la Cour administrative d’appel. Le premier président de la Cour administrative
d’appel devrait assurer l’administration générale de la Cour : direction des services, discipline
intérieure, organisation des audiences, répartition des requêtes entre les chambres, etc. Par
ailleurs en sa qualité de juge, il devrait participer à l’élaboration des décisions et présider une
formation de jugement. Enfin, en sa qualité de président, il devrait être investi, dans les
procédures d’urgence, des mêmes pouvoirs que ceux qui sont conférés aux présidents des
tribunaux administratifs.
866
A. HERAUD et A MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey- Dalloz, 2004, p. 78 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 278, p. 226 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005, n° 461, p. 662 ; J.P.
SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème ed.Ellipses, 2006, n ° 217, pp. 159-160.
867
Articles 154, 155, et 224 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
219
d) Compétences
Les Cours administratives d’appel devraient donner des avis sur les questions qui leur
seront soumises par les gouvernements et parlements provinciaux ainsi que les différentes
autorités provinciales publiques ou privées.
- Attributions contentieuses :
Les Cours administratives d’appel devraient connaître au second degré les appels
formés contre les jugements et ordonnances des tribunaux administratifs. Au premier degré,
elles devraient connaître des recours pour excès de pouvoir des actes des autorités
provinciales tant publiques que privées tant en annulation qu’en suspension. Elles devraient
connaître aussi du contentieux électoral du niveau provincial ainsi que le contentieux
administratif relatif aux autorités provinciales. Le recours contre ses décisions devrait être
adressé au Conseil d’Etat.
3. Le Conseil d’Etat
a) Ressort et siège
Le Conseil d’Etat aura comme ressort toute l’étendue de la République et son siège
sera à Kinshasa.
b) Compétence matérielle
Il connaît en appel des recours contre les décisions des Cours administratives d’appel
rendues au premier degré. Il connaît dans les cas où il n’existe pas d’autres juridictions
compétentes, des demandes d’indemnités relatives à la réparation d’un dommage
exceptionnel, matériel ou moral résultant d’une mesure prise ou ordonnée par les autorités
centrales de la République. Il se prononce en équité en tenant compte de toutes les
circonstances d’intérêt public ou privé.
Comme nous pouvons le constater, le Conseil d’Etat est le juge de première instance et
juge d’appel. En tant que juge de première instance (article 155 alinéas 1 et 3 de la
Constitution du 18 février 2006), sa compétence sera en premier et dernier ressort parce que
l’affaire sera jugée pour la première et la dernière fois par le Conseil d’Etat, sans possibilité
de recours. Dans cette situation, il s’agit pour le Conseil d’Etat de connaître des recours en
annulation ou en suspension formés contre les actes, règlements et décisions des autorités
administratives centrales (ordonnances du Président de la République, décrets du Premier
ministre, arrêtés des ministres ou autres décision d’une autorité administrative centrale). On
comprend facilement la raison d’être d’une telle règle : par définition, ces actes émanent
d’une autorité nationale (Président de la République, Premier ministre, ou ministre) ; il est
donc indispensable de centraliser tout le contentieux devant une juridiction dont l’autorité est
également centrale (nationale). En tant que juge d’appel (article 155 alinéa 2 de la
868
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 192, p. 145.
869
Ibidem ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 255, p. 207.
221
Constitution du 18 février 2006), le Conseil d’Etat est juge d’appel de droit commun, en ce
sens, il connaît en appel des recours contre les décisions des Cours administratives d’appel
rendues au premier degré.
c) Propositions
c) 1. Concernant la composition
Le Conseil d’Etat devrait être composé du premier président, des présidents et des
conseillers. Les fonctions du ministère public devraient être assumées par le procureur général
près le Conseil d’Etat, les premiers avocats généraux et avocats généraux près le Conseil
d’Etat. Le greffe devrait aussi y être organisé comme celui de la Cour de cassation.
Nous pensons que le Conseil d’Etat devrait, en dehors de ses compétences prévues à
l’article 155 de la Constitution, être aussi le juge de cassation pour toutes les juridictions de
l’ordre administratif. Autrement dit, toute décision rendue en dernier ressort par n’importe
quelle juridiction administrative, devrait sous certaines conditions, être déférée au Conseil
d’Etat par la voie d’un recours en cassation.
870
R. DENOIX DE SAINT MARC, « Les projets de loi et de décret devant le Conseil d’Etat », in Mélanges en
l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 182.
871
Ibidem.
872
Ibidem.
222
Les sections réunies du Conseil d’Etat devraient être le juge de cassation des
jugements et arrêts rendus par les juridictions administratives statuant en dernier ressort.
Bref, le Conseil d’Etat devrait être juge de première instance, juge d’appel et juge de
cassation. Il devrait avoir les attributions administratives ou consultatives (donner des avis sur
les questions qui leur sont soumises par les autorités administratives centrales) et
juridictionnelles (connaître le contentieux administratif en annulation ou suspension au
premier degré ou au second degré ou en cassation).
Nous avons déjà noté plus haut que les juridictions d’exception sont celles qui sont
compétentes pour connaître les infractions particulières (infractions politiques ou infractions
purement militaires) et une catégorie des justiciables qui ont leur mode de vie propre et une
discipline particulière (militaire). De ce fait, étant donné que ces juridictions ne connaissent
qu’une catégorie d’infractions et des justiciables ainsi que des matières très spécialisées, elles
sont, rappelons-le, des juridictions d’exception873. A ce titre, nous retiendrons les juridictions
militaires, l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat, les Tribunaux de Commerce, les Tribunaux du
Travail. Ces deux dernières sont rangées ici étant donné qu’elles connaissent des matières très
spécialisées (particulières) ou exceptionnelles.
Les juridictions militaires font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si
elles sont rangées dans les juridictions d’exception. L’article 153 de la Constitution
congolaise approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et
promulguée le 18 février 2006 déclare : « Il est institué un ordre de juridictions judiciaires,
composé des Cours et tribunaux civils et militaires placés sous le contrôle de la Cour de
cassation ».
873
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, p. 169.
223
Les tribunaux militaires sont les juridictions les plus anciennes du droit colonial874. Le
régime des juridictions militaires de la colonie fut maintenu sans modification jusqu’en 1964,
date à laquelle furent instaurées les Cours martiales qui ne connurent d’ailleurs qu’une
existence limitée. Le Code provisoire de justice militaire de 1964 a été abrogé par
l’ordonnance-loi n° 72/060 du 25 septembre 1972 portant institution d’un Code de justice
militaire. Celui-ci fut à son tour abrogé par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant
création de la Cour d’ordre militaire, et qui lui aussi sera abrogé par la loi n° 023-2002 du 18
novembre 2002 portant Code judiciaire militaire en République Démocratique du Congo.
Nous aborderons le fondement des juridictions militaires (I), l’organisation et la compétence
des juridictions militaires (II) ainsi que les critiques relatives à l’organisation et la compétence
des juridictions militaires au regard des normes universelles du procès équitable (III).
D’autre part, il existe des infractions spécifiquement militaires, c’est-à-dire celles qui
sont inhérentes à la vie militaire (insubordination, lâcheté, abandon de poste, désertion) qui ne
sont pas prévues par le Code pénal ordinaire (de droit commun), et ce sont des juridictions
militaires qui sont compétentes à l’égard de ces infractions. Concrètement, le soldat est régi
par des règles particulières, il vit dans les conditions spéciales, son juge naturel doit être celui
qui a la pratique de commandement et l’obéissance, qui parle son langage et qui, soumis aux
mêmes devoirs et sacrifices, vivant au sein de cette communauté militaire, connaît sa
mentalité et ses difficultés875. Autrement dit, le militaire doit être jugé par son semblable
militaire. D’où l’adage, « Le militaire ne peut être jugé que par ses pairs ou ses supérieurs ».
Cela signifie que le militaire sera jugé par son collègue militaire du même grade que lui ou
ayant le grade supérieur que lui.
Toutes ces raisons justifient l’existence des juridictions militaires. En effet, l’article
156 de la Constitution congolaise du 18 février 2006876 prévoit que les juridictions militaires
connaissent les infractions commises par les membres des Forces armées et de la police
nationale. Aussi, il ressort de l’article 76 du Code judiciaire militaire que les juridictions
militaires connaissent, sur le territoire de la République, des infractions d’ordre militaire
874
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, p. 169 ; LIKULIA BOLONGO, La compétence d’attribution des juridictions militaires en temps de
paix en droit comparé zaïrois, belge et français, Paris, LGDJ, 1975, p. 23.
875
LIKULIA BOLONGO, Droit pénal militaire congolais, Paris, LGDJ, 1977, p. 3 ; voir également exposé des
motifs du décret-loi du 18/15/1964 portant code provisoire de justice militaire.
876
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, p. 54.
224
Relevons toutefois, si l’un des co-auteurs ou complices n’est pas militaire, les
prévenus militaires seront justiciables des juridictions de droit commun (Tribunaux appelés
communément Tribunaux civils) cela en se conformant à l’esprit et à la lettre de l’article 115
du Code judiciaire militaire. En effet, l’article 115 du Code judiciaire militaire déclare : « Les
Tribunaux de droit commun sont compétents dès lors que l’un des co-auteurs ou complices
n’est pas justiciable des juridictions militaires, sauf pendant la guerre ou dans la zone
opérationnelle, sous l’état d’urgence ou de siège ou lorsque le justiciable civil concerné est
poursuivi comme co-auteur ou complice d’infraction militaire ». De même, l’article 118 du
Code judiciaire militaire prévoit que la juridiction de droit commun peut juger un militaire qui
a commis une infraction de droit commun à l’audience de la juridiction de droit commun.
Autrement dit, il s’agit des délits d’audience.
Lorsque plusieurs personnes militaires et une civile ont commis plusieurs infractions
en participation criminelle et sont poursuivies simultanément, elles doivent être jugées par la
juridiction civile compétente de rang le plus élevé877. Mais le Conseil de guerre général a
estimé lorsqu’une cause comprend un militaire et des civils comme prévenus et que le fait
reproché aux civils constitue une assistance des civils au militaire en vue de commettre une
infraction à la loi ou au règlement militaire, les juridictions militaires sont compétentes878.
Cependant nous pouvons préciser qu’en matière de droit privé (civile, commerciale, de
la famille, etc.), ce sont les juridictions de droit commun qui sont compétentes même si toutes
les parties au procès sont militaires. Exemple : Divorce entre un colonel des FARDC et une
femme capitaine de FARDC sera jugé par les Tribunaux de droit commun (Tribunal de Paix
s’il est déjà installé, ou au Tribunal de grande instance si celui-là n’est pas encore installé).
Les Tribunaux Militaires ne sont pas compétents pour connaître de l’action civile ni pour
allouer des dommages et intérêts civils. Ces juridictions ordonnent cependant la restitution des
objets retrouvés en nature et dont la propriété n’est pas contestée879. C’est à l’avènement de la
deuxième République que les Forces Armées Congolaises ont été dotées d’un Code définitif
de justice militaire par la promulgation de l’Ordonnance-loi n° 72/060 du 25/091972 portant
institution d’un Code de justice militaire. Ce Code de justice militaire a été abrogé par la loi
n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire.
877
CSJ, 7/4/1970 RP 14-RCD, 1971, II, p. 16, RJC, 1970, p. 128 ; CSJ, 3/61970, RP8, RCD, 1970, II, p. 18 ; Lire
RJC, 1971, p. 22.
878
C.G.G., 7 janvier 1975, M.P. contre Tsh., in RJZ, 1975, n° 2-3, p. 114.
879
A. RUBBENS, op. cit., T1 n° 227, pp. 261-262.
225
a) Ressort et siège
b) Composition
Le tribunal militaire de police est toujours présidé par le magistrat de carrière faisant
partie du siège. Le premier président de la Cour militaire du ressort peut désigner un juge du
tribunal militaire de garnison pour siéger au tribunal militaire de police. Il siège avec le
concours du ministère public et l’assistance du greffier. Les fonctions du ministère public sont
assumées par le premier substitut ou le substitut de l’auditeur militaire de garnison.
c) Compétences
a) Le ressort et siège
b) Composition
Le tribunal militaire de garnison est composé d’un président et des juges. Il siège au
nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs ou subalternes, dont au moins un magistrat
de carrière. Il siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Il est
présidé par un officier supérieur ou subalterne, magistrat de carrière. Les fonctions du
ministère public sont assumées par l’auditeur militaire de garnison assisté d’un ou de
plusieurs premiers substituts et substituts de l’auditeur militaire de garnison.
c) Compétences
- Compétence territoriale
- Compétence matérielle
880
CSJ, 12/5/1976, RP.168, Bull. 1977, p. 125.
227
- Compétence personnelle
a) Ressort et siège
Il existe une ou deux Cours militaires dans chaque province et dans la ville de
Kinshasa. Le ressort de la Cour militaire comprend le ressort territorial de chaque province et
le siège ordinaire est établi au chef-lieu de la province, dans la localité où se trouve le quartier
général de la région militaire ou dans tout autre lieu fixé par le Président de la République. Le
ressort de la Cour militaire de la ville de Kinshasa comprend le ressort territorial de la ville de
Kinshasa et son siège ordinaire est établi dans la ville de Kinshasa. La Cour militaire peut se
réunir en tous lieux de son ressort territorial.
b) Composition
a) Compétences
Les Cours militaires connaissent, au premier degré, des infractions commises par les
officiers supérieurs des Forces armées congolaises et les membres de la police nationale et du
service national de même rang ; les personnes justiciables, par état, de la Cour d’appel pour
des faits qui relèvent de la compétence des juridictions militaires ; les fonctionnaires de
commandement du ministère de la Défense, de la police nationale, du service national ainsi
que de leurs services annexes ; les magistrats militaires des tribunaux militaires de garnison et
ceux des auditorats militaires près ces tribunaux militaires, les membres militaires de ces
juridictions poursuivis pour les faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions de juge. Les Cours militaires connaissent également de l’appel des jugements
rendus en premier ressort par les tribunaux militaires de garnison.
Les Cours militaires jugent en premier ressort les justiciables énumérés à l’article 121
du Code judiciaire militaire. Il s’agit des justiciables cités concernant les compétences
matérielles. L’appel de ses décisions est porté devant la Haute Cour militaire.
C’est la plus haute juridiction militaire des Forces Armées, elle se trouve au sommet
de la pyramide et elle est unique pour toute la République Démocratique du Congo.
a) Ressort et siège
Il est établi pour toute la République, la Haute Cour militaire ayant son siège à
Kinshasa. Son ressort s’étend sur toute l’étendue du territoire de la République.
b) Composition
La Haute Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs
présidents et des conseillers. Elle comprend deux ou plusieurs chambres. Elle siège au nombre
de cinq membres, tous officiers généraux ou supérieurs, dont deux magistrats de carrière. Elle
siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Elle est présidée par un
officier général, magistrat de carrière. Lorsqu’elle siège en appel, elle est composée de cinq
membres dont trois magistrats de carrière.
229
Les fonctions du ministère public sont assumées par l’auditeur général des Forces
Armées. Il a le droit d’ordonner aux magistrats militaires d’instruire, de poursuivre ou de
s’abstenir de poursuivre. Il a le droit de surveillance et d’inspection sur les auditorats
militaires près les Cours et les tribunaux militaires. L’auditeur général des forces armées est
assisté d’un ou de plusieurs premiers avocats généraux des Forces Armées et des avocats
généraux des Forces Armées.
b) Compétences
La Haute Cour militaire connaît des recours en annulation pour violation de la loi
formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux
militaires ; des demandes en révision, des prises à partie, des règlements de juges ; des renvois
ordonnés après une deuxième annulation et ceux ordonnés sur pourvois formés sur injonction
du ministre de la Défense. Dans ces cas, la Haute Cour militaire siège avec cinq membres,
tous magistrats de carrière.
La Cour suprême de justice a estimé que la voie légale en vue d’attaquer une décision
rendue par un tribunal militaire consiste à exercer un recours en annulation devant les
juridictions militaires compétentes881.
Lors de l’examen des renvois ordonnés après une deuxième annulation et de ceux
ordonnés sur pourvois formés sur injonction du ministre de la Défense, le premier président
de la Cour suprême de justice peut, à la demande du premier président de la Haute Cour
militaire, désigner un membre de la Cour suprême de justice pour siéger à la Haute Cour
militaire.
La Haute Cour militaire juge au premier et dernier ressort les officiers généraux des
Forces Armées congolaises et les membres de la police nationale et du service national de
même rang, les personnes justiciables, par état, de la Cour suprême de justice, pour des faits
qui relèvent de la compétence des juridictions militaires ; les magistrats militaires membres de
la Haute Cour militaire, de l’auditorat général, des Cours militaires, des Cours militaires
opérationnelles, des auditorats militaires près ces Cours ; les membres militaires desdites
juridictions, poursuivis pour des faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions de juge. Les arrêts rendus par la Haute Cour militaire ne sont susceptibles que
d’opposition et non d’appel.
881
C.S.J., 21 juin 1978, R.A., 39, Bull., 1979, p. 81.
230
Elle présente cette particularité d’avoir une organisation et des attributions propres.
Elle a été instituée pour accompagner les unités des forces armées appelées à faire
mouvement à raison des opérations militaires. Cette juridiction est établie pendant les
circonstances exceptionnelles. Tel est le cas lorsque le pays fait l’objet d’une guerre ou dans
d’autres circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la vie de la nation,
notamment les menaces de guerre, de rébellion ou d’insurrections armées. L’implantation des
Cours militaires opérationnelles est décidée par le Président de la République.
a) Ressort et siège
b) Composition
c) Compétences
Les Cours militaires opérationnelles connaissent sans limite de toutes les infractions
justiciables de la juridiction militaire qui leur sont déférées. Au regard de ce qui précède, la
compétence matérielle de la Cour militaire opérationnelle est illimitée. Le législateur a voulu
ici assumer efficacement pour l’intérêt de la nation la répression des manquements au devoir
par l’intervention rapide et exemplaire du jugement.
La loi n’est pas claire sur ce point, nous estimons que sa compétence personnelle est
également illimitée. Ce qui nous permet d’affirmer ainsi que ce sont précisément les raisons
231
qui ont motivé l’institution de cette juridiction en ce sens que le législateur a voulu rapprocher
la justice du justiciable.
Nous relèverons le droit à un juge d’appel (1), le droit d’être défendu par un défenseur
de son choix (2), l’incompétence des juridictions militaires concernant l’interprétation de la
légalité des actes administratifs et réglementaires (3), le droit d’être jugé par un juge
indépendant et impartial (4) et la nécessité de supprimer les juridictions militaires en temps de
paix (5).
Ce droit est garanti par l’article 8 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme
de l’ONU du 10 décembre 1948 qui dit : « Toute personne a droit à un recours effectif devant
les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux
(…) ». De même, l’article 7.1.a de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
prévoit : « Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les
droits fondamentaux qui lui sont reconnus est garantis par les conventions, les lois,
règlements et coutumes en vigueur ». Aussi, l’article 14, § 5 du Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques signé à New York le 19 décembre 1966 de l’ONU dit : « Toute
personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction
supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation (…) ».
882
Promulguée le 18 février 2006, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial,
18 février 2006, pp. 3 et s.
232
Ce droit est garanti par l’article 7.1.c de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples qui déclare : « Toute personne a le droit à la défense, y compris celui de se faire
assister par un défenseur de son choix ». Ce droit est aussi garanti par l’article 14, § 2.d du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966 de l’ONU qui
dit : « Toute personne accusée d’une infraction pénale (…) a droit à se défendre elle-même ou
à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix, si elle n’a pas de défenseur, à être informée
de son droit d’en avoir un (…) ». Enfin, l’article 19 alinéas 4 et 5 de la Constitution
congolaise approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février
2006 déclare : « Toute personne a droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un
défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête
policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité ».
Et pourtant, l’article 61, alinéa 2 du Code judiciaire militaire prévoit que les avocats,
défenseurs judiciaires ou militaires assument la défense des prévenus devant les juridictions
militaires doivent être tous de nationalité congolaise. Cela veut dire que les avocats et
défendeurs judiciaires étrangers y sont exclus. Nous estimons que cette disposition viole la
Constitution et porte atteinte aux droits fondamentaux de l’homme qui garantissent le droit de
tout justiciable, de surcroît le prévenu à être assisté par un avocat ou défenseur de son choix et
peu importe sa nationalité. En conséquence, elle ne contribue pas à un procès équitable.
L’article 76 alinéa 2 du Code judiciaire militaire prévoit que les juridictions militaires
sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels.
On peut se demander comment les juridictions militaires dont le siège est composé en
majorité des jurés (qui ne sont pas juristes) peuvent contribuer à interpréter la légalité des
actes administratifs, réglementaires ou individuels. Il nous semble que ces juridictions
risquent de se substituer aux juridictions administratives. Il serait mieux de prévoir lorsque les
juridictions militaires sont confrontées aux difficultés d’interprétation de la légalité des actes
administratifs ou réglementaires, qu’elles posent une question préjudicielle aux juridictions
administratives afin d’avoir le sens et la portée de ladite interprétation. Cela contribuerait plus
efficacement à la qualité de la justice.
233
Au cas où il n’y aurait pas possibilité de poser une question préjudicielle aux
juridictions administratives, l’on devrait à tout le moins déclarer les juridictions militaires
incompétentes d’interpréter la légalité des actes administratifs ou réglementaires. En voulant à
tout prix rendre compétentes les juridictions militaires sur diverses matières qui n’entreraient
pas dans ses compétences ; cela ne contribue pas à un procès équitable.
Bien que l’indépendance du juge soit proclamée par tous les textes relatifs aux droits
fondamentaux de l’homme et la Constitution, il y a de quoi s’interroger sur l’indépendance
du juge militaire à l’égard du pouvoir exécutif (ou du commandement militaire) en
République Démocratique du Congo.
En effet, les membres de la Haute Cour militaire et de la Cour militaire sont nommés
et le cas échéant relevés de leurs fonctions par le Président de la République884. Comme
nous pouvons le constater, ces magistrats militaires ne bénéficient pas de l’inamovibilité
durant leur mandat étant donné que le chef de l’Etat peut les démettre à tout moment, et
d’ailleurs lors de leur désignation, aucun mandat précis ne leur est signifié, d’autant plus
883
Nous nous limiterons uniquement à l’indépendance du juge, nous n’aborderons donc pas l’impartialité ici.
884
Article 8 et 14 de la loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire en République
Démocratique du Congo, in Les Codes Larcier, République Démocratique du Congo, tome I, Droit civil et
judiciaire, Bruxelles, éd. Larcier, Afrique éditions, 2003, p. 394.
234
qu’ils savent qu’ils doivent leur nomination au Président de la République. Dans ces
conditions, il y a de quoi avoir des doutes sur l’indépendance de ces magistrats militaires.
Un autre facteur qui montre que les membres de la Haute Cour militaire ne sont pas
indépendants du pouvoir exécutif résulte du fait que pour des raisons liées à l’intérêt
supérieur de la défense, le ministre de la Défense peut seul décider du placement d’un ou de
plusieurs juges militaires885. En d’autres termes, la composition de juridiction peut être
modifiée à tout moment et le ministre de la Défense est seul à apprécier en quoi réside
« l’intérêt supérieur de la défense » pour justifier le changement de composition du siège.
Enfin, l’on peut émettre des doutes concernant l’indépendance du juge militaire à
l’égard du commandement militaire. En effet, alors que l’indépendance du juge est affirmée
par la Constitution, sur le terrain militaire, le juge est paradoxalement géré par le
commandement militaire qui se comporterait allègrement en chef suprême de la justice
militaire. Cela se traduit par la loi886 qui reconnaît au commandant militaire du siège d’une
Cour ou d’un tribunal militaire, le pouvoir de proposer le renouvellement des membres de
ces juridictions, chaque fois que cette mesure est nécessitée par le mouvement du corps de
troupe de garnison887. En effet, comme le relève notre collègue, le Professeur Matadi Nenga
Gamanda : « Le grief le plus important que l’on adresse aux conseils de guerre est leur
dépendance vis-à-vis du commandement militaire et la formation juridique généralement
peu adéquate des juges assesseurs, militaires de carrière qui siègent à côté du juge
permanent. Ce dernier, malgré sa formation hors soupçon, n’a pas d’autorité suffisante
pour empêcher l’arbitraire dicté par les officiers les plus gradés qui siègent avec lui. Les
officiers des auditorats sont tous des juristes mais doivent obéissance à la hiérarchie
militaire (…). Les auditorats ont une tendance maladive à s’immiscer dans la fonction de
juger qui ne leur est pas dévolue »888. Ces éléments confirment que le juge militaire est
difficilement indépendant à l’égard du commandement militaire en République
Démocratique du Congo.
En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré que les cours
martiales britanniques ne répondaient pas aux conditions d’indépendance, compte tenu
885
Article 37 de la loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code de justice militaire en République
Démocratique du Congo.
886
Article 31 de la loi précitée.
887
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et l’Afrique francophone, vol. I, L’indépendance du juge, thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 111.
888
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd., Droit et idées nouvelles, 2001, pp. 368-369.
235
notamment du rôle crucial joué dans l’accusation par l’officier convocateur, lequel était
étroitement lié aux autorités de poursuite, était le supérieur hiérarchique des membres de la
Cour martiale et pouvait, quoique dans des circonstances précises, dissoudre celle-ci et
refuser d’entériner sa décision889.
889
CEDH, 25 février 1997, Findlay c/Royaume Uni.
890
CEDH, 26 février 2002, Morris c/Royaume Uni.
891
CEDH, 16 décembre 2003, Grieves c/Royaume Uni.
892
CEDH, 9 juin 1998, Incal c/Turquie ; CEDH, 28 octobre 1998, Ciraklar c/Turquie ; CEDH, 12 mars 2003, A.
Öcalanc c/Turquie (décision de recevabilité) ; CEDH, 12 mai 2005, A. Öcalanc c/Turquie, requête n°
46221/99 (six voix contre une) ; CEDH, 10 novembre 2004, Canevi et autres c/Turquie (unanimité) ;
CEDH, 23 octobre 2003, Akkas c/Turquie. Après des condamnations à répétition sur ce fondement, la
Turquie a amendé l’article 43, § 52 de sa Constitution supprimant tout juge militaire dans les cours de
sûreté de l’Etat. Sur ce point, voy. SEVKI AKDAG, La Turquie devant la Cour européenne des droits de
l’homme, thèse, Aix-Marseille III, 2002, pp. 227-247.
893
CEDH, 16 décembre 2003, Grieves c/Royaume Uni (unanimité).
236
De même, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU se fondant sur l’art. 14, §
er
1 du Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques a déclaré : « Une situation
dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif
ne peuvent être clairement distinguées ou dans lesquelles le second est en mesure de
contrôler ou diriger le premier est incompatible avec le principe d’un tribunal
indépendant (…) »895.
894
CEDH, 12 mai 2005, Abdoulay Öcalan c/ Turquie (11 voix contre six) ; CEDH, Ceylant c/ Turquie, 30 août
2005.
895
Constatation dans l’affaire n° 468/1991, Angel N. Olo Bahamonde c/Guinée équatoriale, A/49/40, p. 84, §
435.
896
Article 8 et 14 de la loi n° 023-2002 du 18 décembre 2002 portant Code judiciaire militaire.
897
Art 37 de la même loi.
898
Article 31 de la même loi.
899
Rapport du Rapporteur spécial, M. Param Cumaraswamy sur l’indépendance et impartialité des magistrats, des
jurés et des assesseurs et indépendance des avocats, soumis conformément à la résolution 1994/41,
Commission des droits de l’homme, Document E/CN.4/1995/39, 6 février 1995, Conseil Economique et
social, Nations Unies, §57, p. 17.
237
Toutes les critiques que nous avons relevées contribuent sans doute à la suppression
des juridictions militaires en temps de paix. D’autres éléments vont pratiquement dans ce
sens : les enseignements de droit comparé (a), la rigueur excessive (b) les exigences d’un Etat
de droit et le procès équitable (c).
