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Professeur Ghislain KASONGO LUKOJI Introduction [générale] à l’étude de droit

ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE


FACULTE DE DROIT

COURS
D’INTRODUCTION GENERALE
A L’ETUDE DE DROIT

KASONGO LUKOJI Ghislain-David


Professeur Associé
Docteur en Droit (Aix-Marseille Université)
Diplômé en Criminologie (ISPEC/ Aix-Marseille Université)
Avocat

2020-2021
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

SOMMAIRE

INTRODUCTION

1ère Partie : INTRODUCTION AU DROIT PRIVE


Titre 1 : LE GRAND « DROIT »
Chapitre 1 : L’Identification de la règle juridique
Chapitre 2 : Les Sources du droit
Chapitre 3 : Les Classifications du droit
Titre 2 : LE PETIT « DROIT »
Chapitre 1 : L’Identification des droits subjectifs
Chapitre 2 : L’Acte juridictionnel

2ème Partie : INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC


Titre 1 : LE CONTOUR DU DROIT PUBLIC
Chapitre 1 : Les Spécificités de la règle de droit public
Chapitre 2 : Les Branches de droit public
Titre 2 : LES ACTEURS DU DROIT PUBLIC
Chapitre 1 : Les Acteurs du droit public interne
Chapitre 2 : Les Acteurs du droit public international

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Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

INTRODUCTION

1/ Intitulé et Objet du cours. Le cours qui fait l’objet du présent ouvrage est
intitulé « Introduction [générale] à l’étude de droit ». Il s’agit d’un cours à tronc
commun de quatre-vingt-dix heures (dont 60 théoriques et 30 pratiques) destiné aux
étudiants de première année de la faculté de droit. Il a pour objectif majeur
d’apprendre aux étudiants les principes et concepts fondamentaux de la science
juridique réputée complexe de par son contenu et sa terminologie. Le présent volume
relève, de ce fait, le défi d’offrir une approche claire et actuelle de la discipline
présentée de manière à rendre la matière plus accessible même aux non-initiés. Loin
d’avoir la prétention d’être exhaustif, il entend plus modestement constituer un survol
de la terminologie usuelle, vecteur de la connaissance juridique, dans ses principales
applications. En effet, le droit en tant discipline scientifique, a un objet, une
méthodologie et une terminologie propres que toute personne appelée à l’apprendre et
à la pratiquer devra s’approprier. Il est essentiellement un langage qui puise ou
emprunte parfois ses concepts dans le langage usuel tout en les dotant parfois d’un
contenu propre. D’où, sa complexité et sa délicatesse.

2/ Droit, concept polysémique. Tout le monde a certainement une idée, plus ou


moins vague, de ce qu’est le « droit ». Mais cette dernière n’est toujours exacte ; car,
le « droit » est un concept éminemment polysémique. Dans le sens courant, il est un
adjectif, un adverbe ou encore un mot qui désigne notamment ; le côté opposé à celui
de son cœur, un perpendiculaire de quatre-vingt-dix degré, la justesse, la justice,
l’équité, la sincérité, l’honnêteté. Dans le langage juridique, il renvoie aussi à des
réalités diverses ; étant donné que ses manifestations sont innombrables et appellent
souvent une combinaison complexe des normes. Celui qui dit, par exemple ; « je
maîtrise le droit de mon pays » ou « j’ai le droit de vendre ma maison » ne donne pas
le même contenu au mot « droit ». Dans la première phrase, il prétend maîtriser
l’ensemble des règles à caractère juridique de son pays. Le « droit » est compris ici
comme l'ensemble des règles juridiques qui organisent la vie dans une société donnée :
il s’agit alors du « Droit objectif » (law) que nous avons également qualifié de
« Grand Droit ». Tandis que dans la seconde phrase, il fait comprendre qu’il a le
pouvoir ou la liberté de vendre sa maison. Le « droit », y est compris comme
l’ensemble des prérogatives reconnues aux individus ou dont ils peuvent se prévaloir.
Il s’agit dans ce cas des « droits subjectifs » (rights) que nous avons qualifiés de
« Petit Droit » 1. Il n’est pas non plus exclu que le sens juridique, qui nous intéresse le

1
Les expressions « grand Droit » et « petit droit » sont utilisées par le doyen Jean CARBONIER [Flexible droit.
Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10ème éd., Paris, 2014, p.105] pour désigner le « Droit objectif » et le
« droit subjectif ». Elles sont aujourd’hui anachroniques mais nous les avons préférées pour canaliser le lecteur et
mettre en exergue la prépondérance de l’une sur l’autre.
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plus, soit également influencé par le sens commun : les concepts « équité »,
« justesse », « justice » ne sont pas étrangers à la science juridique.

3/ Droit, discipline scientifique complexe. En tant que mécanisme


d’ordonnancement social, le « droit » est partout, dans tout, et même dans tous. Il
entretient aussi des rapports étroits avec la morale, l’ordre naturel des choses et la
religion. Il s’imprègne, le plus souvent, des faits sociaux et évolue avec eux : il est
donc un phénomène vivant qui a un début, une existence et une fin. Ayant vocation à
réguler tous les rapports humains qui sont hétérogènes et diversifiés, le droit est
également hétéroclite et complexe quoi que l’appréhension commune le limite
généralement à son aspect prescriptif et sanctionnateur. D’où, parfois et souvent, la
confusion de toute la discipline juridique au droit pénal. Or, le droit est aussi beaucoup
plus que cela : il surgit tant les rapports d’affection ou d’intimité (mariage, fiançailles,
divorce …) que naturels ou biologiques (naissance, filiation, adoption, autorité
parentale…), économiques (commerce, œuvres d’esprit…) que publics (impôts,
élections, circulation routière, voirie..).

4/ D’après une célèbre formule de Blaise PASCAL : « le Droit est une alchimie
entre l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse ». Enseigner ses fondements à un
public novice est une lourde et plaisante tâche qui parait relever de la gageure en ce
sens qu’il exige à l’enseignant un équilibrisme constant entre le survol et
l’approfondissement pour ne pas perdre mais plutôt canaliser l’étudiant de première
année, non encore initié et habitué à toute sa terminologie ainsi qu’à sa complexité.
Bien plus, ce cours est sans fin : il accompagnera l’étudiant tout au long de son cursus
universitaire et professionnelle, puis conditionnera, même, son accessibilité à la
connaissance juridique. Son contenu actuel est le fruit d’une réforme récente du
programme officiel d’enseignement universitaire au Congo opérée en 2004 qui exige
dorénavant qu’il soit clairement reparti en deux grandes articulations relatives à la
grande classification du droit (summa divisio)2, à savoir ; d’une part, l’introduction au
droit privé et d’autre part, l’introduction au droit public. Dépendamment des
circonstances, et surtout, d’universités, ce cours est dispensé soit par un seul
enseignant, soit par deux enseignants différents par souci de spécialité. Cette division
du droit met en exergue les destinataires ou les acteurs différents (ou distincts) de la
règle juridique en ce sens que le droit privé (Partie 1) s’occupera des règles qui
régissent les rapports entre les particuliers ; tandis que le droit public (Partie 2) portera
les règles juridiques qui régissent les rapports entre l’Etat avec les particuliers, d’une
part, ou les autres personnes de droit public, d’autre part.

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Elle reste la plus traditionnelle, la plus reconnue et admise. Néanmoins, elle n’est pas étanche et est de plus en
plus contestée.
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5/ Plan du cours. Ainsi notre cours sera structuré comme suit ;

1ère Partie : INTRODUCTION AU DROIT PRIVE


Titre 1 : Le Grand Droit
Titre 2 : Le Petit droit

2ème Partie : INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC


Titre 1 : Le Contour du droit public
Titre 2 : Les Acteurs du droit public

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1ère PARTIE :

INTRODUCTION AU DROIT PRIVE

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6/ Le droit privé. Etant l’objet principal de l’organisation sociale, l’être humain


est le créateur et le destinataire même de la règle juridique. Ainsi, le droit privé est
l’ensemble des règles réputés régir les rapports des particuliers entres eux ou avec les
collectivités privées (associations, sociétés commerciales, ONG…). En d’autres
termes, c’est la branche de droit qui règle les rapports entre les personnes privées,
physiques et morales.

7/ « Ubi sociétas, ibi jus ». Là où il a une société, entendue comme communauté


d’hommes, il y a inévitablement le droit. En effet, l’Homme est un animal social a dit
Socrates. Il est d’abord biologique à sa naissance du fait que tout son comportement
est dirigé par son instinct (crier, pleurer, téter, déféquer..). Ce n’est qu’au fur et à
mesure de sa croissance que son comportement est modelé par les prescrits sociaux. Il
devient alors un être social en prenant conscience du permis et de l’interdit afin que
son agir ne cause préjudice à l’autre. Le droit apparait ainsi comme un phénomène à la
fois individuel (personnel) et collectif. Il constitue le principal mécanisme de
socialisation de l’individu et, in fine, d’ordonnancement de la vie en société. Car, il est
de l’intérêt de chaque communauté, pour sa survie et sa continuité, de canaliser les
aspirations et les intérêts de ses membres ; lesquels peuvent parfois être contradictoires
et conflictuels. Cette ambition se réalise au moyen de deux mécanismes. Le premier
consiste à reconnaitre aux individus des prérogatives relatives à leur qualité de
personne humaine et de sujet de droit. Il s’agira, par exemple, de déterminer les
éléments qui pourraient singulariser une personne humaine (nom, nationalité, identité,
sexe…), des liens qui existeraient entre les personnes humaines (parenté, mariage,
fraternité, accord, convention…) ou encore entre ces dernières et les choses (propriété,
location, usage, prêt, gage…). Ce mécanisme sera donc désigné par « droit(s)
subjectif (s) » ou « petits droits » : ils seront l’objet de notre second titre. Quant au
second mécanisme, il aura pour vocation à encadrer et à limiter, voir même à réduire
partiellement, au profit de la communauté, lesdites prérogatives reconnues aux
individus pour une vie collective seine et apaisée. Ce mécanisme se rapportera aux
règles, qui organiseront la vie dans une communauté, qualifiées par la doctrine de
« droit objectif » ou « Grand Droit ». Il sera l’objet de notre premier titre.

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TITRE 1ER: LE GRAND DROIT

8/ Prévalence du droit Objectif. Aucun corps social ne peut se pérenniser sans


une certaine discipline de ses membres. Aucune société ne peut vivre dans le désordre.
Or, l’ordre social ou la discipline n’est pas spontané(e); il (elle) est créé(e). Que l’on se
range derrière les théories conflictualistes (« Leviathan » de Hobbes) ou
consensualistes (« Contrat social » de Rousseau) pour justifier l’origine de la société
ou de l’Etat, l’on se rend compte de la nécessité d’édification d’un ordre social en vue
de maintenir une vie collective paisible et de résoudre les problèmes issus des conflits
et des processus de coopération que créent les rapports interindividuels. Ainsi, le droit
aura pour fonction générale de créer et d’assurer cet ordre public et social (sécurité,
tranquillité et salubrité). Dès lors, les règles juridiques qui se rapportent à
l’organisation de la vie dans une communauté donnée se prévaudront plus
fondamentales et prépondérantes qu’elles caractériseront le droit dans sa mission
primordiale, dans son objet même. D’où, ces qualificatifs « objectif » ou de « grand »
attachés au concept « droit ». Ces règles se conçoivent comme des garde-fous qui
empêcheraient l’Homme d’être un loup pour son prochain. Sous cet aspect, le « grand
droit » ou le « droit subjectif » apparait comme la manifestation du phénomène
juridique en tant qu’universalité de règles.

9/ Plan du titre. Pour ce faire, il sera question dans le présent titre : d’identifier
la règle juridique (Chapitre 1er), d’en circonscrire les sources (Chapitre 2) avant de les
classifier (Chapitre 3).

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CHAPITRE 1er : L’IDENTIFICATION DE LA REGLE DE DROIT

10/ Règle de droit, une règle sociale. « L’idée même du droit ne peut être
dissociée de celle de la règle : mais cette association ne peut être que le point de part
de la réflexion »3. Le droit se manifeste à travers sa norme, qualifiée de « règle de
droit » ou « règle juridique » et définie comme le commandement général et
permanent du pouvoir4. Sa règle n’est pas le seul mécanisme d’ordonnancement social.
La morale et la religion le concurrencent, l’influencent, voire même se confondent à
elle. Ainsi, pour pouvoir identifier la règle juridique ou la distinguer des autres règles
sociales, il sied d’en aborder l’origine (Section 1) et d’en préciser les caractéristiques
(Section 2).

SECTION 1. L’ORIGINE DE LA REGLE DE DROIT

11/ Genèse de la règle de droit. L’origine de la règle de droit renvoie à la


problématique de son émanation ou de sa provenance. Cette dernière est sujette à
débats et controverses. Sur ce, deux grandes réponses sont données consécutivement à
l’évolution des explications des phénomènes sociaux, à savoir ; d’une part, celle selon
laquelle la règle juridique est d’origine surnaturelle ou métaphysique ; et d’autre part,
celle qui soutient qu’elle serait simplement et purement l’œuvre d’une autorité sociale
établie. Le premier courant sera qualifié de droit révélé (§1) ; tandis que le second, de
droit édicté (§2).

§1. Le droit révélé


12/ Explication surnaturelle de la genèse du droit. Pour expliquer les
phénomènes sociaux et naturels, l’Homme a, en effet, recouru durant longtemps à des
interprétations puisées dans les causalités surnaturelles (approche théologico-
métaphysique), c’est-à-dire qu’il a estimé que la vie, le comportement humain ainsi
que le fait social seraient modifiables par la volonté d’un être extérieur à la terre ou des
forces mystiques réputées puissantes. Appliqué au droit5, l’on a conclu que la règle
juridique émanerait d’une entité supérieure, d’une divinité, d’un être suprême, d’une
force surnaturelle ou des ancêtres, principalement pour les africains. Ces dépositaires
(créateurs) de la règle la transmettraient aux humains, soit par voie indirecte, c’est-à-
dire, par le canal des prophètes, des patriarches, des rois ou empereurs, soit par voie

3
MWANZO IDIN’AMINYE E., Cours d’Introduction à l’étude de droit, Kinshasa, JUCE, 2017, p.9
4
CARBONIER J., Op. Cit., p.107.
5
Pour plus de précisions, lire avec intérêt, DABIN J., « La notion du droit naturel et la pensée juridique
contemporaine », Revue néo-scolastique de philosophie, 30ᵉ année, 2ème série, n°20, 1928, pp.418-461.
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directe en l’inculquant dans chaque être humain sous forme de vertus ou de


conscience, entendue comme le sens du bien et du mal commun à tous les humains.6

12’/ La théorie du droit révélé n’a cessé d’évoluer et de s’actualiser. C’est ainsi
que certains de ses partisans (tels que CONFICUIS, KANT) ont cru trouvé cette
origine dans la cosmogonie de l’univers. En effet, ils ont imaginé un droit cosmopolite
basée sur la « raison naturelle ou suprême » : l’on a estimé que l’ordre de la nature
induisait une loi fondamentale commune à tout l’univers ou encore nature humaine «
éternelle » et universelle dont le droit [positif] devrait s’inspirer et tenir compte. Les
similitudes entre les règles juridiques des Etats, qui ne peuvent être le seul fruit du
hasard, en constituent une manifestation et preuve évidente (ex. : droit de propriété, la
famille, la filiation, la protection du territoire, la légitime défense…). Cette nouvelle
approche est à la base de la notion du « droit naturel » dont les partisans sont qualifiés
de « jusnaturalistes ».

13/ Limites de l’explication surnaturelle du droit. Qu’elle soit sous sa forme


originelle purement théologico-religieuse ou sa forme rénovée, la théorie du droit
révélée a été beaucoup contestée et critiquée du fait de sa relativité, subjectivité et de
tous les abus qu’elle a cautionné (esclavage, dictature, massacre, privilèges…). En
effet, tout le monde n’a pas un même sens du bien et du mal. Bien plus, la divinité (la
foi) est un domaine où l’irrationnel règne en maitre. Toutefois, cette théorie survit
encore à travers les notions telles que l’équité (qui est le bon sens ou le sens de justice
du juge) et l’éthique juridique (qui aujourd’hui limite ou oriente l’œuvre du
législateur) ou encore par l’affirmation et la revendication de plus en plus universelle
des droits de la personne. L’on voudrait faire jouer aujourd’hui au droit naturel le rôle
de la norme du droit positif, c’est-à-dire l'étalon qui permettrait de juger si un droit
particulier est juste ou non.

§2. Le droit édicté


14/ Explication réaliste de la genèse du droit. Une autre école est apparue dans
le sillage de la philosophie des Lumières, réconfortée par le machinisme et le
capitalisme, et a estimé que les phénomènes sociaux ne devraient nécessairement être
expliqués et justifiés que par les données scientifiquement prouvables, observables,
visibles et saisissables par nos sens. Elle a donné naissance à un courant philosophique
qualifié de « positivisme » dont le volet juridique ou l’application à la science
juridique est qualifié(e) de « positivisme juridique ». Contrairement à la première
école (droit révélé), le positivisme juridique affirme que ne sera qualifiée de règle

6
Les auteurs majeurs de ce courant sont : SOPHOCLE (-495/-406 av.JC), PLATON (428/347 av.JC),
ARISTOTE, Saint AUGUSTIN (354-430), Saint Thomas D’AQUIN (1225-1274), Hugo GROTUIS (1583-
1645), MONTESQUIEU (1689-1755).
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juridique seulement la norme qui émanerait d’une autorité sociale établie (Le
législateur) et qui s’appliquerait dans les limites de l’aire géographique sur laquelle
ladite autorité dernière exerçait son pouvoir. Le législateur social peut être national (un
Etat), supranational (une organisation supranationale ou internationale) ou local (une
collectivité territoriale, entité territoriale décentralisée). Ainsi, le droit positif, entendu
comme l’ensemble des règles édictées par l’autorité sociale et qui s’appliquent
réellement dans une société donnée, s’oppose au droit naturel qui serait universel et
immuable.

15/ Limites de l’explication réaliste du droit. Cette théorie également n’est pas
sans écueil. En effet, il sied de noter que le droit positif, propre à chaque société et à
chaque époque, est conventionnel : d’où la question de son arbitraire et, même, de sa
relativité. Ensuite, le positivisme lie inexorablement le droit à l’Etat. Innervé par la
rationalité cartésienne, le positivisme juridique ne conçoit le droit sans l’Etat : car,
n’est « droit », selon lui, que les normes contraignantes, hiérarchisées et émanant de
l’autorité sociale, en l’occurrence, l’entité étatique, ses émanations ou
démembrements. Une telle approche souffre de beaucoup de faiblesses. D’une part,
rien ne permet d’affirmer que l’Etat est le seul mode d’organisation sociale ou
politique qui existe et qui vaille quoi qu’elle soit la plus aboutie (achevée). D’une part,
l’on ne peut donc réfuter à toutes les autres formes d’organisations sociales une
production normative coercitive. C’est ainsi que l’approche sociologique, qui semble
être la plus indiquée à notre avis, fait de l’Etat, ni plus ni moins, une forme
d’organisation sociale qui atteint un certain niveau de structuration politique : le
pouvoir. Dès qu’il y a société, il y a pouvoir ; il y a règle de droit.

SECTION 2. LES CARACTERES DE LA REGLE DE DROIT

16/ La règle juridique, une règle sociale particularisée par ses caractères.
Comme déjà évoqué, la règle de droit n’est pas la seule règle sociale. Il existe
également la règle morale et la règle religieuse qui lui sont proches qu’une
démarcation parait utile. La règle morale, peut être définie comme celle qui relève de
la conscience individuelle et, même, des pratiques collectives mais soumises à une
satisfaction et une sanction individuelle (la décence, la politesse, l’honnêteté, le droit
d’ainesse, la gérontologie, le respect, la charité, la galanterie…). La règle religieuse,
très proche de la règle morale, est celle qui détermine le rapport entre un individu et
une divinité. Elle a la particularité d’être l’œuvre d’une autorité religieuse, de
s’appliquer à une communauté réduite dont l’appartenance est souvent volontaire et,
enfin d’être soumise à une sanction qui relève de fois du for intérieur.

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17/ Caractères de la règle juridique : généralité, permanence et coercition.


Ainsi définies, ces trois règles seront distinguées au regard de leurs caractères ; étant
donné que la règle juridique présentera, cumulativement et contrairement aux autres
règles sociales, trois caractères, à savoir : la généralité, la permanence et la coercition.

§1. La généralité de la règle juridique


18/ Règle de droit, règle générale. Le caractère général, et/ou abstrait, postule
que la règle s’applique, sans distinction, à toutes les personnes ou catégories de
personnes qui entrent dans ses prévisions. La règle de droit prévoit une situation
juridique et s’appliquera à tous ceux qui se trouvent dans ladite situation. Elle n’a donc
pas vocation à s’appliquer à des situations individualisées : elle est impersonnelle7. Par
exemple, quiconque soustrait frauduleusement une chose appartenant à autrui sera
poursuivi pour vol ; ceux qui veulent se marier doivent respecter les conditions de fond
(capacité, consentement et la dot) et de forme (célébration devant l’officier de l’état
civil ou en famille) prescrites par la loi. Ce caractère est une garantie spécifique de la
liberté, de l’égalité et de la sécurité (de tous les citoyens), valeurs fondamentales que la
règle de droit a vocation de sauvegarder pour la pérennisation de la société. Il faut
souligner qu’en tant que mécanisme de lutte contre l’arbitraire, il n’est pas exclu que la
règle de droit opère elle-même une certaine forme discrimination, positive ou tolérée
fut ce-t-elle, en visant qu’une catégorie spécifiques des personnes (les mineurs, les
commerçants, les élus…)

19/ La généralité, un critère non pertinent. Sous cet aspect, la règle juridique
se rapproche de la règle morale, qualifiée également du savoir-vivre, et, dans certaines
mesures, de la règle religieuse. Elle peut, néanmoins, en être distinguée de par sa
finalité. En effet, la règle morale se préoccupe de l’homme dans un but de
perfectionnement et d’épanouissement personnel (conscience individuelle et
collective) ; pendant que la règle de droit vise à faire respecter un ordre collectif par
une sanction en cas de violation.

§2. La permanence de la règle de droit


20/ Règle de droit, règle permanente. La permanence postule pour une
applicabilité constante de la règle juridique pendant son existence. En effet, la règle
juridique doit se déployer à chaque fois que les conditions de son application sont
réunies. Ce caractère induit deux effets majeurs ; d’une part, la prescription de la règle
juridique, et d’autre part, sa variabilité.

7
Ce principe admet toutefois des exceptions. Tel est le cas de l’amnistie ou de certains actes administratifs qui
peuvent être personnels. Pour certains auteurs ces actes de portée individuelle ne constituent pas une règle de
droit mais une décision [Voir MWANZO Idin’AMINYE E., Op.cit., p.14]
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21/ Une permanence induisant la prescription de la règle de droit. La


première conséquence logique de la permanence de la règle de droit est le fait qu’elle
doit opérer un choix entre plusieurs solutions possibles en imposant une norme de
conduite (effet prescriptif), un commandement (ordre, interdiction, permission,
récompense…). Cette prescription peut consister en une obligation de faire quelque
chose (veiller à l’éducation de ses enfants, porter assistance aux personnes en
danger…), de ne pas faire quelque chose (interdiction de voler, d’insulter, de tuer,
détourner les deniers publics…), donner quelque chose (payer ses impôts, les frais
scolaires…). Toutefois, certaines règles juridiques se limitent à définir simplement un
concept, une institution ou une notion. Ex : « travailleur » (art. 7a Code du travail),
« commerçant » (art.1er Décret du 02/08/1913 sur les commerçants et la preuve des
engagements commerciaux), « enfant » (art.2 Loi portant protection de l’enfant), ou
« enfant mineur » (art. 41 al.1 const).

22/ Une permanence induisant la variabilité de la règle de droit. La deuxième


conséquence de la permanence de la règle juridique, qui pourrait paraitre même
conceptuellement contradictoire, est la variabilité. En effet, le caractère permanent ne
signifie aucunement l’éternité de la règle juridique. Cette dernière est toujours variable
dans le temps et dans l’espace mais doit seulement s’appliquer de la même manière
durant son empire, c’est-à-dire, dans une temporalité et territorialité bien déterminées.

23/ La temporalité de la règle juridique. Par rapport au temps, les règles


peuvent naitre, disparaitre ou être modifiées au sein d’une même société. Leurs effets
juridiques ont une durée limitée, circonscrite dans le temps. Le principe qui réglemente
l’application de la règle juridique dans le temps est la non-rétroactivité. Elle signifie
que la règle juridique ne prescrit que pour le présent et l’avenir : elle n’a pas, en
principe, vocation à s’appliquer qu’aux faits qui se sont réalisés en dehors de son
existence, son empire qui est limité(e) dans le temps. En d’autres termes, toute règle
juridique a une naissance (un début) et une mort (une fin). Le premier terme
correspond la promulgation, la publication ou l’entrée en vigueur ; tandis que le
second renvoie à l’abrogation ou à la caducité. La publication ou promulgation est
l’acte par lequel l’autorité porte la règle à la connaissance de ses destinataires ou du
public8 : elle sanctionne officiellement l’existence de la règle. Dès cet instant, la règle
est sensée naturellement produire ses effets (exécutoire) ; raison pour laquelle la
promulgation (publication) coïncide, en principe, avec l’entrée en vigueur. Mais de
fois, l’autorité sociale peut décider de reporter à un moment ultérieur la production des
effets juridiques ou de la soumettre à des mécanismes particuliers. Dans ce cas, la

8
En droit congolais, le concept « promulgation » (art. 136, 139, 140, 142 al.2, 160, 205 const., 28 al.6, 62 L.
adm province) est parfois utilisé distinctement de celui de « publication » (art. 142 al.1, 148 al.3, 215 const.).
Mais, dans le cadre de ce cours, nous les considérons comme synonymes.
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publication est séparée de l’entrée en vigueur. Tandis que l’abrogation est le moment
où la règle cesse de produire ses effets par la volonté expresse de l’autorité sociale.
Pour éviter tout vide juridique, toute abrogation est souvent concomitante à une
nouvelle promulgation. Par ailleurs, l’abrogation produit le même effet que la caducité
qui est le fait qu’une règle tombe en désuétude par son inobservance par les membres
de la communauté.

24/ La temporalité, un critère non pertinent. Sous cet aspect, la règle


juridique se rapproche, dans une certaine mesure, de la règle morale qui est également
variable dans le temps au regard de l’évolution des mœurs et des mentalités ; mais
s’éloigne de la règle religieuse qui est immuable. Bien plus, ce principe de la non-
rétroactivité n’est pas d’application absolue : elle admet des dérogations notamment en
ce qui concerne les règles processuelles (admettant une application immédiate), les
règles substantielles plus douces (admettant une rétroactivité in mitus) ou encore les
règles interprétatives (admettant une rétroactivité jusqu’à la promulgation de la règle
interprétée).

25/ La spatialité de la règle juridique. Par rapport à l’espace, les règles de droit
se diversifient évidemment selon les sociétés au regard de leur structuration, leurs
réalités et leurs intérêts propres. Le principe qui réglemente l’application de la règle
juridique dans l’espace est la territorialité. Elle signifie que la règle juridique de
produit ses effets dans les limites l’aire [géographique] sur laquelle l’autorité qui l’a
édicté exerce son pouvoir. Elle préfigure aussi une certaine hiérarchie de la norme
dépendamment de l’étendue de l’aire géographique. Une règle édictée par une autorité
locale ne peut déroger à celle édictée par l’autorité nationale. De même, une norme
urbaine ne peut déroger à une norme provinciale. Toutefois, il existe des atténuations
de ce principe, à savoir : la personnalité ou l’universalité des certaines règles
juridiques. Le principe de la personnalité, par exemple, privilégie la norme nationale
des individus (des parties ou protagonistes) à la norme territoriale où se réalise le fait
ou la situation juridique. Ex. les règles relatives aux statuts des personnes ; tel est le
cas d’un enfant congolais né à l’étranger peut se faire attribuer le nom congolais
d’après les modalités prévues dans le code de la famille.

§3. La coercivité de règle de droit

26/ La règle de droit, une règle coercitive. Ce caractère particularise la règle de


droit en ce sens qu’elle impose un comportement dont la violation est sanctionnée par
l’autorité sociale au moyen des mesures contraignantes. En effet, toute règle juridique
a vocation à être assortie d’une sanction qui consiste en une mesure coercitive imposée
par l’autorité sociale. Ce caractère constitue la démarcation principale avec les autres
règles sociales. Les règles religieuses ont, des fois, un caractère obligatoire et porte

13
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une sanction éditée par l’autorité religieuse et appliquée par elle (excommunication,
repentance, …). Mais, ces sanctions restent confinées dans le cadre d’une communauté
religieuse et n’empêchent pas que le fautif refuse de s’y soumettre. Quant à la
violation de la règle morale, elle est sanctionnée par le for intérieur (sentiment de mal
être), la pression sociale ou l’étiquetage social (stigmatisation); pendant que la
sanction juridique est prévisible, concrète et organisée par le pouvoir public qui
n’hésite à recourir à la force pour la faire appliquer.

27/ Diversité des sanctions juridiques. L’inobservance de la règle de droit


soumet son auteur à une sanction dont la nature et la quintessence dépendront de la
règle juridique violée. Elle peut donc être de nature, soit civile, soit pénale, soit
administrative.
 La sanction civile : est celle qui est prévue en matière de droit privé. Il
s’agit : de la réparation, des dommages et intérêts, de la restitution, de l’exécution
forcée ou de la nullité. On peut encore ajouter d’autres sanctions civiles spécifiques
telles que la déchéance de l’autorité parentale, l’interdiction de l’exercice du
commerce.
 La sanction pénale : est celle qui relève du droit pénal, c’est-à-dire,
prévue contre les auteurs des infractions. Il s’agit notamment de la mort, des travaux
forcés, de la servitude pénale, de l’amende, de la confiscation spéciale...
 La sanction administrative relève de droit administratif. A titre
d’exemple ; la fermeture d’un établissement pour insolvabilité et non-paiement des
taxes, le retrait d’une autorisation, le blâme, la suspension, l’astreinte…

28/ Modulation de la règle de droit par rapport à son opposabilité.


