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M02 Droit pénal I, Partie générale : cas pénaux

Cas à préparer 1 à 14

Période 1 : Notions fondamentales, sources et champ d’application de la loi pénale

Note introductive concernant la localisation des infractions dans l’espace : (Cf. chapitre 11 – Classifications
des infractions)
Si l’on se réfère à la description légale des comportements incriminés, les infractions se classent en deux
catégories :

 Les infractions matérielles ou de résultat dont la consommation suppose la survenance d’un résultat
qui se caractérise par un changement du monde extérieur. Le caractère illicite du comportement
incriminé est déterminé tant par l’action (frapper, poignarder, détruire, endommager, etc.) que par le
résultat matériel, juridique ou technique (la lésion de l’intégrité corporelle, la mort, le dommage au
patrimoine, etc.).
En cas de meurtre (art. 111 CP), il faut que le comportement adopté par l’auteur soit propre à causer la mort, et
que la mort de la victime (résultat attendu) soit survenue. Il y a infraction grave aux règles sur la circulation
routières (art. 90 al. 2 LCR) si le conducteur a violé une norme et qu’il a créé un danger concret pour des autres
usagers (danger pour la sécurité routière).

à l’infraction matérielle est localisée tant au lieu de l’action délictueuse qu’au lieu du résultat
attendu (qui s’est produit ou aurait dû se produire)

 Les infractions formelles ou de pure activité sont consommées par la seule réalisation du
comportement prévu par l’énoncé de fait légal (l’activité délictueuse), sans que la survenance d’un
résultat juridique ultérieur soit nécessaire.
Il y a infraction simple aux règles sur la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) dès que le conducteur viole une
norme : il conduit trop vite ou en état d’ébriété. Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il a créé un danger pour la
sécurité routière.

à l’infraction formelle est localisée au lieu de l’action délictueuse. Exceptionnellement, le


résultat attendu peut être considéré.

Le résultat (au sens large) peut être défini comme tout changement du monde extérieur (ou « tout effet
d’un acte ») causé par l’acte répréhensible.
Rappels des principaux critères de rattachement à la loi pénale suisse :

 Le jour de l’infraction et le jour du jugement = compétence ratione temporis (ancien ou nouveau droit
applicable ?)
 Le lieu de l’activité délictueuse ou du résultat : territoire suisse ou étranger = compétence ratione loci
(compétence territoriale ou extraterritoriale ?)
 Les qualités personnelles : âge, statut ou fonction, nationalité de l’auteur = compétence ratione
personae (champ d’application de loi quant aux personnes)
 La matière : nature de l’infraction = compétence ratione materiae (droit militaire ou ordinaire ?
compétence cantonale ou fédérale ?)
Cas pénaux de la séance du 9.9.2023

Cas pratique n°1 (Légalité) : Lors d’une manœuvre en marche arrière, Ruben roule par inadvertance sur le
VTT électrique de sa voisine Martine (valeur : Fr. 4'780.00). Cette dernière le menace de déposer plainte
pénale. Ruben pourrait-il être condamné pour dommages à la propriété par négligence ?

Art. 144 Infractions contre le patrimoine / Dommages à la propriété


Dommages à la propriété
1
Celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit
d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au
plus ou d’une peine pécuniaire.
2
Si l’auteur a commis le dommage à la propriété à l’occasion d’un attroupement formé en public, la poursuite
aura lieu d’office.
3
Si l’auteur a causé un dommage considérable, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de un
à cinq ans. La poursuite aura lieu d’office.

Cas pratique n°2 (Légalité) : Le 1er juillet 2023, Xavier a été reconnu coupable de lésions corporelles
graves (122 CP) par la Cour pénale du Tribunal du district de Sion (VS) pour avoir fracturé le nez et causé
des hématomes au bras droit de son épouse adultère. Xavier a justifié son acte par la nécessité de laver
son honneur et celui de sa famille ; selon le droit coutumier de son pays d’origine, il aurait dû la tuer ! Le
procureur avait requis une peine pécuniaire de 180 jours-amende pour lésions corporelles simples (art. 123
CP).

1) Outré par les déclarations du condamné, le Tribunal condamne l’accusé à une peine privative
de liberté de 11 ans ferme et à une amende de 15'000 frs pour lésions corporelles graves. Cette
condamnation est-elle conforme au droit ?
Art. 122 Lésions corporelles graves
Celui […] qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d’une personne, un de ses membres […] ou causé à
une personne […] une infirmité […] d’une façon grave et permanente […] sera puni d’une peine privative de
liberté de six mois à dix ans.

2) Les tribunaux peuvent-ils s’écarter de la loi au nom de la séparation des pouvoirs ?

3) L’épouse infidèle peut-elle être condamnée pour adultère ?

