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Programme

14h00 Ouverture du colloque


14h15 1ère table ronde | La lutte contre les trafics de stupéfiants à Marseille dans
les années 1980
◊ Paul-Louis AUMERAS, magistrat honoraire, ancien substitut du
procureur au tribunal de grande instance de Marseille
◊ Antoine SCIBLO, inspecteur divisionnaire honoraire, ancien chef du
groupe international de la Brigade des stupéfiants du SRPJ de Marseille
◊ Me Jean-Claude VALERA, avocat honoraire au Barreau de
Marseille
◊ Alex PANZANI, journaliste, ancien chroniqueur police-justice au
Provençal

Échanges avec la salle

Diffusion du témoignage de Robert BADINTER, ancien garde des Sceaux,


enregistré le jeudi 14 octobre 2021 à Paris pour les 40 ans de l’assassinat du juge
Pierre MICHEL

Transition par Denis SALAS, magistrat, président de l’Association Française


pour l’Histoire de la Justice (AFHJ)

15h30 2ème table ronde | 40 ans d’évolution du métier de juge d’instruction


◊ Dominique PERBEN, ancien garde des Sceaux
◊ Jean-Baptiste PERRIER, professeur des Universités, Aix-Marseille
Université, directeur de l’institut des sciences pénales et de criminologie
◊ Valéry MULLER, vice-président chargé de l’instruction, juridiction
interrégionale spécialisée (JIRS), tribunal judiciaire de Marseille
◊ Sofiane DAHOU, greffier, juridiction interrégionale spécialisée
(JIRS), tribunal judiciaire de Marseille
◊ Me Dominique MATTEI, avocat, ancien bâtonnier de l’Ordre des
Avocats du Barreau de Marseille

Échanges avec la salle

16h45 Dépôt de gerbes

17h00 Collation

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Tribunal judiciaire de Marseille

PROPOS
LIMINAIRES

e 21 octobre 1981, Pierre MICHEL, Premier juge d’instruction à Marseille, était

L assassiné alors qu’il regagnait son domicile à moto.

Pour rendre hommage à ce collègue qui a payé de sa vie son engagement pour la Justice, nous
avons souhaité organiser un temps d’échanges et de réflexion collective afin de mettre en
perspective l’action du juge Pierre MICHEL au regard de son époque et des évolutions de la
fonction de juge d’instruction.

Nous tenons à remercier les membres de sa famille pour leur contribution à cet évènement, ainsi
que l’ensemble des intervenants à ce colloque qui ont répondu immédiatement présents lorsque
nous leur avons proposé d’y participer.

Ce livret a été pensé tout à la fois comme une introduction et une prolongation de ce colloque.

Grâce à la Provence, à la Marseillaise et au Monde, vous y trouverez plusieurs articles de presse


permettant de retracer le parcours professionnel du juge Pierre MICHEL, depuis ces débuts
dans la magistrature jusqu’aux plus grandes affaires qu’il a instruites.

Vous y trouverez également la lettre très émouvante que son frère Bernard nous a transmise et
la photo de Robert BADINTER prise par le réalisateur Nicolas MOSCARA à l’occasion d’une
cérémonie organisée à la Cour d’appel de Paris quelques jours après l’assassinat.

Ce colloque n’aurait pas été possible sans la participation du Barreau de Marseille, de l’Ecole
nationale de la magistrature et de l’Association Française pour l’Histoire de la Justice.

Nous les remercions sincèrement pour leur participation qui nous rappelle que l’institution
judiciaire n’est rien sans partenariats étroits avec tous ceux qui concourent à l’œuvre de justice
et à sa mémoire.

Dominique LAURENS Olivier LEURENT Jean-Marc ARNAUD


Procureure de la République Président du tribunal Directeur de greffe

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Lettre de Bernard MICHEL
Vendredi 1er octobre 2021

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Citation à l’ordre de la Nation
Vendredi 23 octobre 1981

La Marseillaise
Vendredi 23 octobre 1981

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Promotion Pierre MICHEL
21 janvier 1980 – 20 janvier 1982

