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Chapitre 1 : La dimension politique de la guerre : des conflits

interétatiques aux enjeux transnationaux


« La guerre est un caméléon » disait Clausewitz. Quelles sont les évolutions des formes de guerre
depuis le XVIIIe s ?

Dans quelle mesure les formes de conflits s’imposant depuis la fin du XXème siècle remettent-elles en
cause le modèle classique de la guerre théorisé par Clausewitz

Notions à connaitre :

Guerre / Modè le clausewitzien / Etats / armé e / Armé e nationale / conscription / conflit interé tatique /
conflit de puissance / sentiment national / acteurs é tatiques / non é tatiques / guerre asymé trique /
guerre ré guliè re /irré guliè re / terrorisme...

-> Nécessité de bien maitriser les divers conflits étudiés en Première et en Terminale (TC)

1- Clausewitz : un modèle pour penser la guerre


Voir TP Clausewitz et diaporama

« La pensée de Clausewitz doit son universalité aux trois expériences fondamentales à partir desquelles elle
s'élabore.
- La première expérience est celle du bouleversement radical qu'introduit dans l'art de la guerre une révolution
politique et sociale [Extrait 2, Livre VIII, chap. 3]
- La deuxième expérience est celle de l'ascension aux extrêmes, « forme absolue » de la guerre qu'inaugure
Napoléon : [Extrait 3, Livre VIII, chap. 3]

- La troisième expérience est celle de la supériorité des guerres défensives et populaires » [Extrait 4, Livre VIII,
chap. 3]. Ainsi « la Révolution française a transformé la nature de la guerre, Napoléon la manière de la faire, les
guerres populaires de défense (Espagne, Russie) ont introduit la réplique au Blitzkrieg napoléonien. «

André GLUCKSMAN, « CLAUSEWITZ KARL VON - (1780-1831) », Encyclopædia Universalis

2_ L’âge de la guerre classique (XVIIIe et XIXe s) : des conflits limités entre


Etats et l’expérimentation des formes de guerres d’anéantissement par les
Etats
Comment le modèle de Clausewitz nous permet-il de comprendre l’évolution de la guerre aux XVIIIe et XIXe
siècles ?
Rappel des notions de « guerre réelle » et « guerre absolue » selon Clausewitz. Ce qu’il observe en opérant cette
distinction, c’est le passage d’une forme de guerre à une autre : d’une guerre dynastique, la Guerre de Sept ans
à laquelle son père a participé à des guerres nationales avec les guerres révolutionnaires et impériales auxquelles
il a lui-même participé. L’une tend à coller à la définition de la « guerre réelle » quand l’autre tend vers la « guerre
absolue » comme la définit Clausewitz.

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2.1 Une « guerre réelle » limitée au XVIIIe siècle ? : l’exemple de guerre de Sept Ans de
1756 à 1763 (Jalon 1)

-Le siècle des Lumières, le siècle de la guerre : Le siècle des Lumières, souvent associé aux progrès de la
civilisation et de la raison, est caractérisée par une culture hobbesienne des relations internationales. Les
États se perçoivent comme des « gladiateurs armées » dans une arène, luttant pour défendre ou accroître leur
pouvoir. La guerre de Sept Ans (1756-1763) s’inscrit dans cet environnement international empreint d’hostilité
et de méfiance. Guerre régulière et symétrique, elle oppose deux coalitions internationales : d’un côté, la
Grande- Bretagne, la Prusse et le Portugal, de l’autre, la France, l’Autriche, la Russie et l’Espagne.

- La guerre de Sept Ans, « une continuation de la politique par d’autre moyens » : Elle trouve ses origines dans
la compétition entre des États aux ambitions antagonistes :

La Grande-Bretagne veut évincer du Canada par la guerre la France, qui lui en dispute le contrôle, et s’assurer
de façon définitive la suprématie sur les océans ;

L’Autriche veut prendre sa revanche sur la Prusse qui a annexé un territoire autrichien, la Silésie, en 1742 et
s’allie dans ce but à la Russie dont la domination en Europe centrale et de l’Est est également menacée par
l’expansion prussienne.

