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Chapitre 7 : Histoire et mémoires des conflits.

Doc d’accroche :

INTRODUCTION :

Les conflits et leur histoire sont gravés dans la mémoire collective des sociétés et dans les mémoires
individuelles. Entre récit officiel des gouvernements, poids du contexte politique, volonté d’oubli et
mémoires antagonistes des acteurs, le travail de l’historien est essentiel.
L’historien travaille à partir des sources écrites ou orales, officielles et privées. Les mémoires et les
témoignages ne sont qu’une partie de ces sources et ne suffisent pas à elles seules à reconstituer une vérité
historique. Ces sources peuvent être concordantes ou discordantes, et c’est bien leur confrontation et un
travail d’enquête (Historiê) qui permettent à l’historien de se rapprocher de la vérité historique.
La 1ère Guerre Mondiale et la guerre d’Algérie (1954-1962) ont fait l’objet d’une multitude de travaux
historiques et ont alimenté de nombreux débats dont les enjeux sont à la fois politiques et mémoriels. Si
l’histoire de la 1ère Guerre Mondiale est devenue consensuelle avec le temps, celle de la Guerre d’Algérie
reste conflictuelle avec l’opposition des mémoires des différents protagonistes et des archives officielles pas
toujours accessibles aux recherches des historiens.

=> En quoi le contexte politique peut-il influencer les mémoires que nous avons des conflits et comment les
historiens ont-ils fait de ces mémoires des objets d’histoire (historicisation des mémoires) ?

I : Les causes de la 1GM : débat historique et implications politiques.

A] L’été 1914 ou le suicide de l’Europe.

https://lejournal.cnrs.fr/videos/guerre-1914-1918-y-va

Personne n’avait imaginé la longueur et l’ampleur du conflit qui est déclenché durant l’été 1914.
Fort militarisme des sociétés et mobilisation idéologique avec la propagande. Dans la réalité tout le monde
veut la guerre, mais tout le monde cherche 1 responsable. Doc 2 p190
Dès le début
- Question des responsabilités est posée dès le début du conflit.
Chaque pays belligérant tente de rejeter la faute sur l’ennemi et se présente comme l’agressé.
L’armistice signé, il s’agit de construire la paix et de faire les comptes.
- Comment établir la responsabilité des Etats dans le déclenchement de la guerre ?
Cette question anime les négociations du traité de Versailles et autres traités : questions des
responsabilités => questions des réparations et des pertes territoriales => enjeux politiques,
géopolitiques et économiques vont venir orienter et biaiser les premiers travaux des historiens.
- Questions de la responsabilité du conflit qui anime les débats historiques et mémoriels depuis 1914 :
n’est pas neutre : historiens, porteurs de mémoire et citoyens sont concernés
En 1919, l’article 231 du traité de Versailles déclare l’Allemagne et ses alliés responsables de la guerre. Ils sont
déclarés coupables des pertes et des dommages subis par les alliés. Ils doivent donc payer des réparations. Les
Britanniques veulent même juger Guillaume II comme criminel de guerre, mais l’idée est abandonnée face au
refus des Pays Bas d’extrader l’empereur déchu.

B] Responsabilité ou culpabilité ?
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Historiens s’emparent de la question des causes de la guerre devenue éminemment politique.

 En France : Traité de Versailles accueilli comme une revanche sur le militarisme allemand.
- Tous les récits élaborés par les acteurs et les historiens combattants de la Grande Guerre défendent la
thèse de la culpabilité allemande.
- Après-guerre est marqué par les travaux de Pierre Renouvin, Les origines immédiates de la guerre,
1925.
Ancien combattant, l’historien insiste sur les causes multiples de la guerre (rivalités coloniales,
économiques) => il conclut cependant à la responsabilité immédiate de la Triplice.
- Jules Isaac, Un débat historique. Le problème des origines de la guerre, 1933 : souligne quant à lui la
responsabilité de tous les Etats.
- Durant la fin des années 20, les théories marxistes analysent la guerre de 14 comme le choc inévitable
des impérialismes européens. Ces théories se développent ainsi dans les milieux pacifistes.

 En Allemagne, le « Diktat » de Versailles nourrit un fort sentiment d’injustice.


