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La machine à tuer de sang‐froid : 
Che Guevara, d’une marque‐à‐feu du 
communisme à une marque capitaliste   

Septembre 2010 
par Alvaro Vargas Llosa*

C
he Guevara, qui a tant fait (ou présentait des jeunes en treillis et t-shirts
était-ce si peu ?) pour combattre le de Che, ou la Flamingo’s  Boutique de
capitalisme en est maintenant une Union City (New Jersey) dont le proprié-
marque quintessentielle. On trouve son taire  s’est  défendu  face  à  la  colère  des 

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effigie sur des tasses à café, pulls, bri- immigrants Cubains locaux avec cet ar-
quets, porte-clés, portefeuilles, cas- gument dévastateur : « Je ne vends que
quettes, bandanas, débardeurs, chemises, ce que les gens veulent acheter ». Les
sacs à main, jeans, pochette de thé, et révolutionnaires se joignent aussi à cette
bien entendu ces T-shirts  que  l’on  voit  frénésie marketing, comme The Che Store
partout.  Cette  photo  de  l’idole  du  socia- qui « répond à tous vos besoins révolu-
lisme avec son béret mythique, prise par tionnaires » à partir d’Internet, ou l’écrivain 
Alberto Korda durant les premières an- italien Gianni Minà, qui a vendu à Robert
nées de la révolution alors que Che pas- Redford les droits des carnets de voyage
sait devant le viseur du photographe, allait du jeune Che à travers l’Amérique du Sud 
devenir  l’image  qui,  trente-huit ans après en 1952. Avec les droits du film, qui parut
sa mort, est toujours le logo du chic révo- sous le nom de The Mortorcycle Diaries,
lutionnaire (ou bien capitaliste ?). Sean Minà put produire son propre documen-
O’Hagan  du  The Observer prétend même taire.
qu’on  peut  trouver  du  détergent  vendu 
sous le slogan « Che lave plus blanc ». Faut-il mentionner Alberto Grana-
do, qui a accompagné Che lors de son
Les produits Che sont mis sur le voyage et qui conseille maintenant les
marché par de grandes sociétés ainsi que documentaristes ? Selon El Pais, il  s’est 
de petites entreprises, comme la Burling- plaint  à  Madrid,  lors  d’un  repas  avec  du 
ton Coat Factory, dont le spot TV nous magret de canard arrosé de Rioja, que

*Alvaro  Vargas  Llosa,  d’origine  péruvienne,  est  un 


chercheur senior et dirige le Center on Global Pros‐
perity  de  l’Independent  Institute.  Il  est  l’auteur  de 
Liberty  for  Latin  America.  Ce  texte  a  d’abord  été 
publié  dans  The  New  Republic  le  11  juillet  2005. 
Traduction  depuis  l’anglais  par  Mathieu  Bédard 
avec la collaboration d’Emmanuel Martin. 
 Des parties de ce chapitre sont republiées avec la 
permission  de  l'éditeur  du  livre  The  Che  Guevara 
Myth  and  the  Future  of  Liberty,  par  Alvaro  Vargas 
Llosa  (pp.  1‐12).  Tout  droits  réservés  ©  Copyright 
2006,  The  Independent  Institute,  100  Swan  Way, 
Oakland, California 94621‐1428; 
   www.independent.org ; info@independent.org. 
 

 
La machine à tuer de sang-froid : Che Guevara,
d’une marque-à-feu du communisme à une marque capitaliste
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l’embargo  Américain  contre  Cuba  lui  rend  l’endroit  exact.  L’anniversaire  reconcentra 
difficile la collecte de ses royalties. Pour toute  l’attention  vers la célèbre photo de
pousser l’ironie encore plus loin : le splen- Freddy Alborta du corps de Che sur une
dide bâtiment du début du 20ème siècle où table, raccourci, mort et romantique,
Guevara a vu le jour à Rosario (Argen- comme le Christ sur une toile de Mante-
tine), au coin des rues Urquiza et Entre gna.
Ríos,  fut  occupé  jusqu’à  tout  récemment 
par le fond de pension AFJP Máxima, une Il est commun que les disciples
société née de la privatisation de la sécuri- d’un  culte  ne  connaissent  pas  la  véritable 
té sociale Argentine dans les années 90. histoire de leur héros, la vérité historique
(de nombreux rastafaris désavoueraient
La métamorphose de Che Guevara Hailé  Selassié  s’ils  avaient  ne  serait-ce
en  une  marque  capitaliste  n’est  pas  nou- que de toutes petites notions de qui il était

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velle, mais la marque semble avoir ré- vraiment.) Il n’est donc pas surprenant que 
cemment regagné en popularité. Une re- les disciples contemporains de Guevara,
montée remarquable,  puisqu’elle  arrive  ses admirateurs postcommunistes, se
plusieurs années après la chute politique leurrent  en  s’accrochant  à  un  mythe  —
et idéologique de tout ce que Guevara sauf pour les jeunes Argentins qui se sont
représentait. Cette aubaine est principa- trouvé une expression qui rime parfaite-
lement due à The Motorcycle Diaries, le ment en espagnol : « Tengo una remera
film produit par Robert Redford et réalisé del Che y no sé por qué » ou « J’ai  un  t-
par  Walter  Salles.  (C’est d’ailleurs  un  des  shirt de Che et je ne sais pas pourquoi ».
trois  films  majeurs  sur  l’histoire  de  Che, 
les deux autres ont été dirigés par Josh

