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Gele hesjes:
https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/02/10/deux-policiers-mis-en-examen-pour-
violences-envers-des-gilets-jaunes-don't-jerome-rodrigues_6069500_3224.html
https://www.lejdd.fr/Societe/un-non-lieu-pour-des-gilets-jaunes-qui-avaient-brule-un-
mannequin-demmanuel-macron-3941617
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/naissance-grandeur-et-decadence-retour-sur-un-
an-de-combat-des-gilets-jaunes_2105473.html
https://institut-thomas-more.org/2019/03/05/les-origines-economiques-du-mouvement-
des-gilets-jaunes/
https://www.voaafrique.com/a/france-a-paris-manifestation-de-gilets-jaunes-malgré-le-
coronavirus/5328868.html
Deux policiers ont été mis en examen le 14 janvier dans l’enquête sur l’éborgnement de
Jérôme Rodrigues, une des figures des « gilets jaunes », et sur la blessure d’un autre
manifestant en 2019, a assuré mercredi 10 février une source judiciaire à l’Agence France-
presse (AFP), confirmant une annonce de M. Rodrigues.
Le policier accusé d’avoir lancé la grenade qui a causé à M. Rodrigues la perte de son œil
droit, lors du rassemblement parisien du 26 janvier 2019, a été mis en examen pour
des « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité
permanente » aggravées. L’autre policier est poursuivi pour des « violences volontaires
aggravées » sur un autre manifestant, Mickaël, participant au même rassemblement.
La qualification criminelle retenue contre le premier policier est passible de la cour d’assises.
Les deux fonctionnaires ont été placés sous contrôle judiciaire par les juges d’instruction,
chargés des investigations depuis le 13 février 2019.
A l’époque des faits, le tir d’un lanceur de balles de défense (LBD) et le lancer concomitant
d’une grenade de désencerclement avaient touché le groupe dans lequel évoluait
M. Rodrigues et Mickaël, sans qu’il soit immédiatement possible de déterminer quelle arme
avait blessé les deux hommes.
L'incident avait fait grand bruit. Il s'est conclu dans la discrétion par une décision de
justice rendue le 27 décembre 2019 à Angoulême (Charente). Un juge d'instruction a
délivré une ordonnance de non-lieu en faveur de trois Gilets jaunespoursuivis pour
"outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique" et "provocation non
suivie d'effet au crime". Ils appartenaient à un groupe qui avait, le 21 décembre 2018,
organisé un simulacre de procès du président de la République, Emmanuel Macron,
le jour de son anniversaire. Un épouvantail à l'effigie du chef de l'Etat avait été
condamné à mort, puis finalement brûlé. La scène avait été filmée et partagée en
direct sur la page Facebook du quotidien local, la Charente Libre. Plusieurs ministres
du gouvernement avaient aussitôt condamné la macabre parodie et réclamé des
sanctions pénales. Le préfet de Charente, qui avait pourtant autorisé la
manifestation, avait alors saisi le parquet d'Angoulême.
Lors de l'enquête, trois personnes qui avaient enregistré la déclaration de
manifestation, étaient mises en examen. Le faux procès avait été émaillé de cris du
public tels "pendez-le haut et court", "on le pendra avec ses tripes", "qu'on lui coupe
la tête", etc. Après la condamnation à mort, un bourreau fictif avait tranché la tête à la
hache du mannequin, avant de le brûler. Puis, la foule avait dansé autour du bûcher.
Sollicité par le JDD, Pierre-Henri Bovis, l'un des avocats des trois personnes mises
en cause, s'est félicité de "cette manifestation d'indépendance de la justice".
"Plusieurs ministres avaient réclamé des sanctions, rappelle-t-il, l'exécutif doit
s'incliner devant la liberté d'expression". "L'impertinence et la satire n'entrent pas
dans les prévisions du code pénal, fussent-elles à l'endroit du chef de l'Etat", ajoute
son confrère Robin Binsard, lui aussi défenseur des trois mis en examen. Le parquet
peut cependant faire appel de l'ordonnance du juge d'instruction.
