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LE CRIME À L’ÉCRAN
Le fait divers criminel à la télévision française
(1950-2010)
4. Roland Barthes, Essais critiques, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2000
[1964], p. 195.
8 Le Crime à l’écran
Historiographie du sujet
6. Jean Paulhan, Entretiens sur les faits divers, Paris, Gallimard, 1945.
7. Maurice Merleau-Ponty, « Sur les faits divers », dans ID., Signes, Paris,
Gallimard, 1960, p. 389-391.
8. Barthes, « Structure du fait divers », dans ID., Essais critiques (voir
note 4), p. 194-204.
9. Georges Auclair, Le Mana quotidien. Structures et fonctions de la chro-
nique des faits divers, Paris, Anthropos, 1982 [1970].
10. Annik Dubied, Marc Lits, Le Fait divers, Paris, PUF, 1999.
11. Jean-Pierre Seguin, Nouvelles à sensation. Canards du XIXe siècle, Paris,
Armand Colin, 1959.
10 Le Crime à l’écran
12. Marc Ferro, « Fait divers, fait d’histoire », dans Annales ESC, 38e année,
n° 4, juillet-août 1983, p. 821, p. 825-919.
13. Michelle Perrot, « Fait divers et histoire au XIXe siècle », Ibid. p. 911-
919.
14. Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris,
Gallimard, 1975 ; ID., Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur
et mon frère, Paris, Gallimard, 1994 [1973].
15. Arlette Farge, Dire et mal dire, Paris, Seuil, 1992.
16. Michelle Perrot, Les Ombres de l’histoire. Crime et châtiment au
XIXe siècle, Paris, Flammarion, 2001.
17. Isabelle Veyrat-Masson, Quand la télévision explore le temps. L’histoire
au petit écran, Paris, Fayard, 2000, p. 8.
18. Jean-Noël Jeanneney, Une histoire des médias. Des origines à nos jours,
Paris, Seuil, 1996.
19. ID., Monique Sauvage (dir.), Télévision, nouvelle mémoire. Les maga-
zines de grand reportage, Paris, Seuil, INA, 1982.
Introduction 11
29. L’année 1954 inaugure cet échantillonnage car c’est à cette date que
le journal télévisé commence à trouver son identité, change de forme et
sort de l’obscurité pour devenir peu à peu une institution. Voir plus de détails
à la fin de l’ouvrage (« Sources »).
14 Le Crime à l’écran
31. Ibid.
32. Ibid.
Introduction 17
Lire un fait divers, c’est avoir entre les mains un journal dont
on aura d’abord feuilleté les pages, parcouru les titres, lu
quelques articles avant de tomber sur une brève concernant
l’affaire criminelle du moment. Dans le cas du petit écran, le
fait divers ne laisse aucun choix au téléspectateur : le même
crime ne sera évoqué qu’une fois, entre le compte-rendu d’un
procès politique et un sujet culturel. Comprendre et mesurer le
fait divers, c’est d’abord replacer celui-ci dans son environne-
ment familier, le journal télévisé, et tenter d’identifier plus géné-
ralement ce qui, dans le cadre de la rubrique ou non, relève du
récit criminel50.
Morphologie de la rubrique
Terminologie
Hiérarchie
Images
Angle du récit
Thématiques
Résultats
Les crimes ont, plus que les délits, la faveur des journalistes :
80 % des sujets en 1960 et 78 % en 1970 relèvent des infractions
Conclusion
60. Ambroise-Rendu, Les Faits divers dans la presse française (voir note
25).
61. M’Sili, Le Fait divers en République (voir note 22), p. 213.
62. Combat, 2 septembre 1944. Cité dans Martin, Médias et journalistes
de la République (voir note 56), p. 285.
63. M’Sili, Le Fait divers en République (voir note 22), p. 217-226.
50 Le Crime à l’écran
réponse claire : ce sont d’abord les faits divers qui attirent leur
attention (35 %), puis les articles sportifs (32 %), les comptes-
rendus artistiques (18 %), et, loin derrière, la politique (9 %)
et les annonces (6 %)64. Finalement, le grand public a tranché,
mettant fin à une brève abstinence.
Le cas de la télévision
69. Ibid.
70. Assemblée nationale, séance du 1er décembre 1954, p. 5638.
L’image sous haute surveillance : télévision et morale 55
Le consensus politique
Il importe de souligner le consensus politique général qui
a accompagné l’adoption du texte de loi. Les parlementaires,
quelle que soit leur place au sein des deux hémicycles, ont
convergé sur un point : la nécessité d’interdire l’intrusion des
médias dans les salles d’audience. Même le conseiller rappor-
teur de la Commission de la presse Léo Hamon, que l’on aurait
pu supposer plus réfractaire à un texte restreignant la loi de
1881 sur la liberté de la presse, s’est empressé d’exprimer son
« assentiment73 » à la proposition de loi. Jean Minjoz (socialiste),
Pierre Marcilhacy (indépendant), Léo Hamon (MRP), Albert
Maton (communiste) et le garde des Sceaux (radical) : tous
avancent l’argument fondé sur l’idée de rénovation de l’insti-
tution judiciaire. Quant aux autres parlementaires, leur accord
résonne à travers les nombreux applaudissements qui ont ponc-
tué les discussions. En 1954, la réaffirmation unanime des prin-
cipes du bon fonctionnement de la justice traduit, chez tous les
politiciens, une large méfiance à l’égard des médias, d’abord
perçus comme un obstacle au « redressement d’une nation »
plutôt que comme une garantie démocratique.
71. Ibid.
72. Journal officiel, 8 décembre 1954, p. 11445.
73. Conseil de la République, séance du 29 juin 1954, p. 1181.
56 Le Crime à l’écran
74. Ibid.
75. Assemblée nationale, Documents parlementaires, séance du 23 jan-
vier 1953, Annexe n° 5353, p. 53.
L’image sous haute surveillance : télévision et morale 57
ponsabilité du crime pour sauver leur tête : ils seront tous deux
condamnés à vingt ans de réclusion criminelle83.
L’exaspération autour de cette affaire à rebondissements
arrive à retardement à la tribune parlementaire. Plus d’un an
après l’enlèvement du petit Éric, le 23 juin 1961, le député de
Seine-Maritime Raymond Carter (UNR), s’adressant au ministre
de l’Information Louis Terrenoire lors de la séance de questions
au gouvernement, s’inquiète du « rôle pour le moins inhabituel
tenu par la télévision française dans l’instruction ». Rappelant la
réforme de la procédure de l’instruction criminelle intervenue
en 1958 et qui visait à mieux garantir le secret et donc l’effi-
cacité de l’enquête, Carter s’indigne « que des accusés, leurs
complices ou même leurs victimes, puissent, au cours d’inter-
views généreusement accordées, soit nous gratifier de leurs
confessions, soit, plus gravement encore, formuler en public
des accusations ou des dénégations sur des points précis consti-
tuant ou pouvant constituer des chefs d’inculpation84 ». De
quelles interviews parle-t-il ? Le parlementaire, qui semble pour-
tant se montrer très attentif aux faits et gestes du petit écran, ne
cite aucun reportage ou journaliste particulier : il s’agit moins
de poser le débat des pratiques journalistiques à travers la dési-
gnation d’un cas que de réaffirmer, là où ils tendraient à s’es-
tomper, les principes moraux qui doivent animer une société
et transpirer de tous les vecteurs de l’État. Le flou de l’accusa-
tion oblige Pierre Sabbagh à rechercher ce qui pourrait avoir
motivé de tels propos. Il envoie une note au directeur de l’in-
formation René Thibault lui rapportant les détails de deux
affaires pouvant être à l’origine de la question écrite du député
Carter : l’affaire Peugeot et l’affaire Émonet85.
83. Rolland est remis en liberté après douze ans d’incarcération : il finit
par enseigner le droit. Larché purge quatorze années et se réinsère profes-
sionnellement dans le monde de l’édition.
84. AN, Archives de Pierre Sabbagh, RTF-ORTF, 1953-1968, CAC : 950256,
Carton 8.
85. Madame Émonet, mise en liberté provisoire alors qu’elle se trouvait
accusée d’avoir empoisonné la fille de madame Pennec, avait été interviewée
L’image sous haute surveillance : télévision et morale 63
Air France, qui a passé des accords avec la RTF pour que
celle-ci envoie à coûts réduits ses journalistes à travers le
monde, peut compter sur la discrétion de la radio française.
Quant à la télévision, Lucien Renault n’a même pas pris la peine
de contacter le directeur du journal télévisé à propos de ce sor-
dide fait divers !
La vigilance parlementaire, on le voit, ne faiblit pas. Mais au-
delà de quelques remontrances, le journal télévisé des
années 1950 et 1960 reste majoritairement muet et aveugle face
à la réalité criminelle en France.
L’affaire d’Uruffe est ignorée. Sur les six faits divers recensés,
cinq concernent des accidents ou des catastrophes (inondations
en Italie, explosion à Brooklyn, incendie dans le métro de New
York, inondations à Singapour, crash d’un G47 américain) et un
seul convoque une figure criminelle, en la personne du Dr John
Adams, accusé du meurtre d’au moins deux de ses patientes en
Grande-Bretagne. Finalement, les téléspectateurs français n’ont
cette semaine aucune raison de se sentir menacés par les indi-
vidus criminels – encore moins ceux qui portent la soutane: non
seulement le petit écran évoque ces faits divers au compte-gouttes,
mais en plus, aucun ne provient de l’hexagone.
Même scénario quelques mois plus tard, lorsque s’ouvre le
procès de Guy Desnoyers devant la cour d’assises de Meurthe-
et-Moselle, le 24 janvier 1958. Cette fois, l’événement est depuis
longtemps inscrit sur « l’agenda » des rédactions d’information
et l’équipe du journal télévisé ne peut donc arguer avoir été
prise de court. Pourtant, aucun reporter de télévision n’a fait
le voyage Paris-Nancy, alors que les plus prestigieuses plumes
de la chronique judiciaire (Madeleine Jacob pour Libération,
Jean-Marc Théolleyre pour Paris-Journal, René Héricotte pour
Le Parisien libéré, Bertrand Poirot-Delpech pour Le Monde, etc.)
sont présentes au palais de justice.
La couverture par la presse écrite est encore plus importante
qu’en 1956 et les titres s’étalent à grand renfort de superlatifs.