C
Evans et Steven Soderbergh.) Filmé dans onsidérez tous les gens qui ont
le cadre de magnifiques paysages sud- récemment brandi ou invoqué
américains ayant apparemment échappé à
l’image  de  Guevara  comme  un 
la pollution capitaliste, le film montre un signal de justice et de rébellion contre les
jeune Che lors de son voyage, où il ap- abus du pouvoir. Au Liban, les manifes-
prend à se découvrir et à développer sa tants protestant contre la Syrie, devant la
conscience  sociale  naissante,  alors  qu’il 
tombe de leur défunt premier ministre Ra-
croise l’exploitation sociale et économique,  fiq Hariri, portaient une image de Che.
jetant  ainsi  les  bases  d’une  réinvention  Thierry Henry, le célèbre footballeur fran-
New Wave de  l’homme  que  Sartre  a  un 
çais, s’est présenté à un gala organisé par 
jour appelé  l’être  humain  le  plus  complet  la FIFA avec un t-shirt de Che noir et
de notre époque. rouge. Récemment dans le New York
Mais pour être plus précis, cette Times, dans une revue de livre de Land of
nouvelle vague de popularité de Che a the Dead de George A. Romero, Manohla
débuté en 1997, à l’occasion du trentième  Dargis écrivait que « le plus grand choc fut
anniversaire de sa mort, lorsque cinq bio- peut-être  la  transformation  d’un  zombie 
graphies furent publiées et que sa dé- noir en leader révolutionnaire » et ajoutait
pouille fut découverte  près  d’une  piste  « j’imagine  que  Che  vit  réellement,  après 
d’atterrissage de l’aéroport de Vallegrande  tout ». La star du football Diego Maradona
en  Bolivie,  après  qu’un  général  bolivien  a montré son emblématique tatouage de
retraité  a  révélé,  d’une  manière  pour  le  Che sur son bras droit lors d’un voyage où 
moins spectaculairement synchronisée, il rencontra Hugo Chávez au Venezuela. À
 

 
 
 
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Stavropol, au sud de la Russie, les mani- réalité. Son honnêteté (partiale à vrai dire)
festants dénonçant les paiements en li- l’a poussé à nous laisser des témoignages 
quide de prestations sociales réduites se écrits de sa cruauté, ceci incluant des
sont emparés de la place centrale avec choses très laides. Son courage — que
des drapeaux de Che. À San Francisco la Castro décrivait comme « la  manière  qu’il 
City Lights Books, quartier général légen- a, lors des moments les difficiles et dange-
daire de la littérature beatnik, propose aux reux, de faire les choses les plus difficiles
visiteurs une section « Amérique latine » et les plus dangereuses » — est la raison
où la moitié des étagères sont dédiées pour  laquelle  il  n’a  pas  vécu  assez  long-
aux livres sur Che. José Lui Montoya, un temps pour assumer sa responsabilité
policier mexicain qui combat la drogue à dans  l’enfer  que  Cuba  est  devenu.  Le 
Mexicali, porte un bandeau de Che parce mythe peut nous en apprendre autant sur

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que  ça  lui  donne  l’impression  d’être  plus  une  époque  que  la  vérité.  C’est  donc 
fort. Au camp de réfugiés de Dheisheh en grâce aux témoignages de Che lui-même
Cisjordanie, des posters de Che couvrent quant à ses idées et actions, et aussi
un mur qui rend hommage à l’Intifada. Un  grâce à son départ prématuré, que nous
magazine du dimanche de Sydney en pouvons  aujourd’hui  savoir  exactement  à 
Australie dédié à la vie sociale liste les quel point tant de nos contemporains se
trois invités de rêve à une soirée bran- trompent à propos de tant de choses.
chée : Alvar Aalto, Richard Branson, et Guevara aurait peut-être aimé sa
Che Guevara. Leung Kwok-hung, le re- propre mort, mais c’est la mort des autres 
belle élu au conseil législatif de Hong qui l’amusait le plus. En avril 1967, parlant 
Kong, a défié Pékin en portant un t-shirt de son expérience, il résumait son idée
de Che. Au Brésil, Frei Betto, le conseiller homicide de justice dans son « Message à
du président Lula da Silva responsable du la Tricontinentale » : « la haine comme
programme très médiatisé « Zéro Faim », élément de lutte ; la haine inflexible de
a déclaré que « nous aurions dû faire l’ennemi, qui pousse l’être humain au-delà
beaucoup moins attention à Trotski et de ses limites naturelles, et le transforme
beaucoup plus à Che Guevara ». Aux en une machine efficace, violente et sélec-
Academy Awards en 2005 Carlos Santana tive, à tuer de sang-froid ». Ses textes plus
et Antonio Banderas ont interprété la anciens sont aussi parsemés de cette vio-
chanson titre de The Motorcycle Diaries, lence rhétorique et idéologique. Même si
et Santana portait un t-shirt de Che et un son ex-petite amie, Chichina Ferreyra,
crucifix. Les manifestations du nouveau doute que la version originale des carnets
culte de Che sont partout. Encore une fois de son voyage à moto ait contenu
le mythe anime des gens qui, pour la plu- l’observation  « je sens mes narines se
part, se battent pour des causes qui, pour dilater  pour  savourer  l’odeur  acre de la
la plupart, sont en opposition directe avec poudre à canon et du sang de mes enne-
ce que Guevara était vraiment. mis », Guevara partagea avec Granado
lors  de  leur  jeune  âge  l’expression  « Une
révolution sans tirer une seule balle ? T’es 

T
out homme possède des qualités cinglé. »  À  d’autres  moments,  le  jeune 
qui rachètent en partie ses défauts. bohémien semblait incapable de distinguer
Dans le cas de Che Guevara, ces entre la légèreté du spectacle de la mort et
qualités peuvent nous aider à me- la  tragédie  des  victimes  d’une  révolution. 
sure le gouffre qui sépare le mythe de la Dans une lettre à sa mère écrite au Gua-
 

 
 
