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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Introduction générale

Le Droit, dans une définition stricte mais usuelle, admise par tous au départ, est « un
ensemble de règles ». Et un fondement c'est « une valeur, référence de base sur laquelle
repose une règle […] un système juridique » (vocabulaire juridique G. Cornu). Mais ces
références peuvent-elles être multiples ?

En réalité, selon la vision que les auteurs ont du Droit, ces fondements (ou sources) sont plus
ou moins multiples : si l'on a une conception étroite du Droit (si celui-ci se limite à un
ensemble de règles générales, obligatoires et contraignantes) alors on aura une vision limitée
de ses fondements car ceux-ci se réduiront à la loi uniquement ; à l'inverse si l'on a une
conception large du Droit (si celui-ci est vu dans l'ensemble de ses manifestations juridiques
comme la jurisprudence ou la coutume) alors on aura une vision large de ses fondements car
ceux-ci incluront la coutume, la jurisprudence, la loi et la doctrine notamment.

Mais quelles sont plus en détail ces conceptions sur les divers fondements du Droit ? On peut
définir le droit comme étant un « ensemble de règles de conduite socialement édictées et
sanctionnées qui s’imposent aux membres de la société »1, en vue de permettre à ceux-ci de
mieux vivre ensemble, et de permettre à chacun d’en tirer tous les bénéfices pour mener la
meilleure vie possible. De ce point de vue, le contrat s’ajoute aux sources de droit car
régissant les rapports entre les particuliers.

Cette unité d’enseignement se donne comme ambition d’étudier les différentes sources de
doit.

1. Descriptif

L'enseignement vise à donner une image précise de l'environnement institutionnel et juridique


de la société congolaise aux travers des règles de droit qui y ont cours, de manière à ce que
l'étudiant perçoive d'une part ce qu'est le droit imposé par l'autorité publique et d'autre part le
droit que les individus sont autorisés à créer pour leurs besoins au travers de l'acte juridique et
du contrat. Il s'appuie sur les textes actuellement en vigueur (Constitution, traités
internationaux, lois, décrets et ordonnances) qu'il convient d'analyser et de comprendre tout en
percevant le pourquoi et le comment de la solution qu'ils imposent. Il s'agit, en réalité, d'une
première vue d'ensemble qui, par cela qu'elle concerne le droit, doit rendre l'étudiant attentif à
des réalités élémentaires : exactitude des concepts (annulation, abrogation, suspension),
pertinence (ne point confondre la chose dont il s'agit, ses causes et ses conséquences) et
correction dans l'analyse et l'expression (en quoi une loi nationale se distingue-t-elle d'un édit
provincial?).

2. Définitions
a. Fondements de droit et fondement de la règle de droit

Les fondements de droit est le terme qui désigne les sources de droit et ça dépend de système
juridique. Tandis que le fondement de la règle de droit renvoie à la base de l’autorité de la

1
Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, v. « Droit »,

1
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règle de droit et à la raison selon laquelle la règle de droit est obéie. La réponse varie selon les
doctrines idéalistes ou positivistes.

b. Le droit

Le mot «droit» a, comme cela a été indiqué, deux sens principaux.

Utilisé au singulier (et souvent écrit avec une majuscule), il désigne un corps de règles
organisant la vie en société qui s'applique à toute personne, de manière générale et
impersonnelle. Parce qu'elles sont appréhendées de façon objective, indépendamment de leur
destinataire, ces règles forment le Droit objectif.

Utilisé au pluriel, le terme «droits» désigne les prérogatives individuelles et particulières dont
peuvent se prévaloir les individus dans leurs relations avec les autres. Prérogative d'un sujet,
le droit est dit alors «subjectif».

Ces deux définitions du mot «droit» sont complémentaires; elles permettent de rendre
compte du droit dans sa totalité: le droit est un ensemble de règles générales et impersonnelles
(le Droit objectif) dont l'application permet à l'individu de se prévaloir de prérogatives,
individuelles et particulières (les droits subjectifs).

S'il est vrai qu'un droit subjectif ne peur exister sans que le Droit objectif ne l'ait reconnu, il ne
faudrait pas croire, à l'inverse, que le Droit objectif ait pour unique objet de consacrer les
droits subjectifs. Le Droit objectif a un domaine plus large et pose ainsi des règles nécessaires
à l'organisation sociale qui ne consacrent pas toujours des droits subjectifs.

3. Objectifs

L’objectif général de cette discipline est d’analyser les différentes sources de droit public et
de droit privé.

D’une manière spécifique, elle a comme objectifs de :

- Acquérir de connaissances sur les différentes sources de droit national


- Connaitre la constitution de la République en tant que source de droit
- Maitriser la loi et la coutume comme source de droit
- Comprendre la hiérarchie de norme
- Différencier la jurisprudence et la doctrine
- Maitriser les différences sources de droit privé
- Connaitre le rôle du contrat dans les rapports des particuliers

Cet enseignement vise également à doter les étudiants des compétences transversales en
contribuant à développer chez eux les capacités d’analyse et de synthèse ainsi que l’esprit
critique. Il cherche également à renforcer chez eux l’organisation du travail en groupe et
l’engagement dans ce genre de travail.

4. Intérêt du cours

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L’intérêt de cet enseignement se justifie par la fonction régulatrice que le droit joue au sein de
la société. Car tout journaliste a intérêt de connaître les différentes règles qui régissent sa
profession afin de connaître ce qui est permit et ce qui est interdit.

5. Approche pédagogique

Cet enseignement fait appel au procédé magistral interactif. C’est ainsi que les échanges
entre enseignant et étudiant(e)s sont plus que souhaitables : n’hésitez pas à demander,
au fur et à mesure de la séance, des éclaircissements sur les points qui vous semblent
difficiles, ou encore à enrichir l’exposé professoral par vos propres connaissances. Par
ailleurs, quelques activités sollicitant directement les étudiant(e)s, individuellement ou en
groupe, seront organisées au cours du semestre : lectures de textes, analyse des règles
juridiques, « jeux de rôle »… autant d’exercices qui faciliteront l’appropriation de la matière
et vous prépareront à l’examen. Il est donc très important d’y participer activement.

Enfin, un travail régulier tout au long du semestre (relecture des notes avant ou après
chaque séance, identification et apprentissage progressif des points fondamentaux du cours)
est un gage de réussite au terme des 8 séances. La présence au cours (à l’heure et en silence !)
tout autant que les révisions tout au long du semestre sont des gages de réussite.

6. Mode d’évaluation

Pour nous permettre d’évaluer les résultats de l’apprentissage, il sera organisé au moins une
interrogation, des travaux pratiques, des travaux dirigés qui seront soit individuels, soit par
groupe. Ceux-ci s’effectueront soit en classe soit en dehors de la classe et un examen.
L’examen sera écrit et à note fermée. Ce dernier sera noté sur 10 points et le contrôle continu
sur 10 points aussi. 

7. Bibliographie

AUBERT Jean-Luc et SAVAUX Eric, Introduction au droit et thèmes fondamentaux de droit


civil, Paris, Dalloz, 2012 ;

DIONISI-PEYRUSSE A. La Droit civil Les obligations, Tome 2, Paris, éditions du CNFPT,


2008 ;

LEGRAND André. et WEINER Céline, Le droit public, Paris, La Documentation française,


2017 ;

LUZOLO BAMBI LESSA Emmanuel-Janvier, Traité de droit judiciaire : La justice


congolaise et ses institutions, Kinshasa, Presse Universitaire du Congo, 2018 ;

MARAIS Astrid, Introduction au Droit, Paris, Vuibert, 2018 ;

Maurice KAMTO, Stéphane DOUMBE-BILLE et Brusil Miranda METOU(Dir.), Regards


sur le droit public en Afrique. Mélanges en l’honneur du Doyen Joseph-Marie BIPOUN
WOUM, Paris, L’Harmattan, 2016 ;

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TERRÉ François, SIMLER Philippe, Le Droit civil Les obligations, 12ème éd., Paris, Dalloz,
2019 ;

ZARKA Jean-Claude, Droit public, Paris, Lextenso, 2016.

8. Plan

Chapitre préliminaire : La notion de droit et les branches du droit

1. La Notion de droit
2. Les branches du droit

Partie I : Les sources des règles générales et abstraites

Chapitre I. Etude systématique des règles de droit national

Chapitre II. Les traités et accords internationaux

Partie II : Théorie générale de l'acte juridique : le contrat

Chapitre I. Sources de droits subjectifs

Chapitre II. Le contrat

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Chapitre préliminaire : LA NOTION DE DROIT ET LES BRANCHES DU DROIT

Aujourd’hui, toute personne ayant atteint un certain âge de discernement a naturellement une
idée, plus ou moins vague, de ce qu’est, de ce que peut être, voire de ce que devrait être le
droit. On entend souvent sortir de la bouche du commun des mortels des expressions telles
que « j’ai le droit de….», « tu n’as pas droit de… », «dans le pays X, il n’y a pas de droit, par
contre dans le pays Z, il y en a », etc. C’est sans doute cette idée – sans ignorer le rôle que
peut jouer l’ambition – qui pousse beaucoup de jeunes candidats aux études universitaires à
s’inscrire à la Faculté de Droit.

Pour beaucoup, des profanes et même des érudits non juristes, le droit se conçoit
généralement en termes de « ce qui ordonne », de « ce qui est interdit », de « ce qui
sanctionne », ou encore de la contrainte 2. Si cette conception courante du droit peut contenir
une certaine part de vérité, elle est très réductrice du véritable sens du droit. Le droit est
beaucoup plus que l’ordre, la sanction ou la contrainte. Il est présent dans toutes les sociétés et
régit la plupart des rapports d’une personne avec les autres personnes et avec les choses.

Mais qu’est-ce que le droit ? :

Le droit se définit principalement sous deux acceptions. Dans leur Leçons de droit civil, les
frères Mazeaud précisent que « le mot droit a deux sens : la règle de droit ou droit
objectif […, et] les prérogatives dont une personne est titulaire ou droits subjectifs »3. En plus
de cette double acception, le droit désigne aussi une discipline scientifique dont l’objet est
essentiellement la règle de droit. Développons plutôt brièvement chacune de ces acceptions du
terme « droit ».

I. Les Définitions : droits objectif et subjectif

Le mot «droit» a, comme cela a été indiqué, deux sens principaux. Utilisé au singulier (et
souvent écrit avec une majuscule), il désigne un corps de règles organisant la vie en société
qui s'applique à toute personne, de manière générale et impersonnelle. Parce qu'elles sont
appréhendées de façon objective, indépendamment de leur destinataire, ces règles forment le
Droit objectif (Law).

Utilisé au pluriel, le terme «droits» (Rights) désigne les prérogatives individuelles et


particulières dont peuvent se prévaloir les individus dans leurs relations avec les autres.
Prérogative d'un sujet, le droit est dit alors «subjectif».

1. Le droit objectif

C’est au sens de droit objectif que le mot « droit » est généralement entendu. Il s’écrit alors
avec la lettre majuscule « D » (Droit). Ainsi entendu, le Droit désigne un ensemble de règles
édictées et sanctionnées par l’autorité publique en vue de régir ou de réglementer la conduite
des hommes vivant dans la société. Autrement dit, le droit objectif est l’ensemble des règles

2
Furaha Mwagalwa Thomas, Cours d’Introduction générale à l’étude du droit, Première année de graduat à
l’UOB, 2017-2018, inédit
3
Léon et Jean MAZEAUD, Leçons de droit civil, Paris, Montchrestien, 1960, p.13.

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juridiques de conduite. Générales, impersonnelles, permanentes (mais pas éternelles) et


obligatoires, elles gouvernent les relations entre les personnes (père et fils ou fille ; créancier
et débiteur ; employé et employeur ; etc.) ainsi que les rapports entre les personnes et les
choses (biens). Elles s’imposent, si nécessaire, avec la contrainte de la puissance publique
(État, administrations).

Partant, le Droit objectif a un objet infini car il a vocation à régir l’ensemble des relations
humaines dans leur variété et leur hétérogénéité. La diversité de l’activité humaine commande
la subdivision du Droit en de sous branches spécialisées telles que le droit civil, le droit
commercial, le droit social.

Cette conception du Droit, envisagé comme un ensemble de règles objectivement entendu fait
émerger un sous-ensemble constitué de « droits subjectifs ».

2. Les droits subjectifs

Les droits subjectifs désignent des prérogatives (avantages particuliers) que le Droit objectif
accorde aux individus et dont la jouissance est individuelle et, parfois, collective. Il s’agit des
prérogatives concrètes reconnues aux individus. Les titulaires de ces prérogatives sont des
sujets de droits ; ainsi dit-on, « j’ai le droit de …. », « vous n’avez pas le droit de … », etc. Le
titulaire des droits subjectifs peut opposer ces derniers à d’autres personnes et leur en exiger le
respect par tous les moyens ; il peut donc les faire valoir devant le juge contre quiconque ne
les respecterait pas. Autrement dit, le titulaire d’un droit subjectif acquiert la possibilité de
revendiquer d’une autre personne (physique ou morale) l’accomplissement ou le non-
accomplissement (abstention) de quelque chose. Cette revendication sera faite en vertu d’une
règle de droit préétablie par l’autorité et sanctionnée par elle.

Le Droit objectif et les droits subjectifs sont comme les deux faces d’une même médaille
qu’est le droit. Elles ne doivent donc pas être opposées. Elles sont complémentaires dans la
mesure où les droits subjectifs sont déterminés par le Droit objectif : le Droit objectif est
formé de règles générales et abstraites déterminant, notamment, des prérogatives autorisant
son titulaire à en assurer le respect.

S’il est parfois difficile de distinguer les deux acceptions du terme droit en langue française, il
est plus aisé de le faire en d’autres langues. C’est le cas de l’anglais qui distingue Law (Droit)
et Rights (droits). De manière formelle, le mot Droit (avec D majuscule) signifie le droit
objectif alors que droit (d minuscule) se réfère aux droits subjectifs. Il conviendra cependant,
pour être sûr d’avoir élucidé le vrai sens, de ne pas se contenter de cette apparence mais de
prendre en compte l’idée dans son fond.

Ces deux définitions du mot «droit» sont complémentaires; elles permettent de rendre
compte du droit dans sa totalité: le droit est un ensemble de règles générales et impersonnelles
(le Droit objectif) dont l'application permet à l'individu de se prévaloir de prérogatives,
individuelles et particulières (les droits subjectifs).

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3. Science juridique

En plus de ces deux sens définis ci-dessus, le droit est enfin une science (sciences juridiques).
Le droit a son objet d’étude (les règles de droit), son vocabulaire ainsi que des méthodes
propres. Les études de droit ont précisément pour mission d’enseigner ces règles de droit
(objet) en ayant recours à une méthodologie bien spécifique (la méthodologie juridique). La
méthodologie est ici entendue comme l’ensemble d’outils et de démarches rationnelles de
l’esprit pour parvenir à la connaissance ou à la démonstration de la vérité sur l’objet étudié.
La méthodologie du droit renvoie dès lors à l’ensemble des opérations intellectuelles
permettant d’analyser, de comprendre et d’expliquer le droit compris comme corps de règles
de conduite mais aussi comme ensemble de prérogatives reconnues aux individus.

4. Le droit et la politique

Le droit et la politique sont en général considérés comme des notions antinomiques. L'opinion
publique a tendance à sacraliser le droit, à y voir non pas un mode d'exercice de la domination
mais beaucoup plus un instrument de limitation de pouvoir. Le droit pur, cependant n'existe
pas et toute réflexion sur le droit implique que l'on réfléchisse à son contexte, à ses objectifs et
à ses effets. Autrement dit, les normes juridiques sont à la fois le résultat de rapports de force
et une mesure assez fidèle de ces mêmes rapports. Peut-on classer la production des normes
juridiques parmi les modes d'exercice du pouvoir politique? En effet, on peut considérer que
la production de normes est une manière pour le fort d'imposer sa façon de voir au faible et
est ainsi un mode d'exercice de pouvoir. En même temps, le droit et l'émission de normes sont
aussi des moyens pour le puissant de perpétuer sa domination. En ce sens, ce serait plutôt un
outil de politique.

Il existe plusieurs définitions de la politique, c’est un terme polysémique. Politique : ce qui se


rapporte au gouvernement d’une société dans son ensemble. La politique c’est le
gouvernement des sociétés, c'est-à-dire la capacité qu’ont certains groupes ou individus
(gouvernants) de diriger la vie en société, d’orienter les comportements de l’ensemble des
membres de cette société, la capacité de promulguer des règles qui s’appliquent à tous et de
pouvoir les faire respecter.

L’activité politique est donc l’activité des individus dans la sauvegarde de certains biens
considérés par chacun comme fondamentaux, en tant que leur jouissance est à la base de tout :
ce qui n’exclut pas du tout, hypothétiquement, que certains individus aient davantage de
pouvoir que d’autres, et donc davantage de sauvegarde par rapport à d’autres des mêmes
biens, ou qu’ils jouissent de sauvegarde sur des biens que d’autres individus ne parviennent
pas à sauvegarder dans la situation à laquelle ils appartiennent. Mais le plus grand pouvoir
politique de ces individus sera toujours, d’une manière ou d’une autre, connecté au pouvoir de
tous les autres et il concernera en dernière analyse la sauvegarde de biens que tous les
individus appartenant à la société considèrent comme fondamentaux.

Ainsi, le Droit, science normative et prescriptive se donne comme mission d’étudier les règles
qui régissent les hommes entre eux et ces derniers avec la société. Quant à la science
politique, elle s’est donné comme objectif de comprendre et mesurer les faits politiques.

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La science politique se veut comme une étude ayant un discours systématique sur les faits et
les comportements divers et changeants tenus pour politiques à un moment donné par une
communauté d’individus déterminés.

Ayant la prétention scientifique, ce discours ne se borne pas à constater ces phénomènes ou à


décrire les flots des impressions qu’ils produisent chez l’observateur, mais à les ordonner sous
une représentation commune, à établir leur liaison en un ensemble qui fournit les lois
permettant de comprendre les mécanismes politiques.

Il s’agit de produire, plus précisément, de la connaissance sur ces faits et comportements qui
sont considérés comme politiques, c’est-à-dire leur attribuer un sens, montrer leur caractère
pertinent. C’est ce but que poursuit l’explication politique.

D’où, le droit et la politique se complète. En ce sens que le Droit produit de règles et la


politique les applique.

II. Les Caractères et identification de la règle de droit

Pour identifier la règle de droit, il faut la distinguer des autres règles non juridiques, pour
ensuite en dégager les caractères.

1. Identification de la règle de droit

a. Le fait et la règle de droit

La distinction entre le fait et le Droit (la règle) est au cœur de tout système juridique. Elle
détermine en particulier le rôle du juge qui doit appliquer la règle de droit aux faits dont il est
saisi. Elle est aussi capitale dans le travail scientifique, l’étudiant ou le chercheur pouvant être
appelé à confronter les faits à la règle de droit. C’est tout le sens du fameux adage « da mihi
factum, dabotibi jus » (donne-moi les faits, je te donnerai le droit) cher aux juristes.

Le fait peut revêtir plusieurs significations. Il s’agit ici de « tout ce qui a eu lieu », qu’il
s’agisse d’une situation, d’un phénomène ou même d’un événement. C’est ce qui est reconnu
ou accepté comme incontestable, certain. Ainsi par exemples : la naissance d’un enfant, le
lever du soleil, un match de football, l’arrivée du Pape Jean-Paul II à Bujumbura en 1990,
l’obtention du diplôme d’État, le mariage de votre grand-frère, la mort de Jésus de Nazareth,
etc.

Certains faits sont banals à l’égard du droit comme le lever du soleil, alors que d’autres seront
très importants dans la mesure où ils entrainent nécessairement l’application des règles
juridiques. Ainsi la naissance d’un enfant a comme conséquence qu’un individu devient
« père », un autre « mère », un troisième « fils » ou « fille » avec toutes les conséquences que
ce nouveau statut entraine sur le plan du droit (des droits et des obligations dans le chef de
chacun). Ces derniers faits sont qualifiés de « faits juridiques ». Il peut s’agir d’un fait de
l’homme (la naissance d’un enfant, un accident de circulation) mais également d’un fait de la
nature (une inondation par exemple, qui va déclencher une obligation des assureurs de couvrir

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certains dégâts). Les faits juridiques peuvent être volontaires ou involontaires (décès par
exemple).

On distingue les faits juridiques des actes juridiques. Ces derniers sont des manifestations de
volonté destinées à produire des effets de droit (par exemple conclure un contrat ou encore
rédiger un testament). Dans le fait juridique par contre, les conséquences juridiques n’ont pas
été directement voulues, même lorsqu’il s’agit d’un fait volontaire.

La question fondamentale à ce niveau est celle de l’articulation entre faits et règles de droit.
La règle de droit doit-elle s’adapter aux faits ou les faits doivent-ils se conformer à la
règle ?Selon certains théoriciens du droit, l’idée que le droit devrait s’adapter aux faits serait
très réductrice ; elle serait même un mythe4. Le droit ne peut certes pas se désintéresser de
l’évolution de la société, et notamment de l’évolution des mœurs. Mais le droit a aussi un rôle
instituant, c'est-à-dire qu’il met en place un certain état de fait : des règles juridiques ont pour
mission de régir une société, d’imposer un comportement (fait).

Le droit est d’un autre ordre que le fait et ne peut s’en déduire directement. L’écart entre le
droit et le fait, donc entre le droit et ce qui est, permet le jeu de la normativité et du devoir-
être. Si le fait est « ce qui est », le réel ; le droit relève du devoir-être. Autrement dit le droit
fonctionne comme un modèle et un idéal à atteindre. Il repose ainsi très souvent sur des
fictions, où l’on fait « comme si » (comme si la réalité était autre) : on va par exemple faire
« comme si un enfant était né alors qu’il ne l’est pas en réalité en vue de protéger certains
intérêts par exemple pour lui permettre de succéder à son père lorsque celui-ci décède avant la
naissance de son enfant ; ou encore comme si le possesseur d’un bien mobilier (téléphone
mobile par ex) en était le propriétaire lorsque l’apparence a trompé un tiers. Néanmoins le
droit ne crée pas n’importe quelle fiction, cela le conduirait à se désincarner du réel (des
faits).

b. Distinction entre la règle de droit et les autres règles de la société

La règle de droit (ou norme juridique) est une norme de conduite qui présente la spécificité
d’être sanctionnée par l’autorité publique. Cette possible sanction par l’autorité publique
permet de la distinguer des autres normes régissant les rapports entre les hommes (ex :
morales, religieuses,…) qui sont également contraignantes mais dotées de sanctions propres.

- Droit, morale, religion

Dans notre droit moderne contemporain le droit se caractérise par la coercition étatique.
Cependant il entretient des liens avec la morale et la religion. Le droit est l’expression de
l’idéologie d’un groupe, le reflet de sa culture, de sa morale et/ou de sa religion. La morale
permet de déterminer le bien et le mal, de dégager un ensemble de règles de conduite
considérées comme absolues (sens spirituel). C’est aussi l’ensemble des habitudes et des
valeurs morales qu’une société s’impose pour vivre en harmonie (morale sociale). La « règle
religieuse » est la règle qui veille au salut de l’Homme, édictée par un Dieu et ses
représentants. Ces normes de comportements peuvent diverger. La règle de droit, la règle
4
Voir M., FABRE-MAGNAN, Introduction générale au droit. Cours et méthodologie, Paris, PUF, 2009, p. 29 ; Ch. ATIAS
et D. LINOTTE, « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », Rec. Dalloz, 1977, pp. 251ss.

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morale et la règle religieuse sont des normes de comportement. Elles ont une finalité sociale.
Mais elles ne coïncident pas forcément (Ex : En droit le délai de prescription est le délai au-
delà duquel il devient impossible de faire valoir un droit).

Des sources différentes, une finalité et des sanctions différentes : Droit, Morale et religion ont
des finalités sociales mais des objectifs différents. Diriger les conduites des membres du
groupe selon un système de valeurs idéal à un moment donné, plus ou moins partagé (variable
en fonction des groupes, des lieux, des époques). Mais les objectifs de la morale et de la
religion sont de tendre à la perfection de la personne, à l’épanouissement de la conscience et
au salut de l’âme. Alors que le droit est facteur d’ordre, un régulateur de la vie sociale. Le
droit est sanctionné de manière externe par les pouvoirs publics. L’Etat détient pour cela le
monopole de l’usage de la violence.

- Une influence de la morale et de la religion sur le droit

Le Droit est le reflet de valeurs communes. Le Droit emprunte aux différents systèmes de
valeurs sociaux normatifs comme la morale. Ainsi le Droit doit pendre en compte la morale
(ex. : la notion de dol, de tromperie).

Mais il peut très bien l’occulter pour des raisons d’efficacité juridique (ex. : la prescription
extinctive). Le Droit réalise un équilibre : Organiser la vie sociale sans heurter les bonnes
volontés.

2. Caractéristiques de la règle de droit

La règle de droit est générale (ce qui n’exclut pas un limitation de son champs d’application),
permanente, obligatoire (pour tous les sujets à qui elle s’applique mais aussi pur l’autorité
publique) et assortie d’une contrainte (la sanction juridique)

a. Caractère généraux de la règle de droit

- La règle de droit est abstraite, générale et impersonnelle :

Une règle abstraite : La règle de droit énonce une norme de conduite, applicable à une
situation donnée. Cette situation est envisagée de manière abstraite, sans envisager chaque «
cas » possible.

Une règle générale et impersonnelle : La règle de droit est commune à tous et elle ne désigne
personne en particulier. Elle vise l'ensemble des individus de la société, ou bien une sous-
catégorie présentant la même particularité objective (ex. : les salariés, les fonctionnaires, les
consommateurs). Elle s’applique sur tout le territoire ou sur une fraction de territoire
présentant une particularité objective (ex : DOM-TOM).

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- Une règle permanente et extérieure

La règle de droit est permanente : Sauf lorsque la règle de droit prévoit elle-même un terme à
son application, la règle de droit a une durée de vie normalement illimitée. Elle est dite «
permanente ». Il faut une loi pour abroger une loi.

La règle de droit est extérieure : La règle de droit ne dépend pas de la volonté individuelle des
personnes à qui elle s'applique, donc « extérieure » à la volonté des sujets de droit. L'édiction
d'une règle de droit dans l'intérêt général, pour le bien-être social, ne nécessite pas l'adhésion
de chaque individu mais l'accord global de la « masse ».

b. Le caractère spécifique : la coercition étatique

- Une règle sociale obligatoire :

La règle de droit est obligatoire. C’est un commandement. La règle de droit impose une
norme de conduite aux individus d'une société donnée. Elle ordonne, elle interdit, elle punit,
elle permet.

- La sanction du non-respect de la règle de droit est assurée par l’Etat

Qui sanctionne ? : La règle de droit se caractérise par le fait qu’elle est obligatoire et que son
respect est sanctionné par l’Etat avec le recours à la force publique.

Comment sanctionne-t-on ? On distingue trois formes de sanction : Sanction-punition : Les


peines sanctionnent les contraventions, les délits et les crimes ; Sanction-réparation : Ce sont
les plus fréquentes. Certaines sanctions sont réparatives. Les réparations les plus courantes
sont les dommages-intérêts ; Sanction-exécution : Il s'agit de contraindre l'individu «
récalcitrant » à agir conformément à la règle de droit qu'il bafouait.

III. Division du Droit :

A. La summa divisio : Droit privé et droit public

La distinction droit public et droit privé est classique : Le droit public vise à organiser l’Etat et
les collectivités publiques et à régir leur relation avec les particuliers (les administrés). Le
droit privé vise à organiser les rapports entre les particuliers et les collectivités privées.

Une différence de finalités : Le droit public recherche la satisfaction de l’intérêt général et


assure l’exercice de la puissance publique. Le droit privé assure la sauvegarde des intérêts
particuliers. Ainsi l’Etat et les collectivités publiques, en tant que puissance publique,
disposent d’un pouvoir supérieur et ne sont pas liés par les règles applicables aux particuliers.
Alors que le droit privé, plus libéral et individualiste et accorde une grande place à la liberté
individuelle.

Une différence dans l’application des mesures de contrainte : En droit public, il n'existe en
principe aucune exécution forcée des décisions de Justice prononcées à l'encontre de
l'Administration.

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Des juridictions différentes : Le droit privé est sanctionné par les juridictions de l’ordre
judiciaire (avec au sommet la cour de cassation). Le droit public est sanctionné par les
juridictions de l’ordre administratif (avec au sommet le Conseil d’Etat).

Critique de la distinction : Cette distinction reste très théorique. Elle tend à faire oublier
l’unité du droit, traduction sous la forme d’un ensemble de règles d’un projet politique global.

B. Les sous-branches du droit

Depuis la fin du Moyen Age, le droit s’est progressivement divisé en plusieurs branches
tenant au droit public ou au droit privé. D’autres matières qui se retrouvaient à l’origine dans
le droit privé (civil) ou dans le droit public ont acquis leur autonomie et sont actuellement
considérées comme des disciplines plus ou moins mixtes, c'est-à-dire empruntant au droit
privé et au droit public. Certains préfèrent l’expression selon laquelle ces disciplines se
trouvent à cheval entre le droit public et le droit privé.

a. Matières relevant du droit privé

Rappelons que le droit privé est par essence celui qui régit les rapports entre les particuliers :
individus entre eux ou avec des collectivités privées telles que les associations, les sociétés ou
entre de telles collectivités. Le droit privé assure essentiellement les intérêts privés
(personnels). Il comprend principalement le droit civil et le droit commercial (sous réserve
de ce qui sera dit plus tard au sujet du droit économique moderne).

Le droit civil est l’ensemble des règles de droit privé normalement applicables, c'est-à-dire
des règles de droit privé ayant une valeur générale. Il constitue donc le droit commun par
rapport aux règles correspondant à des milieux spéciaux : il s’applique en principe à tous les
rapports de droit privé sauf si un droit spécial a été élaboré pour régir une matière déterminée
(droit rural, droit social, droit commercial, etc.). Le droit civil est la branche la plus ancienne
du droit car il régit d’abord les personnes et la famille depuis des temps immémoriaux
(mariage, filiation, divorce, les régimes matrimoniaux, etc.). Il régit ensuite les biens
notamment la propriété. Il régit enfin les contrats et la responsabilité civile (le droit civil
des obligations). Le droit civil est essentiellement contenu dans le (les) Code (s) civil. En
RDC, on distingue ainsi le Code de la famille (ancien Code civil Livre I) régissant les
personnes et la famille, le Code foncier (Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, modifiée et complétée
par la Loi n° 80-008 du 18 juillet 1980) et le Code civil Livre III.

