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Erreur judiciaire et procès équitable

Publié le 28 février 2011 par SAYONCOUL

Par Sayon COULIBALY et collègues

Juriste d'Affaires

Marrakech – La reconnaissance de la responsabilité de l’Etat en cas d’erreur judiciaire


représente l’une des grandes nouveautés de la Constitution de 2011, a affirmé, jeudi à
Marrakech, le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader.
« L’article 122 de la Constitution qui reconnaît la responsabilité de l’Etat en cas d’erreur
judiciaire représente une grande avancée dans le domaine de la consécration de la justice
pénale au Maroc », a-t-il ajouté dans une allocution lue en son nom par le directeur des
Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Hicham Mellati, lors de la
cérémonie d’ouverture d’une conférence scientifique sous le thème « l’erreur judiciaire dans
le domaine de la détention préventive ».

La justice, qui reconnaît ses erreurs et les rectifie, jouit d’une grande crédibilité et contribue
à redonner confiance aux citoyens en leur système judiciaire, a-t-il ajouté, se félicitant de
l’organisation de cette rencontre visant à ouvrir un débat judiciaire et juridique sur une
question d’une grande actualité. M.Benabdelkader a souligné que l’erreur judiciaire peut
survenir à n’importe quelle étape du procès pénal, car « le magistrat ne travaille pas dans
un lieu isolé mais dans un environnement entouré de dangers en raison de la multiplicité
des acteurs (témoins, accusés, experts, défense, notaires, adouls …) ».

« L’erreur judiciaire peut provenir du juge en raison de plusieurs facteurs liés à la nature de
l’affaire, mais peut aussi résulter d’un faux témoignage, du rapport d’un expert qui s’est
trompé, d’un aveu mensonger de l’accusé, d’une enquête judiciaire falsifiée ou d’une
pression de l’opinion publique », a expliqué le ministre, relevant que la détention préventive
arbitraire reste l’un des aspects les plus visibles de l’erreur judiciaire.

Organisée par le Ministère public et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, cette


rencontre a connu la participation de responsables judiciaires, de magistrats, d’avocats et
d’enseignants universitaires.

Elle se proposait d’ouvrir un débat élargi sur une question d’une grande actualité, liée aux
principes des droits de l’Homme et des libertés individuelles d’une part, et à la préservation
de la sécurité et de l’ordre public et à la lutte contre la criminalité, d’autre part.

Les participants ont débattu de thématiques se rapportant aux « fondements juridiques de


la responsabilité de l’erreur judiciaire » et aux « orientations de la justice administrative à
travers les plaintes de réparation des dommages causés par l’erreur judiciaire ».

La justice humaine est loin d’être infaillible. Il suffit de voir dans le code de
procédure pénale pour se rendre compte avec la présence des voies de recours
visant à corriger les éventuelles erreurs pouvant être commises  par les juges. La
présence de ces voies de recours diminue le risque d’erreurs mais ne le réduit pas à
néant. Les erreurs judicaires sont beaucoup plus fréquentes en matière civile que
pénale. Mais, à la différence du civil, le pénal porte beaucoup plus atteinte aux
droits humains.
Pour les non juristes, constitue une erreur judiciaire tout dérapage commis par les
acteurs de la justice ; tandis que pour les initiés, on ne peut parler d’erreur
judiciaire que lorsque la décision devient définitive. Mais de façon
générale,  « l’erreur judiciaire est la reconnaissance légale par l’institution
judiciaire elle-même de l’innocence d’une personne antérieurement
condamnée »[1]

Les erreurs judiciaires pénales n’ont pas commencé aujourd’hui. Au contraire,


elles étaient courantes à une époque où les préoccupations d’un procès équitable
étaient quasi-inexistantes et où le suspect était automatiquement considéré comme
le coupable. Actuellement, l’équité du procès est un souci permanent de premier
rang dans la plupart des sociétés modernes exhortées par les conventions
internationales de protection des droits de l’homme.  Toutefois, l’erreur judiciaire
surgit lorsque les exigences d’un procès équitable sont foulées  ou négligées par les
acteurs chargés de rendre la justice. D’autres facteurs moins importants peuvent
causer l’erreur judiciaire tels que les influences exercées par les médias et
l’opinion publique. Ces influences ne sont pas certes, insurmontables si les
policiers et les juges font preuve de professionnalisme.