 
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temala en 1954, où il fut témoin du coup vrai qu’il se questionna pour savoir si cette 


d’État  qui  délogea  le  gouvernement  révo- victime particulière était « assez coupable
lutionnaire de Jacobo Arbenz du pouvoir, il pour mériter la mort »,  il  n’eut  aucun  re-
écrit : « tout était très amusant, avec les mords lorsqu’il  donna  l’ordre  de  tuer 
bombes, les discours, et les autres distrac- Echevarría, le frère d’un de ses collègues, 
tions pour casser la monotonie dans la- pour cause de crimes non spécifiés : « il
quelle je vivais ». devait payer le prix ». Parfois il simulait
Le tempérament de Guevara lors des exécutions sans les terminer, comme
de son voyage avec Castro du Mexique à méthode de torture psychologique.
Cuba à bord du Granma fut parfaitement Luis Guardia et Pedro Corzo, deux
illustré dans  une  phrase  tirée  d’une  lettre  chercheurs en Floride qui travaillent sur un
qu’il écrivit à sa femme le 28 janvier 1957,  documentaire sur Guevara, ont obtenu le

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peu après avoir débarqué, qui fut publiée témoignage de Jaime Costa Vázquez, un
dans le livre Ernesto : A memoir of Che ex-commandant  dans  l’armée  révolution-
Guevara in Sierra Maestra : « ici dans la naire connue sous le nom de
jungle cubaine, en vie et assoiffé de « El Catalán », qui maintient que plusieurs
sang ». Cette attitude avait été renforcée des exécutions attribuées à Ramiro Val-
par sa conviction que Arbenz avait perdu dés,  le  futur  ministre  de  l’Intérieur  de  Cu-
le  pouvoir  parce  qu’il  n’avait  pas  réussi  à  ba, sont de la responsabilité directe de
exécuter tous ses ennemis potentiels. Guevara, puisque Valdés était sous ses
Dans une lettre écrite un peu plus tôt à sa ordres dans les montagnes. Les ordres de
fiancée  de  l’époque,  Tita  Infante,  on  peut  Che étaient simples : « Dès qu’il y a doute, 
lire  l’observation  que « s’il  y  avait  eu  des  tue ». Selon Costa, la veille de la victoire,
exécutions, le gouvernement aurait con- Che  ordonna  l’exécution  de  deux  dou-
servé la capacité de contre-attaquer ». Il zaines de personnes à Santa Clara, au
n’est pas surprenant que durant la bataille  centre de Cuba, où sa colonne se trouvait
armée contre Batista, et après son entrée pour  l’assaut  final  de  l’île.  Certains  furent 
triomphante à Havane, Guevara assassina tués dans un hôtel, selon Marcelo Fer-
ou supervisa les exécutions après procès nàndes-Zayas, un autre ex-révolutionnaire
sommaire de douzaines de personnes — qui devint plus tard journaliste — ajoutant
des ennemis avérés, des gens suspectés que  parmi  les  exécutés,  que  l’on  appelait 
d’être  des  ennemis,  et  tous  ceux  qui  se  les casquitos, se trouvaient surtout des
trouvaient au mauvais endroit au mauvais paysans  qui  avaient  joint  l’armée  dans  le 
moment. seul but de se sortir du chômage.
En janvier 1957, comme son jour-
nal  du  Sierra  Maestra  l’indique,  Guevara 

M
ais la « machine à tuer de sang-
tua  Eutimio  Guerra  parce  qu’il  le  suspec- froid »  n’a  démontré toute
tait  d’avoir  fait  passer  des  informa- l’étendue de sa fermeté que lors-
tions : « J’ai  mis  fin  au  problème  en  poin- que, immédiatement après la
tant un pistolet de calibre .32 sur la partie chute du régime de Batista, Castro l’a mis 
droite  de  son  cerveau….  Ses  effets  per- en charge de la prison de La Cabaña.
sonnels sont alors devenus les miens. » (Castro  avait  un  œil  de  lynx  pour  trouver 
Plus tard, il tua Aristidio, un paysan qui les bonnes personnes pour protéger sa
exprimait le désir de quitter ses terres révolution de toute « infection ».) San Car-
lorsque  les  rebelles  arriveraient.  S’il  est  los de La Cabaña était une forteresse de
 

 
 
 
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pierre qui avait été bâtie pour protéger La se décrit comme étant « plus près de Leo-
Havane contre les pirates anglais du 18ème nardo Boff et de la Théologie de la libéra-
siècle ; plus tard elle devint une caserne tion  que  de  l’ancien  Cardinal  Ratzinger  ». 
militaire.  D’une  manière  qui  rappelle  froi- Il se rappelle que ;
dement Lavrenti Beria, Guevara a présidé Il y avait environ huit cents
durant  la  première  moitié  de  1959  l’une 
prisonniers dans un espace
des périodes les plus sombres de la révo-
conçu pour pas plus de trois
lution. José Vilasuso, un juriste et profes-
cents : des anciens militaires
seur  à  l’Universidad  Interamericana  de 
Bayamón à Puerto Rico, faisait partie du et policiers de Batista, des
collège chargé des procès sommaires à journalistes, quelques
La Cabaña, m’a récemment confié que ; hommes d’affaires et des mar­
chands. Le tribunal révolu­

