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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU


U.C.B.
Faculté de Droit

DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS


TOME I. Organisation et compétence judiciaires

Par

Professeur Télesphore KAVUNDJA N. MANENO


Docteur en Droit de l’Université Catholique de Louvain
Spécialiste en Droit judiciaire
Ancien juge au tribunal de Paix de Lubumbashi
et au tribunal de grande instance de Bukavu
Expert à la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais

JANVIER 2008
6ème édition
2

AVANT- PROPOS

Les ouvrages d’organisation et compétence judiciaires ou Droit judiciaire sont très


rares. A notre connaissance, le seul livre en organisation et compétence judicaires écrit par un
spécialiste remonte en 1970. Il s’agit de l’ouvrage du regretté Professeur Antoine RUBBENS
intitulé : Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, publié aux éditions Maison
Ferd. Larcier. Or, depuis 40 ans, beaucoup de choses ont changé : la structure des institutions
judiciaires a complètement été bouleversée et il n’y a pas un seul ouvrage récent sur le marché
qui analyse l’organisation et la compétence judicaires tenant compte de toutes ces
modifications. Le premier souci de l’auteur est de combler rapidement cette lacune. En effet,
les Cours et les tribunaux sont les compagnons obligés du juriste et de chaque citoyen ; il est
donc indispensable que celui-ci prenne conscience des réalités du monde judiciaire moderne
et qu’en conséquence, un ouvrage y soit consacré.

Le second souci de l’auteur est de présenter les différentes juridictions nationales (de
l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif, Cour des comptes, Cour constitutionnelle et
juridictions coutumières) et internationales dans un ouvrage unique en s’efforçant de dégager,
à travers les spécificités propres à chaque juridiction, une vision globale d’organisation et
compétences judiciaires et les principes qui la régissent.

L’auteur a consacré quelques pages aux juridictions internationales étant donné que
de nos jours, celles-ci prennent une place importante grandissante à mesure que se
développent les normes du procès équitable. Le juriste voire chaque citoyen (futur justiciable)
se doit d’en connaître l’existence.

Cet ouvrage est destiné d’abord aux étudiants de la faculté de droit des universités de
la République Démocratique du Congo ainsi qu’aux magistrats, avocats, défenseurs
judiciaires, officiers de police judiciaire, inspecteurs judiciaires, personnel judiciaire des
Cours et tribunaux, de la police nationale et de la gendarmerie, conseillers juridiques des
entreprises et tout justiciable. Enfin, les défenseurs des droits de l’homme et l’homme
politique trouveront intérêt à consulter cet ouvrage dans la mesure où il donne quelques pistes
de réforme de la justice congolaise et des différentes juridictions nationales et internationales.

Dans la vie quotidienne, en effet, les notions les plus élémentaires d’organisation et
compétence judiciaires ne cessent d’intervenir ; à plusieurs reprises, le juriste voire chaque
citoyen sera sollicité à éclairer des profanes au sujet des compétences des Cours et tribunaux.

De même, il se peut qu’un jour les circonstances amènent chaque citoyen à avoir un
problème avec la justice ! En effet, qui peut dire qu’il n’aura jamais de problème avec la
justice ? Que jamais il ne connaîtra pas les turbulences d’un procès, que jamais il ne devra
répondre à la convocation d’un OPJ, d’un IPJ , d’un magistrat, solliciter le talent d’un avocat
ou d’un défenseur judiciaire ou être victime d’une infraction ou d’une violation des droits de
3

l’homme ou d’un préjudice l’obligeant à saisir une juridiction bien déterminée ?


L’assimilation de ces notions permettra de mieux s’orienter au regard des différentes
juridictions nationales et internationales.

Cet ouvrage a l’avantage de rendre plus pratique les différentes notions d’organisation
et compétence judiciaires en les conciliant avec la pratique, la doctrine, la jurisprudence, les
lois existantes en la matière, le droit comparé ainsi que certaines réflexions scientifiques.

La jurisprudence citée est abondante (congolaise, étrangère, et des juridictions


internationales) même si une sélection rigoureuse a été opérée afin de ne pas surcharger
l’information immédiatement accessible et utile au praticien du droit ; à cet égard les
annotations des Codes et normes internationales complèteront, en tant que besoin, les
illustrations jurisprudentielles.

Tout ouvrage est perfectible et l’auteur de celui-ci ne l’ignore pas. Il espère


simplement que son œuvre permettra à chacun de trouver les réponses aux questions qu’il se
pose dans la pratique quotidienne des notions d’organisation et compétence judiciaires.
Toutes les critiques et suggestions seront les bienvenues.

Puisse cet ouvrage, faciliter à ceux qui l’utiliseront la compréhension des règles
d’organisation et compétence judiciaires.

Professeur Télesphore KAVUNDJA N. MANENO


4

INTRODUCTION GENERALE

Elle abordera la définition d’organisation et compétence judiciaires (1), l’historique


(2), l’institution du droit judiciaire (3), l’importance et l’intérêt des notions d’organisation et
compétence judiciaires (4), ses sources (5) ainsi que l’action en justice (6).

1. Définition

L’organisation et compétence judiciaires ou le droit judiciaire désignent l’ensemble


des règles suivant lesquelles les organes juridictionnels sont constitués et exercent leurs
pouvoirs, il régit donc l’organisation judiciaire, la compétence, la procédure et les voies
d’exécution1. Cette définition a le mérite d’être trop technique, cependant, nous pouvons
relever qu’elle englobe l’organisation et compétence judiciaires ainsi que la procédure civile,
la procédure pénale et les voies d’exécution qui sont des branches distinctes.

D’autres auteurs définissent le droit judiciaire comme étant l’ensemble des règles
relatives à l’organisation juridictionnelle, à la compétence juridictionnelle et aux procédures
juridictionnelles2. Cette définition est proche de l’organisation et compétence judiciaires mais
elle garde également la procédure alors que celle-ci est une branche autonome. C’est
pourquoi, nous retenons la définition suivante qui nous semble simple et pratique :
l’organisation et compétence judiciaires est l’ensemble des règles, des lois relatives à
l’organisation, au fonctionnement de la justice et aux compétences des juridictions
judiciaires (juridictionnelles).

Elle comprend ainsi les principes régissant l’organisation de la justice en général et de


ceux relatifs aux compétences des Cours et tribunaux tant nationaux qu’internationaux
(attributions matérielles des Cours et tribunaux, compétence territoriale et personnelle de
ceux-ci). Il convient de préciser que l’organisation et compétence judiciaires fait partie du
droit judiciaire. Celui-ci comprend outre l’organisation et compétence judiciaires, la
procédure civile, les saisies et voies d’exécution. Enfin, dans un sens large, la procédure
pénale pourrait faire partie du droit judiciaire dans la mesure où elle étudie le déroulement du
procès pénal devant les institutions judiciaires depuis la commission de l’infraction pénale
jusqu’à l’exécution du jugement ou arrêt.

Les matières d’organisation et compétence judiciaires feront l’objet du tome I de notre


ouvrage. Le tome II sera consacré à la procédure civile ainsi que les saisies et les voies
d’exécution que nous publierons prochainement.

1
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Ed. Maison Ferd. Larcier,
1970, p. 37.
2
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5 ème éd. Litec, 2006, n° 7, p. 4.
5

S’agissant de l’objet, l’organisation et compétence judiciaires fournissent les moyens


d’action nécessaires à l’accomplissement de la fonction juridictionnelle et toutes autres
activités qui s’y attachent3.

2. Historique du droit judiciaire

A l’origine des sociétés traditionnelles, le droit judiciaire au sens que nous le


connaissons aujourd’hui était inexistant. Chaque fois qu’il y avait litige entre hommes, ceux-
ci réglementeraient leur différend à leur guise. Avant que les juges judiciaires modernes
existent, c’était d’abord la loi de la jungle où l’on recourait à la force et à l’arbitraire. C’est
donc la période de la vengeance privée qui sera suivie de la loi du talion alors qu’en Afrique
traditionnelle, il existait des mécanismes de conciliation.

a) La vengeance privée

Elle consistait à ce que la victime outragée, lésée, puisse elle-même se rendre justice.
On constatera que celui qui se rendait justice dépassait même la proportion du préjudice qui
lui a été causé. A titre d’illustration, la victime du vol pouvait même tuer, assassiner le voleur,
la victime d’adultère pouvait tuer celui qui a commis l’adultère avec son épouse. Bref, tout le
monde se rendait justice à sa manière, selon son vouloir. Autrement dit, c’est la loi du plus
fort qui s’imposait au plus faible. Mais cette « justice privée » qui n’est pas une justice est
contraire à l’Etat de droit4. C’est ainsi que suite à ce désordre public, les hommes ont eu l’idée
de proportionner la vengeance à l’agression. C’est ce qu’on appelle la loi du Talion, « œil
pour œil, dent pour dent ».

b) La loi du Talion

La loi du Talion consistait à ce que celui qui a tué soit également tué d’où : « œil pour
œil, dent pour dent ». C’est qu’avec la loi du Talion, la vengeance a été proportionnée à
l’attaque. On trouve également la loi du Talion dans le Code d’Hammourabi (Chaldée), la loi
de Moïse (Israël) et la loi de 12 Tables (Rome). C’est dans le même ordre d’idées qu’on a
institué « L’abandon Noxal » qui consistait dans le fait d’abandonner l’auteur de l’infraction
entre les mains de la famille de la victime, qui est libre d’en faire ce qu’elle veut : le vendre,
en faire un esclave, etc.5 Dans la loi de 12 Tables de Rome, avec le temps (en 450 avant
Jésus-Christ), la vengeance a été remplacée par un procès dirigé par le roi, aussi bien en
matière civile que pénale. Le roi protégeait souvent la partie susceptible de faire l’objet d’une
vengeance mais pouvait aussi autoriser une vengeance mesurée6.

3
A. RUBBENS, Idem.
4
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006, n° 4, p.2.
5
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit Pénal Général Zaïrois, Kinshasa, Ed. Droit et Société « DES »,
1989, p. 13.
6
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 33, p. 46.
6

D’autres mécanismes verront le jour pour limiter la vengeance privée, tels que la
composition qui permet aux familles en conflit de s’asseoir autour d’une table et de négocier
la nature et le montant des indemnités du fait du préjudice causé.

c)Les mécanismes de conciliation dans les sociétés traditionnelles africaines

Ces mécanismes ont surtout existé dans l’Afrique traditionnelle7.


En effet, la justice y était une occasion de réconciliation plutôt qu’un moment de division. La
justice était rendue par les chefs de village, assistés des anciens et, à un niveau supérieur, par
les chefs des Cantons entourés des notables8.

Ce juge de l’Afrique traditionnelle apparaissait plutôt comme un conciliateur soucieux


de distribuer équitablement le blâme et la louange. C’est pourquoi le but recherché n’était pas
tellement de punir que de régler le différend en restaurant l’harmonie des rapports sociaux9.
Ce qui est significatif dans les sociétés traditionnelles africaines est qu’à la fin du litige, de
manière générale, les parties une fois leur litige réglé par la palabre, sont conviées à faire un
geste symbolique de réconciliation ; ce peut être le fait de partager une noix de cola, de boire
le vin traditionnel de banane « Kasigisi » ou le vin de palme « masanga ya mbila » ou
« pombe ya ngazi » l’un après l’autre dans une même calebasse, ou plus simplement de se
serrer la main.

Lorsque les conflits opposaient les individus des clans différents, si les litiges ne
prenaient pas encore la dimension d’une guerre clanique, « les sages » s’employaient par la
persuasion à lui trouver, en accord avec l’ensemble de la collectivité, une issue pacifique10.
Ainsi, dans une tribu du Soudan, lorsque survenait un grave différend interne tel un meurtre, il
était possible de dédommager la famille de la victime en lui offrant du bétail. Le chef de la
tribu approchait les deux familles, accomplissait des rites de purification et de réconciliation,
faisait admettre à la famille victime un certain nombre de bêtes en compensation du dommage

7
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-La-
Neuve, 25 juin 2005, pp. 610-611 ; K. MBAYE et Y. NDIAYE (sous direction), Encyclopédie juridique de
l’Afrique, vol. IV, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, Paris, éd. Les nouvelles éditions
africaines, 1982, pp. 42-44 ; A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires,
Bruxelles, Kinshasa, éd. Larcier et Université Lovanium, 1970, pp. 11-12 ; S. KOWOUVIH, « La Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept spécificité
africaine en matière de droits de l’homme », in RTDH, 2004, pp. 762-763 ; BALANDA MIKUIN LELIEL,
« Les tribunaux de paix au Zaïre – fonctionnement – procédure et compétence », in Revue juridique du Zaïre,
janvier à décembre 1984, n° 1-3, p. 44.
8
A. MOYRAND, « Destruction et reconstruction d’un appareil judiciaire : le cas du Tchad », in J. DU BOIS
DE GAUDUSSON et G. CONAC (sous-direction), La justice en Afrique, Paris, la Documentation française,
1990, p. 46.
9
P.F. GONDEC, Les droits africains-Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1968, p. 195.
10
L.A. DEGUENON et B. HOUNDEKANDJI, La participation des juges populaires à l’administration de la
justice en République populaire du Bénin, mémoire de fin de formation des cadres supérieurs A1 de la
magistrature, Centre de formation administrative et de perfectionnement de Cotonou, Université nationale du
Bénin, 1982-1984, p. 7.
7

et évitait ainsi les représailles11. Comme on peut le remarquer, le chef ne tranchait pas le litige
mais il facilitait une réconciliation entre parties.

Bref, dans l’Afrique traditionnelle, il n’y avait pas de juridictions légalement instituées
et organisées comme celles d’aujourd’hui car ce sont les autorités coutumières12 qui
organisaient le fonctionnement de la justice. Celles-ci ne se référaient pas à une loi préétablie
pour trouver le tribunal compétent selon la matière ou pour trouver les éléments de solution,
mais se basant sur la coutume ancestrale, elles cherchaient avant tout à rapprocher les
positions des parties en litige. Leur rôle était plus de préserver les équilibres sociaux que de
donner raison l’un contre l’autre. Ces « juges » saisis se comportaient alors en véritables
conciliateurs, remplissant une fonction maïeutique, aidant les parties à trouver une solution du
litige13.

3. Institution du droit judiciaire

Avec la loi du Talion, la personne lésée n’était pas satisfaite complètement en ce sens
que celle-ci n’obtenait pas toute la réparation dont elle avait besoin. Il a fallu qu’une autorité
supérieure aux différentes familles et groupes ethniques existe pour que naisse l’idée de
procès. L’autorité supérieure, un roi, tranchait le litige en usant de son autorité et en se
présentant comme le représentant de Dieu sur la terre. Il faut, en effet, noter qu’à l’origine la
procédure était ritualiste et mêlée au religieux. On trouve cette situation en Mésopotamie
(actuel Irak) et aux origines du droit hébreux, grec et romain. Il semble aussi que le droit soit
en grande partie né de ces procès14. L’origine du droit n’est pas la loi mais plutôt le jugement.
Les lois sont précisément intervenues pour codifier les solutions dégagées par les juges. Le
processus était le suivant : le juge tranchait un litige puis était confronté à une affaire
similaire ; il décidait alors d’apporter la même solution ; est née alors une règle générale selon
laquelle à chaque fois que l’on se trouvait dans telle situation, le juge prenait telle décision. A
noter aussi qu’aucune distinction n’était encore faite entre procédure pénale, civile et
administrative.

Dans les sociétés primitives, le droit s’apparente au sacré. En effet, le droit hébraïque
n’a jamais été détaché de la religion, c’est d’ailleurs par la Bible et le Talmud (du mot
hébreux signifie étude, c’est la forme écrite de la loi orale reçue selon la tradition par Moïse)
qu’il est connu. Selon la tradition hébraïque, le premier commandement que Dieu a donné à
Noé, a été d’établir la justice en créant des tribunaux15. Au départ, les patriarches étaient les
juges de leur propre groupe et l’on recourrait à la vengeance entre tribus. Lorsque la royauté

11
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 27, p. 42.
12
Le Mwami, le Roi ou Empereur.
13
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-
Neuve, 25 juin 2005, pp. 611-612.
14
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 28, p. 42.
15
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 29, p. 43.
8

fut instaurée vers l’an mille avant Jésus-Christ, le roi se mit à assurer la justice en déléguant
ce pouvoir à une Cour composée de prêtres et de juges royaux16. Cette Cour traitait aussi bien
les affaires civiles, criminelles que religieuses. Elle cherchait à interpréter la volonté de Dieu
et rendait, en ce sens, des jugements de Dieu. Il existait également des juridictions inférieures
nommées Conseils des anciens qui étaient une survivance de l’organisation tribale de la
justice17. Comme on peut le remarquer, selon le droit hébraïque, les premières juridictions
avaient vocation d’appliquer la volonté de Dieu, c’est pourquoi, les premiers juges sont des
prêtres18.

En Grèce, la vengeance privée fut remplacée par les procès à partir du moment où il
exista une autorité assez forte pour imposer cette solution aux parties19. Puis le roi a délégué
ses pouvoirs à des juges. A l’époque de la démocratie athénienne, l’organisation des tribunaux
est devenue très complexe en raison des réformes successives. La juridiction la plus
importante était le tribunal de l’Héliée crée pour servir de Cour d’appel. Il s’agissait d’un
tribunal entièrement composé de citoyens tirés au sort au nombre de 6.000 répartis dans 10
Cours de 501 personnes (les 1.000 citoyens restants sont des suppléants). Les affaires
criminelles et civiles n’étaient pas distinguées. Ce tribunal était à la justice ce qu’est la
démocratie directe à la politique : le peuple devient juge des citoyens à partir du moment où il
n’y a plus de roi. L’instruction est cependant confiée à un magistrat spécialisé mais il n’y
avait pas de ministère public. L’arrêt était rendu sans délibéré et par vote général20. On voit là
l’origine des jurys populaires qui continuent d’exister de manière générale dans les
procédures de Commun law et particulièrement devant la Cour d’assises en France, en
Belgique et dans plusieurs pays de l’Afrique francophone. Puis la justice a été
progressivement rendue par des fonctionnaires et des possibilités d’appel ont été reconnues
aux parties. Enfin, devant l’Assemblée qui est un organe politique, tout citoyen pouvait
intenter une action dite publique, lorsqu’il considérait qu’un décret émis par l’Assemblée était
illégal21. On peut voir là l’ancêtre du recours pour excès de pouvoir devant les juridictions de
l’ordre administratif (tribunal administratif, Cour administrative d’appel et Conseil d’Etat).

Ces éléments ont été à la base de la naissance du droit judiciaire moderne,


spécialement l’organisation et compétence judiciaires dont le but était de prévoir les
institutions qui seraient permanentes et qui auront pour mission de juger et faire réparer le
préjudice causé par l’auteur de celui-ci. C’est dans ce cadre que les Cours et tribunaux furent
instaurés et leurs différentes compétences.

En Afrique, les juridictions modernes ont été instituées par le biais de la colonisation.
Celle-ci a transposé les règles du droit judiciaire appliquées dans la métropole (Belgique et

16
E. JEULAND, op.cit, p. 43.
17
E. JEULAND, op.cit., p. 43.
18
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ième éd. Sirey, 2005, p. 3.
19
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. LG.D.J., 2007, n° 31, p. 44.
20
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n°31, p. 45.
21
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 31, p. 45.
9

France selon le cas). Certes, avant la colonisation, il y avait les institutions judiciaires
traditionnelles mais qui étaient différentes de celles d’aujourd’hui.

En effet, avant 1885 la République Démocratique du Congo était une mosaïque de


Royaumes, empires et d’autres communautés spécifiques ayant chacun à leur tête une autorité
plus ou moins confirmée. Ces peuples avaient élaboré des règles orales de sagesse qui se
traduisaient par une organisation sociale, politique et « judiciaire », sécuritaire et harmonisant
ainsi des rapports sociaux et économiques au sein d’un même groupe. Ces règles ont constitué
un ensemble de normes juridiques appelées aujourd’hui droit coutumier.

De 1885 à 1908, l’Etat Indépendant du Congo du Roi Léopold II de Belgique est créé ;
l’organisation et la compétence judiciaires étaient discriminatoires selon qu’il s’agissait des
indigènes ou des non indigènes. A côté des tribunaux de première instance et du tribunal
d’appel de Boma, il y avait des conseils de guerres institués dès la création de la Force
Publique en 1888 sous le décret du 22 décembre 1888.

De 1908 à 1960, l’Etat Indépendant du Congo est devenu Congo Belge. Pendant cette
période, le pouvoir colonial avait crée une organisation judiciaire en instituant des juridictions
nouvelles. C’est ainsi que furent crées les tribunaux de police, de district, de première instance
et les Cours d’appel. La Cour de cassation et le Conseil d’Etat étaient ceux de la Belgique.
Les limites de juridiction correspondaient aux limites administratives de la colonie. Cette
période est caractérisée aussi par la reconnaissance en 1926, par le pouvoir colonial, des
juridictions coutumières ; la simplification de la procédure civile ; la réglementation de la
procédure pénale depuis la police judiciaire jusqu’à l’exécution de jugement. Le Barreau a vu
le jour le 7 novembre 1930, puis soumis à des modifications par les trois autres décrets en
1932, 1947 et 1950. Il était caractérisé par l’absence d’autonomie, car son organisation
dépendait des Cours et tribunaux.

Depuis 1960, la République Démocratique du Congo est devenue indépendante. A


partir de 1968 apparaîtra un foisonnement d’innovations axées sur l’organisation et
compétence judiciaires ainsi que la procédure pénale. Pour rapprocher la justice des
justiciables, les tribunaux de paix, de grande instance et une Cour d’appel dans chaque
province furent créés ainsi que la Cour suprême de justice. Un Code provisoire de justice
militaire avait été institué par le décret - loi du 18 décembre 1964 qui régissait les juridictions
militaires. En procédure pénale, les privilèges de juridiction sont accordés au chef de
collectivité, aux députés, ministres, magistrats, gouverneurs de province etc. L’autonomie du
Barreau issu de la loi n° 68/247 du 10 juillet 1968 fut affaiblie par les velléités d’ingérence du
Procureur général de la République.

En 1972, la justice militaire est instituée définitivement par l’ordonnance-loi n°


72/060 du 25 septembre 1972. En 1977, le Conseil Judiciaire est crée sous la forme
pyramidale, puis collégiale en 1987, et était intégré au sein MPR, Parti-Etat, parallèlement à
10

la Commission de discipline du Comité central. Le Statut des magistrats promulgué en 1988,


consacrait l’ingérence du ministre de la justice dans la gestion de la carrière des magistrats et
la domination de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire. La Cour de sûreté de l’Etat, chargée de
briser les positions dissidentes n’a pas épargné, à travers ses procès, les droits de l’homme ni
la dignité humaine. En 1987, la Cour des comptes fut créée. La Cour d’ordre militaire est
créée par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant création de la Cour d’ordre militaire.
Cette Cour était un instrument de terreur et d’horreur au regard des condamnations à mort qui
y étaient prononcées et exécutées.

Depuis 2001, l’organisation et la compétence judiciaires a été profondément affirmée


par la création des tribunaux de commerce en 2001, un nouveau Code judiciaire militaire ainsi
que la création des tribunaux du travail en 2002. La Constitution congolaise du 18 février
2006 crée les tribunaux administratifs, les Cours administratives d’appel, le Conseil d’Etat, la
Cour de cassation et la Cour constitutionnelle. Un nouveau Statut des magistrats voit aussi le
jour le 10 octobre 2006. L’indépendance des juridictions y est clairement affirmée.

Au niveau de l’Afrique, depuis janvier 2004, la Cour Africaine des Droits de


l’Homme et des Peuples existe. Au niveau des Nations Unies, l’on soulignera l’existence de la
Cour Pénale internationale et la Cour Internationale de Justice de la Haye.

Toutes ces juridictions nationales et internationales créées donneront sans doute une
nouvelle impulsion à l’organisation et compétence judiciaires en République Démocratique
du Congo.

4. Importance et intérêt des notions d’organisation


et compétence judiciaires

Les notions d’organisation et compétence judiciaires ou le droit judiciaire, tome 1,


présentent un intérêt fondamental et une importance considérable à l’endroit des étudiants, du
personnel judiciaire et des justiciables (toute personne).

a) A l’endroit des étudiants

Les notions d’organisation et compétence judiciaires apprendront aux étudiants de la


Faculté de Droit le mode de fonctionnement de l’appareil judiciaire congolais et les
juridictions internationales, et de ce fait, elles aideront l’étudiant à comprendre comment
fonctionne la justice congolaise et internationale, ainsi que les différentes compétences des
Cours et tribunaux avant que les étudiants (futurs magistrats, avocats, défenseurs judiciaires,
conseillers juridiques ou autorités politiques) s’imprègnent de la réalité du terrain.
11

b) A l’endroit du personnel judiciaire

Les notions d’organisation et compétence judiciaires informeront le personnel


judiciaire à connaître les attributions, les limites ainsi que la procédure à suivre pour
l’ouverture d’un dossier judiciaire, les compétences des Cours et tribunaux ainsi que
l’orientation des justiciables vers les juridictions compétentes.

c) A l’endroit des justiciables (tout citoyen)

Les notions d’organisation et compétence judiciaires pourront aider les justiciables


(toute personne qui a besoin de la justice : plaignant, accusé, prévenus) à s’orienter vers une
juridiction compétente matériellement, territorialement et personnellement. La connaissance
de ces notions permettra aux justiciables de savoir quelles sortes de juridictions doivent-ils
s’adresser chaque fois qu’ils (ou leurs proches) auront le problème avec la justice.

S’adresseront-ils au Tribunal de Paix, au Tribunal de Grande instance, à la Cour


d’appel, à la Cour Suprême de Justice, à la Cour de cassation ou au Tribunal de commerce, au
Tribunal de travail ou au Tribunal militaire de police, au Tribunal militaire de garnison, à la
Cour militaire, à la Haute Cour militaire ou au Tribunal administratif, à la Cour administrative
d’appel, au Conseil d’Etat, à la Cour des comptes ou au Tribunal coutumier ou à la Cour
constitutionnelle ou à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ou enfin à la
Cour Pénale Internationale?

Bref, nous pouvons dire que les notions d’organisation et compétences judiciaires sont
importantes pour la vie de tout homme car tout le monde devrait se sentir concerné de son
contenu étant donné qu’il est le carrefour même de tout l’appareil judiciaire.

5. Sources d’organisation et compétence judiciaires

Le mot « source » n’a pas été défini par la loi. Nous retenons une définition simple et
pratique. Dans le cadre du présent ouvrage, par source, nous entendons la base, la référence,
le soubassement, le fondement, en d’autres termes par où reposent les règles d’organisation et
compétence judiciaires. Ces sources sont subdivisées en deux : les sources internes et les
sources internationales.

a) Les sources internes

- La Constitution

C’est la loi suprême d’un pays qui détermine le mode d’exercice des pouvoirs.
Elle constitue une source d’organisation et compétence judiciaires dans la mesure où
elle définit notamment la mission du pouvoir judiciaire et l’indépendance de celui-ci, le droit
12

de défense ainsi que l’inamovibilité des juges (articles 149-169 de la Constitution approuvée
par le référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006).

- Les traités internationaux (articles 213-217 de la Constitution)

Ils constituent une source d’organisation et compétence judiciaires en ce sens que ce


sont les traités internationaux qui règlent la question d’extradition (procédure internationale
par laquelle un Etat accepte de livrer à un autre Etat qui en fait la demande un individu se
trouvant sur son territoire pour être jugé et s’il a déjà été jugé, lui faire purger sa peine22).
Nous y reviendrons lorsque nous aborderons les sources internationales.

- La loi

Nous pouvons définir la loi comme étant l’expression de la volonté populaire coulée
dans des textes juridiques, élaborée par un organe compétent et prévoyant des sanctions en cas
de sa violation. L’expression de la volonté populaire se manifeste par les élus du peuple, et
l’organe compétent dont il est question c’est le parlement (Assemblée Nationale ou le Sénat).

La loi constitue une source d’organisation et compétence judiciaires car c’est par la loi
que les Cours et tribunaux sont constitués ; le Statut des magistrats, la compétence des Cours
et tribunaux, les règles de procédure, la composition ; l’organisation et le fonctionnement du
pouvoir judiciaire relèvent du domaine de la loi (article 153 alinéa 5 de la Constitution du 18
février 2006).

- La coutume

C’est l’ensemble des usages, des pratiques qui à force d’être répétés, dans une société
bien déterminée ont acquis une force obligatoire.

Sa force, son fondement juridique repose sur les dispositions de l’article 153 de la
Constitution du 18 février 2006, les articles 108 et 116 alinéa 1 du Code de l’organisation et
compétence judiciaires. En effet, l’article 153 alinéa 4 de la Constitution déclare : « Les Cours
et Tribunaux, civils et militaires (…) appliquent les lois et la coutume pour autant que celle-ci
soit conforme à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». Et l’article 108 du Code d’OCJ
stipule : « Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la
défense de leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de
l’action publique prononcent d’office les dommages intérêts et réparations, qui peuvent être
dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux ». Aussi, l’article 116 alinéa 1 du
Code d’OCJ affirme : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et
tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle soit conforme aux lois et à l’ordre public ».

22
A ce sujet voyez KAVUNDJA N. MANENO, L’obstacle juridique à l’extradition en droit zaïrois, mémoire de
licence, Faculté de Droit, UNIKIN, 1989, p.5 et s.
13

De même, le règlement d’ordre intérieur de la Cour Suprême de justice23 prévoit des experts
en coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Il en est de même de l’article 86
de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats24 qui prévoit
les juges assesseurs auprès des tribunaux de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci
font application de la coutume.

Enfin, l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative aux


principes à suivre dans les décisions judiciaires25 dit que quand la matière n’est pas prévue par
un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la
compétence des tribunaux du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes locales.
En ce cas, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes (entendez les Congolais)
ou non indigènes, choisis parmi les notables les plus capables.

Il ressort de l’esprit de ces textes, pour que la coutume soit appliquée par tribunaux :
- Elle croit être conforme aux lois, c’est-à-dire si une coutume est à l’encontre de la loi, elle
ne sera applicable par les cours et tribunaux ;
- Elle doit être conforme aux bonnes mœurs ;
- Elle doit être conforme à l’ordre public, c’est-à-dire elle ne peut permettre ce que la loi
interdit. Exemple : La coutume qui permet de soumettre des sévices à une femme qui vient
de perdre son mari ; cette coutume n’est pas conforme à l’ordre public car la torture, les
sévices sont des infractions prévues et punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du Code
pénal congolais, livre II).

La coutume constitue une source d’OCJ car les juridictions peuvent s’y référer à
condition qu’elle soit conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

- La jurisprudence

C’est l’ensemble des décisions, jugements ou arrêts rendus par les Cours et tribunaux.
Il s’agit simplement de l’ensemble des solutions apportées par les décisions constantes de
justice dans l’application du droit (lorsqu’il ya lieu à interprétation de loi, lorsqu’il ya
ambiguïté ou obscurité, etc.) ou même dans la création du droit lui-même (quand il faut
compléter la loi, suppléer une règle qui fait défaut)26.

C’est par la voie de la jurisprudence que les usages, les principes généraux du droit et
les solutions d’équité ont été admis d’une manière stable et précise en droit congolais. En

23
Article 19 de l’ordonnance 0166 du premier président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant le
règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in Journal officiel de la République du Zaïre, n° 14,
15 juillet 1976, p. 746 .
24
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p.21.
25
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp 188 et
189.
26
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°17, p.35.
14

effet, certaines juridictions, tels que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, eu égard à leur
prestige et leur notoriété jouissent d’une autorité reconnue. Aussi, lorsqu’elles définissent une
règle jurisprudentielle, les juridictions inférieures se trouvent « moralement dans
l’obligation » d’appliquer cette règle. Ce pouvoir qu’incarnent les hautes juridictions est le
garant et l’instrument de la démocratie s’il conserve une indépendance certaine, et s’il prend
soin de bien motiver ses décisions pour éviter tout risque d’arbitraire27.

La jurisprudence constitue une source d’organisation et compétence judiciaires dans la


mesure où les juridictions inférieures peuvent se référer aux juridictions supérieures, la façon
dont elles ont jugé une affaire donnée qui a de similitude avec celle soumise devant le juge
inférieur. Partant de cela, la jurisprudence est une source d’organisation et compétence
judiciaires.

- La doctrine

C’est l’ensemble des écrits, des savants de droit, des professeurs, des chercheurs et
praticiens de droit. Elle guide le législateur et le juge dans la formation du droit. Le plus
souvent la doctrine est par ses écrits une source d’inspiration indirecte. Par ses travaux, la
doctrine œuvre à la cohérence du droit judiciaire et facilite sa compréhension en analysant la
jurisprudence et en exposant les fondements et finalités des règles de droit. La doctrine peut
être aussi une source d’inspiration directe lorsque les juridictions s’y réfèrent ou lorsque le
législateur demande à des auteurs de participer à des commissions de réforme28.

La doctrine constitue une source d’organisation et compétence judiciaires car les


tribunaux peuvent s’y référer lorsqu’ils veulent renforcer la motivation de ses jugements ou
pour suppléer au silence de la loi ou en cas de l’absence de jurisprudence sur un point précis
de droit.

Ex. : - La publication d’un ouvrage ayant comme titre : Droit judiciaire congolais, Tome I.
Organisation et compétences judiciaires.
- La thèse de doctorat en droit ayant comme titre : « L’indépendance et
l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone », Faculté
de Droit, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, juin 2005.

- Les principes généraux de droit

Ce sont des solutions juridiques universellement admises dans le droit de plusieurs


nations. L’avocat général de la République du Congo Nkata Bayoko les définit comme étant
des règles de droit non écrites, dérivant de l’esprit des lois et des principes auxquels obéit
généralement le législateur, lesquelles règles s’appliquent aux contestations en l’absence de

27
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 28, p.25.
28
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°20, p.12.
15

textes de lois régissant la matière29. Pour le professeur Matadi Nenga Gamanda, ce sont des
propositions premières non écrites, normatives et juridiques qui fondent, à côté d’autres
sources de droit l’unité du système juridique30. Toutes ces trois définitions expliquent
pratiquement la même chose.

Leur force juridique vient de l’article 116 alinéa 2 du Code de l’organisation et


compétence judiciaires qui déclare : « En cas d’absence de coutume ou lorsque la coutume
n’est pas conforme aux lois et à l’ordre public, les Cours et tribunaux s’inspirent des
principes généraux du droit ». Leur force juridique vient également de l’ordonnance
législative du 14/05/1886 qui a toujours force de loi. Cette ordonnance prévoit de juger les
contestations d’après « les coutumes locales ; les principes généraux du droit et l’équité »,
pour suppléer aux silences de la loi, d’un décret ou d’un règlement31. L’expression
« coutumes locales » signifie les usages locaux dans tel ou tel domaine du droit32.

Exemples : - Nul n’est censé ignorer la loi ;


- Pas d’intérêt, pas d’action ou pas d’action sans intérêt ;
- Le doute profite au prévenu ;
- Le criminel tient le civil en état.

On peut dans certaines mesures invoquer les dispositions du Code étranger par exemple en
droit congolais en tant que principes généraux de droit à condition qu’il y ait silence de la loi
congolaise et de la coutume ou celle-ci n’est pas conforme aux lois et à l’ordre public. Il
convient de préciser que les principes généraux du droit ont un caractère supplétif, ils ne
peuvent donc être invoqués ou n’être d’application qu’en l’absence d’une loi spécifique qui
régit la matière. En conséquence, lorsqu’un principe général du droit est coulé sous forme de
loi dans la suite, il n’est plus à considérer comme un principe général du droit33.

On peut vraiment se demander s’il est toujours nécessaire de continuer de se référer


par exemple au Code belge en tant que « principes généraux de droit » dès lors que la
République Démocratique du Congo est indépendante depuis plus de 50 ans. En effet,
l’ordonnance législative réglant cette question date de 1886 lorsque le Congo était la propriété
privée du Roi Léopold II de Belgique. Or aujourd’hui la République Démocratique du Congo
est indépendante, et le droit judiciaire a beaucoup évolué, les Cours et tribunaux
internationaux qui n’existaient pas à l’époque sont une réalité, et contribuent à dégager les
normes universelles du procès équitable. C’est pourquoi nous pensons qu’à l’avenir, l’on

29
NKATA BAYOKO, De la violation des principes généraux du droit au moyen de cassation, Kinshasa, éd.
Kinsel, 2003, p. 20.
30
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°21, p.41.
31
A. RUBBENS, op. Cit. p. 41 ; Ordonnance de l’administrateur général du Congo, in Bulletin officiel, 1886, pp
188 et 189.
32
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°16, p.34.
33
Idem, n°22, p.43.
16

devrait abroger ladite ordonnance législative et prévoir comme « principes généraux de


droit », notamment les normes universelles du procès équitable (droit à un juge indépendant et
impartial, droit d’être jugé dans un délai raisonnable etc.). D’ailleurs, les principes généraux
du droit tendent à devenir de plus en plus communs à tous les pays qui se réclament d’un Etat
de droit. C’est dans ce sens que la doctrine moderne reconnaît par exemple que le principe
d’impartialité constitue un principe général de droit34 et paraît aujourd’hui comme étant un
principe de procédure universel35.

Pour plus de sécurité juridique, il serait mieux de ne retenir que les principes généraux
de droit approuvés par les juridictions internationales (la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la Cour Pénale
Internationale, la Cour Internationale de Justice de la Haye et le Comité des Droits de
l’Homme de l’ONU).

Les principes généraux du droit constituent une source d’OCJ car les juridictions
peuvent s’y inspirer.

- L’équité

C’est la solution éprouvée comme juste par la communauté à laquelle appartient le


juge. C’est donc le bon sens. En effet, l’article 155 alinéa 3 de la Constitution du 18 février
2006 prévoit que le Conseil d’Etat se prononce en équité en tenant compte de toutes les
circonstances d’intérêt public ou privé.

L’on précisera que l’équité jouera un rôle purement supplétif, c’est-à-dire chaque fois
que législateur n’aura pris aucune disposition légale dans une matière36 et cette équité n’est
pas à confondre avec les normes du procès équitable. Mais le juge doit être prudent pour cette
source qui ne lui permet pas de faire ce que le législateur a entendu lui interdire car ce bon
sens, qui n’est pas la chose la mieux partagée du monde, échappe à une analyse qualitative et
quantitative ; il n’est pas observable comme le serait une loi, un principe général du droit,
préalablement énoncé et ayant son existence en dehors du juge. Comme on peut le constater,
la notion d’équité échappe donc au droit entendu comme science et dont l’objet, le droit,
relève nécessairement de l’observation et de l’objectivité37. C’est pourquoi, une décision
judiciaire qui se réfère uniquement à l’équité pour justifier une décision n’est pas motivée. Et
d’ailleurs, la Cour de cassation française avait affirmé que l’équité n’est pas une source de

34
B. QUIRINY, « Actualité du principe général d’impartialité administrative », in Revue du Droit Public et la
Science Politique en France et à l’étranger, 2006, pp. 376-389.
35
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 161.
36
Article 1er de l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886, in Bulletin Officiel, 1886,
pp.188 et 189.
37
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n °26, p.47.
17

droit38. Enfin, il est nécessaire de préciser que le droit de la famille romano-germanique


accorde moins d’importance à l’équité en tant que source de droit par rapport au droit Anglo-
Saxon ou le Common Law mais c’est celui-ci qui a tendance à influencer les juridictions
internationales tels que la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, la Cour
Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de La Haye et le Comité des Droits de
l’Homme de l’ONU.

- Les usages

Ce sont des pratiques applicables devant les juridictions bien déterminées. En effet,
l’on ne doit pas oublier l’importance de la pratique judiciaire qui crée des procédés que la loi
n’avait point prévus mais qui varient suivant les tribunaux établis dans les différents ressorts
des Cours d’appel. Mais les usages ne l’emporteront pas sur la règle légale s’ils sont en
contradiction avec elle, encore que la loi a souvent adopté certains usages qui s’étaient
imposés en les « coulant » dans des textes juridiques39.

- Le pouvoir réglementaire du Président de la République (articles 82 et 87 de la


Constitution)

Le Président de la République réglemente par voie d’ordonnance.


C’est une source d’organisation et compétence judiciaires en ce sens qu’il est reconnu
au Président de la République le pouvoir de nommer et révoquer les magistrats sur
proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature. Le Président de la République dispose
du droit de grâce, il peut remettre, commuer ou réduire les peines.

Il ressort au pied de l’article 85 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006 :


« lorsque des circonstances graves menacent d’une manière immédiate l’indépendance ou
l’intégrité du territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement
régulier des institutions, le Président de la République proclame l’état d’urgence ou l’état de
siège après concertation avec le Premier Ministre et les Présidents des deux Chambres
conformément aux articles 144 et 145 de la présente Constitution ». De même, l’article 156
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 déclare : « En temps de guerre ou lorsque
l’état de siège ou d’urgence est proclamé, le président de la République (…) peut suspendre
sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions qu’il fixe, l’action
répressive des Cours et tribunaux de droit commun au profit de celle des juridictions
militaire ». Cette situation peut avoir des répercussions dans l’organisation et la compétence
judiciaires.

38
Cassation française, ch. sociale, 4 décembre 1996, Bulletins des arrêts de la Cour de cassation en matière
civile, V, n° 421 ; JCP, 1997, I, 4064, n° 11, obs. CADIET, RTDciv., 1998, 221, obs. MOLFESSIS.
39
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena Ntambua, 1999,
p.2
18

En principe, dans les régimes purement démocratiques, ce pouvoir réglementaire est


extrêmement rare étant donné que c’est le Parlement (composé des élus du peuple) qui
élabore les lois. Par contre, dans les régimes dictatoriaux ou militaires, le Président de la
République dispose d’un pouvoir réglementaire très étendu dans la mesure où il a tendance à
se substituer au Parlement. C’est la raison pour laquelle on trouve plusieurs textes
réglementaires sous le règne du Maréchal Mobutu40 et de Laurent Désiré Kabila41.

Au regard de toutes ces dispositions, le pouvoir réglementaire du Président de la


République est une source d’organisation et compétence judiciaires.

- Le pouvoir réglementaire du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux

Traditionnellement, il est reconnu au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux de


prendre, signer des arrêtés d’organisation judiciaire pour préciser les modalités pratiques
d’une loi. Tel est le cas de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979 portant
règlement intérieur des Cours, tribunaux et Parquets. Cet arrêté complète le Code de
l’organisation et de la compétence judiciaires.

De même, il est du pouvoir du ministre de la justice et garde des Sceaux de créer des
sièges secondaires des Cours, tribunaux et Parquets par voie d’arrêté. C’est dans cette logique,
que le ministre de la justice et garde des Sceaux avait créé les sièges secondaires du Tribunal
et du Parquet de Grande Instance d’Uvira à Kavumu et Mwenga dans la Province du Sud-
Kivu. Mais depuis la promulgation de loi 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, ce
pouvoir se fera en concertation avec le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Aussi, le ministre de la justice peut prendre des arrêtés portant modalités d’application
d’une loi qui a été votée au Parlement étant donné que la loi ne peut pas tout prévoir. Mais les
arrêtés pris par le Ministre ne doivent pas mettre en cause l’indépendance des magistrats telle
que prévue par la Constitution du 18 février 2006 et la loi du 10 octobre 2006 portant statut
des magistrats.

Enfin, il est reconnu au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux d’accorder la


libération conditionnelle par voie d’arrêté après avis du directeur de la prison et du Parquet
(article 38 du Code pénal congolais livre 1er). Elle se définit comme une mise en liberté que
l’administration pénitentiaire accorde au condamné, et qui est destinée à stimuler
l’amendement de ce dernier par la perspective d’une libération définitive en cas de bonne
conduite42.

40
Notamment le Décret-loi du 18/12/1964 portant code provisoire de justice militaire ; Ordonnance-loi n°
72/060 du 25/091972 portant institution d’un Code de justice militaire.
41
Notamment le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 18 mai 1997 relatif à l’exercice du pouvoir en République
Démocratique du Congo ; Décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant création de la Cour d’ordre militaire.
42
NYABIRUNGU MWENE SONGA, op. cit., p. 335
19

Au regard de tous ces éléments, le pouvoir réglementaire du Ministre de la Justice et


Garde des Sceaux est une source d’organisation et compétence judiciaires.

- Le pouvoir réglementaire des Présidents des Juridictions

Le Premier président de la Cour suprême de Justice43 et le Premier président de la


Cour d’appel, règle chacun par voie d’ordonnance le service intérieur des Cours et tribunaux
de son ressort, leurs greffes ainsi que la tenue des registres. De même le Président du Tribunal
de grande instance et le Président du Tribunal de Paix dispose d’un pouvoir réglementaire
pour l’organisation du service du siège et la répartition des services. Exemple. : Ordonnances
des Présidents de juridictions portant organisation des Chambres.

Il est prohibé qu’une Chambre d’une juridiction s’attribue sans l’avis du chef de cette
juridiction une cause attribuée à une autre Chambre, étant donné que l’attribution des dossiers
aux juges est une prérogative exclusive du chef de cette juridiction44.

En principe, ce pouvoir réglementaire contribue à l’indépendance du pouvoir


judiciaire dans la plus large mesure possible, mais le président de juridiction ne peut pas
donner les injonctions au juge de son ressort dans sa mission de juger.

b) Les sources internationales

Elles sont constituées par des conventions internationales. Ces sources sont des
accords bilatéraux ou multilatéraux dont l’objet est le plus souvent de régler les problèmes de
compétence ou de la loi applicable aux litiges internationaux ou de faciliter la notification des
jugements ou leur exécution45. De même, la plupart des traités internationaux constituent une
source de droit judiciaire dans la mesure où tous les Etats parties aux traités s’engagent à
prendre , en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions desdits
traités, les arrangements devant permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou
autres, propres à donner effet aux droits reconnus qui ne seraient pas déjà en vigueur dans
leurs territoires46.

Actuellement le droit judiciaire s’internationalise sous l’effet de deux facteurs :

43
Ordonnance 0166 du premier président de la Cour Suprême de Justice modifiant et complétant le règlement
d’ordre intérieur de la Cour Suprême de Justice, in Journal officiel de la République du Zaïre, n° 14, 15 juillet
1976, p. 746 ; Les Codes Larcier République Démocratique du Congo, T.I Droit civil et judiciaire, Bruxelles,
éd. Larcier, 2003, pp. 332-336.
44
Tribunal de Paix de Kinshasa-Ndjili, 17 juin 1996, MP et M contre T. RP 23955/XIII, in RAJC, fascicule
unique, janvier à décembre 2000, p. 71.
45
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 15, p.10.
46
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°18, p.37.
20

- d’une part, le développement des relations internationales entre les sujets de droit qui
multiplie les causes de survenance de litiges internationaux ;
- d’autre part, les Etats acceptent, généralement par la conclusion de conventions
internationales multilatérales, de respecter, dans la conduite de procédures se déroulant au
sein de leur ordre juridique, certains principes ou standards, que l’on peut qualifier de
fondamentaux47 voire universels à tous les procès48. Ces principes constituent les normes
universelles du procès équitable.

La délinquance n’a pas de frontières ; aujourd’hui, l’on constate le crime organisé (la
fausse monnaie, le proxénétisme, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme et le
blanchiment d’argent). En même temps, il existe des recommandations internationales qui
touchent au fonctionnement de la justice des différents Etats.

Sans être exhaustif, nous citerons :

- La Commission rogatoire internationale : c’est l’ensemble des actes de police judiciaire,


d’information ou d’instruction qu’une autorité judiciaire compétente relevant d’un Etat
(autorité requise) accomplit ou fait accomplir sur son territoire pour le compte d’une
autorité judiciaire relevant d’un autre Etat (autorité requérante)49.
- La résolution 1973 sur le terrorisme du Conseil de sécurité de l’ONU en 2001 : cette
résolution a édité un guide législatif contre le terrorisme. C’est une source d’OCJ car elle
donne un cadre rigoureux qui devrait être intégré dans différentes compétences des Cours
et tribunaux nationaux.
- Les principes fondamentaux de l’ONU relatifs à l’indépendance de la magistrature50, les
principes directeurs applicables au rôle des magistrats du Parquet de 1990 ainsi que les
règles pour l’application effective des principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de

47
S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges Jacques Van
Compernalle , Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 210 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et
droit comparé du procès équitable, Paris, 4ème éd. Dalloz, 2007, n° 46, p.83 ; F. FERRAND et T. MOUSSA, «
Le projet de l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure civile
transnationale : vers une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet.
La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp.199-228 ; E. JEULAND, Droit processuel,
Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p.173.
48
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 173.
49
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La charte, 2005, pp.1119-
1120 ; G. DEMANET, « Considérations sur l’entraide judiciaire en matière pénale », Revue de droit pénal et
criminologie, 1997, p.81.
50
Assemblée Générale de l’ONU, A/RES/40/32, du 29 novembre 1985 ; A/RES/40/146, 13 décembre 1985.
Dans le même sens E/CN.4/RES/1996/34 du 19 avril 1996 sur l’indépendance et l’impartialité du pouvoir
judiciaire des jurés et assesseurs et indépendance des avocats ; E/CN./1995/39 du 6 février 1995 ; Rapport du
Rapporteur spécial M. Param Cumaraswamy, soumis conformément à la résolution 1994/41 de la
Commission des droits de l’homme ; E/CN.4/1998/39/Add.3 du 16 février 1998 ; E/CN.4/sub.2/1993/25, 30
juillet 1993, Rapport sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des avocats dans l’exercice de
leur profession, établi par M. Louis Joinet, en application de la résolution 1992/38 de la Sous-Commission de
la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités, Commission des Droits de l’Homme,
Conseil Economique et Social des Nations Unies.
21

la magistrature51. Ces principes constituent une source d’OCJ étant donné que
l’Assemblée générale de l’ONU avait invité les gouvernements à en tenir compte dans
leur législation et leur pratique nationales, et à les accepter.
- Les principes de base relatifs au rôle du Barreau52 : ce sont des principes qui ont été fixés
par l’ONU afin que chaque Etat les intègre dans son arsenal juridique. C’est une source
d’OCJ étant donné qu’ils sont censés être incorporés dans les textes législatifs organisant
les différents barreaux du monde.
- La Déclaration Universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre 1948. C’est
la mère de tous les instruments internationaux de protection des droits de l’homme.
Ex : • l’article 8 prévoit le droit à un recours devant les juridictions nationales.
• l’article 10 prévoit le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial.
• l’article 7 est consacré à l’égalité devant la loi.
- La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, ratifiée par la
République Démocratique du Congo le 20 juillet 1987.
Ex : • l’article 3 prévoit l’égalité devant la loi.
• l’article 7 prévoit le droit de saisir les tribunaux compétents selon la matière, le
droit d’avoir un avocat de son choix, le droit d’être jugé par une juridiction
impartiale.
• l’article 26 oblige les Etats à garantir l’indépendance des tribunaux.
- Le protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant
création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 9 juin 1998, entré en
vigueur le 25 janvier 2004, ratifié par la République Démocratique du Congo le 9 septembre
1999.
- Le Statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet
2002, ratifié par la République Démocratique du Congo le 11 avril 2002.
Ces deux juridictions supranationales (la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples et la Cour Pénale Internationale) sont une source d’OCJ étant donné que dans
certaines circonstances, leur jurisprudence peut avoir une incidence en droit judiciaire
congolais et les congolais peuvent y être jugés.
- Le Pacte International des Droits Civils et Politiques de l’ONU du 19 décembre 1966,
ratifié par la République Démocratique du Congo le 1er novembre 1976.
Ex : • L’article 14 est consacré au droit à un procès équitable (égalité devant la justice,
le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, publicité des
audiences, présomption d’innocence, délai raisonnable du procès, droit de se
défendre par un défenseur de son choix, droit d’avoir un interprète, droit à un
recours, etc.).
- La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 dans sa
résolution 44/25, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par la République

51
Résolution 1989/60 du Conseil Economique et Social de l’ONU et approuvé par l’Assemblée Générale de
l’ONU dans sa résolution 44/ du 15 décembre 1989.
52
Résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU n° 45/121 du 14 décembre 1990 ; Résolution 45/166 du 18
décembre 1990 de l’Assemblée générale de l’ONU.
22

Démocratique du Congo le 27 septembre 1990. L’article 3 de cette Convention prévoit


que l’intérêt de l’enfant doit être pris en considération dans toutes les décisions judiciaires.
- Le Statut universel du juge53. Ce document règle l’indépendance et l’impartialité du juge
ainsi que la rémunération. Il fournit aux Etats du monde les diverses recommandations.
- La Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950
Ex : • L’article 6 prévoit les règles du procès équitable (droit d’être jugé dans un délai
raisonnable, droit à un juge indépendant et impartial, le caractère public du
jugement, la présomption d’innocence, droit d’être assisté par un avocat de son
choix, et.).

Cet instrument international peut être considéré comme source de droit judiciaire étant
donné que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a compétence notamment
pour connaître de toutes affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et
de tout instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats
concernés54. En effet, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples tend à compléter
et renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples55. Or,
celle-ci s’inspirait notamment de la jurisprudence relative à la convention européenne des
droits de l’homme rendue par la Cour européenne des droits de l’homme. Ce qui veut dire que
cette jurisprudence pourrait inspirer la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
qui pourrait à son tour, inspirer le droit judiciaire des différents Etats de l’Afrique. C’est pour
cette raison que cet instrument international peut être une source de droit judiciaire56.

Les sources d’organisation et compétence judiciaires étant déjà déterminées, il


convient d’aborder les conditions pour exercer une action en justice (devant les Cours et
tribunaux).

6. Action en justice (devant les Cours et Tribunaux)

C’est le pouvoir légal reconnu aux personnes de s’adresser à la justice pour obtenir le
respect de leurs droits et de leurs intérêts légitimes57. La notion d’action en justice traduit la

53
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1999 ; en Europe, on peut citer le Statut du juge en Europe adopté en 1992 et
amendé en 1996 ainsi que la Charte européenne sur le Statut des juges.
54
Art. 3 du Protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
55
Préambule dudit Protocole.
56
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 254-
255, 620-621, 623-624.
57
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ème éd. Sirey, 2005, p. 144 ; G. DE LEVAL,
Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, p. 15 ; R. PERROT, Institutions judiciaires,
Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 535, p. 432; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé,
Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 350, p. 217 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 69,
23

possibilité, commune à toutes les procédures, de transformer par un procès une situation
litigieuse ou plus largement une difficulté juridique58. La notion d’action en justice est
commune à tous les contentieux mais il existe autant de formes d’actions que de types de
litiges. C’est par l’action en justice que s’opère la demande en justice.

La doctrine classique posait quatre conditions d’existence de l’action en justice à


savoir : l’existence du droit, l’intérêt à agir, la qualité pour agir et la capacité. La condition de
l’existence du droit qui s’expliquait par la conception classique de l’action n’est plus requise :
l’existence du droit substantiel relève de l’examen du bien fondé de la demande et non de
l’existence de l’action59. De même, l’on relève volontiers qu’actuellement la capacité n’est
pas une condition de l’action, mais bien plutôt une condition de régularité de l’exercice de
celle-ci, donc une condition de régularité de l’instance. Dès lors, les deux conditions de
l’action en justice sont : l’intérêt à agir et la qualité pour agir60. En effet, si toute personne a
droit d’accès général au juge, toutes les demandes ne peuvent, pourtant, être présentées au
juge. Seules celles qui comportent une véritable présentation juridique peuvent être tranchées
par un juge. Il s’agit aussi de limiter l’encombrement des tribunaux en filtrant les affaires qui
répondent aux normes juridiques. Il convient d’examiner ces deux conditions.

a) L’intérêt à agir

C’est le but recherché, poursuivi par le justiciable. C’est donc l’avantage ou l’utilité de
la prétention à la supposer fondée61. « L’intérêt est la mesure des actions. Pas d’intérêt, pas
d’action » ou encore « pas d’action sans intérêt ». Cet adage se justifie par la nécessité
d’éviter les contestations inutiles, par le souci de ne pas encombrer les juridictions, et éviter
que le tribunal ne devienne le siège des questions théoriques ou pour délibérer sur des
questions purement académiques. La personne doit justifier que la saisine de la juridiction est
faite en vue d’obtenir un avantage62. Si l’exercice de l’action n’est pas susceptible de procurer
un avantage à celui qui l’exerce, il est normal que la demande soit déclarée irrecevable et
rejetée sans qu’il soit nécessaire d’en apprécier le bien fondé63.

p.43 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 149, p.153 ; J. HERON et Th. LE BARTS,
Droit judiciaire privé, Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 56, p.57.
58
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 284, p.284.
59
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 71, p. 45 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 350, p. 217.
60
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 71, p.45 ; G. COUCHEZ, Procédure civile,
Paris, éd. Sirey, 2006, n° 151, p. 155 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd.
Litec, 2006, n° 350, p. 217 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Montchrestien,
2006, n° 58, p.58.
61
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°73, p.46 ; E. JEULAND, Droit processuel,
Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 309, p. 279.
62
M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, Paris, éd. Gualino, 2005, n° 122, p. 104 ; S. GUINCHARD (sous
direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n° 101.10, p. 3.
63
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 351, p. 218 ; E.JEULAND,
Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 309, p. 279.
24

L’intérêt a trois caractères (conditions) :


• L’intérêt doit être moral ou pécuniaire (moral, lorsqu’il est fondé sur un dommage
subi dans son honneur et pécuniaire lorsqu’il est susceptible d’être évalué en
argent) ;
• L’intérêt doit être légitime (celui qui agit doit avoir un intérêt personnel et direct) :
Exemple : l’action en divorce appartient aux époux.
• L’intérêt doit être né et actuel (au moment même où la demande est formée et non
dans le futur).

b) La qualité pour agir

C’est le pouvoir en vertu duquel une personne exerce l’action en justice. C’est le titre
juridique en vertu duquel une personne demanderesse ou défenderesse peut figurer
valablement dans un procès en vertu duquel elle est investie du pouvoir de faire juger le litige
par le juge. En d’autres termes, c’est le titre juridique conférant le droit d’agir, c’est-à-dire le
droit de solliciter du juge qu’il examine le bien fondé d’une prétention64. La qualité à agir
désigne le titulaire de l’action. La personne qui agit et qui a un intérêt personnel, né et actuel a
qualité pour agir65. La notion de qualité à agir sert donc à restreindre ou à élargir le champ des
personnes pouvant agir en justice. Cette qualité est reconnue au titulaire du droit litigieux, à
ses héritiers légaux ou testamentaires et à son conseil (avocat ou défenseur judiciaire).

En dehors de ces deux conditions actuelles de l’existence de l’action en justice


(intérêt et qualité), d’autres éléments peuvent entrer en ligne de compte :

c) La capacité

C’est l’aptitude reconnue à un individu d’ester en justice (voir articles 219 et 215 du
Code de la famille) ; c’est la faculté de poser valablement un acte juridique. L’on relève que
la capacité n’est pas une condition de l’action en justice, mais bien une condition de régularité
de l’exercice de celle-ci, donc une condition de régularité de l’instance66.
Il existe la capacité de jouissance et d’exercice.
• La capacité de jouissance consiste dans la jouissance de tous ses droits reconnus par
la Constitution de chaque pays à ses citoyens. C’est donc l’aptitude à être titulaire du
droit d’action, qui appartient, en principe, à toute personne physique ou morale67.

64
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 362, p. 224 ; S.
GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
102.10, p.11 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°82, p.50.
65
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 316, p.284.
66
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 151, p. 155.
67
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
103.10, p.23 ; L. CADIET et E. JEULAND, op.cit., n° 350, p. 217.
25

Exemples : Le droit à la vie, au nom, égalité à tous, etc.


• La capacité d’exercice consiste à exercer effectivement le droit dont on jouit grâce à
sa capacité de jouissance68. Exemples : Les mineurs, les prodigues, les faibles
d’esprit et les associations dépourvues de la personnalité juridique n’ont pas de
capacité d’exercice. En effet, un incapable peut être titulaire du droit d’agir, mais il
n’aura pas la capacité d’exercer ce droit sans être assisté ou représenté par un tiers.
Il en est de même de la femme mariée dans une certaine mesure car les articles 448 et
450 du Code de la famille exigent qu’elle obtienne l’autorisation de son mari pour tous les
actes juridiques ainsi qu’ester en justice en matière civile.

d) L’objet

Il correspond à l’intérêt ; il s’agit de la prétention, de l’avantage recherché ; en clair ce


que veut le demandeur ou ce qu’il réclame en fait69. La prétention ne doit pas être contraire à
la loi ou aux bonnes mœurs « Nemo auditur propriam turpidement allegans » (personne ne
peut se prévaloir de sa propre turpitude).

e) Le délai pour agir

Période impartie pour introduire une action en justice faute de quoi l’action sera
frappée de forclusion ou de prescription. L’accomplissement de la forclusion ou de la
prescription mettent fin à l’existence du droit d’action en justice, et sont sanctionnées, en
conséquence, par l’irrecevabilité de l’action, autrement dit une fin de non recevoir70. De
même, par définition, le déroulement du procès s’inscrit dans la durée. D’ailleurs les délais
sont nécessaires au bon déroulement des procédures et contribuent donc au procès équitable
dès lors qu’ils assurent la sécurité juridique, le respect du principe de la contradiction et du
délai raisonnable71.

Une action introduite en justice en violation de ces conditions sera déclarée


irrecevable pour vice de forme.

Il convient de préciser même si nous avons cité la capacité, l’objet et le délai pour agir
comme moyen d’exercice de l’action en justice, mais presque toute la doctrine moderne72 ne
retient que deux conditions pour une action en justice, à savoir l’intérêt et la qualité.

68
L. CADIET et E. JEULAND, op.cit., n° 436, p. 272.
69
D. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 18, p. 35.
70
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
104.05, p. 28.
71
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 527, pp. 337-338.
72
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 6, p. 17 ; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4ème éd. Litec, 2006, n° 350, pp. 217-218.
26

Toutefois, la doctrine moderne la plus autorisée73 est d’avis que pour engager un procès, l’on
doit d’abord vérifier l’intérêt à agir, la qualité pour agir, la capacité d’ester en justice ainsi que
les délais pour agir.

L’exercice de l’action en justice varie suivant chaque contentieux. Devant les


juridictions de l’ordre judiciaire, au contentieux privé (matière civile, commerciale et du
travail), le procès commence par « une assignation » parce que le demandeur assigne, c’est-à-
dire « fait signe » à son adversaire d’avoir à comparaître devant le tribunal. Au contentieux
pénal (matière pénale ou répressive), l’action publique est généralement exercée par le
ministère public au nom de la collectivité dont l’ordre public a été troublé par la commission
d’une infraction. Celle-ci peut être aussi la cause d’un dommage subi personnellement par la
victime (exemple : celui qui a subi le vol ou le fils de la personne assassinée, etc.) qui dispose
d’une action appelée « l’action civile » parce que son seul but est de permettre à la victime,
sur le plan de ses intérêts particuliers, d’obtenir réparation du dommage qu’elle subi.

Devant les juridictions de l’ordre administratif, au contentieux administratif, la


saisine d’une juridiction se fait généralement au moyen d’une « requête », c’est-à-dire d’un
acte émanant du demandeur que l’on appelle « le requérant », et qui est déposée ou envoyée
directement au greffe de la juridiction compétente. Le même mécanisme est prévu au
contentieux constitutionnel c’est-à-dire devant la Cour constitutionnelle.

Après avoir survolé le contour de cet ouvrage, il convient d’aborder l’organisation


judiciaire (Ière partie), la compétence judiciaire (IIème partie) ainsi que l’organisation et la
compétence des juridictions internationales (IIIème partie).

73
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
10.00-104.62, pp. 2-34.
27

1ère PARTIE

L’ORGANISATION JUDICIAIRE

Nous retiendrons ici les caractères généraux de l’organisation judiciaire, d’une part, et
les caractères techniques de l’organisation judiciaire, d’autre part.

Chapitre I : LES CARACTÈRES GENERAUX DE L’ORGANISATION


JUDICIAIRE

Ces caractères se traduisent par l’indépendance de la justice ; l’impartialité de la


justice, l’égalité devant la justice, la gratuité de la justice, le monopole des fonctions
judiciaires, la continuité et la permanence des juridictions ainsi que le jury.

Section 1 : L’indépendance de la justice 74

Elle remonte à l’idée chère de Montesquieu dans son œuvre « L’esprit des lois » qui,
dans le but de prévenir le retour des abus de l’ancien régime, a inspiré l’organisation des
pouvoirs au sein des Etats actuels en instituant le principe de séparation des pouvoirs : « Tout
homme qui a le pouvoir est censé en abuser, pour qu’on ne puisse pas en abuser du pouvoir,
il faut que par les dispositions des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Il s’agit là du
principe de séparation des pouvoirs qui est ainsi posé. Ces pouvoirs sont : le pouvoir exécutif,
le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. D’après cette théorie, il n’existe pas de liberté si
et si le pouvoir judiciaire n’est pas séparé de l’exécutif, sinon il serait oppresseur, instrument
de l’exécutif et si le pouvoir judiciaire n’est pas séparé du pouvoir législatif sinon, il serait
arbitraire. Le principe de séparation des pouvoirs est une autre manière d’exprimer
l’indépendance des juges vis-à-vis des autres pouvoirs75.

L’indépendance de la justice a été affirmée par l’article 16 de la Déclaration des Droits


de l’Homme et du Citoyen de 1789 (période de la Révolution française) et l’article 10 de la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des
Nations Unies le 10 décembre 1948 et par l’article 26 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples.

L’indépendance du juge (corolaire au principe de séparation des pouvoirs) est la clef


de voûte d’une véritable démocratie, de l’Etat de droit et de l’administration de la justice. Elle

74
Voyez T. KAVUNDJA N MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I, L’indépendance du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, U.C.L., juin 2005, pp. 11-256.
75
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 199, p. 198.
28

peut se définir comme étant la situation du juge auquel son statut (dispositions
constitutionnelles et légales) assure la possibilité de prendre ses décisions à l’abri de toutes les
influences, instructions et pressions76. Elle s’exprime généralement par rapport aux pressions
que peut subir le juge de la part d’autres pouvoirs comme l’exécutif, le législatif, mais aussi
d’autres pouvoirs de fait (partis politiques, groupes de pression, opinion publique, médias,
etc.). Dans ce contexte, est indépendant, le juge qui ne subit pas de pressions. Dans la
pratique, l’atteinte à l’indépendance du juge est l’œuvre surtout des pouvoirs exécutif et
législatif. C’est pourquoi, nous n’examinerons que l’indépendance du pouvoir judiciaire à
l’égard des pouvoirs exécutif (§1) et législatif (§2).

§ 1. L’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif

a) Principe

Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif en ce sens que la


magistrature doit être dans l’exercice de ses fonctions libre de toute immixtion, injonction,
ingérence, pression provenant du pouvoir exécutif (Gouvernement, Présidence de la
République). Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa
juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à
l’exécution d’une décision de justice (article 151 alinéa 1 de la Constitution congolaise du 18
février 2006).

Il est interdit au pouvoir exécutif de juger, de dire le droit, de même il est interdit au
pouvoir judiciaire d’empiéter sur les matières réservées au pouvoir exécutif tel est le cas de
prendre des arrêtés, des ordonnances, des décrets, pouvoir reconnu à l’exécutif.

L’indépendance du juge à l’égard du pouvoir exécutif signifie que la désignation du


juge ne doit pas être laissée à la discrétion du pouvoir exécutif77. Ainsi, un tribunal manque
d’indépendance lorsqu’il existe des liens structurels étroits entre le pouvoir exécutif et
certains de ses membres78.

Aussi, le Comité des Droits de l’homme de l’ONU a considéré que l’indépendance du


tribunal est un élément essentiel de garantie de bonne justice et qu’il repose sur une séparation
des pouvoirs. Il a par conséquent jugé qu’une situation dans laquelle les fonctions et les
attributions du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif ne peuvent être clairement
distinguées ou dans lesquelles le second est en mesure de contrôler ou de diriger le premier
est incompatible avec le principe d’un tribunal indépendant79.

76
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd., Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, p. 37.
77
CEDH, 22 octobre 1984, Srameck, contre Autriche, Série A, n° 84 ; CEDH 5 décembre 2002, Dalkilic contre
Turquie, § 25 (rendu à l’unanimité).
78
CEDH, 10 mai 2001, Chypre contre Turquie, § 358 ; CEDH, 25 septembre 2001, Yalgin contre Turquie, §46.
79
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, décision 20 octobre 1993, Angel N. Olo Bohamande contre Guinée
équatoriale, Affaire n° 468/1991, A/49/40, p. 84, §435 ; Voyez aussi P. TAVERNIER, « Le droit où un procès
équitable dans la jurisprudence du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies », in R.T.D.H., 1996,
29

Tel est le cas du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux qui adresse à tous les chefs
de juridictions et offices, en les enjoignant qu’en matière d’évaluation des dommages et
intérêts consécutifs à la rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée, les
juridictions devraient se référer « à la jurisprudence constante de la Cour d’Appel de
Kinshasa Gombe qui a fixé la hauteur des dommages et intérêts à 36 mois de la dernière
rémunération du travailleur » 80.

Aussi, la Cour suprême de justice congolaise dit avec raison « viole les dispositions
constitutionnelles sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance du pouvoir judiciaire et
encoure annulation pour excès de pouvoir, la décision par laquelle, s’érigeant en censeur
d’un arrêt RTA 2937/2946 rendu par une Cour d’Appel et le critiquant comme ayant mal
apprécié les faits de la cause, le Ministre de la Justice qui ordonne la surséance à l’exécution
de cet arrêt, alors qu’aucun texte législatif ne prévoit pareille intervention »81.

De même, la Cour Suprême de Justice congolaise a affirmé justement que « constitue


non seulement (…) la violation (…) de l’indépendance du magistrat dans l’exercice de sa
mission juridictionnelle et le principe de séparation des pouvoirs (…), le fait pour un Vice-
Ministre de la Justice, membre du pouvoir exécutif, d’ordonner la surséance à l’exécution
d’une décision judiciaire en l’espèce l’arrêt RCA 16771 du 5 mai 1991 de la Cour d’Appel de
Kinshasa/Gombe jusqu’après l’examen par l’inspectorat général des services judiciaires de
la requête d’une partie condamnée, étant donné que pareille intrusion vide cette
indépendance de son contenu, une décision judiciaire étant l’aboutissement de l’activité
juridictionnelle, et ne trouve sa base dans aucune disposition constitutionnelle ou légale »82.

Tel est le cas aussi de l’immixtion d’un gouverneur de province dans les actes de
justice par la tenue à l’intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d’une
causerie morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et
ceux de la Cour d’Appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de
statuer sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont déjà
posé des actes établissant que l’indépendance et l’impartialité de ceux de la Cour d’Appel
suspectée ne sont plus assurées83.

Par ailleurs, il est étonnant que le Ministre de la Justice donne parfois injonction à la
plus haute juridiction sur la manière de rendre les décisions judiciaires. Ainsi, dans une lettre
adressée au premier président de la Cour Suprême de Justice et au Procureur général de la
République, le Ministre de la Justice écrit : « (…) Je me vois contraint de vous donner

p. 13.
80
Circulaire n° 004/GAB/NIN/RIJ et GS/95 du 27 mai 1995.
81
C.S.J., 1er décembre 1997, Affaire Kato Kale contre République Démocratique du Congo, Arrêt RA 325, in
Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. 3, 3ème année, fascicule I, janvier à juin 1998, pp. 9-10.
82
C.S.J., 1er décembre 1997, Kato Kale contre République Démocratique du Congo, 1er décembre 1997, in Revue
analytique de jurisprudence du Congo, Vol. 3, fascicule I, janvier à juin 1998, pp. 10-12.
83
C.S.J., 16 mars 1990, Affaire BA et CA contre Cour d’Appel de Lubumbashi, in Revue juridique du Zaïre, n°
1-2, janvier à décembre 1992, pp. 46-47.
30

l’injonction de rendre vos décisions pour tous les pourvois qui ont été introduits jusqu’au 31
décembre 1996 au plus tard le 30 août 1997. A l’avenir je vous invite à ne plus dépasser un
délai qui ne pourra excéder quatre mois après la production des parties. Mon injonction ne
doit pas vous amener à rendre des avis ou des décisions contraires à la loi en excipant du
délai court. Je prendrai mon temps pour les examiner tous s’il le faut »84. Plus tard, en ce qui
concerne les délits de presse, le Ministre de la Justice ajoute : « les juges saisis de tels faits
prononcent souvent des peines fantaisistes et le plus souvent avec sursis permettant ainsi aux
infracteurs de ne pas s’amender et de tomber dans la récidive ». Ainsi, a-t-il donné des
instructions aux chefs de juridictions et offices de « répertorier toutes les plaintes y relatives
et rapport à me faire ; poursuivre pénalement tous les journalistes coupables de diffamation,
imputations, dénonciations calomnieuses, injures publiques ; appliquer en cette matière des
peines exemplaires en vue de décourager les éventuels criminels et diminuer ainsi le chiffre
noir de tels crimes »85.

En principe de telles atteintes à l’indépendance du juge sont fréquentes dans les


régimes autoritaires ou militaires ; elles sont rares dans les régimes démocratiques. Avec la
démocratie qui est lancée en République Démocratique du Congo, elles seront, espérons-le,
rares. Tel est l’esprit de l’article 151 de la Constitution (approuvée par référendum du 18
décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006) qui déclare : « Le pouvoir exécutif ne peut
donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni
entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice ».

b) Limites (exceptions)

Il existe une collaboration entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. C’est ainsi
que l’on peut relever sur la forme, la nomination et la promotion des magistrats par le pouvoir
exécutif (Président de la République, article 82 de la Constitution), Ministre de la Justice
selon les circonstances, sur proposition du Conseil Supérieur de la magistrature ainsi que la
présence des officiers du ministère public « agents du pouvoir exécutif » ??? auprès des
juridictions de droit commun et d’exception.

De même, les jugements et arrêts sont exécutés au nom du Président de la République


(article 149 de la Constitution) sans oublier le pouvoir de grâce, de commuer les peines
reconnues au Président de la République en tant qu’incarnation et garant de la nation (article
87 de la Constitution). Enfin, le Gouvernement peut, sans avoir à interférer de quelque
manière que ce soit dans le cours de l’instruction, saisir le Procureur général près la Cour de
cassation des faits qui relèvent de sa compétence, afin de mettre l’action publique en
mouvement86.

84
Lettre 0147/CAB.MIN/RIJ et GS/97 du 23 juillet1997, in Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol.
II, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 69/70.
85
Circulaire n° 002 CAB/MIN/RIJ et GS/98 relative à la répression des diffamations, imputations
dommageables, injures publiques commises par les journalistes à l’endroit des paisibles citoyens.
86
Article 15 alinéa 2 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats, Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p.6.
31

L’indépendance du pouvoir judiciaire est en droit congolais une règle clairement et,
formellement posée et organisée par la législation. Mais la pratique sur le terrain semble
difficile à suivre.

Nous espérons que la nouvelle Constitution adoptée par le peuple congolais lors du
référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 ainsi que la loi organique
du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats seront suivies par d’autres textes qui rendront
effective l’indépendance du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.

c) Propositions pour une réforme

- Prévoir pour toute nomination ou affectation ou promotion des magistrats l’avis conforme
du Conseil Supérieur de la Magistrature (cet avis doit lier l’organe de nomination).
- Supprimer la pratique de visa d’exécution des décisions judiciaires.
- Abolir expressément le pouvoir que s’octroie sans texte légal le ministre de la justice de
suspendre l’exécution de certaines décisions judiciaires.
- Fixer le traitement du magistrat par la loi (sur proposition conforme du Conseil supérieur
de la magistrature) qui devrait être au minimum pour le magistrat le moins gradé (comme
le juge de paix) de 1.500 $US par mois étant donné que les principes des Nations Unies
pour l’indépendance de la magistrature ainsi que le statut universel du juge soutiennent
que le magistrat doit avoir une rémunération suffisante afin d’assurer son indépendance
économique. Le traitement du premier président de la Cour de cassation et du procureur
général près cette Cour devrait être comparable à tout le moins à celui du président de
l’Assemblée Nationale. Pour les autres magistrats de la Cour de cassation, du Conseil
d’Etat et de la Cour constitutionnelle, ils devraient avoir les mêmes traitements et
avantages reconnus aux ministres.
- Prévoir le recours en matière disciplinaire au niveau du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
- Abroger toutes les dispositions qui prévoient un droit de regard sur les magistrats de la
part des autorités administratives et territoriales.

§2. L’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir législatif

a) Principe

Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif en ce sens qu’il est


traditionnellement reconnu au pouvoir judiciaire la mission de dire le droit (juger) et alors que
le pouvoir législatif a la mission de légiférer (élaborer, voter des lois).

Il n’est pas admissible que le pouvoir judiciaire élabore des lois, ou au pouvoir
législatif de modifier les décisions du juge et ou s’opposer à leur exécution. En République
Démocratique du Congo, les articles 149 et suivants de la Constitution proclament que le
32

pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le magistrat


n’est soumis, dans l’exercice de ses fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Il est indépendant dans
sa mission de dire le droit. De même, le pouvoir législatif ne peut statuer sur les différends
juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s’opposer à son exécution (article 151
de la Constitution congolaise du 18 février 2006).

Pour le pouvoir judiciaire, le principe d’indépendance entraîne notamment la


prohibition pour le juge d’empiéter sur la compétence législative en rendant par exemple des
décisions à caractère général ou réglementaire ; cette interdiction signifie que le juge
n’applique que la loi (article 150, alinéa 2 de la Constitution).

Cette indépendance se rapporte à l’idée selon laquelle la justice ne peut être qualifiée
telle, dans un Etat démocratique, que si elle est rendue d’une manière indépendance par ceux
qui sont investis de la charge de la rendre87.

b) Limites (exceptions)

L’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir législatif n’est pas absolue


car le pouvoir judiciaire intervient parfois pour contrôler ou interpréter la constitutionnalité
des lois. Ainsi, l’article 160 de la Constitution approuvée par référendum du 18 décembre
2005 et promulguée le 18 février 2006 dit que la Cour constitutionnelle pourra contrôler la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. De même, l’article 160 du Code
d’OCJ reconnaît à la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies, la compétence des
recours en appréciation de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de lois ainsi
que le recours en interprétation de la Constitution.

Enfin, le pouvoir législatif intervient parfois dans le pouvoir judiciaire tantôt par des
commissions d’enquête parlementaires ou par des lois intervenant dans le fonctionnement de
la justice telles que notamment les lois d’amnistie, les lois interprétatives et les lois de
validation. Mais dans la plupart des cas, ces lois portent atteinte à l’indépendance du juge
lorsqu’elles sont élaborées dans le but de « forcer la main » du juge88. Dans tous les cas,
l’article 151, alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que toute loi dont l’objectif
est manifestement de fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet.

c) Propositions pour une réforme

- Eviter de créer une commission d’enquête parlementaire pour les faits qui sont instruits
devant les instances judiciaires, et n’envisager la création d’une telle commission que dans
des cas très limités, notamment lorsque les tribunaux ont vidé leur saisine sur ces faits.

87
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 47.
88
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en Droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
juin 2005, p. 159-219.
33

- Eviter de communiquer un dossier judiciaire en cours d’instruction à la Commission


d’enquête parlementaire.
- Eviter dans la mesure du possible de créer les lois de validation sauf pour le motif
d’intérêt général. Les lois de validation désignent l’intervention du législateur en forme de
lois destinées, à titre rétroactif ou préventif, à valider de manière expresse, indirecte ou
même implicite un acte administratif annulé ou susceptible de l’être89. L’intérêt général
s’explique par le bon fonctionnement ou la continuité du service public où l’intérêt de
l’Etat est en jeu90.

91
Section 2 : L’impartialité du juge

§1. Fondement biblique et juridique

L’impartialité constitue à l’instar de l’indépendance du juge le fondement de toute


justice sur laquelle repose les fondations de l’Etat de droit. Elle constitue donc le rempart
contre l’éventuel arbitraire du juge. Son importance dans la fonction de juger est
fondamentale, et c’est pourquoi l’impartialité est recommandée par la Bible ainsi que les
différents textes internationaux.

S’agissant de la Bible, elle montre la nécessité d’un juge impartial. En effet,


Deutéronome 1, 16-17 dit : « Ecoutez avec une attention égale les causes de vos compatriotes
et jugez avec équité les différends de chacun dans ses rapports avec son compatriote ou avec
un étranger. Soyez impartiaux dans vos décisions, écoutez le petit comme le grand et ne vous
laissez pas intimider par qui que ce soit, car la justice relève de Dieu ».

Dans Deutéronome 16, 19, nous pouvons lire : « vous ne fausserez pas le cours de la
justice, vous ne ferez pas preuve de partialité envers les personnes et vous ne vous laisserez
pas corrompre par des cadeaux, car ceux-ci aveuglent même les sages et compromettent la
cause des innocents ».

Proverbe 24, 23 nous enseigne : « voici encore les proverbes émanant des sages : la
partialité en justice est une mauvaise chose ». Lévitique 19, 15 dit : « vous ne commettrez pas

89
Vocabulaire juridique (sous direction de G CORN), Paris, PUF, V° Validation.
90
CEDH, 23 octobre 1997, National et provincial Building society et alii c/ Royaume Uni, in R.G.D.P., 1998,
241, obs. Flauss ; RFDA, 1998, p.990, note L. Sermet ; CEDH, 28 octobre 1998, Zielinski, Prodel et autres
contre France, Unanimité, AJDA, 2000, 533 ; RTD civ., 2000, R.T.D.H., 2000, 787, obs. E. Mella.
91
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en Droit, Faculté de
Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 257-631 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure
pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, 796 pages ; D. ROETS, L’impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas,
1997, 494 pages, ; S. JOSSERAND, L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, 651
pages ; C. TOURNIER, « De l’impartialité objective et subjective », in Revue de la recherche juridique Droit
prospectif, 2005-1, pp. 233-247 ; J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du
juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, 336 pages.
34

d’injustice dans les jugements. Tu n’avantageras pas le pauvre et tu ne favoriseras pas le


grand ; tu jugeras ton prochain selon la justice »92.

Exode 23, versets 3, 6 et 8 disent : «Ne favorise pas un pauvre dans un procès(…).Ne
fausse pas le cours de la justice aux dépens du pauvre dans un procès(…).Tu n’accepteras
lepot-de-vin, car les présents aveuglent même des hommes lucides et compromettent la cause
des justes ».

S’agissant des textes internationaux, ils soulignent aussi la nécessité du juge impartial.
En effet, l’art. 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de l’ONU dit que toute
personne a droit, en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial93.

Les principes des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature94 aux


points 2 et 8 recommandent que les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis
impartialement. Et d’ailleurs, l’exigence d’impartialité a été confirmée par la jurisprudence du
Comité de l’ONU pour l’élimination raciale en ce qui concerne l’article 5a) de la Convention
internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale95.

Les articles 1, 5 et 7 du Statut Universel du juge96 ont mis l’accent sur la nécessité de
l’impartialité du juge. Son article 5 affirme : « Le juge doit être et apparaître impartial dans
l’exercice de son activité juridictionnelle. Il doit accomplir sa tâche avec modération et
dignité au regard de sa fonction et de toute personne concernée ». Cette formule a été reprise
par l’article 3 du Statut du juge en Europe97.

Aussi, les points 1.1 et 4.2 de la Charte européenne sur le statut des juges tendent à
assurer l’impartialité que toute personne attend légitimement des juridictions et chacun des
juges auxquels est confiée la protection de ses droits98.

La recommandation R(94)12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux


Etats Membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges dudit Conseil99 aux points 2
et 3 a montré la nécessité d’un juge impartial.

Enfin, l’article 6, §1er de la Convention Européenne des Droits de l’homme, l’article


14, §1 al. 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et l’article 7, 1°, d,

92
Bible version du Semeur 2000 ; D’autres versets vont dans le même sens ; Exode 23, 3 à 8 ; Esaïe 33, 15.
93
Préambules des Constitutions sénégalaise, ivoirienne, béninoise et congolaise (Constitution approuvée par
référendum du 18/12/2005 et promulguée le 18 février 2006).
94
Adoptés par le cinquième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et traitement des délinquants,
Milan 26 août au 6 septembre 1985 et confirmés par l’Assemblée Générale dans ses résolutions 40/32 du 29
novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985.
95
Communication n° 3/1991, 24 mars 1994, Narrainen contre Norvège, CERD/C/44/D/3/1991, §1-10.
96
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1989.
97
Approuvé par l’Association Européenne des Magistrats en 1992 et amendé le 20 avril 1996 au cours de
réunion de Bratislava.
98
Réunion multilatérale sur le statut des juges en Europe, organisée par le Conseil de l’Europe les 8-10
juillet1998.
99
Adopté par le Comité des Ministres le 13 octobre 1994 lors de la 518ème réunion des délégués des ministres.
35

de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, font de l’impartialité une
obligation des Etats membres.

Ces versets bibliques et textes internationaux ainsi relevés montrent à suffisance que
l’impartialité est la clef du procès équitable. Dès lors, il convient de la définir, préciser ses
sortes et montrer sa différence avec l’indépendance du juge ainsi que l’importance de
l’indépendance et l’impartialité du juge.

§2. Définition et sortes de l’impartialité

a) Définition de l’impartialité

Il existe plusieurs définitions de l’impartialité100. Nous n’allons pas nous lancer dans
une controverse doctrinale, et nous avons retenu une définition qui nous semble claire et
pratique.

L’impartialité est un état d’esprit de celui qui est guidé par le souci de la justice en se
référant au droit ; elle implique que le juge soit sans opinion préconçue, sans parti pris, sans
préjugés et sans préjugement101. L’opinion préconçue du juge veut dire que celui-ci s’est
exprimé avant jugement en dévoilant sa conviction personnelle sur une affaire qu’il doit juger
ou montrant son opinion négative ou positive sur l’une des parties au procès. Le parti pris
exprime que le juge est favorable à l’égard de l’une des parties ; d’où il a un parti pris. Le
préjugé consiste en toute opinion préconçue par le juge sur la base de certaines orientations
qui imprègnent tout son être et dépendent le plus souvent de ses valeurs, de l’influence de son
milieu social ou intellectuel, de son époque, de son éducation, de sa culture, de ses
convictions religieuses ou philosophiques, de ses conceptions politiques, de son expérience,
de ses sentiments ou encore de ses émotions, indépendamment des éléments concrets et
objectifs de l’affaire qu’il est appelé à juger.

Le préjugé tout comme le parti pris est donc attaché à la personne du juge et ne dépend
pas d’une intervention précédente. Le préjugement quant à lui est relatif à la formation d’une
opinion anticipée sur l’issue d’une procédure. Il signifie concrètement que le juge a soit

100
S. JOSSERAND, L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, éd. L.G.D.J., 1998, n° 5, p. 590 ; D.
ROETS, Impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, n° 9, p. 18 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en
procédure pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, pp. 21-23 ; M.A. FRISON-ROCHE, « L’impartialité du
juge », in Dalloz, chroniques, 1999, n° 6, 11 février 1999, p. 54 ; J. PRADEL, « La notion européenne de
tribunal indépendant et impartial selon le droit français », in Rev. Sc. Crim., n° 4, octobre-décembre 1990, p.
693 ; F. MATCHER, « La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’homme », in
Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 35 et 36 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd.
Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, p. 37 ; J.P. GRIDEL, « L’impartialité du juge
dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation » , in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure
en tous ses états, Paris, éd. Montchestien, 2004, p.243.
101
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 262-263.
36

tranché provisoirement une affaire où il est intervenu dans la connaissance d’une affaire, et
cette intervention montre que ledit juge a une conviction profonde qu’il pourra certainement
prendre lorsqu’il jugera une affaire donnée. D’où le mot préjugement étant donné qu’il risque
de confirmer son « jugement » antérieur.

b) Sortes de l’impartialité

On distingue deux sortes de l’impartialité : l’impartialité subjective ou personnelle et


l’impartialité subjective ou fonctionnelle ou organique.

L’impartialité subjective ou personnelle s’attache à la personne du juge, autrement dit


l’on vise ici à protéger les justiciables contre les convictions personnelles du juge. Elle
cherche à déterminer ce que le juge pensait dans son for intérieur, son attitude, sa conduite,
son comportement.

Il s’agit de vérifier que le juge n’a manifesté aucun parti pris, aucun préjugé personnel,
aucune opinion préconçue, aucune amitié, inimitié ou malveillance quelconque, qu’il n’a
exercé aucune influence injuste sur l’issue de la procédure ou n’a fait montre de faveur ou de
défaveur à l’égard d’une partie102. Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU a considéré à
juste titre que « l’impartialité du tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées préconçues
au sujet de l’affaire dont ils sont saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à favoriser les
intérêts de l’une des parties »103.

L’impartialité objective ou fonctionnelle ou organique est celle qui s’apprécie en


tenant compte des fonctions antérieures exercées par le juge. Elle consiste à se demander si
les fonctions antérieures exercées dans une affaire et les actes antérieurs posés par le juge ne
l’ont pas amené à montrer la conviction qu’il pourrait prendre dans une autre affaire. Comme
son nom l’indique, cette impartialité est liée à la fonction du juge, d’où impartialité
fonctionnelle.

102
CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou contre Chypre, unanimité, §32 ; CEDH, 17 juin 2003,
Pescador Valero contre Espagne, §23 ; CEDH, 10 octobre 2000, Daktaras contre Lituanie, unanimité, §30 ;
CEDH, 6 mai 2003, Kleyn contre Pays-Bas, § 195 ; CEDH, 15 novembre 2001, Papon contre France,
unanimité, n° 54210, §6 ; CEDH, 26 octobre 1984, De Cubber contre Belgique, unanimité, §24 ; CEDH, 1er
octobre 1982, Piersack contre Belgique, unanimité, § 30 ; CEDH, 22 février 1996, Bulut contre Autriche, §32 ;
CEDH, 15 novembre 2001, Werner contre Pologne, unanimité, §39 ; CEDH 28 octobre 1998, Castillo Algar
contre Espagne, unanimité, §43 ; CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt contre Danemark, §46 ; CEDH, 6 juin 2000,
Morel contre France, unanimité, §42 ; CEDH, 22 avril 1994, Saraiva de Carvalho contre Portugal, unanimité,
§35 ; CEDH, 5 septembre 2002, Strivay et Simon contre Belgique, n° 44559 ; CEDH, 25 juillet 2000, Tierce et
crts contre Saint-Martin, unanimité, §76 ; CEDH, 24 février 1993, Fey contre Autriche, §30 ; CEDH, 25
septembre 2001, Yalgin et crsts contre Turquie ; CEDH, 7 août 1996, Ferrantelli et Santagelo contre Italie,
§56 ; CEDH, 10 juin 1996, Thoman contre Suisse, unanimité, §30 ; CEDH, 16 décembre 2003, Cooper contre
Royaume Uni, unanimité, §104 ; Voyez T. KAVUNDJA, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en
droit, U.C.L. Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 270-331 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure
pénale, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 47-48.
103
Décision du 23 octobre 1992, Arvo Karttunen c/ Finlande, Affaire n° 387/ 1989, A/ 48/ 40, Partie I, p. 201 et
Partie II, P. 134.
37

L’impartialité objective ou fonctionnelle ou organique renvoie en général aux règles


d’organisation judiciaire et d’administration de la justice appelées à offrir des garanties
susceptibles d’exclure tout doute légitime de partialité. Elle suppose la prise en considération
des diverses interventions d’un juge dans le cadre d’une même cause. L’exercice de plusieurs
fonctions judiciaires dans les circonstances concrètes où le juge les a remplies, peut constituer
un préjugement pouvant conduire au défaut d’impartialité. En d’autres termes, l’exercice de
plusieurs fonctions judiciaires dans une même affaire peut entraîner la partialité étant donné
que le juge est censé avoir montré son préjugement, donc sa conviction profonde qu’il
pourrait prendre dans une affaire104.

§3. Différence entre indépendance et impartialité

L’indépendance et l’impartialité sont deux éléments essentiels du procès équitables105


et ces deux notions sont très proches, associées et mêlées106, elles sont cependant différentes.

En effet, l’indépendance s’exprime généralement par rapport aux pressions que peut
subir le juge de la part d’autres pouvoirs comme l’exécutif, le législatif, mais aussi d’autres
pouvoirs de fait (partis politiques, groupes de pression, opinion publique, médias, etc.). Elle
relève donc d’un statut plus ou moins protecteur.

L’impartialité quant elle se perçoit comme une sorte d’indépendance par rapport à soi-
même c’est-à-dire une attitude qu’un juge peut avoir dans un processus juridictionnel. Elle est
donc liée à l’organisation et au fonctionnement interne des juridictions, aux qualités
personnelles du juge ; c’est donc une vertu.

Même si ces deux notions se distinguent, elles sont cependant très complémentaires ;
l’on ne peut revendiquer l’une et négliger l’autre. L’indépendance constitue le fondement, la
racine même de l’impartialité du juge et légitimise seule la force obligatoire des décisions
judiciaires, une fois les délais et voies de recours épuisés, et l’impartialité constitue le verrou
du procès équitable. Nous pouvons aussi dire que l’indépendance est la sauvegarde et le
bouclier de l’impartialité. L’indépendance constitue, par conséquent, la condition sine qua
non de l’impartialité du juge en ce sens qu’un juge qui manque d’indépendance ne peut guère
être considéré comme impartial en raison de ses relations avec l’une des parties ou l’activité

104
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit composé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
25 juin 2005, pp. 332-622 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2005,
pp. 251-666.
105
S. GUINCHAARD et alii, Droit processuel.. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, 3ème éd.
Dalloz, 2005, n° 340, pp. 613 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de
droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3.
106
Le Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg et le Comité des Droits de l’homme de l’ONU les
utilisent souvent ensemble.
38

antérieure dans un processus juridictionnel mais à l’inverse, un juge indépendant de tout


pouvoir peut devenir partial dans un dossier particulier107.

§4. Importance et intérêt de l’indépendance et de l’impartialité du juge108

L’indépendance et l’impartialité du juge constituent une garantie essentielle voire le


socle du procès équitable109 et sont autant de conditions préalables nécessaires pour protéger
les droits de l’homme et garantir l’absence de discrimination de la justice110. De surcroît, dans
le procès pénal, l’indépendance et l’impartialité du juge sont également des gages du respect
de la présomption d’innocence111. L’exigence d’indépendance et d’impartialité est donc
universelle car elle est dans tous les Etats, ce qui consacre la raison d’être et la légitimité de la
fonction judiciaire.

Dans l’élaboration de sa propre jurisprudence, le Comité des Droits de l’Homme de


l’ONU en se référant à l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques, a déclaré que « le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial est un
droit absolu qui ne souffre aucune exception »112. L’indépendance et l’impartialité sont donc
des conditions nécessaires à l’existence d’une société libre, vivant sous un régime de légalité
fondé sur le principe de la primauté du droit. Elles constituent enfin le fondement même non
seulement des dispositions constitutionnelles qui règlent l’existence du pouvoir judiciaire
mais de tout Etat Démocratique113.

Le fondement de la reconnaissance du droit à l’indépendance et à l’impartialité n’est –


elle pas que ces droits relèvent de l’essence – même de la fonction juridictionnelle ? Le juge,
en effet, a pour fonction de trancher le litige, de dire qui a tort et qui a raison dans le conflit
qui oppose les protagonistes de ce litige. Et ceci en considérant des faits de l’espèce et par
application de la règle de droit que ces faits mettent en cause. Les seules considérations qui
doivent le guider sont la recherche de la vérité des faits, de la solution que commande la règle
de droit, le tout, en fonction de ce qui est débattu devant lui, et sur les faits, et sur le droit.

107
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, p. 2.
108
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, op. Cit, pp. 4 - 7
109
Ibidem ; J. VAN COMPERNOLE, « L’indépendance et l’impartialité du juge », in P. LEMMENS et M.
STORME, confiance dans la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 17 ; J. VAN COMPERNOLLE, « crise
du juge et contentieux judiciaire civil en droit belge », in J. LENOBLE, la crise du juge, Paris, éd. LGDJ,
1990, p. 29 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et loyauté procédurale : une double exigence
du procès équitable », in Revue du Droit Public et des Sciences Administratives, 1/2006, pp. 33-37 ; S .
GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3 ; E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.G., 2007, n°
162, p. 173.
110
Résolution 1993 / 44 du 5 mars 1993 de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU.
111
R. KOERING – JOULIN, « Le juge impartial », justices, 10 / 1998, p.1.
112
Communication n° 263 / 1987, Affaire Miguel Gonzalez del Rio c/ Perou, décision du 28 octobre 1992, A /
48/ 40, Partie I, p. 200 et Partie II, p. 20 ; CCPR / C / 46 / D. / 263 / 1987, § 5. 2.
113
Cass. Belge (2è ch.), 11 décembre 1996, 14 octobre 1996, JLMB, 1997, p. 175, note M. Uyttendaele et R.
witmeur, pp. 117 – 201, Rev. Dr. Pén. et crim., 1997, p. 470, note A. Jacobs, pp. 472 à 491.
39

Ni les pressions exercées (en rapport avec son indépendance), ni les préjugés dont il
peut être porteur ou les « préjugements » qu’il a pu formuler déjà (en rapport avec son
impartialité), ne doivent avoir de place dans la formulation de son jugement. La garantie doit
être donnée au justiciable que le juge a l’esprit totalement libre dans l’exercice de sa fonction.
Indépendance, impartialité, principe de la contradiction sont en définitive, les trois piliers de
l’activité juridictionnelle car lorsque ces principes font défaut pour un tribunal, il n’existe
qu’un simulacre de justice114.

La bonne compréhension et le respect des principes de l’indépendance et impartialité du


juge font partie des fondements de tout Etat démocratique aussi bien dans les pays développés
que dans ceux en voie de développement. Aussi, le tribunal dont le manque d’indépendance et
d’impartialité a été établi ne peut, en principe, garantir un procès équitable aux personnes
soumises à sa juridiction115. Il ne fait aucun doute que l’application de ce principe peut
apporter une contribution précieuse au développement national et à la consolidation de l’Etat
de droit surtout dans les pays en phase de démocratisation comme la République
Démocratique du Congo.

Section 3 : L’égalité devant la justice

§1. Principe

Ce principe a été énoncé pour la première fois dans la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen élaborée en 1789, confirmée par la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme de 1948 (article 1er), ensuite par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples (article 3) ; enfin par la Constitution congolaise qui déclare que « tous les
Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois » (article 12).
Aussi, l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques confirme ce
principe.

L’article 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dispose : « Tous sont


égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit
à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente déclaration et
contre toute provocation à une telle discrimination ». L’article 1er de cette même Déclaration
précise : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits… ».

114
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 174.
115
CEDH, 4 décembre 2003, Duran c/ Turquie, §§ 15 et 16 ; CEDH, 13 novembre 2003, Al c/ Turquie, § 25 ;
CEDH, 9 octobre 2003, Fadime Ozkan c/ Turquie, § 24 ; CEDH, 10 juillet 2003, Yurtdas c/ Turquie, § 23 ;
CEDH, 19 juin 2003, Hulki Gunes c/ Turquie ; § 84 ; CEDH, 30 janvier 2003, NK c/ Turquie, § 33 ; CEDH,
10 novembre 2004, Canevi et autres c/ Turquie ; CEDH, 9 juin 1998, Incal c/ Turquie ; CEDH, 28 octobre
1998, Ciraklar c/ Turquie ; CEDH, 12 mai 2005, A. Ocalan c/ Turquie.
40

L’article 3 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples approuvés à


Nairobi en 1981 stipule :
« 1.Toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi.
2.Toutes les personnes ont droit à une égale protection de loi ».

L’égalité devant la justice signifie que toute personne a une égale vocation à être jugée
par les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de procédure sans la moindre
discrimination116. Ce principe vise donc à permettre à toute personne de pouvoir accéder
facilement à la justice, quelle que soit sa condition sociale, son sexe, son origine ethnique ou
raciale. Cela signifie que chaque citoyen doit être jugé par les mêmes tribunaux au regard des
mêmes droits. En conséquence, nul ne peut être jugé par une juridiction spécialement crée
pour des circonstances extraordinaires, ou être victime de discriminations fondées sur la
qualité de sa personne117.

Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU avait rappelé que l’art. 14, §1er du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques garantit l’égalité en matière de procédure,
mais ne saurait être interprété comme garantissant l’égalité dans les résultats de cette
procédure en l’absence d’erreur de la part du tribunal compétent118.

Au regard de ce principe, aucun Congolais ne peut se considérer au-dessus de ses


semblables ou au-dessus de la loi.

§2. Limites (exceptions)

On peut noter ici les bénéficiaires des privilèges de juridiction qui peuvent être
poursuivis pénalement que par des juridictions de rang élevé compte tenu des fonctions dues à
leur rang. Il s’agit notamment des membres de l’Assemblée Nationale, les membres du
Gouvernement, les magistrats de la Cour Suprême de Justice et du Parquet Général de la
République, les Gouverneurs des provinces, les présidents des Assemblées provinciales ou
Conseils provinciaux et le président de la Cour des Comptes (article 98 du Code d’OCJ).
Ceux-ci sont justiciables devant la CSJ.

Aussi, l’article 153 de la Constitution (approuvée par voie de référendum du 18


décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006) prévoit que la Cour de cassation connaît en
premier et dernier ressort les infractions commises par les membres de l’Assemblée Nationale
et du Sénat ; les membres du Gouvernement, les membres de la Cour constitutionnelle et du
parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de cassation et du Parquet près cette Cour ;
les membres du Conseil d’Etat et du Parquet près ce Conseil ; les membres de la Cour des
comptes et du Parquet près cette Cour ; les premiers présidents de Cours d’appel et les
Procureurs généraux près ces Cours ; les premiers présidents des Cours administratives

116
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd., Montchrestien, 2006, n° 66, p. 62.
117
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.18.
118
Déc. Du 30 mars 1989, Affaire B de B et alii contre Pays-Bas, n° 273/1989,A/44/40, p. 298.
41

d’appel et les Procureurs près ces Cours ; les Gouverneurs, les Vice-gouverneurs de province
et les Ministres provinciaux ainsi que les présidents des Assemblées provinciales. De même,
le Président de la République et le Premier Ministre sont justiciables devant la Cour
Constitutionnelle (article 163 de la Constitution).

Ajoutons également qu’il existe les bénéficiaires du privilège de juridiction au niveau


de la Cour d’appel (les magistrats, membres de l’Assemblée Régionale, directeurs des
établissements publics ou para étatiques, les dignitaires de l’ordre national de léopard, etc.)
prévu par l’article 94 du Code d’OCJ, du Tribunal de grande instance (les maires et
conseillers urbains et de communes (territoires), chefs et conseillers de collectivités, etc.)
prévu par l’ordonnance n° 84/023 du 30/03/1984119 qui réglemente le privilège des
juridictions au niveau du Tribunal de grande instance. De même, le magistrat honoraire
conserve le privilège de juridiction prévu par le Code d’OCJ120. Enfin, un prévenu titulaire
intérimaire du grade conférant privilège de juridiction a droit au privilège de juridiction
accordé aux agents revêtus par voie d’ordonnance du grade dont il exerce légalement des
fonctions, étant donné que c’est la fonction qui est protégée121.

Le privilège de juridiction joue uniquement en matière pénale et ne joue pas en


matière civile, du travail, commerciale, de la famille, etc. Dans ces matières, les autorités
énumérées sont justiciables devant les juridictions légalement compétentes dans les matières
bien déterminées. Exemple : le divorce entre le Président de la République et son épouse est
de la compétence du tribunal de paix et non de la Cour constitutionnelle car il s’agit ici de la
matière civile (de famille) et non de la matière pénale.

Aussi, le privilège de juridiction, loin d’être un avantage, peut constituer un handicap


si le bénéficiaire dudit privilège ne bénéficie pas du double degré de juridiction122. Dans ces
conditions, il ne pourrait uniquement se pourvoir à la cassation étant donné qu’il ne peut pas
aller en appel s’il avait été jugé à la Cour de cassation ou à la Cour constitutionnelle dès lors
qu’il n’existe pas de juridiction supérieure à la Cour de cassation ou la Cour constitutionnelle.

§3. Proposition pour une réforme

Les bénéficiaires du privilège de juridiction sont de plus en plus nombreux en


République Démocratique du Congo. Nous en tenons au constat du professeur Pierre Akele

119
Ordonnance- loi 84 – 023 du 30 mars 1984 relative au privilège de juridiction et aux immunités des
poursuites des membres des assemblées régionales, des conseillers urbains, des conseillers des zones urbaines
et rurales et des conseillers de collectivité, in Journal officiel de la République du Zaïre, n°8, 15 avril 1984, p.
8.
120
Article 83 alinéa 8 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats, in Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p.22.
121
Tribunal de Paix de Kinshasa-Gombe, 19 décembre 1989, MP et Mu contre Ka, RP 11463/III, Revue
juridique du Zaïre, janvier à août 1993, n° 1 et 2, pp. 24-25.
122
Articles 153 et 163 de la Constitution du 18 février 2006 et 98 du Code d’organisation et compétence
judiciaires concernant les justiciables de la Cour de cassation et de la Cour Constitutionnelle.
42

Adau lorsqu’il souligne : « Les forces maffieuses constituées en véritables pouvoirs parallèles
et informels s’octroient des privilèges de juridiction détournés de leur finalité organique »123.

Cette situation crée une « immunité de poursuite déguisée » étant donné qu’avant toute
poursuite pénale à l’égard des bénéficiaires du privilège de juridiction, le magistrat du Parquet
doit obtenir l’autorisation préalable. Ne faut-il pas limiter au minimum les bénéficiaires dudit
privilège de juridiction tel qu’il ressort également des enseignements de droit comparé?

En effet, en Belgique, les bénéficiaires du privilège de juridiction sont très limités.


Ainsi, seuls les membres de la Cour des comptes et les médiateurs fédéraux, les membres du
Conseil d’Etat, de l’auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil d’Etat, des
membres de la Cour constitutionnelle et les référendaires près cette Cour, les magistrats de la
Cour de cassation et les référendaires près cette Cour, les magistrats de la Cour d’appel ou de
la Cour du travail, les magistrats du parquet près un tribunal ou une Cour, les Juges du
tribunal de Police, les juges du tribunal de Paix, du Tribunal de Première Instance, du
Tribunal de commerce, du tribunal du travail, les ministres fédéraux et les membres des
gouvernements de communauté et de région et les Gouverneurs de province ont le privilège
de juridiction. Ils sont justiciables devant la Cour d’appel124et sont jugés en premier et dernier
ressort. Mais les greffiers, les juges sociaux et les juges consulaires ainsi que les stagiaires
judiciaires n’ont pas le privilège de juridiction125.

Nous pensons que l’on devrait limiter les bénéficiaires du privilège de juridiction afin
d’éviter dans la société congolaise l’existence d’une « caste d’intouchables déguisés »
pouvant créer une inégalité devant la justice. Nous estimons que pourraient être bénéficiaires
du privilège de juridiction et être justiciables de la Cour de cassation en premier et dernier
ressort, le Président de la République et les membres du Gouvernement, les membres du
Bureau de l’Assemblée Nationale et du Sénat, les magistrats de la Cour constitutionnelle, de
la Cour de cassation et du parquet près cette Cour, les magistrats du Conseil d’Etat et du
parquet près ce Conseil, les premiers présidents des Cours d’appel et procureurs généraux
près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel et procureurs près
ces Cours.

Au niveau de la Cour d’appel, pourraient bénéficier du privilège de juridiction en


matière pénale, les Gouverneurs et les vice-gouverneurs de province, les membres du Bureau
des Assemblées provinciales, les magistrats de la Cour des comptes et du parquet près cette
Cour ainsi que les différents magistrats. La Cour d’appel se prononcerait ainsi en premier
ressort ; les bénéficiaires du privilège de juridiction auraient la possibilité en cas de besoin
d’aller en appel à la Cour de cassation.

123
P. AKELE ADAU, « Le droit est mort, vive le droit », in Congo-Afrique, n° 331, janvier 1999, p. 23.
124
Articles 479 et 483 du Code d’instruction criminelle belge ; articles 103 et 125 de la Constitution belge ;
voyez H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La Charte, 2005,
pp.157-158 ; 1231-1235.
125
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, op.cit., p.1232.
43

En conséquence, les autres bénéficiaires du privilège de juridiction (y compris ceux


prévus au tribunal de grande instance) devraient être supprimés. L’on devait aussi supprimer
le privilège de juridiction des magistrats honoraires ainsi que l’autorisation de poursuite à tous
les niveaux. Pour les élus notamment les députés nationaux et provinciaux, la levée de
l’immunité parlementaire pourrait seule suffire pour déclencher les poursuites pénales. Cela
mettrait fin à la culture d’impunité et contribuerait au renforcement du pouvoir judiciaire et à
la consolidation d’un Etat de droit au lendemain des premières élections libres, démocratiques
et transparentes en République Démocratique du Congo.

Section 4 : La gratuité de la justice

§1. Principe

Autrefois, les justiciables rémunéraient les juges des services rendus par leurs
décisions. En effet, dans l’Ancien Droit, les plaideurs rémunéraient leurs juges par les
« épices » provenant du fait qu’au départ la rémunération se faisait par des cadeaux en nature
portant sur des produits rares et chers avant que cette rémunération se soit traduite librement
en argent, puis taxée à des sommes fixes126. Ce système a été abandonné étant donné qu’il
introduisait dans l’administration de la justice un esprit de lucre assez peu compatible avec la
dignité et l’indépendance du juge127.

Ces juges n’étaient pas comme de nos jours les salariés. C’est que rendre la justice
était une charge faisant partie du patrimoine privé des magistrats et à ce titre susceptible d’être
transmis à ses héritiers. Mais avec le droit moderne, ce système a été abandonné en raison de
nombreux inconvénients qu’il comporte. Désormais le souci du droit judiciaire actuel sera de
permettre à tous les plaideurs (justiciables) l’accès libre aux juridictions sans devoir payer
directement ou indirectement leurs juges.

§2. Limites (exceptions)

Si la gratuité de la justice exclut la possibilité de rémunération des juges par les


paroles, elle laisse néanmoins subsister l’obligation de payer les frais occasionnés par leurs
procès (exemples : les frais destinés à l’ouverture du dossier, les frais d’instance).

En effet, tout procès entraîne des frais dont les plaideurs ont la charge, car s’ils ne
payent pas leurs juges, ils doivent payer les honoraires et émoluments des auxiliaires de la
justice qui ont apporté leurs concours comme les avocats et défenseurs judiciaires. Il est donc

126
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, P.U.F., 1996, p. 72 ; R. PERROT, Institutions judiciaires,
Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 68, p. 64 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris,
éd. Gualino, 2005, p.18.
127
R. PERROT, Ibidem.
44

normal que ces derniers qui offrent leur temps et leur talent aux plaideurs qui se confient à
eux soient rémunérés. Mais il est certain que toutes ces dépenses additionnées les unes aux
autres, représentent parfois des sommes importantes, surtout si le procès est complexe.

Il convient toutefois de préciser que la pratique montre que le principe de gratuité de la


justice est un rêve en République Démocratique du Congo. Comme l’affirme notre collègue,
le Professeur Matadi Nenga Gamanda : « Les déplacements de l’huissier de justice (…) sont
payés par le justiciable sans qu’il y ait décharge du montant ainsi payé. Les services que les
magistrats rendent officiellement sont monnayés. Toutes les descentes sur les lieux qu’effectue
tout le tribunal de Kinshasa par exemple, sont préalablement financées par les justiciables…
qu’elles ont été sollicitées par les parties ou ordonnées d’office. Le taux le plus bas est de 100
dollars américains que chaque partie doit payer. Ces frais ne revêtent pas un caractère fiscal
parce qu’ils sont versés en faveur du juge et du greffier qui effectuent le déplacement. Cette
pratique bien connue et largement répandue n’est pas combattue »128. Il ajoute que la
question de la gratuité de la justice en République Démocratique du Congo correspond au
Moyen Age européen129.

Mais l’on peut dispenser les indigents (personnes sans revenus) au paiement de frais
d’instance s’ils ont une attestation d’indigence délivrée par le bourgmestre de Commune ou
administrateur du territoire. Ces indigents sont donc pro deo. En Belgique et en France, les
justiciables au revenu bas bénéficient de l’aide juridique (les frais d’instance, les honoraires
de l’avocat sont pris en charge par l’Etat). Les Comité des droits de l’homme de l’ONU, se
fondant à l’article 14 § 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, s’est
prononcé dans le même sens en soulignant : « Il s’ensuit que si un condamné (…) ne dispose
pas de moyens suffisants pour faire face aux dépenses qu’implique une procédure et, si
l’intérêt de la justice l’exige, l’Etat devrait lui fournir une assistance judiciaire »130.

§3. Proposition pour une réforme

Nous estimons que le seul moyen de faire face aux abus de la gratuité de la justice
consiste à octroyer aux magistrats et aux fonctionnaires auxiliaires de la justice un salaire
décent. Nous avons souligné que le salaire de 1.500 $US par mois pour le magistrat le moins
gradé était un minimum.

Il conviendrait aussi d’améliorer le salaire de chaque fonctionnaire et dans la mesure


du possible créer des emplois afin d’améliorer le niveau de vie de la population ; ce qui
faciliterait l’accès à la justice. En tout état de cause, l’Etat congolais devrait prévoir en
fonction de ses ressources, une aide juridictionnelle conséquente pour les parties qui en ont
besoin. L’on devrait prévoir ces frais au niveau de chaque ressort de la Cour d’appel. C’est en

128
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo,
contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et Idées nouvelles, 2001, p. 407.
129
Ibidem, p. 410.
130
Comité DH, Affaire Antony Currie c/ Jamaïque, n° 377/ 1989, A/ 49 / 40, in Rapport du Comité des Droits de
l’Homme pour 1994, A/ 49/ 40, vol. I , pp. 83-84.
45

permettant à chaque citoyen de bénéficier d’une aide juridictionnelle raisonnable que l’égalité
devant la justice et l’accès au juge serait une réalité évidente en République Démocratique du
Congo.

Section 5 : Le monopole des fonctions judiciaires

§ 1. Principe

Seuls les Cours et tribunaux légalement institués sont chargés de dire le droit ; ils
connaissent du contentieux civil, commercial, social, criminel, fiscal, administratif et
constitutionnel.

Ainsi, l’article 149 alinéa 1 de la Constitution approuvée par référendum du 18


décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 dit : « Le pouvoir judiciaire est dévolu aux
Cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil
d’Etat, la Haute Cour militaire, les Cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les
parquets attachés à ces juridictions ».

L’alinéa 4 de cet article précise qu’il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou
d’exception sous quelque dénomination que ce soit. Les Cours et tribunaux judiciaires
connaissent du contentieux civil et criminel (pénal). La Constitution elle-même a cependant
prévu de exceptions à cette règle en faisant état des Cours et tribunaux militaires, en
instaurant une Cour constitutionnelle, le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et
les tribunaux administratifs, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail, une Cour
des comptes et un Conseil supérieur de la magistrature.

Au regard de la loi, seuls les Cours et tribunaux légalement institués ont pour mission
de dire le droit, de juger. D’où le monopole des fonctions judiciaires des Cours et tribunaux
institués à cette fin.

§2. Propositions pour une réforme

L’un des maux traditionnels de la justice est son engorgement qui provoque des délais
anormaux pour le règlement judiciaire des litiges. Or, il est certain qu’un grand nombre
d’actions en matière civile, commerciale, du travail, de la famille, et parfois administrative est
le fruit de la conjonction d’une mauvaise information du public et d’une vindicte instinctive
qu’un peu de réflexion pourrait apaiser. Un certain volume contentieux pourrait donc être
évité par constat direct des plaideurs potentiels mené sous la houlette d’une personne digne de
confiance qui pourrait rechercher avec eux les termes d’un accord : c’est donc la procédure de
conciliation qu’on devrait encourager dans les différentes matières citées. C’est un mode de
règlement des différends grâce auquel les parties en présence s’entendent directement pour
mettre fin à leur litige, au besoin avec l’aide d’un tiers, le conciliateur.
46

En effet, la recherche d’une solution transactionnelle est une préoccupation légitime.


Tout le monde peut y trouver son compte : le justiciable d’abord qui évitera les frais d’un
procès, et la justice ensuite dont on veut espérer qu’elle sera moins surchargée. La sagesse
populaire n’enseigne-t-elle pas qu’un « mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon
procès » ?

Nous pensons que dans les matières citées et pour les « petites » infractions pénales
(tapage nocturne, adultère, violation de domicile, etc.), le législateur pourrait en charger un
non magistrat ou les anciens juges coutumiers (après avoir suivi une formation appropriée) du
pouvoir d’y procéder. La conciliation présente de nombreux avantages : elle coûte moins cher
qu’un procès, elle ne laisse pas de rancœurs et la décision est exécutée plus facilement parce
qu’elle est acceptée par toutes les parties.

En encourageant la conciliation, l’on se conformerait ainsi à la tradition africaine qui


veut que seule une réconciliation pourra lui donner l’impression que le litige a pris fin parce
qu’il n’y a eu ni gagnant ni perdant étant donné que la justice de l’Afrique traditionnelle était
essentiellement conciliatoire et « non contentieuse »131. De la sorte, l’accord de conciliation
pourrait être facilement accepté par les parties d’autant plus que la conciliation reflète la
cohésion, l’harmonie au sein de la communauté. Une fois cette conciliation convenue, les
parties pourraient signer un procès verbal soit elles-mêmes ou soit en présence d’un
conciliateur neutre, qui devrait être déposé au tribunal afin qu’il soit coulé en jugement. Cela
désengorgerait sans doute les Cours et tribunaux. Les jugements ainsi prononcés refléteraient
l’adhésion et l’acceptation de toutes les parties et auraient « l’imperium » de la formule
exécutoire comme les autres arrêts et jugements.

Section 6 : La continuité et la permanence des juridictions

§ 1. Principe

La continuité et la permanence des juridictions s’expliquent par le fait que la justice


est assurée sans interruption. Cela n’exclut pas des congés, mais il signifie que le service doit
être organisé de manière à ce qu’il n’y ait pratiquement pas d’interruption des services de la
justice. Par contre, en Grande-Bretagne et au Canada, les juridictions siègent à certaines
périodes de l’année par sessions132.

Il convient de préciser que la continuité et la permanence des juridictions n’exclut pas


la suspension des tribunaux les dimanches et jours fériés, et parfois le samedi. C’est le cas en

131
KEBA MBAYE et Youssoupha NDIAYE, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, in
Encyclopédie juridique de l’Afrique, Vol. IV, Paris, éd. Les Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 43.
132
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 98, p. 216; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 78,
p. 75 ; J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n°78, p.57.
47

Belgique et en France en cas d’urgence, il est toujours possible de saisir le juge des référés,
même le dimanche, au besoin à son domicile personnel133.

En République Démocratique du Congo, les vacances judiciaires sont organisées


chaque année entre le 1er août et le 1er octobre pour la Cour Suprême de justice134 et entre le
15 août et le 15 octobre pour les Cours d’appel et les autres juridictions135. Ainsi, pendant la
période des vacances judiciaires, les affaires civiles urgentes sont examinées par une chambre
dite des « vacations » et les affaires pénales sont examinées sans interruption.

§2. Propositions pour une réforme

Nous pensons qu’étant donné la République Démocratique du Congo a mis en


mouvement le processus démocratique qui cheminera vers un Etat de droit, il conviendrait de
prévoir un mécanisme qui permettrait aux juridictions d’être prêtes à dire le droit même en
urgence chaque fois que les nécessités pourraient s’imposer.

A cet égard, nous estimons qu’il serait nécessaire d’introduire au Congo la procédure
des référés qui permet de saisir le juge lorsque pour une affaire il y a urgence, un préjudice
grave et imminent, et la réparation serait difficile en cas de retard136. Cette procédure
traduirait réellement la continuité et la permanence des juridictions et favorisait le progrès
économique dans la perspective d’une paix durable et où les activités économiques seraient
florissantes.

Il est donc évident que cette procédure soit prévue lorsque les moyens financiers
suffisants (notamment un salaire décent et un équipement adéquat) seront mis à la disposition
de juges ; au cas contraire il y aurait abus à cause de la corruption ou de trafic d’influence.
Nous pensons que lorsque les moyens suffisants seront mis à la disposition de juges ; cela
renforcerait leur indépendance dès lors qu’ils seront en principe à l’abri des besoins
élémentaires (nourriture, logement notamment).

Section 7 : Le jury

D’origine anglo-saxonne, le jury est en droit judiciaire constitué des citoyens non
juristes qui sont pour un temps investis du pouvoir de juger certaines causes avec des juges
professionnels ou magistrats.

133
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 98, p. 216; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 78,
p. 75 ; J. P. SCARANO, op.cit., n° 79, p.57.
134
Ordonnance 0166 du Premier Président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant le règlement
d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in J.O.Z, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746 .
135
Art. 22 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/ 79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours,
tribunaux et parquets.
136
Voy. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 4 e éd. Litec, 2006, n° 629-651, pp. 408-420.
48

Les membres de ce jury s’appellent les jurés ayant traditionnellement pour rôle de ne
statuer que sur les questions de fait. Ce jury est souvent amené à se prononcer sur les
infractions pénales et non sur les affaires civiles. Ainsi, en Belgique, la Cour d’assises est
compétente en matières criminelles et pour les délits politiques et de la presse. En France, la
Cour d’assises est compétente des infractions telles que l’assassinat, le meurtre, le trafic de
stupéfiants, la séquestration, etc. Elle peut prononcer les peines allant jusqu’à la réclusion à
perpétuité137.

Actuellement, les juridictions militaires congolaises fonctionnent à la manière des


jurys car dans leur composition, on y trouve un juge permanent qui est juriste et d’autres
membres de la composition sont militaires mais pas juristes. Cette composition est
pratiquement proche de celle des Cours d’assises. En effet, la Cour d’assises en Belgique
comprend 3 magistrats (juristes) et 12 non juristes : au total 15 membres du Jury. La Cour
d’assises en France est composée de trois magistrats (juristes) et de neuf jurés (citoyens non
juristes sachant seulement lire et écrire) : au total 12 membres. Les jurés sont désignés sur
tirage au sort en Belgique comme en France. En Belgique, les décisions de la Cour d’assises
ne sont pas susceptibles d’appel alors qu’en France, l’appel peut être porté devant une autre
Cour d’assises désignée au niveau national par la Cour de cassation et comprend dans ces
conditions, trois magistrats (juristes) et 12 jurés (non juristes) : au total 15 membres138.
Comme on peut le remarquer, la composition et les compétences de la Cour d’assises sont très
proches des juridictions militaires congolaises. C’est ce qui explique que cette institution soit
examinée dans cet ouvrage bien qu’elle n’est pas organisée au vrai sens du mot en droit
congolais.

Le fonctionnement d’un jury est déterminé de façon telle que la justice rendue reflète
l’opinion populaire par le fait que notamment la majorité des membres du siège est constituée
des jurés. Ses initiateurs s’étaient inspirés de la tradition britannique et de l’œuvre législative
de la révolution française. Ses partisans sont d’avis que la Cour d’assises est le symbole de la
souveraineté nationale, symbole d’une justice qui exprime le sentiment d’un peuple, symbole
de la lutte contre l’arbitraire, symbole de l’indépendance139. Et puis, il y a aussi l’idée
romantique selon laquelle, dans les affaires criminelles, la vérité sortira de la bouche de
l’homme du peuple (verdict vient de verdictum)140.

