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Témoigner.

Entre histoire et mémoire


Revue pluridisciplinaire de la Fondation Auschwitz
133 | 2021
1918-1938 : La politisation de la musique en Europe

Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). “Les grandes


erreurs de la Seconde Guerre mondiale”
Anne Roche

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/temoigner/10513
DOI : 10.4000/temoigner.10513
ISSN : 2506-6390

Éditeur
Éditions du Centre d'études et de documentation de l'ASBL Mémoire d'Auschwitz

Édition imprimée
Date de publication : 1 octobre 2021
Pagination : 144-145
ISBN : 978-2-930953-15-1
ISSN : 2031-4183

Référence électronique
Anne Roche, « Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). “Les grandes erreurs de la Seconde
Guerre mondiale” », Témoigner. Entre histoire et mémoire [En ligne], 133 | 2021, mis en ligne le 25 février
2023, consulté le 28 février 2023. URL : http://journals.openedition.org/temoigner/10513 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/temoigner.10513

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Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). “Les grandes erreurs de la Seconde Gu... 1

Jean Lopez et Olivier Wieviorka


(dir.). “Les grandes erreurs de
la Seconde Guerre mondiale”
Anne Roche

RÉFÉRENCE
Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). Les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale.
Paris, Perrin, 2020, 320 p.

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Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). “Les grandes erreurs de la Seconde Gu... 2

Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.). “Les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale”

1 Stratèges de salon, discussion de comptoir et histoire « contrefactuelle » ou uchronie :


ce livre veut s’en démarquer, et se propose de comprendre les raisons des mauvaises
décisions prises par les acteurs de la Seconde Guerre mondiale, sur des critères qui
n’étaient pas toujours rationnels. « Il ne s’agit en rien d’uchronie, mais de calculs
opérationnels et logistiques. » (Benoist Bihan, « Midway : la mauvaise bataille au
mauvais endroit », p. 189) La plupart des contributeurs offrent donc des analyses
ponctuelles sur certaines erreurs militaires ou géopolitiques, des déplacements dans
l’espace par rapport à des événements plus connus du public, mais de trop rares
réflexions théoriques sur le contrefactuel. On pourra le compléter utilement par
l’ouvrage de Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire des possibles.
Analyses contrefactuelles et futurs non advenus1.
2 Un premier ensemble de réflexions porte sur le tuilage des événements, ou plus
exactement leurs répercussions à long terme : le traumatisme de la guerre de 1914-1918
conduit la France et l’Angleterre à l’illusoire politique de l’« apaisement », tolérant la
conquête italienne de l’Éthiopie, la réoccupation de la Rhénanie, et culminant à Munich
(Raphaëlle Ulrich-Pier : « L’apaisement, une erreur »). En Allemagne, le même
traumatisme, aggravé par la défaite et par Versailles, conduit les nationalistes à faire
porter la responsabilité sur la Révolution de Novembre (le « coup de poignard dans le
dos ») et l’inertie des civils : ces faits « alternatifs », autrement dit faux, n’en ont pas
moins une efficacité historique réelle (Nicholas Stargardt, « La capitulation
inconditionnelle : erreur évitable ou condition préalable à la victoire alliée ? »
p. 256-257) En Orient : Chine et Japon demandent à Versailles la clause d’« égalité des
races », rejetée par l’Angleterre qui craint pour son empire (Inde) et par les USA
(ségrégation), alors que la France la soutient. Ce sera un élément du processus de

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pourrissement qui aboutit à l’invasion de 1937 et à la catastrophe de 1945. (Benoist