Le droit commercial s’est détaché du droit civil et constitue un régime spécial. Il contient


l’ensemble des règles juridiques applicables aux commerçants dans l’exercice de leur activité
professionnelle. Le droit commercial régit donc non seulement les opérations de commerce
(sociétés, professionnels) mais aussi tous les actes de commerce accomplis par toute
personne.

D’autres matières se sont détachées peu à peu du droit civil voire du droit commercial pour
constituer des branches du droit privé plus ou moins autonome. Ce sont par exemple le droit

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

de la propriété intellectuelle (propriété industrielle, propriété littéraire et artistique), le droit


rural, le droit des assurances, le droit des transports, etc.

b. Matières relevant du droit public

Le droit public est l’ensemble de règles qui s’appliquent à l’organisation de l’Etat et de ses
démembrements et qui régissent les rapports entre la puissance publique (l’Etat ou une autre
collectivité publique, établissement public) et les particuliers. Le droit public se subdivise en
plusieurs branches, dont : le Droit constitutionnel, le Droit Administratif, les Finances
publiques, le Droit international public

Le droit constitutionnel : c’est le droit fondamental de chaque Etat, il résulte de la


Constitution qui est le texte fondateur des Etats. Les constitutions contiennent ainsi au
minimum les principes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat : le type de régime
politique institué, les principaux pouvoirs publics, leur mode de désignation, ou encore leurs
compétences. La Constitution contient en plus dans de nombreux pays l’énoncé des droits et
des libertés fondamentaux des citoyens.

Le droit administratif : Le droit administratif est le droit de l’action administrative. Il régit les
relations entre l’Etat ou toute autre personne publique (collectivité territoriale, entreprise ou
établissement publics, etc.) et une personne privée ainsi que les relations des personnes
publiques entre elles. C’est le droit qui fixe le régime des actes de l’administration (actes
unilatéraux, contrats administratifs), de la responsabilité administrative, de la fonction
publique, des collectivités locales, des marchés publics, ou encore de la police administrative.
Par nature, le droit administratif est inégalitaire dans la mesure où la mission d’intérêt général
confiée à l’administration justifie que celle-ci soit dotée de prérogatives exorbitantes (qui vont
au-delà) du droit commun.

Les finances publiques :le En administration publique, les finances publiques est l’Ensemble
des principes et des règles relatives aux finances de tous les organismes publics, notamment
de l’État, des provinces, des établissements publics, des entités territoriales décentralisées et
des organismes de la Sécurité sociale. En politique publique, c’est l’ensemble des recettes et
des dépenses publiques. Quant au Droit publique, c’est une discipline académique du droit
public qui étudie les règles juridiques d’établissement du budget, celles relatives à l’impôt et à
l’emprunt, ainsi que les procédures d’exécution des dépenses et des recettes publiques. Cette
sous-branche du droit regroupe les règles du droit budgétaire, du droit fiscal et de la
comptabilité publique.

Le droit fiscal : Le droit fiscal a un double sens :

Dans sa conception étroite, le droit fiscal est présenté, de ce point de vue, comme une matière
spéciale, irréductible à toute autre, ayant ses concepts et ses normes propres. C'est le domaine
de l'exorbitant, des dérogations au droit commun, celui où l'Etat exerce au plus haut point ses
prérogatives et ses privilèges de puissance publique.

Dans cette conception étroite, le droit fiscal comprend l'ensemble des règles spéciales de la
fiscalité, sans équivalent en droit privé ou même en droit public général.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Cette partie de la fiscalité n'est pas d'ailleurs la plus difficile à appréhender. Il s'agit d'un corps
de principes assez rigides, fixés parfois depuis longtemps et qui sont très largement à l'abri
des fluctuations de la législation.

Au sens large, il correspond en quelque sorte au droit fiscal appliqué, celui que l'on retrouve
dans les différents secteurs de la fiscalité considérés comme autant de centres d'intérêt
(fiscalité personnelle, fiscalité de l'entreprise, fiscalité immobilière, etc ... ), ou dans les
régimes des différents impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, droits
d'enregistrement, etc).

Le droit fiscal se caractérise dans ces domaines d'application par une interpénétration des
règles spéciales de la fiscalité, exorbitantes du droit commun, et des règles du droit commun,
qu'il s'agisse pour celles-ci, des règles du droit privé (droit civil, droit commercial, droit du
travail, droit de la sécurité sociale, etc.) ou du droit administratif.

Le droit international public : Le droit international public régit les relations entre les sujets
de ce système juridique, qui sont les États, les organisations internationales et les quasis États.
Les sources conventionnelles de ce droit sont les traités et les conventions. Les sources
extraconventionnelles sont la coutume internationale, les principes généraux du droit, la
jurisprudence et la doctrine des publicistes les plus qualifiés.

Les récents développements du droit international humanitaire, des droits de l'homme et du


droit commercial international, font penser que les individus et les transnationales peuvent
être perçus comme des sujets du droit international public. Cette interprétation va à l'encontre
de l'orthodoxie juridique internationale traditionnelle, puisque seuls les sujets du droit
international peuvent créer, appliquer ou veiller à l'application des règles de ce droit et porter
la responsabilité de sa violation, même en ce qui concerne les droits de l'homme, le droit
humanitaire et le commerce international. Il paraît donc peu évident d'admettre les personnes
morales ou physiques comme des sujets du système juridique international.

c. Les droits dits mixtes

Si à l’origine, la distinction entre droit privé et droit public pouvait être nettement faite, il n’en
est pas le cas en ces jours. L’évolution montre que les techniques et les préoccupations se
mélangent très souvent. Il existe dès lors des règles de droit qui ne classent parfaitement ni
dans le droit public ni dans le droit privé tant elles empruntent à ces deux branches
traditionnelles tout en s’en distinguant par certains aspects. Ce sont les droits dits mixtes.
Citons-en certains :

Le droit pénal : encore appelé « droit criminel » participe du droit public et du droit privé. En
effet, il a pour principal objet de définir les délits et les peines et de sanctionner les
comportements délinquants qualifiés comme tels par la loi ou le règlement parce qu’ils
portent atteinte à la société. Les infractions (contraventions, délits et crimes) sont donc
définies en considération de l’intérêt général c'est-à-dire les comportements délictueux sont
réprimés au nom de toute la société représentée par les pouvoirs publics. En cela le droit pénal
apparait plus comme relevant du droit public. En RD Congo, les infractions sont définies par

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

le Code pénal (Décret du 30 janvier 1940, plusieurs fois mis à jour et enrichi de nouvelles
incriminations).

Néanmoins, le droit pénal est traditionnellement rattaché au droit privé. Ce rattachement est
principalement lié à l’histoire propre du droit pénal. Cette sous branche du droit apparait bien
longtemps avant la naissance du droit public en tant que tel. Le droit pénal s’est alors attaché
à la branche qui existait à l’époque, à savoir le droit privé (droit civil et droit commercial). En
outre, le droit pénal protège énormément des intérêts privés : la vie privée, l’honneur, la
dignité, la propriété privée, etc.

Le droit processuel dont nous avons déjà parlé ci-dessus en l’opposant au droit matériel. Il
regroupe le droit judiciaire privé (procédure civile), la procédure pénale et la procédure
administrative. Ces disciplines concernent l’organisation et le fonctionnement des organes
judiciaires. Elles déterminent la procédure relative au déroulement du procès (civil, pénal ou
administratif). Elles relèvent du droit public dans la mesure où elles organisent aussi un
service public de l’Etat, à savoir le service de la justice. Cependant la procédure civile et
pénale, tout comme le droit matériel y correspondant, relève traditionnellement du droit privé.

Le droit social (droit du travail et la sécurité sociale) : Le droit du travail régit le travail en
situation de dépendance (par opposition aux professions libérales). Il recouvre l’ensemble de
règles qui définissent la condition des travailleurs salariés : les activités ou prestations, la
rémunération, la représentation collective (syndicat), le droit de grève, les pouvoirs et
obligations de l’employeur, etc. Quant au droit de la sécurité sociale, longtemps rattaché au
droit du travail, il s’en est détaché depuis les années 1945, pour garder et développer les
règles destinées à s’appliquer principalement aux travailleurs en vue de les protéger contre
divers risques sociaux (maladie, accident de travail, chômage, etc.).

Le droit social se rattache traditionnellement au droit privé en ce sens qu’il régit les rapports
entre deux sujets privés (l’employé et l’employeur) soumis au Code civil. Néanmoins,
l’intervention de plusieurs éléments du droit public dans le droit social surtout avec
l’évolution de la société et le besoin de plus en plus immense de protection et de sécurité, fait
que le droit social devienne plus une branche mixte. Ainsi, les pouvoirs de l’employeur sont
désormais encadrés par de nombreuses limitations imposées par les pouvoirs publics (le
travail de nuit par ex) ; l’inspection du travail est une institution administrative ;
l’organisation de la sécurité sociale est un service public (la CNSS). Il existe un Code du
travail en RD Congo (Loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail).

D’autres matières se trouvaient à l’origine dans le droit civil, mais, du fait de leur
développement, elles ont acquis leur autonomie ou sont tout au moins devenus des branches
mixtes : le droit économique ou droit des affaires (qui comprend lui-même de nombreuses
spécialités telles que le droit des sociétés, le droit des entreprises en difficulté, le droit
bancaire et boursier, le droit des effets du commerce), le droit de la propriété intellectuelle, le
droit maritime, le droit de la consommation, etc.

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VI. La justiciabilité de la règle de droit : l’organisation juridictionnelle

Une juridiction est un organe crée par la loi qui a pour but de trancher des litiges en droit et
dont la décision a une autorité qui s'impose aux parties au litige. (Un arbitre n’est pas une
juridiction)

Le mot "juridiction" est un terme générique désignant toutes les institutions que nous allons
étudier. Cependant aucune juridiction ne porte ce nom. Tantôt, elles se nomment "tribunal" et
correspondent aux juridictions du premier degré tantôt "cour" et appartiennent, le plus
souvent, au second degré. Mais la règle n'est pas absolue (ex. quelques juridictions se
nomment "conseil"). En principe, lestribunaux rendent des "jugements" et les cours des
"arrêts".

En République Démocratique du Congo, la Constitution du 18 février 2006 institue trois


ordres de juridictions :

- la Cour constitutionnelle ;

- les juridictions de l'Ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour de cassation ;

- les juridictions de l'Ordre administratif coiffées par le Conseil d'Etat.

A. La magistrature

Avant d’examiner les différentes juridictions, quelques mots sur ceux qui les composent, les
magistrats. La magistrature est, depuis la monarchie, divisée en deux branches distinctes.

Le terme "magistrat" désigne à la fois les juges du siège et les membres du parquet
représentant le ministère public. Les magistrats du siège et du parquet ne forment qu'un seul
corps et sont recrutés et formés de la même manière mais ils ne sont pas soumis aux mêmes
obligations et ne bénéficient pas des mêmes droits.

1. Les magistrats du siège

Les magistrats du siège (magistrature assise) ont pour fonction de juger ou d'instruire les
procès. Il est indispensable que les magistrats du siège, qui composent les cours et les
tribunaux, remplissent leurs fonctions en toute indépendance, et ne soient l'objet d'aucune
pression. C'est la raison pour laquelle ce ne sont pas des fonctionnaires hiérarchisés,
dépendants du Gouvernement. L'essentiel des droits qui leur sont reconnus visent à garantir
leur indépendance, notamment en soustrayant l'organisation de leur carrière aux aléas
politiques et aux pressions de toute sorte, et en la confiant à un organe indépendant, le Conseil
supérieur de la magistrature. Il fait des propositions pour les nominations des magistrats du
siège mais ne donne que des avis pour les nominations des magistrats du parquet. Le
gouvernement ne peut pas donner des ordres aux magistrats ni quant à leur attitude générale,
ni quant à leur attitude dans une affaire particulière.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Les magistrats du siège sont inamovibles, ce qui signifie qu'ils ne peuvent recevoir, sans leur
consentement, aucune affectation nouvelle, même en avancement. Ils ne sont pas destitués,
suspendus ou déplacés à la discrétion du gouvernement.

Les magistrats du siège sont indépendants. Ils statuent en toute indépendance et doivent faire
preuve d’impartialité.

2. Les magistrats du ministère public

Les magistrats du ministère public, dits du Parquet (la magistrature debout : ils doivent
requérir debout) sont présents en tant qu'agents du pouvoir exécutif auprès des tribunaux : ils
représentent l'Etat, ils requièrent l'application de la loi dans l'intérêt de la société. Leur
indépendance à l’égard du pouvoir exécutif, notamment du Garde des Sceaux, est moins
effective.

En matière pénale, leur rôle est considérable. Le Ministère public a le monopole de l'exercice
et de l'opportunité des poursuites, il est la partie principale opposé au délinquant : il joue le
rôle d'accusateur. En matière civile, son rôle est plus modeste. Il est souvent seulement partie
jointe et expose son opinion. Il n'a pas, en principe, l'initiative de l'action en justice.
Néanmoins, son rôle est important en matière d'état des personnes (nationalité, nullité du
mariage) ou de "faillites" des sociétés. Il peut toujours intervenir librement au procès civil, à
chaque fois que les faits portent atteinte à l'ordre public. Ils communiquent au tribunal par
voie de conclusions écrites.

Les conclusions du ministère public sont toujours très précieuses car ce magistrat formule en
toute liberté son avis sur les points de droit délicats. Des conclusions sont parfois à l'origine
de revirement de jurisprudence, elles sont parfois publiées. Les magistrats du ministère public
sont hiérarchisés ; ils doivent obéir aux ordres qui leur sont donnés par leurs supérieurs,
notamment par le ministre de la Justice. Les membres du Ministère public, du fait de sa
spécificité, se trouvent subordonnés au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et doivent
obéir à l'autorité hiérarchique, sous peine de sanctions disciplinaires.

Néanmoins, cette subordination est tempérée par un principe : "si la plume est serbe, la parole
est libre", ce qui signifie que si le membre du parquet est tenu de requérir par écrit
conformément aux instructions qu'il a reçu de ses supérieurs hiérarchiques, à l'audience, sa
parole est libre et il peut exprimer oralement des opinions différentes.

En raison de l'éminence de leur fonction, il est évident que les obligations du magistrat vont
au-delà de ce qui est habituellement requis du fonctionnaire. Le magistrat est tenu de rendre la
justice, il ne peut faire grève, il doit tenir secrète les délibérations. Les magistrats doivent, en
tout temps et même dans leur vie privée, mener une vie "digne". Il leur est interdit toute
manifestation de nature politique et prendre des positions publiques partisanes. Le magistrat
ne peut cumuler sa fonction avec une autre activité professionnelle (sauf enseignement,
recherche scientifique, activité littéraire ou artistique, arbitrage). L'idée est d'éviter toute
subordination de droit ou de fait, susceptible de contrarier l'indépendance et l'objectivité du
magistrat. L'exercice d'un mandat politique, national ou international est tout à fait

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

incompatible avec la fonction de magistrat. Néanmoins, les magistrats ont le droit d'adhérer à
un syndicat.

B. Les juridictions de l'ordre judiciaire

Les juridictions de l'ordre judiciaire remplissent deux sortes de fonctions : d'une part, elles
sont chargées de juger les procès entre les particuliers, relatifs à l'application du droit privé ;
d'autre part, elles frappent de peines ceux qui ont commis des infractions.

Il faut distinguer les juridictions du premier degré, devant lesquelles le litige est porté en
premier lieu et la juridiction du second degré, la cour d'appel, devant laquelle le plaideur,
mécontent du jugement, peut porter le litige une seconde fois en vertu du principe, non
absolu, du double degré de juridiction. Un pourvoi en cassation, porté devant la Cour de
cassation est toujours possible, mais il ne portera que sur l'examen de la décision des juges du
fond (jugent l'ensemble du procès, fait et droit) pour vérifier s'ils ont fait une application
correcte du droit.

Les juridictions de l'Ordre judiciaire sont : les tribunaux de paix, les tribunaux militaires de
police, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail,
les tribunaux militaires de garnison, les Cours militaires, les Cours militaires opérationnelles,
les Cours d'appel, la Haute Cour militaire et la Cour de cassation.

C. Les juridictions d’ordre administratif

Institué par la Constitution à son article 154 et organisé par la Loi organique du 15 octobre
2016 Portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre
administratif, l’ordre administratif désigne l’ensemble des juridictions compétentes à
connaître du contentieux administratif. Il se charge du contrôle des actes pris par les autorités
administratives. Il assure à ce titre le contrôle juridictionnel de l'administration.

Les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes pour connaître des recours pour
excès de pouvoir contre les actes pris par les autorités investies d’un pouvoir administratif,
qu’il s’agisse des autorités administratives du pouvoir central, des autorités provinciales ou
locales.

Etant donné que ce sont des actes des personnes morales ne constituant pas des infractions et
qui émanent des pouvoirs publics, censés protéger les citoyens, il est nécessaire de les traiter
dans un régime différent de ceux des autres actes. C’est ainsi qu'a été institué un ordre de
juridictions administratives à côté des deux ordres judiciaire et constitutionnel.

Les juridictions administratives sont un élément puissant de protection des administrés vis-à-
vis des abus qui pourraient naître des actes ou décisions des autorités administratives. En
effet, il arrive que les autorités administratives prennent des décisions qui entrent en collision
avec les intérêts des administrés. Ces actes d’autorités paraissent souvent inattaquables même
lorsqu’ils contiennent des imperfections manifestes.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Les juridictions administratives donnent justement cette possibilité de recours à tout citoyen
dont les droits sont lésés par une telle décision. Il s’agit là d’un moyen très important et
efficace mis à la disposition des administrés mais – malheureusement, dans la plupart des cas
très peu connu de ceux-ci et, par conséquent, moins mis en pratique.

L’ordre de juridictions administratives composé du Conseil d’Etat et des Cours


administratives d’appel et des tribunaux administratifs.

Le Conseil d’État est la plus haute juridiction de l’ordre administratif. Elle contrôle les cours
et tribunaux de cet ordre et connaît des recours contre les décisions rendues par les
juridictions placées sous son autorité.

Au sein des juridictions administratives, on distingue deux catégories de personnel : les


magistrats, d’un côté ; les agents de greffe et du secrétariat des parquets ainsi que les
huissiers, de l'autre.

Dans la première catégorie, on recense les magistrats du siège, qui exercent au sein des cours
et tribunaux administratifs, et les magistrats du Ministère public, qui exercent au sein des
parquets rattachés à ces juridictions. Ils sont tous régis par le statut des magistrats. Le juge
administratif est au cœur de la vie publique. Il est, de façon générale, chargé de dire le droit
(en protégeant les libertés et les droits fondamentaux des personnes) et de défendre l’intérêt
général. Le Ministère public concourt également à la protection et de l'administration et des
administrés.

Dans la seconde catégorie, on trouve les agents administratifs des greffes, les secrétaires des
parquets ainsi que les huissiers. Ils sont tous régis par le statut du personnel de carrière des
services publics de l’État.

Le Conseil d’État et la cour administrative d’appel sont composés d’un premier président, des
présidents et des conseillers. Le tribunal administratif d’instance est composé d’un président
et des juges.

D. La Cour constitutionnelle

Elle est instituée par l’article 157 de la Constitution. La Cour constitutionnelle qui est au
centre du système démocratique, est une institution transversale qui régule les rapports les
plus complexes au sein de l’État, agissant aussi bien sur la base de pouvoirs propres que
suivant le besoin du maintien ou de la préservation des équilibres fondamentaux entre
institutions ainsi qu’entre institutions et particuliers. Elle protège les droits de l’homme, et
veille à ce qu'aucun acteur de la vie publique ne viole la Constitution.

L'article 169 de la Constitution dispose : « L’organisation et le fonctionnement de la Cour


constitutionnelle sont fixées par une loi organique. » C’est en application de cette disposition
constitutionnelle qu'a été élaborée la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013.

La Cour constitutionnelle est composée de neuf membres nommés par le Président de la


République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Congrès et trois autres désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Ces nominations
sont soumises au respect de certaines conditions expressément consacrées par le constituant.

Il s’agit de la nationalité congolaise et de l’expérience de quinze ans au moins éprouvée dans


le domaine juridique ou politique. La Constitution du 18février 2006 telle que modifiée à ce
jour prévoit que deux tiers des membres doivent être des juristes provenant soit de la
magistrature, soit du barreau, soit encore de l’enseignement universitaire.

Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelable.
L’interdiction du renouvellement du mandat peut s’analyser comme un élément de garantie de
l’indépendance de la Cour : il semble que, lorsque le juge n’attend pas une reconduction à ses
fonctions, il est moins porté à la complaisance et affirme sans complexe son indépendance.

La Cour constitutionnelle connaît, en plus des membres, des conseillers référendaires. Avant
d’entrer en fonction, les membres de la Cour, y compris ceux du parquet général près la Cour,
nommés par le Président de la République, doivent être présentés à la nation et prêter serment
devant le Président de la République.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Partie I : LES SOURCES DES RÈGLES GÉNÉRALES ET ABSTRAITES

Le terme « source du droit » désigne tout ce qui contribue, ou a contribué, à créer l'ensemble
des règles juridiques applicables dans un État à un moment donné (le droit positif écrit ou non
écrit).

Dans les pays de droit écrit, les principales sources du droit sont des textes tels que les traités
internationaux, la constitution, la loi, les règlements. Cependant, d'autres sources sont parfois
admises selon la matière, telles que la coutume, les principes généraux du droit consacrés par
la jurisprudence - parfois inspirée par la doctrine des juristes spécialisés (professeurs, avocats,
magistrats...). Les sources du droit sont un critère de la détermination du système juridique du
pays considéré, selon qu'il y ait plus de considération pour le droit écrit (droit civil ou droit
continental), la jurisprudence (Common law), la coutume (droit coutumier) ou les principes de
la religion d'État tel que dans certains Etats islamiques (droit religieux).

Dans le cadre du droit congolais, mêlant le droit écrit (d’origine européenne et nationale) et le
droit coutumier (droit des différentes communautés nationales), nous pouvons distinguer
plusieurs catégories de sources : les sources instituées (sources fondamentales ou directes) et
les sources pratiques (indirectes, dérivées, interprétatives).

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Chapitre I. ETUDE SYSTÉMATIQUE DES RÈGLES DE DROIT NATIONAL

Le droit positif congolais est constitué des différentes règles issues de sources diverses. Ces
sources peuvent être directes (instituées) ou indirectes(interprétatives).

Section I. Les sources instituées

Les sources instituées sont celles qui sont expressément consacrées par le système juridique
(national, communautaire ou international). Elles sont encore dites « sources fondamentales »
ou « sources directes » (opposées aux sources indirectes). En droit congolais, ces sources sont
énumérées à l’article 153, al. 4 de la Constitution de février 2006 telle que modifiée à ce jour.
Aux termes de cette disposition :« Les Cours et Tribunaux, civils et militaires, appliquent les
traités internationaux dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour autant qu’ils
soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire
à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ».

I. La Constitution

La Constitution est un ensemble de règles formant une certaine unité. Elle a deux sens : un
sens matériel et un sens formel.

A. Généralités sur la constitution

1 –Constitution matérielle et Constitution formelle


La Constitution au sens matériel

C’est la Constitution que l’on définit en fonction de son contenu, en fonction de la nature du
fondement même des règles qu’elle renferme. On entendra par « Constitution » l’ensemble de
toutes les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir, sans qu’elles figurent
nécessairement dans un texte écrit et sans que l’on se préoccupe exactement de l’auteur du
texte ou du pouvoir qui l’a mise en place. Y entrent : le droit électoral, le droit parlementaire,
et le statut des partis politiques. Le plus souvent, ces règles ne sont pas considérées comme
faisant partie de la Constitution au sens matériel.

La Constitution au sens formel

C’est l’ensemble des règles ayant reçu une forme distincte. On identifie la Constitution à
partir de son éviction. On est en présence d’une Constitution formelle lorsque son éviction est
mise en place par des organes spécifiques. Elle renvoie ici à l’organe qui l’adopte (qui, et
comment ?). Il n’est pas illogique qu’un corps de règles émane de cette collectivité. Il faut
pouvoir identifier une Constitution comme différente des autres règles qui régissent un État.
L’approche matérielle se résume à un contenu de normes, là où l’approche formelle renvoie à
une procédure spécifique.
« La Constitution au sens formel est l’ensemble des règles ayant reçu une forme distincte (ce
qui est le cas, par hypothèse, de la Constitution écrite) et dont l’édiction, l’élaboration et la
révision ne peuvent être réalisées que par un organe spécifique et ou une procédure
particulière. »

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

2_Constitution et hiérarchie des normes

- La Constitution, sommet de la pyramide des normes

La théorie normativiste de la hiérarchie des normes

On appelle « hiérarchie des normes » une structure juridique dans laquelle la valeur d’un acte
est fonction de la place de son auteur dans les pouvoirs publics. Selon Kelsen, pour qu’un
système juridique déterminé fonctionne, il faut que toutes les normes aient les mêmes valeurs.
Il faut que toutes les normes soient reliées entre elles par un lien hiérarchique. On doit à
Kelsen la mise en place d’une théorie sur la hiérarchie des normes. Il a séparé le droit de la
morale et de la religion. Pour lui, aucune norme n’est en soi juridique. Il n’y a pas de règle de
droit dans la nature, aucune norme juridique n’a un contenu objectif. L’ordre juridique
moderne se caractérise non pas par un lien juridique hiérarchique des normes/valeurs, mais
par un lien et des organes juridiques en construction. Tout objet peut devenir un élément de
l’ordre juridique avec une place dans la hiérarchie des normes. Il suffit que certains organes
habilités adoptent un texte. La validité d’une norme va se mesurer sur le terrain de la validité
juridique. Une règle est bien juridique car elle a été étiquetée par un texte juridique. Une règle
est bien juridique car elle a été éditée par un organe prévu par un texte supérieur.
Structure de la hiérarchie des normes : la Constitution en est le sommet (de la pyramide). Il
existe une hiérarchie très complexe entre les étages de la pyramide des normes. Dans le
schéma de Kelsen (ci-dessous), le rapport hiérarchique au sein de la pyramide des droits se
révèle de deux manière : soit une norme supérieure habilite un organe à adopter un organe
inférieur, soit chaque norme respecte le contenu de la norme qui lui est supérieure (et
compatible). Mais le système doit nécessairement être clos (arrêt de la hiérarchie avec la
Constitution). Il faut présupposer l’existence d’une norme invisible, que Kelsen va appeler la
« norme fondamentale » (« Grundnorm »), qui relève d’un discours logique. Kelsen considère
que cette norme doit seulement être supposée pour que la pyramide tienne.

Illustration congolaise : en droit français, la Constitution est considérée comme le sommet de


la pyramide des normes.

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Il existe, à côté des traités, toujours inférieures à la Constitution, certaines lois importantes :
les lois organiques, qui apportent des précisions à certaines prédispositions constitutionnelles.
C’est d’ailleurs la Constitution elle-même qui prévoit que certains de ses aspects soient réglés
par une loi organique. On retrouve ensuite des actes à valeur législative, actes qui sont votés
par le parlement. Il est normal que les représentants du peuple puissent prendre des actes de
grande valeur. La compétence du législateur est prévue dans la Constitution, c’est elle qui
donne son existence juridique à la loi. Le juge constitutionnel a été créé pour vérifier que les
lois respectent bien la Constitution. Il y aurait également certains actes du président de la
république. Ces lois doivent être conformes non seulement à la Constitution mais également
aux traités et aux lois organiques. Lorsqu’une loi entre en vigueur, elle l’emporte sur tous les
traités antérieurs. Le juge constitutionnel vérifie que les lois sont bien conformes aux lois
organiques. Sous les lois, on trouve les actes administratifs. Ces actes sont caractérisés par le
fait que, sauf exception, ils sont pris par des organes qui interviennent dans le détail de
certaines affaires administratives. Beaucoup d’entre eux sont pris en décrets d’application des
lois. Ces actes, pour beaucoup d’entre eux, font vivre de façon concrète une loi, et ne doivent
pas être pris en violation de textes de loi existants. Les actes administratifs nationaux
l’emportent sur les actes administratifs locaux. Les règlements spéciaux dérogent aux
règlements généraux. On ne peut pas faire l’économie de la question de l’interprétation de ces
normes. La portée juridique effective de cette différente règle va pour partie dépendre de
l’intervention des juges, et de tous les organes compétents pour élaborer ces textes.

B. Constitution comme source de la liberté de presse en République démocratique


du Congo

La Constitution actuellement en vigueur en République démocratique du Congo est celle


promulguée le 18 février 2006 après avoir été adopté par le peuple consulté par référendum.
Elle a été légèrement modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011portant révision de
certains articles de la Constitution de la RDC du 18 février 2006.

Comme la plupart des textes constitutionnels qui l’ont précédée, la Constitution congolaise de
2006 est organisée autour de deux grandes idées force : d’une part, les principes
fondamentaux relatifs à l’Etat (la souveraineté, l’organisation des pouvoirs, etc.) et, d’autre
part, les droits et les libertés des citoyens (Titre 2). Le droit constitutionnel congolais ne se
limite donc pas à régir les pouvoirs et les institutions publiques. Il contient désormais des
principes fondamentaux qui intéresseraient même le droit privé (le droit à la propriété par
exemple).

La Constitution de février 2006 a confié le contrôle de constitutionnalité des lois à la Cour


constitutionnelle (art. 157). Celle-ci est composée de neuf membres (2/3 devant être des
juristes) nommés par le Président de la République dont trois désignés par lui-même, trois par
le Parlement et trois autres désignés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) (art.
158 Const.). Elle peut être saisie par toute personne pour inconstitutionnalité de tout acte
législatif ou réglementaire (art.160 Const. 2006)

Pour consacrer la liberté de la presse, le constituant congolais, s’est inspiré des dispositions
pertinentes d’instruments juridiques internationaux auxquels la RDC est partie.

24
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Il consacre cette liberté au titre des droits humains et la considère comme une composante
essentielle de la liberté d’expression à laquelle toutes les personnes vivant en République
Démocratique du Congo ont droit5.

L’article 23 de la constitution affirme que : « toute personne a droit à la liberté d’expression.


Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la
parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes
mœurs». Le constituant ne se limite pas à la simple prévention de cette liberté. Il la fait
ressortir des limites et prévoit des sanctions en toutes circonstances de son mauvais usage afin
de garantir que « la liberté de chacun se limite là où commence celle de l’autre ».

À son alinéa 2, l’article 24 de la constitution dispose que: «(…) La liberté de la presse, la


liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre
moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l’ordre public, des bonnes
mœurs et des droits d’autrui».