137
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 341-1, pp. 546-547; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006,
n° 195, pp ; 160-161 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 148, p.
110 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp.56-57 ; B. BOULOC,
Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, n°497, p.463 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,
Paris, éd. Litec, 2005, n°159-160, pp. 153-155.
138
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 201, pp. 164-165 ; J.P.
SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 42, p.107 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.59 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris,
20ème éd. Dalloz, 2006, n° 487, p.453 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec,
2005, n° 166, pp.158-159.
139
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, éd. PUF, 1996, p. 140 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires,
Liège, Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, n° 140, p. 173 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 195, p. 161.
140
M. PREUMONT, « La participation des citoyens au jugement des affaires pénales dans divers systèmes
juridiques- Approche de droit comparé », in Journal des procès, n° 466, 17 octobre 2003, p. 7.
49

a) Avantages du jury

- Le jury est absolument indépendant à l’égard des autorités publiques car les jurés
témoignent d’une grande conscience dans le jugement des infractions.
- Les jurés sont plus proches des justiciables et de la réalité, ils sont mieux placés que les
juristes pour statuer sur les faits alors que l’application du droit étant l’obligation de
magistrat.
- Il est en harmonie avec l’opinion publique dont il tire son origine et par ce fait ses
décisions peuvent être acceptées par le peuple.
- Le jury constitue une institution qui réalise une parfaite harmonie entre la répression et
l’opinion publique car il représente l’opinion publique de par ses modalités de
recrutement et de par son origine, le jury représente, aux yeux de ses partisans, la
conscience populaire.

b) Inconvénients du jury

- Le jury rend souvent une justice inégale, incohérente et même parfois arbitraire, variable
selon les périodes et les lieux où ce jury siège.
- Il est incompétent à l’égard des questions de droit et son inaptitude à résoudre les
problèmes d’ordre scientifique que pourrait comporter un procès pénal comme ceux à
caractère psychologique, médical ou sociologique, apprécier notamment les preuves.
- Le caractère d’impressionnabilité et la sensibilité excessive de ses membres car ses
décisions sont parfois influencées par les facteurs incompatibles avec une bonne
administration de la justice. Exemple : Le jury composé essentiellement des paysans ou
des pasteurs ne réagira pas comme un jury composé d’intellectuels.
- Le danger des décisions car elles sont prises par la majorité des jurés, ce qui pourrait
entraîner la prise de décisions illégales.
- Le jury tranche les litiges en tenant compte des données sociologiques tout en ignorant
les données criminologiques et juridiques.
- La présence d’un élément non professionnel dans la distribution de la justice.
- Il est difficile de faire une différence entre le fait et le droit, car le jury ne s’occupe que
du 1er et non du second partant du fait que les deux éléments sont intimement liés, que
l’examen de l’un appelle nécessairement celui de l’autre par le juge.
- Il est difficile de rendre des décisions qui sont en accord avec la conscience populaire.
- Les jurés ne peuvent pas participer d’une manière permanente au jugement des procès
civils car l’absentéisme serait fort à craindre et la paralysie du système judiciaire s’en
suivrait.
- Coût excessif à charge des justiciables.

c) Notre position

Nous estimons que l’organisation du jury n’est pas de nature à assurer une bonne
distribution de la justice étant donné la présence des citoyens non juristes dans le siège.
Cette présence, loin de contribuer de rendre une justice juste serait à amener le jury à prendre
des décisions injustes étant donné l’absence de technicité de la majorité de ses membres dans
la mission de juger. Il suffit de se rendre compte des décisions des tribunaux coutumiers
congolais ou parfois de certaines décisions des Cours et tribunaux militaires pour s’en
convaincre. A ce sujet, nous avons montré que les juridictions militaires congolaises
fonctionnent comme des Cours d’assises. Cela crée parfois des problèmes dans la pratique. En
50

effet, les Cours d’assises ont une procédure qui leur est propre qui est différente des
juridictions pénales ordinaires alors que les juridictions militaires congolaises appliquent la
procédure pénale ordinaire.

Aussi, l’institution du jury d’assises ne répond à aucun besoin exprimé par la


population congolaise qui, de surcroît, a déjà peur de témoigner en justice. Ensuite parce que,
compte tenu des données culturelles congolaises, une telle institution risque de donner lieu à
la résurgence des préoccupations d’ordre tribal, clanique, ethnique et régionaliste tant
décriées. En outre, le risque d’alourdir un système judiciaire déjà trop compliqué pour la
majorité de congolais, ceux-ci sachant à peine distinguer le parquet du tribunal. Cela pourrait
créer un malaise qui pourrait surgir lorsqu’on demande à tout un peuple y compris ses
magistrats, d’assimiler une institution nouvelle aussi compliquée comme le jury d’assises.

Enfin beaucoup de pays ont abandonné le jury d’assises notamment les Pays-Bas, le
Luxembourg, la Turquie, l’Israël, le Japon etc. et n’ont jamais exprimé le moindre regret141.
C’est pourquoi, nous pensons qu’il échet de supprimer le jury partant de leurs inconvénients
qui pèsent lourdement sur l’appareil judiciaire.

Après avoir parcouru les caractères généraux de l’organisation judiciaire, il sied de


consacrer les pages qui suivent aux caractères techniques de l’organisation judiciaire.

141
N. JORG, « Le jury populaire aux Pays –Bas », in R.D.P.C, 1998, pp. 673-688 ; J.F NIJBOER, « Le jury
populaire aux Pays-Bas et le devoir de motiver », in Quel avenir pour le jury populaire en Belgique,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, pp. 115-117 ; A. SPIELMANN et D. SPIELMANN, Droit pénal général
luxembourgeois, Bruxelles, éd. Bruylant, 2002, pp. 32-36 ; M. PREUMONT, « La participation des citoyens
au jugement des affaires pénales dans divers systèmes juridiques- Approche de droit comparé », in Journal des
procès, n° 466, 17 octobre 2003, p. 7 ; M. PREUMONT, « La participation du citoyen à l’administration de la
justice pénale », in La justice du citoyen à l’administration de la justice, Actes du Colloque organisé le 25
novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.93 ; A. SPIELMANN, « De l’abolition du jury à la suppression de la Cour
d’assises », in R.D.P.C., 1987, pp. 719-733 ; D. SPIELMAN, « La répression des crimes au Grand-Duché de
Luxembourg. De la Cour d’assises à la chambre criminelles », in Quel avenir pour le jury populaire en
Belgique, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, pp. 119-138.
51

Chapitre II : LES CARACTÈRES TECHNIQUES


DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Nous avons retenu ici le double degré de juridiction, la collégialité des juridictions,
l’unité du siège de juridiction, le droit à un procès équitable, les différents modes de
recrutement des magistrats, les qualités du magistrat, les garanties de l’indépendance des
juges, les garanties d’impartialité du juge, les différentes voies de recours contre les décisions
de justice.

Section 1 : Le double degré de juridiction142

Le double degré de juridiction est un principe par lequel la partie s’estimant lésée
(défavorisée par le 1er jugement) s’adresse à une juridiction supérieure (juridiction d’appel)
pour obtenir gain de cause une seule fois. En réalité, ce principe est corollaire à l’appel. Il
consiste à saisir la juridiction supérieure en cas de besoin une seule fois.

Correctement, le double degré de juridiction est un principe par lequel, on ne peut pas
exercer le droit d’appel plus d’une fois dans un même procès. En effet, lorsqu’une affaire est
devant le tribunal, on dit qu’il est saisi au premier degré, et lorsque la décision du tribunal ne
satisfait pas l’une des parties, celle-ci dispose du droit de saisir la juridiction supérieure c’est-
à-dire l’appel. Et si elle n’est pas toujours satisfaite, elle ne peut aller en appel à une
juridiction plus supérieure (de l’appel en appel), mais elle peut se pourvoir à la cassation
devant la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice de justice) ou le Conseil d’Etat selon
que l’affaire concerne les juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif.

Autrement dit, on a limité au « double degré de juridiction » pour éviter que la


multiplication des degrés de juridiction rende les procès immortels, éternels, ce qui ôtera au
peuple le moyen d’avoir justice. Et lorsqu’une juridiction siège au second degré, l’affaire est
réexaminée dans son intégralité et cette juridiction est composée de magistrats bénéficiant
d’une ancienneté beaucoup plus importante, donc plus expérimentés et plus aguerris à l’art de
juger143.

§1. Domaine d’application du double degré de juridiction

En principe le domaine d’application du double degré de juridiction n’est pas limité


car le droit d’appel est un droit garanti par la Constitution. De ce fait, aucune juridiction soit-
elle ne peut supprimer le droit d’appel. Les articles 21 et 156 de la Constitution prévoient un
recours. C’est qu’au regard de ces dispositions, le domaine d’application du double degré de

142
Voy. L. CADIET. Et S. GUINCHARD, « Le double degré de juridiction », in Justice et double degré de
juridiction, Justices, 1996, n° 4, pp. 1-8.
143
J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 41, p. 38.
52

juridiction n’a pas de limite étant donné que la Constitution (loi suprême du pays) a réglé la
question.

Il convient cependant de relever qu’au niveau de la Cour de Sûreté de l’Etat, ses arrêts
n’étaient pas susceptibles d’appel (ancien article 97 du code d’OCJ). Nous estimons que cet
article était inconstitutionnel car il énervait les dispositions de l’article 21 et 156 de la
Constitution qui reconnaissent l’existence de droit d’appel. Nous pensons qu’il était temps de
supprimer cet article qui violait un droit constitutionnel garanti aux individus et d’ailleurs
même l’existence de la Cour de Sûreté de l’Etat ne se justifiait plus aujourd’hui du fait de la
démocratie. De même, les décisions de la Cour militaire opérationnelle ne sont pas
susceptibles d’appel. Nous pensons qu’on devrait garantir ce droit aux justiciables étant donné
qu’il est prévu par la Constitution.

Comme la Constitution l’exige, le double degré de juridiction est donc applicable


devant les juridictions de l’ordre judiciaire (matière civile, commerciale, de la famille, du
travail et matière pénale) et de l’ordre administratif (matière administrative). Mais le double
degré de juridiction n’est pas applicable à l’égard de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat,
de la Cour constitutionnelle et de la Cour des comptes.

§2. Caractère du double degré de juridiction

- L’ordre public : le fonctionnement et la réglementation (double degré de juridiction)


se trouvent liés à la hiérarchie judiciaire. Son but est d’assurer une meilleure
organisation de la justice et de favoriser son bon fonctionnement. La conséquence de
cela est que les parties ne peuvent pas créer un second degré de juridiction ou en
ajouter un autre à celui qui est prévu par la loi.

- Caractère facultatif : les parties intéressées peuvent renoncer à l’exercice de ce droit si


leurs intérêts le justifient.

Section 2 : La collégialité des juridictions

Il y a collégialité des juridictions lorsque l’instruction à l’audience a été menée et la


décision rendue dans un procès par plusieurs juges.

§1. Avantages de la collégialité

- La sagesse en plusieurs têtes qu’en une seule.


- Les erreurs d’appréciation se corrigent l’une par l’autre parce que de la discussion jaillit
la lumière, la justice est mieux éclairée étant donné que la décision est plus réfléchie, plus
mûrie, nourrie des réflexions des uns et des autres. Le principe de collégialité permet que les
53

membres présents à l’audience procèdent à un échange de vue entre eux pour garantir
l’uniformité et la cohérence de leurs décisions.
- La difficulté de corrompre un collège qu’un individu.
- L’impartialité des magistrats étant donné que la collégialité a le mérite de brosser et de
neutraliser les préjugés éventuels de chaque juge144.
- L’imparité qui permet le dégagement de la majorité.
- Elle sauvegarde l’indépendance du magistrat contre les éventuelles pressions
extérieures, la décision étant anonyme, étant donné que la collégialité ne se sentirait pas
directement exposée à la rancœur du plaideur condamné. Cet anonymat favorise la
critique doctrinale des décisions de justice car les auteurs sont en effet libres d’émettre
des critiques lorsqu’elles visent « le tribunal » et non point un juge déterminé qui
pourrait se sentir personnellement atteint145. En Italie, le sens de vote de chacun est
consigné dans un coffre146.
- Elle permet la formation des jeunes magistrats au contact de leurs aînés « juge unique,
juge inique » dit-on.
- La décision rendue présente aussi un caractère plus prestigieux et empreinte d’une plus
grande autorité147.
- Elle est conforme à la mentalité de l’Afrique traditionnelle qui veut que le siège soit
composé des notables rodés dans la coutume.

§2. Inconvénients de la collégialité

- La lenteur et le coût de la justice.


- Le danger de l’irresponsabilité des juges qui se retranchant derrière l’anonymat risquent
de ne pas souvent prendre personnellement leurs responsabilités individuellement.
- La discussion étant souvent faite sur le siège, en tout cas menée rapidement et dominée
par le magistrat qui a lu le dossier, les débats apparaissent dangereusement artificiels.

Section 3 : L’unité du siège de juridiction (siège à juge unique)

Il y a juge unique ou unité de siège de juridiction lorsque l’instruction à l’audience et


la décision du procès sont l’œuvre d’un seul juge.

144
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 219, p.212.
145
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 498, p. 399.
146
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. , Dalloz, 2005, n° 87-27, p. 188 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit
comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz, 2005, n° 338, p. 610.
147
J. P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 47, p.41.
54

§1. Avantages

- Il confère au juge un plus sens de responsabilité et ce juge en statuant seul sur un procès,
il est tenu d’administrer la meilleure preuve de toute sa technique juridique et toute son
expérience et ne peut plus se retrancher derrière l’anonymat de la sentence.
- La connaissance du juge par le public en tant qu’auteur de la décision intervenue sans
possibilité de s’en décharger lâchement sur d’autres magistrats.
- Indépendance de juge seul.
- Ce système permet de répondre en partie à la crise actuelle des effectifs et de mieux
rémunérer le magistrat.
- La relation directe entre les parties (délinquant) et le juge (ce qui est nécessaire en
matière de divorce) permettant la facilité de communication (réinsertion sociale du
délinquant en matière pénale).
- La nécessité de faire face à l’augmentation considérable de la « masse contentieuse »
d’autant plus qu’il y a augmentation inquiétante du nombre d’affaires ; et cela dans tous
les contentieux148.

§2. Inconvénients

- Le risque d’erreurs judiciaires pour un seul juge.


- La facilité de corrompre un seul juge.
- Ce système est plus conforme à la société occidentale et ne s’adapte pas à la
mentalité africaine.

§3. Notre appréciation

Le système à juge unique ne peut fonctionner correctement que si, au moment de son
entrée en fonction, le juge a déjà une formation professionnelle consommée et une maturité
d’esprit suffisante pour être en mesure de statuer seul sur des problèmes complexes. En
Angleterre et au Canada, la justice à juge unique ne soulève pas de difficulté parce que le juge
est recruté vers l’âge de 45-50 ans parmi les praticiens ayant déjà une solide expérience de la
vie judiciaire149. Mais, dans des pays où le juge entre en fonction très jeune, peu de temps
après avoir quitté l’université, on peut se demander si la collégialité n’est pas finalement le
seul moyen de parfaire sa formation et lui permettre d’acquérir l’expérience nécessaire.

De même, le système à juge unique implique de la part des citoyens un grand respect
pour la justice et pour les juges, beaucoup plus que dans un système de collégialité qui dilue
les responsabilités de chaque magistrat. Tel est le cas précisément en Angleterre où la

148
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 499, p.399 ; E. JEULAND,
Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p. 213.
149
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 500, p. 400 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 34 ; S. GUINCHARD, et alii, Droit processuel. Droit
commun et droit comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz, 2005, n° 338, p. 610.
55

personnalité du juge est entourée d’un respect quasi-mystique. Mais dans les pays où les
passions sont vives et où l’esprit frondeur porte facilement à la critique, voire même à une
certaine suspicion à l’égard de tout détenteur d’une autorité, le système de la collégialité offre
au juge une plus grande sérénité.

Force est de constater que la tendance générale en Belgique et en France est de


privilégier le système à juge unique suivant le modèle anglais et canadien au détriment de la
collégialité150. En effet, le principe de collégialité est en recul dans tous les contentieux (civil,
pénal et administratif) et reçoit de nombreuses exceptions. En conséquence, la procédure à
juge unique s’est développée151. La raison majeure tient au fait que la collégialité est une «
formule de luxe » si l’on considère la pénurie du personnel judiciaire comparée à
l’augmentation constante du volume d’affaires. Mais cette raison n’est pas la seule :
l’expérience a montré que pour certaines affaires, un contact direct avec le juge est souvent
salutaire. Ainsi en matière civile, l’on trouve le juge unique au Tribunal d’Instance, le juge
aux affaires familiales, juge et conseiller de la mise en état, juge des enfants, juge de
l’exécution et juge de proximité en France ; juge de divorce, juge des saisies, juge de la
jeunesse, juge de police (roulage) en Belgique. De même, le contentieux de l’urgence (référé)
est généralement traité à juge unique152. Il arrive même qu’en appel, la juridiction siège à juge
unique153. La même tendance est palpable en matière administrative154, voire pénale155.

Nous pensons qu’il faut se garder de vouloir puiser à des sources étrangères des
modèles qui ne sont pas transposables. Il est donc prudent de ne pas en faire une règle
générale et de prévoir le système à juge unique que dans certains cas et limités.

Sur ce point, l’on soulignera que les sociétés traditionnelles africaines, le siège était
collégial étant donné qu’il était composé de notables rodés dans la coutume. C’est surtout le
législateur colonial qui avait nourri quelque répugnance envers la collégialité. Il estimait en
effet que non seulement elle était onéreuse (les magistrats étaient expatriés et les traitements
élevés) mais inutile aussi étant donné l’absence de relations sociales entre le juge colonial
européen et le justiciable indigène. C’est pourquoi la composition de trois juges n’était prévue
qu’au degré d’appel lorsqu’il était question de juger de non indigènes156.

150
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchestien, 2006, n° 501, pp. 400-404 ; L. CADIET,
« Le juge unique en question », in L. CADIET et alii, Les juges uniques dispersion ou réorganisation du
contentieux ? Paris, éd. Dalloz, 1996, pp. 16 et suivantes ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions
judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 16-17.
151
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p. 213.
152
E.JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 220, p.213.
153
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, n° 209, pp. 300-301 ; article
109 bis du Code juridique belge.
154
G. PEISER, « Le juge unique, l’appel supprimé, l’avocat obligatoire », in AJDA , 17 avril 2006, p. 785.
155
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, éd. Dalloz,
2005, n° 339, p. 611 ; R. PERROT, op. cit., pp. 400-404 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2005, n° 87-29, p. 190 ;
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, pp. 37-40.
156
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et idées nouvelles, 2001, p. 142.
56

Nous sommes d’avis que le système actuel en République Démocratique du Congo est
très intéressant dans la mesure où il prévoit en général le système de collégialité (toutes les
matières au second degré, au 1er degré en matière pénale) alors que le système à juge unique
est appliqué dans les cas précis et limités (au premier degré en matière civile devant le
Tribunal de grande instance et au premier degré devant le Tribunal de Paix en matière
pénale). La pratique montre par contre que devant les tribunaux de paix, le siège est collégial
lorsque la matière soumise au tribunal doit se référer à la coutume. Dans ces conditions, le
juge professionnel siège avec deux juges assesseurs connaissant la coutume locale.

Section 4 : Le droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable constitue l’élément moteur, le pivot du droit judiciaire


moderne. Par procès équitable, il faut entendre le procès équilibré entre toutes les parties157.
Le procès équitable repose sur les garanties qui tendent à faire régner l’idéal de justice. Pour
apprécier le caractère adéquat et équitable d’une procédure, il convient de prendre en
considération l’ensemble de celle-ci ainsi que la gravité de son enjeu pour le justiciable158.

La doctrine moderne la plus avisée est d’avis qu’il existe un modèle universel de
procès équitable159 étant donné qu’il est construit et même façonné par la jurisprudence du
Comité des Droits de l’homme de l’ONU (appliquant l’art. 14, §1er du Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg (article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’homme).

Ces deux juridictions supranationales, à travers leurs instruments juridiques sur le


procès équitable (article 14, §1) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et
l’article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ont beaucoup contribué
au rapprochement des procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité maintenue, à la
construction d’un fond commun procédural qui s’impose à tous les Etats soumis à l’emprise
de ces instruments internationaux.

157
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel Droit commun et Droit comparé du procès, Paris, 3ème éd. Dalloz,
2005, n° 225, pp. 374-375.
158
CEDH, 11 janvier 2005, Blucher c/ Tchéquie, § 65.
159
S.GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, Paris, éd.
Dalloz, 2007, n° 223, p. 407-1176 ; S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p. 210 ; F. FERRAND et
MOUSSA, « le projet de l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure
civile transnationale : vers une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean
Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp. 199-228 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p.173.
57

Véritable socle de standards d’une bonne justice, le procès équitable contribue déjà à
un modèle des procès, quel que soit d’ailleurs le type de contentieux (notamment civil,
administratif, constitutionnel, pénal et disciplinaire) et quel que soit le pays160.

Le droit à un procès équitable implique notamment le droit d’accès à un tribunal (§1) ;


le droit à un tribunal indépendant et impartial (§2), le droit à comparaître dans la langue de
son choix (§3), le droit à la publicité des débats (§4), le droit d’être jugé dans un délai
raisonnable (§5), le droit à l’égalité des armes (§6) ainsi que le droit à la présomption
d’innocence ( § 7).

§1. Le droit d’accès à un tribunal (juge)

Ce droit implique le droit à un juge au sens strict, le droit d’un recours et le droit à un
bon juge. La doctrine définit ce droit comme étant le droit pour toute personne physique ou
morale ou étrangère, d’accéder à la justice pour y faire valoir ses droits161. Il s’agit d’un
principe fondamental dans le sens où il comporte une valeur qui est celle de toujours pouvoir
s’adresser à un tribunal pour trancher une contestation juridique et empêcher ainsi le recours à
la vengeance. C’est aussi un principe essentiel au fonctionnement de l’Etat de droit. L’Etat de
droit est un Etat qui doit respecter la loi et ne commettre aucun abus vis-vis de ses habitants
et des étrangers se trouvant sur son territoire. Concernant le tribunal, 3 conditions doivent être
réunies pour qu’une institution soit qualifiée de tribunal : le tribunal doit être crée par la loi, le
tribunal doit être indépendant et impartial et respecter les principes fondamentaux de
procédure, le tribunal doit trancher prétention selon les règles de droit162. Le droit d’accès à un
tribunal est prévu par l’article 19 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, l’article 7
de la Charte Africaine de Droits de l’Homme et des Peuples et par l’article 14, § 1 du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques.

Dans une affaire examinée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, un
condamné à mort souhaitait que la Cour constitutionnelle de son pays puisse examiner les
irrégularités qu’il prétendait avoir été commises au cours de son procès pénal ; or, il ne
disposait pas de moyens financiers suffisants lui permettant de faire face aux dépenses à
engager devant l’organe constitutionnel ; le Comité juge successivement que l’article 2, §3 du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques oblige l’Etat partie à faire en sorte
que le recours à la Cour constitutionnelle soit disponible et efficace en matière de violation
des droits fondamentaux et que ce droit à un recours soit conforme aux garanties énoncées
dans l’article 14, §1er, ce qui, en l’espèce, obligeait l’Etat à fournir au requérant une assistance

160
S. GUINCHARD et alii, op. cit., n° 224, p. 408.
161
M. BANDRAC, « L’action en justice, droit fondamental l, Mélanges Roger PERROT, Paris, Dalloz, 1995,
1 ; L. FAVOREU et Th. RENOUX, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Paris, éd. Sirey,
1992, spéc. p. 90 et suivantes.
162
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 66, p.67 ; S. GUINCHARD (sous direction),
Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n° 211.04, p.447.
58

judiciaire, si l’intérêt de la justice l’exige, ce qui était le cas la nature de la condamnation à


mort163.

§2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial

C’est la garantie la plus importante d’une bonne justice164. En effet, le juge doit être
impartial, les parties doivent se défendre et prouver ce qu’elles avancent. Il y va de la notion
même de tribunal et lorsque ce minimum n’est pas réuni, il n’existe qu’un simulacre de
justice165. Ainsi, l’art. 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et
l’art. 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme disent que : « Toute
personne a droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». Cette garantie est
aussi affinée à l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10
décembre 1948 et par les articles 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (se fondant à l’art. 14, §1 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques) a affirmé, haut et fort que « le droit à être
jugé par un tribunal indépendant et impartial est un droit absolu qui ne souffre d’aucune
exception »166. La Cour Européenne des Droits de l’Homme se fondant à l’article 6, § 1er de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme, estime que pour établir si un tribunal peut
passer pour indépendant, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation des
juges, la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions
extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance167. En conséquence,
la juridiction contestée doit apparaître indépendante des pouvoirs exécutif ou législatif dans
chacune des trois phases de la procédure, à savoir l’instruction, le procès et le verdict168.

Concernant l’impartialité, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (au regard


de l’article 14, § 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) a estimé que
l’impartialité du tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées préconçues au sujet de
l’affaire dont ils sont saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à favoriser les intérêts de l’une
des parties169.

Nous renvoyons pour l’essentiel à ce que nous avons écrit concernant l’indépendance
du juge ainsi que l’impartialité du juge.

163
Déc. Du 3 novembre 1989, affaire n° 286/1987, M.G.P. et S.P. contre Trinité et Tobago, A/45/40, Vol. 2., p.
177 ; 26 mars 1990, affaire n° 275/1988, S.E.C. contre Argentine, A/45/40, vol. II, p. 179.
164 S. GUINCHARD et alii, op. cit. n° 332, p. 600.
165
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 174.
166 Déc. Du 28 octobre 1992, Affaire Miguel Gonzalez del Rico contre Pérou, n° 263/1987, Rapport du Comité
A/48/40, partie 1, p. 200 et partie 2, p. 20.
167
CEDH, 1 er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 38 ; CEDH, 9 novembre 2006, Scilor-Lormines
contre France, § 59.
168
CEDH, 12 mai 2005, Ocalan c/ Turquie, § 114.
169
Décision du 23 octobre 1992, Affaire n° 387 / 1989, Arvo Karttunen c/ Finlande, A / 48 / 40, Partie I, p. 201
et Partie II, p. 134.
59

§3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix

Ce droit est prévu à l’art. 18 al. 1 de la Constitution.


Lorsque le justiciable n’est pas en mesure de comprendre la langue utilisée par le
tribunal (s’il n’y a pas d’interprète), cela peut constituer un obstacle à un procès équitable.
Ainsi, l’ignorance de la langue utilisée par le tribunal devait conduire la juridiction à prévoir
la présence d’un interprète et la tradition des principaux éléments écrits du procès.

Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU (art. 14 du Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966) a considéré que l’obligation de rédiger les
actes de procédure en français n’enfreint pas la garantie d’un procès équitable dans la mesure
où le requérant connaissait cette langue, pour une requête devant le tribunal administratif
rédigée en breton170.

§4. Le droit à la publicité des débats

Ce droit signifie que le procès doit être public. En effet, il est une exigence qui est
essentielle à la vie de la démocratie par l’existence d’une justice transparente, c’est le
caractère public des débats, des audiences171. L’oralité renforce la publicité. D’où l’adage :
« La justice ne doit pas seulement être rendue, il faut aussi que chacun puisse voir qu’elle est
rendue ». Ce droit est prévu à l’article 20 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.

Ce droit est proclamé par l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de


l’homme de l’ONU, l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques ainsi que l’article 6, §1er de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Ainsi, l’impartialité du tribunal et la publicité de la procédure sont des aspects importants du
droit à un procès équitable172. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la
justice, la publicité des débats aide à atteindre le but du procès équitable, dont la garantie
compte parmi les principes de toute société démocratique173. Il y a méconnaissance du droit à
une audience publique lorsque le justiciable ne reçoit la citation que quatre jours après la
tenue de l’audience, de sorte qu’il a été privé de l’opportunité d’y assister174.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, à eu l’occasion d’en proclamer la


prééminence, à propos de jugements rendus par les tribunaux militaires en Uruguay, qui

170
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, 8 novembre 1989, RUDH, 1991, 167.
171 P. KAYSER, « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile », Mélanges Hébraud, Paris,
éd. Dalloz, 1981, p. 515.
172 Comité des droits de l’homme de l’ONU, 23 octobre 1992, affaire n° 387/ 1989, Arvo Kartturnen c/
Finlande, A / 48/ 40, Partie I, p. 201 et Partie II, p. 134.
173
CEDH, 15 décembre 2005, Hurter c/ Suisse, Unanimité, § 26.
174 CEDH, 15 mars 2005, Yakovlev c/ Russie, Unanimité, § 22.
60

présentaient la double particularité, loin des standards d’une véritable démocratie, d’avoir été
rendus à la suite d’un procès s’étant déroulés à huis clos et de ne pas être écrits175.

§5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable

Les articles 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et 6, §1
de la Convention Européenne des Droits de l’homme stipulent que la durée des procédures
doit s’inscrire dans « un délai raisonnable ». L’art. 7, 1.d. de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples va dans le même sens. Il en est de même de l’article 19 alinéa 2 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006.

Selon une règle connue par la plupart des systèmes juridiques, si la justice est retardée,
il n’y a pas de justice : « justice delayed, justice denied ». Le principe de célérité est surtout
pris en considération en procédure pénale. Dans cette matière, il est en effet nécessaire
d’indemniser rapidement les victimes, sans, le cas échéant, laisser le suspect en détention
provisoire trop longtemps. Par ailleurs, plus le temps passe, plus il est difficile d’apporter les
preuves et plus la défense peut être difficile.

Les critères du délai raisonnable tiennent compte de la complexité de l’affaire, le


comportement du requérant et celui des autorités compétentes176.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme, se fondant à l’article 6 §1 de la


Convention Européenne des Droits de l’Homme a considéré que, même en présence d’une
affaire complexe, un délai de près de dix ans entre la mise à l’instruction et le jugement de
première instance était excessif177. De même, le maintien de poursuites pénales contre une
personne pendant plus de quinze ans est a priori déraisonnable et ne saurait être
qu’exceptionnellement justifié, même s’il ne ressort ni des faits de l’espèce ni des allégations
de l’inculpé qu’il y aurait eu de la part des autorités des périodes d’inactivité ou de lenteur
injustifiées dans la conduite de l’affaire178. Cette position a été suivie par les juridictions
nationales. Ainsi, des délais, respectivement de sept ans, de cinq ans et demi, de cinq ans et
six ans, pour trancher des affaires soumises au Conseil d’Etat, sans qu’il soit établi que la
complexité de ces affaires serait la cause du retard dans le prononcé des arrêtes, dépassent le
délai raisonnable179.

175 Constations du 31 mars 1981, aff., n° 32/1978, Lucia Sala de Touron (jugement non écrit), Sélection de
décisions, Vol. 1, p. 61 ; constatations du 29 mars 1983, aff. N° 74/1980, Miguel Angel Estrella (huis clos),
sélection de décisions, Vol. 2, p. 80.
176 A. VALERY, « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’homme ? », in Le procès équitable et la protection jurisprudentielle du citoyen, Colloque de
Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 91 et suivantes.
177
CEDH, 15 juillet 2005, Lerov c/ Belgique, Unanimité, § 27.
178
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, Unanimité, § 51.
179
Tribunal civil de Bruxelles (4 ème chambre), 23 mars 2007, S.A.I contre Etat belge, ministre de l’Intérieur.
61

En ce qui concerne la complexité de la cause, elle peut se déduire de la seule quantité


de documents saisis lors de l’enquête pénale180 ou encore la nécessité de recourir à des
commissions rogatoires181, à d’importantes expertises comptables et financières182 ou à des
traducteurs183.

Une affaire est complexe lorsque les charges portent sur des infractions
économiques d’une grande ampleur ayant touché plusieurs milliers de personnes, que
l’examen de l’affaire nécessitait la réalisation de nombreux actes d’investigation et que des
dizaines de témoins et d’experts avaient été entendus par le tribunal184. C’est aussi lorsqu’il
renferme de nombreux documents qui doivent être étudiés et nécessite l’examen d’un
montage financier à degrés multiples élaborés sur une période de plusieurs années185. La
portée et la complexité d’une affaire de droit pénal fiscal, qui est souvent compliquée par
l’implication de plusieurs suspects, peut justifier une durée de procédure importante,
notamment lorsque les charges portées contre le prévenu, requalifiées dans l’intervalle, étaient
liées à sa fonction de président de plusieurs sociétés186.

Concernant le comportement du requérant, il constitue un élément objectif non


imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou
non dépassement du délai raisonnable187. Ainsi, l’attitude de l’inculpé contribue
incontestablement à ralentir considérablement la marche de la procédure lorsqu’il fait des
aveux, qu’il retrace ultérieurement pour ensuite faire de nouvelles révélations sur les faits, de
sorte que les enquêteurs doivent procéder à des vérifications et recoupements ou des nouvelles
recherches de preuves188.

Concernant le comportement des autorités compétentes, l’Etat est responsable de


la piètre qualité des investigations189 ou de la piètre organisation de l’instruction. Il en va ainsi
lorsque l’affaire a été successivement confiée à quatre juges d’instruction190, ou même cinq,
dont aucun n’a eu la charge du dossier plus de deux ans et que certains d’entre eux se sont
abstenus de tout acte pendant de longues périodes191. De même, les nombreuses réouvertures
de l’enquête en raison d’irrégularités de procédure ou de son caractère incomplet sont des
circonstances imputables aux autorités et dont le caractère répétitif ne peut s’expliquer par la
seule complexité de l’affaire192. Il en va encore ainsi des renvois répétés de l’affaire à une

180
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
181
Ibidem, § 53.
182
Ibidem.
183
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 214.
184
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyolkov c/ Bulgarie, Unanimité, § 89.
185
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 26.
186
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
187
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, Unanimité, § 50.
188
Ibidem
189
CEDH, 8 févier 2005, Panchenko c/ Russie, Unanimité, § 135.
190
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
191
CEDH, 8 novembre 2005, Authouart c/ France, Unanimité, § 45.
192
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyalkov c/ Bulgarie, Unanimité, §92.
62

instance inférieure en vue de son réexamen ordonnés en raison d’illégalités commises par les
juridictions inférieures dans le cadre d’une même procédure193 ou lorsque le tribunal saisi du
jugement de la cause est contraint de la renvoyer à diverses reprises aux enquêteurs enfin de
leur permettre de remédier aux violations de droits des prévenus qui l’empêcheraient d’en
connaître194.

L’Etat est encore responsable de la durée anormale d’une remise qui avait fait
quinze mois195, du délai mis par le parquet à rédiger le réquisitoire196ou encore de la période
d’inactivité entre l’introduction d’un pourvoi en cassation jusqu'à l’adoption de la décision
définitive par la cour suprême pour une durée de deux ans et demi197.

§6. Le droit à l’égalité des armes


et le principe de la contradiction (contradictoire)

Ce droit a un lien avec l’égalité devant la loi que nous avons analysée antérieurement.
Le lien entre les deux a d’ailleurs été fait par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU,
dans plusieurs constatations198.

Ce principe peut être défini comme étant l’obligation d’offrir à chaque partie une
possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans
une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Il signifie que le justiciable doit
disposer des mêmes armes juridiques, des mêmes moyens (arguments) à présenter devant le
juge que la partie adverse ou l’organe de la loi. D’où le mot « égalité des armes » autrement
dit, on doit avoir les armes égales. Ainsi, le droit à un procès équitable implique
nécessairement l’égalité de moyens entre l’accusation et la défense199. En effet, la détention
de témoins est une mesure exceptionnelle, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur qui, de
surcroît, était le fils de l’auteur de la communication. Cela laisse supposer l’éventualité d’une
intimidation et d’un témoignage extorqué et amène le Comité des droits de l’homme à
conclure qu’il y a en violation du droit à un procès équitable.

Ainsi, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a considéré que le refus du


président du tribunal d’accorder un renvoi pour permettre à l’auteur de bénéficier des services
d’un défenseur… soulève des questions d’équité et d’égalité devant les tribunaux, la violation
est alors prononcée au nom de l’inégalité des armes200.

193
CEDH, 8 novembre 2005, Smirnova c/ Ukraine, Unanimité, § 70 ; CEDH, 8 novembre 2005, Baglay c/
Ukraine, Unanimité, § 31.
194
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 216.
195
CEDH, 28 avril 2005, Robyns de Schneidaver c/ Belgique, Unanimité, §20.
196
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
197
CEDH, 8 novembre 2005, Wojda c/ Pologne, Unanimité, §16.
198
Constatations du 30 mars 1989, affaire B. de B. contre Pays-Bas, A/44/40, p. 298 et affaire n° 223/1987,
Robinson contre Jamaïque, A/44/40, p. 250.
199 Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 24 mars 1993, affaire n° 307/1988, John
Campbell contre Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 49.
200
Constations du 30 mars 1989, affaire 223/1987, Robinson contre Jamaïque, A/44/40, partie I, p. 250.
63

L’égalité des armes et des moyens c’est aussi d’avoir le temps et les facilités
nécessaires pour préparer sa défense, temps et facilités qui sont un corollaire du principe de
l’égalité des moyens. Et concrètement, ce temps et ces facilités ne sont pas effectivement
accordés lorsque l’avocat de l’accusé qui encourait la peine de mort, n’a disposé que de quatre
heures pour étudier le dossier201.

Le principe de l’égalité des armes « représente un élément de la notion plus large du


procès équitable qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de
l’instance »202. Le droit à un procès équitable contradictoire implique par principe, pour une
partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre,
ainsi que d’en discuter203. Aussi, la Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que la
remise au tribunal, par la Procureur Général, d’observations que la défense ne connaît pas et
ne peut pas discuter méconnaît le principe de l’égalité des armes204. De même, le fait que le
parquet près la juridiction d’appel bénéficie d’un droit d’appel dont le délai est supérieur à
celui du prévenu, conjugué à l’impossibilité pour le prévenu d’interjeter appel incident une
fois son délai de recours expiré, place ce dernier dans une position de net désavantage par
rapport au ministère public, contrairement au principe de l’égalité des armes205.

Enfin, la Cour Européenne des Droits de l’homme a condamné la présence du


ministère public au délibéré de la Cour de cassation alors que le prévenu (demandeur) n’a pas
été autorisé à y assister. Cette pratique viole l’égalité des armes206 étant donné qu’elle a
favorisé le ministère public.

Le principe du contradictoire est le cœur des principes de l’égalité des armes et des
droits de la défense. Il devrait exister dans toutes les procédures (civile, pénale,
administrative, disciplinaire et constitutionnel). En procédure civile, ce principe signifie au

201
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 31 mars 1993, affaire n° 282/1988, Leaford Smith
contre Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 33.
202
CEDH, 23 juin 1993, Ruez Mateos contre Espagne, série A, n° 262, §63 ; CEDH, 24 novembre 1997,
Werner contre Autriche, série A, n° 262, §63.
203
CEDH, 24 février 1995, Mc Michaël contre Royaume Uni, série A, n° 307-B, Dalloz, 1995, p. 449, note
Huyette ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner contre Autriche, série A, n° 282, Rec. 1997-VII, Vol. 56, p.
2496 ; E. BARADUC, « Le juge civil de cassation, le moyen relevé d’office et le principe de la
contradiction », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd.
Montchrestien, 2004, p.6, §5 ; CEDH, 31 octobre 2006, Aksoy contre Turquie, §21 ; CEDH, 31 otobre
2006, Gunez Curum contre Turquie, Unanimité, §21.
204
CEDH, 22 février 1996, Bulut contre Autriche, Rec. 1996, II, n° 5, p. 346 ; AJDA 1996, 1013, obs. Flauss ;
JCP 1997, I, 4000, n° 10, obs. Sudre ; CEDH, 20 octobre 2005, Ozata c/ Turquie, Unanimité, §§ 38-42.
205
F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2006 », in JLMB,
2007, p. 261.
206
CEDH, 30 octobre 1991, Borgers contre Belgique, série A, n° 214-A ; CEDH, 20 février 1996, Vermeulen
contre Belgique et Lobo Machado contre Portugal, Rec. 1996-I, Vol. 3, 210 ; AJDA, 1996, 1013, obs.
Flauss ; RTD civ. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, D. 2001, p. 2611
et note R. Drago, p. 2619 ; CEDH, 10 octobre 2002, Theraube contre France ; Procédures, février 2003, n°
50, obs. S. Deygas ; CEDH, 14 novembre 2006, Assad contre France, unanimité, § 35 ; Voy. F. KUTY, «
Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2005 », in J.L.M.B, 2006, pp.
417 - 418
64

minimum que toute personne doit avoir été appelée, c’est-à-dire mise en mesure de se
défendre. Chacune des parties doit connaître les pièces du dossier et les discuter207. Il s’agit de
protéger les parties et aussi de s’orienter vers une solution du litige. En matière pénale, la
présence des parties est nécessaire lors de la recherche des preuves et si un détenu refuse de
comparaître, le procès verbal concernant la recherche des preuves lui sera lu. En matière
administrative, le juge doit communiquer toutes les pièces aux parties.

§7. Le droit à la présomption d’innocence

Ce droit est garanti par l’article 14, §2 du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques, l’article 6, §2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’article 48,
§1 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, l’article 7, 1.b de la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, l’article 11 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme de l’ONU et par l’article 17 alinéa 9 de la Constitution congolaise du 18
février 2006.

La répartition des rôles en matière de preuve est dominée par cette idée que la
personne attaquée est présumée innocente et que c’est celui qui attaque d’apporter la preuve.
Cette idée peut être traduite par le principe de la présomption d’innocence qui ne s’applique a
priori qu’en matière pénale-car il est question de la présomption d’innocence. On peut
cependant considérer qu’il s’agit, comme l’expression du droit de la défense, d’une notion qui
peut être étendue à toutes les procédures208. Le principe de la présomption d’innocence se
traduit dans les autres procédures par un adage latin actori incumbit probatio, « la preuve
incombe à celui qui agit ». Celui qui reproche quelque chose à quelqu’un doit prouver car les
hommes sont en principe honnêtes et respectueux des lois. En réalité, dans tous les
contentieux, le juge peut compléter les preuves apportées par le demandeur lorsqu’elles sont
insuffisantes209.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU se fondant à l’article 14 du Pacte


International relatif aux Droits Civils et Politiques adopte une conception large de la garantie
de la présomption d’innocence : « nul ne peut être présumé coupable tant que l’accusation
n’a pas été établie au – delà de tout doute raisonnable. En outre, la présomption d’innocence
implique le droit à être traité conformément à ce principe. C’est donc un devoir pour toutes
les autorités politiques de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès »210.

La présomption d’innocence se trouve méconnue si une décision judiciaire concernant


un prévenu reflète le sentiment qu’il est coupable, alors que sa culpabilité n’a pas été

207
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 239, p. 229.
208
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 258, p. 240.
209
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 258, p. 241.
210
Voy. P. TAVERNIER, « Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence du Comité des Droits de
l’Homme des Nations Unies », in RTDH, 1996, p. 12.
65

préalablement établie. Tel est le cas lorsqu’une autorité judiciaire constate, sans réserve et en
des termes particulièrement absolus et imprécis, qu’un justiciable a commis des actes
d’escroquerie ou d’assassinat alors que l’une des affaires d’escroquerie ou d’assassinat est
pendante devant les juridictions pénales211. De même, le fait d’exiger d’une personne qu’elle
apporte la preuve de son innocence apparaît déraisonnable en ce qu’elle donne à penser que la
juridiction considère l’intéressé comme coupable et révèle une atteinte à la présomption
d’innocence.

Tous les éléments relevés montrent que le droit à un procès équitable est le cœur et le
poumon de tout procès. Etant donné qu’ils constituent un modèle universel de procès
équitable, ils devraient donc être intégrés dans l’arsenal juridique de tous les Etats du monde
aspirant à l’Etat de droit et l’Etat démocratique.

Section 5 : Les différents modes de recrutement des magistrats

§ 1. Le recrutement des magistrats selon le système de vénalité et d’hérédité

C’est le système par lequel un juge achète sa charge soit à un monarque soit à un
particulier précédemment investi de cette fonction et à ce titre propriétaire de celle-ci. Dans ce
système, la charge judiciaire constitue un élément du patrimoine de son titulaire susceptible
d’être cédé à sa mort à ses héritiers ou à ses ayant-droit.

Il a existé en France dans l’ancien régime de Louis XVI212. Ce système se rattachait


aux conceptions d’une époque où la notion de service public était encore mal dégagée et où le
Roi, pour se procurer de l’argent, concédait moyennant finance des missions d’intérêt général
à des simples particuliers. Il fut aboli à la Révolution française, et de nos jours, il appartient
au passé213.

a) Avantages

- Il confère à la magistrature une très grande indépendance à l’égard des autorités


publiques et de particuliers.
- Il constitue une garantie de conscience professionnelle accrue chez le magistrat dans
l’exercice de ses fonctions.
- Le souci de sauvegarder l’honneur de la famille contribue à améliorer la qualité de la
justice.

211
CEDH, 19 mai 2005, Diamantides c/ Grèce, Unanimité, § 48 ; CEDH, 21 septembre 2006, Pandy contre
Belgique, unanimité, § 42.
212
André POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, Masson, 1985, p. 54.
213
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 331, p. 276-277.
66

b) Inconvénients

- Les valeurs techniques (juridiques) sont sacrifiées au profit des valeurs matérielles. Ce
système rend la justice onéreuse et elle devient plus familiale que publique.
- Il favorise les préjugés de classe ou de caste parmi les citoyens et les justiciables.

§ 2. Le recrutement des magistrats selon le système électif des juges

D’après ce système, c’est le peuple souverain qui choisit le juge parmi les citoyens
dignes d’être investis de la charge judiciaire. Ici, l’exécutif (gouvernement) n’intervient pas à
la désignation des juges. Exemples : Suisse et Etats-Unis214 dans les Etats fédérés alors que
dans l’Etat fédéral, on applique le système de nomination.

a) Avantages

- Indépendance des juges envers le pouvoir exécutif ;


- Il permet de recruter des juges qui sont présumés avoir la confiance du justiciable ;
- Il est démocratique étant donné que les juges sont élus.

b) Inconvénients

- Dépendance des juges à l’égard des justiciables dont les suffrages peuvent assurer la
réélection au tour suivant. C’est l’intrusion de la politique aux prétoires ;
- Il y a un risque que les tribunaux ne deviennent une tribune pour les idéologies
diverses ;
- Absentéisme des électeurs et aussi parfois des élus. Ce genre d’élection ne mobilise
pas les foules ; de telle sorte que, bien souvent, le juge est l’élu d’une minorité de
faveur influente ;
- Difficulté de s’assurer des connaissances juridiques suffisantes dans le cas des
candidats magistrats et en particulier dans le cas de candidats juges. Ceux-ci ont
tendance à juger en équité plutôt qu’en droit ce qui est source d’arbitraire.

§ 3. Le recrutement des magistrats selon le système anglais

En Angleterre, les magistrats sont recrutés en tenant compte de leurs expériences


professionnelles, de leurs connaissances juridiques et de leurs valeurs professionnelles. C’est
parmi les « hommes des lois » qu’on nomme donc les magistrats. Ce sont en l’occurrence des
avocats et parfois des avoués qui ont fourni la preuve dans leur vie quotidienne de toute la
mesure de leur science et de leurs talents215. Dans ces conditions, le Gouvernement anglais est

214
Il en est de même en France pour les juges des tribunaux de commerce, des conseils de prud’homme, les
assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux et les membres des juridictions disciplinaires de la
fonction publique (André Pouille, op. cit., p. 55).
215
A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, Masson, 1985, p. 56.
67

tenu de leur assurer une meilleure situation matérielle afin de les attirer dans la magistrature et
de les y conserver. Leurs salaire est d’environ 6.000 $US216. C’est pourquoi les juges n’y sont
pas nombreux, ils sont environ 500 en Grande- Bretagne.

a) Avantages

- Grande indépendance et une grande impartialité dans l’exercice des fonctions des
juges du fait de leurs expériences et connaissances. L’indépendance des juges anglais
est sauvegardée par le fait qu’il n’y a, en principe, aucun avancement et aucune
mobilité ; l’entrée dans le corps judiciaire n’est pas un début de carrière, mais le
couronnement des mérites reconnus.
- Le juge jouit à la fois de considération de prestige et d’autorité.

b) Inconvénients

- Le risque de la paralysie du fonctionnement de la justice si l’Etat ne possède pas des


moyens suffisants pour attirer les brillants candidats dans la magistrature ou pour les y
maintenir ;
- La lenteur de la justice étant donné le nombre réduit des juges.

§ 4. Le recrutement des magistrats selon le système français

En France, les magistrats sont recrutés parmi les Licenciés en Droit qui ont réussi au
concours d’entrée à l’école nationale de la magistrature où leur est donnée une formation
théorique et pratique d’une durée de 24 mois pendant laquelle ils sont auditeurs de justice. Il y
a plus de 6.000 magistrats en France pour une population de 62.000.000 d’habitants.

a) Avantage

Cette règle a pour objet d’assurer une bonne meilleure justice.

b) Inconvénient

Cette mesure ne concerne que les magistrats de carrière et ne s’appliquent pas donc
aux jurés (membres du jury).

216
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge et de
l’Afrique francophone, vol. I. L’indépendance du juge, thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L ; Louvain-
la – Neuve, 2005, p.
68

§ 5. Le recrutement des magistrats selon le système belge217

En Belgique, les magistrats sont nommés par le Roi sur présentation motivée du
Conseil Supérieur de la Justice après évaluation de la compétence et d’aptitude218.

Il n’y a pas d’école nationale de la magistrature en Belgique ; les candidats magistrats


du siège sont soumis au stage judiciaire d’une durée de trois ans qui comprend une formation
théorique et pratique, ceux du Parquet d’un stage de 18 mois219. Il y a environ 2.010
magistrats pour une population de 10.000.000 d’habitants.

a) Avantage

- Dépolitisation de la nomination des magistrats depuis la création du Conseil supérieur


de la Justice en 1998.

b) Inconvénient

- Absence d’école nationale de la magistrature, le stage judiciaire de trois ans (juges) ou


de 18 mois (magistrats du Parquet) ne peut pas remplacer toute la formation donnée
aux candidats magistrats à l’école nationale de la magistrature.

§ 6. Le recrutement des magistrats selon le système congolais

La République Démocratique du Congo applique le système de nomination sur titre en


l’occurrence le diplôme de Licence ou de Docteur en Droit comme mode de recrutement des
magistrats. D’après ce système, la nomination résulte d’une décision du pouvoir exécutif. Il
s’agit d’un pouvoir qui en l’occurrence relève du Chef de l’Etat. Cela se justifie par le fait
qu’il est le garant de la Nation et comme la justice est rendue au nom du peuple, de la nation ;
il est normal que le garant de la nation désigne au nom de celle-ci les magistrats chargés de
rendre cette justice. Il convient cependant de préciser que le pouvoir de nomination du
Président de la République est de pure forme car toutes les modalités de recrutement sont
l’œuvre exclusive du Conseil Supérieur de la magistrature auquel n’appartiennent le Président
de la République et du ministre de la justice

En République Démocratique du Congo, les conditions ci-après sont exigées pour être
nommé magistrat220 :

217
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Vol. I, L’indépendance du juge, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 96-100 ; F. RIGAUX, « Le statut de la magistrature belge », in Annales
de Droit de Louvain, 2005/1-2, pp. 11 et suivantes.
218
Article 151, §4, alinéa 1 à 4 de la Constitution belge.
219
Article 259, §1er à 8 du Code judiciaire belge.
220
Article 1er de loi organique n° 06/020 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, pp.6-7.
69

- posséder la nationalité congolaise ;


- être âgé de 21 ans accomplis au moins et n’avoir pas dépassé l’âge de 40 ans ;
- jouir de la plénitude de ses droits civiques ;
- jouir d’une parfaite moralité attestée par une autorité administrative ou par extrait de
casier judiciaire ;
- posséder les aptitudes physiques et mentales nécessaires attestées par un certificat
médical;
- être titulaire d’un diplôme de Docteur ou de Licencié en Droit délivré par une université
nationale publique ou privée légalement agrée ou d’un diplôme délivré par une
université étrangère et déclaré équivalent conformément à la législation congolaise sur
l’équivalence des diplômes ;
- s’il s’agit d’une femme mariée, produire un extrait d’acte de mariage.

a) Avantages

- Objectivité dans la nomination des magistrats car tous les candidats doivent avoir le titre
académique requis (Licence ou Doctorat) ;
- Indépendance des juges à l’égard des justiciables étant donné que ceux-ci
n’interviennent pas dans sa nomination ;
- Possibilité de s’assurer de la présomption des connaissances juridiques par le diplôme ;
- Mise à l’écart des candidats non juristes à la profession des magistrats (juges) ;

b) Inconvénients

- Difficulté de s’assurer de la moralité des candidats magistrats étant donné que la


condition prioritaire est le diplôme. Cela pourrait conduire à la nomination des
magistrats immoraux qui risquent de discréditer l’appareil judiciaire.
- Risque d’aboutir au favoritisme politique et aux critiques personnelles pour susciter des
nominations et des avancements arbitraires.

c) Propositions pour une réforme en République Démocratique du Congo

1. Assouplir l’âge de recrutement en faveur des agents des juridictions de l’ordre


judiciaire ou de l’ordre administratif qui ont poursuivi et réussi les études de droit.

2. Le maintien dans le Statut des magistrats d’une disposition relative aux conditions
de nomination à titre exceptionnel étant donné que parmi les professeurs de droit et les
avocats, il y a des gens parfaitement avertis des problèmes du droit et qui, par conséquent,
peuvent apporter leur expérience dans la magistrature. Aussi, la carence numérique des
magistrats persiste. Cette carence est d’autant plus évidente avec la création de la Cour
constitutionnelle, Cour de cassation (13 autres Cours d’appel devraient être créées dans les
nouvelles provinces) et Conseil d’Etat (43 nouveaux tribunaux administratifs à créer, 27
70

nouvelles Cours administratives d’appel à créer) par la Constitution du 18 février 2006. Il


nous semble possible que certaines sommités scientifiques ou avocats de renon ayant fait leur
preuve sur le plan scientifique soient appelés à rendre service à ces hautes juridictions
nouvellement créées.

Nous pensons que l’ancienneté de 15 ans pour ces hautes juridictions (Cour
constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’Etat) serait suffisante mais assortie de
quelques aménagements :
- Les nominations à titre exceptionnel devraient permettre aux juristes de renon ou spécialisés,
principalement les détenteurs de titre de docteur en droit (en plus de leur licence en droit),
de prendre le sommet de la haute magistrature : premiers présidents de la Cour de
cassation, de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat, premiers présidents de Cours
d’appel et des Cours administratives d’appel et des procureurs généraux près des Cours et
Conseil afin de donner une nouvelle impulsion du droit étant donné que ces nouvelles
hautes juridictions nécessitent des compétences techniques énormes. Il y va de la qualité
de leur jurisprudence compte tenu du rôle que ces juridictions sont censées jouer dans
l’édification de l’Etat de droit et la garantie du procès équitable à tous les justiciables ;
- La dispense d’âge ;
- Prévoir les référendaires au niveau de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour
constitutionnelle (qui peuvent être magistrats mais ayant moins de 15 ans d’ancienneté ou
avocats ou professeurs ou assistants dans des universités qui ont fait preuve de compétence
scientifique par des publications. Leur tâche serait d’assister les magistrats de la Cour de
cassation , de la Cour constitutionnelle et du Conseil d’Etat à l’accomplissement de leur
mission).

3. Modifier la formule du serment des magistrats et l’organe appelé à le recevoir221. Nous


pensons à une formule comme : « je jure fidèlement de remplir mes fonctions, de les
exercer en toute indépendance et impartialité dans le respect de la Constitution et les lois
de la République Démocratique du Congo et de remplir loyalement et fidèlement, avec
honneur et dignité les fonctions qui me sont confiées ». Ce serment devrait être prêté
devant le chef de juridiction ou du ressort, et devant les chefs de parquets et offices
suivant qu’on soit du siège ou du parquet.

4. Instituer le mécanisme du droit à la formation et au recyclage de magistrats et créer une


école supérieure de la magistrature.

221
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I L’indépendance du juge thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain – la – Neuve, juin 2005, p. 250.
71

Section 6 : Les qualités du magistrat

Le magistrat de l’ordre judiciaire joue un rôle principal et essentiel dans la distribution


de la justice ; il a pour tâche de dire le droit dans différents litiges qui lui sont soumis ; sa
mission est donc noble et délicate, puisque devant juger ses semblables. Cette mission peut
être examinée sur quatre plans : moral, politique, social et technique.

§1. Au plan moral

Le magistrat a pour mission de faire respecter l’ordre public c’est-à-dire l’ensemble


des valeurs nécessaires et indispensables au bon fonctionnement de la société étatique en
faisant observer scrupuleusement l’ordre juridique établi.

De ce fait, il doit avoir des qualités morales tels que l’honnêteté, la dignité, le prestige,
l’impartialité et l’intégrité car il représente la conscience juridique moyenne de la société, à
l’instar de tout juriste. La Cour suprême de justice a jugé qu’outre la compétence technique, la
fonction du magistrat exige de nombreuses qualités morales, notamment l’indépendance,
l’impartialité, l’honneur et la probité222.

§2. Au plan politique

Tout en étant apolitique, le magistrat a pour mission de participer à la gestion de la


chose publique. Il demeure apolitique dans l’accomplissement de sa mission. Le magistrat
tout en étant électeur ou éligible, ne peut pas prendre part active dans les affaires politiques.

§3. Au plan social

Le magistrat mène sa vie dans la société dont il a pour mission de sauvegarder la paix
pour sa survie. Il doit être sociable, mais cela n’est pas synonyme de vulgaire ou mondain. Il
doit trancher les litiges ce qui veut dire qu’il rétablit l’entente entre les personnes de la
société. A cet égard, il est exigé de lui la droiture, la sociabilité et l’humanisme car la société
est faite pour l’homme et non l’homme pour la société.

§4. Au plan technique

Il est exigé du magistrat des qualités intellectuelles énormes car un magistrat qui fait
preuve de manière habituelle dans l’exercice de ses fonctions, d’une incompétence notoire ou
d’une grave ignorance caractérisée du droit pourra être révoqué de ses fonctions sur
proposition d’une commission technique instituée à cet effet (article 43 du statut des
magistrats).

222
C.S.J., 5 juillet 1994, RPP30, SPRL Art et Décor contre Magistrats Lwamba Bindu, Mbie Morwa et Chimatu
Kamena, in RAJC, Volume II, janvier à décembre 1997, pp. 15-21.
72

Le magistrat doit avoir des compétences intellectuelles requises pour lui permettre de
s’acquitter de sa mission. Il s’agit non seulement pour le magistrat de disposer des
connaissances juridique-techniques et de l’intérêt social nécessaires, mais également de
remplir convenablement les obligations et missions de sa charge. La compétence est
constituée d’un ensemble de comportement de base devant assurer le bon fonctionnement de
la justice223.

Le bon fonctionnement des institutions judiciaires suppose à la base une bonne


organisation de travail, qui sera en principe confiée à son chef de corps. Chaque magistrat a
l’obligation première de remplir de son mieux les missions qui lui sont confiées dans le cadre
de cette organisation.

§5. Les incompatibilités et interdictions des magistrats

a) Les incompatibilités

Elles constituent un empêchement pour un juge d’accepter ou d’exercer d’autres


fonctions publiques ou privées rémunérées.

- La fonction des magistrats est incompatible avec l’exercice d’un mandat politique
quelconque car le magistrat risque d’abuser de sa fonction et de son autorité pour
satisfaire un intérêt purement électoral au dépend de son indépendance à l’égard de ses
électeurs. L’article 65 du Statut des magistrats interdit aux magistrats d’exercer toute
activité professionnelle salariée ou non dans le secteur public ou privé.

Il y a lieu de noter que le Président du Conseil Supérieur de la magistrature (le premier


président de la Cour de cassation) peut, dans certains cas particuliers, autoriser le magistrat à
dispenser les enseignements dans une université publique ou privée ou dans un institut
supérieur (art. 67 du Statut des magistrats). De même, le chef de juridiction ou d’office peut
accorder provisoirement cette autorisation, à condition d’en informer le Conseil Supérieur de
la magistrature. Dans pareil cas, les incompatibilités n’existent plus. Pour les recherches
scientifiques, l’autorisation n’est pas requise.

D’autres incompatibilités sont :


- Aucun magistrat ne peut directement ou indirectement exercer le commerce quel qu’il
soit ;
- Aucun magistrat ne peut être désigné comme arbitre sauf si le litige soumis à l’arbitrage
concerne des personnes qui lui sont apparentées ou alliées jusqu’au 4ème degré.

De même, le magistrat a l’obligation de réserve : il lui est interdit radicalement sous

223
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du
magistrat, Bruxelles, La Charte, 2000, p. 329.
73

peine de sanctions disciplinaires, de se livrer à certaines activités ou d’adopter certaines


attitudes qui seraient de nature à mettre en cause leur parfaite sérénité. Le droit congolais n’a
pas défini l’obligation de réserve. Mais nous pensons que « l’obligation de réserve » ne veut
pas dire silence ou conformisme : le magistrat ne peut être un citoyen diminué, alors qu’il est
amené à manifester ses opinions, le devoir de réserve lui fait l’obligation de mesurer les mots
et la forme dans laquelle il les exprime, la publicité qu’il leur donne, et dans sa conduite
générale de s’abstenir d’accomplir tout acte qui puisse rendre difficile le fonctionnement du
service.

Le devoir de réserve est une notion construite sur la conception que certaines fonctions
sont assurées par des personnes dont il faut préserver l’image d’impartialité et de neutralité en
raison de la confiance qu’elle doive inspirer au public224.

La Cour de cassation belge attend par le devoir de réserve que les juges ne peuvent
faire aucun commentaire ou tenir aucun propos concernant une affaire qu’ils sont appelés à
juger225. Le juge a donc l’obligation de s’abstenir de tout acte ou comportement de nature à
donner l’impression qu’il ne serait plus impartial226.

Pour que ses décisions soient dignes de respect, il importe qu’il ne génère lui-même
aucune circonstance susceptible de fragiliser l’image de la justice227. La Cour Européenne des
Droits de l’homme a souligné que la nation est en effet en droit d’attendre des fonctionnaires
de l’ordre judiciaire qu’ils usent de leur liberté d’expression avec retenue chaque fois que
l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont susceptibles d’être mises en cause228.
L’exigence d’impartialité ne permet pas au juge de commenter les dossiers dont il a à
connaître229. La réserve favorise l’attitude d’écoute du juge230.

La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que le magistrat qui fait
connaître son opinion sur un élément soumis à son appréciation avant l’ouverture des débats

224
P. LAMBERT, « Le devoir de réserve et les notions voisines » in Le devoir de réserve : l’expression
censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’Etudes sur la Justice du 17 octobre 2003,
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 9-19, spéc. p. 15 ; M. VERDUSSEN, « Le devoir de réserve au regard de la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme », in Le devoir de réserve : l’expression
censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’études sur la justice du 17 octobre 2003,
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 21-31, spéc. p. 22.
225
Cassation belge, 18 février 2003, inédit, RGP. 02 913N.
226
Cassation belge, 9 septembre 1999, Pasicrisie belge, 1999, I, p. 1102.
227
P. de FONTBRESSIN, « Le militantisme politique du juge. Un danger pour les libertés ? », R.T.D.H., 2004,
pp. 423-424.
228
CEDH, 28 octobre 1999, Wille contre Liechtenstein, §64.
229
X. DE RIEMAECKER et G. GONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du
magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 351.
230
P. MANDOUX et D. VANDERMEERSCH, « Le point de vue du magistrat », in Le devoir de réserve :
l’expression censurée ? Actes de la table ronde organisée par l’Institut d’études sur la justice le 7 octobre
2003, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 40.
74

ne présente objectivement plus les garanties d’impartialité nécessaire à la connaissance de la


cause231.

b) Les interdictions

Il est imposé au magistrat une neutralité politique de nature à lui éviter des soupçons de
partialité et de dépendance dans l’élaboration des décisions. Le juge doit être au-dessus de
tout soupçon. C’est dans ce but qu’il lui est généralement interdit de se livrer à des
manifestations d’hostilité contre le Gouvernement ou à la participation à des réunions des
partis politiques232 ou à des manifestations de soutien à un Gouvernement ( PPRD, UMP,
PALU, UDPS, MPR, RCD, MLC, etc.). Toutefois, dans le respect d’un Etat de droit qui
garantit la liberté d’expression et le droit de grève, le magistrat peut participer à une
manifestation dans le cadre de son syndicat des magistrats ou autre organisation de magistrats
pour dénoncer un dysfonctionnement (intimidation ou arrestation de la part du service des
renseignements ou grève pour réclamer un salaire décent) qui pourrait porter atteinte au
fonctionnement normal de la justice.

Toutes ces incompatibilités et interdictions ont pour but de sauvegarder le prestige, la


réputation, la dignité, l’indépendance et l’impartialité du magistrat.

§6. La procédure disciplinaire des Magistrats (statut des magistrats)

Elle est prévue par les articles 46 à 64 de la loi n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant
statut des magistrats. L’article 48 de la loi précitée prévoit les peines disciplinaires réservées
aux magistrats :
- le blâme ;
- la retenue d’un tiers du traitement pour une durée d’un mois ;
- la suspension de trois mois au maximum avec privation du traitement ;
- la révocation.

Le pouvoir disciplinaire est exercé par le Conseil Supérieur de la magistrature.


Le blâme, la retenue du traitement et la suspension sont prononcés par le Conseil
Supérieur de la Magistrature et la révocation par le Président de la République sur proposition
du Conseil Supérieur de la magistrature.

Les chefs de juridictions et les chefs d’offices de Parquet constatent toute faute
disciplinaire commise par les magistrats placés sous leur autorité. Les magistrats membres de
l’inspectorat général peuvent constater toute faute disciplinaire commise par tout magistrat
égal ou inférieur à celui du magistrat instrumentant.

231
CEDH, 7 novembre 2000, Kingley contre Royaume-Uni, unanimité, §49-50, CEDH, 29 mars 2001, D.N.
contre Suisse, §54 ; CEDH, 15 décembre 2005, Kiprianou c/ chypre, Unanimité, § 120.
232
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., pp 597-600.
75

Lorsque l’enquête est complète et qu’il ya lieu de poursuivre, le magistrat est cité de
comparaître devant le Conseil Supérieur de la Magistrature à la requête de chef de juridiction
ou de l’office ayant initié l’action disciplinaire.

Le président du Conseil Supérieur de la magistrature, les chefs de juridictions et les


chefs d’offices des parquets peuvent si les faits leur paraissent graves, interdire tire
conservatoire, au magistrat poursuivi, l’exercice de ses fonctions jusqu’à la décision
définitive. Dans la pratique, les chefs des juridictions et des Parquets sur base de cette
disposition mènent une vie dure aux magistrats en les interdisant à tout moment estimant que
les faits leur paraissent graves. C’est pourquoi, en vue de renforcer l’indépendance du
magistrat, il est urgent que le pouvoir d’interdiction des magistrats revienne au Conseil
Supérieur de la Magistrature. Cela serait conforme à l’article 152 alinéa 4 de la Constitution
congolaise du 18 février 2006 qui prévoit que le Conseil Supérieur de la Magistrature est
l’organe de gestion du pouvoir judiciaire.

Dans tous les cas, les droits du magistrat incriminé pourraient être sauvegardés dans la
mesure où l’article 54 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats, obligent pour cette interdiction que tous les chefs hiérarchiques ainsi que le
Secrétariat Permanent du Conseil Supérieur de la Magistrature soient informés. Aussi, le chef
hiérarchique immédiatement supérieur à celui qui a pris la décision d’interdiction peut, à tout
moment, dans l’intérêt du service, lever la mesure d’interdiction prise par les chefs de
juridiction et les chefs d’offices des parquets.

Il convient cependant de noter après trois mois de l’interdiction du magistrat, si


l’action disciplinaire n’est pas clôturée par une décision de classement sans suite ou par
l’application d’une peine, l’interdiction devient caduque, sauf si l’on a ouvert une action
pénale à l’endroit du magistrat, celui-ci devra attendre en interdiction jusqu’au jugement. En
cas de condamnation de plus de trois mois, le magistrat est révoqué d’office.

Section 7 : Les garanties de l’indépendance du juge

Il existe plusieurs mécanismes (ou structures) qui peuvent contribuer à garantir


l’indépendance du juge, mais ceux qui nous paraissent plus efficaces sur le plan de la
distribution de la justice sont principalement l’inamovibilité (§ 1) et le Conseil Supérieur de
la Magistrature (§ 2).

§1. L’inamovibilité du juge

Le principe de l’inamovibilité du juge est une notion qui signifie que celui-ci (le juge)
une fois nommé à ses fonctions ne peut plus être révoqué, suspendu ou retraité en dehors des
conditions légales. Il implique particulièrement que le déplacement de ce magistrat ne peut
intervenir qu’avec son consentement même si une nouvelle affectation ou une nomination est
76

assortie d’une promotion. Aux Etats-Unis et en Suisse, le juge ne peut pas être révoqué avant
l’expiration de son mandat. Le juge fédéral américain est même investi d’une charge à vie,
perpétuelle.

Un juge qui ne serait pas inamovible ne serait pas véritablement indépendant. Si pour
sa décision, le magistrat doit craindre une révocation, une suspension, ou une mutation, il
serait loin d’être indépendant, impartial et dans ce cas, la justice serait perdue pour le
justiciable et pour la justice elle-même.

L’inamovibilité des juges repose sur le souci de sauvegarder les intérêts des
justiciables et d’assurer une saine administration de la justice. Elle est loin de constituer un
privilège du magistrat du siège qui n’est chargé que de veiller à la sécurité des droits et des
libertés de ses concitoyens et des autres justiciables. Elle n’est pas destinée à protéger la
dignité ou l’intérêt personnel de ce magistrat. Ce principe a pour but fondamental de préserver
l’indépendance du magistrat assis afin de l’aider à avoir le courage de résister aux pressions
de divers ordres, aux sollicitations ainsi qu’aux menaces éventuellement graves d’une partie
puissante.

Cette garantie d’indépendance de juge peut seul lui permettre de rendre sa décision
même à l’encontre d’un justiciable apparemment ou réellement puissant. Le véritable guide
du juge est en effet dans chaque cas la voix de sa conscience qui est la seule qu’il puisse
écouter pour mieux servir le droit et la justice. L’article 150 alinéa 4 de la Constitution
congolaise du 18 février 2006 déclare : « Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être
déplacé que par une nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée
par le Conseil supérieur de la magistrature ». L’inamovibilité est aussi soulignée à l’article
14 alinéa 2 du Statut des magistrats congolais qui déclare :« Le juge ne peut être déplacé que
sur sa demande dûment motivée et acceptée ou suite à une promotion ou encore pour des
raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le Conseil
Supérieur de la Magistrature»233.

L’inamovibilité du juge est un élément essentiel de l’indépendance car un juge qui est
nommé et qui peut être déplacé unilatéralement par le pouvoir de nomination serait
difficilement indépendant. En principe, la nomination à vie (jusqu’à l’âge de la retraite)
garantit le mieux l’indépendance. Mais, dans la pratique, il y a beaucoup d’exemples de
magistrats dont les mandats sont limités à un certain nombre d’années, et la Cour Européenne
des Droits de l’Homme les a néanmoins tenus pour indépendants234, à condition qu’ils soient
inamovibles pendant la durée de leurs mandats, ce qui constitue l’une des garanties

233
Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la
République Démocratique du Congo, n° spécial, 25 octobre 2006, p. 6.
234
CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c/Royaume Uni ; CEDH, 16 décembre 2003, Cooper c/Royaume-
Uni, § 118 (rendu à l’unanimité) ; CEDH, 26 février 2002, Morris c/Royaume-Uni.
77

d’indépendance235. C’est à quoi l’indépendance répugne, c’est la possibilité de révocation ad


nutum236.

Dès lors, il convient de préciser le contenu de ce principe (A), son champ


d’application (B) avant d’aborder ses limites (C) ainsi que des propositions pour une réforme
en République Démocratique du Congo(D).

A. Contenu du principe

Il peut s’examiner partant de sa définition.


Le professeur Lavigne P. définit l’inamovibilité comme étant : « La technique
d’investiture d’un emploi public selon laquelle la personne qui en bénéficie ne peut être
désinvestie que sur sa demande ou pour atteinte de la limite d’âge, sous réserve d’une
désinvestiture prononcée par une juridiction administrative »237. Cette définition, quoique
pertinente, ne montre pas sur quoi exactement l’investiture porte, aussi, elle reste muette
quant à la commission d’une faute lourde par le juge qui pourrait mettre fin à ses fonctions.
C’est pourquoi, nous proposons une définition claire qui tient compte de ces éléments :
« L’inamovibilité signifie que le juge ne peut faire l’objet d’une mesure individuelle
quelconque prise en son encontre par le gouvernement (révocation, suspension, déplacement,
mise à la retraite prématurée), en dehors des cas et des conditions prévus par la loi »238. Elle
ne constitue donc pas un privilège personnel pour le juge, mais une garantie essentielle d’une
bonne distribution de la justice, en ce qu’elle permet au juge de juger de manière sereine sans
la crainte du pouvoir exécutif239. Or, étant donné que le juge est nommé en principe par le

235
CEDH, 22 octobre 1984, Strameck c/Autriche, précité ; CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De
Meyere c/Belgique, série A, n° 43, §57 ; CEDH, 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, série A, n° 117 ; CEDH, 26
février 2002, Moris c/Royaume Uni, § 68 (rendu à l’unanimité).
236
J. VELU et R. ERGEC, La Convention européenne des droits de l’homme. Extrait du Répertoire pratique
du droit belge, complément tome VII, Bruxelles, éd. Bruylant, 1990, p. 455.
237
P. LAVIGNE, « Les personnes inamovibles dans les services publics français », in Mélanges Charlier,
Paris, éd. Paul, 1980, p. 58.
238
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 362 p. 301 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, PUF, 1996, p. 49 ; J.A. MAST, « L’indépendance des magistrats », in Journal
des tribunaux, 1946, p. 181.
239
R. WARLOMONT, Le magistrat, son statut et sa fonction, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1950, p. 94 ; n° 398 ;
A. VAN OELEVEN, « L’indépendance et la responsabilité civile, ainsi que l’indépendance du pouvoir
judiciaire et la responsabilité de l’Etat du fait des fautes professionnelles des juges en droit belge », in Rôle
et organisation des magistrats et avocats dans les sociétés contemporaines, IXe Congrès mondial de droit
judiciaire, Anvers, éd. Kluwer, 1992, p. 268 ; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, « Les garanties de
l’indépendance du juge en droit belge », in Revue de droit international et de droit comparé, extrait du
numéro spécial de 1954 consacré au IVe Congrès de l’académie internationale de droit comparé, Bruxelles,
éd. Bruylant, p. 163 ; A. FETTWEIS, Introduction au droit judiciaire, les Institutions, Liège, 7e éd., 1983, p.
60 ; A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, pp. 76-77 ; J. VINCENT,
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, La justice et les institutions, Paris, 4e éd. Dalloz,
1996, p. 484, n° 497 ; TH. RENOUX, Le conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, l’élaboration d’un
droit constitutionnel juridictionnel, éd. Economica, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, p. 115 ; A.
LAGNEAU DEVILLE, « Influence du pouvoir exécutif sur les prérogatives du juge en France, sous la Ve
République », in PH. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCKHOVE (sous direction), Fonction de juger
et pouvoir judiciaire, Transformations et déplacements, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1983,
p. 482 ; F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, Paris, éd. Litec, 1994, p. 44 ; L. CADIET, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 1991, p. 166 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, pp.
78

pouvoir exécutif, il est nécessaire qu’il ait, le cas échéant, et pour fortifier la résolution de son
caractère et les aspirations de sa conscience, le moyen, en droit et en fait, de résister sans
avoir à craindre pour sa situation aux pressions du pouvoir exécutif ou de plaideurs puissants,
de même qu’aux influences politiques dont il pourrait être l’objet. Ce moyen est précisément
l’inamovibilité. Par conséquent, c’est donc la protection du juge contre toute révocation
arbitraire (a) d’une part et le refus que le juge soit déplacé contre son gré (b) d’autre part.

a) La protection du juge contre toute révocation arbitraire

Il s’agit, en effet, de l’inamovibilité des fonctions qui s’oppose à ce que le juge puisse
être révoqué, suspendu et destitué de façon arbitraire, c’est-à-dire en dehors des garanties de
formes expressément prévues par la loi. Ainsi, une fois son pouvoir de nomination épuisé, le
gouvernement n’a plus d’action sur le juge car ce dernier ne peut être désinvesti que par la
mort ou la renonciation volontaire240. Ainsi, ne peuvent être considérés comme inamovibles le
président et son vice-président qui nommés et révoqués par le ministre de la justice, et qu’il
existe entre eux et le ministre un lien de subordination hiérarchique de sorte que la juridiction
ne peut être considérée comme un tribunal indépendant241. Dès lors, il convient d’examiner ce
principe en tenant compte de l’apport du droit comparé avant d’envisager les propositions
pour une réforme en République Démocratique du Congo.

En effet, en Belgique, dès l’instant où un juge est investi, il échappe au pouvoir dont
il tient sa nomination. Cela vient de l’article 152, alinéa 1er de la Constitution qui dit :
« Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement ». C’est donc
l’irrévocabilité du juge qui est garantie par cette disposition, car la déchéance de ses
fonctions ne peut être prononcée que par la Cour de cassation statuant comme autorité
disciplinaire242. Le constituant a ainsi prévu que le juge soit nommé à vie et ne peut être
démis de sa fonction avant l’âge de la retraite243. Il résulte des travaux parlementaires de la

40-41 ; D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique. L’accès aux fonctions judiciaires et la carrière
du juge », in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe,
1997, p. 130 ; G. MANGIN, « De l’autorité judiciaire », in F. LUCHAIRE et G. CONAC (sous direction),
Constitution de la République française. Analyses et commentaires, Paris, éd. Economica, 1987, pp. 1142-
1144 ; J.L. BODIGUEL, Les magistrats un corps sans âme, Paris, éd. Presses universitaires de France,
1991, pp. 224, 266 et 271 ; Syndicat de la magistrature, Justice sous influence, Paris, éd. François Maspero,
1981, pp. 193-195 ; P. LYON-CAEN, « L’expérience du syndicat de la magistrature », in Pouvoirs, n° 16,
1981, p. 60 ; M. WALINE, « Pouvoir exécutif et justice », in Justice, Paris, PUF, 1961, pp. 100-101 ; M.
BLEOU, « Carrière du magistrat », in L’Etat de droit et l’indépendance de la magistrature, Séminaire, Saly
Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, p. 10 ; ST. DE CLERCK, Les arbres de la forêt. Réformer
la justice, Bruxelles, Ministère de la justice, 1997, pp. 38-39 ; SOLON, Raison pour la justice, Paris, éd.
Dalloz, 1986, p. 146 ; H. SOLUS et R.PERROT, Droit judiciaire privé, Tome 1, Paris, éd. Sirey, 1961, n°
776, p. 663; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 362, p. 301.
240
TH. RENOUX, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire. L’élaboration d’un droit constitutionnel
juridictionnel, éd. Economica, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, p. 116.
241
CEDH, 1er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 41.
242
Article 409 du Code judiciaire belge ; Cassation, 29 juin 1972, Pasicrisie belge, I, p. 1026 ; Cassation, 9
octobre 1987, Pasicrisie belge, 1988, I, p. 171.
243
Article 152 alinéa 1er de la Constitution belge ; cependant, le Conseil d’Etat peut suspendre l’exécution d’un
arrêté royal portant nomination d’un juge lorsqu’il estime que cette suspension est compatible avec cette
79

loi belge du 25 juillet 1867, que celle-ci en instituant la limite d'âge des magistrats, voulait
parer à l'inconvénient de voir demeurer à leur siège des juges devenus incapables
physiquement d'exercer adéquatement leurs fonctions244.

Au Sénégal tout comme en Côte d'Ivoire et au Bénin, le juge est protégé contre
toute révocation arbitraire même si la réalité pratique est différente.

En République Démocratique du Congo, l'inamovibilité du juge était inconnue à


l'époque coloniale245. A l'indépendance, la loi fondamentale246 a transposé l'inamovibilité
telle qu'elle était appliquée en Belgique car l'article 192, alinéa 1er dit : « Les magistrats
du siège sont inamovibles dans le cadre de leur statut ». Les Constitutions de 1964247 et
de 1967248 ont proclamé ce principe de manière timide. Dans le but de limiter
l'indépendance du juge, le pouvoir exécutif qu'incarnait le Maréchal Mobutu a supprimé
« l’inamovibilité » dans les Constitutions ultérieures249 ainsi que dans différents statuts
des magistrats. Pour pallier à cela, la Commission juridique de la Conférence nationale
souveraine a relevé : « Votre Commission propose le maintien du principe de
l'inamovibilité du juge consacré par les Constitutions de 1964 et de 1967 qui dispo-
saient que le magistrat du siège était inamovible »250, et ce principe devrait être appli-
cable même au juge militaire en temps de paix comme en temps de guerre251.

Le décret-loi constitutionnel n° 003 du 18 mai 1997 relatif à l'exercice du pouvoir


en République Démocratique du Congo ne faisait aucune allusion à l'inamovibilité du juge.
Au contraire, le pouvoir exécutif avait posé des actes montrant le mépris voire le rejet de ce
principe. Ainsi, d'abord par décret présidentiel n° 069 du 25 avril 1998, 91 magistrats du
siège et du parquet avaient été mis à la retraite anticipée252; ensuite par décret présidentiel
n° 144 du 6 novembre 1998, 315 magistrats du siège et du parquet avaient été révoqués de
manière arbitraire, curieusement sans qu'ils aient su les motifs de leur révocation253. Ces

disposition (notamment Conseil d’Etat belge, section d’adm., 7e ch., 18 juin 1991, in Journal des Tribunaux,
1991, p. 718 ; Conseil d’Etat, 29 octobre 1992, Journal des procès, n° 226 du 13 novembre 1992, p. 30).
244
R. WARLOMONT, Le magistrat, son statut et sa fonction, Bruxelles, éd. Ferdinand Larcier, 1950, p.94.
245
P. PIRON, L’indépendance de la magistrature et le statut des magistrats, Gembloux (Belgique), éd. J.
Duculot, 1956, pp. 59-69.
246
Loi fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960, in Moniteur belge du vendredi 27 et
samedi 28 mai 1960, pp. 3988-4012.
247
Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er août 1964, Moniteur congolais, numéro
spécial, 5 octobre 1965. Cette Constitution a été suspendue par le coup d'état de M. MOBUTU le
24/11/1965. Son article 129 proclame le principe.
248
Moniteur congolais, n° 14, du 15 juillet 1967. L'article 63 posait le principe.
249
Il convient de citer notamment les révisions constitutionnelles de 1970, 1974, 1978, 1980, 1982, 1990 et
1992.
250
Rapport de la commission juridique, Conférence Nationale Souveraine, Kinshasa, Palais du peuple, 1992, p.
24.
251
Ibidem, p. 61.
252
Le Palmarès n° 1236, p. 6.
253
BALANDA MIKWIN LELIEL, « Droits de l'homme et administration de la justice », in Droits de l'homme
et droit international humanitaire, séminaire de formation du cinquantenaire de la DUDH, 18 novembre au
10 décembre 1998, Presses de l'Université de Kinshasa, 1999, p. 258 ; Rapport sur la situation des droits de
l'homme dans la République Démocratique du Congo, présenté par le Rapporteur spécial Roberto Garreton,
80

exemples nous permettent de comprendre : « Un gouvernement autoritaire et absolu a


tendance à refuser d'accorder l'inamovibilité aux magistrats qui pourraient en user contre
lui et pour lui résister, (...) un gouvernement qui arrive au pouvoir témoigne volontiers, par
des révocations contraires à l'inamovibilité, son hostilité ou sa suspicion à l'égard des
magistrats nommés par le régime précédent : selon l`expression consacrée, il « épure » la
magistrature »254.

Comme on peut le remarquer, l’inamovibilité a été complètement ignorée en


République Démocratique du Congo. C’est à partir de la démocratisation qu’une ère nouvelle
d’espoir apparait. En effet, l’article 150 alinéa 4 de la Constitution approuvée par le
référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 prévoit l’inamovibilité.
De même et surtout, l’article 14 du Statut des magistrats congolais confirme le principe de
l’inamovibilité, apparemment la révocation arbitraire de juge par le pouvoir exécutif nous
semble désormais impossible. Il faudrait attendre voir comment cela se fera dans la pratique.
L’inamovibilité implique aussi le refus que le juge soit déplacé contre son gré.

b) Le refus que le juge soit déplacé contre son gré

Il s'agit ici de l'inamovibilité de résidence qui s'oppose à ce que le juge soit déplacé
par le Gouvernement d'une juridiction à l'autre ou d'une juridiction au parquet sans son
consentement. Nous analyserons l’application de ce principe en République Démocratique du
Congo avant de tirer les enseignements à travers le droit comparé.

En effet, en République Démocratique du Congo, la loi fondamentale de 1960, en


son article 192, alinéas 2 et 3 disposait : « Les magistrats du siège sont inamovibles dans le
cadre de leur statut. Ils ne peuvent être déplacés que par une nomination nouvelle et de leur
consentement; ils ne peuvent être privés de leur place, ni suspendus que par un jugement ».
La Constitution du 1er août 1964 reconnaissait ce principe lorsqu'elle disait en son article
129 alinéa 3 : « Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être déplacé que par une
nomination nouvelle et de son consentement. Il est nommé à vie ».
La Constitution du 24 juin 1967 n'a reconnu ce principe que laconiquement car l'alinéa 2 de
son article 63 dit : « Le magistrat du siège est inamovible: il ne peut être déplacé que par
une nomination nouvelle ».

En comparant ces trois textes, nous pouvons retenir les observations suivantes :
- Les constituants de 1960 et de 1964 garantissaient mieux ce principe étant donné qu'ils

conformément à la résolution 1998/61 de la Commission, Conseil économique et social, Nations-Unies,


document E/CN.4/1999/31, 8 février 1999, p. 24 ; Rapport du Secrétaire général de l'ONU A/53/365 sur la
situation des droits de l'homme dans la République Démocratique du Congo ; Le phare n° 950 du 11
novembre 1998 ; L'avenir n° 479 du lundi 9 novembre 1998 ; La référence plus n° 1428 du 11 novembre
1998 ; La référence plus n° 1432 du 16 novembre 1998 ; L'éveil du 20 novembre 1998 ; L'éveil n° 125 du 13
au 19 novembre 1998 ; Le potentiel n° 1536, vendredi 5 février 1999.
254
H. SOLUS et PERROT R., Droit judiciaire privé, Tome I, Introduction notions fondamentales
d’organisation judiciaire, Paris, éd. Sirey, 1961, p. 663, n° 777.
81

prévoyaient qu' « une nomination nouvelle » était conditionnée par le consentement du juge
lui-même.
− Le constituant de 1967 ne garantissait pas ce principe de manière suffisante, car même
s'il était proclamé dans la Constitution, le pouvoir exécutif pouvait toujours déplacer le
juge par une autre « nomination nouvelle », ou le nommer au grade supérieur, ce qui vide
de sa substance le contenu de l'inamovibilité.

Donc, la seule « nomination nouvelle » ne suffit pas pour prétendre justifier le


déplacement d'un juge de son siège, il faut pour ce faire un consentement du concerné ; car
comme l’ont écrit justement J.Cl. Magendie et J.J. Gomez : « (…) L’inamovibilité peut
devenir un piège pour le juge lorsque l’avancement dépend du pouvoir »255.
Malheureusement, les autres Constitutions qui avaient suivi256 avaient carrément renvoyé le
principe de l'inamovibilité du juge aux oubliettes de l'histoire. Pour preuve, les articles 11 et
12 de l’ancien Statut des magistrats congolais257 reconnaissaient au Ministre de la justice le
pouvoir de muter tout magistrat, et même affecter au parquet tout magistrat du siège, et
vice-versa.

En pratique, l'usage de ce pouvoir par le ministre de la justice permettait à ce dernier


d'obtenir tout ce qu'il voulait dans tous les circuits des décisions judiciaires étant donné que
chaque magistrat était conscient du prix à payer en cas de refus de rendre des services à
l'autorité politique qui en faisait la demande, car, chacun craignait soit de perdre son poste
soit d'être muté intempestivement à un endroit aride de la République. Plusieurs présidents
de juridictions témoignent que certains ministres de la justice allaient jusqu'à imposer des
compositions de siège de leur souhait lorsqu'il s'agissait de telle ou telle affaire. Le ministre
était donc seul maître à bord de ce navire « justice »258. C'est pourquoi, le Syndicat
autonome des magistrats de la République Démocratique du Congo n'avait cessé de
déplorer : « Il faut souligner ici que l'absence de cette garantie fait du juge zaïrois un
corvéable à la merci du Ministre de la justice, qui à tout moment dispose du pouvoir de
signer un arrêté et déplacer tout juge qui ne se plierait pas à ses interventions souterraines
dans le traitement d'une affaire judiciaire »259. Or, il ne fait aucun doute : « viole
l'indépendance du juge, le fait pour le gouvernement de menacer de transférer les juges à
d'autres postes si leurs décisions ne sont pas conformes à ses attentes ou instructions »260.

255
J.Cl. MAGENDIE et J.J. GOMEZ, Justices, éd. Economica, 1986, p. 24.
256
Depuis 1970 à 2005. La Constitution votée par référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18
février 2006 a inscrit ce principe en son art. 150 al. 4.
257
Ordonnance-loi n° 88-056 du 29 septembre 1988 portant statut des magistrats, in Journal officiel de la
République du Zaïre, n° spécial, septembre 1988.
258
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, Ed. Droit et Idées nouvelles, 2001, p. 270.
259
K. NTUMBA, « De l’indépendance des magistrats au Zaïre », in Spécial Colloque de l’association zaïroise
de défense des droits de l’homme AZADHO, 16 juillet 1996, Kinshasa, pp. 6-7.
260
D. GOMIEN, D. HARRIS et L. ZWAAK, Convention européenne des droits de l’homme et Charte
européenne : droit et pratique, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1997, p. 184.
82

C’est à partir de la démocratisation que l’inamovibilité du juge a pris une part assez
significative dans les textes. Ainsi, l’article 150 alinéa 4 de la Constitution de la République
Démocratique du Congo approuvée par référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18
février 2006 dit : « Le magistrat du siège est inamovible. Il ne peut être déplacé que par une
nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature ». De même, l’article 14 de la loi organique n° 06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats déclare : « Le juge est inamovible. Il ne peut être
déplacé que sur sa demande dûment motivée et acceptée ou suite à une promotion ou encore
pour des raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le
Conseil Supérieur de la Magistrature ».

Il ressort de deux textes que les conditions alternatives suivantes doivent être réunies
pour qu’un juge soit déplacé de son poste :
− Une nomination nouvelle sur sa demande dûment motivée et acceptée;
− Une promotion ;
− Raisons liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie qui en saisit le Conseil
Supérieur de la Magistrature et que celui-ci l’approuve.
En dehors de ces conditions, le déplacement du juge par le pouvoir exécutif voire par le
Conseil Supérieur de la Magistrature serait illégal voire inconstitutionnel. En cas d’illégalité,
le juge lésé pourrait saisir le Conseil d’Etat en annulation ou en suspension en se fondant à
l’article 14 de la loi n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, et en cas
d’inconstitutionnalité, il saisirait la Cour constitutionnelle pour prouver en quoi les termes de
l’article 150 alinéa 4 de la Constitution on été violés.

Certes, c’est une grande avancée dans la garantie de l’indépendance du juge, mais la
prudence doit être de mise étant donné que par « rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature » ou par « nomination nouvelle » insérée dans l’article 150 de la
Constitution du 18 février 2006, et par « suite à une promotion ou encore pour des raisons
liées à ses fonctions dûment constatées par sa hiérarchie » prévu à l’article 14 alinéa 2 du
statut des magistrats du 10 octobre 2006, le pouvoir politique, à travers le Conseil Supérieur
de la Magistrature risque de noyer le principe de l’inamovibilité comme nous allons le
souligner dans certains pays de l’Afrique francophone qui ont prévu le mécanisme de
« nécessités du service » ou « nomination nouvelle ».

C’est pourquoi, il convient de nous inspirer du droit comparé belge, français et de


l’Afrique francophone afin de voir les pistes envisageables pour une réforme à l’avenir. En
effet, en Belgique, le fondement juridique de cette notion vient de l'article 152 alinéa 3 de
la Constitution qui déclare : « Le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une
nomination nouvelle et de son consentement ».

En France, la question est réglée par l'article 4, alinéa 2 de l'ordonnance n° 58-1270


du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en ces termes
: « En conséquence, le magistrat du siège ne peut recevoir sans son consentement une
83

affectation nouvelle, même en avancement ». Cette règle empêche ainsi, l'autorité investie de
pouvoir de nomination du juge, d'intervenir par le biais d'une mutation « déguisée » en
promotion, dans le jugement d’une affaire en cours261.

Mais la statistique montre que pratiquement tous les juges ne sont pas inamovibles.
Ainsi, un magistrat sur trois peut être considéré comme très mobile et un peu moins d'un sur
dix comme inamovible. Cependant cette mesure de mobilité est très frustre en ce qu'elle
intègre le changement de tribunal à égalité de fonction ou le changement de fonction dans le
même tribunal. En effet, au niveau des Cours d'appel, 360 magistrats sont mobiles et ont
changé de six à dix fois de Cour d’appel, et 387 immobiles qui ont parcouru leur carrière en
changeant le moins possible ont occupé de quatre à dix fonctions seulement, une à trois Cours
d'appe1262.

L'article 32 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des


magistrats et au conseil supérieur de la magistrature263 prévoit que le premier président de la
Cour d’appel, peut prononcer par voie d'ordonnance l'affectation de certains magistrats du
siège de son ressort appelés à remplacer temporairement leurs collègues du fait de congé
maladie, de longue maladie, pour maternité ou adoption ou du fait de leur participation à des
stages de formation, ou admis à prendre leur congé annuel. Mais la durée de ce remplacement
ne peut dépasser huit mois et n'est pas renouvelable. Au vu de ces exemples, remarque P.
Hebraud, la règle de l'inamovibilité a perdu avec le temps une partie de sa force, elle a surtout
valeur de symbole264. En fait, elle n'assurerait, à elle seule, au juge qu'une garantie trompeuse
et insuffisante si n'avaient été aménagées des règles protectrices, notamment en ce qui
concerne l'avancement et la discipline.

Mais nous pensons qu'en dépit des vicissitudes qu'a connues et des discussions
auxquelles donne lieu le principe de l’inamovibilité, il nous paraît aussi dangereux qu'inexact
de prétendre que le terme inamovibilité s'est vidé de toute substance et de parler de valeur
mythique, de sa « dégénérescence ». Nous persistons à penser que le principe de
l'inamovibilité doit être préservé comme étant l'une des garanties majeures et le fer de lance
de l'indépendance du juge.

261
D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique. L’accès aux fonctions judiciaires et la carruère du
juge », in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Réunion multilatérale organisée par le
Conseil de l’Europe et la Cour Suprême de Hongrie, Budapest, 25-27 octobre 1995, Strasbourg, éd.
Conseil de l’Europe, p.130.
262
J.L. BODIGUEL, Les magistrats un corps sans âme, Paris, PUF, 1991, pp. 224-225.
263
Journal Officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
264
Cité par J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, La justice et ses institutions,
Paris, 4e éd., Dalloz, 1996, n° 497, p. 484 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, éd. PUF, 2e éd., 1996, p;
50; PERROT, R., Institutions judiciaires, 11e éd., Montchrestien, 2004, p. 301 ; HEBRAUD, Les garanties
de l’indépendance des juges, Travaux de l’Institut de droit comparé de Paris, 1959 ; Justice, 1957.I,
« L’autorité judiciaire », D.1959, Chron., p. 81 ; HOLLEAUX, « L’administration des magistrats et leur
dépendance », Rev. Franc. Sc. Pol., 1963, p. 44.
84

En Afrique francophone, excepté le Bénin, les autres pays ont tendance à noyer ce
principe au nom de « nécessités du service ». Ainsi, au Sénégal, l'article 5, alinéa 2 et 3 de la
loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 portant statut des magistrats dit : «Les juges ne
peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d'avancement, sans leur
consentement préalable. Toutefois, lorsque les nécessités du service l'exigent, les magistrats
du siège peuvent être provisoirement déplacés par l'autorité de nomination, sur l'avis
conforme et motivé du Conseil Supérieur de la magistrature qui indiquera la durée
maximale pour laquelle le déplacement est prévu ».

Dans la pratique cependant, les gouvernants en abusent et affectent les juges selon leur
vouloir au nom « des nécessités de service »265 étant donné que c'est une notion vague,
franchement fourre-tout que les pouvoirs publics utilisent pour faire échec à l'inamovibilité
du juge. Ils y arrivent avec d'autant plus d'aisance qu'ils n'ont pas besoin de dire en quoi le
service nécessite l'affectation du magistrat266. C'est ainsi que certains juges sont promus au
grade supérieur sans leur consentement, et d'autres, ce qui est fréquent, font la navette entre
le siège et le parquet d’autant plus qu’il est facile alors de sanctionner un juge « dans
l’intérêt du service »267. Tel est le cas du Doyen des juges d’instruction du Tribunal régional
de Dakar (correspondant au Tribunal de grande instance), Demba Kandji qui avait été muté
au parquet général alors qu’il était saisit de l’instruction judiciaire à charge de l’ancien Chef
d’Etat tchadien Hissène Habré268. D'où, aucune raison ne peut justifier à l'heure actuelle le
maintien de « nécessités de service » dans la magistrature269.

Une autre pratique contestable est la situation d'intérim. En effet, le caractère réduit
des effectifs et la jeunesse du corps de la magistrature conduisent les magistrats à occuper
très souvent des postes supérieurs à leur grade. Ainsi, y sont-ils affectés par intérim.
L'exécutif favorise lui-même la situation d'intérim par le jeu d'une fiction car le magistrat
est titularisé dans une juridiction mais n'y exercera jamais. Il s'agit là d'une véritable
préméditation, d'une méfiance a priori à l'égard du magistrat qui est toujours tenu éloigné
sans que le service le nécessite, du poste où il est titulaire et où il aurait bénéficié du
principe de l'inamovibilité270.

265
SY DEMBA, « Le statut du magistrat au Sénégal », in Revue de l’association sénégalaise de droit pénal, n°
2, juillet-décembre 1995, pp. 63-64.
266
M. BLEOU, « Carrière du magistrat », in L’Etat de droit et l’indépendance de la magistrature, séminaire
Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, pp. 9-13, 17 et 65 ; BA AMADY, Droits et
responsabilités des juges, discours de rentrée des cours et tribunaux du Sénégal, Cour de cassation, audience
solennelle, jeudi 5 novembre 1992, Dakar, éd. Jurisen-Sarl, pp. 5-6.
267
J.L. BODIGUEL, op. cit., p. 267.
268
ALIOUNE TINE, « Les agissements déplorables du Sénégal. Un panel présidentiel mute des juges-Les
poursuites contre l’ex. dictateur tchadien sont abandonnées-Les victimes iront en appel », in
httt :www.hrw.org/french/press/2000/habres0705-fr.htm, 2 mai 2001, 14 h 32’, pp. 1-3.
269
L’indépendance de la magistrature, Séminaire régional de Cotonou du 1er au 3 juin 1993, p. 94.
270
Séminaire, Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26 novembre 1994, p. 11 ; Etat de droit et indépendance de la
magistrature, M. JEOL, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, éd. A. Pedone, 1963,
p. 99.
85

Enfin, une pratique inquiétante résulte du décret n° 92/920 du 17 juin 1992 portant
titularisation et détachement des magistrats271. Ce décret, en son article 5, décide de manière
autoritaire de placer certains magistrats dont ceux du siège en « position de détachement
auprès de la primature ». Dans le milieu judiciaire sénégalais, on considère ce décret comme
un moyen de mettre à l'écart certains magistrats jugés indociles à l'égard du pouvoir
exécutif272.

En Côte d'Ivoire, l’application du principe de l’inamovibilité n’est pas aisée. En


effet, l'article 6, alinéa 2 de la loi n° 78-662 du 4 août 1978 portant statut de la magistrature,
modifiée par les lois n° 94-437 du 16 août 1994 et 94-498 du 6 septembre 1994 déclare : «
Les juges ne peuvent en conséquence, recevoir sans leur consentement, une affectation
nouvelle même en avancement ». Force est de constater que l'application du principe de
l'inamovibilité n'est toujours pas facile en Côte d'Ivoire. Pour preuve, le ministre de la
justice et garde des sceaux, Mme Jacqueline Oble avait élaboré des affectations arbitraires
dans le but de museler cinq membres du syndicat de la magistrature que présidait Aka
Narcisse. Celui-ci exerçant les fonctions de juge au Tribunal de première instance
d'Abidjan, fut muté le 1er septembre 1993 comme substitut du procureur de la République
près le Tribunal de première instance d'Abengourou. Invoquant l’inamovibilité prévue par
l'article 6 du statut des magistrats ivoiriens, les recours de tous les membres du syndicat
restèrent lettre morte. Le ministre s'expliqua : « (...) en même temps qu'il existe l'article 6
dans le Code de la magistrature, il existe d'autres dispositions dans ce même statut qui
permettent au garde des sceaux de procéder à des affectations comme celles qui ont été
faites (...) » 273. C'est ainsi que généralement lorsqu'un juge commet une faute
disciplinaire, celle-ci est assortie d'un déplacement d'office274.

Cette pratique déplorable a poussé la Commission nationale de réflexion sur les


conditions d'amélioration du système judiciaire et pénitentiaire ivoirien à déplorer : « La
Commission a noté la non-application effective du principe de l'inamovibilité des juges du
siège compte tenu du nombre encore peu élevé des magistrats »275. Elle propose à cet effet :
« (...) Le principe doit être appliqué à la lettre et laisser les magistrats faire carrière (siège
ou parquet) et éviter les affectations par intérim à la Cour d’appel des magistrats qui n'ont
pas le grade de conseiller (…) »276.

271
Journal officiel de la République du Sénégal n° 5475 du 5 juillet 1992, p. 314.
272
L. MENDY, « L’indépendance des magistrats au Sénégal : Etude critique », mémoire de maîtrise, Faculté
des Sciences juridiques et politiques, département de droit privé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar,
année universitaire 1994-1995, p. 37.
273
F. DJESSA, « Mme OBLE à l’assaut des magistrats », in Notre temps n° 128 du 13 octobre 1993,
pp. 6-7.
274
I. KONE, « Le statut du magistrat en Côte d’Ivoire », in J.B. De GAUDUSSON et G. CONAC (sous
direction), La justice en Afrique, Afrique contemporaine n° 156 (spécial), 4ème trimestre, 1990, p. 122.
275
Commission nationale de réflexion sur les conditions d'amélioration du système judiciaire et pénitentiaire
ivoirien, 4-27 juin 1995, Rapport final, p. 10.
276
Ibidem, p. 26.
86

Par contre au Bénin, l’application du principe de l’inamovibilité du juge est une réalité
évidente du fait du degré de l’Etat de droit et de la maturité démocratique. En effet, un
nouveau statut des magistrats277 compatible avec la Constitution du 11 décembre 1990 vient
d’avoir le jour. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle essaie de lui donner un contenu
en veillant scrupuleusement à l'application de la règle de l'inamovibilité, principalement en ce
qui concerne les affectations de juges avec leur consentement278, à tel point que sa violation
est sanctionnée par ladite Cour279. Cela montre le respect strict de ce principe au Bénin étant
donné qu'avant chaque affectation, le juge est invité à donner son accord préalable et si
celui-ci n'est pas suivi, il peut saisir la Cour constitutionnelle280. Aussi, ce qui est frappant
au Bénin est que lorsque la Cour constitutionnelle annule une décision prise par le pouvoir

277
L'ancien statut de la magistrature béninoise issu de la loi n° 83-005 du 17 mai 1983 qui ne contenait aucune
disposition sur l'inamovibilité ne s'adaptait plus au paysage politique actuel, car il avait été élaboré pendant
la période de la révolution marxiste. Actuellement, le nouveau statut de la magistrature béninoise a été voté
par le parlement et à été promulgué. Son chapitre 2 est consacré à l'inamovibilité des magistrats du siège et
comporte deux articles. L'article 25 du Statut prévoit que le juge ne peut recevoir sans son consentement une
affectation nouvelle même en avancement et l'article 26 du même texte prévoit que l'affectation du juge est
subordonnée à sa consultation à la fois sur la nouvelle fonction qui lui est proposée et le lieu où il est appelé
à l'exercer. L'article 4 de la loi portant statut des magistrats de la Cour suprême du Bénin va dans le même
sens que l'article 25 du texte cité ci-haut. Ce texte qui a été voté, est donc en conforme avec la Constitution
actuelle du Bénin du 11décembre 1990.
278
Dans sa décision DCC 98-077 (requérant KUKODOKO), la Cour constitutionnelle du Bénin a estimé que la
nomination du magistrat nécessite une procédure minimale consistant en une consultation préalable dudit
magistrat aussi bien sur les nouvelles fonctions qui lui sont proposées que sur les lieux où elles seront
exercées (motivation de la décision, deuxième « considérant », décision publiée dans le recueil des
décisions et avis de la Cour constitutionnelle du Bénin).
279
Il existe plusieurs décisions de la Cour constitutionnelle béninoise ayant déclaré inconstitutionnels les actes
de l'exécutif, pris au mépris du principe de l'inamovibilité du juge. Citons notamment :
- Décision DCC 95-011 du 2 mars 1995 (requérants AMOUSSOU Georges Constant et ADJOVI C.
Honorat), la Cour a ordonné le sursis à exécution du décret n° 95-19 du 25 janvier 1995;
- Décision DCC 95-021 du 12 mai 1995 (requérant TOBOULA Josaphat), la Cour a ordonné le sursis à
exécution du décret n° 95-19 du 25 janvier 1995, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle,
République du Bénin, 1995, pp. 117 et s.;
- Décision DCC 95-036 du 25 septembre 1995 (requérants HOUNMENOU-H. AKOWE Michel, Honoré
GBODOGBE ALOAKINNOU, Michée S.A. DEVOEDO et Lino Louis HADONOU, AMOUSSOU
Georges Constant, ADJOVIC c. Honorat et TOBOULA Josaphat, tous magistrats du siège, la Cour a déclaré
les décrets n° 95-18 et 95-19 du 25 janvier 1995 non conformes à l'article 126, alinéa 2 de la Constitution
(inamovibilité) car les décrets ci-haut ont procédé à l'affectation des juges sans qu'ils aient sollicité et obtenu
des avis des concernés;
- Décision DCC 96-021 du 26 avril 1996 (requérants AMOUSSOU Georges Constant et Consorts). La Cour
a déclaré que la décision du Conseil Supérieur de la magistrature du 13 mars 1995 interdisant les magistrats
AMOUSSOU Georges Constant, Michel Akowé HOUNEMENOU H. et Michée A.S. DOVOEDO non
conforme à la Constitution, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République du Bénin,
1996, pp. 107-110;
- Décision DCC 96-045 du 30 juillet 1996 (requérants HADONOU LINO Louis et HODE Francis Aimé), la
Cour a déclaré la décision du Conseil Supérieur de la magistrature du 14 août 1995 interdisant les concernés
non conforme à la Constitution, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République du
Bénin, 1996, pp. 205-207;
- Décision DCC 97-033 du 10 juin 1997 (requérants DAKO Fortuné et KAPKO Damien), la Cour
constitutionnelle a déclaré les décrets n° 97-77 et 97-80 du 28 février 1997 non conformes à la Constitution
au motif que les concernés ont été affectés respectivement juges au Tribunal de première instance de
NATITINGOU et au Tribunal de première instance de KANDI sans qu'ils aient choisi ces lieux alors qu'ils
souhaitaient rester tous au Tribunal de première instance de Porto-NOVO, in Recueil des décisions et avis,
Cour constitutionnelle, République du Bénin, 1997, pp. 137-141.
280
S. DOSSOUMON, « Jurisprudence sur le pouvoir judiciaire : balises et perspectives », in Bulletin
d'information, Cour suprême, République du Bénin, n° 001, 1997, p. 9.
87

exécutif pour violation du principe de l'inamovibilité, ce dernier se conforme à la décision


de la Cour en prenant un autre décret rétablissant le juge dans sa situation antérieure281.
C'est ce qui consacre l'effectivité de la mise en œuvre de ce principe et un net recul de
l'arbitraire provenant du pouvoir exécutif.

Au Burkina Faso, le statut du corps de la magistrature282 prévoit que les magistrats


du siège ne peuvent recevoir d'affectation nouvelle, même en avancement, sans leur
consentement. Toutefois, lorsque les nécessités du service l'exigent, ils peuvent être
déplacés par l'autorité de nomination après avis conforme et motivé du Conseil Supérieur de
la magistrature. Partant de l'utilisation des mots « lorsque les nécessités du service
l'exigent », il y a risque à ce que le pouvoir exécutif s'en serve pour déplacer à sa guise les
juges peu dociles à son égard comme c'est le cas au Sénégal, en Guinée, à Madagascar et au
Niger. En sus, comme le fait remarquer le secrétaire de la Rencontre Africaine pour la
Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) : « Dans la plupart des pays francophones en
Afrique, beaucoup de juges sont mutés parce qu'ils ne prennent pas les décisions dans le sens
souhaité par les autorités »283. C'est compte tenu de ce danger que le séminaire d'Abidjan a
dénoncé l'interventionnisme du pouvoir exécutif dans le processus juridictionnel qui se
manifeste par des instructions données à des magistrats, des pressions exercées sur eux et
par des affectations et sanctions prises en dehors de tout cadre légal à la suite de décisions
qui déplaisent, et a insisté à l'endroit des dirigeants africains en proposant la mise en œuvre
effective du principe de l'inamovibilité du juge284 et le Séminaire de Cotonou a recommandé
« d'observer scrupuleusement le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège sans
chercher à le contourner »285. Le contenu du principe étant précisé, il sied d’aborder son
champ d’application.

281
Le cas des juges AMOUSSOU Georges Constant et ADJOVI C. Constant est plein d'enseignements. En
effet, ils étaient tous juges au Tribunal de première instance de Cotonou, le Président de la République, par
décret n° 95-19 du 25 janvier 1995 les a promus au grade de conseiller à la Cour d’appel de Cotonou sur
avis du Conseil Supérieur de la magistrature mais sans les avoir consultés. Ils ont saisi la Cour
constitutionnelle. Celle-ci a dans sa décision n° DCC-036 du 25 septembre 1995 déclaré le décret ci-dessus
non conforme à la Constitution, en ce qu'il a violé le principe de l'inamovibilité du juge. En conséquence, le
président de la République s'y est conformé en signant le décret n° 96-32 du 31 janvier 1996 réintégrant les
concernés dans leur situation antérieure.
282
Article 3 de l'ordonnance n° 91-50 Près du 26 août 1991 portant statut du corps de la magistrature, in
Journal officiel du Burkina Faso, du 29 août 1991, pp. 1015-1019.
283
Allocution du Secrétaire général de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme
(RADDHO), in L'État de droit et l'indépendance de la magistrature, Saly Portudal (Sénégal), du 21 au 26
novembre 1994, p. 3.
284
Séminaire international organisé par l'Association syndicale de la magistrature de Côte d'Ivoire ayant pour
thème : « Théorie et pratique judiciaire en Afrique francophone : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire,
Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo », du 9 au 19 septembre 1997 à Abidjan (Côte d'Ivoire), in Nouvelle
justice, n° 1, août 1998, pp. 18-19; Justice (Revue du syndicat français de la magistrature), n° 154,
novembre 1997, p. 33.
285
L'indépendance de la magistrature, Séminaire régional de Cotonou regroupant le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Togo et le Bénin, du 1er au 3 juin 1993,
Rapport général, p. 97.
88

B. Champ d’application

Nous examinerons les juges concernés par ce principe (a) ainsi que la question du
mandat des chefs de juridictions (b).

a) Les juges concernés

Le principe de l'inamovibilité s'applique à tous les juges de l'ordre judiciaire286 , de


l’ordre administratif, de la Cour constitutionnelle et des juridictions internationales. Il
protège tous les juges, professionnels (de carrière) ou non. Les juges consulaires des
tribunaux de commerce, les juges sociaux des tribunaux du travail (Conseil de pru-
d'hommes) voire les jurés de la Cour d'assises ou des juridictions militaires, sont
inamovibles pendant la durée de leur mandat. A ce sujet, les principes fondamentaux de
l'ONU relatifs à l'indépendance de la magistrature287 sont clairs au point 12 : « Les juges,
qu'ils soient nommés ou élus sont inamovibles tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge obligatoire
de la retraite ou la fin de leur mandat ». Ce texte est repris par l'article 16 b) du projet de
Déclaration Universelle sur l'Indépendance de la Justice288 et l'article 12 du projet de
principes sur 1'indépendance du pouvoir judiciaire289. Et les règles de l'ONU pour
l'application effective des principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la
magistrature290 en la règle 3 énoncent : « Les principes fondamentaux s'appliquent à tous les
magistrats y compris, le cas échéant, aux juges non professionnels ». Le principe I, 3 de la
recommandation du Conseil de l'Europe sur l'indépendance, l'efficacité et le rôle des juges291
reproduit textuellement le point 12 ci-haut des principes fondamentaux de l'ONU relatifs à
l'indépendance de la magistrature. Enfin, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits
de l'Homme admet que la juridiction puisse comprendre, même majoritairement, des
fonctionnaires ou des représentants de milieux professionnels. L'essentiel est que ceux-ci

286
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 69, p. 48 ; M.L. RASSAT,
Institutions judiciaires, Paris, 2e éd., PUF, 1996, p. 49 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, 12e éd.,
Montchrestien, 2006, n° 364, p.302 ; H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome 1, Paris, éd.
Sirey, 1961, p. 669, n° 784 ; A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985,
pp. 76-77 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, pp. 40-41.
287
Le septième congrès de l'ONU pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Milan
(Italie) du 26 août au 6 septembre 1985, adopta par consensus les principes fondamentaux sur
l'indépendance de la magistrature. Les documents du Congrès furent « endossés » par l'assemblée générale
de l'ONU (A/RES/40/32, 29 novembre 1985) qui, plus tard, les accueilli avec satisfaction particulière,
invitant les gouvernements « à en tenir compte dans leur législation et leur pratique nationales et à les
respecter (A/RES/40/146, 13 décembre 1985), in L'indépendance de la magistrature et du barreau : Une
compilation de normes internationales, Bulletin du Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats
CIMA, n° 25-26, 1990, p. 18.
288
Il s’agit de la Déclaration de SINGHVI.
289
Connu sous l’appellation de Principes de SYRACUSE.
290
Adoptées par le Conseil économique et social dans sa résolution 1989/60 et approuvé par l’assemblée
générale dans sa résolution 44/162 du 15 décembre 1989, in Ibidem, p. 21.
291
Recommandation n° R(94)12 du Comité des ministres aux États membres sur l'indépendance, l'efficacité et
le rôle des juges, adoptée par le Comité des ministres le 13 octobre 1994, lors de la 518e réunion des
délégués des ministres, Conseil de l'Europe, pp. 2-3. Il dit exactement ceci : « Les juges, qu'ils soient
nommés ou élus sont inamovibles tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge obligatoire de la retraite ou la fin de leur
mandat ».
89

jouissent d'un statut légal ou constitutionnel propre à les prémunir contre les pressions
extérieures292. Ceci montre donc que le juge non professionnel est aussi inamovible durant
son mandat.

Ce principe concerne également le juge constitutionnel. En République


Démocratique du Congo, les juges de la Cour constitutionnelle sont nommés pour une durée
de 9 ans mais ils jouissent d’une inamovibilité tout au long de leur mandat. En Belgique, les
juges de la Cour constitutionnelle sont nommés à vie293, en France, le mandat du juge
constitutionnel est de neuf ans294. Au Sénégal295 et en Côte d'Ivoire296, le membre du Conseil
constitutionnel est nommé pour six ans non renouvelables alors qu'au Bénin leur mandat est
de cinq ans renouvelable une fois297. D'ailleurs, l'article 79 de la loi n° 91-009 du 4 mars
1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle du Bénin déclare sans ambages : «
(...) Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur
mandat »298. Précisons que d’autres rares pays africains proclament ce principe pour le juge
constitutionnel299.

Concernant les juges des juridictions de l’ordre administratif (tribunaux administratifs,


Cours administratives d’appel et Conseil d’Etat), ils bénéficient également de l’inamovibilité.
Ainsi, en République Démocratique du Congo, ils sont inamovibles étant donné qu’ils sont
régis par le Statut des magistrats de l’ordre judiciaire. En Belgique, les membres du Conseil
d'État sont nommés à vie300 alors qu'en France, aucun texte n’affirme l'application de ce
principe, mais la doctrine est unanime à reconnaître que l'on peut l'invoquer en vertu d'une
coutume séculaire qui a autant de force sinon plus, qu'une disposition législative301. Pour les
tribunaux administratifs français, le principe est affirmé même si le mot « inamovibilité » ne
figure pas dans le texte ; car, comme l'affirme Bernard Pacteau : « Ce "mot" a paru faire
peur (...) et c'est très exactement la définition même de l’inamovibilité (…) relative au statut

292
CEDH, 1er octobre 1982, Arrêt Piersack c/ Belgique, série A, n° 53, § 27, p. 13 ; CEDH, 22 octobre 1984,
Arrêt Srameck c/ Autriche, série A/84, § 39 et 40 ; CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
série A/80, § 80 et 32.
293
Article 32 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
294
Article 56 de la Constitution française de 1958.
295
Article 3 de la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel au Sénégal ; article 89
de la Constitution du Sénégal.
296
Articles 2, 4 et 5 de la loi n° 94-439 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les
attributions et les règles de fonctionnement du conseil constitutionnel modifiée par la loi n° 95-523 du 6
juillet 1995 ; et article 9 du règlement du Conseil constitutionnel de Côte d'Ivoire.
297
Article 11de la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990.
298
Cour constitutionnelle, Recueil des textes fondamentaux, République du Bénin, 1995 p. 23 ; L'article 115
alinéa 3 de la Constitution du Bénin le déclare de la même manière.
299
Article 71 de la Constitution Centrafricaine, 165 de la Constitution du Tchad.
300
Article 70, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ; J. SALMON, Le Conseil d’Etat, Bruxelles, éd.
Bruylant, 1994, p. 45.
301
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e édition Montchrestien, 2006, n° 366 ,p.302 ; S.
GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé au procès, Paris, 3e éd. Dalloz,
2005, n° 353, pp. 631-632 ; M. COMBARNOUS, « Le nouveau statut des membres des tribunaux
administratifs, une évolution inachevée », in Actualité juridique (droit administratif), 1975, p. 165 ; D.
BASTID, Convention européenne des droits de l’homme et contentieux administratif français, éd.
Economica, 1996, p. 216 ; O. DUPEYROUX, « L’indépendance du Conseil d’Etat statuant au
contentieux », in Revue de droit public et de la science politique, 1983, p. 579.
90

de la magistrature (...) » qui s'applique au juge administratif302. C'est ainsi que l'article 1 er
alinéa 2 de la loi n° 86/14 du 6 janvier 1986 dit que les membres du corps des tribunaux
administratifs : « Lorsqu'ils exercent leurs fonctions de magistrats dans une juridiction
administrative, ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle,
même en avancement ».

En Côte d’Ivoire et au Sénégal, les membres du Conseil d'État font partie du pouvoir
judiciaire303, ce qui fait que l'inamovibilité du juge judiciaire leur est applicable. Au
Bénin304, les chambres administratives de la Cour suprême jouent le même rôle que le
Conseil d'État305. Étant donné qu'il s'agit du juge judiciaire, leur inamovibilité ne pose donc
aucun doute. Au Tchad également, il n'existe pas de Conseil d'État ; l'inamovibilité des
membres de la Chambre administrative comme ceux de la Cour Suprême est garantie par la
Constitution306.

Concernant la durée du mandat, la Cour Européenne des Droits de l’Homme n'exige


pas que la nomination du juge soit à vie, elle se contente d'une inamovibilité pendant la
durée du mandat307 car l'inamovibilité peut corriger les incidences négatives d'un mandat de
brève durée308. A ce sujet, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a estimé que la durée
de trois ans était « relativement brève » mais qu'elle était acceptable, compte tenu de la
difficulté qu'il y aurait à trouver des personnes prêtes à assumer ces fonctions pendant un
laps de temps plus long309.

302
B. PACTEAU, « L’indépendance des juges des tribunaux administratifs, commentaire de la loi du 6 janvier
1986 », in Revue française de droit administratif, septembre-octobre 1986, p. 787.
303
L'article 88 de la Constitution sénégalaise dit : « Le pouvoir judiciaire (...) est exercé par le Conseil
constitutionnel, le Conseil d'Etat, (...) ».
304
Article 131 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
305
Mais la Constitution approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 prévoit le Conseil d’Etat et les
tribunaux administratifs, la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation. Ils font partie du pouvoir
judiciaire.
306
Article 159 de la Constitution du Tchad.
307
CEDH, 22 octobre 1984, Arrêt Srameck c/ Autriche, série A/84, § 26 et 38 ; CEDH, 28 juin 1984, Campbell
et Fell c/ Royaume-Uni, série A/80, § 32 et 80 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborger c/ Suède, série A/155, §
22 et 32 ; CEDH, Le Compte, Van Leuven et de Meyere c/Belgique, série A, n° 43, § 57 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « L’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’administration
de la justice, le droit à un procès équitable », in La mise en œuvre interne de la Convention européenne des
droits de l’homme, Bruxelles, éd. Jeune barreau, 1994, p. 69 ; J. VELU et R. ERGEC, La Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, éd. Bruylant, 1990, p. 455 ; F. QUILLERE-MAJZOUB, La
défense du droit à un procès équitable, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 48.
308
CEDH, 23 avril 1987, Arrêt Ettl c/ Autriche, série A, n° 117, § 41. Dans cet arrêt, le mandat des membres de
la Commission de réforme agraire était de 5 ans, mais assorti d'une quasi-inamovibilité des membres
pendant cette période. De même, dans l'arrêt Srameck c/ Autriche, le mandat était de 3 ans renouvelable
pour les membres de l'autorité régionale, mais les possibilités de révocation étaient limitées.
309
Arrêt Campbell, Ibidem ; A. GROTRIAN, L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et
le droit à un procès équitable, éd. Conseil de l’Europe, 1994, p. 31 ; R. KOERING-JOULIN, « La notion
européenne du tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6, § 1 de la Convention européenne des
droits de l’homme », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n° 4, octobre-décembre
1990, pp. 768-769.
91

D'ailleurs, les juges de la Cour Européenne des Droits de l'Homme310, de la Cour de


Justice des Communautés Européennes311, de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples312 et de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme313 sont élus pour une
période limitée de 6 ans même si certains estiment que cette durée est trop limitée pour ce
type de fonction314. Le mandat est aussi limité à 9 ans à la Cour Internationale de Justice de
la Haye315 et à la Cour Pénale Internationale de l'ONU316. Ceci montre que dans les
juridictions internationales même si le mandat est limité, rien ne peut mettre en doute
l'inamovibilité des juges en leur sein. Mais la pratique montre que plusieurs pays de
l'Afrique francophone se servent de juges dont le mandat est limité et qui, sollicitant le
renouvellement de celui-ci, prononcent des jugements qui font plaisir au pouvoir afin d'être
nommés à vie. Cette pratique porte donc atteinte à l'indépendance du juge317.