Dès le 7 janvier, en guise de prologue au procès, Libération
publie sous la plume de Madeleine Jacob un feuilleton racon-
tant le crime en cinq épisodes. Puis les autres quotidiens entrent
dans la surenchère : « Un crime d’une horreur totale », titre
Combat (13 janvier 1958) ; « L’horrible drame d’Uruffe » lit-on
dans Le Parisien libéré (20 janvier 1958) ; « Un effroyable crime
qui a plongé dans la stupéfaction les autorités de l’Église, de
la magistrature et de la psychiatrie » (L’Aurore, 20 janvier 1958) ;
« Le crime monstrueux du curé d’Uruffe » (Libération, 24 jan-
vier 1958) ; « Pour l’arrivée de son nouveau curé, le conseil
municipal d’Uruffe a fait blanchir à la chaux le presbytère du
malheur » (L’Aurore, 24 janvier 1958), etc. Pendant ce temps, la
télévision ignore à nouveau l’événement, plus volontiers pré-
L’image sous haute surveillance : télévision et morale 69
Conclusion
Les journalistes
97. Ibid.
La fabrique du fait divers 77
Un journalisme de « missions »
Dysfonctionnements du service
que ce n’est pas le vôtre non plus. » Il est tout aussi incisif à
l’égard de Georges de Caunes, qui « a fait deux piges en quatre
mois », ou encore de Claude Thomas : « C’est un mythe. On le
voit quand il veut, encore heureux, lorsqu’il fait un travail, qu’il
ne l’abandonne pas [sic] en cours d’exécution. » Si aucun recru-
tement n’est envisagé, Villedieu prévient : « La qualité des émis-
sions s’en ressent[ira] grandement109. »
Il est une personne que ces dysfonctionnements de l’informa-
tion télévisée mécontente, une personne influente que les cadres
de la RTF écoutent et essaient de satisfaire: le téléspectateur.
« Plus d’images »
Conclusion
L’apprentissage de l’écran
Le style « Pottecher »
Le sens de la théâtralisation
La passion du théâtre joue un rôle déterminant dans la
construction de l’identité du journaliste: une voix puissante, des
effets de relief, d’emphase, des ruptures de ton, des citations, des
imitations de voix… caractérisent ses prestations à l’écran. Il
exploite toutes ces techniques de mise en scène pour établir un
contact et captiver le public. La chronique judiciaire télévisée
devient alors le lieu où s’exerce une nouvelle dramaturgie du réel.
Naissance de la chronique judiciaire 99
Le sens de la narration
Au contact des œuvres littéraires depuis son plus jeune âge,
le chroniqueur a acquis un talent de conteur et un sens de la
nement pas mieux qu’son père » mais « n’est pas une brute
épaisse ». Avril est un travailleur modèle :
Objectivité ou honnêteté ?
Quelle est l’implication du chroniqueur à l’égard de ses « per-
sonnages » ? Frédéric Pottecher n’hésite pas à manifester une
empathie pour l’accusé ou la victime. Mais la partialité peut être
perçue comme une interférence sur le jury, les magistrats et l’ar-
rêt de jugement. Parce qu’il possède la visibilité accrue que
lui confère le petit écran, le chroniqueur s’est bien interrogé sur
les limites du compte-rendu judiciaire dès ses premières appa-
ritions. Mais sa qualité de chroniqueur autorise justement le
caractère « engagé » de ses interventions : pour peu qu’il res-
Un chroniqueur logorrhéique
En observant les conducteurs d’actualité même incomplets
des journaux télévisés, on peut faire ce constat : les interven-
tions de Pottecher font quelquefois plus de huit minutes, rare-
ment moins de quatre. Et si le public apprécie généralement, il
n’en va pas de même dans les bureaux de la direction de l’in-
formation. Les premières collaborations de Pottecher pour la
radio avaient déjà fait l’objet de vives tensions avec Pierre
Desgraupes. Le scénario est identique avec la télévision. S’il
rédige un papier pour mieux structurer sa chronique, il aban-
donne vite cette armature écrite au profit d’un style oral, fait de
digressions, de commentaires emboîtés, etc. Le 3 décembre
1961, à l’occasion du procès de Marie Besnard, il délaisse son
feuillet et entame sa tirade :
Conclusion
Un choix éditorial
151. Ibid.
112 Le Crime à l’écran
152. Ibid.
114 Le Crime à l’écran
Réhabiliter
Prévenir
Comprendre
Vous avez peut-être croisé ces pas dans la rue mais c’est
le seul point commun entre lui et vous. Pour le reste, vous
n’appartenez pas au même monde… Vous ne vivez pas,
vous ne sentez pas, vous ne pensez pas de la même
façon… La seule chose qui pourrait vous réunir serait que
cet homme tire sur vous pour vous voler… C’est un
voyou171 !
174. Un film tiré de cette histoire est sorti en novembre 2005 : J’ai vu tuer
Ben Barka (réal. Serge Le Péron).
Cinq colonnes à la une et l’événement criminel 133
Admirer
Observer
La jeunesse délinquante
C’est l’un des sujets de société les plus fréquemment traités par
les journalistes en matière de récit criminel. La figure du « jeune
délinquant » est née au XIXe siècle, à la faveur de l’accumulation
de faits divers mettant en scène de jeunes adultes ou des ado-
lescents coupables de crimes ou délits. Ce sont d’abord quelques
criminels isolés, comme Jean-Baptiste Troppmann (19 ans), auteur
du « crime de Pantin » en 1869. Mais c’est surtout avec l’émergence
des « bandes » que la figure du jeune délinquant connaît une
exceptionnelle médiatisation179 et devient une menace pour la
société. Face à l’amplification du phénomène, la presse invente
le stéréotype de l’« apache ». La presse écrite, occupée à décli-
ner ce nouvel objet de fascination, succombe à tous les raccour-
cis, ne distinguant plus clairement la bêtise d’un jeune enfant de
l’acte criminel d’une bande d’adolescents. La jeunesse ouvrière se
trouve ainsi stigmatisée, assimilée à la criminalité et à la délin-
quance malgré les statistiques qui révèlent dès 1895 une dimi-
nution du nombre d’affaires concernant les moins de 16 ans180.
Soixante ans plus tard, l’« apache » de la Belle Époque a cédé
la place au « blouson-noir » des années yé-yé. Les références
culturelles ont changé : la banlieue, le rock and roll, les virées
en motos, les soirées à la fête foraine ou les parties de Baby-
foot ont remplacé les faubourgs, les bals musettes, les terrains
vagues et la mode des foulards et des vestons cintrés.
Entre 1958 et 1965, le taux de délinquance juvénile est passé
de 15 à 26 % et la société française s’inquiète à nouveau pour
Le suicide
Conclusion
La période qui suit Mai 1968 est marquée par une volonté
politique forte de retour à l’ordre public et les violences du prin-
temps servent de prétexte à Raymond Marcellin, ministre de
l’Intérieur, pour prendre des mesures d’urgence destinées à
Thématiques
Définitions et étymologie
Par quel glissement passe-t-on du « crime » au « récit crimi-
nel », du « récit criminel » au « discours sécuritaire » et du « dis-
cours sécuritaire » au « sentiment d’insécurité » ?
La rhétorique de l’insécurité
dans la presse de droite (1968-1986)
216. Jean-Pierre X., Bruno T. et Alain Grenouille, tous trois impliqués dans
des affaires de meurtres.
La montée des violences : réalités et reflets 175
Les assassins sont parmi nous. […] On sait aussi (on croit
savoir) où trouver les meurtriers. En gros, et l’enquête
s’oriente vers Clichy, Aubervilliers, Bezons, Colombes,
Stains, La Courneuve, Pierrefitte, Bondy, Bobigny,
Villemomble, Ivry, Vitry, Choisy, Créteil, Villeneuve, Les
Mureaux ou toute autre localité.
224. Ibid.
La montée des violences : réalités et reflets 179
La rhétorique de l’insécurité
dans la presse de gauche (1968-1986)
Conclusion
« Libéralisation » de l’information :
la réforme Chaban-Delmas (1969-1972)
299. Cité dans Asline, La Bataille du 20 heures (voir note 296), p. 92.
Rapporter l’événement criminel 215
305. Cité dans Asline, La Bataille du 20 heures (voir note 296), p. 92.
218 Le Crime à l’écran
Exemples d’autocensures
Le régime de liberté qui gouverne la conscience du jour-
naliste oblige quelquefois ce dernier à préférer l’autocensure
dans les cas où la médiatisation d’un événement criminel se
révélerait potentiellement génératrice de violences. Dans les
années 1970, le cas des prises d’otages favorise à plusieurs
reprises le choix de l’autocensure. En 1971, Philippe Gildas rap-
porte qu’il a, en accord avec le présentateur Étienne Mougeotte,
pris la décision de ne plus traiter les prises d’otages dans les
banques, ayant pris conscience que la médiatisation profitait
surtout aux malfaiteurs, protégés par la caméra, et desservait
l’action des policiers, qui rendaient ensuite responsable la télé-
vision de l’échec d’une opération. La même précaution est prise
simultanément au sujet des mutineries dans les prisons,
quelques semaines après le drame de Clairvaux (sep-
tembre 1971). Le risque d’embrasement des centrales est alors
trop élevé, considèrent d’un commun accord les responsables
Faits
Morphologie
319. Ibid.
Rapporter l’événement criminel 237
Restituer un microcosme
Le souci de l’envoyé spécial d’une chaîne de télévision natio-
nale dépêché en province sur les lieux d’un crime est, au-delà
de l’approche factuelle, de parvenir à restituer le microcosme
qui donne à une région une atmosphère particulière, une cou-
leur digne d’intérêt aux yeux des journalistes et des publics.
L’image de télévision remplit cette fonction, disposant comme
sur une scène de théâtre tous les indices visuels qui permettent
de planter le décor du drame.
Dans l’affaire de Bruay, la caméra s’attarde sur l’environ-
nement général du fait divers. Chaque séquence aide alors à
définir les caractéristiques essentielles de la région minière.
Bruay apparaît d’abord dans sa dimension économique et
industrielle: vues des crassiers et des terrils, rues commerçantes;
puis sous l’angle social : travelling lancinant dans la cité des
corons aux maisons de briques identiques, enfants jouant au
ballon dans les terrains vagues, femmes cachées derrière les
rideaux de leurs fenêtres, jeunes filles sortant du lycée, etc.
