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29 octobre 2022

Bonnes feuilles

Ce que le mur des cons nous disait vraiment


des dérives de la gauche judiciaire et du
Syndicat de la magistrature

Hervé Lehman publie « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire » aux éditions du Cerf.
Des salles des prétoires aux cabinets ministériels, des projets de loi aux coups médiatiques,
Hervé Lehman dévoile la face cachée du Syndicat de la magistrature. Extrait 1/2.

Avec Hervé Lehman

Au mois d’avril 2013, le rédacteur en chef adjoint de France 3, Clément Weill-Raynal, se rend au


siège du Syndicat pour interviewer sa présidente, Françoise Martres. Celle-ci lui montre un
panneau sur lequel figurent des photos de différentes personnes sous le titre : « Mur des cons.
» Une mention précise : « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà. » Le journaliste
filme le panneau. Il ne présente pas les images à sa chaîne car il pense que sa hiérarchie ne
voudra pas les diffuser. Clément Weill-Raynal choisit de communiquer les images à la rédaction
du site Atlantico. Le 23 avril, le site publie la vidéo du mur des cons.

C’est une déflagration. Les Français découvrent que des magistrats syndiqués ont dans leur
local syndical un panneau sur lequel ils épinglent les photos de ceux qu’ils considèrent comme
leurs adversaires, grossièrement désignés sous l’appellation de cons. On y trouve,
naturellement, les leaders de la droite  et de l’extrême droite : Nicolas Sarkozy, ancien
/
président de la République, l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, Brice Hortefeux,
ancien ministre de l’Intérieur, les anciens gardes des Sceaux Michèle AlliotMarie et Dominique
Perben, d’autres anciens ministres tels qu’Éric Woerth, Christian Estrosi, Christian Jacob,
Patrick Devedjian, François Baroin, Éric Besson, Luc Chatel, Luc Ferry, David Douillet, Bernard
Laporte, Bernard Kouchner mais aussi Patrick Balkany, Éric Ciotti, Christian Vanneste, Patrick
Ollier, Pierre Lellouche, Éric Raoult, Bruno Beschizza, Jean Sarkozy, Valérie Debord, Christine
Boutin, Nadine Morano, Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Robert Ménard, Gilbert
Collard, Thierry Mariani, les patrons du Figaro et de TF1 Étienne Mougeotte et Patrick Le Lay,
les journalistes Éric Zemmour, Béatrice Schoenberg, David Pujadas, Yves Thréard et Alexandre
Adler, les écrivains Jacques Attali, Guy Sorman et Alain Soral. Il n’y a que peu d’hommes
politiques de gauche : Manuel Valls, Jack Lang et Michel Charasse. Trois magistrats sont
épinglés  : Philippe Bilger, Philippe Courroye, ancien procureur de Nanterre qualifié de «
fossoyeur du 92 », et Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, le
syndicat majoritaire dans la magistrature. On trouve encore l’essayiste Alain Minc, le
criminologue Alain Bauer, l’humoriste Dieudonné, Patrice Ribeiro, secrétaire général du
syndicat de police Synergie-Officiers et Xavier Bébin, secrétaire de l’Institut pour la justice.

Le plus terrible est la présence de deux pères de victimes : le général Philippe Schmitt, dont la
fille a été tuée dans le RER D et Jean-Pierre Escarfail dont la fille a été violée et assassinée par
Guy Georges. Au-delà du haut-le-cœur que suscite la présence sur la liste infamante de ces
deux pères cruellement éprouvés, il faut comprendre que leur épinglage est dû à leurs
combats pour la répression des crimes sexuels. Jean-Pierre Escarfail a créé l’Association pour
la protection contre les agressions et crimes sexuels. Il milite notamment pour la prise en
compte de la parole des victimes et de leurs familles lors des demandes de libérations
conditionnelles, et pour la rétention de sûreté des délinquants sexuels. Le général Schmitt se
plaint de ce que l’assassin de sa fille n’ait été préalablement condamné qu’à cinq ans de prison
dont deux avec sursis pour un viol avec une agression au couteau dans les mêmes conditions :
« Arrêté le 25 janvier 1995, condamné le 14 février 1996, il a été remis en liberté le 13 février
1997 », dit-il de l’assassin de sa fille. Participant à l’APCACS, il adhère à l’Institut pour la justice
qui appelle une justice plus répressive. Les deux pères sont sur le mur des cons parce qu’ils
militent pour une plus grande sévérité à l’égard des délinquants sexuels.