- La primauté du politique dans la conduite de la guerre : Même si les États belligérants s’affrontent sur un
terrain aux dimensions planétaires, dans ce que des historien·ne·s identifient comme la « première guerre
mondiale », la guerre de Sept Ans est une « guerre réelle » limitée. Les États n’ont pas, en effet, les moyens
d’anéantir les forces de leurs adversaires en raison du coût en matériel et en hommes de la guerre, ainsi que
de l’indifférence voire l’opposition des peuples à celle-ci. Aussi ajustent-ils leur stratégie militaire à des buts
politiques limités. Les batailles ne visent qu’à se procurer un gain territorial qui offre un avantage au moment
des négociations de paix. Durant cette guerre, Frédéric II apparaît, aux yeux de Clausewitz, comme l’archétype
du génie militaire car, conscient du rôle déterminant du phénomène de « friction » qui limite la guerre et de
son infériorité face aux puissances autrichiennes et russes, il évite toute bataille décisive avec l’Autriche et la
Russie qui, faute de pouvoir le vaincre, sont obligés, par épuisement, de négocier une paix conforme à ses
intérêts (reconnaissance de l’annexion de la Silésie).

- Dans les conflits coloniaux de la guerre de Sept Ans, les prémices d’une guerre absolue : Dans les guerres
coloniales que se livrent la France et l’Angleterre pour le contrôle du Canada, la monarchie anglaise ne cherche
pas à prendre un avantage sur les troupes françaises mais à les détruire totalement afin d’assurer son
hégémonie sur les mers, dans les Indes et en Amérique. Cet anéantissement de la puissance militaire française
outre-mer lui permet lors du traité de Paris en 1763 d’obtenir la quasi-totalité de ses possessions coloniales, ce
qui fait d’elle la première puissance mondiale.

« Guerre réelle » limitée mais marquée, cependant, par les prémices de la guerre absolue, le bilan de la guerre
de Sept Ans est très lourd : 700 000 soldats et de 500 000 à 800 000 civils sont tués au cours du conflit.

2.2 Vers la guerre absolue : les guerres révolutionnaires et napoléoniennes de 1792 à 1815 (Jalon
1)

Les guerres révolutionnaires et napoléoniennes se rapprochent de ce que Clausewitz appelle la guerre absolue.
En 1792, la France est envahie par l'Autriche et la Prusse qui tentent d'écraser la Révolution. 200 000 volontaires
prennent alors les armes pour sauver la « patrie en danger ». Puis Napoléon exporte les valeurs de 1789 dans
toute l'Europe en combattant les autres souverains. Dans cette période, le recours à la conscription et
l'affirmation du sentiment national donnent à la guerre un caractère nouveau .
https://www.youtube.com/watch?v=hqZOdalIsIU

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A- De la guerre de cabinet à la guerre de masse : Alors que la guerre était une activité aristocratique exercée
par une armée de métier aux effectifs limitées, elle devient durant la période révolutionnaire et napoléonienne
l’affaire du peuple. En France, le peuple, porté par un enthousiasme patriotique, participe et adhère à la
guerre (la nation en armes) pour défendre puis étendre les principes révolutionnaires, combattus par l’Europe
des Rois. Dans les pays occupés par la puissance française, la lutte contre l’envahisseur conduit à l’éveil du
sentiment national, à des insurrections populaires et à l’engagement des civils dans les milices, ainsi qu’à la
mise en place de la conscription sur le modèle français.

Cette mobilisation militaire des masses par la conscription (service militaire obligatoire) et l’éveil du
sentiment national provoque une hausse considérable des effectifs engagés dans les batailles : durant celle
de Leipzig en 1813, 190 000 soldats du côté français affrontent 330 000 soldats de la coalition russe, prussienne
et autrichienne, chiffres à comparer aux 22 000 Prussiens opposés aux 45 000 Français et Autrichiens en 1757
lors de la bataille de Rossbach en Saxe.

Elle entraîne aussi une montée aux extrêmes de la « guerre réelle » qui la rapproche du principe de la guerre
absolue. En effet, la haine à l’égard de l’ennemi qui motive la mobilisation des masses pousse à le détruire,
selon Clausewitz, plutôt qu’à vouloir limiter la violence et négocier avec lui, tout en réduisant les phénomènes
de « friction » que suscitait le coût en matériel et en hommes de la guerre.