La dimension culturelle et religieuse de Bruay ne retient pas
le regard de la caméra qui se contente d’un bref et incontour-
nable plan de l’église, administrée par l’abbé Romain Grard :
il s’agit d’ailleurs moins de signifier la foi des habitants, solide
malgré la pauvreté et les difficultés quotidiennes, que d’illus-
trer le deuil des Bruaysiens après le meurtre de Brigitte.
Le microcosme qui se dessine généralement dans les récits
de fait divers renvoie donc l’image d’un purgatoire, plus que
d’un enfer sur terre. Au-delà d’un certain esthétisme, l’affaire
de Bruay met en scène des lieux sinistres mais humains, des
territoires d’errance souvent vides ou habités d’une animation
sans joie, résignée. La caméra offre ainsi une promenade cafar-
deuse au pays des hommes. Ces plans, quelquefois neutres
mais plus fréquemment dépréciatifs, font souvent l’ouverture
ou la fermeture des reportages, afin d’encadrer l’action éven-
tuelle dans le décor nécessaire à la bonne compréhension des
événements. On remarque également que la nécessité de res-
tituer ce microcosme s’estompe dans le temps : le fait divers
étant décliné en feuilleton, il n’est plus indispensable au fil des
240 Le Crime à l’écran
Recueillir la parole
C’est à travers la parole coléreuse ou éplorée, maladroite ou
confuse, exprimée par les acteurs du drame que le récit fait-diver-
sier prend toute sa force émotionnelle. Une hiérarchie ordonne
les différents témoignages et, de ce point de vue, la parole des
victimes ou de leur entourage direct est prioritaire aux yeux des
Rapporter l’événement criminel 241
Conclusion
332. Ibid.
333. Entretiens épistolaires avec l’auteur, 2001.
250 Le Crime à l’écran
337. D’autres journalistes sont parfois chargés de couvrir les procès : citons
par exemple Jean-Louis Burgat (TF1) ou Ladislas de Hoyos (TF1). S’ils n’ont
pas l’exclusivité de la rubrique, Paul Lefèvre et Jean-Pierre Berthet en sont
néanmoins les principales figures aux cours des années 1970-1980.
258 Le Crime à l’écran
339. Ibid.
Rapporter l’événement criminel 261
Conclusion
Figures
Le cannibale
Un couple se promène le 13 juin 1981 dans le parc du bois
de Boulogne et remarque deux valises sur les berges du lac.
L’homme s’approche et demande au promeneur asiatique assis
à proximité sur un banc si elles sont à lui. L’asiatique répond
que non. Le couple ouvre alors les valises et découvre un spec-
tacle macabre : dans un drap sanguinolent sont entassés les
membres découpés d’un être humain. Choqué, l’homme part
aussitôt prévenir la police. L’affaire de « la malle sanglante »
commence. Le médecin légiste établit d’abord que la victime
est morte d’une balle tirée à bout portant et qu’elle a ensuite
été dépecée au niveau des régions fessières, pubiennes, vul-
vaires, mammaires et labiales. Un appel à témoin est alors lancé
par les enquêteurs qui recueillent les témoignages de plusieurs
promeneurs intrigués par le manège d’un petit homme, d’ori-
gine asiatique, qui est arrivé en taxi avec deux grosses valises.
La description publiée dans la presse écrite alerte une habitante
du 10 rue Erlanger, dans le XVIe arrondissement de Paris. Un
des locataires de son immeuble, Issei Sagawa, a précisément
transporté deux lourds bagages le matin même de la décou-
verte sanglante. Les policiers se rendent au domicile du
dénommé Sagawa, qui, poliment, leur ouvre la porte et ne fait
aucune difficulté à avouer tranquillement son meurtre. Au cours
de la perquisition, les policiers découvrent des morceaux de
chair humaine dans la poêle, cuits et assaisonnés de moutarde.
D’autres attendent dans le réfrigérateur…
Quand le crime du monstre provoque haine et émotion, celui
du fou se heurte à l’entendement et n’inspire qu’une stupéfac-
tion horrifiée: « Âmes sensibles, s’abstenir… », prévient d’emblée
Patrick Poivre d’Arvor, le 16 juin 1981, avant d’introduire le repor-
tage de Bernard Marchetti chargé de « raconter cet horrible fait
divers, né de la découverte de valises sanglantes dans le bois
de Boulogne370 ». S’ensuit un commentaire très factuel et neutre
pour évoquer un crime qui ne l’est pas :
nibale s’efface donc des écrans sans avoir donné lieu à une réelle
réflexion sur la folie ou l’anthropophagie.
Elle réapparaît néanmoins deux ans plus tard, dans le jour-
nal télévisé d’Antenne 2, le 30 mars 1983, alors que le juge
Bruguière vient de conclure à l’irresponsabilité pénale d’Issei
Sagawa. S’appuyant sur le rapport des trois experts qui ont exa-
miné l’homme, le magistrat instructeur reconnaît en effet l’état
de démence de Sagawa au moment du crime et, en vertu de
l’article 64 du code pénal, le déclare inaccessible à une sanc-
tion pénale. Issei Sagawa est interné à l’hôpital psychiatrique
de Villejuif dans une unité réservée aux malades dangereux.
Aux yeux de la justice française, Issei n’est plus un criminel,
mais un malade mental. Mais aux yeux de la presse, il reste
avant tout un meurtrier.
Fou ou criminel ?
La prédominance de la dimension criminelle sur la dimension
psychiatrique dans la presse s’explique par le fait que journaux,
radio et télévision restent fascinés par l’acte cannibale. Fin
décembre 1983, le magazine Photo relance l’affaire en publiant
14 clichés pris au moment de la perquisition chez Sagawa puis
à l’institut médico-légal. Les photos, vendues à la presse par un
policier, sont insoutenables : on y voit les morceaux de chair
posés sur des assiettes en carton et le cadavre déchiqueté de
Renée sur une double page. Le « cannibale japonais » resurgit
donc à la télévision sous l’angle déontologique et la question du
secret des sources375. Le 20 janvier 1984, Noël Mamère condamne
d’emblée « les pulsions auxquelles une certaine presse fait appel
pour vendre du papier376 ». Au-delà du cas éthique, l’occasion de
revenir sur l’acte monstrueux et la fascination qu’il exerce est trop
forte. Interrogé, « l’éminent psychiatre » Yves Pelicier rappelle
L’étranger
Une troisième dimension intervient en surimpression dans
ce portrait d’une folie criminelle peu ordinaire : si Issei Sagawa
est un « autre », c’est aussi parce qu’il est étranger. La désigna-
tion « Japonais cannibale » est d’ailleurs révélatrice d’un tout
indissociable, le cannibalisme étant défini à partir de l’iden-
tité japonaise. Le discours journalistique se teinte alors d’un
nationalisme subliminal, révélateur d’une société française de
plus en plus gagnée par le racisme, le repli sur elle-même.
L’affaire Sagawa se fond dans le contexte social et écono-
mique français du début des années 1980, marqué par la crise
identitaire et les tentations protectionnistes. Issei Sagawa per-
sonnalise ainsi la menace causée par « l’invasion » des impor-
tations japonaises dénoncée par le chef de l’État lui-même en
1981. Le fait divers prend une double dimension : si la France
veut conserver sa bonne santé (économique), elle doit
reprendre en main le contrôle de ses frontières (commerciales)
et ne pas hésiter à enrayer l’arrivée des (produits) étrangers. Le
médecins japonais, par des gens de sa culture, par des gens qui
vont essayer… d’extraire de lui… ce qu’il a effectivement d’in-
quiétant383. » Si le cannibalisme rituel est un comportement cul-
turel384, le cannibalisme d’Issei Sagawa est d’ordre pathologique,
lié à des troubles psychotiques et névrotiques, et n’a donc rien
à voir avec les rares cas de « cannibalisme guerrier » relevés
en Asie par les anthropologues385.
La représentation du Japon à l’écran est finalement ambi-
valente. Malgré ses exportations de produits de haute techno-
logie, le Japon reste dans les imaginaires véhiculés par la télé-
vision française un pays ancestral et barbare, présentant une
altérité archaïque quand, précisément, le cannibalisme de
Sagawa semblerait renvoyer davantage aux revers d’une société
hypermoderne où l’individu se trouve souvent subordonné au
corps social. Les frustrations affectives engendrées pourraient
alors expliquer certains comportements pathologiques et le sens
aigu du tragique (suicides, pensées eschatologiques, etc.).
La télévision a donc privilégié la dimension spectaculaire de
l’affaire Sagawa. Sans doute l’image a-t-elle favorisé cette mise
en scène : l’affaire Durieux apporte ici la preuve que les images,
fixes ou animées, intégrées dans une logique de marché, génè-
rent une surenchère visuelle qui sacrifie ici en premier lieu la
mise en perspective scientifique, psychiatrique ou anthropo-
logique. Reste que, contrairement aux commentateurs de la
presse écrite à la Belle Époque, les journalistes de télévision ne
manifestent plus la même déférence à l’égard du code pénal.
Quand à la fin du XIXe siècle, le fou criminel pouvait « bénéfi-
cier de l’apitoiement des rédacteurs », ceux-ci présentant « des
arguments tout à fait conformes à ceux du code pénal », on
ne perçoit plus cette tolérance à l’égard du criminel suspecté
de folie au siècle suivant. Le code pénal semble lui-même ne
L’enfant
« Si toutes les victimes des récits ne sont pas des enfants, la grosse
majorité des enfants présents dans les récits sont des victimes393. »
La douleur parentale
Parents de victimes
Trois étapes émotionnelles sont perceptibles dans les récits
qui mettent en scène les parents de la victime : l’angoisse, le
désespoir, le chagrin, chacune correspondant à une étape du
scénario criminel.