4) Au moment de juger Xavier, le tribunal aurait-il dû tenir compte du fait que le comportement était
moins « grave » que ce que prévoit le droit coutumier

Droit pénal I, Partie générale (SA 2023)


©Prof. Thierry Godel

2
Cas pratique n°3 (Localisation d’une action et principe de la territorialité) : Louise (de nationalité suisse,
domiciliée à Fribourg) a tué la maîtresse de son époux Martin (binational Hispano-Suisse) à son domicile sis
à Lausanne. Elle a commis un meurtre au sens de l’art. 111 CP (infraction matérielle). Le Code pénal
suisse est-il applicable ?

Cas pratique n°4 (Localisation d’une action et principe de la territorialité) : Carmen, une étudiante française
de passage à Fribourg pour participer à la séance de regroupement organisée dans le cadre de ses études
de droit à UniDistance Suisse, « chipe à la volée » un sac Louis Vuitton dans un magasin de luxe. Elle a
commis un vol au sens de l’art. 139 ch. 1 CP (infraction formelle). Le droit pénal suisse est-il applicable ?

Cas pratique n°5 (Localisation d’une inaction et principe de la territorialité) : Gorete est nounou à domicile.
Elle se promène au bord de la Sarine avec Lise âgée de 20 mois. Alors qu’elle est au téléphone avec une
amie (pendant 3 minutes), Lise s’approche du bord de la rivière et tombe dans l’eau. Emportée par le
courant, la petite fille se noie. Gorete est poursuivie pour homicide par négligence (117 CP). Le Code pénal
suisse est-il applicable ?

Cas pratique n°6 (Localisation d’une tentative et principe de la territorialité) : Jobin (de nationalité suisse),
domicilié à Genève, apprend que Joceline (Suissesse) entretient une relation extraconjugale avec son
collègue Marco (de nationalité italienne). Alors qu’il sait que les amants ont prévu de passer le week-end
dans la résidence secondaire de Marco au Piémont (IT), Jobin y fait livrer un colis piégé, qu’il poste depuis
l’aéroport de Genève sous un nom d’emprunt avant de s’envoler pour Paris pour participer à une
conférence. À l’ouverture du paquet, l’engin n’explose pas. Jobin avait glissé une lettre vindicative dans le
colis, pensant que celle-ci serait détruite par l’explosion. Jobin est arrêté en Suisse à son retour. Le
procureur suisse peut-il invoquer la compétence territoriale pour justifier l’application des
dispositions du Code pénal suisse (p. ex. art. 111 CP et 226 CP) ?

Cas pratique n°7 (Quasi-territorialité) : Innocent, ressortissant congolais, a été expulsé par avion (de la
compagnie Swiss) de Zurich-Kloten à Kinshasa (République Démocratique du Congo). Le vol a transité par
Yaoundé (Cameroun). Innocent était accompagné de trois agents de police du canton de Zurich, chargé de
veiller au bon déroulement de l’expulsion. Lors de l’escale à Yaoundé, alors que les passagers se trouvaient
dans l’avion, Innocent a asséné plusieurs coups de poing à un agent, lui fracturant le nez. La procédure de
refoulement a été interrompue et Innocent a été rapatrié provisoirement en Suisse.

Les autorités suisses peuvent-elles poursuivre Innocent pour lésions corporelles simples (123
CP) ?

Droit pénal I, Partie générale (SA 2023)


©Prof. Thierry Godel

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Cas pratique n°8 (Critères personnels) : Alain demande à Bernard, par messages écrits et vocaux
envoyés depuis son téléphone portable et lors d’entretiens en personne, d’abattre son épouse Corinne et
son nouveau mari Daniel. Alain promet à Bernard une rémunération de Fr. 100'000.00 par personne tuée.
Alain et Bernard sont de nationalité turque et résident respectivement à Sion et à Freiburg (Allemagne).
Corinne est de nationalité suisse et Daniel est de nationalité allemande. Tous deux vivent à Berlin
(Allemagne). À l’exception de quelques messages envoyés depuis l’Allemagne, tous les messages ont été
envoyés depuis la Suisse. Ils ont été lus et écoutés en Allemagne. Les entretiens ont eu lieu à Sion. Bernard
tue les amants à Berlin. Arrêté par la police, il passe aux aveux et explique avoir été engagée par Alain pour
commettre les crimes. Le droit pénal suisse est-il applicable ?

Cas pratique n°9 (infractions commises à l’étranger) : Lors d’une manifestation en faveur d’un commerce
équitable et écoresponsable, Léa et Marius, tous deux de nationalité française et domiciliés à Paris, jettent
des pierres contre les fenêtres du Palais fédéral à Berne. Les comparses sont arrêtés par la police bernoise.

1. Le procureur ouvre une procédure pénale à leur encontre en invoquant la compétence défensive de
l’État à l’encontre de ressortissants étrangers. Son analyse est-elle correcte ?