Quels sont alors les principes du procès équitable dont la violation conduit
généralement à des erreurs judiciaires ? Et quelles sont les solutions dont disposent
les victimes d’erreurs judiciaires ?

L’erreur judiciaire peut survenir à chaque étape du procès pénal.  Il convient donc
d’analyser les causes de l’erreur judiciaire avant et pendant le procès, puis
envisager les solutions qui s’offrent à la victime d’une erreur judiciaire.

I-                 Les causes de l’erreur judiciaire : 

Les erreurs judiciaires prennent généralement naissance avant le procès durant


l’enquête préliminaire, elles se poursuivent durant l’instruction préparation pour
arriver jusqu’à la phase de jugement. 
A-  Avant le procès :

L’attitude des policiers chargés, dès la commission d’une infraction, d’identifier le


ou les suspects favorise dans beaucoup de cas les risques d’erreurs judiciaires, ainsi
que celle du juge d’instruction qui informe souvent uniquement à charge.

1)    L’enquête préliminaire : les pratiques policières

Les policiers sont généralement les premiers à intervenir après la commission


d’une infraction. Ils doivent veiller, à cet effet, à la conservation des indices
trouvés sur les lieux, d’auditionner les éventuels suspects et entendre les différents
témoins.

Dans beaucoup de cas d’erreurs judicaires, les policiers ne procèdent pas


valablement au prélèvement des indices retrouvés sur le lieu du crime, ou négligent
parfois certains d’entre eux qui peuvent s’avérer déterminants pour l’établissement
de la preuve.

Par ailleurs, les policiers orientent souvent leurs investigations sur un seul suspect
traité comme un vrai coupable. Ils cherchent par tous les moyens à extorquer des
aveux. La loi n’exigeant pas la présence d’un avocat durant les premières quarante
huit heures de la garde à vue (Art.66 al.5 CPP), ils sont seuls face au suspect
souvent inhabituel des postes de police. Les policiers usent parfois de la torture
morale pour faire craquer les suspects qui passent à l’aveu mais se rétractent
généralement devant le juge d’instruction.

La manière par laquelle la police auditionne les suspects est assez brutale. En effet,
ils font souvent quarante huit heures d’affilé  à poser des questions au suspect qui
n’a le droit ni de se reposer, ni de manger, ni de dormir, et beaucoup finissent par
avouer un crime qu’ils n’ont pas commis[2].

En outre, la façon de rédiger les procès-verbaux peut aussi induire en erreur, d’où
la nécessité de transcrire exactement les dires du suspect sans modification.
Les faux témoignages reçus par les policiers sans aucun soupçon conduisent
également la justice à commettre de graves erreurs judiciaires. C’est ainsi qu’en
France, les faux témoignages des habitants d’un petit village (La Motte-du-Caire)
hostiles à leur voisin agronome Richard Roman, ont failli conduire à la
condamnation d’un innocent3.

Enfin, il faut noter que les policiers ignorent totalement le principe de la


présomption d’innocence ; ils traitent les suspects comme des coupables. Ce qui a
pour conséquence d’entacher  la procédure d’erreurs graves qui se poursuivent
jusqu’à l’instruction sous le regard laxiste des juges d’instruction.

2)    La phase d’instruction préparatoire : laxisme des juges d’instruction

Consciente du fait que la recherche des éléments de preuves laissée totalement aux
officiers de la police judiciaire représente un danger pour les droits de la défense
dans le procès, la loi a prévu l’intervention d’un officier supérieur, un magistrat du
siège afin que le procès puisse être équitable. Le juge d’instruction saisi d’un
dossier doit normalement procéder à plusieurs investigations pour découvrir la
vérité. Mais, force est de remarquer qu’ils se contentent de suivre passivement les
officiers de la police judiciaire qui officient uniquement à charge.

Le juge d’instruction doit instruire à charge et décharge. Il faut reconnaitre que


cette exigence est très rarement respectée dans la pratique.  En plus de cela, la
plupart des actes d’instruction qui sont effectués par le juge d’instruction, sont en
fait réalisés par les officiers de la police judiciaire par le biais des délégations.

Les experts peuvent aussi induire la justice en erreur. En effet, les magistrats sont,
dans beaucoup de cas, incapables de remettre en cause le rapport d’expertise. Ils se
contentent de suivre la position de l’expert. Or, celui-ci, aussi professionnel soit-il,
peut commettre des erreurs et la science, elle-même, n’est pas infaillible.