En Belgique, que le mandat soit limité ou non, que le juge soit professionnel ou non,
celui-ci doit être inamovible tout au moins durant son mandat pour être indépendant à
l'égard de l'organe de nomination. Il en est ainsi des juges d'instruction, des juges des
tribunaux de la jeunesse, des saisies318 et des titulaires des mandats adjoints319.
D'ailleurs concernant le juge d'instruction, le professeur Henry Bosly et le juge Damien
Vandermeersch affirment : « Le caractère temporaire de la fonction de juge d'instruction est,
à notre sens, souhaitable car elle permet une réévaluation périodique : la routine de remise
en question ou l'indifférence face aux situations individuelles guettent le juge, ancré dans la
répétitivité du quotidien »320. Ce qui est évité, c'est qu'un juge ayant exercé des fonctions

310
Article 23, 1° de la Convention européenne des droits de l’homme.
311
H. DONELIUS, « L’indépendance et l’impartialité de la justice à la lumière de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme », Discours de la Conférence de la commission internationale des
juristes à Strasbourg, les 23 et 24 avril 1992, p. 4.
312
Articles 15, 19 et 20 du protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant
création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
313
Articles 5 et 8 du statut de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
314
N. VALTICOS, « Quels juges pour la prochaine Cour européenne des droits de l’homme », in Liber
amoricum Marc André Eisen, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 428.
315
Article 13 du statut de la Cour internationale de justice.
316
SUZANNE et Y. OSCHINSKY, « La création de Cour pénale internationale par les Nations-Unies », in
Journal des tribunaux, 1999, p. 267.
317
E.K.M. YAKPO, « The Right to a fair Trial and the Independance of the Judges and Lawyers in Africa », in
Le droit à un procès équitable en Afrique, Séminaire international de Dakar du 09 au 11 septembre 1999,
pp. 6-7.
318
En Belgique, ils sont désignés pour une période d’un an renouvelable après évaluation, la première fois pour
une période de deux ans, puis chaque fois pour une période de cinq ans ; les juges d'appel de la jeunesse sont
désignés pour une période de trois ans qui, après évaluation, peut être renouvelée chaque fois pour une
période de cinq ans ; les magistrats d'assistance et les magistrats fédéraux sont désignés pour une période de
cinq ans, laquelle peut, après évaluation, être renouvelée deux fois. En France, l'article 5 de la loi organique
n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au conseil supérieur de la magistrature
prévoit que les fonctions de juge d'instruction, de juge de l'application des peines, de juges aux affaires
familiales et le juge des enfants, sont limitées à 10 ans.
319
Il s'agit du président et des présidents de section à la Cour de Cassation, les présidents de Chambre à la Cour
d’appel et à la Cour du travail et vice-président du Tribunal de première instance ; du Tribunal du travail et
du Tribunal de commerce dont leur mandat est de 3 ans, renouvelable après évaluation (article 259
quinquies § 1er du Code judiciaire belge).
320
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 4e éd., La Charte, 2005, p.
333.
92

d'autorité impliquant de lourdes responsabilités puisse le demeurer sa vie durant au sein d'une
même juridiction. Le Conseil constitutionnel français a estimé que cela n'était pas contraire
au principe de l'inamovibilité321.

b ) Les chefs de juridictions

La question qui nous préoccupe est celle de savoir si les chefs de juridictions doivent
jouir de l'inamovibilité en tant que premier président ou président (chef de corps) jusqu'à la
fin de leur vie. En Belgique, depuis longtemps, l'inamovibilité était définitivement acquise
au titulaire des fonctions de chefs de corps en ce sens qu'il pouvait bénéficier à vie de cette
nomination. Mais depuis la loi du 22 décembre 1998322, le législateur a mis fin à cette
situation en limitant désormais leur mandat. Ainsi, le nouvel article 259 quater, § 1er du Code
judiciaire déclare : « Les chefs de corps (…) sont désignés par le Roi pour un mandat de sept
ans non immédiatement renouvelable au sein de la même juridiction (…) ». A ce sujet, le
législateur belge a considéré que le système des mandats de chef de corps ne porte pas
atteinte à la nomination à vie et à l'inamovibilité du magistrat323. Le choix ainsi opéré fut
motivé de la manière suivante : « On peut attendre d'un chef de corps qu'il fasse fonctionner
de manière optimale une juridiction ou un parquet. On a souvent constaté dans le passé que
les bons juges ou magistrats de parquet ne devenaient pas nécessairement de bons chefs de
corps parce qu'ils n'avaient notamment pas les talents d'organisation requis ni la
connaissance nécessaire pour traiter les dysfonctionnements. Etant donné leur nomination
à vie, cette situation peut actuellement hypothéquer pendant des années le fonctionnement
d'une juridiction ou d'un parquet, ce qui a des répercussions néfastes pour le climat de
travail, la motivation, le traitement des dossiers et les justiciables. En conférant à la
fonction de chef de corps un caractère temporaire, ce risque peut être limité et une nouvelle
définition des fonctions peut mettre l'accent sur les missions organisationnelles »324.

Au surplus, un des grands constitutionnalistes belges, Francis Delpérée, le confirme


en disant que les articles 151 et 152 de la Constitution n'empêchent pas les désignations
temporaires des chefs de corps325. C'est ce qu'explique justement le professeur Jacques Van
Compernolle en ces termes : « La fonction de chef de corps est attribuée par désignation et
constitue un mandat ; la qualité de magistrat du siège est acquise à vie et se trouve couverte
par l'inamovibilité prévue à l'article 152 de la Constitution. Il en résulte qu'après

321
Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, in J.O. 26 juin 2001.
322
Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil
Supérieur de la justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation
pour les magistrats (Moniteur belge, 02 février 1999, p. 2922).
323
K. GERARD, « Le Conseil Supérieur de la justice et le statut des chefs de corps », in M. VERDUSSEN
(sous direction), Le Conseil supérieur de la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999,
p. 160.
324
Documents parlementaires, Chambre des représentants, 1997-1998, 1677/I, p. 72.
325
F. DELPEREE, « Quelques propos sur la justice et la politique », in Journal des tribunaux, n° 5829, 1er
février 1997, p. 72 ; F. TULKENS, « Les Etats généraux de la magistrature organisés par la commission
nationale de la magistrature », in Journal des Tribunaux, 1998, p. 293.
93

l'expiration du mandat, le magistrat reprend, en règle, les fonctions judiciaires qu'il


exerçait avant sa désignation »326.

En clair, la limite de mandat en qualité de chef de corps n'est pas en contradiction


avec le principe de l'inamovibilité du juge ; au contraire, elle contribue à une
« dépolitisation » entendue comme fin des pratiques occultes de négociations partisanes aux
effets pervers327 d'une part, et d'autre part, le renouvellement des hommes au pouvoir est un
facteur de progrès, car, un chef de corps en fonction depuis longtemps peut connaître une
certaine lassitude étant donné que ses attributions sont plus administratives que
juridictionnelles328. C'est pour cette raison que nous ne partageons pas le point de vue de la
doctrine qui estime que le « fait de limiter le mandat d'un premier président de la Cour
d’appel ou d'un président du tribunal de grande instance c'est violer le principe de
l'inamovibilité car il est nommé "à vie" (...) et peut s'il le désire, se maintenir à son poste
jusqu'à mise à la retraite »329 étant donné que le mandat temporaire facilite le dynamisme
nouveau attendu des juridictions qui par ce fait dépend en partie du choix de responsables
qualifiés en matière de gestion. Le bonus lié au rendement renforce chez le magistrat le
sentiment d'égalité entre tous et celui de son indépendance. Aussi, le mandat temporaire
stimule le fonctionnement de la juridiction par la prise de conscience de tous ses membres
qu'ils concourent à l'objectif d'une justice efficace et harmonieuse, par une implication plus
grande dans le processus de prise de décision et en définitive par le maintien d'un haut degré
de motivation.

En France, le mandat de chefs de juridiction relève de la loi organique n° 2001-539


du 25 juin 2001, relative au statut des magistrats et au Conseil Supérieur de la
Magistrature330. Les articles 3, 4 et 6 disent que les présidents de juridictions disposent d'un
mandat de 7 ans, non renouvelable.

Au Bénin, les états généraux de la justice avaient constaté que les présidents des Cours
d'Appel et des tribunaux restaient indéfiniment à leurs postes au nom de l'inamovibilité.
C'est ainsi qu'ils ont proposé que le temps de commandement ne puisse pas dépasser 3 ans.
Cela signifie que durant ce laps de temps, pour la sécurité judiciaire, le président serait
inamovible ; passé ce temps, si le juge s'est montré à la hauteur de sa tâche, apprécié non
seulement par ses collaborateurs mais aussi par les justiciables qui l'auront approché et
pourront témoigner de ses qualités de bon juge, on pourrait prolonger son temps de

326
J. VAN COMPERNOLLE, « Conseil supérieur de la justice et la carrière des magistrats », in M.
VERDUSSEN (sous direction), Le Conseil supérieur de la justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 1999,
p. 127 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La nomination et la désignation des magistrats : un nouveau statut »,
in Dans l’encre d’octopus, Antwerpen, Bruxelles, éd. Kluwer, Bruylant, 2000, p. 55.
327
Association syndicale des magistrats (ASM), « Le mandat temporaire des chefs de corps », in Journal des
tribunaux, 1997, p. 350.
328
SOLON, Raison pour la justice, Paris, éd. Dalloz, 1986, p. 149 ; D. DE BRUYN, « Le Conseil supérieur de
la justice », in Journal des tribunaux, 29 mai 1999, n° 5929, p. 406 ; M. UYTTENDAELE, « La haute
magistrature a démontré l'urgence de réforme », Carte blanche, Le Soir, 19 octobre 1998.
329
P. ESTOUP, « Indépendance et inamovibilité », in Gazette du palais, doctrine, 6 janvier 1990, p. 22.
330
Journal officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
94

commandement de un ou deux ans, de sorte que dans la magistrature béninoise, un juge


quelles que soient ses qualités, ne puisse occuper un poste plus de 5 ans331.

Précisons toutefois que l'inamovibilité du juge peut conduire aux abus si elle n'est
pas assortie de quelques limites.

C. Limites de l’inamovibilité

En général, ces limites sont les mêmes en Belgique et en France ainsi qu'en Afrique
francophone même si nous pouvons trouver quelques particularités. Ainsi, en Belgique,
l'article 100 du Code judiciaire dit : « Les juges aux tribunaux de première instance (...)
peuvent être nommés simultanément dans (...) différents tribunaux de première instance du
ressort de la Cour d’appel. L'alinéa premier est également d'application dans les tribunaux
du travail, ainsi que dans les tribunaux de commerce, aux juges ».

Il s'agit là d'une délégation temporaire332. La décision est prise par le premier


président de la Cour d’appel, en ce qui concerne les juges de paix, les juges de police, les
juges des tribunaux de première instance et de commerce ; et par le premier président de la
Cour du travail en ce qui concerne les juges des tribunaux du travail ; mais ces
déplacements temporaires doivent être acceptés par le juge délégué333. La Charte
Européenne sur le Statut des juges au principe 3, point 4 va dans le même sens car elle dit :
« Le ou la juge en fonction dans un tribunal ne peut en principe faire l'objet d'une nouvelle
nomination ou d'une nouvelle affectation, même en promotion sans y avoir librement
consenti. Il ne peut être fait exception à ce principe que dans le cas où le déplacement a été
prévu à titre de sanction disciplinaire et a été prononcé, dans celui d'une modification
légale de l'organisation judiciaire et dans celui d'une affectation temporaire pour renforcer
un tribunal voisin, la durée maximale d'une telle affectation étant strictement limitée par le
statut (...) »334.

De même, la garantie de l'inamovibilité n'est point non plus applicable à ces


« déplacements » internes à la juridiction qui opèrent par voie des affectations annuelles de
chambre à chambre, ou encore, d'un siège à un autre, en cas de démembrement territorial
d'une Cour ou d'un tribunal dont les chambres sont réparties en deux ou plusieurs
sections335. C'est ce que prévoit l'article 8 du projet de principes sur l'indépendance du

331
Etats généraux de la justice, Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, Cotonou
(Bénin), du 4 au 7 novembre 1996, p. 38.
332
La délégation de magistrat est l'acte par lequel le premier président commet, en raison de besoins de service,
un juge d'une juridiction du premier degré pour exercer temporairement des fonctions judiciaires dans une
même juridiction du ressort (G. CORNU, vocabulaire juridique, V° Délégation).
333
Article 65 et 98 du Code judiciaire belge.
334
Charte européenne sur le statut des juges, adoptée à la réunion multilatérale sur le statut des juges en
Europe, à Lisbonne les 8-10 avril 1999, in Justice n° 160 - juin 1999, p. 22. Cette réunion a regroupé 40
pays à l'initiative du Conseil de l'Europe avec le soutien du syndicat des juges portugais.
335
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome 1, Fonction et organisation judiciaires, Bruxelles, éd. Ferdinand
Larcier, 1974, p. 558.
95

pouvoir judiciaire (Principe de Syracuse) de l'ONU en ces termes :


« L'affectation d'un juge à un poste dans le tribunal auquel il est nommé est une fonction
administrative interne à remplir par le tribunal lui-même »336. Nous partageons le point de
vue de la doctrine qui pense qu'on pourrait déroger à l'inamovibilité en affectant
temporairement les juges qui n'ont pas un grand nombre de dossiers à traiter ou que ceux qui
sont spécialisés dans un domaine déterminé pourraient être sollicités pour permettre de vider
les litiges qui nécessiteraient des connaissances plus techniques337 étant donné que cette
particularité est spécifique au juge européen travaillant dans un Etat de droit ancré pendant
plusieurs années dans la démocratie. Notons enfin que le principe n'est pas violé lorsque le
président du tribunal désigne un juge sans son accord pour pourvoir au remplacement d'un
juge d'instruction, des saisies ou de la jeunesse en cas d'empêchement338. En effet, on
maintient le service public de la justice sans priver le juge nommé de sa place initiale.

C’est dans ce contexte qu’en France, la loi du 29 octobre 1980 avait permis la
création de juges auprès des premiers présidents des Cours d'Appel, qui seraient chargés de
remplacer dans les tribunaux du ressort leurs collègues « absents » ou de pourvoir les postes
temporairement vacants. Saisi de cette modification du statut de la magistrature, le Conseil
constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'institution des magistrats
remplaçants339. Le Conseil s'était exprimé dans sa motivation de la manière suivante : « (...)
en déterminant limitativement les cas dans lesquels, à l'intérieur du ressort d'une Cour les
magistrats du siège peuvent être appelés à effectuer un remplacement (..) et, en
subordonnant celui-ci à une ordonnance du premier président précisant le motif et la durée
du remplacement et en en fixant le terme, la loi organique a institué des garanties de nature
à satisfaire aux exigences de la Constitution »340. Cette décision fut unanimement critiquée
par la doctrine qui a estimé que l'exception constituée par le régime des juges
« remplaçants » était en contradiction radicale avec le principe de l'inamovibilité et que les
restrictions dont on prétendait l'entourer étaient à la fois arbitraires et fragiles341.

Un autre exemple montrant les limites de l'inamovibilité en France vient de la loi du


21 juillet 1982 ayant supprimé les tribunaux permanents des forces armées. En effet, en
application de cette loi, des juges alsaciens avaient, contre leur gré, été désignés par décret
du président de la République pour siéger au tribunal militaire de Landau. Ils avaient déféré
leur décision de nomination au Conseil d'État. Celui-ci leur a répondu qu'ils « demeuraient
pendant la durée de ces fonctions, affectés au tribunal de grande instance de Strasbourg et

336
L'indépendance de la magistrature et du barreau : une compilation de normes internationales, in Bulletin du
Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats (CIMA), n° 25-26, avril-octobre 1990, p. 63.
337
V. PAULUS de CHATELET, « Une nouvelle formule pour l’administration judiciaire », in Journal des
tribunaux, 1992, pp. 522-523 ; CH. JASSOGNE, « La spécialisation et la mobilité des magistrats », in Journal
des tribunaux, n° 5951, 1er janvier 2000, pp. 16-17.
338
Article 80 du Code judiciaire belge.
339
Décision n. 80-123 DC du 24 octobre 1980, in Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, p. 24 ; Revue
de droit public et de la science politique, 1981, p. 636.
340
Ibidem.
341
F. HARMON, « Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 24 octobre 1980 « magistrats
remplaçants », in Actualité juridique (droit administratif), 1981, p. 148.
96

y conservaient leur plein exercice des attributions attachées à leur poste d'affectation ;
qu'ainsi leur désignation pour siéger au tribunal des armées n'avait pas pour effet de leur
donner une affectation nouvelle au sens de l'article 4 de la loi organique du 22 décembre
1958 relative au statut de la magistrature et ne porterait pas atteinte au principe de
l'inamovibilité des magistrats du siège inscrit à l'article 64 de la Constitution »342.

Tenant compte des difficultés liées principalement à l'organisation des juges


« remplaçants » ou « volants », au regard de l'inamovibilité, le législateur français a élaboré la
loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant le statut de la magistrature qui a
« assoupli » les conditions de recours aux juges remplaçants dans des termes qui consacrent
le changement de nature de l'institution. Ainsi, désormais leur affectation ne peut dépasser 4
mois et n'est pas renouvelable343. Sans remettre en cause cette durée, la loi organique ci-
dessus a considérablement élargi cette possibilité en l'autorisant « pour renforcer l'effectif
d'une juridiction afin d'assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable ». On
passe ainsi des remplacements ponctuels aux structurels, et le risque d'un dévoiement du
système, eu égard à l'inamovibilité, n'est pas loin. D'autre part, il ressort de l'article L.221
du Code de l'organisation judiciaire que les chefs de corps des Cours d'appel peuvent
déléguer un juge pour exercer les fonctions judiciaires dans les tribunaux de leur ressort en
cas de vacance d'emploi ou d'empêchement d'un ou de plusieurs magistrats. La durée ne
peut dépasser 3 mois. Nous ne pensons pas que cette possibilité ainsi étendue porte en elle
le risque de déstabilisation des juges concernés dans la mesure où son temps est limité et il
n’ya pas l’intervention du pouvoir exécutif.

Précisons également que l'article 32 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001


relative au statut des magistrats et au Conseil Supérieur de la Magistrature344 prévoit que le
premier président de la Cour d’appel, peut prononcer par voie d'ordonnance, l'affectation de
certains magistrats du siège de son ressort, appelés à remplacer temporairement leurs
collègues, du fait de congé de maladie, de maternité ou adoption ou du fait de leur
participation à des stages de formation, ou pour raison de congé annuel. Mais la durée de ce
remplacement qui n'est pas renouvelable ne peut dépasser huit mois. Cela semble être
conforme au principe 3.4 de la Charte Européenne sur le Statut des juges qui dit : « Le ou la
juge en fonction dans un tribunal ne peuvent en principe faire l'objet d'une nouvelle
nomination ou d'une nouvelle affectation, même en promotion, sans y avoir librement
consenti. Il ne peut être fait exception à ce principe que (...) dans celui d'une affectation
temporaire pour renforcer un tribunal voisin, la durée maximale d'une telle affectation étant
strictement limitée par le statut sans préjudice du droit au recours ». L'on a prévu ce recours
afin que le juge ne soit pas empêché en pratique de conduire normalement les procédures dont
il a la charge.

342
Conseil d’Etat, 29 juin 1983, Arrêt Pacaud et autres, in Revue française de droit administratif, 1985,
p. 108
343
Article 3- 1 de l’ordonnance n° 58 – 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature française ; pour plus de détails, Voy. D. GUIHAL, « L’inamovibilité des juges à l’épreuve des
contraintes de gestion », in Revue française de droit constitutionnel, 1995, pp. 799-801.
344
Journal officiel, 26 juin 2001, p. 10119.
97

Les limites de l’inamovibilité sont également prévues au Sénégal. En effet,


l'interprétation de l'article 5 de la loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 portant statut des
magistrats nous permet de dégager les conditions de dérogations ci-après au principe de
l'inamovibilité : le déplacement doit être provisoire, l'autorité de nomination doit saisir le
Conseil supérieur de la magistrature qui rendra un avis conforme et motivé, la durée du
déplacement du juge devra être fixée, enfin et surtout l'exigence des nécessités du service.
Nous avons relevé que cette condition permet au pouvoir exécutif de « noyer » ce principe
comme c'est le cas en Guinée, au Burkina Faso, à Madagascar, au Togo, au Tchad et en Côte
d'Ivoire.

Enfin le Bénin a prévu les limites raisonnables de l’inamovibilité du juge mais qui
ne remettent pas en cause l’indépendance de celui-ci. En effet, ce principe n'est pas violé
lorsque le président d'une juridiction permute les juges au sein de sa juridiction d'une
chambre à l'autre ou lorsqu'un juge va suppléer à la vacance d'un poste dans une juridiction de
même rang ou supérieur ; dans tous les cas, vu l'intervention de la Cour constitutionnelle, le
consentement de l'intéressé s'impose. De même, l'inamovibilité du juge ne concerne pas la
nomination à un premier poste de juge (pour l’ancien auditeur de justice ou un autre
fonctionnaire nouvellement intégré dans le corps de la magistrature) car il n’y a aucune
obligation de consulter le nouveau magistrat. En conséquence, le juge qui va être nommé ne
peut exciper d’aucune qualité pour invoquer une quelconque inamovibilité345.

En définitive, quoique étant la pièce maîtresse de l’indépendance du juge,


l’inamovibilité peut créer des situations regrettables. En effet, parfois des juges accédant à
certaines fonctions dans certaines juridictions, n’en bougent pas pendant très longtemps,
souvent plus de vingt ans, jusqu’à leur retraite ; on redoute ainsi un risque de sclérose
d’autant que l’environnement local devient trop familier346, ce qui peut enfreindre son
impartialité à l’égard de certaines personnes « lui étant chères » de ce milieu. Enfin et
surtout, il n’est pas admissible que les juges indignes et immoraux soient maintenus au nom
de ce principe étant donné qu’une faute professionnelle lourde ne les met pas à l’abri des
poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la magistrature347. C’est pourquoi

345
A.M. LOKOSSOU, « Le principe de l’inamovibilité du magistrat dans le contexte du Bénin », Mémoire de
maîtrise en sciences juridiques, Faculté des sciences juridiques économiques et politiques (FASJEP),
Université nationale du Bénin, Cotonou, Année universitaire 1998-1999, p. 36.
346
D. LUDET, « Le juge dans une société démocratique, l’accès aux fonctions judiciaires et carrière du juge »,
in Les systèmes judiciaires dans une période de transition, Réunion multilatérale, Conseil de l’Europe et Cour
Suprême de Hongrie, Budapest, 25-27 octobre 1995, Conseil de l’Europe, 1997, p. 131.
347
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, p. 305 ; D. LUDET , « Le juge dans
une société démocratique, l’accès aux fonctions judiciaires et la carrière du juge », in Les systèmes judiciaires
dans une période de transition, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1997, pp. 130-131 ; N. VALTICOS,
« Quels juges pour la prochaine Cour européenne des droits de l’homme », in Liber Amicorum, Marc-André
EISSEN, Bruxelles-Paris, éd. Bruylant, 1995, pp. 428-431 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER et A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4e éd., Dalloz, 1996, p. 108-110 ; J.
ROBERT (avec collaboration J. DUFFAR), Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, 6e éd.,
Montchrestien, 1996, p. 274-278 ; L. SERMET, Convention européenne des droits de l’homme et contentieux
administratif français, éd. Economica, 1996, pp. 215-216 ; SOLON, raison pour la justice, Paris, éd. Dalloz,
1986, pp. 16-149 ; F. KERNALEGUEN, Institutions judiciaires, Paris, éd. Litec, 1994, pp. 42-43 ; A.L.
98

l’article 8 du Statut Universel du juge348 permet que ce dernier soit déplacé, suspendu ou
démis de ses fonctions dans les cas prévus par la loi en matière disciplinaire et sur décision
de l’organe indépendant et représentatif des juges comme le Conseil supérieur de la
magistrature.

D. Des propositions pour une réforme

Nous pensons que l'inamovibilité, étant l'une des pierres angulaires de


l'indépendance du juge, devrait s'appliquer à tous les juges de carrière ou non tels que les
juges consulaires des tribunaux de commerce, les juges sociaux des tribunaux de travail
(Conseil de prud'hommes), les jurés des juridictions militaires, les juges de la Cour
constitutionnelle, les juges des juridictions de l’ordre administratif (tribunaux administratifs,
Cours administratives d’appel et Conseil d'État) et tous les juges des juridictions de l’ordre
judicaire cela peu importe la durée de leur mandat.

Il est donc indispensable de proclamer l'inamovibilité dans la Constitution en lui


donnant le sens qui est conforme aux critères de la Cour européenne des droits de l'homme
ou de la cour Constitutionnelle du Bénin, car s'y refuser serait le signe le plus sûr de
l'arbitraire. Mais, le seul fait d'en affirmer l'existence ne saurait en revanche être une
garantie suffisante d'autant plus que même les régimes militaires n'ont pas hésité à se dire
attachés à la règle de l'inamovibilité tout en restreignant la portée pratique par des artifices
juridiques plus ou moins habiles comme « les nécessités de service ».

Par cette pratique, les régimes militaires ou autoritaires en abusent en affectant les
juges selon leur bon vouloir étant donné que c'est une notion vague, qu'ils utilisent pour
faire échec à l'inamovibilité du juge. Ils y arrivent avec d'autant plus d'aisance qu'ils n'ont
pas besoin de dire en quoi il y a « nécessités de service ». Donc, il s'agit là de manœuvres
du pouvoir exécutif pour déplacer les juges peu dociles à son égard. De même, par la notion
d'intérim appliquée au Sénégal, le pouvoir exécutif affecte le juge à une juridiction supérieure
pendant une période qu'il sera seul à fixer et qui prive celui-ci du bénéfice de l'inamovibilité.

DEVILLE, « Influences du pouvoir exécutif sur les prérogatives du juge en France sous la Ve République », in
PH. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE (sous direction), Fonction de juger et pouvoir judiciaire,
Faculté universitaire St Louis, Bruxelles, 1983, p. 482 ; N. QUESTIAUX, « Statut, carrière et indépendance
du magistrat français », in Justice et politique, actes du colloque tenu à l’I.E.P. de Strasbourg les 5, 7 et 8 avril
1973, éd. PUF, 1974, pp. 21-22 ; RENOUX, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, éd. Economica,
Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1984, pp. 101, 166, 267-268 ; J.L. BODIGUEL, Les magistrats, un
corps sans âme ?, Paris, éd. PUF, 1991, pp. 224, 266, 271 ; Syndicat de la magistrature, Justice sous influence,
Paris, éd. Maspero, 1981, pp. 193-1995 ; J. DROIN, « La garantie de l’indépendance des juges en Europe
occidentale », in Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1995,
p. 155 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, éd. PUF, 1996, p. 50 ; A. POUILLE, Le pouvoir
judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, p. 57-62 ; P. DEVEDJIAN, Le temps des juges, Paris, éd.
Flammarion, 1996, p. 211-214 ; C. GUARNIERI et P. PEDERZOLI, La puissance de juger, Paris, éd.
Michalon, 1996, pp. 55-56 ; A. MARTIN, « Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance des
juges », in Revue de droit public et de la science politique de l’étranger, n° 3, 1997, pp. 741-781 ; G.
d’ARBOUSSIER, « La primauté du droit », in Justice au Sénégal, Dakar, éd. Rufisque, 1961, p. 8.
348
Approuvé à l’unanimité par le conseil central de l’union internationale des magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1999.
99

Étant donné que par « les nécessités de service » ou la « notion d'intérim » le pouvoir
exécutif peut déplacer selon son bon vouloir le juge d'une juridiction, cela est en
contradiction avec les critères d'indépendance du juge vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Nous pensons aussi que l'inamovibilité ne s'oppose pas au système de mandat


limité. En effet, concernant les chefs de juridictions, ce principe ne signifie pas que ceux-ci
devront rester indéfiniment à ces postes jusqu'à leur mise à la retraite. Nous sommes d'avis
que pareille interprétation conduirait à une certaine lassitude de ces derniers étant donné
que leurs attributions sont plus administratives que juridictionnelles. Au surplus, si le chef
de juridiction n'a pas les talents d'organisation requis, sa nomination à vie pourrait
hypothéquer le fonctionnement d'une juridiction pendant des années, causant ainsi des
répercussions néfastes sur le climat de travail, la motivation des magistrats, le traitement
des dossiers, et finalement sur le justiciable. Ensuite, le système de mandat limité des chefs
de juridiction contribue à parfaire le fonctionnement des tribunaux par l'émulation des
juges, du fait que chacun se surpasserait pour améliorer de son mieux la distribution de la
justice, dans l'espoir de répondre ainsi aux qualités de futur président de juridiction et les
justiciables pourraient tirer profit de cette compétition qualitative. Enfin, la limite du mandat
des chefs de juridiction traduit la modernité des institutions judiciaires.

Il convient aussi de souligner que le droit englobe plusieurs notions trop techniques
qui nécessitent qu'elles soient appréciées par un « juge spécialisé ». Il ne serait donc pas
mauvais qu'il puisse être sollicité pendant un temps déterminé afin de contribuer à rendre
une justice de qualité. Aussi, si dans un tribunal, plusieurs juges sont empêchés pour
diverses raisons (maladie, décès...), l'on pourrait solliciter le concours du juge d'un tribunal
voisin.

Nous estimons que cette possibilité n'irait pas à l'encontre du principe de


l'inamovibilité dès lors qu'elle peut se faire au niveau du ressort de chaque Cour d’appel en
l'absence de toute impulsion du pouvoir exécutif. En d'autres termes, il est donc nécessaire
de revenir à une réelle mobilité, mais entourée de garanties objectives pour ne pas remettre
en cause le principe de l'inamovibilité, plus exactement de l'indépendance du juge ; il
suffirait dans ce contexte d'institutionnaliser dans la carrière du juge la règle de mobilité
au niveau du ressort de chaque Cour d’appel pour une durée précise afin de résoudre une
difficulté bien déterminée devant une juridiction (comme l'arriéré judiciaire, l'absence d'un
juge spécialisé dans un domaine précis, l'impossibilité de constituer le siège pour diverses
raisons, etc.) au profit du justiciable. Dans tous les cas, le juge (à qui on demande la
mobilité) disposerait d'un droit de recours général devant une instance indépendante qui
pourrait être ainsi amenée à vérifier la légitimité du déplacement. C'est d'ailleurs aussi le
droit au recours qui permettrait de répondre à des situations où un juge se verrait surchargé
et empêché en pratique de conduire normalement les procédures dont il a la charge. Les
critères de l'indépendance tels que fixés par la Cour européenne et par le Comité des
Droits de l’Homme de l’ONU (au regard de l’article 14 §1 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques) n’en seraient pas violés.
100

Comme nous pouvons le constater, l’inamovibilité ne voudrait pas dire immobilité


car l’essentiel est que le pouvoir exécutif n’intervienne pas d’autorité pour priver le juge
de sa place par diverses manœuvres. En clair, il ne sert à rien d’affirmer le principe dans
l’abstrait ; et pour en apprécier la portée, l’organe censé assurer la protection de
l’indépendance du juge, le Conseil Supérieur de la Magistrature devrait donner son avis
conforme c’est-à-dire qui lie l’organe de nomination. La Cour constitutionnelle ou le
Conseil d’Etat devrait être consulté(e) en cas de besoin pour préciser la portée exacte de
l’inamovibilité selon que le juge lésé a fondé son action sur les prescrits de la Constitution
ou de l’article 14 de loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats. Il serait souhaitable que cette Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat aille
dans le sens que la Cour constitutionnelle du Bénin en exigeant l’accord préalable du juge
pour toute mutation et promotion349. Ce principe ne s’applique pas au ministère public
(magistrat du parquet).

§2. Le Conseil Supérieur de la magistrature350

C’est un organe qui a essentiellement pour mission d’assurer l’indépendance du juge ;


il s’interpose entre le juge et le pouvoir exécutif concernant la nomination, l’avancement et le
cas échéant la discipline ; donc il gère la carrière du juge351. Son rôle est considérable car de

349
Cour constitutionnelle, 2 mars 1995, Amoussou Gerges Constant et Adjovi C., DCC 95-011 ; Cour
constitutionnelle, 12 mai 1995, Toboula Josephat, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions
et avis, République du Bénin, Cotonou, 1995, pp. 117 et s. ; Cour constitutionnelle, 26 avril 1996,
Amoussou Gerges Constant et Crst, DCC 96-021, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions
et avis, République du Bénin, Cotonou, 1996, pp. 107-110 ; Cour constitutionnelle, 30 juillet 1996, Hadonou
Lino Louis et Hode Francis Aimé, DCC 96-045, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et
avis, République du Bénin, Cotonou, 1996, pp. 205-207 ; Cour constitutionnelle, 10 juin 1997, Dako
Fortuné et Kapko Damien, DCC 97-033, in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et avis,
République du Bénin, Cotonou, 1997, pp. 137-141.
350
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I., L’indépendance du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 64-94.
351
J. ROBERT (avec collaboration J. DUFFAR), Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, 6ème éd.,
Montchrestien, 1996, pp. 274-278 ; Th.S. RENOUX, « Le Président de la République garant de
l’indépendance de l’autorité judiciaire », in Justices, n° 3, janvier-juin 1996, pp. 100-103 ; 108-112 ; D.
SALAS, Le tiers pouvoir vers une autre justice, Paris, Hachettes littératures, 1998, pp. 48-49 ; G.
GALLON, « Une bataille européenne en faveur de l’autonomie et de l’indépendance des juges », in La
formation des magistrats en Europe et le rôle des syndicats et des associations professionnelles, Paris, éd.
Cédam, 1992, pp. 214-216 ; F. GERBER, Justice indépendance, justice sur commande, Paris, PUF, 1990,
pp. 231-234 ; J. BEAUME, « L’administration du corps judiciaire : Rôle du Conseil Supérieur et/ou du
Ministère de la justice en France », in Rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Actes de réunion
multilatérale organisée par le Conseil de l’Europe en collaboration avec le Conseil général du pouvoir
judiciaire d’Espagne tenu à Madrid du 9-11 novembre 1993, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, 1995, pp.
159-164 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, PUF, 1996, p. 50 ; A. POUILLE, Le pouvoir
judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, pp. 57-62 ; P. DEVEDJIAN, Le temps des juges, Paris,
éd. Flammarion, 1996, pp. 211-214 ; COLCOMBET, « Faire carrière », in Pouvoirs, n° 74, p. 111 ; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4ème
éd., Dalloz, 1996, pp. 108-110 ; J.Cl. MAGENDIE et J.J. GOMEZ, Justices, Paris, Atlas-Economica, 1986,
pp. 23-24 ; J. GEOGEL et A.M. THOREL, La justice sous la Ve République, Paris, éd. Apogée, 1997, pp.
99-110 ; SOLON, op. cit., pp. 152-157 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 11e éd.,
Montchrestien, 2004, p. 40, n° 45.
101

l’indépendance de cet organe, de sa composition, de ses attributions, de son prestige moral


dépend finalement l’indépendance des juges. S’il est composé de personnes qui ne doivent
rien et n’attendent rien du gouvernement, et s’il est investi de prérogatives suffisamment
étendues pour s’imposer à lui, son efficacité est réelle ; alors que, dans le cas contraire, on
peut redouter que la protection du juge ne soit que de pure façade. Et comme le soulignent
Serge Guinchard et alii, « c’est un organe de garantie de l’indépendance du juge »352. Nous
examinerons sa composition (A), le mode de désignation de ses membres (B) et ses
attributions au regard de l’indépendance du juge (C) et les propositions pour une réforme (D)
qui tiennent compte de l’apport du droit comparé.

A. Composition de ses membres

En principe, si le Conseil supérieur de la magistrature est composé uniquement de


représentants du pouvoir exécutif cela peut mettre en doute l’indépendance de cette
institution, et d’une certaine manière celle des magistrats. Un parcours du droit comparé nous
permettra de vérifier cette hypothèse.

En Belgique353, c’est le Conseil supérieur de la justice354 qui joue pratiquement le


même rôle que le Conseil supérieur de la magistrature. En optant pour cette appellation au
lieu du « Conseil supérieur de la justice », le législateur belge a suivi la suggestion des
magistrats eux-mêmes qui voulaient dissiper toute référence, fut-elle implicite, à des
préoccupations de nature corporatiste355 ; et le fait que le Conseil supérieur de la justice
accentue la référence au service public356. D’aucuns affirment que sa présence aujourd’hui
contribue à l’équilibre des pouvoirs, car par le passé, la collaboration du pouvoir judiciaire
avec les autres pouvoirs n’existait que pour parer au spectre de l’hégémonie357.

352
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès, Paris, 3e éd. Dalloz,
2005, n° 354, p. 635.
353
C’est l’un des derniers pays d’Europe d’avoir pourvu la justice d’un tel organe de contrôle, réclamé pourtant
depuis plus de vingt ans avec insistance par de nombreux magistrats (voir Revue juger, n° 5, « Les structures
de l’indépendance », Bruxelles, 1993). c’est donc les manifestations d’une population indignée par les
dysfonctionnements de la justice et par l’inertie du pouvoir qui ont notamment contraint le gouvernement à
approuver en juillet 1997 un projet de loi instaurant le Conseil supérieur de la justice (F. RINGELHEIM,
Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor, 1998, p. 31).
354
Institué par la loi du 20 novembre 1998 portant modification de l’article 151 de la Constitution (Moniteur
belge du 24 novembre 1998, pp. 37679-37681) et loi du 22 décembre 1998 modifiant certaines dispositions de
la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la justice, la nomination et la
désignation de magistrats et instaurant un système d’évaluation pour les magistrats (Moniteur belge du 02
février 1999, pp. 2928-2935).
355
Chr. MATRAY, « Les magistrats et le Conseil supérieur de la justice », in Le Conseil supérieur de la justice
(sous direction de M.VERDUSSEN), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 78. Il s’agissait de la proposition de
l’Association syndicale des magistrats (Chr. MATRAY, « Justice et transparence », in La République des
juges. Actes du colloque organisé par Conférence libre du jeune barreau de Liège le 7 février 1997, Liège, éd.
du jeune Barreau, 1997, p. 46).
356
Chr. MATRAY, Le chagrin des juges, éd. Complexe, Bruxelles, 1997, p. 89.
357
D. de BRUYN, « Le Conseil supérieur de la justice », in Journal des tribunaux, 1999, p. 402 ; X. DE
RIEMAECKER, « La place du pouvoir judiciaire dans l’Etat et son corollaire, l’indépendance des
magistrats », in X. DE RIEMAECKER et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte,
2000, p. 15.
102

Il est prévu à l’article 151 § 2 alinéa 1er, de la Constitution358 que : « Il y a pour toute
la Belgique un Conseil supérieur de la justice ». Ce Conseil est composé de quarante-quatre
membres dont vingt-deux d’expression française qui forment le collège francophone et vingt-
deux d’expression néerlandaise qui forment le collège néerlandophone359. Chaque collège
compte onze magistrats et onze non-magistrats. Le groupe des magistrats compte par collège
au moins : un membre d’une Cour ou du ministère public près une Cour, un membre du siège,
un membre du ministère public et un membre par ressort de Cour d’appel. Le groupe des
non-magistrats compte, par collège au moins quatre membres de chaque sexe et est composé
d’au moins : quatre avocats possédant une expérience d’au moins dix années au barreau, trois
professeurs d’une université ou d’une école supérieure possédant une expérience
professionnelle utile pour la mission du Conseil supérieur d’au moins dix années, quatre
membres porteurs d’au moins un diplôme d’une école supérieure et possédant une expérience
professionnelle utile pour la mission du Conseil supérieur d’au moins dix années dans le
domaine juridique, économique, administratif, social ou scientifique. En clair, le Conseil
supérieur de la justice belge comprend quarante-quatre membres : vingt-deux sont magistrats
et vingt-deux autres non-magistrats.

L’entrée de non-magistrats dans cet organe permet de réduire les pesanteurs


hiérarchiques et corporatistes360, ce qui aura pour conséquence d’être une clef de voûte dans
les nouveaux rapports entre justice et société361, qui assure ainsi l’indépendance de la
justice362 étant donné que les non-magistrats paraissent, en toute rigueur, pouvoir être
considérés comme des représentants des citoyens363 et parce que leur vision et expériences
peuvent constituer un apport indispensable364. L’intérêt de leur participation au travail du
conseil est surtout d’apporter dans chaque délibération un regard critique, ou naïf, ou
impertinent, qui contraigne les membres de la communauté judiciaire à analyser, à expliquer
ou à remettre en cause leurs comportements, leurs usages, leurs réflexes. Sur ce point,
Madame Matray est d’avis que le bilan est positif365. La solution retenue par la Belgique avait
déjà été imaginée par Denis Robert qui disait : « On peut imaginer des avocats et professeurs
de droit élus par leurs pairs, mais aussi des personnalités n’ayant pas une formation de
juristes, mais réputées pour leur indépendance. »366.

358
Loi du 20 novembre 1998, in Moniteur belge du 24 novembre 1998, pp. 37679-37681.
359
Article 259 bis-1, § 1er du Code judiciaire belge.
360
F. RINGELHEIM, Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor,
1998, p. 32 ; Chr. MATRAY, « Justice et transparence », in La République des juges, Actes du colloque
organisé par la Conférence libre du jeune Barreau de Liège, le 7 février 1997, Liège, éd. du jeune barreau,
1997, p. 50.
361
St. DE CLERCK, Les arbres et la forêt. Réformer la justice, Tielt (Belgique), éd. Lannoo, 1997, p. 163.
362
D. ROBERT, La justice ou le chaos, Paris, éd. Stock, 1996, p. 41.
363
B. FRYDMAN, « La participation citoyenne au Conseil supérieur de la justice : le pari de protagonistes », in
Le Conseil supérieur de la justice (sous direction de VERDUSSEN, M.), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 97.
364
Doc. parl., Ch. 1677/I-97/98, p. 6.
365
Chr. MATRAY, « Le Conseil supérieur de la justice : de quelques perplexités », in Une justice en crise :
premières réponses, Actes de la journée d’études du 16 mai 2002, sur « Les dysfonctionnements de la justice
plus de 5 ans après la Marche blanche », Les cahiers de l’institut d’études sur la justice, n° 3, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2002, p. 188.
366
D. ROBERT, La justice ou le chaos, éd. Stock, Paris, 1996, p. 41.
103

En France, la société civile ne fait partie du Conseil Supérieur de la Magistrature.


Ainsi, l’article 65 alinéa 2 à 4 de la Constitution dit : « Le Conseil supérieur de la
magistrature comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège,
l’autre à l’égard des magistrats du parquet.
La formation compétente à l’égard des magistrats du siège comprend, outre le
Président de la République et le garde des sceaux, cinq magistrats du siège367 et un magistrat
du parquet, un conseiller d’État, désigné par le Conseil d’État, et trois personnalités
n’appartenant ni au parlement ni à l’ordre judiciaire, désignées respectivement par le
Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.
La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet comprend, outre le
Président de la République et le garde des sceaux, cinq magistrats du parquet et un magistrat
du siège, le conseiller d’État et trois personnalités mentionnées à l’alinéa précédent ».

Bref, au regard de cette disposition, le Conseil supérieur de la magistrature comprend


18 membres dont le Président de la République et le ministre de la justice, 10 pour les
magistrats du siège (6 magistrats, 1 conseiller d’État et 3 personnalités extérieures), 10 pour
les magistrats du parquet (6 magistrats, 1 conseiller d’État et 3 personnalités extérieures), le
Président de la République et le Ministre de la justice. Les 3 personnalités extérieures siègent
à la fois dans les deux formations et il en est de même du seul membre du Conseil d’État.

En créant en son sein deux formations spécialisées, les parlementaires ont opté pour
une solution originale garantissant le respect de la spécificité du parquet dont l’indépendance
vis-à-vis de l’exécutif ne peut être totale en raison de sa fonction de mise en œuvre de la
politique pénale du gouvernement. Ce qui contribue directement au renforcement de
l’indépendance de la magistrature, dans la mesure où l’adoption d’une structure dédoublée a
permis l’extension des compétences du conseil à l’égard du parquet sans effacer les liens que
ce dernier doit conserver avec l’exécutif en raison de la particularité de sa mission368. Même
si aucune assemblée plénière n’est prévue par le constituant pour les deux formations, le
nouveau Conseil supérieur de la magistrature a pris l’habitude de se réunir une fois par mois
en session commune aux deux formations sous la présidence du Président de la République369.

Au Sénégal, le Conseil supérieur de la magistrature comprend le Président de la


République, le ministre de la justice, le Président du Conseil d’État, le premier président de la
Cour de Cassation et procureur général près ladite Cour, les premiers présidents de Cours
d’appel et les procureurs généraux près lesdites Cours et trois membres élus par leurs pairs
parmi les magistrats370.

367
Un, issu de la Cour de Cassation, un chef de Cour (premier président), un chef de tribunal de grande instance
et trois magistrats des cours et tribunaux.
368
M. ARNAUD, « Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance du juge », in Revue de droit public
et de la science politique en France et à l’étranger, n° 3, mai-juin 1997, pp. 755-756.
369
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, et A. VARINARD, op. cit., n° 84-1, p. 109.
370
Articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal, telle que modifiée par la loi organique n°
92-26 du 30 mai 1992.
104

En Côte d’Ivoire, le Conseil supérieur de la magistrature est composé du Président de


la République, du Président de la Cour (vice-président), du président du Conseil d’Etat, du
président de la Cour des comptes, du procureur général près la Cour de Cassation, de six
personnalités extérieures à la magistrature dont trois titulaires et trois suppléants, désignés en
nombre égal par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale, de
trois magistrats du siège dont deux titulaires et un suppléant et de trois magistrats du parquet
dont deux titulaires et un suppléant, désignés par leurs pairs371.

Au Bénin, le Conseil supérieur de la magistrature comprend le Président de la


République, qui en est de droit le Président, le ministre de la justice, le vice-président de la
Chambre judiciaire de la Cour Suprême, de la Chambre administrative de la même Cour, le
président de la Chambre des comptes, le président de Cour d’appel, une personnalité étrangère
à la magistrature connue pour ses qualités intellectuelles et morales et deux magistrats de
l’ordre judiciaire désignés par leurs pairs372. Mais la nouvelle loi qui a été promulguée
prévoit en son article 1er que les membres de ce Conseil sont : le Président de la République,
Président de droit, le Président de la Cour Suprême, premier vice-président, le ministre de la
justice, deuxième vice-président, les Présidents de Chambre de la Cour Suprême, le procureur
général près la Cour Suprême, le Président de Cour d’appel et le procureur général près ladite
Cour, une personnalité extérieure à la magistrature connue pour ses qualités intellectuelles et
morales et deux magistrats dont un du parquet.

Au Burkina Faso, il est composé des membres de droit qui sont le chef de l’État, le
ministre de la justice, les premiers présidents et les procureurs généraux des Cours et 13
magistrats élus par leurs pairs, représentant différents grades ainsi qu’un représentant du
syndicat des magistrats, élu également par ses pairs373.

Au Togo, le Conseil supérieur de la magistrature est composé de 9 membres : 3


magistrats de la Cour Suprême, 4 magistrats des Cours d’appel et des tribunaux, un député élu
par l’Assemblée nationale, une personnalité extérieure choisie par le Président en raison de sa
compétence374.

En Guinée, il comprend neuf membres dont quatre de droit et cinq nommés par le
Président de la République. Les membres de droit sont le Président de la République, le
ministre de la justice (qui est le vice-président), le premier président de la Cour Suprême, le
plus ancien des premiers présidents des Cours d’appel. Les cinq autres sont : deux présidents

371
Article 105 de la Constitution de la Côte d’Ivoire.
372
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
Précisons que cette loi était en déphasage total avec les principes constitutionnels actuels. C’est ainsi que le
Parlement a voté la nouvelle loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature qui a été
promulguée par le Président de la République.
373
Articles 2 et 4 de l’ordonnance n° 91-53 PRES du 26 août 1991, portant création, organisation et
fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature.
374
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise, n° 8, 6 mars 1997, p. 1.
105

de Chambre ou conseillers à la Cour Suprême, un magistrat du siège de la Cour d’appel, un


magistrat du siège des tribunaux, un juge de paix375.

Au Gabon, il est composé, outre les magistrats, du Président de la République, du


ministre de la justice, de trois députés, deux sénateurs et du ministre des finances376. L’article
3 de la loi organique n° 2/93 du 7 janvier 1993 fixant la composition, l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature prévoyait qu’il comprendrait
également le premier ministre. La Cour constitutionnelle a estimé que cet article n’était pas
conforme à la Constitution du fait que le premier ministre ne faisait pas partie des membres
non magistrats expressément désignés par la Constitution377.

Au Cameroun, il est composé, outre le Président de la République et le ministre de la


justice, de trois députés, de trois magistrats du siège et d’une personnalité extérieure378.

Au Congo-Brazzaville, il est composé des membres de droit et de membres élus. Les


membres de droit sont : le Président de la République et le président de la Cour Suprême. Les
membres élus sont 3 magistrats de la Cour Suprême, 3 magistrats de Cour d’appel, 4
magistrats des tribunaux de grande instance, 2 magistrats des tribunaux d’instance ainsi que le
ministre de la justice379. Concernant la présence de ce dernier au sein du conseil, la Cour
Suprême a déclaré que « l’intrusion du garde des sceaux, ministre de la justice, dans la
composition du Conseil supérieur de la magistrature (…), est incompatible, eu égard à son
statut de membre du gouvernement en exercice, avec les principes de séparation des pouvoirs
et de l’indépendance du pouvoir judiciaire »380. Dès lors, depuis la loi n° 024 du 20 août
1992 modifiée par la loi n° 29/94 du 18 octobre 1994, il n’en fait plus partie.

En République Démocratique du Congo, il comprend 151 membres au moins381 qui


sont président et procureur général près la Cour constitutionnelle, premier président et
procureur général près la Cour de Cassation, premier président et procureur général près le
Conseil d’Etat, premier président et procureur général près la Haute Cour militaire, premiers
présidents et procureurs généraux près les Cours d’appel, premiers présidents et procureurs
généraux près les Cours administratives d’appel, premiers présidents des Cours militaires et

375
Articles 1 à 4 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
376
Article 71 de la Constitution du Gabon.
377
Cour constitutionnelle du Gabon, décision n° 6/CC du 4 mars 1993, in Penant, n° 816, 1994, pp. 201-203.
378
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
379
W. MBILAMPINDO, « L’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue
juridique et politique Indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 306 ; articles 1 à 7 de
la loi n° 024 du 20 août 1992 modifiée par la loi n° 29/94 du 18 octobre 1994 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
380
Décision n° 002/CS/96 du 2 août 1996, in Penant, n° 825, 1997, pp. 332-334, avec note de J.D.
BOUKONGOU, « Indépendance du pouvoir judiciaire et protection des droits de l’homme au Congo à la
lumière des deux décisions de la Cour Suprême du 2 août 1996 », même revue, pp. 310-329.
381
Article 152 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, numéro spécial, p. 14.
106

auditeurs supérieurs, deux magistrats de siège et deux magistrats du parquet élus par
l’ensemble des magistrats du ressort pour un mandat de 3 ans, un magistrat de siège et un du
parquet par ressort de Cour militaire.

Précisons que la Conférence nationale souveraine382 avait proposé la subdivision du


Conseil supérieur de la magistrature en deux sections :

– Une section pour les magistrats militaires, qui s’occupera entre autres de la nomination de
nouveaux magistrats militaires et de la promotion aux fonctions judiciaires et aux grades
militaires des anciens magistrats ;
– Une section pour les magistrats civils, laquelle comprendra deux sous-sections, dont l’une
consacrée aux magistrats de la Cour Suprême de justice et du parquet général de la
République et l’autre consacrée aux autres magistrats.

Nous pensons que cette subdivision chargeait ce Conseil et le rendrait plus lourd dans
son fonctionnement. Il serait souhaitable que ce Conseil reste en formation unique pour tous
les magistrats (du siège et du parquet), ce qui consolidera son unité et son indépendance.

Exceptés la Belgique, le Togo et la République démocratique du Congo ; dans tous les


autres pays cités, le Président de la République est membre du Conseil supérieur de la
magistrature ; souvent, il exerce la Présidence du Conseil et garant de l’indépendance de la
magistrature, aussi, le ministre de la justice en est le vice-président. Dès lors, il convient
d’examiner l’impact de la Présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président
de la République (a) et le fait que la vice-présidence soit confiée au ministre de la justice (b)
sur l’indépendance dudit organe et du juge.

a) Le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la magistrature

En principe, lorsque le président de la République exerce les fonctions du président du


Conseil supérieur de la magistrature cela ne contribue pas à assurer l’indépendance de cette
institution dès lors que son influence pourrait être prépondérante. Un parcours du droit
comparé nous semble indispensable.

En Belgique, le Conseil Supérieur de la Justice constitue, à la majorité de deux tiers de


ses membres, élit un bureau composé de deux magistrats et de deux non-magistrats. La
présidence de ce Conseil est assurée, suivant l’ordre indiqué par deux tiers de ses membres,
pour un délai d’un an, et ceci alternativement par un magistrat et un non-magistrat qui sont
membres du bureau, qui appartiennent à un collège différent et qui n’ont pas été président du
Conseil supérieur. La présidence de chacun des collèges est assurée alternativement pour un
délai de deux ans par le président de la Commission de nomination et le président de la

382
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, Palais du Peuple, Kinshasa, 1992,
p. 63.
107

Commission d’avis et d’enquête, à commencer par le plus âgé383. Comme nous pouvons le
remarquer, ni le Roi, ni le premier ministre, ni le ministre de la justice ne préside cet organe et
n’y siège pas, ce qui renforce son indépendance, contrairement au Conseil supérieur de la
magistrature française dont l’indépendance pourrait être compromise par la présence en son
sein du chef de l’État et du garde des sceaux qui y exercent une influence déterminante sur les
nominations de hauts magistrats384.

En effet, l’article 64 alinéas 1 et 2 de la Constitution française dit : « Le Président de


la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il est assisté par le
Conseil supérieur de la magistrature ». L’article 65 alinéa 1er de la même Constitution
déclare : « Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la
République. » Ce dernier préside donc ce Conseil par le fait qu’il est le garant de
l’indépendance de l’autorité judiciaire ; c’est pourquoi l’article 64 devra être combiné avec
l’article 5 de la Constitution française qui reconnaît au Président de la République le pouvoir
de veiller au respect de la Constitution, d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat385. Or, comme l’affirme Pierre Lyon-
Caen, « depuis qu’il est élu au suffrage universel, nul ne conteste plus que le chef de l’État a
perdu son rôle d’arbitre au profit de celui de chef effectif de l’Exécutif », dès lors, « comment
celui qui dirige l’exécutif pourrait-il protéger le judiciaire des empiétements que le premier a
tendance, par la nature des choses, à exercer sur le second ? »386. Au surplus, aucun
Président ne peut prétendre être neutre car il appartient à une certaine majorité, ce qui fait
qu’il peut difficilement prétendre garantir en toute impartialité, l’indépendance de l’autorité
judiciaire. Les séances solennelles du Conseil supérieur de la magistrature sont présidées par
le Président de la République, même si au cours de celles-ci ce dernier n’utilise pas son droit
de vote387. En outre, cette présidence favorise l’autocensure du Conseil supérieur de la
magistrature lorsqu’il formule des propositions pour la nomination des magistrats du siège388.

En conséquence, aucune raison ne semble justifier aujourd’hui la présidence de cet


organe par le Président de la République en France étant donné que la réforme de 1993389
visait principalement à affranchir la magistrature de la tutelle du chef de l’Etat390. Même si le
Conseil supérieur de la magistrature n’a plus son siège dans les locaux de la présidence de la

383
Article 259 bis-4, § 1er à § 3 du Code judiciaire belge.
384
F. RINGELHEIM, Amour sacré de la justice … A la recherche d’une introuvable, Bruxelles, éd. Labor, 1998,
p. 32.
385
N. MERLEY, « Le chef de l’État et l’autorité judiciaire sous la Ve République », in Revue de droit public et
de la science politique en France et à l’étranger, n° 3, mi-juin 1997, p. 716 ; Th. S. RENOUX, , « Le
Président de la République garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », in Justices, n° 3, 1996, p. 100.
386
P. LYON-CAEN, « L’expérience du syndicat de la magistrature, Témoignage », in Pouvoirs, n° 16, 1981, p.
59.
387
Le Président Chirac a néanmoins rappelé que le garde des sceaux et lui-même, membres à part entière du
Conseil supérieur de la magistrature, disposent d’un droit de vote (Le Monde, 10 juillet 1996, p. 26). Ils
pourraient fort bien l’utiliser en cas de désaccord avec les autres membres du Conseil.
388
N. MERLEY, op. cit., p. 729.
389
Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.
390
M. ARNAUD, op. cit., p. 756. Le fait que le Conseil supérieur de la magistrature soit chargé « d’assister » le
Président de la République dans sa tâche de garant de l’indépendance de la magistrature, cela traduit la
soumission de cet organe à l’influence de l’exécutif (Le Monde n° 17102, jeudi 20 janvier 2000, p. 7).
108

République, ce qui pour être symbolique, n’en est pas moins significatif, mais siège à l’Elysée
chaque fois que le Président le préside391. En principe, cela devrait être évité afin d’assurer
l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature vis-à-vis du Président de la
République. C’est pourquoi, estime Edouard Balladur : « sa présidence doit être retirée au
Président de la République pour être confiée à une personnalité élue en son sein par ledit
Conseil »392 .

La plupart des pays africains ont suivi le modèle français. Ainsi au Sénégal393 tout
comme en Côte d’Ivoire394, à Djibouti395, au Gabon396, au Tchad397 et au Bénin398, le Conseil
Supérieur de la Magistrature est présidé par le Président de la République. D’ailleurs au
Bénin, la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature399 prévoit en son
article 1er que le Président de la République reste le Président du Conseil supérieur de la
magistrature en sa qualité de garant de l’indépendance de la magistrature, et le Président de la
Cour Suprême sera le vice-président de ce Conseil. Nous pensons qu’en plaçant ce dernier en
seconde position par rapport au Président de la République au sein du Conseil, c’est admettre
que le Président de la République puisse lui donner des instructions (son vice-président) pour
la bonne marche de l’institution en cas de son empêchement, ce qui revient à diminuer le plus
haut magistrat de la République du Bénin de son indépendance vis-à-vis du Président de la
République, qui lui est pourtant affirmée par la Constitution.

De même en Guinée400, au Burkina Faso401, au Cameroun402, au Congo-Brazzaville403 et


au Mali404, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la
République. Sur ce point, la Conférence Nationale Souveraine organisée par la République
Démocratique du Congo, alors Zaïre, avait déclaré : « Votre commission soumet à la haute

391
P. DEVEDJEAN, Le temps des juges, Paris, éd. Flammarion, 1996, p. 213 ; Le Conseil se réunit en moyenne
au moins une fois par trimestre en Assemblée plénière au Palais de l’Elysée (Voy. N. MERLEY, op. cit., p.
725) ; Article 34 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 pris pour application de la loi organique n° 94-100 du 5
février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.
392
E. BALLADUR, Dictionnaire de la réforme, Paris, Fayard, 1992, p. 169.
393
Article 1er de l’ordonnance n° 60 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal.
394
Article 1er de la loi n° 61-202 du 2 juin 1961, déterminant la composition, l’organisation et le fonctionnement
du Conseil supérieur de la magistrature modifiée par la loi n° 94-441 du 16 août 1994 ; article 104 de la
Constitution de la Côte d’Ivoire de 2000.
395
Article 73 alinéa 1 de la Constitution de Djibouti.
396
Article 71 de la Constitution de la République gabonaise.
397
Article 151 de la Constitution du Tchad.
398
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1960 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
399
Délibéré et adopté par l’Assemblée nationale en sa séance du 20 décembre 1994, puis le 1er juillet 1996 et
déjà promulgué.
400
Article 2 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
401
Article 132 de la Constitution du Burkina Faso ; article 3 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du 26 août 1991
portant création, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
402
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature modifiée par la loi n °89/16 du 28 juillet 1989.
403
M. MBILAMPINDO, « L’institution du Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue juridique
et politique indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 306.
404
Article 97 de l’ordonnance n° 92/043/P.CTSP du 5 juin 1992 portant statut de la magistrature au Mali.
109

Assemblée la proposition suivante : la présidence du Conseil supérieur de la magistrature


doit rester acquise au Président de la République, au ministre de la justice la vice-présidence
d’office, à condition que les propositions du Conseil supérieur de la magistrature ne soient
jamais modifiées. Les raisons de suspicion entre magistrats ont plaidé en faveur du maintien
de la présidence de cette institution aux mains de l’autorité ci-dessus. Cela permet d’éviter
des entre déchirements »405. Heureusement que la Constitution du 18 février 2006 n’a pas
retenu cette conception. Il est tout de même étonnant de constater que la loi suprême n’a pas
indiqué l’autorité pouvant présider le Conseil supérieur de la magistrature. Il serait à notre
sens souhaitable de le prévoir dans la Constitution, en l’occurrence le premier président de la
Cour de cassation.

De même, au Togo406, cet organe est présidé par le président de la Cour Suprême, et, ce
qui est frappant le Président de la République n’en est même pas membre, d’où l’apparence
de la consolidation de son indépendance. En pratique, cela pourrait être difficile à se vérifier
dans la mesure où le Togo est un régime militaire, et on comprendrait difficilement que ledit
régime se soucie de l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature. Enfin, l’on sait
surtout qu’en Afrique, on peut élaborer des bons textes juridiques mais son application
pratique sur terrain qui pose problème. Dans tous les cas, le fait de prévoir un texte comme
celui du Togo c’est une grande avancée, certainement lorsque le Togo et la République
Démocratique du Congo seront des véritables Etats démocratiques répondant aux critères
d’un Etat de droit, l’application du texte sur terrain ne posera plus problème.

En définitive, exceptés la Belgique, le Togo et la République Démocratique du Congo,


le Président de la République reste garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire et président
du Conseil supérieur de la magistrature. Ledit conseil ne fait que « l’assister ».

b) Le Ministre de la justice et garde des sceaux, vice-président du Conseil supérieur de


la magistrature

Il arrive que le ministre de la justice et garde des sceaux soit membre, et souvent vice-
président du Conseil supérieur de la magistrature, on peut se demander si cela ne peut pas
remettre en cause l’indépendance de cet organe. Les exemples du droit comparé nous
permettraient de vérifier cette hypothèse. En Belgique, le ministre de la justice ne siège pas au
Conseil supérieur de la justice.

Par contre en France, le ministre de la justice est membre du Conseil Supérieur de la


Magistrature. Ainsi, l’article 65 alinéa 1er de la Constitution déclare que le ministre de la
justice est le vice-président de droit du Conseil supérieur de la magistrature et qu’il peut

405
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, République du Zaïre, Kinshasa, Palais
du Peuple, 1992, p. 62.
406
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature du Togo.
110

suppléer le Président de la République. En maintenant le garde des sceaux français au


Conseil comme vice-président, le législateur s’explique aisément par la nécessité de maintenir
un lien entre le gouvernement, auteur de la politique pénale, et la magistrature chargée de
l’appliquer407. Mais ce maintien du garde des sceaux comme vice-président de ce Conseil fait
l’objet de critiques de la part de ceux qui souhaitent une plus grande indépendance des juges.
C’est ainsi que les magistrats estiment à juste titre que : « pour que le Conseil supérieur de la
magistrature soit indépendant, alors qu’il va nommer les magistrats, il ne faut pas mélanger
les genres et, en particulier, les représentants des différents autres pouvoirs que l’autorité
judiciaire »408. Ceci montre que le garde des sceaux n’y est assurément pas à sa place409 étant
donné que sa présence renforce le poids du pouvoir exécutif dans ledit organe.

Les législations des Etas de l’Afrique francophone ont été influencées par la France.
En effet, au Sénégal410, au Burkina Faso411, en Guinée412, au Bénin413, au Cameroun414, au
Gabon415 et au Tchad416, le ministre de la justice et garde des sceaux est le vice-président du
Conseil supérieur de la magistrature ; au Congo-Brazzaville417, il est simple membre du
Conseil alors qu’au Togo418, en Côte d’Ivoire419et au Rwanda420, le ministre de la justice ne
fait même pas partie dudit Conseil, ce qui pourrait rassurer son indépendance. En République
Démocratique du Congo, depuis la Constitution du 18 février 2006, le ministre de la justice
n’est plus membre du Conseil supérieur de la magistrature.

Nous pensons que la présence du ministre de la justice et garde des sceaux au sein du
Conseil Supérieur de la Magistrature surtout en tant que vice-président ne facilite pas

407
M. ARNAUD, op. cit., p. 756.
408
Ibidem, p. 759.
409
M. ZAVARO, « La protection de l’indépendance de la magistrature en France », in Les pouvoirs du judiciaire
(F. RINGELHEIM et Chr. PANIER), Bruxelles, éd. Labor, 1987, p. 85.
410
Article 1er de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, in Ch.T. THIAN, Droit public du Sénégal, vol. I :
L’État et le citoyen, Dakar, Ed. du Credila, Faculté des Sciences juridiques et économiques, Université Cheikh
Anta Diop, 1993, p. 191.
411
Article 132 alinéa 2 de la Constitution du Burkina Faso et article 3 de l’ordonnance portant création et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
412
Article 2 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature de Guinée.
413
Article 3 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi n° 65-3 du 20
avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature
au Bénin. Précisons que la nouvelle loi organique relatif au Conseil supérieur de la magistrature prévoit en
son article 1er, 1 que le premier vice-président du Conseil est le président de la Cour Suprême et le point 3
prévoit que le garde des sceaux est le deuxième vice-président.
414
Article 1er de la loi n°82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
415
Article 71 de la Constitution du Gabon.
416
Article 151 de la Constitution du Tchad.
417
W. MBILAMPINDO, « L’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature au Congo », in Revue
juridique et politique indépendance et coopération, n° 3, septembre-décembre 1997, p. 307.
418
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise n° 8, 6 mars 1997, p. 1.
419
Article 105 de la Constitution du 1er août 2000.
420
Article 1er de la loi organique n° 3/96 portant organisation, fonctionnement et compétences du Conseil
supérieur de la magistrature, in Codes et lois usuelles du Rwanda, Vol. I, 1998, p. 161.
111

l’indépendance de cette institution, au contraire elle traduit le renforcement du pouvoir


exécutif au sein du Conseil421, à moins que la désignation de ses membres prouve que ceux-ci
sont indépendants.

B. Mode de désignation de ses membres

En principe si les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont désignés par


le pouvoir exécutif ou législatif, cette institution serait difficilement indépendante. Par contre,
si aucun membre n’est désigné d’autorité par ledit pouvoir, cette instance pourrait présenter
les signes de son indépendance. Il importe d’examiner le mode de désignation de cette
institution à travers le droit comparé.

En Belgique, les vingt-deux magistrats, membres du Conseil Supérieur de la Justice


sont élus par leurs pairs au scrutin direct et secret dont onze élus par le collège francophone et
onze par le collège néerlandophone422 ; les vingt-deux représentants de la société civile sont
eux choisis par le Sénat, statuant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Les
candidats peuvent se présenter à titre individuel et peuvent également être présentés par les
ordres des avocats, les universités et écoles supérieures. Pour chaque collège, au moins cinq
membres sur onze sont nommés parmi les candidats présentés423.

L’intervention du Sénat pour les membres de la société civile consiste à donner à ces
derniers qui participent aux activités du Conseil une légitimité politique incontestable, et il
s’agit, via la majorité des deux tiers, de procéder au choix de membres qui disposeront de la
confiance de la majorité et de l’opposition, sans compter qu’ils devront être acceptés par l’un
et l’autre groupe linguistique du Sénat424. Mais cette intervention du Sénat avait suscité de
vives critiques. Selon le bâtonnier bruxellois François Glansdorff, il s’agit d’une
repolitisation larvée, alors qu’une désignation, ou plutôt une élection par ses pairs serait
hautement préférable425. D’où comme le souligne le procureur général près la Cour de
Cassation Jean-Marie Piret : « (…) l’exigence d’une majorité de deux tiers n’est pas
nécessairement une garantie de « dépolitisation », puisque, traditionnellement, chaque parti
choisit en fonction des considérations qui lui sont propres les candidats auxquels le système
proportionnel lui donne droit (…) »426.

421
F. LUCHAIRE et G. CONAC (sous direction), La Constitution de la République française. Analyses et
commentaires, Paris, 2e éd., Economica, 1987, p. 1150 ; Chr. STRECKER, « Les ciseaux dans la tête. La
menace informelle de l’indépendance malgré les garanties formelles », in Etre juge demain, Presses
universitaires de Lille, 1983, p. 223.
422
Article 259 bis – 2, § 1er du Code judiciaire belge.
423
Article 259 bis – 2, § 3 du Code judiciaire belge.
424
F. DELPÉRÉE, « Le statut et la composition du Conseil supérieur de la justice », in Le du Conseil supérieur
de la justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 48.
425
F. TULKENS, « Les états généraux de la magistrature organisés par la Commission nationale de la
magistrature », in Journal des tribunaux, 1998, p. 293 ; Pour plus de détails à ce sujet, lire Les États-généraux
de la magistrature, in Le Journal des procès, n° 436, vendredi 3 avril 1998, pp. 11-12.
426
J.M. PIRET, « Le Conseil supérieur de la justice et la Cour de Cassation », in Le Conseil supérieur de la
justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 216.
112

En France, sur 18 membres que compte le Conseil supérieur de la magistrature427, 13


magistrats sont élus par leurs pairs428, 3 personnalités extérieures n’appartenant ni au
Parlement ni à l’ordre judiciaire dont 1 nommée par le Président de la République, 1 par le
président de l’Assemblée nationale et 1 par le président du Sénat429. Le Président de la
République et le ministre de la justice font partie de droit du Conseil.

Comme nous pouvons le constater, le Président de la République désigne une


personnalité au Conseil supérieur de la magistrature, et nomme toujours le secrétaire
administratif dudit Conseil, ce qui est l’un des éléments de dépendance organique de ce
dernier vis-à-vis du Président de la République430, car on sait que la fonction du secrétaire
administratif est prépondérante étant donné qu’elle assure la permanence de l’information et
la préparation des dossiers de nominations. Apparemment, l’on a l’impression qu’au poste de
secrétaire général, le Président de la République pourrait nommer une « personne lui étant
proche », or celle-ci est pratiquement la clé du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui fait
que l’influence du Président de la République dans cette nomination mettrait en cause
l’indépendance de cet organe surtout qu’il y nomme aussi une personne extérieure
n’appartenant ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire.

Les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat désignent chacun une


personnalité extérieure au Conseil Supérieur de la Magistrature. Plusieurs critiques ont été
faites sur ce point. Ainsi, relève le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt : « (…) Vous
n’empêcherez pas l’opinion publique de penser qu’ils auront tendance à choisir une personne
ayant la même philosophie qu’eux, ce qui est d’ailleurs humain, car ils ont le sentiment que
c’est la meilleure puisque c’est la leur ! C’est grave, car le public et les magistrats pourront
estimer ou tout au moins avoir le soupçon que le Conseil supérieur de la magistrature n’est
pas impartial »431.

Au Sénégal, exceptés les membres de droit du Conseil supérieur de la magistrature


(Président de la République, le ministre de la justice, le Président du Conseil d’État, le
Premier président de la Cour de Cassation et le procureur général près cette Cour, les premiers
présidents des Cours d’appel et procureurs généraux près lesdites Cours), 3 membres
magistrats sont élus par leurs pairs, 3 membres suppléants sont nommés par le Président de la
République en Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la justice, 3 autres
membres suppléants sont nommés de la même manière que ces derniers432. De par le mode de

427
Le chef de l’État et le ministre de la justice font partie de ce chiffre qui regroupe les membres compétents à
l’égard du siège et du parquet.
428
Articles 1, 2 et 4 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.
Parmi ces 13 magistrats, il y a un membre du Conseil d’État qui est élu par l’Assemblée générale de celui-ci et
qui siège dans les deux formations du Conseil supérieur de la magistrature (article 5 de la loi organique n° 94-
100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature).
429
Article 65 alinéas 3 et 4 de la Constitution française.
430
N. MERLEY, op. cit., p. 729 ; M. ARNAUD, op. cit., p. 763.
431
JO, CR Sénat, 27 mai 1993, p. 453, cité par ARNAUD, M., op. cit., p. 763.
432
Article 1er, 2 et 3 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, in D. NDOYE, Les magistrats au Sénégal, Dakar, éd.
juridiques africaines, mars 1993, pp. 59-60.
113

désignation de ses membres, la main mise du Président de la République et du ministre de la


justice sont réelles, ce qui mettrait en cause l’indépendance de cette institution.

En Côte d’Ivoire, 3 membres extérieurs à la magistrature connus pour leur expérience


en matière juridique ou administrative sont nommés par le Président de la République et le
président de l’Assemblée nationale433, les autres membres de droit sont pour rappel le
Président de la République, le président de la Cour de cassation, le président du Conseil
d’Etat, le président de la Cour des comptes, le procureur général près la Cour de cassation,
quatre magistrats dont deux du siège et deux du parquet désignés par leurs pairs.
Nous estimons que l’influence du Président de la République reste prépondérante dans la
mesure où c’est lui qui nomme les hauts magistrats siégeant dans ledit Conseil et nomme au
moins trois personnalités extérieures à la magistrature, même si l’on a suivi la Commission
nationale de réflexion sur les conditions d’amélioration du système judiciaire et pénitentiaire
qui avait recommandé que les 4 personnes extérieures soient remplacées par des magistrats
élus par leurs pairs434.

Au Bénin, parmi les 9 membres qui composent ce Conseil, deux magistrats sont élus
par leurs pairs et une personnalité étrangère à la magistrature est nommée par le Président de
la République435. Les 6 autres membres sont le Président de la République, le ministre de la
justice, le président de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême, le président de la Chambre
administrative de la Cour Suprême, le président de la Chambre des comptes et le président de
Cour d’appel. Précisons que lorsque les membres du Conseil siègent alors que leur mandat a
expiré, la composition de celui-ci devient irrégulière et donc susceptible d’être attaquée
devant la Cour constitutionnelle. C’est ce qui s’est passé dans la décision DCC 98-086 où la
Cour a déclaré les décisions numéros 001/96/CSM et 002/96/CSM du 12 février 1996 du
Conseil supérieur de la magistrature contraires à la Constitution au motif que quatre membres
dudit Conseil n’avaient pas qualité pour siéger.

Au Burkina Faso, 13 magistrats sont élus par leurs pairs dont 12 représentent
différents grades de la magistrature et un représente le syndicat des magistrats. Il convient

433
Notons qu’un projet de loi était préparé au cabinet du Président KONAN BÉDIÉ et prévoyait en son article
1er que ce dernier nommerait 6 personnalités extérieures à la magistrature et 4 magistrats du siège dont 2
titulaires et 2 suppléants. Certainement qu’il ne passera plus au Parlement car le coup d’État du 23 décembre
1999 organisé par le général GUEIT a dissout le Parlement. Aussi, un nouveau Parlement a été élu en
décembre 2000 à la suite de l’arrivée au pouvoir du Président Laurent Gbabo.
434
Commission nationale de réflexion sur les conditions d’amélioration du système judiciaire et pénitentiaire
ivoirien, Rapport final, juin 1995, p. 26.
435
Articles 3 et 4 de la loi n° 90-013 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification de la loi 65-3 du
20 avril 1965 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature du Bénin. Précisons que la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature (voté
par l’Assemblée nationale le 1er juillet 1996 déjà promulgué) prévoit en ses articles 1er, 8 et 2 alinéa 3 une
personnalité extérieure mais il ne dit rien en ce qui concerne le pouvoir de sa nomination.
114

d’ajouter les autres membres de droit tels que le Chef de l’État, le ministre de la justice, les
premiers présidents et les procureurs généraux des Cours436.

Au Cameroun, les 3 magistrats du siège sont désignés par la Cour Suprême, une
personnalité extérieure est désignée par le Président de la République437 et celui-ci nomme ces
personnalités membres titulaires par décret.

En République Démocratique du Congo, aucun des 151 membres du Conseil


Supérieur de la Magistrature n’est désigné ni par le Président de la République ni par le
ministre de la justice et garde des sceaux438. Cela pourrait contribuer à l’indépendance de
cette institution.

En Guinée, 5 membres sur 9 du Conseil supérieur de la magistrature sont nommés par


le Président de la République sur proposition du bureau de la Cour Suprême439, au Congo-
Brazzaville, sur 15 membres, 13 sont élus par le Parlement réuni en Congrès440, au
Rwanda441, ses membres sont élus par leurs pairs ; il s’agit des différentes catégories de
magistrats. Au Togo442, le Président de la République ne désigne qu’un membre en raison de
sa compétence sur 9 membres, l’Assemblée nationale désigne également 1 membre.

Nous avons montré qu’en République Démocratique du Congo, aucun membre du


Conseil supérieur de la magistrature n’est désigné par le pouvoir politique. En effet, sur 151
membres dudit Conseil, 96 sont élus par leurs pairs et 55 sont membres de droit partant de
leur qualité. Il nous semble que cela contribuera sans doute à la consolidation de
l’indépendance de cette institution et de surcroît à l’indépendance du pouvoir judiciaire.

C. Ses attributions au regard de l’indépendance du juge

Les attributions du Conseil supérieur de la magistrature peuvent montrer le degré


d’indépendance de ce conseil. Si ledit Conseil ne dispose pas des attributions de gérer
effectivement la carrière de magistrats, on peut émettre de doutes de l’indépendance des
magistrats. Le parcours du droit comparé nous permettra de tirer les leçons afin d’élaborer des
propositions pour une réforme en République Démocratique du Congo.

436
Articles 2 à 5 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du 26 août 1991, portant création, organisation et
fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature, in Journal officiel du Burkina Faso du 29 août
1991, p. 1019.
437
Article 1er de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
438
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
439
Article 4 de la loi organique L/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la
magistrature en Guinée.
440
W. MBILAMPINDO, op. cit., p. 306.
441
Article 1 à 5 de la loi organique n° 3/96 du 29 mars 1996 portant organisation, fonctionnement et
compétences du Conseil supérieur de la magistrature ; article 152 de la Constitution du 26 mai 2003.
442
Article 1er de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature.
115

En Belgique, l’article 151 § 3 de la Constitution énumère les attributions suivantes du


Conseil Supérieur de la Justice :
– La présentation des candidats à une nomination de juge ou d’officier du ministère
public ;
– La présentation des candidats à une désignation aux fonctions de chef de corps ;
– L’accès à la fonction des juges et des officiers du ministère public ;
– La formation des juges et officiers du ministère public ;
– L’établissement de profils généraux pour les désignations concernant les chefs de
corps ;
– L’émission d’avis et de propositions concernant le fonctionnement général et
l’organisation de l’ordre judiciaire ;
– La surveillance générale et la promotion de l’utilisation des moyens de contrôle interne ;
– La réception et le suivi des plaintes relatives au fonctionnement de l’ordre judiciaire ;
– La mise en œuvre d’enquêtes sur le fonctionnement de l’ordre judiciaire.
Le paragraphe 2 de ce même article dit que dans l’exercice de ses compétences, le
Conseil Supérieur de la Justice respecte l’indépendance des juges et l’indépendance du
ministère public dans l’exercice des recherches et poursuites individuelles.

Comme nous pouvons le constater, cet article ouvre la voie au contrôle externe du
pouvoir judiciaire par le Conseil Supérieur de la Justice. La crainte d’une violation de
l’indépendance du pouvoir judiciaire ne sera pas fondée si les dispositions constitutionnelles
et législatives sont correctement appliquées – dans leur lettre comme dans leur esprit – par les
membres du Conseil443. Contrairement au Conseil Supérieur de la Magistrature d’autres pays,
le Conseil Supérieur de la Justice belge n’exerce pas de compétences en matière
disciplinaire444.

En France, les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature varient suivant


qu’il s’agit de la formation s’occupant des magistrats du siège ou du parquet. Ainsi, la
formation du Conseil compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour
les nominations des magistrats du siège à la Cour de Cassation, pour celles de premier
président de la Cour d’appel et pour celles de président du Tribunal de grande instance ; et
elle statue comme Conseil de discipline à l’égard des magistrats du siège445. La formation
compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis pour les nominations
concernant les magistrats du parquet, à l’exception des emplois auxquels il est pourvu en
Conseil des ministres ; elle donne aussi son avis sur les sanctions disciplinaires concernant
les magistrats du parquet446. Nous nous intéresserons surtout à la formation compétente à
l’égard des magistrats du siège, compte tenu de l’indépendance qu’elle est censée incarnée.

443
H.-D. BOSLY, « Le Conseil supérieur de la justice et le contrôle externe de la justice », in Le Conseil
supérieur de la justice (sous direction de Marc VERDUSSEN), Bruxelles, éd. Bruylant, 1999, p. 157.
444
Article 151, § 3, n° 8 de la Constitution.
445
Article 65 alinéas 5 et 9 de la Constitution française.
446
Article 65 alinéa 8.
116

S’agissant des propositions pour les nominations des magistrats du siège, la première
formation émet des propositions pour les emplois de cassation, pour la première présidence
des Cours et pour la présidence des tribunaux de grande instance ; la nomination des autres
magistrats du siège se fait sur avis conforme. Mais l’influence du Président de la République
dans les nominations des magistrats du siège au sommet de l’ordre judiciaire est toujours
prépondérante. A titre d’exemple, entre 1994, date de son installation et le 30 juin 1995, le
Conseil Supérieur de la Magistrature a proposé la nomination de 8 conseillers à la Cour de
Cassation, de 6 premiers présidents et de 45 présidents de tribunal de grande instance ; toutes
ces propositions ont été agréées par le Président de la République447 et aucune des 1445
déclarations du Conseil n’a été remise en cause par le chef de l’Etat ou le garde des sceaux.
En 1995, l’avis conforme n’a été refusé que dans 2,8 % des cas448 alors qu’en 1996, l’exécutif
est passé outre dans 46 % des cas aux propositions de nomination du Conseil supérieur de la
magistrature449. Concernant les autres juges, leur nomination par le Président de la
République requiert l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Dans ce cas, le
garde des sceaux a le pouvoir de proposition mais en accord avec le Conseil Supérieur de la
Magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège qui étudie les dossiers des
magistrats proposés450. C’est donc le garde des sceaux de façon plus ou moins conflictuelle
selon les configurations partisanes au sein de l’Exécutif plutôt que le Conseil supérieur de la
magistrature qui guide le pouvoir de nomination présidentiel. A ce sujet, Edouard Balladur
raconte que sous la cohabitation, ses plus vifs désaccords avec François Mitterrand portaient
sur les nominations dans la magistrature451.

S’agissant du pouvoir disciplinaire, le Conseil est présidé par le premier président de


la Cour de Cassation ; le chef de l’État et le ministre de la justice n’y siègent pas, ce qui
contribue ainsi à renforcer l’indépendance des juges452. Son secrétariat en ce cas est assuré
par le substitut chargé du secrétariat général de première présidence de la Cour de
Cassation453 et sa compétence est importante, car le Conseil est chargé de prononcer des
sanctions, par décision motivée, après enquête et rapport d’un de ses membres. Néanmoins,
seul le garde des sceaux a l’initiative des poursuites disciplinaires contre les magistrats du
siège454, ce qui constitue une limite à leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Mais, c’est le
Conseil supérieur de la magistrature seul qui peut prononcer les sanctions, y compris la
révocation455.

447
Rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature, 1995, p. 14.
448
Ibidem, pp. 2 et 43.
449
Rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature, 1996, cité par D. SALAS, Le tiers pouvoir – vers
une autre justice, Paris, éd. Hachette littérature, 1998, p. 271, note 13.
450
Article 38, alinéa 1 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
451
E. BALLADUR, Deux ans à Matignon, Paris, éd. Plon, 1995, p. 80.
452
Article 65, alinéa 6 de la Constitution française.
453
Article 44, alinéa 1 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
454
Article 50-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature.
455
J. BEAUNE, « L’administration du corps judiciaire : Rôle du Conseil supérieur de la magistrature et/ou du
ministère de la justice », in Le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, Actes de réunion multilatérale
organisée par le Conseil de l’Europe en collaboration avec le Conseil général du pouvoir judiciaire d’Espagne,
Madrid du 9-11 novembre 1993, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe 1995, p. 163.
117

Il existe en France, contrairement à la Belgique et à l’Afrique francophone, un Conseil


supérieur des tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel qui est destiné à
protéger les juges contre toute mesure arbitraire de la part du pouvoir exécutif456. Ce Conseil
comprend 12 membres, répartis comme suit : 4 personnalités membres de droit en raison de
leur fonction (le conseiller d’État qui est le chef de la mission permanente d’inspection des
juridictions administratives, le directeur de la fonction publique, le secrétaire général du
Conseil d’État et le directeur chargé du ministère de la justice des services judiciaires), 5
juges appartenant au corps des tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel élus
par leurs pairs, 3 personnalités désignées respectivement par le Président de la République, le
président de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat457. Outre cette composition, sa
présidence est assurée par le vice-président du Sénat. Cette institution joue un rôle important
notamment concernant les nominations, détachements, l’élaboration du tableau d’avancement,
et en matière disciplinaire458. Mais, ici ce Conseil n’a qu’un simple pouvoir de
« proposition » et non de « décision » comme le Conseil supérieur de la magistrature étant
donné que la décision est prise par le ministre459.

Au Sénégal, le Conseil supérieur de la magistrature est compétent pour les


nominations des magistrats, statue en matière disciplinaire et il est consulté dans l’exercice du
droit de grâce460 mais le rôle essentiel de ce Conseil est d’assister le Président de la
République dans cette mission461. C’est dans ce sens que M. Assane Bassirou Diouf, premier
président de la Cour Suprême du Sénégal dit : « Garant des institutions, le Président est
garant de l’indépendance de la magistrature. A ce titre, il est normal et même souhaitable
qu’il préside le Conseil supérieur de la magistrature et qu’il soit seul à transformer ses avis
en décisions »462. Cette déclaration traduirait la dépendance du Conseil supérieur de la
magistrature par rapport au Président de la République, qui est seul à « transformer ses avis en
décisions ». Concernant le pouvoir de nomination des magistrats, les propositions émanent du
garde des sceaux ; après un rapport fait par un membre du Conseil, l’avis du Conseil est
donné. En ce cas, le conseil est présidé par le chef de l’État ou en cas d’empêchement par le
ministre de la justice et garde des sceaux. Concernant le pouvoir disciplinaire, il est présidé
par le premier président de la Cour de cassation pour les magistrats du siège, et par le
procureur général près cette Cour pour les magistrats du parquet mais l’initiative de saisir le
Conseil en cette matière appartient au ministre de la justice et garde des sceaux463. C’est donc
la solution française qui a influencé le Sénégal. S’agissant de l’exercice du droit de grâce, le

456
Loi n° 86-14 du 6 janvier 1986, modifiée par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987.
457
Article 14 de la loi ci-haut.
458
Article 17 de la même loi.
459
R. PERROT, op. cit., p. 54.
460
Articles 10, 11, 12, 13, 22 et 23 de l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur
l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal.
461
G. d’ARBOUSSIER, « Primauté du droit », in La justice au Sénégal », Congrès africain de Lagos, Dakar, éd.
Rufisque, 1961, p. 8.
462
ASSANE BASSIROU DIOUF, « Le pouvoir judiciaire face aux autres pouvoirs », Allocution du Premier
président de la Cour Suprême du Sénégal, Audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, 6 novembre
1991, p. 9.
463
Article 14 de l’ordonnance précitée.
118

Président de la République prend le décret en matière de grâce après avis dudit Conseil, sur
proposition du ministre de la justice et garde des sceaux464.
Comme on peut le remarquer, au Sénégal, les compétences du Conseil supérieur de la
magistrature s’étendent tant aux magistrats du siège qu’aux magistrats du parquet465, mais
contrairement à la solution française, cette institution siège en formation unique.

En Côte d’Ivoire, le Conseil supérieur de la magistrature propose les nominations des


présidents et conseillers de la Cour de cassation, des premiers présidents des cours d’appel et
des présidents des tribunaux de première instance au Président de la République, donne son
avis à la nomination et à la promotion des magistrats du siège et statue en matière
disciplinaire466. Malheureusement, l’avis dudit Conseil sur la nomination des magistrats du
siège ne lie pas le pouvoir exécutif.

Au Bénin, les attributions du Conseil supérieur de la magistrature sont prévues à


l’article 8 de la loi n° 65-3, fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement du
Conseil supérieur de la magistrature du 20 avril 1965 qui déclare : « Le Conseil supérieur de
la magistrature délibère sur toutes les questions d’ordre général intéressant l’indépendance
des juges. Il émet des avis sur les propositions de nomination dont les magistrats peuvent
faire l’objet, sur les recours en grâce soumis à la décision du Président de la République, et
statue en matière disciplinaire »467. Concernant l’avis de nomination des magistrats, la Cour
constitutionnelle du Bénin a décidé qu’il doit être un avis conforme, c’est-à-dire il doit lier le
Président de la République468. La nouvelle de loi organique relative au Conseil supérieur de
la magistrature469 étend les attributions de ce Conseil. Son article 11 dit : « (…) Le Conseil
supérieur de la magistrature assiste le Président de la République dans sa mission de garant
de l’indépendance de la justice ; à cet effet, il est consulté sur toute question concernant
l’indépendance de la magistrature et la sécurité des juges. Il est habilité à faire au Président
de la République toute proposition de nature à garantir aux magistrats de bonnes conditions
de travail. En outre, le Conseil statue comme Conseil de discipline des magistrats, donne son
avis pour la nomination des magistrats, étudie les dossiers de grâce et les transmet avec son

464
Articles 22 à 25 de l’ordonnance précitée.
465
AMADY BA, « Droits et responsabilités des juges », audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux,
Cour de Cassation, jeudi 5 novembre 1992, Dakar, édition Jurisen, 1992, p. 7.
466
Article 106 de la Constitution de la Côte d’Ivoire.
467
Journal officiel de la République du Dahomey n° 11 du 29 avril 1965, pp. 1-2.
468
Toutes les décisions de la Cour constitutionnelle sont unanimes sur ce point, citons notamment :
– Décision DCC 95-027 du 2 août 1995, in Recueil des décisions et avis, Cour constitutionnelle, République
du Bénin, 1995, pp. 136-145.
– Décision DCC 96-028 du 25 juillet et 6 août 1996.
– Décision DCC 96-081 du 13 novembre 1996.
– Décision DCC 97-008 du 19 février 1997, in Recueil du 19 février 1997, Cour constitutionnelle,
République du Bénin, 1997, pp. 35-39.
– Décision DCC 98-075 du 30 septembre 1998 ;
On lira également le commentaire de S. DOSSOUMON, « Jurisprudence sur le pouvoir judiciaire :
Balises et perspectives », in Bulletin d’information, Cour Suprême, République du Bénin, n° 001, 1997,
pp. 6-11.
469
Voté par le Parlement le 1er juillet 1996 déjà promulgué.
119

avis motivé au Président de la République. » Il va de soi que la nomination des magistrats ne


peut se faire que sur avis conforme470, ce qui constitue un signe de son indépendance.

Au Gabon471, il propose les nominations des magistrats, l’avancement de ceux-ci ainsi


que leur régime disciplinaire. Au Tchad, il propose la nomination et l’avancement des
magistrats472 ; en République centrafricaine473 et à Djibouti474, il gère la carrière des
magistrats et s’occupe de toute question touchant l’indépendance des magistrats. Outre ces
attributions communes aux deux pays, le Conseil supérieur de la magistrature de Djibouti
s’occupe également de la discipline des magistrats comme au Mali475.

De même, en Guinée, le Conseil supérieur de la magistrature émet des propositions ou


des avis pour la nomination des magistrats, toute question concernant l’indépendance de la
magistrature et l’exercice du droit de grâce et détient le pouvoir disciplinaire envers les
magistrats476. Toutes ces attributions sont dévolues au Conseil supérieur de la magistrature du
Burkina Faso477. Concernant les nominations des magistrats, le Burkina Faso a opté pour la
solution française car le Conseil fait des propositions sur les nominations et affectations des
magistrats du siège de la Cour Suprême et sur celle des premiers présidents des Cours
d’appel, et donne son avis sur les propositions du ministre de la justice, relatives aux
nominations des autres magistrats du siège478. Concrètement, le Conseil supérieur de la
magistrature burkinabé donne un avis pour chaque nomination du magistrat du siège, arrête le
tableau d’avancement, statue en matière disciplinaire des magistrats, est consulté sur les
recours concernant l’exécution de la peine capitale et donne son avis sur toute question
concernant l’indépendance de la magistrature et sur l’exercice du droit de grâce479. Mais dans
la pratique, il n’a jamais été associé au traitement des questions mettant en cause
l’indépendance des juges.

Au Togo, le Conseil supérieur de la magistrature donne son avis concernant les


nominations des magistrats, statue comme Conseil de discipline de ceux-ci, est consulté dans

470
A. ZINZINDOHOUE, « Argumentaire en faveur de la loi organique sur le Conseil supérieur de la
magistrature », déposé au Parlement lors de la discussion de la loi.
471
Article 70 de la Constitution du Gabon.
472
Article 152 de la Constitution du Tchad.
473
Article 77 de la Constitution Centrafricaine.
474
Article 73 de la Constitution de Djibouti.
475
Article 82 de la Constitution du Mali.
476
« Indépendance de la magistrature en Guinée », Communication de la délégation guinéenne lors du Séminaire
régional autour du thème « L’indépendance de la magistrature », Cotonou, du 1er au 3 juin 1993, Rapport
général, p. 46 ; Article 15 de la loi organique n° 91/10/CTRN portant création du conseil supérieur de la
magistrature de Guinée.
477
Article 133 de la Constitution du Burkina Faso du 27 janvier 1997.
478
Article 134 alinéa 1 de la Constitution précitée.
479
Articles 133 et 134 de la Constitution du Burkina Faso ; articles 13 à 17 de l’ordonnance n° 91-52 PRES du
26 août 1991, portant, organisation et fonctionnement d’un Conseil supérieur de la magistrature, in Journal
officiel du Burkina Faso du 29 août 1991, pp. 1019-1020.
120

l’exercice du droit de grâce et intervient sur toute question concernant l’indépendance de la


magistrature480.

Au Gabon, il est compétent pour veiller à la bonne administration de la justice et


statuer sur les nominations, affectations, avancements et sur la discipline des magistrats481.
L’article 9 de la loi n° 02/93 du 7 janvier 1993 fixant la composition, l’organisation et le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature prévoyait que les décisions dudit
conseil n’étaient pas susceptibles de recours, mais la Cour constitutionnelle a déclaré que
cette disposition n’était pas conforme à la Constitution au motif qu’elle violait « l’article 8 de
la Constitution universelle des droits de l’homme de 1948 aux termes duquel toute personne a
droit à un recours effectif devant les juridictions nationales (…) ». Au surplus, la Cour a
estimé que le Conseil supérieur de la magistrature n’était pas au-dessus du pouvoir
judiciaire482.

Au Cameroun, le conseil sert d’organe disciplinaire pour les magistrats du siège,


établit les tableaux d’avancement desdits magistrats en vue d’une promotion de grade et
donne des avis sur :
– le droit de grâce ;
– les projets ou propositions de la loi et les projets de tous les textes réglementaires
relatifs au statut de la magistrature ;
– les propositions d’intégration dans la magistrature, d’affectation et de nomination des
magistrats du siège dans les fonctions judiciaires ;
– les mutations des magistrats du siège au parquet ou des magistrats du parquet au
siège483.

Au Rwanda, l’article 15 de la loi organique n° 3/96 portant organisation,


fonctionnement et compétences du Conseil supérieur de la magistrature484 détermine ses
compétences de la manière suivante :
– Décider de la nomination, de la révocation, et en général de la gestion de la carrière des
magistrats du siège autres que le Président et les vice-présidents de la Cour Suprême ;
– Donner des avis consultatifs, d’initiative ou sur demande, sur tout projet relatif au statut
du personnel judiciaire relevant de sa compétence ;
– Donner des avis consultatifs, d’initiative ou sur demande, sur toute question intéressant
l’administration de la justice.
– Ce Conseil est obligatoirement consulté sur la création ou la suppression de toute
juridiction.

480
Article 21 à 27 de la loi organique n° 97-04 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature, in Journal officiel de la République togolaise, n° 8, 6 mars 1997, p. 3.
481
Article 70 de la Constitution du Gabon.
482
Cour constitutionnelle du Gabon, Décision n° 6/CC du 4 mars 1993, in Penant, n° 816, 1994, pp. 201-203.
483
Articles 11 à 13 de la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982 fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, modifiée par la loi n° 89/16 du 28 juillet 1989.
484
Codes et lois usuels du Rwanda, Vol. I, Faculté de droit, Université nationale du Rwanda, 1998, pp. 163-164 ;
article 152 de la Constitution du 26 mai 2003.
121

Au Congo-Brazzaville, le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de


l’indépendance du pouvoir judiciaire, à ce titre il intervient dans la désignation des magistrats
et opère comme un Conseil de discipline et de gestion de leur carrière485.

En République Démocratique du Congo, le Conseil supérieur de la magistrature a pour


mission d’élaborer les propositions de nomination, de promotion et de révocation des
magistrats, d’exercer le pouvoir disciplinaire sur les magistrats et de donner ses avis en
matière de recours en grâce486. Concernant la matière disciplinaire, le Conseil siège en
premier et dernier ressort. C’est ce qui résulte de sa décision dans l’affaire R.D. 16 du 19
février 1985487 où la Chambre du Conseil supérieur de la magistrature instituée au niveau de
la Cour Suprême de justice était compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur
l’action disciplinaire dirigée contre un magistrat ayant le grade d’avocat général près la Cour
d’appel mais qui, au moment des faits lui reprochés, exerçait à titre intérimaire les fonctions
de procureur général près la Cour d’appel, étant donné que ce magistrat avait alors rang égal à
celui du procureur général près la Cour d’appel. C’est pourquoi, partant de cette lacune
causée par l’absence du double degré de juridiction de l’instance disciplinaire du Conseil
supérieur de la magistrature, la Conférence nationale souveraine488 a proposé :
– L’instauration d’une Chambre disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature
auprès de chaque Cour d’appel et de chaque Conseil de guerre supérieur, avec Chambre
d’appel de la Cour Suprême de justice et du Conseil de guerre général ;
– Les poursuites disciplinaires du premier président de la Cour d’appel et du procureur
général près cette Cour devant la Chambre du Conseil supérieur de la magistrature du
ressort voisin, il en sera de même pour les magistrats militaires.

Heureusement que les articles 48 et 60 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006


portant statut des magistrats prévoient l’appel en matière disciplinaire au sein du Conseil
Supérieur de la Magistrature. L’interprétation de ces dispositions montre qu’une chambre
siègera au premier degré et une autre au second degré.

Bref, les attributions telles que décrites ci-dessus montrent que presque tous les pays
de l’Afrique francophone ont suivi le modèle français du Conseil supérieur de la magistrature
en ce que celui-ci fait des propositions pour les nominations des magistrats et qu’il est leur
organe disciplinaire. Nous déplorons que l’initiative de saisir le Conseil en cette matière soit
confiée au ministre de la justice en France tout comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Togo,
au Burkina Faso, au Tchad ; au Cameroun, au Djibouti, au Gabon, en Guinée, en République
Démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, contrairement à la nouvelle loi du Bénin où
le ministre de la justice et garde des sceaux n’exerce pas ce pouvoir.

485
Article 135 de la Constitution.
486
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
487
Revue juridique du Zaïre, Droit écrit et droit coutumier, n° 1-2 et 3, janvier à décembre 1985, pp. 26-27.
488
Rapport de la Commission juridique, Conférence nationale souveraine, République du Zaïre, Palais du
Peuple, Kinshasa, 1992, p. 64.
122

Il est déplorable que dans la plupart des pays de l’Afrique francophone, les décisions
du Conseil Supérieur de la Magistrature ne soient pas susceptibles de recours, ce qui prive les
magistrats lésés du principe du double degré de juridiction ; heureusement qu’en France on
peut attaquer ces décisions devant le Conseil d’État comme juridiction de cassation ; au
Bénin, on peut saisir la Cour constitutionnelle lorsque le Conseil a pris une sanction envers un
magistrat au mépris de la Constitution. La nouvelle loi organique relative au Conseil
supérieur de la magistrature du Bénin renforce davantage les pouvoirs de cet organe car il
pourra gérer la carrière du juge, ce qui est un atout pour son indépendance. Il s’inscrit dans
les recommandations de la Déclaration d’Abidjan489 qui ont préconisé l’institution d’un
Conseil supérieur de la magistrature indépendant du pouvoir exécutif qui gèrerait, à
l’exclusion de toute autre institution, la carrière des magistrats du siège et du parquet dont ils
assureraient la discipline.

Même si en République Démocratique du Congo, les articles 48 et 60 du Statut des


magistrats prévoient l’appel au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature, mais cette loi n’a
rien dit si l’on peut attaquer les décisions dudit Conseil au Conseil d’Etat (en cas de violation
de la loi) ou à la Cour constitutionnelle (en cas de violation de la Constitution). Dans la
perspective d’un Etat de droit durable, nous estimons que l’on devrait prévoir ces possibilités
dans les prochaines propositions pour une réforme d’autant plus que le droit comparé donne
de telles indications (Belgique, France et Bénin).

D. Des propositions pour une réforme

Nous avons montré qu’en République Démocratique du Congo, le Conseil Supérieur


de la Magistrature comprend au moins 151 membres dont 96 élus par leurs pairs et 55
membres de droit490. Nous avons souligné que la composition de cette institution contribuerait
à l’indépendance de celle-ci étant donné qu’aucun membre n’est désigné par l’autorité
politique en l’occurrence le pouvoir exécutif.

Nous pensons que l’on devrait renforcer l’indépendance dudit Conseil en prévoyant
que celui-ci puisse élire seul son bureau pour un mandat de cinq ans non renouvelable. Il
serait souhaitable que sa présidence soit confiée au premier président de la Cour de cassation
en tant qu’ordonnateur de crédit du budget du Conseil Supérieur de la Magistrature (article
149 alinéa 6 de la Constitution du 18 février 2006), mais les autres membres du bureau
devraient être obligatoirement élus.

Ses attributions devraient être principalement :


• Elaboration des propositions conformes (c’est-à-dire qui lient le pouvoir de nomination)
concernant les nominations, les mutations, promotions, révocation des magistrats,

489
Séminaire international organisé par l’Association syndicale de magistrature de Côte d’Ivoire du 8 au 10
septembre 1997 autour du thème « Théorie juridique et pratique judiciaire en Afrique », in Nouvelle justice, n°
1, août 1998, p. 19.
490
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006.
123

l’exécution de la peine de mort, le recours en grâce, l’amnistie, la création ou


suppression de toute juridiction ;
• Formuler les avis conformes sur toute question touchant à l’indépendance des
magistrats, et tout projet de loi ou réglementaire relatif au statut de la magistrature ou
l’administration de la justice ;
• Exercer le pouvoir disciplinaire sur les magistrats.

Concernant le pouvoir disciplinaire, la saisine du Conseil devait être l’œuvre des


différents chefs de juridictions et parquets ou de tout membre dudit Conseil ou tout citoyen ou
les organisations de défense des droits de l’homme. La Constitution congolaise et le statut des
magistrats ont fait des grandes avancées dans la mesure où le ministre de la justice et le
Président de la République ne peuvent plus saisir ledit Conseil en matière disciplinaire.

De même, l’on a instauré au sein de Conseil Supérieur de la Magistrature de la


République Démocratique du Congo le droit de recours en matière disciplinaire des magistrats
afin que le magistrat fautif puisse bénéficier du « double degré de juridiction » c’est-à-dire
l’appel étant donné que celui-ci est un droit garanti par la Constitution491. Mais nous pensons
qu’étant donné le nombre suffisant des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature (au
moins 151 membres), l’on devrait donc concrétiser le double degré de juridiction ; le premier
degré serait au niveau de chaque province et le second degré au niveau national c’est-à-dire
dans la capitale. Mais les membres de la composition qui ont siégé au premier degré ne
devraient pas faire partie de la composition siégeant en matière disciplinaire au second degré.
Cette possibilité contribuerait à un procès équitable en matière disciplinaire et principalement,
le droit à un juge impartial.

De même, dans le but d’assurer les garanties du juge impartial, l’autorité disciplinaire
qui est à la base de la saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature ne devrait pas faire
partie de la composition de ce Conseil lorsqu’elle pourrait être appelée à « juger » les fautes
éventuelles du magistrat incriminé étant donné qu’il y aurait dans son chef un « préjugement »
qu’elle chercherait à confirmer au fond. Il en est de même du magistrat désigné par la
formation disciplinaire chargé d’une enquête, entendre ou faire entendre le magistrat
incriminé, accomplir les actes d’investigation utiles ; à ce titre, il ne devrait pas pouvoir
exercer la fonction juridictionnelle en matière disciplinaire étant donné qu’il avait déjà perdu
toute l’impartialité requise492.

Allant dans le même sens que nous, un haut magistrat de la Cour de cassation belge et
membre du Conseil Supérieur de la Justice a souligné qu’ « il y a à ce stade, confusion

491
Articles 21 et 156 de la Constitution du 18 février 2006 et par les textes internationaux des droits
fondamentaux de l’homme.
492
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 512 et s. ; S. GUINCHARD, Droit processuel. Droit commun et Droit comparé
du procès équitable, Paris, 4e éd. Dalloz, 2007, n° 377, pp. 732-734.
124

complète entre les fonctions d’accusateur, d’instruction et de juge »493. Autrement dit, au nom
du principe d’impartialité, l’autorité disciplinaire ne devrait pas cumuler les fonctions de
saisine et de l’instruction (enquête), saisine et présence au délibéré de l’instance disciplinaire
(jugement), instruction (enquête) et présence au délibéré de l’instance disciplinaire
(jugement), présence au délibéré de la première instance et présence au degré d’appel.

Enfin, il serait souhaitable de prévoir un mécanisme qui permettrait d’attaquer les


décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature au Conseil d’Etat lorsqu’elles ont violé la
loi ou à la Cour constitutionnelle en cas de violation de la Constitution ou les textes
fondamentaux des droits de l’homme, spécialement le droit à un procès équitable.

Section 8 : Les garanties de l’impartialité du juge

L’on peut garantir l’impartialité du juge par la procédure de récusation (§ 1) et le


renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique (§ 2).

§1. La récusation

C’est moyen permettant de garantir une bonne administration de la justice aux


justiciables en excluant du siège d’une juridiction un ou plusieurs magistrats suspectés de
partialité. La récusation constitue un incident qui intervient au cours d’un litige et à l’occasion
duquel il est allégué qu’il existe des doutes quant à l’aptitude du juge à statuer de manière
objective et impartiale sur le litige dont il est saisi494. C’est donc un droit que la loi accorde
aux parties de demander qu’un ou plusieurs juges nommément désigné(s) dont elles mettent
en cause l’impartialité ne connaisse(nt) pas du procès qui lui(leur) est régulièrement déféré et
soi(ent) remplacé(s) par un ou d’autres juge(s)495.

Cette procédure préventive vise ainsi à empêcher qu’une cause ne soit jugée par une
juridiction ou instruite par un juge ne présentant pas les garanties nécessaires d’impartialité,
objectivité et sérénité496. C’est donc un moyen préventif pour contrôler la partialité du juge497.

493
Chr. MATRAY, « Le nouveau régime disciplinaire des magistrats. Arcades et dédales de procédure », in J.T.,
2000, p. 140 ; Chr. MATRAY, « La sanction des manquements dans l’ordre judiciaire », in Le devoir de
réserve : l’expression censurée ? Actes de la table ronde du 17 octobre 2003 tenue à la Maison du barreau de
Bruxelles, Bruxelles, éd. Bruylant, 2005, p. 145.
494
Cass. Belge, 18 novembre 1997, Pas., 1997, I, p. 1215 ; Cassation belge, 2 octobre 2002, R.G.P.02.934 ;
Cassation belge, 10 décembre 2003, J.T., p. 883 ; Dans le même sens, S. GUINCHARD, Méga Nouveau Code
de procédure civile, Paris, 2ème éd. Dalloz, 1998, n° 1123, p. 413 ; A.VITU, La « récusation en matière
pénale », Mélanges dédiées à Jean Vincent, Paris, éd. Cujas, 1981, p. 427 ; D. ROETS, Impartialité et justice
pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, p. 1999 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles,
Larcier, 2005, pp. 177-178.
495
T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 532-533.
496
J. VAN COMPERNOLLE, G. GLOSSET MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2001)
Droit juridiction privé », R.G.J.B., 4ème trim. 2002, n° 609, p. 692.
497
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 215, p. 210.
125

La récusation est dirigée contre un juge pris individuellement498, ce qui la distingue du renvoi
(dessaisissement) pour cause de suspicion légitime, qui vise la juridiction dans son ensemble.
Elle se distingue aussi du déport qui est le fait que le juge appelé à instruire ou à juger une
affaire, estime de par sa conscience se retirer de connaître cette affaire afin de sauvegarder
son impartialité499. Elle est réglée par les articles 71 à 77 du Code d’organisation et
compétence judiciaires.

Au sens de l’article 71 du Code d’OCJ, sont au premier chef susceptibles d’être


récusés les juges, quelle que soit la juridiction à laquelle ils appartiennent (ordre judiciaire,
ordre administratif, Cour des comptes, Cour constitutionnelle) quand bien même s’agirait-il
d’une juridiction arbitrale. Il en va de même des membres des organismes investis d’une
mission juridictionnelle, disciplinaire par exemple (ordre des avocats, ordre des médecins,
ordre des pharmaciens, etc.) tout au moins lorsqu’ils ont à statuer dans le cadre de cette
mission. Peut également être récusée la personne, avocat ou étrangère à une juridiction mais
appelée à la compléter500. L’article 77 du Code d’OCJ étend la possibilité de récusation aux
représentants du ministère public lorsque celui-ci intervient par voie d’avis c’est-à-dire
comme partie jointe dans une affaire civile non en matière pénale lorsqu’il est partie
principale car on ne saurait récuser son propre adversaire. Le même principe est consacré en
droit belge (article 832 du Code judiciaire belge) et français (article 341.8 du Nouveau Code
de procédure civile). La récusation du ministère public en tant partie jointe n’est applicable
qu’à l’audience. Mais en dehors de l’audience, en matière pénale c'est-à-dire durant
l’instruction préparatoire, l’article 81 du Code d’OCJ prévoit que l’inculpé qui suspecte
l’impartialité de l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire, adresse une au
chef hiérarchique , une requête motivée à laquelle il est répondu, le magistrat mis en cause
entendu, par ordonnance motivée, non susceptible de recours. Comme on peut le remarquer,
pour que l’officier du ministère public soit déchargé de l’instruction préparatoire pour absence
d’impartialité, l’une des conditions de l’article 71 doit être réunie. Autrement dit, l’une des 8
causes de récusation prévues par le Code d’OCJ doit être réunie dans la chef dudit magistrat
et ce qui suppose que la récusation du ministère public à l’audience de jugement ne peut être
accueillie si celui-ci agit comme partie principale. En revanche en droit français, la récusation
du ministère public est interdite en matière pénale (article 669 alinéa 2 du Code de procédure
pénale) qu’il s’agisse de l’audience ou pas. En tout état de cause, la procédure de récusation
reprochée à un magistrat du ministère public est très rare dans la pratique judiciaire
congolaise d’autant plus que le Code d’OCJ vise principalement le magistrat du siège c’est-à-
dire le juge.

498
M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection de l’Université de Liège, éd. Jeune
Barreau de Liège, 1989, p. 997 ; X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE
RIEMAECKER et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 341.
499
Tribunal d’Arrondissement de Liège, 30 avril 1998, JLMB, 1998, p. 1691.
500
S. GUNCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
353.22, p. 804.
126

Au terme de l’article 71 du Code d’OCJ : « Tout juge peut être récusé pour l’une des
causes énumérées limitativement ci-après :

- si lui ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire ;


- si lui ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale
jusqu’au troisième degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son
mandataire ;
- s’il existe une amitié entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou
d’employé entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe une inimitié grave entre lui et l’une des parties ;
- S’il a déjà donné son avis dans l’affaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert
ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou
d’officier du ministère public.

Les causes de récusation prévues sous le dernier point de l’alinéa précédent ne


s’appliquent pas aux juges des Tribunaux de Paix.

A. Les conditions de la récusation

a) Les conditions de fond

Ces conditions doivent être expressément prévues par la loi (article 71 du code d’OCJ)
sinon son utilisation risquerait autrement d’être abusive, vexatoire et dilatoire. La demande de
récusation doit désigner individuellement et non collectivement le magistrat récusé.

En Belgique, les causes de récusation sont limitativement énumérées à l’article 828 du


Code judiciaire belge (12 causes) et en France à l’article 341 (8 causes) du Nouveau Code de
procédure civile français et l’article 668 du Code de procédure pénale (9 causes). En
République Démocratique du Congo, ces causes sont regroupées à l’article 71 du Code
d’organisation et compétence judiciaires. Elles sont au nombre de huit et correspondent à des
hypothèses dans lesquelles l’impartialité du juge est susceptible d’être mise en doute. Les
causes de récusation ont un caractère péremptoire car dès lors que l’une d’elle est établie, la
récusation doit être admise. Il convient de les examiner séparément.

1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire

Ce cas exprime de la façon la plus haute le principe selon lequel on ne peut être à la
fois juge et partie. La raison de cette cause de récusation est évidente : dès lors que le juge a
un intérêt personnel à la contestation, il est mal placé pour trancher celle-ci.
127

L’intérêt personnel du juge ne se limite pas uniquement au seul cas où il serait partie
au procès ; il peut s’étendre à toute situation où le juge aurait un intérêt privé à la solution du
procès, car dans pareille hypothèse, il est permis d’avoir quelque doute sur l’impartialité que
le justiciable est en droit d’attendre du juge501. Le juge concerné doit s’abstenir chaque fois
que l’issue de l’affaire peut lui procurer (ou son conjoint) un intérêt direct et personnel. L’on
peut aussi assimiler dans cette hypothèse lorsque le conjoint a un intérêt personnel à la
contestation. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt soit de nature matérielle ou financière mais
l’essentiel est qu’il repose sur des éléments objectifs, des faits véritables, autorisant à
suspecter la partialité du juge concernée502.

Ainsi, le juge qui a un intérêt personnel, direct ou indirect, à la cause ne peut en


connaître503. Le juge manque d’impartialité lorsqu’il se laisse emporter notamment par des
considérations tirées de l’intérêt personnel, même indirect, qu’ils peuvent avoir à la solution
du procès504. Cet intérêt personnel se rencontre lorsque le juge ou son conjoint a un intérêt
personnel à la contestation ou lorsque son conjoint, leurs descendants et ascendants ou alliés
dans la même ligne ont un différend sur une pareille question à celle dont il s’agit entre les
parties ou lorsqu’il est victime d’un outrage à magistrat. Le juge a le devoir de s’abstenir dès
qu’il constate qu’il peut avoir le moindre intérêt dans le dénouement d’une affaire déterminée
soumise à sa juridiction505.

Cette cause de récusation constitue également un principe général du droit selon lequel
nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même cause, de sorte que le justiciable
convaincu de ce qu’un membre de la juridiction appelée à le juger a un intérêt propre et
personnel à la décision qui doit intervenir peut le récuser506. Ainsi, peut constituer une cause
de récusation lorsque le conjoint du magistrat est l’un des associés du barreau qui défend les
intérêts d’une partie ou lorsque le litige se rapporte à des faits dont l’une des parties s’est
entretenue avec le juge, fut-ce par hasard. De même, peut créer la partialité lorsque des juges
abonnés d’une société qui fournit l’éclairage ou de l’eau d’une ville et plaident contre celle-ci
au sujet des contrats d’abonnement507 ou le fait qu’une juridiction juge elle-même un contrat

501
T. KAVUNDJA N. NAMENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 537.
502
CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt contre Danemark, série A, n° 154 ; CEDH, 23 juin 1994, De Moor contre
Belgique, série A, n° 292, 58 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborder contre Suède, série A, n° 155, §35, CEDH,
25 mars 1983, Silver et autres contre Royaume-Uni, §116, Unanimité ; CEDH, 17 juin 2003, Pescador Valero
contre Espagne, §27, Unanimité ; CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou contre Chypre, §§ 34-37,
Unanimité ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson contre Islande ; CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre
Suisse ; CEDH, 6 novembre 2003, Zennari contre Italie.
503
F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », Dalloz, 2004, pp. 1745-1753.
504
Cour d’appel de Kinshasa, 24 janvier 1996, in RAJC, V° II, janvier-décembre 1997, p. 46.
505
Cour de cassation belge, 19 décembre 2002, Journal des tribunaux, 2003, p. 211 ; X. DE RIEMAECKER et
G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte,
2000, p. 310.
506
Cour de cassation belge, 6 mai 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481 ; Cass. Belge 20 septembre 1979,
Pasicrisie belge, 1980, I, p. 93 ; Cassation belge 20 juin 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 1215 ; Cassation
belge, 15 juin, 1979, I, p. 1193 ; Cass. Belge, 17 décembre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481.
507
Cour d’Appel de Grenoble, 21 février 1922, Gazette du Palais, 1922, I, p. 641.
128

conclu avec l’une des parties au litige pour la mise à disposition d’un service minitel de
renseignements pratiques sur la juridiction concernée508ou le cas d’un tribunal de commerce
composé d’un juge, qui dans le passé, avait formulé une offre d’acquisition d’une société
conjointement avec une autre personne, dès lors que ses intérêts dans cette société font planer
le doute sur son impartialité509.

Aussi, la récusation est admise pour l’intérêt personnel lorsque le juge du travail a pris
nettement fait et cause en faveur d’une partie de sorte que son appartenance syndicale ne lui
permet pas de statuer en toute sérénité et impartialité510 ou lorsqu’il a apporté son soutien à
une des parties par l’assistance d’un piquet de grève511 ou lorsque l’un des plaideurs était
délégué du même syndicat d’autant plus que ce dernier était en conflit ouvert et public avec
l’autre plaideur, l’employeur512.

Enfin, le tribunal n’est pas impartial lorsque le président de la formation jugeant un


accusé dont il est l’adversaire dans une procédure parallèle, a exagérément sanctionné
l’accusé pour son comportement513ou lorsqu’il a accepté certains avantages accordés
gratuitement par l’adversaire de la requérante514. Il en est de même du Conseil de l’Ordre des
pharmaciens siégeant en matière disciplinaire dont l’instruction est l’œuvre du plaignant qui
faisait lui-même valoir, lors de la rédaction de sa plainte, qu’il estimait que le comportement
reproché au requérant lui causé personnellement préjudice515.

Mais l’intérêt personnel doit être prouvé516. C’est pourquoi, il ne peut être établi
lorsque le juge n’a mené aucune démarche pour siéger dans une affaire et qu’en outre sa
désignation dans la composition du siège a été décidée d’une manière discrétionnaire par le
président de la juridiction517.

De même, ne peut constituer l’intérêt personnel du magistrat récusé, le refus


d’accorder une remise de la cause après le rejet des exceptions, le refus d’accorder la parole
sollicitée par les conseils des prévenus, le fait de faire acter d’une manière incomplète les
déclarations d’un prévenu, le manque de courtoisie et le respect à l’égard des membres du
barreau en disant à un avocat « taisez-vous », l’autoritarisme excessif dans la conduite du

508
Cassation française, Premier président, ordonnance 6 juillet1992, Juris-Data, n° 002812.
509
C.A Montpellier, 8 juillet 1992, Sté Le Viompte c/ Rey, juris-data n° 003404.
510
Cour d’Appel de Versailles, 18 mai 1982, Cahier prud’homme, 1982, 7, p. 122.
511
Cour d’Appel de Douai, 18 décembre 1986, Gazette du Palais, 1987, 1, p. 277, note M. Rayroux.
512
Cassation française, chambre sociale, 19 décembre 2003, Bull. civ., V, n° 321 ; D., 2004, n° 24, p. 1688.
513
CEDH, 7 juin 2005, Chmelir contre République tchèque, n° 64935/01, in note d’information n° 76 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juin 2005, p. 16 ; CEDH, 15 juillet 2005,
Meznaric contre Croatie, n° 71615/01, unanimité.
514
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha contre Ukraine, n° 33949/02, unanimité, in Note d’information n° 91 sur
la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, novembre 2006, p. 16.
515
Cassation belge, 1ère chambre, 10 décembre 1992, Journal des Tribunaux, 1993, p.203.
516
T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba Ndalemba contre juge Mukendi Mulumba, R.R..004, inédit.
517
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B contre juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du Zaïre, n° 1, 2
et 3, janvier à décembre 1995, p. 64 ; T.G.I. Bukavu, 2 décembre 1992, in R. J. Z., 1992, p. 64.
129

procès, le défaut du récusé de notifier au récusant, en tant que prévenu une nouvelle date
d’audience ou de lui demander de comparaître volontairement518.

2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne
collatérale jusqu’au 3ème degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou
de son mandataire

Le terme parenté doit s’entendre au sens large, il implique aussi le lien découlant de
l’adoption519. Cette parenté ou alliance concerne également le conjoint du juge. Ainsi, le
magistrat dont le conjoint est membre du ministère public qui est personnellement intervenu
dans le cadre des poursuites doit être déclaré comme allié de l’une des parties, sa récusation
doit être admise520. De même, le tribunal manque d’impartialité s’il est composé d’un juge qui
s’occupe d’une affaire concernant son époux d’autant plus que celui-ci a une dette avec la
banque, partie à la procédure521 ou lorsque le salarié demandeur devant la juridiction
prud’homale vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’hommes qui avait refusé de
s’abstenir de siéger à l’audience522 ou la circonstance qu’un des juges du tribunal cohabite
avec un dirigeant d’une société et que ce dernier et ledit juge sont inculpés de faux et usage de
faux dans une lettre rédigée au nom de cette société523. Cette approche est partagée par les
juridictions de l’ordre administratif. Ainsi, le Conseil d’Etat français a estimé que manquait
d’impartialité, le magistrat qui était la fille d’un conseiller municipal de la commune dont
l’arrêté était examiné524.

Les liens d’alliance visés doivent exister entre l’une des parties et le juge ou son
conjoint ou son proche parent. Ne constituent pas une cause de récusation, la partialité du juge
ou les liens de parenté entre le juge et une personne qui n’est pas partie au procès525.

Cette cause de récusation vise à éviter que l’affection née de la parenté ou de l’alliance
ne porte pas atteinte à l’impartialité des magistrats. En évitant au juge de devoir connaître de
la cause d’un parent ou d’un allié ou d’une personne avec laquelle il entretient certaines
relations déterminées, l’esprit de la loi semble favoriser le sentiment de confiance dans
l’impartialité du juge dès lors qu’il y a crainte à ce que le juge puisse favoriser ses parents et
alliés.

518
C.S.J., 27 avril 1995, Benjamin et consorts contre Ba, Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. IV,
janvier-décembre 2001, p. 13.
519
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMACKER et alii, Statut et déontologie
du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 320.
520
Bruxelles, (4ème ch.), 10 janvier 2000, J.L.M.B, 2000, p. 334 ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson contre Islande.
521
CEDH, 10 avril 2003, Sigurdsson c/ Islande, n° 39731/ 98, Unanimité.
522
Cass. Française, sociale, 18 novembre 1998, SA Alpibois-François Favrat c/ Piovesa, La Semaine Juridique,
6 janvier 1999, p. 52, n° 1032 ; D., 1999, IR, 13 ; RGDP, 1999, 650, obs. Desdevises.
523
Cass. Belge (1ère ch.), 15 mai 1998, Larc. Cass. , 1998, p. 200 ; Cass. Belge (1ère ch.), 13 mars 1988, J.T. ,
1998, p. 536.
524
Conseil d’Etat français, 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, Recueil, p. 1101.
525
C.S.J., 21 décembre 1983, RPA 88, inédit.
130

3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties

Cette cause de récusation tombe sous le coup de l’évidence. Mais son appréciation est,
en pratique, fort délicate sur le fait même de l’amitié. L’amitié notoire était, ou moins
implicitement, comme des textes français antérieurs qui envisageraient le cas où le juge avait
« depuis le commencement du procès, bu ou mangé avec l’une des parties dans leur maison,
ou reçu d’elles des présents »526. Le législateur français du Nouveau Code de procédure civile
a supprimé cette formulation en retenant seulement l’amitié notoire527.

Cette cause de récusation n’implique ni le conjoint du juge ni celui de la partie


concernée, seule l’amitié entre le juge lui-même et le plaideur lui-même étant à prendre en
considération528. L’amitié constitue une cause de récusation dès lors qu’elle crée des relations
d’intimité qui ne pourraient pas permettre au juge de juger toutes les parties en toute
impartialité.

Il est donc souhaitable que le juge s’abstienne d’examiner une affaire de l’une des
parties lorsqu’il y existe une relation particulièrement intime avec elle ou lorsqu’il entretient
avec une partie des contacts réguliers à l’occasion de certaines activités de sa vie privée. Il en
sera de même lorsque l’une des parties ou son représentant a une relation particulièrement
intime avec le juge ou celui-ci est un actionnaire important d’une société partie à l’affaire ou
l’une des parties était client important du cabinet au sein duquel le juge exerçait la profession
d’avocat ou le juge a conclu dans le cadre de sa vie privée un contrat avec l’une des
parties529.

La Cour de cassation belge a estimé (dans une affaire qui avait suscité une émotion
dans tout le pays) que le seul fait de la réception du juge par une partie ou l’agréation du
présent en l’occurrence un stylo au cours d’un dîner privé organisé par les responsables d’une
association, même s’il est établi qu’au cours de cette fête le juge a payé son repas, met le juge
dans l’impossibilité d’encore connaître la cause sans susciter chez les autres parties une
suspicion quant à son aptitude à remplir sa mission d’une manière objective et impartiale530
car l’amitié prise en compte se manifeste par la révélation d’une accointance personnelle entre
le juge et la partie considérée.