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Che était en charge de la Co­
tionnaire était composé de mi­
misión Depuradora. La pro­
liciens. Che Guevara présidait
cédure suivait la loi de la Sier­
la cour d’appel. Il n’a jamais
ra : il y avait une cour mili­
annulé une seule condamna­
taire et les directives que Che
tion. Je visitais ceux qui
nous donnait étaient d’agir
étaient dans le couloir de la
avec conviction, c'est­à­dire
mort à la galera de la muerte. Il
que les suspects étaient tous
y avait une rumeur qui cou­
des meurtriers et la seule voie
rait qui disait que
révolutionnaire possible était
j’hypnotisais les prisonniers
d’être implacable. Mon supé­
parce que beaucoup restaient
rieur direct était Miguel
calmes, Che a donc ordonné
Duque Estrada. Ma tâche était
que je sois présent aux exécu­
de « légaliser » les dossiers
tions. Ils ont exécuté beau­
avant de les envoyer au minis­
coup plus de gens après mon
tère. Les exécutions avaient
départ au mois de mai, mais
lieu du lundi au vendredi, au
j’ai tout de même assisté à 55
milieu de la nuit, juste après
exécutions. Il y avait un amé­
que la sentence ait été pro­
ricain, Herman Marks, appa­
noncée et automatiquement
remment un ancien détenu.
confirmée par la cour d’appel.
Nous l’appelions « le bou­
Je me souviens que lors de la
cher » parce qu’il adorait
nuit la plus sanglante, 7
donner l’ordre de tirer. Sou­
hommes furent exécutés.
vent j’ai plaidé en faveur des
prisonniers auprès de Che. Je
Javier  Arzuaga,  l’aumônier  basque  me souviens en particulier du
qui réconfortait les condamnés à mort et cas d’Ariel Lima, un jeune
assista  à  plusieurs  dizaines  d’exécutions,  garçon. Che n’a pas bronché.
me contacta récemment depuis sa maison Ni Fidel d’ailleurs, à qui
de Puerto Rico. Ex-prêtre catholique,
j’avais rendu visite. J’étais de­
maintenant âgé de soixante-quinze ans, il
venu tellement traumatisé
 

 
 
 
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qu’à la fin de mois de mai Aspiazú, un catholique basque sympathi-


1959 j’ai reçu l’ordre de quit­ sant de la révolution, parlait de 700 vic-
ter la paroisse de Casa Blanca, times.  Félix  Rodríguez,  l’agent  de  la  CIA 
où La Cabaña était situé et où qui fut en charge de la capture de Gueva-
j’avais tenu des messes pen­ ra en Bolivie m’a dit avoir interrogé Che à 
propos des « environ 2000 » exécutions
dant 3 ans. Je suis allé au
dont il était responsable au cours de sa
Mexique pour me faire traiter.
vie. « Il  a  dit  qu’ils  étaient  tous  agents  de 
Le jour de mon départ, Che
la CIA et ne fit pas de commentaire sur le
m’a dit que nous avions tous chiffre ». Les chiffres les plus élevés in-
les deux essayé de faire pen­ cluent peut-être les exécutions qui ont eu
cher l’autre de l’autre côté et lieu après le départ de Che de La Cabaña.
avions échoué. Ses derniers

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Ce qui nous ramène à Carlos San-
mots furent : « Lorsque nous tana et ses habits chics à l’effigie de Che. 
enlèverons nos masques, nous Dans une lettre ouverte publiée dans El
serons Nuevo Herald
enne­ le 31 mars de
mis ». cette année, le
Com- grand musi-
bien cien jazz Pa-
d’hommes  quito  D’Rivera 
furent tués à fustigea San-
La Cabaña? tana pour
Environ deux s’être  déguisé 
cents selon de la sorte aux
Pedro Corzo, Oscars, et
un chiffre ajouta : « Un
proche de de ces Cu-
celui proposé bains [à La
par Armando Cabaña] était

Lago, un pro- mon cousin


fesseur Bebo, qui était
d’économie à la  emprisonné
retraite qui a dressé une liste de 179 noms précisément  parce  qu’il  était  Chrétien.  Il 
dans  le  cadre  d’une  enquête  de  huit  ans  me raconte avec amertume comment il
sur  les  exécutions  à  Cuba.  Vilasuso  m’a  entendait de sa cellule les exécutions aux
raconté que 400 personnes ont été exécu- petites heures de la nuit, sans procédures
tées entre janvier et la fin de juin en 1959 légales ni procès, de tous ceux qui mour-
(c’est  à  ce  moment  que  Che  cessa  d’être  raient en criant « Longue vie au Christ
en charge de La Cabaña). Les communi- notre roi ! »
cations secrètes entre l’ambassade améri-
caine à La Havane et le département

L
d’État de Washington parlent de « plus de a soif de pouvoir de Che s’exprimait 
500 ». Selon un des biographes de Gue- aussi autrement que par le meurtre.
vara, Jorge Casteñada, le Père Iñaki de La contradiction entre sa passion

 

 
 
 
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pour les voyages — en quelque sorte sa rappelle que Guevara lui ait demandé
manière de protester contre les limites des combien de personnes avaient quitté son
États nations — et  ses  rêves  d’être  lui- pays après les réformes foncières. Lors-
même  à  la  tête  d’un  État  réduisant les que Nasser lui répondit que personne
hommes à la servitude, est poignante. n’était  parti,  Che  répliqua,  en  colère,  que 
Lorsqu’il écrit à propos de Pedro Valdivia,  la manière de juger de la profondeur du
le conquistador du Chili, Guevara est en changement est par le nombre de per-
admiration : « Il appartenait à cette classe sonnes qui « sentent  qu’il  n’y  a  plus  de 
spéciale  d’hommes  que  l’espèce  produit  place pour eux dans la nouvelle société.»
de  temps  à  autre,  chez  qui  l’appétit  pour  Cet instinct prédateur atteint son sommet
un pouvoir sans limites est tellement ex- en  1965,  lorsqu’il  se  mit  à  parler  en  se 
trême que toutes les souffrances néces- prenant pour un Dieu, du « nouvel

