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2018 :
Accroche :
Selon J. BERRIAT SAINT-PRIX1, la tentative est « l’action d’essayer de commettre un délit ». Toutefois,
la tentative soulève une interrogation fondamentale qui est celle de savoir à partir de quel stade la
répression peut intervenir. L’article 121-5 du code pénal apporte une réponse précise en posant des
conditions restrictives. Dans un arrêt rendu le 25 juillet 2018, la chambre criminelle de la Cour de
cassation est revenue sur ces conditions classiques.
Faits :
En l’espèce, à la demande d’un locataire de l’immeuble, des policiers se sont rendus, de nuit, dans un
immeuble. Le locataire les a avertis qu'un homme, vêtu d'une combinaison blanche et le visage
masqué, se trouvait devant la porte d'un appartement d'une personne située au 4ème étage,
absente de son domicile ce soir-là.
Arrivés sur place, les policiers ont constaté la présence, au 5ème étage, d'une personne
correspondant à cette description. L'intéressé portait effectivement des gants en latex, des foulards
qui dissimulaient son visage et qui était armé d'un gourdin en bois. Il a ensuite déclaré avoir eu
l'intention de tuer l'amant de sa compagne et de transporter son corps dans un lieu tranquille pour le
dissoudre.
Les policiers ont constaté la présence dans le véhicule de l’intéressé d'une bâche protégeant le fond
du coffre, de 19 bouteilles d'acide sulfurique, de gants en plastique, d'une corde, de sacs à gravats,
d'un pot en plastique et de ruban adhésif. La personne ayant alerté la police a expliqué avoir vu, au
travers de l’œilleton de sa porte, l’homme se vêtir d'une cagoule, et sonner à la porte du locataire
absent tout en tenant un bâton à la main. Elle a indiqué avoir filmé cette scène sur son téléphone
portable.
Résumé possible : L’individu se présente et sonne à l’appartement de la victime muni d’une arme
potentiellement létale. Constatant l’absence de la victime et à la suite de l’intervention des
fonctionnaires de police, celui-ci prend la fuite en se plaquant à l’étage supérieur. Une information
judiciaire est ouverte à son encontre.
Procédure :
Une enquête a été diligentée à l’encontre de l’individu ayant abouti à l’ouverture d’une information
judiciaire au cours de laquelle ce dernier a contesté avoir eu une intention homicide et a ajouté que
c’est parce qu’il avait entendu du bruit dans la cage d’escalier qu’il était monté à l’étage supérieur. Il
indique que même si les policiers n’étaient pas intervenus, il aurait renoncé à ce projet.
Le juge d’instruction a alors rendu une ordonnance de non-lieu, au motif qu’il s’agissait tout au plus
d’actes préparatoires n’ayant pas pour conséquences directe et immédiate la consommation
d'assassinat en l’espèce.
Toutefois, la partie civile et le Ministère public ont interjeté appel de cette décision de non-lieu. La
chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Angers, dans un arrêt rendu le 21 mars 2018, a infirmé
la décision du juge d’instruction et a ordonné la mise en accusation de l’intéressé devant la cour
d’assises sous l’accusation de tentative d’assassinat, au motif que l’individu a commis un acte dont la
conséquence directe était de consommer le crime d’assassinat, celui-ci étant entré dans sa phase
d’exécution.
1
J. BERRIAT SAINT-PRIX, Cours de droit criminel, 1817.
(Motifs de la CA) En effet, la chambre de l’instruction se fonde sur la scène filmée par le locataire, qui
a permis de révéler que l’intéressé avait sonné à plusieurs reprises à la porte de la personne chez
laquelle il se rendait, qu’il avait dissimulé son visage et s’était positionné sur le côté, un bâton à la
main.
D’autant plus que dans les minutes qui ont suivi son interpellation, il a affirmé qu’il était venu pour
« tuer un gars ». Il avait également reconnu cette intention pendant une partie de sa GAV avant de
modifier ses déclarations devant le juge d’instruction. Pour la chambre de l’instruction, l’intention
homicide est bien caractérisée. L’examen du film a permis de s’assurer que l’intéressé a cessé de
sonner à la porte après avoir entendu la police, ce qui l’a conduit à monter à l’étage supérieur.
Selon la chambre de l’instruction, l’individu a bien commis un acte dont la conséquence directe était
de consommer le crime d’assassinat. Il s’est bien désisté mais uniquement en raison de l’arrivée de la
police.
Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation. La chambre criminelle de la Cour de cassation se
prononce dans un arrêt rendu le 25 juillet 2018.
