Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Criminologie Criminologie
Résumé de l'article
Criminalité et police transnationales : une
perspective critique Cette étude propose la façon dont la communauté
Volume 47, numéro 2, Automne 2014 internationale devrait traiter la criminalité environnementale
transnationale. Pour y arriver, l’auteur définit d’abord ce
phénomène et discute de son ampleur. La démarche consiste à
URI : id.erudit.org/iderudit/1026732ar faire comprendre cette forme de criminalité afin d’amener les
DOI : 10.7202/1026732ar parties intéressées à envisager les moyens appropriés pour la
combattre. Ensuite, l’article rappelle l’inexistence des moyens
de lutte à la hauteur de la gravité de ce fléau et soutient par la
Aller au sommaire du numéro suite que l’ampleur et les caractéristiques de celui-ci méritent
que la communauté internationale se mobilise dans son
ensemble. Plus précisément, l’auteur soutient qu’en dehors du
renforcement des mécanismes de lutte sur le plan national, de
Éditeur(s) l’amélioration de la coopération judiciaire et de la
reconnaissance mutuelle des décisions de justice, la création
d’un tribunal international pénal pour l’environnement serait
Les Presses de l’Université de Montréal
une option idéale.
Découvrir la revue
Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous
Montréal, 2014 pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-
dutilisation/]
Amissi M. Manirabona 1
Professeur adjoint
Faculté de droit, Université de Montréal
melchiade.manirabona@umontreal.ca
Introduction
Même s’il est souvent affirmé que c’est depuis des siècles que les acti-
vités humaines ont changé la nature de notre environnement et sa
biodiversité (White, 2010), la criminalité environnementale n’est deve-
nue un réel problème que depuis le début du développement industriel.
Alors que l’action humaine n’avait guère posé de sérieuses difficultés à
l’environnement, la montée en puissance de l’industrialisation a abouti
vendus plus cher que l’or ou la cocaïne sur le marché noir dans certaines
régions de l’Asie, les groupes terroristes s’y investissent en masse avec
des équipements parfois plus puissants que ceux dont disposent les
forces de sécurité de plusieurs pays. C’est le cas du groupe terroriste
somalien Al-Shabaab, dont près de la moitié des fonds illégalement
obtenus proviennent du braconnage des animaux dans les forêts de
l’Afrique de l’Est, particulièrement au Kenya (IRIN, 2013). La rébellion
de l’Ouganda, la LRA, est également connue pour financer ses activités
de violence par le braconnage des éléphants en République démocra-
tique du Congo et en République centrafricaine (ONU, 2013). Il en est
ainsi des groupes armés rebelles du Soudan, les Janjaweed, qui sont très
actifs dans le braconnage au Tchad (Elliot, 2012).
Par ailleurs, il a été documenté que la pauvreté et la rareté des res-
sources de première nécessité, comme la nourriture, l’eau, l’habitation,
dues à la dégradation environnementale, ont le potentiel d’augmenter
les conflits sociaux non seulement sur le plan des sous-groupes de
population, mais aussi sur le plan national et interétatique (Agnew,
2012). Ces conflits risquent de s’intensifier dans les pays pauvres où il
est difficile ou même impossible de s’adapter aux changements envi-
ronnementaux alors qu’une importante partie de la population active
n’a aucun emploi. De plus, Mares (2010) décrit le lien de cause à effet
entre la dégradation des terres cultivables et le déplacement forcé de
certaines populations africaines qui, en plus, sont victimes du trafic
d’êtres humains (Jasparro & Taylor, 2008).
En dehors de ces conséquences essentiellement basées sur la santé et
la sécurité humaines, la CET cause d’autres conséquences en termes de
gouvernance et de sécurité. La CET peut par exemple engendrer
diverses formes de criminalité économique comme la corruption, le
blanchiment d’argent, l’évasion fiscale, le trafic d’êtres humains, le vol
d’identité ou d’informations personnelles, le vandalisme, la fraude des
documents administratifs, etc. À titre d’exemple, le Guide Interpol sur
la criminalité liée au commerce des émissions de carbone dans ce
domaine révèle que les criminels se livrent à l’escroquerie, aux délits
d’initiés, aux détournements ainsi qu’au blanchiment de fonds, et aux
infractions relevant de la cybercriminalité (Interpol, 2013).