Naissance, grandeur et
décadence... Retour sur un
an de combat des gilets
jaunes
Le 17 novembre marque les un an du mouvement. Une
crise sociale née d'un ras-le-bol de ceux qui se considèrent
comme des "oubliés", et qui a bousculé le pays.
Leur révolte a jailli au coeur de l'automne 2018 et ébranlé le pouvoir durant des mois.
À l'origine, elle est le fruit de Français qui ne se revendiquent d'aucun parti politique,
d'aucun syndicat, mais se retrouvent autour d'une même grogne : la hausse des taxes
sur le carburant qui doit être mise en application dès janvier 2019. De groupes
Facebook en réunions organisées en petits comités, ces Français imaginent alors un
symbole commun à placer sur leur tableau de bord ou à enfiler tous les samedis : le
gilet jaune fluo.
Le mot d'ordre est simple, placer le veston sur son tableau de bord pour signifier son
mécontentement. Sur internet, une pétition à l'initiative de Priscillia Ludosky - qui
deviendra une des figures emblématiques du mouvement - lancée en mai 2018
contre la hausse du prix du carburant, passe de 10 000 signatures à 200 000 en
quelques jours seulement.
À l'instar des villes de province, des rassemblements sont également prévus dans la
capitale. Ce jour-là, une partie des Champs-Élysées est bloquée. Mais très vite
apparaissent les premières tensions et incompréhensions. Bloqués par des barrages
filtrants pendant de longues minutes, certains automobilistes perdent patience et les
esprits s'échauffent. Au total ce jour-là, deux morts (dans des accidents de la route) et
plus de 500 blessés sont recensés.
L'Arc de Triomphe avait été fortement dégradé lors de la manifestation des gilets jaunes du
1er décembre 2018.
REUTERS/Stéphane Mahé
Casseurs déterminés, forces de l'ordre dépassées, l'avenue qui devient le lieu de
rendez-vous emblématique des manifestations du samedi devient aussi le théâtre de
scènes de chaos. Les forces de l'ordre font face aux gilets jaunes, mais aussi aux
casseurs ou aux pillards, sans réelle accointance avec le mouvement sur le fond.
Au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, certains jettent des pavés sur les forces de l'ordre et
forcent les grilles de la préfecture. Une partie du bâtiment est incendiée à l'aide de
cocktails Molotov. Ce samedi-là, 412 personnes sont interpellées dans le pays, dont
378 sont placées en garde à vue. 263 blessés sont dénombrés dans le pays. C'est ce
moment que choisit l'exécutif pour annoncer l'enterrement de la hausse de la fiscalité
sur les carburants.
Au sein des gilets jaunes, les premières dissensions apparaissent.Priscillia Ludosky et
Éric Drouet signent leur divorce et annoncent qu'ils ne "travaillent" désormais "plus
ensemble". Un début de polémique naît aussi sur les violences et potentiels abus des
forces de l'ordre à l'encontre des manifestants. La mort à Marseille d'une octogénaire,
Zineb Redouane, touchée dans son appartement après avoir reçu des éclats d'une
grenade alors qu'elle fermait les volets fait office d'étincelle. Le feu s'embrase une
semaine plus tard, lors de l'acte 9 du 12 janvier.
Flambée de violences de toute part
LBD. Ces trois lettres, désignant l'utilisation des lanceurs de balle de défense par les
forces de l'ordre, sont désormais indissociables du mouvement. Le 15 janvier 94
blessés graves sont recensés parmi les gilets jaunes et les journalistes, dont 69 par des
tirs de ces armes. Dans le lot, au moins quatorze victimes ont perdu un oeil, à l'image
de Jérôme Rodriguez, l'une des figures des gilets jaunes. Dans le courant du mois, le
Défenseur des droits, Jacques Toubon, demande la suspension des LBD.