Le 21 octobre l981, Monsieur Pierre MICHEL, Premier juge d’instruction à Marseille était
assassiné, victime de son courage et de son sens du devoir.
Les auditeurs de justice de la promotion 1980-A décidaient alors de prendre pour nom de
baptême, celui de leur aîné tragiquement disparu.
Le 6 novembre 1981, Monsieur Robert BADINTER, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
présidait le baptême de cette promotion dans les locaux parisiens de l'Ecole Nationale de la
Magistrature, en présence de Me Bernard MICHEL, frère du magistrat assassiné.
Deux discours furent prononcés : l'un par Monsieur CALMETTES, auditeur de justice, qui faisait,
le même jour, choix du poste de juge d'instruction à Marseille pour son affectation à la sortie de l'Ecole
; l’autre par Monsieur Robert BADINTER.
Ce sont ces deux discours qui sont reproduits ci-après.
Ils resteront un des témoignages de la part prise par l'Ecole de la Magistrature et ses auditeurs
à un drame qui, au-delà des proches de Pierre MICHEL, a atteint tout le corps judiciaire français.

Discours de Monsieur
Jacques CALMETTES
Auditeur de Justice

Monsieur le Garde des Sceaux, Mesdames, Messieurs,

L’assassinat d'un Juge vient de susciter en chacun de nous, horreur, révolte, tristesse.
Un magistrat – l’un des nôtres - est tombé, victime de son courage, de sa ténacité, de sa
détermination farouche à lutter contre le crime organisé.
Pierre MICHEL, Docteur en Droit, Premier Juge d'Instruction, appartenait à la Promotion 1973
de l'Ecole Nationale de la Magistrature, représentée aujourd'hui par plusieurs de ses condisciples.
Dès sa prise de fonction au Tribunal de Grande Instance de Marseille il s'était vu confier des
affaires relatives au grand banditisme et notamment au trafic de stupéfiants.
Sensibilisé par ce type de délinquance, il avait rapidement démontré une compétence
remarquable pour mener à bien des informations complexes et délicates.
Pierre MICHEL était un homme résolu dans sa lutte contre les trafiquants de drogue et les
grands criminels, usant de toute sa force de caractère dans le strict respect des règles procédurales. Ses
qualités humaines l’amenaient en même temps à s'attacher particulièrement au devenir de ceux pour
qui la délinquance pourrait n'être qu'un faux pas. Ceux d'entre nous qui ont effectué à Marseille leur
stage d'auditeur de justice peuvent témoigner de toutes les qualités de Pierre MICHEL.
La tradition voulait, en effet, que chaque stagiaire fit un détour par son Cabinet d'Instruction
pour s'imprégner de l’exemple de Pierre MICHEL. Tous en exprimaient le désir, tous en tiraient grand
profit.

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C'était un homme simple qui réservait à chacun de nous le meilleur accueil. La passion qu'il avait
de son métier était intense ; elle pénétrait aussi ceux qui le côtoyaient.
De telles qualités ne pouvaient en revanche qu'inquiéter ceux qui vivent du crime.
Lorsque la Justice devient efficace, elle présente un danger pour les criminels.
Dès lors, ces derniers n’hésitent pas, parfois, à avoir recours à la violence, pour protéger leurs
intérêts menacés : contre le droit, ils utilisent la force.

LA FONCTION
La violence s'est désormais installée au cœur de la cité : de nombreux magistrats ont été
victimes au cours de ces dernières années, de prises d'otage, d'agressions, d’attentats à l’explosif ou
d'enlèvement.
Présidents ou Procureurs, Juges ou Substituts, les victimes de ces exactions avaient pour point
commun la volonté de faire prévaloir sur la peur, l’intérêt supérieur de la défense sociale.
En assassinant Pierre MICHEL, ses agresseurs ont commis un crime gratuit.
Il nous appartient en effet de rappeler que le corps judiciaire est indivisible dans
l’accomplissement légitime de sa mission.
Un Juge meurt, on le pleure, mais l’institution judiciaire, elle, reste intacte dans son
fonctionnement.
Pierre MICHEL ne menait pas un combat personnel contre le crime, il accomplissait loyalement
mais sans faiblesse son métier de magistrat.
Le dernier tabou qui protégeait les Gens de Justice vient de s'effondrer ; la robe, le code ne
suffisent plus à préserver l’intégrité physique de ceux qui ont choisi de servir la Loi.
On veut nous intimider, on veut nous faire peur, mais la violence n'atteint que les hommes, pas
l’institution.
Au moment de prendre leurs fonctions, les auditeurs de justice de cette promotion n'ont
nullement la prétention de se présenter devant vous comme des justiciers.
L'ambition qui les anime est plus modeste, plus réaliste aussi, puisqu'ils souhaitent seulement
garder en mémoire le nom de celui que l'on honore aujourd’hui, et s’inspirer de la détermination qui
fut la sienne.

