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DanielVernet
LA THÉORIE DU COMPLOT
UNEHISTOIREAMÉRICAINE
Le mensonge d’État est une manière de gouverner, pratiquée et parfois
justifiée par de nombreux officiels américains, y compris des présidents.
La théorie du complot
Une histoire américaine
ALPHKFI
1989-2009 Les tribulations de la liberté, Buchet Chastel, 2009
Petite histoire illustrée de la chute du communisme, dessins de Plantu,
éditions du Rocher, 2008
Le Roman du Québec, éditions du Rocher, 2008
Le Roman de Berlin, éditions du Rocher, 2005
L’Amérique messianique, en collaboration avec Alain Frachon,
éditions du Seuil, 2004
La Russie de Vladimir Poutine, Institut français des relations
internationales, 2002
« Novembre 1989, le mur de Berlin s’effondre »,
in Les Événements dans le monde, éditions du Seuil, 1999
Le Rêve sacrifié, les guerres yougoslaves,
en collaboration avec Jean-Marc Gonin, éditions Odile Jacob, 1994
La Renaissance allemande, éditions Flammarion, 1992
URSS, éditions du Seuil, 1990
Moscou, des deux côtés du miroir,
en collaboration avec Marie-Thérèse Vernet Straggiotti,
éditions Rochevignes, 1985
Introduction
w
Hearst arrache le dessinateur à son rival qui riposte
en créant un deuxième « yellow kid ». La concur
rence entre les deux journaux à sensation devient
la compétition entre deux « yellow kids » et ce genre
de presse est appelée yellow journalism. Le terme
est resté jusqu’à nos jours pour désigner la presse
populaire des pays anglo-saxons. Il faut dire, pour
être parfaitem ent honnête, que la yellow press de la
fin du xixe siècle ne se contente pas de publier des
articles à sensation sur les faits divers, les m eurtres,
les romances des puissants. Elle se targue, à juste
titre, d ’avoir aussi une « couverture » des événe
ments économiques et culturels.
Elle veut jouer un rôle politique. La guerre avec
l’Espagne apparaît à Hearst comme l’occasion de
vendre du papier, surtout si l’on peut peindre l’en
nemi sous le jour le plus sombre. Le 15 février 1898,
le naufrage du navire Maine est attribué par la yellow
press à un attentat perpétré par des saboteurs espa
gnols. C’est assez pour que le président William
McKinley exige que l’Espagne quitte Cuba et lui
déclare la guerre, à la fin du mois d’avril. Personne
n’a jamais apporté la preuve que le Maine avait été
volontairement coulé.
Et le destroyer USS Maddox, qui mouille dans les
eaux du golfe du Tonkin, a-t-il été attaqué le 4 août
1964 par des barcasses nord-vietnamiennes ? C’est
en tout cas le prétexte saisi par le président Lyndon
Johnson pour intensifier la guerre américaine contre
le Vietnam du Nord, bom barder Hanoï et enfon
cer un peu plus les États-Unis dans une aventure
sans issue. Il n’a pas fallu très longtemps pour que
soit apportée la preuve que les Nord-Vietnamiens,
il
en auraient-ils eu l’intention, n’avaient pas atta
qué VUSS Maddox. Le plus tragique, dans cette
histoire, c’est qu’au m om ent où il décidait l’esca
lade, Johnson, intuitivement, savait que l’inform a
tion était douteuse. Que ces « stupides marins aient
tiré sur des poissons volants », comme il le disait, ne
le retient pas de demander au Congrès le pouvoir
de « prendre toutes les mesures nécessaires pour
repousser une attaque armée contre les forces améri
caines et prévenir de futures agressions ».
Quand le « smoking gun », le fusil encore fumant,
n’existe pas, il faut l’inventer. Un demi-siècle après
Johnson et le Vietnam, l’adm inistration de George
W. Bush était passée maître dans l’exercice. Elle se
distingue particulièrement dans les premiers mois
de 2003, quand il s’agit de justifier le renversement
de Saddam Hussein. Il faut à tout prix repérer des
armes de destruction massive en Irak et établir
un lien entre le dictateur de Bagdad et les atten
tats du 11 septembre 2001 perpétrés à New York
et à Washington par Al-Qaïda. La CIA fournit des
« preuves » auxquelles elle ne croit pas elle-même.
Le secrétaire d ’Êtat, Colin Powell, est chargé de les
présenter le 5 février au Conseil de sécurité de l’ONU.