Des semaines plus tard, le 6 mars 2019, l'ONU demande à la France une "enquête
approfondie sur tous les cas rapportés d'usage excessif de la force". Le ministre de
l'Intérieur Christophe Castaner fait état de 174 enquêtes en cours auprès de l'IGPN
concernant l'usage de ces armes, assurant que "s'il y a eu des fautes, elles seront
sanctionnées". Un chiffre qui a grimpé depuis à 313 enquêtes judiciaires ouvertes en
France par la police des polices pour des violences présumées, selon les dernières
informations du ministère de l'Intérieur. Le parquet de Paris a lui-même confié 212
enquêtes à l'IGPN. 18 ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire et été
confiées à des juges d'instruction. 54 ont été classées sans suite, faute de preuves
suffisantes.
Kiosque à journaux en flammes sur l'avenue des Champs-Élysées lors de la manifestation des
gilets jaunes le 16 mars à Paris.
afp.com/Geoffroy VAN DER HASSELT
Nous sommes le 16 mars lorsque l'acte 18 marque une nouvelle flambée de
violences. Encore une fois, les Champs-Élysées sont saccagés. Les images de vitrines
fracassées - surtout des banques - tournent en boucle sur les chaînes d'info et
l'agacement des commerçants s'exprime partout en France. C'est également ce jour-
là que le célèbre restaurant le Fouquet's est saccagé et pillé. Certains gilets jaunes de la
première heure regrettent la tournure des événements et remisent leur gilet.
La semaine suivante, le 23 mars, lors de l'acte 19, autre incident marquant se déroule
à Nice. Geneviève Legay, une militante d'Attac âgée de 73 ans chute après une charge
policière qui vise à disperser une manifestation interdite place Garibaldi. Elle est
grièvement blessée à la tête. Sur des photos et vidéos de la sommation, on la voit qui
gît au sol dans une flaque de sang, tandis que les policiers poursuivent leur charge et
l'enjambent. Sa famille porte plainte deux jours plus tard pour "violence en réunion
avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique contre personne
vulnérable".
Repartira ? Repartira pas ?
Le 25 avril, c'est Emmanuel Macron qui prend la parole lors d'une intervention de
deux heures et demie au cours de laquelle il multiplie les annonces: baisse de l'impôt
sur le revenu, retraites de moins de 2000 euros réindexées sur l'inflation, etc. Le chef
de l'Etat défend ses réformes mais ne convainc pas. "Il n'a pas écouté ce qu'on a dit
dans la rue depuis cinq mois", tranche Maxime Nicolle, lui aussi un des porte-parole
des "GJ".
Mais de samedi en samedi la mobilisation se fait plus faible. L'acte 28 signe un
nouveau record à la baisse avec 12 500 manifestants sur la journée, selon des chiffres du
ministère de l'Intérieur. Avec l'approche de l'été les cortèges deviennent plus
parsemés. Le mois d'août approche et les gilets jaunes espèrent un "septembre noir"
pour leur retour.
Le 1er novembre dernier, ils sont 600 à s'être réunis à Montpellier depuis toute la
France, dont 200 délégations de ronds-points représentés pour une assemblée sur
l'avenir du mouvement. Toujours vêtus de leur gilet fluo, les avis divergent: "monter à
Paris", "trouver quelque chose de marquant", "miser sur le travail plus long avec des
bases solides". Finalement, en un an, la question initiale reste la même. Sans trop de
réponses : "comment allons nous gagner du pouvoir d'achat rapidement ?" Pas sûr
qu'ils y voient plus clair après l'acte 53.
Les origines économiques du
mouvement des « gilets jaunes »
Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut
Thomas More
Mars 2019 • Note d’actualité 56 •
Le « Grand débat » entame sa phase finale. L’exécutif n’en a pour autant pas fini
avec le mouvement des « gilets jaunes ». De toute évidence, il ne veut ou ne sait pas
le comprendre. C’est pourquoi il est utile de revenir sur les origines économiques du
mouvement. Cette note rappelle ce qu’il faut bien appeler l’échec économique
français de ces quarante dernières années et qui en sont les principales victimes.
Elle montre que l’État-Providence jamais réformé et le chômage de masse ont
appauvri les Français. Elle explique qu’une véritable secessio plebis est en cours
avec l’installation d’un clivage frontal entre bloc « élitaire » et bloc « populaire ».