L’angoisse, c’est celle de l’attente après la disparition de l’en-
fant. C’est généralement à ce stade que la figure parentale est
la plus visible à l’écran puisqu’il s’agit d’alerter et de mobili-
ser les médias tant que l’espoir existe de retrouver l’enfant
vivant. Phase clé de l’enquête elle-même, les parents pren-
nent la parole moins pour s’adresser aux téléspectateurs que
pour faire passer un message au criminel : « Dans la famille de
Maria-Dolorès, c’est l’attente… l’attente douloureuse… et l’ap-
pel pathétique d’un père394. » En larmes, monsieur Rambla avait
lancé un message impératif à l’endroit du ravisseur. Deux ans
plus tard, c’est la mère de Philippe qui prend la parole. Le
3 février 1976, c’est « une femme jeune et jolie malgré l’an-
goisse395 » qui vient se présenter devant les micros et les camé-
ras pour lancer un appel désespéré au ravisseur de son petit
396. Ibid.
397. INA, Journal télévisé, 20 heures, TF1, 18 février 1976.
398. INA, Journal télévisé, 19 h 10, FR3 Marseille, 5 juin 1976.
399. INA, Journal télévisé, 23 heures, Antenne 2, 20 février 1976.
400. INA, Journal télévisé, 13 heures, TF1, 9 mars 1976.
Faits divers, société, institutions 295
Parents de criminels
La fascination pour la figure du tueur d’enfants conduit les
journalistes à remonter jusqu’aux géniteurs du monstre pour leur
demander ce qui a pu causer le passage à l’acte criminel. Mais
ce que les télévisions retiennent à l’écran, ce sont moins les
réponses que les questions et
les silences effarés de ces
parents meurtris dans leur
chair par leur enfant meurtrier.
Le regard perdu, la mère de
Patrick Henry parle ainsi d’un
enfant « gentil » mais « son-
geur402 », sans être capable de
remonter le chaînon des cau-
La foule
La foule justicière
Les journalistes ne se contentent pas d’insérer des images
de foules dans leurs sujets : ils en parlent et font d’elles des
figures à part entière en leur attribuant une identité et une fonc-
tion propres. Mais le premier contact du reporter avec la foule
est souvent tumultueux : en face de lui se dresse une masse
humaine qui, après le meurtre d’un enfant, ne peut plus conte-
nir son désir de vengeance.
Les récits télévisuels s’attachent d’abord à restituer la den-
sité de la foule. Les précisions d’ordre quantitatif sont rarement
données, tout juste apprend-on, le 14 avril 1972, que « 200 per-
sonnes environ s’étaient massées devant le commissariat de
298 Le Crime à l’écran
vision une masse active dont le caractère violent n’est que plus
évident. Ainsi, le 5 mai 1972, rue de la Comté à Bruay, la foule
survoltée bouscule, frappe, poursuit et enfin trébuche406.
408. Ambroise-Rendu, Les Faits divers dans la presse française (voir note
25), p. 253.
409. INA, Journal télévisé, 20 heures, Antenne 2, 10 mars 1976.
410. Jacques Lombard, « La peine et la répression », dans Jean Poirier (dir.),
Histoire des mœurs, Tome II, Modes et modèles, Paris, Gallimard, coll. « La
Pléiade », 1991, p. 649.
411. Ibid. p. 651.
Faits divers, société, institutions 301
La foule compassionnelle
La foule compassionnelle se présente sur trois points comme
l’exact inverse de la foule justicière. Premièrement, si la colère
divise, la compassion rassemble : la foule compassionnelle
412. Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, PUF, 1971, p. 98-99.
413. INA, Journal télévisé, 19 h 10, FR3 Marseille, 11 mars 1976.
414. INA, Journal télévisé, 23 heures, Antenne 2, 10 mars 1976.
302 Le Crime à l’écran
Institutions
Le corps judiciaire
Le juge d’instruction
La procédure voudrait que le juge d’instruction soit un per-
sonnage muet et invisible à l’écran. Si la règle est généralement
respectée, elle est quelquefois superbement ignorée. C’est le
cas de l’affaire de Bruay-en-Artois qui fait émerger sur la scène
publique la figure du « petit juge » et inaugure pour la première
fois à la télévision la réflexion sur cette fonction, à caractère
accusatoire dès son apparition sous l’Ancien Régime mais ayant
évolué vers un modèle d’instruction « à charge et à décharge »
codifié en 1808 par le code criminel napoléonien. La complexité
juridique du dossier et la personnalité du juge Pascal qui, depuis
le début de l’enquête, rompt avec la réserve de rigueur, oblige
la rédaction de l’information télévisée à s’emparer du sujet. Le
4 mai 1972, un mois après la mort de Brigitte, le fait divers est
devenu une question de société introduite par Étienne
Mougeotte dans le magazine L’Actualité en question :
L’avocat
Contrairement à celle du juge d’instruction, la parole de
l’avocat est libre : à partir du moment où il respecte le secret de
l’enquête, il peut apparaître sans crainte dans la presse. L’avocat
devient dès le XIXe siècle une figure médiatique incontournable,
source privilégiée des chroniqueurs judiciaires (ou chroniqueur
lui-même426) qui ne cachent pas en retour une grande admi-
ration à l’égard de certains « ténors du barreau ». L’avocat de
la défense, parce qu’il défend bien souvent le monstre indé-
fendable, attire l’attention des reporters. La vivacité intellec-
tuelle et l’habileté rhétorique de Moro-Giafferi (Landru),
Maurice Garçon (Violette Nozière) ou René Floriot (Petiot)
emportent l’adhésion sur les bancs de la presse.
Les années 1950 et 1960 sont pourtant marquées par le recul
de la figure de l’avocat pour des raisons d’ordre générationnel, la
plupart des grands avocats ayant pris leur retraite sans que la
relève ne se soit imposée. De plus, l’omniprésence de Frédéric
Pottecher a rendu inutile son apparition à l’écran: privé d’images,
l’avocat n’est pas privé d’une parole restituée indirectement. Le
début des années 1970 change la donne avec le retrait de
Pottecher et l’émergence d’une nouvelle génération d’avocats
d’autant plus exposés que la question de la peine de mort devient
centrale. L’avocat pénaliste réapparaît dans la presse sous des traits
rajeunis : Robert Badinter (Bontems, Henry), Philippe Lemaire
(Bontems), Thierry Lévy (Buffet), Paul Lombard (Ranucci), etc.
426. Au XIXe siècle, le journalisme judiciaire était pratiqué par les avo-
cats eux-mêmes qui, grâce à leurs compétences juridiques, pouvaient ali-
menter les gazettes spécialisées. L’Association des journalistes de la presse
judiciaire comptait ainsi les avocats Raymond Poincaré ou Alexandre
Millerand parmi ses fondateurs en 1887.
308 Le Crime à l’écran
La procédure
« des cris hostiles aux jurés et aux avocats » qui avaient sauvé
la tête de Patrick Henry, tandis qu’un « inspecteur de police,
que la foule [avait] pris pour un juré, [était] violemment mal-
mené449 ».
Un tel comportement est vivement critiqué sur les bancs
de la presse, où l’on respecte généralement le principe des jurés
populaires. Jean-Pierre Berthet leur reconnaît volontiers une
certaine indépendance quand Jean-Pierre Pernaut les présente
comme plus influençables : les jurés d’Aix-en-Provence n’ont
pas décidé la peine de mort, ils « ont suivi l’avocat général qui
avait requis la peine de mort450 ». Ce point de vue rejoint celui
qu’exprimait Gustave Le Bon un siècle plus tôt, persuadé que
« les jurés sont très impressionnés par des sentiments et très fai-
blement par des raisonnements, […] fort éblouis par le pres-
tige451 » d’une robe.
La question du jury populaire et du secret des délibérations
intéresse au-delà du journal télévisé. Entre 1956 et 1968, la dra-
matique En votre âme et conscience explorait déjà le poids du
verdict populaire en revisitant de grands procès d’assises. Mais,
en 1974-1986, la série Messieurs les jurés va plus loin dans la
mise en scène et le dévoilement du secret des délibérations. Le
principe est de faire la reconstitution exacte d’un procès d’as-
sises, plus ou moins inspirée de faits réels, et de confier la déli-
bération et le verdict à un jury de neuf téléspectateurs volon-
taires. Depuis l’arrêt d’En votre âme et conscience en 1968, il
manquait à la télévision une grande série judiciaire. Mais quand
l’émission de Desgraupes, Dumayet et Barma revisitait les
grands faits divers historiques du XIXe siècle, celle d’Alain Franck
et André Michel choisit volontairement d’aborder les tabous de
la société des années 1970 et 1980 : la récidive, l’autodéfense,
le chômage, la marée noire, l’homosexualité, le racisme, etc. La
séquence du délibéré est cruciale et l’une des plus longues.
Sélectionnés pour leur « représentativité » à partir du courrier
Au milieu des années 1980, le fait divers a pris ses aises dans
les journaux télévisés. Genre multiforme, il a gagné l’espace de
l’information télévisée en occupant tout l’éventail des formats
disponibles et s’est imposé en misant sur sa qualité essentielle :
la quête de l’image forte destinée à capter l’attention des télé-
spectateurs. Au-delà de son insignifiance supposée, il a prouvé
qu’il était capable de porter en germe une information monstre
qui le dépasserait sitôt révélée : un fait de société. Pour toutes
ces raisons, on ne s’interroge plus à cette date sur la légitimité
ou même l’utilité de la rubrique : on plaide au contraire sa
nécessité voire on ordonne sa présence dans les journaux télé-
visés. Toutes les conditions institutionnelles, médiatiques et cul-
turelles sont réunies pour donner une nouvelle inflexion au
récit criminel.
Morphologie générale
voire triplé sur FR3 (6,8 %). En 1995 s’est imposé un nouveau jour-
nal, le Six Minutes de M6, dont le format court accorde une large
place à l’information de fait divers: 9,4 % des sujets se rapportent
Explosion et éclatement du récit criminel 335
Lignes éditoriales
TF1 (1985)
TF1 (2002)
Antenne 2 (1985)
France 2 (2002)
la corrélation qui semblait les unir dans les années 1970: la chute
de l’actualité internationale ne profite plus à l’actualité intérieure
et, inversement, la stabilité de la seconde n’empêche pas le déclin
de la première. On ne remarque pas de réelles différences avec
France 3, qui reste tout de même plus proche de sa consœur
du service public que de la chaîne privée.