Afin d’assurer un plein exercice de cette liberté, le constituant de l’époque avait fait
injonction au législateur de prendre une loi qui mette en place les modalités pratiques à travers
lesquelles cette liberté s’exercerait C’est ainsi qu’en 1996, le législateur a pris la loi N°22-002
du 22 juin 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse au Zaïre, en
abrogation du texte qui régissait alors la presse, promulguée en 197013, et qui ne cadrait plus
avec le contexte du pays.

II. La loi

Au sens strict (parfois dit « formel »), règle de droit écrite, générale et permanente, adoptée
par le Parlement selon la procédure législative et dans le domaine de compétence établis par la
Constitution (Const., art. 122 :définition matérielle expression de la volonté générale, valeur
normative).

La loi entendue au sens strict est l’œuvre du Parlement. Il s’agit de l’œuvre commune de
l’Assemblée nationale (Chambre basse) et du Sénat (Chambre haute). Il nous semble devoir y
inclure aussi les édits adoptés par les assemblées provinciales. En effet, aux termes de la
Constitution de 2006, une assemblée provinciale « légifère » sur les matières relevant des
compétences des provinces (art. 204 et 205 de la Constitution).

• Loi impérative : loi qui ne peut être éludée par celui auquel elle s’applique.

• Loi supplétive (ou interprétative) : loi qui ne s’impose à un individu qu’à défaut de
manifestation de volonté contraire de sa part.

Au sens large (parfois dit « matériel »), règle de droit édictée, qu’elle soit d’origine
parlementaire (loi au sens strict) ou non (directives, règlements, ordonnances, décrets,
arrêtés).

5
Articles 22, 23 et 24.

25
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

A. La loi : source privilégiée du droit congolais moderne

La loi occupe une place très importante en droit positif congolais depuis l’époque coloniale.
La loi a longtemps coexisté avec les règles coutumières ; mais par la suite, elle tend à les
remplacer dans plusieurs domaines.

La loi doit être entendue lato sensu, c'est-à-dire synonyme d’une règle de droit. Ce sens large
recouvre toutes les règles juridiques écrites présentant un caractère général, impersonnel et
obligatoire. On dira donc que « la loi interdit de faire ceci ou cela » même lorsque, en toute
rigueur, c’est la Constitution qui l’interdit ou un simple décret. La loi recouvre donc des textes
de nature et de portée normative (force obligatoire) différentes : la Constitution, la loi
organique, la loi ordinaire, les règlements administratifs. Dans un sens plus restreint, la loi est
une règle de droit (acte) qui émane du parlement (acte du pouvoir législatif). L’article 100,
al.2 de la Const. De 2006 précise : « le Parlement vote les lois ».

1. Notions et différents types de lois

Rappelons qu’en droit interne, l’un des principes cardinaux régissant les sources de loi est leur
hiérarchisation. La hiérarchie des règles présente une grande importance en ce sens qu’un
texte d’une catégorie inférieure dans la pyramide doit obligatoirement se conformer au texte
appartenant à une catégorie supérieure. En descendant la pyramide, nous allons énumérer les
différents blocs constitutifs de la légalité.

ii. Les différents types de lois

On peut distinguer différents types de lois : loi ordinaire, loi organique, loi référendaire et
loi-cadre (loi de programme ou d’orientation).

- Lois ordinaires : Ce sont des lois votées dans le cadre de l’activité normale du
Parlement dans le cadre des articles 122 et 123de la Constitution de février 2006.
Elles sont généralement désignées par le terme « loi » sans tout autre qualificatif.
Ex : art. 9 de la Constitution de 2006 ;

- Lois organiques : Ce sont des lois qui complètent les dispositions de la Constitution,
par exemple des lois sur le fonctionnement des assemblées parlementaires ou la Cour
constitutionnelle. La Constitution conférera généralement le qualificatif
« organiques » à certaines lois dont elle déterminera à l’avance l’objet (art. 124
Const.2006). C’est par exemple l’art. 8 Const. prévoit qu’« une loi organique
détermine le statut de l’opposition politique ». Les lois organiques sont soumises à
une procédure particulière (art. 124 de la Constitution).En outre, elles ne peuvent être
promulguées qu’après la déclaration par la Cour constitutionnelle qu’elles sont
conformes à la Constitution.

- Lois-cadres, lois de programme ou lois d’orientation : il s’agit des lois qui


déterminent les orientations générales de l’action du gouvernement dans un domaine
donné, d’autres normes (des règlements notamment) devant reprendre avec plus de

26
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

précision ces objectifs-cadres. Exemple : Loi-cadre n° 14/004 du 11 février 2014 de


l’enseignement national.

- Lois référendaires : Le Parlement adopte des lois au nom du peuple souverain qu’il
représente. Le peuple peut cependant exercer lui-même directement ce pouvoir. Ces
lois dites référendaires sont prévues par la Constitution de 2006 à l’article 5.

iii. Le domaine de la loi

La grande nouveauté des constitutions modernes (depuis 1958 en France) est que la loi se voit
assigner un domaine, certes large mais énoncé de façon limitative. Ainsi, aux termes de
l’article 122 de la Constitution de 2006, « la loi fixe les règles » concernant les droits civiques
et les garanties fondamentales accordées aux citoyens, la nationalité, l’état et la capacité des
personnes, etc. Dans d’autres domaines, elle ne fait que détermine[r] les principes
fondamentaux » : le régime foncier, minier et forestier, l’enseignement et la santé, le droit de
grève, l’organisation des médias, etc.

L’article 128 de la Const. de 2006 précise que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».

iv. L’élaboration de la loi

S’agissant particulièrement des lois ordinaires, leur initiative appartient concurremment au


Gouvernement et aux membres du parlement c'est-à-dire à chaque député et à chaque sénateur
(art. 130 Const. 2006). Dans le premier cas, on parle de « projet » de loi, dans le second de
« proposition de loi ».

Les projets de lois sont délibérés en Conseil des ministres et déposés sur le bureau de l’une
des deux chambres du parlement. Une fois déposés devant le bureau de la Chambre indiquée,
les projets ou les propositions de lois peuvent être, à la demande du gouvernement ou de la
chambre qui en est saisie, envoyés pour examen à des Commissions spécialement désignées à
cet effet. Sinon, ils sont envoyés à l’une des Commissions permanentes constituées au sein de
chaque chambre en vertu des dispositions de l’article 112, al. 2 de la Constitution de février
2006.

Lors de la présentation d’un texte (projet de loi) devant l’une des chambres du Parlement, les
membres du parlement et du gouvernement ont le droit de présenter des amendements.

Tout projet ou proposition de loi doit être examiné successivement dans les deux assemblées
en vue de l’adoption d’un texte identique. Lorsque, par suite d’un désaccord entre elles, un
projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté par suite des divergences entre les deux
chambres ; une commission paritaire mixte est constituée en vue d’aplanir les divergences
(art. 113 Const. 2006). Si le désaccord persiste, précise cette disposition, l’Assemblée
nationale statue définitivement.

v. La promulgation (art. 140 Const. 2006) :

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Pour entrer en vigueur, une loi doit être promulguée par le président de la République. Celui-
ci doit le faire dans les 15 jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi
définitivement adoptée. Le président de la République peut, avant expiration de ce délai,
demander au parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles, et
cette nouvelle délibération ne peut être refusée. La date de la loi est fixée par le décret de
promulgation par le président de la République. Par ce décret, le président de la République
ordonne l’exécution de la loi. Ainsi donc, le décret de promulgation remplit deux fonctions : il
rend exécutoire la loi (authentification) et la situe dans le temps (la date de naissance de la loi
est celle portée dans le décret). Exemple : Lorsqu’on dit la« Loi n° 09/001 du 10 janvier
2009 portant protection de l’enfant», cela signifie que cette loi a été promulguée le 10 janvier
2009. Si la promulgation est une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante pour l’entrée
en vigueur de la loi. Celle-ci est en effet subordonnée à sa publication.

vi. La publication de la loi (art. 141ss Const. 2006) :

La loi doit être publiée. Cette publication se fait au Journal officiel de la République (art. 141
Const. 2006). La nécessité de la publication est évidente dans la mesure où la loi est destinée à
régir le comportement des citoyens. Ces derniers devraient connaitre la loi (la règle) pour que
celle-ci leur soit opposable. Ce n’est qu’à partir de cette publication ou à l’issue de la période
fixée par la loi que doit courir l’adage « Nemo censetur ignorare legem ».

vii. L’entrée en vigueur de la loi et l’application de la loi

La date de l’entrée en vigueur est généralement déterminée par la loi elle-même ou le décret
de sa promulgation. Il faudra se référer aux dispositions finales du texte pour s’en rendre
compte. A défaut, la loi entrera en vigueur 30 jours après sa publication au Journal Officiel
(art. 142 Const. 2006). On comprend ainsi qu’une loi en vigueur n’est pas nécessairement
opposable aux citoyens, elle ne le sera que lorsqu’elle sera publiée au Journal officiel.

En ce qui concerne l’application de la loi, il convient de rappeler brièvement que l’une des
caractéristiques de la règle de droit, et donc de la loi, tient en sa force obligatoire. Dès lors que
la loi est publiée dans l’organe officiel (Journal, Moniteur, Bulletin, Gazette, etc.), elle devient
opposable aux citoyens et doit donc être appliquée. L’application de la loi pourrait néanmoins
soulever des conflits selon qu’il s’agit de l’articulation des lois dans le temps ou dans l’espace
(application des lois étrangères). Ces questions seront abordées infra.

La force obligatoire de la loi : Rappelons simplement que les lois ont toutes une force
obligatoire, mais celle-ci est susceptible de gradations. Autrement dit, la force obligatoire
pourrait varier selon qu’il s’agit des lois impératives qui s’imposent à tous et n’admettent
aucune dérogation ; de lois supplétives qui s’appliquent en l’absence de manifestation de
volonté particulière (les parties peuvent donc écarter l’application des lois supplétives en
manifestant une volonté contraire) ; ou des lois diapositives qui sont des règles (choix) à
disposition des citoyens.

Exemples : Les lois qui intéressent l’ordre public ou les bonnes mœurs sont impératives (on
ne peut y déroger par des conventions contraires) ; en matière de contrat d’achat, la loi prévoit

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

que « si les parties n’ont rien prévu à cet égard dans leur contrat, l’acheteur doit payer au lieu
et dans le temps où doit se faire la délivrance » (les parties peuvent donc prévoir par leur
volonté que le paiement aura lieu avant ou après la livraison) ; enfin les époux se voient
proposer un choix de régime matrimonial entre la communauté universelle, la communauté
universelle réduite aux acquêts et la séparation  des biens (loi dispositive).

Enfin, quant à la durée de validité de la loi ("naissance et mort" de la loi), on rappellera que
l’un des caractères de la règle de droit est la permanence. Mais, redisons-le, la permanence ne
signifie pas « éternité ». La loi (règle de droit écrit) nait un jour et pourrait disparaitre un autre
jour. Il est tout au moins nécessaire qu’elle dure dans le temps.

viii. La cessation de la validité de la loi :

On doit distinguer plusieurs modalités par lesquelles une loi peut cesser d’être valable.

- La loi cesse tout d’abord d’être valable lorsqu’elle est abrogée, c'est-à-dire
supprimée. L’abrogation doit, pour produire son effet, émaner de la même autorité
que celle ayant adopté le texte abrogé (ou une autorité supérieure). L’abrogation peut
être expresse ou tacite. L’abrogation est expresse lorsque le texte précise
formellement l’abrogation d’une loi antérieure. Elle est tacite ou implicite lorsque le
nouveau texte ne comportant aucune formule expresse d’abrogation apparait
néanmoins inconciliable avec une loi plus ancienne. Il est nécessaire qu’il y ait
contradiction entre les deux textes ou impossibilité de les appliquer simultanément.
L’on devra cependant se garder des textes spéciaux (une loi spéciale).

- La désuétude : situation dans laquelle une loi, non expressément ou implicitement


abrogée, cesse pourtant de produire ses effets. La loi n’est plus invoquée notamment
parce qu’elle n’est plus adaptée au regard de l’évolution intervenue dans la société.

- N.B. la question que pose la désuétude est celle de rapports entre la loi et une
coutume contra legem. L’hypothèse est celle d’une évolution qui ferait que des
pratiques contraires à la loi viennent à se substituer à la loi elle-même. La doctrine
dominante distingue selon qu’il s’agit de loi impérative ou de d’une loi simplement
supplétive. Une loi impérative ne saurait être supplantée par une pratique contraire :
« l’usage ne saurait prévaloir sur une disposition légale présentant un caractère
d’ordre public ». En ce qui concerne une loi supplétive, elle est susceptible d’être
désuète devant le développement d’une volonté contraire manifestée par un usage
fréquent et constant.

- Disparition automatique : certaines lois disparaissent automatiquement ; c’est le


cas en particulier des lois de circonstances, prises pour une circonstance particulière
(la guerre par exemple) et qui cessent avec celle-ci.

- La loi peut être suspendue : certaines lois récentes, en France en particulier,


donnent des exemples de suspension des lois ou de certaines de leurs dispositions. A
l’issue de la suspension, la loi s’applique encore normalement.

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2. Les conflits des lois dans le temps et dans l’espace

L’application de la loi pose deux séries de questions. D’un côté, l’on cherche à déterminer le
moment où la loi commence à s’appliquer et ses relations avec des lois nouvelles ou
anciennes portant sur la même question (conflits de lois dans le temps). D’autre part, il
convient de déterminer l’espace dans lequel la loi a vocation à s’appliquer. Cette démarche
tient compte des spécificités de la loi interne pour résoudre des conflits éventuels entre la loi
congolaise et une loi étrangère (conflits de lois dans l’espace).

- Les conflits de lois dans le temps

Le principe qui gouverne la matière est que la loi dispose pour l’avenir, elle n’a point d’effet
rétroactif. Le principe doit être analysé par rapport au passé et par rapport au futur6 :

Par rapport au passé : le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle : Le principe de non


rétroactivité a une portée différente selon que l’on se situe en matière pénale ou en matière
civile.

En matière pénale, la règle exprime un impératif catégorique de justice. Le principe a valeur


constitutionnelle puisque la non-rétroactivité est prévue à l’article 17 de la Constitution de
2006. Mais, étant donné que ce principe consacre un régime de faveur pour le délinquant, il
cesse de s’appliquer lorsque cesse cette raison (cessante ratione legis, cessate jus dispositio).
Sera dès lors rétroactive une loi pénale considérée comme plus douce : c’est ce qu’on appelle
la rétroactivité in mitius (du latin mitis, doux) qui est également un principe de valeur
constitutionnelle. Cette rétroactivité suppose que les faits commis antérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi plus douce n’aient pas encore donné lieu à une décision passée en force de
chose jugée au jour où la loi nouvelle entre en vigueur.

En matière civile : le principe de non rétroactivité a généralement une valeur législative


(consacrée par la loi). Elle ne s’impose donc pas au législateur qui peut prévoir la rétroactivité
de la loi dans les dispositions transitoires expresses. En l’absence de telles dispositions, la loi
ne peut rétroagir. Néanmoins, même dans l’hypothèse où une loi peut rétroagir, elle ne
pourrait jamais revenir sur ce qui a fait l’objet d’une décision judiciaire définitive. Elle peut
en revanche s’appliquer aux procès en cours, y compris aux affaires pendantes devant la Cour
de cassation. L’article 47 de la loi française du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes
d’accidents de la circulation constitue un parfait exemple (parmi les cas rares !) d’une
disposition expressément rétroactive ; cette disposition étant favorable aux victimes.

Certaines lois sont par nature rétroactives. Ce sont d’abord les lois « interprétatives »,
adoptées pour lever une ambigüité d’une loi antérieure, et qui sont alors censées s’intégrer à
cette dernière à la date de son entrée en vigueur. Néanmoins, enseigne la jurisprudence, « une
loi ne peut être considérée comme interprétative qu’autant qu’elle se borne à reconnaitre, sans
rien innover, un droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de
controverses » (Civ. 3ème, 27 février 2002). Dans cette catégorie il convient de ranger aussi les

6
Lire Paul ROUBIER, Le Droit transitoire. Conflits des lois dans le temps, Paris, Sirey, 1929.

30
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lois dites de « validation », qui viennent rétroactivement valider un acte ou encore un


concours initialement entaché d’illégalité.

Quelques limites à la non-rétroactivité : la rétroactivité pourrait trouver quelques limites en


vertu des sources du droit international. Ainsi par exemple, en application du droit à un procès
équitable prévu à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des
libertés fondamentales (art. 14 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 7
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, etc.), la Cour européenne des droits de
l’homme a posé quelques principes limitant la rétroactivité de la loi. Dans un arrêt fondateur
du 28 octobre 1999 (Zielinski c. France), elle affirma que : « Si, en principe, le pouvoir
législatif n’est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à
portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la prééminence du
droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 s’opposent, sauf pour
d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration
de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige ».

Par rapport au futur,

 le principe est l’application immédiate de la loi nouvelle, « la loi ne


dispose que pour l’avenir », tel est la règle généralement admise. On en
déduit que, par principe, la loi nouvelle entrée en vigueur s’applique
immédiatement, tandis que tout ce qui est passé reste soumis à la loi
ancienne.

 Les exceptions : la survie de la loi ancienne. Deux situations peuvent être


mentionnées :

L’application différée de la loi nouvelle : l’application de la loi nouvelle peut être différée en
vertu de mesures transitoires expresses, si bien que la loi ancienne continuera à s’appliquer
pendant une certaine période. En effet, le législateur peut expressément retarder l’entrée en
vigueur d’une loi (art. 142 Const. 2002) pour permettre aux justiciables d’en prendre
connaissance ou pour permettre l’adoption des mesures adéquates en vue de son application.

Les effets des situations juridiques contractuelles (c'est-à-dire des situations juridiques qui ont
été créées par contrat). En matière des contrats, le principe est non l’application immédiate de
la loi nouvelle, mais au contraire la survie de la loi ancienne : celle-ci continue de régir les
effets futurs (c'est-à-dire postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi novelle) des situations
juridiques contractuelles en cours. La solution s’explique par la nécessité de respecter les
prévisions des parties : celles-ci ont voulu conclure un contrat ayant les effets qu’il avait sous
la loi ancienne ; s’ils avaient su qu’il aurait, en vertu de la nouvelle loi, des effets différents,
ils ne l’auraient pas peut-être pas conclu.

- Application de la loi dans l’espace

La loi est un acte de l’État souverain. Elle a donc vocation à s’appliquer sur le territoire de
l’État, dans les limites des frontières nationales. La loi congolaise s’applique donc en principe
sur le territoire congolais ; toute la question est celle de la possibilité qu’elle s’applique en

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

dehors de notre territoire en concurrence avec d’autres législations ou alors qu’une loi
étrangère s’applique sur notre territoire en concurrence avec la loi congolaise.

Principe : application de la loi nationale sur tout le territoire de l’État

Le territoire congolais est caractérisé par son unicité législative. Ceci signifie que la même loi
s’applique sur l’étendue de tout le territoire. Ceci signifie que toutes les personnes et tous les
biens se trouvant sur le territoire congolais sont soumis à la loi congolaise. C’est le principe
de la territorialité de la loi. Il existe des territoires, comme le territoire français, caractérisé
par une pluralité législative selon les portions du territoire envisagé comme l’Alsace-Moselle,
les DOM-TOM, etc. Les territoires d’outre-mer sont régis par des lois spéciales et non celle
de la métropole7.

Conflits des lois dans l’espace : règles des conflits

Des questions peuvent se poser en certaines situations dans lesquelles se trouve un élément
d’extranéité et le choix de la loi applicable pourrait paraitre complexe. On se demandera ainsi
quelle loi appliquer au divorce en République démocratique du Congo d’une burundaise et
d’un malien mariés au Rwanda ? Quelle loi appliquer à un Chinois qui travaille en RD Congo
pour une entreprise italienne ? Quelle loi appliquer à un contrat conclu en France entre un
Congolais et un Pakistanais sur un immeuble situé à Bujumbura ? etc. Ce sont là quelques
questions expressives de conflits de lois dans l’espace. Dans ces différentes situations,
plusieurs lois peuvent avoir vocation à s’appliquer : la loi de la nationalité en vertu de la
compétence personnelle, celle du lieu de l’exécution du contrat en vertu du principe de la
territorialité.

Les conflits des lois sont réglés par le droit interne de chaque État et par quelques conventions
internationales pour autant que l’État y soit partie. En ce qui concerne la République
démocratique du Congo, l’on se réfèrera, pour le droit interne, au Décret du 4 mai 1895
portant le Code civil, Livre 1er, particulièrement au Titre II, Des étrangers. Aux termes de ce
Décret :

 « L'état et la capacité́ de l'étranger, ainsi que ses rapports de famille, sont régis par la
loi du pays auquel il appartient, ou, à défaut de nationalité́ connue, par la loi de l'Etat
Indépendant du Congo » ;

 « Les droits sur les biens tant meubles qu'immeubles sont régis par la loi où ces biens
se trouvent » (art. 9).

 « Le mariage est régi, quant à la forme, par la loi du lieu où il est célèbré; quant à ses
effets sur la personne des époux, par la loi de la nationalité́ à laquelle appartenait le
mari au moment de la célébration; quant à ses effets sur la personne des enfants, par la
loi de la nationalité́ du père au moment de la naissance; quant à ses effets sur les
biens, en l'absence de conventions matrimoniales, par la loi du premier établissement
des époux, sauf la preuve d'une intention contraire » (art. 12).

7
Voir V. LACOSTE-MARY et I. POLITIS, Introduction au droit, 2ème éd., Paris, Ellipses, 2009, pp. 83-84.

32
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

 « Les lois pénales ainsi que les lois de police et de sureté́ publique obligent tous ceux
qui se trouvent sur le territoire de l'Etat » (article 14).

 « Les lois, les jugements des pays étrangers, les conventions et dispositions privées ne
peuvent en aucun cas avoir d'effet dans l'Etat Indépendant du Congo en ce qu'ils ont de
contraire au droit public de cet Etat ou à celles de ses lois qui ont en vue l'intérêt social
ou la morale publique » (article 15).

Il y a donc lieu de retenir qu’en vertu du droit international privé congolais, les étrangers
résidant en RDC continuent d’être régis par leur loi nationale en matière civile (état et
capacité en particulier) alors qu’ils sont soumis aux lois nationales congolaises en matière
pénale. Par conséquent, toute infraction commise par un étranger sur le territoire congolais
relèvera de la compétence des juridictions pénales congolaises. Il s’agit là d’un principe
général dans la mesure où la règle est consacrée dans la plupart de législations (française,
belge, rwandaise, etc.). Les congolais résidant à l’étranger continuent d’être régis par la loi
congolaise en matière d’état et de capacité.

Comme on le voit, le Décret ne permet pas de résoudre tous les conflits qui naitraient de
l’application des lois congolaise et étrangères. En réalité, le droit international privé congolais
est complété par un nombre important de conventions internationales auxquelles la RD Congo
est aujourd’hui partie8.

3. La loi sur les médias en République démocratique du Congo

La RDC dispose d’une loi spécifique qui fixe les modalités d’exercice de la liberté de la
presse. Il s’agit de la loi n° 96-002 du 22 juin 1996.

Lors de sa promulgation en 1996, cette loi, bien qu’actuellement dépassée par l’évolution du
contexte, était caractérisée par une vision pluraliste et définissait de manière plus ou moins
satisfaisante le concept de la « liberté de la presse ».

En emprunt aux dispositions constitutionnelles, son article 8 définit aussi la liberté de la


presse comme : « le droit d’informer, d’être informé, d’avoir ses opinions, ses sentiments et
de les communiquer sans aucune entrave, quel que soit le support utilisé, sous réserve du
respect de la loi, de l’ordre public, des droits d’autrui et des bonnes mœurs ».

Comme dit plus haut, elle a l’avantage de consacrer la fin du monopole de l’État en matière
de création et de gestion des structures d’information et généralise son application sur
l’ensemble des médias tant audiovisuels, écrits que les médias en ligne, qu’ils soient du
secteur public ou du secteur privé.

Elle reconnait l’importance du rôle des médias pour garantir la communication des masses,
pour assurer la transmission d’informations et pour vulgariser les valeurs culturelles du pays.

8
Pour un aperçu de la matière, voir P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, Réglementation congolaise du droit
international privé, Lubumbashi, 2009.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

En matière de création des médias, la loi du 22 juin 1996 a le mérite de mettre en place un
régime de déclaration en lieu et place du régime d’autorisation préalable instauré en 1970,
assouplissant ainsi les exigences administratives.

En effet, préoccupée par l’impératif de l’éducation culturelle de la population, cette loi met à
charge des médias et de leurs professionnels l’obligation d’assurer la promotion des
programmes locaux qui assurent cette éducation.

Elle insiste sur les aspects éthiques et moraux des médias et des journalistes15 et garantit une
juste réparation des personnes lésées par une mauvaise information16.

En matière de création des médias, elle a le mérite de mettre en place un régime de


déclaration en lieu et place du régime d’autorisation préalable instauré en 1970, assouplissant
ainsi les exigences administratives.

Afin de promouvoir un traitement juste des dossiers de création des médias, cette loi instaure
aussi le régime de recours juridictionnel auprès du tribunal de grande instance du ressort, en
faveur de tout requérant lésé, à l’issue d’un recours administratif infructueux auprès de
l’autorité administrative qui a reçu, traité et décidé sur le dossier soumis.

Pour assurer le rapprochement des créateurs et des gestionnaires des médias avec
l’administration publique, elle institue les collèges exécutifs régionaux (provinciaux) dans le
cadre d’une décentralisation administrative et territoriale, et leur confère des prérogatives
dans le domaine de l’autorisation des médias dans les provinces.

Les articles 23 et suivants de cette loi organisent et protègent l’emploi au sein des médias
ainsi que les capitaux investis dans le domaine des médias par des investisseurs tants
congolais qu’étrangers.

Il est important de relever aussi que parmi ses autres mérites les plus remarquables cette loi :

• proclame la neutralité qui doit caractériser les médias publics (radio, télé et agences de
presse) ; et

• consacre le principe de l’aide publique (directe ou indirecte) aux médias en considération de


leur engagement de service d’intérêt général, notamment au titre de tarifs préférentiels dans le
domaine des importations des matières nécessaires à la production et à la distribution des
informations.

Cependant, comme affirmé plus haut, au regard de l’évolution du contexte du pays, cette loi
recèle plusieurs faiblesses, essentiellement tirées de son caractère exagérément répressif et
incomplet.

À titre illustratif, le régime qu’elle institue à son article 74 pour réprimer les « délits de presse
» est un peu plus liberticide.

Pour ce qui est des imputations dommageables commises par voie de la presse, par exemple,
il suffit d’« imputer à une personne précise un fait précis qui est de nature à porter atteinte à

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

l’honneur ou à la considération de cette personne, ou à l’exposer au mépris public » et que


subsidiairement à l’écrit ou à l’émission, cette personne se prévale d’en avoir subi quelque
préjudice, pour que l’infraction soit établie.

Ici, que les faits relatés soient vrais ou faux, le législateur demeure indifférent.

Au sens du code pénal ordinaire livre II, l’auteur d’un article de presse peut se voir condamné
à la peine capitale lorsque les faits qui lui sont reprochés sont interprétés comme constitutifs
d’une trahison.

Tel serait le cas si l’auteur publiait une information considérée comme « secret-défense »;
alors que le législateur lui-même n’a jamais défini ce qu’est le secret-défense ni donné une
liste des faits ou d’informations pouvant être considérés comme tels.

4. Le statut des journalistes

Le statut des journalistes œuvrant en RDC (c’est-à-dire tous les professionnels des médias
établis et travaillant comme tels au sein de différentes rédactions établies au Congo) procède
de l’Ordonnance-loi N°81-12 du 2 avril 1981.

Cette Ordonnance-loi définit ce qu’il faut entendre par «journaliste». Elle organise la carrière
de journalistes depuis leur recrutement au sein des rédactions ainsi que le stage professionnel
en définissant clairement les droits et les obligations à chacune des étapes de cette carrière.

L’Ordonnance-loi protège la qualité de journaliste et sanctionne son utilisation indue.

C’est dans ce cadre que son article 4 stipule que « quiconque se sera attribué faussement la
qualité de journaliste ou aura porté publiquement tout insigne ou emblème destiné à faire
croire à l’exercice de cette qualité, sera puni conformément aux dispositions du Code pénal,
livre II ».

Toute personne remplissant les critères fixés l’article 2 relatifs au journaliste peut obtenir une
carte de presse. La protection du statut de journaliste est telle que la loi interdit même au
stagiaire de se considérer comme journaliste.

«Le journaliste stagiaire n’a pas droit à la carte de presse. Il lui est délivré une carte de
stagiaire», stipule l’ordonnance-loi ci-dessus qui régit, par ailleurs, de manière détaillée la
nomenclature des emplois, les rémunérations y relatives, les avantages sociales et les éléments
essentiels de la carrière au sein des rédactions, le régime disciplinaire à l’endroit des
journalistes employés ainsi que leurs droits syndicaux.

Pour ce qui est des autres aspects relatifs à l’emploi de manière général, ce statut est complété
par les dispositions du code du travail9.
9
L’alinéa 1er de la loi N° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail renseigne que ce code est «
applicable à tous les travailleurs et à tous les employeurs y compris ceux des entreprises publiques exerçant leur
activité professionnelle sur l’étendue de la République Démocratique du Congo, quels que soient la race, le sexe,
l’état civil, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale et la nationalité des parties, la
nature des prestations, le montant de la rémunération ou le lieu de conclusion du contrat, dès lors que ce
dernier s’exécute en République Démocratique du Congo. Il s’applique également aux travailleurs des services

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

5. La loi organique du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication


(CSAC)

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication est régi par la loi n°11/001 du


10 janvier 2011 qui organise sa composition, ses attributions et son fonctionnement.

Il s’agit d’une loi prise conformément à l’article 212 de la constitution dont l’alinéa 1er
stipule qu’ « Il est institué un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication
doté de la personnalité juridique ».

Au visa de cet article, le CSAC a pour missions de garantir et d’assurer la liberté et la


protection de la presse, ainsi que tous les moyens de communication de masses.

Dans ce cadre, il veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès


équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels
d’information et de communication. En complément au gouvernement qui a la charge de
réglementer le domaine des médias, le CSAC qui, conformément à l’article 212 de la
constitution est une institution d’appui à la démocratie, régule les contenus des médias.