Néanmoins, la force obligatoire de la règle de droit varie également selon son objectif.
Sous cet aspect, on peut distinguer deux types de règle, à savoir : la règle impérative
et la règle supplétive. La première s’impose de manière absolue qu’on ne peut se
soustraire à son application. On dit souvent qu’elle est d’ordre public. Exemple : la
fixation de salaire minimum ou de l’âge légal du mariage. La seconde règle a un
caractère obligatoire atténué du fait qu’elle peut être écartée au profit d’une autre règle
par un accord express des intéressés (des parties). Généralement, elle vient suppléer à
l’absence de la volonté des parties. Exemple : le régime matrimonial.

14
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CHAPITRE II : LES SOURCES DU DROIT

29/ Source de droit : Définition. Par source, l’on entend les procédés à partir
desquels les règles de droit tirent leur substance. En d’autres termes, les mécanismes
au moyen desquels les règles de droit s’élaborent ou se constituent. Les sources sont
différemment classifiées dépendamment des auteurs. Toutefois, deux classifications
émergent de toutes : la première distingue les sources formelles (section 1) des sources
non-formelles (section 2) ; tandis que la seconde les reparties en sources matérielles et
en sources réelles. Avant de les analyser d’après la première classification, il nous a
paru utile de dire brièvement un mot sur la seconde.

30/ Notions sur les sources matérielles et réelles du droit. Les sources
matérielles renvoient aux organes du corps social qui sont chargés d’élaborer la règle
juridique et de lui donner naissance. Il s’agit des organes des trois pouvoirs étatiques
(exécutif, législatif et judiciaire). Tandis que les sources réelles font allusion aux
raisons (politiques, économiques, culturelles), besoins, courants philosophiques,
nécessités sociales qui ont milité pour l’adoption de la règle juridique. Il s’agit, en
d’autres termes, des paramètres sociologiques, des phénomènes sociaux qui
contribuent à la substance de la règle ou au construit normatif. Cette approche,
proposée par les disciplines extérieures au droit (particulièrement la sociologie),
reproche aux sciences juridiques un fétichisme textuel qui tend à présenter, soit le droit
comme une science qui était en dehors de la société, soit la règle juridique comme une
règle extra-sociale. Ainsi, estime-t-elle, que la source de droit ne devrait pas être
uniquement entendue comme la règle dans sa substance (instrumentum) mais aussi
dans la façon dont cette dernière s’est construite, afin de prendre également en compte
tous les paramètres sociaux qui ont concourues à son élaboration. Car, les faits,
entendus comme les usages et les pratiques propres à chaque société ainsi que leur
appréhension par la mentalité collective (le symbolisme), précèdent souvent le droit.

SECTION 1. LES SOURCES FORMELLES DU DROIT

31/ Notion de source formelle. La classification en sources formelles ou non-


formelles tient de leur opposabilité face au juge (caractère obligatoire). Ainsi, les
sources formelles, qualifiées également de sources directes ou primaires, sont celles
qui s’imposent au juge du fait de leur existence autonome. Elles sont quasiment
reprises à l’avant dernier alinéa de l’article 153 de la Constitution 9, à savoir : les traités

9
Art. 153 al.4 Const. : « Les Cours et Tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux
dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour autant qu’ils soient conformes aux lois ainsi que la
coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ».
15
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internationaux, les lois, les actes règlementaires et la coutume. Elles peuvent donc être
d’origine internationale (§1) ou nationale (§2).

§1. Les sources internationales


32/ Les sources [formelles] internationales. Sont constitutives de source
internationale, les traités et accords internationaux. Un traité est une convention écrite
conclue entre deux (accord bilatéral) ou plus de deux (accord multilatéral) sujets de
droit international, particulièrement les Etats, dans le but de créer des obligations
juridiques. Il ne lie, à cet effet, que les parties signataires qui doivent l’exécuter de
bonne foi : il est inopposable aux Etats tiers sans leur consentement10. Il peut
concerner tous les aspects de la vie juridique tant internationale qu’interne des Etats
signataires. Le droit congolais prévoit les modalités de conclusion des traités11 dans les
articles 213 à 217 de sa Constitution. Pendant que l’article 153 al.4 du même texte
consacre leur applicabilité directe par les cours et tribunaux, particulièrement de
l’ordre judiciaire, en leur reconnaissant une valeur supérieure à la loi. Nous y
reviendrons dans la deuxième partie.

33/ Quelques traités internationaux conclus par la RD Congo12. L’on peut


citer, à titre illustratif : la Convention internationale concernant le travail forcé ou
obligatoire13, la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) 14, la
Convention concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi (C138)15, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)16, le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)17, la Convention de
l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique18, la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes19, la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP)20,
l’Ensemble de règles minima des Nations-Unies concernant l’administration de la

10
Voir : art. 24, 36 Convention de Vienne du 23/05/1969 ; CPJI, Arrêt n°6, 25/08/1925, Aff. des intérêts
allemands de la CPI en Haute Silésie polonaise.
11
Généralement en trois étapes : négociation (débat sur la substance de la règle), signature (fixation définitive
du la règle produisant son immuabilité et lien juridique entre les parties) et ratification (confirmation et
intégration dans le interne). Quant à la ratification, elle est également soumise à deux autres préalables : la non-
contrariété à la Constitution et la réciprocité. Nous y reviendrons dans la seconde partie. Lire utilement
MAMPUYA KANUNK’a-TSHABO A., Traité de droit international public, Kinshasa, Médiaspaul, 2016, pp.
446-447.
12
Un inventaire plus récent des engagements internationaux de la RDC, particulièrement dans le domaine des
droits humains, est contenu dans le « Livre Blanc », Tome 1, Justice et Hommage au défenseur des droits
humains Floribert CHEBEYA, Ministère de la justice et des droits humains, Kinshasa, Aout, 2010.
13
CG/OIT, 10/06/1930, ratifiée par la RDC le 20/09/1960.
14
Rés. 217(III), AG/NU, 10/12/1948, ratifiée par la RDC le 01/11/1976.
15
CG/OIT, 26/06/1973, ratifiée par le D.L n°013/01 du 28/03/2001.
16
Rés. 2200A(XXI), AG/NU, 16/12/1966, ratifiée par la RDC le 01/11/1976.
17
Rés. 2200B(XXI), AG/NU, 16/12/1966, ratifiée par la RDC le 01/11/1976.
18
AG/UA, 10/09/1969, ratifiée par la RDC le 14/20/1973.
19
Rés. 34/180, AG/NU, 18/12/1979, ratifiée par la RDC le 17/10/1996.
20
AG/UA, 27/06/1981, ratifiée par la RDC le 20/07/1987.
16
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justice pour mineurs (« Règles de Beijing »)21, la Convention internationale des droits
de l’enfant22, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE)23, le
Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale (Statut de Rome)24, la
Convention sur les pires formes de travail des enfants25, la Convention de l’Union
africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique26, le
Traité d’OHADA27 et les actes uniformes, l’Accord de partenariat entre les groupes
d’Etat d’Afrique, des caraïbes et l’Union européenne28.

§2. Les sources nationales


34/ Les sources [formelles] nationales. Contrairement aux sources
internationales qui émanent des conventions internationales, les sources nationales
sont l’œuvre des autorités publiques internes. Elles peuvent également être classifiées
de plusieurs manières dépendamment d’auteurs et de critère pris en compte. D’après
leur rang, elles sont de nature, soit supra-légale (constitution et lois constitutionnelles),
soit légale (lois organiques, lois ordinaires et actes ayant force de loi), soit encore
infra-légale (règlements, les autres actes écrits et la coutume). D’après les organes qui
les édictent, elles sont classées en lois (loi constitutionnelle, loi organique, loi
ordinaire, loi interprétative…), en règlements ou actes réglementaires (ordonnance,
décret, arrêté, etc.). Néanmoins, nous les analyserons d’après la classification opérée
par le constituant en loi, acte réglementaire et coutume.

21
Rés.40/33, AG/NU, 29/11/1985.
22
Rés.44/25, AG/NU, 20/11/1989, ratifiée par l’OL n° 90/048 du 21/08/1990.
23
AG/UA, 11/07/1990, ratifiée par le DL n° 007/01 du 28/03/2001.
24
Conclu le 17/07/1998, révisé le 11/06/2010, ratifié par D.L n°013/2002 du 30/03/2002.
25
CG/OIT, 17/06/1999, ratifiée par la D.L n°015/01 du 28/03/2001
26
AG/UA, 23/10/2009, ratifiée par la RDC le 02/02/2010.
27
Conclu le 17/10/1993, ratifié par la RDC le 27/06/2012.
28
Conclu le 23/06/2000, révisé le 22/06/2010, ratifié par la RDC le 21/01/2013.
17
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Tableau synthétique des pouvoirs étatiques, leurs organes et leurs actes

POUVOIRS ORGANES ACTES


EXECUTIF Règlements
- Président de la Rép. - Ordonnance
- Gouvernement central
- Décret et Arrêté
---------------
--------------
- Organe exécutif
provincial et des ETD
- Arrêté / Règlement
[d’administration] et de
police
LEGISLATIF - Parlement national - Loi
(Sénat/Ass.Nat)
---------------------- ---------
- Organe délibératif - Edit (Ass. Prov)
provincial et des - Décision et Règlement
ETD d’administration et de
police (ETD)

JUDICIAIRE Juridictions Décisions de justice


- Cours - Arrêt
- Tribunaux - Jugement
- (Ordonnance)

18
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1. La loi
35/ La loi : définition et types. La loi est un concept polysémique. Au sens
large, elle désigne toute norme (règle) écrite, générale et impersonnelle. Elle inclue, de
ce fait, les actes des organes tant du pouvoir législatif qu’exécutif. Tandis qu’au sens
strict, elle renvoie uniquement aux actes du Parlement29, expression de la volonté
générale (« Lex est quod populus jubet atque constituit »). Selon la matière qu’elle
traite, la loi peut être constitutionnelle, organique, ordinaire, interprétative, budgétaire
ou de finances (art. 126-127 Const.), référendaire ou de ratification. Seules les quatre
premières formes nous intéresseront.

36/ La Constitution et les lois constitutionnelles. La Constitution et les lois


constitutionnelles ont le même rang mais se distinguent seulement en ce qui concerne
le moment, voire même le procédé, de leur adoption. La Constitution est la loi
fondamentale d’un Etat : elle est l’œuvre du constituant primaire. Elle est réputée fixer
essentiellement l’organisation et la répartition des pouvoirs dans un Etat. Mais depuis
l’émergence des organisations supranationales et des droits de l’Homme, les
constitutions modernes enchâssent de plus en plus des chartes des droits fondamentaux
reconnus aux citoyens30. C’est à ce double titre qu’elle peut être considérée comme
une source du droit31. Quant aux lois constitutionnelles, elles peuvent être définies
comme les lois qui modifient ultérieurement une constitution. Par respect au principe
d’hiérarchie des normes, elles sont censées être de même nature que la Constitution.
Œuvre du constituant dérivé, leur procédure d’élaboration et d’adoption est soumise
généralement à des règles rigoureuses32 (art. 218 Const.). L’actuelle Constitution de la
RDC, adoptée par referendum et promulguée le 18/02/2006, n’a connu qu’une seule
modification, depuis l’entrée en vigueur, opérée par loi [constitutionnelle] n°11/002 du
20/01/2011.
37/ Les lois organiques et lois ordinaires. Les lois organiques traitent, sur
délégation de la Constitution, des matières spécifiques généralement relatives à
l’organisation et au fonctionnement d’un service public. Tel est le cas, par exemple, de
la justice (art. 153 al.5, 155 al.4, 156 al.3, 169, 179 const.), du Conseil supérieur de la
magistrature (art. 152 al.6 const.) ou de la défense (art. 192 const.), de la Banque
centrale (art. 177 const.), de la Caisse de péréquation (art 181 al.5 const.), de la Police
nationale (art. 186 const.), des Forces armées (art. 191 const.) et du service public et

29
Le parlement national est divisé en deux chambres ; chambre haute (sénat) et chambre basse (Assemblée
nationale).
30
Lire CHAGNOLLAUD DE SABOURET D., Droit constitutionnel contemporain, T.1 : Théorie générale, Les
régimes étrangers, 8ème éd., Dalloz, Paris, 2015, pp.23, 29-32, §§.25, 34-36.
31
Lire particulièrement son deuxième titre (art. 11 et svt.) qui se rapporte aux droits fondamentaux et son troisième
titre (art. 68 et svt) qui se rapporte à l’organisation et à l’exercice du pouvoir dont l’emblématique article 68
énumère les institutions de la République.
32
La doctrine constitutionnaliste distingue généralement deux types de constitutions dépendamment de leur
résistance à la modification : celles qui sont facilement modifiables sont qualifiées de « constitution souple »,
tandis que celles qui sont difficilement modifiables sont qualifiées de « constitutions rigides ».
19
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des entités décentralisées (art. 194 const.). La procédure d’élaboration de la loi


organique est plus complexe et soumise au quitus obligatoire des deux chambres du
parlement national ainsi que de la Cour constitutionnelle (art. 124, 160 al.2 const., 43
de la loi n°13/026 de la 15/10/2013 portante organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle)33. Par contre, la loi ordinaire est la prérogative naturelle du
parlement national et constitue la source la plus importante de notre droit positif : son
initiative peut émaner d’un membre du parlement (Proposition de loi : art. 130 al.2
const.) ou du gouvernement central (Projet de loi : art. 130 al.1 const.) et son
élaboration n’est pas soumise à des règles particulières. Au regard de la mission
traditionnelle du parlement, le domaine de la loi est censé être quasi-illimité mais le
droit constitutionnel moderne le réduit graduellement en étendant la compétence
normative du pouvoir exécutif (réglementaire) et celle des assemblées législatives des
subdivisions territoriales, particulièrement de la province34. Cependant, les matières
essentielles de la vie de la nation continuent à relever du domaine de la loi. Ex : le
code de la famille35, le code du travail36, la loi sur la protection du l’enfant37.

38/ Les lois interprétatives ont pour objectif d’éclairer une loi antérieure
obscure. Elle est considérée comme faisant partie de l’ancienne loi (loi interprétée). De
ce fait, elle prend la nature juridique de la loi qu’elle interprète et est sensée produire
les effets à la date de la promulgation de cette dernière (une rétroactivité tolérée).

39/ Les Lois par délégation interne ou actes intra-legislatifs. Il ne faut


cependant pas oublier qu’il existe d’autres types d’actes qui, au regard de la nature des
organes qui les édictent, peuvent être assimilées à la loi. En effet, avec la structuration
des Etats modernes, il existe maintenant plusieurs niveaux de législature dus à la
séparation des compétences entre l’Etat, les provinces et les entités territoriales
décentralisées (dans un Etat unitaire décentralisé ou dans un Etat régional) ou encore
entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés (dans un Etat fédéral). A cet effet, les
assemblées législatives (ou délibérantes) des collectivités locales (ou subdivisions
territoriales) dotées de la personnalité juridique ainsi que les parlements des Etats

33
Ex. : lois organiques n°06/020 du 10/10/2006 portant statut des magistrats, n°11/013 du 11/08/2011 portant
organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise, n°13/012 du 19/02/2013 relative à la procédure
devant la Cour de cassation, n°13/11-B du 11/04/2013 relative à l’organisation, au fonctionnement et
compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, n°13/026 du 15/10/2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, n°16/027 du 15/10/2016 sur les juridictions de l’ordre administratif.
34
Ne relèvent de la loi que les matières énumérées par la Constitution (112 et 123 notamment). Le reste relève
du règlement (128 const.). Sans oublier que le pouvoir central et les provinces se partagent également des
matières (art. 203 à 204 const.).
35
Loi n°87/010 du 01/08/1987, telle que modifiée et complétée par la loi n°16/008 du 15/07/2016, portant Code
de la Famille.
36
Loi n° 015/2002 du 16/10/2002, telle que modifiée et complétée par la loi n°16/010 du 15/07/2016, portant
Code du travail.
37
Loi n°09/001 du 10/01/2009 portant protection de l’enfant.
20
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

fédérés peuvent légiférer dans la limite de leur compétence. Ces actes ont une nature
législative mais peuvent porter une nomenclature propre (« édits », « décisions » et
« règlements d'administration et de police »). Nous reviendrons sur certains de leurs
aspects dans la seconde partie (cfr. §§.169 et svt.).

2. Les règlements et les actes ayants force de loi


40/ Les actes règlementaires. Le règlement est aussi un concept complexe eu
égard sa portée, voire son contenu. Premièrement, son domaine est immense et
circonscrit par une opposition celui de la loi ; car d’après le premier alinéa de l’article
128 de la Constitution : « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi
ont un caractère réglementaire ». Sans oublier qu’une loi peut être considérée comme
un règlement dès qu’elle intervient dans le domaine réservé à ce dernier (art. 128 al.2
Const.)38. Deuxièmement, il renvoie globalement en droit interne, aux actes des
membres du pouvoir exécutif et de ceux qui leur sont assimilées, c’est-à-dire, les
autorités politico-administratives. Le pouvoir exécutif congolais est stratifié. Au
niveau central ou national, il est bicéphale ; c’est-à-dire, il est composé de deux
organes qui sont : le président de la République et le gouvernement [central]. Ses
membres statuent, dans les limites de leurs compétences et en conformité avec la loi,
par voie de règlements (art. 128 al.1, 153 al.4 Const.). Ces derniers sont qualifiés
d’« ordonnance »39 lorsqu’ils émanent du Président de la République, de « décret »40
lorsqu’ils proviennent du Premier ministre et d’ « arrêté »41 lorsqu’ils sont œuvres des
autres membres du gouvernement central. Au niveau local42, il est monocéphale : il est
composé d’une seule institution (gouvernement provincial ou collège exécutif) dirigée
une seule autorité qui en est le chef (gouverneur, maire, bourgmestre, chef de secteur
ou de chefferie) et qui nomme ses collaborateurs. Les animateurs des organes exécutifs
locaux (autorités politiques locales) prennent également des décisions, dans les limites
de leurs compétences, sont assimilables aux règlements. Enfin, dans sa mission de
poursuite de l’intérêt public, le pouvoir politique (national ou local), collabore avec
des autorités administratives qui statuent dans l’exercice de leur fonction et des
attributions par voie d’actes administratifs. Ces actes sont aussi considérés comme des
actes règlementaires (cfr. §.151).

38
En droit français, on parle de la « procédure de délégalisation » de dispositions formellement législatives et
matériellement réglementaires, qui du reste est rarement appliquée.
39
Art. 79 al.3 Const.
40
Art. 92 al.2 Const
41
Art. 93 al.3 Const.
42
Au regard de ce qui a été dit précédemment au sujet des subdivisons administratives territoriales (§39), ces
entités possèdent non seulement un organe délibérant ou législatif monocaméral mais aussi un organe exécutif.
21
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

41/ Les actes ayant force de loi. Ce concept désigne les règlements, destinés à
produire des effets équipollents à la loi, pris en situation d’urgence sur délégation
expresse du parlement. En effet, l’article 129 de la Constitution permet au
gouvernement de prendre, dans le cadre de l’exécution urgente de son programme
d’action et sur autorisation du parlement, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi. Et ce, pendant un délai limité et sur des matières déterminées. Leur
nomenclature peut changer dépendamment des constitutions et des régimes politiques.
Actuellement « ordonnances-loi », ils furent qualifiées « décret-loi » sous le régime de
transition du président Laurent Kabila. Ils sont assimilés, soit aux règlements en vertu
de l’autorité qui les édicte, soit aux lois en vertu de l’autorité-délégant. A titre
d’exemple, nous pouvons citer ; le décret-loi du 13/03/1965 sur les frais de justice en
matière gracieuse, le décret-loi n°003/2003 du 11/01/2003 portant création et
organisation de l’Agence nationale de renseignement (ANR), l’Ordonnance-loi
n°78/01 du 24/02/1978 relative à la répression des infractions flagrantes.

3. La coutume
44/ La coutume ou les coutumes ? La première interrogation à la quelle renvoie
la problématique de la coutume en tant que source de droit est celle de savoir si on
peut parler de la coutume ou des coutumes. En réalité, il n’existe pas un droit
coutumier mais des droits coutumiers. La RDC est composée de 400 ethnies et tribus
ayant chacune une coutume, protégée par les barrières linguistiques. L’on ne peut
étudier la coutume que dans le cadre d’une tribu. Toutefois, l’on peut dégager des
caractéristique et immuable dans toutes ces pratiques traditionnelles.

45/ Coutume, source de droit ? La deuxième problématique est liée au fait de


savoir, si on peut considérer comme source des droits, les pratiques non écrites ont
précédées l’avènement de l’Etat du type occidental en Afrique ; étant donné que le
positivisme lie inexorablement le droit à l’entité étatique43. Au-delà de ces deux
problématiques, nous estimons que la coutume est une source de droit au Congo et en
Afrique. D’une part, le législateur s’en inspire parfois pour édicter la règle écrite ; dès
lors elle cesse d’être une coutume. D’autre part, force est de constater que
l’application de la règle écrite est soit confortée, soit fragilisée par des pratiques
traditionnelles auxquelles la population s’attache. Parfois aussi la coutume vient
intervenir dans un domaine où la Loi n’a pas réglementée. C’est ainsi qu’on classifie,
dépendamment de leur rapport avec la loi, trois types de coutumes. La coutume
secundum legem (celle qui tire expressément sa force du renvoi ou quitus exprès de la
loi)44 ; coutume praeter legem (celle qui vient compléter la loi en cas de silence ou de

43
Pour plus de détails sur cette question, nous lire ; Essai sur la construction d’un droit pénal des mineurs en RD
Congo à la lumière du droit comparé : Analyses lege lata et lege feranda, Thèse, Faculté de droit, Aix-Marseille
Université, 2017, §§.116-128.
44
Exemple : la dot en droit congolais (art. 362-363 CF).
22
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

lacune) et la coutume contra legem (celle qui s’oppose à la loi ou qui prévoit une règle
contraire à la loi)

46/ Définition de la coutume. Ainsi, la coutume doit être entendue comme


l’ensemble des usages, des pratiques et des habitudes répétés par les membres d’une
communauté et qui les considèrent comme ayant un caractère obligatoire. En d’autres
termes, elle est « l’ensemble des habitudes et usages nés de comportements antérieurs
répétés qui guident et façonnent les comportements ultérieurs »45. Elle se caractérise,
d’après la théorie romano-canonique, par deux éléments dont l’un est d’ordre matériel
(la répétition prolongée de l’usage), et l’autre, d’ordre psychologique (la croyance ou
la conviction de la force obligatoire de l’usage : l’opinio necessitatis)46. La coutume
préexiste à sa formulation. « Elle est une règle spontanée, une donnée immédiate de la
conscience sociale [….] dont le moment de la formation est difficile à évaluer ou à
situer ; lorsqu'elle s'applique, elle existe déjà, depuis longtemps peut-être, dans les
esprits »47. Elle devient obligatoire indépendamment de toute intervention expresse ou
approbation même tacite, du Législateur48. L’obligation peut ne pas être respectée par
les individus mais ces derniers auront une conscience de manquement et craignent
davantage une sanction de nature mystique. En effet, tributaire de la religion, la règle
coutumière a une connotation morale et mystique : pour l’Homme africain, les
ancêtres et les morts, dépositaires de la règle coutumière, peuvent interagir,
positivement ou négativement, avec le monde des vivants. Ainsi, « […] la peur de ces
sanctions mystiques joue un rôle fondamental pour policer les individus, en obtenir la
soumission à la normalité collective. Elle est par conséquent une composante
fondamentale de l’auto-régulation sociale sous l’Afrique noire d’hier comme celle
d’aujourd’hui »49. A cela, il faut ajouter la peur du ridicule et du regard des autres :
pour une société communautariste, le jugement que porte les autres sur soi revêt une
importance cruciale. Se rebeller contre la norme, c’est, sans coup férir, se rendre
étranger à la communauté de base, s’ostraciser. La sanction coutumière repose plus sur
ce facteur psychologique et utilitaire qu’affligeant et intimidant : elle vise, d’une part,
à faire cesser le déshonneur, l’opprobre ou à conjurer le mauvais sort que l’infracteur
ou le fautif aurait jeté sur soi et, surtout, sa famille à travers son forfait, et d’autre part,
à sauvegarder du vouloir vivre collectif, plus impérieux que les intérêts particuliers.

47/ Coutume, usages et pratiques. La définition susmentionnée de la coutume


renferme deux concepts (« usages » et « pratiques ») considérés eux-mêmes comme
des sources, à part entière, de droit qu’il sied d’en relever les liens et les démarcations.

45
GARRISSON F., Histoire du Droit et des Institutions, Montchréstien, 2ème éd., T.1, Paris, 1984, p.40.
46
GUINCHARD S. & DEBARD T.(dir.), Lexiques des termes juridiques, Dalloz, 25ème éd. , Paris, 2017, (Voir
“coutume”).
47
LEVY-BRUHL H., « Introduction à l’étude du droit coutumier africain », RIDC, vol. 8, n°1, 1956, pp. 67-77.
48
FONTAINE M., Principes & techniques du Droit, T.1 : Droit civil et Droit commercial, Paris, Foucher, 1986.
49
KALUBA DIBWA D., La justice constitutionnelle en RD Congo, Academia, Paris, 2013, pp.33-34.
23
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

En effet, l’ « usage » et la « pratique » doivent être entendus comme identiques50 et


désignant une source non formelle qui doit être suffisamment considérée comme
obligatoire, généralement après écoulement d’un laps de temps et une observation
constate et notoire51, par la communauté d’où elle a émergé afin qu’elle acquiert la
qualité de coutume. En d’autres termes, la répétition fortuite d’un même acte fait peut-
être un usage (ou une pratique), mais non une coutume : cette dernière naît seulement
avec le sentiment de l’« obligatoriété ». Toutefois, l’on peut aisément relever que cette
démarcation s’inscrit également dans un processus relativement long ; alors, reste
ouverte la question de savoir comment les pratiques initiales vont s’accrocher les unes
aux autres pour laisser apparaitre, à un moment donné, une règle impérative
(obligatoire). C’est ainsi que les usages peuvent se distinguer d’un milieu à un autre et
ne pas se rattacher à la coutume jusqu’à s’harmoniser ou unifier et être confondus à
cette dernière. Néanmoins, la pratique n’est pas une source non moins importante : elle
précède souvent la règle écrite52 en l’améliorant ou la modifiant, puis permet, de ce
fait, sa stabilité en n’induisant que les amendements utiles et nécessaires. En effet, « Il
ne faut pas faire par la révision ce que l’on peut faire par la pratique. [Le Législateur]
doit, selon le conseil de Jean Foyer, écrire le moins possible ; parce qu’en s’en tenant à
ce qui est indispensable, on sauvegarde la marge de liberté qui permet d’adapter la
règle pour l’appliquer aux situations imprévues »53.

47/ Validité de la coutume en droit congolais. La consécration de la coutume


comme source du droit congolais est à la fois constitutionnelle (art.153 al.4 in fine) et
légale (art. 1er Ord. 14/05/1886, 10, 108, 110, 118 LO OCJ). Néanmoins, sa validité est
soumise au silence ou à la non-contrariété de la loi (coutumes preater legem et
secundum legem) ainsi qu’à la conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Cette
vision est aussi reprise par tous les textes précités, à la différence que l’ord.1886 parle
de la coutume praeter legem (en cas de silence de la loi) pendant que la LOCJ évoque
la coutume secundum legem. Dans le même sens, les dispositions des articles 17 et 77
de code de procédure pénale permettent à l’officier du ministère public et au juge
d’imposer au témoin une forme de serment dont l’emploi, d’après les coutumes
locales, paraît la plus propre à garantir la sincérité de la déposition.

50
Par contre, le droit judiciaire congolais distingue particulièrement deux catégories d’usages ; d’une part, ceux
dont l’existence est prévue légalement qu’elle qualifie d’« usages locaux» (voir l’article 108 LO OCJ qui prévoit
une allocation d’office de D.I. par les tribunaux répressifs), et d’autre part, ceux qui se sont répandus
indépendamment d’un texte dans la pratique quotidienne des opérateurs judiciaires et qui ont acquis force de
droit, qualifiées de « pratiques judiciaires ». Lire RUBBENS A., Le droit judiciaire congolais, T.3 :
L’instruction criminelle et la procédure pénale, Bruxelles-Kinshasa, 1965, p.36.
51
KIFWABALA TEKILAZAYA, Droit civil congolais : Les personnes, les incapables et la famille, PUL,
Lumbumbashi, 2008, pp, 9-10. ; MULUMBA KATCHY, Introduction à l’étude du droit coutumier congolais,
CREJA, Kinshasa, 2011, p.9.
52
D’où, le dicton : « la pratique précède le droit ».
53
AVRIL P., « Des conventions à la révision de la Constitution », Revue française de droit constitutionnel,
2008/5, HS n°2, pp. 49-53.
24
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

SECTION 2. LES SOURCES NON FORMELLES DU DROIT

48/ Notion de source formelle. Les sources non formelles sont celles qui ne
s’imposent pas au juge de par leur forme (substrat) et n’ont d’existence autonome.
Elles sont également qualifiées de sources indirectes, secondaires ou subsidiaires. Il
s’agira, pour être plus exhaustif : des principes généraux de droit, de l’équité, de la
jurisprudence et de la doctrine. Elles sont essentiellement de nature prétorienne
(principe général de droit, équité et jurisprudence). Certaines d’entre elles rappellent la
touche ou la survie de l’école du droit naturel (ou révélé) dans la suprématie positiviste
(équité et, dans une certaine mesure, le principe général de droit). Pour notre analyse,
nous les subdiviserons en deux catégories ; d’une part, celles qui sont légalement
consacrées en droit congolais (§1), et d’autre part, celles qui ne les sont pas mais
reconnues comme telles par la communauté des juristes (§2).

§1. Les sources non formelles du droit congolais


49/ Le principe général du droit et l’équité, seules sources non formelles
légalement consacrées. En droit congolais écrit, le premier texte à fixer les sources du
droit est l’Ordonnance du 14/05/1886 de l’Administrateur Général du Congo,
approuvée par le décret du 12/11/1886. Son premier article dispose : « quand la
matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà
promulguée, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo
seront jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité
». Si l’on ne s’en tient qu’à cette disposition, l’on peut aboutir à deux conclusions.
D’une part, la hiérarchie des sources du droit congolais qui consacre clairement la
supériorité des sources écrites sur les sources non écrites, particulièrement la coutume.
D’autre part, l’exclusion de la jurisprudence et de la doctrine parmi les sources du
droit congolais. Si les raisons historiques pouvaient justifier l’exclusion de ces
dernières sources, il est tout de même curieux que cette approche soit quasiment
réitérée par un texte de 201354 pendant qu’il n’y a pas l’ombre de doute que la
jurisprudence et la doctrine constituent aujourd’hui de source du droit congolais.