Un juge méconnaît son devoir d’impartialité lorsqu’il manifeste sa sympathie à des


victimes des faits à propos desquels il est requis d’instruire en participant à un repas, qui lui
est offert, organisé en vue de financer leur défense531 mais non lorsqu’il se voit offrir une

526
Ancien article 378, §9, du Code de procédure civile français.
527
Article 341, al. 2, 8e NCPC français.
528
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, 2006-2007, Paris, éd. Dalloz,
2006, n° 353.67, p. 808.
529
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 317.
530
Cassation belge, 14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.LMB, 1997, p. 175.
531
Cassation belge, 11 décembre 1996, Affaire Russo et Benaïssa, JLMB, 1997, pp. 177 et186 ; Cassation belge,
14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.L.M.B., 1997, p. 175.
131

boisson en compagnie de tierces personnes lors d’une descente sur les lieux532. Le juge
prudent et consciencieux veillera à s’abstenir s’il a été reçu ou s’est vu offrir un cadeau par
une partie peu avant la saisine du tribunal dès lors qu’il fait partie de la Chambre appelée à
juger une affaire, d’autant plus que pareil comportement n’était jamais survenu précédemment
ou n’était justifié par aucun motif spécifique non professionnel. Mais une jurisprudence
française a considéré que le fait pour un magistrat de déjeuner avec diverses personnes, dont
l’une des parties, ne peut caractériser l’amitié notoire533. Par contre, pourrait être une cause de
récusation pour l’expert, le fait d’entretenir des relations familiales dans une affaire où
l’expert et un des copropriétaires, membre du syndicat partie au litige, avaient des enfants
mariés l’un avec l’autre534. De même, est de nature à faire naître un doute légitime quant à
l’aptitude du juge à statuer de manière impartiale, le fait dans la chef d’un membre du siège
d’une juridiction de travail d’arborer un insigne d’appartenance à une organisation
représentative535.

La Cour Suprême de Justice congolaise a estimé que les relations d’amitié entre un
juge et une des parties qui n’est pas partie au procès ne peuvent constituer une cause de
récusation536. De même, n’est pas de nature à créer, même en apparence, un doute légitime sur
son impartialité, la seule circonstance que le plaideur et son juge aient été élèves de la même
école, fût-ce polytechnique537.

4. L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou


d’employé entre le juge et l’une des parties

Ces liens de dépendance doivent exister entre le juge et l’une des parties ou de celles-
ci vis-à-vis du juge. Ce lien peut être aussi d’un contrat de travail, soit des rapports
hiérarchiques, soit enfin de la combinaison de deux. Cette cause de récusation tend à éviter
que le juge ne soit tenté d’accorder un traitement de faveur à l’une de parties afin de ménager
le patrimoine de celui-ci dans son propre intérêt. Aussi, si le juge dépend d’une façon ou
d’une autre de l’une des parties, l’on peut toujours redouter qu’il se montre favorable à celle-
ci afin de s’en tirer les faveurs.

La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que le simple fait qu’un tribunal
compte parmi ses membres une personne se trouvant ou pouvant se trouver dans un état de
subordination par rapport à l’une des parties est de nature à mettre gravement en cause la
confiance que les juridictions se doivent d’inspirer dans une société démocratique538. Il en est

532
Cassation belge, 4 avril 1986, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 945.
533
Grenoble, 31 mai 1990, Gazette du Palais, 1991, 1.189, note Renard.
534
C.A. Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, p. 636, note P. Petit.
535
Cour du travail de Mons (1 ère chambre), 23 mars, 2007, ASBL X contre D., in JLMB, 2007, pp. 1057 et s.
536
C.S.J. 12 décembre 1983, R.P.A. 88, inédit.
537
Cass. Française (2e civ.), 13 juillet 2005, Recueil Dalloz, 2005, n° 38, Jurisprudence, pp. 2658-2659 ; R.
KESSOUS, « Récusation : les limites de l’apparence », même revue, pp. 2656-2658 ; Bulletin des arrêts de la
Cour de cassation française en matière civile, II, n° 206 ; Droit et procédure, 2006, p.40, note Fricero.
538
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek contre Autriche, §42 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique,
unanimité, §30 ; CEDH, 26 février 2002, Morris contre Royaume-Uni.
132

de même lorsque les juges ont été précédemment les salariés des personnes mises en cause
dans l’instance. Ainsi, un tribunal manque d’impartialité lorsqu’un de ses membres préside la
formation du jugement alors qu’il exerce les fonctions de professeur d’une université, partie à
l’instance. En effet, professeur associé à l’université, le magistrat entretenait des liens
professionnels réguliers et étroits avec l’université depuis plusieurs années. Par ailleurs, au
titre de son enseignement, il percevait de l’université des émoluments périodiques qui ne
sauraient être qualifiés de négligeables (7.200 euros annuels). Il y a donc eu concomitance de
deux instances impliquant le juge J.B.L., qui exerçait la double fonction de juge auprès du
tribunal, d’une part, et de professeur associé percevant des émoluments de la partie adverse,
d’autre part. De l’avis de la Cour, cette situation peut avoir fait naître chez le requérant des
craintes légitimes que le juge J.B.L. n’aborde pas son affaire avec l’impartialité requise539.

C’est pourquoi, le Code du travail français540 prévoit que les Conseillers prud’hommes
peuvent être récusés s’ils sont employeurs, cadres, ouvriers ou employés de l’une des parties
en cause, c’est-à-dire s’ils sont liés à l’une d’elles par un contrat de travail. Mais dans la
conception africaine, le contrat de travail peut être oral ou écrit.

Le fait de se sentir redevable envers autrui compromet indéniablement l’impartialité.


L’exclusion du juge placé dans une telle position justifie la confiance dans l’impartialité.

5. L’existence d’une inimitié grave entre le juge et l’une des parties

L’ancien article 378 du Code de procédure civile français (contrairement à l’actuel


nouveau Code de procédure civile français) parlait d’inimitié capitale. Le nouveau Code de
procédure civile français541 parle d’inimitié notoire, le Code congolais d’organisation et
compétence judiciaires retient l’inimitié grave alors que le Code judiciaire belge542 a retenu
l’inimitié capitale. Qu’elle soit qualifiée de grave, capitale ou notoire, l’inimitié entre le juge
et l’une des parties qu’il est appelé à juger place le juge dans un état de partialité indiscutable,
la justice ne pouvant risquer de servir de moyens de vengeance ou règlement de comptes.
L’inimitié doit exister entre le juge et l’une des parties. Elle n’implique ni le conjoint du juge
ni celui de la partie concernée, seule l’inimitié entre le juge lui-même et le plaideur lui-même
étant à prendre en considération. Pour qu’elle tombe sous le coup de la loi, l’inimitié doit être
grave. Ce dernier point paraît constituer davantage une référence au caractère certain de
l’inimitié qu’à la connaissance qu’en auraient un grand nombre de personnes.

L’inimitié grave n’est pas à proprement parler, un fait mais un état d’esprit et un
sentiment déterminé. Son appréciation est aussi délicate. Elle doit en effet, présenter un

539
CEDH, 17 juin 2003, n° 62435/00, Pescador Valero contre Espagne, in Revue du Droit Public et des Sciences
Administratives, T 1/2006, pp. 33-34, note Jacques Van Compernolle : « Impartialité du juge et loyauté
procédurale : une exigence du procès équitable ».
540
Article L.158-1-5° du Code du travail français.
541
Article 341, 8e du nouveau Code de procédure civile français.
542
Article 828, 12e du Code judiciaire belge.
133

caractère suffisant de gravité pour avoir laissé subsister dans l’esprit du juge un ressentiment
durable de nature à affecter son impartialité543. En effet, il est légitimement permis de
considérer que s’il existe des liens d’inimitié entre des parties et le juge, ce dernier risque de
ne pas être impartial, ou il lui sera en tout cas difficile de l’être, quel que soit d’ailleurs le sens
qu’il peut avoir de ses devoirs professionnels.

L’existence d’une inimitié capitale ou grave peut se déduire d’un ensemble de


circonstances d’où il apparaît que, par son attitude vis-à-vis de l’une des parties ou vis-à-vis
de l’avocat qui la représente ou l’assiste, le juge à mis ou met en danger la sérénité de
l’examen de la cause544.

Elle suppose en effet des faits qui révèlent avec netteté et avec un caractère suffisant
de la gravité qu’il existe chez le juge une véritable haine ou tout au moins une animosité telle
que son jugement serait oblitéré ou faussé545. C’est surtout lorsqu’il ressort de façon
suffisamment sérieuse et certaine des faits que le juge cultive de véritables sentiments de
haine ou tout le moins une hostilité telle que ses facultés de jugement s’en voient occultées ou
influencées546. Il s’agit parfois d’une ambiance très tendue et une situation conflictuelle grave
donnant lieu à une vive animosité, de sorte que le traitement serein et objectif de la cause s’en
trouve compromise, tantôt des sentiments tellement violents et haineux qu’ils feraient perdre
au juge toute la notion d’équité, d’impartialité et de dignité.

Ainsi, lorsque les récusants ont le sentiment d’une apparence d’hostilité directe ou
indirecte du président du siège à leur égard créant en eux un doute quant au caractère
équitable de la suite du procès, pareil sentiment peut troubler la sérénité des débats ultérieurs
et constituer une raison suffisante de récuser le président547. Aussi, l’interruption du conseil
du prévenu à de multiples reprises pour lui enjoindre d’abréger sa plaidoirie et l’empêcher de
donner lecture d’un témoignage à décharge révèle encore une inimitié capitale548. De même
un juge manque d’impartialité lorsqu’il utilise dans son jugement les termes injurieux à
l’égard d’une partie à l’instance tels que notamment « piètre dimension de la défenderesse
qui voulait rivaliser avec les plus grands escrocs, personnage pétri de malhonnêteté, dotée
d’un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, sa cupidité
de dispute à la fourberie, elle acculait ainsi sans état d’âmes et avec l’expérience de

543
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 544.
544
Cassation belge, 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169 ; Cassation belge, 23 décembre 2002, R.G.
CO2.0615.F, Larc. Cassation, 2003, p. 22.
545
Bruxelles, 25 août 1994, Journal des tribunaux, p. 717 ; Cour Travail de Liège, 24 avril 2002, JJT, 2002, p.
505 ; JLMB, 2002, p. 1542.
546
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01 ; Liège, 25 septembre 2002, RG 1358/02 ; Bruxelles, 19 janvier 2000,
J.T., 2001, p. 682 ; C. Travail de Liège, 29 mars, 2002, JLMB. 2002, p. 1542.
547
Cassation belge, 26 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ; Bruxelles, 24 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ;
Journal des procès, 1993, n° 250, p. 26, note R. Ergec « La récusation d’un magistrat : partialité ou apparence
de préjugé ? ».
548
Cassation belge 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169.
134

l’impunité de ses futurs locataires, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle
nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement »549.

L’inimitié capitale doit être strictement interprétée, il ne suffit pas de l’invoquer, il


faut surtout la prouver par des éléments objectifs probants. Les propos vagues généraux ne
suffisent pas550. Ainsi, ne constituent pas l’inimitié capitale, des propos tels que : « vous
n’allez tout de même pas déposer des conclusions à chaque audience, Maître, Allez en
Cassation alors »551. La Cour européenne des droits de l’homme fait la même approche en
matière disciplinaire, car a-t-elle soutenu qu’on ne saurait fonder une récusation, les motifs
d’ordre général et abstrait qui ne font pas état d’éléments concrets et particuliers qui auraient
pu révéler en leur chef l’existence d’une animosité ou d’une hostilité personnelles à l’égard de
l’inculpé552.

Aussi, ne constituent pas une inimitié capitale, un défaut de motivation ou une erreur
de procédure553, la sévérité de la motivation d’une décision de condamnation par un examen
détaillé des éléments à charge et à décharge dans le respect du droit de toute personne à un
procès équitable554, l’utilisation dans une décision avant dire droit d’expressions telles que
« mauvaise foi, scandaleux, manœuvre dilatoire, propos hallucinantes ; esprit de chicane »555,
la qualification de l’argumentation du justiciable, de « pléthorique et emphatique »556, une
certaine impatience, voire un mouvement d’humeur557, un sourire mal interprété, une parole
prononcée dans un moment de tension inhérente à l’instruction de la cause et une décision
peut être contestable mais sujette à recours558, la décision de joindre plusieurs incidents au
fond, de limiter l’accès de la salle d’audience à la presse et aux avocats ou encore l’omission
de répondre à un moyen de défense559.

Ne constitue pas aussi une inimitié capitale, le fait que les magistrats ont décidé, en
vue d’assurer la sérénité des débats, de limiter l’accès à la salle d’audience aux seuls
journalistes et avocats, ni de ce qu’ils ont rejeté certaines exceptions proposées par les
prévenus et joint d’autres exceptions au fond, ni de ce qu’ils auraient, le cas échéant omis de
répondre à un moyen dans un jugement avant dire droit, ni de ce qu’ils ont fermement appelé

549
Cassation française, 2ème chambre civile, 14 septembre 2006, in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2346-2347 ;
Procédures, novembre 2006, p. 14.
550
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 294.
551
Bruxelles, 22 octobre 1980, J.T., 1981, P. 520.
552
CEDH, 22 septembre 1994, Debled c/ Belgique, J.T., 1994, p. 755, J.L.M.B, 1995, p. 345 ; P. LAMBERT, «
Les récusations conjointes dans les procédures disciplinaires », J.T., 1994, p. 756.
553
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01, inédit.
554
Cassation belge, 19 novembre 1998, 1999, JLMB, p. 1500.
555
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248, 21 décembre 2001, RG.1594/01, inédit.
556
Ibidem.
557
Liège, 25 septembre 2002, R.G.1358/02, inédit ; C. Travail Liège, 29 mars 2002, JLMB, 2002, p. 1542 ; Civ.
Charleroi, 30 mars, 1987, JLMB, 1988, p. 539.
558
Liège, 25 septembre 2002, RG.1358/02, inédit.
559
Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
135

à l’ordre l’avocat d’un des prévenus qui refusait de se taire alors que la parole ne lui avait pas
été donnée, ni de ce qu’ils ont refusé de faire entendre certains témoins ou d’ordonner la
production de certains documents en estimant que ces mesures n’étaient pas essentielles à la
manifestation de la vérité560. Cette décision se justifie dans la mesure où les requérants
n’avaient pas apporté de preuves pour faire asseoir leurs griefs, et il est du devoir du tribunal
d’assurer la police d’audience tout en respectant le droit de la défense.

Par conséquent, le fait que le juge se soit montré très réservé quant à la défense
personnelle par une partie ne suffit pas à établir que ce juge se soit montré partial ou qu’il ait
préjugé quant au fond et qu’il existe une inimitié capitale entre lui et la requérante561. Tout
comme un langage quelque peu inapproprié dans un jugement peut former une indication que
la sérénité des débats a été mise en péril, mais ne démontre pas nécessairement la présence
d’inimitié capitale562.

La jurisprudence française se fondant sur la notion « d’inimitié notoire », a estimé que


la seule appartenance du magistrat au syndicat de la magistrature n’est pas suffisant en soi à
caractériser l’inimitié notoire de ce magistrat à l’égard d’une partie même si ledit syndicat
avait pris par la voix de ses dirigeants ou de sections locales, exprimé une opinion ou pris
positions contre la partie concernée, d’autant plus que l’adhésion du magistrat au syndicat de
la magistrature, relève de l’exercice d’une liberté constitutionnelle et ne laisse pas présumer
que l’exercice d’impartialité requise de tout juge laisse la place à une forte présomption
d’impartialité563. De même, le seul fait que le juge exerce une activité commerciale
concurrente de celle d’une partie ne suffit pas à caractériser l’inimitié564.

La jurisprudence belge va aussi parfois très loin dans cette conception restrictive de la
notion « d’inimitié capitale ». Ainsi, la Cour d’appel de Bruxelles, a en effet décidé qu’un
degré élevé d’inimitié ne peut se déduire du choix de vocabulaire populaire du juge (qui traita
le conseil d’une partie de « scie » ou de « sciant » étant donné qu’il appartient au juge de
gérer efficacement son temps d’audience par l’intérêt d’un traitement correct de toutes les
affaires565. L’on peut s’interroger avec le professeur Jacques Van Compernolle si de tels
propos ne sont pas de nature à créer, dans le chef du justiciable, un doute légitime quant à
l’aptitude du juge à traiter de manière sereine566 et impartiale.

560
Cour d’Appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, R. D’Orazio et crsts contre M. Zenner et Leplat, Région
Wallonne et autres, JLMB, 2000, pp. 334-339.
561
Bruxelles, 25 août 1994, JT, 1994, P. 717.
562
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248.
563
Cassation française, 24 juin 2004, Association Front National contre Goucin, Juris-Data, n° 2004-024271,
J.P.C.-La Semaine Juridique Edition générale, n° 37, 8 septembre 2004, 2750, p. 1551 ; Recueil Dalloz, 2004,
n° 29, IR, P. 2083, Bull. civ. Juin 2004, n° 325, p. 274.
564
Cour d’Appel de Rennes, 30 septembre 1992, Juris-Data, n° 050472.
565
Bruxelles ( ch.vac.), 29 juillet 1999, A.J.T., 1999-2000,p. 183.
566
J.VAN COMPERNOLLE et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2002) du droit judiciaire privé », in
R.C.J.B., 4ème trim. 2002, p. 701.
136

En vue d’éviter pareille récusation, le juge se doit donc, conformément à l’obligation


issue de sa déontologie, de procéder lui-même à un examen préalable, en se défaisant dans la
mesure du possible de toute hostilité éventuelle à l’égard de toutes les parties du procès.

6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire

Cet avis doit montrer que le juge a perdu sa neutralité qui lui recommande de juger en
toute impartialité. C’est surtout lorsque ledit avis « a anticipé » sur la solution que le juge
pourrait prendre ultérieurement lorsqu’il serait appelé à juger l’affaire.

A cet égard, ne peut être considéré comme cause de récusation, le fait pour un juge
d’avertir les parties des moyens qui paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir
être soulevé d’office et des les inviter à présenter leurs observations soit immédiatement soit
dans le délai qu’il fixe567. Aussi, la Cour Suprême de Justice a estimé que l’avis dont il est
question doit être extra-juridictionnel568. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné
que l’avis peut être extra-juridictionnel ou pas ; et la partialité pourrait être établie lorsque
l’avis que le juge avait donné antérieurement a anticipé sur la solution du fond que le juge
pourrait prendre ultérieurement dans l’affaire.

Tel est le cas du juge qui s’est exprimé avant jugement dès lors que cette expression
sous-entende un jugement défavorable à l’égard d’un justiciable ou qu’elle montre la
conviction de la culpabilité de celui-ci569. Par conséquent, le juge qui s’est exprimé
publiquement sur le rejet ou le fondement des moyens présentés par l’une des parties peut être
légitimement considéré comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles570. C’est donc ce
préjugé qui rendrait le juge partial étant donné qu’il doit s’abstenir de tout acte ou agissement
de nature à ébranler la confiance du justiciable ou à donner l’impression qu’il n’est plus
impartial. Ainsi, fait montre de partialité, le juge qui, lors de l’instruction d’audience, adopte
un comportement de nature à susciter, dans l’esprit d’une des parties ou du prévenu un doute
légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il comparaît à juger la cause de
manière impartiale. Tel est le cas du juge qui laisse entendre par ses propos que la culpabilité
du prévenu est établie ou dont le comportement suscite la crainte d’une perte de neutralité571.
Il s’ensuit que le juge qui s’est prononcé sur la solution du litige dès avant l’ouverture des
débats a perdu l’aptitude à juger la cause.

567
CSJ, 23 juillet1985, RP 785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la CSJ 1969-1985, V°
récusations, n° 2, p. 198.
568
CSJ, 18 mai 1995, RR 03, in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 40-42.
569
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi contre Italie, n° 29569-95, Recueil Dalloz, 2000, somm., p. 184, obs.
Fricero ; RTDH, 2000, pp.542-543 ; RTDciv., 2000, 622, obs. Normand, V. MAGNIER, « La notion de
justice impartiale », J.C.P., 2000, I, n° 252, p. 1596.
570
CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, § 81 ; CEDH, 25 juin 1992, Thorgeisson contre Islande ; Trib. Civil
Bruxelles, 18 juin 1993, Revue de droit pénal et criminologie, 1994, pp. 1225-1226.
571
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042 ; Cassation belge, 30mai 1986, JLMB, 1987,
1245, Cassation belge, 8 mai 1996, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 447 ; Bruxelles, 24 novembre 1993,
Journal des Tribunaux, 1993, p. 809.
137

L’on peut exclure à juste raison de la formation de jugement le juge qui, avant la
prononciation de sa décision, a pris position en la cause, a exprimé son opinion quant à la
décision à prendre sur la culpabilité, a pris une quelconque position sur le fond ou s’est formé
déjà une opinion sur les faits de la cause. Quand un juge prend position quant à la solution à
réserver à la question qu’il est appelé à résoudre, il peut y avoir dans ses conditions préjugé
qui l’empêcherait de garder son impartialité. Il y aura ainsi partialité lorsque la position du
juge est acquise indépendamment des faits, des arguments et des interprétations que les
parties peuvent faire valoir en instance572. Tel est le cas d’un juge qui a participé à la décision
défend les intérêts de l’une des parties à la cause, mais surtout lorsque, avant la décision, il a
été chargé de l’instruction de l’affaire, et adopté publiquement certaines positions à ce
sujet573. Il en est ainsi du juge qui, lors de son témoignage devant la Commission d’enquête
parlementaire, présente les inculpés dont l’instruction judiciaire lui est confiée, comme
coupables en les qualifiant de « truands »574.

Le juge devra éviter tout au long du procès, des propos, des attitudes ou des
comportements qui ne puissent susciter dans l’esprit du prévenu ou des parties de la cause, un
doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il est appelé à juger la cause
de manière impartiale. Tel est le cas d’une juridiction appelée à juger des personnes de
nationalité ou d’origine étrangère lorsqu’elle comprend un juré qui a affiché publiquement,
avant l’audience, des sentiments racistes. En effet, l’un des jurés avait déclaré en dehors de la
salle d’audience en ces termes « en plus je suis raciste ». La Cour Européenne des Droits de
l’Homme a conclu que ce juré avait déjà un préjugé sur la personne qu’il doit juger, en
conséquence, cette juridiction manquait d’impartialité575. Le préjugé ici se justifie par
l’attitude du juge qui se déclare « raciste » alors qu’il doit juger une personne d’origine
étrangère ; c’est cela qui démontre l’absence d’impartialité.

De même, manque d’impartialité, le juge qui prononce une condamnation du chef de


conduite d’un véhicule en état d’ivresse après avoir refusé d’accéder à la demande du prévenu
tendant à l’audition des verbalisateurs, en déclarant que ceux-ci ont été entendus à plusieurs
reprises et qu’il n’est pas nécessaire de les faire revenir une nouvelle fois pour « un ivrogne,
un monsieur fortement intoxiqué par l’alcool »576.

572
F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant et impartial à la lumière de la jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2004, p. 751.
573
Conseil d’Etat belge, 7ème chambre, 2 juin 1988, R.A.C.E., 1988, n° 30.214.
574
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, 2005, p. 280 ; Cassation belge, 2ème chambre, 7 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 541-
542.
575
CEDH, 23 avril 1996, Remli contre France , §§ 35, 45-48 et 59, Rec. 1996-II, n° 8, p. 559 ; Justices, 1997,
2007, 207, obs. Cohen-Jonathan et Flauss, JCP 1997, I, 400, 26, obs. Sudre ; Rev. Sc. Crim. , 1996, 930,
obs. Pettiti et 1997, 473, obs. R. Koering-Joulin.
576
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042.
138

L’impartialité suppose que le juge qui siège au fond n’a pas déjà pris parti ou n’a pas
donné un avis dans l’affaire, en dehors de tout débat contradictoire car, si les circonstances
dans lesquelles le tribunal siège démontent objectivement que le juge avait déjà préjugé au
fond, l’impartialité ferait défaut. Le juge devra enfin contrôler toutes ses déclarations lorsqu’il
s’adresse à l’une des parties afin de conserver sa totale neutralité aux yeux des justiciables, et
paraître impartial car, il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux
justiciables dans une société démocratique.

Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si un juge d’une juridiction de
l’ordre administratif (tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’Etat)
et d’une certaine manière de la Cour des comptes, peut connaître d’une affaire pour laquelle il
a déjà émis préalablement un avis sans empiéter au principe d’impartialité. En effet, la
juridiction administrative est chargée d’une part de rendre des avis sur les projets de textes des
autorités soumises à leur compétence dans une première formation (consultative ou d’avis), et
d’autre part, de statuer en tant que juridiction administrative (jugement) sur le recours en
annulation introduite contre les actes et règlements des autorités administratives concernées.
On peut se demander si ce cumul de fonctions d’avis et de jugement ne va pas à l’encontre du
principe d’impartialité.

En effet, un juge administratif (formation de jugement) ne peut siéger dans une affaire
si auparavant il avait déjà donné un avis (formation consultative ou d’avis) pour les mêmes
faits, mêmes parties et mêmes problèmes juridiques. La double participation, consultative
(formation consultative ou d’avis) et contentieuse (formation de jugement), à une même
décision pourrait déboucher sur une présomption très forte d’atteinte à l’impartialité. Cela se
justifie par le fait que le juge qui avait préalablement donné l’avis (formation consultative)
s’était déjà forgé une opinion avant de participer au jugement prononçant l’annulation
(formation de jugement), ce qui pourrait être regardé comme « préjugement »577.

Cette position est partagée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg qui avait condamné la composition du Conseil d’Etat luxembourgeois en
soulignant « le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des
mêmes décisions, les fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles, est de nature à
mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution »578. Cette décision a eu des

577
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, p.423.
578
CEDH, 28 septembre 1995, Procola contre Luxembourg, RTDH, 1996, pp. 271-299 ; JLMB, 1996, p. 889 ; D.
1996, p. 301, note Benoît Rohmer F. ; JCP, éd. Gén. , 1996, I, 3910, n° 23, obs. F. Sudre ; Gazette du
Palais, 18 novembre 1995, Flasch, note L. Pettiti ; JDI, 1996, 253, obs. O. de F. ; AJDA, 1996, 383, chon.
J.Fr. Flauss ; RFDA ; 1996, 777, note J. L. Autin et F. Sudre ; D. SPIELEMANN, « Le Conseil d’Etat
luxembourgeois après l’arrêt Procola de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », in RTDH, 1996, p.
297 ; J. P. COSTA, «Le tribunal indépendant et impartial en matière administrative. Le principe vu par la
Cour Européenne des Droits de l’Homme », in A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 517 ; S. GUINCHARD, «
139

répercussions dans les juridictions administratives à tel point qu’aucun membre de la Cour
administrative ne peut siéger dans les affaires relatives à l’application de dispositions au sujet
desquelles il aurait dû participer à des délibérations du Conseil d’Etat579.

Tel est le cas de la Cour administrative de Paris qui a sanctionné le cumul des
fonctions administratives et de jugement en considérant que les magistrats qui ont eu à se
prononcer sur une question, dans le cadre des attributions consultatives du tribunal
administratif ne peuvent ensuite en connaître au contentieux et ne peuvent donc siéger dans la
même affaire580. Comme c’est le même juge qui a donné un avis (formation consultative ou
d’avis) et connu en annulation (formation de jugement) la même affaire pour les mêmes
parties ; il y avait donc un « préjugement », autrement dit, l’impartialité avait été violée. Il en
est de même de l’arrêt Syndicat des avocats de France par lequel le Conseil d’Etat avait
affirmé que le membre de la juridiction qui a émis un avis sur un projet de texte ou une action
administrative ne pouvait pas siéger dans la formation de jugement appelée à se prononcer sur
ce texte ou cette action581.

Il en est ainsi de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait affirmé que le
tribunal administratif ne peut statuer régulièrement sur un litige lié à l’attribution d’un marché
public, alors que l’un de ses membres faisait partie de la formation collégiale consultée
antérieurement par le préfet pour donner un avis à propos du marché projeté, et plus
précisément du problème de droit déterminant la solution du contentieux582. Dans cette
affaire, la composition du jugement statuant au contentieux (formation de jugement)
comprenait des magistrats ayant fait partie de la formation collégiale consultée quelques mois
auparavant (formation consultative ou d’avis) sur la même question de droit ayant causé
difficulté, c’est pourquoi, l’impartialité a fait défaut.

Il est nécessaire aussi de se demander concernant le rôle des juges de la Cour


constitutionnelle dès lors qu’ils sont souvent des anciens parlementaires dans les instances où
sont en cause les normes législatives à l’élaboration des quelles ils ont participé. En tant
qu’anciens parlementaires, ils ont émis des avis et recommandations, rédigé des rapports des
commissions parlementaires, pris part au vote d’une loi. Peuvent-ils être récusés lorsqu’ils

Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE


et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, p.31.
579
G. GONZALEZ, «Chaud et froid sur la compatibilité du cumul des fonctions consultatives et contentieuses
avec l’exigence d’impartialité », in RTDH, 2004, p.378.
580
C.A.A. Paris, 23 mars 1999, AJDA, 1999, pp. 623-625, note Mathias Chauchet ; Procédures, novembre 1999,
chron., n° 14, concl. Mireille Heers, 3 et s.
581
C. E. français, 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, Rec., p. 118 ; JCP, 1997, II, 22817, note J.M.
Breton ; Petites Affiches, n° 119, note W. Sabette ; RFDadm., 1996, p. 1195, conl. Bonichot ; D.
CHABANOL, « Théorie de l’apparence ou apparence de théorie ? Humours autour de l’arrêt Kress », in
AJDA, janvier 2002, p.11.
582
C.A.A. Bordeaux, 4 mars 2003, n° 00.BX. 01170 et 00. BX.02417, Dépt. De Deux Sèvres (recours contre T.
A. Poitiers, 24 février 2000), in Procédures, mai 2003, p. 21.
140

doivent apprécier en tant que juges de la Cour constitutionnelle d’une norme à laquelle ils
avaient déjà émis des avis lorsqu’ils étaient parlementaires ? La réponse semble nuancée.

En effet, lorsque cette question s’était posée en Belgique, la Cour constitutionnelle


(ancienne Cour d’Arbitrage) avait affirmé que la participation à l’élaboration d’une loi par un
membre du parlement ne suffit pas à mettre en cause l’impartialité à laquelle il sera tenu
lorsque, en qualité de juge, il sera amené à contrôler la constitutionnalité de cette loi au sein
d’un organe juridictionnel collégial saisi d’un recours en annulation583. Apparemment, la Cour
constitutionnelle belge semble avoir examiné le rôle effectivement assumé par le juge
concerné lors de l’adoption des dispositions dont il est question, pour apprécier la violation du
principe d’impartialité. Mais si le juge concerné, avait pris un rôle actif dans l’élaboration de
la loi et se trouve plus tard dans la composition de la Cour constitutionnelle pour contrôler la
constitutionnalité de la loi précitée, son impartialité se poserait. Mais certains imaginent mal
comment la Cour constitutionnelle belge aurait adopté une autre solution, faute de quoi, elle
« scierait la branche sur laquelle elle repose »584. Autrement dit, dans les circonstances
décrites, on voit mal comment les membres de la Cour constitutionnelle belge pouvaient
conclure qu’ils ne sont pas impartiaux dès lors que la plupart de ses membres sont des anciens
parlementaires.

Par contre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, se fondant sur
la théorie des apparences, a conclu à la violation du principe d’impartialité le fait, pour le
Bailif de l’île de Guernesey, d’avoir donné un avis à l’Assemblée délibérante ayant adopté un
plan d’aménagement du sol, et d’avoir ensuite présidé la juridiction qui avait eu à connaître
d’une question d’interprétation de ce plan. Selon la Cour, toute implication directe dans
l’adoption d’une législation ou réglementation administrative peut suffire à faire naître des
doutes sur l’impartialité judiciaire d’une personne appelée par la suite à statuer sur un litige
relatif à l’existence de raisons permettant de s’écarter de la lettre de cette législation ou
réglementation585.

Au regard de tous ces exemples, nous estimons qu’en vue de garantir l’image du juge
impartial en République Démocratique du Congo, le juge de la juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) voire
même de la Cour des comptes, qui a émis un avis dans la formation consultative, ne devrait

583
Cour d’Arbitrage belge, 10 mai 1994, n °35/94 et 36/94, 10 mai 1994, Journal des Tribunaux, 1994, p.532 ;
JLMB, 1994, p. 874 ; Arr. C.A. ; 1994, pp.461-469 ; Journal des procès, 1994, n° 263, p.29. Sur cette
question et débats autour de cet arrêt, Voy. M. VERDUSSEN, Le juge constitutionnel face à l’article 6 de
la Convention Européenne des Droits de l’Homme, RTDH, 1994, p.142 ; O. DE SCHUTTER et D. VAN
DROOGHENBROECK , Droit international des Droits de l’ homme devant le juge national, Bruxelles,
1999, p. 548, note 20 ; J. SOHIER, « L’impartialité du juge constitutionnel en question, Justice must not
only be done, it must also be seen to be done », IDJ, 1994-7, pp. 579-581 ; P. MASSON, « Faut-il récuser
la Cour d’Arbitrage ? », Journal des procès, 1994, p. 31.
584
B. BEELDENS, « L’impartialité et la problématique du cumul de fonctions judiciaires », in Annales de Droit
de Louvain, 2001/2-3, p.290.
585
CEDH, 8 février 2000, Mc Gonnel contre Royaume Uni.
141

pas faire partie de la formation de jugement appelée à se prononcer en suspension ou en en


annulation du même acte administratif ou règlement. De même, un ancien parlementaire
provincial ou national qui a donné position de manière active (soit il a contribué de manière
active à son adoption soit il a combattu de manière acharnée) d’un édit ou d’une loi, ne
devrait pas siéger à la Cour constitutionnelle lorsqu’il devenait plus tard membre de cette
Cour, pour apprécier la constitutionnalité du même édit ou de la même loi auquel (à laquelle)
il avait pris part.

En définitive, le juge de l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif, de la Cour


constitutionnelle, voire de la Cour des comptes, qui a donné un avis dans l’affaire ne devrait
pas faire partie de la composition du jugement pour juger la même affaire au risque d’être
récusé.

7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin,


d’interprète, d’expert ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur
judiciaire

Cette cause de récusation est également l’expression du principe général du droit selon
lequel nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même chose.

S’agissant de l’intervention antérieure du juge dans l’affaire en qualité du juge, celui-


ci doit être censé avoir connu de l’affaire non seulement lorsqu’il a pris part à un jugement ou
arrêt, mais également lorsqu’il a déjà eu l’occasion de prendre position au sujet de l’affaire.
Cette cause de récusation s’applique uniquement lorsqu’il s’agit de la même affaire et non
d’une affaire analogue ou comparable. Ainsi, il n’y a ni préjugé ni prévention lorsque l’arbitre
est appelé à statuer sur une situation de fait proche de celle qu’il avait examinée dans une
instance antérieure mais entre des parties différentes et moins encore lorsqu’il doit trancher
une question de droit sur laquelle il s’est déjà prononcé, dès lors qu’il n’est pas lié par ses
propres précédents586. L’on interdit donc au juge de se prononcer à plusieurs reprises sur le
fond de la même cause, mais l’on ne l’empêche pas de statuer sur des questions de fait ou de
droit identique à celles dont il a pu connaître dans une autre cause. Sous cet aspect, elle
suppose que le juge ait connu de la cause dans l’exercice d’une autre fonction judiciaire, ce
qui est plus large. Toutefois, il ya lieu d’admettre la récusation d’un arbitre ayant déjà
participé à au moins six procédures arbitrales antérieures relatives à des situations similaires
et ayant pour objet de la mise en cause de la responsabilité de la banque ayant été retenue
dans tous les cas. En l’espèce, l’arbitre après avoir pris positions sur d’autres litiges, et à
l’occasion d’un autre litige, il aurait déjà pris parti à l’égard de l’une des parties au nouvel
arbitrage587.

586
Tribunal civil de Bruxelles (71 ème chambre), 14 décembre 2006, SA C contre X, Y, P. et C., in JLMB,
2007, pp. 834 et s.
587
Ibidem.
142

Aussi, il doit s’agir de la même affaire actuelle, une affaire purement potentielle ne
suffit pas. Ainsi, un magistrat du siège ayant instruit et jugé la cause avant poursuite judiciaire
sur le plan disciplinaire, doit se récuser étant donné qu’il avait déjà connu de cette affaire
devant une autre juridiction588. Il en est de même de l’arrêt d’une Cour d’Appel auquel a
participé un conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire quand il était juge au premier
degré et que, dans ses conditions, il ne s’est pas déporté589.

Il va de soi que le juge ayant connu d’une affaire en première instance ne pourra pas
en connaître par après en degré d’appel ou en cassation. Ainsi, un magistrat qui a déjà porté
un jugement dans une affaire ne peut la juger car il risque, la seconde fois, de ne pas pouvoir
se déjuger. Aussi, un même juge ne peut connaître d’une voie de recours contre une décision
qu’il a lui-même rendue, même si c’est la conséquence de changements législatifs590. On ne
s’intéresse plus à ce qu’a pu penser le juge, l’on suppose qu’une telle situation le conduit
objectivement à être partial dès lors qu’il existe une apparence de partialité qui suffit à
condamner une telle situation.

Mais, ne peut fonder une cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les
parties des moyens qui paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé
d’office et des les inviter à présenter leurs observations soit immédiatement soit dans le délai
qu’il fixe591. Il en est de même d’une décision rendue par le juge sur les défenses à exécuter,
laquelle ne touche pas le fond du litige puisqu’elle est une procédure d’urgence d’autant plus
que le rapprochement de date d’audience sollicitée par une des parties ne peut interdire au
juge qui l’a accordée de poursuivre l’instance sous prétexte que ce faisant, il a manifesté sa
partialité592. Dans ce contexte, ce juge est intervenu en urgence et ses interventions montrent
un caractère conservatoire ou préparatoire. Ces interventions ne montrent pas la solution que
prendrait un juge au fond. Dans cette optique, l’impartialité du juge ne serait pas violée593. Tel

588
C.S.J., 23 décembre 1976, R.P.A. 38, Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1977, p. 108 ; Revue
juridique du Zaïre, 1978, p. 94.
589
C.S.J., 2 février 1972, Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1973, p. 16 ; 18 mai 1995, RR 03, in
Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 42.
590
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 208, p. 204.
591
C.S.J., 23 juillet 1985, R.P.785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, 1969-1985, éd. C.P.D.2, Kinshasa, 1990, V° récusation, n° 2, p. 198.
592
C.A. Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts) ; Shamamba Ny contre Premier Président Munoma N. ; R.R.011 ;
Shamamba NY contre Conseiller Makonga n° R.R.012 ; Shamamba contre Conseiller Kadiebwe N. n° R.013,
inédits.
593
J. VAN COMPERNOLLE, « Le cumul du provisoire et du fond au regard du principe de l’impartialité « , in J.
VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), les mesures provisoires en droit belge, français et
italien, Bruxelles, éd. Bruylant, 1998, p. 242 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de
fonctions au fond et du provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les droits de l’homme au seuil du
troisième millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 937 – 938 ; J.
VAN COMPERNOLLE, « Le droit à un tribunal impartial en droit belge au regard de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne.
Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, éd. P. MAHONEY, F. Matscher, H. Petzold, L. wildhaber, 1999, p.
1491 – 1492 ; J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET – MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985 –
1996) – Droit judiciaire privé, RCJB, 1997, pp. 495 – 625, n°90 ; R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul
des fonctions », RTD Civ., 1999, p. 195 ; B. BEELDENS, « Impartialité et fonctions judiciaires », in Annales
de droit de Louvain, 2001 / 2 – 3, p. 302 ; G. CLOSSET – MARCHAL, « La récusation en droit belge »,
143

est le cas d’une décision de la juridiction administrative qui statuant à la procédure de


suspension, se bornerait à renvoyer l’affaire à la procédure normale d’examen au fond du
litige ou qui déciderait seulement la réouverture des débats pour permettre aux parties de
s’expliquer complètement et dans les conditions de procédure normale sur un moyen dont le
bien fondé n’a paru manifeste au magistrat appelé à statuer au fond.

Par contre lorsqu’en urgence le juge a pris les mesures qui impliquent une prise de
position sur le fond, son impartialité serait voilée594. Il s’agit des mesures ou décisions
anticipatoires qui anticipent les solutions du litige595. C’est donc cette anticipation qui montre
ce que le juge prendrait comme solution lorsqu’il pourrait intervenir au fond de l’affaire. En
d’autres termes, le juge qui s’est prononcé au provisoire (en urgence), doit avoir exprimé une
pré-appréciation du fond de manière telle qu’elle puisse être de nature à convaincre un
justiciable normalement avisé qu’il existe un doute que ce juge puisse encore juger au fond de
manière impartiale. Tel est le cas du juge des référés français qui statue sur une demande
tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement contestable
d’une obligation, et qui est appelé par la suite à statuer sur le fond du litige afférent à cette
obligation596. En effet, le juge en statuant en référé sur l’attribution d’une provision, a exprimé
une prise de position sur le fond, et partant, cette appréciation sur les circonstances de la
cause, pouvait l’empêcher de juger au fond du litige de cette obligation. En d’autres termes,
ce juge a effectivement préjugé de la qualité de cette obligation, il est donc devenu
techniquement partial.

De la sorte, tout laisse croire que ce que le juge des référés a tenu pour évident au
provisoire, il le tiendra encore comme tel lorsque l’affaire lui sera soumise au fond. Dès lors
que les faits envisagés sont les mêmes, que leur examen par le juge du provisoire n’a rien eu
du superficiel mais que, tout au contraire, il s’est prononcé, au terme d’un examen attentif, sur

RGDC, 2003, pp. 605 – 610 ; Y STRICKLER, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Université
Robert Schuman, Strasbourg, 1993, p. 591 ; H. BOULARBAH, « Le dessaisissement et récusation en matière
civile », in le point sur les procédures (2 ème partie). Formation permanente CUP, décembre 2000, Vol. 43, pp.
199 – 200 ; O. MIGNOLET, « Observations sur la mise en cause de l’impartialité du juge lorsque celui – ci
cumule les fonctions du juge du provisoire et du fond, au regard des principes et des sanctions », in RDJP,
2001 – 2, n°48, p. 51 ; T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté
de droit, UCL, Louvain – la – Neuve, 2005, pp. 453 – 465.
594
Ibidem
595
Voy. J. NORMAND, « Les mesures provisoires en droit comparé », in Annales de droit de Louvain, 2005 / 3
– 4, pp. 266 – 268 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J.VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 77.
596
Cass. Française (ass. Pleinière), 6 novembre 1998, JCP La semaine juridique, 2 décembre 1998, p. 2122 ;
Recueil Dalloz, 1999, p. 6 ; Gaz. Pal., 13 – 15 décembre 1998, p. 12 ; CE français, 9 février 2004, Billerach,
AJDA, 2004, p. 1150 ; CE français, 2 novembre 2005, M. et M me Fayant, n°279660, AJDA, 13 février 2006, p.
327 – 328 et note de P. CASSIA, « Méconnaissance du principe d’impartialité par le juge des référés » ; CAA
Marseille, 9 mars 2006, M me D., n°04 MA 01886, AJDA, 1 er mai 2006, pp. 888 et conclusion du commissaire
du gouvernement Thiery Trottier, « Le juge du référé provision peut – il participer à la formation de jugement
au fond ?, in Procédures, mai 2006, p.26 ; P. CASSIA, « Le juge administratif des référés et le principe
d’impartialité », in Recueil Dalloz, 5 mai 2005, n°18, chronique, pp. 1183 – 1184, 1189 – 1191.
144

le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, le justiciable provisoirement tenu


pour débiteur a toutes les raisons de craindre que le juge éventuellement appelé à connaître
une seconde fois de l’affaire ne soit influencé par l’appréciation qu’il avait initialement portée
et qui l’avait conduit dans un premier temps, à ne point tenir pour sérieuses les objections
qu’il lui avait présentées597. Autrement dit, le juge des référés qui accorde une provision et
statue au fond, sa présence devant le tribunal froisserait l’impartialité s’il a dû porter une
appréciation au fond598.

L’on peut ainsi considérer que le juge des référés a anticipé sur la solution au
fond lorsqu’il s’est prononcé de manière évidente sur le caractère sérieusement contestable ou
non d’une obligation alléguée, ou lorsqu’il s’est prononcé sur la cessation d’un trouble
manifestement illicite en estimant notamment que l’illicéité du trouble était manifeste599. Il y
aurait ainsi méconnaissance de l’impartialité s’il s’avère que dans l’exercice des fonctions
antérieures, le juge s’est déjà forgé une opinion sur les points de fait et de droit qu’il lui
appartient de trancher. En pareille situation, le débat poursuivi devant lui apparait comme
fondamentalement faussé600.

Concrètement, le défaut d’impartialité devrait généralement s’appliquer à toutes


les décisions qui comportent de la part du juge du provisoire, une anticipation sur le fond,
qu’elles enjoignent, par exemple d’expulser un occupant d’une maison qui n’a ni titre ni droit,
de faire quelque chose (de réintégrer un salarié, de livrer une marchandise, d’enlever des
affiches, des barrières ou des chaînes), qu’elles ordonnent de cesser une activité (pour
violation d’une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, pour atteinte aux droits
de la personnalité) ou de s’abstenir d’un comportement déterminé601.

Il en sera de même pour les juridictions de l’ordre administratif. Tel est le cas du
juge des référés qui dans sa première intervention a pris une ordonnance qui a anticipé sur
l’issue à donner à une éventuelle seconde demande fondée sur les mêmes éléments que la

597
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, p. 186 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au provisoire : réflexions sur
des arrêts récents », in Les droits de l’Homme eu seuil du troisième millénaire. Mélanges en hommage à
Pierre Lambert, Bruxelles, éd. Bruylant, 2000, p.941.
598
Cassation française, Assemblée plénière, 6 novembre 1998, Sté Bord Na Mona contre Norsk Hydro Azote ;
Guillotel contre Castel et Fromaget, in Recueil Dalloz, 7 janvier 1999, n° 1, p.5 ; M.-A. FRISON-
ROCHE, « L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz, Chronique, 11 février 1999, n° 23, p. 56 ; J.-F.
BURGELIN, « Quand le juge des référés prend parti », Recueil Dalloz, 1999, p.5.
599
R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des fonctions », in RTDCiv., janvier-mars 1999, p.195.
600
J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité et cumul du fond et du provisoire devant le Conseil d’Etat : une
heureuse clarification », in RTDH, 2001, pp.1156 et s.
601
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, janvier-mars 1999, n° 1, p.
187 ; J. NORMAND, «L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.77.
145

première602. De même, un magistrat statuant en référé (recours en suspension) se prononce sur


le sérieux des moyens invoqués, il émet un jugement sur l’apparence de fondement de ces
moyens, même si cette appréciation ne le lie pas pour l’examen du fond, le justiciable peut
raisonnablement éprouver la crainte que le magistrat devant lequel il plaide ait, dès avant
d’avoir pris connaissance des pièces de procédure relative au recours en annulation , une
opinion quant à la solution à donner à ce recours d’autant plus que le même magistrat siégeant
en référé s’est prononcé sur la recevabilité d’un moyen. En effet, juger qu’un moyen n’est pas
sérieux revient à décider, au terme d’un premier examen, que les arguments invoqués à
l’appui de ce moyen ne sont pas convaincants et le justiciable est fondé à redouter que le
magistrat qui a porté cette appréciation ne persiste à les trouver peu convaincants lorsqu’il est
appelé à statuer sur le recours en annulation. Afin de préserver le droit à un tribunal impartial,
il s’impose d’écarter un magistrat qui, statuant en référé, s’est prononcé sur le sérieux d’un
moyen ou de la recevabilité de recours ou d’un moyen, de siéger pour l’examen d’un recours
en annulation603.

Cette position a été suivie par plusieurs juridictions administratives. Tel est le cas
de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a considéré qu’un juge des référés ayant eu
l’occasion d’apprécier les moyens de légalité développés par le requérant dans le cadre d’une
demande de suspension ne peut disposer de l’impartialité pour statuer au fond au sein de la
formation de jugement604. Ce qui justifie l’anticipation est le fait pour le juge des référés
d’avoir pris position sur la validité des moyens susceptibles de justifier une telle mesure (à
l’égard du requérant), et cette prise de position devrait l’empêcher de se pencher sur l’affaire.
Il en est de même de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a estimé que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a examiné l’affaire comme juge du
référé provision participe à la formation de jugement au fond605. La Cour administrative
d’appel de paris a nettement confirmé cette position en affirmant que le principe d’impartialité
faisait obstacle à ce que le magistrat qui a rendu une ordonnance sur le fondement des
dispositions précitées siège à nouveau lors du jugement au fond de cette affaire par le tribunal
administratif606.

Comme on peut le constater, lorsqu’un juge a lors de son intervention au


provisoire, exprimé une prise de position faisant ressortir une conviction de ce juge sur le
fond, cela peut créer dans le chef du justiciable le doute légitime que ce juge puisse encore
juger ultérieurement de manière impartiale. Et d’ailleurs, certains sont plus catégoriques
d’affirmer que lorsque le juge statue en référé, il donne déjà son appréciation sur les

602
Conseil d’Etat français, 20 novembre 2005, M. et Mme Fayat, AJDA, 2006, p. 327, note CASSIA.
603
Conseil d’Etat, 14 décembre 2000, ASBL Ecole Notre Dame de la Sainte Espérance contre Communauté
française, JLMB, 2001, p. 169 ; RTDH, 2001, p. 1149 ; Journal des Tribunaux, 2001, p.235.
604
C.A.A. Bordeaux (plén.), 18 novembre 2003, arrêt M.B., AJDA, 2004, p.98, concl. J.-L. Rey.
605
C.A.A. Marseille (3ème ch.), 9 mars 2006, Mme D., Recueil Dalloz, 6 avril 2006, IR, p. 949 ; AJDA, 2006, p.
887.
606
C.A.A. Paris, 6 février 2007, Société Swisslog France , n° 04PA03147, in AJDA, 21 mai 2007, p. 1039.
146

arguments des parties même si c’est uniquement sur le plan des apparences ; dès ce moment,
il y a préjugé, si peu que ce soit, qui lui interdit de rejuger une seconde fois la même cause, à
peine de porter atteinte au principe d’impartialité607.

Dans le but de donner l’image du juge impartial en République Démocratique du


Congo, le juge qui a connu d’une affaire en urgence (référé, suspension) ne devrait pas faire
partie de la composition du jugement appelée à connaitre de la même affaire au fond
(annulation). Cette position nous semble applicable pour le juge des juridictions de l’ordre
judiciaire, le juge des juridictions de l’ordre administratif et de la Cour des comptes.

Une autre hypothèse qui peut se présenter concerne le juge qui, au cours d’une
affaire civile, principalement en matière de divorce a tenté une conciliation en « chambre du
conseil » avant de connaître de la même affaire au fond. Peut – il être récusé sous prétexte
qu’il connaît de la même affaire au fond alors qu’il avait tenté la conciliation des parties ? A
cet égard, l’on devrait distinguer deux situations. La première est celle où le juge s’emploie à
rechercher un terrain d’entente avec les parties sans proposer une solution, et la seconde
concerne le juge qui propose une solution aux parties ou prend position sur la solution. Pour la
première situation, l’impartialité n’est pas violée étant donné que le juge ne s’était pas dévoilé
car il n’avait pas montré qui a tort ou raison, il ne faisait qu’aider les parties à trouver un
terrain d’entente. En ce qui concerna la deuxième situation, en principe l’impartialité est
violée étant donné que le juge avait pris position en montrant la solution qui est la sienne lors
de la connaissance de l’affaire au fond car les parties pourront à juste titre évoquer l’existence
d’un « préjugement » dans son chef de nature à créer un doute légitime quant à son aptitude à
siéger ultérieurement en toute impartialité608.

Pour que la récusation soit admise, les faits connus par le juge doivent être les
mêmes et pour les mêmes parties étant donné que le même juge ne peut pas juger deux fois
les mêmes faits et pour les mêmes parties parce qu’il peut y avoir préjugement, qui lui ôterait
son impartialité. Relevons toutefois deux hypothèses qui permettent au juge de connaître les
mêmes faits et pour les mêmes parties à la même instance de jugement, c’est

607
D.LAGASSE, « Peut-on récuser un conseiller d’Etat ? Qu’est-ce qu’un conseiller d’Etat impartial ? », in
J.T., 1998, p.154.
608
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain –
la – Neuve, 2005, pp. 41 ; B. BEELDENS, « Médiation – conciliation : quel rôle pour le juge ? », in JJPP,
avril – mai 2005, pp. 211 – 215 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation judiciaire », in Le
contentieux interdisciplinaire, Antwerpen, Kluwer, 1996, p. 49 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La justice
familiale et les principes fondamentaux du droit judiciaire », in M. Th. MEULDERS – KLEIN (sous
direction), Familles et justice, justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruxelles,
Bruylant, 1997, p. 391 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge », in
Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, pp. 528 et
533 ; I. BRANDON, « L’office du juge dans la conciliation », JT, 1995, p. 513 ; J. VAN COMPERNOLLE,
« L’indépendance et l’impartialité du juge », in Confiance dans la justice, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 24,
n°19 ; G. DE LEVAL, « L’exercice par le même juge de fonctions conciliatrices et juridictionnelles dans le
même litige », in Droit du contentieux, CUP, 13 octobre 1995, p. 101.
147

l’interprétation609 et la rectification610 d’une décision judiciaire. A défaut d’identité des faits et


des parties, la récusation aura difficile à être admise.

Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si, un même juge peut
statuer sur le recours en opposition ou tierce opposition ou requête civile formé contre une
décision au prononcé de laquelle il a participé sans violer le principe d’impartialité. Peut-il
dans ces circonstances être récusé ?

S’il faut éviter qu’un juge qui a déjà statué sur une affaire ait à en connaître de
nouveau, c’est essentiellement pour faire en sorte que celui-ci se soit déjà forgé une opinion
sur les points de fait et droit qui lui sont soumis, pour qu’il puisse examiner le litige dont il
est saisi « d’un œil neuf ». En effet, les juges qui statuent sur un recours en opposition, à la
différence des juges d’appel, ne sont pas appelés à se prononcer sur les éléments qui ont déjà
fait l’objet devant eux d’un débat, ce qui serait de nature à remettre en cause leur impartialité.
Ils doivent connaître le cas échéant de la recevabilité de l’opposition qui, par hypothèse,
n’avait encore jamais été discutée de même que les arguments présentés par la partie
défaillante qui, par hypothèse eux aussi, sont nouveaux et n’ont pas été examinés lors des
débats auxquels la décision, objet de l’opposition, a donné lieu. Cet argument montre que ce
juge ne serait pas récusé.

Cela s’explique par la fait que là où le juge d’appel a tous les motifs de répugner à
revenir au jugement initial, le juge qui statue sur opposition voit apparaître de nouvelles
données objectives qui justifient éventuellement qu’il rende une décision différente voire
inverse de celle qu’il déjà rendue sur l’affaire car, la comparution d’une partie qui jusqu’alors
était absente de la procédure et n’avait pas été en mesure de produire ses propres éléments de
défense justifie suffisamment son revirement. Ainsi, la Cour Européenne des Droits de
l’Homme de Strasbourg611 tout comme la jurisprudence belge612 et française613 admet au juge

609
Le juge qui rendu une décision obscure ou ambigüe peut l’interpréter, sans cependant étendre, restreindre ou
modifier les droits qu’elle a consacrés.
610
Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui
rendue sans cependant que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits qu’elle a consacrés.
611
CEDH, 10 juin 1996, Thomann contre Suisse ; CEDH, 26 août 1997, De Haan contre Pays-Bas, AJDA, 1997,
p.987, obs. Flauss ; JCP, 1998, I, p.107, n° 26, obs. Sudre.
612
Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, 102 ; Cassation belge, 3 février 1987, RG 684,
Pasicrisie belge, 1987, I, n° 323 ; Cassation belge, 16 janvier 2002, RG.P.01.1325.F ; Cassation belge, 5
mai 1999, Pasicrisie belge, 1999, I, p.636, Cassation belge, 2 ème chambre, 19 novembre 1998, JLMB,
1999, p.1500 ; Pasicrisie belge, 1998, I, 1145 ; Cassation belge, 2 novembre 1993, Pasicrisie belge, 1993,
I, p.916.
613
Cassation française (Ch. Crim.), 25 juillet 1989, Bull. crim. , n° 296 ; D. 1990, 226, comm. J. Pradel ;
Cassation française (2èm ch. Civ.), 5 février 1997, Recueil Dalloz, n° 2, 14 janvier 1999, pp.24-25, note S.
Denoit de Saint Marc ; Bull. II, n° 33 ; RTDCiv., 1997, 513, obs. Perrot ; Cassation française (ch. Crim.),
23 octobre 1996, pourvoi n° 095-85.585 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les
148

de connaître une seconde fois de l’affaire en matière d’opposition sans porter atteinte au
principe d’impartialité. En d’autres termes, il n’y a pas « préjugement » dans le chef dudit
juge.

Au regard des éléments que nous venons de développer ; un juge qui a statué sur
opposition après avoir connu de la même affaire par défaut de l’une des parties, son
impartialité n’est pas ébranlée pour des raisons suivantes :
- L’opposition, voie de rétractation, suppose que l’affaire revienne devant la
juridiction qui a rendu la première décision, à l’inverse de l’appel qui, voie de
réformation, conduit à la connaissance du litige par une juridiction supérieure. Il
n’y a donc rien d’anormal à ce que l’opposition soit connue de juges qui ont rendu
le jugement, objet du recours, et le principe d’impartialité reste sauvegardé.
- L’opposition met la décision attaquée à néant, le prévenu se retrouve donc à la
case de du départ. Le fait d’avoir été jugé deux fois par les mêmes juges, le
prévenu ne perd d’ailleurs rien car rien ne lui interdit de faire appel ensuite. On
peut même soutenir qu’il n’est pas vraiment jugé deux fois car la première
décision rendue par hypothèse en son absence apparaît comme une fausse
décision, rendue par de juges qui souvent n’auront pas hésité à frapper très fort,
pour inciter le prévenu ou la partie défaillante à faire opposition.
- Le nombre de magistrats ne peut pas permettre à ce qu’il ait de juges « neufs »
pour juger toutes les affaires venues sur opposition d’autant plus que celles-ci sont
souvent nombreuses dans la pratique judiciaire614.

Toutes ces raisons nous permettent de dire que le juge n’est donc pas partial quand,
sur opposition, il juge une seconde fois la même affaire et surtout qu’après décision sur
opposition, le justiciable bénéficie du droit de faire appel. Autrement dit, dans ces
circonstances, le juge ne peut pas être récusé.

S’agissant de la tierce opposition, elle peut aussi être jugée par les mêmes magistrats615
qui ont connu de cette même affaire faisant l’objet de tierce opposition. Les raisons que nous
avons développées en matière d’opposition s’y appliquent mutatis mutandis. Il en est de

principes de droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction),


L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.55.
614
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français, et
de l’Afrique francophone, Vol. II., L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.403.
615
Cassation française (ch. Crim.), 25 juillet 1989, pourvoi n° 88-87.658, Lexilaser cassation ; Cassation
française (ch. Crim.), 23 octobre 1996, Bull. crim. , n° 370 ; D., 1997, IR, p.13 ; Cassation belge, 1er avril
1993, Bull. et Pasicrisie belge, 1993, I, n° 172 et la note 2/7, p. 349 ; Cour d’appel de Mons, 17 mai 1995,
JLMB, 1995, p. 1033 ; Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, p. 102 ; Cassation
belge, 16 janvier 2002, Pasicrisie belge, 2002, p. 161 ; G. CLOSSET-MARCHAL et alii, « Examen de
jurisprudence (1993 à 2005). Droit judiciaire privé. Les voies de recours », in RCJB, 3ème trim. 2006, pp.
666-667.
149

même de la requête civile étant donné que le juge qui a statué antérieurement dans l’affaire
avait été induit en erreur par l’une des parties au procès, et en conséquence, rien ne lui
empêcherait de statuer de nouveau sur l’affaire sur requête civile.

Une autre question qui peut se poser est celle de savoir si le même juge peut siéger sur
renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il a participé. Peut-il dans ce cas être récusé ?
Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une
cause sur laquelle il s’est déjà prononcé car il y aurait dans son chef un « préjugement » qui
enlèverait son impartialité. En d’autres termes, dans ces conditions, le juge peut être récusé.
Cette position est partagée par la jurisprudence belge616 et française617.

Enfin, un même juge peut-il connaître des mêmes faits pour les mêmes parties après
révision ? Peut-il dans ces conditions être récusé ? Il convient à cet égard de distinguer deux
situations : la connaissance de l’affaire après révision ainsi que la connaissance de la révision
elle-même. En ce qui concerne la connaissance de l’affaire après révision, comme nous
l’avons montré concernant l’opposition et la tierce opposition ; il est donc normal de revenir
devant la juridiction qui a été trompée en raison de la nature de rétractation. Dans ce cas,
même si le juge connaissait de la même affaire, il ne serait pas récusé. En ce qui concerne la
connaissance de la révision elle-même par le même juge qui a participé au jugement de la
même affaire en première instance ou au degré d’appel, elle pourrait être traitée de la même
manière que l’appel ; en conséquence, le juge pourrait être récusé partant du fait qu’on ne
pourrait pas juger le recours de sa propre décision via l’instance en révision. Cette position est
partagée par la jurisprudence française618.

S’agissant de l’intervention antérieure du juge comme témoin ; seul le juge qui est
réellement intervenu en qualité de témoin peut être récusé. En principe, le juge dont l’une des
parties prétend qu’il pourrait être témoin n’est donc pas visé en l’espèce. A cet égard, il
importe peu que le juge ait déposé en tant que témoin dans le cadre d’une enquête ordonnée

616
Cassation belge, 19 octobre 1983, Pasicrisie belge, 1984, P.175. Cassation belge, 15 mars 2000, Pasicrisie
belge, 2000, I, p. 582.
617
Cassation française, 20 octobre 1999, D., 2000, IR, 25 ; Droit pénal, mars 2000, n° 38, obs. A. Maron ;
Cassation française, crim., 30 octobre 1996, Rapport de la Cour de cassation 1996, Paris, éd. La
Documentation française, 1997, p. 129 ; Conseil d’Etat, 27 mars 2000, SARL Maurel et fils, RFDAdm.,
2001-6, 1267 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 13, p. 71.
618
Cassation française, 2ème ch. civ., 3 novembre 1993, Bull. II, 307, p. 171 ; D. 1994, IR.32 ; Cassation
française, 2ème civ., 5 mai 1993, RTDCiv., 1993, 876, obs. J. Normand ; JCP, 1994, II.22.227, note du
Rusquec ; Cassation française, 2ème ch.civ., 12 juillet 2001, Droit et procédures, 2002, p.36, obs. Fricero ;
D. 2001, 2639 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit
fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p. 52.
150

par un tribunal ou par une Cour ou dans le cadre d’une information ou d’une instruction, ou
encore volontairement ou à la requête d’une partie619.

Cette cause de récusation se justifie par le fait que le juge qui dépose en qualité de
témoin dans la cause qu’il est appelé à juger est présumé de manière irréfragable ne pouvoir
en connaître au fond. Il existe en effet une incompatibilité absolue entre les fonctions de juge
et la qualité de témoin à laquelle ne pourrait contrevenir un magistrat sans méconnaître les
règles fondamentales de composition des juridictions.

S’agissant de l’intervention antérieure du juge comme interprète, expert ou agent de


l’administration ; cela peut constituer une cause de récusation et une incompatibilité
constituant une règle essentielle d’administration de la justice. Cette exclusion se justifie par
le fait que le juge se soit prononcé sur la solution du litige dès avant l’ouverture des débats. La
Cour de cassation belge a ainsi jugé qu’est juge et expert dans la même cause, le médecin qui
a participé à la décision de la commission de défense sociale qui a ordonné la réintégration
d’un malade alors qu’il a préalablement rédigé, à la demande du Procureur du Roi et en vue
d’éclairer ladite commission, un rapport relatif à l’évolution de l’état mental de l’intéressé620.
Autrement dit, dans ces conditions, il peut être récusé.

Une autre question nous semble préoccupante. Celle qui consiste à se demander
lorsqu’un professeur d’université ou un doctrinaire a écrit ou donné des conférences sur un
point de droit, peut-il être récusé s’il intervient comme juge pour juger une affaire qui
s’inspirerait du point de vue écrit d’un livre du même juge ? A cet égard, la doctrine moderne
exclut en principe que les conceptions doctrinales développées par un juge dans d’autres
affaires ou émise à l’occasion d’exposés ou de publications scientifiques puissent former une
cause de récusation621. L’on ne pourrait donc retenir à ce titre le fait qu’un juge aurait donné,
dans un écrit quelconque (traité, manuel…) son opinion sur la question de droit que présente à
juger le procès. La solution inverse conduirait, on en conviendra, à limiter singulièrement sa
liberté d’expression. La prudence serait de mise car un point de vue de droit peut revêtir un
caractère tellement spécifique qu’il sera tout de suite évident que la même problématique a été
visée dans un article, fut-il scientifique622.

S’agissant de l’intervention antérieure du juge comme avocat ou défenseur judiciaire ;


la partialité peut résulter du fait que le juge a déjà conseillé une partie dans l’affaire qu’il

619
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La
Charte, 2000, p. 325.
620
Cassation belge, 14 février 1977, Pasicrisie belge, 1977, I, p. 634 ; JT., 1977, P. 745, note E. Brewaeys.
621
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMAECKER et alii, Statut
et déontologie du magistrat, Bruxelles,, éd. La Charte, 2000, p. 323.
622
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005,
p. 540.
151

s’apprête à juger. Cette relation peut créer un parti pris, entraînant la partialité623. En effet, la
personne qui a assisté ou conseillé l’une des parties à l’occasion d’un litige serait partiale si
elle est ultérieurement amenée à se prononcer sur celui-ci en tant que juge. Cette partialité
serait manifeste puisqu’il a pris parti avant même d’être saisi, et aura vraisemblablement à
cœur de montrer que les conseils qu’il a prodigués étaient pertinents, ou enfin, à adopté un
point de vue relativement au fond de l’affaire.

Cette cause de récusation est valable quels que soient le mode (oral ou écrit) et la
forme (lettre, conclusions, article d’un journal, d’une revue) utilisés, et la qualité dans laquelle
le juge est intervenu. Ainsi, il n’est pas nécessaire que le juge ait déjà eu la qualité de juge, au
moment où il a donné conseil, plaidé sur l’affaire. Le juge devra s’abstenir s’il a donné un
avis en la matière en tant qu’avocat ou défenseur judiciaire, qu’il ait été à l’époque conseil de
l’une des parties.

La Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé qu’il y a partialité dans le fait
que l’avocat de la partie adverse a siégé comme juge dans des procédures concomitantes
auxquelles le requérant est partie624. De même, lorsque le juge a participé antérieurement dans
la procédure principale en qualité d’avocat des demandeurs, puis en qualité de magistrat au
stade de l’examen de recours constitutionnel formé par le requérant ; cette dualité de fonctions
exercées dans une même procédure, à laquelle s’ajoute le fait que la fille du juge mise en
cause avait elle aussi représenté les adversaires de l’intéressé, peut créer une situation propre à
susciter des doutes légitimes quant à l’impartialité de ce magistrat625. Enfin, la Cour de
cassation française a souligné que le conseiller prud’hommes qui a assisté l’une des parties
dans la préparation de son dossier ne peut siéger dans la formation qui statue sur le litige626

C’est surtout au sujet de la signification exacte des termes « conseil » que naissent la
plupart des contestations. La cause de récusation doit sans aucun doute être appliquée lorsque
le juge a effectivement assuré la défense d’une partie ou donné une consultation. C’est le cas
lorsque le juge contribue à élaborer la demande ou la défense d’une partie, prête sa
collaboration à la rédaction ou la correction de conclusions, assiste à une consultation ayant
lieu chez un avocat et donne son opinion à cette occasion, ou encore quand il tente de
persuader la partie adverse qu’elle a tort. Il importe peu à cet égard que le juge ait procédé de

623
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 318-321.
624
CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre Suisse ; CEDH, 1er juin 2004, Puolitaival et Pirttiaho contre
Finlande, n° 54837/00, Décision de recevabilité.
625
CEDH, 15 juillet 2005, Meźnarić contre Croatie, n° 71615/01, in Note d’information n° 77 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juillet-août 2005, pp. 21-22 ; dans le même sens
C.A. Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 2, 465, abs. A.D.
626
Cassation française, ch. soc., 18 juillet 2001, n° 99-45.583 et 2 juillet 2002, n° 00-41.324, voyez T.P.
GRIDEL, « L’impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation », in Mélanges en
l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 246.
152

sa propre initiative ou à la demande d’une partie, ou qu’il ait donné son opinion plus par
hasard que consciemment627.

Mais lorsque le juge donne dans certains cas non des conseils, mais des indications, la
récusation ne sera pas admise. Tel est le cas de conseiller de consulter un avocat, d’orienter
l’attention d’une personne sur les conséquences défavorables éventuelles d’une procédure, de
l’inciter à trouver un règlement amiable ou de déconseiller une procédure. C’est pourquoi, la
Cour de cassation belge a estimé que ne peut constituer une cause de récusation, le fait que
lors d’une tentative de conciliation en matière divorce, le juge ait donné à l’une des parties,
non un « conseil », mais une information concernant ses droits628.

Du point de vue purement formel, ces exemples cités ne peuvent pas être considérés
comme causes de récusation. Il n’est toutefois pas exclu qu’ils compromettent dans certaines
circonstances l’impartialité du juge. Nous estimons que les juges devraient s’abstenir
d’intervenir de la sorte, même si une telle abstention s’avère délicate pour le juge consulté par
des membres de sa famille et par ses amis, qui n’apprécieront vraisemblablement pas le refus
de donner ne fut-ce que des indications.

Bref, nous pensons qu’un juge qui a été précédemment (même dans une autre affaire)
conseil de l’une des parties, aura difficile à transcender les relations avocat (défenseur
judiciaire)-client ou conseil-partie qui s’étaient tissées et peut être approfondies à une période
donnée. L’ancien conseil qui avait déjà l’idée de la personnalité de son client (appréciation
positive ou négative) ne pourrait être que partiale partant de leurs relations qui avaient
existé629.

8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou


d’officier du ministère public

La qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier du ministère public nécessite que


l’on pose des actes d’instruction préparatoire en matière pénale. En effet, il est évident qu’un
magistrat qui a engagé les poursuites pénales contre un plaideur n’offre aucune garantie
d’impartialité lorsqu’il se retrouve être un des membres du siège appelé à statuer sur le bien
fondé de l’accusation. En d’autres termes, le juge qui est intervenu antérieurement dans la
qualité concernée a déjà montré sa conviction de culpabilité de la personne qu’il va juger.
Autrement dit, il existe dans le chef dudit juge « un préjugement » qu’il cherchera à confirmer
lorsqu’il jugera l’affaire.

627
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
628
Cassation belge, 24 juin 1993, Pasicrisie belge, I, p. 615 ; JJP, 1993, p. 307.
629
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 320.
153

Le principe d’impartialité du juge recommande que celui-ci n’ait exercé


antérieurement les fonctions d’instruction préparatoire ; en clair, un juge ne peut dans une
même affaire exercer successivement les fonctions d’instruction préparatoire et de jugement.
Ce qui enlève l’aptitude de juger de manière impartiale c’est essentiellement que le juge
concerné soit intervenu précédemment à une autre occasion dans la même cause et que, par
ses décisions, il a déjà pris position sur tel ou tel aspect du problème, qui pourrait influencer
sa décision sur le fond.

La partialité du juge devient encore plus manifeste lorsque celui-ci est intervenu
antérieurement comme officier du ministère public. Cette qualité fait d’elle la partie
poursuivante en matière pénale, ce qui l’empêcherait de participer au jugement étant donné
qu’il ne peut pas être juge et partie. C’est cela qui constituerait sa partialité630.

C’est pourquoi, nous pensons que le ministère public ne pourrait pas présenter les
garanties d’impartialité lorsqu’il intervient ultérieurement comme juge car il lui serait difficile
de tenir la balance égale entre l’accusation et la défense, ou de ne pas être influencé, fut-ce
inconsciemment, par l’opinion nourrie à l’endroit de l’inculpé.

Cette incompatibilité de fonction se justifie par le fait que l’exercice de l’action


publique est l’acte de poursuite par excellence qui emporte une prise de position officielle
quant à la culpabilité de la personne poursuivie. Au contraire la qualité du juge du siège
l’enjoint à la plus stricte impartialité. Au ministère public la responsabilité de l’action
publique et la canalisation de la vindicte publique, au juge de juger, moyennant une stricte
neutralité et impartialité. L’officier du ministère public intervient comme partie à la cause,
s’engage, prend position et le fait savoir alors que le juge du siège ne peut jamais se départir
de son impartialité.

Cette possibilité de récusation se justifie par la circonstance que l’officier du ministère


public pourrait être tenté de confirmer la première opinion qu’il s’est forgée en la cause et, par
là même, la thèse de l’organe de poursuite alors qu’il ne peut, en qualité de juge de siège
aborder l’examen de la cause animé de parti pris qui caractérise l’officier du ministère public.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que le juge ne devait pas être intervenu
antérieurement dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier du
ministère public.

Il convient toutefois de préciser que cette cause de récusation ne concerne pas les
juges des tribunaux de paix. En effet, le juge de paix congolais cumule les fonctions de juge et
celles du ministère public631. Cela est à dire qu’il pose tous les actes d’instruction préparatoire

630
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 338 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique, série A,
n° 53, §309 ; CEDH, 25 février 1997, Findlay contre Royaume-Uni.
631
Articles 17 et 71 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaire ; article 180 de l’arrêté
d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours, Tribunaux et
Parquets.
154

(audition des auteurs présumés de l’infraction, convocation, mandat de comparution, mandat


d’amener, mandat d’arrêt provisoire, ordonnance aux fins de fixation d’audience) et de juge
(ordonnance de confirmation de détention préventive, siège à l’audience et rend le jugement)
et exécute lui-même le jugement qu’il a rendu.

On voit mal comment un tel juge pourrait présenter les garanties d’impartialité dès lors
qu’il a cumulé les différentes fonctions judiciaires qui montrent qu’il avait déjà une
conviction de culpabilité préalable à l’égard du justiciable, autrement dit le « préjugement ».

C’est pourquoi, nous pensons qu’en vue de garantir l’image du juge impartial, le
même juge de paix ne devrait pas au cours de la même affaire, poser les actes d’instruction
préparatoire, siéger en chambre du conseil pour régulariser ou non la détention préventive,
siéger en audience dans la même affaire et prononcer le jugement, et exécuter lui-même le
jugement qu’il a rendu.

9. Proposition pour une réforme concernant les causes de récusation

L’article 71 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaires énumère


limitativement 8 causes de récusation qui sont très restrictives. Or, la loi n’a pas prévu toutes
les hypothèses possibles qui peuvent constituer la partialité du juge. En conséquence, il est
souvent difficile que la requête de récusation ne remplissant pas les conditions restrictives
fixées par la loi puisse aboutir alors qu’il existerait dans le chef du juge mis en cause les
conditions de partialité. Cette rigueur de la loi ne permet pas au justiciable d’être rassuré qu’il
serait jugé par un juge impartial.

Pour y pallier, il conviendrait d’introduire une autre cause de récusation qui


regrouperait différentes hypothèses de récusation non énumérées à l’article 71 du Code de
l’organisation et compétence judiciaires. Nous pensons que l’on devrait prévoir comme cause
de récusation « lorsqu’il existe dans le chef du juge l’ensemble des circonstances qui
montrent qu’il ne présente pas les garanties d’impartialité ». Cela donnerait plusieurs
possibilités aux justiciables de montrer une éventuelle partialité du juge d’autant plus que la
loi ne peut pas prévoir toutes les hypothèses possibles du défaut d’impartialité. Il appartiendra
ainsi à la Cour de cassation (en attendant c’est l’actuelle Cour Suprême de Justice) de fixer
son contenu.

b) Les conditions de forme

L’article 72 du Code d’OCJ stipule que le demandeur de récusation devra le faire sous
peine d’irrecevabilité dès qu’il a connaissance de la cause et au plus tard avant la clôture des
débats par une déclaration motivée et actée au greffe de la juridiction dont le juge mis en
cause fait partie.
155

La rigueur de ces conditions s’explique par le souci de responsabilité de la partie


récusante et la sécurité des droits de magistrats éventuellement lésés.

B. La procédure de récusation

Elle est prévue pour les articles 72 et 73 du Code de l’organisation et compétence


judiciaires. Nous aborderons l’introduction de la demande (1), la juridiction compétente et
voies de recours (2) et les sanctions applicables (3).

a) Introduction de la demande

La récusation d'un juge est un acte grave qui ne peut être entrepris que si sa légitimité
en apparaît clairement et notoirement. Tel n'est pas le cas des déclarations d'un plaideur qui
procèdent plutôt de l'imprudence, de légèreté et de l'imprécision632. Il en est de même du
demandeur qui ne présente pas devant le tribunal un quelconque avis donné dans l'affaire par
le juge récusé633 ou lorsque le mandataire qui a formé la récusation ne justifie pas d’une
procuration spéciale pour agir en lieu et place du récusant634. En conséquence, doit être
écartée des débats, une lettre de récusation déposée à l’audience par le récusant en violation
de l’article 72 du Code d’OCJ ; par contre, est admise une requête en récusation déposée au
greffe et communiquée au magistrat mis en cause qui a pu faire la déclaration écrite exigée
ledit article635.

S'agissant du moment où l'on peut la demander ; au Sénégal636 tout comme en Côte


d'Ivoire637, la récusation peut être sollicitée avant la plaidoirie.
Au Burundi638, elle doit être soulevée à la première audience alors qu'en République
démocratique du Congo, c'est avant la clôture des débats639. Par l’expression « avant la
clôture des débats », il faut entendre avant la clôture des débats sur le fond du litige mais non
avant la clôture des débats sur un incident640.

632
C.A. Dakar, 11 mars 1983, Revue Éditions juridiques africaines, novembre 1987, p. 23, note Doudou NDOYE
; T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba N. c/Juge Mukendi M., R.R.004 ; C.A. Bukavu, 29 octobre 1985
(3 arrêts), R.R.011, Mme Shamamba N. c/Premier président Munona N. ; R.R.012, Mme Shamamba N.
c/Conseiller Makonga N. ; R.013, Mme Shamamba N. c/Conseiller Kadiebwe N., inédits.
633
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B c/Juges K, M et MU, Revue juridique du Zaïre, n° 1-2 et 3, janvier à décembre
1995, p. 64.
634
C.S.J. 17 février 1994, Sh. contre G., RRA 10/001, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3,
p. 34.
635
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR1, Revue juridique du Zaïre, Janvier à décembre 1995, n° 1-3,
pp. 35-36.
636
Article 226 du Code sénégalais de procédure civile.
637
Article 131 du Code ivoirien de procédure civile.
638
Article 169 de la loi n° 11004 du 14 janvier 1987 portant réforme de l'organisation et de la compétence
judiciaires.
639
Article 72 de l'ordonnance-loi précitée.
640
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995,
pp. 35-36.
156

b) Juridiction compétente et voies de recours

S'agissant de la juridiction compétente en matière de récusation ; au Sénégal, cette


matière est de la compétence de la Cour d’appel641 qui statue par voie d'ordonnance qui n'est
susceptible d'aucune voie de recours642 lorsque le juge mis en cause est du tribunal
départemental ou régional643. Si la demande vise un membre de la Cour d’appel ou celui de la
Cour de cassation, la première sera de la compétence de la Cour d’appel, la seconde, de la
Cour de cassation644.

En Côte d'Ivoire, la récusation de juges relève du président de la Cour d’appel qui


statue par voie d'ordonnance qui n'est pas susceptible de voie de recours. Si c'est le
président de la Cour d’appel qui est en cause, la décision sera rendue par le président de la
Cour de cassation645. Il en est de même du Bénin646.

Au Burundi647 tout comme en République démocratique du Congo648, c'est la


juridiction à laquelle fait partie le juge mis en cause qui est compétente et statue toutes
affaires cessantes mais le juge concerné ne peut faire partie du siège. Les décisions sont
susceptibles d'appel.

Nous pensons que le fait de permettre à la juridiction à laquelle appartient le juge


récusé de connaître la procédure de récusation ne facilite pas l'impartialité de cette
juridiction. En effet, ce juge récusé fréquente ses collègues de juridiction chaque jour, il
partage avec certains peut-être le même bureau, il échange comme il en est dans la
pratique, les différents points de vue sur certains dossiers judiciaires ; dans ces conditions,
la juridiction à laquelle appartient le juge récusé, ne présenterait pas les garanties
d’impartialité.

Cela devient encore plus manifeste lorsqu'une juridiction doit se prononcer sur la
récusation de son chef de corps ou le chef du ressort. Tel est le cas de la Cour d’appel de
Bukavu (République démocratique du Congo) qui a rejeté une demande de récusation à
l'encontre de son premier président649. Cette Cour d’appel ne se prononcerait pas en toute
impartialité dans l'affaire en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de

641
Article 231 du Code sénégalais de procédure civile.
642
Article 653 alinéa 2 du Code sénégalais de procédure pénale.
643
Qui correspond respectivement au tribunal de paix ou de grande instance.
644
Articles 236 du Code sénégalais de procédure civile et 651 du Code de procédure pénale.
645
Articles 129 et 130 du Code ivoirien de procédure civile ; articles 640 et 641 du Code ivoirien de procédure
pénale.
646
Articles 539 à 541 du Code béninois de procédure pénale ; articles 428 et 430 du projet du Code béninois de
procédure civile ; articles 567 et 568 du projet du Code béninois de procédure pénale.
647
Articles 168 ; 171 et 172 de la loi n° 1/004 du 14 juin 1987 portant réforme du Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires.
648
Articles 72, 74, 75 et 76 de l'ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982 portant Code de l'organisation et de la
compétence judiciaires.
649
C.A. Bukavu, 5 novembre 1985, en cause Mme Shamamba N. c/premier président Munona N., R.R.011,
inédit.
157

la Cour d’appel. D'ailleurs en Belgique650, comme en France651, cela constitue un motif de


suspicion légitime. C'est pourquoi, nous pensons qu'à tout le moins la récusation devrait être
de la compétence de la juridiction immédiatement supérieure.

c) Les sanctions applicables

Lorsque le tribunal rejette la demande de récusation, le demandeur peut être


condamné aux dommages et intérêts en réparation de l'injuste agression dont le récusé a été
victime652. La responsabilité des récusants est fondée non sur la faute, la négligence ou
l’imprudence, mais sur le risque inhérent à la liberté d’action en justice qu’ils croyaient de
bonne fois exercé653. Pour la réparation du préjudice moral subi du chef de la récusation, il y
a lieu de prendre en considération, comme éléments d’appréciation, l’atteinte à l’honneur du
magistrat récusé et les risques auxquels la récusation l’a exposé654. En effet, la procédure de
récusation est une arme à double tranchant. Elle peut se retourner contre le plaideur qui l’a
mise en œuvre en cas de légèreté. Ce sera le cas notamment lorsque la juridiction d’appel
confirme le jugement rejetant la récusation. Cette dernière juridiction peut alors, après avoir
appelé le récusant, le condamner à une amende, sans préjudices des dommages et intérêts
envers le juge mis en cause655. Malheureusement, les amendes civiles prévues sont très
dérisoires656. Nous pensons qu'il serait mieux de renforcer de telles amendes afin de
décourager ceux qui voudraient inutilement salir l'image des juges par des demandes de
récusation dilatoires et vexatoires susceptibles de retarder l'issue du procès. Pour cette raison,
il serait mieux que la procédure de récusation ne soit pas susceptible de voies de recours
d’autant plus que c’est ce qui ressort du droit comparé (notamment en Belgique, France,
Sénégal, Côte d’ivoire et Bénin).

Il est indéniable qu’une requête en récusation bien fondée rétablit la partie qui l’a
introduite dans son droit au juge impartial tout en renforçant la foi due à l’institution
judiciaire elle-même. A cet égard, le Code congolais de l’organisation et compétence
judiciaires (article 76 du Code d’OCJ) a prévu qu’en cas d’infirmation du jugement rejetant
la récusation c’est-à-dire lorsque la décision est admise après épuisement d’appel, la
juridiction qui a admis la récusation doit annuler les actes accomplis par le juge récusé, et
renvoiyer les parties devant le même tribunal pour y être jugées par un autre juge ou devant
un tribunal voisin du même degré, sans préjudices de l’action disciplinaire. Nous estimons
que tels actes accomplis par le juge qui ne présente pas les garantie d’impartialité sont
irréguliers, n’ont pas de valeur juridique et doivent être écartés des débats, lesquels sont,
après récusation, repris ab initio par le nouveau siège. En conséquence, tout acte posé par un

650
Cass. belge (lère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Pas., 2001, p. 1587 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
651
Cass. française (2 ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6.
652
Cour suprême de justice, 27 avril 1995, R.R.02/CR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp.
36-40 ; C.S.J., 18 mai 1995, BA et crts c/ B., Bo, Ti et N., RR.03, Ibidem, pp. 40-42.
653
Ibidem, pp. 36-40.
654
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, pp. 35-
36.
655
Article 75 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaires.
656
D'après l'article 75 du Code congolais de l'organisation et compétence judiciaires, elles varient entre
l'équivalent de 50 $ US à 1000 $ US.
158

juge après qu’il s’est vu notifié la requête en récusation ou après le prononcé de la décision
de récusation est nul657.

C. Le déport

Lorsqu’un magistrat est conscient qu’il a un intérêt dans une affaire, le magistrat a
l’obligation de s’abstenir de siéger. Il doit se récuser ou mieux se déporter. Le déport se
définit comme le fait pour le juge, avant même d’être récusé, de s’abstenir dans une affaire
pour motif de conscience, ou parce qu’il suppose en sa personne une cause d’incompatibilité
ou de récusation658.

Les causes du déport sont prévues à l’article 78 du Code d’OCJ. Cet article prévoit que
le juge se trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 71 (et non par erreur de frappe
l’article 73) est tenu de se déporter, sous peine de poursuites disciplinaires. Or, l’article 71 du
Code d’OCJ énumère les causes de récusation. Autrement dit, les causes du déport sont les
mêmes que les causes de récusation. Dans ces circonstances, lorsque le juge estime lui-même
qu’il se trouve dans les conditions prévues à l’article 71 du Code d’OCJ, il doit se récuser ou
se déporter. De même, les autres causes du déport non énumérées à l’article 71 du Code
d’OCJ sont laissées à la discrétion du magistrat lorsqu’il estime qu’il existe un doute dans
son chef ou des tiers quant à sa stricte impartialité. Autrement dit, le magistrat estime de par
sa conscience qu’il n’est plus en mesure de juger l’affaire en toute impartialité. Il concède
qu’il ne se croit pas placé dans des conditions d’impartialité suffisantes pour rassurer sa
conscience et inspirer confiance aux tiers ; bref, il ne présente par les garanties d’impartialité
auxquelles tout accusé a droit659.

De la sorte, dès que ses relations avec un partie ou toutes autres circonstances risquent
d’altérer, si peu que ce soit, son indépendance et son impartialité de jugement, le magistrat a
l’obligation déontologique de refuser de siéger, c’est-à-dire se déporter. Ainsi, constitue une
cause de déport toute circonstance dans laquelle le justiciable peut légitimement redouter que
le juge n’offre pas toutes les garanties d’impartialité660.

Enfin, doit être cassé l’arrêt d’une Cour d’appel signé par un conseiller qui avait déjà
siégé dans la même affaire quand il était juge au premier degré et que, dans ces conditions, il
ne s’est pas déporté en application de l’article 71 du Code d’OCJ661 étant donné qu’il s’agit là
d’un devoir professionnel et même de conscience pour lui.

657
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.522
658
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, n° 205.
659
Cass. Belge, 21 février 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 750.
660
Liège, 17 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1033.
661
CSJ, 2 février 1972, RP60 Bull. 1973, p. 16.
159

Le juge qui désire se déporter informe le président de la juridiction à laquelle il


appartient en vue de pourvoir à son remplacement. Les dispositions relatives au déport sont
applicables au ministère public lorsqu’il intervient par voies d’avis (articles 79 et 80 du Code
d’OCJ).

§ 2. Le renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique

Le renvoi est un moyen par lequel une partie suspecte la partialité de tous les
magistrats d’une juridiction, saisit une juridiction supérieure pour que sa cause puisse être
renvoyée, connue, tranchée par une autre juridiction du même ordre et de la même catégorie
que la juridiction suspectée. Il est prévu pour les articles 82 à 83 du code d’OCJ. Nous
aborderons le renvoi pour cause de suspicion légitime et le renvoi pour cause de sûreté
publique.

A. Le renvoi pour cause de suspicion légitime

a) Principe

Le renvoi pour cause de suspicion légitime est le moyen par lequel une partie suspecte
la partialité de tous les juges d’une juridiction, s’adresse à une juridiction supérieure pour que
sa cause puisse être renvoyée, connue, tranchée, par une autre juridiction que celle suspectée.
Il s’agit donc d’une mesure collective en ce sens que lorsque la demande aboutit, l’affaire est
retirée à une juridiction dans sons ensemble parce que l’une des parties a des raisons légitimes
de craindre que cette juridiction ne traitera pas sa cause avec l’impartialité et l’objectivité
nécessaires662.

Le renvoi pour cause de suspicion légitime constitue une garantie préventive de


l’impartialité du juge en ce sens qu’il intervient avant que la partialité de la décision à venir ne
soit consommée. Il peut en effet s’indiquer de confier à une autre juridiction la compétence de
connaître d’un dossier afin d’éviter toute interférence d’éléments étrangers à celui-ci lors de
l’élaboration de l’intime conviction des juges.

La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « suspicion légitime ». Mais nous
pensons qu’il y a « suspicion » du juge saisi d’un litige, lorsqu’une partie n’a pas confiance de
la juridiction dans son impartialité. Cette suspicion n’est « légitime » que si elle est fondée sur
des raisons sérieuses663.

662
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 310.
663
M. DELANGE, De l’intervention de la Cour de cassation dans le dessaisissement du juge et dans le renvoi
d’un tribunal à un autre, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée judiciaire le 2 septembre 1974,
Bruxelles, Bruylant, p. 9.
160

La suspicion légitime suppose en effet qu’il y a impossibilité de constituer le siège à la


suite d’une récusation, visant l’ensemble des membres d’une juridiction664 de telle manière
que toute la juridiction est suspectée de ne pouvoir juger avec la sérénité requise665. Elle
permet de faire remplacer la juridiction elle-même lorsque c’est cette juridiction dans son
ensemble qui représente un risque de partialité666 et comprend tout fait susceptible de jeter le
doute quant à l’indépendance ou l’impartialité de la juridiction saisie667. Elle existe
notamment lorsque les « passions locales »perturbent les relatons entre les parties et les
juges668.

La suspicion légitime s’attache donc à l’impartialité de la juridiction saisie, la


légitimité de cette suspicion devant être fondée sur des motifs sérieux et consistants. Cette
procédure se distingue de la récusation par le fait que celle-ci ne concerne qu’un seul juge
alors que la suspicion légitime concerne le tribunal tout entier669.

b) Les causes de renvoi pour suspicion légitime

Les causes de suspicion légitime ne sont en général ni énumérées par la loi ni définies
par la même loi. Mais il est requis que ces causes soient sérieuses et à la fois graves. Ne
peuvent constituer une cause de suspicion légitime des allégations vagues de haine ou
d’inimitié entre les juges et une partie au procès. Il appartient donc au juge de renvoi
d’apprécier souverainement la cause de suspicion légitime.

Relevons cependant qu’aucune cause de suspicion légitime ne peut être soulevée


devant la Cour de cassation ou Conseil d’Etat ou Cour constitutionnelle compte tenu du fait
qu’aucune juridiction supérieure à l’une ou l’autre n’existe pour pouvoir statuer sur une
demande éventuelle de renvoi.

Comme on vient de le constater, en République Démocratique du Congo, la loi670 n'a


pas énuméré les causes de suspicion légitime. Mais, il est requis que ces causes soient

664
C.S.J., 30 novembre 1983, R.R.28, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour
suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. renvoi pour cause de suspicion légitime, n°
29, p. 202.
665
C.S.J., 3 mars 1982, R.R.13, in DIBUNDA K., Ibidem, p. 201 ; Cass. Belge (1ère Ch.), 30 avril 2004,
C.04.0183.F, Larc. Cass., 2004, p. 126.
666
TH. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 2e éd. Montchrestien, 2002, p. 859 ; J.M. PIRET, « Impartialité
du juge et suspicion légitime », in Présence du droit public et des droits de l’homme. Mélanges offerts à
Jacques Velu, Tome II, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 861.
667
Cassation belge, 8 juin 2001, Pasicrisie belge, 2001, p. 1083 ; Cassation belge, 10 septembre 2003, R.G.P
03.1239.F.
668
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 227, p. 216.
669
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection
scientifique, 1989, p. 996 ; J.M. PIRET, « Impartialité du juge et suspicion légitime », in Présence du droit
public et des droits de l’homme, Mélanges à Jacques Velu, t. 2, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 862 ;
M.A.BEERNAERT, « De la suspicion légitime et des juges d’instruction », IDJ, 1997, n° 3,
p. 55.
670
Articles 82 et 83 du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires.
161

sérieuses, à la fois graves et précises pour faire craindre que la juridiction dont le
dessaisissement a été demandé ne décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt
personnel relatif à un ou plusieurs membres671.

Tel est le cas d'une requête fondée sur la crainte du demandeur au sujet du manque
d'impartialité et d'indépendance de la juridiction incriminée qui est basée sur l'acharnement
d'un juge à instruire des causes opposant le demandeur à un défendeur qui serait membre de
sa famille672 ou lorsqu'une juridiction comprenant quatre magistrats, deux d'entre eux ne
peuvent plus connaître de l'affaire, pour y avoir déjà siégé avant la cassation, et qu'il est dès
lors impossible à cette juridiction de composer valablement le siège673 ou lorsque toute la
juridiction est suspectée de ne pouvoir juger avec la sérénité requise674.

Il a été jugé que milite en faveur du renvoi de la cause pour suspicion légitime
devant une autre juridiction, l'immixtion d'un gouverneur de province dans les actes de
justice par la tenue à l'intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d'une
causerie morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et
ceux de la Cour d’appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de
statuer sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont
déjà posé des actes établissant que l'impartialité de ceux de la Cour d’appel suspectée n'est
plus assurée675. Il en est de même lorsque le gouverneur de province a pris une part active
dans l’organisation des poursuites et dans l’instruction d’une affaire en décidant
notamment la réincarcération du requérant mis pourtant en liberté provisoire par un juge de
paix et en organisant une campagne de sensibilisation par voie de presse676.

On peut s'étonner comment un gouverneur de province, représentant du pouvoir


exécutif en province, puisse empêcher une Cour d’appel, en théorie indépendante de tout
pouvoir, à assurer sereinement la distribution de la justice. Nous pensons que cela constitue
une atteinte à l'indépendance des magistrats dans l'exercice de leur fonction.

671
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
672
C.A. Kinshasa-Matete, 24 janvier 1996, Booto N. c/Mpayi K., R.R.034, Revue analytique de jurisprudence du
Congo, janvier à décembre 1997, p. 46.
673
Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la
Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 30, p. 202.
674
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R . R . 13, in DIBUNDA K., op. cit., n° 20, p. 201.
675
Cour suprême de justice, 16 mars 1990, R.R.148, affaire Ba et Ka c/Cour d’appel de Lubumbashi, in Revue
juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1, 2 et 3, pp. 46-47.
676
C.S.J., 10 février 1987, M. contre Cour d’appel de Lubumbashi, RR 83, Revue juridique du Zaïre, 1987, p.
107, note Dibunda.
162

Ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime, des allégations vagues de


haine ou d'inimitié entre les juges et une partie au procès et ne reposant sur aucune
preuve677.

De même, la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime devient sans objet
lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du litige avec
l'examen de 1a requête par la Cour suprême de justice678 ou si les juges mis en cause sont
décédés entre-temps et remplacés par d'autres et que la partialité de ceux-ci n'est pas
démontrée679 ou si les membres de la composition du siège ont été mutés680 ou lorsque le
tribunal mis en cause n'est pas encore saisi681 ou si la demande s'appuie sur une erreur
matérielle de la juridiction mise en cause682 ou lorsque la demande de suspicion légitime ne
concerne pas tous les juges composant la juridiction683.

Comme pour la récusation, la requête aux fins de suspicion légitime doit s'appuyer
sur des faits précis et probants. Mais, il est regrettable de constater que la Cour suprême de
justice congolaise accueille une telle demande alors que les faits dénoncés à l'encontre des
magistrats du siège ne sont pas établis, au motif qu'étant donné que ceux-ci devraient se
déporter et qu'en tenant compte du nombre restreint des magistrats et de multiples causes
d'indisponibilité qui peuvent affecter ceux des juges contre lesquels le requérant n'a pas
articulé de griefs ou bien le siège risque de ne pas être facilement composé dans un délai
raisonnable, ou bien, il ne pourrait pas statuer en toute sérénité684.

Nous pensons que lorsque les faits ne sont pas établis, l'on ne peut pas accepter la
demande de suspicion légitime car cela risque de perturber inutilement l'administration de
la justice. Il est étonnant de trouver un tel raisonnement à la Cour suprême d'autant plus

677
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-
1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve
Thomba Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29
novembre 1988, Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de
justice, 24 février 1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ;
C.S.J., 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
678
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R 32 ; in
DIBUNDA K. MP., op. cit., p. 201.
679
Cour suprême de justice, 9 mars 1990, R.R.147, Affaire F et Trabeza c/Cour d’appel de Lubumbashi, in
Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1-2 et 3, pp. 46-47.
680
Cour suprême de justice, 24 février 1989, R.R.140, MB c/Mr et Mme C, in Revue juridique du Zaïre, n° 1-2
et 3, 1989, p. 40 ; Cour d’appel de Bukavu, 1er décembre 1987, R.S.L.034, Les Etablissements Kima-SPRL c/
le tribunal de grande instance de Kindu, inédit.
681
Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, R.R. 163, MW c/ H, in Revue juridique du Zaïre, janvier à août
1993, n° 1 et 2, p. 22 ; Cour d’appel de Bukavu, 18 novembre 1988, R.S.L.039, affaire Bwindwa Mukunda c/
le tribunal de grande instance de Bukavu, inédit.
682
Cour d’appel de Bukavu, 26 janvier 1982, R.C.R.001, affaire Mayele Ukumu c/Kayigi Petit et tribunal de
grande instance de Goma, inédit.
683
Cour suprême de justice, 12 septembre 1997, R.R.247, L.M. Lopes Lima c/Sté Copra-Congo Mr Frenando et
Sté Tomemar, Revue analytique de jurisprudence du Congo, janvier à décembre 1997, vol. II, fascicule
unique, p. 31 ; Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11, in DIBUNDA M., op. cit., n° 27, p. 201.
684
Cour suprême de justice, 18 février 1982, R.R.9, in DIBUNDA, K. MP., op. cit., p. 201, n° 25.
163

qu'en cette matière la loi exige des parties qui l'invoquent d'en produire la preuve. Aussi,
étant donné que la suspicion légitime vise toute la juridiction, il est incompréhensif que l'on
accepte le renvoi alors que tous les juges de la composition ne sont pas mis en cause685.

De même en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas énumérées par
la loi. Celles-ci sont laissées à l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être
diverses. En principe elles ont pour but de garantir l'impartialité de la juridiction
suspectée.

Par contre en France, les causes de suspicion légitime sont les mêmes que celles
de la récusation686. Lorsque ces causes ne sont pas déterminées, l'hypothèse qui conduit
généralement au dessaisissement pour cause de suspicion légitime quant à l'aptitude à
juger de manière objective et impartiale résulte des sentiments favorables ou défavorables
qui pourraient animer un tribunal chargé de connaître d'une affaire lorsque la personnalité
des parties en cause est particulière en raison de liens professionnels ou de liens de famille
ou de toutes autres considérations. Aussi, les motifs invoqués doivent être précis, sérieux
et de haute gravité. Nous allons valider cette hypothèse.

Ainsi, la Cour de Cassation belge considère qu'il y a suspicion légitime quant à


l'impartialité d'une juridiction lorsqu'il existe des circonstances susceptibles de porter
atteinte à la sérénité des juges687, de donner l'impression que l'ensemble des juges ne seraient
pas en mesure de statuer en la cause de manière indépendante ou impartiale688, la
circonstance que l'assemblée générale des magistrats d'un tribunal a adopté une motion de
soutien à l'un de ses membres, constitué partie civile dans une procédure pendante devant ce
tribunal689, le fait que le premier président de la Cour d’appel est personnellement concerné
dans l'affaire, en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de la Cour
d’appel690, le fait qu'un conseiller de la Cour d’appel s'est constitué partie civile contre un
prévenu de la cause duquel ladite Cour est saisie691, la circonstance que le président de la

685
Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA,
K. MP., op. cit., pp. 201-202.
686
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
687
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, R.G.C.01.0571.N., Larc. cass., 2002, n° 793, p. 149 ; Cass.. belge (1ère
ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
688
Cass. belge, 1er avril 1998, Pas., 1998, I, p. 424 ; Cass. belge, 13 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 336 ; Cass. belge
(1ère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
689
Cass. française, crim., 3 novembre 1995, Bull. inf. cour cass., 1er mars 1995, n° 240 ; Dr. pénal,1995, comm.
27, obs. A. Maron.
690
Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Larc. cass., 2001, p. 317, Pas., 2001, p. 1587 ; Cass.
française (2e ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas.., 2000, 1473.
691
Cass. belge (2e ch.), 10 octobre 2001, P.01.1321.F., Pas.., 2001, 1615 ; Larc. cass., 2001, p. 318 ; Dans le
même sens Cass. belge (2e ch.), 22 juin 1999, P.99.0899.N., Pas., 1999, I, 956 (le juge s'était constitué partie
civile au tribunal correctionnel) ; Cass. belge (ch. vac.), 27 juillet 1999, Larc. cass., 1999, p. 234 ; Cass. belge
(2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771.F, Larc. Cass, 2003, p. 150 (le requérant avait harcelé deux juges
d'instruction près le tribunal de première instance) ; Cass. belge (2e ch.), 22 novembre 2000, P.00.1355.F.,
Pas., 2000, 1788 (aucun membre effectif de cette juridiction n'avait estimé pouvoir siéger en la cause et que la
partie civile y était conseiller suppléant) ; Cass. française, 16 mai 2000, Bull. crim., mai 2000, n° 191, pp. 564-
565 (le requérant avait déposé plainte avec constitution de partie civile contre le juge d'instruction) ; Cass.
164

juridiction faisant l’objet de la demande en dessaisissement a déposé plainte contre le


demandeur de suspicion légitime du chef d’outrage, de calomnie et de diffamation692.

De même, constitue une cause de suspicion légitime, les relations tendues qui
s’observent entre, d’une part, les membres d’une association dont font partie le requérant
ainsi que d’autres membres qui siègent au Conseil ou sont appelés à y siéger et, d’autre part,
plusieurs autres membres du Conseil693 ou l'un des juges est la partie demanderesse dans
deux causes pendantes devant le même tribunal694, le fait que deux juges d’instruction du
même tribunal soient victimes de harcèlement695, le fait que l'épouse du requérant soit juge
d'une juridiction saisie696 ou le fait que les personnes lésées par les faits imputés au prévenu
soient la fille, le mari et le fils de l'auditeur du travail du même arrondissement judiciaire697
ou la victime soit le substitut du procureur du Roi dans un arrondissement judiciaire
limitrophe et fils du procureur du Roi compétent698 ou aussi la victime soit le fils du
Procureur général près la Cour d’appel d'autant que la juridiction saisie est le tribunal de
première instance du même ressort où ledit magistrat occupe les plus importantes
fonctions699 et la circonstance que le requérant a introduit ou avait introduit des procédures
contre les organes du conseil provincial compétent en matière disciplinaire700.

Ne constitue pas un dessaisissement pour cause de suspicion légitime, la demande


qui invoque des griefs étrangers à la partialité ou à l'indépendance701, qui contient des griefs
dépourvus de précision702 ou des suppositions téméraires relatives à l'impartialité du
tribunal703.

Tel est le cas d'une requête qui se fonde sur des griefs critiquant l'interprétation des
règles de droit par le juge de fond704 au motif que les juges auraient commis des erreurs de

belge (3e ch.), 3 décembre 2001, C.01.0517.F., Larc. cass., 2002, p. 111 (l'une des partie litigantes exerçait les
fonctions de conseiller à la Cour d’appel).
692
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, C.01.0571.N, Pasicrisie belge, 2002, 189.
693
Cass. belge (1ère ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F, Pasicrisie belge, 2002, 205.
694
Cass. belge (1ère ch.), 4 mai 2000, C.00.0131.N., Pas., 2000, I, 842.
695
Cass. belge (2e ch.), 28 mai 2003, P.03.0771.F., Rev. dr. pénal et criminologie, 2003, pp. 1312-1313 ; Cass.
belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771, J.L.M.B., 2004, p. 333, note F. Kuty, pp. 334-336.
696
Cass. belge (2e ch.), 5 novembre 1996, Pas.., 1996, I, 1081.
697
Cass. belge (2e ch.), 23 janvier 2001, P.01.1625.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
698
Cass. belge (2e ch..), 10 octobre 2000, P.00.1352.N., Pas.., 2000, 1516 ; Larc. cass., 2000, p. 343.
699
Cass., belge (2è ch.), 19 juin 2002, Journal des procès, 28 juin 2002, n° 440, p. 9.
700
Cass. belge (lère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
701
Cass. belge (1ère ch.), 8 juin 2001, C.01.039.N., Pas., 2001, 1083 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001,
P.01.0048.F., Larc. cass., 2001, p. 68, Pas., 2001, 161 ; Cass. belge (lere ch.), 9 novembre 2000 ; C.00.0592.F.,
Larc. cass., 2000, p. 342 ; Pas., 2000, 1720.
702
Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98 ; Cass. belge (2e ch.), 12 décembre 2001, P.01.1587.F.,
Larc. cass., 2002, p. 111 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001, P.01.0048.F., Pas., 2001, 161 ; Cass. belge
(1ère ch.), 9 novembre 2000, C.00.0592.F., Pas., 2000, 1720 ; Cass. belge (ch. vac.), 18 juillet 2000,
C.00.0333.F., Larc. cass., 2000, p. 246 ; Cass. belge (2e ch.), 24 mai 2000, P.00.0799.F., Larc. cass., 2000, p.
220 ; Cass. belge (2e ch.), 14 avril 1999, P.99.0444.F., Pas., 1999, I, 511 ; Cass. belge (1e ch.), 10 mai 2001,
C.01.0190.F., Pas., 2001, 819.
703
Cass. belge (2e ch.), 6 mai 1998, Pas., 1998, I, 522 ; Larc. cass, 1998, p. 200.
704
Cass. belge (2e ch.), 1er avril 1998, Pas., 1998, I, 424 ; Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98.
165

procédure ou des applications erronées des règles de droit705 car de telles erreurs pourraient
donner lieu à l'exercice des voies de recours et ne sauraient établir leur partialité, non plus que
faire peser sur eux un doute sur leur impartialité. De même, la seule circonstance qu'un arrêt de
la Cour Européenne des Droits de l'Homme a précédemment constaté la violation de l'article 6
de la CEDH en raison de la durée excessive d'une procédure opposant les mêmes parties devant
diverses juridictions, parmi lesquelles celle saisie, ne constitue pas un motif légitime de
suspecter l'impartialité d'une juridiction706.

Aussi, ne constitue pas une cause de suspicion légitime, la circonstance que le


demandeur serait mal apprécié au palais de justice en raison de ses activités professionnelles de
son appartenance à un mouvement politique auquel nombre de juges dudit tribunal seraient
opposés707, qu'il aurait noué des liens d'amitié mais aussi d'inimitié avec de nombreux
magistrats708, qu'il a étudié à l'université avec plusieurs magistrats du tribunal appelé à le
juger709, que l'un des juges de ce tribunal serait apparenté à un huissier de justice contre lequel il
avait porté plainte dans le passé710, que l'accusé a exercé pendant plus de trente ans la profession
d'avocat dans le ressort de la Cour d’appel appelée à procéder à sa mise en accusation711, la
circonstance que certains membres du Conseil de l'Ordre qui avaient rendu précédemment une
sentence soient amenés à connaître des nouvelles poursuites disciplinaires diligentées contre le
requérant712 et le grief qui procède à une discrimination fondée sur le sexe, le demandeur
mettant en cause l'aptitude de tout magistrat féminin à le juger713, la circonstance que le tribunal
de commerce n’aurait pas fixé les délais pour conclure conformément aux délais proposés de
commun accord par les parties ni du contexte dans lequel cela s’est passé selon les
demandeurs714, lorsque les requérants ne démontrent pas que le prétendu défaut d’impartialité et
d’indépendance existe dans le chef de tous les juges du tribunal dont le dessaisissement est
demandé715, la circonstance que les membres du Conseil de l’Ordre adressent une lettre au
président de la commission médicale permanente, attirant son attention sur l’état de santé d’un
médecin paraissant de nature à compromettre son aptitude à exercer à l’art de guérir716.

La jurisprudence française même si elle s'inspire des causes de récusation en matière


civile, elle a généralement les mêmes enseignements que la jurisprudence belge. Ainsi,
constitue une suspicion légitime, les circonstances que le premier président de la Cour d’appel
était partie dans un litige pendant cette Cour717.

705
Cass. française (2e ch. civ.) 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 258, pp. 217-218.
706
Cass. française (2ème ch. civ.), 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 259, pp. 218-219.
707
Cass. belge, 31 mai 2000, RGP.00.829.F.
708
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 693.
709
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
710
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
711
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., I, 693.
712
Cass. belge (lere ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F., Larc. cass., 2002, p. 193.
713
Cass. belge (2e ch.), 10 septembre 2003, P.03.1239.F., Larc. cass., 2003, p. 180.
714
Cass. belge (ch. vac.), 13 juillet 2004, C.04.0258.N., Larc. cass., 2004, p. 240.
715
Ibidem.
716
Cass. belge (1ère ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F, Pasicrisie belge, 2002, 739.
717
Cass. française (2e ch. civ.), 31 janvier 1958, J.C.P., 1958, éd. G, IV, 34 ; Cass. française (2e ch.), 24 janvier
2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6. Dans le même sens Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F.,
166

Le doute manifesté par un plaideur au sujet de l'impartialité des juges composant une
juridiction constitue une manifestation très grave que seuls peuvent justifier des motifs
particulièrement sérieux et pertinents, à l'exclusion de l'injuste rancœur ou des soupçons
imprécis de suspicion légitime. Il s'ensuit que la requête est rejetée si le demandeur indique
qu'il ne met pas en doute l'impartialité des juges718. Il en est ainsi de la simple allégation,
imprécise et non justifiée d'un prétendu climat défavorable au requérant, lequel se plaint de
décisions d'expulsion intervenues à son encontre, du refus d'octroi du bénéfice de l'assistance
judiciaire719, la simple allégation d'une animosité dont le demandeur serait victime de la part des
magistrats d'une Cour d’appel dès lors qu'aucune preuve n'est rapportée720, d'appréhension sans
fondement sérieux721, d'un climat favorable à l'adversaire régnant dans la ville et dont les
magistrats de cette ville pourraient difficilement se dégager722, les vantardises de l'adversaire au
sujet de son influence auprès des membres du tribunal723, le rejet, des réclamations
injustifiées724, l'octroi réitéré de remises sollicitées par l'adversaire725.

Comme nous l’avons souligné, en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas
énumérées par la loi, par contre en France, ce sont les mêmes causes de récusation qui
constituent les causes de renvoi pour suspicion légitime. En conséquence, la suspicion légitime
suppose, en principe, l’existence d’une cause de récusation à l’encontre de tous les membres de
la juridiction concernée726.

La jurisprudence s'est révélée parfois surprenante. Tel est le cas de soutenir qu'est
insuffisante pour entraîner une suspicion légitime un climat défavorable à la sérénité des
juges727, le ressentiment que pourrait éprouver une partie à l'égard du tribunal dont il a dénoncé
certains agissements au garde des sceaux et à la presse728, la requête présentée par un homme
d'affaires dont l'inscription sur la liste des conseils juridiques a été refusée, faisant état de ce
que plusieurs personnes, ayant eu recours à ses conseils auraient perdu leur procès et de ce que
les juges d'appel auraient souligné dans un arrêt son manque de connaissance juridique729.

Nous pensons que ces éléments pourraient à ce jour mettre en doute l'impartialité des
membres du tribunal. En effet, lorsque la sérénité des juges fait défaut, on voit mal comment

Pas., 2001, p. 1587 ; Larc. cass., 2001, p. 317 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000,
1473.
718
Cass. française (2e civ.), 3 juillet 1977, Bull. civ., II, n° 145.
719
Cass. française (2e civ.), 7 mai 1965, Bull. civ., II, n° 414.
720
Cass. française (2e civ), 19 mars 1980, Gaz. Pal., 1980, 2, p. 548, note Viatte.
721
Cass. française (2e civ.), 26 novembre 1964, Bull. civ., II, n° 768.
722
Cass. française (2e civ.), 17 juin 1970, Bull. civ., II, n° 214.
723
C.A. Paris, 11 mai 1938, Gaz. Pal., 1938, 2, p. 130.
724
Cass. française com., 26 janvier 1948, J.C.P., 1948, éd. G. IV, 46.
725
Cass. française (2e civ.), 28 janvier 1954, Bull. civ., II, n° 34.
726
Cour d’appel Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 465, obs. A.D. ; Cour d’appel Versailles, 28 mai
1991, Cahier prud’homal, 1992, 4, p. 61.
727
Cass. française (2e civ.), 14 mars 1963, Bull. civ., II, n° 256.
728
C.A. Aix, 14 mars 1965, J.C.P., 1965, éd. A, IV, 2518.
729
Cass. française (2e civ.), 4 juin 1973, Bull. civ., II, n° 189 ; Dans la même affaire Cass. française (2e civ.), 23
janvier 1974, Bull. civ., II, n° 39 ; Cass. française (2e civ.), 12 avril 1976, Bull. civ., II, n° 118.
167

une juridiction peut juger en toute indépendance et impartialité. Il en est de même de celui qui a
dénoncé les agissements des membres du tribunal au garde des sceaux et à la presse dès lors que
ces derniers risqueraient d'être juge et partie. Enfin, il nous semble qu'une juridiction qui a
souligné dans son arrêt que le requérant n'avait pas de connaissance juridique dans sa
profession de conseil juridique, aurait une opinion négative sur l'une des parties. Dans tous les
cas, ces éléments seraient en violation de l'impartialité subjective ou personnelle. Ceci montre
que la suspicion légitime en droit interne est restrictive que l’impartialité subjective ou
personnelle telle que prônée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg.

B. Le renvoi pour cause de sûreté publique (articles 82 et 83 du Code d’O.C.J.)

Il y a renvoi pour cause de sûreté publique lorsque les juges d’une juridiction sont loin
d’un procès serein et se sentent gravement menacés dans leur sécurité personnelle et dans leur
indépendance et afin de sauvegarder leur impartialité, la juridiction supérieure les dessaisit au
profit d’une autre de la même nature et du même degré.

Le cas de renvoi pour cause de sûreté publique n’est pas indiqué ou défini par la loi,
c’est au juge saisi de la requête de renvoi qu’appartient de décider souverainement pour
chaque cas d’espèce. Mais cette requête est souvent consécutive aux réactions vives, violentes
et parfois passionnées de l’opinion publique à propos d’un procès engagé devant une
juridiction au point de perturber l’ordre public.

Le renvoi pour cause de sûreté publique est sollicité lorsqu’il y a lieu de craindre que
la tranquillité publique puisse être compromise si la cause devait être jugée par la juridiction
qui en est saisie. Elle s’étend également à la menace qui pèse sur l’indépendance de la
juridiction saisie730 et par voie de conséquence, sur son impartialité.

Cette procédure a pour but d’éviter que le contenu de la décision judiciaire prononcée
dans un climat de trouble et d’atteinte à la tranquillité et à la sécurité publique ne puisse pas
être influencé par des considérations étrangères à une administration impartiale et sereine de
la justice. Les nécessités de la sûreté publique se font sentir lorsque l’indépendance et
l’impartialité des juges sont menacées de manière directe ou indirecte.

Les circonstances de renvoi pour cause de sûreté publique se fondent notamment sur la
nécessité de maintenir la sûreté ou de préserver les magistrats de l’état de guerre ou de risque
d’émeute, de violences, de désordre, de troubles et d’intimidation. C’est lorsque notamment la
chambre du conseil avait été envahie, des débats interrompus, les juges contraints de se
réfugier dans un autre local, les serrures avaient été brisées, le président avait été outragé ; de
nouveaux troubles étaient à craindre731.

730
W. DUJARDIN, « Des règlements de juges et de renvois d’un tribunal à un autre », Les novelles, Procédure
pénale, t. II, vol. II, Bruxelles, Larcier, 1949, n° 155.
731
Cass. française, requête, 17 décembre 1946, JCPA 1947, IV, 672.
168

C. La décision de renvoi

Le renvoi d’une affaire de l’une à l’autre juridiction est une importante décision sur le
plan des règles de compétence et d’organisation judiciaires. Il a en effet pour résultat de
provoquer une prorogation (dérogation, exception) de la compétence de la juridiction de
renvoi et de soustraire une partie à son juge naturel.

a) La juridiction compétente

Une décision de renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique est en
général l’œuvre d’une juridiction supérieure à celle suspectée de partialité. Il est en effet
difficile d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction
saisie du litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.

b) La procédure de renvoi

A ce sujet, il convient de se référer à l’article 83 du Code d’organisation et


compétence judiciaires qui déclare :
« La requête aux fins de renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut
être présentée, soit par le Procureur général de la République, soit par l’officier du Ministère
Public près la juridiction saisie.
Pour cause de suspicion légitime, la requête peut également être présentée par parties.
La requête sera introduite par écrit.
La juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la requête.
Sur la production d’une expédition de cet acte par le Ministère public, ou par la partie la plus
diligente, la juridiction saisie quand au fond sursoit à statuer.
La date d’audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires.
Les débats se déroulent de la manière suivante :
1. Le requérant expose ses moyens.
2. La partie adverse présente ses observations.
3. Le ministère public donne son avis s’il échet.
4. Le Tribunal clôt les débats et prend la cause en délibéré.
Une expédition de jugement ou de l’arrêt de renvoi sera transmise, tant au greffe
de la juridiction saisie qu’au greffe de la juridiction à laquelle la connaissance de l’affaire a
été envoyée.
La décision sur la requête doit être rendue dans la huitaine de la prise en délibéré de
l’affaire.
Elle n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel ».

Nous conformant à cette disposition, nous examinerons brièvement la procédure de


renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique en abordant l’introduction de la
169

demande (1), la juridiction compétente et voies de recours (2) ainsi que les sanctions
applicables (3).

1. L’introduction de la demande

En République démocratique du Congo, la requête de renvoi pour cause de suspicion


légitime peut être présentée soit par le ministère public soit par les parties devant la juridiction
qui doit connaître la procédure732. Avant d’y statuer, la juridiction siégeant en cette matière
donne au requérant acte de dépôt de sa requête733. Si c’est la Cour d’appel qui est suspectée de
partialité, celle-ci ne peut surseoir à statuer qu’au vu de l’arrêt ou donner acte de cette requête
rendue pour la Cour suprême de justice734.

La requête en renvoi pour cause de suspicion légitime est considérée sans objet
lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du litige avant l’examen
de la requête par la Cour suprême de justice735ou avant même que la Cour suprême de justice
n’ait examiné le bien-fondé de la demande, la Cour d’appel suspectée a statué dans la cause
en déclarant l’appel irrecevable736.

De même, peut être irrecevable pour défaut de qualité, une requête en renvoi de
juridiction pour une cause de suspicion légitime portant la signature illisible d’un avocat non
identifié et non muni de procuration spéciale pouvant établir qu’il a été mandaté pour ce
faire737.

2. Juridiction compétente et voies de recours

S’agissant de la juridiction compétente en matière de suspicion légitime ; au Sénégal,


si la juridiction mise en cause est le tribunal régional ou départemental, c’est la Cour
d’appel738, et dans le cas où la suspicion concerne la Cour d’appel, la compétence est dévolue
à la Cour de cassation739. Les demandes de renvoi pour suspicion légitime ne sont pas admises

732
Article 83 du Code congolais de l’organisation et de la compétence judiciaires.
733
Cour suprême de justice, 2 février 1982, R.R.15 ; Cour suprême de justice, 15 février 1982, R.R.16, in
DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa,
Ed. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime, n° 26, p. 201 ; C.S.J., 7 septembre 2003, B.
contre Cour d’appel de Kin/Gombe, RR 393, RAJC, vol. VIII, janvier à décembre 2003, fascicule unique, pp.
9-10, note Dibunda ; T.G.I. Mbujimayi, 9 avril 2001, N. c/ M., RPA 362/TGI, RAJC, janvier à décembre 2001,
vol. IV, pp. 43-44.
734
Cour d’appel de Kinshasa, 3 avril 1987, RCA 13.128 ; KATUALA K K., Code judiciaire zaïrois annoté,
Kinshasa, éd. Asyst S.P.R.L., 1995, p. 34; C.S.J., 16 juin 1982, RC 545, in DIBUNDA M., op. cit., n° 23, p.
201.
735
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in
DIBUNDA M., op. cit., n° 18, p. 201 ; C.S.J., 17 juillet 1992, Mw c/H, RR 163, Revue juridique du Zaïre, p.
22.
736
Cour suprême de justice, 13 mai 1981, R.R.10, in DIBUNDA M., op. cit., n° 19, p. 201.
737
C.S.J., 27 février 1987, Op. contre Christian et Cour d’appel de Kinshasa, RR 109, Revue juridique du Zaïre,
1987, p. 107.
738
Articles 231 et 236 du Code sénégalais de procédure civile.
739
Article 61 de la loi n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation sénégalaise.
170

contre le Conseil constitutionnel, ni contre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ou l’une


de leurs formations740. La loi est muette concernant la possibilité de faire appel, mais nous
pensons qu’en cette matière, le recours ne serait pas prévu étant donné qu’en récusation,
l’appel y est exclu. Il n’est pas concevable que l’on exclut l’appel en matière de récusation et
l’autoriser en suspicion légitime741. Aussi, la loi742 prévoit qu’il n’est pas nécessaire d’appeler
les parties à l’audience en matière de suspicion légitime, l’interprétation de ce texte montre
que l’opposition y est exclue ; ce qui montre à suffisance que l’appel n’y est pas permis.

En Côte d’Ivoire, c’est l’assemblée plénière de la chambre judiciaire de la Cour de


cassation qui est compétente743, en conséquence, ses décisions ne sont pas susceptibles
d’appel. Au Bénin, c’est la Cour suprême qui est compétente744, l’appel y est exclu.

En République Démocratique du Congo, le tribunal de grande instance est compétent


si c’est le tribunal de paix de son ressort qui est mis en cause ; la Cour d’appel est compétente
si c’est le tribunal de grande instance de son ressort qui est visé ; la Cour suprême de justice
est compétente lorsque c’est la Cour d’appel qui est mise en cause745. Ainsi, la Cour suprême
de justice est incompétente pour statuer sur les mérites d’une requête en renvoi pour cause de
suspicion légitime d’une cause pendante devant un tribunal de grande instance à un autre
tribunal de grande instance étant donné que cela relève de la compétence exclusive de la Cour
d’appel746.

Contrairement au Sénégal, les parties sont invitées à présenter chacune leurs moyens,
la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime n’est susceptible ni d’opposition ni
d’appel747. Relevons qu’aucune cause de suspicion légitime ne peut être soulevée contre la
Cour suprême de justice, Cour de cassation et Cour constitutionnelle compte tenu du fait
qu’aucune juridiction supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une demande éventuelle de
renvoi.