LE SYMBOLE
Depuis de nombreuses années, le baptême de promotion n'existait plus.
Or, notre promotion a souhaité unanimement cette cérémonie.
L'évènement est rare, il n'en a que plus de force.
En hommage à un homme, à un collègue, à une fonction, 183 auditeurs de justice ont sollicité
l’honneur de porter symboliquement le nom de Pierre MICHEL.
Ils comptent, par là même, affirmer devant vous et au-delà de ces murs leur volonté d'exercer
à leur tour leurs fonctions, dans un souci constant de vérité, et contre toutes pressions et toutes
menaces, de quelque nature qu'elles soient, ainsi que l'a toujours fait Pierre MICHEL.
La peur ne doit pas changer de camp et la perte de l'un des nôtres ne changera rien à notre
détermination.

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La Promotion qui portera le nom de Pierre MICHEL est composée de futurs magistrats qui seront
et resteront résolument attachés à faire prévaloir les règles de conduite qui furent les siennes dans
l’accomplissement de sa mission.
En honorant ainsi, et en perpétuant la mémoire de l'un des leurs, ils ont conscience de
s’engager, en s'inspirant de son exemple dans un métier difficile qui exigera d'eux, au plus haut degré,
des qualités de courage, de loyauté, et de ténacité.

Discours de Monsieur
Robert BADINTER
Garde des Sceaux

De tous les hommages ainsi rendus justement au Juge MICHEL, celui que votre promotion a
tenu à lui exprimer en prenant son nom est sans aucun doute l'un des plus émouvants - et le plus
significatif, parce qu'il témoigne de la solidarité qu'éprouve à travers les âges, le corps judiciaire tout
entier quand l'un des siens est atteint.
Et cet hommage-là, s’ajoutant à celui de vos aînés est d’autant plus précieux qu'il infirme
certains termes énoncés ou écrits par ceux-là qui ne mesurent leur propos qu'au retentissement qu'ils
en attendent dans l’instant, indifférents au poids des mots et à la souffrance de ceux qu'ils peuvent
causer.
Respect dû à un mort.
C'est pourquoi je vous remercie de m'avoir convié à cette simple cérémonie à la mémoire d'un
juge assassiné. Je lui rends devant vous témoignage : sa vie comme sa carrière furent exemplaires :
étudiant exceptionnel, docteur en droit à l’Université de Paris II. En 1972 sorti de l'Ecole Nationale de la
Magistrature parmi les premiers. En 1974, nommé juge d'instruction à Marseille, s'y distinguant par sa
maturité, son sens des responsabilités, sa culture, il fut nommé premier juge en 1981. C'était la marque
de ses succès dans les plus difficiles affaires, et le gage du plus brillant avenir dans la magistrature, et
c'est parce qu'il était tel, courageux, aimant son métier de magistrat, en assumant les responsabilités,
qu'il a été assassiné, et que sa mort interpelle la justice toute entière.
Sans doute, la violence mortelle peut frapper un magistrat comme tout être humain. Cette
violence sera le plus souvent accidentelle, car la mort alors ne choisit pas ses victimes. Elle peut être
aussi criminelle, car la passion, la jalousie ou la fureur ne s'accommodent pas de distinction sociale ou
professionnelle, mais dans tous les cas c'est la femme ou l'homme qui est atteint, par imprudence ou
volontairement, ce n'est pas le magistrat qui est visé, et moins encore l'institution judiciaire. La mort du
magistrat s'inscrit alors dans l’ordre tragique, mais hélas, commun des choses.
D’une toute autre dimension est l’assassinat du juge, prémédité et exécuté comme tel.
La mort alors ne frappe pas seulement par un douloureux ricochet l'institution judiciaire. Le
crime vise la justice elle-même et c`est la justice qui est directement atteinte dans la personne du juge
qui meurt pour elle, car c'est bien l'œuvre de justice que le criminel a voulu arrêter en supprimant la vie
du juge, du juge trop courageux pour céder à l’intimidation, à la peur, à la menace qui ont précédé
l’agression, du juge trop conscient des exigences de sa mission pour accepter de préférer sa sûreté
personnelle à celle de la cité - ou sa paix à la recherche de la vérité.
Tous ceux qui pensent à ce jeune juge assassiné doivent mesurer que cette mort n'était pas
pour lui imprévisible, elle lui avait été annoncée par ceux-là mêmes qui lui donnaient, en un raffinement
de cruauté, le choix entre mépriser sa vie - ou se mépriser lui-même. L'angoisse toujours refusée, mais
toujours présente était devenue son lot quotidien. Après chaque lettre, après chaque coup de
téléphone annonciateur, il savait en rentrant chez lui auprès de sa femme et de ses enfants, en