50/ La juridicité controversée de l’ordonnance du 14/05/1886. Une certaine


doctrine55 a déduit, au visa de l’article 199 du code de procédure civile56, l’abrogation

54
Art. 118 L.O OCJ : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et tribunaux
appliquent celle-ci, pour autant qu'elle soit conforme aux lois, à l'ordre public et aux bonnes mœurs. En cas
d'absence de coutume ou lorsque celle-ci n'est pas conforme aux lois, à l'ordre public et aux bonnes mœurs, les
Cours et tribunaux s'inspirent des principes généraux du droit [….]»
55
KANGULUMBA MBAMBI, « L’ordonnance de l’Administrateur Général au Congo du 14 mai 1886 : un
ancêtre (il) légalement vénéré en droit congolais ? Propos critiques sur l’application d’un texte dégénéré » in
Rev. Trim. Dr. Afr., 9ème année, n° 36, octobre 2005, pp. 317-363 ; MUKADI B. & KATWALA K., Procédure
civile, Batena Ntombwa, Kinshasa, 1999, pp.17-18.
56
Art. 199 Code de procédure civile : « L’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886
approuvée par le décret du 12 novembre 1886 et les décrets qui l’ont modifiée et complétée sont abrogés ».
25
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de l’ordonnance de 1886 et, in fine, de son contenu. Pendant qu’une autre admet
encore sa validité, du moins dans les matières autre que le droit privé judiciaire. Pour
la seconde école, la jurisprudence avait déjà reconnu à ce texte un champ d’application
plus vaste57 étant donné que l’expression « contestation » sous-entend tous les
contentieux juridictionnels quelle que soit leur nature (civile, pénale ou
administrative). Un tel débat n’est plus d’actualité, à notre avis, du fait que la loi
organique sur les juridictions judiciaires a carrément repris la substance de ladite
ordonnance.

1. Les principes58 [généraux] du droit (PGD)


51/ Le principe général du droit : Origine et définition. Les PGD sont des
règles non-écrites de portée générale (des principes directeurs) qui guident l’action du
juge en cas de silence de la loi et l’absence de la coutume : c’est « un acte de foi dans
la suprématie du droit »59. En d’autres termes, ils sont « une œuvre constructive de la
jurisprudence réalisée, pour des motifs supérieurs d’équité, afin d’assurer la
sauvegarde des droits individuels des citoyens »60. Ils sont des vérités universelles
émanant de la conscience collective, ou encore, « selon le législateur de l’Etat
Indépendant du Congo, des principes juridiques qui sont reçus dans la législation de la
plupart des peuples de haute civilisation »61. Sur le plan historique, la notion de PGD
est liée au droit administratif français d’après la libération (Tribunal de conflit,
08/02/1873, Arrêt Dugave et Bransiet ; C.E, Ass., 26/10/1945, Arrêt Aramu et autres)
puis a été adopté par d’autres branches de droit. En droit congolais, ils constituent la
première source à laquelle doit recourir le juge en cas d’absence de la coutume ou
lorsque cette dernière ne peut être appliquée à cause de sa contrariété aux bonnes
mœurs et à l’ordre public. Formulés souvent en brocards (adages 62) latins, ils perdent
leur nature lorsqu’ils sont consacrés expressément, en forme écrite, par le Législateur.
Tel est le cas, par exemple, de l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » qui a connu
une consécration constitutionnelle (art. 62 al.1 Const.).

57
MUGISHO-A-GAZANGA, Les principes généraux du droit et leurs applications par la Cour suprême de
justice du Congo, Bruylant-Academia, Louvain-la-Neuve, 2002, p.27.
58
Principe : [du grec « Principium » ou « de primo » : premier ; et « capere » : prendre] signifie
étymologiquement celui qui prend la première place. Il prend aujourd’hui plusieurs sens dans l’ordre juridique,
les uns et les autres se rattachant plus ou moins étroitement à une idée de généralité ou d’un postulat reflexionnel
Il n’est pas rare qu’il soit accompagné d’autres adjectifs tels que « fondamental » ou « général ».
59
M. Letourneur, conclusions sur l’arrêt « Société du Journal l’Aurore », du 25/06/1948.
60
Le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat (1950) cité par KASONGO LUKOJI G., « Existe-
t-il un droit fondamental de l’enfant au respect de son intérêt supérieur ? Etude comparée des droits anglais,
belge et français », Mémoire de Master 2 DPA, AMU, 2013, p.55.
61
MUGISHO-A-GAZANGA, Op. cit., p.29
62
« Accessoruim sequitur principale » : l’accessoire suit le principal ; « Actori incumbit probatio » : la charge de
la preuve incombe à celui qui allègue les faits (ou accusateur) ; « Communis facit jus » : l’apparence donne droit
; « Electa una via, non datur recursus ad alteram » :le plaignant qui a choisi l’action civile ne peut désister»; «
Error communis facit jus » : l’erreur commune crée le droit ; « Fraus omnia corrumpit » : la fraude corrompt
tout ; « In dubio pro reo » : le doute profite au prévenu ; « Nemo auditur turpitidem propriam » : nul ne peut se
prévaloir de sa propre turpitude ; « Pas d’intérêt, pas d’action » ; « le pénal tient le civil »…
26
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

52/ La relativité des PGD en rapport avec la matière. Si leur ancrage dans la
science juridique n’est plus contestable, leur avenir est mis en jeu par leur
diversification et leur portée divergente selon les disciplines juridiques. Ils ont en
commun le fait d’entretenir un lien étroit avec la jurisprudence, car ils sont
généralement découverts ou relevés, non-créés, par cette dernière à partir de l’état du
droit et de la société à un instant donné. Ils deviennent, de ce fait, une source
subsidiaire tendant, soit à assurer une certaine cohésion de l’ordre juridique (assurant
une fonction de suppléance), soit à se rattacher des valeurs de morale et d’équité
(assurant une fonction de corrective)63. Toutefois, ils sont l’apanage, par manque de
codification suffisante, des branches du droit nouvelles, immatures ou d’autonomie
récente. Ainsi, ils prolifèrent en droit public, particulièrement en droit administratif ou
droit judiciaire, mais sont raréfiés en droit pénal et privé de fond. Bien plus, les
« principes » du privatiste se distinguent de ceux du publiciste et du constitutionaliste,
voire même de l’internationaliste ; qu’il sied de remonter à leur origine respective pour
en déceler le sens.

2. L’équité
53/ Définition de l’équité. L’équité doit être entendue comme le sens humain de
la pondération, de la justice, de l’ordre social et de la conscience sociale. « La justice
discrèt(e, celle avec un J majuscule». Il s’agit de la vertu qui consiste à régler sa
conduite sur le sentiment naturel du juste. C’est la recherche, la réalisation suprême de
la justice, du « bon sens » qui doit guider le juge dans son intime conviction. Elle
relève, contrairement à la loi et au règlement qui ont un caractère abstrait et général, de
la casuistique et est également liée à la jurisprudence. Pourtant, sa nature de source de
droit est sujette à controverses.

54/ But et problématique de l’équité. En effet, l’équité a acquis ses lettres de


noblesse grâce à la philosophie. Pour Aristote, elle avait pour nature « de redresser la
loi là où elle se trompe, à cause de la formule générale qu’elle doit prendre » (Ethique
à Nicomac). Quant à Saint Thomas d’Aquin, il a estimé que « l’équité ne s’écarte pas
de ce qui est juste en soi mais uniquement de ce que la loi déclare telle ». Elle apparait
alors comme un mécanisme qui permet au droit d’être juste et de ne pas être trop
rigide : elle est un moyen de contourner la loi, un retour à la loi naturelle contre la loi
positive. Malheureusement, les abus des parlements ont conduit à sa méfiance64.
Raison pour laquelle, elle a été muselée par la doctrine positiviste issue des Lumières.
D’autres auteurs comme IHERING Scherz, mettant en exergue les artifices
procédurales d’où elle émane, la compare à un « cirque pour exercices d'acrobatie

63
ZENATI-CASTAING F., « Les principes généraux en droit privé », In Les principes en droit, PONTIER
J.M.(dir.), PUAM, Aix-en-Provence, 2003, pp.257-273.
64
D’où, l’adage ; « que Dieu nous préserve de l’équité des parlements ».
27
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

dialectique, une joute purement verbale, une jonglerie de fictions ».65 En droit positif
congolais, elle soulève particulièrement deux controverses ; l’une relative à sa qualité
des sources de droit, et l’autre relative à sa pertinence. On lui dénie, de fois, la qualité
de source d’autant plus que son seul fondement est la contestable ordonnance de 1886.
Quant à sa pertinence, il s’avère que, contrairement à toutes les autres sources qui sont
des données extérieures au juge, l’équité est une donne interne, subjective, incertaine
et arbitraire : elle peut constituer un facteur d’insécurité juridique se heurtant à
l’exigence de prévisibilité inhérente à la matière juridique. Le juge ne peut, donc, de
lui-même s’appuyer sur l’équité pour rendre sa décision, si la loi ne le lui permet pas
spécialement : on dit alors qu’il statue « et aequo et bono ».

§2. Les autres sources non formelles

55/ La jurisprudence et la doctrine, sources non légalement consacrées en


droit congolais. Il s’agira ici d’analyser les autres sources non consacrées légalement
par l’ordonnance du 14/05/1886 mais reconnues comme telle par l’unanimité des
spécialistes et juristes, à savoir ; la jurisprudence et la doctrine.

1. La jurisprudence
56/ Définitions de la jurisprudence. La jurisprudence est également un concept
polysémique. Dans le sens large, elle renvoie à l’ensemble des décisions rendues par
les juridictions d’un Etat. Mais, dans un sens restreint, elle désigne l’ensemble de
décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions d’un Etat sur une
question donnée66. Sous cette dernière acception, elle est généralement l’œuvre des
juridictions supérieures, mais exceptionnellement aussi de toute juridiction qui statue
en premier sur un cas donné. Reconnaitre à la jurisprudence le statut de source de droit
judiciaire suscite le débat sur la capacité créatrice des règles de droit. La réponse à
cette question dépend généralement de la nature (ou fondement) de chaque système
juridique. En effet, la place de la jurisprudence dans les systèmes juridiques se
distingue globalement selon qu’il s’agit du droit romaniste ou anglo-saxon. Il lui est
reconnu un rôle prépondérant dans la seconde famille juridique67 mais subsidiaire dans
la première dont relève le droit congolais. Néanmoins, cette démarcation tend de plus
en plus à s’amenuiser grâce à l’émergence des juridictions internationales ainsi que
l’interpénétration des systèmes juridiques.

65
IHERING S., « Jurisprudenz » (1885), cité par GROSS H., Kriminal Psychologia, 1898, p. 11.
66
CORNU G.(dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11ème éd., 2016, V° « Jurisprudence » ;
GUINCHARD S. & DEBARD T. (dir.), Op. Cit, V° « Jurisprudence ». Nous avons écarté les expressions
couramment utilisées en doctrine telles que jurisprudence « hésitante », « partagée », « incertaine », « flottante »
qui sont, à notre avis, sans intérêt majeur. La jurisprudence se caractérise par sa souplesse. Même une
jurisprudence dite « constante » n’est à l’abri d’un revirement.
67
DAVID R. & BLANC-JOUVAN X., Le droit anglais, PUF, Que-sais-je, 2ème éd., Paris, 2003, pp.20-21 ;
FRISON D., Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques, Ellipses, 3ème éd., Paris, 2005, pp.6-8.
28
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57/ La jurisprudence : du savoir au pouvoir. Toutefois, le droit romaniste a


toujours manifesté un intérêt particulier à l’endroit de la jurisprudence. Cet intérêt était
purement doctrinal : la jurisprudence était alors uniquement perçue comme une
connaissance (« juris-prudentia » : le savoir des prudents, des sages) contenue dans les
raisonnements des juges ou dans les principes et les règles qu’ils dégagent68. Ce n’est
qu’au tournant du 20ème, grâce au militantisme et à la confirmation des juridictions
supérieures dans l’univers judiciaire des Etats modernes que les auteurs l’ont fait
basculé vers une autre acception en élevant presqu’au niveau de la loi. La
jurisprudence deviendra alors un pouvoir, voire un contre-pouvoir du pouvoir
législatif. Dès lors, le droit positif inclue également le droit vivant, entendu comme la
règle juridique telle qu’interprétée et appliquée par les cours et tribunaux d’un Etat.
Tous ces aspects se retrouvent aujourd’hui dans les décisions de justice que l’on peut
exploités dépendamment du besoin : les cas (l’espèce), la solution (aspect normatif : le
pouvoir) et la motivation (aspect cognitif : le savoir).

58/ La jurisprudence, une source de droit à géométrie variable. Même en tant


que pouvoir, l’étendu de la jurisprudence divise les auteurs. Pour les uns, comme le
doyen Jean Carbonnier, elle n’est pas une source de droit mais plutôt une autorité, au
regard des articles 5 et 1351 du code civil français. La première interdit au juge de se
prononcer par voie de disposition générale et abstraite comme le législateur : il doit
trancher le cas en l'espèce. La seconde limite la force exécutoire du jugement aux
parties au procès. De ce fait, le poids des décisions dépendra des plusieurs critères :
contrairement aux autres, certaines décisions seront donc qualifiées « de principe ».
Quant au second courant, il considère que les solutions jurisprudentielles sont une
véritable source du droit. Car au fond, le juge crée une norme (filiation Kelsenienne),
limitée certes au litige. Le droit congolais est plus proche de la seconde acception du
fait que la jurisprudence peut y constituer, à la condition qu’elle soit constante, une
source de droit. Faisant partie du droit, l’on ne peut pas s’en écarter sans mettre en
cause la sécurité juridique qui est un facteur du maintien de l’ordre et de la paix
sociale. Notons aussi que la jurisprudence est la voix, par excellence, d’expression ou
de manifestation des autres sources non formelles telles que la pratique judiciaire, les
principes généraux du droit et l’équité.

2. La doctrine
59/ Définition de la doctrine. La doctrine est définie comme l’ensemble
d’opinions émises par les auteurs, particulièrement les juristes, dans leurs travaux et
publications. L’auteur doit avoir une notoriété scientifique acquise, soit par une longue
et brillante carrière judiciaire, soit par une abondante et pertinente publication, soit par
le niveau d’études (généralement docteur en droit). La doctrine joue un rôle primordial

68
DUPUIS G., GUEDON M.J & CHRETIEN P., Droit administratif, 10ème éd., Sirey, Paris, 2007, p.143.
29
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en droit : elle anime considérablement le progrès et l’évolution du droit par sa liberté


d’approches, ses analyses, ses recherches et ses critiques. Elle stimule le législateur à
améliorer des textes incomplets ou obscurs et informe le juge sur l’évolution de la
discipline. D’ailleurs, la jurisprudence n’est qu’une doctrine officielle, ou mieux une
officialisation de la doctrine dominante. Sous l’angle argumentaire, les auteurs et les
juges sont au même pied d’égalité. Le rôle du juge n’est que formalisateur : les
principes du droit savant acquérant, par sa reconnaissance, une force législative.

30
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CHAPITRE III : LES CLASSIFICATIONS DU DROIT

60/ Objet et plan du chapitre. Comme nous l’avons déjà dit, les règles de droit
peuvent faire l’objet de plusieurs classifications. Deux sont communément admises ;
d’une part, celle qui les module en fonction de l’importance ou l’autorité des sources
induisant les modalités du raisonnement juridique et des catégories juridiques (familles
de droit) et, d’autre part, celle qui les repartit selon leur nature (branches de droit).

SECTION 1. LES FAMILLES DE DROIT

61/ Les grandes familles de droit. En droit comparé, les systèmes juridiques
sont classés d’après leurs familles juridiques69. L’accord est loin d’être trouvé en
doctrine sur les modalités ou les critères de leur classification, leur dénomination ainsi
que leur nombre. Le français ESMEIN P., qui fut l’un des premiers à en proposer une
classification en 1900 au 1er Congrès international du droit comparé, en énumère cinq
familles, en se fondant sur des critères d’ordre historique, géographique et religieux, à
savoir : la famille romaniste, la famille germanique, la famille anglo-saxonne, la
famille slave et le droit musulman. Se fondant sur le critère culturel, SCHNITZER A.
a également proposé en 1961 une classification en cinq familles, à savoir ; les droits
primitifs, les droits antiques, les droits euro-américains, les droits religieux et le droits
afro-asiatiques. Bien que réduisant abusivement le droit religieux au droit hébraïque,
islamique et canonique, cet auteur fut néanmoins l’un des premiers à prendre en
compte les spécificités des droits ou pratiques sociales de l’Asie et de l’Afrique. Plus
proche de nous, il y a une vingtaine d’année, deux auteurs allemands nommés
ZWEIGERT et KÖTZ, découpaient le monde en huit régions de droit
(« Rechtkreise », entendu comme famille de droit), en fonctions des critères
fonctionnels70, à savoir ; les droits romanistes, le droit allemand, les droits nordiques,
la common law, les droits socialistes, les droits d’Extrême-Orient, les droits
Islamiques, les droits indous.

61’/ Néanmoins, la plupart des comparatistes focalisent leur attention sur deux
grandes familles dont les imbrications avec d’autres microsystèmes produisent des
hybridations multiples subsumées dans une troisième famille. Ainsi, l’on admet

69
Pour plus de détails, lire ; CUNIBERTI G., Grands systèmes de droit contemporains, 2ème éd. 2001 ; David R
& SPINOSI J.C, Grands systèmes de droit contemporains, 2002 ; FROMONT M., Grands systèmes de droit
étrangers, 6ème édition, 2009.
70
Ils ont retenu cinq critères ou indices (« rechtstilen ») de classification ; l’origine et l’évolution historique, le
mode de raisonnement juridique dominant (un critère qui manquait dans les classifications précédentes et qui va
guider les classifications suivantes), les institutions juridiques particulières, les sources du droit et les modes
d’interprétation et les facteurs idéologiques influant sur le droit.
31
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

généralement qu’il existe trois familles ou systèmes71 de droit, à savoir : la famille


romaniste ou romano-germanique (§1), la famille anglo-saxonne ou de la
Commonwealth (§2) et les familles mixtes (§3).

§1. La famille romaniste


62/ Les systèmes romanistes : origine et caractéristiques. La famille romaniste
est issue du droit romain. Elle est également qualifiée de romano-germanique étant
donné que la culture romaine fut plus tard, précisément à la chute de l’empire romaine,
complétée par les pratiques germaniques. La formation de cette famille est liée à son
histoire. En effet, Rome s’était résolu, à un moment, d’unifier toutes les différentes
coutumes des peuplades qui composaient son immense empire. La tâche fut confiée
aux penseurs et scribes (jurisconsultes) qui dégagèrent par écrit (digest) des règles
communes applicables à tout l’empire. Ce système a comme principal caractéristique
l’abstraction et la généralité de la règle de droit : il est fondé sur un raisonnement
déductif, rationnel, presque mathématique. C’est ainsi qu’elle privilégiera ou mettra
sur un piédestal la Loi (le legicentrisme) ou règle écrite. Poursuivant un idéal de
justice, cette dernière est souvent liée à des considérations d’ordre moral ou politique
et est souvent compilée sous forme des codes. Ce système, contrairement aux systèmes
orientaux et africains, place l’individu au cœur de l’ordonnancement juridique en lui
reconnaissant des droits subjectifs en tant que sujet de droit et, exceptionnellement, des
droits collectifs (en tant que membre de la communauté). Dès lors, la règle de droit y
est d’abord privée (rapports entre les citoyens) avant de devenir publique (rapport de
l’Etat et l’individu). Raison pour laquelle, cette famille consacre une classification
générale (summa divisio) du droit en deux branches (droit privé et droit public) ayant
chacune des règles spécifiques. Bien plus, la deuxième branche est constituée des
règles dérogatoires à la première branche qui est le droit commun.

63/ Expansion du système romaniste. Toute invasion politique ou religieuse qui


correspond à un mouvement hégémonique laisse des traces, plus ou moins profondes,
dans le droit du territoire conquis. C’est ainsi que le système romaniste s’est répandu
dans le monde grâce à la conquête romano-germanique (moyen-âge et temps moderne)
et à la colonisation (époque contemporaine). Il représente plus de la moitié des Etats
membres de l’ONU (soit 60% de la population mondiale) : on le retrouve quasiment
dans tous les pays d’Amérique latine, d’Afrique, et parfois d’Asie, la RDC l’a hérité
de la Belgique qui fut également colonisée par la France, ancien territoire de l’empire
romain.

71
Pour le comparatiste, le mot « système » doit être simplement considéré comme un synonyme de « famille ».
Il permet de regrouper des droits qui présentent un grand nombre de points communs, c’est-à-dire, de créer une
famille de droit. Lire TRIGEAUD J.M & SEVE R., « Le système juridique », Archives de Philosophie de droit,
n°31, 1997, p.319.
32
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§2. La famille anglo-saxonne72


64/ Origine des systèmes anglo-saxons. La famille anglo-saxonne issue du droit
insulaire ou anglais qui s’est répandue dans toute la grande île (Grande-Bretagne et
Royaume-Uni). La position géostratégique de cette île l’a mis à l’abri de la conquête et
l’influence romaines. Raison pour laquelle la règle de droit y est restée essentiellement
coutumière, privilégiant ainsi la jurisprudence. En effet, contrairement en droit romain
où il y a eu la nécessité de couler par écrit les règles coutumières communes,
l’Angleterre n’a pas eu ce besoin au regard de son territoire réduit qui permettait
aisément l’uniformité des coutumes. Ainsi, dans le système anglais le Roi était juge73 :
il tranchait les litiges d’après les coutumes locales (common law) et le bon sens
(équity). Plus tard, il délégua ce pouvoir à quelques membres influents de sa cour 74.
Au regard de l’importance du contentieux, ces juridictions se sont répandues sur
l’étendue du royaume et se sont disloquées en deux groupes ; d’une part, celles qui se
concentraient sur les affaires importantes touchant à la couronne (crime, impôt,
complot…) en appliquant la common law, et d’autre part, celles qui connaissaient les
affaires privées tranchant d’après l’équity et, plus tard, le droit canonique. Les
décisions prises précédemment constituaient une référence pour les juges dans les
affaires ultérieures (« règles des précédents »), d’où la force de la jurisprudence. Ce
qui fait que dans chaque nouveau litige, les parties devraient d’abord convaincre le
juge que le litige en cours avait trait à une affaire déjà connue par la même juridiction
afin que cette dernière se réfère sur l’ancienne décision. D’où, l’importance de la règle
de forme sur celle de fond.

65/ Caractéristiques des systèmes anglo-saxons. Ainsi, dans cette famille, la


règle de droit n’est pas générale et abstraite mais relève d’une casuistique qui signifie
une appréciation du cas par cas : c’est-à-dire, contrairement au droit romaniste, il est
fondé sur un raisonnement inductif et intuitif. L’avocat et le juge doivent arriver à la
conclusion que le litige est nouveau afin de lui appliquer une nouvelle règle qui servira
de référence à tous les cas similaires ultérieurs. Il y a une confusion ; d’une part, entre
les règles de fond et de forme, et d’autre part, entre les règles de droit public et de droit
privé. Le juge n’est pas un juriste de carrière, il est parfois élu ou nommé à l’issue
d’une brillante carrière d’avocat ou d’enseignant. D’où leur notoriété et influence
importante dans ce système. La jurisprudence constitue la source principale du droit
dans cette famille juridique. Cependant, précisons que le sens du mot « jurisprudence
» n’est pas le même en droit continental qu’en droit insulaire. Si dans celui-là elle
désigne globalement les décisions rendues par les cours et tribunaux ; dans celui-ci,

72
DAVID R. & BLANC-JOUVAN X., Op. cit., pp. 2 et svt ; FRISON D., Op. cit, pp. 6-10 ; 76-77 ;
JOLOWICZ J.A, Droit anglais, Dalloz, 2ème éd., 1992, pp. 33 et svt.
73
Cfr. le récit biblique du Roi Salomon et les deux prostituées.
74
D’où, le mot « cour » pour désigner la juridiction de jugement.
33
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elle renvoie à la philosophie ou à la théorie de droit. Ce qu’il faut traduire par


« jurisprudence » au sens français du terme est « case-law » en droit anglais. Et, c’est
ce dernier qui s’impose au juge anglais au nom de la règle du « précédent ».

66/ Expansion et évolution de la famille anglo-saxonne. Cette famille juridique


s’est également répandue dans le monde grâce à la colonisation. Un tiers des pays de la
planète partagerait aujourd’hui cette tradition juridique, soit à titre principal, soit à titre
secondaire. C’est ainsi qu’on le retrouve dans les anciennes colonies anglaises (USA,
Canada, Irlande, Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud, Kenya, Nigeria, Ghana,
Ouganda, Zambie, Tanzanie…) qui se sont réunies et avec formé avec leur ancienne
métropole dans une organisation dénommée « Commonwealth ». Véritable laboratoire
juridique, cette organisation pilote aujourd’hui les mutations juridiques de cette
famille. Par ailleurs, l’on ne peut également ignorer l’apport des USA (au regard de sa
position internationale) et des juridictions internationales dans l’essor de cette famille.
Néanmoins, elle est désormais influencée par la famille romaniste du fait qu’elle
connait actuellement une émergence des textes législatifs (« Act of parliament », «
statutes ») qui s’imposent à tous (« rule of law »), ont la préséance (« prévail over »)
sur les autres sources de droit («common law» et «equity») et ne connaissent aucune
limite : toute règle de droit, fut-ce constitutionnelle, peut être modifiée ou supprimée
par une loi du parlement. La chambre des communes est totalement libre de sa
législation ; elle n’est liée par aucun précédent et par aucun texte législatif antérieur («
previous legislation »), sous réserve d’un contrôle de conventionalité (CEDH et droit
communautaire). En dépit cet élan codificateur, l’on ne peut ignorer la place
prépondérante qu’occupe la jurisprudence dans ce système : dans la théorie classique
et dans la pratique, la loi reste une source secondaire du droit par le simple fait qu’elle
n’apporte pas la solution mais uniquement des correctifs et des additifs aux principes
consacrés par la jurisprudence («case-law»).

§3. Les familles mixtes


67/ Les familles mixtes. Au-delà de ces deux grandes familles traditionnelles
sus-évoquées, d’autres systèmes cumulent à des proportions différentes les aspects
dominants de chacune d’elles. Ces systèmes sont qualifiés de famille mixte au regard
de leur diversité, multiplicité et hétérogénéité.

68/ Quelques exemples des systèmes mixtes. Dans ces familles peuvent être
classées divers systèmes juridiques selon les auteurs et des critères divers mis en
exergue. Il s’agit généralement ; des systèmes nordiques ou scandinaves (Danemark,
Finlande, Islande, Norvège, Suède), les systèmes socialistes75 (Russie et les anciens
75
Vestiges d’une ancienne famille de droit autonome, les systèmes socialistes sont en pleine mutation. Il a subi
historiquement multiples influences notamment du droit byzantin (une branche particulière du droit romain), du
système romaniste (18ème siècle), de l’idéologie marxiste et socialiste faisant primés les intérêts collectifs sur les

34
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Etats-membres de l’URSS à l’exception des Etats Baltes, à savoir ; l’Estonie, la


Lettonie et la Lituanie), les systèmes asiatiques, les systèmes de droit musulman et
certains systèmes africains. A vrai dire, les systèmes juridiques contemporains ne sont
plus purement romanistes ou anglo-saxons, ils sont davantage mixtes avec une légère
ascendance de l’un des modèles traditionnels.

SECTION 2. LES BRANCHES DU DROIT

69/ La summa divisio : force et faiblesse. D’après leur nature et leur objet, les
systèmes juridiques d’essence romaniste subdivisent le droit en deux branches (le droit
public et le droit privé) reparties chacune en plusieurs sous-branches. Cette
classification, très répandue et très didactique, n’est plus adaptée à l’évolution actuelle
de la discipline du fait que certaines matières n’arrivent pas à être classées dans l’une
de ces deux branches traditionnelles. Bien plus certaines matières, telles que le droit
civil et le droit administratif, sont très vastes en termes de contenu qu’elles se
compartimentent graduellement en donnant naissance à d’autres matières autonomes.
D’où, l’émergence, d’une part, d’une troisième branche qualifiée de droit économique
et social qui n’arrive toujours pas à résoudre le problème, et d’autre part, d’une
classification fonctionnelle ou thématique.

70/ Ainsi, par commodité et visée didactique, nous analyserons les branches du
droit selon la classification traditionnelle principalement (§1), puis d’autres
classifications (§2), tout en injectant une dose de classification fonctionnelle et
thématique à chaque stade.

§1. La classification traditionnelle


71/ Droit privé et droit public. Comme déjà précisé, la classification
traditionnelle repartit les branches du droit selon qu’elles appartiennent au droit privé
(1) ou au droit public (2). Depuis peu, une troisième catégorie hétéroclite émerge et
réclame son autonomie, dénommée droit économique et social (3). Il sied de garder à
l’esprit que cette démarcation en deux ou trois branches, voire même le contenu de
chacune d’elles, n’est pas étanche et divise toujours les auteurs.

1. Le droit privé

72/ Les branches du droit privé. Régissant les rapports entre les personnes
privées, le droit privé prescrit un rapport égalitaire. Il comprend entre autre :

droits individuels en s’appuyant sur un système pénal très dur (20ème siècle), puis, actuellement du système
anglo-saxon.

35
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- Le droit civil des personnes qui détermine le statut juridique des personnes, les
droits qui y sont rattachés ainsi que les rapports que ces dernières peuvent
entretenir entre elles (nationalité, état civil, domicile, fiançailles, mariage,
filiation, parenté, donation, succession…). En droit congolais, ces règles sont
essentiellement portées par le Code de la famille.
- Le droit civil des biens qui détermine le rapport entre un sujet de droit et une
chose. En droit congolais, ces règles sont essentiellement portées par la loi
n°73/021 du 20/07/1973 portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés dite « loi foncière » ou « loi Bakajika ».
- Le droit civil des obligations qui fixe les modalités par lesquelles les sujets de
droits peuvent se lier juridiquement, hormis les cas relevant du droit des
personnes. Il est également qualifié de « droit des contrats » étant donné que ce
dernier est la source principale des obligations. En droit congolais, ces règles
sont essentiellement portées par le décret du 30/07/1886 portant Code civil
congolais, particulièrement dans seul livre encore en vigueur (livre III) ; mais
sont de plus en plus insufflées par certains actes uniformes de l’OHADA.
- Le droit international privé qui régit les rapports entre les particuliers dotés
d’un élément d’extranéité. En d’autres termes, c’est tout le droit civil faisant
appel à un aspect du droit étranger. Ses règles sont prévues dans le Code de la
famille (principalement) et ainsi que d’autres textes particuliers.
- Le droit judiciaire privé (procédure civile) fixe les modalités de conduite et du
déroulement du procès civil et des mécanismes extrajudiciaires de règlement des
conflits. En droit congolais, ces règles sont essentiellement portées par le décret
du 07/03/1960 portant Code de procédure civile ainsi que la loi organique n°
13/011-B du 11/04/2013 précitée.