3. Les sanctions applicables

740
Ibidem.
741
Article 653 du Code sénégalais de procédure pénale.
742
Article 236 du Code sénégalais de procédure civile.
743
Article 34 de la loi n° 94-440 du 16 août 1994, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et
le fonctionnement de la Cour suprême modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ; article 631
du Code ivoirien de procédure pénale.
744
Article 106 de l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition,
l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ; article 437 du projet de loi portant
Code de procédure civile au Bénin.
745
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977,
p. 5.
746
Cour suprême de justice, 19 août 1983, R.R.29, in DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de
la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 28, p. 201.
747
Articles 82 et 83 de l’ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982 portant Code de l’organisation et de la
compétence judiciaires, in Journal officiel de la République du Zaïre n° 7 du 1er avril 1982, p. 39 ; Journal
officiel de la République du Zaïre n° 7 du 1er avril 1983, p. 9.
171

Les législations africaines n’ont pas prévu les sanctions à l’encontre du demandeur
d’une requête téméraire et vexatoire en matière de suspicion légitime. D’ailleurs, la Cour
suprême de justice congolaise s’est déclarée incompétente pour statuer sur les mérites d’une
demande en réparation du préjudice causé par une requête en renvoi pour cause de suspicion
légitime introduite à la légère et pour des fins purement dilatoires748. Les mêmes raisons que
nous avons soulevées concernant la nécessité de renforcer des sanctions civiles en matière de
récusation s’y appliquent mutatis mutandis. Elles auront pour but de décourager ceux qui
voudraient inutilement salir l’image des juges par des demandes de suspicion légitime
dilatoires et vexatoires susceptibles de retarder l’issue du procès. Comme pour la récusation,
les actes accomplis par une juridiction ne présentant pas les garanties d’impartialité doivent
être considérés irréguliers et écartés des débats, lesquels sont, après suspicion légitime repris
ab initio par la juridiction désignée.

Section 9 : Les différentes voies de recours


contre les décisions de justice

Les voies de recours sont des procédures ouvertes aux parties ou aux tiers en vue
d’obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé en tout ou en partie749. Le législateur a
prévu plusieurs mécanismes pour protéger les justiciables contre les abus et l’arbitraire de la
justice, à savoir : les voies de recours ordinaires (§1) et les voies de recours extraordinaires
(§2).

§1. Les voies de recours ordinaires

Il s’agit des voies de recours ouvertes aux parties dans tous les cas et permettent
d’attaquer en tous points la décision. Elles produisent un effet suspensif de l’exécution. L’on
distingue l’appel et l’opposition.

A. L’appel

Ce recours vise la réformation d’un jugement ou arrêt par une juridiction supérieure
pour mal jugé. La juridiction d’appel statue en fait et en droit c’est-à-dire sur la forme et sur le
fond (articles 96 à 108 du Code de procédure pénale, articles 66 à 79 Code procédure civile).
En matière pénale, le délai est de 10 jours francs. Ce délai est augmenté des délais de distance
de 1 jour pour 100 km et ne peut dépasser 45 jours. En matière civile, le délai est de 30 jours.
Celui qui exerce cette action s’appelle l’appelant. Ce recours ouvre un second degré de
juridiction aux fins d’un réexamen complet du litige.

748
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R.R.13, in DIBUNDA M, ibidem, n° 22, p. 201.
749
G. DELEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2005, n° 188, p. 279.
172

Pour pouvoir faire l’appel d’une décision judiciaire, l’on doit justifier d’un intérêt. En
conséquence, viole le principe général du droit, le jugement qui a reçu l’appel alors que
l’appelant avait obtenu tout ce qu’il avait demandé devant le premier juge750.

En principe, le même juge qui a siégé au premier degré ne peut plus siégé en appel car
sa décision peut faire l’objet du pourvoi en cassation étant donné qu’il y a violation de la loi.
De même, le principe d’impartialité du juge exige que le même juge n’agisse pas aux
différents degrés de juridiction, au sujet de la même affaire et mêmes parties étant donné qu’il
y aurait dans son chef un « préjugement » qu’il chercherait à confirmer en appel. Cette
absence d’impartialité est ainsi évidente en matière pénale751, civile752, administrative et en
matière disciplinaire753.

B. L’opposition

C’est un recours de rétractation porté devant la juridiction qui a rendu la décision


attaquée par un justiciable qui a été condamné par défaut (à son absence). Elle permet à une
partie qui n’a pas comparu de demander au juge qui a rendu la décision de se rétracter. Elle
est prévue par les articles 88 à 95 du Code de procédure pénale et 61 à 65 du Code de
procédure civile. Elle existe dans tout le contentieux (civil, pénal, administratif,
constitutionnel) afin de respecter le principe du contradictoire, mais il existe des nuances
d’une procédure à l’autre754. En matière pénale, le délai est de 10 jours outre les délais de
distance et en matière civile, le délai est de 15 jours. Celui qui exerce cette action est appelé
opposant. Il s’agit du recours du juge mal informé au juge bien informé ; il relève de la
compétence exclusive de la juridiction qui a statué par défaut mais ce n’est pas
nécessairement le même juge qui connaît du recours.

L’opposition est donc une voie de recours indispensable qu’utile à la bonne


administration de la justice et qui laisse intact le principe du double degré de juridiction, le
défaillant ayant l’occasion de soumettre son argumentation tant au juge qui a connu du défaut
qu’à la juridiction supérieure. En matière pénale, un jugement par défaut est opposable au
moment où l’on en a pris connaissance soit par signification, soit par l’arrestation opérée dans
le cadre de son exécution755. En matière de procédure administrative, le fait de ne pas produire
de mémoire dans le délai imparti permet de conclure au désistement des recours généraux756.

750
C.S.J., 29 août 1979, Bull., 1984, p. 251.
751
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de droit, U. C. L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 385 – 389.
752
Ibidem, pp. 480 - 484
753
Ibidem, pp. 520 -522.
754
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 495, p. 421.
755
T. G. I. Ndjili / appel, 25 juillet 1988, RPA 956 / 685, inédit.
756
E. JEULAND, op.cit, n° 495, p.421.
173

Le principe d’impartialité du juge ne s’oppose pas à ce qu’un même magistrat puisse


statuer sur le recours en opposition formé contre une décision au prononcé de laquelle il a
participé étant donné que les éléments de l’affaire n’avaient pas fait l’objet d’un débat
contradictoire de toutes les parties au procès. Le juge est censé n’avoir jamais écouté les
arguments de la partie ayant été jugée par défaut (à son absence). Ce respect d’impartialité
s’applique en matière pénale757, civile758 et disciplinaire.

§2. Les voies de recours extraordinaires

Il s’agit des voies de recours ouvertes dans les cas spécifiés par la loi et qui, en règle,
ne peuvent être exercées que dans la mesure où les voies de recours ordinaires ont été
épuisées759. L’exercice de ces recours n’est pas suspensif de l’exécution, à moins qu’un texte
légal dispose autrement. Il convient de les parcourir rapidement.

A. La tierce opposition

Ce recours est porté devant la juridiction qui a rendu la décision querellée par une
personne lésée par le dispositif du jugement, alors qu’elle n’a pas été partie au procès, n’en
étant pas informée ni représentée conventionnellement ou suivant les présomptions légales de
représentation en justice (articles 80 à 84 du Code de procédure civile et article 84 du Code de
procédure devant la CSJ). Cette procédure n’existe en principe qu’en matière civile et
administrative mais non en matière pénale et constitutionnelle. En matière administrative, elle
suppose que le tiers ait un droit lésé alors qu’il ne s’agit que d’intérêt en procédure civile760.
Celui qui exerce cette action est appelé tiers opposant.

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire qui confère le droit à un tiers
non appelé à la cause, de s’opposer à une décision qui préjudicie ses droits. En d’autres
termes, c’est la voie de recours ouverte aux tiers pour rejuger en fait et en droit un jugement
qui affecte leurs intérêts761. Comme on peut le constater, pour former opposition, il faut être
tiers à la décision attaquée. Est tiers, la personne qui n’est ni partie, ni représentée. Dès lors,
ne peut être qualifié tiers opposant mais opposant, celui, qui, étant déjà partie volontaire,
intervenante au premier degré, fit recours contre la décision du Tribunal de sous-région
statuant en annulation alors qu’il n’avait pas été à cette instance762.

757
T. KAVUNDJA N. MANENO, Op. Cit, thèse de doctorat en droit, pp. 399 – 403.
758
Ibidem, pp. 489 – 492.
759
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, n° 189, pp. 279-280.
760
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 493, p. 418.
761
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ; S. GUINCHARD (sous
direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 5ème éd. Dalloz, 2006-2007, n° 551.11, pp.1154-
1172 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n° 440, pp.455 et s ; L. CADIET et
E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006,n° 852, p. 533 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., n° 493, p.418.
762
CSJ, RC47/8/5/1974, Bull. 1975, p. 137.
174

Par contre est tiers celui qui n’a pas été appelé ou qui n’est pas intervenu à la cause,
en la même qualité que celle dont il entend se prévaloir pour justifier l’intentement
(l’introduction) du recours. L’existence de cette voie de recours est liée au fait que l’autorité
de chose jugée n’a d’effet qu’entre les parties : un tiers, auquel le contenu d’une décision
porte préjudice – par exemple en ce qu’elle va le déforcer dans un procès qu’il doit lui –
même soutenir contre l’une des parties au litige originaire – peut donc solliciter la rétractation
de cette décision en ce qu’elle lui fait grief.

Concernant l’impartialité, le même magistrat peut statuer sur le recours en tierce


opposition formé contre une décision au prononcé de laquelle il a participé. Les mêmes
raisons que nous avons développées pour l’opposition s’y appliquent mutatis mutandis en
matière pénale763, civile764, administrative765 et disciplinaire.

B. L’intervention

C’est le fait pour quelqu’un de se présenter à l’audience pour défendre ses intérêts qui
risquent d’être compromis par le procès, dès lors qu’il en a été informé et n’était pas partie à
l’instance (article 83 du Code de procédure devant la Cour Suprême de Justice).
L’intervention est la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès déjà engagé
entre d’autres personnes766. Elle tend donc soit à la sauvegarde des intérêts de l’intervenant ou
de l’une des parties soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie.
Concrètement, elle consiste à une personne, tiers par rapport au procès à l’origine, s’associe
ou soit associé à celui-ci au cours de l’instance. Le Code de procédure civile est muet à son
égard. C’est pourquoi, en dehors de la Cour de cassation (Cour suprême de justice) où elle est
réglementée, dans les autres juridictions, la faculté d’intervention repose sur une nécessité non
seulement de la pratique judiciaire mais encore d’équité ; elle est fondée sur une tradition
constante. Celui qui exerce cette action s’appelle l’intervenant.

C. L’annulation

En principe, ce recours ne concerne pas les juridictions de l’ordre judicaire mais plutôt
les juridictions de l’ordre administratif. Concernant les juridictions de l’ordre administratif,
ce recours vise à mettre à néant les décisions des autorités administratives locales ou
provinciales ou nationales pour violation de la loi (articles 146 à 149 du Code d’organisation

763
T. KAVUNDJA N. MANENO, Op. Cit, thèse de doctorat en droit, p. 403.
764
Ibidem, pp. 491 – 492.
765
Conseil d’Etat français, 10 décembre 2004, Sté Resotim, AJDA 2005, 782.
766
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5ème éd. Litec, 2006, n° 459, p.282 ; S.
GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 5ème éd. Dalloz, 2006-2007,
n° 312.04, p.552 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n ° 165, p. 98 ; J.HERON et
Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112, p. 98.
175

et compétence judiciaires). Avec la création des juridictions de l’ordre administratif


(tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel et Conseil d’Etat) par la Constitution
congolaise du 18 février 2006, ce recours sera en principe adressé à ces juridictions pour
obtenir la suspension ou l’annulation des actes et règlements pris par des autorités
administratives lorsqu’ils seront considérés comme irréguliers sur le plan de forme et de fond.
Pour cet ordre des juridictions, il ne s’agit pas d’une voie de recours extraordinaire mais
plutôt un recours ordinaire. Concernant les juridictions de l’ordre judicaire, ce recours est
adressé au tribunal de grande et vise à mettre à néant la décision rendue par un tribunal
coutumier statuant en dernier ressort ; dans ces conditions, il s’agit d’une voie de recours
extraordinaire.

D. La prise à partie

Cette procédure est complexe et rare dans la pratique. C’est un recours porté par un
justiciable devant la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice) contre un magistrat pour
dol, concussion commis soit dans le cours d’instruction, soit lors de la décision rendue ou
pour déni de justice (articles 58 à 67 du Code de procédure devant la CSJ). C’est donc une
action qui tend essentiellement à sanctionner la responsabilité civile du magistrat et à réparer
le préjudice causé à un plaideur par une faute professionnelle767. Comme on peut le
remarquer, les causes principales de la prise à partie sont le dol, la concussion et le déni de
justice. Il convient de les expliquer brièvement.

Le dol est un comportement malhonnête ; c’est la mauvaise foi. Elle se traduit par des
manœuvres frauduleuses, notamment la suppression du dossier d’une pièce décisive,
l’altération d’une pièce ou du jugement lui-même ou la collusion avec une partie768. Le dol
peut consister notamment dans le fait pour un magistrat d’avoir omis de signaler certaines
stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé tronqué des autres en
les escamotant ou le fait de donner une version erronée des faits, sciemment conçue comme
artifice pour rendre vraisemblable l’interprétation de la loi et la décision prise769.

Le dol est caractérisé par les artifices et les manœuvres auxquelles les magistrats pris à
partie ont recouru pour donner à leur décision les apparences d’un arrêt juridiquement valable
alors que les griefs relevés dénotent clairement qu’en réalité ils étaient résolus à favoriser une
partie par l’adoption facile de sa thèse pourtant battue en brèche tel qu’il résulte du jugement
du premier degré770. Le dol requis pour la prise à partie d’un magistrat est celui prévu en droit

767
CSJ, 5 juillet 1994, RAJC, 1997, p. 15 avec note de Dibunda.
768
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
769
KATUALA KABA KASHALA ET YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes
annotés de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p.125.
770
CSJ, 5 juillet 1997, RPP 30, Ibidem, CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, Vol. II, fascicule unique,
janvier à décembre 1997, pp. 21-27 ; CSJ, 13, mars 1997, P.C. contre juges, Ordonnance RPP 57 ; CSJ, 24
176

civil, constitué par une manœuvre frauduleuse, une machination destinée à tromper un
plaideur dans le cours de l’instruction ou lors de la décision rendue, mais non celui prévu en
droit pénal, consistant notamment dans l’intention frauduleuse ou intention de nuire et
constituant l’élément moral de l’infraction771. Le dol suppose la mauvaise foi et consiste soit
en manœuvres frauduleuses ayant l’objet de tromper l’une des parties à un acte juridique, soit
en une faute professionnelle lourde. Tel est le cas du juge qui fait état d’une décision
antérieure inexistante pour justifier les mesures conservatoires772 ou du magistrat qui a adopté
au cours de l’instruction de la cause ou lors de la décision, un comportement coupable d’où il
résulterait un acte de malice ou l’intention de nuire773. De même, la faute professionnelle du
magistrat mis en cause peut constituer un dol, notamment s’il ya des négligences sciemment
entretenues afin d’aboutir à une conclusion erronée774 ou le fait d’avoir omis de signaler
certaines stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé tronqué des
autres en les escamotant775.

Il convient de préciser qu’auparavant, la jurisprudence de la Cour suprême de justice


assimilait le dol à l’erreur. Ainsi, s’inspirant du droit français, elle avait affirmé qu’une faute
professionnelle lourde peut procéder des erreurs grossières et des négligences sciemment
entretenues dans le jugement de la cause, telles des lacunes dues à l’omission des éléments
essentiels dans l’exposé des motifs sur les faits et le droit à appliquer776. Mais actuellement,
cette jurisprudence a opéré une distinction nette entre le dol et l’erreur. En effet, elle affirme
désormais qu’une erreur de droit ne peut être assimilée au dol requis pour la prise à partie, car
ce dol suppose dans le chef de l’agent la mauvaise foi qui doit être prouvée, et partant, une
faute, tandis que l’erreur quelle qu’elle soit, suppose la bonne foi, qui est présumée et partant,
l’absence de faute777. En conséquence, une erreur du juge soit-elle grossière, ne peut être
assimilée au dol, ce dernier supposant la mauvaise foi778.

Pour que le dol soit retenu, le requérant doit prouver par toute voie de droit le dol
imputé au magistrat. Ainsi, est dès lors injustifiée et partant non fondée, la requête en prise à
partie fondée sur le dol alors que le requérant ne parvient pas à établir un fait fautif justifiant

avril 1997, UZB contre juge M. Ordonnance RPP 058, in RAJC, fascicule unique, janvier à décembre 1997,
pp. 27-30.
771
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, in RAJC, 1997, p. 22.
772
C.S.J., 14 mars 2003, RRP 130, Plantation Lever au Congo contre Mwingi Iyalo et la R.D. C., in Bulletins des
arrêts de la Cour suprême de justice, 2004, pp. 235-242.
773
C.S.J., 30 novembre 1993, RPP 4, inédit.
774
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
775
CSJ, 5 juillet 1994, RPP 30,in RAJC, 1997, p.16.
776
Ibidem.
777
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, p.28 ; CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit ; CSJ, 18 avril 2003,
RPP 148, inédit.
778
CSJ, 13 mars 1997, ordonnance RPP 57, in RAJC, 1997, p.28.
177

le comportement dolosif imputé au magistrat779 ou un acte de malice ou l’intention de nuire780


ou des manœuvres, des artifices ou procédés précis à même d’établir l’existence du dol781.

En ce qui concerne la concussion, elle n’est pas encore définie par la jurisprudence de
la Cour de cassation (Cour Suprême de Justice), sans doute parce qu’elle n’a jamais été
exploitée par les justiciables à cause de la difficulté de la prouver dans le chef du magistrat
suspecté782. Faute de définition du Code d’OCJ ou du Code de la procédure devant la Cour
suprême de justice, nous pensons qu’on pourrait retenir la définition de l’article 146 du Code
pénal congolais. Au terme de cet article, la concussion est le fait pour un fonctionnaire ou un
agent public et en l’occurrence un magistrat d’exiger, de recevoir ou de faire percevoir
sciemment à un titre de droits, taxes ou salaires, de sommes non dues.

Concernant le déni de justice, il existe lorsque les magistrats refusent de procéder aux
devoirs de leur charge ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées (article 59 du
Code de procédure devant la Cour Suprême de Justice). La Cour suprême de justice considère
que sont coupables de déni de justice, les juges qui, en dépit de deux sommations, d’une part,
n’ont accompli aucune démarche soit pour faire refixer la cause qui était pendante devant
leur siège en passant par le greffe, soit pour faire savoir aux parties qu’il leur incombait de
contacter le greffier de leur juridiction pour faire revenir l’affaire ainsi que l’exige l’article 69
du Code de procédure civile, et d’autre part, après avoir décidé d’office la surséance en vertu
du principe le criminel tient le civil en état, n’ont rien fait pour s’enquérir auprès des autorités
du ministère public afin de connaître l’issue de l’action répressive qui avait justifié la
surséance783. Comme on peut le constater, l’ouverture de la prise à partie pour cause de déni
de justice demeure rarement exploitée784.

En principe, la prise à partie ne fait pas de distinction entre les magistrats du siège et du
parquet étant donné que la loi dit seulement « tout magistrat peut être pris à partie »785. Cette
position est affirmée par la Cour suprême de justice786 qui a condamné pour dol deux
magistrats du parquet pris à partie et a mis à néant la requête aux fins de fixation d’audience.
Il s’agissait en l’espèce du magistrat du parquet qui avait fait la proposition des poursuites et

779
CSJ, 29 août 1973, RPP 3, Bulletins des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1984, p. 233.
780
CSJ, 30 novembre 1983, RPP 4, in Répertoire général de la jurisprudence de la Cour Suprême de Justice
1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, n° 10, p. 183.
781
CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit.
782
DIPUNDA NTITA, La jurisprudence de la Cour suprême de justice en matière de prise à partie de 1979 à
2003, in RAJC, Fascicule I, Janvier à juin 2004, p. 49.
783
Voyez KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes
annotés de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p. 128 ; MATADI NENGA GAMANDA,
Droit judiciaire privé, 2006, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées
Nouvelles, 2006, n° 606, p. 538-539.
784
DIPUMBA NTITA, La jurisprudence de la Cour Suprême de justice en matière de prise à partie de 1979 à
2003, in RAJC, Fascicule I, janvier à juin 2004, p. 49.
785
Article 58 de l’ordonnance – loi n° 82 – 017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la cour suprême
de justice, in journal officiel de la République du Zaïre, 1 er avril 1982, p. 11.
786
C. S. J., 22 avril 1997, RPP 055, in RAJC, 1997, p. 40, note Dibunda.
178

de son chef hiérarchique qui l’avait approuvée. De même la doctrine787 estime que l’on
pourrait retenir la prise à partie à l’égard du magistrat du parquet lorsque celui-ci au cours
d’un procès civil, sans raison bien motivée, n’a pas donné son avis endéans quinze jours à
dater de communication du dossier au ministère public.

Au vu de ces éléments, la prise à partie contribue à une saine administration de la


justice que le législateur a mis à la disposition du justiciable pour le rassurer qu’il doit
toujours avoir confiance en la justice788. En tout cas, elle s’avère comme une approche
technique contre la partialité du juge789.

Nous estimons toutefois que les causes de la prise à partie sont très limitées alors
qu’on peut trouver en pratique des situations regrettables qui peuvent conduire au
dysfonctionnement de la justice, telle que la faute professionnelle du magistrat. En effet, en
dehors du dol, de la concussion et du déni de justice, la prise à partie ne peut être retenue. Et
pourtant, il arrive souvent que le magistrat dans l’exercice de ses fonctions commette une
faute professionnelle qui aujourd’hui n’est pas une cause de la prise à partie. Le droit comparé
nous donne quelques pistes. En effet en France, la procédure de la prise à partie a été
supprimée par la loi n° 79-43 du 18 janvier 1979790 car désormais le magistrat français n’est
responsable que ses fautes personnelles. Mais les juges des tribunaux de commerce et du
Conseil de prud’hommes français sont toujours soumis à la procédure de la prise à partie791.
En Belgique, certes la prise à partie existe (article 1140 à 1147 du Code judiciaire belge) mais
ses conditions sont assez larges : dol ou fraude, si la prise à partie est expressément prononcée
par la loi, lorsque le juge est déclaré responsable à peine des dommages et intérêts. Pour la
République Démocratique du Congo, l’on devrait maintenir la prise à partie en retenant les
causes suivantes : dol, concussion, déni de justice et faute professionnelle du magistrat. Cette
faute professionnelle du magistrat en tant que cause de la prise à partie pourrait d’une
certaine manière rendre le magistrat plus attentif de ses actes en vue de contribuer à une
bonne distribution de la justice. Il appartiendra ainsi à la jurisprudence de déterminer son
contenu. Afin de permettre à tous les justiciables de saisir la justice en cas de nécessité, la
prise à partie devrait être de la compétence de la Cour d’appel d’autant plus que cela
rapprochera la justice des justiciables. En effet, il serait difficile à un justiciable se trouvant
par exemple à Kalémie de se déplacer à Kinshasa afin de saisir la Cour de cassation pour une
prise à partie d’un magistrat car cela lui couterait trop cher lorsqu’on doit tenir compte des
frais de transport, de logement, les honoraires d’un avocat inscrit au Barreau près la Cour de
cassation, de l’état des routes, du désordre des compagnies aériennes. C’est pourquoi, tenant
compte de ces réalités et au vu de l’étendue continentale de la République Démocratique du

787
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Op. Cit, p. 102.
788
R. KAMIDI OFIT, Le système judiciaire congolais: organisation et compétence, Kinshasa, 1999, p. 162.
789
MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Académia-Bruylant,
2002, p. 49.
790
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5èm éd. Litec, 2006, n° 72, p. 51 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14ème éd. Sirey, n° 120, p. 120.
791
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 404, p. 351.
179

Congo, la prise à partie devrait être de la compétence de la Cour d’appel ou si c’est possible,
l’on devrait prévoir des chambres de la Cour de cassation dans toutes les 25 provinces qui
connaitraient cette procédure.

E. La requête civile

a) Notion

C’est une voie de recours extraordinaire de révision adressée à la Cour de cassation


(Cour suprême de justice) par laquelle une partie estimant qu’elle a été victime d’une erreur
de fait involontairement commise par le juge, demande que l’affaire soit jugée à nouveau par
le même tribunal qui l’avait déjà jugée. Il s’agit donc d’une voie de rétractation par laquelle
on revient devant les mêmes juges qui avaient déjà statué dans l’affaire pour leur demander de
modifier leur décision passée en force de la chose jugée à la suite de l’erreur qui a été
introduite par l’une des parties au procès. Elle se distingue de la tierce opposition par le fait
que la partie a été effectivement au procès.

Les causes d’ouverture de ce recours sont très étroitement délimitées par la loi792 :
- S’il y a eu dol personnel ;
- Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ;
- S’il y a contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les
mêmes moyens, dans les mêmes Cours et tribunaux ;
- Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues
par le fait de la partie.

Le dol donnant ouverture à la requête civile est celui qui motiverait la nullité d’un
contrat. Il s’agit du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Il comprend toutes
les fraudes et surprises employées pour tromper un juge. Il doit être l’œuvre de l’une des
parties au procès ou de l’avocat représentant la partie concernée ayant pour but d’obtenir un
jugement favorable. L’on doit prouver que le juge a été induit en erreur par une manœuvre
frauduleuse, par exemple, la subordination de témoins. Il s’ensuit que le simple fait d’avoir
affirmé en conclusions ce que l’un savait être faux ou d’avoir donné des réponses
mensongères lors d’une comparution personnelle ne suffit pas à donner ouverture à la requête
civile793. Le délai pour former une requête civile est de 3 mois à dater du jour de la découverte
du fait justifiant le recours. Ce délai étant expiré au moment de la demande, celle-ci n’est plus
recevable794.

792
Article 85 du Code de procédure civile.
793
C. A. Lubumbashi, 6 août 1986, RCA 6968, in RJZ, 1987, n°1, 2 et 3, p. 110.
794
Kin, 28 janvier 1969, RJC, 1969, n°2, p. 192.
180

La requête civile ne peut être formée qu’après consultation de trois avocats exerçant
depuis 5 ans au moins près un des tribunaux du ressort de la Cour d’appel dans lequel a été
rendu795. Or, ce n’est point partout qu’on trouve autant d’avocats répondant à autant de
conditions. C’est pourquoi nous pensons qu’on devrait prévoir des dispositions
exceptionnelles pour les ressorts juridictionnels n’ayant pas de barreau ou ne disposant pas de
trois avocats qui remplissent les conditions.

b) La requête civile et le principe d’impartialité du juge

La requête civile est de la compétence de la juridiction qui a rendu la décision


attaquée étant donné qu’il s’agit de la voie de rétractation. La question qu’il convient de se
poser est de savoir si les mêmes juges de la même juridiction peuvent connaître de nouveau
de la même affaire faisant l’objet de requête civile sans porter atteint à l’impartialité. A notre
connaissance, cette question n’a jamais fait l’objet de jurisprudence ni belge, ni française ni
de la Cour Européenne Droits de l’Homme de Strasbourg. Nous pensons qu’étant donné qu’il
s’agit d’une voie de rétractation, comme pour l’opposition et la tierce opposition, rien
n’empêche aux mêmes juges de connaître à nouveau de la même affaire sur requête civile
d’autant plus qu’ils avaient été induits en erreur et le principe d’impartialité ne serait donc pas
violé.

F. La révision

a) Notion

Elle constitue un recours exceptionnel adressé à la Cour de cassation (Cour


suprême de justice) contre les décisions de condamnation passées en force de chose jugée, qui
pourraient constituer des erreurs judiciaires en raison de certaines circonstances
limitativement énumérées par la loi796. C’est donc une voie de recours extraordinaire, dont
l’objet est de faire rétracter un jugement pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. Ce
recours vise à combattre une décision dont le contenu s’explique par le comportement
frauduleux d’une partie ou par l’usage de documents ou témoignages faux. Il s’exerce dans
une situation où le juge a été lui-même trompé et a pu rendre une décision inéquitable, alors
qu’exactement informé des données du litige, il eût pu statuer dans un sens différent797.
Contrairement au pourvoi en cassation, le recours en révision ne sanctionne pas la mauvaise
application par le juge de la règle de droit mais des erreurs non imputables au juge798.

795
Art. 88 du Code de procédure civile.
796
Art. 70 de l’ordonnance – Loi n°82 – 017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de
justice, in journal officiel de la République du Zaïre, n°7, 1 er avril 1982, p. 11.
797
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
552.05, p. 1173.
798
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 387, p. 237.
181

Le recours en révision est rare en Afrique, principalement en République


Démocratique du Congo. Elle s’applique en principe uniquement en matière pénale alors
qu’en France, elle existe dans toutes les procédures (sauf exception, par exemple devant le
Conseil constitutionnel)799. Ainsi, en matière pénale, la révision de condamnations passées en
force de chose jugée pourra être demandée pour toute infraction punissable d’un
emprisonnement supérieur à deux mois, quelles que soient la juridiction qui ait statué et la
peine qui ait prononcée, lorsque :
- Après une condamnation, un nouvel arrêt ou jugement aura condamné pour les mêmes
faits un autre prévenu et que les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur
contradiction sera la preuve de l’innocence de l’un ou de l’autre condamné ;
- Postérieurement à la condamnation, un des témoins entendus aura été poursuivi et
condamné pour faux témoignage contre le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne
pourra plus être entendu lors de nouveaux débats ;
- Après une condamnation pour homicide, il existera des indices suffisants propres à faire
croire à l’existence de la prétendue victime d’homicide ;
- Après une condamnation, un fait viendra à se révéler ou des pièces inconnues lors des
débats seront présentées et que ce fait ou ces pièces seront de nature à établir
l’innocence du condamné.

Le droit de demander la révision à la Cour de cassation (Cour suprême de justice)


appartient selon les cas au ministre de la justice, au condamné (après la mort ou l’absence
déclarée du condamné, à son conjoint, à ses descendants ou ascendants, ses ayants-droit
coutumiers et à ses légataires universels).

b) La révision et le principe d’impartialité du juge

La question qui nous préoccupe consiste à savoir si le même juge peut connaître les
mêmes faits pour les mêmes parties après révision de la Cour de cassation (Cour suprême de
justice) alors qu’il avait fait partie de la composition du siège avant révision. Il importe de
distinguer la connaissance de l’affaire après révision ainsi que la connaissance de la révision
elle-même.

S’agissant de la connaissance de l’affaire après révision, comme nous l’avons montré


concernant l’opposition ou tierce opposition, il est donc normal de revenir devant la
juridiction qui a été trompée en raison de la nature de rétractation. Dans ce cas, même si l’on
connaissait la même affaire, l’impartialité ne serait pas violée étant donné que le travail du
juge se donne à parachever simplement un travail dont l’imperfection initiale a pour origine
une mauvaise information. Autrement dit, il n’y avait pas «préjugement » dans la mesure où

799
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, L.G.D.J., 2007, n° 496, p.422.
182

le juge était mal informé lors de sa première « connaissance ». C’est pourquoi le principe
d’impartialité n’est pas violé.

S’agissant de la connaissance de la révision elle- même par le même juge qui a


participé au jugement de la même affaire en première ou deuxième instance, elle pourrait être
traitée de la même manière que l’appel ; en conséquence, il y aurait violation du principe
d’impartialité du juge partant du fait qu’on ne pourrait pas juger le recours de sa propre
décision. Dans ce cas, il y a donc « préjugement » qui exclut le même juge de connaître le
recours de sa propre décision via l’instance en révision800.

G. Le pourvoi en cassation

a) Notion

Le pourvoi en cassation est porté devant la Cour de cassation (Cour Suprême de


Justice) contre les décisions rendues en dernier ressort par les Cours et tribunaux pour
violation de la loi ou de la coutume (article 153 de la Constitution et articles 35 à 57 du Code
de procédure devant la C.S.J.). Le pourvoi en cassation est donc une voie de recours
extraordinaire qui soumet à la Cour de cassation les décisions rendues en dernier ressort
arguée de violation des règles de formes substantielles ou prescrites de nullité ou de non-
conformité à la loi. Le pourvoi en cassation ne constitue pas un troisième degré de
juridiction ; ce n’est pas un second appel. La Cour de cassation n’a pour mission que de
veiller à la régularité des procédures et à la légalité des décisions définitives des juges. En
vertu de la règle « pourvoi sur pourvoi ne vaut», une décision ne peut faire l’objet qu’à une
seule reprise d’un pourvoi en cassation. Cette règle qui est d’ordre public, est applicable quels
que soient les motifs qui ont amené le rejet du premier pourvoi et encore qu’il soit statué sur
les pourvois par le même arrêt. Peu importe également si le second pourvoi a été introduit
avant ou après le rejet du premier pourvoi. Si la Cour de cassation constate une violation des
formes légales ou une application illégale de la loi, elle casse la décision attaquée et renvoie,
si nécessaire, la cause à une juridiction du même degré que celle qui a rendu la décision
annulée. Vu la portée générale de la cassation conférée à la CSJ, elle est compétente pour
examiner dans les limites de son contrôle juridique, toute décision de dernier ressort801.

En matière pénale, le délai de pourvoi en cassation est de 40 jours francs, mais le


Procureur Général près la Cour d’appel dispose du délai de trois mois. Nous estimons que
cette différence du délai ne contribue pas au procès équitable dans la mesure où elle favorise
le ministère public. Il serait souhaitable que toutes les parties, en ce compris le ministère
public puissent avoir le même délai pour introduire le pourvoi en cassation en matière pénale.

800
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat en droit, Faculté de droit, UCL,
Louvain – la – Neuve, juin 2005, pp. 493 – 495.
801
CSJ, RC 47, 8/5/1974, Bull. 1975, p. 137 et voir CSJ, RP 131, 13/5/1980, inédit.
183

Dans ces conditions, le droit à un procès équitable, particulièrement l’égalité des armes serait
respectée. En matière civile, le délai est de 3 mois.

Le recours en cassation ne permet pas l’examen par la Cour de cassation (en attendant
c’est l’actuelle cour suprême de justice) du fond des affaires. En effet, lorsqu’un recours est
introduit contre une décision de dernier ressort, la Cour examine si la loi ou la coutume a été
violée par le juge. Dans l’affirmative, la Cour casse la décision et renvoie pour juger au fond
devant une autre juridiction de même degré ou devant la même juridiction mais autrement
composée. Celle-ci rejugera le fond du procès en tenant compte des points de droit déterminés
par la Cour (selon le cas, soit après le premier pourvoi soit après le deuxième pourvoi en
cassation). Dans la négative, la Cour rejette le recours et la décision attaquée en cassation est
définitivement passée en force de chose jugée. En principe, en dehors des bénéficiaires du
privilège de juridiction en matière pénale802, la Cour de cassation jugera des arrêts et
jugements (s’il y a violation de la loi ou de la coutume par la juridiction du second degré) et
non des faits.

Le pourvoi en cassation existe lorsque les juridictions du second degré (appel) ou les
juridictions du premier degré dont les décisions ne sont susceptibles de recours, ont
principalement violé la loi (ou mal appliqué la loi) soit dans sa forme soit au fond. Le terme
« loi » devrait être pris dans son sens large possible. Ainsi, pourrait entrer dans cette catégorie
toute norme formulée par une autorité investie du pouvoir d’exprimer des règles obligatoires
sans que soient déterminantes la forme de l’acte ou son origine. Il s’agit notamment
- Des dispositions normatives élaborées par les pouvoirs établis, tels que
les lois, les ordonnances, les décrets, les arrêtés ministériels de portée
réglementaire, les édits provinciaux et les décisions des autorités
communales, territoriales, de chefferies à caractère réglementaire ;
- Des dispositions normatives reçues et accréditées par le pouvoir telles
que les Conventions internationales de caractère normatif approuvées
par la loi, les Conventions collectives approuvées par arrêté
ministériel ;
- Des principes généraux de droit approuvés par les juridictions
internationales.

Il convient aussi de préciser que le Conseil d’Etat sera une juridiction de cassation
pour les juridictions de l’ordre administratif. Concrètement, lorsqu’un administré est lésé par
une décision administrative rendue par une autorité communale ou de territoire ou de
chefferie ou de secteur ou de localité, il peut saisir le tribunal administratif (prévu dans
chaque ressort du tribunal de grande instance) pour la suspension ou l’annulation de la
décision querellée. Si l’administré n’est pas satisfait, il peut interjeter appel à la Cour
administrative d’appel (prévue dans chaque chef-lieu de province). Si l’administré n’est
toujours pas satisfait et qu’il estime que cette Cour administrative d’appel a violé la loi soit
sur la forme soit sur le fond, il peut dans ces conditions se pourvoir en cassation devant le

802
Article 153 al 2 de la Constitution du 18 février 2006.
184

Conseil d’Etat. Celui-ci peut soit casser la décision rendue par la Cour administrative d’appel
et renvoyer la cause devant une autre juridiction de l’ordre administratif qu’il désigne ou soit
la même juridiction administrative mais autrement composée, soit le Conseil d’Etat peut juger
lui-même le fond de l’affaire et vider complètement ce contentieux.

b) Le pourvoi en cassation et le principe d’impartialité du juge

La question qui se pose ici est celle de savoir si le juge peut connaître des mêmes faits
des mêmes parties après cassation dès lors qu’il avait déjà siégé dans la formation de
jugement dont l’arrêt a été cassé sans empiéter le principe d’impartialité du juge. Nous
pensons qu’il nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une cause sur
laquelle il s’était déjà prononcé car il y aurait dans son chef un préjugement qui enlèverait son
impartialité. Cette position est applicable en matière pénale803, civile, administrative804 et
disciplinaire805. De même, au nom du principe d’impartialité, le juge qui avait déjà connu de
la même affaire et pour les mêmes parties soit en première instance soit en appel, ne de devait
pas faire partie de la composition du siège (s’il devenait plus tard membre de la Cour de
cassation ou du Conseil d’Etat) appelée à se prononcer sur le pourvoi en cassation. Cela se
justifie par le fait que le juge ne peut pas apprécier lui-même son propre jugement en instance
de cassation. En définitive, il risque d’être juge et partie.

Après avoir abordé l’organisation judiciaire, il convient d’examiner dans les pages qui
suivent la compétence judiciaire.

803
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 404-410.
804
Ibidem, pp. 492-493.
805
Ibidem, pp. 522-525.
185

2ème PARTIE
LA COMPETENCE JUDICIAIRE

La compétence est la portion de juridiction attribuée par la loi à chacun des Cours et
tribunaux de l’ordre judiciaire ou administratif ou autre. Il s’agit donc de la capacité d’une
juridiction de connaître d’une matière bien déterminée d’un procès ; autrement dit c’est la
détermination de la répartition du pouvoir de juger entre les divers organes de l’appareil
juridictionnel (juridictions de l’ordre judiciaire, administratif, Cour constitutionnel et autres).
En un mot, la compétence est l’étendue du pouvoir de juger appartenant à une juridiction806.
En somme, quand on l’applique aux juridictions, le mot compétence se réfère à la
détermination et à l’étendue de leurs pouvoirs juridictionnels. On parle de compétence
juridictionnelle.

La compétence se qualifie selon trois critères : la compétence matérielle, territoriale et


personnelle. La compétence matérielle ou ratione materiae que l’on appelle en Belgique et en
France compétence d’attribution807 est l’étendue matérielle du pouvoir de juger, c’est-à-dire
le domaine dans lequel le juge peut intervenir. Pour déterminer le juge matériellement
compétent, on prend en compte l’objet du litige. En effet, la compétence matérielle est relative
à la nature du litige, à l’importance économique de celui-ci, à la nature de l’infraction et
éventuellement la peine applicable en matière pénale. La compétence territoriale ou ratione
loci permet de repartir la compétence entre divers tribunaux du même rang en fonction du
domicile des parties (plaignant et prévenus, demandeur et défendeur), du lieu de naissance de
l’obligation ou de la situation de l’objet litigieux. La compétence personnelle ou ratione
personae est relative à la qualité de la personne qui comparaît devant une juridiction (les
bénéficiaires du privilège de juridiction, mineur et militaire).

Concrètement lorsqu’une affaire est soumise à un tribunal ou une Cour, il faut d’abord
et en tout premier lieu, se demander quel ordre de juridiction qui doit connaître telle affaire,
s’agit-il des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ou de la Cour des
comptes ou de la Cour constitutionnelle ? Et s’il s’agit des juridictions de l’ordre judiciaire :
cette affaire doit-elle être portée devant un tribunal de paix, un tribunal de grande instance, un
tribunal de commerce, un tribunal du travail, une Cour d’appel ou une Cour de cassation ?
S’agirait-il du tribunal militaire de police, du tribunal militaire de garnison, de la Cour
militaire, de la Cour militaire opérationnelle ou de la Haute Cour militaire ? Au cas où il
s’agirait des juridictions de l’ordre administratif : l’affaire serait-elle portée devant le tribunal
administratif, la Cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat ? Ces questions obligent à
délimiter ce que l’on appelle traditionnellement, la « compétence matérielle » ou ratione

806
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 1, p. 5 ; E.
JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 365, p. 323.
807
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 48, p.45.
186

materiae ou selon le terme utilisé en Belgique ou en France « la compétence d’attribution »


de chaque type de juridiction, afin de déterminer quelle est celle qui est apte à connaître de la
demande ou la requête.

Une autre question qui peut se poser, est celle de savoir parmi toutes les juridictions,
laquelle est territorialement compétente. En effet, les règles de compétence territoriale sont
destinées à permettre d’isoler au sein de la catégorie retenue la juridiction précisément
compétente eu égard à son ressort géographique et à la localisation de l’affaire. Si, par
exemple, la compétence matérielle appartient à un tribunal de grande instance, il faut savoir si
le tribunal territorialement compétent est celui de Kinshasa/Gombe, de Kinshasa/Kalamu, de
Kinshasa/Matete, de Kinshasa/Ndjili, de Kisangani, de Lubumbashi, de Bukavu, de Kananga,
de Mbuji-Mayi, de Bandundu, de Matadi, ou de Mbandaka. En un mot, il faut localiser le
litige ou l’affaire dans l’espace, afin de déterminer compte tenu du ressort territorial de
chaque juridiction, laquelle est compétente. C’est cela la « compétence territoriale ou
ratione loci ». En matière de droit privé (civile, commerciale, du travail, etc.), dans certaines
circonstances, les parties peuvent convenir quel serait le tribunal territorialement compétent.
En ce sens, les règles de compétence d’intérêt privé sont édictées dans l’intérêt des
justiciables, dans un souci de commodité des plaideurs808.

En matière pénale, le tribunal territorialement compétent est celui où est domicilié


l’auteur de l’infraction ou encore le lieu où l’infraction a été commise ou enfin le lieu où
l’auteur de l’infraction a été trouvé. En matière civile, le principe général est la compétence
du juge du lieu où le défendeur doit être présumé dans son droit c’est-à-dire du lieu où
demeure le défendeur. En matière administrative, le tribunal territorialement compétent est
celui du lieu où demeure le défendeur puisque le tribunal compétent est celui dans le ressort
duquel a son siège l’autorité qui a pris la décision attaquée. Cette autorité peut être considérée
comme étant le défendeur en matière administrative.

Si la personne qui est accusée pour une infraction est soit le Président de la
République, le Premier Ministre, un ministre, un député ou sénateur, un magistrat ; eu égard à
la considération de sa personne de rang assez élevé dans la société, il s’agira de la compétence
personnelle ou ratione personae. De même, lorsque l’auteur de l’infraction est mineur ou
militaire ; en raison de la qualité personnelle du délinquant, il s’agira donc de la compétence
personnelle ou « ratione personae ».

En principe, les règles de compétence matérielle sont d’ordre public parce qu’elles
sont fondées sur des considérations d’intérêt général de sorte que, pour le juge, l’examen de
cette compétence doit précéder celui de sa compétence territoriale et personnelle, de la
recevabilité et du fondement de la demande.

808
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 131, p. 73.
187

A la différence des règles de compétence en matière civile qui n’ont pas toutes un
caractère d’ordre public, en matière pénale (répressive) et administrative, toutes les règles de
compétence sont d’ordre public, car elles ont été instituées dans un intérêt public, celui de la
bonne administration de la justice pénale et administrative. Il en résulte que les parties au
procès pénal ou administratif ne peuvent jamais, par accord, déroger aux règles de
compétence. La prorogation conventionnelle de compétence est interdite809. De plus, puisque
l’ordre public est en jeu, l’incompétence peut être opposée par les parties en tout état de
cause, en appel, si elle n’a pas été en première instance ou en cassation. Enfin, du caractère
d’ordre public des règles de compétence dont la violation entraine la nullité de procédure et la
décision rendue, il résulte que toute juridiction pénale (répressive) ou administrative doit
vérifier sa compétence, et que même si aucune des parties (ministère public, prévenu, partie
civile) n’a soulevé l’exception d’incompétence, elle doit la relever d’office et se déclarer
incompétent810.

Un juge ne peut statuer en dehors des limites de sa compétence matérielle


(d’attribution) ; il doit la vérifier d’office, sans attendre que les parties prennent des
conclusions sur ce point. En conséquence, la compétence matérielle (d’attribution) ne peut
être étendue, sauf si la loi en dispose autrement. La violation des dispositions légales qui
règlent la compétence matérielle (d’attribution) est sanctionnée par la nullité du jugement,
consécutive à l’exercice des voies de recours prévues par la loi (l’appel ou le pourvoi en
cassation).

L’on retiendra dans cette partie, les organes de la justice du droit moderne, d’une part,
et les organes de la justice traditionnelle, d’autre part.

809
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 517, p. 478 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 366, p. 324.
810
Ibidem.
188

Chapitre I : LES ORGANES DE LA JUSTICE DU DROIT MODERNE


Ces organes sont :

- Les juridictions ;
- Le ministère public ;
- Les auxiliaires de la justice.

Section 1 : Les juridictions

On appelle « juridictions », les organes chargés de trancher les litiges au moyen


d’une décision à laquelle, dans un sens large on donne le nom de jugement. Le mot
« juridiction » est un terme générique. En réalité, chaque type de juridiction porte un nom
particulier selon une terminologie façonnée par les usages :

- L’expression « tribunal » est fréquemment utilisée (tribunal de paix, tribunal de


grande instance, tribunal militaire de police, tribunal militaire de garnison, tribunal de
commerce, tribunal du travail, tribunal administratif, etc.)811. Mais ce mot, très répandu dans
l’ordre judiciaire principalement, est réservé, en règle générale, aux juridictions du premier
degré.

- Certaines juridictions s’appellent des « Cours » (Cours d’appel, Cour de cassation,


Cour militaire, Haute Cour militaire, Cour administrative d’appel, Cour des comptes, Cour
constitutionnelle etc.). Ce mot noble, utilisé principalement dans l’ordre judiciaire, désigne les
juridictions d’un rang élevé dans la hiérarchie.

- Le mot « Conseil » revient assez souvent pour désigner le Conseil d’Etat. Dans les
juridictions de l’ordre administratif, l’expression « Conseil » est la survivance du temps où la
justice était retenue par le Souverain et où, de ce fait, la juridiction saisie se bornerait à donner
des « conseils » au ministre et au chef d’Etat812.

Les juridictions comprennent les juridictions de droit commun « juridictions


ordinaires » et les juridictions d’exception (spécialisées). A cet égard, nous pouvons souligner
que tous les doctrinaires ne sont pas d’avis au sujet de distinction entre les juridictions de
droit commun et les juridictions d’exception. Ainsi, certains estiment qu’il n’y a pas de
juridictions d’exception en République Démocratique du Congo étant donné que toutes les
juridictions sont soit prévues par la Constitution soit par le Code d’organisation et compétence
judiciaires ; par conséquent, dès lors qu’aucune juridiction n’existe en dehors des lois, il n’y a

811
Le mot « tribunal » est un mot dérivé du latin « tribunus » qui désignait le tribun, c’est-à-dire, un magistrat
chargé de défendre les intérêts de la plèbe. A partir de là, l’expression s’est généralisée pour désigner
l’organe devant lequel on débat d’intérêts contradictoires.
812
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, éd. Montchrestien, 2006, n° 91, p.89 ; E. JEULAND, Droit
processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 43, p. 59.
189

pas de juridictions d’exception. Font partie de la présente thèse, les Professeurs Nicolas
Bayona Bameya Muna Kinvimba813 et Périclès Luzolo Bambi Lesa.

D’autres, par contre, estiment qu’il faut différencier les juridictions de droit commun
et d’exception car les juridictions d’exception sont celles qui sont compétentes pour une
catégorie de justiciables tels que les militaires ( Cours et tribunaux militaires) et des
infractions particulières telles que les infractions politiques (Cour de sûreté de l’Etat) ou des
matières spécialisées (tribunaux de commerce et tribunaux du travail) alors que les
juridictions de droit commun sont compétentes pour connaître les infractions ordinaires (vol,
abus de confiance, adultère, etc.) ainsi que les autres compétences en matière civile. Ce sont
donc les juridictions que l’homme de la rue appelle « Tribunaux des Civils ». Cette dernière
thèse est soutenue par les Professeurs Kisaka Kia Ngoy, Télesphore Kavundja Maneno814et
Antoine Rubbens815. Il convient de préciser que c’est pour des raisons académiques,
doctrinales que l’on distingue ces deux sortes de juridictions.

Tenant compte de ces raisons, nous appelons « juridictions de droit commun », celles
qui ont une compétence de principe pour connaître de tous les litiges, sans qu’il soit besoin
d’une loi spéciale pour les investir du pouvoir de juger telle ou telle affaire816. On dira par
exemple, que les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance, en matière civile, et les
tribunaux administratifs dans les juridictions de l’ordre administratif, sont des juridictions de
droit commun, parce qu’elles sont compétentes, dans leurs domaines respectifs, pour juger
tous les litiges, aussi longtemps qu’un texte particulier ne leur a pas retiré la connaissance de
telle ou telle catégorie d’affaires déterminée pour en confier la compétence à une autre
juridiction.

Ainsi, en matière civile, la juridiction de droit commun est, au premier degré, le


tribunal de paix ou le tribunal de grande instance selon la valeur du litige. Au second degré, la
juridiction de droit commun est soit le tribunal de grande instance (si la valeur du litige
dépasse celle du tribunal de paix) soit la Cour d’appel. La Cour de cassation reste la seule
juridiction de l’ordre judiciaire pour connaître le pourvoi en cassation (apprécier si les juges
ont bien appliqué la loi ou la coutume).

En matière pénale, la compétence matérielle (d’attribution) se détermine en fonction


de différentes catégories d’infractions. La juridiction de droit commun est au premier degré, le
tribunal de paix (si l’infraction est punissable au maximum d’une peine de 5 ans
d’emprisonnement) et le tribunal de grande instance (si l’infraction est punissable d’une peine
d’emprisonnement supérieure à 5 ans). La Cour d’appel est en principe la juridiction du

813
BAYONA BAMEYA MUNA KIMVIMBA, procédure pénale, notes des cours polycopiées, 2e graduat ;
Faculté de droit, UNIKIN, 1984-1985.
814
T. KAVUNDJA MANENO, Organisation et compétence judiciaires, Cours polycopié, 1e graduat, Faculté de
Droit, Université Catholique de Bukavu, Bukavu, année académique 2007-2008, p. 173.
815
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, pp. 169 et s.
816
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 521, p. 421.
190

second degré sauf lorsqu’elle doit juger au premier degré certains bénéficiaires du privilège de
juridiction. La Cour de cassation juge exceptionnellement au premier et dernier degré les
bénéficiaires du privilège de juridiction énumérés par l’article 153 de la Constitution, au
second degré les bénéficiaires du privilège prévus aux Cours d’appel qui ont interjeté appel
contre les arrêts rendus par les Cours d’appel au premier degré. La Cour de cassation est enfin
le juge des jugements et arrêts rendus par les juridictions inférieures (apprécier si les juges ont
correctement appliqué la loi).

En matière administrative, les juridictions de droit commun sont selon la matière, les
tribunaux administratifs, les Cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat.

En ce qui concerne les juridictions d’exception, ce sont celles qui ne connaissent que
de certaines affaires limitativement énumérées, pour lesquelles un texte spécial leur a reconnu
compétence, parce que leur compétence a un caractère exceptionnel et en quelque sorte
dérogatoire au droit commun. Ainsi, les juridictions militaires, l’ancienne Cour de sûreté de
l’Etat, les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail sont des juridictions d’exception
parce que leur compétence se limite respectivement aux seules infractions militaires, aux
infractions politiques, aux matières commerciales, aux matières du travail et de la sécurité
sociale, prévues par la loi qui a institué et organisé ces juridictions. Et si le mot « juridictions
d’exception » chagrine certains, comme le souligne la doctrine la plus autorisée en droit
judiciaire, ce n’est là, après tout, qu’une question de vocabulaire. Tant il est vrai que le
langage judiciaire a lui aussi ses modes817.

La Cour des comptes nous semble proche des juridictions d’exception parce que ses
compétences sont spéciales, particulières ou exceptionnelles, mais aussi elle est très proche
des juridictions de l’ordre administratif dès lors que ses décisions devraient êtres soumises au
pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. La Cour constitutionnelle a sa nature propre,
elle n’est pas une juridiction de droit commun ni d’exception, elle ne fait pas partie ni des
juridictions de l’ordre judiciaire ni des juridictions de l’ordre administratif.

Ces précisions étant soulignées, nous aborderons les juridictions de droit commun (§ 1)
les juridictions d’exception (§2), la Cour des comptes (§3) et la Cour constitutionnelle (§4).

817
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 521, p.422.
191

§ 1. Les juridictions de droit commun

Nous retiendrons les juridictions de l’Ordre judiciaire et les juridictions de l’Ordre


administratif.

I. Les juridictions de l’Ordre judiciaire

Elles comprennent les tribunaux de paix, les tribunaux de grande instance, les Cours
d’appel et la Cour de cassation (Cour suprême de justice). Il est attaché à chaque juridiction
un Parquet sauf au niveau du Tribunal de Paix auquel la compétence du Parquet de Grande
instance s’étend et où le juge peut remplir les fonctions du ministère public si l’officier du
ministère public n’est pas désigné à cette fin. Il s’agit du Parquet de Grande instance, Parquet
général près la Cour d’appel et du Parquet général près la Cour de cassation (Parquet général
de la République). Le Parquet sera examiné dans la deuxième section consacrée au ministère
public.

1. Les Tribunaux de Paix

Le Tribunal de Paix se trouve à la base de la pyramide ; c’est une juridiction qui


constitue la fusion des tribunaux dits coutumiers. Ils doivent remplacer progressivement les
tribunaux de commune (territoire), de collectivité et de ville818. Leur fondement juridique
repose sur les articles 22 à 30, 86 à 90 et l’article 110 du Code d’organisation et compétence
judiciaires. Ces juridictions ont été créées dans l’optique de restaurer la paix sociale, d’où leur
nom « tribunaux de paix »819. En Belgique, ils avaient été crées par les lois des 16- 24 août
1790 sur le modèle de la juridiction anglo-saxonne ayant la caractéristique d’être une
juridiction rapide, proche du justiciable et incarnée dans son juge820. En République
Démocratique du Congo, ils avaient été créés par ordonnance-loi du 7 mars 1978 portant
création d’un tribunal de paix à Kinshasa et ce, à titre expérimental, et qui fut mis en
application le 4 avril 1978 par la création d’un tribunal de paix à Kinshasa821.

a) Ressort et siège (article 22 du Code d’OCJ)

Le ressort du Tribunal de Paix correspond au ressort administratif de la commune


rurale ou urbaine ; mais il peut exister plusieurs tribunaux de paix dans une même commune.
Toutefois, il peut être aussi créé un seul tribunal de paix pour deux ou plusieurs communes
rurales (territoires) ou urbaines.

818
Voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, « Les tribunaux de Paix au Zaïre – fonctionnement – Procédure et
compétence », in RJZ, janvier à décembre 1984, n° 1-3, pp. 43-49.
819
Ibidem.
820
G. CLOSSET- MARCHAL et J.F VAN DROOGHENBROECK, Droit judiciaire, Fascicule I, cours
polycopié, Faculté de Droit, U.C.L, Louvain- la- Neuve, 2005-2006, p. 83.
821
Voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, Op. cit , p. 43.
192

Le Tribunal de Paix siège au nombre d’un seul juge. Toutefois, il siège au nombre de
trois juges dont deux assesseurs lorsqu’il y a lieu de faire application de la coutume.
Concrètement, en matière répressive (pénale) le juge de paix siège seul avec l’assistance du
greffier. En matière civile et de la famille, le juge de paix siège seul car il s’agit de la matière
du droit écrit. Cependant dans la pratique, en matière de divorce, le juge de paix est assisté par
deux juges assesseurs car il recourt à la coutume invoquée par les parties au procès. En
d’autres termes, le Code de la famille a intégré l’esprit des différentes coutumes en son sein,
ce qui fait que de rares fois, on applique la coutume dont la matière n’est pas prévue par le
Code de la famille.

Le siège ordinaire et ressort dans les Tribunaux de Paix sont fixés par le Président de
la République et le ministère de la justice peut créer le siège secondaire du tribunal de paix.

b) Composition (article 24 du Code d’OCJ)

Le Tribunal de Paix est composé d’un président, d’un ou de plusieurs juges et de deux
juges assesseurs au moins. En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par
le juge le plus ancien d’après l’ordre de nomination. La composition du siège ne peut être
rendue irrégulière par la présence de plus d’un juge assumé, aucune disposition légale ne
l’interdisant822.

Il existe également au sein du Tribunal de Paix un greffier qui peut être assisté d’un ou
de plusieurs adjoints. Le Tribunal de Paix siège avec l’assistance du greffier éventuellement
avec le concours du ministère public ou d’un O.P.J. en cas de désignation par le procureur de
la République (articles 17 et 28 du Code d’organisation et compétence judiciaires).

En cas de non désignation d’un OPJ ou d’un ministère public par le procureur de la
République, les juges des Tribunaux de Paix siégeant en matière répressive remplissent eux-
mêmes auprès des Tribunaux de Paix les fonctions de ministère public, sous la surveillance et
la direction de l’officier du ministère public (article 17 du Code d’organisation et compétence
judiciaires).

c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)

La compétence territoriale du Tribunal de Paix s’étend au niveau de son ressort de la


commune rurale ou urbaine c’est-à-dire que le Tribunal de Paix connaît les affaires passées
dans sa commune (territoire). Lorsqu’une infraction se commet en dehors du ressort du
Tribunal de Paix, on dira que celui-ci est territorialement incompétent. Notons qu’un Tribunal
de Paix peut être créé pour deux ou plusieurs communes (territoires).

822
T.G.I. Kinshasa/Kalamu, Appel, 19/7/1989, Aff. Mvukulu c/Ntumba et consort, inédit.
193

d) Compétence matérielle (ratione materiae)

- En matière répressive (pénale)


Sa base légale repose sur les articles 86 à 90 du Code d’organisation et compétence
judiciaires. Les tribunaux de paix sont compétents de connaître les infractions punissables au
maximum de 5 ans d’emprisonnement et à une amende, quelque soit son taux, ou l’une de ces
peines seulement. Les Tribunaux de Paix sont seuls compétents pour prendre les mesures de
garde, d’éducation et de préservation par la législation en matière d’enfance délinquante (pour
les mineurs d’âge). En d’autres termes, ils constituent les juridictions pour les mineurs. Ils
peuvent mette à la disposition du gouvernement tout individu tombant sous l’application de la
législation sur le vagabondage et la mendicité. Le Tribunal de Paix est également compétent
pour autoriser ou refuser la détention préventive au premier degré sauf après fixation du
dossier devant le tribunal compétent (art. 29 du Code de procédure pénale). L’appel contre les
jugements des Tribunaux de Paix est porté devant les tribunaux de grande instance.

- En matière civile et de la famille (article 110 Code d’O.C.J.)


Les Tribunaux de Paix connaissent de toute contestation portant sur le droit de famille,
les successions, les libéralités et les conflits collectifs ou individuels régis par la coutume. Ils
connaissent de toutes les autres contestations susceptibles d’évaluation pour autant que leur
valeur ne dépasse pas 5 000 francs congolais. La compétence de la juridiction civile devant
être déterminée par la valeur de la contestation et à défaut des pièces pouvant servir de base
pour son évaluation, la Cour suprême de justice invite les parties à évaluer le montant du
litige823.

Ils connaissent également de l’exécution des actes authentiques. Ils sont compétents
pour connaître des expulsions ou des déguerpissements des personnes824. Les présidents du
Tribunal de Paix peuvent autoriser les saisies-arrêts et les saisies-conservatoires.

e) Les Tribunaux de Paix créés et/ou déjà installés en R.D.C.

Il convient de signaler que le Président de la République a créé tous les Tribunaux de


Paix de la République, nous les citerons tous même si certains ne sont pas encore installés :

• Ville de Kinshasa :
Matete, Lemba, Ngaliema, Gombe, Ndjili, Pont Kasa-Vubu, Assossa et Kinkole, soit 8
Tribunaux de Paix.

823
C.S.J., 23 février 1971, N. Marie contre A. Joseph, in R.J.Z., 1972, p. 34 ; C.S.J., 5 avril 1972, R.C.32, in
Bull., 1973, p. 33 ; R.J.Z., 1973, p. 35 et R.J.Z., 1979, p. 36.
824
Tripaix Gombe, 13/12/1985, RC 1/1451/I. Inédit.
194

● Province du Bas-Congo :
Matadi, Tshela, Boma, Inkisi, Luozi, Songololo, Kasangulu, Kimvula, Lukula,
Sekebanza (Kinzau-Mvete), Moanda, Gungu, Mbanza-Ngungu et Madimba, soit 14
tribunaux de Paix.

• Province de Bandundu :
Kikwit, Masimanimba, Kenge, Popokabaka, Bulungu, Kenge II, Kutu, Bagata, Kibi,
Idiofa, Feshi, Kahemba, Gungu, Kasongo-Lunda, Bolobo, Inongo, Kiri, Mushie et
Oshwe, soit 19 tribunaux de Paix.

• Province de l’Equateur :
Bumba, Zongo, Basankusu, Bikoro, Bolomba, Bomongo, Ingende, Lukolela,
Makanza, Bongandanga, Lisala, Basobolo, Mobayimbongo, Yakoma, Budjala,
Businga, Gemena, Kungu, Libenge, Befale, Boende, Bokungu, Djolu, Ikela et
Monkoto, soit 25 tribunaux de Paix.

• Province du Kasaï oriental :


Lodja, Mbuji-Mayi, Gandajika, Kabinda, Kamiji, Lubao, Mweneditu, Katako-kombe,
Kole, Lomela, Lubefu, Lusambo, Kabeya-Kamwanga, Katanda, Lupatapata, Miabi et
Tshilenge, soit 17 tribunaux de Paix.

• Province du Kasaï occidental :


Tshikapa, Dekese, Ilebo, Luebo, Mweka, Demba, Dibaya, Dimbelenge, Kazumba et
Luiza, soit 10 Tribunaux de Paix.

• Province orientale :
Poko, Buta, Bondo, Bambesa, Ango, Aketi, Aru, Rungu, Dungu, Niangara, Faradje,
Kisangani/Makiso, Kisangani/Kabondo, Monkoto, Ubundu, Opala, Isangi, Basoko,
Banalia, Bafwasende, Mambasa, Mahagi, Irumu, Djugu, Wamba, Watsa et Yahuma,
soit 27 tribunaux de Paix.

• Province du Katanga :
Rwashi – Kampemba (Lubumbashi), Lubumbashi-Kamalondo, Kenya-Katuba
(Lubumbashi), Likasi, Kolwezi, Lubudi, Mutshatsha, Bukama, Kabongo, Kamina,
Kaniama, Malemba-Nkulu, Kambove, Kasenga, Kipushi, Pweto, Sakania, Dilolo,
Kapanga, Sandoa, Kabalo, Kalemie, Kongolo, Manono, Moba, et Nyunzu, soit 26
Tribunaux de Paix.

• Province du Sud-Kivu
Kalehe, Mwenga, Shabunda, Walikale, Fizi, Idjwi, Kabare, Uvira et Walungu, soit 9
tribunaux de Paix.
195

• Province du Nord-Kivu :
Butembo, Beni, Lubero, Masisi, Rutshuru et Walikale soit 6 Tribunaux de Paix.

• Province du Maniema :
Kambambare, Kasongo, Kibombo, Lubutu, Pangi et Punia, soit 6 tribunaux de paix.

Au total : 167 Tribunaux de Paix

f) Propositions pour une réforme

f.1. La réévaluation de la compétence en matière civile

Etant donné que la monnaie congolaise ne cesse de se dévaluer, il n’existe


pratiquement plus sur le territoire de la République Démocratique du Congo des contestations
dont la valeur serait significative en rapport au montant que le tribunal de paix pourrait
allouer ; et ceci a pour conséquence qu’actuellement, les tribunaux de paix sont rarement
saisis pour les litiges d’ordre patrimonial. C’est pourquoi, nous proposons :

- De réévaluer à la hausse du montant déterminant la compétence des tribunaux de paix ;


- Le relèvement de ce montant à l’équivalent en francs congolais de 5 000 $ US. Ce
montant nous semble raisonnable, réaliste et tient compte de la proportionnalité arrêtée
depuis les textes coloniaux et qui est allée de 50 000 franc à 5 000 zaïres. Or, à l’époque
1 zaïre valait 2 dollars américains. L’on ajoutera à ces arguments, le fait qu’en dépit de
la dépréciation continuelle du franc congolais, le pouvoir d’achat de la population n’a
pas évolué.

f.2. L’accélération de l’installation des tribunaux de paix et la création de leur siège


secondaire

Le programme d’installation des tribunaux de paix sur l’étendue de la République


Démocratique du Congo est demeuré inachevé jusqu’à ce jour, de telle sorte que les tribunaux
coutumiers qu’ils étaient censés remplacer continuent à fonctionner quasi clandestinement là
où les tribunaux de paix ne sont pas encore installés. De même, l’existence des tribunaux de
paix est prévue en principe dans chaque territoire rural ou commune urbaine. Or, il existe de
territoires trop vastes à tel point qu’il serait difficile à un justiciable se trouvant au fin fond du
territoire pour se présenter devant un tribunal au chef lieu de territoire. Exemple : un
justiciable se trouvant à Lemera (collectivité des bafulero dans la province du Sud- Kivu), il
doit parcourir environs 100 Klms pour atteindre Uvira (chef lieu du territoire d’Uvira). Il en
est de même d’un justiciable se trouvant à Makobola, il doit parcourir environs 110 kilomètres
pour atteindre Fizi, chef-lieu du territoire. Dans ce contexte, la justice aura difficile d’être
équitablement distribuée suite à ces difficultés et le caractère presqu’inexistant des moyens de
196

communication (poste, fax, internet, etc.) et de transport (pas de transport en commun comme
de bus, pas de train, pas de tram, état de route dérisoire).

Dans le souci d’une justice plus équitable, plus rapide, plus régulière et plus proche
des justiciables ; nous pensons que l’on devrait à court terme, accélérer le programme
d’installation de tous les tribunaux de paix dans chaque territoire rural et commune urbaine et
créer les sièges secondaires de ces tribunaux dans chaque collectivité (Secteur) et Localité. A
long terme, l’on pourrait prévoir un tribunal de paix dans chaque localité du territoire rural
national et dans chaque commune urbaine et de la ville de Kinshasa.

f.3. Le respect du principe d’impartialité du juge

Le juge du tribunal de paix exerce les fonctions du ministère public825 et du juge. En


tant que ministère public, il peut poser tous les actes d’instruction préparatoire en matière
pénale (audition de l’auteur présumé de l’infraction, convocation, mandat de comparution,
mandat d’amener, mandat d’arrêt provisoire, réquisitions aux fins de fixation d’audience,
exécuter le jugement, réquisitions aux fins d’emprisonnement). En tant que juge, il siège en
chambre du conseil pour régulariser ou non la détention préventive, siège à l’audience
publique, rend le jugement de condamnation ou d’acquittement.

Or, il principe d’impartialité du juge s’oppose de faire partie du siège de jugement le


juge qui est intervenu antérieurement dans la même affaire en tant qu’officier du ministère
public étant donné qu’il y aurait dans son chef un « préjugement » qu’il chercherait à
confirmer en tant que juge. En effet, en matière pénale, le ministère public est la partie
poursuivante, donc l’adversaire du prévenu. En conséquence, il ne peut pas participer au
jugement de sa propre instruction étant donné qu’il ne peut pas être juge et partie. C’est cela
qui pourrait constituer le défaut de son impartialité826. En vue de garantir l’impartialité du
juge, le même juge qui a participé à l’instruction préparatoire d’une affaire ne devrait pas faire
partie de la composition du siège dans la même affaire. C’est pourquoi, nous pensons qu’un
tribunal de paix devrait être composé de deux juges de carrière au moins de manière que celui
qui a procédé à l’instruction préparatoire ne puisse pas faire partie de la composition de
jugement et exécuter le jugement.

Les jugements des Tribunaux de Paix sont susceptibles d’appel devant les Tribunaux
de grande instance.

825
Art. 17 et 71 du Code d’OCJ et art. 180 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299 du 20 août 1979 portant
règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets.
826
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, op.cit., p. 338; Voy. aussi les conditions de fond de récusation du point
8, § 1 la récusation, section 8 les garanties de l’impartialité du juge.
197

2. Les Tribunaux de grande instance (art. 31 à 35, 91 à 93, 11 à 114, 118 Code d’OCJ)

Les Tribunaux de grande instance se trouvent dans la partie médiane de la pyramide. Il


s’agit des tribunaux autrefois appelés tribunaux de première instance, abstraction faite bien
entendu de leur ressort territorial827. En effet, à l’époque, la compétence territoriale du
tribunal de première instance s’étendait sur toute la Province.

a) Ressort et siège

Le ressort du Tribunal de grande instance correspond en principe au ressort


administratif de district ou de la ville. Il peut exister un ou plusieurs Tribunaux de grande
instance dans un district ou une ville. Le ressort et le siège sont fixés par le Président de la
République. A cause de longues distances à parcourir et de multiples difficultés liées aux
moyens de transport, il a été créé, en plus des sièges principaux fixés en principe au chef-lieu
de district ou de ville, des sièges secondaires de certains Tribunaux de grande instance aux
fins de rapprocher la justice des justiciables. Cela n’exclut pas à un Tribunal de grande
instance de tenir des chambres foraines dans d’autres localités de son ressort. Ex. : Il existe un
siège secondaire du Tribunal de grande instance d’Uvira qui se trouve à Kavumu et un autre
siège secondaire du Tribunal de grande instance d’Uvira se trouve à Mwenga (Kamituga).

b) Composition (articles 32 à 35 du Code d’organisation et compétence judiciaires)

Le Tribunal de grande instance est composé d’un président et des juges. Il siège au
nombre de trois juges en matière pénale. Toutefois, il siège au nombre d’un seul juge au
premier degré en matière de droit privé (droit civil, commercial, du travail..). Notons qu’en
appel en matière civile, le Tribunal de grande instance siège à 3 membres. Doit être annulé en
toutes dispositions pour composition irrégulière du siège, un jugement rendu en violation de
la composition du siège par un tribunal siégeant à juge unique au degré d’appel en matières
civile et commerciales828. En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par
le juge le plus ancien d’après l’ordre des nominations.

Dans le cas où l’effectif des juges du Tribunal de grande instance présent au lieu où le
Tribunal tient une audience ne permet pas de composer le siège, le président du tribunal peut
assumer au titre de juge assesseur, sur réquisition motivée du procureur de la République, un
magistrat du parquet près le Tribunal de grande instance, un avocat ou un défendeur judiciaire
résidant en ce lieu. L’avocat ou le défenseur judiciaire assumé au titre de juge assesseur
prêtera entre les mains du président le serment suivant : « Je jure fidélité au président de la
République, obéissance à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du
Congo ». Ce serment dirait être adapté au processus actuel de démocratisation du pays. En

827
KIWOBO BAMAR, Cours d’organisation et compétence judiciaires, Faculté de droit, Ie Gr. UNILU,
Lubumbashi, 1992-1993, notes de cours.
828 re
I instance Kananga, 17 juillet 1975, in RJZ, 1988, n° 1-3, p. 59.
198

conséquence, l’on devrait uniquement jurer « obéissance à la Constitution et aux lois de la


République Démocratique du Congo ».

Est régulière au point de vue de la composition du siège, la cause qui a été instruite et
jugée par les mêmes juges lorsque les autres audiences composées d’un siège différent étaient
des audiences de remise. Lorsque le siège d’une juridiction a été modifié entre celui qui a pris
l’affaire en délibéré et celui qui a rendu la sentence, il y a lieu de casser d’office pour
composition irrégulière du siège829.

Le Tribunal de grande instance siège avec l’assistance d’un greffier et le concours du


ministère public. L’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 28/08/1979 portant
règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets en son art. 6 déclare que le président du
Tribunal de grande instance détermine le nombre de chambres civiles et pénales nécessaires
au bon fonctionnement des juridictions et fixe leurs compétences respectives. Dans la pratique
en général, chaque juge (magistrat de carrière, licencié en droit) est président d’une chambre
en matière de droit privé. Il siège seul, son jugement est prononcé au nom du peuple congolais
et exécuté au nom du président de la République (art. 149 de la Constitution). En matière
répressive, le président du Tribunal de grande instance crée les chambres et dans la pratique,
elles sont présidées par les juges les plus anciens.

c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)

La compétence territoriale du Tribunal de grande instance s’étend au niveau du district


ou de la ville. Exemple : Le Tribunal de grande instance d’Uvira est territorialement
compétent de connaître un litige (affaire) qui a été commis ou qui existe dans l’ancienne
Sous-Région du Sud-Kivu, ou si le défendeur (accusé) ou le prévenu (auteur d’une infraction)
se trouve dans l’ancienne sous-région du Sud-Kivu, actuellement province du Sud-Kivu. Le
Tribunal de grande instance de Bukavu est territorialement compétent de connaître une
infraction commise dans la ville de Bukavu, en dehors de cette ville, le Tribunal de grande
instance de Bukavu sera territorialement incompétent.

La compétence territoriale est d’ordre public en matière pénale et le consentement des


parties ne peut légitimer l’intervention des tribunaux pour lesquels la législation n’a pas prévu
expressément la connaissance territoriale d’une infraction et tous les actes de procédure et
d’instruction que celle-ci réclame. Est dès lors incompétent, tout tribunal répressif d’une
infraction pour laquelle il n’est pas territorialement compétent lorsqu’il est appelé à examiner
la requête de mise en liberté830. En conséquence est incompétent territorialement, le tribunal
pénal saisi des infractions commises par les prévenus, domiciliés en dehors de son ressort831.

829
CSJ, 21/8/1974, RP 213, Bull. 1975, p. 265, RJZ, 1975, p. 31
830
L’shi, 12/7/1966, RJC, n° 4, p. 337.
831
TGI-Bukavu, 03/01/1999, RP 8583 ; affaire M.P. et P.C. Bulambo Kahindo c/ Kalani Nakimba, inédit.
199

d) Compétence personnelle (ratione personae)

Par compétence personnelle, nous entendons la catégorie des personnes qui


bénéficient du privilège des juridictions, elles sont justiciables devant un tribunal de rang
assez élevé compte tenu de leur rang social assez élevé dans la société. Nous y reviendrons
avec beaucoup de détails lorsque nous aborderons la Cour d’appel.

En ce qui concerne le Tribunal de grande instance, il juge au premier degré les


bénéficiaires de privilège de juridiction tels que les conseillers et chefs de collectivité, les
conseillers, bourgmestres et administrateurs du territoire (voir ordonnance-loi n° 84/023 du
30/03/1984). Il convient de préciser ici que le privilège de juridiction joue seulement au
niveau répressif (pénal) ; il n’y a donc pas privilège de juridiction en matière de droit privé.
Exemple : lorsqu’un Président de la République veut divorcer avec son épouse, il saisira le
tribunal de paix qui est compétent en cette matière (famille) car il s’agit d’une matière civile
ou de droit privé.

e) Compétence matérielle (ratione materiae)

- En matière répressive (articles 91 à 93 du Code d’OCJ)

Les Tribunaux de grande instance connaissent des infractions punissables d’une peine
supérieure à 5 ans de S.P.P. (prison) ou de travaux forcés et des infractions punissables de la
peine de mort. Ils connaissent de l’appel les jugements rendus en premier ressort par les
Tribunaux de Paix.

Est incompétent matériellement, le tribunal pénal saisi des faits revêtant un caractère
832
civil . Les jugements rendus par les Tribunaux de grande instance sont susceptibles
d’opposition et d’appel. L’appel est porté devant la Cour d’appel.

- En matière civile, commerciale, fiscale, du travail, de famille (articles 111 à 112,


114, 151 du code d’OCJ et 792, 807 et 808 du Code de la famille).

Les Tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations qui ne sont
pas de la compétence des Tribunaux de Paix. Ils connaissent de l’appel des jugements rendus
en premier ressort par les Tribunaux de paix. Ils connaissent de l’exécution de toutes
décisions de justice, à l’exception de celles de jugements des Tribunaux de Paix qui est la
compétence de ces derniers. Ils connaissent l’exécution de toutes les décisions des juridictions
étrangères en République Démocratique du Congo dès qu’elles remplissent les conditions
fixées à l’article 117 du Code d’organisation et compétence judiciaires.

Ils connaissent également la matière de taxation et d’accroissement d’impôt (article


151 du Code d’organisation et compétence judiciaires). Ils connaissent enfin les successions

832
TGI-Bukavu, 05/09/1995, RP 8479, affaire M.P. et P.C. Bahizire Kanywege c/Buchekabiri Mwikiza, inédit.
200

dont la valeur dépasse le montant de 100 000 francs congolais (articles 792, 795, 807 et 808
du Code de la famille). S’agissant de la compétence reconnue au Tribunal de grande instance
en matière des successions dont la valeur dépasse 100 000 francs congolais, il s’agit d’une loi
spéciale (Code de la famille) qui déroge à la loi générale (Code d’OCJ) et c’est la loi spéciale
qui trouve application en cas de conflit de compétence en vertu du principe : « in toto jure,
generis per speciem derogatur et illud potissinim hobetin quod ad speciem directum est ». En
effet, les dispositions du Code d’OCJ sont d’une portée générale sur la compétence tandis que
celle du Code de la famille présentent une portée spéciale sur cette notion de compétence
matérielle, puisque portant sur une branche précise.

Si l’action civile a été introduite alors que le tribunal répressif était saisi et compétent
pour connaître de l’action publique, ce tribunal reste compétent pour vider de l’action civile
d’autant plus que le tribunal ne pourrait plus condamner du fait de la péremption, de
l’abrogation de la loi pénale, du décès du prévenu ou de l’amnistie833. Le tribunal de grande
instance de Cataracte-Mbanza-Ngungu s’est déclaré compétent pour connaître d’un conflit
collectif de terres coutumières834. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné que les
prescrits de l’article 110 alinéa 1er du Code d’OCJ prévoit que les conflits fonciers collectifs
ou individuels régis par la coutume sont de la compétence du tribunal de paix.

g) Les Tribunaux de grande instance créés et/ou déjà installés en RDC

- Là où les Tribunaux de Paix ne sont pas encore installés, les Tribunaux de grande
instance sont compétents pour connaître en premier ressort les contestations qui relèvent
normalement de la compétence des Tribunaux de Paix.
- Il convient de signaler que les Tribunaux de grande instance créés et/ou déjà installés en
République Démocratique du Congo sont :

• Ville de Kinshasa :
Matete, Ndjili, Gombe, Kalamu, soit 4 Tribunaux de grande instance.

• Province du Bas-Congo :
Matadi, Mbaza-Ngungu, Boma, Tshela, Lukaya, soit 5 Tribunaux de grande instance.

• Bandundu :
Bandundu, Kikwit, Bulungu, Kenge, Inongo, soit 5 Tribunaux de grande instance.

● Equateur :
Mbandaka, Boende, Gemena, Gbadolite, Lisala, Basankusu, soit 6 Tribunaux de
grande instance.

833
1ère Inst. 5/7/1949, RJ, 1950, p. 183 ; Léo, 7/12/1950, RJ, p. 63 ; 1ère Inst. Kasaï 3/6/1953, RJ, p. 305; Elis,
9/1/1954, RJ, p. 85 cités par Rubbens, op. cit., t. 1, n° 228, p. 262.
834
TGI des Cataractes-Mbanza-Ngungu, 16 août 1996, R.C.2327, M. et K. contre N., in RAJC, janvier à
décembre 2002, fascicule unique, Vol. II, pp. 30-31.
201

• Kasaï oriental :
Mbuji-Mayi, Kabinda, Lusambo, Tshilenge, soit 4 Tribunaux de grande instance.

• Kasaï occidental :
Kananga, Luebo, Tshimbulu, soit 3 Tribunaux de grande instance.

• Province du Katanga :
Lubumbashi, Kipushi, Kamina, Kolwezi, Likasi, Kalemie, Lualaba, soit 7 Tribunaux
de grande instance.

• Province orientale :
Kisangani, Bunia, Buta, Isiro, Tshopo, soit 5 Tribunaux de grande instance.

• Sud-Kivu :
Bukavu et Uvira, soit 2 Tribunaux de grande instance.

• Nord-Kivu :
Goma soit 1 Tribunal de grande instance.

• Maniema :
Kindu soit 1 Tribunal de grande instance.

Au total : 43 Tribunaux de grande instance

Les jugements des Tribunaux de grande instance sont susceptibles d’appel à la Cour
d’appel. Saisis d’une action de la compétence des Tribunaux de Paix, les Tribunaux de grande
instance statuent au fond et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par
le greffier, lorsque les Tribunaux de Paix sont déjà installés (article 111 du Code d’OCJ).

3. Les Cours d’appel (articles 36, 43, 94, 95, 146, 149, 152 du code d’OCJ)

Les Cours d’appel se trouvent au milieu de la pyramide des juridictions. Le siège


d’une Cour d’appel est le chef-lieu de la Province. A l’avènement de la deuxième
République, les Cours d’appel étaient au nombre de 3, à savoir : Kinshasa, Lubumbashi et
Kisangani. Elles sont passées à 9 en 1978, soit une pour la ville de Kinshasa et une par
province suivant l’Ordonnance-loi n° 78/0005 du 29/03/1978. Cela se justifie toujours dans le
souci de rapprocher la justice du justiciable.

Avec la création des provinces du Nord-Kivu et Maniema en 1989, la RDC regorge les
Cours d’appel suivantes: Kinshasa/Gombe, Kinshasa/Matete, Matadi, Bandundu, Mbandaka,
Mbuji-Mayi, Kananga, Kisangani, Lubumbashi, Goma, Bukavu et Kindu.
Au total : 12 Cours d’appel.
202

Notons que la ville de Kinshasa dispose de deux Cours d’appel : une à


Kinshasa/Gombe et une autre à Kinshasa/Matete eu égard au nombre croissant de litiges dans
cette ville qui compte actuellement 10.000.000 d’habitants. La Cour d’appel est créatrice de la
jurisprudence applicable dans l’ensemble des juridictions de son ressort.

a) Ressort et siège

Il existe une seule Cour d’appel dans chaque province et deux Cours d’appel pour la
ville de Kinshasa. Elle siège au nombre de trois membres. Le siège ordinaire est établi dans le
chef-lieu de la province et dans la ville de Kinshasa.

b) Composition

La Cour d’appel est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs présidents
et des conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, sont remplacés d’après l’ordre des
nominations : le premier président par le président, le président par le conseiller le plus
ancien. La Cour d’appel siège au nombre de trois membres avec l’assistance du greffier et le
concours du ministère public.

La Cour d’appel comporte une section judiciaire et une section administrative. La


section judiciaire comprend la chambre pénale (répressive) et la chambre civile, commerciale
et du travail. La section administrative traite les matières administratives et fiscales.

c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)

Elle est compétente au niveau de la province où elle est installée.

d) Compétence personnelle (ratione personae)

La Cour d’appel juge au premier degré, en matière pénale, les bénéficiaires du


privilège de juridiction que sont les magistrats, les fonctionnaires des services publics et
paraétatiques revêtus au moins du grade de directeur ou du grade équivalent, les dignitaires de
l’ordre national du léopard et les membres des assemblées provinciales.

Comme nous pouvons le constater, seuls les dignitaires cités ont le privilège de
juridiction. L’on ne peut donc faire un raisonnement par analogie pour assimiler d’autres
dignitaires comme bénéficiaires du privilège de juridiction. C’est pourquoi, la Cour suprême
de justice congolaise a dit avec raison que commet un excès de pouvoir et sa décision sera
annulée sans évocation, une Cour d’appel qui, par une fausse interprétation et une fausse
application de l’article 94 alinéa 2 du Code d’OCJ, suite à un raisonnement par analogie, se
déclare compétente pour connaître d’une infraction de la compétence du tribunal de paix
203

commise par un dignitaire de l’Ordre national du Zaïre835. En effet, les dignitaires de l’Ordre
national du Zaïre ne sont nullement concernés et ne bénéficient donc pas du privilège de
juridiction prévu à l’article 94 alinéa 2 du Code d’OCJ, qui est de stricte interprétation.

Par transposition des grades, celui qui exerce les fonctions de commissaire sous-
régional, par nomination ou par commissionnement régulier, est directeur et relève de la
compétence de la Cour d’appel car la loi ne distingue entre un directeur nommé et un
directeur commissionné836. De même, un prévenu titulaire intérimaire du grade conférant
privilège de juridiction a droit au privilège de juridiction accordé aux agents revêtus par voie
d’ordonnance du grade dont il exerce également les fonctions étant donné que c’est la
fonction qui est protégée837. De même, la Cour d’appel en vertu de l’article 94 du Code
d’O.C.J., est compétente pour juger un ancien magistrat si les faits reprochés à ce dernier ont
été commis dans l’exercice ou a l’occasion de l’exercice de sa fonction, pendant qu’il était
encore magistrat et sont en relation avec son ancienne fonction838.

Le privilège de juridiction provoque en général la prorogation de compétence mais, la


prorogation de compétence d’une juridiction au profit d’un justiciable normalement de cette
juridiction n’existe qu’à condition que la cause soit poursuivie et instruite devant la juridiction
saisie conjointement à l’égard de deux prévenus839. Il convient aussi de préciser que la
suspension de l’action répressive des tribunaux et la substitution des tribunaux militaires aux
tribunaux civils n’a pas pour effet de suspendre le privilège de juridiction840.

Comme on peut le remarquer, par bénéficiaires du privilège de juridiction, il s’agit de


personnes ayant un rang social élevé, d’où une juridiction élevée également pour que ces
personnes de rang élevé ne puissent pas s’imposer par leur rang social aux juges de
juridictions inférieures. Le privilège des juridictions vise en un mot à mettre le juge compétent
à l’abri des pressions afin de lui permettre d’agir en toute indépendance compte tenu de la
personnalité du prévenu. Cependant, nous pouvons relever que l’expression « privilège de
juridiction » n’est pas heureuse ; en vérité, il ne s’agit pas du tout de privilège, car dans le cas
des justiciables de la Cour de cassation (Cour suprême de justice), il y a une défaveur, celle
d’être privé du bénéfice du principe du double degré de juridiction. L’on devrait plutôt parler
de dérogation au principe de la fixation de la compétence répressive.

835
C.S.J., 30 juillet 1993, H. et A. contre R., RPA 181, in RAJC, juillet à décembre 2004, fascicule II, pp. 5-9.
836
CSJ, 11/6/1981, RPA 68, in DIBUNDA, op. cit., p. 38
837
TriPaix, Kin, 19/12/1989, RP 11.643/III, RJZ, n° 1 et 2, 1993, p. 25.
838
CSJ, 28/8/1981, RPA 67.
839
CSJ, 3/2/1971, RJZ, 1972, p. 113.
840
Léo, 20/12/1962, RJC, 1963, p. 47.
204

e) Compétence matérielle (ratione materiae)

- En matière répressive (pénale) : articles 94 à 95 du Code d’OCJ

Les Cours d’appel connaissent de l’appel de jugements, ordonnances ou autres


décisions rendues au premier ressort par les Tribunaux de grande instance.

Elles connaissent au premier degré les infractions commises par les magistrats
jusqu’au grade du président de la Cour d’appel et les autres bénéficiaires des privilèges des
juridictions ci-haut cités. Lorsque le magistrat inculpé est un membre d’une Cour d’appel ou
d’un parquet général, les infractions sont poursuivies devant la Cour dont le siège est le plus
proche de celui de la Cour au sein de laquelle il exerce ses fonctions.

Les arrêts rendus au 1er degré par les Cours d’appel sont susceptibles d’opposition et
d’appel. L’appel est porté devant la Cour de cassation (Cour suprême de justice).

- En matière civile, commerciale et du travail (articles 114 bis du Code d’OCJ)

Les Cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus en premier ressort par
les Tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et du travail. Il en est de même
des ordonnances ou toutes les autres décisions rendues en premier ressort par les Tribunaux
de grande instance ou les tribunaux de commerce et du travail.

- En matière administrative (article 146 du Code d’OCJ)

Les Cours d’appel connaissent en premier ressort des recours en annulation pour
violation de la loi formés contre les actes ou décisions des autorités administratives
provinciales, locales et des organismes décentralisés sous la tutelle de ces autorités.
Ex. : arrêtés ou décisions du gouverneur de province, décisions de toutes les autorités de la
territoriale, décisions des chefs de division, décisions des organes délibérants (assemblée
provinciale, conseil urbain, de commune et de collectivité, etc.).

En attendant l’installation des juridictions de l’ordre administratif, les Cours d’appel


exercent les compétences dévolues aux Cours administratives d’appel841.

L’article 146 du Code d’OCJ concerne les décisions administratives (acte administratif
ou règlement) et non un contrat avec une autorité administrative. Ainsi, constitue une fausse
application de l’article 146 du Code d’OCJ, le fait pour la section administrative d’une Cour
d’appel de statuer sur une demande tendant à l’annulation d’un procès-verbal de non
conciliation établi par un inspecteur du travail, alors qu’elle aurait pu se déclarer
incompétente toute, ce procès-verbal constituant une simple attestation mais non un acte

841
Article 224 de la Constitution congolaise approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18
décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006.
205

comportant une décision842. De même, le contrat d’emphytéose n’est pas une décision d’une
autorité administrative. Bien que passé entre l’administration publique et un particulier, il
demeure un contrat civil. En conséquence, viole donc l’article 146 du Code d’OCJ, l’arrêt
d’une Cour d’appel, section administrative, saisie en annulation d’un bail emphytéotique par
lequel cette Cour se déclare compétente pour examiner le litige en premier ressort sur base de
la disposition légale sus-indiquée843.

La requête en annulation est irrecevable si aucune réclamation préalable n’a été


introduite par le requérant auprès de l’autorité compétente844. En cas de non réponse à la
réclamation, pour être recevable, le recours en annulation doit être formé dans les 7 mois qui
suivent la réclamation845.

L’article 149 du Code d’organisation et compétence judiciaires ajoute que la Cour


d’appel peut connaître en même temps l’action en réparation du préjudice causé par un acte,
un règlement ou une décision illégale lorsque le préjudice subi ne peut être entièrement réparé
par l’acte d’annulation.

- En matière fiscale

Les Cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus en application de


l’article 151 du Code d’OCJ par les Tribunaux de grande instance. Elles connaissent en
premier et dernier ressort des recours introduits contre les décisions rendues sur réclamation
du contribuable, lorsque la cotisation d’impôt ou d’accroissement d’impôt a été établie
d’autorité par le fisc.

g) Propositions pour une réforme

g. 1. La création d’autres Cours d’appel

Il serait souhaitable qu’à l’instar de la ville de Kinshasa, d’autres Cours d’appel soient
créées dans les 25 provinces qui viennent d’être créées par la nouvelle Constitution du 18
février 2006846. En effet, beaucoup de justiciables lésés dans leurs droits n’usent pas de
recours, compte tenu de longues distances à parcourir pour joindre une Cour d’appel dans le
chef-lieu de leur province. Tel est le cas d’un justiciable se trouvant à Bunia pour joindre
Kisangani ou d’un justiciable se trouvant à Kalemie pour joindre Lubumbashi, il doit
parcourir environs 1200 kilomètres. Les moyens de transport pour y arriver sont très
dérisoires.

842
CSJ, 5/2/1982, RAA, RJZ, 1983, p. 18 avec note.
843
CSJ 15/5/1981, RAA, inédit.
844
CSJ, 15/5/1981, RA 67, inédit.
845
CSJ, 5/2/1982, RA 58, inédit.
846
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, pp. 2-79.
206

Etant donné que la Constitution du 18 février 2006 érige en province autonome le


ressort du tribunal de grande instance de Kalemie, il serait souhaitable qu’une Cour d’appel y
soit aussi créée. De même, dans toutes les nouvelles provinces, l’on devrait aussi créer de
Cours d’appel, ce qui fera le total de 27 Cours d’appel en République Démocratique du
Congo. A long terme, l’on pourrait envisager la création de 2 autres Cours d’appel dans la
ville de Kinshasa, ce qui fera le total de 4 Cours d’appel dans une ville qui compte environs
10.000.000 d’habitants et de 31 Cours d’appel en RDC pour une population d’environs
60.000.000 d’habitants. Cette solution permettra de rapprocher davantage la justice de
justiciables.

g. 2. La suppression du privilège de juridiction pour certains bénéficiaires

Nous n’exagérons pas d’affirmer que le Congo est le champion en toutes catégories au
nombre élevé des bénéficiaires du privilège de juridiction. En effet, nous avons montré qu’il
existe les bénéficiaires du privilège de juridiction au niveau du tribunal de grande instance, de
la Cour d’appel, de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle. Comme on le voit, ils
sont très nombreux et cette situation crée une « immunité déguisée » étant donné qu’il
n’existe pas la possibilité de citation directe, aussi avant toute poursuite pénale à leur endroit,
le magistrat instructeur doit solliciter l’autorisation de son chef hiérarchique. Ce qui parait
compliqué dans la pratique et cela risque de créer une « caste d’intouchables » dans la société
congolaise.

Dans la perspective d’un Etat de droit, l’on devrait à tout le moins, diminuer le nombre
de bénéficiaires du privilège de juridiction. Ainsi, on pourrait retenir comme bénéficiaires du
privilège de juridiction au niveau de la Cour d’appel, les Gouverneurs et les vice-gouverneurs
de province, les membres du Bureau des Assemblées provinciales, les ministres provinciaux,
les magistrats de la Cour des comptes et du parquet près cette Cour ainsi que différents
magistrats. La Cour d’appel se prononcerait ainsi en premier ressort, l’appel devrait être
adressé à la Cour de cassation. Les autres bénéficiaires du privilège de juridiction notamment
les magistrats honoraires, les PDG des sociétés publiques ou paraétatiques ou privées, les
fonctionnaires revêtus au moins du grade de directeur, les dignitaires de l’ordre national de
léopard, ainsi que les bénéficiaires du privilège de juridiction prévus au niveau du tribunal de
grande instance (maires, bourgmestres, administrateurs de territoire, conseillers de communes,
de territoires et de collectivités) devraient être supprimés.

Cela mettrait fin à la culture d’impunité et contribuerait à la consolidation d’un Etat de


droit en République Démocratique du Congo. Cette position est partagée par les éléments de
droit comparé. En effet en France, exceptés le Président de la République (justiciable devant
la Haute Cour de Justice) et les membres du Gouvernement (justiciables devant la Cour de
Justice de la République), les autres bénéficiaires du privilège de juridiction ont été
supprimés. C’est le cas notamment des magistrats et haut fonctionnaires847. Il en est ainsi des

847
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20 ème éd. Dalloz, 2006, n° 513-514 et 530-531, pp. 475-476, 490-
491.
207

pays de l’Afrique francophone qui nous semble « exemplaires » dans le processus de


démocratie et de l’Etat de droit, tel est le cas du Sénégal, du Bénin, et d’une certaine mesure
de la Côte d’Ivoire. Enfin en Belgique, seuls les membres du Gouvernement fédéral, des
Régions et des Communautés, les Gouverneurs de province, les membres de la Cour
constitutionnelle, du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes et les médiateurs fédéraux ainsi
que les magistrats ont le privilège de juridiction ; ils sont jugés en premier et dernier ressort
par les Cours d’appel. En conséquence, les députés fédéraux et régionaux ainsi que les
membres des parlements des Communautés, les sénateurs, les membres des Conseils
communaux, les bourgmestres, les PDG, etc. n’ont pas de privilège de juridiction.

Lorsque la Cour d’appel a été saisie au premier degré, ses arrêts sont susceptibles
d’appel devant la Cour suprême de justice.

4. La Cour suprême de justice (articles 51 à 57, 147 à 149, 155 à 156, 158 à 160 du Code
d’OCJ)

La Cour suprême de justice se trouve au sommet de la pyramide et constitue la plus


haute juridiction du pays. A ce titre, elle est créatrice de la jurisprudence pour l’ensemble des
juridictions de jugement du pays. Elle fonctionnera en attendant l’installation de la Cour
constitutionnelle, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation848.

a) Ressort et siège

La Cour suprême de justice couvre toute l’étendue de la République Démocratique du


Congo. Elle a son siège à Kinshasa.

L’on envisageait la création des sections de la C.S.J. dans l’arrière-pays pour


rapprocher la justice des justiciables. Les chambres foraines devraient aussi avoir lieu selon le
souhait émis par les autorités judiciaires et les justiciables.

b) Composition

La Cour suprême de justice est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs
présidents et de conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, sont remplacés, d’après
l’ordre des nominations : le premier président par le président, le président par le conseiller le
plus ancien.

La Cour suprême de justice comporte trois sections : une section judiciaire, une
section administrative et une section de législation. Chaque section comprend une ou
plusieurs chambres. Excepté la section législation, chaque chambre siège au nombre de trois
membres au moins. Chaque section, toutes chambres réunies, siège au nombre de cinq
membres au moins. Lorsqu’elle statue, toutes sections réunies, la Cour suprême de justice

848
Article 223 de la Constitution du 18 février 2006.
208

siège au nombre de sept membres au moins. En toutes affaires, la Cour suprême de justice
siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Le premier Président
préside les audiences lorsque la Cour suprême de justice siège toutes sections réunies.

Chaque année, la Cour suprême de justice se réunit en audience solennelle et publique


au cours de laquelle un discours du premier Président et une mercuriale du Procureur général
de la République sont prononcés.

c) Compétences

La Cour suprême de justice congolaise a les attributions de la Cour constitutionnelle,


du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation. En attendant l’installation de ces juridictions, la
Cour suprême de justice est compétente en ces matières849. Nous examinerons les sections de
cette Cour à savoir, la section judiciaire, la section administrative, la section de législation et
les sections réunies.

1. La section judiciaire

1.1. Compétence ratione materiae (art. 155 du Code d’OCJ)

Elle connaît des pouvoirs en cassation pour violation de la loi ou de la coutume formés
contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux :

- des demandes en révision ;


- des prises à parties ;
- des règlements des juges ;
- des demandes de renvoi d’une Cour d’appel ou d’une juridiction du ressort d’une Cour
d’appel à une juridiction du même rang du ressort d’une autre Cour d’appel ;
- des renvois ordonnés après une 2ème cassation par la Cour suprême de justice siégeant
toutes sections réunies ;
- du renvoi ordonné après cassation sur injonction du ministère de la justice et Garde des
Sceaux.

Il convient de préciser que les termes violation de la loi ou de la coutume utilisés dans
l’article 155 du Code d’OCJ comprend notamment :

- l’incompétence, l’excès de pouvoirs des Cours et tribunaux, la fausse application ou la


fausse interprétation ;
- la non conformité aux lois ou à l’ordre public de la coutume dont il a été fait
application ;
- la violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité.

849
Art. 223 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
209

S’agissant des demandes en révision (art. 70 à 75 du Code de Procédure devant la


CSJ) : Elle suppose qu’il y a erreur judiciaire. La révision des condamnations passée en force
de chose jugée pourra être demandée pour toute infraction punissable d’une servitude pénale
supérieure à deux mois, quelle que soient la juridiction qui ait statué et la peine qui ait été
prononcée lorsque :

- après une condamnation, un nouvel arrêt ou jugement aura condamné pour les
mêmes faits un autre prévenu et que les deux condamnations ne pouvant se
concilier, leur contradiction sera la preuve de l’innocence de l’un ou de l’autre
condamné ;
- postérieurement à la condamnation, un des témoins entendus aura été poursuivi et
condamné pour faux témoignage contre le prévenu, le témoin ainsi condamné ne
pourra plus être entendu lors des nouveaux débats ;
- après une condamnation pour homicide, il existera des indices suffisants propres à
faire croire à l’existence de la prétention victime à l’homicide ;
- après une condamnation, un fait viendra à se révéler ou des pièces inconnues lors
de débats seront présentées et que ce fait ou ces pièces seront de nature à établir
l’innocence du condamné.

S’agissant du règlement des juges (conflit des juridictions) :


C’est lorsque deux ou plusieurs juridictions judiciaires statuant en dernier ressort se
déclarent compétentes pour connaître d’une même demande mue entre les mêmes parties. La
section judiciaire de la Cour suprême de justice connaît de l’appel des jugements rendus au
premier degré pour la Cour d’appel.

1.2. Compétence personnelle (art. 98 du Code d’ OCJ)

La section judiciaire de la Cour suprême de justice connaît en premier et dernier


ressort des infractions commises par les Députés, les Ministres et les Vices Ministres, les
Magistrats de la Cour suprême de justice et du Parquet Général de la République, les
Gouverneurs et les Présidents des assemblées provinciales et les membres de la Cour des
comptes. Il s’agit en effet des bénéficiaires du privilège de juridiction. La section judiciaire
juge les bénéficiaires du privilège de juridiction toutes Chambres réunies c’est-à-dire au
moins au nombre de cinq membres.

1.3. Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)

La compétence territoriale de la Cour suprême de justice s’étend au niveau de tout le


territoire national.
210

1. La section administrative (art. 147 du Code d’OCJ)

Elle connaît l’appel des décisions rendues par les sections administratives des Cours
d’Appel. Elle connaît en premier et dernier ressort des recours en annulation pour violation de
la loi formés contre les actes, règlements et décisions des autorités centrales et des organismes
décentralisés sous la tutelle de ces autorités. Il convient de préciser que la section
administrative de la Cour suprême de justice joue pratiquement le rôle du Conseil d’Etat850.

Dans le cas où il n’existe pas d’autres juridictions compétentes, la section


administrative de la Cour suprême de justice connaît en premier et dernier ressort, des
demandes d’indemnités relatives à la réparation d’un dommage exceptionnel, matériel ou
moral résultant d’une mesure prise ou ordonnée par les autorités de la République, des
provinces ou des entités locales (art. 158 du Code d’organisation et compétence judiciaires).

Conformément à l’article 158 du Code d’OCJ, la CSJ, la section administrative,


connaît en premier et dernier ressort des recours en annulation formés contre les actes,
règlements et décisions des autorités centrales. Ainsi, la Cour suprême de justice est
incompétente pour connaître en premier ressort d’un recours en annulation contre une
décision d’une autorité provinciale et pour connaître d’une demande d’indemnité pour
réparation d’un dommage exceptionnel lorsque elle a été introduite en même temps qu’un
recours en annulation d’une décision de l’autorité provinciale génératrice du dommage pour la
connaissance de laquelle la CSJ, section administrative n’est pas compétente851.

3. La section de législation (article 159 du Code d’OCJ)

Elle donne des avis consultatifs sur les projets ou propositions des lois ou d’actes
réglementaires qui lui sont soumis ainsi que sur des difficultés d’interprétation des textes. La
section de législation est donc compétente pour statuer sur une demande en interprétation des
dispositions constitutionnelles. Lorsqu’elle est saisie en interprétation de dispositions
constitutionnelles, la Cour suprême de justice entend au préalable l’avis de l’Assemblée
mixte. L’avis consultatif de la Cour suprême de justice saisie en interprétation de dispositions
constitutionnelles est signé par son premier président, le procureur général de la République et
le greffier de séance852.

850
Pour plus de détails, voy. BALANDA MIKUIN LELIEL, « Procédure et compétence administratives de la
Cour suprême de justice du Zaïre », in RJZ, 1990-1991, n° 1-3, pp. 1-3.
851
CSJ, RAI, 1, 16/1/1974, Bull. 1975, p. 9.
852
CSJ, 20 janvier 2004, R.L.09 in RAJC, janvier à juin 2004, fascicule unique, pp. 11-16, note Wasenda
N’Songo et Dibunda.
211

4. Les sections réunies (article 160 du Code d’OCJ)

Elles siègent au nombre de sept membres au moins.

La Cour suprême de justice toutes sections réunies connaissent :

- les recours en appréciation de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force
des lois ainsi que des recours en interprétation de la Constitution ;
- des conflits d’attribution ;
- des contestations nées des élections et du référendum ;
- des pourvois en cassation formés sur injonction du ministre de la Justice et Garde
des Sceaux ;
- des renvois ordonnés après cassation en matière d’infractions flagrantes
intentionnelles.

L’appréciation de la constitutionnalité d’un texte législatif doit être faite par référence
à la constitution en vigueur au moment où ce texte a été écrit. En conséquence, ne peut dès
lors être en considération, une exception d’inconstitutionnalité reposant sur un texte de loi qui
serait contraire à une disposition de la Constitution actuellement en vigueur alors que ledit
texte de loi avait été pris sous l’empire d’une Constitution antérieure abrogée853.

Précisons qu’il y a conflit d’attribution lorsqu’une juridiction judiciaire et une


juridiction administrative se déclarent pour une même demande mue entre les mêmes parties,
toutes les deux compétentes ou incompétentes (article 124 du Code de procédure devant la
Cour suprême de justice). Le conflit d’attribution peut concerner aussi deux juridictions
d’ordre différent qui se déclarent soit compétentes ou incompétentes. Exemple : le tribunal
militaire de garnison et le T.G.I.

Il convient de noter que le service d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice est réglé
par ordonnance du premier président de cette Cour. La Cour suprême de justice et, dans leur
ressort, les Cours et tribunaux, ont droit de surveillance et d’inspection sur les juridictions
inférieures. La surveillance est exercée par le chef de juridiction ou son remplaçant.

5. La Cour de cassation (article 153 de la Constitution approuvée par le référendum du


18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006)

La Cour de cassation remplacera l’actuelle Cour suprême de justice et sera créatrice de


la jurisprudence dans le domaine judiciaire en République Démocratique du Congo.
Elle est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire. Nous aborderons brièvement son origine
(a), son ressort et siège (b), sa compétence matérielle (c), sa compétence personnelle (d) et les
propositions de sa législation (e).

853
CSJ, RA5 et 33, 4/6/1973, Bull. 1974, p. 109.
212

a) Origine

La Cour de cassation a pour origine lointaine, une institution qui existait sous l’ancien
régime français et que l’on appelait le Conseil des parties, lequel était alors une section du
Conseil du Roi, spécialement chargée d’examiner les recours formés contre les arrêts des
Parlements. Après avoir disparu pendant la Révolution française, ce Conseil est devenu
Tribunal de cassation le 27 novembre 1790854 qui deviendra par la suite la Cour de cassation.
L’idée fondamentale qui inspira cette création fut d’abord le souci d’éviter que le juge ne
s’immisce dans la fonction du législateur en dénaturant sa pensée. Mais sur cette
préoccupation initiale s’en greffa une seconde, à savoir le souci d’unifier l’interprétation de la
règle de droit855. De là, la création d’une juridiction suprême investie d’une mission
régulatrice afin d’éviter que la même règle de droit ne soit interprétée de façon différente pour
les différentes juridictions. Ce modèle français a été exporté dans de nombreux pays dont la
Belgique856. En République Démocratique du Congo, la Cour de cassation a été créée par la
Constitution du 18 février 2006.

b) Ressort et siège

La Cour de cassation couvrira toute l’étendue de la République Démocratique du


Congo et aura son siège à Kinshasa. En vue de rapprocher la justice des justiciables, l’on
devrait prévoir des chambres et des sections dans les 25 provinces créées par la Constitution
du 18 février 2006.

c) Compétence matérielle

L’article 153 alinéa 2 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du


référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 dit : « (…) la Cour de
cassation connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en
dernier ressort par les Cours et tribunaux civils et militaires ».

d) Compétence personnelle

L’article 153 alinéa 3 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du


référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 prévoit que la Cour de
cassation juge en premier et dernier ressort les infractions commises par : les membres de
l’Assemblée Nationale et du Sénat, les membres du Gouvernement autres que le Premier
ministre, les membres de la Cour constitutionnelle et du parquet près cette Cour, les

854
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 404, p. 603 ; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey-
Dalloz, 2004, p. 67 ; G. DELEVAL, Institutions judiciaires, Liège, éd. Collection Scientifique de la Faculté
de Droit de Liège, 1993, n° 149, p. 179.
855
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 216, p. 176; J.P.SCARANO,
Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 177, p. 129; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.68.
856
G. DELEVAL, op. cit., n° 149, p. 179.
213

magistrats de la Cour de cassation ainsi que du parquet près cette Cour, les membres du
Conseil d’Etat et du parquet près ce Conseil, les membres de la Cour des comptes et du
parquet près cette Cour, les premiers présidents des Cours d’appel ainsi que les procureurs
généraux près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel et les
procureurs près ces Cours, les gouverneurs, les vice-gouverneurs de province et les ministres
provinciaux, les présidents des Assemblées provinciales.

e) Proposions pour une législation

e. 1. Composition

La Cour de cassation devrait être composée d’un premier président, des présidents et
des conseillers. Elle devrait être composée de six chambres au moins : civile (Procédure civile
droit des personnes, de la famille, bien, obligations et responsabilité civile et contractuelle,
assurance, et sûretés), commerciale (droit commercial, économique, financier, etc.), sociale
(droit du travail et sécurité sociale), pénale (droit pénal général, droit pénal spécial, procédure
pénal etc.) et une chambre coutumière (en cas de violation ou non de la coutume). Dans la
mesure du possible, chacune des chambres devrait être composée des spécialistes dans le
domaine concerné, et subdivisée en sections ; cela afin de permettre une spécialisation plus
poussée et, de ce fait, un gain de temps dans l’examen des pourvois. La Cour de cassation
devrait disposer aussi les chambres réunies et une Assemblée plénière pour des affaires
complexes. L’organisation et le fonctionnement des chambres devraient être fixés par le
premier président de la Cour de cassation. Les fonctions du ministère public devraient être
assumées par le procureur général près la Cour de cassation, les premiers avocats généraux et
avocats généraux près cette Cour. Le greffe devrait y être organisé comme celui de la Cour
suprême de justice, sous l’autorité d’un greffier en chef.

e. 2. Missions de la Cour de cassation

La Cour de cassation, en tant que juridiction suprême de l’ordre judiciaire a pour


mission de veiller au respect de la règle de droit par les juridictions inférieures. Elle devrait
servir un régulateur aux autres juridictions et assurer une certaine fixité de la jurisprudence.
Elle ne devrait donc pas être un troisième degré de juridiction étant donné que son rôle n’est
pas de rejuger l’affaire comme le ferait une Cour d’appel, en substituant son propre arrêt à la
décision qui lui est déférée. En principe, la Cour de cassation, juge le droit et non les faits. Et
c’est pourquoi, l’on dit que la « Cour de cassation juge les jugements et non les affaires »857.
Cette formule signifie que la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires c’est-à-dire
qu’elle ne peut pas vérifier si le juge s’est trompé quant aux faits. Elle ne contrôle pas la
réalité des faits mais vérifie si le juge a légalement appliqué le droit aux faits. Elle n’a pas à se
substituer sa propre appréciation des faits à une interprétation qu’elle considérerait comme
erronée ou à suppléer à des carences dans l’instruction de la cause. La Cour de cassation a

857
J. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 178, p.129 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 221, p. 179.
214

pour mission de veiller à l’interprétation et à l’application exactes de la loi et, par là, d’assurer
l’unité de la jurisprudence. C’est une garantie fondamentale, d’une part, du maintien de l’Etat
de droit et, d’autre part, de l’égalité des citoyens devant la loi, éléments essentiels d’une
véritable démocratie. C’est aussi le gage de la sécurité juridique.

Il convient cependant de relever que l’article 153 alinéa 3 de la Constitution


congolaise du 18 février 2006 prévoit que la Cour de cassation juge en premier et dernier
ressort les bénéficiaires du privilège de juridiction énumérés. Malheureusement ils sont très
nombreux, environs 2 000 en République Démocratique du Congo. En d’autres termes, elle
juge les faits commis par ces derniers. On peut se demander si cela ne risque pas de détourner
la Cour de cassation de sa mission traditionnelle celle de ne juger que le droit et non les faits.
Ne faut-il pas à ce sujet s’inspirer du droit comparé ? En Belgique tout comme en France où
la Cour de cassation existe depuis environs 200 ans, aucun des bénéficiaires du privilège de
juridiction n’est jugé par la Cour de cassation ni au premier degré ni au degré d’appel. Il en
est de même du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Bénin.

Pour la République Démocratique du Congo, nous pensons qu’à tout le moins, l’on
devrait diminuer le nombre des bénéficiaires du privilège de juridiction858. Nous estimons que
pourraient être justiciables de la Cour de cassation en premier et dernier ressort, le Président
de la République et les membres du Gouvernement, les membres du Bureau de l’Assemblée
Nationale et du Sénat, les magistrats de la Cour constitutionnelle et du parquet près cette
Cour, les magistrats de la Cour de cassation et du parquet près cette Cour, les magistrats du
Conseil d’Etat et du parquet près ce Conseil, les premiers présidents des Cours d’appel et
procureurs généraux près ces Cours, les premiers présidents des Cours administratives d’appel
et procureurs généraux près Cours.

En ce sens, l’on contribuerait à désengorger la Cour de cassation d’autant plus


qu’elle est le juge de droit et juge de cassation. En dehors des bénéficiaires du privilège de
juridiction ainsi énumérés, la Cour de cassation devrait juger les faits que dans le cas
exceptionnel. Tel est le cas des exigences du délai raisonnable d’un procès, la Cour de
cassation devrait dans certaines circonstances être juge du fond à condition qu’elle soit
d’abord saisie par le pourvoi en cassation, et qu’elle estime qu’en renvoyant l’affaire à une
juridiction inférieure pour connaître le fond, compte tenu de la complexité de l’affaire, le délai
raisonnable du procès risque d’être dépassé859.

Comme on peut le constater, il y a une exception très limitée qui permettrait à la


Cour de cassation de juger les faits au premier degré alors qu’en République Démocratique du
Congo cela est la règle, principalement lorsque la Cour de cassation doit juger les
bénéficiaires du privilège de juridiction énumérés à l’article 153 alinéa 3 de la Constitution et
connaître l’appel des arrêts rendus par les Cours d’appel lorsqu’ils ont jugé au premier degré
les bénéficiaires du privilège de juridiction prévus par le Code d’OCJ .

858
Voy. A cet égard 1e partie, chap I, section 3 l’égalité devant la justice, § 3. Propositions pour une réforme.
859
F. LUXEMBOURG, « La Cour de cassation, juge du fond », in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2358-2362.
215

e.3. Compétence matérielle

Tout en reconnaissant sa mission, la Cour de cassation devrait avoir les mêmes


compétences matérielles spéciales de la section judiciaire de l’ancienne Cour suprême de
justice à savoir : des demandes en révision, des prises à partie, des règlements des juges,
demandes de renvoi d’une Cour d’appel à une autre et des renvois ordonnés après cassation
(articles 155 du Code d’OCJ).

II. Les juridictions de l’ordre administratif

Ces juridictions sont prévues par les articles 154 et 155 de la Constitution approuvée
par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février
2006860. Elles remplaceront les sections administratives des Cours d’appel ou de la Cour
Suprême de Justice selon le cas.

On appelle juridictions de l’ordre administratif ou juridictions administratives, les


organes juridictionnels qui, sous le contrôle éventuel du Conseil d’Etat, tranchent les
difficultés contentieuses de droit public qui opposent un administré à une collectivité
publique861. A titre d’exemple l’on peut citer notamment les litiges entre un citoyen lésé par
une décision illégale de l’administration provinciale, communale, de collectivité ou de
secteur, de localité ; le recours en annulation contre une ordonnance, un décret ou un arrêté
estimé illégal ou encore les demandes en réparation formées contre une administration à
raison des dommages causés par le fonctionnement défectueux de service public.

De même, les autorités centrales ( Président de la République, Premier Ministre,


ministres et vice-ministres ou une autorité administrative centrale) peuvent demander l’avis au
Conseil d’Etat sur les projets de lois, ordonnances ou de décrets qu’elles voudraient initier;
les autorités provinciales (Gouverneur de province, ministres provinciaux ou une autorité
administrative provinciale) peuvent demander à une Cour administrative d’appel de l’éclairer
sur un projet d’un édit ou d’une décision administrative à caractère réglementaire ou non
qu’elles voudraient initier ; les autorités communales et locales (bourgmestre, maire, chef de
collectivité ou de secteur, chef de localité) peuvent en ce qui les concerne solliciter l’avis
d’un tribunal administratif de leur ressort pour l’éclairer sur les projets des décisions
administratives à caractère règlementaire ou non.

Comme nous pouvons le constater, les juridictions administratives peuvent, d’une part,
juger l’illégalité d’un acte administratif pris par une autorité administrative à l’égard d’un
administré, d’autre part, elles peuvent donner un avis sur un projet d’une ordonnance, d’un
décret ou d’un arrêté ou d’une décision administrative provinciale ou communale ou locale

860
Journal de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, pp. 3 et s.
861
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 éd. Montchrestien, 2006, n° 251, p. 203.
216

afin de vérifier si un tel projet serait conforme à la loi. Ce sont ces particularités ainsi relevées
des juridictions de l’ordre administratif qui les distingue des juridictions de l’ordre judiciaire.

Les juridictions de l’ordre administratif ou juridictions administratives comprennent


les tribunaux administratifs, les Cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat. Ceux-ci
peuvent être considérés comme des juridictions de droit commun de l’ordre administratif862.
Même si elles ne sont pas encore installées, il nous semble nécessaire d’indiquer dans quelle
mesure elles pourraient être organisées afin qu’elles puissent jouer effectivement leur rôle de
l’édificateur d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo.

En effet, la solidité d’un Etat de droit dépend de la qualité des règles et des principes qui
le fondent et surtout de la fiabilité des institutions juridictionnelles appelées à les faire
respecter863. Dans cette optique, les juridictions administratives auront un grand rôle à jouer
dans l’édification de l’Etat de droit en République Démocratique du Congo car elles seront
l’incarnation de l’Etat et permettront que toute personne dont les droits seraient méconnus ou
menacés par l’administration puisse disposer d’un droit absolu de recours devant une
juridiction administrative (tribunal administratif, Cour administratives d’appel et Conseil
d’Etat) afin qu’elle soit protégée contre les conséquences de tout acte administratif reconnu
par le tribunal illégal ou arbitraire. Les caractères de la procédure administrative sont marqués
par la procédure inquisitoire, semi-secrète et écrite Le juge administratif a des pouvoirs
comparables à celui de l’administration. Aussi, paradoxalement, le caractère inquisitoire est
plutôt favorable aux administrés, qui peuvent être secondés par le juge, face à la puissance
publique. En particulier, le juge administratif peut enjoindre l’administration de communiquer
des documents. C’est pourquoi, eu égard à cette vision, il sied de faire une projection de la
manière d’organiser le fonctionnement des juridictions administratives en République
Démocratique du Congo. Nous aborderons sommairement les tribunaux administratifs (1), les
Cours administratives d’appel (2) et le Conseil d’Etat (3).

1. Les tribunaux administratifs

Ils devraient être au premier degré, les juridictions de droit commun en matière
administrative. Lors de leur installation, ces tribunaux seront les homologues de ce que sont
les tribunaux de grande instance en matière judiciaire.

a) Origine

Ils sont d’inspiration française. Leur origine remonte en 1799864. Dans l’ancienne
France, on les trouverait dans les Conseils d’intendance qui, dans des provinces, auprès de

862
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 79-82.
863
M.V. LESSAY, « Plaidoyer pour la création des juridictions administratives autonomes au zaïre », in Revue
de droit africain, avril 1997, n° 2, p. 39.
864
A. HERAUD et A. MAURIN, Institution judiciaires, Paris, éd. Sirey- Dalloz, 2004, p. 72.
217

chaque intendant, étaient composés d’hommes de lois chargés d’aider celui-ci dans les
décisions qu’il était appelé à prendre, notamment pour trancher le contentieux qui lui était
soumis865. En République Démocratique du Congo, ils ont été créés par la Constitution du 18
février 2006. L’article 154 de cette Constitution dit : « Il est institué un ordre de juridictions
administratives composé (…) des tribunaux administratifs ».

b) Ressort et siège

Les tribunaux administratifs devraient avoir les mêmes ressorts et siège que les
tribunaux de grande instance. Ils devraient aussi siéger au nombre de trois membres au moins.

c) Composition

Ils devraient être composés d’un président, de plusieurs juges et comprendraient si


possible plusieurs chambres. Le jugement devrait être rendu par la chambre saisie. Mais pour
les affaires délicates importantes, et pour donner une plus grande autorité à la décision rendue,
les tribunaux administratifs pourraient statuer en chambres réunies de la juridiction. Les
fonctions du ministère public devraient être assumées par le procureur près le tribunal
administratif assisté de premiers substituts et substituts. Le greffe devrait aussi y être organisé.

d) Compétences

d) 1. Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)

Le tribunal administratif compétent sera celui dans le ressort duquel aura légalement
son siège l’autorité administrative qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation
aura pris la décision administrative attaquée.

d) 2. Compétence matérielle ou ratione materiae

- Attributions administratives ou consultatives :

Les tribunaux administratifs devraient donner leur avis sur les questions qui devraient
leur être soumises par les autorités des villes urbaines ou les autorités communales ou de
territoires ou de collectivités, de secteurs et de localités.

- Attributions juridictionnelles :

865
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 271, p.221 ; J. VINCENT, S.
GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005,
n° 449, P. 654.
218

Les tribunaux administratifs devraient être les juges de droit commun en premier
ressort du contentieux administratif des actes des autorités administratives susmentionnées
tant en annulation qu’en suspension. Ils devraient connaître aussi du contentieux fiscal
(décharge ou réduction en matière de contributions directes, opposition à contrainte), du
contentieux électoral au niveau de son ressort (élections municipales ou dans des
établissements publics et privés), contentieux relatifs aux marchés publics, et aux travaux
publics, expropriation pour cause d’utilité publique, réquisitions, octroi ou refus de permis de
conduire, litiges relatifs à l’organisation et au fonctionnement des villes, commune (territoire),
collectivités, secteurs et localités etc. Ils pourraient exercer, dans le cadre de leur compétence
juridictionnelle, une mission de conciliation. Leurs jugements rendus devraient être
susceptibles d’appel, en principe dans un délai de trois mois devant les Cours administratives
d’appel.

2. Les Cours administratives d’appel

a) Origine

Elles avaient été créées en France en 1987 dans le but d’éviter l’engorgement du
Conseil d’Etat866et elles ont été introduites en République Démocratique du Congo par la
Constitution du 18 février 2006867.

b) Ressort et siège

Elles devraient avoir les mêmes ressorts et siège que les Cours d’appel et devraient
aussi siéger au nombre de trois membres au moins.

c) Composition

Elles devraient être composées des premiers présidents, des présidents et des
conseillers de la Cour administrative d’appel. Le premier président de la Cour administrative
d’appel devrait assurer l’administration générale de la Cour : direction des services, discipline
intérieure, organisation des audiences, répartition des requêtes entre les chambres, etc. Par
ailleurs en sa qualité de juge, il devrait participer à l’élaboration des décisions et présider une
formation de jugement. Enfin, en sa qualité de président, il devrait être investi, dans les
procédures d’urgence, des mêmes pouvoirs que ceux qui sont conférés aux présidents des
tribunaux administratifs.