Les trois chaînes principales ont finalement connu au cours
de la période 1985-2008 le même déplacement du « noyau dur »
du journal télévisé : le bloc « France/monde », qui occupait plus
de la moitié du pourcentage des sujets jusqu’au milieu des
années 1980, ne représente plus qu’un tiers (France 2 et France
3), voire un quart (TF1) du journal télévisé, remplacé par le pôle
« crimes/catastrophes/société » qui oscille entre 48 % (France 3),
51 % (France 2) et 57 % (TF1). Seule M6 présente au fond une
ligne éditoriale décalée. En 1995, l’actualité internationale n’est
pas la priorité de la stratégie du Six Minutes. Valorisé dans la
ligne éditoriale de M6 dès les premières années du journal, le
récit criminel n’a fait que croître régulièrement quand TF1,
France 2 et France 3 opéraient une ascension plus brutale.
Hiérarchisation
486. Darras, « La force supposée des hard news » (voir note 482).
487. Pierre Bourdieu, « L’emprise du journalisme », dans Actes de la recherche
en sciences sociales, n° 101-102, 1994, p. 3-9; Patrick Champagne, Dominique
Marchetti, « L’information médicale sous contrainte », Ibid. p. 40-62.
Explosion et éclatement du récit criminel 349
Conclusion
Morphologies médiatiques
Télévision
C’est aux journaux de la mi-journée de TF1 et d’Antenne 2
du 18 octobre 1984 que sont diffusés à la télévision les premiers
sujets consacrés à l’assassinat de Grégory, soit deux jours après
la mort de l’enfant. Les rédactions de télévision ont pris
conscience de l’envergure du fait divers en lisant la presse popu-
laire du 17 octobre. La publication par France-Soir des photos
du cadavre de Grégory repêché par un pompier ont eu un grand
Le discours de la spectacularisation
L’émotion
Mais les journalistes ne sont pas les seuls à vivre l’affaire avec
passion : à Bruyères, les gendarmes sont également boulever-
sés par « cet acte abominable510 ». Le 26 octobre, espérant ainsi
recueillir des témoignages, le jeune capitaine Sesmat, ému et
impressionné par les micros et les caméras, lit un communiqué
de presse qui tranche singulière-
ment avec la retenue coutumière et
le ton lapidaire des militaires : « Je ne
comprends pas, personnellement,
comment l’un [des] complices ne
parvient pas à libérer sa conscience
et à transmettre l’horrible secret qu’il
a en lui ! » Mais les émotions sont fugaces à l’écran. Pour faire
vivre un feuilleton criminel haletant, il faut compter sur d’autres
ressorts dramatiques et orchestrer une mise en scène plus
savante pour faire durer le suspense.
511. Jeanneney, Une histoire des médias (voir note 18), p. 197-198.
372 Le Crime à l’écran
Scoop à la une
Spectacularisante, la mise en
scène l’est aussi dans la hiérar-
chisation de l’information. Si les
années 1970 ont pu faire accé-
der ponctuellement un fait
divers important à la une, devant
une actualité politique ou inter-
nationale, les années 1980 libè-
rent les derniers carcans éditoriaux : à la faveur du contexte
concurrentiel, le moindre fait divers peut désormais prendre
l’ascendant sur le reste de l’actualité. Le 7 novembre 1984, à
12 h 45 résonne le générique du Midi 2 tandis qu’apparaissent
les titres du jour : « États-Unis : Reagan réélu » apprend d’abord
la voix de Daniel Bilalian avant d’évoquer le « meurtre de
La caricature
Le reportage « Le clan de la
haine » de Jean-Pierre Férey et
Alain Pottiez livre une vision
caricaturale féroce des Vosges.
À travers cette carte postale
négative, la région française
apparaît aussi miséreuse qu’un
pays du Tiers-Monde, un « pays
où beaucoup sont à la limite de la pauvreté », frappé par tous
les malheurs de la providence et de la crise économique : une
« tornade a ravagé la région », « des vagues de licenciements
se sont abattu », etc.
Vus de Paris, les particularismes provinciaux s’estompent
tandis qu’un fait divers en appelle un autre. Pour les journa-
listes, les Vosges se résument ainsi à un nouveau Bruay-en-
d’mandé qu’est-ce que j’avais fait mardi… Bon, mardi, j’ai sorti
du travail à 21 heures… à une heure de la filature » bredouille
Gaston Hollard, ouvrier brièvement suspecté et entendu le
22 octobre par les enquêteurs524. Les exemples de ce type sont
pléthoriques.
Ces images de faits divers sont d’autant plus pauvres qu’elles
sont difficiles à obtenir. À Lépanges, la rivalité des journalistes
a créé des frontières intangibles mais lorsqu’ils appartiennent au
même « camp » la solidarité opère. Isabelle Baechler et Catherine
Nayl (TF1) n’entretiennent pas la concurrence qui oppose leurs
rédacteurs et, au contraire, finissent par développer des liens
d’amitié discrets avec d’autres journalistes dont Laurence Lacour
(Europe 1). L’échange d’informations est courant. Mais sur cha-
cune d’elles pèse la pression d’une rédaction désireuse d’étayer
la « commerciale, vendeuse et croustillante thèse de la culpa-
bilité de la mère » et qui « demande alors de produire le même
genre de discours sensationnalistes525 » observés dans la presse
écrite et magazine. Durant l’été 1985, Isabelle Baechler est rem-
placée par Marcel Trillat qui, « très copain avec Catherine Nayl »,
confirme la solidarité confraternelle qui se manifeste sur le ter-
rain: pas d’esprit de concurrence entre journalistes de télévision,
mais « au contraire on se rendait des petits services parce que
l’on ne pouvait pas être partout526 ».
En effet, les conditions de travail sont plus compliquées pour
les journalistes de télévision qui ne sont pas autonomes comme
leurs confrères de la presse écrite ou radio. La qualité du repor-
tage dépend de la façon dont s’harmonise le travail d’équipe. Un
journaliste de télévision aura en outre plus de difficultés à obte-
nir le témoignage des habitants de Lépanges qui, surpris, mal à
l’aise ou mécontents de voir déferler brusquement près de 70
journalistes dans leur région, ont tendance à fuir en premier lieu
les caméramans. « La plupart du temps, le couple meurtri se cal-
feutre derrière ses volets… Pas de déclarations, pas de confiance »
530. INA, L’Heure de vérité, « Robert Badinter », Antenne 2, 1er avril 1985.
386 Le Crime à l’écran
Conclusion
Les journalistes
D’avril à août 1999, les informations générales de France 2
comptent 27 journalistes et réalisent 668 sujets pour le jour-
nal télévisé, soit une moyenne de 134 sujets mensuels et près
de six sujets quotidiens. Le service, que dirige alors Michèle
Fines, est associé au service « société » de Patrice Velay, pour
former un pôle « société » de 54 journalistes dont Marcel Trillat
est le rédacteur en chef. Si les effectifs se répartissent donc à
égalité entre les deux sous-services, la notion de « société »
semble l’emporter puisqu’elle se retrouve au double niveau du
chef de service et de la rédaction en chef. Les structures rédac-
tionnelles elles-mêmes semblent donc refléter la dilution du fait
divers dans la lecture plus générale du fait de société. Malgré
cette relégation structurelle, les informations générales n’en res-
tent pas moins un service phare : réactif, dynamique, il est en
phase avec l’actualité « chaude », capable de réagir aux évé-
nements les plus soudains.
La composition du service a sociologiquement bien changé,
à l’image des mutations qui touchent l’ensemble de la profes-
Le journaliste au cœur des institutions 395
547. Ibid.
406 Le Crime à l’écran
552. Cité dans D’Almeida, Delporte, Histoire des médias en France (voir
note 52), p. 340.
412 Le Crime à l’écran
554. Le stagiaire doit apprendre à « avoir le dernier mot lors d’un débat
télévisé ». Source : catalogue 2007 de la formation continue de l’École natio-
nale de la magistrature (ENM).
414 Le Crime à l’écran
La prise de conscience
« L’affaire Grégory a montré l’inadaptation de la structure
hiérarchique classique555 » des services de communication
avouait en 2001 le chef d’escadron Charles-Édouard Anfray
dans un numéro spécial de la Revue de la gendarmerie natio-
nale, consacré à la communication. L’année 1984 constitue un
tournant dans les méthodes de l’institution militaire qui a opéré
une profonde remise en cause des structures et des stratégies
de communication. Le fait divers a joué comme l’élément
déclencheur d’une nécessaire modernisation de l’institution,
latente depuis plusieurs années.
Dès 1964, une section « relations publiques », première struc-
ture de ce genre, était créée au sein de la gendarmerie natio-
nale, transformée en 1969 en « service d’informations et de rela-
tions publiques des armées » (SIRPA). Au sein du SIRPA central,
chaque armée possède alors sa propre antenne. Mais dans les
années 1970, la communication du SIRPA-gendarmerie se
construit essentiellement sur des actions de promotion ou des
campagnes de prévention. Aucune stratégie n’est réellement
prévue pour affronter les situations de crise. Dans les gendar-
meries, les relations avec la presse s’effectuent donc souvent
sur un mode interpersonnel entre journalistes et enquêteurs
558. Réponse faite à l’occasion du stage « Mieux traiter les faits divers »
(CFPJ, 25-29 novembre 2002).
418 Le Crime à l’écran
561. Créé en 1989 par le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe et placé sous
sa responsabilité, l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI)
est chargé d’identifier les différentes formes de risques et de menaces, d’éva-
luer leur impact sur l’opinion à travers une approche pluridisciplinaire.
422 Le Crime à l’écran
565. Ibid.
566. INA, Journal télévisé, 20 heures, France 2, 26 octobre 2005.
426 Le Crime à l’écran
éditions Michalon évoquent un « texte décevant tant par sa forme que par
son fond ». En réaction, Serge Portelli choisit de publier son texte gratuite-
ment en ligne. http://www.betapolitique.fr/-Ruptures-Serge-Portelli-.html
570. INA, Journal télévisé, 20 heures, France 2, 24 juin 2003.
428 Le Crime à l’écran
« Je le dis sans ambages : je suis fier des résultats obtenus par les
policiers et les gendarmes dans notre pays… La sécurité a pro-
gressé, la peur a reculé572 » énonce-t-il au cours de sa conférence
de presse, soulignant encore que si la délinquance a augmenté
de 17,8 % entre 1997 et 2002 sous le gouvernement Jospin, elle
a baissé de 9,4 % depuis son arrivée place Beauvau. « Cela veut
dire que, depuis 2002, plus de 1 153 000 victimes ont été épar-
gnées573. » Le 14 mars 2007, il réunissait 1 500 des policiers et
gendarmes les « plus méritants » pour un ultime hommage.