Or, la France a supprimé les juridictions militaires en temps de paix900. En effet, l’on
reprochait à ces juridictions d’être composées des militaires dont l’état de subordination
semblait difficilement compatible avec la qualité de juge, et de se montrer parfois d’une
rigueur excessive. La procédure elle-même n’échappait pas à la critique notamment le rôle
important joué par la sécurité militaire ainsi que le fait pour ces juridictions de statuer sans
motiver leurs décisions et sans appel. C’est ainsi qu’en 1982, la loi n° 82-621 du 21 juillet
1982 supprima les tribunaux permanents militaires en temps de paix.
Les juridictions militaires françaises ne sont prévues qu’en temps de guerre, et à titre
exceptionnel en temps de paix, lorsque les armées stationnent ou opèrent hors du territoire
français. Dans ces conditions, c’est le tribunal des forces armées siégeant à Paris qui est seul
compétent. Mais, les magistrats qui le composent sont exclusivement des magistrats civils903.
900
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 206, pp. 169-16171; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 380, p. 578; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Dalloz,
2004, p. 58 ; B. BOULOC, Procédure pénale, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 507 et 508, pp. 471-473 ; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 3ème éd. Litec, 2005, n° 192-193, pp. 177-180 ; J.
P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 155, p. 120 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.61.
901
Ibidem.
902
Art. 698 Code de procédure pénale français ; voy. R. PERROT, op. cit., n° 207, p. 171; J. VINCENT, S.
GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, op. cit., n° 384, p. 581 ; A. HERAUD et A.
MAURIN, op. cit., p. 60.
903
Article 6 à 10 du Code français de justice militaire ; voy. M.L. RASSAT, op. cit., p. 158; R. PERROT, op.
cit., p. 170; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, op. cit. pp. 581-583 ;
B. BOULOC, op. cit. ; n° 508, pp. 473-474 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, op. cit, n° 194, pp. 180-181.
238
De même en Belgique, les juridictions militaires ont été supprimées en temps de paix ;
elles ne pourraient être organisées qu’en temps de guerre904. En temps de paix, les infractions
commises par les militaires relèvent désormais de la compétence des juridictions de droit
commun traitant des matières pénales (tribunaux de police, tribunaux de première instance,
Cour d’appel et Cour d’assises). Ainsi, en temps de paix, les infractions commises par les
militaires sont recherchées, poursuivies et jugées de la même manière que les infractions
commises par des citoyens ordinaires. En tant que guerre, des juridictions militaires et une
Cour militaire seront mises sur pied mais ces juridictions seraient composées à la fois des
magistrats civils et d’officiers militaires. L’une des raisons de la suppression des juridictions
militaires en temps de paix a été motivée par le fait que certaines dispositions en la matière
étaient contraire aux prescrits de la Convention Européenne des Droits de l’Homme905.
Enfin, le Bénin et le Sénégal906 qui sont les modèles de démocratie et de l’Etat de droit
en Afrique francophone, ont supprimé les juridictions militaires en temps de paix et en temps
de guerre. Les infractions de droit commun ou militaires commises par les militaires ou civils
sont jugées par les tribunaux de droit commun, en l’occurrence pour le Sénégal, le tribunal
régional (correspond au tribunal de grande instance) ou la Cour d’appel ou la Cour d’assises.
Dès lors que le Code judiciaire militaire congolais s’était inspiré largement de l’ancien
Code de justice militaire français, et les mêmes raisons qui ont conduit à la suppression des
juridictions militaires françaises existent actuellement en République démocratique du
Congo ; les juridictions militaires congolaises devraient être supprimées en temps de paix.
Enfin, dans la plupart des Etas démocratiques de la famille romano-germanique, les
juridictions militaires ont été supprimées en temps de paix.
b) La rigueur excessive
Nous avons relevé les difficultés d’indépendance du juge militaire à l’égard du pouvoir
exécutif et du commandement militaire, la rigueur excessive qui existait pour les juridictions
militaires françaises est toujours d’actualité en République Démocratique du Congo907.
En effet, l’ancienne Cour d’ordre militaire créée par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997
avait un caractère exceptionnel. Elle était d’une rigueur excessive et jugeait également les
904
Loi du 10 avril 2003 relative à la suppression des juridictions militaires en temps de paix ainsi que leur
maintien en temps de guerre, Moniteur belge, 7 mai 2003.
905
Exposé des motifs, Document parlementaire chambre des représentants, n° 2108/001, pp. 1-2 ; voyez H.D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, pp. 1230-
1231.
906
Loi n° 94-44 du 27 mai 1994 portant Code judiciaire, in Journal officiel de la République du Sénégal du 15
octobre 1994, n° 5602 ; Voyez A. FAYE, Institutions judiciaires, cours polycopié, 1ère année, Faculté des
sciences juridiques et économiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, année académique 1998-1999,
pp. 51-53.
907
La difficulté d’être défendu par un avocat ou défenseur judiciaire de son choix (art. 61, al. 2 du Code
judiciaire militaire) ; la compétence d’interpréter la légalité des actes administratifs ou réglementaires (art.
76 al. 2 du Code judiciaire militaire) ; la difficulté d’indépendance du juge militaire (art. 8, 14, 31 et 37 du
Code judiciaire militaire).
239
civils impliqués dans les vols à mains armées et dans les crimes économiques. Ceux-ci
n’étaient pas définis par aucun texte de loi et apparemment n’étaient qualifié de crimes
économiques que ceux présentés comme tels par le gouvernement. Il n’y avait pas de voies de
recours : ni opposition ni appel. Ses décisions étaient donc immédiatement exécutoires908. A
ce sujet, le rapport de l’ASADHO souligne que cette juridiction était un instrument de terreur
et d’horreur au regard des condamnations à mort qui s’y exécutaient, la persistance à harceler
les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, à cautionner d’autres abus perpétrés
par les hommes en uniforme909. L’on n’a pas hésité à la qualifier d’une juridiction d’éviction
des opposants politiques910.
Les autres juridictions militaires congolaises ne sont pas à l’abri de cette rigueur
excessive. En effet, comme l’affirme le général Likulia Bolongo, le but des tribunaux
militaires était d’assurer la répression énergique de tous les actes contraires à la discipline et
d’assurer la célérité dans la procédure afin d’arriver à une répression rapide911.
Cette rigueur excessive se traduit par le fait que la plupart des jugements et arrêts des
juridictions militaires sont immédiatement exécutoires, c’est-à-dire dès le prononcé912, et le
pourvoi en annulation n’est suspensif d’exécution qu’en cas de condamnation à la peine de
mort ou lorsque les impératifs de la défense nationale ou l’intérêt supérieur de la défense
l’exigent, et le fait que les justiciables condamnés à la peine de mort sont fusillés même si
ceux-ci ont la qualité de militaire ou pas, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin913.
Comme nous pouvons le constater, la compétence attribuée aux juridictions militaires à
l’égard des civils apparaît comme une abomination914. L’on ajoutera aussi que plusieurs cas
sont punis de la peine de mort par le Code de justice militaire915. Enfin, les décisions de la
908
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. I, L’indépendance du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit,
UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 110 ; MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir
judiciaire en République Démocratique du Congo, contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd.
Droit et idées nouvelles, 2001, pp. 365 à 368 ; P. AKELE ADAU, « La Cour d’ordre militaire : sa nature,
son organisation et compétence », in Congo-Afrique, n° 319, novembre 1997, pp. 544-545 ; voyez aussi La
Libre Belgique, mercredi 20 et jeudi 21 mai 1998, n° 140, p. 6 sous le titre : « L’inique procès de
Lubumbashi » ; J.P. KILENDA, « Une nouvelle unité dans le paysage judiciaire congolais : La Cour
militaire », in Revue africaine de droit international comparé, octobre 1998, vol. 10, pt 3, pp. 472 et s.
909
Rapport ASADHO 1er semestre 2000, pp. 1 et s.
910
J.P. KILENDA KAKENGI BASILA, « Une nouvelle unité dans le paysage judiciaire congolais : la Cour
d’ordre militaire », in Revue africaine de droit international comparé, octobre 1998, vol. 10, pt 3, p. 475 ;
C.VANDAELE, « La Cour d’ordre militaire : l’arme juridique du régime Kabila », in Libertés ! , le mensuel
d’Amnesty International, mars 2002, n° 382, pp. 17-19.
911
LIKULIA BOLONGO, La compétence d’attribution des juridictions militaires en temps de paix en droit
zaïrois, belge et français, Paris, LGDJ, 1975, p. 26.
912
MBIDI-NIKENI, « Exécution des décisions rendues par les juridictions militaires », in RJZ, 1984, numéro
spécial, 60e anniversaire, pp. 17-19.
913
ONYA-LUSEKE, « Exécution des décisions rendues par les juridictions militaires », in RJZ, 1984, numéro
spécial, 60e anniversaire, pp. 24, 26 et 35.
914
ONYA-LUSEKE, « L’ampleur des compétences matérielle et personnelle attribuées aux juridictions
militaires par l’ordonnance-loi n° 72-060 du 25 septembre 1972 », in RJZ, janvier à décembre 1984, n° 1-3,
pp. 34 et s.
915
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, éd. Droit et Société, 1995, p.
274.
240
Tous ces éléments montrent que les juridictions militaires sont d’une rigueur
excessive.
Partant de tous ces éléments, nous estimons que les juridictions militaires devraient
être supprimées en temps de paix en République Démocratique du Congo. Nous pensons que
cette suppression devrait être envisagée à deux phases. La première phase (qui va jusqu’en
2011, soit à la fin de la 1ère législature) consisterait à adapter les juridictions militaires aux
normes universelles du procès équitable. Entretemps, l’on devrait sécuriser tout le territoire
national afin qu’il y règne une paix durable, inculquer à l’armée (à tous les échelons) une
discipline du respect de la personne humaine ainsi que les valeurs démocratiques. Une fois
que ces éléments sont réunis, on passerait à la seconde phase. Celle-ci (qui commencerait à la
fin de l’année 2011, soit au début de la 2 ème législature) devrait conduire à la suppression
des juridictions militaires en temps paix. Le personnel judiciaire qui les compose devrait être
réparti dans différentes juridictions de droit commun existantes qui répondent mieux aux
normes universelles du procès équitable. Les juridictions militaires ne devraient exister
qu’uniquement en temps de guerre et mais devraient s’inscrire dans toutes les circonstances
aux normes universelles du procès équitable.
La Cour de sûreté de l’Etat (C.S.E.) était à placer au même niveau qu’une Cour
d’appel. Elle a été dissoute par l’article 225 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
Son étude nous paraît importante partant du rôle qu’a joué cette Cour depuis sa création
241
jusqu’à sa dissolution. Nous aborderons son ressort et siège (1), sa composition (2), ses
compétences (3), les raisons de sa suppression (4) et le sort des affaires pendantes devant
l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat (5).
1. Ressort et siège
2. Composition
La Cour de sûreté de l’Etat était composée d’un premier président, d’un ou plusieurs
présidents et des conseillers.
3. Compétences
L’infraction d’atteinte à la sûreté de l’Etat est établie lorsque le prévenu n’a pas
déclaré aux autorités militaires, administratives ou judiciaires, un document trouvé en sa
possession et conçu par son auteur comme stratagème de nature à ébranler la sécurité des
institutions nationales d’autant plus que l’inculpé, en sa qualité de représentant le plus élevé
de l’Etat dans sa province ayant de surcroît exercé des multiples fonctions politiques, sans le
pays, n’a pu se méprendre sur le danger réel que pouvait présenter l’existence de cet écrit
subversif916.
L’analyse que nous avons consacrée aux juridictions militaires est applicable à l’égard
de la Cour de sûreté de l’Etat. Nous préciserons tout simplement que l’article 97 du Code
d’OCJ stipulait que les arrêts rendus par la Cour de sûreté de l’Etat sont susceptibles
d’opposition et non d’appel. En d’autres termes, il n’y avait pas d’appel à la Cour de sûreté
de l’Etat. A ce sujet, nous avons relevé que l’appel est un droit qui est garanti par la
Constitution, or la Constitution étant au-dessus de la loi (Code d’OCJ), une simple loi ne
pouvait pas violer la Constitution. De ce fait, l’article 97 du Code d’OCJ ayant supprimé un
droit constitutionnel, était par conséquent inconstitutionnel. C’est pourquoi, nous pensons
qu’il était nécessaire de supprimer cette Cour.
916
CSJ, 7/7/1972, RPA 13, Bull. 1973, p. 125 ; RJZ, 1978, p. 77.
243
La Cour de sûreté de l’Etat avait été créée par le Maréchal Mobutu en vue de lui
permettre de « traquer » ses ennemis politiques918. Cette Cour était donc liée à la personne de
l’ancien chef de l’Etat, Monsieur Mobutu. Lors de la prise du pouvoir par Laurent Désiré
Kabila, la Cour de sûreté de l’Etat continuait à exister mais toutes ses compétences avaient été
dévolues à l’ancienne Cour d’ordre militaire qui était également exceptionnelle. La Cour de
sûreté de l’Etat n’avait donc plus d’activité.
Aujourd’hui, cette Cour a été dissoute par l’article 225 de la Constitution du 18 février
919
2006 étant donné que son existence était en contradiction avec le processus de démocratie.
Or, celle-ci implique qu’il y ait débat sur tous les sujets touchant les institutions de l’Etat :
notamment Présidence de la République, Parlement, pouvoir judiciaire, organismes étatiques
ou paraétatiques ; ce qui ne pouvait pas être concevable à la période du Parti unique où la
Cour de sûreté de l’Etat avait été créée par le Maréchal Mobutu pour lui permettre de traquer
ses opposants ou tous ceux qui pouvaient émettre des critiques sur son pouvoir absolu.
917
CSJ, 3/2/1971, MP c/T., RJZ, 1972, p. 113.
918
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit composé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 250
et 626 ; MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique
du Congo. Contribution à vue théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et idées nouvelles, 2001, p. 365 ;
Conférence Nationale Souveraine de la République du Zaïre, Rapport de la Commission juridique,
Kinshasa, Palais du Peuple, 1992, p. 32.
919
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, 18 février 2006, numéro spécial, p. 75.
244
Nous estimons que les poursuites judiciaires qui s’étaient fondées sur l’ancien article
96 du Code d’OCJ devraient donc cesser de plein droit étant donné qu’il n’y a plus de
juridiction compétente en cette matière. Les détenus maintenus en détention pour ces matières
devraient donc être relaxés faute de juridiction compétente en la matière sinon ils pourraient
saisir la Cour constitutionnelle (en attendant c’est l’actuelle Cour suprême de justice)921 pour
violation des droits fondamentaux de l’homme prévus par les articles 17 à 19 de la
Constitution, spécialement le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par le
juge compétent (article 19 alinéa 1 de la Constitution). Cela s’explique par le fait qu’on ne
peut pas détenir indéfiniment un auteur présumé d’une infraction d’atteinte à la sûreté de
l’Etat alors qu’il n’y a plus une juridiction compétente en cette matière légalement établie par
la loi, sinon l’on viole les normes universelles du procès équitable.
Ils font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si elles sont rangées dans les
juridictions d’exception. Nous examinerons successivement l’origine des Tribunaux de
commerce (1), l’organisation, le ressort et le siège (2), la composition (3), les compétences (4)
ainsi que les critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des Tribunaux de
commerce (5).
920
Voyez tous les arguments que nous avons développés concernant le droit à un Juge d’Appel devant les
juridictions militaires.
921
Article 223 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
245
Les tribunaux de commerce trouvent leur origine au XIVième siècle dans les
juridictions qui siégeaient temporairement devant les grandes foires européennes avant de
devenir permanentes. Leur origine lointaine remonte dans les Républiques marchandes de
Gênes et de Venise, pour trancher les litiges qui opposaient les marchands faisant commerce
de produits et denrées en provenance de l’Orient. Pour vider rapidement ces litiges, on avait
institué la juridiction des « juges consuls » qui avait cette particularité d’être composée de
juges élus par les commerçants de la place. De là, d’ailleurs, l’expression « juridictions
consulaires » utilisée encore de nos jours pour désigner les tribunaux de commerce922.
Les Tribunaux de commerce peuvent être d’exception (ou spécialisés) étant donné
qu’ils sont compétents pour juger en première instance, les affaires commerciales. Il faut
entendre par là, le jugement des affaires relatives aux actes de commerce (achat de
marchandises pour les revendre, lettres de change, opérations de banque, etc.). Comme on
peut le remarquer, il s’agit des matières particulières, spécialisées, exceptionnelles ; c’est
pourquoi nous avons qualifié ces juridictions d’exception. Il importe dès lors d’analyser son
organisation.
Le Tribunal de commerce est composé d’un président qui est magistrat de carrière. Il
comporte au moins deux chambres. Il siège au nombre de trois juges dont un permanent et
deux consulaires. Il est composé principalement des juges permanents qui sont magistrats de
carrière et des juges consulaires (qui ne sont pas des juristes).
Le juge permanent préside la chambre lorsqu’il s’agit des affaires qui touchent à
l’ordre public. Il s’agit notamment des faillites et concordats judiciaires, des contentieux
922
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. Dalloz, 2005, p. 443 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 121,
p. 112 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 147 ; G. DE LEVAL,
Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd., Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, n°
115 ; R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », in Journal des
Tribunaux, 1997, p. 154 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n°
102, pp. 84-85 ; J. GILLARDIN, » « Les tribunaux de commerce et les juges consulaires », in La
participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du colloque organisé le 25 novembre 2005 à
la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, p. 185.
246
relatifs aux contrat de société, des actions en matière de concurrence déloyale, des
contestations relatives aux affaires dans lesquelles un ou plusieurs défendeurs ont été caution
ou signataires d’un chèque bancaire, d’une lettre de change ou d’un billet à ordre.
Les juges consulaires sont élus, pour une durée de deux ans pour le premier mandat et
quatre ans pour les mandats suivants, par un collège électoral composé de délégués
consulaires désignés par les organisations professionnelles légalement reconnues et
représentatives du commerce et de l’industrie (article 4 de la loi précitée).
Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur de la République près
le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le siège du Tribunal de
commerce (article 12 de la loi précitée).
4. Compétences
Elle s’étend au niveau du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve
le Tribunal de commerce, autrement dit dans le district.
L’appel des décisions rendues par les Tribunaux de commerce en matières de droit
privé et pénal sont portés devant la Cour d’appel du ressort duquel se trouve le Tribunal de
commerce (article 39 de la loi sur les Tribunaux de commerce). Mais le délai d’appel est de
huit jours.
Nous examinerons l’absence des raisons sérieuses justifiant leur création (a),
l’indépendance du juge (b), l’impartialité du juge consulaire (c), le délai d’appel (d), la
problématique de la compétence des Tribunaux de commerce en matière pénale (e) et la
nécessité du supprimer les juridictions de commerce (f).
Nous ne partageons pas cette analyse car l’un des moyens indispensables pour éviter
les décisions iniques consisterait à améliorer les traitements des juges (magistrats). En effet,
les magistrats congolais sont les plus mal payés de l’Afrique noire924, voire même du monde.
Comment peut-on rendre une justice équitable dès lors que le juge de paix congolais a 150 $
US par mois. Et souvent le salaire n’arrive pas depuis plusieurs mois. Dans ces conditions, il
serait difficile d’éviter l’iniquité des décisions judiciaires.
Pour appuyer notre argumentation, une étude de droit comparé s’impose. En Belgique,
le juge le moins gradé comme le juge de paix a 3.756 euros par mois qui correspond au delà
de 4.000 $ US ; en France environ 2.500 euros correspondant à environ 3.000 $ US par mois,
en Allemagne 2.550 $ US, en Angleterre 6.000 $ US, en Italie 4.012 $ US, au Québec
3.583,33 $ canadiens, au Sénégal 975 $ US, en Côte d’Ivoire 690 $ US, au Bénin 225 $ US.
Mais une réforme est en cours permettant de mettre à l’abri du besoin les juges chargés de
rendre la justice925.
Cette comparaison montre que le juge congolais est le plus mal payé de l’Afrique
voire du monde. La création des tribunaux de commerce ne pourrait donc pas résoudre
923
LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du contentieux commercial, Tome I, Les tribunaux de commerce,
Kinshasa, éd. P.F.D.U., 2005, p. 19 ; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-
Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 51, p. 79.
924
E. BOSHAB, « La misère de la justice et justice de la misère en République Démocratique du Congo », in
Revue de la recherche juridique droit prospectif, 1998, n° 3, p. 1183.
925
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I, L’indépendance du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit,
U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 138-143.
248
l’iniquité des décisions judiciaires car ses juges (le Président est magistrat de carrière dont le
salaire est très dérisoire et l’indemnité de deux assesseurs commerçants sera de toute évidence
dérisoire car fixée par le ministre de la justice) seraient confrontés aux mêmes difficultés
matérielles que les juges de carrière.
b) L’indépendance du juge
Or, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en se fondant sur l’article 14, §1er du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966 a clairement
affirmé : « Une situation dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et
du pouvoir exécutif ne peuvent être clairement distinguées ou dans lesquelles le second est en
mesure de contrôler et de diriger le premier est incompatible avec le principe d’un tribunal
indépendant »927.
926
Document A/RES/40/146, 13 décembre 1985; Règle 5 pour l’application effective des principes fodamentaux
des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature, Résolution de l’Assemblée Générale de
l’ONU 44/162 du 15 décembre 1989; Principe III 1.b. de la Recommandation n° R(94) 12 du Comité des
Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges
(adoptée le 13 octobre 1984 lors de la 518 ème réunion des Délegués des Ministres); Artile 8 du Statut des
juges en Europe (approuvé par les membres de l’Association Européenne des Magistrats à Wiesbaden le
20 mars 1993 et amendé le 20 avril 1996); Article 13 du Statut universel du juge (approuvé à l’unanimité
par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à Taipei (Taiwan) 17
novembre 1999; Principe 6.1. de la Charte européenne sur le Statut des juges (adopté par les participants à
la Réunion multilatérale sur le Statut des juges en Europe, organisée par le Conseil de l’Europe les 8-10
juillet 1998); Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 242 et s.
927
Constations dans l’affaire n° 468/1991, Angel N. Olo Bahamonde contre Guinée équatoriale, A/49/40, p. 84,
§435.
249
Concernant les juges consulaires, ils sont élus par un collège électoral composé de
délégués consulaires désignés par les organisations professionnelles légalement reconnues et
représentatives du commerce et de l’industrie929. Il nous semble que ces juges consulaires ne
seraient pas indépendants vis-à-vis de leurs électeurs (mandats) et il y aurait risque d’intrusion
de la politique dans le prétoire : la justice n’y gagnerait ni en sérénité, ni en considération930.
Aussi, l’élection ne permettrait pas de recruter « les juges » ayant nécessairement des
connaissances juridiques car les juges consulaires élus auraient tendance à juger en équité, ce
qui est notion arbitraire, plutôt qu’en droit ; or, la montée de l’équité est le signe de
l’ignorance du droit.
Les jugements des Tribunaux de commerce sont rendus par le siège composé d’un
juge permanent (juriste) et de deux juges consulaires (commerçants, non juristes). On peut se
demander l’objectivité que les juges consulaires (commerçants) doivent avoir lorsqu’ils sont
appelés à juger des commerçants comme eux c’est-à-dire de la même profession, et donc
éventuellement leurs concurrents ou amis. En tout état de cause, ils ont des concurrents et des
amis931.
Et d’ailleurs une doctrine la plus autorisée a dénoncé une confusion des genres :
comment un juge peut-il s’aviser d’être donneur de conseils pour assister le chef d’entreprise
dans sa gestion, tout en restant un juge qui, au bout de la chaîne, sera peut-être conduit à
prononcer la faillite du commerçant qu’il a aidé pendant un temps ?932. En d’autres termes, le
juge consulaire, du fait de son appartenance à une profession n’a pas cette impartialité qui est
le propre de la fonction de juger. Et c’est à bon droit que le professeur Roger Perrot affirme :
« (…) Il est bien certain que les juges consulaires du fait des responsabilités souvent
928
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek contre Autriche, série A, n° 84 ; CEDH, 5 décembre 2002, Dalkilic contre
Turquie, §25 (unanimité) ; Avis de la Commission du 12 décembre 1983, Bramadida et Malmström contre
Suède, requête n° 85888/79 et 8589/79 ; CEDH, 9 juin 1998, Incal contre Turquie ; CEDH, 28 octobre 1998,
Ciraklar contre Turquie ; CEDH, 3 mars 2005, Brudnicka et alii contre Pologne.
929
Article 4 de loi n° 002-2001 du 3 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des
Tribunaux de Commerce.
930
A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, p. 198.
931
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p. 82.
932
E. KRINGS, « La juridiction consulaire et la situation économique », in Journal des Tribunaux, 1979, pp.
533 et suivantes.
250
importantes qu’ils assument au sein de leur profession, sont exposés plus sans doute que des
juges de carrière, au risque d’être influencés malgré eux par des considérations
extérieures »933.
Sur ce point, les enseignements du droit français nous semblent éloquents. En effet,
lors des travaux de la Commission d’enquête parlementaire sur les tribunaux de commerce, le
Procureur de la République d’Auxerre, Jacques Gazols avait révélé que le tribunal de
commerce ressemble à un « club d’amis » et craignait que cela ne devienne un lieu
d’élimination non seulement des entreprises défaillantes, mais aussi des concurrents
potentiels934.
De même, au tribunal de commerce d’Aurillac, l’on montre que sur neuf juges
consulaires, six sont administrateurs du Crédit Agricole, et le président du tribunal de
commerce, présent aux audiences, est administrateur de la principale librairie concurrente à
Aurillac935. Abordant dans le même sens, l’avocat général près la Cour de cassation française
rapporte que, lorsqu’il était Procureur de Nanterre, il recevait des plaintes de justiciables
étonnées de voir siéger leurs concurrents dans la formation chargée de les juger936.
Enfin, la doctrine allemande partage cette approche. En effet, elle reconnaît d’abord
que l’expertise et la proximité des juges laïcs (consulaires) par rapport aux parties peuvent
entrainer des problèmes d’impartialité937. Elle souligne ensuite les dangers d’une influence
qui découle soit de l’opinion publique, soit de la pression des médias. Dans ce contexte, il est
à craindre que la sensibilité des juges non professionnels à ces formes de pression soit plus
importante que celle des professionnels. Enfin, cette doctrine conclut : «Finalement, la
participation des juges laïcs (consulaires) ne correspond plus à l’organisation
judiciaire »938.
Ces éléments montrent que de tels juges auraient difficile à sauvegarder leur
impartialité. Cette absence d’impartialité serait donc inévitable pour les juges des tribunaux de
commerce de la République Démocratique du Congo.
933
R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », Journal des
Tribunaux, 1997, p. 517 ; R. PERROT, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en
France (les juridictions de proximité) », in La participation du citoyen à l’administration de la justice.
Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers
de l’Institut d’ Etudes sur la Justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 238.
934
R. BACQUE, « Les tribunaux de commerce mis à nu par une enquête parlementaire », in Le Monde,
vendredi 10 juillet 1998, p. 6.
935
Ibidem.
936
Ibidem.
937
BURKHARD HESS, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en Allemagne », in La
participation du citoyen à l’administration de la Justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005
à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, p. 235.
938
BURKHARD HESS, Op. Cit., pp. 235-236.
251
d) Le délai d’appel
On peut d’abord s’étonner comment une juridiction de droit privé peut juger les
matières pénales. Ensuite, on peut s’étonner comment une telle juridiction dont le siège est
composé en majorité des juges consulaires (des commerçants qui ne sont pas des juristes
formés) peuvent apprécier les éléments de fait et de droit de la commission de l’infraction à la
législation économique et commerciale, et apprécier les circonstances aggravantes ou
atténuantes de telles infractions. Les juges consulaires n’étant pas été formés pour juger en
matière pénale, leur présence dans la composition du siège ne contribuerait pas à la qualité de
la justice. Et d’ailleurs les enseignements de droit comparé940 ne nous donnent pas les
indications allant dans le même sens que les dispositions de l’article 17 alinéa 2 de la loi
portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce en République
Démocratique du Congo. Autrement dit, dans toutes les législations de la famille romano-
germanique à laquelle le Congo a hérité, les infractions économiques et commerciales sont de
la compétence du juge pénal et non du juge civil.
