Vous êtes sur la page 1sur 70

UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION

ET DE SOCIOLOGIE
DEPARTEMENT DROIT
MASTER II- DROIT PRIVE APPLIQUE

L’EXPERTISE DANS LE PROCES PENAL


MALGACHE

Jury :

- ANDRIANAIVOTSEHENO Ravaka
- RANDRIMAROTIA Harijaona
- RAVOANGIHARIMAHEFA Tiana

Présenté publiquement par : Velonary MANANANJARA le 03 Mai 2016

Année- universitaire : 2014-2015


LISTE DES ABREVIATIONS

ADN : Acide Désoxyribonucléiques


Al.: Alinéa

APJ: Agent de la Police Judiciaire

Art.: Article

CA : Cour d’Appel

Cass.: Cour de cassation

CEDH: Cour Européenne de Droit de l’Homme

CIC : Code d’instruction criminelle

CPF: Code Pénal Français

CPM : Code Pénal Malgache

CPPF: Code de procédure Pénal Français

CPPM : Code de procédure Pénal Malgache

DPJ: Direction de la Police Judiciaire

EP: Enquête Préliminaire

GN : Gendarmerie Nationale

MP : Ministère Public

OPJ : Officier de la Police Judiciaire

OSPJ: Officier Supérieur de la Police Judiciaire

PJ : Police Judiciaire

PN : Police Nationale

PS: Police Scientifique

PV : Procès-verbal

i
LISTE DES ACRONYMES

DAFL : DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIERES ET DE LA LOGISTIQUE

DCAB : DIRECTION DE CABINET

DENIAP : DIRECTION DE L’ECOLE NATIONALE DES INSPECTEURS ET


AGENTS DE POLICE

DENSP : DIRECTION DE L’ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DE POLICE

DFCR : DIRECTION DE LA FORMATION CONTINUE ET DE LA RECHERCHE

DFIP : DIRECTION DES FORCES D’INTERVENTION DE LA POLICE

DIGS : DIRECTION DE L’INSPECTION GENERALE DES SERVICES

DPJ : DIRECTION DE LA POLICE JUDICIAIRE

DPSE : DIRECTION DE LA PROGRAMMATION, DU SUIVI ET DE L’EVALUATION

DPSP 2 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE TOAMASINA

DPSP 3 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE


D’ANTSIRANANA

DPSP 4 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE MAHAJANGA

DPSP 5 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE


FIANARANTSOA

DPSP 6 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE DE TOLIARY

DPSP1 : DIRECTION PROVINCIALE DE LA SECURITE PUBLIQUE


D’ANTANANARIVO

DRCIE : DIRECTION DES RENSEIGNEMENTS ET DU CONTRÔLE DE


L’IMMIGRATION ET DE L’EMIGRATION

DRH : DIRECTION DES RESSOURCES HUMAINES

ii
DRIEFS : DIRECTION DE LA REPRESSION DES INFRACTIONS
ECONOMIQUE ET FINANCIERES ET DE LA SECURISATION DES
INVESTISSEMENTS

DSEC : DIRECTION DU SUIVI-EVALUATION ET DE LA COORDINATION

DSIT : DIRECTION DES SYSTEMES D’INFORMATION ET DES TRANSMISSIONS

DSP : DIRECTION DE LA SECURITE PUBLIQUE

PRMP : PERSONNE RESPONSABLE DES MARCHES PUBLICS

iii
SOMMAIRE

L’EXPERTISE DANS LE PROCES PENAL MALAGASY .....................................................1


INTRODUCTION : .....................................................................................................................1
TITRE I - AVANT LE DECLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE ............................4
Chapitre I – L’expertise durant la phase de l’enquête préliminaire ..........................................6

Chapitre II - Le Ministère public et l’expert .......................................................................... 32

TITRE II : APRES LE DECLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE .......................... 38


Chapitre I- Le juge d’instruction et l’expert dans leurs rôles d’informations .........................39

Chapitre 2- Le juge et l’expert lors de l’élaboration d’une décision .......................................46

CONCLUSIONS : .....................................................................................................................52
TABLE DES MATIERES ........................................................................................................ IX

iv
L’expertise dans le procès pénal malagasy
INTRODUCTION :

Il vaut mieux innocenter 100 coupables que de condamner un innocent. Cette prudence, certes
exagérée, nous montre le souci du procès pénal. D’une part, il est difficile pour un juge
d’avouer une erreur judiciaire de nature qu’elle soit dans sa décision. Dans ce cas, le juge joue
un rôle central dans l’application de la loi et même des fois se trouve être confronté à des
problèmes extra-juridiques et voir dans certains cas des problèmes strictement d’ordre
techniques, autre que le droit. D’autre part, le juge n’est pas le seul acteur dans le cadre du
procès pénal. Loin de là, il y en a plusieurs acteurs dont leur rôle est prépondérant au sein de
l’institution judiciaire.

Ainsi, on a cette idée d’imaginer que le pouvoir judiciaire ou plus exactement


l’autorité judiciaire1, au moins dans le cadre du procès pénal, est investi d’un arsenal
d’intervenant en vue de faire manifester la vérité. Pourtant, avant d’en arriver là à notre
millénaire, l’histoire de la recherche de la vérité a passé plusieurs étapes qui semblent
incohérent à l’heure actuelle. Il y avait avant tout les ORDALIES2 où « Dieu » manifeste son
jugement par des éliminations directes (inondation, feu, etc.…). Puis cela a été suivi de la
torture qui se traduit dans la pratique par le fait de se livrer ou de s’adonner à la violence
physique pour obtenir de la personne présumée coupable un aveu, certes non éclairé dans les
majorités des cas. Toutes ces histoires se ressemblent dans les quatre côtés du globe.
Cependant pour Madagascar et à titre particulier, la pratique des « tanguins »3 est une autre
histoire. C’est parce qu’on met à l’épreuve les personnes au « procès » en les donnant à boire
du tanguin respectivement en vu de faire manifester la vérité. Cette ordalie se pratiquait à
Madagascar durant l’époque royale et précisément à partir du 17è siècle4. Par cette épreuve,
celui qui ne survit pas à l’épreuve est considéré comme le fautif ou coupable. Pourtant malgré
tout, il s’agit d’une sorte de procès comme un autre. On ne s’attardera pas ici sur la
défaillance de ses étapes dans l’évolution de l’histoire du procès, mais on peut déjà affirmer à
ce stade que ces modes de preuves ne sont plus aptes dans notre contexte contemporain.
Même si par la suite, Madagascar a adopté le Code d’Instruction Criminelle lors de l’époque

1
Terme employé par la Constitution de la IVe République de Madagascar.
2
In www.droit.univ-nantes.fr/m2dp/upload/word/Expose_Expert.doc.
3
Voir in MADATOPINFO, 13 juin 2015 à la page 14.
4
La semaine des familles : revue universelle hebdomadaire, 1858.

1
coloniale avant d’arriver à l’administration des preuves par tous moyens afin d’aboutir à notre
code de procédure pénale actuelle. Il s’agit dans ce cas d’une confirmation à ce que la science
juridique demeure une science évolutive. Par conséquent, chaque époque ne peut qu’avoir sa
propre mode d’administration de preuve et pour notre époque, c’est l’ « EXPERTISE DANS
LE PROCES PENAL » qui crée le débat.

En ce sens, nous devrons commencer par quelques définitions pour pouvoir mieux
appréhender ce thème et d’envisager une large réflexion en la matière.

Le mot procès a un sens d’origine latin « processus », du verbe « procedere » qui


signifie « un litige pendante devant une juridiction »5. Le procès est donc la phase durant
laquelle une juridiction est saisie d’un litige. Pourtant, le procès pénal doit être perçu dans le
sens large vu que sa spécificité demeure la prudence. Le droit positif malgache l’entend
justement dans ce sens où il englobe la phase de l’enquête préliminaire, de poursuite,
d’information et celle du jugement.

Quant à l’expertise d’une part, il est fondamental de préciser que le législateur


malgache que ce soit dans le code pénal(CPM), soit dans le code de procédure pénal (CPPM)
n’a pas donné une définition de ce qu’on entend par expertise. Pourtant, il a intitulé dans le
sixième titre de notre code de procédure pénal, chapitre premier à la sixième section
« l’expertise ». Admettons en ce sens qu’une lecture assez approfondie de cette partie dudit
code nous donne un petit indice de ce qu’est une expertise. Elle est un moyen pour le juge de
faire un recours auprès de l’homme de l’art ou tout simplement auprès d’un expert 6 devant
certaines complexités techniques. Ainsi, le législateur la définit comme un procédé comme un
autre mis à la disposition du juge dans sa fonction de juger.

D’autre part, l’expertise se conçoit comme une aide apportée au secours du juge se
trouvant dans une situation qui le dépasse. Ainsi, le juge qui était mis en difficulté technique
va s’appuyer sur son intime conviction par rapport au résultat de l’expertise pour trancher.
Cette manière de concevoir l’expertise fait ressortir le critique d’une partie de la doctrine.
C’est parce que le juge dépassé par les faits exposés devant lui, va faire appel à l’homme de
l’art et sera obligé de juger le moyen déployé par ce dernier en décidant du sort de l’inculpé
ou même des fois de l’accusé.

5
Thèse sur « L’expert et l’avocat dans le procès pénal », de Philippe Thomas, in Mémoire online

6
Art 276 du CPPM dans son alinéa premier.

2
Sur ce, l’expertise est un outil que le juge ne peut se priver devant certaines situations
et se trouvant même dépendant malgré la relativité de la notion de vérité d’une science à une
autre. Pourtant, certains principes sont sacro-saints dans la procédure pénale tels que le droit à
la défense, principe de culpabilité, du contradictoire. De manière générale, l’inculpation d’un
individu doit être prouvée et la Loi s’y porte garante. C’est dans cette rubrique que nous nous
posons nos questions par rapport à notre environnement juridique que ce soit dans le texte,
que ce soit dans la réalité pratique :

1- Notre première question se pose sur le rôle de l’expertise dans le procès pénal.
C’est parce que si le code de procédure pénale met à la disposition du juge
d’instruction l’expertise. Des fois, le même texte prévoit d’autres alternatives pour
permettre la manifestation de la vérité.

2- Une autre question que nous devrons répondre aussi, c’est la place que l’on donne
à l’expertise dans un procès pénal étant donné l’accroissement du recours à
l’expertise dans nos Cour et Tribunaux à l’heure actuelle.

Pour être plus synthétique dans nos propos, il est primordial dans ce travail de suivre
l’expertise dans l’ordre d’évolution d’un procès pénal. Voyons ainsi, dans un titre premier
l’expertise avant le déclenchement de l’action publique (Titre I) et dans un second titre sa
situation depuis le déclenchement de cette action (Titre II).

3
Titre I - Avant le déclenchement de l’action publique

La constitution de la IVe République de Madagascar adopté en 2010 explique bien


cette entame puisque dans son article 13, elle dispose comme suit dans son alinéa 8 : « L'État
garantit la plénitude et l'inviolabilité des droits de la défense devant toutes les juridictions et à
tous les stades de la procédure y compris celui de l'enquête préliminaire, au niveau de la
police judiciaire ou du parquet. » Ce même article continue dans les alinéas 10 et 11 : « Tout
prévenu ou accusé a droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce que sa culpabilité soit
établie par une juridiction compétente. » « La détention préventive est une exception. »

Ces dispositions de l’article 13 expliquent en mieux l’existence de cette période dite


« avant le déclenchement de l’action publique » dans le procès pénal. C’est parce qu’à partir
de cela que les droits à la défense et la présomption d’innocence sont de valeur
constitutionnelle et que ce déclenchement est nécessaire avant toute condamnation en la
matière. A cet effet, il faut qu’on mette en exergue ce qui se passe préalablement au
déclenchement de la poursuite. Celle-ci peut être effectuée soit par le ministère public, soit
par la victime dans le cadre d’une plainte avec constitution de la partie civile. Bien avant cela,
on remarque la nécessité d’une enquête préliminaire prévue par l’article 131du code de
procédure pénale malgache (CPPM) attachée à la fonction de la police judiciaire (Chapitre I)
qui dans certaines hypothèses sont confrontées à des problèmes techniques. Il serait mieux en
ce sens que tout comme le juge, la police judiciaire(PJ) devrait faire recours à l’homme de
l’art que ce soit au sein du corps de la PJ lui-même, soit devant un tiers inscrit en tant que tel
dans la liste de la Cour d’Appel de chaque chef lieu de provinces ou un autre tiers requis par
la PJ motivant par elle-même sa décision dans son propre procès-verbal (PV) destiné à son
supérieur hiérarchique qu’est le Ministère Public (MP) selon l’article 123 et 125 du CPPM .

Aussi, le droit malgache en matière de procédure pénale qui est de type mixte, à la fois
accusatoire et inquisitoire, prône l’idée selon lequel le MP dispose un pouvoir particulier en
tant que défenseur de l’intérêt de la société. Sur ce, le magistrat débout a l’opportunité de la
poursuite selon les moyens donnés par le CPPM dans les articles 175 et suivant. Il déclenche à
partir des circonstances et de ses propres constatations l’action publique (Chapitre II), hormis
celui de la victime sous certaines conditions. Soulignons à cette fin que l’expertise, sous

4
quelques formes qu’elle soit ou sous dénomination qui soit, peut s’interférer et peut avoir
toute son importance dans l’estimation de l’activation par le MP de la poursuite. Cette nuance
mérite d’être analysée au fond et en la forme pour mieux appréhender l’expertise dans le
procès pénal malgache.

5
Chapitre I – L’expertise durant la phase de l’enquête préliminaire

C’est une phase très importante dans le déroulement d’un procès pénal. Pour mieux
exploiter cette phase, cela nécessite de revenir dans un petit aperçu sur trois points assez
important.

Primo, il est primordial de mentionner la forte hiérarchisation au sein de la PJ. De part


la loi, elle est constituée selon l’Art.124, al.1er par l’officier supérieur de la PJ (OSPJ),
l’officier de la PJ (OPJ) et l’agent de la PJ (APJ). Des détails sont évoqués dans les articles
suivants de cet article ci-précité. L’OSPJ7 comprend le MP, les juges d’instructions (JI) et les
magistrats des sections de tribunal. Ensuite, l’OPJ8 désigne les sous-préfets, les chefs
d'arrondissement et leurs adjoints non membre du MP, les chefs des services de sécurité et de
police d'une province et leurs adjoints; les commissaires de police et les officiers de police;
les officiers de police adjoints et inspecteurs de la sécurité nationale investis
individuellement de cette qualité par arrêté du Ministre de l'Intérieur; les officiers de
gendarmerie et les gendarmes principaux; les gendarmes exerçant effectivement les fonctions
de commandant de brigade, de chef de poste ou de commandant de peloton. Enfin, on a les
APJ9 qui sont les gendarmes; les officiers de police adjoints et inspecteurs de la sécurité
nationale qui n'ont pas la qualité d'officier de police judiciaire; les brigadiers et agents de la
police; les agents de la police rurale.

Secundo et en conséquence de cette hiérarchisation du corps de la PJ, les attributions


de la PJ sont en principe cordonnées par le MP 10. Dans ce cas, la PJ est chargée de l’enquête
préliminaire où elle doit procéder à la constatation de l’infraction, au rassemblement des
preuves, à l’audition des témoins et s’il le faut à l’arrestation du présumé auteur de
l’infraction en question. Cette partie est analysée ici en une section concernant les
constatations de l’infraction (section 1) afin de mieux porter des explications liées à
l’expertise.

7
Art. 125 CPPM
8
Art.126 CPPM
9
Art.127 CPPM
10
Art 124, al.2 CPPM

6
Enfin, la PJ, tout comme le juge en présence des difficultés techniques11, peut recourir
à un homme de l’art en vu de constater les infractions. C’est parce qu’à la base le rôle de la PJ
se résume à la constatation des infractions même si la terminaison des actes qu’elle
entreprenne est concrétisée par un PV dénommé selon la nature de l’acte du fait de l’aspect
technique et scientifique que la PJ aura à traiter. Une autre section est donc consacrée à notre
analyse concernant les différentes expertises pouvant surgir durant l’enquête préliminaire
(section 2).