2. Le droit public
73/ Les branches du droit public. Régissant les rapports impliquant l’Etat ou
les autres personnes morales de droit public (O.I, ETR, ETD, le service public), la
règle de droit public se caractéristique par la prérogative de puissance publique
reconnue à ses personnes. Il comprend notamment ;
- Le droit constitutionnel
- Le droit administratif
- Le droit fiscal
- Le droit des finances publiques
- Le droit économique
- Le droit international public
- Droit international des droits de l’Homme
- Le droit international pénal
- Le droit international humanitaire

36
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74/ Nous reviendrons en détail sur ces branches dans la seconde partie du cours
consacrée au droit public.

3. Le droit économique et social

75/ Les branches du droit économique et social. Une branche très jeune qui
s’est à peine autonomisée, elle est constituée essentiellement des disciplines juridiques
à caractère économique et social qui jadis relevaient du droit privé, principalement, et
du droit public. Son contenu est encore objet à débat et diffère selon les auteurs.
Certains la confondent même au droit des affaires. Elle comprend notamment ;
- Le droit commercial qui régit l’exercice de l’activité commerciale. Ces sont des
règles qui s’appliquent aux commerçants (personnes privées et morales) et actes
de commerce. Néanmoins, le poids économique, la crédibilité et la pérennité des
commerçants, personnes morales, ont induit l’autonomisation des règles
applicables aux sociétés commerciales et la création d’une nouvelle discipline
dénommée « droit des sociétés commerciales ».
- le droit du travail qui régit les rapports nés de l’exécution d’un contrat de travail.
Globalement, il est constitué des règles protégeant les employés,
économiquement plus faibles que les employeurs. En droit congolais, ces règles
sont essentiellement portées par le Code du travail.
- le droit de la sécurité sociale protège les travailleurs contre les risques et les
accidents du travail, maladies professionnelles et non professionnelles, la
maternité, la vieillesse… Il était, jadis, inséparable du droit du travail.
- le droit de la concurrence s’appuie sur la théorie économique des marchés pour
prévenir et sanctionner les agissements anticoncurrentiels des entreprises ou des
organismes publics ayant une activité économique.
- le droit de la consommation qui tend à protéger la personne du consommateur,
destinataire final de produits et de services marchands, dans un souci d’équilibre,
et en dérogation fréquente aux mécanismes du Droit Civil.
- le droit de la propriété Intellectuelle qui protège les œuvres de l’esprit et les
inventions.
- le droit du transport, le droit bancaire, le droit la communication….

76/ Les matières difficilement classables. A part ces trois grandes branches
dont deux traditionnelle et une moderne, d’autre matière sont difficile à classer dans
l’une de ces branches, notamment ; l’organisation et la compétence judiciaires, le Droit
pénal, le droit de l’environnement ou de l’urbanisme, le droit forestier et rural, le droit
de la santé…

37
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§2. Les autres classifications


77/ Les classifications thématique et/ou fonctionnelles. Le droit recouvre
plusieurs types d’activité humaines et désignent plusieurs phénomènes complexes et
divers, difficilement dissociables, qu’aucune classification ne peut regrouper en
catégories étanches. Bien plus, la complexité de la société actuelle ainsi que
l’interconnexion des activités humaines imposent de partir d’un objet d’étude et de
puiser dans les branches traditionnelles les règles pertinentes pour les rassembler de
façon cohérente dans un ouvrage de synthèse (code, manuel, revue dédiée...). Par
exemple, le Droit Pénal est d’application exceptionnelle mais spectaculaire : il
rassemble les règles provenant de toutes les branches du droit. Le Droit de la mer puise
à la fois dans le Droit Administratif (gestion du rivage et des ports maritimes), dans le
Droit Commercial (les opérations maritimes sont généralement des actes de
commerce), dans le Droit du Travail et de la Sécurité Sociale (emploi des marins
salariés), dans le droit pénal (les infractions pénales susceptibles d’être commises en
mer ou par rapport à la mer) ou encore en droit international (droit des espaces, droit
de la pêche…).

78/ Raison pour laquelle en dehors de la classification traditionnelle rénovée (en


trois branches), il en existe également qui ne sont pas moins exemptées de failles. Il
s’agit notamment de la classification ; en droit objectif ou subjectif (que nous avons
déjà abordé), en droit substantiel ou processuel ; en droit patrimonial ou
extrapatrimonial, en droit interne ou international.

1. Droit objectif et droit subjectif


79/ Droits objectif et subjectif : distinction. D’après leur finalité, les auteurs
distinguent le droit objectif, entendu comme l’ensemble ayant pour but d’organiser la
société en régissant les sujets droits, au droit subjectif, désignant les prérogatives dont
sont titulaires les sujets de droit. L’on admet que le droit objectif a pour objectif de
limiter les droits subjectifs en vue de la sauvegarde de l’intérêt collectif ou la paix
sociale.

2. Droit substantiel et droit processuel


80/ Droits substantiel et processuel : distinction. Le droit substantiel (ou droit
de fond) reconnait des prérogatives aux individus ou renforce leur protection. Ex. Le
droit pénal, le droit civil, le droit constitutionnel des libertés fondamentales… Tandis
que le droit processuel (procédural, judiciaire ou de forme) détermine les mécanismes
par lesquels les sujets de droit font valoir ou sanctionner leurs droits substantiels
contestés ou violés. Ils sont liés nécessairement aux procédés de règlement des conflits
ou litiges. Exemple : l’Organisation et la compétence judiciaires (ou Instituions
juridictionnelles), la procédure pénale (ou droit pénal de forme), la procédure civile
(ou droit privé judiciaire) et éventuellement procédure administrative.
38
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

3. Droit interne et droit international


81/ Droits interne et international : distinction. On classifie également les
branches des droits selon le rang de l’autorité qui a édicté leur règles, ou
subsidiairement d’après les situations qu’elles sont appelées à réguler, appartienne à
l’ordre interne ou international. Ce faisant, il y aura, d’une part, le droit international
émanant du législateur international ou conventionnel, et d’autre part, le droit interne
émanant du législateur national ou local. Le premier est constitué des règles issues,
soit des accords internationaux, soit encore du droit interne mais régulant une situation
de la vie internationale. Exemple ; le droit international public, droit international
humanitaire, droit international des droits de l’Homme, le droit international pénal,
droit pénal international, droit du commerce international, droit international privé...
Tandis que le droit interne est constitué des règles émanant du Législateur interne ou
national, c’est-à-dire, celles qui sont issues des lois, règlements, édits, coutumes ou
jurisprudences régulant un aspect de la vie nationale ou locale.

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TITRE 2 : LE PETIT DROIT

82/ Droit objectif, suppôt du (des) droit(s) subjectif(s). Le droit objectif,


appréhendé comme l’expression normative des exigences d’une société donnée, porte
en même temps des prescriptions qui reconnaissent aux sujets de droit un certain
nombre d’avantages (« droits à… » et « droits de… »). Il est donc inéluctablement lié
au droit subjectif que l’on peut, a contrario, définir comme « une faculté, une
prérogative établie et reconnue par le droit objectif au profit d’une personne »76 ou un
groupe des personnes et « dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans leurs relations avec
les autres, en invoquant, s’il y a lieu, la protection et l’aide des pouvoirs publics ou de
la société »77. Innombrables, diversifiés et souvent coulés dans un pluriel, ce dernier
peut bénéficier, soit à l’ensemble (droit absolu), soit à une partie (droit relatif) des
sujets de droit. D’où, les deux qualificatifs (« subjectif » et « petit ») attachés au mot
« droit » utilisés pour le désigner. « Subjectif » venant du mot « sujet », par allusion
aux sujets de droit qui en sont des bénéficiaires exclusifs. « Petit » eu égard à son
caractère purement individualiste. Raison pour laquelle, on caractérise également ce
droit par la relation « appartenance-maitrise ». « Appartenance », dans la mesure où
ces droits ont vocation à établir un lien juridique entre un sujet de droit et un objet
donné en vertu duquel celui-là peut faire ou exiger quelque chose. « Maitrise », dans
le sens où son bénéficiaire peut disposer librement du droit ou du bien qui est reconnu
lui appartenir.

83/ Objet et Plan du titre. Ce faisant, la notion de droit subjectif ne cesse


d’alimenter des controverses tant en ce qui concerne sa définition, ses rapports avec le
droit objectif et sa quintessence. Il est incontestablement admis que les droits
subjectifs, en tant que l’un des mécanismes d’ordonnancement social, reconnaissent
des avantages aux citoyens ; mais il n’est pas vrai que tous ces avantages reconnus aux
citoyens sont exclusivement portés par les droits subjectifs. En d’autres termes, quoi
que présentés comme une limite des droits subjectifs, il n’est pas exclu que les sources
ou les branches de droit objectif reconnaissent des prérogatives aux sujets de droit. La
démarcation est purement théorique, fictive, et surtout, didactique. Qu’à cela ne tienne,
les droits subjectifs obéissent à un certain particularisme en ce qui concerne leurs
sources et classifications qu’une analyse singulière s’impose. Pour ce faire, il sera
question dans le présent titre, d’identifier la règle de droit subjectif (Chapitre 1) et d’en
analyser particulièrement l’un de ses sources importante qu’est l’acte juridictionnel
(Chapitre deux).

76
MULUMBA KATCHY, Introduction générale au droit, CREJA, Kinshasa, 2011, p.20.
77
TERRE F., Introduction générale au droit, 5ème éd., Dalloz, Paris, 2001, p.4.
40
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CHAPITRE 1er : L’IDENTIFICATION DE LA REGLE DE DROIT


SUBJECTIF

84/ Particularisme du droit subjectif. Les droits subjectifs peuvent être


identifiés de par leurs sources (Section 1) et leurs typologies (Section 2) qui dégagent,
sans se détacher totalement de la règle de droit objectif, un certain particularisme.

SECTION 1. SOURCES DES DROITS SUBJECTIFS

85/ Sources spécifiques des droits subjectifs. Hormis, toutes les sources de
droit objectif susmentionnées, les droits subjectifs peuvent également avoir des
sources particulières qui sont : le fait juridique, l’acte juridique, le quasi-délit, le quasi-
contrat et l’acte juridictionnel (ou la décision de justice). Au regard de leur
importance, nous n’aborderons au présent stade que les quatre premières. Tandis que
la dernière fera l’objet du chapitre suivant.

§1. Le fait juridique et le quasi-délit


86/ Le fait juridique : définition et classifications. Les faits juridiques sont des
événements qui engendrent des rapports ou conséquences juridiques qui n’ont pas été
recherché(e)s par les parties (sujets du droit). Non fixées par ces dernières, leurs
conséquences sont, donc, déterminées par la loi et leurs preuves s’établissent, a
posteriori, pour tout moyen. Les faits juridiques sont très variés qu’il est difficile d’en
dresser une liste ou de les classifier. Ils peuvent être des faits humains ou purement
matériels (force de la nature, phénomène naturel). Toutefois deux critères de
classification émergent. D’après le caractère intentionnel, l’on distingue deux types de
faits juridiques. D’une part, les faits juridiques volontaires (évènement résultant d’un
acte volontaire de l’agent quoique les conséquences légales n’ont pas été recherché) et,
d’autre part, des faits juridiques involontaires (évènements naturels, physiologiques
auxquels l’Homme est intéressé mais sans que les conséquences soient une fin
humaine). D’après leur origine78, l’on distingue quatre types des faits juridiques. Les
faits des phénomènes biologiques (les plus importants et récurrents tels que la
naissance, le décès, l’aliénation mentale), des phénomènes physiques ou naturels
(l’inondation, l’érosion, la foudre, la biodiversité…), des situations de vie courante (la
possession, la détention, la force majeure, la contiguïté de terrains…) ou encore de
l’écoulement de temps (la prescription, la forclusion…).

78
Nous adopterons la dernière classification qui englobe tous les types des faits juridiques plutôt que la première
qui inclue les quasi-délits et les quasi-contrats dans les faits juridiques volontaires.
41
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87/ Les quasi-délits. Une autre source de droit subjectif proche du fait juridique
est le quasi-délit. Ce dernier renvoie aux actes humains accidentels (imprévoyance,
imprudence, négligence, défaut de précaution) qui font naitre un lien juridique, non
voulu initialement, entre l’auteur de l’acte ou le maitre de la chose et la victime. Il
s’agit des agissements humains proches des délits mais qui, vu l’interprétation stricte
de la loi pénale, ne peuvent être appréhendés comme tels : ainsi d’un accident que l’on
cause, pour autant qu’il n’ait pas de conséquences trop graves pour autrui, auquel cas il
peut être appréhendé comme un délit. Les conséquences juridiques sont l’engagement
de la responsabilité civile pour faute en vertu de laquelle l’auteur de l’acte est tenu à
réparer le préjudice causé à la victime79. Le quasi-délit, avec le délit, forment la
deuxième source classique des obligations, plus particulièrement des droits subjectifs,
après le contrat. Le Décret du 30/07/1888 portant contrats ou obligations
conventionnelles ne lui consacre que cinq articles, les articles 258 à 262. Mais la
pratique judiciaire en fait une application très abondante. Ex. l’écroulement d’un mur
sur le véhicule du voisin…

§2. L’acte juridique et le quasi-contrat


88/ Définition de l’acte juridique. L’acte juridique est le fruit d’un accord
volontaire des parties conclu dans le but de produire des conséquences juridiques
recherchées par chacune d’elles. La volonté en constitue l’élément essentiel (exemple :
contrat de vente…). Il est assimilé à la loi qui est l’expression de la volonté générale:
c’est à juste titre que le législateur lui-même reconnait aux conventions, [entendues par
actes juridiques, spécialement les contrats], légalement signées la valeur de la loi pour
les parties80. Au doyen CARBONNIER de renchérir que « la clause est au contrat ce
que l’article est à la loi »81. Ainsi, les parties sont tenues de l’exécuter de bonne foi :
l’inexécution de l’une entraine, soit la résiliation automatique par l’autre (clause
résolutoire dans les contrats synallagmatiques: art. 82 CCL3) ou la réparation.

89/ Validité de l’acte juridique. De manière générale, la validité des actes


juridiques est soumise à deux catégories des conditions. D’une part, les conditions de
fond (substantielles)82 qui sont impératives et d’ordre public (le consentement, la
capacité, l’objet et la cause), et d’autre part, les conditions de forme (formelles) qui
sont, quant à elles, facultatives dépendamment de la nature de l’acte. Les actes
juridiques qui sont tenus de remplir les conditions formelles pour leur validité sont
qualifiés de « solennel » ou d’« authentique ». Ex : le contrat de mariage, la vente

79
Pour plus de précisions, lire ; KALONGO MBIKAYI, Droit civil : Les obligations, Tome 1, CRDJ, Kinshasa,
2012, p.179.
80
80 Art. 33 al.1. CC LIII
81
Droit civil, Tome II : Les biens et les obligations, PUF, Paris, 1ère éd, 2004, p.194.
82
Art.8 CCCLIII
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immobilère. Tandis que ceux qui en sont exonérés sont qualifiés de « sous-seing
privé ». Ex : l’acte de vente d’une voiture.

90/ Classification des actes juridiques. Les actes juridiques peuvent être
classifiés de plusieurs manières au regard notamment ; de leur objet, effet, la
réciprocité de la volonté, de l’intérêt financier, de la volonté des parties, de la
temporalité de leur réalisation ou modalité d’exécution….

 Au regard de la réciprocité de la volonté

91/ Les actes unilatéraux et les actes bilatéraux. L’acte unilatéral possède une
volonté unique et crée des obligations qu’à l’égard d’une seule partie. L’autorité
administrative procède particulièrement par ce mécanisme. Exemple : un testament, le
dépôt gratuit, le cautionnement. Tandis que l’acte bilatéral ou synallagmatique est
celui qui requiert au moins deux volontés et une réciprocité de prestation : chaque
partie doit exécuter une obligation. Au cas contraire, la parte lésée peut, soit solliciter
une exécution forcée ou des dommages-intérêts, soit refuser de s’acquitter aussi de sa
part (clause résolutoire : art 82 CCCLIII). Il s’agit principalement du contrat, défini
comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une
ou plusieurs autres, à donner à faire ou à ne pas faire quelque chose. Ex. : la vente, le
mariage.

92/ Il ne faudra pas confondre le contrat unilatéral à l’acte bilatéral, le contrat


unilatéral est un acte bilatéral parce qu’il exige la rencontre de deux ou plusieurs
volontés sauf que le produit à l’égard d’un seul cocontractant exemple la donation.

 Au regard de l’intérêt financier

93/ Les actes à titre gratuit et les actes onéreux. L’acte juridique à titre gratuit
est celui dans lequel les parties s’obligent sans une intention onéreuse : elles
consentent à un avantage qui ne demande pas une contrepartie (ex : le don). Tandis
que l’acte onéreux est celui dans lequel les parties recherchent chacune un avantage
généralement pécuniaire. Ils peuvent être commutatifs (lors que les contreparties sont
fixées et connues dès la conclusion de l’acte) ou aléatoires (lors que les contreparties
ne sont pas exactement définies et dépendent d’un événement incertain ou d’un aléa).
Dans la vie courante, les actes juridiques sont souvent bilatéraux à titre onéreux et
commutatifs (ex : contrats de vente, de location, de transport…), et exceptionnellement
aléatoires (ex : contrat d’assurance, le pari….).

 Au regard de la qualité des parties


94/ Les actes entre vifs et les actes à cause de mort. Le premier correspond à
l’acte qui produit des effets du vivant des parties (ses auteurs) ; tandis que le second

43
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produit des effets à condition du décès d’une des parties. Exemple : L’assurance-vie,
testament.

 Au regard de l’intention de leur auteurs

95/ Les actes constitutifs, translatifs et déclaratifs. Le premier a pour but de


faire naitre une nouvelle une situation juridique ou à modifier une situation antérieure.
Exemple : contrat de vente qui opère les transferts de propriété sur une chose d’un
individu à un autre. Le second a pour objet de transmettre d’une personne à une autre
des droits préexistant (Ex. testament). Quant au dernier, il ne fait qu’établir ou
reconnaître une situation juridique préexistante. Exemple une reconnaissance de dette.

 Au regard de temporalité de son exécution (réalisation)


96/ Les actes instantanés et les actes successifs. Le premier est celui dans
lequel l’objet de l’obligation se réalise et s’exécute en un trait de temps, c’est-à-dire,
un acte ponctuel ou immédiat (Ex. la commande d’un café au comptoir). Tandis que
pour le second, l’exécution est échelonnée dans le temps (Ex. contrat de bail).

97/ Le quasi-contrat, un consentement ultérieur à la réalisation de l’acte. Le


quasi-contrat est également une source de droit subjectif proche de l’acte juridique. Il
consiste en un fait purement volontaire dont résulte un engagement quelconque envers
un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties, sans qu’il ait eu
convention ni consentement préalable. Il se fonde sur un enrichissement sans cause et
sans contrepartie que le bénéficiaire doit compenser. Il s’agit notamment de la gestion
pour autrui et du paiement à l’indu. Ex.1 : Monsieur X a pris soin de nourrir les
enfants d’un couple-voisin retenu par un évènement quelconque loin de leur famille ;
A son retour, le couple est tenu de rembourser à son bienfaiteur la somme équivalente
aux dépenses engagées, comme s’il lui avait expressément confiée cette tâche (gestion
pour autrui). Ex.2 : Monsieur X a envoyé son fils remettre une somme à créancier
Monsieur Y ; mais son fils se trompe en la remettant à Monsieur Z ; ce dernier est tenu
de rembourser ladite somme à Monsieur Z (paiement à l’indu).

SECTION 2. CLASSIFICATION DES DROITS SUBJECTIFS

98/ Typologie des droits subjectifs. Les droits subjectifs dont les personnes
peuvent être titulaires se divisent en deux grandes catégories : les droits
extrapatrimoniaux et les droits patrimoniaux. Cette catégorisation a pour critère la
valeur monétaire (ou marchande) du droit permettant son intégration ou pas dans le
patrimoine de son bénéficiaire, personne physique ou morale.

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§1. Les droits extrapatrimoniaux


99/ Définition des droits extrapatrimoniaux. Les droits extrapatrimoniaux
sont constitués des prérogatives hétérogènes reconnues aux sujets de droit que la
période moderne a tendance à multiplier. Ils renvoient aux droits, à caractère moral,
directement rattachés à la personne de leur titulaire que l’on ne peut les évaluer en
argent. Ils sont situés hors du patrimoine de l’individu.

99’/ Classification des droits extrapatrimoniaux. Il s’agit principalement ;


- des droits civils (liés à la nationalité, à la personne, à la famille, l’état civil, la
filiation, la parenté, l’état matrimonial) ;
- des droits politiques (ou civiques) qui consistent en la prérogative de participer à la
gestion de la chose publique, soit en qu’électeur ou éligible (candidat). Leur
privation ne peut être objet de sanction pécuniaire. Sauf si la loi en prévoit
autrement.
- des droits de l’Homme qui constituent une nébuleuse appréhendée sous des
appellations différentes (droits humains, droits fondamentaux ou encore libertés
publiques) renvoyant à certains droits civils inhérents à la nature humaine consacrés
souvent par les traités internationaux et les constitutions modernes qui ne peuvent
acceptés aucune restriction, sauf dans les hypothèses exceptionnelles prévues par les
textes. Ex : le droit à la vie, le droit au respect de sa vie privée, droit à l’honneur, la
liberté de mouvement (d’aller et venir), liberté d’opinion (d’expression), la liberté
religieuse), liberté associative (de réunion et de manifestation), liberté de la presse...

100/ Caractères des droits extrapatrimoniaux. Les droits extrapatrimoniaux


présentent quatre caractères :
- l’intransmissibilité : ils ne peuvent pas être cédés (incessibles), ni transmis, c’est-à-
dire, ils ne peuvent être objet d’une vendre, d’une location ou cession même en
héritage.
- l’imprescriptibilité : ils ne peuvent pas être perdus ou acquis avec le temps.
- l’insaisissabilité : ils n’ont aucune valeur marchande.
- Une sanctionnabilité particulière : lorsqu’ils ne sont pas respectés, ces droits
donnent lieu à des sanctions variables qui sont exceptionnellement de nature
pécuniaire (dommages-intérêts, créance d’indemnisation), telles que : les sanctions
pénales ou civiles, injonctions prononcées par le juge administratif (référé-liberté,
injonction de donner accès à un document administratif communicable…). Le juge
dispose généralement des pouvoirs de faire cesser le trouble qui y est apporté

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§2. Les droits patrimoniaux

101/ Définition et caractère des droits patrimoniaux. Les droits patrimoniaux


sont des prérogatives de l’individu évaluables en argent et qui font partie de son
patrimoine. Ils présentent des caractéristiques inverses à ceux des droits
extrapatrimoniaux : ils sont en principe cessibles (à titre onéreux ou gratuit),
transmissibles, sauf dérogation expresse de la loi, par voie successorale, prescriptibles
et saisissables. Néanmoins, cette transmissibilité peut être restreinte par la loi ou par
les principes généraux de droit au regard du principe « Nemo plus juris transferre
potest quam ipse habet » (l’on ne peut pas transférer plus de droits que l’on en a). Leur
respect implique que leurs titulaires puissent s’en prévaloir vis-à-vis d’autrui en
invoquant divers mécanismes légaux (« opposabilité »).

102/ Typologie des droits patrimoniaux. Le premier article de la loi n°73-021


du 20/07/1973 qualifie les droits patrimoniaux de « biens » et les divisent en trois
catégories ; les droits personnels (droit de créance ou d’obligation), les droits
intellectuels et les droits réels. Les deux premières catégories ont un caractère
immatériel tandis que la troisième catégorie a un caractère matériel. Les droits réels et
intellectuels sont opposables aux tiers (opposabilité « erga omnes »), qui doivent les
respecter sous peine d’ennuis divers et variés, mais les droits personnels ne sont
opposables que de façon très limitée : - lorsqu’ils trouvent leur source dans un contrat,
un quasi-contrat ou un quasi-délit, ils ne sont opposables qu’aux personnes concernées
par ce mécanisme juridique créateur d’obligations (opposabilité « erga partes »).

1. Les droits personnels


103/ Définition des droits personnels. Les droits personnels (jus in personam)
sont les droits sur une chose exercés par l’intermédiaire d’une personne. Ils établissent
un rapport indirect entre une personne et une chose. Ils sont ont aussi appelés,
notamment par le législateur congolais, « droits de créance ou d’obligation », la
créance portant ici sur un objet ayant une valeur monétaire, et non sur un droit de
l’homme ou sur une liberté fondamentale aux contours flous et au contenu
extrapatrimonial: il s’agit donc souvent d’une créance au sens comptable du terme,
inscrite dans l’actif circulant du bilan de la personne concernée, mais cette créance
peut porter sur une prestation en nature susceptible d’évaluation. En sens inverse, on
peut donc être débiteur d’une obligation en nature et non pas seulement d’une somme
d’argent.

2. Les droits intellectuels


104/ Définition des droits intellectuels. Les droits intellectuels sont les liens
juridiques qui relient un sujet de droit avec une création d’ordre culturel ou artistique,
ou encore toute invention, non palpable ou immatériel mais évaluables en argent. Ils

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sont proches des droits réels en ce qu’ils sont opposables erga omnes, mais ils portent
sur des « biens immatériels » (invention et œuvre d’esprit). En revanche, ils sont
toujours un caractère mobilier, et se rapprochent sur ce plan des droits personnels.
Leur caractère immatériel nécessite le plus souvent un dépôt officiel de brevet (brevet
d’invention, marque de fabrique, droits d’auteurs…) qui a pour but l’information du
public et des professionnels, donc l’opposabilité générale du droit subjectif.

3. Les droits réels


105/ Définition des droits réels. Un droit subjectif est réel lorsqu’il porte sur
une chose. Ainsi, le droit réel (jus in re : droit sur une chose) est le rapport direct et
immédiat entre une personne et une chose en vertu duquel le sujet de droit exerce un
pouvoir quelconque sur la chose. Cette dernière peut être classifiée d’après plusieurs
critères notamment l’aptitude à faire objet ou pas d’une appropriation ou encore à être
déplacés (mobilité).

106/ Classification des choses. Le critère d’appropriation distingue globalement


les biens des choses. Cette dernière est une catégorie juridique qui renferme tout ce qui
n’est pas un être humain (animal, l’eau, bois, voiture…). Tandis que le bien est
seulement la chose susceptible d’appropriation par une personne juridique et dotée, de
ce fait, d’une valeur économique. Ainsi, les choses peuvent être ; sans maitre,
communes et abandonnées. Les choses sans maitre (res nullius) sont celles qui ne
peuvent être susceptibles d’appropriation : elles n’ont personne comme titulaire
exclusif. Ex : Les oiseaux dans la nature, les animaux sauvages. Les choses communes
(res communis) sont ceux qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à
tous (la mer, le fleuve, l’air…). Les choses abandonnées (res derelicatae) sont celles
qui sont abandonnées volontairement par leur maitre.

107/ Classification des biens. D’après le critère de mobilité, les biens peuvent
être mobiliers (les meubles) ou immobiliers (les immeubles). Les premiers, qui sont
susceptibles d’être déplacés, peuvent être corporels (s’incarnent sur une matière, c’est-
à-dire ayant un corps tels que la voiture, le téléphone) ou incorporels (ne s’incarnent
pas sur une matière ou qui sont immatériels tels que les actions dans une société, une
créance), consomptibles (qui se détruisent après le premier usage) ou non
consomptibles (résistent à l’utilisation même répétée). Tandis que les seconds ne
peuvent être déplacés : ils sont généralement non consomptibles et non fongibles. Ils
sont de trois catégories en droit congolais ; les immeubles par nature (immobilisés
par le fait de la nature tels que le sol et le sous-sol), les immeubles par incorporation
(immobilisés par le fait qu’être attachés à l’immeuble par nature tels que les arbres, les
bâtiments ainsi que tous les meubles attachés dans le bâtiment par un travail de
maçonnerie…) et les immeubles par destination (qui sont des meubles placés dans un

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immeuble par destination pour permettre une exploitation de ce dernier tels que les
bancs d’une école, les meubles d’un hôtel...).

108/ Classifications des droits réels. Ce faisant, plusieurs types de rapports


juridiques peuvent lier un bien et un sujet de droit. Le plus absolu et le plus complet
qui puisse exister est qualifiée de la propriété. Les autres droits réels (concession,
emphytéose, usage, usufruit, gage, hypothèque, louage, servitude, habitation…) n’en
sont que les démembrements. La propriété qui peut être définie comme le droit de
jouir des choses de la façon la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage
prohibé par la loi et les règlements. Ce droit sous-entend trois prérogatives :

 usus : le droit d’user ;


 fructus : le droit de jour, de profiter soit même de la chose ;
 abusus : le droit de disposer, d’aliéner de vendre ou de jeter.

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CHAPITRE II : L’ACTE JURIDICTIONNEL

109/ Définition de l’acte juridictionnel. Par acte juridictionnel, l’on entend la


décision de justice tranchant un conflit entre les sujets de droit ou reconnaissant un
droit à ces derniers. Il peut aussi être constitutif de source de droit subjectif pour les
parties au procès ; et ses effets se limitent généralement à ces dernières (erga partes).
Il émane des organes du pouvoir judiciaire dont l’intervention, contrairement aux
autres pouvoirs, est toujours ponctuelle et provoquée (section 1), et par conséquent,
limitée et pondérée par la nature du litige (section 2). A cet effet, la doctrine positiviste
la présente comme la déclaration d’une règle préexistante.