581. Inspiré du modèle Amber Alert adopté en 2003 aux États-Unis puis
au Canada, le dispositif « Alerte enlèvement », mis en place en France en
février 2006, repose sur une convention signée entre le ministère de la Justice
et les principaux médias, les grandes entreprises de transport de voyageurs,
les sociétés d’autoroute, les ports, les aéroports et les associations de vic-
times. Fonctionnant sur des critères précis, il s’applique dans les cas d’en-
lèvements de mineurs. Un message vidéo et sonore, annonçant la dispari-
tion et apportant un descriptif physique précis de l’enfant et du contexte d’en-
lèvement, est alors diffusé tous les quarts d’heure sur les médias nationaux
et locaux mais également dans les gares, les commissariats et sur les auto-
routes. En France, ce dispositif a été déclenché pour la première fois le
9 juillet 2006 après la disparition de deux fillettes dans le Maine-et-Loire.
Au mois d’avril 2009, on comptait huit déclenchements du plan « Alerte enlè-
vement » depuis son adoption.
434 Le Crime à l’écran
Le lendemain, ce dernier
entre en scène : à 14 heures,
Nicolas Sarkozy, rentré la
veille d’un séjour aux États-
Unis, reçoit le père et le
grand-père d’Enis. Pour ne
pas laisser dans l’ombre son
implication personnelle et la
mobilisation de son gouver-
nement, le chef de l’État organise, sur le perron de l’Élysée,
un point presse exceptionnel à l’issue de la rencontre, en com-
pagnie de la garde des Sceaux et de la ministre de la Santé
Roselyne Bachelot.
585. Le 30 octobre 2009, Francis Evrard est condamné par la cour d’as-
sises du Nord (Douai) à une peine de trente ans de réclusion, dont vingt
ans de sûreté. La loi n’étant pas rétroactive, Evrard n’y est pas soumis.
Quelques jours avant son procès (27-30 octobre 2009), en plein débat sur
la castration chimique des pédophiles, Evrard écrivait au président de la
République Nicolas Sarkozy pour lui demander d’autoriser sa castration phy-
sique (interdite en France).
586. INA, Journal télévisé, 19/20, France 3, 7 janvier 2008.
587. INA, Journal télévisé, 20 heures, France 2, 7 janvier 2008.
Le journaliste au cœur des institutions 437
592. Ibid.
Le journaliste au cœur des institutions 441
ment leur révolte contre une société française qui les rejette
et les exclut. Ce discours, nous l’avons trop entendu596. »
Pour l’opposition, la « méthode Sarkozy » à l’endroit des faits
divers obéit donc précisément à une stratégie de détournement
des sujets de fond. Ainsi, au lendemain de l’affaire Enis, le socia-
liste Henri Weber dénonce la communication du gouvernement
autour de ce fait divers, qu’il perçoit comme une façon d’évi-
ter les questions de fond :
596. Allocution sur le thème de la lutte contre les bandes et les violences,
Gagny (Seine-Saint-Denis), 18 mars 2009.
597. INA, Journal télévisé, 19/20, France 3, 20 août 2007.
598. Noël Mamère, Patrick Farbiaz, La Tyrannie de l’émotion, Paris, Jean-
Claude Gawsewitch éditeur, 2008.
Le journaliste au cœur des institutions 445
604. Pour devenir membre de l’APJ, il faut, selon les statuts de 1887,
que le professionnel ait fait un stage de dix-huit mois ou ait exercé pen-
dant dix-huit mois la profession de journaliste à Paris et soit parrainé par
un membre de l’APJ.
Le journaliste au cœur des institutions 457
de la séance, le texte est en tout cas adopté par 330 des 331
votants, promulgué dans la foulée le 11 juillet 1985. Le dossier
d’instruction de Klaus Barbie peut donc se poursuivre dans la
sérénité. Si l’urgence n’a pas permis de discuter le cas des pro-
cès criminels de droit commun, les discussions au Palais-Bourbon
ont toutefois révélé le net changement de ton des parlementaires
à l’égard de l’image judiciaire. Car en 1985, l’heure est à la libé-
ralisation assumée de l’audiovisuel: il n’est donc pas étonnant de
constater que l’hypothèse d’une remise en cause de la prohibi-
tive loi de 1954 ne rencontre guère d’hostilités dans l’hémicycle.
Le débat sur la publicité des audiences se poursuit, rebon-
dissant au gré des textes de loi et des projets documentaires.
En avril 2003, Joëlle et Michelle Loncol réalisent un documen-
taire, L’Appel aux assises, sur le jugement en appel d’un jeune
homme condamné en première instance à dix ans de réclusion.
Pour la première fois, un film montre les coulisses d’un procès,
à l’exception des délibérations. Mais le 11 septembre 2003, la
chancellerie, qui avait pourtant cofinancé le projet, demande
à surseoir la diffusion prévue sur France 5 le 28 septembre sui-
vant : les réalisatrices n’auraient pas respecté les textes de loi
en vigueur (1954, 1981 et 1985). Celles-ci réfutent : elles ont
toutes les autorisations nécessaires. Le film sort donc d’abord
dans les salles de cinéma d’art et d’essai et se fait remarquer au
FIPA. Face à la pression, le cabinet du ministre Dominique
Perben annonce le 28 janvier 2004 qu’il souhaite engager une
réflexion sur la législation encadrant l’enregistrement et la dif-
fusion de débats judiciaires. La loi du 9 mars 2004, dite « Perben
II », autorise ainsi l’enregistrement de tout ou partie des débats
dans le cas unique où cet enregistrement peut servir le cours
ultérieur des procès d’assises ou des procès en appel. L’Appel
aux assises est finalement diffusé le 14 mars 2004. Entretemps,
Arte diffusait également le 19 février Le Droit de juger, autre
documentaire décrivant lui aussi un jugement en cour d’assises.
Le 22 février 2005, une commission sur « l’enregistrement et
la diffusion des débats judiciaires » dirigée par la présidente
de la cour d’appel d’Angers, Élisabeth Linden, remet ses conclu-
sions au garde des Sceaux Dominique Perben, qui avait décidé
Le journaliste au cœur des institutions 461
609. http://blog.france2.fr/justice-dominique-verdeilhan/index.php/
464 Le Crime à l’écran
610. Ligne jaune, « Stern, Courjault, deux procès », 23 juin 2009. Émission
du site Arrêt sur images, soixante-dix-sept minutes. http://www.arretsuri-
mages.net/contenu.php?id=2082
Le journaliste au cœur des institutions 465
Guy Georges n’est plus souriant comme sur ces images réa-
lisées le premier jour du procès. Il a le crâne rasé et il baisse
la tête. Tout à coup, entre deux sanglots, il avoue avoir tué
Magali, Elsa, Pascale, Estelle, Catherine, Agnès et Hélène616.
Conclusion
620. D’Almeida, Delporte, Histoire des médias en France (voir note 52),
p. 318.
621. Ibid. p. 317.
CRIME ET CULTURE :
DE L’ACTUALITÉ À LA MÉMOIRE,
LES RETOURS DU FAIT DIVERS
625. Ibid.
626. En 1993, Stéphane Paoli ira sur M6 animer pendant un an État de
Choc, consacré à la reconstitution de faits divers par leurs vrais acteurs.
478 Le Crime à l’écran
627. Jacques Pradel, Jean-Marie Perthuis, Perdu de vue, Paris, Lattès, 1992.
628. Ibid. p. 249.
480 Le Crime à l’écran
sion justicière est née et son champ d’action ne fait que com-
mencer : introduite par le fait divers criminel, elle investit rapi-
dement la sphère des petits tracas quotidiens, des contentieux
de voisinage ou des arnaques liées au consumérisme ordinaire.
C’est dans la relation à l’institution que semble se distinguer
la spécificité française d’un genre télévisuel exporté largement
à travers le monde. Aux États-Unis, la télévision propose au
fond à travers ces reality shows des spectacles ludiques qui
plongent le citoyen téléspectateur au cœur de l’action institu-
tionnelle en le faisant participer aux enquêtes policières et judi-
ciaires. Celles-ci s’exposent d’ailleurs en général dans l’espace
public dans une grande transparence institutionnelle. En France,
les reality shows s’inscrivent davantage contre une institution
jugée opaque, assujettie au pouvoir, voire corrompue632. La mise
en image très réglementée de l’instruction et de la justice, ainsi
que l’augmentation des scandales politico-financiers au tour-
nant des années 1980 et 1990, expliquent sans doute largement
cette caractéristique culturelle. Les vifs débats qui ont jalonné
l’essor puis le déclin de ces programmes renvoient au contexte
de crise institutionnelle de la société française : dépolitisation,
recul des services publics, désengagement de l’État, carences
judiciaires, individualisation de la société sont autant de thèmes
durablement implantés, parfois à l’excès, dans l’esprit des conci-
toyens. Le média télévisuel viendrait-il alors prendre le relais
des élites dépossédées de leurs prérogatives originelles ? La
diversité de l’offre télévisuelle et l’hétérogénéité des personnels
nuancent cette hypothèse. Reste que, en s’imposant comme
une institution à part entière, la télévision française finit par
subir, au même titre que les autres, la défiance des publics. Il
n’est pas sûr que le média ait su tirer profit des carences judi-
ciaires, les dérapages voyeuristes et sensationnalistes de Perdu
de vue et Témoin numéro un ayant de ce point de vue tout
autant réussi à conquérir le public d’un soir que contribué à
discréditer en partie l’action journalistique.
Après les excès des reality shows au milieu des années 1990,
le fait divers criminel se retrouve quelque temps marginalisé
dans les programmes télévisés. Les dérives voyeuristes accu-
mulées ont contribué à détériorer la réputation de la rubrique
auprès des jeunes générations de journalistes. Si les journaux
et magazines d’information ne cherchent pas à occulter le fait
divers d’actualité, rares sont désormais les producteurs et les
réalisateurs à vouloir monter des projets d’émissions autour d’af-
faires criminelles.