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rencontrant ses amis, en vivant chaque jour de cette vie qu'il aimait, que demain pour lui pouvait être
accompli - s'il ne renonçait pas à accomplir sa tâche de juge. Ainsi en lui donnant le choix entre la lâcheté
ou la mort, ceux qui l'ont abattu ont fait précéder son assassinat d'une longue torture morale. Il est
douloureux le chemin quotidien qui fait d'un homme comme les autres un héros de justice. Sachons
nous en souvenir.
Le premier enseignement que nous laisse ainsi le juge MICHEL est qu'il existe en France des
magistrats qui préfèrent risquer leur vie plutôt que de renoncer à leur mission. Cet exemple venant
après celui du juge RENAUD est pour tous les magistrats - et d'abord pour les plus jeunes, pour ceux qui
entrent dans la carrière, une source d'inspiration. En vérité, il est fini le temps de la magistrature
tranquille et sans aller jusqu'à l’extrémité tragique du destin de ces juges assassinés, la condition des
magistrats, parce qu'ils seront toujours plus impliqués dans des conflits plus durs, sera toujours plus
difficile à assumer.
Mais au-delà de cette exigence individuelle de courage qu'enseigne à chaque magistrat la mort
du juge MICHEL, celle-ci est lourde de signification pour l’institution judiciaire tout entière. D'abord
parce que c'est la justice qui est défiée par ce crime comme elle l'a été par l’assassinat du juge RENAUD.
Tout doit donc être mis en œuvre par les forces de justice pour qu'à la douleur née de la mort de la
victime ne s'ajoute pas l’amertume de l'impunité des coupables. Et puis parce que des criminels de sang-
froid ont décidé, à un certain moment d'une entreprise de justice, de tuer le juge lui-même, ce
comportement est aberrant en apparence puisque la mort d'un juge n'a jamais arrêté la justice et qu'un
autre se lève toujours pour continuer la mission de celui qui est tombé, mais ce comportement est
révélateur parce qu’il traduit une conception nouvelle et terrible de la relation du juge et du criminel.
Dans cette conception, le juge n'est plus en effet celui à l'action judiciaire duquel le criminel
tente d'échapper mais l’ennemi qu'il peut abattre et en abattant le juge, c’est le pouvoir même de la
justice - donc de la société à poursuivre le crime - que le criminel dénie. L’assassinat du juge exprime
ainsi non seulement la volonté de supprimer un adversaire mais la négation absolue de l'autorité
judiciaire. A ce titre, cet assassinat revêt à l'encontre de la justice une dimension totalitaire, car il
exprime le refus total de toute justice. Il s'apparente dans le domaine criminel à l’acte terroriste dans le
domaine politique, au-delà des victimes, c'est dans les deux cas un pouvoir institutionnel que le
terroriste entend atteindre, et ainsi, dans la mesure même ou à travers le juge assassiné, le criminel vise
l'œuvre de justice toute entière, c'est bien le terrorisme judiciaire qui est à l'œuvre, et qui se révèle
brutalement à nous.
La menace est grave - qui se lève à l'horizon de notre justice. Aux femmes et aux hommes de
justice, un instant rassemblés en silence autour du juge assassiné de prendre la mesure du péril et de
se préparer à y faire face. Vous jugez au nom du peuple français, c'est à lui que vous avez à rendre
compte de ses libertés et de sa sûreté. En celà réside la grandeur de la mission du magistrat, la mort du
juge MICHEL la rappelle cruellement à chacun.
Je suis assuré qu'aucun d'entre nous n'oubliera ce message.

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Le Monde
Vendredi 23 octobre 1981

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La Marseillaise
Jeudi 22 octobre 1981

11
La Marseillaise
Vendredi 23 octobre 1981

Le Provençal
Jeudi 22 octobre 1981

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Le Provençal
Mercredi 4 octobre 1978

13
La Marseillaise
Jeudi 22 octobre 1981

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Photographie de Robert BADINTER le 22 octobre 1981 lors d’une cérémonie solennelle au sein de la première
chambre de la cour d’appel de Paris, à la mémoire du juge Pierre MICHEL assassiné le 21 octobre 1981
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©Moscara / nicolasmoscara@gmail.com

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