Section 1 – Par rapport à la constatation de l’infraction

Deux articles du CPPM nous intéressent préalablement dans ce chapitre. C’est parce
que non seulement, ils mettent en exergue le véritable fonctionnement de l’appareil dite PJ
mais encore les modalités d’actions sont ici bien explicitées.

Le premier article est celui de l’article 207 du code précité ci-dessus et dispose comme
suit : « Dès qu'un officier de police judiciaire est avisé d'un crime ou délit flagrant, il se
transporte sans délai sur le lieu de l'infraction pour procéder à toutes constatations
utiles, après avoir informé le magistrat ou l'officier du ministère public dont il dépend.

Il veille à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut


servir à la manifestation de la vérité. … » Dans ce cas, la PJ a la charge de constater
l’existence d’une infraction surtout lors d’une procédure de flagrant délit ou d’information
sommaire12. Elle doit surveiller le bon déroulement de la procédure étant donné que
l’efficacité de la procédure dépend dans les majeures parties des cas procéder à des prudences
dès la première minute des constatations de l’infraction , tout au moins dans la pratique au
moment de l’arrivé sur les lieux. C’est parce que la bonne PJ est celle qui tient compte de
l’écart entre l’instant de la réalisation de l’infraction et de ses premières minutes sur les lieux
de l’infraction13. Ce même article confirme en même temps la hiérarchisation de la PJ et de
préférence à sa soumission à l’OSPJ qu’est le MP. En principe, la PJ procède à une enquête
préliminaire qui est d’une grande importance dans la fonction de PJ (paragraphe 1).

11
Art. 276 CPPM
12
Flagrant délit dans le droit français et l’autre terme pour le droit malgache.
13
Selon les propos du Divisionnaire ANDRIANIRINA Bruno, Directeur de la PJ (DPJ de la police nationale).

7
Le second article n’est autre que l’Art. 208 CPPM et disposant ainsi : « Dans les lieux
où un crime ou un délit puni d'emprisonnement a été commis, il est interdit à toute personne
non habilitée de modifier avant les premières opérations de l'enquête judiciaire l'état des
lieux et d'y effectuer des prélèvements quelconques. Les contrevenants sont punis des
peines prévues à l'article 473 du Code pénal.

Toutefois, exception est faite lorsque ces modifications ou ces prélèvements sont
commandés par les exigences de la sécurité ou de la salubrité publique, ou par les
soins à donner aux blessés ou malades.

Toute destruction de traces ou indices, tout prélèvement ou dissimulation


effectués en vue d'entraver le fonctionnement de la justice est puni des peines prévues par
l'article 61, 2e alinéa du Code pénal (CPM). » Cet article du CPM prévoit un mois à trois ans
d’emprisonnement et/ou une amende. Ce qu’il faut retenir par rapport à cet article est a priori
la préservation des lieux jusqu’aux constatations effectuées par la PJ. S’il le faut dans la
pratique, l’intervention du service de la police technique et scientifique (paragraphe 2) peut
être souhaitée selon les difficultés rencontrées sur le terrain14.

Paragraphe 1- Par la fonction principale de la PJ

Comme on l’a bien annoncé ci-dessus, l’enquête préliminaire (EP) constitue la


principale attribution de la PJ15. A cet effet, il s’agit d’une pratique policière qui en droit
français est prévu par l’article 75 de son code de procédure pénale (CPPF). Le droit français
comme le droit malgache la délimite en quatre points que nous allons étudier étape par étape
selon l’évolution de la procédure. Remarquons en passant que les deux droits positifs se
ressemblent vivement quant au déroulement de cette enquête. Ainsi, elle est censée à
s’évoluer sous la surveillance du MP qui va fixer par lui-même la durée de son déroulement 16.

Pourtant, dans cet aspect procédural de notre réflexion, il paraît évident de parler de la
mode de saisine de la PJ pour que celle-ci procède à une EP. Selon l’article 131 du CPPM, la
PJ peut procéder à ce genre d’enquête s’il se peut qu’elle reçoive une plainte par une victime
ou une dénonciation signalée par un tiers. Sinon, l’EP peut être effectuée par simple

14
Toujours de l’interview donnée par le DPJ de la Police nationale malgache et celui du commissaire de police
de Cachan-Paris … en juin 2015.
15
Art. 131, al.2 CPPM.
16
Seulement en droit français.

8
instruction des magistrats et/ou officier du MP. Le CPPM prévoit aussi la saisine d’office de
la PJ par elle-même s’il s’avère que la recherche des auteurs et le rassemblement des preuves
sont estimés « nécessaires » selon les circonstances présentes. L’exemple fréquent auprès de
la PN est lors de leur mission de sécurisation des évènements culturels dans un stade comme
celui du Colésium d’Antsonjombe17, les membres de la Police administrative(PA) se
transforment en PJ et procède à une EP lors de la réalisation d’une infraction sur les
périmètres à sécuriser ou aux environs.

Notons à titre de rappel que l’EP selon le CPPM et le CPPF se déroule en quatre étapes :
constatations de l’infraction et rassemblement de preuves (A) et audition des témoins et
arrestations des présumés auteurs dans la mesure du possible (B).

A- Constatation de l’infraction et rassemblement des preuves : par rapport au corps de


l’infraction

A la réalisation d’une infraction, la PJ procède directement aux EP. Pour ce faire,


elle doit commencer par constater l’infraction ainsi constituée. Pourtant même si cette
constatation consiste à réunir les éléments légal-moral et matériels de l’infraction, ce travail
n’est pas toujours facile étant donné les difficultés rencontrées à réunir ces trois éléments.

Procéder à une EP ne se limite pas simplement à la constatation. Des preuves


doivent être rassemblées pour pouvoir mettre en jeux la responsabilité pénale d’un individu
donné. Tel constitue une garantie aux principes de valeur constitutionnelle comme ceux du
contradictoire et de la présomption d’innocence.

1- Les constatations :

Pour mieux appréhender cette phase, ouvrons notre analyse sur deux horizons
fondamentaux qui sont la théorie (a) et la pratique (b).

17
Exemple cité par le DPJ de la PN.

9
a- Du point de vue théorique :

Ici, constater les infractions correspond à trois choses :

Il s’agit en premier lieu de faire l’état des lieux. Ce qui veut dire que la PJ en arrivant
sur les lieux de l’infraction doit immédiatement mettre en évidence l’existence de celle-ci
malgré les difficultés rencontrées sur le terrain. Hormis cette mise en évidence, état des lieux
signifie aussi le fait pour la PJ de se renseigner du moment de la réalisation de l’infraction
pour pouvoir maîtriser la situation le plutôt possible.

En second lieu, constater une infraction signifie aussi examiner le corps du délit tout
en essayant de retracer la réalisation de l’infraction. La plus belle des manières est avant tout
la reconstitution de l’infraction par rapport aux éléments en présence. Cependant, cela peut
être nuisible au bon déroulement de l’enquête.

C’est parce que avoir des préjugés empêche dans la majeure partie des cas la
manifestation de la vérité et c’est ce qu’il faut éviter dans l’expertise pénale et dans les
constatations de l’infraction.

Enfin, n’oublions pas que chaque acte de la PJ admet comme terminaison un PV et en


l’espèce, c’est le PV de constatation qui se diffère selon l’infraction en présence. Cependant,
la qualification de l’infraction par ce PV ne lie que la PJ elle-même. Par la suite, le MP chargé
de la poursuite et le juge d’instruction chargé de l’information peuvent avoir leurs
classifications.

Pourtant, le principe en matière de ce genre de constatation est que les auteurs d’une
infraction laissent derrière eux des traces. Celles-ci peuvent être liées à l’existence de
l’infraction elle-même comme les empruntes digitales sur la victime. Des fois, l’histoire se
complique et la détermination de la date, des heures et parfois des circonstances demeure
important en vu de constater l’infraction. Cette constatation permet d’apprécier l’infraction et
son efficacité se repose à la manière d’orienter la recherche effectuée par la PJ dans le cadre
de l’EP.

10
b- Du point de vue pratique :

Dans ce cas, l’appréciation de la constatation d’une infraction dépend de l’attachement


que l’on se donne :

Par rapport aux lieux de l’infraction, l’essentiel est avant tout la sécurisation du
périmètre. C’est parce que tous les éléments présents sur les lieux ont leur importance lors des
constatations. Ainsi, la pratique policière nous montre lors du cas d’homicide l’importance de
la portion du sol ou du plancher avoisinant la victime. Si le lieu constitue une voie publique,
une barrière de protection doit être établie le plus vite possible par les policiers. Soulignons
en passage que toute modification des lieux risque de compromettre à jamais la réussite de
l’enquête.

Quant aux personnes, des mesures doivent être prises. S’il y a lieu des blessés, la
pratique des soins urgents doit effectuer sur les lieux. Si ce n’est plus possible, son évacuation
en est la solution. En présence de cadavre, le mieux est de ne pas les déplacer avant les
constatations. Les témoins sont par contre à isoler et une vérification d’identité s’impose.
Cette prudence minimise et aide à la fois l’expert dans son futur travail.

En ce qui concerne les objets, leurs emplacements sont à prendre en photo et il est
important de ne pas laisser filer les détails. L’idée est de ne rien laisser au hasard pour
maximiser la chance dans la recherche de la vérité.

2- Le rassemblement des preuves :

Si les constatations sont marquées par plusieurs points que l’on a pu citer ci-dessus, le
rassemblement des preuves est assez délicat. C’est parce que des modalités doivent être
respecté par la PJ dans ses procédés sous peine de nullité18. Certes, les constatations jouent
un rôle important dans ce rassemblement étant donné qu’une étape mène à une autre comme
dans toute procédure.

a- La perquisition :

Dans le CPPM, la perquisition est prévue par les articles 135, 210, 211, 212, 230, de
257 à 260. Tout cela est dans le but de pouvoir dire que la perquisition intéresse vraiment le
législateur malgache. Pourtant, l’al.2 de l’Art.13 de la Constitution de Madagascar de 2010
consacre à ce que la perquisition applicable dans le pays doit être règlementée. De cela, la
18
Chambre criminelle, cour de cassation française le 25 juin 2013 pour un vice concernant la garde à vue.

11
perquisition ne peut s’effectuer la nuit entre 19h à 5h du matin sauf circonstances
exceptionnelles. Quant à son déroulement, il se diffère dans ses modalités selon la procédure
entamée. En matière de flagrant délit, étant donné les circonstances, elle peut être tolérée
selon son utilité et n’a pas besoin forcément de l’autorisation judicaire de nature qu’elle soit.
Par contre, lors de la phase de la PJ, un ordre écrit d’un officier du MP est requis à titre
préalable. Comme la perquisition ne peut s’opérer de manière arbitraire. Il peut aussi y avoir
une perquisition sur commission rogatoire à condition qu’elle ne dépasse pas la limite de cette
commission, effectuée en présence d’un greffier et au lieu de la présence d’un fondé de
pouvoir les parents ou alliés de l’inculpé doit être présent.

A titre de remarque, la perquisition ne peut être effectuée que chez les suspects, dans
les lieux ouverts au public et chez quelqu’un sous sa demande. Hormis tout cela, la
perquisition des véhicules est spécifique en ce qui est du respect des heures légales.

A la différence de la perquisition qui est à la recherche des objets volés, la visite


domiciliaire s’effectue quant à elle pour la recherche d’un individu généralement en fuite.

b- Saisie des pièces

En cours d’enquête, la police peut rencontrer de nombreux problèmes. Toute fois, les
membres de la PJ doivent suivre ce que dit la loi et surtout que la loi pénale est
d’interprétation stricte. Ainsi, une distinction doit être établie entre appréhension provisoire et
saisie. En principe, l’appréhension provisoire est effectuée par les APJ en vu d’écarter une
arme ou un objet dangereux qu’ils auraient l’obligation par la suite de les remettre à l’OPJ. Ce
dernier est obligé de restituer la chose selon l’évolution ou proprement l’amélioration de la
situation. Par contre, la saisie suppose une sauvegarde ou même une conservation des pièces à
convictions, des indices ou des éléments de preuves. Par la suite, la saisie doit obligatoirement
entraîner une mise sous scellé que l’on pourra remettre plus tard entre les mains d’un homme
de l’art.

A titre d’information, on distingue trois sortes de scellé. Leurs différences résident


plutôt par rapport à l’emplacement des objets. Sont scellés découverts, ceux dont lequel
l’objet saisi est palpable directement. Pourtant, des scellés fermés sont ceux que l’on place
dans des sachets et les scellés ouverts sont placés dans un carton chemise. Il est primordial de
noter à cet effet que nulle saisie des pièces ne peut s’effectuer en l’absence de l’OPJ.

12
B- Audition des témoins et arrestations : quant aux personnes

Cette partie s’impose avec délicatesse étant donné que les textes accordent beaucoup
d’importance à la protection de la personne, surtout en matière pénale. A cet effet, la
constitution de 2010 traite la question de l’arrestation dans ses articles 9 et 13. Ainsi, ce texte
fondamental prévoit à ce que la liberté doit être le principe 19. Cependant, n’oublions pas ce
que la doctrine envisage le fait que nous sommes tous en liberté provisoire.

1- L’audition des témoins :

Ceci étant, l’article 214 CPPM prévoit cette situation et dispose comme suit :
« L’officier de police judiciaire peut appeler et entendre en témoignage toutes
personnes susceptibles de fournir des renseignements utiles. » Dans ce cas, l’audition
effectuée par l’OPJ est requise à titre de complément d’information durant la phase d’une EP.
Les informations issues ont leur importance pour la suite du procès pénal. Cependant, notons
que le droit malgache accepte aussi le témoignage des enfants mineurs malgré la dangerosité
de cette pratique dans la célèbre affaire Outreau20.

En matière de crime et de délit flagrant, l’audition d’un témoin doit être faite en
présence d’un greffier. Le témoin, en même temps, prête aussi serment.

Dans la pratique, le témoignage ne coule pas de source. La PJ a, à cet effet, la charge


de rechercher les témoins. Le prélèvement d’identité des personnes présentes sur les lieux,
lors des constatations de l’infraction, semble primordial. Des fois, une enquête de voisinage
sur les lieux de la réalisation de l’infraction ou des personnes proches de la victime est
efficace pour les membres de la PJ. Ainsi pour avoir un témoin, un appel à la presse doit
s’opérer. Cette pratique est très fréquente en matière d’enlèvement21.

Auditionner un témoin signifie entendre la personne témoin durant son récit que ce
soit spontanément en la laissant dans une libre évocation, soit guidé en la posant des questions
précises.

19
Art. 13, dernier al. CPPM
20
Cour d’Assises de Saint-Omer le 02 juillet 2004.
21
Emission OMBAY MITADY de la Police Nationale.

13
2- L’arrestation :

Elle est régie par les articles 142-143 CPPM. En principe, six situations sont à prévoir,
selon la loi, pour qu’il y ait arrestation. Elle peut s’opérer a priori par exécution d’un mandat.
Ensuite, la PJ y peut aussi procéder dans le cas des personnes soupçonnées d’avoir participé à
des délits ou des crimes punis d’une peine d’emprisonnement22. En cas de flagrant délit, l’OPJ
en procédant à l’établissement de son périmètre peut rencontrer des contrevenants où elle peut
procéder à l’immédiat à leurs arrestations23. Le juge d’instruction, en cours de son rôle
d’information, juge nécessaire l’arrestation, peut faire exécuter sa décision par la PJ 24. Le MP
bénéficie aussi de ce pouvoir dans sa fonction25. Enfin, une arrestation peut aussi s’effectuer
lors des contrôles routiers26.

Des remarques sont à faire ici. L’arrestation ne constitue pas le principe dans le procès
pénal. La palpation de sécurité est à distinguer de la fouille à corps lors des arrestations.

La première notion se présente comme une mesure de vérification des objets de


caractère dangereux portée par un individu. L’APJ doit remettre la chose trouvée en fouille à
son supérieur. Par contre, la fouille corps est effectuée normalement par un OPJ. S’elle est
effectuée dans le but d’avoir des preuves, il s’agit d’une fouille perquisition. Pour les
personnes détenues en garde à vue, la fouille constitue une sûreté.