C’est pourquoi, les résultats apportés par l’expert doivent être discutés
contradictoirement. Les erreurs d’expertise sont rares dans les sciences exactes
comme la génétique, la balistique etc... Mais dans les sciences non exactes, elles
surviennent parfois. Il s’agit notamment de la psychiatrie, de la graphologie…
surtout avec l’affaire Dreyfus.  En 1894, un officier juif d’état major français a été
condamné à la réclusion perpétuelle et déporté en Guyanne pour espionnage en
faveur de l’Allemagne sur la base d’une lettre supposée être écrite par lui et qui
s’est avérée fausse plus tard[3]. La recherche des preuves étant altérées par des
erreurs, ce train d’erreur se poursuit finalement jusqu’au procès.

B-   Pendant le jugement :

Le juge décide d’après son intime conviction (Art.286 CPP). Ce principe est, selon
Henri LECLERC, « non une impression, un sentiment, mais une certitude
absolue fondée sur la raison, qui disparait devant le moindre doute, pourvu que
celui-ci soit raisonnable… »[4].

 La pratique est souvent toute autre, car les juges préfèrent adoucir la peine plutôt
que d’acquitter. C’est ainsi que le bénéfice du doute a été refusé à Omar Raddad,
accusé puis condamné pour le meurtre de Mme Maréchal. La victime avant de
mourir aurait écrit sur les portes de la chaufferie avec son propre sang « Omar m’a
tuer » (avec la faute d’orthographe devenue célèbre)[5].

Le système  de l’intime conviction n’est pas en soi mauvais, mais il faut que les
juges arrivent à se défaire des préjugés et des influences extérieures qui influent
souvent sur leur jugement.  Par exemple au Maroc, au milieu des années 90, la
région de Doukkala est sous le choc. Des assassinats de femmes sont commis à
différents endroits et la population commence à s’inquiéter devant l’absence de
réaction de la part des forces de l’ordre. Une certaine psychose s’installe. Sous la
pression populaire, des investigations sont menées hâtivement et tous les moyens
sont mis en œuvre pour arrêter le coupable. Dans la précipitation, deux suspects
sont arrêtés et condamnés à la réclusion perpétuelle. Huit ans après, le vrai
coupable a été retrouvé à la suite d’un autre crime et a avoué les autres. Quant aux
victimes condamnées, elles ont été libérées sans aucune révision  de leurs décisions
de condamnation.[6] 
Enfin, la justice à beau s’entourer du maximum de garantie, elle reste vulnérable
aux risques d’erreurs judiciaires, d’où la nécessité d’envisager des mesures
susceptibles  pour y remédier.

II-              Les mesures prises à l’encontre des erreurs judiciaires :

Deux sortes de mesures peuvent être prises à l’encontre des erreurs judiciaires :
d’une part, assurer une réparation aux victimes d’erreur judiciaire, et d’autre part,
procéder à quelques réformes et formation des membres de la police judiciaire.

A-  La réparation de l’erreur judiciaire :

La réparation vise essentiellement à rétablir, autant qu’il est possible, l’équilibre


détruit par le dommage.

La réparation d’une erreur judiciaire est difficile, car les préjudices causés sont
énormes et parfois irréversibles.

Qui doit en principe réparer l’erreur judiciaire ?

C’est à l’Etat qu’incombe cette charge, car l’indépendance des juges exige de les
mettre à l’abri des poursuites incessantes de la part des victimes.

Toutefois, les juges n’en demeurent pas moins responsables et doivent répondre de
leurs actes et comportements.

Les magistrats se trouvent en effet soumis à quatre régimes distincts de


responsabilité : leur responsabilité pénale est susceptible d’être engagée ; ils ne
sont pas à l’abri de poursuites disciplinaires ; un contrôle hiérarchique est exercé
par les chefs de cours et de juridictions, et leur responsabilité civile peut être
retenue, dans le cadre d’une action récursoire, pour faute personnelle.
La procédure de rectification et de réparation des erreurs judicaires est prévue par
les articles 565 et suivants du nouveau code de procédure pénale de 2002.

La voie de recours offerte à la victime d’erreur judiciaire est le pourvoi en révision.


La condamnation doit consister en un crime ou un délit. Les contraventions sont
ainsi exclues du domaine de la révision.