Par définition, la régulation des médias est un « ensemble d’actions visant à instaurer un
équilibre dans le fonctionnement du secteur de la communication, à garantir à tous un accès
égalitaire et équitable aux médias publics et privés, mais aussi à concilier l’usage de la liberté
d’expression ainsi que l’exercice loyal de la profession des métiers avec les missions d’intérêt
général ».

Comme en RDC, dans la plupart des pays africains, les instances de régulation des médias ont
été mises en place avec les mêmes missions, à savoir : « organiser la communication sociale
selon les exigences de l’État démocratique ».

Les missions des instances de régulation sont, en général, les suivantes :

- Garantir le droit du citoyen à l’information dans le cadre de la liberté d’opinion et de


la presse ;
- Exercer un contrôle administratif sur les médias et jouer un rôle d’inspecteur
technique pour assurer le respect de la loi par les médias ;
- Conseiller le gouvernement par des avis ou des plaidoyers, notamment dans le
domaine de la communication ;
- Promouvoir la liberté de la presse ; appuyer et renforcer le débat démocratique ainsi
que sanctionner le non-respect par les médias de leurs engagements.

Institution voulue indépendante du gouvernement et dotée de la personnalité juridique, le


CSAC est un autre acteur incontournable dans la protection, la promotion et la défense de la
liberté de presse. En tant qu’acteur institutionnel, et de par sa loi organique, le CSAC est doté
de plusieurs prérogatives dans le domaine de la collaboration avec les autres acteurs
institutionnels et non institutionnels intervenant dans le domaine de la liberté de la presse.

publics de l’Etat engagés par contrat de travail ».

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Tout d’abord, dans le cadre de ses « missions quasi juridictionnelles », et conformément à


l’article 9 de sa loi organique, il a entre autres la charge de :

- mener, en cas de conflit, des actions de médiation entre les différents protagonistes et
intervenants dans le domaine des médias ;
- veiller à la conformité, à l’éthique, aux lois et règlements de la République, des
productions des radios, des télévisions, du cinéma, de la presse écrite et des médias
en ligne tout en veillant au respect de la loi fixant les modalités de l’exercice de la
liberté de la presse ;
- donner des avis techniques « a priori » ou «a posteriori» sur toutes les matières
concernant les médias audiovisuels, la presse écrite et électronique et donner un avis
conforme avant toute attribution de fréquences et avant toute délivrance du récépissé
de la presse audiovisuelle, écrite et électronique aux impétrants du secteur ;
- s’assurer du respect du cahier des charges par les opérateurs de l’audiovisuel et
veiller à la diffusion de la culture de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme
et des libertés fondamentales ainsi que des informations favorisant le développement
socio-économique ;
- amener les organisations à faire observer le code d’éthique et de déontologie par les
professionnels des médias ;
- prendre des décisions et/ou des directives applicables à tout intervenant sur les
médias, notamment en période électorale ;
- veiller au respect des normes sur la publicité et le sondage d’opinions ;
- prendre toutes les mesures nécessaires en vue de protéger les enfants des effets
néfastes et pervers de l’Internet, etc.

Dans le même cadre de ses attributions quasi juridictionnelles, en application des dispositions
de l’article 58 de sa loi organique, le CSAC constate et/ou sanctionne aussi :

- l’exercice illégal de la profession journalistique ou de tout autre métier lié à la presse


et à la communication audiovisuelle ;
- le prêt illicite de la raison sociale ou pratique illégale de prête-nom et le refus de
fournir les informations exigées par lui dans le cadre d’une enquête ;
- la diffusion illicite des programmes de radiodiffusion sonore ou de télévision ou
perturbation des fréquences attribuées aux tiers ;
- la non communication des tarifs à ses utilisateurs et la diffusion frauduleuse des
programmes d’autres stations de radios et chaînes de télévision ;
- la non observance de sanctions prononcées par lui ainsi que la diffusion frauduleuse
des programmes, films, documentaires et émissions protégées par la législation
relative aux droits d’auteurs.

Dans l’exercice de ses missions, le CSAC collabore notamment avec le pouvoir judiciaire, le
gouvernement et le parlement.

III. Les règlements administratifs

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Les règlements sont, au sens large, les sources émanant du pouvoir exécutif. Ils peuvent
occuper des places diverses dans la hiérarchie des normes selon leur nature mais aussi selon
l’autorité qui les adopte. Nous distinguerons dans les développements qui suivent les
ordonnances (dites chez nous ordonnances-lois) des règlements stricto sensu. Nous parlerons
enfin des mesures émanant des autorités administratives indépendantes.

i. Les ordonnances (Ordonnances-lois en RD Congo)

L’ordonnance est définie comme un acte fait par le Gouvernement (pouvoir exécutif), avec
l’autorisation du Parlement, dans les matières qui relèvent du domaine de la loi 10 Le pouvoir
de prendre des ordonnances est limité dans sa durée et dans son objet. Avant sa ratification
par le Parlement, l’ordonnance a valeur de règlement ; après sa ratification, elle prend valeur
de loi. Les ordonnances étaient anciennement appelées « Décrets-Lois ».

La Constitution congolaise de 2006 prévoit aussi que le Gouvernement peut prendre de telles
mesures après délibération dans le Conseil des ministres. Mais ces mesures sont appelées ici
des « Ordonnances-lois ». En effet, aux termes de l’article 129 de ce texte, « Le
Gouvernement peut, pour l’exécution urgente de son programme d’action, demander à
l’Assemblée nationale ou au Sénat l’autorisation de prendre, par ordonnances-lois, pendant
un délai limité et sur des matières déterminées, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi.Ces ordonnances-lois sont délibérées en Conseil des ministres. Elles entrent
en vigueur dès leur publication et deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est
pas déposé devant le Parlement au plus tard à la date limite fixée par la loi d’habilitation ». Il
s’agit donc d’une possibilité exceptionnelle de délégation du pouvoir législatif.

ii. Les règlements stricto sensu

Comme dit précédemment, la grande nouveauté des constitutions modernes (depuis 1958 en
France) est de donner à la loi un domaine d’intervention certes large, mais qui est un domaine
d’attribution et donc limité. Selon l’article 128 de la Constitution congolaise de 2006, tout ce
qui n’est pas du domaine de la loi tel que limitativement énuméré par l’article 122 est du
domaine du règlement11 : le règlement est donc la catégorie ouverte. Si une loi intervient dans
un domaine relevant du règlement, ses dispositions peuvent être modifiées par décret après
que la Cour constitutionnelle aura déclaré qu’elles ont effectivement un caractère
réglementaire.

 Les différents types de règlements

On distingue d’abord, en fonction de l’auteur de l’acte, et par ordre de valeur décroissant : les
décrets du président de la République délibérés en Conseil des ministres ; les décrets
(simples) du président de la République ; les décrets du Premier ministre ; les arrêtés
interministériels ; les arrêtés ministériels ; les arrêtés provinciaux (Gouverneurs) ; les arrêtés
municipaux (maires de villes) ; etc.

10
Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, 13ème éd., Paris, Dalloz ; art. 38 de la Constitution
française de 1958.
11
« Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire », voir aussi articles 37 de la
Constitution française de 1958.

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La place du règlement dans la hiérarchie des normes dépend également du domaine dans
lequel celui-ci est intervenu. Le règlement peut d’abord compléter et préciser la loi dans les
domaines définis par l’article 122, où celle-ci ne fait que fixer les grands principes ; ce sont
les règlements d’application qui ont une place inférieure à celle de la loi dans la hiérarchie.Il
existe des règlements dits « autonomes » ; il s’agit de ceux adoptés dans le domaine qui ne
relève pas de la loi mais du pouvoir réglementaire. Les règlements autonomes se placent au
même niveau que la loi dans la pyramide des normes puisqu’aucune loi ne peut les modifier12.

 Le contrôle de la légalité des règlements

Parce qu’ils constituent des actes administratifs, les règlements stricto sensu peuvent d’abord
être contestés devant les juridictions administratives par un recours pour excès de pouvoir.
En cas de succès de ce recours, l’acte est annulé.

Les juridictions répressives peuvent également avoir à juger de la régularité d’un règlement
par une exception d’illégalité : elles peuvent alors refuser de prononcer une peine qui serait
fondée sur un règlement illégal. Ainsi, en droit français, il est clairement prévu que « les
juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires
ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du
procès pénal qui leur est soumis »13.

Quant aux juridictions judiciaires proprement dites, elles ne sont pas compétentes en
principe pour apprécier la légalité d’un règlement et elles ne peuvent donc pas écarter un tel
texte au motif qu’il serait illégal. Une seule exception est traditionnellement admise en vertu
du principe selon lequel les juridictions judiciaires sont gardiennes des libertés fondamentales
(libertés individuelles, inviolabilité du domicile, droit de propriété, etc.) : si une telle liberté
est violée par un règlement, les juridictions judiciaires peuvent l’écarter et refuser de
l’appliquer au litige. Les juridictions judiciaires peuvent également, par voie d’exception,
apprécier la légalité des règlements qui auraient été adoptés dans une matière relevant du
domaine de la loi, par exemple en ce qui concerne les taxes ou les impôts 14. Dans les autres
cas, la juridiction judiciaire peut toujours renvoyer la question de la légalité par une question
préjudicielle à la juridiction administrative concernée et, en attendant, surseoir à statuer.

iii. Les sources émanant des autorités administratives indépendantes

Depuis quelques dizaines d’années (la Transition), le gouvernement a de plus en plus délégué
son pouvoir à des autorités administratives indépendantes. C’est notamment le cas des
institutions d’appui à la démocratie (Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la
communication, CSAC, la Commission électorale nationale indépendante, CENI… ). Dans le
domaine précis de leurs compétences, ces autorités administratives indépendantes ont un
certain pouvoir réglementaire délégué, c'est-à-dire qu’elles peuvent édicter des décisions qui
s’imposent aux administrés.

IV. Le cahier de charge unique


12
Muriel FABRE-MAGNAN, Op. Cit., p. 106.
13
Art. 111-5 Code pénal français.
14
Com., 25 avr. 1989, n° pourvoi : 87-16351

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Il s’agit d’un document annexe à l’Arrêté ministériel 04/MIP/020/96 du 26 novembre 1996


portant mesures d’application de la loi 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de
l’exercice de la liberté de la presse pour les entreprises de presse audiovisuelle.

Le cahier des charges a trois parties dont la plus importante constitue les prescriptions de
formes et de fond à la création, à la gestion et à l’activité des radios et télévisions.

Un de ses points est réservé à la création, à la gestion et au fonctionnement des stations de


radio et/ou de télévision.

Il s’agit d’un « condensé des prescriptions et obligations qui s’appliquent aux entreprises
publiques ou privées de radiodiffusion et de télévision » opérant en RDC.

Divisé en sept points, il règle en détail :

- les questions relatives aux modalités d’exploitation de la radio et de la télévision ;


- aux charges relatives à la programmation et la radiodiffusion;
- aux charges relatives à la coproduction et aux droits d’auteurs ;
- aux charges relatives à la publicité.

Ses dispositions finales mettent en place un acte d’engagement au respect strict dudit cahier
des charges par les exploitants du domaine.

Ce qu’il faut déplorer ici c’est l’existence de ce statut unique qui est applicable sans
différence aux radios et aux télévisions privées, sans tenir compte de médias tels que les
radios associatives et communautaires qui, à la différence des autres, ne sont pas
commerciales. Sur le cahier de charge est annexé la « Déclaration d’exploitation », sous la
forme d’un formulaire à compléter par le demandeur d’ouverture de radio ou de télévision,
conformément à l’Arrêté n°04/MIN/020/1996 du 26 novembre 1996 portant mesures
d’application de la loi n°96-002 du 22 juin 1996.

Il s’agir, en fait, d’un acte d’engagement pour l’opérateur désireux d’investir dans la
radiodiffusion, et qui énumère les mentions essentielles qui doivent y être portées : la
dénomination du média, les heures de diffusion, le caractère et le genre, les modalités de
diffusion, la forme juridique de l’entreprise ainsi que les renseignements pertinents sur le
propriétaire, le directeur des programmes et les membres du comité de gestion.

Le cahier de charge unique comprend une troisième partie intitulée : « Renseignements pour
l’ouverture d’une station de radiodiffusion ou d’une chaîne de télévision ».

Ce dernier énumère les documents obligatoires au dépôt des dossiers de demandes


d’ouverture des radios ou des télévisions en deux points : les éléments constitutifs des
dossiers et les conclusions d’une étude de faisabilité préalable à l’ouverture.

Il établit ensuite la catégorisation de la radio à créer : couverture d’émissions, public cible,


type d’émissions, préoccupation du média, thèmes et matières à traiter par le média, etc.

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Ces éléments tendent à catégoriser le média soit comme une radio « généraliste », soit comme
une radio «thématique» (ces deux expressions sont même consacrées par ledit document).

C’est ce document qui a tout le mérite d’introduire, pour la première fois dans les textes
congolais applicables aux médias, les notions de « radio ou télévision associative ». Il ajoute
qu’elles sont constituées sous forme d’ASBL et de « radio ou télévision communautaire,
rurale ou confessionnelle ».

À ce titre, le « Renseignement pour l’ouverture d’une station de radiodiffusion ou d’une


chaîne de télévision » est un texte qui complète et modifie la « déclaration d’exploitation ».

V. Coutume

a. Notions

Sur le plan historique, la coutume constitue la première source du droit. Toutes les sociétés
développent d’abord des règles coutumières avant de procéder à la codification et au
développement progressif du droit écrit. Par la suite, il y eut une sorte de culte en faveur du
droit écrit ; la coutume a alors eu tendance à disparaitre progressivement, laissant des règles
codifiées. En ces jours, la coutume joue un rôle mineur ou quasi inexistant comme source du
droit. Elle demeure néanmoins de grande utilité en droit international public et en droit des
affaires ; elle est toujours importante en droit congolais contemporain dans la mesure où
même la loi écrite y renvoie pour plusieurs situations, notamment en droit civil (famille et
biens).

La coutume vient du latin « consuetudo » signifiant habitude ou usage. Elle se définit très
vaguement comme une habitude suivie par des personnes (communauté), un usage établi
devenu une règle, une pratique collective qui se transmet oralement de génération à
génération. Elle peut concerner les mœurs, la manière de vivre, les croyances, la culture, les
comportements dans certaines situations, les discours, etc. Exemple : les us et coutumes d’un
pays. Le terme peut s’appliquer aussi aux habitudes d’une personne. On dira par exemple que
tel a coutume de faire la sieste après le déjeuner.

En droit, la coutume peut être définie comme un ensemble de règles non écrites issues des
pratiques habituelles et souvent immémoriales suivies par une communauté et considérées par
elle comme étant des règles de conduite obligatoires. Autrement dit, la coutume en droit est
un ensemble de pratiques issues d’un usage général et prolongé (repetitio) et de la conviction
du caractère obligatoire de ces pratiques. C’est l’opinio juris sivene cessitatis). Pour être
considérée comme règle de droit (source de droit), la coutume doit réunir deux éléments : un
élément matériel et un élément psychologique.

b. Eléments constitutifs d’une règle de droit coutumier

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i. L’élément matériel : pratiques et usages suivis généralement et de manière continue dans


une communauté

Une coutume suppose la répétition de certains comportements. Ne dit-on pas qu’« une fois
n’est pas coutume ». Les comportements répétés doivent être anciens voire immémoriaux,
constants (identiques ou semblables) ; notoires, c'est-à-dire connus du groupe de personnes
concernées et généralisés, c'est-à-dire s’appliquer à l’ensemble du groupe de personnes.
L’usage est donc un comportement suivi de manière habituelle. Disons enfin que les pratiques
peuvent être positives (actes) ou négatives (abstentions).

ii. L’élément psychologique : « opiniojurissivenecessitatis »

Les pratiques auxquelles se livrent les membres de la communauté sont justifiées par
l’obligation d’obéir à une règle de droit. Les membres de la communauté ont la conviction
que leurs comportements sont exigés par une règle de droit obligatoire. Ainsi par exemple,
dans une communauté donnée, le père s’abstiendra de frapper sa fille sa fille pubère en vue de
se conformer à une obligation juridique. S’l le fait, il encourt une sanction sévère. Faute de cet
élément psychologique, on ne parlera pas de règle coutumière mais simplement des usages ou
des pratiques (de courtoisie par exemple).

Autrement dit, il existe une véritable conviction du groupe qu’en se comportant de la sorte, il
obéit à une obligation juridique.

c. Coutumes acceptées comme règles de droit applicable en RD Congo

Il existe plusieurs coutumes en République démocratique du Congo dans la mesure où il y


existe plusieurs communautés et plusieurs cultures (Etat ethnique voire multinational).
Chaque communauté ou des communautés voisines peuvent dès lors avoir leurs propres
coutumes qui ne sont forcément pas identiques aux coutumes d’une autre communauté ou
d’un autre ensemble de communautés. De toutes ces règles coutumières, de fois
contradictoires, lesquelles seront-elles considérées comme légitimes et donc susceptibles
d’être appliquées par les cours et tribunaux ?

L’article 153 de la Constitution est quelque peu indicatif du genre des coutumes constitutives
de règles de droit applicables en RDC : « Les cours et tribunaux […] appliquent […] la
coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public et aux bonnes
mœurs ».La notion d’ordre public et surtout celle de bonnes mœurs étant évolutive,
l’application des coutumes devra tenir compte de cette évolution.

d. Rapports entre coutume et loi (droit écrit)

La coutume s’oppose à la loi par sa formation lente et non délibérée. Cette création lente a
pour avantage d’adapter parfaitement la règle de droit aux exigences morales ou religieuses,
aux besoins économiques et sociaux de la communauté. La coutume est donc plus flexible et
moins figée que la loi. Elle évolue en fonction des besoins et des mœurs de la communauté.

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Par rapport à la loi écrite, la coutume a l’inconvénient de générer des règles imprécises, mal
connues, difficiles à saisir dans leur étendue en raison de la perpétuelle évolution de la
coutume (changements réguliers) et de son oralité.

La preuve de la coutume n’est pas aisée à établir. Non seulement que le requérant qui fonde
ses revendications sur des règles coutumières doit démontrer l’existence desdites règles mais
ensuite il devra déterminer le contenu des règles invoquées. Ceci est vrai au sujet des
coutumes locales, c'est-à-dire celles nées et développées au sein d’une communauté ethnique
ou tribale ou à une profession particulières. Dans ce cas, le requérant peut recourir à tous les
moyens de preuve : témoignages, expertise ou encore ce que l’on appelle « parère » en
matière commerciale (certificat délivré par la Chambre de commerce attestant la réalité de tels
usages). En revanche, lorsqu’il s’agit d’une coutume générale (telle une maxime ou un usage
commerciale de portée générale), la preuve pose moins de problèmes étant donné que, comme
la loi, elle est supposée connue de tous et donc du juge.

Ces avantages que la loi écrite présente ont fait qu’elle l’emporte sur les règles coutumières.
Celles-ci ne seront considérées comme constitutives de sources de droit applicable qu’en
vertu de la fonction (rôle) qu’elles remplissent par rapport à la règle de droit écrite. Ce rôle
peut être complémentaire ou secondaire. On distinguera ainsi :

 la coutume secundum legem : il s’agit de la situation dans laquelle la loi renvoie


certaines questions à la coutume. Ainsi, en matière de dot et des fiançailles, la loi
prévoit que la coutume de la jeune fille sera d’application.

 la coutume praeter legem : la coutume vise à combler les lacunes de la loi écrite.

 Par conséquent, une coutume contraire à la loi (contraire à l’ordre public et aux bonnes
mœurs) sera tout simplement rejetée et sans valeur sur le plan du droit. Il s’agit de la
coutume contra legem.

Section II. Les sources interprétatives ou documentaires

Si la Constitution institue expressément certaines sources du droit, d’autres ne le sont pas. Ces
dernières ont néanmoins une force juridique normative reconnue par le système juridique.
Elles résultent généralement de la pratique et de l’interprétation de la règle directe de droit, en
particulier du droit écrit. On les appelle dès lors sources interprétatives ou indirectes du droit.
Ce sont la jurisprudence et la doctrine. Nous citerons en outre les principes généraux et
l’équité dans la mesure où ces deux sources sont largement liées à l’œuvre du juge (la
pratique). Il convient, avant de développer brièvement chacune de ces sources, de parler de
l’interprétation de la règle de droit, en particulier de la loi lato sensu.

A. L'interprétation de la règle de droit

Le droit est un art d'interprétation par excellence. Le législateur ne peut prévoir tous les cas
concrets auxquels s’appliquera la loi ; aussi se limitera-t-il à poser des principes généraux,
abstraits, impersonnels. L’interprétation de la règle de droit (législative, coutumière ou autre)
s’avère dès lors nécessaire chaque fois qu’elle devra être appliquée ou tout simplement

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analysée. L’interprétation est une opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un
texte ; l’interprétation désigne aussi bien les éclaircissements apportés par l’auteur même de
l’acte (loi interprétative, jugement interprétatif d’une décision de justice antérieure rendue par
le même juge, etc.) que le travail d’une personne étrangère à l’acte (interprétation doctrinale,
interprétation judiciaire, etc.) Dans le premier cas, on parle de l’interprétation authentique.

Il n'est guère de règle qui ne puisse être interprétée en des sens différents. L'écart entre le
caractère abstrait de la règle et le cas précis auquel il s'agit de l'appliquer donne
nécessairement place à une interprétation. Même une définition (règle de droit) d'apparence
aussi simple et claire que l'article 311-1 du Code pénal français (« Le vol est la soustraction
frauduleuse de la chose d'autrui ») donne lieu à de multiples interprétations : est-ce que celui
qui s'empare momentanément de la chose avant de la restituer s'est rien du coupable d'une «
soustraction » ? Est-ce que celui qui a pris par mégarde la chose d'autrui s'en est emparé «
frauduleusement » ? Est-ce qu’une partie du corps humain peut être considérée comme la «
chose » d’autrui ?

1. Les méthodes d’interprétation

L'interprétation d'un texte sert à en déterminer le sens afin de pouvoir l'appliquer. Lorsqu'un
texte est obscur ou ambigu, plusieurs méthodes d'interprétation peuvent être mobilisées. Nous
ne saurions néanmoins soutenir comme on le pense généralement que l’interprétation n’est
nécessaire que lorsque la règle est obscure ou ambigüe (Interpretationcessat in claris, dit-on).
Peut-on affirmer qu’un texte est clair si on ne l’a pas encore interprété ? Il nous semble que
non dans la mesure où la clarté ou l’obscurité du texte se découvre grâce à un effort (moindre
ou important) d’interprétation.

Par ailleurs, la portée de l'interprétation n'est pas la même selon les matières. Le droit pénal
est ainsi d'interprétation stricte, c’est- à-dire qu'il faut s'en tenir à la lettre du texte et ne
pas chercher à en élargir la portée. La règle se justifie par la nécessité de protéger les
citoyens contre des interprétations extensives qui élargiraient les incriminations et
alourdiraient les sanctions. La règle ne vaut pas dans les autres matières et, en particulier, en
droit civil, où un texte peut voir son domaine d'application élargi lorsque cela est opportun.

Il n’existe pas une seule méthode d’interprétation, il existe plusieurs méthodes et aucune
d’entre elles ne vaut plus que les autres. Il y a lieu de distinguer la méthode classique, la
méthode exégétique des méthodes considérées comme modernes. A côté de ces méthodes, il
existe des techniques ou procédés d’interprétation ainsi que des maximes (principes)
d’interprétation.

a. L'exégèse (ou la méthode exégétique)

Elle consiste à s'en tenir au texte de la règle et à invoquer un argument d'interprétation tiré de
l'organisation générale du texte, de sa construction grammaticale, ou encore du vocabulaire
précis employé. L’interprète cherche le sens de chaque terme (sens du dictionnaire courant ou
alors sens technique si besoin). Il s'agit d'une interprétation littérale. Le sens de la règle peut
aussi résulter de l’intention du législateur au moment de son adoption : que voulait dire le

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

rédacteur de la règle. L’exégèse repose dès lors, en plus de la lettre, sur l’effort de déterminer
l’intention de l’auteur de la règle. Il est classique aussi de se référer aux travaux préparatoires
d'un texte pour savoir ce que son rédacteur a voulu dire. L'intention du législateur peut ainsi
être recherchée dans les travaux parlementaires (Assemblée nationale et Sénat). Il faut
cependant trier, dans les débats des Assemblées, ce qui est l'expression de la volonté
individuelle d'un de ses membres d'une interprétation ayant fait l'objet d'un consensus. La
méthode vaut principalement pour les textes récents; lorsqu'au contraire la loi est plus
ancienne, elle doit être adaptée à l'époque, et l'intention initiale du législateur est un argument
qui perd de sa pertinence.

b. Les méthodes modernes d’interprétation :

On en distingue plusieurs dont la méthode téléologique, la méthode historique ou évolutive et


la méthode du libre examen.

- La méthode téléologique (par le but ou la finalité de la règle) : du grec teleos (but,


fin), elle repose sur la recherche de finalité, de l’objectif, du but recherché par le
législateur. Il s’agit de dégager l’esprit de la règle ; celui-ci pourrait même prévaloir
sur la lettre de la règle. En effet, s’il existe plusieurs interprétations possibles, on
choisit celle qui correspond le mieux à l’objectif de la règle.

- La méthode historique ou évolutive : l’interprète doit toujours s'efforcer d'adapter


la règle de droit à la réalité actuelle, la lettre du texte au contexte contemporain, sans
toutefois pouvoiraller jusqu'à déformer le texte: Cependant, l'audace des juges et la
large palette de leurs méthodes leur ont souvent permis, sous couvert d'interprétation,
de procéder à de véritables créations (voir infra sur la jurisprudence). Cette méthode
conduit à donner à une même règle des sens variables suivant les périodes de son
application.

- La méthode de la libre recherche scientifique : elle part du constat que toutes les
autres méthodes ont des limites. La libre recherche scientifique reconnait à
l’interprète un rôle presque créateur dans la mesure où il doit trouver des solutions là
même où le texte n’en prévoit pas car l’interprétation du droit doit arriver à répondre
aux besoins de la société (Geny, Méthode d’interprétation du droit, 1899).

2. Les techniques d'interprétation

Les principales techniques d'interprétation de la portée d'une règle de droit sont les procédés
logiques d’interprétation consistant essentiellement en l’analogie. Elles passent par des
raisonnements a pari, a fortiori et a contrario :

- Le raisonnement a pari (par analogie pure) consiste à étendre à un cas non


expressément prévu par la règle le régime juridique admis par la même règle à un
autre cas tout simplement en tenant compte des ressemblances de ces deux situations.
Elle repose donc sur une similitude des raisons d’être entre la règle existante et la
solution à appliquer (ratio legis) : une même règle devrait être appliquée à des
situations qui présentent des similitudes quand bien même toutes n’ont pas été

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

envisagées par le législateur. Ex : parce que le chien doit être tenu en laisse dans un
lieu public, on en déduit que le guépard puis qu’il présente des ressemblances avec le
chien doit l’être également. En effet, si P implique Q. Alors P’ (analogue à P) devra
aussi impliquer Q.

- Une interprétation a contrario signifie au contraire que lorsqu'un texte prévoit une
solution pour un cas particulier, c'est la solution inverse qui doit prévaloir lorsque
l'on a à faire à un cas opposé : si P implique Q, non P doit impliquer non Q. Ce
raisonnement conduit dont l’interprète à adopter une solution inverse de celle que la
règle de droit prévoit lorsque les conditions posées par cette règle ne sont pas
réunies. Ex : On ne peut pas déroger par des conventions contraires aux règles
d’ordre public. Et donc, on peut déroger aux règles qui ne sont pas d’ordre public par
des conventions contraires.

- Enfin l'interprétation a fortiori indique que lorsqu'une règle prévoit une solution pour
un cas particulier, il y a davantage de raisons d'appliquer cette solution dans un cas
encore plus caractérisé : si P implique Q, a fortiori 2 P (par exemple) doit impliquer
aussi Q. S’il est interdit de libérer un chien dans un lieu public, il le sera a fortiori du
guépard qui est plus dangereux que le chien.

Ces méthodes d'interprétation sont parfois discutables. Le raisonnement a contrarioest ainsi


souvent délicat : en effet, lorsque le législateur a prévu une solution pour un cas, il n'a pas
toujours voulu la solution inverse pour un cas non cité. Autrement, ce qui n’est pas interdit ne
sera pas toujours permis (Lire la Déclaration de Mohammed Bedjaoui, jointe à l’avis de la
Cour internationale de justice dans l’affaire de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, CIJ Recueil, 1996).

3. Les maximes d'interprétation

Plusieurs adages ou maximes juridiques traitent de l'interprétation des règles de droit. Citons-
en quelques-uns :

 Les règles spéciales dérogent aux règles générales (specialia generalibus derogant) :
ce principe permet d'articuler et de rendre compatibles deux règles de droit qui
semblent a priori se contredire. Dans un tel cas, il faut déterminer si l'une des deux
règles n'a pas un domaine d'application plus large que l'autre. Si c'est le cas, la loi
spéciale dont la portée est plus restreinte devra être appliquée au cas précis qu'elle
prévoit car elle est censée sur ce point déroger à la règle générale qui pour le reste
demeure valable. Ainsi dit-on, les lois spéciales dérogent aux lois générales (specialia
generalibus derogant). En revanche, les lois générales ne dérogent pas aux lois
spéciales (generalia specialibus non derogant).

 Les exceptions sont d’interprétation stricte (exceptiones sunt strictissi mae


interpretationis) : la maxime signifie que les exceptions admises par la loi doivent être
renfermées dans leurs termes littéraux. Il n’ya pas d’exception sans texte
(l’interprétation d’une exception doit donc être strictement littérale).

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

 Il est défendu de distinguer là où la loi ne distingue pas (Ubilex non distinguit, nec
nos distinguere debemus) : l’interprète n’a pas le pouvoir de restreindre l’application
d’une loi conçue en des termes plus généraux.

 La loi cesse de s’appliquer lorsque cessent d’exister ses raisons d’être (cessante
rationelegis, cessâte jus dispositio) : Lorsque la raison d'appliquer une loi cesse, il faut
cesser d'appliquer celle-ci (cesser d'appliquer ses dispositions).

B. La jurisprudence, principal outil dans l’interprétation de la règle de droit

La jurisprudence est l’ensemble des décisions des juridictions qui font autorité sur un point de
droit donné ; par métonymie, elle vise les principes juridiques ainsi dégagés et dont on dit
précisément qu’ils « font jurisprudence ». Compte tenu de la hiérarchie judiciaire, la
jurisprudence émane donc principalement des juridictions suprêmes de chaque ordre (Cour de
cassation et Conseil d’Etat) dont les décisions font autorité sur les juges de fond. On peut
cependant parler d’une jurisprudence d’une juridiction du fond lorsque celle-ci s’est illustrée
en donnant une interprétation propre d’un point de droit discuté. On parlera ainsi de la
jurisprudence de la Cour militaire de Bukavu sur les violences sexuelles.