866
A. HERAUD et A MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey- Dalloz, 2004, p. 78 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 278, p. 226 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005, n° 461, p. 662 ; J.P.
SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème ed.Ellipses, 2006, n ° 217, pp. 159-160.
867
Articles 154, 155, et 224 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
219

Les Cours administratives d’appel devraient être subdivisées en chambres présidées


par le président. Ses décisions que l’on appellerait des « arrêts » devraient être rendues par
des formations collégiales différentes soit par une chambre, soit par la Cour administrative
d’appel en chambres réunies. Celle-ci devrait comprendre tous les membres de la juridiction
dès lors que l’affaire sera complexe dans le but de donner une plus grande autorité à la
décision qui sera prononcée. En ce cas, la Cour devrait être présidée par le premier président
ou à défaut, par le président de chambre le plus ancien. De même, les Cours administratives
d’appel devraient dans certaines circonstances se réunir en assemblée plénière sous la
présidence du premier président de la Cour ou le président de chambre le plus ancien. Les
fonctions du ministère public devraient être assumées par les procureurs généraux près les
Cours administratives d’appel, assistés d’avocats généraux et substituts près les Cours
administratives d’appel. Les services de greffe devraient aussi y être organisés comme ceux
des Cours d’appel.

d) Compétences

d) 1. Compétence territoriale ou ratione territoriae

Elles devraient s’étendre sur tout le territoire du ressort de la Cour d’appel.

d) 2. Compétence matérielle ou ratione materiae

- Attributions administratives ou consultatives:

Les Cours administratives d’appel devraient donner des avis sur les questions qui leur
seront soumises par les gouvernements et parlements provinciaux ainsi que les différentes
autorités provinciales publiques ou privées.

- Attributions contentieuses :

Les Cours administratives d’appel devraient connaître au second degré les appels
formés contre les jugements et ordonnances des tribunaux administratifs. Au premier degré,
elles devraient connaître des recours pour excès de pouvoir des actes des autorités
provinciales tant publiques que privées tant en annulation qu’en suspension. Elles devraient
connaître aussi du contentieux électoral du niveau provincial ainsi que le contentieux
administratif relatif aux autorités provinciales. Le recours contre ses décisions devrait être
adressé au Conseil d’Etat.

3. Le Conseil d’Etat

C’est la plus haute juridiction de l’ordre administratif en République Démocratique de


Congo. Elle est l’homologue de la Cour de cassation dans les juridictions de l’ordre judiciaire.
220

Toutefois, il existe une distinction fondamentale entre le Conseil d’Etat et la Cour de


cassation. Si les deux exercent les plus hautes fonctions juridictionnelles, le Conseil d’Etat est
chargé d’une mission très spécifique, celle de conseil auprès du Gouvernement et des
administrations, qu’il remplit en rendant des avis dans le domaine législatif et
réglementaire868. Le Conseil d’Etat trouve son origine en France sous l’Ancien Régime, à la
fin du XIIIème siècle, dans le Conseil du Roi, lequel donnait « ses avis au Souverain sur les
affaires administratives et judiciaires réservées à la justice royale »869. C’est pourquoi, le
Conseil d’Etat continue à donner des avis. En République Démocratique du Congo, il a été
créé par la Constitution du 18 février 2006.

a) Ressort et siège

Le Conseil d’Etat aura comme ressort toute l’étendue de la République et son siège
sera à Kinshasa.

b) Compétence matérielle

L’article 155 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du référendum


du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 prévoit que le Conseil d’Etat est
compétent en premier et dernier ressort des recours pour violation de la loi, formés contre les
actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales.

Il connaît en appel des recours contre les décisions des Cours administratives d’appel
rendues au premier degré. Il connaît dans les cas où il n’existe pas d’autres juridictions
compétentes, des demandes d’indemnités relatives à la réparation d’un dommage
exceptionnel, matériel ou moral résultant d’une mesure prise ou ordonnée par les autorités
centrales de la République. Il se prononce en équité en tenant compte de toutes les
circonstances d’intérêt public ou privé.

Comme nous pouvons le constater, le Conseil d’Etat est le juge de première instance et
juge d’appel. En tant que juge de première instance (article 155 alinéas 1 et 3 de la
Constitution du 18 février 2006), sa compétence sera en premier et dernier ressort parce que
l’affaire sera jugée pour la première et la dernière fois par le Conseil d’Etat, sans possibilité
de recours. Dans cette situation, il s’agit pour le Conseil d’Etat de connaître des recours en
annulation ou en suspension formés contre les actes, règlements et décisions des autorités
administratives centrales (ordonnances du Président de la République, décrets du Premier
ministre, arrêtés des ministres ou autres décision d’une autorité administrative centrale). On
comprend facilement la raison d’être d’une telle règle : par définition, ces actes émanent
d’une autorité nationale (Président de la République, Premier ministre, ou ministre) ; il est
donc indispensable de centraliser tout le contentieux devant une juridiction dont l’autorité est
également centrale (nationale). En tant que juge d’appel (article 155 alinéa 2 de la

868
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 192, p. 145.
869
Ibidem ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 255, p. 207.
221

Constitution du 18 février 2006), le Conseil d’Etat est juge d’appel de droit commun, en ce
sens, il connaît en appel des recours contre les décisions des Cours administratives d’appel
rendues au premier degré.

c) Propositions

c) 1. Concernant la composition

Le Conseil d’Etat devrait être composé du premier président, des présidents et des
conseillers. Les fonctions du ministère public devraient être assumées par le procureur général
près le Conseil d’Etat, les premiers avocats généraux et avocats généraux près le Conseil
d’Etat. Le greffe devrait aussi y être organisé comme celui de la Cour de cassation.

c) 2. Concernant les compétences matérielles

Nous pensons que le Conseil d’Etat devrait, en dehors de ses compétences prévues à
l’article 155 de la Constitution, être aussi le juge de cassation pour toutes les juridictions de
l’ordre administratif. Autrement dit, toute décision rendue en dernier ressort par n’importe
quelle juridiction administrative, devrait sous certaines conditions, être déférée au Conseil
d’Etat par la voie d’un recours en cassation.

Le Conseil d’Etat devrait disposer de trois sections : la section consultative ou d’avis,


la section contentieuse et les sections réunies. La section consultative ou d’avis devrait donner
des avis en matière législative (projets de lois, décrets et arrêtés) et administrative (textes,
questions soulevant une difficulté). Elle pourrait attirer l’attention des pouvoirs publics sur les
réformes qui lui paraissent souhaitables. En ce qui concerne la portée des avis du Conseil
d’Etat, en matière législative et réglementaire, l’avis du Conseil d’Etat ne devrait pas être
contraignant pour le Gouvernement. C’est peut être ce qui pourrait autoriser le Conseil d’Etat
à avoir une acceptation large de son rôle. Bien entendu, son premier souci et son devoir sont
de détecter les difficultés juridiques d’un projet de texte, eu égard au contenu des règles ou
des principes de valeur supérieure au projet de texte dont il est saisi : la Constitution et les
principes de valeur constitutionnelle, les traités internationaux pour les projets de loi et
d’ordonnance auxquels s’ajoutent, bien sûr, les lois pour les projets de décret870. Mais le
Conseil d’Etat ne devrait pas se borner à l’examen auquel il pourrait se livrer. Il devrait aussi
apprécier l’adéquation du projet à l’objectif que le Gouvernement devrait s’assigner, à la
façon dont le texte pourrait s’harmoniser avec la législation et la réglementation préexistante
et aussi à son opportunité administrative871. Enfin, le Conseil d’Etat devrait veiller autant qu’il
le peut, à la qualité de la rédaction : correction de style ; clarté, absence d’ambigüité des
dispositions normatives872.

870
R. DENOIX DE SAINT MARC, « Les projets de loi et de décret devant le Conseil d’Etat », in Mélanges en
l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 182.
871
Ibidem.
872
Ibidem.
222

En ce qui concerne la section contentieuse, elle devrait connaître la suspension ou


l’annulation d’un acte administratif des autorités centrales (nationales) ainsi que la
connaissance en appel des décisions rendues par les Cours administratives d’appel au premier
degré.

Les sections réunies du Conseil d’Etat devraient être le juge de cassation des
jugements et arrêts rendus par les juridictions administratives statuant en dernier ressort.

Bref, le Conseil d’Etat devrait être juge de première instance, juge d’appel et juge de
cassation. Il devrait avoir les attributions administratives ou consultatives (donner des avis sur
les questions qui leur sont soumises par les autorités administratives centrales) et
juridictionnelles (connaître le contentieux administratif en annulation ou suspension au
premier degré ou au second degré ou en cassation).

§2. Les juridictions d’exception

Nous avons déjà noté plus haut que les juridictions d’exception sont celles qui sont
compétentes pour connaître les infractions particulières (infractions politiques ou infractions
purement militaires) et une catégorie des justiciables qui ont leur mode de vie propre et une
discipline particulière (militaire). De ce fait, étant donné que ces juridictions ne connaissent
qu’une catégorie d’infractions et des justiciables ainsi que des matières très spécialisées, elles
sont, rappelons-le, des juridictions d’exception873. A ce titre, nous retiendrons les juridictions
militaires, l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat, les Tribunaux de Commerce, les Tribunaux du
Travail. Ces deux dernières sont rangées ici étant donné qu’elles connaissent des matières très
spécialisées (particulières) ou exceptionnelles.

A. Les juridictions militaires

Les juridictions militaires font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si
elles sont rangées dans les juridictions d’exception. L’article 153 de la Constitution
congolaise approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et
promulguée le 18 février 2006 déclare : « Il est institué un ordre de juridictions judiciaires,
composé des Cours et tribunaux civils et militaires placés sous le contrôle de la Cour de
cassation ».

873
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, p. 169.
223

Les tribunaux militaires sont les juridictions les plus anciennes du droit colonial874. Le
régime des juridictions militaires de la colonie fut maintenu sans modification jusqu’en 1964,
date à laquelle furent instaurées les Cours martiales qui ne connurent d’ailleurs qu’une
existence limitée. Le Code provisoire de justice militaire de 1964 a été abrogé par
l’ordonnance-loi n° 72/060 du 25 septembre 1972 portant institution d’un Code de justice
militaire. Celui-ci fut à son tour abrogé par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant
création de la Cour d’ordre militaire, et qui lui aussi sera abrogé par la loi n° 023-2002 du 18
novembre 2002 portant Code judiciaire militaire en République Démocratique du Congo.
Nous aborderons le fondement des juridictions militaires (I), l’organisation et la compétence
des juridictions militaires (II) ainsi que les critiques relatives à l’organisation et la compétence
des juridictions militaires au regard des normes universelles du procès équitable (III).

I. Le fondement des juridictions militaires

La justice militaire a la noble mission d’assurer et de maintenir l’ordre et la discipline


des Forces Armées. La nécessité de maintien d’une discipline particulière par les soldats
relève même de la fonction de l’armée qui est le maintien de l’ordre, la protection des
personnes et de leurs biens ainsi que de la défense du territoire national. L’organisation et le
fonctionnement de la justice militaire seront adaptés à cette réalité et caractérisés par les
impératifs de simplicité et d’efficacité. Ainsi, le soldat qui endure quotidiennement des dures
privations et des servitudes tente le plus souvent de commettre les actes d’indiscipline pour se
soustraire au devoir et ne peut donc qu’être jugé par son collègue militaire qui connaît les
mêmes réalités de vie.

D’autre part, il existe des infractions spécifiquement militaires, c’est-à-dire celles qui
sont inhérentes à la vie militaire (insubordination, lâcheté, abandon de poste, désertion) qui ne
sont pas prévues par le Code pénal ordinaire (de droit commun), et ce sont des juridictions
militaires qui sont compétentes à l’égard de ces infractions. Concrètement, le soldat est régi
par des règles particulières, il vit dans les conditions spéciales, son juge naturel doit être celui
qui a la pratique de commandement et l’obéissance, qui parle son langage et qui, soumis aux
mêmes devoirs et sacrifices, vivant au sein de cette communauté militaire, connaît sa
mentalité et ses difficultés875. Autrement dit, le militaire doit être jugé par son semblable
militaire. D’où l’adage, « Le militaire ne peut être jugé que par ses pairs ou ses supérieurs ».
Cela signifie que le militaire sera jugé par son collègue militaire du même grade que lui ou
ayant le grade supérieur que lui.

Toutes ces raisons justifient l’existence des juridictions militaires. En effet, l’article
156 de la Constitution congolaise du 18 février 2006876 prévoit que les juridictions militaires
connaissent les infractions commises par les membres des Forces armées et de la police
nationale. Aussi, il ressort de l’article 76 du Code judiciaire militaire que les juridictions
militaires connaissent, sur le territoire de la République, des infractions d’ordre militaire

874
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
130, p. 169 ; LIKULIA BOLONGO, La compétence d’attribution des juridictions militaires en temps de
paix en droit comparé zaïrois, belge et français, Paris, LGDJ, 1975, p. 23.
875
LIKULIA BOLONGO, Droit pénal militaire congolais, Paris, LGDJ, 1977, p. 3 ; voir également exposé des
motifs du décret-loi du 18/15/1964 portant code provisoire de justice militaire.
876
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, p. 54.
224

punies conformément aux dispositions du Code pénal militaire. Et l’alinéa 2 de l’article 76


ajoute que les juridictions militaires connaissent également les infractions de toute nature
commises par des militaires. Celles-ci sont punies conformément aux dispositions du Code
pénal ordinaire. Cela veut dire que les juridictions militaires jugent les infractions d’ordre
militaire quel que soit l’auteur de celles-ci et elles jugent toutes les infractions de droit
commun ou d’ordre militaire commises par les militaires.

Relevons toutefois, si l’un des co-auteurs ou complices n’est pas militaire, les
prévenus militaires seront justiciables des juridictions de droit commun (Tribunaux appelés
communément Tribunaux civils) cela en se conformant à l’esprit et à la lettre de l’article 115
du Code judiciaire militaire. En effet, l’article 115 du Code judiciaire militaire déclare : « Les
Tribunaux de droit commun sont compétents dès lors que l’un des co-auteurs ou complices
n’est pas justiciable des juridictions militaires, sauf pendant la guerre ou dans la zone
opérationnelle, sous l’état d’urgence ou de siège ou lorsque le justiciable civil concerné est
poursuivi comme co-auteur ou complice d’infraction militaire ». De même, l’article 118 du
Code judiciaire militaire prévoit que la juridiction de droit commun peut juger un militaire qui
a commis une infraction de droit commun à l’audience de la juridiction de droit commun.
Autrement dit, il s’agit des délits d’audience.

Lorsque plusieurs personnes militaires et une civile ont commis plusieurs infractions
en participation criminelle et sont poursuivies simultanément, elles doivent être jugées par la
juridiction civile compétente de rang le plus élevé877. Mais le Conseil de guerre général a
estimé lorsqu’une cause comprend un militaire et des civils comme prévenus et que le fait
reproché aux civils constitue une assistance des civils au militaire en vue de commettre une
infraction à la loi ou au règlement militaire, les juridictions militaires sont compétentes878.

Cependant nous pouvons préciser qu’en matière de droit privé (civile, commerciale, de
la famille, etc.), ce sont les juridictions de droit commun qui sont compétentes même si toutes
les parties au procès sont militaires. Exemple : Divorce entre un colonel des FARDC et une
femme capitaine de FARDC sera jugé par les Tribunaux de droit commun (Tribunal de Paix
s’il est déjà installé, ou au Tribunal de grande instance si celui-là n’est pas encore installé).
Les Tribunaux Militaires ne sont pas compétents pour connaître de l’action civile ni pour
allouer des dommages et intérêts civils. Ces juridictions ordonnent cependant la restitution des
objets retrouvés en nature et dont la propriété n’est pas contestée879. C’est à l’avènement de la
deuxième République que les Forces Armées Congolaises ont été dotées d’un Code définitif
de justice militaire par la promulgation de l’Ordonnance-loi n° 72/060 du 25/091972 portant
institution d’un Code de justice militaire. Ce Code de justice militaire a été abrogé par la loi
n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire.

II. L’organisation et la compétence des juridictions militaires

L’article 1er de la loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire


militaire dispose : La justice militaire est rendue en République Démocratique du Congo par
les juridictions militaires ci-après :

877
CSJ, 7/4/1970 RP 14-RCD, 1971, II, p. 16, RJC, 1970, p. 128 ; CSJ, 3/61970, RP8, RCD, 1970, II, p. 18 ; Lire
RJC, 1971, p. 22.
878
C.G.G., 7 janvier 1975, M.P. contre Tsh., in RJZ, 1975, n° 2-3, p. 114.
879
A. RUBBENS, op. cit., T1 n° 227, pp. 261-262.
225

- les tribunaux militaires de police ;


- les tribunaux militaires de garnison ;
- les cours militaires et les cours militaires opérationnelles ;
- la Haute Cour militaire.

Il convient dès à présent de les examiner séparément.

1. Les tribunaux militaires de police (art. 23 à 26, 90 à 91 C.J.M.)

Les tribunaux militaires de police se trouvent à l’échelon inférieur de la pyramide des


juridictions militaires, ils étaient autrement appelés Conseils de guerre de police.

a) Ressort et siège

Le ressort géographique du tribunal militaire de police correspond à celui du tribunal


militaire de garnison. Les tribunaux militaires de police siègent à trois juges dont un magistrat
de carrière.

b) Composition

Le tribunal militaire de police est toujours présidé par le magistrat de carrière faisant
partie du siège. Le premier président de la Cour militaire du ressort peut désigner un juge du
tribunal militaire de garnison pour siéger au tribunal militaire de police. Il siège avec le
concours du ministère public et l’assistance du greffier. Les fonctions du ministère public sont
assumées par le premier substitut ou le substitut de l’auditeur militaire de garnison.

c) Compétences

- Compétence ratione territoriae ou ratione loci : sa compétence s’étend au niveau du


ressort du tribunal militaire de garnison.

- Compétence ratione materiae ou matérielle : les articles 90 et 92 du Code judiciaire


militaire déterminent la compétence du tribunal militaire de police.
Ainsi, il est compétent pour connaître :
- des infractions punissables au maximum d’un an de servitude pénale, d’une amende
commises par les militaires des Forces armées congolaises d’un grade inférieur à celui
de major et les membres de la police nationale et du service national de même rang.
- des autres infractions lorsqu’on estime qu’à raison des circonstances, la peine à
prononcer ne droit pas dépasser un an de servitude pénale, une amende et la privation
de grade.
226

Le tribunal de police n’a de compétence qu’en matière répressive et l’omission de


statuer sur l’action publique est une violation de la loi au sujet de sa saisine qui ne le rend pas
autant incompétent880. Les jugements rendus par les tribunaux militaires de police sont
susceptibles d’opposition et d’appel. L’appel est porté devant les tribunaux militaires de
garnison.

2. Les tribunaux militaires de garnison (articles 21 à 22, 88 à 89 C.J.M.)

a) Le ressort et siège

L’article 21 du Code judiciaire militaire déclare que le ressort du tribunal militaire de


garnison comprend le ressort d’un district, d’une ville, d’une garnison ou d’une base militaire.
Le siège ordinaire est fixé au chef-lieu du district, dans la ville où est situé l’état major de la
garnison ou dans un lieu fixé par le Président de la République.

b) Composition

Le tribunal militaire de garnison est composé d’un président et des juges. Il siège au
nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs ou subalternes, dont au moins un magistrat
de carrière. Il siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Il est
présidé par un officier supérieur ou subalterne, magistrat de carrière. Les fonctions du
ministère public sont assumées par l’auditeur militaire de garnison assisté d’un ou de
plusieurs premiers substituts et substituts de l’auditeur militaire de garnison.

c) Compétences

- Compétence territoriale

C’est le district, une ville, une garnison ou une base militaire.

- Compétence matérielle

Le tribunal militaire de garnison connaît les infractions punissables de la peine de mort


et celles punissables d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an commises par les
membres des Forces armées de rang inférieur à celui de major. Ils connaissent en outre l’appel
des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux militaires de police. Les jugements
rendus en premier ressort par les tribunaux militaires de garnison sont susceptibles
d’opposition et d’appel.

880
CSJ, 12/5/1976, RP.168, Bull. 1977, p. 125.
227

- Compétence personnelle

Le tribunal militaire de garnison a la compétence de juger le militaire ayant le grade


jusqu’au capitaine (inférieur au major). L’appel de ses décisions est porté devant la Cour
militaire.

3. Les Cours militaires (articles 12 à 17, 84 à 85 C.J.M.)

a) Ressort et siège

Il existe une ou deux Cours militaires dans chaque province et dans la ville de
Kinshasa. Le ressort de la Cour militaire comprend le ressort territorial de chaque province et
le siège ordinaire est établi au chef-lieu de la province, dans la localité où se trouve le quartier
général de la région militaire ou dans tout autre lieu fixé par le Président de la République. Le
ressort de la Cour militaire de la ville de Kinshasa comprend le ressort territorial de la ville de
Kinshasa et son siège ordinaire est établi dans la ville de Kinshasa. La Cour militaire peut se
réunir en tous lieux de son ressort territorial.

b) Composition

La Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs


présidents et de conseillers, nommés et le cas échéant, relevés de leurs fonctions par le
Président de la République. En cas d’absence ou d’empêchement, le premier président est
remplacé par le président le plus ancien ou, à défaut, par le conseiller le plus ancien. Il en est
de même du président à l’égard des conseillers. La Cour militaire siège au nombre de cinq
membres, tous officiers supérieurs au moins, dont deux magistrats de carrière et comprend
deux ou plusieurs chambres présidées par des magistrats de carrière. Elle est présidée par un
officier général ou par un officier supérieur, magistrat de carrière. Elle siège avec le concours
du ministère public et l’assistance du greffier. Le premier président de la Cour militaire peut,
en cas de nécessité, requérir les services d’un magistrat civil, en vue de compléter le siège.
Les fonctions du ministère public sont assumées par un auditeur militaire supérieur. Il est
assisté d’un ou de plusieurs avocats généraux militaires et des substituts de l’auditeur militaire
supérieur.

a) Compétences

- Compétence territoriale (ratione loci)


228

Sa compétence territoriale s’étend sur toute l’étendue de la province et sur la ville de


Kinshasa.

- Compétence matérielle ou ratione materiae (aricles 84, 85 et 121 C.J.M.)

Les Cours militaires connaissent, au premier degré, des infractions commises par les
officiers supérieurs des Forces armées congolaises et les membres de la police nationale et du
service national de même rang ; les personnes justiciables, par état, de la Cour d’appel pour
des faits qui relèvent de la compétence des juridictions militaires ; les fonctionnaires de
commandement du ministère de la Défense, de la police nationale, du service national ainsi
que de leurs services annexes ; les magistrats militaires des tribunaux militaires de garnison et
ceux des auditorats militaires près ces tribunaux militaires, les membres militaires de ces
juridictions poursuivis pour les faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions de juge. Les Cours militaires connaissent également de l’appel des jugements
rendus en premier ressort par les tribunaux militaires de garnison.

- Compétence personnelle (ratione personae)

Les Cours militaires jugent en premier ressort les justiciables énumérés à l’article 121
du Code judiciaire militaire. Il s’agit des justiciables cités concernant les compétences
matérielles. L’appel de ses décisions est porté devant la Haute Cour militaire.

4. La Haute Cour militaire (articles 6 à 11, 82 à 83 C.J.M.)

C’est la plus haute juridiction militaire des Forces Armées, elle se trouve au sommet
de la pyramide et elle est unique pour toute la République Démocratique du Congo.

a) Ressort et siège

Il est établi pour toute la République, la Haute Cour militaire ayant son siège à
Kinshasa. Son ressort s’étend sur toute l’étendue du territoire de la République.

b) Composition

La Haute Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou de plusieurs
présidents et des conseillers. Elle comprend deux ou plusieurs chambres. Elle siège au nombre
de cinq membres, tous officiers généraux ou supérieurs, dont deux magistrats de carrière. Elle
siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier. Elle est présidée par un
officier général, magistrat de carrière. Lorsqu’elle siège en appel, elle est composée de cinq
membres dont trois magistrats de carrière.
229

Les fonctions du ministère public sont assumées par l’auditeur général des Forces
Armées. Il a le droit d’ordonner aux magistrats militaires d’instruire, de poursuivre ou de
s’abstenir de poursuivre. Il a le droit de surveillance et d’inspection sur les auditorats
militaires près les Cours et les tribunaux militaires. L’auditeur général des forces armées est
assisté d’un ou de plusieurs premiers avocats généraux des Forces Armées et des avocats
généraux des Forces Armées.

b) Compétences

- Compétence territoriale ou ratione loci

Elle couvre toute l’étendue de la République.


- Compétences matérielles ou ratione materiae

La Haute Cour militaire connaît des recours en annulation pour violation de la loi
formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux
militaires ; des demandes en révision, des prises à partie, des règlements de juges ; des renvois
ordonnés après une deuxième annulation et ceux ordonnés sur pourvois formés sur injonction
du ministre de la Défense. Dans ces cas, la Haute Cour militaire siège avec cinq membres,
tous magistrats de carrière.

La Cour suprême de justice a estimé que la voie légale en vue d’attaquer une décision
rendue par un tribunal militaire consiste à exercer un recours en annulation devant les
juridictions militaires compétentes881.

Lors de l’examen des renvois ordonnés après une deuxième annulation et de ceux
ordonnés sur pourvois formés sur injonction du ministre de la Défense, le premier président
de la Cour suprême de justice peut, à la demande du premier président de la Haute Cour
militaire, désigner un membre de la Cour suprême de justice pour siéger à la Haute Cour
militaire.

- Compétence personnelle ou ratione personae

La Haute Cour militaire juge au premier et dernier ressort les officiers généraux des
Forces Armées congolaises et les membres de la police nationale et du service national de
même rang, les personnes justiciables, par état, de la Cour suprême de justice, pour des faits
qui relèvent de la compétence des juridictions militaires ; les magistrats militaires membres de
la Haute Cour militaire, de l’auditorat général, des Cours militaires, des Cours militaires
opérationnelles, des auditorats militaires près ces Cours ; les membres militaires desdites
juridictions, poursuivis pour des faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions de juge. Les arrêts rendus par la Haute Cour militaire ne sont susceptibles que
d’opposition et non d’appel.

881
C.S.J., 21 juin 1978, R.A., 39, Bull., 1979, p. 81.
230

5. La Cour militaire opérationnelle

Elle présente cette particularité d’avoir une organisation et des attributions propres.
Elle a été instituée pour accompagner les unités des forces armées appelées à faire
mouvement à raison des opérations militaires. Cette juridiction est établie pendant les
circonstances exceptionnelles. Tel est le cas lorsque le pays fait l’objet d’une guerre ou dans
d’autres circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la vie de la nation,
notamment les menaces de guerre, de rébellion ou d’insurrections armées. L’implantation des
Cours militaires opérationnelles est décidée par le Président de la République.

a) Ressort et siège

Le ressort de la Cour militaire opérationnelle comprend toute l’étendue du territoire


national.

b) Composition

La Cour militaire opérationnelle siège au nombre de cinq membres, dont un magistrat


de carrière au moins, ils sont autant que possible revêtus de grade d’officiers supérieurs. Elle
siège avec le concours du ministère public et l’assistance du greffier.

c) Compétences

- Compétence territoriale ou ratione loci

La compétence territoriale de la Cour militaire opérationnelle est fixée par ordonnance


présidentielle l’instituant.

- Compétence matérielle ou ratione materiae

Les Cours militaires opérationnelles connaissent sans limite de toutes les infractions
justiciables de la juridiction militaire qui leur sont déférées. Au regard de ce qui précède, la
compétence matérielle de la Cour militaire opérationnelle est illimitée. Le législateur a voulu
ici assumer efficacement pour l’intérêt de la nation la répression des manquements au devoir
par l’intervention rapide et exemplaire du jugement.

- Compétence personnelle ou ratione personae

La loi n’est pas claire sur ce point, nous estimons que sa compétence personnelle est
également illimitée. Ce qui nous permet d’affirmer ainsi que ce sont précisément les raisons
231

qui ont motivé l’institution de cette juridiction en ce sens que le législateur a voulu rapprocher
la justice du justiciable.

III. Critiques relatives à l’organisation et la compétence des juridictions militaires au


regard des normes universelles du procès équitable

Nous relèverons le droit à un juge d’appel (1), le droit d’être défendu par un défenseur
de son choix (2), l’incompétence des juridictions militaires concernant l’interprétation de la
légalité des actes administratifs et réglementaires (3), le droit d’être jugé par un juge
indépendant et impartial (4) et la nécessité de supprimer les juridictions militaires en temps de
paix (5).

1. Le droit à un juge d’appel

Ce droit est garanti par l’article 8 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme
de l’ONU du 10 décembre 1948 qui dit : « Toute personne a droit à un recours effectif devant
les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux
(…) ». De même, l’article 7.1.a de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
prévoit : « Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les
droits fondamentaux qui lui sont reconnus est garantis par les conventions, les lois,
règlements et coutumes en vigueur ». Aussi, l’article 14, § 5 du Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques signé à New York le 19 décembre 1966 de l’ONU dit : « Toute
personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction
supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation (…) ».

En sus, l’article 21 alinéa 2 de la Constitution congolaise approuvée par le peuple


congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 déclare :
« Le droit de former un recours contre un jugement est garanti à tous (…) »882. Au surplus,
l’article 156 alinéa 2 de la même Constitution prévoit qu’en temps de guerre ou lorsque l’état
de siège ou d’urgence est proclamé, le Président de la République peut suspendre l’action
répressive des Cours et tribunaux de droit commun au profit des juridictions militaires, mais
le droit d’appel ne peut être suspendu. Autrement dit, quelles que soient les circonstances, le
droit d’appel ne peut jamais être touché. Enfin, l’article 61, 5 de la Constitution congolaise du
18 février 2006 affirme avec force qu’en aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou
d’urgence aura été proclamé, il ne peut être dérogé aux droits de la défense et le droit de
recours.

Toutes ces dispositions tant internationales que constitutionnelles garantissent le droit


à un juge d’appel. Or, l’article 87 de la loi n° 023-2002 portant Code judiciaire militaire
déclare : « Les arrêts rendus par les cours militaires opérationnelles ne sont susceptibles
d’aucun recours ». Autrement dit, il ne peut y avoir ni opposition, ni tierce opposition, ni

882
Promulguée le 18 février 2006, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial,
18 février 2006, pp. 3 et s.
232

révision, ni annulation, ni cassation. Apparemment, le législateur a voulu exclure tout recours


ordinaire ou extraordinaire et a opté pour que les décisions desdites Cours soient
immédiatement exécutoires. Nous pensons que cela pourrait porter atteinte aux droits
fondamentaux de l’homme, principalement le droit à un procès équitable.

2. Le droit d’être défendu par un avocat ou défenseur judiciaire de son choix

Ce droit est garanti par l’article 7.1.c de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples qui déclare : « Toute personne a le droit à la défense, y compris celui de se faire
assister par un défenseur de son choix ». Ce droit est aussi garanti par l’article 14, § 2.d du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966 de l’ONU qui
dit : « Toute personne accusée d’une infraction pénale (…) a droit à se défendre elle-même ou
à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix, si elle n’a pas de défenseur, à être informée
de son droit d’en avoir un (…) ». Enfin, l’article 19 alinéas 4 et 5 de la Constitution
congolaise approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février
2006 déclare : « Toute personne a droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un
défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête
policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité ».

Et pourtant, l’article 61, alinéa 2 du Code judiciaire militaire prévoit que les avocats,
défenseurs judiciaires ou militaires assument la défense des prévenus devant les juridictions
militaires doivent être tous de nationalité congolaise. Cela veut dire que les avocats et
défendeurs judiciaires étrangers y sont exclus. Nous estimons que cette disposition viole la
Constitution et porte atteinte aux droits fondamentaux de l’homme qui garantissent le droit de
tout justiciable, de surcroît le prévenu à être assisté par un avocat ou défenseur de son choix et
peu importe sa nationalité. En conséquence, elle ne contribue pas à un procès équitable.

3. L’incompétence des juridictions militaires concernant l’interprétation de la légalité


des actes administratifs ou réglementaires

L’article 76 alinéa 2 du Code judiciaire militaire prévoit que les juridictions militaires
sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels.

On peut se demander comment les juridictions militaires dont le siège est composé en
majorité des jurés (qui ne sont pas juristes) peuvent contribuer à interpréter la légalité des
actes administratifs, réglementaires ou individuels. Il nous semble que ces juridictions
risquent de se substituer aux juridictions administratives. Il serait mieux de prévoir lorsque les
juridictions militaires sont confrontées aux difficultés d’interprétation de la légalité des actes
administratifs ou réglementaires, qu’elles posent une question préjudicielle aux juridictions
administratives afin d’avoir le sens et la portée de ladite interprétation. Cela contribuerait plus
efficacement à la qualité de la justice.
233

Au cas où il n’y aurait pas possibilité de poser une question préjudicielle aux
juridictions administratives, l’on devrait à tout le moins déclarer les juridictions militaires
incompétentes d’interpréter la légalité des actes administratifs ou réglementaires. En voulant à
tout prix rendre compétentes les juridictions militaires sur diverses matières qui n’entreraient
pas dans ses compétences ; cela ne contribue pas à un procès équitable.

4. Le droit d’être jugé par un juge indépendant et impartial883

Ce droit est garanti par l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de


l’Homme de l’ONU : « Toute personne a droit (…) à ce que sa cause soit entendue (…) par
un tribunal indépendant et impartial ». L’article 26 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples déclare : « Les Etats (…) ont le devoir de garantir l’indépendance
des tribunaux (…) ». L’article 14, § 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques de l’ONU déclare : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…)
par un tribunal indépendant et impartial (…) ».

De même, ce droit est garanti par la Constitution. En effet, l’article 149 de la


Constitution congolaise approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 et promulguée
le 18 février 2006 dit : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et
exécutif ». L’article 150 alinéa 2 de la même Constitution déclare : « Les juges ne sont
soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi ». L’article 151 de la même
Constitution déclare : « Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans
l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni
s’opposer à l’exécution d’une décision de justice ».

Bien que l’indépendance du juge soit proclamée par tous les textes relatifs aux droits
fondamentaux de l’homme et la Constitution, il y a de quoi s’interroger sur l’indépendance
du juge militaire à l’égard du pouvoir exécutif (ou du commandement militaire) en
République Démocratique du Congo.

En effet, les membres de la Haute Cour militaire et de la Cour militaire sont nommés
et le cas échéant relevés de leurs fonctions par le Président de la République884. Comme
nous pouvons le constater, ces magistrats militaires ne bénéficient pas de l’inamovibilité
durant leur mandat étant donné que le chef de l’Etat peut les démettre à tout moment, et
d’ailleurs lors de leur désignation, aucun mandat précis ne leur est signifié, d’autant plus

883
Nous nous limiterons uniquement à l’indépendance du juge, nous n’aborderons donc pas l’impartialité ici.
884
Article 8 et 14 de la loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire en République
Démocratique du Congo, in Les Codes Larcier, République Démocratique du Congo, tome I, Droit civil et
judiciaire, Bruxelles, éd. Larcier, Afrique éditions, 2003, p. 394.
234

qu’ils savent qu’ils doivent leur nomination au Président de la République. Dans ces
conditions, il y a de quoi avoir des doutes sur l’indépendance de ces magistrats militaires.

Un autre facteur qui montre que les membres de la Haute Cour militaire ne sont pas
indépendants du pouvoir exécutif résulte du fait que pour des raisons liées à l’intérêt
supérieur de la défense, le ministre de la Défense peut seul décider du placement d’un ou de
plusieurs juges militaires885. En d’autres termes, la composition de juridiction peut être
modifiée à tout moment et le ministre de la Défense est seul à apprécier en quoi réside
« l’intérêt supérieur de la défense » pour justifier le changement de composition du siège.

Enfin, l’on peut émettre des doutes concernant l’indépendance du juge militaire à
l’égard du commandement militaire. En effet, alors que l’indépendance du juge est affirmée
par la Constitution, sur le terrain militaire, le juge est paradoxalement géré par le
commandement militaire qui se comporterait allègrement en chef suprême de la justice
militaire. Cela se traduit par la loi886 qui reconnaît au commandant militaire du siège d’une
Cour ou d’un tribunal militaire, le pouvoir de proposer le renouvellement des membres de
ces juridictions, chaque fois que cette mesure est nécessitée par le mouvement du corps de
troupe de garnison887. En effet, comme le relève notre collègue, le Professeur Matadi Nenga
Gamanda : « Le grief le plus important que l’on adresse aux conseils de guerre est leur
dépendance vis-à-vis du commandement militaire et la formation juridique généralement
peu adéquate des juges assesseurs, militaires de carrière qui siègent à côté du juge
permanent. Ce dernier, malgré sa formation hors soupçon, n’a pas d’autorité suffisante
pour empêcher l’arbitraire dicté par les officiers les plus gradés qui siègent avec lui. Les
officiers des auditorats sont tous des juristes mais doivent obéissance à la hiérarchie
militaire (…). Les auditorats ont une tendance maladive à s’immiscer dans la fonction de
juger qui ne leur est pas dévolue »888. Ces éléments confirment que le juge militaire est
difficilement indépendant à l’égard du commandement militaire en République
Démocratique du Congo.

Il importe d’examiner les critères d’indépendance du juge retenu par la Cour


Européenne des Droits de l’Homme et le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (en
application de l’article 14, § 1 du Pacte International des Droits Civils et Politiques) en les
confrontant au juge militaire congolais pour vérifier si ce dernier répond aux critères
universels de l’indépendance du juge.

En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré que les cours
martiales britanniques ne répondaient pas aux conditions d’indépendance, compte tenu

885
Article 37 de la loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code de justice militaire en République
Démocratique du Congo.
886
Article 31 de la loi précitée.
887
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et l’Afrique francophone, vol. I, L’indépendance du juge, thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 111.
888
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo.
Contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd., Droit et idées nouvelles, 2001, pp. 368-369.
235

notamment du rôle crucial joué dans l’accusation par l’officier convocateur, lequel était
étroitement lié aux autorités de poursuite, était le supérieur hiérarchique des membres de la
Cour martiale et pouvait, quoique dans des circonstances précises, dissoudre celle-ci et
refuser d’entériner sa décision889.

Elle a confirmé cette jurisprudence en décidant à l’unanimité que le tribunal n’était


pas indépendant étant donné qu’il comprenait deux officiers de l’armée britannique qui
n’avaient pas été nommés pour une période déterminée mais à titre purement ad hoc, ce qui
ne pouvait pas exclure que le risque des pressions extérieures fussent exercées sur les deux
officiers d’active peu expérimentés, qui n’avaient pas de formation juridique et demeuraient
soumis à la discipline militaire et à des rapports890. La Cour891 est d’avis que l’absence d’un
président permanent, qui n’est pas soumis à des rapports quant aux décisions judiciaires
qu’il prend, prive les Cours martiales de la Marine d’un poste contribuant dans une mesure
importante à l’indépendance d’un tribunal par ailleurs composé de manière ad hoc. La Cour
a constaté que le « judge advocate » de la Marine joue un rôle central dans un procès en
Cour martiale alors qu’il s’agit d’un officier en activité qui, lorsqu’il ne siège pas en Cour
martiale, accomplit des tâches courantes dans la marine et surtout est désigné par un officier
de la marine, le « chief Naval Judge Advocate » à qui il doit faire rapport sur les activités
judiciaires, lequel rapport est transmis au supérieur hiérarchique. La Cour a estimé que,
même si le « judge advocate » désigné pour prendre part au procès du requérant en Cour
martiale peut passer pour avoir agi avec indépendance en dépit de ces pratiques en matière
de rapport, on ne saurait dire que son rôle constitue une garantie solide de la nature à
protéger l’indépendance des Cours martiales de la marine.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme en application de l’article 6, § 1er de la


Convention Européenne des Droits de l’Homme a considéré que si l’un de juges dépend
directement de l’armée, le tribunal ne sera pas indépendant, même avec la présence à côté
des juges civils892. En conséquence, le fait que le tribunal soit présidé par un militaire qui
doit faire rapport de ses activités judiciaires à sa hiérarchie militaire, contribue moins
efficacement à assurer l’indépendance des membres du tribunal des influences extérieures
déplacées893. C’est un facteur important dans une affaire ayant trait directement à un
manquement à la discipline militaire.

889
CEDH, 25 février 1997, Findlay c/Royaume Uni.
890
CEDH, 26 février 2002, Morris c/Royaume Uni.
891
CEDH, 16 décembre 2003, Grieves c/Royaume Uni.
892
CEDH, 9 juin 1998, Incal c/Turquie ; CEDH, 28 octobre 1998, Ciraklar c/Turquie ; CEDH, 12 mars 2003, A.
Öcalanc c/Turquie (décision de recevabilité) ; CEDH, 12 mai 2005, A. Öcalanc c/Turquie, requête n°
46221/99 (six voix contre une) ; CEDH, 10 novembre 2004, Canevi et autres c/Turquie (unanimité) ;
CEDH, 23 octobre 2003, Akkas c/Turquie. Après des condamnations à répétition sur ce fondement, la
Turquie a amendé l’article 43, § 52 de sa Constitution supprimant tout juge militaire dans les cours de
sûreté de l’Etat. Sur ce point, voy. SEVKI AKDAG, La Turquie devant la Cour européenne des droits de
l’homme, thèse, Aix-Marseille III, 2002, pp. 227-247.
893
CEDH, 16 décembre 2003, Grieves c/Royaume Uni (unanimité).
236

En effet, dans l’affaire Abdoulay Öcalan, la Cour Européenne des Droits de


l’Homme de Strasbourg a estimé : « Le fait qu’un magistrat militaire ait participé, dans un
procès contre un civil, à un acte de procédure faisant partie intégrante de l’instance prive
l’ensemble de la procédure de l’apparence d’avoir été menée par un tribunal indépendant
et impartial. En l’espèce, le juge militaire était présent lors des actes de procédures
effectuées au cours de deux audiences préliminaires et de six audiences sur le fond (…).
Dans ces conditions, le remplacement du juge militaire avant la fin de la procédure ne peut
pas dissiper les doutes raisonnables du requérant quant à l’indépendance et l’impartialité
du tribunal qui l’a jugé »894. C’est pourquoi la Turquie a été condamnée.

De même, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU se fondant sur l’art. 14, §
er
1 du Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques a déclaré : « Une situation
dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif
ne peuvent être clairement distinguées ou dans lesquelles le second est en mesure de
contrôler ou diriger le premier est incompatible avec le principe d’un tribunal
indépendant (…) »895.

En confrontant toutes ces jurisprudences avec la situation du juge militaire


congolais, sa nomination discrétionnaire par le Président de la République896, son absence
de l’inamovibilité, le changement éventuel de la composition siège par le ministre de la
défense pour « raisons liées à l’intérêt supérieur de la défense »897, l’implication du
commandement militaire de proposer les membres des juridictions militaires898, nous
pouvons affirmer que l’organisation des juridictions militaires ne répond pas aux critères
universels de l’indépendance du juge et par conséquent, elle ne satisfait pas aux normes
universelles du procès équitable.

Enfin, comme le souligne le Rapporteur spécial des Nations Unies sur


l’indépendance et impartialité des magistrats, des jurés et des assesseurs et indépendance
des avocats : « (…) il faut remarquer que le critère d’indépendance n’est toujours pas
respecté lorsqu’on a affaire à des tribunaux militaires »899. Cette position vient confirmer
que les juridictions militaires congolaises ne sont pas indépendantes.

5. La nécessité de supprimer les juridictions militaires en temps de paix

894
CEDH, 12 mai 2005, Abdoulay Öcalan c/ Turquie (11 voix contre six) ; CEDH, Ceylant c/ Turquie, 30 août
2005.
895
Constatation dans l’affaire n° 468/1991, Angel N. Olo Bahamonde c/Guinée équatoriale, A/49/40, p. 84, §
435.
896
Article 8 et 14 de la loi n° 023-2002 du 18 décembre 2002 portant Code judiciaire militaire.
897
Art 37 de la même loi.
898
Article 31 de la même loi.
899
Rapport du Rapporteur spécial, M. Param Cumaraswamy sur l’indépendance et impartialité des magistrats, des
jurés et des assesseurs et indépendance des avocats, soumis conformément à la résolution 1994/41,
Commission des droits de l’homme, Document E/CN.4/1995/39, 6 février 1995, Conseil Economique et
social, Nations Unies, §57, p. 17.
237

Toutes les critiques que nous avons relevées contribuent sans doute à la suppression
des juridictions militaires en temps de paix. D’autres éléments vont pratiquement dans ce
sens : les enseignements de droit comparé (a), la rigueur excessive (b) les exigences d’un Etat
de droit et le procès équitable (c).

a) Les enseignements de droit comparé

La loi n° 023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire en


République Démocratique du Congo tout comme l’ordonnance-loi n° 72-060 du 25 septembre
1972 portant institution d’un Code de justice militaire s’est largement inspirée de l’ancien
Code de justice militaire français.

Or, la France a supprimé les juridictions militaires en temps de paix900. En effet, l’on
reprochait à ces juridictions d’être composées des militaires dont l’état de subordination
semblait difficilement compatible avec la qualité de juge, et de se montrer parfois d’une
rigueur excessive. La procédure elle-même n’échappait pas à la critique notamment le rôle
important joué par la sécurité militaire ainsi que le fait pour ces juridictions de statuer sans
motiver leurs décisions et sans appel. C’est ainsi qu’en 1982, la loi n° 82-621 du 21 juillet
1982 supprima les tribunaux permanents militaires en temps de paix.

Actuellement, en temps de paix, les infractions militaires ou de droit commun


commises par les militaires sur le territoire français sont jugées par les tribunaux de grande
instance901 ou par la Cour d’assises lorsqu’il s’agit des crimes en matière militaire et les
crimes commis par des militaires dans la mesure où un secret de la défense nationale
risquerait d’être divulgué. Il en est de même des crimes contre la sûreté de l’Etat notamment
le terrorisme902.

Les juridictions militaires françaises ne sont prévues qu’en temps de guerre, et à titre
exceptionnel en temps de paix, lorsque les armées stationnent ou opèrent hors du territoire
français. Dans ces conditions, c’est le tribunal des forces armées siégeant à Paris qui est seul
compétent. Mais, les magistrats qui le composent sont exclusivement des magistrats civils903.

900
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 206, pp. 169-16171; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 380, p. 578; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Dalloz,
2004, p. 58 ; B. BOULOC, Procédure pénale, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 507 et 508, pp. 471-473 ; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 3ème éd. Litec, 2005, n° 192-193, pp. 177-180 ; J.
P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 155, p. 120 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.61.
901
Ibidem.
902
Art. 698 Code de procédure pénale français ; voy. R. PERROT, op. cit., n° 207, p. 171; J. VINCENT, S.
GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, op. cit., n° 384, p. 581 ; A. HERAUD et A.
MAURIN, op. cit., p. 60.
903
Article 6 à 10 du Code français de justice militaire ; voy. M.L. RASSAT, op. cit., p. 158; R. PERROT, op.
cit., p. 170; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, op. cit. pp. 581-583 ;
B. BOULOC, op. cit. ; n° 508, pp. 473-474 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, op. cit, n° 194, pp. 180-181.
238

De même en Belgique, les juridictions militaires ont été supprimées en temps de paix ;
elles ne pourraient être organisées qu’en temps de guerre904. En temps de paix, les infractions
commises par les militaires relèvent désormais de la compétence des juridictions de droit
commun traitant des matières pénales (tribunaux de police, tribunaux de première instance,
Cour d’appel et Cour d’assises). Ainsi, en temps de paix, les infractions commises par les
militaires sont recherchées, poursuivies et jugées de la même manière que les infractions
commises par des citoyens ordinaires. En tant que guerre, des juridictions militaires et une
Cour militaire seront mises sur pied mais ces juridictions seraient composées à la fois des
magistrats civils et d’officiers militaires. L’une des raisons de la suppression des juridictions
militaires en temps de paix a été motivée par le fait que certaines dispositions en la matière
étaient contraire aux prescrits de la Convention Européenne des Droits de l’Homme905.

Enfin, le Bénin et le Sénégal906 qui sont les modèles de démocratie et de l’Etat de droit
en Afrique francophone, ont supprimé les juridictions militaires en temps de paix et en temps
de guerre. Les infractions de droit commun ou militaires commises par les militaires ou civils
sont jugées par les tribunaux de droit commun, en l’occurrence pour le Sénégal, le tribunal
régional (correspond au tribunal de grande instance) ou la Cour d’appel ou la Cour d’assises.

Dès lors que le Code judiciaire militaire congolais s’était inspiré largement de l’ancien
Code de justice militaire français, et les mêmes raisons qui ont conduit à la suppression des
juridictions militaires françaises existent actuellement en République démocratique du
Congo ; les juridictions militaires congolaises devraient être supprimées en temps de paix.
Enfin, dans la plupart des Etas démocratiques de la famille romano-germanique, les
juridictions militaires ont été supprimées en temps de paix.

b) La rigueur excessive

Nous avons relevé les difficultés d’indépendance du juge militaire à l’égard du pouvoir
exécutif et du commandement militaire, la rigueur excessive qui existait pour les juridictions
militaires françaises est toujours d’actualité en République Démocratique du Congo907.

En effet, l’ancienne Cour d’ordre militaire créée par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997
avait un caractère exceptionnel. Elle était d’une rigueur excessive et jugeait également les

904
Loi du 10 avril 2003 relative à la suppression des juridictions militaires en temps de paix ainsi que leur
maintien en temps de guerre, Moniteur belge, 7 mai 2003.
905
Exposé des motifs, Document parlementaire chambre des représentants, n° 2108/001, pp. 1-2 ; voyez H.D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, pp. 1230-
1231.
906
Loi n° 94-44 du 27 mai 1994 portant Code judiciaire, in Journal officiel de la République du Sénégal du 15
octobre 1994, n° 5602 ; Voyez A. FAYE, Institutions judiciaires, cours polycopié, 1ère année, Faculté des
sciences juridiques et économiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, année académique 1998-1999,
pp. 51-53.
907
La difficulté d’être défendu par un avocat ou défenseur judiciaire de son choix (art. 61, al. 2 du Code
judiciaire militaire) ; la compétence d’interpréter la légalité des actes administratifs ou réglementaires (art.
76 al. 2 du Code judiciaire militaire) ; la difficulté d’indépendance du juge militaire (art. 8, 14, 31 et 37 du
Code judiciaire militaire).
239

civils impliqués dans les vols à mains armées et dans les crimes économiques. Ceux-ci
n’étaient pas définis par aucun texte de loi et apparemment n’étaient qualifié de crimes
économiques que ceux présentés comme tels par le gouvernement. Il n’y avait pas de voies de
recours : ni opposition ni appel. Ses décisions étaient donc immédiatement exécutoires908. A
ce sujet, le rapport de l’ASADHO souligne que cette juridiction était un instrument de terreur
et d’horreur au regard des condamnations à mort qui s’y exécutaient, la persistance à harceler
les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, à cautionner d’autres abus perpétrés
par les hommes en uniforme909. L’on n’a pas hésité à la qualifier d’une juridiction d’éviction
des opposants politiques910.

Les autres juridictions militaires congolaises ne sont pas à l’abri de cette rigueur
excessive. En effet, comme l’affirme le général Likulia Bolongo, le but des tribunaux
militaires était d’assurer la répression énergique de tous les actes contraires à la discipline et
d’assurer la célérité dans la procédure afin d’arriver à une répression rapide911.

Cette rigueur excessive se traduit par le fait que la plupart des jugements et arrêts des
juridictions militaires sont immédiatement exécutoires, c’est-à-dire dès le prononcé912, et le
pourvoi en annulation n’est suspensif d’exécution qu’en cas de condamnation à la peine de
mort ou lorsque les impératifs de la défense nationale ou l’intérêt supérieur de la défense
l’exigent, et le fait que les justiciables condamnés à la peine de mort sont fusillés même si
ceux-ci ont la qualité de militaire ou pas, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin913.
Comme nous pouvons le constater, la compétence attribuée aux juridictions militaires à
l’égard des civils apparaît comme une abomination914. L’on ajoutera aussi que plusieurs cas
sont punis de la peine de mort par le Code de justice militaire915. Enfin, les décisions de la

908
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. I, L’indépendance du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit,
UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 110 ; MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir
judiciaire en République Démocratique du Congo, contribution à une théorie de réforme, Kinshasa, éd.
Droit et idées nouvelles, 2001, pp. 365 à 368 ; P. AKELE ADAU, « La Cour d’ordre militaire : sa nature,
son organisation et compétence », in Congo-Afrique, n° 319, novembre 1997, pp. 544-545 ; voyez aussi La
Libre Belgique, mercredi 20 et jeudi 21 mai 1998, n° 140, p. 6 sous le titre : « L’inique procès de
Lubumbashi » ; J.P. KILENDA, « Une nouvelle unité dans le paysage judiciaire congolais : La Cour
militaire », in Revue africaine de droit international comparé, octobre 1998, vol. 10, pt 3, pp. 472 et s.
909
Rapport ASADHO 1er semestre 2000, pp. 1 et s.
910
J.P. KILENDA KAKENGI BASILA, « Une nouvelle unité dans le paysage judiciaire congolais : la Cour
d’ordre militaire », in Revue africaine de droit international comparé, octobre 1998, vol. 10, pt 3, p. 475 ;
C.VANDAELE, « La Cour d’ordre militaire : l’arme juridique du régime Kabila », in Libertés ! , le mensuel
d’Amnesty International, mars 2002, n° 382, pp. 17-19.
911
LIKULIA BOLONGO, La compétence d’attribution des juridictions militaires en temps de paix en droit
zaïrois, belge et français, Paris, LGDJ, 1975, p. 26.
912
MBIDI-NIKENI, « Exécution des décisions rendues par les juridictions militaires », in RJZ, 1984, numéro
spécial, 60e anniversaire, pp. 17-19.
913
ONYA-LUSEKE, « Exécution des décisions rendues par les juridictions militaires », in RJZ, 1984, numéro
spécial, 60e anniversaire, pp. 24, 26 et 35.
914
ONYA-LUSEKE, « L’ampleur des compétences matérielle et personnelle attribuées aux juridictions
militaires par l’ordonnance-loi n° 72-060 du 25 septembre 1972 », in RJZ, janvier à décembre 1984, n° 1-3,
pp. 34 et s.
915
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, éd. Droit et Société, 1995, p.
274.
240

Cour militaire opérationnelle sont immédiatement exécutoires (sans appel, ni opposition, ni


tierce opposition, ni révision, ni annulation, voire même la cassation).

Tous ces éléments montrent que les juridictions militaires sont d’une rigueur
excessive.

c) Les exigences d’un Etat de droit et du procès équitable

Un Etat de droit et le procès équitable nécessitent notamment la possibilité pour un


Justiciable de former recours contre une décision judiciaire ainsi que la possibilité de
disposer d’un avocat de son choix. Or, ce droit est difficilement respecté dans les juridictions
militaires. De même, l’absence d’indépendance du juge militaire que nous avons relevée ainsi
que la rigueur excessive montrent que le procès équitable ferait défaut. De la sorte,
l’organisation et la compétence des juridictions militaires ne s’inscrivent pas dans les normes
universelles du procès équitable.

Nous pensons qu’étant donné que la République Démocratique du Congo s’est


engagée dans la mouvance de la démocratie et l’édification de l’Etat de droit ; considérant le
fait que le Bénin et le Sénégal qui sont les modèles de démocratie et de l’Etat de droit en
Afrique francophone ont supprimé les juridictions militaires ; la République Démocratique du
Congo devrait donc se prononcer dans ce sens.

Partant de tous ces éléments, nous estimons que les juridictions militaires devraient
être supprimées en temps de paix en République Démocratique du Congo. Nous pensons que
cette suppression devrait être envisagée à deux phases. La première phase (qui va jusqu’en
2011, soit à la fin de la 1ère législature) consisterait à adapter les juridictions militaires aux
normes universelles du procès équitable. Entretemps, l’on devrait sécuriser tout le territoire
national afin qu’il y règne une paix durable, inculquer à l’armée (à tous les échelons) une
discipline du respect de la personne humaine ainsi que les valeurs démocratiques. Une fois
que ces éléments sont réunis, on passerait à la seconde phase. Celle-ci (qui commencerait à la
fin de l’année 2011, soit au début de la 2 ème législature) devrait conduire à la suppression
des juridictions militaires en temps paix. Le personnel judiciaire qui les compose devrait être
réparti dans différentes juridictions de droit commun existantes qui répondent mieux aux
normes universelles du procès équitable. Les juridictions militaires ne devraient exister
qu’uniquement en temps de guerre et mais devraient s’inscrire dans toutes les circonstances
aux normes universelles du procès équitable.

B. L’ancienne Cour de sûreté de l’Etat

La Cour de sûreté de l’Etat (C.S.E.) était à placer au même niveau qu’une Cour
d’appel. Elle a été dissoute par l’article 225 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
Son étude nous paraît importante partant du rôle qu’a joué cette Cour depuis sa création
241

jusqu’à sa dissolution. Nous aborderons son ressort et siège (1), sa composition (2), ses
compétences (3), les raisons de sa suppression (4) et le sort des affaires pendantes devant
l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat (5).

1. Ressort et siège

L’ancien article 44 du Code d’organisation et compétence judiciaires déclarait qu’il


existe une Cour de sûreté de l’Etat dont le siège ordinaire est établi à Kinshasa. Son ressort
comprend tout le territoire de la République.

2. Composition

La Cour de sûreté de l’Etat était composée d’un premier président, d’un ou plusieurs
présidents et des conseillers.

S’agissant du ministère public près la Cour de sûreté de l’Etat, il y était institué un


Procureur général près cette cour. Il exerçait sous l’autorité du ministre de la Justice et garde
des sceaux pour les matières qui sont de la compétence de la Cour de sûreté de l’Etat, toutes
les fonctions du ministère public près cette Cour.

Il était assisté d’un ou plusieurs avocats généraux et substituts du Procureur général


près la Cour de sûreté de l’Etat qui exercent leurs fonctions du ministère public sous sa
direction et sa surveillance.

3. Compétences

a) Compétence territoriale ou ratione loci

Elle couvrait toute l’étendue de la République Démocratique du Congo.

b) Compétence matérielle ou ratione materiae (article 96 du Code d’O.C.J.)

La Cour de sûreté de l’Etat connaissait seule les infractions visées ci-après :

- Les infractions relatives aux atteintes à la sûreté de l’Etat.


- Les infractions relatives à la répression des offenses envers les Chefs d’Etats
étrangers et des outrages dirigés contre les agents diplomatiques étrangers.
- Les infractions relatives aux imputations dommageables et aux injures envers le chef
de l’Etat ; pourvu qu’il s’en plaigne ou les dénonce auprès d’une autorité militaire,
administrative ou judiciaire.
- Les infractions relatives à la répression des propagandes subversives.
- Les infractions relatives à la provocation et à l’incitation à des manquements envers
l’autorité publique.
242

- Toutes les infractions ayant un lien d’indivisibilité ou de connexité avec les


infractions visées ci-dessus.

L’infraction d’atteinte à la sûreté de l’Etat est établie lorsque le prévenu n’a pas
déclaré aux autorités militaires, administratives ou judiciaires, un document trouvé en sa
possession et conçu par son auteur comme stratagème de nature à ébranler la sécurité des
institutions nationales d’autant plus que l’inculpé, en sa qualité de représentant le plus élevé
de l’Etat dans sa province ayant de surcroît exercé des multiples fonctions politiques, sans le
pays, n’a pu se méprendre sur le danger réel que pouvait présenter l’existence de cet écrit
subversif916.

4. Les raisons de la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat

Nous aborderons brièvement le droit à un juge d’appel (a), la problématique


concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction (b) et le non-respect des normes
universelles du procès équitable (c).

a) Le droit a un juge d’appel

L’analyse que nous avons consacrée aux juridictions militaires est applicable à l’égard
de la Cour de sûreté de l’Etat. Nous préciserons tout simplement que l’article 97 du Code
d’OCJ stipulait que les arrêts rendus par la Cour de sûreté de l’Etat sont susceptibles
d’opposition et non d’appel. En d’autres termes, il n’y avait pas d’appel à la Cour de sûreté
de l’Etat. A ce sujet, nous avons relevé que l’appel est un droit qui est garanti par la
Constitution, or la Constitution étant au-dessus de la loi (Code d’OCJ), une simple loi ne
pouvait pas violer la Constitution. De ce fait, l’article 97 du Code d’OCJ ayant supprimé un
droit constitutionnel, était par conséquent inconstitutionnel. C’est pourquoi, nous pensons
qu’il était nécessaire de supprimer cette Cour.

b) La problématique concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction

Nous nous poserons la question de savoir si la Cour de sûreté de l’Etat supprimait le


privilège de juridiction pour les justiciables de la Cour suprême de justice qui avaient commis
les infractions visées par l’ancien article 96 du Code d’organisation et compétences
judiciaires. Cela semblait être le vœu du législateur qui a utilisé l’expression « la Cour de
sûreté de l’Etat connaît seule ». Cependant, eu égard à la hiérarchie des sources de droit, nous
sommes d’avis que le Code d’organisation et compétence judiciaires ne pouvait pas supprimer
le privilège de juridiction de la compétence de la Cour de suprême de Justice qui est garanti
par la Constitution (articles 153 et 163 de la Constitution).

916
CSJ, 7/7/1972, RPA 13, Bull. 1973, p. 125 ; RJZ, 1978, p. 77.
243

En définitive, un bénéficiaire de privilège de juridiction de la Cour suprême de justice


qui commettait une infraction prévue par l’article 96 du Code d’OCJ devrait être justiciable
devant la Cour suprême de justice car son privilège de juridiction lui venait de la Constitution.

D’ailleurs la Cour suprême de justice a considéré qu’en raison de leur participation à


des faits infractionnels ou commis en participation, deux prévenus normalement justiciables
de rangs différents, doivent être jugés par la juridiction compétente rationne personae à cause
du privilège de juridiction dont jouit l’un d’eux917.

En attendant l’installation des chambres de la Cour de sûreté de l’Etat dans les


provinces, sa compétence était exercée sauf à Kinshasa par la section judiciaire des Cours
d’appel siégeant en premier et dernier ressort (article 161 du Code d’OCJ).

c) Le non-respect des normes universelles du procès équitable

La Cour de sûreté de l’Etat avait été créée par le Maréchal Mobutu en vue de lui
permettre de « traquer » ses ennemis politiques918. Cette Cour était donc liée à la personne de
l’ancien chef de l’Etat, Monsieur Mobutu. Lors de la prise du pouvoir par Laurent Désiré
Kabila, la Cour de sûreté de l’Etat continuait à exister mais toutes ses compétences avaient été
dévolues à l’ancienne Cour d’ordre militaire qui était également exceptionnelle. La Cour de
sûreté de l’Etat n’avait donc plus d’activité.

Aujourd’hui, cette Cour a été dissoute par l’article 225 de la Constitution du 18 février
919
2006 étant donné que son existence était en contradiction avec le processus de démocratie.
Or, celle-ci implique qu’il y ait débat sur tous les sujets touchant les institutions de l’Etat :
notamment Présidence de la République, Parlement, pouvoir judiciaire, organismes étatiques
ou paraétatiques ; ce qui ne pouvait pas être concevable à la période du Parti unique où la
Cour de sûreté de l’Etat avait été créée par le Maréchal Mobutu pour lui permettre de traquer
ses opposants ou tous ceux qui pouvaient émettre des critiques sur son pouvoir absolu.

Partant de l’objectif de sa création, l’existence de la Cour de sûreté de l’Etat était donc


en contradiction des normes universelles du procès équitable. De même, nous avons relevé
que les décisions de la Cour de sûreté de l’Etat n’étaient pas susceptibles d’appel (ancien
article 97 du Code OCJ). En méconnaissant le droit d’appel qui est le pivot du procès

917
CSJ, 3/2/1971, MP c/T., RJZ, 1972, p. 113.
918
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit composé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 250
et 626 ; MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en République Démocratique
du Congo. Contribution à vue théorie de réforme, Kinshasa, éd. Droit et idées nouvelles, 2001, p. 365 ;
Conférence Nationale Souveraine de la République du Zaïre, Rapport de la Commission juridique,
Kinshasa, Palais du Peuple, 1992, p. 32.
919
Journal officiel de la République Démocratique du Congo, 18 février 2006, numéro spécial, p. 75.
244

équitable, la Cour de sûreté de l’Etat ne contribuait pas à un procès équitable920.Toutes ces


raisons justifiaient de confirmer sa suppression par un texte légal.

5. Le sort des affaires pendantes devant l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat

La Constitution congolaise du 18 février 2006 a dissout la Cour de sûreté de l’Etat


sans toutefois régler la question concernant le sort des affaires pendantes devant ladite Cour.
En effet, l’article 225 de cette Constitution dit : « La Cour de sûreté de l’Etat est dissoute dès
l’entrée en vigueur de la présente Constitution ». L’article 229 de la même Constitution
déclare : « La présente Constitution, adoptée par référendum, entre en vigueur dès sa
promulgation ». Or, le peuple congolais avait approuvé cette Constitution lors du référendum
du 18 décembre 2005 et sa promulgation par le Président de la République a eu lieu le 18
février 2006. Mais cette Constitution n’a rien dit concernant les affaires pendantes devant
l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat, elle n’a pas non plus déterminé la juridiction qui
connaîtrait désormais les anciennes compétences matérielles de la Cour de sûreté de l’Etat
(ancien article 96 Code OCJ).

En matière pénale, la compétence de juridiction étant d’ordre public, seule la loi


détermine la juridiction compétente ; l’on ne peut donc pas faire un raisonnement par
analogie. En conséquence, il n’existe pas à ce jour une juridiction compétente pour connaître
les attributions de l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat.

Nous estimons que les poursuites judiciaires qui s’étaient fondées sur l’ancien article
96 du Code d’OCJ devraient donc cesser de plein droit étant donné qu’il n’y a plus de
juridiction compétente en cette matière. Les détenus maintenus en détention pour ces matières
devraient donc être relaxés faute de juridiction compétente en la matière sinon ils pourraient
saisir la Cour constitutionnelle (en attendant c’est l’actuelle Cour suprême de justice)921 pour
violation des droits fondamentaux de l’homme prévus par les articles 17 à 19 de la
Constitution, spécialement le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par le
juge compétent (article 19 alinéa 1 de la Constitution). Cela s’explique par le fait qu’on ne
peut pas détenir indéfiniment un auteur présumé d’une infraction d’atteinte à la sûreté de
l’Etat alors qu’il n’y a plus une juridiction compétente en cette matière légalement établie par
la loi, sinon l’on viole les normes universelles du procès équitable.

C. Les tribunaux de commerce

Ils font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si elles sont rangées dans les
juridictions d’exception. Nous examinerons successivement l’origine des Tribunaux de
commerce (1), l’organisation, le ressort et le siège (2), la composition (3), les compétences (4)
ainsi que les critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des Tribunaux de
commerce (5).

920
Voyez tous les arguments que nous avons développés concernant le droit à un Juge d’Appel devant les
juridictions militaires.
921
Article 223 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
245

1. Origine des Tribunaux de Commerce

Les tribunaux de commerce trouvent leur origine au XIVième siècle dans les
juridictions qui siégeaient temporairement devant les grandes foires européennes avant de
devenir permanentes. Leur origine lointaine remonte dans les Républiques marchandes de
Gênes et de Venise, pour trancher les litiges qui opposaient les marchands faisant commerce
de produits et denrées en provenance de l’Orient. Pour vider rapidement ces litiges, on avait
institué la juridiction des « juges consuls » qui avait cette particularité d’être composée de
juges élus par les commerçants de la place. De là, d’ailleurs, l’expression « juridictions
consulaires » utilisée encore de nos jours pour désigner les tribunaux de commerce922.

Les Tribunaux de commerce peuvent être d’exception (ou spécialisés) étant donné
qu’ils sont compétents pour juger en première instance, les affaires commerciales. Il faut
entendre par là, le jugement des affaires relatives aux actes de commerce (achat de
marchandises pour les revendre, lettres de change, opérations de banque, etc.). Comme on
peut le remarquer, il s’agit des matières particulières, spécialisées, exceptionnelles ; c’est
pourquoi nous avons qualifié ces juridictions d’exception. Il importe dès lors d’analyser son
organisation.

2. Organisation, ressort et siège

Le Tribunal de commerce siège au premier degré et il est prévu au niveau du Tribunal


de grande instance. Son siège ordinaire et son ressort sont ceux du Tribunal de grande
instance (article 1 et 2 de loi n° 002-2001 portant création, organisation et fonctionnement des
Tribunaux de commerce).

3. Composition (art. 3 de la loi précitée)

Le Tribunal de commerce est composé d’un président qui est magistrat de carrière. Il
comporte au moins deux chambres. Il siège au nombre de trois juges dont un permanent et
deux consulaires. Il est composé principalement des juges permanents qui sont magistrats de
carrière et des juges consulaires (qui ne sont pas des juristes).

Le juge permanent préside la chambre lorsqu’il s’agit des affaires qui touchent à
l’ordre public. Il s’agit notamment des faillites et concordats judiciaires, des contentieux

922
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. Dalloz, 2005, p. 443 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 121,
p. 112 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, p. 147 ; G. DE LEVAL,
Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd., Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, n°
115 ; R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », in Journal des
Tribunaux, 1997, p. 154 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n°
102, pp. 84-85 ; J. GILLARDIN, » « Les tribunaux de commerce et les juges consulaires », in La
participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du colloque organisé le 25 novembre 2005 à
la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, p. 185.
246

relatifs aux contrat de société, des actions en matière de concurrence déloyale, des
contestations relatives aux affaires dans lesquelles un ou plusieurs défendeurs ont été caution
ou signataires d’un chèque bancaire, d’une lettre de change ou d’un billet à ordre.

Le Tribunal de commerce est présidé par un magistrat du siège appartenant au corps


judiciaire désigné et, le cas échéant, relevé de ses fonctions par le ministre de la Justice
(article 2 alinéa 2 de la loi précitée).

Les juges consulaires sont élus, pour une durée de deux ans pour le premier mandat et
quatre ans pour les mandats suivants, par un collège électoral composé de délégués
consulaires désignés par les organisations professionnelles légalement reconnues et
représentatives du commerce et de l’industrie (article 4 de la loi précitée).

Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur de la République près
le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le siège du Tribunal de
commerce (article 12 de la loi précitée).

4. Compétences

a) Compétence territoriale ou ratione loci

Elle s’étend au niveau du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve
le Tribunal de commerce, autrement dit dans le district.

b) Compétence matérielle ou ratione materiae

En matière de droit privé (article 3 et 17 de loi sur les Tribunaux de commerce) :

- Les contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants ;


- des contestations entre associés, pour raisons de société de commerce ;
- des contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce, en ce
compris les actes relatifs aux sociétés commerciales, aux fonds de commerce, à la
concurrence commerciale et aux questions de bourse ;
- des actes mixtes si le défendeur est commerçant ;
- des litiges complexes comprenant plusieurs défendeurs dont l’un est soit caution, soit
signataire d’un chèque bancaire, d’une lettre de change ou d’un billet à ordre ;
- des litiges relatifs aux faillites et concordats judiciaires.

En matière pénale (article 17 alinéa 2 de loi sur les Tribunaux de commerce) :

Les Tribunaux de commerce connaissent les infractions à la législation économique et


commerciale quel que soit le taux de la peine ou la hauteur de l’amende.
247

L’appel des décisions rendues par les Tribunaux de commerce en matières de droit
privé et pénal sont portés devant la Cour d’appel du ressort duquel se trouve le Tribunal de
commerce (article 39 de la loi sur les Tribunaux de commerce). Mais le délai d’appel est de
huit jours.

5. Critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de commerce

Nous examinerons l’absence des raisons sérieuses justifiant leur création (a),
l’indépendance du juge (b), l’impartialité du juge consulaire (c), le délai d’appel (d), la
problématique de la compétence des Tribunaux de commerce en matière pénale (e) et la
nécessité du supprimer les juridictions de commerce (f).

a) L’absence de raisons sérieuses justifiant leur création

L’une des raisons fondamentales qui a poussé la République Démocratique du Congo


à introduire les tribunaux de commerce reposait sur le fait que les justiciables congolais et les
hommes d’affaires en tête se sont toujours plaints des décisions juridictionnelles prononcées
par le juge de carrière qui leur infligeait souvent des condamnations que les hommes
d’affaires considèrent comme étant « iniques »923.

Nous ne partageons pas cette analyse car l’un des moyens indispensables pour éviter
les décisions iniques consisterait à améliorer les traitements des juges (magistrats). En effet,
les magistrats congolais sont les plus mal payés de l’Afrique noire924, voire même du monde.
Comment peut-on rendre une justice équitable dès lors que le juge de paix congolais a 150 $
US par mois. Et souvent le salaire n’arrive pas depuis plusieurs mois. Dans ces conditions, il
serait difficile d’éviter l’iniquité des décisions judiciaires.

Pour appuyer notre argumentation, une étude de droit comparé s’impose. En Belgique,
le juge le moins gradé comme le juge de paix a 3.756 euros par mois qui correspond au delà
de 4.000 $ US ; en France environ 2.500 euros correspondant à environ 3.000 $ US par mois,
en Allemagne 2.550 $ US, en Angleterre 6.000 $ US, en Italie 4.012 $ US, au Québec
3.583,33 $ canadiens, au Sénégal 975 $ US, en Côte d’Ivoire 690 $ US, au Bénin 225 $ US.
Mais une réforme est en cours permettant de mettre à l’abri du besoin les juges chargés de
rendre la justice925.

Cette comparaison montre que le juge congolais est le plus mal payé de l’Afrique
voire du monde. La création des tribunaux de commerce ne pourrait donc pas résoudre

923
LUKOMBE NGHENDA, Le règlement du contentieux commercial, Tome I, Les tribunaux de commerce,
Kinshasa, éd. P.F.D.U., 2005, p. 19 ; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-
Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 51, p. 79.
924
E. BOSHAB, « La misère de la justice et justice de la misère en République Démocratique du Congo », in
Revue de la recherche juridique droit prospectif, 1998, n° 3, p. 1183.
925
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. I, L’indépendance du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit,
U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 138-143.
248

l’iniquité des décisions judiciaires car ses juges (le Président est magistrat de carrière dont le
salaire est très dérisoire et l’indemnité de deux assesseurs commerçants sera de toute évidence
dérisoire car fixée par le ministre de la justice) seraient confrontés aux mêmes difficultés
matérielles que les juges de carrière.

Le meilleur moyen d’éviter les décisions iniques consisterait à fixer un traitement


conséquent du juge. Nous pensons qu’il devrait être au minimum de 1.500 $ US par mois
pour le juge de paix étant donné que les principes des Nations Unies pour l’indépendance de
la magistrature ainsi que le statut universel du juge soutiennent que le juge doit avoir une
rémunération suffisante afin d’assurer son indépendance économique926.

b) L’indépendance du juge

L’article 2 de la loi relative aux Tribunaux de commerce dit : « Le Tribunal de


commerce est présidé par un magistrat du siège appartenant au corps judiciaire désigné et, le
cas échéant, relevé de ses fonctions par le Ministre de la Justice ».

Cette disposition montre clairement que la nomination du président du Tribunal de


commerce dépend exclusivement du ministre de la Justice. La loi ne dit rien en ce qui
concerne les juges permanents, il nous semble qu’ils seraient désignés de la même manière
que le président du Tribunal de commerce, autrement dit, leur nomination serait l’œuvre
exclusive du ministre de la Justice, c’est-à-dire le pouvoir exécutif. De même l’article 10
alinéa 2 de la même loi dit : « Le juge permanent a droit à une prime déterminée par le
Ministre de la Justice à charge du trésor ». Autrement dit, ce juge dépend du pouvoir exécutif
qui est seul à apprécier la prime qu’il peut allouer audit juge.

Or, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en se fondant sur l’article 14, §1er du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966 a clairement
affirmé : « Une situation dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et
du pouvoir exécutif ne peuvent être clairement distinguées ou dans lesquelles le second est en
mesure de contrôler et de diriger le premier est incompatible avec le principe d’un tribunal
indépendant »927.

926
Document A/RES/40/146, 13 décembre 1985; Règle 5 pour l’application effective des principes fodamentaux
des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature, Résolution de l’Assemblée Générale de
l’ONU 44/162 du 15 décembre 1989; Principe III 1.b. de la Recommandation n° R(94) 12 du Comité des
Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges
(adoptée le 13 octobre 1984 lors de la 518 ème réunion des Délegués des Ministres); Artile 8 du Statut des
juges en Europe (approuvé par les membres de l’Association Européenne des Magistrats à Wiesbaden le
20 mars 1993 et amendé le 20 avril 1996); Article 13 du Statut universel du juge (approuvé à l’unanimité
par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à Taipei (Taiwan) 17
novembre 1999; Principe 6.1. de la Charte européenne sur le Statut des juges (adopté par les participants à
la Réunion multilatérale sur le Statut des juges en Europe, organisée par le Conseil de l’Europe les 8-10
juillet 1998); Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 242 et s.
927
Constations dans l’affaire n° 468/1991, Angel N. Olo Bahamonde contre Guinée équatoriale, A/49/40, p. 84,
§435.
249

De même, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg a affirmé que


lorsque la désignation des juges est laissée à la discrétion du pouvoir exécutif, le tribunal
concerné n’est pas indépendant928. Dans le cas d’espèce, le ministre de la Justice (le pouvoir
exécutif) est seul à nommer et à révoquer à tout moment le président ainsi que les juges
permanents des Tribunaux de commerce. Dans ces circonstances, on peut émettre des doutes
concernant l’indépendance des juges permanents ainsi que le président des Tribunaux de
commerce.

Concernant les juges consulaires, ils sont élus par un collège électoral composé de
délégués consulaires désignés par les organisations professionnelles légalement reconnues et
représentatives du commerce et de l’industrie929. Il nous semble que ces juges consulaires ne
seraient pas indépendants vis-à-vis de leurs électeurs (mandats) et il y aurait risque d’intrusion
de la politique dans le prétoire : la justice n’y gagnerait ni en sérénité, ni en considération930.
Aussi, l’élection ne permettrait pas de recruter « les juges » ayant nécessairement des
connaissances juridiques car les juges consulaires élus auraient tendance à juger en équité, ce
qui est notion arbitraire, plutôt qu’en droit ; or, la montée de l’équité est le signe de
l’ignorance du droit.

c) L’impartialité du juge consulaire

Les jugements des Tribunaux de commerce sont rendus par le siège composé d’un
juge permanent (juriste) et de deux juges consulaires (commerçants, non juristes). On peut se
demander l’objectivité que les juges consulaires (commerçants) doivent avoir lorsqu’ils sont
appelés à juger des commerçants comme eux c’est-à-dire de la même profession, et donc
éventuellement leurs concurrents ou amis. En tout état de cause, ils ont des concurrents et des
amis931.

Et d’ailleurs une doctrine la plus autorisée a dénoncé une confusion des genres :
comment un juge peut-il s’aviser d’être donneur de conseils pour assister le chef d’entreprise
dans sa gestion, tout en restant un juge qui, au bout de la chaîne, sera peut-être conduit à
prononcer la faillite du commerçant qu’il a aidé pendant un temps ?932. En d’autres termes, le
juge consulaire, du fait de son appartenance à une profession n’a pas cette impartialité qui est
le propre de la fonction de juger. Et c’est à bon droit que le professeur Roger Perrot affirme :
« (…) Il est bien certain que les juges consulaires du fait des responsabilités souvent

928
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek contre Autriche, série A, n° 84 ; CEDH, 5 décembre 2002, Dalkilic contre
Turquie, §25 (unanimité) ; Avis de la Commission du 12 décembre 1983, Bramadida et Malmström contre
Suède, requête n° 85888/79 et 8589/79 ; CEDH, 9 juin 1998, Incal contre Turquie ; CEDH, 28 octobre 1998,
Ciraklar contre Turquie ; CEDH, 3 mars 2005, Brudnicka et alii contre Pologne.
929
Article 4 de loi n° 002-2001 du 3 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des
Tribunaux de Commerce.
930
A. POUILLE, Le pouvoir judiciaire et les tribunaux, Paris, éd. Masson, 1985, p. 198.
931
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p. 82.
932
E. KRINGS, « La juridiction consulaire et la situation économique », in Journal des Tribunaux, 1979, pp.
533 et suivantes.
250

importantes qu’ils assument au sein de leur profession, sont exposés plus sans doute que des
juges de carrière, au risque d’être influencés malgré eux par des considérations
extérieures »933.

Sur ce point, les enseignements du droit français nous semblent éloquents. En effet,
lors des travaux de la Commission d’enquête parlementaire sur les tribunaux de commerce, le
Procureur de la République d’Auxerre, Jacques Gazols avait révélé que le tribunal de
commerce ressemble à un « club d’amis » et craignait que cela ne devienne un lieu
d’élimination non seulement des entreprises défaillantes, mais aussi des concurrents
potentiels934.

De même, au tribunal de commerce d’Aurillac, l’on montre que sur neuf juges
consulaires, six sont administrateurs du Crédit Agricole, et le président du tribunal de
commerce, présent aux audiences, est administrateur de la principale librairie concurrente à
Aurillac935. Abordant dans le même sens, l’avocat général près la Cour de cassation française
rapporte que, lorsqu’il était Procureur de Nanterre, il recevait des plaintes de justiciables
étonnées de voir siéger leurs concurrents dans la formation chargée de les juger936.

Enfin, la doctrine allemande partage cette approche. En effet, elle reconnaît d’abord
que l’expertise et la proximité des juges laïcs (consulaires) par rapport aux parties peuvent
entrainer des problèmes d’impartialité937. Elle souligne ensuite les dangers d’une influence
qui découle soit de l’opinion publique, soit de la pression des médias. Dans ce contexte, il est
à craindre que la sensibilité des juges non professionnels à ces formes de pression soit plus
importante que celle des professionnels. Enfin, cette doctrine conclut : «Finalement, la
participation des juges laïcs (consulaires) ne correspond plus à l’organisation
judiciaire »938.

Ces éléments montrent que de tels juges auraient difficile à sauvegarder leur
impartialité. Cette absence d’impartialité serait donc inévitable pour les juges des tribunaux de
commerce de la République Démocratique du Congo.

933
R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », Journal des
Tribunaux, 1997, p. 517 ; R. PERROT, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en
France (les juridictions de proximité) », in La participation du citoyen à l’administration de la justice.
Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers
de l’Institut d’ Etudes sur la Justice, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 238.
934
R. BACQUE, « Les tribunaux de commerce mis à nu par une enquête parlementaire », in Le Monde,
vendredi 10 juillet 1998, p. 6.
935
Ibidem.
936
Ibidem.
937
BURKHARD HESS, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en Allemagne », in La
participation du citoyen à l’administration de la Justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005
à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, p. 235.
938
BURKHARD HESS, Op. Cit., pp. 235-236.
251

d) Le délai d’appel

L’article 40 de la loi portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux


de commerce prévoit le délai de huit jours pour interjeter appel. Or, le Code de procédure
civile prévoit le délai de trente jours939. Nous pensons que le délai de huit jours en matière
commerciale est très court, il devrait être le même qu’en matière civile c’est-à-dire trente
jours étant donné que la matière de commerce relève du droit judiciaire privé et non du droit
pénal.

e) La problématique de la compétence des Tribunaux de Commerce en matière pénale

L’article 17 alinéa 2 de la loi portant création, organisation et fonctionnement des


Tribunaux de commerce prévoit que ceux-ci sont compétents de connaître les infractions à la
législation économique et commerciale, quel que soit le taux de la peine ou la hauteur de
l’amende.

On peut d’abord s’étonner comment une juridiction de droit privé peut juger les
matières pénales. Ensuite, on peut s’étonner comment une telle juridiction dont le siège est
composé en majorité des juges consulaires (des commerçants qui ne sont pas des juristes
formés) peuvent apprécier les éléments de fait et de droit de la commission de l’infraction à la
législation économique et commerciale, et apprécier les circonstances aggravantes ou
atténuantes de telles infractions. Les juges consulaires n’étant pas été formés pour juger en
matière pénale, leur présence dans la composition du siège ne contribuerait pas à la qualité de
la justice. Et d’ailleurs les enseignements de droit comparé940 ne nous donnent pas les
indications allant dans le même sens que les dispositions de l’article 17 alinéa 2 de la loi
portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce en République
Démocratique du Congo. Autrement dit, dans toutes les législations de la famille romano-
germanique à laquelle le Congo a hérité, les infractions économiques et commerciales sont de
la compétence du juge pénal et non du juge civil.

f) La nécessité de supprimer les Tribunaux de Commerce

Toutes les critiques que nous avons formulées contribuent sans doute à remettre en
cause l’existence des Tribunaux de commerce en République Démocratique du Congo. En
dehors de ces critiques, il convient de se demander s’il était vraiment opportun de créer les

939
Article 67 du Code de procédure civile.
940
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. Dalloz, 2005, n° 230-1 à 230-6, pp. 449 à 452 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MO NTAGNIER et
A. VARINARD, La justice et ses institutions, Paris, 4ème éd. Dalloz, 1996, n° 231-233, pp. 284-285 ; R.
PERROT, Institutions judiciaires, Pris 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 134 à 135, pp. 120-121 ; G. DE
LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2ème éd. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège,
1993, n° 121, pp. 156-157 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd. PUF, 1996, pp. 147-150 ;
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ème éd. Sirey, 2004, pp. 36-37.
252

Tribunaux de commerce en République Démocratique du Congo. A ce sujet, les


enseignements de droit comparé s’avèrent nécessaires.

En effet, le déclin de l’importance des juridictions consulaires a commencé très tôt :


dès le XVIIIème siècle en Angleterre, l’on supprima les juridictions consulaires « mercantiles
courts » pour les remplacer par le Commun Low.

C’est surtout au XIXème siècle que les défections furent les plus nombreuses. Les pays,
donnés pourtant parmi les plus commerçants, abandonnèrent les Tribunaux de Commerce : les
Pays-Bas dès 1827, l’Italie, pays qui les a vus naître, en 1888, l’Espagne en 1868 et le
Mexique941. Aux Etats-Unis où les activités commerciales sont plus importantes, les
Tribunaux de commerce n’existent pas942.

En Europe, la Belgique, la France, l’Allemagne et l’Autriche constituent finalement le


dernier bastion des juridictions consulaires, mais les débats s’amplifient pour tenter de
supprimer les juridictions de commerce. Ainsi, la France comptait en 1998, 227 tribunaux de
commerce de telle sorte qu’il ne reste que 184 tribunaux943. Apparemment, la tendance de leur
suppression risque de se poursuivre. On sait aussi qu’en Belgique, la suppression de la
juridiction consulaire a été envisagée lors de l’élaboration du Code judiciaire en projet mais
qu’en définitive, elle a été maintenue dans une organisation qui s’est inspirée de celle des
chambres commerciales de droit allemand qui fonctionnaient en Alsace-Lorraine944. De même
en Autriche, un projet de loi du Gouvernement visait à supprimer les tribunaux de commerce,
mais ce projet a été repoussé in extremis le 23 septembre 2004945.

Etant donné que la tendance actuelle est la suppression des Tribunaux de Commerce
au monde, il n’était donc pas opportun de les créer en République Démocratique du Congo. Et
comme le souligne notre collègue, le professeur Matadi Nenga Gamanda : « (…) bien
qu’attrayante, la formule du tribunal de commerce ne semblait pas encore appropriée pour
le Congo. (…) Il n’est pas indiqué de conseiller à un pays qui n’a pas les moyens financiers
de sa politique, d’adopter une structure coûteuse alors qu’il peut recourir à une autre à un

941
R. PERROT, « La justice dans la tourmente et l’avenir des juridictions consulaires », in Journal des
Tribunaux, 1997, §4, p. 514.
942
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 136, p. 122.
943
Ibidem, n° 121 et 137, pp. 115 et 123 ; Voy. La réforme de la justice commerciale, in JCP- La Semaine
Juridique Edition Générale, 9 juin 1999, pp. 1065 et s ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris,
9ème éd. Ellipses, 2006, n° 102, p. 85 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien,
2006, n° 121, p. 113.
944
G. HORMANS, « La participation des citoyens au jugement des affaires commerciales », in Journal des
procès, n° 469, 28 novembre 2003, p. 15 ; J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions
de travail de Belgique. Une paradoxale mais adéquate spécificité », in La participation du citoyen à
l’administration de la justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des
Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, Bruxelles, 2006, pp. 44-45.
945
Réflexion pour un statut européen du juge consulaire, in http : www.Strasbourg.cci.fr/uemc/pg-statut-
europee-ic.pdf, 25 mars 2006, 21h 20’.
253

coût moindre et atteindre les mêmes objectifs. (…) Les juges sont en quête de leur formation.
A ce propos, on a mis la charrue avant le bœuf »946.

Nous estimons par contre qu’on devrait créer des Chambres spécialisées en matière
commerciale au niveau de chaque Tribunal de grande instance. Ces Chambres seraient
composées uniquement de magistrats de carrière, mais qui devraient avoir une formation
appropriée dans le domaine de droit économique. Et d’ailleurs, le président de la Commission
d’enquête parlementaire française, M. François Colcombet déclarait : « Une justice des
commerçants rendue par les commerçants n’est plus adaptée (…) une juridiction spécialisée
dans les faillites pourrait être installée auprès de chaque tribunal de grande instance »947.
Enfin, notre collègue, le professeur Matadi Nenga Gamanda est pratiquement du même avis
lorsqu’il souligne : « Les chambres de commerce, siégeant au sein des tribunaux de grande
instance et censées bénéficier d’une formation adéquate (…) étaient capables de rendre le
même service »948. Toutes ces propositions vont apparemment dans le même sens que la nôtre.

D. Les tribunaux du travail

Ils font partie des juridictions de l’ordre judiciaire même si elles sont rangés dans les
juridictions d’exception. Nous aborderons leur origine (1), la définition des Tribunaux de
travail (2), organisation, ressort et siège (3), composition (4), compétences (5) ainsi que les
critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des Tribunaux du travail (6).

1. Origine

Les Tribunaux du travail ont comme ancêtre les « Conseils de Prud’hommes » dont le
nom signifie que ses membres doivent être des hommes sages « prudents » au sens latin du
terme. En France, ils gardent toujours l’appellation des conseils de prud’hommes. Ils avaient
été créés en France dans l’Ancien Régime à Lyon comme juridiction paritaire changée de
concilier et de juger les différends entre les fabricants de soierie et leurs ouvriers. Supprimée
d’abord par la Révolution française, au motif qu’elle était corporatiste, elle fut rétablie en
1806 par la loi du 19 mars 1806 qui décida de créer un Conseil de Prud’homme à Lyon.
Depuis 1979, les conseils de prud’homme ont été créés partout en France, actuellement il y a
270 conseils de prud’hommes949.

946
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit ét Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p.82.
947
M. ORANGE, « François Colcombet prône une réforme en profondeur des tribunaux de commerce », in Le
Monde, Dimanche 5-lundi 6 juillet 1998, p. 19.
948
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 53, p. 82.
949
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 138-139, p. 123 ; M.L.
RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2ème éd ; PUF, 1996, pp. 150-151 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD,
G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2005, n° 234 et 235, pp.
455 et 457.
254

En Belgique, leur existence remonte au 9 juillet 1926, ils s’appelaient autrefois


Conseils de Prud’hommes, mais aujourd’hui, cette appellation a été abandonnée au profit des
Tribunaux du travail950.

En République Démocratique du Congo, ces juridictions ont été créées par la loi n°
016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux
du travail951.

2. Définition

Il s’agit des juridictions qui ont la compétence de juger les matières relatives au
contrat de travail ou d’apprentissage ou de la sécurité sociale. Si par exemple, un employé a
été licencié abusivement, il peut demander réparation du dommage qui lui a été causé en
saisissant les Tribunaux du travail.

3. Organisation, ressort et siège (art. 1 et 2 de loi sur les Tribunaux du Travail)

Le Tribunal de Travail est prévu dans le ressort de chaque Tribunal de grande


instance. Son ressort est celui du Tribunal de grande instance dans lequel il a son siège.

4. Composition

Le Tribunal de travail est composé d’un président, des juges et des juges-assesseurs.
Les juges et les présidents sont magistrats de carrière (article 3, alinéa 2) alors que les juges
assesseurs ne sont pas des juristes, ils appartiennent en principe à des organisations
professionnelles, des employeurs et des travailleurs (article 3, alinéa 3 de la loi précitée).

Ils siègent au nombre de trois membres : un président, magistrat de carrière et deux


juges-assesseurs dont l’un représente les employeurs et l’autre les travailleurs (article 9 de la
loi précitée) ; un officier du ministère public et le greffier.

Les fonctions du ministère public sont assumées par le Procureur de la République


près le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le Tribunal de travail
(article 13 de la loi précitée).

5. Compétences

a) Compétence territoriale ou ratione loci

950
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège 2ème éd. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, n° 104-105, pp. 139-141.
951
Les Codes Larcier République Démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, Bruxelles, éd.
Larcier, Afrique éditions, 2003, pp. 74 et suivantes.
255

Elle s’étend au niveau du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve
le Tribunal de travail, autrement dit au niveau du district ou de ville.

Le Tribunal du lieu du travail est seul compétent sauf dérogation intervenue à la suite
d’accords internationaux. Néanmoins, lorsque par force majeure ou par le fait de l’employeur,
le travailleur se retrouve au lieu d’engagement ou au siège de l’entreprise, le tribunal de ce
lieu devient compétent (article 17 de loi précitée).

Lorsqu’un conflit collectif de travail affecte un ou plusieurs établissements situés dans


plusieurs districts d’une même province, le Tribunal de travail compétent est celui du chef-
lieu de la province. Au cas où ces entreprises sont situées dans plusieurs provinces, le
Tribunal de travail compétent est celui de Kinshasa (article 19 de la loi précitée).

b) Compétence matérielle ou ratione materiae (articles 15 et 16)

Les Tribunaux du travail connaissent des litiges individuels survenus entre le


travailleur et son employeur dans ou à l’occasion du contrat de travail, des conventions
collectives ou de la législation et de la réglementation du travail et de la prévoyance sociale.

Ils connaissent aussi des conflits de travail, à savoir, les conflits survenus entre un ou
plusieurs employeurs, d’une part et un certain nombre de membres de leur personnel d’autre
part, au sujet des conditions de travail lorsqu’ils sont de nature à compromettre la bonne
marche de l’entreprise ou la paix sociale.

Ils connaissent également de l’exécution de toutes les décisions rendues en matière du


travail ainsi que l’interprétation et la rectification de toutes les décisions rendues par eux
(articles 21 et 23 de loi relative aux Tribunaux de travail).

6. Critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de travail

Nous aborderons l’indépendance du juge (a), l’impartialité du juge (b), la juridiction


d’appel (c), la politisation des élections de juges « travailleurs » (d), la lenteur excessive de
ses jugements (e), le caractère défectueux de ses jugements (f) et la nécessité de supprimer les
juridictions du travail (9).

a) L’indépendance du juge

L’article 3, alinéa 2 de la loi n° 016-2002 portant création, organisation et


fonctionnement des Tribunaux du travail dit : « Le président et les juges sont désignés par le
ministre ayant la justice dans ses attributions parmi les juges du Tribunal de grande
instance ».
256

Comme pour les Tribunaux de Commerce, il est difficile dans ces circonstances que
de tels juges puissent être indépendants vis-à-vis du ministre de la Justice, autrement dit du
pouvoir exécutif à qui ils doivent nomination discrétionnaire et prime fixée par ledit ministre.
Les arguments que nous avons développés concernant les Tribunaux de Commerce
s’appliquent mutatis mutandis aux Tribunaux du travail.

b) L’impartialité du juge

Les juges assesseurs des Tribunaux du travail (comme les juges consulaires) exercent
parallèlement une activité professionnelle. Cette situation peut poser problème au regard de
l’impartialité dès lors que les Tribunaux du travail sont composés outre le juge de carrière, des
juges assesseurs composés des représentants d’employeurs et d’employés. L’appartenance
syndicale d’un juge du travail le constitue-t-il de plein droit juge partial, dès lors que son
syndicat est partie à l’instance, sans même se pencher de son comportement ?

Une étude de droit comparé s’impose952. En effet, lorsque cette question s’était posée
devant la justice belge, le Tribunal du travail de Nivelles répondit que le juge social
« travailleur » garde son impartialité même si sa nomination a été présentée par une
organisation syndicale, partie à l’instance, dès lors qu’il n’est pas soumis à aucun lien
d’autorité avec cette organisation d’autant plus que sa présence est contrebalancée par celle du
juge « employeur »953.

Certains auteurs ont estimé que l’impartialité du juge de travail peut être plus
facilement suspectée dans la mesure où il est élu avec l’appui d’organisations professionnelles
ou syndicales954. Mais un jugement du Conseil de Prud’hommes de Thionville en France a eu
l’occasion de résoudre la difficulté en déclarant que le paritarisme fondait l’impartialité de la

952
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit,
U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 309-312 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit
commun et Droit comparé du procès équitable, Paris, 4ème éd. Dalloz, 2007, n° 360, p. 697 ; D. KELLER et
T. GRUMBACH, « La prétendue partialité du Conseil de Prud’hommes ou qui veut faire l’ange fait la
bête », Recueil Dalloz, 2003, p. 979 ; S. HENNION-MOREAU, « Indépendance et impartialité des
juridictions sociales », Mélanges Jacques Normand, Paris, Litec, 2003, p. 279 ; M. KELLER,
« L’impartialité de la juridiction prud’homale », Dalloz, 2004, n° 24, Jurisp. Commenté, p. 1691 ; P.
MORVAN, « Partisane mais paritaire donc impartiale : la juridiction prud’homale », La semaine juridique,
Ed. Gén., 11 février 2004, p. 269 ; J.P. MARGUENAUD et J.MOULY, « L’impartialité des juridictions du
travail devant la Cour européenne des droits de l’homme », in Droit social, juillet-août 2005, n° 7-8, pp.
803-807 ; R. PAUTRAT et R.LEROUX-COCHERIL, Les Conseils de prud’hommes-organisation-
administration-compétence-procédure, Paris, éd. Sirey, 1984, pp. 69-72 ; M. KELLER et T.GRUMBACH,
« Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale... encore ? », in Droit social, janvier 2006, n° 1, pp. 52-56 ;
J. VILLEBRUN, Traité de la juridiction prud’homale, Paris, L.G.D.J., 1997, n° 264- 286, pp. 89- 94.
953
Tribunal de Travail de Nivelles, 1ère Chambre, 16 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 557-559.
954
H. HELFRE, « Conseils de Prud’hommes : pour en finir avec le Moyen-Age », Gazette du Palais, 1992, 2,
doctrine, p. 1550.
257

juridiction prud’homale ; en ce sens que la partialité potentielle de chaque catégorie de


conseillers élus s’annihile dans la même partialité potentielle de l’autre catégorie955.

La Cour de cassation française a confirmé cette jurisprudence en affirmant que le


respect de l’impartialité est assuré, en matière prud’homale, par la composition même des
Conseils de prud’hommes, qui comprennent un nombre égal de salariés et d’employeurs élus.
La Cour a ainsi affirmé que la circonstance qu’un ou plusieurs membres du Conseil de
Prud’hommes appartiennent à la même catégorie syndicale que l’une des parties au procès
n’est pas de nature à affecter l’équilibre d’intérêts inhérents au fonctionnement de la
juridiction prud’homale ou à mettre en cause l’impartialité de ses membres956. La Cour de
cassation belge s’était déjà prononcée en ce sens957. La position de la Cour de cassation
française du 19 décembre 2003 vient de rassurer ceux qui craignaient la destruction du
Conseil de Prud’homme958 car ils sont d’avis que la parité y engendre l’impartialité par
l’entrechoc des éventuels partis pris959.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, se fondant à l’article 6,


er
§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme avait déclaré la requête qui
contestait l’impartialité du Tribunal de travail recevable au motif que celui-ci était composé
d’une majorité de juges non-juristes représentant les intérêts des employeurs et des
employés960. Se prononçant sur le fond, la Cour Européenne estime que cela ne peut pas
d’office constituer l’absence d’impartialité961.

Les différentes jurisprudences relevées montrent que l’appartenance syndicale d’un


juge du Tribunal de travail ne crée pas de plein droit la partialité même si le syndicat est partie
à l’instance.

Mais dès lors que l’on reconnaît le parti pris éventuel de tel juge, nous pensons que
l’on pourrait prévoir dans la mesure du possible que les juges du Tribunal de travail soient
tous des magistrats professionnels qui ont une expérience dans le domaine du travail
(formation théorique et pratique). En ce sens, l’on s’exposerait moins à enfreindre
l’impartialité. Et d’ailleurs, même les défenseurs les plus acharnés des Conseils de

955
Conseil de prud’hommes de Thionville, 28 avril 1999, Rennaia et UL, CGT contre Société Lorraine de
Construction Aéronautique et Société CME, in Droit Ouvrier, 1999, p. 374, note P.M.
956
Cour de Cassation française, Chambre sociale, 19 décembre 2003, Mon Logis contre Guillot, in Bulletin
civil des arrêts de la Cour de Cassation, V, n° 321 ; Recueil Dalloz, 2004, n° 24, Jurisprudence commentée,
p. 1688.
957
Cour de Cassation belge, 21 octobre 1985, RG7402, Pasicrisie belge, 1986, I, n° 110.
958
M. KELLER et T. GRUMBACH, « La prétendue partialité du Conseil de Prud’hommes ou qui veut faire
l’ange fait la bête », in Recueil Dalloz, 2003, point de vue, p. 980 ; M. KELLER, « L’impartialité de la
juridiction prud’homale », in Recueil Dalloz, 2004, n° 24, Jurisprudence commentée, p. 1691.
959
P. MORVAN, « Partisane mais paritaire donc impartiale : la juridiction prud’homale », in La Semaine
juridique Ed. Gén., 11 février 2004, p. 269.
960
CEDH, 1er juillet 2003, Kurt Kellerman AB contre Suède (n° 41579/98), décisions de recevabilité.
961
CEDH, 26 novembre 2004, Kurt Kellerman, AB contre Suède.
258

prud’hommes962 reconnaissent que ses conseillers ne disposent, au moment de leur entrée en


fonction, d’aucune compétence particulière dans le domaine du travail et reçoivent une
formation par les syndicats, qui les rend encore plus dépendants du système juridictionnel
refermé sur lui-même. Ils reconnaissent que l’absence de magistrat professionnel pourrait
créer problème. Aussi, étant donné que les syndicats ont non seulement un rôle institutionnel
indirect (présentation des candidats employeurs et salariés aux élections prud’homales) mais
encore un rôle direct dans l’instance prud’homale, la partialité pourrait en effet être toujours
prouvée tant elle serait alors d’évidence963. Par ailleurs, il est connu que les conseillers
employés jugent, en général, en faveur des employés quand les conseillers employeurs
tranchent, en faveur des employeurs964.

Concernant la République Démocratique du Congo, l’on devrait créer des Chambres


spécialisées dans le domaine du droit du travail et de la sécurité sociale au niveau de chaque
Tribunal de grande instance965. Ces chambres seraient composées uniquement des magistrats
de carrière ayant une formation appropriée dans le domaine du droit de travail et de la sécurité
sociale. En se sens la difficulté éventuelle de l’impartialité que poserait « le juge travailleur »
et « le juge employeur » serait résolue.

En effet, la doctrine moderne966 est d’avis que le problème d’impartialité se pose


concernant les juridictions prud’homales (les Tribunaux du travail) du fait de la spécificité de
leur composition ; tous les juges, tant employeurs que salariés étant élus sur les listes
syndicales, l’appartenance syndicale d’un juge du travail pourrait créer un parti pris.

Cette difficulté risque aussi de se poser plus tard concernant les Tribunaux du travail
en République Démocratique du Congo. En vue d’y pallier, l’on devrait donc maintenir la
compétence des Tribunaux de grande instance en l’état actuel c’est-à-dire de connaître les
litiges relatifs au droit du travail et de la sécurité sociale mais avec des chambres spécialisées
dans ce domaine.

c) La juridiction d’appel

962
J.P. MARGUENAUD et J. MOULY, « L’impartialité des juridictions du travail devant la Cour
européenne des droits de l’homme », in Droit social, juillet-août 2005, p. 807.
963
M. KELLER et T. GRUMBACH, « Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale encore ? », in Droit
social, janvier 2006, n° 1, p. 53.
964
E. JEULAND, Droit processuel, éd. L.G.D.J., 2007, n° 204, p. 202.
965
Voyez aussi MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd
Académia-Bruylant , Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 58, p. 84.
966
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et Droit comparé du procès équitable, Paris,
4ème éd. Dalloz, 2007, n° 360, p. 697 ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A.
VARINARD, Institutions judiciaires-organisation-juridictions-Gens de justice, Paris, 8ème éd. Dalloz,
2005, n° 236, pp. 455-456 ; J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions du travail de
Belgique. Une paradoxale mais adéquate spécificité », in La participation du citoyen à l’administration de
la justice. Actes du Colloque organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles,
Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p.37.
259

L’article 20, alinéa 3 de la loi relative aux Tribunaux de travail dit que l’appel des
décisions rendues par lesdits tribunaux est relevé devant la Cour d’appel.

Apparemment, le législateur n’a pas prévu une composition particulière au niveau de


la Cour d’appel pour connaître de l’appel des décisions des tribunaux du travail. Autrement
dit, les juges « employeurs » et « travailleurs » ne feraient donc pas partie de la composition
d’appel. Concrètement, seuls les magistrats de carrière de la Cour d’appel siégeraient en
appel.

Nous ne voyons pas pourquoi le législateur a prévu les « juges travailleurs » et « juges
employeurs » au niveau du premier degré et ne pas prévoir de tels juges au second degré, donc
à la Cour d’appel. Dès lors que les juges d’appel sont tous magistrats de carrière, nous ne
trouvons pas des raisons de priver le justiciable de la technicité de ceux-ci au niveau des
Tribunaux de grande instance dans les litiges relatifs aux droits du travail et de la sécurité
sociale.

d) La politisation des élections de juges « travailleurs »

Les pays qui organisent les juridictions du travail soulignent la politisation des
élections de « juges travailleurs». Tel est le cas en France où les élections prud’homales ont
montré que tous les 5 ans, à l’occasion de scrutin, les grandes centrales syndicales testent leur
représentativité967. Cette réalité risque d’être constatée à l’égard des juridictions du travail en
République Démocratique du Congo.

e) La lenteur excessive de ses jugements

L’on reproche aux juridictions du travail françaises de rendre leurs décisions après
plusieurs mois ; la durée moyenne des procès est de 11 mois968. Cette situation est fort
regrettable si l’on considère que dans la plus part des cas, les différends soumis aux conseils
de prud’hommes exigeraient une solution rapide969. Les juridictions du travail congolaises
risquent d’être confrontées aux mêmes difficultés.

f) Le caractère défectueux des jugements des tribunaux du travail

La doctrine française la plus autorisée reconnaît que parfois la rédaction des jugements
est défectueuse et que certains secrétariats prud’homaux aggravent encore cette situation en

967
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 153, pp. 131-132 ; R.
PERROT, « La participation du citoyen à l’administration de la justice en France (les juridictions de
proximité) », in La participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du Colloque organisé le
25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Cahiers de l’Institut d’Etudes sur la
Justice, n° 8, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 238.
968
R. PERROT, Op. Cit., n ° 153, p.132.
969
R. PERROT, Op. Cit., p. 132
260

notifiant les décisions rendues avec beaucoup de retard970. Cette critique risque d’être
palpable à l’égard des juridictions du travail de la République Démocratique du Congo.

g) La nécessité de supprimer les tribunaux du travail

Toutes les critiques que nous avons relevées justifient la suppression des tribunaux
du travail. L’on devrait par contre créer des chambres spécialisées dans le domaine du travail
et de la sécurité sociale au sein des tribunaux de grande instance étant donné que cette
solution nous semble plus adéquate et de moindre coût. Et d’ailleurs, cette position est
partagée par les éléments du droit comparé. En effet, plusieurs pays démocratiques de
l’Europe occidentale n’ont pas les juridictions de travail et en sont satisfait du résultat. Ils ont
prévu des chambres spécialisées dans le domaine du travail et de la sécurité sociale. Tel est le
cas de l’Espagne971 , du Portugal et de l’Italie972 où seuls les magistrats spécialisés sont
investis de la mission régalienne de trancher les conflits du travail, par le droit. Enfin, aux
Pays-Bas et en Grèce, le contentieux social (du travail, sécurité sociale, etc.) relève des
juridictions ordinaires973.

C’est pourquoi, nous estimons que l’on devrait supprimer les Tribunaux du travail en
République Démocratique du Congo partant de tous les éléments que nous avons relevés ci-
dessus et créer des chambres spécialisées au sein des tribunaux de grande instance.

§ 3. La Cour des comptes

Elle ne fait pas partie ni des juridictions de l’ordre judiciaire ni de l’ordre administratif
mais elle nous semble très proche des juridictions de l’ordre administratif. Ses décisions
devraient être soumises en cassation devant le Conseil d’Etat. Nous la considérons comme
juridiction d’exception étant donné que ses compétences sont très exceptionnelles. Et
d’ailleurs certains auteurs l’ont classée parmi les juridictions d’exception974 par rapport aux
juridictions de l’ordre administratif qui constituent des juridictions de droit commun en
matière administrative. D’autres auteurs plus avisés la qualifient de « juridiction
administrative à compétence spéciale »975. Cette juridiction mérite d’être étudiée compte tenu
du rôle qu’elle est censée jouer dans un Etat de droit. Nous aborderons l’origine de la Cour

970
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 153, p. 132
971
R. ALARCON CARACUEL, La juridiction sociale en Espagne », in Droit social, 1993, p. 707.
972
STANCHI, « Le contentieux social en droit judiciaire italien », in L’évolution du droit judiciaire au travers
des contentieux économique, social et familial. Approche comparative. XI èmes Journées d’études Jean
Dabin de Louvain-la-Neuve, Bruxelles, 1982 , éd. Bruylant, 1984, p.127.
973
J. HUBIN, « Les règles d’organisation judiciaire des juridictions du travail de Belgique. Une paradoxale mais
adéquate spécificité », in La participation du citoyen à l’administration de la justice. Actes du Colloque
organisé le 25 novembre 2005 à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, Les Chiers de l’Institut
d’Etudes sur la Justice, n° 8, Bruxelles éd. Bruylant, 2006, p. 47.
974
N. FRICERO, L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 85-86.
975
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 éd. Montchrestien, 2002, n° 289, p. 237.
261

des comptes (1), son organisation, ressort et siège (2), sa composition (3), ses compétences (4)
ainsi que les critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes
(5).

1. Origine

La Cour des comptes a été créée afin de vérifier, par l’examen des comptes rendus par
les comptables publics, le respect par ceux-ci des règles budgétaires et juridiques s’imposant à
eux dans l’exécution des budgets de l’Etat et des entités décentralisées, en vue de rendre les
décisions montrant que les agents de l’Etat ont ou non assumé une bonne gestion des fonds
publics de l’Etat.

Elle tire son origine de la curia regis du Moyen Age qui rendait des comptes au Roi
sur l’utilisation des fonds publics, mais elle a réellement vu le jour en France le 16 septembre
1807976 et en République Démocratique du Congo le 6 février 1987977.

2. Organisation, ressort et siège

La Cour des comptes est organisée comme une juridiction, mais son organisation est
particulière. Le président de la Cour des comptes définit l’organisation générale des travaux et
arrête un programme annuel. Son ressort couvre toute l’étendue de la République et son siège
est à Kinshasa.

Elle se réunit soit en audience solennelle, soit toutes sections réunies, soit en
chambres, soit en comité des rapports. Les audiences solennelles de la Cour sont publiques,
c’est le cas notamment pour procéder à l’installation des magistrats.

Les sections réunies se composent du président, des vice-présidents et de deux


conseillers de chaque section. Un conseiller rapporteur complète le siège. Elles siègent
valablement que si les deux tiers des membres sont présents. Les décisions sont prises à la
majorité des voix, en cas de partage, celle du président est prépondérante.

La Cour siège toutes sections réunies lorsqu’elle examine et arrête le compte général
de l’Etat, ou se prononce sur des questions de procédure ou de jurisprudence ou elle connaît
des affaires qui lui sont déférées directement par le président sur renvoi d’une section, à la
requête du ministère public ou sur renvoi après cassation.

976
A. HENRAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris 5ème éd. Sirey, 2004, p. 83 ; R. PERROT,
Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 291, p. 238 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n° 221, p. 162.
977
Ordonnance-Loi n° 87-005 du 6 février 1987 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de la
Cour des comptes, in Journal officiel de la République du Zaïre, numéro spécial Cour des comptes,
septembre 1987, p. 4.
262

3. Composition (article 1er à articles 5, 9 à 20 de l’ordonnance-Loi relative à la Cour des


comptes).

La Cour des comptes comprend un président, des vice-présidents et des conseillers.


Ses membres ont qualité de magistrats et sont régis par un statut particulier. Ils ont la même
préséance que les membres de la Cour Suprême et sont nommés et révoqués de leurs
fonctions par le Président de la République.

La Cour des comptes est composée de trois sections qui peuvent être divisées en
chambres. La première section est chargée des comptes et services de l’Etat et des entités
décentralisées. La deuxième section est chargée des établissements publics et les entreprises
mixtes où l’Etat ou les entités décentralisées détiennent une participation. La troisième section
est chargée des fautes en matière de discipline budgétaire et financière.

Les fonctions du ministère public sont assumées par le Procureur général près la Cour
des comptes. Il est assisté d’un ou de plusieurs avocats généraux. Le ministère public exerce
son ministère par voie de conclusions, d’avis ou de réquisition. Il dispose d’un secrétariat.

Les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas tous des juristes, contrairement aux
magistrats des juridictions de droit commun. En effet, l’article 1er de l’Ordonnance-Loi n° 87-
032 portant statut des magistrats de la Cour des comptes prévoit les conditions ci-après :
- être congolais ;
- être âgé de trente ans au moins ;
- jouir de la plénitude de ses droits civiques ;
- jouir d’une parfait moralité, attestée par un extrait de casier judiciaire ;
- être titulaire d’un diplôme de licencié ou de docteur en droit, en sciences
économiques, commerciales ou financières ou en sciences administratives, délivré par
une université congolaise ou d’un diplôme délivré par une université étrangère,
déclaré équivalent conformément à la législation congolaise ;
- posséder une expérience d’au moins dix ans dans l’une des trois disciplines énumérées
ci-dessus.

Les membres de la Cour des comptes sont nommés, relevés de leurs fonctions et, le
cas échéant, révoqués par le Président de la République, après avis de l’Assemblée nationale
(article 178 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006).

La Cour comprend en outre le secrétaire général qui assure le greffe central de la Cour
et les secrétaires généraux adjoints.

4. Compétences
263

a) Compétence territoriale ou ratione territoriae ou ratine loci

Elle couvre toute l’étendue du territoire national.

b) Compétence personnelle (articles 22 et 23 de l’ordonnance-loi précitée)

Elle juge en matière de discipline budgétaire et financière, tous les fonctionnaires ou


agents de l’Etat et des entités décentralisées, tous responsables ou agents des établissements
publics, auteurs d’une faute de gestion. Ils peuvent être condamnés à une amende qui
n’excède pas le double de leur traitement mensuel.

La Cour juge les comptes que lui rendent les personnes qu’elle a déclarées comptables
de fait. Est comptable de fait, toute personne qui, sans y être habilitée par l’autorité
compétente :

- effectue des opérations de recettes, de dépenses, de détention et de maniement de


fonds ou de valeurs appartenant à l’Etat, aux entités décentralisées et aux
établissements publics ;
- procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n’appartenant pas aux
personnes publiques désignées ci-dessus, mais dont les lois et règlements changent les
seuls comptables publics.
Le comptable de fait est donc justiciable devant la Cour des comptes, il est soumis aux
mêmes obligations que le comptable public.

c) Compétence matérielle ou ratione materiae (articles 21 et 24 de texte précité)

La Cour des comptes contrôle, dans les conditions fixées par la loi, la gestion des
finances de l’Etat, des biens publics ainsi que des comptes des provinces, des entités
territoriales décentralisées ainsi que des organismes publics978.

La Cour des comptes dispose d’un pouvoir général et permanent de contrôle de la


gestion des finances et des biens publics ainsi que ceux de tous les établissements publics. A
ce titre, elle est changée notamment de :

- examiner le compte général du trésor ;


- examiner les comptes des comptables publics ;
- contrôler et vérifier la gestion et les comptes des établissements publics.

Elle contrôle également les fautes de gestion. Sont réputées fautes de gestion de l’Etat,
des entités décentralisées ou des établissements publics :

978
Article 180 alinéa 1er de la Constitution congolaise du 18 février 2006, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, numéro spécial, 18 février 2006, p. 60.
264

- le non-respect des règles d’engagements ;


- l’engagement des dépenses sans disponibilité de crédits ;
- la dissimulation de nature à permettre la faute imputation d’une dépense ;
- la procuration à soi-même ou à autrui d’un avantage injustifié, sous toute autre forme,
entraînant un préjudice pour l’Etat, les entités décentralisées ou les établissements
publics ;
- la dissimulation des pièces ou la production à la Cour des pièces falsifiées ou
inexactes ;
- l’omission, en méconnaissance de la loi fiscale, de remplir les obligations qu’elle
impose, aux fins d’avantager indûment les contribuables ;
- tout acte contraire aux règles d’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat, des
entités décentralisées et des établissements publics.

La Cour peut infliger des amendes qui n’excèdent pas le double du traitement
mensuel, le comptable qui n’a pas présenté ou qui refuse de présenter les comptes ou les
pièces justificatives dans les délais légaux (article 7 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 du 22
juillet 1987 relative à la procédure devant la Cour des comptes).

La Cour des comptes est donc incompétente pour prononcer les peines pénales telles
que notamment l’emprisonnement. En effet, lorsqu’elle relève des faits susceptibles de
constituer des infractions, le Procureur général en informe le Procureur général de la
République près la Cour Suprême de Justice (Cour de cassation) et tribunaux compétents
(article 16 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 du 22 juillet 1987 relative à la procédure devant la
Cour des comptes).

5. Critiques relatives à l’organisation et fonctionnement de la Cour des comptes

Nous relèverons l’indépendance des magistrats (a), l’impartialité du juge (b),


l’absence du droit d’appel (c), l’insuffisance bilan de la Cour des comptes (d) et des
propositions pour une réforme (e).

a) L’indépendance du magistrat de la Cour des comptes

L’article 2 de l’Ordonnance-Loi n° 87-005 du 6 février 1987 fixant la composition,


l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes déclare : « Les membres de la
Cour des comptes sont nommés et, le cas échéant, relevés de leurs fonctions par le Président
de la République ». L’article 178 alinéa 3 de la Constitution congolaise du 18 février 2006,
reprend la même formulation et ajoute « l’avis de l’Assemblée nationale ». Mais cet avis ne
lie pas le Président de la République.

L’article 34 de la loi relative à la Cour des comptes prévoit que la Cour des comptes
est placée sous la tutelle du Président de la République mais l’article 178 alinéa 2 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006 prévoit que la Cour relève de l’Assemblée
265

nationale. Enfin, l’article 9 de l’Ordonnance-Loi n° 87-032 portant statut des magistrats de la


Cour des comptes979 prévoit que les indemnités et autres avantages sont déterminés par le
Président de la République.

Il nous semble que les magistrats de cette Cour seront difficilement indépendants dès
lors qu’ils doivent leur nomination au Président de la République, ils ne bénéficient pas de
l’inamovibilité ; ils n’ont aucun mandat précis étant donné que le président de la République
peut les révoquer à tout moment.

Aussi, le fait que la Cour soit sous la tutelle du Président de la République ou de


l’Assemblée nationale, cela ne contribue pas à l’indépendance de cette institution. En effet,
cette institution dépendrait du Président de la République ou de l’Assemblée nationale. En
d’autres termes, elle dépendrait de la majorité parlementaire en place, autrement dit, des partis
politiques ayant gagné les élections présidentielles et législatives. Dans ces circonstances, la
Cour des comptes ne pourrait par être indépendante. Cette indépendance devient encore plus
difficile dès lors que c’est le Président de la République qui fixe les indemnités et autres
avantages dus aux magistrats de la Cour des comptes. Nous renvoyons pour l’essentiel à nos
arguments que nous avons développés concernant l’absence d’indépendance du juge du
tribunal commerce ou du tribunal de travail à l’égard du pouvoir exécutif.

b) L’impartialité du juge

L’article 21, alinéa 2 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 relative à la procédure devant la


Cour des comptes dit : « En cas de cassation, le compte est renvoyé devant la Cour des
comptes siégeant toutes sections réunies ». Ce texte accepte donc que les magistrats qui ont
siégé dans l’affaire avant le pourvoi en cassation puissent faire partie de la composition du
siège, toutes sections réunies après cassation.

On peut s’interroger sur l’impartialité desdits magistrats dès lorsqu’ils avaient déjà un
« préjugement » lorsqu’ils avaient participé à l’arrêt de la Cour des comptes faisant l’objet du
pourvoi en cassation. En participant dans l’affaire après cassation même toutes sections
réunies, les magistrats concernés chercheraient à confirmer leur conviction préalable, violant
ainsi leur impartialité. La doctrine moderne980 et les enseignements du droit comparé tant
belge981 que français982 se sont prononcés dans ce sens.

Un autre facteur démontre l’absence d’impartialité des magistrats de la Cour des


comptes. En effet, cette Cour est dirigée, non par les magistrats de carrière, mais par des

979
Journal officiel de la République du Zaïre, numéro spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 31.
980
J. BORE, La Cassation en matière civile, Paris, éd. Dalloz, 1987, p. 864 ; T. KAVUNDJA N. MANENO,
L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone, Vol.
II. L’impartialité, Thèse, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 482-483.
981
Article 1110 du Code judiciaire belge.
982
Articles L 131-4 du Code de l’organisation judiciaire ; Article 626 du Nouveau Code de procédure civile ;
Cass. 2ème civ. 14 octobre 1987, Recueil Dalloz, 1987, IR, p. 207 ; Bull. Crim. II, n° 194.
266

politiciens, membres du Comité central du MPR-Parti-Etat, chefs de corps, et de surcroît,


anciens Premiers ministres, impliqués dans la gestion estimée catastrophique983du régime du
Maréchal Mobutu. On peut se demander comment ces magistrats peuvent être juges et parties
dans leurs propres affaires. Aussi, comment une personne qui n’a pas encore rendu compte de
sa propre gestion peut-elle se permettre de demander à ses adversaires politiques d’hier, de lui
rendre compte. Et pour reprendre les termes du procureur général près la Cour des comptes :
« Comment un responsable politique qui n’a pas encore obtenu le quitus de sa gestion et
contre qui existent des présomptions graves et concordantes qu’il ne peut pas obtenir ce
quitus, à cause du bilan de 35 ans de gestion globalement négatif, auquel il a positivement
contribué, peut-il demander aux autres la reddition de leurs comptes ? »984.

L’absence d’impartialité est aussi manifeste au regard de fonctions de la Cour des


comptes. En effet, la Cour des comptes exerce trois fonctions : une fonction juridictionnelle
par le contrôle des comptes publics, une fonction administrative par le contrôle de la bonne
utilisation des deniers publics et une fonction d’assistance au Parlement dans la préparation
des lois de finances publiques. En outre, la Cour des comptes peut passer d’un simple contrôle
de la gestion d’une entité décentralisée ou d’une entreprise étatique ou paraétatique, à une
procédure juridictionnelle de gestion de fait contre les personnes dont la gestion a été
contrôlée.

Ce cumul avec évocation de fonction administrative (l’information du public sur la


bonne utilisation des deniers publics) d’une part, et fonction juridictionnelle (jugement de
gestion de fait) d’autre part, peut créer un « préjugement » qui entraîne l’absence
d’impartialité.

Cette difficulté peut un jour se poser à la Cour des comptes, nous pensons qu’il
convient de tenir compte des enseignements de droit comparé afin de tirer les enseignements
pour une réforme de la Cour des comptes congolaise.