Les cas de recevabilité d’un pourvoi en révision pour erreur judiciaire sont fixés
par l’article 566 du code de procédure pénale. Le recours n’est recevable que :

-         Lorsqu’après une condamnation pour homicide sont produits des pièces ou


éléments de preuves dont résultent des présomptions ou indices suffisants de
l’existence de la prétendue victime d’homicide ;

-         Lorsqu’après une condamnation, une deuxième décision condamne pour le


même fait un autre inculpé et que les deux condamnations ne pouvant se
concilier, leur contradiction établit la preuve de l’innocence de l’un des
condamnés ;

-         Lorsqu’un témoin entendu a été, postérieurement à la condamnation,


poursuivi et condamné pour  faux témoignage contre l’accusé, le témoin
ainsi condamné ne peut pas être entendu en cette qualité dans les nouveaux
débats ;

-         Lorsqu’après une condamnation un fait vient à se produire ou à se révéler,


ou lorsque des pièces inconnues lors des débats sont présentes, de nature à
établir l’innocence du condamné.

Ces cas sont vraiment limitatifs, ce qui a pour conséquence de rendre difficile la
reconnaissance officielle de l’erreur judiciaire. Mais, la victime peut, dans tous les
cas solliciter la grâce royale.  Cette dernière permet peut être de redonner la liberté
à la victime, mais ne la blanchit pas  et continue d’être considérée comme un
coupable.
Par ailleurs, plusieurs personnes peuvent demander la révision pour erreur
judiciaire. Il s’agit notamment du procureur général du roi près  la cour suprême
sur sa propre initiative ou à la requête du ministre de la justice ; du condamné ou,
en cas d’incapacité, de son représentant légal ; du conjoint après la mort ou
l’absence déclarée du condamné, à ses enfants, à ses héritiers, à ses légataires et à
ceux qui en ont reçu de lui la mission expresse avant sa mort ; le ministre de la
justice après avis d’une commission (composée de directeurs du ministère et de
trois magistrats de la cour suprême désignés par le président de la dite cour, en
dehors de la chambre pénale) pour ce qui concerne la découverte d’un nouveau
élément dans l’affaire après la condamnation.

La procédure de révision se déroule devant la chambre pénale de la cour suprême.


La nouvelle décision, selon l’art 573 CPP, d’où résulte l’acquittement du
condamné peut, sur demande de la victime à tout état de la procédure, allouer
des dommages-intérêts à raison du préjudice que lui a causé la condamnation. Elle
doit apporter la preuve des dommages qu’elle a subi.

Si la victime de l’erreur est décédée, le droit de demander des dommages-intérêts


appartient, dans les mêmes conditions, à son conjoint, à ses ascendants et
descendants. Il appartient aux parents d’un degré plus éloigné qu’autant qu’ils
justifient d’un préjudice matériel résultant pour eux de la condamnation.

En plus de l’attribution de dommages intérêts, la cour suprême peut décider une


large publicité de la décision d’acquittement, à différents endroits, dans différents
journaux et même au bulletin officiel, et sa publication dans cinq journaux, au
choix du demandeur en révision. Tout ce ci pour redorer l’image de la victime et
réparer le préjudice moral qu’elle a subi.

Il faut reconnaître que les dispositions du code de procédure pénale sont


insuffisantes sur la question de la réparation. La loi a omis de déterminer les
modalités de calcul des dommages intérêts. En plus de cela, la taxe judiciaire à
verser pour le pourvoi en révision est assez élevée[7] et la procédure est trop
longue.
B-   Quelques solutions :

« La plus grande source d'erreur judiciaire n'est pas vraiment le système
judiciaire, mais les hommes qui l'appliquent. »[8]Donc, une attention particulière
doit être portée sur la formation des officiers de la police judiciaire, dans le sens de
plus de professionnalisme et afin qu’ils veillent au  respect du principe de
la  présomption d’innocence. Ils n’accordent pas la moindre valeur aux dires du
suspect mais orientent au contraire leurs interrogatoires vers leur propre thèse,
quitte à extorquer des aveux par la coercition psychologique ou physique très
contestable. D’avance, le suspect est considéré comme coupable parce que capable
d’avoir commis tel délit ou tel crime[9].   

Par ailleurs, il est important de permettre au suspect de communiquer avec un


avocat dans les premières heures de la garde à vue afin de protéger les droits de la
défense au lieu d’attendre la prolongation de la durée de celle-ci. L’intervention
d’un avocat pourrait permettre d’éviter les situations de tortures physiques ou
morales et les aveux extorqués.