Le Syndicat explique  : « Ce mur a été fait à une ancienne époque, sous l’ère Sarkozy, où les
magistrats étaient attaqués de toutes parts. Ce sont des images prises à notre insu dans un
lieu privé, notre local syndical qui n’est pas accessible au public. Aucun scandale démocratique
en vue, comme certains le prétendent déjà, mais seulement de l’agitation politique autour
d’images volées dans un lieu public. » La présidente, Françoise Martres, explique aussi que le
mur est un défouloir et une blague de potaches.

Dans une tribune publiée par Le Monde le 7  mai, l’ancienne présidente du Syndicat, Evelyne
SireMarin, et l’ancien secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats, Nicolas Blot,
expliquent « la raison d’un affichage »  : « Ce mur des cons n’est-il pas la réaction affective,
hystérique, magique, d’une partie de ce corps social en danger, celui des magistrats ? N’est-il
pas une sorte de maraboutage de l’ennemi, un peu comme on enfonce des aiguilles dans la
photo de son adversaire ? […] Une fois de plus, cette affaire va servir à défendre une
/
conception abstraite et surannée de l’impartialité du juge, que sous-tend le Code de
déontologie des magistrats publié en 2010 par le Conseil supérieur de la magistrature  : le juge
doit être transparent, sans sexe, sans opinion, et sans engagement. »

Les personnalités de droite s’enflamment  et demandent des sanctions. À l’Assemblée


nationale, Christiane Taubira, interpellée par Luc Chatel, prend une position très mesurée : elle
regrette que des personnes soient mises ainsi en cause, mais rappelle la position du Syndicat
sur « les attaques dont les magistrats ont fait l’objet sous l’ère Sarkozy ». Elle signale que le
parquet et les personnes concernées peuvent engager des procédures pour injures.

La garde des Sceaux saisit pour avis le Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci fait savoir
le 16  mai qu’il ne se prononcera pas sur ces faits, car cela « exposerait le Conseil à un risque
de blocage institutionnel, s’il devait être saisi de ces faits au titre d’une procédure disciplinaire
». C’est un risque théorique car la garde des Sceaux n’engage aucune procédure disciplinaire.
Le parquet n’engage pas non plus de poursuites. Apparemment, l’épisode laisse l’institution
judiciaire indifférente.

Il n’en va pas de même pour le journaliste qui a divulgué le fameux mur. Clément Weill-Raynal
est pris à partie par les syndicats de journalistes. À la demande du SNJ-CGT de France 3, il est
mis à pied pour sept jours ; il lui est reproché de ne pas avoir informé sa hiérarchie qu’il était
l’auteur des images filmées au siège du syndicat. Le SNJ apporte son soutien au Syndicat de la
magistrature  : « L’utilisation d’images volées dans un lieu privé, en l’occurrence les locaux du
SM, est contraire à la déontologie professionnelle la plus élémentaire. »

En l’absence de réaction du garde des Sceaux, du parquet et du Conseil supérieur de la


magistrature, les « cons » n’ont plus qu’à engager des procédures pour faire valoir leurs droits.
Commence un long périple judiciaire  : juge d’instruction, tribunal correctionnel, cour d’appel,
Cour de cassation. À chaque étape, le parquet, puis le parquet général, s’opposeront à l’action
engagée par les « cons »  : demande de non-lieu, demandes de relaxes, invocation de la
prescription et du caractère non public du mur. Le parquet, dont le rôle est de défendre les
victimes et de faire sanctionner les infractions pénales, sera un avocat fidèle et indéfectible du
Syndicat.

Les juges saisis de l’affaire se montreront pour leur part convaincus de l’existence d’injures
publiques. Plusieurs victimes déposent des plaintes avec constitution de partie civile, dont le
général Schmitt. Françoise Martres est mise en examen et renvoyée devant le tribunal
correctionnel du chef d’injures publiques. En 2016 et  2017, le nouveau garde des Sceaux, Jean-
Jacques Urvoas refuse toute promotion à Françoise Martres. Cette dernière et le Syndicat
saisissent le Conseil d’État qui rejette leurs recours. Néanmoins, dès son arrivée place
Vendôme, Nicole Belloubet propose sa nomination comme vice-présidente adjointe au
tribunal de Bordeaux.

Extrait du livre d’Hervé Lehman, « Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire »,


publié aux éditions du Cerf

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