PRIMATURE
Ecole Nationale d’Administration
E.N.A.
Présenté par :
M. Ibra Ndoye
Division administrative
Section Travail et Sécurité Sociale
Cycle A Promotion : 2007/ 2009
Sous la Direction de :
M. Pierre Marie Coly
Inspecteur du Travail et de la Sécurité Sociale
Directeur des Ressources Humaines de S D V
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
I de domestiques, d’après l’enquête statistique nationale sur le travail des enfants de Juillet
1993. C’est dire que l’ensemble des foyers sénégalais au niveau des zones urbaines, Dakar
plus particulièrement, reste le plus grand pourvoyeur d’emplois, et non l’Etat, comme beaucoup
le pense. En effet les effectifs au niveau de la Fonction Publique tourneraient autour de 70 000
personnes.
Ce recours à la main-d’œuvre domestique dans beaucoup de foyers, même les moins nantis, tend
à se généraliser ; et il n’est pas rare de voir des maisons où coexistent deux, voire trois
« bonnes » sans compter les services du gardien. Ce phénomène trouve son explication dans
l’amélioration notoire du statut des femmes au cours des deux dernières décennies qui ne se
contentent plus de rester au foyer. Elles deviennent de vrais acteurs économiques, qu’elles soient
instruites ou non, avec le fardeau des tâches ménagères pris en charge par d’autres mains plus ou
moins expertes. Dans cette optique, il est paradoxal que d’autres personnes, les employés de
maison, qui aspirent eux aussi, au même titre que leurs employeurs à s’émanciper à travers un
emploi qui a besoin d’être reconsidéré et réhabilité, en soient les victimes expiatoires.
Par ailleurs, l’importance du nombre d’individus qui s’adonne à ce travail d’employé de maison,
qui devrait être un facteur de promotion et de stabilisation de l’emploi cache mal les drames, les
conflits, le caractère informel, bref la précarité, qui est l’une des caractéristiques des rapports de
travail entre employeurs et employés de maison. Il est bon de signaler que le corps des gens de
maison s’est largement massifié à la faveur de l’exode rural avec le flux important de filles et de
jeunes femmes qui ont embrassé la profession. Trois causes fondamentales sont à l’origine de cet
exode. D’abord un déficit d’aménagement du territoire qui a vu des centres tels que Dakar, St
Louis, Thiés… devenir des pôles urbains florissants émerger au détriment de zones rurales
tournées exclusivement vers des activités agropastorales. Ensuite, nous avons assisté à un déclin
de l’agriculture avec l’échec de « la révolution verte » qui devait sanctionner la Nouvelle
2
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Politique Agricole (NPA) des années quatre-vingt. Enfin, il y’a eu la désaffection d’une
importante frange de la population du circuit scolaire classique à cause de la longueur du cursus
qui n’aboutit pas toujours à un travail rémunérateur. Cet exode, devons nous le rappeler, a surtout
un caractère saisonnier car ponctué par de nombreux retours au village à l’occasion de fêtes ou de
cérémonies, ce qui du reste participe à la complexification des relations de travail. Dans sa
tentative de comprendre les raisons de cette migration, l’étude intitulée « Mbindaan sans
mbindou : les petites bonnes à Dakar »1 abonde dans le même sens quoique se focalisant
davantage sur les manifestations de cette triptyque. Primo, l’absence d’activités rémunératrices au
village pour la prise en charge de leurs besoins et ceux de leurs familles, secundo la difficulté
pour leurs parents de vivre des revenus de la terre à cause notamment de la péjoration
pluviométrique, tertio les mirages de la ville qui subsistent toujours. A l’origine, ce phénomène
touchait essentiellement les hommes ; il a fallu plusieurs années pour que des femmes de plus en
plus jeunes partent à « l’aventure » et deviennent de véritables soutiens de famille. Ainsi le flux
migratoire touche de plus en plus de jeunes filles déscolarisées pour l’essentiel. A titre indicatif
les statistiques de l’étude citée plus haut ont montré que 62,50 % d’entre elles sont non
scolarisées chez les moins de 15 ans et 53,10 % le sont dans la tranche 15-18 ans. La demande de
très jeunes filles sur le marché du travail s’explique dans un contexte de crise économique par
son faible coût. Cette entrée prématurée de milliers de petites bonnes dans le marché du travail
est perçue au niveau des autorités comme un problème crucial en ce sens que le Sénégal s’est
engagé, dans le cadre du Programme Décennal pour l’Education et la Formation (PDEF) et des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) de promouvoir une éducation de qualité
et sans discrimination qui devrait normalement impacter sur la qualité des ressources humaines.
De surcroît, le Sénégal ayant ratifié la Convention n°138 sur l’âge minimum d’admission à
l’emploi, appuie toutes les initiatives prises au niveau international pour l’abolition effective du
travail des enfants notamment le Programme International pour l’Abolition du Travail des
Enfants (IPEC). Ce plan d’action global de l’OIT pour l’éradication du travail des enfants a été
mis en branle depuis 1992 après le constat de l’ampleur du mal au plan international, surtout en
ce qui concerne les pays en développement. L’évaluation de la lutte2 dans le cadre du Programme
1
« Mbindaan sans mbindou » Les petites bonnes à Dakar, de UNICEF/ BIT/ ENDA et Gouvernement du Sénégal,
Mars 1994.
2
African newsletter on Occupational Health and Safety 2000 pp. 32-35
3
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
IPEC durant plus d’une décennie a été à l’origine de l’inflexion notée en ce qui concerne
l’approche. Il s’agit désormais de mettre l’accent sur la prévention du travail des enfants et non le
retrait automatique d’enfants déjà engagés, difficilement récupérables. Cette approche se focalise
notamment sur les causes principalement socioculturelles et économiques qui engendrent le
travail des enfants. En attendant le rendez-vous du compte-rendu, on note déjà un léger éclairci.
En effet, les dernières estimations3 de l’OIT révèlent que ce fléau ne toucherait plus que 217
millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans à travers le monde, dont 165 millions auraient entre 5 et 14
ans. Parmi eux, 126 millions seraient victimes des pires formes de travail des enfants. Ce qui
montre une légère baisse de l’ampleur du phénomène par rapport aux années précédentes.
Cependant, il faut se garder de toute autosatisfaction car ce changement serait imputable, d’après
plusieurs voix autorisées, à la proportion d’enfants engagés dans les travaux domestiques et
agricoles non prise en compte, sans oublier les nombreuses naissances non déclarées à l’état-civil.
Aujourd’hui, même si la lutte contre le travail des enfants n’est pas seulement l’apanage du BIT,
on note à tous les niveaux un foisonnement d’institutions, d’organismes qui en font leur cheval de
bataille, alors qu’il est de notoriété publique qu’aucune action isolée n’aura d’impact que si elle
s’inscrit dans un plan d’action de niveau national. D’où l’urgence de mettre sur place une
approche holistique de coopération, de consultation et de cohérence entre tous les acteurs engagés
dans ce combat : d’une part la société civile, les autorités nationales, les employeurs, les
syndicats, les familles et d’autre part l’UNICEF, la Banque Mondiale, l’OIT, le PNUD, les
donateurs et les ONG nationales. Par rapport à cette lutte, il a été relevé dans ce document ACP-
UE que durant ces dernières années, les efforts ont été malheureusement concentrés dans le
secteur industriel formel, au détriment du secteur agricole qui emploie le plus d’enfants et le
secteur domestique qui « dissimule » aussi le travail des enfants. En effet, l’aspect informel et la
nature du travail permettent de « cacher » le travailleur aux yeux des autres. Les problèmes dans
ce secteur sont accentués par les inégalités en termes de culture et de genre au sein de la société.
3
Document de Travail ACP-UE sur le Travail des enfants, 14 février 2008
4
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
autres pays d’Afrique de l’Ouest pour aider à la lutte contre le trafic des enfants à des fins
d’exploitation de leur travail. Il s’agit d’une part d'aider le gouvernement à travers ses structures
compétentes et d’autre part les ONG dans l’adoption en amont de mesures préventives efficaces
contre ce trafic. En aval, ces structures et ONG doivent envisager des mesures de réadaptation en
faveur des victimes. Au Sénégal, les enfants habituellement engagés dans le processus de
production travaillent principalement comme aides familiaux (78%), salariés (9%), apprentis
(6%) et travailleurs indépendants (50%). IPEC4 indique en outre que de nombreuses filles sont
employées comme domestiques ; elles sont 53 731 à être âgées de moins 18 ans, dont 20% ont 6
à 14 ans. La Commission sur l’application des Normes dans son rapport 2006 invite le
gouvernement Sénégalais à lui faire connaître les mesures qu’il a prises et celles qu’il envisage
pour mettre progressivement en harmonie la situation réelle du pays avec sa législation et la
Convention. Par ailleurs, elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la
manière dont est appliquée la Convention et apprécierait, en particulier, la fourniture de données
statistiques récentes relatives à l’emploi des enfants et des adolescents, des extraits de rapports
des services d’inspections et des précisions sur le nombre et la nature des infractions relevées et
les sanctions infligées. Malgré tous ces efforts déployés par les autorités étatiques en relation
avec des partenaires aussi engagés les uns que les autres, le BIT, l’UNICEF, l’UNESCO, et
d’autres organismes encore qui sont bien persuadés, comme le disait l’UNESCO dans son rapport
de 1996 que « l’une des principales causes du travail des enfants reste leur non scolarisation », le
phénomène ne fait que croître au vue du nombre d’enfants qui arrive dans le marché de l’emploi
domestique au Sénégal. A cet égard, l’UNICEF préconise six mesures5 pour en venir à bout :
5
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
normalement du monde cette main-d’œuvre tendre et corvéable, qui compte également des moins
jeunes partageant tous le sort peu enviable d’employés de maison qui doivent hélas lutter
davantage pour sortir de la zone que les sociologues du droit appelle l’infra-droit, c'est-à-dire un
droit déprécié6, qui est une des facettes de la segmentation du marché du travail. Cependant, la
branche d’activité de la domesticité connue sous le terme générique employé de maison ne
comprend pas que des « bonnes » et « boys », le phénomène de reconversion aidant, on trouve
notamment des lavandières-repasseuses, des baby-sitters effectuant toutes des tâches à la
périphérie de la maison et qui sont assimilables à des employés de maison ; même si la
conception qu’en a le texte réglementaire est plus restreinte.
La féminisation de ce secteur d’activité a débuté avec le départ des colons qui faisaient appel
exclusivement aux « boys ». Cette perversion de la structure de la division du travail basée sur le
genre n’a pas survécu à la fin de la colonisation car la répartition sexuelle du travail est bien
ancrée dans les mentalités, la gestion des activités domestiques reste l’apanage des femmes.
Le législateur sénégalais avait très tôt senti la nécessité de codifier les relations de travail
particulières, car individualisées, liant deux personnes physiques, ce qui déroge au contrat de
travail plus classique entre une personne physique et une personne morale. C’est ainsi qu’un
important dispositif législatif et réglementaire méconnu du grand public existe. Ainsi, il nous
semble urgent d’en cerner les contours, de faire une sorte d’état des lieux, d’apprécier les enjeux,
et surtout d’esquisser des solutions en rapport avec les prescriptions normatives pour un meilleur
devenir de cette activité contribuant à l’harmonie et la quiétude de milliers de familles. Pour ce
faire, nous nous proposons dans la suite de ce travail de recherche, axé autour de trois parties
essentielles, de revisiter d’abord ce cadre juridique des employés de maison, ensuite à la lumière
de l’analyse de leurs conditions réelles de travail en insistant sur certains aspects sociologiques
qu’on ne peut éluder, de comprendre les raisons de la non application de ces dispositions
réglementaires et enfin de voir les enjeux relatifs à cette question qui sont autant de défis
interpellant les différents acteurs qui se préoccupent du sort des employés de maison. Et nous ne
manquerons pas au terme de ce modeste travail de faire quelques propositions dans le double
objectif de voir les employés de maison se concilier avec la législation sociale et leurs
employeurs.
6
J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, Paris 1979
6
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Du reste, si ces travailleurs intervenant dans le cadre restreint du domicile sont qualifiés
d’employés de maison, d’autres épithètes sont censées les désigner : gens de maison, travailleurs
domestiques, employés à domicile, femmes de ménage voire employés familiaux. La notion
même de domicile en droit mérite qu’on s’y attarde un peu. Certes l’Inspection du Travail
s’applique à toutes les situations d’emploi, mais dans la pratique, le domicile privé est en dehors
du champ d’application des inspecteurs du Travail. Cela est d’autant plus vrai que l’article 16 de
la Constitution sénégalaise est sans équivoque lorsqu’il insiste sur le caractère inviolable du
domicile. Elle dispose plus loin qu’on ne pourra porter atteinte à cette inviolabilité que pour parer
à un danger collectif ou pour protéger des personnes en danger de mort. En France l’impossibilité
7
« Mbidaan sans mbindou » les petites bonnes à Dakar, Mars 1994.
7
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
des inspecteurs du travail de contrôler les employeurs particuliers est beaucoup plus explicite.
L’article L 611-8 du Code du Travail dispose que « les inspecteurs ne peuvent pénétrer dans les
locaux habités qu’après autorisation des personnes qui l’occupent », ce qui rend inopérant le
contrôle sur le travail des employés de maison. A l’inverse, le droit de visite à toute heure des
établissements où sont occupés des travailleurs jouissant de la protection légale que l’article L.
197 du Code du Travail confère aux inspecteurs ne souffre d’aucune restriction. Nous
reviendrons plus loin sur les incidences de cette situation.
Il faudrait dans la même lancée faire la distinction entre le travail domestique proprement dit qui
correspond à des services rendus à la personne à son domicile ; des services de la vie
quotidienne : travaux ménagers, gardiennage et des services à la famille : garde d’enfant, pour ne
citer que ceux-là et le travail à domicile qui est une des formes de télétravail engendrée par
l’éclatement de la bulle technologique. En effet, ce dernier est souvent employé à tort à la place
du travail domestique. Contrairement aux employés de maison qui exécutent leurs contrats au
domicile de l’employeur, les travailleurs à domicile, au sens de la Convention n° 177 adoptée en
1996, exécutent les leurs partout ailleurs qu’au domicile de l’employeur. En effet, l’article 2 de
ladite convention est univoque ; « le travail à domicile est un travail qu’une personne, désignée
comme travailleur à domicile, effectue :
à son domicile ou dans d’autres locaux de son choix, autres que les locaux de l’employeur
moyennant rémunération en vue de la réalisation d’un produit ou d’un service répondant
aux spécifications de l’employeur… ».
Cependant si le travailleur dispose d’un certain degré d’autonomie et d’indépendance dans son
travail, il devient tout simplement un travailleur indépendant.
Pour en revenir aux employés de maison, le rapport général du BIT de 2004 intitulé :
S’organiser pour plus de justice sociale8, faisait état du développement des emplois à domicile
(domestiques) à l’échelle mondiale, qui est la résultante, d’après l’auteur, du déclin de l’Etat-
Providence surtout par rapport aux bonnes et gardes d’enfants. Une autre explication serait
l’entrée massive de la gent féminine dans le marché du travail qui a parachevé plusieurs
décennies de lutte pour l’émancipation avec l’émergence d’emplois fortement féminisés dans les
8
C. I. T. 92eme session 2004
8
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
secteurs de l’éducation, la santé et les services. Par conséquent, les employés de maison se sont
substitués à ces femmes qui étaient convaincues que leur libération passait par la conquête du
marché du travail. Donc, c’est tout normalement qu’elles engagent des travailleurs pour
s’occuper de leurs biens, de leur intérieur et d’êtres qui leur sont chers, ce qui du reste rend
complexes de prime abord, les relations de travail dont le premier fondement reste la confiance.
Même si les domestiques sont notoirement plus connus dans le registre des emplois à domicile,
ils ne sont pas les seuls comme on l’avait signalé dans l’introduction. En effet, l’article premier
de l’arrêté N° 974 du 23 Janvier 1968 commence par identifier les gens de maison. Ce sont, dit-il,
« tous les salariés embauchés au service d’un foyer et occupés de façon continue aux travaux de
la maison ». Compte tenu des relations de travail modernes, on peut dégager la typologie suivante
basée sur le contenu des postes :
Il ou elle ne justifie pas encore de deux ans de pratique et s’occupe principalement des
activités domestiques : travaux ménagers, repassage etc. Il (elle) peut également préparer les
repas mais n’est pas autonome dans l’organisation du travail.
Il (elle) n’assure qu’une partie des travaux de la maison, notamment le lavage du linge. Cette
catégorie comprend entre autres :
a. La bonne d’enfants
Elle garde les enfants au domicile des parents, s’occupe d’eux conformément aux directives
des parents. Elle prépare leurs repas, lave leur linge etc.
Cependant la bonne d’enfant peut aussi être employée à d’autres tâches comme les travaux
ménagers.
Ce secteur s’est beaucoup développé et formalisé par le biais des sociétés de gardiennage
mais leur zone d’intervention dépasse le cadre du domicile. Avec l’émergence de la sous-
traitance, il intervient également dans les secteurs public, parapublic et privé.
9
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Il (elle) est chargé(e) de l’exécution de l’ensemble des travaux courants d’intérieur ; il (elle)
justifie de plus de deux ans de pratique.
Comme son nom l’indique, il ou elle s’occupe pour l’essentiel de faire la cuisine pour un ménage
de taille réduite.
Il ou elle assure également la cuisine pour un ménage comprenant cette fois-ci plus de huit
personnes. La qualification est souvent acquise après plusieurs années de pratique.
7. LE MAITRE D’HOTEL
C’est la catégorie la plus élevée au niveau des employés de maison. L’appellation ne renvoie pas
forcément à un emploi exécuté dans un hôtel, mais plutôt dans un domicile privé. Par contre le
titre de maître d’hôtel est acquis après une formation initiale sanctionnée par un diplôme ou au
moins une formation continue permettant au salarié soit d’obtenir un titre qualifiant, soit de
valider et de perfectionner ses acquis professionnels au cours de sa carrière.
La nomenclature des emplois à domicile fait apparaître un personnel aux tâches variées qui
monnaye son savoir-faire dans l’intimité de nos familles. Adapté au contexte Sénégalais, surtout
avec la crise économique, il n’est pas rare de voir l’émergence d’employés touche-à-tout
beaucoup plus « compétitifs ». Par rapport à la tendance qu’ont les employeurs à recruter un seul
employé qui s’occupe de toutes les tâches domestiques, linge, repassage, cuisine, courses, garde
d’enfants plutôt que deux ou trois spécialisés, la réglementation leur octroie cette possibilité avec
le boy ou la bonne cuisinière, censé(e) assuré(e) l’ensemble des travaux intérieurs pourvu que la
durée légale du travail ou celle jugée équivalente soit respectée. L’importante charge de travail
qui peut en résulter nous emmène à nous interroger sur le cadre normatif international, en
l’occurrence les conventions de l’OIT et national, avec les lois, règlements ou accords
professionnels régissant les modalités d’emploi et de travail des employés de maison.
10
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Le Sénégal est devenu membre de l’OIT depuis 1960 ; à ce titre, il a ratifié les conventions les
plus essentielles (prioritaires et fondamentales). Celles-ci de par leur portée et leurs
caractéristiques tendent à devenir une législation sociale internationale. A cet égard, elles édictent
des seuils minimaux en matière sociale qui s’érigent en référence ou en une source d’inspiration
pour les législations nationales. Rappelons que les conventions de l’OIT signées, ratifiées et
publiées par le Sénégal entrent dans l’ordonnancement juridique et l’engagement pris de manière
formelle doit se matérialiser sur le terrain glissant des relations de travail.
9
BIT : votre voix au travail, Genève 2000, pp 33-34
11
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Pourtant dans un article de Anne-Marie El Hage du 10 Avril 2008 repris par le même journal et
paru dans le site all africa.com, la journaliste est revenue largement sur la situation difficile des
plus de 100 000 femmes étrangères employées de maison au Liban dont 34 322 seraient des
Africaines, d’après les chiffres officiels. Parmi elles, on note des Ethiopiennes, de loin la plus
importante communauté, des Malgaches, des Camerounaises, des Togolaises, des Nigérianes, des
Ivoiriennes et aussi des Sénégalaises qui seraient au nombre de 47. Mais qu’est-ce qui pousse ces
Africaines à s’expatrier au pays du Cèdre ?