Alors qu’approche la fin du « Grand débat » sans que le mouvement des « gilets
jaunes » ne soit complètement éteint, il nous faut chercher, au-delà des
commentaires et des analyses convenues des responsables politiques et de bien
des médias, à objectiver ce qui se joue d’un point de vue économique dans ce
phénomène. A cet égard, on subodore que ce mouvement ne se réduit pas à sa
seule actualité ou à une interprétation en noir et blanc.
Ce sont les tendances lourdes expliquant sa genèse qui nous intéressent ici : car le
« giletisme » interroge aussi dans sa dimension économique tant dans sa
survenance que dans ses revendications, qui ne sont pas aussi disparates que
d’aucuns l’ont prétendu. Mettre en exergue un fil conducteur économique de ces
évènements, prendre du champ à l’égard des commentaires trop lapidaires sur le
sujet, tel est l’objectif de cette note.
Car force est de constater, derrière le chaos apparent de ce conflit, que les
linéaments économiques d’un affrontement entre bloc « élitaire » et bloc
« populaire » se dessinent. Pour en prendre la pleine mesure, il convient de se poser
les questions des origines économiques du mouvement des « gilets Jaunes », du
contenu évolutif des revendications de ce mouvement et de l’émergence d’un
nouveau clivage politico-économique distinct de la ligne de fracture entre
« progressistes » et « conservateurs ».
Les masses populaires qui ont rejoint spontanément le mouvement des « gilets
jaunes » sont d’abord les premières victimes de la désindustrialisation de notre pays.
Culminant à 22% du PIB dans les années 1980, notre part des activités industrielles
et manufacturières dans la richesse nationale s’est effondrée à 11%, alors que la
plupart des autres économies développées, malgré le développement foisonnant de
leurs services et de l’immatériel, ont gardé un tel ratio au-delà de 15%. Cette
désindustrialisation a décimé la classe ouvrière en France mais aussi la classe
moyenne de ce que Christophe Guilluy a appelé la « France périphérique » (1), en la
privant des meilleurs emplois traditionnels sans que l’appareil éducatif français ne
puisse rapidement reconvertir cette classe moyenne pour les besoins de l’industrie
de l’immatériel : une montée en gamme dans le domaine de l’informatique, de la
robotique et désormais de l’intelligence artificielle, entravée par l’absence de
solutions de formation et surtout de financement (capital risque, fonds de
pension, business angels).
384 milliards de cotisations ne suffisent pas à financer les 600 milliards de dépenses
sociales, d’où un recours croissant à l’impôt pour financer notre État-Providence. On
retrouve dans les chiffres le sentiment diffus d’un excès de charges pour les
entrepreneurs mais aussi de fiscalité ubuesque pour la population générale. Le
différentiel de dix points de PIB (soit 210 milliards d’euros) est un prélèvement net
sur la richesse des Français (afin de couvrir une partie de la protection sociale
assumée directement par les agents dans d’autres pays mais aussi les coûts de
fonctionnement de l’État et de ce système, moins efficients que dans les systèmes
libres), dont la société française a payé le prix en termes de croissance atone et de
chômage.
A la genèse de cette réforme pourtant, il n’y a aucun lien avec le pouvoir d’achat ou
le coût du travail. Emmanuel Macron a simplement l’intention de reprendre la main
sur l’assurance chômage et l’Unedic pour faire des économies et mieux contrôler les
chômeurs. Pour cela, l’État doit s’inviter de manière autoritaire dans la traditionnelle
gestion bipartite entre patronat et syndicats. Il le fait en modifiant les circuits de
financement, en passant partiellement seulement d’une logique de cotisations
(bismarckienne) à une logique d’impôts (beveridgienne) : cela se fait par le
remplacement d’une partie du financement (celle assise sur les cotisations
employeurs) par une augmentation de la CSG. Ce mécano fiscalo-social est aux
antipodes du programme lors de la primaire du nouveau ministre de l’Economie,
Bruno Le Maire… Dès juin 2017, l’ancien défenseur d’une baisse massive de la CSG
justifie cette hausse tantôt par la baisse du coût du travail, tantôt par la défense du
pouvoir d’achat en faisant apparaitre un gain net pour les employés une fois les deux
opérations mises en place.