B- La guerre d’anéantissement (La guerre d’anéantissement, pour Clausewitz, ne désigne que la destruction
des forces militaires de l’ennemi. Elle n’a pas le sens qu’elle revêtira à la lumière des expériences de la
Seconde Guerre mondiale : destruction des populations civiles, de l’économie d’un pays, de son régime
politique. ), une nouvelle stratégie adaptée aux buts politiques d’une guerre impérialiste : Les stratégies
militaires durant les guerres napoléoniennes demeurent pleinement subordonnées aux logiques politiques du
gouvernement impérial de Napoléon.

La guerre est un moyen, pour Napoléon, de renverser ou de soumettre l’Europe des rois dans un double but :

• Appliquer le blocus continental (interdiction des échanges commerciaux avec l’Angleterre) afin de
mettre à genoux cette dernière qui s’oppose farouchement à la domination française et qui exerce
une suprématie militaire sur les mers ;
• Diffuser les principes révolutionnaires (égalité des droits, liberté de religion, gouvernement
constitutionnel) qui remettent en cause les fondements des monarchies absolues et des sociétés
d’ordre en vigueur en Europe.

C’est pourquoi, ces objectifs politiques de nature impérialiste, induisent une stratégie militaire qui recherche
l’anéantissement des forces ennemies, par le choc des armées, afin de renverser les États adverses pour les
annexer ou en faire des États-clients. C’est ce qui explique que la « guerre réelle » s’approche, selon
Clausewitz, du principe de la guerre absolue, durant les guerres napoléoniennes.

C- Une première manifestation de la « guerre totale » ? : En Espagne, en Italie, en Autriche, en Russie, suite à
l’anéantissement des forces militaires par les troupes napoléoniennes et à l’occupation de leur pays, des civils
prennent les armes contre l’envahisseur. Ces combattants irréguliers livrent une guerre asymétrique, du
faible au fort. Compte tenu de la disproportion des moyens entre eux et l’armée française, ils pratiquent la «
petite guerre » ou guerilla ou guerre insurrectionnelle faite d’embuscades, de harcèlement des troupes
françaises, en évitant toute bataille rangée qui serait favorable à une armée régulière.

Considérées comme des violences de guerre illégitimes par la puissance française qui les assimilent à des
crimes, les actions de guerilla entraînent de la part des autorités françaises une « montée aux extrêmes » avec
la mise en œuvre de mesures de répression extrême qui ont pour but de débusquer un ennemi invisible qui se
camoufle dans la société : incendie de villages et massacres des populations accusées de soutenir les rebelles,
viols des femmes, opération d’extermination des rebelles...

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2.3 La multiplication des conflits dans le monde au XIX• siècle

En Europe, les conflits se font plus rares. En 1815, le Congrès de Vienne instaure un équilibre des
puissances qui permet une paix relative jusqu'en 1914. Mais l'essor du nationalisme, notamment en
Europe centrale et orientale, perturbe cet équilibre, comme le montrent la guerre franco-prussienne
de 1870-1871 et les deux guerres balkaniques de 1912-1913.

Les Européens multiplient les guerres en Asie et en Afrique. Sous le règne de Victoria (1837-19011) la
Grande-Bretagne mène 63 guerres coloniales. Pour se tailler un empire, les Allemands lancent 30
campagnes militaires entre 1880 et 1914. La supériorité technique des Européens, avec notamment la
mitrailleuse, leur assure souvent une victoire aisée.

Le continent américain est touché par des conflits spécifiques. En Amérique du Sud, les colonies
espagnoles et portugaises se soulèvent pour obtenir l'indépendance (1810-1825). Aux Etats-Unis, la
guerre de Sécession (1861-1865) fait plus de 600 000 morts. Cette guerre préfigure-t-elle la guerre
totale du XXe s. ? les historiens sont divisés car si elle mobilise des forces matérielles et humaines
nouvelles , elle conserve cependant de nombreux aspects de la guerre classique : champ de bataille
réduit ; hostilités limitées à quelques jours, inexistence de guerre de siège et de stratégie d'usure
comme dans la Grande Guerre , pas d’atteinte systématique aux populations civiles . Mais au final elle
est la première expérience de la mort de masse.

https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/la-guerre-de-secession-premier-
conflit-moderne

Bilan : Tous ces conflits possèdent des points communs : la hausse des effectifs, le perfectionnement
incessant des armes et l'utilisation du chemin de fer pour le transport des troupes marquent l'entrée
dans la guerre industrielle.