Deux ans plus tard, il reconnaîtra que cet épisode
« douloureux » est une « tache » sur sa réputation.
Trop tard. À la m i-mars, les États-Unis et leurs alliés
ont envahi l’Irak.
La plupart des journaux américains soutiennent
la guerre. Quelques mois plus tard, beaucoup feront
leur mea culpa, mais là encore c’est trop tard. La
« machine Bush » avec ses spin doctors, au premier
rang desquels Karl Rove, qui dans une large mesure
a « inventé » le personnage de George W. Bush en
« compassionate conservative », a obtenu ce qu’elle
voulait. La misinformation a fonctionné à plein.
Toutes les formes de désinformation n’ont pas
conduit à des conflits. Certaines ont été destinées, au
cours de l’Histoire, à obtenir un soutien de la popu
lation ou du Congrès à des décisions qu’ils n’auraient
pas spontaném ent appuyées. D’autres ont servi à
couvrir des faux pas de l’adm inistration ou à enjo
liver des compromis que les autorités ne voulaient
pas avouer. Ce fut le cas par exemple dans la crise
de Cuba. Dans d’autres circonstances, la désinfor
m ation sert à désamorcer une opposition en diri
geant le débat vers de fausses pistes ou en m ettant
en valeur des positions extrémistes afin de souligner
la « m odération » des décisions qui ne seront finale
m ent pas prises.
Elle est un outil propre à déconsidérer les adver
saires, que n’utilise pas seulement le pouvoir poli
tique. Les médias sont un moyen puissant de
misinformation, Barack Obam a en sait quelque
chose. Le premier président noir des États-Unis
est en butte à la vindicte de la droite républicaine
la plus conservatrice, qui n’a pas hésité à le mettre
sur le même plan, comme « démocrate socialiste »,
qu’Hitler, le national-socialiste, et Lénine, le socia
liste communiste. L’affiche a finalement été retirée
de la circulation mais la chaîne d’informations en
continu Fox News, aux mains des radicaux de droite,
n’en continue pas moins à dénoncer le socialisme
ram pant, représenté à ses yeux par la réforme de la
santé et le retour au big government.
La désinformation ne naît pas spontanément. Elle
a ses officines, ses penseurs, ses théoriciens. Elle crée
ses propres antidotes, sous la forme d’autres offi
cines chargées de la contre-désinformation, si bien
que parfois les désinformateurs et leurs contradic
teurs ont du mal à démêler le vrai du faux.
La désinformation ne fonctionne jamais mieux
que si elle revêt l’aspect du vraisemblable et si elle
est véhiculée par les moyens « d’information », et
d ’abord par ceux considérés comme les plus sérieux.
C’est pourquoi il sera aussi beaucoup question dans
les pages qui suivent de la presse, qui joue vraiment
son rôle quand elle a les moyens, la lucidité et le
courage de débusquer la désinformation derrière les
pièges de la communication.
George W. Bush
et les cachotteries
entre amis
S
cott M c C lellan
tenir. Il a commencé à être le porte-parole de
George W. Bush dès 1999, alors que celui-ci
était gouverneur du Texas. Il a fait toute la campagne
de 2000 avec lui, avant d’être le porte-parole adjoint
de la présidence puis d’assumer les fonctions de
responsable de la presse à la Maison Blanche de 2003
à 2006. Et le voici qui découvre tout d’un coup ce qui
est un secret de polichinelle pour le tout-Washing-
ton: George W. Bush a un rapport très distancié
avec la vérité et ses plus proches conseillers sont
des spécialistes de la désinformation, à comm en
cer par le prem ier d’entre eux, Karl Rove, l’hom me
qui a fait « W ». En 2008, Scott McClellan n’en peut
plus. Il faut qu’il se confesse, qu’il fasse partager
ses tourm ents, les cas de conscience auxquels il a
été confronté quand il devait affronter les journa
listes accrédités à la Maison Blanche. Il répondait
de son mieux, aux questions les plus insidieuses. Il
s’était donné une règle : ne pas mentir. Quand il ne
savait pas, il le reconnaissait. Quand il savait mais ne
pouvait pas parler, il avait trouvé une formule. Par
exemple : « Je ne vais pas commenter une affaire qui
fait l’objet d’une enquête officielle en cours. »
Et puis soudainement, en 2008, le voici qui publie
un livre, largement consacré aux mensonges de
la Maison Blanche. Il n’est pas le premier. On ne
compte plus les livres portant sur la présidence de
George W. Bush et com portant dans leur titre les
mots « mensonge », « fraude », « tromperie ». Sous
le titre W hat happened: Inside the Bush White House
and W hat’s Wrong With Washington, Scott McClellan
raconte une expérience particulièrement doulou
reuse, singulière mais significative du mode de
fonctionnement du gouvernement américain sous
la présidence de Bush junior. « J’ai sans le vouloir
donné une fausse information, écrit-il. Et cinq des
plus hauts responsables du gouvernement ont été
impliqués dans cette affaire. » Suivent les noms de
cinq personnalités jouant un rôle im portant auprès
du Président ou du vice-président Dick Cheney : Karl
Rove, le conseiller spécial de Bush, certains diront
son âme damnée ; Lewis « Scooter » Libby, directeur
de cabinet du vice-président, un néoconservateur
issu de l’époque Reagan ; Dick Cheney, le directeur
de cabinet du Président et le Président lui-même.