Toutes les critiques que nous avons formulées contribuent sans doute à remettre en
cause l’existence des Tribunaux de commerce en République Démocratique du Congo. En
dehors de ces critiques, il convient de se demander s’il était vraiment opportun de créer les
939
Article 67 du Code de procédure civile.
940
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. Dalloz, 2005, n° 230-1 à 230-6, pp. 449 à 452 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MO NTAGNIER et
A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4ème éd. Dalloz, 1996, n° 231-233, pp. 284-285 ; R.
PERROT, Institutions judiciaires, Pris 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 134 à 135, pp. 120-121 ; G. DE
LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège,
1993, n° 121, pp. 156-157 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, pp. 147-150 ;
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ème éd. Sirey, 2004, pp. 36-37.
252
C’est surtout au XIXème siècle que les défections furent les plus nombreuses. Les pays,
donnés pourtant parmi les plus commerçants, abandonnèrent les Tribunaux de Commerce : les
Pays-Bas dès 1827, l’Italie, pays qui les a vus naître, en 1888, l’Espagne en 1868 et le
Mexique941. Aux Etats-Unis où les activités commerciales sont plus importantes, les
Tribunaux de commerce n’existent pas942.
Etant donné que la tendance actuelle est la suppression des Tribunaux de Commerce
au monde, il n’était donc pas opportun de les créer en République Démocratique du Congo. Et
comme le souligne notre collègue, le professeur Matadi Nenga Gamanda : « (…) bien
qu’attrayante, la formule du tribunal de commerce ne semblait pas encore appropriée pour
le Congo. (…) Il n’est pas indiqué de conseiller à un pays qui n’a pas les moyens financiers
de sa politique, d’adopter une structure coûteuse alors qu’il peut recourir à une autre à un
941
R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », in Journal des
Tribunaux, 1997, §4, p. 514.
942
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 136, p. 122.
943
Ibidem, n° 121 et 137, pp. 115 et 123 ; Voy. La réforme de la justice commerciale, in JCP- La Semaine
Juridique Edition Générale, 9 juin 1999, pp. 1065 et s ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris,
9ème éd. Ellipses, 2006, n° 102, p. 85 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien,
2006, n° 121, p. 113.
944
G. HORMANS, « La participation des citoyens au jugement des affaires commerciales », in Journal des
procès, n° 469, 28 novembre 2003, p. 15 ; J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions
de travail de Belgique. Une paradoxale mais adéquate spécificité », in La participation du citoyen à
l’administration de la justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des
Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, Bruxelles, 2006, pp. 44-45.
945
Réflexion pour un statut européen du juge consulaire, in http : www.Strasbourg.cci.fr/uemc/pg-statut-
europee-ic.pdf, 25 mars 2006, 21h 20’.
253
coût moindre et atteindre les mêmes objectifs. (…) Les juges sont en quête de leur formation.
A ce propos, on a mis la charrue avant le bœuf »946.
Nous estimons par contre qu’on devrait créer des Chambres spécialisées en matière
commerciale au niveau de chaque Tribunal de grande instance. Ces Chambres seraient
composées uniquement de magistrats de carrière, mais qui devraient avoir une formation
appropriée dans le domaine de droit économique. Et d’ailleurs, le président de la Commission
d’enquête parlementaire française, M. François Colcombet déclarait : « Une justice des
commerçants rendue par les commerçants n’est plus adaptée (…) une juridiction spécialisée
dans les faillites pourrait être installée auprès de chaque tribunal de grande instance »947.
Enfin, notre collègue, le professeur Matadi Nenga Gamanda est pratiquement du même avis
lorsqu’il souligne : « Les chambres de commerce, siégeant au sein des tribunaux de grande
instance et censées bénéficier d’une formation adéquate (…) étaient capables de rendre le
même service »948. Toutes ces propositions vont apparemment dans le même sens que la nôtre.
Ils font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si elles sont rangés dans les
juridictions d’exception. Nous aborderons leur origine (1), la définition des Tribunaux de
travail (2), organisation, ressort et siège (3), composition (4), compétences (5) ainsi que les
critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des Tribunaux du travail (6).
1. Origine
Les Tribunaux du travail ont comme ancêtre les « Conseils de Prud’hommes » dont le
nom signifie que ses membres doivent être des hommes sages « prudents » au sens latin du
terme. En France, ils gardent toujours l’appellation des conseils de prud’hommes. Ils avaient
été créés en France dans l’Ancien Régime à Lyon comme juridiction paritaire changée de
concilier et de juger les différends entre les fabricants de soierie et leurs ouvriers. Supprimée
d’abord par la Révolution française, au motif qu’elle était corporatiste, elle fut rétablie en
1806 par la loi du 19 mars 1806 qui décida de créer un Conseil de Prud’homme à Lyon.
Depuis 1979, les conseils de prud’homme ont été créés partout en France, actuellement il y a
270 conseils de prud’hommes949.
946
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit ét Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p.82.
947
M. ORANGE, « François Colcombet prône une réforme en profondeur des tribunaux de commerce », in Le
Monde, Dimanche 5-lundi 6 juillet 1998, p. 19.
948
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p. 82.
949
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 138-139, p. 123 ; M.L.
RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd ; PUF, 1996, pp. 150-151 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD,
G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2005, n° 234 et 235, pp.
455 et 457.
254
En République Démocratique du Congo, ces juridictions ont été créées par la loi n°
016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux
du travail951.
2. Définition
Il s’agit des juridictions qui ont la compétence de juger les matières relatives au
contrat de travail ou d’apprentissage ou de la sécurité sociale. Si par exemple, un employé a
été licencié abusivement, il peut demander réparation du dommage qui lui a été causé en
saisissant les Tribunaux du travail.
4. Composition
Le Tribunal de travail est composé d’un président, des juges et des juges-assesseurs.
Les juges et les présidents sont magistrats de carrière (article 3, alinéa 2) alors que les juges
assesseurs ne sont pas des juristes, ils appartiennent en principe à des organisations
professionnelles, des employeurs et des travailleurs (article 3, alinéa 3 de la loi précitée).
5. Compétences
950
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège 2ème éd. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, n° 104-105, pp. 139-141.
951
Les Codes Larcier République Démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, Bruxelles, éd.
Larcier, Afrique éditions, 2003, pp. 74 et suivantes.
255
Elle s’étend au niveau du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve
le Tribunal de travail, autrement dit au niveau du district ou de ville.
Le Tribunal du lieu du travail est seul compétent sauf dérogation intervenue à la suite
d’accords internationaux. Néanmoins, lorsque par force majeure ou par le fait de l’employeur,
le travailleur se retrouve au lieu d’engagement ou au siège de l’entreprise, le tribunal de ce
lieu devient compétent (article 17 de loi précitée).
Ils connaissent aussi des conflits de travail, à savoir, les conflits survenus entre un ou
plusieurs employeurs, d’une part et un certain nombre de membres de leur personnel d’autre
part, au sujet des conditions de travail lorsqu’ils sont de nature à compromettre la bonne
marche de l’entreprise ou la paix sociale.
a) L’indépendance du juge
Comme pour les Tribunaux de Commerce, il est difficile dans ces circonstances que
de tels juges puissent être indépendants vis-à-vis du ministre de la Justice, autrement dit du
pouvoir exécutif à qui ils doivent nomination discrétionnaire et prime fixée par ledit ministre.
Les arguments que nous avons développés concernant les Tribunaux de Commerce
s’appliquent mutatis mutandis aux Tribunaux du travail.
b) L’impartialité du juge
Les juges assesseurs des Tribunaux du travail (comme les juges consulaires) exercent
parallèlement une activité professionnelle. Cette situation peut poser problème au regard de
l’impartialité dès lors que les Tribunaux du travail sont composés outre le juge de carrière, des
juges assesseurs composés des représentants d’employeurs et d’employés. L’appartenance
syndicale d’un juge du travail le constitue-t-il de plein droit juge partial, dès lors que son
syndicat est partie à l’instance, sans même se pencher de son comportement ?
Une étude de droit comparé s’impose952. En effet, lorsque cette question s’était posée
devant la justice belge, le Tribunal du travail de Nivelles répondit que le juge social
« travailleur » garde son impartialité même si sa nomination a été présentée par une
organisation syndicale, partie à l’instance, dès lors qu’il n’est pas soumis à aucun lien
d’autorité avec cette organisation d’autant plus que sa présence est contrebalancée par celle du
juge « employeur »953.
Certains auteurs ont estimé que l’impartialité du juge de travail peut être plus
facilement suspectée dans la mesure où il est élu avec l’appui d’organisations professionnelles
ou syndicales954. Mais un jugement du Conseil de Prud’hommes de Thionville en France a eu
l’occasion de résoudre la difficulté en déclarant que le paritarisme fondait l’impartialité de la
952
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit,
U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 309-312 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit
commun et Droit comparé du procès équitable, Paris, 4ème éd. Dalloz, 2007, n° 360, p. 697 ; D. KELLER et
T. GRUMBACH, « La prétendue partialité du Conseil de Prud’hommes ou qui veut faire l’ange fait la
bête », Recueil Dalloz, 2003, p. 979 ; S. HENNION-MOREAU, « Indépendance et impartialité des
juridictions sociales », Mélanges Jacques Normand, Paris, Litec, 2003, p. 279 ; M. KELLER,
« L’impartialité de la juridiction prud’homale », Dalloz, 2004, n° 24, Jurisp. Commenté, p. 1691 ; P.
MORVAN, « Partisane mais paritaire donc impartiale : la juridiction prud’homale », La semaine juridique,
Ed. Gén., 11 février 2004, p. 269 ; J.P. MARGUENAUD et J.MOULY, « L’impartialité des juridictions du
travail devant la Cour européenne des droits de l’homme », in Droit social, juillet-août 2005, n° 7-8, pp.
803-807 ; R. PAUTRAT et R.LEROUX-COCHERIL, Les Conseils de prud’hommes-organisation-
administration-compétence-procédure, Paris, éd. Sirey, 1984, pp. 69-72 ; M. KELLER et T.GRUMBACH,
« Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale... encore ? », in Droit social, janvier 2006, n° 1, pp. 52-56 ;
J. VILLEBRUN, Traité de la juridiction prud’homale, Paris, L.G.D.J., 1997, n° 264- 286, pp. 89- 94.
953
Tribunal de Travail de Nivelles, 1ère Chambre, 16 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 557-559.
954
H. HELFRE, « Conseils de Prud’hommes : pour en finir avec le Moyen-Age », Gazette du Palais, 1992, 2,
doctrine, p. 1550.
257
Mais dès lors que l’on reconnaît le parti pris éventuel de tel juge, nous pensons que
l’on pourrait prévoir dans la mesure du possible que les juges du Tribunal de travail soient
tous des magistrats professionnels qui ont une expérience dans le domaine du travail
(formation théorique et pratique). En ce sens, l’on s’exposerait moins à enfreindre
l’impartialité. Et d’ailleurs, même les défenseurs les plus acharnés des Conseils de
955
Conseil de prud’hommes de Thionville, 28 avril 1999, Rennaia et UL, CGT contre Société Lorraine de
Construction Aéronautique et Société CME, in Droit Ouvrier, 1999, p. 374, note P.M.
956
Cour de Cassation française, Chambre sociale, 19 décembre 2003, Mon Logis contre Guillot, in Bulletin
civil des arrêts de la Cour de Cassation, V, n° 321 ; Recueil Dalloz, 2004, n° 24, Jurisprudence commentée,
p. 1688.
957
Cour de Cassation belge, 21 octobre 1985, RG7402, Pasicrisie belge, 1986, I, n° 110.
958
M. KELLER et T. GRUMBACH, « La prétendue partialité du Conseil de Prud’hommes ou qui veut faire
l’ange fait la bête », in Recueil Dalloz, 2003, point de vue, p. 980 ; M. KELLER, « L’impartialité de la
juridiction prud’homale », in Recueil Dalloz, 2004, n° 24, Jurisprudence commentée, p. 1691.
959
P. MORVAN, « Partisane mais paritaire donc impartiale : la juridiction prud’homale », in La Semaine
juridique Ed. Gén., 11 février 2004, p. 269.
960
CEDH, 1er juillet 2003, Kurt Kellerman AB contre Suède (n° 41579/98), décisions de recevabilité.
961
CEDH, 26 novembre 2004, Kurt Kellerman, AB contre Suède.
258
Cette difficulté risque aussi de se poser plus tard concernant les Tribunaux du travail
en République Démocratique du Congo. En vue d’y pallier, l’on devrait donc maintenir la
compétence des Tribunaux de grande instance en l’état actuel c’est-à-dire de connaître les
litiges relatifs au droit du travail et de la sécurité sociale mais avec des chambres spécialisées
dans ce domaine.
c) La juridiction d’appel
962
J.P. MARGUENAUD et J. MOULY, « L’impartialité des juridictions du travail devant la Cour
européenne des droits de l’homme », in Droit social, juillet-août 2005, p. 807.
963
M. KELLER et T. GRUMBACH, « Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale encore ? », in Droit
social, janvier 2006, n° 1, p. 53.
964
E. JEULAND, Droit processuel, éd. L.G.D.J., 2007, n° 204, p. 202.
965
Voyez aussi MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd
Académia-Bruylant , Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 58, p. 84.
966
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et Droit comparé du procès équitable, Paris,
4ème éd. Dalloz, 2007, n° 360, p. 697 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A.
VARINARD, Institutions judiciaires-organisation-juridictions-Gens de justice, Paris, 8ème éd. Dalloz,
2005, n° 236, pp. 455-456 ; J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions du travail de
Belgique. Une paradoxale mais adéquate spécificité », in La participation du citoyen à l’administration de
la justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles,
Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p.37.
259
L’article 20, alinéa 3 de la loi relative aux Tribunaux de travail dit que l’appel des
décisions rendues par lesdits tribunaux est relevé devant la Cour d’appel.
Nous ne voyons pas pourquoi le législateur a prévu les « juges travailleurs » et « juges
employeurs » au niveau du premier degré et ne pas prévoir de tels juges au second degré, donc
à la Cour d’appel. Dès lors que les juges d’appel sont tous magistrats de carrière, nous ne
trouvons pas des raisons de priver le justiciable de la technicité de ceux-ci au niveau des
Tribunaux de grande instance dans les litiges relatifs aux droits du travail et de la sécurité
sociale.
Les pays qui organisent les juridictions du travail soulignent la politisation des
élections de « juges travailleurs». Tel est le cas en France où les élections prud’homales ont
montré que tous les 5 ans, à l’occasion de scrutin, les grandes centrales syndicales testent leur
représentativité967. Cette réalité risque d’être constatée à l’égard des juridictions du travail en
République Démocratique du Congo.
L’on reproche aux juridictions du travail françaises de rendre leurs décisions après
plusieurs mois ; la durée moyenne des procès est de 11 mois968. Cette situation est fort
regrettable si l’on considère que dans la plus part des cas, les différends soumis aux conseils
de prud’hommes exigeraient une solution rapide969. Les juridictions du travail congolaises
risquent d’être confrontées aux mêmes difficultés.
La doctrine française la plus autorisée reconnaît que parfois la rédaction des jugements
est défectueuse et que certains secrétariats prud’homaux aggravent encore cette situation en
967
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 153, pp. 131-132 ; R.
PERROT, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en France (les juridictions de
proximité) », in La participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du Colloque organisé le
25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la
Justice, n° 8, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 238.
968
R. PERROT, Op. Cit., n ° 153, p.132.
969
R. PERROT, Op. Cit., p. 132
260
notifiant les décisions rendues avec beaucoup de retard970. Cette critique risque d’être
palpable à l’égard des juridictions du travail de la République Démocratique du Congo.
Toutes les critiques que nous avons relevées justifient la suppression des tribunaux
du travail. L’on devrait par contre créer des chambres spécialisées dans le domaine du travail
et de la sécurité sociale au sein des tribunaux de grande instance étant donné que cette
solution nous semble plus adéquate et de moindre coût. Et d’ailleurs, cette position est
partagée par les éléments du droit comparé. En effet, plusieurs pays démocratiques de
l’Europe occidentale n’ont pas les juridictions de travail et en sont satisfait du résultat. Ils ont
prévu des chambres spécialisées dans le domaine du travail et de la sécurité sociale. Tel est le
cas de l’Espagne971 , du Portugal et de l’Italie972 où seuls les magistrats spécialisés sont
investis de la mission régalienne de trancher les conflits du travail, par le droit. Enfin, aux
Pays-Bas et en Grèce, le contentieux social (du travail, sécurité sociale, etc.) relève des
juridictions ordinaires973.
C’est pourquoi, nous estimons que l’on devrait supprimer les Tribunaux du travail en
République Démocratique du Congo partant de tous les éléments que nous avons relevés ci-
dessus et créer des chambres spécialisées au sein des tribunaux de grande instance.
Elle ne fait pas partie ni des juridictions de l’ordre judiciaire ni de l’ordre administratif
mais elle nous semble très proche des juridictions de l’ordre administratif. Ses décisions
devraient être soumises en cassation devant le Conseil d’Etat. Nous la considérons comme
juridiction d’exception étant donné que ses compétences sont très exceptionnelles. Et
d’ailleurs certains auteurs l’ont classée parmi les juridictions d’exception974 par rapport aux
juridictions de l’ordre administratif qui constituent des juridictions de droit commun en
matière administrative. D’autres auteurs plus avisés la qualifient de « juridiction
administrative à compétence spéciale »975. Cette juridiction mérite d’être étudiée compte tenu
du rôle qu’elle est censée jouer dans un Etat de droit. Nous aborderons l’origine de la Cour
970
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 153, p. 132
971
R. ALARCON CARACUEL, La juridiction sociale en Espagne », in Droit social, 1993, p. 707.
972
STANCHI, « Le contentieux social en droit judiciaire italien », in L’évolution du droit judiciaire au travers
des contentieux économique, social et familial. Approche comparative. XI èmes Journées d’études Jean
Dabin de Louvain-la-Neuve, Bruxelles, 1982 , éd. Bruylant, 1984, p.127.
973
J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions du travail de Belgique. Une paradoxale mais
adéquate spécificité », in La participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du Colloque
organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Chiers de l’Institut
d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles éd. Bruylant, 2006, p. 47.
974
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 85-86.
975
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 éd. Montchrestien, 2002, n° 289, p. 237.
261
des comptes (1), son organisation, ressort et siège (2), sa composition (3), ses compétences (4)
ainsi que les critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes
(5).
1. Origine
La Cour des comptes a été créée afin de vérifier, par l’examen des comptes rendus par
les comptables publics, le respect par ceux-ci des règles budgétaires et juridiques s’imposant à
eux dans l’exécution des budgets de l’Etat et des entités décentralisées, en vue de rendre les
décisions montrant que les agents de l’Etat ont ou non assumé une bonne gestion des fonds
publics de l’Etat.
Elle tire son origine de la curia regis du Moyen Age qui rendait des comptes au Roi
sur l’utilisation des fonds publics, mais elle a réellement vu le jour en France le 16 septembre
1807976 et en République Démocratique du Congo le 6 février 1987977.
La Cour des comptes est organisée comme une juridiction, mais son organisation est
particulière. Le président de la Cour des comptes définit l’organisation générale des travaux et
arrête un programme annuel. Son ressort couvre toute l’étendue de la République et son siège
est à Kinshasa.
Elle se réunit soit en audience solennelle, soit toutes sections réunies, soit en
chambres, soit en comité des rapports. Les audiences solennelles de la Cour sont publiques,
c’est le cas notamment pour procéder à l’installation des magistrats.
La Cour siège toutes sections réunies lorsqu’elle examine et arrête le compte général
de l’Etat, ou se prononce sur des questions de procédure ou de jurisprudence ou elle connaît
des affaires qui lui sont déférées directement par le président sur renvoi d’une section, à la
requête du ministère public ou sur renvoi après cassation.
976
A. HENRAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris 5ème éd. Sirey, 2004, p. 83 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 291, p. 238 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n° 221, p. 162.
977
Ordonnance-Loi n° 87-005 du 6 février 1987 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de la
Cour des comptes, in Journal officiel de la République du Zaïre, numéro spécial Cour des comptes,
septembre 1987, p. 4.
262
La Cour des comptes est composée de trois sections qui peuvent être divisées en
chambres. La première section est chargée des comptes et services de l’Etat et des entités
décentralisées. La deuxième section est chargée des établissements publics et les entreprises
mixtes où l’Etat ou les entités décentralisées détiennent une participation. La troisième section
est chargée des fautes en matière de discipline budgétaire et financière.
Les fonctions du ministère public sont assumées par le Procureur général près la Cour
des comptes. Il est assisté d’un ou de plusieurs avocats généraux. Le ministère public exerce
son ministère par voie de conclusions, d’avis ou de réquisition. Il dispose d’un secrétariat.
Les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas tous des juristes, contrairement aux
magistrats des juridictions de droit commun. En effet, l’article 1er de l’Ordonnance-Loi n° 87-
032 portant statut des magistrats de la Cour des comptes prévoit les conditions ci-après :
- être congolais ;
- être âgé de trente ans au moins ;
- jouir de la plénitude de ses droits civiques ;
- jouir d’une parfait moralité, attestée par un extrait de casier judiciaire ;
- être titulaire d’un diplôme de licencié ou de docteur en droit, en sciences
économiques, commerciales ou financières ou en sciences administratives, délivré par
une université congolaise ou d’un diplôme délivré par une université étrangère,
déclaré équivalent conformément à la législation congolaise ;
- posséder une expérience d’au moins dix ans dans l’une des trois disciplines énumérées
ci-dessus.
Les membres de la Cour des comptes sont nommés, relevés de leurs fonctions et, le
cas échéant, révoqués par le Président de la République, après avis de l’Assemblée nationale
(article 178 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006).
La Cour comprend en outre le secrétaire général qui assure le greffe central de la Cour
et les secrétaires généraux adjoints.
4. Compétences
263
La Cour juge les comptes que lui rendent les personnes qu’elle a déclarées comptables
de fait. Est comptable de fait, toute personne qui, sans y être habilitée par l’autorité
compétente :
La Cour des comptes contrôle, dans les conditions fixées par la loi, la gestion des
finances de l’Etat, des biens publics ainsi que des comptes des provinces, des entités
territoriales décentralisées ainsi que des organismes publics978.
Elle contrôle également les fautes de gestion. Sont réputées fautes de gestion de l’Etat,
des entités décentralisées ou des établissements publics :
978
Article 180 alinéa 1er de la Constitution congolaise du 18 février 2006, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, p. 60.
264
La Cour peut infliger des amendes qui n’excèdent pas le double du traitement
mensuel, le comptable qui n’a pas présenté ou qui refuse de présenter les comptes ou les
pièces justificatives dans les délais légaux (article 7 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 du 22
juillet 1987 relative à la procédure devant la Cour des comptes).
La Cour des comptes est donc incompétente pour prononcer les peines pénales telles
que notamment l’emprisonnement. En effet, lorsqu’elle relève des faits susceptibles de
constituer des infractions, le Procureur général en informe le Procureur général de la
République près la Cour Suprême de Justice (Cour de cassation) et tribunaux compétents
(article 16 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 du 22 juillet 1987 relative à la procédure devant la
Cour des comptes).
L’article 34 de la loi relative à la Cour des comptes prévoit que la Cour des comptes
est placée sous la tutelle du Président de la République mais l’article 178 alinéa 2 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006 prévoit que la Cour relève de l’Assemblée
265
Il nous semble que les magistrats de cette Cour seront difficilement indépendants dès
lors qu’ils doivent leur nomination au Président de la République, ils ne bénéficient pas de
l’inamovibilité ; ils n’ont aucun mandat précis étant donné que le président de la République
peut les révoquer à tout moment.
b) L’impartialité du juge
On peut s’interroger sur l’impartialité desdits magistrats dès lorsqu’ils avaient déjà un
« préjugement » lorsqu’ils avaient participé à l’arrêt de la Cour des comptes faisant l’objet du
pourvoi en cassation. En participant dans l’affaire après cassation même toutes sections
réunies, les magistrats concernés chercheraient à confirmer leur conviction préalable, violant
ainsi leur impartialité. La doctrine moderne980 et les enseignements du droit comparé tant
belge981 que français982 se sont prononcés dans ce sens.
979
Journal officiel de la République du Zaïre, numéro spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 31.
980
J. BORE, La Cassation en matière civile, Paris, éd. Dalloz, 1987, p. 864 ; T. KAVUNDJA N. MANENO,
L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone, Vol.
II. L’impartialité, Thèse, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 482-483.
981
Article 1110 du Code judiciaire belge.
982
Articles L 131-4 du Code de l’organisation judiciaire ; Article 626 du Nouveau Code de procédure civile ;
Cass. 2ème civ. 14 octobre 1987, Recueil Dalloz, 1987, IR, p. 207 ; Bull. Crim. II, n° 194.
266
Cette difficulté peut un jour se poser à la Cour des comptes, nous pensons qu’il
convient de tenir compte des enseignements de droit comparé afin de tirer les enseignements
pour une réforme de la Cour des comptes congolaise.
En effet, lorsque cette question s’était posée en France, dans l’affaire Labor Metal, le
Conseil d’Etat français985 avait condamné le fait, pour la Cour des comptes et successivement,
de dénoncer, dans son rapport public annuel, des faits comme étant constitutifs d’une gestion
de fait, en présentant par le menu les circonstances de l’affaire, puis de prononcer la gestion
de fait dans une décision juridictionnelle. Au nom du principe d’impartialité, les mêmes
membres de la Cour des comptes ne devraient pas siéger dans une composition sur la gestion
de fait alors qu’ils avaient préalablement dénoncé dans un rapport public des fais comme
constitutifs d’une gestion de fait ; en d’autres termes, ils avaient déjà un « préjugement »
983
M. NKONGOLO TSHILENGU, « La problématique du contrôle des finances publiques et des biens de
l’Etat par la Cour des comptes », in RJZ, 1995, numéro spécial 70e anniversaire, p. 93.
984
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
985
CE, 23 février 2000, Labor Metal, Procédures, avril 2000, n° 110, obs. Serge Deygas ; RFD adm. ; 2000,
Concl. A. Seban, 435; AJDA, 2000, 404, Chron. M. Guyomar et P. Collin ; RD publ., 2000, 329 note
critique X. Prélot ; Petites affiches, 22 juin 2000, p. 12, note P. Fraisseix ; JCP 2000, II, 10408 ; Recueil
Dalloz, 2000, IR, p. 97.
267
qu’ils devraient confirmer par la suite dans une décision juridictionnelle. C’est donc cela qui
constitue le défaut d’impartialité.
Cette jurisprudence a été nettement affirmée dans un autre arrêt du 4 juillet 2003 dans
lequel le Conseil d’Etat français986 souligne que le fait qu’un membre de la Cour de discipline
budgétaire et financière ait participé à l’adoption du rapport public de la Cour des comptes,
cela lui interdit de juger d’accusations sur les faits soumis à l’appréciation de la Cour de
discipline, du moins si ces faits étaient présentés dans ce rapport comme établis et irréguliers.
Cette position a été réaffirmée dans l’affaire Karsenty et autres du 20 avril 2005 où le Conseil
d’Etat français déclarait que la procédure suivie devant la Cour des comptes avait méconnu le
principe d’impartialité dans la mesure où la rédaction de l’arrêt provisoire par lequel elle
s’était saisie des opérations litigieuses donnait à penser que les faits étaient déjà établis et leur
caractère répréhensible reconnu987.