En effet, lorsque cette question s’était posée en France, dans l’affaire Labor Metal, le
Conseil d’Etat français985 avait condamné le fait, pour la Cour des comptes et successivement,
de dénoncer, dans son rapport public annuel, des faits comme étant constitutifs d’une gestion
de fait, en présentant par le menu les circonstances de l’affaire, puis de prononcer la gestion
de fait dans une décision juridictionnelle. Au nom du principe d’impartialité, les mêmes
membres de la Cour des comptes ne devraient pas siéger dans une composition sur la gestion
de fait alors qu’ils avaient préalablement dénoncé dans un rapport public des fais comme
constitutifs d’une gestion de fait ; en d’autres termes, ils avaient déjà un « préjugement »

983
M. NKONGOLO TSHILENGU, « La problématique du contrôle des finances publiques et des biens de
l’Etat par la Cour des comptes », in RJZ, 1995, numéro spécial 70e anniversaire, p. 93.
984
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
985
CE, 23 février 2000, Labor Metal, Procédures, avril 2000, n° 110, obs. Serge Deygas ; RFD adm. ; 2000,
Concl. A. Seban, 435; AJDA, 2000, 404, Chron. M. Guyomar et P. Collin ; RD publ., 2000, 329 note
critique X. Prélot ; Petites affiches, 22 juin 2000, p. 12, note P. Fraisseix ; JCP 2000, II, 10408 ; Recueil
Dalloz, 2000, IR, p. 97.
267

qu’ils devraient confirmer par la suite dans une décision juridictionnelle. C’est donc cela qui
constitue le défaut d’impartialité.

Cette jurisprudence a été nettement affirmée dans un autre arrêt du 4 juillet 2003 dans
lequel le Conseil d’Etat français986 souligne que le fait qu’un membre de la Cour de discipline
budgétaire et financière ait participé à l’adoption du rapport public de la Cour des comptes,
cela lui interdit de juger d’accusations sur les faits soumis à l’appréciation de la Cour de
discipline, du moins si ces faits étaient présentés dans ce rapport comme établis et irréguliers.
Cette position a été réaffirmée dans l’affaire Karsenty et autres du 20 avril 2005 où le Conseil
d’Etat français déclarait que la procédure suivie devant la Cour des comptes avait méconnu le
principe d’impartialité dans la mesure où la rédaction de l’arrêt provisoire par lequel elle
s’était saisie des opérations litigieuses donnait à penser que les faits étaient déjà établis et leur
caractère répréhensible reconnu987.

c) L’absence du droit d’appel

Les arrêts de la Cour des comptes ne sont pas susceptibles d’appel988. Seul le pourvoi
en cassation et la révision sont prévus989. Le pourvoi en cassation est porté devant la Cour
Suprême de Justice et la révision devant la Cour des comptes.

Nous estimons qu’avec la création des juridictions de l’ordre administratif, le pourvoi


en cassation devrait être porté devant le Conseil d’Etat. Dans tous les cas, il serait difficile de
prévoir l’appel étant donné qu’il n’existe pas une juridiction d’appel des décisions rendues par
la Cour des comptes. Nous pensons que même si l’appel n’est pas prévu, les textes
fondamentaux des Droits de l’Homme et la Constitution n’en seraient pas violés étant donné
que la Cour des comptes est la seule juridiction compétente en la matière et surtout que le
justiciable dispose de la possibilité révision devant la même Cour des comptes et de se
pourvoir en cassation au Conseil d’Etat. Le droit à un procès équitable ne serait donc pas
violé.

d) L’insuffisance bilan de la Cour des comptes

La Cour des comptes congolaise a été créée depuis le 6 février 1987, elle a plus de 21
ans. L’immense espoir que la création de cette Cour avait suscité dans l’opinion contraste
aujourd’hui avec l’inaction de cette institution qui ne remplit pas son rôle de rempart contre
d’innombrables détournements des deniers publics et le pillage irrationnel du patrimoine
national par les gouvernements et les expatriés.

986
CE, 4 juillet 2003, Dubrevil, AJDA, 2003, 1596, chron. ; Dans le même sens CE français, 4 juillet 2003,
Recueil Dalloz, 2003, p. 2484.
987
Conseil d’Etat français, 20 avril 2005, Karsenty et autres, in RFA, 2005, p. 693.
988
Articles 21 et 68, al. 2 de l’Ordonnance-Loi n° 87-031 relative à la procédure devant la Cour des comptes, in
Journal officiel de la République du Zaîre, numéro spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 15.
989
Articles 21 à 24 de l’Ordonnance-Loi précitée.
268

Il y a peu de temps, le procureur général près la Cour des comptes faisant le bilan de
celle-ci affirmait sans ambages : « Aucun arrêt. Aucun gestionnaire inquiété. Aucun compte
apuré. Aucune entreprise contrôlée jusqu’au bout de procédure. Son impact comme
instrument de lutte contre les crimes économiques et les méthodes non orthodoxe de gestion
des finances publiques est nul. On ne voit pas de différence entre elle et l’Inspection générale
des finances ou le Conseil supérieur du Portefeuille qui sont des services d’audit interne pour
le gouvernement et les entreprises publiques. Cette Cour ne joue pas un rôle de premier plan
dans l’assainissement des finances publiques qui n’ont jamais été aussi mal gérées que
pendant ces années de transition qui n’en finissent pas. Et ce n’est pas sans surprise que
l’opinion a appris qu’il y ait eu corruption ou règlement des comptes pour un
repositionnement politique dans les premiers dossiers que cette Cour avait tenté
d’initier ! »990.

La transposition des structures des Cours des comptes qui ont fait preuve sous d’autres
cieux, où les détournements des deniers publics sont quasi-inexistants et les pillages du
patrimoine national par les gouvernements inimaginables, cette transposition est mal venue
dans un pays où le vice est devenu vertu et où le vol et le détournement sont des actes de
bravoure991. Ce bilan insuffisant voire inexistant de la Cour des comptes nous pousse à des
propositions pour une réforme.

e) Propositions pour une réforme

Ces propositions tiennent compte de l’absence d’indépendance des magistrats de la


Cour des comptes, la problématique du droit d’appel, le défaut d’impartialité de cette Cour,
ses compétences et l’insuffisance bilan de la Cour des comptes.

S’agissant de l’absence d’indépendance des magistrats de la Cour des comptes, ses


membres devraient être nommés par le Président de la République sur proposition conforme
(liant l’organe de nomination) du Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil supérieur
de portefeuille. Nous estimons donc que la proposition de nomination devrait être l’œuvre
d’un organe technique et non le Parlement qui est un organe politique mais la nomination
devrait être avalisée par le Président de la République en tant que garant de la Nation.

Les magistrats devraient être nommés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule
fois. Ils pourraient à ce titre être inamovibles c’est-à-dire l’organe de nomination ou de
proposition ne devrait pas les démettre avant le terme de leur mandat. En ce sens, ils
bénéficieraient de l’une des garanties essentielles d’indépendance du juge en l’occurrence
l’inamovibilité comme c’est le cas en France992.

990
M. NKONGOLO TSHILENGU, « La problématique du contrôle des finances publiques et des biens de
l’Etat par la Cour des comptes », in RJZ, 1995, numéro spécial 70e anniversaire, p. 93.
991
Ibidem, p. 94.
992
R.PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien, 2006, n° 291, p.239.
269

La Cour des comptes devrait aussi être indépendante de tout pouvoir politique. En
conséquence, elle ne devrait pas être ni sous tutelle du Président de la République ni de
l’Assemblée nationale ni du gouvernement. En effet, l’organisation de la Cour des comptes
congolaise s’était inspirée largement du modèle français. Or, en France, la Cour des comptes
est indépendante à l’égard du Parlement et du gouvernement993. Cette forte indépendance, liée
à son statut de juridiction, a été affirmée explicitement par le Conseil constitutionnel dans sa
décision 2001-448DC du 25 juillet 2001, elle est renforcée par la qualité de magistrats de ses
membres994. Comme on peut le constater, la Cour des comptes en France a le statut de
juridiction ; or, pour qu’une institution soit considérée comme une juridiction, elle doit tout
au moins avoir l’indépendance et l’impartialité, la Cour des comptes de la République
Démocratique du Congo devrait donc être organisée dans ce sens.

Un autre élément qui renforcerait l’indépendance des membres de cette Cour


consisterait à faire bénéficier ceux-ci des indemnités suffisantes qui devraient être fixées par
le Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil supérieur de portefeuille. Nous pensons
qu’elles devraient être au minimum de 2.000 $ US par mois. Ce montant tient compte du
niveau de vie en République Démocratique du Congo et permettrait aux magistrats de
travailler convenablement et en toute indépendance.

S’agissant de la problématique du droit d’appel, l’on devrait dans la mesure du


possible, organiser au sein même de la Cour des comptes deux sections : l’une s’occupant de
1ère instance et l’autre de l’appel. Mais dans le but de se conformer au principe d’impartialité,
« les juges » faisant partie de la composition de 1ère instance ne devraient pas siéger à
l’instance d’appel. Concrètement, si le budget le permet, l’on pourrait créer les chambres
provinciales des comptes (qui seraient l’une des chambres de la Cour des comptes) dans les
25 provinces de la République qui siégeraient au premier degré, et l’appel serait de la
compétence de la Cour des comptes au niveau national. Dans tous les cas, les arrêts de la Cour
des comptes resteraient susceptibles de révision devant la même Cour et devraient être soumis
en cas de nécessité au pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

S’agissant du défaut d’impartialité de la Cour des comptes, en vue d’y pallier, l’on
devrait éviter le cumul des différentes fonctions dans le chef du même juge de la Cour des
comptes. En conséquence, il serait souhaitable de procéder à un découpage de la procédure de
gestion de fait en trois phases distinctes, afin d’isoler la troisième et dernière phase (celle de
l’apurement du compte de gestion de fait) à la fois celles qui l’ont précédé (déclaration
éventuelle de préjugement sur les faits dans le rapport public). De la sorte, un membre de la
Cour des comptes, qui a participé à l’adoption du rapport public de la Cour, ne devrait pas
juger les accusations sur les faits soumis à l’appréciation de la Cour des comptes si les faits
étaient présentés dans ce rapport comme établis et irréguliers.

993
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey-Dalloz, 2004, p. 83; J. VINCENT,
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005,
n° 468, p. 671.
994
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Ibidem.
270

De même, l’on devrait interdire dans le chef du même magistrat le cumul de fonctions
administratives et de fonctions juridictionnelles, la présence du rapporteur au délibéré
lorsqu’il a statué en matière de gestion de fait, ainsi que le cumul de fonctions de rapporteur
et celles liées à une activité juridictionnelle.

Enfin, l’on devrait éviter que le magistrat qui a participé à la saisine ne puisse pas
instruire la même affaire et faire partie du siège qui prendrait ou non la sanction conséquente.

L’interdiction du cumul de différentes fonctions relevées éviterait que le magistrat ne


puisse pas confirmer son « préjugement » autrement dit sa conviction antérieure qu’il s’était
déjà fixée lorsqu’il lui est demandé de siéger au fond pour prendre la décision de
condamnation ou d’acquittement995. Enfin, l’on devrait éviter que les magistrats qui ont siégé
dans l’affaire avant le pourvoi en cassation puissent faire partie de la composition du siège,
toutes sections réunies.

Concernant ses compétences, la Cour des comptes devrait exercer les attributions non
juridictionnelles et juridictionnelles. Les attributions non juridictionnelles permettraient à la
Cour des comptes de vérifier la bonne exécution du budget de l’Etat, à travers les comptes des
entreprises publiques et des entités territoriales décentralisées en vue d’assurer une
performance publique et une transparence des opérations publiques. La Cour pourrait
effectuer aussi un véritable audit de gestion du bon emploi des crédits, fonds et valeurs de
l’Etat. Enfin, la Cour devrait élaborer un rapport public chaque année et assister le Parlement
et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances.

Les attributions juridictionnelles de la Cour des comptes devraient lui permettre de


vérifier et juger des comptes des comptables publics de l’Etat. Si la gestion est correcte, la
Cour devrait rendre un arrêt de décharge ou de quitus ; en revanche, si la gestion est
irrégulière, elle devrait rendre un arrêt de débet, le comptable public est alors tenu de combler
la différence sur ses deniers personnels. Les arrêts rendus par la Cour des comptes devraient
être susceptibles d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

S’agissant de l’insuffisance bilan de la Cour des comptes, nous avons souligné qu’il
était inexistant, le procureur général près cette Cour avait montré que celle-ci était mort né996.
En vue d’y pallier, l’on devrait adapter certaines dispositions aux réalités démocratiques et de
l’Etat de droit qui nécessitent la transparence, et élaguées de séquelles de l’ancien unique
MPR Parti-Etat.

995
Voy. T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 435-476 ; 496-517 ; 614-618.
996
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
271

L’on mentionnera aussi que l’article 40 de l’ordonnance-loi n° 87-031 du 22 juillet


1987 relative à la procédure devant la Cour des comptes997 prévoit la procédure des référés
alors que cette procédure n’est pas organisée par le droit positif congolais. Il conviendra
d’adapter les textes de cette Cour à la procédure congolaise auquel cas les magistrats de la
Cour auront difficile de comprendre une procédure qui est inconnue, la qualité du travail
pourrait en pâtir.

La Cour des comptes devrait être répressive, comme c’est le cas en Italie, en Guinée-
Conakry et dans beaucoup de pays scandinaves, et non celle qui attend que les justiciables
viennent volontairement lui déposer les pièces dont elle va se servir pour les condamner998.

Les magistrats de la Cour des comptes devraient être en majorité des juristes
chevronnés (2/3 des membres) et des économistes ayant une expérience éprouvée dans le
domaine des finances (audit, inspection des finances, etc.). Nous pensons donc que les
spécialistes en sciences administratives ne devraient pas être magistrats à la Cour des comptes
mais pouvaient faire partie du personnel administratif de celle-ci.

Nous espérons que ces propositions contribueraient à rentabiliser le travail de la Cour


des comptes et au cas où le bilan restait inexistant après plus de 21 ans d’existence, l’on
devrait alors la supprimer. Et si elle continuait d’exister, il serait à notre sens souhaitable
d’adapter les textes relatifs à la Cour des comptes aux normes universelles du procès
équitable.

A présent, il convient d’aborder une juridiction qui ne fait pas partie ni des juridictions
de droit commun ni d’exception, ni des juridictions de l’ordre judiciaire ni de l’ordre
administratif. Il s’agit de la Cour constitutionnelle.

§ 4. La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle fait partie du pouvoir judiciaire (article 149, alinéa 1 de la


Constitution) mais elle n’appartient pas ni aux juridictions de l’ordre judiciaire ni aux
juridictions de l’ordre administratif en raison de la nature des questions dont elle a à connaître
et en raison de ses attributions. Cette Cour contribuera à garantir les droits fondamentaux de
la personne humaine et les libertés publiques. Elle sera l’organe régulateur du fonctionnement
des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Son introduction dans la Constitution
approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre 2005 et promulguée le
18 février 2006, constitue l’une des grandes avancées à la stabilisation des institutions
démocratiques et l’édification d’un Etat de droit. Elle est prévue par les articles 157 à 169 de

997
Journal officiel de la République du Zaïre, spécial Cour des comptes, septembre 1987, p. 15 ; M.
NKONGOLO TSHILENGU, Ibidem.
998
M. NKONGOLO TSHILENGU, op. cit., p. 94.
272

la Constitution. Nous analyserons son organisation, ressort et siège (1), sa composition (3),
ses compétences (4) ainsi que notre appréciation (5).

1. Organisation, ressort et siège

En attendant une loi organique sur la Cour constitutionnelle, son ressort couvrira tout
le territoire national et son siège sera dans la ville de Kinshasa. Compte tenu de l’étendue du
territoire national et en vue de rapprocher la justice des justiciables, il serait souhaitable de
prévoir des chambres dans les 25 provinces créées par la Constitution congolaise du 18 février
2006.

2. Composition (articles 158 à 159 de la Constitution)

L’article 158 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du référendum


du 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 dit que la Cour constitutionnelle
comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre
initiative, trois désignés par le Parlement réuni en congrès et trois désignés par le Conseil
Supérieur de la Magistrature. Les deux tiers des membres doivent être des juristes provenant
de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire.

Le mandat de ses membres est de neuf ans non renouvelable. La Cour est renouvelée
par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage
au sort d’un membre par groupe.

Le Président de la Cour est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable
une seule fois. Il est investi par ordonnance du Président de la République.

Pour être nommé membre de la Cour constitutionnelle, le candidat doit être congolais
et justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans les domaines juridique ou politique
(article 159 de la Constitution). Compte tenu du nombre réduit des membres de la Cour (9)
pour une population de 60.000.000 d’habitants, il serait souhaitable que la Cour
constitutionnelle dispose aussi des référendaires qui seraient tous des juristes ayant des
compétences éprouvées et recrutés par voie de concours organisé par la Cour ou sur mérite de
leurs publications. Ils seraient appelés conseillers référendaires et auraient comme tâche
d’assister les magistrats de la Cour à l’accomplissement de leur mission. Leur statut devrait
être fixé par le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle.

3. Ses compétences (articles 160, 161, 163, 164, 165 de la Constitution)

a) Compétence territoriale ou ratione territoriae ou ratione loci

Elle couvre toute l’étendue du territoire national.


273

b) Compétence personnelle ou ratione personnae

Elle est compétente en matière pénale pour juger les infractions de haute trahison,
d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité, les délits d’initié et les autres
infractions de droit commun commises par le Président de la République et le Premier
ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également
compétente pour juger leurs co-auteurs et complices.

c) Compétence matérielle ou ratione materiae (articles 160 à 162 et 167 de la


Constitution)

1. La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et


des actes ayant force de loi :
La Cour constitutionnelle connaît de la conformité à la Constitution des lois
organiques, des lois autres que les lois organiques avant leur publication, des traités ou
accords internationaux avant leur publication ;
Elle connaît aussi de la conformité à la Constitution des ordonnances du Président de
la République prises en cas d’état d’urgence ou d’état du siège ;
Elle connaît également de la conformité à la Constitution des règlements intérieurs des
chambres parlementaires et du Congrès, des institutions d’appui à la démocratie avant leur
publication.
2. Elle connaît de l’inconstitutionnalité des actes législatifs ou réglementaires :
Elle connaît de l’inconstitutionnalité d’une loi à promulguer et l’inconstitutionnalité de
tout acte législatif ou réglementaire.
3. Elle connaît de l’interprétation de la Constitution :
Elle juge l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction.
4. Elle connaît du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du
référendum.
5. Elle connaît des conflits de compétences entre pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces.
6. La Cour constitutionnelle connaît des conflits d’attribution :
Elle connaît des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le
Conseil d’Etat, uniquement en tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux
juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce recours n’est recevable que si un
déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil
d’Etat.
7. La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du chef de l’Etat et du Premier
Ministre ainsi que de leurs auteurs, coauteurs et complices pour les infractions politiques de
haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour
les délits d’initiés et ou les infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
274

Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la


Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou
complices des violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une
partie du territoire national.

Il y a atteinte à l’honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement


personnel du Président de la République ou du Premier ministre est contraire aux bonnes
mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversations, de
corruption ou d’enrichissement illicite.

Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre


lorsqu’il effectue des opérations sur des valeurs immobilières ou sur marchandises à l’égard
desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces
informations soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente d’actions
fondée sur des renseignements qui ne seraient jamais développées aux actionnaires.

Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre
Chambre du Parlement sur l’activité gouvernemental, le Premier ministre ne fournit aucune
réponse dans un délai de trente jours.

La Cour constitutionnelle est compétente pour prononcer la déchéance du Président de


la République et du Premier ministre en cas de leur condamnation.
8. La Cour constitutionnelle donne des avis relatifs à la détermination du caractère
réglementaire d’une loi ayant régi une matière relevant désormais du domaine réglementaire.
9. Elle connaît de la déclaration du patrimoine familial du Président de la République
et des membres du Gouvernement qu’elle communique à l’administration fiscale.
Elle connaît également de l’absence de la déclaration, de la déclaration frauduleuse
ou du soupçon d’enrichissement sans cause dans le chef du Président de la République et du
Premier Ministre.
10. La Cour constitutionnelle connaît de la déclaration de la vacance de la Présidence
de la République.
Elle connaît également de la prolongation du délai de l’élection du Président de la
République consécutive à la vacance de la Présidence de la République.

4. Notre appréciation

L’installation de la Cour constitutionnelle va contribuer sans doute à faire asseoir la


démocratie et l’édification d’un Etat de droit dès lors que cette institution nous semble
indépendante (a) et protectrice des droits fondamentaux de l’homme (b). Mais ses
compétences personnelles nécessitent des réformes dans l’avenir (c).
275

a) L’indépendance de la Cour constitutionnelle

Elle se traduit par le fait que ses membres ne sont pas désignés exclusivement par le
pouvoir exécutif. En effet, le Président de la République a l’initiative de nomination sur trois
membres, le Parlement réuni en congrès sur trois membres, et le Conseil Supérieur de la
Magistrature sur trois membres (article 158, alinéa 1 de la Constitution).

L’indépendance de cette Cour est renforcée dès lors que c’est la Cour constitutionnelle
qui élit elle-même son président. Autrement dit, celui-ci est élu par ses pairs999. C’est un
grand facteur d’indépendance de ce dernier vis-à-vis du pouvoir exécutif. Les enseignements
de droit comparé en l’occurrence du Bénin1000 ont montré cette projection.

De même, l’on y trouve l’une des garanties d’indépendance du juge en l’occurrence


l’inamovibilité. En effet, le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans
non renouvelables ; celui de son président de trois ans renouvelable une seule fois.

L’inamovibilité s’explique par le fait qu’il n’y a pas la possibilité pour le pouvoir
exécutif de mettre fin de manière intempestive aux fonctions d’un membre de la Cour
constitutionnelle. Cette inamovibilité du juge même si elle n’est pas expressément déclarée
concernant la Cour Constitutionnelle, elle s’applique aussi à l’égard de celle-ci dès lors
qu’elle est prévue au pouvoir judiciaire (article 150, alinéa 4 de la Constitution). Or, l’article
150, alinéa 1 de la Constitution approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18
décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006 prévoit que la Cour constitutionnelle fait
partie du pouvoir judiciaire. Il appartiendra donc à la loi organique sur la Cour
constitutionnelle de prévoir l’inamovibilité des juges de cette Cour ; cela renforcerait
davantage les pouvoirs de la Cour et sa mission de protection des droits fondamentaux de
l’homme.

b) La protection des droits fondamentaux de l’homme

La Constitution approuvée par le peuple congolais lors du référendum du 18 décembre


2005 et promulguée le 18 février 2006 a intégré dans son préambule, notamment la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU et la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples. Autrement dit, ces instruments des droits fondamentaux de l’homme
font partie de la Constitution congolaise.

A cet égard, l’article 162 de la Constitution prévoit que toute personne peut saisir la
Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. Elle

999
Article 158, al. 4 de la Constitution du 18 février 2006.
1000
Article 116 de la constitution du Bénin du 11 décembre 1990, in Fondation Friedrich Naumann,
Constitutions et textes constitutionnels de la République du Bénin depuis les origines dahoméennes,
Cotonou, Ceredec Afrique, 1997, p. 268 ; Articles 3 et 9 de la loi n° 91-009 du 4 mars 1991 portant loi
organique sur la Cour constitutionnelle, in COUR CONSTITUTIONNELLE DU BENIN, Recueil des textes
fondamentaux, Porto-Novo, 1995, p. 8.
276

peut en outre saisir la Cour constitutionnelle par la procédure de l’exception de


l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction, et
celle-ci doit surseoir à statuer et saisit, toutes affaires cessantes la Cour constitutionnelle.

Cette disposition permet donc à toute personne victime de violation des droits
fondamentaux de l’homme par une loi ou une instance judiciaire, de saisir la Cour
constitutionnelle pour inconstitutionnalité dès lors que les droits fondamentaux de l’homme
font partie intégrante de la Constitution congolaise. Les enseignements de droit comparé
principalement le Bénin1001 montrent que cela contribue à l’édification d’un Etat de droit dans
la mesure où les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et
sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles, militaires et aux
particuliers1002.

c) Les nécessités d’une réforme concernant les compétences personnelles de la Cour


constitutionnelle

Nous avons montré que la Cour constitutionnelle congolaise est compétente pour juger
le Président de la République et le Premier ministre pour les infractions politiques ainsi que
les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de leurs fonctions1003.

Or, l’article 159 de la même Constitution prévoit que pour être nommé membre de la
Cour constitutionnelle, l’on doit justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans le
domaine juridique ou politique. Cela signifie que toute personne qui a une expérience dans le
domaine politique peut être nommée membre de la Cour. En d’autres termes, celui qui a
exercé les fonctions politiques même s’il n’a pas fait des études peut être nommé juge de cette
Cour.

On peut se demander comment une telle personne peut apprécier les éléments de fait et
de droit lorsque la Cour constitutionnelle pourrait être appelée à juger les infractions
politiques et de droit commun reprochées éventuellement au Président de la République ou au
Premier ministre. Il en est de même lorsque la Cour constitutionnelle doit connaître des
recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en
tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou
administratif (article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006). C’est

1001
Article 122 de la constitution du Bénin du 11 décembre 1990 ; articles 22 et 24 de la loi n° 91-009 du 4 mars
1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle du Bénin.
1002
Article 168 de la Constitution Congolaise ; article 124, al. 2 de la Constitution du Bénin du 11 décembre
1990.
1003
Constitution du 18 février 2006, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, numéro
spécial, 18 février 2006, p. 57. Les enseignements de droit comparé ne nous indiquent pas que de telles
compétences de la Cour constitutionnelle contribuent à l’édification d’un Etat de droit. Ainsi, la Cour
constitutionnelle du Bénin qui fait preuve d’indépendance et modèle en Afrique francophone n’a pas de
telles compétences.
277

pourquoi nous pensons que cela devrait être de la compétence exclusive de la Cour de
cassation qui serait composée de juristes chevronnés ayant une expérience éprouvée dans le
domaine judiciaire.

De la sorte, la Cour constitutionnelle ne connaîtrait pas les infractions pénales de


personnalités susvisées mais elle exercerait uniquement ses attributions principales : contrôler
la constitutionnalité des lois et les actes ayant force de loi ; connaître des recours en
interprétation de la Constitution ; juger le contentieux des élections présidentielles,
législatives et du référendum ; connaître les conflits de compétences entre le pouvoir exécutif
et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces ; être juge de l’exception
d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction1004.

En ne maintenant que les attributions principales ainsi relevées, la Cour


constitutionnelle sera plus efficace dans sa mission de faire asseoir la démocratie et
d’édification d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo.

§ 5. Remarques générales sur l’organisation des juridictions

I. De la documentation, de la consultation coutumière et de l’inspectorat

Il existe un service de documentation et d’études au sein du ministère de la Justice.


S’agissant de la consultation coutumière, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux
peut désigner un ou plusieurs notables ou spécialistes du droit coutumier qui peuvent être
consultés chaque fois qu’il y a lieu à application d’une coutume. Il fixe leurs indemnités.
S’agissant de l’inspectorat, il existe au ministère de la Justice un inspectorat général
dans le cadre de recouvrement des recettes et d’organisation du cabinet. L’inspectorat général
est chargé de mener certaines enquêtes, contrôle ou inspections pour fournir au ministre de la
Justice et Garde des Sceaux des éléments d’appréciation dans certains domaines.
Actuellement deux pools sont installés à Kisangani et à Lubumbashi, ajouter celui de
Kinshasa. On a installé en 1996 l’inspectorat judiciaire de Bukavu.

II. Des audiences et du délibéré

1. Des audiences

a) Déroulement des audiences

Il existe plusieurs sortes d’audiences, à savoir : audiences solennelles (prestation de


serment, rentrée judiciaire, décès d’un magistrat), audiences ordinaires (pénale, civile,
commerciale, sociale, administrative, fiscale).

1004
Articles 160 à 162 de la Constitution du 18 février 2006.
278

Les jours auxquels se tiennent ces audiences, sont fixés par les premiers présidents de
la Cour suprême de justice et des Cours d’Appel, en principe il y va de même pour les heures.
L’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/8/1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets en son art. 9 précise que les audiences ordinaires commencent
normalement à 9 heures et se poursuivent jusqu’à épuisement du rôle. Si le jour fixé par
l’audience est férié, l’audience se tiendra le premier jour utile suivant.

A l’audience, le président de chambre se situe au milieu, à droite se trouve le juge le


plus ancien, à sa gauche se met le juge le moins ancien ; à la largeur droite, s’installe le
ministère public et le greffier du siège occupe la largeur gauche de la table. Le juge qui
préside l’audience en assure la police des débats. Après l’ouverture de l’audience par le
président de chambre, le greffier fait lecture du rôle des affaires fixées à cette date1005. Pour
rejoindre la salle d’audience, le président de chambre entre le premier, suivi successivement
de juge le plus ancien, du juge le moins ancien, de l’officier du ministère public et du greffier
du siège. En cas de nécessité pour la bonne administration de la justice, les cours et tribunaux
peuvent siéger dans toutes les localités de leur ressort (en chambre foraine) ou dans un autre
lieu qu’au Palais de justice dans la localité où se trouve le siège de juridiction (audience à la
prison, dans un autre local ordinaire des audiences).

b) Les tenues destinées aux audiences : les toges

L’arrêté royal du 05/7/1948 relatif aux tenues des magistrats et greffiers à son article
1er paragraphe 2, déclare : « Aux audiences ordinaires, les magistrats porteront la toge de
mérinos de laine noire à grandes manches, la toge en mérinos de laine noire avec galon
d’argent de 18 mm, la cravate tombante de bâtisse et plissée ».

Aux audiences solennelles et aux cérémonies publiques, la toge sera en mérinos de


laine blanche avec collet et revers de soie noire. En outre, il sera porté sur celle-ci une
ceinture en soie noire de 11 cm de largeur avec franges pareilles. Les greffiers porteront les
mêmes costumes sans galon à la toque.

c) La signification des toges

La couleur noire signifie que les magistrats n’a pas de frère, d’ami, d’ennemi, n’a pas
de haine, de rancune envers qui que ce soit, il n’a pas de sentiment envers le justiciable bref,
la couleur noire couvre tous les sentiments qu’un magistrat peut avoir.

La couleur blanche de la cravate (rabat blanc) signifie que le magistrat applique la loi
avec toute sa conscience ; en d’autres termes, le cœur du magistrat n’a pas de taches, il est
propre car n’ayant pas de sentiment et applique seulement la loi suivant ce que sa conscience
l’exige et son intime conviction.

2. Du délibéré

1005
A. RUBBENS, Le droit judiciaire Congolais, TII, La procédure judiciaire contentieuse du droit privé,
Kinshasa, éd. PUZ, 1978, p. 76.
279

Les délibérés sur toutes les affaires à trancher sont gardés secrets. Aucune divulgation
de secret du délibéré. Si l’on organise une plénière (séance réunissant les magistrats du siège,
d’une Cour ou d’un tribunal pour débattre un point de droit qui se pose à une composition),
les éléments de la cause et les opinions émises par les membres de la composition sont
présentés d’une manière générale.

Lors du délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins élevé donne son avis, suivi
du juge ancien et le président de chambre donne son avis le dernier. Toutefois avant le
délibéré, le président de chambre fait, à l’intention des membres de la composition, un rapport
succinct sur l’état de la procédure et sur les faits leur soumis.

Si quelques points paraissent difficiles sur le plan de droit et nécessitent des


recherches ; le délibéré peut être ajourné ; car la majorité judiciaire qui vise la vérité juridique
ne dépend pas du nombre. Cela ne signifie nullement que le membre réduit en minorité doit
traîner en longueur le délibéré, il devra à défaut d’éléments convaincants, se rallier aux autres
en vue d’éviter de retarder le prononcé.

Au cas où il reviendrait de provoquer une séance plénière, celle-ci ne se substitue pas


à la composition, mais elle éclaire cette dernière sur les points de droit complexes. Les
décisions sont prises à la majorité des voix. Toutefois en matière répressive, s’il se forme plus
de deux opinions dans le délibéré, le juge qui a émis l’opinion la moins favorable au prévenu,
est tenu de se rallier à l’une de deux autres opinions. En matière de droit privé, s’il se forme
plus de deux opinions dans le délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins élevé est tenu
de se rallier à l’une de deux autres opinions.

Le délibéré est facile lorsqu’il s’agit d’une juridiction collégiale : des échanges des
vues et des discussions interviennent entre les membres de la juridiction, les opinions
différentes venant des personnes à caractère et des tempéraments forts divers se confrontent,
l’expérience des plus anciens guide les plus jeunes, certains points qui avaient échappé aux
uns sont signalés par les autres, les pièces du dossier peuvent être revues de près etc. Les
juges qui participent à la délibération doivent être les mêmes que ceux qui ont assisté aux
débats et entendu le réquisitoire et les plaidoiries, sous peine de cassation..

Quand le siège est à juge unique, ce dernier délibère sur la sentence qu’il va rendre,
c’est-à-dire qu’il réfléchit, qu’il essaye de s’éclairer sur les points qui lui paraissent douteux.

Le délibéré peut-être bref, tel est le cas qui est fréquent où la décision est rendue « sur le
banc » (c’est- à- dire juste à la fin de l’audience même). La délibération est secrète, elle a lieu
hors de la présence de toute personne étrangère, y compris le ministère public et le greffier.
Les juges sont tenus au secret du délibéré. Une fois la décision rendue, aucun des membres de
la juridiction qui ont assisté à la délibération et y ont participé ne doit en révéler quoi que ce
soi1006.

1006
G. STEPANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, éd. Dalloz, 1993, p. 690-691.
280

§ 6. Le conflit de compétence entre les juridictions

I. Le conflit d’attribution

Il y a conflit d’attribution lorsqu’une juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction


de l’ordre administratif se déclarent pour une même demande mue entre les mêmes parties
toutes deux compétentes ou incompétentes1007.

En République Démocratique du Congo, l’article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18


février 2006 dit que la Cour constitutionnelle connaît des recours contre les arrêts rendus par
la Cour de cassation et le Conseil d’Etat uniquement en tant qu’ils se prononcent sur
l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif. Comme
on peut le remarquer, la Cour constitutionnelle est compétente uniquement lorsqu’il ya conflit
sur l’attribution du litige entre la Cour cassation et le Conseil d’Etat aux juridictions de l’ordre
judiciaire ou administratif. Malheureusement la Constitution ne dit rien lorsqu’il peut y avoir
conflit des compétences entre une juridiction de l’ordre judicaire et celle de l’ordre
administratif étant donné que cette situation risque d’être fréquente en pratique.

C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait dans les meilleurs délais modifier l’article
161 alinéa 4 de la Constitution de la manière suivante : « La Cour constitutionnelle connaît
des conflits d’attribution entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de
l’ordre administratif ». Cette formulation nous semble plus large et pourrait résoudre
plusieurs conflits des compétences entre ces deux ordres de juridiction qui pourraient se
poser. Et d’ailleurs, c’est ce qui ressort des éléments du droit comparé car le conflit
d’attribution entre une juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre
administratif est de la compétence de la Cour de cassation en Belgique, et du Tribunal des
conflits en France.

II. Le conflit de juridictions ou règlement de juges

Ce conflit existe lorsque deux ou plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire statuant en


dernier ressort se déclarent compétentes ou incompétentes d’une demande mue entre les
mêmes parties. Le règlement de juges en raison d’un conflit de compétence suppose
l’existence d’un conflit de juridiction entravant l’exercice de l’action publique. Ce conflit
concerne donc deux ou plusieurs de l’ordre judiciaire. Par exemple le conflit de compétence
entre deux tribunaux de grande instance ou deux Cours d’appel ou une juridiction de droit
commun et une juridiction d’exception1008. Ce conflit peut concerner aussi deux juridictions
de l’ordre administratif. Si les deux juridictions prétendent l’une ou l’autre connaître de la

1007
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 548, p. 503 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 241-242, pp. 172-174 ; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 90-91.
1008
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 551, p.504.
281

même affaire, le conflit est positif ; si au contraire, elles se déclarent toutes deux
incompétentes, le conflit est négatif1009.

Qu’ils soient positifs ou négatifs, ces conflits sont tranchés par la procédure du règlement
de juges. Ils sont réglés par la juridiction supérieure commune aux deux juridictions
concurrentes, soit la Cour de cassation. C’est ainsi que le conflit entre deux tribunaux de paix,
deux tribunaux de grande instance du ressort de la même Cour d’appel est réglé par la Cour
d’appel si les deux juridictions en conflit ne statuent pas en dernier ressort. Par contre, s’il
s’agit d’un conflit entre deux tribunaux ressortissant à deux Cours d’appel différentes, ou
entre une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception ou entre deux tribunaux
de grande instance, statuant en dernier ressort, ou entre deux Cours d’appel, le conflit est
tranché par la Cour de cassation suivant la procédure de règlement de juges. Il en est ainsi du
conflit de juridiction entre une Cour d’appel (juridiction de droit commun) et une Cour
militaire (juridiction d’exception).

Comme on peut le constater, ce conflit existe entre deux juridictions du même ordre
judiciaire statuant en dernier ressort. Lorsqu’il s’agira du conflit ente deux ordres de
juridiction différents, tels que les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre
administratif, l’on ne parlera pas du conflit de juridictions ou règlement de juges mais plutôt
du confit d’attribution. Nous pensons qu’avec la création des juridictions de l’ordre
administratif depuis la Constitution du 18 février 2006, on pourrait aussi prévoir le conflit de
juridictions ou règlement de juges au sein de ces juridictions, et leur compétence serait du
Conseil d’Etat.

III. La litispendance

Il y a litispendance lorsque deux ou plusieurs juridictions compétentes se trouvent


saisies au 1er degré à la fois des mêmes faits (identiques) intéressant les mêmes personnes. La
litispendance existe aussi lorsqu’une demande déjà soumise à un tribunal compétent soit
portée devant un autre tribunal également compétent1010. Le règlement de litispendance tend
à prévenir une contrariété de jugements rendus par les juridictions de l’ordre judiciaire.
Autrement dit identité d’affaires (même objet et même cause) et des parties agissant en même
qualité1011. La litispendance exige qu’il y ait saisine des tribunaux différents pour des faits
identiques. Exemple : un même litige de bail (même objet, même cause et mêmes parties)
porté à la fois devant deux tribunaux de grande instance. Autres exemples : un demandeur

1009
Ibidem ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2005, n° 1088, p. 593
1010
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p.
833.
1011
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
142.152-142.156, p.203 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd Ellipses, 2006, n° 158, p. 90 ; L.
CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 286, p. 176 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101.
282

saisit successivement deux tribunaux différents, ou encore ce qui est fréquent, une situation
litigieuse met en cause les intérêts de plusieurs personnes qui ensuite agissent séparément
devant des tribunaux distincts. Il n’y a donc pas litispendance entre les chambres ou les
sections ou les juges d’un même tribunal. Il n’y a point aussi de litispendance entre le juge
étatique et les arbitres, point davantage entre le juge national et un juge étranger (sauf si un
traité international dispose autrement). Enfin, par nature, en raison même de l’absence
d’identité d’objet, il ne saurait y avoir de litispendance entre un litige relevant de la
compétence de la juridiction administrative et un litige relevant de la juridiction judiciaire1012.
Il convient de souligner qu’en pratique, cet incident est assez rare. Pour la litispendance,
l’intérêt des plaideurs et celui d’une bonne administration de la justice exigent donc que, dans
toute la mesure du possible, les différentes demandes soient réunies devant une seule et même
juridiction.

L’article 142 du Code d’OCJ exige pour qu’il ait litispendance, des causes pendantes
devant les juridictions différentes de même nature. Tel n’est pas le cas d’une action civile
pendante à la fois devant les juridictions civile et pénale1013.

En cas de litispendance, il y a lieu de renvoi de la cause d’une juridiction à une autre,


de la manière suivante (article 142 du Code d’OCJ) :

- la juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier


ressort ;
- la juridiction qui a rendu l’affaire une décision autre qu’une disposition d’ordre intérieur
est préférée aux autres juridictions ;
- la juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions.

Concernant le deuxième critère prévu à l’article 142 du code d’OCJ, la loi n’a pas
précisé ce qu’il faut entendre par disposition intérieure. Cette expression n’est pas synonyme
de « jugement préparatoire » ; l’intention du législateur est de laisser la cause au tribunal
devant lequel la procédure a déjà « avancé » ; le tribunal qui a ordonné des mesures
probatoires doit donc être préféré à celui qui s’est borné à ordonner une remise ou qui a statué
sur une demande de récusation1014.

En ce qui concerne le troisième critère c’est- à- dire la juridiction saisie la première est
préférée aux autres juridictions ; l’élément de référence est la date de saisine. En effet, s’il
faut prendre ici la date de saisine au sens rigoureux du mot, c’est- à- dire le jour pour lequel le
défendeur (ou le prévenu) est assigné (ou cité), on pourra toutefois tenir compte, pour
départager le conflit entre juridictions qui auraient fixé au même jour, en considérant la date à
laquelle l’affaire a été introduite ou à laquelle fixation a été demandée.

1012
Conseil d’Etat français, 6 septembre 2006, Recueil Dalloz, 5 octobre 2006, n° 34, IR, p.2244.
1013
CSJ, RP 152, 2/4/1977, Bull. 1978, p. 30.
1014
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Kinshasa, éd. Ferd.
Larcier et Université Lovanium, 1970, n° 290, p. 316.
283

Comme nous pouvons le constater, la juridiction compétente en matière de


litispendance varie suivant la saisine. Alors que le conflit d’attribution est de la compétence
de la Cour suprême de justice1015 voire de la Cour constitutionnelle1016, le renvoi pour cause
de litispendance est décidé par le juge qui est invité à se dessaisir. L’exception de
litispendance peut être soulevée in limine litis par la partie ou par le juge d’office. La raison
de ce pouvoir accordé au juge, bien que l’exception de litispendance soit d’ordre privé, est
qu’il faut protéger l’autorité de la chose jugée, laquelle peut être mise à mal par des décisions
contradictoires. La loi ne dit rien concernant le recours contre la décision de renvoi pour cause
de litispendance. Nous estimons que ce silence de la loi n’enlève en rien la possibilité
d’exercer un recours en cette matière. La litispendance cesse dès que l’une de deux
juridictions est dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit par un désistement.

A défaut d’identité des parties à l’instance, la litispendance ne peut être retenue,


même s’il serait prétendu qu’une partie à un procès n’est qu’aux droits de l’autre dans le
procès parallèle1017.

IV. Le règlement de la connexité (article143 du Code d’OCJ)

Le concept se différencie de celui de litispendance mais il se présente comme une


sorte de résidu de la litispendance1018. Tandis qu’il y a litispendance lorsque les deux
tribunaux sont saisis de litiges identiques, la connexité suppose deux litiges différents portant
sur les questions communes1019. Pour la connexité, l’on a affaire à des demandes distinctes
mais apparentées (rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et juger ensemble pour éviter
des solutions inconciliables). La connexité vise le cas où deux affaires distinctes pendantes
devant deux juridictions compétentes du même ordre présentent entre elles un lien de
connexité, c’est-à-dire des rapports étroits qui justifient qu’elles soient dans l’intérêt de la
justice instruites et jugées ensemble. Il y a donc connexité dès que deux demandes distinctes
sont suffisamment interdépendantes pour qu’il soit raisonnable de les joindre. Il appartiendra
ainsi aux parties de solliciter la jonction et au juge de l’accorder. La connexité suppose une
relation objective entre des demandes qui, si elles étaient jugées séparément, pourraient
aboutir à ce qu’un ensemble de questions litigieuses donne lieu à des solutions partielles et
divergentes1020. Les causes sont dites connexes au sens de l’article 143 du Code d’OCJ, s’il y

1015
Article 160, 2 du Code d’OCJ.
1016
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.
1017
Kin, 28/2/1967, RJC, 1968, n° 2, p. 199.
1018
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541,
p.589.e, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541, p.589.
1019
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, p.833-834.
1020
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2006-2007, n°
142.121, p. 201 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101 ; L. CADIET et
E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2006, n° 291, pp. 179-182 ; O.STAES, Droit
judiciaire privé, Paris, é. Ellipses, 2006, n° 158, p.91 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé,
Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112 et 1015, pp. 100 et 807-809 ; H. BOULARBAH, Droit
judiciaire privé, Tome 1, support du Cours, Faculté de Droit, U.L.B., Bruxelles, 2005-2006, n° 343, p. 190.
284

a danger que les jugements rendus en les causes n’aboutissent à des solutions inconciliables
ou tout au moins contradictoires au concret. Exemple : demandes en exécution forcée et
résiliation du contrat. Les causes peuvent être connexes bien que les plaideurs sont engagés
par des contrats distincts, ceux-ci étant cependant de même nature et ayant la même
portée1021.

En matière pénale, la connexité est un lien qui existe entre deux ou plusieurs
infractions et dont la nature est telle qu’il commande, en vue d’une bonne distribution de la
justice et sous réserve du respect des droits de la défense, que des causes soient jugées
ensemble et par le même juge, celui-ci pouvant ainsi apprécier la matérialité des faits sous
tous leurs aspects, la régularité des preuves et la culpabilité de chacune des personnes
poursuivies1022. Dans cette matière, les règles de connexité ne peuvent s’appliquer que lorsque
les prévenus ont été poursuivis conjointement dans une même instance quant aux faits qui leur
sont reprochés et non lorsque certains faits ont été déjà jugés sur le fond au premier degré
alors que pour d’autres les prévenus comparaissent uniquement devant les juridictions
répressives concernant la détention préventive1023.

Les infractions sont connexes par unité de temps et de lieu, lorsqu’elles ont été
commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit par concert préalable et unité
de dessein, lorsqu’elles ont été accomplies en des temps et des lieux différents, mais par
plusieurs personnes agissant en parfait accord, soit par relation de cause à effet, lorsque
certaines infractions ont eu pour but de faciliter l’exécution des autres ou d’en assurer
l’impunité1024. Les infractions sont aussi connexes soit lorsqu’elles ont été commises en même
temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par différentes
personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à
l’avance entre elles, soit lorsque les auteurs ont commis les unes pour se procurer les moyens
des autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité,
soit lorsque le lien qui existe entre deux ou plusieurs infractions est de telle nature qu’il existe,
pour une bonne administration de la justice et sous réserve du respect dû aux droits de la
défense, que ces infractions soient soumises en même temps pour jugement au même tribunal
répressif1025.

La connexité est le lien qui existe entre les infractions dont la nature est telle qu’il
commande que ces infractions soient jugées ensemble et par le même juge. Dans ce cas, la
jonction des différentes causes peut être ordonnée pour des raisons de bonne administration de
la justice. De même, en matière civile et administrative, la connexité justifiera le
regroupement, la jonction de plusieurs demandes en une seule procédure. Ce regroupement

1021
Kinshasa, 16 février 1971, RJC, 1971, n° 3, p. 250.
1022
H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p.
1235.
1023
Lubumbashi, 12 juillet 1966, RJC, 1966, n° 4, p. 337.
1024
B.BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20 éd. Dalloz, 2006, n° 572, p. 521.
1025
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, op.cit, p. 1237.
285

est effectué une seule procédure. Ce regroupement est effectué conforment à un ordre de
préférence légal et au prix-le cas échéant-de dérogations au droit commun de la compétence
du juge identifié comme étant celui qui peut connaître des diverses demandes connexes. En ce
cas, la jonction est ordonnée par la juridiction saisie à la demande d’une partie1026.

En cas de prorogation de compétence pour participation criminelle ou connexité des


faits infractionnels, le décès en cours d’instance du prévenu relevant normalement de la
compétence de la juridiction saisie, tout en entraînant l’extinction de l’action publique dirigée
contre ce prévenu laisse subsister la prorogation de compétence à l’égard des autres
prévenus1027. Lorsque plusieurs personnes sont poursuivies conjointement comme coauteurs
ou complices d’infractions connexes, le tribunal compétent du point de vue territorial pour
juger l’une d’elles est compétent pour juger les autres. De même, lorsque deux tribunaux
compétents se trouvent saisis des mêmes faits, le tribunal du rang le moins élevé déclinera sa
compétence (article 102 du Code d’OCJ). C’est le cas de connexité (article 100 du Code
d’OCJ).

La disposition des poursuites au cours de débats laisse subsister la prorogation de


compétence (article 104 alinéas 2 et 3 du Code d’OCJ). Aussi, lorsque les deux demandes ou
chefs de demande unis par un lien de connexité relèvent respectivement l’un de la compétence
de la juridiction de droit commun, l’autre de celle d’une juridiction d’exception, la
prorogation légale qu’engendre la connexité a pour résultat de donner compétence à la
juridiction de droit commun à l’effet de connaître de la demande ou du chef de la juridiction
d’exception. En d’autres termes, lorsqu’il existe le concours de deux juridictions, l’une
ordinaire, l’autre exceptionnelle, quand il s’agit d’une action comportant des chefs distincts
mais unis par les liens de connexité si étroits qu’on risquerait, en les jugeant séparément, de
leur donner des solutions inconciliables, la juridiction ordinaire doit, par l’effet d’une
prorogation légale, prévaloir sur la juridiction exceptionnelle et rester saisie de toute
l’affaire1028. Enfin, en matière pénale, il y a connexité entre les infractions, notamment par
unité de temps et de lieu, de concert préalable et unité de dessein et relation de cause à effet et
enfin le recel de choses obtenues à la suite d’une infraction. La connexité permet donc la
prorogation de compétence dans la mesure où l’on déroge aux règles ordinaires de
compétence.

L’article 143 du Code d’OCJ organise le traitement de la connexité de la manière


suivante :
- Les demandes qui sont pendantes devant un tribunal de paix peuvent, à la
demande de l’une des parties, être jointes à des demandes connexes pendantes

1026
Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, 1967, n° 2, p. 181.
1027
C.S.J., 6 août 1982, R.P.26/C.R., in R.J.Z., 1982, p. 52.
1028
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 548, pp.
596-597.
286

devant le tribunal de grande instance. La juridiction ainsi saisie statue en premier


ressort ;
- Lorsque les demandes pendantes devant les juridictions différentes de même rang
sont connexes, elles peuvent à la demande de l’une des parties, être renvoyées à
celle de ces juridictions qui a déjà rendu une décision autre qu’une disposition
d’ordre intérieur, sinon, à la juridiction saisie la première ;
- Dans ce cas, lorsque les parties ne sont pas les mêmes dans toutes les actions
connexes et que la juridiction de renvoi a déjà rendu un jugement, le renvoi à cette
juridiction ne peut être prononcé si le plaideur qui n’a pas été partie à ce jugement
s’y oppose ;
- Les décisions de renvoi sont en dernier ressort ;
- La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle est
saisie. Une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la
procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée.

L’exception de connexité n’est pas d’ordre public et ne peut être soulevée qu’in limine
litis par la partie (article 143 alinéa 2 du Code d’OCJ). L’appréciation de la connexité (lien
étroit) relève de l’appréciation du juge du fond à qui il est demandé de se dessaisir. En matière
pénale, la connexité est une cause générale d’extension de compétence, dont l’existence
relève du juge du fond. A cet égard, le juge apprécie souverainement l’existence ou non de la
connexité. Le recours est possible contre cette décision (article 143 alinéas 1 et 2 du Code
d’OCJ). Par contre, lorsque les parties ne sont pas les mêmes et que la juridiction de renvoi a
déjà un jugement qui ne le dessaisit pas, le renvoi à cette juridiction ne peut être prononcé si
le plaideur qui n’a pas été partie à ce jugement s’y oppose. Dans ce cas, les décisions de
renvoi sont en dernier ressort, autrement dit sans recours possible (article 143 alinéa 4 du
Code d’OCJ). La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle
est saisie.

V. L’indivisibilité

L’indivisibilité se rapproche de la connexité mais elle est différente de celle-ci. En effet,


la connexité procède du souci d’éviter, dans l’intérêt d’une administration de la justice, que
soient rendues des décisions inconciliables ; le problème se situe exclusivement sur le terrain
de l’harmonie de la chose jugée ; car il est fort possible, le cas échéant, que toutes les
contradictoires ou inconciliables qu’elles soient, les deux décisions puissent être l’une et
l’autre exécutée de son côté. En revanche, l’indivisibilité, résulte du fait que les deux
décisions qui seraient rendues si le renvoi n’était pas ordonné, ne pourraient pas, en raison de
leur contrariété ou leur divergence, être exécutées simultanément ; le problème se situe donc,
non plus sur le terrain de l’harmonie de la chose jugée, mais sur celui de l’exécution même
des décisions judiciaires ou, plus précisément, de l’impossibilité en fait d’en assurer
l’exécution simultanée. Comme on peut le remarquer, l’indivisibilité ainsi conçue repose sur
une anticipation : les juges saisis devront, en effet, se référer à l’éventualité où seraient
287

rendues, par les deux tribunaux différents, des décisions qui ne pourraient pas être exécutées
simultanément1029.

En matière pénale, il y a indivisibilité lorsque les poursuites sont dirigées contre les
auteurs et complices d’un même fait ou lorsque les infractions sont reliées d’une manière
tellement intime qu’on ne pourrait les dissocier. Dans ce cas, la jonction est obligatoire quand
elle est possible et c’est le lieu principal de l’infraction qui détermine la compétence1030.
L’indivisibilité suppose donc l’unité de l’infraction et rend la prorogation de compétence
obligatoire. Cette hypothèse vise, avant tout, l’infraction dite complexe, c’est-à-dire le même
acte matériel qui entraîne plusieurs infractions reliées entre elles par unité de réalisation.
D’aucuns considère que l’indivisibilité englobe également l’infraction collective, c’est-à-dire
l’hypothèse où l’individu a commis plusieurs faits distincts, dont chacun est constitutif d’une
infraction mais qui sont reliés entre eux par la continuation d’une et même intention coupable
ou d’un rapport de causalité1031.

Concrètement, il y a indivisibilité entre les infractions : en cas d’infraction unique


commise par plusieurs personnes ; en cas d’unité d’agent lorsque celui-ci a commis plusieurs
infractions liées par une unité de dessein (faux réalisé pour commettre l’escroquerie) ; en cas
d’unité d’agent, lorsque celui-ci a commis plusieurs infractions dont l’une constitue une
circonstance aggravante de l’autre (usage de fausse clefs en vue d’un vol). Comme on peut le
remarquer, l’indivisibilité est une notion qui concerne les faits et non les personnes. Du
moment qu’il existe entre ces infractions des rapports étroits, elles doivent être jugées
ensemble. Il en est de même lorsque l’existence de certains faits ne se comprendrait pas sans
l’existence des autres.

VI. Dispositions sur les conflits des compétences en matière répressive (articles 99 à 106
du Code d’OCJ)

Les juridictions pénales congolaises sont compétentes pour connaître d’une infraction
commise à l’étranger par un prévenu trouvé au Congo1032.

- Lorsqu’une personne est poursuivie simultanément du chef de plusieurs infractions qui


sont de la compétence des juridictions de nature ou de rang différents, la juridiction
ordinaire du rang le plus élevé, compétente en raison de l’une des infractions, l’est
aussi pour connaître d’autres.
- Les tribunaux du lieu où l’infraction a été commise, du lieu de résidence du prévenu et
du lieu où le prévenu a été trouvé sont concurremment compétents (article 104 du

1029
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Sirey, 1973, n°555, pp.608-609.
1030
H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p.
1237.
1031
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, Collection
scientifique de la Faculté de droit de Liège et Jeune Barreau de Liège, 1989, p. 508.
1032
TGI-INONGO, 27/7/1984, RP 1721, RJZ, n° 1 et 2, 1993, p. 23.
288

Code d’OCJ). En l’absence de l’adresse du prévenu, le lieu de la commission de


l’infraction détermine la compétence territoriale1033.
- Les règles de compétence territoriale des juridictions répressives sont d’ordre public.
En conséquence, aucun accord préalable, non plus qu’un acquiescement a posteriori
ne peuvent couvrir une dérogation à la loi. La loi a cependant prévu diverses
éventualités qui requièrent une solution s’écartant de la règle de base désignant le
tribunal territorialement compétent.
- Lorsque plusieurs prévenus sont poursuivis conjointement et que, suivant les critères
de la compétence territoriale, ils devraient être traduits devant les juridictions
différentes de même rang, le tribunal compétent pour juger l’un d’eux est compétent
pour juger les autres. C’est la règle de prorogation de compétence.

Lorsqu’en vertu du privilège de juridiction, l’un des prévenus est appelé à comparaître
devant une juridiction de rang supérieur mais du même ordre que celle qui est compétente
pour connaître des infractions commises par des coprévenus, c’est la juridiction de rang
supérieur qui doit connaître de l’ensemble de la cause.

En cas de conflit entre un tribunal compétent ratione personae et une juridiction


compétente ratione materiae, le Tribunal ne serait retenu que s’il avait la compétence
matérielle pour juger les infractions pour lesquelles le prévenu est poursuivi1034.

Si l’un des prévenus doit être jugé par une juridiction de rang différent dans un autre
ordre de juridictions, c’est la juridiction de rang supérieur de l’ordre des juridictions
ordinaires qui doit en connaître1035. Exemple : un colonel est poursuivi conjointement avec un
simple citoyen civil ; les tribunaux ordinaires doivent être préférés ; le colonel ayant le rang
de haut fonctionnaire (directeur de l’administration publique), ce sera la Cour d’appel qui
connaîtra des faits, quelle que soit la qualification.

Il convient de préciser que l’erreur sur la qualité de la personne du prévenu, le


désignant à la compétence d’un tribunal par l’effet du privilège de juridiction, ne permet pas
la prorogation de compétence ; par contre, l’erreur sur la qualité de l’auteur retenue par le
Code pénal comme circonstance aggravante sera retenue. Exemple : une Cour d’appel, saisie
des poursuites pour faux en écritures contre un haut fonctionnaire, se déclare incompétente
s’il appert que le prévenu n’a pas qualité de haut fonctionnaire ; mais le tribunal de grande
instance, saisi d’une action pour faux en écriture commis par un agent de l’Etat sur base de
l’article 125 du Code pénal congolais livre II1036, ne se dessaisira pas s’il se révèle en cours

1033
T.G.I. Matete, 7 décembre 1988, R.P.5558, Inédit.
1034
CSJ, RP 277, RJZ, 1983, p. 22; C.S.J., 8 juillet 1980, N.D. contre M.P. et Crsts, RP.277, in RJZ, janvier à
août 1983, n° 1-2, p. 22.
1035
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
213, p. 252 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 574, p. 523.
1036
Cet article dit : « Si le faux a été commis par un fonctionnaire ou agent de l’Etat dans l’exercice de ses
fonctions, la servitude pénale pourra être portée à dix ans et l’amende ».
289

d’instruction que la circonstance aggravante résultant de la qualité du prévenu n’est pas


vérifiée ; il condamnera le prévenu par application de l’article 124 du Code pénal congolais
livre II1037, l’infraction qu’il prévoit rentrant normalement dans la compétence du tribunal de
paix.

Nous avons aussi souligné la prorogation de compétence résultant du renvoi pour


cause de suspicion légitime et pour cause de sûreté de l’Etat. Les articles 82 et 83 du Code
d’OCJ réservent aux tribunaux le pouvoir d’ordonner le renvoi, en la forme d’un jugement ou
d’un arrêt en déterminant la « nouvelle juridiction compétente ». Cette procédure, avons-nous
précisé1038 vise à garantir l’impartialité d’une juridiction en détournant un prévenu ou une
partie au procès de son « juge naturel » et désigner la juridiction de renvoi qui deviendra
désormais compétente territorialement du fait de ce renvoi. Etant donné que cette procédure
détourne le justiciable de son « juge naturel » territorialement, c’est pourquoi il y a dans ce
cas dérogation de compétence.

VII. Détermination de la compétence territoriale en matière civile, commerciale, du


travail et de la famille

- Le juge du domicile ou de la résidence du défendeur est seul compétent pour connaître


le litige, sauf les exceptions établies par les dispositions spéciales (article 127 du Code
d’OCJ).
- En vertu de l’article 127 du Code d’OCJ, le tribunal se déclarera incompétent
territorialement si le défendeur a sa résidence en dehors de son ressort1039.
- La compétence territoriale en matière de divorce est d’ordre public1040.
- S’il y a plusieurs défendeurs, la cause est portée au choix du demandeur, devant le
juge du domicile ou de la résidence de l’un d’eux.
- En matière mobilière, l’action peut être portée devant le juge du lieu dans lequel
l’obligation est née ou dans lequel elle doit être ou a été exécutée ou devant le juge de
la situation de l’immeuble.
- En matière du litige immobilier, la compétence du Tribunal est déterminée par la
situation géographique de l’immeuble querellé1041. Si l’immeuble est situé dans différents
ressorts, la compétence est fixée par la partie de l’immeuble dont la superficie est la plus
étendue. Toutefois, le demandeur peut assigner devant le juge dans le ressort duquel est
située une partie quelconque de l’immeuble pourvu qu’en même temps, le défendeur y ait
son domicile ou sa résidence (article 133 du Code d’OCJ). Le tribunal territorialement
compétent pour connaître la succession sur les immeubles est celui où ceux-ci se trouvent
pour la plupart1042.

1037
Cet article déclare : « Le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera
puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans et d’une amende, ou d’une de ces peines seulement ».
1038
Voy. les développements consacrés à ces notions au chap. II, section 7, § 9 de la première partie de cet
ouvrage.
1039
TGI-Matete, 4/1/1989, inédit.
1040
Léo, 25/6/1929, RJ, p. 260 et en sens contraire, Elis 5/6/1943, RJ, p. 214 et 15/1/1944, RJ, p. 124.
1041
Tribunal de paix de Lemba, 5/5/1989, RC, 2883/III, inédit.
1042
Tripaix-Gombe, 15/8/1987, RC 1781, inédit.
290

En matière de succession, l’action est portée devant le juge du ressort où la succession


s’est ouverte (article 134 du Code d’OCJ).

Les actions contre l’Etat peuvent être introduites devant le juge du lieu où est établi le
siège du gouvernement ou le chef-lieu de province. Les actions contre les entités régionales et
locales ayant personnalité civile peuvent être introduites devant le juge du lieu où ces entités
ont le siège de leur administration (article 128 du Code d’OCJ).

Les contestations entre associés ou entre administrateurs et associés sont portées


devant le juge du siège de la société. Le même juge est compétent, même après dissolution de
la société, pour le partage et pour les obligations qui en résultent, si l’action est intentée dans
les deux ans du partage (article 131 du Code d’OCJ).

L’action en reddition du compte de tutelle est portée devant le juge du lieu dans lequel
la tutelle s’est ouverte. Les comptables et les séquestres commis par la justice sont assignés
devant les juges qui les ont commis (article 132 du Code d’OCJ).

Les contestations en matière de faillite sont portées devant le tribunal dans le ressort
duquel la faillite est ouverte (article 136 du Code d’OCJ). Les contestations élevées sur
l’exécution des jugements et arrêts sont portées devant le tribunal du lieu où l’exécution se
poursuit (article 137 du Code d’OCJ).

Les demandes fondées sur le caractère téméraire et vexatoire d’une action sont portées
devant le tribunal saisi de cette action. Le juge compétent pour statuer sur la demande
principale, connaît de tous les incidents et devoirs d’instruction auxquels donne lieu cette
demande (articles 139 et 140 du Code d’OCJ).

- En matière du travail, est seul compétent sauf dérogation intervenue à la suite


d’accords internationaux, le tribunal du lieu du travail.
- N’est pas fondée, l’exception d’incompétence territoriale soulevée par l’employeur
cité par son employé au tribunal de son siège principal et qui prétend que seul le
tribunal du lieu de l’agence où il était affecté devrait connaître du litige qui les
oppose1043.
- Les parties peuvent valablement et de commun accord déférer une cause devant un
tribunal autre que celui territorialement compétent1044.

Après avoir examiné les juridictions, il convient d’aborder dans les pages qui suivent
le ministère public.

1043
TGI/Ndjili 23/8/1989, RAT 109 Aff. Desse contre Air Congo.
1044
CSJ, RC 434, 15/6/1983, inédit.
291

Section 2 : Le ministère public

Les magistrats du ministère public (magistrat de parquet) s’appellent magistrat debout


parce qu’ils se lèvent à l’audience pour présenter leurs réquisitions, ceci par opposition aux
juges ou magistrats assis parce qu’ils restent dans cette position durant les audiences.
L’expression « magistrat du parquet » vient de ce que, dans l’ancien régime français, les
procureurs et avocats du Roi ne siégeaient pas sur l’estrade à côté des juges, mais sur le
parquet de la salle d’audience comme les justiciables et les représentants de ceux-ci. Cette
expression est restée, bien qu’actuellement les magistrats du ministère public se trouvent
placés sur l’estrade sur le même plan que les juges1045. Même si ces magistrats occupent la
place à la même hauteur que les juges du siège à l’audience, nous pensons que cela n’est pas
contraire à l’égalité des armes.

§ 1. Définition et mission du ministère public

Son origine remonte au Moyen Age où lorsque le Roi voulait défendre ses intérêts
devant les tribunaux, il confiait cette mission à des procureurs (du latin : procuratores, on
dirait aujourd’hui, à de mandataires) qui n’étaient autres que des avocats ordinaires, lesquels,
parmi leur clientèle comptaient un client de choix : le Roi lui-même. Dans la suite, leur
mission se transforme et devient exclusivement une mission de sauvegarde des intérêts
généraux de la société devant les tribunaux1046. Actuellement, la mission du ministère public
consiste principalement à veiller au respect de l’ordre public, à la défense de l’intérêt social et
à la bonne application de la loi.

1. Définition

L’institution du ministère public est une invention française qui remonte au XIVe
siècle. Le ministère public est un corps de magistrats hiérarchisés qui représente l’Etat devant
les juridictions judiciaires, il est chargé de défendre les intérêts de la société en vue du
maintien de l’ordre public. Les magistrats des parquets ou « officiers du ministère public »
constituent la magistrature debout et ils sont appelés « magistrat debout » parce qu’ils doivent
se mettre debout lorsqu’ils prennent la parole à l’audience.

Les magistrats du siège ont la préséance sur les magistrats des parquets de même rang,
du fait qu’ils sont les véritables représentants du pouvoir judiciaire, contrairement aux
magistrats de parquets qui relèvent du pouvoir exécutif (la doctrine est très divisée).
Exemples : Le premier président de la Cour de cassation a la préséance sur le procureur
générale près cette Cour. Le premier président de la Cour d’appel a la préséance sur le

1045
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, Droit Pénal Général et Procédure Pénale, T. III ; Procédure pénale,
Paris, 3ième éd., Dalloz, 1970 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd., PUF, 1996, p. 225.
1046
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd., Montchrestien, 2006, n° 505, pp. 404-405 ; J.
VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8ème
éd. , Dalloz, 2005, n° 514-515, pp. 742-743 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed.
Collections Scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1993, n° 242, pp. 293-294.
292

procureur général près cette Cour. Le président du Tribunal de grande instance a la préséance
sur le procureur de la République. Le juge des Tribunaux de grande instance a la préséance
sur le 1er substitut du procureur de la République, etc.

2. Mission du ministère public (articles 6 à 21 du Code d’OCJ)

En matière répressive, le ministère public recherche les infractions aux actes législatifs
et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République1047. Il reçoit les plaintes
et dénonciations, fait tous les actes d’instruction et saisit les Cours et tribunaux (article 7 du
Code d’OCJ). Mais c’est rare que les officiers du ministère public constatent eux-mêmes les
infractions, généralement ce sont les OPJ qui leur transmettent les procès-verbaux de constat
et autres. Autrement dit, en matière pénale, le ministère public recherche, constate les
infractions, exerce les poursuites, instruit, requiert l’application des peines contre les
délinquants et surveille l’exécution des condamnations prononcées.

Le ministère public qui agit au nom de la société à laquelle l’infraction a porté atteinte
(on dit souvent qu’il est l’avocat de la société) n’est pas un juge. Il a le pouvoir d’exercer
l’action publique, de poursuivre, d’instruire mais n’a pas le pouvoir de juger, c’est-à-dire de
décider de l’innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou une
condamnation à une peine. C’est pourquoi, il ne peut être l’objet ni d’une récusation comme
un juge déterminé, ni d’une requête en suspicion légitime comme un tribunal entier.

Le ministère public intervient parfois comme partie principale (généralement en


matière pénale) et parfois comme partie jointe (généralement en matière de droit privé).
Aucune juridiction ne peut statuer sans que le ministère public n’ait été entendu. Il intervient
avant toutes décisions des juridictions et il le fait au moyen de réquisitions ou réquisitoires
dans lesquels il demande à ces juridictions de statuer dans tel sens.

L’article 9 du Code d’OCJ prévoit que le ministère public assiste à toutes les
audiences ; c’est le ministère public en effet qui soutient l’accusation c’est-à-dire il demande
au nom de la société qu’il représente la condamnation des auteurs présumés de l’infraction. Le
ministère public veille à l’exécution des condamnations prononcées par les tribunaux
répressifs. Il fait incarcérer les condamnés et surveille l’exécution des peines prononcées par
eux. L’article 6 du Code d’organisation et compétence judiciaires dispose : « Le ministère
public surveille l’exécution des actes législatifs, des actes réglementaires et des jugements. Il
poursuit d’office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l’ordre public.
Il a la surveillance de tous les officiers de police judiciaire, des officiers publics et des
officiers ministériels, sauf les agents du greffe et de l’office des huissiers.
Il veille au maintien de l’ordre dans les Cours et tribunaux sans préjudice des pouvoirs
du juge qui a la police de l’audience ».

1047
Voy. BUABO WA MUKENGE, « Le ministère public dans l’organisation judiciaire zaïroise », in RJZ,
janvier à décembre 1994, n° 1-3, pp. 15-22.
293

En rapport avec l’article 9 du Code d’organisation et compétence judiciaires


imposant au ministère public d’assister à toutes les audiences des cours et tribunaux ; le
ministère public peut intervenir soit par voie d’avis, soit par voie d’action ; il le fait par voie
d’avis en tant que partie jointe (droit privé), par voie d’action en tant que partie principale
(pénal). Il donne obligatoirement son avis dans le cas prévu par la loi.

Sauf dispositions légales spéciales, il faut que l’ordre public soit mis en péril pour
un état de choses auxquelles il importe de remédier, pour que le ministère public puisse
agir d’office en matière civile ; il ne peut agir en invoquant l’ordre public si les intérêts
privés sont seuls en cause1048.

Seront obligatoirement communiqués pour avis du ministère public:

1. Les causes qui concernent l’Etat, les entités régionales et locales dotées de la
personnalité juridique ainsi que les établissements publics ;
2. Les procédures relatives à l’absence des personnes, aux actes de l’état civil, à
l’ouverture, à l’organisation et au fonctionnement des tutelles ainsi qu’à la mise sous
conseil judiciaire ;
3. Les déclinatoires sur incompétence, litispendance ou connexité ;
4. Les actions civiles introduites en raison d’un délit de presse ;
5. Les récusations, prises à partie, règlement de juges, requête civile et aux faux
incidents civils ;
6. Les démarches qui intéressent les mineurs, interdits, les femmes mariées non
autorisées par leur conjoint et les personnes placées sous conseil judiciaire ou qui
concernent l’administration du patrimoine des faillis ;
7. Les procédures en matière de faillite ou de concordat judiciaire ;
8. Les contestations où sont invoquées les dispositions légales sur le contrat de louage
de services ou relevant du régime organisé par la loi pour assurer la sécurité sociale
des travailleurs ;
9. Les causes mues par des personnes qui sont admises soit comme indigentes, soit
comme inaptes à ester ou à se défendre en justice chaque fois que l’assistance
judiciaire a été accordée par le président de la juridiction saisie ;
10. Les litiges que les juridictions sont invitées à trancher en application de la coutume ;
11. Les litiges relatifs aux successions.

L’exception de non-communication du dossier au ministère public n’est pas fondée


lorsque la récusation constitue un incident dans la procédure de flagrance, qui requiert
célérité, et que, se conforme à l’article 6 du Code d’OCJ, le ministère public donnant un
avis motivé écrit, déclare avoir pris connaissance des éléments du dossier au greffe1049. Il y a

1048
Elis, 5/6/1937, RJ, p. 171 ; Elis, 109, 1957, RJ, 1958, p. 49, App. RU, 3/5/1960, RJRB, 1961, p. 40, Elis,
12/8/1913, Jur. Congo, 1921, p. 203, Léo, 15/6/1926, Jur. Kat., III, p. 254, in RUBBENS, op. cit., note 22,
pp. 186-187.
1049
CSJ, 18 mai 1995, Ba et Cnts contre B. Bo, Ti et N., RR.03, in RJZ, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 41.
294

violation de la loi lorsque le ministère public dans une cause légalement communicable, s’en
réfère à la sagesse du tribunal1050. La matière de succession étant communicable aux termes
de l’article 9 alinéa 4.11 du Code d’OCJ, le fait pour le ministère public de se référer à la
sagesse du tribunal est un motif de cassation1051.

Le ministère public ne représente pas l’administration mais il est appelé à donner un


avis en toute cause dans laquelle l’administration est partie1052. Le magistrat ayant donné son
avis dans une affaire ne peut en être juge au cours d’une autre instance1053.

L’absence de la notification de la date à laquelle devait être lu l’avis du ministère


public ne constitue pas une violation du droit de la défense car celui-ci n’est généralement pas
suivi des débats qui auraient eu comme conséquence de mettre en cause les plaidoiries1054. En
matière civile c’est le ministère public qui a le dernier mot avant la clôture des débats, les
parties n’ont pas en principe un droit de réplique1055. Nous pensons que dans le but de
respecter le droit à un procès équitable, spécialement le principe de la contradiction ou
l’égalité des armes, on devrait permettre aux parties de répliquer à l’avis donné par le
ministère public auquel cas, l’on risque de favoriser ce dernier.

L’avis du ministère public sera donné par écrit dans les 30 jours après que la cause lui
aura été communiquée, à moins qu’en raison des circonstances de l’affaire, il puisse être émis
verbalement sur les bancs ; dans ce cas, l’avis est acté à la feuille d’audience. Nous pensons
qu’il convient de prévoir si dans le délai de 30 jours, le ministère public n’a pas donné son
avis, le juge passera outre car dans la pratique, les magistrats de parquet gardent le dossier
pour avis au-delà même de 12 mois. Et d’ailleurs, constitue une faute disciplinaire, le fait pour
le magistrat du parquet, de ne pas rendre son avis endéans 10 jours au pénal, 30 jours en
matière civile, commerciale et du travail, le fait pour le même magistrat de chercher
directement ou indirectement à entrer en contact avec les parties en cause avant son avis1056.

S’agissant de la compétence territoriale ( ratione loci), le ministère public remplit les


devoirs de son office auprès des juridictions établies dans son ressort territorial (article 11 du
Code d’OCJ).

1050
CSJ, RC 28/7/1976, Bull., p. 165.
1051
CSJ, 29/5/1985-RC 795, inédit.
1052
Léo, 6/9/1932, RJ, 1933, p. 215.
1053
Cass., 12/06/1958, JTO, p. 116, Kin., 11/12/1986-RCA 13.631, inédit.
1054
Kin., 1/1/1989, RCA 8840, inédit.
1055
A. RUBBENS, Le droit judiciaire zaïrois, Tome II, Kinshasa, éd. PUZ, 1978, p. 22.
1056
Article 47, 1 et 3 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, in Journal
officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p. 14.
295

3. Propositions pour une réforme

La pratique judiciaire montre que les officiers du ministère public boudent


généralement les audiences des Cours et tribunaux, particulièrement en matières civile,
commerciale, du travail et de la famille, et ne cachent plus leur indifférence envers les
audiences en matière civiles, de même qu’ils ne s’estiment guerre pressés de donner leur avis
en ces matières. Il s’ensuit un retard préjudiciable dans la distribution de la justice.

En tenant compte du respect des normes du procès équitable, notamment le respect du


délai raisonnable, nous estimons que l’on devrait prévoir :

- L’assistance du ministère public à l’audience devrait devenir facultative en matière


civile, commerciale, du travail, sauf dans les matières où son avis est légalement
obligatoire ;
- Le jour où le dossier de la cause est communiqué au ministère public pour avis, le juge
devrait fixer la date à laquelle cet avis serait lu. Et si à cette date l’avis n’est pas prêt,
le tribunal passerait outre.
- La loi devrait reconnaître aux parties le droit de rencontrer (répondre) les moyens
développés par le ministère public dans son avis si les intéressés le désirent d’autant
plus que cela ressort des exigences des normes du procès équitable, particulièrement le
droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire).

§ 2. Caractères du ministère public

1. L’indépendance du ministère public

Les membres du ministère public jouissent de l’indépendance nécessaire à


l’accomplissement de leurs fonctions tant vis-à-vis des juridictions auprès desquelles ils sont
attachés que vis-à-vis du pouvoir exécutif et des justiciables. Ainsi, doit être cassé d’office
l’arrêt avant dire droit enjoignant au ministère public de procéder à un complément
d’information, faute de disposition légale autorisant pareil devoir1057. En ce qui concerne son
indépendance à l’égard des justiciables ; en cas de citation directe, il n’est pas obligé de
soutenir l’accusation. Le désistement ou l’acquiescement de la victime ne l’empêche pas de
demander une condamnation ni d’exercer des voies de recours, sauf dans le cas où le retrait de
la plainte entraine l’extinction de l’action publique (exemple : l’adultère). Par ailleurs,
l’inaction de la victime ne lui interdit pas d’engager des poursuites pénales.

La plénitude de l’exercice de l’action publique est dévolue au procureur général près la


Cour d’appel (article 13 alinéa 2 du Code d’OCJ) mais les officiers du ministère public sont
placés sous l’autorité du ministère de la Justice et garde des sceaux (article 10 du Code
d’OCJ) qui détient le droit d’injonction c’est-à-dire qu’il peut prescrire au procureur général

1057
CSJ, 8/10/1969, Affaire Kin, RCD, 1970, II, p. 18, RJC, 1970, p. 7.
296

de la République de faire usage de ses pouvoirs légaux d’instruction et de poursuite (article 12


du Code d’OCJ). Le pouvoir d’injonction du ministre de la justice n’existe pratiquement plus
depuis la promulgation de la loi portant statut des magistrats. En effet, l’article 15 de la loi
organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats déclare que le magistrat
du parquet assume sa mission d’officier du ministère public sous la direction de l’autorité
hiérarchique. Toutefois, sans préjudice des articles 149, 150 et 151 de la Constitution, le
Gouvernement peut, sans avoir interférer de quelque manière que ce soit dans le cours de
l’instruction, saisir le procureur général près la Cour de cassation des faits qui relèvent de sa
compétence, afin de mettre l’action publique en mouvement. Cette disposition est assez
éloquente pour montrer que désormais le ministre de la justice n’a plus un droit d’injonction à
l’égard des officiers du ministère public. La règle est donc celle de l’indépendance du
ministère public vis-à-vis du ministre de la justice. En conséquence, l’on devrait de toute
urgence adapter les articles 10 et 12 du Code d’OCJ à l’article 15 de la loi organique n°
06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats.

2. L’irrécusabilité du ministère public

En principe, le ministère public est irrécusable en matière répressive lorsqu’il


intervient en tant que partie principale au procès pénal car une partie ne peut pas récuser son
propre adversaire. Concrètement, en matière répressive (pénale), le ministère public poursuit
l’action publique au nom de la société et en cette qualité là, il ne peut pas être récusé.

La récusation du ministère public peut se concevoir lorsqu’il intervient par voie d’avis
(article 77 du Code d’OCJ). Le ministère public donne son avis généralement en matière de
droit privé (article 9 alinéa 3 du Code d’OCJ), dans ce cas-ci, il est partie jointe et peut être
récusé. En d’autres termes, la récusation du ministère public n’est concevable à l’audience
que lorsque le ministère public intervient en tant que partie jointe en matière de droit privé
(civile, de la famille, etc.). Comme on peut le constater, à l’audience en matière pénale, le
ministère public est irrécusable car c’est la partie principale au procès pénal. Toutefois, la
seule hypothèse de récusation du ministère public prévue en matière pénale se situe avant
l’audience car l’article 81 du Code d’OCJ prévoit que le ministère public peut être récusé à
l’instruction préparatoire (c’est-à-dire avant l’audience). Nous estimons qu’il convient
d’uniformiser le principe d’irrécusabilité du ministère public en matière pénale à tous les
niveaux (avant l’audience et à l’audience) étant donné qu’il est partie principale au procès
pénal, et en conséquence on ne peut pas récuser un adversaire.

3. L’irresponsabilité du ministère public

En principe, l’officier du ministère public ne peut être condamné aux frais ou à des
dommages et intérêt si le prévenu est acquitté au bénéfice d’une décision de classement sans
297

suite pour absence d’éléments constitutifs de l’infraction. Mais la doctrine moderne1058 admet
que le magistrat peut engager sa responsabilité lorsqu’il est à la base du dysfonctionnement de
la justice. Aussi, s’il a commis une faute personnelle, sa responsabilité civile peut être
engagée, comme celle des magistrats du siège, par la procédure de la prise à partie. Enfin, s’il
commet une infraction, il peut évidemment faire l’objet de poursuites pénales.

4. L’indivisibilité du ministère public

Le magistrat du ministère public n’agit pas en son nom ; il agit au nom de son parquet.
Sa personne se confond avec la personne morale formée de l’ensemble des magistrats du
même parquet1059. En raison de l’indivisibilité du ministère public, les membres d’un même
parquet peuvent se suppléer et se remplacer les uns aux autres au cours du même procès. Ils
sont donc interchangeables alors qu’un juge du siège n’a jamais la possibilité de se faire
remplacer par un autre juge au cours des débats d’un procès, sous peine de cassation.

Ainsi, une poursuite peut être commencée par un magistrat du ministère public et
continuée par un ou plusieurs autres officiers du ministère public, également compétents.
C’est qu’il représente toujours une et une seule personne : l’Etat. D’où, on dit le ministère
public est « un ». Toutefois, l’indivisibilité du ministère public n’empêche pas un magistrat du
parquet, devenu magistrat du siège, de juger une affaire à la poursuite de laquelle, il n’a pris
aucune part directe ou indirecte.

5. L’unité du ministère public

Ce principe signifie que le ministère public constitue un corps hiérarchisé dont chaque
membre exerce une autorité sur ceux qui sont placés au-dessous de lui et dont la direction est
fortement organisée1060. Cette unité réside dans la concentration entre les mains du procureur
général près la Cour d’appel de l’autorité sur les magistrats des différents parquets du ressort.
Elle consiste dans le lien hiérarchique puissant qui existe entre les membres de cette
institution et qui en fait un instrument agissant sous l’impulsion d’une seule volonté. Il n’y a
qu’une action du parquet à qui son chef imprime une direction unique. Le supérieur
hiérarchique peut surveiller l’exercice de l’action publique par les magistrats qui sont
subordonnés et se faire rendre compte de leurs actes. De même, le procureur général peut
donner des instructions générales qui sont contraignantes pour tous les membres du ministère
public de son ressort de la Cour d’appel. C’est l’origine de la plénitude de l’exercice de
l’action publique qui appartient au procureur général près la Cour d’appel.

1058
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e
éd. Dalloz, 2005, pp. 248-264 ; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, pp.
79-85 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, n° 178, p. 142.
1059
H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Bugge, éd. La Charte, 2005, p. 134.
1060
R. HAYOIT DE TERMICOURT, Propos sur le ministère public », in Rev. dr.pén. crim., 1936, p. 972.
298

La conséquence de ce principe est la subordination hiérarchique : tous les officiers du


ministère public dépendent d’un supérieur commun : le procureur général près la Cour de
cassation Le magistrat du parquet assume sa mission d’officier du ministère public sous la
direction de son autorité hiérarchique. Toutefois, le Gouvernement peut, sans avoir à
interférer de quelque manière que ce soit dans le cours de l’instruction, saisir le procureur
général près la Cour de cassation des faits qui relèvent de sa compétence, afin de mettre
l’action publique en mouvement1061.

L’obéissance hiérarchique se traduit par l’obligation, pour les procureurs généraux


près les Cours d’appel de tenir le procureur général près la Cour de cassation informé des
affaires importantes de son ressort. Ce même principe fait que tout représentant du ministère
public doit obéir aux ordres reçus par ses supérieurs et les magistrats du parquet sont
amovibles et révocables (peuvent être déplacés, révoqués après avis du Conseil Supérieur de
la Magistrature tout en se conformant au Statut des magistrats) à la différence des juges qui
sont inamovibles.

Précisons cependant qu’il a été admis que l’obéissance des magistrats du ministère
public ne concerne que leurs actes écrits étant que leurs réquisitions orales sont entièrement
libres et ne relèvent que de leur conscience. C’est ce qu’on traduit généralement par l’adage :
« La plume est serve mais la parole est libre ».

S’agissant du droit d’injonction que disposait le ministre de la Justice et garde des


sceaux pour les magistrats du parquet, cela signifiait que le ministre de la Justice et garde des
sceaux avait le droit d’ordonner des poursuites, avait le droit d’impulsion et avait le droit de
regard. Mais les articles 149, 150, et 151 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 et
l’article 15 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats, ont
supprimé le droit d’injonction du ministre de la justice à l’égard du ministère public.
Désormais, cette injonction du ministre de la justice au parquet n’est plus possible.

En tout état de cause, la doctrine moderne n’a jamais voulu reconnaître au ministre de
la Justice et garde des sceaux un droit de veto, consistant à empêcher l’exercice de l’action
publique1062 car l’ordre de poursuivre ne préjuge rien étant donné que l’exercice de l’action
publique peut aboutir à l’acquittement1063.

1061
Article 15 de la loi organique n° 06/020 du 0 octobre 2006 portant Statut des magistrats, in Journal officiel
de la République Démocratique du Congo, numéro spécial, 25 octobre 2006, p. 6.
1062
H.D. BOSLY, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2005, p. 136 ; F. DUMON, « Le
pouvoir judiciaire », Journal des tribunaux, 1981, pp. 460-461 ; R. CHARLES, « Du ministère public »,
Journal des tribunaux, 1982, pp. 533-564 ; P. TROISFONTAINES e.a., « Le ministre de la justice peut-il
adresser aux magistrats des parquets des injonctions négatives à caractère général ? », in Annales de la
Faculté de droit de Liège, 1983, pp. 25-41 ; A. MEEUS, « L’institution du ministère public », Annales de
droit de Louvain, 1988, pp. 15 et s.
1063
Nicolas BAYOMA BAMEYA MUNA KIMVIMBA, Cours de procédure pénale, IIe Graduat, Faculté de
droit, Université de Kinshasa, 1992-1993, p. 33.
299

L’exercice de l’action publique est attribué directement au procureur général, le


ministre ne peut l’entamer par un veto, mais il peut prescrire au procureur général de faire
usage de ses pouvoirs légaux d’instruction et de poursuite1064. Le ministre dispose donc d’un
droit d’impulsion, il ne peut pas se substituer aux officiers du ministère public pour agir en
leur lieu et place ; il ne peut arrêter l’action publique mise en mouvement par le parquet.
Nous pensons qu’en vue d’éviter les difficultés d’interprétation des textes, l’on devrait
élaborer une loi claire et expresse précisant qu’à l’égard du magistrat du parquet, le ministre
de la justice n’a un pas un droit d’injonction de poursuites ni un droit de veto ni un droit
d’ordonner des arrestations.

Mais précisons qu’à l’intérieur d’un même parquet, la subordination est plus étroite.
Ainsi, les substituts du procureur de la République sont tenus de se conformer aux instructions
du procureur de la République dont ils relèvent et ce dernier peut se substituer à ses
subordonnés1065.

§ 3. La structure du ministère public

1. Les Tribunaux de Paix (article 17 du Code d’OCJ)

Près les Tribunaux de Paix siégeant en matière répressive, le procureur de la


République peut désigner, pour exercer les fonctions au ministère public, soit un ou plusieurs
officiers du ministère public, soit un ou plusieurs officiers de police judiciaire à compétence
générale.

A défaut d’une telle désignation, les juges des Tribunaux de Paix, siégeant en matière
répressive, remplissent eux-mêmes auprès de leurs juridictions, les fonctions du ministère
public. De même, l’article 180 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979
portant règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets qui déclare : « En raison du
caractère hybride de leurs fonctions de juges et officiers du ministère public, les juges des
Tribunaux de Paix sont régis par les dispositions du présent règlement applicables aux
tribunaux et parquets ». En d’autres termes, les juges de paix ont la qualité de juge et du
ministère public. Ce qui fait qu’ils peuvent poser tous les actes d’instruction reconnus aux
magistrats de parquet. Enfin, l’art. 71 in fine du Code d’OCJ exclut la récusation de juge de
paix lorsqu’il a exercé auparavant les fonctions du ministère public, ce qui confirme que les
juges de paix ont la qualité du ministère public.

2. Le Parquet de Grande instance près les Tribunaux de grande instance

L’article 16 du Code d’OCJ prévoit qu’il est institué un procureur de la République au


siège de chaque Tribunal de grande instance. Il exerce sous la surveillance et la direction du

1064
SOHIER, B.O., 58, p. 720 cité par RUBBENS, op. cit., n° 141, p. 181.
1065
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, op. cit., p. 103.
300

procureur général près la Cour d’appel, les fonctions du ministère public près le Tribunal de
grande instance ainsi que les Tribunaux de Paix de son ressort.

Il lui est adjoint un ou plusieurs substituts et substituts du procureur de la République


qui exercent les mêmes fonctions que lui, sous sa surveillance et sa direction. En cas
d’absence ou d’empêchement, le procureur de la République est remplacé par le premier
substitut du procureur de la République le plus ancien ou, à défaut par le substitut du
procureur de la République le plus ancien. Toutefois, il ne pourra être pourvu à ce
remplacement par un premier substitut du procureur de la République ou un substitut du
procureur de la République, ancien magistrat auxiliaire, admis dans la carrière (article 20 du
Code d’OCJ) sauf bien entendu si ce dernier a obtenu par la suite une licence en droit.

Nous pensons que l’article 33 du Code d’organisation et compétence judiciaires a le


même esprit que l’article 20 du Code d’OCJ, en conséquence, le magistrat auxiliaire du grade
de juge du Tribunal de grande instance ne peut pas assumer l’intérim des fonctions du
président du Tribunal de grande instance car n’étant pas magistrat de carrière (licencié en
droit), ses connaissances techniques limitées ne lui permettront pas de faire face à ces
exigences où des capacités intellectuelles énormes s’imposent.

3. Le parquet général près la Cour d’appel (article 13 Code d’OCJ)

Près chaque Cour d’appel, il est institué un parquet général. L’exercice de l’action
publique dans toute sa plénitude et devant toutes les juridictions de son ressort appartient au
procureur général près la Cour d’appel.

Sous l’autorité du ministre de la Justice et garde des sceaux, le procureur général près
la Cour d’appel exerce les fonctions du ministère public près toutes les juridictions établies
dans le ressort de la Cour d’appel. Il porte la parole aux audiences solennelles de la Cour
d’appel. Il peut aussi le faire aux audiences des chambres s’il le juge nécessaire. Un ou
plusieurs avocats généraux et substituts du procureur général l’assistent. Ils exercent leurs
fonctions du ministère public sous la surveillance et sa direction. Le procureur général près la
Cour d’appel règle l’ordre intérieur des parquets et la tenue des registres. Il est reconnu au
procureur général d’autoriser de lever copies des procès verbaux.
L’absence de l’autorisation du procureur général pour l’obtention des copies des procès-
verbaux n’est sanctionnée de nullité ou de rejet de procès-verbaux produits au dossier et
obtenus sans cette autorisation1066.

4. Le parquet général de la République (près la Cour de cassation)

L’article 12 du Code d’OCJ déclare qu’au parquet général de la République (parquet


général près la Cour de cassation), c’est le procureur général de la République (procureur

1066
CSJ, 3/6/1981, RC 239, inédit.
301

général près la Cour de cassation) qui exerce près la Cour suprême de justice (Cour de
cassation), les fonctions du ministère public, en ce compris l’action publique.

Sur injonction du ministère de la Justice et garde des sceaux, il peut cependant initier
ou continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels qui ne ressortent
pas de la compétence de la Cour suprême de justice (Cour de cassation).

Il peut également, sur injonction du ministre de la Justice et garde des sceaux, ou


d’office et pour l’exécution des mêmes devoirs, faire injonction aux procureurs généraux près
la Cour d’appel.

De même, le procureur général de la République (procureur général près la Cour de


cassation) peut sur l’injonction du ministre de la Justice et garde des sceaux, requérir et
soutenir l’action publique devant tous les Cours et tribunaux à tous les niveaux. Il serait
souhaitable d’adapter les dispositions de l’article 12 du Code d’OCJ à l’article 15 de la loi
organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats qui a supprimé le droit
d’injonction du ministre de la justice sur les magistrats.

Le procureur général de la République (procureur général près la Cour da cassation) a


droit de surveillance et d’inspection sur les parquets généraux près les Cours d’appel.
L’existence d’un inspectorat au sein du ministère de la Justice et garde des sceaux, ne peut en
aucune manière porter atteinte à ce pouvoir classique d’inspection hiérarchique. En effet,
l’inspection classique de l’autorité supérieure permet à cette dernière de se rendre compte du
bon ou du mauvais fonctionnement des services placés sous ses ordres, afin de préconiser les
remèdes pour une éventuelle amélioration.

Un ou plusieurs premiers avocats généraux et avocats généraux de la République


(avocats généraux près la Cour de cassation) assistent le procureur général de la République
(procureur général près la Cour de cassation). Ils exercent leur fonction du ministère public
sous sa surveillance et sa direction.

Les termes « assurer la poursuite jusqu’au jugement » contenus dans une lettre
d’injonction du ministère de la Justice et garde des sceaux au procureur général de la
République (procureur général près la Cour de cassation) comportent outre l’ordre d’assurer
la poursuite, celui de requérir et de soutenir l’action publique devant la juridiction compétente
conformément à l’article 12 du Code d’OCJ1067.

§ 4. Attributions du ministère public

A ce sujet, il convient de se référer aux articles 6 à 9 du Code d’organisation et de


compétence judiciaires et la mission du ministère public (voir supra). Rappelons seulement

1067
CSJ, 28/2/1991-RPA 176, Affaire Essolomwa c/M.P, inédit.
302

que le ministère public intervient comme partie à toutes les phases du procès pénal1068 et après
la condamnation par les tribunaux répressifs, il fait incarcérer les condamnés et surveille
l’exécution des peines prononcées contre eux soit à la prison même si elle est criminogène1069
soit en dehors de celle-ci.

Section 3 : Les auxiliaires de la justice du droit moderne

Les auxiliaires de la justice sont des personnes qui, sans être investies par l’Etat de la
fonction de juger, sont appelées à participer à l’administration de la justice en apportant leur
concours aux juges et aux parties1070.

Certains de ces auxiliaires font partie intégrante des juridictions et aident les
magistrats et les juges à remplir leur mission, il s’agit des agents de l’ordre judiciaire des
greffes et des parquets ; d’autres jouent un rôle très important dans l’information du juge
pénal et la recherche de preuves, il s’agit des fonctionnaires de la police judiciaire et des
experts.

La seconde catégorie d’auxiliaires de la justice concernent ceux dont l’activité consiste


à organiser les différentes phases du procès, à conseiller les plaideurs, à développer leurs
prétentions, à citer en justice les parties, à poursuivre l’exécution forcée des jugements. Il
s’agit des avocats et des défenseurs judiciaires. La doctrine moderne les appelle les auxiliaires
des parties1071.

Nous aborderons les auxiliaires de la justice ordinaire (§ 1) et les auxiliaires de la


justice militaire (§ 2).

§ 1. Les auxiliaires de la justice ordinaire

Nous utilisons ici le mot « justice ordinaire » pour désigner la justice du droit
commun. Nous allons distinguer ici les agents de l’ordre judiciaire d’une part et les avocats et
défenseurs judiciaires d’autre part.

1068
KENGO WA DONDO, Cours de processus judiciaire, Faculté de droit, UNAZA, campus de Kinshasa,
1977-1978, p. 40.
1069
KAVUNDJA MANENO, La prison comme facteur criminogène, TFC, Faculté de droit, Université de
Kinshasa, 1987, p. 28.
1070
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 407, p. 331.
1071
R. PERROT, Ibidem ; J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER et A. VARINARD, Institutions
judiciaires, Paris, 8e éd. Dalloz, 2005, n° 555, p. 790 ; J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris,
9ème éd. Ellipses, 2006, n° 305, p.217.
303

1. Les agents de l’ordre judiciaire

Nous retiendrons les greffiers, les huissiers judiciaires, les secrétaires des parquets, les
inspecteurs de police judiciaire, les officiers de police judiciaire et les experts.

A. Les greffiers (articles 58 à 60 du Code d’OCJ)

Le greffier est le « secrétaire du juge » : il assiste à toutes les audiences, il dresse les
procès-verbaux y afférents, signe les décisions conjointement avec les juges lors du prononcé
du jugement ou arrêt. Il authentifie les actes du juge. Mais c’est un secrétaire nanti d’un rôle
plus important que celui d’un secrétaire ordinaire. En tant que secrétaire du juge, le greffier
est scribe. Avant l’audience, il prépare le dossier, rédige les assignations et citations.

A l’audience, tous les actes du juge devant se matérialiser par écrit (verba volant,
scripta manent), c’est encore lui qui rédige le procès verbal sous la dictée du juge : il tient
donc note de toutes les déclarations des témoins et des parties, transcrit le dispositif du
jugement dans le registre, dactylographie le jugement ou arrêt. Tous les actes du juge sont
contresignés par le greffier.

En second lieu, le greffier est un secrétaire dont les attributions dépassent celles d’un
secrétaire ordinaire. En effet, un greffier expérimenté a le rôle de rappeler à son juge
l’existence d’une formalité. Il constitue un témoin privilégié de la sincérité de l’authenticité
d’actes du juge. Il est aussi chargé de la conservation des dossiers judiciaires et des archives
de la juridiction. Il garde les minutes, les registres et tous les actes afférents à la juridiction où
il est affecté. Il délivre les grosses, expéditions, extraits des jugements et ordonnances. Il est
officier ministériel.

Au niveau du Tribunal de Paix, le greffe comprend le greffe civil, le greffe pénal et le


greffe d’exécution, placés sous l’autorité du greffier titulaire qui a le rang de chef de bureau
dans l’administration publique. Les greffes sont accessibles au public.

Au niveau du Tribunal de grande instance, il comprend le greffe civil, le greffe pénal,


le greffe exécution, le greffe des affaires coutumières, un greffe chargé du registre de
commerce et un greffe de faillite placés sous l’autorité d’un greffier divisionnaire assisté d’un
ou de plusieurs adjoints. Le greffier divisionnaire a le rang de chef de division dans
l’administration publique.
Au niveau de la Cour d’appel, il comprend un greffe civil, un greffe pénal et un greffe
administratif dirigé par un greffier principal assisté d’un ou de plusieurs adjoints. Le greffier
principal de la Cour d’appel a le rang du directeur de l’administration publique.

L’article 56 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979 portant


règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets dispose : « La Cour suprême de justice
comprend un greffe civil, un greffe pénal, un greffe administratif et un greffe de législation
304

placés sous la direction d’un greffier en chef assisté d’un ou de plusieurs adjoints ». Le
greffier en chef de la C.S.J. a le rang du secrétaire général dans l’administration publique.

Le greffe est un dépôt public, donc ouvert à tous où sous la responsabilité du greffier,
sont conservés les minutes des jugements et arrêts, le registre, dossiers, pièces à conviction en
général, tous les actes et pièces provenant de la justice1072. Les greffiers sont régis tous par le
statut du personnel de carrière des services publics de l’Etat, ils sont donc des fonctionnaires.
Le concours du greffier, à peine de nullité, est nécessaire pour composer un tribunal régulier,
sauf exception prévue par la loi1073.

Il a été jugé cependant que, rendu en l’absence d’un greffier n’est pas nul de jugement
qui se borne à remettre la cause à une date ultérieure1074. Ainsi, l’article 29 alinéa 2 du Code
d’ OCJ prévoit que le tribunal de paix, siège secondaire, peut siéger sans l’assistance d’un
greffier dans le cas où à ce siège, il n’y a pas de greffe. Nous estimons que cette disposition
devrait être supprimée dans la mesure où elle s’écarte des normes d’un Etat de droit.

Les règles de déport et de récusation ne sont pas applicables aux greffiers. Ils peuvent
ainsi siéger au tribunal qui connaît des actions dirigées contre eux en vue d’obtenir révision de
l’évaluation de la valeur du litige ayant servi de base à la perception des droits proportionnels
(articles 130 et 153 du Code de procédure pénale). Mais le professeur Antoine Rubbens
estime que les greffiers sont légitimement considérés comme « empêchés » de siéger dans une
cause où ils sont partie ou dans laquelle eux-mêmes ou l’un de leurs proches a un intérêt
personnel1075. Nous partageons cette analyse dans la mesure où le justiciable est en droit
d’attendre du tribunal (y compris le greffier faisant partie de la composition du siège) qu’il
présente toutes les garanties de l’impartialité.

B. Les huissiers judiciaires (article 61 du Code d’OCJ)

Leur mission consiste à notifier ou instrumenter les divers actes de procédure


(assignations, citations, sommations, significations des décisions de justice). Il y a des
huissiers judiciaires (œuvrant dans les greffes) et les huissiers fonctionnaires appelés huissiers
suppléants. Ces derniers sont désignés parmi le personnel de l’Etat œuvrant dans les entités
administratives rurales. Ils procèdent aussi à l’exécution des décisions de justice (saisies,
destructions, déguerpissement). Ils sont officiers ministériels.

Les huissiers sont des fonctionnaires de l’Etat et peuvent engager leur responsabilité en
cas de leurs fautes professionnelles dans l’exercice de leur fonction. De plus en plus,
particulièrement en Europe, la tendance qui se dessine consiste à libéraliser la fonction afin de
rendre plus responsable les huissiers de justice.

1072
M. DEMEUS, Les fonctions de greffier en République Démocratique du Congo, t. II, Procédure civile,
Kinshasa, 1969, p. 13.
1073
Elis, 25/3/1916, RJ, 1932, p. 129, App. Buta, 8/9/1927, RJ, 1929, p. 207.
1074
BOMA, 12/8/1907- jur. Etat, II, p. 201 cités par RUBBENS, op. cit., n° 65, p. 200.
1075
A. RUBBENS, op. cit., n° 165 , pp. 200-201.
305

C. Les secrétaires de parquets (article 94 de l’arrêté n° 299/79 du 20/08/1979 portant


règlement intérieur des Cours, tribunaux et parquets)

Ils sont des collaborateurs ou auxiliaires indispensables pour les magistrats des
parquets. Ils aident ces derniers dans la tenue des registres et la conservation des dossiers.
Cependant, ils n’ont pas qualité d’officier de justice. Au niveau du parquet général de la
République (parquet près la Cour de cassation), le grade le plus élevé est assumé par le
premier secrétaire qui a rang de secrétaire général de l’administration publique. Au niveau du
parquet général près la Cour d’appel, c’est le secrétaire principal qui a le grade de directeur,
c’est-à-dire le grade le plus élevé. Au niveau du parquet de Grande instance, c’est le secrétaire
divisionnaire qui est le plus gradé, il a le rang de chef de division dans l’administration
publique.

D. Les O.P.J. (Officiers de Police Judiciaire)

Le mot « police » a un sens très varié. Au sens très large, la police comprend
l’ensemble des règles imposées par l’autorité publique aux citoyens ; le pouvoir de police est
alors le pouvoir d’imposer de telles règles. Une telle police englobe alors toutes les branches
du droit.

Au sens plus restreint, et qui se borne aux limites du droit administratif, la police est
« l’opération qui a pour but d’assurer par voie générale ou individuelle et par certaines
mesures appropriées, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique ». Les autorités de
police sont des autorités administratives à qui sont confiées les fonctions de cet ordre.

Au sens courant, le mot police désigne simplement le corps des fonctionnaires dont le
rôle consiste à assurer l’exécution des prescriptions générales ou individuelles et des mesures
appropriées, décidées par les autorités de police en vue de réaliser le but fondamental ci-
dessus : tranquillité, sécurité et salubrité publiques. Le recours à la police est la réaction
instinctive du citoyen qui se sent troublé dans l’un des ses droits essentiels.

La police judiciaire est chargée notamment d’exécuter toutes missions qui lui sont
confiées par les autorités compétentes à l’effet de constater les infractions, en rassembler les
preuves et en rechercher les auteurs, et notamment déférer aux réquisitions du ministère
public1076. Ils sont comme on le dit souvent, « l’œil et le bras » du ministère public. Ce sont
eux qui rassemblent les premiers éléments du dossier, qui appréhendent les infracteurs et qui
les défèrent aux réquisitions des magistrats instructeurs1077.

1076
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, op. cit., p. 272-273.
1077
M. NKONGOLO TSHILENGU, Droit judiciaire congolais. Le rôle des Cours et tribunaux dans la
restauration d’un droit violé ou contesté, Kinshasa, éd. Service de Documentation et d’Etudes du
Ministère de la Justice et Garde des sceaux, 2003, p. 21.
306

1. Les inspecteurs de police judiciaire (I.P.J.) à compétence générale

Ce sont des officiers de police judiciaire attachés directement au parquet, à la place de


l’ancienne police des parquets pour aider les magistrats des parquets dans leur mission de la
recherche des infractions. Les inspecteurs de police judiciaire forment ce que l’on appelle la
brigade judiciaire.

L’inspecteur de police judiciaire qui a le grade le plus élevé au niveau du parquet


général de la République (Cour de cassation) est l’inspecteur de police judiciaire général, il a
le rang de secrétaire général dans l’administration publique. Au parquet général près la Cour
d’appel, c’est l’inspecteur de police judiciaire en chef qui a le grade le plus élevé, il a le rang
de directeur dans l’administration publique. Au niveau du parquet de Grande instance, c’est
l’inspecteur de police judiciaire en chef qui a le grade le plus élevé, il a le rang de chef de
division dans l’administration publique.

Précisons que la compétence des I.P.J. (Inspecteurs de police judiciaire) s’étend à


toutes infractions et sur tout le territoire de la République.

2. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence générale

On range ici les gendarmes et agents de la police nationale affectés en qualité d’O.P.J.
Leur compétence s’étend à tout le territoire national.

3. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence restreinte

Ce sont généralement les gouverneurs de province, les bourgmestres, les chefs de


collectivité ou de localités. Ils sont O.P.J. dans les limites de leur territoire.

4. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence spéciale

Ce sont des fonctionnaires de certains départements chargés de veiller à l’application


des décisions de ces départements. Ils n’ont de compétence que pour les affaires concernant
leur département.

Exemples : O.P.J. de l’OFIDA, de la Direction Générale des Impôts, de la SNEL, de la


REGIDESO, de la GECAMINES, de la SNCC, etc.

5. Remarque

L’article 7 de l’ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun
déclare que les officiers de police judiciaire ne peuvent exercer effectivement les attributions
307

attachées à leur qualité d’O.P.J. ni se prévaloir de cette qualité qu’après y avoir été
personnellement habilités par le procureur de la République du ressort et prêté entre ses
mains, verbalement ou par écrit le serment : « Je jure fidélité au président de la République,
obéissance à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du Congo, de remplir
fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d’en rendre loyalement compte à l’officier du
ministère public ».

Nous pouvons déduire qu’au regard de l’article ci-dessus, les actes posés par l’O.P.J.
non assermenté sont nuls et de nul effet car n’ayant jamais reçus la qualité d’O.P.J.

Il convient de relever que sur le plan strictement juridique, l’ordonnance ci-haut est
inconstitutionnelle en ce sens qu’elle viole l’article 122 f) de la Constitution congolaise du 18
février 2006 étant donné que la procédure pénale devant les juridictions étant du domaine de
la loi, une loi est donc nécessaire. En effet, l’on devrait donc abroger cette ordonnance qui
réglemente les attributions des OPJ et prévoir une loi sur cette matière ou intégrer ces
matières dans le Code de procédure pénale.

6. Propositions pour une réforme

A) Une loi relative à l’exercice des attributions d’officiers et agents de police


judiciaire

Nous avons montré qu’actuellement c’est une simple ordonnance qui organise
l’exercice des attributions d’officiers et agents de police judiciaire. Et pourtant, de telles
attributions relèvent de la procédure pénale. Or, l’article 122 f) de la Constitution du 18
février 2006 dit que la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. C’est pourquoi, le
parlement devrait légiférer en cette matière ou l’intégrer dans le Code de procédure pénale.

B) Concernant la désignation des officiers de police judiciaire

Nous pensons que l’on devrait soumettre la désignation des officiers de police
judiciaire au ministre de la justice sur propositions conformes (qui lient le ministre) du
procureur général près la Cour de cassation. L’on devrait aussi conférer à chaque chef de
parquet le pouvoir d’exercer l’action disciplinaire sur les officiers de police judiciaire, afin
d’acquérir un atout supplémentaire pour lutter contre les irrégularités constatées dans le chef
de quelques officiers de police judiciaire.

C) Le renforcement de l’autorité disciplinaire de l’officier du ministère public sur


tous les officiers de Police judiciaire même militaires

La pratique judiciaire montre que certains officiers de police judiciaire,


particulièrement de la gendarmerie et de la police militaire, ont une fâcheuse tendance à
s’affranchir de tout contrôle du ministère public dans l’exercice de leurs missions. A telles
308

enseigne que les nombreux abus auxquels ils ont pu se livrer n’ont pas gêné leur promotion en
grade. C’est pourquoi nous estimons que l’on devrait souligner dans une loi l’exercice par
l’officier du ministère public de l’autorité disciplinaire sur tous les officiers du police
judiciaire afin que, influant par ce biais dans le signalement et partant dans la promotion,
puisse s’améliorer le rendement des officiers de police judiciaire.

E. Les experts

L’expert est un homme de l’art, un spécialiste auquel le juge a recours « dans le cas où
se pose une question d’ordre technique ». Il doit être choisi parmi les personnes d’expérience
dans un domaine concerné par un procès. En effet, les procès soulèvent fréquemment des
questions de nature technique qui, pour être tranchées, exigent des connaissances spécialisées
que le juge ne possède pas nécessairement. Par exemple : vérifier si une fille a été violée, s’il
ya eu avortement, déterminer s’il y a eu empoisonnement, apprécier la valeur d’un immeuble,
déterminer si un auteur présumé d’une infraction est état de démence, chiffrer le degré
d’invalidité d’une victime d’accident de circulation, examiner des comptes et des bilans pour
vérifier les détournements des fonds, etc. Pour être éclairé, le juge fera appel aux
connaissances d’un technicien du domaine bien déterminé appelé « expert ».

L’expert a pour mission de procéder à un examen et de donner un avis d’ordre


technique. Il n’est pas chargé de résoudre un litige, il ne fait qu’émettre un avis qui ne lie pas
le juge, toujours maître de la décision finale1078. Mais les conclusions de l’expert peuvent
utilement éclairer le juge et lui permettre de mieux comprendre le problème technique pour en
tirer ensuite les conséquences juridiques qui s’imposent1079. Dans tous les cas, l’expert doit se
cantonner à sa mission factuelle et ne pas chercher à donner une interprétation juridique des
questions posées1080.

Les experts sont prévus par les articles 48 à 52 du Code de procédure pénale et 39 du
Code de procédure civile. On peut ranger parmi les experts :

• Le médecin légiste pour aider le magistrat à lui déterminer les causes de tel décès par
exemple (empoisonnement, suicide, mort naturelle).
• Un expert-comptable, habituellement dans une affaire de détournement de fonds.

L’expert requis prête d’abord serment et lorsque l’expert refuse d’obtempérer à la


réquisition ou de prêter serment, il pourra, en vertu de l’article 52 du Code de procédure
pénale être condamné à un mois d’emprisonnement et une amende, ou l’une de ces peines
seulement.

1078
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 8ième éd., 1995, p. 160-161 ; S.GUINCHARD et
J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2005, pp. 218-219
1079
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 477, p. 379.
1080
J.P. SCARANO, op. cit, n° 328, p. 227.
309

2. Les avocats et défenseurs judiciaires

Les avocats et les défenseurs judiciaires sont des auxiliaires de justice, car ils
collaborent avec la magistrature à la découverte de la vérité. Ils ont pour mission essentielle
de défendre les intérêts de leurs clients. Toutefois, ils doivent se comporter en véritables
hommes soucieux d’une bonne justice et respecter le devoir de loyauté envers leurs clients.
Les avocats et défendeurs judiciaires sont régis par l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28/09/1979
portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et corps de mandataires
de l’Etat.

A. Les avocats

La profession d’avocat est sans doute la profession judiciaire la plus ancienne : elle
remonte à l’époque romaine. Selon toute vraisemblance, elle a pour origine l’usage qui voulait
que les praticiens protègent et défendent leur clientèle : le praticien était celui que l’on
« appelait au secours » en cas de difficulté (advocatus, d’où le nom d’avocat). Mais à mesure
que le droit se complique, il devient nécessaire de faire appel à des spécialistes de la science
du droit qui avaient l’habitude de la parole en matière juridique (les « oratores »), lesquels se
constituèrent en corporation (en « ordo ») ; de là, l’expression « ordre des avocats » utilisée
pour désigner les groupements au sein desquels les avocats exercent leur profession1081.

Avant que le barreau ne soit organisé, ses relations avec le gouvernement n’étaient pas
faciles. En effet, Napoléon disait : « Tant que j’aurai l’épée au côté (…) je veux qu’on puisse
couper la langue à un avocat qui s’en servirait contre le gouvernement ». Il qualifiait les
avocats de « tas de bavards, artisans de révolution, et qui ne sont inspirés presque tous que
par le crime et la corruption »1082. Il a fallu attendre le 14 décembre 1810 pour que
l’Empereur signe le décret réglant la profession d’avocat. Apparemment la langue d’un avocat
est plus solide que l’épée en général, car la profession d’avocat conquit son autonomie1083.

Les avocats sont des auxiliaires de la justice chargés d’assister ou représenter les
parties, postuler, conclure et plaider devant les juridictions. Certains les considèrent comme
étant les auxiliaires des parties parce qu’ils assistent celles-ci dans leur procès1084. Avec
l’évolution de la société actuelle tournée vers le respect des droits de l’homme, l’avocat
apparaît comme la sentinelle des droits et libertés fondamentaux. Le rôle que joue l’avocat est
tellement important d’autant plus qu’il occupe aujourd’hui une place presque centrale dans le

1081
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 411, p. 333; Au sujet de
l’histoire du barreau, voy. J. APPLETON, Traité de la profession d’avocat, Paris, Dalloz, 1923, pp. 22-48 ;
G. DUCHAINE et E. PICARD, Manuel pratique de la profession d’avocat en Belgique, Bruxelles, Paris,
Claessen et Durant, 1869, pp. 2 et s. ; J. GILISSENS, Introduction historique au droit, Bruxelles, Bruylant,
1979, p. 368 ; G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd. Collection Scientifique de la Faculté de
droit de Liège, 1993, n° 372, pp. 407-408.
1082
G. DUCHAINE et E. PICARD, op. cit., p. 14.
1083
R. PERROT, op. cit., n° 413, p. 330.
1084
J. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9 ème éd. Ellipses, 2006, n° 305, 297.
310

procès. Il a donc cessé d’être un simple auxiliaire de la justice pour devenir un véritable
partenaire de justice sans lequel il n’y aurait pas de justice équilibrée1085. Les avocats peuvent
consulter, conseiller, concilier, rédiger des actes sous seing privé, assister ou représenter les
parties en dehors des juridictions. Est irrégulier et viole l’ordonnance-loi n° 79/08 du
28/09/1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs et corps des mandataires
de l’Etat, la représentation d’une personne physique par son fils, porteur d’une procuration
spéciale1086. La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante.

a) Les conditions

Au terme de l’article 7 de l’ordonnance-loi citée ci-haut :


« Nul en peut accéder à la profession d’avocat ni en exercer les prérogatives s’il ne remplit
les conditions suivantes :

• Etre Congolais. Toutefois, l’étranger pourrait accéder à la profession sous la


condition de réciprocité ou en vertu des conventions internationales.
• Etre titulaire d’une licence ou d’un doctorat en droit délivré par une université
nationale ou l’ancienne Ecole Nationale de Droit et d’Administration ou d’un diplôme
équivalent délivré par une université étrangère en justifiant en ce cas de sa
connaissance du droit congolais.
• N’avoir pas été auteur des faits de même nature que ceux prévus ci-dessus et ayant
donné lieu à une sanction disciplinaire ou à une décision administrative de
destitution, radiation ou révocation, sauf autorisation expresse du ministre de la
Justice et garde des sceaux.
• Justifier d’une bonne conduite par la production d’un certificat de bonnes vie et
mœurs délivré par l’autorité administrative du lieu de résidence durant les cinq
dernières années ».

Mais avant d’être inscrit au tableau, l’avocat reçoit une formation professionnelle au
cours d’un stage de 2 ans. Avant d’être admis en stage, le postulant prête le serment suivant
devant la Cour d’appel : « Je jure de respecter la Constitution, d’obéir à la loi, d’exercer la
défense et le conseil avec dignité, conscience, indépendance et humanité, de ne rien dire ou
publier de contraire aux lois, aux décisions judiciaires, aux bonnes mœurs, à la sécurité de
l’Etat, de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux, aux magistrats et aux autorités
publiques, de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirais juste en mon âme et
conscience ».

1085
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 79, p. 96.
1086
CSJ, RC 280, 4/6/1980, inédit ; CSJ, T.S.R., R n° 2, 6/4/1978, RJZ, 1979, p. 38.
311

L’article 22 de l’ordonnance-loi précitée dispense le stage et de présenter un certificat


professionnel :

• Les anciens magistrats, pourvu qu’ils aient exercé leurs fonctions pendant 3 ans au
moins.
• Les personnes qui durant 3 ans au moins, ont, en qualité de professeurs, enseigné le
droit dans une université ou une école supérieure.
• Les anciens avocats de l’Etat ayant exercé la profession durant 5 ans au moins.
• Les anciens mandataires de l’Etat ayant exercé la profession durant 5 ans au moins.

L’article 29 de l’ordonnance-loi précitée précise qu’avant leur inscription au tableau,


les avocats admis à exercer la profession, prêtent ou renouvellent le serment prévu par l’art.
14 de la même ordonnance-loi. L’article 71 de l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28/09/1979
portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et corps des mandataires
de l’Etat déclare : « Les avocats portent à l’audience la robe noire avec chaussure garnie de
fourrure de léopard et le rabat blanc, ils ne peuvent porter aucun insigne ni bijou marquant
leur appartenance à un ordre national ou étranger ou à une institution de droit public ou
privé. Ils sont appelés « maîtres ». Ils plaident debout et découverts ».

L’article 74 de la même ordonnance-loi interdit aux avocats notamment de se livrer à


des injures envers les parties ou des personnalités ou envers leurs défenseurs. Un mensonge
constaté dans le chef d’un avocat dans l’exercice de ses fonctions constitue une conduite
susceptible de compromettre la moralité de l’avocat1087.

b) Organes du barreau près la Cour d’appel

L’ensemble d’avocats du ressort d’une Cour d’appel forme un barreau près cette Cour.
Si les barreaux sont autonomes comme organisations, seuls par contre les ordres des
avocats jouissent de la personnalité juridique1088. Actuellement, il existe 12 barreaux en
République Démocratique du Congo, à raison d’un barreau par province et deux pour la ville
de Kinshasa. Etant donné que la Constitution congolaise du 18 février 2006 prévoit 25
provinces, il serait souhaitable qu’il y ait également 25 barreaux et 2 pour la ville de
Kinshasa, ce qui ferait le total de 27 barreaux pour toute la République. Les barreaux agissent
par leurs organes qui sont l’Assemblée générale, le Conseil de l’ordre et le bâtonnier.

1. L’Assemblée générale

Elle comprend tous les avocats inscrits au tableau de l’ordre. Elle élut le bâtonnier.

1087
CSJ, RC 226, 31/8/1977, Bull. 1978, p. 108 ; DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire
Général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice, 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, p. 25.
1088
MBUY-MBIYE TANAYI, La profession d’avocat au Zaïre, Kinshasa, éd. Ntombo, 1990, p. 78.
312

2. Le Conseil de l’ordre

Il traite toutes questions intéressant l’exercice de la profession. Il veille à la formation


des stagiaires. Ses membres sont élus.

Il veille à la stricte observation des règles de la profession et des devoirs des avocats
ainsi qu’à la protection de leurs droits. Dans le cas où le nombre d’avocats est inférieur à 8,
les fonctions du Conseil de l’ordre sont remplies par la Cour d’appel.

3. Le bâtonnier

Le bâtonnier est élu par l’Assemblée générale au scrutin secret à la majorité des
suffrages. En cas d’égalité des voix, c’est le candidat le plus ancien au tableau qui l’emporte.
Le bâtonnier est élu pour 3 ans. Seuls les anciens membres du Conseil de l’ordre inscrits au
tableau depuis plus de 5 ans peuvent être élus bâtonniers.

Le bâtonnier représente le barreau, il veille à la discipline de tous les avocats, concilie


les différends et assure le bon fonctionnement du Conseil de l’ordre. Toute communication
au barreau ou au Conseil de l’ordre lui est adressée. Il existe aussi un barreau près la Cour
suprême de justice (Cour de cassation).

c) Le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation)

Le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation) a été institué le 28


mars 1987 après la prestation de serment de 14 avocats.

1. Conditions

L’article 105 de l’ordonnance-loi du 28/08/1979 dispose que nul ne peut être admis
comme avocat à la Cour suprême de justice (Cour de cassation) :

• S’il n’a exercé la profession d’avocat pendant 10 ans au moins.


• S’il n’a réalisé une ou plusieurs publications dans le domaine du droit.

2. Organes du barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation)

Le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation) est dirigé par un
Conseil de l’ordre présidé par le bâtonnier national.

• Le Conseil de l’ordre : ses membres sont élus par l’assemblée générale du barreau près
la Cour suprême de justice (Cour de cassation) conformément aux règles établies par
les barreaux des Cours d’appel1089.

1089
MBUY-MBIYE TANAYI, op. cit., p. 101.
313

• Le bâtonnier national : il est élu par l’Assemblée Générale de l’ordre national des
avocats parmi un ou plusieurs candidats présentés par l’Assemblée Générale du
barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation).

d) L’ordre national des avocats

L’ordre national des avocats qui a son siège à Kinshasa est composé de 3 organes :
l’Assemblée Générale, le Conseil national de l’ordre et le bâtonnier national.

1. Assemblée générale

L’Assemblée Générale de l’ordre national des avocats se compose de tous les


bâtonniers et membres de différents conseils des ordres. Elle a pour but :

• De délibérer sur toutes les questions d’intérêt commun et sur les moyens à mettre en
œuvre pour sauvegarder l’honneur, les droits et les intérêts de la profession.
• D’élire les membres du Conseil national de l’ordre.
• D’élire le bâtonnier national.

2. Le Conseil national de l’ordre

Le Conseil national de l’ordre est composé de 9 avocats ayant leur résidence à


Kinshasa qui sont élus par l’Assemblée Générale pour une période de 3 ans renouvelable. Il
comprend au moins 4 membres du Conseil de l’ordre du barreau près la Cour suprême de
justice (Cour de cassation).

Il est présidé par le bâtonnier national. Le Conseil national de l’ordre a pour


attributions :

• De veiller à la sauvegarde de l’honneur, des droits et des intérêts professionnels


communs des avocats.
• De déterminer et vérifier les règles et usages de la profession convenables.
• D’assurer le fonctionnement de l’ordre et de pouvoir imposer aux avocats, sous peine
d’omission du tableau, toutes les obligations qu’il estime nécessaires à cet effet.
• De documenter les barreaux sur toutes les questions qui intéressent la profession.
• De surveiller le respect des règles de la déontologie par tous les avocats.

Le Conseil national de l’Ordre est à la fois un organe d’orientation, de direction et de


contrôle administratifs des barreaux, une juridiction administrative, une chambre de
contentieux électoral, une juridiction arbitrale et une juridiction disciplinaire1090.