Le fait de confier l’instruction à un seul juge augmente le risque d’erreurs et


diminue la qualité des vérifications à effectuer par cet officier supérieur sur les
actes de la police. Il est donc opportun de confier l’instruction à une chambre
spéciale composée de plusieurs juges au lieu d’un seul, comme c’est le cas de la
France.

                           

Sommaire

Introduction……………………………………………………………………...2
I-                  Les causes des erreurs
judiciaires………………………………………3

A-  Avant le procès…………………………………………………….3

1)    L’enquête préliminaire…………………………………………3

2)    L’instruction  préparatoire……………………………………...4

B-   Pendant le jugement………………………………………………..5

II-               Les mesures prises à l’encontre de l’erreur


judiciaire………………..5

1)    La réparation de l’erreur judiciaire………………………………...6

2)    Quelques solutions…………………………………………………9

BIBLOGRAPHIE

1)    JOUVET (L),Socio-anthropologie de l’erreur judiciaire, Paris,


L’harmattan 2010 ;

2)    FICHEAU (A),« ERREURS JUDICIAIRES », Mémoire de D.E.A


Droit et justice, Université de LILLE II- Faculté des Sciences
Juridiques, Politiques et Sociales, Année universitaire 2001-2002 ;
3)    JACOT (M),Délit de justice : « l’affaire Michel Peuron et autres
erreurs judiciaires », Paris, Bayard Editions 1999 ;

4)    MARZOUGUI (M),Code de procédure pénale (traduction intégrale


non officielle), Dar Assalam- Rabat, 1ere édition 2009 ;

5)    BOUCETTA (F),« Erreurs judicaires : réparer le mal relève souvent


de l’impossible », Laviéco, 25/01/2010.

6)    LAILLER (M), VONOVEN (H), « Les Erreurs Judiciaires et leurs


Causes », Editeur : A. Pedone (Paris) ,1897

[1] JOUVET (L), Socio-anthropologie de l’erreur judiciaire, Paris, L’harmattan 2010, p.14.

[2] FICHEAU (A), « ERREURS JUDICIAIRES », Mémoire de D.E.A Droit et justice, Université


de LILLE II- Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales, Année universitaire
2001-2002, p.12.

3 JACOT (M), Délit de justice : « l’affaire Michel Peuron et autres erreurs judiciaires »,
Paris, Bayard Editions 1999,  p.149.

[3] FICHEAU (A), op.cit, p.21.

[4]JACOT (M), op.cit, p.6.

[5] Ibid., p.159.

[6] BOUCETTA (F), « Erreurs judicaires : réparer le mal relève souvent de l’impossible »,


Laviéco, 25/01/2010, p.1.

[7] BOUCETTA (F), op.cit, p.5.


[8] Selon Me Poupart, avocat à l'aide juridique et professeur de droit criminel à l'Université de Montréal,
dans la revue Justice, mars 1984.

[9]JACOT (M), op.cit, p.162.

Dans son programme, le nouveau gouvernement s’engage à « mettre en place


les mécanismes de réparation suite à une erreur judiciaire ». Ce point
intervient en application de la constitution de 2011 qui consacre la
responsabilité de l’État en ce qui concerne les erreurs commises par son
appareil judiciaire en stipulant dans son article 122 que les « dommages
causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation à la charge de
l’État ». C’est une première dans l’histoire constitutionnelle du Maroc. Jusqu’à
présent, dans l’attente de l’implémentation de cette disposition
constitutionnelle, le citoyen, victime d’une erreur judiciaire, quel que soit le
degré de sa gravité, ne peut prétendre à aucune compensation, même pas «
une lettre d’excuse ». La constitution de 2011 dont l’apport en matière de
droits et libertés est incontestable, vient donc mettre fin à cette pratique qui
est inconciliable avec les idéaux de démocratie et d’Etat de droit.