Parmi les raisons avancées, on évoque bien sûr la pauvreté, le besoin de bien gagner leur vie, en
tout cas mieux qu’elles ne le feraient dans leurs pays, pour les Africaines francophones on note
l’absence de barrières linguistiques et enfin les chrétiennes y peuvent librement pratiquer leur
religion.
Malgré tous ces atouts qui rendent attractifs la « destination » Liban pour ces vaillantes dames,
tout n’y est pas rose, comme l’atteste un document du Fonds des Nations Unies pour la
population de 2006 à propos de l’exploitation des employées domestiques ; les réseaux qui
10
BIT : halte au travail forcé, Genève 2001, pp 31-32
11
BIT : un avenir sans travail des enfants 2002, pp 32-34
12
BIT : l’heure de l’égalité au travail 2003, pp 21-22
13
Walf Quotidien, vendredi 19 Décembre 2008, p 3
12
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
l’alimentent dit-il, ne font ni plus ni moins que de vendre l’espoir et voler les rêves, ce qui
malheureusement n’a pas fait tarir ce « fleuve puissant mais silencieux » que représente la
migration des femmes.
Certes, la signature d’un contrat de travail en langue arabe, le seul valable, se fait devant le
notaire. Il fixe le salaire mensuel à 135 $ et évoque la nécessité pour l’employée de bénéficier
d’une chambre individuelle. Cependant dans la réalité, les horaires de travail, la qualité et la
quantité des tâches, les jours de congés, les contacts avec la famille du pays d’origine et avec les
compatriotes sont laissés à la discrétion de l’employeur. C’est juste pour dire que pour beaucoup
le rêve se transforme rapidement en cauchemar. En effet, certaines d’entre elles se plaignent
d’être payées en retard voire pas du tout, d’autres d’une surcharge de travail qui n’est ponctuée
par aucune pause même pas le repos hebdomadaire. Les moins chanceuses ne dorment pas assez,
sont maltraitées physiquement ou verbalement et sont enfermées par leurs patrons de peur
qu’elles ne s’enfuient. D’ailleurs, l’article évoque la situation de six bonnes Sénégalaises
emprisonnées, car dans ce pays, les domestiques dont les papiers ne sont pas en règle ou qui y
entrent illégalement sont détenues. C’est ainsi que outre les Sénégalaises, 380 Ethiopiennes, 4
Nigérianes et 2 Camerounaises croulent en prison pour l’une ou l’autre des raisons mentionnées
plus haut.
Pourtant on sent que dans ce pays aussi les choses commencent à bouger grâce à l’action de la
presse locale et étrangère qui ne cessent de dénoncer les conditions de travail des employées de
maison. C’est sous ce rapport qu’un responsable de Caritas Liban, Najla Chahda estime
que : « les cas de maltraitance semblent en nette diminution 14». Notons également que l’OIT
s’est beaucoup investie dans ce pays pour de meilleures conditions de travail pour les employées
de maison migrantes. Elle a poussé le gouvernement libanais à mettre en place un comité chargé
de rédiger un projet de loi visant entre autres l’unification des contrats de travail, l’établissement
de fiches de paie uniformisées et légalisées par l’administration libanaise. Mais comme le pense
la journaliste, les avancées sont très lentes à cause de la crise que traverse le pays.
Nous avons crû devoir insister sur la situation des employées de maison migrantes en général,
Africaines en particulier, pour montrer comme l’affirmait le rapport global de l’OIT, le déficit de
droits dont elles sont victimes ici et ailleurs et que l’OIT n’a jamais cessé de se soucier du sort
14
Site web all africa. com, les fortunes diverses des employées de maison Africaines, 10 Avril 2008
13
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
des employées de maison, pas celles migrantes seulement. Néanmoins la question d’une
convention de l’OIT sur le travail domestique « reste un besoin urgent »15. Ce besoin est non
seulement pressant à cause des 100 millions d’actifs qu’il compte de par le monde, mais aussi
que l’idée d’un instrument spécial pour réglementer les conditions d’emploi de la main-d’œuvre
domestique, en à croire le bulletin du Fonds de Solidarité pour les luttes de libération sociale dans
le tiers monde, a été soulevée pour la première fois en 1936. Depuis lors le nombre de travailleurs
et travailleuses a crû de manière exponentielle avec la privatisation des services publics qui a
généré une importante demande de main-d’œuvre domestique à l’échelle mondiale. Cette idée
émise depuis 1936 ne s’est pas encore concrétisée car d’après Mme Budin : « Il n’aurait pas fallu
attendre 72 ans pour voir le Conseil d’administration de l’OIT envisager de mettre les travailleurs
et travailleuses à l’ordre du jour de la CIT si les hommes avaient représenté la majorité des
domestiques ». Elle concluait en disant que l’un des principaux enjeux de cette question reste en
soi, la dimension genre.
En attendant la prise d’un instrument formel, spécifique aux travailleurs domestiques, par l’OIT,
on peut tout de même citer une brassée de conventions qui leurs sont applicables, même si elles
ne les concernent que de manière incidente. Nous avons notamment :
15
Barbara Budin (UIAT), SOLIFONDS, Bulletin d’information n° 57 Avril 2008
14
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
La Convention n°102 sur les normes minima en matière de sécurité sociale (1952). Elle
consacre le principe de la solidarité et la justice sociale dans le monde du travail par
l’instauration de prestations pour faire face aux risques encourus par les travailleurs et
leurs familles.
La Convention n°81 sur l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce de 1947
qui constitue l’une des pièces-maitresses de tout ce dispositif. Elle insiste sur la nécessité
de lui octroyer des moyens humains, matériels et juridiques suffisants pour mener à bien
ses missions, sans quoi elle sera confinée dans un rôle purement statique voire attentiste
dans des relations de travail où l’abus et l’arbitraire sont monnaie courante.
Naturellement, l’esprit de ces importantes conventions applicables aux employés de
maison transparaît de manière plus explicite dans la législation sénégalaise.
15
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail ne mentionne pas
explicitement les employés de maison, le champ d’application des dispositions de l’article
L2 relatives au contenu du mot travailleur au sens du Code est assez large pour inclure
cette catégorie d’employés.
« Est considéré comme travailleur, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute
personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération,
sous l’autorité et la direction d’une personne physique ou morale publique ou privée ».
C’est ainsi que nous avons diverses dispositions applicables aux employés de maison
concernant par exemple la durée du travail, les repos, les permissions, la rémunération etc.
La loi 73-37 du 31 décembre 1973 portant Code de la Sécurité Sociale qui institue un
régime de protection sociale au profit des travailleurs salariés, en vertu de la Convention
102. Ce régime comprend :
- une branche de prestations familiales
- une branche de réparation des accidents de travail et de maladies professionnelles
- éventuellement toute autre branche de sécurité sociale qui sera instituée ultérieurement.
La loi 75- 50 du 18 mars 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale qui accorde
aux travailleurs salariés et à leurs familles, en vertu des conventions collectives ou des
contrats individuels des avantages destinés à compenser les risques sociaux de toute
nature.
En application de ces lois, d’autres textes d’ordre réglementaires ont été pris.
D. Les règlements
Le décret 75-455 du 24 avril 1975 qui rend obligatoire pour tous les employeurs et pour
tous les travailleurs l’affiliation à un régime de retraite. Celui-ci est censé servir une
16
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
allocation :
- aux anciens salariés ayant cotisé au moins un an
- aux veufs, veuves et orphelins d’un salarié ou d’un retraité décédé.
Signalons qu’il existe au sein de l’IPRES, une branche exclusivement destinée aux gens de
maison incluse dans le régime général.
L’arrêté ministériel n° 7301 MFPT/ DTSS/ TMO du 17 mai 1963 (cf. journal officiel du 22
juin 1963 page 835) rend obligatoire la déclaration d’engagement de tout travailleur
domestique sur un imprimé de déclaration de mouvement de travailleur. Ces imprimés
réglementaires sont disponibles dans les librairies et papeteries.
La déclaration doit être adressée dès la fin de la période d’essai à l’inspecteur du travail du
ressort, contre récépissé sur le dernier exemplaire conservé par l’employeur. Il est
recommandé d’établir cette déclaration en quatre exemplaires afin de pouvoir en adresser
un exemplaire à la Caisse de Sécurité Sociale contre récépissé ou sous pli recommandé.
L’arrêté ministériel n° 974 du 23 janvier 1968, la référence juridique de base à ce jour, en
ce sens qu’il fixe les conditions générales et les modalités d’emploi des gens de maison.
Celui-ci a été modifié par l’arrêté n° 3006 du 20 mars 1972 et celui n° 10117 du 12
septembre 1975, par l’arrêté n°1610 du 7 février 2000 et enfin par l’arrêté n° 1036 du 9
avril 2002. Ce texte réglementaire constitue l’une des principales références juridiques de
la branche d’activité de la domesticité dans la mesure où il expose dans les moindres détails
les droits et obligations des employés de maison.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Au Sénégal, l’engagement du personnel domestique est libre et s’opère selon les mêmes règles
applicables aux autres catégories de travailleurs. Cependant la question relative au contrat se
pose ; ne les appelle-t-on pas « Mbindaan » ?
La réponse nous est fournie par le Code du travail en son article L. 31 qui précise qu’à
l’exception du contrat à durée déterminée et du contrat d’engagement à l’essai qui doivent être
constatés par écrit, la forme que prendra tout autre contrat de travail dépendra de la volonté des
parties. Cela veut dire en clair que le contrat à durée indéterminée qui reste le droit commun en
matière de contrat peut être conclu verbalement ou par écrit ; ce dernier étant fondamentalement
un moyen de preuve qui présente l’avantage d’être très utile en cas de litige, étant donné que les
termes du contrat seront vérifiables. Cependant le contrat de travail se prouve en l’absence
d’écrit par tous moyens admis : témoignage, aveu, serment, documents dans le cadre de
l’exécution du contrat.
Rappelons que la formalité de l’écrit n’est que le dernier mouvement du contrat de travail
qui vient couronner la relation qui existait déjà dés que les parties tombent d’accord sur la
prestation à fournir, sur le salaire sans oublier le lien de subordination juridique.
Le décret 63-118 MFPT/DTSS du 19 février 1963 fixant les formes et modalités d’établissement
du contrat de travail et de l’engagement à l’essai nous expose en détails le contenu du contrat de
travail. Celui-ci doit comporter obligatoirement les énonciations suivantes : l’identité des parties,
le sexe, la date et le lieu de naissance, la filiation, le domicile et la nationalité du travailleur, le
lieu de travail (le domicile de l’employeur dans ce cas-ci), la nature et la durée du contrat, la
qualification et la catégorie du travailleur, le salaire et ses accessoires etc.
Ce texte réglementaire mentionne aussi une rubrique relative aux clauses particulières convenues
entre les parties dont le but est d’anticiper sur tout différend pouvant survenir dans l’exercice du
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
En sus des conditions de forme que doivent revêtir les contrats « précaires », ceux qui dérogent
au droit commun, le contrat d’engagement à l’essai, le contrat à durée déterminée, le contrat du
travailleur remplaçant un autre travailleur dont le contrat est suspendu, dont le non respect
entraine leur requalification en contrat à durée indéterminée, nous avons également d’autres
conditions de validité requises. D’abord le consentement du travailleur qui ne doit souffrir
d’aucune ambiguïté, le travail forcé étant banni en vertu des dispositions de l’article L. 4 du Code
du Travail, ensuite la licéité de la cause et de l’objet du contrat, et enfin sa capacité à contracter
conformément aux prescriptions relatives à l’âge minimum d’admission à l’emploi.
A noter également que le contrat de travail ne lie ni plus ni moins que deux personnes, à savoir
l’employé exclusivement personne physique et l’employeur qui peut être une personne physique
ou morale ; il est également conclu pour une durée limitée.
Par rapport à ses modalités, l’article 4 du décret 63-118 tout comme l’article 2 de l’arrêté 974
insistent sur l’importance de la visite médicale d’embauche à la charge de l’employeur qui loin
d’être une formalité, est en fait une obligation qui en cas d’inaptitude annule purement et
simplement le contrat. En effet, le certificat médical délivré par un médecin du lieu
d’embauchage doit attester expressément que « le travailleur est physiquement apte à satisfaire
aux obligations relatives à la nature et au lieu de travail stipulés au contrat ».
Le primat du contrat écrit se retrouve à nouveau dans l’obligation qui est faite aux employeurs de
déposer tout contrat de plus de trois mois à l’Inspection du Travail du ressort avant tout
commencement d’exécution pour qu’elle puisse en vérifier la conformité aux prescriptions
légales et son respect par les parties.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
B. L’engagement à l’essai
Aux termes de l’article L.36 du Code du Travail, il y’a engagement à l’essai lorsque l’employeur
et le travailleur, en vue de conclure un contrat définitif verbal ou écrit, décident au préalable de
s’« essayer ». Le premier pourra apprécier la qualité des services et le rendement du travailleur
qui aura l’occasion d’avoir une idée sur ses conditions de travail, de vie, de rémunération.
Si l’employeur choisit de soumettre le travailleur à une période d’essai il ne pourra le faire que
dans les délais prescrits nécessaires pour mettre à l’épreuve le personnel engagé, à savoir, au
maximum un mois pour les débutants et quinze jours pour les autres. Comme noté plus haut, la
durée exacte de la période d’essai doit être fixée par écrit au moment de l’engagement. Il peut
être inclus dans le corps d’un contrat définitif. A la question de savoir comment le travailleur sera
rémunéré durant cette période, l’article 12 du décret 63-118 répond que ce dernier doit être payé
au taux de la catégorie professionnelle dans laquelle il a été engagé. L’article 11 du même décret
précise que la poursuite de la relation de travail à l’expiration de la période d’essai, sans
l’établissement d’un nouveau contrat, équivaut à la conclusion d’un contrat à durée indéterminée
prenant effet à la date du début de l’essai.
Le contrat d’engagement a ceci de particulier qu’il peut cesser à tout moment par la volonté de
l’une ou l’autre des parties sans préavis, ni dédommagement, sauf dispositions expressément
prévues au contrat.
A. Horaire normal
Le principe de la durée légale du travail de 40 heures par semaine reste l’une des plus belles
conquêtes du monde du travail ; il est consacré par l’article L. 135 du Code du Travail qui
dispose que « dans tous les établissements visés à l’article L. 3, la durée légale du travail ne peut
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
excéder 40 heures par semaines. Cependant, l’article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970 fixant
le régime général des dérogations à la durée légale du travail a prévu un régime d’équivalence
pour les préposés à certains travaux. Il s’agit d’une durée de présence supérieure à la durée légale
mais réputée équivalente à celle-ci en raison du caractère intermittent de l’activité. C’est ainsi que
les employés de maison en raison des arrêts et temps morts inhérents à cette profession, la durée
des services des employés de maison est fixée à 260 heures par mois en vertu de l’article 13 de
l’arrêté 974 correspondant par référence à un travail effectif mensuel de 173 H 33. Ainsi,
l’employé de maison qui effectue moins de 60 heures par semaine mais plus de 40 heures
percevra le salaire normal de sa catégorie.
Par contre conformément aux dispositions de l’article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970,
lorsque la durée de présence de l’employé de maison soumis à l’équivalence de 260 heures de
présence par mois correspondant à 173 heures 33 minutes de travail effectif, est inférieure à 40
heures par semaine les heures de présence sont assimilées à des heures de travail effectif et
rémunérées comme telles.
A la question de savoir si les employés de maison ont droit aux heures supplémentaires qui
constituent une autre dérogation à la durée légale du travail, la législation répond par
l’affirmative. L’article 138 du Code du Travail précise que : « les heures effectuées au-delà de la
duré légale hebdomadaire, ou de la durée considérée comme équivalente, donneront lieu à
majoration de salaire ». En d’autres termes, pour les employés de maison, les heures
supplémentaires sont décomptées à partir de la 61e heure et rémunérées comme suit :
- De la 61e à la 68e heure, 1/173,33 du salaire mensuel majoré de 10 % pour chaque heure.
- Au-delà de la 68e heure, 1/173,33 du salaire mensuel majoré de 35 % pour chaque heure.
- Les heures effectuées le jour de repos hebdomadaire sont majorées de 50 %
Bien que le texte ne le précise pas, il s’agit vraisemblablement dans ce dernier cas des heures
supplémentaires effectuées au-delà de la 61e heure, cette fois-ci sans aucune distinction de niveau
de majoration.
Les heures ci-dessus sont celles prescrits par l’article 14 du décret 974 du 23 janvier 1968.
Cependant, les parties peuvent s’entendre pour appliquer les taux prévus par la Convention
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Collective Nationale du 27 mai 1982 qui sont beaucoup plus favorables, mais qui ne peuvent en
aucun cas s’imposer aux employeurs dans le secteur de la domesticité. Ceux-ci se présentent
comme suit :
C. Le repos hebdomadaire
L’article L. 147 du Code du Travail dispose que : « le repos hebdomadaire est obligatoire. Il est
au minimum de vingt-quatre heures consécutives par semaine. Il a lieu en principe le dimanche.
Néanmoins, il peut être fixé d’accord parties un autre jour ou à raison de deux demi-journées
dans la semaine d’après l’arrêté 974.
III. La rémunération
A. Echelle des salaires hiérarchisés
L’article 8 de l’arrêté 974 fixant les salaires minima correspondant aux différentes catégories
professionnelles de la branche d’activité des gens de maison a été abrogé et remplacé par l’arrêté
10117 du 12 septembre 1975 car son application aurait pu poser problème dans la pratique. A
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
titre d’exemple, le maître d’hôtel qui est à la 7eme catégorie aurait gagné au moins le SMIG
majoré de 100 %. L’arrêté de 1975 remit les pendules à l’heure avec un certain flou en disposant
que : « le Ministre chargé du Travail fixe par arrêté… les salaires minima correspondant aux
catégories professionnelles … de manière que l’échelle des salaires minima hiérarchisés des
domestiques et gens de maison corresponde à celles définies par les conventions collectives au
profit des travailleurs des niveaux de qualification des diverses branches d’activité comparables
aux catégories professionnelles des domestiques et gens de maison ».
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
A noter que les employés de maison âgés de moins de 18 ans subiront sur les salaires de l’adulte,
les abattements suivants en vertu de l’article 9 de l’arrêté 974 :
- de 14 à 15 ans : 50 %
- de 15 à 16 ans : 40 %
- de 16 à 17 ans : 20 %
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
- de 17 à 18 ans : 10 %
Comme mentionné au tableau, les employés classés de la 1ere à la 5eme catégorie bénéficient
d’une indemnité pour charge de travail égale à 5 % du salaire de base de la catégorie, lorsque le
nombre de personnes vivant habituellement sous le toit familial de l’employeur est supérieur à
cinq.
2. PRIME D’ANCIENNETE
Les employés de maison ont droit, comme tout autre salarié, à une majoration de salaire pour
ancienneté. L’ancienneté se calcule à partir de l’embauche. Aux termes de l’article L.70 du Code
du Travail, les congés de maternité, les congés payés, les absences pour maladies dûment
constatées par un médecin agrée, durée limitée à six mois pouvant être prorogée jusqu’au
remplacement du travailleur, les absences du travailleur, autorisées par l’employeur en vertu de la
réglementation, de la convention collective ou d’accords individuels, la période d’indisponibilité
résultant d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle entrent dans le calcul de
l’ancienneté. Le pourcentage de majoration a été présenté ainsi qu’il suit par l’arrêté 974 du 23
janvier 1968 :
Nous estimons qu’il faut substituer à ces taux ceux prévus par la Convention Collective Nationale
en son article 45 qui sont nettement plus favorables, mais qui tout de même ne s’imposent pas
aux employeurs. Ils se présentent comme suit :
L’article 21 de l’arrêté dit bien que : « l’employé recruté hors du lieu d’emploi ou déplacé de
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
ce lieu par l’employeur durant l’exécution du contrat, aura droit au paiement de ses frais de
voyage ». Il s’agit en fait de ce qu’on appelle couramment les indemnités de déplacement. Il
se pose par ailleurs la question de savoir si les employés de maison peuvent prétendre au
paiement de la prime de transport, telle que prévue par la Convention Collective en son article
46 qui en fixe les modalités. Etant donné que cette participation a été fixée par décision de la
commission mixte paritaire, elle ne s’impose pas aux employeurs de personnel domestique
qui comme toujours n’ont pas pris part aux négociations.