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saires pour parvenir à ses fins lui semblent homme » que lui et sa révolution allaient
naturelles. »  Il  s’y  décrivait  probablement créer.
lui même. À toutes les étapes de sa vie L’obsession  de  Che  pour  le  con-
adulte, sa mégalomanie se manifestait trôle collectiviste l’a mené à collaborer à la
dans le besoin prédateur de prendre la vie naissance des dispositifs de sécurité mis
et  la  propriété  des  autres  et  d’abolir  leur  en place pour asservir six millions et demi
liberté. de Cubains. Au début de 1959, une série
En 1958, après s’être emparé de la  de rencontres secrètes eurent lieu à Ta-
ville de Sancti Spiritus, Guevara essaya rará, près de Havana, à la villa où Che se
sans succès  d’imposer  une  sorte  de  sha- retira temporairement pour récupérer
ria, en réglementant les relations entre les d’une  maladie.  C’est  là  que  les  plus 
hommes et les femmes, la consommation grands leaders, comme Castro, ont déve-
d’alcool,  et  le  jeu  d’argent  informel  — un loppé  les  grandes  lignes  de  l’État  policier 
puritanisme qui ne caractérisait pas exac- cubain. Ramiro Valdés, le sous-fifre de
tement sa propre façon de vivre. Il ordon- Che durant la guérilla, fut mis en charge
na aussi à ses hommes de voler des du G-2, un groupe modelé à partir de la
banques,  une  décision  qu’il  justifia  dans  Tchéka. Angel Ciutah, un vétéran de la
une lettre à Enrique Oltuski, un subordon- guerre civile espagnole envoyé par les
né, durant le mois de novembre de cette Soviets et qui était un proche de Ramón
même année : « Les masses en lutte ac- Mercader,  l’assassin  de  Trotski,  et  plus 
ceptent de voler des banques parce tard  se  lia  d’amitiés  avec  Che,  a  joué  un 
qu’aucun  n’y  a  ne  serait-ce  qu’un  cen- rôle  clé  dans  l’organisation  du  système, 
time. » Cette idée de révolution en tant avec Luis Alberto Lavandeira, qui avait été
que permis pour réattribuer la propriété sous les ordres du patron de La Cabaña.
comme bon lui semblait a mené le puritain Guevara prit les commandes du G-6, le
marxiste  à  s’approprier  la  villa  d’un  émi- groupe qui avait comme mission
grant après le triomphe de la révolution. l’endoctrinement  idéologique  des  forces 
Ce besoin de déposséder les armées. L’invasion soutenue par les Amé-
autres de leur propriété et de se revendi- ricains de la baie des Cochons en avril
quer propriétaire des territoires des autres 1961  devint  l’occasion parfaite pour con-
était centrale à la politique du pouvoir bru- solider  la  nouvelle  police  d’État  avec    le 
tal de Guevara. Dans ses mémoires, le rassemblement de dizaines de milliers de
leader égyptien Gamal Abdel Nasser se Cubains et une nouvelle série
d’exécutions.  Comme  Guevara  l’a  lui-
 

 
 
 
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même  dit  à  l’ambassadeur  Soviétique  dures. »


Sergei Kudriavtsev, les contre- Ce camp fut le précurseur du futur
révolutionnaires ne devaient jamais « rele- emprisonnement systématique, débutant
ver leur tête à nouveau ». en 1965 dans la province de Camagüey,
des dissidents, homosexuels, victimes du
sida, catholiques, témoins de Jéhovah,

«C
ontre-révolutionnaire » est
le  terme  qui  s’appliquait  à  prêtres afro-Cubains, et autres « rebuts de
quiconque s’éloignait de la  l’humanité », sous la bannière des Uni-
doctrine.  C’était  le  syno- dades Militares de Ayuda a la Producción
nyme  communiste  d’« hérétique ». Les (Unité  militaire  d’Aide  à  la  Production). 
camps de concentration étaient des en- Entassés comme du bétail dans des auto-
droits où la doctrine était employée pour bus ou des camions, les « inaptes »

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supprimer  les  désaccords.  L’histoire  attri- étaient transportés à la pointe du fusil vers
bue au général Espagnol Valeriano Wey- des camps de concentration calqués sur le
ler, le capitaine-général de Cuba à la fin modèle de Guanahacabibes. Certains n’en 
du 19ème siècle, la première utilisation du sont jamais revenus, d’autres furent violés, 
mot « concentration » pour décrire la poli- battus ou mutilés ; la plupart furent trau-
tique qui consiste à enfermer des masses matisés à vie, comme nous le montrait il y
d’opposants potentiels — dans ce cas, les a quelques décennies Improper Conduct
partisans du mouvement cubain pour (Conduite inapropriée), le déchirant docu-
l’indépendance  — au sein de clôtures et mentaire de Néstor Almendro.
fils barbelés. Il semble naturel que les ré-
volutionnaires  cubains  plus  d’un  demi-