Mais en quoi consiste une erreur judiciaire ? Quelles sont ses causes ? Quelles
sont ses conséquences ? Et comment s’opère l’indemnisation ?
Tous les pays qui ont adopté le principe de l’indemnisation, ont eu des
difficultés à cerner la notion d’erreur judiciaire. Un grand avocat français,
René Foliot, a dit un jour : l’ « homme le plus honnête, le plus respecté, peut
être un jour victime de la justice. Vous êtes bon père, bon époux, peu importe.
Quelle fatalité pourrait un jour vous faire passer pour un malhonnête homme,
voire un criminel ? Cette fatalité existe, elle porte un nom : l’erreur judiciaire
».
L’erreur judiciaire n’est pas propre au droit pénal, elle touche toutes les
matières mais c’est au pénal où ses conséquences sont les plus dramatiques du
fait qu’elle porte sur la culpabilité d’une personne et porte atteinte à sa liberté.
Car, comment accepter qu’une personne innocente soit traînée dans la boue
(erreur liberticide), ou qu’une personne coupable soit relaxée (erreur
d’impunité). C’est pourquoi l’erreur judiciaire déshonore tous ceux qui y
contribuent et pousse les citoyens à ne pas croire en la justice, ce qui est très
grave car il n’y a pas de démocratie sans une justice crédible.
L’erreur judiciaire n’est pas le fruit du hasard, elle est la conséquence du
comportement de différents acteurs : les juges, les enquêteurs, les experts, les
avocats, les traducteurs, les témoins et parfois les accusés eux-mêmes. Et dans
les pays où la justice n’est pas indépendante et intègre, il y a d’autres facteurs
qui y concourent, notamment la manipulation de l’appareil judiciaire par les
forces de la politique et de l’argent.
Les conséquences de l’erreur judiciaire sont épouvantables ; « c’est la pire des
choses qui puisse arriver à une personne ». Bien sûr, c’est la victime et sa
famille qui en souffrent le plus. Mais comment réparer les dégâts provoqués
par une erreur judiciaire ? Les méthodes diffèrent d’une législation à l’autre.
D’une manière générale, tous les préjudices sont pris en considération pour
déterminer le montant de l’indemnisation : perte d’emploi, maladie,
problèmes familiaux etc. l’indemnisation ne profite pas seulement à la victime,
mais aussi aux personnes qui ont pâti des conséquences de l’erreur judiciaire,
en particulier les membres de la famille.

La mise en place de mécanismes de réparation de l’erreur judiciaire promise


par le nouveau gouvernement, est une décision importante de nature à
consolider la protection des droits, des libertés et de la dignité des citoyens.
Elle contribuera en plus à pousser tous les acteurs intervenant dans le
processus judiciaire à agir avec plus de rigueur et de responsabilité surtout si
la loi prévoit que l’Etat, une fois condamné à payer, doit se retourner contre
les personnes ayant été à l’origine de l’erreur.