Le « mensonge de la culpabilité allemande » est dénoncé. Docs 3-4 p191
- On insiste surtout sur la responsabilité franco-russe.
Vision largement encouragée sous le nazisme car elle sert de dénonciation du traité de Versailles par le
nouveau pouvoir.
- Après 1945, l’essentiel des travaux des historiens se focalisent sur la 2GM, les causes de la 1GM
passent au second rang, l’amitié franco-allemande est privilégiée.
- Travaux de l’historien Fritz Fischer (1961), Les buts de guerre de l’Allemagne impériale, 1914-1918,
Provoquent une controverse durable : il démontre le caractère impérialiste et belliciste du Reich et
réfute l’idée d’un dérapage.
Le livre suscite de nombreuses polémiques en Allemagne. Les interventions politiques qu’il entraîne,
montrent la sensibilité de l’Allemagne face à une lecture critique de son histoire. + livre I.A p 186

C] Un débat qui n’est pas clôt. + livre II.A et B p 186-187

L’historien Jacques Droz propose une synthèse des analyses dans Les causes de la 1GM : essai
d’historiographie (1973).
- Une analyse historique qui n’a cessé de progresser et de s’enrichir :
D’autres aspects de l’histoire de la guerre ont été défrichés : approche sociale et culturelle de la 1 ère
Guerre centrée sur le quotidien des soldats, la mobilisation de l’arrière => moins de débats sur la
culpabilité ou la responsabilité des uns et des autres. La question a perdu de son caractère politique.
- 1 débat sur les responsabilités qui n’est toujours pas tranché :
- Thèse des responsabilités largement partagées défendue par Christopher Clark, Les Somnambules :
nouvelle lecture des équilibres dans la querelle des responsabilités.
L’accent est mis sur celles des Russes, des Serbes et des Français et minimise celles des Allemands et
des Autrichiens. Thèse qui s’oppose toujours à celle de la responsabilité austro-allemande, défendue
par l’historien Gerd Krumeich : Le feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? Doc 1 p190
En général, les historiens s’accordent plutôt sur le fait qu’il y a eu enchevêtrement des causes dans le choc de
l’été 14 : concurrence entre puissances impériales, exacerbations des nationalismes, jeu fatal des alliances. Ils
ont aussi montré de quelle manière les peuples avaient soutenu leur gouvernement dans la marche à la
guerre.
De nouvelles publications liées au centenaire ont néanmoins relancé la question, l’historiographie des causes
de la guerre se poursuit. + III p 187

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II : Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie.

A] Une guerre sans nom.

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Le 18 mars 1962, la signature des accords d’Evian met fin à un conflit de 8 ans qui a opposé la France aux
indépendantistes algériens du FLN (Front de Libération Nationale).
- Ce conflit n’a pas été qualifié tout de suite le nom de guerre : autorités françaises qualifient d’abord ce
qui se passait d’opérations de pacification. On parle alors des « évènements d’Algérie » => forte
politisation de la question sous la IVème République et fort contrôle (propagande) politique pour
cacher ce qui s’y passe.
- Le FLN, de son côté, a tout fait pour amener le conflit sur le sol français, ce qui a donné lieu à des
manifestations, de fortes répressions et des attentats.
- Un conflit qui se déroule sur fonds de Guerre Froide avec forte politisation du PCF => une
décolonisation influencée par les enjeux et le discours de la Guerre Froide
- 1 conflit qui se joue sur 3 échelles :
1 guerre franco-algérienne : guerre de décolonisation
1 guerre franco-française : pro et anti-algérie française
1 guerre algéro-algérienne : Harkis et MNA contre FLN
 Pluralité des mémoires qui s’affrontent pour une guerre civile donc une guerre sale qui a été
largement politisée et manipulée par les deux camps => Quelle place pour des mémoires plurielles qui
s’affrontent entre elle et que se heurtent à une histoire officielle algérienne et française qui ont été
construites par le pouvoir politique. Ces mémoires peuvent-elles être audibles ?