SECTION 1. L’ACTE JURIDICTIONNEL, UNE REGLE PROVOQUEE

110/ L’intervention dérivée du juge dans le processus juridique. Le moment


de l’intervention du juge dans la vie de la règle juridique particularise cet organe.
Pendant que les organes des autres pouvoirs agissent en amont de l’élaboration de la
règle juridique, le juge agit en aval ; quoique cette intervention peut jeter les prémices
de l’élaboration d’une nouvelle règle (d’où le rôle avant-gardiste de la jurisprudence)
ou encore donner naissance à une nouvelle règle pour les parties (d’où son effet « erga
partes »). Cette particularité induit, non seulement une intervention postérieure à
l’existence de la règle, mais aussi à une intervention indirecte soumise généralement à
une volonté expresse des parties à impliquer le juge dans leurs relations juridiques en
faisant appel à son office. L’action en justice apparait donc comme un acte
potentiellement provoqué par une volonté externe au juge (l’action en justice : §1),
préalablement et concrètement exprimée par les parties (la demande en justice : §2)

§1. L’action en justice


111/ Le droit au juge, droit vecteur. Le fondement théorique de l’acte
juridictionnel est l’action en justice, définie comme le droit reconnu à tout individu de
saisir une tierce personne, extérieure au conflit (juge ou arbitre), afin de lui soumettre
sa prétention. Ce droit est aussi appelé « droit au juge ». En effet, pour la sauvegarde
de la paix, chaque société édicte des règles bien précises qui indiquent les voies
obligatoires que doivent emprunter les citoyens en cas de violation ou de contestation
leurs droits subjectifs. La voie judiciaire constitue un élément cardinal et déterminant
de la pérennisation de la société et évite le recours à la vengeance privée qui peut
également être génératrice d’autres conflits et troubles publics83. Elle permet donc de
canaliser, d’encadrer, et même, de justifier tant la réaction sociale que celle de la

83
JEULAND E., Droit processuel, LGDJ, Paris, 2003, p.181 ; PAUVERT B. & LATOUR X., Libertés
publiques et droits fondamentaux, Studyrama, 2ème éd., Paris, 2013, p.120.
49
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personne lésée. Elle revêt, dès lors, une fonction essentielle pour les particuliers en ce
sens qu’elle est le vecteur d’autres droits : c’est un droit fondamental qui permet de
faire reconnaitre d’autres droits. Elle est à la fois un droit subjectif, particulièrement
processuel, et également une source de droit subjectif. Mais, elle ne reste qu’une
faculté ; car tous les citoyens dont les droits ont été contestés ou violés ne saisissent
pas, pour plusieurs raisons, forcément le juge étatique, voire même, le juge privé84.

§2. La demande en justice


112/ La demande au juge, une action en justice effectivement intentée.
L’action en justice doit effectivement être exercée pour créer des droits subjectifs : dès
lors, elle devient une demande en justice. Elle se concrétise, dans la pratique, par la
saisine du juge qui lie ce dernier au conflit et aux parties. En effet, dès qu’il est saisi, le
juge ne peut se dédouaner ou refuser de dire le droit, même en cas d’absence de la
règle juridique correspondante dans l’arsenal juridique, sous réserve d’engager sa
responsabilité pour déni de justice.

113/ Conditions de validité de l’acte juridictionnel. C’est donc uniquement la


demande en justice, plus précisément la saisine du juge, qui aboutit à un acte
juridictionnel. Ce dernier doit également, afin de produire effectivement des effets
juridiques, réunir deux conditions, à savoir :

- avoir un caractère définitif (force de la chose jugée). En effet, toute décision de


justice est sensée porter une « vérité judiciaire », qualifiée d’ « autorité de la chose
jugée »85, que les parties sont tenues de respecter quoique ne coïncidant toujours avec
la vérité objective. Cette vérité « judiciaire » est relative jusqu’à un moment où, par
sécurité juridique, elle doit être considérée comme absolue. Elle acquiert donc un
caractère définitif ou inattaquable : on dit que l’acte juridictionnel est revêtu, doté ou

84
Tous les conflits ne sont pas forcément portés devant les juridictions instituées par l’Etat (justice étatique), il
existe aussi d’autres mécanismes tendant à régler les conflits à l’amiable ou en dehors des institutions
juridictionnelles (justice privée), désignés par « modes alternatifs de règlement des conflits » (MARC) qui
toutefois exigent globalement une intervention du juge étatique, soit en amont (déferrement), soit en aval
(revêtement de la force exécutoire). En effet, après monopolisation de la répression par l’Etat (c’est-à-dire, des
conflits pénaux), les MARC se sont cantonnés au droit privé. C’est ainsi que le droit congolais en organise
plusieurs types, essentiellement dans la sphère du droit civil (art. 159 à 174 CPC) et économique. Il s’agit
notamment de ; la conciliation[en matière de divorce (art 553-567 Code de la famille tel que modifié et complété
à ce jour) ou des conflits individuels et collectifs du travail (298-302, 304-308 C.travail)], l’arbitrage (Ohada,
art. 37 et 38 L. n° 004/2002 du 21/02/2002 portant Code des investissement, 318-320 L. n° 007/2002 du
11/07/2002 portant Code minier) et la médiation (conflit collectif du travail : 309 - 315 C. travail). Toutefois, la
loi sur la protection de l’enfant a réintroduit la perspective de déjudiciarisation des conflits pénaux avec la
procédure de la médiation pénale. Lire ; KASONGO LUKOJI G.D., Essai sur la construction d’un droit pénal
des mineurs en RD Congo à la lumière du droit comparé : Analyses lege lata et lege feranda, Thèse préc.,
§§.202, 258 et svt. ; MATADI NENGA G., Droit judiciaire privé, Académia-Bruylant, Bruxelles, 2006, pp.663-
670 ; PELISSE J., « Judiciarisation ou juridicisation ? Usages et réappropriations du droit dans les conflits du
travail», Politix, 2009/2, n° 86, pp.73-96.
85
La chose jugée doit être tenue pour une vérité universelle : « res judicita pro veritate habetur ». Il s’agit d’un
principe, mieux d’un consensus, pour le bien de tous et la légitimité de l’institution judiciaire.
50
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coulé de la force de la chose jugée. Ce qui arrive dans deux cas, soit en cas
d’épuisement des voies de recours, soit en cas de leur irrecevabilité parce qu’exercées
hors délai (forclusion).
- avoir été dûment signifiée à son ou ses destinataires. Une décision
juridictionnelle simple et classique confère des droits à la partie gagnante et des
obligations à la partie perdante. Elle doit donc être portée à la connaissance de parties
au procès, principalement de la partie perdante. Dès cet instant, l’acte est réputé
produire ses effets. La signification sanctionne la naissance de la règle de
jurisprudentielle.

§3. Les conditions d’exercice de l’action en justice


114/ Conditions d’intentement d’une action en justice. Pour saisir le juge et
lui soumettre sa prétention, il faudrait réunir certaines conditions, à savoir ; l’intérêt, la
qualité et la capacité.

1. L’intérêt à agir
115/ L’intérêt avant d’ester en justice. L’intérêt est le fondement de l’action, il
ne suffit pas, en effet, d’être titulaire d’un droit pour agir en justice. Il faut justifier un
avantage à avoir sa prétention reconnue en justice. D’où, l’adage : « pas d’intérêt, pas
d’action ». L’intérêt doit présenter quatre caractères :
- direct : il doit découler ou être lié directement du succès de l’action.
- légitime : il ne doit être contraire aux bonnes mœurs et à la loi.
- personnel : attaché au demandeur, sous réserve des atténuations légales admises.
Seul le ministère public est chargé de représenter les intérêts de la société.
- né et actuel : aucune action n’est accordée en réparation d’un préjudice éventuel
ou hypothétique.

2. La qualité pour agir


116/ La qualité pour ester en justice. Elle est le titre qui permet au plaideur
d’exiger au juge de statuer sur le fonds du conflit, c’est-à-dire, sur le litige qu’il lui
soumet. En principe, toute personne a qualité pour agir sauf dans le cas où le droit à
agir est limité à quelques personnes qu’à d’autres. Par exemple l’action en paternité
(père), l’action en divorce (époux)… on dit ces actions sont attribuées c’est-à dire les
titulaires des actions sont spécialement désignés. Il est établi que pour les personnes
morales, particulièrement les sociétés commerciales de droit privé, elles agissent en

51
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justice par les personnes physiques habilitées par leurs statuts ou munies d’un mandat
ad litem.86

3. La capacité.
117/ La capacité d’ester en justice. La capacité juridique est l’aptitude d’une
personne à être sujet de droits et d’obligations, à acquérir des droits aux fins d’en jouir
et de les exercer. Dans la première hypothèse, l’on parle de la capacité de jouissance
qui renvoie aux prérogatives reconnues aux personnes, d’où, la personnalité juridique.
Elle est « reconnue en principe à toutes les personnes physiques et, en fonction de leur
nature, de leur objet et de leur forme, aux personnes morales »87. Ex : le droit à la vie,
le droit à l’intégrité physique (pour les individus), le droit de la propriété (pour les
personnes morales), etc. Tandis que dans la seconde hypothèse, il s’agit de la capacité
d’exercice qui constitue la faculté de mener personnellement la vie juridique : elle
n’est pas reconnue à tous les sujets de droits. Ex : le droit de vote, droit d’ester en
justice, droit d’accomplir des actes juridiques. Toute personne à qui la loi ne reconnait
pas cette prérogative est dite « incapable ». En droit congolais, le régime de la capacité
juridique est fixé par le code de la famille. En vertu des dispositions pertinentes de ce
texte (art. 215 CF), les personnes âgées de moins de dix-huit ans (mineurs), les
majeurs aliénés et les majeurs faibles d’esprit ou prodigues ont une capacité de
jouissance mais une incapacité d’exercice de leurs droits88. Ils sont soumis, selon le
cas, pour la validité de leurs actes, au régime de représentation (mineurs), de curatelle
ou d’assistance. A cet effet, le mineur congolais n’a pas la capacité d’ester seul en
justice : il doit agir nécessairement par le canal de son représentant légal ou, dans
certains cas, du ministère public.

SECTION 2. L’ACTE JURIDICIONNEL, UNE REGLE LIMITEE

118/ L’intervention muselée du juge. L’action en justice tend à canaliser, non


seulement la réaction des individus en cas de contestation de leur droit mais aussi celle
de la société, des pouvoirs publics ainsi que du justicier. De ce fait l’intervention du
juge n’est toutefois pas libre et absolue: elle est encadrée par des règles précises et,
plus particulièrement, par la demande ou les prétentions des parties. En effet, l’objet de

86
Voir : BOTAKILE BATANGA, Précis du contentieux administratifs congolais, Académia - L’Harmathan,
Bruxelles, 2017, pp.171-173 ; KABANGE NTABALA, Droit administratif général, Tome 1, Kinshasa, 1997,
p.99 ; LUKOMBE NGHENDA, Droit congolais des sociétés, Tome 1, PUC, Kinshasa, 1999, pp.161-170.
87
CORNU G. (dir.), Op.cit..
88
En ce qui concerne les mineurs, cette règle admet quelques atténuations, particulièrement en matière du droit
de travail (capacité contractuelle rabaissée à 15 et 16 ans : art. 6 C.travail et 50 LPE) et actes de vie courante de
moindre importance. Il était également, jadis, reconnu à la fille impubère la capacité contractuelle en matière de
mariage jusqu’à ce que la loi sur la protection de l’enfant interdise le mariage et les fiançailles entre enfants
(art. 48) au point que l’émancipation par le mariage (ancien art. 288-289 CF) n’a plus lieu d’être. Par ailleurs, il
faut souligner que même si le mineur outrepasser ce droit, ces actes ne sont frappées que d’une nullité relative,
c’est-à-dire, celle qui ne peut être invoquée que par lui-même et pas l’adulte avec qui il a co-contracté.
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la demande des parties va moduler aussi bien les mécanismes de saisine que les règles
applicables à sa résolution. En d’autres termes, il va limiter l’intervention du juge au
regard de la nature de litige (§1) ou de sa mission (§2).

§1. Modulation de l’intervention du juge par la nature du litige


119/ L’action civile et l’action publique. La nature du litige peut démarquer
l’action en justice, exclusion faite à l’action portée devant les juridictions
administratives89, en deux types, à savoir ; l’action civile (1) et l’action publique (2)
dont les modalités de preuve, de saisine, de déroulement d’instance et de sanction
divergent. Elle structure même, de ce fait, l’organigramme des juridictions nationales
(voir tableau synthétique à la dernière page).

1. L’action civile
120/ Définition et objet de l’action civile. L’action civile est une action [en
justice] en vue d’obtenir la réparation du tout préjudice causé par l’acte d’autrui, des
personnes étant sous la garde d’autrui ou des choses appartenant à autrui. Dans ce
procès, les parties sont quasiment maitres de l’instance : elles limitent sensiblement
l’étendu de l’intervention du juge à l’objet de la demande (principe dispositif) et le
cantonnent à un rôle passif (il ne s’en tient qu’aux moyens que les parties lui
soumettent). Les moyens de preuve sont légaux et hiérarchisés (la preuve littérale, la
preuve testimoniale, la présomption, l’aveu et le serment)90, exceptés en droit
commercial où ils sont libres.

121/ Parties au procès civil. Le procès civil comprend éventuellement trois (3)
parties, à savoir :
- Le demandeur (celui qui introduit l’action)
- Le défendeur
- le Ministère public (qui agit soit par voie d’action, soit par voie d’avis).
89
Pour besoin de spécialité, de célérité, la Constitution (art. 149 al. 1 à 2 et 154) a éclaté le système judiciaire
unitaire, qui a toujours caractérisé notre pays, en trois ordres juridictionnels, à savoir ; les juridictions de l’ordre
judiciaire (placées sous le contrôle de la Cour de Cassation), les juridictions de l’ordre administratif (coiffées
par le Conseil d’Etat) et la Cour Constitutionnelle. Quoi que poursuivant un objectif bien déterminé (contrôle de
la légalité des actes des autorités administratives) et sous réserve d’autres règles particulières, l’action portée
devant les juridictions administratives obéit généralement aux règles de l’action civile (de droit privé) qui fait
office de droit commun des règles processuelles.
90
La preuve littérale (écrite) peut être soit un acte authentique (dont les conditions de forme sont prescrites),
soit un acte sous-seing privé (dont la forme n’est pas prescrite mais laissée à la liberté des parties), soit tout autre
écrit. La preuve testimoniale résulte de la déposition de témoins, c’est-à-dire des personnes qui ont vécu ou
entendu directement les faits. La preuve par présomption est une déduction fondée sur des indices, des
apparences, des probabilités et, parfois, des règles naturelles immuables, supposées universellement comme
vraies (Ex.: le délai de viduité, la filiation paternelle en cas d’enfant né dans le mariage). L’aveu est la
reconnaissance par une partie de l’exactitude des faits allégués contre elle. Le Serment est une déclaration faite
par une personne pour confirmer ou infirmer la véracité d’un acte ou un fait juridique : il sous- entend que
l’individu ait juré avant de faire sa déposition. Ainsi il est reconnu aux parties au procès le droit de mentir et non
aux témoins, enseignants et experts dont les déclarations sont faites sous serment.
53
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2. L’action publique
122/ Définition et objet de l’action publique. L’action publique est une action
[en justice] en application des peines. Elle est consécutive à la commission d’une
infraction et à l’existence du préjudice qui en découle. De ce fait, elle a double
objectif : elle vise principalement la répression de l’auteur de l’infraction (d’où son
aspect public), d’une part, et la réparation du préjudice subi par la victime (son volet
privé), d’autre part. En effet, la société estime que l’infraction constitue préalablement
un trouble à l’ordre public, un danger pour sa pérennité avant de causer un dommage à
la victime, qui n’est toujours une personne physique. C’est ainsi qu’elle s’est octroyée
le monopole de sa poursuite qu’il délègue à un organe spécifique dénommé le
« parquet » (ou le ministère public), pourvu des certains pouvoirs exorbitants. Axé sur
la recherche de la vérité et le rétablissement de l’ordre public, le procès pénal admet
tous les moyens de preuve (liberté de preuve) et reconnait au juge un rôle actif (il peut
participer à la découverte de la vérité).

123/ Parties au procès pénal. Ainsi, contrairement au procès civil, le procès


pénal comprend trois (3) ou éventuellement quatre (4) parties, à savoir :
- Le Ministère public (partie principale)
- Le prévenu (le délinquant)
- La partie civile (la victime)
- (Et de fois,) le civilement responsable.

§2. Modulation de l’intervention du juge au regard de sa mission


124/ Dans l’exercice de sa fonction, le juge est à la charnière de la réalisation des
droits subjectifs et du droit objectif. Dépendamment du litige, et particulièrement de
l’étendue de son intervention, il lui est reconnu deux types de mission ; d’une part, la
mission contentieuse, et d’autre part et exceptionnellement, la mission gracieuse et
consultative.

1. La mission contentieuse
125/ Mission contentieuse, mission juridictionnelle principale. La mission
principale et naturelle du juge est de départager les parties en disant le droit, c’est-à-
dire, à trancher une contestation par application du droit. Raison pour laquelle, il lui
est exigé une neutralité à l’égard du litige et des parties. Ainsi, des mécanismes sont
prévus pur assurer cette neutralité (la récusation, le déport et le renvoi : art. 49 à 62 LO
OCJ). La nature de la fonction commande le régime des actes par lesquelles s’exerce
l’action du juge. En principe, pour aiguiser son intime conviction, le juge devra laisser
non seulement à chaque partie le soin de lui présenter librement ses arguments,
prétentions et moyens des preuves mais aussi, de contredire et discuter de la véracité
ceux présentés par l’autre (principe du contradictoire).

54
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126/ Etapes de la mission contentieuse. L’exercice de la juridiction


contentieuse se déroule en trois étapes, fruit du syllogisme déductif, à savoir ;
- la constatation et l’appréciation du fait (civil ou infractionnel) : une opération
consistant à relever l’existence d’un fait (dommage, paternité, lésion corporelle)
et à évaluer sa gravité (faute est-elle lourde ou légère ? les blessures sont-elles
légères ou aggravées ?)
- l’identification de la norme et son application au fait constaté : c’est une
opération qui, comporte l’énoncé de la règle de droit, la qualification de fait et
abouti à l’application, à la règle au fait de l’espèce. Il s’agit d’un syllogisme
dont la majeure est la règle, le mineur le fait et la conclusion, la solution.
- La solution : opération qui consiste pour le juge à statuer en fait et en droit, donc
à trancher les litiges, à les résoudre, à lui donner une solution qui est censé faire
cesser le conflit et ramener la paix entre adversaire.

2. La mission gracieuse et consultative


127/ Mission contentieuse, mission juridictionnelle subsidiaire. La fonction
gracieuse est une extension de la fonction précédente. Elle constitue une mission
subsidiaire des juridictions et se rapporte essentiellement à la matière privé et
administrative. Elle se caractérise par l’absence des litiges opposant deux ou plusieurs
parties. En droit privé, le juge aura pour mission d’exercer un contrôle sur certains
actes privés, les constater, les homologuer ou les ordonner : il intervient pour
officialiser un acte que la loi n’a pas voulu abandonner à la seule volonté des
particuliers. Ex : Signature d’une ordonnance d’exequatur, jugement supplétif à l’acte
de naissance. En droit administratif, cette mission va consister à donner des avis sur le
fondement, la légalité et l’opportunité des actes des autorités administratives
(compétence consultative des juridictions administratives).

55
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2ème PARTIE :

L’INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC

56
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128/ La règle de droit public. Cette partie de notre cours se rapporte aux règles
qui ont vocation à s’appliquer aux rapports entre l’Etat et, d’une part les particuliers, et
d’autre, les autres personnes de droit public.

129/ Particularisme de la règle de droit public. Ces règles se particularisent


par la présence de l’Etat, de ses démembrements (collectives locales, établissements
publics et entreprises publiques) ou de ses émanations (organisations internationales),
à titre de destinataire de la règle ou de partie dans le rapport juridique. Car, cette
présence va modifier, non seulement la nature, mais aussi la substance et les caractères
de la règle de droit. En effet, il sera généralement reconnu à l’Etat et à ses
démembrements ou émanations des prérogatives exorbitantes de puissance publique
attachées à leur mission d’intérêt général ; lesquelles pourront empiétés sur des intérêts
privés. Ce qui n’exclut, toutefois pas que ces entités de droit public entretiennent des
rapports égalitaires avec les particuliers comme en droit privé. Raison pour laquelle
tout ce qui été dit dans la première partie peut s’appliquer mutatis mutandis dans cette
partie ; mais aussi ce qui sera dit dans cette partie se démarquera à ce qui a été déjà dit.
Ce qui fait dire à certains auteurs que le droit public n’est, en effet, que les exceptions
du droit privé. Sa spécificité se manifeste principalement en ce qui concerne le contenu
et le caractère de sa règle juridique (Titre I) ainsi que ses acteurs (Titre II).

Titre 1 : Le contour du droit public


Titre 2 : Les Acteurs du droit public

57
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TITRE 1er : LE CONTOUR DU DROIT PUBLIC

130/ Objet et Plan du titre. Pour appréhender la particularité de la règle de


droit public, il sied de passer en revue son objet, sa structure, son origine ainsi que sa
substance. Raison pour laquelle le présent titre analysera ; dans un premier temps, la
spécificité de la règle de droit public (Chapitre 1) ; puis dans un deuxième temps, les
sources du droit public (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1er : LA SPECIFICITE DE LA REGLE DE DROIT PUBLIC

131/ La reconnaissance du particularisme de la règle du droit public relève de


lieu commun. Cette spécificité se manifeste en ce qui concerne ; d’une part, ses
caractères qui induisent également la spécificité de son objet (section 1), et d’autre
part, ses branches qui témoignent de la superposition, mais aussi l’interpénétration, des
ordres juridiques interne et international (section 2).

SECTION 1. LES CARACTERES DE LA REGLE DE DROIT PUBLIC

132/ Caractères spécifiques de la règle de droit public. Au-delà des caractères


sus-évoqués dans la première partie (généralité et abstraction, permanence et
variabilité, coercition et obligatoire), la règle de droit public présente trois autres
caractères particuliers, à savoir : la délicatesse et le caractère dérogatoire et prétorien.

§1. Une règle délicate


133/ Droit public, droit délicat. Attaché directement à l’organisation et à
l’exercice du pouvoir ainsi qu’à la gestion des citoyens et des services publics à travers
les entités publiques (issues de l’Etat, de ses démembrements et de ses émanations), la
règle du droit public est hautement politisée sur le plan interne et « hégémonisée » sur
le plan international. En d’autres termes, c’est un droit de l’équilibre et l’opportunité
qui implique un dosage harmonieux et pragmatique des divers intérêts (publics et
privés). C’est ainsi qu’à tout moment, l’Etat peut privilégier l’intérêt général ou
collectif au détriment des intérêts privés ou droits subjectifs reconnus aux individus,
pour la pérennisation de la société et le maintien de l’ordre public. Par exemple, pour
le besoin de construction d’un marché public, l’Etat ou une entité territoriale
décentralisée peut recourir à l’expropriation pour utilité publique pendant que le droit
de propriété est constitutionnellement garanti et consacré comme étant le droit réel le
plus absolu (art. 34 const.). Raison pour laquelle, les règles de droit public relèvent
généralement du droit objectif, sans pourtant exclure la possibilité qu’elles
reconnaissent des droits subjectifs (ex : droit de vote).

§2. Une règle dérogatoire et prétorienne


134/ Droit public, droit dérogatoire. Régissant les rapports des personnes
morales de droit public, la règle de droit public se caractéristique par la prérogative de
puissance publique reconnue à ces personnes. Ces dernières n’hésitent pas à recourir
au monopole de la contrainte légitime pour réaliser la mission d’intérêt général. La
règle de droit public déroge, à cet effet, à la règle de droit privé qui postule pour des
rapports égalitaires entre sujets de droit : elle bénéficie d’une présomption ou d’un
59
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privilège du préalable ou mieux, des prérogatives exorbitantes du droit commun. Ce


dernier principe suppose non seulement la hiérarchie entre intérêts privé et public mais
aussi entre des intérêts publics ; tandis que le précédent (monopole de la contrainte
légitime) signifie que l’Etat peut recours à tous les moyens de droit et de contrainte qui
sont à sa disposition pour assurer l’application de la règle de droit public.

135/ Droit public, droit prétorien. Eu égard à son équilibrisme et


opportunisme, les règles de droit public ne sont pas forcément écrites ou édictées par
le Législateur. Certaines d’entr’elles sont issues des solutions sui-généris relevant de la
casuistique et du bon office des juges. D’où son activisme jurisprudentiel et
l’importance des sources non-écrites, particulièrement le PGD, dans cette branche du
droit.

SECTION 2. LES BRANCHES DU DROIT PUBLIC

136/ Subdivision du droit public. L’Etat peut, lui-même par le canal de ses
démembrements et émanations, entretenir des rapports juridiques tant au niveau
national (avec les particuliers, avec les autres personnes morales de droit public
interne) qu’international (avec d’autres Etats ou des regroupements d’Etats). Ainsi, les
branches du droit public sont généralement réparties, en fonction des rapports
susmentionnés, en deux ensembles ; d’une part, celles qui relèvent du droit interne
(§1), et d’autre part, celles qu’on attache au droit international (§2).

§1. Les branches du droit public interne

137/ Objet et branches du droit public interne. Le droit public interne est
composé des règles qui organisent le fonctionnement de l’État et de ses
démembrements d’une part, qui gouvernent leurs rapports ou ceux de leurs agents avec
les particuliers, d’autre part. Il se subdivise en plusieurs branches notamment ;

- Le droit constitutionnel qui est fondé essentiellement sur la Constitution (droit


de la Constitution). La fonction de cette dernière ayant évolué dans le temps, le
contenu de la discipline a été également modifié. Ainsi, le droit constitutionnel ;
d’une part, organise l’Etat en fixant ses missions, ses caractères et la répartition
du pouvoir entre les différentes institutions (droit constitutionnel institutionnel)91,
et d’autre part, garantit la protection des libertés fondamentales des citoyens
(Droit constitutionnel des libertés fondamentales)92. D’un instrument purement
politique, la constitution est devenue un instrument juridique dont la juridicité est
renforcée par l’instauration d’une Cour constitutionnelle.

91
Titre III et suivant de la Constitution de la RDC, soit à partir de l’article 68.
92
Spécialement Titre II de la Constitution de la RDC, soit de l’article 11 à 67.
60
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

- Le droit administratif qui est le droit de l’Administration, c’est-à-dire, le droit


applicable à l’Administration entendue comme l’Etat dans sa mission de
poursuite de l’intérêt public. La plus vaste, complexe et jurisprudentielle branche
du droit public interne, il détermine l’organisation, le fonctionnement et le
contrôle l’Administration et des personnes publiques dotées d’une mission de
service public (universités publiques, les mairies, hôpitaux publics, les
entreprises publiques) ainsi que leurs rapports avec les citoyens appelés
usagers93.
- Le droit des finances publiques qui déterminent les règles générales de gestion
des finances de l’Etat et de ses démembrements, c’est-à-dire, celles par lesquelles
ces personnes publiques définissent les mécanismes d’entrée (recettes) ou de
sortie (dépenses) des finances ainsi que leurs prévisions budgétaires.
- Le droit fiscal qui détermine les modalités de participation (contribution) des
citoyens à la charge de l’Etat au moyen des prestations pécuniaires. En d’autres
termes, il s’agit des règles qui régissent la perception des impôts, des taxes et
redevances par l’Etat, et/ou ses démembrements, en vue d’assurer leurs missions.
- Le droit économique qui détermine les modalités d’intervention de l’Etat et/ou
de ses démembrements dans la vie économique nationale ou locale. Cette
discipline est consécutive à l’évolution des missions de l’Etat (Etat-providence
ou social). Ex : la fixation du prix de carburant ou de la garantie locative, la
démonétisation...
- La procédure pénale qui est l’ensemble des règles qui fixent le déroulement de
l’action publique. Il s’agit, en d’autres termes, des mécanismes des poursuites
des personnes soupçonnées avoir commis des infractions. Elle est divisée
généralement en deux ou trois phases selon les auteurs et les systèmes juridiques,
à savoir ; la phase pré-juridictionnelle (phase préparatoire ou l’avant-procès), la
phase juridictionnelle (la phase décisoire ou le procès), la phase post-
juridictionnelle (phase exécutoire ou phase pénitentiaire ou encore phase
pénitentiaire).

138/ Les Branches mixtes du droit public interne. A côté de ces disciplines
traditionnelles du droit public interne, certaines sont difficiles à classer mais qui
portent davantage des aspects de droit public eu égard à leur caractéristique mixte
telles que le droit des marchés publics, le droit social ou le droit pénal. Le droit pénal,
particulièrement, défini comme l’ensemble des règles qui déterminent la réaction
sociale contre l’infracteur (délinquant) et l’infraction, est à cheval entre le droit public

93
Lire VUNDUAWE T.P, Traité de droit administratif, Larcier, Bruxelles, 2007, p.17, 39-42.
61
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

(par le monopole de la contrainte ou de la punition reconnue à l’Etat) et le droit privé


(par la protection des droits subjectifs reconnus aux particuliers).

§2. Les branches du droit public international


139/ Objet du droit public international : contestation de sa juridicité. Le
droit public international se définit par rapport au droit public interne. Appelé aussi le
droit des gens, il est l’ensemble des règles applicables dans les rapports des Etats entre
eux et définissant l'organisation, le fonctionnement, la compétence et les pouvoirs des
organisations internationales. Perpétuellement remis en cause dans sa juridicité même,
le droit international a dû affronter les plus violentes critiques. Qualifié de « droit
primitif », « droit non effectif », « morale positive », « politique internationale », du
fait que, à l’instar du droit interne, il manque de sanction, [de véritable organe
coercitif] et d’une véritable assemblée législative pendant que la particularité de la
règle juridique est d’être assortie d’une sanction obligatoire et coercitive. Y a-t-il un
véritable ordre juridique entre les Etats ? Peut-il y avoir un droit des Etats sans « Etat
supranational »? Il est vrai qu’en l'état actuel de la vie internationale, il n'existe pas de
véritable force supranationale pouvant contraindre les Etats, au moins les plus
puissants, à respecter les règles du droit international public. Néanmoins, cette critique
n’a pourtant pas atteint l’existence de cette branche de droit puisque la juridicité ne
s’épuise pas dans l’effectivité et surtout ne s’épuise pas dans des comparaisons
inappropriées avec le droit interne. A l’évidence, le droit international est un système
juridique propre et unique dont les principales particularités tiennent dans ses sources94
et de ses sanctions.