L
e magazine Time d’août  1960  n’a 
siècle plus tard aient repris cette tradition donc  pas  été  très  juste  lorsqu’il  dé-
indigène. Au début, la révolution mobilisait crivait la division du travail de la ré-
des volontaires pour construire des écoles volution avec une page couverture
et travailler sur les ports, dans les planta- où Che Guevara était le « cerveau », Fidel
tions et les usines — autant  d’excellentes  Castro  le  «  cœur  »  et  Raúl  Castro  le  « 
occasions pour la propagande de récupé- poing ». Mais la perception de la situation
rer le thème de « Che le docker », « Che par le Time reflétait le rôle crucial de Gue-
le paysan », « Che le tisserand ». En peu vara dans la transformation de Cuba en un
de temps le travail volontaire devint un bastion de totalitarisme. Che était un can-
peu moins volontaire : le premier camp de didat improbable pour la pureté idéolo-
travail forcé, Guanahacabibes, fut inaugu- gique au vu de son esprit bohémien, mais
ré  dans  l’ouest  de  Cuba  à  la  fin  de  1960.  durant  ses  années  d’entraînement  au 
Voici comment Che expliquait la fonction Mexique et durant la période de lutte ar-
de cette méthode de confinement: « [nous] mée  à  Cuba  qui  s’en  suivit,  il  apparut 
n’envoyons  à  Guanahacabibes  que  les  comme l’idéologue communiste amoureux
cas douteux dont nous ne sommes pas de  l’Union  Soviétique,  au  grand  dam  de 
certains  s’ils  doivent  aller  en  prison…  les  Castro et des autres qui étaient essentiel-
gens ayant commis des crimes dans une lement des opportunistes utilisant tous les
mesure plus ou moins grande contre la moyens à leur disposition pour gagner du
morale révolutionnaire…  C’est  du  dur  la- pouvoir. Lorsque les apprentis révolution-
beur, mais pas du travail de bête, ce sont naires furent arrêtés à Mexico en 1956,
plutôt les conditions de travail qui y sont Guevara  fut  le  seul  à  admettre  qu’il  était 
 

 
 
 
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communiste  et  qu’il  étudiait  le  Russe.  (Il  destructivité inimaginable pour défendre
parlait ouvertement de sa relation avec un principe. » Juste après la fin de la crise
Nikolai  Leonov  de  l’ambassade  sovié- des missiles cubains — où Khrouchtchev
tique.) Durant le combat armé à Cuba, il renia sa promesse faite à Yalta et négocia
forgea une alliance très forte avec le Parti sans en informer Castro un traité avec les
socialiste populaire (le parti communiste États-Unis qui incluait le retrait des mis-
de  l’île)  et  Carlos  Rafael  Rodríguez,  un  siles américains de Turquie — Guevara dit
personnage clé dans la conversion du à un hebdomadaire communiste Anglais :
régime castriste au communisme. « Si les fusées étaient restées, nous les
Cette disposition fanatique fit de aurions toutes utilisées et les aurions diri-
Che un pivot de la « soviétisation » de la gées vers  le  cœur de  l’Amérique,  incluant 
révolution qui s’était à plusieurs occasions New York, dans notre défense contre les

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vanté de son caractère indépendant. Ra- agresseurs. » Et quelques années plus
pidement  après  l’arrivée  des  barbudos au tard, aux Nations Unies, il réaffirma
pouvoir, Guevara prit part aux négocia- qu’« en tant que marxistes nous avons
tions avec Anastas Mikoïan, le premier maintenu  qu’une  coexistence  paisible 
ministre délégué soviétique en visite à entre  les  nations  n’inclut  pas  la  coexis-
Cuba. On lui confia la mission de faire tence entre les exploiteurs et les exploi-
avancer les négociations Cubano- tés. »
Soviétiques durant une visite à Moscou Guevara  s’est  écarté  de  l’Union 
vers  la  fin  de  1960.  (C’était  lors  d’un  long  Soviétique dans les dernières années de
voyage durant lequel la Corée de Kim Il sa vie. Il le fit pour de mauvaises raisons,
Sung  fut  le  pays  qui  l’impressionna  «  le  blâmant  Moscou  d’être  trop  mou  idéologi-
plus ».) Le second voyage de Guevara en quement et diplomatiquement, et de faire
Russie, en août 1962, fut encore plus si- trop de concessions — contrairement à la
gnificatif,  puisqu’il  y  conclut  le  marché qui  Chine  Maoïste,  qu’il  vit  comme  un  havre 
transforma Cuba en base de lancement de d’orthodoxie.  En  octobre  1964  un  mémo 
missiles nucléaires soviétiques. Il rencon- écrit par Oleg Draoussenkov, un représen-
tra Khrouchtchev à Yalta pour finaliser les tant Soviétique qui lui était proche, cite
détails  d’une  opération  qui  avait  déjà  dé- Guevara ; « Nous avons demandé des
buté et impliquait la livraison de quarante- armes aux Tchécoslovaques, ils nous ont
deux missiles soviétiques, dont la moitié dit non. Nous avons ensuite demandés
été armés de têtes nucléaires, ainsi que aux Chinois ; après quelques jours ils ont
des lance-missiles et environ quarante- dit oui en refusant de nous les faire payer,
deux mille soldats. Après avoir insisté au- nous  affirmant  que  l’on  ne  vendait  pas 
près de ses alliés soviétiques sur le risque d’armes à un ami. » En fait, Guevara était 
que les Américains apprennent ce qui se profondément contrarié que Moscou de-
trame,  Guevara  obtint  l’assurance  que  la  mande aux autres membres du bloc com-
marine soviétique interviendrait — en muniste, y compris Cuba, quelque chose
d’autres  mots,  que  Moscou  serait  prêt  à  en échange de son aide et de son soutien
entrer en guerre. politique colossal. Son attaque finale
Selon la biographie de Guevara de contre Moscou se fit à Alger, en février
Philippe  Gavi,  le  révolutionnaire  s’était  1965 à une conférence internationale, où il
targué que son pays était « prêt à tout accusa  les  Soviétiques  d’adopter  la  «  Loi 
risquer  dans  une  guerre  atomique  d’une  de la valeur », c'est-à-dire le capitalisme.
Somme toute, il ne se sépara pas des So-
 

 
 
 
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viétiques  pour  avoir  plus  d’indépendance,  crates, et non pas aux paysans. (Le décret
c’était une tentative de soumettre la réalité  fut écrit chez Che.) Au nom de la diversifi-
à une orthodoxie idéologique aveugle, à la cation, la surface cultivée fut réduite et la
manière d’Enver Hoxha.  main  d’œuvre  envoyée  vers  d’autres  acti-
vités. Le résultat fut qu’entre 1961 et 1963 
les récoltes diminuèrent de moitié, pour se