La paix signée, de nombreuses plaies sont restées béantes alors que le pouvoir politique faisait silence.
- 1 millions de Français d’Algérie sont rapatriés en toute improvisation, appelés Pieds Noirs, ils ont été
chassés violemment du pays. Ils ont dû tout laisser (La valise ou le cercueil) et rentrer en France sans
que rien n’ait été prévu pour eux. Ont été accueillis souvent par des insultes et de l’hostilité par leur
propre pays. Aucune prise en charge et leur parole a été étouffée et passée sous silence.
- Entre 15 000 et 100 000 harkis abandonnés par la France en Algérie sont massacrés pour avoir choisi la
France. 43 000 sont évacués vers la France où ils sont parqués dans des camps et pour certains s’y
trouvent toujours. Il faut attendre Jacques Chirac en 2003 pour que les Harkis bénéficient d’une
journée du souvenir et de reconnaissance de la République
- 2788 civils français tués et 3018 Français enlevés par le FLN dont seuls 1282 seront retrouvés.
- 25 000 soldats français sont morts => pratiquement toutes les familles de métropoles sont touchées.
Toute une génération d’appelés du contingent revient traumatisée de ce qu’elle a vu et de ce qu’elle a
vécu.
- Côté algérien : environ 150 000 combattants décédés et environ 250 000 civils tués. Les chiffres
restent difficiles à estimer pour cause de manipulation politique suite à l’indépendance.
Enfin, en 1962, l’amnistie des crimes commis pendant le conflit permet aux pouvoirs publics d’occulter le
débat lancé autour de la torture.

B] Histoire et mémoires éclatées.

- 1 travail historique d’abord fait à partir de travaux de chercheurs à la fois historiens et militants :
Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la République, 1972. => Des archives officielles qui sont
totalement verrouillées par le pouvoir politique en France et en Algérie et des sources qui reposent
essentiellement sur des témoignages => problème de l’objectivité de ces approches + 1 ligne officielle
énoncée par le pouvoir politique. L’historien se heurte aux mémoires plurielles et fragmentée et à la
mémoire officielle construite par le discours politique => une approche historique partielle et partiale.
- Dans les mêmes années, le cinéma se fait l’écho de la « sale guerre » et participe ainsi à la construction
d’une interprétation subjective du conflit.
René Vautier Avoir 20 ans dans les Aurès, film qui raconte comment un groupe de soldats
antimilitaristes et réfractaires sombre dans la violence. S’appuyant sur des témoignages d’anciens
appelés, le réalisateur dénonce les méthodes de l’armée française. Le film est couronné par le Prix de
la critique au festival de Cannes.
- Parallèlement, les différents acteurs du conflit contribuent à faire émerger les mémoires éclatées.
1975, les enfants de harkis se révoltent pour dénoncer leurs conditions de vie.

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Associations de pieds-noirs cultivent la nostalgérie qu’illustrent divers films produits dans les années
1970 et 1980 (Le coup de Sirocco, Alexandre Arcady).
 Jusque dans les années 80, la France reste dans le déni de cette guerre, peu commémorée ou étudiée.
 Années 90, la parole des anciens appelés se libère.
Publications, documentaires et témoignages se multiplient tandis que les historiens profitent de
l’ouverture des archives.
Question de la torture ressurgit dans le débat public à l’occasion de la parution des mémoires du
Général Aussaresses en 2001. L’ancien chef du renseignement pendant la bataille d’Alger (janvier-juin
1957) justifie l’usage de la torture, ce qui lui vaut une condamnation de la justice et la perte de sa
Légion d’honneur.
La mémoire officielle de la Guerre d’Algérie est remise en question et le rôle de la République Française est
questionné, mais les mémoires des groupes restent encore largement sous-étudiées (Harkis et Pieds-Noirs) car
encore trop problématique pour le pouvoir politique.

C] Une politique de reconnaissance mémorielle

C’est dans ce contexte que les pouvoirs publics français s’engagent dans une politique de reconnaissance
mémorielle.
- 1999 : la loi reconnaît l’état de « guerre » en Algérie et le statut d’anciens combattants aux appelés.
- 5 décembre 2002, Jacques Chirac, lui-même ancien appelé en Algérie, inaugure à Paris, le 1 er mémorial
national aux soldats français et aux harkis morts en Afrique du Nord de 1952 à 1962. L’année suivante,
lors d’un discours prononcé devant le Parlement algérien, il s’engage à libérer toutes les mémoires,
des deux côtés de la Méditerranée.
- Entre 2001 et 2016, les présidents de la République français reconnaissent la responsabilité de la
France dans l’abandon des harkis. François Hollande reconnaît la responsabilité de l’Etat français dans
la répression du 17 octobre 1961.
- 2019, E. Macron a admis que la disparition du militant communiste pro FLN Maurice Audin était
imputable à l’armée française et donc à l’Etat français. Doc 4 p193