140/ Branches du droit public international. Ainsi, le droit public international


comprend notamment ;
- Le droit international public (DIP) qui détermine les rapports entre les Etats ou
encore entre ces derniers et les organisations internationales. Au regard de
l’évolution de la vie internationale qui reconnait de plus en plus une importante
place aux structures supranationales (supra étatiques) appelées organisations
internationales (Nations-Unies, Union africaine, Union européenne,
Communauté des pays des grands lacs…), la partie de cette branche consacrée à
ces structures s’est autonomisée pour donner naissance à une autre discipline
appelée « Droit des Organisations Internationales ».
- Le droit international humanitaire (DIH) qui est l’ensemble des règles qui
tendent à limiter les effets des opérations de guerre ; d’une part, en protégeant
des populations et des installations civiles ainsi que des personnes qui ne
participent pas ou plus aux combats, et d’autre part, en restreignant les moyens et

94
SANCHEZ E., « Les principes généraux du droit, source oubliée du droit international public » In Les
principes et le droit, PUAM, 2007, pp.433-448.
62
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

les méthodes de combat. Jadis limité au droit des conflits armés (droit de la
guerre), le DIH se rapproche de plus en plus du droit à la solidarité internationale
qui vise la sauvegarde l’être humain face aux grandes catastrophes naturelles
(inondations, tremblement de terre, sècheresse, famine…). L’essentiel de ses
règles étaient portées par les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs
protocoles additionnels de 1977.
- Le droit international des droits de l’Homme (DIDH) qui est composé des
règles reconnaissant à l’être humain, au niveau universel, des prérogatives
inhérentes à sa nature de sujet principal de droit. C’est « l’ensemble des règles
juridiques internationales qui reconnaissent sans discrimination aux individus des
droits et facultés assurant la liberté et la dignité de la personne humaine et
bénéficiant de garanties institutionnelles »95. Il est à l’origine de l’autonomisation
du droit constitutionnel des libertés fondamentales et de la constitutionnalisation
des libertés publiques. Ces droits sont subdivisés en trois ou quatre catégories,
selon les auteurs96 ; les droits humains de la première génération qui sont
essentiellement des droits civils et politiques imposant à l’Etat une obligation
d’abstention97 (droit à la vie, droit à la sureté personnelle, droit à la liberté
d’expression…) ; les droits humains de la deuxième génération, qui sont
composés des droits économiques, sociaux et culturels, imposent à l’Etat une
obligation d’intervention98 (droit au logement, droit au travail, droit à la santé,
droit à l’Éducation) et les droits humains de la troisième génération qui sont
composés des droit de l’environnement et de la solidarité imposant à l’Etat une
obligation de participer à la réalisation d’un environnement international et
national sain ainsi qu’à la sauvegarde de la race humaine. On parle même
désormais des droits humains de la quatrième génération liés à l’accès au
numérique, à la protection des données personnelles et à la bioéthique.
- Le droit international pénal qui organise la répression de la criminalité
internationale ou des crimes internationaux appelés en droit congolais « crimes
contre la paix et la sécurité de l’Humanité ». A ces jours, il en existe quatre, à
savoir ; le crime de génocide, le crime de guerre, le crime contre l’humanité et le
crime d’agression. A ces quatre, il faut ajouter, une responsabilité pénale

95
SUDRE F., Droit européen et international des droits de l’Homme, PUF, 10ème éd., Paris, 2011, § 2, p.14.
96
Gérard CORNU (Op.cit., pp.1301-1302, voir « Liberté ») les répartis également en trois catégories mais de
manière différente, à savoir ; les droits individuels, qui assurent à l’individu une certaine autonomie en face du
pouvoir dans les domaines de l’activité physique (sûreté personnelle, liberté d’aller et venir, liberté et
inviolabilité du domicile), de l’activité intellectuelle et spirituelle (liberté d’opinion, de conscience), de l’activité
économique (droit de propriété, liberté du commerce et de l’industrie) ; les droits politiques, qui permettent à
l’individu de participer à l’exercice du pouvoir (droit de vote, éligibilité aux fonctions publiques) ; et, les droits
sociaux et économiques, qui sont le droit pour l’individu d’exiger de l’État certaines prestations (droit au travail,
à l’instruction, à la santé) en même temps que des droits collectifs (droit syndical, droit de grève).
97
On les qualifie aussi de « droits de défense du citoyen contre l’Etat » « droit-défensif » ou des « droits à statut
négatif ».
98
On les qualifie aussi de « droits à prestation et à savoir », « droits-créance », « droits-prestation », ou « droits à
statut p ositif ».
63
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

spécifique érigée par le droit international à l’égard du commandant ou du


supérieur hiérarchique. Ils relèvent de la compétence des juridictions nationales,
et subsidiairement, de la CPI.
- Le droit pénal international qui désigne le droit pénal interne s’appliquant à
des situations présentant un élément d’extranéité (c’est-à-dire, appartenant à un
ordre juridique étranger). Ces sont des règles issues des accords entre les Etats
(souvent bilatéraux) en vue d’une coopération judiciaire et policière (extradition,
échange d’informations...) mais aussi de lutter contre la criminalité
transfrontalière (piraterie maritime, faux monnaye, trafic des stupéfiants, d
’enfants et d’organes humains...) Souvent confondu avec le droit international
pénal, il doit pourtant en être distingué : pendant que ce dernier doit être
considéré comme la pénalisation du droit international [humanitaire], cette
branche émane de l’internationalisation du droit pénal [interne].

64
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

CHAPITRE 2 : LES SOURCES DU DROIT PUBLIC

141/ La règle de droit public tire sa substance des sources diverses qui sont
souvent analysées selon qu’il s’agit du droit public interne ou du droit public
international du fait qu’elles ne répondent pas toute à la même hiérarchisation (le droit
interne étant très rattaché à la hiérarchie pendant que le droit international s’en écarte)
ou catégorisation (la nomenclature utilisée consacrée n’est pas toujours identique entre
les deux branches). Nous ne les aborderons différemment de la démarcation sus-
évoquée, quoi leur impact respectif en dépend relativement, en mettant en exergue leur
caractère écrit (Section 1) ou non-écrit (Section 2). Bien plus, pour ne pas nous
répéter, nous nous concentrerons sur les plus importantes.

SECTION 1. LES SOURCES ECRITES DU DROIT PUBLIC

142/ Les traités et les règlements, sources pertinentes du droit public. A titre
de source écrite de droit public, nous analyserons particulièrement les traités
internationaux (§1) et les actes règlementaires (§2). Ce qui ne signifie aucunement que
la loi ne peut être une source de droit public.

§1. Les traités internationaux


143/ Définition et rôle du traité international. Les traités internationaux (ou
conventions internationales) sont des accords conclus par écrit entre deux (accord
bilatéral) ou plusieurs (accord multilatéral) sujets de droit international,
particulièrement les Etats, dans le but de créer des obligations juridiques99. Ils peuvent
se rapporter à une situation, soit de la vie interne des Etats (1), soit de la vie
internationale (2). Chaque cas d’espèce appelle des problématiques spécifiques qu’il
sied d’analyser.

1. Les traités internationaux dans l’ordre interne

144/ Rôle des traités en droit interne. Les conventions internationales ne sont
effectivement constitutives de source de droit interne qu’à titre subsidiaire. Et ce, dans
la mesure où elles créent des droits et obligations en droit interne. Dès lors, il se pose
la problématique de savoir, comment et à quel moment elles produisent effectivement
des effets juridiques et quel rapport entretiennent-elles avec les autres sources de droit
interne.

99
Voir l’article 2 §1 de la Convention de Vienne du 23/05/1969.
65
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

145/ Opérationnalité des traités en droit interne. En effet, malgré l’autorité


que les droits internes modernes (essentiellement romanistes)100 leurs reconnaissent, la
réception et l’application des conventions internationales, quelle que soit leur
substance, dépendent souvent d’un cumul d’éléments issus des règles et pratiques
constitutionnelles propres à chaque Etat. Premièrement, les Etats optent théoriquement
pour l’école moniste ou dualiste. Pour le dernier courant, le système international et
le système interne sont distincts, égaux et indépendants à tel enseigne que la règle
internationale doit être reprise par une règle nationale (norme d’habilitation ou de
transposition) pour intégrer l’ordre interne et produire des effets101 ; mais, d’après la
première doctrine, les deux systèmes forment un tout inséparable : le premier
s’incorpore - en tant que tel - dans l’ordre juridique national (art. 53-55 fine
Const.fr ; 167 Const.be.; 153 al.4, 215 Const. RDC). Deuxièmement, chaque Etat
prévoit toujours des conditions formelles et matérielles afin que les règles
internationales soient réellement mises en œuvre dans son système juridique (ex : les
traités simples de l’art. 213 al.2 Const.). Troisièmement, l’interprétation
jurisprudentielle de ces règles peut diverger selon, soit les traités, soit les Etats (même
de conception doctrinale identique), soit les ordres juridictionnels d’un même Etat.

146/ Renforcement de l’opérationnalité des certains traités. Il sied de


souligner également qu’étant un accord entre les Etats égaux et souverains,
l’application du traité repose sur le volontariat et, surtout, la réciprocité. Pour pallier à
cette imperfection, certaines conventions internationales ont une applicabilité
directe eu égard à leur objet ou du cadre dans lequel elles ont été prises. Ainsi, il est
communément affirmé : d’une part que les conventions internationales portant sur les
droits humains sont « self-executing », nonobstant l’obligation de réciprocité102, c’est-
à-dire, elles sont réputées exécutoire, et d’autre part, celles qui émanent des
organisations internationales d’intégration (droit communautaire) ont une applicabilité
directe.

147/ Place des traités internationaux dans la hiérarchie des sources en droit
interne. Par ailleurs, la place de cette source en droit interne est également objet à
débat, principalement pour le système moniste. Dès lors, deux sous deux sous-théories
monistes s’opposent également selon que prime ou pas la convention internationale
(droit international) sur la constitution (droit interne). La question n’est pas toute
tranchée en droit congolais. En effet, l’article 215 reconnait à cette source une valeur

100
Art. 213 à 217 Const.
101
Ce système est adopté principalement par les pays anglo-saxon.
102
CIJ, Avis Consultatif, 28/05/1951, Reserve à la Convention sur le génocide ; CDH, Obs. gén. n°24,
02/11//1994, Réserves sur le PICP, doc.CCPR/C/21/rev1. ADD-6.
66
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

supérieure à la loi103 ; mais faut-il encore savoir si par « loi », le constituant inclue
également « loi fondamentale » qui est la constitution. Néanmoins, la thèse de la
supériorité de la Constitution sur la convention internationale semble être confirmée
par le mécanisme du contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux
dévolue à la Cour constitutionnelle (art. 216 Const, et 43 Loi organique n°13/026 du
15/10/2013 relative à la Cour constitutionnelle). Au regard de ce mécanisme, la
Constitution est érigée en norme d’habilitation du droit international, sauf
communautaire, par son contrôle à double détente. La règle internationale, dument
ratifiée, ne peut produire des effets en droit congolais que si elle ne s’oppose pas à une
règle constitutionnelle (condition de fond). Au cas contraire, son application sera
momentanément suspendue jusqu’à la modification, le cas échéant, de la Constitution.

2. Les traités internationaux dans l’ordre international


148/ Les traités internationaux en droit international. Le traité est la source
principale du droit international. En effet, l’article 38104 du Statut de la Cour
internationale de Justice (CIJ), copie conforme de l’article 38 du statut de la Cour
permanente de justice internationale (CPJI), consacre trois types de sources de droit
international, à savoir ; les conventions internationales, la coutume et la pratique
internationales ainsi que les principes généraux reconnus par les nations civilisées.
Nous nous intéresserons à ce stade qu’à la seule source écrite citée qui est la
convention internationale. Sur ce, il sied de souligner que le texte inchangé depuis près
d’un siècle de l’article 38 ne reflète plus exactement la réalité de l’ordre juridique
international : il ne fait pas mention des actes unilatéraux des organisations
internationales, comme source écrite d’obligations imputables aux Etats. Pourtant,
c’est sur cette nouvelle source que le droit international a connu ces grandes évolutions
ces dernières décennies. Néanmoins, comme le relève le professeur Pierre-Marie
DUPUY105, « cette disposition ne mérite ainsi ni l’excès d’honneur ni, plus rarement,
l’indignité que lui réservent trop de commentateurs ». Elle constitue un guide utile et
une typologie opératoire ayant vocation à accepter l’évolution, passée et à venir, du
système juridique international.

103
Art. 215 Const. : « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre
partie ».
104
« 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique : a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles
expressément reconnues par les Etats en litige ; b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique
générale, acceptée comme étant le droit ; c. les principes généraux reconnus par les nations civilisées ; d. sous
réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes qualifiés des
différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. 2. La présente disposition ne
porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer ex aequo et bono »
105
Cité par COLLOVATI R., « Positionnement des principes généraux de droit reconnus par les nations
civilisées dans l’ordre international » In Les principes et le droit, Op. cit., pp.179-211
67
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149/ L’ordre international, un ordre consensualiste. Désignées par des


dénominations multiples106, consignées dans un instrument unique ou dans deux ou
plusieurs instruments connexes107, les conventions internationales sont naturellement
le mécanisme par excellence de régulation de la vie internationale étant donné qu’il
n’existe pas une structure au-dessus des Etats, sauf si ces derniers le lui concèdent
expressément, pouvant édicter unilatéralement des règles qui s’imposent à tous. Les
traités ont vocation à fixer généralement les rapports entre les Etats ou entre ces
derniers et les autres personnes de droit public international, particulièrement les
organisations internationales. Contrairement au droit interne qui consacre une
hiérarchie des sources (particulièrement écrites), le droit international public ne
connait qu’une démarcation entre normes impératives et normes supplétives (soft-law).
Les premières s’imposent aux acteurs tandis que les secondes, souvent sous forme de
recommandation ou des principes directeurs, ont une force probante moindre ou
relative. Qu’à cela ne tienne, le fait d’avoir énuméré le traité, qui n’est rien d’autre
qu’un contrat, en primauté des sources, le droit international est fondamentalement un
droit consensualiste. L’ordre juridique international apparaît en tout état de cause
comme un ordre strictement positiviste et contractuel : pour qu’il existe, l’Etat doit
exprimer son consentement à être lié108. Toutes ses sources mettent généralement en
œuvre la réunion de volontés concordantes. Etant la somme des volontés
individualisées des Etats, la règle de droit international apparaît, donc, comme un fond
commun des règles internes. Elle est grandement influencée par ces dernières ; mais à
l’inverse, elle s’impose sur celles-ci (« pacta sun servanda »).

150/ Classification des traités. Ainsi, les traités peuvent diversement être
classifiés selon les auteurs et dépendamment des critères pris en compte dont les plus
pertinents sont la forme et la matière. D’après leur forme, les traités peuvent être
distingués en fonction, soit du nombre des parties (bilatéral et multilatéral), soit de la
qualité des parties (traité interétatique, entre Etats et organisations internationales ou
encore entre ces dernières), soit de la procédure de leur élaboration (traité en forme
solennelle et traité en forme simplifiée). D’après leur matière, les traités peuvent être
distingués en fonction, soit de leur objet (traité-loi ou traité-contrat, traité général ou
traité spécial, traité normatif ou traité constitutif, traité de droit primaire ou traité de
droit dérivé), soit de la nature de la règle (traité des droits humains, traité technique,
traité économique, traité financier, traité politique, traité judiciaire...).

106
Accord, acte constitutif, charte, constitution, directive, pacte, protocole, recommandation, règle, règlement,
statuts, traité… « La terminologie n’est pas un caractère déterminant quant au régime de l’accord » (Aff. Sud
ouest africain, Arrêt, 1962) « Aucune règle de droit n’empêche qu’un communiqué conjoint constitue un accord
international, cela dépend essentiellement de la nature de l’acte ou de la transaction dont il est fait état » (Aff.
Plateau continental de la mer Egée, Grèce c. Turquie, Arrêt, 1978).
107
MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO A., Op.cit., p.440.
108
CPJI, arrêt n°9, 07/09/1927, Affaire Lotus.
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§2. Les règlements


151/ L’administratif, un règlement particulier. Si le traité est la source
principale de droit public international, le règlement est son alter égo en droit public
interne, et plus particulièrement en droit administratif qui en constitue la principale
branche. Il ne doit pas être confondu avec des traités (conventions internationales)
qualifiées également de la sorte. Hormis, les actes des organes du pouvoir exécutif
central (le Président de la République et le gouvernement central) ou local
(collectivités locales), il faut souligner que les autorités administratives statuent
également dans l’exercice de leur fonction et des attributions qui leur sont confiées par
voie d’actes administratifs. Il sied, à cet effet, de considérer ces actes comme des actes
règlementaires. Exemple : les mesures prises par un chef de division des services des
mines ou par le Directeur général de la Régideso régulant l’accès des usagers au
service public (local ou national) dont la gestion lui est confiée.

SECTION 2. LES SOURCES NON ECRITES DU DROIT PUBLIC

152/ Place des sources non écrites en droit public. La problématique des
sources non écrites pose beaucoup plus de problème en droit public international qu’en
droit public interne. L’article 38 du Statut de la CIJ précité, consacre trois types de
sources de droit international, à savoir ; les conventions internationales, la coutume et
la pratique internationales ainsi que les principes généraux reconnus par les nations
civilisées (PGRNC ). A cette liste, nous pouvons ajouter, la jurisprudence
internationale. L’énonciation, à côté de la norme écrite (les conventions), des pratiques
incontestables (la coutume) et des principes non écrits était une victoire pour les jus-
naturalistes109 : la consécration au plus haut niveau de ces sources de droit, objet
d’abondantes controverses, était une marque de reconnaissance. Ainsi, nous
analyserons, d’une part, la coutume (§1), et d’autre part, les principes généraux de
droit et la jurisprudence (§2).

§1. La coutume
153/ Rôle janusien de la coutume en droit public. L’impact de la coutume en
droit public se distinguera selon que l’on est en droit interne (coutume interne) ou en
droit international (coutume ou pratique internationales). Cette source, qui est
complètement effacée en droit public interne, est valorisée en droit public
international. Néanmoins ses caractéristiques restent les même (oralité de la règle,
répétition de la règle comme élément matériel et croyance en sa force obligatoire en
tant qu’élément psychologique).

109
On attribue généralement l’expression au baron belge DESCHAMPS et au représentant américain ROOT.
Aux dires mêmes de ses promoteurs, elle devait constituer la manifestation concrète dans le droit international
contemporain de l'idée de droit naturel.
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154/ La coutume en droit public interne, source insignifiante. Il sied de


souligner que l’entité étatique étant une forme d’organisation sociale méconnue du
droit traditionnel ou africain précolonial, la coutume a donc une incidence minime en
droit public interne, sauf à ce qui concerne l’administration (gestion) des collectivités
territoriales rurales (chefferies, groupements et villages).

155/ La coutume en droit public international, source valorisée. En droit


international, la coutume peut être considéré comme des pratiques incontestables et
prolongées, c’est-à-dire, connues par tous et ayant subi l’épreuve du temps, qui
régulent les rapports entre les Etats ou une situation de la vie juridique internationale
en dehors de toute règle écrite (convention). Inspirant la règle internationale écrite ou
servant à son harmonisation, elle règle est de plus en plus objet d’une codification.
Elles sont également nombreuses en matière de commerce international (lex
mercatoria, International Commercial Terms…).

§2. Les principes généraux de droit et la jurisprudence


156/ Les PGD (1) et la jurisprudence (2) sont également des sources importantes
de droit public. Ils sont, comme nous avons déjà eu à le souligner à plusieurs reprises,
intimement liés : la seconde source étant l’expression par excellence de la première.
Nées du droit interne, ces deux sources y sont graduellement muselées qu’elles ont
trouvé un nouveau champ de prolifération qui est le droit international.

1. Le principe général de droit


157/ Le PGD en droit public interne. Etant l’apanage des disciplines juridiques
nouvelles à cause de l’insuffisance des règles écrites, les principes généraux de droit
est une source importante du droit administratif. Ils sont, donc, des règles non écrites
dégagées par le juge et que l'administration doit respecter 110. Ils ne sont d’application
que si une disposition législative n’y déroge pas expressément et sont dépourvus de
cette nature dès lors qu’une règle écrite les consacre. La doctrine dominante situe
généralement leur naissance dans la sphère du contentieux administratif français
d’après la libération ; mais cette période n’a été que l’affirmation d’un processus qui a
commencé bien plus tôt (fin XIXème siècle) avec l’émergence de l’Etat-providence. Le
rôle de l’Etat s’étant accru, l’Administration fut contrainte d’intervenir dans plusieurs
domaines de la vie publique : il fallait donc encadrer l’action, sinon les décisions, des
autorités administratives dans le respect du principe de légalité. Le texte faisait parfois
défaut, le Conseil d’Etat français recourait essentiellement aux principes qui étaient à
la base de la législation positive et qui constituaient la philosophie politique de la
révolution. Malgré l’inflation législative actuelle, cette réalité est toujours d’actualité
au regard des mutations sociales constantes. Bien plus, certaines de ces règles,

110
Conseil d’Etat belge, n°146.260, 20/06/2005, Arrêt Gilbert.
70
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pourtant bien connues, restent sous cette forme. Ex : les principes de continuité de
l’Etat, de non bis in idem (en matière fiscale ou disciplinaire), de l’inaliénabilité du
domaine public, de l’inexécution forcée contre l’Etat et les personnes morales de droit
public...

158/ Tentatives de classification des PGD en droit administratif. Les PGD ne


cessent de s’enrichir et de se diversifier quoi que de moins en moins abondant depuis
les dernières décennies du siècle passé. Les auteurs en proposent des classifications
diverses. Seuls deux d’entres elles ont retenu notre attention. La première démarque
les PGD de première génération (dégagés par le CE français entre 1945-1970,
caractérisés leur généralité et abstraction) de ceux la deuxième génération (dégagées
après depuis la fin des années 70, moins prolixes et caractérisés par un moindre degré
de généralité et d’abstraction). La deuxième typologie proposée par Jean RIVERO111
distingue ; d’une part, des principes traduisant la tradition politique (le respect de la
liberté et des droits du citoyen, l’égalité sous toutes ses formes, la sécurité juridique, le
respect des droits de la défense); et d’autre part, ceux relatifs à la justice (le recours en
justice, avec corolaire recours en annulation, l’obligation de motiver les jugements, la
représentation juridictionnelle, la non-rétroactivité des actes administratifs, le refus de
remettre un réfugié politique dans son pays d'origine). Certains autres sont tellement
spécifiques qu’ils sont difficiles à classifier dans une de ces catégories tels que
l'interdiction de licencier une femme enceinte (l'Arrêt Dame Peynet), la continuité et la
neutralité des services publics.

159/ Le PGD en droit international. Les mêmes circonstances qui ont justifié
de la naissance des PGD en droit interne se constatent en droit international qui ne
peut être constituée que des règles écrites. Dans l’ordre juridique international, les
PGD connaissent une valorisation qui s’accompagne, toutefois, d’une ambiguïté
substantielle et jurisprudentielle. En effet, n’ayant été précisé ni par les statuts ou la
jurisprudence de la Cour permanente de justice internationale (CPJI), ni de la Cour
internationale de la justice (CIJ), l'expression PGD est susceptible de revêtir sur le plan
international des sens extrêmement nombreux et variés dépendamment de la nature et
la fonction que l’on veut lui allouer. Ces sens restent largement conditionnés par
l’adhésion des divers auteurs à une vision moniste ou dualiste, naturaliste ou
positiviste. D’une manière générale, il est aujourd’hui admis une nette distinction entre
les principes généraux reconnus par les nations civilisées (PGRNC), les principes de
droit international (PDI) et les principes généraux communs aux droits des Etats
membres (PGC). Nous ne nous intéresserons qu’au deux premiers étant donné que le
dernier relève du droit communautaire européen.

111
RIVERO J. & WALINE J., Droit administratif, Dalloz, col. Précis, Paris, 2004.
71
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160/ Les principes généraux reconnus par les nations civilisées. Expression
très critiquée112, cette notion désigne des règles non écrites, des lois de l'humanité, des
exigences de la conscience publique, communes aux grands systèmes de droit
contemporains et applicables à l'ordre international113. Ils sont identifiés sous cette
appellation parce qu’ils trouvent leur origine dans les ordres juridiques internes des
Etats ; et, du fait de leur généralité, sont susceptibles d’être transposées dans l’ordre
juridique international. Dans la même optique, c’est également un moyen de qualifier
une règle particulière du droit international afin d'insister sur sa généralité et son
importance. Mais sur le plan purement formel, ils doivent s’entendre comme des règles
fondamentales du droit international qui n'aient de valeur ni coutumière ni
conventionnelle. Il se dénote, tout de même, une hésitation de la part des juridictions
internationales à utiliser l’expression dans son entièreté : la CIJ préfère utiliser
carrément « principes généraux » pendant que la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE), devenue depuis le 01/12/2009 la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE), consacre carrément celui « principes généraux de droit ». Ex : le
droit à réparation (CPJI, Aff. Usine de Chorzow, Fond, n°13, 03/09/1928), le principe
du contradictoire (CJCE, Aff. SNUPAT, Jointes, 42 et 49/59, 22/03/1961, Rec. 156).

161/ Les Principes de droit international. A l’inverse, les PDI ne constituent


pas une source formelle selon l’art 38 du statut de CIJ mais naissent directement dans
l’ordre juridique international. Ils animent l’ensemble des systèmes et désignent des
règles (générales et abstraites) de droit gouvernant les rapports internationaux
contemporains et ne pouvant être mises en doute. « Ayant principalement une vocation
heuristique, ils permettent de saisir de manière globale les grandes exigences induites
par le développement des relations extérieures »114. Selon la CIJ, les principes du droit
international ne peut, d’après leur usage général, signifier autre chose que le droit
international tel qu'il est en vigueur entre toutes les nations indépendantes faisant
partie de la communauté internationale, et qui, partant, s'appliquent au même titre à
toutes les parties contractantes. C’est le droit international commun.115. C'est le cas
notamment des principes de la coexistence pacifique, du respect mutuel de l'intégrité
territoriale, de la souveraineté des Etats, de la non-agression mutuelle, de la non
immixtion mutuelle dans les affaires intérieures ou de la non-ingérence, de l'égalité, de
l'avantage mutuel, de la liberté de la mer...

162/ Relevons d’emblée que la réception de la norme internationale ne se fait pas


112
Voir le débat dans le Comité consultatif, Conférence de San Francisco de 1945 ; CIJ, 20/02/1969,
Allemagne/Danemark, Affaire Plateau continental de la mer du Nord, Voir Opinion du juge Fouad AMMOUN.
Toutefois, l’expression semble ne plus blesser aujourd’hui les sensibilités. Par «nations civilisées», désignant
jadis les nations chrétiennes ou occidentales, ou encore européanisées, il faut désormais entendre «Etats
souverains et indépendants».
113
Préambule de la Convention de La Haye relative aux lois et coutumes de la guerre de 1899.
114
COLAVITTI, art. précité
115
CPJI, Arrêt n°10, ser.A, pp. 16-18 ; Avis consultatif n°44, Ville libre de Dantzing, ser.A/B, p.23-24.
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de la même manière selon qu’il s’agit d’un traité ou d’un PGD. En ce qui concerne ce
dernier, particulièrement lorsqu’il s’agit des PGRNC, la réception dans l’ordre
juridique interne se fait sans mesure formelle (de réception). Cependant, le juge doit
déterminer in casu l’existence de la norme internationale principielle invoquée, sa
portée et son contenu, et apprécier si elle est applicable directement dans son ordre
juridique interne116.

2. La jurisprudence
163/ La jurisprudence en droit public. La jurisprudence peut également être
considérée comme une source importante de droit public selon qu’elle traite une
matière de droit interne ou international. Nous ne nous nous intéresserons qu’à la
seconde hypothèse qui offre au droit international l’occasion d’échapper à la pesanteur
intergouvernementale. Ainsi, la jurisprudence internationale est constituée par
l’ensemble des décisions des juridictions internationales mais aussi des juridictions
internes sur une matière internationale. Cette démarcation devient de plus en plus
difficile du fait de l’influence mutuelle des juges (internationaux et internes) qualifiée,
par la doctrine, de dialogue des juges. Ce concept est définit comme « l’échange
d’arguments, d’interprétations et de solutions juridiques entre magistrats»117 : il
suppose une discussion entre hautes juridictions internes ou encore des juridictions
internationales sur une même ou similaire matière conduisant soit à un accord, soit une
contradiction, voire une discorde. Ce dialogue s’est développé progressivement et à
l’initiative propre des juges internationaux (qu’ils siègent dans les juridictions pénales
ou de protection des droits de l’homme)118, puis s’est étendue aux juges nationaux.
Aujourd’hui, la justice internationale s’inspire naturellement de la justice interne
spécialement, des juridictions suprêmes ou constitutionnelles ; et inversement, ces
dernières inspirent également les juges internationaux. Chaque juge avant de trancher
un litige délicat essaye toujours de voir si les autres juges (nationaux suprêmes et

116
CARREAU D., Droit international, Pedone, 10ème éd., Paris, 2009, p.476.
117
ALLARD J., « Le dialogue des juges dans la mondialisation », in Le dialogue des juges, Actes du colloque du
28 avril 2006 à l’ULB, Bruylant, Bruxelles, 2007, p.77 ; BURGORGUE-LARSEN L., « De l’internationalisation
du dialogue des juges – Missive doctrinale à l’attention de Bruno Genevois », in Mélanges en l’honneur de
Bruno Genevois, Dalloz, Paris, 2009, p.97.
118
Par exemple ; le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPI/R) a reconnu que la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) possède une « persuasive authority which may be of assistance
in applying and interpreting the Tribunal’s applicable law » (Procureur/Barayagwiza, ICTR-97-19-AR72,
Décision, Ch. d’appel, 03/11/1999, §.40) ; le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPI/Y) s’est
fondé sur l’affaire Ruiz Torija de la CEDH pour rappeler que le droit de l’accusé à une décision motivée est une
composante du droit à un procès équitable (Furundzija, IT-95-17/1, Arrêt, Ch. d’appel, 21/07/2000, §.69) ; la
Cour pénale internationale (CPI) cite aussi la jurisprudence des instances régionales des droits de l’homme,
notamment à l’appui de ses raisonnements en matière de procès équitable (Procureur/Lubanga Dyilo, ICC-01/04-
01/06, arrêt relatif aux appels interjetés par Thomas Lubanga Dyilo et par le Procureur contre la Décision
informant les parties et les participants que la qualification juridique des faits peut être modifiée conformément à
la norme 55-2 du Règlement, Chambre d’appel, 08/12/2009, §§. 84-85). En ce qui concerne, la Commission
africaine de droit de l’Homme, lire OLINGA A., « Les emprunts normatifs de la commission africaine des droits
de l’Homme et des peuples aux systèmes européen et interaméricain de garantie des droits de l’Homme »,
RTDH, n° 62/2005, pp.500-537.
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constitutionnels ou juges internationaux), surtout, à la même famille juridique, n’ont


pas déjà connu la matière.