L
e grand révolutionnaire a eu une fixer à seulement 3.8 millions de tonnes.
occasion de mettre en application sa Ce sacrifice fut-il justifié par le progrès
vision économique — son idée de la dans  l’industrialisation ? Malheureuse-
justice sociale — en tant que direc- ment,  Cuba  n’avait  aucun  matière  pre-
teur de la Banque Nationale de Cuba et du mière pour son industrie lourde, et, en
Département de l’Industrie de l’Institut Na- conséquence de la redistribution révolu-
tional des Réformes agraires à la fin de

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tionnaire,  n’avait  pas  de  devises  (ou 
1959, et à partir de 1961, en tant que mi- même des marchandises de base) pour
nistre  de  l’Industrie.  La  période  au  cours  les acheter. En 1961 Guevara du donner
de laquelle Guevara fut en charge de la des explications embarrassantes aux bu-
presque  totalité  de  l’économie  cubaine  vit  reaucrates : « Nos camarades des ser-
la quasi-disparition de la production de vices techniques ont conçu un nouveau
sucre,  l’échec  de  l’industrialisation,  et  dentifrice…  qui  est  aussi bon que le pré-
l’introduction  du  rationnement — tout ceci cédent, il nettoie les dents aussi bien,
dans ce qui avait été, avant la dictature de mais après un certain temps il devient dur
Batista, l’un des quatre pays ayant la plus  comme le roc ». En 1963 tous les espoirs
grande réussite économique de d’industrialiser  Cuba  sont  abandonnés,  et 
l’Amérique Latine. la révolution accepta son rôle de fournis-
Sa tâche à la tête de la Banque seur colonial de sucre au bloc soviétique
Nationale, période durant laquelle il impri- en échange de pétrole pour couvrir ses
ma des billets signés « Che », fut résumé besoins  et  revendre  à  d’autres  pays.  Lors 
par son adjoint, Ernesto Betancourt : « [il] des trois décennies suivantes, Cuba sur-
était ignorant des principes économiques vécut grâce à la subvention soviétiques,
les plus élémentaires ». Les capacités d’environ 65 à 100 milliards de dollars US.
d’analyse  de  l’économie  mondiale  de 
Guevara furent révélées au monde en

A
1961,  lors  d’une  conférence  hémisphé- yant failli en tant que héros de la
rique à Uruguay, où il avait prédit « sans la justice sociale, Guevara mérite-t-il
moindre crainte », un taux de croissance une  place  dans  les  livres  d’histoire 
de  10  pour  cent  et,  d’ici  1980,  un  revenu  en tant que génie du stratège mili-
per capita supérieur à celui de « taire ? Son plus grand succès dans la
l’Amérique  d’aujourd'hui  ».  En  fait,  en  guerre contre Batista — prendre la ville de
1997, pour le trentième anniversaire de sa Santa Clara après avoir embusqué un
mort, les Cubains était à la diète avec une train  avec  d’immenses  renforts  — est vi-
ration de 5 livres de riz et une livre de fève vement contesté. Plusieurs témoignages
par mois, quatre onces de viande deux indiquent que le chef de train s’était aupa-
fois par an, quatre onces de pâte de soja ravant rendu, probablement après avoir
par semaine, et quatre œufs par mois. accepté un pot-de-vin. (Gutiérrez Menoyo,
qui a mené différents groupes de guérilla
La réforme foncière prit la propriété dans cette région, est parmi ceux qui ont
aux riches, mais la donna aux bureau-
 
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décrié la version officielle Cubaine de la respecté la plupart des institutions des


victoire de Guevara). Immédiatement communautés  paysannes,  et  l’armée  était 
après le triomphe de la révolution, Gueva- près des USA malgré son nationalisme. «
ra organisa des armées de guérilla au Ni- Les masses paysannes ne nous aident
caragua, en République Dominicaine, à pas du tout » fut la conclusion mélanco-
Panama et Haïti — qui échouèrent toutes lique du son journal bolivien de Guevara.
lamentablement. En 1964, il envoya le Pire, Mario Monjoe, le dirigeant commu-
révolutionnaire Argentin Jorge Ricardo niste  local,  qui  n’avait  plus  la  volonté  de 
Masetti se faire tuer en le persuadant de faire la guérilla après avoir été vaincu aux
monter une attaque contre son pays élections, conduisit Guevara à un endroit
d’origine  à  partir  de  la  Bolivie,  juste après  vulnérable au sud-est du pays. Il fut attra-
que la démocratie représentative fut res- pé  peu  après  avoir  rencontré  l’intellectuel 