Paragraphe 2- La PJ dans ses services techniques et scientifiques : la police


scientifique

Il s’agit d’un service constituant le branchement de la DPJ27. Ainsi, il intervient dans


la recherche et l’examination des indices laissés par l’auteur d’une infraction. Ces
interventions permettent à la PJ d’identifier l’auteur d’un acte précis et même de rassembler
les preuves. L’examen des empreintes digitales et/ou des ADN est l’exemple parfait en la
matière. C’est parce que cet examen permettra d’identifier un individu bien déterminé, inscrit
dans la base de données de la PJ.

22
Art. 142-143 CPPM
23
Art. 472 CPM
24
Art. 251-253 CPPM
25
Art. 162 CPPM
26
Art. L 4 du code de la route.
27
Direction de la Police Judiciaire soit au sein de la GN, soit auprès de la PN.

14
L’intervention des services techniques et scientifiques de la PJ28 s’effectue
majoritairement dans le cadre d’une EP. Pourtant lors d’une procédure de flagrant délit, elle
ne peut être accordée qu’à titre exceptionnel. La pratique policière s’assimile ici aux examens
techniques et scientifiques : Que signifie ici ce terme « examens techniques et
scientifiques » ?

Le droit français emploi ce terme pour parler de l’intervention des techniciens en


matière des constatations d’infractions. Dans la plupart du temps, ils sont ordonnés par le MP
ou par des OPJ chargés de mener une enquête. Pourtant certaines précisions doivent être
effectuées sur la raison de cette appellation « examens techniques et scientifiques » mais non
pas « expertise ».

A- Différence entre examen technique et expertise ?

D’une part, M.CAPITANT29 désigne comme expert cette personne choisie par le juge
à raison de ses connaissances techniques, ayant pour mission de procéder, après prestation de
serment, à des constatations et appréciation des faits dont elle consigne le résultat dans un PV
ou dans un rapport. A partir de cette définition, la seule condition à l’expertise est donc le
choix du juge d’y faire recours. Pour ce faire dans le cadre pratique, le juge ordonne par
rapport à un fait d’y recourir, selon son intime conviction et selon la loi. Tandis que les
examens technique et scientifique peuvent s’opérer par simple avis d’un OPJ qui est dans le
besoin d’un service lors d’une enquête où des problèmes d’ordre technique lui sont soumis à
traiter.

D’autre part, le droit malgache ne s’explique pas pour autant en la matière. De toute
façon, cette pratique a fait naître au sein de la PJ malgache un service technique et
scientifique. Pourtant en droit français, le texte30 parle de ces examens et indiquent son
déroulement dans la pratique. On note cependant que la différence entre ces deux notions ne
sont pas évident étant donné que ils se confondent évidement. Ce qu’il faut tout simplement
retenir devant cette confusion est que les examens techniques et scientifiques s’opèrent dans
la majeure partie des cas lors de la phase de PJ. L’expertise, quant elle, est assimilée aux juges
que ce soit du MP, JI et même devant la JJ.

28
Voir Annexe 1 sur l’organigramme du ministère de l’intérieur à Madagascar.
29
Circulaire de la chancellerie du 20 mars 1935 cité par FABERON, La pratique de l’information judiciaire,
édition Oran, 1950, repris par Monsieur RETAIL in « Les principes et cadres juridiques de l’expertise judiciaire,
Sirey.
30
Art. 60,77-1, 74 et 81 du CPPF.

15
B- Le déroulement de ces examens :

Comme on l’a bien souligné avant, cette pratique est bel et bien conçue dans le droit
français. Pour cette raison, il faut bien partir de la pratique française si l’on veut au mieux
explicité le déroulement des examens techniques et scientifiques.

Le CPPF31 autorise le MP à faire appel à toute personne qualifiée pour procéder à des
constatations et à des examens techniques et scientifiques en cas de besoin. Par la même idée,
les juges de la haute juridiction française entendent à ce que l’intervention des personnes
qualifiées en vu de ces examens soit la mêmes que celle de l’expert.

Pourtant, la cour de cassation n’admet pas encore à ce qu’on applique aux personnes
qualifiées la même règle applicable que lors d’une expertise. Ceci étant, le juge français est
assez strict envers les experts.

Vis-à-vis des OPJ, l’Art.60 du CPPF les autorise à faire recours à une personne devant
certains problèmes durant leur enquête. Tel est l’objet de la réquisition à personne qualifiée32.
A titre d’exemple, les scellés que la PJ a pu cueillir sur les lieux de l’infraction sont à remettre
au laboratoire d’analyse accompagnés d’une réquisition à personne qualifiée. Concrètement,
le laboratoire peut être emmené à effectuer une comparaison des prélèvements d’échantillons
d’ADN sur les lieux par rapport aux identités soupçonnées.

Sur ce qui est du droit malgache, la pratique reste encore assez floue et le texte n’en
dit pas plus. Cela ne suppose pas cependant que ses examens n’existent pas à Madagascar
mais ils existent sur le terrain et dépendent de l’OPJ selon la réalité. Cette situation est dite
non-droit dont le fait où elle n’est pas régie par le texte et se trouve incohérent par rapport à
l’esprit du droit pénal.

C- La nuance à faire entre police scientifique et détective privée :

Selon l’évolution de la pratique policière, il demeure important de porter quelques


explications entre ces deux notions :

31
Dans son Art.77-1
32
Art. 60 et 77-1 du CPPF.

16
1- Différence selon leurs significations :

La police scientifique s’identifie comme étant une branche de la PJ. Sur ce, il s’agit des
fonctionnaires de l’Etat. Par contre, les détectives privés sont aussi appelées des enquêteurs
privées. Elles se trouvent ainsi régies par le droit privé concernant l’exercice de la profession
libérale. Pourtant, la traduction britannique n’est pas équivalente si l’on se fie au terme
« detective », du verbe « to detect ». C’est parce que dans le monde anglo-saxon, « detective »
désigne l’OPJ qui mène une enquête publique. A cet effet, il ne s’agit pas des initiatives
privées mais c’est un travail d’un fonctionnaire et dans l’esprit de bien mener au profit de
l’ordre public.

En droit malgache, la fonction de détective privée n’est pas permise parce que la loi
tranche en ce que la justice est une question d’ordre publique. Elle est, par conséquent, une
affaire de l’Etat confiée à ses agents.

Cependant, l’institution « police scientifique » est une notion peu développée. La raison est
que dans la Grande île, il y a peu de police scientifique et souffre de la pauvreté. Nombreux
de leurs matériels ne sont plus à jour alors que leurs vieillesses multiplient le taux des marges
d’erreurs. Hormis cela, les matériels le plus usité dans le domaine de recherche est assez cher.
Signalons à l’occasion que l’Etat doit s’investir pour armer sa justice et d’éviter à l’occasion
les erreurs de justice que s’il faut éviter à tout prix. Malgré ces difficultés, la police
scientifique malagasy ne se plaint pas et tente toujours de résoudre les énigmes de leurs
enquêtes qui deviennent de plus en plus technique par l’évolution de la technologie par les
moyens déployés par les malfaiteurs. Cette situation est très dangereuse et se présente comme
une menace à la sécurité publique.

2- La ressemblance entre ces deux notions :

Police scientifique et fonction de détective privée naissent tous deux de la pratique. Le


fameux terme américain « private investigator » définit bien la fonction de détective privée.
Commençons par différencier private investigator du droit commun et celle du droit français.
Aux Etats-Unis, l’emploi de détectives par les avocats dans des contre-enquêtes pénales, par
exemple, est complètement répandu. Certains avocats ont même un ou plusieurs détectives
salariés dans leur cabinet. Même les avocats commis d’office par les tribunaux, les «public
defender», peuvent avoir recours à des détectives privés, à des taux horaires plafonnés.

17
En France, l’impression est que l’emploi de détectives privés se trouve très limité dans ses
procédés. La raison en est que la culture judiciaire française remet la recherche de la vérité
dans une affaire criminelle a priori monopolisé par l’Etat.

La différence se réside aussi dans le nombre. Selon les statistiques du gouvernement


américain, il y a environ 50.000 détectives privés aux Etats-Unis et leur nombre augmente
régulièrement. Ceci est dû aux inquiétudes sécuritaires de l’après 11-Septembre, à la montée
du nombre d’actions en justice et de la cybercriminalité, notamment des nouvelles atteintes à
la vie privée genre cyberstalking. Mais le chiffre réel est difficile à évaluer car certains Etats
ne requièrent pas de licence professionnelle. Le plus souvent, ces détectives sont des policiers
et militaires partis tôt à la retraite, mais la profession se féminise et se diversifie. La plupart
des agences n’ont qu’un employé, mais les agences moyennes recrutent des détectives juniors
pluriethniques, qui parlent des langues étrangères et peuvent plus facilement faire du terrain et
approcher les gens dans une communauté réputée «fermée».

En général aux Etats-Unis, les détectives préfèrent travailler pour de gros clients réguliers,
des cabinets d’avocats, des compagnies d’assurances, etc. Mais tout dépend de l’Etat dans
lequel ils se trouvent: en Californie, par exemple, où les accidents du travail sont
généreusement indemnisés, de nombreux détectives se spécialisent dans ce genre de fraude.
En Floride, paradis des riches retraités, beaucoup d’agences font des enquêtes pré-
matrimoniales. Leur rôle est de rassembler les informations comme ce que réalisent la PJ et le
juge d’instruction malgache. A la différence, les sois disant clients reçoivent la présentation
des informations fruits du travail de l’enquêteur. Dans ce cas, celui qui a engagé l’
« investigator » peut utiliser l’information qu’il a entre les mains comme il le souhaite. Sur
l’affaire DSK par exemple, les détectives employés par Brafman et Taylor sont à la recherche
de toutes les informations susceptibles de décrédibiliser le témoignage de la victime
présumée. Elle n'était pas du genre a s'épancher sur le Web et n'a laissé pratiquement aucune
trace dans les bases de données. Les «private investigators» sont en train de parcourir les
quartiers où elle a vécu depuis son arrivée aux USA, de parler à d’anciens collègues,
d’anciens voisins pour faire une enquête de «caractère». Était-elle une bonne locataire?
Sérieuse au travail? Quelles étaient ses mœurs? Prenait-elle des drogues? Avait-elle des
dettes? S’était-elle déclarée en faillite personnelle et serait donc à court d’argent? Ses papiers
étaient ils en règle ou a-t-elle menti en remplissant sa demande de visa ou de carte verte?
Même si ces informations ne sont pas recevables au procès, des fuites dans les médias
peuvent ce qu’on appelle «contaminer» les jurés potentiels. Les détectives trouvent toujours

18
quelque chose ou localisent toujours des témoins potentiels. Même s’ils rentrent globalement
bredouilles, la défense est au moins informée.

En dépit de tout cela, on arrive à constater que les policiers n'ont pas toujours le temps ni
les moyens de passer tout un quartier au peigne fin. Tandis que les privés ont eux aussi un
budget limité pour «passer derrière». Cependant, malgré leurs rôles respectifs, ces deux points
importants du procès pénal arrivent à coexister ensemble dans le système anglo-saxon mais
non pas dans la famille du droit romano-germanique qu’est le droit malgache.

Section 2 - Les expertises fréquentes dans les constatations de l’infraction

La PJ dispose d’un pouvoir de réquisition, par conséquent, elle peut requérir une
personne qualifiée pour procéder à un examen technique ou scientifique. La réquisition
s’entend donc comme l’acte de la PJ qui sollicite une prestation intellectuelle ou/matériel
d’une personne. Elle peut aussi faire appel à un expert aux fins d’expertise médicale de la
personne poursuivie pour des actes qui n’ont pas donné suite à un « mort d’homme ».
L’expert assiste alors la PJ pendant une opération déterminée et peut intervenir dans
n’importe quel domaine qui nécessiterait son intervention. Dans ce cadre, il convient de traiter
successivement la constatation de l’infraction quand il y a un homicide (paragraphe 1) et dans
les hypothèses où ce dernier est exclu mais qu’il y a quand même infraction (paragraphe 2).

Paragraphe 1- Dans le cas d’homicide

L’homicide c’est le fait d’attenter à la vie d’une personne autre que soi-même par des
actes matériels et positifs. En général, l’on distingue l’homicide volontaire de celui
involontaire. Dans le premier cas de figure, le présumé coupable a eu l’intention de tuer la
victime au moment de l’acte, ce qui suppose un « animus necandi33 », tandis que dans la
seconde hypothèse, la mort de la personne n’était pas dans le dessein de l’auteur de
l’infraction mais plutôt la conséquence d’un acte voulu au moment de sa commission.
Néanmoins, que ce soit dans l’une ou dans l’autre hypothèse, il y aura toujours un cadavre. Le
problème se pose donc sur l’identité de l’auteur du méfait, car, en l’occurrence, cela ne paraît
pas toujours évident. La position du corps, les traces laissés par l’auteur, les détails entourant
l’infraction sont des indices qui peuvent menés à lui, mais qui peut certifier de la véracité de
ces preuves et quid alors de leur force probante ? C’est en ce sens que l’étude du cadavre (1),

33
Elocution latine signifiant « volonté de tuer » au moment de l’infraction.

19
celui du lieu de la découverte du corps et des armes du « crime » (2) et enfin, de
l’identification de l’assassin (3) se révèlent primordiaux.

A- Etude du cadavre :
Un bref aperçu historique est de mise. Du XIe au XVIIe siècle, à travers toute l’Europe,
pour reconnaître un meurtrier, il n’était pas nécessaire de faire des enquêtes approfondies si le
coupable s’avérait être un inconnu. En effet, l’on faisait appel à une pratique populaire
appelée « la voix du sang ». Celle-ci signifiait que si l’on mettait le cadavre devant son
présumé meurtrier ou à proximité de ce dernier, ledit cadavre saignait. Le saignement prouvait
donc la culpabilité « irréfutable » d’une personne.
Pour l’exemple, citons un cas célèbre datant du XVe siècle dans lequel le duc Louis
d’Orléans a été assassiné à Paris sur ordre de Jean sans Peur, un duc de Bourgogne. Lors de
l’inhumation du cadavre, du sang a coulé du cercueil, et bien entendu, le duc Jean sans Peur
était prêt dudit cercueil. 34
L’on peut dire que le peuple en ce temps fut très sévère car il déduit de l’écoulement du
sang de la victime la culpabilité ou non d’une personne et nul n’est sans savoir qu’à l’époque
la mort en était la sentence. Mais qu’en est-il de l’irréversibilité de cette peine si plus tard, il
s’est avéré que le coupable n’en était pas un, la méthode employée ne pouvait faire l’objet
d’une réelle vérification ? De nos jours, il ne serait même pas envisageable de condamner une
personne sans véritable preuve contre elle. Pourquoi ? Car comme nous l’avions déjà dit
précédemment, le présumé coupable doit avoir contre lui des allégations confirmées non pas
seulement par une volonté populaire mais par des preuves intangibles car rappelons-le, l’on
met la liberté et l’honneur d’une personne en jeu. C’est en cela que l’intervention d’une
personne de l’art est indispensable lorsque la PJ est face à des difficultés dans la recherche de
preuve et du présumé meurtrier. En principe, lorsqu’il y a homicide, la PJ constate l’infraction
et pour avoir plus de précision, par exemple, sur les circonstances de la mort, elle relève les
indices et ces prélèvements seront envoyés au laboratoire de la Police Scientifique. Par
exception et selon l’article 209 du code de procédure pénale malgache, « S'il y a lieu de
procéder à des constatations urgentes, l'officier de police judiciaire a recours à toutes
personnes qualifiées. En cas de mort violente ou de mort dont la cause est inconnue ou
suspecte, l'officier de police judiciaire requiert tout praticien de l'art médical à l'effet de faire
34
Cf. Chanoine H. PLATELLE, professeur aux Facultés catholiques de Lille dans « Une ordalie populaire : le
cadavre qui saigne en présence de son meurtrier ; contribution à l’étude du sens de la mort au Moyen Age »,
page 117-118.