Dans la théorie de la séparation des pouvoirs, le pouvoir législatif est chargé d’édicter la loi,
tandis que les pouvoir exécutif est chargé de l’appliquer sous le contrôle du pouvoir judiciaire.
Selon les mots de Montesquieu qui avait théorisé la séparation des pouvoirs comme garantie
de la démocratie, le juge est « la bouche de la loi ». Son rôle est d’appliquer la loi, générale et
abstraite, aux cas particuliers qui lui sont soumis. Si donc en droit, le pouvoir des juges n’est
pas de créer la règle de droit, leur pouvoir d’interpréter la règle leur laisse, de facto, une place
importante pour ne pas dire un rôle créateur certain.

1. Les marges de l’interprétation de la loi laissées au juge

Voulant mettre fin aux dérives de l’Ancien Régime, l’article 5 Code civil prohibait les arrêts
dits « de règlement », c'est-à-dire les arrêts par lesquels les juges entendaient « faire la loi ».
Selon ce texte, « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et
réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Officiellement donc, les juges se
voyaient dénier la possibilité d’énoncer des principes généraux applicables au-delà du litige
qu’ils ont à trancher, et donc de créer du droit. Le texte est toujours inchangé, mais, par des
voies diverses, il est aujourd’hui acquis que, dans certaines limites, la jurisprudence est tout
de même source du droit.

La fonction même de juger implique la création de droit. L’application d’une règle générale à
un cas concret précis nécessite en effet toujours d’interpréter la loi. Le tissu juridique est tel
que, dans la plupart des affaires, des arguments sérieux peuvent être et sont présentés par les
deux parties en litige. La loi n’ayant pas prévu tous les cas (elle ne le pourrait pas), le juge se
voit souvent confronté à des cas particuliers où on peut hésiter sur la solution résultant de la
loi applicable. Le juge doit alors trancher en faveur de l’une ou de l’autre interprétation et, ce
faisant, son interprétation complète la loi et affine donc la règle de droit.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Le juge est en outre obligé de trancher même si la loi n’est pas claire, et même d’ailleurs s’il
n’y a pas de loi applicable au litige. Le déni de justice est prohibé. En effet, il est admis que le
juge qui refuserait de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la
loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. Si, dans le langage courant, on
peut parfois dire qu’il ya « vide juridique » lorsqu’aucune loi précise ne règle le cas
particulier qui survient, la notion n’a en réalité pas de sens en droit. La loi n’est en effet pas la
seule source du droit, et le « vide législatif » n’implique pas pour autant un « vide juridique ».
Le droit contient en effet de multiples règles générales ou principes généraux qui peuvent
toujours être mobilisés dans un litige : ainsi, avant que la pratique des mères porteuses ne soit
interdite par le législateur français en 1994, la Cour de cassation, saisie d’une telle affaire en
1991, avait déclaré cette pratique illégale (en se fondant notamment sur l’interdiction de l’art.
6 Code civil de conclure des contrats contraires à l’ordre public.

La jurisprudence est ainsi (surtout celle de la Cour de cassation) source de règles générales.
Les juges de la Haute juridiction rendent au demeurant des arrêts dits « de principe », qui
contiennent un « chapeau », c'est-à-dire l’énoncé d’une règle abstraite et donc généralisable.

Une autre preuve de la création de droit par les juges peut être trouvée dans la possibilité
qu’ils ont de procéder à des revirements de jurisprudence. De nombreux arrêts de la Cour de
cassation française rompent ainsi avec la jurisprudence antérieure et, si l’état du droit est
différent avant et après un arrêt, c’est bien la preuve que celui-ci a été source de droit. La
Cour de cassation française a d’ailleurs affirmé que « la sécurité juridique […] ne saurait
consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l’évolution de la jurisprudence relevant de
l’office du juge dans l’application du droit »15.

En principe, la répartition officielle des pouvoirs entre la loi et les juges n’octroyant à ces
derniers que le pouvoir d’interpréter la loi sans créer de règles nouvelles, les juges ne doivent
pas ouvertement admettre qu’ils ont procédé à un revirement de jurisprudence et que l’état du
droit a changé du fait de leur décision. Par une fiction, les juges doivent faire « comme si » ils
ne faisaient qu’interpréter la loi, et que leur nouvelle interprétation avait toujours été contenue
dans la loi qu’ils appliquent. Cette fiction est nécessaire précisément en ce qu’elle contient les
juges dans une marge sinon limitée du moins délimitée d’interprétation.

La jurisprudence, par sa fonction même, est donc source de droit. Les décisions judiciaires
sont obligatoires pour les justiciables comme toute autre règle de droit. Certes il y a un
principe d’autorité relative de la chose jugée (la chose jugée n’a d’autorité qu’entre les parties
concernées par la décision rendue), mais il n’en demeure pas moins qu’une jurisprudence
constante s’appliquera à tous les autres justiciables, même si ceux-ci peuvent toujours espérer
un revirement (de même qu’ils pourraient espérer une modification législative).

2. Les limites de l’interprétation de la loi

Tout ce qui vient d’être dit ne signifie pas que les juges peuvent « faire la loi », au sens plein
et polysémique (lato sensu) de l’expression. Des limites existent en vertu du principe de la
séparation des pouvoirs. Celles-ci concernent la formulation des règles jurisprudentielles,
15
Civ. 1ère, 21 mars 2000, n° pourvoi : 98-11982.

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l’application des règles jurisprudentielles dans le temps et la répartition des pouvoirs entre le
législateur et les juges.

Par rapport à la formulation des règles jurisprudentielles, les juges n’ont pas toute la liberté
dans le contenu des règles qu’ils créent car ils ne sont officiellement que les interprètes de la
loi. En particulier, ils ne peuvent, en principe,pas distinguer là où la loi ne distingue pas
(ubilex non distinguit, nec nos distingueredebemus). Dès lors si une loi prévoit une règle en
termes généraux, il n’est pas permis de l’interpréter comme posant une distinction au sein de
la catégorie générale visée : ainsi, lorsque l’on interprète l’article 260, al. 1 er CCL III dont on
a tiré un principe général de responsabilité du fait des choses en général (« On est responsable
non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est
causé parle fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa
garde »), il n’est pas possible de distinguer par exemple selon que la chose est dangereuse ou
pas dangereuse. Aussi suffira-t-il qu’il s’agisse d’une chose.

Par rapport à l’application des règles jurisprudentielles dans le temps, la loi peut définir son
champ d’application dans le temps, tandis que la jurisprudence est, par nature même,
rétroactive : le juge étant censé ne faire interpréter que la loi, son interprétation, même
nouvelle, est censée avoir toujours été contenue dans la loi qu’il applique.

Par rapport à la répartition des pouvoirs entre le législateur et les juges : si le juge dispose
incontestablement d’une marge d’interprétation créatrice de droit, c’est en effet toujours sous
le contrôle du gouvernement ou du législateur qui, face à une jurisprudence qu’ils
désapprouvent, peuvent faire voter une loi qui imposera aux juges une modification de leur
jurisprudence. L’exemple le plus célèbre demeure à ce jour la loi « anti-Perruche » : face au
fameux arrêt Perruche sur la responsabilité médicale en cas d’erreur de diagnostic sur un
enfant handicapé à naitre, dans lequel la Cour de cassation avait accordé réparation à l’enfant,
le législateur, face à la fureur médiatique qui s’en était suivie, avait par une loi communément
appelée « anti-Perruche », « cassé » cette jurisprudence.

C. La doctrine

Le terme de « doctrine » (qui vient du latin doctor, issu de docere, enseigner), au sens que
nous allons développer ici, est propre à la discipline juridique. La doctrine désigne l’ensemble
des écrits juridiques des auteurs qui s’expriment sur un point de droit donné. Elle peut
englober un ensemble plus ou moins large d’auteurs, allant de l’ensemble des auteurs (« la
doctrine unanime soutient que …») à un groupe d’auteurs ayant des opposants (« une partie
de la doctrine soutient que …»), et peut parfois viser un auteur isolé mais dont l’opinion
compte particulièrement (« une doctrine soutient que.. »).

Le rôle de la doctrine a fortement évolué dans l’histoire. En droit romain, la doctrine ou une
certaine doctrine était formellement source de droit par délégation de l’empereur : ainsi, selon
la célèbre loi des citations de 426, lorsque sur un point donné, aucune législation ne donnait la
réponse, les juges étaient liés par l’opinion commune ou majoritaire de cinq grands
jurisconsultes décédés depuis plus de deux siècles : Gaius, Papinien, Paul, Ulpien et
Modestin ; la règle précisait que, en cas de partage des voix, l’opinion de Papinien devrait

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

prévaloir. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui et la doctrine est simplement une source
d’inspiration possible pour les différents tenants du pouvoir de créer le droit (en particulier le
législateur et les juges).Ainsi donc, une opinion juridique (doctrinale) vaut principalement par
l’autorité de son auteur. On trouve d’ailleurs souvent des formules du type : « selon une
doctrine autorisée », ou « particulièrement autorisée »).Un auteur peut au contraire perdre son
autorité et son influence, si on sait par exemple qu’il est rémunéré par certains pouvoirs
politiques ou économiques.

Le rôle de la doctrine en droit est de plusieurs ordres. Elle aide d’abord à porter à la
connaissance des justiciables certains éléments du droit (par exemple en annotant un arrêt, un
auteur le fait connaitre). Les choix opérés par la doctrine ont à cet égard une influence : par
l’accent mis sur un arrêt ou sur une réglementation, certaines évolutions peuvent être
accélérées ou freinées, certaines réformes provoquées.

La doctrine contribue aussi à la systématisation du droit : elle construit et reconstruit en


permanence les concepts et les catégories pour intégrer les solutions nouvelles dans un
système ordonné qui apparait comme la garantie d’un droit juste. Par ses commentaires, la
doctrine aide à l’explication du contenu du droit, en mettant le doigt sur certaines difficultés
d’application et, plus généralement, en proposant des interprétations. En présentant l’état du
droit positif (doctrine de lege lata, le droit tel qu’il est), la doctrine met en lumière les
modifications qu’elle estime opportunes (de lege ferenda, le droit tel que devant être modifié).
Il n’y a pas de commentaire neutre, et tout juriste qui commente le droit, même s’il semble ne
pas porter de jugements de valeur, propose nécessairement des interprétations qui orientent le
droit dans un sens ou dans un autre. Comme pour toutes les autres sciences humaines et
sociales, l’observateur en droit ne peut se prétendre extérieur à ce qu’il observe et, comme le
dit justement Christian Atias, la seule objectivité à laquelle le juriste puisse prétendre est une
subjectivité consciente d’elle-même.

D. Les principes généraux

Ce sont des maximes ou adages, souvent transmis en latin depuis les anciennes générations,
qui ont fondé des décisions des cours et tribunaux en dehors de tout texte les formulant.
Exemple : Nemo censetur ignorare legem ;Nemodat quod non habet ; Ne bis in idem ;Nullum
crimen sine lege, nulla poena sine lege ; etc.

Faisons cependant remarquer que les principes généraux n’ont pas une autorité in se. Leur
autorité proviendra de la source où ils seront repris. Ainsi, certains principes généraux ont
acquis une valeur constitutionnelle : le principe de la légalité des délits et des peines ; le
principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; le principe de non rétroactivité des loi
pénales ; etc. D’autres ont une valeur législative dès lors qu’ils sont consacrés par des
dispositions législatives.

E. L’équité

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L’équité est une réalisation suprême de la justice, allant parfois au-delà de ce que prescrit la
loi : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 84-II). Il s’agit de
l’application, pour la solution d’un litige donné, des principes de la justice, afin de combler
les lacunes du droit positif ou d’en corriger l’application lorsqu’elle serait trop rigoureuse.

C’est le bon sens du juge, ce qui lui parait juste et équitable. Dans un sens, on dira par
exemple que le juge a statué ex aequo et bono. En effet, en certaines situations, le juge statue
selon ce qui lui semble juste. Exemple : certains textes laissent au juge le soin de fixer les
dommages et intérêts ex aequo et bono ; le juge peut s’abstenir de condamner un conducteur
déféré devant lui si ce dernier démontre qu’il ne pouvait pas ne pas brûler les feux rouges
étant donné qu’il devait urgemment conduire l’épouse de son voisin à la maternité pour
accouchement. Le juge le fera alors par équité (n’importe qui aurait agi de la sorte dans les
mêmes circonstances : c’est le bon sens).

Chapitre II. LES SOURCES INTERNATIONALES DU DROIT CONGOLAIS :


TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX

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Les traités sont des accords entre des États souverains qui créent des règles juridiques ayant
vocation à jouer:

- soir dans les seules relations internationales. Par exemple, la Convention des Nations
unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, signée à Vienne, le 11
avril 1980;
- soit dans l'ordre international et dans l'ordre interne. Par exemple, les conventions de
Genève du 7 juin 1930 et du 19 mars 1931 ont introduit des règles uniformes en
matière de chèque -et de lettre de change.

Parmi les traités susceptibles de s'appliquer dans l'ordre interne, certains traités présentent un
effet direct (self executing). Un traité est d'applicabilité directe (effet direct), lorsqu'il crée des
droits et des obligations dont les particuliers peuvent se prévaloir devant les juridictions rant
dans leur rapport avec d'autres particuliers (effet direct horizontal) que dans les relations avec
l'État dont il relève (effet direct vertical). Les traités qui ne présentent pas un tel effet direct,
ne créent des obligations qu'à la charge des États signataires. Pour reconnaître un effet direct à
un traité, on se fonde sur l'intention des auteurs du traité d'en étendre les stipulations aux
particuliers en ne les réservant pas aux rapports entre les Érats (critère subjectif) et on
recherche si la disposition en cause est suffisamment précise et inconditionnelle (critère
objectif). Une disposition est inconditionnelle si elle s'applique telle quelle, sans laisser
aucune marge d'appréciation de l'État dans sa transposition en droit interne, voire sans qu'il
soit nécessaire de la transposer en droit interne.

Section I. Les sources internationales stricto sensu : traités et coutume internationale

Le titre VI de la Constitution de février 2006 est consacré aux traités et accords


internationaux. La Constitution ne dit rien en ce qui concerne les autres obligations non
conventionnelles de droit international (règles coutumières, résolutions des organisations
internationales, etc.). Dès lors, les développements qui suivent se rapportent, pour l’essentiel,
au régime des traités internationaux.

a. L’élaboration des traités internationaux

Un traité est défini comme « un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le
droit international […] quelle que soit sa dénomination particulière » (Convention de Vienne
du 23 mai 1969 sur le droit des traités, art. 2). Un traité ou un accord international est
négocié et ratifié par le président de la République (art. 213 de la Constitution). Néanmoins
certains accords (non soumis à ratification) sont négociés et conclus par le Gouvernement, qui
doit simplement en informer le Parlement (art. 213 Constitution).

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Certains traités visés par l’article 214 de la Constitution – traités de paix, de commerce, ceux
qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative,
etc. – ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi.

Une autre observation importante concerne l’obligation de veiller à ce qu’il n’existe pas
d’incompatibilité entre le traité international et la Constitution : « Si la Cour constitutionnelle
consultée par le Président de la République, par le Premier ministre, le Président de
l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat, par un dixième des députés ou un dixième des
sénateurs, déclare qu’un traité ou accord international comporte une clause contraire à la
Constitution, la ratification ou l’approbation ne peut intervenir qu’après la révision de la
Constitution » (art. 216).

b. L’application des traités et accords internationaux par le juge congolais

Un traité ou un accord international peut directement être appliqué devant et par le juge
congolais, c'est-à-dire qu’il peut être invoqué par les justiciables devant les tribunaux qui
doivent alors en faire application (art. 153 Constitution de 2006).

Mais tout traité ne peut être directement applicable devant et par le juge ; il doit s’agir d’un
traité qui crée directement des droits ou impose des obligations directes aux particuliers
(citoyens des Etats parties). En effet, certains traités ne créent ni droits ni obligations qu’à
l’égard des Etats signataires et ne concernent les particuliers que de manière très indirecte.

Le traité précise lui-même parfois qu’il est directement applicable. Dans l’hypothèse inverse,
il appartient aux juridictions saisies d’apprécier si tel est le cas. C’est ainsi que la
jurisprudence, française notamment, estime que certaines dispositions de la Convention
relative aux droits de l’enfant sont directement applicables alors que d’autres ne le sont pas16.

c. L’interprétation des traités

Quant à l’interprétation des traités, il existe une controverse quant au pouvoir des juridictions
internes. D’un côté, les juridictions administratives (France) se sont toujours montrées
réticentes à interpréter les traités estimant que les relations internationales relèvent de la
souveraineté du gouvernement. De l’autre côté, les juridictions judiciaires se sont en revanche
toujours reconnues compétentes pour interpréter les traités. Selon la formule de la Cour de
cassation française, « il est de l’office du juge d’interpréter les traités internationaux invoqués
16
Lire Effet direct de la Convention relative aux droits de l’enfant dans l’ordre juridique français, disponible en ligne
https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd-tableau_effet_direct_cide.pdf

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dans la cause soumise à son examen, sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une
autorité non juridictionnelle »17, et ce sauf « lorsque cette interprétation soulève […] des
questions touchant à l’ordre international public ».

Les traités et accords, à supposer qu’ils soient d’application directe, ne peuvent être appliqués
par le juge congolais que s’ils ont été régulièrement ratifiés. L’article 153 précité précise qu’il
s’agit des « traités dûment ratifiés ». La ratification doit être faite suivant les règles
constitutionnelles et les organes nationaux habiletés.

d. La place des traités et accords internationaux dans la hiérarchie des normes

L’un des principes qui dominent le droit interne est celui de la hiérarchie des normes
(hiérarchie des sources). La hiérarchie des normes est un classement hiérarchisé de
l'ensemble des normes qui composent le système juridique d'un Etat pour en garantir la
cohérence et la rigueur. Elle est fondée sur le principe qu'une norme doit respecter celle du
niveau supérieur et la mettre en œuvre en la détaillant. En cas de conflit des normes, elle
permet de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur celle qui lui est inférieure.

Formulée par Hans Kelsen (1881-1973), théoricien du droit et auteur de la "Théorie pure du
droit", la notion de hiérarchie des normes juridiques ne peut prendre tout son sens que si son
respect est contrôlé par une juridiction. Le contrôle peut être effectué par exception lors d'un
litige précis (ex : par un juge aux Etats-Unis) ou par voie d'action lors de la saisine d'un
organe spécifique.

La Constitution de février 2006 consacre l’article 215 aux rapports entre les traités
internationaux avec les lois en ces termes : « Les traités et accords internationaux
régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie »

Si rien n’est dit sur les rapports entre les traités et la Constitution, la question est controversée.
Mais l’on considère généralement (jurisprudence française notamment) que la Constitution
prime sur les traités internationaux tout comme sur les lois dans la mesure où elle constitue le
texte fondamental qui organise les institutions, les organes et tous les autres rapports
juridiques. En effet, c’est la Constitution qui régit la procédure et les conditions d’adoption
des traités ainsi que leur situation par rapport aux autres sources de droit. Or, un texte qui
donne validité à un autre ne peut lui être que supérieur dans la pyramide des normes.
17
Civ. 1re, 19 décembre 1995, n° pourvoi : 93-20424.

54
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

e. Observations sur le rôle et la place de la coutume internationale en droit congolais

La Constitution ne réserve aucun traitement aux règles de droit international coutumier. La


doctrine congolaise est cependant unanime que celles-ci méritent d’être traitées de la même
manière que les règles conventionnelles (traités)18.

2. Le droit communautaire de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit


des affaires (OHADA)

En plus de sources du droit international proprement dit (traités internationaux et règles


relevant de la coutume internationale), il se développe sur le continent africain, sans doute à
l’instar de ce qui s’est développé en Europe dans le cadre des Communautés européennes
(Union européenne en ces jours) des projets d’intégration économique et politique des Etats
sur le plan régional et sous régional. Un projet intéressant dans ce cadre est sans aucun doute
l’intégration législative et réglementaire dans le domaine du droit des affaires. Tel est l’objet
de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA).

Depuis les débuts de la décennie 1990, les Etats de la Zone Franc CFA, rejoints par les
Comores et la Guinée, ont décidé d’harmoniser leurs droits des affaires en vue d’offrir aux
opérateurs économiques une législation unique, moderne et transfrontalière, adaptée aux
nouveaux défis de l’économie. Le Traité créant l’Ohada a été signé à Port Louis le 17 octobre
1993. Il est entré en vigueur le 18 septembre 1995 et est ratifié par plus de dix-sept Etats. La
République démocratique du Congo a adhéré à l’Ohada depuis l’an 2012 (le 13 juillet).

Le système juridique et judiciaire de l’Ohada vise à garantir la sécurité juridique des affaires
en adoptant un droit commun des affaires – les Actes uniformes – dont l’interprétation est
confiée à une seule instance juridictionnelle, la Cour commune de justice et d’arbitrage
(CCJA). On compte à ce jour plusieurs actes uniformes : l’Acte uniforme relatif au droit
commercial général (AUDCG, 15 décembre 2010), l’Acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE, 30 janvier 2014),
etc.

18
Lunda Bululu, La conclusion des traités en droit constitutionnel zaïrois, Bruxelles, 1984 ; Joseph KazadiMpiana, La
position du droit international en droit congolais et l’application de ses normes, Publibook, 2013 ; Thomas F. Mwagalwa,
L’interdiction de recruter et de faire participer les enfants aux hostilités en droit en République démocratique du Congo ,
Paris, Editions Publibook, 2017.

55
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

L’article 10 du Traité Ohada prévoit que “Les actes uniformes sont directement applicables et
obligatoires dans les États Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,
antérieure ou postérieure.”La conséquence de l’adhésion de la RDC est donc que le droit
Ohada s’impose désormais comme unique référence dans les domaines régis par les Actes
uniformes dans tous les rapports juridiques et en particulier devant les juridictions
congolaises19.

Section II. Les instruments juridiques d’origine internationale organisant le domaine de


l’information et de la communication

A. Les instruments internationaux à caractère universel

Au plan universel, quatre textes de référence prévoient et fondent le principe de la liberté de


presse. Le premier d’entre eux est la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

- La Déclaration universelle des Droits de l’Homme

Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10
décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle la RDC est partie,
stipule, à son article 19, que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce
qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir
et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque
moyen d’expression que ce soit ».

Le même article 19 garantit aussi « la liberté de collecter, de diffuser des informations, ainsi
que le droit pour d’autres (il s’agit bien du public ou du droit du public à l’information) de
recevoir ces informations en toute liberté ».

Pour les journalistes, il s’agit du droit « de chercher, de recevoir et de répandre, sans


considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que
ce soit».

Le deuxième instrument à caractère universel est le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques.

- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

19
Roger MASAMBA, L’Ohada en RDC. Manuel de vulgarisation, 2012, en ligne.

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Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Adopté par la résolution 2200 A(XXI) de l’Assemblée générale des Nations Unies en sa
session du 16 décembre 1966, ce Pacte, auquel la RDC est partie, est entré en vigueur le 23
mars 1976.

Son article 19 dispose que : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a
droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de
répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous
une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».

- La Charte de Munich

La Charte de Munich n’est pas à proprement parler un instrument juridique à caractère


universel.

Compte tenu du grand nombre de professionnels qui la reconnaissent, elle est devenue une
référence quasi universelle pour la profession journalistique à travers le monde.

Conscient de l’impératif de systématiser les droits et les obligations professionnels des


professionnels des médias, cette Charte a été rédigée, sous la forme d’une Déclaration, à
Munich, en Allemagne, en 1971, par un groupe des journalistes originaires de six pays de
l’Europe de l’Ouest.

Celle-ci énumère les devoirs et les droits des journalistes et constitue la matrice de la plupart
des codes d’éthique et de déontologie des journalistes à travers le monde.

B. Les instruments internationaux à caractère régional

La plupart des instruments juridiques à caractère régional ont été pris à la suite d’instruments
universels, le plus généralement pour en assurer la mise en œuvre dans les pays membres des
groupes régionaux.

C’est dans ce cadre que l’Union Africaine (alors Organisation de l’Unité Africaine) a repris
certaines des dispositions de ces trois instruments universels pris dans le cadre des Nations
Unies en adoptant quelques textes de référence en matière de liberté d’expression, de manière
générale et de la liberté de la presse de manière particulière, notamment pour ce qui est de
cette liberté durant les échéances électorales.

- La Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

57
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

Comme la plupart d’autres instruments internationaux, la Charte ne fait pas directement


référence à la liberté de la presse mais l’inclut dans la liberté d’expression en général.

L’article 9 de cette Charte qui a été adoptée le 27 juin 1981 par l’Organisation de l’Union
Africaine (OUA devenue Union Africaine) affirme le principe universel selon lequel: « toute
personne a droit à l’information. Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses
opinions dans le cadre des lois et règlements ».

L’Acte constitutif de l’Union Africaine signé par les Etats membres le 11 juillet 2000 se
réapproprie tous ces principes tirés de la Charte de 1981, qui est, elle-même, une émanation
de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques.

Les points g) et h) de l’article 3 de cet Acte engage l’union à « promouvoir les principes et les
institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance » et à
«promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux
droits de l’homme».

Et le point m) de son article 4 relatif aux principes d’intervention de l’union cite l’obligation,
pour les Etats membres de respecter « des principes démocratiques, des droits de l’homme, de
l’État de droit et de la bonne gouvernance ».

- La Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique

La Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique est une autre avancée
considérable pour la normalisation de la liberté d’expression sur le continent africain et pour
la mise sur pied de la société de communication.

Cette Déclaration qui peut être envisagée comme une mesure d’application de la Charte,
aborde les questions relatives à la presse tant écrite qu’audiovisuelle.

Bien qu’il soit critiquable sur plusieurs points, ce texte consacre une très grande évolution si
on la compare aux textes antérieurs.

Il réaffirme ainsi « l’importance cruciale de la liberté d’expression en tant que droit humain
individuel, pierre angulaire de la démocratie et aussi en tant que moyen pour garantir le
respect de tous les droits humains et libertés fondamentales de l’homme » et souligne

58
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

l’importance de « la libre circulation des informations et des idées » au titre de l’article 9 de la


Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Dans un élan favorable à la promotion de la rédevabilité des autorités établies, il estime que «
le respect de la liberté d’expression et du droit d’accès à l’information détenue par les organes
et sociétés publics mènera à une plus grande transparence et responsabilité publiques ainsi
qu’à la bonne gouvernance et au renforcement de la démocratie » et que « les lois et coutumes
qui répriment la liberté desservent la société ».

L’autre mérite de ce texte réside dans sa reconnaissance du « rôle crucial des médias et des
autres moyens de communication pour garantir le respect total de la liberté d’expression, en
favorisant la libre circulation des informations et des idées, en aidant les populations à prendre
des décisions en connaissance de cause et en facilitant et renforçant la démocratie».

Il reconnaît l’importance du rôle de la radiodiffusion en Afrique « vu sa capacité à atteindre


un large public, du fait de son coût de transmission relativement faible et de son aptitude à
surmonter les barrières de l’analphabétisme ».

Ce texte rappelle les principes universels selon lesquels :

«Tous les organismes de radiodiffusion-télévision contrôlés par l’Etat et le gouvernement


doivent être transformés en organismes de radiodiffusion-télévision de service public devant
rendre des comptes au public par le biais du corps législatif et non au gouvernement,
conformément aux principes ci-après :

- les organismes de radiodiffusion-télévision doivent être gérés par un conseil protégé


contre l’ingérence, en particulier de nature politique ou économique ;
- l’indépendance éditoriale des organes publics de la radiodiffusion- télévision doit
être garantie ;
- les organismes de radiodiffusion-télévision doivent être adéquatement financés de
manière à être protégés de toute ingérence arbitraire dans leurs budgets ;
- les organismes de radiodiffusion-télévision publics doivent tout faire pour veiller à
ce que leur système de transmission couvre l’ensemble du territoire ;
- la mission de service public des organismes de radiodiffusion-télévision publique
doit être clairement définie et inclure une obligation de garantir que le public reçoive
des informations adéquates, politiquement équilibrées, surtout en période électorale».

59
Dr Lubunga Mwindulwa Hervé Fondements de Droit public et privé L1 SIC 2022

La protection de la liberté d’expression en général et de la liberté de la presse en particulier


constitue un point particulier d’attention de l’Union Africaine.

Le principe jurisprudentiel devrait aller dans le sens de l’application de ces peines alternatives
à la servitude pénale.

S’agissant de la protection des sources d’information, le point XV de la Déclaration des


principes sur la liberté d’expression en Afrique relatif à la «protection des sources et autres
documents journalistiques» stipule que « les journalistes ne doivent pas être obligés de révéler
leurs sources d’information ou autres documents détenus dans le cadre de l’exercice de la
fonction de journaliste, sauf lorsque cette source est nécessaire dans une enquête ou des
poursuites relatives à un crime grave, ou pour assurer la défense d’une personne accusée
d’infraction pénale ; ou lorsque le droit du public à l’information l’exige.

Exceptionnellement, cette demande peut être faite si la divulgation a été ordonnée par un
tribunal, après une audition complète.

Le point XIII de la Déclaration relatif aux «mesures pénales» invite les Etats à « revoir toutes
les restrictions pénales sur le contenu en vue de s’assurer qu’elles servent un intérêt légitime
dans une société démocratique ».

Ce point ajoute qu’en aucun cas « la liberté d’expression ne devrait être restreinte pour des
raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, à moins qu’il n’existe un risque réel de
menace imminente d’un intérêt légitime et un lien causal direct entre la menace et
l’expression ».

- La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant

Elle rappelle, dans son article 7 relatif à la liberté d’expression que « Tout enfant qui est
capable de communiquer se verra garantir le droit d’exprimer ses opinions librement dans
tous les domaines et de faire connaître ses opinions, sous réserve des restrictions prévues par
la loi ».

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Partie II : THÉORIE GÉNÉRALE DE L’ACTE JURIDIQUE : SOURCES DES


DROITS SUBJECTIFS

Le droit subjectif (souvent au pluriel : les droits subjectifs) désigne une prérogative


juridique attribuée à une personne par le Droit pour régir ses rapports en société (avec autrui
et même avec la Puissance publique), dont elle peut se prévaloir dans son propre intérêt.

Ce droit peut être de différente nature : droit de créance, droit à la liberté d'expression, droit
de propriété, etc. Dans le langage courant, on affirme souvent qu'une personne a « des
droits ».