Cependant, trois nouveautés sont à mettre en exergue dans cette France de 2018
qui sera la matrice des « gilets jaunes ». Premièrement, au lieu de faire quelques
perdants comme toutes les réformes classiques, celles d’Emmanuel Macron coagule
les classes moyennes avec les retraités et fait in fine de plus de la moitié des
Français des perdants du « macronisme ». Comme il avait théorisé le rejet des
extrêmes au profit du « cercle de la raison », il n’hésite pas à multiplier les perdants
de sa politique économique, croyant leur coagulation sociale et politique
impossible… à tort. Deuxièmement, l’exécutif a commis une erreur en communiquant
très tôt sur ce thème piège du pouvoir d’achat. Ce dernier souffre d’un problème de
définition : sa mesure statistique par l’INSEE (qui est une direction générale du
ministère de l’Économie, il faut le rappeler) est sans cesse sujette à questions et
récriminations. Le traitement des biens technologiques tend à augmenter le pouvoir
d’achat de manière indue du fait de la « loi de Moore » (baisse rapide du prix des
composants) et le logement est exclu des coûts des ménages : les chiffres du
pouvoir d’achat publiés par l’INSEE sont donc très éloignés des dépenses courantes
des ménages et le triomphalisme de l’équipe gouvernementale sur ce sujet a sans
doute dressé les premiers manifestants contre lui. Troisièmement, le gouvernement
n’a déjà plus de marges de manœuvre fin 2018 car la croissance a ralenti fortement
au second semestre (la croissance devrait finir vers 1,5% mais avec un acquis de
croissance essentiellement engrangé au premier semestre). Cela rendra la réponse
aux « gilets jaunes » des plus ardues et son poids de dix milliards dangereux pour
les dépenses publiques, là ou un an auparavant l’ajustement aurait été plus aisé.
En parallèle de ces mécanos sociaux fiscaux, le gouvernement avait lancé dès la fin
2017 une fiscalité punitive contre les pollueurs afin de financer la transition
énergétique avec, entre autres, une hausse de la taxe sur les carburants. En 1996,
l’économiste Alain Cotta écrivait dans le magazine L’Histoire : « il est vraisemblable
que la pression fiscale sur l’automobile ne fléchira pas. Nous sommes là dans un
scénario comparable à celui de la gabelle sous l’Ancien Régime ». Il faisait allusion à
un impôt, la gabelle, qui suscitera de véritables révoltes comme celle de 1548 : de
même la taxation du sucre et de la farine, ou celle du thé, joueront un rôle non
négligeable dans les débuts des révolutions françaises ou américaines. Le
dénominateur commun de toutes ces taxes est leur assiette large et donc intégrant
les masses populaires et pauvres (car les biens de première nécessité représentent
une part plus importante du budget des ménages les plus pauvres). La hausse du
prix du carburant affecte moins les habitants des métropoles utilisant les transports
publics que ceux de territoires non métropolisées, dont tous les déplacements
dépendent de leur voiture.
On retrouve ainsi la première vraie illustration des affres des habitants de la « France
périphérique » de Christophe Guilluy ou des gens de somewhere contre ceux
d’anywhere dans la typologie de Goodhart (3). Quels sont les choix offerts par les
pouvoirs publics à ces populations de la France périphérique en termes de transition
de modèle énergétique (des batteries sur tout le territoire comme en Scandinavie) ou
d’infrastructures (les lignes de trains sont d’abord fermées dans cette même
« France périphérique ») ? La voiture va cristalliser l’ire de catégories populaires qui
ne vivent pas dans la France des métropoles, qui n’ont jamais été sensibles au
changement « macroniste » et n’ont pas massivement voté pour lui et qui se
recrutent politiquement à gauche, à droite, et beaucoup dans l’abstention. Emmanuel
Macron a d’abord assumé la hausse des taxes au nom d’une politique écologique
avant de demander aux régions, financièrement exsangues, d’aider les foyers
modestes avec un « chèque carburant » pour ensuite réunir les distributeurs et leur
demander de mieux répercuter les baisses de prix du baril à la pompe, ce que l’État
refuse de faire.