20
rapport sur les causes de la mort et sur l'état du cadavre.» Il paraît en effet illusoire que la PJ
soit apte à déterminer exactement la nature et les circonstances du décès si cela n’est pas
apparent.
Concernant la procédure proprement dite, pour constater l’homicide, la PJ a plusieurs
attributions dont se transporter sur les lieux de l’infraction, examiner le cadavre d’un point de
vue extérieur en dressant son état civil, en d’autres termes, déterminer son âge approximatif,
son sexe, sa corpulence, sa taille et ses signes particuliers. L’âge est d’autant plus difficile à
préciser si le corps n’est plus en « très bon état », en ce cas, l’intervention de l’expert est
obligatoire. Il faut, ensuite, déterminer avec exactitude l’emplacement et la position du
cadavre par rapport à un point fixe en disant par exemple qu’il est étendu sur le plancher,
couché sur un lit, couché sur le ventre, sur le dos, sur un côté. Outre cet examen très détaillée
du corps, la PJ procède aussi à la description de la tenue vestimentaire de la victime en
précisant le cas échéant si elle est chaussée ou non, si elle porte des gants ou un chapeau et si
il y a des traces de souillure ou de déchirures sur ses vêtements ; mais encore en précisant si
elle porte des bijoux ou d’autres ornements sur elle.
Par ailleurs, l’aspect général du corps et/ou des blessures qui sont infligées ne sont point
négligeable, l’on peut par exemple relever la décomposition du corps qui a été découvert
assez tardivement ou sa température ainsi que l’écoulement ou non de sang, la nature et les
emplacements des blessures en indiquant leur gravité. Dans la pratique, la PJ fait appel à
l’expert généralement nommé « médecin légiste » pour estimer l’heure exacte, ou du moins
approximative, du décès. La réquisition se fera verbalement, généralement par téléphone,
mais elle soit être consignée par écrit car c’est cette réquisition qui détermine les missions
conférées à l’expert, la version écrite sera remise à l’expert lors de son arrivée sur les lieux.
Puis, le corps sera transporté au BMH35 ou Brigade Municipal d’Hygiène qui est une structure
médicale implantée dans chaque commune urbaine, ladite brigade aura une attribution
médico-légale c’est-à-dire un rôle pour tout ce qui à trait à la mort. Arrivée à la brigade, le
médecin légiste procède à l’autopsie36 pour déterminer les causes de la mort. Cette opération
est assistée d’un représentant du ministère public et de la PJ. Suite à l’autopsie, le médecin
légiste dresse un rapport qui éclairera la PJ mais qui sera surtout annexé au PV dressé par
elle.

35
La BMH de la Commune Urbaine d’Antananarivo se situe à Isotry.
36
L’autopsie est une opération par laquelle le cadavre va être mis à nu puis disséquer pour savoir si la mort de la
personne s’est passée naturellement ou au contraire avec violence ainsi que pour déterminer la cause du décès.

21
B- Etude des lieux et des objets concourant à l’infraction
Cette étude concerne surtout le lieu où se trouve le cadavre mais aussi les armes qui ont
servi pour le meurtre. Lors de la constatation de l’infraction, aucun indice ou trace ne doit
échapper à la PJ même le plus infime car nous le savons, un détail peut tout changer. C’est en
partie pour cela que lorsque la PJ arrive sur les lieux, elle doit sécuriser le périmètre de la
« scène du crime » c’est-à-dire délimiter le lieu où l’infraction s’est produite et enjoint à toute
personne qui n’en a pas l’autorisation de rester hors dudit périmètre.
D’abord, concernant la constatation de l’homicide au vue des lieux, la PJ, que ce soit en
cas de flagrant délit ou durant une enquête préliminaire ou même qu’elle ait découverte un
cadavre, elle procède à certains actes. En effet, bien que le code de procédure malgache en
son article 209 précité, ne mentionne que la constatation du cadavre qu’en cas de flagrant
délit, dans la pratique policière, l’intervention d’un expert est « toujours » obligatoire dans le
cadre de l’homicide.
Quant à la description générale des lieux, la PJ dresse un PV. Elle décrit et le lieu de
l’infraction et tout ce qui se trouve à proximité. Il faut donc préciser si le cadavre a été
découvert dans une maison, dans un établissement de commerce ou sur un lieu public. Puis,
elle fait une localisation du lieu, par exemple, si c’est dans un immeuble que la victime git, il
va de soi de déterminer l’adresse dudit immeuble, la rue où il se trouve ainsi que la ville
concernée ; par contre pour le lieu public, en principe, c’est moins contraignant, car l’on n’a
qu’à citer le nom de la place. Après, il faut décrire outre toutes les voies d’accès au bâtiment
et son voisinage, le nombre d’étages, l’état des portes et fenêtres pour savoir si elles étaient
ouvertes ou non au moment de la découverte du corps. Aussi, faut-il indiquer s’il y a un
système d’alarme ou la présence d’un chien. Par ailleurs, il faut identifier le propriétaire et/ou
le locataire du lieu.
Quant à la constatation générale de la pièce où se trouve le cadavre, la PJ précise divers
éléments qu’il convient d’énumérer dont la nature de la pièce notamment si celle-ci est une
chambre à coucher, une cuisine ou autre ; sa situation géographique par rapport à l’immeuble,
si elle est à l’autre bout de la maison ou en son centre ; son aspect général en indiquant si elle
est en désordre ou si il y a eu des traces de lutte ou même si il y a eu des meubles renversés ;
l’éclairage de ladite pièce en déterminant si les lampes étaient éteintes ou allumées ; sa forme
et ses mesures ; la description des ouvertures dans la pièce surtout pour la position des portes
et fenêtres ainsi que les possibles traces qui y sont et tout ce que la PJ juge important pour
l’éclairer.

22
Cela a pour corollaire le fait d’énumérer chaque objet utile à l’enquête notamment sur sa
nature, sa forme, sa couleur, ses dimensions, et la présence d’empreinte si il y en a ainsi que
de toute trace sur ledit objet si elle est apparente. L’on peut aussi relever l’état du lit, de la
salle de bain, des poubelles, des serrures, du plancher, du plafond, des murs, des appareils
ménagers, de chaque meuble ; mais encore, l’on peut examiner tout document. Tout ceci outre
le fait de visiter minutieusement les autres pièces autre que celle où il y a le cadavre ainsi que
l’examen des abords extérieurs tels que les parties communes des immeubles, le jardin, la
clôture, le portail, la recherche de trace de pas, d’escalade et de roues.
Ensuite, concernant l’examen des armes qui ont pu servir à l’infraction ou pour toute arme
suspecte trouvée sur les lieux et/ou à proximité, elles seront envoyées au Laboratoire de la
police dans la Division de la police scientifique et technique malgache pour rechercher
l’auteur de l’infraction. L’on appelle cette expertise, l’expertise en balistique, et elle consiste à
étudier l’arme sous tous ses angles. Elle est notamment ordonnée par l’enquêteur au niveau de
la police même car il est de pratique que dès qu’il ya « mort d’homme », la PJ requiert la
police scientifique et technique. Il faut remarquer que l’expert en balistique fait partie de la
police scientifique et a été formé sur l’identification des armes et des balles. Pour pouvoir
retrouver l’auteur de l’infraction, il est nécessaire de connaître l’arme et la balle qui a servi.
L’expert analyse alors, avant tout, la douille de la balle en relevant sa date de fabrication, son
numéro de stock et son calibre (6.35m/m, 7.65m/m, 9m/m37) sachant qu’une balle ne « se
balade » pas seule mais arrive au pays en centaine dans des cartons. Par conséquent, la
provenance de la balle permettra d’autant plus de retrouver le meurtrier. Par ailleurs, la
rainure38 sur la balle permet de la faire correspondre à l’arme à feu qui a été utilisée. Ensuite,
l’expert doit décrire minutieusement l’arme et la balle en veillant à mentionner dans son
rapport leurs particularités et leurs états de fonctionnement et en examinant les débris
accumulés par la balle lors de son passage dans les différentes cibles. Outre ces analyses et
ces observations, l’expert peut déterminer au vue de la blessure, la position du tireur et la
distance de tir en étudiant la trajectoire de la balle et du degré de pénétration dans le corps de
la victime.
Quid si l’arme est un couteau ou tout autre objet ? L’analyse sera effectuée par un
médecin, si l’on peut dire « normal ». Il lui appartiendra de faire correspondre la taille de la
plaie du cadavre avec l’objet que l’enquêteur lui aura envoyé, tel un couteau.

37
m/m : millimètre.
38
La rainure est une entaille à l’intérieur de l’arme elle-même qui fait que lorsqu’on tire sur une cible, la balle est
imprégnée de ladite entaille et puisqu’il y en autant que d’arme, il est facile de déterminer le tireur.

23
Après toutes ces constatations, l’expert ou le médecin requis dresse un rapport, avec tous
les détails nécessaires, qui sera annexé au PV de la PJ.

C- La reconstitution et « l’identification » de l’assassin


Pour la reconstitution, en droit comparé, notamment en droit français, la reconstitution de
l’infraction est comme « un passage obligé » dans le cadre de la procédure pénale surtout pour
l’instruction préparatoire, et même parfois pour l’enquête préliminaire ou pour l’enquête pour
flagrance. C’est un acte de procédure par lequel, en possession de tous les éléments de preuve
de l’infraction, l’on essaye de reconstituer l’infraction en allant sur le lieu et en refaisant ce
que la victime et l’auteur de l’homicide auraient fait au moment de l’infraction. La victime est
dans notre cas, morte, son « rôle » sera joué par un policier lui-même. Cette opération sert
notamment à déceler la fausseté dans les déclarations faites par l’auteur. En effet, le fait de
ressasser le moment de l’infraction pourra désorienter le présumé meurtrier et donc permettra
de lui faire dire et/ou faire des erreurs. Dans la pratique malgache, la reconstitution est rare
mais si elle s’avère nécessaire, elle sera ordonnée par le ministère public.
Concernant les empreintes digitales, dans la pratique, la PJ peut requérir un expert en
dactyloscopie pour relever les empreintes sur les objets et/ou les armes trouvés sur les lieux de
l’infraction. Cela aide à la célérité de la procédure car en principe, toutes les personnes sur le
globe ont des empreintes digitales différentes. La police scientifique travaillant au Laboratoire
de Police de Tsaralalana, détient en sa possession un fichier par ordre alphabétique contenant
des empreintes de diverses personnes et elle n’aura qu’à faire correspondre lesdites
empreintes à la base de données pour retrouver l’auteur de l’infraction. La limite de cette
opération réside dans le fait que la base de données ne renferme qu’un certain nombre de
personne restreinte dont celles qui travaillent dans une assurance, dans une banque, celles
fonctionnaires ou occupant une fonction publique. Mais si l’auteur de l’homicide est déjà
appréhendé par la PJ, cette dernière pourra collaborer avec la police scientifique pour faire
correspondre les empreintes relevées sur la scène du crime et celles de l’auteur. L’expert en
dactyloscopie dressera ensuite un rapport sur la concordance ou la discordance des empreintes
et ce rapport sera annexé au PV.
Concernant l’identification du présumé meurtrier, il arrive que le meurtrier soit
appréhendé par la PJ mai que celui-ci argue d’une démence au moment de la commission de
l’acte ou qu’il fasse des déclarations contradictoires lors de son interrogatoire. En principe,
l’expertise en matière de psychiatrie ne peut intervenir qu’au stade de l’instruction puisqu’il
faut que le juge lui-même l’ordonne.

24
Par exception, cette expertise peut intervenir même pendant l’enquête de la PJ puisque
selon l’article 138 bis du code procédure suscité, « Dès le début de la garde à vue, la personne
arrêtée peut faire l’objet d’un examen médical sur la demande de l’officier de police judiciaire
chargé de l’enquête. » A cet effet, la PJ requiert un médecin d’un établissement
psychiatrique ; dans la pratique, l’expert sera désigné de l’établissement psychiatrique
d’Anjanamasina et aura comme attribution principale de constater l’état de démence ou non
du présumé coupable. Il est à noter que cet établissement est l’unique sur tout l’Ile, par
conséquent, pour les provinces, tout médecin travaillant dans un hôpital public sera désigné
comme expert psychiatrique. Cet examen médical ne sera pas prise en compte comme une
véritable expertise, il sera utile mais non déterminant pour la suite de la procédure. Précisant
que dans la pratique, la PJ demande à l’avocat de l’auteur de l’infraction d’apporter la preuve
de la démence de son client. Dans ce cas, c’est ledit avocat qui apporte un certificat médical
attestant du traitement suivi ou que va suivre la personne, et c’est ce certificat qui se
substituera au rapport d’expertise du médecin.

Paragraphe 2- Dans d’autres cas que l’homicide :

Bien évidemment, il n’y a pas que l’homicide comme infraction nécessitant l’intervention
d’un expert. Ces infractions peuvent aller de la médecine (A) qui requiert une certaine
scientificité, à certains délits ou crimes particuliers (B) exigeant une technicité. Mais, il n’est
pas rare que la science et la technique se rencontre, en effet, l’un n’exclut pas
automatiquement l’autre.

A- Expertise par la médecine


La PJ requiert l’intervention de l’expert tant en matière médicale tant dans celle de la
consommation de substance « illicite».

1- En matière médicale
La PJ peut requérir un expert médical pour les infractions qui ne tendent pas forcément
à tuer une personne car, il y a aussi intervention de la PJ contre les actes tels que les
agressions sexuelles ou encore contre les actes de torture ou de barbarie commis à l’encontre
de mineurs, ainsi qu’en cas de violence volontaire ou involontaire. Dans cette dernière
hypothèse, l’expert doit évaluer et/ou vérifier l’incapacité de travail. Mais pratiquement, les
plus fréquentes pour ces infractions sont celles liées aux accidents de travail et aux maladies

25
professionnelles. Dans cette dernière hypothèse, le litige pourrait provenir de désaccord sur la
date de guérison, les arrêts de travail ainsi que leur prolongation, le caractère de la blessure.
En principe, la PJ fait une réquisition d’un expert travaillant dans une formation
sanitaire publique (hôpital, dispensaire) pour vérifier la véracité des faits allégués par la
victime de coups et blessures. Mais en réalité, la victime produit elle-même un certificat
médical qui attestera par exemple de l’incapacité de travail de plus de 21 jours. Ce dernier
sera considéré comme un rapport d’expert et sera donc annexé au PV de la PJ qui aura
constaté l’infraction. il faut relever le fait que la PJ apprécie si il y a lieu ou non de recourir à
un autre expert pour diagnostiquer la victime, si elle décide de procéder à un second expertise,
cette dernière et le certificat médical seront annexés au PV de la PJ.

2- Recherche du taux d’alcool et de stupéfiants


En cas de crime ou de délit relatif à un accident de la circulation, l’état alcoolique ou
drogué d’une personne constitue une circonstance aggravante. Combien même, il n’y aura pas
eu d’accident mais que l’on soupçonne une personne d’être sous l’emprise de substances
altérant sa capacité à maîtriser un véhicule, le contrôle sur la personne sera donc fait par
police administrative car la PJ n’intervient que quand il y a eu une infraction perpétrée.
Dans la recherche et le dosage d’alcool, il s’agit le plus souvent d’une personne
conduisant en état d’ébriété et arrêté par la PJ. Dans ce cas, le recours à l’expert est facultatif
et encore, s’il y a des difficultés relatives à la personne, par exemple, si celle-ci refuse de
subir le test. En effet, dans la pratique policière, la PJ utilise un objet pour détecter la présence
ou non d’alcool dans l’organisme, on le nomme « alcootest ». L’individu appréhendé par la
police est invité à expirer dans ledit alcootest et un bip sonore confirme l’alcool ingurgité.
Après ce « petit » test, la PJ dresse un PV. Ce test permet aussi de déterminer la concentration
de l’alcool en la personne de l’auteur. L’on ne parle pas alors exactement d’expertise car
celui-ci n’est pas censé intervenir, contrairement à l’hypothèse de recherche de stupéfiant.
En effet, pour la recherche de produit stupéfiant dans le corps, il est nécessaire
d’analyser le sang de l’auteur du délit, et ledit analyse ne peut se faire qu’en laboratoire, en
l’occurrence, celle de la police scientifique. Pour ce faire, la PJ établit plusieurs réquisitions,
d’abord pour prélever le sang de la personne concernée, puis une autre pour la confier à un
expert. A titre d’information, en droit comparé français, le législateur a admis la détection de
stupéfiants par test salivaire depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 sur la modernisation
du système de santé, ceci par soucis de rapidité et de coût ainsi que pour diversifier la
méthode employée.