En définitive, la CET affaiblit la gouvernance démocratique des États
et compromet ainsi la primauté du droit en encourageant les fonction-
naires publics à violer la loi au détriment de l’intérêt général. Là où la
corruption est très répandue, les États se retrouvent facilement en
Le fait que la CET n’est à ce jour régie que par le droit pénal interne,
plutôt que directement par une convention internationale qui la rendrait
attentatoire aux valeurs communes à l’humanité, ne permet pas de la
dénoncer et d’envoyer le message que le monde n’est plus disposé à
tolérer les pratiques détruisant l’environnement (Elliot, 2007). La com-
munauté internationale doit se montrer déterminée, ferme et unie face
à la CET. Il est donc nécessaire d’envoyer un signal fort que l’auteur
des crimes graves contre l’environnement s’en prend aux intérêts de tous
les États et que chaque État doit coopérer pour le combattre.
Étant donné que certains domaines de la CET sont liés aux activités
de groupes armés ou terroristes, la communauté internationale devrait
être interpellée quant à la nécessité de prendre le phénomène très au
sérieux en le considérant comme une grave menace pour la paix et la
sécurité internationales. Cette prise de conscience ferait peut-être ger-
mer l’idée d’amender le Statut de Rome qui a créé la Cour pénale
internationale (CPI) afin d’étendre sa compétence aux crimes environ-
nementaux. Actuellement, les crimes environnementaux que la CPI est
censée réprimer se limitent à quelques atteintes à l’environnement,
jugées graves, commises lors des conflits armés. En outre, pour être
réprimés par la CPI, ces crimes ne doivent pas être justifiés par des
nécessités militaires (Statut de Rome, art. 8-2-a-iv ; 8-2-b-xiii ; 8-2-e-
xii). Autrement dit, quelle que soit leur ampleur, des crimes contre
l’environnement commis pendant une guerre peuvent rester impunis
s’ils sont considérés comme étant militairement justifiés. Or, les belli-
gérants peuvent toujours réussir à justifier militairement les crimes
contre l’environnement qu’ils commettent. De plus, la quasi-totalité de
la CET ne se déroule pas pendant la guerre et cela n’a rien avoir avec
sa gravité : des atteintes à l’environnement commises en tant de paix
s’avèrent aussi nuisibles ou même plus nuisibles que celles commises
pendant la guerre (Manirabona, 2011b).
Il serait donc d’un grand intérêt que la communauté internationale
retourne à ses bons projets du passé qui visaient à criminaliser la CET
en tant que crime international, à l’instar des crimes contre l’humanité
(Drumbl, 1998). En effet, en 1976, le Projet d’articles sur la responsa-
bilité des États proposait la création d’une infraction criminelle inter-
nationale contre l’environnement (art. 19). En 1994, le Conseil
économique et social de l’ONU invitait les États à définir davantage la
notion de crime international contre l’environnement (ONU, 1994).
En 1996, à l’approche de l’adoption du Statut de Rome, le Projet de
Conclusion
La CET est trop grave pour la laisser aux seules compétences étatiques.
Il faudrait nécessairement que la communauté internationale la traite à
sa juste valeur, notamment en la considérant et en la définissant comme
un crime international dont la commission menace les intérêts de
l’ensemble de tous les États du monde. En outre, sa nature particuliè-
rement grave, systématique et de longue durée l’élève au rang des
crimes qu’une juridiction internationale comme la Cour pénale inter-
nationale est en bonne position de réprimer. La répression de la CET
par la CPI bénéficierait des avantages d’une institution fonctionnelle et
qui a déjà fait preuve d’une certaine efficacité. Il est donc nécessaire
que le Statut de Rome, qui a créé la CPI, soit amendé, notamment à
l’article 7, et que la liste des crimes contre l’humanité inclue les crimes
environnementaux.
Cependant, même s’il était effectué, l’ajout des crimes environne-
mentaux au Statut de Rome pourrait ne pas participer au règlement de
tous les problèmes relatifs à la CET dans la mesure où plusieurs contre-
Références
Agence France-Presse (AFP). (2014). Afrique du Sud : plus de mille rhinocéros tués
par des braconniers en 2013. Repéré à http://www.jeuneafrique.com/actu/
20140117T153050Z20140117T153025Z/afrique-du-sud-plus-de-mille-
rhinoceros-tues-par-des-braconniers-en-2013.html.
Agnew, R. (2012). Dire forecast : A theoretical model of the impact of climate
change on crime. Theoretical Criminology 16(1), 21-42.
Amnesty International. (2004). Clouds of Injustice : Bhopal Disaster 20 Years On.
London : Amnesty International.
Amnesty International. (2009). Pétrole, pollution et pauvreté dans le delta du Niger.