L’affaire en question est un des à-côtés de la guerre
en Irak. Furieuse du témoignage d’un diplomate
américain qui, contrairement aux affirmations offi
cielles, n’a trouvé aucun signe d’un trafic d ’uranium
entre le Niger et l’Irak de Saddam Hussein, la Maison
Blanche se venge en laissant filtrer l’appartenance de
sa femme à la CIA. C’est un délit fédéral. Les deux
responsables directs de cette fuite, passible des tribu
naux, sont Karl Rove et Scooter Libby. Interrogé par
les journalistes, Scott McClellan les défend, en affir
m ant qu’ils n’ont rien à voir avec cette affaire. Il fait
mieux que les défendre. Pour preuve de sa bonne foi,
pour m ontrer qu’il ne s’agit pas de dénégations non-
fondées, il déclare à la presse qu’il a vérifié l’informa
tion auprès des intéressés. Ceux-ci l’ont assuré qu’ils
n’étaient pas dans le coup. « J’en étais sûr, ajoute-t-il,
mais j’aime vérifier mes informations afin d’être le
plus précis possible devant vous [les journalistes] et
c’est exactement ce que j’ai fait. »
Scott McClellan s’aperçoit - un peu tardivement ?
- que son travail ne consiste pas à donner des infor
mations aux journalistes mais à projeter la réalité
telle que la Maison Blanche voudrait que le monde
la voie plutôt que telle qu’elle est. Le mépris que lui
manifestent ensuite les journalistes accrédités à la
présidence le décide à jeter l’éponge.
PROPAGANDE
L’ANNEXION DU TEXAS
LA PENNY PRESS
PARTIS-PRIS
UN TERRITOIRE CONTESTÉ
LE « BOUCHER » DE CUBA
L
es a c c o r d s
UN DOUBLE MYTHE
J
(Espagne) où il s’est établi avec sa famille, après
quelques années au Pérou puis à Washington.
C’est l’invitation officielle au déjeuner organisé le
30 janvier 1973 par l’Association des diplomates
américains en l’honneur des « China Hands », ces
spécialistes de la Chine qui ont été victimes du
maccarthysme au lendemain de la Deuxième Guerre
mondiale. Ce n’est pas une réhabilitation en bonne
et due forme, mais c’est au moins une réparation.
« Un trop long voyage pour un simple déjeuner »,
dit John Davies qui restera en Espagne. Mais un de
ses collègues d ’alors, John Stewart Service, fera le
discours que tous les « China Hands » auraient aimé
tenir vingt ans plus tôt quand ils sont tombés dans
les années 1950, victimes de l’hystérie anticom m u
niste exploitée par Joseph McCarthy et de la pusilla
nimité des dirigeants du département d’État.
Le discours de présentation est prononcé par
une historienne, Barbara Tuchman. Elle a écrit une
biographie du général Joseph Stilwell, dit « Vinegar
Joe », qui était le com m andant en chef du théâtre
Chine-Birm anie-Inde dans les années 1940. Elle
cite le président de la commission des Affaires
étrangères du Sénat, William Fullbright : « Ceux
qui ont inform é honnêtem ent sur la situation
[en Chine] ont été persécutés parce qu’ils étaient
honnêtes. C’est une chose bizarre dans un pays soi-
disant civilisé. »
L’histoire des « China Hands » n’est pas une
histoire de désinform ation, comme d’autres dont
a eu à connaître la commission Fullbright, mais le
dram e de fonctionnaires des Affaires étrangères,
accusés à to rt d ’être des sym pathisants com m u
nistes parce qu’ils ont honnêtem ent inform é leurs
supérieurs de la situation en Chine pendant et après
la Deuxième Guerre mondiale. Leur « crime » est
d ’avoir eu raison en prévoyant la victoire de Mao
Tsé-toung sur Tchang Kaï-chek. Quand, en 1949,
les nationalistes chinois sont chassés du continent
p o u r trouver refuge sur l’île de Taïwan, la question
surgit à W ashington : « Qui a perdu la Chine ? » Les
« China Hands » font des coupables tout trouvés.