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taurée en Argentine. Français Régis Debray et le peintre Argen-
L’expédition  au Congo de 1965 fut tin Ciro Bustos, qui furent tous deux arrê-
particulièrement désastreuse. Guevara se tés  alors  qu’ils  quittaient  le  camp.  Les cir-
ligua avec deux rebelles, Pierre Mulele à constances de la capture de Che au ravin
l’ouest  et  Laurent  Kabila  à  l’est,  contre  Yuro furent, comme la plupart de la cam-
l’affreux gouvernement congolais, qui était  pagne bolivienne, une affaire d’amateurs. 
entretenu par les États-Unis ainsi que Guevara était certainement intré-
l’Afrique  du  Sud  et  des  mercenaires cu- pide et courageux, et savait organiser effi-
bains exilés. Mulele avait réussi à prendre cacement la vie militaire dans les terri-
Stanleyville avant de se faire repousser. toires qu’il contrôlait, mais il n’était pas un 
Durant son règne de terreur, comme le Général Giap. Son livre La Guerre de gué-
décrit V.S. Naipaul, il tua tous les gens qui rilla nous enseigne que les forces popu-
savaient lire et tous ceux qui portaient une laires peuvent battre une armée, qu’il n’est 
cravate.  L’autre  allié  de  Guevara, Laurent pas nécessaire  d’attendre  les  bonnes 
Kabila, étant paresseux et corrompu à conditions, car un foco (un petit groupe de
cette époque ; mais on découvrit dans les révolutionnaires) insurrectionnel peut les
années 90 que lui aussi savait être une créer, et que le combat doit principalement
machine à tuer. Guevara passa la majorité se dérouler en zone rurale. (dans ses re-
de  l’année  1965 à  aider  les  rebelles  dans  commandations à propos de la guérilla, il
l’est  avant  de  fuir  le  pays  de  façon  peu  réserve aussi aux femmes le rôle de cuisi-
glorieuse. Peu de temps après, Mobutu nière et d’infirmières.) Cependant, l’armée 
prit le pouvoir et installa une tyrannie qui de Batista n’était pas une armée, mais une 
dura plusieurs décennies. (En Amérique bande de voyous sans motivation ni orga-
Latine aussi, de l’Argentine au Pérou, des  nisation ; et les focos de guérilla, à
révolutions inspirées par Che eurent l’exception  du  Nicaragua,  se  sont  tous 
comme conséquence pratique de renfor- terminés par la mort des foquistas ; et
cer un militarisme brutal pour plusieurs l’Amérique  latine  est  devenue  urbaine  à 
années.) 70 % lors des quarante dernières années.
En Bolivie, Che fut encore vaincu, À ce sujet aussi, Che Guevara était un fou
et ce, pour la dernière fois. Il n’y interpréta  inhumain.
pas la situation locale correctement. Il y
avait eu une réforme agraire quelques
années plus tôt et le gouvernement avait

 
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L
ors des quelques dernières décen-
nies du 19ème siècle,  l’Argentine  a 
connu le deuxième taux de crois-
sance le plus élevé du monde. Dans les
années 1890, le revenu réel des travail- www.UnMondeLibre.org 
leurs argentins était plus élevé que celui
des travailleurs suisse, allemand ou fran- La mission de www.UnMondeLibre.org consiste à
çais. En 1928, le pays avait le 12ème PIB diffuser les idées de la liberté dans le monde
par habitant le plus élevé du monde. Cette francophone. Trop de gens restent enfermés
réussite, qui fut détruite par les généra- dans l'ignorance de ce qu'est la liberté, et en
souffrent sans véritablement le savoir. Le projet
tions successives, est due dans une large
www.UnMondeLibre.org vise à remédier à cet état
mesure à Juan Bautista Alberdi. de fait. Ce projet s'articule autour de plusieurs

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actions : le site http://www.unmondelibre.org, la
Comme Guevara, Alberdi aimait
syndication d'articles dans les médias, la publi-
voyager : il marcha à travers les pampas cation et la distribution d'ouvrages sur la liberté,
et  déserts  du  nord  au  sud  à  l’âge  de  14  et la tenue de séminaires d'éducation.
ans,  et  ce, jusqu’à  Buenos  Aires.  Comme 
Guevara,  Alberdi  s’est  opposé  à un  tyran,  Ce projet propose de diffuser une vision du
monde dans laquelle le rôle civilisateur de la
Juan Manuel Rosas. Comme Guevara,
société civile et de la liberté est mis en exergue.
Alberdi  a  eu  une  chance  d’influencer  le  Il ne peut y avoir de développement et de civili-
leader révolutionnaire au pouvoir — Justo sation de l'Homme sans ces dernières. La coo-
José de Urquiza, qui renversa Rosas en pération sociale, qu'elle soit à but économique
1852. Et comme Guevara, Alberdi repré- ou à but non-lucratif, celle qui place l'initiative et
l'épanouissement de l'individu et de sa commu-
senta le nouveau gouvernement lors de nauté au centre de la dynamique du progrès,
voyages internationaux, et est mort à passe immanquablement par la condition de
l’étranger.  Mais  contrairement  au  chou- liberté, c'est à dire le respect des droits indivi-
chou  de  la  gauche  d’hier  et  d’aujourd’hui,  duels, de la liberté économique et de la paix.
Alberdi ne fit jamais de mal à une mouche.
www.UnMondeLibre.org est associé au réseau de
Son livre, Bases y puntos de partida para L'Initiative mondiale pour le libre échange, la
la organización de la República Argentina paix et la prospérité, en partenariat avec l'Atlas
fut la base de la constitution de 1853 qui Economic Research Foundation, cherche à
limita  l’État,  libéra  les échanges, encoura- accroître la compréhension des idées et poli-
tiques fondées sur les droits inaliénables de
gea  l’immigration,  et  assura  les  droits  de  l'homme que sont le droit à la vie, à la liberté, et
propriété, inaugurant ainsi une période de à la poursuite du bonheur. Il offre une alterna-
70  ans  d’étonnante  prospérité.  Il  ne  se  tive aux idéologies coercitives à travers le
mêla pas des affaires des autres nations monde en démontrant le caractère fondamenta-
lement juste et les avantages pratiques de la
et il  s’opposa  à  la  guerre  de  son  pays 
liberté individuelle et des limitations des pou-
contre le Paraguay. Son effigie n’orne pas  voirs de l'État. Le travail de l'Initiative mondiale
l’abdomen de Mike Tyson.   pour le libre échange, la paix et la prospérité
cherche à faire émerger une conscience glo-
bale en créant, dirigeant et faisant la promotion
de produits et programmes dans différentes
langues, et de la coopération dans le monde
entier entre ceux et celles qui comprennent et
chérissent la liberté.

 
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