Les droits subjectifs sont une notion fondamentale dans les systèmes juridiques modernes, et
ce depuis les Révolutions, en particulier depuis la Révolution française de 1879. En
République démocratique du Congo, la plupart des droits subjectifs ont une valeur
constitutionnelle. En effet, le système constitutionnel congolais est fondé sur deux grands
piliers : l’organisation des pouvoirs et les droits fondamentaux de l’homme.

Le terme « droit subjectif », datant du 19ème, indique que le droit appartient à un sujet de
droit (notamment les personnes physiques et les personnes morales, etc.). On l'oppose souvent
au Droit objectif qui lui désigne l'ensemble des règles et principes qui régissent la vie des
sociétés humaines. Ce sont les titulaires des droits subjectifs.

Ainsi, les droits subjectifs sont les prérogatives particulières (concrètes) dont une personne
peut se prévaloir, soit sur une chose (droits réels), soit sur une autre personne (droits
personnels, dits aussi « droit de créance ») déterminée.

De ce fait, les droits subjectifs découlent du droit objectif : c'est le droit objectif qui confère
aux sujets leurs droits subjectifs. On doit donc obéir au droit objectif, alors que l'on est
titulaire d'un ou plusieurs droits subjectifs : si le droit objectif nous permet de faire quelque
chose, nous avons le droit subjectif de le faire. Ainsi, toute violation de ces droits implique
des sanctions.

Les droits subjectifs ont comme sources le fait juridique et l’acte juridique, mais ceux-ci
doivent être prouvés.

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Chapitre I. LES SOURCES DES DROITS SUBJECTIFS

Les sources des droits subjectifs sont les actes juridiques et les faits juridiques.

Section 1. Les actes juridiques

L'acte juridique est une manifestation de volonté émise en vue de créer des effets de droit.
C'est l'acte accompli volontairement par une personne dans le but direct de produire des effets
juridiques (conclure un contrat de vent, de location, faire une donation, un testament….). On
distingue plusieurs catégories d'actes juridiques

Paragraphe 1. Acte unilatéral et convention

A. L’acte unilatéral procède d'une seule volonté:

C’est l’acte par lequel une personne par sa seule volonté va créer une situation juridique et en
prévoir les effets. Par exemple le testament est un acte juridique unilatéral par lequel une
personne décide de la répartition de ses biens après son décès.

B. La convention est l’acte juridique reposant sur un accord de volonté de deux ou


plusieurs personnes et qui est destiné à produire des effets de droits à l'égard de ces
personnes.

Le résultat juridique recherché dépend de plusieurs volontés. Lorsqu’elle résulte de l’accord


de volonté de deux personnes elle est qualifiée d’acte bilatéral (contrat de location). En
revanche, lorsqu’elle résulte de la volonté de plus de deux personnes elle est qualifiée d’acte
multilatéral (contrat de société).

Paragraphe 2. Acte à titre gratuit et à titre onéreux

L’acte à titre gratuit est l’acte par lequel une personne consentie volontairement un avantage à
une autre personne sans aucune contrepartie en échange. Il repose sur l’idée de bienfaisance et
de libéralité tel le contrat de donation.

L’acte à titre onéreux est celui qui va comporter des avantages réciproques pour chaque partie
contractante. Il repose sur l’idée d’échange. Chaque partie agit dans son intérêt personnel et
accepte de fournir quelque chose uniquement dans la perspective de recevoir quelque chose:
idée d'échange. Ex : contrat de vente d’un immeuble, l’acheteur paye le prix au vendeur qui
lui transfert la propriété de l’immeuble.

Paragraphe 3. Actes sous seing privé et authentiques

L'acte sous seing privé (dit aussi sous signature privée) est un acte juridique rédigé par les
parties à l'acte ou par un tiers (comme l'écrivain public) et signé par eux sans l'intervention
d'un officier public. Exemples : le contrat d'assurance et le contrat de travail.

L’acte authentique est celui qui est reçu par un officier public ayant le droit d’instrumenter
dans le lieu où l’acte a été rédigé et sous réserve de respecter les solennités (modalités)
requises par la loi. En droit congolais on distingue entre deux types d'actes authentiques :

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- Acte de l’officier de l’état civil: acte rédigé par celui-ci (Ex: acte de mariage).

- Actes notariés : actes rédigés par les notaires (vente immobilièred'un appartement).

Section II. Les faits juridiques

Un fait juridique est un événement, une action voulue ou non voulue par la personne mais qui
va produire des conséquences juridiques de façon automatique, sans que celles-ci n'aient été
recherchées par ceux qui les subiront. Il s’agit de faits ou circonstances auxquels la loi attache
des conséquences juridiques qui n’ont pas été voulues par la personne.

Quand bien même, elles seraient volontaires, ils seraient qualifiés de faits juridiques car les
effets qu'ils produisent n’ont pas été recherchés par leurs auteurs.

Les faits juridiques varient à l’extrême qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive. On
distingue généralement entre les faits volontaires et involontaires.

Paragraphe 1. Les faits volontaires

Il s'agit de faits volontaires pour la personne mais dont les conséquences juridiques y
attachées n'ont pas été recherchées.

Illustration : Le vol (acte volontaire) entraîne des conséquences juridiques (des sanctions) qui
n'ont pas été voulues par l'auteur de l'infraction.

De même, assassiner une personne (acte volontaire) est condamné par une peine
d'emprisonnement (conséquence juridique non recherchée par l'assassin).

Paragraphe 2. Les faits naturels et involontaires

Il s'agit de fait indépendant de la volonté de la personne, c'est-à-dire un fait naturel, œuvre de


la nature et qui produit des effets juridiques automatiques que la personne n'a pas recherché.

Illustration :

Une fois l'enfant est né le droit lui reconnaît automatiquement la personnalité juridique c'est-
à-dire des droits et des obligations. Une fois la personne a atteint l'âge de la majorité fixé à 18
ans, la loi lui confère la capacité d’exercice. La mort du père confère à son fils le droit à
l'héritage.

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Chapitre II. LE CONTRAT COMME SOURCE DE DROIT PRIVÉ

Il n'est nul besoin d'être juriste pour percevoir que le contrat constitue l'un des rouages
essentiels de la vie en société. Sauf à pratiquer l'autarcie, la vie des individus est tissée de
contrats. Pour se nourrir, se vêtir, se procurer des ressources, se loger, s'informer, se distraire,
se déplacer, se soigner, chaque personne conclut à intervalles plus ou moins rapprochés des
contrats variés : vente, bail, contrat de travail, d'entreprise, de transport, de jeu et de pari,
contrat médical… pour ne citer que quelques-uns des contrats les plus usuels. Et si l'on
considère les entreprises, la constatation est analogue : celles-ci ont le plus souvent leur
origine dans un contrat, le contrat de société et, qu'il s'agisse pour elles de fonctionner, de
s'équiper, de s'approvisionner ou d'écouler leur production, c'est encore de contrats qu'il est
question : mandat, prêt, crédit-bail, affacturage, contrats de distribution, franchisage…
Mis qu’est-ce qu’un contrat ? Comment est-il conclut ? Quelles sont les conditions de sa
validité ? Quelles sont ses effets ?

Section 1. Notions générales

Accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations (bail, entreprise, vente…).

La liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son contractant et de déterminer le


contenu et la forme du contrat est la règle, dans les limites fixées par la loi. Le contrat est
formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent
leur volonté de s’engager, cette volonté pouvant résulter d’une déclaration ou d’un
comportement non équivoque de son auteur. Le contrat est formé au jour où l’acceptation est
parvenue à l’offrant et son lieu est celui de cette acceptation. Le contrat ne peut déroger à
l’ordre public, ni par ses stipulations, ni pas son but, que ce dernier ait été connu ou non par
toutes les parties. Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

§1. Définition

Le contrat est défini par l’article 1er du livre III du code civil congolais (CCLIII) comme une
« convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

Cette définition, appelle les observations suivantes :

1° Le code semble faire du contrat une espèce de convention. Celle-ci est l’accord de deux
volontés pour produire un effet de droit consistant, notamment à créer une ou de plusieurs
obligations et à modifier ou à éteindre une obligation existante20. Le contrat est la convention
spécifique ayant pour objet de créer des obligations. Dans cette optique, et à contrario, ne
serait pas un contrat, la convention relative, par exemple, à la transmission des obligations
(cession de créance, novation, etc.) ou à l’extinction d’obligations préexistantes (remise de
dette). En d’autres termes, « si tout contrat est une convention, l’inverse n’est pas vrai car il

20
M. FR.MOURLON, op. cit., p.508, n°1026; voy. aussi, F. TERRE, P. SIMLER et Y.
LEQUETTE, op. cit., p.57, n°49.

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existe des conventions qui ne créent pas d’obligations, mais les transfèrent ou les
éteignent »21.

La distinction du contrat et de la convention ne présente guère d’intérêt car le code civil


congolais, comme les codes civils belge et français des obligations, emploie indifféremment
les deux termes. D’ailleurs, on trouve parfois dans la pratique d’autres appellations pour
désigner la convention ou le contrat, telles que le « protocole », l’« entente », l’« accord », etc.

2° Le code fait dans une certaine mesure une confusion entre contrat et obligation. « Donner,
faire ou ne pas faire quelque chose » constituent l’objet, non pas du contrat, comme le
mentionne l’article 1er du code, mais plutôt, celui de l’obligation. Le contrat, quant à lui, a
pour objet de créer, modifier, transmettre ou étendre les obligations.

Cette confusion, qui remonte à l’époque du code Napoléon22, se répercute sur tout le titre I du
Livre III du code civil congolais, intitulé : « Des contrats ou des obligations conventionnelles
en général ». Elle apparaît également dans les textes de l’article 1101 des codes civils français
et belge (Titre III). On observera que le Chapitre III du Titre I du CCCLIII intitulé « De l’effet
de l’obligation » fait allusion indifféremment à  la convention  et à l’obligation. Pourtant, les
effets dont il s’agit concernent toutes les obligations et non seulement les obligations
contractuelles.

3° La définition du code fait ressortir le caractère unilatéral, et non synallagmatique du


contrat, lorsqu’elle mentionne que « …une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire, ou à ne pas faire quelque chose ». Or, le contrat peut
engendrer des obligations réciproques dans le chef des contractants.

Le contrat est un accord de volontés ayant pour objet la création, la modification, la


transmission ou l’extinction des obligations.

§2. Eléments de la définition

1. Accord de volontés

Le contrat est un accord de volontés, un acte juridique bilatéral ou multilatéral; il suppose la


manifestation d’au moins deux volontés. Cela est vrai tant pour les contrats synallagmatiques
que pour les contrats unilatéraux. Le caractère synallagmatique ou unilatéral du contrat ne se
rapporte qu’au nombre d’obligations qu’il fait naître, par rapport à chacune des parties
contractantes23.

Peut-on de conclure un contrat avec soi-même ? On peut être tenté de répondre à cette
question par l’affirmative en considérant par exemple le cas d’un mandataire chargé par son
mandant de vendre une maison, et qui l’acquiert lui-même. Au plan juridique, il y a bel et
21
A. BENABENT, op. cit., p. 10, n°13.
22
Henri DE PAGE estime que la confusion commise par le législateur de 1804 peut
s’expliquer par le fait qu’  « à l’époque du Code civil, le contrat était, dans la vie
courante, une des sources les plus fréquentes de l’obligation ». ( Voy. H. DE PAGE, Traité
élémentaire de droit civil belge, tome II, Bruxelles, Bruylant, 1934, p. 378, n°443.
23
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, tome II, op. cit., p. 386, n°447.

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bien deux personnes qui agissent par le même organe physique, ce dernier réunissant les deux
qualités juridiques différentes : il traite personnellement, en tant qu’acheteur, et intervient, en
tant que vendeur, comme représentant du mandant. Le contrat avec soi-même est,
juridiquement parlant, difficilement concevable.

2. En vue de créer des obligations juridiques

Le contrat implique l’existence dans le chef des contractants de l’animus contrahendae


obligationis, c’est-à-dire, l’intention de produire des effets juridiques 24. Le contrat se
différencie en cela de tous autres accords que les partenaires n’envisagent pas situer sur le
plan contractuel, par exemple, la promesse d’une récompense faire par un parent à ses enfants
si ces derniers travaillent bien à l’école, le fait de prendre à bord de son véhicule un auto-
stoppeur ou un ami de Virunga au Birere ou encore l’accord entre la famille ZIBONA et la
famille NGUSHIRWA de dîner ensemble un soir à l’hôtel IHUSI. La non observance de ces
accords par une des parties peut entraîner des conséquences de droit, lesquelles s’apprécient
en dehors de tout contrat. La responsabilité en découlant peut, à la limite, être située au niveau
délictuel ou quasi-délictuel.

Un problème similaire concerne les accords désignés sous l’expression de gentlmen’s


agreement. Il s’agit des cas où des personnes s’engagent « sur l’honneur » et renoncent à
recourir à la justice en cas d’inexécution. En cas de manquement à ses obligations, la partie
défaillante peut, par exemple, s’exposer à l’effritement ou à la perte de son crédit de la part de
ses partenaires d’affaires.

§3. Autonomie de la volonté dans la conclusion du contrat

a) Définition

Le principe de l’autonomie de la volonté est un principe philosophique qui soutient que pour
être légitime, toute obligation doit se fonder sur la volonté de celui qui s’engage. En
substance, il s’agit de considérer que la source de l’obligation contractuelle est la seule
volonté des parties. Celles-ci sont libres de contracter ou non des engagements mais dès
qu’elles ont conclu un contrat, elles sont soumises à sa loi et ne peuvent y déroger que sous
certaines conditions. Les règles que le législateur pose n’ont alors qu’une portée supplétive.

b) Postulat

L’article 33 du CCC-LIII traduit au mieux la force que la loi accorde au contrat conclu dans le
respect du principe de l’autonomie de la volonté : « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur
consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de
bonne foi. »

24
Ibid, p. 386, n°447.

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c) Limites de l’autonomie de la volonté

Le principe de l’autonomie de la volonté n’a pas en droit positif congolais une portée absolue.
Il est d’abord limité par les lois impératives, l’ordre public et les bonnes moeurs (limites
classiques). En R. D. Congo, une ancienne jurisprudence a consacré cette limitation en ces
termes : « le principe de l’autonomie de la volonté est (…) subordonné à l’observation de
l’ordre public ou des bonnes mœurs, tels qu’ils sont envisagés pour le Congo par la législation
congolaise »25. Il est ensuite limité par les nécessités de l’évolution du monde moderne.

- Limites classiques
 Lois impératives

La plupart des dispositions du livre III du code civil sont supplétives. Comme signalé ci-
dessus, les parties peuvent y déroger. Néanmoins d’autres dispositions sont impératives, c’est-
à-dire, qu’elles doivent être respectées à peine de nullité du contrat. Certaines lois visent la
protection même des parties, par exemple, celles relatives à l’incapacité, celles qui déclarent
annulables les contrats conclus par erreur, par dol, par violence, etc. Ces lois, comme le fait
remarquer BORIS STARCK, « sont conformes à la thèse de l’autonomie de la volonté car
elles sont destinées à protéger la volonté »26. D’autres textes impératifs sont édictés pour des
raisons d’ordre public. Il en est ainsi des dispositions du Livre III du code civil qui rendent
nulles les conventions dont l’objet ou la cause sont illicites, celles dont la cause est immorale,
etc27.

Le caractère impératif de la loi apparaît souvent à son libellé.

 L’ordre public et les bonnes mœurs28

Les contrats contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs sont également frappés de nullité
absolue29. Par exemple, vente libre d’explosifs ou de stupéfiants; interdiction par la loi de la
convention en vue de provoquer des désordres sociaux ou assassiner les dirigeants; les
contrats immoraux (contrat de louage de services des filles mineures dans un débit de
boissons en vue d’exploiter la débauche).

Par « ordre public », on entend un ensemble de valeurs considérées comme essentielles et


bonnes pour le développement d’une communauté donnée. Il s’agit d’une notion variable dans
le temps et dans l’espace (d’un pays à l’autre, et d’époque à l’autre).Les bonnes mœurs
évoquent l’idée de moralité. Il s’agit de l’ensemble de valeurs morales considérées comme
essentielles au développement et l’épanouissement des citoyens d’une communauté donnée.
Comme l’ordre public, cette notion est aussi variable dans le temps et dans l’espace. On
l’inclut généralement dans l’ordre public.

25
Cfr. Leo, 8 janvier 1924, Jur. Col, 1924, p. 278.
26
Voy. B. STARCK, op. cit., p. 342, n°1020.
27
Cfr. Les articles 27 et 30 du CCCLIII.
28
Voy. B. KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 28.
29
Cfr. art. 29 et 32 du CCCLIII.

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- Limitations modernes30

Ces limitations sont la conséquence du progrès des idées sociales qui subordonnent l’individu
et ses intérêts à l’État et aux intérêts collectifs31.

1° A la suite du phénomène de socialisation du droit (contrôle de la loi, intervention sociale et


économique dirigée), la volonté particulière n’est plus souveraine dans la conclusion de
nombreux contrats et les articles 33 et 63 n’ont plus qu’une porté limitée. Le domaine de
l’ordre public s’accroît chaque jour et partant, le domaine de la liberté contractuelle se rétrécit
tandis que les causes de nullité se multiplient. La loi ou les règlements, émanant des agents de
l’État ou des organes corporatifs et syndicaux, ne laissent plus à la volonté des contractants
qu’un champ de plus en plus restreint. On s’oriente vers le contrat imposé, le contrat dirigé,
dont la plupart des clauses auront été par avance impérativement dictées aux parties ;

2° La stabilité des contrats n’est plus considérée comme un dogme absolu. En effet, l’on voit
de nombreux cas dans lesquels la loi, directement ou par l’intermédiaire du juge, porte, au
nom des nécessités sociales, atteinte aux effets des contrats antérieurement conclus. Exemple :
c’est le cas dans les contrats administratifs (voir théorie de l’imprévision).

En revanche, on tend à admettre qu’un contrat puisse avoir effet à l’égard des tiers. C’est le
cas lorsque les nécessités sociales l’exigent. En particulier, la considération des intérêts
collectifs et professionnels amène à concevoir que des contrats peuvent être conclus par des
individus en vue de ces intérêts, contrats qui s’imposeront à toutes les personnes englobées
dans lesdits intérêts collectifs, bien que ces personnes n’aient pas participé à la conclusion des
accords. Par exemple, les contrats collectifs comme les conventions collectives de travail.

Section 2. Classification des contrats

La liberté contractuelle conduit les individus à conclure autant de contrats que imagination
permet de concevoir; d’ou l’existence d’une diversité de contrats. Plusieurs classifications de
ces contrats sont proposées par la doctrine, à côté de celle établie par le livre III du code civil
congolais.

Ranger les contrats dans des classifications présente un intérêt certain. Il permet de
déterminer le régime juridique applicable à tel ou tel autre type de contrat. Plusieurs
classifications sont proposés par les auteurs suivant les critères qu’ils déterminent. Le livre III
du code civil congolais en énonce plusieurs aux articles 2 à 6 32. On peut classer les contrats
suivant leur réglementation (§1), les obligations engendrées (§2), le but poursuivi (§3), les
modes de leur formation (§4), la qualité des contractants (§5), la durée (§6).

30
Voy. B. KALONGO MBIKAYI, op. cit.,pp. 28 -29.
31
Voy. R. SAVATIER, Les métamorphoses du droit d’aujourd’hui, op. cit.,1ère série, 4èd. n°
16 à 24 « L’éclatement notion traditionnelle de contrat ».

32
Les classifications du CCCLIII sont les suivantes : contrat synallagmatique et contrat
unilatéral, contrat commutatif et contrat aléatoire, contrat de bienfaisance et contrat à
titre onéreux.

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§1. Classification des contrats selon leur réglementation

A. Contrats nommés et contrat innommés

L’article 7 du CCLIII prévoit que « les contrats, qu’ils aient une dénomination propre, soit
qu’il n’en est pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre. Les
règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d’eux ».

Les contrats nommés sont ceux auxquels la loi a donné un nom et dont elle détermine le
régime spécifique applicable. Certains sont réglementés par le livre III du code civil,
notamment la vente, le louage, le prêt, le dépôt, le mandat, la transaction, l’échange, etc.;
d’autres le sont par d’autres législations. Le code du commerce détermine, par exemple, les
règles applicables au contrat de transport)33.

Les contrats innommés sont ceux que la loi n’a pas réglementés sous une dénomination
propre. Cette catégorie de contrats recouvre une multitude de contrats forgés par les parties en
vue de répondre à des besoins très spécifiques 34. On dit également qu’il s’agit des contrats
crées par la pratique, laquelle finit par leur conférer une dénomination. Ils sont parfois
qualifiés de « contrats sui generis », puisqu’ils ne correspondent à aucune des catégories
classiques. Exemple : le « likelemba », le contrat de déménagement, le contrat de « parking »,
le contrat d’entretien d’ascenseur, le contrat d’hôtellerie, le contrat d’édition, etc.

Les contrats au départ innommés peuvent acquérir le statut de contrats nommés lorsqu’ils font
l’objet d’une réglementation particulière. C’est le cas, en Belgique, notamment du contrat à
distance35, du contrat d’agence commerciale 36,du contrat portant sur l’acquisition d’immeuble
à temps partagé37.

L’intérêt de cette distinction apparaît au regard du choix des règles applicables à l’une et à
l’autre catégorie de contrats. A défaut des stipulations contraires des parties, les contrats
nommés sont régis principalement par les règles particulières établies par le code, et
subsidiairement, par les règles générales des obligations. Ils seront donc soumis aux règles,
supplétives ou impératives, édictées par la loi. Les règles impératives s’imposent aux
contractants, contrairement aux règles supplétives auxquelles ces derniers peuvent déroger.
Pour les contrats innommés, on se référera aux règles que les parties contractantes ont prévues
dans leur convention. Le problème se pose lorsque les parties n’ont pas réglé dans tous les
détails certains aspects du contrat. Le problème peut se poser lorsqu’un différend oppose les
contractants alors qu’ils ne l’avaient pas envisagé, et qu’ils le soumettent au juge. Ce dernier 
« doit alors qualifier le contrat, c’est-à-dire, rechercher sa nature juridique, pour trouver la
règle applicable »38. Cette recherche peut, selon les cas, s’avérer aisée ou délicate ; aisée au
cas où le contrat litigieux se ramènerait à un contrat nommé, par exemple, le contrat
33
Voy. Décret du 30 mars 1931.
34
Voy. F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 70, n°61.
35
Cfr. la loi du 14 juillet 1991, art. 77 et suivants.
36
Cfr. la loi du 15 avril 1995, Moniteur belge, 2 juin 1995, p.15621.
37
Cfr. la loi du 11 avril 1999, moniteur belge, 30 avril 1999, p.14663.

38
P. MALINVAUD, op. cit.p. 50, n°67.

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d’entretien d’un ascenseur, qui est une sorte de louage d’ouvrage ; difficile lorsqu’on est en
présence d’un contrat mixte, intermédiaire entre deux contrats nommés, par exemple, entre le
contrat de louage et le contrat de dépôt. C’est le cas du contrat de « parking » qui peut être
situé entre le contrat de louage et le contrat de dépôt39.

B. Contrats internes et contrats internationaux

En termes simples, le contrat interne est celui dont tous les éléments (objet, lieu de
conclusion, lieu d’exécution, nationalité et résidence des parties) sont localisés à l’intérieur
d’un pays ; le contrat juridiquement international est celui qui présente un élément
d’extranéité (objet, sujets, etc.) ; il présente ainsi des liens avec plusieurs pays 40. Par exemple,
un contrat de mariage conclu entre un congolais et une sénégalaise en Belgique.

§2. Classification des contrats d’après les Obligations engendrées

1° Les contrats synallagmatiques

Aux termes de l’article 2 du CCCLIII, « le contrat est synallagmatique ou bilatéral, lorsque les
contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ». Ce contrat fait naître des
obligations réciproques et interdépendantes entre les parties contractantes. Par exemple, dans
le contrat de vente, le vendeur s’oblige à transférer la propriété et à livrer la chose, l’acheteur
s’oblige réciproquement à en payer le prix ; dans le contrat de louage de choses, le bailleur
s’engage à procurer au locataire la jouissance d’une chose, le locataire à en jouir en bon père
de famille et à en payer le loyer convenu; dans le contrat d’assurance incendie, l’assuré
s’oblige à payer la prime annuelle convenue, l’assureur à indemniser l’assuré en cas de
survenance du sinistre, c’est-à-dire, au cas où la chose est détruite ou détériorée par le feu ;
dans le contrat d’entreprise, l’entrepreneur s’oblige à accomplir un travail moyennant
rémunération du maître de l’ouvrage ; dans le contrat de transport, le transporteur s’engage à
déplacer une personne ou une chose et de la faire arriver en toute sécurité à destination, le
cocontractant, à payer les frais de transport convenus, etc.

Dans tous ces contrats, « il y a toujours et nécessairement réciprocité d’obligations, et ce, dès
l’instant même de la formation du contrat, parce que, sans cette réciprocité, le contrat ne se
concevrait pas. Il ne répondrait plus à la notion que les parties s’en sont faite »41. Les
obligations des parties sont interdépendantes : chacune des parties joue à la fois le rôle de
créancier et de débiteur. Ainsi, par exemple, dans le contrat de vente, le vendeur est débiteur
de la chose vendu et créancier du prix ; l’acheteur est débiteur du prix et créancier de la chose
vendue.

Les contrats synallagmatiques sont les plus nombreux et les plus fréquents. Il en est ainsi
notamment du contrat de vente, du contrat de louage, du contrat d’échange, du contrat
d’entreprise, du contrat de transport, etc.

2° Les contrats unilatéraux


39
Ibid, p. 50, n°67.
40
F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p.71, n°62.
41
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, tome II, op. cit., p. 390, n°450.

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D’après l’article 3 du Livre III du CCLIII, « Le contrat est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs
personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il
y ait d’engagement ». Il s’agit, en d’autres termes, d’un contrat qui, au moment de sa
formation, n’engendre d’obligation qu’à charge d’une des parties contractantes. Il n’ y a pas
de réciprocité : l’un des cocontractants est créancier, et l’autre débiteur. C’est le cas du contrat
de donation où seul le donateur assume une obligation, celle de donner, du contrat de dépôt, à
titre gratuit, qui fait naître à charge du dépositaire (seul) l’obligation de garder la chose en bon
père de famille et de la restituer au déposant lorsque ce dernier la lui demande, du contrat de
mandat non rémunéré qui crée, à charge du mandataire (seul), l’obligation d’accomplir la
mission lui confiée par le mandant, du contrat de prêt à usage (commodat) où seul le
dépositaire a une obligation, celle de restituer la chose, etc.

Il ne faut pas confondre un contrat unilatéral avec un acte unilatéral. Ainsi que nous l’avons
mentionné plus haut, le contrat est un acte bilatéral ; il émane de la volonté d’au moins deux
personnes ; un contrat unilatéral est un acte bilatéral (oeuvre d’au moins deux parties) qui fait
naître une obligation à charge d’une seule partie. L’acte unilatéral est celui qui provient de la
volonté d’une seule personne et qui produit des effets juridiques. Par exemple, le testament est
un acte émanant de la seule volonté du testateur qui dispose de ses biens pour le temps où il
n’existera plus. Cet acte peut faire naître des droits ou des obligations (transmission des
éléments de l’actif ou du passif du patrimoine du cujus).

3° Intérêt de cette distinction entre le contrat synallagmatique et le contrat unilatéral

Cet intérêt est considérable. Il tient au fait que les deux types de contrats sont, à maints
égards, soumis à des règles différentes, notamment celles relatives au fond et à la preuve :

1° Du point de vue du Fond. La réciprocité des obligations est de l’essence même des
contrats synallagmatiques. Les obligations de chacune des parties au contrat sont si
intimement liées qu’elles se servent mutuellement de cause, de sorte que si l’une disparaît,
l’autre ne trouve plus de raison d’être. Il découle de ce principe deux règles de droit
suivantes : l’exception d’inexécution ou exceptio non adimpleti contractus, la résolution du
contrat et la théorie des risques.

a) l’exception d’inexécution. Les obligations des parties à un contrat synallagmatique étant


réciproques, si l’une des parties au contrat n’exécute pas son obligation, l’autre peut refuser, à
son tour, d’exécuter les siennes. Cette règle n’est pas expressément formulée par le CCLIII ;

b) La résolution du contrat. Bien plus, tout contrat synallagmatique est réputé fait sous la
condition résolutoire; si l’une des parties n’exécute pas, par sa faute, son obligation, l’autre
peut solliciter la résolution du contrat (Cfr. art. 82 CCLIII).

c) La question des risques. Dans un contrat synallagmatique, lorsqu’une obligation ne peut


plus être exécutée par suite d’un cas de force majeure ou d’un cas fortuit, que devient
l’obligation corrélative? Qui, des deux parties contractantes, supportera les conséquences
dommageables de l’impossibilité d’exécution. Il s’agit, comme nous le verrons
ultérieurement, du débiteur de la prestation devenue impossible. Cette question ne se pose pas

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dans le contrat unilatéral. Dans ce type de contrat, où il n’y a qu’une obligation, celle-ci
s’éteint nécessairement en cas de survenance d’un cas de force majeure ou d’un cas fortuit; le
débiteur s’en trouve ainsi libéré. Le risque pèse donc sur le créancier (Par exemple, le
déposant, dans le contrat de dépôt).

Ces trois règles fondées sur la réciprocité des obligations ne s’appliquent pas aux contrats
unilatéraux.

2° En ce qui concerne la preuve.

Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux ne sont pas soumis au même régime
de preuve. La validité des contrats synallagmatiques tient au respect de la formalité dite du
double, celle suivant laquelle, ces types de contrats doivent être rédigés en autant d’originaux
qu’il y a des parties ayant un intérêt distinct, chaque original devant porter la mention du
nombre des originaux établis (article 207 du CCLIII). Cette formalité n’est pas de mise
lorsque le contrat est unilatéral; dans ce cas, un seul original suffit. Dans le cas particulier
d’un contrat unilatéral ayant pour objet une somme d’argent ou une chose fongible, il est
exigé que le montant de la dette soit écrit en entier de la main du débiteur (article 208 du
CCLIII).