Les arrêts de la Cour des comptes ne sont pas susceptibles d’appel988. Seul le pourvoi
en cassation et la révision sont prévus989. Le pourvoi en cassation est porté devant la Cour
Suprême de Justice et la révision devant la Cour des comptes.
La Cour des comptes congolaise a été créée depuis le 6 février 1987, elle a plus de 21
ans. L’immense espoir que la création de cette Cour avait suscité dans l’opinion contraste
aujourd’hui avec l’inaction de cette institution qui ne remplit pas son rôle de rempart contre
d’innombrables détournements des deniers publics et le pillage irrationnel du patrimoine
national par les gouvernements et les expatriés.
986
CE, 4 juillet 2003, Dubrevil, AJDA, 2003, 1596, chron. ; Dans le même sens CE français, 4 juillet 2003,
Recueil Dalloz, 2003, p. 2484.
987
Conseil d’Etat français, 20 avril 2005, Karsenty et autres, in RFA, 2005, p. 693.
988
Articles 21 et 68, al. 2 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 relative à la procédure devant la Cour des comptes, in
Journal officiel de la République du Zaîre, numéro spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 15.
989
Articles 21 à 24 de l’Ordonnance-Loi précitée.
268
Il y a peu de temps, le procureur général près la Cour des comptes faisant le bilan de
celle-ci affirmait sans ambages : « Aucun arrêt. Aucun gestionnaire inquiété. Aucun compte
apuré. Aucune entreprise contrôlée jusqu’au bout de procédure. Son impact comme
instrument de lutte contre les crimes économiques et les méthodes non orthodoxe de gestion
des finances publiques est nul. On ne voit pas de différence entre elle et l’Inspection générale
des finances ou le Conseil supérieur du Portefeuille qui sont des services d’audit interne pour
le gouvernement et les entreprises publiques. Cette Cour ne joue pas un rôle de premier plan
dans l’assainissement des finances publiques qui n’ont jamais été aussi mal gérées que
pendant ces années de transition qui n’en finissent pas. Et ce n’est pas sans surprise que
l’opinion a appris qu’il y ait eu corruption ou règlement des comptes pour un
repositionnement politique dans les premiers dossiers que cette Cour avait tenté
d’initier ! »990.
La transposition des structures des Cours des comptes qui ont fait preuve sous d’autres
cieux, où les détournements des deniers publics sont quasi-inexistants et les pillages du
patrimoine national par les gouvernements inimaginables, cette transposition est mal venue
dans un pays où le vice est devenu vertu et où le vol et le détournement sont des actes de
bravoure991. Ce bilan insuffisant voire inexistant de la Cour des comptes nous pousse à des
propositions pour une réforme.
Les magistrats devraient être nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule
fois. Ils pourraient à ce titre être inamovibles c’est-à-dire l’organe de nomination ou de
proposition ne devrait pas les démettre avant le terme de leur mandat. En ce sens, ils
bénéficieraient de l’une des garanties essentielles d’indépendance du juge en l’occurrence
l’inamovibilité comme c’est le cas en France992.
990
M. NKONGOLO TSHILENGU, « La problématique du contrôle des finances publiques et des biens de
l’Etat par la Cour des comptes », in RJZ, 1995, numéro spécial 70e anniversaire, p. 93.
991
Ibidem, p. 94.
992
R.PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 291, p.239.
269
La Cour des comptes devrait aussi être indépendante de tout pouvoir politique. En
conséquence, elle ne devrait pas être ni sous tutelle du Président de la République ni de
l’Assemblée nationale ni du gouvernement. En effet, l’organisation de la Cour des comptes
congolaise s’était inspirée largement du modèle français. Or, en France, la Cour des comptes
est indépendante à l’égard du Parlement et du gouvernement993. Cette forte indépendance, liée
à son statut de juridiction, a été affirmée explicitement par le Conseil constitutionnel dans sa
décision 2001-448DC du 25 juillet 2001, elle est renforcée par la qualité de magistrats de ses
membres994. Comme on peut le constater, la Cour des comptes en France a le statut de
juridiction ; or, pour qu’une institution soit considérée comme une juridiction, elle doit tout
au moins avoir l’indépendance et l’impartialité, la Cour des comptes de la République
Démocratique du Congo devrait donc être organisée dans ce sens.
S’agissant du défaut d’impartialité de la Cour des comptes, en vue d’y pallier, l’on
devrait éviter le cumul des différentes fonctions dans le chef du même juge de la Cour des
comptes. En conséquence, il serait souhaitable de procéder à un découpage de la procédure de
gestion de fait en trois phases distinctes, afin d’isoler la troisième et dernière phase (celle de
l’apurement du compte de gestion de fait) à la fois celles qui l’ont précédé (déclaration
éventuelle de préjugement sur les faits dans le rapport public). De la sorte, un membre de la
Cour des comptes, qui a participé à l’adoption du rapport public de la Cour, ne devrait pas
juger les accusations sur les faits soumis à l’appréciation de la Cour des comptes si les faits
étaient présentés dans ce rapport comme établis et irréguliers.
993
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey-Dalloz, 2004, p. 83; J. VINCENT,
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005,
n° 468, p. 671.
994
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Ibidem.
270
De même, l’on devrait interdire dans le chef du même magistrat le cumul de fonctions
administratives et de fonctions juridictionnelles, la présence du rapporteur au délibéré
lorsqu’il a statué en matière de gestion de fait, ainsi que le cumul de fonctions de rapporteur
et celles liées à une activité juridictionnelle.
Enfin, l’on devrait éviter que le magistrat qui a participé à la saisine ne puisse pas
instruire la même affaire et faire partie du siège qui prendrait ou non la sanction conséquente.
Concernant ses compétences, la Cour des comptes devrait exercer les attributions non
juridictionnelles et juridictionnelles. Les attributions non juridictionnelles permettraient à la
Cour des comptes de vérifier la bonne exécution du budget de l’Etat, à travers les comptes des
entreprises publiques et des entités territoriales décentralisées en vue d’assurer une
performance publique et une transparence des opérations publiques. La Cour pourrait
effectuer aussi un véritable audit de gestion du bon emploi des crédits, fonds et valeurs de
l’Etat. Enfin, la Cour devrait élaborer un rapport public chaque année et assister le Parlement
et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances.
S’agissant de l’insuffisance bilan de la Cour des comptes, nous avons souligné qu’il
était inexistant, le procureur général près cette Cour avait montré que celle-ci était mort né996.
En vue d’y pallier, l’on devrait adapter certaines dispositions aux réalités démocratiques et de
l’Etat de droit qui nécessitent la transparence, et élaguées de séquelles de l’ancien unique
MPR Parti-Etat.
995
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 435-476 ; 496-517 ; 614-618.
996
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
271
La Cour des comptes devrait être répressive, comme c’est le cas en Italie, en Guinée-
Conakry et dans beaucoup de pays scandinaves, et non celle qui attend que les justiciables
viennent volontairement lui déposer les pièces dont elle va se servir pour les condamner998.
Les magistrats de la Cour des comptes devraient être en majorité des juristes
chevronnés (2/3 des membres) et des économistes ayant une expérience éprouvée dans le
domaine des finances (audit, inspection des finances, etc.). Nous pensons donc que les
spécialistes en sciences administratives ne devraient pas être magistrats à la Cour des comptes
mais pouvaient faire partie du personnel administratif de celle-ci.
A présent, il convient d’aborder une juridiction qui ne fait pas partie ni des juridictions
de droit commun ni d’exception, ni des juridictions de l’ordre judiciaire ni de l’ordre
administratif. Il s’agit de la Cour constitutionnelle.
§ 4. La Cour constitutionnelle
997
Journal officiel de la République du Zaïre, spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 15 ; M.
NKONGOLO TSHILENGU, Ibidem.
998
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
272
la Constitution. Nous analyserons son organisation, ressort et siège (1), sa composition (3),
ses compétences (4) ainsi que notre appréciation (5).
En attendant une loi organique sur la Cour constitutionnelle, son ressort couvrira tout
le territoire national et son siège sera dans la ville de Kinshasa. Compte tenu de l’étendue du
territoire national et en vue de rapprocher la justice des justiciables, il serait souhaitable de
prévoir des chambres dans les 25 provinces créées par la Constitution congolaise du 18 février
2006.
Le mandat de ses membres est de neuf ans non renouvelable. La Cour est renouvelée
par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage
au sort d’un membre par groupe.
Le Président de la Cour est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable
une seule fois. Il est investi par ordonnance du Président de la République.
Pour être nommé membre de la Cour constitutionnelle, le candidat doit être congolais
et justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans les domaines juridique ou politique
(article 159 de la Constitution). Compte tenu du nombre réduit des membres de la Cour (9)
pour une population de 60.000.000 d’habitants, il serait souhaitable que la Cour
constitutionnelle dispose aussi des référendaires qui seraient tous des juristes ayant des
compétences éprouvées et recrutés par voie de concours organisé par la Cour ou sur mérite de
leurs publications. Ils seraient appelés conseillers référendaires et auraient comme tâche
d’assister les magistrats de la Cour à l’accomplissement de leur mission. Leur statut devrait
être fixé par le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle.
Elle est compétente en matière pénale pour juger les infractions de haute trahison,
d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité, les délits d’initié et les autres
infractions de droit commun commises par le Président de la République et le Premier
ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également
compétente pour juger leurs co-auteurs et complices.
Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre
Chambre du Parlement sur l’activité gouvernemental, le Premier ministre ne fournit aucune
réponse dans un délai de trente jours.
4. Notre appréciation
Elle se traduit par le fait que ses membres ne sont pas désignés exclusivement par le
pouvoir exécutif. En effet, le Président de la République a l’initiative de nomination sur trois
membres, le Parlement réuni en congrès sur trois membres, et le Conseil Supérieur de la
Magistrature sur trois membres (article 158, alinéa 1 de la Constitution).
L’indépendance de cette Cour est renforcée dès lors que c’est la Cour constitutionnelle
qui élit elle-même son président. Autrement dit, celui-ci est élu par ses pairs999. C’est un
grand facteur d’indépendance de ce dernier vis-à-vis du pouvoir exécutif. Les enseignements
de droit comparé en l’occurrence du Bénin1000 ont montré cette projection.
L’inamovibilité s’explique par le fait qu’il n’y a pas la possibilité pour le pouvoir
exécutif de mettre fin de manière intempestive aux fonctions d’un membre de la Cour
constitutionnelle. Cette inamovibilité du juge même si elle n’est pas expressément déclarée
concernant la Cour Constitutionnelle, elle s’applique aussi à l’égard de celle-ci dès lors
qu’elle est prévue au pouvoir judiciaire (article 150, alinéa 4 de la Constitution). Or, l’article
150, alinéa 1 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18
décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 prévoit que la Cour constitutionnelle fait
partie du pouvoir judiciaire. Il appartiendra donc à la loi organique sur la Cour
constitutionnelle de prévoir l’inamovibilité des juges de cette Cour ; cela renforcerait
davantage les pouvoirs de la Cour et sa mission de protection des droits fondamentaux de
l’homme.
A cet égard, l’article 162 de la Constitution prévoit que toute personne peut saisir la
Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. Elle
999
Article 158, al. 4 de la Constitution du 18 février 2006.
1000
Article 116 de la constitution du Bénin du 11 décembre 1990, in Fondation Friedrich Naumann,
Constitutions et textes constitutionnels de la République du Bénin depuis les origines dahoméennes,
Cotonou, Ceredec Afrique, 1997, p. 268 ; Articles 3 et 9 de la loi n° 91-009 du 4 mars 1991 portant loi
organique sur la Cour constitutionnelle, in COUR CONSTITUTIONNELLE DU BENIN, Recueil des textes
fondamentaux, Porto-Novo, 1995, p. 8.
276
Cette disposition permet donc à toute personne victime de violation des droits
fondamentaux de l’homme par une loi ou une instance judiciaire, de saisir la Cour
constitutionnelle pour inconstitutionnalité dès lors que les droits fondamentaux de l’homme
font partie intégrante de la Constitution congolaise. Les enseignements de droit comparé
principalement le Bénin1001 montrent que cela contribue à l’édification d’un Etat de droit dans
la mesure où les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et
sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles, militaires et aux
particuliers1002.
Nous avons montré que la Cour constitutionnelle congolaise est compétente pour juger
le Président de la République et le Premier ministre pour les infractions politiques ainsi que
les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de leurs fonctions1003.
Or, l’article 159 de la même Constitution prévoit que pour être nommé membre de la
Cour constitutionnelle, l’on doit justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans le
domaine juridique ou politique. Cela signifie que toute personne qui a une expérience dans le
domaine politique peut être nommée membre de la Cour. En d’autres termes, celui qui a
exercé les fonctions politiques même s’il n’a pas fait des études peut être nommé juge de cette
Cour.
On peut se demander comment une telle personne peut apprécier les éléments de fait et
de droit lorsque la Cour constitutionnelle pourrait être appelée à juger les infractions
politiques et de droit commun reprochées éventuellement au Président de la République ou au
Premier ministre. Il en est de même lorsque la Cour constitutionnelle doit connaître des
recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en
tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou
administratif (article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006). C’est
1001
Article 122 de la constitution du Bénin du 11 décembre 1990 ; articles 22 et 24 de la loi n° 91-009 du 4 mars
1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle du Bénin.
1002
Article 168 de la Constitution Congolaise ; article 124, al. 2 de la Constitution du Bénin du 11 décembre
1990.
1003
Constitution du 18 février 2006, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro
spécial, 18 février 2006, p. 57. Les enseignements de droit comparé ne nous indiquent pas que de telles
compétences de la Cour constitutionnelle contribuent à l’édification d’un Etat de droit. Ainsi, la Cour
constitutionnelle du Bénin qui fait preuve d’indépendance et modèle en Afrique francophone n’a pas de
telles compétences.
277
pourquoi nous pensons que cela devrait être de la compétence exclusive de la Cour de
cassation qui serait composée de juristes chevronnés ayant une expérience éprouvée dans le
domaine judiciaire.
1. Des audiences
1004
Articles 160 à 162 de la Constitution du 18 février 2006.
278
Les jours auxquels se tiennent ces audiences, sont fixés par les premiers présidents de
la Cour suprême de justice et des Cours d’Appel, en principe il y va de même pour les heures.
L’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/8/1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets en son art. 9 précise que les audiences ordinaires commencent
normalement à 9 heures et se poursuivent jusqu’à épuisement du rôle. Si le jour fixé par
l’audience est férié, l’audience se tiendra le premier jour utile suivant.
L’arrêté royal du 05/7/1948 relatif aux tenues des magistrats et greffiers à son article
1er paragraphe 2, déclare : « Aux audiences ordinaires, les magistrats porteront la toge de
mérinos de laine noire à grandes manches, la toge en mérinos de laine noire avec galon
d’argent de 18 mm, la cravate tombante de bâtisse et plissée ».
La couleur noire signifie que les magistrats n’a pas de frère, d’ami, d’ennemi, n’a pas
de haine, de rancune envers qui que ce soit, il n’a pas de sentiment envers le justiciable bref,
la couleur noire couvre tous les sentiments qu’un magistrat peut avoir.
La couleur blanche de la cravate (rabat blanc) signifie que le magistrat applique la loi
avec toute sa conscience ; en d’autres termes, le cœur du magistrat n’a pas de taches, il est
propre car n’ayant pas de sentiment et applique seulement la loi suivant ce que sa conscience
l’exige et son intime conviction.
2. Du délibéré
1005
A. RUBBENS, Le droit judiciaire Congolais, TII, La procédure judiciaire contentieuse du droit privé,
Kinshasa, éd. PUZ, 1978, p. 76.
279
Les délibérés sur toutes les affaires à trancher sont gardés secrets. Aucune divulgation
de secret du délibéré. Si l’on organise une plénière (séance réunissant les magistrats du siège,
d’une Cour ou d’un tribunal pour débattre un point de droit qui se pose à une composition),
les éléments de la cause et les opinions émises par les membres de la composition sont
présentés d’une manière générale.
Lors du délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins élevé donne son avis, suivi
du juge ancien et le président de chambre donne son avis le dernier. Toutefois avant le
délibéré, le président de chambre fait, à l’intention des membres de la composition, un rapport
succinct sur l’état de la procédure et sur les faits leur soumis.
Le délibéré est facile lorsqu’il s’agit d’une juridiction collégiale : des échanges des
vues et des discussions interviennent entre les membres de la juridiction, les opinions
différentes venant des personnes à caractère et des tempéraments forts divers se confrontent,
l’expérience des plus anciens guide les plus jeunes, certains points qui avaient échappé aux
uns sont signalés par les autres, les pièces du dossier peuvent être revues de près etc. Les
juges qui participent à la délibération doivent être les mêmes que ceux qui ont assisté aux
débats et entendu le réquisitoire et les plaidoiries, sous peine de cassation..
Quand le siège est à juge unique, ce dernier délibère sur la sentence qu’il va rendre,
c’est-à-dire qu’il réfléchit, qu’il essaye de s’éclairer sur les points qui lui paraissent douteux.
Le délibéré peut-être bref, tel est le cas qui est fréquent où la décision est rendue « sur le
banc » (c’est- à- dire juste à la fin de l’audience même). La délibération est secrète, elle a lieu
hors de la présence de toute personne étrangère, y compris le ministère public et le greffier.
Les juges sont tenus au secret du délibéré. Une fois la décision rendue, aucun des membres de
la juridiction qui ont assisté à la délibération et y ont participé ne doit en révéler quoi que ce
soi1006.
1006
G. STEPANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, éd. Dalloz, 1993, p. 690-691.
280
I. Le conflit d’attribution
C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait dans les meilleurs délais modifier l’article
161 alinéa 4 de la Constitution de la manière suivante : « La Cour constitutionnelle connaît
des conflits d’attribution entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de
l’ordre administratif ». Cette formulation nous semble plus large et pourrait résoudre
plusieurs conflits des compétences entre ces deux ordres de juridiction qui pourraient se
poser. Et d’ailleurs, c’est ce qui ressort des éléments du droit comparé car le conflit
d’attribution entre une juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre
administratif est de la compétence de la Cour de cassation en Belgique, et du Tribunal des
conflits en France.
1007
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 548, p. 503 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 241-242, pp. 172-174 ; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 90-91.
1008
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 551, p.504.
281
même affaire, le conflit est positif ; si au contraire, elles se déclarent toutes deux
incompétentes, le conflit est négatif1009.
Qu’ils soient positifs ou négatifs, ces conflits sont tranchés par la procédure du règlement
de juges. Ils sont réglés par la juridiction supérieure commune aux deux juridictions
concurrentes, soit la Cour de cassation. C’est ainsi que le conflit entre deux tribunaux de paix,
deux tribunaux de grande instance du ressort de la même Cour d’appel est réglé par la Cour
d’appel si les deux juridictions en conflit ne statuent pas en dernier ressort. Par contre, s’il
s’agit d’un conflit entre deux tribunaux ressortissant à deux Cours d’appel différentes, ou
entre une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception ou entre deux tribunaux
de grande instance, statuant en dernier ressort, ou entre deux Cours d’appel, le conflit est
tranché par la Cour de cassation suivant la procédure de règlement de juges. Il en est ainsi du
conflit de juridiction entre une Cour d’appel (juridiction de droit commun) et une Cour
militaire (juridiction d’exception).
Comme on peut le constater, ce conflit existe entre deux juridictions du même ordre
judiciaire statuant en dernier ressort. Lorsqu’il s’agira du conflit ente deux ordres de
juridiction différents, tels que les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre
administratif, l’on ne parlera pas du conflit de juridictions ou règlement de juges mais plutôt
du confit d’attribution. Nous pensons qu’avec la création des juridictions de l’ordre
administratif depuis la Constitution du 18 février 2006, on pourrait aussi prévoir le conflit de
juridictions ou règlement de juges au sein de ces juridictions, et leur compétence serait du
Conseil d’Etat.
III. La litispendance
1009
Ibidem ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2005, n° 1088, p. 593
1010
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p.
833.
1011
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
142.152-142.156, p.203 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd Ellipses, 2006, n° 158, p. 90 ; L.
CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 286, p. 176 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101.
282
saisit successivement deux tribunaux différents, ou encore ce qui est fréquent, une situation
litigieuse met en cause les intérêts de plusieurs personnes qui ensuite agissent séparément
devant des tribunaux distincts. Il n’y a donc pas litispendance entre les chambres ou les
sections ou les juges d’un même tribunal. Il n’y a point aussi de litispendance entre le juge
étatique et les arbitres, point davantage entre le juge national et un juge étranger (sauf si un
traité international dispose autrement). Enfin, par nature, en raison même de l’absence
d’identité d’objet, il ne saurait y avoir de litispendance entre un litige relevant de la
compétence de la juridiction administrative et un litige relevant de la juridiction judiciaire1012.
Il convient de souligner qu’en pratique, cet incident est assez rare. Pour la litispendance,
l’intérêt des plaideurs et celui d’une bonne administration de la justice exigent donc que, dans
toute la mesure du possible, les différentes demandes soient réunies devant une seule et même
juridiction.
L’article 142 du Code d’OCJ exige pour qu’il ait litispendance, des causes pendantes
devant les juridictions différentes de même nature. Tel n’est pas le cas d’une action civile
pendante à la fois devant les juridictions civile et pénale1013.
Concernant le deuxième critère prévu à l’article 142 du code d’OCJ, la loi n’a pas
précisé ce qu’il faut entendre par disposition intérieure. Cette expression n’est pas synonyme
de « jugement préparatoire » ; l’intention du législateur est de laisser la cause au tribunal
devant lequel la procédure a déjà « avancé » ; le tribunal qui a ordonné des mesures
probatoires doit donc être préféré à celui qui s’est borné à ordonner une remise ou qui a statué
sur une demande de récusation1014.
En ce qui concerne le troisième critère c’est- à- dire la juridiction saisie la première est
préférée aux autres juridictions ; l’élément de référence est la date de saisine. En effet, s’il
faut prendre ici la date de saisine au sens rigoureux du mot, c’est- à- dire le jour pour lequel le
défendeur (ou le prévenu) est assigné (ou cité), on pourra toutefois tenir compte, pour
départager le conflit entre juridictions qui auraient fixé au même jour, en considérant la date à
laquelle l’affaire a été introduite ou à laquelle fixation a été demandée.
1012
Conseil d’Etat français, 6 septembre 2006, Recueil Dalloz, 5 octobre 2006, n° 34, IR, p.2244.
1013
CSJ, RP 152, 2/4/1977, Bull. 1978, p. 30.
1014
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Kinshasa, éd. Ferd.
Larcier et Université Lovanium, 1970, n° 290, p. 316.
283
1015
Article 160, 2 du Code d’OCJ.
1016
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
1017
Kin, 28/2/1967, RJC, 1968, n° 2, p. 199.
1018
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541,
p.589.e, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541, p.589.
1019
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, p.833-834.
1020
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
142.121, p. 201 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101 ; L. CADIET et
E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 291, pp. 179-182 ; O.STAES, Droit
judiciaire privé, Paris, é. Ellipses, 2006, n° 158, p.91 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé,
Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112 et 1015, pp. 100 et 807-809 ; H. BOULARBAH, Droit
judiciaire privé, Tome 1, support du Cours, Faculté de Droit, U.L.B., Bruxelles, 2005-2006, n° 343, p. 190.
284
a danger que les jugements rendus en les causes n’aboutissent à des solutions inconciliables
ou tout au moins contradictoires au concret. Exemple : demandes en exécution forcée et
résiliation du contrat. Les causes peuvent être connexes bien que les plaideurs sont engagés
par des contrats distincts, ceux-ci étant cependant de même nature et ayant la même
portée1021.
En matière pénale, la connexité est un lien qui existe entre deux ou plusieurs
infractions et dont la nature est telle qu’il commande, en vue d’une bonne distribution de la
justice et sous réserve du respect des droits de la défense, que des causes soient jugées
ensemble et par le même juge, celui-ci pouvant ainsi apprécier la matérialité des faits sous
tous leurs aspects, la régularité des preuves et la culpabilité de chacune des personnes
poursuivies1022. Dans cette matière, les règles de connexité ne peuvent s’appliquer que lorsque
les prévenus ont été poursuivis conjointement dans une même instance quant aux faits qui leur
sont reprochés et non lorsque certains faits ont été déjà jugés sur le fond au premier degré
alors que pour d’autres les prévenus comparaissent uniquement devant les juridictions
répressives concernant la détention préventive1023.
Les infractions sont connexes par unité de temps et de lieu, lorsqu’elles ont été
commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit par concert préalable et unité
de dessein, lorsqu’elles ont été accomplies en des temps et des lieux différents, mais par
plusieurs personnes agissant en parfait accord, soit par relation de cause à effet, lorsque
certaines infractions ont eu pour but de faciliter l’exécution des autres ou d’en assurer
l’impunité1024. Les infractions sont aussi connexes soit lorsqu’elles ont été commises en même
temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par différentes
personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à
l’avance entre elles, soit lorsque les auteurs ont commis les unes pour se procurer les moyens
des autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité,
soit lorsque le lien qui existe entre deux ou plusieurs infractions est de telle nature qu’il existe,
pour une bonne administration de la justice et sous réserve du respect dû aux droits de la
défense, que ces infractions soient soumises en même temps pour jugement au même tribunal
répressif1025.
La connexité est le lien qui existe entre les infractions dont la nature est telle qu’il
commande que ces infractions soient jugées ensemble et par le même juge. Dans ce cas, la
jonction des différentes causes peut être ordonnée pour des raisons de bonne administration de
la justice. De même, en matière civile et administrative, la connexité justifiera le
regroupement, la jonction de plusieurs demandes en une seule procédure. Ce regroupement
1021
Kinshasa, 16 février 1971, RJC, 1971, n° 3, p. 250.
1022
H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p.
1235.
1023
Lubumbashi, 12 juillet 1966, RJC, 1966, n° 4, p. 337.
1024
B.BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20 éd. Dalloz, 2006, n° 572, p. 521.
1025
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, op.cit, p. 1237.
285
est effectué une seule procédure. Ce regroupement est effectué conforment à un ordre de
préférence légal et au prix-le cas échéant-de dérogations au droit commun de la compétence
du juge identifié comme étant celui qui peut connaître des diverses demandes connexes. En ce
cas, la jonction est ordonnée par la juridiction saisie à la demande d’une partie1026.
1026
Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, 1967, n° 2, p. 181.
1027
C.S.J., 6 août 1982, R.P.26/C.R., in R.J.Z., 1982, p. 52.
1028
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 548, pp.
596-597.
286
L’exception de connexité n’est pas d’ordre public et ne peut être soulevée qu’in limine
litis par la partie (article 143 alinéa 2 du Code d’OCJ). L’appréciation de la connexité (lien
étroit) relève de l’appréciation du juge du fond à qui il est demandé de se dessaisir. En matière
pénale, la connexité est une cause générale d’extension de compétence, dont l’existence
relève du juge du fond. A cet égard, le juge apprécie souverainement l’existence ou non de la
connexité. Le recours est possible contre cette décision (article 143 alinéas 1 et 2 du Code
d’OCJ). Par contre, lorsque les parties ne sont pas les mêmes et que la juridiction de renvoi a
déjà un jugement qui ne le dessaisit pas, le renvoi à cette juridiction ne peut être prononcé si
le plaideur qui n’a pas été partie à ce jugement s’y oppose. Dans ce cas, les décisions de
renvoi sont en dernier ressort, autrement dit sans recours possible (article 143 alinéa 4 du
Code d’OCJ). La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle
est saisie.
V. L’indivisibilité
rendues, par les deux tribunaux différents, des décisions qui ne pourraient pas être exécutées
simultanément1029.
En matière pénale, il y a indivisibilité lorsque les poursuites sont dirigées contre les
auteurs et complices d’un même fait ou lorsque les infractions sont reliées d’une manière
tellement intime qu’on ne pourrait les dissocier. Dans ce cas, la jonction est obligatoire quand
elle est possible et c’est le lieu principal de l’infraction qui détermine la compétence1030.