3-L’âge de la guerre moderne a guerre au XXe siècle : vers une violence sans
limite ?
3.1 La guerre au XXe siècle : vers une violence sans limite ?

A- La Première Guerre mondiale : la guerre totale

Au début du XX• siècle, les États européens se sont préparés à l'éventualité d'une guerre. Leurs rivalités
ont conduit à la formation d'alliances ennemies (Triple Alliance et Triple Entente) prêtes à se faire la
guerre en cas d'absence de solution politique.

La Première Guerre mondiale est le premier exemple de guerre totale. Pour vaincre l'adversaire, les
Etats mobilisent toutes leurs ressources à un degré jamais atteint auparavant. Les civils participent à
l'effort de guerre, toute l'économie est tournée vers la victoire.

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Pour l'historien américain Jay Winter, c'est aussi la première « guerre globale ». Les flux de personnes
(travailleurs issus des colonies), de capitaux (emprunts auprès des Etats-Unis) de marchandises (les
entreprises américaines fournissent les Alliés) et d'informations (les médias du monde entier couvrent
le conflit), alimentent la mondialisation.

B- La Seconde Guerre mondiale : la guerre d'anéantissement

Les motifs de la Première Guerre mondiale étaient politiques, ceux de la Seconde sont idéologiques.
Les pays de l'Axe partagent une idéologie impérialiste et raciste : le Japon cherche à dominer l'Asie et
Hitler veut rassembler les peuples germanophones et coloniser un « espace vital ». De leur côté, les
Alliés combattent pour la défense de la liberté et de l'égalité entre les peuples.

C'est une guerre d'anéantissement dont les civils sont les principales victimes. Dans les territoires
qu'ils colonisent, les Japonais réduisent les populations en esclavage, tandis que l'Allemagne nazie
organise le génocide des juifs et des Tsiganes. Pour vaincre l'Axe, les Alliés n'hésitent pas à bombarder
massivement les villes allemandes et japonaises et à utiliser l'arme atomique.

C- La guerre froide : une logique bipolaire Inédite

La guerre froide est la confrontation de deux superpuissances. Les anciennes puissances européennes
sont affaiblies par les guerres mondiales, puis par la décolonisation à partir de 1945. Les relations
internationales se réorganisent alors autour de deux pôles : les Etats-Unis et l'URSS. Deux « blocs » se
constituent et s'affrontent selon une logique bipolaire inédite.

La dissuasion nucléaire rend Impossible un conflit armé direct. En vertu de l'équilibre de la terreur si
l'un des deux Grands utilise l'arme atomique, l'autre ripostera et le monde entier risque d'être détruit.
Le philosophe Raymond Aron résume ainsi ce paradoxe : « paix impossible, guerre improbable ». La
guerre froide prend dès lors la forme de conflits périphériques dans lesquels les deux Grands
s'affrontent indirectement.

La guerre froide est aussi une guerre idéologique dans laquelle la propagande Joue un rôle essentiel.
Les deux camps se diabolisent mutuellement et chacun défend son modèle politique et économique :
démocratie et capitalisme à l'Ouest, communisme à l'Est.

3.2 Nouvelles problématiques de la guerre au tournant du XXIe siècle

En quoi les nouvelles formes de conflits apparues à la fin du XX° siècle remettent-elles en cause le
modèle de guerres entre États ?

A- De nouveaux facteurs de conflits

1. Fin de la guerre froide, fin de la guerre ?

Avec la fin de la guerre froide, l'espoir d'une paix durable renaît. L'effondrement de l'URSS marque la
victoire des Etats-Unis, désormais sans rival. En 1989, le politiste américain Francis Fukuyama y voit «
la fin de l'Histoire » : puisqu'il n'y a plus qu'une idéologie, le libéralisme, les conflits vont s'arrêter. Les

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Etats-Unis tentent de garantir la paix : soutien au Koweït agressé par l'Irak en 1990, accords d'Oslo en
1993.