26
B- Expertise technique
Dans ce type d’expertise, il faut plutôt user d’un certains procédés propres à la matière
concernée. Ce sont le cas de l’accident et des graphiques.

1- En matière d’accident
Dans le cadre de cette expertise, l’intervention de l’expert est obligatoire. Pourquoi ?
Parce que la PJ détient une compétence plus ou moins générale et la police scientifique ne
peut être compétente dans tous les domaines. Par ailleurs, en matière d’accident, le problème
se situe par rapport aux causes dudit accident. La PJ peut alors ne pas savoir de façon exacte
ces causes de l’accident or pour trouver l’auteur de l’infraction, elles s’avèrent nécessaires.

a- En cas d’accident de voiture


Lors d’un accident de voiture, celui qui est le plus fréquent, il faut évaluer les dégâts pour
estimer le montant des dommages-intérêts qui devraient être alloués, mais pas que cela car
l’expert automobile aura aussi l’obligation de déterminer les causes de l’accident. Il pourra à
cet effet dire qu’il y a eu crissement de pneu, ce qui attestera du caractère involontaire ou non
de l’accident ainsi que de la vitesse à laquelle la voiture roulait ; ou il pourra relever les vices
internes du véhicule ce qui n’exonèrera pas l’auteur de l’infraction. En effet, le conducteur
pourrait alors invoquer l’état de nécessité pour ne pas engager sa responsabilité pénale. Cet
état de nécessité suppose que l’auteur de l’infraction était dans l’obligation de commettre
l’infraction pour survivre ou pour sauvegarder un intérêt supérieur sauf dans le cas où c’est de
la faute de l’auteur qu’a été crée l’état de nécessité. Ceci est confirmé dans un arrêt de la
Chambre criminelle française en date du 28 juin 1958 dans lequel Monsieur Lesage conduisait
une voiture dans laquelle il y avait aussi sa femme et son enfant, et alors qu’il roulait à une
certaine allure, la portière droit à l’avant s’était ouverte brusquement, projetant ainsi sa femme
et sont enfant sur la chaussée. Alors qu’il tentait de les retenir par une main, il n’arriva plus à
maîtriser sa conduite et a failli, de ce fait, écraser sa famille. Pour éviter cela, il à tenter de
faire dévier le véhicule qui a, par la même occasion, heurté une autre voiture arrivant en sens
inverse. Monsieur Lesage et les deux autres personnes dans la seconde voiture ont été
grièvement blessés et le premier a été poursuivi pour blessure par imprudence. Pour ne pas
être imputé d’une responsabilité pénale, Monsieur Lesage invoque l’état de nécessité par le
fait qu’il avait dû heurter la deuxième voiture pour sauver sa famille. Ce qui aurait été
compréhensible vu qu’il n’y avait pas de choix à faire, mais ce que reprochent les juges c’est
plutôt le fait que ce soit par la faute de l’auteur de l’accident que celui-ci a eu lieu.

27
Il a en effet été établit que c’est pour cause de défaut d’entretien que la portière s’était
ouverte, ce qui a eu pour conséquence d’engager la responsabilité de Monsieur Lesage.
Quel est l’intérêt de cet arrêt ? Le fait pour l’expert de déterminer les causes de
l’accident qu’elles soient internes ou externes à l’individu, aura une incidence sur la décision
du juge et ledit expert devra, dès la commission de l’infraction, intervenir.

b- En cas d’accident de l’aviation


Plus rarement mais pas impossible, dans le cas d’accident d’avion39, l’expert sera désigné
au sein du Bureau d’Enquête des Accidents et d’Incident de l’Aviation civile, et il aura pour
rôle d’examiner attentivement les débris de l’engin, de prendre toutes photographies utiles, de
recueillir tous les documents à bord pouvant contribuer à la manifestation de la vérité. Les
rapports de l’expert seront transmis à la PJ si c’est celle-ci qui a requis l’expert, sinon, ce
dernier ne fait part des causes de l’accident qu’à ceux qui lui ont demandé d’enquêter,
notamment au Ministère chargé de l’Aviation Civile et au Ministre de la Justice ainsi qu’au
Bureau d’Enquête des Accidents et d’Incident de l’Aviation civile. Il faut souligner que seules
les causes établies avec certitude feront l’objet de rapport, et pour la plupart, l’accident aura
été causé par une défaillance matérielle de l’engin, par une défaillance technique du personnel
notamment lorsque le pilote aura fait une fausse manœuvre du volant mais aussi lorsqu’il y
aura eu un défaut d’entretien de l’avion qui aurait dû être effectué par le personnel « au sol ».

2- Expertise graphique40
D’emblée, il faut distinguer le graphologue du graphonome. Bien que la différence soit
infime, il convient de relever la nuance. Le premier désigne l’homme de d’art qui a la capacité
de cerner la personnalité et les caractères de l’auteur d’une infraction à travers son écriture
manuscrite et même sa signature, il pourra alors dire si le présumé coupable est un être doux
ou agressif, si il est ou non en bonne santé physiquement et/ou mentalement. En effet, n’a-t-
on pas déjà entendu que la mentalité d’une personne est facilement identifiable par le biais de
son écriture ? Ceci semble relever du domaine de la psychologie. Tel est le défi que doit
relever le graphologue.
Par contre, pour le graphonome, il ne s’agit pas de faire une étude de la personnalité de
façon « abstraite » si l’on peut dire, c’est plutôt un homme de science qui détermine si les

39
Cf. Arrêté interministériel fixant les modalités du décret n° 2008-187 modifié et complété par le décret
n°2013-710 portant organisation de l’aviation civile et fixant les attributions des structures qui la composent.
40
Cf. J. Eugène Claude dans « Essai de traité de Police Scientifique pour Madagascar et pays en voie de
développement », Tome II, page 29-40.

28
écrits et/ou la signature qu’il examine sont authentiques ou non. On le nomme souvent
« expert en écriture et/ou en document ». A cet effet, il aura pour rôle de déceler l’authenticité
des documents, la provenance de ceux-ci et même la matière dont ceux-ci sont faites.
Le graphonome fait une sorte d’étude objective en disant si un document est un faux
ou non, cela ne soulève aucune appréciation de l’état psychique de l’auteur de l’infraction,
contrairement au graphologue qui, déduit de l’écriture l’état d’esprit de la personne et par
conséquent sa conclusion varie très certainement selon l’auteur. L’on dit alors que la
graphologie est un « art » alors que la graphonomie est une « science ». Mais il faut soulever
qu’il y a une possibilité d’interférence, notamment, le graphonome peut être aussi
graphologue, en tant que tel, il cerne l’authenticité d’un acte et la personnalité de l’auteur en
même temps, ce qui serait plus pratique en effet.
Pour l’expertise au niveau pénal, il convient d’approfondir la graphologie par soucis
d’objectivité et ne prendre en compte la psychologie de l’auteur de l’infraction que quand cela
s’avère être nécessaire. Il n’y a cependant pas de cloisonnement absolu entre les deux notions.
Dans le faux en écriture, il y a toujours une altération de la vérité et en ce sens, l’on peut
distinguer le faux matériel de celui intellectuel41. Le premier suppose le défaut d’authenticité
de l’acte ou de l’écriture c’est-à-dire que l’acte est modifié physiquement, c’est le cas par
exemple si il y a eu une fausse signature, une contre façon d’écriture ou même qu’il y ait eu
une fabrication d’acte faux alors que, le second concerne le défaut de véridicité dans le
contenu même de l’acte.
Il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, de détecter la fraude dans ce dernier cas
car en la forme, l’acte est parfaitement valide. C’est ici qu’intervient le graphologue pour
déterminer si oui ou non, la volonté de l’auteur de l’acte était exempte de vice, il faut dans ce
cas dire si elle n’a pas été altérée par des circonstances extérieures ou qu’au contraire, l’acte
exprime réellement ladite volonté.
Plusieurs questions sont susceptibles d’être posées à l’expert en écriture dont
l’identification de l’auteur d’une lettre anonyme, de l’auteur de tract diffamatoire,
l’authenticité d’une signature, de la date de l’écrit. La méthode employée diffère selon que
l’on veuille ou non que le support de l’écrit reste intacte, il y a donc une méthode optique qui
consiste à analyser l’écrit sans le détériorer mais en procédant à des comparaisons avec
d’autres écrits ; et il y a la méthode chimique qui peut détruire partiellement le support. Il
appartient à l’expert de déterminer la méthode qu’il entend employée. Il va sans dire que le

41
Article 145-147 du code pénal malgache.

29
graphonome doit disposer d’outil de travail dans ses fonctions, l’on peut citer par exemple,
sans être exhaustif, une loupe, un agrandisseur photographique, un microscope à
photographier.

A Madagascar, voici deux cas dans lesquels, le faux en écriture est très répandu :

a- Dans le cadre d’un testament falsifié : ceci est surtout vrai pour le testament olographe
qui est écrit à la main par le testateur lui-même. Néanmoins, cela n’empêche pas la
falsification des autres formes de testament à savoir celui en la forme secrète et par
acte public. A l’heure actuelle, cette falsification ne s’opère plus par simple grattage
ou gommage, car avec l’avancée de la technologie et des machines modernes, la
modification devient de plus en plus indétectable, d’où la nécessité de l’intervention
de l’expert.

b- En matière de signature : il est d’autant plus difficile de déterminer la véracité d’une


signature car même une seule personne peut légèrement modifier la sienne sans s’en
rendre compte, la signature changera alors selon la bonne ou mauvaise humeur de la
personne, selon son état de santé, selon la position dans laquelle elle signe. Il a aussi
été admis que la signature d’un individu lorsqu’elle était jeune diffèrera de celle quand
il sera vieux. L’expert doit alors être très prudent et analyser toutes les signatures de la
personne : au moment, 1 mois, et 1 an avant le litige. Plus il y a de document
contenant la signature de l’individu, plus il y aura des chances de détecter la fausseté.

Mais quid alors de la force probante de tous ces rapports rédigés par les experts au
niveau de la phase policière? Juridiquement, les dits rapports ne sont faits qu’à titre de
renseignement donc établis pour éclairer la PJ sur ce que cette dernière doit transcrire dans
son PV, ils permettent à peu près d’orienter vers l’identification du coupable mais ils sont
discutables. Ils restent au stade de l’avis, et il n’appartient pas à l’expert de « désigner du
doigt » l’auteur de l’infraction, il ne fait que supposer. Pour preuve, la PJ peut elle-même
demander l’intervention d’un autre expert après en avoir déjà désigné un. Mais, dans la
pratique et selon l’enquête effectuée sur le terrain, la PJ estime que les rapports des experts
annexés au PV et au dossier de l’enquête constituent des preuves importantes pour ne pas dire
« irréfutables ». Aussi, faut-il rappeler que le PV de la PJ fait foi jusqu’à preuve contraire, ce

30
qui a pour corollaire de transmettre cette valeur probante à un rapport d’expertise qui
l’accompagne.
Tous les PV suscités dressés par la PJ, avec les rapports d’expertise, seront transmis au
ministère public pour décider de l’enclenchement ou non de l’action publique. C’est en cela
que les avis d’expert présentent une importance non négligeable car, dans la pratique
juridique, le procureur se basera en partie sur ces avis.

31
Chapitre II - Le Ministère public et l’expert

En matière de droit pénal de forme et surtout dans le droit malgache, le MP joue un


rôle très important pour le déclenchement de la poursuite. En effet, le MP possède un arsenal
de moyens lui permettant de mettre en action l’action publique. Le CPPM renforce l’idée sur
l’importance du MP dans le procès pénal. C’est parce que tout au long de la procédure, le MP
est omniprésente étant donné qu’il possède l’opportunité de la poursuite (section 1).

Cependant en matière d’expertise pénale, l’expert et MP doivent coexister ensemble


selon l’étape de la procédure. N’oublions pas que le procès civil est un accident. C’est parce
qu’il n’aurait pas lieu en temps normal. Tandis que le procès pénal constitue une suite logique
du droit pénal étant donné qu’à chaque fois qu’on est en présence d’une infraction et que si le
MP l’estime nécessaire, l’action publique se met en marche. On peut constater ainsi que le
MP dispose aussi du privilège de l’opportunité de la poursuite. Pour certaines affaires pénales,
l’immixtion d’un homme de l’art est inévitable. Dans ce cas, l’expert commis se trouvera
confronter au MP « dictateur de poursuite » (section 2).

Section 1- Le ministère public avec son privilège d’opportunité de poursuite

Comme on vient de l’annoncer ci-dessus, le MP demeure une personnalité


indispensable au procès pénal. Ainsi, il intervient lors de la phase de la PJ en tant que OSPJ42.
Le MP ait pour mission de mener les EP par lui-même ou en déléguant son pouvoir auprès des
OPJ par le fait de sois transmis au cas où il est saisi par une plainte de la victime43.

Ensuite, le MP est appelé aussi dictateur de la poursuite. C’est parce qu’il déclenche,
selon ses propres observations, l’action publique. De ce fait, le MP dispose plusieurs moyens
de déclenchement44.

Durant la phase d’instruction, l’avis du MP est requis à titre consultatif. A cet effet, il
ne peut que donner son avis qui ne va pas lier le juge instructeur. Seulement, c’est la loi qui
requiert ce procédé qui n’a vraiment pas de grande utilité dans la pratique.

42
Art. 124 al.2 CPPM.
43
Plainte à parquet
44
Art.175 CPPM

32
En ce qui concerne la phase de jugement, le MP est une partie au procès tout en étant
celui que l’on appelle défenseur de l’intérêt de la société. A cet effet, son intervention se
justifie ici par son rôle. Cependant, même s’il est fortement hiérarchise, n’oublions pas que
durant le procès « la plume est serve mais la parole est libre ». C’est-à-dire que le MP en se
levant pour prendre la parole peut contredire l’ordre qu’il avait reçu et qu’il va souscrire dans
son rapport.

Tout cela nous permet de mettre en exergue que le MP est omniprésent durant toute la
phase de la procédure. A cet effet, force est d’apprécier l’intervention du MP pour le
déclenchement de l’action publique (paragraphe 2) après avoir fait ressortir les personnes
susceptibles de déclencher l’action publique (paragraphe 1).

Paragraphe 1- Les personnes pouvant déclencher l’affaire pénale :

On sait tous que le MP est seul responsable de la poursuite. Pourtant, l’action publique
peut se déclencher de deux manières :

A- Déclenchement par le MP :

Le MP possède la maîtrise de l’action publique : en effet, aucune juridiction ne peut se


saisir elle-même, et le déclenchement des poursuites par le ministère public est un préalable
indispensable à toute condamnation pénale. Pour assurer cette mission, le MP est tenu au
courant de la commission des infractions par plusieurs moyens : il peut recevoir directement
les plaintes et dénonciations, et il est informé par les autorités de police des infractions
survenant sur son ressort. Après une phase d’enquête qu’il dirige, le MP prend librement une
décision sur l’action publique, en vertu du principe de l’opportunité des poursuites :

il peut classer l’affaire sans suite, si elle ne lui semble pas mériter de traitement
judiciaire mais il doit dans ce cas motiver 45 sa décision;

il peut saisir un juge d’instruction si l’affaire est grave ou complexe et nécessite une
enquête approfondie46 ;

il peut saisir une juridiction de jugement, s’il estime que les faits sont constitutifs
d’une infraction47 ;

45
Art. 99 du CPPM pour le classement sans suite.
46
Art. 175 du CPPM.

33
Le MP évalue seul l’opportunité des poursuites, il n’est donc pas lié par l’existence d’une
éventuelle plainte. Mais la victime d’une infraction peut également déclencher par elle-même
l’action publique.