On évoque parfois, s’agissant des contrats synallagmatiques, la distinction entre les contrats
synallagmatiques parfaits et contrats synallagmatiques imparfaits. Les premiers sont ceux
qui, dès l’instant, qu’ils sont formés, obligent chacune des parties, les seconds ceux qui, à
priori, c’est-à-dire, dès l’instant de leur formation, n’obligent que l’une des parties (contrat
unilatéral),mais qui peuvent, au cours de l’exécution, devenir l’occasion d’une obligation à
charge de l’autre42. Par exemple, le contrat de dépôt (à titre gratuit), qui est en principe un
contrat unilatéral, n’impose d’obligations qu’au seul dépositaire : conserver la chose déposée
et la rendre au déposant à la première réquisition. Mais si au cours de contrat, le dépositaire a
fait des dépenses pour assurer la conservation de la chose en dépôt, le déposant devra les lui
rembourser (article 510). Il en va de même du contrat de mandat (qui est en principe gratuit) :
le mandataire est seul obligé envers le mandant. Mais s’il arrive que, dans l’accomplissement
des actes de son mandat, il doive faire des avances de certains frais, il pourra en demander le
remboursement au mandant.

L’assimilation de ces types de contrats au contrat synallagmatique est, en doctrine, sujette à


discussion. Les auteurs favorables à cette assimilation mettent invoque, à l’appui de leur point
de vue le caractère réciproque des obligations découlant de ces contrats, ceux qui sont d’avis
contraire estiment que l’existence d’un contrat synallagmatique requiert en plus de la
réciprocité, l’interdépendance des obligations, « laquelle ferait, en la circonstance, défaut, les
obligations d’une des parties – le dépositaire, le mandataire – naissant – de part la volonté des
parties, au moment de la conclusion du contrat, celle de l’autre partie – le déposant, le
mandant – naissant en dehors de la volonté des parties, en cours d’exécution du contrat »43.

42
M. FR.MOURLON, op.cit., p. 520, n°1030.
43
Voy. F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p.76, n°66.

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Le débat est dépourvu d’intérêt en ce qui concerne la formation des contrats, car à ce niveau,
les contrats sont incontestablement unilatéraux, et partant, non soumis à la règle du double
original. Il n’en est pas ainsi en ce qui concerne les effets. Selon que ces contrats seront
qualifiés de synallagmatiques ou d’unilatéraux, ils seront soumis ou non aux règles relatives à
l’exécution des contrats synallagmatiques.

§3. Classification des contrats selon le but poursuivi :

1° Le contrat à titre gratuit

Les contrats à titre gratuit ou contrats de bienfaisance, sont ceux dans lesquels l’une des
parties procure à l’autre un avantage purement gratuit (art. 5 du CCLIII). Le contractant peut
s’engager soit en vue d’enrichir le patrimoine d’autrui, soit en vue de lui rendre service. Dans
le premier cas, on parlera des contrats à titre gratuit proprement dits (par exemple, la
donation entre vif, …), et dans le second, des contrats de services gratuits (par exemple, le
prêt à usage ou commodat, le mandat non salarié, le prêt d’argent sans intérêt, le dépôt ou le
cautionnement non rémunérés, etc.). Dans la première variante de contrats à titre gratuit, l’un
des contractants diminue son patrimoine pour enrichir l’autre ; dans la seconde, un des
contractants, désireux de rendre service à l’autre, ne s’appauvrit pas au profit de ce dernier,
mais fournit des prestations sans en exiger une contrepartie44.

2° Le contrat à titre onéreux

L’article 6 du CC LIII définit le contrat à titre onéreux comme « celui qui assujettit chacune
des parties à donner ou à faire quelque chose ».

Cette définition est sujette à critique. Elle convient seulement aux contrats qui engendrent des
obligations réciproques, les contrats synallagmatiques. S’il est vrai que les contrats
synallagmatiques sont généralement à titre onéreux, il n’en demeure pas moins vrai que tous
les contrats à titre onéreux ne sont pas nécessairement synallagmatiques. Ce n’est pas la
réciprocité des obligations qui confère à un contrat le caractère onéreux, mais plutôt la
réciprocité des avantages. Celle-ci se retrouve non seulement dans les contrats
synallagmatiques, mais aussi dans certains contrats unilatéraux, par exemple, le prêt d’argent
à intérêt45. Dans ce contrat, en effet, le prêteur agit en vue de retirer un intérêt de son argent,
l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la somme qui lui a été remise. On peut même avoir
des contrats synallagmatiques à titre gratuit comme la donation avec charges46.

On peut définir le contrat à titre onéreux comme celui dans lequel chacune des parties
poursuit la réalisation d’un avantage, qui est la contrepartie de celui qu’elle procure à l’autre.

Au sein de cette catégorie, on peut faire une autre distinction, également prévue par le
CCLIII, celle des contrats commutatifs et des contrats aléatoires.

Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires

44
Ibid, p. 77, n°67.
45
P. DELEBECQUE et F-J. PANSER, op. cit., p.15, n°26.
46
Voy. F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p.77, n°67.

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Un contrat commutatif est un contrat à titre onéreux dans lequel les parties connaissent
exactement, dès sa formation, l’importance et l’étendue de leurs prestations réciproques. Par
exemple, dans le contrat de vente, les prestations de l’acheteur et du vendeur sont connues par
ces derniers au moment de la conclusion du contrat. Le vendeur, en s’engageant, connaît
dores et déjà la contrepartie qui lui sera procurée : le prix de la vente payable au comptant ou
par tranches,…De même, dans un contrat de prêt à intérêt, le débiteur, l’emprunteur, est en
mesure de déterminer, au moment de la conclusion du contrat, la quotité de son obligation :
remboursement en une seule fois ou en plusieurs fractions du montant dû.

L’article 4, alinéa 1er du CCLIII, définit le contrat commutatif en mettant en relief


« l’équivalence des prestations réciproques » ; il ne fait pas mention d’un des éléments
caractéristiques de ce type de contrat, en l’occurrence, la connaissance initiale par les parties
contractantes du rapport de leurs prestations. Il n’est pas nécessaire que les avantages
réciproques des parties soient exactement équivalents. Il suffit, par exemple, dans un contrat
de vente, que le vendeur ait accepté le prix convenu en tant que contrepartie de la chose. C’est
dans ce sens qu’il faut comprendre l’article 4 lorsqu’il précise que la prestation d’une partie
doit être « regardée comme » l’équivalent de celle de l’autre.

Aux termes de l’article 4, alinéa 2 du CCLIII, le contrat est aléatoire « lorsque l’équivalent
consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement
incertain ». En d’autres termes, « le débiteur ignore la valeur de la contrepartie qui lui sera
procurée parce que l’existence même ou simplement le montant de cette contrepartie est
soumis à un aléa indépendant des volontés des parties »47. Le risque concerne les deux parties,
tant il est vrai que le gain que la réalisation du risque procurera à l’une d’elle constituera
nécessairement une perte pour l’autre. L’aléa peut se situer soit au niveau de l’existence de la
contreprestation, soit à celui de l’étendue de celle-ci. On peut évoquer, dans le premier cas,
l’exemple du contrat d’assurance où la prestation de l’assureur dépend de la survenance du
sinistre, et dans le second, celui de la constitution d’une rente viagère. Exemple. Monsieur
COPYDE donne à Monsieur SAWA un capital de 200. 000 US$. Celui-ci s’engage à verser à
celui-là 10 000 US$ par année, tant qu’il vivra. Dans cet exemple, aucune des deux parties au
contrat ne peut, au moment de la conclusion du contrat, apprécier le gain ou la perte découlant
du contrat. L’événement futur dont dépend le gain ou la perte est le décès du créancier de la
rente (COPYDE).L’évaluation des parties pour savoir si elles ont fait une bonne ou une
mauvaise affaire ne peut se faire qu’à ce moment.

L’intérêt de cette distinction apparaît au niveau de la théorie de la lésion : les contrats


aléatoires ne sont pas susceptible d’encourir de sanction pour cause de lésion.

L’intérêt de la distinction entre les contrats à titre gratuit et les contrats à titre onéreux
peut se situer à différents points de vues.

47
C. LAROUMET, Droit civil Les Obligations Le contrat, Paris, éd. Economica,
2003, p. 170, n°201.

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1° Au regard de la garantie, les obligations de celui qui consent un avantage sans contrepartie
sont moindres par rapport à celles qui incombent aux parties dans les contrats à titre onéreux.
Par exemple, le donateur, à la différence du vendeur, n’est pas astreint à la garantie pour la
chose donnée, alors que le vendeur doit garantir l’acheteur contre l’éviction et contre les
vices cachées (Cfr. les articles 302 et s.). De même, en ce qui concerne la responsabilité
contractuelle, la responsabilité du débiteur en cas d’inexécution est généralement appréciée
moins sévèrement dans les contrats à titre gratuit que dans les contrats à titre onéreux. Ainsi,
la responsabilité d’un dépositaire ou d’un mandataire est-elle plus ou moins grande, suivant
que le dépôt ou le mandat est ou non salarié (Cfr. les articles 36, 494 (dépôt) et 533 (mandat)).

2° les contrats de bienfaisance sont généralement présumés fait « intuitu personae », en


considération de la personne que l’on veut gratifier ou à laquelle on veut rendre service. Ils
connaissent ainsi les particularités qui s’attachent à cette catégorie (possibilité de demander la
nullité du contrat en cas d’erreur sur la personne,…).

3° Seuls les contrats à titre onéreux peuvent revêtir le caractère commercial, le commerce
impliquant l’idée de spéculation qui ne s’accommode pas de la nature des contrats à titre
gratuit.

§4. Classification des contrats suivant les modes de leur formation

1° contrats consensuels, solennels et réels

Cette distinction est traditionnelle ; mais elle n’est pas exprimée par le code. Elle se fonde sur
les conditions de forme nécessaires à la validité du contrat.

Certains contrats se forment valablement par le seul échange des consentements parties, sans
qu’aucune formalité ne soit exigée (contrats consensuels). La vente, par exemple, est contrat
consensuel, car, comme le précise l’article 264 du CCLIII, elle parfaite entre les parties dès
que celles-ci s’accordent sur la chose et sur le prix. La grande majorité des contrats en droit
congolais appartient à cette catégorie.

D’autres contrats ne sont valables qu’autant que le consentement des parties est manifesté
selon certaines formes particulières prescrites par la loi ; celles-ci consiste généralement dans
la rédaction d’un écrit qui peut être, selon les cas, authentique ou sous seing privé (contrats
solennels). Dans ces contrats, l’écrit n’est pas, comme dans les contrats consensuels, exigé
seulement ad probationem, mais il constitue un des éléments essentiels du contrat. Par
exemple, le contrat d’hypothèque48, le paiement avec subrogation conventionnelle consentie
par le débiteur49, etc. Ces contrats constituent une exception au principe du consensualisme.

48
Cfr. art. 255 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime des biens tel que modifié par la
loi du 18 juillet 1980.
49
Cfr. art. 148, 2° du CCCLIII.

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D’autres enfin requièrent, pour leur validité, outre le consentement des parties, la remise de la
chose, objet du contrat (contrats réels). Il en est ainsi notamment du contrat de dépôt 50, du
contrat de prêt à usage (commodat), du prêt de consommation51 du contrat de gage52, etc.

2° contrats de gré à gré et contrats d’adhésion

Cette distinction ne figure pas dans le CCLIII. Les contrats de gré à gré, appelés également
« contrats négociés », sont ceux dont les clauses font l’objet d’une libre discussion ou d’une
négociation entre les parties. Ils traduisent la conception classique du contrat, telle qu’elle se
dégage du code. On oppose le contrat négocié au contrat d’adhésion ; ce dernier est « le
contrat dont les conditions ont été déterminées à l’avance et unilatéralement par la partie
économiquement forte et qui les propose à l’autre, sans possibilité pour cette dernière de les
discuter et, a fortiori, de les faire modifier » (53). En d’autres termes, dans ce type de contrat,
toutes les clauses sont préétablies unilatéralement par une partie au contrat, généralement la
partie forte, la seule liberté laissée au cocontractant, partie économiquement faible, étant
d’accepter ou de refuser. Par exemple, le contrat de transport conclu entre le voyageur
BAGABO (client) et la compagnie d’aviation HEWA BORA peut contenir des clauses
rédigées à l’avance par celle-ci (la partie économiquement forte) ; ces clauses sont
généralement mentionnées dans le titre de transport (le billet d’avion). En payant son billet
d’avion, BAGABO est sensé les connaître et les accepter. On peut également évoquer les cas
d’un individu qui achète un costume dans un magasin dont le prix affiché ne fait pas l’objet de
négociation, de celui qui achète son billet de train à un guichet d’une gare dont le prix est fixé
par la compagnie de chemin de fer X , de celui qui souscrit une assurance véhicule
automoteur auprès de la Société Nationale d’Assurance, et qui se voit imposer des clauses
préétablies par celle-ci en termes de « conditions générales », de celui qui souscrit un
abonnement chez Airtel pour ses communications téléphoniques, etc.

Les contrats d’adhésion ne sont pas soumis à un régime particulier ; ils sont régis par le droit
commun. L’inégalité des forces entre cocontractants dans ce type de contrat est susceptible de
provoquer des abus ; d’où la nécessité d’assurer la protection des consommateurs contre les
abus de la puissance économique.

3° contrats individuels et contrats collectifs

Les contrats individuels sont ceux qui sont conclus entre deux ou plusieurs personnes
(physiques ou morales) et qui n’engagent que ceux qui y ont souscrit, soit personnellement,
50
Cfr. art. 482 du CCCLIII.
51
Cfr. art. 165 du CCCLIII.
52
Catherine PUIGELIER définit le gage comme un « contrat par lequel une personne (le
débiteur) remet à un autre (le créancier) un meuble afin de garantir le paiement de sa
dette » (C. PUIGELIER, Dictionnaire de droit privé, Paris, Centre de Publications
Universitaires, 1999, p.138.), voy. aussi la définition du gage dégagée par la
jurisprudence : « le gage est un contrat réel qui exige, pour sa perfection, que l’objet sur
lequel il porte ait été mis ou soit resté en possession du créancier… » (Cass., 10 juillet
1941, Pas. I. p. 295, dans P. PIRON et J. DEVOS, op. cit., p. 144).
53
Voir aussi PINDI MBENSA, Réglementation juridique des clauses abusives dans les
conditions générales de vente en droit Congolais. Etude de lege ferenda. Thèse de
doctorat, K.U.L. 1979.

76
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soit par le truchement d’un représentant. En revanche, dans le contrat collectif, un groupe de
personnes se trouvent liés par un contrat conclu pour elles par un ou plusieurs représentants.
C’est le cas, par exemple, du contrat collectif du travail conclu syndicats de travailleurs, d’une
part, et employeurs ou syndicats d’employeurs, d’autre part. Quoique conclue entre quelques
personnes représentant les intérêts des deux groupements de partenaires sociaux, cette
convention collective lie un certain nombre de personnes qui n’y ont pas participé.

4° contrat intuitu personae

Les contrats intuitu personae sont ceux conclus en considération de la personne du


cocontractant. La personne de l’un des cocontractants est un élément déterminant dans la
formation et dans l’exécution de ce genre de contrat. Un individu peut, par exemple, vouloir
requérir les services de tel médecin, de tel architecte, de tel avocat, de tel musicien compte
tenu de leurs compétences ou atouts particuliers.

§4. Classification des contrats d’après la qualité des contractants

1° contrats civils et commerciaux

Le contrat est civil ou commercial selon qu’il a été conclu entre particuliers ou entre
commerçants. On peut également trouver des contrats mixtes liant un particulier et un
commerçant54.

Le contrat civil est régi par les règles du CCLIII. Le contrat commercial obéit à la fois à la
théorie générale des contrats et aux règles du code de commerce 55. Les contrats commerciaux
sont soumis à un régime qui s’écarte à certains égards de celui des contrats civils : liberté de
preuve56, solidarité des codébiteurs57.

A titre comparatif, l’alinéa 2 in fine de l’article 1107 des codes civils français et belge est plus
explicite quant aux régimes juridiques régissant les deux types de contrat lorsqu’il précise :
« …et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives
au commerce ». L’article 7, alinéa 2 du CCLIII, qui est l’équivalent de l’article précité en
droits belge et français, ne contient pas cette prescription.

2° contrats civils et administratifs

La notion de contrat administratif ne sera pas examinée dans ce cours; elle le sera dans le
cours de droit administratif dispensé en 3ème année de graduat. Mentionnons simplement que
les auteurs évoquent plusieurs critères, considérés de façon alternative et non cumulative,
pour caractériser le contrat administratif, notamment la présence au contrat d’une personne

54
A.BENABENT, op.cit., p. 16, n°23.
55
Cfr. le décret du 2 août 1913.
56
Cfr. article 9 du décret du 2 août 1913.
57
Voy. Selon une certaine jurisprudence congolaise, « Il est d’usage en matière
commerciale que les commerçants qui exercent le commerce sous une raison sociale qui
porte leur nom s’engagent solidairement » (Elis, 27 juin 1911 (Jur Congo, 1913, p. 43);
Cass., 3 avril 1952 (J.T., p. 553) dans P. PIRON et J. DEVOS, op.cit., p. 106.

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publique, le fait que ce dernier renferme des clauses exorbitantes du droit commun 58et la
participation du cocontractant à l’exécution même du service public.

Il suit de là que la qualité d’un des contractants, la personne publique, permet de distinguer le
contrat administratif du contrat civil ou contrat de droit privé.

§5. Classification des contrats d’après la durée

1° les contrats à exécution instantanée et les contrats successifs

Cette distinction n’est pas énoncée par le CCLIII ; elle concerne plus les obligations découlant
du contrat que le contrat lui-même.

Un contrat à exécution instantanée ou contrat instantané donne naissance à des obligations


susceptibles d’être exécutées par une seule fois. Par exemple, la vente au comptant, l’échange,
le contrat de mandat portant sur une seule opération. Peu importe qu’il y ait eu des pourparlers
entre les parties plusieurs semaines avant la conclusion du contrat (période pré-contractuelle).
Le contrat de vente est instantané dès lors qu’après ces pourparlers la vente a été conclue. Peu
importe également q’un certain laps de temps s’écoule avant que le vendeur ne livre
matériellement la chose, ou que l’acheteur tarde à payer le prix de la chose vendue. Ces
retards n’influent pas sur la qualification du contrat qui demeure instantané59.

Le contrat est dit à exécution successive ou continue lorsqu’il comporte des obligations qui
s’exécutent dans le temps, soit de manière continue, soit par prestations échelonnées 60. Dans
le premier cas, il y a une certaine permanence dans le rapport d’obligation (par exemple,
contrat de travail, contrat de bail, etc.), dans le second, le contrat s ‘exécute sous la forme de
prestations répétées (par exemple, vente d’objets à livrer par lots, abonnement à une revue,
etc.)61.

Le contrat successif peut être à durée déterminée ou à durée indéterminée selon que la date
d’échéance du contrat est prévue ou non.

L’intérêt de la distinction entre contrat à exécution instantanée et contrat à exécution continue


ou successive se situe au niveau des effets de l’annulation ou de la résolution des contrats.
Dans les contrats instantanés la nullité et la résolution du contrat peuvent opérer
rétroactivement, conformément au droit commun, et on pourra procéder à des restitutions

58
A. DE LAUBADERE, Traité élémentaire de droit administratif, Paris, LGDJ, 1967,
pp.297- 298, n° 526. L’auteur s’appuyant sur la jurisprudence, explique comme suit la
notion de clause exorbitante de droit commun : Il s’agit des « stipulations qui ne
pourraient pas légalement figurer dans un contrat de droit privé parce que comportant
des obligations ‘ qui ne sont pas susceptibles d’être librement consenties dans le cadre
des lois civiles et commerciales’ », ou encore, de manière plus générale, les clauses qui
comportent l’octroi de prérogatives de puissance publique à l’Administration vis-à-vis de
son cocontractant sous la forme de pouvoir de direction et de contrôle, de modification
unilatérale des conditions d’exécution du contrat, résiliation discrétionnaire, etc.
59
BORIS STARCK, Droit civil Obligations, Paris, Librairie technique, 1972, p. 362, n°1108.
60
Voy. F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p.80, n°70.
61
P. DELEBECQUE et F-J. PANSER, op. cit., p. 20, n°35.

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réciproques (effet ex-tunc)62. En revanche, cette rétroactivité n’est pas possible pour les
contrats à exécution continue en cas de nullité ou de résolution : les effets du contrat ne sont
anéantis que pour l’avenir (effet ex-nunc). C’est pour exprimer cette idée que l’on parle de
résiliation plutôt que de résolution. Par exemple, dans le contrat de bail, on ne peut pas, en cas
de résolution ou de nullité du contrat, effacer la jouissance par le locataire du bien loué
pendant un certain temps; de même, on ne peut pas effacer les prestations fournies par le
travailleur en cas de résiliation ou de nullité du contrat de travail.

2° les contrats relationnels

Le contrat relationnel est un contrat à long terme, un lien contractuel qui crée entre parties une
relation durable et évolutive, tendant à se détacher rapidement des stipulations initiales. La
négociation de ce genre de contrats s’avère, en général, complexe. Elle donne lieu à divers
accords préparatoires. Etant donné la difficulté pour les parties de prévoir toutes les
éventualités dans le contrat initial, elles conviennent des modalités susceptibles de permettre
de combler les lacunes et de procéder aux adaptations qui s’avéreraient nécessaires. Les
parties pourraient ainsi périodiquement renégocier certaines clauses et revoir certains
éléments du contrat (prix, quantités, etc.). Ainsi, dans ces types de contrats, apparaît-il
difficile de faire une distinction nette entre la phase de formation et celle d’exécution. Les
rapports entre parties tendent à sortir rapidement du cadre juridique strict et à évoluer vers une
véritable « relation » interpersonnelle63.

Section 3. Les conditions de validité des contrats

L’article 33 du CCC-LIII pose la règle que les contrats ne créent des obligations que s’ils sont
légalement formés. Cela tient au respect des conditions de fond et de forme que la loi prévoit
pour leur validité (15). Au terme de l’article 8 du même code, quatre conditions sont
essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige, sa
capacité à contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement et une cause licite
dans l’obligation.

1§. Le consentement des parties

Le consentement est l’acquiescement donné par chacune des parties à la conclusion du


contrat. Il constitue une condition essentielle du contrat. Il doit, non seulement exister mais
aussi être intègre et contenir tous les éléments requis et être exempt de tout vice.

2§. La capacité : La capacité est entendue comme l’aptitude à jouir des droits subjectifs et à
les exercer. Elle est une faculté biface : d’une part, il y a l’aptitude à jouir de ses droits et,
d’autre part, celle à pouvoir les exercer.

1. Capacité de jouissance et capacité d’exercice

a. Capacité de jouissance

62
C. LAROUMET, op. cit., p.173, n°205.
63
P. WERY, Obligations (cours), Tome I, UCL, année académique 2004-2005, p.29.

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La capacité de jouissance est l’aptitude à jouir, ou mieux à bénéficier ou tirer profit de ses
droits. Elle constitue l’aspect passif de la capacité. Elle est acquise à toute personne, quelle
que soit son statut. Un héritier mineur d’âge peut utilement jouir de ses immeubles. Il peut y
vivre ou bénéficier des loyers qui y proviennent, notamment pour sa scolarité, les soins de
santé, les loisirs…

b. Capacité d’exercice

La capacité d’exercice est l’aptitude à mettre en mouvement les droits dont on est titulaire. Il
s’agit, en substance, de poser des actes juridiques relativement à ses droits. Elle suppose,
comme le rappelle KIFWABALA, la capacité de jouissance du fait qu’avant de songer à
exercer un droit, faudra-t-il en être d’abord titulaire 64.La capacité d’exercice permet à une
personne de poser des actes juridiques unilatéraux ou bilatéraux. Ces actes peuvent être:

- Des actes conservatoires qui visent la préservation du patrimoine ou tendant à éviter sa


diminution (ester en justice, inscrire une hypothèque, pratiquer une saisie mobilière…) ;

- Des actes d’administration qui sont des actes de gestion normale du patrimoine (donner en
location une chose dont on est propriétaire) ;

- Des actes de disposition qui sont des actes qui entraînent une aliénation de la chose dont on
est propriétaire et qui diminuent le patrimoine (vente d’un bien, testament, donation…).

3§. Objet

a) Définition : Par définition, l’objet du contrat est ce à quoi le débiteur s’est engagé à l’égard
du créancier. Il s’agit, en quelque sorte, du but que les parties cherchent respectivement à
atteindre dans le contrat ; c’est ce qui est dû, la prestation attendue.

b) Objet de l’obligation et objet du contrat : En dépit de la confusion liée à leur


interprétation, les deux notions ont des sens différents.

1. Objet de l’obligation

L’objet de l’obligation est la chose promise par le débiteur. Il s’agit de la prestation matérielle
attendue du créancier qui consiste à donner, faire ou ne pas faire quelque chose. C’est dans ce
sens que le mot est utilisé à l’article 10 du CCCLIII où il est dit : « l’erreur n’est une cause de
nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est
l’objet. »

2. Objet du contrat

L’objet du contrat est l’opération juridique envisagée par les parties, tel qu’il ressort de la
lecture de l’article 29 du CCC-LIII : Les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation.
’’Vu sous cet angle, l’objet ne peut en rien être illicite. Il enest ainsi du transfert de propriété

64
KIFWABALA TEKILAZAYA, Droit civil congolais : les personnes, les incapables, la famille, P.U.L, Lubumbashi,
2008, p.138.

80
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dans un contrat de vente. C’est pourquoi, la doctrine conseille de parler de l’obligation née du
contrat que de l’objet du contrat.

4§. La cause

La notion de cause du contrat est ambivalente. Tantôt elle désigne est la raison déterminante
de l’engagement de chaque partie au contrat, tantôt elle fait référence à la contrepartie
attendue par chaque partie qui s’engage. En termes simples, la cause est ce pourquoi une
partie s’est engagée dans un contrat. Elle diffère ainsi de l’objet qui ce à quoi une partie s’est
engagée. Elle constitue une condition fondamentale de validité des contrats. C’est pourquoi, la
doctrine développe de nombreuses considérations relatives aux conceptions de la cause.

Section 4. Effets du contrat

La question de la force des obligations renvoie à celle de la force juridique du lien contractuel,
des effets que produit le contrat aussi bien entre les parties contractantes qu’à l’égard des
tiers.

Paragraphe 1. Les effets du contrat entre parties contractantes : les effets internes des
contrats

Au plan terminologique, il n’est pas adéquat de parler ici des « effets du contrat », car, comme
indiqué plus haut, ceux-ci consistent notamment à la création des obligations. Il n’est pas non
plus exact de parler des effets des obligations tout court, tant il est vrai que les obligations ne
proviennent pas que du contrat ; il existe d’autres sources d’obligations (délit, quasi délit et
quasi-contrat). L’expression « effets des contrats » doit être comprise dans le sens d’ « effets
des obligations issues des contrats ».

On déduit du principe de la force obligatoire des conventions trois conséquences :

- le contrat a force obligatoire pour les parties qui l’ont conclu ;


- le contrat a force obligatoire pour le juge chargé de le faire appliquer ;
- le contrat a même une force s’imposant à la loi elle-même.
I. La force du contrat entre parties65.

L’article 33 du CCLIII énonce le principe de base dans les rapports des parties entre elles. Il
dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites
».

Les mots « légalement formées » visent les conventions faites conformément à la loi, celles
qui ne sont entachées d’aucune cause de nullité.

Quant aux mots « tiennent lieu de loi », ils signifient que chaque contractant est lié par le
contrat comme il le serait si son obligation était imposée par la loi. Ceci implique que chaque
contractant est tenu d’exécuter sa prestation, sous peine d’y être contraint par la force
65
Voy. B. KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 128-131.

81
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publique. Et si l’exécution directe n’est pas possible, il sera condamné à des dommages
intérêts représentant les préjudices que l’inexécution cause au créancier.

Trois éléments se dégagent de l’analyse de l’article précité: l’irrévocabilité du contrat entre


parties, le respect du contenu réel de l’accord et l’exécution de bonne foi.

a) L’irrévocabilité du contrat entre parties.

Les conventions, dit l’article 33, alinéa 2, du CCLIII, ne peuvent être révoquées que du
consentement mutuel des parties. C’est dire qu’aucune des parties ne pourrait se délier par sa
seule volonté sans engager sa responsabilité.

Ce principe de l’irrévocabilité du contrat comporte quelques atténuations :

Il est en effet des cas où les parties accordent à l’une d’entre elles un droit de résiliation
unilatérale du contrat, ex. ; cas des contrats successifs;

Dans certains contrats successifs indéterminés, c’est la loi elle-même qui permet à l’une des
parties de résilier unilatéralement le contrat. La loi prévoit, par exemple, que le mandat finit
par la seule volonté du mandataire66.

b) Le respect du contenu réel de l’accord.

Les parties sont liées par ce qu’elles ont réellement convenu entre elles, c’est-à-dire pour le
contenu réel de leur contrat67. Il arrive souvent, en effet, que pour diverses raisons, les parties
dissimulent leurs véritables conventions sous l’apparence d’un contrat apparent ou ostensible.
Dans ce cas, elles seront liées par ce contrat simulé appelé contre-lettre qui traduit leur
véritable volonté.

La simulation est prévue par l’article 203 du CCLIII qui stipule que « les contre-lettres ne
peuvent avoir leur effet qu’entre parties contractantes : elles n’ont point d’effet contre les
tiers ». La contre-lettre constitue la convention véritable.

Trois conditions doivent être réunies pour qu’il ait simulation :

1° les parties doivent être d’accord sur le contrat secret qui est celui qu’elles ont voulu passer
en réalité. Il s’agit bien d’un contrat secret sortant tous les effets d’un contrat.

2° l’acte secret doit être contemporain de l’acte apparent. Même si l’acte apparent est fait un
ou deux jours après, l’essentiel est qu’il soit fait dans la même période et que dans l’intention
des parties, les deux actes soient applicables simultanément68 ;

3° Enfin, l’acte modificatif doit être secret et son existence ne doit pas être révélée par l’acte
apparent.

66
Cfr. art. 544 du CCLIII.

67
Cfr. art. 34 du CCLIII.
68
B. STARCK, op. cit., p. 511, n° 1691.

82
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La simulation peut porter sur divers éléments du contrat : l’objet (par exemple, la simulation
du prix réel dans une vente), la cause (par exemple, la donation déguisée sous l’apparence
d’une vente), la personne d’un des contractants (par exemple, une donation faite à une
personne interposée qui n’est pas le véritable gratifié).

Remarquons que la simulation ne suppose pas nécessairement la fraude. Souvent c’est une
fraude fiscale (cas de donation déguisée en vente pour éviter de payer des droits élevés) ou
civile (on évite l’application de règles d’ordre public telles que les règles sur les incapacités
de recevoir). Mais il peut y avoir simulation sans fraude : ex. cas d’un donateur qui veut
garder l’anonymat.