L’indivisibilité suppose donc l’unité de l’infraction et rend la prorogation de compétence
obligatoire. Cette hypothèse vise, avant tout, l’infraction dite complexe, c’est-à-dire le même
acte matériel qui entraîne plusieurs infractions reliées entre elles par unité de réalisation.
D’aucuns considère que l’indivisibilité englobe également l’infraction collective, c’est-à-dire
l’hypothèse où l’individu a commis plusieurs faits distincts, dont chacun est constitutif d’une
infraction mais qui sont reliés entre eux par la continuation d’une et même intention coupable
ou d’un rapport de causalité1031.
VI. Dispositions sur les conflits des compétences en matière répressive (articles 99 à 106
du Code d’OCJ)
Les juridictions pénales congolaises sont compétentes pour connaître d’une infraction
commise à l’étranger par un prévenu trouvé au Congo1032.
1029
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Sirey, 1973, n°555, pp.608-609.
1030
H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p.
1237.
1031
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, Collection
scientifique de la Faculté de droit de Liège et Jeune Barreau de Liège, 1989, p. 508.
1032
TGI-INONGO, 27/7/1984, RP 1721, RJZ, n° 1 et 2, 1993, p. 23.
288
Lorsqu’en vertu du privilège de juridiction, l’un des prévenus est appelé à comparaître
devant une juridiction de rang supérieur mais du même ordre que celle qui est compétente
pour connaître des infractions commises par des coprévenus, c’est la juridiction de rang
supérieur qui doit connaître de l’ensemble de la cause.
Si l’un des prévenus doit être jugé par une juridiction de rang différent dans un autre
ordre de juridictions, c’est la juridiction de rang supérieur de l’ordre des juridictions
ordinaires qui doit en connaître1035. Exemple : un colonel est poursuivi conjointement avec un
simple citoyen civil ; les tribunaux ordinaires doivent être préférés ; le colonel ayant le rang
de haut fonctionnaire (directeur de l’administration publique), ce sera la Cour d’appel qui
connaîtra des faits, quelle que soit la qualification.
1033
T.G.I. Matete, 7 décembre 1988, R.P.5558, Inédit.
1034
CSJ, RP 277, RJZ, 1983, p. 22; C.S.J., 8 juillet 1980, N.D. contre M.P. et Crsts, RP.277, in RJZ, janvier à
août 1983, n° 1-2, p. 22.
1035
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
213, p. 252 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 574, p. 523.
1036
Cet article dit : « Si le faux a été commis par un fonctionnaire ou agent de l’Etat dans l’exercice de ses
fonctions, la servitude pénale pourra être portée à dix ans et l’amende ».
289
1037
Cet article déclare : « Le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera
puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans et d’une amende, ou d’une de ces peines seulement ».
1038
Voy. les développements consacrés à ces notions au chap. II, section 7, § 9 de la première partie de cet
ouvrage.
1039
TGI-Matete, 4/1/1989, inédit.
1040
Léo, 25/6/1929, RJ, p. 260 et en sens contraire, Elis 5/6/1943, RJ, p. 214 et 15/1/1944, RJ, p. 124.
1041
Tribunal de paix de Lemba, 5/5/1989, RC, 2883/III, inédit.
1042
Tripaix-Gombe, 15/8/1987, RC 1781, inédit.
290
Les actions contre l’Etat peuvent être introduites devant le juge du lieu où est établi le
siège du gouvernement ou le chef-lieu de province. Les actions contre les entités régionales et
locales ayant personnalité civile peuvent être introduites devant le juge du lieu où ces entités
ont le siège de leur administration (article 128 du Code d’OCJ).
L’action en reddition du compte de tutelle est portée devant le juge du lieu dans lequel
la tutelle s’est ouverte. Les comptables et les séquestres commis par la justice sont assignés
devant les juges qui les ont commis (article 132 du Code d’OCJ).
Les contestations en matière de faillite sont portées devant le tribunal dans le ressort
duquel la faillite est ouverte (article 136 du Code d’OCJ). Les contestations élevées sur
l’exécution des jugements et arrêts sont portées devant le tribunal du lieu où l’exécution se
poursuit (article 137 du Code d’OCJ).
Les demandes fondées sur le caractère téméraire et vexatoire d’une action sont portées
devant le tribunal saisi de cette action. Le juge compétent pour statuer sur la demande
principale, connaît de tous les incidents et devoirs d’instruction auxquels donne lieu cette
demande (articles 139 et 140 du Code d’OCJ).
Après avoir examiné les juridictions, il convient d’aborder dans les pages qui suivent
le ministère public.
1043
TGI/Ndjili 23/8/1989, RAT 109 Aff. Desse contre Air Congo.
1044
CSJ, RC 434, 15/6/1983, inédit.
291
Son origine remonte au Moyen Age où lorsque le Roi voulait défendre ses intérêts
devant les tribunaux, il confiait cette mission à des procureurs (du latin : procuratores, on
dirait aujourd’hui, à de mandataires) qui n’étaient autres que des avocats ordinaires, lesquels,
parmi leur clientèle comptaient un client de choix : le Roi lui-même. Dans la suite, leur
mission se transforme et devient exclusivement une mission de sauvegarde des intérêts
généraux de la société devant les tribunaux1046. Actuellement, la mission du ministère public
consiste principalement à veiller au respect de l’ordre public, à la défense de l’intérêt social et
à la bonne application de la loi.
1. Définition
L’institution du ministère public est une invention française qui remonte au XIVe
siècle. Le ministère public est un corps de magistrats hiérarchisés qui représente l’Etat devant
les juridictions judiciaires, il est chargé de défendre les intérêts de la société en vue du
maintien de l’ordre public. Les magistrats des parquets ou « officiers du ministère public »
constituent la magistrature debout et ils sont appelés « magistrat debout » parce qu’ils doivent
se mettre debout lorsqu’ils prennent la parole à l’audience.
Les magistrats du siège ont la préséance sur les magistrats des parquets de même rang,
du fait qu’ils sont les véritables représentants du pouvoir judiciaire, contrairement aux
magistrats de parquets qui relèvent du pouvoir exécutif (la doctrine est très divisée).
Exemples : Le premier président de la Cour de cassation a la préséance sur le procureur
générale près cette Cour. Le premier président de la Cour d’appel a la préséance sur le
1045
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, Droit Pénal Général et Procédure Pénale, T. III ; Procédure pénale,
Paris, 3ième éd., Dalloz, 1970 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd., PUF, 1996, p. 225.
1046
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 505, pp. 404-405 ; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. , Dalloz, 2005, n° 514-515, pp. 742-743 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed.
Collections Scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1993, n° 242, pp. 293-294.
292
procureur général près cette Cour. Le président du Tribunal de grande instance a la préséance
sur le procureur de la République. Le juge des Tribunaux de grande instance a la préséance
sur le 1er substitut du procureur de la République, etc.
En matière répressive, le ministère public recherche les infractions aux actes législatifs
et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République1047. Il reçoit les plaintes
et dénonciations, fait tous les actes d’instruction et saisit les Cours et tribunaux (article 7 du
Code d’OCJ). Mais c’est rare que les officiers du ministère public constatent eux-mêmes les
infractions, généralement ce sont les OPJ qui leur transmettent les procès-verbaux de constat
et autres. Autrement dit, en matière pénale, le ministère public recherche, constate les
infractions, exerce les poursuites, instruit, requiert l’application des peines contre les
délinquants et surveille l’exécution des condamnations prononcées.
Le ministère public qui agit au nom de la société à laquelle l’infraction a porté atteinte
(on dit souvent qu’il est l’avocat de la société) n’est pas un juge. Il a le pouvoir d’exercer
l’action publique, de poursuivre, d’instruire mais n’a pas le pouvoir de juger, c’est-à-dire de
décider de l’innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou une
condamnation à une peine. C’est pourquoi, il ne peut être l’objet ni d’une récusation comme
un juge déterminé, ni d’une requête en suspicion légitime comme un tribunal entier.
L’article 9 du Code d’OCJ prévoit que le ministère public assiste à toutes les
audiences ; c’est le ministère public en effet qui soutient l’accusation c’est-à-dire il demande
au nom de la société qu’il représente la condamnation des auteurs présumés de l’infraction. Le
ministère public veille à l’exécution des condamnations prononcées par les tribunaux
répressifs. Il fait incarcérer les condamnés et surveille l’exécution des peines prononcées par
eux. L’article 6 du Code d’organisation et compétence judiciaires dispose : « Le ministère
public surveille l’exécution des actes législatifs, des actes réglementaires et des jugements. Il
poursuit d’office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l’ordre public.
Il a la surveillance de tous les officiers de police judiciaire, des officiers publics et des
officiers ministériels, sauf les agents du greffe et de l’office des huissiers.
Il veille au maintien de l’ordre dans les Cours et tribunaux sans préjudice des pouvoirs
du juge qui a la police de l’audience ».
1047
Voy. BUABO WA MUKENGE, « Le ministère public dans l’organisation judiciaire zaïroise », in RJZ,
janvier à décembre 1994, n° 1-3, pp. 15-22.
293
Sauf dispositions légales spéciales, il faut que l’ordre public soit mis en péril pour
un état de choses auxquelles il importe de remédier, pour que le ministère public puisse
agir d’office en matière civile ; il ne peut agir en invoquant l’ordre public si les intérêts
privés sont seuls en cause1048.
1. Les causes qui concernent l’Etat, les entités régionales et locales dotées de la
personnalité juridique ainsi que les établissements publics ;
2. Les procédures relatives à l’absence des personnes, aux actes de l’état civil, à
l’ouverture, à l’organisation et au fonctionnement des tutelles ainsi qu’à la mise sous
conseil judiciaire ;
3. Les déclinatoires sur incompétence, litispendance ou connexité ;
4. Les actions civiles introduites en raison d’un délit de presse ;
5. Les récusations, prises à partie, règlement de juges, requête civile et aux faux
incidents civils ;
6. Les démarches qui intéressent les mineurs, interdits, les femmes mariées non
autorisées par leur conjoint et les personnes placées sous conseil judiciaire ou qui
concernent l’administration du patrimoine des faillis ;
7. Les procédures en matière de faillite ou de concordat judiciaire ;
8. Les contestations où sont invoquées les dispositions légales sur le contrat de louage
de services ou relevant du régime organisé par la loi pour assurer la sécurité sociale
des travailleurs ;
9. Les causes mues par des personnes qui sont admises soit comme indigentes, soit
comme inaptes à ester ou à se défendre en justice chaque fois que l’assistance
judiciaire a été accordée par le président de la juridiction saisie ;
10. Les litiges que les juridictions sont invitées à trancher en application de la coutume ;
11. Les litiges relatifs aux successions.
1048
Elis, 5/6/1937, RJ, p. 171 ; Elis, 109, 1957, RJ, 1958, p. 49, App. RU, 3/5/1960, RJRB, 1961, p. 40, Elis,
12/8/1913, Jur. Congo, 1921, p. 203, Léo, 15/6/1926, Jur. Kat., III, p. 254, in RUBBENS, op. cit., note 22,
pp. 186-187.
1049
CSJ, 18 mai 1995, Ba et Cnts contre B. Bo, Ti et N., RR.03, in RJZ, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 41.
294
violation de la loi lorsque le ministère public dans une cause légalement communicable, s’en
réfère à la sagesse du tribunal1050. La matière de succession étant communicable aux termes
de l’article 9 alinéa 4.11 du Code d’OCJ, le fait pour le ministère public de se référer à la
sagesse du tribunal est un motif de cassation1051.
L’avis du ministère public sera donné par écrit dans les 30 jours après que la cause lui
aura été communiquée, à moins qu’en raison des circonstances de l’affaire, il puisse être émis
verbalement sur les bancs ; dans ce cas, l’avis est acté à la feuille d’audience. Nous pensons
qu’il convient de prévoir si dans le délai de 30 jours, le ministère public n’a pas donné son
avis, le juge passera outre car dans la pratique, les magistrats de parquet gardent le dossier
pour avis au-delà même de 12 mois. Et d’ailleurs, constitue une faute disciplinaire, le fait pour
le magistrat du parquet, de ne pas rendre son avis endéans 10 jours au pénal, 30 jours en
matière civile, commerciale et du travail, le fait pour le même magistrat de chercher
directement ou indirectement à entrer en contact avec les parties en cause avant son avis1056.
1050
CSJ, RC 28/7/1976, Bull., p. 165.
1051
CSJ, 29/5/1985-RC 795, inédit.
1052
Léo, 6/9/1932, RJ, 1933, p. 215.
1053
Cass., 12/06/1958, JTO, p. 116, Kin., 11/12/1986-RCA 13.631, inédit.
1054
Kin., 1/1/1989, RCA 8840, inédit.
1055
A. RUBBENS, Le droit judiciaire zaïrois, Tome II, Kinshasa, éd. PUZ, 1978, p. 22.
1056
Article 47, 1 et 3 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, in Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p. 14.
295
1057
CSJ, 8/10/1969, Affaire Kin, RCD, 1970, II, p. 18, RJC, 1970, p. 7.
296
La récusation du ministère public peut se concevoir lorsqu’il intervient par voie d’avis
(article 77 du Code d’OCJ). Le ministère public donne son avis généralement en matière de
droit privé (article 9 alinéa 3 du Code d’OCJ), dans ce cas-ci, il est partie jointe et peut être
récusé. En d’autres termes, la récusation du ministère public n’est concevable à l’audience
que lorsque le ministère public intervient en tant que partie jointe en matière de droit privé
(civile, de la famille, etc.). Comme on peut le constater, à l’audience en matière pénale, le
ministère public est irrécusable car c’est la partie principale au procès pénal. Toutefois, la
seule hypothèse de récusation du ministère public prévue en matière pénale se situe avant
l’audience car l’article 81 du Code d’OCJ prévoit que le ministère public peut être récusé à
l’instruction préparatoire (c’est-à-dire avant l’audience). Nous estimons qu’il convient
d’uniformiser le principe d’irrécusabilité du ministère public en matière pénale à tous les
niveaux (avant l’audience et à l’audience) étant donné qu’il est partie principale au procès
pénal, et en conséquence on ne peut pas récuser un adversaire.
En principe, l’officier du ministère public ne peut être condamné aux frais ou à des
dommages et intérêt si le prévenu est acquitté au bénéfice d’une décision de classement sans
297
suite pour absence d’éléments constitutifs de l’infraction. Mais la doctrine moderne1058 admet
que le magistrat peut engager sa responsabilité lorsqu’il est à la base du dysfonctionnement de
la justice. Aussi, s’il a commis une faute personnelle, sa responsabilité civile peut être
engagée, comme celle des magistrats du siège, par la procédure de la prise à partie. Enfin, s’il
commet une infraction, il peut évidemment faire l’objet de poursuites pénales.
Le magistrat du ministère public n’agit pas en son nom ; il agit au nom de son parquet.
Sa personne se confond avec la personne morale formée de l’ensemble des magistrats du
même parquet1059. En raison de l’indivisibilité du ministère public, les membres d’un même
parquet peuvent se suppléer et se remplacer les uns aux autres au cours du même procès. Ils
sont donc interchangeables alors qu’un juge du siège n’a jamais la possibilité de se faire
remplacer par un autre juge au cours des débats d’un procès, sous peine de cassation.
Ainsi, une poursuite peut être commencée par un magistrat du ministère public et
continuée par un ou plusieurs autres officiers du ministère public, également compétents.
C’est qu’il représente toujours une et une seule personne : l’Etat. D’où, on dit le ministère
public est « un ». Toutefois, l’indivisibilité du ministère public n’empêche pas un magistrat du
parquet, devenu magistrat du siège, de juger une affaire à la poursuite de laquelle, il n’a pris
aucune part directe ou indirecte.
Ce principe signifie que le ministère public constitue un corps hiérarchisé dont chaque
membre exerce une autorité sur ceux qui sont placés au-dessous de lui et dont la direction est
fortement organisée1060. Cette unité réside dans la concentration entre les mains du procureur
général près la Cour d’appel de l’autorité sur les magistrats des différents parquets du ressort.
Elle consiste dans le lien hiérarchique puissant qui existe entre les membres de cette
institution et qui en fait un instrument agissant sous l’impulsion d’une seule volonté. Il n’y a
qu’une action du parquet à qui son chef imprime une direction unique. Le supérieur
hiérarchique peut surveiller l’exercice de l’action publique par les magistrats qui sont
subordonnés et se faire rendre compte de leurs actes. De même, le procureur général peut
donner des instructions générales qui sont contraignantes pour tous les membres du ministère
public de son ressort de la Cour d’appel. C’est l’origine de la plénitude de l’exercice de
l’action publique qui appartient au procureur général près la Cour d’appel.
1058
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e
éd. Dalloz, 2005, pp. 248-264 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, pp.
79-85 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 178, p. 142.
1059
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Bugge, éd. La Charte, 2005, p. 134.
1060
R. HAYOIT DE TERMICOURT, Propos sur le ministère public », in Rev. dr.pén. crim., 1936, p. 972.
298
Précisons cependant qu’il a été admis que l’obéissance des magistrats du ministère
public ne concerne que leurs actes écrits étant que leurs réquisitions orales sont entièrement
libres et ne relèvent que de leur conscience. C’est ce qu’on traduit généralement par l’adage :
« La plume est serve mais la parole est libre ».
En tout état de cause, la doctrine moderne n’a jamais voulu reconnaître au ministre de
la Justice et garde des sceaux un droit de veto, consistant à empêcher l’exercice de l’action
publique1062 car l’ordre de poursuivre ne préjuge rien étant donné que l’exercice de l’action
publique peut aboutir à l’acquittement1063.
1061
Article 15 de la loi organique n° 06/020 du 0 octobre 2006 portant Statut des magistrats, in Journal officiel
de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p. 6.
1062
H.D. BOSLY, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p. 136 ; F. DUMON, « Le
pouvoir judiciaire », Journal des tribunaux, 1981, pp. 460-461 ; R. CHARLES, « Du ministère public »,
Journal des tribunaux, 1982, pp. 533-564 ; P. TROISFONTAINES e.a., « Le ministre de la justice peut-il
adresser aux magistrats des parquets des injonctions négatives à caractère général ? », in Annales de la
Faculté de droit de Liège, 1983, pp. 25-41 ; A. MEEUS, « L’institution du ministère public », Annales de
droit de Louvain, 1988, pp. 15 et s.
1063
Nicolas BAYOMA BAMEYA MUNA KIMVIMBA, Cours de procédure pénale, IIe Graduat, Faculté de
droit, Université de Kinshasa, 1992-1993, p. 33.
299
Mais précisons qu’à l’intérieur d’un même parquet, la subordination est plus étroite.
Ainsi, les substituts du procureur de la République sont tenus de se conformer aux instructions
du procureur de la République dont ils relèvent et ce dernier peut se substituer à ses
subordonnés1065.
A défaut d’une telle désignation, les juges des Tribunaux de Paix, siégeant en matière
répressive, remplissent eux-mêmes auprès de leurs juridictions, les fonctions du ministère
public. De même, l’article 180 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979
portant règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets qui déclare : « En raison du
caractère hybride de leurs fonctions de juges et officiers du ministère public, les juges des
Tribunaux de Paix sont régis par les dispositions du présent règlement applicables aux
tribunaux et parquets ». En d’autres termes, les juges de paix ont la qualité de juge et du
ministère public. Ce qui fait qu’ils peuvent poser tous les actes d’instruction reconnus aux
magistrats de parquet. Enfin, l’art. 71 in fine du Code d’OCJ exclut la récusation de juge de
paix lorsqu’il a exercé auparavant les fonctions du ministère public, ce qui confirme que les
juges de paix ont la qualité du ministère public.
1064
SOHIER, B.O., 58, p. 720 cité par RUBBENS, op. cit., n° 141, p. 181.
1065
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, op. cit., p. 103.
300
procureur général près la Cour d’appel, les fonctions du ministère public près le Tribunal de
grande instance ainsi que les Tribunaux de Paix de son ressort.
Près chaque Cour d’appel, il est institué un parquet général. L’exercice de l’action
publique dans toute sa plénitude et devant toutes les juridictions de son ressort appartient au
procureur général près la Cour d’appel.
Sous l’autorité du ministre de la Justice et garde des sceaux, le procureur général près
la Cour d’appel exerce les fonctions du ministère public près toutes les juridictions établies
dans le ressort de la Cour d’appel. Il porte la parole aux audiences solennelles de la Cour
d’appel. Il peut aussi le faire aux audiences des chambres s’il le juge nécessaire. Un ou
plusieurs avocats généraux et substituts du procureur général l’assistent. Ils exercent leurs
fonctions du ministère public sous la surveillance et sa direction. Le procureur général près la
Cour d’appel règle l’ordre intérieur des parquets et la tenue des registres. Il est reconnu au
procureur général d’autoriser de lever copies des procès verbaux.
L’absence de l’autorisation du procureur général pour l’obtention des copies des procès-
verbaux n’est sanctionnée de nullité ou de rejet de procès-verbaux produits au dossier et
obtenus sans cette autorisation1066.
1066
CSJ, 3/6/1981, RC 239, inédit.
301
général près la Cour de cassation) qui exerce près la Cour suprême de justice (Cour de
cassation), les fonctions du ministère public, en ce compris l’action publique.
Sur injonction du ministère de la Justice et garde des sceaux, il peut cependant initier
ou continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels qui ne ressortent
pas de la compétence de la Cour suprême de justice (Cour de cassation).
Les termes « assurer la poursuite jusqu’au jugement » contenus dans une lettre
d’injonction du ministère de la Justice et garde des sceaux au procureur général de la
République (procureur général près la Cour de cassation) comportent outre l’ordre d’assurer
la poursuite, celui de requérir et de soutenir l’action publique devant la juridiction compétente
conformément à l’article 12 du Code d’OCJ1067.
1067
CSJ, 28/2/1991-RPA 176, Affaire Essolomwa c/M.P, inédit.
302
que le ministère public intervient comme partie à toutes les phases du procès pénal1068 et après
la condamnation par les tribunaux répressifs, il fait incarcérer les condamnés et surveille
l’exécution des peines prononcées contre eux soit à la prison même si elle est criminogène1069
soit en dehors de celle-ci.
Les auxiliaires de la justice sont des personnes qui, sans être investies par l’Etat de la
fonction de juger, sont appelées à participer à l’administration de la justice en apportant leur
concours aux juges et aux parties1070.
Certains de ces auxiliaires font partie intégrante des juridictions et aident les
magistrats et les juges à remplir leur mission, il s’agit des agents de l’ordre judiciaire des
greffes et des parquets ; d’autres jouent un rôle très important dans l’information du juge
pénal et la recherche de preuves, il s’agit des fonctionnaires de la police judiciaire et des
experts.
Nous utilisons ici le mot « justice ordinaire » pour désigner la justice du droit
commun. Nous allons distinguer ici les agents de l’ordre judiciaire d’une part et les avocats et
défenseurs judiciaires d’autre part.
1068
KENGO WA DONDO, Cours de processus judiciaire, Faculté de droit, UNAZA, campus de Kinshasa,
1977-1978, p. 40.
1069
KAVUNDJA MANENO, La prison comme facteur criminogène, TFC, Faculté de droit, Université de
Kinshasa, 1987, p. 28.
1070
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 407, p. 331.
1071
R. PERROT, Ibidem ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions
judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005, n° 555, p. 790 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris,
9ème éd. Ellipses, 2006, n° 305, p.217.
303
Nous retiendrons les greffiers, les huissiers judiciaires, les secrétaires des parquets, les
inspecteurs de police judiciaire, les officiers de police judiciaire et les experts.
Le greffier est le « secrétaire du juge » : il assiste à toutes les audiences, il dresse les
procès-verbaux y afférents, signe les décisions conjointement avec les juges lors du prononcé
du jugement ou arrêt. Il authentifie les actes du juge. Mais c’est un secrétaire nanti d’un rôle
plus important que celui d’un secrétaire ordinaire. En tant que secrétaire du juge, le greffier
est scribe. Avant l’audience, il prépare le dossier, rédige les assignations et citations.
A l’audience, tous les actes du juge devant se matérialiser par écrit (verba volant,
scripta manent), c’est encore lui qui rédige le procès verbal sous la dictée du juge : il tient
donc note de toutes les déclarations des témoins et des parties, transcrit le dispositif du
jugement dans le registre, dactylographie le jugement ou arrêt. Tous les actes du juge sont
contresignés par le greffier.
En second lieu, le greffier est un secrétaire dont les attributions dépassent celles d’un
secrétaire ordinaire. En effet, un greffier expérimenté a le rôle de rappeler à son juge
l’existence d’une formalité. Il constitue un témoin privilégié de la sincérité de l’authenticité
d’actes du juge. Il est aussi chargé de la conservation des dossiers judiciaires et des archives
de la juridiction. Il garde les minutes, les registres et tous les actes afférents à la juridiction où
il est affecté. Il délivre les grosses, expéditions, extraits des jugements et ordonnances. Il est
officier ministériel.
placés sous la direction d’un greffier en chef assisté d’un ou de plusieurs adjoints ». Le
greffier en chef de la C.S.J. a le rang du secrétaire général dans l’administration publique.
Le greffe est un dépôt public, donc ouvert à tous où sous la responsabilité du greffier,
sont conservés les minutes des jugements et arrêts, le registre, dossiers, pièces à conviction en
général, tous les actes et pièces provenant de la justice1072. Les greffiers sont régis tous par le
statut du personnel de carrière des services publics de l’Etat, ils sont donc des fonctionnaires.
Le concours du greffier, à peine de nullité, est nécessaire pour composer un tribunal régulier,
sauf exception prévue par la loi1073.
Il a été jugé cependant que, rendu en l’absence d’un greffier n’est pas nul de jugement
qui se borne à remettre la cause à une date ultérieure1074. Ainsi, l’article 29 alinéa 2 du Code
d’ OCJ prévoit que le tribunal de paix, siège secondaire, peut siéger sans l’assistance d’un
greffier dans le cas où à ce siège, il n’y a pas de greffe. Nous estimons que cette disposition
devrait être supprimée dans la mesure où elle s’écarte des normes d’un Etat de droit.
Les règles de déport et de récusation ne sont pas applicables aux greffiers. Ils peuvent
ainsi siéger au tribunal qui connaît des actions dirigées contre eux en vue d’obtenir révision de
l’évaluation de la valeur du litige ayant servi de base à la perception des droits proportionnels
(articles 130 et 153 du Code de procédure pénale). Mais le professeur Antoine Rubbens
estime que les greffiers sont légitimement considérés comme « empêchés » de siéger dans une
cause où ils sont partie ou dans laquelle eux-mêmes ou l’un de leurs proches a un intérêt
personnel1075. Nous partageons cette analyse dans la mesure où le justiciable est en droit
d’attendre du tribunal (y compris le greffier faisant partie de la composition du siège) qu’il
présente toutes les garanties de l’impartialité.
Les huissiers sont des fonctionnaires de l’Etat et peuvent engager leur responsabilité en
cas de leurs fautes professionnelles dans l’exercice de leur fonction. De plus en plus,
particulièrement en Europe, la tendance qui se dessine consiste à libéraliser la fonction afin de
rendre plus responsable les huissiers de justice.
1072
M. DEMEUS, Les fonctions de greffier en République Démocratique du Congo, t. II, Procédure civile,
Kinshasa, 1969, p. 13.
1073
Elis, 25/3/1916, RJ, 1932, p. 129, App. Buta, 8/9/1927, RJ, 1929, p. 207.
1074
BOMA, 12/8/1907- jur. Etat, II, p. 201 cités par RUBBENS, op. cit., n° 65, p. 200.
1075
A. RUBBENS, op. cit., n° 165 , pp. 200-201.
305
Ils sont des collaborateurs ou auxiliaires indispensables pour les magistrats des
parquets. Ils aident ces derniers dans la tenue des registres et la conservation des dossiers.