Par ailleurs, le travailleur effectuant par ses propres moyens des déplacements fréquents et
habituels dans l’exécution de sont contrat se verra allouer une indemnité compensatrice de
transport.
Certains avantages qui ne s’imposent pas à l’employeur dans la mesure où ils ne sont pas
obligatoires peuvent être accordés à l’employé de maison. S’il est autorisé à prendre ses repas
ou loger chez l’employeur, ces avantages en nature sont alors considérés comme un salaire en
nature. L’employeur peut donc les déduire de son salaire net. C’est ce que dit l’article 11 de
l’arrêté 974 et la valeur de ces avantages est fixée d’accord parties dans la limite des taux
prévus par la réglementation.
Pour le logement
Lorsque le travailleur est logé par son employeur, celui-ci peut retenir, par jour, une somme
équivalant à une demi-heure du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG =
209,10 F CFA)
Quelle que soit sa rémunération, le travailleur logé par son employeur ne peut se voir retenir
mensuellement, que :
Pour la nourriture
Lorsque la nourriture est assurée au travailleur par l’employeur, celui-ci peut retenir par jour,
une somme équivalant à :
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
- deux fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG = 182,95 F CFA) pour une
ration journalière (deux repas) ou ;
- une fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG) pour un seul repas.
- pour une ration journalière : (182,95 x 2)= 365,9 par jour soit (182,95 x 2) x 26 =
9.513 FCFA par mois (sur la base d’une semaine de travail de 6 jours)
- pour un seul repas : 182,95 par jour soit (182,95 x 26 = 4.757 FCFA) par mois (sur
la base d’une semaine de travail de 6 jours.
- la perçoit en nature, ou ;
- travaille comme gardien concierge
C. La périodicité de la paie
L’employé est payé chaque mois, et à date fixe, en principe le dernier jour du mois. A la
demande de l’employé, le salaire pourra être payé chaque quinzaine. C’est ce qu’on retient
des dispositions de l’article L.115 du Code du Travail. Par ailleurs, les paiements mensuels
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
devront être effectués au plus tard 8 jours après la fin du mois de travail qui donnent droit au
salaire et les paiements à la quinzaine au plus 4 jours ou 2 jours après la fin de la quinzaine
qui donne droit au salaire. Néanmoins, le paiement du salaire doit se faire selon certaines
modalités.
Aux termes de l’article L.116 du Code du Travail, tout paiement doit faire l’objet d’une pièce
justificative dite bulletin de paie dressée et certifiée par l’employeur et remise au travailleur
au moment du paiement. Le double du bulletin de paie établi par polycopie carbone fait office
de registre de paiement sur lequel émarge le travailleur à l’occasion de chaque paiement.
En cas d’absence de bulletin, il est présumé de manière irréfragable que le travailleur n’a pas
été payé, à moins que l’employeur puisse fournir une preuve contraire sous forme écrite.
1. LE CONGE PRINCIPAL
Les employés de maison ont droit au congé dans les mêmes conditions et selon les mêmes
modalités que les autres salariés. L’article 19 de l’arrêté 974 tout comme les articles L. 148 et
suivants du Code du travail consacrent leurs dispositions à la jouissance et aux modalités du
congé payé.
Le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service effectif,
appelée période de référence, égale à 12 mois. L’année de service effectif c’est la période de 12
mois entre la date d’embauche ou de retour du congé précédent jusqu’au dernier jour qui
précède le départ pour le nouveau congé (y compris la période d’essai).
La durée du congé principal se calcule à raison de 2 jours ouvrables par mois de service effectif,
soit 4 semaines calendaires par année de service effectif. Précisons que le jour ouvrable s’entend
comme tout jour de la semaine, du lundi au samedi, à l’exception du dimanche, du jour de repos
hebdomadaire qui le remplace, ou des jours fériés chômés. Tandis que le mois de service est un
mois de travail de date à date, soit 24 jours de travail (selon un horaire hebdomadaire de travail
sur 6 jours), soit 20 jours de travail (si l’horaire est réparti sur 5 jours) ou 22 jours de travail (si
l’horaire est réparti sur 5,5 jours).
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
S’il est vrai que le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service
effectif de12 mois, les parties peuvent s’entendre sur un report de celui-ci qui peut être cumulé
sur une période maximum de 3 ans sous réserve d’un congé de six jours ouvrables à prendre
obligatoirement chaque année. Ils peuvent également s’entendre sur le fractionnement du congé,
l’une des fractions devant toujours être égale à 12 jours.
Notons au passage que la prise du congé ne pourra être remplacée par une indemnité
compensatrice qu’en cas de rupture ou d’expiration du contrat. Le congé principal peut être
majoré notamment en fonction de l’ancienneté ou pour enfants à charge.
L’employé bénéficie d’un congé additionnel payé dans les cas suivants :
Pour ancienneté
La durée du congé principal est augmentée d’un jour ouvrable par période de cinq ans de service
chez le même employeur.
Au titre de la maternité
- La mère de famille aura droit à un jour de congé payé supplémentaire par année pour
chaque enfant à sa charge de moins de 14 ans enregistré à l’état-civil. Cette disposition
légale est complétée par celles de la Convention Collective Nationale
Interprofessionnelle en son article 55 qui posant la condition de l’accomplissement de
la période de référence dispose que les femmes salariées bénéficient de :
- deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge si elles ont moins de vingt et un
ans au dernier jour de la période de référence ;
- deux jours de congé supplémentaire par enfant mineur à charge à compter du quatrième si
elles ont plus de vingt et un ans au dernier jour de la période de référence.
Cas particulier du gardien- concierge
Les travailleurs logés dans l’établissement ou à proximité de l’établissement dont ils ont la
garde et astreints à une durée de présence de 24 heures continues par jour, sous réserve d’un
repos de 24 heures consécutives par semaine, ont droit à un congé annuel payé de deux
semaines en sus du congé légal.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
3. CAS DES EMPLOYES DE MAISON DONT LES CONGES NE COÏNCIDENT PAS AVEC CEUX DE LEURS
EMPLOYEURS
Ce cas concerne généralement les employés au service d’employeurs expatriés qui passent leurs
congés annuels hors du territoire sénégalais, pour des durées supérieures à celles de leurs
employés.
Dans une telle situation, il peut être envisagé la rupture pure et simple du contrat ou le maintien à
l’employé, d’accord parties, de tout ou partie de sa rémunération durant l’absence prolongée de
l’employeur. Le Code du Travail penche pour cette seconde option lorsqu’il dispose en son
article L.154 que : « lorsque le maintien en activité d’un établissement n’est pas assuré pendant
un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés légaux annuels,
l’employeur est tenu, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, de
verser aux travailleurs une indemnité qui ne peut être inférieure à l’indemnité journalière de
congés payés ».
L’inconvénient de la première solution est que l’employeur risque, à son retour de congé, de ne
pas trouver son employé. De plus, il pourrait s’exposer au paiement de dommages et intérêts, si la
rupture du contrat n’était pas faite selon la procédure légale (paiement de l’indemnité de préavis
notamment).
L’autre solution consiste à maintenir au salarié, sous forme « d’indemnité d’attente », tout ou
partie de son salaire pour la période comprise entre la fin de ses congés et la date de retour de son
employeur, ce qui donne à ce dernier plus de chance de retrouver son employé. Mais on peut
toujours s’interroger sur la validité de l’accord conclu dans ce cas, lorsque l’indemnité d’attente
correspond à une fraction seulement du salaire. Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés à
notre connaissance sur cette pratique.
B. Rémunération du congé
Les congés sont rémunérés au moment où ils sont pris. L’employeur doit verser au travailleur, au
moment de son départ en congé, une allocation égale à 1/12eme des sommes perçues par le
travailleur au cours de la période de référence, à l’exclusion des indemnités ayant le caractère de
remboursement de frais, des prestations en nature liées accessoirement à l’emploi. En d’autres
termes, les retenues éventuellement opérées au titre de la ration journalière et du logement entrent
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
C. Les absences
L’article 16 de l’arrêté 974 est très explicite par rapport aux absences et sonne comme un
avertissement sur les conséquences encourues par l’employé en s’absentant sans motif ;
« l’employé ne peut s’absenter sans autorisation ou justification », dit-il. Il ajoute également
que : « Toute absence non autorisée ni justifiée, renouvelée au cours de la même mensualité, peut
être considéré comme un abandon du travail justifiant la rupture du contrat sans indemnité ni
préavis ». Cependant, des absences de divers ordres avec ou sans salaire, déductibles du congé ou
non, sont accordées au travailleur sous certaines conditions.
Elles sont justifiées par un évènement grave et fortuit dûment constaté, intéressant directement le
foyer du travailleur (tel qu’incendie de l’habitation, déménagement involontaire, accident ou
maladie grave du conjoint, d’un ascendant ou descendant vivant avec lui) qui n’entrainent pas la
rupture du contrat de travail, seulement sa suspension, sous réserve que l’employeur soit avisé au
plus tard dans les quatre jours qui suivent l’évènement et que la durée de l’absence soit en rapport
avec l’évènement qui l’a motivée. A la question de savoir si celles-ci sont rémunérées, le silence
des textes, notamment l’article 18 de la Convention Collective, porte à croire que l’employeur
n’est pas tenu de verser le salaire dans ces cas-là.
Dans la limite de 15 jours par année, selon l’article 18 de la Convention Collective que nous
préférons substituer aux 10 jours de l’arrêté 974, sous réserve que l’employeur donne son
assentiment car les dispositions de la CCNI ne s’imposent pas juridiquement, l’employé peut
demander des permissions exceptionnelles, sous certaines conditions, non déductibles du congé
réglementaire et n’entrainant pas de retenue de salaire lors des évènements ci-après :
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Décès d’un ascendant en ligne directe d’un frère ou d’une sœur 2 jours
Conditions d’octroi :
→ L’absence est à justifier par la présentation de pièces d’état-civil ou d’une attestation délivrée
par une autorité administrative qualifiée le plus tôt possible, et au plus tard, huit jours après
l’évènement.
Prolongations :
Les absences justifiées par l’incapacité résultant de maladie et d’accident non professionnels ne
constituent pas une cause de rupture du contrat de travail dans la limite de six mois, ce délai peut
être prorogé jusqu’au remplacement du travailleur.
Pendant ce délai, au cas où le remplacement s’imposerait, le remplaçant devra être informé par
écrit du caractère de son emploi. Lorsque la maladie du travailleur nécessite un traitement de
longue durée, le délai de six mois prévu à l’alinéa 1er du présent article, sera porté, compte tenu
de l’ancienneté du travailleur à huit mois pour les travailleurs comptant de sept à quinze ans
d’ancienneté et à dix mois au-delà.
Formalités à accomplir :
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
→ Sinon, sauf cas de force majeure, le travailleur doit avertir son employeur du motif de son
absence dans un délai de six jours suivant la date de l’accident ou de la maladie. Cet avis est
confirmé par un certificat médical à produire dans le délai d’une semaine. L’employeur pourra
toujours faire procéder à une contre-visite par un médecin de son choix.
La loi 74-52 du 4 novembre 1974 relative à la fête nationale et aux fêtes légales modifiée par
la loi 83-54 du 18 février 1983 et la loi 89-41 du 26 décembre 1989 prévoit certaines fêtes
civiles ou religieuses comme fériés. Ce sont :
En règle générale, ni la veille ni le lendemain d’une fête légale ne sont considérés comme jours
fériés. Exceptionnellement, quand la Korité et la Tabaski tombent un dimanche, le lundi suivant
est férié.
Jours fériés chômés : Au Sénégal, tous les jours fériés sont chômés (ce sont des jours de repos).
Cependant, la loi prévoit spécifiquement que le personnel domestique doit travailler lorsque les
besoins de l’employeur le requièrent.
Jours fériés chômés et payés : Les jours fériés, chômés et payés ne sont pas travaillés et
n’entrainent pas de réduction de salaire. Il s’agit de : la Fête Nationale, la Tamkharit, la Fête du
Travail. Pour ceux-ci également, la loi prévoit de manière spécifique que le personnel domestique
doit travailler sur demande de l’employeur au risque de s’exposer à des sanctions disciplinaires.
V. La discipline
A travers le lien de subordination juridique, c’est à l’employeur qu’est dévolu le pouvoir
d’organisation du travail mais aussi le pouvoir de sanction disciplinaire car l’employé qui ne
respecte pas les obligations découlant du contrat commet une faute dont la persistance et la
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
gravité peuvent mener à la rupture du contrat. Car on n’oublie souvent que dans l’exercice de son
contrat, l’employé n’a pas que des droits ; Il est bel et bien tenu de respecter les obligations
suivantes :
Même si la confiance est fondamentale dans la relation entre l’employé et l’employeur, ce dernier
peut avoir à sanctionner les éventuelles fautes de son salarié. La sanction se présente le plus
souvent sous forme de lettre, mais elle peut belle et bien être orale.
Le type de sanction varie en fonction de la gravité de la faute et la sanction doit toujours être
proportionnelle à la faute commise. Il existe cinq types de sanctions applicables au personnel aux
termes de l’article 16 de la CCNI :
- la réprimande, l’avertissement verbal ou écrit, la mise à pied disciplinaire d’un à trois jours, la
mise à pied conservatoire de quatre à huit jours et le licenciement.
Mais l’appréciation de la gravité de la faute reste néanmoins subjective, faute de définition légale.
La faute doit avoir été commise dans le cadre du travail du salarié. Selon sa gravité, elle peut ou
non entrainer son licenciement. On distingue plusieurs types de fautes :
La faute légère
Ce type de faute ne donne pas lieu, en principe, à un licenciement. Il peut s’agir de retards sans
conséquence pour l’employeur ou d’une infraction occasionnelle à une interdiction mentionnée
ou non dans le contrat. Une mise au point orale entre l’employeur et l’employé est souvent
suffisante pour éviter que ce genre de faute ne se reproduise.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
La faute grave
Il n’y a pas de texte législatif qui définit la faute grave. Elle relève souvent de cas particuliers. En
cas de désaccord sur la gravité de la faute, seuls les tribunaux pourront apprécier le degré de la
faute. On peut cependant en donner quelques exemples : vols, refus de s’acquitter d’une tâche
prévue dans le contrat de travail…
La faute lourde
C’est une faute grave commise avec l’intention de nuire. Dans certains cas, l’employeur peut
même poursuivre le salarié devant une juridiction pénale. Il est en droit de le licencier sans
préavis et sans indemnité. Il n’est pas obligatoire d’avoir donné un avertissement au salarié avant
de sanctionner une faute lourde car elle est suffisamment grave pour constituer par elle-même un
motif valable de rupture de la relation de travail.
En vertu de l’article L. 48 du Code du Travail, il ne peut être mis fin à un contrat à durée
déterminée avant terme que dans trois cas :
- La faute lourde
- L’accord des parties constaté par écrit
- La force majeure
La méconnaissance par l’employeur de cette règle donne droit au travailleur à des dommages et
intérêts. Lorsque le C.D.D. arrive à terme, l’employeur n’a pas l’obligation de le renouveler.
Cependant, lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas à l’issue dudit contrat ou
lorsque le travailleur est licencié avant la fin du contrat, celui-ci a droit à une indemnité égale à
7% du montant de la rémunération totale brute due au travailleur pendant la durée du contrat.
A titre exceptionnel, cette indemnité n’est pas due dans les cas suivants :
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
pour occuper le même emploi ou un emploi similaire assorti d’un salaire au moins égal.
- En cas de rupture du contrat avant terme due à l’initiative du travailleur ou à sa faute
lourde.
- Toute absence du travailleur non autorisée, ni justifiée, renouvelée au cours de la même
mensualité, peut être considérée comme un abandon de poste justifiant la rupture du
contrat sans indemnité.
Fin du contrat
Lorsque le contrat de travail est conclu entre les parties pour une durée indéterminée, chacun a le
droit d’y mettre fin sous réserve des règles sur le préavis et les formes de licenciement.
En vertu de l’article 4 de l’arrêté 974 du 23 janvier 1968, celui qui prend l’initiative de la rupture
doit la notifier à l’autre partie par écrit, 8 jours à l’avance. L’article L. 50 de la loi 97-17 du 1er
décembre 1997 insiste quant à lui sur l’obligation de mentionner le motif de la rupture dans la
notification. Deux heures par jour, pendant les heures de travail, à l’exclusion des heures de
repos, doivent être accordées durant cette période à l’employé de maison pour lui permettre de
chercher un nouvel emploi. Ces deux heures, rémunérées, seront prises alternativement, un jour
au choix de l’employé, un jour au choix de l’employeur à défaut d’accord entre les intéressés.
En cas d’inobservation du préavis, la partie responsable de la rupture devra verser à l’autre une
indemnité égale au montant des appointements en espèces et en nature correspondant à la durée
du préavis.
Exceptions
- L’employeur n’est pas tenu de verser l’indemnité de préavis en cas de faute lourde
imputable au travailleur.
- Si le licenciement survient sans préavis mais pour un motif légitime, ce licenciement sans
ne peut être considéré comme abusif, mais le tribunal peut toujours accorder une
indemnité pour sanctionner l’inobservance des règles de forme.
- Dans le souci de protéger la maternité, la loi permet à la femme enceinte de rompre son
36
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
contrat de travail sans préavis et sans avoir de ce fait à payer une indemnité de rupture
du contrat.
- Pendant la période d’essai, chaque partie pourra prendre sa liberté sans préavis.
- Le travailleur licencié qui se trouve dans l’obligation d’occuper immédiatement un nouvel
emploi peut aviser l’employeur de cette obligation et quitter l’établissement avant
l’expiration du délai du préavis sans avoir à payer d’indemnité.
A noter que le domestique saisonnier cessant ses services en fin de saison, conserve
pendant un an la priorité d’embauche chez le même employeur et dans la même catégorie
d’emploi saisonnier. Passé ce délai, la priorité d’embauche continue à lui être réservée
pendant une seconde année, mais son réengagement peut être précédé d’un essai ou d’un
stage probatoire d’une durée n’excédant pas un mois pour les débutants et quinze jours pour
les autres.
C. L’indemnité de licenciement
Selon les termes de l’article 5 de l’arrêté 974, l’employé licencié après une année de service a
droit à une indemnité pour chaque année de service :
Fatou a été engagée le 15 juin 1989. Le 1er août 2000, alors qu’elle gagnait 300 FCFA
l’heure, soit 48 000 FCFA/mois ; elle a été licenciée (après plus de 10 ans de service).
Son indemnité de licenciement sera calculée de la façon suivante :
37
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Toute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des dommages et intérêts qui ne se
confondent ni avec l’indemnité de préavis, ni avec l’indemnité de licenciement. Plus
particulièrement, les licenciements sans motifs légitimes, les licenciements motivés par les
opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance à un
syndicat déterminée, sont jugés abusifs. C’est la juridiction compétente qui constatera l’abus
par une enquête sur les causes et circonstances de la rupture du contrat, notamment la véracité
du motif évoqué par l’employeur. La jurisprudence permet de sérier les motifs de rupture
selon qu’ils sont légitimes ou non.
- Le vol avéré de même que la tentative de vol constitue une faute de nature à entrainer la
perte de confiance et la rupture du contrat de travail.
- Le refus d’obtempérer à une demande légitime de l’employeur.
- Le salarié profère des menaces et insultes à l’égard de son employeur plusieurs fois et a
fait l’objet de plusieurs avertissements.