En 1998-1999, pourtant, la directrice des magazines de
France 2, Christine Lentz637, contacte Christian Gérin pour pro-
poser à la société qu’il dirige, 17 juin Production638, un concept
de magazine fondé sur le fait divers criminel. Mais le projet ren-
contre un premier coup d’arrêt lorsqu’une partie des journa-
listes de France 2, alertés, manifeste leur opposition : le fait
divers concerne l’information et, à ce titre, « appartient » à la
637. Directrice des magazines de M6, elle rejoint France 2 en 1998 pour
occuper le même poste.
638. 17 juin Production est créée en septembre 1992 par Christian Gérin.
De l’actualité à la mémoire, les retours du fait divers 485
640. INA, Histoire d’un jour, « 28 juillet 1976 : qui a tué Ranucci ? », FR3,
27 juin 1985.
641. Le Pull-over rouge, adapté de l’ouvrage de Gilles Perrault, est sorti
dans les salles en novembre 1979.
488 Le Crime à l’écran
642. Pour ne pas subir un procès des parents de la victime, les respon-
sables de l’émission ont fait biper chaque évocation de Maria-Dolorès Rambla,
ou de son petit frère Jean. En mai 1990, pourtant, Philippe Alfonsi et Gilles
Perrault sont condamnés à verser chacun 60 000 francs de dommages et inté-
rêts aux cinq policiers qui s’estimaient diffamés par le terme « forfaiture » pro-
noncé au cours de l’émission pour qualifier le travail des enquêteurs.
643. Entretien avec l’auteur, 23 septembre 2002.
644. D’abord estivale, la série hebdomadaire devient mensuelle en s’ins-
tallant dans la grille de rentrée à partir de novembre 2003. Diffusée en deuxième
partie de soirée la première année, elle retrouve son rythme estival et le prime
De l’actualité à la mémoire, les retours du fait divers 489
time chaque été à partir de 2004. En septembre 2006, l’émission devient défi-
nitivement hebdomadaire et s’impose régulièrement comme la plus forte part
de marché de la tranche horaire en réunissant plus de 2,8 millions de télé-
spectateurs.
645. Lettre manuscrite de Frédéric Encel (Maisons-Alfort) datée du 2 août
2002.
490 Le Crime à l’écran
Trois ans plus tard, bien que l’affaire soit encore à l’instruction,
France 2 diffuse l’épisode « Djamila Belkacem, l’empoison-
neuse647 » qui ne va pas exactement dans le sens de l’accusée.
Quelles caractéristiques cette anthologie criminelle télévisée
inédite présente-t-elle ?
648. INA, Vérités interdites, « Bruay, le 6 avril 1972. Les années ont passé :
mémoires », TF1, 9 octobre 1985.
649. INA, « Bruay : histoire d’un crime impuni », France 3, 28 février 1998.
492 Le Crime à l’écran
Récit et réel
une fois encore, la référence aux faits réels apparaît bien loin-
taine, brouillée par la distance temporelle de ce héros de la pre-
mière moitié du XIXe siècle, largement romancée par des adap-
tations littéraires et cinématographiques ultérieures.
On le voit, certes réaliste, la fiction télévisée rechigne à s’ins-
crire dans un réel proche. Les dramatiques et les téléfilms déve-
loppent davantage un récit policier fondé sur des scénarios
inventés et destinés à mettre en scène les personnages récur-
rents de policiers charismatiques. Le fait divers d’actualité n’ins-
pire pas plus le feuilleton que les téléfilms unitaires pourtant
plus souples à traiter.
Petits et grands écrans n’ont finalement pas la même réac-
tivité face aux événements. Parce qu’elle naît de la volonté quel-
quefois militante de son réalisateur et qu’elle ne s’impose pas
si aisément devant le jeune public ou dans l’intimité des foyers,
l’œuvre cinématographique montre moins de prudence à s’em-
parer d’une histoire criminelle récente. Deux ans après le sui-
cide de Gabrielle Russier, sort ainsi sur les écrans en jan-
vier 1971, Mourir d’aimer, le film d’André Cayatte, avec Annie
Girardot dans le rôle principal. En 1969, à deux mois d’inter-
valle, décèdent l’épouse d’un démarcheur d’EDF et le plombier
Bélaire : l’instruction révèle que ce double crime est l’œuvre des
conjoints respectifs des victimes qui entretenaient une liaison ;
la sortie des Noces rouges, le film de Claude Chabrol adapté
de ce fait divers, est fixée au 1er mars 1973, c’est-à-dire trois
semaines avant la date du procès des assassins659. Si Claude
Bernard-Aubert a encore attendu deux décennies pour réaliser
et sortir son Affaire Dominici en mars 1973, avec Jean Gabin
en patriarche de la Grand-Terre, Michel Drach n’a pas tardé :
dès novembre 1979, trois ans après l’exécution de Ranucci, il
Une contre-programmation :
L’Affaire Villemin sur France 3 (28, 29, 30 octobre 2006)
La vague de fictions du réel sur TF1 oblige involontairement
la concurrence à s’emparer d’un autre fait divers particulière-
ment délicat : l’affaire Villemin. En 1994, les parents de Grégory,
on s’en souvient, avaient appelé sur le plateau de La Marche
du siècle les médias à ne plus exploiter leur drame. Mais au
début des années 2000, TF1, qui compulse alors les grandes
affaires criminelles contemporaines, envisage de porter à l’écran
le fait divers de la Vologne. Christine et Jean-Marie Villemin
réagissent aussitôt et, malgré eux, choisissent de contrecarrer
les plans de la chaîne privée :
Conclusion
Le tueur en série
visés, qui n’avaient pas relevé cet assassinat isolé, en parlent dès
le 19 novembre lorsque se dessine la piste d’un tueur en série
dans la capitale. Alors que se poursuit l’enquête, le morbide inven-
taire du « tableau de chasse » du criminel se précise dans les jour-
naux télévisés. Après quatre mois de psychose dans la capitale,
dix-huit semaines de ferveur médiatique et de lenteurs policières,
Guy Georges est enfin arrêté le 26 mars 1998, dans un super-
marché près de la station de métro Blanche. « L’affaire du tueur
de l’Est parisien » devient « l’affaire Guy Georges » et, après la
traque, le fait divers soulève une polémique : comment Guy
Georges a-t-il pu échapper aussi longtemps à la police?
Le débat s’intensifie à la télévision jusqu’à la fin de l’année 1999
avant de connaître quelques mois d’accalmie jusqu’à l’ouverture
du procès de Guy Georges, le 19 mars 2001, à la cour d’assises
de Paris. L’accusé, qui persistait à nier les faits, finit au neuvième
jour de son procès par avouer les sept meurtres qui lui sont repro-
chés et par demander pardon aux familles des victimes: le mur
d’indifférence froide qu’il avait réussi à préserver vient de s’ef-
fondrer en ce 27 mars 2001. Mais cette « défaillance » du tueur
en série ne dure pas et c’est « sans émotion apparente687 », observe
Nathalie Coze (France 3), que Guy Georges accueille le verdict
de perpétuité assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans,
c’est-à-dire la peine maximale prévue par le droit pénal français.
Mieux que les longues et confuses affaires Thierry Paulin,
Émile Louis ou Pierre Chanal dans les années 1970 et 1980, l’af-
faire Guy Georges, parce qu’elle intervient dans un contexte
favorable, impose sur les petits écrans la figure mythique d’un
tueur en série « à la française ».
711. La série Profiler a été créée par Cynthia Saunders et diffusée sur NBC
de 1996 à 2000. Le personnage récurrent, la blonde Sam Waters, est mère
de famille le jour et collaboratrice du FBI la nuit ; elle a le don de visuali-
ser à travers des flashes ce qui s’est passé sur les lieux d’un crime.
712. La définition du tueur en série repose sur des critères bien précis :
ce criminel commet au moins trois homicides à dimension sexuelle, sans
mobile apparent et séparés dans le temps (ce qui le différencie d’un mass
murder ou « tueur de masse » qui, au contraire, commet plusieurs meurtres
en une seule fois). Il utilise à chaque fois le même procédé d’exécution de
sa victime, développant un rituel propre constitutif de son identité criminelle
autour d’une victime chosifiée.
713. INA, Journal télévisé, 19/20, France 3, 18 mars 1999.
Figures saillantes d’une fin de siècle 525
719. Le lien sera fait par hasard début 1998. Certain que le meurtrier qu’il
recherche est un récidiviste, le juge Gilbert Thiel, en dépit des interdictions
de la loi, ordonne à tous les laboratoires de France de comparer les
empreintes ADN du tueur de l’Est parisien avec celles qu’ils possèdent et
de lui communiquer les résultats. La dizaine de laboratoires s’exécute et, le
23 mars 1998, le juge Thiel reçoit un appel du docteur Pascal, de l’institut
de Nantes : le « tueur de l’Est parisien » vient de révéler son identité.
L’arrestation est alors rapide puisqu’elle intervient trois jours plus tard, mal-
gré la bévue de RTL qui, dans son flash de 7 heures le 26 mars, annonce que
la police connaît l’identité du tueur en série. Pour éviter que Guy Georges,
s’il a écouté la radio, ne lui échappe, la brigade criminelle lance l’opéra-
tion en catastrophe. À 12 h 45, Guy Georges est arrêté place Blanche : trop
tard pour les journaux télévisés de 13 heures, mais parfait pour ceux de
20 heures.
528 Le Crime à l’écran
qu’aux personnes disparues et aux cadavres non identifiés. Les critères natio-
naux ont été progressivement homogénéisés afin que les polices scientifiques
européennes et internationales puissent recouper leurs données et retrouver
des criminels itinérants.
724. Omar Guendouz, Franck Spengler, Guy Georges. Contre-enquête sur
le « tueur de l’Est parisien », Paris, Mango, 2001, p. 131.
530 Le Crime à l’écran
Le pédophile
« C’est pas facile de dénoncer, mais il faut que le doute profite aux
enfants739 » plaide la journaliste Marie-Noëlle Himbert. Le risque
étant, comme dans l’affaire d’Outreau, de passer d’un excès à
l’autre en remplaçant le déni de la parole enfantine par une vali-
dation systématique, sans recul ni esprit critique, de celle-ci.
