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Introduction Générale

Site: Université Virtuelle du Sénégal Imprimé par: Mouhamed NDOYE


Cours: Droit constitutionnel 1 Date: mercredi 11 août 2021, 00:48
Livre: Introduction Générale
Table des matières

1. Introduction

2. Qu’est-ce que le droit constitutionnel?


2.1. La double acception du droit constitutionnel
2.2. Le particularisme du droit constitutionnel en Afrique
1. Introduction

La première inquiétude d’un étudiant de 1ere année devant une discipline nouvelle est naturellement de savoir de quoi il s’agit. Cette première
interrogation « qu’est-ce que le droit constitutionnel? » n’est pas banale et ne laisse pas l’enseignant dans un réel confort pour l’expliquer. Il est
vrai que vouloir définir ou expliquer le droit constitutionnel suppose avant tout définir la notion de « droit », entreprise que nous n’allons
certainement pas épouser (nous renvoyons à cet effet au cours d’introduction à l’étude du droit).
2. Qu’est-ce que le droit constitutionnel?

Essayer de répondre à cette question suppose une remarque préalable qui est celle de la double acception du droit constitutionnel (A), et
l’analyse d’un éventuel particularisme du droit constitutionnel en Afrique (B).
2.1. La double acception du droit constitutionnel

Dans son cours de Droit constitutionnel comparé, Charles Eisenmann a bien montré, notamment á propos du droit constitutionnel, qu’il ne fallait
pas confondre droit et science du droit. Le mot droit en lui-même et à lui seul, et plus encore dans les expressions telles que droit civil, droit
constitutionnel, droit administratif, est constamment employé en une double acception, avec passage fréquent de l’une à l’autre. Tantôt, il
désigne un corps de règle (1). Tantôt, il désigne la ou les disciplines dont ces règles sont l’objet, ce qui veut dire qu’il est dans ce cas l’étude
même ou science sur ce corps de règles (2)

1. Le droit constitutionnel, un corps de règles

Il est assez courant de définir le droit comme un ensemble de règles. Ce n’est pas faux. Le droit constitutionnel est avant tout un catalogue de
règles qui se rapporte à un domaine déterminé : l’organisation et le fonctionnement de l’État. Historiquement, de telles règles ont d’abord été
liées à l’organisation politique de l’État ou l’ensemble des institutions grâce auxquelles le pouvoir s’établit, s’exerce ou se transmet dans l’État :
c’est ce qu’on appelle le droit constitutionnel institutionnel (a). En sus des institutions, le droit constitutionnel contemporain s’intéresse aussi au
système des sources ou système normatif, donc droit constitutionnel normatif (b) et aussi à la protection des libertés et des droits
fondamentaux (c).

a. Le droit constitutionnel institutionnel

Le droit constitutionnel est traditionnellement compris comme l’ensemble des règles régissant les rapports entre les pouvoirs publics, plus
exactement les institutions politiques. Les règles du droit constitutionnel s’intéressaient ainsi aux rapports entre les pouvoirs constitués, c’est-
à-dire le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, à la dévolution du pouvoir, à son exercice ainsi qu’à sa transmission.

Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui le droit constitutionnel institutionnel ne se limite pas aux règles applicables aux seules
institutions politiques. En effet, le droit constitutionnel, tel qu’il est entendu aujourd’hui, dans la plupart des pays, s’étend aux institutions
administratives (notamment locales)[1] et aux institutions juridictionnelles (notamment la juridiction constitutionnelle).

Pour résumer, à la suite du doyen Louis FAVOREU, « le droit constitutionnel institutionnel comprend l’ensemble des règles relatives aux
institutions politiques et des problèmes juridiques soulevés par celle-ci ainsi que celle des bases constitutionnelles des institutions
administratives et juridictionnelles »[2].

b. Le droit constitutionnel normatif

En plus d’être un droit des institutions, le droit constitutionnel comporte l’ensemble des normes servant de sources aux autres normes de
l’ordonnancement juridique. Autrement dit, comme le fait remarquer Del VECCHIO, « si le droit est la colonne vertébrale du corps social, le droit
constitutionnel constitue la moelle épinière de ce droit »[3]. Cela veut dire tout simplement que ce sont dans les règles du droit constitutionnel
que les autres règles des autres branches du droit puisent leurs sources et leur validité. Le droit constitutionnel normatif admet donc deux
postulats de base chers à Hans Kelsen à travers sa célèbre théorie de la pyramide des normes. Le premier est que la Constitution est au
sommet de la hiérarchie des normes. Le second est que les normes constitutionnelles forment un tout cohérent et structuré au point qu’elles
fondent ce que l’on peut appeler un système juridique. Ainsi, les normes qui structurent le droit constitutionnel jettent les bases d’un système
juridique, d’où l’idée d’un droit constitutionnel normatif.

c. Le droit constitutionnel des libertés

Le droit constitutionnel comporte aujourd’hui un ensemble de règles relatives à la protection des libertés individuelles et collectives: c’est le droit
constitutionnel des libertés ou droit constitutionnel relationnel ou droit constitutionnel substantiel selon les termes de Jean Rivero.
L’incorporation des droits et libertés dans l’ensemble constitutionnel est aujourd’hui une œuvre de volonté des constituants qui leur consacrent
des dispositions dans le texte fondamental au même titre que les institutions ou les normes. Il suffit de se référer à la Constitution sénégalaise
du 22 janvier 2001 pour voir la place importante des règles relatives aux droits et libertés[4].