Les contre-lettres sortent des effets pour les parties seulement, si elles respectent les
conditions de l’article 8 du CCLIII. Seules des lois particulières peuvent faire échec à cette
solution de l’article 203.

On se réfère au droit commun des preuves des actes juridiques. Il faut produire un écrit ou un
commencement de preuve par écrit (art 216 du CCLIII).

c) L’exécution de bonne foi

La force obligatoire du contrat entre parties implique également que ces dernières doivent
l’exécuter de bonne foi (art. 33, alinéa 3). Cela signifie que les parties doivent faire montre de
loyauté lorsqu’elles exécutent les obligations issues du contrat qu’elles ont volontairement
conçu. A cet effet, elles sont tenues de coopérer, elles ont le devoir de collaborer à cette bonne
exécution : elles doivent se faciliter la tâche. C’est la jurisprudence qui a dégagé ce devoir de
coopération des contractants. Celui-ci se traduit notamment par l’obligation de renseignement
qui peut incomber à l’un des contractants pour faciliter à l’autre une meilleure exécution de
ses obligations69.

II. La force du contrat à l’égard du juge

Si les parties n’exécutent pas volontairement leur contrat, c’est au juge que le créancier
s’adressera pour obtenir l’ordre d’exécution forcée. Le juge est dans ce cas lié par le contrat,
comme il le serait par une loi.

1° Le juge ne peut modifier le contrat.

Le contrat s’impose au juge en ce sens qu’il est obligé d’appliquer le contrat tel qu’il a été
voulu par les parties. Il n’a pas le droit d’en modifier les clauses valables sous aucun prétexte
(par exemple que ces clauses seraient contraires à l’équité).

2° Le juge doit interpréter fidèlement le contrat.

Tous les contrats pour lesquels le juge doit ordonner une exécution forcée ne sont pas toujours
clairs. En cas de quelque difficulté sur le sens du contrat, le juge sera amené à interpréter le
contrat, comme il le ferait avec la loi. Et les méthodes sont celles qu’il utilise pour interpréter
la loi : rechercher la volonté réelle commune des parties (art. 54 et s. du CCCLIII.), et en cas
69
En ce sens, B. STARCK, op. cit., pp. 562 - 563, n°s 1899 à 1902.

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de doute sur la volonté réelle, se référera à l’article 33 alinéa 2 d’après lequel les conventions
doivent être exécutées de bonne foi. Dans le doute, précise l’article 60 du CCCLIII, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé (le créancier) et en faveur de celui qui a
contracté l’obligation (débiteur). Selon une certaine jurisprudence, quand le contrat n’est ni
ambigu, ni double sens, il n’y a pas lieu à application de cette disposition70.

Remarquons que malgré les termes de l’article 33 du CCCLIII, le contrat n’a cependant pas la
même valeur que la loi.

1° le contrat reste subordonné à la loi; le juge doit contrôler si le contrat est légalement formé
et peut de ce fait relever d’office les causes de nullités d’ordre public ;

2° les parties doivent invoquer et prouver le contrat dont elles se prévalent tandis qu’elles
n’ont pas à faire la preuve des règles légales sur lesquelles elles fondent leur prétention.

III. La force du contrat à l’égard de la loi.

Il faut ici distinguer les lois impératives et les lois supplétives.

Le contrat a une force supérieure aux lois supplétive ; il n’en est pas ainsi des lois impératives
intéressant l’ordre public. De plus, on admet que la loi nouvelle n’a d’effet sur le contrat
antérieur que si elle intéresse spécialement l’ordre public. Autrement, et c’est le cas ici des
lois supplétives nouvelles, elles n’ont aucun effet sur le contrat.

Paragraphe 2. Les effets du contrat à l’égard des tiers: effets externes des contrats.

L’article 63 du CCCLIII énonce la règle de la relativité des conventions selon laquelle les
effets du contrat se limitent aux rapports des parties entre elles ; il prévoit également des
dérogations à la règle.

I. Le principe de la relativité des


conventions
A. Siège de la matière (article 63)

C’est l’article 63 du CCCLIII qui pose le principe de la relativité des conventions. « Les
conventions, dit cet article, n’ont d’effet qu’entre les contractantes; elles ne nuisent point au
tiers, et elle ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 21 ».

Ce texte n’est en fait qu’une traduction du vieil adage «  res inter alios acta (aliis neque nocet
neque prodest) » qui peut littéralement se traduire par «  une affaire conclue entre partie (ne
peut ni nuire ni profiter aux tiers ».

B. La portée de l’article 63

Le principe de la relativité se déduit logiquement de la notion même du contrat et surtout de


l’idée de l’autonomie de volonté qui sous-tend elle-même la conception du contrat en droit
congolais.

70
L’shi, 3 août 1973, R.J.Z., 1973, p. 266.

84
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Il est naturel que la force obligatoire du contrat ne s’impose que sur ceux-là qui ont voulu ses
effets, qui ont consenti volontairement à ce que ces effets juridiques ne concernent qu’eux. Il
apparaît par contre tout aussi logique que les tiers qui n’ont pas recherché ces effets, qui sont
donc étrangers au contenu de ce contrat ne s’en trouvent pas obligés ni soumis.

a. La relativité des effets internes du contrat.

Lorsqu’on parle d’effet obligatoire du contrat qui sont relatifs, l’on vise les effets internes du
contrat, c’est-à-dire les obligations et les droits qui naissent du contrat et qui ne s’adressent
qu’aux seules parties qui les ont voulus en donnant leur consentement, aux seules parties qui
sont directement dans la sphère contractuelle.

Si dans un contrat de vente A, l’acheteur s’engage à payer à B, le vendeur, le prix de la chose


et que B, à son tour, s’engage à livrer la chose et à en transférer la propriété, les obligations
précitées ne naissent que dans le chef des deux parties A et B. A ne peut obliger C ou D à
exécuter l’obligation de B. ni B. obliger C ou D à exécuter celle de A, car C et D n’ont pas
voulu les effets du contrat A – B. Ce contrat-là leur est étranger.

Le contrat A - B ne sort des effets obligatoires qu’à l’égard de A et de B. On dira que cet effet
obligatoire du contrat A - B est relatif car il ne s’adresse qu’à A et de B, et non à l’égard des
autres, qui ne peuvent pas non plus l’invoquer pour en tirer profit.

Ces effets internes ne sont pas obligatoires à l’égard des tiers qui ne les ont pas « voulus ». Et
ceci est la logique de la conception du contrat qui donne une place prédominante au respect de
la volonté individuelle. Mais à l’égard des tiers, le contrat n’est pas pour autant inexistant. Les
effets (non pas internes mais) externes de ce contrat leur sont opposables.

b. Opposabilité des effets externes du contrat à l’égard des tiers.

Même s’il n’a pas été conclu par les tiers, le contrat reste pour ces derniers, un fait social qui
existe. En tant que tel, les tiers doivent le respecter.

Lorsqu’en effet, les parties opposent le contrat aux tiers, elles ne prétendent pas lier ces
derniers sans leur volonté en leur étendant les effets internes du contrat, elles entendent
seulement leur faire respecter les effets que celui-ci a produits entre elles. De la sorte, on peut
mieux s’exprimer en disant que seuls sont opposables aux tiers non pas les effets internes
(opposables seulement entre parties) mais les effets externes ou indirects du contrat entre
parties71.

Ceci produit d’importantes conséquences dont voici les principales:

1° - Le contrat crée entre les parties une situation juridique opposable à l’égard de tous, sauf
application des règles spéciales en matière immobilière par exemple.

71
Voy. L.J. DE LA MORANDIERE, op.cit, n° 517; voy. aussi, G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit
civil, II, vol. 1, Paris, Sirey, 1962, n°s 234 et 244.

85
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2° Le tiers qui se rend complice de la violation par une des parties de ses obligations
contractuelles est considéré comme ayant commis une faute délictuelle et peut se voir
réclamer des dommages-intérêts par le créancier lésé72.

C. Personnes visées par l’article 63

L’article 63 du CCLIII parle des tiers sans les définir. Le terme « tiers » s’oppose à celui de
« parties », de « contractants ». Comme on le sait, les parties contractantes sont les personnes
ayant donné personnellement leur consentement, étant présentes, et celles qui ont été
représentées à la formation du contrat.

On pourrait être tenté de dire tout simplement que les tiers sont tous ceux qui n’ont été ni
parties ni représentés. Mais pareille définition appelle des précisions et des distinctions. En
pratique, la distinction n’est pas si facile, car parmi les tiers il y a d’une part, ceux qui sans
avoir été à proprement parler parties au contrat, ont quelques rapports avec celui-ci ou avec un
contractant : il s’agit des ayants cause parmi lesquels il faudra distinguer les ayants cause
universels et les ayants cause à titre particulier; et d’autre part, ceux qui n’ont absolument
aucun rapport avec les parties ou le contrat et qu’on appelle les penitus extranei, c’est-à-dire
littéralement traduit les « tiers complètement tiers ».

Voyons donc ces diverses catégories de tiers, en soulignant déjà que la question qui se pose
pour les ayants cause est celle de savoir si, s’étant vu transmettre tout ou partie de droits,
voire un seul droit d’une des parties, l’ayant droit peut, à ce titre, profiter des effets du contrat
ou subir des effets.

1. Le représenté

Lorsque le contrat est conclu par l’entremise d’un représentant, c’est le représenté, et non le
représentant, qui est partie au contrat. Le représentant est, selon l’image utilisée par Boris
STARCK, comparable à l’échafaudage « qui permet de construire la maison, mais qui
disparaît, cette maison une fois construite »73. Après avoir permis la conclusion du contrat, le
représentant disparaît de la scène juridique. Il demeure donc un tiers.

2. Les ayants cause universels et à titre universel

Les ayants cause universels sont ceux qui reçoivent entre vif (donation) ou à cause de mort
(en tant qu’héritiers testamentaires ou légaux) la totalité du patrimoine d’une personne. Les
ayants cause à titre universel ceux qui, entre vif, ou à cause de mort, reçoivent une quote-part
du patrimoine d’une personne74.

72
Voir quelques applications françaises, Civ. 13 nov. 1927, D.P. 1929, I. 131; 7 oct. 1958, D,
1958, 763. En Belgique : voir Cass. b. 17 juin 1960. 1191; Cass. b., 3 nov. 1961, J.T. 1961.
737; Pour la R. D. du Congo, Inst. Kin., 26 déc. 1966, Jugement n° TF 695 inédit, et appel
Kin.,27 mai 1969, n° 5680, inédit; Voir aussi KALONGO MBIKAYI et TSHIMANGA, « la
responsabilité du tiers complice de l’inexécution d’une obligation contractuelle », Revue
Juridique du Congo, 1979, n° 1, 2, 3 à 22.
73
B. STARCK, op. cit., p. 391, n°1223 et p.575, n°1940.
74
J.L. BAUDOUIN, op. cit., pp.169 – 170.

86
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Ces ayants cause ne sont pas des tiers au sens de l’article 63 du CCLIII ; les contrats passés
par les personnes dont ils ont recueilli l’universalité ou une fraction du patrimoine produisent
effet à leur égard. L’article 22 du CCLIII confirme cette solution en posant en principe que
chacun « ...est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le
contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la « convention ».

Cependant, en cas de succession, il est permis aux ayants droit susvisés, de renoncer à la
succession, ou de l’accepter sous bénéfice d’inventaire. Cela leur permet, dans le premier cas,
d’échapper totalement au paiement des dettes, et dans le second cas, de n’être tenu des dettes
qu’en proportion de l’actif recueilli75.

Signalons enfin que l’article 22, in fine, du CCLIII introduit une exception au principe de la
stipulation implicite pour les ayants cause en ces termes : « … à moins que le contraire (…)
ne résulte de la nature de la convention ». Ce texte vise l’hypothèse où le contrat conclu par le
défunt était intuitu personae, tel que le mandat, le louage de service, etc. Les ayant causes ne
succèdent pas à ce type de contrat.

3. Les ayants-cause à titre particulier.

Contrairement aux ayants cause universels et à titre universel, les ayants cause à titre
particulier sont ceux qui ont acquis d’un des contractants, non l’ensemble ni une quote-part de
l’ensemble de ses droits et obligations, mais un bien ou un droit déterminé, tel un immeuble
ou un fonds de commerce. Par exemple, CLARIS vend à CLARCK un immeuble. Ce dernier
vend à son tour l’immeuble à CLANCY. CLANCY est un ayant cause de CLARCK, un tiers
appartenant à la catégorie des ayant cause à titre particulier. Il est tiers par rapport au contrat
conclu entre CLARIS et CLARCK. CLANCY aurait toujours cette qualité si l’immeuble
acquis lui avait été donné (donataire) ou loué (locataire) ou légué par testament (légataire).

D’une façon générale et ce, malgré les termes généraux de l’article 22 du CCLIII, l’on admet
que les ayants cause à titre particulier sont des tiers au regard de l’article 63 : ils ne continuent
pas la personne de leur auteur et peuvent invoquer ses créances dans leur ensemble.

Sont assimilés aux ayants cause à titre particulier, et considérés ainsi comme tiers les
créanciers ayant une sûreté réelle sur un bien déterminé (gage, hypothèque, etc.)76.

4. Cas des créanciers chirographaires.

Les créanciers chirographaires constituent une catégorie de tiers sui generis qui ne saurait être
confondue avec les autres car ils peuvent attaquer les conséquences des actes de leurs
débiteurs, soit par l’action paulienne, soit par l’action oblique. Et, en ce qui concerne la
simulation, l’acte secret ne leur est pas opposable.

5. Les tiers penitus extranei

75
Idid, p. 170, n°315.
76
Idid, p. 576, n°1943.

87
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Les tiers complètement étrangers qui ne sont pas les ayants cause d’une des parties, et qui
n’ont aucun rapport avec celles-ci ne peuvent subir les effets du contrat. C’est en principe à
eux que s’applique pleinement l’article 63 du CCLIII.

II. Les dérogations au principe de la


relativité des conventions

L’article 63 lui-même et l’article 203 du CCLIII ont prévu des dérogations au principe de la
relativité des conventions. A ces dérogations légales, on en ajoutera d’autres qui peuvent être
voulues par les parties (cas de la représentation et des contrats collectifs).

Les dérogations prévues par l’article 63 visent le cas de stipulation pour autrui et celui de la
promesse pour autrui (clause de porte-fort). Enfin, l’article 203 vise le cas de la simulation.

A. Le cas de la promesse pour autrui.


1. Principe : prohibition de la promesse pour autrui.

Aux termes de l’article 19 du CCLIII, « on ne peut, en général, s’engager ni stipuler en son
propre nom que pour soi-même ». Cette disposition pose le principe de la prohibition des
promesses pour autrui ; elle n’est du reste qu’une application du principe de la relativité des
conventions prévu par l’article 63 déjà examiné.

2. Exception : la promesse de porte - fort.

L’article 20 du CCLIII apporte une exception au principe énoncé par l’article précédent en
validant la promesse de porte-fort. Selon cet article, « l’on se porte fort pour un tiers, en
promettant le fait de celui-ci sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis
de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement ». La promesse de porte-fort « est
l’engagement d’un contractant envers un autre de procurer le consentement d’un tiers, ce dont
il résultera que le tiers sera lié par le contrat s’il consent »77.

On fait généralement recours à la promesse de porte fort en cas d’impossibilité d’obtenir


l’engagement valable d’un tiers, en raison soit de son éloignement, soit de son incapacité.
Exemples. 1. A et C sont co-propriétaires d’un bien indivis. C étant éloigné, A peut vendre le
bien à B en se portant fort pour C, c’est-à-dire, en promettant à B que C ratifiera la vente. 2.
D, juridiquement incapable, a pour tuteur E. Ce dernier peut vendre un bien appartenant à D
en promettant à F, l’acheteur, que D ratifiera la vente, une fois que l’incapacité aura cessé.

3. Effets juridiques de la clause de porte-fort78.

L’article 20 prévoit lui-même les effets juridiques. La clause de porte-fort n’engage pas le
tiers, il promet personnellement d’obtenir l’engagement ou le fait du tiers et sa promesse peut
avoir les effets suivants :

77
C. LAROUMET, op. cit., p. 987, n°826.
78
B. KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp174 – 175.

88
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1° Si le tiers ne veut pas prendre l’engagement et s’il ne veut pas fournir le fait promis, le
porte-fort n’est tenu qu’à des dommages intérêts.

Contrairement à la caution, il n’est pas tenu d’exécuter l’engagement ou de fournir le fait


promis, car il n’a pas promis l’exécution de l’engagement mais l’engagement lui-même, c’est-
à-dire la naissance même de l’obligation.

D’autre part, la clause de porte-fort se distingue de la promesse de bons offices car la


promesse de porte-fort a pour objet une obligation de résultat, alors que la promesse de bons
offices promet sa médiation pour aboutir au contrat ou à l’exécution par le tiers d’un fait.

2° Si le tiers s’engage, le porte-fort est alors en principe libéré et l’engagement lie ce tiers
(ratification).

La question que l’on peut se poser est de savoir à partir de quel moment le tiers sera lié.

La doctrine classique a longtemps affirmé que le tiers n’était lié qu’à partir du moment où il
s’engage. Mais la doctrine moderne suivie par la jurisprudence a plutôt tendance, en France
comme en Belgique, à décider que le tiers est rétroactivement engagé dès le jour où le contrat
de porte-fort avait été passé79.

B. La stipulation pour autrui.80

I. Définition

La stipulation pour autrui est une opération juridique par lequel une personne, appelée
promettant, s’engage vis-à-vis d’une autre appelée stipulant, à faire ou à donner quelque chose
au profit d’un tiers bénéficiaire 81. Ce dernier, le tiers bénéficiaire, devient ainsi créancier sans
avoir été partie au contrat.

On est en présence de trois personnes, jouant des rôles différents : « promettant », « le
stipulant » et « le tiers bénéficiaire ». Le contrat est passé entre le promettant (B) et le
stipulant (A). Le promettant est celui qui s’engage envers le tiers (bénéficiaire) ; le stipulant
est celui qui obtient cet engagement. Comme on peut le constater, il s’agit d’une entente
tripartite - A-B-C - ayant pour effet de rendre un tiers, qui n’est pas partie au contrat,
créancier du promettant82.

L’article 19 du CCLIII proscrit la stipulation pour autrui en disposant qu’« on ne peut, en


général, s’engager ni stipuler en son propre nom que pour soi-même ». L’article 21 du CCLIII
apporte une exception à la règle contenue dans l’article précédent. Selon cet article, « on peut

79
Voy. Cass. b.,15 décembre 1932, Pas. 1933. I. 52; Civ. 1 ère, 8 juillet 1964, D, 1964. 560.
( Il a été décidé que « la ratification de l’acte passé par le porte-fort a un caractère rétroactif
et remonte au jour de l’acte ratifié… »).

80
Développement in G. MARTY et P. RAYNAUD, op. cit., n° 254.
81
J.L. BAUDOUIN, op. cit., p. 174, n°325.
82
Ibid.

89
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pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que
l’on fait pour soi - même ou d’une donation que l’on fait à un autre… ».

2. Conditions de validité de la stipulation pour autrui

Les conditions de validité de la stipulation pour autrui sont de trois ordres. Ce sont, d’abord
les conditions de validité applicables à tout contrat (article 8 du CCLIII). La validité de la
stipulation pour autrui requiert que la base de celle-ci, qui est le contrat liant le stipulant au
promettant, soit valable. En effet, un contrat de vente, de donation, etc. nul pour quelque
défaut de forme ou de fond ne peut créer une stipulation pour autrui valable et un droit de
créance effectif en faveur du tiers83. Ce sont ensuite les conditions relatives à l’accord entre le
stipulant et le promettant ainsi que celles relatives à la personne du tiers bénéficiaire. Seules
les deux derniers types de conditions seront examinées ici, le premier l’ayant déjà été84.

a. Les conditions relatives à l’accord entre le stipulant


et le promettant

L’article 21 du CCLIII admet la stipulation pour autrui dans deux hypothèses : 1° si elle est la
condition d’une stipulation que l’on fait pour soi - même ; 2° lorsqu’elle est la condition d’une
donation que l’on fait à un autre.

- La stipulation pour autrui est valable lorsqu’elle est la condition que l’on fait
pour soi-même.

Le texte de l’article 21 semble dire, si l’on s’en tient à son interprétation littérale, que la
stipulation pour autrui n’est valable que si le stipulant exige quelque chose pour lui-même.
C’est l’hypothèse où un contrat fait naître une créance au profit d’une partie et d’un tiers 85.
Par exemple, BIBIO (le stipulant) vend sa machine à coudre à MACUMU (le promettant), qui
s’engage à verser la moitié du prix BIBIO et l’autre moitié à KITUKU (tiers bénéficiaire).Tel
est d’ailleurs le sens que les Romains conféraient, à l’origine, à cette institution, et qui
correspondait d’ailleurs à leur conception primitive très étroite du rapport contractuel. Pour
ces derniers, « une action ne peut pas naître au profit d’une personne qui n’a pas figuré au
contrat ou qui n’a pas intérêt à son exécution »86.

Si l’on s’en tenait à ce sens étroit, remarque BORIS STARCK, « une foule d’opérations
n’auraient pas pu être validées faute pour le stipulant d’avoir exigé l’exécution d’une
prestation en sa faveur ». Ainsi, il n’était pas, par exemple, possible à un vendeur de convenir
que le prix serait payé à un tiers, son créancier qu’il aurait voulu désintéresser ou à un ami
qu’il aurait souhaité gratifier. De même, il n’était pas possible à un donateur, d’imposer au
donataire une charge au profit d’un tiers87.

Ainsi, sous la poussée des nécessités pratiques, a-t-on été amené à interpréter les dispositions
de l’article précité (art. 21) de façon très souple, en considérant que « pour que la stipulation
83
J. L. BAUDOUIN, op. cit., p. 175, n° 327.
84
Cfr. ….
85
Voy. B. STARCK, op. cit., p. 585, n°1982; voy. aussi, R. CABRILLAC, op. cit., p. 92, n°132.
86
Voy. A. COLIN, H. CAPITANT et L.J. DE LA MORANDIERE, op. cit., p. 151, n°201.
87
Ibid.

90
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pour autrui soit valable, il suffit que le stipulant ait un intérêt personnel, même moral, à ce
que le promettant exécute ce qu’il a promis en faveur du tiers bénéficiaire88. Le champ
d’application de la stipulation pour autrui s’est ainsi élargi. C’est surtout en matière
d’assurance que la stipulation pour autrui trouve son domaine d’élection. Exemples. Le cas de
l’assurance sur la vie. L’assuré KAKULE (le stipulant), conclut un contrat avec la société
nationale d’assurance (le promettant) en faveur de sa fille FURAHA (tiers bénéficiaire). Il est
convenu qu’en cas de décès de KAKULE, l’assuré, la somme prévue au contrat (l’équivalent
en francs congolais de 900 000 $ US) lui sera versée. FURAHA, qui est tiers par rapport au
contrat d’assurance, acquiert des droits contre la SONAS. 2. Le cas de l’assurance pour le
compte de qui il appartiendra. Il s’agit de l’assurance (contre l’incendie ou tout autre sinistre)
souscrite par le propriétaire d’une marchandise se trouvant entre les mains d’un transporteur
(navire, avion, etc.), et qui peut être vendue au cours d’un voyage. L’assuré stipule qu’en cas
de sinistre, l’indemnité sera allouée soit à un tiers désigné dans le contrat, soit à la personne
qui sera, en ce moment, propriétaires des marchandises assurées 89. Outre les cas d’assurance
évoqués ci-dessus l’application de la stipulation pour autrui a été étendue à d’autres,
notamment le contrat de transport de marchandises passé entre l’expéditeur (le stipulant) et le
transporteur (le promettant) au profit du destinataire (tiers)90, le contrat par lequel un industriel
cède son établissement, et dans lequel le cessionnaire s’engage envers lui à conserver tout le
personnel, les clauses insérées par l’Administration dans les cahiers de charges des marchés
de travaux publics ou de fournitures fixant les conditions de travail que l’adjudicataire devra
accorder aux ouvriers qu’il embauchera91, etc.

- La stipulation pour autrui est valable lorsqu’elle est la condition d’une donation
que l’on fait à un autre.

En faisant allusion à « la donation que l’on fait à un autre, l’article 21 du CCCLIII vise les cas
de donation avec charge. Le donateur peut insérer dans un contrat de donation une clause par
laquelle il impose au donataire une obligation au profit d’un tiers. Par exemple, BAGALWA
(stipulant) donne sa maison à KIRIZA (promettant) à charge pour ce dernier d’héberger
TABU, étudiante à l’Université de Goma, pendant une année académique.

b. Les conditions relatives à la personne du tiers bénéficiaire.

Le tiers, devenu titulaire d’une créance par le mécanisme de stipulation pour autrui, doit
exister. La stipulation pour autrui est valable même si le tiers n’est pas nommément désigné
au moment où elle est faite ; il suffit qu’il soit déterminable au moment où la stipulation pour
autrui produira son effet92. Par Exemples. 1. Une stipulation au profit des handicapés de la
commune de Karisimbi ou de Goma. 2. Une assurance pour le compte de qui il appartiendra,
etc.

88
Voy. B. STARCK, op. cit., p. 585, n°1983.
89
Voy. A. COLIN, H. CAPITANT et L.J. DE LA MORANDIERE, op. cit., p. 154, n°205; B.
STARCK, op. cit.,p. 586, n° 1987.
90
Le destinataire (tiers) peut exiger du transporteur (promettant) la livraison de l’objet
transporté.
91
Voy. A. COLIN, H. CAPITANT et L.J. DE LA MORANDIERE, op. cit., p. 155, n°205
92
Voy. C. RENAULT- BRAHINSKY, op. cit., p. 114.

91
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c. Effets de la stipulation pour autrui.

La stipulation pour autrui étant un mécanisme juridique triangulaire, ses effets doivent être
examinés au regard des rapports tripartites entre le stipulant, le promettant et le tiers
bénéficiaire.

- Rapports entre le promettant et le stipulant.

Il existe entre le stipulant et le promettant un contrat principal sur lequel la stipulation pour
autrui (contrat accessoire) est greffée. Ce contrat, qui peut varier selon le cas (la donation, la
vente, l’assurance sur la vie, etc.), produit ses effets conformément au droit commun. Lorsque
le promettant ne remplit pas ses engagements vis-à-vis du tiers bénéficiaire, le stipulant peut
faire recours à toutes les voies de contrainte dont dispose un créancier vis-à-vis de son
débiteur afin de parvenir à l’exécution. Il peut également solliciter du tribunal la résolution du
contrat pour inexécution, et obtenir ainsi la restitution de ce qu’il avait remis au promettant93.

Notons que les causes de nullité affectant la stipulation pour autrui n’ont aucun effet sur le
contrat de base, lequel peut comporter une stipulation pour soi-même. Par contre, la nullité
contrat de base entraîne celle de la stipulation pour autrui qui en est l’accessoire.

- Rapports entre le tiers et le promettant.

Stipulant Promettant

A 1 B

3 2

Tiers bénéficiaire

D’après l’article 21 du CCLIII, dans le contrat Stipulant Promettant ce dernier c’est-à-dire, le


promettant est lié à l’égard du tiers bénéficiaire et ne peut se dégager par sa seule volonté.

La faculté de révocation, précise l’article précité, n’appartient qu’au stipulant.

Quant au tiers, il n’est pas lié d’office ; il a la faculté d’accepter ou de ne pas accepter, dit
l’article 21.

Si le tiers accepte, expressément ou tacitement, et même après le décès du stipulant, il a un


droit direct (et conséquemment une action directe) à l’encontre du promettant. 94 Il devient
donc créancier du promettant.
93
R. CABRILLAC, op. cit., p. 94, n°136; voy. aussi, B. STARCK, op. cit., p. 592, n°2007.
94
Cfr. Léo, 14 mai mai 1957, RJ.C.B. p.365; Elis., 7 fév. 1956, R.J.C.B., p. 193; Ière inst.
L’shi, 17 mai 1967, R.J.C.B. 1969, p. 217.

92
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Précisons que le droit direct du tiers naît, dès le contrat primitif (c’est-à-dire, dès la
stipulation) directement en son patrimoine, sans passer en aucune façon par le patrimoine du
stipulant.

Le moment de la naissance du droit du tiers bénéficiaire correspond à la date de la stipulation.


Il est donc antérieur à l’acceptation du bénéficiaire. L’acceptation du tiers apparaît alors
comme une condition d’efficacité de la stipulation pour autrui, le tiers ne devient pas créancier
sans le vouloir.95

Il en découle les conséquences suivantes :

1° les sommes dues par le promettant au tiers et n’ayant pas appartenu au stipulant ne sont pas
comprises dans la succession de celui-ci ;96

2° ces sommes ne peuvent être réclamées, au moyen de l’action paulienne, par les créanciers
du stipulant mort insolvable.97

- Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant.

Le stipulant peut agir, soit pour payer une dette qu’il avait contractée envers le tiers, soit, ce
qui est fréquent, pour faire une donation, une libéralité à l’égard du tiers bénéficiaire (une
libéralité indirecte). Pourtant, ce ne sont pas les règles du paiement ni celles de la donation qui
régissent les rapports entre stipulant et tiers bénéficiaire.

Ces rapports sont régis de manière spécifique par l’article 21 in fine. Suivant cet article, le
stipulant peut révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée, et
conséquemment le tiers bénéficiaire a le droit d’accepter ou de ne pas accepter la stipulation.
Et ce droit de révocation est personnel.

1° la faculté de révocation du stipulant.

Le stipulant a le droit de révoquer purement et simplement la stipulation qu’il a faite au profit


du tiers ou d’en transporter d’office à une autre personne ou de se l’attribuer personnellement.

Le stipulant peut exercer ce droit en cas de décès du tiers bénéficiaire ou chaque fois qu’il le
désire.

Il est à noter que ce droit de révocation est strictement personnel au stipulant. C’est dire qu’il
ne peut être exercé par les créanciers de ce dernier au moyen de l’action oblique (c’est-à-dire
en lieu et place du stipulant).

2° L’acceptation du tiers bénéficiaire.

95
Cfr. Cass. fr. civ., 2 juillet1884, S. 1885, I.5, note Labbé, D. 1885.I.150.
96
Voir en France, art. 68 de la loi du 13 juillet 1930 sur l’assurance.
97
Article 69 de la même loi.

93
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L’acceptation du tiers bénéficiaire n’a pour effet que de rendre la stipulation irrévocable. Le
droit de révocation prend donc fin au moment de cette acceptation.

94

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