- L’absence injustifiée, car l’article 16 de l’arrêté 974 précise que l’employé ne peut
s’absenter sans autorisation ni justification, surtout au cours de la même mensualité, ce
qui est considérée comme un abandon du travail.
- Le fait pour un gardien de nuit de dormir allégrement et profondément sur les lieux de
travail malgré les avertissements répétés de l’employeur constitue une faute lourde
justifiant la rupture du contrat de travail.
- L’incompatibilité d’humeur
- Certaines situations personnelles de l’employeur (perte d’emploi, baisse significative de
revenus, décès du conjoint…).
- Le déménagement ne constitue un motif de licenciement que si l’employé refuse de suivre
l’employeur, mais il doit d’abord lui en faire la proposition.
38
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
- Le licenciement pour accident ou maladie n’est admis que si celui-ci entraine une
inaptitude au travail, constatée médicalement.
Attention ! Le fait qu’un licenciement soit légitime ne libère pas nécessairement l’employeur de
l’obligation de donner le préavis et l’indemnité de licenciement à moins que le travailleur ait
commis une faute lourde.
- Licenciement fondé sur le motif d’essai alors que la lettre d’embauche prévoyait un
contrat de travail sans période d’essai.
- Dans certains cas, la demande de modification du contrat de travail par l’employeur sans
motif légitime peut équivaloir à un licenciement abusif.
- Licenciement d’un travailleur victime d’un accident ou durant la période de suspension de
son contrat, en prétextant d’autres motifs inexacts.
- Licenciement de la femme enceinte durant la suspension de son contrat selon les
dispositions de l’article L. 143 dernier alinéa.
b. Paiement du salaire dû
En cas de rupture du contrat de travail, le salaire, les primes et les indemnités de toute nature
dus au travailleur au moment de la rupture doivent être payés dès la cessation de service.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
L’assiette de cotisation : les cotisations sont assises sur le montant global des
rémunérations et assimilés, à l’exclusion des éléments ayant un caractère de
remboursement de frais (primes de transport, indemnités de salissure…)
Le plafond des salaires : on appelle plafond de salaire le montant au-delà duquel
les cotisations ne sont pas dues ; Il est de 63 000 francs par mois et par salarié. Le
plancher est égal au SMIG (salaire interprofessionnel garanti égal à 36 243
FCFA).
Les taux des cotisations : les taux de cotisations varient selon les branches :
- 7 % (taux uniforme) → prestations familiales
- 1 %, 3 %, 5 % (selon l’activité principale de l’entreprise) → accidents du travail et
maladie professionnelles.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
A. Accidents du travail
B. Prestations familiales
Le versement des cotisations à la Caisse de Sécurité Sociale par l’employeur donne droit à
plusieurs formes d’allocations, notamment, des allocations familiales pour des enfants à
charge, des allocations de maternité et prénatales, ainsi que des indemnités journalières de
congé de maternité.
Obligation de l’employeur
Il est tenu de verser 7 % de la même assiette que pour les cotisations d’accidents de travail.
L’échéance des versements ainsi que les sanctions sont les mêmes que pour les accidents du
travail.
Cas pratiques
- Cas n° 1 : Fatou Fall est employée de maison et perçoit un salaire mensuel de 28 750
FCFA.
La cotisation à verser est calculée ainsi qu’il suit :
Accidents du travail : 36 243 F x 1/ 100 = 362 F
Prestations familiales : 36 243 F x 7/ 100 = 2 537 F
41
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
42
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Fournir un certificat médical précisant que la prolongation est en rapport avec la grossesse
ou les couches
Une attestation de non reprise de travail signée par l’employeur
A combien s’élèvent-elles ?
Les travailleurs sont obligatoirement affiliés au régime général, le régime complémentaire est
réservé aux cadres. Les cotisations au titre des régimes de retraite sont réparties entre employeurs
et employés. La quote-part due par l’employé est donc prélevée sur le salaire du travailleur par
son employeur.
Obligation
43
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Pour la quote-part du travailleur, un taux de cotisation est assis sur le salaire et les accessoires
du salaire, à l’exception des frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et des
prestations de la Caisse de Sécurité Sociale.
Le taux est actuellement fixé par le Conseil d’Administration de l’IPRES. Il est actuellement de
14 % et, est réparti entre l’employeur pour 8,4 % et le travailleur pour 5,6 %. Les cotisations sont
assises sur le salaire plafonné du salarié. Le salaire maximum soumis à la cotisation est de
256 000 CFA.
Les adhérents, c'est-à-dire les employeurs doivent notifier à l’IPRES, dans un délai maximum
d’un mois, toutes modifications (changements d’adresse, départ ou embauche de personnel,
cessation d’activité (temporaire ou définitive, etc.).
Versement
Sanction
En cas de non respect des délais, les cotisations font l’objet d’une majoration de 5 % par mois ou
fraction de mois de retard jusqu’à concurrence de 50 % du plafond des sommes dues.
Obligation
La cotisation est fixée à 6 % rapportée au salaire mensuel du travailleur (tel que défini pour les
prestations familiales ou accidents du travail). Elle est répartie également entre l’employeur et le
travailleur. Le salaire maximum soumis à cotisation est de 60 000 FCFA.
Les employeurs ont également l’obligation de s’acquitter des impôts dus sur le montant des
rémunérations (impôts à la charge du salarié retenus à la source et contribution forfaitaire à la
charge des employeurs). Ils doivent aussi en principe procéder au dépôt annuel de la déclaration
44
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Les textes en vigueur ne prévoient pas en effet d’exonération au profit des gens de maison, ni de
dispense de déclaration en faveur des employeurs.
En ce qui concerne le paiement des impôts, il peut intervenir dans les quinze premiers jours qui
suivent la fin de chaque trimestre civil, dès lors que le montant des retenues exigibles ne dépasse
pas 20 000 FCFA par mois.
Comme nous avons eu à le voir tout au long des développements précédents, le législateur
sénégalais a été assez clairvoyant pour légiférer dans une branche d’activité assez complexe, et ce
depuis 1968, avec la prise de l’arrêté 974, qui a été plusieurs fois modifié pour adapter ses
dispositions au nouveau contexte socioéconomique. Les personnes physiques employeurs ont de
quoi s’en tenir pour être à cheval sur les prescriptions légales ; nul n’étant censé ignorer la loi.
Dans cette optique, on est en droit de se demander si les pratiques sociales africaines telles que le
placement d’enfants en famille d’accueil qui deviennent fatalement des travailleurs
« bénévoles », superposées à la course effrénée à l’emploi salarié en ville dans le secteur du
travail domestique qui se meut selon ses propres modalités, qui a ses propres réalités, ont-elles pu
s’accommoder au formalisme légal ? Autrement dit est-ce que les employeurs, tout comme les
employés de maison s’acquittent comme il se doit de leurs obligations légales et contractuelles ?
Est-ce que ces travailleurs à part entière et non entièrement à part, même s’ils se soustraient à
l’attention du public dans l’intimité de nos maison pour exécuter leur contrat, ont toute la
protection que des travailleurs tout court peuvent attendre du droit social ? Tel sera l’objet de la
deuxième partie de notre étude. Il s’agira, à la lumière d’un travail de terrain de mettre les
dispositions légales, réglementaires et conventionnelles à l’épreuve de la pratique dans le
contexte actuel.
45
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Ce témoignage résume à lui seul le grand hiatus existant entre les belles prescriptions textuelles et
les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les employés de maison dans l’exercice
quotidien de leur activité. Cependant, il faut tout de même saluer la clairvoyance du législateur
sénégalais lorsqu’il entreprit de normer sur la base de textes législatifs et réglementaires l’activité
domestique si l’on sait que le rapport global de 2000 de l’OIT intitulé « Votre voix au Travail » a
noté que dans de nombreux pays les employés de maison sont exclus de la législation du travail
et qu’on ne leur reconnaisse pas le droit de se syndiquer. Par voie de conséquence, cette activité
est marginalisée, passée sous silence à tel point que les employés domestiques n’ont pas encore
tirés profit des nombreuses conquêtes sociales engrangées par leurs homologues d’autres secteurs
d’activités. Pourtant il ne suffit pas d’être spécialiste du droit social pour constater l’écart net qui
existe entre les prescriptions légales et la pratique ; tout observateur averti, ne serait-ce qu’à
travers la presse peut se faire une opinion là-dessus. Le trafic d’employées de maison
sénégalaises vers le Liban, l’affaire opposant des employées de maison à la famille de Youssou
Ndour, l’affaire de la bonne retrouvée morte chez son employeur Libano-syrien, pour ne citer que
46
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
ces affaires qui ne sont pas que des faits divers ayant fait les choux gras de la presse, sont
symptomatiques du malaise, du mal-être et même du mal-vivre des employés de maison au
Sénégal. Est-ce que l’Etat en tant que de garant de la paix sociale a le droit de laisser faire, de se
tenir à l’écart lorsque les présomptions de violations des droits de ces travailleurs sont
récurrentes ? Est-ce que les employeurs sont conscients que leurs conditions d’emploi sont aux
antipodes de celles édictées par la réglementation ? Est-ce que les employés eux-mêmes savent
qu’il y’a des textes de loi qui régissent leur activités ? Voilà autant de questions que nous ne
manquerons pas d’aborder dans la suite de ce travail. En attendant d’y revenir, par souci
d’objectivité qui caractérise tout travail qui se veut scientifique, nous nous sommes attelés à
revisiter les conditions réelles des employés de maison par un travail de terrain sous forme
d’enquêtes avec des groupes d’employés sur leurs conditions de travail. Les puristes regretteront
sûrement qu’on s’en tienne à une cueillette de données axée principalement sur une écoute de
groupe et non par questionnaires individuels. Ce choix qui n’est pas fortuit s’explique par des
limites techniques en ce sens que notre cursus universitaire et professionnel ne nous permet pas
de prétendre à l’exactitude statistique dont serait nantie une étude de la Direction de la
Statistique. Néanmoins, les données statistiques de l’étude intitulée Mbidaan sans mbindou
seront sollicitées chaque fois que de besoin afin de procéder à une analyse sans complaisance des
conditions de travail des employés de maison.
I. L’engagement
Le préalable à l’embauche reste la rencontre entre la demande et l’offre de travail qui se fait selon
des canaux propres à la société sénégalaise que le support des nouvelles technologies de
l’information de même que le développement de l’audiovisuel et de la presse écrite n’ont presque
pas influencé. Au même titre que dans d’autres secteurs, le travail domestique est fortement
touché par la crise économique qui pose des problèmes d’absorption de la forte main-d’œuvre qui
vient tenter sa chance en ville, ce qui reste jusqu’à présent la principale réponse face au
dénuement des campagnes. A. Gassama revenant sur l’importance de ces chercheuses d’emploi
affirme que : « le nombre de domestiques à la recherche d’emploi semble être égal ou supérieur
à celui des domestiques en poste et l’accès à l’emploi devient de plus en plus problématique pour
les postulantes dont nous pouvons noter le désarroi à travers les techniques de recherche
d’emploi ». En tirant les conséquences de cette situation, elle ajoute : « Elles constituent une
armée de réserve qui contribue à faire baisser les prix de leurs services déjà peu valorisés à
47
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
cause de leur affectation au rôle féminin16 ». Plusieurs études statistiques ont montré qu’au
Sénégal la pauvreté affecte plus les ménages ruraux qu’urbains, et davantage les femmes que les
hommes. Par conséquent, l’offre de travail qui ne cesse de croître a entrainé dans son sillage deux
phénomènes ; à savoir la dégradation des conditions de travail et la difficulté de trouver du
travail.
A. La recherche d’emploi
Le système de placement en famille d’accueil qui rendait la frontière entre les relations
marchandes et non marchandes ténues et qui ne cadrait pas forcément avec les attentes des filles à
cause du caractère bénévole du travail a perdu du terrain pour laisser la place à une véritable
opportunité économique. C’est dire qu’on est passé du modèle familial au modèle marchand. A
en croire les résultats du questionnaire17, le système de recommandation d’une tierce personne
reste l’une des principales modalités de recrutement avec 21,2% des enquêtées. Nous avons
également dans une moindre mesure la rencontre avec une patronne de la même ethnie qui a la
magie d’instaurer des relations de confiance mutuelle.
A ces modes de recherche relationnelle viennent s’ajouter d’autres beaucoup volontaires tels que
le porte à porte et le regroupement dans certains lieux stratégiques de Dakar dans l’attente
d’éventuels employeurs. C’est le cas au rond point Liberté 6, au Point E, à la rue Amadou Assane
Ndoye etc.
La première méthode que certaines fustigent car mettant l’employeur en position de force pour le
marchandage requiert beaucoup de patience et de persévérance comme l’a affirmé une fille :
« Dés notre arrivée à Dakar, nous nous levons le matin pour aller de porte en porte chercher du
travail. Au départ, c’est difficile car les gens ne sont pas accueillants. Quelquefois à peine tu
ouvres la bouche pour parler qu’on te claque la porte au nez. Au premier moment je me
demandais comment on pouvait trouver du travail dans ces conditions. J’avais honte de
continuer.
Le soir après avoir raconté tout ce que j’avais enduré dans la journée, mes copines se mirent à
rire. Je croyais qu’elles à leur tour se moquaient de moi. Non c’était pour me dire que cela se
16
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
17
Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25
48
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
passait comme ça et qu’il fallait insister. Le lendemain, je repris le chemin avec plus de volonté
que la veille et une femme me demanda de rentrer dans la maison. Elle me posa des questions sur
mes compétences et mon salaire.
Rapidement nous sommes tombés d’accord sur 8 000 FCFA le mois avec un repas le soir car je
ne devais pas passer la nuit. Elle me demanda de commencer séance tenante (il était 10h 30
mn). Je lui proposai d’attendre le lendemain pour que je puisse amener ma tenue de travail. Elle
me dit alors que dans ce cas je ne voulais pas travailler et que je pouvais laisser tomber.
Consciente du risque de ne pas trouver du travail rapidement, je commençai sans attendre et elle
fit sortir le linge de toute la famille qui semblait être accumulé depuis longtemps ; Toute la
journée et même le lendemain, je fis le linge. Malgré tout je suis restée avec la dame ».
Le regroupement au niveau des lieux stratégiques répertoriés comporte des avantages aussi bien
que des inconvénients. Certes il est plus aisé de rester debout ou assis en attendant le potentiel
employeur qu’un besoin urgent presse, ce qui donne le sentiment d’être en position de force, mais
là s’arrête la comparaison. En effet, il se pose une question de concurrence sans merci entre les
filles qui peuvent se regrouper par grappes de plus de cent guettant l’oiseau rare. Certaines
n’hésitent pas à allier les deux méthodes de recherche d’emploi pour maximiser leur chance
comme l’a affirmé une des filles rencontrées : « Actuellement, nous qui sommes ici, cherchons
toutes du travail. C’est impossible d’en trouver. Nous sommes là depuis quinze jours ; Le matin
on passe de maison en maison pour arriver en ville à midi. Ici (le lieu de regroupement) c’est
presque pour se reposer. Avant, il paraît que les patrons venaient chercher des domestiques ici,
mais maintenant on en trouve partout. On reste presque comme ça jusqu’à 16 heures, après les
gens commencent à rentrer. On ne mange pas ; le soir, ce sont nos voisins qui nous aident à
manger. Certaines d’entre nous ont été à l’école jusqu’en troisième secondaire. On ne trouve
rien et c’est difficile de baisser les bras car les parents restés au village ne peuvent pas se
prendre en charge, à plus forte raison nous qui avons également beaucoup de besoins : les effets
vestimentaires, le loyer etc. ».
Un article publié dans PressAfrik.com et repris par l’Observateur18 abonde dans le même sens :
« Au rond point Liberté 6, elles sont plus d’une centaine de domestiques. Elles attendent
18
Observateur N° 1580 du Mardi 30 décembre 2008 p. 4
49
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
d’éventuelles clientes ou client en cette fin de mois de décembre. Ndeye Diouf, la vingtaine
dépassée est de ce lot. De retour à Dakar depuis une semaine à Dakar, cette native de Khombole
(région de Thiés) espère trouver du travail. « J’ai eu à discuter avec des clientes, mais on a pas
pu trouver un accord sur la rémunération. Le salaire (35 000 FCFA) que je demande semble trop
élevé selon les clientes. Elles me proposent entre 20 000 et 25 000 alors que je dois payer le
courtier, ma location et satisfaire mes besoins », argue Ndeye Diouf. Pour ce montant, elle dit ce
qu’il est capable d’apporter à son employeur : « Je suis capable de gérer toute seule une
maison », explique t- elle.
Le courtier dont parle la jeune fille est un homme d’une quarantaine d’années. Il reçoit les
clients ou clientes et discute avec eux, En fonction des besoins exprimés mais aussi des tâches à
faire, il met en rapport ce client avec l’une de ses protégées. A coté de celles qui sont au rond
point Liberté 6 entrain d’attendre, d’autres préfèrent se déplacer de porte en porte… ».
Le courtier dont il est question dans l’article de presse est une sorte d’intermédiaire ayant une
certaine notoriété et aussi une certaine emprise sur ses protégées qu’il met en relation avec les
employeurs moyennant une commission. Pour chaque recrutement au niveau du regroupement,
l’employeur paie 2 000 FCFA sur le champ plus la commission que l’embauchée donne au
courtier dés qu’elle reçoit son premier salaire. Michelle Diallo, la cinquantaine sonnée, que ses
protégées appellent affectueusement Tata Michelle refuse de parler dans un premier temps avec
un « membre de l’administration » car, dit-elle, elles n’avaient vu personne de ce service
lorsqu’elles ont eu un sérieux différend avec la famille du célèbre chanteur Youssou Ndour, qui
avait d’ailleurs défrayé la chronique. Il a fallu moult arguments pour qu’elle accepte de délier sa
langue : « Notre ainé c’est le vieux Samaké qui officie ici depuis 1974 ; il n’y a jamais de contrat
écrit, tout ce que nous réussissons à avoir c’est le numéro de téléphone de l’employeur, son
adresse ou l’adresse du chef de quartier, les patrons rechignent à donner une copie de leur carte
d’identité. Ainsi nous pouvons faire le suivi post-embauche et la médiation surtout en cas de
conflits : salaire non versé, coups et blessures, accusation de vol etc. Il n’est pas rare que
l’affaire atterrisse à la police ou à la gendarmerie pour contraindre les employeurs à respecter
leur engagement », dit-elle. Elle ajoute d’un air ferme : « Moi, je n’abandonne jamais les filles
que je place dans le pétrin, il y’a des choses que je ne tolère pas venant des employeurs ».
50
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Comme mentionné plus haut, beaucoup d’employeurs recrutent leurs employées par l’entremise
d’une tierce personne qui s’érige en garante de la bonne moralité de l’employée. Cela se conçoit
dans un contexte de méfiance vis-à-vis de l’autre, celui qu’on ne connaît pas, en milieu urbain.
Cette psychose sécuritaire est alimentée par le développement d’actes incivils et violents qui ont
entamé la charpente de valeurs telles que la solidarité et le sens de l’hospitalité qui étaient
quelques uns des caractères dominants de la société africaine. Ce climat difficile n’a pas empêché
les employés domestiques de développer des stratégies pour décrocher un bon contrat qui soit
plus ou moins conforme à leurs attentes, à l’issue du marchandage. La première règle de ce face-
à- face connue de tous dans le milieu est : « de ne surtout pas se laisser impressionner ni faire
preuve de timidité ou de faiblesse devant l’employeur ».19
D’une manière générale, les salaires des employés domestiques décroissent du centre ville et des
quartiers résidentiels aux quartiers populaires de la proche et lointaine banlieue. C’est dire que les
salaires versés à Rufisque, Pikine, Guédiawaye sont plus faibles qu’aux Parcelles Assainies, aux
HLM qui à leur tour sont moindres qu’à Nord Foire, Sacré Cœur et Almadies. La conséquence en
est que la recherche de travail est sélective et se fait selon l’hypothèse tout à fait valable que les
ménages les plus aisés payent mieux que les autres. C’est pourquoi, les filles logeant ou habitant
Yeumbeul, Thiaroye, Pikine ne préfèrent pas travailler à coté de chez elles mais vont jusqu’au
centre-ville pour pouvoir gagner plus.