Arguments du pourvoi :
➔ Absence d’animus necandi
➔ Il souligne qu’il aurait renoncé à son projet criminel même s’il n’y avait pas eu l’intervention
des fonctionnaires de police donc désistement pseudo-volontaire. Quid de l’absence de la
victime ? (Il ne voulait qu’intimider la victime)
Problème de droit :
La question qui se pose devant la Cour de Cassation est de savoir si la commission d’un acte, dont la
conséquence directe est de consommer l’infraction, peut caractériser la tentative en l’absence de
désistement volontaire.
Solution de la cour de Cassation :
La Cour de cassation rejette le pourvoi en s’appuyant sur les arguments de la chambre d’instruction.
En effet, elle constate l’existence de charges suffisantes contre l’individu pour ordonner son renvoi
devant la cour d’assises sous l’accusation de tentative d’assassinat.
En effet, elle considère que la chambre de l’instruction a justifié sa décision. Elle ne se prononce pas
explicitement sur l’existence ou non d’une tentative d’assassinat. Elle relève seulement que « les
juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne
mise en examen sont constitutifs d’une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de
vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ».
Ainsi elle estime que les faits incriminés (en l’espèce) caractérisent le commencement d’exécution
nécessaire à la répression de la tentative d’assassinat, en l’absence de désistement volontaire.
P.S : En principe, il faut toujours commenter la solution de la Cour de Cassation. Dans la mesure où en
l’espèce, la Cour n’affirme pas de manière expresse que l’individu a bien commis une tentative d’as-
sassinat, il faudra alors se référer à la solution de la CA, mais toujours en précisant que la Cour de cas-
sation vient confirmer implicitement la solution de la chambre de l’instruction s’agissant de la carac-
térisation de la tentative d’assassinat.
Intérêts de l’arrêt :
Cet arrêt revient sur les conditions de la tentative au sens des articles 121-4 (gravité de
l’infraction commise) et 121-5 du CP (commencement d’exécution et absence de résultat).
Ce sont surtout les conditions de l’article 121-5 qui vont retenir notre attention.
Élément subjectif (intention irrévocable de commettre l'infraction) et objectif du commence-
ment d’exécution (La proximité de l'acte matériel d'exécution de la commission de l'infrac-
tion).
Ce qui permet de condamner un individu pour tentative, c’est parce qu’il a mis en œuvre les
moyens nécessaires à la consommation de l’infraction, il ne s’est pas contenté de les réunir.
Ici pour le JI, les actes commis par l’individu ne sont pas punissables, et seraient donc des
actes préparatoires (qui consiste au simple fait de réunir les moyens nécessaires à la
consommation de l’infraction). Or, la chambre de l’instruction, confirmée par la cour de
Cassation, considère que les actes accomplis par l’intéressé suffisent à caractériser un
commencement d'exécution et une intention de commettre l’infraction.
La question de la répression de la tentative dès le commencement d’exécution avec
l'absence de désistement volontaire.
Il ne s’agit pas d’un arrêt de principe, mais seulement d’espèce. La Cour de cassation revient
sur les conditions classiques de la tentative. -> V. en ce sens Cass. Crim., 16 mai 2018 (n°17-
81.686) sur les conditions de la tentative d’escroquerie. Dans cet arrêt la Cour de cassation
est plus explicite sur ces conditions)
Justification et annonce du plan :
Aux termes de l’article 121-5 du Code pénal, la tentative n’est punissable qu’en présence d’un
commencement d’exécution et d’une interruption involontaire de cette exécution. En l’espèce, ce
sont ces deux conditions qui ont permis à la Cour d’appel d’ordonner le renvoi de l’intéressé devant
la cour d’assises sous l’accusation de tentative d’assassinat. La Cour de cassation a d’ailleurs
approuvé la solution des juges du fond.
Ainsi, la tentative est en l’espèce retenue en raison d’une part, de la caractérisation d’un
commencement d’exécution (I) et d’autre part, de l’absence de résultat de l’infraction due à une
interruption involontaire dans l’exécution (II).
2
Crim., 16 mars 1961, J.C.P., 1961. II. 12157, note J. Larguier.
3
Crim. 16 mai 2018 : Dans cet arrêt, la Cour de cassation applique la distinction entre actes préparatoires et
commencement d’exécution, elle requalifie ainsi une tentative d’escroquerie en délit de contrefaçon de
chèques. En l’espèce, elle a considéré que l’on était en présence d’actes préparatoires et la tentative
d’escroquerie ne pouvait être déterminée d’où la requalification en délit de contrefaçon de chèques.
4
Article 121-7 al 1er « aide et assistance à l’auteur principal »
5
CP Art. 322-3 5°
6
CP Art. 450-1 et Art. 421-2-1
d’appel) a ordonné la mise en accusation de l’individu du chef de tentative d’assassinat et son renvoi
devant la cour d’assises.