164/ Multiplicité et spécialité des juridictions internationales. Toutefois, cette


gymnastique intellectuelle n’est toujours pas facile. Etant décentralisé, l’ordre
juridique international n’offre pas un système judiciaire intégré de telle sorte que «
chaque tribunal international est un système autonome, indépendant et distinct. En
effet, il existe plusieurs juridictions internationales, voire des structures similaires, tant
au niveau universel (Cour internationale de Justice, Cour pénale internationale, Organe
de règlement des différends de l’Organisation mondiale de commerce, etc.) que
régional (Cour européenne de droits de l’Homme, Cour interaméricaine des droits de
l’Homme, Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, etc.). Chacune d’elles
dotées d’une mission spécifique relative à son acte constitutif. Deux phénomènes sont
à la base de leur création. D’une part, l’émergence des organisations internationales
dont les chartes constitutives prévoient généralement des instances habilitées à les
interpréter ou à garantir leur application ou encore à régler les différends entre les
Etats-membres. D’autre part, l’émergence du droit international des droits de l’Homme
et humanitaire dont la protection a conduit à la création des juridictions spécifiques.
L’Afrique détient la palme de « prolifération » du régionalisme juridictionnel119 avec
plus d’une douzaine d’instances dont la moitié intéresse la RDC. Il s’agit notamment
de : la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (1987), la Cour
africaine des droits de l’Homme et des peuples (1998 : adoption du protocole, 2004 :
entrée en vigueur, 2009 : premier arrêt rendu), la Cour de Justice de l’Union africaine,
la Cour africaine de Justice et des droits de l’Homme (2004 : Décision de création), la
Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA. D’autres encore ont une
compétence sous régionale [Cours de justice de la Communauté économique des Etats
de l’Afrique centrale (CEEAC), du Marché commun de l’Afrique orientale et australe
(COMESA) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADEC), la
commission d’arbitrage de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs
(CEPGL)]. De toutes ces instances ; certaines n’ont jamais été opérationnelles et ne le
seront, sans doute, jamais (Cour de la CEMAC, Cour de justice de l’Union
africaine) pendant que certaines autres sont intérimaires ou sont appelées à disparaitre
(Cour africaine de droits de l’Homme et des peuples fusionnera avec la Cour de justice
de l’UA pour devenir la Cour Africaine de justice et des droits de l’Homme).

119
Voir BOUKONGOU J.D, « L’attractivité du système africain de protection des droits de l’Homme », In
CRDF, n°5, 2006, pp.97-108 ; BURGORGUE-LARSEN L., «Le fait régional dans la juridictionnalisation du
droit international »In La juridictionnalisation du droit international, Colloque de Lille de la SFDI, Pedone,
Paris, 2003, [consultable ne ligne sur] https://www.univ-
paris1/fileadmin/IREDIES/Contibutions_en_ligne/L._BURGORGUE-LARSEN/Lefaitregional-SFDI_1_.pdf ;
La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples : vers la Cour africaine de Justice et des droits de
l’Homme, Guide pratique, FIDH, [en ligne) www.fidh.org; MUTOY MUBIALA, Système régional africain de
protection des droits de l’Homme, Bruylant, Bruxelles, 2005.
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TITRE II : LES ACTEURS DE DROIT PUBLIC

165/ Objet du titre. Une autre particularité du droit public tient de ses acteurs.
Le concept « acteur » est préféré à celui de « personne » qui est plus étroit et difficile
à englober toutes les entités ou organismes qui agissent en droit public, principalement
international. En effet, on distingue généralement en droit deux catégories des
personnes ; d’une part, les personnes physiques, et d’autre part, les personnes morales.
Les premières sont des personnes humaines qui acquièrent la personnalité juridique,
selon les cas ou les systèmes juridiques, soit à la conception, soit à la naissance. Tandis
que les secondes sont des groupements ou entités juridiques créé(e)s en vue de la
réalisation d’un objectif précis, et doté(e)s pour ce faire, sous certaines conditions, de
la personnalité juridique. Fruit d’une véritable fiction juridique, elles se caractérisent
par le principe de spécialité qui limite leur domaine d’action dans le temps et dans
l’espace. Elles acquièrent la personnalité juridique à leur création et sont dotées d’une
volonté propre et distincte de celle des personnes qui les composent ou les dirigent. Si
en droit privé, à l’exception peut-être du droit commercial, les personnes physiques
sont les plus actives et les plus en vue ; en droit public, c’est le contraire. Les acteurs
de droit public sont essentiellement des personnes morales, quoi que certaines
personnes physiques réclament de plus en plus ce statut. C’est le cas par exemple, du
Président de la République (personne-institution) ou certaines personnalités politiques,
associatives ou religieuses (les papes, altermondialistes, les anciens présidents des
Etats développés ou des organisations internationales..).

166/ Plan du titre. Ainsi, il nous a paru utile d’aborder dans un premier chapitre,
les acteurs de droit public interne (les entités issues de la décentralisation de service et
géographique ou territoriale) ; puis, dans un second chapitre, ceux de droit public
international (l’Etat, les entités supranationales et celles aspirant au statut étatique).

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CHAPITRE 1er : LES ACTEURS DU DROIT PUBLIC INTERNE

167/ En droit interne, les personnes administratives sont des entités juridiques
auxquelles est reconnue la qualité de titulaire de la fonction administrative. Elles sont
qualifiées de : « personne morale de droit public », « personne de droit public »,
« personne administrative » ou « personne publique ». Il en existe plusieurs types qui
peuvent généralement être regroupés en deux catégories ; d’une part, les acteurs issus
de la décentralisation territoriale ou les personnes administratives territoriales (Section
1), et d’autre part, les acteurs issus de la décentralisation de service ou les personnes
administratives spécialisées (Section 2).

SECTION 1. LES ACTEURS ISSUS DE LA DECENTRALISATION


TERRITORIALE

168/ La décentralisation géographique : Notion et but. La gestion moderne


des Etats s’opère principalement sur le plan géographique. Les Etats procèdent
aujourd’hui à un découpage ou une subdivision géographique de leur territorial
national en plusieurs entités ou collectivités locales (échelonnées) dotées parfois d’une
autonomie de gestion et d’une personnalité juridique. Il s’agit, en d’autres termes, du
démembrement de l’Etat. Ce découpage a pour objet de rapprocher l’Etat, ainsi que le
service public, des administrés ou usagers. Il participe également à l’amélioration du
service public, et à la participation de la communauté locale à la gestion de la chose
publique.

169/ La décentralisation géographique congolaise : Les provinces, les entités


territoriales décentralisées (ETD) et les entités territoriales déconcentrées. La
RDC s’inscrit aussi dans cette modalité moderne de gestion de son territoire qui est
consacrée et organisée ; d’une part, par la Constitution (art. 2 à 4, 195-206), et d’autre
part, par la loi organique n°08/016 du 07/10/2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leur rapport avec l’Etat et les
provinces ainsi que la loi n°08/012 du 31/07/2008 portant principes fondamentaux
relatifs à la libre administration des provinces. Elle subdivise son territoire national en
trois catégories d’entités, à savoir ; l’entité [territoriale] régionale (la province), les
entités territoriales décentralisées (la ville, la commune, le secteur et la chefferie) et
les entités territoriales déconcentrées (territoire, quartier, groupement et village). La
dernière catégorie est le fruit d’un simple management administratif interne qui
consiste à opérer au sein d’une même institution une délégation des pouvoirs des
autorités centrales vers des autorités hiérarchiquement inférieures sans, pour autant,
créer d’autres personnes publiques (la déconcentration). Tandis que les deux
premières catégories sont dotées d’une personnalité juridique et jouissent de la libre

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administration ainsi que de l’autonomie de gestion de leurs ressources humaines,


économiques, financières et techniques. Ce qui leur permet de veiller à l’ensemble des
intérêts collectifs dans les limites de l’aire géographique sur laquelle elles exercent
leur autorité. Elles comptent, de ce fait, chacune un organe exécutif « monocéphale »
et un organe délibérant ou législatif120 (monocamérale) que nous allons brièvement
aborder.

§1. La Province (art. 3, 195 à 206 Const., L. n°08/012 du 31/07/2008).


170/ Définition de la Province. Au regard de l’actuelle Constitution et
contrairement à la Constitution de transition de 2003 (art. 4 et 5) et aux textes
précédents sur la décentralisation (en l’occurrence l’ordonnance-loi n°82-008 du
25/02/1982 portant organisation territoriale, politique et administrative de la
République du Zaïre ; le décret-loi n°081/98 du 02/07/1998 portant organisation
territoriale et administrative de la RDC tel que modifiée et complétée par le décret-loi
n°018/2001 du 28/09/2001), la province est une entité régionalisée121 dotée d’une
personnalité juridique : elle n’est donc pas une entité territoriale décentralisée comme
le sont la ville, la commune, secteur et la chefferie. L’article 2 de loi n°08/012 du
31/07/2008 la définit exactement comme « une composante politique et administrative
du territoire de la République ». La RD Congo compte vingt-cinq provinces et la ville
de Kinshasa qui a un statut spécial (de ville-province)122.

171/ Organe législatif provincial. L’organe délibérant provincial est appelé


« Assemblée provinciale ». Elle peut légiférer sur les matières relevant de la
compétence concurrente du pouvoir central et de la province (art. 203 const.), et
exceptionnellement, sur habilitation de l’Assemblée nationale ou du Senat, sur celles
relevant de la compétence exclusive du pouvoir central (art. 34, 62 L. n°08/012). Elle
est composée des députés provinciaux élus au suffrage universel direct et secret ou
cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le nombre de députés provinciaux
cooptés ne peut dépasser le dixième des membres de l’organe. L’Assemblée
provinciale légifère par voie d’édit (art. 197 al.2 const., 7 al.2 L. n°08/012).

120
Pouvant prendre des actes de nature pénale (prévoyant des incriminations et des peines) comme prévu aux
articles 13.1 (7 jours de SP et 25.000 Fc d’amende), 52 (7 jours de SP et 15.000 Fc d’amende), 75 (7 jours de SP
et 15.000 Fc d’amende) et 88 (7 jours de SP et 2.000 Fc d’amende) de la loi n°08/016 du 07/10/2008. Voir aussi
l’art. 204 pt 14 Const. et 35 point 8 n°08/012 du 31/07/2008.
121
Pour plus de précision, lire VUNDUAWE TP, Op. cit., pp.46-47.
122
Art. 2 Const., 3 L.O n°08/016 du 07/10/2008 et 3 Loi n°08/012 du 31/07/2008 : « La République
Démocratique du Congo est composée de la ville de Kinshasa et de 25 provinces dotées de la personnalité
juridique. Ces provinces sont: Bas-Uele, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uele, Ituri, Kasaï, Kasaï
Central, Kasaï Oriental, Kongo Central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Maï-Ndombe, Maniema, Mongala,
Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, SudUbangi, Tanganyika, Tshopo et Tshuapa ».
77
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172/ Organe exécutif provincial. L’exécutif provincial est appelé


« gouvernement provincial ». Il est composé d’un Gouverneur (qui en est le chef),
d’un Vice-Gouverneur et des ministres provinciaux. Le Gouverneur et le Vice-
Gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les
députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale et sont investis
par ordonnance présidentielle. Les ministres provinciaux, qui ne peuvent dépassées le
nombre de dix, sont désignés par le Gouverneur au sein ou en dehors de l’Assemblée
provinciale. Le Gouverneur exerce la tutelle sur les actes des entités territoriales
décentralisées. II peut déléguer cette compétence à l'Administrateur du territoire. Le
gouverneur et les ministres provinciaux statuent par voie d’arrêté (du gouverneur de
province et du ministre provincial)123.

§2. La Ville (art. 7-45 L.O n°08/016 du 07/10/2008).


173/ Définition de la ville. Au regard de l’article 7 de la L.O n°08/016 du
07/10/2008, par ville, il faut entendre ; tout chef-lieu de province ou par toute
agglomération d'au moins 100.000 habitants disposant des équipements collectifs et
des infrastructures économiques et sociales à laquelle un décret du Premier ministre
aura conféré le statut de ville.

174/ Organe législatif urbain. L’organe délibérant de la ville est appelé


« Conseil urbain ». Il est composé des conseillers urbains élus dans les conditions
fixées par la loi électorale. II statue par voie de décision et prend également des
règlements d'administration et de police (art. 12 al.5 et 13 al.1 L.O n°08/016).

175/ Organe exécutif urbain. Son organe exécutif est désigné par « Collège
exécutif urbain ». Il est chargé de la gestion quotidienne de la ville et d'exécution des
décisions du Conseil urbain. Il est composé du maire (qui en est le chef), du maire-
adjoint et échevins urbains (au plus 3). Le Maire et le Maire-adjoint sont élus au sein
ou en dehors du Conseil urbain dans les conditions fixées par la loi électorale. Ils sont
investis par le ministre national ayant les affaires intérieures dans ses attributions. Les
échevins urbains sont désignés par le Maire au sein ou en dehors du Conseil urbain
mais sur approbation de ce dernier. Le Maire statue par voie d'arrêté urbain (art. 44
L.O n°08/016), tandis que le conseil exécutif urbain peut prendre des règlements de
police (art. 40 L.O n°08/016).

§3. La Commune (art. 46 – 64 L.O n°08/016 du 07/10/2008).


176/ Définition de la commune. Aux termes de l’article 46 de la L.O n°08/016 du
07/10/2008, il faut entendre par commune ; soit tout chef-lieu de territoire, soit toute
subdivision de la ville ou toute agglomération ayant une population d'au moins 20.000

123
Art. 28 al.7 et 29 al.3 Loi n°08/012 du 31/07/2008.
78
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

habitants à laquelle un décret du Premier ministre aura conféré le statut de commune.


La commune est subdivisée en quartiers et ou en groupements incorporés.

177/ Organe législatif communal. L’organe délibérant de la commune s’appelle


« conseil communal ». Il est composé des Conseillers communaux élus dans les
conditions fixées par la loi électorale. II statue par voie de décision et prend également
des règlements d'administration et de police (art. 51 et 52 L.O n°08/016).

178/ Organe exécutif communal. Son exécutif est désigné par « collège
exécutif communal » qui est chargé de la gestion de la commune et d'exécution des
décisions du Conseil communal. Il peut, toutefois, en cas d'urgence, et lorsque le
Conseil communal n'est pas en session, prendre des règlements d'administration et de
police. Il composé d’un bourgmestre (qui en est le chef), d’un bourgmestre-adjoint et
des échevins communaux (au plus 2). Le Bourgmestre et son adjoint sont élus au sein
ou en dehors du Conseil communal dans les conditions fixées par la loi électorale. Ils
sont investis par arrêté du Gouverneur de province. Les échevins communaux sont
désignés par le Bourgmestre au sein ou en dehors du Conseil communal et sur
approbation de ce dernier. Le Bourgmestre statue par voie d'arrêté communal et de
règlements d’administration et de police124 (art. 61 et 62 L.O n°08/016).

§4. Le Secteur et la Chefferie (art. 65 - 92 L.O n°08/016 du 07/10/2008).


179/ Définition du secteur et de la chefferie. Aux termes des articles 66 à 68 de
la L.O n°08/016 du 07/10/2008, le secteur et la chefferie sont des ensembles des
communautés traditionnelles organisées sur base de la coutume ; à la seule différence
que ces communautés sont hétérogènes et indépendantes dans le secteur pendant
qu’elles dégagent une certaine homogénéité dans la chefferie. Les limites du secteur
ou de la chefferie sont fixées par décret du Premier ministre. Néanmoins, les chefs-
lieux de secteur ou de chefferie ne peuvent être érigés en commune.

180/ Organe législatif du secteur de la chefferie. L’organe délibérant au niveau


du secteur ou de la chefferie est appelé « conseil de secteur ou de chefferie ». Il est
composé des conseillers de secteur ou de chefferie élus au suffrage universel direct et
secret dans les conditions fixées par la loi électorale. II statue par voie de décision et
prend également des règlements d'administration et de police (art. 72 et 75 L.O
n°08/016).

124
Il y a lieu de relever la confusion terminologique que pourrait produire cet acte réglementaire, comparable au
niveau national à l’ordonnance-loi, pris le bourgmestre, en cas d’urgence, lorsque l’organe délibérant communal
n'est pas en session, et sur accord du collège exécutif communal, avec l’acte purement législatif pris l’organe
délibérant de la même entité et nommée également de la sorte. Il aurait fallu consacrer une autre nomenclature
comme est le cas, au niveau de la ville, entre « règlements d'administration et de police » et « règlements de
police ». Cette remarque s’applique également au secteur et à la chefferie.
79
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

181/ Organe exécutif du secteur et de la chefferie. L’organe exécutif du


secteur ou de la chefferie est désigné par « collège exécutif du secteur ou de
chefferie ». Il est l’organe de gestion du secteur ou de chefferie et d'exécution des
décisions de son conseil. Le Collège exécutif du secteur est composé d’un Chef de
secteur, d’un Chef de secteur adjoint et des Echevins (deux). Le Chef de secteur et
son adjoint sont élus au sein ou en dehors du Conseil de secteur dans les conditions
fixées par la loi électorale et investis par arrêté du gouverneur de province. Les
échevins sont désignés par le Chef de secteur. Le Collège exécutif de chefferie est
composé d’un Chef de chefferie, désigné selon la coutume et investi par le
gouverneur, et de trois Echevins désignés par le Chef de chefferie. Le Chef de
chefferie ne répond pas de ses actes devant le Conseil de chefferie et tous ses actes
doivent être contresignés par un échevin afin de produire des effets juridiques. Le chef
de secteur ou chefferie statuent par voie d’arrêté (de secteur ou de chefferie) et de
règlement d'administration et de police (art. 88 et 90 L.O n°08/016).

80
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

ENTITES TERRITORIALES ORGANES ACTES


PROVINCE (ETR) Assemblée provinciale Edit

Gouvernement provincial - Arrêté du gouverneur prov.


- Arrêté du Min. prov

VILLE (ETD) Conseil Urbain - Décision


- RAP
Collège exécutif urbain - Arrêté urbain
- Règlement de police

COMMUNE (ETD) Conseil communal - Décision


- RAP
Collège exécutif communal - Arrêté urbain
- RAP
SECTEUR/CHEFFERIE Conseil de Secteur ou Chefferie - Décision
(ETD) - RAP
Collège exécutif de secteur ou - Arrêté urbain
chefferie
- RAP

81
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SECTION 2. LES ACTEURS ISSUS DE LA DECENTRALISATION DE


SERVICE

182/ La décentralisation par service : Notion et but. Il s’agira ici des


« personnes administratives spécialisées », ou des « services publics personnalisés »,
des « organismes parastataux » ou paraétatiques relevant généralement du portefeuille
de l’Etat et qui ont en commun la décentralisation du service public. En effet,
contrairement aux personnes morales de droit privé, les activités des personnes
publiques tendent presque exclusivement à la réalisation de l’intérêt général : il y a lieu
de considérer que la notion de personne morale de droit public est liée à celle de
service public125. Ainsi, il est reconnu à certains organismes publics une compétence et
une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat, des provinces et des ETD en vue
de leur permettre d’assurer la gestion autonome d’un ou de plusieurs intérêts publics
bien déterminés. Ces entités administratives peuvent relever de l’Etat lui-même ou de
ses démembrements dotés de la personnalité juridique et jouissant de l’autonomie de
gestion au nom desquels ils peuvent également organisées des services public locaux.
Ces personnes morales de droit public interviennent dans l’activité commerciale et
sociale nationales ou locales.

183/ Origine et nécessité du service public [congolais]. Il sied de souligner


également que la notion de « service public » est essentiellement liée aux attitudes de
l'État ou des autres personnes publiques face au phénomène social. Sa première
attitude a consisté à laisser se développer ce phénomène dans le cadre juridique
existant, par la seule impulsion et sous la seule responsabilité des particuliers ; tandis
que la deuxième consistait à intervenir dans le développement de ce phénomène. C’est,
en effet, à ce stade que l’Etat s’est convaincu d’intervenir dans le bien-être de ses
citoyens par l’amélioration de leurs conditions sociales en agissant en tant que
normalisateur mais aussi opérateur économique et social (intervention matérielle).
Considéré dorénavant comme l’initiateur de la stratégie du développement, il s’est
inscrit dans la réalisation de certains objectifs politiques, sociaux et stratégiques ainsi
que dans le processus d'industrialisation. Dès lors, les Etats-modernes se mirent à créer
des services spécialisés, des entreprises publiques ou mixtes ainsi que des
établissements publics, sensés suppléer à l'inexistence d'un secteur privé performant ou
inciter ce dernier à la performance. L’Etat congolais n’a pas échappé à cette règle. En
effet, la pénétration coloniale au Congo a vu naître un secteur public très important
125
Soulignons que la notion de « service public » n'a pas été reçue de toute éternité dans le droit administratif.
L'étude de son évolution historique révèle qu’elle a fortement varié et que son rôle dans la théorie juridique a
connu des fortunes diverses compromettant ainsi parfois tout espoir de définition. Le point d'aboutissement de
cette évolution semble limiter la notion de service public à une dimension essentiellement fonctionnelle. Lire
GUGLIELMI G.J., Cours d’Introduction au droit du service Public, Université Paris II, L3/Droit, 1994 ;
KABANGE NTABALA, Grands services publics et entreprises publiques en droit congolais, PUZ, Kinshasa,
1998.
82
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

composé des entreprises publiques (compagnies à charte), des entreprises mixtes et des
organismes parastataux. Ce secteur a constitué le fer de lance de l’économie
congolaise durant cette période. Ce rôle capital joué par le portefeuille de l’Etat durant
la colonisation a fasciné les nouvelles autorités congolaises d’après l’indépendance au
point qu’elles ont continué et même renforcé cette stratégie. Avec près d’une centaine
d’entreprises publiques et mixtes126, l'Etat congolais était présent dans tous les secteurs
d'activité : des infrastructures de base (son secteur naturel) à la production des biens et
services aussi bien pour le marché intérieur que pour l'exportation.

184/ Typologie des entités administratives spécialisées sous le régime de la


loi-cadre de 1978. De cette panoplie d’établissements publics émergent des
classifications divergentes qui mettent chacune en exergue un critère précis (élément
géographique, statut financier ou objet), quoi le dernier est le plus pertinent. Ainsi,
pour les uns, le portefeuille de l’Etat comprenait trois grandes catégories d’entreprises
publiques, à savoir ; celles opérant dans le secteur marchand (dont le caractère de
société, au sens strict du droit commun des sociétés, est avéré), celles dont les activités
relèvent des missions essentielles de service public, et celles dont les activités sont le
prolongement de l’Administration publique. Pendant qu’une autre doctrine
subdivisait les établissements publics en trois catégories, en utilisant une
nomenclature propre mais dont le contenu est semblable à la classification précédente,
à savoir ; les établissements publics administratifs (l’Office des douanes et accises, la
Régie des voies maritimes, la Régie des voies aériennes, la Banque centrale,
l’Université de Kinshasa, l’Université de Gbado-lite, l’Hôpital général de référence de
Kinshasa), les établissements publics industriels et/ou commerciaux (la Société
nationale d’électricité, la Régie des Distributions d’eau et d’Electricité, les régies
financières provinciales...) et les établissements publics sociaux (la Caisse Nationale
de sécurité sociale, la Société nationale d’assurance). A ce groupe, certains auteurs
ajoutent les regroupements professionnels de droit public (ou les ordres
professionnels), les autorités administratives indépendantes et les sociétés d’économies
mixtes où les pouvoirs publics détiennent la prépondérance pour l’organisation et le
fonctionnement. Enfin, d’autres encore, en considérant la nature générique de l’activité
en cause, distinguent carrément les établissements publics administratifs (EPA) aux
établissements publics commerciaux et industriels (EPIC).

185/ Le service public congolais, après la réforme de 2009. Mais après quatre
décennies de gestion du portefeuille de l’Etat, le bilan des activités de ces entités
publiques n’a pas été pas fameux. Sans efficacité, compétitivité et outil performant,
elles sont devenues des canards boiteux et fossoyeurs des fonds publics. Ce qui

126
Avant la réforme de 2009, on évaluait à environ 51 entreprises publiques et 68 entreprises mixtes. V. à ce
propos ; Rapport national sur le développement humain durable en RDC, Restauration de la paix et
reconstruction, PNUD, Kinshasa, 2008, pp. 124 -126 ; Rapports et études du COPIREP (www.copirep.cd).
83
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

conduit à la réforme des entreprises du portefeuille de l’Etat réalisée en 2009127


consistant notamment à l’ouverture de leur capital ou de leur gestion au secteur privé
ou à les transformer carrément en sociétés commerciales de droit privée. A ce jour,
d’après le décret n°09/12, le gouvernement remodèle le Portefeuille de l’Etat. Des
cinquante et une (51) anciennes entreprises publiques ; vingt (20) sont transformées en
sociétés commerciales principalement celles qui opèrent dans le secteur marchand,
vingt (20) en établissements publics, cinq (5) en services publics, et six sont dissoutes
ou liquidées. La réforme instaure également une nouvelle forme de gestion des
entreprises appartenant à l’Etat, cristallisée par la suppression de la double-tutelle et de
la gestion collégiale (comités de gestion) et par la responsabilisation des managers
astreints, désormais à une obligation individuelle des résultats.

127
Dont le cadre juridique est essentiellement fixé par quatre lois datant du 07/07/2008 ( n°08/007 portant
dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques ; n°08/00/ portant dispositions
générales relatives au désengagement de l’Etat des entreprises du Portefeuille ; n°08/009 portant dispositions
générales applicables aux établissements publics et loi n°08/010 portant règles relatives à l’organisation et à la
gestion du Portefeuille de l’Etat ) et cinq décrets du Premier ministre datant du 24/04/2009 (n°09/11 portant
mesures transitoires relatives à la transformation des entreprises publiques ; n°09/12 établissant la liste des
entreprises publiques transformées en sociétés commerciales, établissements publics et services publics ; n°09/13
portant dissolution et liquidation de quelques entreprises publiques ; n°09/14 portant création, organisation et
fonctionnement d’un établissement public dénommé « Fonds Spécial du Portefeuille » en sigle « FSP » ; n°09/15
portant création, organisation et fonctionnement d’un établissement public dénommé « Comité de Pilotage de la
Réforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat » en sigle « COPIREP »)
84
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

CHAPITRE II : LES ACTEURS DU DROIT INTERNATIONAL

186/ Objet et plan du chapitre. Les relations internationales ont toujours été
dominées par la présence des Etats qui en constituaient l’acteur principal. De ces
rapports interétatiques ou inter-gouvernementaux naquirent le besoin des structures
supranationales permanentes pour renforcer la coopération et l’opérationnalité des
accords. Ainsi qu’émergea au lendemain de la seconde Guerre mondiale sur la scène
internationale les structures qualifiées unanimement par la doctrine d’« organisations
internationales » (O.I) qui, comme des structures « supraétatitiques », jouent de plus
en plus un rôle important sur l’échiquier international et réclament même une certaine
supériorité sur les Etats. Toutefois, à côté de ces deux acteurs majeurs pointent de
divers acteurs non moins importants mais complexes. Il s’agit ; d’une part, des
personnes physiques (les notoriétés publiques ou religieuses, les altermondialistes, les
terroristes) et morales (les multinationales, les organisations non gouvernementales,
les syndicats…) de droit privé, et d’autre part, les structures à statut complexe tels que
les entités aspirant au statut international de l’Etat, des groupes organisés (les médias,
les partis politiques...) et des réseaux informels (les mafias...). On parle même, « d’un
continuum allant du touriste au terroriste »128. Pour être le plus exhaustive possible,
nous analyserons dans ce chapitre ces entités en les regroupant en deux catégories, à
savoir ; d’une part, les acteurs publics (Section 1), et d’autres part, les acteurs privés
(Section 2).

SECTION 1. LES ACTEURS PUBLICS DU DROIT INTERNATIONAL

187/ Typologie d’acteurs publics du droit international. Dans cette section, il


sera question de traiter des acteurs publics de la scène internationale. Ces acteurs sont
qualifiés de « public » parce qu’ils ne sont, en réalité, que des émanations ou des
projections sur le plan international de l’Etat, à l’exemple des ETD sur le plan interne,
et acquiert ou revendiquent le statut public de ce dernier. Il s’agira, en d’autres termes,
des entités étatiques (§1), interétatiques (§2) et pseudo-étatiques (§3).

§1. L’entité étatique


188/ L’approche juridique de l’Etat. Acteur traditionnel et incontournable de la
vie internationale, l’Etat est aujourd’hui la forme d’organisation sociale et/ou politique
la plus aboutie. Ils contrôlent à eux seuls, tout l’espace du globe terrestre. Comme son
origine et sa formation129, sa définition divise également les auteurs quoi que la plus
simple et la plus répandue considère cette entité comme une personne morale de droit

128
ROSENAU James, cité par ETHIER D., Introduction aux relations internationales, PUM, Montréal, 2012,
pp.89-93.
129
Voir les Manuels de droit constitutionnel et d’institutions politiques.
85
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public130 dotée d’un pouvoir institutionnalisé exercé sur une population bien
déterminée établie sur une aire géographique bien limitée. En d’autres termes,
l’approche juridique classique caractérise l’Etat par la réunion de quatre éléments ou
conditions d’existence, à savoir ; le pouvoir ou le gouvernement (entendu comme un
monopole organisé de contrainte et de coercition), le territoire (l’aire géographique ou
terrestre, maritime et aérienne bien limitée sur laquelle le pouvoir est exercé), la
population (l’ensemble des personnes établies ou vivant sur le territoire d’un Etat et
rattachées à ce dernier) et la souveraineté (l’autorité ou l’aptitude absolue d’organiser
son territoire et sa population, de s’engager auprès des autres Etats et de refuser un
ordre venant dans un autre Etat ; bref, la non admission d’une institution supérieure à
l’entité étatique sur le plan interne qu’international)131. A ces éléments, la doctrine
moderne ajoute deux autres qui sont ; le vouloir vivre ensemble (avoir des lieux
historiques et culturels communs : Etat-nation) et la reconnaissance internationale.
L’approche juridique de l’Etat souffre néanmoins de beaucoup de faiblesses : non
seulement qu’elle lie le « droit » à l’existence de l’Etat mais aussi elle fait appel à des
concepts (« royaume », « empire », « féodalité », « nation ») attachés au cadre
européen et qui, utilisés certainement de manière adéquate, ne sont toujours pas
facilement applicables au contexte africain.