Cependant, ils n’ont pas qualité d’officier de justice. Au niveau du parquet général de la
République (parquet près la Cour de cassation), le grade le plus élevé est assumé par le
premier secrétaire qui a rang de secrétaire général de l’administration publique. Au niveau du
parquet général près la Cour d’appel, c’est le secrétaire principal qui a le grade de directeur,
c’est-à-dire le grade le plus élevé. Au niveau du parquet de Grande instance, c’est le secrétaire
divisionnaire qui est le plus gradé, il a le rang de chef de division dans l’administration
publique.
Le mot « police » a un sens très varié. Au sens très large, la police comprend
l’ensemble des règles imposées par l’autorité publique aux citoyens ; le pouvoir de police est
alors le pouvoir d’imposer de telles règles. Une telle police englobe alors toutes les branches
du droit.
Au sens plus restreint, et qui se borne aux limites du droit administratif, la police est
« l’opération qui a pour but d’assurer par voie générale ou individuelle et par certaines
mesures appropriées, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique ». Les autorités de
police sont des autorités administratives à qui sont confiées les fonctions de cet ordre.
Au sens courant, le mot police désigne simplement le corps des fonctionnaires dont le
rôle consiste à assurer l’exécution des prescriptions générales ou individuelles et des mesures
appropriées, décidées par les autorités de police en vue de réaliser le but fondamental ci-
dessus : tranquillité, sécurité et salubrité publiques. Le recours à la police est la réaction
instinctive du citoyen qui se sent troublé dans l’un des ses droits essentiels.
La police judiciaire est chargée notamment d’exécuter toutes missions qui lui sont
confiées par les autorités compétentes à l’effet de constater les infractions, en rassembler les
preuves et en rechercher les auteurs, et notamment déférer aux réquisitions du ministère
public1076. Ils sont comme on le dit souvent, « l’œil et le bras » du ministère public. Ce sont
eux qui rassemblent les premiers éléments du dossier, qui appréhendent les infracteurs et qui
les défèrent aux réquisitions des magistrats instructeurs1077.
1076
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, op. cit., p. 272-273.
1077
M. NKONGOLO TSHILENGU, Droit judiciaire congolais. Le rôle des Cours et tribunaux dans la
restauration d’un droit violé ou contesté, Kinshasa, éd. Service de Documentation et d’Etudes du
Ministère de la Justice et Garde des sceaux, 2003, p. 21.
306
On range ici les gendarmes et agents de la police nationale affectés en qualité d’O.P.J.
Leur compétence s’étend à tout le territoire national.
5. Remarque
attachées à leur qualité d’O.P.J. ni se prévaloir de cette qualité qu’après y avoir été
personnellement habilités par le procureur de la République du ressort et prêté entre ses
mains, verbalement ou par écrit le serment : « Je jure fidélité au président de la République,
obéissance à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du Congo, de remplir
fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d’en rendre loyalement compte à l’officier du
ministère public ».
Nous pouvons déduire qu’au regard de l’article ci-dessus, les actes posés par l’O.P.J.
non assermenté sont nuls et de nul effet car n’ayant jamais reçus la qualité d’O.P.J.
Il convient de relever que sur le plan strictement juridique, l’ordonnance ci-haut est
inconstitutionnelle en ce sens qu’elle viole l’article 122 f) de la Constitution congolaise du 18
février 2006 étant donné que la procédure pénale devant les juridictions étant du domaine de
la loi, une loi est donc nécessaire. En effet, l’on devrait donc abroger cette ordonnance qui
réglemente les attributions des OPJ et prévoir une loi sur cette matière ou intégrer ces
matières dans le Code de procédure pénale.
Nous avons montré qu’actuellement c’est une simple ordonnance qui organise
l’exercice des attributions d’officiers et agents de police judiciaire. Et pourtant, de telles
attributions relèvent de la procédure pénale. Or, l’article 122 f) de la Constitution du 18
février 2006 dit que la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. C’est pourquoi, le
parlement devrait légiférer en cette matière ou l’intégrer dans le Code de procédure pénale.
Nous pensons que l’on devrait soumettre la désignation des officiers de police
judiciaire au ministre de la justice sur propositions conformes (qui lient le ministre) du
procureur général près la Cour de cassation. L’on devrait aussi conférer à chaque chef de
parquet le pouvoir d’exercer l’action disciplinaire sur les officiers de police judiciaire, afin
d’acquérir un atout supplémentaire pour lutter contre les irrégularités constatées dans le chef
de quelques officiers de police judiciaire.
enseigne que les nombreux abus auxquels ils ont pu se livrer n’ont pas gêné leur promotion en
grade. C’est pourquoi nous estimons que l’on devrait souligner dans une loi l’exercice par
l’officier du ministère public de l’autorité disciplinaire sur tous les officiers du police
judiciaire afin que, influant par ce biais dans le signalement et partant dans la promotion,
puisse s’améliorer le rendement des officiers de police judiciaire.
E. Les experts
L’expert est un homme de l’art, un spécialiste auquel le juge a recours « dans le cas où
se pose une question d’ordre technique ». Il doit être choisi parmi les personnes d’expérience
dans un domaine concerné par un procès. En effet, les procès soulèvent fréquemment des
questions de nature technique qui, pour être tranchées, exigent des connaissances spécialisées
que le juge ne possède pas nécessairement. Par exemple : vérifier si une fille a été violée, s’il
ya eu avortement, déterminer s’il y a eu empoisonnement, apprécier la valeur d’un immeuble,
déterminer si un auteur présumé d’une infraction est état de démence, chiffrer le degré
d’invalidité d’une victime d’accident de circulation, examiner des comptes et des bilans pour
vérifier les détournements des fonds, etc. Pour être éclairé, le juge fera appel aux
connaissances d’un technicien du domaine bien déterminé appelé « expert ».
Les experts sont prévus par les articles 48 à 52 du Code de procédure pénale et 39 du
Code de procédure civile. On peut ranger parmi les experts :
• Le médecin légiste pour aider le magistrat à lui déterminer les causes de tel décès par
exemple (empoisonnement, suicide, mort naturelle).
• Un expert-comptable, habituellement dans une affaire de détournement de fonds.
1078
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 8ième éd., 1995, p. 160-161 ; S.GUINCHARD et
J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2005, pp. 218-219
1079
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 477, p. 379.
1080
J.P. SCARANO, op. cit, n° 328, p. 227.
309
Les avocats et les défenseurs judiciaires sont des auxiliaires de justice, car ils
collaborent avec la magistrature à la découverte de la vérité. Ils ont pour mission essentielle
de défendre les intérêts de leurs clients. Toutefois, ils doivent se comporter en véritables
hommes soucieux d’une bonne justice et respecter le devoir de loyauté envers leurs clients.
Les avocats et défendeurs judiciaires sont régis par l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28/09/1979
portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et corps de mandataires
de l’Etat.
A. Les avocats
La profession d’avocat est sans doute la profession judiciaire la plus ancienne : elle
remonte à l’époque romaine. Selon toute vraisemblance, elle a pour origine l’usage qui voulait
que les praticiens protègent et défendent leur clientèle : le praticien était celui que l’on
« appelait au secours » en cas de difficulté (advocatus, d’où le nom d’avocat). Mais à mesure
que le droit se complique, il devient nécessaire de faire appel à des spécialistes de la science
du droit qui avaient l’habitude de la parole en matière juridique (les « oratores »), lesquels se
constituèrent en corporation (en « ordo ») ; de là, l’expression « ordre des avocats » utilisée
pour désigner les groupements au sein desquels les avocats exercent leur profession1081.
Avant que le barreau ne soit organisé, ses relations avec le gouvernement n’étaient pas
faciles. En effet, Napoléon disait : « Tant que j’aurai l’épée au côté (…) je veux qu’on puisse
couper la langue à un avocat qui s’en servirait contre le gouvernement ». Il qualifiait les
avocats de « tas de bavards, artisans de révolution, et qui ne sont inspirés presque tous que
par le crime et la corruption »1082. Il a fallu attendre le 14 décembre 1810 pour que
l’Empereur signe le décret réglant la profession d’avocat. Apparemment la langue d’un avocat
est plus solide que l’épée en général, car la profession d’avocat conquit son autonomie1083.
Les avocats sont des auxiliaires de la justice chargés d’assister ou représenter les
parties, postuler, conclure et plaider devant les juridictions. Certains les considèrent comme
étant les auxiliaires des parties parce qu’ils assistent celles-ci dans leur procès1084. Avec
l’évolution de la société actuelle tournée vers le respect des droits de l’homme, l’avocat
apparaît comme la sentinelle des droits et libertés fondamentaux. Le rôle que joue l’avocat est
tellement important d’autant plus qu’il occupe aujourd’hui une place presque centrale dans le
1081
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 411, p. 333; Au sujet de
l’histoire du barreau, voy. J. APPLETON, Traité de la profession d’avocat, Paris, Dalloz, 1923, pp. 22-48 ;
G. DUCHAINE et E. PICARD, Manuel pratique de la profession d’avocat en Belgique, Bruxelles, Paris,
Claessen et Durant, 1869, pp. 2 et s. ; J. GILISSENS, Introduction historique au droit, Bruxelles, Bruylant,
1979, p. 368 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd. Collection Scientifique de la Faculté de
droit de Liège, 1993, n° 372, pp. 407-408.
1082
G. DUCHAINE et E. PICARD, op. cit., p. 14.
1083
R. PERROT, op. cit., n° 413, p. 330.
1084
J. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n° 305, 297.
310
procès. Il a donc cessé d’être un simple auxiliaire de la justice pour devenir un véritable
partenaire de justice sans lequel il n’y aurait pas de justice équilibrée1085. Les avocats peuvent
consulter, conseiller, concilier, rédiger des actes sous seing privé, assister ou représenter les
parties en dehors des juridictions. Est irrégulier et viole l’ordonnance-loi n° 79/08 du
28/09/1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs et corps des mandataires
de l’Etat, la représentation d’une personne physique par son fils, porteur d’une procuration
spéciale1086. La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante.
a) Les conditions
Mais avant d’être inscrit au tableau, l’avocat reçoit une formation professionnelle au
cours d’un stage de 2 ans. Avant d’être admis en stage, le postulant prête le serment suivant
devant la Cour d’appel : « Je jure de respecter la Constitution, d’obéir à la loi, d’exercer la
défense et le conseil avec dignité, conscience, indépendance et humanité, de ne rien dire ou
publier de contraire aux lois, aux décisions judiciaires, aux bonnes mœurs, à la sécurité de
l’Etat, de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux, aux magistrats et aux autorités
publiques, de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirais juste en mon âme et
conscience ».
1085
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 79, p. 96.
1086
CSJ, RC 280, 4/6/1980, inédit ; CSJ, T.S.R., R n° 2, 6/4/1978, RJZ, 1979, p. 38.
311
• Les anciens magistrats, pourvu qu’ils aient exercé leurs fonctions pendant 3 ans au
moins.
• Les personnes qui durant 3 ans au moins, ont, en qualité de professeurs, enseigné le
droit dans une université ou une école supérieure.
• Les anciens avocats de l’Etat ayant exercé la profession durant 5 ans au moins.
• Les anciens mandataires de l’Etat ayant exercé la profession durant 5 ans au moins.
L’ensemble d’avocats du ressort d’une Cour d’appel forme un barreau près cette Cour.
Si les barreaux sont autonomes comme organisations, seuls par contre les ordres des
avocats jouissent de la personnalité juridique1088. Actuellement, il existe 12 barreaux en
République Démocratique du Congo, à raison d’un barreau par province et deux pour la ville
de Kinshasa. Etant donné que la Constitution congolaise du 18 février 2006 prévoit 25
provinces, il serait souhaitable qu’il y ait également 25 barreaux et 2 pour la ville de
Kinshasa, ce qui ferait le total de 27 barreaux pour toute la République. Les barreaux agissent
par leurs organes qui sont l’Assemblée générale, le Conseil de l’ordre et le bâtonnier.
1. L’Assemblée générale
Elle comprend tous les avocats inscrits au tableau de l’ordre. Elle élut le bâtonnier.
1087
CSJ, RC 226, 31/8/1977, Bull. 1978, p. 108 ; DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire
Général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice, 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, p. 25.
1088
MBUY-MBIYE TANAYI, La profession d’avocat au Zaïre, Kinshasa, éd. Ntombo, 1990, p. 78.
312
2. Le Conseil de l’ordre
Il veille à la stricte observation des règles de la profession et des devoirs des avocats
ainsi qu’à la protection de leurs droits. Dans le cas où le nombre d’avocats est inférieur à 8,
les fonctions du Conseil de l’ordre sont remplies par la Cour d’appel.
3. Le bâtonnier
Le bâtonnier est élu par l’Assemblée générale au scrutin secret à la majorité des
suffrages. En cas d’égalité des voix, c’est le candidat le plus ancien au tableau qui l’emporte.
Le bâtonnier est élu pour 3 ans. Seuls les anciens membres du Conseil de l’ordre inscrits au
tableau depuis plus de 5 ans peuvent être élus bâtonniers.
1. Conditions
L’article 105 de l’ordonnance-loi du 28/08/1979 dispose que nul ne peut être admis
comme avocat à la Cour suprême de justice (Cour de cassation) :
Le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation) est dirigé par un
Conseil de l’ordre présidé par le bâtonnier national.
• Le Conseil de l’ordre : ses membres sont élus par l’assemblée générale du barreau près
la Cour suprême de justice (Cour de cassation) conformément aux règles établies par
les barreaux des Cours d’appel1089.
1089
MBUY-MBIYE TANAYI, op. cit., p. 101.
313
• Le bâtonnier national : il est élu par l’Assemblée Générale de l’ordre national des
avocats parmi un ou plusieurs candidats présentés par l’Assemblée Générale du
barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation).
L’ordre national des avocats qui a son siège à Kinshasa est composé de 3 organes :
l’Assemblée Générale, le Conseil national de l’ordre et le bâtonnier national.
1. Assemblée générale
• De délibérer sur toutes les questions d’intérêt commun et sur les moyens à mettre en
œuvre pour sauvegarder l’honneur, les droits et les intérêts de la profession.
• D’élire les membres du Conseil national de l’ordre.
• D’élire le bâtonnier national.
1090
Article 16, 1 de la Décision CNO/ 8 / 87 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux de
la République Démocratique du Congo.
314
3. Le bâtonnier national
Le bâtonnier national est élu par l’Assemblée Générale de l’ordre national des avocats.
Il est choisi parmi les avocats à la Cour suprême de justice (Cour de cassation) et est de droit
bâtonnier de leur barreau. Il a pour tâche de présider le Conseil national de l’ordre.
Il exerce sur le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation) toutes
prérogatives reconnues au bâtonnier.
1. Notions
La question qui nous préoccupe consiste à savoir si l’autorité disciplinaire des avocats
peut saisir le Conseil de l’Ordre en matière disciplinaire et siéger audit Conseil sans
enfreindre le principe d’impartialité. Cette autorité ou le membre dudit Conseil désigné peut-
elle (il) au cours d’une même affaire disciplinaire cumuler les fonctions de l’enquête, de
l’instruction et siéger au Conseil de l’Ordre des avocats pour se prononcer au fond sur la
1091
Article 86 de l’ordonnance-loi précitée.
1092
Article 88 du même texte.
1093
Article 16, 1 et 6 de la Décision CNO/8/89 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux
de la République Démocratique du Congo ; E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n°
212, p. 207.
1094
Article 92 de l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des
défenseurs judiciaires et des mandataires de l’Etat ; article 43 de la Décision CNO/8/87 du 19 août 1987,
op.cit.
1095
Article 21 de la Décision CNO/8/87 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux de la
République Démocratique du Congo.
315
1096
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel commun et droit comparé du procès équitable, Paris, 4e éd.
Dalloz, 2007, n° 374, p. 727; S. RUDLOFF, Droit et libertés de l’avocat dans la Convention européenne
des droits de l’homme, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 146 ; P. LAMBERT, « La Convention européenne
des droits de l’homme et le droit disciplinaire », in J.T., 1988, p. 54 ; J. DUJARDIN, « Le contrôle de
légalité exercé par la Cour de cassation sur la justice disciplinaire au sien des Ordres professionnels », in
J.T., 2000, p. 634 ; M. DELMAS-MARTY, « Réflexions sur le pouvoir disciplinaire », in R.T.D.H., 1995, p.
155 ; P. LAMBERT, « L’évolution de la fonction de juger en droit disciplinaire », in Mélanges Jacques Van
Compernolle, Bruxelles, Bruylant 2004, p. 293 ; F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant
et impartial à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Mélanges
Jacques Van Compernolle, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 733.
1097
CEDH, 27 août 1991, Philis c/Grèce, in RTDH, 1992, p. 483, obs. P. Vandernoot ; CEDH, 30 novembre
1987, H c/Belgique, série A, n° 127-B ; B. BLANCHARD, « La procédure disciplinaire des avocats à
l’épreuve de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme », D. 2000, jur. Comm., p. 312 ;
J. PRALUS-DUPUY, « Application de l’article 6 de la Convention EDH devant le Conseil de l’Ordre », in
JCP-La Semaine juridique Ed. Gén., 9 juin 1999, n° 10.102, pp. 1089-1094 ; P. CORVILAIN, « Le droit
disciplinaire des avocats », in P. CORVILAIN (sous direction), Le droit disciplinaire des Ordres
professionnels, C.U.P.-Formation permanente, novembre 2004, vol. 74, pp. 64 et s. ; J. VERHOEVEN,
« L’impartialité du juge disciplinaire et les droits de l’homme », note sous cass. Belge, 23 mai 1985,
R.C.J.B., 1987, p. 538 ; F. CHAMORRO BERNAL, Les procédures disciplinaires des barreaux européens
au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque du 11 mars 1998 organisé
par les Instituts des droits de l’homme des barreaux de Paris, Barcelone et Bruxelles, Bruxelles, éd.
Bruylant, Nemesis, 1999, pp. 129-130 ; J. ROBERT et J. DUFFAR, Droits de l’homme et libertés
fondamentales, Paris, 6e éd. Monchrestien, 1995, p. 281.
316
De même, une même autorité disciplinaire ne peut pas cumuler les fonctions de
l’enquête, de l’instruction avec la décision au fond qui se prononce sur la faute disciplinaire
de l’avocat sans violer le principe d’impartialité. En effet, lorsque le bâtonnier ou tout
membre du Conseil de l’Ordre est chargé de l’enquête sur une faute disciplinaire d’un avocat,
et si cet enquêteur instruit disciplinairement l’affaire, il aura difficile de sauvegarder son
impartialité lorsqu’il ferait partie de l’organe appelé à se prononcer sur la sanction (fond)
étant donné qu’il s’était déjà fait, selon toute vraisemblance, une idée sur la culpabilité de
l’incriminé (auteur fautif). Ce défaut d’impartialité s’explique par le fait que si le rapporteur
(avocat chargé de l’enquête, de l’instruction) devait siéger au sein de la « juridiction
disciplinaire » pour se prononcer au fond, il pourrait être appelé à apprécier la régularité de sa
propre enquête, instruction et devenir ainsi son propre juge1101. C’est pourquoi, l’impartialité
est considérée comme méconnue lorsque le rapporteur ou le bâtonnier ayant engagé les
poursuites avait siégé au délibéré de l’instance disciplinaire1102.
C’est pourquoi, tenant compte de ces enseignements, le barreau de Paris a été amené à
décider de faire présider les formations disciplinaires par un ancien bâtonnier en adoptant son
règlement intérieur en juin 2000 afin de dissocier très nettement les fonctions de poursuite,
1098
Cassation belge, 22 mars 1990, Bull. et Pas., 1990, n° 349 ; Cassation belge, 3 novembre 1988, Bull. et
Pasicrisie belge., 1989, n° 134 ; Rapport de la Cour de cassation belge 2003, p. 444.
1099
Cour d’appel de Bruxelles, 1ère chambre, 10 mars 2006, J.L.M.B., 2006, pp. 794-797.
1100
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de Droit, UCL, Louvain-
la-Neuve, juin 2005, pp. 515 et s.
1101
Ibidem, p. 499.
1102
Cassation française, 1ère Civ., 23 mai 2000, Pasqualini c/Proc. Gén. près C.A. Besançon, D., 2000, n° 25, IR,
p. 183 ; F. DE LA VAISSIERE, « Vous avez dit… impartial », Gazette du Palais, mai-juin 2003, Doctrine,
p. 1530 ; Cassation française, 1ère Civ., 5 octobre 1999, c/ Basse-Terre, in Le Dalloz, 6 avril 2000, p. 312 ;
Cassation française, 1ère Civ., 5 octobre 1999 c/ Cour d’appel de Douai, Le Dalloz, 6 avril 2000, n° 14, p.
312 ; Cassation française, 1ère Civ., 9 avril 2002, D., 2002, IR, p. 1730.
317
d’instruction et de jugement, qui ne peuvent être exercées par les mêmes personnes1103.
Désormais, la juridiction disciplinaire comprend : une autorité (présidée par le bâtonnier en
exercice, assisté d’un coordinateur et de quatre membres), une formation d’instruction
(composée de huit avocats, assistée d’un secrétaire), trois formations de jugement appelées
formations disciplinaires (dont chacune comprend sept avocats assistés d’un secrétaire)1104.
De même, la loi n° 2004 du 11 février 2004 a réaménagé profondément l’organisation de la
discipline des avocats, elle pose notamment en principe la séparation de l’instruction et du
jugement : le Conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi désigne un de ses membres
pour procéder à l’instruction de l’affaire. Le membre en question ne peut siéger au sein de la
formation de jugement1105. Enfin, le Décret du 24 mai 20051106 (pris en application de cette loi
du 11 février 2004) relatif à la discipline des avocats réforme la juridiction disciplinaire afin
de la rendre organiquement impartiale. L’autorité de poursuite et de « jugement » se trouve
nettement dissociée ; la fonction de l’instruction et de « jugement » ne peut pas être cumulée
par la même personne.
1103
F. CHAMORRO BERNAL, Les procédures disciplinaires des barreaux européens au regard de la
Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque du 11 mars 1998 organisé par les Instituts
des droits de l’homme des barreaux de Paris, Barcelone et Bruxelles, Bruxelles, éd. Bruylant, Nemesis,
1999, p. 127 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès
équitable, Paris, 4e éd. Dalloz, 2007, n° 374, pp. 727-729.
1104
S. GUINCHARD et alii, Ibidem ; F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », in Recueil Dalloz,
Chroniques, 2004, n° 25, § 21, p. 1749 ; P. JULIEN et N. FRICERO, « Procédure civile 2004 : l’année des
changements », in Recueil Dalloz, 2005, n° 5, Panorama, p. 334.
1105
Voyez J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, pp. 79 et 94.
1106
Décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la
profession d’avocat et relatif à la discipline, in Journal officiel de la République française, 26 mai 2005, p.
9107 ; Recueil Dalloz, 2005, n° 22, p. 1469-1470.
1107
Voy. P. LAMBERT, Règles et usages de la profession d’avocat du barreau de Bruxelles, Bruxelles, 3e éd.
Bruylant, 1994, pp. 735 et s. ; P. CORVILAIN, « Le droit disciplinaire des avocats », in P. CORVILAIN
(sous direction), Le droit disciplinaire des Ordres professionnels, C.U.P., Vol. 74, Bruxelles, éd. Larcier,
2004, pp. 40 et 56 ; art. 70 du règlement intérieur du barreau de Bruxelles ; M. WAGEMANS (mise à jour
de Y. OSCHINSKY), Recueil des règles professionnelles du barreau de Bruxelles, Ordre français des
avocats, Bruxelles, Lettre du barreau, 2005, numéro spécial, p. 531.
1108
Ibidem.
318
Les défenseurs judiciaires remplissent les mêmes fonctions que les avocats, à la seule
différence qu’ils exercent leur ministère devant les tribunaux de paix et de Grande instance ;
mais non devant la Cour d’appel ou la Cour de cassation (Cour suprême de justice). Leur
origine remonte en 1968. En effet, la carence de juristes, particulièrement des avocats avait
amené le législateur à accepter les anciens agents de cabinet d’avocats belges établis au
Congo à exercer la défense des justiciables qui le désiraient. La plupart de ces agents avaient
une formation qui ne dépassait pas deux années post-primaires. Ils avaient quelques notions
de droit et pouvaient imiter leurs anciens patrons1110. Le corps de « défenseurs judiciaires »
fut créé en 1968, et actuellement, il est régi par l’ordonnance-Loi n° 79-08 du 28 septembre
1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs judicaires et du corps des
mandataires de l’Etat. Nous examinerons les conditions d’admission dans ce corps(a), ses
organes (b) et les propositions de sa réforme (c).
1109
S. GUINCHARD et alii, op. cit., n° 374, p. 729 ; Art. 188 du décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, modifiant
le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat et relatif à la discipline, in
Journal officiel de la République française, 26 mai 2005, p. 9107.
1110
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Académia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 83, p. 98.
319
a) Conditions
• Etre Congolais.
• Etre porteur d’un diplôme de gradué en droit de l’université nationale ou d’un
diplôme équivalent.
• N’avoir pas été condamné pour des agissements contraires à l’honneur à la probité et
aux bonnes mœurs.
• N’avoir pas été auteur des faits de même nature ayant donné lieu à une sanction
disciplinaire ou une décision administrative de destitution, radiation ou révocation.
• Justifier d’une bonne conduite par la production d’un certificat de bonne vie et mœurs
délivré par l’autorité administrative du lieu de résidence ».
1. L’Assemblée générale
Elle comprend tous les défenseurs judiciaires du ressort. Elle est présidée par le
président du tribunal de grande instance du ressort. Elle délibère sur tout sujet intéressant la
profession de défenseurs judiciaires.
1111
CSJ, RP 166, 8/7/1980, inédit.
320
2. La chambre de surveillance
3. Le syndic
Or les défenseurs judiciaires tiennent des cabinets, portent la toge noire comme les
avocats et ils sont appelés aussi « maitres ». Cela créé beaucoup de confusions chez les
justiciables au préjudice de la justice. C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait mettre fin
au corps de défenseurs judiciaires mais de façon graduelle1112. En effet, si la mesure peut être
bien accueillie dans les villes où le nombre d’avocats est déjà jugé suffisant et même
pléthorique dans certaines villes, il n’en est pas ainsi dans tout le pays. Ainsi, certaines villes
et cités, comme par exemple Kindu, Mbandaka et Bandundu et certain milieu rural, pourraient
encore recourir pendant quelques années aux services des défenseurs judiciaires. Mais dans
des villes comme Lubumbashi, Bukavu, Goma, Kisangani, Mbuji-Mayi, Kananga, Matadi et
Kinshasa, rien ne justifie la présence des défenseurs judiciaires d’autant plus qu’il y a pléthore
d’avocats. Cela mettrait fin à au désordre devant les Cours et tribunaux.
1112
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd Adadémia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 85, p. 99.
321
Ils comprennent les greffiers militaires, les secrétaires des parquets militaires, les
inspecteurs de police judiciaire et officiers de police judiciaire.
Ils remplissent les mêmes fonctions que leurs collègues civils c’est-à-dire ils sont
chargés de la rédaction des procès-verbaux d’audience et de la transcription des jugements et
arrêts. Le greffe de la Haute Cour militaire est dirigé par un greffier en chef, assisté d’un ou
plusieurs greffiers principaux. Ils sont officiers supérieurs. Le greffe des Cours militaires est
dirigé par un greffier principal, assisté par un ou plusieurs greffiers divisionnaires. Ils sont au
moins officiers subalternes. Le greffe des tribunaux militaires de garnison est dirigé par un
greffier divisionnaire, assisté par un ou plusieurs greffiers de première ou deuxième classe.
Les greffiers des tribunaux militaires de garnison siègent au tribunal militaire de police. Ils
sont officiers subalternes.