Cette catégorisation des employeurs sénégalais a été également notée dans l’étude conjointe BIT/
UNICEF/ ENDA. Les employés de maison distinguent « les grands patrons », des « moyens
patrons » et des « petits patrons ». Cette hiérarchisation prend en compte outre le critère
géographique, le standing du logement. A la base se situe le troisième groupe qui regroupe à la
fois des employeurs des quartiers populaires et ceux ayant des revenus faibles et des familles
nombreuses.
A coté des employeurs sénégalais, nous avons les employeurs libano-syriens, ceux ressortissant
de pays africains et les employeurs expatriés. De prime abord, ceux-là appliquent la législation
dans une certaine mesure car leur statut d’étranger (beaucoup de libano-syriens ont la nationalité
19
Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25
51
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
sénégalaise) fait que le non-respect de la loi leur soit préjudiciable en cas de conflit. Si beaucoup
d’expatriés appliquent scrupuleusement la législation, nous reviendront, ce n’est pas le cas de
tous les libano-syriens même si quelques uns font souvent des contrats et délivrent des bulletins
de paie. En revanche, ils sont réputés exigeants par rapport à l’exécution des tâches ; toute perte
est déduite du salaire. Cette communauté qui n’emploie pas de petites filles, recherche des
employés ayant une certaine instruction donc sachant lire et s’exprimer en français. Une fille
ayant travaillé avec des libano-syriens a livré ce témoignage :
« Une des difficultés que j’ai vécue personnellement, et souvent rencontrées par les filles, est
celle-ci : je travaillais chez une libanaise. Un jour, elle m’a informée qu’elle allait recevoir ses
beaux-parents qui venaient de la France. Que cela entrainerait un surcroît de travail. Donc, elle
allait m’augmenter ; je gagnerais donc 30 000 F CFA / mois et elle me demandait de descendre
dorénavant à 20 h. Au départ de ses beaux-parents, apparemment satisfaite de mon travail, elle
m’a encore augmentée 5 000 F CFA. Elle possède deux maisons et emploie 5 « janx » (jeune fille
domestique). Un jour, je repassais ses habits. Il y’avait « les pantalons-gaine là ! » (body), en le
repassant, je l’ai brûlé. Elle avait acheté ce pantalon à 15 000 F CFA en France. Elle m’a dit de
le rembourser, par mensualités de 5 000 F CFA. J’ai accepté. Et j’ai continué à travailler pour
elle pendant trois mois. Elle m’a toujours remis des reçus quand je percevais mon salaire. Elle
devait partir pour quelques temps en France. Elle m’a dit que normalement, elle devait me verser
des droits. Quand tu fais le linge pour elle, elle compte devant toi les morceaux que tu dois laver.
Quand tu as fini de laver et de repasser, elle recompte les habits ».
A l’exception de celles qui s’occupent des bébés et ayant resté longtemps avec la famille, les
personnes qui travaillent avec les Libano-syriens passent rarement la nuit chez leur employeur.
L’emploi dans ce milieu est plutôt stable et il n’est pas rare de voir une domestique en activité
dans une famille transmettre cet emploi à sa sœur, sa fille.
Autre son de cloche chez les employeurs sénégalais qualifiés de « petits patrons » qui sont à
l’origine de beaucoup de maux dans la profession en ce sens qu’ils peinent à verser le salaire
normalement, à assurer une prise en charge médicale, à respecter les tâches définies à
l’embauche, à nourrir convenablement leurs employés. Cette classe moyenne naguère prospère
aujourd’hui rétrogradée et fortement prolétarisée subit de plein fouet les coups de boutoir de la
crise économique qui a entrainé dans son sillage la cherté de la vie.
52
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Après toute ces considérations socio-économiques survient le marchandage qui se fait rarement
sur la base du salaire minimum réglementaire mais dépend intimement du standing de la maison :
une maison à étage étant censée comprendre une charge de travail plus importante, du nombre
d’enfants, du nombre de personnes vivant sous le toit, de la prise en charge de la nourriture, du
fait que l’employé loge chez son patron ou rentre en fin de journée et enfin de la gestion des
principales tâches : le linge, la vaisselle, la cuisine et le ménage. On assiste de plus en plus à une
spécialisation des employés qui choisissent une ou deux tâches au plus ; le ménage moins
contraignant est apprécié du fait qu’on dispose de plus de temps libre que la cuisine qui requiert
qu’on reste un peu plus tard. Il existe également d’autres tâches annexes telles que l’aide à la
préparation des repas, les innombrables courses pour toutes la famille, le fait de s’occuper des
bébés et certaines sont même sollicités pour le petit commerce (vente de sachets d’eau, de
crème…)
C. Le contrat de travail
L’entretien mené avec des employés de maison au niveau des lieux de regroupement vient
confirmer les résultats des recherches menés dans ce sens. Il démontre de façon manifeste qu’en
ce qui concerne le contrat de travail, l’absence d’écrit est la chose la plus commune. Il s’agit donc
d’un contrat oral aux clauses imprécises qui s’arrête souvent au montant du salaire, les autres
tâches déclinées à l’embauche pouvant grossir une fois ce cap franchi. Certains employeurs
essaient même de renégocier le salaire sous divers prétextes ultérieurement comme l’a affirmé
cette jeune femme originaire de la région de Fatick :
« Les Wolofs, quand tu viens négocier avec eux, elles acceptent toutes les conditions que tu
poses : des rémunérations de 15 000 F CFA ou plus. Après accord, elles te remettent tout leur
linge sale. Une fois que tu as tout lavé, elles te confient tous leurs travaux ménagers. Après avoir
effectué toutes ses tâches, elles t’appellent et te disent que leur mari trouve la rémunération trop
élevée. Et elles te demandent de réduire le tarif à 10 000 F CFA ou même 8 000 F CFA. Si tu ne
veux pas, elles te renvoient, et promettent de te payer le travail que tu as déjà effectué pour elles,
tout en sachant qu’elles ne le feront pas ».
Cependant, il faut se garder de généraliser car certains employeurs, malgré l’absence d’écrit, sont
soucieux de leurs conditions de travail et discutent avec elles lorsqu’elles commettent des erreurs
53
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
dans leur travail. Un subterfuge trouvé dans le milieu consiste à se faire assister d’une tierce
personne, le courtier une ainée ou une amie pour que l’employeur ne puisse pas revenir sur les
clauses du contrat plus tard.
Les tâches quotidiennes des domestiques sont diverses et variées. Certains ménages, compte tenu
de leur taille (la moyenne nationale étant de 8,7 personnes par ménage20 ont plusieurs employées
à leur service, entre les lesquelles les tâches sont réparties.
Les horaires sont dans l’ensemble supérieurs aux normes édictées dans les textes réglementant le
travail des enfants : chez les 15-18 ans, 51,9 % effectuent entre 9 et 11 heures de travail par jour
et 17,2 % en font plus de 12 heures ; seuls 15,6 % font entre 6 et 8 heures. Celles qui passent la
nuit débutent leur journée entre 5h 30 et 6 h du matin et finissent souvent au coucher des
employeurs.21
Quant aux plus de 18 ans, 47 % font tous les travaux, 22,7 % tout sauf la cuisine et 16,7 %
s’occupent des enfants. Le matin, les horaires ne sont toujours respectés par celles qui ne logent
pas chez l’employeur. De même que les employeurs respectent rarement les horaires légaux.
Dans la journée, très peu sont celles qui ont droit à un moment de repos, ne serait-ce qu’une
petite pause comme le font tous les autres travailleurs. Beaucoup ne voient pas d’un bon œil que
leur employé fasse la sieste, ce qui est le comble de la paresse aux yeux des patronnes. Lors de
l’entretien beaucoup ont regretté le fait que certaines dames ne lèvent pas le petit doigt dans la
maison, même pour boire elles se font servir.
Celles qui passent la nuit peuvent être sollicitées à tout moment de la nuit, c’est ce qu’a déploré
20
Direction de la Statistique du Sénégal : enquête sur la situation des enfants travailleurs, enquête des ménages, 1993
21
Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 28
54
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
une jeune fille qui travaillait pour une Béninoise aux Parcelles Assainies et qui a fini par quitter
car ne pouvant plus supporter les caprices de son employeuse : « Ma patronne avait pris la
fâcheuse habitude de me réveiller la nuit au-delà de 22 heures, lorsqu’elle revenait de ses cours,
pour que je lui épluche des oignons alors que je dormais puisqu’elle ne m’autorisait pas à
regarder la télé. C’était juste un prétexte pour me créer des histoires car comme lui avait
suggéré son mari, elle pouvait préparer son omelette toute seule ». Par rapport au début de la
journée de travail, elle ajoute : « la journée commence souvent à 6h du matin pour ne finir qu’au-
delà du diner. Durant la pénurie de gaz, on me réveillait bien avant 6h pour chauffer de l’eau de
bain de la petite avec un fourneau… », dit-elle avec résignation.
Face aux nombreuses plaintes de surcharge de travail, il serait intéressant de voir comment se
présente la situation par rapport aux dispositions relatives à la rémunération en général et aux
heures supplémentaires en particulier.
Il ressort de ce qui a été dit sur l’importance de la charge de travail que le décompte des heures
supplémentaires pourrait un tant soit peu améliorer la condition des employés de maison.
Malheureusement, il n’a été mentionné nulle part la prise en compte de ces heures dans la
rémunération. Le forfait versé habituellement qui n’est en rien proportionnel au volume de travail
ne souffre d’aucune hausse. Au contraire, certaines patronnes sont promptes à retenir les jours
non travaillés même si c’est une absence pour maladie. Il faut savoir que conformément à
l’article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970 fixant le régime général des dérogations à la durée
légale du travail, les gens de maison sont soumis à un régime d’équivalence que l’arrêté 974 du
23 janvier 1968 fixe à 60 heures par semaine réputées correspondre à 40 h. Ce qui veut dire que
les majorations ne seront décomptées qu’au-delà de la 61eme heure. Généralement les intéressés
eux-mêmes ne réclament pas des heures supplémentaires ; tout ce qu’ils veulent c’est que leur
aspiration au repos soit prise en compte et surtout que le salaire conclu soit payé intégralement et
à date échue.
III. La rémunération
A. Des salaires en hausse ?
La rémunération que l’employeur consent à verser dépend de plusieurs facteurs dont les plus
55
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
essentiels sont : « le statut social du travail domestique, l’âge, le sexe, la situation matrimoniale,
la résistance à l’effort (la corpulence), l’expérience… mais c’est également, à travers les
coutumes, les normes sociales, les pressions des groupes sociaux que nous arrivons à
comprendre la formation des prix22 ». La cartographie des rémunérations, en fonction de la
structure des quartiers qui est un élément important de la recherche de travail, fait apparaître des
zones à risque où les conflits sont susceptibles de subvenir pour défaut de versement ou
versement irrégulier du salaire. C’est le cas de certains quartiers populaires et périphériques
durement affectés par la désindustrialisation, avec ses conséquences en termes de perte d’emploi
et de diminution du pouvoir d’achat qui fait que certains engagements ne peuvent être tenus que
difficilement. Car, mieux vaut le dire toute suite, toutes les familles qui font appel à une main-
d’œuvre domestique salariée n’en n’ont pas toujours les moyens. Ce facteur économique,
conjugué à une mauvaise volonté, est la cause directe des retards et du fractionnement du salaire
que certaines de nos interlocutrices ont déploré, et dont ils n’ont pas beaucoup d’emprise, en
raison de l’importance de l’offre dans cette branche dont nous avons parlé dans les
développements précédents.
Les entretiens ont montré que les salaires ont subi une hausse face à la cherté de la vie mais ils ne
se présentent pas de manière homogène, mais prennent en compte les déterminants salariaux
mentionnés plus haut. Ils se présentent comme suit au niveau de Dakar- ville :
Peuvent être considérés comme complément du salaire les avantages en nature dont l’employé
bénéficie le plus souvent gratuitement de son employeur tels que : le repas du soir, l’utilisation de
certains de ses biens, à savoir : savon, eau, les repas servis à celles qui passent la nuit et le
logement etc. Par rapport à cette rémunération complémentaire, il faut noter que rares sont les
22
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, p. 171-184
56
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
employeurs qui font des retenues à ce titre, même s’ils arrivent dans certains cas que le petit-
déjeuner ne soit pas fourni, ou qu’il soit en quantité insuffisante.
D’après les entretiens, le règlement des salaires est un vrai casse-tête pour les employés de
maison. Si au niveau des zones résidentielles, les salaires tombent au plus tard le 5 du mois de
travail, tel n’est pas le cas dans les quartiers populaires. Malgré le fait qu’on n’y trouve les
salaires les plus modiques, ceux-ci sont payés souvent avec retard et de manière fractionnelle.
Les retards atteignent parfois 3 à 4 mois. Dans ce cas, il faut l’intervention du courtier, d’un
parent pour que l’employeur s’exécute, c’est souvent le cas à la veille du retour au village. Les
moins chanceuses qui ne peuvent pas grand-chose devant l’incurie de leur employeur se
remettent à Dieu. C’est le cas d’une fille rencontrée à Liberté 6 qui a déclaré avoir travaillé
pendant un an moyennant un salaire de 50 000 CFA pour un couple. Malheureusement, elle n’a
été payée qu’une fois en plus d’une avance de 15 000 CFA. Elle est restée pendant tout ce temps
« par dignité » selon elle. La dame prétextait le fait que son mari, un ancien maire fût déchu. Elle
court toujours pour recouvrer les 150 000 FCA qu’on lui doit.
Généralement, ce sont les femmes qui gèrent les employés de maison depuis l’embauche. Elles
négocient le salaire, fixent les tâches à faire et naturellement versent les salaires que le mari leur
donne. C’est ce qui explique souvent le reproche qu’on leur fait de détourner la paie à d’autres
fins, de verser le salaire de manière fractionnée souvent à l’insu du mari. Les hommes sont censés
être de meilleurs employeurs que leurs compagnes et les cas de retard de salaire sont rares avec
eux.
B. Le bulletin de salaire
Parler de bulletin de salaire dans ce secteur est considéré comme une provocation car beaucoup
ne voient pas l’utilité du bulletin de paie, ce qui importe c’est que lui salaire soit versé.
L’entretien à montrer que dans la plupart des cas, il n’y a ni bulletin, ni décharge et ni même
aucune signature pour attester du versement, ce qui ne manque pas de poser d’énormes difficultés
au cas où l’employé nie avoir été payé rapport à la présentation d’éléments de preuve. Le
législateur sénégalais a été très explicite par rapport à l’obligation pesant sur l’employeur de
fournir une pièce justificative appelée bulletin de paie devant accompagner le versement du
salaire à tel point qu’en cas de litige y afférant, l’article L. 117 du Code du Travail dit que le non-
57
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
paiement est présumé tant que l’employeur n’est pas en mesure de fournir le registre de paie
dûment émargé par le travailleur. Par conséquent, même si l’analphabétisme reste un frein par
rapport a la prescription légale, au vu du nombre important d’employeurs et d’employés illettrés,
il est tout à fait possible que l’employeur se débrouille pour tenir un cahier où émarge le
travailleur chaque mois pour que tous les deux soient à l’abri de mauvaises surprises. Par
ailleurs, on peut se demander si les employeurs respectent les dispositions relatives au repos, qui
reste l’une des principales doléances des travailleuses domestiques.
La législation est très stricte à propos du repos hebdomadaire qui est obligatoirement de 24h
consécutives par semaine, accordé en principe le dimanche. Cependant, la spécificité de ce
secteur d’activité fait qu’il peut être pris un autre jour ou à raison de deux demi-journées. De
manière générale, le respect de cette disposition se fait de manière mitigée. En à croire les
résultats des entretiens, tout dépend de l’humeur des patrons, de leur « humanisme ». La question
du repos hebdomadaire se pose de deux manières selon qu’on loge chez l’employeur ou que l’on
rentre le soir. Même si quelques uns qui ne logeaient pas chez le patron ont déclaré qu’il leur
arrivait de ne pas travailler le dimanche, la tendance qui se dessine est ce qu’on appelle dans le
jargon, « le système des 15 jours » c'est-à-dire 1 jour de repos par quinzaine très usité dans les
deux cas par les employeurs. Ce jour précieux est consacré, pour celles vivant chez l’employeur,
à rendre visite aux parents et amies du même village, rompre avec l’isolement et papoter sur leurs
conditions de travail.
Il faut noter que les filles ne viennent jamais de manière isolée en ville mais elles le font à travers
un circuit bien huilé entretenu par des « recruteurs », qui sont de purs produits du milieu, des
natifs du village établis en ville qui descendent jusqu’au village pour alimenter la machine. Du
fait du caractère temporaire de l’activité, il est toujours possible de faire des permutations et de
nouveaux placements. C’est ainsi que les filles qui viennent sont placées sous l’autorité de sœurs,
de tantes et d’oncles qui reconstituent en ville l’espace familial et l’univers villageois. Par
conséquent, on constate une phosphorescence de mouvements associatifs basés sur
l’appartenance à un même terroir contribuant à l’entraide et au développement du village
d’origine. Tous ces aspects apparaissent à travers ce témoignage :
58
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
« Nous nous retrouvons le soir avec les garçons du village dans le même quartier. Chaque
samedi, nous organisons des soirées pour trouver de l’argent pour la caisse de notre association.
Avec ça, on prépare nos voyages pendant les fêtes ou à l’approche de l’hivernage pour ceux qui
doivent rejoindre les parents pour les travaux champêtres.
Egalement, nous cotisons pour la construction du foyer des jeunes du village et nous donnons
quelque chose cette année pour l’école du village. Ce sont les garçons qui assurent notre
« surveillance en ville». Quand nous avons des problèmes (paiement, accusations de vols…), ce
sont eux qui nous défendent ».
Nous percevons à travers cette confession le rôle crucial que joue le repos à travers l’immersion
dans un milieu affectif et amical qui permet de puiser la force morale nécessaire pour faire face
aux nombreuses tribulations liées à l’activité domestique. Et pourtant beaucoup d’employeurs
persistent à leur denier ce droit au repos si fondamental.
Les employeurs ont à peu près la même réticence par rapport au chômage des jours fériés ;
cependant, l’importance de grandes manifestations culturelles et des fêtes religieuses telles que la
Tabaski, la Korité, Pâques qui se passent en famille, ont eu raison de cette mauvaise volonté.
Mais il se pose toujours des conflits car les employeurs ont tendance à les remplacer très vite
alors que pour beaucoup ce sont les seules opportunités de retour au village. Aujourd’hui
beaucoup n’hésitent pas à rester longtemps pour conserver leur emploi :
« C’est difficile de partir comme tu veux. Il est très facile de se faire remplacer car il y’a trop de
bonnes qui chôment. Nos patrons ne se soucient même pas de notre place. Une fois que tu quittes,
c’est fini. On renonce souvent à partir car une fois que tu gagnes bien ta vie, tu cherches à
maintenir ta place ».
« Partir au village ! Non ! Nous restons presque deux à trois ans car les patrons n’attendent pas.
Nous ne sommes pas comme vous qui avez des congés et qui avez des permissions. Si on part,
personne au niveau de la famille ne fera le travail et tout de suite on te remplace par une autre.
Souvent quand on quitte, c'est pour aller chercher ailleurs. C’est pourquoi nous restons et
envoyons quelque chose à la famille ».
« Durant les fêtes de Tabaski, Korité, nous allons au village, mais nous revenons juste après. Car
nos patrons ne nous attendent pas. D’ailleurs, ça c’est pour nous qui habitons à coté de Dakar.
59
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Mais pour nos amies du même quartier qui sont des Diolas et des Sérères de Fatick ou Thiés,
c’est difficile de partir ».
« La Casamance, c’est trop loin ; une fois que tu es là-bas, tu ne retournes pas vite, car
quelquefois ça coïncide avec l’hivernage et il faut aller dans les rizières. Mais maintenant les
parents commencent à nous laisser longtemps. On y va quand les frères doivent entrer dans le
bois sacré ou pour certaines à l’occasion de décès ».