Bihan, « L’invasion de la Chine »).
3 Sur la conduite même de la guerre, les auteurs décrivent les erreurs de l’Allemagne,
surtout le rôle de Hitler : sa relation ambiguë avec Mussolini, entre méfiance et
surestimation (Felix et Roman Töppel, « L’alliance de Hitler avec l’Italie (1936-1941) »),
ses erreurs stratégiques (Jean Lopez, « L’arrêt des panzers devant Dunkerque : une
erreur irréparable de Hitler ? » et du même auteur, « Stalingrad, la bataille qu’il ne
fallait pas livrer ») ou géopolitiques (Christian Destremau, « Hitler et le Moyen-Orient :
une occasion manquée ? »)2
4 Les Alliés ne sont pas exempts d’erreurs. La destruction de l’abbaye de Monte Cassino et
son exploitation par la propagande nazie, qui souligne au passage, ironie de l’histoire,
« le sauvetage des œuvres d’art par la division Hermann-Göring » (Julie Le Gac, « Le
bombardement de Monte Cassino, une erreur stratégique et politique »). Le
débarquement en Afrique du Nord, généralement présenté comme une victoire, mais
coûteux en hommes et en matériel, mais surtout piégeant les Alliés en Méditerranée et
retardant leur intervention en Europe du Nord-Ouest (Olivier Wieviorka, « Le
débarquement en Afrique du Nord »). Des erreurs sans incidence directe sur la guerre,
mais lourdes de conséquences, comme la politique britannique au Moyen-Orient : « Les
Britanniques […] n’hésitent pas, pour amadouer les populations arabes, à renforcer les
mesures déjà drastiques prises afin d’empêcher l’arrivée de réfugiés juifs fuyant les
persécutions et les déportations. » (Destremau p. 203)
5 Staline, comme Hitler, sous-estime les informations qui lui sont fournies quand elles ne
lui conviennent pas, et refuse de croire à l’invasion allemande (Jean Lopez : « La
surprise de “Barbarossa” : la raison du plus fou »). Au demeurant, certaines erreurs
sont équitablement partagées par les deux camps, tel le « bombardement stratégique »,
censé détruire les industries de l’adversaire et saper le moral de la population, ce qui ne
réussit que moyennement (Olivier Wieviorka, « Le bombardement stratégique »).
6 Quelques épisodes relativement moins connus déplacent utilement le regard, comme
les articles d’Hubert Heyriès, « L’intervention italienne en Grèce », de Daniel Feldman,
« Ne pas capturer Malte » de Benoist Bihan, « La défense de Singapour ». Parfois,
émergent des causes qui n’ont été documentées que des années après : ainsi le
désastreux raid sur Dieppe, motivé par l’espoir d’y trouver une machine à coder Enigma
à quatre rotors, le modèle précédent ayant été « craqué » par le génial mathématicien
Alan Turing, connu du grand public depuis le film Imitation game. (Pierre Grumberg,
« Dieppe, le nadir des armes britanniques », p. 148).
7 Tous les auteurs indiquent au moins en pointillé ce qu’il serait advenu avec de
meilleures décisions : mais on peut se demander où est le contrefactuel dans la
(tragique) description de l’insurrection de Varsovie, tant son échec est inscrit d’emblée
dans l’analyse des forces en présence : les Alliés considéraient la Pologne comme sphère
des activités de l’Armée rouge et n’envisageaient ni d’intervenir, ni même de soutenir
le projet d’insurrection de l’Armée de l’intérieur, cependant que Staline « n’avait
aucune raison d’aider ses adversaires politiques. » (Jacek Tebinka, « l’échec de
l’insurrection de Varsovie »)
8 On s’arrêtera pour finir à la contribution d’Olivier Wieviorka, « L’armistice de 1940 ».
Sur un sujet déjà bien déblayé, il apporte un autre regard, à savoir que, si l’arrêt des
combats s’imposait, une autre issue juridique était possible : la capitulation, une
reddition qui n’empêchait pas la France, en tant qu’État, de participer au conflit, alors

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que l’armistice la retirait de la guerre. Cette option fut imposée par les chefs militaires :
le pouvoir politique a décidé la guerre, il doit en porter la responsabilité. Dans leur
optique, l’armistice n’était pas un prélude à la Revanche, mais à une Pax Germanica, et
« contenait en germe à la fois le régime vichyste et la Collaboration. » (p. 95)
9 L’apport factuel de ces analyses précises est indéniable. Leur précision est peut-être un
handicap : les auteurs se sont interdits de jouer vraiment la carte du contrefactuel, et
d’imaginer plus loin. Ainsi, Nicholas Stargardt, constatant qu’après le bombardement
de Hambourg, les Allemands ont mis en question le régime, remarque : « cet épisode
soulève la question de savoir si la politique des Alliés a empêché l’émergence d’un
gouvernement alternatif […] Il n’y avait tout simplement pas de leadership alternatif au
régime nazi. » (p. 267) Peut-être. N’y a-t-il pas d’alternative à la notion de
« leadership » ? À l’heure où l’on célèbre le cent cinquantième anniversaire de la
Commune de Paris, la question d’un gouvernement sans « leader » mérite au moins
d’être posée.

NOTES
1. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelles
et futurs non advenus. Paris, Seuil, « L’univers historique », 2016.
2. Cf. David Motadel, Les musulmans et la machine de guerre nazie, Paris, La Découverte, 2019.

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