Le service d’ordre intérieur des greffes et de la tenue des registres est organisé par
ordonnance de la juridiction militaire.
Ils remplissent les mêmes fonctions que ceux des parquets civils.
Le secrétariat de l’auditorat général près la Haute Cour militaire est dirigé par un
premier secrétaire, assisté, le cas échéant, d’un ou de plusieurs secrétaires principaux. Ils sont
officiers supérieurs. Les secrétaires des auditorats militaires supérieurs près les Cours
militaires portent le titre de secrétaire principal. Ils sont assistés d’un ou de plusieurs
secrétaires divisionnaires. Ils sont au moins officiers subalternes. Les secrétaires des
auditorats militaires de garnison portent le titre de secrétaire divisionnaire. Ils peuvent être
assistés d’un ou de plusieurs secrétaires de première ou deuxième classe. Ils sont officiers
subalternes.
C. Les inspecteurs de police judiciaire et les officiers de police judiciaire (articles 59-60
C.J.M.)
Ils remplissent les mêmes fonctions que leurs collègues civils. Ont qualité d’officiers
de police judiciaire des Forces Armées, les officiers, sous-officiers des Forces Armées et
agents assermentés des différents services des Forces Armées pour l’exercice des missions
particulières qui leur sont dévolues par les lois et règlements. Dans ce dernier cas, ils n’ont
d’action que sur les infractions commises dans leurs unités ou services respectifs ou des
322
personnes placées sous leur commandement et dans la zone territoriale leur assignée pour
l’exercice de leurs fonctions administratives.
Les agents de police judiciaire des auditorats sont des officiers de police judiciaire.
La police judiciaire de l’auditorat général est dirigée par un inspecteur judiciaire
général, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires en chef. Ils sont officiers
supérieurs.
La police judiciaire des auditorats près les Cours militaires est dirigée par un
inspecteur judiciaire en chef, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires
divisionnaires. Ils sont au moins officiers subalternes.
La police judiciaire des auditorats militaires près les tribunaux militaires de garnison
est dirigée par un inspecteur judiciaire divisionnaire, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs
judiciaires principaux et d’inspecteurs judiciaires de première ou de deuxième classe. Ils sont
officiers subalternes.
Seuls les avocats, défenseurs judiciaires ou militaires agréés congolais sont autorisés à
défendre les prévenus devant les juridictions militaires. Nous avons fait observer que cela
violait la Constitution ainsi que les différents textes des droits fondamentaux de l’homme qui
reconnaissent à chacun le droit de se faire assister par un défenseur (y compris un étranger) de
son choix. A cet égard, nous renvoyons aux arguments que nous avons développés concernant
les critiques relatives à l’organisation et la compétence des juridictions militaires.
Les défenseurs judiciaires n’exercent leur ministère que devant les tribunaux militaires
de garnison et de police du ressort du tribunal de Grande Instance où ils sont inscrits.
Il nous semble étonnant que 48 ans après l’indépendance, ces juridictions coutumières
continuent à fonctionner. En effet, elles avaient été créées pour juger les congolais non
immatriculés (indigènes) alors que depuis l’indépendance de la République Démocratique du
Congo, il n’existe plus des congolais non immatriculés ou immatriculés. En attendant
l’installation des tribunaux de paix, les tribunaux coutumiers subsistent (article 163 du Code
d’OCJ).
L’organisation des juridictions coutumières se présente de la manière suivante :
1113
Cette expression pourrait signifier les congolais disposant d’un n° matricule autrement dit des
fonctionnaires. Elle signifierait aussi les congolais dits évolués c’est- à- dire ceux qui avaient un niveau de
vie assez élevé comme les colons.
324
1. Ressort
2. Composition
Ils sont prévus par l’article 1er, 2° du décret du 16/09/1954, le décret du 17/03/1938 et
le décret du 13/09/1959.
1. Ressort
2. Composition
Ils sont prévus par l’article 1er, 4° du décret du 16/09/1954 et le décret du 16/09/1959.
1. Ressort
2. Composition
Ils sont prévus par l’article 1er, 3° du décret du 19/09/1954 et l’article 2 du décret du
16/09/1959.
1. Ressort
Le ressort du tribunal de cité est déterminé selon le cas par le commissaire sous-
régional ou par le commissaire urbain (le maire).
2. Composition
1. Ressort
Le siège du tribunal de ville est dans la ville même, son ressort correspond au ressort
territorial de la ville.
326
2. Composition
En matière répressive, les juridictions coutumières ne peuvent pas infliger une peine
supérieure à un mois, de 2.000 francs congolais d’amende ou 1 mois d’emprisonnement.
Quand la juridiction coutumière siège avec le bourgmestre, la peine à infliger ne peut pas
dépasser 2 mois d’emprisonnement, 2.000 francs congolais d’amende.
Les jugements rendus par les tribunaux coutumiers sont susceptibles de révision,
d’appel et d’annulation. Concernant l’annulation ou la révision des jugements rendus par les
tribunaux de la commune et de ville, elle est portée devant le tribunal de grande instance qui
statue en dernier ressort en matière d’annulation et de révision.
Toute cause régie par le droit écrit doit être obligatoirement soumise à la compétence
matérielle des juridictions de droit écrit qui en ont à connaître, à moins de stipulations
contraire1116. En conséquence, si la cause est régie par le droit écrit, les tribunaux civils sont
1114
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais, T. III, L’instruction criminelle et la procédure pénale,
Bruxelles, éd. Ferd. Larcier, 1965, p. 105.
1115
CSJ, RC 215, 23/5/1979, Bull. 1984, p. 98.
1116
CSJ, RC 37, 25/7 et 14/11/1973, Bull. 1974, p. 129 et CSJ, RC. 161, 9/12/1981, inédit.
327
Sur ce point, il convient de souligner que la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés a abrogé toute
règle coutumière en matière d’occupation des parcelles ; cela relève désormais des
juridictions de droit écrit. Ainsi, viole les décrets coordonnés sur les juridictions coutumières,
un jugement de tribunal de sous-région siégeant en appel comme juridiction coutumière, par
lequel ce tribunal statue au fond sur un litige régi par la loi susmentionnée alors qu’après
avoir annulé le jugement du premier degré pour incompétence, il aurait dû se déclarer
incompétent, le litige déféré devant lui n’étant pas régi par les dispositions légales ayant pour
but de substituer d’autres règles à l’application de la coutume1118.
De même, encourt cassation totale pour violation de loi susvisée, le jugement par
lequel le tribunal de sous-région statuant en appel d’un jugement de tribunal de ville s’est à
tort déclaré compétent pour trancher un litige portant sur le droit d’occupation d’une parcelle
de terre au lieu d’annuler le jugement du tribunal de ville pour incompétence et, statuant à
nouveau, de se déclarer à son tour incompétent, étant donné qu’aux termes de la disposition
légale susvisée, ce litige relève de la compétence des tribunaux de droit écrit1119.
Attendu qu’il ressort de l’article 11, 1° des décrets coordonnés sur les juridictions
coutumières que celles-ci sont incompétentes lorsque les contestations doivent être tranchées
par l’application du droit écrit.
Qu’en l’espèce, (…) en invoquant les articles 755, 756, 757, 793 du Code de la
famille, le tribunal de ville de Bukavu a tranché sur une matière ne relevant pas de sa
compétence matérielle1121 ;
1117
CSJ, 9 décembre 1981, RC. 161, inédit.
1118
CSJ, 9 avril 1980, RC.334, inédit.
1119
CSJ, 21 janvier 1981, RC. 212, inédit.
1120
T.G.I., Bukavu, 23 avril 1994, Affaire succession Wasso Lukumbia Medard c/ Longangi Willa et Barigereka
Majaribu, inédit.
1121
Dans le même sens T.G.I. Bukavu, 10 novembre 1994, K. contre N., R. AN. 147, in RJZ, janvier à décembre
1995, n° 1-3, p. 62.
328
Ces éléments montrent qu’en matière civile, le critère d’attribution des compétences
matérielles entre les juridictions coutumières et celles de droit écrit n’est pas établi sur la
hauteur de la valeur du litige mais sur la règle juridique applicable à la matière faisant l’objet
de la contestation1122.
§ 1. Les juges
La fonction de juge au sein des juridictions coutumières est exercée par les autorités
administratives (bourgmestre, administrateur du territoire, chefs de collectivité) et par les
juges autochtones désignés parmi les notables, compte tenu de leur connaissance des
coutumes.
1122
CSJ, 10 août 1974, RC. 75, Bull., 1975, p. 236.
329
Notre raisonnement se fonde sur les dispositions de l’article 162 du Code d’OCJ,
l’article 934 du Code de la famille ainsi que la pratique judiciaire. En effet, l’article 162 du
Code d’O.C.J.déclare : « Jusqu’à l’installation des tribunaux de paix, les tribunaux de
grande instance seront compétents pour connaître en premier ressort des contestations qui
relèvent normalement de la compétence des tribunaux de paix ». De même, l’article 934,
alinéa 2 du Code de la famille déclare : « En attendant l’installation des tribunaux de paix sur
l’ensemble du territoire national, les actions soumises par la présente loi à leur compétence
seront jugées par les tribunaux de grande instance, là où les tribunaux de paix ne sont pas
encore installés ».
Or les articles ci-haut cités déclarent dans leur esprit que les matières relevant de la
coutume seront jugées devant les tribunaux de paix s’ils sont déjà installés ou devant les
tribunaux de grande instance si ceux-là ne sont pas encore installés. En d’autres termes, tous
les litiges relevant de la coutume ont été transférés soit devant les tribunaux de paix, soit
devant les tribunaux de grande instance. Ce qui veut dire que les tribunaux coutumiers n’ont
plus de fondement juridique en République Démocratique du Congo. C’est la raison pour
laquelle le tribunal de grande instance de Cataractes-Mbanza-Ngungu s’est déclaré compétent
pour connaître d’un conflit collectif de terres coutumières1123 au lieu du tribunal coutumier
d’autant plus que le tribunal de paix n’était pas encore installé.
Enfin, la pratique judiciaire montre que les juges coutumiers violent régulièrement les
lois écrites en rendant les jugements se référant au Code de la famille alors que cette matière
relève des juridictions de droit écrit (tribunaux de paix ou de grande instance), ce qui crée un
désordre judiciaire.
Toutes ces raisons montrent qu’il n’y a pas de fondement juridique justifiant
l’existence des juridictions coutumières.
Nous avons souligné que les juridictions coutumières avaient été créées pour juger les
congolais non immatriculés1124. Or, depuis l’accession de la République Démocratique du
Congo à l’indépendance, il n’existe plus des congolais non immatriculés ou les congolais
immatriculés. Etant donné que ces juridictions coutumières ne jugent en principe qu’une
catégorie des congolais ; il nous semble qu’elles créent par conséquent une discrimination
entre congolais. Et pourtant l’article 12 de la Constitution congolaise déclare que tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois. Enfin, l’objectif
1123
T.G.I. Cataractes-Mbanza-Ngungu, 16 août 1996, M. et K. contre N, R. 2327, in RAJC, janvier à décembre
2002, fascicule unique, vol. VII, pp. 30-31.eu
1124
Article 10 bis des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
330
de leur création étant de juger les congolais non immatriculés, qui de surcroît n’existent plus,
l’on devrait donc en tirer les conséquences qui s’imposent, et envisager la nécessité de
supprimer les juridictions coutumières.
Toutes les critiques que nous avons relevées justifient sans doute la suppression des
juridictions coutumières.
En effet, nous avons développé plusieurs raisons qui montrent que sur le plan
purement juridique, sur le plan des objectifs de leur création ainsi que sur le plan de la
pratique judiciaire, les juridictions coutumières devraient disparaître. En conséquence, le
Président de la République ou le ministre de la Justice devrait prendre un texte mettant fin à
ces juridictions et le personnel coutumier pourrait être versé au greffe des tribunaux de paix
ou de grande instance ; et si nécessaire, les anciens juges coutumiers pourraient éclairer les
juges de paix ou de grande instance chaque fois qu’ils siègeraient dans les matières
nécessitant des connaissances des coutumes locales. En ce sens, les juges coutumiers
apporteraient leur expérience et leur sagesse ancestrale dans l’optique de ne pas déconnecter
les décisions judiciaires rendues par le juge de carrière (droit écrit) de la réalité locale.
De même, l’on pourrait faire appel à des anciens juges coutumiers en matière de
conciliation devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire étant donné qu’ils possèdent
une riche expérience à résoudre les conflits par le mécanisme de conciliation. Ces anciens
juges coutumiers pourraient aussi être des « experts » en coutume à la Cour de cassation et
dans toutes les juridictions si les nécessités l’exigent.
3ème PARTIE
L’ORGANISATION ET LA COMPETENCE
DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES
Cette étude relève en principe d’ouvrages spécialisés. Il nous paraît cependant utile
dans un ouvrage consacré à l’organisation et compétence judiciaires congolaises, de donner au
moins un aperçu sommaire de l’organisation et compétence des juridictions internationales
dont les principes (notamment les normes universelles du procès équitable) peuvent avoir des
répercussions dans l’organisation et la compétence judiciaires congolaises.
Pour des raisons pédagogiques (pratiques), nous aborderons cette partie en distinguant
au niveau de l’Afrique (chapitre I), au niveau de l’Europe (chapitre II) et au niveau des
Nations Unies (chapitre III).
La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est entrée en vigueur depuis
janvier 2004. Nous allons parcourir son organisation, ressort et siège (§ 1), sa composition (§
2), sa saisine (§ 3), ses compétences (§ 4) ainsi que les propositions pour une réforme (§ 5).
Son ressort couvre les Etats de l’Afrique qui ont ratifié le Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples.
Son siège est établi à Arusha (Tanzanie) mais la Cour peut toutefois siéger sur le
territoire de tout Etat membre de l’Union africaine (article 25 dudit protocole).
332
La Cour est composée de onze juges ressortissants des Etats membres de l’Union
africaine, élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d’une très haute autorité morale,
d’une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le
domaine des droits de l’homme et des peuples. La Cour ne peut comprendre plus d’un juge de
la même nationalité.
La Cour élit son président et son vice-président pour une période de deux ans
renouvelable une seule fois (article 21, 1 dudit Protocole).
Les juges de la Cour sont élus par la Conférence des chefs d’Etat et des
gouvernements de l’Union africaine (article 14 dudit Protocole). Leur mandat est de six ans et
ils sont rééligibles une seule fois (article 15 dudit Protocole).
La Cour comprend enfin le greffier et les autres fonctionnaires du greffe qui sont
désignés par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
- La Commission ;
- L’Etat partie qui a saisi la Commission ;
- L’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ;
- L’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme ;
- Les organisations intergouvernementales africaines.
Comme on peut le remarquer, les particuliers ne peuvent pas saisir la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples, et pourtant, ce sont eux qui sont souvent victimes de
violation des droits de l’homme.
Nous pensons que l’on devrait offrir aux particuliers cette possibilité de saisir
directement cette Cour africaine chaque fois qu’ils seraient victimes de violation des droits de
l’homme et des peuples. De la sorte, l’on inciterait les Etats de l’Afrique francophone à
aménager leurs législations afin d’éviter les éventuelles condamnations par la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples1125. Enfin, il n’est pas réaliste d’espérer que par des
recours étatiques, la jurisprudence de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
s’étoffe quand l’on constate que depuis l’existence de la Commission Africaine des Droits de
1125
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 630.
333
l’Homme et des Peuples, celle-ci n’a connu aucune communication d’un Etat contre un autre
alors que ce ne sont pas les occasions qui ont manqué1126.
La Cour a compétence pour connaître toutes les affaires et de tous les différends dont
elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du Protocole relatif à la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples, et de toute autre instrument pertinent relatif aux droits
de l’homme et ratifié par les Etats concernés (article 3 du Protocole).
La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent
relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné (article 7 du Protocole).
Enfin, la création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples tend à
compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples1127.
Or, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait adopté une
méthode d’interprétation enrichie de la Charte en s’inspirant explicitement de la jurisprudence
du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, des dispositions du Pacte International relatif
aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 19661128 et de la jurisprudence relative à la
Convention Européenne des Droits de l’Homme1129.
Dès lors, que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a la possibilité
de faire application de tout instrument pertinent des droits de l’homme et d’enrichir sa
jurisprudence par notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, elle
devrait en attendant sa parfaite maturation, retenir les critères de violation des droits de
l’homme tels que fixés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme d’autant plus qu’ils
ont fait leur preuve depuis plus de trois décennies. Ces critères vont pratiquement dans le
même sens que la jurisprudence du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en application
du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
1126
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière de droits de l’homme », R.T.D.H., 2004, pp. 770-771.
1127
Préambule du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
1128
Dans l’affaire Civil Liberties organisation et autre c/ Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 29, la Commission
africaine des droits de l’homme s’est inspirée de la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de
l’ONU dans les affaires Burgos et Estrella c/ Uruguay concernant la confidentialité des communications
entre avocat et son client.
1129
Dans l’affaire Huri-Laws c/ Nigeria du 6 novembre 2000, la Commission africaine des droits de l’homme
s’était inspirée de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Irlande c/ Royaume Uni de 1978, et
la décision de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’affaire Urrutikoetxea c/ France de
1996 pour préciser que l’évaluation du degré minimal de souffrance à atteindre pour constituer un traitement
inhumain et dégradant devait tenir compte d’éléments tels que la durée du traitement, l’âge et l’état de santé
de la victime.
334
Elles tiennent compte de l’indépendance du juge (a), son impartialité (b) ainsi que la
nécessité des juges permanents à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (c).
a) L’indépendance du juge
1130
Affaire Avocats sans frontières c/ Burundi, 231/99, 6 novembre 2000 où une violation de l’article 7,§ 1 C de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples avait été constatée pour le refus d’une Cour
criminelle de reculer la date d’un procès pour cause d’absence de l’avocat de la défense ; affaire John K.
Modise c/ Botswana, 97/93, 6 novembre 2000 où l’auteur de la communication a pu faire constater une
violation des articles 3, § 2 et 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantissant
respectivement le droit de toute personne à une égale protection de la loi et le droit à la reconnaissance de la
personnalité juridique.
1131
Notamment le commentaire n° 13 de 1984 du C.D.H. sur le droit à un procès équitable ainsi que le
commentaire n° 18 de 1989 concernant l’affaire légal ressources fondations c/ Zambie, 211/98, 7 mai 2001
sur la non- discrimination où l’article 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples était en
jeu.
1132
Voy. Affaire Média Rigths Agenda c/ Nigeria, 224/98 du 6 novembre 2000, §§ 51 et 66 ; Civil liberties
organisation et autre c/ Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 24.
335
juges de la Cour vis-à-vis de leurs Etats. Aussi, leur traitement sera-t-il suffisant pour garantir
leur indépendance dès lors que la plupart des pays membres de l’Union africaine, la situation
des finances publiques soulève de sérieuses préoccupations. Nous estimons que l’Union
africaine devrait voter annuellement un budget qui sera mis à la disposition de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et il appartiendra à celle-ci de prévoir des
émoluments et traitement décents à l’égard des juges de la Cour qui leur permettra de juger en
toute indépendance.
Enfin, l’article 14, 1 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
prévoit que les juges de la Cour sont élus par la Conférence de chefs d’Etats et de
gouvernements de l’Union africaine. Autrement dit le choix des membres de la Cour
appartient aux Etats parties, donc forcement aux hommes politiques. Cela pourrait favoriser
une prise en compte de considérations politiques dans le choix des juges1133.
En vue d’y pallier, nous estimons que les candidats juges de la Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples devraient être présentés par la Cour de cassation nationale
ou le Conseil supérieur de la magistrature et pas uniquement par les parties contractantes au
protocole. Cette possibilité est semblable au système de nomination des juges de la Cour
permanente d’arbitrage1134 ou aux juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui
eux sont élus par un organe parlementaire européen, à partir d’une liste de trois noms
proposés par l’Etat au titre duquel ils vont siéger1135. De cette manière, les juges de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pourraient exercer leur fonction en toute
indépendance, sans aucune influence des autorités politiques nationales. Ils devraient ainsi
avoir un esprit large et une culture juridique des droits de l’homme dépassant les frontières
nationales. Une véritable indépendance des juges est donc nécessaire pour garantir une justice
sereine au niveau de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
b) L’impartialité du juge
Elle est prévue aux articles 16, 17 alinéas 1, 18 et 22 du Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples. En effet, l’article 16 dudit Protocole prévoit qu’après leur
élection, les juges prêtent serment d’exercer leurs fonctions en toute impartialité. L’article 17
de ce Protocole dit que les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans laquelle ils sont
antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membre
d’un tribunal national ou international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre.
L’article 18 du même Protocole prévoit que les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles
1133
A. I. SOW, « Les juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in Revue juridique et
politique indépendance et coopération, 2001, p. 43.
1134
Ibidem.
1135
G. MALINVERNI, «L’indépendance de la Cour européenne des droits de l’homme », in Libertés, justice,
tolérance. Mélanges en hommage au Doyen COHEN-JONATHAN, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, 1181.
336
avec toutes autres activités de nature à porter atteinte aux exigences d’impartialité liées à la
fonction et telles que stipulées dans le Règlement intérieur. Enfin, l’article 22 de ce Protocole
déclare qu’au cas où un juge possède la nationalité d’un Etat partie à une affaire, il se récuse.
Dans le système de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le juge n’a aucune
obligation de se déporter du simple fait de sa nationalité1140 parce que ce système repose sur
une fiction du juge international : un juge totalement désincarné et détaché de ses liens
nationaux. Les juges sont ainsi considérés comme caisses de résonance où seuls les
mécanismes juridiques trouveraient écho. Il est moins utile de considérer que le juge n’est que
pure subjectivité et que sa coloration nationale le détermine automatiquement comme suspect
de partialité comme c’est le cas de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
L’efficacité de ce déport du juge national se révèle douteuse dans le système de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
C’est pourquoi, nous estimons que l’on devrait imaginer une suppression de
l’obligation de se déporter que l’on couplerait en cas de besoin une simple interdiction de
prendre part au vote. Une telle solution présenterait les avantages suivants :
1136
En réalité quatre qui correspondent aux différentes langues qui ont cours au sein de l’Union africaine soit :
francophone, anglophone, arabophone et lusophone.
1137
Article 14, alinéa 2 dudit Protocole.
1138
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière des droits de l’homme », in RTDH, 2004, p. 787.
1139
Article 11 al. 1 du Protocole relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
1140
Voy. J.P. MARGUENAUD et A. LANGENIEUX, « De l’impartialité et de l’indépendance des juges de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Droit et procédures, novembre- décembre 2003, n° 6, pp. 337
et s.
337
- de permettre un exposé aussi complet que possible du droit interne applicable (ce qui
sera souvent le rôle du Conseil d’Etat en cause) et une appréciation aussi juste que
possible de la part de la Cour (ce à quoi veillera le « juge national »).
- De permettre le respect ou le renforcement de l’impartialité du juge puisque sa voix ne
sera pas prise en compte dans le calcul de la majorité ; il ne pourra ainsi être d’aucune
utilité à aucun Etat qui voudrait éviter coûte que coûte une condamnation.
- De ne pas occasionner de charge supplémentaire pour le budget de la Cour (ce que
l’on reprocherait à la technique du juge ad hoc).
- D’éviter que les membres de la Cour ne puissent pas exercer la présidence dans une
affaire dans laquelle est partie l’Etat dont ils sont ressortissants.
Dans ces conditions, les impératifs au déport inconciliables d’impartialité de
représentativité et de moyens budgétaire limités auraient été pris en charge.
Tous les juges de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à
l’exception du président, exercent leurs fonctions à temps partiel1141. L’on ne serait pas
excessif d’affirmer que l’Afrique est le continent où y a existé ces cinquante dernières années
les violations massives des droits de l’homme : le génocide, crimes de guerre, crimes contre
l’humanité, exécutions politiques sommaires, viol de femmes particulièrement les mineurs,
arrestations arbitraires, assassinats politiques, tortures, etc. On peut se demander dans quelle
mesure l’on peut lutter efficacement contre cette réalité dès lors que les juges de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ne sont pas permanents.
Nous estimons que les juges de la Cour Africaine devraient être permanents d’autant
plus que cela renforcerait sa mission de veiller à la protection des droits de l’homme et des
peuples1142 et mettrait fin à la culture d’impunité en matière de violation des droits de
l’homme. Il est incompréhensif de créer une Cour Africaine des Droits de l’Homme chargée
de statuer sur les atteintes portées aux droits de l’homme sans prévoir des juges permanents
(ayant un mandat bien précis) et sans lui accorder les moyens financiers, humains et
logistiques nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Une fois que les juges sont permanents, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples pourrait ainsi construire une jurisprudence stable, cohérente en matière de
violation des droits de l’homme. L’on ferait donc appel à des juges ad hoc dans les cas
exceptionnels. De cette matière, les violations massives des droits de l’homme pourraient être
luttées et jugées plus efficacement.
1141
Article 15, alinéa 4 du Protocole portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.
1142
Préambule du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création
d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
338
Cette Convention Européenne des Droits de l’Homme avait été signée entre plusieurs
Etats pour s’engager entre eux à garantir certaines libertés fondamentales inhérentes au
respect et à la dignité humaine : le droit à la vie, la prohibition de l’esclavage, l’interdiction
des tortures, la liberté de penser, la liberté d’expression, le droit à un procès équitable, etc.1144.
L’objectif recherché est d’organiser une véritable protection internationale des droits de
l’homme et par delà cette protection, d’instaurer au sein des démocraties européennes une
sorte de droit commun des droits et des libertés.
§ 1. Ressort et siège
Son ressort comprend les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié et
adhéré à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Son siège est à Strasbourg (France).
1143
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 150, p. 300. On se gardera de confondre le Conseil de l’Europe qui réunit la quasi-totalité
des pays européens, avec l’Union européenne qui forme un cercle plus restreint, actuellement limité à 27
Etats et qui a pour objectif de réaliser un marché commun dans le cadre d’une intégration européenne. Ainsi,
par exemple, la Russie, l’Albanie et la Turquie font partie du Conseil de l’Europe, mais non l’Union
européenne.
1144
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 310, pp. 254 et 255.
1145
Ibidem.
339
§ 2. Composition
La Cour Européenne des Droits de l’Homme est composée d’un nombre de juges égal
à celui du nombre d’Etats membres, au sein du Conseil de l’Europe, soit 46 juges. Les juges
sont élus pour un mandat de six ans par l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe,
choisis sur une liste établie par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe1146. Le
renouvellement se fait par moitié tous les trois ans. La Cour élit son président tous les trois
ans, ainsi que deux vice-présidents et les quatre présidents de chambre.
Les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les
considérations requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ; leur limite d’âge est
de 70 ans. Les juges siègent à titre individuel, ils ne représentent donc aucun Etat. Il n’y a
aucun avocat général pour exercer les fonctions du ministère public1147.
1146
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 152, pp. 303-304; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien,
2006, n° 312, p. 256; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p.
273 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd. PUF, 1996, p. 203 ; J. P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 264, p. 187 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions
judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p. 101.
1147
R. PERROT, Ibidem, p. 256.
340
§ 4. La recevabilité de la demande
- La Cour ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes ;
- La requête doit être introduite dans un délai de 6 mois à partir de la date de la décision
interne définitive ;
- La requête ne peut être anonyme ;
- En l’absence des faits nouveaux, elle ne peut être essentiellement la même qu’une
requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance
internationale d’enquête ou de règlement ;
- La requête doit être compatible avec les dispositions de la Convention ou de ses
protocoles ;
- Elle est irrecevable si elle est manifestement mal fondée ou abusive.
§ 5. Compétences
a) Compétences personnelles
- Le demandeur peut être tout Etat signataire de la Convention européenne des droits de
l’homme ou toute autre personne physique (mineure ou majeure et peu importe sa
nationalité) ou organisation non gouvernementale se présentant victime d’une
violation des droits de l’homme par l’un des Etats membres.