« Nous avons une association de tous les ressortissants de notre village, et nous organisons des
voyages à l’occasion des fêtes religieuses ou de grandes cérémonies traditionnelles au village.
Sinon nous rentrons presque tous à l’approche de l’hivernage, si les parents nous obligent à
venir pour les travaux champêtres ou pour le mariage ».23
Ces différents témoignages permettent de percevoir l’importance du lien ombilical liant les
employés à leur milieu d’origine qui est en fait l’une de leurs principales préoccupations. Ce lien
tend de plus en plus à se distendre, cela d’autant plus que les employeurs rechignent à respecter
les dispositions relatives aux congés.
B. Le congé principal
Rendu obligatoire par l’article L. 148 du Code du Travail qui dispose que le travailleur a droit à 2
jours ouvrables de congé par mois de travail, à la charge de l’employeur, à condition que celui-ci
totalise au moins 12 mois de travail effectif, correspondant à la période de référence.
Le caractère saisonnier de l’emploi au Sénégal qui intéresse 40 % chez les hommes et contre 48
% chez les femmes,24 rend la prise de congé presque impossible pour beaucoup. Cependant,
l’article L151 du Code du travail prévoit ce cas de figure avec le versement de l’indemnité
compensatrice en lieu et place du congé. Ces retours périodiques se font surtout à la veille de
l’hivernage pour les besoins de l’agriculture qui se fait de manière extensive avec une très faible
mécanisation ; de ce fait elle est dévoreuse de main d’œuvre. D’autres occasions de retour restent
les manifestations culturelles et les fêtes religieuses ou familiales qui sont des sortes de
grand’messes de tous les fils et filles du terroir. A noter que ces retours, même s’ils subsistent
toujours se font sur des périodes plus longues, deux à trois ans, à cause notamment de la
23
Mbindaan sans mbindou, mars 1994, annexe 2 p. 44
24
2eme Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM) DPS/ 2004
60
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Par rapport à la prise de congé, elle n’est effective que chez quelques rares privilégiés au service
d’employeurs expatriés qui font souvent coïncider ces congés avec leurs vacances. L’écrasante
majorité pense même que les congés payés sont l’apanage des autres travailleurs, « ceux qui
travaillent dans les usines et les bureaux » disent-elles, « nous ne sommes pas comme vous qui
avez des congés et des permissions. Si on part, personne au niveau de la famille ne fera le travail
et tout de suite on te remplace par une autre ». Ce caractère incontournable de la travailleuse
domestique au sein de nos familles pose la question de sa véritable place, est-ce qu’elle doit se
substituer totalement à la maîtresse de maison ou doit-elle effectuer des tâches
complémentaires ?
En principe, sauf dans de rares cas, la complémentarité doit être de rigueur, sinon on risque de
tomber dans les schémas de type « bonnes à tout faire » corvéables alors que le mode de
traitement allant dans le sens de la reconnaissance de leur apport fait défaut. Ces modes de
traitements qui dépendent du niveau d’intégration peuvent être de manière décroissante inclusifs,
exclusifs, stigmatisants voire dégradants25.
On peut même se poser la question à savoir si les complaintes sont fondées car 72,6 % des
employeurs considèrent leurs domestiques comme faisant partie intégrante de la famille26.
Pourtant la situation exprimée lors des réunions de groupes ne corrobore pas ces dires. Pour la
majorité, les rapports sont de types maître à servante « bonne à tout faire », (situation reconnue
par 17,7 % seulement des employeurs). Lesquels se traduisent par des traitements
discriminatoires dont les plus courants sont les suivants. Les employeurs refusent de partager le
repas familial avec leurs employées qui mangent dans la cuisine ou dans une autre pièce, alors
que dans beaucoup de cas ce sont elles-mêmes qui ont cuisiné, les très jeunes domestiques
déplorent le mépris dont elles font l’objet de la part des enfants de l’employeur confortés par
l’attitude des parents qui donnent souvent raison à leurs enfants, pour celles qui logent chez
l’employeur, la marginalisation se fait sentir le soir, où il ne leur est permis de regarder la
25
Entretien avec M. Mamadou Ndiaye, Coordonnateur Enda Graf Golf Sud Dakar.
26
Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 32
61
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
télévision. Si la possibilité leur est accordée, elles doivent prendre garde à se tenir à l’écart de la
famille. Deux autres doléances sont relatives à l’espace exigu qui leur est attribué, aussi bien
pour le repos que pour le rangement des effets vestimentaires et de manière générale la manie
qu’on les employeurs de les accuser, la plupart du temps injustement, de vol.
Cependant il existe bel et bien des employeurs qui donnent aux termes « faisant partie intégrante
de la famille » tout son sens, ce qui se traduit par une prise en charge médicale, des cadeaux en
nature et en espèces. Cette assistance est particulièrement appréciée en cas de grossesse.
C. Le congé de maternité
L’enquête a montré que tous les statuts matrimoniaux (célibataires, mère-célibataires, mariées,
divorcées et veuves) se retrouvent chez la population étudiée. Néanmoins, le statut de célibataire
qui concerne 75 % d’entre elles chez les 15 à 18 ans est le plus fréquent, ce qui les expose à des
grossesses précoces. Au demeurant, la proportion de grossesses chez elles restent assez élevée, ce
qui pose la question de leur prise en charge durant la période de congé de maternité par la Caisse
de Sécurité Sociale comme tous les autres travailleurs, car l’attitude bienveillante de l’employeur
durant cette période et même ses cadeaux, ne sont en rien équivalents à la prise en charge
médico-sociale de la Caisse. Mais la question de fond reste le défaut d’immatriculation dont elles
font l’objet de la part de leurs employeurs, en violation de la loi 73-37 du 31 Décembre 1973
portant Code de la Sécurité Sociale qui institue un régime de protection sociale au profit des
travailleurs salariés dont le personnel domestique permanent, à travers l’octroi de prestations
telles que les indemnités journalières de congé de maternité, les prestations familiales… Il n’est
pas rare de voir certaines cacher leur état pour travailler et garder leur source de revenus,
beaucoup d’employeurs n’hésitant pas à les licencier dès l’apparition des premiers signes.
27
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, p. 171-184
62
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
les bas salaires et d’autre part, l’existence de griefs formulés de part et d’autre qui ont tendance a
mettre fin aux contrats prématurément.
En d’autres termes, s’il arrive souvent que les employeurs licencient leurs domestiques sans
coup férir, ce pouvoir est quelque peu contrebalancé par le recours de celles-ci à la démission
dans les mêmes conditions, sauf qu’ici l’employeur peut user du moyen de pression que constitue
le salaire en le versant tardivement, dans le meilleur des cas.
« Vous savez nous ne pouvons rien contre celles qui nous emploient. Elles sont des patrons
ou connaissent les circuits mieux que nous. Si on les emmène à la police parce qu’elles ne
nous ont pas payé, elles vont nous laisser là-bas.
Dès que tu fais la plus petite faute, elles te grondent, et si ça va loin, elles te mettent à la
porte en te demandant de cesser le travail et de revenir à la fin du mois pour être payée.
Quelquefois, tu peux faire un mois à courir sans recevoir ton argent qui souvent t’est remis
de manière fractionnée.
La seule voie de recours, c’est de faire venir le tuteur pour qu’il insiste. Parmi nos frères, il
y’a des gens qui s’occupent du recouvrement. C’est vraiment facile de quitter son employeur
parce que simplement, il ne peut pas payer ou il utilise ta paie pour autre chose et le mari
l’emmerde au point qu’elle croit que tu es à l’origine de tout ça ».
« Moi, mon dernier contrat a pris fin parce que ma patronne m’a accusée de vol. Un jour,
de retour d’une cérémonie d’une de ses copines, elle à déclaré avoir perdu 7.500 FCFA qui
étaient sous l’oreiller. Rapidement pendant que je faisais la vaisselle, elle s’agrippa à moi
pour me demander l’argent. Je déclarais n’avoir rien vu et tout de suite elle prit la décision
de m’emmener à la police.
Nous nous y sommes rendues et après les explications, le policier nous a demandé de
repasser en m’invitant de venir avec mon tuteur car j’avais 17 ans. Ainsi prenait fin mon
contrat. Par la suite on lui a demandé de bien chercher chez elle ».
Aujourd’hui, avec la grande mobilité verticale et ascendante dans le secteur, les exigences
des employeurs sont telles qu’elles ont de moins en moins de temps pour former des
domestiques, elles recrutent directement des filles expérimentées, si leurs moyens le
permettent. En effet, il y’a lieu de souligner la formation qualifiante que dispensent les
employeurs sans aucune contrepartie en ce qui concerne des aptitudes particulières, le
contenu des tâches n’étant pas homogène diffère d’une famille à l’autre. Cet aspect ressort
63
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
dans ce témoignage : « Si on te confie des travaux, c’est à toi de voir si tu as toutes les
aptitudes requises ; tu es libre de refuser. Si on te confie des tâches que tu ne sais pas faire,
il faut le dire pour qu’on te l’apprenne. C’est comme la cuisine, il existe plusieurs façons de
la faire. Chaque femme a sa manière particulière ».
Cette valeur ajoutée difficilement quantifiable à l’actif des employeurs qui n’intègre aucune
clause de fidélité est à la base de la mobilité professionnelle, puisqu’elle est réinvestie dans
la recherche d’un meilleur emploi comme l’a affirmée A. Gassama : « les compétences
s’acquièrent par apprentissage et par cumulations d’expériences, dans les familles urbaines.
Le cumul de savoir-faire et de savoir-être permet aux travailleuses de passer des familles
employeuses les plus modestes à celles qui peuvent offrir un salaire plus élevé, d’où
l’instabilité des domestiques, surtout en période de tension du marché. A la stabilité des bas
salaires, la travailleuse domestique semble préférer l’instabilité provoquée par la recherche
d’un salaire élevé28 ». Plus loin, elle mentionne les principales causes de rupture des
contrats : « Parmi celles-ci, nous pouvons noter la maladie et les conflits liés aux horaires et
à l’ampleur du travail. Nous trouvons également des motifs stratégiques comme les départs
pour trouver un meilleur emploi ou des motifs plus graves comme le harcèlement sexuel29 ».
Les témoignages recueillis confortent cette thèse et ajoutent d’autres motifs non moins
importants.
Diverses raisons sont avancées mais les plus importantes sont les suivantes :
En ce qui concerne les employeurs les causes de rupture sont diverses, mais celles-ci sont
28
Ibidem p. 62
29
Ibidem p. 63
64
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
plus fréquentes.
Ainsi, comme nous venons de le voir, les motifs de rupture sont variés et souvent sujets à
contestation par l’autre partie, mais les voies de recours ne mènent pas plus loin qu’au poste de
police que d’aucuns estiment être de connivence avec les employeurs. Par conséquent, la
procédure de règlement des conflits individuels gérée par l’Inspection du travail est parfaitement
ignorée, sauf dans les segments restreints impliquant des employeurs expatriés ou libano-syriens.
A. A l’inspection régionale
De nombreux conflits individuels ont été réglés avec succès et ont fait l’objet de procès-verbaux
de conciliation de janvier 2008 à février 2009.
65
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Les réclamations ont généralement porté sur la prime de transport, le défaut de bulletin de salaire,
la non prise de congé, l’indemnité de congé, l’indemnité compensatrice de congé, la prime
d’ancienneté, la régularisation aux institutions de prévoyance sociale, les rappels différentiels de
salaire, la non prise du repos hebdomadaire. Pour les cas où la relation de travail ne s’est pas
poursuivie, les chefs de réclamation ont porté sur des dommages et intérêts, l’indemnité
compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de congé et la
remise du certificat de travail.
Plus de la majorité des 55 cas répertoriés durant cette période intéressaient des domestiques
travaillant pour le compte d’employeurs non sénégalais ayant bafoué les droits de leurs
employées pour l’une ou l’autre des raisons évoquées ci-dessus.
Ils se répartissent de manière inégale selon les mois comme on peut le voir sur le tableau.
mai 2 octobre 8
Cependant, l’exercice des bons services de l’Inspection régionale de Dakar s’est souvent heurté à
l’incivilité et la mauvaise volonté de certains employeurs de régler les conflits à l’amiable. En
effet ; ce ne sont pas moins de 26 procès-verbaux de non-conciliation qui ont été dressés et
transmis au tribunal du travail, de janvier à décembre 2008, d’après le tableau ci-dessus :
66
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
B. Au tribunal régional
Au niveau du tribunal du travail, la procédure de règlement des conflits individuels est à peu près
la même qu’à l’inspection du travail, puisque la tentative de règlement à l’amiable y est
également une formalité substantielle. L’article L. 251 du Code du Travail que : « lorsque les
parties comparaissent devant le président du tribunal du travail, il est procédé à une tentative de
conciliation ». C’est seulement en cas d’échec que le président déclare ouverte la phase
contentieuse. Malheureusement, cette phase est caractérisée par la lourdeur de la procédure qui
peut si elle perdure porter préjudice au requérant ; d’autant plus que les jugements rendus en
dernier ressort et les arrêts de la cour d’appel sont susceptibles de recours devant la chambre
sociale de la cour suprême. C’est pour dire comme le dit l’adage un mauvais accord vaut mieux
qu’un bon procès. Cependant, l’on doit se garder à l’étape de l’inspection du travail d’entériner
un accord susceptible de porter atteinte aux intérêts irréfragables du travailleur.
A noter qu’en cas d’urgence, la formation de référé peut permettre d’abréger les délais au niveau
du tribunal.
67
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Ousmane Oumarou Sidibé est de ceux-là ; il soutient que la cause de ces écarts est liée aux
deux conceptions différentes qui subsistent toujours en Afrique. D’une part la conception,
décalée de la réalité selon laquelle, il existe un cadre formel des relations de travail englobant
une minorité de travailleurs, les salariés des villes qui usent de leurs droits à la négociation
collective et à l’action revendicative à travers la grève et la protestation. D’autre part, le second
modèle correspondant davantage aux réalités africaines puisqu’il concerne à la fois les
travailleurs du secteur formel et du secteur non structuré, agriculteurs, artisans, commerçants
etc. Malheureusement, les Codes du Travail ne tiennent compte que des travailleurs du cadre
formel, classique, plus proches des réalités des pays du Nord. Ce qui milite en faveur de la
thèse selon laquelle, « le formalisme excessif des textes inadaptés au contexte africain, ajouté à
l’insuffisance notoire des administrations du travail sur le plan logistique et organisationnel
font que l’essentiel du monde du travail échappe en pratique à la législation du travail 31». En
ce qui concerne les employées de maison, cette exclusion de fait du champ des relations
sociales est accentuée par de nombreuses particularités propres à l’activité domestique.
30
Ousmane Oumarou Sidibé, réalités africaines et enjeux pour le droit du travail, Afrilex 2000/00
31
Ibidem
68
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
La première particularité du contrat des gens de maison c’est que dans l’écrasante majorité il
n’y a pas de contrat, comme on a eu à le constater lors de nos entretiens. Tout au moins, tout ce
qu’il y’a c’est un contrat oral dont les clauses sont imprécises se limitant souvent au montant
du salaire. L’oralité qui reste un grand trait de notre civilisation subsiste dans plusieurs
domaines et relègue toujours l’écrit au second plan. Cet héritage culturel conjugué à
l’analphabétisme endémique chez les femmes, malgré les percées notoires du Programme
Décennal pour l’Education et la Formation avec ses composantes accès, qualité et gestion,
éloigne de plus en plus le vœu de voir l’adoption de contrats écrits. En dépit des efforts
importants réalisés dans le cadre des campagnes d’alphabétisation, seuls 37,8% des adultes
(âgés 15 ans et plus), ont la capacité de lire et écrire dans une langue quelconque. C’est dire que
le fléau de l’analphabétisme persiste encore surtout chez les femmes avec plus de 70%, d’après
les chiffres de 2005 repris dans le DSRP II. Par conséquent l’absence de contrats écrits coule de
source ; aucune des parties n’en perçoit la pertinence étant donné que pour établir un contrat de
travail il faut au moins savoir lire. Même l’absence de contrat n’entame en rien la validité de la
relation de travail, « la preuve de son existence pouvant être apportée par tout moyen32 » il se
pose le problème du respect des clauses orales du contrat, le respect de la parole donnée auquel
nos anciens tenait beaucoup n’a plus la même importance de nos jours.
Une autre particularité est à rechercher dans les parties en présence, qui sont toutes deux
exclusivement des personnes physiques ; l’employeur et le travailleur unis par un lien de
subordination fortement personnalisé que le premier exerce sur le second. Cette ascendance
démesurée de l’employeur s’explique par la dépendance matérielle33 voire l’assujettissement de
l’employé ; celle-ci est accentuée et devient même psychologique lorsque l’employé est logé
par son patron. Le caractère invisible du travail domestique rend difficile toute organisation des
travailleurs domestiques en vue de revendiquer leurs droits. La conséquence en est, et cela reste
la troisième singularité, que le taux de syndicalisation est très faible car l’isolement rend
difficile la constitution de syndicats tout comme l’établissement de contacts entre eux.
En outre, la cohabitation avec l’employeur entretient chez le travailleur domestique l’idée qu’il
« fait partie de la famille », situation ambiguë dans laquelle la frontière entre les relations
32
Loi 97-17 du 1er Décembre 1997, article L. 32
33
BIT : S’organiser pour plus de justice sociale, rapport du directeur général (Genève, 2004)
69
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
professionnelles et les relations affectueuses n’est pas clairement tracée, si bien qu’il est
difficile à l’employeur de reconnaître les droits de son employé et à ce dernier de les faire
valoir34. En d’autres termes, le travail domestique « occupe aujourd’hui une zone floue entre les
relations marchandes et les relations non marchandes »35
Enfin, on peut noter le silence de la législation qui s’est fait sentir dans ce secteur plus que dans
tout autre au nom du principe de non-ingérence de l’Etat dans la vie privée qui gêne surtout en
ce concerne l’application qui passe forcément par un contrôle.
C’est ce caractère invisible de l’emploi domestique susmentionné qui fait dire qu’il
« dissimule36 » ses travailleurs parmi lesquels on compte de nombreuses fillettes qui sont
recherchées pour leur docilité, car n’ayant pas encore contracté « de mauvaises habitudes »
comme l’ont affirmé certains employeurs et leur coût moindre. Malheureusement, ce travail
réalisé à l’abri des regards indiscrets fait le lit de beaucoup d’abus graves tels que les violences
physiques, le harcèlement sexuel et même des viols qui finissent rarement en justice car les
victimes restent convaincues que la loi les déprotège. Sans compter qu’il est souvent difficile de
fournir des preuves du fait que les membres de la famille de l’employeur ne vont jamais
témoigner à charge contre leur père, tante ou sœur. A ces caractéristiques du contrat de
travailleur domestique se sont ajoutés d’autres facteurs bloquants de divers ordres qui feront
l’objet d’une étude minutieuse ci-après, lesquels ont tous contribué à son essor sans que
l’encadrement juridique ne suive.
34
Ibidem
35
B. Anderson, Migration policies and vulnerabilities of domestic workers, Hong Kong fév. 2003 p. 16
36
Document de travail ACP-UE sur le travail des enfants, 14 février 2008
70
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
on est tenté de répondre par la négative du fait du caractère ambigu de la relation, lié au fait que
le placement de la fille dans une famille d’accueil visait d’une part à préparer la jeune fille à ses
futures tâches de maîtresse de maison, d’autre part il relevait d’un processus de socialisation37.
De surcroît, la fille qui s’intégrait bien dans sa famille d’accueil en devenait un membre, ce qui
excluait toute revendication ou réclamation au risque de se voir « renvoyé ». Face à l’incertitude
relative aux rapports de type familial et ceux de simples échanges marchands chez les
employeurs, nous pouvons constater que « plus le salaire est élevé moins on traite les
domestiques comme des membres de la famille38 ». Néanmoins, dans d’autres cas l’adulte qui
accueillait la fille jouait le double rôle de tuteur et d’employeur paradoxalement, ce statut hybride
ne la mettait pas à l’abri d’éventuelles maltraitances, d’autant moins que le non respect de ses
droits était mis sur le compte de l’éducation et de la socialisation.