Une jacquerie fiscale et un soulèvement girondin
Priscillia Ludosky, auto-entrepreneuse de 32 ans, lance dès le mois de mai 2018 une
pétition contre la hausse du prix du carburant. La pétition reste longtemps
confidentielle jusqu’à ce qu’un routier de 33 ans, Eric Drouet, la contacte alors qu’il
prépare un rassemblement contre la hausse du prix de l’essence. Les deux initiatives
se conjuguent pour donner naissance à l’Acte 1 des « gilets jaunes » le 17
novembre. C’est donc une montée en puissance graduelle de six mois, sur fonds
d’erreurs de politique économique du gouvernement, qui culmine en ce mouvement
inédit.
Il l’est d’autant plus qu’il propose une grille de lecture plus efficace que le poncif
habituel sur l’opposition ouvert/fermé, progressistes/conservateurs, proposé ces
dernières années et mis en avant par les médias et Emmanuel Macron lui-même, et
qui ne correspond à rien de lisible en matière de politique économique. Le
mouvement des « gilets jaunes » demande fondamentalement une meilleure création
de richesses (moins de fiscalité et de normes, plus de pouvoir d’achat laissé aux
ménages) dans un contexte d’équité où les règles du jeu sont claires : pas de
distorsion en faveur des plus riches, pas de concurrence inacceptable ou de pression
venant de l’étranger. Il combine donc fondamentalement libéralisme économique et
normatif (on le qualifiera de mouvement girondin libéral) et demande de protection
économique (souveraineté nationale, protection des industries, refus des excès de la
mondialisation et de l’imposition de normes venant d’entités internationales).
On retrouve ainsi dans les revendications des « gilets jaunes » des éléments du
trumpisme économique et de certains des nouveaux mouvements dits « populistes »
qui essaiment à travers le monde. On retiendra ici la définition du populisme la plus
intelligente qui a été donnée par Vincent Coussedière : le populisme, c’est la
situation dans laquelle se trouve le peuple à un instant T quand il considère que ses
élites ne le représentent plus (6). Le développement du multilatéralisme, la dernière
vague de la mondialisation (qui, comme l’a montré Fernand Braudel, est en elle-
même un phénomène naturel et inéluctable mais dont certains aspects récents, en
termes de traités internationaux, sont contestables), l’hyper-financiarisation de nos
économies, leur désindustrialisation, sont autant de changements non acceptés par
les masses populaires. Elles s’en départissent en se méfiant de la démocratie
représentative, en une secessio plebis du vingt-et-unième siècle.
Des lors, il y a continuité entre la lutte contre la fiscalité excessive, les revendications
sur le pouvoir d’achat et la demande de référendum d’initiative citoyenne. C’est la
méthode d’action qui doit changer si l’on veut préserver justement le fondement de
nos démocraties libérales capitalistes. Faire fi du capitalisme de connivence, de
l’hyper-financiarisation, des excès de la mondialisation, car les laissés-pour-compte
de ces phénomènes sont trop nombreux : surtout quand les élites françaises ont été
incapables de guider les masses populaires à travers ces transformations.
Le gouvernement a, lui, décidé de ne pas interdire les manifestations mais invite à les
"reporter" systématiquement, avait précisé vendredi le ministre de l'Intérieur
Christophe Castaner.
"Je pense que c'est une loi liberticide. Je ne vais pas faire de longs commentaires, c'est
liberticide", dit ce manifestant. "L'important c'est d'acter notre présence. On ne sera peut-être
pas très nombreux mais il y a quand même une manifestation le 4 février".
C'est une loi liberticide. Même si on n'est pas beaucoup, il faut montrer
qu'on est là
Frédéric
Manifestant, membre du parti communiste
"On a bon espoir, parce que si on perd l'espoir on perdra sûrement beaucoup de libertés",
estime Christophe Denizot, secrétaire général du syndicat SUD Solidaires des routiers.