B- Déclenchement par la victime48 :

La victime, quant à elle, dispose deux moyens de déclencher l’action publique. Elle peut
procéder par voie d’une citation directe49 en saisissant directement la juridiction du jugement.
Cependant, il est important de signaler qu’à la différence du MP, la victime risque ici de
commettre une infraction pénale telle que la dénonciation calomnieuse. Cette première voie
mise à la disposition de la victime la permet de faire convoquer directement l’auteur d’une
infraction devant un tribunal. L’avantage est dans ce cas qu’il évite de perdre son temps
depuis la phase de PJ jusqu’à la fin de l’instruction.

La plainte avec constitution de partie civile constitue un autre moyen pour la victime de
procéder à ce déclenchement. L’unique condition est ici qu’il faut que cette saisine du juge
d’instruction corresponde à l’affaire où ce dernier est obligé d’enquêter50.

Section 2 - Le lien existentiel entre l’expert commis et le MP « dictateur de poursuite »51

Etant donné que le MP et l’expert peuvent intervenir tout au long d’un procès pénal. Il
est à ce point important d’analyser le lien existentiel entre ces deux intervenants du procès
pénal. En droit malgache, comme dans la majorité des autres droits positifs, l’expertise
pénale n’est requise qu’en cas de difficulté technique rencontré par les juges dans le procès
pénal.

Cependant la pratique judiciaire malgache et néanmoins auprès du MP, l’intervention


de l’expertise n’est pas si évidente. Force est de constater à partir des enquêtes ainsi
effectuées que « l’expertise dans le procès pénal malgache n’existe pas »52. Malgré cette
difficulté rencontrée sur le terrain, le texte n’est pas muet et confirme même le pouvoir du MP
de nommer un expert53 selon les circonstances.

47
Art. 177 CPPM par la voie d’une citation directe
48
Art. 182 et suivant du CPPM.
49
Art. 182, dernier alinéa.
50
Art. 183 CPPM.
51
Propos du juge français Camille MIANSONI, Vice-procureur de la République du TGI du Lons-le-Saunier.
52
J. Eugène Claude dans « Essai de traité de Police Scientifique pour Madagascar et pays en voie de
développement », Tome II, page 29-40.
53
Art.230 al.7 CPPM

34
De manière plus générale, toute intervention de l’expertise lors de la poursuite
commanditée par le MP est justifiée par lien déjà provoqué par l’immixtion de l’expert depuis
la phase de la PJ. Dans ce cas, il n’est plus nécessaire de revenir sur tout ce qui est dit en
chapitre premier. A la différence, le MP en vu de déclencher la poursuite doit apprécier les
charges avancées ou préétablies durant l’EP. Ainsi, l’expert et son travail jouent un rôle très
important étant donné que l‘appréciation appartient au MP (paragraphe 1). Dans d’autre cas,
et en dehors de la phase de la mise en action de la poursuite, le MP aura à rencontrer l’expert
(paragraphe 2).

Paragraphe 1- L’expert et le MP pour le déclenchement de l’action publique,

Le professeur Houin54, dès 1953, s'interrogeait déjà sur la « recevabilité des


méthodes scientifiques de preuve » et sur la «force probante de la preuve scientifique». Ce
doute demeure valable pour le MP. C’est parce que le MP doit apprécier les faits devant quoi
il est confronté. La prudence doit ici primer étant donné l’importance de la poursuite et la
motivation qu’il doit emmener en cas de classement sans suite. Depuis, l'évolution fulgurante
des sciences et techniques, surtout dans les pays riches et industrialisés a définitivement
installé la connaissance scientifique et technologique et ses vérités au cœur du procès
pénal55. On note aussi à partir de cela que parallèlement à cette évolution, la pratique
criminelle s’évolue. Face à cela, l’observation revient toujours à la même où des mesures de
matérialisation doivent être instauré en vu de perfectionner la justice malgache.

A côté de tout cela, d'autres préoccupations sont apparues et les nombreux


travaux56 consacrés à l'expertise témoignent de l'actualité du sujet. En mars 2011, en France,
une commission de réflexion sur l’expertise mise en place par le garde des Sceaux a rendu
son rapport "· L'.expertise pénale y est examinée aussi bien sous l'angle de « l'accès à la
justice57» que de celui de « la qualité de la justice58». L'.office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques [OPECST) a, de son côté, consacré les travaux de

54
La place et le rôle de l'expertise pénale dans le processus d'élaboration de la décision du juge reste la question
la plus discutée. Comme le précise Jean-Claude Magendie devant l'OPECST, «l'expertise nous place face à
la (l) R. HOUIN, Le progrès de la science et le droit de la preuve, Revue Internationale de droit comparé, vol.
5, n' 1, janv-mar. 1953, p. 69·75.
55
S'il est un sujet sous les feux de l'actualité, objet de nombreux débats, c'est bien celui-là : l’expertise est au
cœur du procès pénal "· Introduction au dossier !'Expertise pénale, AJ pénal 2006. 58.
56
V. not., P. Patenaude, De l'expertise judiciaire dans le cadre du procès criminel et de la recherche de la
vêrité : quelques réflexions, Revue de droit de l'université de Sherbrooke (1996-97) 27 ROUS.
57
Prix de l'expertise, Information du justiciable et condition du choix de la mesure d'expertise.
58
Commission Bussière/Autin installée par le garde des Sceaux par lettre de mission en date du 25 mai 201
O et voir aussi Not. les aspects liés à la formation, la sélection, la déontologie et l'évaluation des experts.

35
son audition publique du 6 décembre 2005 à la question de« l'expertise scientifique» avec
un volet important se rapportant à l'expertise judiciaire 59. A titre de comparaison, la justice
malgache est encore paralysée par d’autres préoccupations qui sont la gestion de la sécurité
publique. Il faut aussi oser à avouer que la politique pénale s’apprécie du côté de
l’intimidation dans le mode de répression. Pourtant, l’heure est aussi à la technicité des
approches pour la recherche de preuve en la matière.

Paragraphe 2- L’expert et le MP durant le procès proprement dit :

Fallait-il toujours rappeler que le ministère public doit être représenté dans un procès
pénal, pour cause, il est la « partie demanderesse ». Par conséquent, c’est lui qui requiert
l’application de la peine. Sur ce, le MP défende l’intérêt de la société. Dans la pratique, lors
de la phase du procès, le MP n’intervient majoritairement que pour proposer au juge assis les
peines de l’auteur de l’infraction. Cependant, l’appréciation de la preuve avancée par l’expert
s’effectue également devant l’observation du représentant du MP. C’est parce qu’il est régi
par le principe de l’unité. C’est pour dire que les membres du MP forment un tout et l’un
d’eux est censé à représenter tous. Lors de l’exposé de l’expert, le juge assis, police
d’audience, requiert à chaque étape de l’audience l’avis du MP. Il faut ainsi signaler que cet
avis est requis à titre consultatif et ne lie en aucun cas le juge qui y va statuer.

Une question doit ici se poser si l’on peut considérer le MP comme les deux autres
parties au procès ?

Il s’agit d’un vieux débat que celui qui concerne la justification de placer, dans les
salles d’audience, le représentant du MP à la même hauteur que le juge qui tranchera le litige
qui suscitait beaucoup de débats en la matière. D’autres justifient cette inégalité et rappellent à
l’issu que le ministère public représentent la société. Récemment un arrêt de la Cour60
européenne des droits de l’homme a validé cette manière de faire, considérant qu’il n’y avait
pas de violation de l’égalité des armes entre les parties au procès pénal.

59
V. Office parlementaire d'évaluation ces choix scientifiques et technologiques, Compte rendu de l'audition
publique du 6 déc. 2005 sur l'expertise scientifique.

60
Arrêt Dirioz c. Turquie, 31 mai 2012.

36
Dans le système de droit comparé, particulièrement en France, le débat est loi d’être
clos, ainsi que le montrent les deux opinions de François Gilbert, avocat au barreau de Paris et
chargé d’enseignement à l’Université Panthéon-Assas (Paris), et Benoît Dejemeppe, onseiller
à la Cour de cassation de Belgique et ancien procureur du Roi de Bruxelles.

Ce débat se justifie d’une part par la différenciation à faire entre procédure de nature
accusatoire et les autres de type inquisitoire. A Madagascar, la procédure est de nature mixte
et la combinaison de ces deux remarques est très intéressante. D’un côté, François Gilbert
avance l’idée que la justice soit rendue et il faut aussi qu’elle donne l’apparence d’être rendue.
De l’autre côté, Benoît DEJEMEPPE, quant à lui, explique le fait que la discrimination entre
les parties au procès n’est qu’une façade.

37
Titre II : Après le déclenchement de l’action publique

Les choses sérieuses commencent à partir du déclenchement de l’action publique. Ceci


étant, l’expertise prend tout sans sens à partir de là. Bien évidemment, ce n’est pas dire que
l’expertise faite antérieurement est négligeable mais relevons le fait que le code de procédure
pénal ne parle « précisément » que de l’expertise dans le cadre de la phase d’instruction et de
jugement, les opérations des experts avant le déclenchement de l’action publique étant
généralement considérées comme officieuses. Il convient dès lors de voir dans un premier
temps, l’obligation à charge et à décharge du juge d’instruction (chapitre 1) ; avant de
détailler dans un second temps, l’expert face à la juridiction répressive (chapitre 2).

38
Chapitre I- Le juge d’instruction et l’expert dans leurs rôles d’informations

Il faut noter d’embler que le juge d’instruction et l’expert n’ont pas les mêmes
fonctions. C’est parce que le premier ordonne l’instruction et le second n’est requis qu’à titre
élémentaire étant donné que l’on fait appel à l’homme de l’art qu’en état de besoin.

Dans ce cas, a priori, le rôle du JI est avant tout et en principe de procéder à


l’information. Selon le texte, il doit s’instruire soit à charge, soit à décharge. C’est ainsi que le
résultat de l’expertise est important lors de cette phase puisque l’expert informe le juge
d’instruction. Par exemple, le numéro de série de fabrication d’une balle issue d’une expertise
balistique peut aider le juge d’instruction d’identifier le propriétaire de la balle. A partir de
cela, une charge est déjà à l’encontre de la personne de celle qui est censée être le propriétaire.

Durant la phase d’instruction, l’expert intervient selon les modalités édictées par le
CPPM (section 1). Cela n’empêche aussi que l’expertise et l’instruction se complètent bien
ensemble (section 2). Des fois même, on risque de confondre ces deux termes qui sont bel et
bien différent l’un de l’autre.

Section 1- L’instruction à charge et à décharge nécessitant le recours à l’expertise

Le CPPM ne prévoit l’expertise qu’en cas de difficulté technique. Parallèlement à cela,


l’instruction est requise obligatoirement dans quatre situations :

« 1° Des crimes flagrants punis par la loi de la peine de mort, ou des travaux forcés à
perpétuité, ou de la déportation ;

2° Des crimes non flagrants ;

3° Des crimes et délits dont les auteurs sont inconnus ou sont en fuite à l'étranger ;

4° Des infractions prévues par les articles 419 à 421 du Code pénal ou par
des lois particulières rendant nécessaire l'intervention d'un juge d'instruction »61.

En constatant cela, on semble par conséquent en présence des faits compliqués


aggravés par des difficultés techniques si l’on sollicite à recourir auprès d’un homme de l’art.

61
Art. 179 CPPM

39
Paragraphe I- Le moment d’intervention de l’expert durant la phase d’instruction

Le principe est ici annoncé par l’article 58 du CPPM et dispose comme suit : « A tout
moment de l’instruction, le conseil de l’inculpé peut conclure par écrit à l’audition de
nouveaux témoins, à des confrontations, expertises, visite des lieux et tous autres actes
d’instruction qu’il juge utiles à la défense de l’inculpé.

Si le juge d'instruction refuse de procéder à ces mesures d’instruction


sollicitées, il doit le faire par ordonnance motivée susceptible d’appel. »

Deux points méritent d’être mis en exergue par la simple lecture de cet article :

A- La possibilité pour l’inculpé de recourir à l’expertise à tout moment de


l’instruction

Le législateur donne donc ici une large défense au profit de l’inculpé. C’est parce que
durant cette phase dite de l’information, ne peut qu’être profitable pour l’inculpé de
démontrer son innocence. Des fois mêmes, l’inculpé se trouve être détenu, selon la nature de
l’affaire, provisoirement. Tout cela demeure possible même si l’exception doit être la
détention préventive selon la Constitution de la Ve République de Madagascar 62.

Hormis cela, le texte permet aussi à la partie défenderesse d’effectuer sa demande à


tout moment de l’instruction. A cet effet et par parallélisme de forme, le juge d’instruction
possède la possibilité à tout moment de l’expertise d’y recourir.

B- Le refus du JI doit être motivé

Dans le droit malgache et dans la majeure partie des cas, la motivation est considérée
comme une explication fournie par le juge en vertu du dispositif qu’il a entrepris. Autrement,
le législateur incite le juge d’instruction de bien réfléchir avant de refuser la demande
d’expertise sollicité par le conseil de l’inculpé. C’est parce que contrairement à ce refus, en
cas d’accord, on sous-entend ici que le juge d’instruction n’a pas la raison de motiver sa
décision. On constate par ces prudences que le législateur entend à respecter le droit de la
défense et malgré le chef d’inculpation parfois assez lourd, l’innocence ne doit pas être
seulement présumé mais encore plus être prouvé.

62
Art. 13,dernier al.

40
Paragraphe II- Le privilège du JI et son limite en matière d’expertise63

Le CPPM accorde de privilège au JI en matière d’expertise. Ceci étant, l’appel à un


expert est autorisé au JI en toute matière. Par conséquent, le juge d’instruction peut y procéder
dans n’importe quel domaine. Pourtant, la question se pose si la délimitation en cas de
difficulté technique s’impose ici ? La réponse reste affirmatif étant donné que dans la
pratique, le juge d’instruction, au lieu de faire appel à un expert, emploi ses connaissances.
Dans ce cas, il n‘abusera pas de cette possibilité pour faire avancer l’affaire et de le résoudre
le plus vite possible.

Le privilège ne concerne pas tout simplement le domaine d’intervention de l’expert.


Le législateur laisse aussi le soin pour le juge d’instruction de nommer tant d’experts qu’il le
souhaite. Dans ce cas, le juge d’instruction ne possède pas seulement le pouvoir de
nomination. Mais aussi, on lui laisse le choix de nombre d’experts qu’il souhaite. Pourtant,
« trop d’informations tuent l’information ». Ainsi, il n’est pas profitable pour ce juge de
nommer plusieurs hommes de l’art, au risque pour lui d’avoir plusieurs informations pouvant
nuire à son instruction. De toute façon, le rôle du JI reste en principe sur l’information.
Exceptionnellement, le juge d’instruction effectue une fonction de poursuite et doit se
dessaisir à l’arrivé du MP sur les lieux. Dans la pratique, c’est le frais de l’expertise qui
limite le nombre d’experts que peut nommer le juge d’instruction.

Section 2- La nature et les enjeux dans le rapport expert commis et le juge d’instruction

Théoriquement, l’expert et le juge d’instruction se trouvent lier par les textes dans leur
rôle d’information. Même si l’expert joue un second rôle en la matière, le juge d’instruction
en désignant l’expert adéquat à une affaire pénale donnée se fait aider par l’homme de l’art
(paragraphe 1). Pourtant, expert-JI ne se confondent pas (paragraphe 2).

Paragraphe 1- l’entraide entre le juge d’instruction et l’expert :

Cette entraide revêt plusieurs formes :

63
Art. 276 et 277 du CPPM

41
A- La réquisition judiciaire

Il s’agit en effet d’une alternative offerte au MP pour ne pas étouffer le juge


d’instruction de toute recherche liée à une information. Dans ce cas, la réquisition est un ordre
ou une injonction donnée par une autorité qui agit dans les limites de sa compétence auprès
d'un homme de l'art, ouvrier, manouvrier, experts, ou toutes personnes pouvant prêter son
concours dans un cadre administratif ou judiciaire. Pour être plus claire, elle provient soit
d'une autorité judiciaire, soit d'une autorité administrative, le code pénal opère une distinction
entre la réquisition administrative et la réquisition judiciaire.