Plus tard, avec le développement de l’exode rural suite aux vagues de sécheresse du début des
années quatre-vingt qui ont eu pour conséquence le dépeuplement des campagnes, il a été noté
un important flux migratoire saisonnier de jeunes des deux sexes qui était l’unique réponse face
aux nombreuses contraintes de la campagne. C’est ainsi que des jeunes filles sans moyen et
même sans aucune qualification parvenaient à se procurer un revenu synonyme de nouvelles
perspectives dans la vie. Cette nouvelle opportunité économique qui s’offrait à des milliers de
jeunes filles a progressivement sonné le glas de l’assistance ménagère intrafamiliale, sans
transition, ce qui augurait de l’impréparation dans laquelle les employeurs étaient pour
s’acquitter de manière adéquate des nouvelles obligations qui pesaient sur eux. D’autant plus que
le déséquilibre dans la relation de travail employeur-employé en défaveur de ce dernier,
s’accentue dans le travail domestique, le transfert de main-d’œuvre se faisant des ménages
pauvres vers les foyers riches. Bref, c’est une nouvelle division du travail qui s’instaure entre des
citadines souvent éduquées et femmes migrantes dont l’emploi tout comme les conditions de
travail sont souvent précaires.
B. Précarité de l’emploi
D’abord il faut dire qu’on choisit rarement d’être domestique, mais c’est à la suite de problèmes
tels que la négligence des parents qui prive les enfants de leurs droits fondamentaux ou de
drames familiaux (décès du père qui subvenait aux besoins de la famille, divorce, décès du
37
« Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, mars 1994
38
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
71
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
mari ; les hommes étant beaucoup plus âgés que leurs épouses) qui plongent les filles et jeunes
femmes dans cette activité.
Dans ce même ordre d’idées, l’appartenance à une famille nombreuse dont le chef ne peut
subvenir aux besoins primaires de sa progéniture est également considérée comme un facteur
d’impulsion.
Il y’a également des facteurs d’attraction tels que la reproduction sociale et l’influence des pairs
qui se sont opérés dans un contexte de mutation sociale. En effet, « le processus d’urbanisation
a été à l’origine d’un changement social qui a modifié le rôle des femmes et des mères qui
doivent à présent trouver des solutions pour s’occuper de leurs foyers et de leurs enfants39 ».
L’examen des conditions de travail nous a permis de voir que les journées de travail sont
longues et qu’il n’y a presque pas de congés hebdomadaires ni annuels. Et pis encore, il n’y a
pas de congé de maternité ni de maladie. Par conséquent, la pénibilité du travail engendre une
dégradation précoce de la santé.
Par ailleurs, on remarque aussi que « la rémunération du travail domestique est aussi affectée
par le manque de prise en charge médicale, des risques du travail et de la vieillesse qui influent
directement sur la reproduction et sur le travail des enfants qui prennent la relève en cas
d’incapacité des parents, pour assurer la retraite ou pour améliorer le revenu, suivant le
modèle de solidarité familiale des communautés domestiques40 ».
La seule note d’espoir réside dans le fait que le marché non qualifié des travailleuses
domestiques se structure ; une identité professionnelle et des causes communes à défendre
ensemble sont nées, bref une prise de conscience grosse de perspectives. Toutefois, la
structuration du marché du travail domestique est loin d’être homogène, on n’y a noté une
dichotomie ; ce qui vient confirmer la thèse défendue par les tenants de la segmentation du
marché de l’emploi.
39
Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya : bonnes pratiques innovantes pour le
combattre, Dakar, BIT, 2007
40
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
72
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Une autre variante de cette segmentation au sein des grandes entreprises se manifeste par le
dualisme qui permet de distinguer un marché interne où les salariés bénéficient de nombreuses
garanties avec des perspectives de promotion, et un marché externe sur lequel retombent les
contraintes de la flexibilité. C’est ainsi que par le biais de l’externalisation, le gardiennage et les
services d’entretien sont effectués par des entreprises recourant à une main-d’œuvre déprotégée.
Le marché du travail domestique41 au Sénégal n’échappe pas à cette donne, sauf qu’ici les
segments sont multiples. « Nous avons pu remarquer que le groupe professionnel précaire des
travailleuses domestiques est constitué de plusieurs segments caractérisés par le niveau de
qualification et de salaire qu’il induit. Les segments aux niveaux de qualification les plus faibles
connaissent les plus bas salaires et sont majoritaires dans les marchés les plus ouverts et les plus
instables. Les segments avec un haut niveau de qualification sont les plus nombreux dans les
marchés les plus fermés et les plus stables ».
Au Sénégal, dans ce segment plus qualifié où les emplois sont stables, on trouve les domestiques
qui sont au service des employeurs expatriés ou Libano-syriens dans une certaine mesure, plus
attentifs à la législation car échappant aux pesanteurs socioculturelles. La qualification passe,
entre autres, par une certaine maîtrise de la langue française, de certains appareils
électroménagers, une certaine ouverture d’esprit, des aptitudes culinaires. De ce fait, les
traitements salariaux sont proches de ceux convoités, la protection sociale est garantie ; bref leurs
compétences sont reconnues et valorisées. Cependant, il faut noter que ces segments, bien
qu’échelonnés, ne sont pas cloisonnés, ce qui génère une certaine précarité de l’emploi étant
donné que certaines travailleuses mécontentes de leur sort, sont à l’affût et n’hésitent pas à
41
Ibidem
73
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
s’engager pour le compte d’un plus-offrant, car la non application de la réglementation, par delà
les manifestations liées à la sociologie des professions, s’explique également par de multiples
causes dont la vulnérabilité qui frappe ce groupe professionnel.
42
Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya, op cit p. 71
43
Walf’Grand-place, N° 1015, vendredi 24 avril 2009
74
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
dans les dédales de la justice. C’est dire que quand une affaire s’ébruite, il y’en a des dizaines
tues. Ainsi, il faudrait nécessairement qu’une structure d’assistance judiciaire soit mise en place
pour que de tels abus cessent.
Ce n’est donc pas un hasard si l’on constate au niveau des domestiques une proportion élevée de
mère-célibataires, de grossesses précoces et une forte propension à l’infanticide voire
l’avortement clandestin car un enfant sur le dos ne rime pas avec un bon rendement dans le
travail, si l’on se met à la place de l’employeur. Celles qui, malgré tout, trouvent du travail
doivent se contenter d’un salaire dévalué. Peut-être qu’une éducation à la santé de la
reproduction, sur la prévention du VIH serait tout à fait indiquée pour cette cible pour éviter ces
déboires.
A coté des conditions de travail peu enviables, il faut souligner que les conditions de vie sont
aussi déplorables. Plus de ¾ des travailleuses domestiques logent par groupe de 11 personnes, en
moyenne. Elles s’entassent dans des pièces mal aérées sommairement équipées, loin de sanitaires,
sans accès directe à l’eau courante, dans des quartiers mal famés, puisque ce sont les seules
habitations à portée de leurs maigres avoirs. C’est pourquoi beaucoup préfèrent habiter chez
l’employeur, ce qui leur permet de faire des économies sur le transport, le loyer et la nourriture,
même si le travail n’y connaît pas de répit.
En outre, s’’il est vrai que le harcèlement sexuel est courant dans le monde fermé du travail
domestique, il ne faudrait pas toujours jeter l’anathème sur les employeurs, car il existe de filles,
une minorité je présume, qui sèment le trouble dans de paisibles ménages par des pratiques
moralement détestables, si l’on en croit aux dires de Tata Michelle, une intermédiaire qui a
pignon sur rue au rond-point Liberté 6. Cela nous emmène à nous interroger sur la connaissance
des prescriptions légales incombant aux deux parties.
75
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
leur responsabilité est engagée pour tout dommage ou toute disparition 44». Ce qui leur vaut
parfois d’être amenées au commissariat et interrogées sans ménagement.
Les employeurs ont beau détenir le pouvoir de direction, de sanction mais pourvu qu’ils
s’acquittent normalement des obligations qui pèsent sur eux, ne serait-ce qu’en reconnaissant le
rôle central que joue les travailleuses dans l’équilibre de leur foyer. « Nous aspirons aux mêmes
idéaux que nos employeurs qui sont des femmes comme nous. Nous assumons les tâches
domestiques, nous les libérons en leur donnant le temps de se mesurer à d’autres ou de
monnayer leur talent pour que respect et admiration leur soient dus 45 ». Par conséquent, il est
aujourd’hui impérieux que :
- Les employeurs aient une meilleure considération de leurs employées de maison, et plus
de respect pour elles.
- Les tâches et les horaires de travail tiennent compte de leurs capacités, de leurs
compétences et de leurs aspirations légitimes.
- La parole donnée lors des négociations en vue d’établir le contrat de travail soit respectée.
C’était une activité qui n’était qu’une parenthèse dans la vie de la jeune fille, en ce sens qu’elle
lui permettait de gagner sa vie pour subvenir à ses besoins immédiats (habillement, nourriture
etc.), à aider ses parents en attendant de trouver un mari et rentrer au village.
La finalité de ce « modèle marchand » était la même qu’avec le système du placement dans une
famille d’accueil connu aussi sous le vocable de « prêt social ». Ce dernier, dont on a déjà parlé,
44
« Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 29
45
Ibidem
76
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Aujourd’hui, celles-ci sont souvent caractérisées souvent par une certaine pénibilité à cause de
la durée de la journée de travail, de l’absence de repos, de la non prise en charge de la maladie et
de la maternité qui génèrent un surmenage physique et psychologique, bref une dégradation
précoce de la santé qui mènent beaucoup vers une retraite anticipée tout aussi incertaine.
Heureusement, le phénomène de la reproduction aidant, il arrive souvent que ces vaillantes
dames encouragent ou obligent leurs enfants à suivre leur trace. Cela est d’autant plus facile que
leur connaissance du milieu leur permet de placer leurs filles, nièces qui peuvent
malheureusement être retirées de l’école si elles font l’affaire.
En réalité, cette retraite doit être relativisée car celles qui ne retournent pas au village se
reconvertissent dans d’autres activités pour pallier la perte de revenu.
C. La mobilité verticale
Elle se traduit par une reconversion partielle ou totale dans une autre activité ; celle-ci dépend de
plusieurs facteurs notamment l’âge, la situation matrimoniale, l’état physique de la personne. La
reconversion partielle, puisque la sphère de travail reste la maison ou sa périphérie, se fait par
des contrats de prestations de service qui concernent principalement le lavage du linge et le
repassage une fois par semaine au profit de plusieurs familles, rétribués journalièrement ou
mensuellement. Une femme reconvertie, qui s’est lancée dans ce « filon » évalue ses aspects
positifs en termes d’autonomie, donc absence de lien de subordination fort, de temps de repos
suffisant et de gains corrects. « Nous pouvons gagner autant ou plus pour un travail moindre »
dit-elle. Seulement, le problème qui se pose reste la fidélisation des clients pour avoir
d’importantes commandes. Mais il faut dire que la reconversion concerne aussi de jeunes filles
avec peu d’expérience.
D’autres femmes choisissent d’être des pileuses ou vendeuses d’eau et opèrent dans les quartiers
en construction. A celles-là s’ajoutent les intermédiaires ou courtiers qui encadrent et placent de
77
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
La reconversion totale se fait dans le secteur du petit commerce : vente de céréales, de couscous
qui nécessite un petit capital. Cependant d’autres projets plus ambitieux tels que les salons de
coiffure, la couture germent dans la tête de ces travailleuses car le travail domestique ne leur
offre pas les opportunités dont elles ont rêvées.
Le contexte de crise économique durement ressenti par les familles employeuses qui s’est
traduit par des conditions de travail difficiles n’a pas infléchi le flux migratoire qui alimente le
marché qui a atteint son seuil de saturation. L’enquête publiée dans le DSRP2 a montré que les
ménages ruraux sont plus pauvres que ceux urbains d’où ce phénomène d’appel d’air qui a fini
par désorganiser les structures villageoises avec le départ des bras valides.
Par ailleurs, la saisonnalité de l’activité est un autre des traits particuliers du travail domestique
au Sénégal.
E. La saisonnalité de l’activité
Au vu de tous ces aspects sociologiques qui empêchent l’appropriation des textes réglementaires
46
Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
78
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
par les deux parties car n’étant pas en phase avec les us et coutumes du milieu, ce qui permet de
tirer la conséquence suivante : «bien qu’il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le
marché de l’emploi reste « informel » et échappe largement aux régulations officielles47 ».
Du coté des employeurs, on dénonce les prescriptions du droit social, car certains se disent aussi
victimes d’écarts par rapport au SMIG par exemple, ou qu’ils sont étrangers à toute sorte de
régulation car évoluant dans le secteur informel. Mais nous savons bien que cet argumentaire ne
saurait prospérer, la loi étant impersonnelle et s’imposant à tous. Le SMIG (209,10 FCFA
/heure) du fait qu’il remonte à 1996 est largement dépassé aujourd’hui, d’autant plus que, même
le salaire conventionnel hiérarchisé du manœuvre première catégorie, c'est-à-dire sans
qualification est à 317,94 FCFA.
Craignant d’être perdantes si les employeurs mettaient en œuvre cette prérogative, retenues
fiscales et salariales, les intéressées elles-mêmes, paradoxalement doit-on dire, préfèrent le statu
quo et militent plutôt pour une application progressive et non aveugle de la loi.
Malgré le fait que la pilule des salaires ne puisse pas encore être avalée par les employeurs, les
autorités compétentes (le ministre du Travail par voie réglementaire) n’ont de cesse de rehausser
les salaires des employés de maison. Ce fût le cas depuis la dévaluation du franc CFA où de
nombreuses augmentations de salaires ont été consenties dans l’optique d’indexer les salaires sur
le coût de la vie. De ce fait, les salaires minima prévus par l’arrêté ministériel n° 1609 du 7
47
Ibidem
48
Entretien avec Mamadou Ndiaye, coordonnateur ENDA Graf, Golf Sud Dakar
79
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
février 2000 qui consacrait la dernière hausse enregistrée ont été revalorisés par celui n° 1036 du
9 avril 2002. Seulement, ces avancées sont d’autant plus incongrues que dans la pratique les
salaires hiérarchisés prévus par l’arrêté 974 du 23 janvier 1968 ne sont pas respectés par la
grande masse des employeurs qui semble anesthésiée ou dépassée par ces conquêtes virtuelles.
Cela renforce le caractère irréaliste de ces dispositions réglementaires qui se heurtent à un mur
d’incompréhension au soubassement culturel voire socioéconomique. Ainsi, on peut bien se
demander pour qui cette réglementation est-elle faite ? Sûrement pas pour les seuls employeurs
expatriés ou la poignée de sénégalais nantie qui y prête attention. L’indifférence des autres
découle d’une ignorance des textes dont la teneur et la portée ne sont connues que des seuls
spécialistes du droit du travail. Par conséquent, un large travail de sensibilisation doit être mené
dans le cadre des stratégies à mettre en place par les différents intervenants qui se préoccupent
du devenir des employées de maison qui aspirent aussi au mieux-être, à la dignité, pour une
jouissance effective du fruit de leur labeur.
Autant, le dire toute de suite, cette lutte n’est pas gagnée d’avance et les employées auront à
compter sur leurs principales alliées … elles-mêmes, car ne sont-elles pas les mieux placées pour
parler et agir pour la défense de leurs droits ?
80
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
1. DE TIMIDES DEBUTS
Malgré leur condition de vie et de travail, les employées de maison se sont organisées entre
elles, par affinité ethnique (Diolas, Sérères, Wolofs), c'est-à-dire en fonction de leur lieu
d’origine. C’est ainsi que nombreuses associations ont été mises en place, tournées
essentiellement vers la gestion de situations d’urgence (décès, maladies, autres problèmes)
mais également de modestes investissements au village (réfection salles de classes, réparation
de forages etc.).
Elles vivent en groupes solidaires dans les quartiers populaires des grandes villes du pays.
Cette vie communautaire obéit très souvent aux traditions du village. L’ainée joue le rôle de
protectrice de toutes. Elle représente ses camarades auprès du propriétaire de la maison. C’est
encore elle qui effectue la médiation en cas de conflit entre un membre du groupe et son
employeur, son action est aussi décisive pour recouvrer un salaire non versé.
A l’origine, ces associations d’entraide par carré communautaire ne se focalisaient pas sur
l’amélioration de leurs conditions de travail. Il a fallu le contact avec d’autres personnes ou
groupes de personnes et structures pour mettre sur pied de manière formelle des associations
81
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
pouvant transcender les clivages ethniques et régionaux qui prennent en charge la lutte pour
de meilleures conditions de vie et de travail. L’association des « Dames de Cœur » s’est
illustrée dans ce domaine.
1. ORIGINE
2. OBJECTIFS
Pour réaliser cet ambitieux programme, l’association compte sur plusieurs partenaires.
3. PARTENAIRES
82
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
4. ACTIVITES
L’association « Dames de Cœur » a eu à mener diverses activités touchant des domaines variés.
A ce jour 20 (vingt) Daaras bénéficient du soutien de l’association qui concerne 1250 enfants.
Plus de 500 filles domestiques sont assistées, encadrées et suivies sur le plan sanitaire. Parmi
celles-ci, certaines ont été prises en charge à cause des problèmes personnels qu’elles ont
rencontrés dans le cadre de leur travail. C’est ainsi que deux bonnes émigrées, l’une au Liban
et l’autre en Angola, ont été rapatriées et rétablies dans leur droit, sans oublier la prise en
charge médicale d’une domestique engrossée par son patron qui a refusé la paternité.
En quinze ans d’existence, l’association a relevé une augmentation des abus liés au droit du
travail et surtout la prédominance de l’exploitation sexuelle des employées de maison (viols,
harcèlement sexuel etc.). Quarante-sept cas de grossesses non reconnues ont été signalés.
Dans la même veine, l’association s’active particulièrement autour de l’affaire M. D. qui est
toujours pendante devant la justice.
Agée de 16 ans, M.D. est une employée de maison, fille d’employée de maison. Sa vieille
mère travaille depuis 17 ans pour la famille Sarr au Parcelles Assainies comme lingère. Le
chef de famille vit avec son frère et tous deux sont polygames. Le premier a 3 épouses, son
frère en a deux. La dame travaille cinq jours sur sept pour la famille Sarr. Elle se fait aider par
deux de ses filles toutes employées de maison, qui une fois revenues du travail, prêtent main
forte à leur vieille maman. Un des fils de M. Sarr, à force d’harcèlement finit par engrosser la
petite M. D. Interpellé sur les faits, le garçon refuse d’assumer son forfait au grand dam de la
fille. Aujourd’hui, elle a accouché d’une petite fille qui n’aura peut-être pas la chance d’être
reconnue par son père. L’association espère bien que la justice tranchera l’affaire en faveur de
M. D.
Malgré les nombreuses contraintes, « Dames de Cœur » voit l’avenir avec confiance.
83
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
5. PERSPECTIVES
Ces actions notoires de l’association visent entre autres à regrouper les employés de maison
pour qu’elles puissent aller en ordre serré dans le sens de poser leurs revendications. C’est
d’ailleurs la raison d’être du syndicat des employés de maison.