« China Hands » : l’expression désignait à l’ori
gine les m archands occidentaux qui faisaient du
commerce dans les concessions de Chine. Puis
elle s’appliqua aux experts de la Chine et enfin au
groupe de journalistes, diplomates, militaires qui
o n t cherché à peser sur la politique américaine
dans les années 1940. Ce sont souvent des enfants
de missionnaires, nés en Chine, parlant couram
m ent le chinois, et fins connaisseurs de la culture du
pays. Ils sont fonctionnaires des Affaires étrangères
en poste en Chine - dans les années 1930, il y avait
plus de consulats américains en Chine que dans
n ’im porte quel autre pays du m onde - , conseillers
politiques des officiers américains, responsables
de la direction Extrême-Orient au départem ent
d ’État. Ils s’appellent John Service, John Paton
Davies, John Carter Vincent, Edward Rice, Arthur
Ringwalt, Philip Sprouse, Oliver Edm und Clubb.
O u encore John Fairbank, professeur à Harvard et
Théodore White, correspondant de Time Magazine
en Chine.
LAPORTE DE SORTIE
DEUX PRÉOCCUPATIONS
s;
Elles n’étaient pas honnêtes et personne ne l’était
dans cette affaire. Contrairement à ses affirma
tions, le secrétaire à la Défense était parfaitement au
courant, comme l’ont m ontré les Pentagone Papers
rendus publics en 1971 par un ancien collabora
teur du ministère de la Défense, Daniel Ellsberg, des
détails du plan OP 34-Alpha. Il n’ignorait pas que
YUSS Maddox se trouvait dans le golfe du Tonkin
en appui aux actions de sabotage menées par les
Sud-Vietnamiens sous le patronage des Américains.
Il savait aussi qu’il avait demandé à ses services
des transcriptions de messages nord-vietnamiens
supposés corroborer les assertions américaines sur
l’attaque de ses navires, des preuves « du type qui
convaincront les Nations unies que l’attaque a bien
eu lieu », et qu’ils ne les avaient pas eues.
Mais en août 1964, l’opinion, les médias, comme
les hommes politiques, sont convaincus que la flotte
américaine a été délibérément attaquée par les Nord-
Vietnamiens dans les eaux internationales et que
les représailles décidées par la Maison Blanche sont
justifiées. Walter Cronkite, le présentateur de CBS
Evening News, se félicite que l’on « arrête l’agresseur
communiste partout où il m ontre sa tête ». James
Reston, dans le New York Times, explique que les
bombardements menés en représailles ne sont pas
« une incitation à élargir la guerre mais une invita
tion à négocier ». C’est seulement des années plus
tard, quand la situation sur place se sera sérieuse
m ent détériorée et que l’opinion publique améri
caine se sera retournée contre Johnson, que la presse
changera d ’attitude. L’éditorialiste du Washington
Post exigera alors que « tous les faits survenus en
août 1964 dans le golfe du Tonkin » soient portés à
la connaissance du pays.
« CONFUSION »
UNE CONSPIRATION
uo
liens entre l’Irak et Al-Qaïda, malgré les demandes
pressantes de Wolfowitz.
m
britanniques viennent de les lui livrer. L’Irak se serait
procuré de l’uranium au Niger. Corollaire : il prépare
sa bombe. Malgré les mises en garde de ses services,
Bush intègre la phrase dans son discours sur l’état
de l’Union, après que les speech writers l’eurent reti
rée : « Le gouvernement britannique a appris que
Saddam Hussein a récemment tenté de se procurer
d ’importantes quantités d’uranium en Afrique. »
Ces « seize mots » (en anglais) attirent toute l’atten
tion de la presse et des observateurs internationaux.