En résumant cette première acception, on peut dire tout simplement que le droit constitutionnel renvoie à l’ensemble des règles relatives aux
institutions politiques, mais aussi administratives et juridictionnelles, aux normes de base de l’ordonnancement juridique et aux droits et
libertés attachés à la dignité de l’être humain.

2. Le droit constitutionnel, une discipline juridique

Comme il est souligné par le doyen Georges VEDEL, les constitutionnalistes n’ont aucune réticence aujourd’hui à considérer le droit
constitutionnel comme un droit et à se comporter en juristes. À y voir de près, le droit constitutionnel était historiquement considéré comme
un élément de la science politique, ne présentant nullement le caractère de discipline juridique. Le droit constitutionnel pouvait en effet
paraitre jusqu’à la fin des années soixante-dix comme étant doté d’une faible autonomie en tant que discipline juridique spécialisée et, surtout,
sans horizon pratique que certains aspects très limités de l’activité politique, ce qui n’est évidemment pas le cas, aujourd’hui. Le droit
constitutionnel est une discipline juridique qui s’analyse sous l’angle de la méthode du droit, qui utilise le langage du droit, se classe dans l’une
des branches du droit et influence sensiblement les autres matières juridiques.

a. Le droit constitutionnel, la méthode du droit

Le droit est animé par des méthodes spécifiques qui le particularisent au sein des sciences sociales. Le droit constitutionnel dans sa
configuration actuelle est empreinte de positivisme, normativisme et d’un empirisme perceptible à travers la jurisprudence constitutionnelle et
l’analyse doctrinale foisonnante. Cette approche de « pur droit » rend le droit constitutionnel autonome de la science politique, même s’il peut
y avoir des influences réciproques.

b. Le droit constitutionnel, le langage du droit

Étudiant le droit constitutionnel comme un droit, les constitutionnalistes sont dans l’obligation d’employer un vocabulaire juridique propre. Il
n’y a rien d’étonnant à cet état de fait. Chaque discipline se fonde sur un jargon qui lui est propre et avec lequel elle forge son identité
sémantique. Par exemple, on ne peut confondre Cour suprême et Cours constitutionnelles, qui sont pourtant deux types de juridictions
constitutionnelles appartenant à deux modèles différents. Ou encore, savoir identifier les concepts de régime parlementaire et régime
présidentiel, chacun ayant une signification juridique précise. Bref, si le droit est avant tout une science, il est aussi une discipline littéraire qui
utilise des éléments de langage particulier.

c. Le droit constitutionnel, une branche du droit

En tant que discipline juridique, le droit constitutionnel est donc une branche du droit, qui par ailleurs influence les autres branches du droit.

En tant que branche du droit, le droit constitutionnel est classé dans la catégorie droit public, par opposition au droit privé. Ce classement a des
vertus pédagogiques dans la mesure ou tout ce qui a rapport aux institutions publiques relèveraient du droit public, et tout ce qui concerne les
relations entre personnes privées relèveraient naturellement du droit privé. Mais en réalité, on se rend compte qu’avec le droit constitutionnel,
cette summa divisio tend à s’estomper. En effet, il se produit ce qu’on appelle la constitutionnalisation progressive des autres branches du droit.
Cela signifie tout simplement que les autres branches du droit ont désormais des bases constitutionnelles qu’il est nécessaire de prendre en
considération dans tout exposé pédagogique et dans tout travail de recherche sous peine de méconnaitre le droit positif. En droit administratif
par exemple (qui est une branche du droit public), on ne peut traiter des établissements publics, des sanctions administratives, du pouvoir
règlementaire, sans évoquer la Constitution et son interprétation jurisprudentielle. La même remarque peut être faite en droit civil :
l’institutionnalisation du mariage et la protection de la famille sont avant tout des éléments qu’on retrouve dans la Constitution et soumis à
l’interprétation du juge constitutionnel. Donc au final, comme la Constitution est la norme fondatrice, le droit constitutionnel devient ainsi une
discipline clé dont la compréhension est nécessaire pour appréhender les autres branches du droit privé ou public.

[1] C’est à l’article 102 de la Constitution sénégalaise qu’on trouve la constitutionnalisation de l’institution administrative locale” les collectivités
territoriales”.

[2] L. FAVOREU, « de la démocratie à l’État de droit », in Débats, mars-avril 1991, p. 158.

[3] Del VECCHIO, Philosophie du droit, Dalloz, 2004, p. 279.

[4] Ces règles sont placées au Titre II juste après le Titre I sur l’Etat et la souveraineté.
2.2. Le particularisme du droit constitutionnel en Afrique

Le particularisme du droit constitutionnel africain est à mesurer selon un double mouvement : mimétisme et ouverture.

Le mimétisme est caractéristique des premières constitutions des jeunes États africains dans les années 1960. En effet, lorsque la majorité des
pays africains accédèrent à l'indépendance, ils adoptèrent une constitution calquée en général sur le modèle prévalent dans le métropole. Ainsi,
dans les premières constitutions des anciennes colonies françaises, peut-on trouver une ressemblance profonde avec la constitution française
de 1958, tandis que le modèle de Westminster, basé sur le droit constitutionnel britannique, servit d’exemple à de nombreuses anciennes
colonies de la Grande Bretagne.

Ce mimétisme de départ a connu dans la pratique une instrumentalisation du droit constitutionnel allant dans le sens d’une présidentialisation
du régime. En effet, les régimes en place cherchaient à imposer leur suprématie et à durer au pouvoir. Cette situation a conduit au début des
années 1990 à une vague réforme du constitutionnalisme africain avec les conférences nationales. Cette nouvelle vague de constitutionnalisme
s’est caractérisé par l’ouverture, le libéralisme, l’adhésion à l’Etat de droit, etc.

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