189/ L’approche sociologique de l’Etat. D’où le recours à l’approche


sociologique, plus contenant, qui caractérise l’entité étatique par le niveau de
structuration politique de toute organisation sociale, en d’autres termes, par la
permanence, la différenciation et le degré de perfectionnement de l’appareil politique
ou du pouvoir. C’est ainsi que Georges BURDEAU identifie l’Etat à
l’institutionnalisation de la gestion du pouvoir dans un groupe social, c’est-à-dire que
lorsque la gestion de la collectivité n’est plus collective (pouvoir indifférencié) ou
incarnée par un individu (pouvoir individualisé) mais confiée à une institution. Quant à
Philip BRAUT, il ajoute au critère de BURDEAU deux autres caractéristiques
d’identification de l’Etat, à savoir ; la spécialisation et la centralisation des agents (un
corps social ayant reçu le mandat de gérer la communauté) et le maintien du monopole
coercitif par les gouvernants. Ce faisant, « toutes les sociétés humaines produisent du
politique et sont toutes perméables au fluide historique »132 et juridique133, c’est-à-dire,

130
Nonobstant le fait qu’aucun texte constitutionnel ou légal ne la consacre formellement, la personnalité
juridique de l’Etat congolais résulte d’un ensemble de dispositions du droit positif congolais notamment les
articles 9, 34 al.4, 67, 98, 126 al. 1, 155, 160 à 162, 171, 175 const. et 131 LO OCJ.
131
Cristallisée aux traités de Westphalie (1648) et reprise à l’article 2 §1 de la Charte des Nations-Unies, la
souveraineté étatique est un principe fondamental de l’organisation de la société internationale et des rapports
interétatiques. Toutefois, cette souveraineté est limitée à l’interne par le droit et à l’externe par les accords
internationaux et le droit international
132
BALANDIER G., Anthropologie politique, PUF, 4ème éd., Paris, 1999, p.230.
133
BURDEAU G., Traité de science politique, Tome IV : Les statuts du pouvoir dans l’Etat, LGDJ, 3ème éd.,
Paris, 1980, p.45. Voir aussi BECQUART L., « La démocratie n’est pas une invention européenne : les autres
démocraties, in Revue Et Alii, 2014, [en ligne] http://etaliippe.wixsite.com/etalii-aleas/la-dmocratie-nest-pas-une-
86
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

« un sens de l’ordre et de la référence sans lequel il n’y a pas d’humanité possible »134.
« En Afrique comme ailleurs, l’Etat apparait quand se constitue une structure politique
et militaire contrôlant un certain espace, en dehors du réseau de la société globale »135.

190/ Missions de l’Etat. Ce faisant, l’on circonscrit historiquement, l’évolution


de la mission ou du rôle de l’Etat en trois stades ; l’Etat-policier ou l’Etat-gendarme
ou encore Etat-administratif (du 17ème siècle reposant sur les missions régaliennes
telles que la contrainte, la discipline et la sécurité interne et externe via l’organisation
de la police, la justice, l’armée et la diplomatie), l’Etat-social ou l’Etat-providence ou
encore la « welfare statute » (lorsqu’il s’est résolu d’intervenir dès la fin du 18ème
siècle, au regard des nouveaux enjeux sociaux consécutifs au progrès économique,
scientifique et technologique, dans l’amélioration des conditions sociales et du bien-
être de ses citoyens notamment par la création des écoles, des logements,
l’organisation du service public…) et, enfin, l’Etat-libéral ou l’Etat-commerçant ou
cocontractant (lorsqu’à la suite de son interventionnisme social, il agit en tant
qu’opérateur économique en créer des richesses et en poursuivant le gain en vue de la
réalisation de l’intérêt général). A ces trois types, Michel FOUCAULT ajoute l’Etat
féodal, ayant émergé vers le 13ème siècle et axé sur la territorialité et la justice. Si
certains auteurs situent la naissance de l’Etat vers le 16ème et 17ème siècle avec la
disparition des vastes empires et royaumes européens ; d’autres remontent plus loin
vers le 14ème et 15ème siècle avec la féodalité.

191/ Formes des Etats. Les modalités contemporaines de la gestion


administrative de l’Etat ou de la projection de l’exercice du pouvoir dans un Etat
induisent la notion de « forme de l’Etat ». Il s’agit en réalité, selon Dominique
Chagnollaud136, d’une division verticale du pouvoir. La doctrine énumère plusieurs
formes d’Etat réparties deux groupes ; les formes anciennes ou historiques et les
formes modernes. Dans les premières, en perte de vitesse ou qui ne se rencontrent
plus, on classe des unions d’Etat (unions personnelles et unions réelles) 137 et des
confédérations138. Dans les secondes, l’on retrouve l’Etat unitaire et l’Etat fédéral.

invention-oc, consulté le 16/02/2016 ; DIANGITUKWA FWELEY, « La lointaine origine de la gouvernance en


Afrique : l’arbre à palabres », Gouvernance, n°1, vol.11, Eté 2014.
134
ASSIER-ANDRIEU L., Le droit dans les sociétés humaines, Nathan, Paris, 1996, p.106.
135
PERSON Y., cité par BASSONG MBOG, Les fondements de l’état de droit en Afrique précoloniale,
L’Harmattan, Paris, 2007, p.17.
136
Op.cit., p.160 §§.188.
137
Les unions personnelles sont des unions de plusieurs Etats indépendants autour d’une même personne (même
chef d’Etat, roi ou empereur). Hypothèse rencontrées souvent avant le XVIIème siècle où les familles
monarchiques régnantes faisaient des alliances. Ex : Duché de Bretagne et le roi de France en 1491 ; Hanovre et
Angleterre (1714-1837). Tandis que les unions réelles sont la mise en commun des certaines prérogatives
(compétences) entre plusieurs Etats indépendants. Ex : Autriche-Hongrie (Ministère commun de la défense, de
l’économie et du commerce international : 1867-1918) ; Suède-Norvège (1814-1905).
138
Association entre plusieurs Etats souverains et égaux ayant gardé chacun leur indépendance mais décidé par
un traité d’agir ensemble dans certains domaines gérés formellement par un organe commun (diète confédérale
87
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

Nous n’analyserons sommairement que les deux formes modernes étant donné que
toutes ces notions seront analysées en détail dans les cours d’institutions politiques ou
de droit constitutionnel institutionnel.

192/ Les Etats unitaires : Etat unitaire concentré, Etat unitaire déconcentré
et Etat unitaire décentralisé. Caractérisé par la gestion du pouvoir étatique par les
autorités centrales ou nationales, deux formes d’Etat unitaire coexistent ; d’une part,
l’Etat unitaire centralisé, et d’autre part, l’Etat unitaire décentralisé. Le premier type
est également subdivisé en deux sous-formes (l’Etat unitaire concentré et l’Etat
unitaire déconcentré). Dans l’Etat unitaire concentré, la centralisation du pouvoir est
absolue : toutes les autorités à tous les échelons sont nommées et révoquées par le
pouvoir central ; puis exécutent les décisions de ce dernier. Forme la plus ancienne et
symbole d’un pouvoir fort, cet Etat n’admet qu’une seule organisation (autorité)
politique et juridique dotée de la souveraineté ainsi qu’un seul centre d’impulsion
politique et de décision juridique. Les collectivités locales n’y sont que simples
circonscriptions administratives : seul l’Etat dispose de l’ensemble des compétences
sur son territoire régi par un seul et même droit. Tandis que dans l’Etat unitaire
déconcentré, il est reconnu un certain pouvoir de décision aux autorités locales, qui
sont néanmoins nommées et révoquées par les autorités centrales. Il s’agit d’une forme
d’implantation locale des représentations de l’Etat central chargée d’assurer la mise en
œuvre sa politique. Enfin, dans l’Etat unitaire décentralisé, il est reconnu aux
collectivités locales une marge politique plus importante : elles seront, en effet, dotées
d’une personnalité juridique et d’une autonomie de gestion (principe d’autonomie et
de libre administration). La population locale participe à la gestion de la chose
publique ses représentants locaux élus généralement au suffrage universel direct.

193/ L’Etat Fédéral. L’Etat fédéral est la seule forme d’Etat composé qui a
survécu étant donné que toutes les autres formes (confédération, union d’Etats),
comme nous l’avons déjà dit, sont des vestiges de l’histoire. Dans cette forme d’Etat, il
y a superposition de deux ordres juridiques relevant de deux entités étatiques distinctes
mais liées ; d’une part, l’entité inter-étatique représentée par l’Etat fédéral à qui est
reconnu une compétence et une souveraineté internationales ; d’autre part, les entités
infra-étatiques, représentés par les Etats-fédérés (les lands, ou les cantons). Les
seconds groupes se regroupent pour abandonner une partie de leur souveraineté au
profit du « super-Etat » que constitue le premier mais en conservant une large
autonomie. Deux situations sont à la base de sa formation ; d’une part, les Etats à
l’origine indépendants trouvent la nécessité de renoncer à leur souveraineté et de
s’associer entre eux en créant une seule entité (fédéralisme par intégration, association

ou conférence). Elle constituait jadis une étape précédant le fédéralisme. Ex. la confédération américaine (avant
la guerre de sécession : 1777-1787), germanique (1815-1871), suisse et helvétique (1481-1848).
88
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

ou agrégation : Suisse, Allemagne et USA) ou encore des collectivités au statut varié


renforcent leur coopération (Canada, Inde), et d’autre part, les revendications
d’autonomie des collectivités locales d’un Etat unitaire qui ne peuvent se satisfaire par
décentralisation (fédéralisme par dissociation ou désagrégation : Belgique, Brésil).
Chaque type s’inscrit dans une visée spécifique ; le premier, la formation ou le
renforcement d’un Etat-nation ou un « super-Etat » pendant que le second, moins
fréquent, l’évitement d’un éclatement ou d’une séparation139.

194/ L’Etat régional : vers un nouveau moderne intermédiaire. C’est ainsi


que depuis peu émerge dans les démocraties modernes, une forme particulièrement
poussée de décentralisation, à cheval entre le fédéralisme et l’unitarisme décentralisé.
Dans cette forme spécifique d’Etat, les collectivités locales revendiquent plus de
pouvoir sans pour autant aller jusqu’à la formation d’un Etat fédéral conduisant que
chaque Etat fédéré ait les mêmes pouvoirs et ses propres organes. Mais, parfois, la
démarcation entre les régions autonomes (de l’Etat régionalisé) et les Etats fédérés (de
l’Etat fédéral) n’est pas toujours facile à établir : dans les deux formes il y a une
superposition des compétences en l’Etat (unitaire ou fédéral) et l’autre entité (région
ou Etat fédéré) à la seule différence que l’ordre juridique reste unique dans l’Etat
régional mais dualiste (plurale) dans le système fédéral. Le régionalisme peut même
constituer une transition vers le fédéralisme (Cas de la Belgique) et cache, bien
souvent, un problème d’identité culturelle frisant avec des élans nationalistes ou
indépendantistes (la Catalogne et le Pays Basque de l’Espagne, l’Irlande du Nord, la
Sardaigne, la Sicile, etc…) que l’on résout politiquement en octroyant plus
d’autonomie de manière générale ou particulière. Il est toutefois difficile de pouvoir
dégager des traits communs entre les différents Etats régionalisés ; chaque modèle est
un cas sui generis. Le modèle espagnol est diffère de celui du Royaume-Uni ou de
l’Italie. Comme nous l’avons déjà démontré dans le chapitre précédent, la République
démocratique du Congo est un Etat unitaire fortement décentralisé au point que
certains auteurs n’hésitent à le qualifier de régional (art. 2, 3, 195, 196, 201 et 205
const.).

195/ Régimes politiques des Etats démocratiques : les régimes présidentiel,


semi-présidentiel, parlementaire et d’assemblée. Si la forme de l’Etat est liée à la
gestion administrative ou territoriale des Etats modernes, le régime politique, quant à
lui, renvoie aux rapports de force entre les différents pouvoirs publics, principalement
l’exécutif et le législatif. Ainsi, l’on distingue généralement les régimes dictatoriaux
aux régimes démocratiques. Ces derniers, qui nous intéressent comptent
principalement quatre formes pouvant être également regroupées en deux catégories ;
d’une part, le régime démocratiques de séparation (le régime présidentiel), et d’autre

139
CHAGNOLLAUD DE SABOURET D., Op.cit., p.165, §§.194
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Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

part, le régime politique de collaboration le régime d’assemblée, le régime


parlementaire et le régime semi-parlementaire). Le régime présidentiel se caractérise
par une stricte séparation des pouvoirs dotés chacun des compétences précises et
distinctes. Le Président de la République, élu au suffrage universel direct (Exemple,
USA) ou indirect, est le chef du gouvernement : il dispose d’une forte légitimité
justifiant ses larges pouvoirs et nomme ou révoque ses ministres. Le pouvoir
Législatif, représenté par les assemblées, a le monopole de l’initiative et de la
production des lois et dispose des moyens d’investigation et de contrôle important sur
le fonctionnement de l’Administration. Le chef de l’Etat n’engage pas sa
responsabilité devant les assemblées, inversement, ces dernières ne peuvent être
dissoutes par lui. Pendant que dans le régime d’assemblée, de plus en plus rares, il
existe une confusion du pouvoir et la prépondérance du Législatif : tout le pouvoir
politique est, en effet, détenu par une assemblée, élue au suffrage universel direct, qui
désignera à son tour et en son sein des comités qui exerceront des fonctions
exécutives, et le cas échéant, judicaires. Quant au régime parlementaire, il se
caractérise par une collaboration plus ou moins étroite entre l’Exécutif et le législatif,
pourtant distinct. L’exécutif Il est bicéphale, scindé entre le Président de la République
(qui représente l’Etat mais n’est pas élu au suffrage universel direct et ne participe pas
à l’exercice du pouvoir sauf le droit de dissoudre le parlement) et le premier ministre
(chef du gouvernement et généralement chef de fil du parti majoritaire qui doit
disposer de la confiance de la majorité parlementaire devant qui il est politiquement
responsable). C’est le cas de l’Allemagne ou Royaume-Uni). Entre les régimes
présidentiel et parlementaire un régime intermédiaire qualifié de « semi-présidentiel »
ou l’exécutif est également bicéphale même sur le plan politique; c’est-à-dire, partagé
entre le Président de la République (élu au suffrage universel direct) et le Premier
ministre issu du parti majoritaire de l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat choisit,
nomme et révoque les membres du gouvernement, y compris le premier ministre, s’il
dispose d’une majorité parlementaire. Au cas contraire, il cohabite avec un premier
ministre issu de la majorité parlementaire. C’est le cas de la RD Congo).

§2. Les entités interétatiques


196/ Origine des organisations internationales. Comme nous l’avons déjà
mentionné, les O.I sont nées de la nécessité de renforcer et pérenniser les relations
interétatiques. En effet, l’institutionnalisation des relations interétatiques remonte au
milieu du 19ème siècle, lorsque, raisons techniques, administratives, géographiques, et
même économiques, certains Etats confirent à un groupe de personnes choisies par eux
la gestion des services publics internationaux (unions postales, météorologiques,
commerciales). Mais à la fin de la 1ère guerre mondiale, la sauvegarde et
l’institutionnalisation de la paix par le droit ont conduit à la création en 1919 d’une
organisation intergouvernementale appelée la « Société des Nations » (SDN, en sigle).

90
Professeur KASONGO LUKOJI Ghislain-David Cours d’Introduction [Générale] à l’Etude de Droit

A la différence de ces prédécesseurs, la motivation fut ici politique et la structure


n’était pas circonstancielle mais permanente. Son existence lança un mouvement
inarrêtable. Une sorte de marche en arrière, un retour à la fois à une sorte de
médievalisation (avec ses vastes empires comparables aux O.I) et à la féodalisation
(avec le démembrement interne de l’Etat en ETD réclamant de plus en plus de
compétence) de la vie politique moderne. Le 20ème siècle sonne la fin de l’ère de gloire
de l’entité étatique : la restructuration de l’échiquier international accorde, désormais,
une plus grande importance aux organisations interétatiques qui s’approprient
continuellement des compétences régaliennes facilitant, en même temps, le
rapprochement des Etats.

197/ Définition des organisations internationales. Une Organisation


internationale est une association d’Etats souverains constituée par un traité
fondateur140 et poursuivant un but commun au moyen d’organes qui lui sont propres.
Dotée d’une personnalité juridique distincte de ses membres, leur présence
complexifie la société internationale basiquement constituée des Etats. En effet, les O.I
sont le fruit d’une double fiction juridique : elles sont des personnes morales, créées
par la volonté d’autres personnes morales que sont les Etats et, parfois même, d’autres
O.I. Leurs traités fondateurs s’élaborent d’après les principes et règles du droit des
traités (droit international public ou droit primaire) tandis que les règles édictées par
leurs différents organes, dans les limites de leurs compétences respectives, relèvent
d’un droit spécifique (droit dérivé) dont le caractère obligatoire dépend de la forme de
l’organisation.

198/ Classifications des organisations internationales. Il existe nombreuses


O.I ayant chacune des objectifs divers et qu’il est difficile de les classer. Néanmoins,
elles sont généralement catégorisées au regard de trois critères, à savoir ;

 Par rapport à la qualité des membres, les O.I peuvent être ouvertes ou
restreintes. La première catégorie est ouverte à tous les Etats. Exemple : ONU et ses
institutions spécialisées (UNICEF, OMS, HCR, etc). Tandis que la deuxième catégorie
n’est ouverte qu’à certains types d’Etat en fonction de leur conviction politique
(OTAN, Pacte de Varsovie), soit de leur situation géographique (UA, UE, CEMAC,
CPGL). Ainsi, au regard de ce dernier critère, les OI peuvent être régionales ou sous
régionales.
 Par rapport à leur domaine d’intervention, les O.I peuvent être de nature
politique (ONU, UA, UE), sécuritaire (OTAN, AIEA), économique (FAO, ONC,
SEMAC, CEDEAO), social (OIT, OMS), financière (FMI, BIRD), culturel ou

140
Le traités fondateurs peuvent prendre plusieurs formes et dénominations ; pacte (cas de la SDN), charte (cas
de l’ONU), constitution (cas de l’OMS).
91
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humanitaire (UNESCO, HCR) et technique (UIT, OACI), juridictionnelle (CPI, CIJ,


CEDH).
 Par rapport aux relations avec leurs membres ; les OI peuvent être de
coopération ou d’intégration. Les premières reposent sur un traité qui crée des
institutions représentatives de tous les Etats-membres ; lesquelles constitueront le lieu
de négociation des nouvelles conventions. Les Etats ont, néanmoins, une plus grande
indépendance liée à leur souveraineté et peuvent décider de se lier ou pas par ces
nouvelles conventions. Tandis que dans les secondes, les Etats-membres décident de
de transférer une partie de leur souveraineté à l’entité supra-étatique dont les décisions
lient directement les Etats-membres et produisent immédiatement des effets dans leurs
systèmes nationaux respectifs. A ce jour, seul l’Union européenne est l’exemple-type
de l’O.I d’intégration à caractère politique : le droit communautaire dérivé (ou le droit
issu des institutions de l’Union) est caractérisé par deux principes cardinaux : la
prévalence ou la primauté (CJCE : 15/07/1964, n° 6/64, Costa/Enel ; 09/03/1978, n°
106/77, Simmenthal) et l’effet immédiat (CJCE, 05/02/1963, n°26/62, Van Gend en
Loos).

§3. Les entités aspirant au statut étatique


199/ Les pseudo-Etats en droit international : notions. A côté des Etats, il
existe certaines entités à qui est reconnu le statut d’acteur dans la vie internationale
mais qu’ils ne soient effectivement des Etats, encore moins des organisations
internationales. Certaines se refusent politiquement et volontairement d’exercer tous
les attributs de la souveraineté étatiques, d’autres par contre, sont objectivement
limitées. Tels est le cas par exemple, de l’Etat de Vatican141, des Etats neutres, des
micro-Etats, des minorités nationales, les territoires dépendants, des mouvements de
libération nationale. Il est reconnu à ces entités un statut international qui leur permet
d’agir sur la scène internationale : ils peuvent nouer des relations diplomatiques et
conclure des accords à vocation internationale. Ils sont ainsi, sous certaines réserves,
assimilés aux Etats ou qualifiés des observateurs (NU).

SECTION 2. LES ACTEURS PRIVES DU DROIT INTERNATIONNAL


200/ Les acteurs privés ou non-étatiques du droit international : une
nébuleuse. Des compagnies marchandes, des mouvements religieux, et, dès le XIXème
siècle, des cartels internationaux ainsi que des syndicats rivalisent depuis longtemps
avec les Etats sur la scène internationale. Ils s’organisent crescendo, se mobilisent et
tentent même d’influencer les décisions des Etats et des organisations internationales.
Ces acteurs privés de droit international sont, en général, des émanations de la société

141
Territoire d’une quarantaine d’hectare et environ 350 habitants principalement les hauts dignitaires de l’Eglise
et ses fonctionnaires, cet Etat à statut particulier est le siège de l’Eglise catholique issu de la loi des garanties du
13/05/1871 et des accords entre le Saint siège et l’Etat italien du 11/02/1929.
92
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civile interne sur la scène internationale, créant de ce fait, une société civile
internationale. Ils naissent au sein des Etats, dans le territoire desquels, ils plongent
leurs racines et jouent leur propre partition tant à l’interne qu’à l’international. Raison
pour laquelle nombreux auteurs les désignent par « acteurs non-étatiques ». Si le
groupe d’acteurs analysé dans la section précédente est plus connu et relativement
homogène, cette catégorie est plus hétéroclite, plus changeante, plus foisonnante, plus
informelle et insaisissable que nous ne pouvons prétendre les analyser toutes. Nous
n’en aborderons, à titre illustratif que, quelques-uns, à savoir ; les notoriétés publiques
ou religieuses (§1), les multinationales (§2) et les organisations non-gouvernementales
(§3).

§1. Les notoriétés publiques


201/ Les personnes privées, acteurs émergents de droit international.
Traditionnellement, l’individu était ignoré par le droit international classique, perçu
exclusivement comme inter-gouvernemental. Il ne pouvait, donc, agir sur la scène
internationale que sous tutelle étatique, particulièrement par le truchement de la
protection diplomatique. Toutefois, cette incapacité juridique internationale fut
graduellement remise en cause. En effet, le DIH142 fut le premier à briser l’écran
étatique pour assurer aux individus (des combattants blessés, des prisonniers, les
populations civiles) des droits spécifiques en période de conflits. Après le deuxième
conflit mondial, cette protection fut étendue en temps de paix : ce qui permit le
développement impressionnant du DIDH avec l’installation des juridictions
internationales, particulièrement régionales. Cette évolution déboucha, à la fin du
siècle dernier, d’une part, à la consécration de la responsabilité individuelle pour des
actes fautifs de caractère international, d’autre part, à l’émergence de l’individu
comme acteur, à part entière, de la scène internationale.

202/ Ce faisant, certaines personnes physiques, à la suite de leurs activités


politiques, religieuses, sociales, et parfois culturelles et sportives, acquiert une
renommée nationale, régionale et internationale qu’elles peuvent influencer les
relations internationales. C’est les cas, par exemple des anciens présidents de la
République, particulièrement des grandes nations telles que les Etats-Unis ou la
France, des anciens secrétaires généraux de l’ONU et de l’UA, du pape, du dalaï-lama
ou du patriarche orthodoxe…

§2. Les multinationales


203/ Les multinationales : définition. « Les [firmes] multinationales sont des
entreprises commerciales qui produisent sur un territoire autre que leur territoire

142
La convention de Genève du 22/08/1864 relative à l’amélioration du sort des militaires blessés dans les
armées de campagne ». Remaniée en 1907 puis en 1929, elle devenue la convention I de Genève du 12 aout
1949. Depuis lors, elle a été complétée par plusieurs autres protocoles additionnels.
93
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d’origine. L’usage est de considérer que toute firme qui possède au moins dix pourcent
du capital étrangère est une multinationale, et l’entreprise sa filiale »143. Il s’agit, en
d’autres termes d’une entreprise de grande taille qui, à partir, d’une base nationale, a
implanté dans d’autres pays plusieurs filiales avec une stratégie et une organisation
conçue à l’échelle mondiale144.

204/ On en dénombrait plus de 80.000 dans le monde au début des années 2010.
Certaines d’entre elles, sinon les plus grandes, jouent également un rôle très important
dans la vie internationale. Poursuivant principalement le profit et le contrôle du
marché mondial de leur secteur d’activité, elles s’adonnent à une vrai politique de
conquête territoriale145 impliquant leurs Etats d’origine, ainsi que leurs Etats
d’implantation. Elles s’occupent principalement des capitaux, des biens et des
technologies extrêmement flexibles. Elles prennent des décisions selon les questions
d’économie d’échelle, de politique fiscale et des rapatriements des profits. De ce fait,
elles acquirent, sur le plan économique, une puissance internationale et deviennent des
acteurs incontestables et incontournables. Sur le plan interne, elles sont protégées par
leur Etat d’origine qui voit en elles une fierté nationale, une source importante des
revenus et, surtout, un instrument politique (de coopération ou de pression). Du côté
des Etats d’implantations aussi, elles constituent un pilier de développement
économique et social grâce aux capitaux frais, à l’emploi et au service qu’elles
apportent. Ainsi, sur le plan international, elles impliquent l’immixtion, directe ou
indirecte, des Etats dans l’obtention et exécution de leurs contrats. Bien plus, elles
peuvent contractent elles-mêmes avec des Etats. Ex. Toyota, Coca-cola, Samsung...

§3. Les organisations non gouvernementales.


205/ Les organisations non gouvernementales (ONG), pseudo organisations
internationales. Le droit international reconnait, de plus en plus un certain pouvoir
aux ONG. Par leur nombre146, leur compétence technique, leur poids politique ou leur
capacité de mobilisation147, elles sont devenues des acteurs incontournables de la vie
internationale. Elles sont définies, par Marcel MERLE148, comme des groupements,
associations ou mouvements constitués de façon durable par les particuliers
appartenant à différents pays en vue de la poursuite d’objectifs non lucratifs. De cette
définition, quelques caractères peuvent être tirés, à savoir ; l'origine privée de leur

143
Encyclopédie Universalis.
144
MICHALET C.A, Capitalisme Mondial, PUF, Paris, 1976, p.15.
145
MOREL B., « Rôles des entreprises multinationales dans la concurrence des territoires », Rives Nord-
méditerranéennes, 9/2001, pp.82-92.
146
D’une quarantaine en 1946, on en dénombre à plus de 3.700 aujourd’hui.
147
Les ONG expriment une solidarité transnationale qui se manifeste dans des domaines très variés (culturel,
économique, social, politique, technique, sanitaire, humanitaire, sportif, touristique, syndical, scientifique,
écologique, juridique, etc.) dans l’objectif d’améliorer les conditions de l’Homme.
148
!!!!
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constitution, le but non lucratif de leur action et l’intérêt public ainsi que
l'indépendance financière et politique. Leur Statut juridique est, de ce fait, complexe :
elles sont des associations de droit interne, rattachées par leur siège à un État donné
dans lequel elles bénéficient du statut d’association à but non lucratif mais agissant
également sur le plan international.

206/ Statut international des ONG. L’on retrouve leur reconnaissance


officielle, particulièrement sous le statut consultatif du Conseil économique et social,
dans la Charte des Nations-Unies (art. 71). Aujourd’hui, leur rôle a également évolué
du cadre consultatif originel au cadre décisionnel et dépend globalement de leurs
domaines d’activités. En effet, selon les modalités très variables, les ONG sont
souvent sollicités pour apporter leur expertises au regard de leur compétence
opérationnelle à faible cout économique, leur maitrise de secteurs d’activités et
capacités transnationales. Dans les organisations internationales techniques telles que
l’OMS, le HCR ou l’OIT, elles assurent même des rôles plus importants consistant en
la participation dans la définition des politiques ou des programmes d’actions, aux
délibérations et, même, à la mise en œuvre de certaines décisions. Qui plus est, on
assiste à ce que la doctrine qualifie aujourd’hui de la para-diplomatie (diplomatie non
gouvernementale ou alternative) pratiqués par certaines ONG qui ont acquises une
réputation internationale incontestable telles que le « Comité International de la Croix-
Rouge et Croissant-rouge », les « Médecins sans frontières », les « Médecins du
monde » (domaine humanitaire), l’« Amnesty international », le « Human Rigths
watch », le « Save the children», (domaine juridique), le « Greenpeace » (domaine
environnemental), le « Comité International Olympique », la « Fédération
internationale de football association » (domaine sportif).

207/ Statut des ONG au niveau africain. L’Union africaine également


reconnait un rôle actif aux ONG, particulièrement, pour la sauvegarde des droits des
enfants. En effet, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant prévoit la
création d’un Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant
(CmADBE), chargé de promouvoir et de protéger les droits garantis à l’enfant africain,
de suivre l’application et l’interpréter la Charte. Dans ce cadre, il peut recevoir des
recours (communications-plaintes) en réparation pour violation des droits de l’enfant
des individus et des organisations non gouvernementales reconnues par l’UA, par un
Etat-membre ou par l’ONU (art. 44 CABDE).

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TABLEAU SYNTHETIQUE DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

ORDRE JUDICIAIRE ORDRE ADMINSITRATIF « ORDRE »


Juridictions Juridictions spécialisées Juridictions Juridictions CONSTITUTIONNEL
ordinaires Autres J.S J.S militaires ordinaires spécialisées

Cour de HAUTE COUR Conseil d’etat Cour


COUR DE
cassation MILITAIRE COMPTE constitutionnelle

Cour d’appel COUR Cour - Csm


MILITAIRE / administrative - O.p
COUR MILITAIRE d’appel
OPERATIONNELLE
TRIBUNAL DU Légende
Tribunal de TRIB.mILITAIRE TRIB. ADM
TRAVAIL - CSM : Conseil supérieur
grande DE GARNISON de la magistrature
TRIBUNAL De
instance - EFT : Enfant
commerce - J.S: juridiction spécialisée
Tribunal de TRIBUNAL TRIB.mILITAIRE - OP: Ordres professionnels
POUR eFT - TRIB. : Tribunal
paix DE POLICE

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