Malheureusement, ils ne reposent sur rien et déclen
cheront un scandale politique à Washington, connu
sous le nom d ’affaire Valérie Plame, qui coûtera une
condamnation pénale à Lewis « Scooter » Libby,
directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney.
« Scooter » Libby avait déjà été un des acteurs prin
cipaux de l’Irangate.
Les observateurs les plus critiques vis-à-vis de
George W. Bush reconnaissent qu’il était très diffi
cile de faire la part du vrai et du faux dans les infor
mations touchant l’Irak et son éventuel programme
d ’ADM. Les rapports des inspecteurs eux-mêmes,
menés par le diplomate suédois Hans Blix et le
directeur de l’Agence internationale de l’énergie
atomique, l’Égyptien Mohammed El-Baradeï, sont
sujets à des interprétations divergentes. Mais les
dirigeants américains ont rarement fait part de ces
doutes. Au contraire, ils ont procédé par affirmations
successives. « Pour dire les choses simplement, il n’y
a aucun doute que Saddam Hussein possède des
ADM » (Dick Cheney, 26 août 2002) ; « Nous savons
qu’ils ont des ADM ; il n’y a pas de doute là-dessus »
(Donald Rumsfeld, septembre 2002) ; « Nous savons
avec une certitude absolue qu’il [Saddam Hussein]
utilise un système pour se procurer des équipements
destinés à l’enrichissement de l’uranium, afin de
construire une bombe atomique » (Dick Cheney,
6 septembre 2002) ; « Les renseignements recueillis
par ce gouvernement et par d’autres ne laissent
aucun doute sur le fait que le régime iranien conti
nue de posséder et de cacher quelques-unes des
armes les plus dangereuses qui aient jamais existé »
(George W. Bush, 17 mars 2003).
Et même après l’entrée des forces américaines à
Bagdad, trois jours après que le Président, depuis
le porte-avions USS Abraham Lincoln, a proclamé
« Mission accomplie », Colin Powell est formel: « Je
suis absolument sûr qu’il y a des ADM là-bas [en
Irak] et la preuve va arriver. » (4 mai 2003).
UN ÉCHEC « INSTITUTIONNEL »
L
e ju g e m e n t
LES LECTURES DE « W »
J
muselée. Ma station s’est laissée impressionner
par l’adm inistration et par ses laquais de Fox
News. » La sentence est de Christiane Amapour,
ancienne journaliste vedette de CNN, au m om ent de
la guerre en Irak. Les « laquais de Fox News » ! Dans
la machine à rum eurs de la droite républicaine, la
chaîne de télévision, propriété de Ruppert Murdoch,
tient une place de choix. C’est une caisse de réso
nance de tout ce qui vient de l’adm inistration quand
elle est républicaine et de tout ce qui peut lui nuire
quand elle est, comme aujourd’hui, démocrate. Un
amplificateur des opinions de l’Américain « moyen »
qui s’expriment dans la rue ou dans les blogs. Une
officine de diffamation de la presse « libérale ».
L’entreprise n’est pas nouvelle. Dans The Republican
Noise Machine. Right-wing Media and how it corrupts
Democracy, David Brok rapporte une anecdote racon
tée par un ancien conseiller de Richard Nixon, Charles
Colson6. Pendant le scandale du Watergate, Colson
avait été embauché pour démolir cette « fantaisie,
cette œuvre de fiction » (les écoutes du parti démo
crate sur ordre du Président). À la demande de Nixon,
il a aidé un livre sur les supposées déformations de
l’information par la presse libérale à devenir numéro
un sur la liste des best-sellers : « Le Président m ’a fait
venir dans son bureau et m’a demandé si j’avais lu
le livre d ’Edith Effon, The New Twisters, raconte-t-
il. Je l’avais lu. J’en avais conclu que c’était un livre
destiné à rester inconnu. Nixon m’a ordonné de faire
en sorte qu’il se retrouve sur la liste des best-sellers.
J’ai fait le tour des librairies que le New York Times et
d’autres journaux interrogent pour établir la liste des
meilleures ventes. J’ai mobilisé quelques supporteurs
de Nixon à New York et nous avons littéralement
dévalisé ces librairies. Les ventes d’Edith Feron sont
montées en flèche et sa cote a suivi. Quand l’admi
nistration Nixon a quitté la Maison Blanche après le
Watergate, elle a laissé derrière elle des caisses entières
de The New Twisters. »
OBAMAPHOBIE
CULTURE MÉDIATIQUE
« MISPERCEPTIONS »