A Paris, les manifestants étaient environ 5 000. Quelques heurts ont éclaté en fin de journée.
Le gouvernement défend un texte destiné à protéger les policiers victimes d'appels à la haine
et au meurtre sur les réseaux sociaux. Mais pour ses détracteurs, la loi va empêcher de filmer
les forces de l'ordre en intervention et de documenter les violences policières. Dans le viseur
notamment figure l'article 24 pénalisant la diffusion "malveillante" d'images de membres des
forces de l'ordre.
"mobilisation jusqu'en mars"
Ce jour-là, parmi les 142 personnes interpellées – dont 124 gardes à vue –, « près de 80 %
n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite », note Amnesty International France en
préambule de son rapport consulté par l’Agence France-Presse (AFP). Cela soulève « des
inquiétudes légitimes sur les risques qu’il y ait eu des arrestations arbitraires et d’autres
violations des droits humains », estime l’ONG, membre de la coordination d’associations et
de syndicats mobilisés contre la loi « sécurité globale ».
Cette proportion est comparable à celle de la période « gilets jaunes », révélée le 25 novembre
par le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz : de la fin de 2018 à la fin de 2019,
seuls 27 % des personnes placées en garde à vue avaient été poursuivies en justice.
A partir de témoignages et de vidéos, Amnesty souligne que les interpellations ont eu lieu à
l’occasion de « charges » qui n’ont pas été précédées de « sommation audible » et
sans « désordres significatifs » dans le cortège.
« J’ai été surpris par la stratégie de maintien de l’ordre : à chaque intersection, les forces de
l’ordre chargeaient sans motif ni sommation sur des manifestants non violents », témoigne à
l’AFP Alexis Baudelin, avocat, interpellé sans être placé en garde à vue.
Tout au long du parcours, les forces de l’ordre avaient en effet multiplié les « bonds
offensifs » pour interpeller et, selon la préfecture de police, « empêcher la constitution d’un
groupe de black blocs violents », après deux week-ends successifs de violences à Paris.
« Délit-obstacle »
Le rapport relève aussi des « détentions sur la base de lois vagues », notamment celle
sanctionnant la « participation à un groupement en vue de la préparation de violences »,
reprochée dans vingt-cinq des cas étudiés. Or, dans l’étude d’Amnesty, seuls deux personnes
sur 35 ont été interpellées en possession d’objets (lunettes de plongée, gants et casque de
moto) pouvant justifier un soupçon de participation à un groupement violent.
« Ils m’ont dit qu’il faisait partie d’une bande malveillante. C’était
incompréhensible. (…) Mon fils est militant, mais il n’est en aucun cas quelqu’un de
violent », témoigne à l’AFP Lara Bellini, dont le fils de 16 ans a passé vingt heures en garde à
vue avant d’être libéré sans poursuite.
Enfin, au moins cinq cas étudiés par l’ONG ont vu leur rappel à la loi assorti d’une
interdiction de paraître à Paris pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois, une mesure
rendue possible depuis une loi de mars 2019. Cette restriction au droit de circuler est « une
peine sans jugement » qui pose « d’autant plus de problèmes (…) que les personnes visées
ne peuvent pas faire appel », dénonce Amnesty, appelant le Parlement à abroger cette
disposition du code de procédure pénale.
Ce que contient le projet de loi «Sécurité
globale»
Le projet de loi a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Si son article 24
sur les images des policiers cristallise les oppositions, la loi contient de nombreuses autres
mesures.
Par Stanislas Poyet
Publié le 30/11/2020 à 16:17, mis à jour le 30/11/2020 à 17:17
Fout! Bestandsnaam niet opgegeven.L'article 24 est au cœur des oppositions. ALAIN JOCARD / AFP
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi «Sécurité globale» mardi
24 novembre. 388 voix pour, 104 contre. Cette loi déchaîne les oppositions jusque dans la
majorité. Samedi 28 novembre, partout en France, plus de 130.000 personnes se sont
rassemblées pour s'opposer à ce projet de loi.