Vers un « choc des civilisations » ? Utilisant cette expression dans un article paru en 1993, le politiste
américain Samuel Huntington affirme que la guerre a changé d'échelle et de nature : les conflits
n'opposeraient plus les nations mais des civilisations se définissant avant tout par la religion.

2. Le retour du facteur Identitaire

L'islamisme émerge dans les années 1970. En 1979, en Iran, une révolution renverse le régime pro-
occidental du Shah et instaure une République islamique fondée sur la charia. La même année, l'URSS
envahit l'Afghanistan. Les Etats-Unis arment la résistance afghane, au sein de laquelle naît l'idée d'un
jihad mondial. Après la chute de l'URSS, Al-Qaida frappe les Etats-Unis, accusés de mener une «
croisade » contre l’Islam. Les attentats du 11 septembre 2001 font ainsi près de 3 000 morts sur le sol
américain.

Les nationalismes resurgissent, entraînant la dislocation de l'URSS et de la Yougoslavie. En Bosnie,


Entre 1992 et 1995, la guerre se déchaîne entre les différentes communautés et prend la forme d'une
épuration ethnique. Le conflit marque le retour de la guerre en Europe.

Le continent africain n'est pas épargné par les conflits identitaires. En 1994, au Rwanda, un million de
Tutsi sont victimes du génocide perpétré par les Hutus extrémistes à l'appel du gouvernement.

3. L'essor du facteur socio-économique

La piraterie se développe depuis les années 1980. S'expliquant à la fois par l'aggravation de la pauvreté
en Asie et en Afrique et par l'accroissement du trafic maritime, elle vise les passages étroits et
fréquentés comme le détroit de Malacca ou le golfe d'Aden.

Des Etats déclarent la guerre à la drogue. Au Mexique, policiers et trafiquants s'affrontent avec des
armes lourdes en plein cœur des villes. Aux Philippines, la « guerre à la drogue » lancée en 2016 par le
président Duterte a déjà fait plus de 30 000 morts.

Les premières « guerres climatiques » éclatent. En 1987, au Soudan dans la région du Darfour, la
guerre entre populations arabes et africaines est liée à la sécheresse et à l'explosion démographique
qui touche le pays.

B- Des guerres de plus en plus irrégulières et asymétriques

1. Nouveaux acteurs, nouvelles logiques

Les guerres impliquent des acteurs non étatiques. Rebelles, pirates, terroristes et trafiquants
n'appartiennent pas à une armée régulière et ne sont pas entretenus par un État : on parle de guerres
irrégulières. Ces nouveaux acteurs remettent en cause la puissance traditionnelle des États.

Ces acteurs intègrent les logiques de la mondialisation. Les trafiquants cherchent à produire à
moindre coût et acheminent leurs marchandises via différents réseaux. Les groupes terroristes sont
organisés comme des multinationales, en sociétés-mères (al-Qaida. Daech) et filiales à l'étranger et

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utilisent les NTIC pour diffuser leur propagande. La plupart de ces acteurs trouvent refuge dans les
zones grises de la mondialisation : les failed-states pour les pirates (Somalie) et groupes terroristes
(Afghanistan, Sahara), les quartiers défavorisés des métropoles pour les trafiquants.

Ces acteurs constituent une menace pour l'ordre mondial. Les États redoutent l'utilisation d'armes
non conventionnelles (biologiques, chimiques ou nucléaires) par des groupes terroristes. C'est
pourquoi ils développent la cyberdéfense pour les neutraliser à distance.

2. La multiplication des échelles de conflit

-Les guerres sont de plus en plus souvent intraétatiques. En Afrique subsaharienne, depuis les années
1990, des guerres civiles opposent diverses factions qui se disputent le pouvoir. Les conflits les plus
meurtriers depuis 2000 sont intraétatiques : Irak. Syrie, Yémen, Libye. Ces conflits sont difficiles à
apaiser pour l’ONU, fondée sur le respect de la souveraineté nationale et qui n'envoie normalement
des Casques bleus s'interposer qu'entre deux États belligérants qui en font la demande.