En vertu des dispositions des conventions 87 et 98 de l’OIT, portant respectivement sur les
principes de liberté syndicale et de protection du droit syndical et du droit d’organisation et de
négociation collective, qui soit dit en passant, font partie des huit conventions fondamentales,
lesquels sont repris par la constitution sénégalaise en son article 25, le syndicat national des
domestiques et gens de maison a été mis sur pied, et, est affilié à la CNTS. Son secrétaire général
M. Aliou Tandian, est revenu sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés ; elles ont pour
noms : « salaires non conventionnels, harcèlements sexuels, longues heures de travail, absence
de bulletin de paie ». En outre, ce syndicat plus que tout autre, doit relever de nombreux défis à
commencer par la massification qui reste le premier argument d’un syndicat alors que le
recrutement se heurte à plusieurs écueils : le caractère hétérogène de ce groupe, son caractère
informel, la faiblesse des niveaux de qualification, la répartition ethnique, géographique et
l’analphabétisme. En sus de ces contraintes de nature socioculturelle, d’autres liés à l’exercice de
la profession concourent à plomber la montée en puissance de ce syndicat. On peut citer pêle-
mêle l’isolement, l’ampleur des heures de travail, la non appréhension du véritable rôle du
syndicat, comme en atteste le faible nombre d’adhérents.
C’est pour inverser cette tendance défavorable que le syndicat a mis en place un centre de
formation et une mutuelle. Il s’agira d’abord d’assurer la formation des membres dans le domaine
84
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
85
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Il appartient à l’Etat de par ses fonctions régaliennes de veiller entre autres à la bonne tenue de
l’ordre public social ou du climat social, comme on a coutume de dire à travers ses structures
compétentes. Ce travail exaltant est dévolu à ce ministère à travers son bras armée, la Direction
du Travail et de la Sécurité Sociale qui chapeaute les onze Inspections Régionales, toutes mises à
contribution dans l’élaboration des projets de loi et de règlements dans le domaine social et le
suivi de leur application, la prévention et le règlement des différends, pour ne citer que ces
missions.
La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail, déclinait ses ambitions dans l’exposé
des motifs en ces termes ; il s’agit d’adapter le Code du Travail « aux réalités sociales et
économiques de notre pays, en faire un vecteur dynamique de la croissance et assurer à notre
pays un développement durable, dans l’équité et la justice ». Au nom du principe d’équité et de
justice il doit davantage contribuer à changer les mentalités et les comportements par la
dénonciation des abus et violation de toutes sortes. Contrairement à beaucoup de pays où les
employés domestiques évoluent dans une zone de non-droit, les dispositions légales prévues par
le ministère de tutelle sont une volonté manifeste du législateur sénégalais de mettre fin à
l’illégalité, un engagement pour la justice sociale. C’est par des actions conjointes impliquant
d’autres ministères que cette question transversale pourra être résolue.
86
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
mettre en œuvre toutes les stratégies idoines pour rester en conformité avec la convention 182 de
l’OIT dont l’un des principaux axes consiste à lutter contre la pauvreté et à protéger les enfants.
C’est pour soutenir cette lutte que le gouvernement italien a mis à la disposition du Sénégal, en
décembre 2008, un fond d’urgence de 117 millions de franc CFA pour le financement d’une
cinquantaine de microprojets en faveur des enfants et des familles vulnérables. « En touchant les
familles vulnérables, nous touchons les enfants vulnérables. C’est dans ce cadre que des activités
génératrices de revenus seront mises à la disposition des familles pour qu’elles fixent les enfants
dans les foyers et éviter ainsi les travaux domestiques précoces, les abus et la mendicité », a
confié le ministre de la famille.
Dans la même lancée, nous pensons que ce ministère pourrait s’investir davantage dans le conseil
puis le financement de projets de reconversion d’employées de maison dans le maraîchage, la
restauration, le commerce etc. Cependant, la question des employées de maison intéressent au
premier chef d’autres acteurs qui se sont déjà illustrés sur la scène nationale.
Un des axes stratégiques majeurs en chantier s’intitule : « l’égalité femmes/ hommes, le genre en
question ? », propositions pour susciter questionnements et débats, et croiser le regard de la
diversité des visions, des acteurs et actrices d’Enda et de ses partenaires sociaux.
Enda a intégré la perspective de genre dans sa mission institutionnelle lorsqu’elle s’est rendue
compte :
- de l’importance du travail invisible et gratuit des femmes (2/3 des heures travaillées dans
le monde si l’on prend en compte les travaux domestiques et les soins à la famille non
comptabilisés dans le PIB mondial,
- de la féminisation croissante de la pauvreté (70% des personnes vivant avec moins d’un
dollar par jour sont des femmes),
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
- de l’injuste surexposition des femmes aux violences, aux mutilations, aux conséquences
des conflits armés, aux MST, à tous les types de discrimination.
Des entités et programmes d’Enda mettent en œuvre des actions en direction des femmes pour
soutenir, valoriser, améliorer, transformer leurs activités notamment traditionnelles dans le
domaine :
Au niveau national, Enda a mis en place plusieurs programmes d’accompagnement des enfants
travailleurs et d’organisation des travailleuses domestiques qui ont connu beaucoup des succès.
On peut citer à titre d’exemple, la coordination des enfants travailleurs qui regroupe une dizaine
d’associations (Dakar, St Louis, Kolda, Fatick), les caisses populaires des femmes, les mutuelles
de santé féminines, la lutte contre la déscolarisation des filles et les mariages précoces. On peut
également souligner les initiatives prises par des privées pour la professionnalisation de l’activité
domestique.
Dans le sillage de la première génération d’intermédiaires ou courtiers qui opèrent au niveau des
aires de regroupement, a suivi une seconde génération à cols blancs plus soucieuse de rompre
avec l’informalité et prônant la professionnalisation des relations de travail. Les techniques de
recherche de travail consistant à faire du porte-à-porte ou l’attente au niveau de certaines places
stratégiques portent de moins en moins leurs fruits, ainsi l’on se tourne vers des canaux plus
modernes tels que la presse écrite avec les petites annonces. Cependant, les clients qui deviennent
de plus en exigeants ne se fient plus aux annonces tout comme ils ne veulent plus recruter
directement une personne dont ils n’ont aucune référence.
C’est justement pour combler ce vide que l’agence Oxo, sise à l’avenue Blaise Diagne, a été
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
mise sur pied, il y’a juste deux mois. Cette nouvelle agence de placement qui recrute dans tous
les secteurs avec ou sans diplômes a fait des émules puisque une autre agence, Touch’Atout s’est
lancée dans la même activité. Les secteurs dont il s’agit sont : le travail domestique, le
gardiennage, la restauration, la fourniture de chauffeurs, les agents commerciaux etc.
Oxo a lancé sa première phase qui consistait à recueillir une base de données de personnes
chercheuses d’emploi par une campagne agressive de publicité à travers divers canaux
médiatiques. C’est ainsi que des prospectus ont été distribués dans tous les bus de Dakar (DDD).
A l’issue de cette phase les objectifs escomptés ont été largement atteints puisque l’agence
disposait d’un fichier de plus de 200 personnes.
Les fiches d’inscription individuelles permettent d’avoir les différents profils ; on y trouve la
photo d’identité, le niveau d’instruction, la situation matrimoniale, les aptitudes, l’emploi
souhaité, les prétentions salariales etc. Les frais de dossier s’élèvent à 2000 FCFA et la
commission pour un placement simple est de 10 000 FCFA à la charge de l’employeur. La
commission est beaucoup plus onéreuse pour un placement intérimaire car l’agence souscrit à
une police d’assurance pour rembourser le client en cas de dommage, mais ici la relation devient
tripartite ; le salaire étant versé indirectement par l’agence.
La clientèle de l’agence va des sénégalais ordinaires aux expatriés qui spécifient exhaustivement
leurs besoins ; certains s’attachent même à des détails qui violent toutes les dispositions relatives
à la non discrimination à l’embauche : ethnie, religion…
Un autre problème relevé est relatif au non respect du SMIG, car autant des employeurs
proposent des salaires en dessous du SMIG, autant les employées elles-mêmes ne font pas de
fixation sur le salaire-plancher, et prétendent parfois à des salaires de 30 000 FCFA alors qu’un
employeur n’a pas le droit de payer en deçà du SMIG, même d’accord partie. Face à ce dilemme,
l’agence appelle toujours les employeurs à se conformer à la réglementation tout comme elle les
incite à déclarer leurs travailleurs aux institutions de prévoyance sociale (la Caisse de sécurité
sociale et l’Ipres). Cependant, le directeur reconnaît que le salaire minimum au niveau de
l’agence est de 30 000 FCFA.
Le travail de facilitation que fait l’agence sur la base des dossiers fournis se base sur des critères
objectifs de compétence et il n’est pas rare qu’elle fasse des redressements, c'est-à-dire renégocier
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
des contrats plus avantageux sur la base du profil présenté. C’est le cas d’une fille bachelière qui
cherchait un emploi domestique qui a été réorientée dans le secteur des services avec une
meilleure rémunération.
Aujourd’hui, le succès de la première phase est tel que l’agence a du mal à satisfaire toutes les
sollicitations de ses clients, alors que la deuxième phase va débuter bientôt avec des objectifs
beaucoup plus ambitieux.
Ainsi, comme nous venons de le voir, la question d’un meilleur devenir pour les employés de
maison implique différents acteurs à divers niveaux. Elle justifie la prise d’initiatives hardies que
nous avons passées en revue plus haut et dont l’évaluation nous permettra de formuler des
recommandations à la lumière de l’aspiration des parties et des exigences du travail décent.
Elle date de 1998 et consiste en une obligation «de respecter de bonne foi et conformément à la
Constitution de l’OIT, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet
desdites conventions», à savoir :
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Il demeure certain que la mise en œuvre de la déclaration dans le monde du travail permettra de
mettre en place les jalons d’une justice sociale essentielle pour assurer une paix universelle
durable, dans la mesure où la croissance économique n’est pas une condition suffisante d’équité
et de progrès social. Cependant, l’atteinte des objectifs demeure un sérieux challenge en général
et particulièrement dans le domaine de l’activité domestique où beaucoup de conquêtes restent à
faire.
C’est pour pallier cette difficulté que l’OIT a mis en place un mécanisme promotionnel relatif
aux principes et droits fondamentaux au travail par l’assistance technique, le suivi annuel et la
publication d’un rapport global quadriennal sur la prise en charge de chaque catégorie de
principes et droit dans le monde. L’ampleur de la tâche et les résultats qui sont en deçà de ceux
escomptés ont poussé l’OIT, huit ans plus tard à formuler une autre déclaration.
« Le concept de travail décent a été formulé par les mandants tripartites de l’OIT comme un
moyen d’identifier les priorités majeures de l’organisation et de moderniser son approche pour
le 21eme siècle. Il est fondé sur l’acception du travail comme source de dignité personnelle, de
stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie au service des peuples et de
croissance économique qui augmente les possibilités d’emplois productifs et de développement
de entreprises49 ».
Dans ce que l’OIT appelle l’agenda social, économique et politique pour le travail décent, qui
doit être une sorte de tableau de bord, qui doit mobiliser à la fois les principales institutions du
système multilatéral et les acteurs majeurs de l’économie mondiale, nous avons quatre objectifs
stratégiques :
La création d’emploi pour lutter contre le chômage qui est à la base de la détresse sociale ;
La garantie des droits au travail, c'est-à-dire obtenir la reconnaissance et le respect des droits
des travailleurs. Tous les travailleurs, et en particulier les travailleurs défavorisés ou pauvres,
49
Travail, N° 57, septembre 2006, p. 5
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
ont besoin de représentation, de participation et de lois justes qui soient appliquées et servent
véritablement leurs intérêts ;
L’extension de la protection sociale qui passe par la promotion de l’intégration et la
productivité en s’assurant qu’hommes et femmes jouissent de conditions de travail sûres, qui
leur accordent suffisamment de temps libre et de repos, qui prennent en considération les
valeurs familiales et sociales, fournissent une indemnisation adéquate en cas de perte
d’emploi ou de salaire et donnent accès à un système de soins appropriés ; et
La promotion du dialogue et la résolution des conflits pour les régler pacifiquement. Le
dialogue social, impliquant des organisations de travailleurs et d’employeurs fortes et
indépendantes, est primordial pour augmenter la productivité, éviter les conflits au travail, et
construire des sociétés cohésives.
Comme nous allons le voir par la suite, les employés de maison ne veulent rien d’autre que
des conditions de travail décentes conformément à leurs aspirations. Nous nous efforcerons
enfin de formuler quelques recommandations dans l’optique d’un meilleur devenir pour les
employés domestiques.
I. la lutte s’organise
A. Doléances
Vu : - L’insécurité dans l’exercice de notre travail - Les abus dont nous sommes victimes,
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
- La consignation par écrit des accords et engagements avec les employeurs, afin d’engager
un recours en cas de remise en en question de ces accords ;
- Des horaires de travail respectueux des besoins de repos de notre organisme et de nos besoins
d’éducation de base et de formation professionnelle ;
- Que nos tâches et responsabilités tiennent compte de notre âge et de notre force de travail ;
- Que nos salaires soient en réelle conformité avec les tâches et responsabilités assumées
effectivement et qu’ils soient régulièrement payés et sans fractionnement ;
- Que les employeurs et l’Etat nous prennent en charge en cas de maladie et surtout pendant et
après une grossesse ;
B. Recommandations
Ce cri de cœur poussé pour la première fois il y’a 15 ans est resté un vœu pieux, autrement dit
les doléances sont restées entières mêmes si des efforts notoires ont été réalisés par les
employées de maison pour porter leur combat au grand jour. Cependant, au vu de l’ampleur de
la tâche, seule une synergie d’actions pourra venir à bout des nombreuses difficultés d’ordre
structurel, conjoncturel et socioculturel qui freinent les velléités de changement. Pour avoir prêté
une oreille attentive aux plaintes et complaintes des employés domestiques durant ces mois de
recherche, nous demeurons convaincus qu’ils méritent tout notre respect afin qu’ils retrouvent
toute leur dignité. Les quelques recommandations que nous formulerons serons présentées sous
forme de tableau pour une meilleure lisibilité. Il est évident que les mesures préconisées ci-
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
dessus n’ont pas la prétention d’être absolues quant à leur efficacité, ni exhaustives dans leur
énumération.
Il s’agira de décliner les principaux objectifs à atteindre à moyen terme ainsi que les stratégies à
adopter, lesquelles seront traduites en actions concrètes interpellant les différents acteurs.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
u terme de ce travail de recherche dont le fil d’Ariane a été une tentative de mieux
A comprendre les raisons de la disqualification, de fait, dont sont frappés les employés de
maison du champ social, il nous a été donné de constater que les causes de ce « déficit
de droit » tant au niveau national qu’international sont principalement d’ordre socioculturel et
économique.
Au niveau international, le front de la résistance pour le respect des droits sociaux et de la dignité
humaine s’organise, avec aux avant-postes les plus vulnérables d’entre les employés de maison,
celles migrantes. Elles souffrent doublement d’autant plus qu’elles sont exposées au travail forcé,
aux abus de toutes sortes.
Par exemple, à l’heure actuelle, 235 000 femmes immigrées travaillent comme employées de
maison à Hong Kong, la plupart venant des Philippines et d’Indonésie. Tant dans leur pays qu’à
Hong Kong, elles font l’objet d’une exploitation éhontée, principalement de la part des agences
de recrutement.
Même en Suisse, pays modèle en matière de droits de l’homme en général et qui abrite le Bureau
International du Travail (BIT), on y foule aux pieds les droits des travailleuses domestiques qui
sont pour l’essentiel issues de l’immigration. Elles sont employées par des ménages privées, sans
assurances sociales ni protection en cas de maladie ou d’accident.
C’est pour essayer de juguler ce mal un peu partout à travers le monde qu’une conférence
internationale a été organisée du 8 au 10 novembre 2006 au Pays Bas. Cette conférence a été un
tournant décisif au vu du nombre de participants et de la pertinence des thèmes débattus. En effet,
elle regroupait quelque 60 représentants de syndicats d’employées de maison, d’associations et de
réseaux régionaux, internationaux de travailleuses domestiques, du groupement Global Unions et
d’ONGs de soutien du monde entier.
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Par conséquent, les participants exigent le travail décent pour les employées domestiques. Elles
n’ont pas manqué de formuler des recommandations dont la première sera la constitution d’un
groupe de travail intérimaire qui comprendra des membres du groupe leader de la conférence,
plus des représentants des organisations de travailleuses domestiques de toutes les régions du
monde. Les tâches de ce groupe de travail consiste entre autres à :
Explorer les besoins et le potentiel d’un réseau international de défense des droits des
travailleuses domestiques, en prenant garde de ne pas reproduire les réseaux
internationaux qui existent déjà, mais d’y apporter une valeur ajoutée ;
D’explorer, en collaboration avec le groupement « Global Unions », la possibilité
d’obtenir une convention de l’OIT concernant les droits des travailleurs domestiques,
qu’ils soient nationaux ou migrants.
De soutenir l’organisation des travailleuses à tous les niveaux local, national, régional et
international, à travers :
une plus grande implication des syndicats à tous les niveaux dans le soutien des
employées de maison et de leurs organisations ;
un inventaire des organisations de travailleuses domestiques ou de leurs groupes de
soutien à travers le monde, afin de promouvoir leur visibilité, de se représenter l’ampleur
de l’effort déjà entrepris en faveur de ces travailleuses domestiques, et d’encourager leur
implication dans un réseau ;
l’échange d’informations et de stratégies, par une plus grande implication exemple à
travers un nouveau site Internet consacré aux droits des employées de maison ;
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
Il faut bien comprendre que pour être efficace, la lutte des employées de maison doit s’inscrire
dans un cadre sous-régional, régional voire global. En effet, le Sénégal, comme nous avons eu à
en a parler dans la première partie, exporte de la main-d’œuvre domestique essentiellement vers
le Liban où leurs conditions de travail sont peu enviables, et où beaucoup de domestiques sans-
papiers sénégalaises croupissent en prison. L’association Dames de Cœur s’est illustrée
récemment malgré ses modestes moyens en rapatriant deux employées de maison, l’une du
Liban et l’autre d’Angola.
Au niveau national, les entretiens menés çà et là au niveau des aires de rassemblement permettent
de juger des conditions de travail préoccupantes des domestiques qui peinent à s’imposer aux
yeux de l’opinion comme des travailleurs à part entière. Les droits inaliénables que leur confère
la réglementation en vigueur sont ignorés parce que les employées de maison sont souvent
jeunes, très jeunes même, analphabètes ou déscolarisées, de sexe féminin, déqualifiées et
désunies incapables de se projeter dans l’avenir pour engager sérieusement la lutte. « La
condition des bonnes est davantage compliquée par le milieu de travail : la famille, dans son
intimité. L’évolution du monde ne s’est pas encore insinuée jusque dans les foyers et les attitudes.
Le métier de domestiques est encore marqué par l’asservissement. Pourtant, la société actuelle, à
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
travers différentes formes d’expression (chants, théâtre) ne cesse de dénoncer cette injustice et de
réaffirmer que le travail domestique n’est ni une vie, ni un statut social mais un métier comme un
autre50 ».
Mais comme on le dit souvent, les préjugés ont la vie dure et il faudrait qu’on dépasse l’étape des
vœux pieux et des déclarations d’intention pour changer les mentalités. L’heure est à l’action
comme l’ont compris la poignée de structures, organisations, associations caritatives qui
s’investissent de manière directe ou indirecte pour le respect des droits des employées de
maison. Il s’agit notamment du droit au travail décent et à une formation qualifiante pour pouvoir
prétendre à d’autres emplois. Enda TM, l’association Dames de Cœur, l’Agence de placement
Oxo sont toutes au cœur de l’action. On peut également citer toutes les réalisations d’autres
structures non moins importantes qui opèrent au niveau des zones de départ en actionnant deux
leviers ; à savoir, la lutte contre l’exode rural par des projets structurants et l’éducation par un
système de parrainage d’enfants engagés dans le cycle primaire. Plan International, CARITAS
Sénégal, le Centre Emmanuel etc. œuvrent dans ce sens.
Nous n’avons pas d’autre ambition à travers cette étude que de soumettre à l’ensemble de la
communauté des décideurs, des employeurs et du public en général, à un ultime questionnement
sur le quotidien des employés de maison. Nous avons fait ressortir dans ce travail le hiatus net qui
50
« Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 47
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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
subsiste entre les principes légaux et la pratique afin que tous ceux qui voudront bien le lire
s’emploient à soutenir, en toute objectivité leur combat pour la dignité et un meilleur devenir.
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