B- Les expertises judiciaires

Dans le procès pénal, l'encadrement de la procédure expertale s'applique dans un


schéma vertical où le juge contrôle la personne qualifiée dans la mission qu'il va lui confier en
définissant ses limites par un encadrement de questions précises, l'expert s'y conformera selon
la doctrine expertale « la mission et rien que la mission ».

Cette instrumentalisation relève d'une politique souverainiste qui guide la main


invisible du droit où l'expertise n'est pas censée s'écarter du cadre fixé par le juge sans le
risque d'altérer « la pureté de la fonction juridictionnelle »

L'avocat doit défendre les intérêts des personnes qu'il représente, dans l'expertise son
rôle appuie ou combat les conclusions d'une expertise, son objectif n'est pas de rechercher une
quelconque vérité mais d'obtenir l'adhésion même momentanée du juge dans son
argumentation qui sera reprise dans la motivation d'une décision.

Il s'agit ici d'une stratégie de la règle du contradictoire où un rapport de force s'engage


contre « l'adversaire », car le magistrat jouit d'une liberté d'action dans la présentation du
rapport d'expertise qu'il peut évaluer, rejeter ou entériner avant d'en faire ou non la source de
sa décision.

Le recours à l'expert est un recours à « la personne qualifiée », à « l'homme de l'art »,


c'est le technicien, le comptable, l'artiste, le médecin etc. qui accepte de mettre son savoir au
service de la Justice.

42
L'expert judiciaire ne dispose d'aucun statut dans le corps judiciaire, il reste affilié à sa
profession et attaché à son organisation professionnelle, la dénomination relève plus d'une
qualité que d'un titre selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date
du 10 janvier 1991. Son serment est un appel solennel à l'honneur et à la conscience, il s'agit
d'un rappel du principe de loyauté qui doit accompagner l'expert dans sa mission et dont les
modalités sont prévues par le CPPM.

La qualité d'expert est ainsi reconnue à toutes personnes qualifiées qui restent
règlementer par le CPPM.L'existence de la mission suffit à déterminer la qualité qu'elles
soient ou non inscrites sur les listes de la cour d'appel comme le prévoit l'article 157 du code
de procédure pénale. C'est ainsi que la jurisprudence définit le rôle de l'expert comme une
personne qualifiée désignée par le Juge et qui donne en toute indépendance et impartialité un
avis d'ordre technique.

Le rapport d'expertise se divise en général en quatre parties distinctes :

1. Un préambule qui rappelle les termes de la mission, un résumé de la procédure avec une
distinction des parties en présence et leurs positions respectives.

2. Un exposé des différentes phases de l'expertise

3. Une discussion des éléments recueillis

4. L'avis de l'expert

C'est l'absence d'intérêt personnel qui détermine le caractère exceptionnel de la parole


de l'expert dont l'acte possède la valeur de la force probante absolue, le rapport contribue à
attester de la réalité ou d'une réalité, il s'agit donc d'une démonstration de causalités qui
éclaire une situation qui échappe plus ou moins à la compréhension du Juge.

Si la nature exogène de l'expertise dans le procès pénal contribue à l'élaboration d'une


décision, elle ne garantit pas pour autant l'infaillibilité des résultats, car comme le souligne
Karl Popper, les procédures de l'expert sont soumises au critère de falsification.

Le principe du contradictoire et de la contre-expertise sont par conséquent


indispensables tout particulièrement dans les sciences humaines et les sciences appliquées
plus favorables à l'interprétation subjective.
43
L'avocat ne doit donc pas sous-estimer la force d'un rapport d'expertise défavorable
pour son client et doit agir en conséquence, notamment en cas de non-respect de la procédure,
où quand la qualité du rapport d'expert est de mauvaise qualité, plein d'erreurs où entaché d'un
vice de forme.

C- Par le biais des expertises complémentaires

Les différentes expertises complémentaires peuvent être distinguées en deux


catégories qui sont la contre-expertise et l'expertise complémentaire. En considérant dans une
première hypothèse, que les conclusions de l'expert soient contraires à la logique de l'enquête
judiciaire, les avocats des parties, le ministère public et même le juge d'instruction peuvent
demander une contre-expertise.

Dans une seconde hypothèse, la mission de l'expert n'apporte pas les réponses
souhaitées ou bien la mission n'est effectuée que partiellement voire être jugée inacceptable,
les avocats des parties peuvent demander une nouvelle expertise ou une expertise
complémentaire. L'information de l'enquête peut conduire à une nouvelle expertise, ce peut
être le cas quand le magistrat en charge du dossier estime que la mission ne l'a pas renseigné
d'une manière satisfaisante.

Pendant l'information le dossier évolue et des nouvelles circonstances peuvent exiger


d'autres expertises. Nous avons précédemment évoqué les limites d'une mission d'expertise
tenue à la règle doctrinale « la mission et rien que la mission ». Si donc de nouveaux éléments
apparaissent, l'expert reste enfermé dans les limites de sa mission, il ne peut se substituer au
juge en évoquant la nécessité d'une extension de sa mission ou celle d'une nouvelle expertise.
Sans doute, pourrait-il habilement suggérer de l'utilité d'une nouvelle mission sans forcer le
trait ou bien se gardera-t-il de le faire pour ménager d'éventuelles susceptibilités.

Ce n'est que vers la fin d'une mission soit après la notification du rapport provisoire,
du rapport d'étape ou du rapport définitif que les avocats peuvent intervenir pour « ajuster »
l'expertise dans l'intérêt des parties qu'ils représentent.

L'expertise peut rencontrer des difficultés et l'expert peut solliciter du juge l'aide d'un
sapiteur dont les compétences spécifiques permettent d'apporter un avis éclairé sur un aspect
de la mission d'expertise, il doit prêter le serment prévu par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
en droit français. Il s'agit ici plus d'un consultant que d'un second expert, son avis se limite en

44
général à une partie spécifique de la mission et non pas à la mission dans son ensemble. Le
rapport du sapiteur doit être intégralement annexé au rapport de l'expert. Le Juge adresse les
conclusions de l'expertise par voie de notification, au prévenu ou l'accusé et aux avocats des
parties selon les modalités prévues par l'article 803-1 du code de procédure pénale,
l'intégralité du rapport peut être adressé par lettre recommandée ou par courriel à la demande
de ces derniers.

De manière assez brève, l’expertise aide le juge d’instruction dans ses attributions de
recherche d’information. Tandis que le juge d’instruction et la liste des experts auprès de la
Cour d’Appel aident l’expert dans sa réputation ou dans sa notoriété64.

64
http://www.midi-madagasikara.mg/economie/2015/11/07/carea-les-experts-judiciaires-sont-incontournables,

45
Chapitre 2- Le juge et l’expert lors de l’élaboration d’une décision

Au préalable, il faut rappeler que « Tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante
que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et s'il a
rapporté, sur une matière de sa compétence, ce qu'il a vu, entendu ou constaté
personnellement. 65» Le rapport évoqué ici est celui dressé par l’expert soit au moment de
l’enquête policière, soit au moment de l’instruction. Comme le dit si bien l’article, le rapport
ne serait être pris en compte que s’il a été régulier en la forme, mais plutôt, ce qui nous
intéresse ici c’est l’intervention de l’expert lui-même dans le procès pénal. Cette participation
de l’expert en sa qualité d’ « expert » a longtemps été contestée car l’on s’évertuait à rappeler
que cette personne n’était qu’un témoin. Pourtant, malgré les protestations, l’expert est un
professionnel dans son domaine et son avis a beaucoup plus d’impact sur la décision du juge,
que l’on ne pourrait penser.

Néanmoins, il convient de se demander comment se passe cette expertise au niveau de la


juridiction répressive de jugement notamment en décortiquant le liens du professionnel avec
les différentes institutions intervenantes pendant le procès proprement dit. L’on peut voir alors
une interaction entre l’expert et le juge (section 1), entre l’expert et l’avocat (section 2). On
note, cependant, que les parties au procès ont leur conseil et qu’elles le donnent mandat durant
le procès.

Section 1- Juge et expert : deux attributions biens distinctes

Le juge d’instruction n’est pas le seul qui peut recourir à l’expertise. Le but premier de
l’expertise étant de recueillir des preuves, la juridiction de jugement peut aussi y procéder à
l’audience. En effet, l’article 392 du code de procédure suscité stipule que : « La cour ou le
tribunal peut, par décision préparatoire, ordonner une expertise. Dans ce cas, les formes
prévues par les articles 276 à 284 sont observées.
Les experts exposent à l'audience s'il y a lieu, le résultat de leurs investigations, après avoir
prêté serment de rendre compte de leurs recherches et constatations en leur honneur et
conscience.

65
Cf. article 389 du code de procédure pénale malgache.

46
Le président peut, soit d'office, soit à la demande du ministère public, des parties ou de leurs
conseils, poser aux experts toutes questions rentrant dans le cadre de la mission qui leur a été
confiée (…).»
Quelle est la portée de cette disposition ? Il faut d’abord évoquer la souveraineté du juge
(paragraphe 1) avant de passer aux limites de ce pouvoir (paragraphe 2).

Paragraphe 1- L’expert n’est appelé que pour ses connaissances scientifiques

Le juge, qu’il soit celui de la juridiction de droit commun ou celui de la juridiction


d’exception, a la compétence pour requérir l’intervention d’un expert puisque le texte n’en
fait pas une restriction. A propos du déroulement de la procédure, avant de juger le litige au
fond et si le juge a besoin de plus de renseignement ou que la matière est techniquement
complexe, l’on rend une décision avant-dire-droit. Qu’est ce que cela signifie ? Pour
permettre au juge de dire le droit comme il se doit, il doit pouvoir apprécier les faits qui lui
sont soumis ? Mais quid si les faits en eux-mêmes sont difficilement compréhensible ? C’est
ici que la participation de l’expert est requise.

D’une part, le code précité lui-même le souligne que, la forme de la réquisition et la


procédure à suivre pour le cas de l’expertise sont identiques à celles employées par le juge
d’instruction. Par conséquent, le prévenu ou l’accusé, la victime qui s’est constituée « partie
civile » ainsi que le ministère public ont le droit de solliciter du juge que celui-ci diligente une
expertise. Dans ce cas, la juridiction de jugement doit répondre à la demande de la partie qui
demande l’expertise. Le juge détermine sa souveraineté, il ordonne des expertises dans les
domaines qui dépassent sa compétence et là où il y a des questions d’ordre technique à
résoudre, il contrôle la mission des experts.

D’autre part, l’expert est dit « en liaison » avec le juge, à cet effet, il doit lui rendre des
comptes ? En des termes plus simplistes, l’expert tient le juge au courant du développement
des opérations d’expertise et rédige donc, un rapport. Mais le principe reste inchangé puisque
les rapports de l’expertise ne lient en aucun cas le juge dans sa prise de décision66, c’est ce
que signifie l’appréciation souveraine du juge. Les rapports ne sont ici que des avis mais des
avis pris en compte pour le jugement.

66
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 155 du 15 mai 2000, MAMA contre MP et
Solo Bernard et consorts.

47
Une partie de la doctrine critique cette partie de la disposition légale. C’est parce qu’ici,
certains juristes ne veulent pas admettre que le juge dépassé par l’évènement va apprécier et
dire le droit.

Mais cela ne reste que dans la théorie étant donné que dans la pratique l’appréciation
souveraine du juge est importante67. Tel est même l’objet de l’intime conviction du juge.

Ensuite, l’expert, après avoir prêté serment à l’audience 68, peut être appelé à la barre du
tribunal concernant son expertise, il expose alors les résultats de ses investigations de façon
objective. Aussi le juge peut-il poser des questions d’office à l’expert tant que cela rentre dans
le cadre de ses fonctions.

Paragraphe 2- Le juge dans sa fonction de dire le droit

Aucune contestation n’est plausible pour contrer la souveraineté du juge, sauf qu’il ait des
cas où ce pouvoir ne joue pas et ne laisse donc pas une opportunité au juge de rendre justice
selon son intime conviction.

Pour mieux cerner ce déclin, le code d’instruction criminelle prévoyait seulement deux
articles69 réservés à l’expertise. Pourtant à l’heure actuelle, et cela
malheureusement/heureusement l’évolution de la science, le législateur accorde de plus en
plus d’importance à l’intervention de l’homme de l’art. Il peut s’agir dans le sens inverse du
déclin de la souveraineté étant donné que le juge est obligé de recourir à l’expertise dans
certaines situations70. Des fois même, l’intime conviction du juge est remise en cause face à
l’autorité du rapport d’expertise71.

67
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 21 du 19 février 2013, n° de rôle 935/09-
PEN, RAKOTONDRAMANANA contre MP et RAKOTOARISON Norbert.
68
Contrairement à l’expert pendant la phase policière, qui doit prêter serment par écrit, ce dernier doit être
annexé au PV de la PJ; par ailleurs, tout au début de son rapport d’expertise, le professionnel appose une
formule pour certifier que les informations qui y sont transcrites ont été faites avec conscience et bonne foi.
69
Art. 43 et 44 CIC
70
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 39 du 19 mars 2013, n° de rôle 745/10-
Pen, BERTINAN Gilbert contre INGUITRIKY Sylvie : obligeant la CA de recourir à l’expertise face à des
questions d’ordre technique le dépassant. En l’espèce, il s’agit d’un recours à l’examen d’ADN
71
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 57 du 08 février 2008, n° de rôle 241/07-
PEN, RAKOTOMANDIMBY Christiane contre RAZANADRAMANANA Lucie et autres : ici, la Cass. Casse
et renvoi un arrêt de la CA qui méconnaît le rapport d’un expert qui constate sur le cadavre d’un enfant des
suffocations et brûlures sur le corps et d’acquitter par la même occasion l’auteur d’un infanticide.

48
Parallèlement à cela, il ne faut pas non plus oublier les erreurs que peuvent indiquer le résultat
d’une expertise72. L’affaire Outreau demeure un exemple parfait sur l’erreur d’une expertise
et qui a emmené la France à remettre en cause la valeur probante d’une expertise.

Dans ce cas, même si la chance de véracité est presque assurée lors une expertise, le juge ne
doit pas pour autant perdre sa souveraineté étant donné que la vérité n’est pas ici garantie de
manière absolue.

Section 2- La coexistence du lien expert et avocat

L’avocat ou le conseil défend soit la partie demanderesse dénommé « partie civile »


soit celle défenderesse appelée « prévenu ou accusé ». Selon qu’il défend l’un ou l’autre, son
point de vue diffère. Aussi, ses droits varient selon la matière en cause dans le procès.
C’est effectivement le cas lorsqu’on scrute le code de procédure pénal car la partie
poursuivie dispose d'un droit à la contre-expertise. La raison de cette ouverture vers la
contrexpertise se justifie d’une part par le souci du respect du principe contradictoire
(paragraphe 1) et d’autre part par la stratégie que doit construire l’avocat pour défendre son
client (paragraphe 2).

Paragraphe 1- Le souci de respecter le principe du contradictoire

L’adage selon lequel « un expert, c’est une opinion, deux experts c’est la
contradiction et trois experts c’est la confusion » l’explique si bien. C’est parce que la
contradiction est un principe qui a une valeur constitutionnelle. Malgré cette considération
que l’on peut avoir de la contradiction, seul un article73 du CPPM clame la contradiction en
matière d’expertise. Ainsi, la contradiction constitue une exception dans le domaine de
l’expertise. Les cas où l’expertise peut être contradictoire, c’est quand la loi la requiert. Pour
d’autres cas, il faut que le juge d’instruction, en raison de la nature de sa recherche, ordonne
la pluralité d’experts. Dans ce cas précis, le CPPM prévoit que le nombre d’expert soit de
deux dont chacun est désigné communément par le juge d’instruction et l’inculpé.
L’intervention du conseil est ici importante étant donné que la nomination d’un expert

72
L’expertise psychiatrique effectuée par le Dr Jean-Luc Viaux dans l’affaire Outreau.
73
Art. 278 CPPM

49
nécessite une connaissance de la loi et que ses conseils mettent en valeur la contradiction
entre les parties au procès.