Londres : Amnesty International. Repéré à : https://www.amnesty.org/en/
librar y/asset/AFR44/018/2009/fr/7c519761-8e16-4c60-b596-
7fc763ae7371/afr440182009fra.pdf.
Bossy D. (2012, 22 octobre). Naufrage du Prestige : 10 ans plus tard, où est
passé le fioul ?. Futura-Sciences.
Carnier, J. (2014, 31 janvier). Charte de Bruxelles pour une justice internatio-
nale de l’environnement. RSE magazine. Repéré à http://www.rse-magazine.
com/Char te-de-Br uxelles-pour-une-justice-internationale-de-l-
environnement_a480.html.
Casselman, A. (2011, 20 avril). A Year After the Spill, “Unusual” Rise in Health
Problems More cases of nosebleeds, coughs could be due to oil exposure.
National Geographic News.
Cassese, A., Gaeta, P., & Jones, J. R. W. D. (2002). The Rome Statute of the Inter-
national Criminal Court : A Commentary, 522-23.
Clapp, J. (2005). Global Environmental Governance for Corporate Responsi-
bility and Accountability. Global Environmental Politics, 5(3), 23-34.
Drumbl, M. A. (1998). Waging War against the World : The Need to Move
from War Crimes to Environmental Crimes. Fordham International Law Jour-
nal, 22(1), 122-153.
Elliot, L. (2007). Transnational environmental crime in the Asia Pacific : an
“un(der)securitized” security problem ? The Pacific Review, 20(4), 499-522.
Elliot, L. (2012). Fighting Transnational Environmental Crime. Journal of
International Affairs, 66(1), 87-104.
Environnement Canada. (2013). L’entreprise Toxco Waste Management Ltd. écope
d’une amende de 17 500 dollars pour avoir importé des matières recyclables dange-
reuses (Communiqué de presse, 18 avril). Ottawa.
Ezekiel, A. (2007). The Application of International Criminal Law to Resource
Exploitation : Ituri, Democratic Republic of the Congo. Natural Resources
Journal, 47(1), 225.
Fröhlich, T. (2003). Organised environmental crime in the EU Member States. Kassel :
BfU.
Gilbert, M. J., & Russell, S. (2002). Globalization of criminal justice in the
corporate context Crime, law and social change, 38, 211-238.
Lois internationales
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Adoptée
par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale. [15 novembre 2000].
Convention sur la Conservation des Espèces Migratrices appartenant à la faune sauvage
(CMS). [23 Juin1979]. 1651 UNTS 333.
Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages
Menacées d’Extinction (CITES). [3 Mars 1973]. 993 U.N.T.S. 243.
Statut de Rome de la Cour pénale international. [17 juillet 1998].
Jurisprudence
Choc c. Hudbay Minerals Inc., 2013 ONSC 1414
ABSTRAC T • This paper proposes the way in which the international community should
address transnational environmental crime. To attain this goal, the author first defines
the phenomenon and discusses its scope. The approach consists of understanding this
form of crime so that interested parties can envisage appropriate means to combat it.
The article highlights the current absence of adequate means to combat this grave
phenomenon and claims that the magnitude and characteristics of transitional envi-
ronmental crime merit the mobilization of the international community as a whole.
Specifically, the author argues that, apart from strengthening control mechanisms at
the national level and improving judicial cooperation and mutual recognition of judicial
decisions, creating an international criminal tribunal for the environment would be an
ideal option.
KE Y WORDS • Environment, crimes, transnational, harm, gravity.
RESUMEN • El presente estudio propone la manera en la que la comunidad internacio-
nal debería abordar la criminalidad medioambiental transnacional. Para ello, el autor,
primeramente, define este fenómeno y discute sobre su magnitud. El enfoque consiste
en hacer entender esta forma de criminalidad, con el fin de inducir a las partes inte-
resadas a considerar los medios apropiados para combatirla. Luego, el artículo recuerda
la inexistencia de medios de lucha que estén a la altura del grado de gravedad de esta
plaga y sostiene que, la importancia y las características de ésta, merecen la movili-
zación de toda la comunidad internacional. Específicamente, el autor sostiene que,
más allá del refuerzo de los mecanismos de lucha en el plano nacional, de la mejora
de la cooperación judicial, y del reconocimiento mutuo de las decisiones de la justicia,
la creación de un tribunal penal internacional del medioambiente sería una opción
ideal.
PALABRAS- C LAVE • Medioambiente, crímenes, transnacional, daño, gravedad.