- Le défendeur doit être un Etat, la violation des droits de l’homme doit pouvoir être
imputée à une action ou à une inaction1148.
b) Compétences matérielles
A ce titre, elle peut constater les infractions aux droits de l’homme garantis par la
Convention et ses protocoles, faire reconnaître à la victime ses droits issus de ces textes et
allouer à cette victime une réparation1150.
1148
CEDH, 26 mars 1985, Affaire X et Y c/ Pays-Bas.
1149
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris,
8e éd. Dalloz, 2005, n° 153, p. 305.
1150
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 271.
341
Les arrêts rendus par la Cour, y compris les arrêts de recevabilité ou d’irrecevabilité,
doivent être motivés (article 45 de la Convention). Toutefois, le juge qui n’approuve pas la
solution retenue peut exprimer sa dissidence (article 45, § 2 de la Convention).
1151
J.F. FLAUSS, « Réquisitoire contre mercantilisation excessive du contentieux de la réparation devant la
Cour européenne des droits de l’homme » (à propos de l’arrêt de Beyeler c/ Italie du 28 mai 2002), in
Recueil Dalloz, 2003, chron. 227 et s.
1152
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 314, p. 259.
342
§ 1. Origine
C’est pourquoi, dès la fin de seconde guerre mondiale, le tribunal de Nuremberg (en
Allemagne) fut constitué afin de juger les criminels de guerre nazis (qui avaient exterminé
plus de 6.000.000 de juifs). Quelques décennies plus tard, le temps des horreurs s’imposait de
nouveau, en 1991 sur le territoire de l’ex. Yougoslavie, puis en 1994 au Rwanda : purification
ethnique, tueries et massacres collectifs, extermination par le viol systématique de femmes,
exécutions sommaires…Le temps de l’impunité devraient prendre fin. Et pour réprimer les
crimes des dirigeants qui avaient été les instigateurs ou les complices, l’ONU créa d’une part,
le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY)1153, et d’autre part, le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda (TPIR)1154.
Mais on observera que toutes les juridictions apparaissent comme des juridictions
« ad hoc » à compétence limitée dans le temps (temporaires) et dans l’espace (lieu bien
localisé). Et comme malheureusement, les passions guerrières ne tarissent pas comme on le
remarquera en République Démocratique du Congo, l’ONU décida d’instituer une juridiction
pénale, cette fois à caractère permanent, que l’on appelle la Cour Pénale Internationale (CPI).
1153
Résolution du Conseil de sécurité n° 808 et 827 du 22 février et 25 mai 1993. Son siège a été fixé à La Haye
(Pays-Bas).
1154
Résolution du Conseil de sécurité n° 955 du 8 novembre 1994. Son siège a été fixé à Arusha (Tanzanie).
343
Le principe de cette Cour a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome, approuvé par 148
Etats et ratifié par 94 Etats1155. Il est à remarquer que certaines grandes puissances comme les
Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël se sont opposés à la Cour.
La mise en place de cette institution a été plus rapide que l’on ne le prévoyait
généralement, nonobstant une hostilité des Etats-Unis d’Amérique qui entendent soustraire
leurs citoyens à cette juridiction. Le traité de la création de la Cour pénale internationale est
entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification de plus de 60 Etats (son entrée en
fonction impliquait la ratification de 60 Etats).
§ 2. Ressort et siège
Son ressort s’étend aux Etats qui ont ratifié ou adhéré au Traité portant création de la
Cour Pénale Internationale. Son siège est à La Haye (Pays-Bas).
§ 3. Composition
1155
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 160-10, p. 332. A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 278.
1156
Ibidem, p. 333.
1157
Ibidem, n° 160-13, p. 334.
344
- Le greffe : Il exerce toutes les attributions non judiciaires de la Cour. Le greffe est élu
par les juges pour cinq ans et est rééligible une fois. Il est aussi chargé d’organiser sur
un plan matériel une protection des victimes et des témoins.
§ 4. Saisine de la Cour
§ 5. La procédure
§ 6. Compétences
La Cour ne peut être compétente que si l’infraction a été réalisée sur le territoire d’un
Etat partie à la Convention ou si la personne accusée du crime est un ressortissant d’un Etat
partie. Un Etat non partie pourra cependant reconnaître la compétence de la Cour à l’égard
d’un crime particulier1158. La Cour n’est compétente que pour les crimes commis après
l’entrée en vigueur du statut c’est-à-dire depuis le 1er juillet 20021159. La Cour est un organe
complémentaire appelé à n’exercer ses pouvoirs que dans les cas où les Etats nationaux sont
dans l’incapacité ou ne manifestent pas la volonté de poursuivre eux-mêmes les responsables.
b) Compétence matérielle
La Cour est compétente pour juger des génocides, des crimes contre l’humanité, des
crimes de guerre et des crimes d’agression (non définis à ce jour).
1158
Article 12 du statut de la Cour pénale internationale.
1159
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 160-16, p. 335. A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 279.
345
- Les crimes contre l’humanité sont des actes commis en connaissance de cause «
dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute une population
civile (meurtres, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de
populations, emprisonnements, tortures, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse
forcée, stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité, persécution de tout
groupe (… )pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou
sexiste (…), disparitions forcées de personnes, crimes d’apartheid) »1161.
- Les crimes de guerre sont des actes violant les conventions de Genève de 1949 et
les lois et coutumes de la guerre en vigueur dans le droit international.
1160
J.P.SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 266-8, p. 192 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.11.
1161
Ibidem.
1162
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 316, p. 261.
1163
C’est pourquoi on la désigne couramment en parlant de la « Cour Internationale de La Haye ».
1164
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 306, p. 252.
346
de la Charte). Nous aborderons brièvement le ressort et siège (§ 1), sa composition (§ 2), son
fonctionnement (§ 3), ses compétences (§ 4) ainsi que la portée de ses arrêts (§ 5).
§ 1. Ressort et siège
Son ressort comprend tous les Etats membres de l’ONU, son siège est à La Haye
(Pays-Bas).
§ 2. Composition
La Cour est composée de 15 juges élus pour 9 ans par l’Assemblée Générale des
Nations Unies et le Conseil de sécurité (articles 3 et 4 du Statut) sur les listes proposées par
chaque Etat comprenant des personnalités indépendantes et de compétence notoire en droit
international. Les juges qui la composent doivent faire preuve de neutralité par rapport à leur
pays, sont élus pour assurer « la représentation des grandes formes de civilisation et des
principaux systèmes judiciaires mondiaux » (article 9 du Statut) ; en outre, la Cour ne peut
comprendre plus d’un membre ressortissant du même Etat (article 3 du Statut).
Le président et son vice-président sont élus par la Cour pour une durée de 3 ans, ils
sont rééligibles. Le statut des juges de la Cour est commandé par la nécessité de garantir à ses
membres la plus totale indépendance, afin de soustraire chacun d’eux à toute pression
extérieure et spécialement à celle de l’Etat dont est ressortissant. Les juges sont aussi
inamovibles.
§ 3. Fonctionnement (Saisine)
- Seuls les Etats peuvent ester devant la Cour (les 189 Etats membres de l’ONU et la
Suisse qui vient d’adhérer au Statut).
- La requête individuelle prévue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est
pas possible1165.
1165
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 276.
347
§ 4. Compétences
a) Compétence personnelle
Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour (article 34 du Statut).
Cependant, la Cour a admis, dans son avis du 11 avril 1949, qu’une organisation
internationale – en l’espèce l’ONU – ait qualité pour agir devant elle1166.
b) Compétences matérielles
1. Compétence consultative
2. Compétence contentieuse
Elle s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront c’est-à-dire régler les
litiges internationaux qui lui sont soumis (articles 36 à 38 du Statut).
Exemple : contentieux sur les limites frontalières, sur l’utilisation des matières premières
provenant des eaux territoriales, sur l’élimination des déchets dans l’atmosphère.
Il convient de noter à ce sujet que depuis 1946, la Cour a rendu 74 arrêts sur les questions
concernant notamment les frontières terrestres, les délimitations maritimes, la souveraineté
territoriale, le non-recours à la force, la prise d’otage, le droit d’asile, etc.1168.
Les décisions prises par la Cour Internationale de Justice de La Haye sont définitives,
sans recours et exécutoires1169. Mais la compétence de cette Cour doit être acceptée par les
Etats en cause1170.
1166
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 148, p. 298.
1167
Art. 65 Statut et art. 92 de la Charte de l’ONU. Entre 1946 et 2005, la Cour a rendu 25 avis consultatifs ;
Voy. J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, op. cit., n° 146, p. 297.
1168
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 277.
1169
Ibidem.
1170
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 309, p. 254 ; J.P.SCARANO,
Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 260, p. 184 ; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p. 108.
348
Certes, la Cour dit le droit ; mais à défaut d’un exécutif international réellement
efficace, si l’Etat n’exécute pas spontanément la condamnation prononcée contre lui et
persiste à se dérober à ses obligations, les moyens de contrainte deviennent problématiques.
1171
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd. PUF, 1996, p. 205.
1172
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 149, p. 299.
1173
R. PERROT, op. cit., p. 250; J. P. SCARANO, op.cit, n° 260, p. 185; N. FRICERO, op.cit., p. 108.
349
BIBLIOGRAPHIE
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285.
366
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l’homme », in Liber Amoricum Marc André Eisen, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, pp.
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l’homme sur l’administration de la justice, le droit à un procès équitable », in La mise
en œuvre interne de la Convention européenne de droits de l’homme, Bruxelles, éd.
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223. VAN COMPERNOLLE J., «Le juge et la conciliation judiciaire en droit belge », in
Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris,
Dalloz, 1996, pp. 528 et s.
224. VAN COMPERNOLLE J., « La justice familiale et les principes fondamentaux du
droit judicaire », in Famille et justice. Justice civile et évolution du contentieux
familiale en droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 1997, pp. 391 et s.
225. VAN COMPERNOLLE J., «Le cumul du provisoire et du fond au regard du principe
de l’impartialité », in VAN COMPERNOLLE J. ET TARZIA G. (sous direction), Les
mesures provisoires en droit belge, français et italien, Bruxelles, éd. Bruylant, 1998,
pp. 242 et s.
226. VAN COMPERNOLLE J., « Le droit à un tribunal impartial en droit belge au regard
de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Protection des
droits de l’homme : la perspective européenne. Mélanges à la mémoire de Rolv
Ryssdal, éd. P. Mahomey, F. Matsher, H. Petzold, L.Wildhaber, 1999, pp.1491-et s.
227. VAN COMPERNOLLE J., « Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au
provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les droits de l’homme au seuil du
troisième millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2000, pp. 937-938.
228. VAN COMPERNOLLE J., « La nomination et la désignation de magistrats; un
nouveau statut », in Dans l’encre d’octopus, Antwerpen, Bruxelles, éd. Kluwer,
Bruylant, 2000, pp. 55 et s.
229. VAN COMPERNOLLE J., «Impartialité et cumul du fond et du provisoire devant le
Conseil d’Etat : une heureuse clarification », in RTDH, 2001, pp. 1156 et s.
230. VAN COMPERNOLLE J., « Impartialité du juge et loyauté de procédure : une double
exigence du procès équitable », in Revue du Droit Public et de la Science
administrative, 1/2006, pp. 33-37.
368
PRINCIPALES ABREVIATIONS
1ère Inst. Tribunal de première instance
Act. jurisp. Actualité jurisprudence
Aff. Affaire
AJDA Actualité juridique - Droit administratif
Al. Alinéa
Ann. parl. Annales parlementaires
Arr. C.A. Arrêts de la Cour d'arbitrage belge
Art. Article
ASADHO Association Africaine de Défense des Droits de l’homme
Ass. Assenblée
Ass. gén. Assemblée générale
Ass. nat. Assemblée nationale
Ass. plén. Assemblée plénière
B.O. Bulletin officiel du Congo belge
BOMA Cour d’appel de Boma
BUKAVU Cour d’appel de Bukavu
Bull. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation chambre civile
Bull. contr. Bulletin des contributions
C. const. Conseil constitutionnel ou Cour constitutionnelle
Bull. crim. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation chambre criminelle
Bull. inf. Bulletin d'informations
Bull. inf. Cour cass. Bulletin d'informations de la Cour de Cassation
C.A. Cour d'appel ou Cour d'arbitrage belge
C.A.A. Cour administrative d’appel
CADHP Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ou Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Cah. Dr. jud. Cahier de droit judiciaire
Cass. ass. plén. Cour de Cassation assemblée plénière
Cass. belge Cour de Cassation belge
Cass. franç. Cour de Cassation française
Cass. soc. Cour de Cassation chambre sociale
Cass: Cour de Cassation
C.D.H Comité des droits de l’homme de l’ONU
C.E. Conseil d'État
CEDH Cour européenne des droits de l'homme ou Convention
Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales
C.I. Cr. Code d'instruction criminelle belge
C.I.J Cour Internationale de Justice de La Haye
C.I.M.A. Centre pour l'Indépendance des Magistrats et des Avocats
Ch. Repr. Chambre des Représentants
370
Ch. Chambre
Chron Chroniques
C.G.G. Conseil de guerre général
C.J.M. Code judiciaire militaire
C.O.C.J. Code d’organisation et compétence judiciaires
C.P.A.S. Centre Public d'Action (Aide) Sociale
C.P.H. Conseil de prud'hommes
CPI Cour Pénal International
C.S.E. Cour de sûreté de l’Etat
C.S.J. Cour suprême de justice
C.S.M. Conseil supérieur de la magistrature
C.U.P. Commission - Université - Palais
C.O.C.J. Code d’organisation et compétence judiciaire
Coll. Collection
Comm. EDH Commission européenne des droits de l'homme
Concl. Conclusions
Cour mil. Cour militaire
D. Recueil Dalloz
D.C.C. Décision de la Cour constitutionnelle du Bénin
D.R. Décisions et rapports de la Commission européenne des droits de
l'homme
Doc. parl. Document parlementaire
Doc. parl. ch. Document parlementaire chambre des Représentants
Doc. parl. sen. Document parlementaire Sénat
Doctr. Doctrine
Dr. pén. Droit pénal
Dr et procéd. Droit et procédures
Dr. soc. Droit social
Ed. Édition(s)
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem
I.D.J. Information et documentation juridiques
I.P.J. Inspecteur de police judiciaire
I.R. Informations rapides
J.C.P. Juris-classeur périodique ou La Semaine Juridique
J.J.P. Journal des juges de paix et de police
J.L.M.B. Revue de jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles
J.O. Journal officiel
J.T. Journal des tribunaux
J.T.O.M. Journal des tribunaux d'Outre-mer
Journ. dr. j. Journal du droit des jeunes
Journ. proc. Journal des procès
Jur. Jurisprudence
371
INTRODUCTION GENERALE.......................................................................................................................... 4
1. DEFINITION ...................................................................................................................................................... 4
2. HISTORIQUE DU DROIT JUDICIAIRE .................................................................................................................. 5
a) La vengeance privée .................................................................................................................................. 5
b) La loi du Talion ......................................................................................................................................... 5
c) Les mécanismes de conciliation dans les sociétés traditionnelles africaines....................................... 6
3. INSTITUTION DU DROIT JUDICIAIRE .................................................................................................................. 7
4. IMPORTANCE ET INTERET DES NOTIONS D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES ........................ 10
a) A l’endroit des étudiants.......................................................................................................................... 10
b) A l’endroit du personnel judiciaire.......................................................................................................... 11
c) A l’endroit des justiciables (tout citoyen) ................................................................................................ 11
5. SOURCES D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES ............................................................................ 11
a) Les sources internes................................................................................................................................. 11
6. ACTION EN JUSTICE (DEVANT LES COURS ET TRIBUNAUX) ............................................................................ 22
a) L’intérêt ................................................................................................................................................... 23
b) La capacité .............................................................................................................................................. 24
c) La qualité ................................................................................................................................................. 24
d) L’objet ..................................................................................................................................................... 25
e) Le délai .................................................................................................................................................... 25
L’ORGANISATION JUDICIAIRE................................................................................................................... 27
c) Compétences .......................................................................................................................................225
2. Les tribunaux militaires de garnison (art. 21 à 22, 88 à 89 C.J.M.) ..........................................................226
a) Le ressort et siège ...............................................................................................................................226
b) Composition........................................................................................................................................226
c) Compétences .......................................................................................................................................226
3. Les Cours militaires (art. 12 à 17, 84 à 85 C.J.M.) ...................................................................................227
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................227
b) Composition........................................................................................................................................227
c) Compétences .......................................................................................................................................227
4. La Haute Cour militaire (art. 6 à 11, 82 à 83 CJM) ..................................................................................228
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................228
b) Composition........................................................................................................................................228
c) Compétences .......................................................................................................................................229
5. La Cour militaire opérationnelle ...............................................................................................................230
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................230
b) Composition........................................................................................................................................230
c) Compétences .......................................................................................................................................230
III. Critiques relatives à l’organisation et la compétence des juridictions militaires au regard des normes
universelles du procès équitable.........................................................................................................................231
1. Le droit à un juge d’appel .........................................................................................................................231
2. Le droit d’être défendu par un avocat ou défenseur judiciaire de son choix .............................................232
3. L’incompétence des juridictions militaires concernant l’interprétation de la légalité des actes
administratifs ou réglementaires ...................................................................................................................232
4. Le droit d’être jugé par un juge indépendant et impartial .........................................................................233
5. La nécessité de supprimer les juridictions militaires en temps de paix .....................................................236
B. L’ancienne Cour de sûreté de l’Etat....................................................................................................................240
1. Ressort et siège ..............................................................................................................................................241
2. Composition...................................................................................................................................................241
3. Compétences..................................................................................................................................................241
a) Compétence territoriale ou ratione loci.....................................................................................................241
b) Compétence matérielle ou ratione materiae (art. 96 C.O.C.J.) .................................................................241
4. Les raisons de la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat ..........................................................................242
a) Le droit a un juge d’appel .........................................................................................................................242
b) La problématique concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction...............................................242
c) Le non-respect des normes universelles du procès équitable....................................................................243
5. Le sort des affaires pendantes devant l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat.....................................................244
C. Les tribunaux de commerce................................................................................................................................244
1. Origine des Tribunaux de Commerce ............................................................................................................245
2. Organisation, ressort et siège .........................................................................................................................245
3. Composition (art. 3 de la loi précitée)............................................................................................................245
4. Compétences..................................................................................................................................................246
a) Compétence territoriale ou ratione loci.....................................................................................................246
b) Compétence matérielle ou ratione materiae..............................................................................................246
380
c) Les nécessités d’une réforme concernant les compétences personnelles de la Cour constitutionnelle
276
SECTION 2 : LE MINISTERE PUBLIC .................................................................................................................. 291
§ 1. Définition et mission du ministère public............................................................................................ 291
1. Définition ............................................................................................................................................................291
2. Mission du ministère public (art. 6 à 21 du Code d’OCJ) ...................................................................................292
3. Propositions pour une réforme ............................................................................................................................295
§ 2. Caractères du ministère public ........................................................................................................... 295
1. L’indépendance du ministère public....................................................................................................................295
2. L’irrécusabilité du ministère public.....................................................................................................................296
3. L’irresponsabilité du ministère public .................................................................................................................296
4. L’indivisibilité du ministère public .....................................................................................................................297
5. L’unité du ministère public .................................................................................................................................297
§ 3. La structure du ministère public ......................................................................................................... 299
1. Le parquet général de la République ...................................................................................................................300
2. Le parquet général près la Cour d’appel (art. 13 Code d’OCJ) ...........................................................................300
3. Le Parquet de Grande instance près les Tribunaux de grande instance ...............................................................299
4. Les Tribunaux de Paix (art. 17 du Code d’OCJ) .................................................................................................299
§ 4. Attributions du ministère public .......................................................................................................................301
SECTION 3 : LES AUXILIAIRES DE LA JUSTICE .................................................................................................. 302
§ 1. Les auxiliaires de la justice ordinaire................................................................................................. 302
1. Les agents de l’ordre judiciaire ...........................................................................................................................303
A. Les greffiers (art. 58 à 60 du Code d’OCJ) ...................................................................................................303
B. Les huissiers judiciaires (art. 61 du Code d’OCJ) .........................................................................................304
C. Les secrétaires de parquets (art. 94 de l’arrêté n° 299/79 du 20/08/1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquets) ........................................................................................................................................305
D. Les O.P.J. (Officiers de Police Judiciaire).....................................................................................................305
1. Les inspecteurs de police judiciaire (I.P.J. ou O.P.J.) à compétence générale ..........................................306
2. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence générale.............................................................306
3. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence restreinte ...........................................................306
4. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence spéciale .............................................................306
5. Propositions pour une réforme..................................................................................................................307
E. Les experts.....................................................................................................................................................308
2. Les avocats et défenseurs judiciaires...................................................................................................................309
A. Les avocats....................................................................................................................................................309
a) Les conditions...........................................................................................................................................310
b) Organes du barreau près la Cour d’appel..................................................................................................311
1. L’Assemblée générale........................................................................................................................311
2. Le Conseil de l’ordre ..........................................................................................................................312
3. Le bâtonnier........................................................................................................................................312
c) Le barreau près la Cour suprême de justice ..............................................................................................312
1. Conditions...........................................................................................................................................312
2. Organes du barreau près la Cour suprême de justice ...........................................................................312
382
SECTION UNIQUE : LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES ................................... 331
§ 1. Organisation, ressort et siège ............................................................................................................. 331
§ 2. Composition (art. 11 et 21 dudit Protocole) ....................................................................................... 332
§ 3. Saisine de la Cour (article 5 du Protocole) ........................................................................................ 332
§ 4. Compétences (articles 3 et 7 du Protocole) ........................................................................................ 333
§5. Propositions pour une réforme ............................................................................................................ 334
a) L’indépendance du juge ......................................................................................................................................334
b) L’impartialité du juge..........................................................................................................................................335
c) La nécessité des juges permanents ......................................................................................................................337
ANNEXES ............................................................................................................................................................. 1
ANNEXE I ..............................................................................................................................................................I
ANNEXE II........................................................................................................................................................... II
Annexe I
STRUCTURE DE LA MAGISTRATURE
Annexe II
CATEGORIE 1
- Premier président de la Cour de cassation
- Procureur général près la Cour de cassation
- Premier président de la Cour constitutionnelle
- Procureur général près la Cour constitutionnelle
- Premier président du Conseil d’Etat
- Procureur général près le Conseil d’Etat
- Premier président de la Haute Cour militaire
- Auditeur général des Forces Armées
CATEGORIE 2
- Président de la Cour de cassation
- Premier avocat général près la Cour de cassation
- Conseiller à la Cour constitutionnelle
- Premier avocat général près la Cour constitutionnelle
- Président du Conseil d’Etat
- Premier avocat général près le Conseil d’Etat
- Président de la Haute Cour militaire
- Premier avocat général des Forces Armées
CATEGORIE 3
- Conseiller à la Cour de cassation
- Avocat général près la Cour de cassation
- Avocat général près la Cour constitutionnelle
- Conseiller au Conseil d’Etat
- Avocat général près le Conseil d’Etat
- Conseiller à la Haute Cour militaire
- Avocat général des Forces Armées
CATEGORIE 4
- Premier président de la Cour d’appel
- Procureur général près la Cour d’appel
- Premier président de la Cour administrative d’appel
- Procureur général près la Cour administrative d’appel
- Premier président de la Cour militaire
- Auditeur militaire supérieur
III
CATEGORIE 5
- Président de la Cour d’appel
- Avocat général près la Cour d’appel
- Président de la Cour administrative d’appel
- Avocat général près la Cour administrative d’appel
- Président de la Cour militaire supérieur
- Avocat général militaire
CATEGORIE 6
- Conseiller à la Cour d’appel
- Substitut du procureur général près la Cour d’appel
- Conseiller à la Cour administrative d’appel
- Substitut du procureur général près la Cour administrative d’appel
- Conseiller à la Cour militaire
- Substitut de l’auditeur militaire supérieur
CATEGORIE 7
- Président du tribunal de grande instance
- Procureur de la République
- Président du tribunal administratif
- Procureur près le tribunal administratif
- Président du tribunal de commerce
- Président du tribunal du travail
- Président du tribunal militaire de garnison
- Auditeur militaire de garnison
CATEGORIE 8
- Juge du tribunal de grande instance
- Premier substitut du procureur de la République
- Président du tribunal de paix
- Juge du tribunal administratif
- Premier substitut du procureur près le tribunal administratif
- Juge du tribunal militaire de garnison
- Premier substitut de l’auditeur militaire de garnison
CATEGORIE 9
- Juge du tribunal de paix
- Substitut du procureur de la République
- Substitut du procureur de la République près le tribunal administratif
- Juge du tribunal militaire de police désigné parmi les juges du tribunal militaire de
garnison par le premier président de la Cour militaire
- Substitut de l’auditeur militaire de garnison
IV
CATEGORIE 10
- Juge assesseur du tribunal de paix (juge coutumier)
V
Annexe III
Tableau comparatif des trois Cours régionales des Droits de l’Homme
Cour Africaine des Droits de Cour Interaméricaine des Cour Européenne des Droits de
l’Homme et des Peuples Droits de l’Homme l’Homme
Juges Personnalités, ressortissants des Personnalités, ressortissant Personnalités, ressortissants des
Etats parties au protocole, élus des Etats parties à la Etats parties à la Convention
à titre personnel Convention interaméricaine européenne des droits de l’homme,
des DH, élus à titre personnel élus à titre personnel
Nombre de 11 7 Nombre égal à celui des Etat parties
juges (46)
Mode de Election par la Conférence des Election par les Etat à parties Election par l’Assemblée
nomination Chefs d’Etat et de à la Convention lors de l’AG parlementaire du Conseil de
Gouvernement de l’OUA de l’OEA l’Europe
Mandat Six ans, renouvelable une fois Six ans, renouvelable une Six ans, renouvelable sans
fois limitation
Emploi des Permanent pour le Président. Permanent pour le Président. Permanent
juges Lors des sessions pour les Lors des sessions pour les
autres juges autres juges
Compétences Contentieuse et consultative Juridictionnelle (facultative) Contentieuse et consultative
et consultative
Compétence Compétence obligatoire Compétence obligatoire Compétence obligatoire
ratione - Commission africaine - - Hautes parties
personae des droits des DH Compétence facultative contractantes
(Qui peut saisir - Etat parties - Etats parties - Individus, groupes
la Cour ?) - Les OI africaines - Commission particuliers et ONG
Compétence facultative interaméricaine des qui estiment être
- Les individus et les ONG droits de victime de violation
ayant le statut d’observateur l’homme1174 d’un droit garanti par
auprès de la Commission la Convention
africaine des droits de l’homme européenne des droits
de l’homme
Compétence facultative
-
Compétence Compétence liée à Compétence liée à Questions concernant
ratione l’interprétation et à l’application et à l’interprétation et l’application de la
materiae l’application de la Charte, du l’interprétation de la Convention européenne des droits
Protocole et de tout autre Convention interaméricaine de l’homme et de ses protocoles
instrument relatif aux droits de des droits de l’homme
l’homme
Conditions de Publique. Huis clos Publique. Huis clos Publiques sauf circonstances
l’audience exceptionnel exceptionnel exceptionnelles
Mode Contradictoire Contradictoire Contradictoire
d’examen des
affaires
Type de Arrêts, rendus à la majorité Arrêts, rendus à la majorité Arrêts, rendus à la majorité
décisions des juges
Possibilité Non, mais possibilité Non, mais demande Renvoi devant la Grande Chambre
d’appel ? d’interprétation ou de révision d’interprétation possible
dans certaines conditions
Exécution des Volontaire, surveillance Volontaire Volontaire, surveillance Conseil des
décisions Conseil des Ministres Ministres
1174
Les individus, groupe de particuliers et ONG légalement reconnues ne peuvent saisir que la
Commission, qui, le cas échéant, à l’issue de la procédure devant elle, transmet l’affaire à la Cour pour
jugement
VI