La loi «Sécurité globale» entend mieux articuler l'action des acteurs de la sécurité, dans une
perspective «globale». Elle renforce donc les prérogatives de la police nationale, des agents de
sécurité privée qui collaborent avec l'État ou encore les agents de la SNCF ou de la RATP.
La plupart des oppositions se cristallisent sur l'article 24, qui entend lutter contre la diffusion
d'images de la police à des fins de menace ou de harcèlement. Seulement, le projet de loin
comporte d'autres mesures susceptibles de transformer le visage de la police et de la sécurité
en France. Voici les principaux articles de cette loi.
Face aux protestations de la presse qui y voit une atteinte à la liberté d'expression, l'expression
«sans préjudice du droit d'informer», a été ajoutée. Mais devant la persistance des critiques, le
premier ministre Jean Castex a annoncé mardi 24 novembre qu'il saisirait lui-même
le Conseil constitutionnel sur cet article . Deux jours plus tard, le jeudi 26 novembre, le
premier ministre annonce l'installation d'une commission indépendante visant à réécrire cet
article polémique. Mais lundi 30, son avenir en tant que tel était incertain, le patron
des députés LREM Christophe Castaner annonçant sa réécriture.
Article 1 à 6 : plus de pouvoir à la police municipale
Les articles 1 à 6 de la loi concernent l'extension des prérogatives attribuées à la police
municipale. Pour une durée de trois ans et à titre expérimental, la police municipale (quand
elle est composée de plus de vingt agents et un directeur ou un chef de service) pourra ainsi
être dotée de pouvoir de police judiciaire ou de maintien de l'ordre.
La police municipale pourrait ainsi intervenir pour des délits comme l'ivresse sur la voie
publique, la vente à la sauvette, la conduite sans permis, les squats de halls d'immeubles, les
tags ou encore l'occupation illégale d'un terrain communal. Elle pourrait encore être déployée
pour encadrer des manifestations sportive ou culturelle.
L'armement de la police municipale n'est en revanche pas prévu par ce texte de loi, bien que
cette mesure figure dans le rapport sur lequel elle se fonde.
Il s'agit bien de la réduction de peine automatique, prévue par l'article 721 du code de
procédure pénale. Cet article prévoit une réduction automatique de peine en fonction de la
durée de condamnation prononcée. Les réductions de peine pour bonne conduite restent donc
possibles.
En cas de mauvaise conduite, ces réductions automatiques de peine peuvent être réduites.
Cette position a été vigoureusement défendue par l'ancien patron du Raid aujourd'hui député
LREM Jean-Michel Fauvergue, qui a rappelé lors des débats à l'Assemblée nationale que le
soir de l'attentat du Bataclan, trois policiers étaient présents dans la salle. Reste que cet article
de loi fait craindre des dérapages. «Avec une arme qu'on échappe dans une boîte de
nuit, on peut créer la panique», a ainsi argumenté le député LREM Sacha Houlié.
A-t-on le droit de filmer et de diffuser des images des forces
de l'ordre pendant une manifestation ?
Ces derniers mois, les vidéos d'interventions
policières pendant des manifestations se multiplient sur les
réseaux sociaux, pour dénoncer des violences.
Article rédigé par
franceinfo
France Télévisions
Publié le 16/01/2020 15:26Mis à jour le 16/01/2020 15:26
Coups de matraque, croche-pied, tir de LBD à bout portant… Ces dernières années
et surtout ces derniers mois, les vidéos d'interventions des forces de l'ordre pendant
des manifestations se multiplient sur les réseaux sociaux, donnant parfois matière à
l'ouverture d'enquête. Elles sont notamment relayées par le journaliste David
Dufresne depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", pour dénoncer les
violences policières. Certains collectifs militants encouragent même leurs membres
à enregistrer le plus possible les interventions des forces de l'ordre,
remarque L'Obs. Est-il légal de filmer la police ? Franceinfo répond à trois
questions.
Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié le 10/02/2020 07:06Mis à jour le 10/02/2020 17:14