En Algérie, on observe des travaux historiques moins nombreux et soumis à plus de difficultés car se heurtent
au mythe de la guerre de libération et des martyrs
- FLN a occupé durablement le pouvoir et reste toujours très influent.
- Des références à la guerre omniprésentes dans les discours politiques, sur les monuments, lors des
commémorations.
- 1 mémoire de la guerre instrumentalisée.
- Pour les opposants politiques et des intellectuels algériens, le pouvoir a confisqué la mémoire de la
guerre, en a donné une vision simplificatrice qui ne montre pas l’existence de courants différents
parmi les nationalistes. + livre II.A p 188-189

Les conflits mémoriels ne sont pas tous éteints.


- 2005, projet de loi visant à porter reconnaissance de la Nation aux Français rapatriés (art1) et à
reconnaître « le rôle positif de la présence française outre-mer » (art 4 finalement supprimé) est très
discuté.
- 2012 : décision de fixer au 19 mars la « journée nationale du souvenir et du recueillement à la
mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie » divise. Doc 3 p192
Alors que certaines associations d’anciens combattants défendent cette date, les associations de harkis
et de pieds-noirs s’y opposent avec virulence, rappelant que cette journée n’a pas mis fin aux
violences. C’est finalement le 5 décembre, date neutre, qui a été choisi pour commémorer les morts
de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie.

Conclusion

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L’histoire est bien au centre de multiples enjeux, tant politiques que mémoriels. L’exemple des responsabilités
des Etats dans le déclenchement de la 1GM et celui des mémoires de la guerre d’Algérie le montrent. Les
travaux des historiens peuvent avoir une influence. Grâce à un travail objectif, scientifique, ils permettent de
comprendre le déroulement des faits replacés dans leur contexte et de mettre en évidence des évènements
oubliés ou cachés.
L’exemple de la guerre d’Algérie illustre quant à lui, la manière dont Histoire et mémoire s’articulent. Les
mémoires de la guerre d’Algérie sont contradictoires et les enjeux politiques sont encore importants.
L’évolution dans ce domaine se fera avec le temps lorsque les enjeux politiques disparaitront. La mémoire
algérienne et les relations franco-algérienne restent cependant marquées par ce conflit. + livre III p 189

+ livre Comprendre autrement p 197

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Fiche d’objectifs
Chapitre 7 : Histoire et mémoires des conflits

I : Définitions
- Loi mémorielle - Histoire - FLN
- Militarisme - Mémoire - MNA
- Propagande - Harkis - Histoire officielle
- Triplice - Rapatriés

Vocabulaire complémentaire du chapitre :


Mémoriels : qui se rapporte à la mémoire collective des évènements.
Historiographie : ensemble des travaux historiques produits sur un sujet, histoire des conceptions et
méthodes de l’histoire.
Nostalgérie : nostalgie de l’Algérie éprouvée par ceux qui l’ont quittée à la suite de l’indépendance en
1962.
Conflits mémoriels : débats opposant des groupes de personnes porteurs d’une mémoire spécifique
(souvent douloureuse) et cherchant une reconnaissance politique et sociale.

II : Connaissances de cours

1/ Connaître les causes et les étapes de la 1ère Guerre Mondiale (Cours de 1ère)

2/ Connaître les clauses principales du Traité de Versailles et l’accueil qu’il a reçu en Allemagne

3/ Connaître les causes et la chronologie de la Guerre d’Algérie de 1954 à 1962

4/ Connaître les différents protagonistes du conflit algérien ainsi que le débat qu’il suscite en
France

5/ Être capable d’expliquer de façon structurée et argumentée les différences existant entre
Histoire et Mémoire. Pourquoi la mémoire ne peut pas être de l’Histoire, mais juste une perception
d’un évènement et d’une situation donnée

6/ Être capable d’expliquer à quelles difficultés se heurtent l’historien dans sa recherche de la


vérité historique

Bien maîtriser les pages 196-197 du livre

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