1090
Article 16, 1 de la Décision CNO/ 8 / 87 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux de
la République Démocratique du Congo.
314

3. Le bâtonnier national

Le bâtonnier national est élu par l’Assemblée Générale de l’ordre national des avocats.
Il est choisi parmi les avocats à la Cour suprême de justice (Cour de cassation) et est de droit
bâtonnier de leur barreau. Il a pour tâche de présider le Conseil national de l’ordre.
Il exerce sur le barreau près la Cour suprême de justice (Cour de cassation) toutes
prérogatives reconnues au bâtonnier.

e) L’impartialité de l’organe disciplinaire des avocats

1. Notions

Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles


professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse, même se
rapportant à des faits extra-professionnels, exposent l’avocat qui en est l’auteur aux sanctions
disciplinaires1091. Les fautes et manquements des avocats sont réprimés par le Conseil de
l’Ordre siégeant comme Conseil de discipline1092. Nous avons aussi noté que le Conseil de
national de l’ordre est une juridiction disciplinaire1093. Il s’agit d’une juridiction qui est saisie
de comportements qui portent atteinte à des devoirs déontologiques fondés sur des valeurs
(moralité, compétence, dévouement). De même le bâtonnier de l’ordre des avocats peut se
saisir d’office sur une faute disciplinaire d’un avocat et procéder sans désemparer à une
enquête voire même une instruction sur le comportement dudit avocat1094. Enfin, le bâtonnier
national veille à la discipline de tous les avocats, reçoit les plaintes à charge de ces derniers et
leur donne suite qu’elles comportent ; il se saisit et saisit le Conseil de l’ordre de tous les faits
qui paraissent porter atteinte à l’honneur ou aux principes de probité et de délicatesse qui sont
à la base de la profession et veille à l’exécution des décisions prises par le conseil national de
l’ordre1095. Ce cumul se saisine, enquête, instruction, décision disciplinaire « jugement » et
exécution de ladite décision peut créer un problème au regard du principe d’impartialité.

La question qui nous préoccupe consiste à savoir si l’autorité disciplinaire des avocats
peut saisir le Conseil de l’Ordre en matière disciplinaire et siéger audit Conseil sans
enfreindre le principe d’impartialité. Cette autorité ou le membre dudit Conseil désigné peut-
elle (il) au cours d’une même affaire disciplinaire cumuler les fonctions de l’enquête, de
l’instruction et siéger au Conseil de l’Ordre des avocats pour se prononcer au fond sur la

1091
Article 86 de l’ordonnance-loi précitée.
1092
Article 88 du même texte.
1093
Article 16, 1 et 6 de la Décision CNO/8/89 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux
de la République Démocratique du Congo ; E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n°
212, p. 207.
1094
Article 92 de l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des
défenseurs judiciaires et des mandataires de l’Etat ; article 43 de la Décision CNO/8/87 du 19 août 1987,
op.cit.
1095
Article 21 de la Décision CNO/8/87 du 19 août 1987 portant règlement intérieur cadre des barreaux de la
République Démocratique du Congo.
315

décision à prendre concernant la faute disciplinaire de l’avocat voire même procéder à


l’exécution d’une décision disciplinaire sans empiéter le principe d’impartialité ?

En effet, cette matière disciplinaire des avocats se rattache au contentieux disciplinaire


étant donné qu’elle examine la faute disciplinaire des avocats. Or, la faute disciplinaire de
l’avocat peut conduire à une sanction, c’est pourquoi ce contentieux disciplinaire se rapproche
partiellement du contentieux pénal1096 dans la mesure où un aspect « répressif » s’attache à
l’incrimination disciplinaire.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a accepté de qualifier de « tribunal » au


sens de la Convention Européenne des Droits de l’Homme le Conseil de l’Ordre des
avocats1097 ; en conséquence, l’autorité disciplinaire des avocats peut être considérée comme
un « juge disciplinaire », c’est pourquoi elle devrait aussi se conformer aux règles
d’impartialité du juge. Comme ce contentieux disciplinaire se rapproche sensiblement du
contentieux pénal (matière pénale), les règles d’impartialité devraient être appliquées de la
même manière.

Ainsi, lorsqu’une autorité disciplinaire (par exemple le bâtonnier) a saisi le Conseil de


l’Ordre des avocats pour une faute commise par un avocat, cette autorité ne peut pas faire
partie de ce Conseil pour prendre ou non la sanction conséquente si l’acte de saisine avait déjà
exprimé une culpabilité de l’auteur de la faute. En d’autres termes, l’autorité disciplinaire
avait anticipé sur une sanction éventuelle qui serait prise. C’est cela qui enlève son
impartialité. Tel est le cas du Conseil de discipline dont un assesseur, en sa qualité de
bâtonnier du barreau d’un avocat poursuivi, antérieurement à l’instruction en premier degré de
la cause disciplinaire, a cité cet avocat par lettre recommandée à comparaître devant le
Conseil de discipline et a précisé dans cette citation qu’il s’agissait « des faits constituant une

1096
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel commun et droit comparé du procès équitable, Paris, 4e éd.
Dalloz, 2007, n° 374, p. 727; S. RUDLOFF, Droit et libertés de l’avocat dans la Convention européenne
des droits de l’homme, Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 146 ; P. LAMBERT, « La Convention européenne
des droits de l’homme et le droit disciplinaire », in J.T., 1988, p. 54 ; J. DUJARDIN, « Le contrôle de
légalité exercé par la Cour de cassation sur la justice disciplinaire au sien des Ordres professionnels », in
J.T., 2000, p. 634 ; M. DELMAS-MARTY, « Réflexions sur le pouvoir disciplinaire », in R.T.D.H., 1995, p.
155 ; P. LAMBERT, « L’évolution de la fonction de juger en droit disciplinaire », in Mélanges Jacques Van
Compernolle, Bruxelles, Bruylant 2004, p. 293 ; F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant
et impartial à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Mélanges
Jacques Van Compernolle, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 733.
1097
CEDH, 27 août 1991, Philis c/Grèce, in RTDH, 1992, p. 483, obs. P. Vandernoot ; CEDH, 30 novembre
1987, H c/Belgique, série A, n° 127-B ; B. BLANCHARD, « La procédure disciplinaire des avocats à
l’épreuve de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme », D. 2000, jur. Comm., p. 312 ;
J. PRALUS-DUPUY, « Application de l’article 6 de la Convention EDH devant le Conseil de l’Ordre », in
JCP-La Semaine juridique Ed. Gén., 9 juin 1999, n° 10.102, pp. 1089-1094 ; P. CORVILAIN, « Le droit
disciplinaire des avocats », in P. CORVILAIN (sous direction), Le droit disciplinaire des Ordres
professionnels, C.U.P.-Formation permanente, novembre 2004, vol. 74, pp. 64 et s. ; J. VERHOEVEN,
« L’impartialité du juge disciplinaire et les droits de l’homme », note sous cass. Belge, 23 mai 1985,
R.C.J.B., 1987, p. 538 ; F. CHAMORRO BERNAL, Les procédures disciplinaires des barreaux européens
au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque du 11 mars 1998 organisé
par les Instituts des droits de l’homme des barreaux de Paris, Barcelone et Bruxelles, Bruxelles, éd.
Bruylant, Nemesis, 1999, pp. 129-130 ; J. ROBERT et J. DUFFAR, Droits de l’homme et libertés
fondamentales, Paris, 6e éd. Monchrestien, 1995, p. 281.
316

infraction grave aux règles de la déontologie et pouvant entraîner des sanctions


disciplinaires »1098ou lorsque la décision attaquée laisse transparaître l’opinion de l’autorité
disciplinaire quant au fondement de la procédure disciplinaire proprement dite1099. Comme on
le voit, ce sont ces termes qui constituent le « préjugement » dans la mesure où l’on souligne
dans l’acte de saisine la gravité de l’infraction et l’on préjuge également des sanctions
disciplinaires. Donc, l’incriminé (auteur de la faute) est jugé et condamné par anticipation1100
et le Conseil de discipline ne ferait que confirmer ce « préjugement » qu’il s’était déjà fixé.

De même, une même autorité disciplinaire ne peut pas cumuler les fonctions de
l’enquête, de l’instruction avec la décision au fond qui se prononce sur la faute disciplinaire
de l’avocat sans violer le principe d’impartialité. En effet, lorsque le bâtonnier ou tout
membre du Conseil de l’Ordre est chargé de l’enquête sur une faute disciplinaire d’un avocat,
et si cet enquêteur instruit disciplinairement l’affaire, il aura difficile de sauvegarder son
impartialité lorsqu’il ferait partie de l’organe appelé à se prononcer sur la sanction (fond)
étant donné qu’il s’était déjà fait, selon toute vraisemblance, une idée sur la culpabilité de
l’incriminé (auteur fautif). Ce défaut d’impartialité s’explique par le fait que si le rapporteur
(avocat chargé de l’enquête, de l’instruction) devait siéger au sein de la « juridiction
disciplinaire » pour se prononcer au fond, il pourrait être appelé à apprécier la régularité de sa
propre enquête, instruction et devenir ainsi son propre juge1101. C’est pourquoi, l’impartialité
est considérée comme méconnue lorsque le rapporteur ou le bâtonnier ayant engagé les
poursuites avait siégé au délibéré de l’instance disciplinaire1102.

Les enseignements à tirer consistent à dire que le respect du principe d’impartialité


suppose que les organes ayant disposé des pouvoirs de poursuite ou d’instruction ne doivent
pas participer au délibéré qui devra se prononcer sur la sanction disciplinaire. Concrètement,
le bâtonnier, eu égard au pouvoir dont il dispose d’apprécier les suites à donner à l’enquête,
ne devrait pas présider la formation disciplinaire ou participer au délibéré de l’instance
disciplinaire chargée de prendre ou non la sanction à l’égard de l’avocat fautif s’il a participé
lui-même à l’enquête disciplinaire.

C’est pourquoi, tenant compte de ces enseignements, le barreau de Paris a été amené à
décider de faire présider les formations disciplinaires par un ancien bâtonnier en adoptant son
règlement intérieur en juin 2000 afin de dissocier très nettement les fonctions de poursuite,

1098
Cassation belge, 22 mars 1990, Bull. et Pas., 1990, n° 349 ; Cassation belge, 3 novembre 1988, Bull. et
Pasicrisie belge., 1989, n° 134 ; Rapport de la Cour de cassation belge 2003, p. 444.
1099
Cour d’appel de Bruxelles, 1ère chambre, 10 mars 2006, J.L.M.B., 2006, pp. 794-797.
1100
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de Droit, UCL, Louvain-
la-Neuve, juin 2005, pp. 515 et s.
1101
Ibidem, p. 499.
1102
Cassation française, 1ère Civ., 23 mai 2000, Pasqualini c/Proc. Gén. près C.A. Besançon, D., 2000, n° 25, IR,
p. 183 ; F. DE LA VAISSIERE, « Vous avez dit… impartial », Gazette du Palais, mai-juin 2003, Doctrine,
p. 1530 ; Cassation française, 1ère Civ., 5 octobre 1999, c/ Basse-Terre, in Le Dalloz, 6 avril 2000, p. 312 ;
Cassation française, 1ère Civ., 5 octobre 1999 c/ Cour d’appel de Douai, Le Dalloz, 6 avril 2000, n° 14, p.
312 ; Cassation française, 1ère Civ., 9 avril 2002, D., 2002, IR, p. 1730.
317

d’instruction et de jugement, qui ne peuvent être exercées par les mêmes personnes1103.
Désormais, la juridiction disciplinaire comprend : une autorité (présidée par le bâtonnier en
exercice, assisté d’un coordinateur et de quatre membres), une formation d’instruction
(composée de huit avocats, assistée d’un secrétaire), trois formations de jugement appelées
formations disciplinaires (dont chacune comprend sept avocats assistés d’un secrétaire)1104.
De même, la loi n° 2004 du 11 février 2004 a réaménagé profondément l’organisation de la
discipline des avocats, elle pose notamment en principe la séparation de l’instruction et du
jugement : le Conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi désigne un de ses membres
pour procéder à l’instruction de l’affaire. Le membre en question ne peut siéger au sein de la
formation de jugement1105. Enfin, le Décret du 24 mai 20051106 (pris en application de cette loi
du 11 février 2004) relatif à la discipline des avocats réforme la juridiction disciplinaire afin
de la rendre organiquement impartiale. L’autorité de poursuite et de « jugement » se trouve
nettement dissociée ; la fonction de l’instruction et de « jugement » ne peut pas être cumulée
par la même personne.

Pareillement, le barreau de Bruxelles fait présider le Conseil de l’Ordre siégeant en


matière disciplinaire par le Dauphin (ou le cas échéant, le secrétaire de l’Ordre) et non par le
bâtonnier en exercice, si celui-ci a pris part à l’instruction de l’affaire ou à la citation1107.
Quant au rapporteur, il présente son rapport lors de la séance disciplinaire, mais se retire au
moment de la mise en délibéré1108.

Concernant le cumul de la saisine et la présence au délibéré dans le chef de la même


autorité disciplinaire (bâtonnier ou autre avocat désigné à cette fin) ou la saisine de l’instance
disciplinaire et l’instruction, ces fonctions se trouvent aussi nettement dissociées. En effet, en

1103
F. CHAMORRO BERNAL, Les procédures disciplinaires des barreaux européens au regard de la
Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque du 11 mars 1998 organisé par les Instituts
des droits de l’homme des barreaux de Paris, Barcelone et Bruxelles, Bruxelles, éd. Bruylant, Nemesis,
1999, p. 127 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès
équitable, Paris, 4e éd. Dalloz, 2007, n° 374, pp. 727-729.
1104
S. GUINCHARD et alii, Ibidem ; F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », in Recueil Dalloz,
Chroniques, 2004, n° 25, § 21, p. 1749 ; P. JULIEN et N. FRICERO, « Procédure civile 2004 : l’année des
changements », in Recueil Dalloz, 2005, n° 5, Panorama, p. 334.
1105
Voyez J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, pp. 79 et 94.
1106
Décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la
profession d’avocat et relatif à la discipline, in Journal officiel de la République française, 26 mai 2005, p.
9107 ; Recueil Dalloz, 2005, n° 22, p. 1469-1470.
1107
Voy. P. LAMBERT, Règles et usages de la profession d’avocat du barreau de Bruxelles, Bruxelles, 3e éd.
Bruylant, 1994, pp. 735 et s. ; P. CORVILAIN, « Le droit disciplinaire des avocats », in P. CORVILAIN
(sous direction), Le droit disciplinaire des Ordres professionnels, C.U.P., Vol. 74, Bruxelles, éd. Larcier,
2004, pp. 40 et 56 ; art. 70 du règlement intérieur du barreau de Bruxelles ; M. WAGEMANS (mise à jour
de Y. OSCHINSKY), Recueil des règles professionnelles du barreau de Bruxelles, Ordre français des
avocats, Bruxelles, Lettre du barreau, 2005, numéro spécial, p. 531.
1108
Ibidem.
318

France1109, la même autorité disciplinaire ne peut pas cumuler la saisine et présider ou


participer à la formation disciplinaire au risque de violer le principe d’impartialité.

2. Propositions pour une réforme

En vue de rendre plus impartiale l’autorité disciplinaire des avocats en République


Démocratique du Congo, nous estimons que l’on devrait dissocier nettement la saisine et
l’instruction, la saisine et la participation au délibéré, l’instruction et la participation au
délibéré de l’instance disciplinaire. Concrètement, lorsque c’est le bâtonnier qui a saisi le
Conseil de l’Ordre pour une faute disciplinaire d’un avocat ; ledit bâtonnier ne pourrait pas
procéder à l’instruction disciplinaire de l’affaire, il ne pourrait pas non plus siéger au Conseil
de l’Ordre pour délibérer sur une éventuelle sanction à prendre au risque de perdre son
impartialité. De même, lorsque le bâtonnier n’a pas saisi le Conseil de l’Ordre mais participe à
l’instruction disciplinaire pour une faute disciplinaire d’un avocat ; au nom du principe
d’impartialité, il ne pourrait pas faire partie du Conseil de l’Ordre pour se prononcer sur une
sanction éventuelle à prendre à l’égard de l’avocat fautif. De même, l’autorité disciplinaire ne
pourrait pas cumuler l’une de ces fonctions décrites avec l’exécution de la décision
disciplinaire étant donné qu’on ne peut pas exécuter une décision à laquelle l’on a pris part.
Ces éléments pourraient s’appliquer également à l’égard des défenseurs judiciaires.

B. Les défenseurs judiciaires

Les défenseurs judiciaires remplissent les mêmes fonctions que les avocats, à la seule
différence qu’ils exercent leur ministère devant les tribunaux de paix et de Grande instance ;
mais non devant la Cour d’appel ou la Cour de cassation (Cour suprême de justice). Leur
origine remonte en 1968. En effet, la carence de juristes, particulièrement des avocats avait
amené le législateur à accepter les anciens agents de cabinet d’avocats belges établis au
Congo à exercer la défense des justiciables qui le désiraient. La plupart de ces agents avaient
une formation qui ne dépassait pas deux années post-primaires. Ils avaient quelques notions
de droit et pouvaient imiter leurs anciens patrons1110. Le corps de « défenseurs judiciaires »
fut créé en 1968, et actuellement, il est régi par l’ordonnance-Loi n° 79-08 du 28 septembre
1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs judicaires et du corps des
mandataires de l’Etat. Nous examinerons les conditions d’admission dans ce corps(a), ses
organes (b) et les propositions de sa réforme (c).

1109
S. GUINCHARD et alii, op. cit., n° 374, p. 729 ; Art. 188 du décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, modifiant
le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat et relatif à la discipline, in
Journal officiel de la République française, 26 mai 2005, p. 9107.
1110
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Académia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 83, p. 98.
319

a) Conditions

L’article 129 de l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28/09/1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires dispose : « Nul ne peut être inscrit au tableau des
défenseurs judiciaires s’il ne remplit les conditions suivantes :

• Etre Congolais.
• Etre porteur d’un diplôme de gradué en droit de l’université nationale ou d’un
diplôme équivalent.
• N’avoir pas été condamné pour des agissements contraires à l’honneur à la probité et
aux bonnes mœurs.
• N’avoir pas été auteur des faits de même nature ayant donné lieu à une sanction
disciplinaire ou une décision administrative de destitution, radiation ou révocation.
• Justifier d’une bonne conduite par la production d’un certificat de bonne vie et mœurs
délivré par l’autorité administrative du lieu de résidence ».

Avant l’inscription au tableau et l’exercice de la profession, les défenseurs judiciaires


prêtent le serment suivant devant le tribunal de grande instance : « Je jure de respecter la
Constitution, d’obéir à la loi, de ne rien dire ou publier de contraire aux lois, aux décisions
judiciaires, aux bonnes mœurs, à la sécurité de l’Etat et à la paix publique, de ne jamais
m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques, de ne conseiller ou
défendre aucune cause que je ne croirais juste en mon âme et conscience ».

Un membre du corps de défenseurs judiciaires près le tribunal de première instance de


Kinshasa ne peut exercer sa profession dans le ressort d’un autre tribunal de grande
instance1111. En effet, si les avocats ont droit de plaider sur toute l’étendue de la République,
les défenseurs judiciaires se limitent au ressort du Tribunal de grande instance sauf
autorisation du premier président de la Cour d’appel, le procureur général près la Cour
d’appel entendu peut autoriser le défenseur judiciaire à plaider devant tous les tribunaux de
paix et de Grande instance du ressort de la Cour d’appel (article 126 de l’ordonnance-loi
précitée).

b) Organes du corps des défenseurs judiciaires

1. L’Assemblée générale

Elle comprend tous les défenseurs judiciaires du ressort. Elle est présidée par le
président du tribunal de grande instance du ressort. Elle délibère sur tout sujet intéressant la
profession de défenseurs judiciaires.

1111
CSJ, RP 166, 8/7/1980, inédit.
320

2. La chambre de surveillance

Les membres de la chambre de surveillance sont élus à la majorité simple, chaque


bulletin de vote portant 5 noms. Elle veille à la moralité du corps et débat de toutes les
questions intéressant le corps.

3. Le syndic

Il représente le corps des défenseurs judiciaires. En cas d’absence ou d’empêchement,


il est remplacé par le membre de la chambre de surveillance le plus ancien au tableau.

c) Propositions pour une réforme

Cette profession a en principe qu’un caractère provisoire car le Président de la


République peut mettre fin à l’existence de ce corps s’il estime que le nombre d’avocats est
suffisant. L’on précisera aussi qu’actuellement, leur formation est au rabais d’autant plus que
nombreux d’entre eux, soit, ils ne sont pas diplômés en droit, soit ils ont obtenu leurs
diplômes dans les institutions supérieures dont la formation est très douteuse. Enfin, les
défenseurs judiciaires ne sont jamais recyclés, ils ne suivent aucune formation particulière, la
discipline du corps en souffre et surtout la justice. Certains, lors de leurs plaidoiries, racontent
« des monstruosités » devant les tribunaux.

Or les défenseurs judiciaires tiennent des cabinets, portent la toge noire comme les
avocats et ils sont appelés aussi « maitres ». Cela créé beaucoup de confusions chez les
justiciables au préjudice de la justice. C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait mettre fin
au corps de défenseurs judiciaires mais de façon graduelle1112. En effet, si la mesure peut être
bien accueillie dans les villes où le nombre d’avocats est déjà jugé suffisant et même
pléthorique dans certaines villes, il n’en est pas ainsi dans tout le pays. Ainsi, certaines villes
et cités, comme par exemple Kindu, Mbandaka et Bandundu et certain milieu rural, pourraient
encore recourir pendant quelques années aux services des défenseurs judiciaires. Mais dans
des villes comme Lubumbashi, Bukavu, Goma, Kisangani, Mbuji-Mayi, Kananga, Matadi et
Kinshasa, rien ne justifie la présence des défenseurs judiciaires d’autant plus qu’il y a pléthore
d’avocats. Cela mettrait fin à au désordre devant les Cours et tribunaux.

Après avoir vu les auxiliaires de la justice de droit commun (ordinaire), il convient


d’aborder les auxiliaires de la justice militaire (tribunaux d’exception).

1112
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd Adadémia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 85, p. 99.
321

§ 2. Les auxiliaires de la justice militaire

1. Les agents de l’ordre judiciaire militaire

Ils comprennent les greffiers militaires, les secrétaires des parquets militaires, les
inspecteurs de police judiciaire et officiers de police judiciaire.

A. Les greffiers militaires

Ils remplissent les mêmes fonctions que leurs collègues civils c’est-à-dire ils sont
chargés de la rédaction des procès-verbaux d’audience et de la transcription des jugements et
arrêts. Le greffe de la Haute Cour militaire est dirigé par un greffier en chef, assisté d’un ou
plusieurs greffiers principaux. Ils sont officiers supérieurs. Le greffe des Cours militaires est
dirigé par un greffier principal, assisté par un ou plusieurs greffiers divisionnaires. Ils sont au
moins officiers subalternes. Le greffe des tribunaux militaires de garnison est dirigé par un
greffier divisionnaire, assisté par un ou plusieurs greffiers de première ou deuxième classe.
Les greffiers des tribunaux militaires de garnison siègent au tribunal militaire de police. Ils
sont officiers subalternes.

Le service d’ordre intérieur des greffes et de la tenue des registres est organisé par
ordonnance de la juridiction militaire.

B. Les secrétaires des auditorats militaires (articles 57 à 58 C.J.M.)

Ils remplissent les mêmes fonctions que ceux des parquets civils.
Le secrétariat de l’auditorat général près la Haute Cour militaire est dirigé par un
premier secrétaire, assisté, le cas échéant, d’un ou de plusieurs secrétaires principaux. Ils sont
officiers supérieurs. Les secrétaires des auditorats militaires supérieurs près les Cours
militaires portent le titre de secrétaire principal. Ils sont assistés d’un ou de plusieurs
secrétaires divisionnaires. Ils sont au moins officiers subalternes. Les secrétaires des
auditorats militaires de garnison portent le titre de secrétaire divisionnaire. Ils peuvent être
assistés d’un ou de plusieurs secrétaires de première ou deuxième classe. Ils sont officiers
subalternes.

C. Les inspecteurs de police judiciaire et les officiers de police judiciaire (articles 59-60
C.J.M.)

Ils remplissent les mêmes fonctions que leurs collègues civils. Ont qualité d’officiers
de police judiciaire des Forces Armées, les officiers, sous-officiers des Forces Armées et
agents assermentés des différents services des Forces Armées pour l’exercice des missions
particulières qui leur sont dévolues par les lois et règlements. Dans ce dernier cas, ils n’ont
d’action que sur les infractions commises dans leurs unités ou services respectifs ou des
322

personnes placées sous leur commandement et dans la zone territoriale leur assignée pour
l’exercice de leurs fonctions administratives.

Les agents de police judiciaire des auditorats sont des officiers de police judiciaire.
La police judiciaire de l’auditorat général est dirigée par un inspecteur judiciaire
général, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires en chef. Ils sont officiers
supérieurs.

La police judiciaire des auditorats près les Cours militaires est dirigée par un
inspecteur judiciaire en chef, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires
divisionnaires. Ils sont au moins officiers subalternes.

La police judiciaire des auditorats militaires près les tribunaux militaires de garnison
est dirigée par un inspecteur judiciaire divisionnaire, assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs
judiciaires principaux et d’inspecteurs judiciaires de première ou de deuxième classe. Ils sont
officiers subalternes.

2. Les avocats et défenseurs judiciaires nationaux (articles 61 à 63 C.J.M.)

Seuls les avocats, défenseurs judiciaires ou militaires agréés congolais sont autorisés à
défendre les prévenus devant les juridictions militaires. Nous avons fait observer que cela
violait la Constitution ainsi que les différents textes des droits fondamentaux de l’homme qui
reconnaissent à chacun le droit de se faire assister par un défenseur (y compris un étranger) de
son choix. A cet égard, nous renvoyons aux arguments que nous avons développés concernant
les critiques relatives à l’organisation et la compétence des juridictions militaires.

Les défenseurs judiciaires n’exercent leur ministère que devant les tribunaux militaires
de garnison et de police du ressort du tribunal de Grande Instance où ils sont inscrits.

A présent, il convient d’examiner les organes de la justice traditionnelle ou les


juridictions coutumières.
323

Chapitre II : LES ORGANES DE LA JUSTICE


TRADITIONNELLE
(Les juridictions coutumières)
Les juridictions coutumières font partie aussi des juridictions de droit commun en
opposition aux juridictions militaires bien qu’elles fassent l’objet d’une étude séparée. Cette
étude ne s’étend pas à l’examen de l’organisation judiciaire précoloniale, d’abord parce que
l’intérêt d’un tel examen est minime, ensuite surtout parce qu’aucune documentation fiable
n’est disponible sur cette période.

C’est pourquoi cette étude sera limitée à l’organisation et compétence judiciaires


pendant la période coloniale et actuelle. En effet, la colonisation belge avait mis en rapport
deux communautés aux systèmes juridiques et aux civilisations distinctes. D’une part, la
communauté des indigènes (congolais) avec son système juridique coutumier, et d’autre part,
la communauté européenne et les « congolais immatriculés »1113avec son système juridique de
droit moderne. Pour chacun de ces systèmes juridiques, le législateur colonial avait créé une
organisation juridictionnelle spécifique : d’une part, les juridictions coutumières, et d’autre
part, les juridictions de droit moderne. Cette diversité d’organes juridictionnels créait et
continue de créer aujourd’hui d’énormes problèmes au niveau de la composition et de la
compétence des juridictions.

Il nous semble étonnant que 48 ans après l’indépendance, ces juridictions coutumières
continuent à fonctionner. En effet, elles avaient été créées pour juger les congolais non
immatriculés (indigènes) alors que depuis l’indépendance de la République Démocratique du
Congo, il n’existe plus des congolais non immatriculés ou immatriculés. En attendant
l’installation des tribunaux de paix, les tribunaux coutumiers subsistent (article 163 du Code
d’OCJ).
L’organisation des juridictions coutumières se présente de la manière suivante :

- Les tribunaux de chefferie


- Les tribunaux de collectivité
- Les tribunaux de commune (territoire)
- Les tribunaux de cité
- Les tribunaux de ville

Ces tribunaux constituent des institutions juridictionnelles coutumières que nous


aborderons, elles seront suivies des compétences et fonctionnement des juridictions
coutumières, alors que le personnel judiciaire coutumier clôturera ce chapitre.

1113
Cette expression pourrait signifier les congolais disposant d’un n° matricule autrement dit des
fonctionnaires. Elle signifierait aussi les congolais dits évolués c’est- à- dire ceux qui avaient un niveau de
vie assez élevé comme les colons.
324

Section 1 : Les institutions juridictionnelles coutumières


ou les tribunaux coutumiers

§ 1. Les tribunaux de chefferie

Ils sont prévus par l’article 1er, 1° du décret du 16/09/1964.

1. Ressort

Le ressort du tribunal principal de chefferie est celui de la chefferie, celui des


tribunaux secondaires est déterminé par la coutume.

2. Composition

La composition des tribunaux de chefferie, tant principaux que secondaires, est


déterminée par la coutume. L’article 3 du décret du 16/09/1959 déclare que « quelle que soit
la coutume, le chef d’une chefferie a la faculté de faire partie de tous les tribunaux de
chefferie. Le commissaire sous-régional ou le commissaire urbain, selon le cas, peut de son
côté, nommer des Congolais pour faire partie de ces tribunaux. Un greffier siège également
au tribunal de chefferie ».

§ 2. Les tribunaux de collectivité

Ils sont prévus par l’article 1er, 2° du décret du 16/09/1954, le décret du 17/03/1938 et
le décret du 13/09/1959.

1. Ressort

Il existe dans chaque collectivité un tribunal principal de collectivité, établi au chef-


lieu de la collectivité et plusieurs tribunaux secondaires (ou chambres), établis dans les
groupements composant la collectivité. Le ressort du tribunal principal est le ressort territorial
de la collectivité et le ressort d’un tribunal secondaire correspond à un ou plusieurs
groupements.

2. Composition

Le tribunal principal de collectivité siège au nombre de 5 membres. Le chef de


collectivité est de droit président. Le tribunal secondaire de collectivité siège aussi au nombre
de 5 membres : un président et 4 juges et un greffier ou toute personne sachant lire et écrire.
325

§ 3. Les tribunaux de commune (territoire)

Ils sont prévus par l’article 1er, 4° du décret du 16/09/1954 et le décret du 16/09/1959.

1. Ressort

Il existe un tribunal de commune (territoire) dans chaque commune (territoire) : son


ressort correspond au ressort territorial de la commune (territoire).

2. Composition

Le tribunal de commune siège au nombre de 3 membres. Le bourgmestre


(administrateur du territoire) est de droit président. Le bourgmestre (administrateur du
territoire) assistant est de droit vice-président. Le greffier siège également ou toute personne
sachant lire et écrire.

§ 4. Les tribunaux de cité

Ils sont prévus par l’article 1er, 3° du décret du 19/09/1954 et l’article 2 du décret du
16/09/1959.

1. Ressort

Le ressort du tribunal de cité est déterminé selon le cas par le commissaire sous-
régional ou par le commissaire urbain (le maire).

2. Composition

Le tribunal de cité est composé de un ou 3 juges. Il siège à un ou à 3 juges,


éventuellement avec un greffier ou toute personne sachant lire et écrire.

§ 5. Les tribunaux de ville (article 1er, 6° du 16/09/1954, articles 2 et 6 du décret


du 16/09/1959)

Il est établi dans chaque ville un tribunal de ville.

1. Ressort

Le siège du tribunal de ville est dans la ville même, son ressort correspond au ressort
territorial de la ville.
326

2. Composition

Le tribunal de ville siège au nombre de 3 juges dont un président, un greffier ou toute


personne sachant lire et écrire.

Section 2 : Compétences et fonctionnement


des tribunaux coutumiers

Les tribunaux coutumiers connaissent à l’égard des ressortissants de la République


Démocratique du Congo et « des contrées voisines » dont le défendeur se trouve dans le
ressort du tribunal, des faits qui, tout en ne donnant pas matière à contestation entre personnes
privées, sont réprimés par la coutume ou une loi écrite attribuant d’une manière expresse,
compétence aux juridictions coutumières. Les tribunaux coutumiers ont la compétence de
connaître les faits réprimés par la coutume.

Généralement, les infractions relatives à l’état civil, au mariage coutumier, ivresse


publique, tapage nocturne sont de la compétence des juridictions coutumières, et en principe
les juridictions coutumières ne connaissent que de certaines infractions commises par les
nationaux1114 dans la mesure où c’est parmi ceux-ci que l’on pourrait trouver des congolais
non immatriculés.

En matière répressive, les juridictions coutumières ne peuvent pas infliger une peine
supérieure à un mois, de 2.000 francs congolais d’amende ou 1 mois d’emprisonnement.
Quand la juridiction coutumière siège avec le bourgmestre, la peine à infliger ne peut pas
dépasser 2 mois d’emprisonnement, 2.000 francs congolais d’amende.

Les tribunaux coutumiers sont itinérants à l’intérieur de leur ressort.


Est d’ordre public, la disposition de l’article 11 des décrets coordonnés sur les
juridictions coutumières relative à la compétence territoriale de ces juridictions1115.

Les jugements rendus par les tribunaux coutumiers sont susceptibles de révision,
d’appel et d’annulation. Concernant l’annulation ou la révision des jugements rendus par les
tribunaux de la commune et de ville, elle est portée devant le tribunal de grande instance qui
statue en dernier ressort en matière d’annulation et de révision.

Toute cause régie par le droit écrit doit être obligatoirement soumise à la compétence
matérielle des juridictions de droit écrit qui en ont à connaître, à moins de stipulations
contraire1116. En conséquence, si la cause est régie par le droit écrit, les tribunaux civils sont

1114
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais, T. III, L’instruction criminelle et la procédure pénale,
Bruxelles, éd. Ferd. Larcier, 1965, p. 105.
1115
CSJ, RC 215, 23/5/1979, Bull. 1984, p. 98.
1116
CSJ, RC 37, 25/7 et 14/11/1973, Bull. 1974, p. 129 et CSJ, RC. 161, 9/12/1981, inédit.
327

seuls compétents pour en connaître et les tribunaux de ville sont matériellement


incompétents1117.

Sur ce point, il convient de souligner que la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés a abrogé toute
règle coutumière en matière d’occupation des parcelles ; cela relève désormais des
juridictions de droit écrit. Ainsi, viole les décrets coordonnés sur les juridictions coutumières,
un jugement de tribunal de sous-région siégeant en appel comme juridiction coutumière, par
lequel ce tribunal statue au fond sur un litige régi par la loi susmentionnée alors qu’après
avoir annulé le jugement du premier degré pour incompétence, il aurait dû se déclarer
incompétent, le litige déféré devant lui n’étant pas régi par les dispositions légales ayant pour
but de substituer d’autres règles à l’application de la coutume1118.

De même, encourt cassation totale pour violation de loi susvisée, le jugement par
lequel le tribunal de sous-région statuant en appel d’un jugement de tribunal de ville s’est à
tort déclaré compétent pour trancher un litige portant sur le droit d’occupation d’une parcelle
de terre au lieu d’annuler le jugement du tribunal de ville pour incompétence et, statuant à
nouveau, de se déclarer à son tour incompétent, étant donné qu’aux termes de la disposition
légale susvisée, ce litige relève de la compétence des tribunaux de droit écrit1119.

Enfin, doit être annulé pour incompétence matérielle, le jugement du tribunal


coutumier statuant en matière de succession et de tutelle alors que celle-ci ne relève que des
tribunaux de droit écrit1120.

Voici les arguments du tribunal :


Attendu que le tribunal de ville de Bukavu dans son jugement RR.39/T.V.-BKV, 1993
rendu le 17/09/1993 a statué sur la matière de la succession et la tutelle alors que cette matière
relevant du droit écrit est de la compétence du tribunal de paix ou à défaut du tribunal de
grande instance (articles 110 et 162 du Code d’O.C.J. et article 934 du Code de la famille) ;

Attendu qu’il ressort de l’article 11, 1° des décrets coordonnés sur les juridictions
coutumières que celles-ci sont incompétentes lorsque les contestations doivent être tranchées
par l’application du droit écrit.

Qu’en l’espèce, (…) en invoquant les articles 755, 756, 757, 793 du Code de la
famille, le tribunal de ville de Bukavu a tranché sur une matière ne relevant pas de sa
compétence matérielle1121 ;

1117
CSJ, 9 décembre 1981, RC. 161, inédit.
1118
CSJ, 9 avril 1980, RC.334, inédit.
1119
CSJ, 21 janvier 1981, RC. 212, inédit.
1120
T.G.I., Bukavu, 23 avril 1994, Affaire succession Wasso Lukumbia Medard c/ Longangi Willa et Barigereka
Majaribu, inédit.
1121
Dans le même sens T.G.I. Bukavu, 10 novembre 1994, K. contre N., R. AN. 147, in RJZ, janvier à décembre
1995, n° 1-3, p. 62.
328

Qu’en conséquence, le tribunal de ville est incompétent matériellement ;


Attendu que de tout ce qui précède, le tribunal de céans annulera le jugement n° RR.
39/T.V-BKV/1993 pour violation de la loi (articles 110, 134 et 162 du Code d’O.C.J., articles
755 et 934 du Code de la famille) et ce, en toutes ses dispositions tout en laissant les frais
d’instance à charge du trésor public.

Ces éléments montrent qu’en matière civile, le critère d’attribution des compétences
matérielles entre les juridictions coutumières et celles de droit écrit n’est pas établi sur la
hauteur de la valeur du litige mais sur la règle juridique applicable à la matière faisant l’objet
de la contestation1122.

La surveillance et le contrôle des juridictions coutumières sont exercés par le ministère


public. Mais nous pensons qu’il est grand temps que cela relève du siège pour des raisons de
technicité et d’efficacité en matière des jugements.

Section 3 : Le personnel judiciaire coutumier

Il comprend les juges et les auxiliaires de la justice.

§ 1. Les juges

La fonction de juge au sein des juridictions coutumières est exercée par les autorités
administratives (bourgmestre, administrateur du territoire, chefs de collectivité) et par les
juges autochtones désignés parmi les notables, compte tenu de leur connaissance des
coutumes.

§ 2. Les auxiliaires de justice

Les juridictions coutumières siègent avec l’assistance d’un greffier. Celui-ci a la


mission de dresser les procès-verbaux des audiences, exécuter les jugements, percevoir les
frais, récupérer les dommages-intérêts, tenir les registres. Il peut être secondé par les
secrétaires et les dactylographes. Les avocats et défenseurs judiciaires peuvent assister ou
représenter les parties devant les tribunaux coutumiers.

Section 4 : Critiques relatives au fonctionnement


des juridictions coutumières

Nous retiendrons l’absence de fondement juridique justifiant leur existence (a), la


création de discrimination entre congolais (b) et la nécessité de supprimer les juridictions
coutumières par un texte légal (c).

1122
CSJ, 10 août 1974, RC. 75, Bull., 1975, p. 236.
329

a) L’absence de fondement juridique justifiant leur existence

Notre raisonnement se fonde sur les dispositions de l’article 162 du Code d’OCJ,
l’article 934 du Code de la famille ainsi que la pratique judiciaire. En effet, l’article 162 du
Code d’O.C.J.déclare : « Jusqu’à l’installation des tribunaux de paix, les tribunaux de
grande instance seront compétents pour connaître en premier ressort des contestations qui
relèvent normalement de la compétence des tribunaux de paix ». De même, l’article 934,
alinéa 2 du Code de la famille déclare : « En attendant l’installation des tribunaux de paix sur
l’ensemble du territoire national, les actions soumises par la présente loi à leur compétence
seront jugées par les tribunaux de grande instance, là où les tribunaux de paix ne sont pas
encore installés ».

Or les articles ci-haut cités déclarent dans leur esprit que les matières relevant de la
coutume seront jugées devant les tribunaux de paix s’ils sont déjà installés ou devant les
tribunaux de grande instance si ceux-là ne sont pas encore installés. En d’autres termes, tous
les litiges relevant de la coutume ont été transférés soit devant les tribunaux de paix, soit
devant les tribunaux de grande instance. Ce qui veut dire que les tribunaux coutumiers n’ont
plus de fondement juridique en République Démocratique du Congo. C’est la raison pour
laquelle le tribunal de grande instance de Cataractes-Mbanza-Ngungu s’est déclaré compétent
pour connaître d’un conflit collectif de terres coutumières1123 au lieu du tribunal coutumier
d’autant plus que le tribunal de paix n’était pas encore installé.

Enfin, la pratique judiciaire montre que les juges coutumiers violent régulièrement les
lois écrites en rendant les jugements se référant au Code de la famille alors que cette matière
relève des juridictions de droit écrit (tribunaux de paix ou de grande instance), ce qui crée un
désordre judiciaire.

Toutes ces raisons montrent qu’il n’y a pas de fondement juridique justifiant
l’existence des juridictions coutumières.

b) La création de discrimination entre congolais

Nous avons souligné que les juridictions coutumières avaient été créées pour juger les
congolais non immatriculés1124. Or, depuis l’accession de la République Démocratique du
Congo à l’indépendance, il n’existe plus des congolais non immatriculés ou les congolais
immatriculés. Etant donné que ces juridictions coutumières ne jugent en principe qu’une
catégorie des congolais ; il nous semble qu’elles créent par conséquent une discrimination
entre congolais. Et pourtant l’article 12 de la Constitution congolaise déclare que tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois. Enfin, l’objectif

1123
T.G.I. Cataractes-Mbanza-Ngungu, 16 août 1996, M. et K. contre N, R. 2327, in RAJC, janvier à décembre
2002, fascicule unique, vol. VII, pp. 30-31.eu
1124
Article 10 bis des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
330

de leur création étant de juger les congolais non immatriculés, qui de surcroît n’existent plus,
l’on devrait donc en tirer les conséquences qui s’imposent, et envisager la nécessité de
supprimer les juridictions coutumières.

c) La nécessité de supprimer les juridictions coutumières par un texte légal

Toutes les critiques que nous avons relevées justifient sans doute la suppression des
juridictions coutumières.

En effet, nous avons développé plusieurs raisons qui montrent que sur le plan
purement juridique, sur le plan des objectifs de leur création ainsi que sur le plan de la
pratique judiciaire, les juridictions coutumières devraient disparaître. En conséquence, le
Président de la République ou le ministre de la Justice devrait prendre un texte mettant fin à
ces juridictions et le personnel coutumier pourrait être versé au greffe des tribunaux de paix
ou de grande instance ; et si nécessaire, les anciens juges coutumiers pourraient éclairer les
juges de paix ou de grande instance chaque fois qu’ils siègeraient dans les matières
nécessitant des connaissances des coutumes locales. En ce sens, les juges coutumiers
apporteraient leur expérience et leur sagesse ancestrale dans l’optique de ne pas déconnecter
les décisions judiciaires rendues par le juge de carrière (droit écrit) de la réalité locale.

De même, l’on pourrait faire appel à des anciens juges coutumiers en matière de
conciliation devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire étant donné qu’ils possèdent
une riche expérience à résoudre les conflits par le mécanisme de conciliation. Ces anciens
juges coutumiers pourraient aussi être des « experts » en coutume à la Cour de cassation et
dans toutes les juridictions si les nécessités l’exigent.

Après avoir développé les juridictions congolaises, il convient à présent d’aborder


l’organisation et la compétence des juridictions internationales. Elle fera l’objet de la
troisième partie.
331

3ème PARTIE
L’ORGANISATION ET LA COMPETENCE
DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

Cette étude relève en principe d’ouvrages spécialisés. Il nous paraît cependant utile
dans un ouvrage consacré à l’organisation et compétence judiciaires congolaises, de donner au
moins un aperçu sommaire de l’organisation et compétence des juridictions internationales
dont les principes (notamment les normes universelles du procès équitable) peuvent avoir des
répercussions dans l’organisation et la compétence judiciaires congolaises.

Pour des raisons pédagogiques (pratiques), nous aborderons cette partie en distinguant
au niveau de l’Afrique (chapitre I), au niveau de l’Europe (chapitre II) et au niveau des
Nations Unies (chapitre III).

Chapitre I : AU NIVEAU DE L’AFRIQUE

Section unique : La Cour Africaine des Droits de l’Homme


et des Peuples (CADHP)

La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est entrée en vigueur depuis
janvier 2004. Nous allons parcourir son organisation, ressort et siège (§ 1), sa composition (§
2), sa saisine (§ 3), ses compétences (§ 4) ainsi que les propositions pour une réforme (§ 5).

§ 1. Organisation, ressort et siège

L’article 2 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des


Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, prévoit
que la Cour complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples a conférées à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.

Son ressort couvre les Etats de l’Afrique qui ont ratifié le Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples.

Son siège est établi à Arusha (Tanzanie) mais la Cour peut toutefois siéger sur le
territoire de tout Etat membre de l’Union africaine (article 25 dudit protocole).
332

§ 2. Composition (articles 11 et 21 dudit Protocole)

La Cour est composée de onze juges ressortissants des Etats membres de l’Union
africaine, élus à titre personnel parmi des juristes jouissant d’une très haute autorité morale,
d’une compétence et expérience juridique, judiciaire ou académique reconnue dans le
domaine des droits de l’homme et des peuples. La Cour ne peut comprendre plus d’un juge de
la même nationalité.

La Cour élit son président et son vice-président pour une période de deux ans
renouvelable une seule fois (article 21, 1 dudit Protocole).

Les juges de la Cour sont élus par la Conférence des chefs d’Etat et des
gouvernements de l’Union africaine (article 14 dudit Protocole). Leur mandat est de six ans et
ils sont rééligibles une seule fois (article 15 dudit Protocole).

La Cour comprend enfin le greffier et les autres fonctionnaires du greffe qui sont
désignés par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

§ 3. Saisine de la Cour (article 5 du Protocole)

La Cour peut être saisie par :

- La Commission ;
- L’Etat partie qui a saisi la Commission ;
- L’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ;
- L’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme ;
- Les organisations intergouvernementales africaines.

Comme on peut le remarquer, les particuliers ne peuvent pas saisir la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples, et pourtant, ce sont eux qui sont souvent victimes de
violation des droits de l’homme.

Nous pensons que l’on devrait offrir aux particuliers cette possibilité de saisir
directement cette Cour africaine chaque fois qu’ils seraient victimes de violation des droits de
l’homme et des peuples. De la sorte, l’on inciterait les Etats de l’Afrique francophone à
aménager leurs législations afin d’éviter les éventuelles condamnations par la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples1125. Enfin, il n’est pas réaliste d’espérer que par des
recours étatiques, la jurisprudence de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
s’étoffe quand l’on constate que depuis l’existence de la Commission Africaine des Droits de

1125
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 630.
333

l’Homme et des Peuples, celle-ci n’a connu aucune communication d’un Etat contre un autre
alors que ce ne sont pas les occasions qui ont manqué1126.

§ 4. Compétences (articles 3 et 7 du Protocole)

La Cour a compétence pour connaître toutes les affaires et de tous les différends dont
elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du Protocole relatif à la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples, et de toute autre instrument pertinent relatif aux droits
de l’homme et ratifié par les Etats concernés (article 3 du Protocole).

La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent
relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné (article 7 du Protocole).

Enfin, la création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples tend à
compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples1127.

Or, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait adopté une
méthode d’interprétation enrichie de la Charte en s’inspirant explicitement de la jurisprudence
du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, des dispositions du Pacte International relatif
aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 19661128 et de la jurisprudence relative à la
Convention Européenne des Droits de l’Homme1129.

Dès lors, que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a la possibilité
de faire application de tout instrument pertinent des droits de l’homme et d’enrichir sa
jurisprudence par notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, elle
devrait en attendant sa parfaite maturation, retenir les critères de violation des droits de
l’homme tels que fixés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme d’autant plus qu’ils
ont fait leur preuve depuis plus de trois décennies. Ces critères vont pratiquement dans le
même sens que la jurisprudence du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en application
du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

1126
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière de droits de l’homme », R.T.D.H., 2004, pp. 770-771.
1127
Préambule du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
1128
Dans l’affaire Civil Liberties organisation et autre c/ Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 29, la Commission
africaine des droits de l’homme s’est inspirée de la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de
l’ONU dans les affaires Burgos et Estrella c/ Uruguay concernant la confidentialité des communications
entre avocat et son client.
1129
Dans l’affaire Huri-Laws c/ Nigeria du 6 novembre 2000, la Commission africaine des droits de l’homme
s’était inspirée de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Irlande c/ Royaume Uni de 1978, et
la décision de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’affaire Urrutikoetxea c/ France de
1996 pour préciser que l’évaluation du degré minimal de souffrance à atteindre pour constituer un traitement
inhumain et dégradant devait tenir compte d’éléments tels que la durée du traitement, l’âge et l’état de santé
de la victime.
334

Cela contribuerait plus efficacement à la protection des droits de l’homme en Afrique


et particulièrement en République Démocratique du Congo comme c’est le cas dans les pays
européens ayant adhéré à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Nous estimons
que cette solution pourrait se justifier d’autant plus que c’est la voie que la Commission
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait clairement indiquée lors des ses 28e et
29e sessions. En effet, sur 9 affaires examinées, seules 2 ont été tranchées au regard des
dispositions exclusives de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples1130. Dans
les sept restantes, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples s’était
basée sur la lecture combinée des articles 60 et 61 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples pour recourir à l’interprétation donnée par le Comité des Droits de
l’Homme de l’ONU de certaines dispositions du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques du 19 décembre 19661131. Avant de recourir à ces moyens d’interprétation externes,
la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait constaté que « ni la
Charte africaine ni sa résolution relative au droit de recours et le droit à un procès équitable
ne contiennent une disposition spécifique à la publicité du procès »1132. Certes, ce mécanisme
va contribuer de manière efficace à la protection des droits de l’homme en Afrique, mais
l’organisation de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nécessite des
propositions pour une réforme.

§5. Propositions pour une réforme

Elles tiennent compte de l’indépendance du juge (a), son impartialité (b) ainsi que la
nécessité des juges permanents à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (c).

a) L’indépendance du juge

L’article 32 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des


Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples prévoit
que les dépenses de la Cour, les émoluments, et les indemnités des juges, y compris les
dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l’Union africaine, conformément aux
critères arrêtés par celle-ci en consultation avec la Cour. Or, l’on admet généralement que
celui qui paie détient le pouvoir. La question qu’il faut se poser est celle de savoir si la
dépendance financière ne risque-t-elle pas de compromettre les exigences d’indépendance des

1130
Affaire Avocats sans frontières c/ Burundi, 231/99, 6 novembre 2000 où une violation de l’article 7,§ 1 C de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples avait été constatée pour le refus d’une Cour
criminelle de reculer la date d’un procès pour cause d’absence de l’avocat de la défense ; affaire John K.
Modise c/ Botswana, 97/93, 6 novembre 2000 où l’auteur de la communication a pu faire constater une
violation des articles 3, § 2 et 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantissant
respectivement le droit de toute personne à une égale protection de la loi et le droit à la reconnaissance de la
personnalité juridique.
1131
Notamment le commentaire n° 13 de 1984 du C.D.H. sur le droit à un procès équitable ainsi que le
commentaire n° 18 de 1989 concernant l’affaire légal ressources fondations c/ Zambie, 211/98, 7 mai 2001
sur la non- discrimination où l’article 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples était en
jeu.
1132
Voy. Affaire Média Rigths Agenda c/ Nigeria, 224/98 du 6 novembre 2000, §§ 51 et 66 ; Civil liberties
organisation et autre c/ Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 24.
335

juges de la Cour vis-à-vis de leurs Etats. Aussi, leur traitement sera-t-il suffisant pour garantir
leur indépendance dès lors que la plupart des pays membres de l’Union africaine, la situation
des finances publiques soulève de sérieuses préoccupations. Nous estimons que l’Union
africaine devrait voter annuellement un budget qui sera mis à la disposition de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et il appartiendra à celle-ci de prévoir des
émoluments et traitement décents à l’égard des juges de la Cour qui leur permettra de juger en
toute indépendance.

Enfin, l’article 14, 1 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
prévoit que les juges de la Cour sont élus par la Conférence de chefs d’Etats et de
gouvernements de l’Union africaine. Autrement dit le choix des membres de la Cour
appartient aux Etats parties, donc forcement aux hommes politiques. Cela pourrait favoriser
une prise en compte de considérations politiques dans le choix des juges1133.

En vue d’y pallier, nous estimons que les candidats juges de la Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples devraient être présentés par la Cour de cassation nationale
ou le Conseil supérieur de la magistrature et pas uniquement par les parties contractantes au
protocole. Cette possibilité est semblable au système de nomination des juges de la Cour
permanente d’arbitrage1134 ou aux juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui
eux sont élus par un organe parlementaire européen, à partir d’une liste de trois noms
proposés par l’Etat au titre duquel ils vont siéger1135. De cette manière, les juges de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pourraient exercer leur fonction en toute
indépendance, sans aucune influence des autorités politiques nationales. Ils devraient ainsi
avoir un esprit large et une culture juridique des droits de l’homme dépassant les frontières
nationales. Une véritable indépendance des juges est donc nécessaire pour garantir une justice
sereine au niveau de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

b) L’impartialité du juge

Elle est prévue aux articles 16, 17 alinéas 1, 18 et 22 du Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples. En effet, l’article 16 dudit Protocole prévoit qu’après leur
élection, les juges prêtent serment d’exercer leurs fonctions en toute impartialité. L’article 17
de ce Protocole dit que les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans laquelle ils sont
antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membre
d’un tribunal national ou international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre.
L’article 18 du même Protocole prévoit que les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles

1133
A. I. SOW, « Les juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in Revue juridique et
politique indépendance et coopération, 2001, p. 43.
1134
Ibidem.
1135
G. MALINVERNI, «L’indépendance de la Cour européenne des droits de l’homme », in Libertés, justice,
tolérance. Mélanges en hommage au Doyen COHEN-JONATHAN, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, 1181.
336

avec toutes autres activités de nature à porter atteinte aux exigences d’impartialité liées à la
fonction et telles que stipulées dans le Règlement intérieur. Enfin, l’article 22 de ce Protocole
déclare qu’au cas où un juge possède la nationalité d’un Etat partie à une affaire, il se récuse.

Les dispositions relevées montrent que les exigences d’impartialité sont


suffisamment respectées mais les termes de l’article 22 dudit Protocole pourraient poser
problème dans la pratique étant donné qu’à ses yeux, la nationalité peut porter atteinte à
l’impartialité. En clair selon cet article, la nationalité du juge est une cause du déport. En
effet, l’on ne doit pas oublier que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a
vocation à intégrer « grosso modo » quatre systèmes juridiques1136 et que cette pluralité de
système appelle une représentativité qui offre des avantages fonctionnels non négligeables. Et
d’ailleurs, le Protocole portant création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples souligne que la Cour reflète une répartition géographique équitable ainsi que les
grands systèmes juridiques1137. Derrière ces termes généraux se cache le souci d’avoir
disposition une expertise avérée dans la connaissance du droit interne applicable dans le plus
grand nombre possible d’Etats membres1138. Comment espère-t-on, du moins aux débuts du
fonctionnement de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples exercer cette
dialectique complexe et subtile si tous les juges, celui dont la compétence et l’expérience
juridique1139 sont les plus spécifiques est obligé de se déporter tout simplement parce qu’il a la
nationalité d’un Etat partie à une affaire ?

Dans le système de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le juge n’a aucune
obligation de se déporter du simple fait de sa nationalité1140 parce que ce système repose sur
une fiction du juge international : un juge totalement désincarné et détaché de ses liens
nationaux. Les juges sont ainsi considérés comme caisses de résonance où seuls les
mécanismes juridiques trouveraient écho. Il est moins utile de considérer que le juge n’est que
pure subjectivité et que sa coloration nationale le détermine automatiquement comme suspect
de partialité comme c’est le cas de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
L’efficacité de ce déport du juge national se révèle douteuse dans le système de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

C’est pourquoi, nous estimons que l’on devrait imaginer une suppression de
l’obligation de se déporter que l’on couplerait en cas de besoin une simple interdiction de
prendre part au vote. Une telle solution présenterait les avantages suivants :

1136
En réalité quatre qui correspondent aux différentes langues qui ont cours au sein de l’Union africaine soit :
francophone, anglophone, arabophone et lusophone.
1137
Article 14, alinéa 2 dudit Protocole.
1138
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière des droits de l’homme », in RTDH, 2004, p. 787.
1139
Article 11 al. 1 du Protocole relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
1140
Voy. J.P. MARGUENAUD et A. LANGENIEUX, « De l’impartialité et de l’indépendance des juges de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Droit et procédures, novembre- décembre 2003, n° 6, pp. 337
et s.
337

- de permettre un exposé aussi complet que possible du droit interne applicable (ce qui
sera souvent le rôle du Conseil d’Etat en cause) et une appréciation aussi juste que
possible de la part de la Cour (ce à quoi veillera le « juge national »).
- De permettre le respect ou le renforcement de l’impartialité du juge puisque sa voix ne
sera pas prise en compte dans le calcul de la majorité ; il ne pourra ainsi être d’aucune
utilité à aucun Etat qui voudrait éviter coûte que coûte une condamnation.
- De ne pas occasionner de charge supplémentaire pour le budget de la Cour (ce que
l’on reprocherait à la technique du juge ad hoc).
- D’éviter que les membres de la Cour ne puissent pas exercer la présidence dans une
affaire dans laquelle est partie l’Etat dont ils sont ressortissants.
Dans ces conditions, les impératifs au déport inconciliables d’impartialité de
représentativité et de moyens budgétaire limités auraient été pris en charge.

c) La nécessité des juges permanents

Tous les juges de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à
l’exception du président, exercent leurs fonctions à temps partiel1141. L’on ne serait pas
excessif d’affirmer que l’Afrique est le continent où y a existé ces cinquante dernières années
les violations massives des droits de l’homme : le génocide, crimes de guerre, crimes contre
l’humanité, exécutions politiques sommaires, viol de femmes particulièrement les mineurs,
arrestations arbitraires, assassinats politiques, tortures, etc. On peut se demander dans quelle
mesure l’on peut lutter efficacement contre cette réalité dès lors que les juges de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ne sont pas permanents.

Nous estimons que les juges de la Cour Africaine devraient être permanents d’autant
plus que cela renforcerait sa mission de veiller à la protection des droits de l’homme et des
peuples1142 et mettrait fin à la culture d’impunité en matière de violation des droits de
l’homme. Il est incompréhensif de créer une Cour Africaine des Droits de l’Homme chargée
de statuer sur les atteintes portées aux droits de l’homme sans prévoir des juges permanents
(ayant un mandat bien précis) et sans lui accorder les moyens financiers, humains et
logistiques nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

Une fois que les juges sont permanents, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples pourrait ainsi construire une jurisprudence stable, cohérente en matière de
violation des droits de l’homme. L’on ferait donc appel à des juges ad hoc dans les cas
exceptionnels. De cette matière, les violations massives des droits de l’homme pourraient être
luttées et jugées plus efficacement.

1141
Article 15, alinéa 4 du Protocole portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.
1142
Préambule du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création
d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
338

Chapitre II : AU NIVEAU DE L’EUROPE


Section unique : La Cour Européenne des Droits de l’Homme
(CEDH)

Elle est issue de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10


décembre 1948 par l’ONU et la Convention Européenne des Droits de l’Homme signée à
Rome le 4 novembre 1950 entre les Etats membres et le Conseil de l’Europe, étendue
aujourd’hui à 46 Etats dont la Russie et la Géorgie1143.

Cette Convention Européenne des Droits de l’Homme avait été signée entre plusieurs
Etats pour s’engager entre eux à garantir certaines libertés fondamentales inhérentes au
respect et à la dignité humaine : le droit à la vie, la prohibition de l’esclavage, l’interdiction
des tortures, la liberté de penser, la liberté d’expression, le droit à un procès équitable, etc.1144.
L’objectif recherché est d’organiser une véritable protection internationale des droits de
l’homme et par delà cette protection, d’instaurer au sein des démocraties européennes une
sorte de droit commun des droits et des libertés.

Cela a été facilité par deux facteurs :

- Les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés


Fondamentales (CEDH) sont d’application directe dans chacun des pays signataires,
tels qu’en Belgique et en France où l’on peut invoquer la Convention devant les Cours
et tribunaux ;
- La mise en place de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a pour mission de
constater les atteintes aux droits de l’homme reconnues par la Convention et, le cas
échéant, d’attribuer à la victime une réparation appropriée1145.

Nous aborderons brièvement le ressort et siège (§ 1), sa composition (§ 2), sa saisine


(§ 3), la recevabilité de la demande (§ 4), ses compétences (§ 5) ainsi que la portée des arrêts
de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (§ 6).

§ 1. Ressort et siège

Son ressort comprend les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié et
adhéré à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Son siège est à Strasbourg (France).

1143
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 150, p. 300. On se gardera de confondre le Conseil de l’Europe qui réunit la quasi-totalité
des pays européens, avec l’Union européenne qui forme un cercle plus restreint, actuellement limité à 27
Etats et qui a pour objectif de réaliser un marché commun dans le cadre d’une intégration européenne. Ainsi,
par exemple, la Russie, l’Albanie et la Turquie font partie du Conseil de l’Europe, mais non l’Union
européenne.
1144
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 310, pp. 254 et 255.
1145
Ibidem.
339

§ 2. Composition

La Cour Européenne des Droits de l’Homme est composée d’un nombre de juges égal
à celui du nombre d’Etats membres, au sein du Conseil de l’Europe, soit 46 juges. Les juges
sont élus pour un mandat de six ans par l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe,
choisis sur une liste établie par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe1146. Le
renouvellement se fait par moitié tous les trois ans. La Cour élit son président tous les trois
ans, ainsi que deux vice-présidents et les quatre présidents de chambre.

Les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les
considérations requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ; leur limite d’âge est
de 70 ans. Les juges siègent à titre individuel, ils ne représentent donc aucun Etat. Il n’y a
aucun avocat général pour exercer les fonctions du ministère public1147.

La Cour est divisée en 4 sections et en 4 chambres de 7 membres dans chaque section.


La structuration de la Cour reflète une quadruple préoccupation : filtrer les requêtes
manifestement irrecevables ou infondées, démultiplier la juridiction en plusieurs formations
de jugement, assurer l’unité de la jurisprudence et permettre exceptionnellement la révision
d’arrêts de formation de jugement.

§ 3. Saisine de la Cour Européenne

La Cour Européenne connaît deux types d’affaires :


- Les affaires interétatiques : tout Etat partie à la Convention peut saisir la Cour de tout
manquement aux dispositions de la Convention et de ses protocoles qu’elle croira
pouvoir être imputé à un autre Etat partie (article 33 de la Convention) ;
- Le requêtes individuelles : toute personne physique, toute organisation non
gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d’une violation
par l’un des Etats parties des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles,
peut saisir la Cour par requête (article 34 de la Convention).

1146
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 152, pp. 303-304; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12ème éd. Montchrestien,
2006, n° 312, p. 256; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p.
273 ; M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd. PUF, 1996, p. 203 ; J. P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 264, p. 187 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions
judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p. 101.
1147
R. PERROT, Ibidem, p. 256.
340

§ 4. La recevabilité de la demande

L’article 35 de la Convention fixe les conditions de recevabilité de la requête :

- La Cour ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes ;
- La requête doit être introduite dans un délai de 6 mois à partir de la date de la décision
interne définitive ;
- La requête ne peut être anonyme ;
- En l’absence des faits nouveaux, elle ne peut être essentiellement la même qu’une
requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance
internationale d’enquête ou de règlement ;
- La requête doit être compatible avec les dispositions de la Convention ou de ses
protocoles ;
- Elle est irrecevable si elle est manifestement mal fondée ou abusive.

§ 5. Compétences

a) Compétences personnelles

- Le demandeur peut être tout Etat signataire de la Convention européenne des droits de
l’homme ou toute autre personne physique (mineure ou majeure et peu importe sa
nationalité) ou organisation non gouvernementale se présentant victime d’une
violation des droits de l’homme par l’un des Etats membres.
- Le défendeur doit être un Etat, la violation des droits de l’homme doit pouvoir être
imputée à une action ou à une inaction1148.

b) Compétences matérielles

La Cour peut connaître les violations alléguées de la Convention et des protocoles


additionnels qui lui ont ajouté la garantie des droits supplémentaires1149.

A ce titre, elle peut constater les infractions aux droits de l’homme garantis par la
Convention et ses protocoles, faire reconnaître à la victime ses droits issus de ces textes et
allouer à cette victime une réparation1150.

1148
CEDH, 26 mars 1985, Affaire X et Y c/ Pays-Bas.
1149
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris,
8e éd. Dalloz, 2005, n° 153, p. 305.
1150
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 271.
341

§ 6. La portée des arrêts de la Cour Européenne

Les arrêts rendus par la Cour, y compris les arrêts de recevabilité ou d’irrecevabilité,
doivent être motivés (article 45 de la Convention). Toutefois, le juge qui n’approuve pas la
solution retenue peut exprimer sa dissidence (article 45, § 2 de la Convention).

Les Etats s’engagent à se conformer aux décisions de la Cour (article 46 de la


Convention). Dans le cas où les circonstances ne permettraient pas d’effacer complètement les
conséquences de violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des
Libertés Fondamentales, la Cour peut accorder à la victime une « satisfaction équitable »
c’est-à-dire pratiquement des dommages-intérêts à l’encontre de l’Etat (article 41 de la
Convention), lesquels pourraient être d’un montant assez élevé1151. En réalité, le Comité des
ministres du Conseil de l’Europe est chargé de surveiller l’exécution des arrêts de la Cour
(article 46 de la Convention) et que l’Etat qui s’y déroberait s’exposerait à une grave censure
morale sur le plan des relations internationales1152.

1151
J.F. FLAUSS, « Réquisitoire contre mercantilisation excessive du contentieux de la réparation devant la
Cour européenne des droits de l’homme » (à propos de l’arrêt de Beyeler c/ Italie du 28 mai 2002), in
Recueil Dalloz, 2003, chron. 227 et s.
1152
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 314, p. 259.
342

Chapitre III : AU NIVEAU DES NATIONS UNIES


Nous examinerons brièvement la Cour Pénale Internationale (section 1) et la Cour
Internationale de Justice de La Haye (section 2). Nous n’aborderons donc pas ici les tribunaux
ad hoc (créés pour certaines circonstances) tels que le tribunal pénal international pour l’ex
Yougoslavie et le tribunal pénal international pour le Rwanda dès lors qu’ils ne sont pas
permanents.

Section 1 : La Cour Pénale Internationale (CPI)

§ 1. Origine

La répression pénale a toujours été considérée comme relevant du domaine exclusif


de chaque Etat, ce qui, en d’autres termes, se prête le moins bien à la constitution de
juridictions internationales, dans la mesure où la répression débouche le plus souvent sur une
coercition physique dont on conçoit mal qu’elle puisse être exercée au nom d’une autre
autorité que le Souverain du pays où l’infraction a été commise. Pour cette raison, le droit
pénal a toujours été marqué d’une empreinte nationaliste très accentuée.

Cette vision traditionnelle a beaucoup évolué. En effet, le XXème siècle a tristement


été le théâtre de graves conflits meurtriers à caractère collectif qui ont tellement indigné la
conscience humaine que l’on est arrivé à penser que des crimes commis à l’initiative des
dirigeants de certains Etats (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) ne
pouvaient rester impunis.

C’est pourquoi, dès la fin de seconde guerre mondiale, le tribunal de Nuremberg (en
Allemagne) fut constitué afin de juger les criminels de guerre nazis (qui avaient exterminé
plus de 6.000.000 de juifs). Quelques décennies plus tard, le temps des horreurs s’imposait de
nouveau, en 1991 sur le territoire de l’ex. Yougoslavie, puis en 1994 au Rwanda : purification
ethnique, tueries et massacres collectifs, extermination par le viol systématique de femmes,
exécutions sommaires…Le temps de l’impunité devraient prendre fin. Et pour réprimer les
crimes des dirigeants qui avaient été les instigateurs ou les complices, l’ONU créa d’une part,
le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY)1153, et d’autre part, le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda (TPIR)1154.

Mais on observera que toutes les juridictions apparaissent comme des juridictions
« ad hoc » à compétence limitée dans le temps (temporaires) et dans l’espace (lieu bien
localisé). Et comme malheureusement, les passions guerrières ne tarissent pas comme on le
remarquera en République Démocratique du Congo, l’ONU décida d’instituer une juridiction
pénale, cette fois à caractère permanent, que l’on appelle la Cour Pénale Internationale (CPI).

1153
Résolution du Conseil de sécurité n° 808 et 827 du 22 février et 25 mai 1993. Son siège a été fixé à La Haye
(Pays-Bas).
1154
Résolution du Conseil de sécurité n° 955 du 8 novembre 1994. Son siège a été fixé à Arusha (Tanzanie).
343

Le principe de cette Cour a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome, approuvé par 148
Etats et ratifié par 94 Etats1155. Il est à remarquer que certaines grandes puissances comme les
Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël se sont opposés à la Cour.

La mise en place de cette institution a été plus rapide que l’on ne le prévoyait
généralement, nonobstant une hostilité des Etats-Unis d’Amérique qui entendent soustraire
leurs citoyens à cette juridiction. Le traité de la création de la Cour pénale internationale est
entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification de plus de 60 Etats (son entrée en
fonction impliquait la ratification de 60 Etats).

L’inauguration officielle de la Cour a eu lieu le 11 mars 2003 à La Haye (Pays-Bas).


Le règlement de la Cour a été adopté le 26 mai 2004. La décision portant constitution des trois
chambres préliminaires a été publiée le 23 juin 2004. Deux affaires concernant la République
Démocratique du Congo et l’Ouganda ont fait l’objet d’un renvoi par le procureur devant les
chambres préliminaires et des centaines de plaintes ont déjà été adressées à la Cour. De même
le procès de Thomas Lubanga (poursuivi pour enrôlement forcé d’enfants dans l’armée dans
l’Ituri, en République Démocratique du Congo) commencera le 31 mars 2008. On peut
espérer que la mise en place de la Cour pénale constituera un élément de dissuasion dans de
nombreux conflits armés où pourraient se commettre des crimes de masse1156.

§ 2. Ressort et siège

Son ressort s’étend aux Etats qui ont ratifié ou adhéré au Traité portant création de la
Cour Pénale Internationale. Son siège est à La Haye (Pays-Bas).

§ 3. Composition

La Cour Pénale Internationale comprend 4 organes essentiels : la présidence, les


sections, le bureau du procureur et le greffe.
- La présidence : c’est l’organe chargé de l’administration de la Cour. Elle comprend un
président et deux vice-présidents élus par les juges pour trois ans.
- Les sections : la Cour est composée de 18 juges élus pour 9 ans par l’Assemblée des
Etats parties pour un mandat non renouvelable.
- Le bureau du procureur : Il est totalement distinct de la Cour elle-même. Il est élu par
les membres de l’Assemblée des Etats partie. Il est assisté par un ou plusieurs
procureurs adjoints. C’est lui qui reçoit toutes les informations sur les infractions de la
compétence de la Cour. Il conduit les enquêtes et soutien l’accusation dans la plus
totale indépendance1157.

1155
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 160-10, p. 332. A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 278.
1156
Ibidem, p. 333.
1157
Ibidem, n° 160-13, p. 334.
344

- Le greffe : Il exerce toutes les attributions non judiciaires de la Cour. Le greffe est élu
par les juges pour cinq ans et est rééligible une fois. Il est aussi chargé d’organiser sur
un plan matériel une protection des victimes et des témoins.

§ 4. Saisine de la Cour

Elle s’opère par :

- Un Etat (requête faite au procureur) ;


- Le procureur, d’office ;
- Le Conseil de sécurité des Nations-Unies.

§ 5. La procédure

- Enquête ouverte par le procureur sous le contrôle de la chambre préliminaire ;


- Audience de confirmation des charges tenues par la chambre préliminaire ;
- Procès public devant une chambre de première instance.

§ 6. Compétences

a) Compétences territoriale et personnelle

La Cour ne peut être compétente que si l’infraction a été réalisée sur le territoire d’un
Etat partie à la Convention ou si la personne accusée du crime est un ressortissant d’un Etat
partie. Un Etat non partie pourra cependant reconnaître la compétence de la Cour à l’égard
d’un crime particulier1158. La Cour n’est compétente que pour les crimes commis après
l’entrée en vigueur du statut c’est-à-dire depuis le 1er juillet 20021159. La Cour est un organe
complémentaire appelé à n’exercer ses pouvoirs que dans les cas où les Etats nationaux sont
dans l’incapacité ou ne manifestent pas la volonté de poursuivre eux-mêmes les responsables.

b) Compétence matérielle

La Cour est compétente pour juger des génocides, des crimes contre l’humanité, des
crimes de guerre et des crimes d’agression (non définis à ce jour).

- Le génocide consiste en des actes commis dans l’intention de détruire en tout ou en


partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux (meurtres, atteintes à l’intégrité

1158
Article 12 du statut de la Cour pénale internationale.
1159
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 160-16, p. 335. A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 279.
345

physique ou mentale, imposition de conditions de vie inhumaines, de mesures empêchant les


naissances dans le groupe, le transfert forcé d’enfants)1160.

- Les crimes contre l’humanité sont des actes commis en connaissance de cause «
dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute une population
civile (meurtres, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de
populations, emprisonnements, tortures, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse
forcée, stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité, persécution de tout
groupe (… )pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou
sexiste (…), disparitions forcées de personnes, crimes d’apartheid) »1161.

- Les crimes de guerre sont des actes violant les conventions de Genève de 1949 et
les lois et coutumes de la guerre en vigueur dans le droit international.

Les crimes qui relevaient de la compétence de la Cour (génocide, crime de guerre,


crime contre l’humanité) ne sont pas faciles à définir ; et d’autant moins qu’ils concernent
des dirigeants ayant eu, de près ou de loin, des responsabilités politiques qu’ils utilisent
volontiers comme une sorte de paravent1162. Seul l’avenir dira si le droit pénal est apte à
intervenir de façon efficace dans un domaine aussi sensible que celui de la politique
internationale.

Section 2 : La Cour Internationale de Justice de La Haye (CIJ)

La Cour internationale de justice – qui siège à La Haye1163 – a pour mission, sinon


exclusive du moins essentielle, de se prononcer sur les différends de nature juridique qui
peuvent surgir entre les puissances étrangères : par exemple une contestation sur la
délimitation de leurs frontières, ou un litige sur l’utilisation des eaux territoriales. Au lieu
d’en venir aux armes, comme ce fut le cas trop souvent dans les siècles passés, la sagesse veut
que les Etats en réfèrent à une juridiction internationale dont l’impartialité n’est contestée par
personne et qui tranchera en droit le différend qui les oppose1164.

Elle est aujourd’hui, comme le souligne l’article 92 de la Charte de l’ONU, « l’organe


judiciaire principal des Nations Unies ». C’est la raison pour laquelle elle est régie par cette
Charte (articles 92 à 96) et par un statut qui en fait partie intégrante (article 92 de la Charte).
Tous les Etats, membres de l’ONU sont « ipso facto parties au statut de la Cour » (article 93

1160
J.P.SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 266-8, p. 192 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.11.
1161
Ibidem.
1162
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 316, p. 261.
1163
C’est pourquoi on la désigne couramment en parlant de la « Cour Internationale de La Haye ».
1164
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 306, p. 252.
346

de la Charte). Nous aborderons brièvement le ressort et siège (§ 1), sa composition (§ 2), son
fonctionnement (§ 3), ses compétences (§ 4) ainsi que la portée de ses arrêts (§ 5).

§ 1. Ressort et siège

Son ressort comprend tous les Etats membres de l’ONU, son siège est à La Haye
(Pays-Bas).

§ 2. Composition

La Cour est composée de 15 juges élus pour 9 ans par l’Assemblée Générale des
Nations Unies et le Conseil de sécurité (articles 3 et 4 du Statut) sur les listes proposées par
chaque Etat comprenant des personnalités indépendantes et de compétence notoire en droit
international. Les juges qui la composent doivent faire preuve de neutralité par rapport à leur
pays, sont élus pour assurer « la représentation des grandes formes de civilisation et des
principaux systèmes judiciaires mondiaux » (article 9 du Statut) ; en outre, la Cour ne peut
comprendre plus d’un membre ressortissant du même Etat (article 3 du Statut).

La répartition géographique se fait de la manière suivante : 5 membres de l’Afrique et


de l’Asie, 2 membres de l’Amérique latine, 1 membre de l’Europe centrale, 2 membres de
l’Europe occidentale, et enfin, 5 membres appartenant aux Etats membres permanents du
Conseil de sécurité (USA, Russie, Royaume Uni, France et Chine).

Le président et son vice-président sont élus par la Cour pour une durée de 3 ans, ils
sont rééligibles. Le statut des juges de la Cour est commandé par la nécessité de garantir à ses
membres la plus totale indépendance, afin de soustraire chacun d’eux à toute pression
extérieure et spécialement à celle de l’Etat dont est ressortissant. Les juges sont aussi
inamovibles.

§ 3. Fonctionnement (Saisine)

- Seuls les Etats peuvent ester devant la Cour (les 189 Etats membres de l’ONU et la
Suisse qui vient d’adhérer au Statut).
- La requête individuelle prévue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est
pas possible1165.

1165
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 276.
347

§ 4. Compétences

a) Compétence personnelle

Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour (article 34 du Statut).
Cependant, la Cour a admis, dans son avis du 11 avril 1949, qu’une organisation
internationale – en l’espèce l’ONU – ait qualité pour agir devant elle1166.

b) Compétences matérielles

1. Compétence consultative

- Donner les avis à titre facultatif à l’Assemblée générale de l’ONU ou le Conseil de


sécurité ou d’autres organes ou institutions de l’ONU autorisées par l’Assemblée
Générale de l’ONU, sur toute question juridique1167. Exemple : avis donné sur la
question du Sahara occidental divisant l’Espagne et le Maroc.
- Emettre des avis à titre obligatoire sur les jugements pris par le tribunal administratif
des Nations Unies concernant les litiges qui opposent ses fonctionnaires aux organes
de l’ONU (article 92 de la Charte).

2. Compétence contentieuse

Elle s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront c’est-à-dire régler les
litiges internationaux qui lui sont soumis (articles 36 à 38 du Statut).
Exemple : contentieux sur les limites frontalières, sur l’utilisation des matières premières
provenant des eaux territoriales, sur l’élimination des déchets dans l’atmosphère.
Il convient de noter à ce sujet que depuis 1946, la Cour a rendu 74 arrêts sur les questions
concernant notamment les frontières terrestres, les délimitations maritimes, la souveraineté
territoriale, le non-recours à la force, la prise d’otage, le droit d’asile, etc.1168.

§ 5. La portée des arrêts de la Cour

Les décisions prises par la Cour Internationale de Justice de La Haye sont définitives,
sans recours et exécutoires1169. Mais la compétence de cette Cour doit être acceptée par les
Etats en cause1170.

1166
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 148, p. 298.
1167
Art. 65 Statut et art. 92 de la Charte de l’ONU. Entre 1946 et 2005, la Cour a rendu 25 avis consultatifs ;
Voy. J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, op. cit., n° 146, p. 297.
1168
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey, 2004, p. 277.
1169
Ibidem.
1170
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 309, p. 254 ; J.P.SCARANO,
Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 260, p. 184 ; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p. 108.
348

Certes, la Cour dit le droit ; mais à défaut d’un exécutif international réellement
efficace, si l’Etat n’exécute pas spontanément la condamnation prononcée contre lui et
persiste à se dérober à ses obligations, les moyens de contrainte deviennent problématiques.

Tout au plus, l’Etat bénéficiaire de l’arrêt peut-il recourir au Conseil de sécurité,


lequel, « s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à
prendre pour faire exécuter l’arrêt » (article 96 de la Charte). Cela demeure cependant très
théorique1171 car la mise en œuvre d’une telle exécution forcée n’a pas reçu jusqu’ici
d’application pratique1172. Disons que l’on peut en revenir pratiquement à l’épreuve de force
par des moyens indirects de coercition, dont l’embargo est l’exemple-type1173.

1171
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd. PUF, 1996, p. 205.
1172
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires, Paris, 8e éd.
Dalloz, 2005, n° 149, p. 299.
1173
R. PERROT, op. cit., p. 250; J. P. SCARANO, op.cit, n° 260, p. 185; N. FRICERO, op.cit., p. 108.
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240. VITU A., « La récusation en matière pénale », in Mélanges dédiés à Jean VINCENT,
Paris, éd. Dalloz, 1981, pp. 427 et s.
241. WALINE M., « Pouvoir exécutif et justice », in Justice, Paris, PUF, 1961, pp. 100
et s.
242. WASENDA N’SONGO, « La prise à partie », in RAJC, 1999, pp. 44-45.
243. WASENDA N’SONGO, note sous C.S.J., 20 janvier 2004, R.L. 09, in RAJC, janvier à
juin 2004, fascicule I, pp. 16-17.
244. YAKPO E.K.M., « The Right to a fair Trial and the Independance of the Judges and
Lawyers in Africa », in Le droit à un procès équitable en Afrique, séminaire
international de Dakar du 9 au 11 septembre 1999, pp. 6-7.
369

PRINCIPALES ABREVIATIONS
1ère Inst. Tribunal de première instance
Act. jurisp. Actualité jurisprudence
Aff. Affaire
AJDA Actualité juridique - Droit administratif
Al. Alinéa
Ann. parl. Annales parlementaires
Arr. C.A. Arrêts de la Cour d'arbitrage belge
Art. Article
ASADHO Association Africaine de Défense des Droits de l’homme
Ass. Assenblée
Ass. gén. Assemblée générale
Ass. nat. Assemblée nationale
Ass. plén. Assemblée plénière
B.O. Bulletin officiel du Congo belge
BOMA Cour d’appel de Boma
BUKAVU Cour d’appel de Bukavu
Bull. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation chambre civile
Bull. contr. Bulletin des contributions
C. const. Conseil constitutionnel ou Cour constitutionnelle
Bull. crim. Bulletins des arrêts de la Cour de cassation chambre criminelle
Bull. inf. Bulletin d'informations
Bull. inf. Cour cass. Bulletin d'informations de la Cour de Cassation
C.A. Cour d'appel ou Cour d'arbitrage belge
C.A.A. Cour administrative d’appel
CADHP Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ou Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Cah. Dr. jud. Cahier de droit judiciaire
Cass. ass. plén. Cour de Cassation assemblée plénière
Cass. belge Cour de Cassation belge
Cass. franç. Cour de Cassation française
Cass. soc. Cour de Cassation chambre sociale
Cass: Cour de Cassation
C.D.H Comité des droits de l’homme de l’ONU
C.E. Conseil d'État
CEDH Cour européenne des droits de l'homme ou Convention
Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales
C.I. Cr. Code d'instruction criminelle belge
C.I.J Cour Internationale de Justice de La Haye
C.I.M.A. Centre pour l'Indépendance des Magistrats et des Avocats
Ch. Repr. Chambre des Représentants
370

Ch. Chambre
Chron Chroniques
C.G.G. Conseil de guerre général
C.J.M. Code judiciaire militaire
C.O.C.J. Code d’organisation et compétence judiciaires
C.P.A.S. Centre Public d'Action (Aide) Sociale
C.P.H. Conseil de prud'hommes
CPI Cour Pénal International
C.S.E. Cour de sûreté de l’Etat
C.S.J. Cour suprême de justice
C.S.M. Conseil supérieur de la magistrature
C.U.P. Commission - Université - Palais
C.O.C.J. Code d’organisation et compétence judiciaire
Coll. Collection
Comm. EDH Commission européenne des droits de l'homme
Concl. Conclusions
Cour mil. Cour militaire
D. Recueil Dalloz
D.C.C. Décision de la Cour constitutionnelle du Bénin
D.R. Décisions et rapports de la Commission européenne des droits de
l'homme
Doc. parl. Document parlementaire
Doc. parl. ch. Document parlementaire chambre des Représentants
Doc. parl. sen. Document parlementaire Sénat
Doctr. Doctrine
Dr. pén. Droit pénal
Dr et procéd. Droit et procédures
Dr. soc. Droit social
Ed. Édition(s)
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem
I.D.J. Information et documentation juridiques
I.P.J. Inspecteur de police judiciaire
I.R. Informations rapides
J.C.P. Juris-classeur périodique ou La Semaine Juridique
J.J.P. Journal des juges de paix et de police
J.L.M.B. Revue de jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles
J.O. Journal officiel
J.T. Journal des tribunaux
J.T.O.M. Journal des tribunaux d'Outre-mer
Journ. dr. j. Journal du droit des jeunes
Journ. proc. Journal des procès
Jur. Jurisprudence
371

Jur. comm. Jurisprudence commentaire


KANANGA Cour d’appel de Kananga
Kin Cour d’appel de Kinshasa
KIS Cour d’appel de Kisangani
Larc. cass. Larcier cassation
Léo Cour d’appel de Léopoldville (Kinshasa)
L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
L’shi Cour d’appel de Lubumbashi
MBUJIMAYI Cour d’appel de Mbujimayi
M.C. Moniteur congolais
Mon. be ou Monit.be Moniteur belge
Mons Cour d'appel de Mons
M.P. Ministère public
NCPC Nouveau Code de procédure civile français
n° Numéro
obs. Observations
O.C.J. Organisation et compétence judiciaires
O.P.J. Officier de police judiciaire
ONU Organisation des Nation Unies
p. Page
p. ex. par exemple
PFDU Publications des Facultés de Droit des Universités du Congo
Pas. Pasicrisie belge
pp. Pages
Proc. gén. Procureur général
P.U.F. Presses universitaires de France
R.A. Registre d’appel ou Rôle d’appel
R.A. ou R.A.I. Registre du rôle administratif en premier et dernier ressort
R.A.A. Registre du rôle administratif d’appel
R.A.C.E. Recueil des arrêts du Conseil d’Etat de Belgique (1946-1986)
R.A.J.C. Revue analytique de jurisprudence du Congo
R.A.J.Z. Revue analytique de jurisprudence du Zaïre
R.A.R. Registre du rôle d’appel de récusation
R.C. Registre du rôle civil de cassation ou Rôle civil
Rec. C.E. Recueil des arrêts du Conseil d'État
Rec. CC Recueil des décisions du Conseil constitutionnel
R.C.D., II Revue congolaise de Droit, 2ième partie
R.C.J.B. Revue critique de jurisprudence belge
R.D. Congo République démocratique du Congo
R.D.C. Revue de droit commercial belge
R.D.I.D.C. Revue de droit international et de droit comparé
R.D.J.P. Revue de droit judiciaire et de la preuve
R.D.P. Revue de droit public et de science politique
372

R.F.D.A. Revue française de droit administratif


R.F.D.Const. Revue française de droit constitutionnel
R.G. Rôle général
R.G.D.C. Revue générale de droit civil
R.J.C. Revue juridique du Congo
R.P. Registre du rôle pénal
R.P. Rôle pénal
R.P /C.R. Registre du rôle pénal des Chambres réunies
R.P.A. Registre du rôle pénal d’appel
R.P.A. Rôle pénal d'appel
R.P.P. Registre du rôle de prise à partie
R.R. Rôle récusation
R.R.D. Revue régionale de droit
R.S.Cr. Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
R.S.L. Rôle suspicion légitime
R.T.D.Civ. Revue trimestrielle de droit civil
R.T.D.Com. Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique
R.T.D.H. Revue trimestrielle des droits de l'homme
Req. Requête
Rev. dr. pén. crim. Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. fr. sc. pol. Revue française de science politique
R.Z.D., II Revue zaïroise de droit, 2ième partie
S.P.P. Servitude pénale principale (emprisonnement)
Sén. Sénat
Sess. ord. Session ordinaire
Somm. Sommaire
Somm. comm. Sommaire commentaire
T.D.J. Journal du droit des jeunes
T.G.I. Tribunal de grande Instance
T.S.R. Cour suprême de justice siégeant toutes sections réunies
TRI-PAIX Tribunal de paix
U.C.L. Université Catholique de Louvain
U.L.B. Université Libre de Bruxelles
UNIKIN Université de Kinshasa
UNILU Université de Lubumbashi
Vol. Volume
Voy. Voyez
373

TABLE DES MATIERES


AVANT- PROPOS ................................................................................................................................................ 2

INTRODUCTION GENERALE.......................................................................................................................... 4

1. DEFINITION ...................................................................................................................................................... 4
2. HISTORIQUE DU DROIT JUDICIAIRE .................................................................................................................. 5
a) La vengeance privée .................................................................................................................................. 5
b) La loi du Talion ......................................................................................................................................... 5
c) Les mécanismes de conciliation dans les sociétés traditionnelles africaines....................................... 6
3. INSTITUTION DU DROIT JUDICIAIRE .................................................................................................................. 7
4. IMPORTANCE ET INTERET DES NOTIONS D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES ........................ 10
a) A l’endroit des étudiants.......................................................................................................................... 10
b) A l’endroit du personnel judiciaire.......................................................................................................... 11
c) A l’endroit des justiciables (tout citoyen) ................................................................................................ 11
5. SOURCES D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES ............................................................................ 11
a) Les sources internes................................................................................................................................. 11
6. ACTION EN JUSTICE (DEVANT LES COURS ET TRIBUNAUX) ............................................................................ 22
a) L’intérêt ................................................................................................................................................... 23
b) La capacité .............................................................................................................................................. 24
c) La qualité ................................................................................................................................................. 24
d) L’objet ..................................................................................................................................................... 25
e) Le délai .................................................................................................................................................... 25

1ERE PARTIE ....................................................................................................................................................... 27

L’ORGANISATION JUDICIAIRE................................................................................................................... 27

CHAPITRE I : LES CARACTÈRES GENERAUX DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE..................... 27

SECTION 1 : L’INDEPENDANCE DE LA JUSTICE .................................................................................................. 27


§1. Séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif ............................................................... 31
a) Principe .................................................................................................................................................................31
b) Limites (exceptions)..............................................................................................................................................32
c) Propositions pour une réforme ..............................................................................................................................32
§2. La séparation entre le pouvoir judiciaire et exécutif ............................................................................. 28
a) Principe .................................................................................................................................................................28
b) Limites (exceptions)..............................................................................................................................................30
c) Propositions pour une réforme ..............................................................................................................................31
SECTION 2 : L’IMPARTIALITE DU JUGE............................................................................................................... 33
§1. Fondement juridique et biblique ............................................................................................................ 33
§2. Définition et sortes de l’impartialité ...................................................................................................... 35
a) Définition de l’impartialité....................................................................................................................................35
b) Sortes de l’impartialité ..........................................................................................................................................36
§3. Différence entre indépendance et impartialité....................................................................................... 37
§4. Importance et intérêt de l’indépendance et de l’impartialité du juge .................................................... 38
374

SECTION 3 : L’EGALITE DEVANT LA JUSTICE ..................................................................................................... 39


§1. Principe.................................................................................................................................................. 39
§2. Limites (exceptions) ............................................................................................................................... 40
§3. Proposition pour une réforme................................................................................................................ 41
SECTION 4 : LA GRATUITE DE LA JUSTICE .......................................................................................................... 43
§1. Principe.................................................................................................................................................. 43
§2. Limites (exceptions) ............................................................................................................................... 43
§3. Proposition pour une réforme................................................................................................................ 44
SECTION 5 : LE MONOPOLE DES FONCTIONS JUDICIAIRES .................................................................................. 45
§ 1. Principe................................................................................................................................................. 45
§2. Propositions pour une réforme .............................................................................................................. 45
SECTION 6 : LA CONTINUITE ET LA PERMANENCE DES JURIDICTIONS ................................................................. 46
§ 1. Principe................................................................................................................................................. 46
§2. Propositions pour une réforme .............................................................................................................. 47
SECTION 7 : LE JURY ......................................................................................................................................... 47
a) Avantages du jury .................................................................................................................................... 49
b) Inconvénients du jury............................................................................................................................... 49
c) Notre position .......................................................................................................................................... 49

CHAPITRE II : LES CARACTÈRES TECHNIQUES DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE........... 51

SECTION 1 : LE DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION ............................................................................................... 51


§1. Domaine d’application du double degré de juridiction ......................................................................... 51
§2. Caractère du double degré de juridiction .............................................................................................. 52
SECTION 2 : LA COLLEGIALITE DES JURIDICTIONS ............................................................................................. 52
§1. Avantages de la collégialité ................................................................................................................... 52
§2. Inconvénients de la collégialité.............................................................................................................. 53
SECTION 3 : L’UNITE DU SIEGE DE JURIDICTION (SIEGE A JUGE UNIQUE) ........................................................... 53
§1. Avantages............................................................................................................................................... 54
§2. Inconvénients ......................................................................................................................................... 54
§3. Notre appréciation critique.................................................................................................................... 54
SECTION 4 : LE DROIT A UN PROCES EQUITABLE ................................................................................................ 56
§1. Le droit d’accès à un tribunal (juge) ..................................................................................................... 57
§2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial..................................................................................... 58
§3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix ............................................................................ 59
§4. Le droit à la publicité des débats ........................................................................................................... 59
§5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ...................................................................................... 60
§6. Le droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire) ................................. 62
§7. Le droit à la présomption d’innocence .................................................................................................. 64
SECTION 5 : LES DIFFERENTS MODES DE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS ........................................................ 65
§ 1. Le recrutement des magistrats selon le système de vénalité et d’hérédité ............................................ 65
a) Avantages..............................................................................................................................................................65
b) Inconvénients ........................................................................................................................................................66
375

§ 2. Le recrutement des magistrats selon le système électif des juges ......................................................... 66


a) Avantages..............................................................................................................................................................66
b) Inconvénients ........................................................................................................................................................66
§ 3. Le recrutement des magistrats selon le système anglais....................................................................... 66
a) Avantages..............................................................................................................................................................67
b) Inconvénients ........................................................................................................................................................67
§ 4. Le recrutement des magistrats selon le système français...................................................................... 67
a) Avantage ...............................................................................................................................................................67
b) Inconvénient..........................................................................................................................................................67
§ 5. Le recrutement des magistrats selon le système belge .......................................................................... 68
a) Avantage ...............................................................................................................................................................68
b) Inconvénient..........................................................................................................................................................68
§ 6. Le recrutement des magistrats selon le système congolais ................................................................... 68
a) Avantages..............................................................................................................................................................69
b) Inconvénients ........................................................................................................................................................69
SECTION 6 : LES QUALITES DU MAGISTRAT ....................................................................................................... 71
§1. Au plan moral ........................................................................................................................................ 71
§2. Au plan politique.................................................................................................................................... 71
§3. Au plan social ........................................................................................................................................ 71
§4. Au plan technique .................................................................................................................................. 71
§5. Les incompatibilités et interdictions des magistrats .............................................................................. 72
a) Les incompatibilités ..............................................................................................................................................72
b) Les interdictions....................................................................................................................................................74
§6. La procédure disciplinaire des Magistrats (statut des magistrats)........................................................ 74
§7. Propositions pour une réforme en République Démocratique du Congo .............................................. 69
SECTION 7 : LES GARANTIES DE L’INDEPENDANCE DU JUGE .............................................................................. 75
§1. L’inamovibilité des juges ....................................................................................................................... 75
A. Contenu du principe .............................................................................................................................................77
a) La protection du juge contre toute révocation arbitraire ..................................................................................78
b) Le refus que le juge soit replacé contre son gré ...............................................................................................80
B. Champ d’application.............................................................................................................................................88
a) Les juges concernés .........................................................................................................................................88
b ) Les chefs de juridictions.................................................................................................................................92
C. Limites de l’inamovibilité.....................................................................................................................................94
D. Des propositions pour une réforme.......................................................................................................................98
§2. Le Conseil Supérieur de la magistrature..................................................................................... 100
A. Composition de ses membres .......................................................................................................................101
a) Le Président de la République, Président du Conseil supérieur de la magistrature ........................................106
b) Le Ministre de la justice et garde des sceaux, vice-président du Conseil supérieur de la magistrature ...109
B. Mode de désignation de ses membres...........................................................................................................111
C. Ses attributions au regard de l’indépendance du juge .........................................................................................114
D. Des propositions pour une réforme.....................................................................................................................122
376

SECTION 8 : LES GARANTIES DE L’IMPARTIALITE DU JUGE .............................................................................. 124


§1. La récusation ....................................................................................................................................... 124
A. Les conditions de la récusation...........................................................................................................................126
a) Les conditions de fond.............................................................................................................................126
1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire ..........................................126
2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale jusqu’au 3ème
degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son mandataire ............................................129
3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties ..............................................................................130
4. L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou d’employé entre le
juge et l’une des parties ................................................................................................................................131
5. L’existence d’une inimitié grave entre le juge et l’une des parties ...........................................................132
6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire .............................................................................................136
7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert ou
d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire..............................................................141
8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier du ministère
public 152
9. Proposition pour une réforme concernant les causes de récusation ..........................................................154
b) Les conditions de forme.................................................................................................................................154
B. La procédure de récusation .................................................................................................................................155
a) Introduction de la demande............................................................................................................................155
b) Juridiction compétente et voies de recours ....................................................................................................156
c) Les sanctions applicables ...............................................................................................................................157
C. Le déport.............................................................................................................................................................158
§ 2. Le renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique..................................................... 159
A. Le renvoi pour cause de suspicion légitime........................................................................................................159
a) Principe ..........................................................................................................................................................159
b) Les causes de renvoi pour suspicion légitime ................................................................................................160
B. Le renvoi pour cause de sûreté publique (art. 82 et 83 C.O.C.J.)........................................................................167
C. La décision de renvoi..........................................................................................................................................168
a) La juridiction compétente ..............................................................................................................................168
b) La procédure de renvoi ..................................................................................................................................168
1. L’introduction de la demande ...................................................................................................................169
2. Juridiction compétente et voies de recours ...............................................................................................169
3. Les sanctions applicables..........................................................................................................................170
SECTION 9 : LES DIFFERENTES VOIES DE RECOURS CONTRE LES ACTES DES MAGISTRATS ...................... 171
§1. Les voies de recours ordinaires ........................................................................................................... 171
A. L’appel ...............................................................................................................................................................171
B. L’opposition .......................................................................................................................................................172
§2. Les voies de recours extraordinaires ................................................................................................... 173
A. La tierce opposition ............................................................................................................................................173
B. L’intervention .....................................................................................................................................................174
C. L’annulation .......................................................................................................................................................174
D. La cassation ........................................................................................................................................................182
377

E. La prise à partie ..................................................................................................................................................175


F. La requête civile..................................................................................................................................................179
G. La révision..........................................................................................................................................................180
a) Notion ............................................................................................................................................................180
B) La révision et le principe d’impartialité du juge.................................................................................................181

2E PARTIE ......................................................................................................................................................... 185

LA COMPETENCE JUDICIAIRE ................................................................................................................. 185

CHAPITRE I : LES ORGANES DE LA JUSTICE DU DROIT MODERNE ...................................... 188

SECTION 1 : LES JURIDICTIONS ........................................................................................................................ 188


§ 1. Les juridictions de droit commun........................................................................................................ 191
I. Les juridictions de l’Ordre judiciaire ...................................................................................................................191
1. Les Tribunaux de Paix ...................................................................................................................................191
a) Ressort et siège (art. 22 du code d’OCJ)...................................................................................................191
b) Composition (art. 24 du code d’OCJ).......................................................................................................192
c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)......................................................................192
d) Compétence matérielle (ratione materiae) ................................................................................................193
e) Les Tribunaux de Paix créés et / ou déjà installés en R.D.C. .............................................................193
f) Propositions pour une réforme ...........................................................................................................195
2. Les Tribunaux de grande instance (art. 31 à 35, 91 à 93, 11 à 114, 118 code d’OCJ)....................................197
a) Ressort et siège .........................................................................................................................................197
b) Composition (art. 32 à 35 du code d’organisation et compétence judiciaires)..........................................197
c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)......................................................................198
d) Compétence personnelle (ratione personae) .............................................................................................199
e) Compétence matérielle (ratione materiae) ................................................................................................199
g) Remarques : Les Tribunaux de grande instance créés et/ou installés en RDC ...................................200
3. Les Cours d’appel (art. 36, 43, 94, 95, 146, 149, 152 du code d’OCJ) ..........................................................201
a) Ressort et siège .........................................................................................................................................202
b) Composition .............................................................................................................................................202
c) Compétence territoriale (ratione loci ou ratione territoriae)......................................................................202
d) Compétence personnelle (ratione personae) .............................................................................................202
e) Compétence ratione materiae (matérielle) ................................................................................................204
f) Propositions...............................................................................................................................................205
4. La Cour suprême de justice (art. 51 à 57, 147 à 149, 155 à 156, 158 à 160 du code d’OCJ) .........................207
a) Ressort et siège .........................................................................................................................................207
b) Composition .............................................................................................................................................207
c) Compétences.............................................................................................................................................208
5. La Cour de cassation (article 153 de la Constitution approuvée par le référendum du 18 décembre 2005 et
promulguée le 18 février 2006)..........................................................................................................................211
a) Origine......................................................................................................................................................212
b) Ressort et siège.........................................................................................................................................212
c) Compétence matérielle .............................................................................................................................212
d) Compétence personnelle...........................................................................................................................212
378

e) Proposions pour une législation ................................................................................................................213


e.1. Composition .....................................................................................................................................213
e.2. Missions de la Cour de cassation.....................................................................................................213
e.3. Compétence matérielle.....................................................................................................................215
6. Remarques générales sur l’organisation des juridictions de droit commun............. Erreur ! Signet non défini.
a) De la documentation, de la consultation coutumière et de l’inspectorat ...................................................277
b) Des audiences et du délibéré ....................................................................................................................277
b.1 Des audiences ...................................................................................................................................277
b.1.1) Déroulement des audiences ....................................................................................................277
b.1.2) Les tenues destinées aux audiences : les toges .......................................................................278
b.1.3) La signification des toges........................................................................................................278
b.2 Du délibéré........................................................................................................................................278
7. Remarques générales sur les compétences des juridictions de droit commun................................................280
a) Litispendance............................................................................................................................................281
b) Règlement de la connexité (art 143 du code d’OCJ) ................................................................................283
c) Dispositions sur les conflits de compétences en matière répressive (pénale) art. 99 à 106 du Code d’OCJ)
......................................................................................................................................................................287
c) Détermination de la compétence territoriale en matière civile, commerciale, du travail et de la famille..289
II. Les juridictions de l’ordre administratif..............................................................................................................215
1. Les tribunaux administratifs...........................................................................................................................216
a) Origine......................................................................................................................................................216
b) Ressort et siège.........................................................................................................................................217
c) Composition .............................................................................................................................................217
d) Compétences ............................................................................................................................................217
2. Les Cours administratives d’appel .................................................................................................................218
a) Origine......................................................................................................................................................218
b) Composition .............................................................................................................................................218
d) Compétences ............................................................................................................................................219
d) 1. Compétence territoriale ou ratione territoriae...............................................................................219
d) 2. Compétence matérielle ou ratione materiae..........................................................................................219
3. Le Conseil d’Etat ...........................................................................................................................................219
a) Ressort et siège .........................................................................................................................................220
b) Compétence matérielle ...................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
c) Propositions ..............................................................................................................................................221
c) 1. Concernant les compétence matérielles .........................................................................................221
c) 2. Concernant la composition.............................................................................................................221
§2. Les juridictions d’exception ................................................................................................................. 222
A. Les juridictions militaires ...................................................................................................................................222
I. Le fondement des juridictions militaires.........................................................................................................223
II. L’organisation et la compétence des juridictions militaires...........................................................................224
1. Les tribunaux militaires de police (art. 23 à 26, 90 à 91 C.J.M.) ..............................................................225
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................225
b) Composition........................................................................................................................................225
379

c) Compétences .......................................................................................................................................225
2. Les tribunaux militaires de garnison (art. 21 à 22, 88 à 89 C.J.M.) ..........................................................226
a) Le ressort et siège ...............................................................................................................................226
b) Composition........................................................................................................................................226
c) Compétences .......................................................................................................................................226
3. Les Cours militaires (art. 12 à 17, 84 à 85 C.J.M.) ...................................................................................227
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................227
b) Composition........................................................................................................................................227
c) Compétences .......................................................................................................................................227
4. La Haute Cour militaire (art. 6 à 11, 82 à 83 CJM) ..................................................................................228
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................228
b) Composition........................................................................................................................................228
c) Compétences .......................................................................................................................................229
5. La Cour militaire opérationnelle ...............................................................................................................230
a) Ressort et siège ...................................................................................................................................230
b) Composition........................................................................................................................................230
c) Compétences .......................................................................................................................................230
III. Critiques relatives à l’organisation et la compétence des juridictions militaires au regard des normes
universelles du procès équitable.........................................................................................................................231
1. Le droit à un juge d’appel .........................................................................................................................231
2. Le droit d’être défendu par un avocat ou défenseur judiciaire de son choix .............................................232
3. L’incompétence des juridictions militaires concernant l’interprétation de la légalité des actes
administratifs ou réglementaires ...................................................................................................................232
4. Le droit d’être jugé par un juge indépendant et impartial .........................................................................233
5. La nécessité de supprimer les juridictions militaires en temps de paix .....................................................236
B. L’ancienne Cour de sûreté de l’Etat....................................................................................................................240
1. Ressort et siège ..............................................................................................................................................241
2. Composition...................................................................................................................................................241
3. Compétences..................................................................................................................................................241
a) Compétence territoriale ou ratione loci.....................................................................................................241
b) Compétence matérielle ou ratione materiae (art. 96 C.O.C.J.) .................................................................241
4. Les raisons de la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat ..........................................................................242
a) Le droit a un juge d’appel .........................................................................................................................242
b) La problématique concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction...............................................242
c) Le non-respect des normes universelles du procès équitable....................................................................243
5. Le sort des affaires pendantes devant l’ancienne Cour de sûreté de l’Etat.....................................................244
C. Les tribunaux de commerce................................................................................................................................244
1. Origine des Tribunaux de Commerce ............................................................................................................245
2. Organisation, ressort et siège .........................................................................................................................245
3. Composition (art. 3 de la loi précitée)............................................................................................................245
4. Compétences..................................................................................................................................................246
a) Compétence territoriale ou ratione loci.....................................................................................................246
b) Compétence matérielle ou ratione materiae..............................................................................................246
380

5. Critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de commerce ...............................247


a) L’absence de raisons sérieuses justifiant leur création..............................................................................247
b) L’indépendance du juge ...........................................................................................................................248
c) L’impartialité du juge consulaire ..............................................................................................................249
d) Le délai d’appel ........................................................................................................................................251
e) La problématique de la compétence des Tribunaux de Commerce en matière pénale ..............................251
f) La nécessité de supprimer les Tribunaux de Commerce ...........................................................................251
D. Les tribunaux du travail......................................................................................................................................253
1. Origine ...........................................................................................................................................................253
2. Définition .......................................................................................................................................................254
3. Organisation, ressort et siège (art. 1 et 2 de loi sur les Tribunaux du Travail) ...............................................254
4. Composition...................................................................................................................................................254
5. Compétences..................................................................................................................................................254
a) Compétence territoriale ou ratione loci ..............................................................................................254
b) Compétence matérielle ou ratione materiae (art. 15 et 16) .......................................................................255
6. Critiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions de travail .....................................255
a) L’indépendance du juge............................................................................................................................255
b) L’impartialité du juge ...............................................................................................................................256
c) La juridiction d’appel ...............................................................................................................................258
E. La Cour des comptes...........................................................................................................................................260
1. Origine ...........................................................................................................................................................261
2. Organisation, ressort et siège .........................................................................................................................261
3. Composition (art. 1er à art. 5, 9 à 20 de l’ordonnance-Loi relative à la Cour des comptes)............................262
4. Compétences..................................................................................................................................................262
a) Compétence territoriale ou ratione territoriae.....................................................................................263
b) Compétence personnelle (art. 22 et 23 de l’ordonnance-loi précitée) ................................................263
c) Compétence matérielle ou ratione materiae (art. 21 et 24 de texte précité) ..............................................263
5. Critiques relatives à l’organisation et fonctionnement de la Cour des comptes .............................................264
a) L’indépendance du magistrat de la Cour des comptes ..............................................................................264
b) L’impartialité du juge ...............................................................................................................................265
c) L’absence du droit d’appel .......................................................................................................................267
d) L’insuffisance bilan de la Cour des comptes ............................................................................................267
e) Propositions pour une réforme..................................................................................................................268
§ 3. La Cour constitutionnelle ................................................................................................................... 271
1. Organisation, ressort et siège .........................................................................................................................272
2. Composition (articles 158 à 159 de la Constitution) ......................................................................................272
3. Ses compétences (articles 160, 161, 163, 164, 165 de la Constitution)..........................................................272
a) Compétence territoriale ou ratione territoriae ...........................................................................................272
b) Compétence personnelle ou ratione personnae.........................................................................................273
c) Compétence matérielle ou ratione materiae (article 160 à 162 et 167 de la Constitution) ........................273
4. Notre appréciation..........................................................................................................................................274
a) L’indépendance de la Cour constitutionnelle .....................................................................................275
b) La protection des droits fondamentaux de l’homme.................................................................................275
381

c) Les nécessités d’une réforme concernant les compétences personnelles de la Cour constitutionnelle
276
SECTION 2 : LE MINISTERE PUBLIC .................................................................................................................. 291
§ 1. Définition et mission du ministère public............................................................................................ 291
1. Définition ............................................................................................................................................................291
2. Mission du ministère public (art. 6 à 21 du Code d’OCJ) ...................................................................................292
3. Propositions pour une réforme ............................................................................................................................295
§ 2. Caractères du ministère public ........................................................................................................... 295
1. L’indépendance du ministère public....................................................................................................................295
2. L’irrécusabilité du ministère public.....................................................................................................................296
3. L’irresponsabilité du ministère public .................................................................................................................296
4. L’indivisibilité du ministère public .....................................................................................................................297
5. L’unité du ministère public .................................................................................................................................297
§ 3. La structure du ministère public ......................................................................................................... 299
1. Le parquet général de la République ...................................................................................................................300
2. Le parquet général près la Cour d’appel (art. 13 Code d’OCJ) ...........................................................................300
3. Le Parquet de Grande instance près les Tribunaux de grande instance ...............................................................299
4. Les Tribunaux de Paix (art. 17 du Code d’OCJ) .................................................................................................299
§ 4. Attributions du ministère public .......................................................................................................................301
SECTION 3 : LES AUXILIAIRES DE LA JUSTICE .................................................................................................. 302
§ 1. Les auxiliaires de la justice ordinaire................................................................................................. 302
1. Les agents de l’ordre judiciaire ...........................................................................................................................303
A. Les greffiers (art. 58 à 60 du Code d’OCJ) ...................................................................................................303
B. Les huissiers judiciaires (art. 61 du Code d’OCJ) .........................................................................................304
C. Les secrétaires de parquets (art. 94 de l’arrêté n° 299/79 du 20/08/1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquets) ........................................................................................................................................305
D. Les O.P.J. (Officiers de Police Judiciaire).....................................................................................................305
1. Les inspecteurs de police judiciaire (I.P.J. ou O.P.J.) à compétence générale ..........................................306
2. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence générale.............................................................306
3. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence restreinte ...........................................................306
4. Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence spéciale .............................................................306
5. Propositions pour une réforme..................................................................................................................307
E. Les experts.....................................................................................................................................................308
2. Les avocats et défenseurs judiciaires...................................................................................................................309
A. Les avocats....................................................................................................................................................309
a) Les conditions...........................................................................................................................................310
b) Organes du barreau près la Cour d’appel..................................................................................................311
1. L’Assemblée générale........................................................................................................................311
2. Le Conseil de l’ordre ..........................................................................................................................312
3. Le bâtonnier........................................................................................................................................312
c) Le barreau près la Cour suprême de justice ..............................................................................................312
1. Conditions...........................................................................................................................................312
2. Organes du barreau près la Cour suprême de justice ...........................................................................312
382

d) L’ordre national des avocats.....................................................................................................................313


1. Assemblée générale.............................................................................................................................313
2. Le Conseil national de l’ordre .............................................................................................................313
3. Le bâtonnier national .........................................................................................................................314
e) L’impartialité de l’organe disciplinaire des avocats..................................................................................314
1. Notions ................................................................................................................................................314
B. Les défenseurs judiciaires..............................................................................................................................318
a) Conditions.................................................................................................................................................319
b) Organes du corps des défenseurs judiciaires ............................................................................................319
1. L’Assemblée générale.........................................................................................................................319
2. La chambre de surveillance................................................................................................................320
3. Le syndic .............................................................................................................................................320
§ 2. Les auxiliaires de la justice militaire .................................................................................................. 321
1. Les agents de l’ordre judiciaire militaire .............................................................................................................321
A. Les greffiers militaires ..................................................................................................................................321
B. Les secrétaires des auditorats militaires (art. 57 à 58 C.J.M.)........................................................................321
C. Les inspecteurs de police judiciaire et les officiers de police judiciaire (art. 59-60 C.J.M.)..........................321
2. Les avocats et défenseurs judiciaires nationaux (art. 61 à 63 C.J.M.) .................................................................322

CHAPITRE II : LES ORGANES DE LA JUSTICE TRADITIONNELLE ........................................... 323

(LES JURIDICTIONS COUTUMIERES)...................................................................................................... 323

SECTION 1 : INSTITUTION JURIDICTIONNELLE .................................................................................................. 324


§ 1. Les tribunaux de chefferie................................................................................................................... 324
1. Ressort.................................................................................................................................................................324
2. Composition ........................................................................................................................................................324
§ 2. Les tribunaux de collectivité ............................................................................................................... 324
1. Ressort.................................................................................................................................................................324
2. Composition ........................................................................................................................................................324
§ 3. Les tribunaux de commune (territoire) ............................................................................................... 325
1. Ressort.................................................................................................................................................................325
2. Composition ........................................................................................................................................................325
§ 4. Les tribunaux de cité........................................................................................................................... 325
1. Ressort.................................................................................................................................................................325
2. Composition ........................................................................................................................................................325
§ 5. Les tribunaux de ville (art. 1er, 6° du 16/09/1954, art. 2 et 6 décret du 16/09/1959) ......................... 325
1. Ressort................................................................................................................................................................325
2. Composition ........................................................................................................................................................326
SECTION 2 : COMPETENCE ET FONCTIONNEMENT ............................................................................................ 326
SECTION 3 : LE PERSONNEL JUDICIAIRE COUTUMIER ....................................................................................... 328
§ 1. Les juges ............................................................................................................................................. 328
§ 2. Les auxiliaires de justice..................................................................................................................... 328
SECTION 4 : CRITIQUES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS COUTUMIERES ................ 328
a) L’absence de fondement juridique justifiant leur existence................................................................... 329
383

b) La création de discrimination entre congolais ...................................................................................... 329


c) La nécessité de supprimer par un texte légal les juridictions coutumières............................................ 330

3IEME PARTIE.................................................................................................................................................... 331

L’ORGANISATION ET LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES................. 331

CHAPITRE I : AU NIVEAU DE L’AFRIQUE.............................................................................................. 331

SECTION UNIQUE : LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES ................................... 331
§ 1. Organisation, ressort et siège ............................................................................................................. 331
§ 2. Composition (art. 11 et 21 dudit Protocole) ....................................................................................... 332
§ 3. Saisine de la Cour (article 5 du Protocole) ........................................................................................ 332
§ 4. Compétences (articles 3 et 7 du Protocole) ........................................................................................ 333
§5. Propositions pour une réforme ............................................................................................................ 334
a) L’indépendance du juge ......................................................................................................................................334
b) L’impartialité du juge..........................................................................................................................................335
c) La nécessité des juges permanents ......................................................................................................................337

CHAPITRE II : AU NIVEAU DE L’EUROPE .............................................................................................. 338

SECTION UNIQUE : LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME.............................................................. 338


§ 1. Ressort et siège ................................................................................................................................... 338
§ 2. Composition ....................................................................................................................................... 339
§ 3. Saisine de la Cour européenne ........................................................................................................... 339
§ 4. La recevabilité de la demande ............................................................................................................ 340
§ 5. Compétences ....................................................................................................................................... 340
a) Compétences personnelles ..................................................................................................................................340
b) Compétences matérielles.....................................................................................................................................340
§ 6. La portée des arrêts de la Cour européenne....................................................................................... 341

CHAPITRE III : AU NIVEAU DES NATIONS UNIES................................................................................ 342

SECTION 1 : LA COUR PENALE INTERNATIONALE ............................................................................................ 342


§ 1. Ressort et siège ................................................................................................................................... 343
§ 2. Composition ........................................................................................................................................ 343
§ 3. Saisine de la Cour.............................................................................................................................. 344
§ 4. La procédure....................................................................................................................................... 344
§ 5. Compétences ....................................................................................................................................... 344
a) Compétences territoriale et personnelle ..............................................................................................................344
b) Compétence matérielle........................................................................................................................................344
SECTION 2 : LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DE LA HAYE .................................................................. 345
§ 1. Ressort et siège ................................................................................................................................... 346
§ 2. Composition ........................................................................................................................................ 346
§ 3. Fonctionnement (Saisine) .................................................................................................................. 346
§ 4. Compétences ....................................................................................................................................... 347
a) Compétence personnelle .....................................................................................................................................347
b) Compétences matérielles.....................................................................................................................................347
384

1. Compétence consultative ...............................................................................................................................347


2. Compétence contentieuse...............................................................................................................................347
§ 5. La portée des arrêts de la Cour .......................................................................................................... 347

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................ ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

I. OUVRAGES ................................................................................................................................................... 349


II. ARTICLES, CONTRIBUTIONS, NOTES D’ARRETS, RAPPORTS, THESES, MEMOIRES, DISCOURS DE RENTREE
JUDICIAIRE ET NOTES DE COURS ...................................................................................................................... 353

PRINCIPALES ABREVIATIONS .................................................................................................................. 369

TABLE DES MATIERES .............................................................................................................................. 373

ANNEXES ............................................................................................................................................................. 1

ANNEXE I ..............................................................................................................................................................I

ANNEXE II........................................................................................................................................................... II

ANNEXE III ......................................................................................................................................................... V


ANNEXES
I

Annexe I
STRUCTURE DE LA MAGISTRATURE

MAGISTRATURE ASSISE MAGISTRATURE DEBOUT


ou Juges du siège ou Officiers du Ministère Public
Tribunaux Parquets
1. Cour de cassation 1. Parquet général près la Cour de
cassation
- Premier président de la Cour de Procureur Général près la Cour de cassation
cassation
- Président(s) de la Cour de la Cour de Premiers avocats généraux près la Cour de
cassation cassation
- Conseiller à la Cour de cassation Avocats généraux près la Cour de cassation
2. Cour d’appel 2. Parquet général près la Cour d’appel
- Premier président de la Cour d’appel Procureur Général près la Cour d’appel
- Président(s) de la Cour d’appel Avocats généraux près la Cour d’appel
- Conseiller à la Cour d’appel Substituts du Procureur général près la Cour
d’appel
3. Tribunal de grande instance 3. Parquet près le tribunal de grande
instance
- Président du tribunal de grande instance Procureur de la République
- Juges du tribunal de grande instance 1er substitut du procureur de la République
Substitut du procureur de la République
4. Tribunal de paix
- Président du tribunal de paix
- Juges de paix (ils ont la qualité d’officiers du ministère public)
II

Annexe II

ORDRE HIERARCHIQUE DE GRADES DE MAGISTRATS

CATEGORIE 1
- Premier président de la Cour de cassation
- Procureur général près la Cour de cassation
- Premier président de la Cour constitutionnelle
- Procureur général près la Cour constitutionnelle
- Premier président du Conseil d’Etat
- Procureur général près le Conseil d’Etat
- Premier président de la Haute Cour militaire
- Auditeur général des Forces Armées

CATEGORIE 2
- Président de la Cour de cassation
- Premier avocat général près la Cour de cassation
- Conseiller à la Cour constitutionnelle
- Premier avocat général près la Cour constitutionnelle
- Président du Conseil d’Etat
- Premier avocat général près le Conseil d’Etat
- Président de la Haute Cour militaire
- Premier avocat général des Forces Armées

CATEGORIE 3
- Conseiller à la Cour de cassation
- Avocat général près la Cour de cassation
- Avocat général près la Cour constitutionnelle
- Conseiller au Conseil d’Etat
- Avocat général près le Conseil d’Etat
- Conseiller à la Haute Cour militaire
- Avocat général des Forces Armées

CATEGORIE 4
- Premier président de la Cour d’appel
- Procureur général près la Cour d’appel
- Premier président de la Cour administrative d’appel
- Procureur général près la Cour administrative d’appel
- Premier président de la Cour militaire
- Auditeur militaire supérieur
III

CATEGORIE 5
- Président de la Cour d’appel
- Avocat général près la Cour d’appel
- Président de la Cour administrative d’appel
- Avocat général près la Cour administrative d’appel
- Président de la Cour militaire supérieur
- Avocat général militaire

CATEGORIE 6
- Conseiller à la Cour d’appel
- Substitut du procureur général près la Cour d’appel
- Conseiller à la Cour administrative d’appel
- Substitut du procureur général près la Cour administrative d’appel
- Conseiller à la Cour militaire
- Substitut de l’auditeur militaire supérieur

CATEGORIE 7
- Président du tribunal de grande instance
- Procureur de la République
- Président du tribunal administratif
- Procureur près le tribunal administratif
- Président du tribunal de commerce
- Président du tribunal du travail
- Président du tribunal militaire de garnison
- Auditeur militaire de garnison

CATEGORIE 8
- Juge du tribunal de grande instance
- Premier substitut du procureur de la République
- Président du tribunal de paix
- Juge du tribunal administratif
- Premier substitut du procureur près le tribunal administratif
- Juge du tribunal militaire de garnison
- Premier substitut de l’auditeur militaire de garnison

CATEGORIE 9
- Juge du tribunal de paix
- Substitut du procureur de la République
- Substitut du procureur de la République près le tribunal administratif
- Juge du tribunal militaire de police désigné parmi les juges du tribunal militaire de
garnison par le premier président de la Cour militaire
- Substitut de l’auditeur militaire de garnison
IV

CATEGORIE 10
- Juge assesseur du tribunal de paix (juge coutumier)
V

Annexe III
Tableau comparatif des trois Cours régionales des Droits de l’Homme

Cour Africaine des Droits de Cour Interaméricaine des Cour Européenne des Droits de
l’Homme et des Peuples Droits de l’Homme l’Homme
Juges Personnalités, ressortissants des Personnalités, ressortissant Personnalités, ressortissants des
Etats parties au protocole, élus des Etats parties à la Etats parties à la Convention
à titre personnel Convention interaméricaine européenne des droits de l’homme,
des DH, élus à titre personnel élus à titre personnel
Nombre de 11 7 Nombre égal à celui des Etat parties
juges (46)
Mode de Election par la Conférence des Election par les Etat à parties Election par l’Assemblée
nomination Chefs d’Etat et de à la Convention lors de l’AG parlementaire du Conseil de
Gouvernement de l’OUA de l’OEA l’Europe
Mandat Six ans, renouvelable une fois Six ans, renouvelable une Six ans, renouvelable sans
fois limitation
Emploi des Permanent pour le Président. Permanent pour le Président. Permanent
juges Lors des sessions pour les Lors des sessions pour les
autres juges autres juges
Compétences Contentieuse et consultative Juridictionnelle (facultative) Contentieuse et consultative
et consultative
Compétence Compétence obligatoire Compétence obligatoire Compétence obligatoire
ratione - Commission africaine - - Hautes parties
personae des droits des DH Compétence facultative contractantes
(Qui peut saisir - Etat parties - Etats parties - Individus, groupes
la Cour ?) - Les OI africaines - Commission particuliers et ONG
Compétence facultative interaméricaine des qui estiment être
- Les individus et les ONG droits de victime de violation
ayant le statut d’observateur l’homme1174 d’un droit garanti par
auprès de la Commission la Convention
africaine des droits de l’homme européenne des droits
de l’homme
Compétence facultative
-
Compétence Compétence liée à Compétence liée à Questions concernant
ratione l’interprétation et à l’application et à l’interprétation et l’application de la
materiae l’application de la Charte, du l’interprétation de la Convention européenne des droits
Protocole et de tout autre Convention interaméricaine de l’homme et de ses protocoles
instrument relatif aux droits de des droits de l’homme
l’homme
Conditions de Publique. Huis clos Publique. Huis clos Publiques sauf circonstances
l’audience exceptionnel exceptionnel exceptionnelles
Mode Contradictoire Contradictoire Contradictoire
d’examen des
affaires
Type de Arrêts, rendus à la majorité Arrêts, rendus à la majorité Arrêts, rendus à la majorité
décisions des juges
Possibilité Non, mais possibilité Non, mais demande Renvoi devant la Grande Chambre
d’appel ? d’interprétation ou de révision d’interprétation possible
dans certaines conditions
Exécution des Volontaire, surveillance Volontaire Volontaire, surveillance Conseil des
décisions Conseil des Ministres Ministres

1174
Les individus, groupe de particuliers et ONG légalement reconnues ne peuvent saisir que la
Commission, qui, le cas échéant, à l’issue de la procédure devant elle, transmet l’affaire à la Cour pour
jugement
VI

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