-Ces guerres intraétatiques se compliquent par l'Intervention d'acteurs extérieurs. Les milices sont
généralement soutenues par les États voisins qui sont souvent à leur tour touchés par la guerre. Les
grandes puissances interviennent parfois, poussées par leurs intérêts stratégiques. La Russie soutient
le régime syrien, pendant que les États-Unis aident les Kurdes à combattre Daech. La France envoie
des troupes lutter contre le terrorisme à la demande des États du Sahel concernés (opération Barkhane
lancée en 2014).

3. Un état de guerre permanent ?

Ces nouveaux conflits ne respectent pas le droit de la guerre. Ils se font souvent sans déclaration
préalable et les règles de la guerre sont violées tant par les acteurs non étatiques que par les États qui
les combattent. Ainsi, en Irak, les États-Unis n'ont pas hésité à torturer des prisonniers soupçonnés de
terrorisme.

La distinction entre paix et guerre est abolie. Les civils sont les principales victimes notamment dans
les villes assiégées. De longues batailles urbaines ont ainsi eu lieu à Homs (Syrie, 2011-2017) ou
Mossoul (Irak, 2016-2017)

C- La guerre contre le TERRORISME : Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des guerres irrégulières


d’Al-Qaïda et Daech ( jalon 3)

Dans quelle mesure les guerres irrégulières menées par Al-Qaïda et Daech remettent-elles en cause le modèle
clausewitzien ?

Le terrorisme (acte politique dont les motivations sont de nature criminelle, qui se manifeste par des
actes violents dont l’objectif est de toucher l’opinion publique pour faire pression sur le pouvoir
politique) islamiste nait dans les années 1980-1990. Mis en œuvre par des groupes et des organisations
comme Al-Qaïda ou Daech, les Talibans ou Boko Haram, il vise, au nom d’une idéologie politique,
l’islamisme (idéologie politique visant à imposer l’islamisation de la société), à déstabiliser les Etats
d’Occident mais aussi d’Afrique du Moyen Orient et d’Asie identifiés comme ennemis. Les actions
menées par ces organisations relèvent des guerres irrégulières (guerre qui implique un acteur non

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étatique, des armes non conventionnelles ou des cibles civiles qui transforment profondément la
manière de penser et de faire la guerre en imposant une guerre « sans front et sans frontière ».

-> voir tableau de synthèse comparaison

• Al Qaïda (« la base ») fondé en 1987 par le cheikh Abdullah Yusuf Azzam et Oussama Ben
Laden, qui s’appuie sur le régime des Talibans en Afghanistan et qui s’est fait connaitre par
l’organisation des attentats du 11 septembre 2001.
• Daech, État Islamique du levant (EIL) - organisation djihadiste ayant proclamé le 29 juin 2014,
l’instauration du califat sur les territoires qu’il contrôlait en Syrie et en Irak et née d’une
scission de la branche d’al-Qaïda en Irak avec pour chef Abou Bakr al-Baghdadi (tué en octobre
2019).

Carl von Clausewitz envisageait la guerre « comme un duel à grande échelle » et le plus souvent comme
le fait de corps d’armée institués, tout en soulignant l’importance des « petites guerres » (ou guérilla)
qu’il décrit comme « un brasier qui s’étend, dévore le sol où se tient l’armée ennemie ». Aujourd’hui,
la « petite guerre » est qualifiée de « guerre irrégulière » en opposition à la guerre régulière .

De manière parfois différente, Al-Qaïda et Daech mènent des guerres irrégulières. Ces deux
organisations non-étatiques et transnationales (à l’exception de la tentative de territorialisation du
califat) n’opèrent pas de distinction entre les civils et les militaires, tant dans le recrutement de leurs
combattants que dans les cibles choisies pour leurs attentats. Elles empruntent à la guerre
révolutionnaire des techniques de combat (guérilla, actes terroristes et aujourd’hui cyber attaques),
une forme de mobilisation idéologique des soldats et la volonté de déstabiliser des Etats contestés.

- la riposte au terrorisme :

Quelles ont été les modalités et les acteurs de la lutte contre Al-Qaïda ? Comment qualifieriez-vous le
type de guerre livré à cette organisation terroriste ? Le modèle de Clausewitz est-il pertinent ici ?