Incontestablement, un juge peut se tromper. Car l’erreur est humaine. Il peut punir un innocent,
acquitter un coupable ou encore infliger à un accusé une peine inadaptée. Et c’est précisément parce
qu’il peut se tromper que le législateur a institué des voies de recours permettant aux juges
«réformateurs», en phase d’appel ou à la Cour suprême, de corriger ces erreurs d’appréciation qui ont
pu être commises lors de l’examen initial. Cependant, le problème se pose avec acuité quand le
condamné à tort a épuisé les voies de recours. C’est ainsi que le législateur marocain évoque la
procédure de révision pour réparer l’erreur judiciaire (voir encadré page 8). Une erreur qui touche
directement la liberté des personnes, qui met en boîte un droit fondamental de l’être humain et qui
détruit la vie d’innocents et de leurs familles. En effet, en France, pour ne citer que l’exemple de ce
pays dont la législation pénale a fortement inspiré le législateur marocain en la matière, il y a
plusieurs études et débats consacrés à l’erreur judiciaire. Le système judiciaire français ne trouve pas
de difficulté à admettre l’erreur judiciaire et à la reconnaître comme étant une réalité juridique
contemporaine et immédiate. Qu’en est-il du Maroc? Pratiquement aucun débat, et ce, à tous les
niveaux. Concernant les études, encore pire. A noter que dans le cadre de la réalisation de cette
enquête, ALM avait sollicité une interview avec un magistrat, pour pouvoir traiter la question de
l’erreur judiciaire sous tous les angles. Une demande a été adressée, à cet effet, le jeudi 29 septembre,
au ministère de la Justice, puisque c’est de l’appareil judiciaire qu’il s’agit. Et ce n’est que le jeudi 14
octobre, à l’heure où l’enquête était en plein bouclage que le département de Mohamed Naciri a
contacté ALM pour nous notifier l’accord du ministère pour la réalisation de cette interview sous
réserve de soumettre les questions au préalable. Mais, contacté par ALM, le magistrat en question
nous a affirmé qu’il fallait qu’il reçoit une autorisation écrite dans ce sens de la part de ses
supérieurs… Histoire de la toile de Pénélope. Ceci dit, ALM a souhaité traiter la question de l’erreur
judiciaire, malgré toutes ces difficultés, car les victimes de l’injustice sont là, parmi nous. L’équipe
d’ALM a cherché les traces de quelques-unes parmi elles et en a trouvé trois. Trois personnes qui ont
enduré injustement un calvaire douloureux durant des années. C’est à la rue Ben Chadlia à El Jadida,
qu’ALM a retrouvé la première victime, M’hamed Nouri, qui a été condamné, avec son ami,
Abdelouahed El Mouli, décédé il y a trois ans, à perpétuité pour un meurtre qu’ils n’ont jamais
commis (voir témoignage pages 9, 10 et 11). Il a purgé huit ans avant que le vrai coupable, Mohamed
Belahrach, n’ait été mis hors d’état de nuire. Bien que le tribunal administratif ait jugé qu’il devait
bénéficier de dommages et intérêts de 1,5 million de dirhams, Nouri vit encore dans une indigence
amère. Pour les deux autres personnes, Mohamed Sakhi et Abdelilah Kribel, ALM était obligé d’aller
les chercher au douar Bouih, qui longe l’autoroute A1, reliant Casablanca à Rabat, dans la région
d’Aïn Sebaâ (voir témoignage pages 13, 14 et 15). Un douar isolé du monde extérieur par un long
mur, ressemblant, par conséquent, à un camp de réfugiés, qui offre le même spectacle de
marginalisation, de tristesse, de souffrance, d’amertume, de détresse, de  consternation que les autres
bidonvilles casablancais. Contrairement à l’affaire d’El Jadida, le déplacement au douar Bouih était
périlleux. à l’entrée du douar, l’équipe d’ALM a été menacée d’agression par Réda, le faux témoin
qui a mouillé Mohamed Sakhi dans l’affaire de l’agression du ressortissant français, sa maîtresse et
son chauffeur à Casablanca. Mais, l’équipe a décidé d’aller jusqu’au bout malgré les dangers qui
entourent cette mission. Elle les a rencontrés, les a écoutés attentivement. Elle a ressenti leur
souffrance et l’injustice qu’ils avaient subie. En effet, ces victimes de l’injustice étaient des gens qui
pouvaient «être facilement dans l’auto ou l’hétéro-agressivité», comme l’a signalé le psychiatre
Hachem Tyal (voir entretien page 12). Aussi, selon ce dernier, ces victimes «sont amenées à se
suicider facilement» en raison du calvaire qu’elles ont enduré. Heureusement, les trois victimes de
l’erreur judiciaire que ALM a rencontrées essaient de reprendre leur vie en main et enterrer les
blessures du passé. Cela dit, la grande question qui se pose est celle de savoir : qui assume la
responsabilité de ces erreurs judiciaires ? L’avocat Mohamed Taïb Omar, du barreau de Casablanca,
suppose que la police judiciaire assume la grande responsabilité, étant donné qu’elle ne dispose pas
de tous les moyens lui permettant d’accomplir sa mission dans de bonnes conditions. (voir entretien
pages 16 et 17). Les instances de protection des droits de l’Homme ne sont pas en reste dans cette
affaire. Amina Bouayach, présidente de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH),
estime que le risque de l’erreur judiciaire pourrait être réduit en «inscrivant la consécration des voies
de recours et d’équité dans le cadre de la réforme du système judiciaire» (voir entretien page 18). La
militante des droits de l’Homme confirme que les ONG n’ont pas encore investi ce thème de l’erreur
judiciaire étant donné que «la mise en place des mécanismes de prévention contre l’erreur judiciaire
est une étape ultérieure qui viendra après la consécration des garanties du procès équitable». En
attendant la consécration des garanties du procès équitable, tant souhaitée par les organisations de
défense des droits humains, l’ouverture d’un débat à propos de cette question aura au moins le mérite
de sensibiliser les avocats, les juges, les responsables de la Police judiciaire ainsi que les justiciables
aux conséquences néfastes que l’injustice produite par l’appareil judiciaire pourrait avoir sur les
victimes. M’hamed Nouri, Mohamed Sakhi et Abdelhadi Kribel en sont les témoins.

 Enquête réalisée par :


  Abderrafii Al Oumliki et Mohamed Aswab

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