2. Léa et Marcus se trouvent dans les jardins de l’Ambassade de Suisse à Paris. Ils boutent le feu à deux
drapeaux suisses accrochés dans l’enceinte de l’ambassade et crient des slogans haineux à l’encontre
du gouvernement suisse. Les comparses ne sont pas poursuivis en France. Non contentes de la
passivité des autorités françaises, les autorités suisses les arrêtent à la douane de Zurich alors qu’ils se
rendaient à une manifestation sur les bords de la Limmat (ZH) et entendent les poursuivre pénalement.
Le Code pénal est-il applicable à la situation décrite ?

Cas pratique n°10 (Localisation des délits sexuels sur mineurs - principe d’universalité) : De retour en
Suisse, deux riches ressortissants espagnols sont arrêtés pour avoir eu des relations sexuelles,
« consenties », mais tarifées, avec des mineur-e-s âgé-e-s de 14 et 16 ans, à Taïwan. Les saisies et
perquisitions de leurs matériels informatiques démontrent qu’ils ont fabriqué et transféré des milliers
d’images et de vidéos pornographiques impliquant des mineur-e-s (de 8 à 14 ans), depuis la Suisse et à
l’étranger. Aucune poursuite n’est ordonnée à Taiwan, sous prétexte d’absence de preuves. Les autorités
espagnoles ne requièrent pas l’extradition de leurs ressortissants. Les autorités suisses peuvent-elles
prononcer une condamnation en application des dispositions du Code pénal suisse (196 et 197 al. 3
et 4 CP) pour les actes commis à l’étranger ?
Oui, en se référant à la compétence universelle prévue à l’art. 5 CP.

Cas pratique n°11 (Critères personnels) : Mathilda, âgée de 15 ans, se rend au poste de police avec ses
parents pour dénoncer les contraintes sexuelles dont elle a été victime dix jours plus tôt. Lors de la soirée de
fin d’année du cycle secondaire, son « copain » (âgé de 17 ans) l’a forcée à pratiquer une fellation à deux
amis (âgés de 14 ans et 19 ans). Déterminez le droit applicable à chaque coauteur ?

Droit pénal I, Partie générale (SA 2023)


©Prof. Thierry Godel

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Cas pratique n°12 (Localisation d’infractions formelles sur Internet – principe de la territorialité) : « Miss
Jeanne » est ciblée par des messages haineux sur Facebook en raison de sa transidentité. De nombreux
propos injurieux et calomnieux sont proférés à son encontre par les membres de groupements extrémistes
depuis l’étranger. Domicilié à Lausanne, elle dépose plainte pénale auprès du Ministère public de
l’arrondissement de Lausanne. Le procureur suisse est-il compétent pour ouvrir une instruction pour
injure (177 CPP), calomnie (174 CP) et utilisation abusive de moyens de télécommunication (179septies
CP) ?

Cas pratique n°13 (Localisation d’infractions informatiques – controverse doctrinale) : Un hacker ukrainien
pirate l’accès au système informatique d’une Start-Up en Suisse depuis un cybercafé à Kiev (Ukraine).
L’individu a été engagé par une entreprise américaine concurrente. Les serveurs de la Start-Up suisse se
trouvent dans ses locaux à Zoug.

1. Si le cybercriminel a accédé au réseau de l’entreprise suisse (143bis CP) pour détruire toutes ses
données (144bis CP), le CP est-il applicable ? (infractions matérielles)

2. Si le cybercriminel avait été engagé pour voler des données (143 CP), le CP serait-il applicable ?
(infraction formelle)

Cas pratique n°14 (localisation d’infractions multiples) : Anya, domiciliée à Porrentruy (JU), dépose plainte
pénale contre Maxime, qui habite à une dizaine de kilomètres de son domicile, à Courcelles (F), et qu’elle a
rencontré via un site de rencontre. Elle explique aux agents qu’elle ne se sent plus en sécurité : l’homme de
20 ans plus âgé lui envoie des emails ou l’appelle quotidiennement pour lui déclarer sa flamme, et
commente chacune de ses publications sur les réseaux sociaux comme s’ils étaient fiancés. Elle relate qu’à
plusieurs reprises, Maxime l’a suivie entre son domicile et son lieu de travail. À maintes reprises, il a menacé
de se suicider si elle se refusait à « vivre le grand Amour » avec lui. Elle explique également qu’un matin,
elle a retrouvé une lettre sur sa table de nuit sans avoir le souvenir de l’y avoir déposé. Les policiers
l’informent qu’elle est victime de « stalking » (voire de « cyberstalking »), une infraction qui n’est pas
spécifiquement réprimée par la loi pénale suisse. En l’absence de disposition topique, comment
déterminer si le droit pénal suisse est applicable ?

Droit pénal I, Partie générale (SA 2023)


©Prof. Thierry Godel

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