Briser le silence implique une prise de parole, mais pas
nécessairement une prise d’images. Plusieurs victimes ont
certes accepté de témoigner pour les journalistes, mais elles
n’ont pas consenti à le faire
devant les caméras. C’est le cas
de Claire, dont les téléspecta-
teurs ne connaîtront que les
mains sages, de Mélissa, petite
victime de Marc Dutroux filmée
de dos, ou des trois anciens
élèves du collège Saint-Jean de
Pélussin, plongés dans l’ombre. La pédophilie à l’écran reste
donc difficile à mettre en scène parce que le témoignage
demeure délicat à obtenir. La mise en image de l’anonymat
n’est pourtant ni un obstacle, ni un procédé inédit : Cinq
colonnes à la une maîtrisait déjà la technique à une époque
où les caméras s’intéressaient plus volontiers au criminel qu’à
sa victime. Le discours médiatique s’est donc complètement
modifié à la fin des années 1990 et le ton, en matière de crimes
pédophiles, n’est plus à la bienveillance ou à la complaisance
à l’égard du criminel. « Voici venu le temps d’une condamna-
tion sans appel et, si ce n’est absolument sans ambiguïté, au
moins dépouillée des réserves et des ambivalences qui étaient
celles de la période740 » des années 1970.
Si la pédophilie est apparue à l’écran à partir de 1995, le
pédophile demeure paradoxalement quant à lui quasiment invi-
sible… bien que non dépossédé de sa parole: sur les huit repor-
tages abordant la pédophilie, un seul tente ainsi d’adopter le
739. Ibid.
740. Ambroise-Rendu, « Un siècle de pédophilie dans la presse » (voir
note 169), p. 31-41.
Figures saillantes d’une fin de siècle 537
743. INA, Envoyé spécial, « Les silences de l’Église », France 2, 14 juin 2001.
Figures saillantes d’une fin de siècle 539
La victime
753. Ibid.
754. INA, Journal télévisé, 20 heures, TF1, 10 décembre 1997.
544 Le Crime à l’écran
Conclusion
pour le récit criminel qui avait déjà trouvé une déclinaison nar-
rative sur les grands écrans. Pourtant, on ne peut manquer de
relever, après avoir parcouru ce patrimoine visuel, que les
images télévisuelles ont certes rendu plus accessible l’événe-
ment auprès du public, mais elles ont également infléchi la
dimension de cet imaginaire du crime. « L’intimité et le “peu”,
l’image pauvre, pénètrent dans les foyers767. » Sans présuppo-
ser de son appropriation par les téléspectateurs, on constate en
effet que l’image de télévision, dont on n’a cessé de souligner
la banalité inhérente à chaque mise en scène de faits divers,
a bel et bien appauvri l’imaginaire du récit criminel, sur le plan
esthétique comme sur le plan des représentations.
S’il fallait désigner un âge d’or esthétique de l’image crimi-
nelle à la télévision, celui-ci s’arrêterait aux jeux d’ombre, à l’es-
thétique du noir et du blanc et aux partitions musicales des pre-
miers magazines d’information des années 1960. Les décennies
suivantes n’ont cessé d’enraciner le récit dans une réalité visuelle
quotidienne et terriblement banale. D’un côté l’accélération de
la fabrication de l’information obligeait le caméraman à se
contenter d’un spectacle de l’ordinaire, à proposer des images
« prétextes » capturées à l’identique chez ses confrères; de l’autre,
la persistance de tabous récurrents autour de l’événement cri-
minel acculait également le preneur de vues à se retrancher inva-
riablement dans un visuel moralement, culturellement et déon-
tologiquement acceptable. Mais l’explication de ce phénomène
réside aussi dans la nature de l’image télévisuelle, dont le flux
contredit volontiers l’activation des imaginaires : la simultanéité
des images, leur enchaînement sans répit ne laisse aucune res-
piration. Le flux télévisuel triomphant est au fond le principal
désactivateur de cet imaginaire « flamboyant ».
Un autre phénomène explique l’appauvrissement de l’ima-
ginaire du récit criminel par la télévision : l’effet d’homogénéi-
sation des images et, ainsi, l’affaiblissement des représentations
à l’écran. La presse de la Belle Époque, caractérisée par le
nombre élevé des titres, proposait une multitude de récits, une
767. Gervereau, Les images qui mentent (voir note 38), p. 343.
560 Le Crime à l’écran
Les programmes
Autres documents
Archives nationales
Presse écrite
Sources orales
Formations et stage
* ID. et EAD. sont les abréviations des termes latins Idem et Eadem qui
signifient « le même » ou « la même » (auteur).
574 Le Crime à l’écran
Romi, Histoire des faits divers, Pont Royal, Del Duca, Laffont,
1962.
Jean-Pierre Seguin, Nouvelles à sensation. Canards du XIXe siècle,
Paris, Armand Colin, 1959.
Anne-Marie Thiesse, Le Roman du quotidien. Lecteurs et lec-
tures populaires à la Belle Époque, Paris, Seuil, 2000.
J Lever (Maurice) 11
Jaccoud (affaire) 13, 65, 99, Lévy (Marie-Françoise) 122, 140
105, 120, 121, 483, 491 Lévy (Thierry) 307
Jacob (Madeleine) 68, 259 Lits (Marc) 9, 20, 271
Jeanneney (Jean-Noël) 10, 351, 371 Lochard (Guy) 189
Jolivet (Guy) 80-82, 109, 249-251 Lombard (Paul) 247, 251, 273,
Joubert (Claude) 216 307-309, 319
K M
Kalifa (Dominique) 8, 11, 83, 85, M’Sili (Marine) 11, 29, 44, 48,
96, 136, 153, 154, 494, 556, 567 49, 135
Macé (Éric) 173, 180
L Malliart (Emmanuel) 202
Laborde (Jean) 168 Malraux (André) 116
Lacour (Laurence) 355, 359, Mamère (Noël) 283, 284, 368, 444
361, 368, 369, 378, 381, 389, Mandel (Georges) 8
509-511 Marcellin (Raymond) 154-157, 220
Lambert (Jean-Michel) 265, 356, Marcilhacy (Pierre) 53, 55, 58
357, 361, 366, 383, 386 Martin (Marc) 48, 49
Landru (Henri-Désiré) 274, 307, Masure (Bruno) 364, 366
501, 503, 516 Matelly (Jean-Hugues) 430, 431
Laroche (famille) 100, 267, 356- Mauriac (François) 131, 132, 135
358, 360-361, 365, 371, 372, Maury-Laribière (Michel) 166
374, 380, 382, 385, 389, 390, Mauvillain (Guy) 165, 483
448, 466, 512 Mehl (Dominique) 480, 551
Larriaga (Gilbert) 81 Mercier (Arnaud) 11
Lazareff (Pierre) 94, 107-109 Merleau-Ponty (Maurice) 9, 331
Le Bon (Gustave) 301, 303, 316 Mesrine (Jacques) 12, 131, 132,
Le Forsonney (Jean-François) 247 158, 200, 362, 419, 483, 502,
Le Pen (Jean-Marie) 5, 361 504-506
Lecanuet (Jean) 322 Michelet (Edmond) 116
Leclerc (Henri) 472 Minjoz (Jean) 52, 55, 56, 58
Lefèvre (Paul) 194, 196, 214, Missika (Jean-Louis) 146
253, 257-265, 272, 273, 277, Mitterrand (François) 180, 182,
295, 296, 298, 308, 310, 311, 263, 282, 324, 363
313, 320, 321, 409, 410, 445, Morisse (Lucien) 104
446, 449, 455, 464, 465 Mouhanna (Christian) 430, 431
Léger (Lucien) 13, 368, 491 Mougeotte (Étienne) 214, 227,
Lemaire (Philippe) 286, 307 254, 304, 305
Lemieux (Cyril) 18 Mourousi (Yves) 228, 319, 320
Leroy (Pierre) 230-233, 235-238, Mucchielli (Laurent) 158, 170,
241-243, 245, 290, 298, 299 173, 431
Index 587
O R
Ockrent (Christine) 363, 368, 373 Raddad (Omar) 13, 465, 492
Outreau (affaire) 413, 508, 536 Rambla (famille) 247, 271, 288,
289, 291, 293-296, 368, 488,
P 506
Paoli (Stéphane) 476, 477 Ranucci (Christian) 13, 224, 225,
Pascal (Henri) 231, 233, 242, 229, 247, 249-252, 271-273,
298, 304-306 275-277, 288-291, 294-298,
Paulhan (Jean) 9 300, 307-314, 318, 320, 321,
Paulin (Thierry) 516, 518, 521 324, 325, 458, 482, 483, 487,
Peck (Raoul) 509-511 491, 492, 496, 502, 504, 506
Penchenier (Georges) 76, 78, 85 Rapp (Bernard) 365, 372
Perben (Dominique) 460, 461 Reagan (Ronald) 373, 374
Péricard (Michel) 76-78, 212 Rebuffat (Jean-Jacques) 73, 80,
Pernaut (Jean-Pierre) 316, 323 81
Perrault (Gilles) 291, 309, 482- Renault (Lucien) 66, 90
484, 487, 488, 497 Rieffel (Rémy) 18
Perrot (Jacques) 76 Robert (Philippe) 158, 159, 170,
Perrot (Michelle) 9, 10, 48 171, 173
Petiot (Marcel) 307, 516 Robert-Diard (Pascale) 463, 464
Peugeot (affaire) 60-62, 64, 124, Robin (Muriel) 504
125, 166, 177, 367 Roumajon (Yves) 204, 205
Peyrefitte (Alain) 64, 65, 158, Ruellan (Denis) 18
203, 324 Russier (Gabrielle) 165, 166, 496
Plenel (Edwy) 386
Poivre d’Arvor (Patrick) 196, 197, S
200, 279, 363, 520, 522, 528 Sabbagh (Pierre) 35, 51, 59, 60,
Polac (Michel) 313, 314 62, 63, 65, 73, 74, 76, 78, 80,
Pompidou (Georges) 166, 193, 83-87, 90, 202, 212, 215, 394,
210, 235 561
Poniatowski (Michel) 156-158, Sagawa (Issei) 13, 271, 277-280,
175, 183, 190, 323 282-288, 290, 419, 529
Portal (affaire) 165 Salerne (Claude-Henri) 61, 74,
Pottecher (Frédéric) 30, 36, 57, 76-78, 214
90-105, 146, 253-255, 257, Sallebert (Jacques) 37, 77
259, 260, 305, 307, 386, 447, Sapritch (Alice) 497, 499, 503
588 Le Crime à l’écran
Introduction 5
Conclusion 553
Sources 569
Bibliographie 573
Index 583
Remerciements 589