Paragraphe 2- La bonne stratégie que devra avoir un avocat

La stratégie se repose ici à la défense dans le cas où le résultat d’une expertise inculpe
le client d’un avocat déterminé. En tant que conseiller, il doit assumer son rôle de protecteur
en construisant des arguments assez solides. Et s’il le faut, il doit passer en détail tous les
éléments de la procédure ou même de réexaminer le déroulement de l’inculpation de son
client. C’est parce qu’un bon avocat s’opère ainsi. Dans ce cas, il a la lourde tache
d’innocenter son protégé s’il se trouve inculpé par le rapport de l’expertise. L’exemple pour
mieux expliciter une bonne stratégie d’avocat est l’histoire évoquée par Maître Emmanuel
DAOUD74 dans son explication de l’ « errare expertum est »75. Son exemple parle, en fait,
d’un homme qui est accusé d'un meurtre et que l’on a retrouvé sur le cou de la victime le
sillon laissé par l'étranglement et dans ce sillon le sang de la victime et le sperme de celui
qu'on peut supposer être son agresseur: Une expertise génétique est confiée à un laboratoire
réputé. Elle conclut que« l'empreinte génétique [de l'accuse1 (ADNdu chromosome Y) ( ... )
est retrouvée dans le mélange d'ADN (ADN du chromosome YI identifié sur le sperme
retrouvé sur les prélèvements au niveau du cou ». Sur cette base, l'homme est placé en garde
à vue et confronté des heures durant, et sans l'assistance d'un conseil, à ce vertige : les
résultats d'expertise le confondent. Épuisé, déraisonnant et démuni face à la pression des
enquêteurs, il finit par dire, ce qu'il avait toujours nié, qu'il s'est rendu sur les lieux la nuit des
faits. Mis en examen et placé en détention provisoire, il ·proteste de son innocence mais ne
peut fournir aucune explication relative à la présence de son sperme sur le sillon
d'étranglement de la victime. Cet exemple, tiré d'un dossier, illustre, si besoin en était, le
poids écrasant d'autorité de l'expertise, particulièrement génétique, dans le rétablissement
d'une vérité judiciaire dans le cadre d'une instruction criminelle. À l'évidence, le rapport
d'expertise oriente l'enquête. Plus de quatre mois de détention provisoire, le mis en
examen était remis en liberté, la contre-expertise ayant conclu que « l'analyse des deux
prélèvements effectués dans le cou de la victime met en évidence non un mélange d'ADN
mais une empreinte masculine inconnue différente » de celle du mis en examen. Six
mois après la demande de complément d'expertise, le premier expert adressait ses

74
Avocat aux barreaux de Paris, Cabinet Vigo et associés
75
L’expertise à l’épreuve de la contradiction

50
réponses aux questions posées par la défense desquelles il résultait qu'on ne pouvait dater
le sperme retrouvé et d'autre part qu'on ne s'expliquait pas l'absence du profil de l'accusé
sur l'ADN génomique pourtant retrouvé sur l'ADN du chromosome Y.

Pour l'avocat, cette affaire qui aurait pu, en l'absence de contre-expertise, se conclure par
un arrêt de condamnation de l'accusé à la réclusion criminelle à perpétuité. A cet effet, on
peut faire ressortir la distinction entre métier d’expert et de conseil étant donné que ce dernier
prend partie et défend la sienne. C’est pour cette raison que le bon avocat doit élaborer une
bonne stratégie, surtout qu’il est du côté de la défense.

51
CONCLUSIONS :

De part l’étude que l’on a pu emmener ici et par le biais de notre analyse, deux
constats sortent du paradoxe entre la théorie et la pratique en ce qui est de l’expertise dans le
procès pénal malgache :

Du point de vue théorique, nombreuses conceptions sont assorties à propos de


l’expertise. Cependant, on doit avouer qu’il n’y a pas assez de doctrine malgache en la
matière comme c’est presque inéxistante. Par rapport au texte de loi, le législateur malgache,
en consacrant toute une section à l’expertise, ne l’a pas vraiment bien déterminé ni la notion
ni les divers recours y afférants.

En ce qui est de la pratique, le système judiciaire malgache est paralysée par la


pauvreté étant donné l’adaptation des hommes de terrains tels que la Police judiciaire
englobant gendarme et police nationales, les juges et mêmes les experts stricto-sensu. Cette
paralysie défaille la justice considérée par l’Etat malgache jusqu’à ce jour comme étant sa
chose. Pour la jurisprudence, le résultat d’expertise est assujeti d’une appréciation souveraine
du juge. Cependant, des nuances sont apportées le plus vite possible par les juges de la haute
juridiction. C’est parce que pour eux, le juge se doit de poursuivre le résultat d’un travail
d’expertise dans certaines domaines76. Toujours dans l’ordre de la pratique, même si le rôle de
l’expertise est bien explicité par le CPPM et mis en évidence dans la pratique, la place de
l’expertise est encore imprécise dans le procès pénal malgache. C’est parce que par la large
réflexion que l’on a pu emmener ici, l’expert n’est pas un élément fondamental au procès.

En dépit de tout cela, l’appréciation du résultat de l’expertise en tant que preuve est
une question que l’on doit répondre. Devant les juridictions de jugement et par l’évolution de
son histoire, l’expertise n’a pas toujours fait l’unanimité en tant que preuve. La confirmation
en est que dans certaines situations, le résultat de l’expertise ne lie pas les juges, selon la
chambre criminelle de la Cour de Cassation de Madagascar77.

Dans ce cas, le rôle de l’expertise revient à l’éclaircissement du juge devant certaines


questions dites d’ordre scientifique et technique. Quant à sa place ou son importance, il
appartient aux dirigeants et aux techniciens de ce pays de déterminer de manière claire et

76
En matière d’expertise génétique.
77
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 155 du 15 mai 2000, MAMA contre MP et
Solo Bernard et consorts.

52
précise la politique pénale malgache. C’est parce que c’est vraiment difficile surtout dans la
pratique de prioriser certains procédés par rapport à un autre étant donné que notre politique
pénale est fixée selon les circonstances.

Malgré toute ces incertitudes, il ne faut pas oublier que, le principe du contradictoire
demeure un principe sacro-saint à respecter et se trouve renforcer par l’existence du recours à
l’expertise. Pourtant, quel pourrait être l’avenir de ce principe dans notre ordre juridique
interne et quid du sort réservé à l’expertise dans le procès pénal malgache ?

53
ANNEXE

Source : Décret malgache n° 2014-295 fixant les attributions du Ministre de la Sécurité


Publique ainsi que l’organisation générale de son Ministère.

I
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

BOUZAT Pierre, « Traité de droit pénal et de criminologie », Tome II : Procédure


pénale, Régime des mineurs, Domaine des lois pénales dans le temps et dans l’espace,
Dalloz, 1963, p.922- p.931.
CESONI Marie Luisa, « Nouvelles méthodes de lutte contre la criminalité : la
normalisation de l’exception », BRUYLANT, 2007.
GARRAUD, « Traité d’instruction criminelle », pp. 598.
LEMONTEY Jacques, « Du rôle de l’autorité judiciaire dans la procédure d’extraction
passive », L.G.D.J, 1966.
PINATEL Jean, « Traité de droit pénal et de criminologie », Tome III : Criminologie,
Dalloz, 1963, p. 395- p.408.
PRADEL Jean, VARINARD André, « Les grands arrêts de la procédure pénale,
DALLOZ, 2003.
RAKOTOMANANA Honoré, « Traité de procédure pénale », CMPL, 1988.
RAMAMONJISOA A. Bertrand, Directeur de la Police Judiciaire, Commissaire
Principal de Police, « Mémento à l’usage des officiers et agents de la police
judiciaire », CITE, juin 2011, 128 pages.

II
Ouvrages spéciaux

BOULEZ Jacques, « Expertises judiciaires, 16è édition : refondue et enrichie, 2015,


400 pages.
CHAMBON Pierre, « le juge d’instruction », DALLOZ, 1980.

Chanoine H. PLATELLE, professeur aux Facultés catholiques de Lille dans « Une


ordalie populaire : le cadavre qui saigne en présence de son meurtrier ; contribution à
l’étude du sens de la mort au Moyen Age », page 117-118.
Claude J. Eugène, « Essai de traité de police scientifique pour Madagascar », IEJ,
1981.
DAOUD Emmanuel et GHRENASSIA César, Avocats au barreau de Paris, cabinet
Vigo et associés, « L’expertise à l’épreuve de la contradiction : Errare expertum est »,
Actualité Juridique Pénal mensuel, n° 12, référence 671112, Dalloz, décembre 2011,
pp. 541-608.
DOLL Paul-Julien, « La règlementation de l’expertise en matière pénale », L.G.D .J
1961, pp. 196
PRADEL Jean, Professeur émérite de l’Université de Poitiers, Ancien juge
d’instruction, « Place dans la procédure pénale de l’expertise psychiatrique pénale et
quels en sont les enjeux ? », Recueil Dalloz, 2010 Procédure pénale juillet 2009 - août
2010, pp. 2254.
RETAIL M., « Principes et cadre juridique de l’expertise judiciaire », Sirey.

III
Documents juridiques nationaux et internationaux

Constitution malgache de 2010


Code de Procédure Pénal Malgache
Code Pénal Malgache
Code Pénal Français
Code de procédure Pénal Français
Code d’instruction criminelle
Code de la route malgache
Décret malgache n° 2014-295 fixant les attributions du Ministre de la Sécurité
Publique ainsi que l’organisation générale de son Ministère.

Arrêté interministériel fixant les modalités du décret n° 2008-187 modifié et complété


par le décret n°2013-710 portant organisation de l’aviation civile et fixant les
attributions des structures qui la composent.

IV
Références jurisprudentielles

Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 155 du 15 mai


2000, MAMA contre MP et Solo Bernard et consorts.
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 21 du 19 février
2013, n° de rôle 935/09-PEN, RAKOTONDRAMANANA contre MP et
RAKOTOARISON Norbert.
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 39 du 19 mars
2013, n° de rôle 745/10-Pen, BERTINAN Gilbert contre INGUITRIKY Sylvie.
Chambre criminelle de la Cour de cassation malgache, Décision n° 57 du 08 février
2008, n° de rôle 241/07-PEN, RAKOTOMANDIMBY Christiane contre
RAZANADRAMANANA Lucie et autres.
Chambre criminelle française en date du 28 juin 1958, arrêt Lesage.
Chambre criminelle, cour de cassation française le 25 juin 2013 pour un vice
concernant la garde à vue.
Cour d’Assises de Saint-Omer le 02 juillet 2004, affaire Outreau.

V
Webographie :

Savoirs en partage [en ligne], 2009 [consulté le 22 mars 2016]. Disponible sur
http://www.savoirsenpartage.auf.org
Revues.org (offre Premium) [en ligne], 2009 [consulté le 22 mars 2016]. Disponible
sur http://www.revues.org
Scholarvox [en ligne], 2009 [consulté le 22 mars 2016]. Disponible sur
http://www.scholarvox.com
Midi-Madagasikara [en ligne], 2015, [consulté le 07 septembre 2016],
http://www.midi-madagasikara.mg/economie/2015/11/07/carea-les-experts-
judiciaires-sont-incontournables/

VI
Articles

La semaine des familles : revue universelle hebdomadaire, 1858.


MADATOPINFO, 13 juin 2015 à la page 14.
MIDI MADAGASIKARA, journal du 07 novembre 2015.

VII
Thèses

LAMAU Pauline, La place de la victime dans le procès pénal, Université Panthéons-


Assas, Paris II, Banque des mémoires.
Philippe Thomas, « L’expert et l’avocat dans le procès pénal », Mémoire online.

VIII
TABLE DES MATIERES

LISTE DES ABREVIATIONS ................................................................................................... i


LISTE DES ACRONYMES ....................................................................................................... ii
SOMMAIRE .................................................................................................................................
L’EXPERTISE DANS LE PROCES PENAL MALAGASY .....................................................1
INTRODUCTION : .....................................................................................................................1
TITRE I - AVANT LE DECLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE ............................4
Chapitre I – L’expertise durant la phase de l’enquête préliminaire ............................................. 6

Section 1 – Par rapport à la constatation de l’infraction ............................................................... 7

Paragraphe 1- Par la fonction principale de la PJ .......................................................................... 8

1- Les constatations : ............................................................................................................ 9

a- Du point de vue théorique : .................................................................................10

b- Du point de vue pratique : ...................................................................................11

2- Le rassemblement des preuves : .................................................................................... 11

1- L’audition des témoins : ................................................................................................ 13

2- L’arrestation : ................................................................................................................. 14

Paragraphe 2- La PJ dans ses services techniques et scientifiques : la police scientifique ...... 14

A- Différence entre examen technique et expertise ? ....................................................... 15

B- Le déroulement de ces examens : ............................................................................... 16

C- La nuance à faire entre police scientifique et détective privée :................................... 16

1- Différence selon leurs significations :........................................................................... 17

2- La ressemblance entre ces deux notions : ..................................................................... 17

Section 2 - Les expertises fréquentes dans les constatations de l’infraction ............................. 19

Paragraphe 1- Dans le cas d’homicide ........................................................................................ 19

A- Etude du cadavre :......................................................................................................20

B- Etude des lieux et des objets concourant à l’infraction................................................22

C- La reconstitution et « l’identification » de l’assassin .................................................. 24


IX
Paragraphe 2- Dans d’autres cas que l’homicide : ...................................................................... 25

A- Expertise par la médecine ..........................................................................................25

1- En matière médicale ....................................................................................................... 25

2- Recherche du taux d’alcool et de stupéfiants ............................................................... 26

B- Expertise technique .................................................................................................... 27

1- En matière d’accident .................................................................................................... 27

a- En cas d’accident de voiture................................................................................27

b- En cas d’accident de l’aviation ............................................................................ 28

2- Expertise graphique ........................................................................................................ 28

Chapitre II - Le Ministère public et l’expert ................................................................................ 32

Section 1- Le ministère public avec son privilège d’opportunité de poursuite ......................... 32

Paragraphe 1- Les personnes pouvant déclencher l’affaire pénale : .......................................... 33

A- Déclenchement par le MP : ........................................................................................33

B- Déclenchement par la victime : .................................................................................. 34

Section 2 - Le lien existentiel entre l’expert commis et le MP « dictateur de poursuite » ....... 34

Paragraphe 1- L’expert et le MP pour le déclenchement de l’action publique, ........................ 35

Paragraphe 2- L’expert et le MP durant le procès proprement dit : ........................................... 36

TITRE II : APRES LE DECLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE .......................... 38


Chapitre I- Le juge d’instruction et l’expert dans leurs rôles d’informations ........................... 39

Section 1- L’instruction à charge et à décharge nécessitant le recours à l’expertise ................ 39

A- La possibilité pour l’inculpé de recourir à l’expertise à tout moment de


l’instruction ...................................................................................................................... 40

B- Le refus du JI doit être motivé ....................................................................................40

Paragraphe II- Le privilège du JI et son limite en matière d’expertise ...................................... 41

Section 2- La nature et les enjeux dans le rapport expert commis et le juge d’instruction ... 41

A- La réquisition judiciaire ............................................................................................. 42

B- Les expertises judiciaires ........................................................................................... 42

X
C- Par le biais des expertises complémentaires ............................................................... 44

Chapitre 2- Le juge et l’expert lors de l’élaboration d’une décision .......................................... 46

Section 1- Juge et expert : deux attributions biens distinctes ..................................................... 46

Paragraphe 1- L’expert n’est appelé que pour ses connaissances scientifiques ........................ 47

Paragraphe 2- Le juge dans sa fonction de dire le droit .............................................................. 48

Section 2- La coexistence du lien expert et avocat ..................................................................... 49

Paragraphe 1- Le souci de respecter le principe du contradictoire ............................................. 49

Paragraphe 2- La bonne stratégie que devra avoir un avocat .................................................... 50

CONCLUSIONS : .....................................................................................................................52
ANNEXE...................................................................................................................................... I

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... II

Ouvrages généraux .................................................................................................................... II

Ouvrages spéciaux .................................................................................................................... III

Documents juridiques nationaux et internationaux ................................................................ IV

Références jurisprudentielles ..................................................................................................... V

Webographie............................................................................................................................. VI

Article....................................................................................................................................... VII

Thèses ..................................................................................................................................... VIII

XI

Vous aimerez peut-être aussi