Les Occidentaux doivent donc apprendre à faire face à cette menace complexe que l’on pourrait
rapprocher du « brouillard de guerre » de Clausewitz. La réponse des États-Unis aux attentats du 11
septembre 2001 consiste en une « guerre globale contre le terrorisme » sous l’égide de l’ONU, aux
contours parfois mal définis, et dont certains aspects (« croisade du Bien contre le mal » du président
des États-Unis G. W. Bush, bombardements des populations civiles, actes de torture,
emprisonnements arbitraires, assassinats ciblés…) a parfois prêté le flanc aux critiques et servi la
propagande des organisations terroristes.Tous les alliés des États-Unis, dont la France, ne s’accordent
pas sur l’opportunité d’employer le mot « guerre ». Si les soldats français se battent en Afghanistan,
ils n’y font pas officiellement la guerre. De même, à Washington on parle de « contre-terrorisme » ou
de « contre-terrorisme plus ».

Face à ce type de guerre, les démocraties occidentales et leurs alliés apportent des réponses parfois
en contradiction avec leurs valeurs et qui peuvent choquer les sociétés. Par exemple, la prison d'Abou
Ghraïb, à 20 km à l'ouest de Bagdad, est devenue en 2004 le symbole honni de l'occupation américaine
après la révélation des sévices infligés aux prisonniers par des soldats américains. Peut-on encore
penser la guerre juste ?

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Les armées dites conventionnelles ont modifié leur perception de la guerre mais aussi la façon de la
mener, la faisant « évoluer selon le contexte ». Adeptes de la contre-insurrection, les généraux
américains adoptent une stratégie consistant à penser comme les insurgés, à s’emparer de leur espace
à s’appuyer sur les forces spéciales pour des actions « coups de poing », notamment en profitant de
la supériorité de leur puissance aérienne. Ils ont pu utiliser les drones (États-Unis, 800 drones
opérationnels) à la fois pour des opérations de surveillance et pour des opérations ciblées qui ont
trouvé toute leur place à partir des conflits en Afghanistan et en Irak, faisant entrer la guerre dans le
concept de « guerre de quatrième génération ».

Par ailleurs, les armées occidentales, particulièrement les États-Unis, avec l’invasion de l’Afghanistan
et de l’Irak recourent de plus en plus à des sociétés militaires privées (SMP) comme Blackwater et
limitent leur présence au sol à des forces spéciales..

Le « brouillard de la guerre » à l’heure de la mondialisation et des communications nouvelles modifie


profondément la façon de conduire la guerre et sa perception parmi les armées et surtout les sociétés.
Les groupes terroristes sont pleinement intégrés dans la mondialisation et ont su s’appuyer sur les
nouvelles technologies dans leur stratégie. Les nouvelles technologies (souvent d’origine militaire)
sont utilisées comme moyens de lutte et de propagande. Daech en particulier a pleinement su appuyer
sa propagande sur Internet (le darknet, Telegram) et les réseaux sociaux ( on a ainsi parlé du «
cyberdjihadisme » et des forums djihadistes qui ont pu compter jusqu’à 50 000 utilisateurs « réguliers
» et environ 100 000 « sympathisants », et des sites diffusant des vidéos de propagande ou des
exécutions filmée).

Pour relever les défis de la radicalisation de certains ressortissants et empêcher l’installation d’États
islamiques dans des zones contrôlées par Al-Qaïda ou Daech, la réponse est donc aussi politique.
Comme dans la contre-insurrection, les populations sont un enjeu majeur. Conduire et s’engager dans
une guerre est donc véritablement une action éminemment politique.

Ainsi, plus qu’une véritable remise en cause du modèle de Clausewitz, il est possible de considérer que
l’action d’Al-qaïda et de Daech s’inscrit dans l’actuelle mondialisation qui suscite une évolution des
guerres irrégulières, vers un modèle de « guerre de quatrième génération ».

BILAN - La qualification de guerre est donc ici discutable, mais davantage pertinent. Des éléments du
modèle de Clausewitz restent valables : objectif politique (des occidentaux : imposer la démocratie
libérale, détruire Daech, etc.), montée aux extrêmes (les occidentaux visent l'éradication de l'ennemi
: bombardements de populations civiles, assassinats de Ben Laden et de al-Baghdadi en 2011 et 2019
/ cruauté des terroristes contre les « infidèles » : attentats suicides, mise en scène et médiatisation de
mises à mort, etc.).

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